La Finance Islamique Au Maghreb Pourquoi Est-Elle Marginalisée
La Finance Islamique Au Maghreb Pourquoi Est-Elle Marginalisée
La Finance Islamique Au Maghreb Pourquoi Est-Elle Marginalisée
Introduction
1
L’essor de la finance islamique dans le monde n’est plus à contester, ses avantages, ses
perspectives augurent des lendemains meilleurs. Actuellement 800 milliards de dollars, et des
prévisions de 1300 milliards de dollars en 2020, avec un taux de croissance à deux chiffres,
elle va encore gagner de la place, une fois les mécanismes de régulation et les normes
comptables coordonnées au niveau international.
L’objet de cette communication est de dresser un état des lieux de la finance islamique au
Maghreb et s’interroger sur les facteurs explicatifs de sa situation morose et le retard accusé
par rapport aux autres régions du monde.
La finance islamique est également en croissance dans de nouveaux marchés tels que
la Syrie, le Liban, et elle s’exporte aux Etats-Unis, en Europe, la Turquie et le Canada suite à
la très forte augmentation du prix du pétrole ces dernières années et l’excès de liquidités en
provenance des pays du Golfe qui afflué, en partie, vers les grandes places financières
mondiales, suscitant ainsi un intérêt croissant pour cette finance islamique.
En Europe, le Royaume-Uni fait figure de pionnier avec l’adoption rapide de mesures
juridiques et économiques destinées à favoriser l’émergence de la finance islamique. A ce
titre, la place londonienne propose des services et des produits compatibles avec l’esprit de la
finance islamique (ouverture de la première banque islamique en Europe en 2004). 2 De
même, en Allemagne, la prise en compte de ce marché est effective comme le démontrent les
initiatives prises sur le marché des « Sukuk » (produit obligataire islamique). Prenant
pleinement conscience de ces phénomènes, un grand nombre de pays européens examinent les
opportunités de la finance islamique dans les pays industrialisés.
Le graphique suivant montre l’évolution de la taille du marché de la finance islamique
dans le monde.
1
Le Qatar est plus opportuniste dans sa démarche: toute banque peut ouvrir des agences islamiques. Les Émirats
offrent la possibilité de filiales islamiques.
2
Hinda FADHLAOUI, La crise de 2007 : les recommandations de Stiglitz dans la réforme du système bancaire,
Université de Bourgogne, Laboratoire d’Economie et de Gestion, France, p.4.
2
Graphique N°1 : Taille du marché de la Finance Islamique (Total des actifs, milliards de dollars)
Source : Rapport moral sur l’argent dans le monde (2005), Association d’économie financière, Standard &
Poor’s.
L’essentiel de ce marché reste encore très concentré géographiquement : près de deux
tiers des actifs financiers islamiques se situent dans les pays de Golfe et plus de 20% en Asie
de Sud-Est. Ainsi, les deux grands centres de la Finance Islamique, l’Arabie Saoudite et la
Malaisie, qui sont à origine de la création respectivement de 25% et 23% des produits
islamiques, demeurent les principaux moteurs de croissance de ce marché. Le poids relatifs
des actifs islamiques en dehors de ces deux régions reste très faible.
Cette évolution a généré un grand intérêt de la part des acteurs mondiaux de la finance
conventionnelle dans les économies développées qui ont essayé d’augmenter leurs
participations dans les marchés financiers islamiques. Avec la libéralisation accrue, le système
financier islamique est devenu plus diversifié et a gagné de plus en plus de profondeur.
2. Les principaux produits de la finance islamique
Les banques islamiques allouent la majeure partie de leurs ressources dans des opérations
commerciales et d'investissement en utilisant les produits financiers suivants :
Tableau N° 1: Les principaux modes de financement islamique
Mudāraba Capital entièrement fourni par la banque Du côté du passif de la banque, le contrat entre
pour le financement du projet. Partage la banque et le déposant est du type mudāraba
des profits du projet entre la banque et illimité, le déposant acceptant que la banque
l’entrepreneur selon un ratio
utilise librement les fonds déposés dans le
prédéterminé. Pertes du projet
supportées par la banque, sauf s.il y a financement d’une longue liste de projets et
négligence de l’entrepreneur. espérant en retour une part du profit total de la
banque. Du côté de l’actif, le contrat entre la
banque et l’entrepreneur est du type mudāraba
limité, la banque n’acceptant que de financer un
projet bien défini.
