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P15.1.6 Mortalité Et Santé en Afrique Subsaharienne

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6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

P15.1.6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

Participants INED : Géraldine Duthé, Gilles Pison (coresponsables), Bruno Masquelier


(UCL), Rila Ratovoson (doctorante, IPM), Clémentine Rossier (Unige), Emmanuelle
Cambois, Raphaël Laurent, France Meslé.

Collaborations et participants extérieurs :


Institut de recherche pour le développement (IRD, FR) : Valérie Delaunay, Laurence
Fleury, Cheikh Sokhna
Institut supérieur des sciences de la population de l’université de Ouagadougou (ISSP,
BF) : Abdramane Bassiahi Soura, Bruno Lankoande, Roch Modeste Millogo,
Yacouba Compaoré
Institut national de la statistique et de la démographie (INSD, BF) : Baya Banza
Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD, SN) : Binta Dieme,
Ibrahima Diouf, Cheikh Tidiane Ndiaye, Samba Ndiaye
Institut national de la statistique (INSTAT, MG) : Arsène Ravelo
Institut Pasteur de Madagascar (IPM, MG) : Patrice Piola
John Hopkins University (US) : Stéphane Helleringer
Columbia University (US) : Almamy Malick Kanté, Sally Findley
Chercheur retraité : Dominique Waltisperger

Résumé

N’ayant pas encore réussi à juguler totalement les maladies transmissibles et déjà en
proie aux maladies non transmissibles, les pays africains font face à un double fardeau
sanitaire. Par ailleurs, les inégalités de santé, qu’elles soient de nature géographique ou
sociale, sont très prononcées. Ce projet-phare a vocation à regrouper les recherches
menées à l'Ined sur ces différents aspects de la santé en Afrique subsaharienne.

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Note synthétique

Contexte et positionnement du projet


Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la plupart des régions du monde ont
bénéficié de progrès rapides en matière de santé. L’Afrique subsaharienne est restée en
marge de cette transition sanitaire, notamment en raison de l’apparition d’épidémies
(VIH surtout), de la recrudescence de maladies infectieuses (paludisme, tuberculose) et
de crises économiques et politiques récurrentes. Ces différents facteurs ont surtout
ralenti les progrès sanitaires durant la décennie 1990, et une reprise des progrès est
enregistrée depuis 2005, grâce à une forte mobilisation internationale et au recours à
quelques interventions spécifiques très efficaces. Par exemple, la couverture vaccinale
s’est grandement améliorée, la lutte contre le paludisme s’est accélérée avec la diffusion
de moustiquaires intégrées et le traitement préventif durant la grossesse, et l’épidémie
du VIH/sida est mieux contrôlée grâce à la prévention, et à la généralisation de l’accès au
dépistage et aux traitements. Les objectifs du millénaire pour le développement fixés en
2000 sur la baisse de la mortalité maternelle et des enfants n’auront cependant pas été
atteints dans cette région du monde. Les objectifs du développement durable fixés en
2015 maintiennent l’attention sur l’insécurité alimentaire, la santé des enfants, la santé
maternelle, et la lutte contre les maladies infectieuses. Ils mettent aussi en exergue le
besoin de réduire la mortalité liée aux maladies non transmissibles qui survient de
manière prématurée dans beaucoup de pays pauvres.
Avec le vieillissement démographique, le poids des maladies non transmissibles
(essentiellement maladies cardiovasculaires, cancers, maladies respiratoires et diabète)
dans la mortalité augmente. On assiste parallèlement à une montée de maladies dites de
sociétés (tabagisme, obésité…) liées aux comportements des individus qui constituent
des facteurs de risque de maladies non transmissibles. Dans de nombreuses villes
africaines notamment, une part non négligeable de la population est en surpoids. Les
individus qui souffrent de ces maladies chroniques vivent en mauvaise santé ou avec des
incapacités. Or en Afrique subsaharienne, la prise en charge de ces maladies et de leurs
conséquences est inaccessible voire inexistante et la prévention encore balbutiante.
N’ayant pas encore réussi à juguler totalement les maladies transmissibles et déjà en
proie aux maladies non transmissibles, les pays africains font ainsi face à un « double
fardeau sanitaire ». Par ailleurs, les inégalités de santé, qu’elles soient de nature
géographique ou sociale, sont très prononcées. Ce projet-phare a vocation à regrouper
des projets impliquant des chercheurs de l’Ined portant sur ces différents aspects de la
santé en Afrique subsaharienne.

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Objectifs spécifiques
Les recherches de ce projet se situent principalement dans trois pays de la région : le
Sénégal, Madagascar et le Burkina Faso, mais ces travaux éclairent la situation
d’ensemble. Ce projet se décompose en deux parties.
La première partie regroupe les recherches menées sur la mortalité (niveaux, causes de
décès, tendances, inégalités) :
• Transition sanitaire au Sénégal
• Transition sanitaire dans les villes malgaches
• Démographie, mortalité et causes de décès dans le district de Moramanga,
Madagascar
• Inégalités de mortalité au Sénégal
• Mortalité dans les quartiers périphériques de Ouagadougou : inégalités face au
double fardeau sanitaire

La seconde partie regroupe des études menées sur la morbidité et ses conséquences en
particulier chez les adultes (facteurs de risque, inégalités, handicap).
• Inégalités de santé dans les quartiers périphériques de Ouagadougou
• Maladies chroniques à Ouagadougou : prévention des causes et conséquences

Méthodologie
La mesure des indicateurs démographiques dans les pays les plus pauvres où la
statistique publique est insuffisante est un champ de recherche développé dans le projet
phare « Mesures démographiques au sud : de la collecte aux indicateurs » de l’UR 15.
Pour étudier la mortalité dans ces pays, de nombreuses sources de données sont
mobilisées de manière indépendante ou croisée : enquêtes démographiques et de santé,
suivis de population, recensements, état civil lorsqu’il existe.
Ces travaux s’inscrivent dans de nombreuses collaborations existantes que ce soit au
niveau local, national ou international. De manière institutionnelle, les instituts
nationaux de statistique des pays concernés sont associés. Plusieurs de ces
collaborations sont couvertes par le programme européen de mobilités internationales
Demography Statistics for Africa (DemoStAf, projet S15.2.6).

