TH 2010 Pest 2006
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Caroline Leroy
ECOLE DOCTORALE
Organisation, Marchés, Institutions - 207
Caroline LEROY
LE PACTE D’ACTIONNAIRES
DANS L’ENVIRONNEMENT SOCIÉTAIRE
En présence du Jury :
Art. Article
Bull. civ. Bulletin des arrêts des Chambres civiles de la Cour de Cassation
Chron. Chronique
Comm. Commentaire
Concl. Conclusion
D. Recueil Dalloz-Sirey
Ed. Edition
Infra Ci-dessous
3
N° Numéro
Obs. Observations
S. Suivant(s)
Spéc. Spécialement
Supra Ci-dessus
S. Recueil Sirey
SOMMAIRE
(Une table des matières figure à la fin de l’étude)
TITRE 1. LES PACTES CARACTERISES PAR UNE DEPENDANCE MARQUEE .... 145
TITRE 2. LES PACTES CARACTERISES PAR UNE DEPENDANCE MODEREE .... 217
*
La cause est ici retenue sous ses acceptions de cause efficiente et catégorique et de cause-fonction.
5
INTRODUCTION
1 - La recherche d’un « juste milieu »1, en droit des sociétés, entre le respect de la
liberté contractuelle et la protection assurée par l’ordre public mobilise toutes les
attentions : celle du législateur, de la jurisprudence et de la doctrine et préoccupe les
acteurs du monde des affaires depuis plusieurs dizaines d’années.
Conçue à l’origine comme le résultat d’un contrat librement négocié, la société s’est
fortement institutionnalisée au cours du XXème siècle. De l'encadrement stricte par le
législateur de 1966 des règles de fonctionnement des sociétés, s’agissant en particulier
de la société anonyme, il résulte un manque de souplesse statutaire2 inadapté aux
besoins des entreprises et dénoncé depuis longue date3.
Les nombreuses règles impératives qui relèvent de l’ordre public sociétaire visent
notamment à protéger les tiers, créanciers sociaux, qui sont amenés à traiter avec la
société ainsi que les actionnaires minoritaires4. Si cette protection, recommandée par le
Traité de Rome5, est bien légitime, l’importance et la rigidité de la réglementation à
laquelle elle a donné lieu en droit français, spécialement en matière de sociétés
anonymes, présente le risque d’étouffer le développement des sociétés6.
Une souplesse dans l’aménagement du fonctionnement des sociétés s’avère en effet
indispensable pour permettre à ces dernières, acteurs du marché, de suivre et de
participer au développement économique des affaires dans un contexte international
concurrentiel7. Or, cette flexibilité ne peut venir que de la liberté contractuelle. Ainsi que
l’a exprimé le doyen Carbonnier, « la liberté contractuelle est la face juridique de cette loi
économique de marché »8. Un courant favorable au renouveau contractuel a ainsi
émergé9 et donné lieu à un phénomène de « contractualisation du droit des sociétés »10,
né de la pratique et conforté par plusieurs interventions du législateur.
1
J.-P. Bertrel, « Liberté contractuelle et sociétés – Essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des
sociétés », RTD com., 1996, p.595 et B. Saintourens, « La flexibilité du droit des sociétés », RTD. com.,
1987, p. 457.
2
Y. Chaput, « La liberté et les statuts », Rev. sociétés, 1989, p. 311.
3
Ph. Bissara, « L’inadaptation du droit français des sociétés aux besoins des entreprises et les aléas des
solutions », Rev. sociétés, 1990, p. 553.
4
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°9 et 200.
5
Art. 34-4 g du Traité de Rome.
6
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n°4 et s.
7
J.-J. Daigre, « Transformer les sociétés » in « De nouveaux espaces de liberté contractuelle », JCP - Cah.
dr. entr., 2/1995, p. 16.
8
J. Carbonnier, Droit et passion du droit sous la Ve République, Flammarion, Forum, 1996, p. 177, cité par
J.-P. Bertrel, op. cit., n°1.
9
A. Couret, « Les apports de la théorie micro-économique moderne à l’analyse du droit des sociétés », Rev.
sociétés, 1983, p. 243.
6
10
D. Schmidt, Rapport de synthèse, in « La stabilité du Pouvoir et du Capital dans les sociétés par
actions », Colloque de Deauville, RJ. com., 1990, p. 180. Sur cette question, voir notamment M.-Ch.
Monsallier, op. cit.; S. Schiller, Les limites de la liberté contractuelle en droit des sociétés, les connexions
radicales, LGDJ, 2002 ; Y. Guyon, op. cit ; F.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés
dynamisme et paradoxes, Revue Banque Edition, 2003 et G. Goffaux-Callebaut, « Du contrat en droit des
sociétés : essai sur le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés », éd. L’Harmattan, 2008.
11
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°2.
12
La loi tient toutefois compte de l’existence des pactes d’actionnaires pour leur faire produire certains
effets, notamment en matière de comptes consolidés (art. L 233-16 C. com.) et de sociétés contrôlées (art.
L 233-3 C. com.).
13
Notamment art. L 233-10 C. com. (définition de l’action de concert) et art. L 233-11 C. com. (obligation
d’information des marchés financiers).
14
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, p. 781, note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004,
Bull. Joly, 2004.544, note P. Le Cannu.
15
D. Martin et L. Faugérolas, « Les pactes d’actionnaires », JCP, éd. G, 1989. I. 3412 ; G. Parléani, « Les
pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1 ; S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de
valeurs mobilières, Litec, 1992 ; Y. Guyon, op. cit. et D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-statutaires
entre associés, PUAM, 1993.
16
Art. L 227-1 et s. C. com.
17
Loi n°2008-776 du 4 août 2008, dont l’article 59 a ssouplit davantage les conditions de constitution (voir
notamment, la suppression de l’exigence d’un capital social minimum) et de fonctionnement de la SAS.
18
Art. L 227-2 C. com. La SAS peut toutefois, depuis l’ordonnance n°2009-80 du 22 janvier 2009 relative à
l’appel public à l’épargne qui a complété l’art. L 227-2 C. com., procéder à des offres réservées à des
investisseurs qualifiés ou à un cercle restreint d’investisseurs.
7
grande liberté pour organiser dans les statuts le fonctionnement de la société ainsi que
la condition d’associé.
Par la suite, dans le cadre de la réforme du régime des valeurs mobilières opérée par
l’ordonnance du 24 juin 200419, le législateur a créé les actions de préférence20 dont le
régime a quelque peu été assoupli par la loi de Modernisation de l’économie du 4 août
2008 précitée21. Ces actions peuvent être assorties d’une grande variété de droits
particuliers, d’ordre pécuniaire et extra-pécuniaire, déterminés dans les statuts par les
actionnaires.
Mais la création de la SAS et des actions de préférence, de même que
l’assouplissement législatif apporté par ailleurs de manière ponctuelle par le
dégagement d’interstices de liberté contractuelle, à certaines règles régissant les statuts
de sociétés anonymes, ainsi notamment de l’admission par l’ordonnance du 24 juin
2004 précitée22 des clauses d’agrément applicables aux cessions entre actionnaires23,
n’ôte rien au caractère prépondérant de l’ordre public sociétaire dans la réglementation
des sociétés par actions. On constate d’ailleurs que le recours aux pactes d’actionnaires
demeure très important en pratique et continue de se développer.
Le droit contemporain des sociétés est ainsi caractérisé par l’existence d’une dynamique
favorable à une plus grande souplesse, grâce à la liberté contractuelle, sur fond d’une
approche institutionnelle de la discipline24, marquée par le maintien d’un bloc de règles
impératives et la « prolifération d’une réglementation de plus en plus en plus
tatillonne »25. Cela révèle le paradoxe inhérent à la méthode législative employée,
consistant, dans l’objectif affiché d’assouplir le système, à le réglementer26.
19
Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réfo rme du régime des valeurs mobilières émises par les
sociétés commerciales, suivie du décret 2005-112 du 10 février 2005 qui en a fixé les modalités
d’application.
20
Art. L 228-11 et s. C. com.
21
Loi n°2008-776 du 4 août 2008 suivie de l’ordonnan ce n°2008-1145 du 6 novembre 2008.
22
Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004, précitée .
23
Art. L 228-23 et s. C. com.
24
Voir notamment, B. Oppetit, « Les tendances actuelles du droit des sociétés français », Journées franco-
bulgares, Bull. soc. legisl. comp., 1989, p. 108 et s.
25
Y. Guyon, op. cit., p. 7. Voir également G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n° 1 et 4.
26
En ce sens, P. Bézard, Préface à F.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés
dynamisme et paradoxes, op. cit., p. 12 (citant, à titre d’exemple, la loi NRE du 15 mai 2001 « empreinte
tout à la fois d’un esprit libéral et dirigiste »).
8
27
Les pactes d’actionnaires stricto sensu constituent une sous-catégorie particulière au sein de la catégorie
plus large des conventions ou pactes extra-statutaires, lesquels regroupent notamment, à côté des pactes
conclus entre actionnaires, ceux conclus par certains actionnaires avec la société, avec des dirigeants
sociaux, ou encore avec des tiers (voir Y. Guyon, op. cit., n°198 et s.).
28
En ce sens, J.-P. Bertrel, op. cit., n°21 et J Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée,
des pactes d’associés », commentaire sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045,
n°10. Voir également Y. Guyon, op. cit., n°199 ; M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés
ème
commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ, 2009, n°1623 et G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°328.
29
Le pacte est défini, d’une manière générale, comme une « espèce de convention, terme surtout employé
dans les expressions consacrées désignant des opérations d’une certaine solennité qui, en général,
établissent un ordre durable (paix des familles, chartre, traité des nations) ou engagent gravement l’avenir »
ème
(G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002).
30
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°199. Voir sur cette question, F. Lafay, « Le pa cte en droit privé,
convention autonome ? », Revue de la recherche juridique. Droit prospectif, 2006, n°115, p. 2265. Voir
également, G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°329.
31
En ce sens, S. Prat, op. cit., n°4.
32
A. Couret et Th. Jacomet, « Les pièges des pactes d’actionnaires : questions récurrentes et interrogations
à partir de la jurisprudence récente », RJDA, 10/08, p. 951, n°1.
33
Les constitutions de filiales communes, dénommées joint venture, sont fréquentes dans le secteur de
l’industrie. Elles consistent en le regroupement de deux entreprises partenaires dans le but de réaliser un
projet particulier en mettant leurs ressources en commun et en partageant les risques et les bénéfices qui
en résultent.
9
34
E. du Pontavice, Rapport introductif, in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », Colloque de Deauville, RJ com., 1990, p. 9. et s., spé. p. 11.
35
Voir notamment, J.-J Daigre, « Pacte d’actionnaires et capital-risque : Typologie et appréciation », Bull.
Joly, 1993, p. 157 et M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd.
EFE, 2003.
36
Devant l’ampleur du phénomène attendu, le législateur est intervenu pour autoriser la conclusion de
pactes d’actionnaires par les fonds communs de placement d’entreprises dans le but de faciliter la reprise
de ces entreprises par leurs salariés (Loi n°2006-1 770 du 30 décembre 2006 pour le développement de la
participation et de l’actionnariat des salariés instaurant l’alinéa in fine de l’article L 214-40 du Code
monétaire et financier).
37
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°12.
38
S. Prat, op. cit., n°354.
39
S. Prat, op. cit., n°8; G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°330 et P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau,
Dossier pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, F. Lefebvre, 2006, n°50.
10
7 - En effet, malgré les espaces de liberté contractuelle que la SAS et les actions de
préférence ont apportés aux statuts des sociétés par actions, seuls les pactes
d’actionnaires sont susceptibles de s’adapter au plus près des besoins des actionnaires.
A ce titre, les conventions extra-statutaires ont un périmètre d’application librement
ajustable selon qu’il s’agit de ne lier que deux ou plusieurs actionnaires et accueillent
naturellement les accords ciblés, destinés à satisfaire des besoins spécifiques, sujets à
évolution en fonction de paramètres conjoncturels.
En sus de cette souplesse, comparativement au formalisme requis pour individualiser
dans les statuts la situation de certains actionnaires ou modifier les dispositions
statutaires, les pactes d’actionnaires présentent un atout de confidentialité, tout au
moins dans les sociétés non cotées43, essentiel pour tout acteur du monde des affaires.
8 - Ce caractère occulte des pactes d’actionnaires et l’opacité qui entoure parfois les
véritables raisons de leur stipulation en marge des statuts, outre les avantages précités,
pourrait faire douter de leur validité44. Une attitude méfiante de la jurisprudence serait
justifiée au regard de la fraude consistant, pour certains actionnaires, à insérer leur
accord dans une convention extra-statutaire afin de tenter de soustraire ce dernier à
l’emprise de l’ordre public sociétaire. Dès lors, se pose la question de l’influence
qu’exerce l’environnement sociétaire sur la validité des pactes d’actionnaires. A titre
40
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°330 et P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, op. cit., n°50.
41
De nombreux pactes d’« associés » sont en effet conclus dans le cadre des SAS en raison des avantages
que ces derniers présentent par rapport aux aménagements statutaires. (A. Couret et Th. Jacomet, op. cit.,
n°3).
42
Sur cette question, voir Ph. Brunswick, « SAS et capital investissement : vers la fin des pactes
d’actionnaires extra-statutaires ? », D., 2000.595 ; B. Dondero, « Statuts de SAS et pactes extra-statutaires :
questions et confrontations », Bull. Joly, 2008, n°3, p. 245 et R. Kaddouch, « LBO : actions d e préférence ou
pactes d’actionnaires ? », JCP, éd. E, 2006.1953.
43
La confidentialité est exclue en matière boursière. Les pactes d’actionnaires qui comportent des
conditions préférentielles de cession ou d’acquisition portant sur au moins 5 % du capital ou des droits de
vote d’une société cotée doivent en effet être communiqués aux autorités financières, lesquelles en
assurent la publicité. (art. L 233-11 C. com.). Le non respect de cette publicité entraîne la suspension des
effets du pacte en période d’offre publique d’achat.
44
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°199 et F.-D. Poitrinal, op. cit., n°6.
11
10 - Par analogie avec la règle selon laquelle l’accessoire a vocation à suivre le sort
du principal53, cette dimension d’accessoire justifierait que le régime des pactes
d’actionnaires subisse l’influence du cadre juridique auquel est soumis le contrat de
45
Y. Guyon, op. cit., n°198; G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°366.
46
J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, Coll. Pratique des Affaires, 1995,
n°34.
47
Y. Guyon, op. cit., n°230.
48
« L’objet du contrat, la condition d’associé, caractérise un lien fondamental avec la société » (G. Goffaux-
Callebaut, op. cit., n°12).
49
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°198 (à propos des conventions extra-statutaires en général, ce qui inclut
le pacte d’actionnaires), et, de manière moins nuancée, s’agissant du pacte d’actionnaires spécifiquement,
n°230.
50
J. Moury, op. cit., n°10.
51 ème
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002.
52
« L’accessoire s’ajoute au principal et lui est subordonné ». « Distinct du principal et cependant lié, il
s’ajoute sans s’y absorber ». (G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°22
et 23).
53
Selon l’adage accessorium sequitur principale. Pour, une application de cette règle au cautionnement,
voir notamment, M. Cabrillac, « Les accessoires de la créance » in Etudes A. Weill, Dalloz - Litec, 1983, p.
107 et s.; D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001 et Ch. Juillet, Les
accessoires de la créance, Defrénois, T39, 2009.
12
société, à savoir le droit des sociétés et, en particulier, l’ordre public sociétaire. Si cette
proximité du pacte d’actionnaires au contrat de société est telle que les intérêts
supérieurs que la réglementation impérative du droit des sociétés tend à protéger au
sein du contrat de société se trouvent menacés par la conclusion du pacte, alors le
pacte d’actionnaires doit certainement respecter l’ordre public sociétaire.
La Cour de cassation valide en effet les conventions extra-statutaires entre actionnaires,
sous le visa de l’article 1134 du Code civil, « lorsqu’elles ne sont pas contraires à une
règle d'ordre public, à une stipulation impérative des statuts ou à l'intérêt social »54. On
retrouve l’influence de la réglementation impérative du droit des sociétés dans ces trois
conditions générales de validité des pactes d’actionnaires. La première condition, qui
vise la non-contrariété à une règle d’ordre public, inclut à l’évidence l’ordre public
sociétaire. La seconde condition, relative à la non-contrariété à une stipulation
impérative des statuts fait à nouveau référence à l’ordre public sociétaire dès lors que,
non seulement les statuts doivent eux-mêmes respecter les règles impératives qui
forment cet ordre public, mais encore, constituent une norme sociétaire
hiérarchiquement supérieure aux conventions extra-statutaires. Enfin, la troisième
condition imposant la non-contrariété à l’intérêt social renvoie à l’un des concepts les
plus flous du droit des sociétés55, auquel le juge a fréquemment recours pour préserver
la finalité économique que le droit assigne au contrat de société56, ce qui devrait
conférer à cette condition le caractère impérieux de l’ordre public sociétaire. Ces
conditions générales de validité des pactes d’actionnaires font a priori écho à une forme
de rapport d’accessoire à principal dans la dépendance du pacte au contrat de société
en ce que, d’une part, elles évoquent la subordination du pacte, dans son contenu, aux
dispositions statutaires ainsi que la soumission de ce dernier aux règles impératives
auxquelles le contrat de société est lui-même soumis, et induisent, d’autre part, que le
pacte doit respecter la finalité du contrat de société.
11 - La volonté des actionnaires paraît ainsi, même en dehors des statuts, limitée par
l’ordre public sociétaire. La recherche par la doctrine des bornes que connaît le
rayonnement de la liberté contractuelle dans le cadre du mouvement de
contractualisation du droit des sociétés a révélé que les pactes d’actionnaires
54
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, p. 781, note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004,
Bull. Joly, 2004.544, note P. Le Cannu, précités.
55
Voir notamment, A. Pirovano, « La “boussole” de la société ? Intérêt commun, intérêt social, intérêt de
l’entreprise », D., 1997, chron. 189 ; J.-P. Bertrel, “La position de la doctrine sur l'intérêt social”, Dr. et pat.,
1997, p. 42 ; A. Constantin, « L’intérêt social : quel intérêt ? », in Etudes offertes à B. Mercadal, F. Lefèbvre,
2002, p. 317 et G. Goffaux-Callebaut, « La définition de l’intérêt social, Retour sur la notion après les
évolutions législatives récentes », RTD. com., 2004, p. 35.
56
En ce sens, voir M.-Ch. Monsallier, op. cit., n°788 et s.
13
57
Y. Guyon, op. cit., n°200.
58
Sur le mouvement de contractualisation en général : Y. Guyon, op. cit. ; M.-Ch. Monsallier, op. cit. ; S.
Schiller, op. cit. ; F.-D. Poitrinal, op. cit. et G. Goffaux-Callebaut, op. cit. Sur les pactes d’actionnaires en
particulier : D. Martin et L. Faugérolas, « Les pactes d’actionnaires », op.cit. ; G. Parléani, op. cit ; S. Prat,
op. cit. ; D. Velardocchio-Flores, op. cit. ; J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN
Joly, 1995 et M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, op. cit. Voir également, A. Couret et Th. Jacomet, op. cit.
et B. Dondero, « Le pacte d’actionnaires : le contrat dans la société », in Dossier « Société et Contrat »,
Journ. sociétés, 2008, n°53, p . 42 et s.
59
S. Prat, op. cit, n°10.
60
V. Ranouil, La subrogation réelle en droit civil français, LGDJ, T. 187, 1985, p. 27. Il convient de distinguer
deux acceptions de ce concept. La théorie générale peut s’entendre 1/ du droit positif appliqué à une
matière donnée, lequel, s’il constitue un régime uniforme permet l’élaboration d’une théorie générale ou 2/
de toute construction intellectuelle relative à une matière déterminée, laquelle doit être organisée et
cohérente pour constituer une théorie synthétisant la pensée de son auteur en la matière. Sur ces
questions, voir, D. Martin, préface à L’opposabilité (Essai d’une théorie générale), J. Duclos, LGDJ, T. 179,
1984 et G. Cornu, préface à Les restitutions en droit civil, M. Malaurie, Cujas, 1991.
61
Même si, en ce domaine du droit des affaires, la part des contentieux soumis à l’arbitrage, par préférence
à la résolution judiciaire, est très importante.
62
P. Larrieu, « L'interprétation des pactes extra-statutaires », Rev. sociétés, 2007, p. 697.
63
Notamment, Y. Guyon, op. cit., n°201 et J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, op. cit., n°12.
14
du droit des sociétés, tels que les principes du droit de vote, de la libre négociabilité des
actions ou encore de la hiérarchie et de la spécialité des organes sociaux dans la
société anonyme, toute la difficulté réside dans le tri qu’il convient d’opérer entre les
principes absolus et les principes relatifs64.
12 - Il ne fait aucun doute que l’emprise de l’ordre public sociétaire sur le régime des
pactes d’actionnaires n’a de cesse de se réduire, au gré des assouplissements
législatifs venant atténuer la rigueur de cet ordre public d’une manière générale, et grâce
à une appréciation de la jurisprudence dans son ensemble favorable à la primauté de la
liberté contractuelle dans les relations individuelles entre actionnaires. Néanmoins, cette
pratique doit offrir une sécurité à la hauteur de l’importance des enjeux auxquels elle
répond.
La recherche d’une ligne directrice autour de laquelle s’articule le régime des pactes
d’actionnaires devrait contribuer à une appréhension plus sûre, par les rédacteurs de
pactes, des limites dans lesquelles il est possible de libérer les accords extra-statutaires
entre actionnaires de l’influence de l’ordre public sociétaire. Or, si les pactes
d’actionnaires sont dépourvus d’un régime uniforme, il ressort globalement de leur
hétérogénéité une tendance fondamentale : la variabilité de la force d’attraction65 que
ces derniers subissent vers le régime auquel le contrat de société est lui-même soumis.
La comparaison effectuée par le Professeur Guyon avec le système planétaire offre une
belle allégorie de cette tendance fondamentale : « Ces conventions […] subissent
néanmoins l’influence plus ou moins forte de l’existence de la société, un peu comme
des satellites ressentent plus ou moins selon leur éloignement l’attraction de l’astre
principal »66.
Notre propos est donc de caractériser la forme de rapport d’accessoire à principal que
recouvre la relation de dépendance dans laquelle le pacte d’actionnaires se place au
regard du contrat de société pour tenter de mesurer le degré d’emprise de
l’environnement sociétaire qui résulte pour les pactes de cette dimension d’accessoire.
13 - Cet axe de réflexion est en cohérence avec le choix de centrer notre étude sur
les pactes d’actionnaires stricto sensu au sein de la catégorie plus large des pactes
extra-statutaires67. En effet, si l’ensemble des pactes extra-statutaires subit, dans une
64
M.-Ch. Monsallier, op. cit., n°889 et s.
65
A rapprocher du concept d’accessoire : « Le régime de l’accessoire ne se confond pas avec le principal
mais il en subit l’attraction », G. Goubeaux, op. cit., n°23.
66
Y. Guyon, op. cit., n°198, à propos des conventions extra-statutaires en général et des pactes
d’actionnaires en particulier. A rapprocher du concept d’accessoire : « L’accessoire [est] juridiquement une
sorte de satellite gravitant dans l’orbite du principal », G. Goubeaux, op. cit., n°23.
67
Voir précisions supra et Y. Guyon, op. cit., n°198 et s.
15
14 - Par ailleurs, nous limiterons nos propos aux pactes d’actionnaires conclus dans
le cadre de la société anonyme. Cette forme sociale étant la plus fortement marquée par
l’ordre public sociétaire et donc la plus rigide, elle constitue le terrain de prédilection de
la conclusion de pactes d’actionnaires76 et révèle de la manière la plus évidente
l’influence que l’environnement sociétaire est susceptible d’exercer sur ces pactes77.
68
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°198.
69
Voir également, G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°12 et Y. Guyon, op. cit., n°200.
70
J. Moury, op. cit, n°10.
71
Sur cette question, voir G. Goffaux-Callebaut, op. cit., p. 351 et s.
72
Art. L 239-1 et s. C. com.
73
D. Velardocchio-Flores, op. cit, n°77 et s.
74
Le fiduciaire est certes propriétaire des titres qu’il porte mais il ne peut être considéré comme actionnaire
faute pour lui d’être partie au contrat de société. (En ce sens, voir F.-X. Lucas, « Précisions sur la
qualification de portage », Bull. Joly, 2007, p. 610, note sous Cass. com. 23 janvier 2007).
75
Loi n°2007-211 du 19 février 2007 modifiée et comp létée par la loi LME du 4 août 2008, l’ordonnance du
30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009.
76
Y. Guyon, op. cit., n°199 et G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°330.
77
Y. Guyon, op. cit., n°200 et G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°9 et 330.
16
influence sociétaire78. Nous exclurons donc de cette étude l’appréhension des pactes
d’actionnaires par le droit boursier79 en raison, non seulement, de la spécificité des
pactes d’actionnaires conclus dans le cadre des sociétés cotées80, lesquels intègrent
divers mécanismes liés aux offres publiques d’achat81, mais encore, de la spécificité de
la réglementation relative aux sociétés cotées82, lesquelles sont dotées d’un régime
spécial et autonome83. Des raisons de politique économique84 justifient en effet, qu’afin
de préserver le bon fonctionnement des marchés financiers, en assurant notamment la
transparence du marché ainsi que la sécurité des épargnants, le législateur encadre par
un certain nombre de règles spécifiques et contraignantes, de publicité85 en particulier,
les pactes auxquels ont très fréquemment recours les actionnaires de sociétés dont les
titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé.
78
Les interactions entre le droit des sociétés et le droit des obligations en général (sur lesquelles, voir
notamment M. Jeantin, « Droit des obligations et droit des sociétés » in Mélanges L. Boyer, Presse
Universitaire des Sciences sociales de Toulouse, I. 1996, p. 317) ou dans des domaines particuliers autres
que les pactes d’actionnaires ont fait l’objet de diverses études doctrinales (voir dernièrement, M. Caffin-
Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, Economica, 2009).
79
Sur cette question, voir notamment D. Ohl et F. Martin Laprade, « Pactes et sociétés cotées : étude de
certains effets perturbateurs du droit boursier sur le droit des contrats », Dr. et pat., 2009, n°186, p. 90 et s.
et P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, op. cit, n°350 et s.
80
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°384 et J.-J. Daigre, D. Bompoint et F. Basdevant, « Les pactes
d’actionnaires dans les sociétés cotées », Rev. sociétés, Actes prat., 7-8/2002, p. 1 et s., I (s’agissant des
parties au pacte).
81
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°384.
82
Voir toutefois J.-J. Daigre, D. Bompoint et F. Basdevant, op. cit., Introduction - 3, selon lesquels, la
fracture entre le régime des pactes d’actionnaires conclus dans les sociétés cotées et celui des pactes
conclus dans les sociétés non cotées ne tient pas tant au caractère coté de la société qu’à l’observation
d’une période d’offre publique pour cette dernière.
83
M. Germain, op. cit., n°2064. Malgré la conception unitaire du droit d es sociétés adoptée formellement par
le Code de commerce, le particularisme du régime des sociétés cotées est acquis et même renforcé depuis
la suppression de la notion d’appel public à l’épargne opérée par l’ordonnance n°2009-80 du 22 janvier
er
2009. Depuis le 1 avril 2009, l’admission aux négociations sur un marché réglementé est en effet devenue
une notion distincte et parfaitement autonome de l’offre au public.
84
Y. Guyon, op. cit., n°10 et 223 et G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°9.
85
Art. L 233-11 et L 225-100-3 C. com. Voir également art. L 233-10, -35, -36 et -38 C. com.
86
Voir G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°400. Exception faite de l’influence du principe d’intangibilité des
délibérations sociales sur l’exécution forcée des conventions de vote, en ce que ce dernier exclut
l’annulation d’une délibération prise en contradiction avec une convention de vote mais valable au regard du
droit des sociétés (sur cette question, voir A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée en droit des sociétés,
Economica, 2004, n°240 et s.).
87
Voir notamment, H. Le Nabasque, « L'exécution forcée des pactes d’actionnaires », avec le concours de
G. Terrier, Dr. sociétés, Actes prat., 14/1994; G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°427 et s.; A. Mignon-
Colombet, op. cit., n°207 et s.; E. Brochier, « L’exécution en nature d es pactes entre actionnaires :
observations d’un praticien », RDC, 2005, p. 125 et Y. Reihnard, « L’exécution en nature des pactes
d’actionnaires », RDC, 2005, p. 115.
88
Cette faiblesse est en partie justifiée par l’effet relatif des contrats (art. 1165 C. civ.), ces pactes étant,
sauf exception, inopposables à la société, aux actionnaires non signataires ainsi qu’aux autres tiers mais
17
ne faisant toutefois pas obstacle à une grande vitalité de la pratique observée depuis
plusieurs décennies89. Plus encore, un revirement jurisprudentiel amorcé en 200690 ainsi
que la réforme en cours du droit des contrats91 concourent à une affirmation du principe
de l’exécution forcée des conventions en droit commun, laquelle s’appliquera
naturellement aux pactes d’actionnaires. Ainsi, alors que la critique de l’inefficacité de la
sanction des pactes d’actionnaires s’essouffle, quelques doutes persistent, en droit
positif, s’agissant de la validité, au regard de la prohibition des clauses léonines, de
certaines stipulations figurant couramment dans les pactes tandis que des incertitudes
se sont élevées, à la suite de la jurisprudence récente, relativement à la durée des
pactes92 et au domaine de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil93 et sont au cœur
de l’actualité.
elle est surtout due à ce que le juge refuse en la matière, comme en droit des contrats en général, de
sanctionner par l’exécution forcée le non-respect des obligations de faire ou de ne pas faire stipulées dans
ces pactes (voir notamment Cass. com. 7 mars 1989, RTD civ., 1990, p. 70, note J. Mestre et J. Schmidt-
ème
Szalewski et Cass. 3 civ. 15 décembre 1993, Defrénois, 1994, art. 35845, obs. Ph. Delebecque).
89
Les ressorts de la technique contractuelle permettent en effet aux actionnaires de renforcer l’efficacité des
pactes. Voir notamment, E. Brochier, op. cit. ; G. Baffoy et R. Le Nénan, Travaux de la Quatrième
Commission : « Gérer les partenaires financiers et familiaux. » in Le patrimoine professionnel, méthode et
ème
perspectives, Rapport du 98 Congrès des Notaires de France, Cannes, 2002, n°41 77 et s.; G. de Ternay,
« Du bon usage de la clause de gestion (des titres) dans les conventions extra-statutaires à la lumière de
l’article 24 de l’ordonnance du 24 juin 2004 », JCP, éd. N, 2007. 1047 et G. Pillet, « L'efficacité des clauses
prévoyant l'exécution forcée en nature des promesses unilatérales de vente », JCP, éd. N, 2008, p. 1299,
ème
note sous Cass. 3 civ. 27 mars 2008.
90
Admettant la substitution du bénéficiaire du pacte de préférence inexécuté au tiers acquéreur de
mauvaise foi : voir Cass. ch. mixte 26 mai 2006, JCP, éd. G, 2006, n°36, II.10142, p. 1652, note L.
Leveneur; RTD. civ., 2006, chron. 1, p. 550, note J. Mestre et B. Fages, D. Velardoccio, Rev. Lamy Dr. aff.,
2006/8, n°406 et Defrénois, 2006, p. 1206, n°38433-41, obs. E. Savaux. Voir égal ement, Cour d’appel de
ème er
Paris 3 ch. A 1 juillet 2008, Rev. sociétés, 2008, p. 786, note D. Poracchia, infirmant Trib. com. Paris 25
juin 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1203, note F.-X. Lucas.
91
Voir « Observations sur le projet de réforme du droit des contrats », J. Ghestin (dir.), LPA, 2009, n°31 et
F. Terré (dir), Pour une réforme des contrats, Dalloz, Coll. Thèmes et commentaires, 2008. Voir également
Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, P. Catala (dir.). La documentation
française, 2006.
92
Cass. com. 6 novembre 2007, Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury, confirmant Cour d’appel de Paris
15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045, note J. Moury.
93
Cass. com. 4 décembre 2007 (deux espèces similaires) : pourvoi n°06-13912, Quilliard c/ Sté Arues
(publié au Bulletin), Rev. sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et
pourvoi n°06-13913, Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier et
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A. Couret
et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque.
18
dans la relation pacte - contrat de société. Or, à un fort degré de dépendance du pacte
d’actionnaires au contrat de société est logiquement associée une forte influence du
droit des sociétés, et notamment de l’ordre public sociétaire, sur le pacte.
La variabilité de la dimension d’accessoire du contrat de société que présente le pacte
commande ainsi divers degrés d’emprise de l’environnement sociétaire sur le régime du
pacte d’actionnaires (Partie II).
18 - Le pacte d’actionnaires est un contrat conclu entre personnes qui présentent une
qualité particulière, celle d’être actionnaire d’une même société, et à une fin spécifique
pour ces dernières, celle de préciser, en dehors des statuts, les relations qu’elles
entretiennent en cette qualité.
La conclusion d’un pacte d’actionnaires en complément du contrat de société conduit à
la coexistence d’un double réseau de relations entre les actionnaires signataires94.
L’aménagement par le pacte des relations individuelles que les partenaires entretiennent
en leur qualité réciproque d’actionnaire vient en effet s’ajouter aux relations que
l’ensemble des actionnaires entretiennent collectivement avec la société en application
du contrat de société préexistant.
94
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°237.
95
G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur le contrat instrument d’adaptation du
droit des sociétés, L’Harmattan, 2008, n°12.
96
Sur cette question, voir Y. Guyon, op. cit., n°198 et 230 et J. Moury, « Remarques sur la qualification,
quant à leur durée, des pactes d’associés », commentaire sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006,
D., 2007, p. 2045, n°10. Voir également I. Najjar, « L a notion d’“ensemble contractuel” » in Mélanges offerts
à André Decocq, Une certaine idée du droit, Litec, 2004, p. 509
20
97
En ce sens, voir Y. Guyon (à propos des conventions extra-statutaires en général, ce qui inclut les pactes
d’actionnaires), op. cit., n°198 et I. Najjar, op. cit., p. 510.
98 ème
Voir Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Les obligations, Defrénois, 3 éd., 2009, n°837 et s. et spé.
n°839.
99
Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, n°839.
100
Y. Guyon, op. cit., n°198.
101
A rapprocher de l’accessoire, M. Cabrillac, « Les accessoires de la créance » in Etudes A. Weill, Dalloz -
Litec, 1983, p. 107 et s., n°8.
102
A rapprocher de l’accessoire, G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969,
n°23 et 24.
103
M. Cabrillac, op. cit.
104
« L’accessoire s’ajoute au principal et lui est subordonné », G. Goubeaux, op. cit, n°22.
105
En ce sens, J. Moury, op. cit., n°10. Voir également, Y. Guyon, op. cit., n°230.
21
106
G. Goubeaux, op. cit., n°22.
107 ème
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002.
108
G. Goubeaux, op. cit., n°23.
109
Ch. Juillet, Les accessoires de la créance, Defrénois, T. 37, 2009, n°20 et s.
110
Ch. Juillet, op. cit, n°387.
111
G. Goubeaux, op. cit., n°24.
112
G. Goubeaux, op. cit., n°24.
113
G. Goubeaux, op. cit., n°18.
114
« Il est de la nature des choses accessoires de ne pouvoir subsister sans la chose principale », Pothier
(dont les travaux sont à l’origine de la théorie de l’accessoire), par J.-J. Bugnet, Œuvres de Pothier annotées
et mises en corrélation avec le Code civil et la législation actuelle, Paris, Cosse Delamotte et Videcocq,
1848, Tome II, n°377. Voir également G. Goubeaux, op. cit., n°40.
22
27 - L’altérité s’impose avec la force de l’évidence dès que l’on évoque la proximité
du pacte d’actionnaires et du contrat de société. Toute assimilation ou, plus
spécifiquement, toute intégration du pacte d’actionnaires dans l’ensemble des
instruments contractuels formant le « complexe statutaire » est en effet exclue117. D’un
côté, le contrat de société présente l’originalité de donner naissance à une personne
morale distincte et lie l’ensemble des actionnaires. D’un autre, le pacte d’actionnaires a
un domaine d’application réduit aux seuls actionnaires qui en sont signataires, dont il
organise les relations inter-individuelles118 en marge du fonctionnement collectif de la
société.
115
J. Moury, op. cit., n°10. Voir également, Y. Guyon, op. cit., n°230.
116
G. Goubeaux, op. cit., n°22.
117
Sur cette question, voir M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société
anonyme, LGDJ, 1998, n°23 et s. L’auteur oppose ainsi le « complexe statutaire », qui comprend, à côté
des statuts, le préambule, aux documents extra-statutaires, lesquels regroupent essentiellement les pactes
d’actionnaires et le règlement intérieur.
118
V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec 2008, n°549.
119
Sur cette question, voir notamment, J.-P. Bertrel, « Liberté contractuelle et sociétés – Essai d’une théorie
du « juste milieu » en droit des sociétés », RTD com., 1996, p.595 ; J.-Cl. May, « La société : contrat ou
institution » in Contrat ou Institution : un enjeu de société, coordonné par B. Basdevant-Gaudemet, LGDJ,
ème
2004 et M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ,
2009, n°1056-18 et s.
23
31 - L’article 1833 du Code civil énonce que « Toute société doit avoir un objet licite
et être constituée dans l’intérêt commun des associés ». La finalité du contrat de société
est ainsi de faire prévaloir la volonté collective des associés par la satisfaction d’un
intérêt commun aux membres du groupement (A). Au contraire, dans les contrats de
droit commun, et singulièrement dans le pacte d’actionnaires, les parties sont animées
par la satisfaction de leurs intérêts essentiellement égoïstes (B).
120
Définition donnée par J.-P. Bertrel, « Liberté contractuelle et sociétés - Essai d’une théorie du “juste
milieu” en droit des sociétés », RTD com., 1996, p.595, n°30.
24
33 - L’article 1833 du Code civil énonce en effet, sous la forme d’un principe général,
que la société est constituée dans l’intérêt commun des actionnaires. Cet élément
caractérise fondamentalement le contrat de société122. La poursuite par les actionnaires
d’un intérêt qui leur est commun, lequel peut être défini comme « la réalisation et le
partage entre eux des profits de la société »123, constitue en effet la finalité de ce
contrat124. S’agissant du deuxième membre de cette définition de l’intérêt commun, le
partage des profits, il convient certainement de l’envisager davantage comme une
ambition que le droit doit s’efforcer de concrétiser125 que comme une finalité réellement
poursuivie par les actionnaires. Aussi cette finalité s’impose-t-elle, dans son ensemble,
aux actionnaires et constitue la cause objective du contrat de société. Chacun des
actionnaires ne peut ainsi retirer, à titre d’enrichissement individuel, qu’une part de
l’enrichissement social.
34 - Les intérêts des actionnaires convergent donc dans le même sens. Il ne s’agit
pas de nier le caractère synallagmatique du contrat de société : chaque actionnaire est
en effet, dès la formation du contrat, créancier et débiteur d’obligations réciproques
envers les autres126. Mais ce qui caractérise essentiellement le contrat de société, c’est
121
Ph. Bissara, « L’intérêt social », Rev. sociétés, 1999, p. 23.
122
« L’intérêt commun est l’un des fondements essentiels du contrat de société », D. Schmidt, « De l’intérêt
commun des associés », JCP, 1994.I.3793, n°1, p. 535. Précisons toutefois que cet élément n’est pas
susceptible à lui seul de distinguer le contrat de société, il existe en effet en droit des contrats d’autres
contrats fondés sur la poursuite d’un intérêt commun tels que le mandat d’intérêt commun.
123
D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°4.
124
En ce sens également, V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec, 2008, n°261, p. 229.
125
En ce sens, M.-A. Frison-Roche, « Régulation et droit des sociétés. De l’article 1832 du Code civil à la
protection du marché de l’investissement », Mélanges D. Schmidt, éd. Joly, 2005, p. 255, n°13.
126
En ce sens : J-Cl. May, « La société : contrat ou institution » in Contrat ou Institution : un enjeu de
société, coordonné par B. Basdevant-Gaudemet, LGDJ, 2004, p. 129, renvoyant à Y. Chartier, Droit des
affaires, t. 2, Sociétés commerciales, PUF, 1992, p. 51 et Ch. Larroumet, Droit civil, Tome III, Les
e ème
obligations Le Contrat, 2 partie Effets, 6 éd., 2007, n°181.
25
que les actionnaires s’engagent ensemble dans la société127, animés par la poursuite
d’un intérêt convergent. Ces derniers doivent coopérer en vue de réaliser conjointement
cet intérêt commun ou, dans la négative, échouer conjointement.
De cette finalité du contrat de société découlent des principes supérieurs parmi lesquels
celui de l’égalité entre actionnaires, principe non expressément proclamé par la loi mais
qui sous-tend plusieurs textes législatifs128 et a été consacré par le juge à diverses
occasions129. La jurisprudence relative aux abus de majorité ou de minorité, lesquels ont
pour effet de favoriser les intérêts de certains actionnaires au détriment de celui de la
collectivité des actionnaires, en est une bonne illustration. Rappelons à ce titre que
l’égalité entre actionnaires s’apprécie exclusivement dans les rapports que les
actionnaires entretiennent collectivement avec la société, et non dans les rapports inter-
individuels des actionnaires130.
127
R. Lichbaber, « La société, contrat spécial », in Prospectives du droit économique, Dialogues avec M.
Jeantin, Dalloz 1999 p. 285.
128
Le droit à l’information des associés (art. L 225-115 et s. C. com), le droit pour tout associé de participer
aux décisions collectives (art. 1844 C. civ) ou encore le principe de proportionnalité entre les apports et la
participation dans le capital social ou les apports et la contribution aux résultats (art. 1843-2 et 1844-1 C.
civ.) sont empreints de ce principe. En outre, le principe d’égalité entre actionnaires est expressément
consacré par le Conseil constitutionnel (Cons. const., 7 janvier 1988, Rev. sociétés, 1988, 229, note Y.
Guyon).
129
Pour un exemple, en matière de clause d’information renforcée, voir Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5
décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gautier.
130
En ce sens également, B. Dondero, « Statuts de SAS et pactes extra-statutaires, questions et
confrontations », Bull. Joly, 2008, p. 245.
131
Sur l’affectio societatis, facteur de marginalisation de l’intérêt commun, voir V. Cuisinier, op. cit., n°253 et
s.
132
Cass. com. 3 juin 1986, Rev. sociétés, 1986, p. 585, note Y. G.
133
V. Cuisinier, op. cit., n°555 et s.
26
36 - On le mesure, les contours de la notion d’intérêt social sont flous135. Cette notion
que le législateur n’a pas pris le soin de définir se retrouve pourtant dans quelques
textes136 et la jurisprudence y fait constamment référence. Elle érige notamment la non-
contrariété à l’intérêt social comme l’une des conditions générales de validité des pactes
d’actionnaires137. Il existe de nombreuses conceptions doctrinales de la notion d’intérêt
social : intérêt commun des actionnaires, intérêt de la société elle-même, distinct des
intérêts des actionnaires, ou encore, intérêt de l’entreprise en tant que réalité
économique138. L’intérêt social semble ne pouvoir être appréhendé que comme une
notion fonctionnelle permettant au juge, selon les circonstances, de privilégier l’intérêt
des actionnaires ou celui de la société de la façon qui paraît être la plus opportune à ce
dernier, compte tenu de la situation factuelle139.
Précisons, dans l’optique d’une distinction avec les pactes d’actionnaires, que
l’assimilation de l’intérêt social à l’intérêt de la société elle-même, prise en tant que
personne morale, dotée d’un intérêt propre, distinct de celui des membres qui la
composent, ne fait qu’accroître la particularité du contrat de société au regard des
contrats de droit commun en général et du pacte d’actionnaires en particulier.
134 ème
En ce sens, M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd.,
2009, LGDJ, n°1056-60.
135
A. Pirovano, « La “boussole” de la société ? Intérêt commun, intérêt social, intérêt de l’entreprise », D.,
1997, chron. 189 ; A. Constantin, « L’intérêt social : quel intérêt ? » in Etudes offertes à B. Mercadal, éd.
Francis Lefebvre, 2002, p. 317, n°25 ; G. Goffaux-C allebaut, « La définition de l’intérêt social, Retour sur la
notion après les évolutions législatives récentes », RTD. com., 2004, p. 35.
136
Pour les pouvoirs des gérants dans les SARL (art. L 223-18 C. com.), la définition du contrôle (art. L 233-
3 C. com.) ou encore l’abus des biens sociaux et du crédit (art. L 241-3 et L 242-6 C. com.).
137
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, 781, note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004,
Bull. Joly, 2004.544, note P. Le Cannu. Voir également, sur la notion d’intérêt social, au regard de la validité
des conventions de vote spécifiquement, infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1.
138
Sur ces différentes conceptions, voir notamment, J.-P. Bertrel, « Liberté contractuelle et sociétés. Essai
d’une théorie du juste milieu en droit des sociétés », RTD. com., 1996, p. 595, n°43 et s., A. Pirovano, « La
“boussole” de la société ». Intérêt commun, Intérêt social, Intérêt de l’entreprise », D., 1997, chron. p. 189 et
V. Cuisinier, op. cit., n°555.
139
En ce sens, M.-C. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme,
LGDJ, 1998, p. 324 et s. Voir également, D. Schmidt, op. cit., n°11 et s. et F.-X. Lucas, « Les libertés
d’organisation et de transmission. La liberté des associés » in Entreprise et Liberté, Tome 10, Association H.
Capitant, 2007, Dalloz Thèmes et commentaires.
27
140
Voir J. Carbonnier, Droit civil, Tome IV, Les obligations, éd. PUF, 2000, n°114.
141
Voir J. Carbonnier, op. cit.
142
D. Schmidt, op. cit., n°8.
28
des intérêts égoïstes qui diffèrent fondamentalement de l’intérêt commun qui gouverne
le contrat de société.
143
V. Cuisinier, op. cit., n°551, renvoyant à M. Contamine-Raynaud, L’intuitus personae dans les contrats,
thèse Paris, 1974, n°180.
144
V. Cuisinier, op. cit., n°551.
145
V. Cuisinier, op. cit., n°550.
29
146
V. Cuisinier, op. cit., n°552.
147
V. Cuisinier relève à ce titre que la pratique des pactes d’actionnaires est « considérée par la doctrine
contractualiste américaine comme le moyen le moins onéreux d’obtenir entre les majoritaires et les
minoritaires une cohabitation efficiente », renvoyant à P. Didier, « Théorie économique et droit des
sociétés », Rev. sociétés, 2000, p. 240. (V. Cuisinier, op. cit., n°552) .
148
Art. 1842 C. civ. et L 210-6 C. com.
149 ème
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002, voir
Personnalité - morale.
150
« La personne morale a une volonté, celle des actionnaires et des dirigeants », D. Schmidt, Les conflits
d’intérêts dans la société anonyme, Ed. Joly, 2004, n°16.
151
Les dirigeants étant nommés par la collectivité des actionnaires, la volonté de la personne morale peut,
nous semble-t-il, être assimilée à celle des actionnaires.
30
La personnalité morale de la société implique, en outre, que cette dernière est apte, en
tant que sujet de droit, à contracter en son nom propre avec des tiers par l’intermédiaire
de son représentant légal. Au niveau externe, cette fois, du rayonnement de l’accord de
volontés, le contrat de société crée donc une situation opposable à tous tandis que le
pacte d’actionnaires bénéficie d’une opposabilité très relative, que l’on peut qualifier
d’exceptionnelle (B).
152
Formule inspirée de G. Cornu, op. cit, voir Autonomie - de la volonté.
153
Au contraire, le législateur a précisément créé la SAS pour introduire une dose de liberté dans le
fonctionnement et l’administration des sociétés par actions.
154
Arrêt Motte, Cass. civ. 4 juin 1946, S., 1947, I, 153, note Barby.
31
155
Voir l’article L 225-98 C. com. visant toutes les décisions autres que celles visées aux articles L 225-96
et -97 C. com.
156
Art. L 225-96 et -97 C. com.
157
Voir art. L 225-98 al. 2 et Art. L 225-96 al. 2 C. com.
158
Art. L 225-98 al. 3 C. com.
159
Art. L 225-96 al. 3 C. com.
160
Art. L 225-96 al. 1 C. com.
161
Art. 1836 al. 1 C. civ.
32
162
En ce sens, Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
ème
associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°6 et J.-Cl. May, « La société : contr at ou institution » in Contrat ou
Institution : un enjeu de société, coordonné par B. Basdevant-Gaudemet, LGDJ, 2004, p. 134.
163 er
Sur ce point, voir les lois du 22 novembre 1913, 1 mai 1930, 25 février 1953 et du 8 août 1994 ; cités
par Y. Guyon, op. cit., n°6.
164
Analyse développée notamment par E. Thaler, in E. Thaller et J. Percerou, Traité élémentaire de droit
ème
commercial, 7 éd., 1925, n°684, cité par J.-Cl. May, op. cit., p. 134.
165
Art. 1836 al. 2 C. civ. et L 225-96 al.1 C. com.
166
Principe selon lequel on ne peut imposer à un actionnaire une augmentation de ses engagements contre
son gré. Sur cette question, voir F. Rizzo, « Le principe d’intangibilité des engagements des associés »,
RTD. com., 2000, 27.
167
En ce sens, J.-Cl. May, op. cit., p. 135.
33
168
Art. 1165 C. civ. L’avant-projet de réforme du droit des obligations dirigé par le Professeur Catala
propose une nouvelle rédaction de l’article 1165 du Code civil : « Les conventions ne lient que les parties
contractantes ; elles n’ont d’effet à l’égard des tiers que dans les cas et limites ci-après expliquées »,
(Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française, 2006).
169
Sur l’inopposabilité à la société d’une convention extra-statutaire d’exclusion, voir Cass. com. 8 février
1982, Bull. Joly, 1982, p. 970.
170
Ph. Brunswick, « SAS et capital investissement : vers la fin des pactes d’actionnaires extra-
statutaires ?», D., 2000.595, p. 1, citant H. Le Nabasque, avec le concours de G. Terrier, « L’exécution
forcée des pactes d'actionnaires », Dr. sociétés, Actes prat. 14/1994, 5.2.
171
Cass. req. 17 décembre 1873, S., 1874, 1, p. 409, énonçant que les dispositions de l’article 1165 du
Code civil ne s’appliquent « qu’aux obligations que les conventions font naître entre les parties ».
172
L’avant-projet de réforme Catala propose de consacrer dans le Code civil ce principe d’opposabilité des
contrats erga omnes, dégagé par la doctrine et jurisprudence. Un article 1165-2 nouveau du Code civil
énoncerait ainsi que « Les conventions sont opposables aux tiers ; ceux-ci doivent les respecter et peuvent
s’en prévaloir, sans être en droit d’en exiger l’exécution. ». Parallèlement, l’actuel article 1165 du Code civil
serait réécrit (voir supra), afin d’établir une distinction claire et radicale entre effet obligatoire et opposabilité.
(Avant-projet de réforme du droit des obligations et de la prescription, La documentation française, 2006).
173
Aubert, Defrénois, 1991, n°35212-15, note sous Cass. com. 22 octobre 1991.
174 ème
J. Ghestin, Traité de droit civil. Les effets du contrat, LGDJ, 3 éd., 2001, n°724.
34
sommes alors conduits à nous interroger sur les conditions auxquelles un pacte
d’actionnaires est opposable aux tiers.
54 - L’opposabilité du pacte d’actionnaires aux tiers requiert, comme pour tout contrat
de droit commun, non seulement l’existence d’un contrat légalement formé et en cours
d’exécution ainsi que la preuve de l’existence d’un tel contrat, mais encore, la
connaissance par le tiers de l’existence dudit contrat175.
Or les pactes d’actionnaires ne font l’objet, tout au moins dans les sociétés non
cotées176, d’aucune publicité obligatoire de nature à révéler leur existence et leur
contenu aux tiers. Cela implique que les pactes d’actionnaires ne sont pas, en principe,
opposables aux tiers, les dérogations à ce principe demeurant très exceptionnelles177. A
ce titre, la question s’est posée il y a plus d’une dizaine d’années, afin d’améliorer la
force obligatoire des pactes d’actionnaires, d’organiser un mode de publicité de ces
derniers, lequel s’est avéré poser de sérieuses difficultés pratiques et laisser certains
sceptiques quant à son opportunité178. On peut s’interroger, en particulier, sur
l’opportunité de renoncer à la confidentialité du pacte au nom d’une meilleure sécurité
juridique. Cette confidentialité, assurée précisément par le défaut de publicité obligatoire
du pacte179, constitue bien souvent un atout décisif dans la vie des affaires.
175
Cass. com. 11 octobre 1971, D., 1972, p. 120 (violation d’une clause d'exclusivité figurant dans un
e ème
contrat de bière) et Ch. Larroumet, Droit civil, Tome III, Les obligations Le Contrat, 2 partie Effets, 6 éd.,
2007, n°746. La connaissance par le tiers du pacte n’est cependant pas toujours suffisante pour que les
juges retiennent l’opposabilité du pacte à ce dernier. Il faut parfois caractériser, en outre, la collusion
frauduleuse du tiers, laquelle consisterait, pour ce dernier, à avoir de mauvaise foi sciemment contracté
avec le débiteur du pacte en contravention à ce dernier.
176
L’article L 233-11 du Code de commerce prescrit, à ce titre, la transmission à la société émettrice et à
l’AMF, qui en assure la publicité, de toute clause d’une convention prévoyant des conditions préférentielles
de cession ou d’acquisition d’actions cotées sur un marché réglementé et portant sur au moins 0,5 % du
capital ou des droits de vote de la société émettrice.
177
Sauf notamment à mentionner l’existence du pacte dans les statuts ou à notifier le pacte à la société afin
de le rendre opposable à cette dernière. Considérant toutefois que la notification d’un pacte de préférence
extra-statutaire à la société n’empêchait pas cette dernière d’agréer valablement le tiers acquéreur, voir
Cass. com. 26 avril 1994, Defrénois, 1994, p. 1024, obs. J. Honorat. Admettant en revanche l’opposabilité
du pacte considéré comme le complément nécessaire et indissociable des statuts, de telle sorte que les
ère
tiers n’avaient pas pu en ignorer l’existence, voir Cass. 1 civ.15 novembre 1994, RTD civ., 1995, p. 364,
note J. Mestre.
178
Sur cette question, voir le Rapport proposé par le Sénateur Marini, La modernisation du droit des
sociétés, Ph. Marini, Coll. des rapports officiels, La Documentation française, 1996 et les critiques formulées
par J. Bonnard, « L’influence des principes généraux du droit des contrats en matière de pactes
d’associés », in « Dialogue avec M. Jeantin », Prospectives du Droit économique, Dalloz, 1999, p.139, spé.
p. 147 et s.
179
Exception faite, nous l’avons dit, de certains pactes d’actionnaires conclus dans les sociétés cotées.
35
double visa des articles 1165 et 1382 du Code civil, que le tiers à un contrat peut, du
seul fait de l’inexécution de ce dernier, obtenir, sur le terrain délictuel, l’indemnisation du
préjudice qui en résulte pour lui180. C’est dans cette perspective que la chambre
commerciale de la Cour de cassation a admis, quelque temps après, dans un arrêt du
18 décembre 2007, l’opposabilité d’un pacte d’actionnaires invoquée par la société, non
signataire du pacte, à l’encontre du partenaire débiteur181. La chambre commerciale
désapprouve ainsi la Cour d’appel d’avoir rejeté l’action en responsabilité délictuelle,
formée par une SAS contre son ancien dirigeant, pour manquement contractuel de ce
dernier au pacte d’actionnaires qu’il avait conclu, lequel manquement avait causé un
dommage à la SAS. En l’espèce, l’ancien dirigeant, également salarié et actionnaire de
la société, avait conclu un pacte avec ses co-actionnaires, contenant une clause
d’exclusivité qu’il n’avait par la suite pas respectée.
Ainsi, le pacte d’actionnaires, qui est en principe inopposable à la société, peut-il, dans
certaines circonstances être opposable par la société à l’encontre des partenaires
signataires. Cette solution jurisprudentielle, dont il est permis de douter qu’elle puisse
bénéficier aux autres tiers au pacte, notamment aux actionnaires non signataires182,
illustre la proximité que le pacte entretient avec le contrat de société183.
Le principe demeurant toutefois celui de l’inopposabilité du pacte d’actionnaires aux
tiers, cette inopposabilité contraste avec l’étendue de la force contraignante que revêt le
contrat de société.
180
Cass. ass. plén. 6 octobre 2006 :« le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la
responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un
dommage » (arrêt de principe), JCP, éd. G, 2007.I.115, n°4, obs. Germain et RTD civ., 2007, p. 115, note B.
Fages (note critique). Voir également, Ch. Larroumet, op. cit., n°751.
181
Cass. com. 18 décembre 2007, JCP, éd. E, 2008, p. 1516, note R. Mortier ; Dr. sociétés, 2008, comm.
55, H. Hovasse et RTD. civ., 2008, p. 297, note B. Fages.
182
En ce sens, les commentateurs précités (R. Mortier, H. Hovasse et B. Fages, op. cit.) proposent tous
d’analyser cette solution davantage comme l’effet de l’existence d’une véritable créance contractuelle au
profit de la société, cette dernière étant bénéficiaire d’une stipulation pour autrui, que comme une
application aux pactes d’actionnaires du principe d’opposabilité du contrat par les tiers.
183
Y voyant une illustration de ce que « En droit des sociétés, l'interpénétration des intérêts [intérêt social et
intérêt des actionnaires] atteint son paroxysme », voir R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 18
décembre 2007.
184
En ce sens, Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
ème
associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°6.
185
Sur ce dernier point, précisons que le principe d’opposabilité de plein droit des statuts aux futurs
acquéreurs fait l’objet d’une controverse doctrinale. Sur cette question, voir notamment Ph. Brunswick, op.
cit., 2.3.3 et les références citées en note de bas de page n°17) et B. Dondero, « Statuts de SAS et pactes
extra-statutaires, questions et confrontations », Bull. Joly, 2008, p. 245.
36
rayonner vers l’extérieur »186 et cela justifie que l’acquisition de la personnalité morale
soit soumise à une mesure de publicité : l’immatriculation au registre du commerce et
des sociétés187. La personnalité morale suppose une totale transparence tout au long de
la vie sociale, les statuts sont déposés au registre du commerce et des sociétés188, les
modifications apportées à ces derniers sont ensuite publiées au greffe du tribunal de
commerce189 et les statuts sont, en outre, consultables à tout moment par les tiers.
186 ème
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°14, b.
187
Art. 1842 C. civ. et L 210-6 C. com.
188
Art. R. 123-103 C. com.
189
Art L 123-9 C. com. (dispositions de l’article 66 du décret du 30 mai 1984).
190
La capacité de jouissance des personnes morales est elle-même limitée par le principe de la spécialité
légale et statutaire. Leur capacité d’acquérir des biens et d’en disposer est donc limitée par leur objet, tel
qu’il résulte de la loi ou des statuts.
