Le Fondement Juridique de La Responsabilité Pénale Du Dirigeant Social: Incidences Entre Droit Pénal Interne Et Droit Pénal Des Affaires Ohada
Le Fondement Juridique de La Responsabilité Pénale Du Dirigeant Social: Incidences Entre Droit Pénal Interne Et Droit Pénal Des Affaires Ohada
Le Fondement Juridique de La Responsabilité Pénale Du Dirigeant Social: Incidences Entre Droit Pénal Interne Et Droit Pénal Des Affaires Ohada
Par
Corneille MOUKALA-MOUKOKO
Magistrat Hors Hiérarchie
ECOLE REGIONALE SUPERIEURE DE LA MAGISTRATURE (ERSUMA)
THEME :
SOUS-THEME :
LA RESPONSABILITE PENALE
Corneille MOUKALA-MOUKOKO
1
INTRODUCTION
Le constat fait à ce jour démontre que sur les dix sept (17) pays qui constituent
actuellement l’espace Ohada, cinq (5) seulement ont déjà légiféré. Ces cinq pays
qui font office de pionniers sont le Sénégal, le Cameroun, la République
Centrafricaine, le Bénin et le Congo-Brazzaville.
Le Sénégal a prévu les peines à travers la loi n°98-22 du 26 mars 1998 portant
sur « les sanctions pénales applicables aux infractions contenues dans l’acte
uniforme relatif aux droits de sociétés commerciales et du groupement d’intérêt
économique ».
Le Cameroun par la loi n°2003/008 du 10 juillet 2003 portant « Répression des
infractions contenues dans certains actes uniformes Ohada ».
La République Centrafricaine a introduit « les sanctions relatives aux infractions
incriminées dans les actes uniformes Ohada » dans la loi n°10.001 du 06 janvier
2010 portant Code pénal Centrafricain.
Dans la loi n° 2011-20 du 12 octobre 2011 portant « lutte contre la corruption et
autres infractions connexes en République du Bénin », le législateur de ce pays a
incorporé aux chapitres X et XI « les infractions relatives aux Actes uniformes
de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en
Afrique(Ohada) » et « la banqueroute ».
La République du Congo qui avait ratifié le Traité Ohada en vertu de la loi n°17-
97 du 28 mai 1997, a pris la loi n°12-2013 du 28 juin 2013 portant « sanctions
pénales aux infractions prévues par les actes uniformes du traité de l’Ohada
relatifs au droit commercial général, au droit des sociétés commerciales et du
groupement d’intérêt économique, au droit comptable, au droit des sûretés et au
droit des procédures collectives d’apurement du passif ».
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Dans l’exposé des motifs du projet de la loi désormais adoptée, il est précisé que
cette loi est « un arsenal juridique complémentaire qui combine les peines
d’emprisonnement contenues dans le code pénal en vigueur en République du
Congo avec celles des amendes prévues par la nouvelle loi n°19-2005 du 24
novembre 2005 portant réglementation de la profession de commerçant en
République du Congo ». Et d’ajouter que « ces sanctions visent essentiellement
un objectif de dissuasion et de moralisation du milieu d’affaires ».
Sur ce point, on ne pouvait mieux dire car, à la lecture des peines d’amendes
édictées, on peut se demander quelles ont été les motivations fondamentales qui
ont guidé le gouvernement et le législateur congolais pour crever tous les
plafonds érigés par les autres Etats membres de l’Ohada avant eux.
Enfin, il est annoncé aussi que « cette législation est nécessaire dans le contexte
actuel de notre pays pour combler le vide juridique répressif existant et
atteindre par la sanction, la délinquance économique et financière de plus en
plus croissante et de plus en plus décriée tant par les pouvoirs publics que par
l’opinion ».
Dans le même ordre d’idées, le législateur sénégalais affirme que « la
pénalisation est faite pour se conformer au Traité Ohada mais les peines se
doivent d’être conformes au système pénal sénégalais ».
Le droit pénal des affaires Ohada est donc basé sur deux sources principales, à
savoir, la loi nationale retenue par le souci de protéger la souveraineté des Etats,
et les actes uniformes de l’Ohada ayant pour substratum le Traité.
Ce texte supranational consacre du coup un dualisme qui veut que les
incriminations soient prévues par un certain nombre d’Actes uniformes, tandis
que les sanctions y afférentes sont édictées par les Etats membres de l’Ohada.
Il y a du coup un éclatement voulu de l’élément légal de l’infraction.
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Jean-Jacques ROUSSEAU disait déjà de ce principe abstrait d’autorité suprême
que « la souveraineté est inaliénable, elle est indivisible ».