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Note d'objectifs détaillée

PREMIÈRE PARTIE : CONTEXTE ET POSITIONNEMENT

1. Transition sanitaire en Afrique subsaharienne : où en est-elle ?

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la plupart des régions du monde ont
bénéficié de progrès rapides : dans le monde, dans les soixante dernières années,
l’espérance de vie à la naissance est passée de 46 à 68 ans pour les hommes et de 48 à
72 ans pour les femmes (Nations Unies 2015a). Malgré des progrès relativement
importants, l’Afrique reste toutefois très en marge du point de vue de la situation
sanitaire. Le continent est caractérisé par des évolutions très différentes d’une région à
l’autre. En Afrique du Nord, les progrès ont été constants et on estime actuellement que
le niveau d’espérance de vie est similaire à la moyenne mondiale. L’Afrique australe,
initialement la région la plus avancée du continent, a vu ses progrès complètement
anéantis par l’épidémie du VIH/sida : entre la fin des années 1980 et le début des années
2000, l’espérance de vie des femmes a ainsi perdu plus de 10 ans. L’Afrique de l’Est a
aussi été fortement marquée par l’épidémie même si la baisse a été moins spectaculaire
en raison d’un niveau de mortalité initialement plus élevé. Avec l’accès grandissant des
personnes vivant avec le VIH aux multi thérapies, les dernières années marquent un
tournant dans l’histoire sanitaire de cette région du monde et des progrès importants
sont en cours. L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale sont deux régions du monde où la
mortalité reste encore particulièrement élevée. Là aussi, la décennie 1990 a été une
période de stagnation voire de recul des progrès pour différentes raisons : outre
l’épidémie de VIH/sida, la recrudescence du paludisme, la persistance ou l’émergence de
conflits ou troubles politiques, la dégradation des services sanitaires et des conditions
socio-économiques. Début des années 2010, les espérances de vie y sont toujours
inférieures à 55 ans.
D’un point de vue démographique, la baisse de la mortalité aboutit à une transition
épidémiologique (Omran 1971) : les individus survivent à des âges de plus en plus
élevés et les risques de développer des maladies de dégénérescence liées aux
dysfonctionnements de l’organisme augmentent. En outre, lorsque que la fécondité
baisse, la proportion d’enfants dans la population baisse, celle d’adultes s’accroit, faisant
augmenter la part de décès adultes dans la totalité des décès et le poids des maladies
non transmissibles dans les causes de décès. Avec le développement, on assiste
parallèlement à une montée de maladies dites de sociétés (consommation d’alcool,
tabagisme, obésité…) liées aux comportements des individus qui constituent des
facteurs de risque de maladies non transmissibles. Les maladies non transmissibles,
pour la plupart chroniques, sont les principales causes de décès et d’incapacité dans le
monde, causant chaque année plus de décès que toutes les autres causes combinées (38
millions de décès chaque année) (OMS 2011). Parmi ces maladies, quatre groupes sont
responsables de plus de 80% des décès : les maladies cardiovasculaires, les cancers, les
maladies respiratoires et le diabète. S’il est attendu qu’aux âges les plus élevés, les
maladies de dégénérescence soient responsables de la plupart des décès, elles peuvent
survenir à des âges relativement jeunes, on parle alors de mortalité prématurée1.

1 L’OMS considère actuellement que cette mortalité est prématurée en dessous de 70 ans. Ce seuil reste
toutefois arbitraire et on trouvera selon les études et les contextes d’un seuil à 60, 65 ou encore 75 ans.

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D’après l’OMS, plus de huit de ces décès prématurés sur dix surviendraient actuellement
dans les pays à revenu faible ou intermédiaire (OMS 2015).
Avec la persistance de maladies transmissibles ou liées à la reproduction sur le
continent (malnutrition, mortalité maternelle, couverture vaccinale, épidémie de VIH,
récente épidémie du virus Ebola…), le passage des maladies transmissibles aux maladies
non transmissibles est encore assez confus en Afrique subsaharienne mais il est tout de
même en marche. N’ayant pas encore réussi à juguler les premières et déjà en proie aux
secondes, les pays africains font ainsi face à ce que l’OMS a nommé la « double charge
des maladies » (double burden of diseases).
La rédaction de ce projet coïncide avec le lancement des Objectifs pour le
développement durable (ODD ou Sustainable Development Goals, SDGs) qui succèdent
aux Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD ou Millenium Development
Goals, MDGs) définis en 2000 (Nations Unies 2015). Des progrès importants ont été
réalisés au cours des quinze premières années du millénaire, notamment en termes de
pauvreté, d'éducation, de santé et d'accès à l'eau potable, mais les efforts doivent être
maintenus en particulier en Afrique subsaharienne. La santé des populations est
abordée dans plusieurs SDGs mais le troisième y est entièrement consacrée avec des
cibles devant permettre de réduire la mortalité maternelle, la mortalité des enfants,
endiguer le VIH/sida, la tuberculose, le paludisme, et autres maladies transmissibles, et
réduire la mortalité prématurée liée aux maladies non transmissibles.

2. Le poids des inégalités de santé

Le sujet des inégalités est un point central du programme de développement durable à


