Ibn Taymiyya Vs Thoams
Ibn Taymiyya Vs Thoams
Ibn Taymiyya Vs Thoams
Les réfutations de la doctrine trinitaire par ibn Taymiyya mises face aux développements
thomasiens de la doctrine. Réminiscences et héritages utiles pour le dialogue islamo-chrétien
moderne
RÉMI GOMEZ
UNIVERSITÉ ACADIA
Septembre 2022
1
IDENTIFICATION DU JURY
Les réfutations de la doctrine trinitaire par ibn Taymiyya mises face aux développements
thomistes de la doctrine. Réminiscences et héritages utiles pour le dialogue islamo-chrétien
moderne
présenté par :
Rémi Gomez
M_________________________________________________________________________
______, président
M______________________________________________________________________,
Examinateur externe
M_____________________________________________________________________,
Directeur du mémoire
2
AUTORISATION DE DIFFUSION
Je, soussigné, Rémi Gomez, atteste que le présent travail, remis comme mémoire de maîtrise
à la Faculté de théologieévangélique (Montréal), Université Acadia, constitue ma propriété
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à envoyer un exemplaire à la Bibliothèque nationale du Canada à Ottawa.
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Signature de l’étudiant
Date
3
AUTORISATION DE REPRODUIRE DES TEXTES SOUS COPYRIGHT
Je, soussigné, déclare avoir obtenu l’autorisation des tenants droit d’inclure dans mon
mémoire les textes(dessins, graphiques ou n’importe quel autre matériel sous copyright)
reproduits en annexes ci-après.
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Auteur [signature]
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Date
4
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J’ai examiné avec soin l’original du mémoire tel qu’il sera soumis aux examinateurs.
À mon jugement, il répond aux exigences tout autant au plan de la qualité de la langue que
du contenu et j’autorise son dépôt pour fins d’évaluation terminale.
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DATE SIGNATURE DU DIRECTEUR DE RECHERCHE
Les réfutations de la doctrine trinitaire par ibn Taymiyya mises face aux développements
thomistes de la doctrine. Réminiscences et héritages utiles pour le dialogue islamo-chrétien
moderne
______________________ _______________________________________________
DATE SIGNATURE DE L’ÉTUDIANT
5
Introduction
Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Louanges à Dieu qui a envoyé son prophète avec
la bonne direction (hudā) et la religion de vérité (dīn al-haqq) afin de la faire triompher sur
toute autre religion. Dieu suffit comme témoin.1
6
Ahmed Deedat8, beaucoup de chrétiens ont découvert dans les années 1980 à la télévision la
force apologétique de l’islam à l’encontre du christianisme 9. Depuis les années 1980, une
génération a passé et les enfants de ce double héritage sont aujourd’hui en position de mener
le débat (munāẓarāt10) sur les fondements posés par leurs ainés. Il serait donc faux de croire
que les joutes oratoires dans le dialogue islmo-chrétien des années 1980 soit une nouveauté
sans histoire, il s’agit d’un renouveau du déjà là, et c’est aux origines que nous cherchons à
remonter, c’est-à-dire au Coran et à la Sunna11 d’abord, puis à l’articulation du contenu de ces
sources primordiales par les théologiens qui ont réellement bâtit la discipline. Pas d’histoire,
sans préhistoire.
C’est donc à la croisée de l’histoire générale de la pensée de l’islam sunnite et de l’histoire
particulière de l’apologétique islamo-chrétienne que commence notre entreprise.
Il n’est pas étonnant de voir dans l’apologétique musulmane moderne, des emprunts faits à la
pensée d’Ibn Taymiyya puisque précisément celui-ci a écrit pour ses successeurs en la
matière. De notre point de vue, il n’est d’ailleurs pas question de la simple reprise des
arguments du théologien mais bien d’une inspiration plus profonde, d’ordre méthodologique
et pédagogique. La défaite totale, l’humiliation et la décrédibilisation du dogme concurrent est
recherchée pour affirmer la suprématie du dogme musulman. Notre hypothèse est qu’une part
substantielle des apologètes musulmans modernes ont pris grand soin de nourrir leur
méthodologie et leur argumentation de celle de figures antérieures, telle, Ali b. sahl b. Rabbân
at Tabarî12 (mort 855) Abû Mohammad Alî Ibn Hazm 13 (994- 1064) et Al Ghazâlî 14 (1059-
1111) mais qu’ibn Taymiyya (1263-1328)15 a laissé une trace indélébile dont le l’héritage
pèse plus lourd encore que tous les autres chez les jeunes apologètes musulmans francophones
8
Le meilleur ouvrage francophone pour découvrir Ahmed Deedat et son œuvre est celui de Samadia Sadouni :
La controverse islamo-chrétienne en Afrique du Sud, Ahmed Deedat et les nouvelles formes de débat , Presses
universitaires de Provence, 2011.
9
David Westerlund « Ahmed Deedat's Theology of Religion: Apologetics through Polemics, Journal of Religion
in Africa Vol. 33, Fasc. 3, Islamic Thought in 20th-Century Africa (Aug., 2003), pp. 263-278.
10
Wagner, E., “Munāẓara”, in: Encyclopaedia of Islam, Second Edition, Edited by: P. Bearman, Th. Bianquis,
C.E. Bosworth, E. van Donzel, W.P. Heinrichs. Consulted online on 27 May 2021
http://dx.doi.org/10.1163/1573-3912_islam_SIM_5507
11
Dans les sciences islamiques, une sunna désigne une action ou une parole du prophète Mahomet attestée par
un indice. Les docteurs considèrent que les sunna sont sources de loi pour la sharî’a, le musulman devant régler
sur elle sa conduite rituelle, morale et sociale. La sunna est aussi le terme générique désignant l’ensemble des
sunna particulières. Dictionnaire du Coran, Sous la direction de Mohammad Ali Amir-Moezzi, Glossaire,
p.948)
12
RIFAAT, EBIED et THOMAS, DAVID, The Polemical Works of 'Ali Al-Tabar Ṭabarī, ʻAlī ibn Sahl Rabbān;
Series: History of Christian-Muslim Relations, Vol. 27. Boston : Brill. 2016, 500p.
13
LJAMAI, ABDELILAH, Ibn Hazm et la polémique islamo-chrétienne dans l´histoire de l´Islam, Leiden: Brill,
2003, 250p.
14
AL-GHAZALI, Réfutation excellente de la divinité de Jésus Christ, Beyrouth, Albouraq, 1999, 63p.
15
Christine Schirrmacher, op.cit., p.728.
7
et anglophones modernes16. L’étude de cet auteur devient alors fondamentale pour mieux
comprendre « l’esprit du temps » dans le domaine du dialogue inter-religieux. Avant même de
le faire, il nous semble important de préciser qu’aux yeux de beaucoup de philosophes et de
théologiens, Ibn Taymiyya n’a pas l’étoffe philosophique d’un Averroès, d’un Avicenne. Tout
objectivant que soit ce type de commentaire, il est souvent le produit d’une élite intellectuelle
pétrie de philosophie et armée des outils de l’académisme. Oui Ibn Taymiyya n’est pas le plus
brillant, mais il est certainement le plus influent, son nom est sur toute les lèvres de sorte que
sa simplicité et sa trivialité font de lui un maître écouté sur de larges ondes. En cela il gagne
face à ses coreligionnaires. Il n’est pas non plus sans raison le Cheikh al-Islam17et son œuvre est
considérable.