Mushāraka Capital procuré par la banque et deux Toutes les parties ont un droit de regard sur la
ou plusieurs partenaires auxquels elle gestion du projet.
s’est associée. Profits et pertes
distribués au prorata des contributions
3
respectives en capital.
Bay ’as-salām Vente à livraison différée. L’acheteur S’applique surtout à des biens agricoles et
ou paie comptant au vendeur le prix manufacturés dont la qualité et la quantité
bay’as-salaf négocié avec promesse du vendeur de peuvent être spécifiées sans ambiguïté.
livrer le bien à terme.
Source : André MARTENS, La finance islamique : Fondements, Théorie et réalité, Centre de recherche et
développement en économique, Université de Montréal, Cahier 20-2001, Septembre 2001, P.13.
Al Baraka détient 15% des parts détenues par les banques privées en Algérie, soit 2% du
marché global. De 2000 à 2010, l’activité de la banque Al Baraka Algérie a connu une
croissance soutenue. Le rendement sur fonds propres est estimé à 30% alors que la moyenne
internationale est de 15 %. Pour le seul produit Murābaha, la banque avait réalisé un chiffre
d’affaires de 6697 millions de dinars durant 2010, soit une hausse de 15% par rapport à la
même période de l’année 2009 3. En dépit des performances réalisées, la banque Al Baraka
Algérie demeure en marge de l’industrie bancaire en Algérie et loin des attentes des Petites
et moyennes entreprises.
5
interviennent en Tunisie en tant qu’institutions offshore, tandis que Bank Zitouna a été créée
en mai 2010 en tant que banque de détail locale pour desservir le marché national. Bank
Zitouna prévoyait de créer 20 succursales au cours de sa première année d’activité.
La banque assure le financement du développement de l’immobilier, des autocars pour
touristes, des équipements et des stocks. À l’instar des autres banques islamiques, ses
méthodes de financement comprennent Murābaha, Ijāra, Mushāraka, Mudāraba et
Istisna’a4.
3.3. Au Maroc
Le Maroc est l’un des rares pays arabes où les banques islamiques ne font pas partie du
système bancaire. Les banques islamiques désireuses de s'installer au Maroc se voient souvent
opposer une fin de non-recevoir par l'autorité monétaire, Bank Al Maghrib (BCM).
Depuis Octobre 2007, « Bank Al Maghrib » a autorisé aux banques de commercialiser
quelques produits financiers islamiques comme première expérience tout en appliquant sur
celles-ci les mêmes législations de tarifications au niveau des taxes et des impôts.
L’expérience a été concluante et a même incité les responsables à signer leur accord pour
ouvrir une structure bancaire islamique.
Ce changement de cap semble avoir été une réponse à la multiplication des canaux
bancaires illégaux qui échappaient à tout contrôle officiel. Le gouvernement marocain avait
en effet observé, ces dernières années, une montée des mouvements fondamentalistes
proposant des prêts exempts d'intérêts et des formes alternatives de financement, en
particulier pour le financement immobilier. Nous soulignons que plus de 30% des marocains
ne souhaitent pas adhérer à des banques traditionnelles pour cause qu’elles utilisent le « Riba
»5.
L'attrait de ce type de financement réside dans le fait qu'il est censé être conforme à la Charia.
Mais de telles pratiques existant en dehors de tout contrôle par les autorités financières sont
ouvertes à des risques de blanchiment d'argent ou de financement d'activités criminelles ou
terroristes.
Outre la bancarisation des nombreux marocains qui règlent encore leurs transactions en
liquide, puisque seulement 20 % de la population du royaume utilise un compte bancaire, les
autorités espèrent aussi, en adoptant progressivement les produits de la finance islamique,
attirer d'avantage de capitaux des investisseurs du Golfe.
