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DRI TN CH - Rapport Démocratie Participative Au Niveau Local - FR - Web

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RAPPORT

LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
AU NIVEAU LOCAL
© Democracy Reporting International (DRI). Tous droits réservés. La diffusion du présent document sur une base
non commerciale est encouragée, sous réserve que DRI soit cité comme source, et qu’une copie des traductions
en d’autres langues lui soit fournie. DRI produira une version en langue arabe.

Avec le soutien de :
RAPPORT
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

TABLE DES MATIÈRES

6 RÉSUMÉ

8 INTRODUCTION

10 I- LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET SES


PRINCIPAUX ENJEUX
10 A. Approche conceptuelle
11 B. Démocratie participative locale, bonne gouvernance et gouvernance ouverte
12 C. Objectifs et contraintes de la démocratie participative locale

II- LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DÉMOCRATIE


15 PARTICIPATIVE LOCALE ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN
DROIT COMPARÉ
15 A. L’information
17 B. Le droit de pétition
17 C. Les procédures et les instances consultatives locales
22 D. Le référendum décisionnel local
26 E. L’évaluation et le contrôle de la gestion municipale
III- LA MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES
27 RELATIVES À LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE EN TUNISIE
A. Les réalisations en matière de démocratie participative dans le cadre des
27 projets de développement et d’aménagement du territoire
28 B. L’institutionnalisation des procédures de concertation obligatoires
28 C. La reconnaissance du référendum décisionnel local

4
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
TABLES DES MATIÈRES

LISTE DES FIGURES

?
la démocratie participative
10 11

Approche La notion
conceptuelle

Contraintes L’information

14 16

5
I
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

RÉSUMÉ

La démocratie participative peut être définie comme « l’ensemble des procédures, instruments et dispositifs
qui favorisent l’implication directe des citoyens au gouvernement des affaires publiques »1. La démocratie
participative n’est donc pas définie en tant que telle, en tant que concept, mais à travers les outils qui sont à
son service et en relation avec l’objectif que sa prescription poursuit. Elle comble les lacunes de la démocratie
représentative et tend à la corriger, à « démocratiser la démocratie »2.

Dans les démocraties contemporaines, le niveau local apparaît souvent comme le plus pertinent pour favoriser
la participation des citoyens aux affaires publiques. La notion de « démocratie participative locale » est par
ailleurs souvent associée, comme c’est le cas en Tunisie, à celle de « bonne gouvernance » ou de « gouvernance
ouverte ». Plusieurs niveaux de participation des populations locales peuvent être distingués, qu’il s’agisse de
la simple information du public, de la consultation ou de la concertation sur les projets des collectivités locales,
notamment en matière d’aménagement et d’urbanisme, ou encore d’un véritable processus de codécision
illustré par le référendum décisionnel local.

En droit comparé, les procédures de la démocratie participative locale trouvent parfois leur fondement
dans les textes constitutionnels (Bulgarie, Hongrie, Pologne, Portugal, France, Maroc, Tunisie…). Mais le plus
souvent le cadre de ces procédures est fixé par la loi (Suède, Irlande, Croatie…).

Se trouve ainsi consacré dans un grand nombre de pays le droit du public à obtenir communication des
informations relatives à la gestion des collectivités locales, préalable à toute démarche participative.
Par ailleurs, au-delà de la consultation ponctuelle des habitants ou des acteurs de la société civile sur un thème
particulier, à un moment donné, comme les enquêtes publiques, les assemblées ou les votations citoyennes,
il est possible de mettre en place des espaces permanents de consultation et de concertation (comités de
quartier, commissions consultatives…).

Le « budget participatif » permet quant à lui de faire participer les habitants à l’élaboration du budget municipal
et d’allouer à la population locale des fonds susceptibles d’être utilisés suivant les besoins définis par cette
population.

La démarche participative peut s’appliquer jusque dans l’évaluation de la gestion municipale. Les citoyens
peuvent ainsi juger par eux-mêmes de l’efficacité des actions entreprises, des contraintes rencontrées et aider
les autorités municipales à trouver des mesures correctives.

Plusieurs pays ont également consacré le référendum local décisionnel, le plus souvent à l’initiative des
autorités locales (France, Espagne, Portugal, Finlande, Irlande…) et plus rarement à l’initiative des citoyens
(Allemagne, Suisse).

1
RUI (I.), « Démocratie participative », in CASILLO (I.), BARBIER (R.), BLONDIAUX (L.), CHATEAURAYNAUD (F.), FOURNIAU (J-M.), LEFEBVRE (R.), NEVEU (C.) et SALLES (D.) (dir.),
Dictionnaire critique et interdisciplinaire de la participation, Paris, GIS Démocratie et Participation, 2013, http://www.dicopart.fr/it/dico/democratie-participative.
2
COURTEMANCHE (G.), La seconde révolution tranquille. Démocratiser la démocratie, Montréal, éditions Boréal, 2003, 176 p.

6
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
RÉSUMÉ

En Tunisie, le projet de code des collectivités locales3, consacre pour la première fois l’existence de référendum
local décisionnel qui pourra être initié par les autorités locales ou encore par 1/10 des habitants de la
collectivité sur les programmes et les projets relevant de la compétence des collectivités. Ce projet de code
des collectivités locales doit également donner un cadre juridique précis au processus de concertation en
vue de l’élaboration des plans de développement. Mais, d’ores et déjà, sur le fondement de l’article 139 de la
Constitution qui prévoit que les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative,
plusieurs procédures et instruments ont été mis en place, qu’il s’agisse du programme de développement urbain
et de la gouvernance locale (PDUGL), de l’élaboration participative des plans d’investissements communaux
(PIC) ou des plans communaux de gestion des déchets (PCGD). Les conseils locaux de développement et les
comités régionaux consultatifs de développement illustrent également le principe de concertation au niveau
local.

3
Projet de code de collectivités locales, mai 2017, http://www.arp.tn/site/servlet/Fichier?code_obj=98100&code_exp=1&langue=1.

7
I
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

INTRODUCTION

Un des objectifs des processus de décentralisation qui se sont généralisés depuis les années 1990 dans une
grande majorité d’Etats, ainsi qu’en Tunisie après la Révolution de 20114, est de construire, dans une logique
de proximité, un système de gouvernance ancré dans les contextes locaux et répondant de la manière la
mieux adaptée possible aux besoins des populations locales. Pour cela, la décentralisation doit aller de pair
avec une démocratisation de la gouvernance locale. L’article 139 de la Constitution de 2014 dispose à cet
égard que « Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes
de la gouvernance ouverte afin d’assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la
préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce,
conformément à ce qui est prévu par la loi ». La Constitution tunisienne fait ainsi partie des rares constitutions
(avec celle du Maroc5) à consacrer expressément la démocratie participative locale.
Il convient ici de distinguer démocratie représentative, démocratie directe ou semi directe et démocratie
participative.

n Le système de démocratie représentative repose sur l’élection au suffrage universel des représentants
de la Nation ou des organes délibérants des collectivités locales. Mais, entre deux élections les citoyens
n’interviennent pas dans le processus de décision.

n La démocratie directe implique quant à elle que les citoyens interviennent directement dans les affaires
publiques, décident eux-mêmes sur tous les sujets sans élire de représentants, ce qui est irréalisable en
pratique. Dans le système de démocratie semi directe, tel qu’il est pratiqué par exemple en Suisse, les citoyens
n’élisent pas seulement des représentants mais ils prennent part directement aux processus de décision par
le biais notamment de l’initiative populaire et du référendum décisionnel.

n De manière générale, la démocratie participative recouvre quant à elle différents modes d’intervention des
citoyens, à titre individuel ou par l’intermédiaire d’associations, dans l’élaboration des décisions publiques.
Sur le plan conceptuel, il est difficile de distinguer la démocratie participative et la démocratie semi directe.
Certains partisans de la démocratie participative considèrent que la démocratie semi directe est une variante
de celle-ci. D’autres auteurs considèrent en revanche que la démocratie participative et la démocratie semi
directe répondent à des logiques différentes. Ainsi, les procédures de démocratie participative au niveau local
ne consistent pas à attribuer un pouvoir de décision à la totalité des citoyens d’une ville ou d’un quartier, qu’il
s’agisse de contribuer à l’élaboration d’un budget participatif, de participer à une commission extra municipale
ou à un jury citoyen par exemple. Seules les personnes sélectionnées ou particulièrement motivées prendront
part au processus participatif. En revanche, la démocratie semi directe propose des procédures décisionnelles
(et pas seulement consultatives), sous forme de référendum par exemple, qui impliquent l’ensemble des
citoyens dans un contexte d’égalité et de pleine délibération.
4
Article 14 de la Constitution tunisienne de 2014 : « L’État s’engage à renforcer la décentralisation et à l’appliquer sur l’ensemble du territoire national, dans le respect de l’unité ́
de l’État. ».
5
Article 139 de la Constitution marocaine de 2011 : « Des mécanismes participatifs de dialogue et de concertations sont mis en place par les Conseils des régions et les
Conseils des autres collectivités territoriales pour favoriser l’implication des citoyennes et des citoyens, et les associations dans l’élaboration et le suivi des programmes de
développement. Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour du conseil une question
relevant de sa compétence ».

