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Histoire Pensee Economique

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Histoire de la pensée économique

sément le “climat” d'une époque. Relier les phases succes-


sives de la pensée économique aux mœurs intellectuelles et
sociales de leur temps, expliquer, avant même d'exposer et
pour mieux exposer : telle voudrait être notre démarche.
Schumpeter lui-même nous a donné l'exemple, dans son
“Histoire de l'analyse économique” [4] en replaçant ses ana-
lyses des théories économiques dans leur “intellectual sce-
nery ” ».
De ce point de vue, on peut articuler la présentation de
l'évolution de la pensée économique en 5 grandes phases
historiques :

1. Jusqu'au XVIe siècle, la pensée économique n'est


pas formulée en tant que telle. Il s’agit généralement
d'un prolongement de l'analyse philosophique, his-
torique ou politique.
2. De la fin du XVIe siècle au début du XVIIIe siècle,
la pensée économique émerge en tant que forme
d'analyse spécifique, dans le cadre de la doctrine
mercantiliste. Antoine de Montchrestien invente
ainsi le terme Économie politique pour qualifier son
Ce modèle est-il pertinent ? Cliquez pour en voir d'autres. approche scientifique.
3. Au XVIIIe siècle, la pensée économique s’affirme
Cet article ou une de ses sections doit être recyclé (indiquez comme discipline indépendante, dotée d'institutions
la date de pose grâce au paramètre date). autonomes (revues scientifiques…). Formalisé par
Une réorganisation et une clarification du contenu pa- Adam Smith, le paradigme libéral ou classique
raissent nécessaires. Discutez des points à améliorer en contribue à la détacher définitivement de l'analyse
page de discussion ou précisez les sections à recycler en politique.
utilisant {{section à recycler}}. 4. Au XIXe siècle, la révolution financière et la
L'histoire de la pensée économique appartient à la fois révolution industrielle contribuent à une remise en
au domaine de l'Histoire et à celui de l'économie. Elle s’at- cause partielle du paradigme classique. Des théo-
tache à présenter et à comprendre l'évolution des formes ries alternatives (réformisme, socialisme, marxisme)
et des contenus de la pensée économique. (voir aussi plaident en faveur d'une action étendue de l'État
Histoire de la philosophie, Histoire des sciences) pour réguler les activités économiques.
En tant que discipline historique, elle utilise la chronolo- 5. De la fin du XIXe siècle à aujourd'hui, on assiste
gie et « exige de constantes références à l'histoire générale à la coexistence de plusieurs paradigmes concur-
et à l'histoire des faits économiques »[1] . En tant que disci- rents : néo-classicisme, keynésianisme, libertaria-
pline économique, elle ne peut s’affranchir « des auteurs nisme… La pensée économique tend également à se
eux-mêmes dont il faut connaitre les doctrines. (.…) Or décanter en une multitude de spécialités et de pro-
les économistes, depuis qu'il en existe se divisent en écoles grammes théoriques.
qui se disputent et s’opposent sur les points les plus fonda-
mentaux »[2] . Ainsi les thématiques étudiées par elles sont Keynes[5] souligne l'importance d'une bonne connais-
souvent marquées par la succession et souvent la contro- sance de l'Histoire de la pensée en général et de la pen-
verse entre plusieurs paradigmes. sée économique en particulier : « …les idées, justes ou
De plus, comme le rappelle André Piettre[3] : « Ces modes fausses, des philosophes de l’économie et de la politique
de pensée se rattachent toujours à des mouvements beau- ont plus d’importance qu’on ne le pense en général. À vrai
coup plus larges d'idées et de sentiments qui forment préci- dire le monde est presque exclusivement mené par elles.

1
2 2 DE LA PRÉHISTOIRE JUSQU'AUX DÉBUTS DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE

Les hommes d’action qui se croient parfaitement affran- de préciser son rôle et sa place dans la société glo-
chis des influences doctrinales sont d’ordinaire les esclaves bale, voire pour certains de ses disciples constituer
de quelque économiste passé. Les illuminés du pouvoir qui le principe unificateur des sociétés[10] .
se prétendent inspirés par des voies célestes distillent en fait
des utopies nées quelques années plus tôt dans le cerveau • Cette vision « euro-centrique », puis devenue
de quelque écrivailleur de Faculté »[6] . « occidentalo-centrique », doit être remise en cause
du fait des nouveaux apports réalisés grâce à une
meilleure connaissance des civilisations anciennes
(voir ci-dessous). Depuis, la perspective a effec-
1 Qu'est-ce que l'histoire de la pen- tivement changé et nécessite un élargissement de
sée économique ? l'horizon espace-temps traditionnellement considé-
ré. Ce qui ne va pas cependant sans soulever de nou-
Il n'existe pas réellement de définition précise, mais velles difficultés : D'une part, en ces lieux et à ces
quelques traits majeurs ressortent de l'étude des écrits des époques, il ne semble pas exister de « théorie éco-
économistes : nomique » au sens moderne du terme. D'autre part,
le statut et la place de l'économie dans la réalité so-
• L'histoire de la pensée économique examine les ciale ne sont pas toujours bien cernés et demeurent
grandes théories économiques de manière rétros- une question hautement complexe : l'approche de
pective. Mark Blaug commence son ouvrage clas- l'économie de don - pour ne citer que cet exemple
sique consacré à cette matière en écrivant : « Cet ou- - en est l'illustration frappante.
vrage est une étude critique des théories du passé : il
se consacre à l'analyse théorique des principaux éco-
nomistes »[7] . 2 De la Préhistoire jusqu'aux dé-
• Si l'histoire de la pensée économique est « balot- buts de l'Antiquité Grecque
tée entre l'histoire proprement dite et la théorie éco-
nomique »[8] il n'en demeure pas moins qu'il s’agit Les prémices de la pensée économique peuvent être dé-
d'étudier des idées et des concepts qui présentent un tectées dans toutes les civilisations : Chinoise (voir Qin
degré minimum d'énonciation cohérente. L'histoire Shi Huang), Grecque, Indienne, Mésopotamienne, Perse,
de la pensée économique permet de réfléchir sur ces Romaine, etc.
théories, de s’interroger sur leur consistance et leur
cohérence, sur la façon dont elles ont été comprises,
utilisées ou réfutées. Elle permet par là d'avancer 2.1 En Mésopotamie
dans la compréhension du mouvement général des
idées et des faits.
• Une des difficultés de la discipline vient de ce que
les grands économistes ont souvent écrit sur la fa-
çon dont ils se situent eux-mêmes et contribuent par
leurs concepts, leurs idées et leurs valeurs à l'histoire
de la pensée économique. On doit donc s’attendre
à ce que leurs commentaires relèvent souvent d'un
« parti pris ». D'autre part quand un livre ou un
auteur veut aller à l'essentiel, ou fait l'objet d'une
controverse, il n'est pas rare qu'on s’en tienne à des
exposés généraux - sinon simplificateurs - de théo-
ries et concepts qui méritent en réalité une analyse
plus nuancée et une mise en perspective à la fois plus
large et plus profonde[N 1] .
• On s’est longtemps interrogé sur la légitimité
d'inclure dans le champ d'analyse les écrits anté-
rieurs à la seconde moitiè du XVI° siècle. Si les idées
des mercantilistes et des physiocrates sont générale- Une tablette cunéiforme des archives du palais royal d'Ebla du
ment prises en compte, l'histoire de la pensée écono- XXVe siècle. L'usage d'une subdivision en casiers témoigne d'une
mique ne pouvait réellement débuter qu'avec Adam combinatoire élaborée
Smith[9] . Alors que l'économie ne semble être consi-
dérée jusque là au mieux comme « secondaire », un Le croissant fertile constitue l'une des cinq régions ter-
des mérites de Smith - aux yeux de ses contempo- restres où l'agriculture est apparue de manière indépen-
rains mais aussi pendant longtemps encore - a été dante. En raison d'une situation géographique et environ-
2.2 En Chine 3

nementale privilégiée, la région dispose dès le VIIe mil- Les acteurs économiques tendent parallèlement à s’insti-
lénaire av. J-C d'un large patrimoine de cultures et de tutionnaliser. Des compagnies commerciales (ou batum),
bétail[11] . L'intensification de la production alimentaire disposant de succursales, exercent ainsi leurs activités
autorise l'émergence de sociétés humaines complexes et, dans une relative indépendance vis-à-vis des administra-
concurremment, de structures de gestion élaborées. Dès tions bureaucratiques[17] .
le IVe millénaire av. J-C, on assiste à l'apparition de plu- En dépit de sa sophistication, cette pensée économique
sieurs concepts et outils fondamentaux pour la pensée mésopotamienne ne s’exprime quasiment que dans des
économique. documents privés à visée utilitaire. La littérature mésopo-
L'apparition de l'écriture découle probablement des be- tamienne théorique dite sapientale n'envisage l'acte éco-
soins croissants de la population suméro-akkadienne en nomique que dans une optique morale et éthique, prê-
matière de comptabilité. Les premières tablettes d'Uruk chant, par exemple, la prudence dans la conduite des
développent des modes de représentations efficaces de affaires[18] .
l'échange commercial et du stockage bureaucratique : dé-
coupée en son milieu la face indique d'un côté les re-
traits (idéogramme BA qui suggère la distribution) et de 2.2 En Chine
l'autre côté les entrées (idéogramme GI) ; le revers fi-
gure le total de l'opération (idéogramme BAR)[12] . Ces Selon Michel Cartier[19] : Dans la « Discussion entre
premières modélisations se complexifient rapidement. À Mencius et Xu Hang » est décrite une hiérarchie so-
l'époque d'Uruk III (3200-3000 av. J-C), les scribes com- ciale (gouvernants, paysans, artisans et marchands) dé-
mencent à recourir à des tableaux à deux ou trois co- pendante de la participation des hommes aux activités
lonnes, afin de distinguer plus efficacement les compo- productives. Les échanges décrits entre groupes corres-
sants de l'opération : « Le principe essentiel qui préside à pondent à des échanges de surplus où les prix sont déter-
toutes ces divisions tient dans ce qu’une information unique minés en référence au niveau social : les objets destinés à
doit être notée par casier ; ceux-ci renferment donc des uni- la classe supérieure sont plus chers que les autres.
tés syntagmatiques aisément repérables à l’œil et rapide- Au cours de la dernière période des Royaumes combat-
ment identifiables comme telle »[13] . tants, les Mohistes établissent une distinction entre le
Cette cohabitation d’informations suscite des effets de profit commun et le profit égoïste : Ils prônent un partage
voisinages entre des unités pas forcément comparables. égalitaire des biens et condamnent le gaspillage.
Comme toutes les sociétés orales, la civilisation suméro- Des pensées plus structurées sont données en 654 av. J.-
akkadienne disposaient non pas d’un système numéral C. dans le « Guanzi », ouvrage encyclopédique et com-
abstrait mais de plusieurs systèmes numéraux concrets : posite attribué à Guan Zhong, chancelier qui fonde la
certains nombres ne s’appliquaient qu'au dénombrement prospérité du royaume de Qi, ainsi que dans divers textes
des hommes, d'autres aux dénombrement du bétail etc. de l'école légiste - comme le « Shangjun Shu » de Shang
Vers 3100 av. J-C, on commence à faire usage d’une Yang en 338 av. J.-C. - dont le maître-mot est « Enrichir
numérotation purement abstraite, reposant sur une base le pays et renforcer l'armée ».
sexagésimale[14] .
On trouve dans le Guanzi :
Le rapprochement ne concerne pas que les symboles
arithmétiques, mais également les biens eux-mêmes. Les 1. une des premières formulations de la théorie du
tablettes donnent à voir un tableau d’ensemble, une figu- Marché, assimilé à une pesée
ration de l’activité économique ou administrative, indé-
pendamment de la qualité des biens. Dès le début du IIIe 2. une réflexion sur la monnaie considérée davantage
millénaire av. J-C, les mésopotamiens transforment cer- comme une marchandise que comme un étalon
taines denrées en moyen d’échange : elles ne sont pas ac-
3. la préconisation que l'État doit assurer lui-même la
quises pour elles-mêmes mais comme intermédiaire en
production et le commerce du sel et du fer, produits
vue d’un échange ultérieur. Au cours des siècles suivants,
indispensables dans la vie des sujets.
l'argent s’impose comme la monnaie de référence.
La conceptualisation croissante des activités commer- En 81 av. J.-C., sous la Dynastie Han, les confucéens
ciales entraîne l'avènement d'une terminologie écono- dénoncent comme immorales les idées du « Guanzi »,
mique élaborée. Les correspondances des marchands qui sont dès lors tenues pour hétérodoxes.
assyriens témoignent ainsi d'une prise de conscience
du marché en tant qu'entité abstraite. Des termes as- Pour autant ces idées ne vont pas cesser d'influencer la
sez simples acquièrent une signification complexe : šī- pratique des politiciens. On peut citer à titre d'exemple[20]
mum ou achat désigne progressivement la situation finan- la gestion des émissions monétaires et la réglementation
cière globale[15] ; maḫīrum ou confrontation se rapporte des marchés :
à l'espace réel ou conceptuel du marché (soit la confron-
tation dynamique des prix les uns avec les autres)[16] . « Dans ces deux cas, les usages agressifs
de la théorie sont remplacés par le maintien
4 2 DE LA PRÉHISTOIRE JUSQU'AUX DÉBUTS DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE

des équilibres. Le premier exemple est celui indien”, en raison des nombreux aspects abor-
de la régulation du commerce des céréales par dés dans sa pensée et que l'on retrouve plus
des greniers : Les céréales acquises au titre de tard dans l'économie moderne[22],[23] . Auteur
l'impôt sont stockées dans les greniers et sont prolifique, notamment en économie politique,
-en cas de nécessité- mises sur le marché pour il produit deux ouvrages majeurs :
combattre la hausse des prix. De la même ma-
nière, les autorités régulent la situation moné- Arthashastra (La Science des ri-
taire et mettent en circulation des quantités de chesses et du bien-être) est son
monnaie plus ou moins importantes. magnum opus[24] . Dans cet ou-
La mise en pratique des théories du vrage sont abordés en détail des
Guanzi suppose une connaissance précise de thèmes multiples et très modernes
la conjoncture économique. les autorités sur- comme la politique monétaire, la
veillent les fluctuations du prix des denrées et politique fiscale, la politique so-
des taux de change interne entre les différents ciale, les relations internationales,
signes monétaires, en particulier -à partir de la ainsi que la Stratégie militaire.
Dynastie Ming- le change entre les sapèques Neetishastra est un traité sur la
(pièces de bronze de la monnaie officielle) et « vie idéale », où l'auteur indique
les métaux précieux (argent et or) qui n'ont que au peuple les « bonnes conduites »,
le statut de marchandises » et au souverain les « bonnes pra-
tiques » pour conduire son royaume
Voir aussi sur le sujet : Les publications du Centre Un auteur B.S Sihag, le considère comme un
d'Études Chinoises[21] . précurseur de nombreux concepts modernes et
-pour l'époque- comme l'un des penseurs les
plus féconds dans les domaines de l'économie
2.3 En Inde et de la Science politique[25],[26],[27],[28] . Le
lecteur qui voudra se faire une idée sur la ques-
tion pourra se reporter aux deux articles précé-
dents et à son livre[29] .

• D'autres pratiques comme l'Hawala, (“confiance”


ou "échange” en hindi) ou Hundi (dans le sous-
continent indien), correspondent à un système tra-
ditionnel de paiement informel distribué servant de
moyen de financement du commerce sur les grandes
routes d'échange (comme la route de la soie) au dé-
Pièce en argent de l'Empire Maurya, portant les symboles de la but du Moyen Âge.
roue et de l'éléphant. IIIe siècle av. J.-C.

Cette pratique financière ancienne -elle est


mentionnée depuis le VIIIe siècle dans les
• Le philosophe indien Chânakya (340-293 av. J.-C.)
textes de fiqh (science du droit musulman)-
bénéficie d'une éducation “d'excellence” dispensée à
est utilisée comme moyen de paiement et
l'époque dans la ville-monastère très renommée de
d'échange et consiste en un ordre écrit de paie-
Nalanda, puis enseigne dans la ville de Taxila, où les
ment de la part d'un créditeur à un débiteur, au
activités d'enseignement existent déjà depuis plus de
bénéfice d'une tierce personne. Le principe de
500 ans et attirent des étudiants de provenances aussi
base de tout Hawala est de faire circuler l'argent
diverses que lointaines.
dans un réseau d'agents de change (les hawa-
ladars) : un client donne une somme d'argent à
Également connu sous les noms de Kautilya ou l'un de ces agents, qui contacte l'agent le plus
“VishnuGupta”, Chanakya est le précepteur du proche du destinataire de cette somme et lui
premier Empereur Indien de l'empire Maurya : demande de lui verser cette somme (moins une
Chandragupta (c. 340 −293 av. J.-C.). Ses tra- commission, généralement) en échange de la
vaux, perdus à la fin de la dynastie Gupta, ne promesse de la lui rembourser plus tard.
sont retrouvés qu'en 1915. (voir Chanakya)
Ce système fonctionne sans transmission de
Alors que ses travaux précèdent l'auteur de Le moyen de paiement (outil de représentation de
Prince de 1 800 ans, il est considéré dans le valeur, comme la monnaie). Il ne dépend pas
monde occidental comme étant le “Machiavel davantage de l'application légale de contrats :
3.1 L'Économie au service de la Cité : L'Antiquité 5

il repose entièrement sur la confiance existant se développent. L'État est organisé en trois classes : les
entre les agents du réseau et fonctionne même nobles (eupatrides), les agriculteurs (géomores) et les ar-
en l'absence de cadre juridique et légal com- tisans (démiurges). La plupart des citoyens sont de petits
mun. Il n'y a pas de registre centralisé, et les paysans, en situation précaire. Ces paysans pauvres se ré-
transactions passant par ce système ne sont gé- voltent à plusieurs reprises : à Mégare, à Samos, à Chio…
néralement pas consignées : la seule informa- Au VIe siècle av. J.-C., ils portent au pouvoir Solon qui
tion requise pour le fonctionnement est de te- établit une nouvelle constitution. Une coalition s’établit
nir à jour le montant total de la dette cou- entre paysans, artisans et marchands pour briser le pou-
rante entre chaque agent du réseau, dettes qui voir des nobles (Réformes de Clisthène en 508 av. J.-C.).
peuvent être réglées de n'importe quelle façon Les hommes en surnombre s’exilent et fondent des colo-
choisie par les agents.À l'époque des Rois ou
nies : le commerce extérieur progresse et pose la question
du Rajha, le procédé sert les transferts de fonds des alliances militaires, notamment avec Sparte (Guerre
de longue distance. En Asie du Sud il s’érige en
du Péloponnèse : 431-404) qui finit par l'emporter.
système bancaire complet, et ne sera remplacé
progressivement par le système bancaire clas- L'équilibre économique et social de la Cité est bouscu-
sique qu'à partir du XXe siècle. lé par l'émergence de “nouveaux riches” qui cumulent
réussite commerciale et propriété foncière. Les paysans
pauvres sont contraints de quitter la terre mais ne trouvent
3 L'Économie de Service : de pas de travail en ville car le labeur salarié est réservé aux
esclaves : une plèbe de chômeurs se forme et la Cité entre
l'Antiquité grecque jusqu'au dans une ère de décadence généralisée.
XVIIe siècle
Essor du Grand Siècle Grec : le Ve siècle av. J.-C.
3.1 L'Économie au service de la Cité : Les débats de cette période - considérée comme “le grand
L'Antiquité siècle grec” - voient s’introduire de nouvelles idées :