191
Art. L 225-17 et s. C. com.
192
Art L 225-51-1 et L 225-56 al. 2 C. com.
193
Art. L 225-57 et s. C. com.
37
C’est alors le président du directoire qui engage la société à l’égard des tiers194. Les
dispositions limitant les pouvoirs de représentation du directeur général ou président
directeur général195 ou du président du directoire196 sont donc inopposables aux tiers. Il
s’agit cependant d’une règle de protection qui ne résulte pas de la nature du contrat de
société.
§ 1. Un domaine ajustable
194
Art. L 225-66 al. 1 C. com.
195
Art. L 225-56 al. 3 C. com.
196
Art L 225-66 al. 3 C. com.
38
61 - Les pactes d’actionnaires sont des accords à géométrie variable qui ont en
général vocation à ne concerner que certains actionnaires, en mettant à la charge de
ces derniers des obligations particulières ou en faisant bénéficier ces derniers de droits
particuliers.
Bien souvent des pactes sont conclus entre actionnaires majoritaires pour assurer la
stabilité de l’actionnariat et des dirigeants. La pratique a également vu émerger, depuis
les années 70, des pactes contractés par des actionnaires majoritaires au profit
d’actionnaires minoritaires, notamment des sociétés de capital-investissement, lesquels
exigent des dirigeants majoritaires, comme condition de leur apport financier, un
aménagement de leurs conditions de sortie197. Les minoritaires sont encore susceptibles
de conclure ensemble des conventions de vote afin de consolider leur minorité de
blocage. Enfin, un dernier exemple de recours très fréquent aux pactes d’actionnaires
concerne les opérations de transmission d’entreprise sous la forme d’une cession de
contrôle échelonnée dans le temps. L’entrepreneur sortant et le nouvel entrepreneur,
destinés à collaborer tout au long de la durée de l’opération de transmission,
s’entendent alors sur la façon d’organiser l’exercice du pouvoir, de contrôler la
composition du capital et prévoient éventuellement l’exclusion, dans des circonstances
particulières, de certains actionnaires198 dans un pacte applicable sur la période de
référence.
62 - Les pactes d’actionnaires introduisent, on l’a dit, une certaine forme d’intuitus
personae absente à l’origine dans la société anonyme et qui tient au fait au fait que ces
pactes ont pour finalité la satisfaction d’intérêts particuliers. Les statuts de la société
anonyme organisent en effet essentiellement le fonctionnement de la société et
s’appliquent donc à l’ensemble des actionnaires. Il n’est pas de leur nature de contenir
des conventions conclues entre certains actionnaires pour organiser leurs relations
réciproques et l’exercice de leurs droits.
197
Sur cette question, voir J-J. Daigre, « Pactes d’actionnaires et capital-risque », « Pacte d’actionnaires et
capital-risque : Typologie et appréciation », Bull. Joly, 1993, p. 157 et s. et infra, Partie I, Titre 2, Chap. 2,
Sect° 2, § 2.
198
Sur cette question, voir notamment, F-D. Poitrinal, « Cessions d'entreprises : les conventions de "earn
out" », JCP, éd. E, 1999, p. 19.
39
63 - Toutefois, il arrive que des pactes lient l’ensemble des actionnaires d’une
société199. On ne peut manquer de s’interroger sur la raison pour laquelle les
actionnaires ont, dans un tel cas, recours à une convention extra-statutaire alors qu’ils
pourraient a priori faire figurer leur accord dans les statuts et bénéficier d’une meilleure
efficacité. Il existe au moins trois bonnes raisons de préférer les pactes d’actionnaires
aux statuts. En premier lieu, la validité de certaines clauses est douteuse lorsqu’elle
figure dans les statuts, c’est le cas notamment des conventions de vote, des clauses
d’exclusion, d’inaliénabilité ou des clauses de rachat d’actions à prix fixe200. En second
lieu, nous verrons que les pactes d’actionnaires sont plus facilement modifiables. Et
enfin, il est probable que les partenaires soient attachés au secret des affaires. On
mesure, ici encore, que les intérêts égoïstes l’emportent sur l’intérêt commun dans le
cadre de la formation de pactes d’actionnaires.
Un exemple usuel de pacte d’actionnaires liant tous les actionnaires d’une société, et
dont la validité serait douteuse si l’accord figurait dans les statuts, est celui conclu par
deux actionnaires égalitaires afin d’organiser le vote dans une filiale commune ou la
sortie de l’un des actionnaires en cas d’impossibilité de poursuivre la coopération201.
199
Dans un tel cas, selon le Professeur Guyon, le pacte et les statuts deviennent indivisibles (Y. Guyon,
ème
Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd.,
2002 n°198 et 202 in fine). Nous pensons également que lorsque le pacte est signé par l’ensemble des
actionnaires de la société, il est susceptible de subir une plus forte emprise de l’ordre public sociétaire que
s’il ne concernait que certains actionnaires.
200
En ce sens, Ph. Brunswick, « SAS et capital investissement vers la fin des pactes d’actionnaires extra-
statutaires ? », D., 2000.595, II. 1.
201
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°126 et s.
202
Voir supra, Sect° 1, § 1. A.
203
Art. L 225-8 et s. et L 225-147 C. com.
204
Par l’ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du régime des valeurs mobilières émises
par les sociétés commerciales. Les actions de préférence ont remplacé les anciennes catégories d’actions
dont la loi de 1966 avait admis la création (actions à dividende prioritaire sans droit de vote (art. L 228-35-2
40
régime de droit américain des prefered shares, sont assorties, à titre temporaire ou
permanent, de droits particuliers d’ordre pécuniaire et extra-pécuniaire avec ou sans
droit de vote, librement déterminés dans les statuts205.
Mais si les statuts peuvent, au moyen d’avantages particuliers reconnus à titre
personnel ou à travers des actions de préférence, individualiser les droits et obligations
de certains actionnaires nommément désignés, cela requiert une procédure lourde et
formelle. En effet, il convient non seulement de réunir une assemblée générale
extraordinaire206, comme pour toute modification du capital, mais en outre, d’observer la
procédure des avantages particuliers207. Une telle procédure, destinée à protéger les
actionnaires qui n’ont reçu, pour leur part, que des droits ordinaires en contrepartie de
leur apport, requiert l’intervention d’un commissaire aux apports, chargé d’apprécier la
valeur de l’avantage particulier, suivie d’un vote sur l’octroi de cet avantage en
assemblée générale extraordinaire, auquel les actionnaires bénéficiaires ne participent
pas. Rappelons en outre, que le principe d’égalité entre actionnaires s’applique
nécessairement au sein de chacune des catégories d’actions de préférence ainsi
créées.
Nous pensons, en revanche, que les pactes d’actionnaires ne sont pas soumis à la
procédure des avantages particuliers208. Si le législateur n’a donné aucune définition de
ces avantages209 et que la doctrine peine à s’entendre sur la nature de ces derniers210,
nous rejoignons le Professeur Dondero211 en ce qu’il soutient que les avantages
particuliers visés par la procédure sont ceux-là seuls qui sont octroyés par la société à
et s. C. com.), certificats d’investissement (art. L 228-30 et s. C. com.) et actions de priorité (art. L 228-35-1
et s. C. com.), lesquelles, si elles ont été émises avant l’entrée en vigueur du nouveau régime (12 février
2005, date de la publication au journal officiel du décret 2005-112 du 10 février 2005 fixant les modalités
d’application de l’ordonnance du 24 juin 2004) subsistent jusqu’à leur conversion en actions de préférence
ou en actions ordinaires, ou encore, jusqu’à la dissolution de la société.
205
Art. L 228-11 et s. C. com.
206
Art. L 225-8 et s. et L 225-147 C. com (pour la stipulation d’avantages particuliers) et art. L 228-12 C.
com. (pour la création d’actions de préférence).
207
Cette procédure est exigée pour la création d’avantages particuliers lors de la constitution de la société
er
(art. L. 225-8 al. 1 et L. 225-14 C. com), d’une augmentation de capital (art. L. 225-147 C. com) ou
parallèlement à la création d’actions de préférence au profit d’actionnaires nommément désignés (art. L.
228-15 C. com.). La procédure n’est toutefois pas applicable si l’émission porte sur des actions de
préférence d’une catégorie déjà existente (art. L. 228-15 C. com., mod. par ord. n°2008-1145 du 6
novembre 2008).
208
Déjà, sous l’empire de la loi du 24 juillet 1867, voir Cour d’appel de Paris 14 juin 1929, Gaz. Pal., 1929,
2, p. 244, selon lequel « les avantages particuliers ne sont soumis à la vérification prévue par l’art. 4 de la loi
du 24 juillet 1867 que lorsque le fondateur les a stipulés dans les statuts ».
209
Sur cette question, voir Th. Granier, Rép. Sociétés Dalloz, « Avantages particuliers », 2002, n° 11 et Ph.
Reigné et Th. Delorme, « La nature nécessairement pécuniaire des avantages particuliers », Bull. Joly,
2002, p. 1117, spéc. n° 1.
210
Certains auteurs considèrent que la procédure des avantages particuliers s’applique à l’octroi
d’avantages pécuniaires exclusivement. En ce sens : M. Jeantin, « Constitution de la société par actions
simplifiée », n°8, in Société par actions simplifiée, sous la dir. de A. Couret et P. Le Cannu, GLN Joly, 1994 ;
A. Bougnoux, J.-Cl. Sociétés, Traité, « Sociétés par actions - Formalités constitutives - Rédaction des
statuts. Contenu », 2006, n°129 ; Contra : Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009,
s
n°14988 et Ph. Reigné et Th. Delorme, op. cit., n° 17 et s.
211
B. Dondero, « Statuts de SAS et pactes extra-statutaires, questions et confrontations », Bull. Joly, 2008,
p. 245.
41
certains actionnaires et non pas, comme dans le cadre des pactes d’actionnaires, par
certains actionnaires à d’autres212.
66 - Le domaine des pactes d’actionnaires est ajustable en ce sens que ces derniers
n’obligent que les actionnaires qui ont d’un commun accord décidé de se lier par une
convention extra-statutaire afin de poursuivre une certaine stratégie. Seuls les
signataires sont tenus par le pacte pour une durée en général et au maximum égale à
celle de leur participation dans la société213 mais qui peut être plus courte214. Il en résulte
une certaine instabilité du pacte, lequel ne se transmet pas de plein droit, notamment,
aux cessionnaires des titres.
Mais le domaine des pactes d’actionnaires est également ajustable en ce cens que les
signataires peuvent décider conventionnellement, afin d’assurer une meilleur pérennité
de leur accord, de transmettre le pacte au cessionnaire de leurs titres.
212
En ce sens également, Rapp. H. Bosvieux, « De la notion d’avantage particulier », Journ. sociétés, 1927,
p. 65, spéc. p. 77, cité par B. Dondero, note précitée. Le Professeur Dondero réserve seulement le cas de la
fraude, laquelle serait notamment susceptible d’être constituée lorsqu’un pacte est conclu entre tous les
actionnaires de la société, en dehors des statuts, dans le seul but d’échapper à cette procédure.
213
Précisons à ce titre, nous y reviendrons, que la jurisprudence récente considère que le pacte conclu pour
la durée pendant laquelle les partenaires demeureront ensemble actionnaires de la société est à durée
indéterminée et donc résiliable unilatéralement à tout moment. (Voir Cass. com. 6 novembre 2007, Rev.
sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury et infra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. A et § 2. B).
214
Voir notamment Cour d’appel de Paris 30 mars 1989, JCP, éd. E., 1989. I. 18713, dans lequel les
partenaires s’étaient consenti un droit de préemption réciproque jusqu’à la tenue d’une assemblée générale
extraordinaire appelée à se prononcer sur la décision de fusion de la société.
215
Ceci par application du principe de continuation énoncé à l’article 1122 du Code civil, selon lequel, les
ayants cause à titre universel sont réputés continuer la personne du défunt c’est-à-dire prendre la place de
ce dernier dans tous ses droits et obligations. Ce principe est transposable aux personnes morales
transformées par fusion ou absorption, la nouvelle société venant aux droits de l’ancienne.
216
En ce sens, Ph. Brunswick, « SAS et capital investissement : vers la fin des pactes d’actionnaires extra-
statutaires ? », D., 2000.595, I - 2.1.b).
42
217 ère
Voir notamment, Cass. civ. 1 24 février 1987, Bull. civ., I, n°75, p. 54, selon lequel « si le pacte de
préférence est en principe transmissible aux héritiers des parties, il en est différemment lorsque les
circonstances révèlent une intention contraire, même tacite, des parties de ne conférer à cette obligation
qu’un caractère strictement personnel ».
218
Voir supra, Chapitre 1, Sect° 1, § 1. B.
219
Ph. Brunswick, op. cit., I - 2.1.b) et note de bas de page n°14.
220
L’auteur réserve également l’hypothèse plus triviale dans laquelle une telle cession entre partenaires
constituerait une cause expresse ou tacite de caducité du pacte (Ph. Brunswick, op. cit., note de bas de
page n°15).
43
pacte auprès d’un autre partenaire. Il faut en effet remarquer que le maintien de la cause
des prérogatives et obligations attachées aux titres cédés ne va pas de soi dans la
nouvelle configuration de composition du capital qui lie les partenaires. Plus encore, il
nous semble que le principe de l’effet relatif des conventions s’oppose à cette
transmission automatique, certes le partenaire cessionnaire est d’ores et déjà signataire
du pacte, mais il ne l’est pas pour autant en qualité de créancier ou débiteur des mêmes
obligations et pour les mêmes causes que son auteur.
71 - Selon que ce sont des droits ou des obligations qui sont transmises, on recourt
aux procédés de la promesse de porte fort221, de la condition suspensive ou de la
stipulation pour autrui222.
Ainsi le cédant se porte fort envers son partenaire de l’acceptation par son cessionnaire
des clauses et engagements résultant du pacte. Si le cessionnaire ne reprenait pas à
son compte les engagements du pacte, le cédant s’exposerait alors au versement de
dommages et intérêts au partenaire.
Chaque cession peut également être conclue sous la condition suspensive de la
ratification du pacte par le cessionnaire. Ainsi en est-il, notamment, de la clause
prévoyant que tout transfert d'actions à un autre actionnaire ou à un tiers « devra être
subordonné à l'adhésion écrite du bénéficiaire non actionnaire au présent contrat et à sa
substitution aux droits et obligations du cédant »223. Précisons qu’une clause prévoyant
la ratification du pacte par le cessionnaire ainsi que par les autres partenaires peut
revenir à soumettre à l’acceptation des partenaires le cessionnaire pris en qualité de
membre du pacte. En revanche, si une telle clause consiste à soumettre à l’agrément
221
Art. 1120 C. civ.
222
Art. 1121 C. civ.
223
Exemple de clause de sortie pactée reproduite dans l’arrêt Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001,
ème
n°01-9384, 25 ch. A, (affaire Banque de Vizille), Bull. Joly, 2002, p. 509, note H. Le Nabasque.
44
§ 2. Un contenu évolutif
224
Sur cette question, voir infra Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2. A et Sect° 2.
225
Voir supra, Sect° 1, § 2. A.
226
Art. 1134 al. 2 C. civ.
45
statuts227. Nous avons déjà relevé qu’il convenait de réunir à cet effet, dans les sociétés
anonymes, une assemblée générale extraordinaire, soumise à certaines conditions
précises de convocation, de délais, de quorum et de majorité228.
A cet égard, l’accord unanime de tous les signataires requis pour la modification d’un
pacte extra-statutaire est moins contraignant que la procédure de modification des
statuts de sociétés anonymes, laquelle, outre son formalisme, suppose de recueillir
l’avis d’un beaucoup plus grand nombre d’actionnaires dont on sait qu’ils ne se sentent
pas tous très concernés par la conduite des affaires dans la société229.
227
Voir également, Ph. Brunswick, « SAS et capital investissement : vers la fin des pactes d’actionnaires
extra-statutaires ? », D., 2000.595, II. 2-3.
228
Art. L 225-96 C. com.
229
La règle de quorum est d’ailleurs abaissée d’un quart des actions ayant droit de vote, sur première
convocation, à un cinquième sur seconde convocation (Art. 225-96 C. com.).
230
Art. L 1836 al. 2 C. civ. et L 225-96 al. 2 C. com.
231
Requièrent ainsi l’unanimité les décisions portant sur la modification de la répartition des pertes ou la
transformation de la société anonyme en SAS ou SNC. Il est de même interdit d’exiger d’un actionnaire qu’il
souscrive à une augmentation de capital contre son gré.
232
En ce sens, arrêt de principe : Cass. civ. 9 février 1937, D., 1937.1.73, note Besson.
233
Art. L 228-23 et s. C. com.
234
Cass. com. 26 mars 1996, Rev. sociétés, 1996, 793, note L. Godon. Encore peut-on s’interroger sur une
possible confusion de la jurisprudence entre les qualités d’actionnaire, d’une part, et de cocontractant de la
société, d’autre part, la situation de ce dernier ne pouvant être modifiée sans son consentement (sur cette
question, voir L. Jobert, « Le principe de responsabilité limitée », Bull. Joly, 2007, p. 225).
46
De même, s’agissant de la stipulation d’une clause d’exclusion dans les statuts, une
fraction significative de la doctrine235 considère qu’une telle clause doit être votée à
l’unanimité, ce qui est confirmé par la jurisprudence236.
79 - On situe là une limite des pactes d’actionnaires, lesquels ne sont pas adaptés
pour régir des relations qui sont amenées à perdurer dans le temps. Ils se distinguent en
cela des statuts qui bénéficient d’une permanence supérieure tout au long de la vie
235
En ce sens notamment, M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol.
ème ème
2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1601 et M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22
éd., 2009, n°323.
236
Cour d’appel de Paris 27 mars 2001, JCP, Ed. N., 2002, 1237, note F.-X. Lucas.
237
Cass. com. 4 décembre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 844, commentaires R. Dammann et S. Périnot.
238
Sur cette question, voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2.
239
Il aurait pu s’agir indifféremment d’une société anonyme.
240
En ce sens, R. Dammann et S. Périnot, commentaires précités sous Cass. com. 4 décembre 2007.
47
241
« La personnalité morale confère en effet à la société une permanence supérieure au contrat tant par
l'application de la loi de la majorité qui permet d’adapter les statuts à l’évolution de la vie sociale, que par la
répartition impérative des pouvoirs entre les organes sociaux qui garantit l’équilibre des forces en
présence. » (A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée en droit des sociétés, Economica, 2004, n°8).
242
Voir infra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. A et § 2.
243
La faculté pour chaque partie de se dégager d’un contrat à durée indéterminée est le corollaire de la
ème
prohibition des engagements perpétuels (A. Bénabent, Droit civil - Les obligations, Montchrestien, 11 éd.,
2007, n°312.) Contra, R. Libchaber, « La société, c ontrat spécial » in « Dialogues avec M. Jeantin »,
Prospectives du droit économique, Dalloz, 1999, p. 281, n°7, selon lequel, cette facu lté n’est pas fondée sur
la liberté individuelle mais procède d’un statut légal déclenché par le contrat. Et sur la valeur
constitutionnelle de cette faculté, voir Cons. const. 9 novembre 1999, n°99-419 DC.
48
les partenaires se trouvent prisonniers de cet accord qui n’est pas adapté à la situation
nouvelle.
C’est pour ces mêmes difficultés pratiques, nous l’avons dit, que la jurisprudence a
progressivement admis la modification des statuts de la société anonyme à la majorité
qualifiée.
244
Art. 1134 al. 2 C. civ.
245
B. Dondero, « Statuts de SAS et pactes extra-statutaires, questions et confrontations », Bull. Joly, 2008,
p. 245. Cette opinion se situe dans le prolongement de réflexions plus anciennes d’autres auteurs tels que
R. David, La protection des minorités dans les sociétés par actions, Sirey, 1929, n°16 (selon lequel « si un
contrat, de règle générale, ne peut être modifié au cours de son exécution, il reste vrai que ce principe peut
être mis de côté par la volonté des contractants lors de la formation du contrat. Ceux-ci peuvent, à ce
moment, stipuler les conditions et les modalités d’une révision éventuelle du contrat par eux passé.
L’intangibilité et la fixité du contrat ne sont pas principes supérieurs à la souveraineté des volontés
contractantes. ») et G. de Vareilles-Sommières, Les personnes morales, LGDJ, 1919, n°770, note 1.
246
B. Dondero, op. cit.
247
A. Couret et Th. Jacomet, « Les pièges des pactes d’actionnaires : questions récurrentes et
interrogations à partir de la jurisprudence récente », RJDA, 10/08, p. 951, n°16.
49
84 - Notons que pour être efficace, la clause de rendez-vous doit être rédigée de
façon à générer une obligation ferme de renégocier de bonne foi le contrat et assortie de
sanctions suffisamment coercitives telles que des astreintes conventionnelles, clauses
pénale ou de sortie forcée249. A défaut, la clause peut sembler inutile en ce qu’elle ne
permet pas de contrecarrer la situation de blocage résultant de l’inaptitude ou du refus
catégorique des partenaires de s’entendre. Un arrêt de la Cour de cassation en date du
20 février 2007 a toutefois admis que l’échec dans la renégociation du pacte prévue en
cas d’introduction en bourse de la société entraînait, à défaut de stipulation contraire, la
résiliation de plein droit de ce dernier250. Il est donc primordial que les partenaires qui
souhaitent maîtriser l’évolution de leur pacte au moyen d’une clause de mise à jour
prévoient expressément le sort qu’ils souhaitent voir être réservé à ce dernier en cas
d’échec de la renégociation.
A ce titre, dans un objectif de pérennité du pacte, une clause particulière importée du
droit américain, peut être stipulée pour forcer efficacement les partenaires à s’entendre.
248
Ou à la majorité pour ceux qui admettent cette possibilité.
249
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1.
250
Cass. com. 20 février 2007, n°05-12.366, Dungler c / Garon, inédit.
50
Conclusion du Chapitre 1
251
On la désigne par l’expression Put and Call en droit américain, qui peut être littéralement traduite
comme : option de vente et option d’achat.
252
Sur ces clauses, voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
253
A ce titre, la mise en redressement judiciaire de la société n’entraîne pas la caducité automatique du
pacte d’actionnaires contenant une clause de préemption, Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre
2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gauthier confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005 n°04-
ère
12168, RJDA, 2005, n°1359, 1 esp.
254
Voir infra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 1. B et Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect 1, § 2. A, renvoyant
également à Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B.
51
255
Voir G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°40 et s.
256
G. Goubeaux, op. cit., n°46.
52
91 - La disparition du contrat de société, pour quelle que cause que ce soit, met fin au
pacte (A). La jurisprudence adopte par ailleurs une attitude restrictive quant à
l’application et au maintien en vigueur du pacte d’actionnaires à la suite d’une opération
sur le capital ayant pour effet de faire disparaître ou de transformer les actions (B).
92 - Le pacte d’actionnaires ne peut exister sans le contrat de société. Quelle que soit
la cause de la dissolution de la société, nullité pour vice de formation, extinction à la
suite de la réalisation de l’objet social ou de l’arrivée du terme du contrat de société,
dissolution anticipée, ou encore toute autre cause visée à l’article 1844-7 du Code civil
ou propre aux sociétés anonymes258, la disparition du contrat de société entraîne
nécessairement celle du pacte d’actionnaires.
257
« L’extinction de l’obligation principale entraîne aussi l’extinction du cautionnement, puisqu’il est de la
nature des choses accessoires de ne pouvoir subsister sans la chose principale », Pothier par J.-J. Bugnet,
Œuvres de Pothier annotées et mises en corrélation avec le Code civil et la législation actuelle, Paris, Cosse
Delamotte et Videcocq, 1848, Tome II n°377.
258
Par application des articles L 225-247 al. 1 C. com. (nombre d’actionnaires inférieur à sept), L 224-2 al. 2
C. com. (réduction du capital social en-dessous du minimum légal de 37.000 €), L 225-248 al. 4 C. com.
(montant des capitaux propres inférieur à la moitié du capital social), le tout sauf régularisation dans les
délais prescrits.
53
259
J Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes d’associés », commentaire
sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, ci-après cité, D., 2007, p. 2045, n°10.
260
Sur l’objet des pactes d’actionnaires, voir infra, Partie I, Titre 2, Chap. 1.
261 ème
En ce sens, A. Bénabent, Droit civil - Les obligations, Montchrestien, 11 éd., 2007, n°201.
262
La nullité est soumise à un régime spécial en droit des sociétés (voir D. Velardocchio-Flores, Les
accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°267 et s.). En effet la nullité du co ntrat de société
n’a pas d’effet rétroactif mais produit les effets d’une dissolution judiciaire de la société (art. 1844-15 C. civ.),
ce dont il résulte que jusqu’au jour de la liquidation suivant la découverte du vice de nullité affectant le
contrat de société, les actions sont réputées avoir existé et ont valablement constitué, avec les droits de
vote qui y sont attachés, l’objet du pacte.
263
Sur la caducité du contrat, voir A. Bénabent, op. cit., n° 201.
264
Rappelons sur ce point que, par application des articles 1838 du Code civil et L 210-2 du Code de
commerce, la durée de vie des sociétés ne peut excéder 99 ans. A défaut de stipulation d’une durée plus
courte dans les statuts, la durée de la société est réputée être de 99 ans (en ce sens, Mémento Pratique
Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°1170).
265
A rapprocher du principe de « l’extinction réflexe » du cautionnement, selon lequel « l’engagement de la
caution s’éteint par voie de conséquence lorsque s’éteint la dette cautionnée ». (D. Grimaud, Le caractère
accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, n°134).
266
Voir notamment, M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd.
EFE, 2003, n°221 et s.
54
la fin du pacte, une présomption selon laquelle la durée du pacte d’actionnaires serait
nécessairement calquée, à défaut de stipulation contraire, sur celle de la société.
267
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
n°202 ; M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, op. cit., n°221 et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F.
Lefebvre, 2009, n°18672.
268 ème
Sur cette question, voir F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 10 éd., 2009,
n°1200, selon lesquels la faculté de résiliation s’ accompagne du respect d’un préavis dans le seul cas où le
cocontractant a besoin de temps pour trouver une solution équivalente, ce qui ne semble pas pouvoir être la
situation d’un partenaire qui se trouverait confronté à la résiliation unilatérale du pacte.
269
Voir notamment, Cass. com. 6 novembre 2007, Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury.
270
En ce sens également, M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges
statutaires, éd. EFE, 2003, n°221.
271
Cass. com. 10 mars 1981, Bull. Joly, 1981, p. 449.
272
Cour d’appel d’Angers 20 septembre 1988, Bull. Joly, 1988, p. 850.
273
En ce sens notamment H. Dubout, « Les clauses de durée dans les pactes extra-statutaires entre
actionnaires », Bull. Joly, 1997, chron. I, p. 5, II. A ; J. Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur
durée, des pactes d’associés », D., 2007, p. 2045, n°10 commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15
décembre 2006 ; P. Le Cannu, RTD. com., 2007, p. 169, note sous cet arrêt également et B. Dondero, D.,
2008, p. 1024, note sous Cass. com. 6 novembre 2007 (confirmant Cour d’appel de Paris 15 décembre
2006 précité).
55
274
M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, selon lesquels une telle interprétation fait abstraction de la
recherche de la volonté des parties en posant « ex abrupto un principe général selon lequel tout pacte
d’actionnaires serait forcément conclu pour la durée de la société en cause », op. cit., n°221 et s.
275
A rapprocher du cautionnement : « La vocation de la théorie de l’accessoire à gouverner l’extinction du
cautionnement en constitue certainement l’aspect le plus fécond et surtout le plus immédiatement
accessible à l’intuition ». « Faute de précision du contrat de garantie, la règle de l’accessoire autorise, en
effet, à le définir [le terme extinctif du cautionnement] tacitement, par référence au terme tacite ou exprès de
l’opération principale » (D. Grimaud, op. cit., n°134 et 142).
276
P. Le Cannu, RTD. com., 2007, p. 169, note précitée sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006.
277
J. Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes d’associés », D., 2007, p.
2045, n°10, commentaire précité sous Cour d’appel d e Paris 15 décembre 2006.
278 ème
Y. Guyon, Les sociétés - Aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd.,
2002, n°202.
56
de société est susceptible d’être prorogé279. Il est vrai que le caractère déterminé de la
durée calquée sur celle de la société a précisément été remis en cause par un arrêt
remarqué de la Cour d’appel de Paris en date du 15 décembre 2006 au motif que « pour
un contrat de société, l’arrivée du terme convenu n’est pas inéluctable ou encore une
fatalité puisque les associés ont la possibilité, avant la date fatidique, d’en décider la
prorogation »280. Toutefois, si cet arrêt a été confirmé par la chambre commerciale de la
Cour de cassation, dans une décision en date du 6 novembre 2007281, abondamment
commentée, la confirmation a porté sur tous ses points sauf en ce que la Cour d’appel
remet en cause le caractère déterminé d’une durée calquée sur celle de la société, la
chambre commerciale jugeant l’argument surabondant. Nous ne pensons pas que cette
jurisprudence, et il convient de souligner que l’arrêt n’a pas été publié au Bulletin,
marque un abandon de la présomption classique selon laquelle le pacte d’actionnaires
est réputé conclu pour la durée de la société si aucune autre durée ne ressort des
stipulations du pacte. Quoi qu’il en soit, ce motif avancé par les juges du fond, pour
écarter la présomption de durée déterminée du pacte, paraît en outre contestable282 en
ce qu’il semble établi en droit positif que la prorogation du contrat de société n’a pas
d’incidence sur la durée du pacte283. L’arrêt précité de la Cour de cassation du 10 mars
1981284 énonce en effet, à ce titre, que la prorogation du contrat de société n’entraîne
pas la prorogation automatique285 du pacte d’actionnaires.
100 - En tout état de cause, cette jurisprudence, aux contours incertains286, n’est pas
de nature à remettre en question le lien de dépendance du pacte d’actionnaires au
contrat de société, lequel se manifeste par ailleurs dans la jurisprudence relative au sort
du pacte en cas de disparition ou de transformation des actions par suite d’une
opération sur le capital de la société.
279
Notons que le professeur Guyon ne remet par là aucunement en cause le caractère déterminé du contrat
de société lui-même, tout contrat à durée déterminée est susceptible d’être prorogé. Ce qu’il remet en cause
c’est le caractère limité de la durée du pacte alignée sur celle du contrat de société au regard de la
prohibition des engagements perpétuels (Y. Guyon, op. cit., n°202). Sur l’application de cette prohibition aux
pactes d’actionnaires, voir infra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B. Voir également J. Moury, op. cit.,
n°6 renvoyant à R. Libchaber, « Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés », Rev.
sociétés, 1995, p. 437, spéc. n°7 à 9.
280
Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, précité, Bull. Joly, 2007, n°4, p. 479, note F.-X. Lucas et
commentaires précités : P. Le Cannu, RTD. com., 2007, p. 169 et J. Moury, D., 2007, p. 2045, précité.
281
Cass. com. 6 novembre 2007, Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury ; D., 2008, p. 1024, note. B.
Dondero, précitée ; Bull. Joly, 2008, p. 125, note X. Vamparys; Dr. sociétés, 2008, comm. n°10, obs. H.
Hovasse et Les Echos, n°20053, 23 novembre 2007, p. 12, Ph. Delebecque.
282
Approuvant toutefois ce motif, voir, F.-X. Lucas, op. cit.
283
Le Professeur Moury justifie cette solution par l’application du principe d’effet relatif des conventions (J.
Moury, op. cit., n°4).
284
Cass. com. 10 mars 1981, Bull. Joly, 1981, p. 449, précité.
285
Ce qui n’empêche pas les partenaires de prévoir conventionnellement, lorsque la durée du pacte
d’actionnaires est calquée sur celle de la société, que la prorogation du contrat de société entraînera
automatiquement celle du pacte.
286
Voir également infra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2, B.
57
287
« Quelque généraux que soient les termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend
que les choses sur lesquelles il paraît que les parties se sont proposées de contracter » (art. 1163 C. civ.).
288
Voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 1. A.
289
Sur cette question, voir P. Larrieu, « L'interprétation des pactes extra-statutaires », Rev. sociétés, 2007,
p. 697, n°17.
290
Le principe d’interprétation stricte des exceptions découle de la règle plus générale d’interprétation
subjective des conventions à laquelle le juge est soumis dans le cadre de son pouvoir souverain
d’appréciation. « On doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties
contractantes, plutôt que se s’arrêter au sens littéral des termes » (art. 1156 C. civ.).
291
Cour d’appel de Versailles 26 juin 1997, Bull. Joly, 1997, p. 343, note Ph. Dom.
292 ème
Cour d’appel de Lyon 14 mai 2009, 3 ch. B, (affaire FGI SARL c/ Saint-André SA), Dr. sociétés, 2010,
comm. 6, H. Hovasse.
58
jurisprudence précitée293 que les pactes d’actionnaires portant sur les actions annulées
mais dont les signataires ont souscrit de nouvelles actions, ne sont, sauf précision
conventionnelle contraire, pas automatiquement reportés sur ces nouvelles actions294. Il
est donc particulièrement opportun pour les partenaires de préciser le sort du pacte
dans l’hypothèse où la société serait amenée à effectuer une opération de ce type sur le
capital.
Dans le même sens, il convient pour les partenaires de se prononcer expressément sur
l’entrée ou non dans l’assiette du pacte des actions qu’ils ne détenaient pas au moment
de la conclusion de ce dernier mais qu’ils viendraient à acquérir par la suite, par
exercice d’un droit de souscription lors d’émissions ultérieures de titres, d’un droit
d’attribution ou encore d’un droit de préemption. La solution est incertaine en droit
positif, la jurisprudence ne s’étant, à notre connaissance, jamais prononcée sur cette
question qui divise la doctrine295. Sur ce point, nous pensons que, par application du
principe d’interprétation stricte des conventions, le pacte ne s’applique qu’aux actions
possédées par les partenaires au moment de la conclusion de ce dernier.
293
Cour d’appel de Versailles 26 juin 1997, précité.
294
En ce sens également, H. Hovasse et N. Morelli, « Les opérations de restructuration des sociétés à
l’épreuve de la crise », JCP, éd. E, 2010, 212.
295
En faveur d’une interprétation stricte, voir M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et
privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°230. Contra, Ph. Brunswick, « SAS et c apital investissement : vers
la fin des pactes d’actionnaires extra-statutaires ?», D., 2000, p. 595, I - 2.1.b.
296
Cass. com. 28 avril 2004, RJDA, 2004/8-9, n°983 confirmant Cour d’appel de Paris 1 8 février 2000, Bull.
Joly, 2000, p. 727, note P. Le Cannu.
59
une analyse littérale des termes stipulés, les partenaires devront veiller à préciser avec
soin297 les conditions de mise en œuvre du pacte.
105 - Il semble, par ailleurs, que le pacte ne survit pas à l’égard du partenaire ayant
perdu sa qualité d’actionnaire. En effet, dès lors que le pacte d’actionnaires est placé
dans une dépendance au contrat de société, non seulement le contrat de société ainsi
que les actions sur lesquelles porte le pacte doivent exister, mais il faut encore que les
partenaires conservent leur qualité d’actionnaire dans la société299.
On trouve là un autre aspect de la dépendance du pacte au contrat de société qui tient à
ce que le pacte est tributaire du maintien de la qualité d’actionnaire de ses signataires.
La qualité d’actionnaire des partenaires correspond, plus précisément, au deuxième
élément du lien de dépendance du pacte au contrat de société que l’on a qualifié plus
haut de lien à double détente.
297
Pour être précise, la définition des opérations dans le cadre desquelles le pacte aura vocation à jouer ne
doit pas non plus être trop restrictive et rigide. Voir S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de
valeurs mobilières, n°434 et s.
298
Cour d’appel de Paris 15 décembre 1995, Dr. sociétés, 1996, n°113, p. 14 et Cour d’appel de Paris 15
décembre 2006, précité, (D., 2007, p. 2045, note J. Moury) confirmé par Cass. com. 6 novembre 2007,
précité (Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury).
299
En ce sens également, J. Moury : « L’existence du pacte d’actionnaires est indissociablement liée non
seulement à celle de la société dont sont actionnaires les parties, mais encore, pour chacune d’elles, à sa
qualité d’actionnaire de cette société », commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006,
n°10.
60
300
Voir supra, Chap. 2, Sect° 1, § 1. A. Il convient d’a ssimiler à cette hypothèse celle de la disparition des
actions à la suite de la réalisation d’une opération de coup d’accordéon dans le cadre de laquelle le
partenaire ne souscrit pas à l’augmentation de capital (voir supra, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B et notammen t,
Cour d’appel de Lyon 14 mai 2009, 3ème ch. B, affaire FGI SARL c/ Saint-André SA, Dr. sociétés, 2010,
comm. 6, H. Hovasse, précitée).
301
Par application du principe de continuité de la personne, le pacte est en effet transmis aux ayants cause
universel qui continuent la personne du partenaire, sauf pour le pacte à avoir été conclu intuitus personae
(voir supra, Chap. 1, Sect° 2, § 1. B).
302
Sur laquelle, voir supra, Chap. 1, Sect° 2, § 1. B.
61
actions, le pacte disparaît en ce qu’il porte sur les actions cédées mais survit en ce qu’il
porte sur les actions demeurant la propriété du partenaire cédant, lequel a conservé la
qualité d’actionnaire, sauf pour les partenaires à avoir expressément prévu que la
cession d’une partie de ses actions par l’un des partenaires mettrait fin au pacte. Mais
par nature, le pacte d’actionnaires n’est pas indivisible.
Lorsque le pacte a été conclu entre plusieurs actionnaires et qu’un seul d’entre eux cède
ses actions, le partenaire cédant se trouve libéré du pacte. Mais si le pacte disparaît
ainsi à l’égard du partenaire cédant, lequel a perdu la qualité d’actionnaire, il peut
survivre, sauf stipulation contraire, entre les partenaires demeurés actionnaires.
110 - La perte de la qualité d’actionnaire par l’un des partenaires provoque ainsi la
disparition du pacte à l’égard de ce dernier. Cette disparition peut résulter de deux effets
distincts de la cession de l’intégralité de ses actions par l’un des partenaires. Soit cette
cession entraîne l’extinction du pacte, par réalisation de l’objet de ce dernier à l’égard du
partenaire cédant303, soit elle entraîne la caducité du pacte à l’égard du partenaire
cédant, ensuite de la perte de l’élément essentiel que constitue, pour le pacte, la qualité
d’actionnaire du partenaire.
111 - La cession de ses actions par l’un des partenaires entraîne parfois l’extinction
du pacte à l’égard de ce dernier en raison de la réalisation-même de l’objet du pacte.
Cette hypothèse recouvre les nombreux cas dans lesquels la cession constitue une
condition d’application du pacte d’actionnaires, lequel vise précisément à organiser les
modalités de cession de ses titres par l’un des partenaires ou plusieurs d’entre eux, en
subordonnant, par exemple, la cession à l’obtention de l’agrément d’autres actionnaires
ou à l’octroi d’une priorité sur l’opération à certains bénéficiaires, ou encore, en
encadrant la cession dans des conditions prédéfinies dans le cadre d’une promesse de
vente.
112 - En d’autres hypothèses, la cession de ses actions par l’un des partenaires
entraîne la caducité du pacte à l’égard de ce dernier en raison de la perte de la qualité
d’actionnaire du partenaire.
Ainsi, l’actionnaire qui s’est engagé dans les termes d’une convention de vote est-il
automatiquement libéré de son engagement lorsqu’il perd sa qualité d’actionnaire, la
303
Le Professeur Moury précise à ce titre que « Mis de côté le cas où le pacte a pour objet d’organiser les
cessions d’actions par la stipulation, notamment, d’un droit de préférence, la cession déclenchant alors le
mécanisme qui y est prévu et l’exigibilité de l’obligation que le signataire cédant y a précisément souscrite,
la cession de la totalité de ses titres par l’une des parties prive le pacte de tout objet pour cette partie. » (J
Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes d’associés », D., 2007, p. 2045,
n°4, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006).
62
convention étant caduque à son égard dès lors qu’il ne dispose plus de la prérogative de
vote attachée à la qualité d’actionnaire.
114 - Il apparaît en effet que le pacte est tributaire de la qualité d’actionnaire de ses
signataires en raison de ce qu’il ne peut avoir matériellement d’objet que si les
partenaires détiennent les actions qui en constituent directement l’objet ou à la détention
desquelles est attaché le droit de vote objet du pacte304. Dans cette mesure, la perte de
la qualité d’actionnaire entraîne la caducité du pacte pour la même raison que la
disparition du contrat de société, ou celle des actions elles-mêmes, entraîne la caducité
du pacte, tenant à la perte d’objet de ce dernier305.
En somme, parce qu’il a directement ou indirectement pour objet les actions de la
société, il semble bien que le pacte d’actionnaires se place dans un rapport de
dépendance à double détente qui le rend naturellement tributaire de la qualité
d’actionnaire de ses partenaires, et, plus en amont, du contrat de société. L’existence
des droits et obligations que le partenaire tient du pacte est ainsi indissociablement liée
à la qualité d’actionnaire, laquelle est elle-même indissociablement liée au contrat de
société.
304
Sur l’objet des pactes d’actionnaires, voir infra, Partie I, Titre 2, Chap. 1.
305
En ce sens également, J. Moury : « la libération de l’une des parties ensuite de la cession de sa
participation dans le capital de la société s’analyse comme la conséquence de la caducité du pacte à son
égard, entraînée par la disparition, pour lui, de l’objet de cette convention», op. cit., n°4.
63
société. Il est donc regrettable que la jurisprudence ne tire pas toujours très clairement
les conséquences de cette dépendance, ce que nous apprécierons au regard de
certaines solutions afférentes à la durée des pactes d’actionnaires.
116 - C’est sur la base de deux arrêts rendus par la chambre commerciale de la
Cour de cassation, le 27 septembre 2005306 et le 6 novembre 2007307 que nous
proposons d’apprécier dans quelle mesure la jurisprudence relative à la durée des
pactes tient compte du caractère essentiel du maintien de la qualité d’actionnaire des
partenaires. Le premier arrêt est relatif au caractère limité, au regard de la prohibition
des engagements perpétuels, de la durée d’un pacte de préférence tandis que le
second, déjà évoqué, conclut au caractère indéterminé de la durée du pacte alignée sur
celle de la participation commune des actionnaires dans la société.
117 - Une certaine confusion est entretenue en droit positif entre le caractère
déterminé de la durée d’un contrat et le caractère limité de cette même durée au regard
de la prohibition des engagements perpétuels. Il convient en effet de distinguer, sur le
fond, la durée indéterminée et la durée illimitée308. Une durée très longue, voire illimitée,
n’en est pas moins déterminée309, elle se heurte cependant au principe général de
prohibition des engagements perpétuels310, lesquels portent atteinte à la liberté
individuelle. Toutefois, l’existence d’une faculté de résiliation unilatérale du contrat
conclu pour une durée illimitée permet logiquement de faire échapper le contrat au grief
de l’engagement perpétuel.
Cette confusion entre les contrats à durée indéterminée et ceux constitutifs d’un
engagement perpétuel, au regard notamment de la durée de vie des contractants et de
la nature de l’obligation311, tient à ce que les seconds sont en général sanctionnés par la
306
Cass. com. 27 septembre 2005, Sté Financière de Marcory c/ Sté Sofipharm, n°04-12168, RJDA, 2005,
ère
n°1359, 1 esp., confirmant Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077,
note A. Cerati-Gauthier, précités.
307
Cass. com. 6 novembre 2007, précité (Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury ; D., 2008, p. 1024,
note. B. Dondero, précitée ; Bull. Joly, 2008, p. 125, note X. Vamparys ; Dr. sociétés, 2008, comm. n°10,
obs. H. Hovasse et Les Echos, n°20053, 23 novembre 2007, p. 12, Ph. Delebecque) confirmant Cour
d’appel de Paris 15 décembre 2006, précité (Bull. Joly, 2007, n°4, p. 479, note F.-X. Lucas et commentair es
précités : P. Le Cannu, RTD. com., 2007, p. 169 et J. Moury, D., 2007, p. 2045).
308
J. Moury, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, n°6 renvoyant à R.
Libchaber, « Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des sociétés », Rev. sociétés, 1995, p.
437, spéc. n°7 à 9.
309
L. Merland et D. Poracchia, obs. sous Cass. com. 6 novembre 2007 et Rev. Lamy Droit civil, 2008, n°48,
p. 6, n°9.
310
Ce principe résulte de la généralisation par la jurisprudence de l’interdiction des contrats de travail
illimités énoncée à l’article 1780 du Code civil.
311
Voir notamment, en matière d’engagement d’inaliénabilité pris par un médecin vis-à-vis de la société
ère
exploitant la clinique, Cass. 1 civ. 20 mai 2003, JCP, éd. G, 2003.I. 186, n°7 et s., note J. Rochfeld ( durée
64
stipulée de 25 ans, considérée comme inférieure à la moyenne de vie professionnelle d’un médecin et ne
ère
portant donc aucune atteinte à la liberté individuelle) et Cass. 1 civ. 19 mars 2002, JCP, éd. G, 2003.I.
122, n°15 et s., note A. Constantin (qualifiant de p erpétuel l’engagement pris par le médecin pour la durée
de vie de la société, soit 99 ans par défaut).
312 ème
En ce sens, A. Bénabent, Droit civil - Les obligations, Montchrestien, 11 éd., 2007, n°314 ; F. Terré,
ème
Ph. Simler et Y. Lequette, Les obligations, Dalloz, 10 éd., 2009, n°1200 et M.-E. Pancrazi-Tian, La
protection judiciaire du lien contractuel, PUAM, 1996. Pour des arrêts sanctionnant par la nullité les contrats
constitutifs d’un engagement perpétuel, voir A. Bénabent, op. cit, n°314 et les arrêts cités. En faveur
également de la sanction de la nullité, voir L. Merland et D. Poracchia, op. cit., n°11 et 12.
313
Certains pactes, les engagements d’inaliénabilité notamment et, peut être, les interdictions d’acquérir,
doivent impérativement avoir une durée limitée pour être valables (voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect°
2, § 1 et Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A).
314 ème
En ce sens, Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005, n°04-4322, 3 ch. A, Hermann c/ Vileghe, RJDA,
7/06, n°791.
315
H Dubout, « Les clauses de durée dans les pactes extra-statutaires entre actionnaires », Bull. Joly, 1997,
chron. I, p. 5, précité, I - A et Dossier pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P. Julien
Saint-Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°100.
316
Cass. com. 27 septembre 2005 confirmant Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, précités.
317
Sur ce principe, voir infra Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2 et Titre 2, Chap. 1.
318
En ce sens également, J. Moury, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006,
n°4 et 6.
65
s’entendre que de la possibilité pour les partenaires de mettre fin à ce dernier tout en
conservant la qualité d’actionnaire319. La cession des actions, au contraire, met non
seulement fin à la qualité d’actionnaire du partenaire mais constitue, surtout, un
événement extérieur au pacte, qui ne s’inscrit aucunement dans les rapports que les
partenaires entretiennent entre eux mais dans ceux qui lient l’actionnaire cédant à la
société en vertu du contrat de société qui préexiste à la conclusion du pacte.
Ainsi, la cession de ses actions par un partenaire met-elle fin, avant tout, à sa qualité de
partie au contrat de société et en résulte-t-il, par voie de conséquence, la perte pour le
pacte d’un élément qui lui est essentiel. Cette cession ne constitue donc qu’une cause
de caducité du pacte d’actionnaires et ne peut avoir, en raison de la dépendance du
pacte au contrat de société, qu’un effet ricochet sur le pacte.
319
J. Moury, op. cit., n°4.
320
Cass. com. 10 mars 1981, Bull. Joly, 1981, p. 449 et Cour d’appel d’Angers 20 septembre 1988, Bull.
Joly, 1988, p. 850, précités.
321
H Dubout, « Les clauses de durée dans les pactes extra-statutaires entre actionnaires », Bull. Joly, 1997,
chron. I, p. 5., I - A.
322
Egalement favorable au caractère déterminé de la durée de la société : H Dubout, article précité, I – A ;
Y. Guyon, , Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°202 et R. Libchaber, « Réflexions sur les engagements perpétuels et la durée des
sociétés », Rev. sociétés, 1995, p. 437, spéc. n°18 et s.
323
M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°221.
66
l’arrêt précité de la Cour d’appel de Paris en date du 15 décembre 2006 confirmé par la
Cour de cassation dans son arrêt du 6 novembre 2007324.
Dans cette affaire, alors que l’une des sociétés partenaires avait levé l’option qu’elle
tenait du pacte, l’autre prétendait, classiquement, que le pacte aux termes duquel il était
stipulé que ce dernier s’appliquerait aussi longtemps que les deux sociétés
demeureraient ensemble actionnaires de la filiale commune, était à durée indéterminée
et qu’elle l’avait en conséquence valablement dénoncé, approuvée en cela par la Cour
de cassation. La chambre commerciale approuve en effet la Cour d’appel d’avoir
considéré, après avoir notamment retenu que « la perte, par l’un ou l’autre des
contractants, de la qualité d’actionnaire ne présente aucun caractère de certitude, quand
bien même l’un ou l’autre peut-il à tout moment céder ses actions »325, que le pacte
n’était assorti d’aucun terme extinctif, même incertain326.
324
Cass. com. 6 novembre 2007, commentaires précités, confirmant Cour d’appel de Paris 15 décembre
2006, commentaires précités.
325
Cass. com. 6 novembre 2007, commentaires précités.
326
Un terme est qualifié d’« incertain » lorsqu’il porte sur un événement de réalisation, par définition,
certaine mais dont la date de survenance est incertaine.
327
G. Cornu, Vocabulaire Juridique, Association Henri Capitant, PUF Quadrige, 2002.
328
Voir l’article 1185 du Code civil distinguant le terme de la condition. La condition porte sur un événement
incertain dans sa réalisation, qui, contrairement au terme, rétroagit sur l’existence même de l’obligation. (art.
1168 et s. C. civ.).
329
En ce sens, J. Moury, op. cit, n°3.
67
122 - S’agissant par ailleurs de la solution énoncée, il nous semble que la perte de la
qualité d’actionnaire, laquelle résultera certainement, et au plus tard330, de l’écoulement
de la durée du contrat de société, si elle ne constitue pas en elle-même un terme
extinctif renvoie nécessairement au terme extinctif que constitue la durée du contrat de
société. C’est d’ailleurs ce que révèle le moyen du pourvoi selon lequel « la perte de la
qualité d’actionnaire, même si est inconnue la date à laquelle cet événement arrivera,
est certaine puisque “cette perte de qualité interviendra nécessairement au plus tard à la
fin de la société, dont la durée est au maximum de 99 ans” ». Cet argument ne convainc
toutefois pas la Cour d’appel, laquelle, approuvée en cela par la Cour de cassation, en
dénonce l’ambiguïté en raison de ce qu’il n’est pas précisé si la société visée, dont la
durée est au maximum de 99 ans, est la société cible dans laquelle les partenaires sont
actionnaires ou les sociétés partenaires elles-mêmes. Cette exigence de précision est
excessive et fortement critiquée par la doctrine331, d’autant plus que, retenir l’une ou
l’autre des propositions n’affecte aucunement la pertinence de l’argument332. Mais cette
prise de position révèle sans aucun doute l’hostilité de la jurisprudence à l’égard des
clauses de durée du pacte alignées sur la durée de participation commune des
partenaires dans la société.
330
En faveur également du caractère certain de la perte de la qualité d’actionnaires, même si cette perte
pourrait être lointaine, voir J. Moury, note précitée sous Cour d’appel de Paris 15 novembre 2006, n°8 . Et
sur la question de la validité de la durée des pactes d’actionnaires au regard de la limite de durée et de la
prohibition des engagements perpétuels soulevée par les troisièmes et sixième branches du moyen,
considérées comme non fondées par la chambre commerciale, voir également J. Moury, commentaire
précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, n°6.
331
J. Moury, selon lequel le pourvoi visait de toute évidence la société cible la qualifie de « déconcertante »,
commentaire précité sous Cass. com. 6 novembre 2007, n°4. Voir également, B. Dondero, commentaire
précité.
332
Dans le même sens, X. Vamparys, note précitée sous Cass. com. 6 novembre 2007.
333
Voir infra, Partie I, Titre 2, Chap. 1.
68
supérieur dans la hiérarchie des normes sociétaires, ce qui est une autre marque d’une
forme d’accessoire334.
126 - Si l’existence d’un bloc de dispositions réservées aux statuts, ne pouvant pas,
par définition, être appréhendées par les pactes d’actionnaires, ne fait aucun doute, la
délimitation de ce domaine réservé aux statuts est plus incertaine (A). Il s’avère pourtant
primordial d’en circonscrire l’étendue, la sanction de l’empiètement du pacte
d’actionnaires sur les dispositions relevant de ce domaine réservé pourrait bien être, en
effet, la plus énergique qui soit, à savoir la nullité (B).
334
En ce sens, G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, « le principal
commande la dimension de l’accessoire », n°46 et s. , et voir n°18, sur la dépendance de l’accessoire a u
principal caractérisée par une idée de « hiérarchie ».
335
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°286. On parle également de « primauté des statuts », D. Velardocchio-Flores, Les
accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°250 et s.
336
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, 781 note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004, Bull.
Joly, 2004.544, note P. Le Cannu.
69
127 - La délimitation du domaine réservé aux statuts est parfois délicate. Ce bloc de
dispositions est en effet composé d’un « noyau dur » « à géométrie variable »337, avec
en son cœur, les mentions obligatoires338 visées à l’article L 210-2 du Code de
commerce, en matière de sociétés commerciales en général, et celles propres à chaque
forme sociale339. Ce noyau dur est ensuite élargi par la loi, d’une part, laquelle prévoit
des dispositions supplétives légales qui semblent devoir être impérativement stipulées
dans les statuts et par la jurisprudence, d’autre part.
337
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n 85.
338 ème
Ces mentions ne peuvent figurer en dehors des statuts, Cass. 3 civ. 14 janvier 1971, JCP ,1971.IV,
44.
339
En matière de sociétés anonymes, il s’agit des articles L 225-16,-25,-36-1,-51-1 et -64 du Code de
commerce.
340
Précisons à ce titre que dans le domaine des SAS spécifiquement, les dispositions des articles L 227-13
et suivants du Code de commerce relatifs aux clauses d’inaliénabilité, d’agrément, d’exclusion et de
changement de contrôle d’un associé personne morale ne relèvent pas du domaine réservé des statuts. De
telles dispositions peuvent en effet figurer en dehors des statuts de la société et relever alors du régime des
pactes d’actionnaires. (M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2,
ème
19 éd., LGDJ, 2009, n°2011-1).
70
l’appréhension exclusive des statuts. Toutefois, les textes n’excluent pas expressément
un aménagement extra-statutaire des dispositions supplétives légales.
Il est indéniable que l’impératif de sécurité juridique commande de retenir la première
proposition341 mais ce serait se priver des nombreux avantages, déjà évoqués, que
présentent les pactes d’actionnaires. Deux exemples retiennent l’attention : la
modification des règles de majorité requises pour les délibérations du conseil
d’administration ou de quorum requises pour les délibérations en assemblée générale,
d’une part, et les clauses d’agrément, d’autre part.
131 - La validité des clauses d’agrément extra-statutaires suscite, quant à elle, une
controverse344. Ceux qui réfutent leur validité invoquent notamment que les dispositions
légales relatives à l’agrément de la société doivent être interprétées strictement en
raison de ce qu’elles constituent une entrave à la libre négociabilité des actions345.
D’autres346 invoquent le défaut de publicité des dispositions extra-statutaires, lesquelles
ne sont donc pas automatiquement connues des actionnaires non signataires du pacte
et des autres tiers à la société, ou encore la nécessaire implication dans la procédure
d’agrément d’un organe collectif de la société titulaire du droit d’agrément. Si, sur ce
341
M.-Ch. Monsallier, op. cit , n°85 .
342
Remarquons à ce titre que dans l’ensemble des ouvrages traitant en parallèle des aménagements
statutaires et des pactes extra-statutaires, les auteurs n’abordent ces modifications que dans le domaine
statutaire. (Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
associés, sous la direction de Jacques Ghestin, LGDJ, 5è éd., 2002, n°174 ; H. Henry et Gh. Bouillet-
Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, Editions EFE, 2003, n° 157 et s. et F.-D.
Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés dynamisme et paradoxes, Revue Banque Edition,
2003, n°66 et s.
343
Contra, J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, éd. GLN Joly, Coll. Pratique des
Affaires, 1995, n°106 et Dossier pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P. Julien Saint-
Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°422 et s.
344
Contre la validité des clauses d’agrément extra-statutaires : G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit
des sociétés, essai sur le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés, éd. L’Harmattan, 2008,
n 358; Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18454. En faveur de leur vali dité :
Dossier pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, F.
Lefebvre, 2006, n°728 et 740 et s. et S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs
mobilières, Litec, 1992, n°60 et s.
345
En ce sens, Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18463.
346
En ce sens, G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°358.
71
dernier point, il ne fait aucun doute que ni la société ni, a fortiori, aucun de ses organes
ne peut être lié par les dispositions extra-statutaires, il nous semble en revanche
possible de conférer le pouvoir d’agrément à un actionnaire ou à un groupe
d’actionnaires signataires du pacte. Nous nous prononçons donc en faveur de la validité
des conventions d’agrément extra-statutaires par lesquelles un actionnaire s’engage
envers un autre à ne céder ses actions qu’après avoir obtenu l’accord de ce dernier
quant à la personne du cessionnaire pressenti347, à condition toutefois que ces
conventions respectent le droit fondamental qu’a tout actionnaire de ne pas rester
prisonnier de ses titres348.
347
Voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2 . A. et pour un exemple jurisprudentiel : Cour d’appel de
Paris, 26 mars 1986, Bull. Joly, 1986, p. 679, cité par S. Prat, op. cit., n°63.
348
Voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 1.
349
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B.
350
Voir notamment Cass. com. 8 février 1982, Bull. Joly, 1982, p. 970 et Cour d’appel de Paris 21 décembre
1983, Dr. sociétés, 1984, 3, n°74, note M. Germain (exclusion organis ée dans le règlement intérieur).
351
En ce sens notamment, J-P. Storck, « La validité des conventions extra-statutaires », D., 1989, p. 267,
n°14 et H. Le Nabasque, P. Dunaud et P. Elsen, « Les clauses de sortie dans les pactes d’actionnaires »,
Dr. sociétés, Actes prat., 1992, n°5, p. 12.
352
Sur la validité d’une clause d’exclusion statutaire, voir notamment Cour d’appel de Rouen, 8 février 1974,
Rev. sociétés, 1974, p. 507, note R. Rodière.
353
En ce sens notamment, D. Martin, « L’exclusion d’un actionnaire », in « La stabilité du pouvoir et du
capital dans les sociétés par actions », R.J. com., 1990, p. 113 ; M.-Ch. Monsallier, op. cit , n°708 et s. et .
Goffaux-Callebaut, op. cit., n°363 et s. Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B.