8
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
INTRODUCTION

Le niveau local constitue à l’évidence le meilleur terrain d’expérimentation de la démocratie participative, du


fait de la volonté de nombreux citoyens de s’impliquer dans la vie des territoires auxquels ils s’identifient.
Un des objectifs des processus de décentralisation qui se sont généralisés depuis les années 1990 dans une
grande majorité d’Etats, ainsi qu’en Tunisie après la Révolution de 2011 , est de construire, dans une logique
de proximité, un système de gouvernance ancré dans les contextes locaux et répondant de la manière la
mieux adaptée possible aux besoins des populations locales. Pour cela, la décentralisation doit aller de pair
avec une démocratisation de la gouvernance locale. L’article 139 de la Constitution de 2014 dispose à cet
égard que « Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes
de la gouvernance ouverte afin d’assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la
préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce,
conformément à ce qui est prévu par la loi ». La Constitution tunisienne fait ainsi partie des rares constitutions
(avec celle du Maroc ) à consacrer expressément la démocratie participative locale.
Il convient ici de distinguer démocratie représentative, démocratie directe ou semi directe et démocratie
participative.

n Le système de démocratie représentative repose sur l’élection au suffrage universel des représentants
de la Nation ou des organes délibérants des collectivités locales. Mais, entre deux élections les citoyens
n’interviennent pas dans le processus de décision.

n La démocratie directe implique quant à elle que les citoyens interviennent directement dans les affaires
publiques, décident eux-mêmes sur tous les sujets sans élire de représentants, ce qui est irréalisable en
pratique. Dans le système de démocratie semi directe, tel qu’il est pratiqué par exemple en Suisse, les citoyens
n’élisent pas seulement des représentants mais ils prennent part directement aux processus de décision par
le biais notamment de l’initiative populaire et du référendum décisionnel.

n De manière générale, la démocratie participative recouvre quant à elle différents modes d’intervention des
citoyens, à titre individuel ou par l’intermédiaire d’associations, dans l’élaboration des décisions publiques.
Sur le plan conceptuel, il est difficile de distinguer la démocratie participative et la démocratie semi directe.
Certains partisans de la démocratie participative considèrent que la démocratie semi directe est une variante
de celle-ci. D’autres auteurs considèrent en revanche que la démocratie participative et la démocratie semi
directe répondent à des logiques différentes. Ainsi, les procédures de démocratie participative au niveau local
ne consistent pas à attribuer un pouvoir de décision à la totalité des citoyens d’une ville ou d’un quartier, qu’il
s’agisse de contribuer à l’élaboration d’un budget participatif, de participer à une commission extra municipale
ou à un jury citoyen par exemple. Seules les personnes sélectionnées ou particulièrement motivées prendront
part au processus participatif. En revanche, la démocratie semi directe propose des procédures décisionnelles
(et pas seulement consultatives), sous forme de référendum par exemple, qui impliquent l’ensemble des
citoyens dans un contexte d’égalité et de pleine délibération.

Le niveau local constitue à l’évidence le meilleur terrain d’expérimentation de la démocratie participative, du


fait de la volonté de nombreux citoyens de s’impliquer dans la vie des territoires auxquels ils s’identifient.

9
I
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

LA NOTION DE DEMOCRATIE
PARTICIPATIVE LOCALE ET SES
PRINCIPAUX ENJEUX

A. APPROCHE CONCEPTUELLE
La démocratie participative locale est évidemment une composante de la « démocratie locale » qui peut
être à la fois représentative et participative. L’expression de « démocratie locale » est souvent utilisée pour
mettre l’accent sur la participation en continu au débat, aux affaires de la collectivité et à la définition des
politiques locales. Elle désigne non seulement le droit des citoyens de la collectivité de désigner librement leurs
représentants, mais également le droit de la population à l’information, à la consultation et à la concertation,
voire à la codécision.

Au plan local, l’expression « démocratie participative » désigne ainsi un ensemble assez disparate de
techniques, de procédures, et de démarches : enquêtes d’utilité publique, référendums locaux, procédures de
concertation en matière d’urbanisme ou d’aménagement, conseils d’enfants, de jeunes, de sages, d’immigrés,
ou encore conseils de quartier. L’objectif commun est d’associer les citoyens à la prise de décision publique.
La participation des citoyens peut prendre soit une forme spontanée soit une forme institutionnalisée.
En premier lieu, la participation peut venir de la base, directement des citoyens, sous une forme ascendante
(bottom-up) mais elle peut aussi être sollicitée par les responsables politiques et elle prend alors une forme
descendante (top down).

Il est possible également de distinguer, au sein de la participation institutionnelle, un modèle hiérarchique et


un modèle négocié.

APPROCHE CONCEPTUELLE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE FIGURE 1

LE MODÈLE HIÉRARCHIQUE
Se caractérise par l’intervention descendante des autorités locales qui soumettent un projet aux
personnes consultées. Il vise soit la diffusion de l’information auprès des citoyens, dans sa forme
participative la plus minimaliste, soit la consultation des habitants ou d’une partie de la population, soit,
en allant plus loin, la concertation qui suppose des échanges et un dialogue entre les différentes parties
prenantes concernées par la question posée.

LE MODÈLE NÉGOCIÉ
Le projet est le fruit d’une véritable négociation. Il est en quelque sort coproduit collectivement par
tous les participants. Ceux-ci sont encadrés de façon à ce qu’ils parviennent à adopter une culture
participative commune. Les participants à un processus participatif proviennent en effet d’un public dont
les caractéristiques peuvent être très diverses. Cela dépend en réalité de la question posée, de l’objet de
la mobilisation : il peut s’agir des citoyens individuels ou des représentants de la société civile organisée,
des groupes d’intérêts, des expets, etc.

10
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET SES PRINCIPAUX ENJEUX

En définitive, on peut considérer que la démocratie participative locale se structure autour de quatre éléments:

LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE FIGURE 2

1 L’INFORMATION
n Consiste pour la
2
LA CONSULTATION
n La collectivité locale informe
3LA CONCERTATION
n La collectivité locale
4 LA CODÉCISION
La collectivité locale et
collectivité locale à mettre à les citoyens sur des projets engage un dialogue avec la les citoyens prennent des
la disposition du public des précis et leur demande population et crée les espaces décisions conjointes sur
des informations concernant préalablement leur avis. à cette fin. Les citoyens sont certaines questions ou enjeux
la gestion des affaires locales. informés d’un projet ou d’une de politique et de gestion
C’est une étape préalable à n Les citoyens se trouvent décision à prendre et ils ont locales. La codécision peut
toute démarche participative. cantonnés dans une position la possibilité de proposer des prendre forme de deux
d’observateurs mais la idées et de se faire entendre. manières:
collectivité locale peut ainsi n la coproduction ou
orienter dses choix et ses n La collectivité locale peut le partenariat: c’est
décisions en fonction des être obligée de tenir compte l’élaboration conjointe
opinions et des observations des propositions des citoyens d’un projet. Les citoyens
exprimées par les citoyens. La dans sa prise de décision. La participent à la réalisation
consultation peut être utilisée concertation permet donc du projet avec les
pour valider ou invalider une d’inclure les citoyens et les techniciens et élaborent
proposition de la commune. acteurs locaux de façon plus ensemble des solutions.
C’est le décideur qui organise directe et active dans les n la délégation: les
la consultation et restitue processus d’élaboration et de auotorités locales délèguent
les résultats aux personnes décsion d’un projet. une partie de leur pouvoir
consultées. Le conseil municipal de décision aux citoyens
garde son pouvoir de décision et acceptent d’appliquer
et les citoyens n’ont pas les décisions prises par ces
forcément le pouvoir de derniers.
proposer des solutions à la La codécision renvoie ici aux
commune. mécanismes de démocratie
directe comme le référendum
local.

Il convient de rappeler que ces quatre niveaux de participation ne sont pas exclusifs et peuvent se compléter.
En pratique, dans la plupart des pays qui connaissent la démocratie participative locale, les initiatives
participatives se limitent le plus souvent à l’information, à la consultation, au mieux à la concertation mais
plus rarement à la codécision.

La notion de démocratie participative locale est parfois associée à celle de « bonne gouvernance » ou encore
à celle de « gouvernance ouverte ».

B. DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE, BONNE GOUVERNANCE ET GOUVERNANCE


OUVERTE
La notion de bonne gouvernance locale recouvre « un ensemble d’institutions, de mécanismes et de processus
qui permettent aux citoyens et groupes de citoyens d’exprimer leurs intérêts et leurs besoins, de régler leurs
différends et d’exercer leurs droits et leurs obligations au niveau local »6.

6
Guide de l’utilisateur pour mesurer la gouvernance locale, UNDP Oslo Governance Center

11
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET SES PRINCIPAUX ENJEUX

Certains indicateurs permettent d’évaluer la bonne gouvernance locale :


n la participation des populations dans le processus décisionnel local (cela inclut le partenariat avec tous les
acteurs locaux) ;
n la transparence ou le partage de l’information ;
n l’efficacité des autorités locales dans la réalisation des objectifs de développement en faveur des populations
ou la gestion des ressources publiques ;
n l’équité ou le traitement égal et impartial de cas similaires de la part des autorités locales (tous égaux devant
la loi) ;
n la sensibilité à la dimension « genre » dans la gouvernance : accroître la participation des femmes en
politique et favoriser la prise de conscience de l’importance du droit des femmes.

La notion de gouvernance ouverte (« open government7 ») désigne un système par lequel les citoyens
peuvent surveiller et influencer les processus décisionnels grâce à la possibilité qui leur est offerte d’accéder
à l’information publique et aux instances décisionnelles. Elle se traduit par des initiatives consistant à publier
sur l’Internet des documents et des informations sur l’action des institutions publiques (« open data »). La
gouvernance ouverte se fonde donc principalement sur les nouvelles technologies, qui sont utilisées pour
faciliter l’accès à l’information8. En réalité, il ne s’agit pas uniquement de mettre des informations à la
disposition du public, mais il convient aussi de créer des interactions entre les autorités publiques et les
citoyens.

La gouvernance ouverte est consacrée par la Constitution de la République tunisienne qui dispose dans son
article 139 que « Les collectivités locales adoptent les instruments de la démocratie participative et les principes
de la gouvernance ouverte afin d’assurer la plus large participation des citoyens et de la société civile dans la
préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur exécution, et ce,
conformément à ce qui est prévu par la loi ». Le lien entre démocratie participative locale et gouvernance
ouverte est donc bien établi.

C. OBJECTIFS ET CONTRAINTES DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE


La démocratie participative n’a pas vocation à se substituer à la démocratie représentative mais plutôt à
intervenir de façon complémentaire. Il s’avère en effet que le niveau local, lieu de participation en lui-même,
est souvent considéré comme le niveau le plus pertinent d’une reconquête citoyenne visant à réconcilier les
citoyens et la politique, dans un contexte de crise de la représentation.