Grâce à la souveraineté, l’Etat s’interdit toute intervention ou autres diktats
venant d’ailleurs, et son autorité lui permet de mettre en exergue les pouvoirs
qu’il détient à l’intérieur de ses frontières. C’est de cette façon qu’il est habilité
à légiférer à travers des organes régulièrement installés et à rendre la justice par
le biais des juges œuvrant au sein des juridictions.
Cette considération avait inspiré les rédacteurs des instruments de l’Ohada qui,
dans le Traité, après avoir énuméré les matières qui entrent dans le domaine du
droit des affaires, n’ont pas osé y inclure le droit pénal des affaires
Mais la souveraineté n’est pas une notion si rigide qui contraindrait un Etat à
vivre en autarcie, se passant royalement d’autres nations. Loin s’en faut ! On ne
peut jamais se suffire à soi-même.
D’où, la nécessité d’abandonner parfois cet amour-propre étatique afin de
coopérer avec d’autres Etats ou institutions en contractant des engagements
internationaux lorsque l’intérêt commun l’exige.
C’est dans cette optique que plusieurs pays de la zone franc avaient
volontairement abandonné une portion de leur souveraineté en matière
législative et judiciaire, en vue de la création d’un cadre qui encouragerait les
opérateurs économiques nationaux et étrangers à investir dans un environnement
juridique et judiciaire propice à leurs affaires.
En effet, par le fait qu’ils ont accepté de signer le Traité, les Etats parties ont
librement accepté les limitations de leur souveraineté pour privilégier l’intérêt
régional. C’est ce qui justifie l’immixtion du droit Ohada dans
l’ordonnancement juridique des Etats-Parties qui ont donc l’obligation d’édicter
les sanctions applicables aux incriminations fixées.
.
Le constat fait révèle qu’il n’existe pas dans l’ordre communautaire un Acte
uniforme spécifique consacré aux infractions qui sont susceptibles d’être
commises dans le cadre économique. Des dispositions y relatives sont plutôt
disséminées dans plusieurs Actes uniformes de l’Ohada.
Fait singulier, l’Ohada n’a même pas voulu sacrifier à l’usage qui consiste à
intituler les incriminations qu’elle a créées.
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Dès lors, une action ou une abstention, si préjudiciable qu’elle soit à l’ordre
social, ne peut être sanctionnée par le juge que lorsque le législateur l’a visée
dans un texte et interdite sous la menace d’une peine. De toutes les règles qui
sont consacrées par le droit pénal, le principe de légalité est le plus important.
Il n’y a pas d’infraction, ni de peine sans un texte légal.
Sa troisième partie qui porte sur les « dispositions pénales » comporte vingt et
un (21) articles dans lesquels sont formulées les qualifications des infractions.
Les incriminations qui sont traitées dans l’Acte uniforme sur les sociétés
commerciales sont notamment celles qui ont trait à la constitution des sociétés
commerciales, à la gérance, à l’administration et à la direction d’icelles, à la
tenue des assemblées générales, aux modifications du capital des sociétés
anonymes, au contrôle, à la dissolution des sociétés, à la liquidation des sociétés
et aux infractions relatives à l’appel public à l’épargne.
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3- ceux qui sciemment, par simulation de souscription ou de versement ou
par publication de souscription ou de versement qui n’existent pas ou de
tous autres faits faux, auront obtenu ou tenté d’obtenir des souscriptions
ou des versements ;
4- ceux qui, sciemment, pour provoquer des souscriptions ou des versements
auront publié les noms de personnes désignées contrairement à la vérité
comme étant ou devant être attachées à la société à un titre quelconque ;
ceux qui, frauduleusement, auront fait attribuer à un apport en nature,
une évaluation supérieure à sa valeur réelle ».
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b) - LA PUBLICATION DE FAITS FAUX
Cette infraction est aussi réalisée en vue d’obtenir des souscriptions ou des
versements. Il s’agit de la publication de souscriptions ou de versements qui
n’existent pas ou de tous autres faits faux, et de la publication des noms de
personnes désignées contrairement à la vérité comme étant ou devant être
attachées à la société, à un titre quelconque.
Au regard de ce qui précède, on peut comprendre que les faits faux qui
entachent la déclaration doivent porter sur les souscriptions qui sont alors
fictives, ou encore sur les versements qui n’auront pas du tout été réalisés ou mis
à la disposition de la société.
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Le Cameroun punit cette infraction d’une peine d’emprisonnement de 3 mois à 3 ans et d’une
amende de 500.000 à 5.000.000 de francs cfa ou l’une de ces deux peines seulement.
La peine prévue en Centrafrique est de 1 an à 5 ans de prison et/ou une amende de 1.000.000
à 5.000.000 de francs cfa.