l’horizon 2030 adopté en septembre 2015 par l’assemblée des Nations Unies avec dès le
préambule la volonté de ne laisser personne de côté (no one left behind). Dans le
domaine de la santé, les études portant sur les inégalités qu’elles soient de nature
géographique, économique ou sociale sont essentielles pour identifier les freins aux
progrès, cibler les personnes plus vulnérables et mieux appréhender l’hétérogénéité de
la population dans la préparation des programmes de santé.
Au niveau du sous-continent, l’Afrique subsaharienne regroupe une importante
population vivant en zone tropicale, sous un climat favorable au développement de
nombreux éléments pathogènes spécifiques et à la présence de beaucoup de maladies
infectieuses et parasitaires (paludisme à Plasmodium falciparum, fièvre jaune, filariose,
onchocercose, etc.). De surcroît, l’Afrique subsaharienne connaît aussi des sècheresses
qui provoquent d’importants problèmes d’insécurité alimentaire aggravés par une
tendance à la diminution des précipitations (Amat-Roze, 2000).
Au niveau national, on oppose très fréquemment le monde urbain au monde rural. Les
conditions sanitaires dans les campagnes sont en effet moins bonnes qu’en milieu
urbain : l’accès aux soins y est beaucoup plus difficile en raison des distances, de la
pénurie de personnel et encore de l’absence d’emplois formels permettant de disposer
d’une protection sociale (OIT 2015). La sécurité alimentaire y est aussi bien moins bien
assurée et l’accès à l’eau potable beaucoup moins fréquent. Cependant, cette vision
simpliste masque de fortes inégalités au sein des villes avec des groupes de population
pouvant connaitre des conditions de santé parfois pires qu’en zone rurale. C’est ce que
plusieurs études ont montré pour les enfants pauvres des villes, en particulier ceux
vivant dans des bidonvilles (Timaeus et Lush 1995, Gould 1998, Montgomery et al. 2005,
Fotso 2007, Bocquier et al. 2011, Günther et Harttgen 2012). Les conditions sanitaires
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dans les quartiers informels peuvent être particulièrement mauvaises (Baker et Schuler
2004, WHO UN habitat 2010) dans la mesure où ils se caractérisent par une absence
d’infrastructures comme l’approvisionnement en eau potable ou un service d’évacuation
des eaux salles. Avec une forte densité de population, ces zones sont particulièrement
propices à la diffusion des maladies infectieuses. Souvent localisés à la périphérie de la
ville, dans des zones peu attractives, les habitants de ces quartiers peuvent également
être exposés à la pollution ou aux risques environnementaux dus à la proximité d’usines
ou de décharges de déchets. La littérature montre aussi que la criminalité et les autres
violences peuvent être élevées dans ces zones (Kyobutungi et al. 2008).
Outre les conditions environnementales, les caractéristiques individuelles et celles des
ménages sont particulièrement influentes. Le niveau de vie individuel joue en effet un
rôle déterminant dans les inégalités de santé (Montgomery, Hewett, 2005 ; James et al.
2006). La différence entre les zones rurales et les zones urbaines en matière de
malnutrition des enfants serait en grande partie expliquée par les différences de niveau
socioéconomique (Fotso 2007). Le niveau d’instruction est déterminant dans la
mortalité des enfants (Caldwell 1979, Cleland et van Ginneken 1988).
Les changements démographiques qui surviennent en Afrique font émerger de
nouvelles situations sociales et économiques : qu’elles soient associées à de nouveaux
comportements (liés par exemple à l’alimentation) ou encore à l’adaptation d’anciens
comportements à de nouvelles configurations (comme le statut des enfants confiés,
l’exposition aux risques des migrants…). Aux âges adultes, ce champ de recherche est
encore peu exploré à cause du manque de sources. Dans le domaine des inégalités de
santé, les rapports sociaux de sexe sont généralement prépondérants. Or, si les
différences de genre ne sont pas marquées en Afrique subsaharienne (Gbenyon et
Locoh, 1989, Garenne 2005), des analyses fines montrent qu’elles existent que ce soit
dans l’enfance (Aaby et al. 1995) ou à des âges élevés (Duthé et al. à paraître).

3. Mesurer la mortalité et la santé en Afrique subsaharienne

Malheureusement, c’est dans cette région du monde que les données démographiques et
sanitaires font le plus défaut. La mesure des évolutions de mortalité et de santé et des
inégalités se heurte à l’absence de production régulière de données statistiques fiables.
En Afrique subsaharienne dans les années 2000, seuls 38% des enfants de moins de 5
ans sont enregistrés à l’état civil (UNICEF 2011). L’enregistrement des décès et de leur
cause reste rare dans cette région du monde. Les données sanitaires proviennent donc
de différentes sources. Les enquêtes démographiques et de santé constituent la
principale source de données pour estimer la mortalité des enfants (sur la base des
histoires génésiques des femmes interrogées). Elles fournissent également des données
pour estimer la mortalité adulte sur la base des informations données sur la fratrie des
personnes interrogées. Ce type de méthode est aussi utilisé dans les recensements
(décès d’un membre du ménage dans les 12 mois) (Timæus, 1996). À partir des
recensements, il est possible d’estimer la mortalité adulte grâce à des techniques basées
sur la survie et l’accroissement intercensitaire de la population (Preston et Bennett
1983). Une autre méthode se base sur le niveau de mortalité infantile à partir de tables
types de mortalité telles que celles développées par Coale et Demeny (Murray et al.
1992) mais elles ne s’appliquent pas bien aux populations africaines (Wunsch 1984 ;
Duchêne 1999). Pour mesurer la mortalité adulte, la collecte des informations sur les
proches (membres d’un même ménage, d’une fratrie, ou des parents) est assez courante

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(Masquelier 2013), en particulier la méthode des sœurs dans les EDS pour estimer la
mortalité maternelle.
Pour pallier au déficit de données, de nombreux sites de suivi démographique et de
santé ont été mis en place, la plupart étant situés en Afrique subsaharienne et en Asie. La
taille de la population suivie est très variable : de quelques milliers à plusieurs centaines
de milliers (Pison 2005). Le réseau Indepth propose de plus en plus des outils
standardisés de collecte et d’analyse des données. L’analyse des causes de décès, qui
permet de mieux identifier les problèmes de santé auxquels les populations doivent
faire face, est une étape essentielle dans l’élaboration de réponses sanitaires adéquates.
Un des grands atouts de ces suivis est de fournir une statistique de causes de décès
établie à partir de la méthode d’autopsie verbale : lorsqu’un décès est recensé, un proche
est questionné sur les circonstances de ce décès et l’histoire la maladie ayant conduit au
décès (symptômes, traitements, etc.). Ces informations permettent d’établir une cause
probable de décès soit par l’avis de médecins, soit par une méthode probabiliste.
La mesure des indicateurs démographiques est un champ de recherche développé dans
le projet phare « Qualité des données et des indicateurs au Sud : évaluation et
amélioration » de l’UR 15, les différentes sources de données sur lesquelles s’appuient
les recherches de ce projet phare y sont détaillées. Elles se concentrent essentiellement
sur trois pays de cette région : le Sénégal et le Burkina Faso en Afrique de l’Ouest,
Madagascar à l’Est du continent.
• Au Sénégal, les sources d'information y sont relativement nombreuses et les
collaborations avec l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD)
et l’Institut de recherche pour le développement (IRD) fructueuses. De nombreuses
sources sont ainsi mobilisées pour étudier la mortalité et ses tendances en particulier
les EDS, les recensements, ainsi que les trois observatoires de population situés en
milieu rural qui existent depuis plusieurs décennies (Bandafassi, Mlomp et Niakhar).
Ces trois observatoires sont maintenus par l’Institut de recherche pour le
développement (IRD) avec la collaboration de l’INED. Ils sont situés dans des régions
différentes du pays et reflètent en partie la diversité en milieu rural au Sénégal, en
matière d’environnement (climat, milieu de vie) et de population (densité,
composition ethnique, religion). Le site de Bandafassi est situé dans la région de
Tambacounda, et sa population (près de 14 000 personnes en 2015) est suivie depuis
1970 (Pison et al. 2014); Mlomp est situé dans la région de Ziguinchor, et sa
population (environ 8 000 personnes en 2015) est suivie depuis 1985 (Pison et al.
1993); Niakhar est situé dans la région de Fatick et sa population (environ 45 000
personnes en 2015) est suivie depuis 1962 (Delaunay et al. 2013).
• Au Burkina Faso, l’INED collabore avec l’Institut supérieur des sciences de la
population (ISSP) de l’université de Ouagadougou aux projets de recherche menés à
partir de l’Observatoire de population de Ouagadougou (OPO), un des rares sites
urbains d’Afrique. Des données sur la mortalité de près de 80 000 habitants y sont
recueillies en routine depuis 2009 et des données sur la santé y ont été collectées au
moment d’une enquête en 2010 (Rossier et al. 2012).
• À Madagascar, un permis d’inhumer étant obligatoire dans les grandes villes, en
particulier à Antananarivo la capitale, des registres municipaux comportent des
informations sur les décès et leurs causes. Elles permettent de retracer les évolutions
sanitaires des habitants des villes. Dans la région de Moramanga, les habitants de
trois communes couvrant des zones urbaines, rurales et péri-urbaines font l’objet
d’un suivi démographique depuis fin 2012 (environ 70 000 personnes).

