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Les 99 Noms de Dieu Ocr

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les 99

noms
de Dieu
Tous droits de reproduction, Réduction
ou adaptation, réservés pour tous pays.

6 2009 Guy Trôdanlel Éditeur


ISBN : 978-2-8132-0037-2

vwvw.editions-tredanisl.com
lnfo@guytradanisi.fr
Gabriele Mandel Khân

de Dieu
calligraphies
de Lassaâd Métoui

Guy Trédaniel Éditeur


19 rue Saint-Séverin I 75005 Paris
D’après la théologie
musulmane,
tes Noms de Dieu
- la représentation vocalisée de ses attributs - sont au
nombre de quatre mille. Mille de ces Noms, Dieu seul les
connaît ; mille sont connus de Dieu et des anges ; mille de
Dieu, des anges et des prophètes ; mille de Dieu, des
anges, des prophètes et des croyants. Parmi ces derniers,
trois cents sont mentionnés dans la Torah, trois cents dans
les Psaumes, trois cents dans les Évangiles et cent dans
le Coran. De ces cent Noms, quatre-vingt-dix-neuf sont
connus par les fidèles ordinaires, le centième est caché,
secret, accessible seulement aux mystiques les plus
éclairés.

De ces quatre-vingt-dix-neuf Noms (nom : îsm ; pluriel


âsmâ'), le Coran dit :
« Les Noms les plus beaux (al-Asmâ' al-Husnâ) appartien­
nent à Dieu. Par là donc appelez-Le, et laissez ceux qui
blasphèment dans Ses Noms » (VII, 180).
« Dieu ! point de dieu que Lui IA Lui les Noms les plus
beaux » (XX, 8).
« Appelez-Le "Dieu", ou appelez-Le “Miséricordieux”, quel
que soit le nom dont vous L'appelez, les Noms les plus
beaux sont à Lui» (XVII, 110).
Le prophète Muhammad dit : « Il y a quatre-vingt-dix-neuf
Noms qui n’appartiennent qu'à Dieu. Celui qui les
apprend, qui les comprend et les énumère, entre au
Paradis et parvient au salut éternel. » Et le mystique Tosun
Bayrak, cheikh de la Jerrahiyya-Halvetiyya : « Les beaux
Noms de Dieu sont la preuve de l'existence et de l’unicité
de Dieu, ô vous qui êtes brûlés et troublés par le poids et
la souffrance du monde matériel, puisse Dieu faire en sorte
que Ses beaux Noms soient un baume. »
En effet, comprendre I' « essence » de ces attributs apaise
l’âme, donne confiance et enrichit l’esprit. C’est pour cela
que, sur le plan strictement pratique, on a coutume de
répéter les Noms en égrenant un chapelet de quatre-vingt-
dix-neuf grains (ou bien de trente-trois grains, en répétant
trois fois). Ce chapelet s’appelle subha ou sibha ou encore
masbaha en arabe, et tasbîh (ou bien komboloy) en turc. Il
est possible qu'il dérive du chapelet bouddhique, de cent
huit grains, en usage en Asie centrale et orientale dès le
IV* siècle ; le chapelet musulman, à son tour, est à
l’origine du chapelet catholique, adopté vers la fin du
XII* siècle et plus tard établi dans son aspect actuel.
Même au niveau psychologique, on a prouvé que de faire
couler entre les doigts les grains du chapelet calme
l’esprit, i’apaise et aide à surmonter l'anxiété et la tension.

Pour l'islam, l’essence divine est indéfinissable. Elle


comporte des réalités qui échappent aux limites de l'esprit
humain, telles que l’Éternité, l’Unicité, l'Infini... ; néan­
moins, tout en étant l’« Absolu invisible », même si elle est
la « Réalité omniprésente », l’essence divine est manifeste
dans ses phénomènes par l'attribution d’un Nom à chacun
d'eux. Donc, chaque Nom est le symbole d'un attribut de
l'essence divine dans Sa quiddité, qui est le reflet de la
réalité de Dieu, tandis que Dieu est au-dessus et au-delà
de tout cela. Le Nom a eu toujours une importance
considérable chez les anciens peuples sémites. Dans
l’Ancien Testament, Moïse parie avec Dieu et dit : « On me

ibi
demandera : “Quel est Ton nom ?” Qu’est-ce que je vais
leur dire ? » Pendant la lecture en privé de la Torah le mot :
« Dieu » (IHWH) n’était jamais prononcé ; on disait, à Sa
place : Ha chem (le Nom). Et Jésus : « J’ai rendu manifeste
Ton nom aux hommes que Tu m’as donnés du monde »
(Jean, 17, 6) ; et encore, dans le Pater noster : « Ton Nom
soit sanctifié. » Dans l’Ancien et le Nouveau Testament,
c'est Dieu lui-même qui impose le nom aux prophètes
majeurs.
Dans l'islam, « les Noms les plus beaux » (al-Asmâ’
al-Husnâ, ou al-Asmâ' al-llâhiyyah : les Noms divins) ont
donné lieu à une étude spécifique, à un chapitre de la
théologie, à des discussions entre les théologiens et les
sectaires à propos de leur valeur et des problèmes qu'ils
posent ; mais de cela nous parlerons ultérieurement.
Il faut enfin considérer que pour l'islam toute représenta­
tion de Dieu est absolument interdite. Dieu n'est pas
représentable ; Son essence, la cause première de chaque
existence, est tellement au-dessus de tout concept
humain, que même la tentative de l'expliquer avec des
mots ne produit qu’un bredouillement informel et tout à
fait inadéquat. De plus, dans les lieux où l'on se recueille
pour prier, les images des êtres humains et des animaux
sont interdites afin que des gens simples ne soient pas
induits dans la tentation de les adorer. Aucun Coran, donc,
ne contient des images ni des illustrations : seulement des
décorations géométriques ou à motifs végétaux et
calligraphiques. Erronée est en revanche l'idée occiden­
tale selon laquelle en islam les images sont strictement
interdites. Les nombreuses miniatures persanes, turques
et indiennes - et je ne cite que les écoles principales,
riches de chefs-d'œuvre raffinés et sensibles - prouvent
que le monde islamique est bien pourvu en représentations.
Il est néanmoins vrai que la civilisation, l’art et la culture

171
de l'islam ont commencé avec des populations nomades
(turques, essentiellement) et celles-ci, en raison de leur
mode de vie, sont de préférence aniconiques. Lorsque -
après les premiers deux cents ans de domination arabe,
durant lesquels l'art islamique ne fut qu’un appendice du
romain tardif (ainsi que les arts byzantin, arménien et
paléochrétien) - les peuples turcs envahirent l'Occident
asiatique, africain et européen, ils combinèrent leur « art
des steppes » avec l’art byzantin-arménien et ils donnèrent
enfin à l'islam un art, une civilisation et une culture
autonomes. Voilà donc justifiée la prépondérance
aniconique, due au goût des nomades et non pas à une
interdiction coranique, qui n'a pas lieu dans le Coran.

Un nouvel essor de la civilisation islamique fut favorisé


par les peuples d'Asie centrale, notamment dans le
domaine de la spéculation mystique, par la constitution de
différents courants et de confréries riches en apports
philosophiques, littéraires et poétiques. Il s'agit des turuq
(singulier tarîqa) des soufis (les mystiques de l'islam)
auxquels nous nous référerons souvent dans ce livre.
Pour les raisons susdites, au lieu d'une impossible
« représentation » de Dieu, on prit l’habitude d'écrire « Dieu »
(en arabe Allâh) ; la calligraphie, taisant partie de la
décoration islamique typique, prenait dès lors une
importance considérable.
Les Persans et les Turcs tracèrent des pages calligraphiées
qui n’ont rien à envier à aucun art figuratif ; d’autres peuples
s’en Inspirèrent et produisirent des œuvres remarquables,
bien qu’elles n’acquissent jamais l'importance de celles des
maîtres. C'est ainsi que « les Noms les plus beaux » furent
dévotement calligraphiés, unissant à la ferveur artistique la
ferveur religieuse. Dans les temps sombres de la décadence
due à la domination coloniale, au sein des peuples détachés
de l'Empire ottoman (les Arabes, les arabophones et - dans
une moindre mesure - quelques peuples d’Asie centrale),
la religion tourna au fanatisme et la science s'adonna à la
magie ; dès lors « les Noms les plus beaux » ne furent plus
utilisés que comme de simples amulettes, des porte-
bonheur, en partie privés de leurs profondes valeurs et de la
vénération qui leur est due.

Néanmoins les « Noms de Dieu » ne sont pas Dieu !


L'exégèse musulmane n'a jamais cessé de nous le
rappeler ; ils sont seulement une simple reconnaissance
de la réalité divine adaptée aux limites humaines, et ils
symbolisent d'une façon insuffisante Son essence et Sa
réalité invisibles et inconcevables pour nous. Jalâl al-Dîn
Dawwânî, un philosophe îshrâq (1427-1501), dans son
célèbre commentaire du Ârz-Nameh de Shihâb al-Dîn
Yahyâ Sohravardî, définissait précisément « le Nom »
comme un instrument pour la compréhension humaine :
« Son Nom : c'est-à-dire ce par quoi est connue
Son essence, le Nom tel qu'il est compris dans l’usage
qu’en font les philosophes, non pas le simple mot qui le
désignerait. Son nom domine le cercle des Intelligences.
L'auteur emploie le mot « cercle » parce que les Intelli­
gences encerclent tout ce qui est au-dessous d’elles. »
Tout être humain peut parvenir à une certaine compréhen­
sion de Dieu, mais il s'agit toujours et seulement d’une
connaissance de dimension humaine, et non divine. Aussi
les Noms ne sont-ils pas à la mesure de Dieu, Lequel est
au-dessus de tout ce que quiconque n'est pas Dieu peut
concevoir. Ces noms sont un soutien pour l’être
humain, et seulement pour l'être humain, pour lequel ils
remplissent une double fonction :
a) ils lui indiquent la voie pour s'approcher de Dieu et
l'aident à percevoir, dans la mesure du possible, l’identité
transcendante de Dieu, le Créateur de la création et par
conséquent des noms eux-mêmes, qui donc ne peuvent
pas Le contenir ;
b) ils indiquent la voie à suivre pour s'améliorer : l'homme,
dans son désir de comprendre Dieu, n'a que la possibilité
d'expérimenter sur soi les qualités divines, pour ce que
ses limites lui permettent ; par conséquent la méditation
sur les Noms de Dieu (ou la « remémoration », le dhikr des
soufis) est une voie vers la réalisation de soi-même
(al-lnsân al-Kâmil : l’homme universel, l'homme réalisé).
Ainsi, par exemple, méditant sur la qualité de Dieu symbo­
lisée dans le Nom al-Rahmân (Celui qui fait de la
miséricorde), nous arrivons à percevoir la miséricorde et à
la pratiquer nous-mêmes. De cette considération, l'on
peut passer à une autre, plus globale : la prérogative,
l’essence de Son « identité » divine est d'être Créateur ; et
nous vivons cette existence matérielle pour expérimenter
cette qualité, cet aspect de Dieu (« Le comprendre signi­
fie s'approcher de Lui », a écrit le maître soufi Nûr al-Dîn
Isfarâyinî, 1242-1317). C’est-à-dire : « vivant » dans Sa
création, nous connaissons Sa qualité créative grâce à
l’expérimentation directe.
Le fait que le Coran insiste à propos de l'Unicité de Dieu,
à nul autre semblable, donne lieu aux cinq attributs
suivants :
- Qidam (Il est avant l'avant. Il est le « non-venu », il a
« toujours existé ») ;
- Baqa (Il est après l’après, Il existera toujours) ;
- Wahdanlyyah (Il est unique, sans autres qui lui ressemblent ;
Il est la cause de tout. Tout a besoin de Lui, Il n’a besoin
de rien) ;

(lOi
- Mukhalafatun lil-Hawadith (Il est le Créateur, et il n’est
pas semblable à Sa création. Il est le Créateur (al-Khàliq)
de toutes les choses, l'Initiateur absolu (al-Badt) ;
- Qiyam bi Nafsihi (Il est l’Autosubsistant, qui n'a besoin
de rien. L’Apparent (al-Zâhir) et le Caché (al-Bâtin).

Cela a engendré une série de recherches savantes et de


discussions entre les théologiens des différentes écoles et
entre les théologiens et les mystiques (les soufis). Une
digression est alors nécessaire pour éclairer le concept de
Dieu dans la théologie de l'islam.
La science traditionnelle concernant Dieu est 7/m
al-Kalàm, ou 77m al-Tawhid. Les écoles principales furent
(au temps des Omeyyades) celles des murji'ites, des
qadarites, des jabbârites ; par la suite, surtout des
mu'tazilites ; enfin, à partir du x* siècle, des ash'arites et
des hanafites/mâturîdites. La théologie développa ensuite la
« science des âhâdîth » (les « dits » du prophète Muhammad)
et la science du tafsîr, l'interprétation exégétique.
Le Tawhfd se fonde essentiellement sur l'existence de Dieu
(wujûd Âllâh), sur les attributs de Dieu (sifâtÂllâh) - basés
sur les rapports de l'essence et des attributs, sur la liste
des attributs et sur les attributs controversés - et sur les
versets ambigus, c'est-à-dire les versets qui donnent une
image anthropomorphe (mutashâbih) de Dieu.
L'existence de Dieu, naturellement, est à la base de tout et
s’explicite dans le dogme unique : Là ilâha illa'Llâh
(« Il n’est de divinité que Dieu »). La liste des attributs est
désormais universellement acceptée, ce n’est que la
nature des attributs qui a été différemment discutée ;
cependant, on distingue :
1) les attributs de l’essence (sifat al-Dhât), concernant
l'existence non distincte de l’essence ;
2) les attributs essentiels (dhâtî ou na/si) souvent
différenciés en attributs « excluants », qui soulignent la
transcendance divine (par exemple : éternité, permanence,
autosuffisance), et attributs ma'ânî(de qualité), qui ajoutent
à l’essence un concept (par exemple : omnipotence, volonté,
science, vie, parole, ouïe, vue, perception) ;
3) les attributs de qualification (ma'nawiyya), c'est-à-dire
les attributs ma'ânî pris à la lettre (le Tout-puissant, Celui
qui veut, Celui qui a la connaissance) ;
4) les attributs d'action (sifât al-Af'âl) qui désignent une
« possibilité » de Dieu, telle que créer, commander, et
toutes sortes de décisions. De plus, puisque quelques
attributs qui affirment une qualité (et pour cela ils sont des
attributs affirmants) peuvent nier son contraire (action
d’attribut excluant), quelques Noms de Dieu qui
témoignent Ses qualités peuvent avoir des interprétations
aux nuances variées, ainsi que nous le verrons dans des
cas particuliers.
En ce qui concerne les versets ambigus (mutashâbih) - en
particulier ceux qui mentionnent le visage de Dieu, l'œil de
Dieu, Dieu est assis sur le trône - quelques écoles, surtout
à l'origine, considéraient réel l'anthropomorphisme de
Dieu, refusant catégoriquement la possibilité de toute
autre interprétation. C’était le temps où la théologie
islamique était encore aux mains des Arabes (c'est-à-dire :
les habitants de la péninsule arabique).
L'avènement des Turcs et des Persans, ainsi que des
civilisations millénaires derrière eux, détermina un
considérable bond en avant dans la théologie, et l'on eut
des interprétations éclairées du verbe coranique, souvent
sur un ton ésotérique.
Le second grand sujet de la théologie islamique fut l'étude
des « actes de Dieu » (af'âluhu ta'âla), dont les consé­
quences furent les diatribes à propos du libre arbitre,
prêché par les mu'tazilites, et la « totale décision de Dieu »,
prônée par les ash'arites ; cela naturellement donna iieu
à pléthore d'ouvrages pour et contre, faisant naître
différentes écoles et ramifications.
Tout cela porta l'ensemble de la théologie islamique à des
spéculations, à des écoles différentes et à des opinions
parfois opposées. Les courants principaux furent : l’orien­
tation théologique sunnite, l’orientation théologique
ismaélite, la falsafa, le kalam et le tasawwuf.
La théologie ismaélite - le courant qui, probablement plus
que tout autre, se différencie de la tradition - comprend la
doctrine kharijite et la doctrine shiite, où se mêlent la
théologie traditionnelle, le néoplatonisme et des philoso­
phies particulières de l'Iran. Ici l’accent est posé sur le
mystère inconnaissable de Dieu ; pour exemple, le
système émanatiste de Nasafi (XIII* s.), qui présente un
ensemble d'hypostasss gnostiques (l'Intellect universel
jouant un rôle intermédiaire), avec de nombreuses inter­
prétations allégoriques des passages coraniques.
La falsafa (philosophie) étudie les questions concernant le
concept de Dieu, avec une dérivation aristotélicienne et
néoplatonicienne assez évidente (Dieu est la Pensée qui
pense Soi-Même ; Il est le Bien suprême qui nécessaire­
ment aime Soi-Même). Nous avons ainsi un islam qui, d'un
côté, perçoit Dieu par le raisonnement, et de l'autre par
l'intuition, selon la théorie du turc Avicenne (qui en

I lll
Occident est connu surtout en tant que médecin).
Naturellement les falâsifa furent contrecarrés par les
théologiens traditionalistes.
Le kalam fut en un sens la réaction raisonnée des théolo­
giens sunnites contre les philosophes. On en connaît deux
écoles principales : la mu’tazilite et la ash'arite, qui - par
des recherches, des ruses subtiles et des discussions
byzantines excessives - tendent surtout à s'écarter de
l’acceptation « à la lettre » du Coran, propre aux soi-disant
« anciens pieux » (salaf), quoiqu'elles demeurent formelle­
ment liées à la tradition.
Le tasawwuf, c’est-à-dire le soufisme, est la pointe de
diamant, le concept suprême du mysticisme islamique.
Les plus importants penseurs, savants et poètes de l'islam
furent des soufis, et chacun d’eux exprima en toute liberté
ses valeurs essentielles, se livrant totalement au Dieu
unique. Ce ne fut pas sans des oppositions, même
violentes, de la part des théologiens, comme en témoigne
le martyre d’al-Hallâj (tué par les traditionalistes à Bagdad
en 922). Les soufis s'organisèrent en confréries et ils
eurent du poids même dans la politique des différentes
nations islamiques. La recherche mystique est fondée
essentiellement sur deux concepts : l’unicité du
Témoignage (wahdat al-Shuhûd), exprimé par le soufi
dans l'union d’amour avec Dieu ; et l’unicité de l'Existence
(wahdat al-WuJûd), signifiant que rien n’existe, excepté
Dieu. C’est vers Dieu que les mystiques tendent, jusqu’à
l’intégration finale.

Venons-en maintenant aux quatre-vingt-dix-neuf Noms et


à leurs significations. Nous suivrons la succession la plus
répandue et orthodoxe, mais nous venons aussi les
variantes d’autres énumérations.
Les Noms du numéro 2 au 14 suivent l’ordre selon lequel
ils se présentent dans le Coran (LIX, 22-24) : C'est un Dieu
tel qu'il n'y a de Dieu que Lui, le Connaisseur de l'invisible
tout comme du visible. C'est Lui le Tout miséricorde, le
Miséricordieux. C'est un Dieu tel qu'il n'y a de Dieu que
Lui, le souverain, le saint, le salut, le pacifique, le
protecteur, le puissant, le contraignant, le conscient de Sa
grandeur. Pureté à Dieu des Associés qu'ils donnent I
C'est Dieu le créateur, le producteur, le formateur. À Lui les
plus beaux Noms. Tout ce qui est dans les cieux et la terre
chante pureté de Lui. Et c'est Lui le puissant, le sage.
En revanche, les Noms suivants ont été groupés selon
l'assonance et l'euphonie, en vue de faciliter la mémorisation.
Les Noms du numéro 21 (al-Qâbid) au 26 (al-Mudhill) ne
sont pas dans le Coran dans leur forme littérale, mais ils
sont tirés traditionnellement des racines présentes dans
le Coran même. Ils se présentent par couple, en opposition
ou bien en corrélation.
Il y a aussi une distinction entre les « Noms de l'essence »
(Asmâ' dhâtiyah) tels que l'Un, le Saint, l'indépendant, qui
expriment la transcendance divine et sont en rapport
direct avec l'essence de Dieu ; et les « Noms de la
Qualité » (Asmâ' syfâtiya), tels que le Miséricordieux,
le Généreux, la Paix, qui expriment l'immanence et la
transcendence divines. À ces derniers on ajoute les
« Noms des actions divines » (Asmâ’ af'âllya), tels que :
Celui qui donne la vie, Celui qui donne la mort.
L'important est de savoir que parfois la traduction directe
d'un Nom dans une autre langue présente quelque diffi­
culté ; à cause de la richesse expressive et lexicale de la
langue arabe, les termes dérivant des racines ont parfois
des nuances difficiles à rendre en d'autres langues, et
même des significations apparemment contrastantes
(sans parier des signifiants).
Un dernier rappel : à la fin du commentaire de chaque
Nom, j'ai ajouté le nom que l’on en tire en lui antéposant
le terme ’abd (serviteur, esclave, dévoué). Par exemple :
‘Abd al-Allah (Abdullah), c’est-à-dire « Serviteur de Dieu. »
On a ainsi une série de quatre-vingt-dix-neuf noms, et
c'est un de ces noms que l’on choisit de préférence pour
les nouveau-nés, dans l'espoir que ce nom influe sur le
comportement et rappelle dans les actions terrestres une
qualité essentielle de Dieu.
Enfin, selon l’usage, après avoir répété les Noms il faut
prononcer la phrase « Jalla Jallâluhu \va taqadassat
Asmâ’uhu » (Que Sa Majesté soit proclamée et Ses Noms
sanctifiés).

Bismi al-LShi al-Rahmâni al-Rahîmi : avec cette formule,


dite basmala, et qui signifie « Au nom de Dieu, Celui qui fait
la miséricorde, Celui qui est Miséricordieux », commence
chaque sourate du Coran (sauf la neuvième) et chaque
action de tout musulman. « Au nom de Dieu » est une
phrase qui revient également souvent dans les liturgies
juive et chrétienne (Sal. 20, 8 ; 118,10-12 ; 124, 8 ; Mt.
23,39 ; etc.). Selon les anciens peuples sémites, le « nom »
est le nommé lui-même : « Dieu a choisi un lieu pour
y faire demeurer Son Nom » (Dt. 12, 11 ; 16, 2 et 6)
« glorieux et terrible » (Dt. 28,58), etc.
Le « nom de toute chose » a une valeur particulière pour
les musulmans, d'après le passage coranique (II, 31 -33) :
[Dieu] apprit à Adam les noms, tous ; puis II les présenta
aux anges et dit : « Informez-Moi des noms de ceux-là, si
vous êtes véridiques. » Ils dirent : «< Pureté à Toi l Nous
n'avons de savoir que ce que Tu nous as appris I C'est Toi
le savant, le sage, vraiment. » Il dit : « û Adam, informe-les
de ces noms. » Puis, quand celui-ci les eut Informés de
ces noms, Dieu dit : « Ne vous ai-Je pas dit que Je sais
l'invisible des deux et de la terre, oui, et que Je sais ce que
vous divulguez et ce que vous cachez ? »
On dit que Bismi (b-s-m) signifie : bahâ, beauté ; sanâ’,
grandeur ; mamlaka, royaume. La basmala est donc la
phrase la plus répétée dans tout le monde islamique ; on
la calligraphie d'une manière précieuse dans les enlumin­
ures, les peintures, et surtout dans les céramiques ; et on
la trouve dans les sculptures de chaque période, qu’elles
soient des œuvres d'art ou de l'artisanat. Toute une
exégèse a élaboré des théories exotériques et
ésotériques, à partir du point qui en arabe caractérise la
lettre b ( y). Mais nous ne pouvons pas nous étendre plus
avant à propos de la basmala, car nous devons revenir au
sujet principal de ce livre-ci.

Transcription de l'arabe

Nous avons choisi de transcrire les mots arabes de façon


simplifiée et non systématique. Ainsi, nous avons lié à tous
les noms l’article al, sans tenir compte des lettres dites
solaires. En effet, dans la langue arabe, les noms sont
toujours liés à l’article al qui, s’il précède les lettres dites
lunaires (â, b, j, h, kh, ', f, q, k, m, h, w, y) se prononce sans
changement ; mais s'il précède les lettres dites solaires
(t, th, d, dh, r, z, s, ch, s, d, t, z, I, n), on remplace sa
consonne par la môme lettre solaire.

Traduction du coran

Il s'agit de notre propre traduction, réalisée à partir du


texte en arabe et de notre traduction italienne, éditions
DeAgostini, UTET (avec apparats critiques, historiques et
linguistiques), éditée sous le haut patronage de l'UNESCO.

1171
1181
Dieu

De al, l’article, et llâh : Dieu. Par contraction,


al-llâh est devenu Allah. Au pluriel (âliha les
divinités), en tant que nom divin impersonnel,
il est déjà présent dans la poésie arabe
préislamique.

De plusieurs spécialistes occidentaux, la


ressemblance avec le El hébraïque n’est pas
passée inaperçue (par ex. : El-okim, Dieu de
justice), tandis que selon d'autres ce nom pour­
rait dériver de l'araméen Alâhâ. Pour indiquer
une divinité, le terme II, El (rarement Ellm), est
présent dans toutes les langues sémitiques
(Isra-el : le combattant de Dieu ; Immanu-el :
Dieu est avec nous ; Bàb-el : la porte de Dieu,
etc.). Il, en particulier, est la désinence du nom
des divinités sudarabiques préisiamiques.

Le Dieu des Hébreux est appelé aussi Elohim


(pluriel de El).

lISl
De toute façon, une divinité nommée Allâh était
déjà connue à La Mecque avant la naissance du
prophète Muhammad.

L’exégèse musulmane s’est abondamment


exprimée au cours des siècles à propos de ce
Nom, et des spécialistes ont proposé d’autres
dérivations, une dizaine, parmi lesquelles :
'Ih (adorer) ; lyh, dont lâha (être élevé, caché) ;
Iwh, dont lâha (créer) ; ‘wlet'yl, qui représentent
un concept de « prééminence ».

Complètement erroné, de toute façon, est l’avis


de quelques spécialistes occidentaux selon
lesquels Allâh est le prénom du Dieu des musul­
mans. La seule traduction appropriée du mot
Allâh étant Dieu. Le concept de Dieu comprend
le tawhîd et le sifât-Allâh. Tawhîd est l’« unicité
divine », qui se fonde sur l’existence de Dieu
(wujûd Allâh) ; le sifât-Allâh est l’énumération des
attributs de Dieu, sans que l’on devienne un
« corporéiste » (mujassima) ou un anthropomor-
phiste (hashwlyya). C’est-à-dire qu’il ne faut
jamais tomber dans l’erreur, grave, de comparer
Dieu à ses créatures (tashbyh : similitude, analo­
gie) ; au contraire, il faut procéder au tanzîh
(incomparabilité) : l’affirmation que Dieu « n’est
pas un corps, ni une substance (jawhar), ni un
accident ; Il n’est pas localisable... »

1201
En effet, Dieu est bilâ kayf wa lâ tashbîh : sans
commentaire ni comparaison. En définitive, Dieu
est « mystère » (ghayb), Dieu est « indéfinissable ».

Il est impossible de comprendre l’éternité,


l’unicité et l’universalité de Dieu. Nous ne
pouvons pas Le voir avec les yeux et dans Sa
totale ipséité. Il ne Se présente pas, même aux
esprits humains les plus éclairés ; cependant 11
est absolument « Celui qui est présent » dans
chaque particule de l'infini. Peut-être que la
meilleure façon de Le comprendre, en tant que
Réalité, est de considérer les lois innombrables
et interdépendantes qui règlent la vie complexe
de l’univers ; des lois parfaites, que la matière
qui compose l’univers n’aurait jamais pu
concevoir (v. Coran, LIX, 22-24).

‘ABD ALLÂH (Abdullah). Ce prénom rappelle à


qui le porte l’unicité et l’unité de Dieu. Grâce à
lui, le « serviteur de Dieu » devrait se souvenir
des bienfaits que Dieu lui prodigue constamment,
se manifestant en lui par tous Ses attributs.

1211
le Tout miséricorde
Celui qui fait la miséricorde

DE LA RACINE R~H~M :
ÊTRE COMPATISSANT, BON, CLÉMENT, MISÉRICORDIEUX

On trouve ce nom cent huit fois dans le Coran


(par exemple : 1,2-3 ; II, 163 ; XX, 90 ; XLI, 2 ; LVII,
29 ; LIX, 2), ailleurs que dans la basmala qui (à
l'exception de la neuvième sourate) est en tête
de chaque sourate mais n’en fait pas partie,
sauf pour la première sourate dont elle est le
premier verset.

Le nom al-Rahmân, « le Tout miséricorde »,


indique l'action de miséricorde que Dieu accom­
plit (tandis que le Nom successif, al-Rahîm, qui
vient de la même racine, indique la qualité
essentielle de Dieu). Cela renvoie à la formule
hébraïque rahom vé hanùn : Dieu de pitié et de
miséricorde (Es. 34, 6-7, etc.). Dans quelques
inscriptions judaïques sabéennes, Rahmân
désigne le Dieu du monothéisme absolu, alors
que selon al-Ghazâlî, il s’agit presque d’un nom
exclusif de Dieu puisque c’est le propre de Dieu
de vouloir le bien total (irâdat al-Khayr), ainsi qu’il
est dit dans le Coran (Vil, 156) : Ma miséricorde
embrasse toute chose.

Selon les êtres humains, la miséricorde ne peut


pas se limiter à la pitié, à la pietas, puisqu’elle
vise principalement à éliminer les souffrances
d’autrui. Mais la miséricorde de Dieu est inson­
dable ; le Prophète a dit : « Si celui qui n’est pas
dans le besoin invoque la miséricorde de Dieu, il
risque par contre d’attirer Sa colère. » C’est pour
cela qu’lbn ‘Arabî a écrit (dans La Sagesse des
prophètes) : « La miséricorde de Dieu envers ses
créatures est l’essence même de Ses Noms :
c’est de la miséricorde pure, pure ainsi qu’un
aliment licite et un plaisir naturel qui ne soient
pas ternis par le blâme. C’est une miséricorde
provenant de Ses Noms et non pas à i’état
sublime ; comme un médicament qui peut être
désagréable quand on le prend, mais
ensuite il guérit [...]. Ainsi Dieu gratifie Son
serviteur par le nom al-Rahmân ; alors le don
est exempt de toute contamination, même si
celui qui le reçoit, ou bien son intention, est
contaminé. »
‘ABD AL-RAHMÂN. Celui qui porte ce nom
est invité à exprimer la miséricorde de Dieu,
en agissant avec bonté selon ses propres
possibilités. Ce nom illustre le dit du Prophète :
« Dieu a créé les humains dans la forme de
Sa miséricorde. »

1251
12b l
le Miséricordieux
Celui qui est miséricordieux
par son essence

dans le Coran on trouve ce Nom quatre-vingt-huit fois


AILLEURS QUE DANS LA BASMALA ; RAR EXEMPLE î I, 2-3 ; II, 163 ;
XX, 90 ; XLI, 2 ; LVII, 29 ; LXIX, 2.

Dieu, par son essence même, a la qualité de


« Créateur », mais Sa création participe en soi
de Sa qualité de « Miséricordieux » ; c’est
pourquoi des théologiens ont dit : « Sa miséri­
corde (rahmaniyya) a fait en sorte que toute la
création ait été créée pour le genre humain. »
Cette affirmation est naturellement une réduc­
tion de l’identité de Dieu, mais elle peut donner
une idée de l'aspect de « générosité » inhérent
à ce Nom. D’autres théologiens ont opté pour
une présence Rahmân dans le monde
phénoménal et Rahîm dans le monde de
l’esprit (Mujahid), allant jusqu'à prier Dieu en
l’appelant « ô Rahmân de ce monde et
Rahîm de l’au-delà ! »

1271
De toute façon, la présence de la rahmaniyya
divine sur cette terre conduit l’être humain à la
générosité, à la compassion, à étouffer l’orgueil,
à s’exprimer par de bonnes actions et, avant
tout, à ne pas nuire aux autres et à ne pas tuer.
Cela suppose aussi que l’on supporte l’ingrati­
tude et que l’on abandonne toute forme
d’arrogance, de vanité, de vanterie à propos du
bien qu’on a fait, puisque l’être humain n’est que
l’instrument de Dieu. Pareillement, les gratifiés
remercieront Dieu pour l’aide qu’ils auront reçue
par leurs semblables.

‘ABD AL-RAHÎM. Celui qui porte ce nom est


appelé à se perfectionner continuellement
dans la recherche de Dieu, dévotement et
avec religiosité. Par conséquent son prénom
rappelle aux gens la compassion et la bonté
de Dieu.
1291
ilOi
àS,'i

le Souverain, le Roi
Coran : 1,3 ; II, 258 ; III, 26 ; III, 114 ; XV, 23 ; XCII, 13.
Doublets : MAuku, Malyku (Coran : III, 26 ; LIV, 55, etc.).
De l'ancienne racine sémitique m-l-k ; hébreu melekh ; araméen
MALKÀ ; AKKADIEN MAUKU ; ASSYRIEN MALKU. PLURIEL : MULÛK

Ce nom a un sens absolu, ce titre en réalité ne


revient qu’à Dieu. Al-Mâlik équivaut à un attribut
excluant (Dieu ne dépend de rien) et à un
attribut actif (tout dépend de Dieu).

Il est un attribut de puissance qui indique un


pouvoir absolu et, en même temps, il a un
caractère social très important : Dieu seul est
souverain, Dieu seul est le maître des êtres
humains (Coran III, 26).

D'ailleurs, plusieurs courants théologiques,


considérant le verset coranique XLII, 38 {pour
ceux qui répondent à leur Seigneur, qui accom­
plissent la prière rituelle, qui se consultent
mutuellement pour leurs délibérations et donnent
généreusement ce dont Nous les gratifions),
l’interprètent comme une invitation à organiser
en république les gouvernements de la terre.

il! i
À ce propos on établit une différence entre le
« calife » (le chef politique et religieux de toute la
communauté islamique, tenu à la pitié et à la
droiture morale), le « sultan » (l’organisateur de
l’empire et chef de son organisation, et non pas
le « maître » de l’empire), et les autres
gouverneurs qui ne sont pas soumis à un
parlement élu. Le Coran - et par conséquent
l'islam - rejette donc toute idée de royaume
absolutiste. Il y a une grande différence entre le
pouvoir exorbitant des rois de l’Arabie Saoudite
(en 1916, le sharîf de La Mecque se proclama
lui-même « roi des pays arabes » et il fut accepté
pour roi du Hijâz par la Grande-Bretagne et la
France) et le pouvoir du roi de Jordanie,
équitable et étant réglé par les nécessités du
peuple.

Ainsi personne, excepté Dieu, ne sera jamais un


roi dans le sens total, c’est-à-dire roi des deux et
des mondes, du visible et de l’invisible. Dieu est
un Roi en absolu puisqu’il est le Créateur du
royaume, et Le Seul qui connaisse l’étendue, la
réalité et le sens eschatologique du royaume.
D’ailleurs le royaume est tout-à-fait indépendant
de son Souverain, et c’est à partir de ce point de
vue qu’il faut comprendre la réalité du Jugement
dernier : une haute cour de justice relative au
royaume.
Il s’ensuit deux nécessités : faire bon usage
des biens d’ici-bas donnés en usufruit à
nous-mêmes en tant que « chargés du Roi »
(c’est-à-dire « califes de Dieu ») ; et se
préparer pour le Jugement dernier, au cours
duquel nous devrons rendre compte de cette
fidéjussion terrestre au Souverain.

En outre, il est important de considérer que Dieu,


et Dieu seulement, est le Roi de la vie et de la
mort (Coran : II, 258 ; XV, 23 ; XCII, 13, etc.).
Pureté à Celui qui a dans Sa main la
Souveraineté (malakut) sur toute chose (alahut)
(XXXVI, 83).

‘ABD AL-MÂLIK. Celui qui porte ce prénom est


appelé à considérer que, quel que soit son
pouvoir, il doit l'exercer dans les limites du
royaume de Dieu. Par conséquent sa tâche est
ardue, puisque l'une des tâches les plus
difficiles en ce monde est de réussir à agir avec
justice et équité, sans se laisser corrompre par
le pouvoir qui, bien des fois, tente les êtres
humains et les entraîhe vers ce qui est négatif,
causant des deuils et des douleurs.

llll
1241
le Saint
Sacré, Pur, Parfait, Sans limites

Coran : XLIX, 23 ; UXII, 1

En analogie directe avec taqaddus, taqdys :


l’état de sainteté, de caractère sacré,
transcendant ; muqaddas : la chose sacrée
(immaculée). L'on voit donc qu’il est erroné
de traduire par « guerre sainte » le mot jihâd
(l’effort).

