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0.1 Immunotoxicite

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¶ 16-537-H-10

Immunotoxicité
J. Descotes

Le système immunitaire est un organe cible de toxicité. L’immunotoxicologie étudie les interférences des
xénobiotiques avec le système immunitaire sous quatre aspects distincts : immunosuppression,
immunostimulation, hypersensibilité et auto-immunité. Les conséquences cliniques de
l’immunosuppression consistent en infections plus fréquentes, plus sévères, volontiers atypiques
(infections opportunistes) et en l’apparition de lymphomes et cancers viro-induits. Les conséquences
d’une réduction moins marquée de la réponse immunitaire (ou immunodépression) sont mal établies en
dépit de leur importance potentielle en termes de santé publique. Une immunostimulation peut conduire
à la survenue de réactions hyperthermiques plus ou moins sévères (réaction pseudogrippale ou syndrome
aigu des cytokines), au développement de maladies auto-immunes identiques aux maladies spontanées,
mais anormalement fréquentes, et de réactions allergiques dirigées contre des allergènes non apparentés,
et à l’inhibition du métabolisme des xénobiotiques par les cytochromes P450. L’hypersensibilité (ou
allergie) recouvre des mécanismes immunoallergiques et non immunologiques (pseudoallergie). Elle est
considérée aujourd’hui comme le principal effet immunotoxique des médicaments et autres
xénobiotiques. L’auto-immunité se caractérise par des réactions systémiques ou spécifiques d’organe.
Identiques aux maladies spontanées ou au contraire nettement différentes, elles sont relativement rares.
On dispose de modèles animaux assez bien validés pour détecter un effet immunosuppresseur inattendu.
En revanche, les modèles permettant de détecter un effet immunostimulant sont peu fiables et rares sont
les modèles permettant de prédire le risque d’hypersensibilité ou d’auto-immunité. L’absence de
marqueurs validés est un problème majeur pour évaluer l’impact immunotoxicologique des xénobiotiques
chez l’homme.
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Mots clés : Immunotoxicité ; Immunosuppression ; Immunostimulation ; Hypersensibilité ; Auto-immunité

Plan d’huile de riz contenant des biphényles polybromés, contami-


nation accidentelle au Michigan en 1973 de l’alimentation du
bétail par les biphényles polychlorés, syndrome de l’huile
¶ Introduction 1
toxique espagnole en 1981-1982, éosinophilie-fasciite provoquée
¶ Conséquences cliniques d’un effet immunotoxique 2 par certaines préparations à base de L-tryptophane plus récem-
Immunosuppression 2 ment [3]. La survenue d’une atrophie thymique avant tout autre
Immunostimulation 2 effet toxique chez le rat exposé à l’oxyde de tributyl-étain [4]
Hypersensibilité 3 indique, de plus, que le système immunitaire peut être le
Auto-immunité 3 premier organe cible de toxicité.
¶ Évaluation immunotoxicologique préclinique 3 L’immunotoxicologie est née de la description des complica-
¶ Évaluation immunotoxicologique chez l’homme 4 tions infectieuses des médicaments immunosuppresseurs dans
¶ Conclusion 4 les années 1960 [5]. Si la première réunion scientifique qui lui ait
été entièrement consacrée s’est tenue à Lyon en 1974 [6], ce
n’est qu’à la fin des années 1970 que les concepts classiques de
la toxicologie sont passés dans l’évaluation immunotoxicologi-
que [7] , ce qui permit la réalisation de grandes études de
■ Introduction [1] validation interlaboratoires dont la plus importante reste celle
de l’US National Toxicology Program [8].
Le système immunitaire est la cible de xénobiotiques d’origi- Initialement limitée à la détection d’effets immunosuppres-
nes très diverses : médicaments, métaux, produits phytosanitai- seurs inattendus, l’immunotoxicologie a élargi son champ
res, polluants de l’air, cosmétiques, additifs alimentaires, etc. d’investigation à l’auto-immunité, à l’hypersensibilité (« aller-
Bien que la majorité des données disponibles ait été obtenue gie ») et à l’immunostimulation. Ainsi, recouvre-t-elle
chez l’animal, plusieurs intoxications collectives ont affecté des aujourd’hui quatre domaines bien distincts tant du point de vue
milliers de personnes [2] : maladie de Yucho dans les années de leurs conséquences cliniques que de leurs méthodes
1960 au Japon (de Yuchen à Taïwan) due à la consommation d’exploration.