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DEUXIÈME PARTIE : PROJETS DE RECHERCHE

L’ambition de ce projet n’est pas de mesurer les évolutions sanitaires sur l’ensemble de
la région au sud du Sahara, il traite par exemple peu de l’épidémie de VIH-sida dont la
prévalence est restée relativement faible dans les trois pays plus particulièrement
étudiés dans ce projet. Cependant, ce projet contribue à sa connaissance à partir
d’études de cas détaillées sur l'évolution de la santé et de la mortalité en relation avec le
contexte général, les comportements individuels et les politiques de santé publique.
Les travaux regroupés dans ce projet portent sur des niveaux géographiques différents
(quartiers, villages, villes ou pays) et suivent des méthodologies propres mais leur
objectif est commun : produire et promouvoir les données démographiques et
sanitaires ; étudier la mortalité, ses niveaux, ses causes et ses évolutions lorsque les
données le permettent ; explorer certains problèmes de santé des populations
africaines, en particulier ceux des adultes encore peu pris en charge et enfin mesurer les
inégalités en matière de mortalité et de santé.
Ce projet se décompose en deux parties. La première partie regroupe les recherches
menées sur la mortalité (niveaux, causes de décès, tendances, inégalités). La seconde
partie regroupe des études menées sur la morbidité et ses conséquences en particulier
chez les adultes (maladies chroniques, handicap). Orientée vers de nouvelles questions
de recherche, cette partie est moins conséquente que la première mais devrait s’étoffer
au fil des prochaines années.

1. Mortalité de la population : niveaux, structure, tendances et inégalités

Transition sanitaire au Sénégal


Participants : Gilles Pison, Bruno Masquelier, Géraldine Duthé, Valérie Delaunay, Laurence Fleury, Cheikh
Sokhna, Binta Dieme, Ibrahima Diouf, Cheikh Tidiane Ndiaye, Samba Ndiaye, Stéphane Helleringer,
Almamy Malick Kanté

Pour mieux comprendre le rôle des différents facteurs de frein à la baisse de la mortalité
en Afrique, ce projet étudie le cas du Sénégal, un pays marqué par des évolutions
incertaines de mortalité (Pison et al. 2013, Masquelier et al. 2014) et pourtant
relativement peu touché par l’épidémie de sida avec une proportion de personnes ayant
entre 15 et 49 ans infectées par le VIH qui est restée inférieure à 1% (ANSD 2012). Ce
projet mobilise l’ensemble des sources de données disponibles pour ce pays, qu’elles
soient nationales (recensements, enquêtes) ou locales (observatoires de population)
pour étudier la transition sanitaire dans ce pays. Il s’articule autour de deux axes :

Mécanismes des évolutions récentes de la mortalité des enfants


La mortalité infanto-juvénile a beaucoup reculé depuis 60 ans au Sénégal, mais de façon
heurtée, avec des périodes de ralentissement, voire de ré-augmentation comme dans les
années 1990, puis de regain des progrès notamment dans la période récente. Pourquoi
l’évolution de la mortalité n’a-t-elle pas été régulière ? Quelle a été l’influence de
l’émergence ou de la recrudescence des pathologies infectieuses mentionnées plus haut
(sida, paludisme, tuberculose, choléra) ? Quels rôles ont joué l’évolution de l’offre
sanitaire de base (infrastructures, personnel) et les programmes spécifiques
(vaccinations, lutte contre le paludisme, etc.) ? Les conditions socio-économiques ont-