354
Sont ainsi reconnues valables les promesses unilatérales de cession forcée extra-statutaires conclues
sous la condition suspensive de la perte de la qualité de salarié de la société pour quelle que cause que ce
soit : Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, JCP, éd. E, 2003, n°17-18, p. 737 et Cour d’appel de
ème
Paris 18 octobre 2005, n° 04-4322, 3 ch. A, Hermann c/ Vileghe, RJDA, 7/06, n°791, précité.
72
134 - De la même manière que l’étendue du domaine réservé aux statuts demeure
incertaine sur certains points, la sanction de l’empiètement des dispositions du pacte sur
ce domaine n’est pas bien établie en droit positif.
355
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2.
356
Cour d’appel de Paris 23 février 1962, D., 1963, p. 570, note J. Bigot.
357
S. Prat, op. cit., n°360.
358
En ce sens, P. Le Cannu, « Le règlement intérieur des sociétés », Bull. Joly, 1986, p. 723, n°19.
73
359
A. Viandier et J.-J. Caussain, chron. de droit des sociétés, JCP, éd. E., 1986, 15846, n°2.
360
P. Le Cannu, op. cit., n°19.
361
Cass. com. 8 février 1982, précité, Bull. Joly, 1982, p. 970 et Cour d’appel de Paris 21 décembre 1983,
précité, Dr. sociétés, 1984, 3, n°74, note M. Germain (exclusion organis ée dans le règlement intérieur).
362
Cass. com. 8 février 1982, précité.
363
Art. L 225-121 C. com. (relatif à la nullité des délibérations des assemblées générales prises en violation
des art. L 225-96 et -98 du C. com.).
74
et notamment lorsqu’il porte sur le capital social, d’une certaine marge d’autonomie364
par rapport au domaine réservé au contrat de société.
142 - Dans cette affaire, les quatre principaux actionnaires d’une société avaient
obtenu le concours d’une institution financière au moyen d’une augmentation de capital
réservée à cette dernière, d’une part, et d’un prêt garanti par le cautionnement
hypothécaire de deux d’entre eux, d’autre part. Il était indiqué dans le procès verbal de
l’assemblée générale extraordinaire ayant voté cette augmentation de capital qu’en
raison de la garantie qu’ils avaient apportée sur leurs biens, les deux actionnaires
concernés bénéficieraient d’un droit de préférence, de nature statutaire, sur le rachat
364
S. Prat, op. cit., n°360.
365
Cass. com. 15 février 1994, Bull. Joly, 1994, p. 508, note D. Velardocchio.
75
des actions de l’institution financière. Le même jour, les quatre actionnaires avaient
consenti au profit de l’institution financière un pacte de rachat extra-statutaire à prix fixé,
la répartition des actions ainsi rachetées devant maintenir l’égalité entre les
cessionnaires. Il résultait ainsi de ce montage une contradiction entre le droit de
préférence statutaire et le pacte de rachat extra-statutaire conclus concomitamment.
La Cour de cassation privilégie l’application de la disposition statutaire et accorde alors à
l’un des deux actionnaires garants le droit de préempter l’ensemble des actions cédées
par l’institution malgré l’opposition des co-actionnaires de ce dernier, bénéficiaires du
pacte de rachat extra-statutaire.
143 - Le pourvoi soutenait que ce pacte n’aurait pu être valablement modifié que par
mutuus dissensus et non par une résolution sociale, laquelle n’avait pas été approuvée
par l’ensemble des partenaires. Mais la Cour de cassation rejette ce pourvoi et approuve
la Cour d’appel d’avoir considéré que « la décision de l’assemblée générale ne
constituait pas un acte modifiant le pacte de rachat extra-statutaire conclu entre
[l’institution financière] et quatre actionnaires […] mais avait pour objet l’attribution à
deux actionnaires, en raison de leurs engagements personnels au profit de la société,
d’un droit de préemption statutaire s’imposant à l’ensemble des actionnaires ».
Il apparaît donc que, dans ce conflit entre les dispositions statutaires et les stipulations
du pacte extra-statutaire, la Cour de cassation « refuse de se placer sur le terrain
contractuel de l’aménagement des droits des actionnaires »366, consacrant par-là la
supériorité hiérarchique des premières. Dès lors que les statuts sont d’essence
collective et s’imposent à tous les actionnaires367, il paraît légitime qu’ils ne puissent être
contredits par des dispositions prises individuellement par certains actionnaires368. Mais
la solution aurait-elle été identique si le pacte d’actionnaires avait été conclu
ultérieurement à l’adoption de la résolution sociale litigieuse ? La particularité des
circonstances de l’espèce nous autorise à douter de la portée générale de cet arrêt369.
366
En ce sens, D. Velardocchio, note précitée, I. A.
367
Voir supra, Chap. 1, Sect° 1, § 2. A.
368
En ce sens, D. Velardocchio, note précitée, I. A, qui relève que l’« on touche alors au domaine
institutionnel où le pacte adjoint ne peut venir concurrencer le pacte social » et H. Henry et Gh. Bouillet-
Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°218.
369
Contra, H. Henry et G. Bouillet-Cordonnier, op. cit., n°218, qui relèvent la généralité de la formule.
370
Sur ce principe, voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2 et Titre 2, Chap. 1.
371
Cass. com. 7 janvier 2004, Bull. Joly, 2004, p. 544, note P. Le Cannu.
76
372
P. Le Cannu, op. cit.
373
En ce sens notamment, D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-statutaires entre associés, PUAM,
1993, n°250, selon laquelle « l’emprise des stipula tions statutaires sur les conventions extérieures […est]
plus ou moins sévère selon que l’accord extra-statutaire est en complète opposition ou est juxtaposé à
l’accord collectif [les statuts] d’une façon qui autorise une harmonisation ». Un auteur se prononce ainsi en
faveur de la validité d’un pacte d’actionnaires comportant une clause de préemption plus restrictive que les
statuts (Voir J. Moury, « Des clauses restrictives à la libre négociabilité des actions », RTD. com., 1989, p.
187, n°18, cité par S. Prat, op. cit., n°362).
77
149 - Un premier courant jurisprudentiel, qui résulte des décisions les moins
anciennes, conclut à la nullité du règlement intérieur dont les dispositions sont contraires
aux statuts376. L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 9 octobre 1985, confirmé en des
termes très proches par la Cour de cassation le 2 juin 1987, énonce en effet que « les
statuts édictent en vertu de la loi les règles constitutives de la personne morale, et que
leur respect s’impose à tous aussi longtemps qu’ils n’ont pas été modifiés selon la
procédure prévue par les articles 8 et 153 de la loi du 24 juillet 1966 ; que toute
stipulation contraire d’un « règlement intérieur » constitue simplement une violation des
statuts dont la nullité peut être soulevée par tout intéressé sans entraîner pour autant la
nullité de la société elle-même ».
374
Cass. com. 15 février 1994, Bull. Joly, 1994, p. 508, note D. Velardocchio
375
P. Le Cannu, « Le règlement intérieur des sociétés », Bull. Joly, 1986, p. 723, n°19.
376
Cour d’appel de Paris 9 octobre 1985, Bull. Joly, 1986, § 226, p. 761, confirmé par Cass. com. 2 juin
1987, Rev. sociétés, 1988, p. 223, note J. Mestre.
78
150 - Un second courant jurisprudentiel, qui résulte d’un arrêt légèrement plus
ancien de la Cour de cassation, en date du 17 mars 1982377, sanctionne quant à lui par
la seule inopposabilité à la société, la clause d’un règlement intérieur contraire aux
statuts, cette clause conservant par ailleurs toute sa force obligatoire entre les
associés378 dès lors qu’elle était plus récente que les statuts.
Cette solution, qui affirme la validité entre les actionnaires du règlement antérieur pris en
contravention avec les statuts, fait primer le principe de la liberté contractuelle sur celui
de la supériorité des statuts.
Dans la mesure où le pacte d’actionnaires est moins fortement dépendant des statuts
que le règlement intérieur ne l’est et dispose, contrairement à ce dernier, d’une certaine
autonomie, si relative soit-elle, il est permis de se prononcer en faveur de la validité,
entre les signataires, des pactes comprenant des dispositions qui contreviennent aux
statuts. Quant à l’inopposabilité du pacte à la société, il en est ainsi de tout pacte
d’actionnaires, par application de l’effet relatif des conventions, peu important que les
dispositions de ce dernier soient contraires ou non aux statuts.
151 - Nous pensons donc que lorsque le pacte exprime une volonté plus récente des
actionnaires, il doit prévaloir sur les statuts en ce qui concerne les relations des
partenaires entre eux. Le Professeur Guyon se prononce en faveur de cette solution
également379. Selon cet auteur, en effet, « en cas d’opposition [entre un pacte et les
statuts], les statuts devraient l’emporter, à moins de prouver que le pacte extra-
statutaire, adopté plus récemment que les statuts, équivaut à une modification informelle
de ceux-ci. Mais dans ce cas, cette modification serait inopposable aux tiers »380. Cette
sanction par la seule inopposabilité à la société et aux actionnaires non partenaires du
pacte pris en contradiction avec les statuts ne fait toutefois pas l’unanimité en
doctrine381.
152 - La supériorité des statuts sur le pacte d’actionnaires dans la hiérarchie des
normes sociétaires est un principe énoncé haut et fort par la jurisprudence et la doctrine.
Mais à y mieux observer, on s’aperçoit que la jurisprudence n’est pas abondante,
ancienne et difficile à analyser.
377
Cass. com. 17 mars 1982, RTD. com., 1982, p. 438, obs. L. Alfandéri.
378
Il s’agissait en l’espèce de dispositions relatives au partage des honoraires entre associés dans une
société coopérative de médecins.
379
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
LGDJ, 5è éd., 2002, n°202.
380
Y. Guyon, op. cit., n°202.
381
Contra, M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ,
1998, n°82 et H. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE,
2003, n°218.
79
En tout état de cause, cette supériorité qui implique une soumission des dispositions du
pacte à celles du contrat de société, que les premières ne doivent pas contredire,
n’exclut pas pour autant, selon une partie de la doctrine et ainsi qu’il en est au regard du
domaine réservé aux statuts, une certaine marge d’autonomie du pacte. En effet, si de
prime abord, la jurisprudence semble se prononcer en faveur de l’inefficacité, entre les
partenaires eux-mêmes, des dispositions du pacte prises en contradiction avec les
statuts, on retrouve une relative autonomie du pacte à l’égard du contenu du contrat de
société tenant à la seule inopposabilité des dispositions extra-statutaires litigieuses à la
société et aux actionnaires non signataires.
Conclusion du Chapitre 2
Conclusion du Titre 1
156 - A ce titre, nous avons précisé que le pacte d’actionnaires trouve son objet dans
le contrat de société, qu’il s’agisse généralement de la détention des actions ou de
l’exercice du droit de vote attaché à ces actions. Nous allons démontrer que le pacte
d’actionnaires puise également sa cause dans le contrat de société et, plus précisément,
dans la qualité d’actionnaire des partenaires. Il s’avère donc que ce sont l’objet et la
cause du pacte, éléments caractéristiques de ce dernier, qui justifient fondamentalement
la dimension de rapport d’accessoire à principal que recouvre la relation pacte
d’actionnaires - contrat de société.
382
G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°22.
383
Pour un auteur attribuant sans nuance au pacte d’actionnaires le caractère d’accessoire du contrat de
société, voir J. Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes d’associés »,
commentaire sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045, n°10.
81
384
A condition toutefois qu’ils ne soient « pas contraires à une règle d'ordre public, à une stipulation
impérative des statuts ou à l'intérêt social » (Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, 781 note J.-J.
Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004, Bull. Joly, 2004.544, note P. Le Cannu, précités).
385
Outre le consentement de la partie qui s’oblige, la capacité de cette dernière à contracter ainsi qu’une
cause licite dans l’obligation.
386
Rappelons à ce titre les propos éloquents du Professeur Moury, selon lequel « un pacte extra-statutaire
n’a de réalité que dans la dépendance d’une autre convention à laquelle il s’adosse obligatoirement, le
contrat de société » (commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045,
n°10).
387
Voir G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°24 : « le principal procure
à l’accessoire une partie essentielle de lui-même », « l’accessoire ne peut se réaliser que grâce au principal,
qui joue à son égard le rôle de support ».
388
La notion de cause est ici entendue sous ses acceptions de cause efficiente et catégorique et de cause-
fonction.
82
aboutit à ranger les pactes d’actionnaires dans des catégories, constitue certainement
une approche simplificatrice de la réalité dès lors que les pactes sont la plupart du
temps mixtes et combinent divers objets389 ou répondent à diverses considérations selon
la situation de fait dans laquelle ils sont mis en jeu390. Elle constitue toutefois un précieux
moyen de clarification pour mieux saisir, précisément, les subtilités de la pratique, ce qui
nous permettra de dégager, par la suite, une cohérence d’ensemble dans le régime des
pactes d’actionnaires. Nous verrons qu’en sus de justifier du lien de dépendance au
contrat de société auquel est soumis tout pacte, cette classification révèle d’ores et déjà,
selon les pactes, divers degrés de proximité voire d’intrusion dans le fonctionnement de
l’organisation sociale de la même manière qu’« il existe des degrés dans la force du lien
unissant l’accessoire au principal »391.
389
Il est en outre difficile de distinguer, sur le fond, la détention du capital de l’exercice du pouvoir (sur cette
question, voir S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°43
et s. et G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°6).
390
En ce sens, G. Parléani, op. cit., n°4.
391
G. Goubeaux, op. cit., n°25.
392
La notion de cause est ici entendue sous ses acceptions de cause efficiente et catégorique et de cause-
fonction.
83
161 - Les pactes d’actionnaires ont tous en commun, malgré leur variété quasi-infinie
résultant de la créativité et du souci des praticiens de répondre aux mieux aux multiples
attentes de leurs clients, de porter soit alternativement soit cumulativement sur les deux
éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de la société. Les pactes
d’actionnaires ont en effet toujours pour objet, entendu dans le sens matériel de la
notion comme « la chose relativement à laquelle le contrat est conclu »393, le capital,
élément structurel de la société, et/ou le pouvoir, levier du fonctionnement de
l’organisation sociale et donc de la gestion de la société.
Dès lors, il est de l’essence des pactes d’être intimement liés à la société, dans un
rapport de dépendance unilatérale à cette dernière, ou encore, d’infériorité
hiérarchique394, en ce sens que le contrat de société donne sa matière au pacte et
préexiste donc nécessairement à ce dernier.
162 - Par ailleurs, l’autre élément essentiel du pacte d’actionnaires, sa cause, réside
dans la qualité réciproque d’actionnaire de ses signataires. Cela nous renvoie au rapport
de dépendance à double détente sus évoqué et parfaitement exprimé par le Professeur
Moury comme suit : « L’existence du pacte d’actionnaires est indissociablement liée non
seulement à celle de la société dont sont actionnaires les parties, mais encore, pour
chacune d’elles, à sa qualité d’actionnaire de cette société »395. Or, en matière de pacte
d’actionnaires, comme dans tout contrat, l’objet et la cause se conçoivent rarement l’un
sans l’autre, ils se complètent et le contenu de chaque notion permet d’apporter des
précisions sur le contenu de l’autre. Ainsi, l’on perçoit que c’est parce que les signataires
du pacte ont tous deux la qualité d’actionnaire dans la société, que le pacte peut
matériellement porter sur le capital ou la gestion de la société, et, plus précisément,
avoir pour objet la détention de ce capital ou l’exercice du pouvoir dans cette société.
L’objet du pacte d’actionnaires coïncide en effet avec les prérogatives essentielles de la
qualité d’actionnaire396 : le droit de céder les actions et le droit de vote principalement,
s’agissant de la gestion de la société.
163 - L’incidence de l’objet emprunté au contrat de société se mesure tant dans les
pactes d’actionnaires portant sur l’exercice du pouvoir au sein de la société (Section 1)
que dans ceux relatifs à la détention du capital social (Section 2).
393 ème
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002, voir Objet
(du contrat, a).
394
A rapprocher de l’accessoire, G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969,
n°23 et 24.
395
J Moury, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, n°10. Sur cette question,
voir supra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1.
396
En ce sens, G. Parléani, op. cit., n°6.
84
165 - Cette intuition se confirme s’agissant de tous les pactes relatifs à la gestion de
la société (§ 1). Mais ce sont certaines applications pratiques des conventions de vote,
présentées plus en détails, qui en témoignent le mieux (§ 2).
166 - L’article 1844 du Code civil énonce le pouvoir politique dont jouit tout
actionnaire de participer aux décisions collectives. Cette prérogative est garantie par un
droit à l’information de l’actionnaire sur les comptes et la politique sociale, d’une part, et
surtout, par le droit de participer aux assemblées générales et d’y exprimer un vote,
d’autre part.
Les pactes d’actionnaires relatifs à la gestion de la société sont donc au cœur du
fonctionnement de l’organisation sociale, avec cette particularité, encore une fois, qu’ils
ne sont pas opposables à la société, sauf si cette dernière les a ratifiés.
167 - Les principaux pactes relatifs à la gestion de la société aménagent ainsi le droit
d’information des actionnaires (A) ainsi que l’exercice de leur droit de vote (B).
397
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
LGDJ, 5è éd., 2002, n°198.
398
Y. Guyon, op. cit.
85
170 - Certains pactes d’actionnaires vont encore plus loin dans l’amélioration des
droits à l’information des partenaires qui en sont bénéficiaires et autorisent ces derniers,
399
Art. L 225-115 et s. C. com. et art. 153 D. du 23 mars 1967.
86
172 - Un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 27 mars 2007 semble en effet
se prononcer en ce sens401. Le pacte conclu entre deux groupes d’actionnaires d’une
société anonyme, le groupe investisseur et le groupe dirigeant, stipulait une obligation à
la charge du président du conseil d’administration de la société, membre du groupe
dirigeant, d’organiser « une réunion semestrielle du groupe investisseur et un système
de reportings trimestriels, permettant à chaque actionnaire de suivre l'activité et les
performances de la société »402. Cette obligation n’ayant pas été respectée, la Cour
d’appel condamne la société, qui n’était pourtant pas partie au pacte, à réparer le
préjudice subi par l’un des investisseurs bénéficiaire du pacte. La Cour élude en
l’espèce le principe de l’effet relatif des conventions en considérant, semble-t-il, que le
président avait agi en sa qualité de représentant légal de la société. Elle relève en effet
400
En ce sens, F.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés dynamisme et paradoxes,
Revue Banque Edition, 2003, n°107.
401
Cour d’appel de Paris 27 mars 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1002, note F.-X. Lucas.
402
Cour d’appel de Paris 27 mars 2007, précité.
87
qu’« il n’était pas invoqué que M. G [le président] aurait commis une faute détachable de
ses fonctions de dirigeant »403.
Il apparaît que le domaine régi par le pacte d’actionnaires, le droit à l’information des
actionnaires, est si intimement lié à la société, plus précisément au fonctionnement de
cette dernière, que les juges n’ont pas envisagé la possibilité qu’un dirigeant ait pu
s’engager sur ce point, même en dehors des statuts, en sa seule qualité d’actionnaire.
173 - Dans le cadre des pactes d’actionnaires, les pactes d’information constituent
souvent des clauses périphériques aux conventions de vote404, lesquelles illustrent, elles
aussi, le fondement objectif de la dépendance du pacte d’actionnaires au contrat de
société.
175 - L’objet des conventions de vote peut porter, plus précisément, sur l’attribution
du droit de vote et/ou sur l’exercice de ce dernier.
Les pactes d’actionnaires portant sur l’exercice du droit de vote sont les plus fréquents
en pratique, notamment dans les filiales communes ou dans les sociétés dont
l’actionnariat est éclaté en plusieurs groupes, afin d’assurer une conduite cohérente de
la société et éviter que le bon fonctionnement de cette dernière ne soit contrarié par des
divergences de politiques sociales.
En général, ces pactes visent l’exercice du droit de vote dans les assemblées générales
mais ils peuvent également concerner les délibérations des organes de direction tels
403
Cour d’appel de Paris 27 mars 2007, précité.
404
Pour un exemple dans le cadre d’une opération de capital-risque, voir Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5
décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gautier, confirmé par Cass. com. 27 septembre
ère
2005, n°04-12168, n°1138, RJDA, 12/05, n°1359, 1 esp., précités.
405
Art. 1844 al. 1 C. civ.
406
Art. L 225-122 C. com.
407
Sur le caractère essentiel du droit de vote reconnu en jurisprudence et en doctrine et sa récente perte de
vigueur, voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1.
408
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2.
88
177 - Les conventions de vote peuvent également être collectives et prendre alors
des formes plus organisées telles qu’un syndicat de blocage.
Avant la dématérialisation des valeurs mobilières en 1981, l’ensemble des partenaires
formait ce que l’on appelait un syndicat de blocage. Les titres matérialisés par un
document étaient remis au gérant du syndicat, lequel en était désigné tiers séquestre et
assurait l’exécution de la convention de vote en qualité de mandataire. Aujourd’hui,
l’expression syndicat de blocage est restée même s’il n’y a plus de remise matérielle des
titres410. Le mécanisme repose sur l’instauration d’une concertation préalable à la
délibération de l’organe social de manière à dégager un vote majoritaire, ou à
l’unanimité, au sein de la collectivité des partenaires, dans les conditions prévues par la
convention instaurant le syndicat. Chacun des partenaires exerce ensuite
individuellement son droit de vote dans le sens dégagé par la collectivité au cours de la
tenue de l’assemblée délibérante. Pour plus d’efficacité, l’exercice-même du droit de
vote peut également être attribué à l’établissement teneur de compte en sa qualité de
séquestre amiable dans le cadre de l’ouverture d’un compte nominatif administré
commun aux partenaires411.
409
Sur les formes des conventions de vote voir notamment M. Jeantin, « Conventions de vote », in « La
stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par actions », R.J. com., 1990, p 124, n°9 et s.
410
M. Germain, op. cit., 1612.
411
Sur ce mécanisme, voir notamment G. de Ternay, « Du bon usage de la clause de gestion (des titres)
dans les conventions extra-statutaires à la lumière de l’article 24 de l’ordonnance du 24 juin 2004 », JCP,
éd. N, 2007. 1047.
89
178 - Par ailleurs, entre également dans la catégorie des conventions de vote, selon
une partie de la doctrine412, la création de sociétés holding de portefeuille. Ce dernier
procédé consiste à constituer une société de portefeuille, parfois sous la forme d’une
société en participation413, d’autres fois dans le cadre d’une personne morale, à laquelle
les partenaires apportent leurs actions de la société cible et dont les statuts contiennent
les termes du pacte. La concertation préalable entre les partenaires est alors
systématique dans la mesure où elle résulte du fonctionnement-même de l’organisation
sociale tandis que c’est cette dernière entité, la holding, qui votera ensuite, en lieu et
place de tous les partenaires, lors de la délibération de l’assemblée de la société cible,
dans le sens déterminé au sein de la holding.
180 - Les pactes relatifs à l’exercice du droit de vote dans la société comportent une
grande variété d’applications. La proximité dans laquelle se placent les conventions de
vote à l’égard du contrat de société ressort particulièrement dans certaines de leurs
applications pratiques, lesquelles consistent à orienter le fonctionnement des organes
sociaux.
412
En ce sens, notamment, M. Jeantin, op. cit., n°15 ; Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés,
ème
aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°290 et D. Cohen, « Les
conventions de vote » in Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica, 2010, p. 97 et s., n°3. Contra, G.
Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°50.
413
Sur l’efficacité de ce procédé, voir S. Prat, op. cit., n°226 et s.
414
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°290.
415
Voir notamment S. Prat, op. cit., n°330.
416
Voir par exemple, sur la nécessaire application combinée du droit des biens et du droit des sociétés dans
le cadre du démembrement de droits sociaux, M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats,
Economica, 2009, n°406.
90
une intervention dans le processus décisionnel (B) ou de manière indirecte, par une
intervention sur la composition des organes délibérants (A).
Bien entendu, il ne s’agit pas là des seules applications des conventions de vote. De
nombreuses conventions portent plus simplement et plus directement sur le sens du
vote à adopter par les partenaires, en cours de délibération de l’organe social,
relativement à certaines décisions particulières (augmentation de capital, cession
d’actifs par la société, agrément d’un cessionnaire…).
182 - Aux termes des conventions de vote les plus fréquentes, les partenaires
détenant la majorité des droits de vote, réunis en groupes d’actionnaires, s’engagent à
voter à l’assemblée générale de façon à assurer une certaine répartition des postes
d’administrateurs (ou de membres du conseil de surveillance, le cas échéant) entre eux.
Il sera ainsi convenu qu’un nombre donné d’administrateurs sera désigné parmi les
candidats proposés par tel ou tel groupe d’actionnaires.
417
Sur cette question, voir S. Prat, op. cit., n°126 et s.
91
186 - Les conventions de vote qui organisent une intervention dans le processus
décisionnel des organes sociaux influent encore plus directement sur le déroulement de
la vie sociale.
418
Dans le cas contraire, l’opération sera qualifiée de prise de participation hands off .
419
Les conséquences, en termes de responsabilité civile et pénale, qu’entraîne l’implication dans la gestion
de la société en qualité de dirigeant ne doivent d’ailleurs pas être négligées par les partenaires lorsque ces
derniers concluent de telles conventions de vote. (Sur cette question, voir F.-D. Poitrinal, op. cit., n°114 et
s.).
92
188 - Ces conventions de vote peuvent tout d’abord mettre en place une consultation
préalable du bénéficiaire. Aux termes de tels accords, les actionnaires majoritaires et/ou
dirigeants s’engagent à solliciter l’avis préalable du bénéficiaire, en général minoritaire,
sur les décisions limitativement énumérées dans la convention. Mais l’avis exprimé par
le bénéficiaire durant la consultation ne peut en aucune manière engager l’organe
compétent pour prononcer la décision, lequel demeure entièrement libre dans son choix.
189 - Certaines conventions de vote peuvent aller plus loin et organiser une
procédure d’autorisation préalable donnée par le bénéficiaire pour l’adoption de
certaines décisions420.
Dans le cadre de décisions relevant de la compétence de l’assemblée générale, les
actionnaires majoritaires s’engageront ainsi à ne voter favorablement à une résolution
déterminée que si l’actionnaire minoritaire, bénéficiaire de la convention, les y autorise
expressément421.
S’agissant de décisions relevant de la compétence du conseil d’administration, les
actionnaires dirigeants, peuvent seulement se porter fort, en leur qualité d’actionnaire
majoritaire, et non pas en leur qualité de mandataire social, à l’égard du bénéficiaire de
ce que le conseil n’adoptera les décisions déterminées qu’avec l’accord préalable de ce
dernier. En effet, la société étant tiers au pacte, ses organes ne sont, par principe,
aucunement tenus par l’engagement pris par les majoritaires422. Plus encore, certains
pactes entendent conférer à leurs bénéficiaires, lesquels sont en général des
investisseurs minoritaires dans le cadre d’opérations de capital-investissement, un
véritable droit de veto pour l’adoption de certaines décisions relevant de la compétence
des organes sociaux423.
420
Précisons que ces conventions d’autorisation préalable sont susceptibles de valoir à leur bénéficiaire la
qualification de dirigeant de fait et d’engager en conséquence leur responsabilité civile et pénale (voir, F.-D.
Poitrinal, op. cit., n°109 et 126 et s.).
421
Pour un exemple, voir Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note
A. Cerati-Gautier confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, n°04-12168, n°1138, RJDA, 12/05, n°1359,
ère
1 esp., précités.
422
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1 . A. et Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003,
confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, précités.
423
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A.
93
191 - C’est dans l’objet des conventions de vote, l’exercice du pouvoir au sein de la
société, que réside le fondement de la dimension d’accessoire du contrat de société que
présente ce type de pacte. Le constat, qui confirme presque à l’évidence la forme de
rapport d’accessoire à principal que recouvre la dépendance du pacte au contrat de
société, induit, nous le verrons, une prise en compte de la dimension sociétaire dans le
régime des conventions de vote425. Cette validité s’apprécie en effet nécessairement au
regard des principes d’ordre public sociétaire tels celui de la révocabilité ad nutum des
administrateurs ou de la hiérarchie des pouvoirs et la spécialité des organes sociaux qui
gouvernent la direction des sociétés anonymes426.
192 - Nous allons à présent nous intéresser au second objet sur lequel portent
matériellement les pactes d’actionnaires : les actions détenues par les partenaires. Si la
distinction opérée entre la détention du capital et l’exercice du pouvoir s’impose en
théorie, il convient de garder à l’esprit que ces deux objets sont en pratique quasiment
toujours mêlés. En effet, le droit de vote de l’actionnaire est attaché aux actions qu’il
détient, selon le principe d’ordre public de proportionnalité du nombre des voix à la
quotité du capital souscrit427. Il en résulte que « toute action sur la répartition du capital
pèse sur les votes, et tout accord sur les votes ne peut ignorer la ventilation du
capital »428.
Les pactes relatifs aux cessions d’actions entretiennent ainsi avec les pactes relatifs à
l’exercice du pouvoir dans la société des relations de dépendance si étroites et « si
fortes qu’il est impossible, sauf artifice, d’appréhender isolément les deux facettes du
pacte d’actionnaires », lesquelles forment une unité économique et juridique429.
La distinction permet toutefois de s’assurer que, quel que soit l’angle de vue adopté par
l’observateur, le pacte d’actionnaires emprunte toujours son objet à l’un des éléments
constitutifs du contrat de société.
424
Précisons à ce titre que les conventions de vote peuvent également porter sur l’exercice du droit
d’agrément dont bénéficie un partenaire (et non pas la société) dans le cadre de clauses d’agrément extra-
statutaires.
425
Voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Secti° 1.
426
Sur la sanction de l’inexécution des conventions de vote et la nécessaire prise en compte par le juge du
principe d’intangibilité des délibérations sociales, voir notamment A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée
en droit des sociétés, Economica, 2004, n°228 et s.
427
Art. L 225-122 C. com.
428
G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1.
429
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°43 et s.
94
Section 2. Les pactes d’actionnaires ayant pour objet la détention du capital social
193 - Le capital social est un élément structurel de la société. Dans les sociétés
anonymes, il revêt une importance particulière dès lors qu’il représente, « en quelque
sorte, la rançon de la limitation de la responsabilité »430 des actionnaires. Le capital
social constitue en effet, en théorie431, le gage des créanciers sociaux. A ce titre, il est
soumis au principe d’intangibilité selon lequel, les valeurs figurant à l’actif du bilan
doivent impérativement correspondre au montant du capital social figurant au passif du
bilan432, et dans les sociétés anonymes n’offrant pas leurs titres au public, il doit être
d’au moins 37.000 €433 et intégralement souscrit.
D’emblée, et une fois encore, on pressent que les pactes d’actionnaires qui portent sur
la détention de ce capital évoluent au cœur du fonctionnement de la société en tant
qu’organisation sociale dotée de la personnalité morale.
194 - Il est certain que les pactes d’actionnaires dont l’objet est, plus concrètement,
l’acquisition ou la cession des titres de la société, ne peuvent laisser indifférente cette
dernière, considérée en tant qu’entité émettrice des actions qui composent son capital.
Le Professeur Guyon précise à ce titre que « l’aliénation [de droits sociaux] n’est pas
une opération à deux personnes, comme une vente pure et simple. Elle met en cause la
société émettrice […] des actions »434.
Certes, le caractère négociable des titres émis par les sociétés par actions435 implique
que leur cession s’effectue selon les formes commerciales436. Mais le transfert de
propriété ainsi constaté par simple virement de compte à compte ne prend effet à l’égard
des tiers tout autant qu’entre les parties, semble-t-il437, dans les sociétés non cotées,
qu’à la date de l’inscription au compte ouvert au nom de l’acheteur dans les registres
430 ème
M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009,
LGDJ, n°1396.
431
L’intangibilité du capital social ne confère aux créanciers qu’une protection illusoire dès lors que la
société ne répond de ses engagements que sur ses biens (art. 2285 C. civ), lesquels résultent de la manière
dont le capital a été investi dans l’entreprise. « La véritable garantie des créanciers est constituée par les
capitaux propres dont le capital n’est qu’un des facteurs et qui permettent de mesurer les ressources stables
de la société », M. Germain, op. cit., n°1396.
432
Il résulte de ce principe que la société ne peut distribuer des dividendes aux actionnaires s’il n’y a plus
suffisamment de valeurs à l’actif pour garantir le capital social (art. L 232-12 C. com.).
433
Article L 224-2 C. com.
434
Guyon (Y.), Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°207.
435
Il s’agit des actions mais également des autres valeurs mobilières.
436
Par opposition aux modalités civiles de la cession de créance qui prévalent en matière de cession de
parts sociales et requièrent la signification de l’acte de cession à la société (art. 1690 C. civ.) afin de rendre
la cession opposable à cette dernière. (Une publicité est également effectuée au Registre du Commerce et
des Sociétés afin de rendre la cession opposable aux autres tiers).
437
Sur les incertitudes suscitées par la réforme de l’inscription en compte opérée par l’ordonnance n°200 4-
604 du 24 juin 2004 quant à la date d’effet du transfert de propriété entre les parties, voir M. Caffin-Moi, op.
cit., n°284 et s. et 672 et s.
95
tenus par la société émettrice438, laquelle date est fixée par les parties et notifiée à cette
dernière439.
Ces propos nous permettent d’apprécier un peu plus encore dans quelle mesure les
pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières évoluent dans un
domaine régi par les règles spéciales auxquelles est soumise la société dans son
organisation juridique.
196 - L’objet même des pactes d’actionnaires qui organisent une limitation de la
liberté qu’ont les partenaires de céder leurs actions ou d’en acquérir de nouvelles induit
inévitablement une dépendance de ces pactes au contrat de société, lequel est soumis
en la matière à des principes441 qui participent de l’ordre public sociétaire.
D’une grande diversité, ces pactes limitent différemment la liberté dont jouissent les
partenaires dans la détention de leurs actions selon qu’ils emportent (§ 2) ou non (§ 1)
l’engagement pour leurs débiteurs de céder ou d’acquérir des actions.
438
Par application de l’article L 228-1 alinéa 9 nouveau du Code de commerce tel qu’il a été modifié par
l’ordonnance du 24 juin 2004 précitée.
439
Art. R 228-10 C. com. (Décr. n°2006-1566 du 11 déce mbre 2006, art. 60).
440
M. Germain, op. cit., n°1525 et 1617, voir également infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1.
441
Il s’agit notamment du principe de libre négociabilité des actions mais également du droit de rester dans
la société, de ne pas en être prisonnier ou encore de la prohibition des clauses léonines (voir Partie II).
96
197 - Certains pactes d’actionnaires limitent la liberté qu’ont les partenaires de céder
ou d’acquérir les actions de la société en encadrant, avant même l’émergence de tout
projet de mutation, le principe même d’une mutation ou encore le choix de la personne
du cocontractant.
Cette limitation par les pactes du principe même de toute mutation (A) est bien plus
contraignante pour le partenaire qui en est débiteur que la seule limitation du choix du
cessionnaire par ce dernier (B).
A. Les pactes limitant les mutations de droits sociaux dans leur principe même
198 - Parmi les pactes d’actionnaires ayant pour objet la détention des actions,
certains pactes limitent, avant la naissance de tout projet de cession, les mutations dans
le principe-même de leur survenance.
Ces limites peuvent être plus ou moins larges et absolues selon les conditions qui
encadrent la liberté de céder ou d’acquérir des partenaires et reviennent parfois à une
véritable prohibition de toute mutation.
La liberté de céder ou d’acquérir des partenaires est encadrée par des conditions de
durée442 et varie parfois en fonction de la quantité d’actions concernées par l’éventuel
projet. Les débiteurs de tels pactes contractent une obligation de ne pas faire, laquelle
peut être pure et simple (ne pas céder ou acquérir du tout) ou conditionnelle (ne pas
céder ou acquérir sans avoir obtenu l’autorisation préalable du bénéficiaire du pacte).
200 - Les pactes d’inaliénabilité obligent leurs débiteurs à conserver leurs actions
pendant une certaine durée, sauf accord préalable du bénéficiaire. Ils sont fréquemment
stipulés dans le cadre d’opérations de capital-investissement pour lesquelles
l’investisseur requiert de l’actionnaire majoritaire que ce dernier s’engage à ne pas céder
sa participation dans la société, sans son accord, pendant toute la durée du concours
442
Cette durée doit être déterminée faute de quoi le pacte est résiliable unilatéralement à tout moment. Plus
encore, nous verrons que cette durée doit être limitée à peine de nullité du pacte (voir infra, Partie II, Titre 1,
Chap. 2, Sect° 2, § 1).
97
financier. Ces pactes se rencontrent également dans des filiales communes détenues à
parité, chaque société actionnaire s’engageant à ne pas céder sa participation afin de
maintenir l’égalité.
Nous avons par ailleurs déjà rencontré une autre variété de pactes d’inaliénabilité sous
condition, ceux qui, dans le cadre de l’organisation conventionnelle de la transmission
du pacte, interdisent à chaque partenaire de céder ses actions sans avoir préalablement
obtenu la ratification du pacte par le cessionnaire443.
443
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B.
444
Standstill agreement pour les anglo-saxons.
445
Ou au contraire, en cas d’augmentation de capital, le forcer à souscrire à cette augmentation afin de
maintenir le taux de participation qu’il détenait avant modification du capital.
98
203 - D’autres pactes relatifs aux futures cessions d’actions sont moins strictes et se
contentent de limiter a priori la liberté pour le débiteur de choisir la personne de son
cessionnaire.
B. Les pactes limitant, avant tout projet de cession déterminé, le choix de la personne du
cessionnaire
204 - Les pactes d’actionnaires, conclus avant que tout projet de cession n’existe, en
vue de limiter le choix qu’aura le partenaire cédant quant à la personne du cessionnaire,
ne prennent effet qu’en cas d’émergence d’un tel projet. Ces pactes permettent, soit de
soumettre l’identité du cessionnaire pressenti à l’agrément du partenaire bénéficiaire,
soit de conférer à ce dernier un droit de préférence ou de priorité sur l’opération de
cession, laquelle ne sera finalement consentie au profit du cessionnaire pressenti qu’à
défaut d’exercice de sa prérogative par le bénéficiaire. Ces pactes consacrent
l’introduction d’une certaine dose d’intuitus personae dans la société, ou tout au moins,
entre les partenaires.
446
Art. L 228-23 et s. C. com.
99
208 - D’autres pactes ayant pour objet la détention du capital limitent encore plus
fermement la liberté de céder ou d’acquérir des partenaires, ce sont les promesses par
lesquelles un partenaire s’engage à céder ou à acquérir des actions, en cas de
réalisation de certaines conditions, auprès d’un bénéficiaire déterminé, lequel dispose
quant à lui d’une option.
447
Notons qu’il pourrait tout autant s’agir d’un engagement de préférence portant sur une acquisition de
titres, le débiteur s’engageant, pour le cas où il se déciderait à augmenter sa participation, à contracter avec
le bénéficiaire qui serait désireux de se retirer.
448
Voir notamment, S. Prat, op. cit., n°167 et s. et Th. Massart, note sous Cass. com. 6 mai 2008, Bull. Joly,
2008, p. 779.
449
Voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2. A et Sect° 2.
100
§ 2. Les pactes ayant pour objet l’engagement de céder ou d’acquérir des actions
211 - La condition d’actionnaire est ainsi aménagée sous deux aspects, s’agissant
tout autant de la liberté de quitter la société, que les pactes conclus sous forme de
promesses unilatérales de vente sous conditions viennent limiter (A), que de la liberté
d’acquérir des actions, laquelle est limitée par les pactes reposant sur des promesses
unilatérales d’achat sous conditions (B).
450
Clause qualifiée de take along right par les anglo-saxons.
451
Clause qualifiée de trade sale ou drag along right par les anglo-saxons.
102
215 - Alors que les pactes d’entraînement impliquent une prise d’engagement en vue
d’accompagner la sortie de la société du partenaire qui en est bénéficiaire, les clauses
d’exclusion extra-statutaires interviennent, quant à elles, non pas dans le cadre de la
réalisation d’une opération de cession de plus grande envergure mais en considération
de la personne même du promettant.
452
S’agissant de la nature juridique de ces clauses, voir infra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2 pour les
clauses d’offre alternative et voir infra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B pour les clause s
américaines. S’agissant de leur fonction, voir infra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1. B.
103
218 - Ce n’est pas la qualité d’actionnaire, dans son principe, mais, à tout le moins,
la condition d’actionnaire qui est visée par les pactes relatifs à la détention du capital qui
emportent, sous certaines conditions, l’engagement irrévocable du débiteur d’acquérir
des actions auprès du bénéficiaire.
219 - Les pactes d’actionnaires reposant sur des promesses unilatérales d’achat
sous condition suspensive sont essentiellement les pactes de retrait et les clauses de
sortie conjointe.
220 - Les pactes de retrait reposent sur des promesses unilatérales d’achat aux
termes desquelles, un actionnaire promet d’acquérir les actions du partenaire qui en est
bénéficiaire, à certaines conditions déterminées, si ce dernier le souhaite. Ils permettent
ainsi à un actionnaire, en général un minoritaire tel qu’une société de capital-
investissement, de céder ses actions à un certain moment, selon des modalités
prédéterminées et qui lui sont bien entendu favorables, en obligeant le partenaire
débiteur, en général un majoritaire, à les lui racheter.
Les modalités de déclenchement du retrait sont très variables en pratique, ce dernier
peut intervenir à tout moment ou seulement après un certain délai, être conditionné par
la survenance d’évènements qui doivent être définis précisément ou être au contraire
discrétionnaire. Les évènements susceptibles de déclencher l’engagement de rachat
forcé du débiteur sont en général ceux qui sont à l’origine d’un changement significatif
dans la répartition des droits de vote ou du capital de la société, dans un sens
défavorable au bénéficiaire, tels que la perte par ce dernier d’une minorité de blocage ou
encore la perte de majorité d’un actionnaire de référence. Il peut également s’agir de la
commission d’une faute par un dirigeant social, lequel n’aurait pas respecté des devoirs
de confidentialité, de non-concurrence ou d’exclusivité ou encore d’une décision
d’augmentation de capital réservée ou de fusion déterminante dans l’intention du
bénéficiaire du pacte de quitter la société. De tels pactes sont également stipulés dans
le cadre des conventions dites de earn out, qui organisent la cession échelonnée dans
le temps de la participation du dirigeant majoritaire qui s’apprête à quitter la société, et
sont alors consentis à ce dernier, par le cessionnaire destiné à acquérir progressivement
le contrôle de la société, pour le cas où le cédant viendrait à être révoqué de ses
fonctions de direction avant l’échéance de la période pour laquelle il est convenu qu’il y
serait maintenu.
104
La clause de sortie prioritaire est une variante du pacte de retrait, selon laquelle, en cas
de réalisation de certains événements déterminés qui sont défavorables au bénéficiaire,
ce dernier pourra céder ses actions, par priorité, avant que toute autre cession ne puisse
intervenir à l’initiative du débiteur, soit avec un tiers, soit avec un autre débiteur du
pacte. En raison de son mécanisme, cette clause prend davantage la forme d’une
promesse de porte-fort ou encore d’un engagement de ne pas faire du débiteur, à savoir
ne pas céder ses actions tant que le bénéficiaire de la clause n’aura pas cédé les
siennes.
222 - Les autres pactes reposant sur le mécanisme des promesses d’achat sous
condition sont les clauses de sortie conjointe453.
Aux termes d’un tel pacte, le débiteur, en général un actionnaire majoritaire, s’engage à
racheter un certain nombre d’actions du bénéficiaire, si jamais il a lui-même un projet de
cession de ses propres actions de nature à faire descendre sa participation au-dessous
d’un certain seuil, aux mêmes conditions que celles de la cession qu’il projette. Plus
précisément, le pacte grève d’une charge la liberté qu’a le débiteur de céder ses actions,
par l’engagement pris par ce dernier, d’une part, d’obtenir du cessionnaire de ses
propres actions qu’il acquière, aux mêmes conditions, les actions du partenaire
bénéficiaire, et d’autre part, faute pour le tiers cessionnaire de ratifier cet engagement,
de racheter lui-même, toujours à ces mêmes conditions, les actions du bénéficiaire.
Selon une variante, le pacte peut prévoir que, si le tiers acquéreur entend limiter le
volume global de son acquisition, il y aura une répartition proportionnelle de l’offre
d’acquisition de ce dernier entre les partenaires.
Dans l’économie générale de ce type de pactes, l’engagement du débiteur prend la
forme d’une promesse unilatérale d’achat sous la double condition suspensive que,
d’une part, le promettant cède ses actions, et, d’autre part, cette cession porte sur le
453
Clause qualifiée de tag along par les anglo-saxons.
105
pourcentage prédéfini pour la mise en œuvre du pacte, cette promesse étant assortie
d’une faculté de substitution du promettant afin que ce soit le tiers acquéreur des actions
du promettant qui effectue le rachat. Le débiteur, qui n’a en effet aucun intérêt à racheter
des actions de la société qu’il quitte, érigera en pratique cette substitution en condition
de toute cession avec le tiers acquéreur.
Afin de faciliter la mise en œuvre du pacte de sortie conjointe, il convient de définir avec
précision les conditions que devra vérifier le projet de cession du débiteur de nature à
déclencher la procédure ainsi que les modalités de notification de ce projet au
bénéficiaire. Le pacte doit également stipuler un délai pendant lequel le bénéficiaire
pourra exercer sa faculté de sortie avant la date prévue pour la réalisation de la cession
projetée.
Conclusion du Chapitre 1
223 - Les pactes d’actionnaires empruntent leur objet aux éléments constitutifs de la
structure et du fonctionnement du contrat de société.
Tous les pactes conclus entre actionnaires, ainsi que nous avons limité le domaine de
notre réflexion, ont en effet pour objet, en général cumulativement, l’exercice du pouvoir
au sein de la société ainsi que la détention du capital. Ils portent ainsi matériellement sur
les éléments constitutifs de l’organisation sociale, envisagée comme structure
d’organisation du pouvoir, d’une part, et du contrat de société, lequel consiste en la mise
en commun d’apports concourant à la formation du capital social, d’autre part.
224 - Ainsi, les pactes relatifs à l’organisation du pouvoir des actionnaires au sein de
la société, qui aménagent principalement l’exercice du droit de vote des partenaires,
interviennent au cœur du processus d’adoption des décisions sociales. Les conventions
de vote revêtent des formes plus ou moins élaborées, selon que les engagements de
vote sont pris individuellement ou collectivement par les partenaires, en vue de
l’adoption de décisions ponctuelles ou relativement à la composition de l’organe
d’administration, ou encore, qu’elles organisent l’intervention, à titre particulier, de leurs
bénéficiaires dans le processus d’adoption des décisions sociales.
225 - S’agissant des pactes qui aménagent les cessions ou acquisitions d’actions
par leurs signataires, ils ont, quant à eux, matériellement pour objet cet élément
structurel de la société que constitue le capital social. D’une immense variété, ces
pactes limitent la liberté qu’ont les partenaires de céder ou d’acquérir des actions par le
recours à des mécanismes, essentiellement empruntés au droit commun, qui diffèrent
106
selon que le pacte emporte ou non l’engagement irrévocable pour le débiteur de céder
ou d’acquérir des titres. En effet, certains pactes interdisent, dans le principe, par un
engagement de ne pas faire, toute cession ou acquisition d’actions, tandis que d’autres
limitent, avant tout projet, le choix du partenaire débiteur quant à la personne de son
cocontractant, au moyen d’un engagement de préférence ou par l’octroi, au bénéficiaire
du pacte, d’un pouvoir d’agrément. Enfin, les partenaires peuvent se trouver
irrévocablement tenus de vendre ou d’acquérir des actions, sous condition suspensive,
dans le cadre des pactes, extrêmement divers, reposant sur le mécanisme de la
promesse unilatérale de vente ou d’achat.
226 - Cet emprunt, par le pacte d’actionnaires, de son objet matériel au contrat de
société est de nature à fonder la dimension d’accessoire du contrat de société que
présente le pacte.
Par ailleurs, il est possible de trouver dans la cause du pacte l’autre fondement objectif
de cette forme de rapport d’accessoire à principal que recouvre la relation de
dépendance dans laquelle le pacte d’actionnaires se place au regard du contrat de
société. Il semble en effet que le pacte d’actionnaires emprunte sa cause454 au contrat
de société, cette dernière résidant dans la qualité réciproque d’actionnaire des
partenaires.
227 - Nous venons de démontrer, dans le précédent chapitre, que les pactes
d’actionnaires empruntent leur objet matériel au contrat de société. Cet objet porte, plus
précisément, sur les éléments constitutifs de la société : le capital social et la structure
de pouvoir.
A cela, il faut ajouter que c’est la qualité d’actionnaire des partenaires signataires qui
permet au pacte, conformément au deuxième élément du rapport de dépendance à
double détente caractérisé précédemment456, d’avoir matériellement un tel objet. En ce
sens, la qualité d’actionnaire des partenaires est une condition préalable du pacte qui
tient à ce que l’objet matériel de ce dernier est nécessairement un attribut de la qualité
454
La cause est ici retenue sous ses acceptions de cause efficiente et catégorique et de cause-fonction
455
Voir note supra.
456
Voir supra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2.
107
d’actionnaire457. Certes, il suffit qu’un seul des signataires ait la qualité d’actionnaire
dans la société pour que la convention puisse matériellement porter sur la détention du
capital ou l’exercice du pouvoir dans cette société, mais dans le cadre de notre étude
limitée aux pactes conclus entre actionnaires stricto sensu, cette qualité est, par
hypothèse, commune aux partenaires.
457
« L’engagement des parties n’a de sens et techniquement d’objet que parce qu’elles sont ensemble
actionnaires de la société », (J. Moury, D., 2007, p. 2045, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris
15 décembre 2006, n°9).
458
Voir les définitions de la cause données par le dictionnaire Larousse en ligne : www.larousse.fr.
459
B. Dondero, D., 2008, p. 1024, note sous Cass. com. 6 novembre 2007, précité.
108
231 - Nous formulons l’hypothèse selon laquelle la confiance entre actionnaires est
une condition préalable et déterminante du pacte. Plus précisément, dans la confiance
mutuelle entre actionnaires résiderait, selon nous, la cause catégorique du pacte
d’actionnaires. Sous cette acception de la notion de cause, qualifiée par le doyen Louis
Boyer de cause catégorique460, la cause du contrat renvoie aux éléments préalables
indispensables pour que le contrat atteigne son but. Il nous semble en effet que le pacte
d’actionnaires présuppose, pour sa conclusion, une relation de confiance mutuelle entre
actionnaires à partir de laquelle va œuvrer la volonté des partenaires.
232 - Dès lors, pour vérifier cette hypothèse, il convient, en premier lieu, de
caractériser la confiance que se portent mutuellement les actionnaires. Il apparaît que
cette confiance mutuelle s’illustre de la manière la plus évidente à travers l’obligation de
bonne foi et de loyauté à laquelle sont réciproquement tenus les actionnaires. Or cette
confiance mutuelle entre partenaires, inhérente à leur qualité réciproque d’actionnaire,
constitue, selon une idée qui est latente en doctrine461, la cause catégorique du pacte
d’actionnaires.
Une fois la confiance mutuelle entre partenaires caractérisée dans sa manifestation par
le devoir réciproque de loyauté entre actionnaires (§ 1), nous pourrons justifier de ce
que cette confiance constitue la cause catégorique du pacte d’actionnaires (§ 2).
460
L. Boyer, La notion de transaction. Contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif,
Sirey, 1947, p. 162 et s.
461
B. Dondero, D., 2008, p. 1024, note précitée sous Cass. com. 6 novembre 2007.
109
234 - Le devoir général de bonne foi dans l’exécution des contrats de droit commun
a pris beaucoup d’ampleur au cours de ces vingt dernières années462. La jurisprudence
et la doctrine ont fait de la bonne foi une norme comportementale463 dont le contenu
dépasse largement la « simple prohibition de la malveillance »464. A ce titre, elles ont
dégagé des devoirs positifs de comportement tels que le devoir de loyauté465 et
l’obligation de coopération466.
La loyauté s’entend de la fidélité à l’esprit du contrat. Elle implique le devoir de se
comporter honnêtement467, notamment pour celui des contractants qui se trouve être
dans une situation de supériorité, quelle qu’en soit la nature ou l’origine, ou détenteur de
renseignements privilégiés. Le devoir de loyauté se manifeste ainsi le plus souvent468,
en droit commun, par une obligation d’information469 à la charge de l’une des parties au
profit de l’autre, lorsqu’il existe une inégalité dans les éléments à la disposition de
chacune d’elle, en période précontractuelle comme en cours d’exécution du contrat.
Le devoir de coopération postule, quant à lui, une obligation d’initiative solidaire des
parties, laquelle consiste, pour chacune, à faire tout ce qui est en son pouvoir pour
parvenir à la bonne exécution du contrat et conférer à ce dernier « la plus grande portée
possible »470.
462
Sur l’évolution du contenu des devoirs des contractants et l’émergence en doctrine de nouveaux devoirs,
ère
voir M. Fabre-Magnan, Les obligations, PUF, 1 éd., 2004, p. 72.
463
A. Bénabent, « La bonne foi dans les relations entre les particuliers dans l’exécution du contrat », in La
bonne foi, TAHC, Litec, 1992, p. 291. Voir également, L. Aynès, « Vers une déontologie du contrat ? »,
Conférence du 11 mai 2006, Colloque de la Cour de cassation, BICC, n°646, du 15/09/06 et « Bonne foi :
vers une déontologie contractuelle », Dr. et pat, 2006, n°144, p. 86 et s ., I.
464
En ce sens, sur l’exigence généralisée de bonne foi dans les contrats, voir J.-B. Seube, « La relativité de
la distinction des “contrats organisation” et des “contrats échanges” » in Dossier « Société et Contrat »,
Journ. sociétés, 2008, n°53, p. 40.
465
Y. Picod, Le devoir de loyauté dans l’exécution du contrat, LGDJ, 1989.
466
J. Mestre, « L’évolution du contrat en droit privé français » in L’évolution contemporaine des contrats,
Journées René Savatier, PUF, 1986.41, p. 56.
467
V. Cuisinier, op. cit., n°295 et note de pas de page n°1182.
468
D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°303.
469
M. Fabre-Magnan, De l’obligation d’information dans les contrats. Essai d’une théorie, LGDJ, 1989 et J.
ème
Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, LGDJ, 3 éd., 1993, n°455 et s..
470
Y. Picod, op. cit., n°87.
471 ème ème
J. Hamel, G. Lagarde et A. Jauffret, Traité de droit commercial, t 1, 2 vol., 2 éd., Lagarde, 1980,
n°384.
110
236 - Les devoirs comportementaux dégagés du devoir général de bonne foi en droit
commun se retrouvent ainsi, sous une forme particulière, dans les relations entre
actionnaires au sein de la société.
Le devoir réciproque de loyauté des actionnaires y est très large et absorbe, en quelque
sorte, le devoir de coopération entre actionnaires. En effet, ce devoir de coopération, qui
commande que chaque actionnaire exécute utilement le contrat de société pour conférer
à ce dernier la plus grande efficacité possible, et revêt nécessairement une dimension
fondamentale dans le cadre d’un contrat tendant vers la satisfaction de l’intérêt commun
des parties477, se réalise dans les obligations, essentielles, de libération des apports et
de contribution aux pertes478.
Pour le surplus, c’est le devoir de loyauté qui prend le relais479 en prohibant toute
attitude de la part des actionnaires qui serait contradictoire avec l’intérêt social. A ce
titre, le devoir de loyauté que se doivent réciproquement les actionnaires s’illustre
notamment dans le respect du principe majoritaire, lequel est tourné vers la satisfaction
de l’intérêt social480. Plus généralement, chaque actionnaire doit utiliser ses droits dans
472
Cass. com. 3 juin 1986, Rev. sociétés, 1986, p. 585.
473
V. Cuisinier, op. cit., n°283 et s., citant A. Amiaud, « L’affectio societ atis », Mélanges A. Simonius, Basel,
1955, p. 6 et s.. Maintenant cette position, voir J. Ghestin, note sous Cass. com. 27 février 1996, JCP, éd.
G.II. 22665.
474
Sur cette question, voir l’étude de V. Cuisinier, op. cit.
475
D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°5 et 14.
476
J.-Cl. May, « La société : contrat ou institution » in Contrat ou Institution : un enjeu de société, coordonné
par B. Basdevant-Gaudemet, LGDJ, 2004, § 1 B - b), p. 130.
477
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°354.
478
En ce sens, V. Cuisinier, op. cit., n°299. Voir A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée en droit des
sociétés, Economica, 2004, n°163, relevant au titre du devoi r de coopération de l’associé à la société, le
devoir moral de soutien financier.
479
En ce sens, V. Cuisinier, op. cit., n°299.
480
A. Mignon-Colombet, op. cit., n°163.
111
l’intérêt qui lui est commun avec ses co-actionnaires, faute de quoi il manquerait à ses
devoirs envers eux, ce qui atteindrait la confiance entre actionnaires481.
237 - La nature particulière du contrat de société justifie ainsi l’ampleur que revêt la
bonne foi dans les relations entre actionnaires, et notamment la vigueur du devoir de
loyauté auquel ces derniers sont réciproquement tenus, tout au long de leur participation
commune dans la société, et en particulier, lorsqu’ils concluent un contrat entre eux.
Ce devoir de loyauté entre actionnaires rejaillit alors naturellement dans les relations
entre les partenaires au sein du pacte d’actionnaires.
240 - Ainsi, dans un arrêt en date du 23 mai 2006483, la Cour de cassation a reconnu
que la réticence dolosive commise par un associé484, lors de la constitution de la société,
avait également vicié le pacte d’associés, conclu à la même date, par lequel la victime
du dol s’engageait à financer la société par des avances en compte courant. En
conséquence, la chambre commerciale casse l’arrêt de Cour d’appel en ce qu’il a limité
le montant des dommages et intérêts alloués à l’associé victime du dol au préjudice
481
D. Schmidt, op. cit, n°18-19.
482
Rappelons que la réticence dolosive est caractérisée lorsqu’une partie a dissimulé à son cocontractant
un fait qui, s’il avait été connu de lui l’aurait empêché de contracter. (En matière de cession de droits
sociaux, voir notamment Cass. com. 3 avril 1979, Rev. sociétés, 1980, p. 723, note du Pontavice; Cass.
com. 28 janvier 2003, Bull. Joly, 2003, n°572). L’omission d’information doit avoir été intentionnelle de la
part de l’auteur du dol et déterminante pour la victime, laquelle ne doit pas avoir été négligente en
s’abstenant de s’informer.
482 er
Cass. com. 1 juillet 2003, n°1095 F-D, Sté Eurodec c/ Sté Groupe C hoisy Inc, RJDA, 5/04, n°574.
483
Cass. com. 23 mai 2006, n°670 F-D, Dreano c/ Partuc ci, RJDA, 11/2006, n°1140.
484
L’arrêt est relatif à une SARL mais la solution aurait été identique dans une société par actions.