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■ Conséquences cliniques l’infliximab ou l’étanercept) [14]. Il semble donc qu’une immu-


nosuppression, même modérée, puisse avoir les mêmes consé-
d’un effet immunotoxique quences qualitatives, mais bien sûr plus inconstantes. La
survenue de lymphomes, parfois jugée plus fréquente dans les
Immunosuppression populations rurales en raison d’une exposition aux produits
phytosanitaires, est un sujet de débat depuis de nombreuses
Les conséquences cliniques d’une immunosuppression sont années et n’a toujours pas trouvé sa solution [15].
bien connues en raison de l’expérience acquise avec l’utilisation En raison de l’importance de la réserve fonctionnelle du
des médicaments immunosuppresseurs chez l’homme. système immunitaire et de la redondance des mécanismes en
jeu, il est difficile, voire impossible d’interpréter une diminution
Baisse de la résistance vis-à-vis des agressions limitée de la réponse immunitaire (par exemple une diminution
microbiennes de 20 ou 30 % de la production d’anticorps) en termes de
conséquences cliniques. Le risque de complications infectieuses
Elle s’observe quand le déficit touche l’immunité humorale
et/ou cellulaire (immunité adaptative) ou les mécanismes de et de lymphomes à la suite d’une exposition, même modéré-
défense non spécifiques (immunité innée). Elle se traduit par ment immunotoxique, justifierait que tout médicament ou
des infections plus fréquentes, plus sévères, volontiers récidi- produit chimique à usage non thérapeutique fasse l’objet d’une
vantes ou atypiques (infections opportunistes). Toutes les évaluation immunotoxicologique systématique avant commer-
localisations sont possibles, mais les infections bronchopulmo- cialisation, ce qui n’est toujours pas le cas.
naires et gastro-intestinales, les infections du système nerveux
central ou les infections cutanées sont les plus habituelles [9]. Immunostimulation
Les exemples en sont nombreux en thérapeutique, comme les
varicelles malignes des enfants sous corticothérapie prolongée Les conséquences cliniques de l’immunostimulation sont
ou les surinfections des patients sous traitement immunosup- moins bien connues ; elles reposent essentiellement sur les
presseur ou chimiothérapie anticancéreuse. Dans le domaine données acquises depuis l’introduction des cytokines recombi-
environnemental ou professionnel, on peut citer les infections nantes en thérapeutique [16] qui confirment les soupçons émis
bronchorespiratoires de la maladie de Yucho [10] ou celles des il y a plus de 20 ans [17] et alors jugés relativement spéculatifs.
enfants inuits exposés aux organochlorés [11].
Réactions pseudogrippales
Lymphomes et cancers viro-induits
Ce sont des réactions fébriles modérées (38-39 °C) associées à
Les cancers cutanés, les lymphomes et le syndrome de Kaposi une sensation de malaise, des frissons et des myalgies. L’exem-
sont les conséquences classiques d’une immunosuppression [12]. ple le plus classique est celui des réactions postvaccinales.
Bien que les lymphomes soient considérés comme les plus Toutefois, ces réactions peuvent être sévères, voire limitantes,
fréquents, les cancers cutanés affectent en réalité plus souvent avec hyperthermie marquée (> 40 °C), chute tensionnelle et
les patients soumis à une immunosuppression prolongée. Les troubles neurologiques plus ou moins graves. On parle alors de
cancers de la peau et des lèvres s’observent en effet chez 30 à « syndromes aigus des cytokines » [18]. Le mécanisme en cause