Pour le Bénin, la peine de prison varie entre 3 années et 10 années, et l’amende de 2.000.000
à 10.000.000 de francs Cfa.
Le Congo prévoit une peine d’emprisonnement allant de 6 mois à 2 ans et une amende de
100.000 à 10.000.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement.
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e) - L’ÉMISSION D’ACTIONS
L’article 886 dispose: « est constitutif d’une infraction pénale, le fait, pour les
fondateurs, le président-directeur général, le directeur général, l’administrateur
général ou l’administrateur général adjoint d’une société anonyme d’émettre
des actions avant l’immatriculation ou à n’importe quelle époque lorsque
l’immatriculation est obtenue par fraude ou que la société est irrégulièrement
constituée ».
Les irrégularités dont il est fait état constituent donc une condition, un
préalable à l’infraction. Ces irrégularités concernent l’inobservation de certaines
règles relatives à la constitution des sociétés anonymes, à l’émission avant
l’immatriculation ou à la suite d’une immatriculation frauduleuse.
En effet, l’émission d’actions est répréhensible si l’immatriculation fait défaut
ou si, d’une façon générale, les formalités de constitution ne sont pas
régulièrement accomplies. Il s’agit de l’émission avant l’immatriculation de la
société au Rccm, et de l’émission faite à toute époque si l’immatriculation est
faite en fraude.
La fraude s’entend comme une action révélant chez son auteur une volonté
manifeste de nuire à autrui ou de tourner certaines prescriptions légales.
L’immatriculation représente une étape fondamentale dans la vie sociale. Tant
que la société n’est pas enregistrée, ses actions ne doivent pas être émises : c’est
un principe.
Le délit est constitué même en l’absence de mauvaise foi, par le seul fait de
l’émission, dès lors qu’est établie l’existence de l’une des irrégularités exigées.
Peines : La peine selon la loi du Sénégal est d’une amende de 100.000 à 1.000.000 cfa.
Le Cameroun a prévu une peine allant de 3 mois à 3 ans de prison et une amende de 500.000 à
5.000.000 cfa ou l’une de ces deux peines seulement.
L’article 211 du Code pénal de la République Centrafricaine punit d’une peine
d’emprisonnement de 1 an à 5 ans et/ou d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 de francs.
L’art.65 de la loi Béninoise punit cette infraction de la peine d’emprisonnement allant de 3
ans à 10 ans et d’une amende de 2.000.000 à 10.000.000 de francs Cfa.
La République du Congo la punit d’une peine d’emprisonnement de 6 mois à 2 ans et d’une
amende de 100.000 à 10.000.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement.
La loi Sénégalaise ne prévoit en l’espèce qu’une simple peine d’amende somme toute
dérisoire, tandis que le Cameroun, la Centrafrique et surtout le Bénin et le Congo sont assez
répressifs.
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2) - DES INFRACTIONS LIEES AU FONCTIONNEMENT DES SOCIETES
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société, à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société ou entreprise dans laquelle
ils étaient intéressés directement ou indirectement ».
La peine en la matière, précise la loi, est de 2 mois à 5 ans et l’amende de 200.000 à
2.000.000 Cfa si le préjudice est inférieur ou égal à 10.000.000 Cfa.
L’article 8 de la loi congolaise punit d’un emprisonnement de 1 an à 5 ans et d’une amende de
300.000 à 30.000.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement, les dirigeants sociaux
auteurs de ce délit, tout en précisant qu’en cas de récidive, l’emprisonnement est porté à 10
ans et l’amende de 30.000.000 à 150.000.000 FCFA.
Les associés représentent, dans toute société, les porteurs de parts ou d’actions, à
qui la loi reconnaît un certain nombre de droits.
Les droits des associés ou des actionnaires au sein de la société dont ils sont les
propriétaires doivent être pénalement garantis.
Ces droits vont de la convocation de l’assemblée à la tenue de celle-ci, en
passant par l’exercice du droit de vote et l’accès à l’assemblée.
Cependant, l’Acte Uniforme ne fait état que de l’obstacle à l’accès à
l’assemblée. Et cette infraction est prévue par l’article 892 qui dispose :
« Encourent une sanction pénale, ceux qui, sciemment, auront empêché un
actionnaire ou un associé de participer à une assemblée générale ».
Ce délit nouveau punit l’entrave à la participation à une assemblée
d’actionnaires, et cette infraction vise les dirigeants sociaux, en premier lieu,
mais également tous ceux qui ont empêché sciemment un actionnaire de
participer à une assemblée. L’infraction sera réalisée même si aucune décision
n’a été prise par l’assemblée.