3.1.1 Le Monde grec Le citoyen grec est conscient de posséder une


Dignité en tant que membre d'un groupe orga-
C'est le monde grec qui forge le mot économie : nisé et gouverné suivants des Lois valables pour
« οἰκονομία ». En grec, oikos (οἴκος) signifie la mai- tous les hommes libres[32] . Il n'est plus le ser-
son (en tant qu’unité sociale et économique), et nomos viteur d'un chef, mais seulement soumis à la
(νόμος), l’ordre, la loi, la norme. Loi. Dans le même temps, L'usage de l'argent
et du commerce qui se développe depuis le VIIe
Les penseurs grecs qui s’intéressent à l’économie ne sont
siècle av. J.-C. ébranle cependant les représen-
pas des économistes mais des philosophes[30] : la science
tations et les pratiques sociales.
politique, qui se rapporte à la cité, est majoritairement
considérée comme la première des sciences. L’économie, L'accumulation de monnaie par l'usure ou
considérée comme l’art d’administrer ses biens, est subor- le négoce posent question : Aristote, dans
donnée à la politique. L'activité économique, pour être es- l'Éthique à Nicomaque, les considère comme
sentiellement centrée sur l’individu, est souvent regardée des activités stériles, voire déshonorantes. Ces
comme une activité servile, sinon suspecte. procédés font l'objet d'une autre discipline
qu'Aristote appelle chrématistique (de khrêma,
La réflexion est cependant loin d'être absente : le terme
la richesse).
Économique figure dans le titre d'au moins deux traités,
l'un de Xénophon, l'autre d'Aristote. L'Économique est toujours explicitement dis-
tingué de la Politique, laquelle fait l'objet d'un
Leur objet est de connaître et formuler les lois (« nomos ») autre traité d'Aristote, dans lequel l'auteur s’ef-
propres à optimiser l'utilisation des biens d'une maison, force de définir comment fonder l'harmonie et
l'oikos, entendue comme unité collective de production la justice entre les différentes classes de per-
d'une famille élargie ou d'un clan. La richesse produite sonnes et de familles qui constituent la Cité.
est appréciée du point de vue de l'abondance des biens
produits et de leur utilité.
Les œuvres satiriques de l'époque traduisent bien
l'ampleur de ce débat : ainsi, dans le Ploutos
La crise sociale et intellectuelle du VIe au IVe siècle d'Aristophane, le dieu de la Richesse (Πλοῦτος,
av. J.-C. La pensée des philosophes grecs ne peut se Ploutos), rendu aveugle par Zeus, distribue ses largesses
comprendre sans référence au contexte économique et so- aux hommes mauvais plutôt qu'aux hommes honnêtes.
cial de l'époque : l'état athénien se forme par l'union de Ceux-ci le conduisent dans un temple dont le dieu lui
tribus et de clans vivant en Attique[31] . La propriété in- rend la vue et lui donne à voir le spectacle des troubles
dividuelle du sol, le commerce et l'usage de la monnaie qu'il a causés : un sycophante (homme enrichi aux
6 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

dépens du peuple) vient crier qu'il est ruiné, Hermès la société (Phaleas de Chalcédoine, Hippodamos de Mi-
(dieu du Commerce) ne reçoit plus de dons des fidèles let). Aristophane s’en moque dans l'Assemblée des femmes
et doit gagner sa vie comme aide-cuisinier, les prêtres (392 av. J.-C.).
sont privés de leur gagne-pain car l'on n'offre plus de
sacrifices aux dieux[33] .
Socrate (470-399 av. J.-C.) Socrate, par le témoi-
L'interrogation demeure profonde dans l'opinion publique gnage de sa vie faite de détachement et de pauvre-
à propos du lien entre « Bien moral » et « Richesse » avec té, dénonce l'individualisme extrême des Sophistes et
l'apparition du « nouveau riche » : l'exaltation de la richesse qui “attache l'homme à quelque
chose d'inférieur à lui-même”. Son enseignement oral (il
Le riche « traditionnel » était vu comme le n'a laissé aucun écrit) s’attache à restaurer la notion de
propriétaire foncier, chef naturel d'un groupe “nature humaine” en tant qu'ensemble de normes raison-
d'agriculteurs, possédant les droits sur la Terre, nables et morales de nature supérieure, et influencera de
mais dont la richesse permet de mieux remplir manière directe la pensée de Platon et d'Aristote.
sa fonction sociale.
Le « nouveau » riche est vu comme celui
qui accumule de l'argent pour satisfaire ses
caprices personnels et pour s’affranchir des
contraintes sociales[33] .

Sophistes, Cyniques et Utopistes (fin du Ve siècle av.


J.-C.) La fin du “grand siècle grec” (Ve siècle av. J.-
C., dit aussi siècle de Périclès) provoque une époque de
troubles et de bouillonnement des idées.
Les Cyniques (Antisthène,Diogène) tiennent des discours
individualistes et cosmopolitistes qui contestent les cadres
sociaux traditionnels (critique de l'esclavage par exemple)
et militent pour la liberté du commerce.
Les sophistes (“nouveaux philosophes”)[34] lancent au
contraire des idées plus collectivistes.
Protagoras[35],[36] , chef de file des Sophistes, proclame
que :

1. « L'homme est la mesure de toutes choses ». Pour lui,


il vaut mieux connaitre les choses humaines que le
monde inanimé.
2. « L'homme vit en société ». Il faut donc s’interro-
ger sur ce qu'est la Société. Celle-ci est censée ré-
pondre au besoin des Hommes de se défendre contre
les dangers qui les assaillent.
3. « La société repose sur un contrat passé entre les
hommes afin de s’accorder mutuelle protection ». Ce Xénophon
qui est possible parce que le Dieu suprême Zeus a
accordé à l'espèce humaine des dons que nulle autre Xénophon (circa 426 – 355 av. J.-C.) Xénophon est,
ne possède : le respect ou la pudeur (αἰδώς), le droit comme Platon, un disciple de Socrate. Il mérite de figu-
ou la justice (δίκη). rer dans l’histoire de la pensée économique, non seule-
4. « La Loi n'est pas quelque chose de naturel : elle ré- ment parce qu’il est le premier à employer ce terme, mais
sulte d'une convention ». Puisqu'il n'y a rien d'absolu, encore parce qu’il y consacre plusieurs ouvrages.
il s’agit de convaincre dans la discussion et les L’Économique retrace un dialogue entre Socrate et
controverses publiques : c'est pourquoi les sophistes Ischomaque, autour d’un thème unique, celui de l’admi-
enseignent l'art de l'argumentation en vue de “terras- nistration d’un domaine agricole. On retrouve l'idée se-
ser” l'adversaire dans le débat politique. lon laquelle la pensée économique antique est intimement
liée à l’administration domestique. L'ouvrage comprend
Des mouvements utopistes plus orientés vers la politique aussi des développements sur les stratégies d’accroisse-
prétendent reconfigurer la propriété et l'organisation de ment des richesses : ainsi le père d’Ischomaque dit ache-
3.1 L'Économie au service de la Cité : L'Antiquité 7

ter des terres à bas prix pour les revendre bien plus cher titions qui la caractérisent[37] . L'action efficace exige au
après les avoir défrichées. L’art – ou la science – de l’éco- contraire que l'on se tienne d'abord à l'écart pour décou-
nomie est de facto celui du bon gestionnaire. Tandis que vrir la vérité dans la contemplation, « la théoria »[38] .
bon père de famille peut ainsi savoir ce qui est bon pour Pour préparer la libération de son âme, l'homme doit
l’administration d’une cité, alors que le rôle revient à la avoir une vie « bonne », c'est-à-dire une vie conforme
femme d'entretenir la maison (oikos). Identiquement, la à la « justice ». En cherchant à dire ce qu'est la justice
politique est vue comme l’affaire des hommes, tandis que et comment s’y conformer que dans son ouvrage « la Ré-
le travail, est réservé aux seuls esclaves. Ainsi parle l’Éco- publique », Platon est conduit à parler de l'organisation
nomique : Ischomaque enseigne cet art à sa femme et ce
sociale et notamment de l'organisation économique[39] . Il
sera le rôle de celle-ci que d'en faire l'application. va exposer cette pensée dans plusieurs ouvrages :
Les Revenus est un ouvrage où Xénophon propose de
multiplier les exploitations agricoles et industrielles dans 1. Dans « La République », il trace le tableau de l'État
l’Attique, et d’exploiter à plein rendement les mines d’ar- idéal
gent du Laurion. À cette occasion, il aborde (mais de
façon peu approfondie) des concepts comme ceux de 2. Dans « le Politique » et le « Timée » principalement,
la demande et de la valeur des biens, ainsi que le rap- il explique pourquoi les cités réelles sont aussi éloi-
port qu’ils entretiennent entre eux. L'œuvre est un projet gnées de la perfection.
politique et économique pour toute une région, et entend
3. Dans « Les Lois », il pose les moyens de rapprocher
défendre un point de vue cohérent.
quelque peu la réalité de l'Idéal.
En somme, les ouvrages de Xénophon portent sur la ma-
nière de bien gérer un domaine agricole, c'est-à-dire sur
l'“économie domestique” (l'expression en grec est une par- La Cité Idéale La République est consacré à la re-
faite tautologie), même si Les Revenus (ouvrage de ma- cherche de la Justice dans la société et dans l'individu.
turité) montre que ces enseignements sont applicables « La “Cité idéale” est la cité parfaitement juste ; voila po-
ailleurs et situe l'économie comme l'art de satisfaire les sée l'exigence première de la plupart des réformateurs so-
besoins d’une société.[réf. nécessaire] ciaux qui viendront ensuite »[39] . Le dialogue commence
par un exposé des fausses notions de justice[40] . Puis Pla-
ton évoque :

• la question de l'organisation de la société : « la so-


ciété est un groupement d'individus qui trouvent avan-
tage à vivre ensemble parce que cela leur permet de
diviser entre eux les tâches et de se spécialiser de plus
en plus dans l'exercice d'une action déterminée. Ain-
si apparaissent les divers métiers puis le commerce
intérieur et extérieur. »[41] . Or on trouve déjà dans
la Cité des « classes d'individus » : La classe des
agriculteurs, gens de métiers et commerçants qui as-
surent la prosperité matérielle, la classe des guer-
riers ou gardiens qui assurent la sécurité extérieure
ou intérieure, la Classe des chefs qui ont pour mis-
sion de diriger l'ensemble du groupe social. Or les
individus ne sont pas également aptes à entrer dans
les trois classes de la société. C'est le hasard plus
que l'hérédité qui fait les qualités des individus qu'il
s’agit de former et de sélectionner selon les vertus
de sagesse, de courage, de tempérance et de jus-
tice. Mais qu'est ce que la justice ? et en particu-
Platon lier quu'est ce que la justice sociale ? Pour Platon,
elle résulte du fait que l'on soit capable d'analyser
La doctrine économique de Platon Platon (428 ou rationnellement les différentes catégories sociales et
427 – 347 ou 346 av. J.-C.), nait dans une famille dont d'organiser la sélection des citoyens : « A chacun
plusieurs de ses membres sont à la tête du parti oligar- la fonction sociale qu'il mérite par l'ensemble de ses
chique alors que le régime politique en place est loin qualités physiques, intellectuelles et morales »[42] .
d'être démocratique. Il connait une crise intérieure à 20
ans, lorsqu'il rencontre Socrate. Désormais, il ne veut plus • La question du régime des biens : Cela ne relève
que servir « le bien et le juste » et ne veut plus partici- pas de la justice proprement dite, l'individu n'a au-
per à l'action politique et aux vulgaires et basses compé- cun droit sur la richesse sociale, mais seulement le
8 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

devoir de mener une vie conforme à la fonction des fortunes. Or dit-il, cela ne peut se faire ni par voie
qui lui revient. D'où le principe absolu que les gar- d'autorité, ni en comptant sur le fait que les riches vont
diens et les chefs ne doivent pas travailler, qu'ils distribuer aux pauvres une partie de leurs biens, le prin-
ne doivent pas se souiller au contact des affaires cipal obstacle provient de l'existence d'inégalités écono-
d'argent et de négoce. Ils sont entretenus par la so- miques établies depuis longtemps[48] .
ciété, vivent en communauté, ne possèdent rien en Pour être efficace, il vaut mieux légiférer dans les condi-
propre et ignorent l'usage de la monnaie[43] . tions plus favorables de la fondation d'une nouvelle Cité
et d'établir l'amitié entre tous ses citoyens[49] L'idéal se-
Platon n'indique pas le régime pertinent pour les classes rait la communauté absolue des biens, des femmes et des
« inférieures ». Implicitement on comprend qu'ils sont enfants.
libres de produire, de posséder et d'échanger sans toute-
Mais plus réalistement il s’agit d'instaurer l'amitié entre
fois qu'ils ne deviennent trop riches ou trop pauvres.
tous par l'attribution de propriétés égales et d'obliger cha-
cun à mener une vie identiquement frugale[50] .
Les Cités réelles Dans « la République », Platon ex-
pose que la réalité de la société est loin de cette vi- Les Lois proposent également un partage éga-
sion. Le gouvernement idéal devrait être un « gouverne- litaire de la terre qui ne pourra être aliénée et
ment des meilleurs », une aristocratie, au sens premier du qui devra être transmise à un seul héritier[51] ,
terme. Mais des régimes imparfaits sont en place et se d'interdire la détention de l'or et de l'argent qui
succèdent : [44] seront réservés pour les échanges extérieurs.
Ceci implique que tous les citoyens soient agri-
• une première forme dégénérée est la « timocratie », culteurs. Les récoltes sont recensées en trois
soit le gouvernement des militaires, réduisant les ci- parts égales (Citoyens, esclaves, étrangers). Les
toyens à l'état de serfs. deux premières sont affectées mensuellement
aux citoyens et aux esclaves. La troisième est
• les militaires venant à s’enrichir, une « oligarchie » vendue sur des marchés soigneusement régel-
se met en place où prospèrent selon Platon des « êtres mentés et surveillés aux étrangers en échange
crasseux qui de tout tirent profit »[45] . des produits de leur industrie[52] .
• L'inégalité se faisant de plus en plus scandaleuse, la Les métiers sont confiés à des étrangers[53]
révolte se produit qui introduit la « démocratie ». qui ne pourront exercer plus d'un métier à la
fois[54] .
• Mais ce régime, réputé attrayant, attribue des droits Afin de préserver l’équilibre de la cité et parve-
égaux à des hommes inégaux et conduit les hommes nir au plus haut degré de la vertu politique, il est
à s’enivrer de liberté, jusqu'au jour où devenus inca- nécessaire de poser une limitation de la fortune
pables de juger sainement, ils font appel à un homme et des biens de chacun : « Dès qu'une famille
qui a tôt fait de se transformer en tyran et d'installer jouira d'une fortune supérieure au quadruple de
sa « tyranie ». la valeur du lot de famille, on lui confisquera le
supplément »[55] .
Les causes de ce tableau pessimiste sont exposées tour à Les gardiens des Lois et autres magistrats sont
tour dans « le Timée », « Le Critias » et « le Politique ». élus après avoir passé un examen[56] . Les ma-
Pour autant, « Cela ne signifie pas que les chefs des Cités gistratures ne sont pas rémunérées.
ne puissent rien faire d'utile. (…) En chaque individu, il
y a du divin et du bestial en proportions plus ou moins Au total Platon ne fait pas preuve d'un optimisme exces-
grandes. Il faut essayer de faire prédominer le divin sur sif. Même si l'on établit ces lois, l'avenir de la Cité dépen-
le bestial. On retrouvera ainsi peut-être quelque chose de dra selon lui des choix qui seront faits pour les magistrats
l'Idéal perdu »[46] et les gouvernants[57] .

La Cité possible Platon écrit vers la fin de sa vie le plus Aristote : économie de Nature, économie de Cité
considérable de ses dialogues : « Les Lois » qui contient Aristote (circa 384 – 322 av. J.-C.) accorde dans sa pen-
une série de textes législatifs concernant les principaux sée une place beaucoup plus importante à l’économie :
points de la constitution politique et sociale d'une Cité. Auteur fondamental de l'Antiquité, il influencera de ma-
Platon part du constat des imperfections de la Société : nière prépondérante toute la période médiévale.
l'autorité est mal exercée, l'esprit d'indiscipline se déve- Dans les Économiques et l'Éthique à Nicomaque, Aristote
loppe et surtout, en raison du voisinage funeste de la mer, pointe la différence fondamentale qui sépare à ses yeux
le commerce est né et « a engendré dans les âmes une l'économique de la chrématistique (de khréma, la ri-
disposition à se dédire sans cesse et à être de mauvaise chesse, la possession) qui est l'art de s’enrichir, d’acquérir
foi »[47] . Platon insiste sur la nécessité d'établir l'égalité des richesses.
3.1 L'Économie au service de la Cité : L'Antiquité 9

renforcer le lien social : Alors qu'il est absent de la tribu


(où seul le troc existe), son apparition dans la cité contri-
bue à faire la société.

Car s’il n'y avait pas d'échanges, il ne saurait y


avoir de vie sociale ; il n'y aurait pas davantage
d'échange sans égalité, ni d'égalité sans com-
mune mesure.

L’apport d’Aristote est donc remarquable à plusieurs ni-


veaux :

1. C'est tout d’abord la distinction fondamentale qu’il


établit entre l'économie naturelle (économique) et
l'économie d’argent (chrématistique) ;

2. C'est une réflexion fine sur le rôle de l'échange dans


le lien social.

3. L'autre résultat original et remarquable de sa ré-


flexion est la différenciation opérée entre valeur sub-
jective et valeur commerciale d’un bien, que l’on
peut facilement rapprocher des notions de valeur
d'usage et de valeur d'échange qui apparaîtront au
Aristote
XVIIIe siècle.

Selon lui, l'accumulation de la monnaie pour elle-même 4. On trouve aussi dans l'éthique à Nicomaque des
est une activité contre nature qui déshumanise ceux qui concepts éthiques comme les quatre causes (cause
s’y livrent : Avec Platon, il condamne le goût du profit et matérielle, cause formelle, cause efficiente, et
l'accumulation de richesses. cause finale), qui esquissent les notions de valeur
d'échange et de valeur d'usage utilisées par les théo-
ries économiques modernes.
Le commerce substitue l’argent aux biens ;
l’usure crée de l’argent à partir de l’argent ; le
marchand ne produit rien. Les Utopies finales (IVe -Ier siècle av. J.-C.) Après
La chrématistique lui apparait comme en- Platon et Aristote, un courant multiforme se déve-
semble de ruses et de stratégies d’acquisition loppe dans un œkoumène en expansion. L'élargissement
des richesses pour permettre un accroissement du monde connu résulte, entre autres, de l'épopée
du pouvoir politique. À ce titre elle doit être d'Alexandre, qui envahit l'Asie et contribue fortement à
condamnée d'un point de vue philosophique. étendre le cadre géographique du monde grec.
Puis, l'empire macédonien est divisé entre les successeurs
Au contraire, il valorise l’agriculture et le « métier » qui d'Alexandre, les Diadoques : des monarchies apparaissent
fondent une économie naturelle où les échanges et la dont certaines promeuvent des mesures d'économie diri-
monnaie servent uniquement à satisfaire les besoins de gée, en particulier le royaume ptolémaïque en Égypte[58] .
chacun. Aristote garde toujours le souci d’agir conformé- Le mysticisme oriental introduit alors de nouveaux cou-
ment à la nature. Celle-ci fournit « la terre, la mer et le rants de pensée qui entament l'ordre de la raison propre
reste » : l’économique est donc l’art d’administrer, d’uti- au génie grec de la période précédente.
liser les ressources naturelles, ce qui s’oppose totalement Les tendances au naturalisme conduisent à idéaliser
à l’art d’acquérir et de posséder. l'état de nature pour en faire une sorte « d'âge d'or » qui
Aristote inclut dans cette vision l’idée d’un rapport de ré- aurait été corrompu par la suite. Jean-Jacques Rousseau,
ciprocité : l'économique ne peut être séparé du social : dans son Discours sur l'inégalité, fera référence à l'un
l’échange est comme un « retour sur équivalence » ; de ces auteurs, notamment Dicéarque de Messène[59] , et
C'est un motif supplémentaire de condamnation de la Marx et Engels n'en sont pas éloignés lorsqu'ils évoquent
chrématistique, qui substitue l’objet à la relation sociale le Communisme primitif.
et finalement l’argent à l’objet. Les tendances au rationalisme font rejeter coutumes re-
Chez Aristote, de fait, l'échange, même basé sur la ligieuses et traditions sociales (Épicure). Évhémère, en
monnaie, est toujours envisagé comme permettant de tant que premier théoricien de l'athéisme systématique,
10 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

est l'auteur d'un plan rationnel de cité communiste (l'île Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou
de Panchaïe). incomplète. Votre aide est la bienvenue !
Les tendances à l'universalisme invitent tous les hommes
à la communion dans l'humain, et sont à ce titre les pre-
mières philosophies de la personne. Ainsi, dans le courant
La « Cité de Dieu » et L'« Augustinisme politique »
stoïcien, Posidonios (l'un des maîtres de Cicéron) pré-
Selon Saint Augustin (354-430), les hommes vivent dans
sente une première critique systématique de l'esclavage
le cadre de deux cités : la « cité terrestre » au sein de la-
aux IIe siècle av. J.-C. et Ier siècle av. J.-C., et influence le
quelle les hommes dépendent les uns des autres et mènent
droit romain dans le sens d'un adoucissement de la condi-
une existence pécheresse, et la « cité de Dieu » dans la-
tion servile.
quelle ils se retrouvent dans la communauté de la foi et ne
dépendent plus que de Dieu. Augustin refuse les perspec-
3.1.2 Le Monde Romain tives utopiques et millénaristes défendues au II° siècles
par certains Pères de l'Église. Pour lui, seule la seconde
Rome Avec l'essor et le développement d'un Empire, cité est importante pour le quotidien des chrétiens, qui
les romains font montre d'un intérêt plus orienté vers les doivent se soumettre et œuvrer dans le cadre imparfait
questions liées à la gestion et l'organisation pratique. Par- mais réel des institutions existantes. Cette thèse donne
mi les éléments notables de cet apport qui va inspirer de naissance par la suite à « l'Augustinisme politique »[60] et
façon durable l'Occident on peut citer : à la distinction fondamentale selon laquelle il existe « un
partage des tâches entre le pouvoir temporel (l'État) et le
1. la question de la gestion des espaces et de l'économie pouvoir spirituel (l'Église) ».
rurale avec des réflexions sur les thèmes de la La doctrine de Saint Augustin facilite l'intégration de
colonisation avec la gestion des territoires et popu- l'Église et de la société féodale dans la première phase du
lations conquis ; avec la publication de recueils de Moyen Âge, caractérisé par une économie pour l'essentiel
gestion de l'économie rurale rédigés par des auteurs non marchande. Cependant, avec la reprise économique
comme Caton, Columelle Pline l'Ancien ou Varron et la mutation politique qui prend son ampleur aux XII° et
avec l'institution de la Villa ou du Latifundium. Ca- XIII° siècles, la pensée de Saint Thomas d'Aquin conduit
ton et Varron, assez représentatifs de la mentalité ro- à une approche nouvelle des problèmes pour répondre au
maine, placent l’agriculture au-dessus du commerce double défi de l'émergence d'une pensée qui se veut plus
et condamnent le prêt à intérêt, donc le commerce rationnelle et plus scientifique[61] .
de l’argent, même si dans la pratique (non théori-
sée), les monetarii font le commerce de l’argent et
pratiquent le prêt à intérêt, en même temps que les 3.2 L'économie au service du Bien Com-
autorités manipulent les monnaies. mun : L'époque médiévale
2. la création du Droit avec l'instauration du Droit de
propriété ou des règles propres à l'héritage 3.2.1 Naissance et évolution du système domanial