50 % des transplantés rénaux et leur incidence augmente de
est la libération plus au moins marquée de cytokines pro-
manière linéaire avec la durée du suivi de ces patients. L’expo-
inflammatoires (interleukine 1 [IL-1], IL-6 et TNF-a) par les
sition au soleil et une infection latente à papilloma virus sont des
macrophages activés directement ou par le biais de l’interféron
facteurs favorisants avérés. Les lymphomes et syndromes
c, qui, à leur tour, induisent la libération de facteurs pyrogènes
lymphoprolifératifs représentent la principale complication de
(au premier rang desquels la prostaglandine E2). Une activation
l’immunosuppression au cours de la première année qui suit
du complément est possible. Ces réactions fébriles sont à
une transplantation, puisqu’ils surviennent dans 70 % des cas
rapprocher de la fièvre des soudeurs qui relèverait du même
pendant cette période, puis voient leur incidence nettement
réduite au-delà. Il s’agit principalement de lymphomes B. Une mécanisme [19].
association à une infection latente par virus d’Epstein-Barr est
retrouvée dans la majorité des cas. Enfin, les transplantés Maladies auto-immunes plus fréquentes
rénaux ont un excès de risque de syndrome de Kaposi considé- Des maladies auto-immunes identiques aux maladies sponta-
rablement augmenté. Une infection à herpès virus humain 8 est nées peuvent être plus fréquentes chez les patients traités par
impliquée. L’association à une infection virale est ainsi souvent
certaines cytokines recombinantes, notamment l’IL-2 et les
retrouvée chez les patients présentant une complication néopla-
interférons a. La plus commune est la thyroïdite auto-immune
sique associée à une immunosuppression prolongée. La révéla-
qui peut affecter 15 % des patients soumis à ces traitements,
tion d’une infection latente due à la levée de la fonction
voire davantage [20] . Les mécanismes en cause ne sont pas
régulatrice des lymphocytes T par le traitement immunosup-
connus avec précision. Le rôle de l’infection par le virus de
presseur est le mécanisme le plus largement admis, ce qui
l’hépatite C a été invoqué en ce qui concerne les interférons a.
n’exclut toutefois pas l’intervention d’autres mécanismes.
Il est également vraisemblable que l’augmentation de l’expres-
Lorsque le traitement immunosuppresseur peut être interrompu,
sion des molécules de classe II du complexe majeur d’histocom-
la guérison spontanée est possible. Le risque de complications
néoplasiques viro-induites est globalement similaire quel que patibilité par les thyrocytes, due au traitement par ces cytokines,
soit le médicament immunosuppresseur utilisé. En revanche, les transforme en de véritables cellules présentatrices de
l’incidence de ces complications augmente en cas d’association l’antigène, d’où l’apparition d’une thyroïdite auto-immune
de plusieurs immunosuppresseurs. À l’heure actuelle, il n’existe biologique et/ou clinique.
pas de données montrant qu’une immunosuppression peut être Les expositions chimiques pourraient être à l’origine d’une
associée à la survenue d’autres cancers, en dehors des cas où augmentation de l’incidence de maladies auto-immunes dans
l’agent immunosuppresseur est lui-même génotoxique. certaines populations [21], mais les résultats des études épidé-
miologiques sont le plus souvent contradictoires. Par ailleurs, les
Immunosuppression et réserve fonctionnelle xénobiotiques suspectés n’exercent généralement pas d’effets
du système immunitaire délétères avérés sur le système immunitaire.