112
241 - Dans une autre affaire, portée devant la Cour de cassation le 1er juillet 2003486,
l’actionnaire majoritaire d’une société avait signé avec l’un des actionnaires minoritaires
un protocole aux termes duquel ce dernier voyait sa participation diminuée. Cet
actionnaire minoritaire avait par la suite découvert que, antérieurement à la signature de
ce protocole, le majoritaire avait conclu avec d’autres minoritaires, un protocole plus
favorable. Il prétendait alors avoir été victime d’un dol lors de la conclusion de son
propre protocole au motif que, s’il avait eu connaissance de la conclusion du protocole
antérieur plus favorable au profit des autres minoritaires, il n’aurait pas accepté les
nouvelles conditions du prix de sa participation.
L’on s’interroge alors sur le point de savoir si l’actionnaire majoritaire avait, sur le
fondement de son devoir de loyauté, l’obligation d’informer le partenaire demandeur de
la conclusion, deux mois auparavant, d’un pacte à des conditions plus favorables au
profit d’autres partenaires minoritaires. Les juges du fond reconnaissent que le
majoritaire s’est rendu coupable d’une manœuvre déloyale en dissimulant la conclusion
du pacte plus favorable au minoritaire demandeur. A ce titre, ils font bien droit à la
demande de ce dernier mais ils n’y répondent pas exactement dans les mêmes termes.
Les juges retiennent en effet que c’est au moment-même de la conclusion du pacte
antérieur que le majoritaire a manqué à son devoir de loyauté envers le demandeur.
D’ailleurs, l’un des moyens du pourvoi invoquait à ce titre que l’arrêt avait méconnu les
termes du litige. Mais la Cour de cassation rejette le pourvoi au motif que le demandeur
« se prévalait de ce que lui avait été cachée la signature [antérieure] d'un pacte
d'actionnaires, dont la connaissance l'aurait conduit à exercer le droit de retrait qui lui
était reconnu par un protocole [encore plus antérieur] et à ne pas signer le protocole
[litigieux], lequel était moins avantageux pour lui »487.
Cette solution permet de mesurer la vigueur que la jurisprudence souhaite conférer au
devoir de loyauté pesant sur et entre les actionnaires. Le majoritaire n’était pas
485
Au motif, selon les juges de fond, que le préjudice supplémentaire correspondant aux sommes remises
après la constitution de la société était lié à la liquidation judiciaire et ne constituait donc pas la
conséquence directe du dol allégué.
486 er
Cass. com. 1 juillet 2003, n°1095 F-D, Sté Eurodec c/ Sté Groupe C hoisy Inc, RJDA, 5/04 n°574.
487 er
Cass. com. 1 juillet 2003, précitée.
113
242 - Le devoir de bonne foi entre actionnaires teinte également les relations des
partenaires en cours d’exécution du pacte. Les pactes d’actionnaires sont à ce titre « un
lieu de bonne foi et de loyauté renforcées »490 en ce sens que le devoir réciproque de
bonne foi et de loyauté entre partenaires est le prolongement de leur qualité
d’actionnaire.
492
Rappelons que seule la rupture du pacte par un partenaire conservant la qualité d’actionnaire est
constitutive d’une résiliation du pacte. A défaut, le pacte ne peut être résilié, il est rendu caduc par la perte
de l’élément essentiel que représente pour ce contrat la qualité d’actionnaire. (Voir supra, Titre 1, Chap. 2,
Sect° 1, § 2. B). Voir également J. Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes
d’associés », commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045, n°11.
493
Pour un arrêt recommandant de rechercher, au regard de l’article 1174 du Code civil, si la réalisation de
la condition suspensive dépendait de la seule volonté du cessionnaire dans le cadre d’une cession d’actions
assortie d’une clause d’earn out en vertu de laquelle, le cessionnaire s’engageait à verser, à une certaine
échéance, un complément de prix au cédant sous la condition que ce dernier ait conservé à cette date
l’exercice d’une fonction de direction dans la société, voir dernièrement, Cass. com. 19 janvier 2010, Dr.
sociétés, 2010, comm. 70, D. Gallois-Cochet (en l’espèce, le cessionnaire était en mesure de prononcer la
révocation ad nutum du cédant - PDG).
115
246 - La conclusion d’un pacte entre actionnaires présuppose que les partenaires se
portent mutuellement une profonde confiance. En effet, seule une telle confiance peut
justifier cette tendance qu’ont certains actionnaires à s’imposer eux-mêmes, par la
conclusion d’un acte grave, en marge des statuts et donc hors du cadre naturel et
494
Trib. com. Paris 25 juin 2002, Juris-Data n°2002-19 6978, cité par P. Larrieu, « L'interprétation des pactes
extra-statutaires », Rev. sociétés, 2007, p. 697, note de bas de page n°73.
495
Trib. com. Paris 25 juin 2002, précité.
496 ème
Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005 n°04-4322, 3 ch. A, Hermann c/ Vileghe, RJDA, 7/06, n°791.
116
protecteur assuré par la loi, des règles de conduite à tenir dans leurs relations
individuelles d’actionnaires. En ce sens, la confiance mutuelle entre partenaires
constitue une cause catégorique du pacte.
247 - Il convient de revenir sur la notion de cause catégorique (A) afin de mieux
apprécier le rôle déterminant que joue la confiance mutuelle des actionnaires dans la
conclusion du pacte d’actionnaires (B).
248 - La notion de cause est l’une des notions les plus complexes de la théorie
générale des obligations. Elle renvoie au « pourquoi de l’obligation »497. Dès lors, cette
notion peut être entendue dans deux sens différents : celui de la source du rapport
d’obligation498, son fait générateur499, c’est la cause dite efficiente, et celui du but
poursuivi par le débiteur500, il s’agit de la cause finale. C’est cette dernière qui a reçu
toute l’attention de la doctrine classique et contemporaine, elle est la seule conception
de la cause retenue par le Code civil, lequel en fait une condition de validité du
contrat501. Historiquement toutefois, la notion de cause n’a pas toujours été rattachée à
l’appréciation de la validité du contrat, le droit romain ignorait d’ailleurs totalement la
conception de cause finale502. Avant que la reconnaissance du principe du
consensualisme ne rende concevable le contrôle des éléments sur lesquels se fonde la
volonté individuelle, la causa503 ne pouvait en effet renvoyer qu’à l’acte nécessaire pour
que l’obligation prenne naissance504. C’est appréhendée sous son sens de cause
efficiente ou génératrice du contrat, que la notion de cause catégorique peut être
comprise. Afin de présenter cette notion dans toute sa signification et son particularisme,
il convient de rappeler le contenu de la conception actuelle de la notion de cause finale.
497 ème
J. Ghestin, Traité de droit civil. La formation du contrat, LGDJ, 3 éd., 1993, n°814.
498 ère
Ch. Larroumet, Droit civil, Tome III, Les obligations Le Contrat, 1 partie Les conditions de formation,
ème
Economica, 6 éd., 2007, n°441.
499
J. Ghestin, op. cit., n°814.
500
J. Ghestin, op. cit., n°814.
501
Parmi les quatre conditions essentielles à la validité d’une convention figure celle relative à “Une cause
licite dans l’obligation » (art. 1108 C. civ.). « L’obligation sans cause, ou sur une fausse cause, ou sur une
cause illicite, ne peut avoir aucun effet » (art. 1131 C. civ.).
502
Ch. Larroumet, op. cit., n°442.
503
Sur le développement de la causa comme la source de l’obligation, voir Y. Thomas, Causa et fonction
d’un concept dans le langage du droit romain, thèse Paris II, 1976.
504
J. Ghestin, op. cit., n°820.
505 ère
Cass. 1 civ. 12 juillet 1989, RTD civ., 1990, p. 469, obs. J. Mestre.
117
aux articles 1108 et 1131 du Code civil, de la cause subjective, ou cause du contrat, non
expressément visée dans le Code civil mais parfois prise en compte par la jurisprudence
pour apprécier la validité du contrat506.
La cause de l’obligation est objective en ce sens qu’elle est détachée du mobile ayant
déterminé l’engagement du contractant. Elle est dite abstraite en raison de ce qu’elle ne
varie pas d’un contractant à un autre pour une même catégorie de contrat et se
distingue ainsi des mobiles507. Dans les contrats à titre onéreux, la cause objective de
l’engagement du contractant réside dans la contrepartie que ce dernier en retire508. Dans
le contrat de société, la cause objective de l’engagement des actionnaires réside dans
l’intérêt commun, c’est-à-dire la réalisation et le partage entre eux des bénéfices
sociaux509. Cette conception de la cause, retenue par la doctrine classique510 a pour
fonction d’assurer un certain équilibre économique de l’opération. Il s’agit alors de
vérifier que l’engagement du contractant se justifie économiquement. Cette cause doit
exister faute de quoi, l’obligation serait nulle par application de l’article 1131 du Code
civil511.
Au contraire, la cause du contrat est subjective, cette acception de la notion de cause a
été développée par la doctrine moderne512 dans le souci, précisément, d’intégrer les
mobiles à la cause. Ces mobiles sont par hypothèse d’une grande diversité et varient
d’un contractant à un autre selon la psychologie de ce dernier. La jurisprudence ne
retient alors que la cause impulsive et déterminante du contrat pour en apprécier la
licéité ou la moralité. Dans les actes à titre onéreux, un motif illicite déterminant, et
connu comme tel du co-contractant513, est ainsi susceptible d’entraîner la nullité du
contrat par application des articles 1131 et 1133 du Code civil.
250 - Il apparaît que la cause finale, qui sert une théorie de la cause dont la fonction
est d’encadrer la validité du contrat au regard de la motivation de son auteur, repose sur
une démarche moralisatrice et essentiellement subjective.
506
En ce sens, J. Ghestin, op. cit., n°813.
507
Ch. Larroumet, op. cit., n°449.
508
Par exemple, dans une vente, la cause de l’obligation pour l’acquéreur de payer le prix réside dans
l’acquisition de la propriété de la chose.
509
V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec, 2008, n°261.
510
Cette doctrine est notamment représentée par Pothier qui a complété les travaux de Domat (sur cette
question, voir J. Ghestin, op. cit., n°822 et s. et Ch. Larroumet, op. cit., n°446 et s.).
511
A la cause inexistante est assimilée la fausse cause (art. 1131 C. civ.). La cause est fausse lorsque le
contractant a commis une erreur sur la cause en croyant à une cause qui n’existait pas (Cass. com. 29 mars
1994, JCP, 1994.IV.1449 et TGI Seine 19 mars 1963, Gaz. Pal., 1963.2.18).
512
Notamment H. Capitant (voir J. Ghestin, op. cit., n°830 et s.).
513 ère
Cass. 1 civ. 12 juillet 1989, précité.
118
251 - La cause efficiente, entendue sous une acception large du fait générateur du
contrat comme la « situation concrète [que ce dernier] présuppose et à partir de laquelle
va œuvrer la volonté des parties »514 traduit une idée d’antériorité logique515. La notion
de cause efficiente a été développée par le doyen Louis Boyer dans le cadre de l’étude
du contrat de transaction516, laquelle l’a mené à rechercher la nature exacte de la
condition relative à l’existence du litige pour le contrat de transaction au regard des
conditions de validité du contrat énoncées à l’article 1108 du Code civil. Après avoir
démontré que les définitions classiques de l’objet et de la cause auxquelles cette
disposition renvoie sont impropres à caractériser la condition relative à l’existence du
litige, Boyer élabore une théorie de la cause libérée de toute considération
psychologique de la volonté des contractants, opérant ainsi une rupture avec
l’appréhension exclusive de la cause par le droit contemporain comme une cause finale.
Il en arrive alors à dégager un concept objectif de cause du contrat, qui permet de
justifier ce dernier d’un point de vue logique en incorporant « l’ensemble des éléments
en l’absence desquels la réalisation du but contractuel devient impossible »517.
L’absence de cette cause rend en effet impossible la réalisation de la catégorie de
contrat que les parties ont souhaité conclure, c’est en cela que Boyer qualifie cette
cause de cause catégorique. Ainsi, l’absence de situation litigieuse rend-elle impossible
toute transaction et le litige constitue-t-il une cause catégorique du contrat de
transaction. Cette cause catégorique, ainsi conceptualisée par Boyer, n’a pas pour
fonction d’encadrer la validité du contrat, elle opère comme un instrument de
qualification du contrat518 qui permet, plus exactement, d’individualiser une catégorie
contractuelle519. Ainsi, sauf vice du consentement des contractants, le défaut de cause
catégorique « a pour conséquence la dénaturation du contrat, mais il est par lui-même
sans influence sur la validité des obligations [que le contrat] engendre »520.
514
Rép. Dr. civil Dalloz, « Contrats et conventions », L. Boyer, 1993, n°168 .
515
D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, n°449.
516
L. Boyer, La notion de transaction. Contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif,
Sirey, 1947.
517
L. Boyer, op. cit., p. 216.;
518
J. Ghestin, op. cit., n°835.
519
L. Boyer, op. cit., p. 104 et s.
520
L. Boyer, op. cit., p. 120.
119
252 - Si la théorie de Boyer n’a jamais été reprise dans son ensemble par la
doctrine521, la cause catégorique présente un intérêt conceptuel qui dépasse celui de la
qualification du contrat. Conformément à son caractère permissif, cette causalité
efficiente établit un rapport d’antériorité logique entre certains éléments, objectifs et
extérieurs à la volonté des cocontractants, et le contrat que ces éléments rendent
possible. Ces éléments sont par essence induits par la catégorie contractuelle
considérée. La plupart des catégories de contrats ne requièrent aucunement l’existence
d’éléments préalables, indispensables à leur réalisation, « la volonté des parties pouvant
toujours, en principe, promouvoir le contrat qu’elles [les parties] se proposent en fonction
des obligations stipulées »522. Toutefois, certaines catégories de contrats présupposent
de tels éléments et sont ainsi dotés d’une cause catégorique. On peut citer, par
exemple, à côté des contrats de transaction, les contrats aléatoires ou encore les
contrats de garantie. Aucun contrat aléatoire ne peut, en effet, être conclu en l’absence
d’aléa dans la situation visée par les cocontractants523. De même, selon Boyer, les
contrats de sûretés personnelles présupposent l’existence d’un rapport juridique
principal lequel en constitue la cause catégorique524.
253 - A ce titre, l’auteur précise que « l’étude des contrats dits “accessoires” fournit
de nouveaux exemples types de conventions dans lesquelles le concept de cause n’est
pas seulement constitué par la réunion des éléments servant d’objet aux obligations des
parties. Il en est ainsi notamment dans les contrats de garantie tels que le
cautionnement ou la constitution d’hypothèque. […] Le but contractuel vise en effet à la
garantie d’un rapport de droit principal ; pour qu’un tel but soit réalisable, il faut donc
qu’un tel rapport existe : la dette principale fait donc partie des motifs qui servent de
cause au contrat »525. A ce titre, la notion de cause catégorique semble être de nature à
fonder un rapport juridique d’accessoire à principal. C’est ce que D. Grimaud a démontré
en matière de cautionnement526. C’est peut être, de la même manière, dans la cause
catégorique du pacte d’actionnaires que l’on peut trouver le fondement de la forme
d’accessoire du contrat de société que revêt le pacte. Or, il apparaît que la confiance
mutuelle, inhérente à la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires, constitue une
cause catégorique du pacte.
521
Voir J. Ghestin, op. cit, n°835 ; J. Hauser, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique, LGDJ,
1971, n°154 ; P.A. Reigné, La notion de cause efficiente du contrat en droit français, thèse Paris II, 1993,
n°234 ; G. Wicker, Les fictions juridiques. Contribution à l’étude de l’acte juridique, LGDJ, 1997, n°103 et J.
Rochfeld, Cause et type de contrat, 1999, n°14.
522
L. Boyer, Rép. Dr. civil Dalloz, « Contrats et conventions », 1993, n°168.
523
En ce sens, L. Boyer, op. cit., n°168.
524
En ce sens, L. Boyer, op. cit., n°97.
525
L. Boyer, La notion de transaction. Contribution à l’étude des concepts de cause et d’acte déclaratif,
Sirey, 1947, p. 164 et 213.
526
D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, n°456 et s.
120
254 - On l’a vu, l’existence de certains types de contrats n’est rendue possible que
par la préexistence, dans l’environnement extérieur, de données objectives et
déterminantes qui constituent la cause catégorique de ces contrats. Dans la théorie de
la cause défendue par le doyen Boyer, ces éléments préalables indispensables sont
logiquement induits par le but caractéristique du contrat527.
Or, les actionnaires qui décident de recourir à la conclusion d’un pacte, afin d’aménager
les relations qu’ils entretiennent au sein de la société, éprouvent nécessairement une
profonde confiance les uns pour les autres. Si le sentiment de confiance est, en principe,
un élément subjectif et étroitement dépendant de la personnalité de celui qui le ressent,
la confiance mutuelle entre partenaires revêt, on l’a dit528, une dimension particulière qui
en fait un élément quasi-objectif et extérieur à la psychologie des partenaires,
automatiquement attaché à la qualité réciproque d’actionnaire.
527
En ce sens, D. Grimaud, op. cit., n°452.
528
Voir supra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1.
529 ème
G. Cornu, Vocabulaire juridique, Association H. Capitant, Coll. PUF Quadrige, 3 éd., 2002, voir
confiance 1.
530
Voir également G. Cornu, op. cit., sentiment 1 et 2.
531 ère
Cass. 1 civ. 21 janvier 1981, Bull. civ., I, n°25.
121
nature de solennité et de gravité pour les parties532, conclu, en outre, hors du cadre
naturel et protecteur assuré par les statuts, postule l’existence d’un tel sentiment de
confiance profonde.
532
Voir la définition de pacte, proposée par G. Cornu, op. cit, reproduite supra, Introduction.
533
V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec, 2008, n°549. Et sur le contrat en général, acte de prévision, H.
Lécuyer, « Le contrat, acte de prévision », in L’avenir du droit, Mélanges en Hommage à F. Terré, PUF,
Dalloz et Jurisclasseur, 1999, p. 643.
534
Voir notamment sur cette question, H. Le Nabasque, « L'exécution forcée des pactes d’actionnaires »,
avec le concours de G. Terrier, Dr. sociétés, Actes prat., 14/1994; A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée
en droit des sociétés, Economica, 2004 ; E. Brochier, « L’exécution en nature des pactes entre
actionnaires : observations d’un praticien », RDC, 2005, p. 125 et Y. Reihnard, « L’exécution en nature des
pactes d’actionnaires », RDC, 2005, p. 115. Voir également, Cass. ch. mixte 26 mai 2006, Bull. Joly, 2006,
p. 1072, note H. Le Nabasque et T. com. Paris 25 juin 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1203, note F.-X. Lucas,
ème er
infirmé par Cour d’appel de Paris, 3 ch. A 1 juillet 2008, Rev. sociétés, 2008, p. 786, note D. Poracchia.
122
258 - De plus, cette cause catégorique est, par essence, de nature à justifier, à
travers la confiance mutuelle des partenaires, la dimension d’accessoire du contrat de
société que présente le pacte.
En effet, dans la mesure où elle restitue la position d’antériorité nécessaire ainsi que le
rôle permissif des éléments objectifs qui rendent possible l’existence du contrat, la
notion de cause catégorique du contrat fonde, par essence, un rapport de dépendance
et de subordination dudit contrat à l’élément préalable sur lequel porte la cause535. Dès
lors, on trouve dans la confiance mutuelle entre partenaires, inhérente à leur qualité
réciproque d’actionnaire, le fondement de la forme d’accessoire que revêt le pacte au
regard du contrat de société. C’est en effet le contrat de société qui génère la confiance
particulière entre actionnaires en l’absence de laquelle aucun partenariat ne pourrait être
noué entre ces derniers.
259 - Nous avons démontré dans quelle mesure la confiance mutuelle attachée à la
qualité réciproque d’actionnaire est un facteur préalable et déterminant du recours par
les partenaires à la conclusion du pacte.
La qualité réciproque d’actionnaire des partenaires constitue également une condition
préalable et déterminante du pacte dès lors que ce dernier a pour fonction de préciser
les relations individuelles qu’entretiennent les partenaires en cette qualité.
535
D. Grimaud, op. cit., n°457. L’auteur a démontré à ce titre que la caus e catégorique fournit au caractère
accessoire du cautionnement « sa justification première ».
536
Sur cette notion, voir D. Grimaud, op. cit., n°467.
123
261 - Par la conclusion d’un pacte, certains actionnaires cherchent à satisfaire leurs
intérêts particuliers, lesquels ne peuvent être pris en compte dans les statuts en raison
de ce que ces derniers sont orientés vers la poursuite de l’intérêt commun et soumis à
ce titre, dans les sociétés anonymes, à une réglementation très rigide.
Si les motifs qui conduisent les actionnaires d’une société à se rapprocher pour conclure
un pacte sont, en pratique, trop complexes et diversifiés pour qu’il soit possible d’en
rendre compte dans toutes leurs nuances et leurs subtilités, ils tendent à s’orienter
autour de deux considérations principales d’ordre politique et financier. Certains pactes
sont conclus entre actionnaires formant un partenariat homogène, au sein duquel les
intérêts des signataires sont convergents, et tournés vers un enjeu politique de
conservation d’un certain pouvoir de contrôle en commun dans la société, que ces
partenaires soient ensemble majoritaires, qu’ils détiennent ensemble une minorité de
blocage, ou encore, qu’ils détiennent à deux, par participations égalitaires ou non, la
quasi-totalité du capital d’une filiale commune. D’autres pactes sont conclus entre
actionnaires formant un partenariat non homogène, dont les intérêts premiers sont
foncièrement divergents, mais peuvent se trouver réunis par la poursuite d’un enjeu
financier. Cet enjeu est donc commun aux partenaires, c’est la raison pour laquelle ces
derniers se rapprochent, mais chacun y trouve un intérêt différent. Ces pactes sont
principalement conclus dans le cadre d’opérations de capital-investissement, par les
actionnaires majoritaires, confrontés à un manque de capitaux, au profit de sociétés
d’investissement en fonds propres, lesquelles prennent une participation minoritaire
dans le capital de la société à des fins exclusivement spéculatives539.
537
Notamment, G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°11 et s. et 19 et
s. ; M. Cabrillac, « Les accessoires de la créance » in Etudes A. Weill, Dalloz - Litec, 1983, p. 107, n°20 et
s. ; D. Grimaud, op. cit., n°318 et Ch. Juillet, Les accessoires de la créance, Defrénois, T. 37, 2009, n°275 et
s.
538
« La nature d’accessoire n’est attribuée qu’au regard de la fonction que tient un élément par rapport à un
autre », Ch. Juillet, op. cit, n°275 et s.
539
Si l’enjeu financier est par nature important pour tout actionnaire, certains actionnaires, tels que les
sociétés de capital-investissement, font de l’octroi de garanties destinées à préserver leurs intérêts
financiers, une condition absolue de leur entrée dans le capital de la société.
124
263 - Précisons à titre liminaire que les pactes les plus fréquemment conclus entre
actionnaires dans la pratique, que nous avons présentés plus haut en distinguant
essentiellement les conventions de vote et les pactes relatifs à la détention du capital540,
sont tous susceptibles de figurer tant au rang des pactes conclus dans le cadre d’un
partenariat homogène qu’au rang de ceux conclus dans le cadre d’un partenariat non
homogène. Les développements qui suivent ne constituent donc qu’une présentation de
la manière dont il est possible pour les actionnaires, dans un certain contexte, de
recourir à ces différentes clauses afin d’organiser leurs relations réciproques.
264 - Les pactes qui organisent les relations d’actionnaires formant un partenariat
homogène contiennent des engagements pris en général réciproquement par leurs
signataires. La conservation du pouvoir que les partenaires détiennent ensemble, qu’il
s’agisse de la majorité dans les assemblées, d’une minorité de blocage, ou encore, d’un
pouvoir égalitaire ou non dans une filiale commune, est effectivement assurée par la
prise d’engagements pesant sur tous les signataires et bénéficiant à tous.
265 - Ces engagements visent, d’une part, à contrôler la répartition du capital entre
les partenaires, de manière à assurer la conservation du même pouvoir de vote au sein
du groupe homogène. Ils visent, d’autre part, à organiser un exercice coordonné du droit
de vote, par chacun des partenaires, de façon à asseoir ce pouvoir de vote. Nous ne
reviendrons pas sur les conventions de vote, lesquelles ont fait l’objet de
développements antérieurs quant à leurs applications541.
Mais il arrive par ailleurs que, même au sein d’un groupe d’actionnaires homogène, les
partenaires ne s’entendent plus. Dans les filiales communes, on l’a dit, cela peut mener
à un blocage total de la gestion de la société. Dans cette perspective, les pactes
540
Voir supra, Titre 2, Chap. 1.
541
Voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2. Pour un e xemple factuel, voir la convention de votre stipulée
dans le cadre d’un pacte conclu entre le Crédit agricole et l'assureur italien Generali, détenant ensemble
10,9% dans le capital de la banque italienne Intesa Sanpaolo, aux termes de laquelle les deux groupes
prévoient de se consulter sur les décisions stratégiques et sur les nominations aux organes dirigeants de la
société Intesa (« Crédit Agricole assure que les pertes liées à Intesa Sanpaolo sont intégrées », Reuters, 11
mai 09, Philippe Wojazer).
125
organisent alors également une séparation des partenaires par la sortie forcée de l’un
d’entre eux.
266 - Tandis que la plupart des clauses stipulées dans les pactes organisant les
partenariats homogènes visent à perpétuer la coalition des partenaires par le contrôle de
la répartition du capital entre eux (A), d’autres, anticipant le cas où le partenariat ne
s’opèrerait plus avec succès, permettent de réorganiser cette coalition par la cession
forcée de ses actions par l’un des partenaires (B).
267 - Les pactes qui visent à souder une coalition de partenaires dont le niveau de
détention en commun du capital confère à ces derniers un certain pouvoir de contrôle
dans la société consistent soit à figer l’équilibre existant dans la répartition du capital
entre les partenaires, soit à permettre des reclassements de participation entre les
partenaires, soit encore à autoriser des acquisitions limitées d’actions à l’extérieur du
groupe.
Le contrôle qui s’en suit de la répartition du capital détenu en commun assure ainsi le
maintien d’un groupe homogène dont les intérêts convergent vers la poursuite d’une
certaine politique déterminée en commun et approuvée par tous.
268 - Les pactes destinés à figer l’équilibre existant dans la répartition du capital
entre les partenaires, tout d’abord, recourent aux mécanismes de l’interdiction d’acquérir
et de l’interdiction de céder, parfois qualifiée de pacte d’inaliénabilité. De tels pactes se
rencontrent fréquemment dans des filiales communes détenues à parité afin de
maintenir l’exacte égalité entre les partenaires. Précisons qu’en général, dans
l’hypothèse où la société opérerait une augmentation de capital, il est prévu que chacun
des partenaires soit autorisé à souscrire à cette augmentation en proportion de sa
participation dans le capital avant l’opération.
269 - Ensuite, les pactes qui organisent des reclassements de participation entre les
partenaires consistent en des clauses d’agrément et de préemption extra-statutaires.
Ces pactes permettent, lorsque l’un des partenaires souhaite céder ses actions, de
limiter le risque que la participation de ce dernier revienne à un actionnaire qui ne
partagerait pas les mêmes vues que celles du groupe.
Les pactes de préférence, en particulier, confèrent aux partenaires une priorité pour
l’acquisition des titres. La pratique en offre une illustration, dans le cadre d’un groupe
126
270 - Enfin, les pactes qui autorisent des acquisitions limitées à l’extérieur du groupe
empruntent la technique des pactes de non-agression selon laquelle, chaque partenaire
s’engage, pour le cas où il souhaiterait augmenter sa participation, à ne pas dépasser
un certain seuil de détention du capital global que représentera le groupe homogène
après l’acquisition. Dans ce cadre, il est envisageable de prévoir qu’un partenaire ne
pourra acquérir de nouvelles actions à l’extérieur du groupe que si tous les partenaires
sont d’accord pour augmenter leur propre niveau de participation dans les mêmes
proportions, quitte à répartir les actions que le partenaire projetait d’acquérir entre
chacun des partenaires de manière proportionnelle à leur taux de participation au sein
du groupe.
271 - Il est en effet primordial, qu’au sein du groupe homogène, aucun des
partenaires ne prenne trop d’influence. Dans le cas contraire, il en résulterait un risque
de divergence entre les partenaires quant à la politique sociale à adopter par le groupe,
lequel groupe ne serait alors plus homogène. Lorsque, malgré toutes les précautions
prises par la stipulation des clauses précitées, le groupe vient à perdre son
542
« SEB : la famille dénonce le pacte d'actionnaires », Les Echos, 11 mai 2009, Industrie, D. CH
(disponible sur : www.lesechos.fr).
127
272 - Lorsque le groupe perd son homogénéité, par la survenance d’un désaccord
entre les partenaires sur la politique à adopter dans le cadre de l’exercice du pouvoir de
contrôle en commun, il importe de réorganiser la coalition des partenaires. Il en est de
même lorsque l’un des partenaires a méconnu les engagements qu’il tenait du pacte ou,
s’agissant d’un partenaire personne morale, lorsque ce dernier a fait l’objet d’un
changement de contrôle ou de direction en des mains non amicales.
Le pacte prévoit alors, à cet effet, la sortie forcée de la société de l’un des partenaires,
les autres membres du groupe rachetant la participation de ce dernier.
274 - Nous avons exposé le mécanisme d’exclusion forcée organisé sous la forme
d’une promesse unilatérale de vente consentie sous la condition suspensive de
réalisation d’un événement de nature à rendre impossible le maintien du débiteur dans
la coalition par chacun des partenaires au profit des autres partenaires544. Ajoutons
qu’en pratique, le pacte prévoit une clé de répartition, entre les partenaires se
maintenant dans la coalition, des actions détenues par le partenaire exclu de façon
proportionnelle au taux de participation de chacun au sein du groupe redevenu
homogène.
275 - Reste alors à envisager les clauses d’offre alternative et d’options croisées que
l’on rencontre fréquemment dans le cadre des pactes bilatéraux, notamment ceux
conclus dans les filiales communes545. A ce titre, lorsque la réorganisation de la coalition
543
Des clauses d’offre alternative ou d’options croisées peuvent néanmoins être stipulées entre plus de
deux partenaires, le pacte en est alors d’autant plus complexe (S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au
transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°153).
544
Voir supra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
545
La jurisprudence récente offre quelques exemples pratiques d’utilisation de ces pactes. S’agissant des
ème
clauses d’offre alternative, voir Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001, n°01-9384, 25 ch. A, (affaire
Banque de Vizille), Bull. Joly, 2002, p. 509, note H. Le Nabasque et dans l’affaire SNCM précitée, Cour
d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045, note J. Moury, statuant en appel sur T. com. Paris
17 octobre 2006, Dr. sociétés, 2007, 137, comm. H. Hovasse et Bull. Joly, 2007, p. 72, note F.-X. Lucas. Et
128
s’exprime par la sortie de la société de l’un des partenaires, l’autre s’y maintenant seul,
c’est davantage une rupture de la coalition qu’une réorganisation au sens stricte que ces
pactes mettent en place.
277 - La rupture de la coalition organisée par les clauses d’offre alternative546, tout
d’abord, se consomme sous la forme d’une faculté alternative et aléatoire d’achat, ou à
défaut, de vente, par chacun des partenaires, d’où la dénomination buy or sell, laquelle
est conditionnée par la survenance d’un événement prédéfini devant conduire à la
rupture de la coalition.
Chaque partenaire a en effet, en cas de survenance de l’événement prédéfini marquant
la réalisation de la condition suspensive, la faculté, ou plutôt, l’obligation,
alternativement, soit de céder ses actions soit d’acquérir celles de l’autre, le partenaire
ayant proposé le prix le plus élevé disposant du choix entre vendre ou acquérir. Selon
une autre modalité, le plus offrant est au final l’acquéreur. La jurisprudence offre un
autre exemple d’application d’une clause d’offre alternative dans le cadre d’une clause
d’entraînement547, dans laquelle les partenaires sont soumis aux conditions générales,
notamment de prix, proposées par un tiers et approuvées par la majorité des
actionnaires548.
Il arrive toutefois que la clause d’offre alternative ne soit pas mise en œuvre de manière
purement aléatoire, un seul des partenaires, celui auquel la rupture n’est pas imputable,
disposant alors de la faculté unilatérale de choisir entre vendre et acquérir. Ainsi en
était-il dans le cadre de l’affaire SNCM ayant donné lieux aux arrêts précités de la Cour
s’agissant des clauses d’options croisées, voir Cass. com. 28 avril 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 136, H.
Hovasse et RTD. civ., 2009, p. 525, note B. Fages.
546
Clauses qualifiées de buy or sell par les anglo-saxons, elles ont reçu de la part des praticiens toutes
sortes de dénominations : clause omelette, roulette russe, etc.
547
Voir supra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
548
Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001 (affaire Banque de Vizille), précité. En l’espèce, la clause
d’offre alternative stipulée dans le pacte met à la charge de chacun des partenaires, en cas d’émission par
un tiers d’une offre de rachat global de la totalité des actions de la société et approuvée par la majorité des
actionnaires, l’obligation alternative soit de céder ses titres avec les autres actionnaires, dans les conditions
offertes et acceptées, soit de racheter les titres des autres actionnaires, à ces mêmes conditions.
129
278 - Une variante de la clause d’offre alternative réside dans la clause d’options
croisées553, dite également clause américaine, dans le cadre de laquelle un seul des
partenaires bénéficie d’une faculté alternative.
Cette clause implique, à la suite de la manifestation de son intention de vendre par l’un
des partenaires, la faculté, ou plutôt, l’obligation pour l’autre, alternativement, soit
d’acquérir les titres de son partenaire, soit, à défaut, de vendre ses propres titres, au prix
proposé par le partenaire à l’initiative du déclenchement de la procédure, ce dernier
étant alors tenu de les lui acheter. Plus exactement, si un partenaire A décide de vendre
ses actions moyennant un certain prix, le partenaire B aura la faculté de lever l’option
d’achat dont il dispose sur les actions de A. Mais si B, ne souhaitant pas acquérir les
actions de A, ne lève pas cette option d’achat, alors il devra lui-même céder ses actions
à A, au prix proposé par A lui-même, A étant tenu de les lui acheter.
La condition à laquelle est suspendu le déclenchement de la procédure de séparation
dépend donc de la seule volonté de l’un des partenaires. Il apparaît qu’un tel pacte vise,
549
Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, précité, D., 2007, p. 2045, note J. Moury ; Bull. Joly, 2007, n°4,
p. 479, note F.-X. Lucas et RTD com., 2007, p. 169, note P. Le Cannu, statuant en appel sur T. com. Paris
17 octobre 2006, précité, Dr. sociétés, 2007, 137, comm. H. Hovasse et Bull. Joly, 2007, p. 72, note F.-X.
Lucas.
550
Cass. com. 6 novembre 2007, précitée, Rev. sociétés, 2008, p. 89, note J. Moury ; D., 2008, p. 1024,
note. B. Dondero, précitée ; Bull. Joly, 2008, p. 125, note X. Vamparys; Dr. sociétés, 2008, comm. n°10,
obs. H. Hovasse et Les Echos, n°20053, 23 novembre 2007, p. 12, Ph. Delebecque.
551
En ce sens, H. Hovasse, note précitée sous T. com. Paris 17 octobre 2006 et P. Le Cannu, note précitée
sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006. Contra, sur ce point, T. com. Paris 17 octobre 2006 confirmé
par Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, précités.
552
Voir supra, Titre 2, Chapitre 1, Section 2, § 1. B.
553
Clause qualifiée de put and call par les anglo-saxons.
130
au fond, à faire pression sur chacun des partenaires afin de dissuader ces derniers
d’user de leur droit de céder leurs titres. En effet, chacun est exposé, s’il propose de
céder ses titres, au risque de devoir racheter ceux de l’autre au prix qu’il avait lui-même
proposé pour la vente des siens. Ainsi que l’a remarqué un auteur, ce mécanisme
assure, en quelque sorte, « un équilibre de la terreur »554. Il semble bien que les clauses
d’options croisées constituent le moyen de forcer les partenaires à s’entendre et de
maintenir la coalition dans le cadre d’un groupement qui ne présente plus réellement
d’homogénéité555.
279 - En cela, elles se distinguent des clauses qui visent à organiser les relations
d’actionnaires formant un groupe non homogène au sein duquel les intérêts particuliers
des partenaires divergent fondamentalement du début jusqu’au terme du partenariat.
280 - Le cadre type du partenariat non homogène556 est constitué par l’opération de
capital-investissement, laquelle consiste en une « prise de participation minoritaire dans
une société non cotée en vue de réaliser une plus-value à moyen ou long terme »557. La
société bénéficie ainsi d’une augmentation de capitaux propres, conditionnée toutefois,
par l’octroi, à l’investisseur minoritaire, par les actionnaires majoritaires et dirigeants, de
conditions préférentielles de sortie et autres avantages financiers ou politiques destinés
à encadrer, dans une certaine mesure, le risque social auquel est soumis l’investisseur.
Dans cette perspective, les capacités de l’équipe dirigeante ainsi que l’identité des
actionnaires majoritaires sont déterminantes dans la décision d’investir du minoritaire
tant la valorisation de l’entreprise, et donc les chances de réaliser une plus-value lors de
la cession des actions, dépend étroitement de la conduite des affaires opérée dans la
société.
554
Voir S. Prat, op. cit., n°153.
555
Elles conduiront plus vraisemblablement les partenaires à quitter ensemble la société, ainsi qu’il en était
dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu au seul exemple d’application d’une clause d’options croisées,
offert, à notre connaissance, par la jurisprudence récente (Cass. com. 28 avril 2009, Dr. sociétés, 2009,
comm. 136, H. Hovasse et RTD. civ., 2009, p. 525, note B. Fages).
556
On pourrait également associer aux partenariats non homogènes les pactes conclus dans le cadre de
conventions de earn out, lesquelles accompagnent la cession échelonnée dans le temps du contrôle d’une
société dont l’ancien contrôlaire continue, en cours de déroulement de l’opération, d’être intéressé par les
performances de la société. Sur cette question, voir F-D. Poitrinal, « Cessions d'entreprises : les
conventions de "earn out" », JCP, éd. E, 1999, p. 19. Ce partenariat non homogène nous semble toutefois
moins caractéristique en ce qu’il n’est pas grevé d’un rapport de domination aussi significatif que celui qui
prévaut dans le cadre des opérations de capital-investissement. Voir également dans un contexte proche de
celui du capital-risque mais moins empreint d’un rapport de domination entre actionnaires, N.-L. Ravisy et
M.-I. Levesque « Les accords conclus entre actionnaires dans les opérations de LBO », Gaz. Pal, 2004, p. 9
557
J.-J. Daigre, « Pacte d’actionnaires et capital-risque : Typologie et appréciation », Bull. Joly, 1993, § 40,
p. 157, n°1.
131
282 - Les relations des partenaires sont organisées par des pactes destinés à
assurer le maintien du rapport de domination en cours de partenariat (A) puis la sortie
du partenaire dominant, dans des conditions préférentielles, lors du dénouement du
partenariat (B).
558
J.-J. Daigre, op. cit., n°4, en raisonnant dans le cadre de sociétés PME.
559
En pratique, dans les opérations de capital-investissement, d’autres pactes organisent les relations
réciproques de l’investisseur et des actionnaires majoritaires et dirigeants. Nous ne traiterons notamment
pas dans cette étude, par souci de concision, de certains avantages financiers que les sociétés
d’investissement exigent souvent au regard de l’ajustement du prix d’entrée ou du versement des
dividendes, pour lesquels la liberté contractuelle demeure très faible. Sur la question très spécifique des
clauses de ratchet, inspirées du droit anglo-saxon, voir M. Germain, Traité de droit commercial – Les
ème
sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ, 2009, n°1624, citant notamment Dupont e t Brunswick,
Ajustement de prix et capital-investissement, AFIC, 2002, p. 44 et Dione, « L’ajustement de valorisation… »,
RJDA, 2006, p. 1017. S’agissant du versement de dividendes privilégiés, voir, Y. Guyon, Traité des contrats
ème
- Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°238.
132
286 - Enfin, pour s’assurer du respect par les partenaires dirigeants des obligations
qu’ils tiennent du pacte, il est possible pour la société d’investissement de se ménager le
droit d’exclure ces derniers en requérant le bénéfice d’une promesse unilatérale de
vente pesant sur ces dirigeants, sous la condition suspensive de la commission d’une
faute de leur part. Cette faculté d’exclusion ne joue toutefois qu’un rôle coercitif, c’est en
effet la sortie volontaire de l’investisseur qui risque davantage de se produire dans un tel
cas, a fortiori si les partenaires fautifs sont majoritaires, à travers l’exercice par ce
dernier d’une faculté de retrait-sanction.
287 - Outre les pactes destinés à assurer le maintien du rapport de domination tout
au long du partenariat, la société d’investissement négocie surtout, et en premier lieu,
comme condition absolue de son entrée au capital de la société, des conditions
préférentielles de sortie lors du dénouement du partenariat.
560
Voir supra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A.
561
Voir supra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. B et § 2 .
562
J.-J. Daigre, « Pacte d’actionnaires et capital-risque : Typologie et appréciation », Bull. Joly, 1993, § 40,
p. 157, III.
134
se ménage par ailleurs, pour le cas où il viendrait à perdre son pouvoir de domination
effective, la faculté de quitter la société plus tôt, s’il le souhaite, en ayant la garantie de
pouvoir céder sa participation dans des conditions de risque atténué.
563
Le pacte prévoit en effet quasi-systématiquement l’intervention d’un tiers en cas de désaccord entre les
parties sur l’application effective de la formule qu’ils ont arrêtée ensemble, ce qui n’est pas sans susciter
des difficultés en droit positif. Sur cette question, voir infra, Partie 2, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2.
564
Sur les incertitudes que suscite en droit positif la pratique des promesses d’achat à prix plancher au
regard de la prohibition des clauses léonines, voir infra, Partie 2, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 2.
135
éviter toute moins-value à l’investisseur, que la gestion opérée par les dirigeants aura
obéré la situation financière de la société565.
290 - Si, au contraire, l’opération d’investissement est menée jusqu’au terme projeté,
l’investisseur peut alors céder sa participation à la personne de son choix dans des
conditions lui permettant de maximiser sa plus-value.
La cession intervient le plus souvent567 au profit des majoritaires, aux conditions
préférentielles que l’investisseur s’est faites consentir par ces derniers, dans le cadre
d’un pacte de retrait. Le mécanisme est le même que celui précédemment décrit pour
une sortie anticipée mais à des conditions de prix encore plus avantageuses, en termes
de formule d’évaluation et de prix plancher, dont l’investisseur ne peut bénéficier qu’au
terme de la durée prévue pour l’investissement ou après une certaine durée minimale de
maintien dans le capital social. En définitive, le pacte de retrait, qui est au premier plan
dans toute opération de capital-investissement, prend la forme d’une promesse
unilatérale d’achat modulable, consentie par les actionnaires majoritaires et dirigeants
au profit de l’investisseur, lequel ne peut lever son option qu’une fois passé un certain
565
M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003,
n°342.
566
Sauf à ce que l’investisseur ait trouvé un candidat à l’acquisition, dont les qualités managériales sont
satisfaisantes, auquel rétrocéder le bloc de titres majoritaire.
567
Il est également envisageable, dans les sociétés de taille moyenne intervenant dans des secteurs clés
tels que l’industrie, susceptibles de susciter l’intérêt de groupes, ou dans les sociétés moyennes à caractère
familial destinées à sortir du giron familial, qu’au terme convenu de l’opération, l’investisseur cède ses
actions conjointement avec le groupe majoritaire à un repreneur dans les conditions d’un pacte de sortie
conjointe précédemment évoquées.
136
Conclusion du Chapitre 2
292 - Les pactes d’actionnaires trouvent leur cause, entendue comme leur condition
préalable et déterminante, dans la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires, et
cela à deux égards. En premier lieu, c’est la confiance mutuelle inhérente à la qualité
réciproque d’actionnaire qui rend logiquement possible la conclusion d’un pacte entre
les partenaires. Ensuite, c’est cette qualité réciproque qui détermine l’utilité du pacte
pour les partenaires, ce dernier ayant pour fonction d’aménager leurs relations inter-
individuelles d’actionnaires. Dans les deux perspectives, la qualité réciproque
d’actionnaire des partenaires constitue une cause objective du pacte.
293 - D’une part, la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires a pour corollaire
une relation de confiance qui est indispensable à la conclusion du pacte. La confiance
mutuelle entre actionnaires, induite par la poursuite de l’intérêt commun, se prolonge en
effet dans les relations entre partenaires, ce qui confère une coloration particulière au
devoir de loyauté auquel ces derniers sont réciproquement tenus. Or, cette confiance
mutuelle entre partenaires, qui est permanente et singulièrement objective, en ce qu’elle
est automatiquement attachée à la qualité réciproque d’actionnaire, fonde
rationnellement l’engagement des partenaires dans le pacte. En tant que facteur
permissif pour la conclusion du pacte, elle constitue la cause catégorique de ce dernier.
294 - Dans une autre perspective, la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires
détermine l’utilité du pacte, ce dernier ayant pour fonction d’aménager les relations
réciproques que les partenaires entretiennent en leur qualité même de co-actionnaires.
En ce sens, l’aménagement de ces relations constitue la cause-fonction du pacte, la
137
cause étant alors envisagée dans sa composante finale et objective. Ainsi, malgré la
diversité des mobiles qui conduisent certains actionnaires à conclure un pacte, et qui
répondent à des enjeux essentiellement politique ou financier, les partenaires trouvent
dans le pacte le moyen d’organiser leurs relations d’actionnaires en vue d’accéder à la
finalité qu’ils poursuivent. Dans le cadre d’un partenariat homogène réunissant des
actionnaires détenteurs d’un pouvoir politique de contrôle en commun de la société, le
pacte vise alors à assurer la cohésion de la coalition et, pour le cas où l’homogénéité du
partenariat viendrait à se dissoudre, à réorganiser cette coalition. Au contraire, dans le
cadre d’un partenariat non homogène, au sein duquel les relations des actionnaires
signataires sont grevées de rapports de force d’ordre essentiellement financier, ainsi
qu’il en est dans les opérations de capital-investissement, le pacte est conclu en vue de
maintenir la domination de l’investisseur pendant toute l’opération et assurer à ce
dernier, au dénouement de l’opération, sa sortie dans des conditions préférentielles.
295 - Cet emprunt de la cause du pacte d’actionnaires au contrat de société et, plus
précisément, à la qualité réciproque d’actionnaire des signataires, la notion de cause
étant appréciée sous ses deux acceptions efficiente et fonctionnelle, est de nature à
fonder la dimension d’accessoire du contrat de société que présente le pacte.
Conclusion du Titre 2
296 - L’emprunt par les pactes d’actionnaires de leur objet et de leur cause au
contrat de société fonde d’une manière dualiste, mais toujours objective et matérielle, la
forme d’accessoire du contrat de société que revêt le pacte. En effet, les pactes
d’actionnaires ont matériellement pour objet les éléments constitutifs du contrat de
société, ils aménagent ces attributs de la qualité d’actionnaire que sont l’exercice du
droit de vote et la propriété des actions. En outre, les pactes d’actionnaires trouvent leur
cause dans la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires, cette qualité rendant non
seulement possible mais encore utile la conclusion du pacte.
298 - En effet, envisagée sous son aspect réciproque, la qualité d’actionnaire des
partenaires fonde la dimension d’accessoire du pacte d’un point de vue causal. Les
pactes d’actionnaires trouvent ainsi, et à double titre, leur cause dans la qualité
réciproque d’actionnaire de leurs signataires, la notion de cause étant entendue selon sa
conception efficiente comme la cause catégorique, d’une part, et selon sa conception
finale comme la cause-fonction, d’autre part.
Les pactes d’actionnaires ont, d’une part, pour cause catégorique la confiance mutuelle
inhérente à la qualité réciproque d’actionnaires des partenaires. Or, nous l’avons dit, la
cause catégorique d’un contrat fonde par nature la relation de subordination dans
laquelle le contrat se place au regard du facteur préalable et permissif sur lequel porte la
cause. La relation entre actionnaires sur la base de laquelle repose la confiance
mutuelle fonde donc la forme d’accessoire du contrat de société que revêt le pacte. La
cause catégorique est en outre complétée par la cause-fonction du pacte d’actionnaires
pour former ensemble le fondement causal complet de cette dimension d’accessoire.
C’est en effet cette même relation entre actionnaires qui sert de support utile au pacte,
la fonction de ce dernier résidant dans l’aménagement des relations réciproques que les
partenaires entretiennent en leur qualité d’actionnaire.
La localisation des cause catégorique et cause-fonction du pacte d’actionnaires dans la
relation entre actionnaires résultant du contrat de société est donc de nature à fonder de
manière objective et matérielle la dimension d’accessoire que présente le pacte au
regard du contrat de société. L’existence de cette relation support constitue
effectivement une condition préalable et déterminante de la conclusion d’un pacte, elle
justifie l’antériorité nécessaire du contrat de société et la dépendance du pacte à ce
dernier.
139
299 - Ainsi, l’objet matériel et la cause des pactes d’actionnaires, cette dernière étant
retenue sous ses deux acceptions de cause efficiente et catégorique ainsi que de
cause-fonction, constituent ensemble les fondements de la forme de rapport
d’accessoire à principal que recouvre la dépendance du pacte au contrat de société. Il
apparaît que les raisons profondes de cette dépendance au contrat de société sont
identiques pour tous les pactes d’actionnaires en dépit de leur extrême diversité. On
peut donc conclure à l’unité de la dimension d’accessoire du contrat de société qui
caractérise les pactes d’actionnaires.
140
CONCLUSION DE LA PARTIE I
300 - Le pacte d’actionnaires, s’il est par nature fondamentalement distinct du contrat
de société, se place dans une relation de dépendance à ce dernier qui est proche du
rapport juridique d’accessoire à principal. Un auteur a, semble-t-il, de manière plus
radicale, exactement assimilé la dépendance du pacte au contrat de société au rapport
d’accessoire à principal. On peut en effet lire, sous la plume du Professeur Jacques
Moury, qu’« Un pacte extra-statutaire n’a de réalité que dans la dépendance d’une autre
convention à laquelle il s’adosse obligatoirement, le contrat de société. Dans un rapport
d’accessoire à principal, l’existence du pacte d’actionnaires est indissociablement liée
non seulement à celle de la société dont sont actionnaires les parties, mais encore, pour
chacune d’elles, à sa qualité d’actionnaire dans cette société »568.
301 - Nous avons ainsi pu caractériser et rechercher les fondements de cette forme
d’accessoire du contrat de société que présente le pacte d’actionnaires. Cette dimension
d’accessoire est commune à tous les pactes d’actionnaires malgré la grande diversité de
ces derniers. Ses caractéristiques et ses fondements reposent en effet sur des
constantes qui dépassent l’hétérogénéité des pactes.
568
J Moury, « Remarques sur la qualification, quant à leur durée, des pactes d’associés », commentaire
sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, D., 2007, p. 2045, n°10.
569
J Moury, op. cit., n°10.
570
G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°24.
141
303 - Il s’avère que les pactes d’actionnaires trouvent leur objet et leur cause dans le
contrat de société et c’est cet emprunt qui fonde la dimension d’accessoire du contrat de
société qu’ils présentent tous sans exception. En effet, peu important leur diversité, tous
les pactes conclus entre actionnaires ont pour objet la détention des actions et/ou
l’exercice du droit de vote attaché à ces actions, éléments constitutifs de la structure et
du fonctionnement du contrat de société. Ils trouvent en outre leur raison d’être, selon
deux conceptions de la notion de cause, cette dernière étant entendue comme la cause
efficiente et catégorique, d’une part, et la cause-fonction, d’autre part, dans la relation de
base existant entre les signataires en leur qualité réciproque d’actionnaire.
Il apparaît ainsi que la dépendance des pactes d’actionnaires repose sur trois vecteurs
de rattachement au contrat de société : le capital social, le droit de vote et la qualité
d’actionnaire. L’aménagement de ces points de rattachement par les conventions extra-
statutaires entre actionnaires constitue alors autant de facteurs d’intrusion ou
d’interférence des pactes dans le fonctionnement et dans la structure de la société, ce
qui justifie la dimension d’accessoire du contrat de société qui caractérise ces derniers.
304 - Il convient désormais de vérifier dans quelle mesure cette forme de rapport
d’accessoire à principal que recouvre la dépendance des pactes d’actionnaires au
contrat de société induit, par analogie avec la théorie de l’accessoire, une influence de
l’environnement sociétaire sur le régime des pactes.
Or, malgré l’unité de la dimension d’accessoire du contrat de société que présentent les
pactes d’actionnaires, il paraît difficile d’en développer une analyse systémique en
raison de ce que cette dimension présente, d’un pacte à un autre, des degrés variables
de dépendance au contrat de société.
305 - Nous avons toutefois dégagé une grande tendance des pactes à cet égard :
alors que les pactes relatifs à l’exercice du pouvoir au sein de la société réalisent une
intrusion directe au cœur du fonctionnement de cette dernière, les pactes relatifs à la
détention du capital interfèrent, dans leur ensemble, de manière plus modérée avec le
fonctionnement et la structure de la société.
A cela, il convient d’ajouter, pour ces derniers, que les pactes relatifs à la détention du
capital restent tout de même, dans une certaine mesure, liés au fonctionnement de la
société, tant du point de vue de la société elle-même, laquelle rend les transferts de
propriété effectifs en opérant les inscriptions requises dans ses registres de comptes,
que du point de vue des actionnaires signataires, lesquels sont titulaires d’actions par
principe librement négociables, ou encore des actionnaires non signataires, lesquels
poursuivent un intérêt commun avec les premiers. Nous avons vu, en outre, que certains
142
306 - L’on peut remarquer, sur un plan général, que dans le cadre du rapport
d’accessoire à principal, on observe identiquement divers « degrés dans la force du lien
unissant l’accessoire au principal »571, ce dernier étant plus ou moins distendu572.
Les divers degrés que nous avons identifiés dans la dimension d’accessoire des pactes
d’actionnaires permettent ainsi de rapprocher cette dernière du concept
d’« accessoriété » dégagé par D. Grimaud en matière de sûretés personnelles : « jamais
le caractère accessoire ou autonome d’une garantie n’existe de façon absolue. […] toute
sûreté personnelle entretient, en réalité, avec le contrat de base une relation bipolaire,
indépendance et accessoriété, loin de s’exclure, coexistant toujours, mais à des degrés
variables »573. Or, dès lors qu’il existe des degrés dans la dépendance ou
l’indépendance au principal, très logiquement574, « la mise en œuvre de la règle de
l’accessoire est [elle-même] susceptible de degrés »575.
571
G. Goubeaux, La règle de l’accessoire en droit privé, LGDJ, T. 93, 1969, n°24.
572
D. Legeais, « La règle de l’accessoire dans les sûretés personnelles », Dr et. pat., 2001, n°92.
573
D. Grimaud, Le caractère accessoire du cautionnement, PUAM, 2001, spé. n°291 et s.
574
« Le régime juridique de l’accessoire est avant tout dicté par la logique et le bon sens », D. Grimaud, op.
cit., n°383.
575
D. Legeais, op. cit. Voir également D. Grimaud, op. cit., n°310 et s. et Ch. Juillet, Les accessoires de la
créance, Defrénois, T. 37, 2009, spé. n°11 et s.
576
Ou encore une variabilité du degré d’« accessoriété » pour reprendre l’expression imaginée par D.
Grimaud, op. cit., n°310 et s.
143
577
En ce sens également, Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et
ème
conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°198.
144
à une stipulation impérative des statuts ou à l'intérêt social »578 que devrait ressortir cette
variabilité.
Précisons, à ce titre, que la condition générale de non-contrariété à l’intérêt social, si elle
est constamment rappelée par la jurisprudence579, est empreinte d’une incertitude qui
résulte du flou qui entoure la notion d’intérêt social580. Elle semble constituer un outil à
géométrie variable à la disposition du juge permettant à ce dernier, au cas par cas,
d’élever à un rang supérieur, au regard de l’ordre public sociétaire, la finalité
économique ou la finalité sociale du contrat de société581. Face à ce flou et à la
casuistique qui caractérise la jurisprudence en la matière, il est difficile de saisir la
teneur de cette condition.
310 - Il n’en reste pas moins qu’à un degré croissant de dépendance au contrat de
société correspond logiquement une influence croissante de l’ordre public sociétaire.
Dès lors, nous allons vérifier dans quelle mesure l’influence de l’environnement
sociétaire sur le régime des pactes d’actionnaires est plus rigoureusement subie par les
pactes qui sont caractérisés par une dépendance marquée au contrat de société (Titre
1) que par ceux qui se caractérisent par une dépendance modérée à ce dernier (Titre 2).
578
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, 781 note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004, Bull.
Joly, 2004.544, note P. Le Cannu, précités.
579
. Cass. com. 13 février 1996 et Cass. com. 7 janvier 2004, précités.
580
Voir notamment, infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2.
581
Voir également, M.-Ch. Monsallier, op. cit., n°788 et s.
145
313 - D’autres pactes, qui organisent la détention du capital, portent sur la perte de
la qualité-même d’actionnaire, en forçant un actionnaire à quitter ou, au contraire, à
rester dans la société contre son gré. Ils interfèrent alors avec le fonctionnement et la
structure de la société dès lors qu’ils aménagent le droit qu’a tout actionnaire d’entrer
dans la société et de s’y maintenir aussi longtemps qu’il le souhaite jusqu’au moment où
il décidera librement de céder ses actions. Le droit de rester dans la société constitue en
effet un garde-fou contre l’abus de droit qui consisterait pour la majorité à voter
l’exclusion d’un actionnaire, même justifiée par l’intérêt social. Quant au principe de libre
négociabilité des actions, il complète le principe de liberté du droit de vote en ce sens
que l’actionnaire qui ne pèse pas suffisamment dans le vote pour sanctionner la gestion
sociale doit pouvoir quitter la société, en cédant ses actions, s’il n’a plus la conviction de
contribuer à la poursuite d’un intérêt commun au sein de la société.
582
Voir art. 1835 C. civ. Rappelons également qu’en raison du principe de l’effet relatif des conventions, les
pactes extra-statutaires, même conclus par des actionnaires majoritaires et dirigeants, ne peuvent engager
la société.
583
Les pactes relatifs à l’information des actionnaires qui permettent d’éclairer et d’orienter l’exercice de la
prérogative de vote s’inscrivent également, à ce titre, au cœur du fonctionnement de la société. Nous ne
nous attacherons pas spécifiquement à l’étude de leur régime, lequel est moins caractéristique du degré
marqué de la dépendance au contrat de société de ces pactes que ne l’est le régime des conventions de
vote. Précisons que les pactes relatifs à l’information doivent respecter le principe d’égalité entre
actionnaires et l’intérêt social (Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077,
note A. Cerati-Gautier, confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, n°04-12168, n°1138, RJDA, 12/05,
ère
n°1359, 1 esp.) ainsi que le secret des affaires (voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A).
S’agissant du respect de l’intérêt social, il est apprécié dans des conditions aussi peu précises que celles
qui prévalent en matière de pactes d’actionnaires en général (voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A).
