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DATURA

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Université de Lille Faculté des Sciences Pharmaceutiques

Année Universitaire 2011/2012 et Biologiques de Lille

THESE
POUR LE DIPLOME D'ETAT
DE DOCTEUR EN PHARMACIE

Soutenue publiquement le 4 juillet 2012


Par Melle MARTEL Cécile

_____________________________

Datura stramonium, une plante hallucinogène émergente en France

_____________________________

Membres du jury :

Président : Mr COURTECUISSE Régis, Professeur en Sciences Végétales et Fongiques.


Faculté de Pharmacie, Université de Lille II

Assesseur(s) : Mr ROUMY Vincent, Maître de conférences en Pharmacognosie. Faculté


de Pharmacie, Université de Lille II

Membre extérieur : Mr GOSSELIN Bertrand, Pharmacien titulaire à Roncq


Faculté des Sciences Pharmaceutiques
et Biologiques de Lille
3, rue du Professeur Laguesse - B.P. 83 - 59006 LILLE CEDEX
 03.20.96.40.40 -  : 03.20.96.43.64
http://pharmacie.univ-lille2.fr

Université Lille 2 – Droit et Santé

Président : Professeur Christian SERGHERAERT


Vice- présidents : Madame Stéphanie DAMAREY
Professeur Marie-Hélène FOSSE-GOMEZ
Professeur Régis MATRAN
Professeur Salem KACET
Professeur Paul FRIMAT
Professeur Xavier VANDENDRIESSCHE
Professeur Patrick PELAYO
Madame Claire DAVAL
Madame Irène LAUTIER
Monsieur Larbi AIT-HENNANI
Monsieur Rémy PAMART
Secrétaire général : Monsieur Pierre-Marie ROBERT

Faculté des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques

Doyen : Professeur Luc DUBREUIL


Vice-Doyen, 1er assesseur : Professeur Damien CUNY
Assesseurs : Mme Nadine ROGER
Professeur Philippe CHAVATTE
Chef des services administratifs : Monsieur André GENY

Liste des Professeurs des Universités :


Civ. NOM Prénom Laboratoire
M. ALIOUAT El Moukhtar Parasitologie
Mme AZAROUAL Nathalie Physique
M. BAILLEUL François Pharmacognosie
M. BERTHELOT Pascal Chimie Thérapeutique 1
M. CAZIN Jean-Louis Pharmacologie – Pharmacie clinique
M. CHAVATTE Philippe Chimie Thérapeutique
M. COURTECUISSE Régis Sciences végétales et fongiques
M. CUNY Damien Sciences végétales et fongiques
Mlle DELBAERE Stéphanie Physique
M. DEPREZ Benoît Chimie Générale
Mme DEPREZ Rebecca Chimie Générale
M. DUPONT Frédéric Sciences végétales et fongiques
M. DURIEZ Patrick Physiologie
M. GARÇON Guillaume Toxicologie
Mlle GAYOT Anne Pharmacotechnie Industrielle
M. GESQUIERE Jean-Claude Chimie Organique
M. GOOSSENS Jean François Chimie Analytique
Mme GRAS Hélène Chimie Thérapeutique 3
M. LEMDANI Mohamed Biomathématiques
Mme LESTAVEL Sophie Biologie Cellulaire
M. LUC Gerald Physiologie
Mme MELNYK Patricia Chimie Générale
Mme MUHR – TAILLEUX Anne Biochimie
Mme PAUMELLE-LESTRELIN Réjane Biologie Cellulaire
Mme PERROY – MAILLOLS Anne Catherine Droit et déontologie pharmaceutique
Mlle ROMOND Marie Bénédicte Bactériologie
Mme SAHPAZ Sevser Pharmacognosie
M. SIEPMANN Juergen Pharmacotechnie Industrielle
M. STAELS Bart Biologie Cellulaire
M TARTAR André Chimie Organique
M. VACCHER Claude Chimie Analytique
M. VION Daniel Droit et déontologie pharmaceutique

Liste des Professeurs des Universités - Praticiens Hospitaliers


Civ. NOM Prénom Laboratoire
M. BROUSSEAU Thierry Biochimie
M BRUNET Claude Pharmacologie
Mme CAPRON Monique Immunologie
M. DINE Thierry Pharmacie clinique
M. DUBREUIL Luc Bactériologie et Virologie Cliniques
M. DUTHILLEUL Patrick Hématologie
M. GAMOT André Chimie Analytique
M. GRESSIER Bernard Pharmacologie
M. LHERMITTE Michel Toxicologie
M. LUYCKX Michel Pharmacie clinique
M. ODOU Pascal Pharmacie Galénique

M. DEPREUX Patrick Chimie Organique (ICPAL)


M. BONTE Jean-Paul Chimie Analytique et (ICPAL)

Liste des Maitres de Conférences


Civ. NOM Prénom Laboratoire
Mme AGOURIDAS Laurence Chimie Générale
Mme ALIOUAT Cécile Marie Parasitologie
Mme AUMERCIER Pierrette Biochimie
Mme BANTUBUNGI Kadiombo Biologie cellulaire
Mme BARTHELEMY Christine Pharmacie Galénique
M. BEGHYN Terence Chimie Thérapeutique 3
Mme BEHRA Josette Bactériologie
M. BERTHET Jérôme Physique
M. BERTIN Benjamin Immunologie
M. BLANCHEMAIN Nicolas Pharmacotechnie industrielle
M. BOCHU Christophe Physique
M. BOUTILLON Christophe Chimie Organique
M. BRIAND Olivier Biochimie
Mme CACHERA Claude Biochimie
M. CARATO Pascal Chimie Thérapeutique 2
M. CARNOY Christophe Immunologie
Mme CARON Sandrine Biologie cellulaire
Mlle CHABÉ Magali Parasitologie
Mlle CHARTON Julie Chimie Organique
M CHEVALIER Dany Toxicologie
M. COCHELARD Dominique Biomathématiques
Mlle DANEL Cécile Chimie Analytique
Mme DEMANCHE Christine Parasitologie
Mlle DEMARQUILLY Catherine Biomathématiques
Melle DUMONT Julie Biologie cellulaire
M. FARCE Amaury Chimie Thérapeutique 2
Mlle FLAMENT Marie-Pierre Pharmacotechnie Industrielle
Mlle FLIPO Marion Chimie Organique
Mme FOULON Catherine Chimie Analytique
Melle GARAT Anne Toxicologie
M. GELEZ Philippe Biomathématiques
M. GERVOIS Philippe Biochimie
Mme GOFFARD Anne Virologie
Mme GRAVE Béatrice Toxicologie
Mme GROSS Barbara Biochimie
Mme HANNOTHIAUX Marie-Hélène Toxicologie
Mme HELLEBOID Audrey Physiologie
M. HENNEBELLE Thierry Pharmacognosie
M. HERMANN Emmanuel Immunologie
M. KAMBIA Kpakpaga Nicolas Pharmacologie
M. KARROUT Youness Pharmacotechnie Industrielle
Mlle LALLOYER Fanny Biochimie
M. LEBEGUE Nicolas Chimie thérapeutique 1
Mme LIPKA Emmanuelle Chimie Analytique
Mme LORIN-LECOEUR Marie Chimie Analytique
Mme MARTIN Françoise Physiologie
M. MOREAU Pierre Arthur Sciences végétales et fongiques
Melle MUSCHERT Susanne Pharmacotechnie industrielle
Mme NEUT Christel Bactériologie
Mme PINÇON Claire Biomathématiques
M. PIVA Frank Pharmacie Galénique
Mme POMMERY Nicole Toxicologie
M. RAVAUX Pierre Biomathématiques
Melle RIVIERE Céline Pharmacognosie
Mme ROGER Nadine Immunologie
M. ROUMY Vincent Pharmacognosie
M. SERGHERAERT Eric Droit et déontologie pharmaceutique
Mme SIEPMANN Florence Pharmacotechnie Industrielle
Mlle SINGER Elisabeth Bactériologie
M. TAGZIRT Madjid Hématologie
Mme THUILLIER Pascale Hématologie
Mme VANHOUTTE Geneviève Biochimie
Mme VITSE Annie Parasitologie
M. WILLAND Nicolas Chimie organique
M. YOUS Saïd Chimie Thérapeutique 1

M. FURMAN Christophe Pharmacobiochimie (ICPAL)


Mme GOOSSENS Laurence Chimie Organique (ICPAL)
M. MILLET Régis Chimie Thérapeutique (ICPAL)

Liste des Maitres de Conférences - Praticiens Hospitaliers


Civ. NOM Prénom Laboratoire
Mme ALLORGE Delphine Toxicologie
Mme BALDUYCK Malika Biochimie
M. DECAUDIN Bertrand Pharmacie Clinique
Mme ODOU Marie Françoise Bactériologie
Professeurs Agrégés
Civ. NOM Prénom Laboratoire
Mme MAYES Martine Anglais
M. MORGENROTH Thomas Droit et déontologie pharmaceutique

Professeurs Certifiés
Civ. NOM Prénom Laboratoire
M. HUGES Dominique Anglais
Mlle FAUQUANT Soline Anglais
M. OSTYN Gaël Anglais

Professeurs Associé - mi-temps


Civ. NOM Prénom Laboratoire
M. ABADIE Eric Droit et déontologie pharmaceutique

Maîtres de Conférences ASSOCIES - mi-temps


Civ. NOM Prénom Laboratoire
Mme BERTOUX Elisabeth Pharmacie Clinique - Biomathématiques
M. CREN Yves Information Médicale - Biomathématiques
M. FIEVET Pierre Information Médicale
M. FRIMAT Bruno Pharmacie Clinique
M. MASCAUT Daniel Pharmacie Clinique
M. WATRELOS Michel Droit et déontologie pharmaceutique
M. ZANETTI Sébastien Biomathématiques - Pharmacie virtuelle

AHU
Civ. NOM Prénom Laboratoire
M. LANNOY Damien Pharmacie Galénique
M. SIMON Nicolas Pharmacie Galénique
Faculté des Sciences Pharmaceutiques
et Biologiques de Lille
3, rue du Professeur Laguesse - B.P. 83 - 59006 LILLE CEDEX
Tel. : 03.20.96.40.40 - Télécopie : 03.20.96.43.64
http://pharmacie.univ-lille2.fr

L’Université n’entend donner aucune approbation aux opinions émises


dans les thèses ; celles-ci sont propres à leurs auteurs.
REMERCIEMENTS

A mon directeur de thèse, Mr Roumy Vincent,


Maître de conférences en Pharmacognosie à la Faculté de Sciences Pharmaceutiques et
Biologiques de Lille,

Vous m’avez guidé et soutenu dans l’élaboration de cette thèse. Merci pour vos
conseils et la disponibilité dont vous avez fait preuve tout au long de l’élaboration de ce
projet.
Je vous prie de recevoir mes remerciements les plus sincères.

A mon président de thèse, Mr Courtecuisse Régis,


Professeur de Sciences Végétales et Fongiques à la Faculté de Sciences
Pharmaceutiques et Biologiques de Lille,

Merci pour le dévouement dont vous faîtes preuve pour vos étudiants,
Vous me faites l’honneur de présider ma thèse, recevez le témoignage de ma
profonde gratitude.

A Mr Gosselin Bertrand, Docteur en Pharmacie,

Les six mois passés dans votre pharmacie resteront un très bon souvenir
professionnel et humain. Merci à vous ainsi qu’à Mme Gosselin pour l’accueil au sein de
votre équipe,
Vous m’avez transmis votre passion et votre dynamisme pour le métier de
Pharmacien, je vous en suis infiniment reconnaissante. C’est un honneur pour moi que
vous soyez dans le jury de cette thèse quelque peu originale...

A mes parents,

Pour leur aide et leur soutien tout au long de mes études, vous m’avez montré
l’exemple et poussé vers la réussite. Merci pour votre patience et votre écoute.
A mes frères et sœurs,

Pour tous ces souvenirs passés et à venir, pour les fous rires, les disputes, les
soirées jeux, les discussions entres sœurs après les cours… Il y a des hauts, il y a des
bas, mais au fond c’est du bonheur les grandes fratries.
Un remerciement particulier à toi Elodie, pour ta compagnie et ta bonne humeur du
mardi, sans toi je n’aurais jamais clôturé cette thèse avant la fin d’année universitaire.

A mes grands-parents,

Pour vos conseils et votre soutien dans chaque étape de ma vie, pour votre vivacité
d’esprit. Vous êtes des grands-parents en or, pour rien au monde je ne changerai.
Un remerciement particulier à toi Dédée, pour les heures passées à relire ma thèse,
à la recherche des fautes d’orthographe. Il paraîtrait que c’est comme chercher des poux
dans la tête de tes élèves, on est toujours persuadé qu’il reste une faute.

A mon beau frère Maxime,


Pour la mise en page de cette thèse, tu m’as fait gagner un temps fou de
nombreuses fois grâce à tes compétences en informatique. Merci pour ton aide Gueekou.

A mes amis,

Merci pour ces bons moments passés ensemble, à l’école, en colonie de vacances,
au volley, au Pérou, à la revue et ailleurs.

A mes amis de fac,

Pour tous ces jours passés sur les bancs de la faculté, des souvenirs inoubliables.
Je ressens déjà la nostalgie de ces années pharma, vive la revue, vive l’amitié !

A mes collègues d’aujourd’hui et d’hier,

Je vous remercie pour l’accueil au sein de votre équipe, pour le partage de votre
expérience professionnelle et de vos connaissances, merci pour ces opportunités que
vous m’avez offertes.
SOMMAIRE

REMERCIEMENTS ........................................................................................................................................................ 7
INTRODUCTION .........................................................................................................................................................11

1 HISTOIRE DU DATURA STRAMONIUM ........................................................................................................................... 14


1.1 Origine du Datura .......................................................................................................................................... 14
1.2 Usage ancien en Europe................................................................................................................................. 15
1.3 Histoire occidentale récente........................................................................................................................... 18
1.4 Usages contemporains ................................................................................................................................... 19
1.5 Néo-chamanisme et le New Age .................................................................................................................... 20
1.6 Classification officielle de Datura stramonium .............................................................................................. 22
2 BOTANIQUE ET PHARMACOGNOSIE DE DATURA STRAMONIUM .......................................................................................... 23
2.1 Dénomination de la plante ............................................................................................................................ 23
2.2 Datura stramonium, description botanique ................................................................................................... 25
2.2.1 Datura stramonium dans la classification ..............................................................................................................25
2.2.2 Répartition géographique des différentes espèces ................................................................................................25
2.2.3 Description macroscopique ...................................................................................................................................26
2.2.3.1 Appareil végétatif ........................................................................................................................................26
2.2.3.2 Appareil reproducteur .................................................................................................................................27
2.2.4 Description microscopique ....................................................................................................................................30
2.2.5 Culture du Datura ..................................................................................................................................................32
2.3 Composition chimique ................................................................................................................................... 33
2.3.1 Teneur en alcaloïdes totaux fonction des organes .................................................................................................33
2.3.2 Les alcaloïdes de Datura stramonium ....................................................................................................................36
2.3.3 Structure des alcaloïdes tropaniques .....................................................................................................................39
2.3.4 La biogenèse des alcaloïdes tropaniques ...............................................................................................................41
2.3.4.1 Biogenèse du noyau tropane .......................................................................................................................41
2.3.4.2 Biogenèse de l’hyoscyamine ........................................................................................................................42
2.3.4.3 Biogenèse de la scopolamine ou hyoscine ..................................................................................................43
2.3.5 Relation structure-activité .....................................................................................................................................43
2.4 Essais physico-chimiques ............................................................................................................................... 44
2.5 Pharmacocinétique ........................................................................................................................................ 46
2.6 Pharmacologie ............................................................................................................................................... 47
2.6.1 Le syndrome anticholinergique ou atropinique : aspects cliniques généraux ........................................................47
2.6.2 Les alcaloïdes du Datura stramonium ....................................................................................................................47
2.6.2.1 Atropine .......................................................................................................................................................47
2.6.2.2 Hyocyamine .................................................................................................................................................48
2.6.2.3 Scopolamine ................................................................................................................................................49
2.7 Toxicologie et surdosage ................................................................................................................................ 49
2.7.1 Signes cliniques de l’intoxication aiguë ..................................................................................................................49
2.7.2 Signes cliniques de l’intoxication chronique ..........................................................................................................53
2.7.3 Doses toxiques .......................................................................................................................................................53
2.7.4 Identification dans les liquides biologiques/ examens toxicologiques ...................................................................53
2.7.5 Traitement de l’intoxication ...................................................................................................................................57
3 LE PROBLÈME DE LA TOXICOMANIE AU DATURA ET LA PLACE D’INTERNET SUR LA CONSOMMATION ........................................... 61
3.1 Niveau de consommation en France : état des lieux ...................................................................................... 61
3.1.1 Données épidémiologiques en France (2002-2008) ...............................................................................................61
3.1.1.1 Matériel et méthodes pour le recueil des données .....................................................................................62
3.1.1.2 Résultats ......................................................................................................................................................63
3.1.1.2.1 Nombre de cas recueillis ..........................................................................................................................63
3.1.1.2.2 Répartition des cas d’exposition en toxicomanie/addiction .....................................................................64
3.1.1.2.3 Répartition par classes d’âge ....................................................................................................................65
3.1.1.2.4 Répartition des cas selon la voie d’exposition ..........................................................................................66
3.1.1.2.5 Produits associés ......................................................................................................................................66
3.1.1.2.6 Prise en charge des cas signalés, traitements et évolution.......................................................................67
3.1.2 Sur le site de Lille ...................................................................................................................................................68
3.2 A partir d’un témoignage d’un groupe de jeunes poly-toxicomanes expérimentés ....................................... 69
3.2.1 Effets recherchés ....................................................................................................................................................70
3.2.1.1 Les effets stimulants ................................................................................................................................... 71
3.2.1.2 Les effets sereins .........................................................................................................................................72
3.2.1.3 Les effets de perturbation des sens .............................................................................................................72
3.2.1.4 Les effets déroutants ...................................................................................................................................73
3.2.1.5 Les effets ténébreux ....................................................................................................................................74
3.2.2 Populations concernées .........................................................................................................................................75
3.2.2.1 Présentation des usagers .............................................................................................................................75
3.2.2.2 Le recueil des données par le dispositif TREND ...........................................................................................76
3.2.2.2.1 L’espace urbain .........................................................................................................................................76
3.2.2.2.2 L’espace festif ............................................................................................................................................78
3.2.3 Perception du risque ..............................................................................................................................................81
3.2.4 Sources d’approvisionnement ................................................................................................................................83
3.2.5 Administration et dosage .......................................................................................................................................84
3.2.6 Les conséquences sociales .....................................................................................................................................86
3.3 Datura et dérives sectaires............................................................................................................................. 87
3.4 Le réseau Internet et l’ambivalence de l’usage .............................................................................................. 90

CONCLUSION .............................................................................................................................................................93
BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................................................................................95
ANNEXES ...................................................................................................................................................................98
GLOSSAIRE ............................................................................................................................................................... 107
INTRODUCTION

Avant d’être une plante ornementale de nos jardins, le Datura stramonium est
une plante hallucinogène. Les hallucinogènes sont des substances provoquant des
distorsions des perceptions visuelles, auditives, spatiales et temporelles et de la
perception de son propre corps. On distingue les hallucinogènes synthétiques et les
hallucinogènes naturels dont fait partie le Datura stramonium.
Les espèces de Datura Stramonium sont répandues sur tous les continents. De
toute évidence, leurs utilisations remontent aux premiers pas de l’homme dans la
connaissance de son environnement végétal. Les effets provoqués par ces plantes
sont souvent étranges et inexplicables. Il n’est donc pas étonnant qu’elles aient joué
un rôle important dans les rites religieux des civilisations et qu’elles soient encore
vénérées par certains peuples dont les cultures perpétuent d’anciennes traditions.
En Europe, cette plante renfermait le secret de nos sorcières. D’abord rejeté
par les sociétés occidentales chrétiennes et colonisatrices, les mentalités ont évolué
et une prise conscience de l’importance de ces végétaux dans l’histoire et la
formation des diverses cultures est apparue à partir des années 70.
Riche en alcaloïdes, le Datura stramonium est incontestablement une plante
hallucinogène, toxique et dangereuse même à faible dose.
L’apparition du phénomène de drogues depuis les années soixante et la vogue
actuelle pour les plantes hallucinogènes, hausse cette plante facile d’accès au rang
de plante détournée en toxicomanie. Même si les champignons hallucinogènes
restent largement plus consommés, le Datura stramonium arrive avec la Salvia
divinorium dans les plantes les plus fréquemment expérimentées. La recherche
d’expérimentations variées, nouvelles, et le prétendu caractère plus anodin des
drogues dites naturelles en comparaison des drogues synthétiques, ont favorisé un
regain d’intérêt chez les usagers de produits psychoactifs pour ce type de
substances.
Internet qui se développe depuis les années 90, semble jouer un nouveau rôle
dans les pratiques des usagers de plantes hallucinogènes.
Nous nous intéresserons dans ce sujet à l’histoire de cette plante à travers les
siècles. Nous verrons comment s’explique la toxicité de cette plante et quels sont les
risques d’une intoxication au Datura stramonium. Puis nous aborderons le
phénomène émergent de la toxicomanie au Datura, en particulier l’état actuel des
consommations en France. Y-a-t-il lieu de s’inquiéter ? Quelles sont les motivations

11
d’une consommation récréative de datura ? Comment s’organise cette toxicomanie ?
Que dit la loi ? Quelle conduite tenir, nous professionnels de santé ?