3. la réflexion sur les liens constitutifs de la Société : Selon Georges Duby[62] : « Au VII° siècle l'existence de
D'une part les Historiens et moralistes contribuent grands domaines est attestée (…) qui sont l'objet d'une ex-
à fonder ou à restaurer un idéal de la cité et de la ploitation directe (…) reposant sur l'emploi d'une troupe
citoyenneté qui connait son apogée sous l'Empereur d'esclaves. Pourtant déjà, et le cas semble de plus en plus
Auguste. D'autres par le lien de Clientèle s’efforcent fréquent dans les régions les plus évoluées, on découvre
de s’attacher un ensemble « d'obligés ». des “ villae ” dont la terre n'est pas toute entière mise en
valeur par les serviteurs de la maison : pour une part elle
4. au IIIe siècle-Ve siècle ap. J.-C., sous le Bas-Empire,
est partagée entre des “ tenures ”, entre des exploitations sa-
les idées dirigistes qui se font jour pour contrer les
tellites concédées à des familles paysannes… Toutefois ces
difficultés économiques et sociales : Dioclétien met
“ manses ” comme on commence à les nommer au VII°
en place une taxation générale des prix. Sont aussi
siècle dans la région parisienne, ne sont plus seulement
Instaurées des « Collegia » et des Corporations pu-
peuplées d'hommes libres. Certains sont occupés par des
bliques.
esclaves… Il semble que les grands propriétaires aient dé-
couvert à cette époque qu'il était profitable de marier cer-
[réf. nécessaire]
tains de leurs esclaves, de les caser dans un “manse ”, de les
charger de cultiver les terres attenantes et de nourrir ainsi
L'apport de la première chrétienté leur famille. Le procédé déchargeait le maitre, réduisant
les frais d'entretien de la domesticité. Il stimulait l'ardeur
• Le Partage des biens au travail de l'équipe servile et en accroissait la producti-
vité. Il assurait aussi son renouvellement puisqu'il confiait
• Le Statut des personnes aux couples d'esclaves le soin d'élever eux-mêmes leurs en-
3.2 L'économie au service du Bien Commun : L'époque médiévale 11

fants jusqu'à ce qu'ils fussent en âge de travailler. (….) En importantes par la suite sur les relations entre les chrétiens
même temps que se restreignait l'étendue des terres en ex- et les juifs : ces derniers vont souvent assurer la fonction
ploitation directe, se multipliait le nombre des tenanciers.… de banquier, interdite aux chrétiens. Cela fut sans doute
Se met alors en branle une lente mutation de l'esclavage qui une des causes majeures de l'antijudaïsme au Moyen Âge.
le rapproche peu à peu de la condition des tenanciers libres.
C'est un des évènements majeurs de l'Histoire du Travail et
3.2.3 Les théologiens
qui fut certainement un facteur décisif du développement
économique. »
« Nous sommes mal informés sur les devoirs des exploi-
tants à l'égard du maître de leur terre… Dans les provinces
les plus romanisées, il se peut qu'ait survécu l'usage de
contrats aux termes desquels la terre était concédée pour
un temps déterminé en échange seulement de redevances
en nature. (…) Plus au Nord, en revanche, il semble bien
que la concession d'une tenure ait astreint le paysan libre,
non seulement à livrer des grains, du bétail ou du vin, mais
à mettre ses bras ou ses bêtes de trait au service du domaine
pour certaines tâches déterminées, réparer les bâtiments
seigneuriaux, construire des clôtures, charrier les récoltes,
porter les messages et parfois mettre en culture une portion
des champs seigneuriaux.[63] »

3.2.2 Le fonds culturel commun

Les penseurs économiques du Moyen Âge sont avant tout


des théologiens. Joseph Schumpeter a d'abord considéré
les scolastiques de la fin du XIVe siècle au XVIIe siècle
comme les fondateurs les plus proches de la science éco-
nomique. Raisonnant dans le cadre du droit naturel ils
préfigurent l'économie moderne dans le domaine de la
politique monétaire, de l'intérêt, et la théorie de la valeur
dans le cadre du droit naturel[64] .

Apport judéo-chrétien L'Ancien Testament contient


Saint Thomas d'Aquin
de nombreux jugements et prescriptions économiques. Il
ordonne l'absence de propriété perpétuelle sur la Terre et
Le Moyen Âge voit un renouveau des échanges
instaure une redistribution périodique. Il interdit les prêts commerciaux et une multiplication des opportunités de
à intérêt, et enfin il hiérarchise selon leur honneur les ac-
profit.
tivités économiques, faisant de l'agriculture la première
et du commerce la dernière. Une grande partie des théologiens de l’époque, au pre-
mier lieu desquels Thomas d'Aquin, ne s’attachent pas à
Le Nouveau Testament encourage l'homme à mettre en décrire les mécanismes économiques mais cherchent plu-
valeur ses talents, en faisant fructifier des placements tôt à définir leur moralité, leur caractère licite ou illi-
(parabole des talents). Si l'homme travaille la terre, c'est cite selon la morale chrétienne. Les Franciscains font
un moyen de mettre en valeur ses talents en agriculture, peut-être exception à cela, avec des théorisations pous-
et de même dans tous les domaines de l'activité humaine, sées du marché (voir par exemple celle effectuée par
dans l'industrie et le commerce par exemple. Mais le Nou- Pierre de Jean Olivi). Au XIe et XIIe siècle, une contro-
veau Testament prévient aussi contre les tentations maté- verse oppose l'abbaye de Cluny et l'abbaye de Cîteaux
rielles liées à l'accumulation et à l'utilisation superflue des sur l'usage de l'argent, qui commence à circuler de fa-
richesses. Il insiste sur une répartition équitable des biens çon importante[65] . En effet, alors que Cluny dépense
(Lazare). l'argent accumulé en cérémonies et en divers objets li-
Au IVe siècle se produit une séparation nette entre turgiques pouvant être considérés comme à la limite de
christianisme et judaïsme sur les questions économiques : l'ostentation, Cîteaux réinvestit constamment les biens
le judaïsme commence à élaborer une codification de gagnés par le travail de ses moines dans l'acquisition de
l'économie (voir Intérêt de l'argent et religions mono- nouvelles terres[65] . Bien qu'alimenté par des dons à la
théistes), tandis que le christianisme continue d'interdire hauteur de ses dépenses somptuaires, Cluny sera ain-
le prêt à intérêt. Situation qui aura des conséquences très si confronté à d'importantes dettes, tandis que Cîteaux
12 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

prospèrera de façon durable[65] . Bernard de Clairvaux, de 3.3.1 Finances publiques


l'ordre cistercien, joua un rôle clé dans ce débat[65] .
Les canonistes médiévaux posent la question du bien Plusieurs problèmes seront abordés par les auteurs arabo-
commun, notamment à travers les travaux de saint musulmans : ceux de l’impact des recettes fiscales, puis
Thomas d'Aquin et de ses réflexions sur la propriété du rôle des dépenses publiques et du déficit public.
privée et la recherche du juste prix dans les échanges.
Une grande partie d'entre eux reprennent les conceptions
d’Aristote sur la stérilité de la monnaie ; a contrario, le Trop d’impôt tue l’impôt Dès le VIIIe siècle, Al-
franciscain Pierre de Jean Olivi, témoin de l'essor écono- Muqaffa (720-756/757) dénonce l’oppression fiscale dont
mique du Languedoc, théorise l'usage de la monnaie et sont victimes les paysans. L’agriculture n’est peut-être pas
distingue usage et propriété. une source de richesse comparable au commerce mari-
time, mais elle n’en demeure pas moins encore le princi-
Ils interdisent conformément au dogme théologique le pal fondement de l’économie en ce siècle. Il est donc vital
prêt à intérêt, ou l'« usure », définie dans le Décret de Gra- que l’État préserve cette activité de toute atteinte nuisible
tien. Cette interdiction, entérinée par le troisième concile au développement de sa production. Abou Yoûsouf, Al-
du Latran (1179) qui interdit aux « usuriers » d'être enter- Dimashqî (en) (IXe-XIIe ?) et Miskawayh (932-1030) ne
rés dans les cimetières chrétiens, entre dans le droit civil disent pas autre chose. Ce dernier décrit les multiples ef-
pour des siècles. Il faut cependant nuancer ce lieu com- fets externes négatifs dus aux paysans qui abandonnent la
mun : à partir du XIe siècle et de Renaissance du XIIe terre et observe qu’avec la diminution du surplus agricole,
siècle, ce ne sont pas toutes les formes de prêt à intérêt le produit de l’impôt déjà en baisse ne parvient même plus
qui sont condamnées, mais seulement celles qui servent au pouvoir central. De même Al-Mawardi (974-1058) re-
au profit personnel, lequel est qualifié d'usure[66] . En re- commande de ne pas tuer la matière imposable. Ibrahim
vanche, lorsque le prêt à intérêt est effectué au bénéfice ibn Ya'qub (1059-1126) préconise la nécessité d’impo-
de la communauté, notamment par une personne morale ser chacun selon sa capacité contributive. Ibn Khaldûn
(seigneur, abbaye, universitas), il est admis[66] . (1332-1406) plaide également dans ce sens, tout en re-
De même, le rôle éventuellement spéculatif de la mon- plaçant se observations au cœur d’un cycle des finances
naie, déjà entrevu et condamné par Aristote, génère une publiques.
méfiance séculaire, source de nombreuses interdictions.
Le prêt à intérêt ne sera pratiqué pendant longtemps que
par les Syriaques (chrétiens d’orient) et plus tard par les Le rôle des dépenses publiques et du déficit public
Juifs. Le Trésor doit prendre en charge toutes sortes de travaux
Pour Saint Thomas d'Aquin (1225-1274), les marchands publics, dit Abu Yousuf. Mais son raisonnement va plus
doivent pratiquer un « juste prix » découlant de la loin : jusqu'où peut-on développer ces travaux qui finale-
coutume. Ce qui est censé les prévenir d’un enrichisse- ment accroissent les recettes fiscales ? Réponse : jusqu'à
ment exagéré. L’activité commerciale doit être légitimée ce qu'ils génèrent des externalités négatives (en langage
par un apport réel de richesse au produit via sa transfor- moderne) qui feraient baisser le kharâj (l’impôt foncier).
mation, son transport ou à la limite par son caractère vital Le bon emploi des recettes fiscales, c’est également le sou-
pour la survie du marchand et de sa famille. Il condamne ci d’Al-Turtûshi qui préconise de procéder à des dépenses
par ailleurs le prêt à intérêt, car selon lui la reconnais- d’intérêt collectif : « Ce qui sera prélevé, sera dépensé de
sance de l’emprunteur ne doit pas se manifester par une telle sorte que le bénéfice qui en sera retiré retombe sur
récompense financière, mais par l’estime, la gratitude ou les sujets eux-mêmes. »
l’amitié. Que faire si le Trésor est dans la gêne ou quelque peu mal
Nicolas Oresme, évêque de Lisieux, précepteur et en fonds ? Plusieurs solutions existent dit Al-Mawardi y
conseiller de Charles V, publie en 1366 « de origine na- compris le déficit l’endettement public, suggérant ainsi
tura, jure et mutationibus monétarum » qui est le premier un rejet de la charge du remboursement sur les généra-
texte de politique monétaire destiné au Prince. Il explique tions futures. Contraint par les nécessités financières, Al-
le rôle de la monnaie et l’amoralité de ses altérations. Il Mawardi présente une vision moderne des finances pu-
donne une première analyse des conditions de fonction- bliques, à deux doigts du principe du budget cyclique,
nement d’un système bimétallique. c’est-à-dire de la recherche de l’équilibre budgétaire sur
plusieurs années à défaut de le réaliser sur un an.
Al-Ghazâlî (1058-1111) admet la possibilité d’un em-
prunt public sous deux conditions : que la situation le
justifie, et que les ressources de l’Etat en permettent le
remboursement ultérieur.
3.3 Apport des penseurs économiques de Pour Ibn Khaldûn (1332-1406), l’augmentation des dé-
l'Islam penses publiques accompagne la complexité croissante de
l’Etat.
3.3 Apport des penseurs économiques de l'Islam 13

Ibn Khaldûn fait des dépenses publiques un rouage im- ternalités négatives) : processus de développement dés-
portant du circuit économique. Du fait du poids de ses équilibré au bénéfice des grandes cités qui attirent tra-
dépenses, l’Etat apparaît comme un acteur prépondérant vailleurs et commerces au détriment des petites villes
sur la scène économique et sociale : l’auteur met donc l’ac- (une sorte d’effet d’agglomération à la Krugman), sur-
cent sur le rôle moteur de la demande de l’Etat dans le population relative et épidémies dans les grandes métro-
circuit économique. L’argent prélevé par l’impôt doit re- poles, fâcheux effets du goût du luxe (effets d’imitation,
venir, sous une forme ou une autre, dans le circuit écono- accroissement inconsidéré des dépenses somptuaires pri-
mique, c’est-à-dire aux consommateurs afin d’entretenir vées et publiques, déficits et endettements privés et pu-
la demande privée, et par suite la production. Si la redis- blics). Cette croissance déséquilibrée entre les secteurs
tribution est insuffisante, elle engendre un ralentissement des biens de consommation et celui des investissements
de l’activité économique qui réduira à son tour les recettes publics et privés, jointe à la désintégration des finances
fiscales. Chez Ibn Khaldûn, la notion de multiplicateur publiques, finit par précipiter la phase de décadence éco-
keynésien n’est pas très loin ! nomique et politique, et, in fine, la chute de la dynastie
au pouvoir. La théorie de la croissance et des cycles dé-
veloppée à la fin du XIVe siècle par Ibn Khaldûn, est à
3.3.2 Cycles économiques mille lieues des considérations de Platon.

Platon avait décrit l’âge d’or, puis l’ère de décadence de


la cité. La pensée arabo-musulmane reprendra ce thème, 3.3.3 Monnaie et prix
mais en l’approfondissant considérablement.
Les auteurs arabo-musulmans ont repris l’analyse des
fonctions de la monnaie de la pensée grecque, et plus pré-
La perception des cycles Dans L’histoire de Bûyides, cisément de celle d’Aristote. Mais leur réflexion, nour-
Miskawayh (932-1030) pressentait déjà l’existence de rie par l’observation des faits qu’ils cherchaient à com-
tels cycles. Al-Bîrûnî (973-1048/1050) précisera un peu prendre, s’est très vite portée sur les incidences écono-
plus la notion. Les phases du cycle commenceront à miques et sociales de la circulation monétaire.
être décrites, encore très sommairement, par Al-Turtûshi
(1059-1126) qui distingue néanmoins très nettement les
phases de prospérité et les phases de décadence. Il n’in- La mauvaise monnaie chasse la bonne Al-Ghazâlî
dique cependant pas explicitement les causes ni les mo- (1058-111) observe et dénonce la circulation d’une mon-
dalités du retournement, nous privant d’une véritable ana- naie contrefaite ou altérée à côté des bonnes pièces. Il
lyse cyclique. L’auteur réunit les éléments nécessaires, rejette cette mauvaise monnaie, mais admet cependant
mais ne les utilise pas pour construire une dynamique de quelle soit tolérée sur le marché, pour des raisons pra-
l’évolution économique ; Ibn Khaldûn s’en chargera. tiques, à condition d’en informer les détenteurs. Il y a donc
simultanément une circulation d’une bonne et d’une mau-
vaise monnaie, mais l’observation ne porte pas plus loin,
L’analyse dynamique des cycles d’Ibn Khaldûn Ibn de même, par exemple que celle d’Ibn Abd Al-Ra’uf. Ibn
Khaldûn envisage le devenir de la civilisation dans sa Taymiya, ainsi qu’Al-Qayyim (1292-1406), condamnent
totalité économique, politique, sociale et culturelle. Les les pratiques répétées de dégradation des monnaies, ainsi
cycles population-production et des finances publiques que leur frappe trop importante. Il en résulte que la bonne
qu’il décrit sont réintégrés dans une remarquable dyna- monnaie fuit vers l’étranger, et il ne reste plus que de
mique d’ensemble. la mauvaise monnaie dans le pays. Al-Tilimsani (XIVe-
XVe) s’élève également violemment contre ce fléau de
Dans un premier temps, l’interdépendance des phéno- l’époque, le faux monnayage et l’altération des monnaies.
mènes donne lieu à un processus cumulatif expansion-
Enfin Al-Maqrîzî (1363-1442) observe et note la dispa-
niste, composé de relations réciproques entre population rition progressive des dirhams d’argent, puis celle des di-
et production. nars d’or, laissant bientôt la place à la seule monnaie de
L’analyse d’Ibn Khaldûn réunit tous les principaux élé- cuivre. Parmi les raisons invoquées, outre la thésaurisa-
ments explicatifs d’une théorie de la croissance : crois- tion, il cite les raisons commerciales, mais, la véritable
sance démographique, division du travail, progrès tech- cause qu’il met en avant, est la crise économique et sociale
nique, gains de productivité, ainsi que la nécessité pour du pays (l’Egypte), et la gestion calamiteuse des finances
l’Etat de respecter la liberté de chacun, tant en matière publiques.
de profit individuel que de propriété privée. Inversement Al-Maqrîzî se situe donc dans la lignée d’Aristophane,
toutefois, ces mêmes éléments peuvent engendrer un pro- Oresme, sans oublier ses devanciers arabo-musulmans,
cessus cumulatif à la baisse : c’est la phase de dégradation qui avaient déjà dénoncé ce phénomène. Il annonce, on ne
économique et politique.. peut plus clairement, la future loi de T. Gresham (1519-
Ibn Khaldûn propose même une explication très moderne 1579) « La mauvaise monnaie chasse la bonne ». Tou-
du retournement qui survient au terme de la période d’ex- tefois, l’analyse d’Al-Maqrîzî est plus poussée que celle
pansion. La croissance engendre des effets négatifs (ex- d’Ibn Taymiya ou de Gresham. Comme eux, il formule
14 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