Dans le Coran, ce Nom est en analogie avec


Qayyûm, le Subsistant, et Qâim bi Dhâtihi, Celui
qui subsiste par Sa propre essence (XX, 111 ;
LXIV, 72). En même temps, ce nom dit que Dieu
est exempt de toute imperfection, et que Son
mystère est au-delà de toute interprétation
ou vision humaine (c’est une réalité qui est
seulement à Dieu).
C’est l’équivalent de l'affirmation-attribut
mukkalafatun lil-Hawadit (« Celui qui n’a en
Soi-même aucune ressemblance avec la créa­
tion ») : celle-ci étant l’une des cinq données de
non-ressemblance de Dieu avec quoi que ce
soit. À ce sujet, al-Ghazâlî écrit : « La perfection
du caractère sacré et de la transcendance n’est
possible que pour le Seul Véritable » (Ihyâ, IV,
162) et : « L’univers pour son existence a besoin
d’un Créateur, et pour sa propre nécessité il
proclame la transcendance de son Créateur »
(Ihyâ, I, 92). En effet les qualités de Dieu
al-Quddûs ne sont pas comparables aux
qualités analogues que l’on peut attribuer aux
êtres humains, quelque exceptionnelles qu’elles
soient ; celles-ci échappent à la compréhension
humaine précisément en ce qu’elles sont des
qualités « éternelles ». La compréhension de ces
vérités pousse l’être humain à louer Dieu pour
Sa perfection qui n’admet ni anthropomor­
phisme ni représentation d’aucun genre. C’est
pourquoi la prière à Dieu est un acte de pure
adoration, et non pas une demande de biens
matériels, ce qui serait du shirk (polythéisme),
puisqu’on associerait Dieu à un « protecteur »
terrestre, quoique très puissant et qualifié.
Puisque Dieu est le Protecteur dans l’absolu, il
ne faut pas Lui demander protection, celle-ci
étant en soi immanente, totale, éternelle. Cela
indique aussi le degré de foi que le croyant est
invité à réaliser : une communication avec le
Créateur, sans désirs matériels, sans condition­
nements, qui ne serait pas l'effet d’une déviance
psychique telle que le complexe d’Œdipe, la
tartufferie ou le piétisme.

Et puisque l’attribut « Saint » concerne une


qualité exclusive de Dieu, l'islam strictement
coranique reconnaît à des hommes spirituelle­
ment éminents (à plusieurs maîtres soufis, par
exemple) une vie exemplaire, mais jamais le titre
de « saint », lequel est cependant très souvent
employé par les gens simples qui, pour la
plupart, n’ont qu’une teinture de théologie.

‘ABD AL-QUDDÛS. Celui qui porte ce prénom


est invité à accueillir dans son cœur nul autre
que Dieu, et donc à mener une vie autant que
possible sans tache et sans désirs mondains,
selon les paroles citées par Ibn ‘Arabî : « Tu ne
Me trouveras pas dans les deux ni sur la terre,
mais dans le cœur de mes fidèles serviteurs. »
1381
la Paix
Coran : XXXIII, 44 ; LIX, 23

En tant qu’attribut excluant, il indique que Dieu


seul est le possesseur d’une paix absolue ; en
tant qu’attribut actif, il signifie : « Celui qui donne
la paix et la santé » avant et après la création ;
en tant qu'attribut du mot, « Il donnera la paix
en saluant Sa créature ».

Ce Nom, peut-être plus que tout autre, indique


que les Noms de Dieu sont des essences
désirées et, autant que possible, poursuivies par
les êtres humains, qui toutefois ne sont pas en
mesure de les atteindre dans la vie ici-bas : la
paix réelle est un état qu’on ne pourra atteindre
que dans la vie future. Elle est toutefois possible
non pas comme un état d’esprit né subitement
dans le cœur du fidèle, mais tout au long d’une

|X<)|
évolution constante : le fidèle poursuit alors non
pas le perfectionnement absolu (ce serait une
erreur de présomption), mais l’équilibre ; il
recherche non pas le bonheur (ce n’est qu’un
sentiment épisodique), mais la sérénité. C’est un
état que l’on peut atteindre et il peut même être
continu, à condition qu’on soit toujours prêt à
rajuster son équilibre intérieur au milieu des
constants déséquilibres du monde extérieur.

Tosun Bayrak, éminent cheikh soufi Jerrahi-


Halveti, cite à ce propos un ancien dicton turc :
« Ne t'appuie pas à un arbre, parce qu’il peut se
dessécher et se putréfier ; ne dépends pas des
hommes, qui ne peuvent que vieillir et mourir...
Celui qui dépend de Dieu al-Salâm n’aura jamais
peur. La force de Dieu se manifestera en lui et lui
donnera la force de la foi. C’est cela l'une des
manifestations du Nom al-Salâm. »

‘ABD AL-SALÂM. On donne ce nom en


désirant que celui qui le porte soit protégé des
douleurs, des nécessités et qu’il ait une vie
équilibrée et paisible.
1421
tefrpCuïmity
le Fidèle
Celui qui est le détenteur de la foi
et la donne à qui II veut

le Rassurant
Celui qui rassure

Coran : UX, 23 et titre de la XXIII1 sourate

En tant que principe de forme (muf'il), ce terme


peut avoir deux significations, l’une et l’autre
étant inhérentes à la racine a-m-n : « protecteur »
et « croyant ».

Si nombre de commentateurs éclairés n’ont


considéré que la première signification, d’autres
lui ont préféré la seconde, suivant en cela
al-îjî (v. 1300-V.1355) selon lequel « Dieu est le
Croyant, puisqu’il ajoute foi à Lui-même et à Son
envoyé, grâce à Sa suprême véracité. Et cela,
soit testimonialement, puisque, en existant, Il
affirme Lui-même et Ses envoyés ; soit opéra-
tionnellement, en créant la preuve miraculeuse »
(Kitâb al-Mawâqif [Le Livre des stations]).
On peut aussi considérer Dieu comme le
Croyant par rapport au fidèle, étant pour celui-ci
une source de sûreté et de protection (amàn).

De toute façon, il faut distinguer la « foi » de la


« religion ». La foi est une pulsion innée, la
poussée de l’être humain vers son Créateur,
quelles que soient sa situation ou sa culture ;
tandis que la religion est la bureaucratisation de
la foi, et elle revêt une dimension culturelle
et spatio-temporelle. Selon le Coran, Dieu
demandera compte à chacun de sa foi, indépen­
damment de toute spécificité religieuse. Dans ce
sens le Nom al-Mu’min acquiert sa complète
signification : Dieu, étant le possesseur de la foi,
qui est le don le plus grand que l’être humain
puisse recevoir de Lui, est le seul qui puisse
donner la foi à qui II veut. En outre, Il est Celui
qui protège et réconforte ceux qui se réfugient
en Lui. Celui qui a vraiment la foi ne craint pas la
mort, il ne nourrit pas de craintes de par sa
condition humaine, pas plus qu’il ne cède au
fanatisme, qui est une façon erronée d’entendre
la religion en ne saisissant que les dogmes
rigides, fixés inconditionnellement à un moment
du passé, généralisant ce qui devrait être
interprété selon des distinctions constantes. La
foi est semblable à un fleuve qui coule, modifiant
ses ondes tout en restant soi-même ; l’impétuo­
sité des eaux détruit les scories et purifie les
pensées ; le fanatisme par contre est comme un
fleuve glacé, dont les poissons sont morts de
froid.

Les êtres humains ont de nombreux ennemis qui


leur nuisent : l’égoïsme, l’intérêt, le clinquant du
monde. Le mai a des apparences persuasives et
la partie faible de l'être humain peut en devenir la
proie : alors arrivent les tyrannies, les cruautés,
les guerres avec leur sombre suite de malheurs.
Quand un être humain, pour fuir cela, dit : « Je
cherche protection en Dieu » (Coran, XIX, 18), il
cherche protection en ce Nom al-Mu'min ; il se
réfugie dans la foi, ce don qui le met à l’abri de
toute tentation diabolique.

‘ABD AL-MU’MIN. Qui s’appelle ainsi devrait


être un refuge sûr pour ceux qui lui confient leur
honneur, leurs biens, leur vie, et un exemple par
sa sérénité et sa ferme confiance dans la bonté
du Seigneur.
14b i
ra«\/

le Surveillant - le Vigilant
le Témoin, le Préservateur, le Fidèle

Coran :XUX, 23

Ce mot est d'origine syriaque. Selon l’attribut de


la science, il est à interpréter comme le Témoin
omniprésent, dont la connaissance veille sur
tout ; selon l'attribut du mot, il est à comprendre
comme l'absolu Sincère, le Véridique dans Sa
parole - en relation avec le terme âmîn.

Celui qui veille à tout a en Soi la qualité suprême


de Gardien et Protecteur de tout. Puisque tout
existe puisqu’il existe, étant Lui-même le
principe de l’énergie dont le monde phénoménal
se compose, trouvant en Lui seul sa création et
sa substance, implicitement rien n'échappe à
Sa réalité, pas même pour un seul instant. Dans
un sens absolu, donc, tout est coordonné par
des règles (et il y a des règles physiques de
survie - comme le cycle de Krebs en médecine -

1471
qui dépassent toute possibilité d’avoir été
organisées par la matière qu’elles-mêmes
régissent) ; par conséquent la vigilance
constante de Dieu s’identifie à l’actuation même
des infinies et très complexes lois physiques
grâce auxquelles le monde phénoménal doit sa
subsistance, depuis un atome infinitésimal, quel
qu’il soit, jusqu’aux infinies galaxies.
Transcendant le plan physique, Dieu connaît
pareillement chaque action, même la plus petite,
de Ses créatures, y compris le corollaire des
raisons physiques, psychiques et du milieu
ambiant qui ont mené à cette action. Mais la .
« vigilance » n’implique pas I’ « ingérence » : la
créature de Dieu est libre dans ses décisions et
dans ses actions, sachant que seulement à la fin
de tout elle en rendra compte.

La « vigilance » de Dieu est nécessaire,


tout comme le sont d’autres Noms-attributs,
en particulier la « rétribution », la « justice »,
I’ « équanimité », dans un tout qui - s’englobant -
nous fait comprendre que Dieu est Un, de la
façon la plus élevée, et nous pouvons définir
Son essence seulement avec des Noms, pour
essayer de nous approcher de la grandeur de
Son mystère.
On peut arriver à cueillir un reflet de la qualité du
Nom al-Muhaymin en cherchant en nous-mêmes
la conscience vigilante de nos pensées, de nos
actions, de nos mots et de nos sentiments.

‘ABD AL-MUHAYMIN. Ce nom tend à conférer


à qui le porte la tâche de bien veiller sur
lui-même et sur les autres, les défendant des
injustices et les aidant dans la recherche du
droit chemin.
1501
le Précieux - l’Inacessible
Celui qui fortifie ;
Celui qui donne la puissance irrésistible

VALEUR RÉCENTE DU MOT : CHER, SIGNIFIANT : AMI AIMÉ.


Il est fréquent dans lé Coran. Par exemple dans : III, 62 ; VI,
96 ; XI, 66 ; XXXV, 23. LVIII, 22 ; LXII, 1 ; LXXXV, 8

En tant qu'attribut d’action, il indique que Dieu,


le Tout-Puissant, peut punir avec vigueur qui II
veut, et il laisse sous-entendre qu’il est le
Seigneur de la rétribution. Selon al-Ghazâiî, en
tant qu’attribut excluant, il a le sens de Rare,
Très Précieux, Difficile à saisir, et par
conséquent l’Unique en sens absolu - Dieu
étant le « Rare par excellence ».

Il est nécessaire à tel point que sans Lui rien ne


subsiste, et II est tellement inaccessible que Lui
seul peut connaître Soi-même. D'après al-îjî, ce
nom indique que Dieu n’a ni père ni mère, que
nul lieu ne peut Le contenir et que rien ne Lui
ressemble.

1511
Ce mot se trouve souvent dans le Coran en des
versets qui parlent de la punition divine. Dans ce
cas, la puissance de Dieu est liée à ses qualités
de justice et de miséricorde ; de plus, Il est à
même de freiner de façon équilibrée sa puis­
sance. Il est donc le « Victorieux qu’aucune force
ne peut écraser » et « Qui n’est pas dominé par
Sa propre force ».

En tant que nom grammaticalement attributif,


il a le sens de « qualitativement suffisant
à Soi-même », ce qui a donné lieu à des disser­
tations philosophiques et grammaticales
particulières, notamment celle de al-Jîlî :
« Communément on distingue dans l’homme
deux catégories de qualités : celles qui lui sont
inhérentes (par exemple la vie) et celles qui
émanent de lui (par exemple la générosité).
Certains soufis, nommés “Ceux qui réalisent la
vérité” (al-Muhaqqiqûn), subdivisent les Noms
de Dieu en deux groupes. Le premier est consti­
tué par les noms qui sont qualitativement
autosuffisants (dans la grammaire ils sont dits
“noms attributifs") : ce sont les Noms de
l’essence, comme l’Un (al-Ahad), l'Unique
(al-Wâhid), le Singulier (al-Farîd), l’impénétrable
(al-Samad), le Sublime (al-'Azîm), le Vivant
(al-Hayy), le Glorieux (al-‘Azîz).
Le deuxième groupe est constitué des noms
qualitatifs, tels que ceux qui se réfèrent à la
science (al-‘ilm) et à la puissance (al-qudra), ou
aux qualités dites de la personne (al-sifât
al-nafsiya), ou même aux activités divines
(al-sifât al-fâliya). »

‘ABD AL-‘AZÎZ. Qui appelle ainsi son fils désire


qu’il soit fort, mais qu’il n’exerce pas sa force
négativement et qu’il ne s'abandonne pas à la
vengeance.
1541
MsA
l’impérieux - l’Inacessible
le Très fort, l’Oppresseur

Coran LIX, 23

De la racine j-b-r, ranger, restaurer ; par


conséquent, le Nom peut être entendu : Celui
qui, selon Sa propre volonté, coordonne tout ce
qui est nécessaire à l’humanité, mais en lui
laissant la liberté de bouleverser cet ordre.
Selon les cas, il est un attribut de l’action ou bien
un attribut excluant et affirmatif en même
temps. Il est synonyme du Nom ‘Azîm (n° 34),
dans le sens de « exempt de toute faute ».

Entendu couramment dans le sens de « Celui qui


peut assembler ce qui est cassé », ce nom
dénote donc la qualité de rétablir l’ordre. D’après
Ibn ‘Arabî, par ce nom Dieu offre un grand don à
Ses créatures, leur fournissant le milieu dans
lequel il y a tout ce qui leur est nécessaire,
selon la coordination des lois cosmiques qui
transcendent la compréhension humaine. Pour

i55i
lbn ‘Arabî, les lois de l’ordre cosmique sont donc
un grand don que Dieu a fait à l’humanité.
Lorsque l’être humain, cherchant une définition
eschatologique de sa propre vie, se demande :
« Rien que cela ? », implicitement il affirme : « Ici
il y a tout ». Si ici il y a tout, il y a tout ce dont
nous avons besoin et il y a aussi les réponses à
nos questions ; il suffit de savoir comprendre.
Alors on comprendra aussi l’apparent
désintéressement de Dieu pour les faits
humains, du moment que Dieu a donné aux
hommes tout ce qui leur est nécessaire. Si, par
exemple, selon la loi cosmique divine la Terre est
obligée de tourner sur elle-même et autour du
Soleil, qui ne peut « ne pas surgir de nouveau »
le jour suivant, et si le vent souffle, et qu’il ne
peut pas se soustraire à la force de la coordina­
tion divine, l’être humain, lui, est libre de choisir
de suivre la loi naturelle ou bien de s'en sous­
traire. Cela dépend de lui.

Al-Ghazâlî considérait al-Jabbâr comme le


« qualificatif de participation » du prophète
Muhammad (la raison pour laquelle il avait été
chargé de sa mission par Dieu) ; et al-Ghaffâr
(l’« Indulgent », n° 15) comme le « qualificatif de
participation » du prophète Jésus.
‘ABD AL-JABBÂR. Celui qui s’appelle ainsi
devrait réfléchir sur la force de Dieu, se dominer
et accepter de bon gré le vouloir de Dieu dans
tous les faits de la vie.
1581
l’Orgueilleux - le Fier
le « Conscient de sa propre grandeur »

Coran LIX, 23

D'après al-Ghazâlî, ce Nom signifie que Dieu a


la « Conscience divine » de la grandeur de Sa
propre réalité et que « Tout est vil comparé à
Son essence ». Selon al-Jurjânî, le sens du Nom
est comparable à celui de ’Azîm (n° 34) ainsi
que du précédent.

Ce Nom est dans le Coran ; il est l’un des plus


importants pour la communauté des musulmans
et en particulier des soufis (LIX, 22-24) : C'est
un Dieu tel qu'il n'y a de Dieu que Lui, le
Connaisseur de l'invisible tout comme du visible.
C'est Lui qui fait la miséricorde, le Miséricordieux.
C'est un Dieu tel qu'il n'y a de Dieu que Lui, le
souverain, le saint, le salut, le pacifique,
le protecteur, le puissant, le contraignant,
le conscient de Sa grandeur.

i5Si
Pureté à Dieu des Associés qu'ils donnent ! C'est
Dieu le créateur, le producteur, le formateur. À Lui
les plus beaux Noms. Tout ce qui est dans les
deux et la terre chante pureté de Lui. Et c'est Lui
le puissant, le sage.

Selon Sayf al-Dîn al-Amîdî, Dieu crée l’univers du


fait même que c’est une manifestation de Son
Nom al-Mutakabbir ; cette considération a été
justement critiquée par d’autres savants. En
revanche est acceptée l’opinion selon laquelle
Satan tend à se considérer al-Mutakabbir et
arrive à détourner beaucoup de gens en les
appâtant par l'idée du pouvoir (un péché
d'orgueil décrit dans d'autres religions aussi)
dans les domaines politique, intellectuel et
financier. La pluie ne s’arrête pas sur les
sommets, mais elle descend dans les vallées
profondes ; les dons de Dieu ne gratifient pas
celui qui se dresse avec orgueil, mais plutôt
celui qui se prosterne humblement.

ibOi
‘ABD AL-MUTAKABBIR. Ce nom devrait
rappeler, à qui !e porte, la vanité des gloires
d’ici-bas, la caducité des efforts humains
tournés vers le bien-être matériel, la nécessité
donc de fuir l'égotisme et l’orgueil, et lui faire
comprendre que nous, nous tous, ne sommes
qu’un simple et passager reflet de l'Unique
Suprême.
i b21
le Créateur
Sacré, Pur, Parfait, Sans limites

Coran VI, 102 ; XXXV, 3 ; XL, 62 ; et «ss«m ;


XXIV, 54 dans le Coran de Kufa

C'est peut-être le Nom le plus intimement lié


- du point de vue de la compréhension
humaine - à la réalité de Dieu, puisque Dieu
étant tel qu'il est, la qualité spécifique qui
démontre Son essence divine est la créativité.
Par conséquent l’univers - qui selon le Coran
est « créé non pas par hasard » mais dans un
but que seul le Créateur connaît - est une
émanation « constante » du fait de Son
essence divine, comme est constant le
témoignage de Sa divinité que l’univers nous
donne.

En effet tout ce qui fait partie de ce monde


phénoménal a un début et une fin ; et pour tout
cela un Créateur est nécessaire. Tout ce qui est
créé vit le moment de sa création : avant ce

ibll
moment il n’existait pas, et il expérimente donc
un commencement. Si le Créateur avait un
commencement, Il aurait à Son tour un créateur ;
par conséquent est logique l’affirmation
d’al-Hallâj : « Le Créateur existe depuis la
prééternité jusqu’à la postéternité. »

De Dieu procède le devenir perpétuel de la


création (masîr, qui d’après les soufis est le
devenir du mystique qui tend vers Dieu, par
degrés) qui a un but, une finalité et n’est différen­
ciée qu’apparemment, étant un composé de
quanta énergétiques primaires que le théologien
Fakhr al-Dîn al-Râzî, mort en 1210, définit
(XVII, 9) comme âjzâ là tatajjâ (parties indivisibles).

Sur la théorie de la création (Coran X, 3),


l'exégèse sunnite, l’école mu’tazilite et le courant
ismaélite sont en opposition. Le cheikh Si Hamza
Boubakeur donne un exposé détaillé des
différentes opinions (Le Coran, éd. Fayard, Paris,
1979, p. 651-653).

Selon les soufis, la créativité de Dieu (et Son


pouvoir de ressusciter les morts) s'est mani­
festée grâce au prophète Jésus, fils de la Vierge
Marie, ainsi que le dit Jésus lui-même dans un
verset du Coran (III, 49) :... Et je guéris l'aveugle-
né et le lépreux, et je ressuscite les morts, parla
permission de Dieu...
Quant au rapport de ce Nom avec les deux
suivants, voir la citation d’al-Ghazâlî sur le Nom
al-Musawwir (n° 14).

‘ABD AL-KHÂLIQ. Qui s'appelle ainsi devrait


être disposé à faire pour son prochain tout ce
dont celui-ci a besoin, suivant ce que Dieu lui
inspire.

ifeSi
ibbl
le Promoteur
Celui qui façonne

Coran II, 54

L’être humain n'est rien ; son identité réside en


Dieu et Dieu n’a pas besoin de confirmer Son
ipséité ni d’affirmer Son existence. Le mystique
qui, par son propre devenir, finit par dépasser
l'immanent, comprend que le monde
phénoménal - y compris lui-même - est un
reflet transitoire d'une qualité particulière de
Dieu : la créativité.

« Tout est rien » (Coran LV, 26), Dieu seul existe ;


nous sommes une forme transitoire créée, et le
divin qui est en nous fait partie « exclusivement »
de Dieu. Cette idée peut être symbolisée par le
Nom al-Bâri'. Elle renvoie à l’acte divin qui
consiste à disposer chaque chose en harmonie

i b71
avec toutes les autres, dans une continuelle
correspondance-dépendance ; par conséquent
l’humanité même est liée par un mouvement
continu d'échanges réciproques. Celui qui, pour
son propre profit, nuit à son prochain, tôt ou tard
verra retomber sur lui (ou sur ses enfants et
ses compagnons) les conséquences de ses
mauvaises actions. Même en ce qui concerne la
psyché de chaque individu, les actions sont liées
entre elles et subordonnées les unes aux autres ;
on ne peut pas dégrader un aspect de la vie
humaine sans en corrompre d'autres, puisque
les domaines du travail, de la santé et des affec­
tions sont finalement des « vases communicants ».
En dernière analyse, celui qui détruit ce qui est
hors de lui-même, ou bien une partie, même très
petite et éloignée, de la Terre, finira par se détruire
lui-même. Et celui qui se désintéresse des souf­
frances de son prochain, dues au manque de
liberté d’action, se trouvera impliqué dans les
conséquences de ces souffrances mêmes.

‘ABD AL-BÂRI’. Qui porte ce nom est appelé à


fuir l’incohérence de l’erreur, de l’injustice et du
désordre. Il est invité à agir et produire en
harmonie avec tout ce qui l’entoure.
1701
vCuœ&wwir'
le Coordinateur
des formes
Celui qui modèle les formes

Coran VI, 11 ; UX. 24 ; LXIV, 3

Ces trois derniers noms (n° 12, 13, 14) se


rapportent aux attributs de l’action.

Selon al-Ghazâlî, ils connotent le passage de la


non-existence à l’existence de chaque accident
phénoménal. Le Nom al-Khâliq indique la déter­
mination et la mesure du décret divin (qadar) ;
le Nom al-Bâri’ indique que l'existence de
Dieu (wujûd) est absolument réelle ; le Nom
al-Musawwir indique que Dieu est le coordina­
teur harmonieux des formes. De là découle le
concept de la prédestination, du décret divin
(qadar) sous forme de destinée, un sujet facile à
comprendre si on l'aborde avec intelligence et
culture, mais épineux si on le prend au pied de la
lettre (Qadar est le titre de la quatre-vingt-

1711
dix-septième sourate, où l’on célèbre la nuit de la
première révélation).

Si Hamza Boubakeur explique : « Dieu étant


omnipotent, omniscient et créateur, existant en
dehors du temps et de l'espace, ne peut ignorer,
sans être imparfait, les actes humains. Sa
Création dans son universalité est soumise aux
lois qu'il a Lui-même instituées pour elle et que
la science découvre chaque jour [...]. En théologie
islamique, la liberté ne saurait être examinée que
sur ce plan. Dieu ayant tout créé, il s'ensuit que
tout est à Lui, l'homme fait partie de la création
et dépend de Lui en sa vie, sa personne, ses
acquisitions et sa mort [...]. L'homme ne saurait
échapper au déterminisme universel qui, au
demeurant relève de Dieu. C'est si vrai qu'il ne
peut choisir sa race, l'époque à laquelle il vit, son
sexe, les facteurs fondamentaux qui pèsent sur
sa naissance (condition sociale, milieu où il voit
le jour, langue maternelle, etc.) pas plus que sa
couleur, son intelligence, ses capacités, son
physique, etc. Reste le fameux « choix du
chemin ». Étant placé dans un carrefour, il est
apparemment libre de choisir, compte tenu du
conflit des motifs, le chemin qu'il veut suivre »
(Traité moderne de théologie islamique,
Maisonneuve & Larose, Paris, 1985).

1721
Ce problème a été exposé plus directement
dans un hadîth du prophète Muhammad : « Un
homme qui voulait laisser sans entrave sa
chamelle dit au Prophète : “Si le destin veut
qu’elle s’en aille, l’entrave est tout à fait inutile. Si
le destin veut qu’elle reste et ne se perde pas,
pourquoi donc l’entraverais-je ?’’ Le Prophète lui
répondit : “La chamelle, entrave-la ; et ta
confiance, place-la en Dieu.” »

Et, revenant à la valeur spécifique de ce Nom,


il est certain que l'on reconnaît la qualité de Dieu
du fait qu’il façonne sans partir d’un modèle, et
qu’il ne façonne pas deux choses tout à fait
pareilles. Chacun de nous est une création
individuelle (les empreintes digitales suffisent
pour comprendre cela), alors que chaque
production humaine dérive des instruments ou
des procédés conçus à cet effet.

’ABD AL-MUSAWWIR. Qui se nomme ainsi est


appelé à œuvrer en s’efforçant d’être en
accord avec la qualité divine de la beauté et de
l’harmonie, conscient du fait que rien qui soit en
contraste avec la beauté divine ou en dehors
d'eile ne peut exister.
1741
l’indulgent
Doublets : Ghafûr ; Ghâfir

Dans le Coran il paraît cent vingt-deux fois,


parmi lesquelles II, 173 ; Il, 182 ; II, 192 ;ll, 199 ; il, 218 ;
II, 225 ; II, 235 ; II, 284 ; III, 31 ; X,
107 ; XX, 82 ; XXXVIII, 66

Ce Nom est masdar (nom d'action) du verbe


ghafara, pardonner. Par le Nom al-Ghafûr (le
Clément, n° 35, on entend « le Pardonneur »,
tandis que al-Ghaffâr est « Celui qui ne cesse de
pardonner » ; al-Tawwâb (de la racine t-w-b,
revenir) est « Celui qui revient toujours envers
le pécheur qui se repent » ; al-‘Afuww (n° 82)
est « Dieu qui pardonne puisqu'il efface l'acte
négatif ».

Dieu efface les péchés (fafâj, c’est-à-dire qu’il


absout le pécheur, et Lui seul peut le faire,
puisqu'il est le seul qui connaît l’ensemble des
mécanismes concernant les circonstances qui
ont provoqué la déviance ; Il est donc le seul
à même de fixer le juste châtiment. Par
conséquent, à Lui seulement il faut s’adresser
pour obtenir le pardon.

1751
D'après Ibn ‘Arabî, si une créature de Dieu mérite
un châtiment et qu’elle se repent, Dieu la protège
dans le châtiment ; et si elle ne le mérite pas, Il
l’en préserve.

Quoi qu’il en soit, il faut considérer qu’en l’islam


le seul péché réel est Vishrâk : l’association
à Dieu d’autres divinités, c’est-à-dire le
polythéisme et le totémisme. Tout le reste peut
être défini comme une déviance volontaire du
droit chemin, du comportement éthique ; en effet
le Coran insiste davantage sur le comportement
éthique que sur la pratique d’un ritualisme
religieux. La religiosité ne consiste pas à tourner
le visage vers l’Orient ou vers l’Occident (c’est-
à-dire, appliquer les préceptes religieux
israélites, chrétiens ou islamiques) : Ce n'est pas
charité que de tourner vos visages vers l'Orient
ou l'Occident ; mais c'est charité, oui, que de
croire en Dieu et au Jour dernier, aux anges, au
Livre et aux prophètes Et ceux qui remplis­
sent leurs pactes lorsqu'ils en ont fait, ceux qui
sont endurants dans l'adversité, la détresse, et
dans l'effort. Les voilà les véridiques, et les voilà
les pieux (II, 177).

D’ailleurs, l’éthique des soufis Jerrahi-Halveti


tient pour un péché plus grave la destruction
de l’harmonie autour de soi. Et Tosun Bayrak

17b i
d’affirmer : « Un pécheur est comme un pauvre
diable tombé dans un égout. Quelle est la
première chose qu’il doit faire ?[...] Le savon et
l’eau pour laver le plus profond de notre être,
c’est le repentir. »

La théologie traditionaliste a énuméré, par ordre


d’importance, les péchés, même si plusieurs
divergences d’opinion subsistent. D’après Ibn
‘Abbas (?-688), les péchés étaient de sept cents,
divisés en péchés de l’âme (péchés capitaux) et
péchés des sens ou de la langue (péchés
véniels). Ibn Mas’ûd (?-650), Ibn ‘Umar (?-693)
et leurs disciples considèrent, outre Yishrâk,
comme péchés capitaux les actions mauvaises
citées dans le Coran telles que : ghayba (la
calomnie), qadf al-muhsanât (calomnier des
femmes honnêtes), ou encore ridda (l’apos­
tasie). .. Ce sont des violations des lois éternelles
pour des motifs d’ici-bas.

‘ABD AL-GHAFFÂR. Qui se nomme ainsi est


appelé à être indulgent envers les erreurs des
autres, leur indiquer la voie du repentir sans
insister sur leur culpabilité, mais en les
comprenant et en les aidant.

1771
1781
le Dominateur, l’invincible
Celui qui asservit

Coran : VI, 18 ; XII, 39 ; XIII, 16 ; XIV, 48 ; XXXVIII, 65 ;


XXXIX, 4 ; XL, 16

De qahr : la contrainte, la puissance irrésistible.


À ne pas confondre avec jabr : la contrainte par
nécessité, le déterminisme. C'est un attribut
d'action excluant : Celui qui a la puissance
absolue d'assujettir n'importe quelle forme de
pouvoir universel, un empire de la Terre ou un
astre brillant dans le ciel, ne pourra jamais être
subjugué par quoi que ce soit.

Au Nom al-Qahhâr est opposé le Nom al-Latff


(n° 31) pour donner l'idée d’un Dieu vigoureux
quand II domine, mais doux dans Son amour.
Toute la création témoigne de cela, puisque
étant matière elle nécessite du positif et du
négatif, de la lumière et de l'obscurité, du bien
et du mai.

i79i
Par conséquent, l'être humain comprend plus
clairement l'infinitude incompréhensible de Dieu
grâce à ces contrastes al-Qahhâr/al-Latîf ;
lorsqu’il considère ces Noms - étant lui-même
sujet à des contrastes-, il retrouve lui-même, et
retrouvant lui-même, il trouve Celui qui le
dépasse. Il est nécessaire de comprendre ces
contrastes pour comprendre que les causes
ascendantes et descendantes sont des limites
qu'il faut dépasser, en situant Dieu au-delà de
tout cela - dans les limites de notre possibilité
de comprendre.

C'est ainsi que Abu Bakr Kalâbâdhî (m. 990) écrit :


« La contrainte ne saurait avoir lieu qu'entre deux
êtres inflexiblement opposés [...]. Mais ni le
croyant ni l'infidèle ne sont empêchés de choisir
le contraire de ce pour quoi ils ont opté libre­
ment, pas plus qu'ils ne sont entraînés malgré
eux vers ce qu'ils acquièrent. Et c'est pourquoi
l'argument de Dieu envers eux est péremptoire,
et le jugement de leur Seigneur à leur égard
est vrai. »

‘ABD AL-QAHHÂR. Qui s'appelle ainsi devrait


s'appliquer à contester la tyrannie, et se mettre
à l'abri des ordres négatifs, arrivant à identifier
et à suivre la voie de la Justice.

1801
1811
Celui qui donne
En un sens acquis :
Celui qui dispense Ses Grâces

Coran : III, 8 ; XXXVIII, 9

Dans le Coran, XIX, 54 (et passim), nous


trouvons aussi l’expression de la divinité 1/l/a
wahabnâ la-Hu min rahmatinâ (« Et par Notre
miséricorde, Nous lui donnâmes »). Dans un
sens actif, comme Ibn ‘Arabî a exhaustivement
commenté : « Il est Celui qui donne sans cesse
et gratuitement, puisque celui qui reçoit ne doit
pas Le rétribuer par des actions de grâce ou
méritoires, étant donné que Dieu n'a besoin
d'aucune récompense, puisque tout est en Lui. »

La prière, en réalité, devrait être un acte d'ado­


ration de la créature envers le Créateur, non pas
une demande d'aide, puisqu'il est, dans l'absolu
et pour toujours, Celui qui aide.
D'ailleurs, puisqu'il est l’Omniscient, Il sait qui
mérite un don, quel genre de don est le plus
approprié, comment et quand le donner.
S'il comprend bien la valeur de ce Nom, tout
musulman devrait se sentir incité à donner. Et en
effet, au cours des siècles, de nombreuses
personnalités politiques issues soit du milieu de
la finance, soit du milieu de la culture, ont fondé
des institutions charitables et d'utilité publique,
comme les grands waqf ottomans, persans et
ouzbeks.

Et Shihâb al-Dîn Sohravardî (1155-1191) d’écrire :


« l_a générosité consiste à “donner” ce qu'il
convient de donner sans attendre une compen­
sation quelconque, car celui qui agit en vue
d'une compensation, celui-là est un indigent. Le
riche est celui qui a en soi-même et en sa
perfection de quoi se passer des autres. Le
“Riche absolu” est Celui qui doit son acte d'être
à son essence même, et II est la Lumière des
Lumières : Son action créatrice est désin­
téressée, ou mieux dit : Son essence est une
essence dont déborde spontanément Son
essence de Miséricorde, car il est le Wahhâb. »
‘ABD AL-WAHHÂB. Qui s'appelle ainsi devrait
s'engager à être un véhicule de Dieu, prodiguant
aux autres tout ce qu'il peut avec un juste équilibre
et sans s'attendre à une récompense ou à une
gratification en échange.

1851
18b i
le Dispensateur
Celui qui nourrit

Coran : XXII, 58 ; XXXV, 3 ; XXXIX, 17 ; U, 58 ; LXII, 9 ; LXII, 11

C'est un attribut de l'action. Même si le mot rizq


désigne les vivres, et en araméen précisément
le pain (comparer avec le Pater noster :
« Donne-nous aujourd'hui notre pan quotidien »,
Mt. 6,11 ; et Pro. 30, 8-9), le verbe razaqa avec
Dieu comme sujet signifie : « doter les êtres
vivants de tout ce qui leur est nécessaire pour
vivre. »

Selon ‘Alî al-Jurjânî (1339-1413), rizq (pluriel


ânzâq) est tout ce qu'il faut à chaque être vivant
pour ses nécessités physiques (en effet la nour­
riture sur cette terre serait suffisante pour tout le
monde, si des peuples n’en accaparaient beau­
coup plus de ce qu'il leur est nécessaire, laissant
d'autres peuples mourir de faim) ; tandis que

1871
pour al-Ghâzâlî, rizq comprend aussi la nourri­
ture nécessaire à la psyché et à l'âme. Il met
l'accent plus sur cette nécessité spirituelle que
sur celle matérielle. En effet, il faudra considérer
que Dieu fournit tout ce qui est nécessaire pour
la subsistance de toute la création avec les lois
qui règlent l'existence de la matière ; mais l'être
humain, ayant le libre arbitre, altère parfois le
milieu naturel, bouleversant son équilibre.

En définitive, la nourriture nécessaire à la matière


est la présence de Dieu, et la meilleure nourriture
pour l'âme c'est d'être conscient de Son
existence. La subsistance qui vient de Dieu est
pure, mais parfois l'être humain arrive à la con­
taminer, ne discernant d'où elle vient ou même
l'altérant de propos délibéré. Selon le soufisme,
la Vierge Marie rend manifeste la qualité
al-Razzâq de Dieu : Ne t'afflige pas. Ton Seigneur,
certes, a assigné de dessous toi une source.
Secoue vers toi le tronc du dattier : il fera tomber
des dattes fraîches bonnes à cueillir. Puis mange
et bois, et te rafraîchis l'œil (Coran, XIX, 24-26).

l88l
‘ABD AL-RAZZÂQ. En donnant ce nom, on
souhaite que Dieu rende riche celui qui se
nomme ainsi, afin qu'il soit, à son tour, prodigue
d'une partie de ses biens par des œuvres de
charité matérielles, mais aussi par la culture, l'art
et les mots encourageants.

iOTi
I%l
l'Arbitre, le Victorieux,
le Révélateur
Celui qui ouvre, desserre et résout ;
Celui qui sépare

C'EST UN NOM QUI REVIENT PLUSIEURS FOIS DANS LE CORAN


(PAR EXEMPLE : VII, 40 ; XXXIV, 26 ; XXV, 2).

Le radical f-t-h (ouvrir, conquérir) a d'abord eu


le sens de « arbitrer un conflit » et il est usuelle­
ment présent dans le Coran avec cette
signification (VII, 40, etc.). Selon les variations
connotatives de la racine et de sa position, ce
nom a trois nuances dans le contexte : en tant
qu'attribut actif il équivaut à « Victorieux » ; en
tant qu'attribut du mot il signifie « Juge qui rend
le jugement » ; en tant qu'attribut de volonté
il signifie « Juge qui décide » ; et selon al-Ghazâlî
il signifie « Celui qui fait connaître aux êtres
humains ce qui leur était caché ».

iSIi
Dans le Coran XXXIV, 26, Il est Celui qui sépare
les bons des mauvais et il est relié au Nom
al-Jâmi' (n° 87 : Celui qui rassemble) ; en XXXV,
2, ce Nom signifie plutôt « Prodigue » : Ce que
Dieu ouvre de miséricorde aux gens, il n'est
personne qui le retient.