Les objectifs poursuivis sont multiples :

Une première approche, fonctionnelle et managériale, vise l’amélioration de la gestion des affaires locales,
en partant du principe que « mieux gérer, c’est gérer de plus près et gérer avec ». Il s’agit donc d’améliorer
l’efficacité des processus décisionnels, de prévenir des conflits potentiels, d’optimiser la rationalité des
solutions proposées. Les acteurs administratifs et politiques peuvent avoir accès à des connaissances d’un
nouvel ordre, davantage liées à l’expérience d’usage des principaux publics concernés et bénéficiaires de leurs
7
Guide de l’utilisateur pour mesurer la gouvernance locale, UNDP Oslo Governance Center.
8
La Tunisie a rejoint le « Partenariat pour un gouvernement ouvert » en anglais: Open Government Partnership ou “OGP” en 2014. Un premier plan d’action a été élaboré
et évalué positif. Cf. le plan d’action au lien suivant : https://www.opengovpartnership.org/sites/default/files/Tunisia%20OGP%20NAP.pdf
L’évaluation est aussi consultable aux liens suivants :
https://www.opengovpartnership.org/sites/default/files/Tunisia_Self-Assessment-Report_Arabic.docx
https://www.opengovpartnership.org/sites/default/files/Tunisian%20Self%20Assessement%20Report%20september%202015.docx
https://www.opengovpartnership.org/sites/default/files/Tunisia_End%20of%20Term%20Self%20Assessement%20%20NAP%202014-16_English.docx
Ce qui a permis le passage à un deuxième plan d’action national 2016-2018 élaboré par le ministère de la Fonction publique et de la gouvernance.
http://www.ogptunisie.gov.tn/images/OGPfinale2.pdf

12
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET SES PRINCIPAUX ENJEUX

politiques. Bien que la démocratie participative ne facilite pas la prise de décision ni ne la rende plus rapide, et
alors que le pouvoir décisionnel final reste entre les mains des élus, elle doit cependant permettre d’améliorer
la gouvernance.

En second lieu, la démocratie participative, à travers l’implication des habitants, est de nature à améliorer
la cohésion sociale à l’échelle d’un territoire donné. C’est une forme d’apprentissage de la responsabilité
collective. Les dispositifs participatifs peuvent faciliter l’accès des personnes les plus éloignées de l’exercice
de la citoyenneté (dans son sens politique, mais également social et économique) en favorisant leur écoute
et leur implication dans la vie du territoire. En retissant le lien social, la démocratie participative permet de
restaurer une confiance mutuelle, même minimale, entre les habitants et les élus dont elle est par ailleurs de
nature à renforcer la légitimité. Elle permet dans certains cas de lutter contre l’intolérance et les extrêmes
et de diminuer les replis identitaires en offrant aux groupes qui peuvent être tentés par une contestation
radicale (et parfois violente) du système un espace de discussion et de concertation de nature à canaliser cette
contestation.

Enfin, dans une approche plus politique, les instances de concertation et les procédures de participation
permettent un dépassement de la démocratie représentative. La démocratie participative est en quelque
sorte une pédagogie politique d’apprentissage de la citoyenneté par l’implication et le partage. Les citoyens
inclus dans le dispositif participatif doivent parvenir à élaborer un avis collectif à partir de leurs intérêts
particuliers. D’une certaine manière, le citoyen y est plus qu’un électeur, mais moins qu’un décideur.

Quoi qu’il en soit, l’institutionnalisation d’une gouvernance locale participative se heurte à certaines
contraintes.

La première résulte des faibles moyens, qu’il s’agisse des ressources financières, mais aussi des ressources
humaines, dont disposent les collectivités locales pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été
attribuées dans le cadre des politiques de décentralisation. La culture organisationnelle des collectivités locales
peut constituer une autre contrainte. Ainsi, dans certains pays, la persistance d’une culture administrative
centralisatrice et autoritaire rend difficile l’apprentissage du nouveau cadre de la gouvernance ouverte et
participative. Le rôle des acteurs sociaux dans l’action publique locale est alors très faiblement considéré et
pris en compte.

La démocratie participative locale est souvent envisagée, du point de vue des responsables politiques, comme
un moyen de renforcer leur légitimité, ce qui présente un risque d’instrumentalisation. L’instrumentalisation
des dispositifs participatifs par les pouvoirs publics locaux est en effet souvent dénoncée. Elle peut obéir à
plusieurs motifs : les procédures participatives sont parfois considérées par les élus comme un moyen de
communication, de mobilisation, de contrôle et de légitimation à leur service. Il peut même arriver que la
maîtrise des procédures participatives par les élus conduise à écarter certains acteurs de la société civile
(associations, groupes politiques) par crainte d’une contestation des autorités locales. Un autre effet pervers
a pu être relevé, celui d’une cooptation par la sphère politique de « représentants légitimes » issus de la
société civile. Ces derniers agissent et sont en fait reconnus implicitement par les élus comme des médiateurs
entre la sphère du politique et celle de la société civile. Avec le risque que des citoyens « professionnels de
la participation » confisquent les dispositifs participatifs, ce qui peut conduire à une situation où le système
représentatif classique se trouve doublé par un autre système de représentation beaucoup moins clair et
moins démocratique que le premier dans son mode de désignation et dans son fonctionnement. Sans compter
qu’il existe parfois une compétition entre les acteurs sociaux, entre les organisations de la société civile, pour
obtenir le statut d’interlocuteurs légitime des autorités locales, si bien que la fragmentation de la société
civile qui en résulte n’est pas de nature à favoriser une dynamique de mobilisation collective dans le cadre des
dispositifs participatifs.
13
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA NOTION DE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET SES PRINCIPAUX ENJEUX

CONTRAINTES DE L’INSTITUTIONNALISATION D’UNE GOUVERNANCE LOCALE PARTICIPATIVE FIGURE 3

1
Culture organisationnelle
Culture administrative centralisatrice
Rôle des acteurs sociaux faiblement considéré

2
Compétition
Fragmentation de la société civile
Entre les acteurs sociaux

3
Instrumentalisation
Fragmentation de la société civile
Entre les acteurs sociaux

Faibles moyens
4 Cooptation par les sphères politiques de “représentants légitimes”
Des dispositifs participatifs par les pouvoirs publics
Moyens de légitimation de l’action des pouvoirs locaux

14
II
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

LA DEMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA


DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE ET LEURS
FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

La démocratie participative locale prend des formes diverses et fait appel à des méthodes variées qui peuvent
s’adapter à des contextes différents. Les expériences se distinguent par leurs objectifs, leurs méthodes, le rôle
attribué aux citoyens dans la délibération, l’articulation entre représentation et participation.

A titre d’exemple, En Afrique du Sud, la loi requiert que les municipalités établissent des mécanismes
institutionnels participatifs pour gérer les affaires locales, et plus particulièrement les questions de la
planification locale (les plans de développement intégré), du budget et de la gestion des performances. Ces
mécanismes doivent accorder une attention particulière aux intérêts des groupes sociaux les plus défavorisés
(illettrés, handicapés, femmes).

Au Brésil, les procédures de participation locale ont été mises en place par de nombreuses municipalités.
Ainsi, l’article 97 de la loi organique de Porto Alegre prévoit que « la souveraineté populaire se manifeste
lorsque sont assurés à tous les conditions d’existence digne et elle s’exerce par : le suffrage universel et le vote
direct et secret ; par le plébiscite ; par le référendum ; par initiative populaire ; par la participation populaire
aux décisions des autorités et le perfectionnement démocratique de ces institutions ; par le contrôle de
l’administration publique ».

En Tunisie, c’est le projet de loi organique relative aux collectivités locales (en cours d’adoption) qui doit
préciser, en application de l’article 139 de la Constitution, les modalités de la participation des citoyens et de
la société civile dans la préparation des projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi
de leur exécution.

A. L’INFORMATION
Quelles que soient les formes que peut revêtir la démocratie participative locale, le préalable indispensable
à toute démarche participative consiste pour les autorités locales à communiquer largement en direction de
la population afin de les informer de la manière la plus complète et la plus transparente sur les politiques
municipales. C’est le fondement même de la « gouvernance ouverte »9. Il existe en effet une relation
synergétique entre transparence et participation : la transparence permet de s’assurer que le public a accès aux
informations sur les politiques locales, et la participation offre au public un accès aux processus décisionnels
relatifs à ces politiques.

La législation la plus ancienne du monde en la matière est celle de la Suède, qui reconnait le droit d’accès
aux documents administratifs depuis 1776, droit qui a été réaffirmé par la loi constitutionnelle de 1974. Ce
droit est aussi expressément consacré en Espagne10, en Italie11, en Allemagne12 et en France13. Par ailleurs, en

9
Voir décret législatif n°267 du 18 août 2000.
10
Notion consacrée par l’article 139 de la Constitution tunisienne.
11
Constitution de 1978 et la loi du 26 novembre 1992.
12
Loi du 7 août 1990
13
Loi fédérale sur la liberté́ d’information entrée en vigueur en 2006.

15
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

France, la Charte de l’environnement, adossée à la Constitution en 2005, a consacré dans son article 7, le droit
pour toute personne non seulement « d’accéder aux informations relatives à l’environnement » mais aussi «
de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».

En Tunisie, le droit d’accéder à l’information est désormais un droit constitutionnel, consacré par l’article 32
de la Constitution, qui dispose que « L’Etat garantit le droit à l’information et le droit d’accès à l’information».
La loi organique du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information est venue préciser les modalités
d’exercice de ce nouveau droit14.

Pour qu’une participation effective soit possible, un niveau minimum de transparence s’impose. Les
particuliers ne peuvent tenter d’influencer les décisions stratégiques que s’ils savent comment elles sont
prises. À l’inverse, la transparence peut découler du processus de participation : l’accès aux instances et
aux procédures participatives peut être une condition préalable indispensable pour avoir accès à certains
documents et certaines informations.

Les modes d’information et de communication utilisés sont d’une grande diversité :


n publicité des réunions des assemblées délibérantes locales,
n opérations portes ouvertes qui permettent de présenter les activités et les projets de la municipalité et de
discuter de sujets concernant la vie locale, tout en identifiant les préoccupations et les attentes de citoyens,
n comptes rendus de mandat organisés sous forme de réunions publiques au cours desquelles les élus font
le point sur les engagements pris pendant les campagnes électorales et obtiennent en retour l’opinion des
citoyens ou des associations sur leurs actions,
n magazines municipaux, radios ou télévisions locales, sites Internet municipaux avec banques d’informations,
espace forum ou encore diffusion en ligne des conseils municipaux.