12
13
1 Histoire du Datura stramonium
1.1 Origine du Datura
Pour retracer l’origine du Datura stramonium en France il est important de
situer le genre Datura dans le monde.
Une légende des Indiens Zuni du Sud-ouest des États-Unis décrit l’origine du
Datura inoxia (annexe 1). Ce Datura et d’autres espèces apparentées ont été depuis
longtemps utilisés comme hallucinogènes sacrés au Mexique et dans le Sud-ouest
des États-Unis. Ils ont joué un rôle important en médecine traditionnelle et dans les
rituels religieux.
Dans l’Ancien Monde, le Datura a une longue histoire de plante médicinale et
d’hallucinogène sacré, bien que ce genre n’y ait jamais joué le rôle cérémoniel qui
est le sien dans le Nouveau Monde. L’ancienne littérature chinoise et indienne
mentionne le Datura metel. Le Datura ferox est aussi une espèce asiatique très
répandue dans les régions chaudes des deux hémisphères. Ses propriétés sont
semblables à celle de Datura metel. Cette espèce est surtout employée en Afrique,
en Tanzanie.
Les Mexicains donnent le nom de Toloache au genre Datura. Son rôle religieux
et thérapeutique y est toujours important. On pense aujourd’hui que le Datura
stramonium est originaire de l’Est de l’Amérique où les Algonquins et d’autres tribus
l’auraient utilisé comme hallucinogène sacré. Au cours des rituels initiatiques des
Indiens de Virginie, on employait un mélange toxique appelé Wysoccan. Son
ingrédient actif était certainement le Datura stramonium. (1)
Les pratiques ancestrales des « plantes » hallucinogènes concernent de
nombreuses sociétés traditionnelles, car ces substances étaient perçues comme
ayant des pouvoirs de divination, ou comme véhicule pour accéder au domaine
transcendantal ou surnaturel. Le plus souvent, leur usage était réservé à certaines
castes de la société, comme les prêtres ou les chamans. Elles pouvaient également
être réservées à des occasions spécifiques comme les rituels d’alliance, et parfois
les sacrifices humains. Les pratiques rituelles des drogues fourmillent dans l’histoire
humaine à pratiquement toutes les époques, à différents endroits de la planète. Leur
consommation était institutionnalisée et certaines cultures traditionnelles leur ont
parfois attribué un rôle social central. (2)

14
Les contradictions de l’origine des espèces Datura dans le Vieux Monde
Des études phylogénétiques récentes ont montré que toutes les espèces de
Datura seraient originaires des Amériques et que les espèces de Datura présentes
sur les continents de l’Ancien Monde étaient absentes avant le 16e siècle ; les
européens les ayant rapportées de leur voyage de découverte de l’Amérique. Les
textes traditionnels citant la présence de datura dans le Vieux Monde seraient dus
selon ces auteurs, à une mauvaise interprétation des sources arabes et grecques.
Cependant un article de l’Indian academy of science met en avant ces preuves
historiques de la présence de datura dans l’Ancien Monde avant le 16e siècle. Il ne
réfute pas les preuves de l’origine américaine du genre Datura mais avance l’idée
d’une dissémination du genre Datura dans le Vieux Monde avant la conquête de
l’Amérique via l’espèce Datura metel, importée par les courants océaniques de
l’Amérique du Sud à la Polynésie ; puis par le biais de l’homme, elle se serait
répendue en Asie puis dans le reste du Vieux Monde. (3)
Ces deux hypothèses restent toujours en débat dans la communauté scientifique
à l’heure actuelle. Comme nous pourrons le voir par la suite, la plante de Datura est
citée à différentes époques. S’agit-il d’une mauvaise interprétation des textes ou la
plante était-elle bien présente en Europe avant la découverte des Amériques ? Je ne
peux répondre à cette question qui fait toujours débat. Mon travail aura été de
présenter ce que l’on peut trouver sur l’histoire de cette plante en Europe.

1.2 Usage ancien en Europe


En Europe, depuis l’Antiquité les Solanacées (Belladone, Jusquiame,
Mandragore) sont associées à des pratiques divinatoires. Les prêtresses de la Grèce
antique inhalaient la fumée de ces plantes pour se rendre prophétiques. (4)
Dans l’Odyssée, la belle Hélène verse le népenthès, un philtre, dans la coupe
de son époux « une substance qui dissipe la tristesse, calme la colère et fait oublier
tous les maux ». Il s’agirait d’un mélange de datura, d’opium et de chanvre. (2)
C’est principalement au Moyen-âge, et uniquement pour des pratiques de
sorcellerie ou dans des buts maléfiques, que les Européens ont employés des
hallucinogènes. La plupart des plantes utilisées était des Solanacées : Stramoine,
Mandragore, Belladone et Jusquiame. (1) Les préparations à base de Datura
stramonium furent utilisées en sorcellerie pour des activités maléfiques, souvent
comme « stupéfiant hallucinatoire » constituant les onguents des sorcières et les

15
philtres d’amour. (4) Ce savoir, issu des traditions pré-chrétiennes, était marque et
preuve de sorcellerie et de fréquentation diabolique. (5)
Ces références antérieures à la découverte de l’Amérique sont un exemple
des contradictions que l’on peut trouver sur l’origine des espèces de Datura dans le
Vieux Monde
A cette époque, on découvrit que la combinaison des constituants de la plante
avec des huiles ou des graisses en facilitait l’absorption par les conduits de
transpiration comme les aisselles ou les orifices du corps (comme le vagin ou le
rectum). Ces voies alternatives à la voie orale, permettaient aux alcaloïdes
psychoactifs de gagner le flux sanguin ou le cerveau sans transiter par le tube
digestif, diminuant ainsi les effets secondaires qui les accompagnent. Plusieurs
documents rapportent les modes d’application des « baumes des sorcières » ou
« onguents ». Il existe des documents du XXe siècle rapportant les effets
hallucinogènes des baumes des sorcières, comme le récit de Will-Erich Peukert qui
prépara, à partir d’une recette datant du XVIIe siècle, un onguent pour voler,
contenant belladone, jusquiame et des espèces de Datura. Lui et ses collègues se
frottèrent l’onguent sur le front et les aisselles, et sombrèrent dans un profond
sommeil au cours duquel ils rêvèrent de « courses débridées » et de « danses
frénétiques ». Il est donc presque certain que les sorcières ont connu les sensations
de vol, principalement provoquées par les alcaloïdes atropiniques ; que le
consommateur se croit transformé en un animal ou bien qu’il ait l’impression de voler
et de danser frénétiquement, dépendait du genre de breuvage et des doses
d’alcaloïdes administrées. (4)
Le délire tantôt gai, tantôt triste, a valu au Datura stramonium (et à la
belladone) le nom d’herbe aux sorciers, herbe au diable, parce que les prétendus
sorciers faisaient assister aux séances du sabbat des gens superstitieux enivrés
avec ces plantes. C’est par le même moyen que les sorciers et enchanteurs
procuraient aux amants des jouissances imaginaires avec les philtres d’amour. (6)
Un peu plus tard, au 18e siècle, une compagnie de voleurs, connus sous le
nom d’endormeurs mêlait à du tabac de la poudre de graine de datura. Puis dans les
lieux publics ils se plaçaient à côté de gens à qui ils offraient du tabac. Ils profitaient
de l’inconscience et de l’amnésie antérograde qui en résultait pour les détrousser
sans obstacle. (2) Le même type de scénario est mis en œuvre en Colombie depuis
les années 1970 avec la Brugmansia, un genre proche de celui du Datura du point
de vue de la composition chimique de la plante. La scopolamine et autres
atropiniques de ces plantes fait perdre la volonté et est responsable d’une amnésie
16
antérograde. La soumission de la victime permet aux délinquants de la dépouiller en
toute tranquillité, tandis que l’amnésie leur assure l’impunité.
C’est également pour cette raison que la scopolamine a été utilisée comme
« sérum de vérité » pendant la Seconde Guerre Mondiale. (2)
Si on lit souvent que l’usage des substances « végétales » hallucinogènes a
disparu en Europe avec la fin du Moyen Age, une enquête ethnologique menée par
Prado dans les années 70 apporterait la preuve contraire car elle témoignerait de la
pratique du « jilgré » dans la société rurale bretonne, et l’auteur fait l’hypothèse que
cette pratique se retrouverait vraisemblablement dans d’autres régions d’Europe
sous des formes presque similaires, comme l’attesterait le vocable « endourmido »
en provençal par exemple, qui désignerait le datura. Le « jilgré » est un cidre dans
lequel ont macéré des graines de Datura stramonium. C’était une pratique
« secrète », recensée dans les campagnes et le milieu des ouvriers agricoles,
relativement âgés, qui parlaient breton. Cette pratique participait à une sociabilité
masculine dont les femmes étaient strictement exclues. La « bouteille à signe » (celle
marquée d’une croix contenant les graines de datura) permettait de servir un dernier
verre à certains des participants et compliquait le retour chez soi. Aucun délire visuel
de type hallucinatoire n’a été rapporté dans l’enquête. En effet, en Bretagne, le
« jilgré » n’est pas une plante hallucinogène, c’est une plante d’égarement.
Du point de vue linguistique, l’étymologie du terme « jilgré » tend à montrer
que ce breuvage existait depuis plusieurs générations car, par exemple, le cannabis
qui arrive en Bretagne au moment de l’étude au cours des années 60 n’a jamais reçu
de nom breton, sinon par moquerie précise l’auteur. Si cette plante était d'usage
récent elle aurait porté le nom français de « stramoine ». Cette pratique aurait
disparu avec l’évolution du milieu agricole après la Seconde Guerre Mondiale. (7)
Cette enquête ethnologique laisse elle aussi entendre via l’étymologie des
mots, le caractère ancien de la présence du Datura stramonium en France sans pour
autant préciser que sa présence date d’avant la découverte des Amériques.

En parallèle de ces utilisations à visée hallucinogène, le datura fut longtemps


utilisé en médecine contre l’asthme. On retrouve dans les matières médicales du 19e
siècle l’utilisation du datura sous formes d’extrait, de poudre, de teinture alcoolique,
de fumigation, d’infusion et décoction prescrits pour des névroses diverses comme la

17
manie, l’épilepsie, la danse de Saint Guy1. Ces pratiques furent vite abandonnées
face au faible taux de réussite. C’est dans l’asthme bronchique et d’autres affections
respiratoires que cette plante a donné le plus de résultat : fumée en cigarettes, en
« tubes anti-asthmatiques » ou à la pipe, mélangée à d’autres Solanacées comme le
tabac, la sauge, la belladone ou la jusquiame ou encore en inhalé en brûlant les
feuilles pour répandre la fumée dans le lieu de vie. (6) Un équivalent moderne de
cette utilisation est l’ipratropium (ATROVENT®) produit de synthèse de structure
analogue à l’atropine. (4)
Le datura fut aussi utilisé dans les névralgies et les douleurs de toutes sortes,
par voie orale avec la teinture ou l’extrait alcoolique ou en friction directement sur le
trajet de la douleur, mais aussi dans les inflammations aiguës et chroniques et en
tant que mydriatique. (6,8)
Le danger lié à l’usage de ces produits explique le retrait de l’Autorisation de
Mise sur le Marché des cigarettes anti-asthmatiques en 1992, dernier médicament à
base de Datura stramonium commercialisé en France. (7)
De nos jours, l’industrie pharmaceutique utilise d’autres espèces pour extraire
l’atropine et la scopolamine. (9) Les variétés utilisées sont Datura inoxia et
Brugmansia sanguinea. (10)

1.3 Histoire occidentale récente


L’usage des substances hallucinogènes a disparu en Europe au Moyen-âge,
époque durant laquelle cela était déjà devenu marginal. Ces pratiques ne seraient
apparues de nouveau en Europe qu’avec la vague psychédélique des années 60, qui
s’est amorcée aux États-Unis et s’est diffusée en Europe. (5)
Même si l’enquête ethnologique de Prado tendrait à prouver le contraire avec
la tradition du « jilgré », cette pratique était une forme d’utilisation du datura très
localisée, dans un cadre festif, avec des normes d’utilisation bien précises, sans
aucun objectif religieux ni introspectif. (7) La vague psychédélique des années 60,
revendiquait une marginalité idéologique et la connaissance de soi grâce à l’usage
du LSD. Elle suscita par là même un nouvel intérêt pour les capacités d’altération
psychologique de certaines « plantes ». La connaissance de soi par le biais des
hallucinogènes aurait ainsi valeur de « psychothérapie accélérée ». Les plantes
hallucinogènes sont donc expérimentées de nouveau en tentant un retour vers les

1
Rhumatisme articulaire et mouvement choréique, conséquence d’une infection à streptocoque bêta-
hémolytique du groupe A
18
pratiques mystiques traditionnelles des Indiens d’Amérique. Des intoxications au
datura sont d’ailleurs recensées au cours des années 60. (5) La recherche
personnelle au travers des drogues hallucinogènes et l’aspiration à des valeurs
qualifiées de plus « naturelles » étaient le moteur de cette « culture de soi ». Les
premiers tenants du psychédélisme expriment au travers de ces nouvelles
significations de l’usage des drogues le développement d’une culture libertaire et
sont le symbole d’une révolution culturelle contre l’asservissement à l’ordre
scientifique et technocratique. La consommation d’hallucinogènes en est une des
ses manifestations. Cependant ces usages de drogues idéologiquement orientés au
cours des années 60 et 70, restaient confinés dans des groupes sociaux plus
restreints qu’aujourd’hui, relativement en marge de la société. (5)

1.4 Usages contemporains


Depuis les années 90, la multiplication des drogues de synthèse favorise la
consommation et le goût pour les expériences toujours plus variées. Les effets des
plantes hallucinogènes n'ont pas échappé à ceux qui recherchent ces expériences,
qu'il s'agisse de susciter un état modifié de conscience pour une meilleure
connaissance de soi, ou d'une pratique festive pour augmenter le caractère
exceptionnel du moment. (5)
Les sites de vente de substances psychoactives seraient désormais les
premiers fournisseurs de plantes hallucinogènes. Si les graines contenant du LSA2
semblent toujours avoir été consommées dans de petits groupes d'usagers de
drogues « connaisseurs », leur usage aurait augmenté au cours des dernières
années avec cette nouvelle mode des « drogues écologiques ». Les consommateurs
seraient attirés par les produis « bio » dont le mode de culture exclut tout ajout
d'engrais, pesticides... et fascinés par les substances utilisées lors de cérémonie
traditionnelles à connotation mystique ou chamanique. (11)
Grâce à Internet ils possèdent désormais un moyen actuel reconnu pour
rassembler des informations sur les drogues et notamment sur les hallucinogènes,
qu'il s'agisse d'informations scientifiques ou profanes. De plus, le datura est facile
d’accès, il semble le plus souvent être offert ou troqué et lorsqu'il est vendu, son coût
varie de 5 à 10 euros selon le type de préparation. (12)

2
De l’allemand « Lyserg Säure Amid » soit l’amide de l’acide lysergique.
19
A coté de ces usages festifs, apparaît de plus en plus fréquemment
aujourd'hui un discours qui prône les préceptes du « néo-chamanisme », cadre de
pensée qui émerge aux États-Unis avec la vague psychédélique. (5)

1.5 Néo-chamanisme et le New Age


Le genre Datura est utilisé encore de nos jours dans des sociétés
traditionnelles d’Amérique Latine et centrale comme au Mexique où son rôle religieux
et thérapeutique y est toujours important. Ce sont les chamans les seuls capables de
manipuler ces plantes hallucinogènes sacrées. Le datura y est utilisé en mélange
avec d’autre plante comme l’ayahuasca.
Ces expériences mystiques traditionnelles ont inspiré la création à la fin du 20 e
siècle de deux mouvements nommés néo-chamanisme et New Age.
Le néo-chamanisme se définit comme « une forme de chamanisme créé pour
rétablir un lien entre l’homme moderne et ses racines spirituelles, pour introduire de
nouveau les croyances chamaniques dans la vie occidentale en recherche de
spiritualité et ainsi renouer le contact avec la nature ». (13) Dans les concepts du
néo-chamanisme, la guérison physique de l’individu doit tout d’abord passer par une
guérison spirituelle et serait favorisée par la consommation de substances
hallucinogènes. Le processus consiste souvent en une première accroche sous
forme de stage offrant la possibilité de faire vivre un « voyage », puis c’est l’incitation,
l’obligation de participer à des sessions de développement personnel, et enfin la
possibilité d’adhérer à une communauté fermée, pour devenir soi-même « chaman ».
Ce cursus a pour but inavoué de faire fructifier les revenus des dirigeants,
puisque chaque étape est payante et que les nouveaux chamans doivent verser de
l’argent à leurs formateurs. (14)
Bien qu’il y ait des similitudes entre le néo-chamanisme et le New Age, il est
difficile de placer le néo-chamanisme comme faisant partie du mouvement New Age.
Le néo-chamanisme serait né avec le mouvement New Age et se serait différencié
par la suite. Le tourisme chamanique se rattache au néo-chamanisme et constitue un
véritable business. Ces pratiques n’ont aucun rapport avec les pratiques
traditionnelles du chamanisme dans leur tribu d’origine. Le chamanisme des tribus
amérindiennes contribue à la cohésion de la tribu et s’appuie sur des rituels
ancestraux parfaitement maîtrisés.
Le New Age a une image négative, pas seulement auprès des intellectuels,
mais aussi auprès du grand public. De nombreux chamans occidentaux insistent sur

20
le fait qu’ils ne font pas partie du New Age et expriment leur mépris pour ce
mouvement et le fait de commercialiser la spiritualité. Ils expriment leur embarras
d’être rattaché au mouvement, cela donne une mauvaise image et fait fuir les gens.
Il est difficile de définir quand a commencé le New Age. Certains auteurs
disent qu’il est né dans les années 1920 et tire ses racines des sciences occultes
occidentales et de la tradition métaphysique. D’autres disent qu’il serait né du
mouvement de contre culture des années soixante. D’autres encore placent l’origine
au Néo-Platonisme mystique d’un monde hellénistique.
Le New Age est très éclectique et semble compromettre les croyances sur les
origines. Il a était défini comme « une recherche des expériences primitives de
transformation ». Les principaux thèmes sont l’insatisfaction des sociétés
technocratiques, le rejet des religions institutionnalisées, l’expression libre comme un
retour à la nature et à un style de vie simple. On peut aussi remarquer une forte
conscience vis à vis de la destruction de l’environnement. Le centre du sujet tourne
autour de l’individu et de ses capacités à créer sa propre réalité comme si en
changeant soi-même, le monde pouvait changer. Cependant il manque un noyau
philosophique dans ce mouvement.
Le discours environnemental tend à présenter les peuples indigènes comme
un groupe homogène et leur connaissance comme universelle pour faire la
promotion du tourisme chamanique. Cependant on ne peut ignorer que ce sont les
occidentaux qui ont défini ces concepts et qui parlent au nom des indigènes. Le New
Age et le néo-chamanisme sont présentés sous un faux jour, et ont sous-estimé les
pratiques indigènes, et de manière indirecte renforcé les idées racistes. (13,15)

A côté de ces chamans, il existe d’autres mouvances dans lesquelles on


trouve des psychothérapeutes auto-déclarés, des petites communautés rurales, mais
aussi des structures beaucoup plus organisées. Ils utilisent également les propriétés
de ces plantes dans les techniques proposées à leur « clients ». Leur but déclaré est
« la re-découverte d’une harmonisation et d’une spiritualité naturelle, ainsi que
l’obtention d’une parfaite communion avec le règne des éléments naturels ». Mais
c’est en fait surtout pour ces organisateurs, un véritable fond de commerce très
éloignés des intentions décrites dans leurs publications ou sur leurs différents sites.
Ils attribuent à leurs séances une véritable valeur thérapeutique. On comprend tout le
danger de ces mouvements. (14)
Le genre Datura fait parti des plantes utilisées lors de ces rituels pour rentrer
dans des états de transe. Une promotion de l’utilisation du datura est faite par les
21
leaders de ces mouvements, en particulier via le net. Nous reviendrons dans la
dernière partie sur le point de vue des autorités face à ces pratiques jugées
dangereuses.

1.6 Classification officielle de Datura stramonium


Le Datura stramonium et ses préparations sont classés sur la liste I des
substances vénéneuses. L’article L.5132-8 du Code de la Santé Publique précise
que « la production, la fabrication, le transport, l’importation, l’exportation, la
détention, l’offre, la cession, l’acquisition et l’emploi » de plantes, de substances ou
de préparations classifiées comme vénéneuses sont soumis à des conditions
définies par décrets en Conseil d’État. L’article L.5432-1 du Code de la Santé
Publique punit de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de ne
pas respecter les dispositions réglementaires de l’article L.5132-8, peines qui
peuvent être portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque
les faits sont commis en bande organisée. (10) (Voir annexe 4 les substances
vénéneuses)
Les feuilles de Datura stramoniun L. et de ses variétés sont inscrites à la 7e
édition de la Pharmacopée Européenne. (16) Les feuilles de Datura stramonium L.
sont inscrites à la Pharmacopée Française 10e édition sur la liste A des plantes
médicinales, à savoir celles utilisées traditionnellement en allopathie et pour
certaines d’entre elles, en homéopathie. Il y est précisé que tous les organes de la
plante sont toxiques. Cette même espèce est utilisée pour la préparation de la
souche homéopathique Stramonium. Les taux minimum d’alcaloïdes tropaniques
recommandés sont de 0,2 % à 0 ,3% de matière sèche. (17)
Ni le datura, ni ses composants ne sont classés comme stupéfiants. (18)

22
2 Botanique et pharmacognosie de Datura
stramonium
2.1 Dénomination de la plante
Datura vient du nom arabe de la plante : Tatôrah ou Datora venant lui même
de Tat qui signifie piquer, à cause du fruit épineux.
L’étymologie de stramonium est douteuse. Il y a plusieurs hypothèses : de
Strymonios une région de Thrace en Grèce où elle est connue depuis l’Antiquité, ou
de stremma monia = « gâteau insensible » pour ses propriétés stupéfiantes, ou
encore de Strychnos manikos qui signifie « morelle qui rend furieux » pour son action
enivrante.
Le datura est connu sous de nombreux noms vernaculaires :
 Noms français : Datura, Stramoine, Pomme épineuse, Herbe du diable, Herbe
aux sorciers, Endormie, Herbe aux taupes.
 Noms anglais : Thorn-apple, Devils’s apple, Hedge-Hog-Nut, Trumpet’s angel,
Devil’s trumpet, Jimson weed (ou Herbe de Jamestown) en hommage au
premier cas d'intoxication collective qui remonte à 1676 : le général Smith afin
de maîtriser une rébellion à Jamestown (USA), distribua aux soldats des
feuilles de Datura qu'il pensait être des épinards. Cela entraîna un éclat
d'agitation collectif et laissa ce surnom à la plante. (4,19,20)
 Noms allemands : Stechapfel, Dornapfel, Teufelsapfel
 Noms espagnols (Pérou) : Estramonio, Manzana spinosa, Yerba (Hierba)
hedionda
 Noms italiens : Stramonio, Noce spinosa, Pomo spinoso, Noce del diavolo

Le Datura stramonium L. est la variété la plus connue sous nos latitudes, il en


existe d’autres que l’on rencontre essentiellement dans les pays tropicaux.
Le Brugmansia arborea est appelé communément, par erreur, « Datura en
arbre » ou « Trompettes des anges », il s’agit en réalité d’un genre distinct du genre
Datura comme l’ont montré les études récentes sur la biologie de ces plantes. C’est
un arbuste, ou un arbre de 2 à 3 m pouvant atteindre 5 m de haut originaire
d’Amérique du Sud. En France, il peut être cultivé en serre dans le Nord, ou en plein
air en Provence. Il est constitué de grosses tiges charnues et fragiles, pourvues de
larges feuilles velues et molles. Les fleurs sont énormes, pendantes, d’un blanc pur,
dont les cornets innombrables sont d’un effet superbe au moment de la floraison qui
23
peut se produire 2 ou 3 fois par an. Les fleurs qui ne durent qu’un jour sont
immédiatement remplacées par d’autres, si bien que la floraison donne l’impression
d’être continue. Elles répandent un parfum suave. Le fruit contient un grand nombre
de graines. Il existe de nombreuses autres espèces de Datura. Le nom de
Brugmansia doit être définitivement réservé aux arbustes à fleurs pendantes tandis
que celui de Datura qu’aux herbacées vivaces ou annuelles à fleurs dressées ou
horizontales. (2)

Figure 1 : Brugmasia arborea ou « Datura en arbre » ou « Trompettes des anges »(21)

Figure 2 : Fleurs de Brugmansia arborea (22)

Ce genre, ainsi que le genre Duboisia sont préférés en industrie pour


l’extraction de l’atropine et de la scopolamine à des fins médicales. (23)
24
La chimie des Brugmansia montre que ces Solanacées contiennent les mêmes
alcaloïdes que le Datura (scopolamine, L-hyoscyamine et atropine) et divers
alcaloïdes secondaires du groupe tropane. La scopolamine est présente en grande
quantité. (2)

2.2 Datura stramonium, description botanique


2.2.1 Datura stramonium dans la classification
Taxon : Spermaphytes ou plantes à graines
˪ Embranchement : Angiospermes ou plantes à ovaires
˪ Classe : des Eudicots ou Eudicotylédones
˪ Sous-classe : Astéridées
˪ Groupe : Euastéridées I
˪ Ordre : Solanales
˪ Famille : Solanacées
˪ Genre : ● Brugmansia
● Duboisia

● Solandra

● Datura

˪ Espèce : Datura stramonium L.