Peines : - La peine au Sénégal se situe entre 3 mois et 2 ans de prison et 100.000 à 1.000.000
cfa d’amende ou l’une de ces deux peines seulement.
La loi Camerounaise fixe une peine de prison allant de 3 mois à 2 ans et une amende de
500.000 à 1.000.000 cfa ou l’une des deux peines.
La loi pénale Centrafricaine punit de la peine de 6 mois à 2 ans et d’une amende allant de
100.001 à 2.000.000 cfa ceux qui empêché un actionnaire ou un associé de participer à une
assemblée générale.
Le Bénin fixe la peine de prison de 2 mois à 1 an et l’amende de 500.000 à 5.000.000 Cfa ou
l’une de ces deux peines seulement, « sans préjudice des réparations civiles », renchérit-elle.
Au Congo, la peine se limite à l’amende qui est de 100.000 à 1.000.000 de francs CFA.
Afin d’empêcher les dirigeants sociaux de se livrer à des actes tendant à aliéner
le patrimoine social, le législateur a prévu des mécanismes de contrôle de
gestion. Le contrôle est en principe exercé dans la société par un ou plusieurs
commissaires aux comptes.
Le contrôle des comptes sociaux est devenu une obligation légale d’ordre public.
Répondant à un souci de transparence, il garantit la fiabilité de l’information
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financière donnée aux actionnaires, aux investisseurs et plus globalement, au
public. Ce contrôle est permanent, les commissaires aux comptes pouvant
procéder à toute époque de l’année à tous contrôles qu’ils jugent opportuns.
L’obstacle au contrôle concerne les dirigeants sociaux qui le feraient dans le
dessein de l’empêcher s’ils ont commis des actes délictueux.
Cette action peut se traduire par le défaut de désignation des commissaires aux
comptes, ou, s’ils les ont désignés, de ne pas les convoquer aux assemblées
générales. Ils peuvent aussi faire obstacle à leurs vérifications d’usage ou leur
refuser la communication des documents utiles pour l’accomplissement de leur
mission. Cela se comprendrait mal dès lors que l’article 694 A.u.s.c édicte que
« le contrôle est exercé dans chaque société anonyme par un ou plusieurs
commissaires aux comptes ».
En tant que contrepoids des dirigeants sociaux, les commissaires aux comptes ne
sont pas toujours les bienvenus pour ces derniers, parfois enclins à une gestion
peu orthodoxe de la société. C’est pourquoi, ils peuvent être amenés
volontairement ou par négligence, à s’opposer à leur désignation ou à s’abstenir
de provoquer cette désignation.
Et s’ils sont légalement nommés, ils peuvent ne pas les convoquer aux
assemblées générales et ainsi les empêcher d’exercer leur mission de contrôle,
de vérifications ou leur refuser la communication de documents.
Pour prévenir ces comportements nuisibles à la structure, le législateur Ohadien
menace de sanctions pénales « les dirigeants sociaux qui n’auront pas provoqué
la désignation des commissaires aux comptes de la société ou ne les auront pas
convoqués aux assemblées ».
Le délit a pour auteurs les dirigeants sociaux. Sa finalité est de sanctionner les
dirigeants qui entreprennent de faire échapper leur gestion comptable et
financière au contrôle des commissaires aux comptes.
La loi prévoit un autre type d’obstacle au contrôle : c’est l’obstacle aux
vérifications ou le refus de communication des documents.
Dans ce sens, l’article 78 de la loi Béninoise dispose qu’ « encourent une peine
d’emprisonnement de 1 an à 5 ans et une amende de 1.000.000 à 5.000.000 Cfa,
les dirigeants sociaux et toutes personnes au service de la société qui,
sciemment, auront fait obstacle aux vérifications ou au contrôle des
commissaires aux comptes ou qui auront refusé la communication, sur place, de
toutes les pièces utiles à l’exercice de leur mission et notamment de tous
contrats, livres, documents comptables et registres de procès-verbaux ».
L’infraction peut être commise par toute personne au service de la société qui
refuserait toute vérification ou ne communiquerait pas les pièces utiles comme
les contrats, les livres, les documents comptables et les registres des procès-
verbaux.
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La jurisprudence assimile même au refus proprement dit, la simple réticence à
fournir des explications, l’atermoiement inexcusable, la production partielle des
documents.
Sanctions : La peine de prison prévue au Sénégal pour cette infraction prévue à l’article 897
de l’Acte uniforme varie entre 1 mois et 1 an et une amende de 100.000 à 1.000.000 cfa ou
l’une de ces deux peines seulement.
Au Cameroun, la même infraction est sanctionnée d’une peine allant de 2 à 5 ans
d’emprisonnement et d’une amende de 500.000 à 5.000.000 cfa.
