Chapitre 3
Chapitre 3
Chapitre 3
1. Notion de Terre
On entend par terres l'environnement physique, y compris le climat, le relief, les sols,
l'hydrologie et la végétation dans la mesure où ces derniers influent sur leur potentiel
d'utilisation. Elles comprennent les résultats des activités humaines passées et présentes
(conversion des rivages en terres convenablement asséchées, défrichement de la végétation ou
même des résultats négatifs, comme la salinisation des sols). Le concept des terres ne comprend
pas, toutefois, des caractéristiques purement socio-économiques qui s'inscrivent dans leur propre
contexte.
2. Objectifs de l’évaluation
Bien que l'évaluation des terres puisse porter sur leur comportement actuel dans certains cas,
souvent néanmoins, elle s'occupe des modifications à l'utilisation et parfois à la terre elle-même,
ainsi que de leurs effets.
L'évaluation des terres a pour principal objet de choisir la meilleure utilisation possible pour
chaque unité de terre, compte tenu de considérations à la fois physiques et socio-économiques
ainsi que de la nécessité de conserver, pour l'avenir, les ressources naturelles.
Les objectifs plus précis varient de façon considérable selon le but et l'échelle que l'on donne à
l'évaluation. Cependant, au terme de chaque évaluation, il faudra avoir répondu aux questions
suivantes:
- Comment la terre est-elle actuellement gérée et qu'adviendra-t-il si les pratiques actuelles
restent inchangées?
- Quelles sont les améliorations que l'on pourrait apporter aux pratiques d'aménagement, sans
modifier l'utilisation actuelle?
- Quels autres modes d'utilisation sont physiquement possibles et économiquement et
socialement désirables?
- Quels sont ceux qui offrent des possibilités de production continue ou autres avantages?
- Quels sont les effets nuisibles, du point de vue physique, économique ou social, liés à chaque
mode d'utilisation?
- Quels sont les intrants renouvelables nécessaires pour obtenir la production souhaitée et
minimiser le plus possible les effets nuisibles?
- Quels sont les avantages présentés par chaque mode d'utilisation (produits, services ou autres
avantages)?
Si l'introduction d'un nouveau type d'utilisation suppose une modification profonde de la terre
elle-même, par exemple des programmes de conservation ou de drainage, l'évaluation doit en
outre répondre aux questions ci-après:
- Quelles modifications peut-on et faut-il apporter à l'état de la terre, et de quelle manière peut-on
y parvenir?
- Quels sont les intrants non renouvelables qu'exigent ces modifications?
L'évaluation, en elle-même, ne détermine pas les changements d'utilisation qu'il faut effectuer;
elle ne fait que fournir des données à partir desquelles les décisions seront prises. Une évaluation
qui se veut efficace doit normalement proposer au moins deux formes d'utilisation possibles pour
chaque superficie considérée et mentionner également les conséquences bénéfiques et nuisibles
de chacune de ces possibilités.
3. Principes
Certains principes fondamentaux s'appliquent aux méthodes employées pour l'évaluation des
terres, à savoir:
i) L'aptitude des terres est évaluée et classée en fonction de modes d'utilisation précis
Différents modes d'utilisation des terres présentent différentes exigences. Par exemple, un champ
d'inondation alluviale mal drainé peut fort bien se prêter à la riziculture, mais pas à beaucoup
d'autres cultures ou à la sylviculture.
La notion de l'aptitude des terres n'a de sens qu'en termes de modes d'utilisation précis, chacun
ayant ses propres exigences (humidité du sol, profondeur d'enracinement, etc.). Les qualités de
chaque type de terre, telles que l'humidité disponible ou les tendances à l'inondation, sont prises
en considération en fonction des exigences de chaque mode d'utilisation, et c'est pourquoi la terre
proprement dite, tout comme l'usage que l'on en fait, ont une importance fondamentale pour
l'évaluation de son aptitude.
ii) L'évaluation demande la comparaison des avantages obtenus par rapport aux inputs exigés par
les différents types de terres
La terre en soi, sans autres apports, ne possède que rarement, ou même jamais, un potentiel de
production; par exemple, la cueillette de fruits sauvages suppose une main-d'oeuvre, de même
que l'utilisation des terres à l'état vierge à des fins de conservation exige des mesures de
protection. Pour évaluer l'aptitude des terres à chaque mode d'utilisation, on compare les apports
nécessaires (main- d'oeuvre, engrais, construction de routes, etc.), avec les produits ou autres
avantages obtenus.