La situation est plus ambiguë lorsque l’immunosuppression Réactions allergiques vis-à-vis d’allergènes
est moins profonde (« immunodépression »). Certes, des infec- non apparentés
tions opportunistes et des lymphomes ont été décrits chez des
patients traités par de faibles doses de méthrotrexate [13] ou Des manifestations allergiques (crise d’asthme, poussée
d’antagonistes du tumor necrosis factor a (TNF-a) (comme d’eczéma, etc.), dirigées contre des allergènes non apparentés,

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notamment en début de traitement avec des extraits bactériens (anémie hémolytique et a-méthyldopa, pénicillamine et myas-
préconisés pour leur activité immunostimulante et aujourd’hui thénie). En revanche, les réactions auto-immunes systémiques
retirés du marché français, ont été rapportées. Un seul exemple sont le plus souvent très différentes, cliniquement et biologi-
démontre indiscutablement ce potentiel : ce sont les réactions quement, de la maladie spontanée correspondante. Ainsi, on ne
d’hypersensibilité aux produits de contraste dont des essais doit pas parler de lupus érythémateux disséminé d’origine
méthodologiquement incontestables ont démontré qu’elles médicamenteuse, mais de syndrome lupique ou pseudolupus.
étaient plus fréquentes chez les patients traités par Comme mentionné précédemment, la réalité du risque auto-
IL-2 recombinantes [22]. immun associé aux expositions chimiques environnementales
Les lymphocytes auxiliaires T CD4 + sont subdivisés en ou professionnelles n’est pas établie. D’ailleurs, extrêmement
lymphocytes T H 1 et T H 2 en fonction des cytokines qu’ils
rares sont les cas documentés de réactions auto-immunes
libèrent (principalement IL-2 et interféron c pour les TH1, IL-4 et
associées à un toxique non médicamenteux [27].
IL-10 pour les T H 2 ). Une réponse de type T H 2 favorise les
réactions allergiques. L’induction d’une réponse TH2 pourrait
être invoquée dans la pathologie associée à la pollution atmos-
phérique. Le niveau de la pollution atmosphérique, notamment ■ Évaluation immunotoxicologique
dans les villes, a quantitativement beaucoup diminué depuis la
dernière guerre mondiale et les derniers résultats épidémiologi- préclinique
ques publiés sont bien loin des milliers de morts provoqués en
quelques jours par le smog londonien en décembre 1952 [23]. Le nombre de lignes directrices consacrées à l’évaluation
Toutefois, cette réduction s’est accompagnée d’une modification préclinique de l’immunotoxicité des médicaments et des
qualitative de la pollution atmosphérique et de conséquences xénobiotiques s’est nettement accru au cours de ces dernières
pathologiques différentes. Ainsi, les enfants vivant dans des années. Le premier pas a été franchi par l’adoption de la
zones à forte pollution industrielle (ex-Allemagne de l’Est et modification de la ligne directrice OCDE 407 imposant l’éva-
pays Baltes par exemple) développaient des infections respira- luation histologique des organes lymphoïdes pour toute étude
toires (probablement par diminution de la réponse TH1) tandis de 28 jours chez le rat en 1995 [28], tandis qu’une stratégie
que la fréquence de l’asthme augmentait régulièrement chez les d’évaluation immunotoxicologique des pesticides était publiée
enfants des zones à « faible » pollution (par augmentation de la par l’US Federal Register en 1997 [29]. Depuis, la Food and Drug
réponse TH2) [24]. Administration (FDA) a publié une ligne directrice concernant
l’évaluation immunotoxicologique des dispositifs médicaux [30]
Inhibition du système des cytochromes P450 et des médicaments [31], et l’EMEA en a fait de même pour les
À doses élevées, suprathérapeutiques, la plupart des substan- médicaments en 2000 [32]. L’adoption, en septembre 2005, de la
ces immunostimulantes inhibent le système des cytochromes ligne directrice S8 dans le cadre du processus d’harmonisation
P450 [25] . Le mécanisme d’action se situerait au niveau de ICH [33] démontre l’importance donnée à l’évaluation de
l’expression des gènes. Une telle inhibition a été également l’immunotoxicité, même si elle n’aborde pas la question de
décrite à doses thérapeutiques avec l’interféron a, le BCG et l’hypersensibilité ou de l’auto-immunité.