Dans le Coran VII, 40 : Non, pour ceux qui


traitent de mensonge Nos signes et qui s'enflent
d'orgueil, les portes du ciel ne seront pas
ouvertes, et point n'entreront au Paradis, qu’un
chameau n'ait pénétré dans le chas de l'aiguille.

Ce Nom est donc à entendre par « Celui qui offre


le don de la générosité et ouvre ce qui est lié,
endurci ». On pourrait aussi dire « Celui qui
défait les nœuds et les obstacles », soit matériels
(indigence, manque de travail), soit psychiques
(désespoir, doutes, peur). Dieu, qui résout
des conflits et de profonds blocages
psychologiques, indique la voie de la paix au
sein des problèmes familiaux, nous incite à
ouvrir, à Son imitation, les portes de la miséri­
corde et de la générosité.
Un jour l'éminente femme soufi Rabî'a bint
Ismâ'îl a!-‘Adawiyya (vin8 siècle), entendant un
prédicateur qui énonçait : « Frappez, et on vous
ouvrira », s'exclama : « Non ! La porte de Dieu
est toujours ouverte. Il est al-Fattâh. »

‘ABD AL-FATTÂH. Qui s'appelle ainsi devrait


aider son prochain, en s'efforçant de défaire les
nœuds et d'ouvrir les cœurs endurcis ; de plus,
il devrait manifester de la générosité et stimuler
ces qualités en ses semblables.
bC
l'Omniscient
le Connaisseur [de tout]
C'est un Nom qui revient souvent dans le Coran
(par EXEMPLE : II, 115 ; II, 181 ; II, 221 ; II, 255 ;
III, 69 ; III, 73 ; III, 119 ; III, 154 ; IX, 28 ; XV, 51 ; XXXIII, 51 ;
XXXVI, 79 ; LXXVI, 30).

Le nom-adjectif 'alîm signifie « connaisseur,


savant » ; appliqué à Dieu, il prend la connota­
tion de « omniscient », Celui qui connaît
parfaitement tout, Celui qui possède le savoir
dans l'absolu. La formule « Bien sûr, Dieu est
Celui qui enroule tout (avec Sa science) »
d'habitude est interprétée : « La science de
Dieu s'étend à tout. » Rapporté à un être
humain « très savant », ce terme se présente
sous la forme ‘allâma, qui ne peut pas se référer
à Dieu puisqu'il indique une science acquise
graduellement, vaste mais pas illimitée, alors
que la science de Dieu est innée et absolue.

i S51
Un hadîth du prophète Muhammad dit : « À celui
qui parcourt une voie y cherchant une science
Dieu aplanira une voie vers le Paradis. »
Également : « Allez chercher une science, quand
même vous auriez à aller jusqu'en Chine. » Et
cela est en relation directe avec les versets
3-5 de la sourate XCVI : Lis, car ton Seigneur le
Très Noble c'est Lui qui a enseigné parla plume.
Il a enseigné à l'homme ce que celui-ci ne
savait pas.

Notre dépendance à Dieu par rapport à la


science est évidente. Chaque existence est
créée par Dieu, par conséquent - conformément
à la loi selon laquelle chaque chose créée est
inférieure à son créateur - nous ne pouvons
connaître qu'un minimum de la science (et de
Dieu). Pour mieux comprendre le divin, les soufis
considèrent les attributs et les Noms de Dieu
comme des indications par rapport au pouvoir
de compréhension des êtres humains, et non
pas par rapport à Dieu. Par ailleurs, de cette
immense quantité de choses que l'on peut
connaître, nous avons accès à l’essentiel
puisque, dès notre naissance, nous avons
l'intuition de la présence divine. L'instinct nous
conduit à la foi, pulsion naturelle à ne pas

l%l
confondre avec la religion qui, quoique
nécessaire, n’en est que la codification bureau­
cratique. Cependant l'intellectualisme et la
présomption de connaître un grand nombre de
phénomènes de l'univers physique portent
souvent des hommes de science à s'éloigner de
leur propre foi instinctive et à se moquer de la
religion. Il s'agit là du « matérialisme » emblé-
matiquement appelé Satan, que le Coran déclare
fait de feu à la différence des anges qui sont faits
de lumière : les tourments de la science en
opposition avec la lumière de la connaissance
spirituelle.

Comme l’écrit Rûmî (1207-1273) : « Oh, hélas !


la capacité de compréhension des gens est
extrêmement limitée : les hommes n'ont pas une
gorge pour l'absorber. Ô Lumière de la Vérité,
grâce à l'acuité de Ta perception, Ta suavité
octroie une gorge même à celui qui est aussi
aride qu'une pierre » {Mathnâwî, III, 13-14).

‘ABD AL-‘ALÎM. Qui s'appelle ainsi est incité à


acquérir la science de l'esprit - la science dite
‘irfân - et à connaître la vérité grâce à la sensi­
bilité de son cœur et non par la simple raison.
&Sr Q&'èiS
le Limitateur
Littéralement : celui qui retient

le Parcimonieux
Celui qui saisit, celui qui contraint

Coran : XUI, 27

Ce Nom doit être récité avec le suivant. Par


cette alternance (Il enlève, Il donne), il connote
la punition et le châtiment tandis que le suivant
évoque le pardon et la grâce.

S’il est entendu dans un sens négatif, il signifie


que Dieu est Celui qui met à l'épreuve sa créa­
ture (bien qu’il ne s'agisse pas d'épreuves
insoutenables) : Nul ne doit être tenu que selon
ses moyens (Coran II, 233) ; Nous n'imposons
personne que selon sa capacité (VII, 42) ; Dieu
n 'oblige une personne que selon sa capacité : à
elle ce qu'elle a gagné, et contre elle ce qu'elle a
délibérément gagné. Seigneur, ne T'en prends
pas à nous s'il nous arrive d'oublier ou de
commettre l'erreur.

l«Wl
Seigneur, ne nous charge pas d'un fardeau lourd
[...], et ne nous impose pas ce pour quoi
nous n'avons point de force (II, 286) ; Et Nous
n'obligeons personne que selon sa capacité
(XXIII, 62). Dans un sens positif : Dieu est Celui
qui empêche l'excès de tentations et de
difficultés.

Ce Nom et les cinq suivants ne sont pas


mentionnés tels quels dans le Coran ; ils se
rapportent à des radicaux qui s’y trouvent. Par
conséquent, ils ont été introduits dans la liste
des quatre-vingt-dix-neuf Noms en qualité de
« noms traditionnels », en particulier parce qu'ils
soulignent la gratuité absolue des dons de Dieu.

‘ABD AL-QÂBID. Celui qui ne s'adonne pas


aux intempérances, qui sait se maîtriser avec
mesure, voire même avec sévérité, et qui
s'oppose aux excès et aux gaspillages notam­
ment en faisant preuve de parcimonie.

1IOO1
11011
iI02i
le Prodigue
Celui qui dilate
[les cœurs ou la vie de Ses serviteurs]

Coran : II, 254 ; XUI, 27

Le Coran dit (XLII, 27-28) : Si Dieu avait élargi


la portion pour Ses serviteurs, ils se seraient
rebellés sur la terre ; mais II fait descendre avec
la mesure qu'il veut. De ses serviteurs II est bien
informé, vraiment, observateur. Et c'est Lui qui
fait descendre la pluie, après qu'on a désespéré,
et répand Sa miséricorde. Et c'est Lui le Patron,
le Digne de louange.

Ce Nom et le précédent, s'équilibrant mutuelle­


ment, nous indiquent que Dieu est l'équilibre de
l'infini, qu’il est sans limites, alors que dans le
monde phénoménal subsiste la limite : l’alter­
nance du jour et de la nuit, du bien et du mal, du
temps de la disette (qabd : contraction) et de
celui du bien-être (bast : expansion).

i)01i
De Dieu nous avons reçu le don de pouvoir
disposer du bien et du mal suivant notre choix,
puisque par le Nom al-Bâsit II donne avec
largesse ce que par le Nom al-Qâbid II équilibre
et coordonne. Et ainsi nous avons tout : le
silence d'une nuit étoilée, le charme d'un désert,
la suggestion débordante d'une forêt tropicale...
et nous avons aussi les qualités de l'esprit pour
pouvoir goûter profondément ces beautés. Mais
l'humanité a aussi la capacité et les moyens
pour les détruire et empêcher - à cause de sa
rapacité - que d'autres êtres humains puissent
en jouir sereinement, en paix.

Cependant, avec l'équilibre et le comportement


correct (adab), nous nous attirerons des périodes
de bien-être et de tranquillité sans oublier Dieu et
sans nous adonner aux plaisirs, à l'arrogance, à
la jouissance précaire de l'argent. Tandis que
dans les périodes de contrainte, nous en tirerons
la force pour renforcer notre foi, discernant
encore plus dans cet équilibre de prodigalité et
de parcimonie la valeur de Dieu, notre refuge sûr.

11041
‘ABD AL-BÂSIT. Ce nom pousse à être
prodigue de conseils, de mots d'encourage­
ment, de sourires : voilà la vraie charité qui
réjouit les cœurs et ne prétend la reconnais­
sance ni l'approbation. Qui s'appelle ainsi
devrait manifester sereinement ses valeurs
intérieures et les offrir sans lésiner à ses
semblables.

11051
ilObi

?..
l’Humiliant
Celui qui baisse

Coran : II, 253 ; III, 55 ; VI, 83 ; LVIII, 11 ; LXIII, 1

Ce Nom doit être récité avec le suivant.

L'histoire nous montre que dans le monde


d'ici-bas toute domination, tout pouvoir naît,
augmente, devient considérable... ensuite
décline et s'éteint. Pensons aux grands empires
de la Terre : celui des Mongols de Gengis Khân
(le plus vaste), celui d'Alexandre le Grand, celui
de Rome, ou de Napoléon ; considérons l'Union
des Républiques Soviétiques, demain les États-
Unis d'Amérique. Le pouvoir étant incapable de
s'équilibrer et de s'asservir à l'utilité humaine
(vu que pour subsister, il doit s'adonner à la
prévarication systématique), toutes les grandes
puissances sont conduites inéluctablement à
leur propre chute. Si nous y faisons attention,
nous voyons que la tyrannie trouve sur la Terre
même son châtiment.

11071
Toute puissance terrestre devrait avoir pour visée
d’aider les êtres humains, avec leur consente­
ment ; l'arrogance du puissant est pareille à celle
de celui qui n'est pas reconnaissant à Dieu pour
Ses bienfaits et qui se souviendra de Lui seule­
ment quand il En sentira le besoin. Toutefois
Dieu, étant Miséricordieux, diffère son châtiment,
afin que celui qui le mérite puisse se repentir et
réparer ; mais II est aussi, et nécessairement,
al-Khâfid : l'Humiliant. L'humanité entière vivrait
plus en harmonie si les chefs des gouverne­
ments s'en souvenaient toujours, sans
hypocrisie ni piétisme, étant en eux-mêmes ni
puissants ni maîtres, mais seulement des
pauvres représentants de la puissance de Dieu
et Ses serviteurs.

‘ABD AL-KHÂFID. « Le serviteur de l'Humiliant »


rappellera que « tout bienfait, vient de Dieu et
tout mal vient de soi-même », selon les dires de
‘AIT, le gendre du prophète Muhammad.

ll08l
|I0<)|
/

1IIO1
l’Élevant
Celui qui élève en dignité et pouvoir

Coran : II, 253 ; III, 55 ; VI, 83 ; LVIII, 11 ; LXIII, 11

À réciter avec le Nom précédent.

Tout pouvoir sur la Terre est transitoire ; seule­


ment le pouvoir accordé par Dieu a une
conséquence même après la mort (en raison du
bien et du triomphe de l'esprit, en définitive, et il
s'agit alors d'une grandeur spirituelle et non pas
matérielle). L'élévation a lieu selon des valeurs
qui touchent l'individu et le plus profond de son
être. Les êtres réalisés ne sont pas dominés par
l'égoïsme, par l'égocentrisme, et ils s'élèvent en
fonction de valeurs réelles, à l'écart des luttes
politiques et des guerres dont les conquêtes ne
sont que des élévations fictives et grandement
nuisibles.

lllll
Quelle élévation subsiste pour ceux qui, montés
dans l'échelle sociale, nuisent à l'humanité et
aux beautés de la création? Quelle élévation
subsiste pour ceux qui sont devenus célèbres,
même si c'est par une science ?

Junayd al-Qawârîrî (ix9 siècle) disait : « Que celui


qui est revêtu de la parure extérieure de la
science, dont la beauté le fait désigner du doigt
alors qu'elle lui échappe dans la pureté de
sa vérité profonde, prenne donc garde à la
réputation qui lui est faite et aux louanges qui se
répandent sur lui ! Un tel homme court à
sa perte, et c'est ainsi qu'il fournit à Dieu un
argument contre lui lors de sa fin dernière »
(Lettre à ‘Amribn ‘Uthmân Makki).

Toutefois il y a une autre interprétation du terme


rata'a. Dans le Coran (IV, 156), rafa‘a-hu Allâh
ilay-hi (« Dieu éleva [Jésus] vers Lui ») ; et (XIX,
56-57) : Et rappelle Enoch dans le Livre. C'était
un véridique, vraiment, un prophète, et Nous
l'avons élevé en un haut lieu, allusion à l’ascen­
sion surnaturelle d’Idrîs. Dans ce cas, et surtout
pour les soufis, il s'agit d'une interprétation
symbolique, à considérer dans le domaine de la
voie mystique, la tarîqa.

11121
‘ABD AL-RÂFI'. L'élevé élève. « Celui qui a
franchi les montagnes de ce monde inconstant »
(alphabet japonais) parvient à voir dans les
beautés du monde la beauté du Créateur et il
tend aussi à les montrer à son prochain. S'il
acquiert de la notoriété, celle-ci est une valeur
authentique, un symbole et une aide pour ceux
qui, comme lui, cherchent la vérité.

I I lll
f II 41
l’Honorant
Celui qui élève,
Celui qui décerne le pouvoir,
Celui qui donne l'honneur et la force

Dans le Coran ce Nom est tiré de la racine ’-z-z,


QUI EST PRÉSENTE PLUSIEURS FOIS, RAR EXEMPLE EN III, 26

À réciter avec le Nom qui le suit.


Dans le Coran (lll, 26) : Dis : « Ô Dieu, Maître de
royauté, Tu donnes la royauté à qui Tu veux, et
Tu arraches la royauté de qui Tu veux ; et Tu
donnes la puissance à qui Tu veux, et Tu humilies
qui Tu veux. Le bien est en Ta main ; oui : Tu es
capable de tout. »

Cette pleine acceptation de la puissance de Dieu


est exprimée vingt fois dans le Coran, dans les
versets qui précisent qu’à Dieu seulement il
revient de conduire qui II veut et d’égarer qui il
veut.

11151
Plus que d'un pouvoir d'ici-bas on devrait peut-
être parler d'honorabilité, d'une élévation en fait
de dignité : une pleine manifestation de l'hon­
neur de la personne qui comprend la valeur de
sa propre foi, de sa propre intelligence, et la joie
d'avoir ce qui est nécessaire pour jouir de ses
propres capacités, la satisfaction d'atteindre la
compréhension du droit chemin. Dans ces
valeurs il y a une sauvegarde implicite contre les
malheurs, dans la mesure où l'homme « honoré
par Dieu » sait évaluer sa propre situation dans le
monde, il ne se gonfle pas d'orgueil et il ne vit
pas de présomptueuses ostentations : Dieu
n'aime pas, en vérité l'incorrigible présomptueux,
plein de gloriole (Coran IV, 36-38).

Celui qui a obtenu le respect et l'honorabilité sait


que l'absolu des valeurs est en Dieu, que Dieu
seulement, en vérité, est digne des louanges, et
par conséquent il ne se laissera pas corrompre
par l'orgueil ni dégrader par la présomption. Tout
cela a donné lieu, en islam, à la futuwwah, la
chevalerie soufie, dont Abû al-Sulamî (932-1021)
écrivit le premier Traité.

lllbl
On y lit : « Les hommes de la connaissance
reconnaissent que l'essence de la religion se
résume dans les dix choses suivantes, cinq
extérieures et cinq intérieures. Extérieures :
la véracité de la parole, la générosité de l'âme,
une apparence modeste, ne point nuire et
supporter sans réagir la nuisance des autres.
Intérieures : aimer la présence du Seigneur,
craindre Sa séparation et espérer Le connaître ;
éprouver un respect révérenciel pour Lui et
regretter nos propres actions. »

‘ABD AL-MLTIZZ. Celui qui se nomme ainsi est


appelé à considérer que le plus grand honneur
c'est la droiture, suivie par un comportement
adéquat aux dons reçus par Dieu.

11171
iII8i
l’Humiliant
Celui qui avilit
Coran : même remarques que pour le Nom précédent

À réciter avec le Nom précédent. Nom de


la troisième catégorie, celle des Noms qui
concernent les qualités d'activités de Dieu.

Dans ie Coran II, 26 : Dieu n'hésite pas, vraiment,


à frapper n'importe quel exemple : d'un mous­
tique, ou de quoi que ce soit au-dessus. Puis,
quant à ceux qui croient, ils savent, oui, que c'est
la vérité de la part du Seigneur ; et quant à ceux
qui mécroient, ils disent : « Qu'est-ce que Dieu a
voulu, avec un exemple comme ça ? »
Il en égare beaucoup et il en guide beaucoup.
Mais II n 'égare que les pervers.

imi
Sur le plan psychosocial, la distinction exprimée
par le Nom précédent correspond ici à ceux qui
honorent et vénèrent des personnages puissants
du monde politique et financier, devant lesquels
en définitive ils se dévaluent et par lesquels ils
sont tyrannisés et humiliés : ils seront dégradés
avec eux. Par ce Nom on peut aussi entendre un
« châtiment » particulier que Dieu impose ici-bas
à un être humain : l'état pathologique de
masochisme psychique qui conduit l'être humain
à la dégradation la plus insensée, à l'état conti­
nuel de perdant, à la timidité affectée pour
cause, peut-être, d'un inconscient arrogant qui
méprise ou méconnaît Dieu et Sa bonté.

Par rapport à ce Nom il y a eu une catégorie de


soufis, les Malâmatî, qui, fuyant les clinquants
d'ici-bas et considérant vaine la gloire, faisaient
des travaux très humbles, même dégradants et,
habillés de haillons, encouraient le mépris de leur
prochain.

‘ABD AL-MUDHILL. Ce nom est plutôt rare.


En celui qui donne ce nom à son fils on peut
discerner le désir que ce dernier soit tout à fait
humble en regard de l'incommensurable. Ce
nom peut être considéré presque exclusif de
quelques soufis malâmatî.

>120)
11211
l’Oyant
Celui qui entend (tout)
Ou bien Celui qui écoute, c’est-à-dire
Celui qui, écoutant, exauce ce qu'on Lui
demande.

Coran : II, 127 ; II, 137 ; II, 181 ; II. 224 ; II, 256 ; III, 34 ; III,
35 ; III, 121 ; IV, 148 ; V, 76 ; VI, 13 ; VII, 200 ; VIII, 17 ; VIII, 42 ;
VIII, 53 ; VIII, 61 ; IX, 98 ; IX, 103 ; X, 65 ; XII, 34 ; XXI, 4 ;
XXIV, 21 ; XXIV, 60 ; XXVI, 220 ; XXIX, 5 ; XXIX, 60 ; XLI, 36 ;
XUI, 11 ; XLIV, 6 ; XUX, 1.

Samî' était déjà le nom propre d'une divinité de


l'Arabie préislamique.

Dans le Coran, on le trouve presque toujours


avec le Nom al-'Alîm (n° 20). À réciter avec le
Nom qui le suit (al-Basîr, le Voyant) ; ils sont tous
deux attributs de l'essence, c'est-à-dire qu'ils
sont à considérer au-dessus de la compréhension
humaine immédiatement rationnelle, du moment
que Dieu n'a ni les oreilles ni les yeux, étant
au-delà de toute sorte d'identification anthropo­
morphique.

i I2Zi
Écouter ne signifie pas tout « ouïr ». On serait
des paranoïaques si on croyait tout ouïr : il y a le
son des planètes, des fleurs et des feuillages des
plantes qui sont en train de pousser, des quanta
d'énergie qui tournent dans chaque atome ; les
bruissements et les pas des fourmis qui dans le
monde de l'existence ne sont pas moins impor­
tants que nos pensées mêmes. Écouter signifie
coordonner, régler, comprendre, veiller, exaucer...
Au niveau de l'être humain, cela signifie détenir
un degré de compréhension et d'adaptation au
iéroulement universel de la vie qui nous entoure,
hais en comprendre aussi les raisons, le
mystère. Sentir les traces du divin pour les
comprendre, et donc admirer et aimer le
Créateur de tous les sons « exprimants » et de
nos « oreilles de l'âme ».

Il nous suffit de penser à la beauté de la


musique, à l'inspiration du compositeur et de
l'interprète, à la valeur suggestive des sons qui
créent un moment magique impalpable et qui
nous mènent à considérer ce que Jalâl
al-Dîn Rûmî a écrit : « Le corps matériel est
l'instrument, et le son qu'on en tire c'est l'âme.
La musique est faite pour nous faire comprendre
l'existence de Dieu » (Diwan-e Shams-e TabrizJ).

11241
Ou bien le début de son Mathnâvî : « Écoute le
ney (la flûte de roseau) raconter une histoire, il se
lamente de la séparation : Depuis qu'on m'a
coupé de la jonchaie, ma plainte fait gémir
l'homme et la femme. Je veux un cœur déchiré
par la séparation pour y verser la douleur du
désir. Quiconque demeure loin de sa source
désire revenir au temps où il lui était uni... » Alors
nous apprendrons à être reconnaissants envers
Celui qui nous a donné une partie infinitésimale
de Son Nom al-Samî' (Celui qui entend), puisque
grâce à cette partie infinitésimale nous pouvons
jouir de ce miracle d'art qu’est la musique.

‘ABD AL-SAMÎ'. L'on souhaite à l'enfant auquel


on donne ce nom d’entendre les choses
divines, la bonté incommensurable de Dieu qui
s'exprime dans tous les bruits de l'univers.

11251
112b i
le Voyant
Celui qui voit tout

Dans le Coran il revient quarante-quathe fois,


parmi lesquelles : II, 23 ; II, 96 ; II, 110 ; V, 71 ; XVII, 1 ;
XXXI, 28 ; XLII, 1

À réciter avec le Nom précédent. D'ailleurs, les


réflexions sur l'attribut de l'essence exposées
pour le Nom précédent valent également pour
ce nom-ci.

Nous savons que, en sus des actions, une


partie importante de notre être est la pensée ;
personne, en dehors de l'individu lui-même, peut
pénétrer en lui et « voir » ses pensées. Il s'agit
d'une perception qui échappe à l'immanentisme
de la vue matérielle, de l'œil qui voit. Et encore
au-delà de cette capacité et de cette valence du
mot, en toutes ses significations, il y a cette
capacité divine que nous pouvons symboliser
avec la vue. Une vue, donc, qui n'est pas celle
des yeux.

11271
Alors, pourquoi donner une suite aux pensées
négatives par des actions qui nuisent à notre
prochain ? Pourquoi commettre des forfaits en
son for intérieur, qui sont condamnés par les
hommes quand ils les connaissent ? Dans les
profondeurs d'une chambre obscure l'assassin,
le voleur, celui qui commet un viol, croient ne pas
encourir de condamnation puisque personne ne
les voit ; mais leur « œil intérieur », l'œil de la
connaissance de soi-même - que quelques-uns
appellent conscience - les voit inéluctablement.
Et quand la prise de conscience du soi est offen­
sée, un processus de dégradation psychique
s'amorce qui emmène à la néantisation des
qualités spirituelles, léguant hélas cette dégra­
dation psychique à toute la famille et aux
enfants, qui souvent finissent par payer les
fautes de leurs pères. Dans les séances de
psychothérapie, cela ressort évident presque
pour chaque patient.

‘ABD AL-BASÎR. Ce nom encourage la prise


de conscience d'une vue au-delà des choses
matérielles, pénétrant dévotement dans les
choses de l'univers qui chantent la gloire de
Dieu, comme le dit le hadîth cité avec le Nom
précédent.

11281
112*5 *
aj/t(Stfcpax
le Juge - l’Arbitre
Dans Son acte de décision souveraine

Dans le Coran il revient cinquante-six fois, parmi lesquelles :


II, 32 ; II, 129 ; II, 260 ; III, 6 ; III, 18 ; III, 62

Le sens de ce Nom renvoie à celui du Nom


al-Fattâh (n° 19). Il unit en soi la notion de
sagesse et de providence. Selon al-Ghâzâlî, ce
Nom est attribut de la science, de la parole, et
de l'action de Dieu.

Hakam (l'arbitre mettant fin à une quereiie) vient


du verbe hakama (juger), qui a donné hâkim :
le détenteur d'une autorité quelconque, du
magistrat judiciaire jusqu'au gouverneur du
département ; et hakîm : le sage, le philosophe,
le médecin. Le synonyme technique couram­
ment employé est muhakkam (de hakkama :
soumettre à l'autorité, trouver un compromis)
d'où tahkîm : l'arbitrage, le compromis légal.

I III I
Ces dérivés viennent du fait que dans l'Arabie
préislamique la loi était confiée à des arbitres
choisis d'un commun accord par les parties
intéressées, lorsque celles-ci ne pouvaient ou ne
voulaient exercer le droit de se faire justice par
elles-mêmes, ou ne parvenaient pas à conclure
en privé un accord direct. Le Coran intervint en
établissant des lois et des procédures éthiques,
qui donnèrent place à un corps de docteurs de
la loi qui étaient avant tout des docteurs en
théologie.

Dieu seulement est à même de connaître la série


infinie des circonstances et des causes
concomitantes qui ont mené un être à un acte
d'injustice (réelle ou apparente) ; Il est le seul qui
puisse juger selon la justice et la vérité absolues.
Par conséquent il est très difficile, ici-bas, de
pouvoir juger en équité absolue. Toutefois les
êtres humains sont appelés à être de bons juges ;
avant tout d’eux-mêmes : s'aimant et non pas
se détestant, agissant selon l'éthique et non pas
selon l'égoïsme, conscients de la valeur de leurs
actions et responsables de ce qu'ils font, sans
chercher des boucs émissaires. Un jugement
équilibré sur soi-même est peut-être le jugement
le plus difficile à exprimer.

iI12i
C'est ainsi que différents champs de « jugement »
se présentent : à Dieu seul il revient de juger
à propos de la foi ou de la religion, et nul être
humain ne peut s'arroger le droit de qualifier
quelqu'un de « bon ou mauvais croyant »,
puisque personne ne détient tous les éléments
nécessaires pour faire cela. Juger des actions
humaines relatives à la communauté est un
devoir social, en admettant qu'on tienne compte
de la valeur éthique et de la valeur religieuse du
jugement, avec une humilité sereine, tout à fait
libre de tout préjugé ou déviance psychique, ce
qui n'est pas toujours facile. En effet, pour le
Coran et par conséquent pour l'islam, l'un des
êtres les plus abjects parmi ceux qui suivent les
traces de Satan est le juge corrompu, le juge
intéressé et prévaricateur.

'ABD AL-HAKAM. Celui qui se nomme ainsi est


encouragé à être pénétré de l'équilibre d'une
justice terrestre adroite, quelque limitée qu'elle
soit.

lllll
i IZ4i
l’Équitable
Celui qui rétablit l'équilibre

Coran: VI, 115

Dans l'usage commun du mot, al-‘Adl dénote


un juge tout à fait équitable dans son jugement
sans appel. Selon Ibn al-'Arabî, Dieu al-'Adl
distribue chaque chose selon le mérite et les
valeurs de chacun ; ce Nom a donc une étroite
parenté avec celui d'al-Muqsit, le Juste (n° 86).

En tant qu’attribut excluant, il sous-entend que


rien de mauvais ne peut venir de Dieu, et que la
justice possible ici-bas est tout le contraire de la
tyrannie. Par conséquent la justice assure
la paix, l'ordre, l'harmonie. Pour cette raison
la tyrannie, sous n'importe quel aspect, est
considérée illégale en islam.

Étymologiquement, le mot se présente en tant


que substantif et adjectif, sans que pour cela les
deux valeurs se correspondent en tout : en tant
que substantif, il signifie « justice ».

11151
En tant qu’adjectif, il signifie « rigoureux, juste,
équilibré » et il s'applique aux êtres et aux
choses ; s'il concerne un être humain, il indique
une personne de bonne moralité (pluriel ‘udû,
témoins jurés).

Sous les deux aspects - substantif et adjectif -,


on le trouve dans des textes religieux,
théologiques et jurisprudentiels. Dans la doctrine
mu'tazilite, le ‘adlu de Dieu constitue un des cinq
« dogmes fondamentaux » (usûl) du système. La
qualité de 'adlu, c'est-à-dire la ‘adâla (rectitude,
justice, équité), est un état de perfection morale
et religieuse que seules des personnes excep­
tionnelles atteignent. De nos jours, ce mot a
perdu son sens absolu pour ne plus désigner
qu’une personne de bonne moralité. Dans ce
cas, il a comme antonyme fâsiq (grand pécheur).

Le problème de la justice opposée à la tyrannie


implique dans l'islam :

a) une série de considérations éthiques et


philosophiques fondées sur la distribution des
rôles et des devoirs selon la « gratitude, loyauté
et confiance » (shukr, rida, tawakkul) : un bon
patron avec des ouvriers qui assument leurs
propres responsabilités ; un bon maître et des
élèves studieux...

ilZbi
Et, naturellement :

b) l'acceptation de la situation où chacun se


trouve, sachant qu’il est souhaitable et licite
d'améliorer sa propre condition, pourvu que,
dans ce but, on ne nuise pas à son prochain. Par
conséquent la justice divine n'est pas une irréa­
lisable égalité démagogique, mais une équitable
subdivision harmonieuse, selon ‘adâla.

L'équité est, sans aucun doute, une des plus


hautes et impérieuses aspirations de l'être
humain, lequel dans son enfance (autour de huit
ans) traverse une période d'amour intense pour
la justice. Une suite de compromis avec la réa­
lité d'ici-bas et les persuasions diaboliques de la
matière corrompent cette soif de justice qui,
même dans ses expressions les plus hautes,
n'est qu'une faible ombre de la justice divine.

‘ABD AL-‘ADL. Celui qui porte ce nom est


appelé à se conduire tel un délégué de Dieu
pour la défense de la justice, en agissant
toujours équitablement et en acceptant ce que
de défavorable il rencontrera dans le cours
de sa vie.

11Z71
i IX8i
le Bienveillant
le Plein de grâce, le Délicat, l'insaisissable,
le Bon, l'Impondérable, le Compénétrant.

Coran : VI, 103 ; XII, 100 ; XXXI, 16 ; XLII, 19 ; XLVII, 14

Latîf peut avoir deux significations distinctes : a)


fin, ténu, subtil. Cette signification est attribuée
à l'esprit psychique - « Un corps subtil dont la
source est le creux du cœur charnel »
(al-Ghazâfî, Ihya III, 3) - et, dans une acception
plus large, aux artifices voilés du diable ;
b) aimable, délicat, bienveillant, selon le sens
coranique (VI, 54).

Le Seigneur s'est prescrit à Lui-même la


miséricorde. Oui : quiconque d'entre vous fait le
mal par ignorance, qui se repent ensuite et se
reforme, alors, oui, Il est pardonneur, miséri­
cordieux. Et, en XLII, 19 : Dieu est doux envers
Ses serviteurs. Au féminin, latîfa (pluriel tatâ’if)
signifie : finesse, subtilité ; synonyme de daqîqa :
une réalité subtile, fine, légère.

i I29i
En tant qu’attribut de l'action, il indique que Dieu
accorde à Ses créatures une grâce bienveillante
(lutf) pour les aider. Selon Fakhr al-Dîn al-Râzî,
en tant qu’attribut de la science, ce Nom indique
que Dieu, le Subtil, connaît les choses les plus
cachées ; selon Zamakhshari (mort en 1134), il
indique : « Celui qui n'est pas saisi par les
regards ». Pour la confrérie (tarîqa) des soufis
Jerrahi-Halveti, ce Nom signifie plutôt que Dieu
possède une qualité suprême de Beauté, qui
connaît et dispense la beauté en même temps.
De cette Beauté absolue procèdent les beautés
des esprits, la beauté même de l'harmonie de la
création et les catégories de l'esthétique conçue
en tant que plaisir intellectuel et spirituel.

’ABD AL-LATÎF. Celui qui se nomme ainsi est


invité à cueillir la subtile et poignante réalité qui
tend à Dieu et qui se manifeste surtout dans la
beauté de la création, puisque la Beauté de
Dieu a embelli l'univers tout entier.

iMOi
i I4h
le Sagace - le Bien Informé
Coran : VI, 103; XI, 1

Par tradition, on préfère la première signification


(le Sagace) ; c'est pourquoi ce Nom est mis en
corrélation avec al-‘Alîm (l'Omniscient, n° 20). Il
est un attribut de la science et il indique que
Dieu connaît tous les secrets les plus intimes de
chacune de ses créatures. En tant qu'attribut
du mot, il signifie : « Celui qui choisit librement ».

La réalité de Dieu est cette créativité dont tout


dépend ; Il pénètre donc tout et II parvient
jusqu'aux coins les plus cachés de l'univers,
qu'il connaît dans ses moindres détails. Ainsi
toutes les choses sont liées les unes aux autres,
interdépendantes et parfaitement coordonnées
dans un rapport de cause à effet constamment
variable.

i Mil
Cela, non seulement par rapport à l'instant
présent, mais aussi par rapport à tout ce qui a
été et tout ce qui sera. C’est une connaissance
dont le seul semblant dépasse déjà incommen-
surablement les facultés de réflexion de l'être
humain.

Ainsi, Dieu al-Khabîr est aussi Celui qui sait tout,


et il est donc impossible de commettre le mal en
secret, puisque, outre le fait que celui qui cause
du mal le sait, dans tous les cas Dieu est
toujours parfaitement au courant.

’ABD AL-KHABÎR. Qui se nomme ainsi devrait


avoir l'esprit prompt, pour saisir le cours des
événements et ses significations. Il devrait ainsi
atteindre un degré supérieur de conscience,
soit pour ses actions actuelles soit pour leurs
conséquences à venir.

11441
11451
iMbi
l’indulgent
le Magnanime
le Très-Clément, le Longanime

Coran : XVII, 44 ; XXII, 59

En tant qu'attribut excluant, il peut signifier


« Celui qui est lent à punir », et de là il acquiert ie
sens de « Indulgent ». Dans cette lecture du
mot, il y a le désir des êtres humains d'avoir
plus de temps à disposition pour évoluer, se
repentir et se corriger. En effet, si Dieu
était prompt dans le châtiment, le pécheur
n'aurait pas toujours le temps pour réfléchir
et se repentir.

Hilm (longanimité ; antonymes : hayajân, thawr)


était l’une des qualités, ou grandes vertus, que
les Arabes préislamiques considéraient presque
avec vénération, l'exaltant (‘ird) dans leurs joutes
poétiques dites mafâkhir.

11471
C'est là un de ces Noms qui peuvent devenir des
qualités propres (âwsâf) à celui qui parcourt
la voie initiatique, lors de sa quête et de ses
exercices spirituels (riyàda). Pour le muhibb
al-'ârif (le gnostique fidèle d'amour), c'est « l'état
de l'âme de celui qui garde son calme et ne se
laisse pas emporter aisément par la colère » ;
tandis que le poète iranien Abû al-‘Atâhiya (748-
826), dans son Diwân, mettait le Nom al-Halîm
en relation avec le « silence » (samt) « dans lequel
le muhibb al-'ârif trouve une protection contre
tout ce qui pourrait nuire à son honneur. »

‘ABD AL-HALÎM. De celui qui se nomme ainsi


on attend qu’il ait un bon caractère et qu'il se
conduise avec douceur, préférant le pardon à
la punition, agissant avec indulgence même
pour les fautes d'autrui qui pourraient l'offenser
ou lui nuire. Et ainsi, grâce à sa naturelle bonté
d'âme, il sera toujours serein, donc un gagnant.

1H81
i M9i
11501
le Sublime
le Splendide, l'immense,
l'incommensurable, le Magnifique

Dans le Coran on trouve souvent ce Nom.


Par exemple : II, 255 ; XLII, 4

Ce terme, quand il est attribué à Dieu, peut être


traduit par le mot « Inaccessible » ; en tant que
Nom de Dieu, on peut dire « le Sublime » ; se
rapportant à la Grâce de Dieu, on le traduira
mieux avec le mot « Incommensurable » ;
attribué à Dieu prodiguant la récompense et la
sérénité de la vie future, on le rendra par le
terme « Illimité » ; relativement au châtiment de
l'enfer, on pourra le traduire par le mot « Terrible ».

Bien des gens poursuivent l'idéal d'une grandeur


d'ici-bas. Le royaume le plus vaste au monde
a été celui des Mongols de Gengis Khân ; néan­
moins, la gloire de Gengis Khân, tout comme
celle d’Alexandre le Grand ou de Napoléon, est
une bien petite chose devant le spectacle d'un
coucher de soleil enflammé.