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elles joué ? L’étude consiste à retracer puis expliquer les évolutions des niveaux de
mortalité mais aussi des causes de décès telles qu’on peut les observer dans les
populations suivies. Dans les trois observatoires de population, la mortalité a pu être
suivie et les causes de décès étudiées de façon détaillée sur une longue période (Pison et
al. 1993, Desgrées du Loû et al. 1996, Delaunay et al. 2001, Guyavarch 2003, Duthé 2006,
Kanté 2009). Cette étude se poursuit en s’intéressant aux tendances les plus récentes.
Trois facteurs semblent avoir joué un rôle clé dans les accélérations et les
ralentissements des années 1990 et 2000 :
• Les fluctuations de la couverture vaccinale. L’essoufflement de l’effort en matière
de vaccinations dans les années 1990 explique sans doute en partie l’arrêt de la
baisse de la mortalité chez les enfants à cette période. La mortalité a repris sa
baisse au début des années 2000 sans doute en partie en raison de la reprise de
l’effort vaccinal.
• La recrudescence du paludisme et la lutte contre cette maladie. Les résistances
du parasite à la chloroquine se sont diffusées à la fin des années 1980 et au début
des années 1990 au Sénégal, entraînant une forte remontée de la mortalité
palustre (Trape et al. 1998, Duthé 2006, Duthé 2008). Le recours à de nouveaux
moyens de lutte, les moustiquaires imprégnées et les nouveaux traitements
(ACT) notamment, ont endigué cette remontée et réduit la mortalité palustre à la
fin des années 1990 et dans les années 2000 (OMS 2012).
• La lutte contre la poliomyélite et le programme de distribution de vitamine A. La
fin des années 1990 a vu l’organisation périodique de journées de vaccination
contre la poliomyélite un peu partout dans le monde dans le cadre de
l’éradication de cette maladie. En Afrique subsaharienne, elles ont été
accompagnées de distributions de vitamine A et de vaccinations ou
revaccinations contre la rougeole, auxquels se sont ajoutés quelques années plus
tard d’autres interventions comme des traitements de déparasitage. Ces actions
ont sans doute joué un rôle important dans la baisse rapide de la mortalité des
années 2000. L’hypothèse a été émise que la vaccination contre la poliomyélite
avait un effet favorable non spécifique sur la survie des enfants, faisant baisser la
mortalité toutes causes même en l’absence de circulation de la maladie. Cette
hypothèse sera testée en comparant dans les observatoires la mortalité des
enfants de moins de 5 ans avant et après chaque campagne nationale.

Niveaux et tendances de la mortalité des adultes


Le projet vise plus particulièrement à évaluer les estimations de la mortalité adulte à
partir des différentes sources de données. Ce volet est présenté dans le projet phare
« Qualité des données et des indicateurs au Sud : évaluation et amélioration » de l’UR 15.
Au-delà de leurs considérations méthodologiques, ces études permettent aussi d’en
déduire des informations plus fines sur les niveaux et causes de décès. Certaines
thématiques sont traitées dans le seul cadre des suivis de population en particulier les
décès maternels (Pison et al. 2000), le poids des maladies non transmissibles (Duthé et
Pison 2008), les accidents et autres décès violents (Guyavarch et al. 2010) ou encore les
personnes âgées (Duthé et al. 2010). Elles continueront d’être étudiées mais de manière
plus articulées avec les données disponibles au niveau national.

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Transition sanitaire dans les villes malgaches


Participants : Bruno Masquelier, Gilles Pison, Dominique Waltisperger, Arsène Ravelo, Patrice Piola

Peu de pays africains disposent d’un système exhaustif d'enregistrement des décès, et la
mortalité par cause est donc souvent modélisée, à défaut d’être mesurée. En dehors de
l'Afrique du Sud et de certains territoires insulaires (tels que le Cap-Vert et l’Île
Maurice), seule une minorité de décès sont déclarés à l’état civil, et cette déclaration
n’est pas nécessairement associée à l’établissement d’une cause de décès par du
personnel de santé qualifié. Madagascar ne fait pas exception. Son système d'état civil a
pourtant été créé très tôt, à la fin du 19e siècle, lorsque le Royaume Mérina contrôlait la
majeure partie du territoire malgache. L’administration coloniale française tenta plus
tard d’étendre l’état civil sur toute l'île, mais la couverture de l'enregistrement des décès
n’a probablement jamais dépassé 60% (Courbage et Fargues 1979). Actuellement, les
niveaux et tendances de la mortalité à Madagascar sont pour l’essentiel estimés à partir
d’enquêtes à larges échantillons telles que les Enquêtes Démographiques et de Santé
(EDS), le dernier recensement datant de 1993. Dans les grandes villes, l’enregistrement
des décès est plus systématique, car il est nécessaire à l’obtention de permis d’inhumer.
À Antananarivo, la capitale malgache, les registres conservés au Bureau Municipal
d’Hygiène d’Isotry ont déjà permis de documenter l’évolution de la mortalité par cause
depuis 1900 (Masquelier et al. 2014, Waltisperger et al. 1998, Waltisperger et Meslé
2005). Dans d’autres grands centres urbains, un système d’enregistrement des décès est
également mis en place, mais la complétude de l’enregistrement des décès reste mal
connue.
Poursuivant le travail mené notamment par des chercheurs de l’INED depuis plusieurs
années et en collaboration avec l’institut national de statistique (INSTAT) et l’Institut
Pasteur de Madagascar, ce projet consiste à exploiter les données de registres de décès
malgaches pour répondre à la fois à des questions d’ordre méthodologique et à des
interrogations plus substantielles sur la nature de la transition sanitaire dans le pays. Ce
projet s’articule autour de quatre axes :

Évolution de la mortalité imputable aux maladies non transmissibles depuis 2005


Les registres de décès de la capitale mettent en évidence la part croissance des décès
causés par les maladies cardiovasculaires, les cancers et les accidents et blessures
(estimée à 51% des décès sur la période 2008-2012) (Masquelier et al. 2014). Cette
évolution, qui est conforme au schéma de la transition épidémiologique, appelle une
analyse plus fine des différents types de maladies cardiovasculaires, des différents
cancers concernés, et des principales causes de décès violents, notamment chez les
personnes de 50 ans et plus.

Exploitation des registres de décès hospitaliers pour reconstituer les évolutions


sanitaires
À ce jour, le Système National d'Information Sanitaire (SNIS) utilise les rapports
mensuels des établissements de santé pour produire ses statistiques. Or les décès qui
surviennent dans les établissements de santé concernent des pathologies spécifiques et
des populations qui sont non représentatives de la population générale. Par exemple, les
décès des suites de blessures intentionnelles ont rarement lieu dans les hôpitaux,
contrairement aux décès périnataux par troubles respiratoires. Dans cet axe, nous

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P15.1.6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

analysons la proportion de décès par âge et cause qui surviennent dans les hôpitaux afin
de mesurer les biais qui entachent les statistiques basés uniquement sur les statistiques
hospitalières et éventuellement développer des facteurs d’ajustement (Murray et al.
2007).