Le Maroc pourrait avoir à moyen terme ses premières banques islamiques. Visiblement,
ce dossier est une priorité pour le gouvernement actuel, suivant en cela la volonté de la
formation aux commandes de l’Exécutif, le Parti de la Justice et du Développement (PJD).
C’est justement le groupe parlementaire dudit parti à la Chambre des représentants qui
présentera prochainement une proposition de loi dans ce sens. Ce texte qui vient de faire
l’objet de quelques réaménagements a été élaboré par une équipe d’experts de cette formation
politique chapeautée par le Ministre des affaires générales et de la gouvernance 6. Le projet du
PJD donne la possibilité aux banques conventionnelles de se convertir en banques islamiques.
Cette conversion peut être totale, c’est-à-dire que l’institution se consacre entièrement à ce
nouveau système. Dans ce cas, l’institution n’est pas appelée à se soumettre aux procédures
de création d’une nouvelle banque. Il suffit donc de se conformer aux dispositions de la loi
4
Banque Africaine de développement, Services bancaire et finance islamique en Afrique du Nord : évolution et
perspectives d’avenir, 2011, p.27.
5
Yawatani.com actualité économique marocaine : http://yawatani.com/actualite-economique-marocaine/attijari-
wafabank-lance-une-premiere-banque-islamique.html
6
http://www.lavieeco.com/news/economie/banques-islamiques-la-loi-que-propose-le-pjd-21316.html
6
proposée pour assurer ce transfert. La conversion peut aussi être partielle, dans la mesure où
la banque crée des guichets, des filiales, des caisses ou des fonds d’investissement affectés à
ce type d’activité. Pour cela, l’institution doit se conformer à certaines règles techniques
définies dans le texte.
3.4. En Libye
Il n’existe encore aucune banque islamique en Libye, bien que des initiatives aient été
prises ces dernières années en vue d’ouvrir le système bancaire, qui est essentiellement
étatique. Avant le soulèvement populaire de 2011, Gumhouria Bank a manifesté l’intention de
créer une succursale de prestation de services bancaires islamiques. Bien qu’il existe
d’importantes incertitudes concernant l’orientation de la politique économique et financière
après la chute du régime de Kaddafi, il semble probable que des efforts seront déployés en
vue de mettre en place un système plus libéral, ouvert et, partant, propice au développement
de la banque islamique.
3.5. En Mauritanie
La Mauritanie est l’un des pays les plus pauvres du monde islamique dont la population,
estimée à un peu plus de 3 millions d’habitants, a été frappée de plein fouet par la sécheresse
ces dernières années. La majeure partie de la population n’a recours ni aux banques classiques
ni aux banques islamiques. Cependant, Al Baraka Bank a créé une banque islamique dans le
pays en 1985, la moitié du capital initial ayant été souscrite par des actionnaires saoudiens, 10
pour cent par la Banque centrale et les 40 pour cent restants par des hommes d’affaires
mauritaniens.
Les pays du Maghreb ne figurent même pas parmi les 10 premiers au monde en termes
d’actif conforme à la Chari’a. Tel qu’il ressort du tableau ci-dessus, le classement de l’actif
bancaire islamique dans les pays musulmans de la Méditerranée est très peu honorable et sa
part dans l’actif total nettement à la traîne. Les parts de l’Algérie et de la Tunisie ne s’élèvent
7
qu’à 1,1 et 2,2 pour cent, respectivement. La Libye et le Maroc ne figurent pas dans ce
tableau, car ces deux pays ne comptent aucune banque islamique.
En outre, les services bancaires commerciaux prédominent au Maghreb, par rapport aux
services bancaires de détail, les banques desservant les entreprises publiques et un secteur
privé restreint. Les services bancaires de détail qui satisfont les besoins personnels des classes
moyennes sont moins développés que dans le Golfe ou en Malaisie, ce qui reflète en partie la
situation économique moins aisée de la majorité de la population. Cependant, dans le Golfe et
en Malaisie, c’est le modèle islamique de détail qui a été couronné de succès, les
fonctionnaires et les gestionnaires du secteur privé recevant leurs salaires par le truchement de
comptes bancaires personnels et recherchant des financements pour l’achat de logements et de
véhicules. Les banques islamiques ont mis l’accent sur ce type d’activité, mais l’expérience
du Golfe ne peut être transférée facilement dans un environnement financier aussi différent
que celui de l’Afrique du Nord8.