11511
11501
le Sublime
le Splendide, l'immense,
l'incommensurable, le Magnifique
Dans le Coran on trouve souvent ce Nom.
Par exemple : II, 255 ; XUI, 4

Ce terme, quand il est attribué à Dieu, peut être


traduit par le mot « Inaccessible » ; en tant que
Nom de Dieu, on peut dire « le Sublime » ; se
rapportant à la Grâce de Dieu, on le traduira
mieux avec le mot « Incommensurable » ;
attribué à Dieu prodiguant la récompense et la
sérénité de la vie future, on le rendra par le
terme « Illimité » ; relativement au châtiment de
l'enfer, on pourra le traduire par le mot « Terrible ».

Bien des gens poursuivent l'idéal d'une grandeur


d'ici-bas. Le royaume le plus vaste au monde
a été celui des Mongols de Gengis Khân ; néan­
moins, la gloire de Gengis Khân, tout comme
celle d'Alexandre le Grand ou de Napoléon, est
une bien petite chose devant le spectacle d'un
coucher de soleil enflammé.

11511
N'importe quelle grandeur humaine est relative ;
en outre, elle n'est pas fondée sur le bien-être de
tous. Chaque être humain peut faire de grandes
choses, mais Dieu seulement peut donner la vie
à un être humain, qui, de toute façon, n’est pas
ce qu’il y a de plus grand dans la Création.
Même un humble brin d'herbe chante la gloire
de Dieu, puisque chaque brin d'herbe est un
laboratoire chimique qui dépasse les possibilités
humaines.

Lorsque Bouddha, sur le point de mourir, pour


choisir son successeur demanda à ses élèves de
lui expliquer le sens du bouddhisme, ils s'effor­
cèrent tous de formuler les phrases les plus
essentielles et recherchées. Ananda, sans rien
dire, cueillit une fleur et la montra au Bouddha,
qui lui dit : « Toi oui, tu es un éclairé ! » Celui qui
comprend ce geste comprend le sens de la
Gloire de Dieu.

‘ABD AL-‘AZÎM. Qui se nomme ainsi est


appelé à comprendre la gloire de Dieu et,
même s'il réalise d'importants exploits, il ne s'en
vantera pas, puisqu'il arrivera à voir la beauté
et la gloire du Créateur dans Ses œuvres, au
regard desquelles les œuvres humaines les
plus belles ne sont qu’un bien pâle reflet.

11521
(I5I|
11541
le Clément
Sacré, Pur, Parfait, Sans limites

Dans le Coran on trouve souvent ce Nom.


Par exemple : II, 173 ; IV, 110 ; IX, 90 ; XLVl, 8 ;
LVIII, 12 ; LXII, 12

D'après al-Jurjânî (voir supra), ce nom peut être


associé à al-Ghaffâr (n° 15 : l'indulgent), de la
même manière que al-Rahmân à al-Rahîm.
Selon al-Ghazâfî, al-Ghaffâr nous indique la
bonté de Dieu Lequel pardonne même les
péchés que l'on encourt continuellement,
tandis que al-Ghafûr indique incontestablement
la qualité infinie de Dieu, Celui qui pardonne.

La première démonstration de la clémence de


Dieu consiste à cacher les fautes de celui qui,
ayant péché, est toutefois à même de recon­
naître sa faute et se repentir, pour que ce repentir
sincère puisse donner de bons fruits.

11551
En effet, pour emprunter le chemin du repentir,
il est plus utile d’avoir honte dans le plus profond
de soi-même que d'être exposé au mépris de
son prochain. Si elle était trop lourde, la honte
ressentie par le pécheur à cause de ce mépris
pourrait le mettre dans un état de prostration
extrême et entraver sa capacité à en sortir. Il faut
mesurer, évaluer, équilibrer toutes ces données
psychologiques, et cette tâche impossible à
accomplir pour tout individu est une possibilité
de Dieu al-Ghafûr.

‘ABD AL-GHAFÛR. Dante a dédié un passage


de sa Divine Comédie à la « clémence de Titus ».
C'est cette vertu morale et sociale de celui qui
agit avec clémence que ce nom nous incite à
avoir.

i 15b l
11571
11581
le Reconnaissant
Celui qui récompense
Celui qui accroît infiniment
Celui qu'on remercie

Coran : III, 145

Ce Nom vient du mot chukr (reconnaissance,


gratitude ; antonyme : kufr). il faut le considérer
dans un sens métaphorique : en tant qu'attribut
de l'action, il signifie « Celui qui donne une
grande récompense pour un tout petit peu de
bien » ; en tant qu'attribut du mot, il signifie
« Celui qui fait l'éloge de qui Lui obéit. »

Ainsi qu'il est écrit dans l'Évangile à propos de la


petite graine de sésame, un petit bien peut
produire un bien beaucoup plus grand.

i I5Si
Par conséquent, un sourire peut être à l'origine
d'une période de sérénité, de la même manière
qu'une mauvaise action, pour insignifiante
qu’elle puisse paraître, peut être la cause d'une
guerre dévastatrice. La qualité de Dieu al-Chakûr
indique aux êtres humains le sentier de la grati­
tude, la voie du bien, même si c'est dans une
mesure limitée, selon les possibilités person­
nelles, sans grandeurs hypocrites. Par contre,
celui qui éprouve de la gratitude est heureux
même de peu, et il emploie correctement les
dons qu'il a reçus, non seulement matériels mais
aussi psychiques et spirituels. Ainsi il fuira le
danger de tomber dans l'avarice, l'égoïsme,
l'aridité et la paresse.

Savoir se contenter de façon équilibrée est en


effet un don qui, délivrant des frustrations et du
souci de possessions et de pertes, conduit à la
sérénité et apaise l'esprit.

‘ABD AL-CHAKÛR. Qui se nomme ainsi est


appelé à s'apercevoir de tout le bien qu'il y a
dans ce monde et à comprendre que le bien
vient de Dieu. Il peut alors se sentir sereinement
dans un vrai état de gratitude et par conséquent
jouir de la faveur de Dieu.

ilbûi
libll
le Suprême, le Plus Haut
Coran : II, 255 ; IV, 34 ; XXII, 62 ; XXXI, 30 ; XXXIV, 23 ;
XL, 12 ; XLII, 4 ; XLII, 51.
Al-‘AlA : XXXVII, 1 ; LXXXVI!, 1 ; XCII, 20

Selon al-Ghazâlî, ce nom indique davantage la


qualité supérieure de Dieu, cause première de
toutes choses. Ce Nom correspond aussi à la
conception de Dieu selon al-Hallâj :

Si tu dis :

« Quand ? », Son être a précédé l'instant.

Si tu dis :

« Avant », l'avant est après Lui.

Si tu dis :

« Lui », le L, le u et le i sont créés par Lui.

Si tu dis :

« Comment ? », Son essence échappe à la


description par Sa façon d'être.

Si tu dis :
« Où ? », Son existence a dépassé ce lieu.

llbll
Si tu demandes :

« Qui est-il ? », Son ipséité en est tout à fait


distincte. »

Il est le Suprême : Il est dans l'absolu au-dessus


de tout ce que les êtres humains peuvent
imaginer comme supérieur, grandiose, incom­
mensurable ; il est au-dessus de tout attribut,
totalement supérieur à quoi que ce soit et
à toutes les actions que les êtres humains puis­
sent Lui attribuer. Ibn 'Arabî (dans Fusûs
al-Hikam [Les Gemmes de la sagesse]) fait à ce
propos une dissertation philosophico-mystique :
« Un des Noms de perfection de Dieu est “Le
Très Haut”. Mais par rapport à quoi est-il le Très
Haut, du moment qu'il n'y a là que Lui seul ?
Est-Il Très Haut dans un sens essentiel ou bien
par rapport à quelque chose ? Tout n'est que Lui ;
par conséquent II est le Très Haut en Lui-même.
D'ailleurs, puisqu'il est l'Être de tout ce qui
existe, les existences éphémères, elles aussi,
sont élevées dans leurs essences, du moment
qu'elles sont essentiellement identiques à Lui.
Dieu est le Très Haut sans relativité, puisque les
essences, qui en elles-mêmes n'existent pas et

i Ib4i
dans lesquelles cet état est immuable, par elles-
mêmes n'ont même pas un semblant de
l'existence ; elles restent telles qu'elles étaient
malgré la multiplicité des formes dans les
réalités manifestées. Quant à la détermination
essentielle de l'Être, elle est unique en tout et
pour tout. La multiplicité n'existe que dans les
Noms qui ne sont que relations et réalités non
existantes. Il n'y a que la détermination unique
de l'essence, qui Elle est l'Élevé en Lui-même,
sans relation envers quoi que ce soit. »

‘ABD AL-‘ALÎ. On donne ce nom quand on


désire que celui qui le porte soit estimé pour les
vertus, l'intelligence, la générosité, le soutien et
l'aide inconditionnelle qu'il prodiguera à son
prochain.

11 b5 f
llbbl
le Grand
Coran : XXXI, 30

Kabîr (grand ; pluriel : kibâr) a comme superlatif


âkbar (très grand). Cependant kabîr attribué à
Dieu dépasse chaque genre de superlatif :
chaque Nom de Dieu est toujours à compren­
dre dans un sens absolu, non seulement
infranchissable mais aussi incomparable, au
même titre que tous les mots que les êtres
humains emploient en se référant à Dieu.

Selon al-TjT, al-Kabîr est synonyme des Noms


al-Mutakabbir (n° 11) et al-‘Alî(n° 37) ; tandis que
pour a!-Ghazâlî, il est synonyme de al-‘Azîm
(n° 34) et il souligne la perfection absolue de
l'ipséité de Dieu, duquel toutes les choses
dépendent. Toute la Création est la preuve de
la grandeur incommensurable de Dieu.

i Ib7i
Et le mot « infini » que les hommes appliquent
à l'univers ou au temps est lui aussi un concept
erroné, puisqu'on effet rien ne peut être aussi
« infini » que Dieu ; Sa grandeur dépasse toutes
les possibles notions de mesure que les
hommes puissent concevoir.

Une simple pensée du soufi Muhammad ibn Sîrîn


(mort en 728) peut nous en donner une idée :
« Imaginez un cube de roc grand comme la Terre
entière. Tous les mille ans un moineau se pose
dessus, et il se nettoie le bec en le frottant
quelques instants sur le roc. Quand ce frotte­
ment aura usé tout le cube de roc, pour l'infini
univers où nous sommes plongés ne sera passé
qu'un seul instant ; et cet instant n'est rien en
comparaison de l'essence infinie de Dieu, qui
crée et recrée à chaque instant. Heureusement
pour nous, Dieu al-Kabîr est aussi le
Miséricordieux, le Généreux, l'Affectueux, le
Tendre sans quoi nous serions tous anéantis rien
que de contempler Sa grandeur. »

Cela indique aussi que lorsque quelqu'un


déploie tous ses efforts pour obtenir l'aide d'un
grand de ce monde, en définitive il se prosterne
devant un simple serviteur du Très-Haut.

11 b81
ABD AL-KABÎR. Qui se nomme ainsi devrait
s estimer soumis à la grandeur de Dieu et vivre
humblement même si Dieu, le seul auquel il
soit redevable, lui a accordé le pouvoir et la
richesse.

llbSl
11701
le Préservateur
le Vigilant
le Conservateur, Celui qui garde

Coran : XI, 57 ; XV, 9 ; XXXIV, 21 ; XLII, 6 ; LIX, 23

En tant qu’attribut excluant, il indique que la


vigilance de Dieu sur l'univers - une vigilance
continuelle et sans répit - n’est pas une simple
vigilance sur « chaque » chose de minute en
minute, mais qu'elle est totalement globale.

En tant qu’attribut de l'action, il indique que la


vigilance de Dieu, totale et continuelle, assure
à chaque être sa forme et sa substance sans
danger de dissolution.

i I7I i
Selon al-îjî, ce Nom est le complément de
al-'Aïïm (n° 20), puisque la vigilance (hafz) est le
contraire de la négligence et, par conséquent,
elle puise sa source dans la connaissance
(7/m : la connaissance des choses divines.
Pluriel ’ulûm).

S'il s'agissait d'un être humain, nous dirions qu'il


est « celui qui se rappelle tous ses actes, depuis
le plus important jusqu'à l'infmiment petit ». Mais
on ne peut pas diminuer Dieu en Lui attribuant
des qualités humaines ; par conséquent il faut
surpasser ce concept pour arriver à comprendre
le sens de la vigilance de Dieu. Dieu al-Hafîz
donne donc à toutes Ses créatures l'instinct de
survivance et celui de conservation de l'espèce,
qui - dûment élaborés avec l'aide du raison­
nement - se manifestent sur le plan matériel
(travail, nourriture, répulsion pour les poisons),
sur le plan psychique et spirituel (réaction aux
stress, fuite d'une manière rationnelle des
préjugés et coercitions, répulsion pour le
comportement antisocial qui va de la drogue
à l'adultère, du jeu de hasard à la calomnie, de
l'arrogance à l'hypocrisie, de la trahison à la
coercition, à l'escroquerie, et tout ce qui est
contre les lois divines).

11721
‘ABD AL-HAFÎZ. Ce nom est donné pour
invoquer la protection de Dieu sur celui qui se
nomme ainsi ; la protection contre les adver­
sités matérielles, mais aussi contre les
mauvaises pensées et, surtout, les amitiés
nuisibles et fourvoyantes. On raconte que les
disciples du soufi ‘Abd al-Hafîz Abû Sulaymân
al-Dârânî demeurèrent pendant trente années
avec lui sans jamais souffrir des malheurs ni
des sentiments négatifs, grâce au « nom
protecteur » de leur maître.

i I7îi
11741
Celui qui soutient
Celui qui détermine
Celui qui est présent

Coran : IV, 85

Les quatre nuances du mot arabe prêtent à


des considérations variées.

a) Celui qui nourrit, en Sa qualité de Créateur, de


toute sorte de nourriture matérielle et spirituelle ;
et en pareil cas, selon al-Ghazâlî, il est
synonyme de al-Razzâq (n° 18 : le Dispensateur
de tous les biens) ; b) Celui qui détermine, le
Déterminant, car II décrète et fixe les choses, et
dans ce cas c'est un attribut de la puissance
(Qudra) de Dieu ; c) Le Témoin (doublet : Shahîd),
car II connaît le mystère (al-ghayb), et dans ce
cas c'est un attribut de la science de Dieu ;
d) Celui qui est présent, par Son immanence
éternelle sans quoi nulle créature ne subsiste.

11751
Dans tous les cas ce Nom appartient à la
troisième catégorie de ces Noms excellents qui
concernent les qualités d'activités de Dieu,
Noms dont on peut dire qu'ils ne sont autres que
Lui, Noms qui indiquent une qualité d'activité.

La nourriture divine est un sujet essentiel de


toutes le religions. Naturellement l'être humain
a maintes possibilités de se nourrir, mais il
« devrait gagner » sa nourriture, sans quoi
il s'adonnerait facilement à la paresse et à la
négligence, comme en témoignent les enfants
gâtés par leurs mères trop protectrices. Cela
implique que, encore plus grave, le vol et la
méchanceté sont le péché de tous ceux qui
- soient-ils de simples particuliers, des nations,
des gouvernements -, pour s'enrichir, entassent
la nourriture des autres, les empêchant d'en
jouir. Abû Bakr Kalâbâdhî a bien démontré
tout cela d'une manière très symbolique :
« Je suis resté pendant vingt ans sans penser à
la nourriture jusqu'au moment où on me
l'apportait [...]. Puis les choses ont changé, et
depuis vingt ans mon cœur n'écoute que ma
langue. »

I 17b I
‘ABD AL-MUQÎT. Qui se nomme ainsi devrait
considérer les besoins de son prochain et les
satisfaire d'une façon équilibrée, en temps utile
et dans une juste mesure.

11771
11781
le Suffisant
Celui qui ne manque à personne

Coran Mil, 173; VIII, 62

Comme attribut actif, il indique que Dieu crée


pour ses créatures tout ce qui leur est néces­
saire. Comme attribut du mot, il indique que
Dieu demande compte de ce que chacun a fait.
Dans ces deux cas, ce Nom met en évidence le
fait que Dieu est en mesure de contrôler
chaque partie de la Création, même ia plus
petite, et de connaître les calculs relatifs à tous
les événements qui ont lieu au sein de ia
Création.

Le « jour du Jugement dernier », quand Jésus


sera le juge chargé par Dieu - pour les musul­
mans, Jésus est un prophète -, ce dernier jour
est dit aussi « le jour de la reddition des comptes »
et c'est à cette reddition des comptes que les
hommes de foi se réfèrent quand il disent « Celui
qui règle les comptes ».

iI79i
Au même instant un nombre infini d'âmes
paraîtront devant le Juge et le nombre de tous
les comptes rendus sera infini. Tous devront
rendre compte de leurs « talents », de leur biens,
de ce qui a été gaspillé ou bien acquis.

Et redoutez le Jour où nulle âme ne suffira en


quoi que ce soit à une autre ; et l'on n'acceptera
d'elle aucune intercession ; et l'on ne recevra
d'elle aucun équivalent. Et point ne seront
secourus (Coran II, 48). Cela pousse chacun de
nous à se rendre compte de la valeur de chaque
instant de sa vie et à ne pas le gaspiller.

Quelques écoles soufies considèrent que « le


jour de la reddition des comptes » n'est qu'une
image, un symbole, tout comme le Paradis décrit
en détail dans le verset 26 de la sourate II, suivi
aussitôt après par ce verset-ci : Dieu n'hésite
pas, vraiment, à frapper n'importe quel exemple :
d'un moustique, ou de quoi que ce soit
au-dessus. Puis, quant à ceux qui croient, ils
savent, oui, que c'est la vérité de la part du
Seigneur ; et quant à ceux qui mécroient, ils
disent : « Qu'est-ce que Dieu a voulu, avec un
exemple comme ça? »

ll80l
‘ABD AL-HASÎB. Ce nom devrait inciter qui se
nomme ainsi à faire bon usage de la vie, des
pensées, des biens matériels et spirituels, en
éprouvant de la gratitude envers Dieu pour ce
qu'il donne avec un juste équilibre.

11811
11821
le Majestueux
le Digne de vénération
Dans le Coran on ne trouve pas ce Nom tel
quel, mais des dérivés de sa racine (j-l-l)
sous forme nominale ou verbale. Il est intégré
dans la liste des Noms de Dieu par un
accord unanime de la Ijmâ' (l'assemblée de la
communauté islamique représentée par les
théologiens).

Nom appartenant à la quatrième catégorie :


les Noms excellents qui ont trait aux qualités
incomparables (tanzîh), négations en elles-
mêmes des imperfections. Dans sa signification
il se rapproche des Noms al-Mutakabbir (n° 11)
et al-'Azîm (n° 34), mais, selon al-Ghazâlî,
l'accent ici est posé sur la beauté de l'Être divin.

i I82i
Selon al-îjî ce Nom est juste le synonyme de
al-Mutakabbir, et selon al-Jurjânî il qualifie les
attributs de la majesté (jalâl) et de la beauté
damât). Selon Tosun Bayrak : « Sa Majesté est
relative à une grandeur qui ne s'en tient ni ne
ressemble à l'énergie, à la matière ni à aucun
temps : c'est la transcendance même. »

La majesté de Dieu est due au caractère


exhaustif de Ses qualités, symbolisées par tous
Ses Noms ; et toute Majesté dans le monde
n'est qu'un reflet de la Majesté divine.

Les Turcs et les Persans, et avec eux tous les


peuples qui se sont inspirés de leur culture et de
leurs arts, ont hissé la calligraphie au niveau de
l'art. Un art grand, qui a satisfait ie goût
aniconique des Turcs et des Mongols, cet
aniconisme étant caractéristique des popula­
tions nomades, y compris les populations
barbares qui envahirent l'Europe à la fin de
l’Empire romain.

Aux compositions calligraphiques figurant un


des Noms de Dieu, on ajoute généralement la
formule « Jalla Jallâluhu », composée de telle
sorte qu'elle ne trouble pas la partie principale
représentée par le Nom.

i I84i
Également, dès que l’on finit de réciter les
quatre-vingt-dix-neuf Noms, il est d'usage de
prononcer la phrase : « Jalla Jallâluhu wa
taqadassat Asmâ’uhu » (« Que Sa Majesté soit
proclamée et Ses Noms sanctifiés. »)

Si Hamza Boubakeur (Traité moderne de théologie


islamique, Paris, 1985), citant ce Nom, se
déchaîne contre « les roitelets musulmans
modernes qui sont des hypocrites avérés et des
jouisseurs corrompus ne se gênant pas, dans
leur titulature non fondée, pour se faire appeler
“Jalâlatu-I-Mâlik l-Mu'adhdham" (Sa Majesté le
roi sublime). »

'ABD AL-JALÏL. On donne ce nom pour inspirer


à celui qui se nomme ainsi et à ceux qui le
côtoient une crainte révérencielle de la glorieuse
Majesté de Dieu, afin qu'une minuscule étincelle
de cette splendeur les effleure.

i I85i
I 18b I
Jkfrfcum/
le Généreux
Superlatif : al-Akram, xcvi, 3

Coran : XLIV, 49 ; LXXXII, 6

Ce Nom a quatre nuances qui prêtent à


plusieurs considérations : a) comme attribut de
l'action il indique que Dieu « a en Soi la qualité
de la libéralité » ; b) comme attribut de la puis­
sance il indique que Dieu fixe « la mesure de
la libéralité » ; c) comme attribut de relation il
indique que toute sorte de noblesse procède
de Dieu ; d) et par conséquent la qualité et le
pouvoir de pardonner toutes le fautes ne sont
que du ressort de Dieu.

Karam, la générosité (de même que la noblesse


d'âme), était une qualité très appréciée par les
Arabes préislamiques et l'un des thèmes les plus
chantés dans leurs joutes poétiques.

11871
Le noble (sharîf, pluriel shurafâ' ou ashrâf) devait
ce titre à sa richesse - ainsi qu’il convient à un
peuple de marchands sédentaires - et non pas
à son lignage, comme c’est le cas pour les popu­
lations nomades des steppes de l'Asie centrale.
Si des marchands - a priori égoïstes et
parcimonieux - faisaient montre de générosité,
l’estime pour les généreux augmenterait
davantage.

Dieu, dans Sa bonté sans bornes - Dante a écrit :


« Mais la bonté Divine a des bras si grands... » -,
est lent dans le châtiment et II laisse généreuse­
ment le temps pour se repentir. C'est pourquoi,
bien que la prière ne doive être qu'un acte
d'adoration (étant donné que Dieu sait parfaite­
ment ce qu'il faut et ce qui est dû à chaque
individu), Il accepte aussi que le fidèle peu averti
Lui adresse des demandes presque à chaque
instant de la prière. La supplication peut être
considérée irrespectueuse, une faute, mais Dieu
le Généreux passe outre et l'accueille.

Par ailleurs, celui qui a reçu généreusement


devrait en être reconnaissant, et non pas s'en
enorgueillir comme il arrive souvent. Il se peut
aussi qu'un individu gratifié de dons divins ou de
soutiens d'ici-bas se montre ingrat ; alors, celui

ll88l
qui a été généreux envers lui s'effarouche et lui
retire son appui ; Dieu, au contraire, est et
demeure généreux malgré tout. On ne doit donc
jamais douter de la générosité de Dieu.

Dans le Coran (LXXXII, 6-8), on lit : Hé, l'homme !


Qu'est-ce qui te trompe au sujet de ton Seigneur
le Noble, Celui-là même qui t'a créé, puis
arrangé, puis équilibré? Dans telle forme qu'il a
voulue II t'a composé.

On dit que Omar (calife de 634 à 644), écoutant


ces versets, s'écria : « C'est Ta Générosité même
qui m'a créé ! »

‘ABD AL-KARÎM. Qui se nomme ainsi devrait


être généreux et être une preuve de la
générosité de Dieu, en pardonnant les fautes
et en acceptant les errements des gens
communs.

iISSi
inoi
le Vigilant
le Gardien
Celui qui veille, Celui qui observe

Coran : IV, 1 ; V, 117 ; XXXIII, 52

La signification de ce Nom est proche de celle


du Nom al-Hafiz (le Préservateur ; le Vigilant) et
elle est également reliée à la qualité de al-'Alîm
(l'Omniscient, n° 20). Selon al-Ghazâlî, il signifie
plutôt « le Gardien scrupuleux, vigilant, attentif ».

La protection omnisciente de Dieu comporte


la vigilance attentive et en même temps la
connaissance parfaite, dans l'univers, du
développement de toutes les actions, même
les plus petites, de leurs répercussions et
conséquences.
Nous-mêmes, ici-bas, savons que le mal est un
potentiel qui nécessite une résolution et que
chaque résolution conduit à d'autres problèmes.
Naturellement, nous devons agir sur la base de
données insuffisantes et dans un périmètre
considérablement restreint ; « de toute façon,
nous sommes obligés de faire de notre mieux »,
dit Sheldon Kopp. L'action de Dieu a une portée
bien plus vaste et complexe, à tel point que nous
ne pouvons même pas en concevoir le déroule­
ment ; cependant nous pouvons nous en
approcher par l'intermédiaire du Nom al-Raqîb.

'ABD AL-RAQÎB. Plus que tout autre, celui qui


se nomme ainsi doit s'abandonner à Dieu avec
confiance, conscient du fait que personne ne
pourra s'occuper de lui mieux que Dieu ; et
sachant cela, il sera absolument certain que
rien de ce qu'il fait ne sera perdu.

i IS2i
inii
Celui qui accepte (les prières) ;
Celui qui exauce ; Celui qui répond

Coran : XI, 61

Ce Nom concerne une des Qualités d'activités


de Dieu.

Le sens de ce Nom apparaît aussi dans le Coran


II, 186 : Quand mes sen/iteurs t'interrogeront sur
Moi. Alors : Je suis proche, en vérité ; je réponds
à l'appel de celui qui m'invoque, quand il
m'invoque. Qu'ils répondent donc à Mon appel;
qu'ils croient en Moi. Peut-être seront-ils bien
dirigés.

Partant de ce verset, al-Ghazâlî interprète ce


Nom dans le sens de « Celui qui s'empresse de
subvenir aux besoins de ses créatures, même en
les prévenant. »

11S51
Il est incontestable que Dieu connaît toutes les
nécessités de l'univers infini, Sa création, tandis
que pour les êtres humains tout est limité à leur
compréhension.

Des théologiens et des exégètes du Coran se


sont efforcés de nous faire comprendre que Dieu
est aussi près du mystique le plus élevé que du
tout petit grain de sable dans le désert ; Il en
connaît toutes les nécessités et y pourvoit dans
les limites de la coordination générale, sachant
quelles seront les conséquences de chaque
action, si petite soit-elle. L'être humain a besoin
d'entendre répéter cela, pour se rappeler
toujours des valeurs de l'esprit. Ce Nom
est donc en rapport étroit avec al-Karîm
(le Généreux, n° 43), al-Muqît (Celui qui soutient,
n° 40), et al-Hafiz (le Préservateur, n° 39).

Sur « Celui qui répond », il y a dans le Mathnâwî


de Rûmî des très beaux diptyques : « Une nuit,
un homme criait “Dieu” jusqu'à ce que ses lèvres
devinssent douces par Sa louange./Le démon lui
dit : “ô homme de beaucoup de paroles, où est
la réponse “Me voici” à tous ces “Dieu” ?/
Aucune réponse ne te vient du trône divin.

ll%l
Combien de temps répéteras-tu “Dieu” d'un air
sombre ? » [...]/ Le Khidr répliqua : « Non, Dieu
dit : ton “Dieu” est Mon “Me voici” ; et cette
supplication, cette douleur, cette ferveur de toi
est Mon message vers toi. Ta crainte et ton
amour sont le lasso qui saisit Ma grâce./ Sous
chaque “Ô Seigneur !" de toi est maint “Me
voici" de Moi. »

‘ ABD AL-MUJÏB. Qui se nomme ainsi - sachant


que Dieu le Généreux, Celui qui exauce, donne
en abondance à qui s'adresse à Lui avec un
cœur pur - devrait aider avec une pareille
générosité ceux qui s'adressent à lui. Un hadîth
dit : « Le jour de la résurrection Dieu allégera
d'une peine celui qui dans ce monde a allégé la
peine d'un croyant ; et dans ce monde et dans
l'autre Dieu donnera Son aide à celui qui est ailé
en aide à qui se trouve dans le besoin »
(al-NawâWÎ, 36). Chacun peut aider son
prochain, selon ses propres moyens, ne fût-ce
qu'avec un sourire ; en effet un autre hadîth dit :
« Un mot doux est lui aussi une aumône »
(al-NawâWT, 26).

i I97i
i IS8i
1
âL-Wd&ï
l’immense - le Vaste
l’Omniprésent
Celui qui embrasse tout et comprend tout

Coran: II,255;VI,80;VII, 156

Le verset II, 255 du Coran est l’un des plus


importants par rapport au sujet de ce livre :
Dieu! Il n'y a de Dieu que Lui : le Vivant ; Celui
qui subsiste par Lui-même ! (en arabe : Qayyûm
- mot difficile à traduire - ; on peut le rendre
aussi par : l'Absolu, Celui qui subsiste en soi et
dans Lequel tout subsiste).

Ni l'assoupissement, ni le sommeil n’ont de prise


sur Lui ! Tout ce qui est dans les deux et sur la
terre lui appartient ! Qui intercédera auprès de
Lui sans Sa permission ? Il sait ce qui se trouve
devant les hommes et derrière eux, alors que
ceux-ci n'embrassent, de Sa science, que ce
qu'il veut. Son Trône s'étend sur les deux et sur
la terre : leur maintien dans l'existence ne Lui est
pas une charge. Il est le Très-Haut, l'inaccessible !

ll<Wl
Le Nom al-Wâsi' indique cette immensité sans
limites que l'esprit humain n'arrivera jamais à
concevoir ; et, en même temps, il donne le sens
de l'infinitude de chaque qualité de Dieu,
symbolisée par tous Ses Noms, ceux que nous
connaissons et ceux que nous ne connaissons
pas.

Dans les exégèses d’Ibn ‘Arabî, ce Nom


indique l'omniprésence de Dieu, Qui comprend
tout, Qui étend Sa générosité à tout ce qui
existe, Sa science à tout ce qui est connaissable,
Sa puissance à tout ce qui possède une déter­
mination. Et tout cela, d'après al-Jurjânî, ne Lui
pèse absolument pas, et est encore moins un
travail pour Lui.

Quelques théologiens ont lié plus limitativement


ce Nom à la tolérance infinie de Dieu, à côté de
laquelle les fautes des hommes ne sont qu'un
atome dans l'infini, rien de plus.

Selon Tosun Bayrak, un signe de cette étendue


est la variété infinie des créatures : « Dans toute
la vie de la Terre ni un visage, ni un caractère, ni
un événement n'ont jamais été complètement
pareils : tout au plus, seulement similaires. »

12001
‘ABD AL-WÂSI1. Qui se nomme ainsi est
appelé à étendre de plus en plus les frontières
de la connaissance, aspirant à obtenir une
grande culture, modulée toutefois par la
sagesse et la spiritualité.

12011
12021
le Sage
Nom fréquent dans le Coran.
Par exemple : III, 62 ; IX, 28 ; XI, 1 ; LXXVI, 30

Comme l'écrit eü-TjT, ce Nom est un additionnel


de al-'Alîm (l'Omniscient, n° 20), puisque Dieu,
doué de sagesse, a la compréhension totale
des choses et des actions.

Ce Nom cependant se prête à d'autres signifi­


cations :

a) le Prudent dans Ses décisions, attendu que la


perfection de Sa providence ne peut être
autrement dans la gestion de l'univers et les
bienfaits conséquents à l'application de Ses
décrets ;

b) l'Arbitre, qui arbitrera en matière de foi pour


distinguer les doctrines vraies des fausses
(d'après Abû Bakr al-Râzî, 854-925 : XVII, 4) ;

c) Celui Qui jugera d'une façon parfaite, ce qui


correspond aux Noms al-Khabîr (le Sagace, le
Bien Informé, n° 32) et al-‘Adl (l'Équitabie, n° 30).

i20Ii
D'après al-Râzî, ce Nom indique qu'il « ne peut
être détruit par l'eau ni le feu, ni modifié par
le temps ; Il est Immuable ». Tabarî (XI, 80)
l'interprète comme muhkam, qui signifie « solide­
ment établi, parfait dans sa réalisation »
(fréquemment indiqué aussi dans le Coran,
LXXV1, 30, etc.), ou encore « Dieu dans Sa
qualité de Juge suprême par excellence ».

Hikma (la Sagesse), pour la Bible et le Coran, est


un savoir particulier de Dieu, mais aussi une
rectitude morale et un don divin accordé aux
prophètes, et dans ce cas c'est aussi une
lumière intérieure et une règle de conduite. Selon
Badawî (Commentaire, II, 129), ce mot signifie
aussi la connaissance correcte des devoirs
religieux. Enfin, d’après Ibn ‘Arabî, ce mot
indique tout ce qui est salutaire dans un moment
particulier. Pour la plupart des commentateurs,
la sagesse divine est un concept complexe qui
comprend dans l'absolu les valeurs de raison,
d’intelligence et de sapience - cela fait écho aux
propos de Denys l'Aréopagite (iv^v6 siècle) dans
Les Noms divins (VII, 4, 872C), sur la célébration
par les Saintes Écritures de Dieu en tant que Raison.

La sagesse de Dieu est incommensurable, et elle


diffère de la sagesse considérée du point de vue
de l'humanité.

12041
La sagesse divine suppose que Dieu a accordé
à l'être humain la possibilité d'agir dans le bien et
dans le mal, compte tenu de Sa miséricorde. Le
choix tout humain du bien et du mal dépend de
la capacité à reconnaître la validité des lois
établies par les religions révélées : lois qui
indiquent les bons comportements et
interdisent ce qui est préjudiciable par rapport à
l'ordre et à l'harmonie matérielle et spirituelle de
chaque individu. La sagesse de chacun
comprend autant des connaissances incon­
scientes que des connaissances acquises. Il
n'est pas sage, en vérité, que de déroger à
certains principes que chaque religion révélée
indique.

‘ABD AL-HAKÎM. Ce Nom met l'accent sur un


comportement particulier qui ne peut être
atteint qu’à travers l’expérience et la méditation,
dans la recherche continue d'un équilibre
intérieur. La sagesse est un bien pour l'individu
lui-même, mais elle devient aussi un exemple
pour tous ceux qui y aspirent.

12051
f 20b f
le Tendre - l’Aimant
l’Affectueux
Autre sens admis : le Bien-aimé

Coran : LXXXV, 14

Ce Nom signifie « Celui qui aime Ses créatures »


et qui, en conséquence, organise les Lois de
l'univers de telle sorte qu'elles puissent donner
le maximum de bien et le Bien final. Il est aussi
un attribut louangeur que l'on donne à un
« fidèle parfait » ; chez les mystiques il indique la
récompense que Dieu donne à ce fidèle : « Le
retour à Lui de celui qu'il a créé ». Ce Nom est
lié à celui ô'al-Ghafûr (le Clément, n° 35).

« L'amour vrai » est :

1) inconditionné (ce n'est pas de l’amour que de


dire : « Je t'aime si tu es sage ; je t'aime si tu me
satisfais ») ;

2) continu (ce n'est pas de l'amour que d'aimer


par moments) ;

12071
f 2101
le Glorieux
Coran : IV. 171 ; XI, 73 ; LXXXV 15

Dans le Coran l’expression Gloire à Dieu revient


quarante-huit fois. Dans Vil, 54 nous avons :
Toute gloire à Dieu, Seigneur des mondes.
En XI. 73 : Il est digne de louange, le Glorieux,
vraiment. En XVII, 44 : Les sept deux et la terre,
et ceux qui s'y trouvent chantent Pureté de Lui ;
et il n ‘est chose aucune qui ne chante pureté par
Sa louange ; mais vous ne comprenez pas leur
chant.

Les deux phrases : Les Louanges à Lui seule­


ment ; Seulement Ses actions sont dignes de
gloire, furent calligraphiées maintes fois sur les
murs de nombreux palais royaux (par exemple
l'Alhambra de Grenade) pour rappeler aux
monarques la caducité des gloires du monde.

12111
Bien sûr, rien ne Le touche, ni les regards, ni les
pensées, comme le souligne plusieurs fois le
Coran. Cependant, « dans Sa Gloire » Il est près
de chacune de ses créatures, même la plus
humble : Sa gloire n'est pas contaminée par la
vanité qui corrompt tellement les actions
humaines. D'ailleurs chaque création chante Sa
gloire non seulement par sa beauté, mais aussi
par les lois complexes qui la régissent.
Où finiront donc l'arrogance, la morgue et
l'intolérance des êtres humains ?

Pensons au silence profond d'une splendide nuit


étoilée : non seulement la beauté mais même le
silence chante la gloire de Dieu.

‘ABD AI-MAJÎD. Ce Nom invite qui se nomme


ainsi à améliorer son comportement et son
caractère, sans afficher de la fausse modestie,
mais dans la compréhension des limites
humaines, et en donnant de lui-même pour
apporter un peu de paix et de bien, pour
répandre la sérénité et la sécurité.

12121
121Z i
12141
Celui qui ressuscite
Autres sens admis, Celui qui envoie,
Celui qui incite, Celui qui suscite

Coran: XVIII, 12

Nom appartenant à la troisième catégorie de


ces Noms excellents, qui concerne les qualités
d'activité de Dieu, Noms dont on peut dire qu'ils
ne sont autres que Lui.

Dans la sourate (XVIII, 12) où est relatée l'aven­


ture des sept dormants dans la caverne, on lit :
Ensuite Nous les avons ressuscités, afin de vous
faire savoir laquelle des deux factions saurait le
mieux dénombrer le temps qu'ils avaient
séjourné. Ainsi ce Nom n'est pas présent
comme tel dans le Coran, il dérive de l'action
relative au jour du Jugement dernier : le dernier
réveil, la « résurrection », qui, chez les soufis, a
donné lieu à de nombreuses interprétations
mystiques et mystérieuses.