146
314 - Les pactes par lesquels un actionnaire limite sa liberté de vote, aliène son droit
de rester dans la société ou, au contraire, de quitter cette dernière, sont donc au cœur
du fonctionnement et de la structure de la société. Ils doivent alors être conformes, ou
certainement, à tout le moins, non contraires à l’intérêt social, ainsi qu’il en est de tous
les autres pactes, avec les difficultés d’appréciation sus-évoquées qui entourent cette
notion.
316 - Les conventions conclues par certains actionnaires entre eux, quant à
l’exercice de leur droit de vote, ont une influence directe sur le processus d’adoption des
décisions sociales, elles s’exécutent en effet au sein des organes sociaux : l’assemblée
générale des actionnaires ou le conseil d’administration. Ainsi que l’a relevé un auteur,
elles ont pour « objet la prérogative a priori la plus sociale qui soit, et pour effet d’agir
peu ou prou sur le fonctionnement de la société »585.
584
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
LGDJ, 5è éd., 2002, n°198.
585
A. Constantin, « Réflexions sur la validité des conventions de vote », in Le contrat au début du XXIe
siècle, Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2001, p. 253, n°2.
147
collectif sur les intérêts individuels586 sous la réserve de l’abus de droit. Dans cette
mesure, le caractère délibérant des organes sociaux, lesquels sont en outre soumis au
principe de hiérarchie et de spécialité, favorise le bon déroulement du processus
décisionnel et l’adoption par la majorité des actionnaires de décisions opportunes pour
la société.
318 - Il apparaît que les conventions de vote ont un impact direct au cœur même du
fonctionnement de la société en ce sens qu’elles modifient le principe délibératif en
vigueur au sein de ces organes et peuvent, à ce titre, compromettre l’aptitude de ces
derniers à se prononcer dans un sens conforme à l’intérêt social.
Les conventions de vote se situent donc nécessairement dans un fort degré de
dépendance au contrat de société. En ce sens, le Professeur Guyon dit d’elles
notamment587 qu’elles marquent le lieu du « conflit […] le plus aigu, entre le principe de
prééminence des statuts, par hypothèse conformes à la loi, et celui de la liberté
contractuelle »588. Les règles qui participent de l’ordre public sociétaire avec lesquelles
ces conventions entrent en conflit concernent aussi bien la liberté du droit de vote,
prérogative essentielle des actionnaires, que les principes généraux, dégagés par la
doctrine et la jurisprudence, qui gouvernent la gestion de la société.
Nous verrons en effet que si la jurisprudence reconnaît, sous certaines conditions, la
validité des conventions de vote au regard du caractère essentiel que revêt le droit de
vote des actionnaires (Section 1), cette validité est en outre encadrée par d’autres
conditions relevant des règles du droit spécial des sociétés destinées à préserver le bon
fonctionnement de la société (Section 2).
586
En ce sens, S. Vaisse, La loi de la majorité dans la société anonyme (contribution à l’étude de la nature
juridique de la société anonyme), Thèse Paris, 1967, p. 26.
587
Le Professeur Guyon vise également à ce titre les autres conventions extra-statutaires conclues en cours
de vie sociale telles que les conventions de financement (Y. Guyon, op. cit., n°286).
588
Y. Guyon, op. cit., n°286.
589
Article 1844 al. 1 C. civ.
590
Cass. civ. 7 avril 1932, D.P, 1933.I.153, note Cordonnier : « le droit de vote aux assemblées générales
est l’un des attributs essentiels de l’action ; […] si son exercice peut être réglementé dans une certaine
148
le supprimer591. La doctrine s’accorde également pour voir dans le droit de vote une
prérogative essentielle de l’actionnaire592, un droit d’ordre public593.
320 - Le droit de vote n’est toutefois pas une prérogative absolue (§ 1), son exercice
est susceptible d’aménagements. La jurisprudence reconnaît alors la validité, sous
certaines conditions, des conventions aménageant l’exercice du droit de vote (§ 2).
321 - Le droit de vote est présenté en droit positif comme un attribut essentiel de la
qualité d’actionnaire. Si ce caractère essentiel s’est progressivement affaibli dans le
temps594 et, plus radicalement encore, depuis que l’ordonnance du 24 juin 2004595
autorise la création d’actions sans droit de vote, sa valeur d’ordre public demeure.
322 - Ce caractère essentiel tient à ce que le droit de vote est destiné à garantir les
autres prérogatives de l’actionnaire et notamment ses prérogatives pécuniaires596.
L’actionnaire peut ainsi participer à la vie sociale et se prononcer sur la gestion opérée
par les dirigeants en exerçant son droit de vote.
Certains auteurs597 ont soutenu par le passé que le droit de vote était un droit-fonction,
en ce sens qu’il serait attribué à l’actionnaire, davantage pour servir le fonctionnement
de la société et la poursuite de l’intérêt social que pour la protection de l’intérêt
personnel de ce dernier598. Cette notion de droit-fonction, qui justifierait du caractère
indisponible du droit de vote et du fait que ce dernier doit être exclusivement exercé
dans un sens conforme à l’intérêt social, est réfutée par l’ensemble de la doctrine, pour
mesure par les statuts, il ne saurait en aucun cas être supprimé » ; Cass. Req. 23 juin 1941, Journ.
sociétés, 1943, p. 209, note R.B.
591
Cass. com. 9 février 1999, arrêt Château d’Yquem, JCP, éd. E, 1999. 724, note Y. Guyon et Bull. Joly,
1999, p.566, note J.-J. Daigre (en matière de société en commandite par actions) et Cass. com. 23 octobre
2007, Bull. Joly, 2008, p. 239, note L. Godon (en matière de société par actions simplifiée).
592 ème
M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009,
LGDJ, n°1606.
593
Y. Guyon, op. cit., n°111 et 167.
594
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n°937 et s., citant notamment J.-J. Daigre, « Le dr oit de vote est-il encore un attribut essentiel de
l’associé ? », JCP, éd. E.,1996, I. 575.
595
L’ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004, précitée, portant réforme du régime des valeurs mobilières
émises par les sociétés commerciales.
596
A. Constantin, op. cit., n°10.
597
R. David, « Le caractère social du droit de vote », Journ. sociétés, 1929, p. 401 et A. Tunc, « Les
conventions relatives au droit de vote et l’organisation des sociétés anonymes », Rev. gén. dr. com., 1942,
p. 97, cités par S. Schiller , Les limites de la liberté contractuelle en droit des sociétés, les connexions
radicales, LGDJ, 2002, n°117.
598
A. Constantin, op. cit., n°9.
149
325 - Le fondement du caractère d’ordre public du droit de vote dans les sociétés en
général ne ressort pas clairement des textes. Les auteurs se réfèrent à l’article 1844 du
Code civil dont l’alinéa premier dispose que « tout associé a le droit de participer aux
décisions collectives », tandis que le dernier alinéa sous-entend que les statuts ne
peuvent déroger à cette disposition. Selon certains, le droit de participer aux décisions
collectives n’implique pas nécessairement celui d’y voter605. Mais la Cour de cassation a
599
En ce sens, S. Schiller, op. cit., n°117; A. Constantin, op. cit., n°9 et M. Germain, op. cit., n°1606.
600
Cass. com. 10 juin 1960, Rev. sociétés., 1961, 34, note Autesserre.
601
Cass. civ. 7 avril 1932, précité et Cass. com. 17 juin 1974, Rev. sociétés, 1977, p. 84, note D. Randoux,
assimilant un mandat irrévocable à une cession du droit de vote prohibée.
602
J.-Cl. Hallouin, obs. sous Cass. com. 23 octobre 2007, D., 2009, p. 323.
603
M. Germain, op. cit., n°1606.
604
Y. Guyon, op. cit., n°111 et 167 et T. com. Paris 12 février 1991, Bull. Joly, 1991, p. 591, note M. Jeantin.
605
En ce sens, M. Jeantin, « Conventions de vote », in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les
sociétés par actions », R.J. com., 1990, p 124, n°22. En matière d’usufruit de droits sociaux, la Cour de
cassation a également opéré cette distinction dans l’arrêt de Gaste (Cass. com. 4 janvier 1994, Bull. Joly,
1994, p. 249, note J.-J. Daigre ; Defrénois, 1994, 556, obs. P. Le Cannu) avant de l’abandonner dans l’arrêt
150
toutefois conféré à cette disposition légale une portée très large, dans le fameux arrêt
Château d’Yquem du 9 février 1999606, en lui associant explicitement le droit de vote,
consacrant par-là même le caractère d’ordre public de la prérogative de vote. Il est vrai
que cet arrêt était relatif à un litige intervenant dans le cadre d’un démembrement de
droits sociaux et que la nécessaire prise en compte du droit des biens dans ce cas
particulier pourrait justifier de la spécificité de la solution. Mais, si la question spécifique
de la répartition du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-propriétaire a conduit à des
méandres jurisprudentiels607, ces derniers ne semblent pas remettre en cause la portée
générale de l’arrêt Château d’Yquem608.
Par ailleurs, dans les sociétés anonymes spécifiquement, le caractère d’ordre public du
droit de vote résulte expressément de l’article L 225-122 du Code de commerce selon
lequel le droit de vote attaché aux actions est proportionnel à la quotité du capital
détenu, toute clause contraire étant réputée non écrite.
Château d’Yquem (Cass. com. 9 février 1999, JCP, éd. E, 1999. 724, note Y. Guyon; Bull. Joly, 1999, p.
566, note J.-J. Daigre), pour à nouveau la confirmer (Cass. com. 22 février 2005, Rev. sociétés, 2005, p.
353, note P. Le Cannu).
606
Cass. com. 9 février 1999, arrêt Château d’Yquem, commentaires précités.
607
Voir notamment, Cass. com. 31 mars 1994, Rev. sociétés, 2004, p. 317, note P. Le Cannu ; Cass. com.
ème
22 février 2005, précité et Cass. 3 civ. 29 novembre 2006, Rev. sociétés, 2007, p. 319, note B. Dondero.
Sur cette question, voir également F-X. Lucas, « La qualité d’usufruitier de parts sociales », Bull. Joly, 2007,
p. 923 et H. Hovasse, R. Mortier et A. Mortier, « L’usufruitier de droits sociaux », Actes prat. et ing.
sociétaire, 2008, p. 5.
608
Cass. com. 23 octobre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 239, note L. Gordon et D., 2009, p. 323, obs. J.-Cl.
Hallouin, précité. Sur cette question, voir également M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des
contrats, Economica, 2009, n°406 et s..
609
M. Germain, op. cit., n°1606 et M. Caffin-Moi, op. cit., n°407, qualifiant la tendance de « mouvement de
désacralisation du droit de vote ».
610
Article L 228-11 et s. C. com.
611
Sur cette procédure, voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1. A.
612
Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004, précitée.
151
pour l’avenir les titres qui avaient été spécialement créés pour contourner le caractère
absolu du droit de vote613.
Mais, si le caractère absolu ou essentiel du droit de vote est à nouveau remis en
question614, la jurisprudence a récemment rappelé que son caractère d’ordre public ne
l’était pas.
328 - Il apparaît donc que parce que ce droit revêt un caractère d’ordre public,
aucune disposition statutaire ne peut, en dehors des cas prévus par la loi, supprimer ni
même suspendre temporairement le droit de vote d’un actionnaire618.
Certains auteurs admettent, qu’en dehors des statuts, il est en revanche possible pour
un actionnaire de renoncer temporairement à l’exercice de son droit de vote619. Nous
rejoignons, pour notre part, les auteurs qui condamnent une telle suspension du droit de
vote620. Il nous semble en effet que le récent affaiblissement du caractère essentiel du
droit de vote n’autorise pas à supprimer ce droit, même temporairement et pour une
décision particulière, dans le cadre d’une convention de vote. Ainsi que l’a remarqué le
Professeur Germain, « on peut conclure sans doute que le droit de vote tend à perdre
613
En ce sens, M. Germain, op. cit., n°1606. Il s’agit des certificats d’investissemen ts et des actions à
dividendes prioritaires sans droit de vote.
614
Plus d’une dizaine d’années après J.-J. Daigre, « Le droit de vote est-il encore un attribut essentiel de
l’associé ? », JCP, éd. E.,1996, I. 575, précité, voir A. V. Le fur, « “Concilier l’inconciliable” : réflexions sur le
droit de vote de l’actionnaire », D., 2008, Chron. 2015.
615
Cass com. 23 octobre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 239, note L. Godon, précité.
616
Art L. 227-1 al. 3 C. com.
617
Art. L. 227-9 al. 1 C. com.
618
En ce sens, M. Germain, op. cit., n° 1607 et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre,
2009, n°10636.
619
M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003,
ème
n°371 ; M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°680 et Mémento
Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18654.
620
A. Couret et Th. Jacomet, « Les pièges des pactes d’actionnaires : questions récurrentes et
interrogations à partir de la jurisprudence récente », RJDA, 10/08, p. 951, n°28.
152
son importance traditionnelle, mais aussi, inversement, qu’il conserve toute sa valeur en
dehors des conditions expressément visées » par la loi621.
En revanche, l’exercice du droit de vote lui-même peut, dans le principe, faire l’objet
d’aménagements librement acceptés par son titulaire.
621 ème
et M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ,
2009, n°1609.
622 ème
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°680.
623
A. Constantin, « Réflexions sur la validité des conventions de vote », in Le contrat au début du XXIe
siècle, Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2001, p. 253, n°11.
624
P. Ledoux, Le droit de vote des actionnaires, LGDJ, 2002, p. 365.
625
A. Mignon-Colombet, L’exécution forcée en droit des sociétés, Economica, 2004, n°233.
626
L. Van Caneghem, “L’exécution forcée en nature des conventions de vote dans la société anonyme”,
RPS, 1996, p. 36, auteur belge cité par A. Mignon-Colombet, op. cit., n°233.
153
part à l’assemblée générale et, d’autre part, que les formes pratiques que peuvent
revêtir de nos jours l’exercice du droit de vote, telles que le vote par correspondance627,
par procuration628 ou électroniquement629, ne permettent pas à tous les actionnaires de
bénéficier des éclaircissements tenant au caractère délibérant des assemblées lorsque,
du moins, les délibérations ne sont pas, comme bien souvent, expédiées et réduites à
une simple formalité630. Le vote contractuel apparaît alors comme un moyen pour
l’actionnaire de bénéficier d’une certaine forme de concertation, laquelle a lieu
préalablement à l’adoption de la convention de vote631. Dans une certaine mesure, c’est
parce que le vote contractuel préserve plus qu’il ne porte atteinte aux droits de
l’actionnaire que sa validité n’est pas en cause.
En outre, l’actionnaire engagé dans un vote contractuel bénéficie de la protection que lui
accorde le droit des contrats en termes de vices du consentement notamment632. Les
conventions de forme simple en particulier, par lesquelles un actionnaire s’engage par
avance envers un autre à voter dans un sens déterminé, ne constituent pas en elles-
mêmes une menace pour l’actionnaire, lequel demeure libre au final de voter dans le
sens qu’il souhaite dans le cadre de l’exercice effectif de son droit de vote au sein des
organes sociaux633. L’inexécution de la convention de vote serait sans influence sur la
validité du vote émis à l’égard de la société. Cette dernière ne connaît en effet que la
décision sociale adoptée à l’issue du vote tandis que le débiteur s’exposerait de son
côté à devoir indemniser le partenaire bénéficiaire qui subirait un préjudice du fait de
cette inexécution.
331 - C’est peut être, plus fondamentalement, à l’égard de l’intérêt de la société qu’il
convient de s’assurer que les conventions de vote ne constituent pas une menace634.
Nous sommes tentés de penser, en théorie tout au moins, que plus la décision de vote
de l’actionnaire est raisonnée et mûrie, meilleures sont les chances que cette décision
soit bénéfique pour la société635. Mais l’on conviendra que l’on s’attache ici davantage
au résultat final du vote exprimé par la volonté sociale à la majorité requise ou à la
minorité de blocage. C’est en effet lui seul qui influe sur le bon fonctionnement de la
société, les conditions relatives à la liberté dont a bénéficié chaque actionnaire dans
627
Art. L 225-107 I. C. com.
628
Art. L 225-106 C. com.
629
Art L 225-107 II. C. com.
630
A. Mignon-Colombet, op. cit., n°234.
631
P. Ledoux, op. cit., n°399.
632
A. Constantin, op. cit., n°11.
633
T. com. Paris 12 février 1991, Bull. Joly, 1991, p. 591, note M. Jeantin.
634
Voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1.
635
A. Mignon-Colombet, op. cit., n°234.
154
l’exercice de son droit de vote sont a priori indifférentes pour la société, à laquelle les
conventions de vote sont inopposables.
333 - Si la validité des conventions aménageant l’exercice du droit de vote est ainsi
admise dans le principe, la jurisprudence encadre cette validité par trois conditions
clairement énoncées dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris en date du 30 juin
1995642, lequel, après avoir relevé qu’aucune disposition légale ou législative ne prohibe
expressément les conventions de vote, considère que « l’engagement de vote de X doit
être tenu pour licite dès lors qu’il est limité à l’opération concernée, qu’il est conforme à
l’intérêt social et qu’il est exempt de toute idée de fraude ». Ces trois mêmes conditions
636
M. Jeantin, « Conventions de vote », in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », R.J. com., 1990, p 124, n°9 ; Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements
ème
statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°290 et A. Constantin, op. cit., n°12. Voir
également, D. Cohen, « Les conventions de vote » in Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica,
2010, n°7 et s.
637
Cass. civ. 7 avril 1932, D.P, 1933.I.153, note Cordonnier, précité.
638
Cass. Req. 23 juin 1941, Journ. sociétés, 1943, p. 209, note R.B., précité.
639
M. Germain, op. cit., n°1601.
640
Art. L 233-3 I. 3 C. com.
641
Art. L 233-10 C. com.
642
Cour d’appel de Paris 30 juin 1995, arrêt Métaleurop, JCP, éd E., 1996, n°795, p. 69, note J.-J. Daigre.
155
ont été rappelées, plus récemment, par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence dans un arrêt
du 5 décembre 2003643, avec une nuance toutefois s’agissant de la conformité à l’intérêt
social, dans la mesure où cet arrêt indique que le pacte ne doit pas heurter l’intérêt
social. La portée limitée de la convention ainsi que la non-contrariété à l’intérêt social
sont des conditions approuvées, dans leur ensemble, par la doctrine644 tandis que
l’absence de fraude, condition générale de validité de toute convention, s’apprécie
notamment au regard de certains principes de l’ordre public sociétaire auxquels les
conventions de vote sont susceptibles de contrevenir.
Nous reviendrons sur les conditions relatives à la non-contrariété à l’intérêt social et à
l’absence de fraude en ce quelles visent à préserver les principes assurant une bonne
gestion de la société645. Seules nous intéressent en effet ici, la condition relative à la
portée limitée de la convention, laquelle vise directement à protéger le droit propre,
reconnu d’ordre public, qu’a tout actionnaire de participer aux affaires sociales et de
voter, ainsi, bien entendu, que la condition relative à l’absence de fraude en ce qui
concerne ce droit.
643
Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gauthier.
644
M. Jeantin, « Conventions de vote », in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », R.J. com., 1990, p 124 et A. Constantin, « Réflexions sur la validité des conventions de vote », in
Le contrat au début du XXIe siècle, Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2001, p. 253.
645
Voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2.
646
Cour d’appel de Paris 30 juin 1995, arrêt Métaleurop, et Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre
2003, précités.
647
Cour d’appel de Paris 22 février 1933, D. H., 1933, p. 258 (nullité de l’engagement de vote pris pour
toute la durée de la société) et Cass. com. 17 juin 1974, Rev. sociétés, 1977, 84, note D. Randoux, précité
(nullité du mandat de vote irrévocable).
648
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . A.
156
336 - Nous avons précisé que le vote contractuel est valable dans la mesure où il
préserve davantage les intérêts de l’actionnaire qu’il ne porte atteinte, formellement, au
libre exercice de sa prérogative par ce dernier649. Or, les droits de l’actionnaire sont
préservés tant que ce dernier a donné un consentement éclairé, ce qui suppose que la
portée de son engagement soit limitée au moment où il se prononce. En effet, sauf
bouleversement exceptionnel et brutal des paramètres pris en compte par l’actionnaire
pour s’engager à voter dans un certain sens, lequel constitue un risque inhérent à la vie
des affaires, l’actionnaire ne doit normalement pas se trouver en situation de regretter
son engagement, au moment où il doit effectivement exercer son droit de vote dans le
sens promis, en tant que ce dernier s’avèrerait contraire à la finalité personnelle que
poursuit l’actionnaire au sein de la société ou encore à l’intérêt commun. La condition
relative à la portée limitée de l’engagement de vote caractérise ainsi une dépendance
marquée au contrat de société dès lors qu’elle a pour objet de préserver le fondement
de la participation de l’actionnaire dans la société.
337 - Cette condition ne se conçoit pas dans les conventions de vote prenant la
forme structurelle d’une société de portefeuille. En effet, dans ce cadre, les titres sont
transférés par les actionnaires à la holding, laquelle se substitue à ces derniers en leur
qualité d’actionnaire de la société cible. Pour ces conventions, la jurisprudence veille à
ce qu’elles ne soient pas constituées dans le seul but de contourner frauduleusement le
droit de vote des apporteurs de titres.
338 - Ainsi, dans un souci de protection des actionnaires et de l’intérêt commun, les
conventions de vote sont-elles soumises à une exigence générale de limitation de leur
portée (A). Elles sont par ailleurs encadrées, à ce même titre, par la condition générale
d’absence de fraude au droit de vote des actionnaires, ce dont la pratique contractuelle
des sociétés de portefeuille constitutives d’une convention de vote offre une illustration
(B).
339 - Nous l’avons dit, la jurisprudence apprécie le caractère limité de la portée des
conventions de vote dans une double perspective : au niveau de la durée d’application
649
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . B.
157
340 - La convention de vote doit avoir un objet ou un domaine limité dans la mesure
où, non seulement, elle ne doit pas dépouiller l’actionnaire de son droit de vote652, mais
encore, elle ne doit pas lui retirer toute liberté dans l’exercice de ce droit au sein des
organes sociaux, ce qui reviendrait à une renonciation à ce droit653. Ainsi que l’a exprimé
un auteur, est nulle la convention de vote qui entraîne une « soumission aveugle » de
l’actionnaire654.
La jurisprudence condamne alors, à ce titre, l’engagement inconditionnel pris par un
actionnaire de voter dans un sens déterminé. Certaines décisions ont notamment
déclaré nulles la renonciation, faite pour toute la durée de la société, de provoquer ou de
voter une modification de la clause statutaire limitant le nombre de voix de chaque
actionnaire655, la promesse de ne jamais faire obstacle à une fusion de la société ou à
une modification de ses statuts656, ou encore, celle de voter le quitus des
administrateurs657.
De plus, dans le cadre des syndicats de blocage658, une jurisprudence ancienne semble
distinguer les conventions par lesquelles l’orientation du vote, lors de la concertation
préalable, est décidée à l’unanimité de celles par lesquelles cette orientation est décidée
à la majorité des membres du syndicat, seules les premières étant valables. Les
secondes peuvent enfin contraindre un actionnaire à prendre l’engagement de voter
dans le sens contraire au souhait qu’il avait émis et se conformer à la volonté de la
majorité du syndicat. L’orientation du vote décidée à l’unanimité ne suscite en revanche
650
Cour d’appel de Paris 22 février 1933, D. H., 1933, p. 258 et Cass. com. 17 juin 1974, Rev. sociétés,
1977, p. 84, note D. Randoux, précités.
651
Cour d’appel de Paris 30 juin 1995, arrêt Métaleurop, et Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre
2003, précités.
652
Cass. com. 10 juin 1960, Rev. sociétés., 1961, 34, note Autesserre, précité (nullité de la convention
emportant renonciation pure et simple au droit de vote).
653
En ce sens, A. Constantin, « Réflexions sur la validité des conventions de vote », in Le contrat au début
du XXIe siècle, Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2001, p. 253, n°16 et Y. Guyon, Traité des
contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5è éd., 2002,
n°289.
654
D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°107.
655
Cour d’appel de Paris 22 février 1933, précité.
656
Trib. com. Seine 24 janvier 1963, RJ. com., 1963, p. 106.
657
Cour d’appel de Rennes 28 octobre 1931, S., 1932, p. 220 ; Cour d’appel de Lyon 26 novembre 1931,
Sem. jur., 1932.2, p. 304.
658
Sur lesquels, voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. B.
158
659
Trib. com. Seine, 11 janvier 1938, Journ. sociétés, 1938, p. 301, note Bosvieux.
660
Voir notamment Cour d’appel de Paris 17 décembre 1954, Journ. sociétés, 1955, p. 338, note R.
er
Plaisant ; Cass. com. 8 mai 1963, JCP, 1963.II.13283 ; Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider-
Marine-Firminy, Rev. sociétés, 1974, p 685, note B. Oppetit et Cass. com. 19 décembre 1983, Rev.
sociétés, 1985, p. 105, note D. Schmidt ; cités infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2. B.
661 ème
En ce sens, M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd.,
LGDJ, 2009, n°1611.
662
Voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2. B.
663
M. Jeantin, « Conventions de vote » in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », R.J. com., 1990, p 124, n°19; G. Parléani , « Les pactes d’ac tionnaires », Rev. sociétés, 1991, p.
1, n°44 ; J.-J Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, Coll. Pratique des Affaires,
1995, n°13 ; M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE,
2003, n°372 et D. Cohen, « Les conventions de vote » in Liber Amicorum Christian Larroumet, Economica,
2010, n°14.
664
Voir notamment, Y. Guyon, op. cit., n°289 et A. Constantin, op. cit., n°13.
665
Conditions énoncées à l’article 900-1 du Code civil, relatif aux interdictions d’aliéner stipulées dans les
ère
actes à titre gratuit, dont le caractère général a été confirmé par Cass. 1 civ. 31 octobre 2007, JCP, éd. N,
2008, 1064, note R. Mortier.
159
666
justifié que par la constatation d’un intérêt légitime » . Mais alors cette condition
relative à la durée semble être absorbée par celle relative à la non-contrariété à l’intérêt
social667. Cette idée est confortée par les propos d’un autre auteur qui ajoute, qu’en
l’absence de tout indice donné par la jurisprudence quant à la durée qui serait
acceptable, « tout dépend, en définitive, de la nature de l’intérêt collectif que la
convention de vote est destinée à protéger ou à promouvoir et de l’utilité que présente la
convention pour la satisfaction de l’intérêt social »668. Ce premier fondement ne permet
donc pas d’ériger la condition relative à la durée limitée de la convention de vote en une
condition autonome et destinée à préserver les droits propres de l’actionnaire.
Soit l’on voit dans la condition de durée limitée, la simple application aux conventions de
vote de la prohibition des engagements perpétuels669. Mais il ne s’agit alors pas d’une
condition posée spécialement par le droit des sociétés à l’égard des conventions de
vote. En outre, il est admis, en droit positif, que l’engagement pris pour une durée
illimitée n’est pas nul mais résiliable unilatéralement à tout moment, à condition de
respecter un préavis et d’agir de bonne foi670, ce qui fait dire au Professeur Guyon que
cette faculté de résiliation unilatérale est bien plus protectrice de la liberté de vote de
l’actionnaire que ne le serait la condition de durée limitée671.
Nous ne pensons donc pas que la durée limitée constitue une condition à part entière de
validité des conventions de vote, tout au plus, sera-t-elle absorbée par la condition
relative à l’intérêt social672.
666
G. Parléani, op. cit., n°44.
667
Du même avis, A. Constantin, op. cit., n°13.
668
M. Jeantin, op. cit., n°19.
669
En ce sens, A. Constantin, op. cit., n°13 et D. Cohen, op. cit., n°14.
670
Sur cette question, voir supra Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B, ainsi que A. Bénabent, Droit civil -
ème
Les obligations, Montchrestien, 11 éd., 2007, n°312.
671
Y. Guyon, op. cit., n°289. Contra, D. Cohen, op. cit., n°14.
672
Cette condition s’appréciant elle-même par l’application de la théorie de l’abus de droit dans l’exercice du
droit de vote (voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect°2, § 2. B).
160
345 - Puis, reconnaissant l’utilité économique que peut remplir la création d’une
société holding pour la société cible, la jurisprudence a abandonné sa rigueur et reconnu
« que la constitution d’une personne morale ayant pour objet d’acquérir et de gérer la
majorité des titres représentant le capital d’une autre société n’est pas en elle-même
une opération illicite »675. Cette décision a été rendue dans le cadre de l’affaire Metzger,
dans laquelle une société anonyme de portefeuille avait été constituée en vue de
renflouer une autre société anonyme cible. Alors qu’aucune convention de vote de forme
non-institutionnelle n’accompagnait la création de la société de portefeuille, l’un des
partenaires soutenait que le montage était nul en ce qu’il privait les actionnaires du libre
exercice de leur droit de vote au sein de la société filiale cible. La Cour d’appel de Paris
673
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. B.
674
Cour d’appel de Paris 21 novembre 1951, S., 1952, 2, 105, concl. Gégout et Cass. com. 10 juin 1960,
Rev. sociétés., 1961, 34, note Autesserre et D., 1961, Somm. 18.
675
Cour d’appel de Paris 20 octobre 1980, affaire Metzger, Rev. sociétés, 1980, p. 774, obs. A. Viandier.
161
346 - Il semble ainsi que seule la condition relative à l’intérêt social677, entendue
dans le sens d’une conformité à l’intérêt social678, est applicable aux conventions de vote
prenant la forme d’une société de portefeuille.
Il en va différemment des conventions de vote qui ne se fondent pas directement dans la
structure de la société de portefeuille mais accompagnent la création de cette
dernière679. Certes, la création de la société holding doit, en elle-même, être justifiée par
l’intérêt social, sous peine d’être considérée comme fictive, mais les éventuelles
conventions de vote, accompagnant la création de cette société, sont bien soumises à la
condition relative au domaine limité680, en ce que cette dernière vise à préserver une
marge de liberté pour les actionnaires de la holding dans le cadre de l’exercice de leur
droit de vote au sein de cette structure.
347 - Les conditions de validité des conventions de vote, qui visent à protéger
l’actionnaire afin que ce dernier conserve son libre discernement dans l’expression de
son vote, ou qu’il ne soit pas frauduleusement privé de sa liberté de vote, sont
significatives du maintien du caractère essentiel de cette prérogative de l’actionnaire,
laquelle participe de l’ordre public sociétaire. Par l’exercice de son droit de vote,
l’actionnaire contribue en outre au dégagement d’une majorité au sein de la collectivité
des actionnaires réunis en assemblée générale, laquelle conduit à l’adoption d’une
résolution conforme à l’intérêt commun.
En sus de préserver la prérogative de vote de l’actionnaire, les conventions de vote
doivent également respecter les principes d’ordre public, dégagés par la jurisprudence
et la doctrine, pour garantir que la gestion de la société s’opère dans un sens conforme
à l’intérêt social. La combinaison de ces conditions est ainsi le signe d’un fort
rayonnement de l’environnement sociétaire sur le régime des conventions de vote.
676
Cour d’appel de Paris 20 octobre 1980, précitée.
677
Voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1.
678
Sur cette question, voir S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières,
Litec, 1992, n°333 et s.
679
Cass. com. 2 juillet 1985, affaire Cohen-Skalli et a. c/ SA Lustucru et a., Bull. Joly, 1986, p. 220 et 374,
note W. Le Bras, suivie dans la même affaire de Cass. com. 24 février 1987, Bull. Joly, 1987, p. 213, note P.
Le Cannu.
680
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . A., en sus de celle relative à l’intérêt social (voir infra,
Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1).
162
348 - La société doit être gouvernée dans un sens conforme à l’intérêt social, ce qui
signifie que tous les organes sociaux : les organes de direction mais aussi l’assemblée
générale des actionnaires doivent agir dans cet intérêt681. Or, nous l’avons dit, la notion
d’intérêt social est un concept flou682. Du point de vue de l’actionnaire, il ne fait aucun
doute que l’intérêt social se confond avec l’intérêt commun683. Mais il ressort de la
jurisprudence relative à l’appréciation de la validité, au regard de l’intérêt social, des
résolutions des organes sociaux et des actes des dirigeants que l’intérêt social peut
revêtir une dimension distincte de l’intérêt commun des actionnaires684.
350 - La validité des conventions de vote s’apprécie ainsi avec moins d’incertitudes,
en droit positif, s’agissant de la condition relative au respect des principes gouvernant la
681
D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°11.
682
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . A. et notamment, A. Constantin, « L’intérêt social :
quel intérêt ? » in Etudes offertes à B. Mercadal, éd. Francis Lefebvre, 2002, p. 317, n°25 et D. Sc hmidt,
op. cit, n°11 et s.
683
D. Schmidt, op. cit., n°11.
684
D. Schmidt, op. cit.
685
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n°852 et s. S’agissant en particulier de la prohibi tion des clauses léonines ainsi que de l’expertise de l’article
1843-4 C. civ., voir infra, Titre II, Chap. 2.
686
Cour d’appel de Paris 30 juin 1995, arrêt Métaleurop, JCP, éd E., 1996, n°795, p. 69, note J.-J. Daigre,
précité.
687
Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gauthier,
ère
confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005 n°04-1216 8, n°1138, RJDA, 12/05, n°1359, 1 esp., précités.
163
répartition des pouvoirs au sein des organes sociaux (§ 1) que de celle, plus générale,
relative à la non-contrariété à l’intérêt social (§ 2).
688
Cass. civ. 4 janvier 1946, Arrêt Motte, S., 1947. I, p. 153, note P. Barbry et JCP, 1946.II. 3518, note
Bastian.
689
La Cour de cassation sanctionne à ce titre, dans cet arrêt, la décision d’une assemblée générale
d’investir le président directeur général de l’ensemble des pouvoirs attribués au conseil d’administration
(Cass. civ. 4 janvier 1946, précité).
690
Cour d’appel d’Aix-en-Provence 28 septembre 1982, Rev. sociétés, 1983, p. 773, note J. Mestre.
691
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n°569 et s.
692
M.-Ch. Monsallier, op. cit., n°928 et s.
164
s’agissant de la prérogative de vote, la possibilité pour les sociétés par actions d’émettre
sous certaines conditions des actions sans droit de vote693.
353 - Le principe de hiérarchie et spécialité des organes sociaux ne peut donc subir
aucune atteinte quelle qu’elle soit, notamment par une limitation des pouvoirs légaux
des dirigeants694, peu important à cet égard que cette atteinte résulte d’un
aménagement statutaire ou d’un aménagement extra-statutaire, opposable ou non à la
société et aux organes sociaux.
A ce titre, la Cour de cassation a notamment annulé, dans un arrêt en date du 11 juin
1965695, la convention extra-statutaire, ratifiée par le conseil d’administration, limitant les
pouvoirs légaux du président du conseil d’administration au profit d’un actionnaire
majoritaire, lequel bénéficiait d’un contreseing général pour les décisions relevant de la
compétence de l’organe de direction696.
Dans le même sens, le Tribunal de commerce de Paris a annulé, dans son jugement du
1er août 1974 rendu dans le cadre de l’affaire Schneider c/ Marine-Firminy, en tant
qu’elle était « contraire au principe qui ne permet pas de dépouiller les organes sociaux
de la société » 697, la clause d’un protocole, lui-même valable en ce qu’il était conclu en
vue d’organiser l’administration d’une filiale commune, sur un pied d’égalité, par ses
deux actionnaires698, qui prévoyait la désignation d’un « arbitre » chargé de prendre les
décisions importantes en cas de désaccord entre les partenaires.
693
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . A.
694
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2. B.
695
Cass. com. 11 juin 1965, RTD. com., 1965, p. 861, obs. R. Houin.
696
Précisons qu’en l’espèce, l’actionnaire majoritaire, bénéficiaire de la convention, avait consenti à la
société un prêt cautionné par le président du conseil d’administration (Cass. com. 11 juin 1965, précité).
697 er
Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider c/ Marine-Firminy, Rev. sociétés, 1974, p 685, note B.
Oppetit.
698
Voir infra, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
699
Contre la validité des droits de véto statutaires dans la SA, voir notamment M. Germain, Traité de droit
ème
commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1554 et M. Henry et Gh.
Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°112 et s.
700
Contre la validité des droits de véto extra-statutaires dans la SA : Y. Guyon, Traité des contrats - Les
sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5è éd., 2002, n°278. En faveur
de leur validité : F.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés dynamisme et paradoxes,
165
355 - Dans l’ordre public sociétaire, la répartition des pouvoirs au sein de la société
anonyme, associée au principe majoritaire, permet de garantir la protection de l’intérêt
social. En effet, si les actionnaires ne participent pas à la gestion, ils ne sont pas
Revue Banque Edition, 2003 n°112 et Dossier pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P.
Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°440 et s.
701
Cass. com. 22 juillet 1986, JCP, éd E., 1986.II.414, obs. A.Viandier et J.-J. Caussain et Cass. com. 4
octobre 1988, Bull. Joly, 1988, p. 863.
702
Cour d’appel de Paris 27 mars 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1002, note F.-X. Lucas, précité. En ce sens
également, F.-D. Poitrinal, op. cit. n°107.
703
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A.
704
Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gauthier,
ère
confirmé sur ce point par Cass. com. 27 septembre 2005 n°04-12168, n°1138, RJDA, 12/05, n°1359, 1
esp., précité.
166
démunis de tout moyen de contrôle705. Plus encore, cette gestion relève du pouvoir des
dirigeants qu’ils nomment706 et surtout, qu’ils peuvent révoquer à tout moment, à la
majorité.
705
Voir notamment l’expertise de gestion, laquelle peut être demandée par les actionnaires détenant au
moins 5 % du capital (art. L 225-231 C. com.).
706
Le Professeur Schmidt précise à ce titre que « Les dirigeants gèrent le patrimoine de la personne morale
dans l’optique de la satisfaction de l’intérêt défini par les actionnaires » (D. Schmidt, Les conflits d’intérêts
dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°16).
707
Cass. civ. 30 avril 1878, D.P, 1878, 1.314 ; Cass. com. 17 janvier 1984, G. P., 1984, p. 389, note
Dupichot.
708
Art. L 225-18 al. 2 C. com.
709
Art. L 225-47 al. 3 C. com.
710
Art. L 225-75 al. 2 C. com.
711
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
LGDJ, 5è éd., 2002, n°273.
712
Art. 2004 C. civ.
713
Notamment Y. Guyon, op. cit., n°273 et M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés
ème
commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1653.
714
Y. Guyon, op. cit., n°273.
167
des membres du conseil de surveillance, tant dans les statuts715 que dans les
conventions extra-statutaires entre actionnaires716. Or les conventions de vote conclues
entre actionnaires peuvent avoir frauduleusement pour objet, ou même seulement pour
effet, de contourner ce principe.
358 - Sont ainsi frauduleuses les conventions de vote qui visent à augmenter la
stabilité des dirigeants ne détenant pas personnellement la majorité des droits de vote à
l’assemblée générale. La jurisprudence annule, à ce titre, les conventions par lesquelles
un actionnaire s’engage à ne pas voter la révocation d’un administrateur717.
359 - D’autres conventions ont pour objet ou pour effet de limiter les conséquences
de la révocation, ensuite d’un engagement pris à l’avance par un actionnaire, en cas de
révocation d’un dirigeant, d’octroyer à ce dernier un emploi salarié718 ou encore une
indemnisation719.
De tels engagements, consentis par un actionnaire (ou par la société elle-même), ne
sont pas systématiquement nuls720, ils ne font effectivement obstacle à la libre
révocabilité que si les conséquences qu’ils entraînent sont de nature à influencer
véritablement la décision de révocation. Le juge apprécie cette influence au cas par cas.
Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle considéré, dans un arrêt en date du 4 juin 1996721,
qu’était illicite, l’engagement pris par un actionnaire de maintenir un dirigeant en place,
pour une certaine durée, sauf à indemniser ce dernier d’une somme minimale très
importante. Les conséquences que cette convention entraînait pour l’actionnaire
débiteur, lequel était susceptible d’influencer la décision de révocation722, étaient en effet
suffisamment importantes pour constituer une entrave à la libre révocabilité, peu
715
Cass. civ. 30 avril 1878, précité ; Cass. civ. 23 mai 1944, DA, 1944, 105.
716
Cass. com. 2 février 1971, RTD. com., 1971, p. 1038, note R. Houin, nullité de l’engagement pris par le
futur actionnaire, cessionnaire des actions de contrôle de la société, de maintenir le cédant au conseil
d’administration pendant un certain temps.
717
M. Jeantin, « Conventions de vote » in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », R.J. com., 1990, p 124, n°21 et Y. Guyon, op. cit, n°274. Cass. com. 17 janvier 1984, précitée,
annulant la convention aux termes de laquelle un actionnaire majoritaire assurait au président du conseil
d’administration un préavis d’un an en cas de cessation de ses fonctions.
718
Cass. com. 3 mai 1995, Bull. Joly, 1995, p.863, note A. Couret : nullité de l’engagement souscrit par les
cessionnaires du contrôle d’une SA, au nom de la société, de maintenir le président du conseil
d’administration à ses fonctions ou de lui garantir un emploi salarié au sein de la société jusqu’à ces 65 ans.
719 er
Cass. com. 5 février 1974, Bull. civ. IV, n°51, p. 40 ; Cour d’appel de Versailles 1 décembre 1988, JCP,
éd E, 1989.15517, n°8 et Cass. com. 12 mars 1996, (M artin c/ Sté Cam Galaxy), Bull. civ., IV, n°88, p. 73 et
D., 1996, somm. 347, note J.-Cl. Houin.
720
De tels engagements pris par un tiers n’encourent assurément pas la nullité. En ce sens, Y. Guyon, op.
cit, n°275, p. 401 et S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°339.
721
Cass. com. 4 juin 1996, JCP, 1996, éd. E.II.849, note Y.Guyon. Dans le même sens, Cass. com. 12 juin
1992, Rev. sociétés, 1992, p. 750.
722
En faveur de la validité de tels engagements lorsqu’ils sont pris par un actionnaire minoritaire, ce dernier
ne pouvant à lui seul faire obstacle à la révocation du dirigeant par l’assemblée générale, voir S. Prat, op.
cit.
168
important, par ailleurs, que le fait que la décision de révocation du dirigeant soit
effectivement intervenue puisse laisser croire à l’absence d’entrave723. Dans un arrêt en
date du 26 mai 2004, la Cour de cassation a également considéré qu’était véritablement
dissuasive une indemnité de départ égale à la moitié du bénéfice annuel de la société724.
En revanche, la Cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 26 juin 1998, après avoir
rappelé que « Le principe du versement d'une indemnité forfaitaire au mandataire social,
en cas de révocation de son mandat par le conseil d'administration, est de nature à
porter atteinte au principe de la libre révocabilité du mandat social, posé par les articles
110 et 116 de la loi du 24 juillet 1966, lorsque cette indemnité doit être versée par un
tiers [actionnaire] détenant la majorité du capital social », estimé qu’en l'espèce, en
raison de l'importance du capital social (1.500.000 Fr.) et des résultats moyens de la
société, le paiement d'une indemnité de un million de francs n'était pas de nature à
peser sur la décision de l'actionnaire majoritaire détenant le contrôle absolu de sa
filiale725.
723
Cass. com. 4 juin 1996, précité.
724
Cass. com. 26 mai 2004, JCP, éd. E, 2004, 1344, note A. Viandier.
725
Cour d’appel de Paris 16 juin 1998, Bull Joly, 1998, p. 1155, note J.-P. Dom.
726
Cour d’appel de Paris 17 décembre 1954, Journ. sociétés, 1955, p. 338, note R. Plaisant et Cass. com.
19 décembre 1983, Rev. sociétés, 1985, p. 105, note D. Schmidt.
727 er
Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider c/ Marine-Firminy, Rev. sociétés, 1974, p 685, note B.
Oppetit., citée supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1. A.
728
Cass. com. 8 mai 1963, JCP, 1963.II.13283.
169
361 - Le Professeur Guyon conclut que sont illicites, en tant qu’elles sont contraires
à l’intérêt social, les conventions de vote qui « empêchent les actionnaires d’exercer
librement les choix qui s’imposent »729. L’encadrement de la validité des conventions de
vote, au regard des principes d’ordre public qui gouvernent la répartition des pouvoirs au
sein des organes sociaux, vise en effet à protéger l’intérêt social à ce niveau précis
d’interférence des conventions de vote avec l’ordre public sociétaire, lequel est
caractéristique d’une dépendance marquée au contrat de société,.
Les conventions de vote sont en outre directement soumises à la condition générale
plus large de non contrariété à l’intérêt social.
729
Y. Guyon, op. cit., n°289.
730 er
Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider-Marine-Firminy, précité, (dans le cadre d’une filiale
commune) et Cass. com. 2 juillet 1985, affaire Cohen-Skalli et a. c/ SA Lustucru et a., Bull. Joly, 1986, p.
229 (dans le cadre d’un holding commun).
731
Trib. com. Paris, 4 mai 1981, R.J. Com., 1982, p. 7, note de Fontbressin et Cour d’appel de Paris, 30 juin
1995, arrêt Métaleurop, JCP, éd E., 1996, n°795, p. 69, note J.-J. Daigre, préc ité.
732
Cour d’appel d’Amiens 4 avril 1951, JCP, 1952.II.795, note J.-J. Daigre.
733 er
Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider-Marine-Firminy, précité.
734
Cass. com. 19 décembre 1983, Rev. sociétés, 1985, p. 105, note D. Schmidt et Cass. com. 24 février
1987, affaire Rivoire et Carret Lustucru, Bull. Joly, 1987, p. 213, note P. Le Cannu.
735
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°287.
170
conventions de vote est également reconnue lorsque ces dernières ont une finalité
économique et favorisent la pérennité de la société.
364 - Par ailleurs, la doctrine dans son ensemble740 s’accorde pour considérer que,
si les conventions de vote ne peuvent valablement contrarier l’intérêt social, ces
dernières ne doivent pas nécessairement poursuivre cet intérêt741. La neutralité ou la
non-contrariété de la convention à l’intérêt social suffit alors à encadrer la validité des
conventions de vote. Il en résulte qu’une convention de vote peut être valablement
conclue dans le but de servir les intérêts individuels de certains actionnaires dès lors
qu’elle n’est pas spécifiquement dirigée contre l’intérêt social742. C’est ce que tend à
confirmer l’arrêt précité de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence en date du 5 décembre
2003, lequel énonce que : « les dispositions du pacte qui restreignent la liberté de vote
736
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1 . A
737
Y. Guyon, op. cit., n°289.
738
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1 . B. Voir également, Cass. com. 14 mars 1950, JCP,
1950.II.5694, note Bastian (convention de vote en faveur d’un candidat déterminé pour un poste
d’administrateur) ; Cour d’appel de Douai 24 mai 1962, JCP, 1962, 2. 12871, note Bastian, confirmé par
Cass. com. 4 juin 1966, Bull. civ., III, n°284, p. 255 (convention de vote prévoyant une répartition des postes
d’administrateurs entre deux groupes d’actionnaires ôtant tout choix aux actionnaires, le groupe minoritaire
bénéficiant en outre d’une participation supérieure à sa quote-part dans le capital social).
739
M. Jeantin « Conventions de vote », in « La stabilité du pouvoir et du capital dans les sociétés par
actions », R.J. com., 1990, p 124, n°20.
740
Voir notamment, en ce sens, A. Viandier, « Observations sur les conventions de vote », JCP, éd. E,
1987.I.15405; Y. Guyon, op. cit., n°289 et M. Jeantin, op. cit., n°20. Contra, P. Didier, « Les conventions de
vote » in Mélanges J. Foyer, PUF, 1997, p. 341 et s., spé. p. 342, considérant cette condition comme vague
voire inapplicable.
741
Contra, voir Cour d’appel de Paris, 17 décembre 1954, Journ. sociétés, 1955, p. 338, note R. Plaisant,
er
précité ; Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider c/ Marine-Firminy, Rev. sociétés, 1974, p 685,
note B. Oppetit, précité et Trib. com. Paris, 4 mai 1981, RJ. Com., 1982, p. 7, note de Fontbressin, précité,
qui énoncent que les conventions de vote doivent être conformes à l’intérêt de la société.
742
. A. Viandier, op. cit.
171
de certains actionnaires dans des cas biens spécifiés ne heurtent pas l’intérêt social par
cela seul qu’elles visent à protéger l’actionnaire B dans son statut particulier
d’établissement de capital risque ; elles tendent au contraire à assurer la pérennité du
“projet d’entreprise” commun à tous les associés en maintenant les conditions sans
lesquelles les sociétés […] n’auraient pas souscrit au plan de développement proposé
par les actionnaires A et C »743.
366 - Les contours de la notion d’intérêt social sont imprécis, qu’il s’agisse
d’apprécier cet intérêt dans le cadre des conventions de vote comme en droit des
sociétés en général745. Le législateur n’en donne aucune définition alors qu’il s’y réfère
pourtant dans certains textes, notamment pour définir l’abus de biens sociaux746 ou
encore le contrôle747. Dès lors, ce sont bien souvent les juges qui apprécient eux-mêmes
le contenu de cette notion748, ce qui n’est pas sans susciter quelques interrogations au
743
Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A. Cerati-Gautier,
ère
confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, n°04-121 68, n°1138, RJDA, 12/05, n°1359, 1 esp., précités.
744
Sur le risque d’arbitraire du juge, voir F.-X. Lucas, « Les libertés d’organisation et de transmission. La
liberté des associés » in Entreprise et Liberté, Tome 10, Association H. Capitant, Déc. 2007, Dalloz Thèmes
et commentaires, II. B. 2.
745
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . A. Et notamment F.-X. Lucas, op. cit., II. B. 1 ; G.
Goffaux-Callebaut, « La définition de l’intérêt social, Retour sur la notion après les évolutions législatives
récentes », RTD. com., 2004, p. 35 ; D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly,
2004, n°11 et s. ; A. Constantin, « L’intérêt social : quel intérêt ? » in Etudes offertes à B. Mercadal, F.
Lefebvre, 2002, p. 317, n°13 et M.-C. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la
société anonyme, LGDJ, 1998, p. 324 et s.
746
Art. L 242-6-3 C. com.
747
Art. L 233-3 C. com.
748
Qualifiant d’« angoissante » cette conclusion selon laquelle seul le juge a le pouvoir, en l’absence de
définition légale, de définir le contenu de la notion d’intérêt social, voir J.-P. Bertrel, « Liberté contractuelle et
sociétés – Essai d’une théorie du « juste milieu » en droit des sociétés », RTD com., 1996, p.595, n°54.
(renvoyant également à J. Mestre, S. Faye et Blanchard, Lamy Sociétés commerciales, n°1262, selon
lesquels « l’intérêt social est sans conteste le fondement de l’intervention du juge dans la vie sociétaire »).
172
367 - L’intérêt social paraît être une notion protéiforme. L’examen de la jurisprudence
conduit en effet la doctrine à dégager au moins deux significations que peut revêtir
l’intérêt social750.
D’un côté, l’intérêt social est perçu comme l’intérêt des actionnaires, déterminé par eux-
mêmes, à la majorité, en assemblée et se définit comme la recherche du profit en vue
de le partager ou d’augmenter la valeur de la société751. Dans cette perspective, l’intérêt
social rejoint l’intérêt commun des actionnaires, visé à l’article 1833 du Code civil, lequel
est réputé convergent en ce sens que chaque actionnaire retire un enrichissement
individuel de l’enrichissement collectif de la société752.
D’un autre côté, l’intérêt social est considéré comme celui de la société en tant
qu’organisme économique753 réunissant, à côté des actionnaires, les partenaires
sociaux que sont notamment les salariés, les fournisseurs, les clients et autres
créanciers sociaux. L’ensemble des intérêts catégoriels en présence sont alors garantis
par la recherche de la prospérité de l’entreprise, ce qui n’exclut pas que cette recherche
impose, parfois, de sacrifier certains de ces intérêts754.
Si l’intérêt à long terme des actionnaires se confond avec l’intérêt de l’entreprise, la
différence irréductible qui distingue ces deux visions755 rejaillit nécessairement suivant le
cadre dans lequel la question du respect de l’intérêt social s’élève756. L’intérêt social
apparaît alors comme une donnée factuelle, une notion au contenu variable, susceptible
de varier pour des raisons d’opportunité757.
749
Sur cette question, voir F.-X. Lucas, op. cit. et D. Schmidt, op. cit., n°13.
750
A. Constantin, op. cit, n°4 et s. ; M. Germain, op. cit., n°1056-60 et M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy,
ème
Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°375.
751
Conception défendue par D. Schmidt, Les droits de la minorité dans la société anonyme, Sirey, 1970 et
« De l’intérêt social » RD bancaire et bourse, 1995, n°50, p. 130, l’auteur adopte une position plus nuancée
dans Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004 ; Ph. Marini, La modernisation du droit
des sociétés, Coll. des rapports officiels, La Documentation française, 1996, p. 12.
752
D. Schmidt, « De l’intérêt commun des associés», JCP, 1994.I.3793 et Les conflits d’intérêts dans la
société anonyme, éd. Joly, 2004, n°4.
753
Conception défendue par J. Paillusseau, « Les fondements du droit moderne des sociétés », JCP, éd. E,
1995 I. 488. Pour une application jurisprudentielle qui reste isolée, voir Cour d’appel de Paris 22 mai 1965,
affaire Fruehauf, JCP, 1965.II.14274 bis, concl. Nepveu.
754
J. Paillusseau, op. cit.
755
Pour une vision intermédiaire, assimilant l’intérêt social à celui de la société en tant que personne morale
dotée d’un intérêt supérieur aux intérêts des personnes qui en sont membre, voir M. Cozian, A. Viandier et
ème
F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°375 (« conception institutionnelle ») .
756
M. Germain, op. cit., n°1056-60.
757
D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°14.
173
368 - La doctrine a en effet relevé que le juge adopte comme « outil juridique », ou
encore comme « boussole »758, l’une ou l’autre conception de l’intérêt social selon la
fonction de régulation que cette notion remplit759. L’intérêt social est dès lors perçu
comme une « norme de comportement, c’est-à-dire une règle qui marque la direction à
donner à une conduite pour sa légitimité juridique. Cette norme doit s’apprécier de
manière objective, et non pas subjective »760.
Le Professeur Constantin observe ainsi que c’est l’intérêt commun des actionnaires qui
doit être poursuivi pour la mise en œuvre de certaines prérogatives sociales revenant
aux actionnaires, notamment minoritaires, telles que l’expertise de gestion, l’action en
dissolution pour juste motif ou encore l’action ut singuli, tandis que c’est l’intérêt de
l’entreprise qui doit être poursuivi dans le cadre de l’exercice d’un pouvoir juridique au
sein de la société, lequel serait notamment susceptible d’être réprimé du chef de l’abus
de majorité ou de minorité761 ou encore de l’abus de biens sociaux762. En revanche,
l’auteur ne se prononce pas sur l’acception de la notion d’intérêt social qu’il convient de
retenir pour la validité des conventions de vote. C’est que dans une étude antérieure, il
s’était interrogé sur le fondement-même de la condition de validité des conventions de
vote tenant à la non-contrariété à l’intérêt social763. Selon lui, cette condition ne s’impose
pas d’elle-même dès lors qu’une convention de vote est inopposable à la société. Il est
vrai, en outre, que la société n’est susceptible de connaître le vote exercé en exécution
de cette convention que si, la convention étant de nature à créer soit un vote majoritaire
soit une minorité de blocage, son exécution aboutit à l’adoption de la décision sociale.
369 - Or, si ce n’est pas la convention de vote en elle-même mais la décision sociale
à l’adoption de laquelle peut éventuellement conduire ce vote qui est susceptible de
nuire à l’intérêt social, il semble que le critère de l’abus du droit de vote suffit à encadrer
la validité des conventions de vote au regard de la condition générale de non-contrariété
à l’intérêt social.
Insistons bien sur le fait que seules les conventions de vote qui sont en mesure
d’exprimer un pouvoir juridique764, en entraînant l’adoption effective d’une décision
758 ème
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°374.
759
F.-X. Lucas, op. cit., II. B et A. Constantin, op. cit., n°7 et s.
760
En ce sens, A. Constantin, op. cit, n°13.
761
Contra, J.-P. Bertrel, op. cit., n°55 et D. Schmidt, op. cit., n°12 (“Deuxième enjeu”).
762
A. Constantin, op. cit, n°11et s.
763
A. Constantin, « Réflexions sur la validité des conventions de vote », in Le contrat au début du XXIe
siècle, Etudes offertes à Jacques Ghestin, LGDJ, 2001, p. 253.
764
Voir A. Constantin, op. cit., n°24.
174
371 - Cela fait plusieurs dizaine d’années que certains auteurs, les Professeurs
Schmidt766 et Mercadal767 notamment, ont décelé dans la théorie de l’abus du droit de
vote le seul encadrement nécessaire de la validité des conventions de vote au regard de
la condition générale de non-contrariété à l’intérêt social768. Cette théorie permet en
outre de préserver le droit fondamental qu’a tout actionnaire de participer à la vie sociale
et de contribuer à la détermination de l’intérêt social.
Rappelons que l’abus de majorité est défini en jurisprudence comme la décision prise
« contrairement à l’intérêt général et dans l’unique dessein de favoriser les membres de
la majorité au détriment des membres de la minorité »769. Cette définition a ensuite été
transposée pour définir l’abus de minorité770 ainsi que l’abus d’égalité771, si bien que,
dans les trois cas, l’abus du droit de vote consiste en une atteinte à l’intérêt général de
la société combinée à une rupture d’égalité entre actionnaires.
765
Ce raisonnement est comparable à celui qui prévaut pour valider une convention de vote au regard du
principe de révocabilité ad nutum des administrateurs lorsque l’actionnaire débiteur de l’engagement est
minoritaire et ne peut à lui seul faire obstacle à la révocation du dirigeant par l’assemblée générale. Sur
cette question, voir S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°339 et supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1. B.
766
D. Schmidt, note sous Cass. com. 19 décembre 1983, Rev. sociétés, 1984, p. 105.
767
B. Mercadal, « Pour la validité des conventions de vote entre actionnaires », RJDA, 1992, p. 727.
768
Les conditions spécifiques de non-contrariété à l’intérêt social tenant au respect des principes d’ordre
public de hiérarchie et spécialité des organes sociaux et de révocabilité ad nutum de certains dirigeants
conservent toutefois leur pleine autonomie (voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1).
769
Cass. com. 18 avril 1961, affaire Schumann-Piquard, JCP, 1961.II.12164, obs. Bastian.
770
Cass. com. 14 février 1992, arrêt Vitama, JCP., éd. E, 1992.II.301, note A. Viandier.
771
Cass. com. 8 juillet 1997, Bull. Joly, 1997, p. 980, note E. Lepoutre.
175
772
B. Mercadal, op. cit., n°6.
773
D. Schmidt, op. cit., p. 110.
774
A. Constantin, op. cit., n°21 et s.
775
Voir remarque supra, selon laquelle les conditions spécifiques de non-contrariété à l’intérêt social tenant
au respect des principes d’ordre public de hiérarchie et spécialité des organes sociaux et de révocabilité ad
nutum doivent également être vérifiées.