L’analyse de la situation de la finance islamique dans les pays du Maghreb montre que ce
marché accuse un retard énorme par rapport aux autres régions du monde. De nombreux
facteurs expliquent cette situation, ces facteurs se résument dans l’absence d’un cadre
réglementaire, fiscale et comptable approprié à l’activité des banques islamique, manque
d’aboutissement des expériences des banques déjà en place.
a) Contraintes juridiques
Les problèmes juridiques ne permettent pas à la finance islamique de se développer dans les
pays où la législation ne convient pas aux principes de cette finance basée sur les préceptes de
la Charia. La conformité des opérations d'une banque à la réglementation qui les gère leur
donne un caractère légal et garantit à la banque ses droits en cas de litige. Les principes de
fonctionnement des banques islamiques confèrent à leurs produits quelques particularités.
En Algérie, le représentant d’Al Baraka estime que la législation algérienne ne tient pas
compte du fonctionnement particulier des banques islamiques 9 . L’ordonnance du 26 août
2003 relative à la monnaie et au crédit ne prévoit pas de «dispositions particulières pour les
activités bancaires régies par la Chari’a ». Le texte «gagnerait à être revu pour intégrer des
7
Rapport de la Banque Africaine de développement : Services bancaires et finance islamiques en Afrique du
Nord : Évolution et perspectives d’avenir, 2011, p. 21.
8
Idem
9
Aussi, le représentant de Salam, l’autre banque islamique activant en Algérie indique que les banques
islamiques évoluent dans un espace réduit
8
dispositions permettant à ces opérations de banques l’ancrage légal dont elles sont
dépourvues».
L'article 66 de l'ordonnance 03-11 du 26 août 2003 relative à la monnaie et au crédit indique
que "Les opérations de banque comprennent la réception de fonds du public, les opérations de
crédit ainsi que la mise à disposition de la clientèle des moyens de paiement et la gestion de
ceux-ci". L’analyse des articles définissant l’activité de mobilisation et d’affectations de
fonds montre l’incompatibilité du banking islamique avec cette réglementation de nature
conventionnelle.
En effet, la réception de fonds du public par les banques islamiques peut se faire selon
différents principes suivant les types de dépôts. Ainsi, les dépôts en comptes à vue sont
garantis et gérés avec l'engagement de restituer l'intégralité du principal déposé à la demande
des titulaires des comptes. Les comptes rémunérés sont gérés sur la base de Mudāraba, leur
principal n'est en aucun cas garanti et leur rémunération n'est pas certaine car elle dépend en
premier lieu des résultats de l'activité de la banque. Dans les banques conventionnelles, tous
les dépôts sont garantis par défaut.
Dans l'ordonnance 03-11, l'article 67 précise que "Sont considérés comme fonds reçus
du public les fonds recueillis de tiers, notamment sous forme de dépôts, avec le droit d’en
disposer pour son propre compte, mais à charge de les restituer. Toutefois, ne sont pas
considérés comme fonds reçus du public, au sens de la présente ordonnance : les fonds remis
ou laissés en compte par les actionnaires détenant au moins cinq pour cent (5%) du capital,
les administrateurs et les gérants ; et les fonds provenant de prêts participatifs."
La lecture de cet article montre que les dépôts participatifs et les fonds reçus du public
ne sont pas similaires. Cela introduit une différenciation de base dans le traitement
opérationnel de ces deux catégories de comptes. En conséquence, toutes les mesures légales
prises concernant les dépôts tels que définis dans cette loi ne peuvent pas être appliquées aux
dépôts Mudāraba. Ces derniers doivent bénéficier d'un régime à part les spécifiant. Cette
particularité est confirmée par l’article 73 de la même ordonnance qui stipule ce qui suit :
"Par dérogation aux dispositions concernant les souscriptions, les banques et les
établissements financiers peuvent recueillir du public des fonds destinés à être placés en
participations auprès d’une entreprise selon toutes modalités légales telles qu’en actions,
certificats d’investissement, parts de sociétés, commandites ou autres.