Aucun ouvrage à notre connaissance ne fait état d’une analyse systématique des arguments du
théologien dans son ouvrage Réponse valide ni de leur évaluation à la lumière du texte
biblique et de la pensée théologique qu’il est supposé réfuter 18. C’est l’amorce d’un tel
exercice que nous proposons dans la première partie de ce mémoire. Il ne sera pas possible de
relever toutes les réfutations proposées par le théologien dont l’ouvrage contient environ 1400
pages19. En revanche nous avons choisi de nous attarder sur les réfutations majeures qu’il
oppose au dogme trinitaire. La raison de ce choix est motivée par l’urgence que nous
ressentons de clarifier la compréhension de cette doctrine non seulement pour les apologètes
musulmans qui en tordent le sens mais aussi pour les chrétiens, qui reçoivent toute sortes
d’enseignements se rapprochant tantôt du trithéisme, tantôt du modalisme et tantôt de
l’arianisme20. Comme le dit Gille Emery, en empruntant la formule aux Actes de Léon XIII,
16
Samadia Sadouni fait d’ailleurs ce lien entre Ahmed Deedat et la méthodologie d’Ibn Taymiyya et quelues
autres auteurs dans son ouvrage. Elle déclare dans son introduction :
« La controverse islamo-chrétienne représente une dimension historique, parmi d’autres, de la da’wa. Elle plonge
ses racines dans une tradition apologétique qui a marqué les relations historiques entre chrétiens et musulmans
dès l’époque des Abbassides. La controverse basée sur la preuve des corruptions de la Bible est une technique
qu’ont utilisée d’autres penseurs musulmans comme Al-Ghazali, Ibn Taymiyya, Rashid Rida, ou encore Hasan
Hanafi dans leur approche théologique du texte chrétien » (p.23).
17
Le titre de Chaykh al-Islām est un titre honorifique porté à partir du XIe siècle par certains savants et
mystiques et qui devient à l'époque ottomane le titre officiel du mufti d'Istanbul ; celui-ci est nommé et destitué
par le sultan et le fait qu'il ait la haute main sur les affaires religieuses et juridiques lui confère un grand prestige
qui lui permet de s'immiscer dans les intrigues politiques. À partir de la fin du XVIIIe siècle, son autorité décroît
avec la modernisation progressive des institutions. (Encyclopédie universalis, Georges BOHAS)
18
Pour une bibliographie détaillée des travaux portant sur Ibn Taymiyya et son œuvre voir,
https://sites.google.com/site/jhoover363/taymiyyan-studies/ibn-taymiyya. Voir en annexe 1 la bibliographie
détaillée des travaux portant sur la réponse Valide.
19
Laurent Basanese, Réponse raisonnable aux chrétiens ?, Presses de l’Ifpo, 2013, p.55.
20
Voir Christophe Chalamet et Marc Vial (éd.), Développements récents en théologie trinitaire dans l’aire
anglo-saxonne, (Études de théologie et d’éthique 5), Münster, LIT Verlag, Minneapolis, Fortress Press, 2014,
p.16. Ils citent notamment « The Forgotten Trinity: 1 A Selection of Papers presented to the BCC Stury
Commission on the Trinitarian Doctrine Today ». London: BBC/CCBI Inter-Church, 1989.
8
« le mystère de la trinité est « la substance du Nouveau Testament. »21. De notre point de vue,
redire cette vérité fondamentale est une vocation chrétienne en toute époque où elle est
contestée.
Le but poursuivit sera de discerner dans les arguments d’Ibn Taymiyya ce qui relève de la
falsification et de la contrefaçon de l’orthodoxie du dogme trinitaire, mais aussi de dire ce
qu’il a pu saisir et transmettre avec honnêteté à ce propos. Il sera question encore de montrer
la permanence des arguments et des méthodes d’Ibn Taymiyya dans l’apologétique moderne
pour mettre à jour l’importance de cet héritage.
Puisque nous allons suivre la pensée d’un maître dans l’art de la réfutation et de la doctrine
islamique et qui plus est un maître du 13e siècle, il nous a paru tout naturel de marcher dans
les pas du géant de son temps parmi les maîtres chrétiens pour donner la réplique. Il serait en
effet audacieux de répliquer nous-mêmes et dans le cadre d’un mémoire universitaire il nous a
paru sage de marcher selon le conseil de Lucrèce :
« Mais la plus grande douceur est d'occuper les hauts lieux fortifiés par la pensée des sages,
ces régions sereines d’où s’aperçoit au loin le reste des hommes, qui errent çà et là en
cherchant le chemin de la vie… »22
C’est alors qu’Au « Cheikh al islam » devait répondre le « docteur angélique », plus connu
sous le nom de Saint Thomas d’Aquin (1225-1274). Il ne s’agit pas de faire croire au lecteur
que Thomas ait en son temps réfuté Ibn Taymiyya, il est plutôt question de marcher dans les
pas de l’auteur de la Somme Théologique, ouvrage frappé lui aussi du sceau de la réfutation et
du génie de la dogmatique, pour répondre comme après coup, à toute l’apologétique
musulmane. Le mystère trinitaire y est proposé à la raison, autant que la raison le peut saisir,
par cet esprit brillant qu’était Thomas et qui ne manquait pas de citer la religion de
Muḥammad. La seconde partie de notre mémoire s’attardera donc à rendre compte de la foi
trinitaire par le truchement de l’œuvre magistrale de Saint Thomas d’Aquin dont la
méthodologie qui cherche l’ordre en toute chose nous semble la mieux à même de convaincre
le lecteur. Nous regarderons alors comment sans connaître Ibn Taymiyya et son œuvre, Saint
Thomas lui répond et lui ferme la bouche. En ce sens il est pour nous un remarquable disciple
du Christ qui n’avait pas peur de fermer celle des saducéens, dont les divagations méritaient
une parole de jugement (Matthieu 22.34). C’est alors que s’en dégagera des pistes fructueuses
21
Gilles Emery, La Trinité, l’introduction théologique a la doctrine catholique du Dieu Trinité. Cerf, Paris 2019,
p.9, citant l’encyclique Divinum illud munus dans Actes de Léon XIII, t.V, Paris, Maison de la Bonne Presse,
s.d., p 142-143 : « substantia novi testamenti ».
22
Lucrèce, De rerum natura, livre II, v.7 sqq.
9
pour le chrétien en démarche de dialogue avec l’islam. C’est pour nous un match au sommet
et pourtant un match dont les adversaires ne jouent pas à armes égales, car le mensonge n’est
pas simplement la vérité en négatif, mais la vérité en négation. Rien ne saurait vaincre la
Vérité. Celui qui dit la vérité proclame la justice, Et le faux témoin la tromperie. (Proverbes
12.17) Ce n’est pas par impatience, mais bien par soucis de clarté et de prévenance que nous
devons dire dès maintenant que notre conclusion révèlera comment Ibn Taymiyya est un faux
témoin du dogme trinitaire et qu’il n’apparaît s’en rendre vainqueur que par tromperie. Dès
lors ceux qui le suivent, même s’ils se targuent d’être des cheikhs, sont des aveugles conduits
par un aveugle allant à leur perte. C’est à eux que nous pensons plus que tout autre à tout
moment. Comme le dit fort bien Platon, « En aucun cas il ne faut aimer un homme plus que la
vérité23 » (Platon, Rep.X, 595). C’est une leçon que les promoteurs d’Ibn Taymiyya ont
parfois du mal à apprendre, et nous verrons pourquoi.