˪ Variété : Datura stramonium var. tatula (L.) (Seul nom de variété valable)
(24, 25)

2.2.2 Répartition géographique des différentes


espèces
Le genre Datura est cosmopolite. L’espèce Datura stramonium est la plus
fréquente en Europe. Très irrégulièrement distribué en France, le datura ne pousse
pas à grande altitude. (19)

25
2.2.3 Description macroscopique

Figure 3 : Plante de Datura stramonium L. (26)

Figure 4 : Plante de Datura stramonium L. (27)

2.2.3.1 Appareil végétatif

Datura stramonium est une plante herbacée annuelle, abondante en Europe


où elle affectionne les terrains incultes et bords des chemins. Elle pousse dans les
décombres, les champs, près des habitations, dans les terrains vagues ou dans les
lieux sablonneux. L’odeur de la plante fraîche est vireuse et nauséabonde, surtout
pendant les fortes chaleurs. La saveur est désagréable et amère.
La racine est forte, rameuse, fibreuse et blanchâtre. (28)

26
La tige, pouvant atteindre plus d’un mètre de hauteur, est droite, creuse,
simple ou ramifiée, glabre, verte devenant parfois violette. (17,28)
Les feuilles alternes, de 8 à 25 cm de long sur 7 à 15 cm de large ont un limbe
ovale ou ovale triangulaire acuminé, souvent asymétrique à la base, et profondément
découpé en 5 à 7 lobes inégaux pointus. Ces feuilles sont d’un vert foncé brillant sur
la face supérieure, plus claires en dessous. La feuille âgée est pratiquement glabre,
les nervures des feuilles jeunes sont pubescentes. (23,29)
Les nervures sont pennées et déprimées sur la face supérieure mais
saillantes en dessous. Chaque feuille présente 3 à 5 paires de nervures latérales
inclinées à 45° et se terminant au sommet des lobes. (30)

2.2.3.2 Appareil reproducteur

Figure 5 : Diagramme floral montrant le plan de symétrie oblique des


carpelles (24)

Figure 6 : Fleur de Datura stramonium (31)

De juillet à octobre apparaissent de grandes fleurs


blanches, que les non initiés confondent avec du liseron.

 Les fleurs de 8-10 cm de long, sont portées par un


court pédoncule pubescent. Elles sont isolées ou
très rarement par deux à l’extrémité des tiges
latérales ou à l’intersection de deux rameaux.
(17,28)
 La corolle gamopétale est blanche ou parfois
violette. Elle peut mesurer jusque 10 cm de long.
Elle est fortement plissée en long et étirée en un
long tube avant l’ouverture de la fleur puis elle
s’évase en entonnoir (infundibuliforme) à cinq
divisions terminées brusquement par des pointes.
(17,32,33)

27
 Le calice tubulaire gamosépale à 5 lobes courts et anguleux, mesure environ
4 cm. Il est vert pâle ou violacé. Après floraison, il se rompt circulairement et
seule sa base persiste au-dessous du fruit, le calice est marcescent.
 L’androcée est composé de cinq étamines à anthères jaunes étroites et
allongées, s’insérant sur le tube de la corolle.
 Le gynécée est bicarpellé avec une région ovarienne à deux loges
antéropostérieures surmontée d’une longue colonne stylaire. (17,28)

Figure 7 : Coupe longitudinale de la fleur de Datura stramonium ; pistil et étamine (31)

 Le fruit tout à fait caractéristique, est une capsule ovoïde dressée, de 3-4 cm
de long, entouré à la base par les restes du calice et couverte d’épines rudes
d’où le nom populaire de Pomme épineuse donné à la plante. Biloculaire à
l’origine, ce fruit devient tétraloculaire par formation d’une fausse cloison.

28
Figure 8 : Capsules déhiscentes de Datura stramonium (31,34)

Figure 9: Capsule ouvertes de Datura stramonium (35)

Il s’ouvre à maturité en 4 valves régulières par déhiscence multiple (loculicide,


septifrage et septicide), libérant ainsi de nombreuses petites graines noirâtres.

Figure 10: Coupe transversale d’une graine de Datura stramonium (36)

 Les graines sont réniformes, aplaties sur une face, de 4-5 cm de long sur 2-3
mm de large et 1 à 1,5 mm d’épaisseur. Le tégument est noirâtre, plus clair au
niveau du hile. La surface de la graine est chagrinée, réticulée, ponctuée. La
section longitudinale montre sous le tégument, un albumen huileux, blanc,
entourant l’embryon deux fois recourbé.

29
Elles ne dégagent pas d’odeur particulière si elles ne sont pas broyées. La saveur
est tout d’abord huileuse, puis âcre et nauséeuse. (29)

Figure 11 : Graine entière de Datura stramonium et coupe longitudinale de la graine (31)

2.2.4 Description microscopique


La coupe transversale de la feuille montre une petite saillie sur la face
supérieure au niveau de la nervure principale ainsi qu’un fort renflement à la face
inférieure.
L’arc-libéro-ligneux de la nervure est en forme de fer à cheval renversé,
surmonté d’îlots de tissu criblé périmédullaire.(36)

Figure 12 : Section transversale de la nervure principale


(36)

c : collenchyme
c.l : macles d’oxalates de calcium
id : cellules à sable
ph : phloème
xy : xylème
e: endoderme

La structure du mésophylle est bifaciale mais les deux surfaces sont


recouvertes d’une cuticule lisse et possèdent des stomates et des poils. Le limbe est
composé d’une seule assise de tissu palissadique. On trouve de nombreuses macles
d’oxalate de calcium de 10 à 30 μm de diamètre dans le mésophylle, surtout dans
l’assise sous-jacente au tissu palissadique. Par contre, on ne voit que de rares
prismes.

30
Figure 13: Section transversale du limbe (36)

u.ep : épiderme supérieur avec stomates


p : parenchyme
ox : oxalate de calcium
m : mésophylle
l.ep : épiderme inférieur avec stomates

L’épiderme est composé de cellules à parois sinueuses mais à cuticule lisse.


Les stomates sont de type anisocytiques et il y a de nombreux poils tecteurs et
sécréteurs.
Les poils tecteurs sont un peu incurvés, unisériés, larges à la base puis effilés
jusqu’à la pointe. Ils comportent 3 à 5 cellules dont les parois épaisses sont finement
verruqueuses. La cellule de base mesure plus de 50 μm.

Figure 14 : Observation d’un poil tecteur au microscope à balayage (36)

Les poils sécréteurs sont beaucoup plus courts : le pied est unicellulaire ou
plus rarement bicellulaire, la tête est composée de 2 à 7 cellules disposées en
rond.(36)

31
Figure 15 : Observation d’un poil sécréteur au microscope à balayage (36)

2.2.5 Culture du Datura


Le datura est une plante inscrite à la Pharmacopée, elle est donc cultivée pour
ses feuilles et ses graines utilisées pour la fabrication de la souche homéopathique
Stramonium.
Le semis de datura se fait en automne ou au printemps. Sa croissance est
très rapide si on lui fournit une terre légère, chaude, bien exposée, riche en calcium,
en azote et en phosphore. Mais elle peut pousser quasiment n’importe où et le
besoin en azote fait que la plante pousse facilement, proche de l’homme et de ses
déchets. (19,29).
Cette plante se sème facilement d’elle-même. On cultive de préférence des
variétés inermes (sans piquants) pour éviter d’abîmer les feuilles ou de se piquer lors
de la récolte.
A la Pharmacopée française ce sont les parties aériennes fraîches en cours
de floraison qui sont utilisées de Datura stramonium L. (soit Datura tatula L.).
La récolte se fait au mois de juillet quand les fleurs commencent à s’épanouir,
on cueille successivement les grandes feuilles basales. Le premier effeuillage a lieu
lorsque la plante mesure 0,50 m de hauteur, le second 1 m et le troisième avant
l’arrachage. Le rendement est de 5 à 6 tonnes par hectare. Quand les fruits
commencent à s’ouvrir, on récolte les graines et, éventuellement, les racines. La
plante meurt début octobre.
Le séchage doit être fait rapidement, 48 h au plus, en étalant les feuilles sur
des claies ou des toiles propres, à l’ombre, dans un endroit ventilé d’air chaud, à une
température de 45° à 50° La dessiccation qui fait perdre aux feuilles leur odeur
fétide, leur donne une légère amertume. (19,32)

32
2.3 Composition chimique
Paris R.R., H. Horse et Garnier G. décrivent la composition du Datura. (19,29)
La feuille sèche contient :
 8 % d’eau
 15 à 18 % de matières minérales
 des traces de scopolétol (une coumarine)
 des pigments flavoniques comme l’anthocyanoside qui donne la coloration
violette des nervures chez la variété tatula.
 des bases volatiles
 des alcaloïdes tropaniques : hyoscyamine et scopolamine, dont la teneur en
alcaloïdes totaux est comprise entre 0,2 et 0,5 %. Les proportions
hyoscyamine/scopolamine sont très variables : généralement voisines de 2/3-
1/3 à 3/4-1/4. (23)
Les graines renferment :
 8 à 9 % d’eau
 3% de cendres riches en phosphore
 15 à 30 % d’huile, l’acide daturique qui serait un mélange d’acide palmitique et
stéarique
 0,2 à 0,3 % d’alcaloïdes totaux avec une proportion de scopolamine moins
élevée que dans la feuille.
Les daturas renferment également une famille de composés de nature
stéroïdique appelés withanolides. Ils auraient des propriétés amnésiantes et
anorexigènes. (36)

2.3.1 Teneur en alcaloïdes totaux fonction des


organes
Elle est sensiblement la suivante dans les organes secs :
 Feuilles : 0,2 à 0,5%
 Racine : 0,06 à 0,3 %
 Tige : 0,1 à 0,24 %
 Fleur : calice 0,3 % - corolle 0,4 % - pistil 0,3 %
 Fruit : péricarpe 0,08 % - placenta mûr 0,3 %
 Graine 0,2 à 0,3 %
 Plantule : 0,1 à 0,7 %

33
Dans le Datura stramonium, l’hyoscyamine est le principal alcaloïde au
moment de la floraison et après. La jeune plante contient principalement de la
scopolamine. La proportion relative de scopolamine et d’hyoscyamine ne varie pas
seulement avec l’âge de la plante mais aussi fonction de différents facteurs comme
la durée d’ensoleillement, l’intensité de la lumière, les conditions climatiques. Elle
dépend aussi des engrais chimiques, des hormones, de l’espèce de Datura, de la
partie de la plante et de sa période de récolte. (36,37)
Une fleur de datura contient approximativement 0,2 mg d'atropine et 0,65 mg
de scopolamine. Sachant que la dose thérapeutique d'atropine et scopolamine est de
0,5 mg en moyenne pour un adulte, l'ingestion de 10 fleurs (soit une dose de
scopolamine d’environ 65 mg) peut causer la mort. (38)
Une étude a été réalisée afin de comparer les teneurs en atropine et en
scopolamine de différentes espèces sauvages et ornementales du genre Datura
récoltées en France dans la région Poitou Charente. (37) Le tableau 1 répertorie les
résultats de cette étude.

Tableau 1: Teneurs en atropine et scopolamine des différents plants récoltés (en µg/mg de matière
sèche) (37)

Échantillon Atropine (µg/mg) Scopolamine (µg/mg)


Datura stramonium var. stramonium f. stramonium (île d'Oléron)
Feuille 2,54 0,65
Fleur 1,01 1,4
Graine 4,98 1,8
Péricarpe 0,5 0,3
Racine 0,36 0,09
Datura stramonium var. tatula f. bernhardii (île d'Oléron)
Feuille 1,37 0,8
Fleur 0,51 0,66
Graine 6,6 0,67
Péricarpe 0,54 1,37
Racine 0,02 0,04
Datura stramonium var stramonium f. stramonium (Touches de Périgny)
Feuille 2,24 0,4
Graine 1,08 0,47
Péricarpe 0,03 0,06
Racine 0,42 0,15
Datura inoxia (Touches de Périgny)
Feuille 0,01 0,64
Fleur 0,21 4,52

34
Graine 0,41 2,3
Péricarpe 0,33 1,7
Datura stramonium var. stramonium f. stramonium (Bassac)
Feuille 2,21 0,27
Graine 1,83 0,28
Péricarpe 0,27 0,32
Racine 1,49 0,03
Datura wrightii (Blossac)
Feuille estivale 0,14 1,15
Feuille d'octobre 0,78 0,51
Fleur d'octobre 0,12 3,97
Racine estivale 1,54 1,74
Datura wrightii (Jardin des plantes)
Feuille 0,37 3,25

Les deux premières espèces de Datura stramonium d’Oléron ont été récoltées
sur un terrain vague de l’île au mois d’août. Ce sont des spécimens adultes avec des
fleurs et des fruits.
Deux espèces de Datura différentes ont été recueillies dans la même
commune de Touches de Périgny : le Datura inoxia et le Datura stramonium var.
stramonium f. stramonium. Ces deux plants sont adultes, en fleurs. Le Datura inoxia
porte des fruits mais pas le Datura stramonium.
Le Datura stramonium var. stramonium f. stramonium de Bassac se développe
en terrain marécageux. Les deux espèces de Datura wrightii ont été récoltées dans
des parcs de Poitiers : l’étude du parc de Blossac porte sur les feuilles et les racines
estivales ainsi que sur des feuilles et des fleurs récoltées à l’automne.
Quant au Datura wrightii du jardin des plantes, ce sont des feuilles et des
fleurs récoltées au début de l’automne.
Il ressort de cette étude que pour les espèces sauvages, de fortes
concentrations en atropine sont observées dans les feuilles et les graines de Datura
stramonium. En revanche les concentrations en atropine sont faibles pour l’espèce
Datura inoxia. Pour l’espèce ornementale Datura wrightii, les concentrations en
atropine retrouvées sont relativement faibles mais les concentrations en scopolamine
sont plus élevées que chez le Datura stramonium. Cependant, ces plants ne
contiennent pas de fruits. On a également constaté une diminution de la teneur en
scopolamine entre l’été et l’automne dans les feuilles. Ce phénomène s’explique par
la migration des alcaloïdes vers la fleur.

35
Il n’existe pas de cas d’intoxication au Datura wrightii décrit dans la littérature.
Mais il est fort probable qu’une partie des intoxications supposées au Datura
stramonium soit due en réalité au Datura wrightii ces espèces étant proches au
niveau des fleurs et des fruits. Une dose de 5 mg d’atropine entraîne une intoxication
nette, sachant qu’une graine de D. stramonium f. stramonium pèse environ 9 mg et
considérant une biodisponibilité de 100 %, une centaine de graines pourrait donc
suffire à intoxiquer un adulte.

2.3.2 Les alcaloïdes de Datura stramonium

Les alcaloïdes possèdent une grande diversité dans leur origine botanique et
biochimique, leur structure chimique et leur action pharmacologique. La classification
phytochimique des alcaloïdes est basée sur l’origine de l’acide aminé utilisé pour
fabriquer cet alcaloïde. (36)
Les acides aminés en C4 et en C5, ornithine et lysine, sont à l’origine de
nombreux alcaloïdes dont la structure peut-être plus ou moins complexe. La
complexité dans ce groupe se traduit par la formation, à partir de plusieurs molécules
de l’acide aminé, d’édifices polycycliques : pyrrolizidines, indolizidines, quinolizidines
(bi-, tri-, tétra-, pentacycliques). La complexité peut également trouver son origine
dans l’intervention d’autres précurseurs : acétate (tropanes, homotropanes,
élaeocarpine), phénylalanine (phénanthroindolizidine, phénanthroquinolizidine),
tryptophane (élaeocarpidine), acide nicotinique (nicotine, anabasine), acide
phénylpropanoïque (alcaloïdes des Lythraceae).
15
L’utilisation d’acides aminés marqués à l’azote N montre que c’est l’azote
terminal (δ ou ε) qui est incorporé et le marquage au tritium permet de démontrer
qu’en règle générale le proton en 2 est retenu, ce qui exclu que les α-cétoacides (2-
oxo-5-aminopentanoïque) soient les précurseurs des cycles : ce sont plus
vraisemblablement les aldhéhydes (4-aminobutanal et 5-aminopentanal), en équilibre
avec les formes cycliques (Δ1-pyrrolidéine et Δ1-pipéridéine) qui sont les véritables
précurseurs des structures pyrrolidiniques et pipéridiniques.

Pour rendre compte des résultats obtenus au cours de différentes expériences


d’incorporation de précurseurs marqués, un schéma global a été proposé (figure
16) ; il fait ressortir le rôle majeur d’enzymes dont le coenzyme est le phosphate de
pyridoxal. Celui-ci forme une base de Schiff intermédiaire dont l’hydrolyse en diamine
est moins rapide que la cyclisation, ce qui explique l’incorporation très souvent
asymétrique du précurseur. Il n’est cependant pas rare que le marquage initial (en 6
36
de la lysine ou en 5 de l’ornithine) soit également distribué (respectivement en 2 et 6
de la pipéridine et en 2 et 5 de la pyrrolidine), ce qui montre que chez certaines
plantes les diamines, cadavérine et putrescine, sont des intermédiaires de la
biosynthèse (voir la biogenèse des alcaloïdes tropaniques page 41). (30)

Figure 16 : Rôle du phosphate de pyridoxal dans la biosynthèse des alcaloïdes (30)

Ultérieurement des réactions chimiques simples (formation de bases de Schiff,


condensation de Mannich, condensation aldolique) permettent de rationaliser les
processus qui doivent conduire aux structures plus complexes. Les groupes N-
méthyle, souvent présents, sont généralement apportés par la S-
adénosylméthionine.

Figure 17 : Réactivité des bases de


Schiff (30)

La figure ci-dessous regroupe les types structuraux les plus fréquents


biosynthétiquement rattachés à l’ornithine et à la lysine.

37
Figure 18 : Types structuraux les plus fréquents biosynthétiquement rattachés à l’ornithine et à la
lysine (30)

Les alcaloïdes de datura font partie du groupe des alcaloïdes tropaniques


(alcaloïdes hétérocycliques). On connaît environs 150 alcaloïdes dans ce groupe
répartis dans un petit nombre de familles d’Angiospermes dont les Solanacées. Ils
sont présents dans une vingtaine de genre de cette famille. (36) Dans l’espèce
Datura stramonium, soixante-quatre alcaloïdes tropaniques ont été détecté. (39)

Pour se donner une idée de la diversité des alcaloïdes de Datura stramonium,


une liste (non exhaustive) et la structure chimique d’un certain nombre d’alcaloïdes
tropaniques de la plante sont présentées en annexe 3. (39)
38
L’hyoscyamine, l’atropine et la scopolamine sont les principaux alcaloïdes de
Datura stramonium L. Ce sont des alcaloïdes spécifiques de la famille des
Solanacées. Ils constituent un critère chimio-taxonomique intéressant pour l’étude de
cette famille. (36) Une analyse par chromatographie phase gaz couplé à la
spectrométrie de masse sur des graines séchées d’origine marocaine a permis de
mettre en évidence, rien que dans la graine, huit alcaloïdes tropaniques. (40) Ces
alcaloïdes ont été classés selon la position de substitution sur le noyau tropane en 3
types répertoriés dans le tableau 2.

Type de substitution Alcaloïdes


3-atropoyloxytropane (atropine)
3-apotropoyloxytropane (apoatropine)
3-monosubstitués-tropane
3-phénylacétoxytropane
3-tigloyloxytropane
3-tropoyloxy-6-hydroxytropane (6-hydroxyatropine)
3,6-bisubstitués-tropane 3-apotropoyloxy-6-hydroxytropane (6-
hydroxyapoatropine)
3-tropoyloxy-6,7-epoxytropane (scopolamine)
3-substitués-6,7-epoxytropane
3-apotrpoyloxy-6,7-epoxytropane (aposcopolamine)
Tableau 2 : Différents alcaloïdes classés par type de substitution sur le noyau tropane (40)

2.3.3 Structure des alcaloïdes tropaniques

A quelques exceptions près, les alcaloïdes tropaniques sont des esters


d’alcools tropaniques et d’acides de structure variable, aliphatiques ou aromatiques.

C’est le noyau tropane (Figure 19) qui est la base de ces


alcaloïdes. Il peut également porter le nom de pipéridine ou
N-méthyl-pyrrolidine.

Figure 19 : Noyau tropane (30)


Le principal alcaloïde tropanique est le L-hyoscyamine et son isomère
racémique l’atropine. On retrouve aussi de la scopolamine aussi appelée hyoscine
par les auteurs Anglo-Saxons. De tels alcaloïdes esters sont particulièrement fragiles
aussi bien en milieu acide que alcalin et redonnent l’acide et l’alcool correspondant.
(30)
L’hoscyamine est une base lévogyre qui se transforme facilement en sa forme
racémique la D,L-hyoscyamine (=atropine) dont la formule brute est identique.

39
Cette racémisation s’explique facilement par le fait que l’acide tropique
possède un carbone asymétrique. (2) (Figure 20)

Figure 20 : Synthèse de l’hyoscyamine et de l’atropine à partir du tropanol (2)

La scopolamine ou hyoscine est un ester tropique de la scopoline. Sa


structure est très voisine de l’atropine et de l’hyoscyamine, mais elle possède en plus
un atome d’oxygène sur le noyau tropane. (Figure 21)

Figure 21 : Synthèse de la scopolamine à partir de la scopoline (2)

Ces alcaloïdes donnent naissance à de nombreux composés dont l’apoatropine


ou atropamine, et la belladonine, formes isomères de l’atropine et de l’hyoscyamine
qui ne diffèrent de celle-ci que par départ d’une molécule d’eau. L’hydrolyse de ces
composées donnent l’acide tropique ainsi que respectivement au tropanol et à la
scopoline.
Il convient de préciser que ces alcaloïdes ont la propriété de se transformer
assez facilement les uns dans les autres.