Cependant, ces fonds sont réglementés de manière draconienne10. La pratique de la
banque Al Baraka d'Algérie est autre que celle-ci. Cette dernière reçoit tous les dépôts au
même sens que celui défini par l'article 67. Même la Banque d'Algérie ne tient pas compte de
la différence de principe dans la gestion de ceux-ci; qu'ils soient garantis ou pas, elle leur
impose, tous, un traitement similaire. Ainsi, par exemple, les réserves obligatoires sont
calculées sur l'ensemble des dépôts de la clientèle, et la prime de garantie payée à la SGDB
est acquittée aussi sur tous les dépôts quelque soit la forme.
Ce traitement entraine un manque à gagner pour la banque et les déposants. En effet,
en payant les réserves obligatoires sur l'ensemble des dépôts, la banque gèle une partie de ses
fonds de manière injustifiée. De surcroît, même si ils sont rémunérés, la rémunération en
terme de taux chez Al Baraka est refusée, soit acceptée mais versée dans le compte de
produits à liquider ; c'est-à-dire que dans tous les cas, la banque n'en bénéficie pas.
Concernant la prime de garantie, celle-ci est ponctionnée sur les revenus des déposants en fin
d'année. Tout ça affecte directement ou indirectement les déposants qui ne peuvent bénéficier
d'une meilleure rémunération.
En outre, le financement tel que défini par l'ordonnance 03-11 dans l'article 68 limite
certains produits islamique. En effet cet article stipule : "Constitue une opération de crédit, au
10
Voir les conditions énoncées dans l’article 73.
9
sens de la présente ordonnance, tout acte à titre onéreux par lequel une personne met ou
promet de mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de
celle-ci, un engagement par signature tel qu’aval, cautionnement ou garantie. Sont assimilées
à des opérations de crédit, les opérations de location assorties d’options d’achat, notamment
le crédit-bail. Les attributions du Conseil s'exercent à l'égard des opérations visées dans cet
article." Positionnant maintenant les modes de financements islamiques dans le sens de cet
article.
Les financements à marge fixe (Mudāraba, Bay’as-salām et istisna’) confèrent à la banque
un caractère de commerçant avec toutes les responsabilités et les droits qui lui incombent. Ces
précisions nous laissent repenser à la légalité de la pratique de ces produits par les banques
islamiques, car la réglementation ne permet pas à une banque de mener des opérations de
commerce de manière extensive et habituelle. Une exception est à noter, les opérations de
crédit-bail correspondent aux opérations d’Ijāra. Celles-ci sont de nature conforme à la
charia. La banque Al Baraka d'Algérie les effectue suivant la réglementation en vigueur qu'est
l'ordonnance 96-09 du 10 Janvier 1996 relative au crédit-bail.
Les financements participatifs, Mudāraba et la Mushāraka, entrainent la banque
directement dans le financement par capital en s'engageant avec ses propres fonds ou ceux des
clients qui leur ont confié la tâche. Cet aspect de l'activité dans les banques est autorisé par
l'article 73 sus cité. Cependant, au sens de l'article 75 , elle ne peut pas être exercée à titre
habituel. Celle-ci ne doit représenter qu'une infime partie dans les financements qu'opèrent les
banques. Portant, l’originalité du financement islamique réside dans les financements
participatifs
11
Elmostali, H : « Les produits alternatifs en mal de décollage », Ecole de Management, Maroc
10
réguler le système bancaire islamique, doit dicter les règles capables de couvrir toutes les
facettes de l’aspect régulateur du système bancaire islamique
Ces banques ne peuvent détenir des bons du Trésor des intérêts à payer ou accepter un
paiement d’intérêts sur leurs dépôts auprès de la banque centrale. Une solution de ce
problème à court terme est les Sukuk souverains ou des valeurs mobilières islamiques que les
banques islamiques peuvent légitimement s’approprier et s’échanger. Et encore une fois, les
régimes juridiques et réglementaire actuels sont insuffisants à cet égard. D’où le problème
important de manque de bases légales et réglementaires pour la finance islamique.