Pour que le lecteur puisse apprécier à sa juste valeur la démonstration, nous aimerions faire
dans le reste de cette introduction une présentation en quelques lignes d’Ibn Taymiyya,
l’homme, mais aussi de sa relation avec le christianisme et finalement des éléments décisifs
qui entourent la constitution de son ouvrage réponse valide à ceux qui ont altéré la religion
du messie.
Dans un second temps, par jeu de miroir, nous présenterons Saint Thomas d’Aquin l’homme,
sa relation avec l’islam et les éléments décisifs qui entourent la constitution de sa doctrine
trinitaire en particulier sa Somme Théologique, mais aussi sa Somme Contre Les Gentils et
d’autres ouvrages de seconde importance.
Nous entamerons ensuite les deux parties analytiques susmentionnées.
23
Cette citation sert d’épigraphe à la traduction française de la Réponse valide à ceux qui ont altéré la religion
du messie, faite par Laurent Basanese.
10
Nous n’avons pas trouvé meilleur expert qu’Henri Laoust pour nous parler d’Ibn Tamiyya 24.
Nous synthétisons alors des données qu’il réunit à propos du théologien hanbalite dans son
article dédié à sa biographie25 ainsi que dans les introductions de La Wāsiṭiyya26 et nous
ajoutons des éléments rapportés par Laurent Basanese dans l’introduction qu’il fait à sa
traduction Française de la Réponse valide à ceux qui ont altéré la religion du messie. C’est cet
ouvrage qui nous servira de textes de référence pour l’objet de notre étude.
Henri Laoust27 louait chez Ibn Taymiyya son esprit d’indépendance, similaire à celui d’un
Ibn Hanbal, lequel à exercer sur lui « l’influence la plus profonde et la plus constante ».28
Selon Laoust on ne connait Ibn Taymiyya principalement que par « des biographies
laudatives29 » et que seules des études récentes ont tenté de proposer une image plus critique
et contrastée du docteur hanbalite. Laurent Basanese, dont les propos suivants sont largement
dépendants de son travail, admet que les informations que nous possédons pour faire sa
biographie sont à la fois partielles et partiales. Ce que nous pouvons dire d’Ibn Taymiyya se
résume ainsi. Il nait le 22 janvier 1263 (10 rabī al-awal 661) d’une famille d’Oulémas
hanbalites, à Ḥarrān, la ville biblique d’Abraham, située à 44 km au sud-est d’Édesse. Près de
la frontière syro-turque. La population de la ville est chasée par les mongoles en 667/1268 et
la famille d’Ibn Taymiyya se réfugie à Damas. Son père y prend la direction de l’école
hanbalite Sukkariyya et enseigne l’exégèse du hadith à la mosquée Omeyyade. A la mort de
son Père Ibn Taymiyya lui succède et « fait forte impression sur son auditoire 30 ». Il se fait
connaître comme un professeur de théologie et de droit animé par un zèle réformateur 31. Il se
24
Laurent Basanese déclare à ce propos : « Une biographie critique d’Ibn Taymiyya, ainsi qu’une chronologie
précise de ses récits, reste donc encore une œuvre à accomplir. Dans l’ouvrage qui est consacrée à la sociologie
politique d Ibn Taymiyya, le meilleur spécialiste français de l’œuvre de notre auteur s’attache à corriger le travail
du premier islamologue s’étant intéressé au docteur musulman, Ignaz Goldziher – l’un des pères de
l’orientalisme scientifique – lequel s’appuyait sur un nombre limité de sources et acceptait sans discernement les
jugements négatifs d’Ibn Baṭṭūṭa et d’Ibn Haǧar Al Asqalānī : selon lui, Ibn Taymiyya était un musulman têtu,
de grande science certes, mais aux enseignements étranges et qui, sans adhérer à aucun dogme précis, méritait
toutefois quelques respect. (…) Plus tard, R. Stéphan humphreys a regretté l’absence d’attention au conflit
proprement politique dans la biographie d’Ibn Taymiyya présentée par Laouste… Quant aux très nombreuses
études contemporaines en langue arabe entièrement dédiées à la biographie Ibn Taymiyya, celle-ci se présentent
généralement comme des compilations acritiques, dévotionnelles et apologétiques qui, si elles peuvent
manifester le rôle important joué par Ibn Taymiyya dans le débat moderne sur l’islam, sont peu utiles pour
réviser la figure de ce docteur au sein de son époque. »
25
Henri Laoust, « La biographie d’Ibn Taymiyya d’après Ibn Kaṭīr », bulletin d’études orientales 9, p.115-162.
26
Henri Laoust, op. cit., p.13-45.
27
Propos recuelillis par Laurent Basanese dans Henri Laoust, Essai sur les doctrines sociales et politiques de
Taqī-d-Dīn Aḥmad Ibn Taymīya, canoniste hanbalite né à Ḥarrān en 661/1262, mort à Damas en 728/1328, Le
Caire, Institut Français d’Archéologie Orientale, 1939, p.76. disponible sur
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9106440t/f9.image#
28
Laurent Basanese, op.cit. p14.
29
Ibid.,p 15.
30
Ibid. p16.
31
David Thomas and Alex Mallett, Christian-Muslim Relations A Bibliographical History (1200-1350). Volume
4, Leiden, 2012 p. 824 déclarent. « Le projet d'Ibn Taymiyya était centré sur le rajeunissement de la croyance et
11
fait connaître par sa rigueur dans l’appel à l’application des sanctions légales contre les
apostats et les opposants à l’islam ainsi que dans ses exhortations au djihad contre le royaume
de Petite Arménie (695/1296). Son rôle a alors une influence sur la nouvelle politique du
Sultan Lāǧīn. Il écrit deux professions de foi la même année dont une très hostile à
l’ach’arisme32et au kalam33. Commence alors pour le docteur musulman une persécution
venant des milieux hanafites34 qui l’accusent d’assimilationnisme dans sa conception des
attributs de Dieu.35
Trois crises mongoles vont alors se succéder entre 698 /1299 et 702.1303 durant lesquelles le
théologien va animer la résistance par ses discours enflammés. Ibn Taymiyya est un radical et
un négociateur stratège qui réussit à atténuer les sanctions des envahisseurs mongols contre la
population syrienne. Il arrive à faire libérer des musulmans, des Juifs et des chrétiens, tout en
menant dans le même temps des « opérations anti-débauche » et des expéditions victorieuses
contre les chi’ites de la montagne syro-libanaise. Il interpelle le sultan mamelouk pour qu’il
prenne en charge la situation militaire en faveur du peuple syrien et s’enrôle lui-même dans
l’armée lors de la troisième crise mongole pour exhorter les hommes à la résistance. Il est
dorénavant auréolé de la gloire de l’héroïsme mais se fait beaucoup d’ennemis aussi qui lui
reprochent d’être plus politicien que théologien. Tout passe sous le marteau de sa rigueur, que
ce soit les tenues vestimentaires et les pratiques ascétique des juristes soufis qu’il réprouve, la
présence de lieux de vénérations et de superstition qu’il considère comme idolâtres comme le
rocher de la mosquée d’al-Naranǧ, ou encore le mouvement des partisans d’Ibn‘Arabi présent
en Syrie et en Egypte. En 704 .1305, il émet une fatwa contre les Nuayrṣī et devient la figure
majeure du propagandisme anti chi’ite dont il cherche l’éradication du haut-Karsawān. En
effet Ibn Kathir nous apprend qu’Ibn Taymiyya participa en 699/1300 à l’expédition que les
de la pratique islamiques prescrites dans le Coran et la Sunna du Prophète et pratiquées par la première
communauté musulmane, le salaf. Dans ses écrits, il cherchait à montrer que sa vision de l'islam s'accordait
pleinement avec la raison, l'emportant sur d'autres prétendants à une rationalité supérieure, comme la théologie
du kalām et l'aristotélisme-néoplatonisme des falāsifa, et il s'efforçait de distinguer le véritable islam des
innovations ultérieures en matière de jurisprudence et de soufisme et des concurrents théologiques comme
l'Imāmī Shīʿīsm et le christianisme. »
32
Voir, El Omari, Racha. "Ibn Taymiyya's 'Theology of the Sunna' and his Polemics with the Ash'arites." In
Times, 101-119. Voir aussi, Griffel, Frank. “Ibn Taymiyya and His Ashʿarite Opponents on Reason and
Revelation : Similarities, Differences, and a Vicious Circle.” The Muslim World 108.1 (2018): 11–39. Voir
encore Hoover, Jon. "Early Mamlūk Ashʿarism against Ibn Taymiyya on the nonliteral reinterpretation (taʾwīl)
of God’s attributes," in Philosophical Theology in Islam: Later Ashʿarism East and West, ed. Ayman Shihadeh
and Jan Thiele (Leiden: Brill, 2020), 195-230.