En Centrafrique, la peine prévue est de 6 mois à 2 ans de prison et/ou une amende de 500.000
à 2.000.000 cfa.
Au Bénin, la peine va de 1 an à 3 ans et l’amende de 1.000.000 à 10.000.000 cfa, « sans
préjudice des réparations civiles ».
Au Congo, la peine est une amende variant entre 100.000 à 150.000.000 FCFA.
L’article 889 AUSC déclare: « Encourent une sanction pénale, les dirigeants
sociaux qui, en l’absence d’inventaire ou au moyen d’inventaire frauduleux,
auront, sciemment, opéré entre les actionnaires ou les associés la répartition de
dividendes fictifs ».
Le dividende correspond à la part du bénéfice social que l’on attribue à chaque
actionnaire ou associé, et c’est après approbation des états financiers de synthèse
et constatation de l’existence de sommes distribuables que l’assemblée générale
détermine la part du bénéfice à distribuer, selon le cas, aux actions et aux parts
sociales.
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Ceci étant, tout dividende distribué en ne suivant pas cette procédure est un
dividende fictif car la distribution de dividende est foncièrement liée à
l’existence du bénéfice. Lorsque le bénéfice fait défaut, le dividende va être
prélevé sur le capital de la société ou sur les réserves légales de la société. Or, le
capital social se caractérise par son intangibilité.
Ce délit trompe les associés et les investisseurs car il donne l’apparence d’une
fausse prospérité à la société. Il porte aussi gravement atteinte au droit de gage
des créanciers, les bénéfices fictifs étant des bénéfices prélevés sur le capital
social ou les réserves.
Le texte vise comme auteurs les dirigeants ayant opéré la répartition des
dividendes fictifs entre les actionnaires.
b) – LA COMMUNICATION DE LA COMPTABILITÉ
L’article 890 AUSC édicte: « encourent une sanction pénale, les dirigeants
sociaux qui auront sciemment, même en l’absence de toute distribution de
dividendes, publié ou présenté aux actionnaires ou associés, en vue de
dissimuler la véritable situation de la société, des états financiers de synthèse ne
donnant pas, pour chaque exercice, une image fidèle des opérations de
l’exercice, de la situation financière et de celle du patrimoine de la société, à
l’expiration de cette période ».
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La jurisprudence soutient que « la présentation est, non pas la connaissance
donnée du bilan à l’assemblée générale, mais la mise à la disposition des
actionnaires qui en est faite dans les quinze jours précédant l’assemblée
générale ».
Sanctions : Au Sénégal : 1 an à 5 ans de prison et 100.000 à 5.000.000 cfa. Les deux peines
sont obligatoirement prononcées.
Au Cameroun : 1 mois à 5 ans et l’amende de 1.000.000 à 10.000.000 cfa.
En Guinée, cette infraction peut être requalifiée en faux ou faux en écriture par le juge.
La peine varie entre 2 et 7 ans de prison et l’amende entre 100.000 et 5.000.000 de francs
guinéens.
En Centrafrique, la peine infligée varie entre 1 an et 5 ans et/ou une amende allant de
1.000.000 à 5.000.000 cfa.
Au Bénin, la loi fixe la peine d’emprisonnement de 3 ans à 10 ans et l’amende de 5.000.000 à
20.000.000 Cfa.
Au Congo, l’emprisonnement va de 1 à 5 ans et une amende de 300.000 à 30.000.000 FCFA
ou l’une de ces deux peines seulement.
L’article 901 AUSC est ainsi libellé: « encourent une sanction pénale, les
dirigeants sociaux qui, sciemment, lorsque les capitaux propres de la société
deviennent inférieurs à la moitié du capital social du fait des pertes constatées
dans les états financiers de synthèse :
- n’auront pas fait convoquer, dans les quatre mois qui suivent
l’approbation des états financiers de synthèse ayant fait apparaître ces
pertes, l’assemblée générale extraordinaire à l’effet de décider, s’il y a
lieu, la dissolution anticipée de la société ;
- n’auront pas déposé au greffe du tribunal compétent, inscrit au registre
du commerce et du crédit mobilier et publié dans un journal habilité à
recevoir les annonces légales, la dissolution anticipée de la société ».
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Les personnes dont les intérêts sont menacés lorsque la société est dissoute
méritent d’être protégées par le droit pénal. Celle-ci est dissoute dans deux
hypothèses dont la première est antérieure à l’opération et la deuxième
postérieure à cette dissolution.
Ce cas concerne les sociétés anonymes.