L’INFORMATION FIGURE 4

PUBLICITÉ OPÉRATIONS COMPTES RENDUS MÉDIAS


PORTES OUVERTES DE MANDAT

Publicité des réunions Présenter les activités et les Organisés sous forme de Magazines municipaux, radios
des assemblées projets de la municipalité réunions publiques au cours ou télévisions locales, sites
délibérantes locales et discuter de sujets concernant desquelles les élus font le Internet municipaux avec
la vie locale, tout en identifiant point sur les engagements banques d’informations, espace
les préoccupations et les pris pendant les campagnes forum ou encore diffusion en
attentes de citoyens électorales et obtiennent en ligne des conseils municipaux
retour l’opinion des citoyens
ou des associations sur leurs
actions

14
Loi du 6 février 1992 qui proclame que « le droit des habitants de la commune à être informé des affaires de celle-ci (…), indissociable de la libre administration des
collectivités territoriales, est un principe essentiel de la démocratie locale ».
Selon son article premier, cette loi « a pour objet de garantir le droit de toute personne physique ou morale à l’accès à l’information afin de permettre :
- l’obtention de l’information,
- le renforcement des principes de transparence et de reddition des comptes et surtout en ce qui concerne la gestion des services publics,
- l’amélioration de la qualité du service public et le renforcement de la confiance dans les organismes soumis aux dispositions de la présente loi,
- le renforcement de la participation du public dans l’élaboration, le suivi de la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques,
- le renforcement de recherche scientifique. ».

16
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

En Tunisie, le projet de loi organique relatif au code des collectivités locales tunisiennes, dans son article
29, renforce de manière notable le droit à l’information des administrés au niveau local. Alors que jusqu’à
présent, seule était prévue la participation des habitants aux réunions des conseils municipaux, les collectivités
locales devront publier sur leurs sites électroniques et afficher dans leurs sièges les projets des décisions
réglementaires qu’elles entendent soumettre à la délibération de leurs conseils élus, et ce, quinze jours au
moins avant la tenue de la séance consacrée à la délibération15.

L’article 32 de ce même projet consacre le principe de transparence et apporte d’utiles précisions quant à la
portée, particulièrement large, du droit à l’information.

B. LE DROIT DE PETITION16
Le droit de pétition au niveau local est parfois reconnu par les constitutions. C’est le cas au Maroc17, en
France18 ou encore au Portugal19.

En réalité, dans les régimes démocratiques, il n’apparaît pas nécessaire que le droit de pétition soit consacré
par la Constitution pour qu’il puisse être mis en œuvre au niveau des collectivités locales, sauf s’il s’agit de lui
donner une opposabilité renforcée. Or, la portée du droit de pétition est le plus souvent limitée puisque le plus
souvent, comme en France, l’assemblée délibérante n’est même pas obligée d’inscrire à son ordre du jour les
questions faisant l’objet de la pétition.

Les collectivités locales peuvent donc organiser librement le droit de pétition, comme c’est le cas par exemple
en Afrique du Sud, où la ville de Johannesburg a créé un « Comité pour la participation et les pétitions » afin
de recevoir les pétitions émanant de ses administrés.

C. LES PROCEDURES ET LES INSTANCES CONSULTATIVES LOCALES


Au-delà de la consultation ponctuelle des habitants ou des acteurs de la société civile sur un thème particulier,
à un moment donné, comme les enquêtes publiques ou les votations citoyennes, il est possible de mettre
en place des espaces permanents de consultation et de concertation. Ainsi, les instances et procédures
consultatives locales peuvent revêtir de multiples formes.

1. Les enquêtes publiques


Elles constituent un mécanisme de consultation très répandu qui est appliqué particulièrement en matière
d’urbanisme et d’environnement. Lorsque les communes réalisent des aménagements, des ouvrages ou des
travaux, qui, en raison de leur nature, sont susceptibles de porter atteinte à l’environnement, ces opérations
sont soumises à enquête publique. Cette enquête a pour objet d’assurer l’information et la participation du
public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers, et de recueillir l’avis du public sur ces opérations afin

15
La Loi organique n° 2016-22 du 24 mars 2016, relative au droit d’accès à l’information oblige, entres autres, les organismes publics locaux et régionaux et les collectivités
locales de publier, d’actualiser, de mettre périodiquement à la disposition du public, dans une forme utilisable, les informations suivantes les politiques et les programmes
qui concernent le public, les marchés publics programmés ayant engagement de leur budget, que l’organisme compte contracter et les résultats escomptés de leur mise en
œuvre, etc. (article 6).
16
Pétition est empruntée de l’anglais, petition, lat. Petitio : chercher à atteindre, elle est définie comme étant « une réclamation entourée d’une certaine publicité adressée
à une autorité par un ou plusieurs intéressés en vue de provoquer une décision à leur avantage ou en faveur de la cause qu’ils défendent ». Gérard CORNU, vocabulaire
juridique, PUF, 1987.
17
Article 139 al. 2 de la Constitution : « Les citoyennes et les citoyens et les associations peuvent exercer le droit de pétition en vue de demander l’inscription à l’ordre du jour
du conseil d’une question relevant de sa compétence ».
18
Article 72-1 de la Constitution : « Les électeurs de chaque collectivité territoriale peuvent, par l’exercice du droit de pétition, demander l’inscription à l’ordre du jour de
l’assemblée délibérante de cette collectivité d’une question relevant de sa compétence ».
19
L’article 52 (modifié en 2004) de la Constitution est consacré au « Droit de pétition et droit d’action populaire » et dispose que : « Tous les citoyens peuvent soumettre
individuellement ou collectivement aux organes de souveraineté, aux organes de gouvernement propres des régions autonomes ou à toute autorité, des pétitions, des
représentations, des réclamations ou des plaintes pour défendre leurs droits, la Constitution, la loi ou l’intérêt général ».

17
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

de permettre à la personne publique, dans le cas d’espèce la commune, de disposer des éléments nécessaires
à son information. Les enquêtes ne sont pas toujours rendues obligatoires par des dispositions légales.

En Belgique, dans la région wallone, les projets de plan de secteur sont obligatoirement soumis à enquête
publique. De telles enquêtes sont également prévues en Allemagne par les lois des « Länder » relatives à
l’aménagement de l’espace.

En France, depuis la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, les enquêtes
publiques sont regroupées en deux catégories principales : d’une part, celles portant sur des projets, plans ou
programmes pouvant avoir des effets sur l’environnement, d’autre part, celles dédiées à l’expropriation.
En général, les dispositions légales fixent un délai d’enquête unique destiné à permettre l’information du
public qui peut consulter effectivement le dossier soumis à enquête et émettre des observations, le plus
souvent écrites auprès du commissaire enquêteur. Les résultats des enquêtes ne sont pas contraignants, mais
l’autorité administrative doit en tenir compte lorsqu’elle prend sa décision.

2. Les structures participatives


n La démocratie de quartier

Dans de nombreux pays européens (Pays nordiques, Royaume-Uni, Italie) les procédures de consultation ou
de participation locales ont été organisées au niveau du voisinage. Elles sont parfois prévues par les textes
législatifs. Ainsi, une loi italienne de 1990 rend obligatoire l’institution de conseils élus de quartier dans les
villes de plus de 100 000 habitants et facultative dans les villes de plus de 30 000 habitants.

En France également, les conseils de quartier ont été rendus obligatoires par la loi du 27 février 2002 dans
les communes de plus de 80 000 habitants. Leur composition et leur mode de fonctionnement sont fixés par
le conseil municipal. Le conseil de quartier peut être consulté par le maire sur toute question concernant le
quartier ou la ville. Il peut être associé par celui-ci à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des
actions intéressant le quartier, notamment de celles menées au titre de la politique de la ville. Le conseil
peut aussi décider de l’affectation de crédits dans le cadre d’une enveloppe budgétaire qui lui est accordée.
La politique de la ville a d’ailleurs contribué fortement à institutionnaliser la participation sur le plan local.
De nombreuses démarches et dynamiques participatives ont été lancées et élaborées en la matière et divers
dispositifs font une large place à l’impératif participatif (contrats de ville, fonds de participation des habitants,
fonds de travaux urbains, atelier de travaux urbains, formations citoyennes…).

En Espagne, ont été institués les conseils de district (subdivision des communes) qui regroupent un représentant
du conseil municipal et des membres choisis sur des critères sectoriels (associations spécialisées) ou territoriaux
(association de quartiers par exemple).On constate une très grande diversité dans les compétences de ces
conseils : formulation d’avis sur les priorités municipales, mais aussi participation plus importante dans la mise
en œuvre de projets concrets et suivi détaillé des services municipaux.

Aujourd’hui, la démocratie de quartier en Tunisie s’exprime notamment par l’organisation de réunions


de quartiers dans le cadre de l’élaboration des projets « Subvention Quartiers Défavorisés »20. L’étude de
préfaisabilité des projets pour la Subvention Quartiers Défavorisés (SQD) doit se faire en effet selon une
démarche participative21.

20
Décret n°2014-3505 du 30 septembre 2014 fixant les conditions d’attribution des prêts et d’octroi des subventions par la caisse des prêts et de soutien des collectivités
locales. http://www.collectiviteslocales.gov.tn/wp-content/uploads/2016/10/D%C3%A9cret-n%C2%B0-2014-3505-du-30-septembre-2014.pdf
21
Cf. « Guide sur la consultation publique pour les collectivités locales », Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités Locales (CPSCL), Décembre 2015, pp.8-9 et p.19.
http://www.collectiviteslocales.gov.tn/wp-content/uploads/2015/06/GUIDE-de-la-consultation-publique.pdf

18
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

n Les comités consultatifs

Les comités consultatifs mis en place à l’échelon local constituent la forme la plus courante de la démocratie
participative. Leur création résulte parfois d’obligations légales mais ils peuvent aussi être créés à l’initiative
des municipalités. Ils se caractérisent par une extrême diversité quant à leur composition et à leur objet.