un comportement de substitution entre bonne et mauvaise poids de la religion et de la théologie, il y eut d’abord
monnaie, mais il va en proposer une explication qui va une islamisation de la pensée économique Cette islami-
au delà de la simple reconnaissance d’un phénomène lié sation n’a toutefois pas empêché la réflexion économique
à la seule psychologie monétaire des individus. La crise de se perfectionner et de s’étendre en terres musulmanes,
politico-économique et la mauvaise gestion des finances du moins jusqu’au XVe siècle. La pensée grecque n’a pas
publiques sont les vrais responsables de la fuite et de la délivré d’analyse aussi poussée et réaliste en matière de
disparition des métaux précieux, remplacés par une pro- finances publiques. Elle apparaît bien fruste dans le do-
lifération de monnaies de cuivre de mauvais aloi que nul maine des cycles économiques et ne s’est pas vraiment ex-
ne désirait. L’explication d’Al-Maqrîzî dépasse donc la primée sur la relation monnaie-prix. Elle n’a pas ce sché-
simple dimension monétaire. ma économique général que l’on commence à discerner
dans la pensée arabo-musulmane.
Ces multiples avancées dans le domaine économique
La relation monnaie-inflation Les pratiques répétées
illustrent à quel point il est difficile aujourd’hui de se
de dégradation des monnaies, ainsi que de leur frappe trop
contenter de la thèse du “grand vide” de J.A. Schum-
importante, amènent des auteurs comme Ibn Taymiya, à
peter, ou même de la “simple médiation” de la pensée
réfléchir sur les implications de cette politique. Ibn Tay-
grecque. La contribution de l’Islam à l’élaboration de la
miya met en évidence une relation à respecter entre masse
pensée économique est réelle et novatrice dans bien des
monétaire et volume de transactions, sous peine de voir
domaines, mais l’Occident chrétien ne semble pas l’avoir
diminuer le pouvoir d'achat de la monnaie et donc de por-
intégrée dans sa quête de connaissance, comme il le fit
ter préjudice à la population.
pour la philosophie. La réflexion de l’Islam dans le champ
Al-Maqrîzî s’interroge sur la hausse des prix qu’il obser- économique commencera malheureusement à s’estomper
vait. Il distingue deux séries de causes. Les premières sont à partir du XIIIe siècle, pour s’éteindre définitivement au
naturelles ou extra économiques, mais les causes véri- début du XVe siècle. Le « grand sommeil » allait prendre
tables et fondamentales sont tout autres : il s’agit de la place après ce “grand vide” qui n’avait jamais existé.
corruption et de la concussion à tous les échelons de la
société, de l’augmentation de la rente, et de l’augmenta-
tion de la circulation monétaire. La solution préconisée 3.4 L'économie au service du Prince : Re-
par l’auteur est d’en revenir à un système d’étalon or. naissance et Ancien Régime
Al-Maqrîzî propose une première expression de la théo-
rie quantitative de la monnaie en reliant les prix à la 3.4.1 Nouveau contexte global marqué par la Re-
circulation monétaire, faisant de lui un lointain précur- naissance et la Réforme
seur de Jean Bodin, et même de Monsieur de Malestroit.
Son analyse va même beaucoup plus loin, puisqu’il s’in- L'époque « moderne » de la Renaissance marque une pé-
téresse également aux effets de l’inflation : inégalités so- riode de changement radical des mentalités et de vision du
ciales et régression économique. Avant lui, Ibn Taymiya monde, dû -entre autres- à l'apparition de l'imprimerie et
pointait aussi du doigt la désorganisation du commerce aux grandes découvertes. De ce point de vue, le nouveau
liée à la multiplication des pièces altérées et à l’inflation. monde qui s’ouvre offre tout-à-coup des perspectives sur
De même, Al-Tilimsani observait les trois phénomènes le plan économique.
suivant, qu’il relie parfaitement : 1) l’intense circulation
Les besoins de réforme se font sentir depuis le XIVe
des monnaies altérées a évincé la bonne monnaie d’or ou
siècle, justement sur ces questions. En effet, certains as-
d’argent ; 2) cette grande quantité de mauvaise monnaie
pects économiques pervers de cette époque, comme le
provoque l’inflation ; 3) l’inflation finit par appauvrir ses
trafic des indulgences, sont de plus en plus mal ressentis
victimes si on n’y prend garde. Ibn Khaldûn, quant à lui,
par la population, en particulier dans les pays du nord de
craint tout autant l’inflation que la déflation pour leurs ef-
l'Europe. Les grandes découvertes, le commerce transat-
fets négatifs sur l’activité économique, mais n’apporte pas
lantique et le traité de Tordesillas -qui partage les sphères
vraiment d’éléments novateurs sur la relation monnaie-
d'influence dans le nouveau monde- favorisent un enri-
prix.
chissement rapide des pays du sud de l'Europe tandis que
L’examen rapide de ces trois seuls thèmes, les finances pu- les Pays du Nord de l'Europe se sentent injustement ex-
bliques, les cycles économiques et les relations monnaie- clus.
prix, montre à quel point la réflexion arabo-musulmane,
Les guerres de religion à la suite de la Réforme font émer-
surtout à partir du XIIIe siècle, pouvait parvenir à une vi-
ger l'idée du libre-échange qui sera formulée plus tard par
sion englobante des phénomènes économiques et sociaux.
Hugo de Groot (Grotius).
Ainsi, dès le IXe siècle, la pensée de l’Islam s’est appro-
prié les savoirs abandonnés par la Grèce ou Byzance, et
que personne n’avait repris. Cependant, l’Islam ne s’est La Réforme protestante La Réforme protestante de
pas arrêté en si bon chemin. Sous l’influence de l’évolu- Luther se construit ainsi autour d'une réaction contre le
tion des structures économiques et sociales, ainsi que le système des indulgences.
3.4 L'économie au service du Prince : Renaissance et Ancien Régime 15

Parmi les réformateurs protestants, Jean Calvin défend le un pays qui détermine le pouvoir d'achat de sa monnaie. Il
prêt à intérêt, en préconisant un taux modéré de 5 %. Le défend le prêt à intérêt, contre les recommandations alors
crédit peut ainsi se développer dans les villes protestantes. de l'Église catholique romaine.
La Réforme protestante se développe donc dans ce climat
de changement de mentalité, dans lequel le travail prend 3.4.2 Autres Réformateurs précurseurs de
davantage de valeur par rapport au commerce pur. C’est l'économie moderne
la célèbre thèse de Max Weber (L’éthique protestante et
l’esprit du capitalisme, 1905). Elle explique qu’avec la Ré- Ces précurseurs vont contribuer à émanciper la pen-
forme, le travail devient une nouvelle vertu : auparavant sée économique des réflexions scolastiques. Après eux
destiné à la seule survie, il devient l’origine de la richesse l'économie est désormais une branche distincte de la phi-
et de son accumulation qui, selon la logique protestante de losophie et de la théologie. Les penseurs en économie
la prédestination, serait un signe d’« élection divine ». Le ne sont plus issus de l'Église ni des milieux politiques.
travail et la richesse qu’il produit concourent à la gloire Ils ouvrent la voie aux idées d'abord mercantilistes puis
de Dieu ; le temps est précieux et l’épargne devient une physiocratiques qui seront successivement, chacune à leur
vertu. La pensée protestante transmettrait aussi selon lui manière, les principaux contributeurs à l'autonomisation
l’éthique du métier, mais assurerait surtout une rationali- progressive de la discipline « Économie ». Après eux, la
té plus grande que celle permise par la pensée catholique. voie sera dégagée pour les fondateurs de la pensée éco-
Ce faisant, elle lève de nombreux obstacles moraux à l’ac- nomique moderne et notamment l'École dite Classique.
tivité économique.
En 1516, Thomas More fait une première critique des • Nicolas Copernic, plus connu pour ses travaux
conséquences sociales de la naissance de ce nouveau sys- d'astronomie, est un économiste important. Il
tème économique, que marquait le mouvement des en- a publié plusieurs essais économiques[68] . (voir
closures[67] en Angleterre en décrivant dans Utopia une Nikolaus_Kopernikus#Ökonomische Schriften
société imaginaire ou règnerait un régime de communau- (de))
taire, sans aucune monnaie. Les échanges y étaient ré- • Boisguilbert et Vauban sont partisans de la Réforme
gis par un système de troc. Toutefois, on ne peut consi- fiscale : à leurs yeux, les excès budgétaires et fis-
dérer Utopia comme un traité d'économie, et encore caux du régime - présentés comme cause de la sous-
moins réduire la pensée de Thomas More à ce seul ou- consommation chronique- sont pointés par des au-
vrage : Thomas More n'était pas un économiste, mais teurs comme :
plutôt un juriste, un homme politique, et un théologien
(voir l'œuvre complet dans l'article Thomas More). Il est Pierre de Boisguilbert[69] qui dénonce la
probable que, vu le peu de facilité dans l'impression, la ruine de la consommation : « Pour trouver les
traduction, et la diffusion des ouvrages à l'époque mo- causes de la ruine de la France,il ne faut que
derne, la postérité ait effectué un biais sur la pensée et découvrir celle de la ruine de la consommation :
l'œuvre de Thomas More, prenant Utopia comme argu- il y en a deux essentielles… la consommation a
ment pour la satire d'un système de privilèges aux limites, cessé parce qu'elle est devenue absolument dé-
puis pour la construction de pensées uniformisantes, que fendue et absolument impossible. Elle est deve-
nos contemporains assimilent vite, sans doute par un effet nue impossible par l'incertitude de la taille… en-
d'historicisme, au communisme. [réf. nécessaire] fin la consommation est devenue impossible par
les Aides et par les Douanes sur les sorties et pas-
sages du royaume »[70]
École de Salamanque Parallèlement, en Espagne, Sébastien Le Prestre, Marquis de Vauban
l'École de Salamanque, à partir de la théorie des droits (1663-1707) met en avant son « Projet de
naturels, propose une conception subjective de la valeur la Dime Royale » (1707) où est proposé
et justifie la propriété privée et la liberté des échanges. de remplacer -comme le feront plus tard les
Ses auteurs principaux sont les jésuites Francisco de Vi- Physiocrates- toutes les taxes existantes par un
toria (1483–1546), Martín de Azpilcueta (1493–1586), impôt unique de 1/10° prélevé sur la terre.
Domingo de Soto (1494–1560), et Luis de Molina
(1535–1600). Cette tradition sera reprise par les clas- • Richard Cantillon (1680-1704), économiste irlan-
siques français et l'Ecole autrichienne. dais vit à Paris. Il annonce la phase scientifique de
Martín d'Azpilcueta est un précurseur de la théorie l'économie politique par la publication en 1755 d'un
quantitative de la monnaie. Ses réflexions économiques magistral « Essai sur la nature du commerce en gé-
portent sur les effets de l'arrivée en grande quantité de néral » dans lequel il est le premier à présenter
métaux précieux des Amériques, et l'inflation européenne une vue cohérente des phénomènes économiques[71]
qui en découle. Il définit la théorie de la valeur-rareté : et des intuitions remarquables sur le revenu mini-
tout bien devient plus cher lorsque la demande est plus mum, le rôle de la monnaie et de l'intérêt. Il ana-
forte que l'offre. C'est la quantité de métal précieux dans lyse avec pénétration - avant Jean-Baptiste Say-
16 3 L'ÉCONOMIE DE SERVICE : DE L'ANTIQUITÉ GRECQUE JUSQU'AU XVIIE SIÈCLE

la fonction de l'entrepreneur : Celui-ci effectue Avec lui, le Français Jean Bodin, l'Espagnol Luis de Or-
des paiements certains aux facteurs de produc- tiz et l'Anglais William Petty préparent l'avènement des
tion et vend à des prix incertains, assumant ain- idées mercantilistes qui vont occuper le devant de la scène
si les risques de production[72] . Il définit pour la durant la période allant de 1450 jusque vers 1750[75] et
première fois les circuits économiques globaux : qui continue d'influencer - jusqu'à aujourd'hui- sous des
Schumpeter[73] lui attribue la paternité du « Tableau formes diverses le débat des idées. Ce mouvement nait
Économique » dont Quesnay va donner une formu- dans une période qui se caractérise par la rencontre de
lation plus précise. Outre François Quesnay, il ins- deux tendances particulièrement favorables au change-
pire les physiocrates, ainsi qu'Adam Smith : Richard ment : d'une part l'essor du « capitalisme commercial »,
Cantillon est en effet l'un des rares auteurs écono- encouragé par la multiplication des transports, les grandes
mistes à être cité par ce dernier dans son traité[74] , découvertes ; d'autre part l'émergence de la notion d'État
publié en 1776. et des monarchies absolues en France et en Espagne entre
le XVIe siècle et le milieu du XVIIIe siècle qui doivent
tout faire pour s’imposer sur deux fronts : front extérieur
3.4.3 Les doctrines mercantilistes (1450-1750) face aux puissances étrangères (pouvoir papal et pouvoirs
rivaux en Europe), front intérieur pour unifier la popula-
tion et le territoire[76] .
Dans ce contexte, les penseurs mercantilistes prônent le
développement économique par l'enrichissement des na-
tions au moyen du commerce extérieur qui permet de
dégager un excédent de la balance commerciale grâce à
l'investissement dans des activités économiques à rende-
ment croissant, comme l'avait identifié l'économiste ita-
lien Antonio Serra dès 1613.
L'État tient un rôle primordial dans le développement
de la richesse nationale, en adoptant des politiques
protectionnistes établissant notamment des barrières ta-
rifaires et encourageant les exportations. Le mercanti-
lisme est protectionniste à l'extérieur mais à l'intérieur,
au contraire, il vise à l'unification et au renforcement du
marché national. Cette doctrine économique connaît son
apogée du XVIe siècle au XVIIIe siècle, propagée par une
littérature prolifique de pamphlets de commerçants ou
d'États. Elle estime que la richesse d'une nation dépend
de l'importance de sa population et de l'accumulation d'or
et d'argent. Les nations qui n'ont pas accès aux mines
peuvent obtenir l'or et l'argent en favorisant leur outil pro-
ductif et en stimulant leurs exportations. Pour ce faire ils
vont à la fois limiter les importations de produits finis et
William Petty pousser aux importations de matières premières destinées
à être manufacturées et exportées avec profit[77],[78] .
Jusqu'au Moyen Âge, les questions économiques sont Au cours de cette période, le mercantilisme est loin d'être
traitées sous l'angle de la religion et les théologiens sont un courant de pensée uniforme. Une littérature éclatée ap-
les principaux penseurs des questions économiques. paraît, dans laquelle les hypothèses évoluent et se diversi-
fient, rendant l'idée d'un courant unique assez vague. Il se
À partir des XVe et XVIe siècles un tournant majeur est
répand dans la plupart des nations européennes en s’adap-
amorcé par les marchands et les conseillers des princes.
tant aux spécificités nationales. On distingue parmi les
Tournant qui va créer la rupture.
écoles mercantilistes :
En 1513, celle-ci est bien marquée lorsque parait
Le Prince de Machiavel où ce dernier ne craint pas
1. le bullionisme (ou « mercantilisme portugais ou es-
d'expliquer que « dans un gouvernement bien organisé,
pagnol ») qui préconise l'accumulation de métaux
l'État doit être riche et les citoyens pauvres ».
précieux ;
Sur le fond et d'un point de vue plus économique, le
premier écrit qui contribue fortement au débat parait en 2. le colbertisme (ou « mercantilisme industriel
1615, sous la plume d'Antoine de Montchrestien : son français ») qui est tourné pour sa part vers
Traité d'économie politique utilise pour la première fois l'industrialisation et dont Jean-Baptiste Colbert est
l'expression d'économie politique. la figure de proue,
17

pour la richesse de tous[80] .


Au XXe siècle, beaucoup d'économistes reviennent sur
les critiques faites à l'encontre du mercantilisme et recon-
naissent l'exactitude de certaines de leurs théories. Entre
autres, John Maynard Keynes reprend dans sa « Théorie
Générale » les réflexions liant le niveau du taux de l'intérêt
avec les variations de quantité de monnaie[81] .
Au total, la théorie élaborée par les mercantilistes n'est
pas le fruit d'un chrysohédonisme simpliste (le fait de
placer le bonheur au sein de l'or). Il est exact qu'elle
préconise d'une part l'enrichissement de la Nation par
l'accumulation de métaux précieux (comme l'or et l'argent
sont source de la richesse), ce qui implique la constitution
active d'un excédent commercial. Mais d'autre part, elle
prend pour objectif le renforcement de la puissance de
l'État, personnifié par le monarque absolu.
La résultante réside dans la conquête des marchés ex-
térieurs (ventes à l'extérieur des produits manufactu-
rés) et la préservation (ou une extension) du mar-
ché intérieur (restriction aux importations). D'où une
sorte de « guerre commerciale », fondée non seule-
ment sur le protectionnisme interne mais aussi sur
l'interventionnisme externe.
On doit par ailleurs aux mercantilistes (et notamment à
William Petty) le développement et l'utilisation des statis-
tiques et des méthodes empiriques en économie. Celles-ci
Jean-Baptiste Colbert, la grande figure du mercantilisme en dérivent de leur souci de surveiller la balance commer-
France ciale et les flux de métaux précieux, et parfois d'une sorte
d'obsession du numéraire.
3. le commercialisme (ou « mercantilisme britan-
nique ») qui voit dans le commerce extérieur la
source de la richesse d'un pays
4. le caméralisme allemand qui se considère comme
4 L'Économie de Liberté : Le Libé-
une science des choses de l'État)[79] . ralisme
En France, les premiers ouvrages notables qui analysent Ce mouvement marque le tournant dans la pensée écono-
le fonctionnement économique de l'État et proposent des mique qui a commencé avec les travaux des physiocrates
actions au gouvernement pour améliorer son fonctionne- et se poursuit notamment avec la publication du traité
ment, sont : d’Adam Smith sur la Richesse des Nations en 1776. Cette
En 1615, le Traité d’économie politique, d'Antoine de pensée se développe principalement en Grande-Bretagne
Montchrestien ; et en France.
En 1695, Le Détail de la France, la cause de la diminution Karl Marx invente le terme classique pour distinguer les
de ses biens et la facilité du remède en fournissant en un économistes « classiques » des économistes « vulgaires » :
mois tout l’argent dont le Roi a besoin et enrichissant tout les économistes « classiques » étant -selon lui- ceux qui
le monde, de Pierre Le Pesant de Boisguilbert ; cherchent à déterminer l'origine de la valeur. Keynes
adopte une vision plus large lorsqu'il fait référence aux
En 1700, La Dîme royale, de Vauban. « économistes classiques » : Pour lui, l'ensemble des éco-
David Hume et Adam Smith vont plus tard critiquer les nomistes qui adhèrent à la loi de Say font partie de l'école
mercantilistes pour leur intérêt marqué pour la monnaie Classique. De la sorte cette école s’étend jusqu'aux tra-
et la balance commerciale. Mais en réalité les mercanti- vaux de Pigou (1930). [réf. nécessaire]
listes ne s’intéressent pas uniquement à l'amélioration de
la trésorerie de l'État. William Petty par exemple déve-
loppe les premières réflexions sur des thèmes modernes
comme celui de la masse monétaire, de la vitesse de cir- 4.1 Prémices philosophiques
culation de la monnaie, ou sur l'intérêt du plein emploi
18 4 L'ÉCONOMIE DE LIBERTÉ : LE LIBÉRALISME

4.1.1 Bernard de Mandeville (1670-1733) de la valeur. Keynes adopte une vision plus large lorsqu'il
fait référence aux Classiques car il étend cette école jus-
Bernard de Mandeville, écrivain anglais publie en 1714, qu'aux travaux de Pigou (1930). Pour lui, l'ensemble des
La Fable des abeilles où il tend à opposer la vertu et la économistes qui adhèrent à la loi de Say font partie de
prospérité. Selon cet auteur, la richesse économique col- l'école Classique.
lective découle des « vices privés », en particulier de la
consommation de biens de luxe condamné par les mer-
cantilistes ou les physiocrates comme un gâchis. Cette 4.2.1 Le mouvement physiocratique
idée de séparer la morale de l'efficacité montre la nécessi-
té de rompre avec l'influence des valeurs et de refuser les a Le terme « Physiocratie » ou « gouvernement par la na-
priori dangereux. En effet, la conclusion provocatrice de ture » (issu du grec « phusis » la nature et « kratein »
cet auteur est que les vices privés se révèlent en fait être commander) a été forgé par Pierre Samuel du Pont de
profitables à la communauté et sont donc des « vertus col- Nemours. C'est une école de pensée économique et poli-
lectives ». Son analyse fait de la consommation une action tique née en France vers 1750, qui connait
e
son apogée au
tout aussi utile que l'épargne et annonce les thèses futures cours de la seconde moitié du XVIII siècle
de John Maynard Keynes. Par d'autres aspects, elle préfi-
gure le libéralisme économique et, selon Friedrich Hayek,
« l'ordre spontané »[82] .