40
2.3.4 La biogenèse des alcaloïdes tropaniques

2.3.4.1 Biogenèse du noyau tropane

Les preuves disponibles suggèrent que la formation du noyau tropanol est


généralement similaire pour toutes Solanacées. Cependant il existe des variations
entre les espèces, en particulier sur la stéréospécificité de l’incorporation de certains
des précurseurs. (36)
L’incorporation de δ-méthyl ornithine et de N-méthyl putrescine chez Datura
stramonium montre que la méthylation est très précose. La N-méthyl putrescine est
ensuite oxydée en 4-méthylaminobutanal, aldéhyde dont on peut déceler la présence
chez des plants de Datura. (30)

Figure 22 : origine biosynthétique des structures tropaniques (principe) (30)

L’incorporation de l’ornithine pour la formation du noyau tropanol n’est pas


symétrique.
L’étape clé de la biosynthèse du noyau tropane est l’attaque nucléophile de
l’acétoacétyl coenzyme A sur le N-méthyl-Δ1-pyrrolidinium.

41
D’autres voies sont possibles : l’hygrine peut aussi servir de précurseur au
noyau tropanol et le groupe N-méthyl peut aussi être donné par la méthionine, qui
doit être inséré à un stade précoce de la biosynthèse du noyau tropanol. La
putrescine et son dérivé N-méthylé servent aussi de précurseur conjointement à
l’incorporation stéréospécifique de l’ornithine. L’association des deux conduit à la
formation du noyau tropanol comme le montre la figure ci -dessous :

Figure 23: Voie de synthèse possible pour la tropine et la pseudo-tropine (36)

Différentes enzymes interviennent dans ces étapes de biosynthèse du noyau


tropanol. (30)
2.3.4.2 Biogenèse de l’hyoscyamine

Le stade suivant de la biosynthèse est une estérification : l’hyoscyamine est


un ester du noyau tropanol avec l’acide tropique. Sa formation se fait grâce à
différentes enzymes présentes dans le Datura stramonium comme l’hyoscyamine
estérase et 2 acétyl-CoA dépendantes acétyltransférases.
L’acide tropique utilisé pour la synthèse de l’hyoscyamine (et de l’hyoscine)
dérive de la phénylalanine. Cette réaction est stéréospécifique et consiste en une
réorganisation intramoléculaire. Le mécanisme réactionnel exact demeure inconnu.
(30)

42
Figure 24: Synthèse de l’acide tropique à partir de la phénylalanine (30)

2.3.4.3 Biogenèse de la scopolamine ou hyoscine

La scopolamine est formée à partir de l’hyoscyamine et passe par différents


intermédiaires dont le 6-hydroxyhyoscyamine et 6-7déhydrohyscyamine. (36)

Figure 25 : Voie de synthèse de l’hyoscine à partir de l’hyocyamine (36)

2.3.5 Relation structure-activité

La L-hyoscyamine et l’atropine sont les chefs de file d’une série de substances


susceptibles d’agir comme antagonistes des récepteurs muscariniques. Seules les
formes lévogyres (L-hyoscyamine, fraction L de la D,L-atropine) ont une activité sur
les récepteurs muscariniques. Pour que l’action pharmacologique puisse s’exercer
sur les récepteurs muscariniques, l’ester de la tropine et de l’acide tropique doit être
intact. En effet, l’acide tropique seul, le tropanol ou la scopoline seuls ne montrent
aucune activité antimuscarinique significative. La présence d’un radical OH libre sur
la portion acide de l’ester est également importante pour l’activité pharmacologique.
La scopolamine ou L-hyoscine montre une activité comparable à la L-
hyoscyamine et à l’atropine en raison d’une structure très voisine. Toutefois, la
présence d’un pont oxygène dans le noyau tropane lui confère des propriétés
43
particulières du fait d’un meilleur passage à travers la barrière hémato-
encéphalique(2).

2.4 Essais physico-chimiques


L’identification est fondée sur l’examen botanique macroscopique, et/ou
microscopique de la poudre et sur un examen physico-chimique.

Caractérisation des alcaloïdes : La réaction de Vitali-Morin

Elle permet de mettre en évidence les esters de l’acide tropique provenant de


l’estérification des alcaloïdes à noyau tropane, par une coloration violette.

Protocole de la réaction(16) :
Agiter 1 g de feuille de stramoine pulvérisée (180) avec 10 mL d’acide
sulfurique 0,05 M pendant deux minutes et filtrez. Au filtrat, ajouter 1 mL
d’ammoniaque concentré R et 5 mL d’eau R. Agitez ce mélange avec 15 mL d’éther
exempt de peroxydes R, avec précaution pour éviter la formation d’émulsion.
Recueillez la phase éthérée et desséchez-la sur du sulfate de sodium anhydre
R. Filtrez dans une capsule de porcelaine, puis évaporez l’éther. Ajoutez 0,5 mL
d’acide nitrique R, puis évaporez à siccité au bain-marie. Ajoutez 10 mL d’acétone R
et, goutte à goutte, une solution d’hydroxyde de potassium R à 30 g/L dans l’éthanol
à 96 pour cent R. Il se développe une coloration violette.

Chromatographie sur couche mince

Les alcaloïdes tropaniques peuvent être facilement mis en évidence en


chromatographie couche mince (CCM). La chromatographie liquide haute
performance (CLHP) donne de bonnes séparations. La chromatographie phase gaz
(CPG) peut être également utilisée. (30)
A la pharmacopée européenne(16), c’est la chromatographie couche mince
qui est la référence. Les bandes principales des chromatogrammes obtenus avec la
solution à examiner sont semblables quant à leur position, leur coloration et leurs
dimensions aux bandes principales du chromatogramme obtenu avec le même
volume de solution témoin.

44
Protocole :
Solution à examiner : A 1,0 g de feuille de stramoine pulvérisée (180) ajoutez 10 mL
d’acide sulfurique 0,05 M, agitez pendant 15 min et filtrez. Lavez le filtre avec de
l’acide sulfurique 0,05 M jusqu’à obtention de 25 mL de filtrat. Au filtrat, ajoutez 1 mL
d’ammoniaque concentrée R et agitez avec 2 fois 10 mL d’éther exempt de
peroxydes R. Séparez par centrifugation si nécessaire. Réunissez les phases
éthérées et desséchez-les sur du sulfate de sodium anhydre R, filtrez et évaporez le
filtrat à siccité au bain-marie. Dissolvez le résidu dans 0,5 ml de méthanol R.
Solution témoin : Dissolvez 50 mg de sulfate d’hyoscyamine R dans 9 mL de
méthanol R. Dissolvez 15 mg de bromhydrate de scopolamine R dans 10 mL de
méthanol R. Mélangez 3,8 mL de la solution de sulfate d’hyoscyamine et 4,2 mL de
la solution de bromhydrate de scopolamine puis complétez à 10 mL avec du
méthanol R.
Plaque : plaque au gel de silice G pour CCM R.
Phase mobile : solution d’ammoniaque concentré R 3 mL, d’eau 7 mL et d’acétone R
90 mL
Dépôt : 10 µL et 20 µL, en bandes de 20 mm sur 3 mm, distantes de 1 cm.
Développement : Parcours de 10 cm.
Séchage : à 100-105°C pendant 15 min ; laissez refroidir.
Détection A : pulvérisez environ 10 mL de solution d’iodobismuthate de potassium R2
pour une plaque de 200 mm de côté, jusqu’à apparition de bandes oranges ou
brunes sur fond jaune.
Résultat A : Les bandes des chromatogrammes obtenus avec la solution à examiner
sont semblables quant à leur position (hyoscyamine dans le tiers inférieur,
scopolamine dans le tiers supérieur des chromatogrammes) et leur coloration à
celles des chromatogrammes obtenus avec la solution témoin. La dimension des
bandes des chromatogrammes obtenus avec la solution à examiner n’est pas
inférieure à celle des bandes correspondantes dans le chromatogramme obtenu
avec le même volume de solution témoin. Des bandes secondaires de faible intensité
peuvent apparaître en particulier au centre du chromatogramme obtenu avec 20 µL
de solution à examiner ou près du dépôt dans le chromatogramme obtenu avec 10
µL de solution à examiner.
Détection B : pulvérisez de la solution de nitrite de sodium R jusqu’à ce que la
couche devienne transparente et examinez après 15 min.
Résultat B: la coloration des bandes dues à l’hyoscyamine dans les
chromatogrammes obtenus avec la solution témoin et la solution à examiner vire au
45
brun-rouge mais pas au bleu-gris (atropine) et les bandes secondaires éventuelles
disparaissent.

Éléments étrangers

Un maximum de 3 % de tiges de diamètre supérieur à 5 mm est toléré

Cendres totales

Un maximum de 20 % est toléré

Cendres insolubles dans l’acide chlorhydrique

Un maximum de 4 % est toléré.

2.5 Pharmacocinétique
Les alcaloïdes hallucinogènes du datura sont rapidement absorbés à partir du
tube digestif, ils exercent de ce fait très vite leurs effets pharmacologiques. Leur
métabolisme est essentiellement hépatique et contribue pour 50% à leur élimination,
la fraction non métabolisée étant éliminée sous forme inchangée dans les urines. (2)

Atropine Scopolamine
(D,L-hyoscyamine) (L-hyoscine)

Demi-vie (heure) 2à5 3à8

Volume de
1à6 1,4
distribution (l/kg)

Concentrations
thérapeutiques 2 à 25 0,1 à 1,0
(ng/ml)

Concentrations
20 à 30 .
toxiques (ng/ml)

Concentrations
˃ 200 .
létales (ng/ml)

Tableau 3 : Principales caractéristiques pharmacocinétiques des alcaloïdes hallucinogènes. (2)

46
2.6 Pharmacologie

2.6.1 Le syndrome anticholinergique ou atropinique : aspects


cliniques généraux

Il est produit par des substances de type atropine qui inhibent les effets de la
stimulation de la fibre post-ganglionnaire du parasympathique et possèdent à doses
élevées une action excitatrice centrale. Elles s’opposent donc par un blocage
compétitif et réversible des récepteurs périphériques et centraux, à l’action de
l’acétylcholine. Elles inhibent l’effet bradycardisant de celle-ci, ont une action
antispasmodique au niveau des fibres musculaires lisses du tube digestif, des voies
biliaires et urinaires, ralentissant la vidange gastrique et diminuant les sécrétions
digestives, lacrymales et sudorales. Les signes et symptômes du syndrome
anticholinergique qui sont liés à un blocage périphérique sont : mydriase, sécheresse
de la peau et des muqueuses, vasodilatation, hyperthermie, rétention urinaire, iléus
et tachycardie. Les signes de blocage central sont : confusion, agitation,
tremblements, convulsions, coma et dépression respiratoire.
La gravité du tableau clinique est très variable fonction du toxique en cause et
de la quantité ingérée. Les formes bénignes sont les plus fréquentes, se limitant à
une mydriase, une sécheresse buccale et une tachycardie sinusale, alors que les
formes graves sont déterminées par la présence de signes neurologiques parfois
dangereux sur le plan vital. Les alcaloïdes des Solanacées peuvent provoquer des
intoxications sévères avec signes cardiaques et neurologiques. (2)

2.6.2 Les alcaloïdes du Datura stramonium

Bien que les structures chimiques soient très voisines, l’atropine et la


scopolamine ont, à posologie identique, des propriétés pharmacologiques
différentes. Ainsi, l’atropine utilisée aux doses thérapeutiques habituelles, n’exerce
que très peu d’effets sur le système nerveux central. A l’inverse la scopolamine,
développe essentiellement une action centrale aux doses thérapeutiques. Cette
différence s’explique vraisemblablement par une grande perméabilité de la
scopolamine à travers la barrière hémato-encéphalique. (2)

2.6.2.1 Atropine

Cet antagonisme supprime donc les effets (de façon réversible) de la mise en
jeu du système parasympathique et entraîne au niveau des organes concernés, des
effets d’apparence sympathomimétique :

47
Au niveau cardiaque : à doses faibles, elle ralentit le cœur par stimulation du
centre cardiomodérateur bulbaire. A des doses plus fortes, elle antagonise les effets
muscariniques de l’acétylcholine et supprime ainsi l’activité frénatrice du vague, d’où
l’apparition d’une tachycardie.
Au niveau vasculaire, les effets tensionnels sont peu marqués. Mais, aux
doses toxiques elle est hypotensive. On observe donc une vasodilatation des
vaisseaux capillaires cutanés, surtout au niveau de la face (flush atropinique).
Au niveau des fibres lisses, l’atropine induit un relâchement des fibres, une
inhibition motrice: diminution du tonus, de l’amplitude et de la fréquence des
contractions péristaltiques intestinales, paralysie des uretères, induction d’une
rétention urinaire, diminution du tonus des voies biliaires, opposition à l’activité
broncho-constrictrice de l’acétylcholine.
Au niveau de l’ensemble des sécrétions : L’atropine tarie toutes les
sécrétions : salivaires, sudorales, bronchiques, lacrymales et gastriques. Aux doses
toxiques, l’inhibition de la production de sueur provoque une fièvre importante.
Au niveau oculaire, l’alcaloïde induit une mydriase passive, par paralysie des
muscles constricteurs iriens et du muscle ciliaire du cristallin. On note également une
paralysie de l’accommodation (ou cycloplégie) consécutive à la perte de tonus des
muscles ciliaires (l’œil reste réglé pour la vision des objets lointains) et une
augmentation de la pression intraoculaire.

A côté de ces effets sur le système nerveux autonome, l’atropine exerce des
effets consécutifs à son interaction avec les récepteurs muscariniques centraux. Ces
effets ne se manifestent généralement qu’aux doses toxiques : excitation importante,
agitation, désorientation, exagération des réflexes, hallucinations, délire, confusion
mentale, insomnie. (23) L’emploi de doses plus élevées conduit après une phase de
stimulation à une phase de paralysie et de coma puis à une dépression avec
défaillance circulatoire et dépression respiratoire. L’atropine est davantage prescrite
en raison de ses effets beaucoup plus limités sur le système nerveux central que la
scopolamine. (2)

2.6.2.2 Hyocyamine

C’est un isomère de l’atropine, deux fois plus actif et aussi plus toxique. Les
effets nerveux sont comparables à l’atropine.

48
2.6.2.3 Scopolamine

L’activité parasympatholytique de cet alcaloïde est similaire à celle de


l’atropine, du moins quant à ses effets périphériques :
 La mydriase et la cycloplégie sont plus marquées pour une même dose par
rapport à l’atropine.
 La bradycardie temporaire observée est plus marquée pour la scopolamine,
mais on ne constate pas de tachycardie à la posologie ayant une action
oculaire, contrairement à l’atropine.

Ses effets sur le système nerveux central sont nets et différents: action sédative,
tranquillisante, hypnotique, amnésiante. (23) Elle est également susceptible de
causer une certaine euphorie à l’origine d’abus. A plus fortes doses, les effets sont
voisins de ceux constatés avec des doses toxiques d’atropine, à type de stimulation
centrale avec agitation, hallucinations ou délire. (2)

2.7 Toxicologie et surdosage

2.7.1 Signes cliniques de l’intoxication aiguë

Le diagnostic de l’intoxication en urgence est clinique. Les manifestations sont


dose-dépendantes, plus ou moins marquées selon la saison (maximales à la fin de
l’été) et la fraîcheur de la plante. (20)
Les premiers symptômes apparaissent rapidement après l’ingestion (10-20
minutes dans le cas d’une infusion) : sécheresse des muqueuses et mydriase sont
quasi constantes, plus ou moins présence d'une faiblesse musculaire pouvant aller
jusqu’à une incapacité à se tenir debout et des troubles visuels.
Apparaissent ensuite des troubles du comportement : à type de désorientation
spatio-temporelle. L’individu peut-être agité, ataxique, parfois convulsif ou agressif ;
son langage est souvent incohérent. Il est parfois trouvé dans un état profond de
coma dont le diagnostic peut-être difficile. Il peut arriver que le sujet décède avant de
pouvoir être pris en charge.
Le bilan biologique sanguin est souvent normal hormis une rare
hyperleucocytose.
L’examen des patients révèle dans la plupart des cas, une sécheresse des
muqueuses, une mydriase marquée et si la dose est suffisante, une élévation de la
température corporelle jusqu’à 39,5°C et plus. La tachycardie est importante souvent
égale ou supérieure à 120 battements par minute, voir supérieure à 150. L’individu
49
est congestionné, sa face et son cou sont rouges, sa peau chaude et sèche. Ces
symptômes caractéristiques furent résumés par H.G Morton en des termes imagés et
souvent repris depuis : « Hot as a hare, blind as a bat, dry as a bone, red as a beet
and mad as a hen. » (Chaud comme un volcan, aveugle comme une chauve-souris,
sec comme un squelette, rouge comme une betterave et agité comme une poule)
(9,41)
Mad as a hen : L’individu ne reconnaît pas ses proches, semble attraper des
objets imaginaires et dialogue avec des individus imaginaires, parfois avec une
élocution perturbée. Les hallucinations visuelles, auditives voire tactiles sont quasi
constantes et apparaissent 2 à 4 heures après la prise : objets en déformation,
animaux fantastiques, monstres, insectes, apparition et disparition de personnes,
visions colorées de formes géométriques sont régulièrement évoquées. (9,41)

Voici quelques exemples d’hallucinations(41):

En interrogeant un jeune homme, il confia qu’il avait été attaqué dans sa


chambre par des « cerises tueuses ennemies ».

Le patient s’entretenait de manière animée avec un homme, que lui seul


pouvait voir, et il se sentait poursuivit par des araignées noires et rouges, arrivant
jusqu’à ses genoux.

Un enfant de 12 ans confondit son père avec un camarade de classe, vit des
serpents sur le bras de sa mère et caressa un manteau qu’il prit pour sa mère.

L’évolution se fait parfois vers la somnolence et un coma calme entrecoupé de


phases d’agitation. Le retour à la normale est plus ou moins rapide, 1 à 2 jour(s) mais
aux doses élevées, les hallucinations peuvent persister 4 jours et les capacités
mnésiques rester altérées pendant une semaine. A part quelques sujets, l’amnésie
de tout ou une partie de l’épisode est la règle. Le dosage jouerait un rôle.

Il peut arriver que les hallucinations soient la seule traduction de l’intoxication,


aucun des effets périphériques n’est alors observé. On peut aussi n’observer qu’une
partie de ces signes périphériques.

50
Les décès liés à l’intoxication par datura sont très rares et la grande majorité
d’entre eux sont la conséquence d‘actes inconsidérés induits par l’état mental
perturbé des intoxiqués. Comme l’exemple de deux individus qui se rendirent à la
piscine à la « recherche de dauphins aux yeux rouges » et se noyèrent à la suite
d’une profonde somnolence. (9)

On peut cependant relever un problème d’actualité concernant des


intoxications involontaires au Datura stramonium. En mai 2010, le ministère de la
santé lance une alerte suite à la découverte de Datura stramonium dans des lots de
haricots verts en conserve de la marque Bonduelle commercialisé en France.
L’intoxication s’est limitée à trois cas avérés. Cet accident de contamination
alimentaire soulève un problème actuel concernant le Datura stramonium en France.
En effet, la plante pousse facilement sur les bords des parcelles, le long des routes,
mais aussi dans les eaux des fossés à proximité des champs de culture. De plus, sa
capacité à produire de nombreuses graines facilite sa dissémination.
Le retrait de certains herbicides et autres matières actives sur les plants de
culture fait que la plante s’installe un peu plus dans les cultures d’haricots verts, mais
aussi de maïs, de tournesol, de soja et constitue un défi actuel pour les agriculteurs.
A l’heure actuelle, l’arrachage manuel et la vigilance semble être la solution de choix
pour éviter la contamination des cultures. (42,43)

En résumé : Les symptômes orientant vers une intoxication aux


atropiniques sont la confusion, la sévérité du syndrome hallucinatoire, associées à
une mydriase, un flush cutané, une sécheresse buccale, une tachycardie sinusale,
ou une hyperthermie. Le passage à l’hôpital d’un sujet avec troubles liés à l’usage de
toxique(s) doit être l’occasion d’une évaluation médico-psychologique et d’une
information concernant le réseau de soins adaptés. (20)

Dans la plupart des hospitalisations, les symptômes disparaissent en 24 à 48


heures, hormis la mydriase qui peut persister plusieurs jours. (11)

51
Protocole d'évaluation de la gravité du syndrome anticholinergique (44)

La base nationale de cas d’intoxication du système d’information commun des


CAPTV (Centre antipoison et de toxicovigilance) a publié des données
épidémiologiques sur les cas d’expositions au datura toutes espèces confondues.
Les résultats de la symptomatologie observée avec datura comme seul agent
impliqué sont présentés dans la figure ci dessous. On retrouve en tête des
symptômes la mydriase, les hallucinations et la tachycardie. (10)

Figure 26 : Symptômes observés dans les cas d’exposition au datura comme seul agent impliqué
(n=447) (10)

52
2.7.2 Signes cliniques de l’intoxication chronique

En ce qui concerne le phénomène d’addiction pour les alcaloïdes de Datura,


contrairement à de nombreuses autres drogues, peu de phénomènes de
dépendance psychique ou physique, ni de tolérance sont rapportés. Les
complications psychiatriques en revanche sont plus fréquentes, bouffées délirantes,
révélation d’une psychose schizophrénique, ou épisodes dépressifs. (2)

2.7.3 Doses toxiques

Dans le datura, la teneur en alcaloïdes oscille entre 0,2 et 0,6 %. Le datura est
riche en scopolamine il atteint 33 % des alcaloïdes totaux contre 67 % pour l’atropine
et la L-hyoscyamine. La dose toxique chez l’enfant est de 2 à 5 g de graines (0,1
mg/kg exprimé en scopolamine) en sachant que 1 graine pèse environ 8 mg, 1 g =
125 graines donc la dose toxique est atteinte pour 250 à 625 graines. La dose létale
de l’adulte est de 10 à 12 g de graines ce qui fait 1250 à 1500 graines (soit plus de 2
à 4 mg de scopolamine). (2)

Pour les graines de stramoine, les quantités toxiques peuvent être appréciées
à partir de la teneur en alcaloïdes. Le taux scopolamine/atropine varie de façon
importante selon la variété. Une centaine de graines représenteraient donc de 1,6
mg à 2,7 mg d’alcaloïdes, en prenant un taux moyen. Il a cependant été observé que
30 à 50 graines induisent mydriase et hallucinations visuelles chez la majorité des
sujets concernés. (9)

Les différences entre les dosages des analyses toxicologiques peuvent


s’expliquer d’une part par la différence de plants de datura utilisés entre deux
individus et par les parties utilisées, à une période différente dont on sait qu’elle peut
influencer sur les concentrations. D’autre part elle peut s’expliquer par les délais
différents entre consommation et dosage une fois aux urgences, avec la variabilité
que l’on connaît. (45)

2.7.4 Identification dans les liquides biologiques/ examens


toxicologiques

L’utilisation inappropriée ou abusive de certaines plantes potentiellement


toxiques et aux principes psychoactifs non réglementés, oblige le toxicologue
analyste à adapter et améliorer ses techniques de détection et de dosage.