33
« Discours » en arabe pour « tire peut-être son origine du mot Kalmos le roseau pour écrire ». Il désigne la
pensée théologique de l’islam de manière globale, la théologie scolastique rationnelle plus particulièrement.
(Dictionnaire du Coran, p.945)
34
La plus ancienne des quatre écoles juridiques dans le sunnisme. Elle tire son nom du juriste Abû Hanîfa à qui
l’on a reproché l’utilisation étendue de l’opinion subjective dans la fixation du droit. L’école hanafites est
souvent considérée comme la plus souple des écoles juridiques. (Dictionnaire du Coran, p.944)
35
Laurent Basanese, op.cit. p20.
12
autorités Mamelukes entreprirent contre les Shiʿites du Kasrawân, accusés d’aider les
Mongoles36.
Le 12 avril 1306 (27 ramaḍān 705) Ibn Taymiyya sera tenu de se rendre en procès au Caire à
propos de sa confession de foi considérée comme hétérodoxe sur la question des attributs de
Dieu. Le docteur hanbalite se défendra de s’en tenir au Crédo des pieux prédécesseurs (Les
Salaf), mais il est déclaré coupable et emprisonné. Des persécutions contre les hanbalites
s’abattent au Caire. Ibn Taymiyya sera relâché plus d’un an plus tard grâce à l’intervention de
son ami Muhannā b.ʿIsā, émir des bédouins , de passage au Caire. Il n’a pourtant jamais
concédé à se rétracter sur ses déclarations. Plusieurs autres polémiques auront lieu, il sera
réemprisonné peu de temps au Caire à cause de ses positions sur l’interdiction de demander
intercession au prophète Mohammed, puis exilé à Alexandrie (7091310-1311). Il sera
réhabilité (709-712 /1310-1313) par le nouveau sultan b. Qalāwūn qui le consulte trois ans
pour mener ses affaires politiques en Syrie. De 712/13 à 718 Ibn Taymiyya connait une
période paisible et produit d’abondant travaux alors que le sultanat Mamelouk est prospère. Il
sera emprisonné deux fois à la citadelle de Damas. La première à cause de ses fatwas
controverés sur le serment de répudiation et le second à cause de ses positions sur le culte des
saints comme le pèlerinage à Jérusalem et la visite du tombeau de Muḥammad à Médine. Il
écrit depuis ce lieu d’incarcération plusieurs justifications, aggravant son cas et entretiendra
une polémique avec le grand Cadi Malikite du Caire qu’il traitera même d’ignorant. La plume
et l’ancre lui seront retiré et il mourra dans la prison de la citadelle le 26 septembre 1328 (20
ḏū al-qaʿda 728).
13
leurs têtes devant eux, s’habiller distinctivement des musulmans, ne pas monter de chevaux ni
posséder d’armes. Beaucoup de chrétiens se convertissent à l’islam en ce temps-là et c’est
dans ce contexte qu’Ibn Taymiyya écrits ses ouvrages.
Dans son ouvrage sur Ibn Hazm38, Abdelilah Ljamai explique que la première intervention
d’Ibn Taymiyya dans la vie publique de Damas eu lieu en l’an 694 /1293, pendant laquelle il
est intervenu dans l’affaire d’un chrétien de Suwayda’, appelé ' Assāf al – nașrānī, accusé
d’avoir insulté le prophète de l’Islam 39. L’intransigeance d’Ibn Taymiyya en cette affaire lui
valut son premier emprisonnement à l’école ʿAdhrawiyya, où il composa son premier ouvrage
al-ṣārim al-maslūl ʿalā shātim al-Rasūl (le sabre dégainé contre celui qui insultait le messager
de Dieu)40.
Bien plus tard, selon Laurent Basanese, de violents troubles éclatèrent au Caire entre chrétiens
et musulmans (721/1321), avec des incendies de mosquées et d’église.
Il écrit d’ailleurs à propos du christianisme et du judaïsme, dans son traité de droit public
traduit par Henri Laoust : « ces deux voix sont celles de ceux qui ont encouru la colère
divine, et celle de ceux qui se sont égarés. L’une est celle des chrétiens qui errent dans
l’erreur ; l’autre, celle des juifs, objet de la colère divine43».
Ces quelques éléments expriment bien l’approche d’Ibn Taymiyya dans sa Réponse Valide. À
ce titre Abdelilah Ljamai explique qu’en ce qui concerne son interprétation de la chrétienté 44,
Ibn Taymiyya, a composé plusieurs ouvrages. Il cite notamment :
38
Abdelilah Ljamai, op.cit., p.176.
39
Voir Ibn Kathīr, Al-Bidāya, vol.13, p.365, Laoust « Ibn Taymiyya », p.976, et Thomas, A Muslim
Théologian’s Reponse to Christianity, p.69.
40
Taḥqīq wa-ta’līq ʿIṣām Fāris al-Harsatānī, al Makab al-islāmī. Bayrūt, 1994.
41
L’expression « Gens du livre » revient une trentaine de fois dans le Coran. Elle désigne les peuples qui,
antérieurement à la révélation du Coran, ont reçu le Livre, intégralement ou en partie, par l’intermédiaire de leurs
prophètes respectifs, principalement les juifs et les chrétiens. (Dictionnaire du Coran, p.367)
42
David Thomas and Alex Mallett, op.cit., p. 825.
43
Gabriel Petitpont, op.cit., p.107.
44
Le mot « christianisme » aurait certainement été plus appropriée.
14
- Al-Risāla al-Qubruṣiyya (la lettre envoyée au roi de Chypre) ;
- Kitāb al-Nubuwrwāt (le livre des prophéties) ;
- Risāla fī Mas’alat al-Kanā’is (Une épître à propos de la question des églises) ;
- L’épître de Taḥrīm mushākat Ahl al-kitāb fī aʿyādhim (Une épître concernant
l’illégitimité de la participation (des musulmans) dans les fêtes des gens du livre ;
- Iqtiḍā al-ṣirāt al-mustaqīm (Le choix de la bonne voie pour se distinguer de ceux qui
demeurent en enfer) ;
- Minhāj al-Sunna al-Nabawiyya (la méthode concernant la Sunna prophétique).