certaines formulations vaccinales, et quelques observations En 1979 était apparue la notion de protocoles en plusieurs
cliniques de surdosage par interaction médicamenteuse ont été étapes (« tiered protocols ») [7], aujourd’hui abandonnée au profit
rapportées. d’une approche simplifiée pour la détection d’un effet immu-
nosuppresseur inattendu [34]. L’élément constant est l’examen
Hypersensibilité histologique des principaux organes lymphoïdes (thymus, rate,
ganglions lymphoïdes et plaques de Peyer) dans le cadre d’un
Ce terme tend à remplacer celui trop galvaudé d’allergie. Bien
que les réactions d’hypersensibilité ne suivent pas les mêmes essai conventionnel de toxicologie, habituellement chez le rat.
relations dose-réponse que les effets immunosuppresseurs ou Les lignes directrices divergent ensuite en fonction du type de
immunostimulants, il est bien admis qu’elles constituent des produit testé : pour les pesticides et les dispositifs médicaux,
effets immunotoxiques. Cette revue n’a pas pour objectif l’évaluation de la production d’anticorps contre un antigène
d’aborder dans le détail les réactions d’hypersensibilité. Rappe- T-dépendant est requise dans tous les cas. Le test des plages
lons seulement qu’elles peuvent affecter tous les organes, d’hémolyse est le plus souvent utilisé. Pour les médicaments, ce
qu’elles relèvent de mécanismes immunologiques, humoraux test est de plus en plus souvent remplacé par la mesure par
(anticorps) ou cellulaires (lymphocytes T) – on parle alors de enzyme linked immunosorbent assay (Elisa) des anticorps sériques
réactions immunoallergiques – ou encore de mécanismes non dirigés contre la keyhole limpet hemocyanin (KLH), mais il n’est
immunologiques conduisant à la libération par d’autres voies de exigé que dans certains cas particuliers (en fonction de l’indica-
certains médiateurs impliqués dans des réactions immunoaller- tion thérapeutique, de la population cible, des données histolo-
giques, comme l’histamine, le système du complément, les giques...). D’autres tests fonctionnels sont envisagés ensuite au
prostaglandines et leucotriènes, et la bradykinine : ils caractéri- cas par cas : test de prolifération lymphocytaire (induite par des
sent les réactions pseudoallergiques [26]. mitogènes ou par une réaction lymphocytaire mixte), test
d’hypersensibilité retardée, mesure de l’activité des cellules
Auto-immunité natural killer (NK) ou du pouvoir phagocytaire des neutrophiles
ou des macrophages. Dans un dernier temps, des modèles de
Il faut distinguer les maladies auto-immunes plus fréquentes résistance (infections expérimentales) et des études mécanisti-
chez les patients traités par certaines substances immunostimu- ques pourront s’avérer nécessaires pour l’évaluation du risque
lantes (cf. supra) des réactions auto-immunes. Les maladies et
immunotoxique.
réactions auto-immunes sont traditionnellement divisées en
Il est admis qu’une telle stratégie, même simplifiée, est à
maladies et réactions systémiques, ou spécifiques d’organe.
Toutes les maladies auto-immunes, systémiques (lupus érythé- même de détecter un effet immunosuppresseur suffisamment
mateux disséminé par exemple) ou spécifiques d’organe (myas- marqué. La même approche est utilisée pour la détection d’un
thénie, anémie hémolytique auto-immune...) peuvent être plus effet immunostimulant, mais sa fiabilité n’est pas documentée.
fréquentes lors d’un traitement immunostimulant ; elles sont Bien que les réactions d’hypersensibilité constituent un
identiques aux maladies spontanées. Une réaction auto-immune problème majeur lors du développement des nouveaux médica-
spécifique d’organe est également identique à la maladie ments [35], très peu de tests sont disponibles pour prédire ce
spontanée, à la seule différence qu’elle guérit spontanément risque. En fait, seuls les tests d’hypersensibilité de contact, au
après l’arrêt du médicament responsable, mais seuls quelques premier rang desquels le local lymph node assay (LLNA) [36] ont
médicaments sont en cause et habituellement un médicament fait la preuve de leur validité et sont largement acceptés par les
donné ne provoque qu’un type de réaction spécifique d’organe autorités réglementaires.