12151
La résurrection après la mort est une des sept
affirmations de foi du musulman. On peut
affirmer que c'est t’un des thèmes essentiels du
Coran : Oui, c'est que Dieu, Lui, est Vérité ; oui,
et c'est Lui qui donne aux morts la vie ; et c'est
Lui qui est capable de tout (XXII, 6) ; C'esf d'elle
que Nous vous avons créés, et en elle Nous vous
retournerons, et d'elle Nous vous ferons sortir
une fois encore. (XX, 55) ; Dieu, c'est Lui qui vous
a créés, ensuite II vous a nourris, ensuite II vous
donnera la mort, et ensuite II vous donnera la vie
(XXX, 40).

Le concept de la résurrection est sans doute l'un


des plus difficiles à comprendre, si on le consi­
dère dans un sens strictement littéral. Aux
critiques que les gens de La Mecque adressaient
à Muhammad à ce sujet, répondent les versets
XXXVI, 78-80 : Et, frappant pour Nous un exemple,
tandis qu'il oublie sa propre création, il dit : « Qui
va donner la vie à des os quand ils sont cariés ? »
Dis : « Leur donnera la vie Celui qui les a créés
une première fois, cependant qu'il se connaît à
toute la création, Celui qui, de l'arbre vert, a créé
pour vous du feu, et voila que vous en allumez. »

■ 21 b i
Pour une autre interprétation (celle des soufis
Chishti), voir le Nom al-Muhyî(n° 61).

Quoi qu’il en soit, il ne faut pas oublier que dans


le Coran la vie (hayât) est comparée à la
connaissance (7/m, pluriel ’ulûm) et la mort
(mawt) à l'ignorance (jahl). Celui qui fait ressus­
citer est aussi Celui qui a donné le « calame »
au genre humain, lui fournissant aussi un
outil nécessaire pour sortir du tombeau de
l'ignorance.

‘ABD AL-BÂMTH. La résurrection à laquelle ce


Nom appelle, on l'obtient en purifiant le cœur et
l'esprit grâce à l'amour pour la connaissance
et le détachement des choses terrestres ; qui
se nomme ainsi est appelé à renaître dans la
lumière de la connaissance avant même de
mourir dans le monde ici-bas.

12171
12181
le Témoin
Celui qui rend témoignage de Soi-même

Coran : III, 18 ; III, 98 ; IV, 33 ; IV, 79 ; IV, 85 ; V, 117 ; VI. 19 ;


X, 46 ; XXII, 17 ; XXXIII, 55 ; XXXIV, 47 ; XLI, 53 ; LVIII, 6 ;
LIX, 11 ; [LXIII, 1] ; LXXXV, 9

Al-Chahâdâ indique ce qui est présent,


manifeste ; en opposition à al-Ghayb : ce qui est
caché. Ce Nom a le sens absolu de
« témoignage », au caractère tangible, donc
de « Témoin », mais aussi de « Celui qui connaît
le mystère » (se reporter à la troisième signifi­
cation du Nom al-Muqît, n° 40). Dans le Qistâs
(71) d'al-Ghazâfî, le Batinite dit à Ghazâlî : « Ma
mère et l'imâm sont deux témoins qui disent
toujours la vérité. »

Ce Nom a aussi le sens d’« épreuve », encore


d'après le texte d’al-Ghazâlî : « Les épreuves
(chawâhid) de la Loi révélée et de l'enseignement
transmis » (Ihya, 1,4).

121S i
Mais on peut l'interpréter aussi dans le sens de :
Celui qui est présent ; Celui qu'on peut
constater. Le chahîd est aussi le prophète,
puisqu'il est témoin pour le peuple auprès
duquel il a été envoyé.

S'il se rapporte à Dieu, ce terme indique Son


omniprésence dans tout, dans tous les événe­
ments et dans tous les temps, selon le dicton
commun à toutes les religions révélées : « Même
si personne ne te voit, Dieu te voit. » Il sera donc
le « Témoin dans l'absolu » le jour du Jugement
dernier.

À ce propos, par rapport au degré spirituel de la


« perfection dans le comportement » (âhsân), Ibn
‘Arabî a écrit : « Lorsque Gabriel demanda à
Muhammad en quoi consiste la perfection dans
le comportement, le Prophète répondit : “Adore
Dieu comme s'il te voyait ; si tu ne Le vois pas,
Il te voit.” La première partie de cette phrase se
réfère au degré spirituel de la contemplation
(mushâhada) au sens absolu, parce que celui qui
y parvient n'est pas conditionné par ses œuvres,
ses dons, et qu'à ce moment il voit que les
œuvres viennent de Lui dans l'actualisation de
leur existence.

12201
La deuxième partie de la phrase se réfère au
degré spirituel des purs, de ceux qui dédient
leurs œuvres à Dieu avec une sincérité totale »
(fil-Kawkab al-Durrî fî manâqib Dhû al-Nûn
âl-Misrl).

Al-Hallâj (857-922), l'un des plus grands


mystiques de l'humanité, a écrit : « Tu es le Seul
dans la solitude de l'éternité ; Tu es l'Unique à
témoigner de Toi d'en haut du siège de la véra­
cité ; et Ton témoignage est Justice, sans que Tu
doives démontrer qu'il est juste. »

‘ABD Ai-CHAHÎD. Qui se nomme ainsi est


appelé à témoigner la vérité et à la chercher
dans chaque chose, puisque toute chose peut
témoigner l'existence de Dieu, si on cherche
à la pénétrer à bon escient.

12211
12221
la Vérité
le Réel - le Vrai en absolu

Ce Nom est fréquent dans le Coran.


Par exemple : X. 32 ; XX. 114 ; XXII, 6 ; XXXI, 30.
Dans le sens de « Celui oui est vrai » : XX, 114.
En Ll, 19 il indique « droit »

La valeur d'origine de la racine h-q-q s'est


graduellement estompée, en arabe, mais on
peut avoir recours à l'équivalente racine
hébraïque qui signifiait : a) entailler, graver ;
b) inscrire, écrire, décrire ; c) prescrire, ou
émettre un décret, une prescription, une loi ;
d) le devoir envers Dieu et envers les hommes.

Dans la poésie préislamique le mot haqq a le


sens de juste, réel ; ensuite il a pris le sens de
« fait établi », « correspondant à la réalité ». Dans
le Coran on le trouve parfois avec son antonyme
bâtil (le néant, l'illusion, la fausseté) ; dans ce cas
il signifie la Vérité. Haqq désigne aussi toute
chose vraie, réelle, comme le châtiment final et
tout article de foi.

i22Zi
Al-Haqq peut donc être employé soit comme
substantif soit comme adjectif ; rapporté à Dieu,
on le renforce par al-'Adl (n° 30). En tant que
vérité ontologique il indique que Dieu est
l'essence nécessaire ; par rapport à la Vérité
absolue 11 est totalement véridique dans Sa
parole (les révélations), et par Son essence il
manifeste la Vérité. Selon al-Ghazâlî, le mot
considéré comme substantif peut signifier « droit
jurisprudentiel », « chose due » : « La sagesse a
son droit et ses hommes ; donne donc leur dû à
tous ceux qui en ont le droit » (Ihyâ ’ulûm al-Dîn,
1,33, etc.).

Mais la Vérité, dans un sens absolu, est souvent


pour les soufis synonyme de « Dieu » et le but
final de la recherche mystique. Rien n'est
semblable à la Vérité transcendante, la seule
réelle, la seule subsistante et donc supérieure à
la Création même. Du fait même que Dieu est
Vérité, tout l'univers a un ordre parfait et une
raison coordonnée. La Vérité n'a pas besoin de
preuves, elle est éternelle et immuable,
autrement elle ne serait qu'une vérité partielle qui
donne une connaissance limitée. Les êtres
humains sont contraints de prendre des
décisions sur la base de vérités partielles ;
cependant ils doivent faire de leur mieux.

12241
Les exégètes, conférant au Nom al-Haqq le sens
de « le Vrai, l'Être constitutif, le Réel », y asso­
cient les notions de « bien-fondé, légitime,
consistant ». Al-Ghazâlî (!hyâ' ‘ulûm al-Dîn)
récuse les célèbres propos d'al-Hallâj « Je suis la
Vérité » - ce qui implique un contact direct avec
l'Objet connu et l'identification naturelle en Dieu -,
considérant que chacun de nous est une partie
de Dieu. Pour al-Ghazâlî, la « Vérité » est la
manifestation de la « Présence divine » (hadra)
de la Majesté de Dieu.

Opposé au mot la'ib (jeu), haqq acquiert le sens


de jidd (rigueur, sérieux) : Ils dirent : « Viens-tu à
nous avec la vérité, ou es-tu de ceux qui jouent ? »
(Coran XXI, 55).

‘ABD AL-HAQQ. Qui se nomme ainsi devrait


chercher le but essentiel des choses selon leur
qualité objective et leur position par rapport à
toutes les causes et tous les effets.

i 2251
122b i
le Gérant
le Mandataire - le Curateur - la Garantie

On le trouve souvent dans le Coran.


Par exemple: III, 173 ; IV, 81 ; LXXIII, 9 ; Celui qui se charge
de TOUT : VI, 102 ; Dieu est la Garantie : XI, 12

Ce mot en soi signifie : le garant, le procureur ;


se rapportant à Dieu il indique Celui à qui tout
est confié, Celui qui se charge de toutes les
nécessités des créatures. Il veille sur tout ; Il est
« le garant » de la parole donnée : Puis, quand ils
lui eurent apporté l'engagement, il dit : « Dieu est
garant de ce que nous disons. » (Coran XII, 66) ;
Moïse dit : « C'est entre moi et toi. Quel que soit
celui des deux termes que j'accomplisse, alors,
pas de violence contre moi. Dieu cependant est
garant de ce que nous disons. » (Coran XXVIII,
28) ; Il est Celui par qui l'on jure.

12271
Dans le sens de « Celui en qui on peut avoir une
confiance inconditionnelle », Il est Celui qui ne
laisse rien d'inachevé, Celui qui fait tout sans
que personne fasse quoi que ce soit pour Lui.
D'autre part il est logique de penser qu'il puisse,
par un de ses actes, remplacer chaque partie de
l'univers, tandis que rien ne peut Le remplacer.
Aucun pouvoir ne peut Le forcer à faire autre
chose que ce qu'il a décidé, même si ce fait
échappe à notre compréhension, laquelle se
limite à la phrase « Il a établi », alors que dans la
dimension divine le fait même d'exprimer une
volonté et de prendre une décision n'existe pas.
Cela suppose l'abandon total de soi-même à
Dieu (Islam), en Qui il faut placer sa confiance de
manière absolue. Dans ce monde, n'importe
quel fiduciaire doit être rétribué, tandis qu'à Dieu
nous ne donnons aucune rétribution. La con­
fiance en Lui (tawakkul ; ce mot définit aussi un
état mystique : l'abandon) ne doit pas être un
acquiescement aveugle et passif ; le Coran
affirme à plusieurs reprises (près de quatre-
vingts) qu'il faut croire en Dieu et accomplir de
bonnes œuvres. Il est donc clair que croire n'est
pas suffisant, il faut aussi agir correctement et
« faire de bonnes actions ». Et annonce à ceux

12281
qui ont cru et fait œuvres bonnes, qu'il y a pour
eux, oui, des Jardins sous quoi coulent les ruis­
seaux (II, 25) ; Et tu verras agenouillée chaque
communauté ; chaque communauté sera
appelée vers son Livre : « On va vous payer
aujourd'hui de ce que vous œuvriez » (XCV, 28),
Selon ce dernier verset donc, au Jour dernier
nous serons rétribués selon nos œuvres, non
selon notre religion.

Ne pas s'occuper des causes et de leurs effets,


ne pas contrecarrer le cours des événements,
surtout quand ils sont négatifs, c'est de la
paresse et de la lâcheté ; et si pour l'islam avoir
confiance en Dieu est un devoir, être apathique
et paresseux est une façon de « renier Dieu »
et tous Ses beaux Noms.

‘ABD AL-WAKÎL. Qui se nomme ainsi est incité


à s'abandonner à Dieu avec confiance, et ainsi
inspirer confiance à son prochain par son
comportement intègre. Il sera alors un « fidu­
ciaire » (khalyfa) digne de foi, auquel on pourra
tare appel en toute tranquillité, et à qui on
accordera un peu de la confiance qu'il faut avoir
en Dieu.

12291
12101
j- V

ie Vigoureux - le Fort
Celui qui exerce son pouvoir
sur toutes les choses

Coran : VIII, 2 ; XI, 66 ; XXII, 40 ; XXII, 74 ; XXXIII, 25 ;


XUI, 18 ; LVII, 25 ; LVIil, 21 ; LIX, 23

Nom appartenant à la catégorie de ceux qui


désignent les qualités de l'essence étemelle et
dont on ne peut dire ni qu'ils sont Dieu ni qu'ils
sont autres que Lui, ni qu’ils sont identiques au
Nommé. Cette catégorie se divise en trois
parties, et le Nom al-Qawwf appartient à la
troisième, celle des qualités qui s'appliquent
proprement à la Toute-Puissance.

La connotation du mot, en quelques passages


du Coran, rappelle la qualité divine principale
selon l'Ancien Testament : Dieu de vengeance et
de Justice : Et ainsi ce fut pour les gens de

i2ZI i
Pharaon et pour ceux qui avaient méconnu les
signes de Dieu. Puis Dieu les frappa à cause de
leurs péchés. Oui, Dieu est fort, sévère dans Ses
sanctions (VIII, 52). Ensuite, lorsque Notre ordre
arriva, par Notre miséricorde Nous sauvâmes de
l'ignominie de ce jour Sâlih et ceux qui avaient
cru avec lui. Ton Seigneur ! En vérité c'est Lui le
Fort, le Puissant (XI, 66).

La force de l'homme est transitoire, changeante,


elle décline avec l'âge, peut manquer pour des
raisons d’ordre psychologique, ou porter à des
excès. La Force de Dieu est une Force intaris­
sable qui supprime ou protège, châtie ou
pardonne, dans un équilibre parfait.

’ABD AL-QAWWÎ. Qui donne ce nom à un


nouveau-né souhaite qu’en l'enfant puisse se
manifester le pouvoir de Dieu pour vaincre la
concupiscence et l'ambition ; il deviendra ainsi
un homme fort, gardant son équilibre et, de ce
fait, respecté, craint, mais aussi pris en exemple.

12321
! 2111
12341
le Très-Ferme
l'inébranlable
Celui qui est solide - le Fort

Coran: U, 58

Cité tel quel dans le Coran une seule fois (U, 58) :
Oui, Dieu, c'est Lui le grand pourvoyeur, le plein
de force, l'inébranlable ; mais aussi par
métaphore en Vil, 183 : Ef Je leur accorderai un
délai. Oui, Ma ruse est solide ; et en LXVIII, 45 :
Et Je leur accorde un délai. Vraiment, Ma
ruse est inébranlable. Ce mot a aussi le sens
d’« impassibilité », « imperturbabilité ».

Attribué à Dieu, il indique la perfection de Son


pouvoir sans limites, mais aussi la véhémence
avec laquelle tout l'univers est fortement
imprégné par Son essence. Selon les soufis,
c'est la qualité nécessaire pour atteindre

i2Z5i
l’imperturbabilité, devant les appâts du monde
phénoménal, et cette droiture de la pensée et du
comportement qui marque ceux qui sont
parvenus à un haut degré d'évolution dans le
long chemin du mysticisme. À ce propos, Abû
Bakr Qahtabî (env. ix6 siècle ; cité par Baghdâdî)
a écrit : « Les âmes de ceux qui ont la connais­
sance de l'Unité sont des âmes qui ont pris en
aversion toute manifestation de leurs attributs et
de leurs qualités propres, et qui en désavouent la
moindre démonstration. Elles se sont coupées
des réalités sensibles (shawâhid) de tout ce qui
peut être profitable Çawâ’id) ou présente intérêt
(fawâ'id). Et elles sont devenues incapables de
manifester la moindre prétention devant Lui.
Des âmes imperturbables, des gens que négoce
ni troc ne distraient du Rappel de Dieu et de
l'établissement de l'Office (Coran, XXIV, 37). »

123b i
‘ABD AL-MATÎN. Puisque la Force de Dieu se
répand partout, celui qui porte ce nom devrait
s'engager à ne pas s'écarter du droit chemin -
grâce à la force que Dieu lui a donnée. Aucune
difficulté ne devrait l’éloigner du juste
comportement, nulle fatigue ne devrait l'em­
pêcher d'adorer Dieu lors des offices. Et
personne ne pourra l'effrayer s'il place totale­
ment sa confiance dans la force inattaquable
de Dieu.

i227i
i2Z8i
le Très-Proche
le Tuteur, le Préposé,
l'Auxiliaire, l'Ami, le Maître
Celui qui gouverne, qui détient l'autorité

Coran : II, 107 ; VI, 51 ; XIII, 11 ; XVIII, 44

Parfois on traduit ce terme par Maître, Patron


(Coran, II, 107 : Ne sais-tu pas qu'à Dieu, en
vérité, est le royaume des deux et de la terre, et
qu 'en dehors de Lui il n'y a pour vous nul patron
ni personne qui secoure ?). Dans le domaine de
la religion il est applicable à Dieu mais aussi à
tous les mystiques contemplatifs, ceux qu’en
Occident on appelle « saints ». Ibn ’Arabî dit :
« La walâya est la sainteté suprême, l'amitié
divine [...]. Il va de soi que l'ami souhaite rencontrer
son Ami. » Dans ce cas, c'est l'adaptation aux
Noms de Dieu (takhalluq bi-khuluq al-Haqq).

i2Ih
Dhû al-NOn al-Misrî, grand martre soufi mort en
861, a écrit un texte ésotérique qui fut commenté
de différentes façons par ses disciples : « Je suis
le walî de quiconque m'obéit. Quiconque
m'obéit, qu'il place sa confiance en moi et qu'il
me prenne comme règle. Pour mon omnipo­
tence ! Si alors il me demandera la fin du monde,
j'y mettrai fin pour lui. » Ailleurs, Dhû al-Nûn
évoque son initiatrice au mysticisme, la turque
Fatima de Nîshapûr (morte en 838), en ces
termes : « Elle est une waliyya, au nombre des
“Amis de Dieu". »

En général on considère ce Nom comme une


indication “de l'amour et de la protection" que
Dieu accorde à ceux qui L'adorent avec un cœur
pur et un dévouement total. Leur détachement
des biens et des oripeaux d'ici-bas trouve une
réponse dans la bonne réussite de leurs œuvres
au profit de l'humanité, et dans la force
consciente et constante qu'ils mettent dans
leurs entreprises. Puisqu'ils savent que tout vient
de Dieu, ils vivent avec confiance et il ne leur
manque rien, car il ne leur faut rien d'autre que la
walâya de Dieu. Et Ghazâlî d’écrire, dans son
Ihyâ’ 'ulûm al-Dîn : « L'ouverture de la porte de
l'intime du cœur sur le monde du Royaume

12401
s'appelle connaissance et walâya, et celui qui
en est favorisé s'appelle ami de Dieu et homme
de connaissance [...]. Quiconque nie l'étape de
la walâya, doit nécessairement nier celle de la
prophétie. »

‘ABD AL-WALÎ. Ce nom devrait susciter en


celui qui le porte l'amour envers tous ceux qui
vivent dans la contemplation de Dieu, afin qu'il
soit lui-même incité à chercher cette pureté
d'intention et à accomplir des œuvres qui
soient utiles pour l'évolution spirituelle de son
prochain.

12411
12421
uC

le Loué - le Glorifié
le Digne de louange - Celui qui louange

Coran : XI, 73 ; XXII, 24 ; XXXV, 15 ; XLII, 42

Ce Nom est exprimé implicitement dans le


deuxième verset de la première sourate : Gloire
à Dieu, Seigneur des Mondes. Et dans Coran,
XVII, 44 : Les sept deux et la terre, et ceux qui
s'y trouvent, chantent Pureté de Lui. Et il n'est
chose aucune qui ne chante pureté en Le louant.
Mais vous ne comprenez pas leur chant. Il
demeure, vraiment, patient, pardonneur.

Il s'agit là d'une qualité « par excellence » de


Dieu, et ce Nom - ou le concept qui en dérive -
revient dans tous les textes des maîtres soufis. Il
signifie aussi que Dieu est « Le plus loué » au
cours des siècles, par tous les êtres humains,
par toute la création, et par conséquent il met
l'accent sur I' « adoration » de Dieu et sur le
devoir de L'adorer.

12431
En effet, la prière du musulman ne consiste pas
à demander à Dieu des bienfaits ou des récom­
penses - comme il a déjà été précisé pour le
Nom al-Karîm (n° 43) - mais elle est un pur acte
d'adoration du Créateur. Ce Nom est aussi inter­
prété en tant que « prototype » des qualités
positives de la création : toute la création
glorifie Dieu, mais la « qualité » de la création est
en elle-même la plus haute louange de Dieu.

Al-Hamîd est aussi un attribut de relation. Selon


Ibn ‘Arabî la qualité de « saint » est atteinte
lorsqu’un être humain pénètre les qualités
divines dont les Noms al-Walî et al-Hamîd (n° 56
et 57) sont les archétypes idéaux, al-Hamîd
désignant le prototype même des qualités
positives de la création.

L'adoration est implicite dans l'harmonie de


l'univers et dans le « vivre » du monde phénoménal,
étant donné que tout cela est création de Dieu
et a sa beauté ; il faut vouloir la voir. En employant
la matière dont nous disposons, sans nous
en apercevoir nous adorons Celui qui a créé
cette matière. Ce concept d’« adoration », de
« louange à Dieu », a été un sujet constant dans
les œuvres des mystiques de l'islam, en cela à
l'unisson avec les mystiques chrétiens ; à titre

12441
d'exemple, Juan de Yepes y Aivàrez, dit saint
Jean de la Croix (1542-1591) : « T'adorer en
silence quand Tu viens vers nous ; T'adorer en
silence, comme une eau qui descend et déferle
par vagues quand les digues se rompent ! [...]
ô Seigneur ! Viens à moi, afin que je m'enivre
de Toi. Ô splendeur qui me serre ! comme une
simple femme penchée sur son époux, permets-
moi en pleine liberté de découvrir Ton secret, de
percer ton écoute, et de me griser de ciel comme
un fou. »

Pour cela aussi la négativité suprême n'est pas


d'être athée, de ne pas avoir la foi (puisque Dieu
donne la foi à qui II veut et ne la donne pas à qui
Il ne veut pas la donner, comme le souligne
plusieurs fois le Coran), mais plutôt d'associer
d'autres divinités à Dieu : l'idolâtrie.

‘ABD AL-HAMÎD. Ce nom invite à reconnaître


toute la beauté de Dieu, Lequel est au-dessus
et au-deià de toutes les beautés qu'il a créées.
Qui se nomme ainsi devrait honorer ce nom
faisant en sorte que toutes ses actions soient
la digne conclusion d'un examen minutieux et
pondéré des valeurs qui donnent validité à
chaque action.

12451
124b i
ufvâ
Celui qui calcule
Celui qui garde en compte

Coran, comme action de Dieu :


XXXVI, 12 ; LVIII, 6 ; LXXII, 28

En rapport avec al-'Alfm (l'Omniscient, n° 20), il


indique que Dieu a en Soi et connaît totalement
toutes les choses calculées ; en rapport avec
al-Qâdir (le Puissant, n° 69) il indique que Dieu a
tout pouvoir sur elles. En rapport avec al-Khabîr
(le Sagace, le Bien Informé, n° 32) il indique que
Dieu connaît les faits et les pensées intérieures,
même les plus cachées ; en rapport avec
al-Chahîd (le Témoin, n° 51), il indique que Dieu
témoigne de tout ce qui est, même le plus petit
des atomes. Par conséquent « Dieu possède
toute la connaissance quantitative » et « Il voit
et connaît chaque chose dans sa réalité ».
Même la plus petite particule de l'univers
est ainsi connue de Lui analytiquement,
dans sa nature, son action, sa situation et
correspondance.

12471
Dans Coran XXXVI, 12 : Oui, c'est Nous qui
donnons la vie aux morts et inscrivons ce qu'ils
ont préparé, et aussi leurs traces. Et Nous avons
dénombré toute chose dans un directoire clair.
Rien donc ne se perd de chaque action, pour
petite qu'elle soit ; et il en découle toujours une
récompense ou un châtiment. D'ailleurs, nous
emmagasinons nous-mêmes toutes nos actions,
quoique nous ne soyons pas en mesure d'en
stimuler le souvenir. Tout est parfaitement
archivé dans notre écorce cérébrale ; en effet,
lorsque sur la table d'opération on procéda à la
stimulation électrique du cortex cérébral pour
des opérations à calotte crânienne ouverte, la
mémoire latente emmagasinée émergea. Les
sentiments de culpabilité inconscients, élaborés
par l'archéopsyché, tiennent compte de toutes
nos actions mieux et plus que notre néopsyché.

D'analyser en nous-mêmes nos actions nous


conduit à en assumer complètement et en
première personne la responsabilité, sachant
que le Jour final (Coran, II, 48) : nulle âme ne
suffira en quoi que ce soit à une autre ; et l'on
n'acceptera d'elle aucune intercession ; et l'on
ne recevra d'elle aucun équivalent. Et point ne
seront secourus.

1248 i
Sur la base de ce Nom, le jour du Jugement
dernier (Coran XXXIX, 69-70) la terre brillera
de la lumière de son Seigneur, tandis que le
rôle sera posé, et prophètes et témoins amenés,
et on décidera parmi eux en droit, et point
ne seront lésés ; et chaque âme sera pleinement
remboursée de ce qu'elle aura œuvré. Dieu
cependant se connaît mieux à ce qu'ils faisaient.

Chacun de nous a objectivement la possibilité


de considérer ses fautes et d’essayer d’y
remédier avant ce Jour final.

’ABD AL-MUHSÎ. Ce Nom invite qui se nomme


ainsi à connaître tout ce qui est possible, en
extension et en profondeur, autour de lui mais
plus particulièrement en lui-même, en analysant
ses propres actions et sa propre façon de vivre.

i24Si
12501
^j-fluèdÀ?
Celui qui recommence
Celui qui commence - l'Innovateur
le Précurseur
Celui qui produit sans modèle

Coran : le sens est explicité en VII, 29 ; XXIX, 20 ; XXX, 11 ;


LXXXV.13

Ce Nom a une double signification : « Celui qui


de rien crée les êtres » et « Celui qui prévient les
désirs avec ses attentions ». Il est à réciter avec
le Nom qui le suit, auquel il est lié par le sens.

D'après le Coran (VII, 29) : Comme II vous a


commencés vous retournerez. Selon Abû Ja'far
Tabarî, théologien du Xe siècle, cette phrase a le
sens de « Vous retournerez à Lui ainsi que la
prédestination a déterminé ». En effet c'est sur
ce verset que se sont appuyés des théologiens
de la prédestination pour valider leur pensée ;
mais le verset qui lui succède a servi aux

12511
mu'tazilites de motif pour confirmer le libre
arbitre (ikhtiyâr) : Il guide les uns, tandis que
l'erreur se réalise sur d'autres, lesquels, en vérité,
ont pris au lieu de Dieu les diables pour patrons ;
et ils comptent que vraiment ce sont eux les
bien-guidés (Coran Vil, 30).

Selon les nuances auxquelles ce Nom prête,


Dieu est : Celui qui a fait naître tout, sans
schémas ni modèles, donnant une force
prodigieuse à la matière (par exemple la charge
du proton ou de l'électron) ; Dieu, unique source
de l'énergie nécessaire à la matière pour être ;
le Dispensateur des grâces et de la vie, de la Loi
et des récompenses - et cela dépasse la réalité
de la matière elle-même. D'ailleurs, si quelqu'un
veut considérer l'être humain exclusivement
comme un composé de matière, qu'il se
demande comment cette matière a la possibilité
de penser des choses sublimes, et d’avoir des
passions, parfois transcendantes.

‘ABD AL-MUBDI’. Qui se nomme ainsi est


appelé à chercher sa propre origine et celle de
toutes les choses ; il connaîtra ainsi la source de
ses sentiments les plus sublimes et de tout ce
qui est créé.

12521
1251 i
12541
A^/jptuuC
le Régénérateur
le Vivifiant
Celui qui réintègre

Coran : considéré de la même manière que le Nom précédent,


le SENS DU Nom est explicité en VII, 29 ; XXIX, 20 ; XXX, 11 ;
LXXXV, 13

À réciter avec le Nom précédent. Il renforce la


description de l'omnipotence de Dieu ; voir
Coran XXIX, 20 : Dis : « Voyagez sur terre, puis
regardez comme II a commencé la création.
Puis, c'est Dieu qui procréera la procréation
dernière. Dieu est capable de tout, vraiment. » Et
en Coran LXXXV, 13 : Oui, c'est Lui qui
commence et qui répète.

Cependant la résurrection, fondement de la


religion islamique ainsi que du judaïsme, du
christianisme et d'autres religions encore, est
interprétée de différentes façons. Une partie des
croyants pensent qu'il s'agit d'un véritable retour
dans le corps matériel qui a été mis sous la terre.

12551
Les soufis en revanche consi-dèrent ce concept
comme un symbole - qui prête à plusieurs inter­
prétations - et estiment que les versets qui s'y
rapportent dans le Coran sont une sorte d'expli­
cation de la puissance de Dieu au moyen
d'images que les esprits simples peuvent
comprendre.

Déjà à l'époque du prophète Muhammad -


quand le concept d'âme et de survie était plutôt
vague et indéfini -, le concept de résurrection
était critiqué et contesté ; plusieurs versets du
Coran interviennent à ce propos, comme en XXII,
5-7 : [...] Dieu ressuscitera ceux qui sont dans les
tombeaux.

Toutefois, selon plusieurs soufis, il ne s'agit pas


d'une résurrection de la chair, mais la totale et
définitive libération de l'âme du corps ; et le
Paradis matériel est une allégorie, car : Oui, nous
sommes à Dieu, oui, et nous retournons à Lui (II,
156). Et en IX, 72 : Aux croyants et aux croyantes
Dieu a promis les Jardins [...] d'Éden. Or, de Dieu
l'agrément est plus grand encore. C'est là
l'énorme succès.

Que l'énorme succès (le Paradis) soit le retour à


Dieu est répété dans le Coran vingt-deux fois.
De même, pour plusieurs maîtres soufis le jour

125b i
du Jugement dernier n'est que le symbole d'une
harmonie et d'un équilibre que l'être humain
évolué cherche ici-bas, dans l'attente confiante
du moment où tout retournera à Dieu. C'est
l'anéantissement du soi (fana') dans Sa Lumière,
après avoir vu ici-bas l'un des aspects de Dieu :
la créativité qui mène à l'existence de la matière.
Le monde de la matière vit dans la dualité de
charges positives et négatives, et l'âme incarnée
dans la matière vit la dualité du bien et du mal.
Mais dans le monde de l'esprit, émanation et
signe de Dieu, il est incontestable que l'on
atteindra l'équilibre. Beaucoup de maîtres soufis,
ainsi qu’lbn Khaldûn (sociologue et historien
tunisien, 1332-1406), pensent que la « réincar­
nation » est, dans le contexte d'ici-bas, le
symbole du flux et reflux constant des cultures,
des civilisations, des « cycles historiques de
l'histoire », clairement exposés par le philosophe
italien Giovan Battista Vico (1668-1744).

‘ABD AL-MU‘ÎD. Qui se nomme ainsi devrait


comprendre que les civilisations de la Terre et
les choses de ce monde naissent, s'élèvent,
meurent, et de nouveau apparaissent.

12571
12581
apfl/ulÿî
le Créateur de la vie
Celui qui donne la vie
Celui qui rend la vie

Coran: II, 258 ; III, 156 ; VI, 133 ; VII, 158 ; IX, 16 ; XV, 23 ;
XXIII, 80 ; XL, 68 ; XLIV, 8 ; Ull, 44 ; LVII, 2 ; LXVII, 2

À réciter avec le Nom qui le suit ; dans le Coran


les deux Noms sont presque toujours associés.
« Dieu est Celui qui donne la vie et la mort. »
Cette capacité de rendre la vie aux morts, Il
peut cependant la donner aussi à Ses
prophètes, tel Jésus : En vérité, si je viens à vous
c'est avec un signe de la part du Seigneur. Oui,
pour vous je pétris de glaise une figure d'oiseau,
puis je souffle dedans, et par la permission de
Dieu, c 'est un oiseau. Et je guéris l'aveugle-né et
le lépreux, et je ressuscite les morts par la
permission de Dieu (Coran, III, 49).

i259i
De plus, dans le Coran nous trouvons définies
trois sortes de vie. Une vie physique, décrite
scientifiquement : Nous avons désigné de l'eau
tout être vivant (XXI, 30) ; Et Dieu a créé de l'eau
tout animal (XXIV, 45). Une vie spirituelle, en
regard de laquelle il vaut bien la peine de renon­
cer à tous les oripeaux humains pour suivre cette
longue et merveilleuse vie qui conduit à Dieu.
Une vie future, conditionnée par notre façon de
vivre ici-bas et par conséquent déterminée par
nos choix individuels dont nous, nous seule­
ment, sommes responsables ainsi que le Coran
le rappelle à maintes reprises.

Selon les soufis de l'ordre Chishtiyya - fondé en


Inde par Mu'în al-Dîn Muhammad Chishtî (1142-
1236) -, ainsi que des soufis d'autres Ordres et
les ghulât, l’alternance de la vie et de la mort
décrite dans le Coran fait écho à leur idée d’une
réincarnation (naskh ; taqmis âlârwâh ; tanâsukh ;
maskh, raj'a, karra) menant au niveau optimal de
pureté et de compréhension. Une réincarnation
qui, contrairement à celle des bouddhistes ou
des hindouistes, n'a lieu que dans un être
humain au moment de l'accouchement, puisque
seul un être humain est responsable in toto de
ses propres actions et de ses propres choix.

i2b0i
Parmi les passages du Coran à ce propos, en
voici deux : Tu fais que la nuit s'imbrique au jour
et Tu fais que le jour s'imbrique à la nuit ; et Tu
fais sortir du mort le vivant, et Tu fais sortir du
vivant le mort (III, 27) ; Du mort II fait sortir le
vivant, et du vivant II fait sortir le mort (XXX, 19) ;
Seigneur, Tu nous as fait mourir deux fois et
donné vie deux fois. Nous admettons donc nos
péchés. Eh bien : y a-t-il un chemin pour en sortir ?
(XL, 11).

‘ABD AL-MUHYÎ. Qui se nomme ainsi est incité


à sortir du péché, symbole des ténèbres et de
la mort de l'esprit, à se purifier dans le Nom de
Dieu, qui est Vie.

12b 11
Celui qui donne la mort
II, 258 ; III, 156 ; VI, 133 ; VII, 158 ; IX, 116 ; XV, 23 ;
Coran :
XXIII, 80 ; XL, 68 ; XLIV, 8 ; LUI, 44 ; LVII, 2 ; LXVII, 2

Il est à prononcer avec le Nom précédent


auquel II est étroitement lié.
Pour un musulman, la mort n'est qu'un passage
(întiqâl) de la « demeure la plus proche » (al-Dâr
al-Dunyâ, la vie ici-bas, la vie d'aujourd'hui) à la
« demeure dernière » (al-Dâr al-Akhira, la vie
future, l'au-delà). Toute âme goûtera la mort
(III, 185) ; Oui : la science de l'Heure est auprès
de Dieu. C'est Lui qui fait tomber la pluie ; et
Il sait ce qu 'il y a dans les matrices. Et personne
ne sait ce qu'il s'acquerra demain, et personne
ne sait dans quelle terre il mourra. Dieu est
savant, oui, bien informé (XXXI, 34).

Cela aide le musulman à accepter avec sérénité


le décret de Dieu, l'inéluctabilité de la mort
physique, sans le regret égoïste de la séparation
avec les aimés qui meurent ; à accepter sereine­

i2bli
ment la mort avec les renoncements et les
abandons qu'elle comporte.

En définitive le croyant est reconnaissant pour la


vie que Dieu lui a donnée et il supporte patiem­
ment ce qu'il y a de négatif, eu égard à ce que le
calife ‘Alî disait : « Le bien que tu as vient de
Dieu, le mal que tu as vient de toi-même. » Et,
comme a écrit Jalâl al-Dîn Rûmî : « La vie est
Vérité et la Vérité est Dieu : par conséquent Dieu
seulement est la Vie. » La mort est donc consi­
dérée nécessaire pour parvenir à la vérité :
L'ivresse de la mort fait venir la vérité. Voilà de
quoi tu t'écartais (Coran : L, 19).