En Belgique, et plus précisément dans la région wallonne, des conseils consultatifs ont été mis en place à
l’échelon local sur le fondement du code de la démocratie locale et de la décentralisation qui prévoit que de
tels conseils visent « toute assemblée de personnes, quel que soit leur âge, chargée par le conseil communal
de rendre un avis sur une ou plusieurs questions déterminées »22. Il peut donc s’agir d’un conseil consultatif
des jeunes et des aînés, mais aussi d’un conseil des étrangers par exemple.

Un autre exemple est donné par la ville de Dakar (Sénégal) qui a mis en place en 2009 un conseil consultatif
en partenariat avec les acteurs de la société civile. Dans chaque commune d’arrondissement, ce conseil
consultatif se décline sous la forme d’un comité consultatif. Les propositions et les projets des habitants y sont
formulés et adoptés collectivement.

En France, le conseil municipal peut créer des comités consultatifs sur tout problème d’intérêt communal
concernant tout ou partie du territoire de la commune. Ces comités comprennent des personnes qui peuvent
ne pas appartenir au conseil, notamment des représentants des associations locales. Le maire peut consulter
ces comités sur toute question ou sur tout projet intéressant les services publics ou les équipements de
proximité entrant dans le champ d’activité des associations membres de ces comités.
Il convient également de mentionner les commissions consultatives des services publics locaux qui doivent
être créées dans toutes les communes de plus de 10 000 habitants et qui comprennent des membres du
conseil municipal et des représentants des associations locales. Elles ont pour objectif de mieux associer les
citoyens à la gestion des services publics communaux.

3. Les réunions et les assemblées populaires locales


En Allemagne, les assemblées d’habitants (Bürgerversammlung) existent, notamment dans les communes
bavaroises. Elles doivent être convoquées soit à l’initiative du maire soit à celle d’une partie de la population
(3 à 10 % des administrés) et elles permettent aux habitants d’interroger les élus sur la conduite des politiques
publiques.

En Suisse, les assemblées populaires au niveau communal ont un rôle décisionnel. Dans les communes où
il n’existe pas d’assemblée délibérante élue (environ 2000 communes, parmi les plus petites), les citoyens
exercent généralement leurs droits politiques dans des assemblées communales (Gemeindeversammlung)
qui se réunissent plusieurs fois par an. Ils participent donc directement, avec les membres du Conseil exécutif,
à l’élaboration des décisions de la commune. Cette forme de démocratie directe est très répandue au niveau
communal. Il s’avère cependant que la participation des citoyens à ces assemblées communales est souvent
limitée.

En France, dans les communes rurales (de moins de 2 000 habitants) une forme de réunion publique locale
doit être organisée sur les projets ayant des conséquences sur l’environnement23.

En Tunisie, le projet de loi organique de code relatif aux collectivités locales prévoit d’institutionnaliser les

22
Article 1122-35 du Code de la Démocratie locale- (Arrêté du Gouvernement wallon du 22 avril 2004, confirmé par le décret du 27 mai 2004, porte codification de la
législation relative aux pouvoirs locaux, sous l’intitulé « Code de la démocratie locale et de la décentralisation »).
23
Loi du 27 décembre 2012 relative à la mise en œuvre du principe de participation du public aux décisions en matière d’environnement.

19
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

réunions publiques au niveau communal et régional et même d’en faire une condition préalable obligatoire à
la prise de certaines décisions.

L’article 33 du projet dispose en ce sens que les conseils municipaux et régionaux peuvent organiser des
réunions publiques avec les habitants en vue de présenter des clarifications de la part du conseil et de
recueillir les propositions des habitants avant la prise de décisions importantes, notamment celles ayant pour
finalité de : réviser les tarifs locaux ; conclure des contrats de coopération et de partenariat ; participer à la
création d’entreprises publiques ; conclure des accords de partenariat avec les autorités centrales ; charger
une autre collectivité locale de certaines prérogatives qui lui incombent ou accepter de prendre en charge des
prérogatives d’une autre collectivité locale ; gérer les biens publics ; financer les associations et gérer les dons.
Ces réunions publiques peuvent également concerner les décisions réglementaires des conseils locaux, ainsi
que les accords de partenariat et de coopération externe.
Assez originale est la disposition qui prévoit l’organisation de ces réunions à l’initiative de la population
elle-même, suite au dépôt d’une demande motivée d’au moins 10 % des habitants inscrits sur les registres
électoraux de la municipalité ou de la région. Dans ce cas, la collectivité locale est dans l’obligation d’organiser
la réunion dans un délai maximal de 30 jours à partir de la date de dépôt de la demande. Le texte du projet
est particulièrement contraignant pour les collectivités dans la mesure où les décisions visées par la demande
de réunion publique ne pourront entrer en vigueur qu’après l’organisation de la réunion publique avec les
habitants.

De manière plus informelle, d’autres formes de réunion peuvent être mises en place. Il peut s’agir des «
conférences de citoyens », appelées aussi « panel de citoyens », « jurys citoyens », « forums », qui visent
également à fournir aux décideurs locaux un avis informé et argumenté produit par des citoyens « ordinaires
», c’est-à-dire non spécialistes du sujet sur lequel ils doivent se prononcer, généralement des questions de
planification urbaine, sociales, écologiques. Le groupe de citoyens (entre 15 et 300) est sélectionné par
tirage au sort et son travail peut s’étendre sur plusieurs jours. Les citoyens sont informés par des experts,
des professionnels, des représentants de groupes d’intérêts ou d’administrations, ce qui les aide à mieux
appréhender les enjeux, contraintes et réalités de questions complexes. L’organisation d’un atelier citoyen
répond à une méthodologie rigoureuse qui impose quatre conditions : le recrutement de citoyens n’étant pas
investis dans la vie publique, présentant des profils très diversifiés ; l’indépendance de l’expression des points
de vue vis-à-vis de tout groupe d’intérêts ; la transparence du processus à tous les niveaux ; la délivrance d’une
information pluraliste.

4. Le budget participatif
Inventé au Brésil dans la ville de Porto Alegre à la fin des années 1980, le budget participatif (orçamento
participativo) a connu depuis un réel succès. L’expérience de Porto Alegre a été reprise par plus de 200
villes brésiliennes à partir des années 2000 et elle a rayonné en Argentine, au Pérou, ou en Équateur. Une
expérience originale a été mise en place par la municipalité de Rosario (Argentine) qui a mis en place depuis
2003 un budget participatif spécifique aux femmes qui a permis de financer des projets visant à améliorer la
condition féminine : campagnes de prévention contre le VIH, contre les violences conjugales, amélioration des
conditions sanitaires.

En Europe, des expériences de budget participatif se sont également développées.

En France, plusieurs villes (Grenoble, Grigny, Paris, Metz, Montreuil, Rennes) ont lancé de telles expériences en
offrant à leurs habitants la possibilité d’élaborer leurs projets et de disposer d’un budget municipal important.
Ainsi, la ville de Paris ou encore la ville de Rennes y consacrent environ 5 % de leur budget d’investissement. En
Espagne, la mise en place de budgets participatifs est intervenue dans les municipalités au début des années
20
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

2000 (notamment dans les communes de Cordoue ou de Malaga) et plus de 20 municipalités pratiquent
actuellement cette procédure. En Italie, les expériences les plus institutionnalisées sont celles de Grottamare,
Pieve Emmanuelle, Venise, Modène et Rome.

Concrètement, son instauration se traduit en général par la création d’assemblées à l’échelle du quartier, de
l’arrondissement ou de la ville, ouvertes à tous les habitants, se réunissant régulièrement et au sein desquelles
les citoyens participants élaborent des projets qui sont ensuite intégrés au budget municipal. Il est défini par
l’ONG américaine The Participatory Budgeting Project comme un « moyen alternatif de gestion de l’argent
public et d’engagement des citoyens dans les instances de gouvernement et, plus particulièrement, un
processus démocratique dans lequel les membres des communautés décident directement de la façon de
dépenser une partie du budget public »24.

En Tunisie, depuis 2013, le budget participatif a été expérimenté dans 19 municipalités25 qui ont ouvert une
partie du budget communal à la décision des citoyens, pour des montants compris entre 100.000 et 550.000
dinars26. Il semble, toutefois, que les municipalités soient obligées de renoncer au mécanisme du budget
participatif. En effet, selon une note cosignée par la Caisse des prêts et de soutien aux collectivités locales
et le Comité général de prospection et d’accompagnement au processus de décentralisation27, adressée en
juin 2017 aux gouverneurs et aux présidents des délégations spéciales28, le versement des aides financières
aux collectivités locales est subordonné à l’élaboration d’un Programme Annuel d’Investissement (PAI)29
englobant tous les investissements classés au Titre 2 du budget municipal, et ce, selon une méthodologie
participative30. Ladite note précise que le mécanisme du budget participatif, s’appliquant seulement à une
partie des investissements du Titre 2 du budget municipal, ne permet pas par voie de conséquence aux
municipalités de bénéficier des aides financières. Les défenseurs du budget participatif ont vu dans ladite
note une volonté du pouvoir central de mettre fin au recours à ce mécanisme de la démocratie participative,
qui aurait été un succès selon leurs dires, et ce en privant les communes qui l’appliqueraient du versement
des aides financières.

Du fait de sa popularité et de son développement rapide, le terme « budget participatif » recouvre une
gamme très large de dispositifs procéduraux et de pratiques politiques. Si l’on suit la définition donnée par les
acteurs eux-mêmes, un budget participatif peut aussi bien être un fonds de quartier permettant la mise en
discussion d’une petite somme d’argent31, ou à l’inverse un dispositif très ambitieux et sophistiqué permettant
l’évaluation et l’orientation des priorités budgétaires d’une collectivité territoriale. Dans tous les cas, il s’agit
donc de faire participer les habitants à l’élaboration du budget municipal et d’allouer à la population locale
des fonds susceptibles d’être utilisés suivant les besoins définis par cette population. Il peut s’agir également
mais plus rarement d’associer la population à la réforme de la fiscalité locale au bénéfice des plus démunis.

5. Le référendum consultatif local


Le référendum consultatif est une procédure largement utilisée. Cette procédure permet de solliciter l’avis de
la population mais les autorités locales ne sont pas juridiquement tenues de le suivre.