776
En ce sens, voir A. Constantin, op. cit., n°24 et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre,
2009, n°10669.
176
777
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°289.
778 ème
En ce sens, M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°384. La
Cour de cassation a récemment rappelé ce principe en écartant l’abus de droit après avoir constaté que la
décision du minoritaire, lequel avait refusé de consentir à une augmentation de capital en l’absence
d’informations suffisantes sur l’utilité de cette opération, n’était pas illégitime dès lors qu’il n’était pas établi
que ce dernier avait agi dans « l’unique dessein de favoriser ses propres intérêts au détriment de l’ensemble
des autres associés » (Cass. com. 20 mars 2007, JCP, éd. G, 2007.I. 179, n°3, chron. J.-J. Caussain, F l.
Deboissy et G. Wicker).
779
Une atteinte à l’intérêt général de la société combinée à une rupture d’égalité entre actionnaires, voir
supra.
780
Cass. com. 18 avril 1961, affaire Schumann-Piquard, JCP, 1961.II.12164, obs. Bastian, précitée.
781
V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec, 2008, n°329.
782
V. Cuisinier, op. cit, n°329.
783
V. Cuisinier, op. cit., n°329.
177
375 - Le régime des conventions de vote est relativement bien établi en droit positif,
il conduit à admettre assez largement la validité de ces conventions, sous certaines
conditions, lesquelles s’apprécient à la fois au moment de la formation de la convention
et au moment de l’exécution de cette dernière.
Il apparaît, s’agissant des conditions de validité dont le respect est susceptible d’être
apprécié lors de la formation de la convention784, que les aménagements contenus dans
les conventions de vote sont validés dans la mesure exacte de la marge de souplesse
que l’ordre public sociétaire admet pour l’aménagement dans les statuts l’exercice de
l’exercice du droit de vote et du fonctionnement organique de la société. Quant à
l’appréciation générale de la validité de la convention au regard de l’intérêt social,
laquelle ne peut avoir lieu qu’en cours d’exécution de la convention, lors de l’exercice du
vote lui-même, elle est identique à celle qui prévaut pour encadrer l’exercice, par tout
actionnaire, de sa prérogative de vote en dehors même de l’existence d‘une convention
de vote.
On le mesure, le régime des conventions de vote est fortement dépendant voire
quasiment dicté par le droit des sociétés, en raison de l’objet de ces conventions, ce qui
est significatif de leur dépendance marquée au contrat de société.
Conclusion du Chapitre 1
784
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 2. A (portée limitée de la convention) ; -Sect° 2, § 1. A
(respect du principe de hiérarchie et spécialité des organes sociaux) et -B (respect du principe de
révocabilité ad nutum de certains dirigeants sociaux).
178
380 - Les pactes qui aménagent la perte de la qualité d’actionnaire des partenaires,
soit en forçant un partenaire à quitter la société, soit, au contraire, en maintenant de
force un partenaire dans la société, se heurtent à deux principes fondamentaux de
l’ordre public sociétaire reconnaissant comme droits essentiels de l’actionnaire le droit
de rester dans la société ainsi que celui de ne pas être prisonnier de la société.
382 - Les pactes qui aménagent la perte de la qualité d’actionnaire des partenaires
affectent ainsi le contrat de société, non seulement dans sa structure mais encore dans
son fondement ; dès lors, ils présentent nécessairement une dépendance marquée au
contrat de société. Ce degré de dépendance implique une forte influence de l’ordre
public sociétaire dans l’encadrement de la validité de ces pactes, ce que nous allons
vérifier tant en matière de pactes d’exclusion (Section 1) que pour les pactes rendant un
actionnaire prisonnier de la société (Section 2).
Les motifs d’exclusion en cause conduisent tantôt à la sanction du partenaire qui n’a pas
respecté les obligations qu’il tenait du contrat de société ou du pacte, tantôt à
l’application d’une mesure de remède consistant à exclure le partenaire qui vient de
subir un changement objectif de nature à compromettre, dans l’esprit de ses partenaires,
la bonne poursuite de la collaboration opérée entre eux jusque-là. Tous ces motifs sont
le signe de l’émergence d’une divergence d’intérêts entre les partenaires785.
386 - Il en résulte que, si le droit pour tout actionnaire de rester dans la société ne
constitue pas un obstacle dirimant à l’admission, dans le principe, de la validité des
clauses extra-statutaires d’exclusion (§ 1), la jurisprudence encadre strictement la
785
Cette distinction entre l’exclusion-sanction et l’exclusion-remède, qui est opérée par une partie de la
doctrine en matière de clauses d’exclusion statutaires (voir notamment, J.-P. Storck, « La continuation de la
société par l’élimination d’un associé », Rev. sociétés, 1982, p. 233, n°1 et s ; D. Velardocchio-Flores, Les
accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°190 et s. ; Y. Guyon, Traité des contrats - Les
ème
sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°49), ne nous
semble pas être d’une quelconque utilité dans l’étude de la validité des clauses d’exclusion extra-statutaires.
786
B. Caillaud, L’exclusion d’un associé dans les sociétés, Sirey, 1966.
181
388 - Le fondement du droit pour tout actionnaire de rester dans la société, et donc
de ne pas être exclu de cette dernière, peut être envisagé sous un double aspect. Il est
tout d’abord contractuel mais il résulte également du droit de propriété de l’actionnaire
sur ses titres.
787
Art. 1844-7-5° C. civ. Par exception, l’inexécution de l’obligation des actionnaires, à l’égard de la société,
de libérer leurs apports est sanctionnée par une forme d’exclusion de l’actionnaire récalcitrant (art L 228-27
C. com.)
788
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 2. A.
182
autres actionnaires789. Or, il n’est pas de la nature du contrat de société, lequel est fondé
sur la poursuite de l’intérêt commun des actionnaires, de pouvoir être maintenu entre
tous les actionnaires excepté l’un d’entre eux, lequel serait exclu de force, même dans
l’intérêt de la société. La jurisprudence relative à l’exclusion judiciaire le confirme. Après
quelques flottements jurisprudentiels790, il est désormais bien établi par la Cour de
cassation que l’actionnaire à l’origine d’une demande en dissolution de la société pour
justes motifs791 ne peut être exclu par le juge, sur le fondement de l’intérêt social, en
raison de ce que la société serait économiquement viable 792.
En outre, le contrat de société étant dénué de toute logique disciplinaire, aucun organe
ne dispose expressément, au sein de la société anonyme793, du pouvoir de sanctionner
un actionnaire ayant commis une faute794. Ainsi, les actionnaires, statuant en assemblée
générale à la majorité, ne peuvent-ils pas voter spontanément l’exclusion d’un
actionnaire795.
390 - Toutefois, si le droit pour tout actionnaire de rester dans la société ne peut être
supprimé par un quelconque pouvoir extérieur, en raison du fondement contractuel
spécial de la société, l’actionnaire est en revanche libre, dans le principe, d’aménager
son propre droit. Ce dernier peut en effet consentir, par avance, à restreindre ce droit
dans certaines circonstances, dès lors que, non contraint par une volonté extérieure, il le
fait de son seul gré en vertu du pouvoir de l’autonomie de la volonté. Il semble que pour
la doctrine796 ce soit le respect du droit de propriété qui constitue un obstacle plus
redoutable à l’admission, dans le principe, de l’exclusion d’un actionnaire.
789
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°49.
790
M.-Ch. Monsallier, L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, LGDJ, 1998,
n°643 et s. Certaines juridictions du fond ont en e ffet prononcé l’exclusion d’un actionnaire, par préférence à
la dissolution pour mésentente, sur le fondement de l’intérêt social (voir notamment Cour d’appel de Reims
24 avril 1989, JCP, éd. E, 1990, II, 15677, n°2, note A. Viandier et J. -J. Caussain et Cour d’appel de Poitiers
25 mars 1992, Dr. sociétés, 1992, p. 4, chron. J.-M de Bremond de Vaulx).
791
Art. 1844-7-5 C. civ.
792
Cass. com. 12 mars 1996 (Sté Nollet et Cie et autres c/ M. Salon et autres), RTD. com., 1996, p. 897,
note J. Mestre et Bull. Joly, 1996, p. 576, note J.J. Daigre. Voir également Cour d’appel de Toulouse 10 juin
1999, JCP, éd. E, 2000, 1620, note J.-J. Daigre.
793
Exception faite des dispositions de l’article L 228-27 du Code de commerce (voir note supra).
794
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°320 et M.-Ch.
Monsallier, op. cit., n°624.
795 ème
M. Cozian, A. Viandier et F. Deboissy, Droit des sociétés, Litec, 22 éd., 2009, n°323.
796
Y. Guyon, op. cit., n°49 et M. Germain, Traité de droit commercial - Les sociétés commerciales, T. 1, Vol.
ème
2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1599.
183
propriété sur ses titres797. Or, l’article 544 du Code civil énonce que « Nul ne peut être
contraint de céder sa propriété, si ce n’est pour une cause d’utilité publique et
moyennant une juste et préalable indemnité ». En ce sens, l’exclusion d’un actionnaire
réalise une expropriation de ce dernier798. Cet article est parfois invoqué par la
jurisprudence précitée, qui refuse d’admettre l’exclusion judiciaire d’un actionnaire à
l’origine d’une demande en dissolution de la société pour justes motifs lorsque cette
dernière est économiquement viable, en raison de ce que cela reviendrait, en effet, à
admettre une « expropriation pour cause d’intérêt privé »799. Toutefois, dans l’exercice
même de son droit de propriété, l’actionnaire est libre de décider des conditions dans
lesquelles il disposera de ses titres et notamment, de s’engager à l’avance à devoir les
céder dans certaines circonstances.
393 - Le caractère non-absolu du droit pour tout actionnaire de ne pas être exclu de
la société résulte, en premier lieu, de l’existence de certaines hypothèses, certes
limitées, dans lesquelles le législateur admet lui-même l’exclusion d’un actionnaire801.
Il est confirmé par l’évolution de la jurisprudence, désormais favorable à la validité, dans
le principe, des clauses statutaires d’exclusion, lesquelles sont néanmoins encadrées
par des conditions relativement strictes, destinées à garantir que cet aménagement
conventionnel du droit de rester dans la société procède de la libre volonté de chacun
des actionnaires et respecte leur droit de propriété.
797
Sur cette question, voir M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats, Economica, 2009,
n°413 et s.
798
Y. Guyon, op. cit., n°49 et M. Germain, op. cit., n°1599.
799
Cour d’appel d’Aix 26 juin 1984, D., 1985, p. 372, note J. Mestre ; Trib. com. Versailles, 2 mai 1989, Bull.
Joly, 1989, p. 615, note Y. Sexer.
800
Cass. com. 12 mars 1996 (Sté Nollet et Cie et autres c/ M. Salon et autres), précité.
801
Notamment pour sanctionner les actionnaires qui ne réalisent pas les apports promis (art L 228-27 C.
com.) ; dans certaines circonstances dans les sociétés à capital variable (art. L 231-6 C. com.) ; dans les
SAS dont les statuts peuvent contenir une clause d’exclusion (art. L. 227-16 et -17 C. com.) ou encore par la
procédure de retrait obligatoire à l’encontre de certains minoritaires dans les sociétés cotées (art L 236-1 et
s. et L 237-1 et s. du règlement général de l’AMF).
184
394 - Les juridictions du fond valident depuis longue date les clauses d’exclusion
statutaires insérées dans les statuts d’origine802 dès lors que les actionnaires ont
accepté la précarité de leur situation au moment de leur entrée dans la société. La Cour
de cassation s’est quant à elle prononcée plus tardivement, en validant d’abord
implicitement803, puis expressément, dans un arrêt du 8 mars 2005804, les clauses
statutaires d’exclusion, sous certaines conditions.
Insérée dans les statuts en cours de vie sociale, la clause d’exclusion doit être
approuvée à l’unanimité des actionnaires805 puisque, nous l’avons dit, chaque
actionnaire ne peut être privé de son droit propre de demeurer dans la société que s'il y
a librement consenti.
Les clauses d’exclusion statutaires sont encadrées, dans leur mise en œuvre, par des
conditions destinées à protéger les actionnaires contre tout arbitraire806 et apportant des
garanties d’ordre moral, procédural et patrimonial807, au respect desquels le juge veille
strictement808. Les statuts doivent préciser les motifs de l’exclusion ainsi que l’organe
compétent pour la prononcer809. Ces motifs doivent être précis et objectifs, justifier d’une
certaine gravité810 quant au comportement de l’actionnaire visé et au trouble que ce
dernier cause à la vie sociale et être conformes à l’intérêt social ainsi qu’à l’ordre
public811. Ensuite, le prononcé de l’exclusion requiert l’organisation d’une procédure
respectant le droit de l’actionnaire d’être informé des faits qui lui sont reprochés et des
conditions dans lesquelles il peut se défendre812. Enfin, l’actionnaire exclu doit avoir
préalablement reçu le juste prix de ses actions813.
802
Cour d’appel de Rennes 12 juillet 1912, Journ. sociétés, 1913, p. 23, note H. Bosvieux ; Cour d’appel de
Lyon, 15 mars 1928, Journ. sociétés, 1929, p. 202 et Cour d’appel de Rouen 8 février 1974, Rev. sociétés,
1974, p. 507, obs. R. Rodière.
803
Cass. com. 13 décembre 1994, JCP, éd. E, 1995.II.705, note Y. Paclot.
804
Cass. com. 8 mars 2005, pourvoi n°02-17.692, Bull. Joly, 2005, p. 995, note P. Le Cannu (en matière de
SNC).
805
Cour d’appel de Paris 27 mars 2001, JCP, éd. N, 2002, p. 1237, note F.-X. Lucas, précité.
806
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°318 et s.
807
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°99.
808
Cass. com. 21 octobre 1997, Bull. Joly, 1998, p. 40, note P. Le Cannu.
809
Il peut s’agir du conseil d’administration (Cour d’appel de Rouen 8 février 1974, précité), du directoire, de
l’assemblée générale des actionnaires ou encore de toute personne tierce à la société et aux actionnaires.
Lorsque l’assemblée générale des actionnaires est compétente pour prononcer l’exclusion, l’actionnaire visé
doit impérativement participer au vote sur sa propre exclusion (Cass. com. 23 octobre 2007, précité, D.,
2009, p. 323, obs. J.-Cl. Hallouin).
810
Y. Guyon, op. cit, n°99.
811
Cass. com. 8 mars 2005, pourvoi n°02-17.692, préci té, validant le motif tenant au redressement judiciaire
d’un associé. Ces motifs doivent, en outre, selon certains, être identiques pour tous les actionnaires (Y.
Guyon, op. cit, n°99), la clause devant alors s’appliquer à l’ens emble des actionnaires (en ce sens
également, J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, 1995, n°91).
812
Cass. com. 7 juillet 1992, JCP, éd. G, 1993.II.3652, n°16, obs. A. Viandier et J.-J . Caussain (en matière
de GIE). Toutefois le principe du contradictoire ne semble pas être applicable aux décisions prises par un
organe de gestion (Cass. com. 10 mai 2006, Rev. sociétés, 2007, p. 70, note L. Godon).
813
Cour d’appel de Paris 7 juin 1988, Rev. sociétés, 1989, p. 246, note S. Dana-Démaret et Cass. com. 8
mars 2005, pourvoi n°02-17.692, précité.
185
395 - Le caractère relatif du droit de rester dans la société, dont atteste l’admission,
dans la limite de l’arbitraire, des clauses statutaires d’exclusion, devrait ouvrir la voie à la
validité des clauses d’exclusion extra-statutaires814. Il nous semble toutefois que les
clauses d’exclusion statutaires appartiennent au domaine réservé aux statuts815.
Nous pensons en effet qu’en raison de ce que la qualité d’actionnaire procède du contrat
de société, sa déchéance ne peut être organisée autrement que par les statuts ni
prononcée par une entité autre qu’un organe social spécialement habilité à cet effet816.
Ainsi, dans la mesure où, d’une part, la clause d’exclusion joue nécessairement dans les
rapports entre la société et l’actionnaire exclu, et, d’autre part, les dispositions extra-
statutaires sont inopposables à la société comme aux organes sociaux de cette
dernière, seuls les statuts doivent pouvoir, selon nous, donner compétence à un organe
social pour prononcer, sous les conditions établies par la jurisprudence, l’exclusion d’un
actionnaire817.
814
S. Prat, op. cit., n°322.
815
Sur le domaine réservé aux statuts, voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1. A. Voir égaleme nt,
F.-X. Lucas, note sous Trib. com. Paris 17 octobre 2006, affaire SNCM précitée, Bull. Joly, 2007, p. 72, II.
816
Dans le même sens, H. Le Nabasque, P. Dunaud et P. Elsen, « Les clauses de sortie dans les pactes
d’actionnaires », Dr. sociétés, Actes prat. 10/1992, n°52, selon lesquels seul le contrat de société peut
retirer à l’actionnaire la qualité qu’il a lui-même conférée à ce dernier.
817
Cass. com. 8 février 1982, Bull. Joly, 1982, p. 970, jugeant non écrite une convention extra-statutaire
d’exclusion au motif que « la convention litigieuse était distincte du contrat de société liant par ailleurs les
parties » et « qu’elle n’avait pas été signée par un représentant de la société ».
818
Y. Guyon, op. cit., n°49.
186
domaine réservé aux statuts, rien n’empêche de stipuler une clause de cession forcée
dans un pacte extra-statutaire.
Pour la suite de nos propos, nous qualifierons indifféremment une telle clause extra-
statutaire, de pacte ou clause de cession forcée, de rachat forcé, de sortie forcée ou
encore de pacte ou clause d’exclusion extra-statutaire, la notion d’exclusion étant alors
entendue dans un sens large.
398 - Des distinctions qui précèdent, il résulte qu’un actionnaire peut valablement
promettre, en dehors des statuts, de céder sous certaines conditions l’ensemble de ses
titres à un autre actionnaire si ce dernier le souhaite819.
Si la cession des titres entraîne de facto la perte de la qualité d’actionnaire, le
promettant ne peut arguer de son droit de rester dans la société, et notamment de son
droit de propriété, dès lors qu’il a lui-même pris par avance l’engagement conditionnel
de céder les titres820. Ainsi que l’a relevé un auteur, la promesse de rachat forcé ne
porte pas plus atteinte au droit de propriété que toute promesse de vente valablement
consentie821.
399 - La validité de ces pactes de rachat forcé est ainsi reconnue par la doctrine en
raison de ce que ces derniers affectent avant tout le « contrat d’acquisition »822 et, par
voie de conséquence, la qualité d’actionnaire. Ils se distinguent des clauses d’exclusion
stricto sensu en ce qu’ils n’ont pas pour objet d’entraîner directement la déchéance de la
qualité d’actionnaire, la perte de cette qualité n’en étant qu’un effet ricochet. Il
n’empêche qu’en raison de cet effet majeur qu’ont les clauses de cession forcée, ces
dernières se placent nécessairement dans un fort degré de dépendance au contrat de
société.
819
D. Martin, « L’exclusion d’un actionnaire », RJ. com., 1990, p. 94 et s., spéc. p. 113.
820
F.-X. Lucas, note sous Trib. com. 17 octobre 2006, affaire SNCM, précitée, Bull. Joly, 2007, p. 72, II.
821
S. Dana-Demaret, Rev. sociétés, 1989, p. 246, note sous Cour d’appel de Paris 7 juin 1988, précitée.
822 ème
M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ,
2009, n°1602 et F.-X. Lucas, op. cit., p. 72, II.
187
401 - Dans les pactes d’exclusion ou de rachat forcé prenant la forme de promesses
unilatérales de cession sous condition suspensive, le ou les événements sur lesquels
porte la condition suspensive constituent précisément les motifs de l’exclusion. Une fois
la condition réalisée, le bénéficiaire du pacte est en effet fondé à lever l’option d’achat
dont il dispose et forcer ainsi le promettant à céder ses actions.
Ces évènements doivent donc être précisés avec le plus grand soin afin d’éviter toute
contestation quant à la validité de la promesse de cession d’une part, et quant à la mise
en œuvre du pacte par le bénéficiaire d’autre part.
823
Cass. com. 20 février 1989, D., 1989, IR, p. 60, citée par D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-
statutaires entre associés, PUAM, 1993, n°200 ; Cour d’appel de Poitiers 12 nov embre 2002, RJDA, 03/10,
ème
p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p. 21 ; Cour d’appel de Paris 14 décembre 2004, n°03-21818, 3 ch. A,
ème
Vendrand c/ Gilliand, BRDA, 20/05, inf. 6 et Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005 n° 04-4322, 3 ch. A,
Hermann c/ Vileghe, RJDA, 7/06, n°791, précité.
824
T. com. Paris 17 octobre 2006, Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006 et Cass. com. 6 novembre
2007, précités (voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B).
825
Rappelons que comme tout pacte d’actionnaires, la promesse de cession forcée entre actionnaires ne
doit pas conduire, par ses effets, à contrarier l’intérêt social ou à méconnaître une règle d’ordre public.
Serait ainsi contraire à l’intérêt social, par exemple, l’exclusion d’un actionnaire dont le maintien est
indispensable à la poursuite de l’activité sociale (en ce sens, G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des
sociétés : essai sur le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés, Ed. L’Harmattan, 2008, n°365).
188
404 - Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle validé, dans un arrêt en date du 20 février
1989, la clause de rachat extra-statutaire des actions d’un dirigeant, au motif que la
convention était conforme à l’intérêt social en ce qu’elle obligeait le dirigeant à
s’intéresser au développement de la société et permettait d’éloigner ce dernier lorsqu’il
cessait ses fonctions, tout en l’empêchant, par ailleurs de céder ses actions à un tiers830.
De même, dans un arrêt du 14 décembre 2004, reconnaissant la validité de
l’engagement pris irrévocablement, par chacun des signataires d’un pacte
d’actionnaires, de céder ses actions en cas de cessation anticipée de ses fonctions de
dirigeant ou de salarié, la Cour d’appel de Paris relève qu’il était précisé dans le
826
Rappelons que certaines clauses d’exclusion statutaires prennent cette forme de promesse de rachat
forcé (voir Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre
ème
associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°49. Egalement, D. Velardocchio-Flores, op. cit., n°196 et s. et M.
Germain, op. cit., n°1602).
827
En ce sens, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°323 et J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, Coll. Pratique des
Affaires, 1995, n°92.
828
En ce sens, G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°365.
829
En ce sens, G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°365, qui vise la « perte d’affectio societatis ou la disparition
d’un intuitus personae, ce qui justifie l’éviction au regard de l’intérêt social ».
830
Cass. com. 20 février 1989, D., 1989, IR, p. 60, précitée, commenté par D. Velardocchio-Flores, op. cit.,
n°200.
189
405 - A ce titre, tous les motifs susceptibles de fonder l’exclusion d’un actionnaire
dans le cadre d’une clause statutaire, lesquels sont nécessairement objectifs et
conformes à l’intérêt social, devraient pouvoir constituer la condition suspensive d’une
promesse de cession forcée. Ainsi en est-il notamment de la violation d’une obligation
résultant du pacte832, du prononcé d’une condamnation pénale à l’encontre d’un
actionnaire, de l’exercice d’une activité concurrente833, du changement de contrôle d’un
actionnaire personne morale834, du redressement judiciaire d’un actionnaire835 ou encore
d’une mésentente grave rendant impossible la poursuite de l’activité sociale836.
831 ème
Cour d’appel de Paris 14 décembre 2004 n°03-21818, 3 ch. A, Vendrand c/ Gilliand, BRDA, 20/05, inf.
6. Voir également Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, RJDA, 03/10, p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p.
21, précité et infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, §. 1. B et Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005 n° 04- 4322,
ème
3 ch. A, Hermann c/ Vileghe, RJDA, 7/06, n°791, précité.
832
En matière de clause statutaire d’exclusion, voir Cour d’appel d’Orléans 26 septembre 1989, Dr.
sociétés, 1990, n°163.
833
En ce sens, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°323.
834
Cour d’appel de Rouen 8 février 1974, Rev. sociétés, 1974, p. 507, obs. R. Rodière et Cass. com. 13
décembre 1994, JCP, éd. E, 1995, II.705, Y. Paclot, précités.
835
Cass. com. 8 mars 2005, pourvoi n°02-17.692, Bull. Joly, 2005, p. 955, note P. Le Cannu, précité.
836
Trib. com. Paris 17 octobre 2006 et Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, affaire SNCM, précités, en
matière de clauses d’offre alternative extra-statutaire (voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1 , § 2. B).
Remarquons que l’événement déclencheur reconnu comme valable était pourtant d’une grande imprécision
et subjectivité.
190
l’exclusion serait-elle justifiée par la commission d’une faute, à la discipline d’un groupe
d’actionnaires.
407 - La mise en œuvre de ces pactes, aussi objectifs que soient, dans la mesure du
possible, leur fait générateur, n’est pas sans poser de difficultés d’interprétation,
lesquelles sont accrues dans les situations marquées par un rapport de force837.
L’intervention d’un tiers indépendant est préférable dans bien des cas pour garantir le
respect de l’exigence d’objectivité dans l’appréciation de la réalisation de la condition
suspensive. De plus, l’actionnaire débiteur est toujours en droit de faire contrôler par le
juge les conditions dans lesquelles le bénéficiaire revendique le droit de racheter les
titres. Mais la jurisprudence relative aux pactes subordonnés à l’émergence d’une
mésentente entre partenaires, et à l’identification du partenaire à l’origine de cette
mésentente, révèle les difficultés d’appréciation qu’engendrent certains motifs
d’exclusion838.
En outre, pour surmonter les faiblesses que démontre l’application de la théorie de la
potestativité dans le cadre des promesses de cession forcée839, les jugent apprécient
l’absence d’arbitraire, et la loyauté dont fait preuve le bénéficiaire de la promesse dans
l’exécution du contrat, au moment de la levée d’option par ce dernier840.
408 - La validité des pactes organisant l’exclusion d’un actionnaire sous la forme
d’une promesse unilatérale de cession sous condition suspensive est par ailleurs
soumise, conformément au droit commun, à l’exigence de détermination du prix de
cession.
837
P. Larrieu, « L'interprétation des pactes extra-statutaires », Rev. sociétés, 2007, p. 697, n° 18 et s.
838
En ce sens, F.-X. Lucas, Bull. Joly, 2007, p. 72 et p. 479, notes sous Trib. com. Paris 17 octobre 2006 et
Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006, précités (voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B) et
notamment P. Le Cannu, RTD com., 2007, p. 169, note sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006.
839
Lesquelles tiennent à ce que la condition purement potestative est théoriquement indifférente du côté du
bénéficiaire de la promesse, or c’est pourtant lui qui a l’initiative de la levée d’option qui réalise l’exclusion
(voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B). Voir également, J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont,
op.cit., n°92.
840
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B.
841
Cour d’appel de Paris 7 juin 1988, Rev. sociétés, 1989, p. 246, note S. Dana-Démaret et Cass. com. 8
mars 2005, pourvoi n°02-17.692, Bull. Joly, 2005, p. 955, note P. Le Cannu, précités.
191
l’arbitraire de l’organe social compétent pour prononcer l’exclusion. Les statuts prévoient
en général une formule d’évaluation des droits sociaux, laquelle renvoie couramment, en
pratique, à la procédure d’expertise énoncée à l’article 1843-4 du Code civil en cas de
désaccord sur la valeur des titres. Deux arrêts de la chambre commerciale de la Cour de
cassation en date du 4 décembre 2007842 ont initié un mouvement jurisprudentiel
favorable à la reconnaissance de l’appartenance des clauses d’exclusion statutaires au
domaine d’application impérative de cette procédure d’ordre public843, lequel a
récemment abouti à l’affirmation de l’autonomie de l’expert désigné en application de
cette procédure au regard des clauses statutaires d’évaluation844.
842
Cass. com. 4 décembre 2007, deux espèces similaires : pourvoi n°06-13912, Quilliard c/ Sté Arues
(publié au Bulletin), Rev. sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et
pourvoi n°06-13913, Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier.
843
Voir infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2.
844
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, cité infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2. A.
845
Sur les conséquences qu’a eues le mouvement jurisprudentiel initié en décembre 2004 (Cass. com. 4
décembre 2007, précités) sur la pratique du renvoi conventionnel à l’expert de l’article 1843-4 du Code civil
pour la détermination du prix dans les pactes d’actionnaires, voir infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2. Ce tte
récente évolution jurisprudentielle doit, selon nous, être appréciée sans distinction au regard du degré de
dépendance au contrat de société des pactes organisant la cession des titres d’un actionnaire. Nous avons
donc souhaité la traiter dans le cadre de l’étude du régime des pactes d’actionnaires présentant une
dépendance modérée au contrat de société dès lors que ce dernier définit le socle minimal d’emprise des
règles de l’ordre public sociétaire sur les pactes d’actionnaires et, qu’au regard de l’article 1843-4 du Code
civil, le régime des pactes présentant une dépendance marquée au contrat de société ne subit pas plus
lourdement cette emprise que celui des pactes présentant une dépendance modérée à ce dernier.
846
Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009, D., actualité 17 septembre 2009, note A. Lienhard ;
BRDA, 19/09, inf. 1 ; Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque et JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L.
Coquelet, confirmé, semble-t-il, par Cass. com. 24 novembre 2009, D., 2009, AJ, p. 2924, A. Lienhard ;
JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L. Coquelet et JCP, éd. E., 2010, 1146, note G. Mouy (voir infra, Titre 2,
Chap. 2, Sect° 2, § 1. B).
847
Sur cette question, voir infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1.
192
848
Sur ce point, voir infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B.
849
Cass. com. 5 mai 2009, précité et infra, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
850
Art. 1591 C. civ. et Cass. req. 7 janvier 1925, D. H., 1925. 57 ; Grands arrêts, par F. Terré et Y. Lequette,
1994, n°173 (arrêt de principe portant sur la vente d’un fonds de commerce) : le prix est objectivement
déterminable s’il est ultérieurement fixé « en vertu des clauses du contrat, par voie de relation avec des
éléments qui ne dépendent plus de la volonté, ni de l’une, ni de l’autre des parties ».
851
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
852 ème
Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005, n° 04-4322, 3 ch. A, Hermann c/ Vileghe, RJDA, 7/06, n°791,
précité.
853
Cet arrêt ajoute en outre, pour écarter un autre grief invoqué au regard du caractère déterminable du
prix, que l'existence de plusieurs formules de détermination du prix n'est pas en elle-même critiquable dans
la mesure où ces formules correspondent à des situations de fait et de droit différentes (Cour d’appel de
Paris 18 octobre 2005, précité).
193
d’achats, actionnaire minoritaire, par référence aux règles générales « en usage au sein
du mouvement Leclerc » en raison de ce que ces règles sont arbitraires et trop
favorables aux bénéficiaires.
Plusieurs arrêts de la Cour d'appel de Nancy, en date du 20 novembre 2004, confirmés
par la Cour de cassation le 19 décembre 2006854, ont en effet déclaré nulles les
promesses de cession stipulées en ces termes, au motif que la seule référence aux
règles en vigueur, lesquelles n’étaient pas recensées ni recueillies de manière complète
et objective, ne garantissait pas que le prix serait estimé en fonction d'éléments
extérieurs à la volonté du cessionnaire. En pratique, l’expert chargé de déterminer le
prix, devait se fier aux pratiques des adhérents du réseau, lesquels risquaient de lui
communiquer des informations de nature à minorer l’évaluation de la société dont les
actions étaient cédées afin de favoriser les bénéficiaires des promesses, eux-mêmes
adhérents du réseau.
415 - Les pactes d’actionnaires qui interdisent à un partenaire de céder ses actions
ou sont tellement dissuasifs qu’ils ont pour effet pratique d’empêcher toute cession se
heurtent au droit fondamental qu’a tout actionnaire de ne pas demeurer prisonnier de
ses titres, dont le corollaire est le principe de libre négociabilité des actions.
Le principe de libre négociabilité des actions renvoie à la liberté de céder davantage
qu’à la négociabilité, laquelle concerne les formalités de cession. Il faut en effet se
garder de confondre la libre négociabilité avec le principe de négociabilité des titres
sociaux dans les sociétés par actions en vertu duquel la cession des actions et valeurs
mobilières s’effectue selon les formes commerciales855.
854 ème
Cour d’appel de Nancy 20 octobre 2004 n°98-3311, 2 ch. com., Rousselot c/ SA ITM Entreprises,
RJDA, 10/05, n°1115 confirmé par Cass. com. 19 décembre 2006 n°05-10.199 F-D, Sté coopérative
d'approvisionnement Paris Est (Scapest) c/ Sté ITM Entreprises, RJDA, 4/07, n°365. Voir également Cass.
com. 19 décembre 2006 n°05-10.197, RTD Com., 2007, p. 169, obs. P. Le Cannu et Cass. com. 19
décembre 2006 n°05-10.198, Jurisdata : 2006-036780, en matière de pacte de préférence (cité infra, Titre 2,
Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.).
855
Art. L 228-1 C. com.
194
417 - Nous pensons donc que l’on ne peut trouver un fondement valable au principe
de libre négociabilité des titres dans les sociétés par actions qu’en considération
d’éléments spécifiques à ces sociétés. Nous adhérons à l’analyse d’un auteur selon
laquelle, le principe de libre négociabilité des actions est « la contrepartie du principe
majoritaire dans la société anonyme »859. Il nous semble en effet que le principe de libre
négociabilité des actions complète et équilibre le principe majoritaire qui prévaut dans la
société anonyme, en ce sens que l’actionnaire qui ne pèse pas suffisamment dans le
vote pour sanctionner la gestion de la société doit pouvoir, à tout le moins, quitter
librement la société860.
Dans cette perspective, le corollaire du principe de libre négociabilité des actions, le
droit pour tout actionnaire de ne pas être prisonnier de ses titres861, se justifie aisément
tant il paraît inconcevable de contraindre un actionnaire à demeurer dans la société
sans menacer la poursuite de l’intérêt commun.
On apprécie alors le caractère essentiel que revêt le principe de libre négociabilité des
actions au regard du fondement-même du contrat de société, ce qui justifie
l’appartenance de ce principe à l’ordre public sociétaire ainsi que l’importance du rôle
qu’il joue pour le bon fonctionnement de la société anonyme.
418 - Le principe de libre négociabilité des actions ne semble toutefois pas être
absolu et intangible862 au point d’exclure qu’un actionnaire puisse librement aménager
856 ème
M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ,
2009, n°1616 et Cass. com. 22 octobre 1969, Rev. sociétés, 1970, p. 288 et JCP, éd G, 1970.II.n°16197,
note J. Paillusseau.
857
Art. 537 al. 1 et 544 C. civ. En ce sens, G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991,
p. 1, n°9.
858
Voir les références citées par S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs
mobilières, Litec, 1992, n°262.
859
S. Prat, op. cit., n°278.
860
S. Prat, op. cit., n°278.
861
Cass. com. 22 octobre 1969, Rev. sociétés, 1970, p. 288 et JCP, éd G, 1970.II.n°16197, note J.
Paillusseau, précité.
862
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°110.
195
420 - Par ailleurs, les pactes qui sont tellement contraignants pour les partenaires
qu’ils ont pour effet pratique d’empêcher toute cession d’actions en dissuadant ces
derniers de prendre des risques inconsidérés, les clauses américaines ou d’options
863
Sur la validité des pactes d’actionnaires restreignant la libre négociabilité des actions, voir infra, Titre 2,
Chap. 1, Sect°1, § 2. et Sect° 2.
864
En ce sens, G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, n°20, s’appuyant sur la
jurisprudence selon laquelle « Est nulle la clause statutaire supprimant la possibilité pour l’actionnaire de
sortir de la société anonyme par la cession de son titre » (Cass. com. 22 octobre 1969, précité).
865 ère
Notamment A. Couret, « De l’inaliénabilité des actions de SA », note sous Cass. 1 civ. 31 octobre
2007, Bull. Joly, 2008, p. 121 ; R. Mortier, « Les nouveaux horizons de l’inaliénabilité en droit des
groupements », Dr. sociétés, 2008, repère n°1 et J.-F. Barbiéri, « L’inaliénabi lité affectant les droits
sociaux », Bull. Joly, 2008, p. 450. Voir également, dernièrement, Cl. Ferry, « Validité des clauses
d’inaliénabilité portant sur des actions », JCP, éd. E., 2010, 1327. Contra, en matière de clauses
d’inaliénabilité statutaire : M. Germain, op. cit., n°1616 (mais favorable à la validité des clauses
d’inaliénabilité extra-statutaires, n°1624).
866 ère
Cass. 1 civ. 31 octobre 2007, précité, JCP, éd. N, 2007, p. 1064, note R. Mortier.
867 ère
R. Mortier, note précitée sous Cass. 1 civ. 31 octobre 2007 et « Les nouveaux horizons de
l’inaliénabilité en droit des groupements », article précité.
868
G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur le contrat instrument d’adaptation du
droit des sociétés, Ed. L’Harmattan, 2008, n°349.
869
Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, RJDA, 03/10, p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p. 21, précité.
196
421 - Il apparaît ainsi que les pactes d’actionnaires qui ont pour objet ou pour effet
de rendre un actionnaire prisonnier de ses titres affectent le contrat de société dans son
fondement-même ainsi que dans son fonctionnement, ce dont il résulte qu’ils
entretiennent un rapport de dépendance marquée au contrat de société.
Nous distinguerons donc, dans le cadre de l’étude de l’emprise de l’environnement
sociétaire sur les conditions encadrant la validité des pactes rendant un actionnaire
prisonnier de ses titres, les pactes qui emportent, pour le partenaire débiteur,
l’interdiction formelle de céder ses actions (§ 1), de ceux qui ont pour effet pratique de
dissuader les partenaires de toute tentative de sortie de la société en proposant de
céder leurs actions (§ 2).
870
J.-F. Barbiéri, « L’inaliénabilité affectant les droits sociaux », article précité et les textes cités.
197
423 - La validité des clauses d’inaliénabilité, que ces dernières figurent dans les
statuts ou dans un pacte extra-statutaire, a pendant longtemps divisé la doctrine.
871
S. Prat, op. cit., n°278. Contra G. Parléani, op. cit., n°9 et B. Mercadal et Ph. Jannin, Sociétés
commerciales, 1991, n°2727, cité par S. Prat, op. cit., n°270.
872
M. Germain, op. cit., n°1616.
873
M. Germain, op. cit., n°1616.
874
Cl. Ferry, « Validité des clauses d’inaliénabilité portant sur des actions », JCP, éd. E., 2010, 1327, n°4.
Un arrêt est parfois cité à tort en la matière. En effet, si les statuts stipulaient bien, en l’espèce, une clause
d’inaliénabilité, force est de constater que la Cour de cassation ne s’est absolument pas prononcée sur la
validité de cette dernière (Cass. com. 16 avril 1984, Rev. sociétés, 1985, p. 411, note J. Mestre).
875
Art. L 227-13 C. com. Ces clauses sont également admises dans les statuts de sociétés européennes
n’offrant pas leurs titres au public (art. L229-11 C. com.).
876
Voir notamment S. Prat, op. cit., n°275 et J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires,
GLN Joly, 1995, n°16.
198
des actions, lequel apparaît, en tout état de cause, comme n’étant pas parfaitement
intangible877.
425 - S’agissant des pactes extra-statutaires, d’autre part, si l’on considérait que le
principe de libre négociabilité n’était pas absolu et qu’un actionnaire pouvait réduire
cette liberté, à tout le moins en dehors des statuts, et sous condition de conserver la
possibilité, à terme, de quitter la société, la validité de principe des clauses
d’inaliénabilité extra-statutaires se heurtait à une incertitude provenant du droit commun
des engagements d’inaliénabilité.
En effet, les clauses d’inaliénabilité sont réglementées dans le Code civil à l’article 900-
1, lequel valide les seules stipulations figurant dans les actes à titre gratuit, à condition
qu’elles soient temporaires et justifiées par un intérêt légitime et sérieux. Une fraction
significative de la doctrine878 généralisait toutefois cette réglementation aux clauses
d’inaliénabilité figurant dans les actes à titre onéreux, ainsi qu’il en était sous la
jurisprudence antérieure879 à la codification partielle effectuée par la loi du 3 juillet
1971880. Cette doctrine qui, au prétexte d’une maladresse du législateur, faisait prévaloir
l’esprit de la loi sur la lettre du texte, n’était pas porteuse, il faut le reconnaître d’une
grande certitude juridique.
Certains arrêts semblaient tout de même confirmer la portée générale de l’article 900-1
du Code civil en ce qu’ils appliquaient les deux conditions de validité énoncées par ce
texte aux engagements d’inaliénabilité stipulés dans des actes à titre onéreux881, et
portant même spécifiquement sur des actions de société882. Ainsi, la jurisprudence a-t-
elle reconnu la validité des engagements extra-statutaires d’inaliénabilité pris par une
société mère sur les actions de sa filiale au profit du tiers prêteur de cette même filiale883
ou financeur par crédit-bail884. Plus encore, la Cour d’appel de Poitiers a admis, dans
l’arrêt précité du 12 novembre 2002, la validité d’un pacte extra-statutaire prévoyant une
incessibilité temporaire des actions des adhérents au pacte885.
877
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°110.
878
Notamment, Ph. Simler, Les clauses d’inaliénabilité, D., 1971, comm. lég.416-4, n°22 et s.
879
Cour d’appel d’Alexandrie, 4 janvier 1927, RTD civ., 1927, p. 732 ; Cour d’appel d’Alexandrie, 17 février
ère
1927, RTD civ., 1928, p. 210 ; Trib. com. Seine, 14 mars 1951, Gaz. Pal., 1951, 1, 384 et Cass. 1 civ. 16
février 1953, Bull. civ. 1953, I, p. 57, n°61, invalidant la clause d’inali énabilité insérée dans une vente, au
motif qu'elle n'était pas limitée dans le temps.
880
Loi n°71-526 du 3 juillet 1971.
881
Cass. com. 2 juillet, 2002, LPA, 2002, n°215, p. 15, note P. Mousseron.
882
Cour d’appel de Paris 4 mai 1982, Gaz. Pal., 1983, 1 , p. 152, note A.P.S ; Cour d’appel de Versailles 17
juin 1999, RTD com., 1999, p. 900, obs. Y. Reinhard et Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, RJDA,
03/10, p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p. 21, précité.
883
Cour d’appel de Paris 4 mai 1982, précité.
884
Cour d’appel de Versailles 17 juin 1999, précité.
885
Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, précité.
199
426 - Cette validité est depuis confortée par la reconnaissance expresse de la portée
générale de l’article 900-1 du Code civil, opérée par la Cour de cassation dans un arrêt
du 31 octobre 2007889, dans un attendu de principe « qui semble rédigé pour la
postérité »890 comme suit : « dès lors qu'elle est limitée dans le temps et qu'elle est
justifiée par un intérêt sérieux et légitime, une clause d'inaliénabilité peut être stipulée
dans un acte à titre onéreux ». Cet arrêt a en effet suscité un véritable engouement de la
doctrine en faveur de la validité des clauses d’inaliénabilité891 que ces dernières figurent
dans des pactes extra-statutaires ou, avec plus de réserves, dans les statuts892 de
sociétés par actions893. Ainsi que le relève un auteur, « il faut en finir avec cette vieille
croyance, brandie comme une règle de droit, que des actions sont des biens
“particulièrement destinés à circuler [de sorte que l'on] peut a priori douter de la validité”
à leur égard des clauses d'inaliénabilité »894. Nous nous prononçons également en
faveur de la validité des clauses d’inaliénabilité, tant statutaires qu’extra-statutaires, dès
lors que certaines conditions, destinées à protéger l’actionnaire contre l’emprisonnement
dans la société, sont respectées. On pense, en premier lieu, à la condition de durée
limitée.
427 - Cette protection est assurée par le régime de droit commun de l’inaliénabilité,
dont l’application aux conventions organisant une inaliénabilité d’actions n’est pas sans
susciter de difficultés tenant à la spécificité de l’objet matériel sur lequel porte
l’engagement. Ces conditions de validité étant identiques pour les clauses
886
Notamment G. Parléani, op. cit., n°9 ; Ph. Merle, Droit commercial, Sociétés commerciales, Dalloz, 2007,
n°317.
887
Y. Guyon, op. cit., n°241 et R.-N. Schütz, Rép. civil Dalloz, voir Inaliénabilité, p. 12, n°67.
888
Voir notamment les décisions AMF n°206C0435 du 8 mar s 2006 ; n°207C0576 du 29 mars 2007 et
n°207C0658 du 12 avril 2007 et antérieurement, déci sions CMF n°201C0435 du 25 avril 2001, n°202C0590
du 24 mai 2002 et n°203C0223 du 13 février 2003.
889 ère
Cass. 1 civ. 31 octobre 2007, précité.
890 ère
R. Mortier, note précitée sous Cass. 1 civ. 31 octobre 2007.
891 ère
A. Couret, note précitée Cass. 1 civ. 31 octobre 2007 ; Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F.
ère
Lefebvre, 2009, n°18510 et 18661 ; R. Mortier, JCP, éd. N, 2007, p. 1064, note précitée sous Cass. 1 civ.
31 octobre 2007 et « Les nouveaux horizons de l’inaliénabilité en droit des groupements » article précité, J.-
F. Barbiéri, op. cit. et M. Germain, op. cit., n°1624 en matière de clause extra-statutaire (mai s opposé, en
revanche, à la validité des clauses d’inaliénabilité statutaires, op. cit., n°1616).
892
Contra, en matière de clauses d’inaliénabilité statutaires : M. Germain, op. cit., n°1616.
893
Précisons que les statuts des sociétés dont les actions sont négociées sur un marché réglementé ne
peuvent pas contenir de clause d’inaliénabilité en application de l’article 6605 des les Règles de marché
d’Euronext harmonisées (en ce sens, R. Mortier, op. cit.). S’agissant des actions offertes au public, voir Cl.
Ferry, « Validité des clauses d’inaliénabilité portant sur des actions », JCP, éd. E., 2010, 1327, n°7.
894
R. Mortier, op. cit., citant R.-N. Schütz, précité.
200
d’inaliénabilités statutaires comme pour les clauses d’inaliénabilité figurant dans les
pactes d’actionnaires, la forte dépendance de ces dernières au contrat de société se
manifeste par une appréciation très proche du respect de ces conditions en matière de
pactes extra-statutaires de celle qui devrait prévaloir pour les clauses d’inaliénabilité
statutaires et portant la marque de l’environnement sociétaire.
895
Cour d’appel d’Angers 29 juin 1842, D., 1842, 2, 218 ; Cass. civ. 20 avril 1858, DP, 1858, 1, 154 ; Cass.
req. 12 juillet 1865, DP, 1865, 1, 475 et tous les arrêts précités.
896 ère
Voir R. Mortier, note précitée sous Cass. 1 civ. 31 octobre 2007 et « Les nouveaux horizons de
l’inaliénabilité en droit des groupements » article précité, qualifiant de « libérale » la jurisprudence relative à
la validité des clauses d’inaliénabilité en droit commun.
897
En ce sens, déjà, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec,
1992, n°262 et 280 et s.
898
En ce sens, S. Prat, op. cit., n°267, citant J. Carbonnier, Droit civil, Tome III, Les biens, éd. PUF, coll.
ème
« Thémis », 12 éd., 1985, n°31.
899
Voir les références citées par S. Prat, op. cit., n°267.
900
Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, RJDA, 03/10, p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p. 21, précité.
901
Cour d’appel de Paris 4 mai 1982, Gaz. Pal., 1983, 1 , p. 152, note A.P.S, précité.
201
plus longues902. L’application de cette condition aux pactes d’actionnaires suscite donc
de réelles incertitudes903, d’autant plus que les clauses d’inaliénabilité expressément
admises par le législateur dans les sociétés par actions simplifiée (SAS) doivent être
limitées à dix ans904. Il serait surprenant que la durée acceptable des clauses
d’inaliénabilité portant sur les actions de sociétés anonymes, du moins lorsque ces
clauses figurent dans les statuts, soit moins contraignante que celle admise dans les
SAS, cela serait en effet contradictoire avec le caractère résolument plus souple du
régime de la SAS. Mais l’on peut remarquer que les clauses d’inaliénabilité statutaires
bénéficient dans les SAS de la sanction de la nullité, sanction qui n’est pas assurée en
dehors de cette hypothèse.
902
Pour une durée de 25 ans, voir décision CMF n°203C0 223 du 13 février 2003.
903
A. Couret et Th. Jacomet, « Les pièges des pactes d’actionnaires : questions récurrentes et
interrogations à partir de la jurisprudence récente », RJDA, 10/08, p. 951, n°23. Voir également la question
soulevée par R. Mortier de l’extension de la dispense de limitation de durée prévue par l’article 900-1 du
Code civil lorsque le débiteur de l’engagement d’inaliénabilité est une personne morale (JCP, éd. N, 2007,
ère
p. 1064, II. B, note précitée sous Cass. 1 civ. 31 octobre 2007). Un tel engagement serait alors résiliable
unilatéralement à tout moment (voir supra Partie I, Titre I, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B. et notamment A.
ème
Bénabent, Droit civil - Les obligations, Montchrestien, 11 éd., 2007, n°314).
904
Art. L 227-13 C. com.
905
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 1, Sect°1, § 1. A et Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
906
En ce sens, R. Mortier, selon lequel l’intérêt social devrait suffire à légitimer la clause, « Les nouveaux
horizons de l’inaliénabilité en droit des groupements », Dr. sociétés, 2008, repère n°1, article précité.
907
Cour d’appel de Poitiers 12 novembre 2002, RJDA, 03/10, p. 854 et Dr. sociétés, 2003, p. 21, précité.
ème
Voir également Cour d’appel de Paris 14 décembre 2004 n°03-21818, 3 ch. A, Vendrand c/ Gilliand,
ème
BRDA, 20/05, inf. 6 et Cour d’appel de Paris 18 octobre 2005, 04-4322, 3 ch. A, Hermann c/ Vileghe,
RJDA, 7/06, n°791, précités, supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect°1, § 2. A.
202
contrôle, est a priori plus douteuse, surtout dans le cadre d‘une clause d’inaliénabilité
statutaire908. Un auteur a pourtant soutenu, qu’en matière de pactes d’inaliénabilité
extra-statutaires, l’intérêt légitime sur lequel porte la condition de justification n’est pas
nécessairement l’intérêt social, tout en rappelant qu’un tel pacte demeure, en tout état
de cause, soumis à la condition générale de non-contrariété à l’intérêt social909. Mais il
nous semble que derrière les intérêts immédiats, autres que l’intérêt social, reconnus
comme légitimes par la doctrine et la jurisprudence, il est toujours possible de percevoir,
à plus ou moins longue échéance, la conformité à l’intérêt de la société. Ainsi, le
Professeur Daigre admet-il l’existence d’un intérêt légitime et sérieux justifiant les pactes
d’inaliénabilité contractés par les actionnaires dirigeants majoritaires au profit de
l’investisseur dans le cadre des opérations de capital-investissement, tenant au fort
intuitus personae qui marque ces opérations dans lesquelles la personne des dirigeants
est déterminante910. Derrière l’intérêt légitime de la société de capital-investissement,
c’est bien l’intérêt de la société qui est en cause, laquelle bénéficie d’une source de
financement indispensable à son bon fonctionnement. Il en est de même dans les
conventions extra-statutaires d’inaliénabilité conclues par une société mère au profit du
tiers prêteur de sa filiale, validées par la jurisprudence911, ces engagements visent en
effet à garantir le concours financier dont bénéficie une société du groupe.
433 - Les clauses d’options croisées ont pour objet d’organiser la séparation des
partenaires dans le cadre d’un groupement ayant perdu son homogénéité, ainsi que cela
peut notamment se produire entre les actionnaires d’une filiale commune912. Cette forme
de pacte implique, à la suite de la manifestation de son intention de vendre par l’un des
partenaires, l’obligation pour l’autre, alternativement, soit de réaliser l’acquisition au prix
proposé, soit, à défaut, de vendre ses propres titres au prix proposé par le partenaire
initiateur du déclenchement de la procédure, lequel est alors tenu de les lui acquérir.
L’application du pacte se déclenche ainsi par la seule volonté de l’un des partenaires,
celui qui propose de céder ses titres, et mène automatiquement à la sortie de l’un
d’entre eux, aux conditions proposées par l’initiateur de la procédure, mais au choix du
partenaire non initiateur.
Mais nous l’avons précisé, si ces pactes mettent formellement en place un mécanisme
de sortie forcée et aléatoire d’un partenaire, lorsque l’un d’entre eux propose de céder
ses titres, l’effet produit par ces pactes est, au contraire, de dissuader les partenaires
d’user de leur droit de céder leurs titres. Par leur caractère extrêmement risqué, ces
pactes ôtent en effet toute possibilité pour les partenaires de proposer, dans des
conditions de risque raisonnables, la vente de leurs titres, ils reviennent alors à
organiser une inaliénabilité.
912
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect°2, § 1. B.
204
434 - Il apparaît que les clauses d’options croisées constituent une double atteinte
au droit qu’a tout actionnaire, non seulement de rester dans la société, mais encore, de
ne pas être prisonnier de cette société. A ce titre, elles sont doublement susceptibles de
fragiliser l’intérêt commun913, fondement du contrat de société, et donc le bon
fonctionnement de la société et se situent nécessairement dans un rapport caractérisé
de forte dépendance au contrat de société.
Dès lors, cumulant les conditions de validité des pactes de cession forcée et celles des
pactes d’inaliénabilité, le régime des clauses d’options croisées est résolument
caractérisé par une emprise maximale de l’environnement sociétaire.
913
Sur le fondement de ces principes, voir respectivement, supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1 . A
et Sect° 2, propos introductifs et § 1. A.
914
Laquelle les a baptisées clauses put and call’. Il en est de mêmes des clauses d’offre alternative,
qualifiées de clauses buy or sell.
915
En ce sens, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°150.
916
La question se pose quasiment dans les mêmes termes s’agissant des clauses d’offre alternative.
917
Cass. com. 28 avril 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 136, H. Hovasse et RTD. civ., 2009, p. 525, note B.
Fages. Précisons que dans cet arrêt, le pacte est expressément qualifié par les partenaires de clause buy or
205
sell, qualification reprise par les juges. Il s’agit bien en l’espèce d’une clause d’options croisées, laquelle
constitue une variante de la clause d’offre alternative, traduction généralement retenue de la clause buy or
sell .
918
Sur la clause d’offre alternative stricto sensu et ce qui en différencie la variante des clauses d’options
croisées, voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. Sect° 2, § 1. B et S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au
transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°304.
919
T. com. Paris 17 octobre 2006, Bull. Joly, 2007, p. 72, note F.-X. Lucas, confirmé sur ce point par Cour
d’appel de Paris 15 décembre 2006, RDT com., 2007, p. 169, note P. Le Cannu, affaire SNCM, précités.
Pour un arrêt ne se prononçant par directement sur la nature d’une clause d’offre alternative mais en
ordonnant l’exécution forcée (voir Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001, affaire Banque de Vizille, Bull.
Joly, 2002, p. 509, note H. Le Nabasque ; Rev. sociétés, 2002, p. 89, commentaire Y. Guyon).
920
B. Fages, note précitée sous Cass. com. 28 avril 2009.
921
G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°39 ; Y. Guyon, Traité des contrats
ème
- Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°221 ; P.
Le Cannu, RTD com., 2007, p. 169, note précitée sous Cour d’appel de Paris 15 décembre 2006 et
Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18667. Contra, B. Fages, note précitée
sous Cass. com. 28 avril 2009, selon lequel ces clauses constituent « un mécanisme sui generis
difficilement réductible à la qualification de promesses unilatérales, fussent-elles croisées.
922
J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, 1995, n°124. Recourant
également à la notion d’offre en même temps qu’à celle de promesses croisées, G. Parléani, op. cit., n°39.
206
n’accepte pas cette offre, soit tenu de vendre ses propres titres au même prix, l’auteur
de l’offre de vente initiale étant alors tenu de les acheter. Cette approche rejoint celle
adoptée par un autre auteur selon lequel, les clauses d’options croisées, comme les
clauses d’offre alternative, sont constitutives d’une « promesse de contracter une
promesse »923, dont personne ne sait, au stade de la conclusion de cette dernière, si elle
portera sur une promesse de vente ou d’achat.
439 - Il nous semble, pour notre part, que les clauses d’options croisées924 mettent
en place un mécanisme bien plus contraignant pour les partenaires qu’une faculté
d’offrir un contrat, même si cette offre est encadrée à l’avance pour être dotée de
propriétés si particulières que l’on peut d’ailleurs se demander si elle conserve la nature
d’offre, ou même de « promesse de promesse de contrat ». Ce mécanisme doit aboutir
à la sortie forcée d’un partenaire dès lors que l’un d’entre eux manifeste son désir de
vendre ses titres925. Ces clauses induisent ainsi, pour chaque partenaire, deux
engagements, certes conditionnels, mais irrévocables, l’un de vendre, l’autre d’acquérir,
dans des circonstances qui peuvent être exprimées par un jeu de conditions
suspensives dont les propositions se complètent sans avoir jamais de dénominateur
commun, de telle sorte qu’ensemble ces engagements forment, pour chaque partenaire,
une promesse alternative de vendre ou d’acheter.
440 - Il semble, avant toute chose, que dans le cadre d’une clause d’options
croisées, chaque partenaire confère à l’autre un droit de préférence pour la vente de ses
actions (par exemple, A s’engage à proposer par priorité la vente de ses titres à B, si
jamais A souhaite vendre). Il est en effet exclu que les titres de l’un des partenaires
reviennent à un tiers au cas où les partenaires devraient se séparer.
Parallèlement, et on en vient au cœur du montage, chacun s’engage à acquérir les titres
de son partenaire, au prix qu’il a proposé pour ses propres titres [A s’engage à acheter
les titres de B, au prix proposé par A à B pour la vente des titres de A], sous la double
condition suspensive qu’il souhaite vendre ses titres mais que son partenaire ne
souhaite pas les lui acheter au prix proposé […sous la double condition suspensive que
A souhaite vendre ses titres mais que B ne souhaite pas les acheter à A au prix proposé
par A].
Et au surplus, chacun s’engage à vendre ses titres à son partenaire, au prix auquel ce
dernier lui a proposé ses propres titres [A s’engage à vendre ses titres à B, au prix
923
S. Prat, op. cit., n°304.
924
Et identiquement les clauses d’offre alternative.
925
Ou que l’événement prévu se réalise dans le cadre de la clause d’offre alternative.
207
proposé par B à A pour la vente des titres de B], sous la double condition suspensive
que son partenaire souhaite lui vendre ses titres audit prix mais que lui ne souhaite pas
les lui acheter au prix proposé […sous la double condition suspensive que B souhaite
vendre ses titres mais que A ne souhaite pas les acheter à B au prix proposé par B]926.
442 - Il est remarquable que dans ce montage, chacune des promesses réciproques
de vente et d’achat que les partenaires se consentent porte sur le même objet et est
soumise aux mêmes conditions927. En outre, les deux partenaires sont irrévocablement
engagés en cas de réalisation de la double condition suspensive. Aucun d’entre eux ne
bénéficie en effet d’une option, au mieux, le partenaire non initiateur de l’offre dispose
d’un choix entre acquérir ou vendre, mais tous deux sont tenus de contracter dans un
sens ou dans l’autre. Ces promesses réciproques constituent donc des promesses
synallagmatiques de vente et d’achat928, mais elles ne valent pas vente définitive dès
lors qu’elles sont conditionnelles929.