Probablement pour ce motif et indubitablement


pour la foi en Dieu ressentie d'une façon claire
et accomplie, le suicide est bien rare dans le
monde musulman, où - suivant ce qui est écrit
dans le Coran - il est considéré comme l'un des
pires péchés. Le seul cas célèbre est celui du
philosophe Ibn Sab'în (1217-1271), connu en
Europe pour avoir donné réponse aux Questions
envoyées aux savants de l'Islam par l'empereur
Frédéric II de Souabe (al-Ajûiba 'an al'As’ila
al-Siqilliyya, Réponses aux questions siciliennes,
1240).

i2b4i
Bien des poètes musulmans ont écrit sur la mort,
sur la fragilité de la vie (la lueur d'une bougie
qu'un souffle de vent peut éteindre d'un moment
à l'autre). Deux exemples suffisent : ces
quelques vers de Omar Khayyam (1048-1131) :

« La roue des deux court après nous, roule après


ma mort et la tienne. /Elle roule contre mon âme
candide et contre la tienne. /Viens t'asseoir sur
l'herbe et viens déguster. Il nous reste si peu de
temps : /Bientôt l'herbe poussera à nouveau sur
ma poussière et sur la tienne. »

« Du vrai croyant à l'incrédule, je te le dis, il n'est


qu'un souffle ; du dogmatique à l'incertain, il
n'est en vérité qu'un souffle ; dans cet espace si
précieux, entre deux souffles, vis heureux, la vie
s'en va, la mort s'en vient, notre passage n'est
qu'un souffle... »

‘ABD AL-MUMÎT. Qui s'appelle ainsi devrait


réfléchir à notre fragilité, aux forces négatives
qui apportent la négativité au cœur de
l'homme, à la précarité de la gloire et des
richesses ; mais aussi à la lumière divine qui
nous attend après la mort.

i2b5i
f2bb(
le Vivant
autre sens accepté :
Celui qui fait vivre et mourir

Coran : II, 255 ; III, 2 ;X, 111 ; XXV, 58 ; XL, 65

Ce Nom est l’un des attributs essentiels et son


sens est évident. Selon al-Tp, il spécifie que Dieu
agit et perçoit constamment, tandis qu'absolu-
ment rien ne peut agir sur Lui, personne ne
peut Le voir avant de mourir. Selon Al-Ghazâff, Il
est le Vivant au plus haut et plus complet degré
de la vie, pour la perfection de Son agir et de
Son percevoir.

En effet, Celui qui donne la vie, Celui qui est éter­


nel, est le seul Vivant, puisqu'il vit de Sa propre
vie et II donne la vie à toute la Création. Il a créé
des vies différentes, dans une harmonie
complexe, et interdépendantes.

12b71
Les végétaux ont des possibilités limitées et des
sensations relatives, même si un chêne vit plus
longuement qu'un être humain. Les animaux ont
des pulsions primaires (respirer, dormir, manger,
boire, la coordination des mouvements) pour
l'entretien du corps, et des pulsions secondaires
(la pulsion sexuelle, et, par conséquent, l'amour
et les soins envers leurs petits) pour la subsis­
tance de l'espèce. Les êtres humains ont en plus
des pulsions tertiaires, symbolisées par les
termes : art, foi, civisme. En conséquence, Dieu
leur a donné le libre arbitre ; ils sont donc pleine­
ment responsables de leurs actions.

Ce climax a été exprimé clairement par Jalâl


al-Dîn Rûmî : « Du moment où tu vins dans le
monde de l'existence une échelle fut placée
devant toi, pour te permettre de t'évader.
D'abord tu fus minéral, puis plante, ensuite tu es
devenu animal. Comment peux-tu l'ignorer ?
Puis tu es devenu homme, doué de connais­
sance, de raison, de foi. Considère ce corps tiré
de la poussière : quelle perfection il a acquise ?
Quand tu auras surpassé la condition humaine
tu deviendras en vérité un ange, et tu en auras
fini avec la Terre : ta demeure sera le ciel. Mais
dépasse aussi la condition angélique et pénètre

i2b8i
dans l'Océan, afin que ta goutte d'eau puisse
devenir une mer plus grande que cent mers de
‘Omân. Renonce à la notion de “fils" et dis, de
toute ton âme : Dieu est Un. » Cette évolution
spirituelle jusqu’à l'ange qui est en nous est
aussi le thème du premier poème soufi composé
en langue italienne, le Cantique des deux, écrit
en 1939 à Milan par Yussuf Aled Roberto Mandel
Khân.

Cependant bien peu sont les êtres humains qui


utilisent - ne serait-ce qu'en partie - les grandes
possibilités qui leur ont été données. Sur
l'échelle de l'évolution spirituelle, ceux qui
donnent au monde la beauté et la pensée, les
artistes, les mystiques, manifestent différentes
façons d'être « vivants » et de comprendre,
représenter et pénétrer la vie. Mais rien de tout
cela n’est éternel, absolu, complet.

‘ABD AL-HAYY. Celui qui se nomme ainsi est


appelé à surmonter l'excès de ses désirs
matériels et sensuels, à parvenir à se connaître
lui-même, en ayant conscience que le seul
Vivant est Dieu.

i2b<)i
12701
ÊLrQâÿÿà™'
I1 Existant (de par Lui-même)
Celui qui existe de par Son propre être

Coran: II,255; III,2;XX, 111

En tant qu'attribut excluant, il indique « Celui qui


persiste en Lui-même sans autre raison d'être
que Lui-même » (qâimu bi Dhâtûhu). Par ce
Nom on entend aussi « Celui qui gouverne et
coordonne la Création et sans Lequel rien ne
peut subsister » (Fakhr al-Dîn al-Râzî, VII, 5-8 ;
Abû Ja'far Tabarî, III, 5-6).

Deu est donc l'archétype éternel duquel


procèdent toutes les formes ; si les formes
manquaient, l'univers infini refléterait l'image de
l'archétype éternel qui est toujours là. Puisque
donc toute forme de vie est le reflet du Vivant
immuable, pour chaque être humain la meilleure
façon d'adorer Dieu dans Sa qualité de
al-Qayyûm c'est de prêcher la paix et la

12711
concorde et de mettre tout en œuvre pour
éloigner du monde dans toute la mesure du
possible le fléau de la guerre.

Je saisis ici l'occasion pour ouvrir une paren­


thèse philologique qui donne une idée de la
façon dont la langue arabe - surtout celle des
philosophes et des soufis turcs, iraniens et
andalous - s’est, au cours des siècles, de plus
en plus enrichie de signifiants, et s’est facilement
prêtée à des variations terminologiques
conceptuelles. Citons en exemple le nom
al-Qayyûm, le radical dont il dérive étant q-û-m.
Un premier terme que l'on peut en tirer est
maqâm : lieu, condition, lieu sacré, tombe d'un
maître soufi ; ou encore : l'état spirituel le plus
haut et atteint d'une façon permanente dans la
vie d’un soufi. Qawm signifie : peuple, gens. Le
qayym al-Zamân est le gardien du Temps, l’imâm
chiite ; et selon les Druzes il est la dernière incar­
nation de l'Intelligence universelle. Qâ’im est
l’imâm Mahdî de la Résurrection. Qâ’im 'alâ
kun-hi est « l'Existant par Son propre pouvoir »
(Dieu). Qawî est la « vraie », donc l’authentique
religion, et al-Qayyma signifie : la vraie foi.
Puisque qayyim signifie : droit, précieux, riche en
contenu, il est un épithète du Coran.

12721
Al-Qiyâma est la Résurrection. Maqâma est la
première position dans la prière islamique ;
iqâma est le second appel à la prière. Mustaqîm
signifie : droit, juste ; et par conséquent al-Sirât
al-Mustaqîm : le droit chemin. Muqawwim, indi­
quant l'élément fondateur, est pour les soufis un
synonyme de Dieu. Aqâma al-Sha'ir al-Dîniyya
signifie : réciter les prières rituelles et payer la
zakat (aumône). Dans le langage philosophique,
aqâma al-Burhân ‘alâ signifie « démontrer claire­
ment ». Du radical on tire d'ailleurs cinq formes
verbales (la première, la seconde, la troisième, la
quatrième et la dixième) avec différents termes
qui indiquent des situations : se tenir debout,
redresser, évaluer, organiser, persister, hésiter,
être juste ; et, pour finir, le terme al-Qayyûm,
le soixante-quatrième Nom de Dieu.

‘ABD AL-QAYYÛM. Qui se nomme ainsi est


appelé à témoigner que tout existe parce que
Dieu existe, et à manifester le Vivant qui sème la
paix dans le monde.

127Z i
i
y
J /

12741
Celui qui constate
Celui qui rencontre
Celui qui te trouve où que tu sois

Coran : on déduit ce Nom de sa racine,


PRÉSENTE PLUSIEURS FOIS. PAR EXEMPLE : XCIII, 6 ET 7

Comme attribut excluant, il a parfois le sens de


« Celui à qui rien ne peut manquer et à qui rien
ne peut être nécessaire ».

Dieu est présent partout et dans le même


instant. En Dieu, le Créateur du temps et de
l'espace, il n'y a ni le temps ni l'espace, mais
seulement l'infini, l'omniprésence, il est donc par
excellence « Celui qui rencontre », car en réalité
tout est en Sa présence : nous croyons qu'il est
loin de nous, mais si nous Le cherchons et pour­
suivons dans Sa voie, nous sommes parfois
envahis d'un grand soulagement, nous nous

12751
sentons pris par Sa vérité à tel point que nous
croyons L'avoir rejoint. Ainsi, tout en étant
toujours présent en dehors des contingences de
l'espace et de la matière, Il est « Celui qui
constate ». Nous devons donc considérer
qu'aucune de nos actions, même la plus
insignifiante, n'échappe à Sa constatation.
Quand le fidèle se trouve dans le besoin, il
devrait dire tout simplement : « Seigneur, je suis
en ta présence ; mes nécessités Te sont connues
encore plus qu'à moi-même. »

Bien sûr chacun de nous a toujours besoin de


quelque chose ; il serait paranoïaque de penser
le contraire. Cela fait partie de la nature humaine
et de ses limites. Mais de savoir que Dieu est
« Celui qui rencontre », « Celui qui te rencontre
où que tu sois », et qu'il est Celui qui constate
notre présence et notre ipséité, porte l'être
humain à approuver le mystique al-Hallâj, qui
écrit : « Est-ce moi ? Est-ce toi ? Loin de moi
l'idée d'affirmer : Deux ! Il y a une ipséité à Toi au
fond de mon rien, pour toujours ; et mon tout,
au-dessus de toutes les choses, croit apercevoir
un double visage. Où est-ce donc Ton essence
extérieurement à moi, afin que je puisse voir
clair ? Plus mon essence se clarifie et plus elle

127b i
perd sa substance. Entre Toi et moi il y a un
>!c'est Moi” qui me tourmente : ce “c'est Moi” qui
est hors de Nous deux. »

La compréhension de notre identité en Dieu et


avec Dieu fut si forte et présente en al-Hallâj,
qu'il affirma : « Je suis la Vérité » (voir au Nom
al-Haqq, n° 52). D'autre part, il écrivit : « Je suis
Celui que j'aime, et Celui que j'aime c'est
moi./Nous sommes deux essences dans un seul
corps./Si tu me vois, tu vois Lui,/et si tu vois Lui,
tu Nous vois. » Une telle identification absolue à
Dieu fut considérée comme blasphématoire par
les intégristes de son temps qui le condamnèrent
à mort par crucifiement après de longues
tortures.

'ABD AL-WÂJID. Qui se nomme ainsi est


appelé à chercher en lui-même la présence de
Dieu et à la discerner dans toutes choses et
dans tous les êtres.

12771
12781
le Noble - l'illustre
Coran : XI, 73

Au lieu du Nom al-Mâjid, certains auteurs


placent ici le Nom al-Wâhid (l'Unique), qui est
dans notre liste (n° 67).
Comme attribut de relation, il renvoie à al-'AIÎ
(le Suprême, n° 37) ; comme attribut actif,
il indique la pleine possession de la
souveraineté et du pouvoir. Il renforce la valeur
du Nom précédent, acquérant en filigrane le
sens de « Celui qui se suffit à Soi-même »,
« Celui qui n'a jamais besoin d'aide ».

Le cheikh Muzaffer Ozak al-Jerrahi al-Haiveti


(1916-1986) nous dit un soir : « Un réprouvé ce
n'est pas seulement celui qui accumule des
richesses sans les mettre à la disposition de
son prochain ; qui s'écarte du droit chemin mais
celui qui ne poursuit que la gloire, lui sacrifiant
toute chose dans l'espoir de laisser son nom
à l'éternité. »

12791
D’après un bref conte persan, lorsque la mère
d'Alexandre le Grand arriva à la porte du règne
des ombres pour pouvoir parler avec son fils
mort, elle demanda : « Alexandre, où est-il ? »
On lui répondit : « Quel Alexandre ? Ici il y en a
par milliers. » « Alexandre le roi. » « Ici il y a des
centaines d'Alexandre rois. » « Alexandre le
Grand, le roi glorieux, le grand conquérant. » On
lui répondit : « Ici il y a des dizaines d'Alexandre,
grands conquérants, glorieux. Dis donc simple­
ment “mon fils”, et alors nous le trouverons. »

‘ABD AL-MÂJID. Qui se nomme ainsi sait que


rien ne vaut plus que de rendre honneur à Dieu,
et il devrait accepter avec détachement aussi
bien la notoriété que l’anonymat.

12801
12311
i282i
l'Unique
ou bien : al-Ahad, le Un

Il revient souvent dans le Coran.


Par exemple : II, 133 ; II, 163 ; VI, 19 ; VII, 70 ; IX, 31.
Pour al-Ahad : CXII, 1 ; CXII, 4

Au lieu du Nom al-Wâhid, certains auteurs


placent ici le Nom al-Ahad, « le Un » (qui, lui,
n'est pas dans notre liste) et placent le Nom
al-Wâhid au n° 73 au lieu du Nom al-Awwal qui,
par conséquent, n'est pas dans leur liste.

En effet, al-Ghazâlî et al-îjî préfèrent al-Ahad,


attribut essentiel par excellence. La différence
entre ces deux attributs consiste à interpréter
al-Wâhid comme « simplicité absolue de
l'essence, grandeur incomparable et inimitable
des Noms de Dieu » et al-Ahad comme « le Dieu
unique ; il n'y a pas d'autres divinités en dehors
de Lui ». Le Nom al-Ahad, est - avec le Nom
al-Samad (n° 68) - dans la « Sourate de la pure
Foi », au cœur même du Coran.

i 28Z i
Dans son commentaire, Fakhr al-Dîn al-Râzî
assure que d'après certains grammairiens arabes
le mot ahad viendrait à l'origine de wahad. De
toute façon, soit le Nom al-Wahid, soit le Nom
al-Ahad, se réfère à la grandeur incomparable et
à l'unicité de Dieu ; Dieu Un, le dogme de base
de l'islam. En effet, pour se faire musulman, il faut
prononcer devant deux musulmans la chahàda :
« Achhadu an là ilâha illa’Llâh ; achhadu anna
Muhammadan rasûlu'Llâh » (« J'atteste qu'il n’est
de divinité que Dieu ; j'atteste que Muhammad est
l’envoyé de Dieu »). Ce Nom exclut tout « dieu
rival » (nazîr) ; il établit la non-dualité et la non-
divisibilité. L’être humain qui arrive à comprendre
par intuition cette non-divisibilité, arrive à
comprendre que tout dépend de Dieu, tout est en
Dieu et Dieu est - de façon absolue - le Tout. Mais
la wâhidiyyah (l'unicité) de Dieu se soustrait à tout
essai de connaissance différenciante, alors que la
ahadiyya (l'unité) ressort dans le différencié, ainsi
qu’en elle ressort la différenciation des principes.

Les soufis ont écrit bien des pages sur l'unicité.


À propos des deux Noms al-Wahid et al-Ahad,
Nûr al-Dîn Isfarâyînî (1242-1317) a écrit : « Nous
invoquons le premier disant TUnique”, c'est-à-
dire : Seigneur, Pur, Sans égal. Nous invoquons
le second disant “Un”, c'est-à-dire : le Un, que la
dualité ne touche pas et dont personne ne

12841
partage l'avoir ni la souveraineté [...]. Quand la
langue rappelle l'Être Véritable (al-Haqq), lui
attestant Son unicité (wahdat), le cœur la
confirme attestant I' “unité transcendante de
l'Être” (âhadiyya). »

L'unicité est considérée par les soufis comme la


« quiddité » de Dieu. Le tawhîd (unité et unicité)
est la formule prononcée par le mutîd (l'apprenti
soufi) lors de son initiation, et elle symbolise la
séquence de ces réalités :

« Dieu est Un/Unique, Il n'a pas d'égal. Il est


Un/Unique dans Son essence, et tout est créj
par Lui. Il est Un/Unique dans Ses attributs '
rien ne peut L'égaler. Il est Un/Unique dans
Ses actions et rien n'est sans Lui. Il est
Un/Unique dans Ses Noms et Son unité n'est pas
décomposable. »

‘ABD AL-WÂHID. Habituellement on donne ce


nom non pas à un nouveau-né, mais plutôt à un
Maître de haute qualité, qui a saisi la valeur de
tous les Noms de Dieu et qui considère qu’ils
sont résumés en celui-ci, clef de voûte de
toutes les essences divines. Cependant, il n'est
pas rare que des faux maîtres s'attribuent eux-
mêmes ce nom, dans un état évident de
déviation paranoïaque.

12851
l'inconnaissable
l'Absolu - l'impénétrable
l'imploré -1'Éternel
le Soutien universel, l'indépendant

Coran : CXII, 2

C'est le Nom central de la « Sourate de la pure


Foi » (CXII), de quatre versets : Dis : « Lui, Dieu,
est unique./Dieu, al-Samad./ll n'a jamais
engendré, n'a pas été engendré non pius./Et
nul n'est égal à Lui. » (Bismi al-Lâhi al-Rahmâni
ai-Rahîmi/Qui Huwa al-Lâhu ahad./ai-Lâhu
al-Samad./Lam yalid wa lam yûlad ;/wa lam
yakun lahu kufu’an Ahad).

Il constitue de par lui-même tout le deuxième


verset : Allâhu Samad. Cette sourate, affirment
les soufis, contient dans chaque mot un poten­
tiel propre, « une valeur allusive, une signification
profonde, des profits étonnants, des secrets,

i 2871
des sagesses, des sciences et des connais­
sances majestueuses et exceptionnelles. »

Toutefois ce Nom n'est pas facile à traduire ; en


principe il a pour sens « l'impénétrable », mais
aussi « Celui qui possède la dignité la plus élevée ».
Comme attribut de relation, il équivaut à
« Maître » ou bien à « Celui qui règne » ; comme
attribut excluant, il signifie : « Celui qui n'est pas
troublé ni ému par les actes de ses adversaires »
et il s'approche alors du sens de al-Halfm
(n° 33) ; comme attribut de relation, on peut le
traduire par « Celui que l'on prie et l'on supplie » ;
et comme négation formelle, « Celui qui ne
manque absolument de rien », du fait que c'est
impossible de Le séparer en parties ou bien de
L'unir à quoi que ce soit.

Chacun est naturellement libre d'y voir le sens


qui correspond le plus à sa pensée ; pour ma
part, je le lis comme : « Le totalement incom­
préhensible par la raison humaine », comme le
disait Abû Bakr « le véridique » : « Gloire à Celui
qui n'a établi de voies à Sa connaissance rien
que par l'impuissance à Le connaître » (subhâna
man lam yaj'al sabîlan ilâ ma'rifatihi illâ bi al-'ajzl
‘an ma'rifatihi). Cela renvoie au concept d'un
« tout absolu », sans aucun manque ; de Lui

12881
dépend toute la Création et II est l'Existant par
excellence, car rien n'existe s’il n'est pas créé
par Lui.

Et II est le Possesseur de tout, le Seul qui puisse


tout accorder et qui accorde sans refuser, car le
besoin de celui qui demande est concomitant à
la largesse de Celui qui donne, et les deux
choses sont liées au jugement, au châtiment, à
la récompense. Il est l'Unité absolue, non pas
temporelle mais plutôt hors du temps, dont on
arrive à avoir l'intuition, mais à Sa compréhension
peu de gens ici-bas parviennent.

‘ABD AL-SAMAD. Qui se nomme ainsi est


invité à bien considérer toutes les grâces que
Dieu dispense au genre humain et à l'univers,
ainsi que l'harmonie et la concomitance
constantes dont est faite cette réalité grandiose
qu’est l'Infini.

128e) i
&f-QdcCîV
le Puissant
le Déterminant

Dans le Coran on le trouve 140 fois.


Par exemple : II, 20 ; II, 106 ; II, 109 ; II, 148 ; II, 165 ; II, 209 ;
II, 220 ; II. 228 ; II, 240 ; II, 259 ; II, 260 ; II, 284

Nom appartenant à la catégorie de l'Essence, à


prononcer avec le Nom suivant (n° 70).

La signification de ce Nom, qui, dans l'islam,


souligne surtout la qualité créatrice de Dieu, est
évidente : création sans fatigue, sans besoin de
repos. Comme il est dit dans le Coran (II, 255) :
Ni somnolence ni sommeil ne Le prennent. Le
pouvoir de Dieu est au-delà de l'imagination
humaine, il est infini, au-delà de toute mesure,
quoique manifeste dans les qualités de toute
chose : comme l'osselet de l'oreille - le plus petit
du corps humain - qui, avec le tympan, nous
permet d'entendre, ou comme la phonation qui
nous permet de parler.

12911
Du radical q-d-r nous avons Qadr, qui signifie
mesure, sort, destinée (laylat al-Qadr : la nuit de
la Destinée), et aussi la prédestination. À ce
sujet, Ibn ‘Arabî a écrit : « Que l'exaucement
d'une demande soit immédiat ou soit différé,
dépend de sa mesure décidée par Dieu ; si
la demande est faite dans le moment prédestiné
à la réponse, celle-ci est immédiate ; et si
l'exaucement est prévu pour un temps ultérieur,
soit dans ce monde soit dans l'autre, la réponse
sera différée : je veux dire l'exaucement effectif
de la demande, et non pas, bien entendu, la
réponse divine : “Je suis là !” » (Fusûs al-Hikam,
« La parole de Seth » ).

‘ABD AL-QÂDIR. Qui se nomme ainsi rappelle


avec son nom la puissance de Dieu, dite
populairement « la main de Dieu ». Un des
personnages les plus importants portant ce
nom fut l'émir 'Abd al-Qâdir (1808-1883), héros
de la lutte algérienne contre la colonisation
française au xix® siècle et auteur du Kitâb
al-Mawâqif (Le Livre des Haltes), un recueil
d'écrits spirituels hautement mystique.

i2S2i
i2SIi
i294i
jJ^fî
!'Omnipotent - le Capable
le Très Puissant pour Soi

Coran : il est toujours ué au Nom précédent

À prononcer avec le Nom précédent. À l'ori­


gine, il n'était pas compris dans la liste des
« plus beaux Noms » ; il y fut ajouté ensuite
(selon Makhlûf Muhammad, Asmâ’u-I-Lahi
husnâ) avec le consentement unanime des
théologiens, justement parce qu'il est cité dans
le Coran avec le Nom précédent.

Sa signification est évidente, l'omnipotence de


Dieu étant célébrée dans toutes les religions.
L'islam souligne toutefois l'abandon total de
soi-même à la puissance de Dieu : islam, en
effet, signifie « abandon » (inconditionné à Dieu).
Bien sûr, Son omnipotence est totale, absolue,
comme il est écrit dans le Coran : À Dieu tout
ce qui est dans les deux et tout ce qui est sur
la terre.

i2<Ï5i
Que vous manifestiez ce qui est en vous, ou que
vous le cachiez, Dieu vous en demandera
compte. Puis II pardonnera à qui II veut, et
châtiera qui II veut : Dieu est capable de tout (II,
284). Et ensuite, le verset II, 286, précise : Dieu
n'oblige une personne que selon sa capacité.

Au fil des siècles, il y a eu des souverains autori­


taires, prévaricateurs violents, musulmans
seulement de nom, qui s'attribuèrent le nom
al-Muqtadir, l'Omnipotent, qui ne revient qu'à
Dieu. En particulier le calife de Bagdad, connu
pour avoir ordonné la torture (amputation des
mains, des pieds, crucifixion) et la subséquente
décapitation d'un des plus grands poètes
mystiques de l'humanité : al-Hallâj.

‘ABD AL-MUQTADIR. Qui se nomme ainsi est


appelé à se soumettre à l'omnipotence de Dieu
avec humilité, et à être disposé aux actions qui
sont utiles à la concorde parmi les gens.

(2%i
i2*î7i
ami
Celui qui rapproche
Celui qui devance - Celui qui accélère

Ce Nom est inclus dans les quatre-vingt-dix-neuf Noms en


RAISON DE LA PRÉSENCE DE SA RACINE DANS LE CORAN

À prononcer avec le Nom suivant (n° 72).


« Il est Celui qui approche de soi ou bien éloigne
de soi qui II veut, car II est aussi Celui qui donne
la foi à qui II veut, et ne la donne pas à qui II ne
veut pas » (Hamdûn al-Nîsâbûrî, m. 885).

Le Nom al-Muqaddim est susceptible de


différentes interprétations dans le cadre
phénoménal.

Par exemple, il est entendu au sens de « Celui


qui fait avancer » le genre humain vers la vérité
globale, dont II révèle graduellement une partie,
et II en dévoile une autre partie aux hommes de
science après des périodes d'obscurité et

12SS i
d'opacité générales. Ceux qui veulent voir et qui
cependant sont entravés par les ténèbres du
conservatisme peuvent devenir des êtres
humains ayant une foi pure et brillant comme
une lumière.

Si par ce Nom on entend « Celui qui assigne


l'excellence », on comprend pourquoi quelques
serviteurs de Dieu jouissent d'une considérable
renommée pour leur foi, et d'autres vivent
toujours dans l'ombre bien qu'ils soient qutub
al-Nûr (des pôles de lumière) ; et pourquoi
quelques puissants du monde sont acclamés
vivement et d'autres sont vite oubliés ; quelques-
uns parmi nous sont très riches et d'autres très
pauvres, certains artistes sont célèbres et
d'autres, bien qu'ils puissent valoir davantage,
sont ignorés. Cette interprétation est mise en
corrélation avec la thèse que « richesse, gloire,
pouvoir » ne sont que des épreuves à affronter,
ainsi que la pauvreté, l'impuissance et la mécon­
naissance.

Selon une autre interprétation, que je préfère,


ce Nom signifie « Le Seigneur de la Voie » ;
cette Voie suivant laquelle on s'approche de
la lumière, de la vérité, et on devient des
« rapprochés » (muqarrabûn). « Les brises de la

1IOO1
proximité divine (qurb) ont soufflé dans son
cœur, parfumées, comme si elles venaient de la
terre de Dârin. Aiors il espère que "Celui qui
approche" l'approche à Soi, malgré l'imperfec­
tion humaine qui écarte. » (Dhû al-Nûn al-Misrî,
771-861).

Interrogé au sujet de ia « proximité », Sarî


al-Saqatî, premier maître soufi à Bagdad où il
mourut en 867, répondit : « Notre seule possible
proximité avec Lui est l'obéissance (tâ'a) ! ».
Abu al-Husayn Ahmad Nûrî, mort lui aussi à
Bagdad, en 907 ; écrivit : « Je croyais que la
proximité était la concentration de mon être dans
l'extinction de moi-même. Quelle erreur !
S'approcher de Toi ne peut venir que de Toi. »

‘ABD AL-MUQADDIM. On donne ce nom en


espérant que celui qui le porte soit toujours
protégé par Dieu, qu'il puisse continuellement
percevoir Sa présence, et qu'il fasse aussi
comprendre aux autres l'inutilité de se gonfler
d'orgueil si on détient un quelconque pouvoir,
la vanité de désirer s'approcher des gloires du
monde, alors que la seule approche que l'on
puisse désirer c'est l'approche de Dieu.

iZOl i
11021
jyt\\rakfyv(\yr>
Celui qui éloigne
Celui qui fait retarder
Celui qui fait reculer

Coran: XI, 104

À prononcer avec le Nom précédent.


Dans le Coran ce Nom est cité par rapport au
Jour dernier : Et Nous ne le retardons que pour
un terme bien déterminé (XI. 104).

En général il est interprété par rapport à ceux qui


subissent du retard dans l'achèvement de leurs
entreprises, soit à cause d'un dessein divin
général et impénétrable, soit parce que de telles
entreprises peuvent avoir des conséquences
négatives en contraste avec « le grand dessein
inconnaissable », ou bien parce qu’elles ont une
intention ou une application impures. Dans ces

ilOli
cas on invoque I1 « approche » de Dieu {’ibâda :
faire des choses qui plaisent à Dieu ; pluriel
’ibâdât : les rituels d'adoration de Dieu de la part
de l'adorateur, ’abd) et on accepte ce que Dieu
fait (’ubûdiyyah). Cela implique un aspect parti­
culier de la spéculation mystique : la présence
et l'absence (shuhûd et ghâba) du mystique,
témoin conscient dans le premier cas, témoin
non conscient, non « actualisé », dans le second
cas. Dans sa qualité de témoin présent, le
mystique se rappelle toujours l'identité de Dieu
en tant que miroir réfléchissant Dieu et il perçoit
le voisinage de Dieu, selon le hadîth : « Adore
")ieu comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois
ras, Il te voit. »

« Celui qui éloigne » et « Celui qui rapproche »


sont deux noms chargés de significations
ésotériques pour les soufis, qui sont appelés en
général « les rapprochés », « ceux du premier
rang, du premier banc » (ahl al-Suffa) : ceux que
Dieu a approché de Lui plus que tout autre fidèle.

Kalâbâdhî, dans son Kitâb al-Ta'arruf li Madhhab


ahl al-Tasawwuf (Traité de soufisme), a écrit :
« Il les a approchés de Lui les conduisant à
connaître leur impuissance, et II les a éloignés de
Lui quand ils L'ont cherché en partant d'eux-

iZ04i
mêmes. Aller à Sa recherche à travers les causes
secondaires mène à la dispersion ; on obtient la
concentration quand on Le contemple dans
toutes Ses valeurs. » Et encore : « La concentra­
tion les a privés de l'existence, comme c'est
pour eux dans l'éternité ; et la séparation leur a
donné l'existence, pendant un temps limité et
sans rendement. »

Et, en guise de conclusion, un diptyque de Dhû


al-Nûn al-Misrî : « Tu as effrayé mon cœur par la
séparation et je n'ai rien éprouvé de plus amer
et de plus douloureux. Plus la séparation nous
éloigne, plus j'en suis effrayé. Et ensuite Tu me
fais goûter la saveur de l'union et Tu fais monter
jusqu'au plus profond de mon être mon désir de
Toi. Admirable est l'amoureux dont l'union prend
une ampleur de plus en plus rayonnante et dont
l'amour s'élève encore plus haut que l'union. »

'ABD AL-MU’AKHKHIR. Qui se nomme ainsi


devrait comprendre la vanité de la présomption
et exprimer sa gratitude pour ce que Dieu lui
donne. La tâche de chaque croyant est d'être
soi-même et d'être fidèle à Dieu, en évaluant
adéquatement les vanités de ce bas monde.

iï05i
iZObi
le Premier
Coran : L.VII, 3

À prononcer avec le Nom qui suit (n° 74).


De âhad, ou wâhid : un ; féminin wâhida, ou
îhday, pluriel âwâhil. Coran, LVII, 3 : C'est Lui le
premier et aussi le dernier, l'extérieur et aussi l'in­
térieur, tandis qu'il se connaît bien à toutes
choses. La sourate CXII, intitulée La foi pure
(al-lkhlâs), expose la vision islamique de Dieu.
Elle commence en affirmant Dis : « Lui, Dieu, est
unique. » et elle poursuit ainsi : Allâhu al-Samâd
(Nom n° 68).

Muhÿî al-Dîn ibn ‘Arabî, dans les Fusûs al-Hikam,


a écrit : « L'Unicité de Dieu qui se révèle par
rapport aux Noms divins postulant notre exis­
tence est l'Unicité du Multiple (ahadiyyat
al-kathra), et l'Unicité de Dieu avec quoi II est
indépendant de nous tous et des Noms, est
l'Unicité essentielle ; l'une et l'autre sont
comprises dans le Nom al-Awwal. »

12071
En tant que terme philosophique, al-Awwal
désigne Dieu dans le sens d’« Être premier » ; de
même que la locution « l'Être nécessaire » ; il est
le Nom de Dieu qu'on récite le plus souvent, seul
ou bien - itérativement - avec « l'Origine
première » (al-Mabda’ al-Awwal). Ce concept fut
introduit dans la pensée islamique par les
traducteurs d'Aristote et de Plotin, quand ils
eurent à traduire les mots grecs prôtos et arkai.

Il est l'Être premier, le Premier créé, que nous


Pouvons dans les Ennéades (V, 2 ; 1) de Plotin :
Tô év Ttavrot koû oû5é êv- àpxn Y«P nâvTiuv
l/ navra, àXX'éKeivaiç navra... » {« Le Un est
toutes les choses et II n'est aucune d'elles, en
effet l'origine de tout n'est pas “le Tout”. Il est le
Tout, puisque le Tout revient à Lui ; s'il n'est pas
encore dans le Un, il y sera. Mais comment le
Tout peut-il dériver du simple Un du moment que
dans celui-ci nulle variété ni multiplicité ne peut
se manifester ? Or, justement puisque c'est en
Lui, tout peut dériver de Lui. » Ainsi, dans
l'Encyclopédie des Ikhwân al-Safâ’ (Les Frères
de la pureté), dans le Bu‘dal-‘Arif (l’Éloignement
du gnostique) et dans al-Ajwiba ‘an al-As'ila
al-Siqllliyya (Les Questions siciliennes) d’Abû
Muhammad Kutb al-Dîn, dit Ibn Sab'în, nous

lI08l
trouvons le terme al-Qasd al-Awwal pour
exprimer la causalité première dérivée de Dieu.

Ce concept fut approfondi par les mu'tazalites,


par al-Kindî, par al-Fârâbî, avant de se répandre
au sein de la pensée occidentale par l'intermé­
diaire du grand philosophe et médecin d’origine
persane Ibn Sînâ (Avicenne). Pour al-Ghazâlî
(al-Qistâs al-Mustaqîm, 52), Il est « Le Premier,
Celui qui n'a jamais été engendré », Le Premier
avant tout, Le Premier en absolu. Naturellement
tous les philosophes qui se sont occupés
« intensément » de cette qualité exclusive de
Dieu ont mis en garde contre une acception non
absolue de ce terme : puisqu'il est « Le Premier »
en absolu, et il n'y a absolument aucun « second »
qui Le suit.

‘ABD AI-AWWAL. Qui se nomme ainsi est


incité à adorer Dieu comme s'il était le premier
de ses adorateurs, le Adèle qui se trouve au
premier rang, devant les autres. Et, se rappelant
le Nom al-Mu‘akhkhir (n° 72), il saura que, quelle
que soit sa situation, il y aura toujours quelqu'un
avant lui et quelqu'un après lui.

iIO^i
iîIOi
le Dernier
Coran : LVII, 3

À réciter avec le Nom précédent.


Le christianisme dit : « Il est l'alpha et l'oméga » ;
« le Premier et le Dernier » signifie la même
chose.

En effet, cette phrase nous indique que Dieu n'a


pas de commencement ni de fin : Il est l'Éternel.
Il est « la cause première, efficiente, finale de
toutes les choses », selon al-Ghazâlî, qui estime
que ce Nom est à entendre en tant qu’attribut
excluant. Il est donc le cercle emblématique
parfait, sans début et sans fin, hors du temps et
de l'espace, tandis que toutes les choses créées
sont dans le temps et dans l'espace, elles ont un
début et une fin, et tout retourne à Lui. Selon Ibn
‘Arabî (dans Fusûs al-Hikam) : « On ne peut pas
L'appeler le Premier dans le sens temporel, car

iZIIi
alors, selon cette même valeur, Il serait aussi le
Dernier ; Ses possibilités de manifestation n'ont
pas de fin : elles sont inépuisables. Si Dieu est
appelé “le Dernier" c'est parce que tout retourne
à Lui après avoir été transmis à nous : Sa
qualité de Dernier est donc essentiellement,
réellement Sa qualité de Premier, et inversement. »

Ce terme, au féminin (âkhira), indique dans le


Coran la vie future ; ainsi al-Dâr al-Âkhira signifie
la dernière demeure, l'au-delà, et al-Dâr al-Dunyâ
la vie près de nous, notre monde. L'antithèse est
exprimée aussi par les termes : al-Dâr al-Baqâ,
la demeure de l'immortalité, et al-Dâr al-Fanâ’,
la demeure transitoire.

'ABD AL-ÂKHIR. Qui se nomme ainsi devrait


comprendre que tout finit, excepté Dieu ; et par
conséquent il fuira le matérialisme et cultivera
les qualités spirituelles, dans l'attente de
retourner à l'Unique Étemel.

iII2i
illli
11141
àf
l'Extérieur -1'Apparent
le Manifeste
le Possible sans l'ombre d'un doute
Celui qui se manifeste

Coran : LVII, 3

À réciter avec le Nom qui suit.


En tant qu’attribut de relation, il signifie « Connu
par preuve décisive » ; en tant qu'attribut actif, il
signifie « Dominant d'une façon manifeste
toutes les choses ».

Ce terme est employé soit comme adjectif soit


comme substantif (pluriel zawâhir), et presque
toujours avec le Nom qui suit (al-Bâtin : le Caché).
Le contraste zâhir-bâtin a une importance
particulière dans les spéculations mystiques et
philosophiques relatives à la réalité psy­
chologique : dichotomie entre caractère et
personnalité, entre connaissance sensible et
connaissance intellectuelle, par conséquent

i2I5i
entre faculté intérieure de clairvoyance, ou aper-
ception, et faculté extérieure de vision réelle ;
dichotomie entre l'image cachée de l'être
humain (la vie psychologique) et l'image
extérieure qu'il donne de soi, c'est-à-dire les
actions. Ce contraste indique aussi la vie appa­
rente d'ici-bas et la vie de l'au-delà qui, ici-bas,
nous est cachée. Le terme zâhir se trouve en
couple aussi avec d'autres termes, qu’al-Ghazâlî
expose dans son Ihyâ’ 'Ulûm al-Dîn.