b) Contraintes fiscales
La première conséquence directe, est que cette pratique oblige la banque à gérer deux
formes de comptabilités et donc de comptes. Ce qui impose d'un côté des coûts
supplémentaires en terme de temps et de main d'œuvre, et augmente, de l'autre, les risques de
détournements et de dissimulation. Ensuite, aux yeux du public la spécificité essentielle de la
banque disparaît. En effet, ce dernier aura du mal à distinguer le caractère islamique de cette
banque. Donc, afin de retrouver les produits islamiques et leurs spécificités, celui-ci devrait
faire des efforts particuliers, alors qu'en principe les documents comptables doivent être
transparents, clairs et précis. Cela joue essentiellement sur l'image de la banque et son état
informationnel.
4.2. Modèle bancaire adopté ne répond pas aux attentes des populations
11
Les frais de transactions et le coût fiscal supplémentaire pèsent lourd sur le coût de
produits financiers islamiques et les pénalisent sur le plan concurrentiel en matière de prix.
Ainsi s’ajoute la rémunération du risque que supportent les banques islamiques. En outre, le
modèle bancaire adopté par les banques islamique installées au Maghreb, axé sur les modes
de financement à revenu fixe, ne répond pas aux attentes des agents économiques.
12
Idem
13
Abdelhafid BENAMRAOUI, «Islamic banking: the case of Algeria», International Journal of Islamic and
Middle Eastern Finance and Management, Volume1, Number 2, 2008, pp. 113-131.
12
Quant au financement à long terme, il est entièrement réalisé avec les formules
Istsna’a et Ijāra (leasing) la Mushāraka et la Mudāraba ne sont pas du tout appliquées.
Tableau N° 4: Les financements à long terme par type de produits (en million de
dinars)
Types de financement 2007 Taux 2008 Taux
Istisna’a 12 4,86 11 1,64
Ijāra wa iktinā 235 95,14 660 98,36
Total 247 100% 671 100%
Source : Rapport annuel de la banque Al Baraka, 2008.
Il a été rapporté que c'est le Prophète Mohamed qui a été le premier pionnier du micro
crédit, en donnant un jour 2 dirhams à un fidèle : 1 dirham pour se nourrir, et 1 autre dirham
pour acheter un outil de travail afin d'exercer une activité génératrice de revenus permettant à
ce dernier de se prendre en charge durablement14.
14
Hakim MELIANI et Ahmed AGHROUT, « Développement de la micro-finance islamique-défis et
perspectives », 2ème colloque international sur la crise financière actuelle et les alternatives financières et
bancaires, Université de Khemis Miliana, le 5 et 6 mai 2009.
13
L’offre de micro-finance islamique se concentre dans quelques pays. L’Indonésie, le
Bangladesh et l’Afghanistan représentent 80% de l’ensemble de la micro-finance mondiale.
Dans quelques pays du Golf, les banques commerciales islamiques ont commencé à offrir des
services de micro-finance islamique. À titre d’exemple, la Tadhamon International Islamic
Bank du Yémen a ouvert fin 2006 une division micro et petites entreprises. Par ailleurs,
certaines banques islamiques envisagent de proposer des produits de micro-finance islamique
autres que le microcrédit. Le 20 janvier 2008, la Noor Islamic Bank et le Emirates Post
Holding Group ont annoncé qu’ils avaient l’intention de créer une entreprise offrant des
services bancaires compatibles avec la charia aux segments de la population dont le revenu est
le plus faible aux Émirats arabes unis. Dans tous les autres pays, la micro-finance en est
encore à ses balbutiements, aucune institution d’envergure n’offrant ses services sur une base
régionale et nationale15.