iii) Une approche multidisciplinaire s'impose
Le processus d'évaluation exige l'apport de différentes disciplines; sciences naturelles, techniques
d'utilisation des terres, économie et sociologie. L'évaluation de l'aptitude des terres, notamment,
tient toujours plus ou moins compte des facteurs économiques. Dans une évaluation qualitative,
ces derniers n'entrent en jeu que d'une façon général, sans devoir calculer le rapport
coût/avantage, tandis que dans une évaluation quantitative, ce rapport joue un rôle majeur en
termes économiques. Par conséquent, une équipe d'évaluation doit comprendre toute une gamme
de spécialistes dans divers domaines: sciences naturelles (géomorphologues, prospecteurs des
sols, écologistes); technique d'utilisation des terres (agronomes, forestiers, spécialistes de
l'irrigation, spécialistes de l'aménagement de l'élevage); économie et sociologie. Pour des raisons
d'ordre pratique, il est parfois nécessaire de confier plusieurs de ces fonctions à une même
personne, tout en respectant une approche multidisciplinaire englobant des études pédologiques,
d'utilisation des terres et socio-économiques.
iv) L'évaluation doit tenir compte des caractéristiques physiques, économiques et sociales de la
zone en question
Des facteurs, tels que le climat, les niveaux de vie de la population, la disponibilité et le coût de
la main-d'oeuvre, la situation de l'emploi, le marché local et d'exportation, les systèmes de
régimes fonciers acceptables du point de vue social et politique et la disponibilité de capitaux,
forment le contexte dans lequel s'inscrit l'évaluation. Il serait, par exemple, peu réaliste de dire
qu'une terre est apte à la riziculture non mécanisée, exigeant un fort coefficient de main-d'oeuvre
à faible coût, dans un pays où, justement, la main-d'oeuvre est très chère. Les hypothèses sur
lesquelles se fonde l'évaluation varient d'un pays à l'autre et, dans une certaine mesure, d'une
région à l'autre dans un même pays. Beaucoup de ces facteurs sont souvent implicitement
supposés et, pour éviter les malentendus et faciliter la comparaison entre les diverses zones, ces
hypothèses doivent être explicitement énoncées.
v) L'aptitude doit être déterminée sur la base d'une utilisation continue
En évaluant l'aptitude d'une terre, il faut tenir compte de la dégradation éventuelle de
l'environnement. Certains types d'utilisation, par exemple, peuvent sembler hautement
avantageux à courte échéance, mais risquent de mener à l'érosion du sol, à la dégradation
progressive des pâturages, ou à la modification nuisible du régime des cours d'eau en aval. De
telles conséquences doivent primer sur les avantages à court terme et il faut alors classer la terre
comme inapte à cette fin.
Il ne s'ensuit nullement que l'environnement doive être conservé à l'état absolument vierge. En
général, l'agriculture demande le défrichement de la végétation naturelle, et le degré de fertilité
des terres sous cultures est plus ou moins élevé, selon leur aménagement, mais ce n'est que
rarement qu'il reste le même que sous leur couverture végétale naturelle. Il faut donc évaluer,
avec autant de précision que possible, les conséquences que tel ou tel type d'utilisation des terres
peut avoir pour l'environnement et tenir compte de cette évaluation en déterminant l'aptitude de
ces dernières.
vi) L'évaluation des terres exige que l'on compare plusieurs modes d'utilisation
Il peut s'agir, par exemple, d'une comparaison entre l'agriculture et la sylviculture; entre deux ou
plusieurs systèmes agricoles; ou encore, entre différentes cultures. Le plus souvent, on compare
les modes d'utilisation actuels, dans le but de les remplacer par d'autres ou de les modifier, mais
parfois on prend en considération tel ou tel mode d'utilisation, au regard de la non-utilisation de
la terre, en d'autres termes, en la laissant à l'état vierge, mais ceci est néanmoins gouverné par le
principe de la comparaison. Une évaluation ne peut être fiable qu'en comparant les facteurs
coûts/avantages d'une utilisation donnée avec ceux d'une ou plusieurs autres possibilités. En ne
prenant en considération qu'un seul type d'utilisation, même lorsque la terre est apte, on risque de
négliger des possibilités encore plus avantageuses.
II. METHODES DE L’EVALUATION DES TERRES
La caractéristique d'une terre est une propriété qu'on peut mesurer ou évaluer, comme par
exemple, la raideur d'une pente, les précipitations, la texture des sols, la capacité de rétention
d'eau disponible, la biomasse de la végétation, etc. Les unités cartographiques établies sur la
base de prospections des ressources sont en principe décrites en termes de caractéristiques des
terres.
Lorsque dans une évaluation on se sert directement des caractéristiques des terres, on se heurte
aux problèmes que pose l'interaction entre ces dernières. Les risques d'érosion du sol ne sont pas
présentés uniquement par la raideur de la pente, par exemple, mais aussi par l'interdépendance
qui existe entre celle-ci et un certain nombre d'autres caractéristiques, telles que la longueur de
la pente, la perméabilité et la structure du sol, l'intensité d'une pluie, et ainsi de suite. En raison
de ces problèmes, il est souhaitable d'effectuer la comparaison entre la terre et son utilisation en
termes de qualités.