Certains titres sont éloquents, mais comme le dit Abdelilah Ljamai, l’étude la plus fameuse
est celle que nous étudions dans ce mémoire et dont nous allons maintenant éclaircir le
contexte.
Le passage de la réponse valide que nous présentons à une structure simple : Ibn Taymiyya
rapporte, en introduction, de manière quasi littérale, un extrait la discussion tenus entre le
vizir Abū al-Qāsim al-Maghribī et le métropolite syro-oriental Elie de Nisibe (§ 1-4) : le
chrétien sous-entend que les textes coraniques peuvent également conduire à une
multiplicité en Dieu, et donner l’illusion qu’il possède un corps ; la critique musulmane de
la terminologie chrétienne au sujet de la Trinité s’autodétruit alors. Ibn Taymiyya répond
longuement à cela, en 15 points D’inégale longueur.
Nous prendrons donc le temps d’examiner les réponses d’Ibn Taymiyya susmentionnées par
Laurent Basanese selon la traduction qu’il propose.
45
Laurent Basanese, op.cit., p47-48.
15
St Thomas d’Aquin : l’homme
La vie de Thomas d’Aquin a été abondement commentée. La majeure partie des éléments de
sa biographie est issue de l’introduction de la Sommes Théologique parue aux Éditions du
Cerf en 1984 et faite par Nicolas Marie Joseph. Nous avons toutefois trouvé utile d’ajouter
quelques éléments tirés de l’ouvrage, l’autre Thomas d’Aquin (1990) de Martin Blais à propos
de l’aquinate. Thomas d’Aquin est né au château de Roccasecca, vers la fin de 1224 (ou au
début 1225) 46. Il est issu d’une importante famille féodale du Sud de l’Italie. Napolitain par sa
mère, il est, par son père Landolphe, d’origine germanique et normande. Les biographes
rapportent que le Père de Thomas et ses frères étaient au service de Frédérique II l’empereur
excommunié.
Sa famille le destine dès son enfance à la vie monastique selon la pratique de l’oblature dont
quelques familles de la noblesse usaient, voir abusaient. Il est alors élevé à la rudesse du
monastère du Mont-Cassin dont son oncle Sunnibald est l’abbé 47. Martin Blais pose la
question : Que faisait le fils de Landolphe d'Aquin à cette rude école ? A cela il répond :
Il semble bien qu'il n'était pas un don à Dieu, mais un placement politique à long terme.
Son père et, derrière lui, Fréderic II voulaient qu'il devienne moine au Mont-Cassin et
prenne un jour la tête de cette abbaye prestigieuse et stratégique. L'abbé́ du Mont-Cassin
avait rang d'archevêque. Il dirigeait spirituellement les évêchés du sud de l'Italie (qui
faisaient partie du royaume de Sicile) et traitait d'égal à égal avec l'archevêque de Sicile
(l'île cette fois) d'où, on l'a déjà̀ dit, Fréderic II dirigeait son empire, puisqu'il avait établi sa
cour à Palerme, capitale de cette île. Le Mont-Cassin était à la frontière du Saint-Empire et
des États pontificaux ; un abbé́ fiable était une pièce maitresse sur l'échiquier.
L’une des premières formations cruciales pour saisir le devenir de Thomas d’Aquin est celle
qu’il commencera à suivre entre 14 et 15 ans à l’université de Naples dans les arts libéraux 48.
A propos de cette université, Nicolas Marie Joseph déclare :
Bien petite université encore, mais qui, dès ses débuts, avait inquiété le souverain pontife
par quelque chose de novateur et d’ouvert aux vents nouveaux, au droit romain et même,
déjà, à Aristote. C’est là qu’il devait devenir pour lui le philosophe par excellence, et qui
faisait son entrée en chrétienté avec l’attirance et l’inquiétante aura de la nouveauté et de
l’exotisme.49
46
Marie-Joseph Nicolas, La vie et l’œuvre de Thomas d’Aquin, in Somme théologique, Paris, Cerf, 1984, T. 1, p.
17.
47
Martin Blais, L’autre Thomas d’Aquin, Boreal, 1990, p.16.
48
Le programme de base comprenait les sept arts libéraux divisés en arts du discours, le trivium
(étymologiquement, les trois voies [vers la sagesse]), et en arts du réel, le quadrivium Le trivium comprenait la
grammaire (littérature ou auteurs classiques), la rhétorique et la dialectique (la logique d'abord, puis finalement
toute la philosophie passera sous cette rubrique). Le quadrivium comprenait l'arithmétique, la géométrie,
l'astronomie et la musique. (Blais, p 16)
49
Thomas d’Aquin, op.cit., p17.
16
Thomas d'Aquin y brille à un tel point qu'on lui confie la charge de répétiteur. Et Walz
d'ajouter qu'on trouvait plus de lumière auprès de lui qu'auprès de « certains professeurs » 50. Il
y rencontre les frères prêcheurs qui adoptent une vie de pauvreté et d’intense activité
intellectuelle. Cet ordre mendiant fraichement crée est plus connu sous le nom d’ordre
dominicain et représentait l’idéal de la vie évangélique et apostolique pour lui. Il renonça à la
carrière que Frédéric II et sa famille avaient planifiée pour lui et il frappa à la porte des
dominicains (1243-1244). Mais ses frères, sur l’ordre de sa mère et en accord avec son père
mort récemment, capturèrent Thomas pour le faire changer d’avis et le gardèrent un an au
château familial. Thomas d’Aquin est obligé de se soustraire à sa famille en se rendant à
Cologne puis à Paris avec l’aide d’Albert de Grand, Maître général de l’ordre qui l’initiera à
la philosophie d’Aristote.51 C’est alors le temps des cathédrales, Notre Dame vient d’être
achevée et Paris est le centre intellectuel de toute la chrétienté. À cause de son caractère
taciturne et contemplatif ses condisciples l'appelaient « le bœuf muet de Sicile » mais Albert
aura pour lui ce mot célèbre : « Ce bœuf mugira si fort, que toute la terre l'entendra 52 ». C’est
de Paris qu’il commence plus précisément à accomplir ce destin. Thomas d’Aquin devient
bachelier et enseignera un commentaire des Sentences de Pierre Lombard qui servaient
généralement de synthèse théologique pour tous les étudiants en théologie. De là il fera
paraître sa première grande œuvre : « Commentaire sur les quatre livres des sentences ». Il
reçoit sa licentia docendi en mars 1256. C’est dans cette période parisienne notamment qu’il
commence l’une de ses œuvres les plus fameuses, la Somme Contre les Gentils. Il fut ensuite
appelé à l’âge de 36 ans à la cour pontificale où il enseignait certainement des clercs attachés
au pape et où trouve le temps de finir le Contra Gentes. On lui attribue la composition de
l’Office du Saint Sacrement au moment de l’instauration de la fête du Corpus Christi. Thomas
refuse l’archevêché de Naples offert par le successeur d’Urbain IV et à partir de1265 l’ordre
des dominicains lui confie l’organisation d’un Studia Generalia à Rome. Nicolas Marie
Joseph rappelle que l’ambition de ces écoles nouvelles étaient de trouver la « symbiose entre
science profane et science sacrée, entre philosophie et théologie. »53 Thomas y démarre
l’écriture de son œuvre la plus connue, la Somme Théologique qui nous servira de colonne
d’appuis dans notre évaluation d’Ibn Taymiyya. De 1269 à 1272 Thomas produit
50
Martin Blais, op.cit.,17.