Une enquête du CGAP, a révélé que 70% des opérations en micro-finance islamique
étaient faites sous forme de Murābaha, et que 80% des crédits étaient octroyés en Indonésie,
au Bangladesh ou en Afghanistan. La même enquête rapporte que la demande sur les produits
de micro-finance islamique est forte dans des pays comme la Palestine, la Syrie, la Jordanie
ou l'Algérie. L'expérience dans ces pays a aussi montré que les emprunteurs avaient tendance
à préférer les produits islamiques dès que ceux-ci étaient disponibles17.
4.3. La confusion apparente entre finance islamique et terrorisme
15
Le système bancaire islamique, Guide à l’intention des petites et moyennes entreprises, Centre du Commerce
International, Genève, 2009.
16
14
Depuis le 11 septembre 2001, la finance islamique a connue de grands obstacles à
cause de l’amalgame entre, Islam ou finance islamique et terrorisme ou extrémisme religieux.
Le rapatriement des fonds islamiques après le 11 septembre 2001 sont le résultat des obstacles
et de mécompréhension de sa nature. Quelques années plus tard, on voit les pays développés
font appel à la finance islamique et ses fonds « La stigmatisation de l’islam post-11 septembre
a apporté sa pierre à l’édifice, suscitant un rapatriement massif de liquidité vers le monde
musulman »18.
Le principe du contrat sacré et de la transparence sur lequel se base les opérations des
institutions financières islamiques est une réponse claire à cette inquiétude.
Les inquiétudes ont plus alimenté l’islamophobie dans le monde non musulman. Réduire
l’islamophobie est le rôle des intellectuels du monde musulman de même pour les décideurs
avec des plans forts de communication qui peuvent être mené afin de sensibiliser les gens
partout dans le monde et c’est ainsi que cette finance se développera dans un climat de
confiance réciproque.
19
Jérôme LASSERRE CAPDEVILLE, « La finance islamique : une finance douteuse ? », Les cahiers de la
finance islamique N °2, Université de Strasbourg, 2010.
20
C’est ainsi qu’aux Etats-Unis, à la suite de ces attentats, la priorité fut de montrer que la finance islamique était
différente et indépendante du financement du terrorisme, F. Coste, L’émergence de la finance islamique aux
Etats-Unis et en Angleterre : in La finance islamique à la française. Un moteur pour l’économie. Une alternative
éthique : éd. Secure Finance, 2008, p. 138.
15
Islamique et, d’autre part, l’intégrisme religieux et le financement du terrorisme. Or, rien, ni
dans la théorie, ni dans la pratique, ne permet d’établir un lien quelconque entre ces deux
phénomènes »21.
L'assurance islamique est née au Soudan au début des années 80 et s'est développée
rapidement dans l'Asie du Sud-Est et dans le Golfe. L’assurance takaful est considérée comme
étant un substitut à l’assurance classique, un facteur incontournable de développement de
l’assurance vie dans les sociétés musulmanes et un catalyseur des progrès de la
bancassurance. L'industrie mondiale de l’assurance Takaful poursuit sa trajectoire de
croissance avec plus de 195 opérateurs dans le monde et une évolution de 18% en 2009, cette
évolution était dynamisée par un renouveau religieux qui intervient dans un contexte
économique favorable.
Depuis le lancement des produits Takaful, le taux de croissance enregistré a été très
élevé et sa part dans le portefeuille des assurances de personnes de la société Salam
Assurances a dépassé les 32% en 2010 (contre 34% en 2009). L’amélioration du cadre
réglementaire et prudentiel de ce type de produit pourra donner un coup d’accélérateur aux
assurances de personnes en Algérie.
21
Enjeux et opportunités du développement de la finance islamique pour la place de Paris, Rapport remis à Paris
Europlace par Elyès Jouiny et Olivier Pastré, novembre 2008, p. 17. Rapport disponible sur le site de Paris
Europlace à l’adresse suivante : http://paris-europlace.net/links/doc063972_fr.htm.
22
Mohamed BENARBIA, Les perspectives de développement de l’industrie des assurances en Algérie et les
reformes nécessaire pour promouvoir ses capacités concurrentielles, Colloque international sur : « Les sociétés
d’Assurances Takaful et les sociétés d’assurances Traditionnelles Entre la Théorie et l’Expérience Pratique ».