24
Transnational Models Of Citizen Participation: The Case Of Participatory Budgeting, Sintomer, Y. Herzberg, C.; Röcke, A., Allegretti 2012
25
A titre d’exemple dans les communes de Tozeur, Gabès, Menzel Bourguiba, La Marsa, etc.
26
Ces expériences ont été soutenues par la GIZ et le FNUD (Fond des Nations Unis pour la Démocratie) avec l’impulsion de plusieurs associations dont Action Associative.
27
Il s’agit d’une structure du ministère des Affaires locales (décret gouvernemental n° 2016-951 du 28 juillet 2016 relatif à l’organisation du ministère des affaires locales,
JORT n° 65 du 9 août 2016).
28
En attendant l’organisation d’élections municipales, les communes sont administrées par des délégations spéciales.
29
Le PAI doit être approuvé par la suite par le Conseil de la collectivité locale.
30
Un Guide qui détaille « la méthodologie de l’élaboration du Plan Annuel d’Investissement communal Participatif 2017 » a été élaboré. Il décrit les étapes permettant
d’élaborer d’une manière participative le budget annuel d’investissement de la Commune. Ce Guide insiste sur la sensibilisation des citoyens afin d’assurer le maximum de
participation citoyenne et propose également des indicateurs d’évaluation de la participation.
31
Il peut s’agir de quelques milliers d’euros dans les pays de la zone Euro en Europe.

21
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

Certains Etats ne connaissent que le référendum consultatif sur le plan local. C’est le cas de la Belgique,
du Danemark, de l’Estonie, de la Finlande, de l’Irlande, de la Lituanie (où il s’agit plutôt d’un sondage), du
Luxembourg, de la République tchèque des Pays-Bas et de la Suède.

En Italie, les prescriptions nationales relatives au référendum consultatif communal sont très générales32,
le législateur ayant laissé le soin à chaque commune d’en préciser le cadre et les modalités d’organisation.
Il en résulte des réglementations très diversifiées. Le référendum communal peut avoir lieu à l’initiative des
instances de la commune ou « à la demande d’un nombre adapté de citoyens ». De nombreux statuts prévoient
uniquement la seconde possibilité et fixent donc le nombre minimal de signatures et la qualité des signataires
(âge, résidence...) de l’initiative.

La loi limite l’objet du référendum communal aux matières relevant de la compétence exclusive de la collectivité.
En règle générale, les statuts ne précisent pas le champ du référendum communal, mais ils en excluent certains
sujets : les problèmes fiscaux, budgétaires et financiers ; la révision des statuts communaux ; les questions de
personnel et d’organisation administrative ; l’organisation et les tarifs des entreprises détenues en totalité ou
en partie par la commune ; les arrêtés d’application de normes régionales et nationales.

En France, la loi du 13 août 2004 a étendu le processus consultatif à l’ensemble des collectivités et des
établissements publics de coopération intercommunale. Les consultations doivent être organisées à propos
de « décisions » que seront amenées à prendre les autorités locales pour « régler les affaires relevant de la
compétence de celle-ci ». Ces consultations peuvent être initiées par les électeurs. Dans les communes, un
cinquième (1/5) des électeurs inscrits sur les listes électorales peut demander l’inscription à l’ordre du jour
de l’assemblée délibérante de l’organisation d’une consultation sur « toute affaire relevant de la décision de
cette assemblée ». Dans les autres collectivités, le seuil est fixé à un dixième (1/10°) des électeurs. L’assemblée
délibérante, dans tous les cas, n’est pas tenue de donner suite à cette initiative. C’est l’organe délibérant de
la collectivité organisatrice qui arrête le principe et les modalités de la consultation et la délibération doit
indiquer expressément que cette consultation n’est qu’une demande d’avis.

En Belgique, la décision d’organiser un référendum communal consultatif appartient exclusivement au conseil


municipal, qui peut la prendre de sa propre initiative ou à la demande d’une partie des habitants de la commune
âgés de plus de seize ans. La consultation peut porter sur différentes matières relevant essentiellement de
l’intérêt communal et du maintien de l’ordre public. Sont en revanche exclues les questions de personnes et
celles relatives au budget et aux impôts locaux.

D. LE REFERENDUM DECISIONNEL LOCAL


Si le référendum décisionnel local est incontestablement un instrument de la démocratie semi directe, la
question de savoir s’il s’agit d’un instrument de la démocratie participative peut être discutée. Si l’on considère
que la démocratie participative permet d’associer les citoyens au processus d’élaboration de la décision tout
en conservant aux élus le pouvoir de décision finale, il convient alors d’exclure cet instrument de la panoplie
de la démocratie participative. Certains auteurs, cependant, adoptent une conception extensive de la notion
de démocratie participative, incluant ce type d’instrument, ce qui justifie qu’il soit mentionné ici.

Les textes constitutionnels sont nombreux à consacrer le référendum régional ou local, même si celui-ci est
moins souvent prévu que le référendum national.

32
Voir décret législatif n°267 du 18 août 2000.

22
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

C’est le cas notamment dans les Constitutions en Albanie, Belgique33, Bulgarie34, France35, Hongrie36, Italie,
Luxembourg, Pologne, Portugal37, Russie, Suisse. Le référendum local ou régional est prévu par la loi en
Arménie, Croatie, Estonie, Finlande, Irlande, Malte, Macédoine, Suède. Par ailleurs, même si une disposition
constitutionnelle prévoit le référendum au niveau régional ou local, une législation d’application est nécessaire
pour sa mise en œuvre, comme en Albanie, Bulgarie, République tchèque, France, Hongrie, Luxembourg,
Pologne. Au Portugal, la loi d’application est une loi organique.

Dans les Etats fédéraux et régionaux, si le droit national autorise le référendum régional ou local, ses
modalités sont souvent réglées au niveau des entités fédérées. Il en va ainsi en Autriche et en Allemagne, où
le droit des collectivités locales relève de la compétence des « Länder », si bien que certaines constitutions
fédérées précisent les conditions d’intervention de l’initiative populaire locale, alors que d’autres laissent aux
communes une grande latitude pour les organiser. De même, en Suisse, ce sont les constitutions des cantons
qui prévoient les mécanismes participatifs (initiatives, référendums) qui peuvent êtres institués au niveau
cantonal ou au niveau communal.

Comme les référendums nationaux, les référendums régionaux et locaux sont en général décisionnels. Il
en va toujours ainsi en Arménie, Bulgarie, Hongrie, Pologne, Espagne et en Macédoine. Au Portugal, le
référendum n’est décisionnel que si la participation dépasse 50 %. Un quorum de participation de 50 % des
électeurs est également prévu en Bulgarie, en République tchèque, à Malte et en Russie. En Belgique, le
quorum est seulement de 10 à 20 % au niveau communal.

En Autriche et en Suisse, le référendum est également décisionnel, mais le droit des « Länder » et des cantons
peut aussi prévoir un référendum consultatif.

L’organisation des référendums locaux peut-être décidée à la demande de l’assemblée délibérante


de la collectivité. C’est le cas en Belgique, en République tchèque, en Estonie, en Finlande, en Irlande, au
Luxembourg. En Hongrie, le référendum peut être demandé par le conseil municipal en tant que tel, mais
aussi par un quart de ses membres ou une de ces commissions. En Bulgarie, l’initiative peut provenir d’un
quart des conseillers municipaux, du maire de la municipalité ou du gouverneur de la région. Au Portugal,
elle peut émaner des membres de l’assemblée ou de l’exécutif local. Dans certains Etats, le référendum local
nécessite l’accord des organes législatifs et exécutifs de la commune. C’est le cas en Russie ou encore en
Espagne. Il convient cependant de souligner qu’en Espagne l’organisation d’un référendum local nécessite
l’autorisation du gouvernement national.

La plupart des Etats qui connaissent le référendum régional local prévoient qu’il puisse être demandé par
une fraction du corps électoral. Dans certains cas l’organe délibérant de la collectivité est libre de recourir ou
non au référendum à la suite d’une telle demande, laquelle doit être exprimée par un pourcentage en général
assez faible des électeurs (5 % en Finlande, 1 % en Estonie). En revanche, lorsque la demande de référendum
doit être obligatoirement suivie d’un vote populaire, le nombre de signatures exigées est plus élevé : 30 %

33
En Belgique, le nouveau code de la démocratie locale et de la décentralisation adopté par le gouvernement wallon en novembre 2005 prévoit la possibilité de procéder à
des consultations populaires au niveau des communes.
34
En Bulgarie, l’article 136 de la Constitution de 1991 proclame que « la commune est l’unité administrative et territoriale de base, où se réalise l’autogestion locale. Les
citoyens participent à la gestion de la commune tant par l’intermédiaire des organes d’autogestion locale qu’ils élisent, que directement, par référendum et assemblée
générale de la population ».
35
En France ; l’article 72-1, al.2 de la Constitution prévoit depuis la révision de 2003 que « les projets de délibération ou d’acte relevant de la compétence d’une collectivité
territoriale peuvent, à son initiative, être soumis par la voie du référendum à la décision des électeurs de cette collectivité ».
36
En Hongrie, l’article 31 de la Constitution de 2011 indique que : « (…) les autorités locales sont établies pour administrer les affaires publiques et exercer la puissance
publique au niveau local. Un référendum local peut être tenu sur toute question relevant des fonctions et des compétences des autorités locales telles que définies par la loi. ».
37
Au Portugal, l’article 240 de la Constitution de 1976 (révisée en 1997 et complétée par une loi organique de 2000) est consacré au référendum local :
« 1. Les collectivités locales peuvent consulter leurs citoyens électeurs et soumettre à référendum des matières qui relèvent de la compétence de leurs organes, dans les cas,
les conditions et avec la portée que la loi établira.
2. La loi peut attribuer aux citoyens électeurs l’initiative du référendum. ».

23
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

des électeurs dans les communes jusqu’à 3000 habitants en République tchèque, 20 % en Macédoine, 5 %
toutefois en Arménie et en Russie. En Bulgarie, la demande de référendum doit être soutenue par un quart
des électeurs inscrits au moins mais le conseil municipal n’est obligé d’organiser un vote que si celui-ci est
demandé par la moitié des inscrits. En Belgique et au Portugal, le pourcentage est calculé en fonction de la
population et non des électeurs.