Elle est mise en œuvre lorsque les capitaux propres de la société deviennent
inférieurs à la moitié du capital social, du fait des pertes dûment constatées
dans les documents comptables. Le conseil d’administration ou le directoire,
selon le cas, est alors tenu de convoquer l’assemblée générale extraordinaire à
l’effet de décider, s’il y a lieu, la dissolution anticipée de la société. Pour que le
délit soit caractérisé, il faut nécessairement qu’il y ait perte de la moitié du
capital social. C’est la condition sine qua non.
Peines : Le Sénégal condamne les auteurs de ce délit d’une peine allant de 200.000 à
2.000.000 cfa d’amende.
Au Cameroun, la peine est de 2 ans à 5 ans de prison et l’ amende de 500.000 à 5.000.000 cfa
ou l’une de ces deux peines seulement.
En Centrafrique, cette infraction est réprimée d’une peine allant de 2 ans à 10 ans et/ou d’une
amende de 1.000.000 à 5.000.000 cfa.
Le législateur Béninois prévoit une peine de prison allant de 6 mois à 2 ans et une amende de
500.000 à 5.000.000 Cfa.
Au Congo, l’emprisonnement va de 6 mois à 2 ans et l’amende de 100.000 à 150.000.000
CFA ou l’une de ces deux peines seulement.
L’Acte uniforme relatif aux procédures collectives articule et fixe les procédures
collectives, singulièrement le redressement judiciaire et la liquidation des biens.
Pour ce faire, elle renferme plusieurs incriminations, doublées d’une procédure
pénale particulière à exercer à l’encontre des personnes mises en cause. Les
règles édictées concernent surtout la banqueroute et les infractions assimilées.
1) - LA BANQUEROUTE
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La banqueroute s’applique aux commerçants personnes physiques et aux
associés des sociétés commerciales qui ont la qualité de commerçants. Elle
concerne également les personnes physiques dirigeantes de personnes morales
assujetties aux procédures collectives et les personnes physiques représentantes
permanentes de personnes morales dirigeantes de personnes morales.
Le délit de banqueroute suppose un état de cessation de paiements, sans que cet
état soit nécessairement constaté par un tribunal commercial ou civil. Le rôle de
la cessation des paiements dans la qualification de l’infraction est capital.
En revanche, l’intervention du droit pénal devient justifiée quand le débiteur, en
état de cessation des paiements ou dont la situation est gravement compromise,
se livre à des agissements constitutifs de faits de banqueroute car de tels faits
portent atteinte, non seulement au droit de gage général des créanciers, mais
encore à l’ordre public, économique et commercial.
Pour que le délit de la banqueroute soit constitué, il faut réunir la qualité de
commerçant de l’agent pour les personnes physiques, et qu’il y ait ouverture
d’une procédure collective pour les sociétés.
On distingue la banqueroute simple et la banqueroute frauduleuse.
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- si, ayant été déclaré deux fois en état de cessation de paiements, en cinq
ans, ses procédures ont été clôturées pour insuffisance d’actifs.
Peines : La peine prévue pour ces infractions au Cameroun est de 1 mois à 2 ans de prison.
En Centrafrique, la peine est de 1 an à 5 ans de prison et/ou une amende de 1.000.000 à
5.000.000 cfa.
Au Bénin, la peine pour la banqueroute simple est de 2 ans à 5 ans et l’amende de 500.000 à
2.000.000 Cfa.
Au Congo, la banqueroute est punie aux articles du code pénal suivants :
Article 402 : « ceux qui, dans les cas prévus par le code de commerce seront déclarés
coupables de banqueroute, seront punis ainsi qu’il suit : les banqueroutiers frauduleux
seront punis de la peine des travaux forcés à temps ; les banqueroutiers simples seront punis
d’un emprisonnement d’un mois au moins et de deux ans au plus ».
Art.403 : « ceux qui, conformément au code de commerce, seront déclarés complices de
banqueroute frauduleuse, seront punis de la même peine que les banqueroutiers frauduleux ».
Art.404 : « les agents de change et courtiers qui auront fait faillite, seront punis de la peine
des travaux forcés à temps ; s’ils sont convaincus de banqueroute frauduleuse, la peine sera
celle des travaux forcés à perpétuité ».
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- a, sans autorisation du Président de la juridiction compétente, accompli
des actes interdits par la loi.
Sanctions : Au Cameroun, la peine prévue par la loi pour cette espèce est de 5 à 10 ans
d’emprisonnement.
En Centrafrique, la peine est de 2 ans à 10 ans de prison et/ou l’amende de 2.000.000 à
10.000.000 cfa.
La loi Béninoise punit les auteurs de la banqueroute frauduleuse à la peine de 5 ans à 10 ans et
une amende de 2.000.000 à 5.000.000 cfa.