926
Un montage similaire pourrait être élaboré pour les clauses d’offre alternative. Chaque partenaire
s’engage à acquérir les titres de l’autre, sous la double condition suspensive que l’événement rendant
impossible la poursuite de la collaboration se réalise et qu’il ait proposé le prix le plus élevé. Parallèlement,
chacun s’engage à vendre ses titres à l’autre, sous la double condition suspensive que l’événement rendant
impossible la poursuite de la collaboration se réalise et qu’il ait proposé le prix le moins élevé.
927
Par exemple, en raisonnant dans le cas où A est à l’initiative de l’application du pacte : A a consenti à B
une promesse d’achat des titres de ce dernier, au prix qu’il a proposé pour la vente de ses propres titres, si
B ne souhaite pas les lui acheter. Parallèlement B a consenti à A une promesse de vente de ses titres, au
prix que ce dernier lui a proposé pour la vente de ses propres titres, pour le cas où il ne souhaiterait pas
acquérir les titres de ce dernier.
928
Une promesse synallagmatique organise la vente des titres de B à A et une deuxième celle des titres de
A à B. En ce sens également, S. Prat, op. cit., n°311.
929
Par application de l’article 1583 du Code civil. Signalons toutefois l’existence d’une jurisprudence
critiquable qualifiant les promesses croisées stipulées dans les mêmes termes de promesses
synallagmatiques de vente valant vente (Cass. com. 22 novembre 2005, JCP, éd. E, 2006, 1463, note A.
Constantin, confirmant Cass. com. 16 janvier 1990, RTD civ., 1990, p. 463, note J. Mestre). Voir également
208
444 - La validité des clauses d’options croisées, lesquelles prennent la forme d’un
jeu de promesses synallagmatiques de vente et d’achat conclues sous conditions
suspensives932, est encadrée par certaines conditions relevant non seulement du droit
commun des contrats mais aussi du droit spécial des sociétés, en raison de ce que ces
clauses organisent, formellement, la sortie forcée de l’un des partenaires tout en ayant
pour effet pratique de rendre ces derniers prisonniers de la société.
445 - Les conditions de validité des clauses d’options croisées tenant au droit
commun de la vente sous condition suspensive portent essentiellement sur le caractère
non arbitraire de la condition suspensive933 ainsi que sur la déterminabilité objective du
prix934. Ces deux conditions coïncident avec les conditions de validité des clauses
d’exclusion extra-statutaires935.
Cour d’appel de Versailles 9 octobre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 39, note P. Mousseron, très critiqué pour
avoir qualifié de promesses synallagmatiques de vente valant vente, des promesses unilatérales croisées
portant sur le même objet mais conclues à des conditions différentes, l’une d’entre elles étant en outre
conclue sous une condition suspensive.
930
Cass. com. 28 avril 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 136, H. Hovasse et RTD. civ., 2009, p. 525, note B.
Fages, précité.
931
Notamment Y. Guyon, op. cit., n°220.
932
Les droits de préférence consentis réciproquement par chacun des partenaires au profit de l’autre
constituent un élément du montage de la clause d’options croisées. Ils sont donc partie intégrante de ce
pacte caractérisé par une dépendance marquée au contrat de société mais leurs conditions de validité
propres n’en sont toutefois pas modifiées par rapport à celles qui encadrent la validité des pactes de
préférence indépendants (voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A. et Sect° 2).
933
Art. 1174 C civ.
934
Art. 1591 C. civ.
935
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chapitre 2, Sect°1, § 2. Il convient de respecter en outre, comme toujours, la
condition générale de non-contrariété à l’intérêt social.
209
936
En raisonnant, par exemple, sur la promesse synallagmatique conclue pour la vente des titres de B à A,
si A déclenche la procédure et que B n’exerce pas son droit de préférence :
er
A s’engage à acquérir les titres de B, si [1 élément de condition suspensive] il a proposé ses titres à B et
ème
[2 élément] B n’a pas souhaité les lui acquérir.
er
B s’engage à vendre ses titres à A, si [1 élément de condition suspensive] A lui a proposé de lui vendre
ème
ses titres et [2 élément] il n’a pas souhaité les lui acquérir.
937
En effet A s’est engagé à acquérir les titres de B sous le premier élément de condition suspensive de
vouloir céder propres titres. Symétriquement, pour le cas où B serait l’initiateur de la procédure, il s’est
engagé à acquérir les titres de A sous le premier élément de condition suspensive de vouloir céder propres
titres.
938
Art 1591 C. civ. et Cass. req. 7 janvier 1925, D. H., 1925. 57 ; Grands arrêts, par F. Terré et Y. Lequette,
1994, n°173.
210
ce dernier939. En effet, « compte tenu du risque qu’elle court de devoir acheter au prix
qu’elle fixe, elle [la partie qui prend l’initiative de l’offre] ne peut agir à sa guise ; elle est,
sauf attitude irraisonnée, contrainte de prendre en considération des éléments objectifs,
extérieurs à sa volonté »940. D’autres auteurs soutiennent, au contraire, que
l’indéterminabilité objective du prix au moment de la conclusion du pacte rend ce dernier
irrémédiablement nul et que, même à supposer que les partenaires aient prévu une
formule mathématique objective ou le recours à un tiers évaluateur pour déterminer le
prix, ce dernier n’est déterminable, au moment de la conclusion du pacte, que « par
référence à la volonté de celui qui, [… le moment venu] déclenche[ra] la procédure » 941.
Ils dénoncent notamment le danger que les clauses d’options croisées présentent au
regard de la fixation d’un prix systématiquement élevé, pour la vente de ses titres, par
l’initiateur du déclenchement de la procédure, de manière pour ce dernier, à contraindre
son partenaire à lui céder les siens942.
Mais nous maintenons qu’il n’y a pas d’arbitraire dans la clause d’options croisées dès
lors que ce pacte contient exclusivement des engagements symétriques et que
l’engagement pris par chaque partenaire n’a pas pour seule contrepartie le prix de vente
de ses titres mais, alternativement à ce prix, la propriété des titres de l’autre943. L’arrêt
précité de la Cour de cassation du 28 avril 2009944 offre une illustration du caractère
foncièrement aléatoire de la détermination du prix, tenant à l’impossibilité, pour
l’initiateur de la procédure, de se placer avec certitude dans une position soit de vendeur
soit d’acquéreur. En l’espèce, le pacte d’options croisées conclu entre le groupe
majoritaire et le groupe minoritaire au sein d’une société, prévoyait la possibilité pour
chaque partenaire de proposer d’acquérir les titres de l’autre à un certain prix, le
partenaire ainsi sollicité ayant la faculté alternative, soit de vendre ses titres au prix
proposé, soit d’acquérir celles de l’initiateur de la procédure au prix proposé par ce
dernier. Le groupe majoritaire, qui s’était entendu avec un tiers pour la vente de la
totalité des actions de la société moyennant un certain prix, avait alors actionné la
clause d’options croisées, en proposant au groupe minoritaire de racheter le reliquat de
939
En ce sens notamment, Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18667 et S.
Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°311. Egalement, en
matière de clauses d’offre alternative, P. Le Cannu, RTD com., 2007, p. 169, note précitée sous Cour
d’appel de Paris 15 décembre 2006.
940
Mémento Pratique Sociétés Commerciales, op. cit., n°18667.
941
H. Le Nabasque, P. Dunaud et P. Elsen, « Les clauses de sortie dans les pactes d’actionnaires », Dr.
sociétés, Actes prat. 10/1992, n°60 et s.
942
H. Le Nabasque, P. Dunaud et P. Elsen, op. cit.
943
« Chacun conserve son autonomie et son pouvoir de décision. Il est vrai que le prix de la transaction
résulte de la décision d’un seul, mais l’autre ne se trouve nullement à la merci de son partenaire pour
autant, car l’option dont il dispose lui permet non seulement de se soustraire à l’obligation de contracter à un
prix non choisi, mais encore, de retourner cette arme contre celui qui s’en est servi », S. Prat, op. cit., n°311.
944
Cass. com. 28 avril 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 136, H. Hovasse et RTD. civ., 2009, p. 525, note B.
Fages, précité.
211
titres détenus par ce dernier, à prix bon marché, de manière à réaliser une bonne affaire
sur la revente de ce reliquat en bloc avec ses propres titres au profit du tiers. Mais ce
prix était tellement bas que les minoritaires en ont profité pour choisir l’autre branche de
l’alternative offerte par le pacte et acquérir les titres composant le bloc majoritaire. La
détermination du prix par l’initiateur de la procédure présente donc un caractère
résolument aléatoire, la pratique le confirme.
Ce même aléa conduit, au regard du régime des clauses d’exclusion, à écarter
l’arbitraire dans la détermination du prix dû par le partenaire bénéficiaire de la cession
forcée.
448 - Les clauses d’options croisées nous semblent donc remplir les conditions de
validité tenant au droit commun de la vente, lesquelles se confondent sensiblement,
dans le cadre de ce type de pacte, avec les conditions de validité des clauses
d’exclusion prenant la forme de promesses unilatérales de cession forcée945. Les
clauses d’options croisées sont en outre soumises, en raison de leur effet pratique, aux
conditions encadrant la validité des pactes d’inaliénabilité.
945
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chapitre 2, Sect° 1, § 2. Rappelons qu’il convient de respecter, en outre, la
condition générale de non-contrariété à l’intérêt social
946
Contre cette application, voir notamment S. Prat, op. cit., n°291.
947
Par application de l’article 1156 du Code civil, lequel énonce que l’« on doit dans les conventions
rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s’arrêter au sens
littéral des termes ».
948
Cour d’appel de Besançon 27 avril 1950, inédit, cassé sur un autre point par Cass. civ. 7 mai 1957, Bull.
civ. I, n°205, cité par S. Prat, op. cit., n°292.
212
Conclusion du Chapitre 2
450 - Les pactes qui aménagent la perte de la qualité d’actionnaire d’un partenaire,
en forçant ce dernier à quitter la société ou, au contraire, en le maintenant de force dans
la société, affectent la structure ainsi que le fondement-même de la société, la poursuite
de l’intérêt commun étant menacée en premier chef. Ils se situent, à ce titre, dans un fort
degré de dépendance au contrat de société et subissent alors l’emprise des principes de
l’ordre public sociétaire destinés à protéger les actionnaires, notamment l’intérêt
commun de ces derniers, et considérés comme des droits fondamentaux et propres de
chaque actionnaire.
451 - En premier lieu, les pactes qui organisent l’exclusion d’un partenaire
méconnaissent le droit qu’a tout actionnaire de rester dans la société. Mais ce droit n’est
pas absolu, il peut être aménagé par son titulaire. La jurisprudence admet en effet la
validité dans le principe, encadrée par des conditions strictes, des clauses d’exclusion
statutaires, tandis qu’elle reconnaît, au regard de la probable appartenance des clauses
d’exclusion au domaine réservé des statuts, la spécificité des pactes extra-statutaires,
qui organisent, au moyen d’une promesse unilatérale de cession conclue sous condition
suspensive, la sortie forcée d’un actionnaire, à la demande d’un autre, dans certaines
949
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1 . B.
950
En ce sens, S. Prat, op. cit., n°267, citant J. Carbonnier, Droit civil, Tome III, Les biens, éd. PUF, coll.
ème
« Thémis », 12 éd., 1985, n°31.
951
En ce sens également, voir G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, n°9, et la
er
jurisprudence citée, notamment Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider-Marine-Firminy, Rev.
sociétés, 1974, p 685, note B. Oppetit, précité.
213
452 - Par ailleurs, les pactes qui organisent le maintien forcé d’un actionnaire dans la
société, au moyen d’une clause d’inaliénabilité ou d’une clause d’options croisées,
portent atteinte au droit fondamental qu’a tout actionnaire de ne pas demeurer prisonnier
de ses titres. Pour cerner les contours de ce droit fondamental, il convient de rechercher
le fondement de son corollaire, le principe de libre négociabilité des actions, lequel
réside, nous semble-t-il, dans la contrepartie que la libre négociabilité des actions
apporte au principe majoritaire. Le principe de libre négociabilité des actions, quoique
d’ordre public, n’étant pas absolu, la doctrine reconnaît depuis peu la validité des
conventions, statutaires ou extra-statutaires, par lesquelles un actionnaire aménage son
droit de céder ses titres dès lors qu’il ne se rend pas totalement prisonnier de la société.
Les pactes d’inaliénabilité ont ainsi les faveurs de la doctrine, laquelle les valide sous
réserve de respecter certaines conditions destinées à protéger l’actionnaire, en
l’occurrence les conditions de limitation dans le temps et de motivation par un intérêt
légitime et sérieux tenant au droit commun des engagements d’inaliénabilité, dont la
jurisprudence a confirmé il y a peu l’application dans le cadre des conventions à titre
onéreux. De même, une Cour d’appel a implicitement admis la validité d’un pacte extra-
statutaire prévoyant l’incessibilité temporaire des actions en vue de consolider une
opération de restructuration de la société. L’application de ces conditions, pour
lesquelles la jurisprudence fait déjà preuve d’une grande casuistique en droit commun,
aux engagements statutaires et extra-statutaires d’inaliénabilité n’est pas sans susciter
certaines incertitudes tant au regard de l’appréciation de la durée acceptable que de
celle de l’intérêt légitime et sérieux. S’il n’est pas certain que cet intérêt se confonde
214
avec l’intérêt social, quelle que soit l’acception que l’on retienne de la notion, le pacte
d’inaliénabilité ne peut, en tout état de cause, méconnaître la condition générale de non-
contrariété à l’intérêt social. Le régime des pactes d’inaliénabilité, s’il découle du droit
commun, subit ainsi une forte influence de l’environnement sociétaire, conformément au
degré marqué de la dépendance au contrat de société de ces pactes.
Quant aux clauses américaines ou d’options croisées, qui organisent l’exclusion forcée
de l’un des actionnaires, à la suite de la proposition de cession de ses titres par l’un
d’entre eux, dans des conditions financières tellement risquées que ces pactes
conduisent en pratique à l’inaliénabilité des titres, ce n’est qu’après avoir surmonté le
difficile obstacle tenant à l’intégration dans le système français des mécanismes
aléatoires et alternatifs sur lesquels ils reposent que ressort l’emprise maximale de
l’environnement sociétaire sur leur régime. Leur fort degré de dépendance au contrat de
société se manifeste en effet par l’application cumulée des conditions de validité des
pactes d’exclusion et d’inaliénabilité.
Conclusion du Titre 1
453 - Les pactes caractérisés par une dépendance marquée au contrat de société,
tenant à ce qu’ils portent sur l’exercice du pouvoir au sein de la société ou aménagent la
perte de la qualité d’actionnaire des partenaires, subissent une forte emprise des
principes de l’ordre public sociétaire destinés à protéger les droits propres des
actionnaires, à préserver le fondement de la participation de ces derniers dans la société
ainsi qu’à asseoir les règles gouvernant le fonctionnement des organes sociaux et sont,
en outre, encadrés par la condition générale de conformité, ou tout au moins, de non-
contrariété à l’intérêt social.
454 - La plupart de ces principes ne sont pas absolus, ainsi en est-il, nous l’avons
dit, du droit de vote, du droit de rester dans la société, ou encore du principe de libre
négociabilité des actions. C’est précisément le caractère non absolu de ces principes,
lesquels sont reconnus comme constitutifs de droits propres de l’actionnaire, qui permet
de valider l’aménagement de ces droits par leur titulaire, dans le cadre de pactes
d’actionnaires tout autant que, pour la plupart d’entre eux, dans les statuts.
Les pactes extra-statutaires qui aménagent l’exercice du droit de vote, organisent
l’exclusion, entendue au sens large, ou l’inaliénabilité temporaire des titres d’un
actionnaire sont donc validés par la doctrine, dans le principe, et, au moins
implicitement, par la jurisprudence. Cette validité de principe est encadrée par des
215
conditions qui sont appréciées de manière plus ou moins bien établie en jurisprudence.
La condition relative à la conformité à l’intérêt social, à laquelle il convient, semble-t-il,
de substituer celle moins rigoureuse de la non-contrariété à l’intérêt social, est encore
une fois la plus délicate à appréhender en raison du caractère flou de la notion d’intérêt
social.
457 - Les pactes qui aménagent les cessions ou les acquisitions d’actions, autres
que ceux qui visent à exclure un actionnaire ou, au contraire, à emprisonner un
actionnaire dans la société, sont plus éloignés du fonctionnement952 de la société
anonyme et, dès lors, préservent davantage les fondements sur lesquels repose le
contrat de société. Si de tels pactes se situent, par essence, ainsi que nous en avons
justifié953, dans une forme de rapport d’accessoire à principal au regard du contrat de
société, l’intensité de cette dépendance au contrat de société est plus modérée en
comparaison de celle qui caractérise les pactes interférant directement avec le
fonctionnement, la structure et le fondement-même de la société en ce qu’ils aménagent
l’exercice du droit de vote ou la perte de la qualité d’actionnaire.
Les pactes d’actionnaires qui présentent une dépendance modérée au contrat de
société sont ainsi, au sein de la grande diversité de pactes auxquels la pratique a
recours, en plus grand nombre. Ils constituent, en quelque sorte, la catégorie résiduelle
de l’ensemble des pactes présentés dans cette étude, une fois que ceux interférant
directement dans le fonctionnement de la société ont été retirés.
458 - Si ces pactes caractérisés par une dépendance modérée au contrat de société
bénéficient d’une certaine liberté au regard de l’ordre public sociétaire, le cadre
sociétaire est néanmoins présent en toile de fond chaque fois qu’il convient de préserver
la libre négociabilité des actions. Il est en outre possible que l’ordre public sociétaire
retrouve une partie de son emprise pour encadrer les pactes qui contreviennent à deux
règles, dont le domaine d’application n’est pas bien délimité en droit positif, celle de la
prohibition des clauses léonines, énoncée à l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil, d’une
part, et celle prévoyant l’intervention impérative d’un expert, en cas de désaccord sur le
prix dans des cessions de droits sociaux, énoncée à l’article 1843-4 du Code civil,
d’autre part.
952
Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés,
ème
LGDJ, 5 éd., 2002, n°198.
953
Voir supra, Partie I, Titre 2, spé. Chap. 1, Sect° 2.
218
largement émancipé de l’ordre public sociétaire954, et donc plus souple, que celui des
pactes qui aménagent l’exercice du droit de vote ou la perte de la qualité d’actionnaire.
C’est ce que nous allons éprouver en distinguant, au sein du régime des pactes
caractérisés par une dépendance modérée au contrat de société, l’influence du principe
de libre négociabilité des actions (Chapitre 1) de celle, plus incertaine, des règles
relatives à la prohibition des clauses léonines et à l’expertise de l’article 1843-4 du Code
civil (Chapitre 2).
460 - Le principe de libre négociabilité des actions compte parmi les principes
généraux non écrits de l’ordre public sociétaire955. S’il a pour corollaire le droit absolu
pour tout actionnaire de ne pas être prisonnier de ses titres et implique, dès lors, qu’un
actionnaire doit toujours avoir la possibilité de sortir de la société en cédant ses
actions956, la jurisprudence n’en a jamais précisé le contenu ni la portée, au regard
notamment de la marge de liberté dont bénéficie l’actionnaire dans le choix de la
personne de son cessionnaire ou dans la détermination des conditions financières de la
cession.
461 - Dans l’optique de cerner l’influence de ce principe sur le régime des pactes
caractérisés par une dépendance modérée au contrat de société, il convient de
circonscrire le domaine de la libre négociabilité. Ce principe vise, selon nous, les seuls
pactes organisant une cession d’actions stricto sensu. Il nous semble en effet que les
pactes qui encadrent la liberté pour certains actionnaires d’acquérir des actions ne sont
pas concernés par la libre négociabilité, leur validité serait alors acquise au regard de ce
principe.
954
En ce sens, Y. Guyon, op. cit, n°198 et G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur
le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés, éd. L’Harmattan, 2008, n°361.
955
Notons que ce principe est implicitement visé à l’art. R. 224-2 C. com. selon lequel, les statuts doivent
mentionner les conditions auxquelles est soumis l’agrément « en cas de restriction à la libre négociation ou
cession des actions ».
956
Cass. com. 22 octobre 1969, Rev. sociétés, 1970, p. 288 et JCP, éd G, 1970.II.n°16197, note J.
Paillusseau.
219
462 - De plus, lorsqu’il est bien en cause, le principe de libre négociabilité des
actions n’est pas absolu ainsi qu’en témoigne la reconnaissance de la validité, sous
conditions, des clauses d’inaliénabilité957.
Dans la mesure où les pactes d’inaliénabilité sont valables, sous réserve qu’ils soient
limités dans le temps et justifiés par un motif légitime et sérieux, a fortiori doivent être
reconnus valables, dans le principe, les pactes ne faisant que restreindre la libre
négociabilité des actions. A ce titre, la loi autorise expressément, sous certaines
conditions, la stipulation dans les statuts de clauses subordonnant la cession d’actions à
l’agrément du cessionnaire, lesquelles sont applicables aux cessions entre
958 959
actionnaires depuis l’ordonnance du 24 juin 2004 .
Mais dans le prolongement de l’encadrement de la validité des pactes d’inaliénabilité, au
regard du droit pour tout actionnaire de ne pas être prisonnier de ses titres, la validité
des pactes ne faisant que restreindre la libre négociabilité des actions ne nous paraît
admissible que pour autant que ces restrictions n’ont pas pour effet de supprimer,
matériellement, toute possibilité de réalisation de la cession, à des conditions
suffisamment satisfaisantes pour que le débiteur du pacte ne se retrouve pas, en
pratique, en situation de toujours préférer renoncer à la cession. C’est en effet en ce
sens que la jurisprudence valide les pactes par lesquels, un actionnaire réduit au profit
d’un autre son droit de céder sans entrave ses actions, sous réserve que les modalités
de mise en œuvre du pacte préservent un minimum les conditions matérielles
nécessaires à la réalisation de la cession ainsi que le caractère satisfactoire de la
contrepartie que le partenaire débiteur retire de la cession.
463 - Ainsi, si la validité des pactes caractérisés par une dépendance modérée au
contrat de société est reconnue dans le principe, au regard de la restriction
éventuellement apportée à la libre négociabilité des actions (Section 1), cette validité est
encadrée par certaines conditions, relativement souples, lesquelles entourent la mise en
œuvre des pactes qui restreignent effectivement la libre négociabilité des actions
(Section 2).
957
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1 .
958
Art. L 228-23 et s. C. com.
959
Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réfo rme du régime des valeurs mobilières émises par
les sociétés commerciales, précitée.
220
465 - Certains pactes dont l’objet est de contrôler la composition du capital social ne
constituent pas pour autant, selon nous, une atteinte au principe de libre négociabilité
des actions. Ce sont les pactes qui grèvent non pas la liberté de céder mais celle
d’acquérir des actions.
Ces pactes emportent pour leur débiteur une restriction plus ou moins importante à la
liberté d’acquérir, laquelle va de l’interdiction d’acquérir, par des pactes de non-
agression (A), à l’engagement d’acquérir dans certaines conditions prédéterminées,
contracté sous la forme d’une promesse unilatérale d’achat organisant pour le partenaire
qui en est bénéficiaire une faculté de retrait de la société (B).
466 - Les pactes de non-agression emportent pour leur débiteur l’interdiction pure et
simple d’acquérir de nouveaux titres. Ils sont plus fréquemment consentis sous une
variante moins stricte, celle du pacte de plafonnement, lequel interdit au débiteur de
porter sa participation au-delà d’un seuil significatif prédéfini.
221
468 - Par deux arrêts, la jurisprudence a eu l’occasion de valider les pactes de non-
agression965 mais elle n’en a jamais énoncé clairement les conditions de validité.
Dans la mesure où ces pactes ne portent pas atteinte, dans leur principe même, à
l’ordre public sociétaire, il nous semble que ces derniers subissent une influence très
faible de l’environnement sociétaire, laquelle est réduite, comme pour tout pacte, à la
condition de non-contrariété à l’intérêt social966.
L’application de cette seule condition, dont le respect est toujours difficile à apprécier en
raison du caractère flou de la notion d’intérêt social967, est significative de la faible
intensité du rapport de dépendance dans lequel se placent les pactes de non-agression
au regard du contrat de société. Un auteur précise, au titre du respect de cette condition,
qu’il serait très contestable de soutenir qu’un pacte de non-agression contrarie l’intérêt
960
En ce sens notamment, G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°13 et R.
Cannard, « Les pactes visant à prendre et/ou conserver le pouvoir dans les sociétés anonymes, non
cotées » in Dossier « Les pactes extra-statutaires », JCP - Cah. dr. entr. 1/1992, I. 3, p. 5.
961
D. Bastian, note sous Cour d’appel de Paris 24 novembre 1954, JCP, éd. G, 1955.II.8448.
962
« Pendant la durée de la souscription, ce droit est négociable lorsqu’il est détaché d’actions elles-mêmes
négociables. Dans le cas contraire [s’il a pour objet des actions soumises à une clause d’agrément], il est
cessible dans les mêmes conditions que l’action elle-même. » (art. L 225-132 al. 3 C. com).
963
L 225-135 C. com.
964
L 225-138 C. com.
965 er
Trib. com. Paris 1 août 1974, affaire Schneider-Marine-Firminy, Rev. sociétés, 1974, p 685, note B.
Oppetit, précité, validant le pacte par lequel deux sociétés actionnaires d’une filiale commune s’étaient
mutuellement interdites de prendre une participation dans le capital l’une de l’autre. Voir également Cour
d’appel de Montpellier 17 décembre 1992, Bull. Joly, 1993, p. 649, note P. Le Cannu, selon lequel, à défaut
de stipulation expresse, le pacte de non-agression n’interdit pas à son débiteur d’augmenter sa participation
de manière indirecte en effectuant des acquisitions à travers une société qu’il contrôle.
966
Egalement en ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°241.
967
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2 . A.
222
social alors même que, par nature, un tel pacte vise à protéger la société contre toute
agression interne par un partenaire968.
469 - Sous cette réserve de ne pas contrarier l’intérêt social, les relations qui lient les
partenaires à un pacte de non-agression ou de plafonnement sont donc exclusivement
soumises aux règles générales du droit des obligations969. Mais la doctrine est divisée
quant aux conditions de droit commun par lesquelles il convient d’encadrer la validité de
ces engagements. Certains auteurs970 soutiennent que les pactes de non-agression
constituent une entrave à la libre circulation des richesses et doivent, à ce titre,
respecter les mêmes conditions de validité que celles qui encadrent les clauses
d’inaliénabilité, tenant au caractère temporaire de l’engagement et à la justification par
un intérêt légitime et sérieux971. Nous nous prononçons, pour notre part, à l’instar
d’autres auteurs972, contre l’élévation des critères relatifs à la limitation dans le temps973
et à la justification par un intérêt légitime et sérieux en conditions de validité des pactes
de non-agression. Remarquons par ailleurs que l’applicabilité de la condition de durée
limitée à ces pactes reste largement théorique dans la mesure où ces derniers sont
toujours conclus pour une telle durée, faute de quoi, en pratique, ils présenteraient le
lourd inconvénient d’être résiliables unilatéralement974.
471 - Les pactes par lesquels un actionnaire s’engage irrévocablement à acquérir les
actions d’un autre, à première demande de ce dernier ou sous condition suspensive,
restreignent considérablement la liberté d’acquérir du débiteur.
968
S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°347.
969
G. Parléani, op. cit., n°13 ; Y. Guyon, op. cit., n°243 et Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°3280.
970
En ce sens, Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18662.
971
Voir supra, Patie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B.
972
G. Parléani, op. cit., n°13 et Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°3280.
973
En faveur de l’encadrement de la validité des pactes de non-agression par la condition de durée limitée,
sans en préciser toutefois le fondement, voir Y. Guyon, op. cit, n°241.
974
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B. et notamment, A. Bénabent, Les contrats spéciaux
ème
civils et commerciaux, Montchrestien, 8 éd., 2008, n°146.
223
Mais il résulte des développements qui précèdent que cette liberté d’acquérir, laquelle
relève de la liberté contractuelle et peut, sur ce même fondement, être réduite par et de
la seule volonté de son titulaire, n’est pas protégée par le principe de l’ordre public
sociétaire relatif à la libre négociabilité des actions.
472 - L’on pourrait se demander si l’engagement pris par une personne d’acquérir
des actions n’est pas plus contraignant pour cette dernière que celui de ne pas en
acquérir, et si, plus fondamentalement, un tel engagement ne constitue pas une menace
pour la société au regard de la nécessaire poursuite d’un intérêt commun. Toutefois,
dans la mesure où le débiteur de l’engagement est d’ores et déjà actionnaire de la
société et donne librement, lors de la conclusion de la promesse, son consentement
définitif à l’acquisition d’actions supplémentaires, l’intérêt commun n’est pas menacé. En
effet, au moment où le bénéficiaire lève son option de vente, le cas échéant, soit le
partenaire débiteur est d’ores et déjà soumis, en sa qualité d’actionnaire en place, à la
poursuite de l’intérêt commun975, soit il n’y est plus soumis, par ce qu’il a préféré quitter
la société976, auquel cas la promesse unilatérale d’achat est caduque977 et la levée
d’option par le bénéficiaire inefficace.
474 - Si la validité de ces pactes, dans leur principe même, ne fait aucun doute,
l’encadrement de cette validité par des conditions autres que celles de droit commun et
spécifiquement destinées à limiter la restriction apportée à la liberté d’acquérir est
incertain. Il faut notamment se garder de voir dans la référence, faite par l’arrêt précité,
au caractère limité de la durée du pacte, une condition générale de validité des
975
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 1, Sect° 1, § 1. A.
976
Dans les conditions éventuellement posées par d’autres dispositions extra-statutaires venant restreindre,
le cas échéant, parallèlement à l’engagement de non-agression, la liberté pour l’actionnaire de céder ses
actions.
977
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B.
978
Cour d’appel de Paris 10 décembre 1998, Bull. Joly, 1999, p. 482, note J.-J. Daigre ; Cour d’appel de
Versailles 14 octobre 2004, RJDA, 5/05, n°574 ; Cass. com. 16 novembre 2004 et Cass . com. 22 février
2005, Gontard c/ M. Jean Papelier, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque et Cass. com. 27
septembre 2005, affaire BSA Bourguoin, Bull. Joly, 2006, n°1, p. 92, note A. Couret.
979 ère
Cass. 1 civ. 15 mai 2008, Bull. Joly, 2009, p. 40, note P. Le Cannu.
224
475 - Les pactes de retrait ne constituant pas une limitation au principe de libre
négociabilité des actions, ce sont des conditions tirées d’autres considérations tenant à
l’environnement sociétaire qui encadrent la validité de ces pactes et sont significatives
d’une dépendance de ces derniers au contrat de société.
Ainsi, ces pactes doivent-ils respecter la condition générale de non-contrariété à l’intérêt
social, avec les incertitudes qui lui sont inhérentes982, et les clauses de prix qu’ils
stipulent pourraient-elles être soumises, à l’application impérative de la prohibition des
pactes léonins, nous l’avons dit, ou encore de l’expertise de l’article 1843-4 du Code
civil, dont nous verrons qu’elles constituent deux règles de l’ordre public sociétaire en
perte de vitesse983. En ce sens, le régime des pactes de retrait est caractéristique du
degré modéré de leur dépendance au contrat de société.
476 - Il convient d’ajouter une condition particulière de validité, plus proche cette fois
du fonctionnement de la société anonyme, mais qui n’ôte rien au caractère modéré de la
dépendance au contrat de société des pactes de retrait. Elle est applicable
spécifiquement aux pactes conclus au profit d’un partenaire titulaire d’un mandat social
au titre duquel ce dernier se trouve être soumis à la révocabilité ad nutum.
Certains pactes de retrait visent en effet à organiser, au profit d’un actionnaire dirigeant,
le rachat, à des conditions préférentielles, des actions détenues par ce dernier lors de la
cessation de ses fonctions. De tels engagements sont notamment souscrits, dans le
980
Sur cette question, voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 2.
981
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. B. et notamment, A. Bénabent, Les contrats spéciaux
ème
civils et commerciaux, Montchrestien, 8 éd., 2008, n°146.
982
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 2 . A.
983
Voir infra, Titre 2, Chap. 2.
225
cadre des cessions de contrôle échelonnées dans le temps, par le cessionnaire devenu
majoritaire, sous la forme d’une promesse unilatérale d’achat des actions qui demeurent
la propriété du cédant ayant conservé une fonction de direction au sein de la société,
pour le cas de révocation de ce dernier. Ces pactes de retrait ne doivent pas contrevenir
au principe, dont nous avons vu qu’il est d’ordre public absolu, de la révocabilité ad
nutum de certains dirigeants dans les sociétés anonymes984. A ce titre, les conditions de
rachat qu’ils stipulent ne doivent pas être trop contraignantes au regard des moyens
financiers du partenaire débiteur, faute de quoi le pacte aurait pour effet, en pratique, de
dissuader ce dernier d’exercer le droit dont il dispose de révoquer librement le dirigeant.
La jurisprudence réalise une appréciation pragmatique et indulgente du respect de cette
condition, laquelle n’est pas dénuée d’une certaine casuistique, en sanctionnant les
seuls engagements qui sont de nature à exclure toute décision de révocation de la part
du partenaire débiteur, lorsque ce dernier est majoritaire dans la société985. Ainsi en
était-il, selon une Cour d’appel, du protocole prévoyant le rachat des actions détenues
par le président du conseil d’administration, pour un prix égal au double de leur valeur
vénale, en cas de révocation de ce dernier986.
477 - Les pactes d’actionnaires qui se contentent de restreindre la liberté qu’a leur
débiteur d’acquérir des actions, valables dans le principe au nom de la liberté
contractuelle, sont soumis à un régime faiblement influencé par l’environnement
sociétaire, ce qui est significatif de leur dépendance modérée au contrat de société.
Il est en revanche moins évident d’affirmer la validité, dans le principe même, des autres
pactes caractérisés par une dépendance modérée au contrat de société dès lors que
ces derniers restreignent la libre négociabilité des actions.
478 - Les pactes d’actionnaires, les plus courants en pratique, qui visent à contrôler
la géographie du capital et reposent sur les deux figures « archétypes des avant-
contrats »987 de droit commun que sont le pacte de préférence et la promesse unilatérale
de vente sous condition, restreignent plus ou moins fortement la liberté de négocier
leurs actions dont disposent les partenaires qui en sont débiteurs.
984
Sur lequel, voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1. B.
985
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 1, Sect° 2, § 1 . B.
986
Cour d’appel de Versailles 11 juillet 1991, Bull. Joly, 1991, p. 1008, note P. Le Cannu.
987 ème
Ph. Malaurie, L. Aynès et P.-Y. Gautier, Droit civil - Les contrats spéciaux, Defrénois, 4 éd., 2009,
n°109, à propos de la promesse de vente.
226
Ces pactes organisent en effet pour l’avenir les modalités de cession de leurs titres par
les débiteurs soit en limitant, avant tout projet de cession, le choix de la personne du
cessionnaire, soit en emportant pour le débiteur l’engagement irrévocable de transférer
la propriété des actions à un bénéficiaire déterminé et selon des modalités prédéfinies.
479 - Le principe de libre négociabilité des actions n’étant pas absolu, il ne fait pas
obstacle, nous l’avons dit, à ce qu’un actionnaire s’engage envers un autre, sous
certaines conditions, à ne pas céder ses actions988. Plus encore, le législateur a lui-
même autorisé, par la loi du 24 juillet 1966, entérinant alors la jurisprudence antérieure,
la restriction apportée à la libre négociabilité des actions par l’insertion, dans les statuts,
de clauses subordonnant les cessions d’actions au profit d’un tiers à l’agrément de la
personne du cessionnaire par un organe social. Et depuis, l’ordonnance précitée du 24
juin 2004989 est venue élargir le domaine d’application de cette dérogation aux cessions
entre actionnaires990.
988
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2.
989
Ordonnance n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réfo rme du régime des valeurs mobilières émises par
les sociétés commerciales, précitée.
990
Art. L 228-23 et s. C. com.
991
La liberté de céder du promettant est d’autant plus préservée que, selon une position critiquée de la
jurisprudence mais néanmoins maintenue, ce dernier est libre de se rétracter avant la levée d’option
ème
moyennant le seul versement de dommages et intérêts (Civ. 3 15 décembre 1993, Defrénois, 1994,
n°35845, obs. Ph. Delebecque, JCP, éd. N, 1995.II.31, note D. Mazeaud, et D., 1995, p. 87, obs. L. Aynès.
ème
Et encore dernièrement, voir Cass. 3 civ. 27 mars 2008, RDC, 2008, p. 734, note D. Mazeaud et G. Pillet,
JCP, éd. N, 2008, p.1299).
992
En effet, dans le cadre de la promesse unilatérale de vente sous condition, une fois la condition
suspensive réalisée, le principe de l’engagement de cession du débiteur est acquis selon les modalités
prédéterminées auxquelles il a consenti, reste seulement à attendre que le bénéficiaire lève l’option.
227
481 - Ainsi, la validité de principe des pactes anti-dilution, clauses d’offre alternative
et d’entraînement, tous conclus sous forme de promesses unilatérales de vente sous
condition suspensive, peut-elle être affirmée sans réserves, au regard du principe de
libre négociabilité des actions (A), tandis que celle des pactes de préemption et
d’agrément extra-statutaires, ne peut se concevoir, au regard de ce même principe (B),
sans être parachevée par une analyse des conditions par lesquelles il convient
d’encadrer la mise en œuvre de ces pactes afin de préserver la possibilité pour
l’actionnaire qui en est débiteur de céder ses actions993.
482 - Dans le cadre des pactes assurant une garantie contre la dilution de la
participation d’un actionnaire, la séparation des partenaires par une faculté alternative
de vente ou d’achat ou encore, l’entraînement vers la sortie d’un actionnaire dans le
cadre d’une cession devant porter sur la totalité du capital de la société994, le débiteur du
pacte s’engage irrévocablement à céder ses actions, selon des modalités
prédéterminées, sous la condition suspensive de la réalisation des évènements justifiant
précisément un tel engagement pour permettre au pacte de remplir sa finalité.
Ainsi, afin de maintenir constant le taux de participation d’un actionnaire, le partenaire
débiteur d’un pacte anti-dilution s’engage-t-il à céder au bénéficiaire le complément de
titres nécessaire sous la condition suspensive de la réalisation d’une opération en
capital par la société. De même, dans le cadre des clauses d’offre alternative, qui
organisent une rupture de partenariat sous la forme d’une faculté alternative et aléatoire
993
Voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2.
994
Sur les pactes anti-dilution, les clauses d’offre alternative et les clauses d’entraînement, voir supra, Partie
I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
228
d’achat ou, à défaut, de vente, chaque partenaire s’engage à vendre ses titres à l’autre,
sous la double condition suspensive que l’événement rendant impossible la poursuite de
la collaboration se réalise et qu’il ait proposé le prix le moins élevé995. Enfin, par une
clause extra-statutaire d’entraînement, le débiteur du pacte s’engage à céder ses
actions à son partenaire, avec faculté de substitution au bénéfice du cessionnaire des
propres actions de ce dernier, sous la condition suspensive que le bénéficiaire souhaite
quitter la société et céder ses actions à un tiers qui subordonne la réalisation de ladite
cession à la cession d’actions supplémentaires.
484 - Ces pactes sont ainsi validés, en droit positif, par la jurisprudence, et par la
doctrine en l’état d’un vide jurisprudentiel en matière de pactes anti-dilution, dans leur
principe-même, sur le fondement de la liberté contractuelle, conformément au droit
commun de la promesse de vente.
995
Parallèlement, chaque partenaire s’engage à acquérir les titres de l’autre, sous la double condition
suspensive que l’événement rendant impossible la poursuite de la collaboration se réalise et qu’il ait
proposé le prix le plus élevé. Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 2. A, note de bas de pa ge
n°926.
996
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 1 . B.
229
S’agissant tout d’abord des pactes anti-dilution, aucune décision de jurisprudence n’a à
ce jour et à notre connaissance expressément validé un tel pacte. Cela n’empêche pas
une fraction significative de la doctrine, que nous rejoignons, de se prononcer en faveur
de la validité de principe de ces pactes997, lesquels répondent à une finalité parfaitement
légitime, et sont, par ailleurs d’application fréquente en pratique.
997
En ce sens notamment, J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, op. cit., n°73; M. Henry et Gh. Bouillet-
Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°352 et Lamy Sociétés
Commerciales, 2009, n°3281.
998
Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001, affaire Banque de Vizille, Bull. Joly, 2002, p. 509, note H. Le
Nabasque ; Rev. sociétés, 2002, p. 89, commentaire Y. Guyon, précité.
999
Leverage management buy out (LMBO), segment du capital-investissement portant sur la transmission
d’entreprise avec effet de levier par recours à l’endettement (LBO) qui, dans la forme LMBO, implique le
rachat de la société par ses dirigeants.
1000
Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001, affaire Banque de Vizille, précité.
230
acquéreur qui aura émis une offre d’achat portant sur la totalité du capital de la société,
ou tout au moins des titres détenus ensemble par les partenaires1001.
485 - La validité de principe de ces pactes étant admise, l’atteinte qu’ils portent à la
libre négociabilité des actions semble être passée sous silence, comme si la réalisation
de la condition suspensive et la levée d’option par le bénéficiaire étaient acquises et le
promettant mis en situation de céder ses titres comme dans une vente directe. En effet,
ces promesses sont encadrées, au regard de leur événement déclencheur, par la simple
application des conditions de droit commun sans que l’atteinte portée à la libre
négociabilité des actions ne paraisse exercer une quelconque influence, ce qui est
caractéristique du degré modéré de leur dépendance au contrat de société. La discrète
influence de l’environnement sociétaire sur ces pactes se distingue alors par
l’application d’autres principes que celui de la libre négociabilité, tenant notamment à la
condition générale de non-contrariété à l’intérêt social1002.
486 - Mais il apparaît bien, à y regarder de plus près, que ces promesses
unilatérales de cession ne requièrent pas davantage d’encadrement que celui résultant
de la simple application du droit commun au regard de l’atteinte portée à la libre
négociabilité.
Nous l’avons dit, la validité de la restriction ainsi apportée à la liberté de céder,
comparativement à une vente ferme et immédiate, doit être appréciée, au regard de
l’événement déclencheur de l’obligation de céder. A ce titre, il convient de distinguer, au
sein du mécanisme de la promesse unilatérale de vente sous condition, le fait
générateur de l’engagement du débiteur à l’origine de la naissance du droit d’option du
bénéficiaire, lequel correspond à la réalisation de l’événement sur lequel porte la
condition suspensive, de la levée d’option, laquelle est, par nature, discrétionnairement
exercée par le bénéficiaire. Ainsi, l’événement sur lequel porte la condition suspensive
de la promesse, dans le cadre des pactes anti-dilution et des clauses d’offre alternative
et d’entraînement, doit-il être, conformément au droit commun des obligations, objectif et
non purement potestatif pour le promettant1003. Il est donc remarquable que,
contrairement à la jurisprudence qui prévaut en matière de pactes d’exclusion et
1001
X. Vamparys, « Validité et efficacité des clauses d’entraînement et de sortie conjointe dans les pactes
d’actionnaires », Bull. Joly, 2005, p. 820, spéc. n°16 et s. Voir également, F.- D Poitrinal, La révolution
contractuelle du droit des sociétés dynamisme et paradoxes, Revue Banque Edition, 2003, n°167 et s.
1002
S’agissant de la prohibition des clauses léonines, nous verrons que cette règle de l’ordre public
sociétaire n’est pas applicable aux promesses unilatérales de vente (voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1.
B). Sur l’influence de l’expertise prévue à l’article 1843-4 du Code civil en matière de pactes d’actionnaires,
voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2.
1003
Pour l’application éventuelle des articles 1168 et s. du Code civil.
231
488 - Les pactes de préférence et d’agrément viennent limiter, avant tout projet de
cession, le choix du débiteur quant à la personne de son cessionnaire éventuel, et
constituent à ce titre une atteinte caractérisée à la libre négociabilité des actions, à la
mesure toutefois du caractère modéré de leur dépendance au contrat de société.
1004
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 1, § 2. A.
1005
Voir à ce titre, J. Ghestin, « La notion de conditions potestatives au sens de l’article 1174 du Code civil »
in Mélanges Weill, 1983, p. 243, n°19 et B. Dondero, « De la conditio n potestative licite », RTD. civ., 2007,
p. 677, n°33 et s.
1006
Sur la nécessité de définir précisément la notion de contrôle lorsque le fait générateur du pacte consiste
en un changement de contrôle, voir M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges
statutaires, n°228.
232
son choix quant à la personne du bénéficiaire lorsqu’il conclut le pacte, ce choix n’est
pas concomitant mais antérieur à la prise de décision éventuelle de céder.
1007
Ceux là seuls nous intéressent dans le cadre de cette étude mais nos propos demeurent pertinents
s’agissant des pactes de préférence conclus au profit de tiers à la société.
1008
J. Moury, « Des clauses restrictives de la libre négociabilité des actions », RTD com. ,1989, p. 187.
1009
Art. L 228-23 et s. C. com.
1010
Avant la réforme opérée par l’ordonnance précitée n°2004-604 du 24 juin 2004 portant réforme du
régime des valeurs mobilières émises par les sociétés commerciales.
1011
J.-P. Bertrel, « Clauses de préemption dans les cessions entre actionnaires », BRDA, 31 mars 1991, p.
2.
1012
Sur la validité de principe des pactes de préférence statutaires, voir Cour d’appel de Paris 14 mars
1990, Bull. Joly, 1990, p. 353 et dans les cessions entre actionnaires en particulier, voir Cass. com. 15 fév.
1994, Bull. Joly, 1994, p. 508, note D. Velardocchio.
1013
Cour d’appel d’Angers 20 septembre 1988, Bull. Joly, 1988, p. 850.
1014
Voir également, Cass. com. 19 décembre 2006, n°05-1 0198, SA SCAPEST c/ SA ITM Entreprises,
n°Jurisdata : 2006-036780, confirmant Cour d’appel de Nancy 20 octobre 2004, M. Chaffournais et a. c/
Epoux Rifaut, JCP, éd. E, 2005.446, M.-A. André et J. Raynard.
1015
Cass. com. 7 janvier 2004, Bull. Joly, 2004, p. 544, note P. Le Cannu, précité.
233
491 - Dès lors que les pactes de préférence sont ainsi expressément reconnus
valables par la jurisprudence, il est possible d’en conclure que le principe de libre
négociabilité des actions n’emporte pas la liberté pour l’actionnaire de choisir à tout
moment, et en particulier jusqu’à la prise de décision de céder ses actions, l’identité du
cessionnaire1017. C’est également ce que tend a priori à confirmer la procédure légale
organisée en matière de clause d’agrément statutaire, laquelle garantit à l’actionnaire un
cessionnaire de remplacement à défaut d’agrément du candidat pressenti pour
l’acquisition1018. Mais il est remarquable que dans le cadre de cette procédure, le
promettant bénéficie expressément, depuis l’ordonnance du 24 juin 20041019, et à tout
moment, d’un droit de repentir1020.
Il ne faut pas oublier, par ailleurs, pour l’appréciation de la validité des pactes de
préférence au regard du principe de libre négociabilité des actions, que ces pactes ne se
contentent pas toujours de limiter le choix dont dispose le partenaire débiteur quant à la
personne du cessionnaire. On l’a dit, ils peuvent également, selon différentes
modalités1021, encadrer, avant toute décision effective de cession par le promettant, les
modalités de fixation du prix de l’exercice éventuel de son droit de préférence par le
bénéficiaire1022.
1016
Voir également, pour un arrêt validant implicitement une clause de préemption statutaire, Cass. com. 17
mars 2009, RTD. com., 2009, p. 383, note P. Le Cannu et B. Dondero.
1017
En ce sens, G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, n°20, selon lequel « tout
acquéreur qui se présente est interchangeable. Sa personne ne compte guère, pourvu que les offres soient
également satisfactoires ».
1018
Art. L. 228-24 al. 2 C. com.
1019
Ordonnance précitée n°2004-604 du 24 juin 2004 por tant réforme du régime des valeurs mobilières
émises par les sociétés commerciales.
1020
Art. L. 228-24 al. 2 C. com.
1021
Il peut s’agir notamment du prix offert par un tiers candidat à l’acquisition ou encore du prix qui sera
déterminé par un tiers évaluateur conformément à la procédure des articles 1592 ou 1843-4 du Code civil.
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 1 . B.
1022
Sur l’influence du principe de libre négociabilité des actions sur la fixation du prix de la préférence, voir
infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2.
1023
Ce que rend notamment impossible l’inopposabilité du pacte à la société, voir supra, Partie I, Titre 2,
Chap. 1, Sect° 2, § 1. B.
234
493 - Nous verrons que ces pactes qui permettent, selon un mécanisme similaire à
celui des clauses d’agrément statutaires, de contrôler l’identité des accédants à la
qualité d’actionnaire ou celle des actionnaires, déjà en place, qui cherchent à accroître
le niveau de leur participation dans la société, et sont en cela caractéristiques d’une
dépendance modérée au contrat de société, bénéficient d’un encadrement plus souples
que les conditions légales de validité auxquelles sont soumises les clauses d’agrément
statutaires1027.
Il est toutefois permis de douter de la validité de la stipulation de pactes d’agrément ou
même de préemption extra-statutaires applicables aux cessions familiales intervenant
dans le cadre de successions, liquidations de régime matrimonial ou au profit d’un
conjoint, d’un ascendant ou d’un descendant1028. En effet, le maintien de la prohibition
de l’application des clauses d’agrément statutaires aux cessions intervenant dans le
cadre de ces règlements familiaux sauf hypothèse d’actionnariat salarié, par l’article L
1024
Voir supra, Partie I, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1. A.
1025
En ce sens, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992,
n°63, renvoyant à un exemple jurisprudentiel proche (Cour d’appel de Paris, 26 mars 1986, Bull. Joly, 1986,
p. 679) ; J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, Coll. Pratique des
Affaires, 1995, n°52 ; M. Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2,
ème
19 éd., 2009, LGDJ, n°1624. Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18660.
Pour un avis beaucoup plus réservé, voir Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements
ème
statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002, n°219.
1026
Pour un exemple de rédaction de pacte d’agrément entre actionnaires, voir Dossier Pratique Pactes
d’actionnaires et engagements fiscaux, P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°745.
1027
Voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2.
1028
Voir art. L 228-23 al. 1 C. com., lequel exclut l’application de la procédure d’agrément statutaire aux
successions, liquidations de régime matrimonial ou cessions au conjoint ou à un ascendant ou descendant.
235
1029
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°218. Du même avis également, en matière de pact es de préférence,
M. Germain, op. cit., n°1622.
1030
Contra, S. Prat, op. cit., n°65 et Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°3277.
1031
En ce sens, G. Parléani, op. cit, n°20, selon lequel « tout acquéreur qui se présen te est interchangeable.
Sa personne ne compte guère, pourvu que les offres soient également satisfactoires ».
236
495 - Le principe de libre négociabilité des actions ne fait pas obstacle à la validité
des pactes de préférence et d’agrément extra-statutaires par lesquels un actionnaire
s’engage, avant tout projet de cession, sur certaines conditions dans lesquelles il cédera
ses actions, si jamais il décide de les céder. Mais encore faut-il que ces pactes
respectent, à travers les contraintes, relatives, qu’ils sont susceptibles de faire peser sur
une éventuelle cession, le droit absolu dont dispose tout actionnaire de ne pas demeurer
prisonnier de ses titres, ce qui nécessite un encadrement simple de leurs modalités, à la
mesure de leur dépendance modérée au contrat de société.
Dans cette perspective, les modalités de mise en œuvre des pactes ne doivent pas être
telles qu’elles rendent les titres qui en sont l’objet peu attractifs pour un candidat à
l’acquisition et donc difficilement cessibles par le débiteur. En outre, les engagements
éventuellement pris par le débiteur quant aux modalités financières de la cession, pour
le cas où ce dernier se déciderait à céder ses titres, doivent maintenir la possibilité pour
lui d’en retirer une contrepartie qui le satisfait.
496 - Les conditions qui entourent les modalités d’application des pactes de
préférence et d’agrément extra-statutaires visent ainsi à préserver non seulement, dans
la mise en œuvre de ces pactes, la possibilité matérielle pour l’actionnaire débiteur de
céder ses actions s’il le souhaite (§ 1), mais encore, et plus fondamentalement, le droit
pour le débiteur de ne pas se voir imposer un prix auquel il n’a pas consenti (§ 2).
497 - Les pactes caractérisés par une dépendance modérée au contrat de société
qui restreignent la liberté de choix dont bénéficie le partenaire débiteur quant à l’identité
du cessionnaire éventuel de ses actions, au moyen du mécanisme de la préférence ou
de l’agrément, sont soumis à un régime relativement souple, au sein duquel la liberté
contractuelle est très grande et dépasse largement l’influence du principe de libre
négociabilité des actions.
Le fait générateur de l’application du pacte, de même que la durée de ce dernier sont
ainsi librement déterminés par les partenaires (A), tandis qu’une fois que le pacte est
amené à entrer en application, la procédure qu’il met en œuvre est un peu plus
encadrée de sorte que le débiteur du pacte conserve, en tout état de cause, la
possibilité de céder ses titres, à qui que ce soit, s’il le désire (B).
237
500 - Ces opérations peuvent être librement déclenchées par le partenaire débiteur,
telles une décision de cession1037 ou d’apport1038 de titres, dans la mesure où, au stade
1032
Par application du principe d’interprétation stricte des conventions : « Quelque généraux que soient les
termes dans lesquels une convention est conçue, elle ne comprend que les choses sur lesquelles il paraît
que les parties se sont proposées de contracter » (art. 1163 C. civ.).
1033
Voir notamment Cour d’appel de Paris 18 février 2000, Bull. Joly, 2000, p. 727, note P. Le Cannu,
énonçant que « Le pacte d’actionnaires qui contient un droit de préemption doit être interprété
restrictivement dès lors qu’il est une limite à la libre négociation des actions qui est de principe ».
1034 ère
Art. 1156 à 1164 C. civ. Ces principes n’ont pas un caractère impératif (Cass. 1 civ. 6 mars 1979, Bull.
civ., I, n°81 et Cass. com. 19 janvier 1981, Bull. civ., IV, n°34) sauf pour ce qui concerne le principe de
l’interprétation subjective (art. 1156 C. civ.).
1035
Par application de l’article 1162 du Code civil, lequel énonce que « Dans le doute, la convention
s’interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l’obligation ».
1036
Principe de l’interprétation subjective (art. 1156 C. civ., précité). Voir notamment, P. Larrieu,
« L'interprétation des pactes extra-statutaires », Rev. sociétés, 2007 p. 697, selon laquelle l’interprétation
par la jurisprudence des pactes d’actionnaires donnerait la primauté à l’esprit du pacte lorsqu’il s’agit
d’interpréter les « pactes de collaboration » et, au contraire, à la lettre du pacte lorsqu’il s’agit d’interpréter
les « pactes de résistance ».
1037
Cass. com. 17 mars 2009, RTD. com., 2009, p. 383, note P. Le Cannu et B. Dondero, précité, refusant
l’application d’une clause statutaire de préemption stipulée pour « toute cession d’actions » à la donation
consentie par un actionnaire à ses fils, au motif d’une dénaturation de la convention des parties en ce que
« la procédure de préemption organisée par cette clause [laquelle prévoit une notification du prix de la
238
cession projetée, la notification valant offre de cession audit prix] est, en l’absence de prix, sans application
aux cessions consenties à titre gratuit ». Rappelons à ce titre, qu’il est communément admis que l’article L
228-23 du Code de commerce qui autorise la stipulation d’une clause d’agrément statutaire pour « la
cession d’actions […] à quelque titre que ce soit » vise également les cessions à titre gratuit (en ce sens,
notamment, Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°4670 et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F.
Lefebvre, 2009, n°18660).
1038
Voir à ce titre, Trib. com. Paris 10 juin 2003, Jurisdata n°2003-228800 et Cour d’appel de Paris 12 avri l
2002, JCP, éd. E, 2002, p. 979, refusant d’appliquer un pacte de préférence prévu en cas de cession à une
opération d’apport.
1039
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2 . B.
1040
Refusant d’appliquer un pacte de préférence extra-statutaire à la fusion de la société, voir Cass. com.
28 avril 2004, RJDA, 2004/8-9, n°983, confirmant Cour d’appel de Paris 18 février 2000, Bull. Joly, 2000, p.
727, note P. Le Cannu. De même, en matière d’agrément statutaire : voir Cass. com. 12 février 2008, JCP,
éd. E, 2008, 2209, commentaire Y. Paclot et Cass. com. 15 mai 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1075, note M.
Menjucq et A. Taste (contra : Cass. com. 3 juin 1986, Rev. sociétés, 1987, p. 52, note Y. Reinhard et Cass.
com. 6 mai 2003, D., 2003, AJ, p. 1438, note A. Lienhard).
1041
L’interdiction de la limitation de la libre négociabilité des actions dans le cadre de certains règlements
familiaux est sans doute fondée sur un ordre public catégoriel (voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1,
§ 2. B).
1042 ème
Contre l’application d’un pacte de préférence à un transfert indirect, voir Cour d’appel de Paris, 3 ch.
A, 4 décembre 2007, Bull. Joly, 2008, n°4, p. 307, note B. Fages. De même, en mati ère d’agrément
statutaire, voir Cass. com. 13 décembre 1994, Bull. Joly, 1995, 152, note P. Le Cannu et M. Germain, Traité
ème
de droit commercial - Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., LGDJ, 2009 , n°1618-1.
1043
Pour une opinion contraire mais ancienne, voir D. Martin et L Faugérolas, « Les pactes d’actionnaires »,
JCP, éd. G, 1989. I. 3412, n°13 et 14.
1044 ère
Cass. 1 civ. 6 juin 2001, RTD civ., 2002, p. 88 J. Mestre et B. Fages et RTD civ., 2002, p. 115, obs.
P.-Y. Gautier (en matière de pacte de préférence dans un contrat d’assurance).
1045
A ce titre, la stipulation d’une durée de vingt ans pour l’application d’un pacte de préemption a été
considérée comme ne constituant pas « un engagement perpétuel, ni même […] une durée
déraisonnable », (Cour d’appel d’Aix-en-Provence 5 décembre 2003, Bull. Joly, 2004, p. 1077, note A.
Cerati-Gauthier confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, Sté Financière de Marcory c/ Sté Sofipharm,
ère
n°04-12168, RJDA, 2005, n°1359, 1 esp., précités).
239
un engagement éventuel. Stipulés pour une durée indéterminée, ils n’ouvrent pas non
plus droit, pour cette même raison, à la faculté de résiliation unilatérale1046.