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Quant aux réactions d’auto-immunité, elles échappent à toute [7] Dean JH, Padarasingh NL, Jerrells TR. Assessment of
exploration [37] . La recherche d’autoanticorps au cours des immunobiological effects induced by chemicals, drugs or food additi-
études standards de toxicologie est habituellement négative. Des ves. I. Tier testing and screening approach. Drug Chem Toxicol 1979;
modèles expérimentaux, comme la glomérulonéphrite auto- 2:5-17.
immune provoquée par le chlorure de mercure chez le rat [8] Luster MI, Munson AE, Thomas PT, Holsapple MP, Fenters JD,
Brown-Norway n’ont aucune pertinence toxicologique dans la White KL, et al. Development of a testing battery to assess chemical-
mesure où le chlorure de mercure n’a jamais provoqué d’auto- induced immunotoxicity. National Toxicology Program’s criteria for
immunité chez l’homme. Seul le test du ganglion poplité [38] immunotoxicity evaluation in mice. Fundam Appl Toxicol 1988;10:
pourra, peut-être, s’avérer utile tant pour la détection du risque 2-19.
de réactions auto-immunes systémiques que de certaines [9] Klein NC, Go CH, Cunha BA. Infections associated with steroid use.
réactions d’hypersensibilité, ce qui souligne d’ailleurs la Infect Dis Clin North Am 2001;15:423-32.
communauté de mécanismes. [10] Kuratsune M, Yoshimura H, Hori Y, Okumura M, Masuda Y. A human
disaster caused by PCBs and related compounds. Kyushu: Kyushu
University Press; 1996 (361p).
■ Évaluation immunotoxicologique [11] Van Oostdam J, Donaldson SG, Feeley M, Arnold D, Ayotte P, et al.
Human health implications of environmental contaminants in Arctic
chez l’homme Canada: A review. Sci Total Environ 2005;351-352:165-246.
[12] Vial T, Descotes J. Immunosuppressive drugs and cancer. Toxicology
À la différence de la cancérogénicité ou de la tératogénicité 2003;185:229-40.
où les observations humaines ont été à l’origine du développe- [13] Georgescu L, Paget SA. Lymphoma in patients treated with rheumatoid
ment de modèles prédictifs, l’immunotoxicologie s’est presque patients. What is the evidence of link with methotrexate? Drug Saf
toujours cantonnée à l’animal. Les données humaines sont très 1999;20:475-87.
peu nombreuses et rarement fiables. Le développement de [14] Brown SL, Greene MH, Gershon SK, Edwards ET, Braun MM. Tumor
l’immunotoxicologie clinique est ainsi une nouvelle étape necrosis factor antagonist therapy and lymphoma development:
indispensable pour améliorer les procédures actuelles d’évalua- twenty-six cases reported to the Food and Drug Administration.
tion de risque immunotoxique chez l’homme et valider les Arthritis Rheum 2002;46:3151-8.
modèles expérimentaux [39]. [15] Vial T, Nicolas B, Descotes J. Clinical immunotoxicology of pesticides.
Les tentatives visant à introduire des paramètres immunolo- J Toxicol Environ Health 1996;48:215-29.
giques dans certaines études épidémiologiques sont restées sans [16] Vial T, Choquet-Kastylevsky G, Descotes J. Adverse effects of
lendemain [23]. La plupart des marqueurs proposés sont directe- immunotherapeutics involving the immune system. Toxicology 2002;
ment issus de la recherche immunologique et leur pertinence 174:3-11.
dans le contexte de l’évaluation immunotoxicologique critiqua- [17] Descotes J. Adverses consequences of chemical immunomodulation.
ble ou inconnue. Dans les années 1990, des groupes d’experts Clin Res Pract Drug Regul Affairs 1985;3:45-52.
avaient proposé des batteries de marqueurs [40, 41] associant le [18] Descotes J, Vial T. Acute cytokine syndrome. In: House RV, Descotes J,