51
A ce titre Albert le Grand a dit : « en matière de foi et de mesure, il faut croire Saint Augustin plus que les
philosophe s’ils sont en désaccord ; mais si nous parlons médecine, je m’en remets à Galien et à Hippocrate, et
s’il s’agit de la nature des choses, c’est à Aristote que je m’adresse ou à quelques autres experts en la matière. »
(Cf. Marie-Joseph Nicolas, p. 18.)
52
Martin Blais, op.cit., 13
53
Marie-Joseph Nicolas, op.cit., p.22
17
généreusement. La faculté des arts voit s’infiltrer une nouvelle interprétation d’Aristote :
l’averroïsme dont les thèses sur l’unité de l’intellect et l’Éternité du monde se doivent d’être
réfutées. L’enjeu est grand et les réponses de Saint Thomas feront de lui le « destructeur de
l’hérésie et le sauveur de la philosophie 54 ». Son entreprise fut de placer la pensée d’Aristote
au service de la révélation biblique, non comme syncrétisme mais comme levier
philosophique pour interpréter plus précisément l’Écriture, là où des siècles plutôt Saint
Augustin avait fait de même avec la philosophie de Platon. Saint Thomas Mourra jeune, à 49
ans et il laissera sur sa route en direction de l’éternité quelques phrases frappées de son intime
relation à Dieu. Il en est ainsi de son extase en dialogue avec Dieu « tu as bien écrit de moi,
Thomas, que veux-tu pour récompense ? », « vous seul seigneur » et encore : « comparé à ce
que j’ai vu, tout ce que j’ai écrit, me semble de la paille »55. Thomas ne mettait pas en dérision
ici son formidable travail de toute une vie, mais exprimait simplement l’ineffable beauté de
Dieu qu’il apercevait au seuil de sa vie.
Voici les choses que vous dites que les musulmans attaquent et ridiculisent : Ils ridiculisent
le fait que nous disons que le Christ est le fils de Dieu, alors que Dieu n'a pas d'épouse
(Coran 6:110 ; 72:3) ; et ils pensent que nous sommes fous de professer trois personnes en
Dieu, même si nous n'entendons pas par là trois dieux. Ils ridiculisent également notre
affirmation selon laquelle le Christ, le Fils de Dieu, a été crucifié pour le salut de la race
humaine (Coran 4:157-8), car si le Dieu tout-puissant a pu sauver la race humaine sans la
souffrance du Fils, il a également pu créer l'homme pour qu'il ne puisse pas pécher. Ils
reprochent également aux chrétiens leur prétention à manger Dieu sur l'autel, et que si le
corps du Christ était même aussi grand qu'une montagne, il aurait déjà dû être mangé. 56
54
Ibid. p.23
55
Marie-Joseph Nicolas, op.cit., p.24.
56
Pour l’édition de ce texte voir, Fehlner, Peter Damian, trans. On Reasons for Our Faith against the Muslims,
Greeks and Armenians. New Bedford, Mass. : Franciscans of the Immaculate, 2002.
Voir aussi Kenny, Joseph, trans. Reasons for the Faith against Muslim Objections (and one objection of the
Greeks and Armenians) to the Cantor of Antioch. Bilingual text,
www.logicmuseum.com/authors/aquinas/opuscula/deratione.htm.
Et pour un développement de la réponse thomasienne, issue de ce texte, à la question « pourquoi Dieu le Fils est-
il devenu homme ? », voir Nash H., trans. ‘Why Did God the Son Become Man?’ Life of the Spirit 1952: 245–
18
Dans la Somme Contre les Gentils nous trouvons certainement la critique thomasienne de
l’islam la plus frontale et la plus explicite. Il y explique que
Ainsi Mahomet, qui a séduit les peuples en promettant les voluptés charnelles, que la
concupiscence de la chair pousse à désirer. Relâchant la bride à la volupté, il a énoncé des
préceptes conforme à ses promesses, auxquels les hommes charnels sont prompts à obéir. 57
Il expriment encore que Muhammad « a entremêlé les vérités de son enseignement de
beaucoup de fables et de doctrines des plus fausses » et encore qu’« il n'a pas apporté de
preuves surnaturelles, les seules à témoigner comme il convient en faveur de l'inspiration
divine ». Pour Saint Thomas d’Aquin, ce sont ce type de preuves visibles, qui ne peuvent être
que l'œuvre de Dieu et qui prouvent « que le docteur de vérité est invisiblement inspiré. »
Il reproche encore à Muhammad d’avoir « prétendu au contraire qu'il était envoyé dans la
puissance des armes, preuves qui ne font point défaut aux brigands et aux tyrans. »
C’est donc au sujet de l’authenticité du prophétisme de Muhammad que Saint Thomas
interpelle son lecteur.
Aucun oracle divin des prophètes précédents ne témoigne non plus en sa faveur ; bien au
contraire, il déforme presque tous les témoignages (documenta) de l’Ancien et du Nouveau
Testament par des récits légendaires, comme le voit qui étudie sa loi. Aussi est-ce
astucieusement qu’il décida de ne pas laisser ceux qui le suivent lire les livres de l’Ancien
et du Nouveau Testament, pour ne pas être convaincu par eux de sa fausseté. Il est donc
évident que ceux qui ajoutent foi à ses paroles croient à la légère.58
Au-delà de ces premiers éléments, la confrontation entre la pensée de Saint Thomas D’aquin
et celle de l’islam se produit sur le plan philosophique au sujet de l’interprétation d’Averroès
sur la pensée d’Aristote. Thomas écrira Contre Averroès, lequel usait d’un langage nouveau,
et promouvait une conception de l’unicité (Tawhid) et de la souveraineté divine ôtant à
l’homme sa liberté propre. Il est question de l’unité de l’intellect, ou monopsychisme, en
somme de cet averroïsme59 qu’embrassent plusieurs chrétiens latins dans une appétence
hérétique de nouveauté. Il s’agit toutefois bien plus pour Thomas d’Aquin de redonner à
Aristote ses lettres de noblesse au service de la foi chrétienne qu’une réplique à la pensée
musulmane en tant que telle.
19
« La connaissance de la trinité est le fruit (fructus) et l’achèvement de toute une vie 60», Tel
est l’enjeu de notre sujet pour Saint Thomas d’Aquin. L’on comprend dès lors que Saint
Thomas en ait dédié une grande partie de sa vie et de son œuvre. Comprendre la théologie
trinitaire de Thomas d’Aquin est aussi l’œuvre de toute une vie, et certainement un privilège
de latiniste. C’est dans cette langue qu’il écrira plus de 20 000 pages couvrant tous les grands
domaines de la foi, et que le sens le plus pur de sa doctrine se retrouve. Il faut plus que tout
pouvoir saisir le langage de la somme théologique pour entrer dans le génie Thomasien. C’est
en tout cas son œuvre majeure aux vues de la majorité des spécialistes. Construite comme un
manuel pour les étudiants, comme une initiation à la théologie pour les « commençants61», la
summa peut toutefois paraître obscure en quelques points pour un lecteur de notre temps. Elle
se rend accessible à qui entreprend une lecture minutieuse. La Somme Contre les Gentils est
plus abordable et résume la pensée de Thomas de manière vivante. A cela devrait s’ajouter
une véritable étude de son commentaire sur les Sentences de Pierre lombard où le thème est
largement traité ainsi que de nombreux écrits moins importants où il développe sa pensée en
particulier dans son commentaire de l’évangile de Jean. Pour entrer dans cette initiation à la
pensée trinitaire de Saint Thomas, il nous semble alors que La Théologie trinitaire de Saint
Thomas d’Aquin de Gilles Emery est indispensable. Lui-même déclare à propos de la somme
Théologique que « l’excellente annotation rédigée autrefois par le père Hyacinthe Dondaine
demeure irremplaçable 62». Il s’y réfère fréquemment. Ce que nous aimerions fixer dans
l’esprit du lecteur avant de présenter le cœur de notre exposé est que la somme Théologique
jouit par sa structure interne d’une grande puissance explicative et d’une belle pertinence
didactique utile à notre entreprise. Précisions la. Dans la Somme Théologique, le sujet est
donné dans un titre court. Ensuite une série de quelques questions précisent l’enjeu du sujet
traité. Chacune de ses questions est ensuite reprise dans un article dédié qui se découpe en
quatre sous parties : « objection », « en sens contraire », « réponse », « solution ». Avec une
telle architecture, la Somme Théologique permet au lecteur une lecture suivie et détaillée de
chaque point important. Tout est fait pour que le lecteur aboutisse à une conclusion éprouvée.