En Allemagne, depuis la réunification, de nombreux « Länder » ont modifié leur charte communale en
incluant progressivement l’initiative populaire et le référendum décisionnel, tout en les dotant de conditions
spécifiques. Si l’on excepte Berlin, dans tous les « Länder » allemands, une fraction du corps électoral peut
susciter l’organisation d’un référendum communal. En règle générale, l’initiative doit émaner d’un groupe
de citoyens représentant 10 % ou 15 % des électeurs inscrits dans la commune avec, le cas échéant, des
assouplissements en fonction de la taille de la commune.
Sept « Länder » prévoient que de tels référendums puissent également être organisés à l’initiative du conseil
municipal, à la suite d’une délibération prise à la majorité simple, ou le plus souvent à la majorité des deux
tiers.

Tous les codes des communes excluent du champ du référendum certains sujets. Outre les questions
budgétaires, le statut juridique des élus et du personnel, ainsi que l’organisation interne de l’administration
municipale, sont généralement exclus les tarifs des entreprises de transport, les arrêtés des comptes des
entreprises communales et les décisions prises dans le cadre de procédures judiciaires.
Lorsque l’initiative émane d’une fraction du corps électoral, la recevabilité de la demande de référendum est
le plus souvent appréciée par le conseil municipal.
La demande de référendum peut notamment porter sur une décision du conseil municipal. Bien que la
demande de référendum soit sans effet suspensif, dans un souci de sécurité financière, la commune s’abstient
le plus souvent d’exécuter la décision attaquée.
Tous les codes des communes précisent que les décisions qui résultent des référendums ont la même valeur
que les arrêtés municipaux, à condition qu’elles aient recueilli la majorité des suffrages exprimés et que la
participation électorale ait atteint un certain pourcentage des électeurs inscrits. En pratique, le nombre de
référendums locaux a considérablement augmenté ces dernières années (plusieurs centaines par an).

En France, la réforme constitutionnelle de 2003 a établi le référendum local décisionnel applicable dans toutes
les collectivités territoriales (régions, départements et communes)38. Il est décidé par l’organe délibérant de la
collectivité, sur proposition de celui-ci ou de son organe exécutif, mais l’initiative des électeurs ne peut pas le
provoquer (à la différence de la consultation prévue par la loi du 13 août 2004). Par ailleurs, le projet soumis
à référendum n’est adopté que si la moitié au moins des électeurs inscrits a pris part au scrutin et s’il réunit
la majorité des suffrages exprimés. Il n’est pas possible non plus d’organiser des référendums décisionnels
durant des périodes électorales ou de campagne électorale. En pratique, les référendums locaux décisionnels
ne sont que très rarement organisés, les élus locaux préférant la procédure du référendum consultatif.

En Suisse, les cantons ne connaissent pas seulement l’initiative populaire constitutionnelle, mais aussi
l’initiative populaire législative qui donne la possibilité aux citoyens de proposer l’adoption d’une nouvelle loi.
Certains cantons ont instauré également le référendum financier – par lequel certaines dépenses publiques
doivent être approuvées par les électeurs – ainsi que le référendum législatif. Dans ce dernier cas, toutes les
lois adoptées par le Parlement cantonal doivent être soumises au vote des électeurs. Au niveau communal, la
situation est plus diverse encore.

En Tunisie, le projet de loi organique relatif au Code des collectivités locales, en cours d’adoption, consacre
pour la première fois l’existence de référendum local décisionnel qui peut être initié par les autorités locales
38
Art . 72-1, al.2 de la Constitution et loi organique n° 2003 – 705 du 1er août 2003.

24
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

ou encore par un dixième 1/10 des habitants de la collectivité sur les programmes et les projets relevant de la
compétence des collectivités (voir infra, page 28).

Certains Etats ont recours assez fréquemment à cet instrument, notamment la Hongrie, les Pays-Bas, la Suède,
l’Allemagne et la Suisse. En revanche, le référendum local reste très occasionnel en République tchèque, au
Danemark, en Belgique, au Portugal, en Pologne et en France. 

Référendum Décisionnel

Portugal Bulgarie France Allemagne Suisse Tunisie

Fondement Constitution des Constitution


n Constitution Constitution Loi-Länder
juridique cantons et loi organique

Groupe
de citoyen
Des membres représentant
Organe
de l’assemblée 10 ou 15%
délibérant de
ou de l’exécutif ¼ des conseillers des électeurs
la collectivité
Initiative local+ 5 000 municipaux ou
sur proposition
inscrits dans la n n
électeurs inscrits du gouverneur commune
de son organe
ou par 8 %
exécutif
d’entre eux Conseil
Municipal

Députés, aux
assemblées Organe Conseil
Décision Autorité locale
délibérantes et délibérant sur Municipal à la
ou 1/10 des
d’organiser un aux exécutifs n proposition majorité simple n
habitants de la
référendum locaux, ainsi qu’à de son organe ou celle des
collectivité
une fraction du exécutif deux tiers
corps électoral

Quorum de + 50% + 50%


+50% n n n
participation des électeurs des électeurs

Local,
Champs du Local Législatif et
Local Local Local Local
référendum et législatif constitutionnel-
et financier
Majorité
requise pour
l’adoption Majorité des
de projet/ n n suffrages n n n

décision exprimés
soumise au
référendum
Fréquence
Nouveau (encore
de recours au
Occasionnel n Occasionnel Fréquent Fréquent sous forme de
référendum projet de loi)
décisionnel

25
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA DÉMARCHE, LES INSTRUMENTS DE LA DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE
ET LEURS FONDEMENTS JURIDIQUES EN DROIT COMPARÉ

E. L’EVALUATION ET LE CONTROLE DE LA GESTION MUNICIPALE


La démarche participative peut s’appliquer jusque dans l’évaluation de la gestion municipale. Les citoyens
peuvent ainsi juger par eux-mêmes de l’efficacité des actions entreprises, des contraintes rencontrées et aider
les autorités municipales à trouver des mesures correctives.

À titre d’exemple, de nombreuses collectivités locales sénégalaises, dont la commune de Saint-Louis, ont
adhéré au programme de Certification Citoyenne mis en œuvre par le Forum civil, section sénégalaise de
Transparency international. Dans chaque collectivité locale partenaire de ce programme, est installé un Comité
local de certification, composé de bénévoles, de représentants d’associations qui sont chargés de l’évaluation
des actes de la gestion publique locale, en recueillant les informations pertinentes sur cette gestion.

En Tunisie, il est prévu un Mécanisme de Gestion des Plaintes (MGP)39 qui doit être mis en place par les
communes dans le cadre de l’approche participative adoptée dans le cadre du Programme de développement
urbain et de gouvernance locale (PDUGL)40. Il doit permettre aux participants de s’informer sur l’avancement des
projets auprès des référents désignés par la commune et d’assurer une certaine continuité dans l’implication
du citoyen durant les différentes phases du projet (étude, construction, exploitation).

De manière plus générale, le projet de loi organique relatif au code des collectivités locales (article 29) prévoit
que : « Les collectivités locales tiennent obligatoirement un registre dédié aux avis des habitants ».

39
Un guide pratique destiné aux communes portant sur les mécanismes de gestion des plaintes a été élaboré et publié sur le site du ministère des Affaires locales et de
l’environnement. Voir : http://www.collectiviteslocales.gov.tn/wp-content/uploads/2015/06/guide-de-gestion-des-plaintes.pdf
40
Un manuel opérationnel est publié sur le site du ministère des Affaire locales et de l’environnement. Il a pour objectif de décrire les modalités de mise en œuvre du
Programme de Développement Urbain et de Gouvernance Locale (PDUGL) du Gouvernement tunisien. http://www.collectiviteslocales.gov.tn/wp-content/uploads/2017/02/
MOP_DE_PDGUL.pdf

26
III
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL

LA MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS


CONSTITUTIONNELLES RELATIVES À LA
DEMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE EN TUNISIE

A. LES REALISATIONS EN MATIERE DE DEMOCRATIE PARTICIPATIVE DANS LE CADRE


DES PROJETS DE DEVELOPPEMENT ET D’AMENAGEMENT DU TERRITOIRE
1. Le Programme de Développement Urbain et de la Gouvernance Locale (PDUGL)
Ce programme du Gouvernement tunisien est établi dans le cadre de la mise en œuvre des dispositions
constitutionnelles prévues par le chapitre VII de la Constitution41. Il se focalise sur la décentralisation, l’adoption
des mécanismes de la démocratie participative et le principe de libre administration des Communes. Il a été
lancé en octobre 2015 par la Caisse des Prêts et de Soutien des Collectivités locales, en collaboration avec
la Direction Générale des Collectivités locales, le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation et la
Banque Mondiale (BM).

Le PDUGL a pour objectif, entre autres, de favoriser la participation des citoyens en incitant les collectivités
locales à adopter des mécanismes participatifs permettant le partage des projets d’investissement avec les
administrés « et d’en obtenir la validation au cours de réunions publiques .Le PDUGL offre conseils et formations
pour l’adoption de méthodes participatives permettant aux collectivités locales de partager leurs projets
d’investissement avec les administrés et d’en obtenir la validation au cours de réunions publiques. C’est dans
ce cadre que toutes les collectivités locales ont élaboré leur programme d’investissement pour l’année 2016,
l’adoption de la démarche participative conditionnant l’octroi des subventions d’investissement. La réforme
des subventions à l’investissement constitue au demeurant la principale action stratégique entreprise par
le gouvernement dans le cadre de ce programme. Elle vise à améliorer l’efficacité du soutien de l’Etat aux
investissements locaux, à accroitre la transparence du processus d’octroi et à introduire progressivement un
système de subventions basées sur la performance.

Par ailleurs, des actions concrètes ont pu être menées, à savoir :


n le renforcement des capacités des collectivités locales par la formation des employés et d’accompagnateurs
techniques et financiers intervenant lors de l’élaboration des plans d’investissement communaux (PIC) et des
Programme d’Appui à l’Intégration et la Compétitivité (PAIC).
n le renforcement des capacités de la société civile partenaire des collectivités locales, par des programmes
de formation visant à un meilleur accompagnement dans le processus d’élaboration et d’évaluation des PIC
et PAIC.
n la mise en place d’un système d’assistance technique au profit des collectivités locales assuré, entre autres,
par la Caisse des Prêts et Soutien des Collectivités locales (CPSCL).
n l’élaboration de guides et manuels opérationnels.