53
Les examens toxicologiques par des techniques rapides immuno-
enzymatiques éliminent des causes toxiques possible (ecstasy, cocaïne,
amphétamine) et orientent souvent vers un contexte de poly-toxicomanie. (45)

L’analyse toxicologique des alcaloïdes du Datura stramonium est


extrêmement délicate en raison des faibles concentrations susceptibles d’exercer
une action pharmacologique. Ainsi pour l’atropine, la chromatographie gazeuse
couplé à la spectrométrie de masse (CG-SM) après dérivation puis acquisition en
mode sélection d’ions, la chromatographie liquide avec paire d’ions (CL-BD), ou
l’électrophorèse capillaire, présentent des limites de quantification respectives de 10
ng/mL, 400 ng/mL et 200 ng/mL, ce qui est insuffisant pour réaliser ces dosages
sanguins. La CG-SM et la CL-BD sont cependant utiles pour mettre en évidence les
principes actifs lorsque ceux-ci sont présents en grande quantité dans les urines ou
le contenu gastrique. (2)

Les principes actifs des plantes toxiques sont pour la plupart détectables par
chromatographie liquide couplé à la spectrométrie de masse (CL-SM) et la
chromatographie liquide couplée à la spectrométrie de masse tandem (CL-SM/SM).
Le principal atout de cette dernière méthode est la combinaison d’une technique
chromatographique presque universelle et robuste, à la spécificité et la sensibilité de
la spectrométrie de masse. Cette technique permet des extraits moins purs avec de
meilleurs rendements et des gradients plus courts en s’appuyant sur la spécificité de
la spectrométrie de masse tandem et sa très grande sensibilité pour la recherche de
traces. (46)

La détection d’atropine et de scopolamine dans les fluides biologiques par une


technique d’analyse par CL-SM répond bien au critère de sensibilité pour le dosage
sanguin des alcaloïdes majeurs dans un cadre thérapeutique et toxicologique.
(Tableau 4)

54
Coefficient de variation (%) à
Rendement LD
Composé d'extraction (ng/ml)
10 100
0,1 ng/ml 1 ng/ml (%) (n= 30)
ng/ml ng/ml

Atropine 11,8 6,1 4,2 3,7 70,9 0,09

Scopolamine . 12,4 9,1 6,9 64,4 0,31

Tableau 4 : Étude de reproductibilité quotidienne, rendement, et limite de détection (LD) des


alcaloïdes par CL-SM (2)

Les principes actifs sont extraits par une triple extraction en phase liquide,
l’extrait final est repris par l’acétonitrile. La séparation chromatographique est
réalisée sur colonne C18-ODS avec un gradient de phase
(tampon/acétonitrile/méthanol). La détection est effectuée en mode positif. La figure
27 montre le chromatogramme d’un extrait de sang total dans un cas d’intoxication
par datura.

55
Figure 27: Chromatogramme sur colonne ODS d’un extrait de sang total. Pics 1a et 1b = atropine (m/z
290,3 et 124,2), 2a et 2b = scopolamine (m/z 304,3 et 156,2)(2)

L’emploi de la CL-SM/SM permet d’améliorer les performances de la


technique décrite avec le gain d’un facteur voisin de 10 pour la limite de détection, ce

56
qui permet de quantifier la scopolamine dans le sang en suivi thérapeutique. Grâce
à cette technique on peut atteindre une limite de quantification de 0,02 ng/mL. (2)
Les dosages de scopolamine et atropine par CL-SM/SM sur des prélèvements
à différents stades de l’évolution permettent la bonne compréhension des tableaux
cliniques. La pratique des prélèvements sanguins sur lithium héparine pourrait rentrer
dans la pratique aux urgences pour mettre en œuvre les méthodes d’analyses de
référence. (45)

Le Remedi®

Une recherche toxicologique plus approfondie peut être réalisée sur


Remedi®3. Il s’agit d’un automate couplant une extraction en ligne et une séparation
des molécules médicamenteuses par chromatographie liquide haute performance, à
une détection UV par réseau tournant balayant de 200 à 300 nm. Le passage de
l’échantillon sur différentes colonnes permet de purifier, extraire et séparer les
principes actifs pouvant être contenus dans les matrices biologiques (sérum, urines,
lavages gastriques). L’analyse nécessite environ une vingtaine de minute.
L’identification se fait grâce à un logiciel. Les caractéristiques spectrales et
chromatographiques sont comparées à celles de la bibliothèque qui regroupe environ
800 molécules et métabolites. La comparaison est illustrée par un coefficient de
similitude, celui-ci devant tendre vers zéro. Ce système donne une estimation semi-
quantitative de la concentration de la molécule identifiée en fonction de la hauteur du
pic et d’un facteur de réponse calculé à partir de trois niveaux de concentration
connue. Une estimation quantitative stricte nécessiterait un réajustement du facteur
de réponse à chaque dosage pour effacer toute erreur liée aux variations
chromatographiques, ce qui retarderait le délai de rendu des résultats. Cependant
une estimation rapide même semi-quantitative reste précieuse dans un contexte
toxicologique.
De plus cette technique ne nécessite pas de traitement préalable des
échantillons hormis une filtration des sérums, et le volume d’échantillon analysé n’est
que de 1 mL. (12)

2.7.5 Traitement de l’intoxication

Aux urgences, la connaissance des effets de l’intoxication par un


anticholinergique est fondamentale pour la prise en charge immédiate, tout comme la

3
Rapid drug emergency identification Biorad
57
collecte d’éléments recueillis auprès de l’entourage (contexte, consommation
collective...) ou les effets personnels de l'intoxiqué (sachets de graines, fleurs, tisane
préparée....)

Certains auteurs préconisent un lavage gastrique associé ou non à du


charbon activé ou du sirop d'ipéca, même 24 heures après l'ingestion, du fait du
ralentissement du transit. Il permet de soustraire des morceaux ingérés. (20)

Selon la sévérité de l'intoxication, un neuroleptique type cyamémazine


TERCIAN® (150 mg au total) ou loxapine LOXAPAC® (200 mg au total) ou une
benzodiazépine type clorazépate dipotassique TRANXENE® (50 à 100 mg) ou
l'oxazépam SERESTA® (200 mg au total) est prescrit pour l'agitation. Comme le
traitement n'est pas efficace immédiatement une contention physique est mise en
place. On surveillera les constantes cardiovasculaires et respiratoires en particulier.
(45) Si le patient est sévèrement atteint ou dans le coma il peut être intubé et/ou
ventilé de façon artificielle. (47)

Il existe un antidote en France, la physostigmine ou ésérine dont l'utilisation


est réservée aux intoxications sévères. Voici une présentation de ce médicament et
des difficultés de sa prescription. C’est un inhibiteur réversible de l'activité anti-
cholinestérasique. La physostigmine, qui traverse la barrière hémato-encéphalique,
peut inhiber les effets centraux et périphériques d'agents avec effets muscariniques
et constitue de ce fait l’antidote idéal pour les effets du Datura stramonium.

L'indication thérapeutique de la physostigmine est l'intoxication par des


agents anti-muscariniques comme les antidépresseurs tricycliques, les
antihistaminiques, certains antiparkinsoniens, certains antiémétiques ou les
phénothiazines. Mais les effets muscariniques, adrénergiques, et cholinergiques
d'action brève, ont rendu son utilisation controversée et délicate en pratique. (20,44)

Son utilisation ne se justifie que quand le syndrome anticholinergique se


manifeste au niveau périphérique et central et que l'on n'a pas de prolongation de
l'onde QRS à l'électrocardiogramme. (47) Son indication antidotique dans les
intoxications aiguës à Datura stramonium est plus indiquée que le traitement
symptomatique par psychotropes sédatifs qui était avant le seul recours
thérapeutique des urgentistes.
58
Condition de prescription : ATU nominative (Autorisation Temporaire
d'Utilisation)

La physostigmine est disponible en France sous le nom d'ANTICHOLIUM®.


Cette spécialité est présentée sous forme d'ampoules injectables à 2mg/5mL de
physostigmine. La demande d'ATU au cas par cas dans le cadre de l'intoxication au
Datura stramonium semble peu réalisable en pratique, au vu des délais.
Pour rappel l'ATU nominative se fait sur un formulaire spécifique, rempli, daté
et signé par un médecin prescripteur et complété par un pharmacien d'établissement
de santé, faxé ensuite à l'unité d'autorisations temporaires d'utilisation de l'Afssaps.
Cette demande permet d'avoir l'ANTICHOLIUM®. L'intoxication à Datura stramonium
ne durant que 24 à 48 heures la seule solution pour disposer aux urgences de
l'antidote spécifique rapidement est de faire en sorte que la pharmacie hospitalière
dispose d'un stock, à visée préventive. Ceci est possible et prudent si ce type
d'intoxication a déjà été observé et si la probabilité de la rencontrer de nouveau est
importante.
Cependant ce n'est pas le seul frein à sa prescription. Avant tout ce protocole,
la stricte observation des contre-indications et effets indésirables s'impose. (44)

Contre-indication absolue : troubles de la conduction cardiaque associés

Avant toute administration un ECG doit être réalisé ainsi qu'un ionogramme
sanguin afin de dépister une éventuelle hyponatrémie secondaire à une potomanie
favorisée par la sécheresse buccale induite par le datura. (44)

Contre-indications relatives

L'asthme, la gangrène, les coronaropathies, l'obstruction intestinale ou la


rétention urinaire. (47)

Effets indésirables (secondaires à l'accumulation d'acétylcholine)

Convulsions, faiblesses musculaires, bradycardie, hyper-salivation,


hypersécrétion lacrymale, hypersécrétion bronchique, diarrhées, et exacerbation de
l'asthme. Il peut donner des asystoles chez des patients sous antidépresseurs
tricycliques. (47)

Une étude a été réalisée aux États-Unis de 1997 à 2003 afin de comparer la
durée de l'hospitalisation en soins intensifs après l'intoxication au Datura stramonium
59
fonction du protocole de prise en charge d'urgence suivi : physostigmine versus
benzodiazépine(s) et lavage gastrique versus absence de lavage gastrique.
La conclusion de l'étude est que l'utilisation d'une méthode par rapport à
l'autre n'a pas influencé significativement le temps d'hospitalisation du patient pour
les deux points comparés. Le problème de l'étude est la reproductibilité. Les
personnes utilisées pour l'enquête n'avaient pas ingéré la même quantité de datura
et n'ont pas été pris en charge à la même heure après l'ingestion.
Les limites de cette étude méritent considération, à savoir, la réalisation
rétrospective qui empêche la randomisation, le nombre de feuilles ingérées et
l'intervention pratiquée. De plus le faible nombre de patients de l'échantillon pour qui
on a administré la physostigmine (3 patients/17) et fait subir un lavage gastrique (14
patients/17) induit un risque d'erreur statistique. (48) Cependant cette étude n’est pas
pour autant sans poids scientifique car elle rend compte de la difficulté du traitement
de l’intoxication.

60
3 Le problème de la toxicomanie au Datura et la
place d’internet sur la consommation
3.1 Niveau de consommation en France : état des
lieux
Parmi les hallucinogènes naturels, les champignons hallucinogènes occupent
incontestablement la part la plus importante des consommations. Cependant, le
phénomène marquant de ces dernières années est la vogue des autres plantes
hallucinogènes.
Le développement de cette consommation a été interprété comme s’inscrivant
dans une mode de consommation privilégiant les produits naturels ou biologiques.
Parmi les plantes hallucinogènes, la salvia et le datura sont les plus fréquemment
expérimentés. (5)

3.1.1 Données épidémiologiques en France (2002-


2008)
En novembre 2008, à la demande de l’Afssaps, le comité de coordination de
la toxicovigilance a été sollicité pour vérifier la présence d’une éventuelle
recrudescence des cas d’exposition liés à la consommation de Datura stramonium et
de Brugmansia.
Les données épidémiologiques concernant l’usage et l’abus ont été recueillies
auprès de différents organismes et présentées de façon parallèle:
 Le réseau des centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV)
 Le réseau des centres d’évaluation et d’information sur la
pharmacodépendance - addictovigilance (CEIP-A)
 L’observatoire des produits psychotropes illicites ou détournés de leur usage
médicamenteux (OPPIDIUM)
 L’office français des drogues et toxicomanies (OFDT)
 L’office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS)
Nous nous intéresserons aux données recueillies par les CAPTV. Avant toute
chose, nous noterons que comme aucun retour au dossier individuel source n’a été
effectué, nous ne pouvons être en mesure de dépister des doublons entre les cas
rapportés par les différents CAPTV. (10)

61
3.1.1.1 Matériel et méthodes pour le recueil des données

CAPTV : La Base Nationale de Cas d’Intoxication (BNCI) du Système


d’Information Commun des CAPTV (SICAP) a été interrogée sur la période 2002-
2008. Cette base enregistre les dossiers d’exposition des 10 CAPTV français (sauf le
CAPTV de Lille) sur la période présentée dans le tableau 5.

Centre antipoison et de toxicovigilance Période d'alimentation de la BNCI

Angers Novembre 1999 - Février 2010

Bordeaux Septembre 2007 - Février 2010

Lyon Novembre 1999 - Février 2010

Marseille Janvier 2002 - Février 2010

Nancy Novembre 1999 - Février 2010

Paris Août 1999 - Février 2010

Rennes Janvier 1999 - 10 juin 2008

Strasbourg Février 2007 - Février 2010

Toulouse Janvier 2000 - Février 2010

Tableau 5 : Périodes de contribution des systèmes d’information base nationale des cas d’intoxication
(BNCI) du SICAP (10)

Nous noterons que les CAPTV de Bordeaux et Strasbourg enregistrent leurs


données dans le SICAP depuis 2007 seulement.
Point négatif de ces données pour notre sujet, la sélection des cas d’exposition
inclus le datura au sens large, à savoir datura, Datura stramonium, mais aussi
Datura arborea, Datura brugmansia, Datura ferox, Datura metel, Datura sanguinea,
Stramoine et les médicaments à base de datura.
Autre point à signaler, les données n’ont pas toujours été recueillies de manière
exhaustive, nous avons donc ici une présentation des items en fonction du nombre
de cas renseignés.

62
3.1.1.2 Résultats

3.1.1.2.1 Nombre de cas recueillis

Figure 28 : Répartition géographique des cas d’expositions issus des CAPTV (n=537) (10)

Au total quelles que soient les circonstances d’expositions, 537 cas ont été
rapportés au réseau des CAPTV. Il s’agit de 380 hommes et de 155 femmes, soit un
sexe ratio homme/femme de 2,5. Le sexe du patient n’est pas renseigné dans 2 cas.
Concernant les expositions survenues dans un contexte de toxicomanie/addiction,
271 cas ont été rapportés (228 hommes et 45 femmes soit un sexe ratio
homme/femme de 5,3).

63
3.1.1.2.2 Répartition des cas d’exposition en
toxicomanie/addiction

Figure 29 : Répartition par année des cas d’exposition en toxicomanie/addiction issue des CAPTV
(n=271) (10)

Le maximum des cas d’exposition dans une circonstance de toxicomanie ou


d’addiction s’observe en 2004, suivi d’une décroissance régulière. Nous
remarquerons que ce profil se retrouve également dans les cas d’exposition toutes
circonstances confondues.

Figure 30 : Répartition mensuelle des cas rapportés aux CAPTV toutes circonstances confondues
(n=537) (10)

La répartition mensuelle révèle un nombre élevé d’exposition entre août et


octobre.

64
3.1.1.2.3 Répartition par classes d’âge

Figure 31 : Répartition des circonstances volontaires selon les classes d’âge (CAPTV n=324) (10)

Tableau 6 : Répartition des circonstances volontaires selon les classes d’âge (10)

La répartition de la circonstance volontaire selon l’âge met en évidence une


prépondérance du contexte toxicomanie/addiction chez les jeunes de 16 à 20 ans.
Les expositions à visée récréative surviennent donc le plus souvent chez de jeunes
adultes ou adolescents de sexe masculin.

65
3.1.1.2.4 Répartition des cas selon la voie d’exposition

Les cas sont répartis selon la voie d’exposition pour les circonstances de
toxicomanie/addiction.

Figure 32: Répartition des cas selon la voie d’exposition pour les circonstances de
toxicomanie/addiction (n=271) (10)

Les données des CAPTV confirment la prépondérance de la voie orale dans le


contexte toxicomanie/addiction. Le recours à la voie inhalée arrive en deuxième
position, loin toutefois derrière la voie orale : 4,4 % par voie inhalée contre 91,1 %
pour la voie orale.

3.1.1.2.5 Produits associés

Parmi les 271 cas d’exposition dans un cadre de toxicomanie/addiction une


association est notée dans 59 cas (voir figure 33).

Figure 33: Produits associés au datura, dans 59 cas de toxicomanie/addiction (n=59) (10)

66
Lors de consommation à visée récréative, le datura est à priori consommé seul
dans la majorité des cas. Toutefois, lorsque qu’il y a une notion d’association à un
autre produit (59 cas), il s’agit d’une substance psychoactive avec en premier lieu
l’alcool, suivi par le cannabis. Dans les 3 cas nommés « drogue », hors médicament,
la substance n’est pas précisée.

3.1.1.2.6 Prise en charge des cas signalés, traitements et


évolution

Les expositions au datura enregistrées dans le système d’information des


centres antipoison semblent le plus souvent bénignes et d’évolution favorable.
Cependant, dans un grand nombre de cas, des items ne sont pas renseignés, en
particulier la gravité (n=257) et l’évolution (n=302), ce qui limite la portée de ces
résultats.
Les traitements mis en œuvre sont symptomatiques avec utilisation de
sédatifs dans 30 cas. L’utilisation de la physostigmine a été rapportée dans 17 cas.
(10)
De façon générale, les plantes hallucinogènes ne sont consommées qu’une
fois ou à quelques reprises seulement pour « en faire l’expérience », pour « goûter »,
pour « essayer ». L’accessibilité est souvent évoquée pour expliquer l’absence de
répétition des prises, mais aussi le fait de ne pas les rechercher seulement de saisir
les opportunités.
Le datura n’est donc le plus souvent essayé qu’une seule fois. Dans une
enquête réalisée par l’OFDT (Observatoire Français des Drogues et Toxicomanie),
nous reviendrons plus tard sur les détails de cette enquête, 8 personnes sur les 13
qui ont fait l’expérience du datura ne l’ont consommé qu’une seule fois. Dans ce cas,
ce n’est pas l’accessibilité de la plante qui est évoquée pour justifier l’arrêt de
l’usage, mais la peur de recommencer. Voici quelques extraits de témoignages de
consommateur de datura (5) :

« Du datura ? Je n’en ai pris qu’une fois ! Un truc comme ça, sur trois jours, tu captes
rien, tu maîtrises rien ; moi, je n’aime pas trop, c’est un peu trop violent ! »
« J’ai appris après, j’aurais dû me renseigner mieux que ça avant, que ça pouvait
être assez dangereux, finir en psychiatrie ou même, mourir carrément, ou être dans
le coma, donc... »
« Une fois j’ai pris du datura, et ça m’a bien traumatisée on va dire »

67
« Le datura, j’ai essayé légèrement mais alors ça m’a vraiment fait peur ! Non tu ne
maîtrises plus rien du tout. Déjà avec le reste tu ne maîtrises rien, mais là c’est
vraiment... Moi, je n’ai pas aimé du tout. En fait si tu veux savoir, je me suis calmé
avec de la rabla [héroïne] derrière ! »

Parmi les cinq personnes qui en ont pris plusieurs fois, deux ne veulent plus
recommencer. L’une en a consommé à trois reprises et réalise qu’à chaque fois les
hallucinations étaient « glauques » et qu’un accident grave a été évité de justesse ;
l’autre en a intensivement consommé, jusqu’à en prendre quotidiennement, et a
cessé l’usage depuis une année au jour de l’entretien, à la suite du choc ressenti lors
de la perte d’un ami, renversé sur la route alors qu’il était sous datura : « Pendant
deux, trois mois ça a été tous les jours, tous les matins, huit graines, les autres
l’après midi, tu les mâches et tout, et puis c’est parti. Après voilà, c’était deux fois huit
graines par jour et une petite infu de cinquante centilitres […] Le datura, non j’en
prendrai plus, parce que voilà, je sais ce que ça donne ».
Il n’y a donc que trois personnes sur les treize expérimentateurs qui sont
usagers actifs de datura au moment de l’entretien.

3.1.2 Sur le site de Lille

Le datura peut être recueilli sur le site de Lille, mais son usage est rarissime.
Des récits sont occasionnellement relatés, soit par des « touche-à-tout » qui ne
réitèrent pas leur expérimentation, soit par des usagers appartenant à des milieux
alternatifs. (49)
Deux témoignages sur le datura ont été recueillis en 2007 et aucun en 2008 ;
le premier l’a été lors du festival de Dour en juillet 2007. Le datura et les graines de
LSA ont été évoqués mais par de rares usagers uniquement. Le datura n’avait pas
été acheté sur le site du festival mais ramené par un petit groupe d’amis qui le
gardait pour consommation personnelle.
Le second émane d’un usager et rend compte d’une expérience ancienne :
« Le datura, j’en ai goûté une fois, mais je pense que ça ne devait pas être la bonne ;
ça ne m’a pas fait d’effets. C’était une sorte de datura qui pousse dans les bacs
municipaux ; je me suis fait des graines et je n’ai rien senti. Il y a plein de sortes de
datura. Sur Internet on en trouve facilement ; il y a des forums d’échange. Sur Lille,
on peut en trouver dans des milieux de travellers, des gens qui vivent dans des
squats, qui vivent de revente et de deal. Musicalement, le plus souvent c’est des

68
mouvements teknomanes, hardcore, free parties. La plupart du temps c’est des
jeunes qui cherchent à faire la fête, qui sont en recherche de sensations fortes, qui
recherchent toujours quelque chose de plus puissant, parce qu’ils ont franchi une
étape ». [Sébastien un étudiant de 19 ans]
Données du CAPTV de Lille

Comme cité précédemment, le système d’information des CAPTV ne


répertorie pas les données du centre antipoison de Lille. J’ai donc contacté moi
même le CAPTV de Lille.
La recherche a été faite des années 2000 à aujourd’hui : 26 cas d’exposition
au datura ont été signalés dans les 7 départements4 des régions Nord Pas-de-
Calais, Picardie, Haute-Normandie entre 2000 et 2009. Parmi ces 26 cas on
répertorie 5 cas d’exposition volontaire (tentative de suicide et toxicomanie
confondues) (50)

3.2 A partir d’un témoignage d’un groupe de jeunes


poly-toxicomanes expérimentés
Comme déjà cité précédemment, une enquête qualitative exploratoire a été
publiée en 2006 sur les usages contemporains des plantes et des champignons
hallucinogènes. Ce travail mené en France avec le soutien de l’OFDT, Observatoire
français des drogues et des toxicomanies (voir annexe 2), s’inscrit dans l’idée de
mieux connaître les différents profils d’usagers, leurs véritables motivations et les
modalités de leur initiation. Le rapport explore particulièrement les dimensions de
l’usage déterminant les risques, à commencer par les contextes de consommation,
mais aussi les modes de transmission de la connaissance et de l’expérience. (5)
Cette enquête qualitative exploratrice s’appuie sur l’analyse de trente
entretiens approfondis recueillis entre 2004 et 2005. L’enquête de terrain a cherché à
privilégier l’entretien avec des personnes de moins de trente ans. Mais ce critère
n’était pas considéré comme drastique pour le choix des interlocuteurs ; par contre,
avoir de l’expérience et une expérience récente sur le thème étudié a été le critère
privilégié. Le caractère multiple de leur pratique a permis de recueillir les discours de
personnes qui ont l’expérience du sujet, qui peuvent expliquer pourquoi, après la
première prise, elles ont choisi de recommencer.