4.1.2 Influence des philosophes des Lumières

Les philosophes des Lumières développent aussi des ana-


lyses économiques :
Montesquieu est salué par Keynes pour avoir compris le
premier le rôle des taux d’intérêt comme instrument de la
création monétaire dans De l’esprit des lois (1748), même
si, avant lui, Jean-François Melon et surtout, Nicolas Du-
tot, dans ses Réflexions politiques sur les finances et le
commerce (1738), ont en partie déjà fondé leurs ana-
lyses sur l'influence monétaire des taux d'intérêt. Dans
cette œuvre, Montesquieu voit aussi le commerce comme
source d'adoucissement des mœurs et de paix entre les
nations au contraire des mercantilistes qui en faisaient le
« nerf de la guerre ».
Jean-Jacques Rousseau décrit quant à lui le processus so-
cial de l’appropriation des terres, fondement de l’inégalité
parmi les hommes et origine du Droit et de la société ci-
vile.
L'écossais David Hume apporte la première contribution François Quesnay
majeure à la théorie du libre-échange en tentant de dé-
montrer que les déséquilibres commerciaux sont naturel- Le Tableau Économique de François Quesnay Le
lement corrigés par des mécanismes monétaires. fondateur de cette école est François Quesnay : il en de-
vient le chef de file incontesté après la publication du
Tableau économique en 1758, où il représente la circu-
4.2 Les Fondateurs du Libéralisme Écono- lation des richesses dans l'économie. (voir aussi : Anne
mique Robert Jacques Turgot,1727-1781 Réflexions sur la for-
mation et la distribution des richesses (1766))
L'école classique marque vraiment l'avènement de Le « Tableau économique » de Quesnay s’inspire de la
l'économie moderne. La période classique commence théorie des cycles de François Véron Duverger de For-
avec le traité d’Adam Smith sur la Richesse des Nations en bonnais et du « zig-zag[83] » élaboré sous la direction de
1776 et se termine avec la publication en 1848 des Prin- Vincent de Gournay et Richard Cantillon. Ces travaux
cipes de John Stuart Mill. Cette pensée est historiquement révolutionnaires pour l'époque anticipent ceux d'Adam
développée en Grande-Bretagne et en France. C'est Karl Smith : Ils s’intéressant à la création de la richesse, mais
Marx qui invente le terme classique en opposant les éco- aussi et surtout à sa répartition via des diagrammes de
nomistes classiques aux économistes vulgaires. Les clas- flux et de stocks représentant de manière très élaborée le
siques étant ceux qui ont cherché à déterminer l'origine fonctionnement de l'économie.
4.2 Les Fondateurs du Libéralisme Économique 19

Le but de ce groupe de marchands et de grands com-


mis de l'État est de mettre en place les outils qui per-
mettront au Roi de France de mieux mesurer la création
de richesse et ainsi pouvoir faire de meilleures lois afin
d'éviter les disettes via une production et une répartition
optimisées des richesses. Cependant, en prenant pour hy-
pothèse que le travail est la source de toute création de
richesse, cette analyse va heurter de plein front les inté-
rêts de l'aristocratie française, pour laquelle le simple fait
de travailler était synonyme de dérogeance ; si un Noble
travaillait et que cela venait à se savoir, il en perdait sa no-
blesse, et seule une lettre de réhabilitation du Roi pouvait
la lui rendre.
François de Quesnay en habile politique va dans le « Ta-
bleau économique » faire reposer la source de la richesse
non plus sur le travail, mais sur la capacité « miracu-
leuse » de la terre à produire de la nourriture à chaque
printemps. Il arrivera ainsi à se concilier les bonnes grâces
des rentiers terriens tout en proposant un nouveau sys-
tème prenant en compte autant que se peut les idées nou-
velles et permettant de dépasser le mercantilisme (et le
colbertisme) sans révolutionner la société.
Turgot, Catherine II la Grande, le roi Stanislas II font aus-
si partie de cette école de pensée.

La richesse produite par l'Agriculture En opposi-


tion aux idées mercantilistes, les physiocrates considèrent
que la richesse d'un pays consiste en la richesse de tous ses
habitants et non pas seulement en celle de l'État. Cette ri-
chesse est formée de tous les biens qui satisfont un besoin
et non de métaux précieux qu'il faudrait thésauriser. La
richesse doit être produite par le travail.
Pour les physiocrates, la seule activité réellement produc-
tive est l'agriculture. La terre multiplie les biens : une
graine semée produit plusieurs graines. Finalement, la
terre laisse un produit net ou surplus. L'industrie et le Tableau économique de Quesnay
commerce sont considérés comme des activités stériles
car elles se contentent de transformer les matières pre-
Physiocrates se distinguent de leurs prédécesseurs, qui
mières produites par l'agriculture.
ont été repris par les classiques et qui fondent l'économie
La Physiocratie distingue trois classes d'agents écono- moderne.
miques :
Vincent de Gournay et Turgot, souvent assimilés à l'école
physiocratique, pensent au contraire que les manufac-
1. La classe des paysans, qui est la seule productive
tures et le commerce sont générateurs de richesses. Ils
(producteurs terriens),
ne doivent donc pas être comptés parmi les physiocrates
2. la classe dite « stérile » composée des « marchands » même si ces derniers leur ont fait beaucoup d'emprunts.
[réf. nécessaire]
et « industriels ».
3. la classe des propriétaires.
« Laissez faire les hommes, laissez passer les mar-
Cette vision de l'économie est naturelle à une époque chandises » Dans la controverse sur le commerce
où l'immense majorité de la population est formée des grains qui marque le milieu du XVIIIe siècle, les
d'agriculteurs qui produisent tout juste de quoi assurer Physiocrates prennent parti contre les restrictions gouver-
leur propre survie. La thèse selon laquelle la terre est la nementales au commerce des blés (qui sont à l'époque la
seule source de richesse, qui distingue les Physiocrates base de l'alimentation). Plus généralement, ils affirment
de leurs successeurs classiques, est néanmoins secon- que la meilleure façon de maximiser la richesse de tous
daire par rapport aux autres apports par lesquels les est de laisser chacun agir à sa guise selon ses moyens
20 4 L'ÉCONOMIE DE LIBERTÉ : LE LIBÉRALISME

Portrait de Vincent de Gournay

et mettent ainsi au premier plan la liberté du commerce


comme principe de politique économique[84] .
Vincent de Gournay a popularisé la fameuse phrase Adam Smith
« Laissez faire les hommes, laissez passer les marchan-
dises », probablement due au Marquis d'Argenson, et
4.2.2 Adam Smith
qui passera à la postérité. Ce programme résumé en une
phrase connaîtra un renouveau particulier avec la mise Adam Smith (1723 - 1790, est considéré par beaucoup
en avant des idées libérales dans le dernier quart du comme un des fondateurs de la pensée économique mo-
XXe siècle, les partisans du libre-échange reconnaissant derne. Son traité Recherches sur la nature et les causes de
les physiocrates comme des précurseurs du libéralisme la richesse des nations (1776) connait un immense succès.
économique[85] . Marwitz déclare en 1810 : « Il existe un monarque aussi
puissant que Napoléon, c'est Adam Smith. » L'ouvrage
est traduit et diffusé en France par JB Say au début du
XIXe siècle.

Promouvoir et défendre l'Ordre naturel L'ordre na- 1. L'Homme est l'auteur de la Production et le
turel repose sur le droit naturel et se trouve gouverné par principe de la Richesse. Smith contredit la thèse
des lois qui lui sont propres. Le rôle des économistes est des physiocrates (seule la terre produit de la ri-
de révéler ces lois de la nature. Et le rôle du pouvoir est chesse) : Dès les premières lignes de son traité il re-
de garantir l'application du droit naturel. Ainsi, chaque prend les thèses de William Petty et de Condillac
homme a droit à ce qu'il acquiert librement par le travail pour affirmer que la richesse découle du travail de
et l'échange. l'Homme qui n'a de cesse de s’organiser pour de-
La liberté et la propriété sont des droits naturels que le venir plus efficace. Il fournit à titre d'exemple la
souverain doit respecter et protéger en les consacrant dans description d'une Fabrique d'épingles, qu'il semble
le droit positif. Les physiocrates ne remettent pas en ques- avoir empruntée à l'Encyclopédie. Dans les socié-
tion la monarchie, mais veulent que le souverain, loin de tés développées, le Travail produit le capital, qui
se comporter en monarque absolu ou en despote arbi- doit être subdivisé en capital fixe et capital circu-
traire, se soumette au droit naturel et le fasse respecter. lant, et dont le rôle est de rendre le travail plus pro-
Respect qui impose la mise en œuvre de toute son autori- ductif. L'Epargne -définie comme une consomma-
té. C'est le sens de l'expression « despotisme légal » uti- tion différée- doit être encouragée. La prodigalité
lisée par Lemercier de la Rivière, qui s’apparente plus au manifestée à certains égards par les mercantilistes
concept libéral d'État minimum qu'à l'acception courante lui semble condamnable : « L'industrie ne peut aug-
du mot despotisme. [réf. nécessaire] menter que dans la mesure où le capital augmente et
4.3 Les Maitres classiques (XIXe siècle) 21

le capital ne peut augmenter que dans la mesure où


l'épargne s’accroit »[86] .

2. L'Homme cherche son propre intérêt : « Il ne


pense qu'à son propre gain ». Le Marché est le prin-
cipe d'Équilibre (La Main Invisible). En recherchant
son propre gain, l'homme est conduit par « une main
invisible » à servir une fin qui n'entre nullement dans
ses intentions : il travaille nécessairement au plus
grand revenu de la Société.”. Alors qu'avec les phy-
siocrates les échanges sont conduits par des flux, le
marché de Smith résulte du libre jeu des prix.

3. L'accumulation du capital est le principe du


Progrès. Smith distingue trois états de l'économie
(Progressif, stationnaire, rétrograde) et affirme
qu'une accumulation de capital supérieure à
l'accroissement démographique aura pour effet une
hausse des salaires et des profits.

4.3 Les Maitres classiques (XIXe siècle)

Plusieurs générations d'auteurs appartenant à l'École clas- David Ricardo


sique vont se succéder :

développe plusieurs points théoriques importants en utili-


4.3.1 En Grande-Bretagne sant la méthode déductive et la formalisation des relations
économiques.
Thomas Malthus (1766 - 1836) Dans son ouvrage Par rapport à ses prédécesseurs, Ricardo se manifeste sur
central -l'« Essai sur le principe de population » (1798))- le plan de la forme par un mode d'énonciation plus abstrait
, il explique que l'humanité est vouée à la misère : Les et plus rigoureux :
ressources disponibles augmentent en effet suivant une
progression arithmétique (2, 3, 4…) alors que la popula-
« La méthode analytique de Ricardo est
tion croît selon une progression géométrique (2, 4, 8…).
entièrement fondée sur deux principes : la ré-
Après avoir suscité une levée de boucliers, son analyse
duction de la complexité économique en don-
-qui conduit à prôner la restriction des naissances- se dif-
nées de plus en plus nombreuses à mesure de la
fuse assez largement :
progression logique et l'établissement de rela-
Elle est en phase avec le courant de dénatalité consta- tions causales entre les variables qui subsistent.
té de manière précoce et significative notamment en D'où les possibilités offertes par Ricardo à la
France. Elle donne des arguments aux partisans du retranscription ultérieure de son texte à l'aide
protectionnisme agraire (voir la question du Tarif de ga- des mathématiques[87] . »
rantie des prix agricoles mis en place en 1892 par le mi-
nistre Jules Méline).
Son apport théorique donne naissance ou formalise des
Malthus rédige également une critique de la « Loi des concepts qui feront date notamment dans les domaines
débouchés » ou « Loi de Say » en pointant le rôle de suivants :
l'épargne et -en particulier- de l'excès d'épargne. Thèse
qui sera remarquée et reprise plus tard par Keynes dans 1. Valeur-travail qui devient une notion centrale en
ses analyses de la détermination de la demande effective. économie (et sera reprise notamment par l'analyse
La teneur générale des idées de Malthus contribue à for- marxiste)
ger la doctrine dite du Malthusianisme
2. L' émission monétaire

3. Le Commerce International
David Ricardo (1772 - 1823) L'ouvrage Des prin-
cipes de l'économie politique et de l'impôt en 1817 est son 4. Le Salaire naturel
chef-d’œuvre d'analyse économique. Il constitue une vi-
sion d'ensemble de l'économie anglaise de son époque et 5. La théorie de la rente
22 4 L'ÉCONOMIE DE LIBERTÉ : LE LIBÉRALISME

Sur le plan du fond Ricardo privilégie l'étude des phéno- monnaie. Elle sera combattue par Keynes qui montre que
mènes de répartition de la richesse : En 1820[88] , il écrit les agents peuvent thésauriser une partie de leur revenu
à Malthus quelques années avant sa mort : et ne pas ré-injecter cette somme dans le circuit écono-
mique, contrairement à ce que prétend la « Loi des dé-
« L'économie politique est selon vous une bouchés »
enquête sur la nature et les causes de la ri-
chesse. J'estime au contraire qu'elle doit être
définie : une enquête sur la distribution… De Frédéric Bastiat (1801-1850) Article détaillé :
jour en jour, je suis plus convaincu que la pre- Frédéric Bastiat.
mière étude est vaine et décevante et que la se-
conde constitue l'objet propre de la science. »
Paul Leroy-Beaulieu (1843-1916) Article détaillé :
Cobden et le Libre-Échange (1838) Plutôt mécon- Paul Leroy-Beaulieu.
nue est l'influence de Richard Cobden. Elle est pour-
tant considérable puisqu'il est l'apôtre inlassable du Libre-
échange et qu'à ce titre, il obtient en Angleterre (de 1846
4.3.3 Aux États-Unis : Henry Charles Carey (1793-
à 1850) l'abolition des lois protectionnistes et douanières.
1879)
En 1860, à la tête de la délégation anglaise, il négocie
avec la France un traité de commerce libéral.
Article détaillé : Henry Charles Carey.

4.3.2 En France

Jean Baptiste Say (1767-1832) Jean-Baptiste Say est 4.3.4 L'effort de synthèse : John Stuart Mill (1806-
considéré comme le chef de file des économistes clas- 1873)
siques français. Son renom est dû à la publication en 1803
de son Traité d'économie politique, mais aussi à la « Loi Article détaillé : John Stuart Mill.
des débouchés », aussi appelée « Loi de Say ».
Jean-Baptiste Say a une vision quasi-matérielle de
l'économie : Selon la « Loi des débouchés », les pro- 4.4 Les Néo-classiques : des choses aux
duits s’échangent contre des produits et donc l'offre crée mécanismes
sa propre demande.
Article détaillé : École néoclassique.
« Il est bon de remarquer qu'un produit créé L'École néoclassique naît de la « révolution margina-
offre dès cet instant un débouché à d'autres pro- liste » dans les années 1870.
duits pour tout le montant de sa valeur. En ef-
fet lorsque le dernier producteur a terminé un
produit, son plus grand désir est de le vendre 4.4.1 L'école de Vienne : Calcul différentiel et Uti-
pour que la valeur de ce produit ne chôme pas lité marginale
entre ses mains. Mais il n'est pas moins em-
pressé de se défaire de l'argent que lui pro- Cette école est la première à utiliser l'utilité marginale
cure sa vente pour que la valeur de l'argent ne comme déterminant de la valeur des biens et le calcul
chôme pas non plus. Or on ne peut se défaire de différentiel comme instrument principal de raisonne-
son argent qu'en demandant à acheter un pro- ment. Elle se caractérise en particulier par une extrême
duit quelconque. On voit donc que le fait seul mathématisation. Elle se constitue à partir des travaux de
de la formation d'un produit ouvre dès l'instant Stanley Jevons (1835-1882), Carl Menger (1840-1921)
même un débouché à d'autres produits. » et Léon Walras (1834-1910). D'où les trois écoles issues
du marginalisme : l'École de Lausanne, avec Léon Walras
— Traité d'économie politique, 1803, Livre I et Vilfredo Pareto ; l'École de Vienne, avec Carl Menger
(voir ci-dessous) et l'École de Cambridge, avec William
L'ouverture des débouchés étant quasiment automatique, Jevons. Fin XIXe siècle, ces auteurs réorientent l'origine
les causes des crises de production lorsqu'elles existent de la valeur vers les conceptions avancées autrefois par
doivent être recherchées ailleurs que dans le fonctionne- Condillac (idées qui avaient été éclipsées par la notion
ment du marché. classique de cout de production) et définissent la valeur
La monnaie n'est qu'un voile neutre qui recouvre les tran- par rapport à l'utilité de la dernière portion ou quantité
sactions : Elle ne peut donc être recherchée pour elle- disponible d'un bien, soit son utilité dite marginale. Le
même. Cette conception monétaire sera reprise et déve- procédé est appliqué à bon nombre de mécanismes de
loppée par les tenants de la Théorie quantitative de la détermination économique : répartition des biens, valeur
4.4 Les Néo-classiques : des choses aux mécanismes 23

Vilfredo Pareto (1848-1923) Article détaillé :


Vilfredo Pareto.

4.4.3 La synthèse par L'École de Cambridge

Alfred Marshall (1842-1924) Professeur à


Cambridge, il introduit en Grande Bretagne les tra-
vaux des Écoles de Lausanne et de Vienne auxquels il
apporte nuances et corrections :
Il perfectionne la vision de la dimension temporelle en
proposant la distinction entre courte période et longue
période, selon que la quantité de capital, la technique, la
population, les goûts des consommateurs ont ou n'ont pas
le temps de changer.
Il enrichit la démarche abstraite par une référence accrue
à la réalité individuelle ou sociale et n'hésite pas à recom-
mander des réformes sociales. [réf. nécessaire]

4.4.4 Réaction et contestation du marginalisme

Vilfredo Pareto L'École autrichienne L’École autrichienne d’éco-


nomie, issue de Carl Menger en 1871, se distingue de
des biens de production, niveau de l'Intérêt, valeur de la l'École néoclassique en ce qu'elle rejette l’application à
monnaie. [réf. nécessaire] l’économie des méthodes employées par les sciences na-
turelles, et qu'elle s’intéresse aux relations causales entre
les évènements plutôt qu'aux mécanismes d'équilibres.
4.4.2 L'École de Lausanne : l'Équilibre en écono- Outre Carl Menger, ses représentants les plus connus sont
mie pure Ludwig von Mises et Friedrich Hayek.
La tradition autrichienne se rattache aux scolastiques es-
Léon Walras (1834-1910) Léon Walras s’attache à
pagnols du XVIe siècle (École de Salamanque), via les
bâtir un modèle descriptif de l'activité économique :
économistes classiques français.
Elle promeut le libéralisme non seulement en matière
1. il reprend la méthodologie des travaux d'Augustin
économique mais aussi et plus généralement dans le cadre
Cournot et Arsène Jules Dupuit (ingénieur des Ponts
politique et social. De ce point de vue Friedrich von
et Chaussées) qui appliquent les mathématiques à
Hayek et ses disciples en sont les représentants les plus
l'étude des prix (concurrence parfaite, duopole, mo-
actifs.
nopole…)
L’École autrichienne est très active dans le débat d'idée
2. il décrit un modèle idéal, montrant puisqu'elle s’est successivement opposée à l’École his-
l'interdépendance générale des variables écono- torique allemande (à la suite de la Methodenstreit) ;
miques,incluses dans des relations mathématiques. à Léon Walras et aux néoclassiques ; aux théories de

3. il fournit une vision globale de l'économie, et le sché- la conception objective de la valeur et donc à Karl
Marx et au socialisme ; et enfin à Keynes et aux
ma le plus large d'une économie statique : il fait à ce
titre l'admiration de J Schumpeter qui le qualifie de macroéconomistes.
plus grand de tous les économistes. Ces controverses sont encore vivaces et mettent
la tradition autrichienne en conflit avec presque
Bien que Walras ne soit pas libéral, son œuvre contri- toutes les autres écoles de la pensée économique
[réf. nécessaire]
bue à renforcer les tenants du Libéralisme : Le modèle, contemporaine.
représentatif d'une économie pure, et fonctionnant sous
l'hypothèse de la concurrence parfaite (hypothèse à vrai
dire idéale) est fréquemment invoqué par les libéraux L'institutionnalisme Thorstein Veblen publie en
pour démontrer et défendre la perfection du régime de 1899 « Why is Economics not an Evolutionary Science ? »,
concurrence (qui ne peut être en vérité un régime de fait). le document fondateur de l'École institutionnaliste.
[réf. nécessaire]
Il rejette de nombreux postulats de l'école néoclassique,
24 5 L'ÉCONOMIE D'INTERVENTION

Il développe une pensée hétérodoxe en affirmant la


prééminence du bonheur social sur la seule efficaci-
té matérielle et rompt avec les analyses des classiques
libéraux[90] :

• Il refuse la loi des débouchés de Say selon laquelle


« les produits s’échangent contre des produits et le
concept d'un équilibre général obtenu par le libre jeu
de la concurrence.
• Il montre la possibilité de déséquilibres globaux
dans l’économie, notamment sous la forme de crises
majeures de surproduction. À ce titre, il intro-
duit la notion de délai entre la production et la
consommation (un an dans le cas de l’agriculture par
exemple). Pour lui le progrès technique n’accroît pas
simultanément l’offre et la demande, car son premier
effet est de permettre le licenciement des ouvriers
qui ne sont réembauchés qu’à moyen terme, à condi-
tion qu'entretemps les déséquilibres de court terme
ne provoquent pas de crise de surproduction.
• Il relève le pluralisme des idées et des jugements des
différentes classes sociales sur l'état de l'économie et
de la société
Thorstein Veblen
• Il considère que l'économie doit aboutir au bonheur
de tous et à la justice sociale : « Nous ajoutons que
comme l'hédonisme individuel justifiant la notion d'utilité la jouissance est le seul but de cette accumulation, et
marginale, ou l'existence d'un équilibre stable vers lequel qu'il y a accroissement de la richesse nationale que
l'économie converge naturellement. quand il y a aussi accroissement des jouissances na-
tionales ».
L'École institutionnaliste comprend des héritages de
l'École historique allemande. elle se développe principa- Certaines de ses préconisations préfigurent des thèmes de
lement aux États-Unis, où ses représentants sont : Arthur réalisations futures[91] :
R. Burns, Simon Kuznets, Robert Heilbroner, Gunnar
Myrdal, John Kenneth Galbraith. • La distribution des fruits du travail aux salariés
Les idées sont reprises dans les années 1970 par l'école de qui permet de créer une demande et favorise
la Nouvelle économie institutionnelle qui se situent dans l'écoulement de la production sera illustrée par le
la lignée de la pensée introduite par Ronald Coase . [89] Fordisme
• La réduction du temps de travail qui évite la sur-
production et le chômage, ajuste le volume d'emploi
5 L'économie d'Intervention avec la consommation annonce le thème du travail
choisi.