editors. Cytokines in human health: immunotoxicology, pathology and
taux des immunoglobulines sériques, l’analyse des sous-
therapeutic applications. New York: Humana Press; 2006.
populations lymphocytaires, la recherche d’autoanticorps et la
[19] Kuschner WG, D’Alessandro A, Hambleton J, Blanc PD. Tumor
prolifération lymphocytaire ex-vivo. À ce jour, aucun marqueur necrosis factor-alpha and interleukin-8 release from U937 human
d’immunotoxicité n’a atteint un niveau suffisant de standardi- mononuclear cells exposed to zinc oxide in vitro. Mechanistic impli-
sation et de validation pour en recommander l’utilisation en cations for metal fume fever. J Occup Environ Med 1998;40:454-9.
routine. [20] Vial T, Descotes J, Braun F, Behrend B. Drugs acting on the immune
system. In: Aronson JK, Boxtel CJ, editors. Meyler’s side-effects of
drugs. Amsterdam: Elsevier Sciences; 2006.
■ Conclusion [21] Powell JJ, Van de Water J, Gershwin ME. Evidence for the role of
environmental agents in the initiation or progression of autoimmune
Les données disponibles, obtenues essentiellement chez conditions. Environ Health Perspect 1999;107(suppl5):667-72.
l’animal, démontrent que le système immunitaire est un organe [22] Shulman KL, Thompson JA, Benyunes MC, Winter TC, Fefer A.
cible de toxicité, ce qui devrait justifier une exploration Adverse reactions to intravenous contrast media in patients treated with
immunotoxicologique préclinique systématique des nouvelles interleukin-2. J Immunother 1993;13:208-12.
entités chimiques avant commercialisation. On dispose [23] Logan WP. Mortality in the London fog incident, 1952. Lancet 1953;
aujourd’hui de stratégies validées applicables à un certain 1:336-8.
nombre de situations, notamment à la détection d’un effet [24] Dybing E, Lovik M, Smith E. Environmental chemicals and respiratory
immunosuppresseur inattendu. La mise au point de modèles ou hypersensitization. Special issue. Toxicol Lett 1996(86):57-224.
de stratégies permettant de prédire le risque de réactions [25] Renton K. Hepatic drug metabolism and immunostimulation.
d’hypersensibilité ou de réactions auto-immunes est une Toxicology 2000;142:173-8.
urgence. La recherche de nouveaux marqueurs d’immunotoxi- [26] Solensky R. Drug hypersensitivity. Med Clin North Am 2006;90:
cité, correctement standardisés et validés, est tout aussi indis- 233-60.
pensable pour permettre, dans un avenir que l’on peut espérer [27] Vial T, Payen C, Descotes J. Autoimmunity and toxic exposures:
pas trop lointain, d’évaluer le risque immunotoxique chez overview of the current clinical evidence. Perspect Exp Clin
l’homme. Immunotoxicol 2006; (in press).
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pectives. J Appl Toxicol 2005;25:451-8. www.fda.gov/cber/gdlns/ichs8immuno.htm.
[39] Descotes J. Clinical immunotoxicology. In: Descotes J, editor.
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[40] National Research Council. Biologic markers in immunotoxicology. www.immunotoxibase.com.
Washington DC: National Academy Press; 1992 (206p). www.school-immunotoxicology.org.

J. Descotes, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jacques-georges.descotes@chu-lyon.fr).


Centre antipoison, Centre de pharmacovigilance, 162, avenue Lacassagne, 69424 Lyon cedex 03, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Descotes J. Immunotoxicité. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Toxicologie - Pathologie professionnelle,
16-537-H-10, 2008.

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