Saisonnalité des décès depuis 1900


La mortalité n’est pas répartie uniformément au cours de l'année. Elle épouse des
variations saisonnières qui résultent soit de problèmes liés à la régulation thermique
des individus, soit indirectement, de la prolifération des vecteurs de maladies
infectieuses ou d’agents pathogènes, ainsi que des variations au niveau des ressources
alimentaires. L’examen de la saisonnalité des décès peut permettre d’améliorer la
planification sanitaire, par exemple par la mise en place des systèmes d’alertes précoces
sur certaines maladies en cas de conditions météorologiques extrêmes. Dans cet axe,
nous analysons la saisonnalité des décès par cause à Antananarivo depuis 1900 et
cherchons à évaluer comment ces tendances saisonnières ont changé au fil du temps.
Sur la période plus récente (à partir de 1973), des données mensuelles sur la
température et les précipitations sont disponibles et nous examinons les causes de
décès qui sont les plus sensibles aux conditions météorologiques.

Qualité des données et complétude de l’enregistrement des décès dans les autres villes
malgaches.
À Antananarivo, l’enregistrement des décès des six arrondissements du centre-ville peut
aujourd’hui être considéré comme quasiment exhaustif. La situation dans les autres
centres urbains (Tamatave, Antsirabé, Fianarantsoa, Mahajanga, Tuléar, et Diego-
Suarez) est cependant moins bien connue. Dans cet axe, avec la collaboration des
directions régionales de l’INSTAT et des différents médecins chefs des BMH, nous
cherchons à évaluer l’état de l’enregistrement des décès dans les autres villes malgaches
(y compris les procédures mises en place pour une cause de décès) pour évaluer ensuite
la complétude de l’enregistrement des décès à l’aide de techniques démographiques.
L’objectif est d’élaborer une base de données commune couvrant l’ensemble des
principales villes malgaches.

Démographie, mortalité et causes de décès dans le district de Moramanga,


Madagascar
Participants : Rila Ratovoson, Patrice Piola, Gilles Pison, Bruno Masquelier

D’après les Nations Unies, la mortalité baisse à Madagascar tout en restant encore assez
élevée : l’espérance de vie à la naissance se situerait autour de 65 ans en 2014. La
mortalité infanto-juvénile serait de 72‰ pour la période 2002-2009, et la mortalité
maternelle de 498 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes (INSTAT et ICF
Macro 2010). Ce type d’estimation reste cependant assez incertaine (Pison 2001). Les
incertitudes sur les causes de mortalité sont également importantes.
L’Institut Pasteur de Madagascar (IPM) a mis en place un observatoire de population et
de santé à Moramanga, un district localisé à 100km à l’est d’Antananarivo, dans la région
d’Alaotra Mangoro. C’est une zone carrefour entre la capitale et Tamatave, la première
ville portuaire de l’Est de Madagascar. La zone d'étude compte environ 70 000 habitants
en 2014. Elle couvre trois communes : Moramanga ville, Ampasimpotsy, et Ambohibary.

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P15.1.6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

Ces communes sont elles-mêmes divisées en ‘fokontany’ (quartiers) qui sont au nombre
de 30 au total. Les informations géographiques de toutes les constructions dans ces
‘fokontany’ (habitations, bâtiments administratifs, centres de santé…) ont été
enregistrées et spatialisées. La population est de trois types : rurale, urbaine et péri-
urbaine. Les trois communes fournissent la majorité des patients vus dans le centre de
santé materno-infantile de Moramanga.
Un premier recensement de la population de la zone d’étude a eu lieu à partir de fin
2012 et s’est étalé sur plus d’un an. Une mise à jour a eu lieu dans tous les ménages au
début de 2014, fournissant un état de la population au temps 0, état considéré comme le
recensement initial. Le questionnaire de ce recensement comporte 8 volets :
l’installation dans la zone d’étude, la composition du foyer, les caractéristiques de
l’habitat et les biens possédés par le foyer, l’hygiène, l’alimentation des mères et des
enfants de moins de 5 ans, l’accès aux soins, la fécondité et la mortalité. Depuis ce
recensement initial, la population est suivie par enquête à passages répétés avec
enregistrement des événements démographiques comme les naissances, les décès et les
migrations.
À chaque passage annuel, tous les décès survenus depuis le passage précédent sont
recueillis, et chacun fait l’objet d’une enquête d’autopsie verbale (AV) pour en préciser la
cause. Des enquêteurs formés spécialement pour cela interrogent le membre du ménage
qui s’est occupé du décédé avant sa mort en utilisant un questionnaire d’autopsie
verbale (Desgrées du Loû A. et al. 1996, OMS 2009). Ce questionnaire a été adapté du
questionnaire standard de l’OMS et de ceux d’autres études (OMS 2009 et 2012). Deux
médecins pédiatres et/ou généralistes lisent ensuite le questionnaire rempli en vue de
déterminer la ou les causes probables de décès, leur lecture se faisant de façon
indépendante. Les renseignements fournis par le questionnaire sont également soumis
au logiciel InterVA4 qui fournit également un diagnostic probable (Byas P et al. 2012).
Outre la surveillance des décès en milieu communautaire grâce aux passages répétés, les
décès survenus au centre hospitalier du district de Moramanga sont aussi enregistrés, ce
qui peut permettre de repérer d’éventuelles omissions dans le suivi.
À noter que lors du recensement initial des ménages, des informations sur les décès
survenus dans le ménage dans les cinq années précédentes ont aussi été recueillies, ce
qui accroît le nombre total de décès analysables pour l’étude (en gardant toutefois la
distinction entre décès repérés de façon rétrospective, datant de plus d’un an, et décès
enregistrés lors du suivi).

La thèse en cours de Rila Ratovoson, chargée d’études à l’Institut Pasteur de Madagascar,


responsable de l’observatoire de Moramanga, et également doctorante de l’Ined vise à
fournir les informations les plus complètes et les plus fiables sur la situation et les
tendances démographiques dans cette communauté et à analyser les principales causes
de décès. Les mesures de mortalité effectuées à Moramanga seront en outre comparées
à celles estimées par le sous-projet présenté plus haut pour la capitale, Antananarivo
(Masquelier et al. 2014).

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P15.1.6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

Les analyses démographiques et épidémiologiques qui seront menées permettront de


décrire :
• La population de Moramanga au moment du recensement initial,
• Les indicateurs du mouvement de la population,
• La mortalité par sexe, âge et cause de décès, en distinguant notamment trois
grands groupes de causes : les maladies infectieuses, les maladies cardio-
vasculaires et les cancers, et les causes externes (accidents, violence),
• La comparaison entre la mortalité à Moramanga et à Antananarivo,
• L’étude plus particulière de la mortalité maternelle, ou la mortalité due aux
accidents et aux violences,
• Les variations de la mortalité à Moramanga selon la situation socio-économique
des ménages et selon leur localisation par rapport aux structures de soins.
• La comparaison des outils utilisés pour déterminer la cause probable de décès.