Le dernier obstacle à lever concerne le vocabulaire de la somme Théologique car en
théologien scolastique Saint Thomas use de concepts philosophiques. On parle d’ailleurs
souvent à son crédit de « Théologie spéculative »63. Il est question par exemple d’« accident »,
de « cause », de « disposition », d’« espèce », de « mode » ou d’ « objet ». Les éditions du
60
Saint Thomas, Sent.d.2, exp.text.
61
Nicolas Marie Joseph.p.22.
62
Gilles Emery, La théologie trinitaires de Saint Thomas d’Aquin, Cerf, 2004, p.13.
63
Gilles Emery, p.29.
20
Cerf que nous privilégions mettent un vocabulaire détaillé de l’œuvre en amont à disposition
du lecteur pour remédier à cet obstacle. Nous tacherons d’en faire usage pour donner accès au
sens des citations que nous exploiterons dans l’exposé
C’est assez parlé des généralités entourant nos auteurs. Nous entrons maintenant dans la
controverse elle-même en donnant d’abord la parole à Ibn Taymiyya et à quelques
successeurs parmi nos contemporains au sujet de la trinité ayant relayé sa pensée.
Réfuter toutes les erreurs est difficile, pour deux raisons. La première, c'est que les
affirmations sacrilèges de chacun de ceux qui sont tombés dans l'erreur ne nous
sont pas tellement connues que nous puissions en tirer des arguments pour les
confondre. C'était pourtant ainsi que faisaient les anciens docteurs pour détruire les
erreurs des païens, dont ils pouvaient connaître les positions, soit parce qu'eux-
mêmes avaient été païens, soit, du moins, parce qu'ils vivaient au milieu des païens
et qu'ils étaient renseignés sur leurs doctrines. - La seconde raison, c'est que
certains d'entre eux, comme les Mahométans et les païens, ne s'accordent pas avec
nous pour reconnaître l'autorité de l'Écriture, grâce à laquelle on pourrait les
convaincre, alors qu'à l'encontre des Juifs, nous pouvons disputer sur le terrain de
l'Ancien Testament, et qu'à l'encontre des Hérétiques, nous pouvons disputer sur le
terrain du Nouveau Testament Mahométans et Païens n'admettent ni l'un ni l'autre.
Force est alors de recourir à la raison naturelle à laquelle tous sont obligés de
donner leur adhésion. Mais la raison naturelle est faillible dans les choses de
Dieu. Dans l'étude attentive que nous ferons de telle vérité particulière, nous
montrerons donc à la fois quelles erreurs cette vérité exclut, et comment la vérité
établie par voie démonstrative s'accorde avec la foi de la religion chrétienne.
Il y a en effet, sur Dieu, des vérités qui dépassent totalement les capacités de
l'humaine raison : que Dieu, par exemple, soit trine et un. Il y a, par contre, des
vérités auxquelles peut atteindre la raison naturelle : que Dieu, par exemple, existe,
qu'il soit un, etc. Ces vérités, même les philosophes les ont prouvées par voie
démonstrative, guidés qu'ils étaient par la lumière de la raison naturelle.
21
Nous ne connaissons vraiment Dieu, en effet, que si nous le croyons au-dessus de
tout ce que l'homme peut en concevoir, puisque la substance de Dieu, nous l'avons
vu, dépasse notre connaissance naturelle. Du fait que l'homme se voit proposer sur
Dieu des vérités qui dépassent sa raison, l'opinion où il est que Dieu est supérieur à
tout ce qu'il peut penser, s'en trouve confirmée. Une autre conséquence utile est la
régression de cette présomption qui est mère de l'erreur. Certains hommes en effet
s'appuient tellement sur leurs capacités qu'ils se font fort de mesurer avec leur
intelligence la nature tout entière, estimant vrai tout ce qu'ils voient, et faux tout ce
qu'ils ne voient pas. Pour que l'esprit de l'homme, libéré d'une telle présomption,
pût s'enquérir de la vérité avec modestie, il était donc nécessaire que Dieu proposât
certaines vérités totalement inaccessibles à son intelligence.
Ceux qui ajoutent foi à une telle vérité, dont la raison humaine ne peut faire
l'expérience, ne croient pas à la légère, comme s'ils suivaient des fables
sophistiquées, pour reprendre le mot de la IIe Épître de Pierre. Ces secrets de la
Sagesse divine, la Sagesse divine elle-même, qui connaît parfaitement toutes
choses, a daigné les révéler aux hommes. Elle a manifesté sa présence, la vérité de
son enseignement et de son inspiration par les preuves qui convenaient, en
accomplissant de manière très visible, pour confirmer ce qui dépasse la
connaissance naturelle, des _uvres très au-dessus des possibilités de la nature tout
entière : guérison merveilleuse des malades, résurrection des morts, changement
étonnant des corps célestes, et, ce qui est plus admirable, inspiration de l'esprit des
hommes, telle que des ignorants et des simples, remplis du don du Saint Esprit, ont
acquis en un instant la plus haute sagesse et la plus haute éloquence. Devant de
telles choses, mue par l'efficace d'une telle preuve, non point par la violence des
armes ni par la promesse de plaisirs grossiers, et, ce qui est plus étonnant encore,
sous la tyrannie des persécuteurs, une foule innombrable, non seulement de simples
mais d'hommes très savants, est venue s'enrôler dans la foi chrétienne, cette foi qui
prêche des vérités inaccessibles à l'intelligence humaine, réprime les voluptés de la
chair, et enseigne à mépriser tous les biens de ce monde. Que les esprits des mortels
donnent leur assentiment à tout
Encore que Dieu, même de nos jours, ne cesse de confirmer notre foi par les
miracles de ses saints. Les fondateurs de sectes ont procédé de manière inverse.
C'est le cas évidemment de Mahomet qui a séduit les peuples par des promesses de
voluptés charnelles au désir desquelles pousse la concupiscence de la chair.
22
Lâchant la bride à la volupté, il a donné des commandements conformes à ses
promesses, auxquels les hommes charnels peuvent obéir facilement. En fait de
vérités, il n'en a avancé que de faciles à saisir par n'importe quel esprit
médiocrement ouvert. Par contre, il a entremêlé les vérités de son enseignement de
beaucoup de fables et de doctrines des plus fausses. Il n'a pas apporté de preuves
surnaturelles, les seules à témoigner comme il convient en faveur de l'inspiration
divine, quand une _uvre visible qui ne peut être que l'_uvre de Dieu prouve que le
docteur de vérité est invisiblement inspiré. Il a prétendu au contraire qu'il était
envoyé dans la puissance des armes, preuves qui ne font point défaut aux brigands
et aux tyrans. D'ailleurs, ceux qui dès le début crurent en lui ne furent point des
sages instruits des sciences divines et humaines, mais des hommes sauvages,
habitants des déserts, complètement ignorants de toute science de Dieu, dont le
grand nombre l'aida, par la violence des armes, à imposer sa loi à d'autres peuples.