4
Aisne, Oise, Somme, Nord, Pas-de- Calais, Eure, Seine-Maritime
69
Le caractère récent de ces pratiques permet d’inscrire leur discours dans
l’époque actuelle et de s’intéresser aux motivations des usagers d’aujourd’hui. Le
revers de ce choix d’enquête, est qu’elle n’a pas pu s’intéresser aux personnes qui
ont cessé l’usage, et qui auraient pu exposer les raisons de leur choix ; ni aux
usagers très occasionnels qui ont vraisemblablement des motivations différentes de
ceux qui répètent les prises régulièrement.
Autre point négatif pour notre sujet, cette enquête ne concerne pas seulement
les usagers de datura mais les usagers de champignons et de plantes
hallucinogènes en général dont le datura. Ainsi sur les trente personnes interrogées
dans cette enquête, vingt-huit sur trente personnes ont consommé des plantes
hallucinogènes mais seulement treize personnes ont consommé du datura.
Le problème est que les consommateurs de datura sont pour la plupart des
poly-toxicomanes. D’où la difficulté de trouver des données en grand nombre. Cela
dit, le sérieux de l’enquête réalisé par le dispositif TREND nous permet à travers ces
treize cas de consommateurs de datura d’avoir une idée du contexte de sa
consommation.

3.2.1 Effets recherchés


Les plantes ont toutes des effets spécifiques et d’autres qui se ressemblent :
stimuler, faire rire, apporter de la plénitude, surprendre par des perceptions
inattendues, ou provoquer des idées noires, des angoisses, un bad trip5. Certaines
plantes sont plus souvent associées à un type d’effets comme le datura qui est
généralement associé à des effets ténébreux, mais qui peut susciter des moments
de plaisir.
Les effets des substances naturelles hallucinogènes peuvent être de différent
type. On retrouve les effets stimulants, euphorisants, sereins, réflexifs, de
perturbation des sens, déroutants et ténébreux. Le tableau 7 classe les effets
ressentis par le consommateur fonction du type de substances hallucinogènes
naturelles consommées.

5
Littéralement « mauvais voyage », soit un épisode d’angoisse qui peut confiner à la terreur et qui
résulte de l’effet d’une plante hallucinogène.
70
Tableau 7 : Classement des principaux effets ressentis des champignons et des plantes
hallucinogènes (5)

Les grandes catégories d’effets le plus souvent recherchés sont les effets
stimulants, euphorisants et de perturbation des sens, mais aussi ceux qui apportent
la sérénité ou qui suscitent la réflexion, et les effets déroutants qui surprennent ou
qui déstabilisent. Cependant ces deux derniers types d’effets, sont plus ambigus car
ils peuvent être ressentis sans être désirés. Les effets ténébreux sont quant à eux
jamais recherchés car ils suscitent la peur.
A ces principaux effets peuvent s’ajouter ceux dits « inconfortables », qui ne
sont pas forcément mal vécus mais peuvent perturber péjorativement la sensation
des effets recherchés : diarrhées, vomissements, palpitations...
Les usagers insistent toujours sur l’importance du dosage d’une même
substance pour obtenir l’un ou l’autre des effets.
Nous nous intéresserons particulièrement aux effets ressentis lors de la
consommation de datura par les jeunes poly-toxicomanes interrogés lors de
l’enquête du dispositif TREND. (5)

3.2.1.1 Les effets stimulants

Ils sont caractéristiques de toutes les plantes consommées, sauf si les prises
génèrent un état de perte de conscience ou d’incapacité à se mouvoir du fait de
l’utilisation de produits aux effets violents comme le datura, ou du fait d’un
surdosage.

71
Le datura suscite souvent le désir irrépressible de marcher sur de longues
distances.

3.2.1.2 Les effets sereins

Ces effets sont très rarement décrits. Ils ont été cependant relatés à l’occasion
d’une prise de datura par une personne lors de l’enquête. « Je me suis endormi et je
me suis réveillé peut-être cinq heures après m’être endormi, et j’avais fait, enfin c’est
comme si j’avais fait un voyage quoi, c’était... On aurait dit un rêve initiatique […]
J’avais vraiment des sensations de grandeur, sur une montagne, sur un rocher...
Vraiment une sensation d’être grand, d’être puissant ».

3.2.1.3 Les effets de perturbation des sens

Ce sont les premiers réels symptômes d’un effet proprement hallucinogène et


ce sont les plus souvent recherchés. Ils sont déclarés par les consommateurs de
datura. Le datura est décrit par ses consommateurs plus comme une plante
d’égarement que comme une plante hallucinogène. On retrouve ici l’expression de
Patrick Prado dans son étude sur la pratique du jilgré dans la société rurale
bretonne. Il entend par là que ses usagers évoquent le fait de « se perdre », de ne
pas retrouver leur chemin dans un espace pourtant connu. L’espace est perçu
comme courbe, le déplacement s’arrondit selon le discours des consommateurs.
Cette appellation de « plante d’égarement » désigne aussi pour les usagers, la
capacité à s’égarer de manière psychique au sens du développement d’une activité
onirique où les rêves et la réalité se confondent le temps des effets du produit. (5,7)

Voici leurs témoignages :

« Le datura, moi il me démonte la gueule ! [Il rit] Je suis perdu, y’a plus aucun truc
qui marche dans le même sens […] Y’a des anecdotes de fou quoi ! Une pote à moi
qui cherchait une pote en soulevant les plaques d’égout en criant « Margoooot ! »,
moi j’essayais de grimper sur les murs... »
« C’est vrai que là, oh putain ! J’ai fait fort ! A un moment je passais par une rue, je
disais « c’est bizarre et tout ! Normalement, la rue est droite pour rentrer chez moi » ;
je la voyais en virage ! […] Et en fait mon chien, heureusement qu’il était là, quoi tu
vois, comme quand on dit des fois, « la voiture connaît le chemin ». Ben mon chien,
tu lui dis « cherche l’appart ! Cherche la maison ! » Tu le suis, il t’emmène à l’appart,
il y a pas de problème. Et du coup, j’ai été obligé de suivre mon chien pour rentrer à

72
la maison, moi je croyais que je m’étais perdu […] et la rue pour moi je la voyais,
wou, wou, wou, alors qu’elle est droite quoi ! »

3.2.1.4 Les effets déroutants

Ce sont les états désirés par les consommateurs tout en étant redoutés. Les
effets déroutants vont surprendre, étonner. Ils peuvent susciter une réaction d’hilarité
ou de stupéfaction au moment de l’effet ou, a posteriori, lorsque l’épisode est
raconté.
De nombreux effets déroutants sont relatés au sujet du datura, comme le fait
de parler tout seul à des interlocuteurs imaginaires ou bien à un objet ou un être
inanimé : le mur, un arbre. Voici quelques extraits des paroles de consommateurs de
datura :

« On en prenait un peu tous les jours. Ça allait dans la journée quand on faisait la
manche entre nous, on rigolait entre nous, mais arrivé au soir, il suffisait qu’on boive
un peu d’alcool après le soir, voilà, c’est folklo, quoi, tu parles tout seul, pourtant il y a
les copains à côté, mais non tu es tout seul, moi j’ai couru après mon chien, il était
pas là, pleins de truc comme çà ».
« Tu fais des choses insensées, mais tu les fais bien. Par exemple tu montes des
escaliers, tu vas les monter très bien, pas comme quelqu’un qui est défoncé, mais tu
ne seras pas conscient que tu montes les escaliers, tu ne sauras pas pourquoi tu le
fais, ni où tu vas […] comme si tu étais possédé, t’étais en dehors de ton corps,
t’étais mis sur la touche quoi, et pendant ce temps, quelqu’un prend le contrôle de
ton corps, et fait des choses sans que tu le saches. Tu dis des mots qui ne veulent
rien dire, dans une langue inconnue... »
« On marchait dans Lyon, on discutait avec des gens alors qu’il n’y avait personne,
c’est tout là-dedans quoi, on a l’impression qu’il y a du monde alors qu’il n’y a
personne des fois ».

Ces effets déroutants sont souvent vécus comme étant à la limite des effets
ténébreux, Il y a la crainte du bad trip, la peur d’hériter d‘un état de conscience qui
reste modifié après la prise, mais aussi la peur des accidents(5) :

« C ‘est pas spécialement parce que la datu m’apporte quelque chose ; tu délires
avec les potes, tu pars dans tous les sens, y’a des anecdotes de fou […] J’essayais
de grimper sur le mur, et je lisais les trucs au fur et à mesure. [Rires] Le datu c’est
73
chaud en fait, c’est chaud parce qu’il faut vraiment doser bien, parce que si tu doses
mal, ça peut-être mortel déjà, ou alors ça peut te percher la gueule comme pas
possible ! […] Parce que ça me fait peur maintenant, parce que j’ai vu les états dans
lesquels on était. Franchement quand tu as fini ta perche, pfff tu réalises : « Mais
qu’est-ce qui vient de passer ? » En fait ces trois jours tu les as oubliés, comme si tu
étais dans une autre sphère, y’avait plus de jour, y’avait plus de nuit, y’avait plus rien,
et c’est tout, tu vivais, tu mourrais... »

3.2.1.5 Les effets ténébreux

Ce sont des effets non désirés ressentis comme des sensations glauques
voire morbides. Le datura est surtout présenté comme une plante provoquant des
visions qui créent la peur, l’angoisse, le stress, la panique. Les visions évoquent
généralement l’histoire personnelle dans ses aspects les plus sombres ou font appel
à la mythologie populaire pour exprimer et donner corps à l’angoisse : les chats
noirs, les corbeaux... Les effets dits ténébreux sont ressentis après les prises, par le
fait que rien n’a été maîtrisé ou que le souvenir des événements a pu s’effacer. Voici
des témoignages de consommateur de datura(5) :

« Les corbeaux, c’est pas super. En plus c’est revenu les trois fois ce genre de
visions […] c’est super glauque, quoi c’est clair, c’est dangereux en plus c’est clair
aussi »
« Comme je connaissais pas la plante [le datura], et que je ne me connaissais pas
moi même, ces hallucinations elles étaient très... Très lugubres. Je voyais des
monstres […] l’arbre se transformait en monstre, ou en mon père, beaucoup de
choses qui ressortent de vous-même en fin de compte, c’est surtout ça. C’était un
combat de moi contre moi on va dire […] Mon père se transformait en monstre ! Je
me voyais moi-même, en plus jeune, en beaucoup plus vieux, mais en ne me
reconnaissant pas non plus. Je savais que c’était moi mais ce que je voyais c’était
pas moi non plus ».
« Tu va voir passer des chats noirs, ou des animaux noirs vite fait, et tu tournes la
tête, il n’y a rien ».
« Tu vois, je m’en allais, je ne sais pas ce que j’ai fait pendant deux jours. C’est bien
simple quoi, voilà. Et puis ce n’était pas mes fringues, ce n’était pas mes fringues à
moi, j’étais toute crado, je m’étais roulée par terre, j’en sais rien. […] On m’en avait
tellement parlé avant. C’est un produit méchant, tu peux rester perché […] J’ai

74
vraiment flippé de prendre du datura, j’ai vraiment eu peur, j’ai eu plus ou moins des
trous. Et je ne sais pas ce que j’ai fait ».
A travers ces témoignages on comprend que le datura n’est pas la plante
privilégiée par ces gens en recherchent de sensation fortes. Il n’est le plus souvent
testé qu’une seule fois et suit la peur de recommencer.
Cependant sa grande accessibilité (plante ubiquitaire), sa simplicité de
préparation et d’administration pour des effets psychotropes très forts, bien que
dangereux peuvent en faire une drogue de choix chez des populations très
défavorisées et marginalisées, l’emploi de cette drogue sort alors clairement du
cadre du « néo-chamanisme ».

3.2.2 Populations concernées


L’usage de datura reste un phénomène très marginal, y compris parmi les
usagers de drogues. L’âge au moment de la première prise de plantes
hallucinogènes est compris dans une fourchette plus large que celle de la première
prise de champignons. (5)

3.2.2.1 Présentation des usagers

Deux types d’usagers ont été identifiés depuis l’existence du dispositif


TREND. D’une part, des usagers très marginalisés relevant de l’espace urbain. Dans
les structures de première ligne, l’usage du datura plus de 10 fois au cours de la vie
est rapporté par 144 des 1017 usagers rencontrés au début de l’année 2006 (soit
14%). (18) D’autre part, des jeunes à la recherche de sensations fortes fréquentant
l’espace festif techno.
Pour rappel, parmi les trente amateurs de substances hallucinogènes
naturelles interviewées en 2005 pour l’étude ethnographique « Usages
contemporains de plantes et de champignons hallucinogènes », treize avaient déjà
expérimenté le datura.
En 2007, les quelques témoignages recueillis dans le cadre du dispositif
TREND concernaient essentiellement le milieu festif, notamment dans des groupes
de jeunes de la mouvance hardcore en recherche de sensations toujours plus fortes
(Lille, Paris). A Lille un groupe d’usagers a été rencontré au festival de Dour en
Belgique. D’autres rares cas de consommation peuvent être cités comme à Aix où un
groupe de jeunes précaires injecteurs évoquaient leur consommation de datura et à
Rennes, en 2008, des usages anecdotiques de personnes marginalisées sont
rapportés. (18)
75
3.2.2.2 Le recueil des données par le dispositif TREND

Les espaces urbain et festif techno auxquels ont été adjoint l’espace festif gay
en 2007, constituent les deux grands domaines d’observation des populations et des
usagers de drogues du dispositif TREND.
A ces deux espaces correspondent, le plus souvent des populations d’usagers
différentes auxquelles sont attachées des perceptions, des expériences des drogues
et des pratiques distinctes.
Cependant, l’apparition depuis les années 2000, d’une population « errante »
qui transite entre ces deux espaces et l’entrée dans la dépendance de certains
usagers ayant débuté leur consommation de drogues dans l’espace festif, tend
progressivement à rendre plus floues leurs frontières et leurs spécificités. De plus le
micro trafic et l’achat sur Internet, entraînent actuellement une diffusion
géographique de la disponibilité des drogues qui participe à une dispersion plus
importante des usages.
Afin de mieux comprendre comment sont obtenues ces données et les
populations concernées, voici la définition des espaces et des populations observées
par le dispositif TREND.

3.2.2.2.1 L’espace urbain

L’espace urbain correspond principalement aux lieux où transitent les usagers


de drogues dans les centres urbains des grandes agglomérations, lieux de vie, de
rassemblement, d’accueil, de soins, d’activité ou de trafic. Il recouvre essentiellement
le dispositif des structures de première ligne, comme les CAARUD (Centres d’accueil
et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues) et des
lieux plus ou moins ouverts (rue, squats, gares, abords des CAARUD et des centres
de soins...) Les CAARUD sont portés par des structures associatives ou des
établissements publics de santé. La plupart des usagers rencontrés dans ces cadres
sont des usagers problématiques de produits illicites aux conditions de vie très
précaires.
Sur un plan quantitatif, les données pour décrire les usagers les plus engagés,
sont celles issues des enquêtes menées dans les CAARUD. Échappent donc par
définition les usagers qui ne le fréquentent pas. Il faut noter une sous-représentation
probable des plus jeunes, jeunes errants en quête d’affiliation alternative ou non, ou
travellers issus de l’espace festif, accompagnés de chiens, qui utilisent ces structures

76
de manière plus occasionnelle que d’autres usagers. Les usagers de drogues les
mieux insérés fréquentent quant à eux encore plus rarement les CAARUD.
Le profil de ces usagers de l’espace urbain a été étudié en 2008 voici un
résumé des statistique réalisés. (18)
La moyenne d’âge est de 34,1 ans. Il s’agit d’une population très
majoritairement masculine à 78,3%. La part des femmes est plus importante chez les
plus jeunes. Plus de la moitié des personnes rencontrées vivent seules, 55,6% et
18,9% vivent en couple. Les autres vivent avec des amis, des parents ou seuls avec
leurs enfants. Ces usagers présentent une vulnérabilité sociale importante, 49,3%
connaît des conditions de logement instables, 60% d’entre eux sont sans domicile
fixe ou vivent en squat. Les autres ont un mode de logement provisoire. Un quart
dispose d’un salaire ou d’allocations de chômage. Plus de la moitié perçoivent un
revenu social : le RMI (Revenu minimum d’insertion) pour 35,2% ou une allocation
adulte handicapé pour 13,9%. L’autre quart ne dispose d’aucun revenu licite
(mendicité, ressources illégales, prostitution). 1,1% sont aidés par de la famille ou
des tiers. Point de vue scolaire, 23,4 % seulement ont atteint le niveau bac (avec ou
sans l’examen). 63,6 % dispose d’un diplôme professionnel du secondaire (CAP,
BEP) ou n’a pas été au delà du collège. 11% se trouvent sans papiers d’identité,
parmi eux la moitié se trouve en France illégalement, l’autre moitié a égaré ou s’est
fait voler ses documents d’identité.
Ces personnes sont de forts consommateurs de produits psychotropes en tout
genre. Les consommations d’hallucinogènes, parmi les usagers des structures de
première ligne, restent principalement le fait de ceux qui fréquentent également le
milieu festif techno (à l’exception de certains hallucinogènes naturels). Parmi les
usagers de l’espace urbain, nous nous attarderons sur une sous-population qui
concerne d’avantage notre sujet, à savoir les jeunes en errance.

Depuis plusieurs années, un groupe d’usagers plus jeunes et plus désintégrés


ou en voie de le devenir se détachent de la population de l’espace urbain. Ils
évoluent pour certains aux marges des milieux techno alternatifs et fréquentent les
CAARUD. En général, ces jeunes se retrouvent entraînés dans un processus de
« désaffiliation » après avoir quitté une institution ou suite à une rupture familiale. La
plupart des jeunes en errance vivent en squat ou chez des amis.
Une part d’entre eux est également visible dans l’espace alternatif (population
appelée « les satellites ») à la recherche d’affiliation alternative. Parfois confondus
avec les travellers avec lesquels certains cherchent à s’identifier, leur mobilité est en
77
fait assez réduite, se limitant à des déplacements centrés sur une agglomération.
Contrairement aux travellers, ni leurs modes de vie, ni leurs usages ne sont sous-
tendus par des revendications contre culturelles. Ils se déplacent souvent en groupe,
accompagnés de chiens.
D’autres sont tout simplement des jeunes en situation d’exclusion et
n’affichent aucune recherche d’affiliation festive. Une part significative d’entre eux
serait mineure. Les ressources sont issues de la mendicité, éventuellement de petits
vols et de la prostitution.
Si cette population est masculine dans une large proportion, la part des
femmes semblent croître depuis 2005. (5)
Les consommations de substances psychotropes sont d’abord celles
attachées au milieu festif : ecstasy, cocaïne, hallucinogènes, naturels ou non (salvia,
cactus, champignons, datura, kétamine). La fréquence du poly-usage et les
mélanges en fonction des opportunités donnent un caractère particulièrement
anarchique aux consommations dans ce milieu.
Les témoignages de nombreux intervenants de CAARUD, lesquels évoquent
notamment un « rajeunissement » des usagers rencontrés, tendent à confirmer l’idée
que ce groupe est actuellement en extension. (18)

3.2.2.2.2 L’espace festif

L’espace festif techno regroupe l’espace festif alternatif (free parties, rave
parties, teknivals) et l’espace festif commercial (bar et clubs programmant de la
musique techno, discothèques, etc). Nous nous intéresserons en particulier à
l’espace festif alternatif qui concerne plus les consommateurs de datura.
Les manifestations festives alternatives se structurent autour d’un ou de plusieurs
sound system et présentent différentes formes(18) :
 Les raves parties : payantes, rassemblant en général plusieurs milliers de
personnes, organisées dans des établissements de nuit principalement, et
soumises à autorisations.
 Les free parties : rassemblent un nombre moindre de personnes (une
centaine) et se déroulent souvent en extérieur ou dans un bâtiment
« détourné » type usine désaffectée. Elles se déroulent sur une ou deux nuits,
de manière « sauvage », sans autorisation. Elles sont gratuites ou sur
donations.

78
 Les tecknivals : manifestations de grande ampleur en plein air, gratuites,
attirants un public plus large (jusque 80 000 personnes) et pouvant durer plus
de trois jours.

Il faut y ajouter divers contextes où s’étendent les usages de la sphère festive :


 Les fêtes privées en extérieur, « barbecue techno » et autres « week-end
champêtre » qui peuvent rassembler à la campagne entre une vingtaine et
plusieurs centaines de personnes appartenant au même réseau amical.
Certaines pourraient prendre la forme d’un « week-end champi » ou de fêtes
centrées plus généralement sur l’expérimentation d’hallucinogènes, telles que
les « soirées pleine-lune » décrites à Paris en 2008.
 Les festivals d’été attirent des populations très diverses et se doublent
généralement d’un « festival off » où s’insère un espace free partie. Les
produits psychotropes y sont très disponibles, apportés par les festivaliers ou
vendus sur place.
 Les soirées privées en appartement qui se déroulent en cercle restreint ou
plus élargi de connaissances, seraient une occasion particulièrement
fréquente d’initiation à de nouveaux produits.

Description des populations de l’espace festif

Pour identifier des populations, à travers ces lieux ou ces événements, une
étude ethnographique menée en 2004 et 2005 dans plusieurs agglomérations a fait
apparaître des logiques d’organisation de la population festive similaires dans
l’ensemble des sites.
Ainsi on retrouve quatre groupes d’affinité, lesquels constituent des sous
populations homogènes tant par leur vécu identitaire que par la perception du groupe
par les observateurs extérieurs (18).