5.1 Prémices du socialisme Bien que réformiste, Sismondi ne s’associe pas aux pla-
nificateurs et aux collectivistes. Il croit au marché, mais
Les classiques et leurs analyses sont rapidement critiqués. veut que des institutions en tempèrent la brutalité[92]

5.1.1 Jean de Sismondi (1773-1842) 5.1.2 Le socialisme utopique

En 1819, Jean de Sismondi publie ses « Nouveaux prin- L'époque est aussi celle de l’émergence de la pensée so-
cipes d’économie politique ou de la Richesse dans ses rap- cialiste. Les socialistes utopiques dénoncent l’anarchie in-
ports avec la population » où il pointe les conséquences dustrielle.
sociales de l'industrialisation visibles dans l’Angleterre de L'un d'eux,Charles Fourier, rêve de mettre en place des
son époque : chômage, inégalité, paupérisation… dénon- phalanstères, communauté de 1620 personnes sélection-
çant un libéralisme qui se construit en procurant des droits nées pour leurs caractères et leurs aptitudes complémen-
aux entrepreneurs et imposant des obligations aux ou- taires afin que la communauté soit au mieux organi-
vriers. sée et puisse prospérer. De nombreux phalanstères sont
5.3 L'école historique 25

par exemple créés aux États-Unis. Des industriels phi- plus célèbres penseurs issus de ce groupe sont Karl Marx
lanthropes comme Robert Owen théorisent et montent et Friedrich Engels, qui écrivent ensemble ou séparément
des usines modèles où est recherchée la hausse de la de nombreux ouvrages économiques, le plus célèbre étant
productivité par la réduction du temps de travail, où sont Le Capital.
expérimentés les cours du soir, où les familles sont prises Le marxisme repose sur une vision philosophique du
en charges et jouissent de nombreux agréments : écoles, monde : le (matérialisme historique) qui entend redéfinir
jardins d’enfants, etc. À l’image de Fourier, Owen rêve de les domaines de la philosophie et de la sociologie.
mettre en place des « villages de coopération ».
L'économie occupe une place importante dans cette théo-
rie hétérodoxe : avec Marx, les termes traditionnels sur
5.1.3 Le saint-simonisme lesquels repose l'économie (le travail, la propriété, la
consommation, la production, le capital, l'argent…) sont
En France, Claude Henri de Saint-Simon promeut le pro- redéfinis, complétés et organisés dans un système analy-
gressisme industriel et souhaite mettre en place une inter- tique se voulant logique et cohérent, mais aussi fidèle aux
vention technocratique de l’État basée sur la planification mouvements de la réalité historique.
industrielle. L’objectif est l’amélioration des conditions
de la classe laborieuse. Autour de lui se forme une véri- Sont notamment développées des théories de la valeur
table « secte économique », le saint-simonisme. De son et de la valeur-travail, reprises aux classiques anglais
côté, Charles Brook Dupont-White énonce une critique (en particulier Ricardo), mais aussi des notions origi-
radicale du capitalisme qui annonce celle du marxisme, nales comme la mise en évidence de l'importance de
et propose l'intervention de l'État comme régulateur du l'investisseur -apporteur de capital- dans le cycle « Ar-
système. gent ⇒ Marchandise ⇒ Argent », ainsi que le concept de
« Plus-value » (mode de production et répartition).
Enfin, en Grande-Bretagne, le dernier des classiques an-
glais, John Stuart Mill prône que le libéralisme est la Ce courant inspire des penseurs de l'économie marxiste
meilleure façon de produire des richesses mais indique comme [93]
Rosa Luxemburg avec L'Accumulation du capi-
qu’il n’est pas pour autant la meilleure façon de les répar- tal (1913), ou plus récemment Paul Baran ou Paul
[réf. nécessaire]
tir… Sweezy.

5.2 Marx et le marxisme 5.3 L'école historique


L'école historique (aussi qualifiée de courant de
l'Historicisme) apparaît en Allemagne dans les années
1840 en réaction à l'universalisme des classiques. Son
précurseur Friedrich List (1789-1846) considère que
l'instauration du libéralisme n'est conforme qu'à l'intérêt
national anglais[94] et que la supériorité de l'industrie
britannique est telle que tous ne bénéficient également du
libre échange. Il rejette par conséquent l'idée de « lois »
économiques dissociées de leur contexte historique,
social et institutionnel.
Pour elle, le développement économique ne peut être ana-
lysé grâce à une construction purement logique. Cette ré-
action est inspirée par le mouvement du positivisme :

« Tout ce qu'on appelle logique, métaphy-


sique, idéologie est une chimère et une rêverie,
quand ce n'est point une absurdité[95] . »

« La prospérité d'un peuple ne dépend pas


comme Say le pense de la quantité de richesses
et de valeurs échangeables qu'il possède, mais
Karl Marx du degré de développement des forces produc-
tives. Si les lois et les institutions ne produisent
Au début des années 1840, des universitaires de gauche pas directement des valeurs, elles produisent du
critiquent les économistes classiques et se font traiter moins de la force productive et Say est dans
d'« hégéliens de gauche » car ils se réclament de l'analyse l'erreur quand il soutient qu'on a vu des peuples
critique pensée par Georg Wilhelm Friedrich Hegel. Les s’enrichir sous toutes les formes de gouverne-
26 6 ANALYSE ET THÉORIES CONTEMPORAINES

ment et que les lois ne peuvent créer de la l'Homme (Condillac et Smith) puis vers les mécanismes
richesse[96] . » (marginalisme, Théorie de l'équilibre), la démarche des
théories contemporaines semble consister dans une remon-
L'Allemagne est le pays où fleurit la pensée historiciste. tée inverse, curieusement symétrique. »
Celle-ci trouve un large écho et contribue même à rendre Ainsi la démarche des penseurs contemporains va-t-elle :
ce pays plus ou moins imperméable -pendant la période
allant de la fin du XIXe siècle jusqu'au début du XXe 1. Repartir d'une analyse révisée des mécanismes fon-
siècle - aux influences exercées par le courant margina- damentaux (Néo-marginalisme, analyse parétienne,
liste en Europe. L'école historique allemande se forme nouvelles théories des prix, du bien être, de la mon-
dans les années 1840 avec les écrits de Bruno Hilde- naie)
brand (1812-1878), Karl Knies (1821-1898) et surtout
de Wilhem Roscher (en) (1817-1894). Ce dernier inau- 2. pour retrouver l'homme et ses données psycholo-
gure le mouvement avec son « Précis d'économie politique giques (les propensions) qui président aux grandes
d'après la méthode historique,[97] » où il déclare que la fonctions économiques (telles qu'exposées par la ré-
recherche économique doit être pluridisciplinaire, incor- volution keynésienne)
porant en non seulement les méthodes des économistes
mais aussi celles des historiens et des sociologues. « La 3. pour finalement replacer toute l'activité économique
meilleure méthode étant celle de l'histoire et de l'éventuelle dans son milieu historique et sociologique (étude des
recherche des régularités et des différences, ce qui conduit structures et des systèmes).
au relativisme et à l'abandon de l'idée d'une science éco-
nomique formalisable et universelle »[98]
6.1 La révision des mécanismes (1800-
Par la suite, Gustav von Schmoller, Adolph Wagner, 1930)
Werner Sombart et Max Weber entre autres contribuent
à cette école. 6.1.1 Mécanismes de la Valeur et des prix
L'école historique anglaise se développe parallèlement et
indépendamment de sa consœur germanique. Bien que Les auteurs s’attachent à remédier aux défauts de la théo-
s’appuyant sur une importante tradition empiriste et in- rie classique et néo-classique des prix :
ductiviste héritée de Bacon et de Hume, elle n'aura pas la
même aura que cette dernière. Il faut néanmoins remar- • Les néo-marginalistes : Ils forment la troisième gé-
quer que durant la période de transition séparant la domi- nération de l'École de Vienne : des théoriciens
nation de l'économie classique ricardienne et l'émergence du calcul économique (Hans Mayer, Rosenstein-
du marginalisme dans les années 1870, l'école histo- Rodan, Léo Schonfeld, R. Strigl), l'auteur de la théo-
rique anglaise constitue -pour un temps- l'orthodoxie de rie des Jeux (Oskar Morgenstern), des Néo-libéraux
l'économie politique britannique. Ainsi, W.S. Jevons au- (Ludwig von Mises, R.V Hayek). Leur objectif est
ra toutes les peines du monde à s’imposer dans le milieu de faire évoluer le raisonnement marginaliste d'une
académique. forme trop “psychologisante” (Hédonisme) vers une
Très influencée par les auteurs allemands, la version fran- forme plus théorique et plus fondamentale de “calcul
çaise de l'historicisme n'a qu'une portée limitée et une économique”.
unité contestable : le rejet de l'école de Lausanne et de • Vilfredo Pareto et les courbes d'indifférence :
Léon Walras semblent en constituer le principal élément Empruntant la notion à Edgeworth, Pareto fonde
fédérateur. Ses principaux contributeurs sont Charles l'évaluation de l'utilité non pas dans l'absolu (un
Gide (1847-1932) et François Simiand (1873-1935). Par seul bien est envisagé à la fois) mais de façon re-
contre, la recherche historique en France est profondé- lative et plus précisément comparative : l'utilité d'un
ment rénovée par l'important mouvement de l'École des bien est évaluée par comparaison avec celle d'un
Annales. L'un de ses héritiers particulièrement fécond autre bien. L'utilité - ainsi retraduite via les courbes
dans le domaine de l'histoire économique sera l'historien d'indifférence- donne une base objective et rigou-
Fernand Braudel. reuse pour l'établissement d'une “économie pure”

• John Hicks, le taux marginal de substitution et l'Effet


6 Analyse et théories contempo- de Revenu : Plutôt que de raisonner sur la notion
“d'utilité totale” à la manière de Pareto, John Hicks
raines préfère raisonner sur le rapport entre les utilités mar-
ginales de deux biens considérés (X) et (Y), soit ce
Alors que -selon André Piettre[99] - dans la période pré- qu'il dénomme le“Taux marginal de substitution”.
cédente, la pensée économique s’était perfectionnée en Le taux indique de combien la quantité du bien
suivant « une voie d'affinement mais aussi de rétrécis- (X)diminue quand celle de (Y) augmente. « La no-
sement incessant : depuis la Nature (Physiocrates), vers tion est importante[100] car elle permet de définir le
6.1 La révision des mécanismes (1800-1930) 27

prix comme égal au taux marginal de substitution inversé : il ne s’élève plus de la demande vers l'offre,
entre le produit et la monnaie. À partir de là, l'emploi il descend de la production vers la consommation ».
que fait le Consommateur de son revenu va faire in-
trusion dans le raisonnement. La théorie de la De-
mande va en être transformée. »[101] . John Hicks at- 6.1.2 Mécanismes de la répartition
tire également l'attention sur ce qu'il appelle l'effet
L'opposition irréductible entre libéralisme et socialisme
de revenu en montrant - contrairement à ce que pré-
fait question[106] :
voit la théorie classique- qu'une hausse ou une baisse
de revenu n'implique pas nécessairement un mouve- Selon le mot d'Auguste Comte, le libéralisme avec son
ment de même amplitude et/ou de même sens dans « laisser-faire » apparait comme une « démission solen-
la demande d'un Bien nelle », une « théorie sans politique ». Alors que le socia-
lisme se révèle être « une politique sans théorie ».
• John Morice Clark et le poids des coûts fixes : En
1923, John Morice Clark[102] montre que la struc- Des auteurs français et surtout anglais vont tenter d'opérer
ture des coûts d'une entreprise influe fortement sur une synthèse :
son mode de calcul des prix : Notamment quand la
proportion des couts qu'il appelle “constants” (cad : • Les marginalistes français comme le socialiste
fixes) est plus importante, ce qui peut conduire en Adolphe Landry et le réformiste Aftalion laissent à
période d'expansion ou de dépression économique penser que l'intervention -plutôt que le seul laisser-
à une détermination du prix fort différente de celle faire- permettrait d'améliorer les mécanismes de ré-
indiquée par ma théorie classique. Plus tard, cet as- partition. mais leurs démonstrations n'aboutissent
pect sera complété par la constatation des pratiques qu'à des conclusions en demi-teinte : « Un régime
dites de Full cost ou Coût complet en Entreprise. utile doit décider de sa justice ».

• L'incidence de la structure des Marchés : le point est • Plus convaincante est la notion d'« économie de
perçu en 1838 par Antoine-Augustin Cournot dans bien-être » développée par Arthur C. Pigou qui
sa « Recherche sur les principes mathématiques de la oppose l'économie de richesse avec l'économie de
Théorie des Richesses ». Bien-Être définie comme l'accroissement maximum
des utilités des individus. Finalité qui d'après lui
• Piero Sraffa le reprend en affirmant que « les n'est possible :
forces actives, faisant obstacle à la concur-
• qu'en répartissant plus judicieusement les ins-
rence » doivent être étudiées[103] .
truments de production (en égalisant les utili-
• Edward Chamberlin en 1927, développe la tés marginales des facteurs de production)
thèse selon laquelle les imperfections de • qu'en répartissant de façon plus égale, ce qui
concurrence pourraient bien être la règle et revient à satisfaire d'abord les besoins de plus
n'être plus l'exception tant les situations de forte intensité (en à grande échelle l'utilité
monopoles sont fréquentes. Chamberlin pense marginale de la monnaie)
que ces imperfections doivent être repérées
et analysées non seulement au niveau de • qu'en régularisant dans le temps le dividende
l'entreprise, mais aussi plus finement au niveau national en vue de neutraliser les fluctuations
des produits. et le chômage (maximiser les effets du revenu
par une stabilité plus assurée)
• L'économiste allemand Heinrich von Stackel-
berg établit en 1940 un premier tableau inven- • J.A.Hobson, économiste fabien, dénonce la théorie
taire des situations de concurrence (parfaite et de l'utilité finale comme une « finale futilité »[107] et
imparfaites)[104] . entend donner une justification plus forte au concept
de Bien-Être. Pour lui l'« human welfare » a des ra-
• John Kenneth Galbraith souligne combien
cines plus profondes que l'« economic welfare » qui
le « poids » des entreprises peut influencer
minimise le coût humain de la production et oublie
l'équilibre de la concurrence. Ce qu'il appelle
le service de l'homme dans la consommation.
le « pouvoir compensateur » découle du rap-
port de forces existant entre les structures. • J.R.Hicks en 1934 complète la démarche de
l'optimum de Pareto en y ajoutant la dimension de
• Prix administrés et Prix arbitraires : bien
la distribution : le bien être est la situation où la
qu'intervenant dans des domaines distincts (public
production et la distribution sont telles qu'elles per-
ou privé), l'existence de ces catégories de prix ne
mettent à chacun d'atteindre le point le plus élevé sur
manquent pas de jeter le doute sur le réalisme des
sa carte de préférence[108] .
mécanismes classiques de fixation des prix. John
Kenneth Galbraith dans son essai « le Nouvel État • Oskar Lange[109] en économie socialiste, et A.P.
industriel » paru en 1968[105] ne craint pas d'affirmer Lerner à partir de positions keynésiennes[110] s’ef-
que « le mécanisme de détermination des prix s’est forcent de résoudre la question.
28 6 ANALYSE ET THÉORIES CONTEMPORAINES

• Les approches abstraites des mécanismes de la ré- des auteurs comme R. Roy, Fr.Divisia, E.Milhau.
partition se révélant décevantes, plusieurs auteurs Puis développé dans les années 1930 par le Centre
vont réintroduire de façon plus réaliste : polytechnicien d'études économiques X-Crise et re-
pris à l'échelon international par la « Société interna-
• le salaire et son mode de détermination avec tionale d'économétrie », enfin aux États-Unis par la
M.Dobb et JR. Hicks[111] « Cowles Commission for research in economics »
• les facteurs psycho-sociologiques qui pour et par la revue « Econometrica ».
Aftalion affectent l'appréciation de l'utilité et
de la désutilité du travail et pour F. de Men-
thon se manifestent par l'effet de l'opinion gé- 6.1.4 Mécanismes monétaires
nérale ou de l'action syndicale.
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou
incomplète. Votre aide est la bienvenue !
6.1.3 Mécanismes des relations fondamentales

Alors que le Modèle élaboré par Walras semble repré-


senter la synthèse aboutie et indépassable du fonction- 6.2 Keynes, l'analyse fonctionnelle
nement du système économique, deux approches ouvrent
des perspectives nouvelles : Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou
incomplète. Votre aide est la bienvenue !
• Joseph Schumpeter (1883-1950) bouscule les idées
en introduisant à différents niveaux de la pensée
économique le concept de la dynamique. Ses prin-
cipaux apports concernent la compréhension : 6.2.1 Le Modèle keynésien

• de l'évolution économique avec en parti- Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou
culier ses théories de l'entrepreneur et de incomplète. Votre aide est la bienvenue !
l'innovation (présentés comme les ressorts
principaux du progrès), la théorie du circuit
économique (non point stationnaire mais af-
fecté par l'introduction de l'effet-temps), la 6.2.2 L'impact des idées keynésiennes
théorie de l'évolution (poussée par l'intérêt et
le profit) Article détaillé : keynésianisme.
La crise de 1929 met en exergue la portée limitée des
• des cycles économiques, avec un cycle en 4
phases (prospérité, récession, dépression, re-
prise) calqué sur la dynamique de l'innovation.
• de l'évolution sociologique du capitalisme avec
la constatation de trois phases longues liées à
trois familles d'innovation :
1. La révolution industrielle (1787-1843)
avec le coton, l'acier et la vapeur
2. Le cycle bourgeois (1842-1897) avec les
Chemins de fer
3. Le cycle néo-mercantiliste (1897-
-…) avec l'électricité, la chimie et
l'automobile.