Inégalités de mortalité au Sénégal : explorer l’intersectionnalité entre genre et


statut social
Participants : Géraldine Duthé, Valérie Delaunay, Bineta Dieme, Gilles Pison

Des analyses comparatives portant sur les trois populations suivies en zone rurale du
Sénégal peuvent contribuer à approfondir nos connaissances sur des thématiques
classiques ou aborder des thématiques relativement inexplorées dans cette région du
monde. Ainsi, les effets à long terme de la vie reproductive sur la mortalité des femmes
africaines ont pu être évalués, montrant que dans les trois sites, le fait d’avoir eu des
garçons a un effet protecteur sur la mortalité des femmes après 50 ans (Duthé et al. à
paraître).
Les évolutions de la nuptialité en Afrique ont contribué à un accroissement important de
la fécondité prémaritale. La fécondité avant le premier mariage est souvent non
volontaire, et survient à un âge trop jeune, ou durant les études, ou encore en migration
économique. Les conséquences sociales économiques et sanitaires sont nombreuses tant
pour la femme que pour l'enfant. Pour l’enfant, cela peut se traduire par un éloignement
de la mère et un placement dans la famille maternelle ou paternelle si celui-ci reconnait
l’enfant. Dans les trois populations suivies du Sénégal, on observe des situations très
différentes selon les villages et les ethnies relatives aux naissances prémaritales. À
Mlomp où les migrations des jeunes femmes sont déjà relativement anciennes, le
mariage est très tardif et les naissances prémaritales particulièrement nombreuses.
Malgré tout, une première étude avait montré des différences dans la mortalité des
enfants selon leur statut et la présence de la mère (Duthé 2006). À Niakhar, les
migrations des jeunes femmes sont plus récentes et les grossesses prémaritales
beaucoup plus limitées. À Bandafassi, en milieu très traditionnel pourtant, avoir un
enfant peut permettre aux jeunes femmes Bedik de prouver leur fertilité avant de
s’engager dans un mariage.
L’objectif de cette recherche est d’explorer plus finement les inégalités de santé
engendrées par ce statut d’enfant né hors mariage en incluant une dimension genre
dans l’analyse. On suppose en effet que le sexe de l’enfant est un facteur déterminant
dans les stratégies de reconnaissance et de placement lorsque celui-ci né hors mariage.
Une étude à l’échelle nationale des données existantes relatives aux grossesses
prémaritales (recensement, EDS) sera également effectuée.
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Mortalité dans les quartiers périphériques de Ouagadougou : inégalités face au


double fardeau sanitaire
Participants : Clémentine Rossier, Géraldine Duthé, Abdramane Soura, Bruno Lankoande, Roch Modeste
Millogo, Yacouba Compaoré, Baya Banza

La ville de Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, a connu une extension


démographique et a fortiori spatiale sans précédent. De nouveaux quartiers sont
apparus à la périphérie de la ville sous forme d’habitats spontanés, communément
appelés quartiers non lotis qu’on oppose aux quartiers lotis qui sont aménagés et
viabilisés (Boyer et Delaunay 2009, Rossier et al. 2012, Robineau, 2014). Les habitants
de ces quartiers informels sont plus pauvres que les autres et vivent dans un
environnement défavorable (sans infrastructures, voieries, etc.).
L’Institut des sciences supérieures de la population (ISSP) de l’Université de
Ouagadougou (Burkina Faso) a mis en place en 2008 l’Observatoire de population de
Ouagadougou (OPO). Ce suivi de population avait pour objectif de décrire et d’expliquer
les inégalités sociales et spatiales en matière de santé et de mortalité en tenant compte
de facteurs explicatifs au niveau individuel et contextuel dans un contexte de pauvreté
urbaine. ). L’OPO suit les habitants de cinq quartiers situés à la périphérie de la ville :
deux sont lotis (Kilwin, Tanghin) et trois ne le sont pas (Nonghin, Nioko II et Polesgo).
En décembre 2012, près de 78 000 personnes étaient suivies.
Comme dans les autres suivis démographiques et sanitaires, les décès survenus dans la
zone d’observation sont collectés au moment des passages des agents de terrain dans les
ménages (tous les 6 mois environ). Le questionnaire d’autopsie verbale standard
proposé par Indepth est réalisé auprès de la personne la plus appropriée. Les causes
probables de décès sont ensuite déterminées à l’aide du logiciel basé un modèle
bayésien appelé InterVA (Interpreting verbal autopsy) (version 4.02).
Les données issues des premières années du suivi ont été valorisées, que ce soit sur la
mortalité des enfants (Soura et al. 2013) et celle des adultes plus particulièrement sur la
mortalité due aux maladies non transmissibles (Rossier et al. 2013, Rossier et al. 2014a)
en mettant en exergue le double fardeau sanitaire. Elles ont également servi aux
comparaisons internationales sur la mortalité par VIH (Streatfield et al. 2014a), la
mortalité maternelle (Streatfield et al. 2014b) ou encore la mortalité par maladies non
transmissibles (Streatfield et al. 2014c). Elles mettent en évidence des différences
sociales et spatiales marquées mais relativement complexes dans le cas des adultes en
raison de la migration (Rossier et al. 2014b). Dans le cadre de ce projet, ces analyses
seront poursuivies en restant fortement liées aux aspects sanitaires qui font l’objet de la
deuxième partie de ce projet phare.