Il est précisé que l’interdiction des droits mentionnés à l’article 30 de la loi n°
2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres
infractions connexes en République du Bénin pourra être prononcée à l’encontre
des banqueroutiers frauduleux.
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La loi congolaise n°19-2005 du 24 novembre 2005 portant loi règlementant
l’exercice de la profession de commerçant en République du Congo énumère les
infractions qui sont susceptibles d’être commises en matière commerciale et les
sanctions à infliger aux auteurs. Ainsi, l’article 40 dispose que « sont
considérées comme infractions à la présente loi :
- l’exercice temporaire des activités de commerce sans en avoir eu
l’autorisation ;
- l’exercice d’une activité de commerce sans avoir obtenu la carte
professionnelle de commerçant ;
- l’obtention de la carte professionnelle de commerçant sur la base de
fausses informations ;
- la non immatriculation au registre du commerce et du crédit mobilier ;
- le refus d’obtempérer aux injonctions consécutives aux actes
administratifs réglementés ;
- la modification, l’extension, le transfert, la cessation de toute activité de
commerce ou la cession d’un fonds de commerce en violation des
dispositions de la présente loi ;
- l’absence de comptabilité ;
- la non détention d’un compte bancaire ou assimilé ;
- la gestion des recettes générées par l’exercice du commerce en violation
des dispositions des articles 30 et 31 de la présente loi ;
- l’exercice du commerce par les personnes incapables, déchues ou
assumant des fonctions incompatibles ;
- l’absence de l’enseigne visible ou lumineuse ;
- la non assurance de l’emploi, à compétence égale, prioritairement à la
main d’œuvre nationale ;
- la non immatriculation auprès des administrations et institutions, telles
que prévues à l’article 18 de la présente loi.
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- à une peine d’emprisonnement ferme, pour vol, abus de confiance,
escroquerie, faux et usage de faux ;
- aux peines pour délits fiscaux, douaniers et économiques ;
- aux peines pour faillite ou banqueroute ».
Enfin, l’article 44 déclare que « tout commerçant, condamné à l’une des peines
mentionnées à l’article 43 de la présente loi, doit cesser ses activités dès que la
condamnation est définitive ».
Sont donc concernés, les dirigeants qui, au regard des dispositions de l’article
231 de l’Acte uniforme sur les procédures collectives ont :
- consommé de sommes d’argent appartenant à la personne morale en
faisant des opérations fictives ou de pur hasard ;
- dans l’intention de retarder la constatation de la cessation des
paiements de la personne morale, fait des achats en vue d’une revente au-
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dessous du cours ou dans la même intention, employé des moyens ruineux
pour se procurer des fonds.
- Après cessation des paiements de la personne morale, payé ou fait payer
un créancier au préjudice de la masse ;
- Fait contracter par la personne morale, pour le compte d’autrui, sans
qu’elle reçoive de valeurs en échange, des engagements jugés trop
importants eu égard à sa situation lorsque ceux-ci ont été contractés;
- tenu ou fait tenir ou laissé tenir irrégulièrement ou incomplètement la
comptabilité de la personne morale ;
- omis de faire au greffe de la juridiction compétente la déclaration de
l’état de cessation des paiements de la personne morale dans les 30jours ;
- en vue de soustraire tout ou partie de leur patrimoine aux poursuites de la
personne morale en état de cessation de paiement, ou à celle des associés
ou des créanciers de la personne morale, détourné ou dissimulé, tenté de
détourner ou de dissimuler une partie de leurs biens ou qui se sont
frauduleusement reconnus débiteurs de sommes d’argent qu’ils ne
devaient pas.
Peines : Le Cameroun prévoit une peine allant de 1 mois à 2 ans de prison contre ces
dirigeants.
L’article 238 du Code pénal Centrafricain punit les coupables de ces faits d’une peine
d’emprisonnement de 1 an à 5 ans et/ou d’une amende de 1.000.000 à 5.000.000 cfa.
Le Bénin fixe la peine de 2 ans à 5 ans de prison et 500.000 à 2.000.000 Cfa d’amende.
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Sanctions : Au Cameroun, la peine prévue est de 5 ans à 10 ans.
En République Centrafricaine, elle va de 5 ans à 10 ans de prison et/ou une amende de
2.000.000 à 10.000.000 cfa.
Au Bénin, le quantum est de 5 ans à 10 ans de prison et 2.000.000 à 5.000.000 Cfa d’amende.
Sanctions : La peine prévue dans la législation Camerounaise pour sanctionner ce délit varie
entre 5 et 10 ans d’emprisonnement.
Au Bénin : la peine va de 5 à 10 ans de prison et une amende de 2.000.000 à 5.000.000 Cfa.