• L'Économétrie qui -par une approche essentielle-


ment quantitative- entend dépasser des méthodes
en grande partie fondées sur la déduction abstraite.
Les précurseurs sont aux États-Unis Henry Lud-
well Moore[112] et en France Marcel Lenoir[113] . Ils
entendent utiliser le raisonnement mathématique,
mais à la différence des économistes mathémati-
ciens antérieurs (Cournot, Walras, Albert Aupe-
tit, ils veulent le faire reposer sur des fondements
concrets et traiter des problématiques sur la base de
faits mesurés. Le mouvement est initié en France par Harry White saluant John Maynard Keynes (à droite, 1946)
6.2 Keynes, l'analyse fonctionnelle 29

enseignements de la théorie néoclassique : Les théori- 1. Tout d’abord redistribuer les revenus des plus riches
ciens orthodoxes ne parviennent pas en effet appréhender (qui ont une plus forte propension à épargner) aux
et analyser l'existence dans les années 1930 d'un phéno- plus pauvres (qui eux ont une forte propension à
mène de chômage massif. Sauf à invoquer la présence consommer).
d'un « chômage volontaire » selon lequel, au taux de sa-
laire fixé par le marché du travail, certains agents écono- 2. L’État peut aussi stimuler la création monétaire via
miques ne préfèrent pas travailler. La négligence du chô- une baisse des taux d’intérêt qui encouragera les gens
mage est pour John Maynard Keynes l'axe central de la à emprunter pour consommer et surtout rendra ren-
critique qu'il adresse au parti conservateur : table des projets d'investissement dont l'Efficacité
Marginale du Capital était inférieure au niveau du
« ce n'est pas accidentellement que le par- taux d'intérêt monétaire.
ticonservateur nous a mené dans le pétrin où
nous sommes. C'est la conséquence normale 3. Enfin l’État peut accroître ses dépenses publiques
de sa philosophie, selon laquelle “ il ne faut induisant une augmentation de la demande globale
pas chercher à employer tout le monde car cela en lançant des programmes de grands travaux par
conduirait à l'inflation”[114] . » exemple.

Alors que l'existence d'au moins un équilibre général est Pour ce faire, il peut même recourir au déficit budgétaire
l'unique résultat démontré par la théorie néoclassique (en- dont il peut espérer qu’il sera à moyen terme comblé par
core aujourd'hui), Keynes va développer au contraire une la reprise économique. Le financement de cette politique
théorie qualifiée de « générale »[115] , car elle rend compte interventionniste s’opère soit par des prélèvements obli-
non seulement des situations d'équilibre de sous-emploi, gatoires supplémentaires, soit une émission de titres sur
mais aussi de plein emploi et ce, pour toutes les forces les marchés des capitaux. Les méthodes de Keynes qui
de travail et de capital. Son approche théorique qualifiée s’appuient sur l’étude des agrégats économiques (entre-
d'« hétérodoxe » est considérée comme la première théo- prises, ménages, État…) et se distinguent de l’étude néo-
rie macroéconomique, qui remet en question plusieurs classique des comportements individualistes, fondent la
des principes néoclassiques : la monnaie n'est pas un voile macroéconomie[118] .
jeté sur les échanges ; le montant de l'épargne n'est pas dé-
terminé sur le marché des capitaux ; la détermination du
taux d'intérêt est monétaire et non réelle. 6.2.3 L'État-providence Beveridgien
Keynes montre qu'une économie de marché parvient le
plus souvent à un « équilibre de sous-emploi » durable Alors que la Seconde Guerre mondiale vient de succéder
des forces de travail et de capital. Il rompt ainsi avec à la crise, un économiste et parlementaire britannique,
l’analyse néoclassique qui analysait le chômage comme William Beveridge, fait de nombreuses propositions vi-
« frictionnel » ou « volontaire », afin de montrer que l’éco- sant à redéfinir le rôle de l’État d’après-guerre. Celles-ci
nomie peut durablement souffrir d’un chômage de masse vont profondément changer la conception du rôle de l'État
dans l'économie en militant pour le renforcement de ce
que les mécanismes du marché seuls ne peuvent résoudre.
Ainsi Keynes décrit une dynamique qui empêche toute que l'on appelle « l'État-providence ».
reprise spontanée de l’économie. Une offre excédentaire En 1942, dans un premier rapport « Social Insurance and
initiale provoque des licenciements. Keynes nie la thèse Allied Services », il propose la mise en place d’un système
néoclassique selon laquelle se produit un ajustement par totalement généralisé, uniforme et centralisé dont la mis-
les salaires, entrainant un réajustement des profits, puis sion et l'organisation sont détaillées. Le régime préconisé
un retour de l’investissement et de la croissance et « in de sécurité sociale vise à « libérer l’homme du besoin »
fine » un retour de l’emploi. La montée du chômage crée en garantissant la sécurité du revenu, face aux aléas de
au contraire une réduction de la demande. Cette baisse la vie : maternité, maladie, décès, chômage, accident du
de la demande effective provoque dans l'économie une travail…
réduction des débouchés. D'où le scepticisme des entre- En 1944, dans un second rapport « Full Employment in a
preneurs qui n’investissent plus ou ralentissent leurs in- Free Society », Beveridge considère le chômage comme le
vestissements, ce qui provoque un effet négatif second « risque majeur dans nos sociétés », et comme l’aboutis-
d'aggravation de la crise. Il importe de ne pas oublier sement définitif de tous les autres risques (maladie, ma-
une autre partie de l'analyse : les taux d'intérêt moné- ternité…). Pour lui les fonctions régaliennes dévolues à
taire déterminent principalement le niveau de l'activité l'État lui font le devoir de garantir le plein emploi : « Ce
économique[116] . doit être une fonction de l’État que de protéger ses citoyens
Pour sortir de cette situation non optimale, l'« impulsion contre le chômage de masse, aussi définitivement que c’est
keynesienne »[117] préconise de stimuler la demande, ce maintenant la fonction de l’État que de protéger ses ci-
qui vise à redonner confiance aux investisseurs. Pour ce toyens contre les attaques du dehors, contre les vols et les
faire, l’État dispose de plusieurs moyens d'intervention : violences du dedans ».
30 6 ANALYSE ET THÉORIES CONTEMPORAINES

6.2.4 Les disciples de Keynes Friedman que de celles de Keynes. Adeptes des systèmes
de marché des néoclassiques, ils reconnaissent cependant
Les disciples de Keynes lui restent fidèles mais vont pro- le caractère non volontaire du chômage ainsi que les im-
jeter son analyse hors de son contexte original (celui d'une perfections du marché du travail comme causes de non-
crise économique), pour en faire une méthode de régu- réalisation du plein emploi (asymétrie d'information, aléa
lation permanente des marchés. Les prolongements sont moral, Théorie des insiders-outsiders…). [réf. nécessaire]
nombreux qui donnent naissance à plusieurs courants :

le courant post-keynesien Le courant dit « post-


le keynésianisme (macroéconomie traditionnelle) keynesien » est représenté par Michal Kalecki, Nicholas
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou Kaldor, Joan Robinson, Roy Forbes Harrod, Evsey Do-
incomplète. Votre aide est la bienvenue ! mar (en)…

Nouvelle économie keynésienne Article détaillé :


Nouvelle économie keynésienne.
Cette nouvelle école n'est pas un courant de pensée uni-

Paul Samuelson

Les Néo-keynésiens et la théorie du déséquilibre Le


mouvement Néo-keynésien ne doit pas être confondu
avec celui des post-keynésiens ou des nouveaux keyné- Joseph Eugene Stiglitz en 2002
siens (voir ci-dessous).
fié, et ne retient qu'en partie la pensée keynésienne. Elle
Le courant néo-keynésien (appelé aussi « école du dés- s’oppose à l'intervention systématique ou trop rigoureuse
équilibre » ou des « équilibres à prix fixes ») est une de l'État sauf si le marché est manifestement incapable
synthèse des théories keynésiennes et néoclassiques. Le d'assurer une régulation efficace.
courant est initié par John Hicks dans les années 1930 :
Son modèle IS/LM est la conversion d'un modèle suc- Ses principaux participants, - George Akerlof, Joseph
cinct de la Théorie générale en termes néoclassiques. Les Eugene Stiglitz, Gregory Mankiw, Stanley Fischer, Bruce
principaux auteurs néo-keynésiens sont : Franco Modi- Greenwald, Janet Yellen et Paul Romer, sont d'accord sur
gliani, Paul Samuelson, Robert Mundell, Robert Solow deux points fondamentaux : la monnaie n'est pas neutre et
ou encore Edmond Malinvaud en France. Ces écono- les imperfections des marchés expliquent les fluctuations
[119]
mistes s’intéressent aux fondements microéconomiques économiques .
de la macroéconomie :
Sur certains points, tel celui de la rationalité, les l'École de la Régulation L'école de la régulation
néo-keynésiens sont plus proches des conceptions de regroupe des auteurs comme Michel Aglietta, Robert
31

Boyer, Alain Lipietz… décisions et à l'espace économique global. La pers-


pective étant d'offrir une théorie générale du Progrès
et de « l'Économie progressive ».
6.3 Après Keynes, L'analyse dynamique
6.3.1 La dynamique des flux 6.3.3 La dynamique des structures, systèmes et ré-
gimes
Les travaux vont mettre en avant l'analyse des flux
pour caractériser des phénomènes d'amplification, Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou
d'anticipation ou d'expansion. incomplète. Votre aide est la bienvenue !

• d'amplification, avec le « multiplicateur », initié par Sous l'influence de plusieurs auteurs, la définition du
Richard Kahn puis repris et développé par Keynes ; concept de structure économique et son rôle dans
l'« accélérateur », initié par John Morice Clark puis l'évolution économique se précisent ; l'économiste alle-
repris et développé par Roy Forbes Harrod, Simon mand Eugen Wagemann -Directeur de l'Institut für Kon-
Kuznets et Paul Samuelson ; L'oscillateur qui com- joncturforschung de Berlin- publie « La Stratégie écono-
bine les 2 mécanismes précédents (travaux de Alvin mique » (trad française en 1938) dans lequel est formali-
Hansen et Paul Samuelson) sée la distinction entre conjoncture (ce qui se transforme :
le fonctionnement) et structure (ce qui est plus perma-
• d'anticipation : Myrdal introduit la distinction entre
nent : les organes).
la vision “ex ante” et “ex post” ; Erik Lindahl montre
[120]
que les agents économiques (individus ou États) Le sociologue allemand Walter Eucken introduit la
agissent en fonction de leurs plans économiques ; distinction entre les économies dirigées à partir d'un
John Hicks définit le concept « d'élasticité des antici- centre et les économies d'échange dirigées par le marché
pations » ; Nicholas Kaldor,Michał Kalecki mettent ou l'usage de la monnaie
en évidence des modèles explicatifs des « variations
cycliques »
Effort de construction Cette section est vide, in-
• d'expansion : E.Lundberg, Metzler, Jan Tinber- suffisamment détaillée ou incomplète. Votre aide est la
gen, Roy Forbes Harrod, John Hicks, E.D.Domar bienvenue !
présentent des modèles abstraits qui reposent sur
une approche par les relations comptables ou les
fonctions économétriques et illustrent le rôle de
l'expansion monétaire La question de la dynamique des Systèmes Cette
section est vide, insuffisamment détaillée ou incomplète.
[réf. nécessaire] Votre aide est la bienvenue !

6.3.2 La dynamique des forces


7 Diversification actuelle de la pen-
• L'étude du progrès technique et de ses conséquences
constitue un thème centrale d'analyse chez des au- sée économique
teurs comme Colin Clark, Jean Fourastié et Cobb-
Douglas On note une grande diversification des courants de pensée
économiques de nos jours, notamment par l'application
• La pression démographique comme dynamique
de nouvelles approches techniques :
d'évolution inspire les travaux travaux d'Adolphe
Landry, Alfred Sauvy, Albert Hirschman et Walt
Whitman Rostow • économie quantitative, l'un des supports de
l'économétrie, utilisant des techniques de
• Les mobiles psycho-sociologiques sont convoqués modélisation dérivées des sciences physiques,
pour compléter l'analyse des comportements des
agents économiques : comportement des Entrepre- • économie expérimentale appliquée notamment à la
neurs ou des Consommateurs, comportement réputé microéconomie,
commun dans le cadre d'une Économie généralisée.
• économie comportementale, née notamment de
• L'effet de puissance et de domination est l'objet des l'étude des anomalies des marchés financiers,
travaux de François Perroux : Effet de Domina-
tion et de l'économie dominante avec la déclinai- • neuroéconomie étude du processus mental de déci-
son du concept depuis la firme jusqu'aux macro- sion économique,
32 7 DIVERSIFICATION ACTUELLE DE LA PENSÉE ÉCONOMIQUE

• théorie des jeux, liée aux problèmes de coordination Wilhelm Röpke, Alexander Rüstow ou Müller-Armack.
des agents économiques, Le miracle économique allemand (Wirtschaftswunder)
est attribué à l'adoption de ces idées dans le système d'une
• éconophysique, ou quand des physiciens s’inté- économie sociale de marché par le ministre des finances
ressent de nouveau à l'économie. Ludwig Erhard.

Par ailleurs, l'essor des sciences de gestion (management,


marketing, organisation, relations humaines, technologies 7.4 les Néo-walrasiens
de l'information) a perfusé en économie, aboutissant
en particulier à la reconnaissance du savoir, de la
(Kenneth Arrow, Gérard Debreu) Ce courant qui en-
compétence et de l'information comme facteur essen-
tend démontrer comment l'équilibre est non seulement
tiel (économie de la connaissance) de production et
possible mais automatique peut être qualifié de théo-
de développement, en plus des trois « classiques » :
rique et d'a-historique. En partant d'un modèle repré-
ressources naturelles, travail et capital.[réf. nécessaire]
sentant le fonctionnement de l'économie en situation de
concurrence, la recherche porte dur les mécanismes de
l'équilibre. Dans cette ligne de pensée, on peut inclure les
7.1 Le courant Néo-libéral anglo-saxon et modèles de croissance, dont l'un des plus connus est celui
français de Solow[réf. nécessaire]

Avant et après la seconde guerre mondiale, certains li-


béraux (en France : Jacques Rueff et Louis Baudin, 7.5 l'École des Choix publics
aux États-Unis : Walter Lippmann, Friedrich Hayek et
Ludwig von Mises) se réunissent et mettent en avant des Article détaillé : Théorie du choix public.
idées qui font éclore l'École du Néo-libéralisme.
L'économie de marché est décrite comme la référence La théorie des choix publics s’est imposée comme une
unique souhaitable, devant être “garantie et construite” discipline de l'économie qui décrit le rôle de l'État et le
par : comportement des électeurs, hommes politiques et fonc-
tionnaires. Elle entend ainsi appliquer la théorie écono-
• un cadre juridique clair (libre entreprise et propriété mique à la science politique. Le texte fondateur de ce
privée…) courant est The Calculus of Consent publié en 1962 par
James M. Buchanan (« Prix Nobel » d'économie 1986)
• la stabilité financière et monétaire et l'équilibre bud- et Gordon Tullock.
gétaire
La politique y est expliquée à l'aide des outils développés
• un mécanisme de libre détermination des prix. par la microéconomie. Les hommes politiques et fonc-
tionnaires se conduisent comme le feraient les consom-
• un État luttant contre les excès et organisateur -s’il mateurs et producteurs de la théorie économique, dans
le faut- de la concurrence, en promouvant des “mar- un contexte institutionnel différent : entre autres diffé-
chés institutionnels”[réf. nécessaire] rences, l'argent en cause n'est généralement pas le leur
(Cf. le problème principal-agent). La motivation du per-
sonnel politique est de maximiser son propre intérêt, ce
7.2 L'école autrichienne qui inclut l'intérêt collectif (du moins, tel qu'ils peuvent
le concevoir), mais pas seulement. Ainsi, les hommes po-
L'école autrichienne, d'abord assimilée à l'école néoclas- litiques souhaitent maximiser leurs chances d'être élus
sique, a toujours soutenu des positions très différentes ou réélus, et les fonctionnaires souhaitent maximiser leur
de celles de Walras et Jevons et est maintenant considère utilité (revenu, pouvoir, etc.) [réf. nécessaire]
comme hétérodoxe. [réf. nécessaire]

7.3 Ordoliberalisme ou école de Fribourg 7.6 La Nouvelle économie classique

L'Ordolibéralisme est un courant du libéralisme, appa- Article détaillé : Nouvelle économie classique.
ru en Allemagne dès les années 1930. L'État est char-
gé de garantir un cadre politique, mais doit s’abstenir La Nouvelle économie classique ou Nouvelle macroé-
d'interventions sur les marchés. Walter Eucken l'avait ex- conomie classique est un courant de pensée économique
primé ainsi : “Oui à la planification des structures par qui s’est développé à partir des années 1970. Elle rejette
l'État - non à la planification et au dirigisme du cir- le keynésianisme et se fonde entièrement sur des prin-
cuit économique par l'État.” D'autres représentants sont cipes néoclassiques. Sa particularité est de reposer sur des
Franz Böhm (comme Eucken professeur à Fribourg), fondations micro-économiques rigoureuses, et de déduire
7.10 Théorie de l'Offre 33

des modèles macroéconomiques à partir des actions des 1. la conjoncture économique, c'est-à-dire l'évolution
agents eux-mêmes modélisés par la micro-économie. de l'activité économique, avec des hauts et bas rela-
Les nouveaux classiques comprennent Robert Lucas tivement rapprochés sur des périodes plutôt courtes
Jr, Paul Romer, Finn E. Kydland, Edward C. Pres- (typiquement sur quelques années).
cott, Robert Barro, Neil Wallace (en), Thomas Sargent 2. La Croissance et le développement économique
[réf. nécessaire]
et social, avec des phases d'amplification, de stag-
nation, ou de déclin remarquables seulement sur des
observations faites en longue période (soit plusieurs
7.7 l'École de Chicago générations humaines).
(Frank Knight, Jacob Viner, George Stigler, Gary Be-
cker) En observant certaines régularités dans les fluctuations de
l'activité, des auteurs ont contribué à bâtir la « théorie des
Cette section est vide, insuffisamment détaillée ou cycles ». Celle-ci s’efforce de rendre compte et de com-
incomplète. Votre aide est la bienvenue ! prendre le phénomène de succession de phases et d'en ti-
rer une approche autant que possible préventive des crises
et des reprises de en économie. [réf. nécessaire] ,

7.8 l'École monétariste


7.10 Théorie de l'Offre
Article détaillé : monétarisme.
La théorie de l'offre ou supply-side, est un courant déve-
Au début des années 1960, plusieurs économistes menés loppé à partir des années 1970 aux États-Unis qui vise
par Milton Friedman (chef de file de l'école de Chica- à démontrer que la déréglementation ainsi que la dimi-
go) tentent de relancer la théorie quantitative de la mon- nution de la fiscalité agissent sur l'offre favorablement
naie mise à mal par les analyses keynésiennes. Étudiant et permettent d'agir en profondeur sur l'économie. Ce
le cas américain (M. Friedman et Anna Schwartz, Une courant, basé en particulier sur la courbe de Laffer, a
histoire monétaire des États-Unis) il remarque que toute eu une influence certaine sur la politique économique de
évolution brutale de la masse monétaire (aussi bien son Ronald Reagan, les reaganeconomics ainsi que sur celle
augmentation préconisée par les keynésiens dans le cadre de Margaret Thatcher. L'école des choix publics est rela-
des politiques interventionnistes, que sa diminution dans tivement proche de ce courant, les principaux représen-
le cadre de politique de rigueur) est synonyme de dés- tants en sont Arthur Laffer, Robert Mundell, sans en faire
équilibres économiques. Renouant avec la théorie quanti- partie s’inscrit par certains aspects dans ce mouvement.
[réf. nécessaire]
tative de la monnaie, ils recommandent une politique mo-
nétaire restrictive où l'émission de monnaie serait limitée
à une proportion fixe de la croissance du PIB, assurant une
7.11 La Théorie du capital humain
expansion parallèle à celle de l’activité. Les monétaristes
pronent également la mise en place d'un change flottant
Article détaillé : Capital humain.
permettant le rééquilibrage automatique de la balance ex-
térieure. Ces conclusions remettent en cause la base des
politiques keynésiennes et suscitent de nombreux débats La théorie du capital humain est une théorie/concept
depuis.[réf. nécessaire] économique introduit par Theodore W. Schultz, puis pré-
cisé par Gary Becker -dans Human Capital, 1964- vi-
sant à rendre compte des conséquences économiques de
7.9 La théorie des cycles l'accumulation de connaissances et d'aptitudes par un
individu ou une société. Il comprend donc non seulement
Article détaillé : cycle économique. le savoir, l'expérience et les talents (capital-savoir), mais
aussi sa santé physique ou sa résistance aux maladies.
[réf. nécessaire]
À l'évidence, l'activité économique ne se déroule pas
de manière régulière et continue. Dans le court terme
(on parle de conjoncture) ou à plus longue échéance (on
7.12 La Théorie des contrats implicites
évoque la croissance économique), elle connait tantôt des
phases d'accroissement plus ou moins rapide, tantôt des La théorie des contrats implicites cherche à expliquer
périodes de stagnation, voire des temps de décroissance la défaillance du marché suivante : les salaires ne va-
momentanée, sinon d'effondrement. rient pas en fonction de la productivité marginale des tra-
Il est important tant pour les analystes que pour les déci- vailleurs. Les observations empiriques montrent une pro-
deurs de pouvoir comprendre l'importance et la portée de gression constante des salaires au cours de la carrière.
phénomènes selon qu'ils sont censés caractériser : Cela s’explique par l'aversion au risque des travailleurs
34 8 NOTES ET RÉFÉRENCES