2. Morbidité des populations : facteurs de risque, inégalités et handicap

Inégalités de santé dans les quartiers périphériques de Ouagadougou


Participants : Clémentine Rossier, Géraldine Duthé, Gilles Pison, Abdramane Soura, Bruno Lankoande,
Roch Modeste Millogo, Yacouba Compaoré

Dans le projet OPO présenté dans la partie précédente, les inégalités de santé sont
explorées selon toutes les dimensions de la santé, pas seulement de la mortalité. Ainsi,
les données sur la vaccination des enfants de la zone sont recueillies et permettent de

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P15.1.6 Mortalité et santé en Afrique subsaharienne

mettre en évidence des différences selon la religion (Soura et al. 2013). Parallèlement au
suivi exhaustif, une enquête de santé a été menée en 2010 auprès d’un échantillon de la
population suivie, tentant de couvrir l’ensemble des problèmes de santé urbains en
mettant un accent particulier sur les problématiques qui sont encore peu documentées.
L’enquête santé a concerné au total 950 enfants de moins de 5 ans, 1371 adultes de 15 à
49 ans et 986 adultes de 50 ans et plus, répartis dans 1941 ménages. Le questionnaire a
permis de collecter des informations sur les thèmes suivants : niveau d’insécurité
alimentaire du ménage, état de santé perçue, épisodes morbides récents, accès aux
soins, accidents et violences, dépression, maladies chroniques, accidents, violences,
comportements à risque de maladies cardiovasculaires, capacités cognitives, épisode
dépressif majeur. Des mesures anthropométriques ont aussi été collectées sur le poids,
la taille et la tension. Les données de l’enquête santé permettent de comprendre les
niveaux de mortalité observés et d’anticiper les problèmes à venir.
Une abondante littérature a été tirée de cette enquête, en complément des données du
suivi démographique (Rossier et Hellen 2014, Rossier et al. 2014c, d, e, Soura et al. 2011,
2012, 2013, 2014, Duthé et al. en révision, Boukare et al. 2014, Onadja et al. 2013, Zeba
et al. 2012, …). Un projet d’ouvrage collectif synthétisant l’ensemble de ces recherches
est en cours de rédaction.

Maladies chroniques à Ouagadougou : prévention des causes et conséquences


Participants : Clémentine Rossier, Abdramane Soura, Géraldine Duthé, Emmanuelle Cambois, Sally
Findley)

L’étude des inégalités de santé effectuée à partir des données de l’OPO et de l’enquête
santé de 2010 détaillée plus haut permet de développer plus particulièrement dans ce
projet deux axes autour de la question de la santé des adultes et des maladies
chroniques : d’une part, l’étude des comportements à risques, une des causes de
l’incidence prématurée des maladies non transmissibles, et d’autre part l’étude des
limitations fonctionnelles et restrictions d’activité que ces maladies engendrent. La
combinaison des données de mortalité avec celle de l’incapacité permet notamment de
calculer des espérances de vie sans incapacité pour les habitants des quartiers
périphériques de la ville.

Prévention des maladies non transmissibles : mise en place d’un programme de santé
publique
Les profils d’individus présentant des facteurs de risque des maladies non
transmissibles sont différents selon le facteur considéré. Certains facteurs sont prévenus
par des contraintes économiques ou sociales (manque d’inactivité physique par
exemple), tandis que d’autres sont en quelque sorte choisis, dans la mesure où ils sont
favorisés par le confort et l’accessibilité (alimentation, surpoids). Les résultats
soulignent l'importance d’interventions programmatiques élaborées de manière
réfléchie pour prévenir les comportements à risque en engageant les différentes
communautés, hommes et femmes, mariés, non mariés, riches et pauvres, instruits et
moins instruits, intégrés ou non…
L’OPO en collaboration avec le département de santé publique de Columbia University et
des chercheurs de ce projet phare a mis en place un projet de programme de prévention
des risques du diabète et des autres maladies non transmissibles. Il s’agit d’une

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adaptation du programme de prévention communautaire du diabète de l’American


Center of Disease Control. Ce genre de programme, dont l’efficacité est avérée dans les
pays du Nord, doit être adapté pour des pays à revenu bas ou modéré. Dans un contexte
où les soins des maladies non transmissibles restent encore très coûteux, les
programmes de prévention sont cruciaux pour éviter des dépenses de santé aux familles
et au système de santé. En outre, ce type de programme intègre les agents de santé
communautaires permettant un bénéfice au plus grand nombre de personnes.

Le handicap et l’espérance de vie sans incapacité


Les maladies non transmissibles, pour bon nombre chroniques, sont les principales
causes de décès et d’incapacité dans le monde (OMS 2011). Une partie des problèmes de
santé chroniques, comme le diabète, les problèmes cardiovasculaires, les pathologies
ostéoarticulaires ou les déficiences cognitives, ont pour particularité de générer des
troubles fonctionnels (marche, vue, ouie, mémoire…), eux-mêmes sources de gênes dans
les activités de la vie quotidienne (OMS 2001, Verbrugge et Lette 1994). Ces incapacités
soulèvent des questions de prise en charge pour compenser les limitations
fonctionnelles, lorsque c’est possible (lunettes, aide à la marche…), ou pour apporter une
assistance dans les activités élémentaires de la vie quotidienne, lorsque l’état de santé
ne permettent plus aux personnes de les réaliser par elles-mêmes (Verbrugge et Lette
1994). De surcroît, une partie des pathologies chroniques potentiellement invalidantes
est peu létale (par exemple, les troubles ostéoarticulaires). Cela induit des états
d’incapacité, et donc de besoin de prise en charge, possiblement durables. C’est dans un
contexte de montée des maladies chroniques et de leurs conséquences fonctionnelles
qu’ont été mis au point les indicateurs d’espérance de vie sans incapacité (Sullivan
1971). Combinant les données de mortalité et d’état de santé, ils visent à rendre compte
simultanément des dynamiques de mortalité et de morbidité dans le contexte de
l’allongement de l’espérance de vie.
Les indicateurs d’espérance de vie sans incapacité ont été très peu estimés dans des
contextes de fortes mortalités, par manque de données sanitaires adéquates. Lorsque de
tels indicateurs ont été produits, ils indiquent qu’une espérance de vie relativement
basse s’accompagne aussi d’un nombre substantiel d’années passées avec des problèmes
fonctionnels. Ainsi dans une population rurale du Malawi, les femmes âgées de 45 ans
passeraient près de la moitié de leurs années restant à vivre (28 ans) avec des
limitations fonctionnelles (Payne et al. 2013).
Dans ce projet, nous calculons les indicateurs synthétiques d’espérance de vie sans
incapacité, combinant les données de mortalité dans le suivi à celles sur les limitations
fonctionnelles et restrictions d’activités pour les soins personnels mesurées dans
l’enquête santé à l’aide des questions du Washington group. Ces estimations
permettront de décrire les états de santé et les situations sociales et familiales des
hommes et des femmes en lien avec les incapacités qu’ils déclarent.

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