• Les autres infractions sont prévues aux articles 240 et suivants de l’Acte
uniforme sur les procédures collectives.
Certes, ces « autres infractions » ne concernent pas les dirigeants sociaux, mais
dans l’intérêt de l’étude, il m’a paru nécessaire d’en parler afin de mesurer les
débordements du législateur Ohada dont la prééminence sur le droit national ne
fait l’ombre d’aucun doute.
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L’article 240 dispose « sont punies des peines de la banqueroute frauduleuse :
Sanctions : Dans la législation Camerounaise, la peine fixée est de 5 ans à 10 ans de prison.
Dans celle du Bénin, elle est de 5 à 10 ans de prison et 2.000.000 à 5.000.000 Cfa d’amende.
Peines : Au Cameroun les peines varient entre 1 an et 3 ans, et l’amende de 50.000 à 250.000
cfa ou l’une de ces deux peines seulement.
Au Congo, selon l’article 34 de la loi, la peine de prison est de 6 mois à 2 ans et l’amende de
100.000 à 1.000.000 FCFA ou l’une de ces deux peines seulement.
Il n’est pas inutile de souligner quand même que s’agissant de cet concept
« d’incapable », l’article 349 du code pénal congolais qui date de la période de
l’Afrique Equatoriale Française et n’a jamais été actualisé, dispose que « ceux
qui auront exposé ou fait exposer, délaissé ou fait délaisser, en lieu solitaire, un
enfant ou un incapable hors d’état de se protéger lui-même à raison de son état
physique ou mental, seront, pour ce seul fait, condamnés à un emprisonnement
d’un (1) an à trois (3) ans et à une amende de 4.000 francs à 240.000 francs ».
L’article 350 ajoute que « la peine portée au précédent article sera de 2 à 5 ans
et l’amende de 12.000 francs à 480.000 francs contre les ascendants ou toutes
autres personnes ayant autorité sur l’enfant ou l’incapable, ou en ayant la
garde ».
Les articles suivants font état de l’exposition ou du délaissement de l’enfant ou
de l’incapable qui aura été suivi d’une maladie ou d’une incapacité de plus de 20
jours dont la peine serait portée au maximum. Et si l’enfant ou l’incapable a été
mutilé ou est devenu estropié, ou atteint d’une infirmité permanente, les
coupables subissent la peine de la réclusion.
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L’Ohada réprime aussi le syndic d’une procédure collective qui :
- « exerce une activité personnelle sous le couvert de l’entreprise du
débiteur masquant ses agissements ;
- dispose du crédit ou des biens du débiteur comme ses biens propres ;
- dissipe les biens du débiteur ;
- poursuit abusivement et de mauvaise foi, dans son intérêt personnel, soit
directement, soit indirectement, une exploitation déficitaire de
l’entreprise du débiteur ;
- se rend acquéreur pour son compte, directement ou indirectement, des
biens du débiteur ».
Les peines ainsi prévues sont donc celles de l’abus de confiance tel que prescrites par le
législateur Ohada.
Est également puni des peines prévues pour les infractions commises au
préjudice d’un incapable, le créancier qui :
- « après la cessation des paiements de son débiteur, aura stipulé avec lui
ou avec toute autre personne, des avantages particuliers à raison de son
vote dans les délibérations de la masse ;
- aura fait un trait particulier duquel il résulterait en sa faveur un
avantage à la charge de l’actif du débiteur à partir du jour de la décision
d’ouverture de la procédure collective ».
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Il convient de souligner que si théoriquement, l’incompétence de l’Ohada est
reconnue en matière de fixation des peines, on constate que concrètement,
l’Ohada a bel et bien le pouvoir de fixer les peines de façon explicite,
notamment les peines complémentaires qui sont des peines qui peuvent s’ajouter
aux peines principales lorsque la loi les a prévues et que les juges les prononcent
en conséquence.
Cette allégation est confirmée dans les dispositions de l’article 246 AUPCAP
qui déclare que « sans préjudice des dispositions relatives au casier judiciaire,
toutes décisions de condamnation rendues en vertu des dispositions du présent
titre sont, au frais des condamnés, affichées et publiées dans un journal
habilité à recevoir les annonces légales ainsi que, par extrait sommaire, au
journal officiel mentionnant le numéro du journal d’annonces légales où la
première insertion a été publiée ».
Certains pays comme la Côte d’Ivoire, le Benin et le Congo énumèrent dans leur
code pénal les peines complémentaires.
On peut citer la confiscation générale ; la confiscation spéciale ; la mise sous
séquestre ; la destitution militaire et la perte du grade ; la publicité de
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