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Synthèse 4 Pages MI Thérapies de Conversion - Version Définitive

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Mission d’information flash de la commission des lois

sur
les pratiques prétendant modifier l’orientation
Décembre
sexuelle ou l’identité de genre d’une personne
2019
Rapporteure : Rapporteur :
Mme Laurence Vanceunebrock M. Bastien Lachaud

Groupe La République en Marche Groupe La France Insoumise

Pourquoi cette mission ?

En 2015, un rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a appelé
les États à interdire les « thérapies de conversion ». L’an dernier, le Parlement européen a
largement voté une motion appelant les pays membres à prononcer cette interdiction.

Alors que plusieurs États ont déjà affirmé dans leur droit l’interdiction de ces « thérapies » et
que d’autres sont en train d’en débattre, le droit français ne dispose pas d’un délit spécifique
condamnant ces « thérapies », et les pouvoirs publics connaissent mal ce phénomène qu’ils ne
mesurent ni ne surveillent.

Cette mission avait ainsi pour objectif de mieux connaître l’ampleur de ce phénomène.

I. Les « thérapies de conversion » couvrent un


ensemble large de pratiques aux contours mal Ces diagnostics s’inspirent en général des
définis enseignements religieux et, singulièrement,
d’une interprétation littéraliste, obsolète et
Des pratiques rétrogrades contestée de plusieurs textes sacrés des trois
monothéismes condamnant l’homosexualité.
Bien que l’homosexualité ne soit plus classée
parmi les pathologies psychiatriques depuis 1992 Des « thérapies » religieuses, médicales,
en France, l’audition de plusieurs victimes a sociétales
permis de constater que les pratiques qui
intéressent la mission reposent le plus souvent Dans l’imaginaire collectif, les « thérapies de
sur une conception fausse de l’homosexualité, conversion » renvoient surtout à des faits de
toujours considérée, à tort, comme une maladie. torture et de séquestration dont ont été victimes
les personnes homosexuelles dans la deuxième
moitié du XXème siècle. En France, ces
« thérapies » couvrent aujourd’hui un spectre
–2–

très large de pratiques, que l’on peut classer soient parfois organisées au sein du cercle
selon qu’elles sont d’inspiration religieuse, familial, ou avec l’aide de membres de la
médicale ou sociétale. famille, participe aux violences psychologiques
que subissent les victimes, qui se trouvent
Les thérapies religieuses sont notamment le souvent sous emprise de l’auteur de ces
fait des groupes d’origine américaine Courage et pratiques.
Torrents de vie, mais la mission a constaté que
des dérives existent également parmi le courant
des « Attestants », et touchent aussi des Des pratiques mal mesurées, mais qui
personnes de confession juive ou musulmane. semblent prendre de l’ampleur

Il n’existe pas de mesure objective des


Ces « thérapies religieuses » recouvrent des
« thérapies de conversion » en France. Ce
pratiques d’une grande diversité, à l’instar des
constat s’explique notamment par l’absence
retraites spirituelles où se succèdent des temps
d’infraction spécifique qui empêche la collecte
de prière et d’adoration et des moments
statistique, mais également par la crainte des
d’échanges particuliers avec un « père
victimes, qui sont parfois dans un tel état de
spirituel », mêlant dangereusement des éléments
fragilité qu’elles n’osent pas déposer plainte par
de psychologie et de spiritualité. Un
peur de représailles.
accompagnement régulier est également proposé
par certains groupes qui appellent les personnes Les travaux de la mission suggèrent
homosexuelles à la chasteté, ou plutôt à la néanmoins que ces pratiques s’étendent et
continence. La mission a également entendu des prennent une ampleur inquiétante. La mission a
témoignages de personnes ayant été victimes ou eu à connaître d’une centaine de faits et la ligne
témoins d’exorcismes, et a pris connaissance de d’écoute de l’association le Refuge enregistre en
faits de viol, d’excision et d’appel au djihad. moyenne une dizaine d’appels chaque mois en
2019, en forte hausse par rapport aux années
La mission a auditionné deux victimes de
précédentes.
« thérapies médicales » : l’une a subi des séances
de semi-hypnose à l’occasion desquelles des
messages à connotation sexuelle lui étaient Un droit peu lisible, des victimes peu enclines
répétés ; l’autre a subi plusieurs séances à porter plainte
d’électrochocs tout en étant soumise à des Le droit pénal permet déjà de sanctionner
charges médicamenteuses importantes. certaines pratiques, à l’instar de l’abus de
faiblesse, des faits de violence, de l’exercice
Les rapporteurs ont également entendu
illégal de la médecine et de l’escroquerie.
plusieurs exemples de « thérapies sociétales »,
c’est-à-dire l’obligation, au sein d’un groupe Toutefois, en dépit de la multitude
d’individus, d’adopter la norme hétérosexuelle d’infractions rattachables aux « thérapies de
sauf à risquer l’exclusion. De telles pratiques se conversion » qui peuvent déjà faire l’objet d’une
caractérisent par exemple par le recours à des sanction pénale, plusieurs victimes ont découvert
mariages forcés. que les « thérapies » qu’elles ont vécues étaient
pénalement répréhensibles longtemps après les
Des « thérapies » qui ne guérissent pas faits et l’une d’elle l’a même appris grâce à
De l’aveu des victimes et des associations l’attention médiatique récente sur ce sujet.
LGBT auditionnées, ces pratiques ne permettent Toutes ont estimé que la création d’un délit
pas de modifier l’orientation sexuelle des spécifique permettrait d’adresser un signe clair
participants, mais contribuent en revanche à aux auteurs et aux victimes de ces « thérapies ».
accentuer leurs souffrances. Les personnes qui
ont participé à ces « thérapies » peuvent souffrir
durablement de dépression et de troubles de la
personnalité et peuvent également nourrir des
idées suicidaires. Le fait que ces « thérapies »
–3–