Aucune prophétie divine ne témoigne en sa faveur ; bien au contraire il déforme les
enseignements de l'Ancien et du Nouveau Testament par des récits légendaires,
comme c'est évident pour qui étudie sa loi. Aussi bien, par une mesure pleine
d'astuces, il interdit à ses disciples de lire les livres de l'Ancien et du Nouveau
Testament qui pourraient le convaincre de fausseté. C'est donc chose évidente que
ceux qui ajoutent foi à sa parole, croient à la légère.
Foi et raison
Si la vérité de la foi chrétienne dépasse les capacités de la raison humaine, les
principes innés naturellement à la raison ne peuvent contredire cependant cette
vérité. Ces principes naturellement innés à la raison sont absolument vrais, c'est un
fait, tellement vrais qu'il est impossible de penser qu'ils soient faux. Il n'est pas
davantage permis de croire faux ce qui est tenu par la foi et que Dieu a confirmé
d'une manière si évidente. Seul le faux étant le contraire du vrai, comme il ressort
clairement de leur définition, il est impossible que la vérité de foi soit contraire aux
principes que la raison connaît naturellement.
SCG 4
A l'égard de Dieu, l'homme dispose donc d'un triple mode de connaissance : Le
premier consiste à remonter jusqu'à Dieu par l'intermédiaire des créatures et à la
seule lumière naturelle de la raison. Dans le deuxième, c'est la vérité divine, dans sa
transcendance par rapport à l'intelligence, qui descend jusqu'à nous par mode de
23
révélation, non pas qu'elle soit déjà démontrée jusqu'à l'évidence, mais seulement
offerte à notre foi. Dans le troisième mode enfin, c'est l'esprit humain qui sera élevé
jusqu'à la pleine intuition des vérités révélées. C'est à cette triple connaissance que
Job veut faire allusion dans les paroles que nous avons placées en tête de notre
chapitre. Il dit en effet : Voici ce qu'on a dit, ce n'est qu'une partie des voies de
Dieu -
Séances
https://books.google.fr/books?
id=1P7wDQAAQBAJ&pg=PT152&lpg=PT152&dq=Séances+d%27Elie+
+Cheikho&source=bl&ots=a4aPocqOHf&sig=ACfU3U1FAhaE_7m6blt5ZtOzleEyDDxouA
&hl=fr&sa=X&ved=2ahUKEwjOi6C7rd3wAhVqB2MBHZ4iCt0Q6AEwEHoECBIQAw#v=
onepage&q=Séances%20d'Elie%20%20Cheikho&f=false
Ce fût vraiment un grand plaisir de parler avec vous ce matin. Comme promis, voilà
une courte liste de ressources supplémentaires pour Rémi, ainsi qu'un lien à une
fiche google drive pour partager des PDFs sur le sujet.
24
- Rifaat Ebied & David Thomas, Muslim-Christian Polemic during the
Crusades (Brill, 2005). Je n'ai pas ce livre, mais j'ai accès à tous les chapitres du
livre à partir du JStor. J'ai mis quelques-uns des chapitres dans la fiche google.
- J. Hoover, "The Correct Answer to those who have changed the Religion of
Christ" (article in Christian-Muslim Relations)
- Didin Syaffruddin, masters Thesis, The Principles of Ibn Taymiyya's Quranic
Interpretation (inclus dans la fiche google en PDF)
Vous verrez que j'ai inclus, dans la fiche google, plus d'articles que ceux
mentionnés ici. Je me suis dit qu'ils me seront utiles. Voilà le lien:
Annexe 1
Taymiyya y la controversia religiosa medieval en torno a la inter- pretación del Corán’, Collectanea
Christiana Orientalia 6 (2009) 287–337 (pp. 315-33 contain a translation of the Jawāb 1964, ii, pp.
293-307; 1999, iv, pp. 53-75 on the interpretation of Q 3:59 and 4:171)
Answering those who altered the religion of Jesus Christ, abridged by Ahmad al-Tahhan, trans.
Muhammad Fadel, Umm al-Qura, Saudi Arabia: Umm al-Qura for Translation, Publishing and
Distribution, n.d., www.mohdy.name/pdfs/e057.pdf, accessed 10 April 2010
Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, ed. Sayyid ʿImrān, 4 parts in 2 vols, Cairo: Dār al-
Ḥadīth, 2005 (no sources are given for this edition)
Al-Jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, ed. Muḥammad Ḥasan Muḥammad Ḥasan Ismāʿīl, 2
vols, Beirut: Al-Maktaba l-ʿIlmiyya, 2003 (edited from MS Cairo and compared to the editions of
Riyadh: Dār al-ʿĀṣima, and Cairo: Maṭbaʿat al-Madanī)
Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, ed. Abū ʿAbd al-Raḥmān ʿĀdil ibn Saʿd, Cairo: Dār
Ibn al-Haytham, 2003
Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, ed. ʿAlī ibn Ḥasan ibn Nāṣir, ʿAbd al-ʿAzīz ibn
Ibrāhīm al-ʿAskar and Ḥamdān ibn Muḥammad al-Ḥamdān, 7 vols, Riyadh: Dār al-ʿĀṣima, 1993-94
25
(vols 1-6), 1999 (vol. 7), 2nd printing 1999 (good critical edition based on four manuscripts and earlier
printed editions)
Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, 4 parts in 2 vols, s.l.: Matābiʿ al-Majd al-Tijāriyya,
s.d. (apparently a reprint of Cairo, 1961-64, with identical pagination)
Michel, Response (best available translation; translates key passages totaling about one-third of the
Jawāb; revision of Michel’s 1978 dis- sertation that leaves out substantial introductory materials, some
of the translation, and the pagination of the Arabic text)
T.F. Michel, Ibn Taymiyya’s Al-jawáb al-ṣaḥíḥ. A Muslim theologian’s response to Christianity, 2
vols, Chicago IL, 1978 (PhD diss. Univer- sity of Chicago) (vol. 2 is a trans. of about one-third of the
Jawāb, keyed to the pagination of Cairo, 1964)
G. Troupeau, ‘Ibn Taymiyya et sa réfutation d’Eutychès’, Bulletin d’Études Orientales 30 (1978) 209-
20, pp. 212-20 (French trans. of the Jawāb (1905) iii, pp. 35-47; Jawāb (1999) iv, pp. 249-67)
Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al-Masīḥ, 4 parts in 2 vols, Cairo: Maṭbaʻat al-Madani,̄ 1961-64
(apparently a reprint of Cairo, 1905, with diffferent pagination)
Fuṣūl mukhtāra min al-faṣl fī l-milal wa-l-ahwāʾ wa-l-niḥal li-Ibn Ḥazm; Badhl al-juhūd fī l-radd ʿalā
l-Naṣārā wa-l-Yahūd, makhṭūṭ; Al-fāriq bayna l-makhlūq wa-l-Khāliq li-ʿAbd al-Raḥmān Bik
Bāchachīʾzādah; Al-jawāb al-ṣaḥīḥ li-man baddala dīn al- Masīḥ li-Taqī l-Dīn Ibn Taymiyya,
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