et par la peur de manquer de personnel de la part des lois de la thermodynamique), qui vu localement appa-
employeurs. Cela conduit à l'établissement d'un contrat raissent aléatoires et chaotiques[126] . Selon eux, les écono-
implicite passé entre ces deux agents où le salarié ac- mistes néo-classiques, marxistes, ou keynésiens sont en-
cepte un salaire inférieur au marché en période de plein- glués dans une vision de causalité datant d'Adam Smith
emploi/haute conjoncture et un maintien de son salaire à la recherche d'un équilibre hypothétique[127] . Partant
en période de sous-emploi/basse conjoncture (Azariadis, du constat que le postulat de cet équilibre étaient cen-
Implicit contracts and unemployment equilibria, 1975). trales dans les théories proposés jusqu'alors en écono-
Selon Bernard Salanié, « l'objet de la théorie des contrats mie politique et que les modèles associés sont inefficaces
confrontés aux multiples crises économiques, ces auteurs
est d'appréhender les relations d'échange entre des parties
en tenant compte des contraintes institutionnelles et infor- se propose de changer radicalement les hypothèses de
base et jettent les bases d'une approche probabiliste de
mationnelles dans lesquelles elles évoluent. »[réf. nécessaire]
l'économie politique. Ils reprennent la problématique de
formation des prix et du profit mais en conceptualisant
diverses quantités sous la forme de variables aléatoires.
7.13 Éconophysique
En particulier, s’ils se positionnent dans la tradition des
économistes classiques et marxistes insistant sur le rôle
Article détaillé : Éconophysique.
du travail dans la création de richesse (voir valeur travail),
ils rejettent l'hypothèse, simplificatrice mais irréelle, d'un
L'éconophysique est un domaine de recherche scienti- taux de profit uniforme. Selon eux, la compétition d'un
fique multidisciplinaire qui se propose de résoudre des marché libre ne peut engendrer au mieux qu'un équilibre
problèmes économiques en appliquant des méthodes et statistique. De même ils contestent la dimension détermi-
théories développées pour expliquer des phénomènes niste d'un prix. Il suffit d'aller sur un marché acheter des
physiques complexes relevant notamment de la physique légumes pour voir que le prix du kilogramme de tomate
statistique. Les banques centrales avec des modèles sto- n'est pas une variable déterministe : il n'est pas constant ni
chastiques dynamiques d'équilibre général ou les socié- sur un jour ni sur un même marché. Aussi les prix doivent
tés d'investissement comme Capital Fund Management être considéré comme des variables aléatoires[128] . Law
sont les premières à tirer parti des avancées de cette of Chaos ne définit pas un modèle économique proba-
discipline[121],[122] . biliste rigoureux mais suggère des pistes pour une telle
L'intérêt des physiciens et mathématiciens pour modélisation[129] .
l'économie et les sciences sociales n'est pas nouveau. Dans “Classical Econophysics”[130] les auteurs explorent
Daniel Bernoulli avec la publication de son article la voie entrouverte par Emmanuel Farjoun et Moshe
Specimen theoriae novae de mensura sortis portant sur Machover en s’appuyant en particulier sur la théorie de
le paradoxe de Saint-Petersbourg est l'un des premiers l'information et les simulations multi-agents. Ce livre part
scientifiques à appliquer les statistiques aux comporte- des concepts développés par les auteurs classiques Smith,
ments humains. Il est à l'origine de la formalisation des Ricardo et Marx. Ainsi la première partie est une ana-
concepts économiques d'utilité, de risque et de prime de lyse de la création de valeur par le travail. La seconde
risque[123] . partie est une étude des échanges des biens, la monnaie
Alors que les modèles économiques classiques expriment et la formation du capital. La troisième partie décrit un
une vision d'équilibre statique (équation linéaire, équi- modèle multi-agents qui bien que simple atteint un équi-
libre statique), la fin du XX siècle voit des physiciens - libre statistique qui reproduit la distribution des revenus
non satisfaits par les approches et les explications tradi- observés dans les pays développés. Enfin la dernière par-
tionnelles de l'économie et fort des succès de la physique tie est une critique de la théorie développée par Friedrich
statistique- proposer d'appliquer les méthodes et les ou- August von Hayek basée selon eux sur une mauvaise com-
tils de la physique. Très tôt ils étudient les informations préhension de la théorie de l'information.
contenues dans les données financières et se proposent
d'expliquer des phénomènes économiques généraux[124] .
Le terme d'« éconophysique » est mentionné pour la pre-
8 Notes et références
mière fois à Calcutta en 1995 lors d'une conférence de
physique statistique par H. Eugene Stanley pour désigner 8.1 Notes
l'ensemble des articles écrits par des physiciens et ayant
pour objet l'économie ou la finance. Cet intérêt est soute- [1] Voir introduction du livre de Daniel Martina la pensée
nu par l'explosion des données financières et économiques économique, Armand Colin 1991
[125]
qui permettent de confronter les modèles à la réalité .
En 1983 Emmanuel Farjoun et Moshe Machover re- 8.2 Références
marquent que les sciences physiques sont capables de
faire des prévisions utiles sur le comportement ma- [1] Henri Denis, Histoire de la pensée économique, Thémis
croscopique d'ensembles (du mouvement brownien aux Paris 1966
8.2 Références 35

[2] H. Denis, op. cit. [27] Tisdell, C. 2003. A Western perspective of Kauṭilya’s Ar-
thasastra : does it provide a basis for economic science ?
[3] Avant-propos, in « Pensée économique et théories Economic Theory, Applications and Issues Working Paper
contemporaines », Dalloz Paris 1970 No. 18. Brisbane : School of Economics, The University
of Queensland.
[4] History of economic Analysis, London 1955, p. 407
[28] Sihag, B.S. 2007. Kauṭilya on institutions, governance,
[5] G. Lelarge, Dictionnaire thématique de citations écono- knowledge, ethics and prosperity. Humanomics 23 (1) :
miques et sociales, Hachette Éducation, Paris, 1993, p. 115 5-28.

[6] John Maynard Keynes, Théorie générale de l'emploi, de [29] (en) B.S. Sihag, Kautilya on institutions, governance,
l'intérêt et de la monnaie, 1936, chapitre 24 knowledge, ethics and prosperity., Humanomics 23(1) : 5–
28, 2007
[7] Blaug 1999, p. 1
[30] Henri Denis, Histoire de la pensée économique, Thémis
[8] Béraud 1992, p. 12 PUF, Paris 1966 pp. 5 à 12

[9] Béraud 1992, p. 1549 [31] Henri Denis, op.cit. p.7

[10] Béraud 1992, p. 15 [32] Henri Denis, op. cit P.9

[33] Henri Denis, op.cit. p.10


[11] Jared Diamond, De l'inégalité parmi les sociétés, folio, p.
142 [34] voir Gorgias et Protagoras
[12] Jean-Jacques Glassner, Écrire à Sumer, Seuil, pp. 124-125 [35] Henri Denis, op cit p.16

[13] Jean-Jacques Glassner, Écrire à Sumer, Seuil, pp. 133 [36] J. Boncœur et H.Thouement, Histoire des idées écono-
miques, TI : De Platon à Marx, Nathan Paris, 1989, p.16
[14] Denise Schmandt-Pesserat, How Writing came about,
University of Texas Press, pp. 123-124 [37] Lettres VII, 324, c,d,e et 325 a-e

[15] Klaas Veenhof, Aspects of Old Assyrian Trade and its [38] H. Denis, Histoire de la Pensée économique, Thémis, Pa-
Terminology, p. 379 ris 1966, P.13

[16] Klaas Veenhof, Aspects of Old Assyrian Trade and its [39] H. Denis,op.cit.P.17
Terminology, p. 389 [40] La république, Liv I, 334 a,b, / 338 c / 347 c / 348-352 /
[17] Klaas Veenhof, Aspects of Old Assyrian Trade and its [41] H. denis op.cit. p.20
Terminology, p. 397
[42] cité par H. Denis, op. cit. p.22
[18] Francis Joannès, article Sagesse dans le Dictionnaire de la
civilisation mésopotamienne, p. 750 [43] La république, Liv II , 415, d

[19] La Chine Plurielle, Centre Sèvres Paris, (janvier 2009) [44] H. Denis, op. cit. P.24

[45] La République, Liv VIII, 554,a


[20] Michel Cartier, ibidem
[46] H. Denis, op. cit. p. 26-27
[21] Institut Ricci, 14 rue d'Assas 75006 Paris, www. institu-
tricci.org [47] Lois, 704, a

[22] Jha 1998, p. 267–282 [48] H. Denis, op. cit. p.29

[23] (en) I. W. Mabbett, « The Date of the Arthaśāstra », Jour- [49] Lois, 738,c
nal of the American Oriental Society, American Orien-
[50] Lois, 741
tal Society, vol. 84, no 2, 1964, p. 162–169 (DOI
10.2307/597102, JSTOR 597102) [51] Lois, 740-742
[24] Sihag 2005, p. 723-755 [52] Lois, 849

[25] L. K. Jha, K. N. Jha (1998). “Chanakya : the pioneer eco- [53] Lois 846, d
nomist of the world”, International Journal of Social Eco-
nomics 25 (2-4), p. 267–282. [54] Lois, 846,d

[55] Lois, 744, b, c


[26] Waldauer, C., Zahka, W.J. and Pal, S. 1996. Kauṭilya’s
Arthashastra : A neglected precursor to classical econo- [56] Lois, 753,754
mics. Indian Economic Review, Vol. XXXI, No. 1, pp. 101-
108. [57] Lois, 968 cité par H. Denis, op. cit. p. 33
36 8 NOTES ET RÉFÉRENCES

[58] Cl. Préaux, l'économie des Lagides, Bruxelles, 1939 [84] Les physiocrates sont les premiers libéraux ; ils considèrent
que l'État ne doit pas intervenir dans l'économie et qu'il
[59] R.V.Pohlmann, Geschichte des sozailen Frage, 2 vol. doit respecter les lois physiques qui la guident. Les in-
térêts individuels, et surtout ceux des agriculteurs, sont
[60] J. Boncœur et H. Thouement, in Histoire des Idées éco-
conformes à l'intérêt général. Il faut respecter l'ordre na-
nomiques, TI de Platon à Marx, Nathan Paris 1989, ISBN
turel de l'économie et respecter la propriété privée. Marc
978-2-09-188977-1
Montoussé, Théories économiques, Paris, Bréal, 1999,
[61] Boncœur et Thouement, Op. cit p. 11

[62] Guerriers et paysans, Gallimard 1973, P. 42-52 [85] Idem

[63] Georges Duby, op. cit. [86] Richesse des Nations Chap 4.

[64] Schumpeter 1954, p. 97–115 [87] Préface de Pierre Dockès aux Principes de l'économie po-
litique et de l'impôt, Flammarion Paris 1971
[65] Giacomo Todeschini (2004), Richesse franciscaine. De la
pauvreté volontaire à la société de marché, éd. Verdier, [88] Lettre à Malthus du 9 octobre 1920, citée par A. Piettre,
2008, chap. I Fondements, moyens et Organes de la répartition du reve-
nu national, in Annales des 35° Semaines sociales Dijon
[66] Giacomo Todeschini (2004), Richesse franciscaine. De la 1932, Éditions de la Chronique sociale (1952)
pauvreté volontaire à la société de marché, éd. Verdier,
2008, chap. I et notamment p. 21 sq. [89] dans son article de 1937 : « The nature of the firm »

[67] imposition de la propriété privée des terres [90] Histoire des pensées économiques, Sirey Paris 1993 p.245

[68] Hans Schmauch : Nikolaus Coppernicus und die [91] Histoire des pensées économiques, op cit, p.248
preußische Münzreform. Braunsberg 1940 ; Nicolaus [92] Histoire des pensées économiques, op.cit. p.249
Copernicus Gesamtausgabe. Band V, S. 113
[93] Rosa Luxembourg : R. Luxemburg : L'accumulation du
[69] Factum de la France, 1707 capital
[70] cité par H.Denis in Histoire de la Pensée Économique, [94] Histoire des pensées économiques, T1, Sirey Paris 1993
Thémis, Paris 1966 p.198
[71] Raymond Barre, Traité d'économie politique, Thémis [95] Auguste Compte, 1819
1966, Tome I p.32
[96] F List, Système national d'économie politique , 1841
[72] R. Barre op.cit
[97] Université de Gotingen, 1843
[73] History of Economic analysis, New York 1954, P222
[98] Histoire des pensée économiques, TI, Sirey Paris 1993, p.
[74] Recherches sur la nature et les causes de la richesse des 198
nations
[99] Histoire de la Pensée économique et des Théories contem-
[75] Villey 1985, p. 37 poraines, Dalloz Paris 1970
[76] Heckscher 1955, p. 20 [100] A. Piettre, op cit
[77] The New Encyclopedia Britannica, 2007, vol. 8, p. 26 [101] Ou plutôt la re-découverte, car Hicks reconnait en toute
loyauté que la notion était l'œuvre d'un économiste russe :
[78] Blaug 207, p. 343 Eugen Slutsky (1915)
[79] Villey 1985, p. 53 [102] “The economics of overhead costs”, Chicago Press, 1923
[80] HULL C.H., The Economic Writings of Sir William PET- [103] The laws of returns under competitive conditions, Econo-
TY, Cambridge, 1899. mic Journal 1926, p 535 et suiv.
[81] Voir les textes des mercantilistes Malynes et Misselden ci- [104] H.v.Stackelberg, Die grundlagen der Nationalökonomie,
tés par E.F. Heckscher dans « Mercantilism » (Stockholm Veltw. Archiv. 1940, P ; 267
1931) et repris par Keynes dans sa « Théorie Générale »
(Trad française Paris 1939, P.355). [105] JK Galbraith, « Le nouvel État Industrie », Paris Galli-
r
mard, 1968
[82] Friedrich Hayek, “Lecture on a Master Mind : D Bernard
Mandeville”, Proceedings of the British Academy, 1966, [106] Pensée économique et théories contemporaines, André
vol. 52, p. 125-141 Piettre (Dalloz 1970)

[83] Simone Meysonnier, La Balance et l'horloge, La genèse de [107] J.A. Hobson, The industrial system, 1909 ; Work and
la pensée libérale en France au XVIII eme siècle, ed. Les Wealth : a human evaluation,1914, The economics of
éditions de la passion. unemployment, 1922 ; Economices and ethics, 1930
37

[108] JR.Hicks et RC Allen, A consideration of the theory of [129] “We are acutely aware that what we have at this stage is not
value, Economica 1934 a worked-out and well-rounded theory, but a skeleton of a
research programme, which only long years of theoretical
[109] The foundations of welfare economy, Econometrica 1942 and empirical investigation can flesh out” Law of Chaos
page 11
[110] Economics of Control, N.Y. 1944
[130] W. Paul Cockshott, Allin F. Cottrell, Gregory J. Michael-
[111] Theory of Wages, 1932 son, Ian P. Wright and Victor M. Yakovenko, Classical
Econophysics, Routledge, 2009
[112] Economic cycles, New York 1914

[113] Étude sur la formation et le mouvement des prix, Paris


1913 9 Annexes
[114] Essais de persuasion, Gallimard 1929, traduction fran-
çaise 1933 9.1 Sources
[115] « Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la mon-
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naie », publiée en février 1936 et traduite en français chez
Payot vers 1942
• Mark Blaug, La pensée économique, Paris, Econo-
[116] Théorie Générale, chap 17 mica, 7 1999
[117] Théorie économique et impulsion keynésienne, A. Bar- • Claude Jessua, Histoire de la théorie économique,
rère, Dalloz Paris 1952 Paris, Puf, mars 1991
[118] on peut toutefois noter que Ricardo avait déjà fait des • André Béraud, Nouvelle Histoire de la pensée éco-
études sur l’influence de la répartition des revenus entre
nomique, Paris, La découvertes, 1992
classes sociales
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[119] Marc Montoussé (1999), Théories économiques, Paris,
Bréal, p.242
1955

[120] Grundlagen der Nationalokônomie, Iéna 1941


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[121] Econophysique Université de Fribourg novembre 1915, 81 p. (ISBN 978-1605060514)

[122] Seminaire sur le point de vue d'un physicien sur • (en) Samuel Noah Kramer, History Begins at
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[125] Econophysique Boston University 0-88706-698-4)

[126] Emmanuel Farjoun et Moshe Machover, Laws of Chaos Revues


(1983)

[127] Adam Smith, in an economy with perfect competition, one • (en) Mark Blaug, « The Social Sciences : Eco-
can associate with each commodity an ‘ideal’or ‘natural’ nomics », The New Encyclopedia Britannica, vol. 27,
equilibrium price, and that in a state of equilibrium all com- 2007
modities are sold at their ideal prices, which are so formed
as to guarantee identical uniform rates of profit to all ca- • (en) Jean David C. Boulakia, « Ibn Khaldun :
pitals invested in commodity production A Fourteenth-Century Economist », The Journal
of Political Economy, vol. 79, no 5, 1971 (DOI
[128] “Anyone who has ever been to a vegetable market knows
10.1086/259818) *(en) L.K. Jha, « Chanakya : the pi-
that the price of tomatoes varies not only from day to day
(indeed, hour to hour) but also from stall to stall. If you
oneer economist of the world », International Jour-
have just bought 1 kilogram of tomatoes for 50 pence, nal of Social Economics, vol. 25, no 2/3/4, 1998,
you know that the price of your kilogram of tomatoes is p. 267-282 (DOI 10.1108/03068299810193443)* (en)
50 pence. But you are not really entitle to make the sta- Balbir S. Sihag, « Kautilya on publics goods
tement : ‘The price of tomatoes today in this town is 50 and taxation », History of Political Economy Eco-
pence per kilogram.’ Other people may have paid 45 or 55 nomics, vol. 37, no 4, hiver 2005, p. 723-753 (DOI
pence for an identical quantity of similar tomatoes. Strict- 10.1215/00182702-37-4-723)
ly speaking, there is no such thing as the price of tomatoes,
even if it refers to a particular day in a particular town.” • Daniel Villey, Petite histoire des grandes doctrines
Law of Chaos page 10 économiques, Paris, Litec, 1985
38 9 ANNEXES

Encyclopédies 9.2.2 Publication antérieure à l'année 2000

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2729895105)
• Jean-Jacques Friboulet, Histoire de la pensée éco-
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3725559381) • Alain Samuelson, Les grands courants de la pen-
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• Ghislain Deleplace et Christophe Lavialle, Histoire (PUG), 1990, 535 p. (ISBN 978-2706104893)
de la pensée économique, Dunod, coll. « Maxi
fiches », 2008, 192 p. (ISBN 978-2100499076) • Jacques Wolff, Les Pensées économiques : les cou-
rants, les hommes, les œuvres (deux tomes), Mont-
• Gérard-Marie Henry, Histoire de la pensée écono-
chrestien, 1988-1989, 700 p. (ISBN 9782707603593
mique, Armand Colin, coll. « U Histoire », 2009,
et 978-2707604125)
365 p. (ISBN 978-2200345051)
• Jean-Claude Drouin, Les grands économistes, PUF, • (en) Joseph Schumpeter, History of Economic
coll. « Major », 2009, 128 p. (ISBN 978-2130577478) Analysis, 1954
10.1 Liens externes 39

10 Articles connexes
• Chronologie de la pensée économique
• Chronologie des faits économiques
• Cognition
• Connaissance
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• Économie politique
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• Prix de la Banque de Suède en sciences écono-
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• Théorie économique

10.1 Liens externes


• (en) History of Economic Thought Website
• Histoire des faits et des idées économiques (VIIIe -
XXe siècle), Cours de l'Université de Bretagne Oc-
cidentale

Pensée économique orientale :

• « Islam and Science : Ibn Khaldun »


• « Ibn Jaldun : El Primer Sociplogo de la Historia »
par R.H. Shamsuddin Elia, Instituto Argentino de
Cultura Islamica
• The Sharia'h economic framework

Pensée scolastique :

• « Le “juste prix” dans la Scolastique », Jean-Pierre


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and Davies (1811), John Horsburgh (1828) or R.C. Bell (1872). The original depiction of Smith was created in 1787 by James Tassie in
the form of an enamel paste medallion. Smith did not usually sit for his portrait, so a considerable number of engravings and busts of Smith
were made not from observation but from the same enamel medallion produced by Tassie, an artist who could convince Smith to sit.
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• François_Quesnay_02.jpg Artiste d’origine : François_Quesnay_02.jpg : Jean-Charles François et Jean-Martial Frédou
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