D'ailleurs, Dieu est clairement évident pour ceux


qui ont la foi dans leur cœur, et II est complète­
ment caché pour ceux qui préfèrent se
considérer comme athées. Il est « Manifeste » à
celui qui Le prie, tout en restant « Caché », sans
quoi l'être humain serait anéanti. Il est la lumière
qui rend visible tout, mais qui ne peut être
regardée à cause de sa splendeur. Cependant II
se manifeste clairement dans Sa création.

Selon les soufis, le nombre des « évidences » de


Dieu est infini, mais on peut les rassembler
toutes dans cinq « présences » (Hadarât), ou
manifestations de base, dites : Présence de la
non-manifestation absolue ; Présence de la
manifestation achevée ; Présence de la non-
manifestation relative ; Présence de la
manifestation absolue ; Présence totale.

iZIbi
Selon les 'orafâ' (ceux qui professent la gnose
chiite, 'irfân-e shri), zâhir et bâtir) correspondent
aux aspects exotérique et ésotérique de Dieu, et
donc ils se réfèrent avant tout au sens apparent
et au sens caché des révélations divines. Mullâ
Sadrâ Shîrâzî (1571-1640) a dédié à ce sujet des
pages importantes dans ses Commentaires à
Koolayanî.

De cela, on attribue à la mission prophétique de


Muhammad (haqîqat muhammadiyya) une
double dimension : évidente et cachée ; et
chacun de ces aspects a ses manifestations
respectivement dans la figure du Prophète et
dans les figures des imâms. Cela a permis à la
théosophie chiite d'unir d'une manière exhaus­
tive la gnoséologie et la prophétie : ayant comme
corollaire la polarité zâhir-bâtin, elle accorde
à la méditation philosophique une position
privilégiée, de grande valeur pour la spéculation
mystique.

‘ABD AL-ZÂHIR. Ce Nom invite qui se nomme


ainsi à la compréhension de la grandeur et de la
réalité de Dieu. Il est donc amené à voir la mani­
festation du Très-Haut dans toutes les œuvres
de la Création, qui chantent la gloire du
Seigneur, pourvu qu'on veuille écouter.

i2I7i
i!I8i
âfjQii'mj
le Caché
le Dissimulé - l'Intérieur - l'Intime

Coran : LVII, 3

À prononcer avec le Nom précédent.


En tant qu'attribut excluant, il indique que Dieu
est voilé à nos sens ; en tant qu’attribut de la
science, il indique que Dieu connaît parfaite­
ment tout ce qui est caché. Dieu a manifesté
Son attribut al-Bâtin dans le prophète Adam,
symbole de l'humanité, et dans le Coran il est
écrit que Dieu dévoila à Adam le nom de toutes
choses, lui rendant ainsi possible soit la science
soit la perfection dans la foi. D'ailleurs, déjà chez
Tertullien, apologiste chrétien (v. 155-v. 225), on
lit : « Ce qui nous fait comprendre Dieu c'est
justement de ne pouvoir pas Le comprendre ;
puisque la puissance de Sa grandeur Le rend
évident et caché aux hommes. »

Comme le Nom précédent, al-Bâtin a donné lieu à


pléthore de spéculations mystico-ésotériques de
grande envergure. Shihâb al-Dîn Sohravardî

izni
(1144-1234), dans son Livre des temples de la
lumière, a écrit : « L'Éternei subsistant est essen­
tiellement Celui qui S'est manifesté à Soi-même
par Soi-même, manifesté avec une intensité telle
qu'il est voilé par l'intensité même de Sa mani­
festation. » Et Sayyed Haydar Amolî, dans
son Texte des textes, commente : « Dieu, le
Très-Haut, s'épiphanise en deuxième lieu avec
Son Nom al-Zâhir, comme II S'est manifesté
en premier lieu avec Son Nom al-Bâtin. L'extra­
ordinaire c'est qu'il ne se manifeste dans aucune
de Ses formes épiphaniques de manifestation
sans être voilé par celles-ci, et II n'est voilé par
aucune sans Se manifester précisément en elles. »
Quant à Abû Bakr Kalâbâdhî, celui-ci a écrit dans
son Kitâb al-Ta'arruf... qu’il n'y a pas un « Caché »,
mais que les limites de nos capacités humaines
ne consentent pas à nous Le rendre manifeste.

Mais même si tout l'océan ne peut être contenu


dans un seau, si nous remplissons un seau de
son eau, c'est de l'océan que cette eau nous
vient. Ainsi nous pouvons arriver à comprendre
le tout par sa partie et en avoir une idée partielle,
même si nous ne pouvons pas embrasser le tout ;
par exemple, nous pouvons considérer dans leur
valeur essentielle les quatre-vingt-dix-neuf Noms
de Dieu dans le Coran.

13201
Une autre interprétation nous fait entendre que
Dieu se cache dans la matière qu'il a créée :
observant le monde phénoménal, nous pouvons
nous faire une idée de Lui - bien que limitée -
car bien que le monde phénoménal ne soit pas
Lui, il ne peut exister sans lui. D'ailleurs, le
monde phénoménal est un voile pour lui-même
et donc regardant lui-même, il ne peut pas voir
Dieu, car il ne partage pas I' « autonomie » de
Dieu.

Procédant des Noms al-Zâhir et al-Bâtin, les


soufis distinguent une science apparente et une
science secrète : al-'ilm al-zâhir (science
exotérique, des théologiens) et al-'ilm al-bâtin
(science intérieure, ésotérique). L'être humain, lui
aussi, a une pensée intérieure et des actions
extérieures. De cela on tire une correspondance
entre l'Extérieur et le Dernier, et entre l'Intérieur et
le Premier (al-Zâhir al-Âkhir ; al-Bàtin al-Awwal).

‘ABD AL-BÂTIN. On nomme ainsi celui qu'on


veut inciter à la contemplation des mystères
divins, pour qu'il devienne un instrument de
purification entre les êtres humains.

iZ2l i
iZ22i
le Régent - le Gouvernant
le Saint - le Patron - l'Ami - l'Administrateur

Coran : II, 257 ; III, 68 ; XIII, 11 ; XLV, 19

Dans l'usage courant, ce terme indique un


fonctionnaire de l'État, surtout dans les
gouvernements turcs-ottomans (vali : préfet ;
vilâyet : préfecture, province), d'où : wilâya (ou
walâya) : gouvernement, pouvoir temporel ;
pluriel : âwliyâ.

La racine w-l-î indique un sens de proximité, de


contiguïté, et cela a donné dans le soufisme
toute une série de considérations sur la « pro­
ximité » (qurb) du mystique à Dieu : « L'ami
désire rencontrer l'Ami. » De cela, la théorie de
la rencontre (liqâ) réalisable par le dhikr (le rite
des soufis qui est fondé sur la « remémoration »
de Dieu et de Ses Noms, pendant laquelle le

iI2Ii
mystique parvient à percevoir intensément la
présence de l'Ami). Le terme al-Wàlî devient
donc synonyme de « croyant modèle », et en
conséquence, pour les chiites, de « guide, ou
chef spirituel ».

Selon al-Ghazâlî, le wâlâ est l'être privilégié,


doué de connaissances particulières, un modèle
de comportement pratique : un peu plus qu'un
sage ou un savant, parce que sa connaissance
ne lui est pas venue par l'étude, mais bien grâce
à une inspiration divine. D'après Ibn ‘Arabî
(La Sagesse des prophètes), la qualité divine qui
se dégage de l'apparence de Dieu exprimée
dans ce Nom est assimilée par celui qui est
parvenu à l'état de sainteté. Et Fakhr al-Dîn
al-Râzî écrit : « Quand le wâlî voit, il voit les
signes de Dieu ; quand il écoute, il écoute les
versets de Dieu ; quand il parle, il loue Dieu ;
quand il bouge, il le fait au service de Dieu. [...]
Un tel homme est un wâlî, un ami de Dieu, et
Dieu est un Ami pour lui. Dieu est l'Ami de ceux
qui croient ; Il les fait sortir des ténèbres vers la
lumière » (Al-Tafsîr al-Kabîr, 17,126).

Pour les chiites, la wâlâyat est le charisme


spirituel des douze a’imma (pluriel de îmâm), les
guides du chiiisme duodécimal, partie de la

iï24i
pensée chiite dont il faut tenir absolument
compte avec la prophétologie, la gnoséologie
prophétique et l'imâmologie même ; par
conséquent nous avons beaucoup de textes qui
traitent de l'image de Dieu dans Sa particulière
qualité de Guide et Régent (la wâlâyat, juste­
ment). On arriva ainsi au concept formulé
(peut-être pour la première fois) par Nûr al-Dîn
Isfarâyinî, à savoir : « Il n'y a pas de royaume s'il
n'est pas gouverné par la religion, et il n'y a pas
un souverain ni un sultan qui soit meilleur qu'un
wâlî : un guide spirituel. La wâlâyat devient alors
une espèce de “rang de l'état mystique”, et les
âwliyâ dévoilent (kâshifânand) ce que les
prophètes cachent (sâtiâànand) ; les prophètes
indiquent la voie, les âwliyâ la réalisent et la font
réaliser ; là où les prophètes commencent, les
âwliyâ concluent. »

'ABD AL-WÂLÎ. Qui se nomme ainsi est appelé


à bien se guider lui-même et ceux qui se sont
confiés à ses soins ; à les guider donc selon les
préceptes de Dieu, avec bonté et justice.

iI25i
i Z2b i
le Très-Haut
Coran : XIII. 9

Synonyme de al- 'AU (n° 37), avec en plus une


nuance de glorification, de triomphe. Interprété
par les soufis dans le sens de « Celui qui est
au-dessus de ce qui est éphémère ». Il indique
une Réalité inépuisable, dans toutes les formes
de donation et de largesse. Il est la source dont
tout découle et qui ne se tarit jamais.

Interprété aussi dans le sens de « Celui qui est


au-dessus de chaque adversaire qui lutte contre
Lui. » Le cheikh Tosun Bayrak al-Jerrahi a écrit
(en 1985) : « Si toutes les forces s'unissaient, si
tous les esprits et les armées de l'univers tout
entier convergeaient, elles ne pourraient rien Lui
prendre par la force, pas même un petit grain de
poivre, sans Son permis et Son vouloir. »

Dans le Coran (LV, 26-27) : Tout ce qui est sur


terre est voué au néant. Le Coran maintes fois
rappelle le caractère transitoire des gloires d'ici-

11271
bas, des grandes civilisations qui naissent et
déclinent. Sur la Terre tout est transitoire et
éphémère, cependant nous devons faire de
notre mieux, et trouver sans cesse des solutions
aux problèmes malgré les données imprécises
dont nous disposons. En définitive nous avons
la possibilité de choisir entre : croire en Dieu et
dans la Parole qui indique un comportement
équilibré et conscient ; ou bien croire en nous-
mêmes, dans le monde, les plaisirs et les
richesses.

Le Coran indique très clairement quelle est la


vraie gloire pour l'être humain : Ho, les gens !
lous vous avons créés d'un mâle et d'une
Omette et vous avons désignés en nations et

tribus, pour que vous vous entre-connaissiez.


Oui, le plus noble des vôtres, auprès de Dieu,
c'est le plus pieux des vôtres (XLIX, 13). Mais
c'est bien le Coran qui dit (III, 29) : Devenez des
savants ; et (XX, 114) : Dis : « ô Mon Seigneur,
fais-moi croître en science. » Par conséquent,
pour ce qui est des valeurs d'ici-bas, le savoir et
la science ont atteint un degré supérieur de
considération.

Et encore, deux àhâdrth : « À celui qui parcourt


une voie dans la recherche de la science Dieu
aplanira la voie du Paradis » et « Allez chercher

iZ28i
la science, devriez-vous aller jusqu'en Chine
pour cela » (al-Nawâwî, 36). En effet, selon Abû
Huraya (LV, 22) : « Ce monde ici-bas est transi­
toire, et ce qu'on y trouve est transitoire,
exception faite pour la remémoration de Dieu
al-Muta'âlî, de ce qui vient de Lui, et pour le
sage, pour celui qui a étudié. »
À ce propos, me revient en mémoire un petit
poème que j’ai écrit il y a soixante-dix ans :
« Depuis des siècles la Lune est dans le
ciel,/depuis des siècles elle consume/dans la
roue de la Terre./Mais sur la terre les grandeurs
surgissent/sans lendemain : éternelle/ est seule­
ment la médiocrité./ Oh, Monde, triste Monde de
périls,/rien qui vaille est à l'ombre de la Lune. »
Depuis ce temps bien des grandeurs ont
trépassé ; et quelles grandeurs d'aujourd'hui
auront survécu dans soixante-dix ans ?

‘ABD AL-MUTA‘ÂLÎ. Qui se nomme ainsi


est appelé à reconnaître la grandeur et la
gloire de Dieu, surtout grâce à l'étude et à la
compréhension du Coran, et, approfondissant
une discipline, à être prodigue de science et de
connaissance envers ceux qui ne peuvent pas
étudier.

11291
iïZOi
âjIrBa/tT*
le Bon - le Bienveillant
Coran : sous entendu en LXXX, 16, dans le sens de :
Celui oui stimule la bonté dans les êtres humains

Barr : être bienveillant ; amour filial. Ce Nom


peut donc être rapproché de al-Latîf (n. 31),
al-Rahmân et al-Rahîm (n. 2 et 3).

Dans l'Évangile de Matthieu (IXX, 16-17), on lit :


«Voilà qu'un homme s'approcha de lui et dit :
“Maître, que dois-je faire de bon pour gagner la
vie éternelle ?” Il lui dit : “Pourquoi m'interroges-
tu sur ce qui est bon ? Un seulement est le Bon". »
Cet épisode est rappelé aussi par Marc (X, 18) :
« Jésus lui dit : “Pourquoi m'appelles-tu bon ?
Personne n'est bon, excepté un : Dieu” » ; et il y
a les mêmes mots dans Lucas (XVIII, 19). Et dans
les Psaumes (CXLII, 10) on lit : « Apprends-moi
à faire Ta volonté, parce que Tu es mon Dieu ;
que Ton esprit bon soit mon guide vers une terre

iZIl I
paisible. » Et Dante (« Purgatoire », III, 121-123) :
« La Bonté divine a des bras si grands, qu'Elle
prend ce qui recourt à Elle. »

Depuis le christianisme, la bonté est si étroite­


ment liée au concept de Dieu qu'il est
pléonastique d'ajouter autre chose ; il est
d'ailleurs curieux que bien des gens qui croient
être de bons croyants soient tellement
dépourvus de cette qualité. Même un sourire est
un acte de bonté, et il ne coûte rien. Le prophète
Muhammad a dit : « À l'homme incombe chaque
jour un acte de bonté autant qu'il a d'articula­
tions. Si tu réconcilies avec équité deux
personnes, cela est un acte de bonté. Une
bonne parole est un acte de bonté. Chaque pas
que tu fais pour aller prier, ou bien si tu dégages
la route de quelque chose qui l'entrave, ce sont
des actes de bonté » (al-Nawâwî, 26). Par
ailleurs, ne pas envier ceux qui reçoivent des
avantages que nous n'avons pas même si nous
les méritons, est également un acte de bonté !

‘ABD AL-BARR. Le bien est de nature


matérielle et spirituelle. En celui qui se nomme
ainsi, tous les aspects du bien devraient s'équili­
brer, et il devrait se sentir apte à réaliser de
bonnes actions matérielles et spirituelles.

13121
iZIZi
13141
Celui qui pardonne,
qui ne cesse de revenir
Celui qui se tourne encore
vers celui qui se repent

Coran : II, 128 ; II, 160 ; IX. 104 ; XLII, 25

La racine t-w-b indique le repentir et le retour.


Ce Nom peut donc se rapporter au Nom
al-Ghafur (le Clément, n° 35). Dieu revient sans
cesse au pécheur repenti, et l'on dit Tâba âlâ de
Dieu Qui se tourne vers un coupable ; Tâba ilâ
Allâh du repenti qui revient à Dieu ; Tawba
c'est le repentir. Et al-Tabarî d'écrire : « Dieu,
par Sa bonté, par Sa faveur grande, Se tourne
vers Ses serviteurs s'ils se tournent vers Lui
regrettant leurs fautes. »

il!5i
Pour les ‘ulamâ, le repentir pour une transgres­
sion qui ne concerne pas le droit humain est
valable : 1) si celui qui a commis la transgression
cesse de la commettre ; 2) s'il s'en repent ; 3) s'il
a la ferme intention de ne jamais plus y redonner.
Si la transgression concerne aussi le droit
humain, il est nécessaire de la réparer. Dans le
Coran la nécessité du repentir est rappelée plus
d'une fois : Implorez le pardon du Seigneur ;
repentez-vous à Lui. Le Seigneur est vraiment
Miséricordieux, Aimant (XI, 90). Et, si n'était la
grâce de Dieu sur vous, et aussi Sa miséricorde !
Dieu est grand accueillant au repentir, sage,
vraiment (XXIV, 10). Ho les croyants ! Repentez-
vous à Dieu d'un repentir sincère. Il se peut que
le Seigneur vous efface vos fautes et qu'il vous
fasse entrer aux Jardins... (LXVI, 8).

Le prophète Muhammad dit aussi : « Je demande


pardon à Dieu et je retourne repenti vers Lui plus
de soixante-dix fois par jour ». Et : « Quand Son
serviteur revient repenti vers Lui, Dieu S'en
réjouit plus intensément que celui qui, dans un
désert, sans sa chamelle qui s'est enfuie avec la
nourriture et l'eau sur sa croupe, croyant ne plus
la revoir s'en va désespéré vers un arbre et se
couche sous son ombrage et juste alors la
chamelle revient vers lui et il la prend par le licol »
(Riyâd al-Sâlihîn).

iZZbi
Jésus donna une allégorie de la bonté divine
dans la parabole du « bon berger », mais pour
l'être humain, le repentir est normal dans les
moments de faiblesse ou de détresse, et la
rechute dans les moments de superficialité ou
de gaieté ; comme une herbe qu'on fauche
quand elle est exubérante mais qui repoussera
plus luxuriante si on n'extirpe pas sa racine. Le
meilleur repentir c'est l'effort d'un être visant à
un nettoyage intérieur ; cet effort est facilité par
la capacité de cet être à pardonner à son tour les
offenses que ses semblables lui ont faites. Mais
il est nécessaire de ne jamais douter de la miséri­
corde de Dieu, sans pour autant en abuser.

‘ABD AL-TAWWÂB. Ce Nom encourage qui le


porte à quitter les désirs vains, les illusions du
monde, pour retourner sans cesse à la Vérité
une et unique. Il invite à prendre conscience de
la valeur de nos actes, pour arriver à pardonner
les fautes d'autrui et à demander pardon pour
les nôtres.

i!I7i
tIX8i
le Vengeur
Coran: III. 4; XXX, 47 : XLIII, 41

De la racine t-q-m. Selon la plupart des théolo­


giens, ce Nom a le sens de « Celui qui châtie
ceux qui Lui désobéissent ». Il faut considérer
que pour la théologie islamique la rétribution
('jaza’) divine est une faveur (fadl), et la
vengeance divine (intiqâm) est une justice (’adl).
Le Coran dit (XXX, 47) : Ef très certainement
Nous avons envoyé avant toi des envoyés vers
leur peuple. Ils leur apportèrent donc les
preuves. Puis Nous Nous vengeâmes de ceux
qui commettaient des crimes, à charge pour
Nous de secourir les croyants.

Il s'agit donc ici de ceux qui, tout en ayant été


prévenus par « des épreuves », commettent
itérativement des méfaits selon leur propre choix

iZZ<îi
méchant et conscient ; de plus, par leur
comportement, ils sont un exemple dangereux
pour ceux qui se conduisent avec droiture,
fermes dans leur foi. Puisque Dieu manifeste
Sa bonté, Sa miséricorde et Son pardon à
l'égard de celui qui retourne repenti vers Lui, le
crime de ces gens, qui persistent sciemment
dans leurs méfaits, mérite le châtiment divin.
Alors seulement Dieu se manifeste en tant que
« Dieu de vengeance », comme l'Ancien
Testament souvent le célèbre et l'invoque :
« Pour le jour de la vengeance et de la rétribu-
ion, pour le temps où leur pied vacillera : car le
jour de leur ruine est proche, pour eux le destin
se hâte » (Dt. 32,35).

L'histoire nous a appris que les tyrans, les


prévaricateurs, les peuples mauvais et corrom­
pus qui, ayant eu le temps pour se raviser, se
repentir et réparer, ne l'ont pas fait, ont subi
finalement une chute inéluctable. Comment
peut-on punir adéquatement ces tyrans et ces
peuples prévaricateurs et mauvais qui versent le
sang des justes, sans se soucier des libertés
d'autrui qu'ils piétinent, des génocides qu'ils
commettent, des larmes des mères dont on a
tué les enfants ? Pour les gens simples, souvent

i Z401
il est naturel d'invoquer, plus que la justice de
Dieu, Sa vengeance, contre ces « ennemis du
genre humain ». Cependant nous devons tous
nous rappeler que le plus grand ennemi de l'être
humain, c'est l'égoïsme, créateur de méchancetés.

‘ABD AL-MUNTAQIM. Qui se nomme ainsi


devrait combattre les méchancetés humaines,
en exaltant la bonté et la parole de Dieu, en
réconfortant les opprimés et en leur portant
secours, et en rappelant aux prévaricateurs et
aux tyrans la parole de Dieu.

11411
12421
Celui qui pardonne
l'indulgent
Celui qui donne l'absolution
Celui qui efface

Coran: IV, 110

Dans le Coran (IV, 110) : Quiconque mal agit ou


se manque à lui-même puis implore de Dieu
le pardon, trouvera Dieu pardonneur, miséri­
cordieux. Ce Nom atténue la résolution du
précédent (le Vengeur, n° 81) et il est presque
pareil à al-Ghafûr (le Clément, n° 35), et à
al-Tawwâb (Celui qui pardonne, n° 80), mais
avec un sens plus intense. Dieu ai-'Afuww est
indulgent pour les fautes des êtres humains ;
Dieu al-Ghafûr les efface complètement. C'est
là la grâce de Dieu qu'il apporte à qui II veut. Dieu
cependant est détenteur d'énormes grâces
(Coran, LVII, 21).

iI4Zi
C'est l'opinion communément admise ; Sadr
al-Dîn Qûnawî(v. 1207-1274) en parle aussi dans
son Sharh al-Ahâdîth al-Nabawiyya, insistant sur
la différence entre le Pardon (maghfira), qui a
comme conséquence la transformation des
actions mauvaises en bonnes actions (comme
dit le Coran, XXV, 70), et l'Indulgence Çafw), dont
l'effet est d’« effacer » les mauvaises actions.

Et pour le cheikh Tosun Bayrak al-Jerrahy :


« C'est comme l'invitation de la part d'un homme
riche, généreux et compatissant qui dit : “Les
portes sont ouvertes, les tables garnies ; entrez
et installez-vous”, accueillant ceux qui acceptent
l'invitation, mais ne faisant pas de reproches à
ceux qui ne l'acceptent pas. »

Par rapport à la justice et à l'harmonie orga­


nisée - qualités particulières de Dieu - le pardon
et l'annulation des péchés font partie d'un
dessein général ; cela entre dans l’équilibre de
tout un ensemble de forces qui implique l'univers
entier et dont les pourquoi, les rapports et les
valeurs nous échappent. Dieu seulement peut
saisir cette réalité dans son ensemble universel.
Abû Sa'îd al-Kharrâz (?-899) a écrit :
« Reconnaître cette action de grâce c'est recon­
naître Qui est le Dispensateur de bienfaits, c'est
proclamer Sa souveraineté. »

i J44i
‘ABD AL-'AFUWW. Ce Nom incite à aimer Dieu
non par peur de Son châtiment, mais par
crainte de perdre Ses grâces. Puisqu'il faut
accepter le bien et le mal qui nous viennent de
Dieu - le bien comme une largesse généreuse,
le mal comme le juste châtiment ou bien
comme une épreuve -, qui se nomme ainsi
pardonnera à celui qui lui fait du mal et sera
généreux envers celui qui lui fait du bien.

iI45i
134b i
le Compatissant
le Charitable - le Bienveillant

Coran : II, 207 ; III, 30

Selon al-Ghazâlî, ce Nom s'approche dans s?j


signification d'al-Rahmân (le Miséricordieux
n° 2) ; selon plusieurs autres théologiens,
d’al-Ghafûr (le Clément, n° 35).

Al-Nawawî rapporte ce hadîth : « Dieu, le Très


Haut, a cent parties de miséricorde ; mais II en a
distribué une seule parmi les esprits, les
hommes, les animaux et les reptiles. De celle-ci
naît l'amour mutuel entre semblables, de celle-ci
naît la compassion mutuelle. Grâce à elle le
fauve se tourne amoureusement vers son petit »
(Riyâd al-Sâlihîn, 51, 9). Il y a pourtant des êtres
humains, hélas nombreux, qui ne ressentent pas
des sentiments positifs vis-à-vis de leurs

iï47i
enfants. Cela n'est jamais arrivé, n'arrive pas
et n'arrivera jamais de la part de Dieu vis-à-vis
de chacune de Ses créatures, qui peut s'en
remettre à Son indulgence en toute confiance.
Dieu pourtant n'a aucun besoin de Sa création.
L'équilibre parfait entre justice, châtiment et
indulgence, Dieu seul le connaît, Dieu
Miséricordieux, Miséricorde.

Les animaux n'ont pas la conscience ; ils sont


donc bien loin du libre arbitre, car il ne revient
pas à eux de choisir entre le bien et le mal.
Cependant ils savent par instinct où s'aventurer,
de quelle façon se mouvoir, ne pas dépasser les
limites, comment soigner leurs petits. Il y a en
cela une marque de l'organisation établie par
Dieu, mais aussi de Sa clémence envers toutes
les créatures. Il suffit de se rendre compte de la
valeur du verset : C'est Lui qui a créé pour vous
tout ce qui est sur la terre (Coran II, 29).

Que nous puissions et sachions distinguer dans


leur juste valeur nos potentialités, pour arriver à
les exploiter, est vraiment une Miséricorde de
Dieu. En outre, nous rendant compte de nos
limites, nous serons indulgents envers les limites
d'autrui, tout en sachant que jamais nous
n'égalerons Dieu dans Son indulgence.

iZ48i
ABD AL-RA’ÛF. Qui se nomme ainsi est
appelé à se souvenir des bienfaits de Dieu, en
particulier Sa clémence, et donc à se conduire
en conséquence, considérant que même le
châtiment est un avantage car il efface la faute.
Il pourra ainsi aider les condamnés qui ont expié

leurs crimes.
11501
le Roi du Royaume
ie Détenteur de la royauté
le Possesseur de Son règne

Coran: III,26;XXXVI,83

Selon al-Ghazâlî, « Il dispose de toute la


création et de toutes les créatures, avec une
indépendance absolue. » La création est un
composé unitaire, avec des parties différentes
entre elles mais non pas indépendantes ; de
même que les mains, les pieds, le cœur et les
cheveux d'un être humain sont différents entre
eux mais dépendent d'un tout unique.

La totalité des éléments composant un individu


se trouve aussi dans l'univers, et tous les
éléments de l'univers se trouvent dans un
individu. De même que le signe de Dieu, le
Créateur, se trouve dans l'univers et dans toutes
Ses créatures. Dieu organise, administre,
coordonne cet univers, dont les limites et les
réalités ne peuvent pas être toutes comprises

13511
par un être humain. D'ailleurs cela nous indique
aussi - au niveau politique - que Dieu seulement
est le Seigneur et le Maître de chaque être
humain (voir aussi al-Mâlik, n° 4).

Ce « règne » de Dieu a donné lieu à de


nombreuses spéculations philosophiques. De la
racine m-l-k nous avons mulk et malakût. Mulk,
le royaume, indique le monde phénoménal
(synonyme : shahâda) ; malakût (ainsi que ghayb)
indique le monde intelligible et c'est dans ce
sens qu'il revient dans le Coran. La nature
essentielle de Dieu (al-Hâhût) comprend : la
nature divine (al-Lâhût), la puissance divine
(al-Jabarût), le royaume spirituel et angélique
(al-Malakût) et le monde phénoménal (al-Nâsut).
Ces termes ont été très employés par les soufis,
qui ont différencié hiérarchiquement l'univers en :
mulk, monde phénoménal ; malakût, monde
invisible, ou des âmes, ou monde céleste ;
jabarût, monde invisible de l'invisible, ou de la
puissance de Dieu ; lâhût, monde suprasensible,
de la condition ou nature divine.

Les quatre mots acquièrent cependant des


valeurs alternatives ou interchangeables chez
différents mystiques ; et il arrive aussi que pour
des mystiques iraniens (par exemple Nûr al-Dîn
Isfarâyinî), ils acquièrent six types de significations

i!52i
différentes : monde exotérique humain ; monde
ésotérique humain ; monde exotérique surna­
turel ; monde ésotérique surnaturel ; monde
ésotérique entre la « distance des deux arcs » ;
monde ésotérique « du plus proche » (respec­
tivement : mulk ’âlam insânî ; malakût ’âlam
insânî ; mulk ’âlam ghaybî ; malakût ’âlam ghaybî ;
malakût qâb qawsayn ; malakût aw adnâ). À ces
mondes correspondent différents degrés de
perfectionnement, et donc d'appartenance à la
vie mystique : ceux qui sont à l'abri ; ceux qui
s'exposent au blâme ; ceux qui reçoivent le
charisme ; ceux qui parviennent au dévoilement ;
ceux qui sont les plus proches ; ceux qui
atteignent le but (respectivement : saâmatîyân ;
mâlâmatâyân ; karâmatîyân ; mukâshafân ;
muqarrabân ; wâsilân). Le « pouvoir super formel »
s'appelle par contre qawwatun malakûtiyah.

‘ABD MÂLIK AL-MULK. Qui s'appelle ainsi


devrait attester la Souveraineté de Dieu, et
donc savoir se guider lui-même, ce qui est la
chose la plus difficile pour un être humain. Mais
il sait aussi que Dieu seulement est le Seigneur
et le Msiître de chaque être humain.

i!5Zi
11541
le Possesseur
de la Majesté et
de la Générosité
l'Auguste digne de vénération

Coran : la glorification de Dieu est exprimée


par le Livre entier

Dans le Coran, par exemple, on lit (LXII, 1) : Tout


ce qui est dans les deux et tout ce qui est sur la
terre chante pureté de Dieu, le Souverain, le
Saint, le Puissant, le Sage.

Dhû signifie « Celui qui détient, qui a » (Dhû


al-Qarnaîn : « Celui qui a des cornes », Mosé par
exemple ; ou bien, dans le Coran, Alexandre le
Grand, qui en Égypte était surnommé « fils de
Jupiter Amon », une divinité représentée sous
l'apparence d'un bélier.) En d'autres termes,
celui qui est pourvu d'un talent, d'une qualité,
d'une capacité.

13551
Al-Îjî et al-Amidî considèrent que ce Nom
composite a la même signification que al-Jalîl
(le Majestueux, n° 42).

Il est évident qu'il n'y a pas de perfection qui ne


soit à Lui, et qu'il est au-dessus de toute louange
et de toute glorification. Glorifier Dieu est une
nécessité humaine, c'est l'élan qui poussa les
maîtres soufis à écrire les pages mystiques les
plus élevées. Peut-être est-ce pour cette raison
que plusieurs soufis déclarent que ce Nom de
Dieu est le plus beau dans l'absolu ; quoique en
définitive toute la Création dans son ensemble
proclame la Gloire de Dieu.

Les poètes déclarent que parler de Dieu d'un


cœur inspiré, c'est louer Sa Majesté. Au sujet de
ce Nom, Ibn 'Arabî (1165-1240) a écrit : « Il me
loue, et je Le loue ; Il me sert, et je Le sers. Par
mon existence je L'affirme ; et quand c'est moi
qui choisis je Le nie ; Il me connaît même si je Le
nie, puis je Le reconnais et Le contemple. Où
est-ce donc Son indépendance, si c'est moi qui
Le glorifie et L'aide ? De même, quand II Se
manifeste à moi, je Lui octroie une science et Le
manifeste, et c'est cela que le message divin
vous apprend ; et c'est en moi que Sa volonté
s'accomplit » (Fusûs al-Hikam). Et Hosein

115b l
Mansûr al-Hallâj : « Ta place dans mon cœur est
mon cœur tout entier : Toi seul y prends place.
Mon esprit Te retient entre ma peau et mes os. Si
je Te perdais, comment ferais-je ? Quand j'es­
saie de Te cacher mon amour, mon inconscient
le déclare par les larmes que je cachais » (Dîwân,
muqatta'at 35).

‘ABD DHÛ AL-JALÂL WA AL-AKRÂM. Ce


nom, très rare, devrait permettre à celui qui se •
nomme ainsi d'avoir conscience que Dieu
seulement donne et enlève, Dieu seulement
est le Maître. Rien donc ne doit détourner de la
vénération envers Dieu - en inclinant la tête -,
envers Lui Seul et suivant Lui Seul.

13571
11581
le Juste
Coran : XLIX, 9

Dans une période particulière de l'enfance,


on ressent très vivement le désir de justice.
Ensuite les conventions, les enseignements, les
accommodations conditionnent les individus et
les éloignent, peu ou prou, du sens de l'équité,
de la justice, qui leur est congénital.

Bien des gens, cependant, cherchent le mieux


dans la vie et ne le trouvent jamais, parce que
tout pourrait être fait mieux, puis encore mieux,
et mieux encore ; par contre, ce qu'on peut
atteindre c'est l'équilibre, vu qu'il y a un seul
et unique point d'équilibre pour chaque circon­
stance, qui toutefois change à cause des
constants déséquilibres de l'ambiance.

iKSi
Chercher la justice et l'équité a toujours été le
désir des « hommes de bonne volonté ». Dans
ce monde de dangers, l'injustice plane partout
et trop de gens demandent justice. Mais
personne n'est parfaitement juste si ce n'est
Dieu, et Dieu seul est la source à laquelle
peuvent se désaltérer tous ceux qui ont soif
de justice. De Dieu seul nous pouvons nous
attendre à l'équité, car Lui seul connaît toutes les
circonstances et tous les besoins, tandis
qu'aucun de nous ne détient la totalité des
renseignements.

‘Alî al-Jurjâni observe que la racine de muqsit


(iq-s-t, selon les déclinaisons verbales), signifie
« justice » ou bien « injustice ». Ce qu'il y a de
sûr c'est que Dieu sera équitable, le jour du
Jugement dernier, ainsi qu’al-Ghazâlî nous le
rappelle. Mais le Nom al-Muqsit suggère plutôt
aux êtres humains le respect pour l'équité
et la justice, selon ce que le Coran rappelle
maintes fois.

iZbOi
ABD AL-MUQSIT. Ce Nom invite à respecter
l'équité et la justice ; par conséquent, mérite de
s'appeler ainsi celui qui a ie juste sens de la
mesure, celui qui exige la justice pour ceux qui
sont traités injustement, celui qui protège ceux
qui doivent être protégés, celui qui agit avec
équilibre en encourageant les autres à en suivre
l'exemple.

(Zbli
iZb2i
Celui qui rassemble
Celui qui réunifie - Celui qui synthétise

Coran : XXXIV, 26 ; XLII, 29 ; LXXV, 9

Selon al-Ghazâlî, Dieu est Celui qui rassemble


les êtres selon leurs similitudes, leurs
différences ou leurs oppositions. Selon
al-Jurjânî, le jour du Jugement universel Dieu
rassemblera les adversaires. Al-Jam'iyyat
al-llâhiyyah est la « synthèse divine » et aussi
l'unicité de Dieu, grâce à quoi tout être partage
la qualité divine, en prend la substance et à elle
retourne. L'aspect de ce « rassemblement »
des qualités divines (al-Janâb al-llâhî) se pose
à côté de la Réalité des Réalités (haqîqat
al-Haqâ’iq). Il s'ensuit que la « réunification »
effective, la vraie Jâmi'yyah, englobe tous les
repères (qawâbil ; singulier qâbil) du monde,
donnant le « Logos ».

iZbZi
Par conséquent, ce Nom possède une significa­
tion sur deux plans : le pian réel, d'une action
que nous considérons, se passera le jour du
Jugement dernier ; et le plan métaphysique, qui
considère Dieu comme union du Tout, sur tous
les plans, entendant le Tout en tant que créé par
Lui, Son image mais non pas Son identité.

Selon une explication ultérieure à caractère


ayurvédique, et qui est aussi celle d’Hippocrate,
l'univers est un composé des quatre qualités
élémentaires de la nature (actives : chaud, froid,
humide, sec ; passives : feu, eau, air, terre)
auxquelles correspondent les couleurs rouge,
jaune, bleu, vert. Avec les trois couleurs
primaires (bleu, rouge, jaune) on compose toutes
les couleurs ; et avec les non-couleurs (noir,
blanc, gris), toutes les nuances relatives. Les
combinaisons basées sur les sept couleurs de
l'arc-en-ciel caractérisent certaines méthodes
spirituelles, et les couleurs sont fondamentales
dans l'eschatologie iranienne ; mais tout cela
part du principe qu’en « réunissant » l'ensemble
des couleurs, on obtient la lumière (voir al-Nûr,
n° 93).

llb4l
D'autres savants interprètent ce Nom comme
une indication du pouvoir de Dieu de rassembler
la poussière dans laquelle le corps humain s'est
transformé après la mort, et de rassembler les
atomes pour créer des cellules, et les cellules
pour créer des corps. D’où s’ensuit l'unité de
Ses actions, dans une harmonie universelle qui
dirige la vie de toute la création.