41
Le « Portail des collectivités locales » du ministère des Affaires locales et de l’environnement présente de manière détaillée le PDUGL http://www.collectiviteslocales.gov.
tn/renforcement-des-capacites/ .

27
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES
À LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE EN TUNISIE

2. L’élaboration participative des Plans d’Investissements Communaux (PIC)


Le Plan d’Investissement Communal (PIC) est une méthode de planification permettant de fixer le programme
d’action d’une municipalité sur une période de cinq années.

La circulaire du ministre de l’Intérieur du 14 août 2013, précise les conditions de l’élaboration des PIC pour la
période 2014 – 2018 et insiste sur l’importance de la mise en œuvre d’une approche participative42.

3. Planification sectorielle stratégique et démocratie participative : Le Plan Communal de


Gestion des Déchets (PCGD) et l’exemple de la ville de Sfax

Le PCGD est un outil de planification visant à améliorer les services de la commune en matière de propreté
et de protection de l’environnement. Il développe des outils qui facilitent la maitrise des coûts, la qualité du
service et la participation des citoyens à l’action municipale en la matière. A titre d’exemples, les communes
de Sfax, de Carthage, de Sidi Bou Said et de La Marsa ont déjà mis en place ce Plan43.

B. L’INSTITUTIONNALISATION DES PROCEDURES DE CONCERTATION OBLIGATOIRES


Le projet de loi organique relatif au code des collectivités locales donne un cadre juridique aux processus de
concertation qui doivent être mis en œuvre dans le cadre de l’élaboration des programmes de développement.
L’article 28 du projet dispose en effet que l’adoption des programmes de développement est obligatoirement
soumise aux mécanismes de la démocratie participative.

En effet, ces programmes ne peuvent être élaborés qu’après l’épuisement des procédés de participation
effective des citoyens. Ce qui implique que les collectivités locales prennent toutes les mesures nécessaires
afin d’informer préalablement les citoyens et les organisations de la société civile des politiques publiques et
des programmes de développement et mette en œuvre les moyens de garantir leur participation.

C. LA RECONNAISSANCE DU REFERENDUM DECISIONNEL LOCAL


1. Les conditions du référendum
Une des innovations majeures du projet de code des collectivités locales en cours d’adoption est la
reconnaissance du référendum décisionnel local. Il résulte de l’article 30 du projet de loi organique que
l’initiative du référendum est largement ouverte puisqu’elle peut émaner soit des autorités locales soit des
habitants de la collectivité. D’une part, l’initiative peut émaner du président de la collectivité locale ou du tiers
des membres du conseil de la collectivité. D’autre part, elle peut aussi émaner d’un dixième des habitants.
La notion « d’habitants », qui a été préférée à celle « d’électeurs », est très large puisqu’elle engloberait non
seulement les nationaux, mais également les étrangers qui habitent dans la collectivité44.

Dans l’un et l’autre cas, la décision d’organiser le référendum relève de la compétence du Conseil de la
collectivité qui doit l’approuver, respectivement, à la majorité des deux tiers de ses membres quand l’initiative
42
Voir site internet « Portail des collectivités locales », Ministère des Affaires locales et de l’environnement. http://www.collectiviteslocales.gov.tn/
43
La commune de Sfax a fait participer les citoyens à la procédure d’élaboration du PCGD. En effet, « la municipalité a inclus et intégré la société civile dans toutes les étapes
d’élaboration du PCGD, allant du diagnostic local à la formulation de la vision, des axes stratégiques et du plan d’action. Ce processus a abouti à la création d’un forum
d’associations qui a pour objectif de faciliter et cadrer la coopération entre la commune et les organisations de la société civile ». Voir « La démocratie locale et la participation
des citoyens à l’action municipale. Tunisie », Publication de la Deutsche Gesselschaft für Internationale Zusammenarbeit (GIZ), 2014.
44
Cette question a été débattue au sein de la commission parlementaire en charge de l’examen du projet de Code des collectivités locales et n’a pas été tranchée à la date de
rédaction de la présente publication. Il n’est pas sûr que la notion « d’habitants » soit retenue dans la version du Code qui sera adoptée.

28
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES
RELATIVES À LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE EN TUNISIE

émane du conseil de la collectivité (son président ou le tiers des membres) et à la majorité des membres quand
elle émane des habitants. Il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un référendum d’initiative populaire
puisque le Conseil conserve le pouvoir de décision finale.

Le champ d’application de ce référendum est relativement large puisqu’il peut concerner l’élaboration des
programmes et la mise en œuvre de projets relevant des compétences de la collectivité locale.

Il est prévu une limite temporelle à l’exercice du référendum dans la mesure où il ne pourra être procédé à
un référendum durant la dernière année du mandat municipal ou régional. Le législateur organique entend
ainsi éviter toute interférence entre les élections locales et la consultation populaire. Il s’agit notamment
d’éviter que le référendum local soit en quelque sorte instrumentalisé à des fins électorales par les autorités
locales. Une autre limite, financière celle-là, est posée par l’article 31 du projet de loi organique qui prévoit
que les dépenses liées à l’organisation du référendum sont imputées sur le budget de la collectivité locale. Les
crédits nécessaires à cet effet doivent être disponibles préalablement au commencement de l’organisation du
référendum sous l’égide de l’Instance supérieure indépendante pour les élections.
Les résultats du référendum sont obligatoires, sans qu’aucune condition de quorum en matière de participation
ne soit exigée, contrairement à ce qui est prévu dans de nombreux pays (voir ci-dessus).

2. La constitutionnalité du référendum
La question peut être débattue de savoir si la reconnaissance par le code des collectivités locales tunisiennes
de ce référendum décisionnel local peut s’appuyer sur un fondement constitutionnel.

En droit comparé, on peut constater qu’il n’existe pas toujours de fondements constitutionnels précis à la mise
en œuvre des procédures de démocratie participative locale. Ainsi, en Hongrie, la Constitution ne prévoit pas
la démocratie participative mais celle-ci est pourtant pratiquée. De même, au Danemark, l’initiative populaire
locale est largement pratiquée par les municipalités, sans l’accord des autorités de tutelle, tout en n’étant
encadrée par aucun texte particulier. En France, en revanche, il était admis, avant la révision constitutionnelle
de 2003 qui a consacré les référendums décisionnels locaux, que seuls les référendums consultatifs pouvaient
être institués par la loi (voir supra). Les seuls référendums prévus par la Constitution étaient les référendums
nationaux (articles 11 et 89). L’article 72 de la Constitution de 1958 qui dispose que « les collectivités territoriales
s’administrent librement par des conseils élus » conférait à ces derniers une sorte de monopole pour prendre
les décisions au niveau local.

Qu’en est-il des bases constitutionnelles du référendum décisionnel local en Tunisie ?

Certes, l’article 3 de la Constitution dispose que : « le peuple est le dépositaire de la souveraineté et la source
des pouvoirs qu’il exerce à travers ses représentants ou par référendum » et l’article 51 que : « le peuple exerce
le pouvoir législatif à travers ses représentants à l’Assemblée des représentants du peuple ou par voie de
référendum. ».

Mais ces articles ne sauraient en aucun cas constituer un fondement au référendum décisionnel local. En effet,
celui-ci ne peut être considéré comme un moyen d’expression de la souveraineté du peuple, souveraineté qui
s’exprime de manière indivisible par le référendum national, tel qu’il est prévu expressément par l’article 82
de la Constitution, en matière législative et par l’article 144 de la Constitution en matière constitutionnelle.
Le référendum local ne concerne qu’une partie de ce même peuple (les habitants ou les électeurs de la
collectivité) et il est évident que cette partie ne peut exprimer à elle seule la souveraineté de l’ensemble du
peuple.

29
LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE AU NIVEAU LOCAL
LA MISE EN ŒUVRE DES DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES
À LA DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE LOCALE EN TUNISIE

En réalité, le référendum décisionnel local, tel qu’il est prévu par le projet de code des collectivités locales
ne peut trouver sa source que dans l’article 139 de la Constitution qui prévoit que les collectivités locales
adoptent « les instruments de la démocratie participative ». La question se pose alors de savoir si cet article
est suffisant pour fonder une habilitation au profit du législateur organique lui permettant d’instituer le
référendum décisionnel local. Certes, ce dernier peut être considéré comme un « instrument de la démocratie
participative » si l’on entend cette notion au sens large, telle qu’elle a été précédemment définie. Cependant,
l’instauration du référendum décisionnel local semble aller au-delà de ce qui est prévu par l’article 139 de la
Constitution. En effet, ce dernier dispose que la participation des citoyens et de la société civile s’inscrit dans
le cadre de « la préparation de projets de développement et d’aménagement du territoire et le suivi de leur
exécution ». A priori, il semble que ces dispositions visent les procédures de consultation et de concertation,
voire de contrôle, qui peuvent être instituées par les collectivités. Or, le référendum décisionnel, tel qu’il
est prévu, déborde la consultation ou la concertation dans le cadre de la préparation ou du suivi des projets
puisqu’il aboutit à transférer le pouvoir de décision sur ces projets du Conseil de la collectivité aux électeurs,
ce qui peut sembler en contradiction avec l’article 133 de la Constitution qui dispose que « Les collectivités
locales sont dirigées par des conseils élus ».

En outre, alors que l’article 139 de la Constitution réserve les instruments de la démocratie participative
aux « projets de développement et d’aménagement du territoire » le projet de loi organique prévoit que le
référendum peut concerner « l’élaboration de programmes et la mise en œuvre de projets ayant trait aux
compétences de la collectivité locale » ce qui paraît aller au-delà de l’habilitation constitutionnelle.

Ainsi, alors que le référendum consultatif local aurait pu parfaitement s’inscrire dans le cadre de l’article 139
de la Constitution, le référendum décisionnel ne va pas sans soulever un certain nombre d’interrogations
sérieuses quant à sa constitutionnalité.

30
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