Le groupe d’affinité « Alternatif » : amateur de free parties et de raves parties,


revendique une image décalée relevant de la « contre-culture ». Les travellers, qui
vivent en camion et cheminent de manifestation festive en manifestation festive sur le
sol européen, mènent une vie qui constitue pour nombre de participants des free
parties le style de vie idéal. Une partie d’entre eux adopte d’ailleurs cette existence
durant les congés scolaires, universitaires, ou entre deux périodes de travail
temporaire. Les participants des raves parties revendiquent eux aussi une image
décalée, mais teintée d’une composante plus hédoniste ( le plaisir avant tout).
79
Dans ce groupe on peut distinguer trois sous-populations :
 Les « fondateurs » : noyau dur du mouvement techno alternatif et organisateur
de soirée. Ils sont garants de l’esprit de la culture techno et de la philosophie
alternative des travellers. Ils offrent des modèles d’identification pour les
publics plus périphériques de cette mouvance. Leur approche des drogues est
indissociable de la musique et de la fête. Ils consomment les produits
traditionnels attachés au milieu festif, à savoir stimulants et hallucinogènes, les
opiacées n’interviennent que pour adoucir les descentes. Ils utilisent très peu
les dispositifs de réduction des risques en milieu urbain (les CAARUD).
 Les « expérimentateurs » : plus jeunes ils sont consommateurs du milieu festif
underground. Leur démarche festive est toujours motivée par la recherche de
produits psychotropes. Sédentaires, ils vivent pour les plus jeunes encore chez
leurs parents. Les modes d’usages imitent ceux des « fondateurs ». Ils sont
souvent assez ignorants des pratiques de réduction des risques.
 Les « satellites » : on retrouve ici la population de « jeunes errants » déjà
observé dans l’espace urbain

Le groupe d’affinité « Soirées Urbaines » : ils se retrouvent généralement dans


des bars musicaux, plus rarement dans des espaces loués pour des soirées,
exceptionnellement à l’extérieur lors de festival « électro ». Cette population serait
plus insérée socialement et idéologiquement (on y retrouve beaucoup d’étudiants)
que les amateurs de soirées alternatives. Elle apparaît cependant composée de
personnes qui revendiquent aussi une image décalée et contestataire. Les bars
musicaux qu’ils fréquentent sont souvent situés dans le centre historique des
agglomérations. Les personnes qui constituent ce groupe d’affinité se définissent
comme plus mélomanes que les autres groupes qui appartiennent à la grande famille
« électro » : un lieu est avant tout sélectionné pour la qualité de sa programmation
musicale.
Les deux autres groupes concernent moins notre sujet, il s’agit pour les citer
du groupe d’affinité « Clubbing » qui se réunissent dans des boîtes de nuit dédiées à
la musique électronique, et du groupe d’affinité « Select » qui se concentrent dans
des boîtes de nuit dont les portes ne s’ouvrent que sur cooptation et dans des bars
musicaux d’accès libre, mais où s’opère une sélection à l’entrée, du fait de
l’obligation d’une tenue correcte.

80
3.2.3 Perception du risque
Globalement la notion de risque n’apparaît pratiquement jamais spontanément
dans le discours des usagers de champignons et de plantes hallucinogènes. Les
liens entre pratiques et risques ne sont pas immédiats. Les individus préfèrent parler
d’abus et de limites à ne pas dépasser. (51)

Seul l’usage du datura fait exception à cette assertion. Dans l’enquête du


dispositif TREND, c’est la seule plante pour laquelle un discours sur les risques
encourus est abordé dans les entretiens sans que l’enquêteur n’introduise le sujet.
La représentation qui veut que la prise de substances psychoactives
naturelles implique moins de risques que la prise de substances synthétiques, n’est
pas unanime. Une partie des personnes interrogées insiste sur le fait qu’elles
n’attribuent pas de différence de risques entre produits naturels et synthétiques. Au
contraire, lorsque produits naturels et minimisation des risques encourus sont
associés, les arguments qui ressortent sont de trois types. On retrouve ces
arguments chez les consommateurs de datura. (5)
Le premier argument s’inscrit dans le cadre de pensée qui prône la perception
d’une « nature idéalisée » et qui implique que tout ce qui vient de la nature est
forcément meilleur que ce qui est artificiellement créé par l’homme. « Parce que
j’aime la nature, j’ai l’impression que c’est moins nocif ».
Le second est plus pragmatique, il est lié au fait que les produits synthétiques
sont obtenus à partir du marché noir. Dans cette perspective, le produit naturel revêt
l’avantage de ne jamais contenir de produits de coupe. Cette hantise s’appuie sur la
peur de consommer un produit encore plus dangereux et la peur d’acheter un produit
synthétique qui se révélerait sans effets.
Le dernier est minoritaire, il consiste à estimer que l’usage des substances
naturelles favorise l’espacement des prises et nécessite une certaine motivation lié
au temps de préparation pour consommer la plante. « Pour moi ça n’a rien à voir
avec un timbre que tu mets sous la langue et point barre. Ce n’est pas aussi facile.
Faut déjà être déterminé, en vouloir, il faut vraiment en vouloir comparé à un
morceau de buvard à gober, pour moi ça a rien à voir ».

Les risques perçus

Une partie des personnes interrogées dans l’enquête du dispositif TREND


déclare que l’usage des substances naturelles hallucinogènes n’implique aucun

81
risque. Pour les autres, le fait de percevoir des risques ne les conduit pas à cesser
leur pratique mais plutôt à développer des conditions favorables pour éviter
d’éventuels problèmes. Tout d’abord de veiller au dosage du produit, ensuite de
consommer dans un contexte approprié c’est à dire être entouré de personnes de
confiance dans un lieu sécurisant et/ou sécurisé, le plus souvent non confiné et de
veiller à ne consommer que lorsque son état psychologique est bon. (5)
Cette façon de s’initier en groupe semble la plus répandue, que ce soit en
milieu festif privé ou public. Certains observateurs ont même décrit des « cessions
datura » pratiqué sous l’égide d’un initiateur non consommateur permettant de
prévenir des accidents graves et qui ne va pas sans rappeler des rituels
chamaniques. (11)
Ce n’est pas tant le bad trip qui effraye les usagers, celui-ci apparaît souvent
comme un risque assumé, c’est surtout le fait de « rester perché » qui les inquiètent.
Le fait que la recherche volontaire de l’expérience psychotique temporaire devienne
involontairement un état permanent. Il est perçu comme le risque extrême dans le
sens où contrairement au bad trip, le fait de « rester perché » s’inscrit dans la durée.
Cette crainte n’est pas seulement un fantasme, elle provient aussi de l’observation
des pairs. Plusieurs personnes racontent comment un ami ou une connaissance a pu
« rester perché », être interné dans un service de psychiatrie, sans forcément
d’ailleurs que l’entourage familial et médical ait véritablement conscience des raisons
qui ont suscité son état. Ces récits se rapportent souvent à des prises de datura. (5)
Les discours montrent également la perception d’une échelle du
risque fonction du type de substances consommées, dans laquelle le datura
représente le risque le plus élevé. Il est décrit comme la « bête noire ».

« Là [avec le datura] c’est vraiment flippant, de te dire que pendant un moment tu vas
rien maîtriser, tu ne vas plus être toi même, tu vas plus te souvenir de ce que tu as
fait, même pas tu te souviens de tes parents parce que tu es dans un autre monde,
et bon, tu te souviens de rien quoi ».
« Le datura il y en a qui sont vraiment restés scotchés, je connaissais un gars il
reconnaissait plus son père, il paraît que c’est de la folie, le datura, ça peut être
dangereux »
« [Pour toi, c’est quoi prendre un risque ?] Prendre du datura !... par exemple »
Plus la substance est associée à un risque élevé, plus les personnes qui la
consomment néanmoins vont veiller à respecter les précautions précédemment
citées et plus la question du dosage apparaît comme essentielle « Le datu c’est un
82
hallucinogène, mais l’effet qu’il a, pour moi, il est bien plus puissant qu’un
champignon, il est bien plus violent que... c’est vraiment pour moi, c’est violent, si tu
le doses pas c’est violent […] tu sais plus ce que tu fais. C’est pour ça qu’il faut doser
[…] Pour moi c’est dangereux, c’est vraiment dangereux ».

Notons que cette échelle du risque est bâtie sur des constats empiriques de la
propre expérience des usagers ou de l’observation des pairs, ainsi que sur les récits
qui sont lus sur Internet. Cela signifie que finalement peu de crédit est réellement
attribué au discours qui ne provient pas de personnes qui participent de près ou de
loin à ces groupes de consommateurs. Le datura est considéré comme la substance
la plus dangereuse et cette perception s’accorde avec le discours scientifique sur les
effets de l’atropine et de la scopolamine qu’il contient.
La lecture d’ouvrage comme Le serpent cosmique de Jérémy Narby suscite
des envies d’expérimentation dans l’usage des drogues naturelles aujourd’hui. A cela
s’ajoute Internet qui permet de véhiculer de nombreuses idées et pratiques plus ou
moins vraies et qui ne tiennent pas compte du danger. Il y a alors bien dans ce cas
un phénomène d’engouement pour le néo-chamanisme dont nous aborderons le
sujet dans la suite de ce travail. (5)

3.2.4 Sources d’approvisionnement


Le datura semble relativement accessible pour qui la recherche(18)
Les sources d’approvisionnement diffèrent de celles des autres drogues type
cocaïne, héroïne, ecstasy, cannabis. Le trafic n’emprunte pas les mêmes réseaux
que celui des autres substances. Il n’existe pas de réseaux réellement structurés,
mais un approvisionnement qui implique le plus souvent un seul intermédiaire au
maximum entre soi et la source. Il s’agit plus d’un réseau parallèle essentiellement
caractérisé par une logique de « débrouille » au sein du groupe de pratique, les
réseaux structurés de vente n’ayant plus que la forme d’un interlocuteur déréalisé
grâce à la place d’Internet. Jamais les discours n’évoquent un dealer qui cherche le
profit. (5)

Il y a deux sources majoritaires :


 La source principale est la cueillette, l’achat ou l’acquisition par le don auprès
d’une personne qui l’a cueilli. Le datura est généralement cueilli dans un

83
ensemble floral urbain par les personnes qui le consomment, ou dans un lieu
inculte, ou la préparation de base de datura leur est offerte.
 La seconde est l’achat par Internet, ou auprès de quelqu’un qui s’en est
procuré via la Toile, ou de s’en faire offrir par lui. Dans ce cas il peut y avoir
une phase de production si le datura est reçu sous forme de kits pour cultiver
soi-même. (5)
Un dernier moyen est cité, tout simplement un achat chez certains fleuristes la
plante est disponible entre juillet et octobre. (18)

Le principe de l’achat avec la carte bleue et de la livraison par la poste banalisent


le statut du datura acheté par ce biais.

3.2.5 Administration et dosage


Toutes les parties de la plante peuvent être utilisées mais ce sont souvent les
graines qui sont ingérées. Dans la plupart des cas l’organe choisi est consommé
directement. Parfois le consommateur prépare d’abord une infusion ou une décoction
destinée à être bue. (9) Certaines personnes l’ont consommé en mangeant
simplement les graines.

« Ce que j’ai encore fait cet été là, là ça a été grave cet été, c’est... Je les avais
croquées, c’était des graines, je les avais croquées et je les avais gardées dans la
bouche, pareil le coup des muqueuses, comme je fais je te dis avec pleins de
produits […] je me suis retrouvé dans un état à une vitesse ! »
« J’ai bu la décoction, ça devait faire soixante-dix centilitres, à peu près. Je me
souviens, j’ai bu d’un coup. Et c’est très amer, c’est très difficile à boire. On m’avait
parlé qu’il fallait mettre pas mal de sucre, pour atténuer le goût, ou même des fois
mettre du thé pour casser un peu... Ça a une odeur très, très prenante »

La décoction est idéalement faite avec les graines, qui se trouvent dans les
capsules. Ce serait « le seul moyen de doser une perche au datura ». Cependant, on
ne les trouve qu’en automne et l’infusion procure des effets tout aussi puissants si
elle est réalisée avec les autres parties de la plantes, comme les fleurs, mais aussi
avec les parties qui se trouvent tout au long de l’année : les feuilles, les tiges et les
racines qui ont la réputation de procurer les effets les plus violents. Le problème
majeur dans ce cas est de contrôler le dosage.

84
« D’une plante à l’autre, c’est très variable la concentration en produit actif […] Même
au cours de la vie d’une même plante, sa concentration en produit actif, elle varie
beaucoup et... Donc c’est imprévisible quoi... Et puis en plus ces plantes-là sont des
plantes qui produisent des tropanes, les produits chimiques qui font les effets. Et les
effets qui sont recherchés, hallucinogènes, sont très près de la dose... De l’overdose
je veux dire. Donc c’est très dangereux, c’est dur à doser quoi, c’est dur d’atteindre
cet effet là sans en prendre trop ».

De façon plus exceptionnelle, le datura peut être préparé en rachacha6 à


avaler ou macéré dans de l’alcool.

« Le rachacha, normalement c’est pour le pavot, c’est pour l’opium, mais c’est
possible avec le datura. Faire une infusion, plutôt une décoction, et la laisser réduire
au maximum, pour que toute l’eau s’évapore, qu’il ne reste qu’une pâte. Et cette pâte
là, une fois qu’elle sèche un peu, elle est un peu gluante. Vous en prenez une petite
quantité, vous la mettez dans une feuille à rouler, et vous l’avalez […] Ce sont les
graines qui sont séchées, broyées, style avec un moulin à café, pas trop en poudre
non plus, mises dans l’eau, montée au maximum, et ça diminue jusqu’à un moment
où ça fait une sorte de caramel un peu, et là ça, c’est ce qu’on appelle rachacha ».
« On avait pris de l’alcool à 45°... On avait mis du datu dedans, des champignons, et
ça avait macéré pendant deux, trois mois quoi ; et après, on mettait ça sur un sucre,
on le flambait, et on le mangeait ». (5)

La décoction peut être additionnée de Coca-Cola®, ou servir à imbiber une


cigarette ou de la nourriture. Des fleurs séchées peuvent être utilisées pour
confectionner des cigarettes. (9)
En ce qui concerne les graines, selon les usagers la dose serait d’une capsule
pour deux, en sachant qu’une capsule contient de deux à quatre cents graines
environ.
Pour ce qui est des tiges et des racines aucune sorte de mesure n’est
précisée. Certains évoquent le dosage en litre d’infusion, sans préciser la dose à
infuser effectivement. « Six personnes pour trois litres à peu près. Ça fait quoi ? Un
demi-litre chacun ».

6
Habituellement utilisé pour l’opium, le rachacha est un concentré de décoction de tête de pavot
après incision pour en faire ressortir le suc.

85
Tous ceux qui précisent le dosage s’accordent à peu près, deux cents graines
pour une prise, mais la dose peut être revue à la baisse quand la fréquence d’usage
devient quotidienne, ce qui n’est rapporté dans l’enquête que par une seule personne
qui raconte avoir consommé seize graines et une infusion de cinquante centilitres par
jour pendant trois mois. Il ne précise pas combien de graines contenait l’infusion.
Les doses sont associées à des durées d’effet plus ou moins longues, souvent
deux ou trois jours, avec la plus longue durée recensée de onze jours d’effets
consécutifs.
Le datura est consommé la plupart du temps sans autre produit associé. Les
personnes interrogées mettent en avant les précautions sanitaires en premier lieu.
Des mélanges sont quand même rapportés mais ils sont rares comme la macération
dans l’alcool.
Cette plante est rarement prise dans un contexte de soirée festive. Son statut
à part tient aussi au degré de risque qui lui est attribué. (5)

3.2.6 Les conséquences sociales


Le thème des accidents ou des risques d’accidents et de soumission
involontaire ont été évoqué par des personnes de l’étude du dispositif TREND lors de
la prise de datura. Le premier témoignage est celui de Karim qui après onze jour
d’errance dans un monde onirique se fait renverser par une voiture. Il est hospitalisé
alors qu’il est encore sous l’effet du datura. Le second est celui de Ludovic qui
empêcha un ami sous l’emprise de datura de sauter du cinquième étage au lieu de
prendre les escaliers. Il s’agissait pour lui d’une forme d’esprit pratique et non d’un
geste suicidaire.
Une autre anecdote ressort des interviews au sujet du datura, le
consommateur peut devenir dangereux pour les autres, selon sa personnalité, ses
expériences passées, et ce du fait de la perte de contrôle sur soi. « Moi j’ai mon
meilleur pote il s’est carrément battu... Parce qu’il a fait l’armée, et il a ramené des
armes de Yougoslavie, et entre autres il a une dague de kalachnikov, une dague de
baïonnette, et il se battait contre les arbres, à les planter et tout ! […] ses potes
osaient pas l’approcher […] Il a quand même fait quarante kilomètres le mec, sur
vingt-quatre heures ».
A côté de cela aucune conséquence sociale négative de l’usage n’est
mentionnée, y compris lorsque la question est posée. Le discours général que
tiennent les consommateurs est plutôt dominé par un consensus sur l’absence de
conséquences sociales liées à l’usage de plantes hallucinogènes. Ils évoquent plutôt
86
des conséquences perçues comme « positives » : meilleure sociabilité, de la sérénité
et une désinhibition qui persiste hors des prises, de l’intérêt pour la méditation et
l’ésotérisme, du désintérêt pour le « superficiel », une meilleure compréhension de
points de vue différents, le fait de voir les choses « autrement »... Ce « décalage »
suscité par la prise de substances hallucinogènes peut aussi conduire à développer
un regard critique sur la société en général ou sur le sujet des drogues en particulier.
(5)

3.3 Datura et dérives sectaires


La dérive sectaire se définit comme un détournement de la liberté de pensée,
d’opinion ou de religion qui porte atteinte à l'ordre public, aux lois ou aux règlements,
aux droits fondamentaux, à la sécurité ou à l’intégrité des personnes. Elle se
caractérise par la mise en œuvre, par un groupe organisé ou par un individu isolé,
quelle que soit sa nature ou son activité, de pressions ou de techniques ayant pour
but de créer, de maintenir ou d’exploiter chez une personne un état de sujétion
psychologique ou physique, la privant d’une partie de son libre arbitre, avec des
conséquences dommageables pour cette personne, son entourage ou pour la
société.
Face à ce problème, la MIVILUDES soit la Mission interministérielle de
vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, a été crée en 2002.
La MIVILUDES n’a pas vocation à définir ce qu’est une secte et ne tient pas
non plus un registre des mouvements sectaires. Sa mission est principalement
d’observer et de lutter contre les dérives sectaires. Elle s’intéresse aux atteintes
pouvant être portées, par tout groupe ou tout individu, à l’ordre public, aux lois et aux
règlements, aux libertés fondamentales et à la sécurité ou à l’intégrité des personnes
par la mise en œuvre de techniques de sujétion, de pressions ou de menaces, ou par
des pratiques favorisant l’emprise mentale et privant les personnes d’une partie de
leur libre arbitre.
Pour exercer sa mission de vigilance, elle s’appuie notamment sur un certain
nombre de critères de dangerosité définit sur la base des travaux de plusieurs
commissions d’enquête parlementaire et sur sa propre expérience :
 la déstabilisation mentale
 le caractère exorbitant des exigences financières
 la rupture avec l’environnement d’origine
 l’existence d’atteintes à l’intégrité physique
87
 l’embrigadement des enfants
 le discours antisocial
 les troubles à l’ordre public
 l’importance des démêlés judiciaires
 l’éventuel détournement des circuits économiques traditionnels
 les tentatives d’infiltration des pouvoirs publics.

Ainsi la MIVILUDES
 observe et analyse le phénomène sectaire
 coordonne l’action préventive et répressive des pouvoirs publics à l’encontre
des dérives sectaires
 informe le public sur les risques et les dangers auxquels il est exposé
Chaque année un rapport est rendu au premier ministre. (52)

Dans ses rapports de 2005 et 2006, la MIVILUDES avait attiré l’attention des
pouvoirs publics et de la population sur les graves dangers liés à l’utilisation de
substances dangereuses par certains groupes chamaniques ou issus de la
mouvance New Age. Elle avait a ce titre expliqué comment l’usage qui était fait de
l’ayahuasca et de l’iboga s’inscrivait dans une logique de mise sous emprise des
« patients » avec, dans la plupart des cas, une dérive sectaire comme définie ci-
dessus.
L’ayahuasca et l’iboga sont désormais classés au tableau des stupéfiants
(tableau B) par arrêtés parus au Journal Officiel en 2005 pour l’ayahuasca et 2007
pour l’iboga. La très grande réactivité des services de l’État, a contraint les
organisateurs de ce types de pratiques utilisant des produits désormais interdits, à
renoncer à l’usage de ces substances et de leur dérivés. Cependant ils ont su
s’adapter à ce nouveau contexte législatif en recherchant des produits de
substitution, peut être moins exotiques mais tout aussi dangereux pour la santé.
Et c’est le datura qui est maintenant utilisé pour ses propriétés hallucinogènes, car
cette plante ne fait pour le moment l’objet d’aucune législation précise. Un véritable
phénomène de mode entoure sa promotion, notamment via Internet, et les
personnes sensibles aux théories du chamanisme sont manifestement celles qui
montrent le plus d’intérêt pour le datura.

88
Des adeptes de mouvements chamaniques parlent du datura sur leurs blogs
et donnent de nombreux détails sur son mode d’administration, ses effets, et ils
justifient son image par l’histoire de cette plante et son rôle dans « l’art sorcier ».
Le recours à cette plante est également souvent évoqué dans des stages dits
de médiation où il est systématiquement rappelé que le datura est utilisé par les
chamans d’Amérique du Sud au même titre que l’ayahuasca.
Il a été constaté que plusieurs groupes qui prônent un retour au culte de la
nature font l’apologie du datura sur leurs sites et donnent même des détails précis
sur le mode d’utilisation de cette plante. Là encore, la justification de l’utilisation du
datura repose sur son usage très ancien, notamment dans le chamanisme
amazonien.
La publicité faite à cette plante via le web, au travers de son usage rituel par
de véritables chamans est particulièrement dangereuse. En effet la diffusion de
l’ayahuasca et de l’iboga était relativement confidentielle parce qu’il n’était pas aisé
de s’en procurer, alors que le datura est très facile à obtenir. C’est pourquoi il est
irresponsable de diffuser sur le net des conseils d’utilisation de ce type de substance
sous couvert de thèses chamaniques ou au motif du retour aux croyances anciennes
comme le druidisme, la mythologie grecque, latine... (14)
Quel que soit le jugement porté sur ces substances, dans notre pays, il faut bien
voir qu’elles obéissent essentiellement à un phénomène de mode, bien souvent basé
sur la recherche d’un changement de personnalité, d’un changement d’état de
conscience induit par leurs effets désinhibant en ce qui concerne les utilisateurs.
Le chamanisme Nord ou Sud-Amérindien contribue à la cohésion d’une tribu et il
s’appuie sur des rituels ancestraux parfaitement maîtrisés et qu’il n’appartient à
personne de juger, faute d’être en mesure d’en appréhender toute la portée. Les
motivations des chamans européens autoproclamés sont donc bien loin de ces
concepts. Leur capacité à s’adapter aux changements de la législation sur l’emploi
de certaines plantes les conduit pour sauver leur commerce à recourir à de nouvelles
substances comme le datura pour lesquelles ils ignorent les effets secondaires et
pour lesquelles ils ne possèdent aucun antidote. Le chamanisme « occidental »
mérite donc une vigilance particulière car il se développe sans cesse dans de
nouvelles voies.