‘ABD AL-JÂMI". Ce Nom favorise dans le cœur


de celui qui le porte l'union des actions morales
visibles et des vérités cachées au plus profond
de soi-même, afin qu'il n'y ait pas une désunion
entre les actions et la pensée.

ilb5i
le Riche
Celui qui Se suffit

Coran : II, 263 ; II, 267 ; III, 97 ; IV, 131 ; VI, 133 ; X, 68 ; XIV, f
; XXII, 64 ; XXVII, 40 ; XXIX, 6 ; XXXI, 12 ; XXXI, 26 ; XXXV, 1F
XXXIX, 7 ; XL.VH, 38 ; LVII, 24 ; LX. 6 ; LXIV, '
I
Ce Nom a en soi le sens de « Indépendant », i
« Celui à qui rien ne manque » (ghanî bi-nafsihij.
En effet la Réalité divine éclaire toutes les
capacités relatives de ce monde, sans que
celles-ci ajoutent quoi que ce soit à Son
exhaustivité. L'image n'est pas à interpréter
comme « Celui qui se renferme en Lui-même »
et non plus comme une expansion en dehors
de Lui-même, car ce serait une effusion, une
émanation substantielle, tandis que l'Être n'agit
pas au dehors de Lui-même puisqu'il est le Tout
Infini. Selon le Coran tout ce qui est sur la Terre,
dans les cieux et au milieu d'eux appartient à
Dieu et à Lui retourne.

ilb7i
Ce Nom, aussi bien que d'autres, exprime la
profusion souveraine de la Réalité divine, qui
enrichit le monde, étant riche en Elle-même ;
tandis que l'existence de l'univers n'ajoute rien à
Son infinité. Ce Nom indique aussi l'indépen­
dance de chacun de Ses Noms, parce que Dieu
est indépendant en tout.

Le Coran (XLVII, 38) dit : Quiconque reste avare,


rien d'autre : il reste avare de son propre chef.
Or : Dieu est à l'abri de tout, alors que vous êtes
besogneux. Et si vous tournez le dos, il s'occu­
pera de vous remplacer par un autre peuple.
Comment peut-on, alors, rester arrogants et
présomptueux ? Comment peut-on s'enrichir
immodérément aux dépens de ceux qui se trou­
vent dans le besoin, étant réduits à l'indigence ?
Chaque être humain a besoin de nourriture pour
son corps et de spiritualité pour son âme, mais
tout cela sans dépasser la juste mesure. Dieu a
accordé à tout le monde ce qui est nécessaire et
Il a envoyé plusieurs prophètes pour les néces­
sités spirituelles de tous les êtres humains ; mais
il y a des hommes et des nations qui détruisent
même la planète où nous et nos descendants
avons été mis pour vivre cette vie d'ici-bas.

12b81
Peut-être veulent-ils rivaliser avec la richesse de
Dieu ? La vraie richesse pour l'être humain c est
la foi, et aujourd'hui on entend cela plus que
jamais.
Et Shihâb al-Dîn Sohravardî d’écrire : « Celui qui
se suffit à Lui-même (al-Ghanî), c'est Celui dont
ni l'essence ni la perfection ne sont condition­
nées par autre chose que Lui-même. »

'ABD AL-GHANÎ. Qui se nomme ainsi devrait


être satisfait de ce qu'il a, et accroître sa foi en
Dieu et sa culture, se rappelant du dicton du
vieux sage : Omnia mea mecum porto (« Toutes
mes richesses je les ai avec moi »).

llbSl
)

iî70i
Celui qui enrichit
Celui qui met à l'abri -
Celui qui confère la suffisance

Coran : XXIV, 32 ; XCIII, 8

Dans le Coran ce Nom est considéré comme


un attribut de l'action, au sens matériel : S'ils
sont besogneux, Dieu, de par Sa grâce, les
mettra à l'abri (XXIV, 32) ; et, s'adressant au
prophète Muhammad : Ne t'a-t-ll pas trouvé
orphelin ? Puis II a donné asile. Et ne t'a-t-ll pas
trouvé égaré ? Puis II a guidé. Et ne t'a-t-ll pas
trouvé à charge ? Puis il a mis à l'abri. Quant à
l'orphelin, donc, n'opprime pas. Et quant au
mendiant, ne repousse pas. Et quant au bienfait
de ton Seigneur, raconte (XCIII, 6-11).

Il est bon de rappeler que le Coran considère


comme une épreuve non seulement l'indigence,
mais aussi la richesse : Et sachez que, oui, vos
biens et vos enfants ne sont que tentation, et qu'il
y a auprès de Dieu un énorme salaire (VIII, 28).

11711
Les sages de l'islam distinguent le capital (la
richesse, mâl) et le capitalisme (rasmâliyya). Le
premier est une abondance de biens (correspon­
dant aux nécessités des êtres humains)
juridiquement licite ; le second est un système
de production qui est positif seulement s'il
n'exploite pas égoïstement la main-d'œuvre et
les revenus au seul bénéfice d'un petit groupe
de gens (Coran IX, 34 ; XVII, 26).

La richesse est corruptrice, et Dieu met en garde


pour qu'elle ne devienne pas un but. La
générosité et l'hospitalité sont encouragées,
et les avares sont méprisés. Le Coran (XXVIII,
76-82) raconte aussi l'histoire de Coré (qui, pour
son immodérée soif de richesses, n'écouta pas
Moïse, son cousin, et ensuite fut englouti par la
terre) pour mettre en garde ceux qui accumulent
des richesses sans songer à leur prochain.

Au cours des siècles les docteurs en jurispru­


dence ont élaboré des théories et des lois de
protection de la richesse privée. Si Hamza
Boubakeur (Communication à l'Académie des
Sciences, Paris, 1973) les définit comme : « Des
principes moraux, juridiques et sociaux [...].
Ainsi la propriété immobilière privée est sauve­
gardée à tel point qu'elle n'est pas même

11721
passible d'expropriation [...]. D'ailleurs les formes
de richesse déterminées par l'impérialisme
(ishti'mâr) et par le collectivisme communiste
(ishtirâkiyya) sont condamnées. »

Quant aux soufis, ils font le vœu de pauvreté


(faqr), préférant à toute autre richesse la proximité
de Dieu. En effet, ils s'appellent aussi fuqarâ’ :
pauvres (singulier faqîr ; en persan darâwîsh ;
singulier darwîsh). Abu al-Husayn Ahmad Nûrî
(?-907) a écrit : « Le caractère du soufi c'est la
sérénité dans la pauvreté, et même quand il a
quelque chose il préfère le donner à d'autres
plus nécessiteux que lui. » Et Fârisî, le
compagnon d’al-Hallâj, d’ajouter : « Un soufi ne
demande pas l'aumône à un riche, parce que
celui-ci, s'il la lui refuse, commet une faute, mais
c'est le soufi qui l'y a poussé. »

‘ABD AL-MUGHNÎ. Qui se nomme ainsi devrait


être satisfait de ce qu'il a et être généreux
envers son prochain selon ses propres
moyens, ne fut-ce que par le don d'un sourire.
Il pourra ainsi être un exemple pour tous ceux
qui souffrent des tourments des désirs et de la
cupidité.

iZ7Zi
11741
Celui qui empêche
qui interdit
le Protecteur, le Défenseur

Coran : ce Nom est tiré oe sa racine,


QUI EST PRÉSENTE PLUSIEURS FOIS DANS LE TEXTE

Dans le sens de « Défenseur tutélaire », ce Nom


est corrélatif de al-Hafîz (le Préservateur, n° 39),
qui souligne la « protection accordée », tandis
que al-Mâni' a le sens de « éliminateur des
obstacles », desquels donc II protège.

Cela conduit à une autre observation : plusieurs


fois le Coran parle des anges (malâ’ika, singulier
malak) que Dieu envoie sur la Terre pour protéger
les croyants. On peut donc penser qu'une partie
de la protection correspondant à ce Nom
s’effectue par l'intermédiaire d’« entités » protec­
trices, d'après l'ordre particulier de Dieu.

iI75i
C'est là au moins l'opinion d'une grande partie
des théologiens iraniens, sur la base de
l'angélologie de Shihâb al-Dîn Sohravardî.
D'après al-Ghazâlî, les anges (qui sont faits de
lumière, tandis que Satan n'est pas un ange,
étant fait en feu, le feu des passions qui dévorent
les hommes) se divisent en trois catégories. À la
première catégorie appartiennent Gabriel
(Jibraîl), Azrael (Izrâ'îl), et Isrâfil. À la deuxième,
les dix-neuf gardiens de l'enfer. À la troisième,
un nombre infini d'anges qui s'occupent de ce
qui arrive ici-bas et sont auprès des êtres
humains.

outefois, ce Nom est le plus souvent interprété


au sens général : Celui qui, sur la base de Son
jugement et de Ses décisions incontestables,
éloigne de Ses créatures les maux moraux et
physiques ; et, au sens spécifique : Celui qui, sur
la base de son jugement et de ses décisions
incontestables, éloigne de l'être humain l'ac­
complissement de désirs nuisibles dans un futur
qu'il connaît et que l'être humain n'est pas à
même de prévoir. C'est pourquoi on n'obtient
pas toujours ce que l’on désire, même si on
s'applique sérieusement, même si les circon­
stances nous paraissent favorables et nos

137b i
mérites déterminants. Comme un père
affectueux éloigne de son fils les dangers que
celui-ci n'arrive pas à comprendre en raison de
son inexpérience, Dieu éloigne des dangers qui
peuvent devenir très grands à cause des
conséquences que l'individu ne peut pas prévoir.
Il se peut que vous ayez de l'aversion pour une
chose qui cependant vous est un bien. Et il se
peut que vous aimiez une chose qui cependant
vous est mauvaise. Et Dieu sait, et vous ne savez
pas (Coran, II, 216).

‘ABD AL-MÂNI'. Ce nom invite qui se nomme


ainsi à protéger son prochain et à lui conseiller
de ne pas accomplir des actions nuisibles et
pouvant être séduisantes. Souvent la richesse,
la renommée, la beauté, même la joie, peuvent
par la suite se révéler néfastes. Il faut prier Dieu,
s'en remettre à Lui, et essayer de peser, dans
la mesure du possible, les probables consé­
quences réelles et objectives de nos actions.

iî77i
13781
A' tK&uS
le Redoutable
Celui qui afflige - Celui qui contrarie
Celui qui peut nuire
Coran : intégré dans la uste des quatre-vingt-dix-neuf Noms,
d'un commun accord de la Ijmâ' [consensus doctorum],
SUR LA BASE OU VERSET VI, 42

Ce Nom peut être interprété aussi dans le sens


de « Créateur du mal » et il est inséparable du
Nom qui le suit : al-Nâfi’, entendu dans le sens
de « Créateur du bien ».

Le verset VI, 42 du Coran (le seul où Dieu mani­


feste un courroux de nature quasi biblique) dit :
-S.

Très certainement Nous avons envoyé aux


communautés d'avant toi, puis nous les avons
prises par l'adversité et la détresse - peut-être
auraient-ils humblement supplié ?

iJ79i
De ces seuls mots il a été tiré le Nom al-Dârr. Sur
la base de sa signifiance, liée à celle du Nom
suivant, on peut réfléchir sur le fait que les
aliments sont salutaires, qu’ils nourrissent et
revigorent, mais qu’ils peuvent aussi être nuisi­
bles et une source de maladies et de douleurs si
on les prend en quantité excessive et de façon
déréglée, selon notre gourmandise et non selon
ce qui est profitable à notre corps. Un médica­
ment peut être un poison : il peut guérir, mais il
peut aussi donner la mort.

Dieu n'est pas le créateur du mal, mais du


monde phénoménal, qui dans sa matérialité a la
possibilité du bien et du mal : c'est à l'être
humain de choisir, étant donné qu'il est à même
de les distinguer. Bien sûr celui qui, ayant choisi
le mal, persiste et nuit à son prochain, ne peut
prétendre que ses actions entrent dans l'har­
monie de l'univers et que Dieu les approuve.
Seulement, à l'égard de celui-ci Dieu est al-Dârr.

Celui qui agit mal peut se raviser et y porter


remède. Naturellement, eu égard à notre carac­
tère passionné, il est difficile d'accepter le laps
de temps qui de toute façon est accordé aux
méchants pour se repentir. Cela aussi est une
épreuve, de même que l'indigence mais aussi la
richesse, la douleur mais aussi le bonheur.

lI80l
Ce n'est pas à nous de juger les décisions de
Dieu, mais c'est à nous de ne pas nous exposer
à Sa qualité al-Dârr.

’ABD AL-DÂRR. Qui se nomme ainsi devrait


comprendre que c'est à Dieu, et à Lui seul, que
revient l'absolue liberté d'action et de jugement.
Il se limitera donc à juger ce qu'il y a de bien ou
de mal en lui-même et dans ses propres
actions.

1I8I i
i282i
Celui qui est utile
le Profitable - Celui qui accorde le profit
Coran : intégré dans la liste des quatre-vingt-dix-neuf Noms,
d'un commun accord de la IjmA' [consensus doctorum],
SUR LA BASE du VERSET XL, 65

Il est à entendre dans le sens de « Créateur du


bien » et il faut le prononcer avec le Nom précé­
dent. Coran XL, 85 : Elle ne leur fut pas utile, leur
croyance, quand ils eurent vu Notre rigueur. Telle,
la conduite passée de Dieu envers ses esclaves.
Et alors les mécréants perdirent.

D'après ce verset et beaucoup d'autres, suivre


les préceptes divins c'est utile, tandis que céder
aux impulsions de notre côté diabolique c'est
nuisible.

Le soufi Abû Sa'îd al-Kharrâz (?-899) a écrit :


« L'action de la grâce fait distinguer Qui est le
dispensateur de bienfaits et, ainsi, Sa
souveraineté aussi est témoignée. »

1Ï8Î1
En effet, parmi les dons divins il y a l'intelligence,
la connaissance, la conscience et la foi, ce don
suprême. Grâce à ces dons, nous sommes à
même de distinguer le bien du mal, ce qui est
utile de ce qui est nuisible ; et la discrimination
est essentielle dans la vie de chaque être
humain. La généralisation - on le sait bien en
psychologie - aboutit à la déviance psychique et
peut même nous maintenir dans cet état, tandis
que la discrimination nous permet d'opérer le
choix le plus juste et de trouver la solution opti­
male à un problème. Ce n'est pas pour rien que
le Coran est appelé aussi al-Furqân : la
Distinction.

‘ABD AL-NÂFP. Ce nom devrait rappeler à qui


se nomme ainsi que l'acte le plus utile ici-bas
est de suivre les préceptes divins. Le cœur sera
alors comblé de sérénité et de paix, puisqu'il
sera certain de la Force et de la Puissance de
Dieu, mais aussi de Sa grâce et des bienfaits
dont II comble continuellement Ses créatures.

iI84i
'*8b,
~
T
la Lumière
Coran : XIV, 40 ; XXIV, 35 ; XXXIX, 69

Le Nom est interprété couramment comme :


a) manifestation évidente de Dieu à l'univers :
Dieu est lumière ; b) l'évidence des choses
opérées par Dieu quand il les fait passer du
non-existant à l'existant. Le verset de la
Lumière est peut-être le verset le plus beau du
Coran : Dieu est la lumière des deux et de la
terre. Il en est de Sa lumière comme d'une niche
où se trouve une lampe, la lampe dans un verre,
le verre, comme un astre de grand éclat ; elle
tient sa lumière d'un arbre béni, l'olivier-ni d'est,
ni d'ouest -, dont l'huile éclaire, ou peu s'en faut,
sans même que le feu y touche - Lumière sur
lumière. Dieu guide vers Sa Lumière qui II veut ;
et Dieu frappe des exemples pour les gens,
tandis que Dieu se connaît à tout (Coran XXIV,
35).

11871
Le Coran est aussi défini en tant que « Lumière
étincelante », d'après l'interprétation du verset :
Gens ! oui, une évidence vous est venue de la
part de votre Seigneur. Et Nous avons fait
descendre vers vous une lumière manifeste
(Coran IV, 174).

N-w-r, de nâra (briller), désigne la lumière en


sens métaphorique, tandis que la lumière en
sens réel est dite daw’. Le thème de la « Lumière »
a été développé de manière vertigineuse en
islam par les théologiens, les philosophes, les
mystiques, les mathématiciens. Ce mot revêt par
conséquent un symbolisme très riche et pleine­
ment islamique, que l'on peut trouver chez les
disciples d'Avicenne, de Farâbî, de Ghazâlî, chez
les mu'tazilites et surtout chez les soufis ;
mais il y a aussi une prégnance des notions
préislamiques héritées du néoplatonisme, de
l’aristotélisme, du zoroastrisme, du plotinisme,
du judaïsme, du manichéisme, etc.

La « Lumière » a une importance particulière pour


le grand martyr soufi Shihâb al-Dîn Sohravardî.
Il élabora la notion de la solâàn nûrf (puissance,
souveraineté de la lumière), notion préexistante
dans VAvesta en tant que « Lumière de gloire »
(xvarnah) ; il fut aussi le porte-parole de la
prophétologie chiite de la Nûr Muhammadî (la

l!88l
Lumière de Muhammad), homologue de ce qui,
dans la prophétologie judéo-chrétienne, était
appelé Verus Propheta, ou Christus ætemus. Le
thème de la lumière est également prédominant
dans l’œuvre de Mullâ Sadrâ Shirâzî (1571 -1640)
et d’Abû Ja'far Kolaynî.

Dans la métaphysique de la Lumière, le contraire


c'est les ténèbres (zulumât). Le dualisme oppose
à la Lumière l'obscurité (zalàm), désignant ainsi
le monde de l'esprit et le monde de la matière.
Pour la métaphysique, la Lumière est Lumière
divine, source de chaque existence, et c'est une
Lumière en Soi, d’où chaque être prend nais­
sance, mais qui ne « se détache » pas du Soi
substantiel, c'est-à-dire Dieu ; c'est pourquoi
toute substance est en réalité « illusoire ».

‘ABD AL-NÛR. Qui se nomme ainsi devrait


reconnaître en Dieu la vraie Lumière qui donne
la vie et qui met en évidence la beauté. La
Lumière qui nous fait sortir de l'obscurité
informe de l'indiscernable et nous conduit à la
connaissance de notre vraie nature. C'est à
tout cela que le prophète Muhammad se
rapportait lorsqu'il s'exclama : « Seigneur I Fais
de moi une lumière I »

iI89i
(I<)0|
la Direction - le Guide
le Recteur

Coran : 1, 5 ; VI, 84 ; XXII, 54 ; LXXVI, 3 ; LXXXVII, 3

On considère que ce Nom, dans un sens


général, signifie que Dieu guide chaque être
humain vers sa dernière destination. Chante
pureté du Nom de ton Seigneur le Très Haut,
Celui qui crée, puis II met bon ordre, et qui déter­
mine, puis II guida, et qui fait sortir le pâturage ;
ensuite II en fait un foin sombre (LXXXVII, 1-5).

Selon Abû Ja'farTabarî (v. 838-923) et les théolo­


giens successifs, Dieu crée la bonne direction
(al-Hudâ) dans le cœur des êtres humains. Il
s'agit donc de la « direction » dans le sens
religieux du terme, d'après les versets VI, 83-88
du Coran : Et Nous lui avons donné Isaac et
Jacob. Nous les avons tous guidés. Et quant à

IÏ9I i
Noé Nous l'avons guidé auparavant, tout
comme, parmi sa descendance, David et
Salomon et Job et Joseph et Moïse et Aaron. Et
c'est ainsi que nous récompensons les bien­
faisants. De même Zacharie et Jean-Baptiste et
Jésus et Élie, chacun étant du nombre des gens
de bien. De même Ismaël et Élisée et Jonas et
Loth. Et à chacun Nous avons donné excellence
au-dessus des mondes. De même partie de leurs
ancêtres et de leurs descendants et de leurs
frères, que Nous avons élus et guidés au chemin
droit. Voila la guidée dont Dieu guide qui II veut
parmi ses serviteurs...

Et Moshé dit (Coran, XX, 50) : Notre Seigneur est


Celui qui a donné à chaque chose sa forme ; puis
lll'a guidée.

Par « direction », donc, il faudrait surtout enten­


dre le droit chemin, le chemin de la foi. Dieu a
donné à chaque être humain la possibilité de
suivre ce chemin. Il ne veut mener personne hors
du droit chemin, dans l'erreur, dans l'anéan­
tissement des valeurs : l'être humain fourvoyé
fait librement son choix. C'est pourquoi la
première sourate du Coran, la Fâtiha, dit (1,5-6) :
Guide-nous dans le chemin droit, le chemin de
ceux que Tu as comblés de bienfaits, non pas de
ceux qui ont encouru colère, ni de ceux qui
s'égarent.

iI92i
De la racine h-d-y (l'action de Dieu qui dirige)
vient le terme mahdî (le bien dirigé), l'appeilatif
assumé par des « santons », des chefs théo-
logico-politiques et des agitateurs. Bien connu
surtout est le mahdî Muhammad Ahmad ibn
‘Abdallâh, politique et révolutionnaire réformiste
qui en 1881 fonda dans le Soudan égyptien la
Mahdiyya.

‘ABD AL-HÂDÎ. Qui se nomme ainsi devrait


s'évertuer à suivre le chemin de la vérité, priant
Dieu de l'aider à ne pas tomber dans l'erreur et
le fourvoiement.

1ZSZ1
iZS4i
aj/fcWT'
le Novateur
Celui qui fait naître - Celui qui est à l'origine

Le mot badî' évoque l'idée de ce qui est


« primordial » ; au sens actif il signifie : celui qui
crée ; le promoteur (il devient alors un attribu
de Dieu dans le sens de Novateur absolu
Novateur premier) ; au sens passif il signifie .
inventé, et il fut employé pour désigner les
novations des poètes abbassides dans le
domaine des « figures rhétoriques ». Bâdi' c'est
la surprise ; badî'a est l'intuition, la spontanéité,
l'absence d'incertitude ; et on emploie ce mot
pour définir une rapide « prise de conscience »
d'une chose (bi bad'a, ou bien 'alâ badî'a :
spontanément).

iIS5i
Selon al-Ghazâlî (Mustasfa, 29) : « Ce qu'il faut
c'est un esprit dans lequel se gravent des
principes singuliers et une faculté pensante qui
mette en rapport les uns avec les autres ces
principes singuliers. La raison alors se manifeste
spontanément pour formuler une opinion de
véridicité ou bien de non-véridicité. »

Ce Nom renforce par ailleurs le principe du


pouvoir de Dieu, Dieu Qui est à l'origine de tout ;
de cela, la réalité absolue de l'Unicité de Dieu,
Non Procréé (fam yalid), Non Créé, Non
Procréateur (lam yûlad), mais Créateur (Coran,
CXII, 3). Selon 'Abd al-Karîm al-Jîlî, c'est un Nom
de Beauté ; selon Muhy al-Dîn ibn ‘Arabî, c'est
un Nom d'activité.

‘ABD AL-BADÎ'. Qui se nomme ainsi devrait


reconnaître la créativité absolue de Dieu le Très
Haut, et étudier, découvrir, inventer et construire
- dans le domaine des sciences ou des arts -,
en faisant bon usage de sa perception.

il%i
11*171
iï88i
le Permanent
Coran : XX, 73 ; LV, 27

Cette qualité inséparable de Dieu, l'Être étemel,


est pour la Bible le principe même de la divinité,
et au mot « Dieu » on accole souvent celui
d’« Éternel » (par ex. : Leolam Vahed : Il règne
éternellement). Pour l'islam ce mot signifie
« l’immuable », « Celui qui subsiste toujours ».
En effet, « éternel » se dit : abadf, khâlil, adhalî,
mukhlad, etc.

Coran (LV, 26-27) : Chacun ici-bas est pour périr,


alors que demeure le visage plein de majesté et
de munificence de ton Seigneur. (Le terme
al-lkrâm, « le plein de munificence », n'est
cependant pas un des quatre-vingt-dix-neuf
Noms).

iXSSi
Dieu seul est éternel : toute autre essence a été
créée, et donc a eu un commencement. Il s'en­
suit que rien n'est pareil à Dieu. À ce sujet,
certains philosophes considèrent que l'âme
aussi est mortelle et donc temporelle (hudûth),
se démarquant ainsi de tous ceux qui postulent
que l'âme est éternelle (qidam) ; cette identifica­
tion de l'âme avec l'esprit (en tant que souffle
vital, la vie de la matière) implique que rien ne
peut, en tout état de cause, être comparé à
l’éternité de Dieu.

En effet, Dieu par la création a déterminé une


réalité phénoménale de l'espace, exposée de ce
fait à la loi du temps ; cependant, avant la créa­
tion le temps n'existait pas, mais Dieu existait.
La création - et par conséquent le temps - finira,
mais Dieu n'aura jamais de fin. À nous donc le
choix : nous lier passionnément au monde tran­
sitoire, ou bien nous lier passionnément à Dieu,
l'Éternel. Sachant que la qualité de nos actions
aura une conséquence dans la vie éternelle.

‘ABD AL-BÂQÎ. Qui se nomme ainsi devrait


considérer le caractère transitoire des choses
d'ici-bas (ainsi que le Coran nous le rappelle
souvent) et aspirer davantage à sa propre
évolution spirituelle.

14001
14021
^XÛlvîtf
l'Héritier
Coran : XV, 23 ; XIX, 40 ; XXVIII, 58 ; LVII, 10

Nom appartenant à la troisième catégorie de


ces Noms excellents, qui concerne les qualités
d'activités de Dieu. Pour ‘Abd al-Karîm al-Jîlî,
c'est un Nom de majesté, pour Muhyi al-Dîn ibn
‘Arabî, c'est un Nom d'essence. Dans tous les
cas il signifie : a) que Dieu demeure, même
après l'extinction (fana') de la création ; b) que
tout ce qu'il a créé retourne à Lui.

C'est Nous, en Vérité, qui hériterons la terre et


ceux qui seront sur elle, cependant qu'ils seront
ramenés vers Nous (Coran, XIX, 40).

Selon ibn ‘Arabî, « par Son Nom al-Wârith Dieu


nous indique qu'il est Celui qui puise à l'origine,
il est Celui qui en un seul instant contemple tous
les rangs des créatures, dès l'origine de la créa­
tion jusqu'à sa fin. »

14011
De plus, ce Nom nous porte à méditer sur le
caractère transitoire de la création avec une
constante attention, pour arriver à comprendre
que finalement notre but ne devrait pas être la
vacuité du monde phénoménal, éphémère, mais
bien plutôt la « contemplation de Dieu », la vraie
richesse pour chaque âme. Nous ne pouvons
pas être négligents : « Dieu est l'héritier du temps
et II nous en donne une partie » ; en général nous
ne sommes que des gardiens temporaires de ce
que Dieu nous a donné pour en jouir dans la vie
d'ici-bas. C'est à nous de ne pas gaspiller les
possibilités qui nous sont offertes, compte tenu
du vrai héritage final.

‘ABD AL-WÂRITH. Qui se nomme ainsi devrait


considérer que Dieu nous donne la jouissance
de Son royaume d'ici-bas et de Son royaume
au-delà de la mort physique, et que nous
sommes « Ses créatures » en tout et pour
toujours, au-delà de la vie physique aussi.

14041
14051
140b f
le Dirigeant
Celui qui dirige avec droiture
Celui qui guide

Coran : ce Nom est tiré de sa racine - présente plusieurs fois,


PAR EX. : XVIII, 10- D'UN commun accord de la IjmA*
[consensus doctorum].)

Ce Nom signifie que Dieu, par Sa grâce, nous


indique le droit chemin ici-bas. Dans la Fâtiha,
la sourate qui ouvre le Coran et qu'il faut
réciter dans chaque prière, on invoque :
Dirige-nous sur le droit chemin (ahdinâ al-Sirât
al-Mustaqîm : I, 6).

On interprète ce Nom aussi dans le sens de


« Celui qui guide avec justice et droiture ». Par la
suite, il a été interprété comme une invitation aux
êtres humains à cultiver la connaissance de la
religion et de l'éthique, car il ne suffit pas d'être
musulman : il faut bien agir, et cela comporte

14071
l'approfondissement des indications divines
correspondantes. De plus, ce Nom a une valeur
particulière pour les soufis, appelés à un
« voyage vers Dieu » qui est le but de leur vie et
de leur recherche mystique, même si dans ce
voyage il leur faut aussi un guide ici-bas.

Un autre Nom ayant un sens similaire, al-Hâdî, a


lui aussi une double valeur : en tant que takwînî
(l'action de porter à l'existence), il a un sens
universel, inhérent à la Création ; en tant que
tashrî'î (l'action de donner une loi), il se réfère
à chaque révélation prophétique. Le Nom
al-Rashîd, par contre, dénote un « guide »
individuel : quand le mystique, évoluant dans sa
recherche spirituelle aidé par un guide ici-bas,
atteint un degré particulier de l’illumination, alors
Dieu Lui-même le « prend » par la main et le
guide. Ce Nom a donc une valeur plus intimiste.

Selon les soufis le guide des guides ici-bas est le


Khidr (ou Khadir, Kezr, « le Vert »), généralement
identifié avec le prophète Élie d'après les versets
du Coran rapportant qu'il guide Moïse à la
recherche de la source de la vie (Coran, XVIII,
60-82). Le Khidr est censé être immortel et appa­
raître parfois aux initiés pour les guider dans leur
chemin spirituel. Selon les soufis chiites, les

14081
guides par excellence sont les douze imams
(a'immâ, pluriel de imâm) cachés, dont on peut
avoir une idée assez exhaustive en lisant les
Dissertations sur l'imamat (Risâla fi al-lmâmat) de
Mullâ Sadrâ Shirâzî. Cette direction surnaturelle
est décrite dans Avertissement spirituel et
proclamation de la sainteté divine (Wâridât
wa Taqdisât) de Sohravardî : « Dieu purifie une
âme qui, ayant acquis conscience de l'élément
supérieur qui est en elle, renouvelle son
engagement avec l'ange-Saint-Esprit, le guide
miséricordieux vers le Très Haut, ô ange-Saint-
Esprit, personne n'est plus miséricordieux que
toi ; tu es notre guide dans le chemin vers le Dieu
de l'Être dans Sa totalité. Si tu ne nous conduis
pas, jamais nous ne Le connaîtrons ; et si tu ne
nous avais pas donné l'ordre de L'adorer, il
n'aurait jamais été possible à nous, pauvres
êtres prisonniers de la réalité matérielle, de
rappeler Dieu ni de nous mettre à Son service. »

‘ABD AL-RACHÎD. Ce nom serait plutôt


du ressort d'un maître spirituel, et donc il
encourage à suivre le chemin de la recherche
mystique, pour se approcher de Dieu al-Rashîd
et de Ses prophètes.

140S i
4 )-/$âkw/

le Patient
le Très-Constant

Dans le Coran ce concept est mis plusieurs fois en évidence,


notamment en : II, 153 ; III, 200 ; X, 109 ; XI, 49 ; XVI, 127 ;
Clll, 3 ; le Coran comporte la racine de ce Nom et non ms
le Nom, qui est intégré avec le consentement
DE TOUS LES THÉOLOGIENS (IJMA‘)

Ce Nom est proche de celui d’al-Halîm (n° 33).


La racine s-b-r a le sens de : patience,
constance vertueuse, persévérance dans le
bien, soumission au vouloir de Dieu. Le Nom, si
on le rapporte à Dieu, signifie aussi qu'il est
« Lent à punir, pour laisser au coupable le temps
de se repentir et de réparer le mal fait ».
t
Presque toutes les religions considèrent que la
patience est nécessaire pour l'évolution
spirituelle. Comme le souligne Confucius : « Des
mots rusés peuvent plonger la vertu dans le
désordre, et le manque de patience peut causer
la ruine des actions les plus considérables » (Lun
Yu, XV, 26). I

i4l 11
L'islam considère que « la patience est une vertu
salutaire. Elle est une force de l'âme, une
résistance aux adversités qui consent de triom­
pher de tous les obstacles, de rester toujours
soi-même malgré les hauts et les bas de la vie et
la méchanceté des hommes. Elle est en soi une
forme noble de sagesse » (Si Hamza Boubakeur,
Le Coran). En effet le Coran cite la patience cent
une fois, sous forme nominale ou bien verbale
(Et cherchez secours dans Yendurance et l'Office
[Coran, Il 45] ; v. aussi III, 186 ; III, 200 ; GUI, 3 ;
VIII, 46, etc.) ; sans compter les nombreux
ahâdfth du prophète Muhammad sur la
patience.

Il existe aussi de nombreux dictons populaires


qui prônent la patience, tels que : « La patience
est la clef de la sérénité. »

Dhû al-Nûn al-Misrî écrit : « Trois sont les


marques de la patience : se tenir à l'écart quand
on est en difficulté ; avoir confiance en Dieu
quand on est en proie à l'angoisse sous l'effet
d'une épreuve qu'il faut endurer ; se sentir riche
même quand la pauvreté s'est installée dans
l'existence matérielle. »

Et le poète soufi Abû al-Qâsim Samnûn (7-915) :


« l'Amoureux (al-Muhhib) a laissé ces vers : “J'ai
avalé les nombreuses misères du temps comme

14121
si elles étaient des faveurs ; et quand le temps
me présente l'outre, je bois. Que d'angoisses
m'ont abreuvé avec leurs coupes ; et je leur ai
donné à boire l'océan de ma patience. J'ai
endossé la cuirasse de la patience contre les
vicissitudes qui m'enveloppaient, et j'ai dit à mon
âme : ‘Sois patiente, sinon tu vas mourir’. Et ainsi
j'ai su supporter des calamités dont le choc
aurait pu démolir les montagnes les plus
hautes." »

Quant à Ibn ‘Arabî : « Une moitié de la foi ce sont


les bonnes actions, et l'autre moitié c'est la
patience. »

D'autre part, al-Sabûr est le dernier dans la liste


des quatre-vingt-dix-neuf Noms de Dieu dans le
Coran, et on y arrive justement avec la patience
qui couronne les efforts.

'ABD AL-SABÛR. Qui se nomme ainsi est


appelé à garder l'équilibre intérieur, la modéra­
tion, à savoir attendre pour pouvoir agir au bon
moment avec la juste intensité. Celui qui est
patient lutte chaque jour contre sa propre
négativité, en persévérant dans l'accomplisse­
ment de ses devoirs, quelle que soit la réalité

extérieure.

i4IZi
ALLÂH AL-RAHMÂN AL-RAHÎM
P'9 p. 23 p. 27

14151
1
AL-JABBÂR
p. 55
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AL-MUTAKABBIR
p. 59
AL-KHÂLIQ
p. 63

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AL-BÂRI’ AL-MUSAWWIR AL-GHAFFÂR


p. 67 p. 71 p. 75

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AL-QAHHÂR AL-WAHHÂB AI-RA22ÂQ
p. 79 p. 83 p. 87

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AL-FATTÂH AI-'ALÎM AL-QÂBID
P- 91 p. 95 p. 99

AL-BÂSIT AL-KHÂFID AI-RÂFI*


p. 103 P107 p.111

14171
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AL-BASÎR AL-HAKAM AL-'ADL


p. 127 p. 131 p. 135

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p. 139 p. 143 p. 147

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AL-'AZÎM AL-GHAFÛR AL-CHAKÛR
p-151 p. 155 p. 159

i4I8i
AL-MUQÎT AL-HASÎB AL-JALÎL
p. 175 p. 179 p. 183

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AL-WÂSI" AL-HAKÎM AL-WADÛD
p. 199 p. 203 p. 207

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AL-MAJÎD AL-BÂ'ITH AL-CHAHÎD


p. 211 p. 215 p. 219

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AI-HAQQ AL-WAKÎL AL-QAWWÎ


p. 223 p. 227 p. 231

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AL-MATlN AL-WALÎ AL-HAMÎD
P- 235 p. 239 p. 243

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AL-MUHSl AL-MUBDI* AL-MU‘ÎD


p. 247 p. 251 p. 255

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al-muhyt AL-MUMÎT AL-HAYY


p.263 p. 287
p. 259

14211
AL-MÂJID
p. 271 p. 275 p. 279

p. 283

p. 295 p. 299 p. 303

14221
p. 307 p. 311

AL-MUTA'ÂLÎ
p. 319 p. 327

p. 335 p. 339

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AL~‘AFUWW AL-RA'ÛF MÂLIK AL-MULK
p. 343 p. 347 p. 351

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DHÛ AL-JALÂL AL-MUQSIT AL-JÂMI4


WA AL-AKRÂM p. 359 p. 363
p. 355

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AL-GHANl AL-MUGHNt AL-MÂNI'


p. 367 p.371 p. 375

14241
AL-BADÎ'
p. 395 p. 399

p. 407 p.411
p. 403

14251
i» pour l'islam, Dieu est fondamentalement
inconnaissable en Son mystère, ses 99 Noms sont
neanmoins une manifestation de Son essence : ils
symbolisent la Réalité invisible de Dieu.

Ainsi que le dit le prophète Muhammad :

« Ily a 99 noms qui n'appartiennent qu'à Dieu. Celui


qui les apprend, qui les comprend et les énumère,
entre au Paradis et parvient au salut éternel »

Comprendre Y essence de ces noms apaise l’âme, donne


confiance et enrichit l’esprit. Ces noms sont un
soutien pour l’être humain ; ils lui indiquent la voie
à suivre pour s’améliorer et pour s’approcher du
divin. C’est pour cela que, sur le plan pratique, les
croyants ont coutume de les répéter en égrenant un
chapelet (subha) de quatre-vingt-dix-neuf grains. Et
c’est pour cela que, sur le plan mystique et artistique,
les noms de Dieu n’ont jamais cessé d’être interrogés
et célébrés.

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