II. Les travaux réalisés par la mission mettent L’amélioration de l’information destinée au
en évidence la nécessité d’agir grand public

L’instauration d’un délit spécifique dans le Les cours d’éducation à la sexualité ne sont
code pénal pas assurés dans tous les établissements qui en
ont pourtant l’obligation. Lorsqu’ils le sont, ces
Un délit spécifique affirmant, en droit pénal, cours se focalisent surtout sur les questions liées
l’interdiction des « thérapies de conversion », à la biologie et aux infections sexuellement
aurait une valeur symbolique forte. Il aurait transmissibles, laissant de côté les enjeux relatifs
également un rôle pédagogique en informant les aux discriminations contre les personnes LGBT.
personnes subissant ces pratiques et leurs auteurs
qu’elles sont répréhensibles. Elle pourrait ainsi Ces enseignements doivent impérativement
libérer la parole des victimes et mieux être assurés, notamment dans les établissements
sensibiliser les associations LGBT, encore trop privés sous contrat où les inspections semblent
peu informées. La mise en place d’une infraction ne pas être effectuées à une fréquence suffisante,
spécifique permettrait également d’améliorer la alors même que le contenu de ces cours peut se
lisibilité statistique de ce phénomène. révéler en contradiction avec l’enseignement
religieux qui y est prodigué.
Le durcissement de l’arsenal juridique
existant Il est également nécessaire d’intensifier la
politique publique de lutte contre les LGBT-
Plusieurs modifications du droit pénal phobies. Le plan de mobilisation contre la haine
peuvent être envisagées : et les discriminations anti-LGBT adopté par la
DILCRAH en 2017 prévoit de mener une
– le délit de harcèlement sexuel pourrait être campagne de communication « contre la haine et
complété afin d’y assimiler également la volonté toutes les formes de discriminations anti-
de transformer l’orientation sexuelle ou l’identité LGBT » qui n’a pas encore été mise en œuvre, et
de genre d’une personne voire, sous certaines qui doit intégrer cette problématique.
conditions, les discours prônant la chasteté ;
Un meilleur encadrement de la pratique des
– une circonstance aggravante pour les faits
professionnels
de violence réalisés sur des mineurs de 16 à 18
ans pourrait également mieux les protéger.
Pour lutter contre les abus médicaux, un
meilleur encadrement de l’activité des
Une meilleure mesure du phénomène
professionnels de santé semble s’imposer. Le
Les pouvoirs publics doivent mener une étude code de déontologie médicale pourrait être
d’ampleur et mobiliser à cette fin l’ensemble des modifié afin d’y introduire explicitement
acteurs pouvant être concernés, à l’instar, entre l’interdiction des « thérapies de conversion ».
autres, des agences régionales de santé, des
directions de la cohésion sociale et des Il apparaît aussi nécessaire de renforcer la
départements. Chaque administration doit formation de tous les professionnels concernés et
également, dans son domaine de compétence de mieux les sensibiliser à l’existence et aux
propre, se saisir de ce sujet et faire remonter les différentes formes que revêtent ces « thérapies ».
chiffres et les faits dont elle pourrait avoir
connaissance. L’accueil des victimes par les policiers et les
gendarmes pourrait également être amélioré,
d’une part par le renfort du réseau de référents
LGBT et, d’autre part, par l’instauration d’une
ligne téléphonique consacrée aux LGBT-
phobies.
–4–
Les 11 orientations principales retenues par la mission

Instaurer une infraction spécifique au sein du code pénal visant à réprimer les
1 « thérapies de conversion ».

Étendre la circonstance aggravante qui existe déjà pour les faits de violence sur des
2 mineurs de moins de 15 ans aux 16-18 ans, particulièrement sujets à ces « thérapies ».

Considérer comme du harcèlement sexuel la volonté de transformer l’orientation


3 sexuelle ou l’identité de genre voire, sous certaines conditions, les discours prônant la
chasteté.

4 Instaurer une enquête systématique sur ce phénomène en mobilisant tous les acteurs
pouvant être concernés.

Veiller à ce que les cours d’éducation à la sexualité soient assurés dans tous les
5 établissements publics et privés sous contrat et qu’ils intègrent la problématique des
LGBT-phobies.

Engager une réflexion sur les interventions en milieu scolaire des associations LGBT,
6
qui éprouvent des difficultés à intervenir dans les écoles confessionnelles.

Mener à bien la campagne de communication prévue par le plan de mobilisation


7 contre la haine et les discriminations anti-LGBT de 2017 et en y intégrant la question
des « thérapies de conversion ».

Modifier l’article 7 du code de déontologie médicale concernant la non-


8 discrimination des patients afin d’y mentionner l’interdiction des « thérapies de
conversion » ou, au moins, modifier son commentaire à cette même fin.

Renforcer l’information et la formation de tous les professionnels concernés,


9 notamment la formation continue qui n’intègre pas toujours de modules dédiés aux
LGBT-phobies et encore moins aux « thérapies de conversion ».

Améliorer l’accueil des victimes dans les commissariats et les gendarmeries en


10 renforçant le réseau de référents LGBT et en donnant aux personnels référents les
moyens de mener à bien leur mission.

Étudier la faisabilité d’une ligne d’écoute dédiée aux LGBT-phobies afin de faciliter
11 le dépôt de plainte.

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