Par qualités des terres on entend un ensemble dé terres qui agit différemment d'autres qualités
sur l'aptitude d'une terre à un certain mode d'utilisation. Les qualités d'une terre peuvent être
exprimées en termes aussi bien positifs que négatifs (disponibilités en eau, résistance à l'érosion,
vulnérabilité aux inondations, valeur nutritive des pâturages, accessibilité, etc.). On peut
également évaluer les qualités d'une terre sur la base de données telles que le rendement des
cultures, l'accroissement annuel moyen des essences, etc., lorsque ces données sont disponibles.
On trouvera au tableau 1 une liste des qualités des terres sous l'angle de la production,
moyennant trois types d'utilisation, ainsi que sous celui de l'aménagement et des biens de
productions. Cette liste n'est pas exhaustive et chaque qualité ne se rapporte pas nécessairement
à une superficie donnée ou à tel ou tel type d'utilisation des terres. D'après certaines théories de
Beek et Bennema (1972), les qualités énumérées en A peuvent se rapporter aux trois types
d'utilisation, tandis que celles citées en B et C s'appliquent en outre aux types d'utilisation
auxquels ils correspondent. Par ailleurs, certaines qualités se rapportent à des améliorations
majeures de la terre qui varient selon les cas, comme, par exemple, l'évaluation d'une terre sous
l'angle des disponibilités en eau pour un projet d'irrigation.
L'influence d'une qualité de la terre ne se borne pas nécessairement à une seule catégorie
d'utilisation. Une même qualité peut, par exemple, influer sur l'utilisation de la terre à des fins de
culture et d'élevage.
La terre possède une vaste gamme de qualités, mais seules celles qui se rapportent aux
possibilités d'utilisation envisagées doivent être définies. Une qualité de la terre est applicable à
un type donné d'utilisation de cette dernière lorsqu'elle influe, soit sur le niveau des inputs
requis, soit sur celui des avantages obtenus, ou encore sur les deux. Par exemple, la capacité
d'une terre de retenir les engrais est une qualité qui intéresse la plupart des formes d'agriculture
et qui influe aussi bien sur les apports d'engrais que sur les rendements des cultures. De même,
le degré de résistance à l'érosion est lié au coût des travaux de conservation des sols nécessaires
pour mettre les terres sous cultures, et la valeur nutritive des pâturages à la productivité des
terres consacrées à l'élevage.
Bien qu'on puisse parfois directement évaluer ou mesurer les qualités des terres, on fait souvent
appel à leurs caractéristiques pour les décrire. Les qualités ou caractéristiques dont on se sert
pour définir les limites des classes et des sous-classes d'aptitude des terres sont appelées des
critères diagnostiques.
Par critère diagnostique on entend une variable ayant une influence connue sur la production
d'un type d'utilisation des terres donné ou sur les inputs qu'il requiert; il peut s'agir d'une qualité,
d'une caractéristique ou de la fonction d'un ensemble de caractéristiques. A tout critère
diagnostique on appliquera une valeur critique ou une série de valeurs critiques servant à définir
les limites des classes d'aptitude.
2..1 Exemples
Prenons, par exemple, le terme "disponibilité en oxygène au niveau de la racine". On peut
estimer cette qualité en appliquant le critère diagnostique de la période durant laquelle le
potentiel d'oxydo-réduction (Eh) est inférieur à + 200 millivolts. Vu que, souvent, ce type
d'information n'est pas disponible, on applique le critère suivant, à savoir, celui des périodes
pendant lesquelles la zone radiculaire se situe en dessous de la nappe phréatique. Par exemple,
lorsque cette période est de trois à six mois, la disponibilité en oxygène peut être classée comme
étant "modérée", et comme étant "faible", lorsqu'elle est de plus de six mois. A défaut de ces
renseignements, on peut se servir des classes de panachure ou de drainage des sols, ou encore de
la végétation naturelle, en tant que critères diagnostiques pour évaluer la disponibilité en
oxygène.
L'emploi de ce terme dans ce sens est en contradiction avec un des principes fondamentaux d'une
évaluation des terres, à savoir l'aptitude des terres est estimée et classée par rapport à des modes
d'utilisation précis. Par exemple, les profondeurs de sol jugées ci-dessous comme constituant une
limitation "grave" peuvent n'avoir qu'un effet à peine gênant pour l'arachide, mais être
rédhibitoires pour le palmier à huile. Pour prendre un cas extrême, une limitation "très grave"
constituée par un défaut d'oxygène est favorable à la culture du riz ou du jute (ou à la sylviculture
de mangroves). Pareil classement des qualités repose sur un grand nombre de sous-entendus
quant aux "meilleures" utilisations et aux cultures qui ont des exigences "normales". Les
exemples que le Cadre donne à propos des degrés de limitation prennent ce terme dans un sens
différent: limitation s'appliquant spécifiquement à des modes particuliers d'utilisation des terres.
Quand il est nécessaire d'établir des classes pour décrire des qualités des terres, il vaut mieux
employer des termes neutres, qui n'impliquent pas une aptitude globale à toutes les utilisations
des terres (par exemple, classes de terrains).