89
3.4 Le réseau Internet et l’ambivalence de l’usage
Le réseau Internet met en valeur l’ambivalence de l’usage des plantes
hallucinogènes. Lorsque l’on s’adresse à des individus déjà initiés, voire des usagers
réguliers qui selon eux, ont de « bonnes raisons » de le rester, les messages, sur les
méfaits des drogues ou sur la réduction des dommages liés à leur consommation, ne
seront écoutés que si l’on admet par ailleurs les bénéfices que les usagers retirent de
ces pratiques. Internet constitue de plus un interlocuteur « déréalisé », avec lequel la
question du jugement et de la stigmatisation ne se pose pas.
La diffusion de substances comme le datura grâce à Internet, dont la vente est
présentée en miroir de conseils de production, de consommation et de réduction des
dommages, illustre finalement l’ambivalence des usages de substances
psychoactives. Le réseau Internet met les substances à disposition, informe sur les
effets recherchés et ressentis, tout en mettant en garde sur leurs méfaits et sur les
risques de l’usage. Les jeunes générations habituées à faire des recherche sur la
Toile peuvent aisément faire la différence entre un site, bien idéologiquement orienté,
dont le contenu est réfléchi et argumenté et des pages personnelles délirantes. Il est
plus difficile de différencier des sites réalisés par des profanes mais qui se veulent
scientifiques, les informations fausses peuvent alors être noyées au sein
d’informations fiables.
Il est difficile sans recherche empirique portant sur ce sujet de déterminer si
ces sites de vente et d’information ont pu favoriser l’expérimentation chez des
novices, ou si seuls des usagers déjà expérimentateurs y ont recours. Il serait
souhaitable d’effectuer un travail de grande ampleur sur les moteurs de recherche,
de façon à ce que les usagers en quête d’information sur les substances puissent
simultanément trouver à côté des sites déjà existants des informations vérifiées
scientifiquement. (5)

Aux États-Unis deux études ont été réalisées afin d’évaluer cet impact
d’Internet sur les consommations de datura.
La première réalisée entre 2002 et 2003 examine la relation entre les
informations sur les drogues véhiculées par Internet, et l’attitude d’un groupe de
douze adolescents consommateurs de drogues (âgés de 13 ans à 25 ans) face à ces
informations. Les items étudiés comprennent le sexe de l’individu, ses origines
ethniques, la fréquence d’utilisation d’Internet, le type d’information obtenue en ligne,
les drogues concernées par les recherches en ligne, l’effet des informations
90
recueillies sur l’opinion de l’individu, l’initiation ou la modification de l’utilisation de
cette drogue après recherche sur Internet, les sites consultés pour trouver
l’information, les autres sources d’information utilisées par l’individu interrogé et sa
perception de la validité de l’information recueillie.
Il en ressort de cette étude que les douze adolescents interrogés ont rapporté
un changement de comportement dans leur utilisation des drogues suite à la
consultation d’Internet. Dix des douze participants disent préférer l’information
recueillie sur des encyclopédies des drogues comme Erowid (www.erowid.org) aux
autres sources d’information comme les sites de lutte contre la drogue
gouvernementale, les manuels électroniques médicaux, les sites de ventes en lignes
des substances psychoactives, les forums... Seule une personne a vérifié
l’information en utilisant des sites scientifiques.
Ces données suggèrent qu’Internet influencerait le comportement d’une
grande partie des consommateurs de substances psychoactives. Bien que les sites
les concernant soient divers, il semblerait que les consommateurs préfèrent les sites
qui font la promotion de la consommation des drogues. On comprend donc l’ampleur
du danger auquel sont exposés ces consommateurs non avertis. Des études
complémentaires seraient utiles pour trouver les mécanismes par lesquels
l’information sur les drogues est disséminée sur Internet. (53)
Dans la seconde étude les auteurs ont fait simuler la démarche faite par ces
individus qui vont chercher des informations sur Internet. Sur le moteur de recherche
google (www.google.com) les mots clefs « Datura », « jimson weed » et « Datura
seed » ont été testés successivement. Les 200 premiers résultats pour chaque mot
clef ont été analysés.
Il en ressort que seize sites recommandent une utilisation du datura à visée
récréative sans mise en garde des dangers de cette pratique, avec diverses
recommandations sur l’administration et la description des effets psychotropes du
datura. Douze sites sont spécialisés dans la vente de graines du genre Datura. Un
site fait à la fois la promotion de la consommation de Datura et vend les feuilles de
Datura stramonium. A cela s’ajoute cent soixante-seize pages de vente de graines de
datura sur le site de vente en ligne ebay (www.ebay.com) et six pages sur celui
d’amazon (www.amazon.com). (54)

La diffusion comme drogue récréative du datura est récente. Soit, elle reste
marginale, mais elle semble être en augmentation chez les adolescents et les jeunes
adultes ces dernières décennies. Internet autorise la diffusion d’information sur le
91
datura auprès d’un public qui méconnaît les propriétés anticholinergiques de cette
plante. Son achat s’effectue le plus souvent par Internet. (5)
Alors que certains sites mettent en avant les effets néfastes de sa
consommation d’autres les minimisent, voire les omettent complètement et font une
promotion de la consommation de datura, ce qui est bien sûr très dangereux face un
public non instruit. (54)
Enfin et surtout, son usage n’est pas prohibé : un usager de psychotrope
prend plus de risques en transportant du cannabis que du datura. Le fait que la
substance ne soit pas interdite à l’usage, comme la production, relève plus souvent
pour les usagers d’une autorisation plus qu’un vide juridique. Ce paradoxe contribue
aussi chez eux à discréditer le discours officiel de prévention et de répression. (5)

92
CONCLUSION

L'intoxication au Datura stramonium n'est plus exceptionnelle. La faible


différence entre la dose hallucinogène et la doses toxique fait que la consommation
de datura est extrêmement dangereuse et le risque d'autant plus grand qu'il est
difficile pour le consommateur de prévoir la quantité ingérée avec ce type de
préparation. Les usagers des substances naturelles sont le plus souvent des
personnes en fin de carrière d’usage de drogues qui ont acquis de par leur
expérience une certaine assurance face au « contrôle des risques encourus ». Ce
comportement qui ignore les données scientifiques de la toxicité de la plante est très
dangereux.
Il est important de mettre en garde contre les risques liés à la
surconsommation en raison du délai avant obtention des effets, le jeune peut être
amené à consommer davantage.
Ce travail met également en lumière les risques d’accidents liés aux
consommations individuelles permises notamment par le mode d’approvisionnement
qu’est le réseau Internet, par ailleurs unique pourvoyeur d’informations précises dans
ce domaine. L’hallucination sous datura est, en effet, vécue comme une réalité et
s’accompagne d’une perte de conscience du danger.
En raison de leurs propriétés hallucinogènes, la consommation des diverses
parties de cette plante appartenant aux Solanacées semble être plébiscité à l’heure
actuelle. Celle-ci peut-être à l’origine d’une hospitalisation, surtout chez des sujets
jeunes à la recherche de sensations fortes. Les troubles du comportement, induits
par ces principes actifs peuvent être à l’origine d’acte inconsidérés dus aux troubles
psychiques et responsables de suicides.
La consommation de substances psychoactives s’inscrit dans une mode
actuelle et est quasiment incontournable à l'adolescence puisqu'on estime que seul
5% des jeunes garçons et filles en France sont totalement abstinents à l'âge de 18
ans (tabac compris). (11)
L'enjeu pour les intervenants de santé consiste à s'informer des évolutions des
pratiques dans ce domaine et à les aborder systématiquement afin de réduire les
risques liés à ces expérimentations. La consultation des sites internet d'usagers
constitue une bonne manière de suivre les tendances des usages, notamment via les
forums.

93
Faut-il pour autant interdire ce produit ? Le classement du Datura stramonium
au tableau des stupéfiants n’est pas évident à réaliser, notamment en raison de sa
présence un peu partout en Europe. Cette mesure n’empêcherait pas l’apparition de
nouvelles plantes dans les rituels chamaniques C’est pourquoi, plus qu’une
interdiction, c’est la prévention par voie d’information, et de formations auprès de
différents acteurs de santé, des personnels de l’enseignement et des services de
sécurité qui semble, en l’état, la plus à même d’enrayer le phénomène.
Même si à l’heure actuelle la consommation semble anecdotique voir en
diminution, l’engouement actuel pour les produits « naturels » et les sensations qu’ils
sont susceptibles de procurer, laissent imaginer une progression dans les années à
venir.
Il est vrai qu’au regard de la diversité qu’offre la nature en plantes
psychoactives, la mise en œuvre d’une politique répressive en matière d’usage des
substances psychoactives naturelles serait une tâche difficilement réalisable. C’est
pourquoi une information et une sensibilisation aux risques de l’utilisation de Datura
stramonium serait préférable pour une prévention des risques liés sa consommation.

94
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96
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générales [en ligne] http://www.meddispar.fr

97
ANNEXES

Annexe 1 : Légende des Indiens Zuni décrivant l’origine de leur plante la plus
sacrée, le Datura inoxia. (1)

« Dans les temps très anciens, un garçon et une fille, frère et sœur, vivaient à
l’intérieur de la Terre. Le garçon s’appelait A’neglakya et la fille A’neglakyatsi’tsa. Ils
venaient souvent dans le monde extérieur et s’y promenaient beaucoup, observant de
près tout ce qu’ils voyaient et entendaient pour le rapporter à leur mère. Leurs bavardages
incessant ne plurent pas aux Êtres Divins, fils jumeaux du Père du Soleil. Un jour où ils
rencontrèrent le garçon et la fille, les Êtres Divins demandèrent : « Comment allez-
vous ? » et le frère et la sœur répondirent : « Nous sommes heureux ». Ils racontèrent aux
Êtres Divins comment ils pouvaient endormir quelqu’un et lui faire voir des fantômes, le
faire se déplacer ça et là et débusquer des voleurs. Après cette rencontre les Êtres Divins
décidèrent qu’A’neglakya et A’neglakyatsi’tsa en savaient trop et qu’il fallait les bannir de
ce monde à tout jamais. Ils les firent donc disparaître dans la Terre pour toujours. Des
fleurs poussèrent à l’endroit où ils s’étaient enfoncés, des bleues, quelques-unes rouges
et d’autres encore, entièrement blanches. Ces couleurs sont celles des quatre points
cardinaux. »

98
Annexe 2 : Organisation et modalité de fonctionnement du dispositif TREND (55)

Le dispositif TREND (Tendances récentes et nouvelles drogues) a été créé en 1999


par la MILDT (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie) face à
la nécessité d’une réflexion approfondie sur l’évolution des modes de consommations des
substances psychotropes et le développement de la polytoxicomanie.
Dans les années 1990, la France était en effet dépourvue de structure chargée de
détecter et centraliser les tendances émergentes et récentes en matière d’usage de
drogues illicites. Le système français reposait essentiellement sur une série de dispositifs
travaillant de manière dispersée. Il fallait un dispositif de centralisation des données déjà
disponibles et développer l’observation afin de rendre possible la connaissance des
pratiques au sein des populations dites « cachées », tout en continuant à suivre les
populations s’inscrivant dans les usages les plus problématiques, et de permettre
d’identifier l’émergence de phénomènes qui, par définition, ne sont pas prévisibles.
La finalité de ce dispositif est de permettre aux pouvoirs publics d’anticiper les
évolutions et de prendre les décisions utiles au bon moment, et notamment d’adapter les
moyens de prise en charge des usagers de drogues.
Pour ce faire l’OFDT (Observatoire français des drogues et des toxicomanies) a été
créé. C’est un dispositif permanent d’observation en temps réel de l’évolution des modes
de consommation et des produits qui circulent. Ce projet s’appuie sur 2 piliers :
 Un réseau sentinelle, constitué d’acteurs impliqués dans le champ de la
toxicomanie (Médecins généralistes, professionnels des services d’urgence
hospitalière, professionnels des structures d’accueil pour les usagers, association
d’auto-support, ethnologues...) répartis sur 10 sites du territoire métropolitain : Lille,
Metz, Paris et sa banlieue, Rennes, Dijon, Lyon, Bordeaux, Toulouse et Marseille ;
et 3 sites outre-mer : Réunion, Martinique, Guyane.
 Une banque de données, SINTES (Système d’identification national des toxiques et
des substances), spécifiquement consacrée aux drogues de synthèse. Ce système
est fondé en amont sur un réseau de collecte comprenant à la fois des services
répressifs et des associations de réduction des risques (Médecins du monde,
Techno-Plus). En aval, pour l’analyse toxicologique, on retrouve des services et des
laboratoires travaillant pour les entités dédiés à la lutte contre le trafic (douanes et
police) et des laboratoires hospitaliers.

99
Le dispositif TREND exprime en plus la volonté d’intégrer au côté des acteurs
institutionnels, des professionnels du terrain mais aussi des ex-usagers et des usagers
afin d’avoir un réseau interactif.
En termes de population le réseau s’intéresse plus spécifiquement à des groupes de
personnes particulièrement consommatrices de produits psychoactifs, illicites, ou
détournés, qui tendent à échapper généralement aux dispositifs classiques d’observation
en population générale. Six thématiques principales ont été définies et structures les
stratégies de collecte et d’analyse des informations :
 Les groupes émergents d’usagers de produits
 Les produits émergents
 Les modalités d’usage de produits
 Les dommages sanitaires et sociaux associés à la consommation de drogues
 Les perceptions et représentations des produits
 Les modalités d’acquisition de proximité
Les espaces d’investigation du dispositif TREND concernent principalement l’ « espace
urbain » et l’ « espace festif techno ». Ces cadres, en plus de permettre l’observation des
pratiques de trafics et de consommation, permettent d’y rencontrer une part importante
des usagers de drogues et présentent une forte probabilité de repérer parmi les usagers
qui les fréquentent, des phénomènes nouveaux ou jamais observés jusqu’alors. Le
dispositif se concentre en effet sur des groupes de populations spécifiques beaucoup plus
consommatrices de substances psychotropes que la population générale d’âge équivalent.
Les constats qui en découlent ne peuvent donc pas être généralisés à l’ensemble de la
population.
L’ « espace urbain » défini par le dispositif TREND recouvre essentiellement le
dispositif des structures de première ligne réuni aujourd’hui sous le nom de CAARUD
(Centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques des usagers de
drogues).
L’ « espace festif techno » désigne les lieux où se déroulent des événements organisés
autour de ce style musical. Il comprend l’espace techno dit « alternatif » (free parties, rave
parties, teknivals) mais aussi les clubs, les discothèques ou les soirées privées.

Le dispositif TREND travaille en coopération avec des partenaires institutionnels afin


de croiser et de mettre en perspective l’information qu’il produit. Ce sont des dispositifs
institutionnels qui relèvent du système de santé publique ou des services en charge de

100
l’application de la loi comme par exemple les CEIP (Centre d’évaluation et d’information
sur la pharmacodépendance), l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite
des stupéfiants) ou l’INPES (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) et
l’OFDT pour les enquêtes en population générale.
Un rapport publié chaque année par le dispositif TREND est le résultat de la
confrontation des données recueillies au niveau local. Chaque site fournit à l’équipe de
l’OFDT responsable du réseau TREND une synthèse des observations de l’année, qui
deviendra en suite un rapport local ainsi qu’une base de données qualitatives indexées
selon une stratégie commune. Une synthèse générale et ainsi réalisée intégrant aussi les
informations produites par les systèmes partenaires, ce qui permet de réaliser un
croisement de l’information. (55)

101
Annexe 3 : Liste (non exhaustive) et structure chimique d’un certain nombre
d’alcaloïdes tropaniques de la plante (39)

 Atropine ou 3-atropoyloxytropane
 hyoscyamine

D,L atropine (racémique) ; L-hyoscyamine (lévogyre)

 Apoatropine ou 3-apotropoyloxytropane

 Scopolamine ou 3-apotropoyloxy-6,7-époxytropane ou hyoscine

 Aposcopolamine ou 3-apotropoyloxy-6,7-époxytropane

102
 7-hydroxyapoatropine

 Hygrine

 Aponorscopolamine

 Tropine

103
 Littorine

 Scopoline
 Scopine
 3-(hydroxyacétoxy) tropane
 3-hydroxy-6-(2-méthylbutyryloxy) tropane
 3α-tigloyloxy-6-hydroxytropane
 3,7dihydroxy-6-tigloyloxytropane
 3-tigloyloxy-6-propionyloxytropane
 3-phénylacétoxy-6,7-époxytropane,
 3-phénylacetoxy-6-hydroxytropane
 3-phénylacetoxy-6,7-époxynortropane
 3α,6α-ditigloyloxytropane
 7-hydroxyhyoscyamine
 3α,6α-ditigloyloxy-7-hydroxytropane
 6-hydroxyhyocyamine
 Pseudotropine
 3α-tigloyloxytropane
 Hydroxy-6-tigloyloxytropane
 3-phénylacétoxytropane
 3-tigloyloxy-6-(2-méthylbutyryloxy)tropane
 3-tigloyloxy-6-isovaléroyloxy-7-hydroxytropane
 Tropinone
 6-hydroxyacétoxytropane
 3,6-diacétoxytropane
 3-tigloxyloxy-6-acétoxytropane

104
 3-tigloyloxy-2-méthylbutyryloxytropane
 3α,6α-ditiglotoxytropane
 3-acétoxy-6-isobutyryloxytropane
 3-(2-phénylpropionyloxy)tropane
 6-hydroxyatropine ou 3-tropoyloxy-6-hydroxytropane
 6-hydroxyapoatropine ou 3-apotropoyloxy-6-hydroxytropane
 3α,6αditigloyloxy-7-hydroxytropane
 3-tropoyloxy-6-acétoxytropane
 3,6-dihydroxytropane
 3α-tigloyloxytropane
 3-tigloyloxy-6-propionyloxy-7-hydroxytropane
 3α-apotropoyloxytropane
 3α,6α-ditigloyloxytropane
 3-(3’acétoxytropoyloxy)tropane
 3α-tigloyloxy-6-hydroxytropane
 3-acétoxytropane
 3-hydroxy-6-acétoxytropane
 3-hydroxy-6-méthylbutyryloxytropane
 3-tigloloxy-6-isobutyryloxytropane
 aponorscopolamine
 7-hydroxyhyoscyamine
 Météloidine
 3α,6α-ditigloyloxytropane

105
Annexe 4 : Les substances vénéneuses

Sont considérées comme substances vénéneuses :


 les substances dangereuses (divisées en 9 catégories : très toxiques, toxiques,
nocives, corrosives, irritantes, sensibilisantes, cancérogènes, mutagènes et
toxiques pour la reproduction) ;
 les substances stupéfiantes ;
 les substances psychotropes ;
 les substances inscrites sur la liste I et liste II.
Deux catégories de dispositions dans la réglementation des substances vénéneuses
sont à distinguer :
 les matières premières utilisées pour les préparations magistrales ;
 les médicaments ou les produits assimilés (insecticides et acaricides destinés à être
appliqués sur l’homme, produits destinés à l’entretien ou à l’application des lentilles
oculaires de contact).
Pour les médicaments comportant des substances vénéneuses, ils sont classés par
arrêté soit comme stupéfiants soit sur la liste I pour les substances présentant des risques
les plus élevés pour la santé ou sur la liste II pour les autres.
Lorsqu’un médicament contient plusieurs substances ou préparations relevant d'un
classement différent, il est soumis au régime le plus strict selon l'ordre décroissant :
stupéfiant, liste I, liste II.
Un médicament peut ne pas être soumis à la réglementation des substances
vénéneuses bien qu’il en contienne lorsque :
 les doses et les concentrations sont suffisamment faibles ;
 il est utilisé pendant une durée de traitement très brève. Il bénéficie alors de
l’exonération.
La liste de médicaments et produits exonérés, pour lesquels sont précisées les formes
ou voies d’administration, la composition, les doses ou concentrations maximales, voire la
durée maximale de traitement, est arrêtée par le Ministère de la santé. (56)

106
GLOSSAIRE

ATU : Autorisation temporaire d’utilisation


BEP : Brevet d’études professionnelles
BNCI : Base nationale de cas d’intoxication
CAP : Certificat d’aptitude professionnel
CAPTV : Centre antipoison et de toxicovigilance aussi appelé CAP dans le langage
courant pour centre antipoison
CAARUD : Centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les
usagers de drogues
CCM : Chromatographie couche mince
CEIP : Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance
CEIP-A : Centre d’évaluation et d’information sur la pharmacodépendance -
addictovigilance
CG-SM : Chromatographie phase gaz couplé à la spectrométrie de masse
CL-BB : Chromatographie liquide avec paires d’ions
CLHP : Chromatographie liquide haute performance
CL-SM : Chromatographie liquide couplé à la spectrométrie de masse
CL-SM /SM : Chromatographie liquide couplé à la spectrométrie de masse tandem
CPG : Chromatographie phase gaz
ECG : Electrocardiogramme
INPES : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé
LSA : « Lyserg Säure amid » soit l’amide de l’acide lysergique
MILDT : Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie
MEDDISPAR : Médicaments à dispensation particulière
MIVILUDES : Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires
OCRTIS : Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants
OFDT : Office français des drogues et toxicomanies
OPPIDIUM : Observatoire des produits psychotropes illicites ou détournés de leur usage
médicamenteux
Remedi®: Rapid drug emergency identification Biorad
RMI : Revenu minimum d’insertion
SICAP : Système d’information commun des centres antipoison et de toxicovigilance
SINTES : Système d’identification national des toxiques et des substances
TREND : Tendances récentes et nouvelles drogues

107
Université de Lille 2
FACULTE DES SCIENCES PHARMACEUTIQUES ET BIOLOGIQUES DE LILLE
MEMOIRE de DIPLOME D’ETUDES SPECIALISEES
(tenant lieu de Thèse en vue du Diplôme d’Etat de Docteur en Pharmacie)
Année Universitaire 2011/2012

Nom : MARTEL
Prénom : Cécile

Titre de la thèse : Datura stramonium, une plante hallucinogène émergente en France

Mots-clés : Datura stramonium – Hallucinogène –Pharmacologie – Intoxication – Pratiques en


toxicomanie – Données épidémiologiques – Témoignages de toxicomanes – Dérives sectaires

Résumé : Riche en alcaloïdes, le Datura stramonium est incontestablement une plante


hallucinogène toxique et dangereuse, même à faible dose. Les effets souvent étranges et
inexpliqués des espèces du genre Datura, en ont fait une plante sacrée pour de nombreuses
civilisations à travers le monde. En Europe, elle renfermait au Moyen-âge le secret de nos
sorcières.
En parallèle de ces utilisations à visée hallucinogènes, Datura stramonium fut longtemps
utilisée en médecine pour le traitement de l’asthme. Son utilisation est désormais interdite.
La multiplication des drogues de synthèse depuis les années 90, favorise la consommation
et le goût pour des expériences toujours plus variées. Ce regain d’intérêt pour les hallucinogènes,
a élevé le Datura au rang de plante détournée en toxicomanie, d’autant plus que c’est une plante
facile d’accès.
Ce sujet s’intéresse plus particulièrement au niveau de consommation en France du Datura
stramonium et aux motivations de ses consommateurs souvent poly-toxicomanes et
expérimentés. De plus Internet, qui se développe depuis les années 90, semble jouer un rôle dans
les pratiques des usagers de plantes hallucinogènes. Alors quelles mesures, les autorités de
santé devraient-elles prendre fasse à ce phénomène ?

Membres du jury :

Président : Mr COURTECUISSE Régis, Professeur en Sciences Végétales et Fongiques. Faculté


de Pharmacie, Université de Lille II

Assesseur(s) : Mr ROUMY Vincent, Maître de conférences en Pharmacognosie. Faculté de


Pharmacie, Université de Lille II

Membre extérieur : Mr GOSSELIN Bertrand, Pharmacien titulaire à Roncq

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