16
En Tunisie, la première banque islamique tunisienne a reçu le feu vert des autorités
monétaires pour le lancement d’une compagnie d’assurances, Takaful, ce qui lui assurerait à
terme un leadership national dans la bancassurance.
Au Maroc, la réflexion sur l'assurance islamique «Takaful» en est juste à ses
balbutiements. Il y a à peine un an et demi, en effet, que les acteurs économiques ont
manifesté un réel intérêt pour la finance islamique.
L’essor de la finance islamique dans le monde n’est plus à contester, ses avantages, ses
perspectives augurent des lendemains meilleurs. Actuellement 800 milliards de dollars, et des
prévisions de 1300 milliards de dollars en 2020, avec un taux de croissance à deux chiffres,
elle va encore gagner de la place, une fois les mécanismes de régulation et les normes
comptables coordonnées au niveau international.
A-t-elle, cependant, un avenir qu’on pourrait considérer comme étant prometteur dans
les pays du Maghreb?
23
Djameleddine LAGUERE, Takaful comme alternative à l’assurance traditionnelle, Colloque international
sur : Les sociétés d’Assurances Takaful et les sociétés d’assurances Traditionnelles Entre la Théorie et
l’Expérience Pratique, Université de Sétif- Algérie, 25 et 26 avril 2011.
17
prêt. Ce projet de Loi sera proposé prochainement au Parlement l’année 2013 verra la
naissance d’une finance islamique au Maroc.
Dans ce sens, un ensemble de conditions doivent être remplies pour que la finance islamique
émerge dans les pays du Maghreb.
- Aménager le cadre réglementaire pour tenir compte de la spécificité des banques islamique
Conclusion
Il ressort de cette étude que la finance islamique au Maghreb est peu développée et
accuse un retard énorme par rapport aux autres régions du monde. La réglementation
bancaire inappropriée, les contraintes fiscales, l’imposition de la tenue d’une comptabilité
conventionnelle et le manque de qualification du personnel n’ont pas permis aux
institutions financières islamique installées au Maghreb d’exercer pleinement leur rôle
d’intermédiaire financier, en conséquence ces banques islamiques perdent en compétitivité en
appliquant des cout très élevés . Le modèle bancaire islamique de détail qui a été couronné
de succès dans les pays du Golf n’est pas reproduit dans les pays Maghrébins et l’essentiel
des produits de financement proposés sont basés sur la formule Mourabaha, tandis que la
Mushāraka est très peu utilises. Pourtant les Petites et Moyennes Entreprises de la région sont
assoiffées de sources de financement participatif, considéré comme l’instrument financier
islamique le plus fidèle aux préceptes fondamentaux de l’Islam et le plus appropriés aux
besoins de financement exprimés par les PME.
En outre, les services de micro- finance islamique sont inexistant alors que le la
pauvreté touche une bonne partie de la population de la région. L’assurance Takaful, qui a
connu un développement spectaculaire ces dernières années dans le secteur assurentiel
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mondial, n’a pas émergé dans la région du Maghreb, pourtant ce secteur dans certains pays
tel que l’Algérie affiche un très faible taux de pénétration. Les instruments financiers Sukuk
ne sont pas également commercialisés.
Les institutions financières islamiques dans les pays du Maghreb peuvent contribuer à la
création d’opportunités d’emplois en favorisant la création de petites et moyennes entreprises,
des projets de développement local, à travers l’activation des produits financiers islamiques
les plus adéquats aux besoins des entreprises, entre autres Al Mushāraka et Al Mudāraba. Ces
institutions peuvent faire la collecte de la Zakât (Sandouk al-zakât), des aumônes, des dons et
Waqfs pour redistribuer les richesses et augmenter des revenus des familles pauvres vivant
notamment en milieu rural et dans des régions reculées, elles peuvent aussi financer des
dépenses des collectivités par l’émissions de Sukuks (obligations islamiques), …
Bibliographie
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