502 - Une fois que le pacte de préférence ou d’agrément est destiné à être appliqué
à la suite de la survenance du fait générateur, il est mis en œuvre selon la procédure
organisée librement par les partenaires sous réserve de respecter quelques garde-fous
destinés à préserver la possibilité pour le partenaire débiteur de céder ses titres, en tout
état de cause, que le bénéficiaire exerce ou non son droit, s’il le souhaite.
504 - Les auteurs qui reconnaissent la validité des pactes d’agrément extra-
statutaires1047 s’entendent pour admettre que ces pactes doivent organiser, à défaut
d’agrément, une procédure de rachat à la charge du bénéficiaire semblable à celle
prévue pour les clauses d’agrément statutaires1048. Nous pensons également que la
stipulation d’une telle obligation de rachat est le seul moyen de respecter le droit
fondamental qu’a tout actionnaire de ne pas rester prisonnier de ses titres. A défaut
toutefois, le pacte ne serait pas forcément nul mais il constituerait un pacte
d’inaliénabilité soumis aux conditions propres à ce type de pacte et conformes au
caractère marqué de la dépendance au contrat de société qui caractérise ce dernier1049.
Nous l’avons précisé, l’imagination et la liberté contractuelle peuvent en outre conduire
les partenaires à compléter cette obligation de rachat par un droit de préférence1050.
1046
En ce sens H. Kenfack, « Validité du pacte de préférence », p. 43, in Dossier « Pacte de préférence :
ère
liberté ou contrainte ? », Dr. et pat., 2006, p. 35 et P.-Y. Gautier, obs. sous Cass. 1 civ. 6 juin 2001,
précitée.
1047
Notamment, J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, op. cit, n°52 et M. Germain, op. cit. n°1624. Voir
également, pour un exemple de clause, Dossier Pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P.
Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°745, précité.
1048
Art. L 228-24 C. com.
1049
Voir supra, Partie II, Titre 1, Chap. 2, Sect° 2, § 1 . B.
1050
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2 . B.
240
505 - Ainsi les pactes de préférence et d’agrément doivent-ils tous deux prévoir et
organiser précisément1051 :
- les modalités de la notification, au bénéficiaire, du projet de cession ouvrant droit pour
ce dernier à exercer son droit de préférence1052 ou d’agrément, s’agissant de la forme
que doit revêtir cette notification ainsi que de son contenu1053 ;
- (i) le délai de réflexion ou d’option1054 accordé au bénéficiaire, à l’expiration duquel, à
défaut de réponse, l’agrément est réputé acquis ou le droit de préférence non exercé, la
cession projetée pouvant ainsi être conclue aux conditions notifiées ;
- (ii) les conditions du prononcé ou du refus d’agrément ou de l’exercice du droit de
préférence1055, lesquels doivent impérativement porter sur l’intégralité du projet notifié,
- les modalités de (iii) la cession des titres au profit du bénéficiaire, en exécution de
l’obligation de rachat à la charge de ce dernier à défaut d’agrément, ou (iv) de l’exercice
de son droit de préférence par ce dernier, s’agissant notamment du prix de cession1056,
mais aussi, en cas de pluralité de bénéficiaires, de la répartition entre ces derniers de
l’obligation de rachat ou des titres préemptés,
- l’existence d’un éventuel droit de repentir du débiteur1057,
- et enfin, (iii et iv) du délai dans lequel la cession au profit du bénéficiaire doit être
régularisée, faute de quoi, la cession projetée à l’origine pourra être conclue aux
conditions notifiées.
1051
Validant toutefois un pacte de préférence ne réglant pas précisément le détail de la procédure mais
renvoyant aux conditions proposées par le tiers acquéreur au motif qu’il n’est pas « nécessaire de préciser
le délai et les modes de signification, les délais de préemption et le caractère total ou partiel de la
préemption », voir Cour d’appel de Paris 23 juillet 1987, Bull. Joly, 1087, p. 701.
1052
Jugeant que l’inobservation de l’obligation de notification dans la procédure de préférence « ne peut
faire obstacle à l’exercice régulier du droit litigieux, quel que soit le procédé par lequel son titulaire a eu
connaissance de la cession envisagée », voir Cour d’appel de Paris 14 mars 1990, Bull. Joly, 1990, p. 353,
précité. Et sur la mauvaise foi dans l’exécution de cette notification, voir Trib. com. Paris, 25 juin 2007, Bull.
Joly, 2007, p. 1203, note F.-X. Lucas.
1053
L’identité du cessionnaire pressenti doit bien entendu y figurer de manière indispensable pour que le
bénéficiaire du pacte d’agrément puisse se prononcer, tandis que cette indication n’est pas obligatoire en
matière de pacte de préférence mais peut être imposée conventionnellement. Pour un exemple de
notification fautive de la part du débiteur, valant seulement déclaration d’intention de céder à défaut
d’indication, conformément aux stipulations du pacte, du nombre de titres cédés et du prix proposé, voir
Cass. com. 6 mai 2008, Bull. Joly, 2008, p. 779, note Th. Massart.
1054
Considérant que la stipulation d’un délai dans un pacte de préférence portant sur un contrat d’assurance
ère
n’est pas une condition de validité du pacte, voir Cass. 1 civ. 6 juin 2001, précitée. Le droit d’option se
prescrit alors selon le droit commun par dix ans en matière commerciale (art. L 110-4 C. com.), sauf à ce
que le débiteur du pacte mette le bénéficiaire en demeure de se prononcer (Lamy Droit du Contrat, 2008,
n°120-37).
1055
Considérant que l’exercice du droit de préférence par voie d’assignation, alors que le pacte prévoyait le
simple envoi d’une lettre recommandée AR, n’est pas valable, voir Cass. com. 3 octobre 2006, JCP, éd. E,
2006, p. 1903.
1056
Sur cette question, voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. A.
1057
Sur cette question, voir infra, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. B.
241
507 - ii) Le droit d’agréer ou de refuser d’agréer l’acquéreur présenté ainsi que le
droit de préférence doivent être considérés comme indivisibles, c’est-à-dire qu’ils ne
doivent pouvoir être exercés, sauf autorisation du partenaire débiteur, que pour
l’intégralité des actions objets de la cession projetée. Il est indéniable qu’un agrément ou
une préemption partielle s’avérerait très pénalisant pour le débiteur du pacte, lequel
risquerait de se retrouver avec un reliquat de participation qui, détaché du bloc de
contrôle qu’il formait, ne serait plus attractif pour le candidat acquéreur ou toute autre
personne et donc difficilement cessible1059. Il est même permis de penser que le
caractère total de la préemption ou de l’agrément constituerait une condition de validité
du pacte1060. La jurisprudence semble d’ailleurs avoir consacré cette idée selon laquelle,
l’exercice du droit de préférence doit impérativement porter sur la totalité des actions
cédées quel que soit le nombre de bénéficiaires de ce droit1061.
1058
Validant un délai d’un mois, voir Cour d’appel de Paris 14 mars 1990, précité. Pour un arrêt
reconnaissant la validité d’un pacte de préférence dont l’option pouvait être exercée pendant 12 mois, voir
Cass. com. 7 janvier 2004, Bull. Joly, 2004, p. 544, note P. Le Cannu, précité.
1059
En ce sens également, M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, op. cit., n°289 et Mémento Pratique
Sociétés Commerciales, F. Lefebvre, 2009, n°18495.
1060
M. Henri et Gh. Bouillet-Cordonnier, op. cit., n°289.
1061
Voir Trib. com. Roanne 23 octobre 1935, Gaz. Pal., 1935, 2, p. 902 ; Cass. com. 10 décembre
1957, JCP, éd. G 1958.II.10406, note D. Bastian et Cass. com. 11 février 1980, Bull. civ., IV, n°70.
1062
Pour un exemple de rédaction, voir Dossier Pratique Pactes d’actionnaires et engagements fiscaux, P.
Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, F. Lefebvre, 2006, n°745, précité.
242
509 - iv) Parmi les modalités1068 stipulées pour la cession au profit du bénéficiaire en
cas d’exercice de son droit de préférence par ce dernier, doit notamment figurer un délai
de réalisation raisonnable pour les raisons déjà évoquées1069. Le pacte de préférence
doit en effet impérativement laisser la possibilité au débiteur de vendre ses actions au
cessionnaire pressenti, dans les conditions notifiées, en cas de non-exercice de la
préférence comme à défaut de réalisation de la cession avec le bénéficiaire du pacte
dans le délai stipulé1070. Dans le cas contraire, en effet, le pacte engendrerait en pratique
une inaliénabilité des actions, soumise aux conditions plus strictes de validité de ces
pactes qui se placent dans une forte dépendance au contrat de société1071.
la possibilité pour l’actionnaire de céder ses actions, au moins à terme, à un prix qui le
satisfait.
512 - Il ne fait aucun doute que la diversité, à laquelle s’ajoute la complexité de ces
pactes, rend toute tentative de classification vaine. Il importe alors, en pratique, de se
tourner vers les stipulations du pacte, lesquelles ne sont pas toujours reproduites in
extenso dans les décisions de jurisprudence. Il s’avère donc difficile de tirer d’une
analyse de la jurisprudence les conditions générales relatives à la stipulation du prix qui
entourent la validité des pactes de préférence ou de préemption au regard du principe
de libre négociabilité des actions.
Selon les stipulations, certaines précautions sont, semble-t-il, rendues nécessaires, au
cas par cas, pour préserver le droit pour l’actionnaire de ne pas demeurer prisonnier de
ses titres et surtout, d’obtenir un prix satisfaisant en contrepartie de la cession de ses
titres. Il en résulte que les pactes de préférence et d’agrément extra-statutaires
s’inspirent parfois, en pratique, du droit de renoncer à tout moment à la cession, dont
1072
Th. Massart, note sous Cass. com. 6 mai 2008, Bull. Joly, 2008, p. 779, précité.
1073
Voir notamment, S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec,
1992, n°167 et s. et Th. Massart, note précitée.
244
1074
Art. L 228-24 al.3 C. com.
1075
Notamment, J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Les pactes d’actionnaires, GLN Joly, 1995, n°58 et s ;
M. Henry et Gh. Bouillet-Cordonnier, Pactes d’actionnaires et privilèges statutaires, éd. EFE, 2003, n°271 ;
G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur le contrat instrument d’adaptation du droit
des sociétés, Ed. L’Harmattan, 2008, n°359 et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre,
2009, n°18497.
1076
Voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1. B. a.
245
515 - En droit commun, la jurisprudence admet que la stipulation d’un prix de cession
déterminé, ou même déterminable, n’est pas une condition de validité du pacte de
préférence dès lors que la conclusion de ce dernier n’emporte aucunement l’obligation
pour le débiteur de céder ses actions1078, l’absence de détermination du prix n’affectant
pas, par ailleurs, le pacte d’une condition potestative qui atteindrait sa validité1079. Il en
est de même en matière de pacte de préférence et d’agrément extra-statutaires entre
actionnaires, conformément à la nature éventuelle du droit que ces pactes confèrent à
leur bénéficiaire1080.
En revanche, le pacte doit fixer les conditions dans lesquelles ce prix sera déterminé1081
et c’est sur ce point que les pactes de préférence présentent en pratique une grande
diversité. Dans la version la plus proche de l’esprit de ces pactes, qui est de permettre à
leurs bénéficiaires de se substituer au cessionnaire pressenti, aux mêmes conditions, de
manière à ce que le changement de cessionnaire soit indifférent pour le débiteur, le prix
d’exercice de la préférence sera aligné sur l’offre de prix présentée par le candidat à
l’acquisition1082.
Mais il est parfois stipulé que ce prix résultera, à défaut d’existence d’un candidat à
l’acquisition avec lequel aurait été conclu un projet de cession, des conditions offertes
par le cédant ou encore qu’il résultera d’un accord ultérieur des partenaires. C’est cette
1077
Sur les conséquences de ce renvoi au regard de la jurisprudence récente, voir infra, Titre 2, Chap. 2,
Sect° 2.
1078 ère
En ce sens, Cass. 1 civ. 6 juin 2001, RTD civ., 2002, p. 88 J. Mestre et B. Fages, précité, lequel
énonce clairement qu’il « n’est pas dans la nature du pacte de préférence de prédéterminer le prix du
contrat envisagé qui ne sera conclu ultérieurement que s’il advient que le promettant en décide ainsi. […] Le
promettant conserve la liberté de fixer les conditions de l’acte envisagé et d’en déterminer le prix ».
1079 ème
Cass. 3 civ. 15 janvier 2003, Contrats, conc., consom., 2003, comm. 71, obs. L. Leveneur.
1080
En ce sens également, C. Ginestet, « Pacte de préférence et droit des sociétés », p. 66, in Dossier
« Pacte de préférence : liberté ou contrainte ? », Dr. et pat., 2006, p. 35 et s. Contra, Y. Guyon, Traité des
ème
contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., 2002,
n°220.
1081
Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°4626.
1082
Pour un exemple, voir Cour d’appel de Paris 14 mars 1990, Bull. Joly, 1990, p. 353, précité, et T. com.
Paris, 25 juin 2007, Bull. Joly, 2007, p. 1203, précité, note F-X. Lucas. La théorie de la fraude ou celle de
l’abus de droit pourront être appliquées en cas d’éventuelle collusion frauduleuse entre le débiteur du pacte
et le tiers candidat à l’acquisition.
246
dernière stipulation qui figurera dans les pactes d’agrément organisés au plus proche de
l’esprit des clauses d’agrément statutaires mais, nous l’avons dit, les partenaires
peuvent librement organiser une obligation de rachat aux mêmes conditions que celles
de la cession projetée avec le candidat non agréé1083. En revanche, le prix ne devrait
pas pouvoir être laissé à l’initiative du bénéficiaire du pacte1084. Tout au plus ce dernier
pourra-t-il faire une offre de prix, laquelle devra être acceptée par le débiteur
conformément au droit commun de la vente, hypothèse qui revient, selon nous, à prévoir
un accord ultérieur des parties.
Rappelons enfin que, quel que soit le mode prévu pour la détermination ultérieure du
prix dans le cadre de la préemption ou du rachat extra-statutaire, la procédure
d’expertise prévue à l’article 1843-4 du Code civil ne peut être appliquée que si les
stipulations du pacte le prévoient expressément1085.
516 - Plus rarement, il arrive que les partenaires stipulent dans le pacte de
préférence ou d’agrément extra-statutaire, dès la conclusion de ce dernier, un mode de
détermination du prix, auquel cas ce dernier doit respecter l’exigence de déterminabilité
objective prévue à l’article 1591 du Code civil1086.
Les modalités éventuellement stipulées de détermination du prix de cession en cas
d’exercice du droit de préférence, ou du prix d’acquisition à la charge du bénéficiaire à
défaut d’agrément, sont en effet soumises aux conditions de droit commun relatives aux
cessions de droits sociaux1087. Il peut être stipulé que le prix de cession sera déterminé
selon une formule mathématique ou par un tiers, conformément aux prévisions de
l’article 1592 du Code civil1088, ou encore, avec les conséquences que nous verrons, par
application conventionnel de la procédure d’expertise de l’article 1843-4 du Code civil,
d’emblée ou à défaut d’accord entre eux1089.
Ainsi, la Cour de cassation a récemment approuvé dans un arrêt en date du 19
décembre 2006 une Cour d’appel d’avoir annulé un pacte de préférence extra-statutaire
1083
Voir l’exemple de clause proposé par P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, Dossier Pratique Pactes
d’actionnaires et engagements fiscaux, F. Lefebvre, 2006, n°745, précité.
1084
Voir notamment, Cass. com. 6 mai 2008, Bull. Joly, 2008, p. 779, note Th. Massart, précitée.
1085
En ce sens, Cour d’appel de Paris 6 mai 1994, Dr. sociétés, 1994, n°140, note H. Le Nabasque et RTD.
com., 1995, p. 804, note L. Alfandréri et M. Jeantin ; Cass. com. 15 octobre 1996, Bull. Joly, 1997, p. 126,
note Th. Massart. et Comité juridique ANSA, 7 mai 2003, n°3253. Sur le caractère supplétif de cette
disposition en matière de pacte de préférence ou d’agrément, voir également, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1.
1086
Cass. com. 19 décembre 2006, n°05-10198, SA SCAPEST c/ SA ITM Entreprises, n°Jurisdata : 2006-
036780, confirmant Cour d’appel de Nancy 20 octobre 2004, M. Chaffournais et a. c/ Epoux Rifaut, JCP, éd.
E, 2005.446, M.-A. André et J. Raynard. Voir également, Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°989.
1087
Sur l’ensemble des difficultés que posent la détermination du prix ainsi que les autres conditions de
validité des cessions d’actions, voir M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats,
Economica, 2009.
1088
Pour un exemple, voir Cass. com. 4 novembre 1987, JCP, 1988.II.21050, note A. Viandier et Cass.
com. 19 décembre 2006, n°05-10198 confirmant Cour d ’appel de Nancy 20 octobre 2004, précités.
1089
Sur les conséquences du recours conventionnel à l’expertise, voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
247
conclu entre actionnaires, au motif que le mode de détermination du prix stipulé dans ce
pacte, lequel faisait notamment référence aux « critères habituellement retenus pour
d’autres cessions au sein de la même enseigne [Leclerc] », ne permettait pas de
garantir que le prix serait estimé, par les tiers qui en avaient la charge, en fonction
d’éléments extérieurs à la volonté du bénéficiaire du pacte1090.
517 - Enfin, et toujours par application du droit commun, la stipulation de prix figurant
dans le pacte de préférence ou d’agrément doit conduire à un prix réel et sérieux, ainsi
qu’il en est dans toute cession de droits sociaux, conclue entre actionnaires ou avec un
tiers1091, conformément à la théorie de la cause1092 et au droit commun de la vente1093.
Cette notion de prix sérieux, c’est-à-dire un prix non dérisoire, constitutif d’une
contrepartie véritable du transfert de propriété, ne doit pas être confondue avec celle
généralement qualifiée de juste prix. Le juste prix renvoie, en droit commun, à l’équilibre
économique du contrat sur lequel le juge n’est pas censé exercer un contrôle en dehors
des cas exceptionnels dans lesquels la lésion est légalement sanctionnée1094. Or,
aucune disposition spéciale n'étant prévue pour les cessions de droits sociaux1095, le
montant du prix est librement fixé par les parties sous réserve de respecter l’exigence du
caractère réel et sérieux1096. Il en résulte qu’une cession de droits sociaux consentie
moyennant un prix excessif ou lésionnaire par rapport à la valeur vénale des titres, mais
non dérisoire, n’encourt pas la nullité1097, peu important à cet égard que la cession soit
conclue entre actionnaires ou avec un tiers.
518 - On le voit, la théorie du droit au juste prix pour le débiteur d’un pacte de
préférence portant sur des titres de sociétés par actions, présentée par certains auteurs
comme le corollaire du principe de libre négociabilité des actions et fondant un régime
spécial de validité des ces pactes au regard de la stipulation de prix et du droit pour le
1090
Cass. com. 19 décembre 2006, n°05-10198, SA SCAPEST c/ SA ITM Entreprises confirmant Cour
d’appel de Nancy 20 octobre 2004, M. Chaffournais et a. c/ Epoux Rifaut, précités. Voir également, Lamy
Sociétés Commerciales, 2009, n°989.
1091
Sur cette question voir M. Caffin-Moi, op. cit., n°113 et s et Th. Lambert, « L’exigence d’un prix réel et
sérieux dans les cessions de droits sociaux », Rev. sociétés, 1993, p. 11.
1092 ère
Cass. 1 civ. 9 novembre 1999, Defrénois, 2000, p.250, obs. Aubert ; Cass. com. 11 janvier 2005,
ème
n°01-11.077, RJDA, 5/05, n°494 ; Cass. 3 civ. 29 mars 2006, D., 2007, p.477, note J. Ghestin et Cour
d’appel de Paris 18 décembre 2008, n°08-5219, 3ème c h. B, SA Compagnie Financière MI 29 c/ SAS FA
29, RJDA, 09/04, n°351.
1093
Art. 1591 C. civ. Cass. com. 23 octobre 2007, Dr. sociétés, 2007, comm.209, obs. H. Lécuyer et D.,
2007, A.J, p. 2812, obs. X. Delpech.
1094
Notamment en matière de vente immobilière (art. 1674 à 1685 C. civ.).
1095
Sur le fondement de la procédure d’expertise de l’article 1843-4 du Code civil, voir infra, Titre 2, Chap.
2, Sect° 2, § 1. A.
1096
Rappelons en outre que l’erreur sur la valeur n’est pas admise comme vice du consentement dans les
cessions de droits sociaux. Sur cette question, voir M. Caffin-Moi, op. cit., n°38 et s.
1097
En ce sens, voir Cour d’appel de Paris 11 octobre 1984, JCP, éd. G, 1985.II.20449, obs. A. Viandier et
ème
Cass. 3 civ. 9 avril 1970, Rev. sociétés, 1972, p. 268, note J.-P. Sortais (en matière de cession de parts
de SCI).
248
519 - Il s’avère que la théorie du droit au juste prix pour le débiteur d’un pacte de
préemption portant sur des titres de sociétés par actions a bien existé en droit des
sociétés mais pour régir une situation spécifique qui a disparu après l’entrée en vigueur
de la loi de 66.
Cette théorie a en effet émergé en jurisprudence avant la reconnaissance, par la loi de
1966, de la validité des clauses statutaires d’agrément dans les sociétés par actions.
Elle visait à encadrer l’exercice du droit de préemption conféré conventionnellement au
conseil d’administration dans le but de rendre la stipulation d’une clause statutaire
d’agrément acceptable au regard du principe de libre négociabilité des actions1099. En
effet, soit le prix de rachat était fixé forfaitairement par les statuts1100, soit il était fixé
chaque année par l’assemblée générale, auquel cas, ce prix devait être juste, c’est à
dire correspondre à la valeur vénale des actions.
L’admission légale des clauses statutaires d’agrément, suivie de la reconnaissance
progressive, par la jurisprudence, de l’autonomie des pactes de préférence au regard de
ces clauses, peu important que ces derniers soient conclus dans les statuts ou dans des
conventions extra-statutaires, s’est logiquement accompagnée d’un abandon de la
théorie du juste prix. Il est d’ailleurs remarquable que c’est la première décision, prise
par une juridiction du premier degré, à avoir affirmé, en 1977, l’autonomie du pacte
statutaire de préférence au regard de la clause statutaire d’agrément, et, partant, la
validité du premier lorsqu’il est conclu entre actionnaires, qui, sûrement par précaution,
s’est référée pour la dernière fois en jurisprudence à la théorie du juste prix1101.
1098
G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°30 et s.
1099
Sur cette pratique des clauses statutaires d’agrément et la jurisprudence antérieure à 1966, voir M.
ème
Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009, LGDJ,
n°1617.
1100
Cass. req. 15 novembre 1943, S., 1944.1.15, concl. Picard.
1101
TGI Dijon 8 mars 1977, RTD com, 1977, p. 521, obs. R. Houin et Rev. sociétés, 1977, p. 279, note D.
Randoux, distinguant de la clause d’agrément « la clause de préemption pure et simple, qui ne subordonne
pas la cession à l’accord de la société mais oblige seulement le cédant à offrir préalablement ses actions à
tous ses associés qui ont la faculté de se porter acquéreur au juste prix ».
249
520 - L’on apprécie ainsi dans quelle mesure les auteurs qui ont soutenu, par le
passé1102, que le principe de libre négociabilité des actions impliquait le droit pour tout
actionnaire débiteur d’un pacte de préférence d’obtenir le juste prix de ses titres, en se
référant à plusieurs arrêts anciens remontant jusqu’en 19241103, dont la solution n’a été
reprise qu’une seule fois, sous l’empire de la loi de 1966, par le jugement précité de
19771104, étaient mal fondés à invoquer cette jurisprudence. Un auteur a, pour sa part,
fondé la théorie du droit au juste prix, non pas sur la libre négociabilité mais sur l’abus
de majorité1105. Mais un tel risque d’abus « ne peut justifier l’exigence d’un juste prix que
dans l’hypothèse d’une intervention des organes sociaux destinée […] à fixer le prix de
rachat »1106, ce qui recouvre bien la situation spécifique, antérieure à la loi de 66 pour
laquelle la théorie du juste prix a émergé en jurisprudence.
521 - On ne peut pas non plus, semble-t-il, percevoir dans la procédure de rachat à
défaut d’agrément statutaire, énoncée à l’article L 228-24 du Code de commerce, une
résurgence de la théorie du juste prix. Le prix de rachat est fixé d’un commun accord
entre les parties, et à défaut d’accord, l’expertise prévue à l’article 1843-4 du Code civil
est appliquée1107. Il n’y a donc aucun risque d’abus à l’initiative d’un organe social dans
la fixation du prix. Plus encore, même en cas de recours à l’expertise légale, laquelle
assure la fixation d’un prix objectif et juste, en tant qu’il s’approche au plus près de la
valeur vénale des titres, l’actionnaire cédant dispose, à tout moment, d’un droit de
repentir1108. Il apparaît alors que, plutôt que les intérêts pécuniaires des actionnaires,
c’est davantage le consentement libre et éclairé de l’actionnaire cédant que la procédure
légale de rachat tend à défendre, ce dernier étant en droit de ne souhaiter se défaire de
sa propriété qu’en contrepartie d’un prix qui est, subjectivement, à sa convenance
personnelle.
1102
Notamment, G. Parléani, « Les pactes d’actionnaires », Rev. sociétés, 1991, p. 1, n°30 et s. ; Y. Guyon,
J.-Cl. Sociétés Traité, Fasc. 97-B, « Droits et obligations attachés à l’action », 1980, n°77. Plus sceptiques,
voir D. Martin et L. Faugérolas, « Les pactes d’actionnaires », JCP, éd. G, 1989. I. 3412, n°15.
1103
Cass. req. 2 janvier 1924, D., 1927. 1. 161, note Escarra ; Cass. civ. 9 février 1937, D., 1937, 1, p. 73,
note Besson ; Cass. req. 11 septembre 1940, DC, 1942, 116, note Cordonnier ; Req. 15 novembre 1943,
précité.
1104
TGI Dijon 8 mars 1977, précité.
1105
S.Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs mobilières, Litec, 1992, n°297 et s.
1106
D. Randoux, note précitée sous TGI Dijon 8 mars 1977.
1107
Art. L 228-24 al. 2 C. com.
1108
Art. L 228-24 al. 2 C. com. En précisant très clairement que l’actionnaire cédant peut renoncer à tout
moment à la cession et en particulier après la fixation du prix par l’expert désigné conformément à l’article
1843-4 du Code civil, l’ordonnance précitée du 24 juin 2004 est ainsi venue mettre un terme à un flottement
jurisprudentiel (voir notamment, Cass. com. 10 mars 1976, RTD. com., 1976, p. 533, note Chartier ; Cass.
com. 9 avril 1991, JCP, éd. E, 1992.1.120, n°12, obs. A. Viandier et J. J. Caussain ; Cass. com. 13 octobre
1992, Dr. sociétés, 1992, Chron. H. Le Nabasque et Cass. com. 26 janvier 1993, Rev. sociétés, 1993, 422,
note Saintourens) qui alimentait le débat relatif à la théorie de l’exigence d’un juste prix.
250
522 - Il résulte de ces développements que, dans le cadre des pactes de préférence
et d’agrément1109 extra-statutaires, les stipulations relatives au caractère définitif de
l’engagement du débiteur, une fois que le bénéficiaire a manifesté son intention de se
prévaloir du pacte, relèvent pleinement de la liberté contractuelle et ne subissent,
corrélativement, qu’une faible influence de l’environnement sociétaire, ce qui est
conforme caractère modéré de la dépendance au contrat de société de ces pactes.
Certes, en pratique, les pactes de préférence et d’agrément extra-statutaires s’inspirent
de la procédure d’agrément statutaire pour organiser un droit de repentir au profit du
partenaire cédant. Mais il nous semble que c’est la pleine application du droit commun
des contrats qui doit conduire à apprécier, par défaut, le caractère définitif de
l’engagement du débiteur, toute stipulation conventionnelle pouvant par ailleurs, en vertu
de la liberté contractuelle, conférer un droit de repentir au partenaire débiteur tout autant
qu’au partenaire bénéficiaire.
523 - Ainsi, dans le cadre des pactes de préférence alignant le prix d’exercice de la
préférence sur le prix offert par le candidat à l’acquisition ou, à défaut de candidat, sur le
prix offert par le partenaire cédant, la levée d’option par le bénéficiaire de la préférence
rend en principe la vente parfaite1110. L’échange des consentements sur la chose et le
prix implique en effet le transfert automatique de la propriété des titres au profit du
bénéficiaire du pacte1111 par application du droit commun de la vente1112 et
conformément à la logique de la préemption.
Les partenaires sont toutefois libres de stipuler dans les pactes de préférence et
d’agrément extra-statutaires prévoyant un tel mode de fixation du prix ou organisant tout
autre mode de fixation, en ce compris la déterminabilité objective du prix dès la
conclusion du pacte, un droit de repentir au profit du cédant ou même du bénéficiaire1113.
En pratique, un tel droit de repentir, dont il convient de définir expressément les
conditions d’exercice, est souvent stipulé au profit du partenaire cédant, mais il peut
aussi l’être au profit du partenaire bénéficiaire, lorsque le prix est déterminé à dire de
tiers, soit par application de l’article 1592 du Code civil, soit par application
conventionnelle de l’article 1843-4 du Code civil. Ce droit de repentir constitue alors une
1109
La liberté conventionnelle est en effet tout aussi grande en matière de pacte d’agrément extra-statutaire.
Voir l’exemple de clause proposé par P. Julien Saint-Amand et P.-A. Soreau, Dossier pratique Pactes
d’actionnaires et engagements fiscaux F. Lefebvre, 2006, n°745, précité.
1110
Voir notamment, Cour d’appel de Paris, 14 mars 1990, Bull. Joly, 1990, p. 353, précité et Cour d’appel
de Paris 23 juin 1987, Bull. Joly, 1987, p. 70, cassé pour un autre motif par Cass. com. 7 mars 1989, D.,
1989, p. 231, concl. M. Jeol. En ce sens également, « Les clauses d’agrément », Fiche pratique rédigée par
A. Theimer, JCP, éd. E, 2005, 1587, 4.A.
1111
Lamy Sociétés Commerciales, 2009, n°4626.
1112
Art. 1583 C. civ.
1113
Note Th Massart sous Cass. com. 6 mai 2008, Bull. Joly, 2008, p. 779, précitée.
251
Conclusion du Chapitre 1
524 - Les pactes relatifs aux cessions d’actions, autres que ceux qui aménagent la
perte de la qualité d’actionnaire des partenaires, s’ils se situent dans un rapport de
dépendance modérée au contrat de société, n’en subissent pas moins une certaine
influence de l’environnement sociétaire tenant au nécessaire respect du principe de libre
négociabilité des actions. Ce principe ne protège que la liberté de céder, il ne s’applique
pas, en revanche, aux pactes de non-agression et de retrait, également caractérisés par
une dépendance modérée au contrat de société, qui aménagent la liberté d’acquérir de
leurs débiteurs.
Parmi les pactes qui visent à contrôler la répartition du capital social et restreignent
effectivement la libre négociabilité des actions, on distingue les pactes anti-dilution,
clauses d’offre alternative et clauses d’entraînement, lesquels reposent sur le
mécanisme de la promesse unilatérale de vente sous condition, des pactes de
préférence et d’agrément, lesquels limitent, avant tout projet de cession, le choix du
débiteur dans la personne de son cessionnaire éventuel.
525 - Les pactes conclus sous la forme de promesses unilatérales de cession sous
conditions suspensives sont validés, dans le principe, sur le double fondement de la
liberté contractuelle et du droit de propriété. Leur validité, au regard de l’atteinte portée à
la libre négociabilité des actions, ne nécessite pas d’encadrement spécifique, ce qui est
caractéristique de leur degré modéré de dépendance au contrat de société et les
1114
En ce sens, pour la stipulation d’un droit de repentir dans le cadre de l’application de l’expertise de
l’article 1843-4 du Code civil en matière de pacte de préférence, voir Comité juridique ANSA, 7 mai 2003,
n°3256. Voir également, A. Theimer, op. cit., 4.A et Mémento Pratique Sociétés Commerciales, F. Lefebvre,
2009, n°18498. Pour un exemple, voir Cass. com. 26 j uin 1990, BRDA, 19/90, p. 11, et ne prévoyant dans
un tel cas aucun droit de repentir, voir Cass. com. 7 janvier 2004, Bull. Joly, 2004, p. 544, note P. Le Cannu.
1115
Voir infra, en matière de cession de droits sociaux, Titre 2, Chap. 2, propos introductifs.
252
526 - La validité, dans le principe, des pactes de préférence entre actionnaires est
reconnue depuis que la jurisprudence en a admis l’autonomie au regard des clauses
d’agrément statutaires, à l’époque où ces dernières n’étaient pas encore tolérées par la
loi dans les cessions entre actionnaires. Les clauses d’agrément extra-statutaires sont,
quant à elles, en l’absence de décision de jurisprudence, validées dans leur principe-
même par une fraction significative de la doctrine. Ces clauses, par lesquelles un
actionnaire s’engage envers un autre à ne céder ses actions qu’après avoir obtenu
l’accord de ce dernier quant à la personne du cessionnaire pressenti et peuvent, selon
leur rédaction, être plus proches de l’esprit du pacte de préférence ou de celui de
l’agrément statutaire, ne méconnaissent aucunement l’appartenance des clauses
d’agrément statutaires au domaine réservé aux statuts. En effet, les clauses d’agrément
extra-statutaires ne font intervenir aucun organe social et engagent les seuls
actionnaires signataires. Quant la condition essentielle tenant à l’obligation pour le
bénéficiaire du pacte, à défaut d’agrément, d’organiser le rachat des titres du débiteur,
elle ne fait que distinguer ces clauses des pactes d’inaliénabilité.
minimum, les modalités de mise en œuvre du pacte de manière à ce que leur débiteur
conserve matériellement la possibilité de céder ses titres, à un prix qui le satisfait. La
procédure de préférence ou d’agrément doit notamment prévoir des délais brefs, tant
pour l’exercice de l’option que pour la réalisation effective de la préemption ou du rachat
à défaut d’agrément, de manière à ne pas décourager un potentiel candidat à
l’acquisition, et stipuler l’indivisibilité du pacte. S’agissant des modalités financières de
l’exercice du droit de préférence ou du rachat à défaut d’agrément, elles reposent sur
divers mécanismes de fixation du prix, très variables en pratique et librement définis par
les partenaires par application du droit commun. Le principe de libre négociabilité n’a
donc aucune influence à cet égard et n’implique aucunement un droit au juste prix pour
le débiteur du pacte. Les clauses d’agrément extra-statutaires sont en particulier
complètement affranchies de la procédure légale d’agrément. En pratique, les pactes de
préférence et d’agrément extra-statutaires s’inspirent toutefois de cette procédure, pour
prévoir conventionnellement l’application de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil
et/ou un droit de repentir pour le partenaire débiteur tout autant que pour le bénéficiaire.
529 - L’influence qu’exercent les deux règles de l’ordre public sociétaire tenant à la
prohibition des clauses léonines, énoncée à l’article 1844 alinéa 2 du Code civil, et à
l’expertise impérative prévue par l’article 1843-4 du Code civil sur le régime des
stipulations relatives au prix dans les pactes d’actionnaires organisant des cessions ou
des acquisitions d’actions est difficile à cerner en droit positif.
La question se pose avec acuité dans la perspective d’une étude de la dépendance au
contrat de société de ces pactes. Elle occupe une grande place dans l’actualité
jurisprudentielle et retient toute l’attention des praticiens.
254
530 - Les incertitudes qui demeurent en droit positif, malgré une nette évolution de la
jurisprudence, quant à la soumission des pactes d’actionnaires à la prohibition des
clauses léonines tout autant qu’à l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil sont
significatives de la difficulté qu’éprouvent les juges à se prononcer sur le maintien de la
raison d’être de ces règles d’ordre public sociétaire en dehors des statuts.
Or cette difficulté est au cœur de la problématique de la dépendance des pactes
d’actionnaires au contrat de société. En effet, dans le cadre de cette étude, il convient
de déterminer au préalable si la prohibition des clauses léonines ainsi que l’impérativité
de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil conservent un fondement dans les
relations inter-individuelles qui lient certains actionnaires en dehors des statuts. Ce n’est
que dans l’affirmative qu’il y a effectivement un sens à s’interroger sur le degré
d’influence qu’exercent ces règles sur le régime des pactes d’actionnaires relatifs aux
cessions et aux acquisitions d’actions.
532 - L’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil répute non écrite toute clause léonine.
Sa rédaction1116 semble cantonner le domaine d’application de la prohibition des clauses
léonines à une hypothèse bien particulière : l’attribution ou la suppression intégrale, pour
un actionnaire, de la vocation aux bénéfices ou aux pertes sociales. Il est en effet dans
la nature du contrat de société que chaque actionnaire subisse un minimum l’aléa social
en ayant vocation à partager les bénéfices ou les économies générés par l’activité
sociale tout autant qu’à contribuer aux pertes qui pourraient éventuellement en
résulter1117.
1116
L’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil (anciennement art. 1855 C. civ. avant la réforme du 4 janvier
1978) énonce que « la stipulation attribuant à un associé la totalité du profit procuré par la société ou
l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la
totalité des pertes sont réputées non écrites ».
1117
Art. 1832 C. civ.
255
533 - La jurisprudence a cependant opté, très tôt, pour une application extensive de
cette disposition relevant de l’ordre public sociétaire. La prohibition a ainsi été étendue,
non seulement aux conventions extra-statutaires1118, mais encore, aux aménagements
susceptibles de n’avoir qu’un effet indirect sur la contribution aux pertes. A ce titre, les
juges considèrent notamment que les sommes apportées au capital par un actionnaire
ne peuvent être affranchies de toute contribution aux pertes au moment du départ de ce
dernier1119. Or, le rapport entre la fixation du prix dans une cession de droits sociaux et
la contribution aux pertes sociales ne semble pouvoir être qu’indirect1120 dès lors qu’il est
généralement admis que cette contribution ne se réalise qu’au jour de la liquidation de la
société, lorsque l’actionnaire ne récupère pas la totalité de son apport pour cause d’actif
social insuffisant1121.
534 - Dans le cadre des pactes, caractérisés par une dépendance modérée au
contrat de société, qui organisent le retrait d’un actionnaire au moyen d’une promesse
unilatérale de rachat consentie à ce dernier par ses partenaires1122, un prix minimum est
souvent garanti par le promettant-acquéreur au bénéficiaire-cédant.
La question s’est naturellement élevée en jurisprudence de savoir si la fixation d’un tel
prix plancher dans les promesses de rachat de titres entre actionnaires tombe sous le
coup de la prohibition des pactes léonins. Il est en effet tentant pour le promettant qui
cherche à se soustraire à son engagement d’achat, lorsque la valeur réelle des titres au
moment de la levée d’option s’avère bien inférieure au prix qu’il a garanti, d’invoquer la
nullité de la promesse en ce qu’elle conduit à faire échapper le bénéficiaire aux
conséquences que d’éventuelles pertes sociales pourraient avoir sur la valeur des
actions.
Dans le cadre de son appréciation de la validité, au regard de la prohibition des clauses
léonines, des promesses de rachat à prix plancher entre actionnaires, la jurisprudence
s’est largement assouplie au cours de ces vingt dernières années. Cette évolution a été
accueillie très favorablement par les praticiens, un certain nombre de montages,
essentiels à la pratique des affaires se trouvant confortés dans leur validité. Si l’on ne
1118
Cass. req. 14 juin 1882, DP, 1884.1.222 ; Cass. civ. 16 juillet 1894, D., 1894, 1, p. 531 ; Cass. req. 9
avril 1941, JCP, 1941.II.1762, note Bastian ; Cour d’appel de Paris 5 décembre 1983, D. 1984, IR.52 et
Cour d’appel de Paris 22 octobre 1996, Bull. Joly, 1997, p. 15, note P. Le Cannu.
1119
Cour d’appel de Paris 30 octobre 1976, Rev. sociétés, 1977, p. 695, note D. Schmidt, qualifiant de
léonin, l’engagement de rachat à prix minimum, consenti par une société à son dirigeant, pour garantir ce
dernier contre le risque de subir une moins-value lors de la cession de ses titres au terme de ses fonctions,
si la société devait être amenée à essuyer des pertes importantes.
1120
En ce sens également, Y. Guyon, Traité des contrats - Les sociétés, aménagements statutaires et
ème
conventions entre associés, LGDJ, 5 éd., n°209.
1121
En ce sens notamment, Cour d’appel de Versailles 7 septembre 2000, Bull. Joly, 2000, p. 1175.
1122
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . B.
256
peut qu’approuver les mérites pratiques de cette évolution, il est regrettable que les
solutions données en jurisprudence manquent autant de clarté1123.
535 - Il semble, tout d’abord, que certains de ces pactes ne sont pas concernés par
la réglementation des clauses léonines, ce sont ceux dont l’objet est d’organiser une
transmission d’actions dans le cadre d’une cession échelonnée dans le temps ou
d’assurer une rétrocession d’actions dans le cadre d’une opération financière de portage
d’actions. Quant aux pactes qui sont susceptibles de tomber sous le coup de la
prohibition, ils sont largement validés même si leur régime demeure relativement flou. Il
est en effet malaisé de dégager, parmi les divers critères mis en avant tout au long de
l’évolution jurisprudentielle, les conditions qui entourent la validité des promesses de
rachat d’actions à prix plancher en droit positif.
537 - Pendant plus d’un siècle, les juges ont sanctionné avec une grande rigueur,
sur le fondement de la prohibition des clauses léonines, toute clause ayant pour effet de
garantir un actionnaire contre le risque de pertes1124, peu important à cet égard que la
clause soit statutaire ou extra-statuaire, limitée à certains actionnaires ou non et quel
qu’en soit son objet1125. Ils ont maintenu cette position jusque dans les années 80
malgré les vives critiques élevées par les praticiens.
Il semble aujourd’hui bien établi en jurisprudence que certains pactes n’entrent pas, en
raison de leur objet, dans le champ d’application de l’article 1843-4 du Code civil. La
jurisprudence a en effet posé comme principe, dès le début des années 80, que les
pactes qui ont pour objet d’organiser une transmission d’actions échappent à la
1123
Voir notamment, A. Pietrancosta, « Promesses d’achat de droits sociaux et clauses léonines : critique
d’une sollicitation excessive et hasardeuse de l’article 1844-1 du Code civil », Rev. Lamy. Dr. aff., 2006, n°1,
p. 67.
1124
Cass. req. 14 juin 1882 ; Cass. civ. 16 juillet 1894 et Cass. req. 9 avril 1941 précités ; Cass. com. 22
mars 1955, Bull. civ., III, n°104 ; Cass. com. 10 février 1981, Rev. sociétés, 1982, p. 98, note Ph. Merle et
ère
Cass. 1 civ. 22 juin 1986, Bull. Joly, 1986, p. 862, note P. Le Cannu.
1125
Voir notamment Cour d’appel de Paris 5 décembre 1983, précité, selon lequel les juges doivent
envisager le résultat obtenu, à savoir l’exonération de l’actionnaire, plutôt que les modalités des stipulations,
qu’il s’agisse de faire entrer un nouvel actionnaire dans la société, d’empêcher un actionnaire de sortir de la
société ou, au contraire, de l’en faire partir.
257
prohibition des clauses léonines (A). Un peu plus tard, dans le courant des années 90,
cet affranchissement de la réglementation des clauses léonines a été étendu aux pactes
ayant pour objet d’assurer, moyennant des promesses croisées de rachat et de vente
stipulées en des termes identiques, la rétrocession des actions dans le cadre d’une
opération de portage (B).
A. L’affranchissement des pactes dont l’objet est d’organiser une transmission d’actions
538 - Dans le cadre des cessions de contrôle, pour lesquelles il est courant que le
repreneur acquière les titres de manière échelonnée dans le temps, le cédant conclut
fréquemment un pacte avec le repreneur afin d’organiser la transmission des actions. Le
cédant, qui souhaite être garanti contre une éventuelle dépréciation des titres qu’il
conserve entre la première et la dernière cession, par suite, notamment, d’un échec de
la reprise, exige en effet du cessionnaire qu’il s’engage à lui racheter le reliquat de titres,
à un prix garanti1126, dans le cadre d’une promesse unilatérale d’achat. Le prix de
cession ainsi garanti est en pratique fixé par référence au prix payé comptant à la
première cession, éventuellement actualisé en fonction d’éléments plus ou moins
dépendants des performances ultérieures de la société.
539 - Après quelques prémisses, dès le début des années 80, d’assouplissement de
sa position rigoureuse1127, la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est
prononcée, dans un arrêt de principe du 20 mai 1986, statuant dans l’affaire Bowater, en
faveur de la validité de la promesse d’achat à prix plancher entre actionnaires « dont
l’objet n’était autre, sauf fraude, que d’assurer moyennant un prix librement convenu, la
transmission des droits sociaux »1128. Confirmant par la suite l’abandon de son
raisonnement antérieur, axé sur l’effet du pacte, la chambre commerciale place
expressément en dehors du domaine de l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil les
promesses d’achat organisant une transmission de droits sociaux, en raison de leur
objet-même, lequel exclut toute « atteinte au pacte social dans les termes visés par
1126
Sur le caractère objectivement déterminable du prix dans les clauses dites de earn out, conclues dans
le cadre des cessions échelonnées, par lesquelles le cédant, ayant abandonné le contrôle de la société
mais pas nécessairement la gestion de celle-ci, continue pendant une période intermédiaire à profiter ou
subir les performances de cette société, voir M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des contrats,
Economica, 2009 n°172 et s. et Cass. com. 19 janvier 2010, Dr. sociétés, 2010, comm. 70, D. Gallois-
Cochet. Sur ces conventions, voir également F.-D. Poitrinal, « Cession d’entreprise : les conventions de
earn out », JCP, éd. E., 1999, p. 18.
1127
Cass. com. 15 juin 1982, Rev. sociétés, 1983, p. 329, note Y. Guyon, validant une clause extra-
statutaire à prix plancher en raison de ce que la prohibition ne vise que le contrat de société.
1128
Cass. com. 20 mai 1986, affaire Bowater, Rev. sociétés, 1986, p. 587 note D. Randoux
258
cette disposition légale »1129, une telle promesse étant « étrangère au pacte social et
sans incidence sur l’attribution des bénéfices aux associés et sur leur contribution aux
pertes dans les rapports sociaux »1130.
1129
Cass. com. 20 mai 1986, affaire Bowater, précitée et Cass. com. 10 janvier 1989, Bull. Joly, 1989, p.
256, note P. Le Cannu.
1130
Cass. com. 10 janvier 1989, précitée et Cass. com. 12 mars 1996 (Martin c/ Sté Cam Galaxy), D., 1996,
somm. 347, note J.-Cl. Houin et Cass. com. 19 mai 1998, Bull. Joly, 1998, p. 1060, note P. Scholler.
1131
F.-D. Poitrinal, op. cit., C.
1132
En ce sens, F.-X. Lucas, « Promesses d’achat de droits sociaux à prix garanti et prohibition des clauses
léonines - A la recherche de la cohérence perdue… », JCP, éd. E, 2000, p. 171.
1133 ère ère
Cass. 1 civ. 22 juin 1986, Bull. Joly, 1986, p. 862, note P. Le Cannu ; Cass. 1 civ. 7 avril 1987, JCP,
éd. G, 1988.II.21006, note M. Germain et sur renvoi Cour d’appel de Caen 16 janvier 1990, Bull. Joly, 1991,
ère
p. 916, note P. Le Cannu, confirmée par Cass. 1 civ. 16 décembre 1992, Dr. sociétés, 1993, n°30, obs. T.
Bonneau.
1134
F.-D. Poitrinal, op. cit., C.
1135
Art. L 721-3 C. com. Voir également, Cass. com. 10 juillet 2007, Dr. sociétés, 2007, n°179, obs. H.
Hovasse et Cass. com. 12 février 2008, Bull. Joly, 2008, p. 266, note Th. Massart.
1136 ère
Ainsi en était-il de l’affaire ayant successivement donné lieu aux arrêts Cass. 1 civ. 7 avril 1987, Cour
ère
d’appel de Caen 16 janvier 1990 statuant renvoi, confirmée par Cass. 1 civ. 16 décembre 1992, précités.
Voir également, M. Jeantin, « Conventions de portage et droit des sociétés », RD bancaire et bourse, 1991,
p. 125.
1137
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°209 et F.-X. Lucas, op. cit.
259
B. L’affranchissement des pactes dont l’objet est d’assurer une rétrocession d’actions
542 - La convention de portage est celle par laquelle une personne, le porteur,
convient avec une autre, le donneur d’ordre, d’acquérir et conserver des actions pour le
compte de ce dernier ou d’un tiers, à charge pour celui-ci de les lui racheter dans un
certain délai et moyennant un prix arrêté à l’avance1138.
Le portage d’actions se caractérise par le service rendu par le porteur, qui est en
général un établissement financier, afin, notamment1139, de financer une augmentation
en fonds propres en organisant le rachat ultérieur, par les actionnaires fondateurs et
donneurs d’ordre, des nouveaux titres souscrits par le porteur1140. Le porteur n’accepte
d’accorder son concours et de prendre temporairement une participation dans le capital
de la société qu’à condition d’être garanti contre le risque social au moyen d’un
engagement de rachat à prix plancher couvrant l’apport réalisé et assurant la
rémunération du service financier qu’il a rendu. De son côté, le donneur d’ordre souhaite
s’assurer de ce que le porteur ne pourra pas se maintenir dans la société si l’affaire
s’avérait florissante. La promesse unilatérale de rachat à prix plancher, consentie par le
donneur d’ordre au porteur, est donc souvent complétée par une promesse unilatérale
de vente, aux mêmes conditions, consentie en retour par le porteur au donneur d’ordre.
Il apparaît que les conventions de portage sont par essence léonines, si bien que
pendant longtemps la jurisprudence les a systématiquement annulées1141.
543 - Puis, dans le prolongement de la plus grande tolérance dont elle fait preuve
depuis l’arrêt Bowater pour la transmission de sociétés, la chambre commerciale de la
Cour de cassation est revenue sur sa position, en matière de conventions de portage, à
1138
Voir, Y. Guyon, op.cit, 2002, n°254 et G. Goffaux-Callebaut, Du contrat en droit des sociétés : essai sur
le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés, Ed. L’Harmattan, 2008, n°529 et s.
1139
Sur les autres utilités que peuvent remplir les conventions de portage (notamment, assurer la discrétion
pour un investisseur souhaitant garder l’anonymat, un arbitrage lorsqu’un désaccord entre actionnaires
bloque la gestion de la société ou, en relais, pour assurer ponctuellement l’exécution d’un pacte
d’actionnaires dont l’un des partenaires n’est pas en mesure d’honorer immédiatement l’engagement
d’acquisition de titres auquel il est tenu, par exemple), voir G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°531 et s.
1140
Pour une exemple de recours au portage par les principaux actionnaires d’une société afin d’assurer
l’expansion de cette dernière, voir Cass. com. 15 février 1994, Bull. Joly, 1994, p. 508, note D. Velardocchio,
précité.
1141
Voir Cass. req. 14 juin 1882 et Cass. req. 9 avril 1941 et Cass. com. 22 mars 1955, précités et l’affaire
ère
ayant successivement donné lieu aux arrêts Cass. 1 civ. 7 avril 1987, Cour d’appel de Caen 16 janvier
ère
1990 statuant renvoi, confirmée par Cass. 1 civ. 16 décembre 1992, précités
260
partir des années 901142. Dans un arrêt de principe, en date du 24 mai 1994, statuant
dans le cadre d’une opération de portage conclue avec la SDBO, la chambre
commerciale reconnaît la validité, de la stipulation d’un prix plancher dans le cadre d’un
montage contenant des « promesses croisées de rachat et de vente des mêmes actions
libellées en des termes identiques au profit de chacune des parties contractantes, ce
dont il résultait que celles-ci avaient organisé, moyennant un prix librement débattu, la
rétrocession des actions litigieuses sans incidence sur la participation aux bénéfices et
la contribution aux pertes dans les rapports sociaux »1143.
La chambre commerciale admet ainsi la validité des promesses de rachat à prix
plancher stipulées dans les conventions de portage, à condition que ces dernières
soient croisées avec des promesses de vente, portant sur les mêmes titres et aux
mêmes conditions. Cette position n’est pas contredite1144 par la jurisprudence de la
première chambre civile précitée1145, laquelle a annulé, sur le fondement de la
prohibition des clauses léonines, des promesses unilatérales de rachat sèches1146, c’est-
à-dire non croisées.
1142
Amorçant un revirement, voir Cass. com. 19 mai 1992, Bull. Joly, 1992, p. 779, note P. Le Cannu.
1143
Cass. com. 24 mai 1994, affaire SDBO, Bull. Joly, 1994, p. 797, note P. Le Cannu.
1144
En ce sens, F.-X. Lucas, op. cit.
1145
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1 . A in fine.
1146 ère
Ainsi en était-il de l’affaire ayant successivement donné lieu aux arrêts Cass. 1 civ. 7 avril 1987, Cour
ère
d’appel de Caen 16 janvier 1990 statuant renvoi, confirmée par Cass. 1 civ. 16 décembre 1992, précités.
Voir également, M. Jeantin, « Conventions de portage et droit des sociétés », RD bancaire et bourse, 1991,
p. 125.
1147
En ce sens notamment, M. Jeantin, op. cit.
1148
En ce sens, H. Le Nabasque, P. Dunaud et P. Elsen, « Les clauses de sortie dans les pactes
d’actionnaires », Dr. sociétés, Actes prat. 10/1992, n°5 et 54, p. 13.
1149
Voir Cass. com. 8 mars 2005, pourvoi n°02-11.462, i nédit, statuant à propos d’une promesse de cession
entre actionnaires à prix préfixé et concluant au caractère non-léonin (cité par A. Pietrancosta, « Promesses
d’achat de droits sociaux et clauses léonines : critique d’une sollicitation excessive et hasardeuse de l’article
1844-1 du Code civil », Rev. Lamy. Dr. aff., 2006, n°1, p. 67 et s., n°9).
261
garanti, tandis que dans le cadre d’un pacte de préférence, le promettant n’est pas
assuré de conclure la vente avec le bénéficiaire au prix préfixé s’il décide de vendre.
545 - Le Professeur Lucas, non convaincu par cette analyse fondée sur le maintien
d’un aléa, suggère, pour sa part, de voir dans la jurisprudence relative aux conventions
de portage les prémisses d’une distinction entre les actionnaires véritables ou
« authentiques »1150 et les investisseurs, simples bailleurs de fonds ne devant pas, à ce
titre, être soumis à l’ordre public sociétaire1151. Il est vrai que le porteur est un
actionnaire inerte, un sleeping partner qui renonce à exercer toute prérogative politique
au sein de la société1152 et à percevoir la part de bénéfices à laquelle il pourrait
prétendre en sa qualité d’actionnaire, le montant des dividendes perçus venant s’imputer
sur le prix de rachat1153.
Cette distinction entre les actionnaires authentiques et les bailleurs de fonds, dont nous
allons voir qu’elle est effectivement adoptée, depuis 2004, par la jurisprudence pour
apprécier la validité des promesses de rachat à prix plancher stipulées dans d’autres
types d’opérations entre actionnaires1154, n’a jamais été appliquée en matière de
conventions de portage reposant sur des promesses croisées. Bien plus, un arrêt de la
chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 22 février 20051155, non
publié1156, précise expressément, après avoir confirmé, selon une formule identique à
celle de l’arrêt SDBO du 24 mai 19941157, la validité des promesses croisées de rachat et
de vente à prix plancher stipulées dans le cadre d’une convention de portage pour
organiser la rétrocession des actions, que de telles promesses échappent aux
dispositions de l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil.
546 - Les conventions de portage reposant sur des promesses croisées sont donc
placées hors du champ de la réglementation des clauses léonines. Il en résulterait un
bel avenir pour cette pratique du portage si la jurisprudence n’était pas venue, dans le
même temps, fragiliser les promesses croisées stipulées dans les mêmes termes en les
1150
F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, LGDJ, 1997, n°392 et s. et article précité .
1151
F.-X. Lucas, op. cit. Voir également, H. Le Nabasque, Rev. sociétés, 2005, p. 593, n°7, note sous Cass.
com. 22 février 2005, cité infra.
1152
Le porteur est bien titulaire des droits attachés aux titres, comme tout actionnaire, mais pour les exercer
il a le devoir de se conformer aux instructions du donneur d’ordre.
1153
G. Goffaux-Callebaut, op. cit., n°545 et s.
1154
Voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect°1, § 2. B.
1155
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Laurent c/ CRCAM du Morbihan, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H.
Le Nabasque.
1156
Il convient de ne pas confondre l’arrêt Laurent c/ CRCAM du Morbihan avec l’arrêt Gontard rendu le
même jour par la chambre commerciale de la Cour de cassation en matière de clauses léonines, quant à lui
publié : Cass. com. 22 février 2005, arrêt Gontard c/ M. Jean Papelier, dit également affaire Textilinter, cité
infra, Bull. Joly, 2005, p. 961, note F.-X. Lucas. Voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect°1, § 2. B.
1157
Cass. com. 24 mai 1994, affaire SDBO, Bull. Joly, 1994, p. 797, note P. Le Cannu, précité.
262
1158
Cass. com. 22 novembre 2005, JCP, éd. E, 2006, 1463, note A. Constantin, confirmant Cass. com. 16
janvier 1990, RTD civ., 1990, p. 463, note J. Mestre. Voir également Cour d’appel de Versailles 9 octobre
2007, Bull. Joly, 2008, p. 39, note P. Mousseron.
1159
Sur la validité desquelles, voir infra, Titre 2, Chap. 2, Sect°1, § 2. B. et F.-X. Lucas, Bull Joly, 2007, p.
610, note sous Cass. com. 23 janvier 2007.
1160
Loi n°2007-211 du 19 février 2007 modifiée et comp létée par la loi LME du 4 août 2008, l’ordonnance du
30 janvier 2009 et la loi du 12 mai 2009. L’article 2011 du Code civil définit la fiducie comme « L’opération
par laquelle un ou plusieurs constituants transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble
de biens, de droits ou de sûretés, présents et futurs, à un ou plusieurs fiduciaires qui, les tenant séparés de
leur patrimoine propre, agissent dans un but déterminé au profit d’un ou plusieurs bénéficiaires ».
1161
A l’origine, le constituant ne pouvait être qu’une personne morale soumise à l’IS.
1162
La fiducie peut à ce jour servir pour la constitution de sûreté ou pour la gestion de certains biens. Le
constituant peut désormais être une personne morale ou une personne physique (loi LME du 4 août 2008).
Les fiduciaires, limitativement énumérés par la loi, peuvent être les établissements de crédit, certajnes
institutions mentionnées à l’article L 518-1du Code monétaire et financier, les entreprises d’investissement
et d’assurance et les avocats.
1163
La fiducie ne peut à ce jour servir d’alternative à toutes les conventions de portage. En effet, le fiduciaire
ne peut avancer au constituant les fonds permettant l’acquisition des titres dès lors que la fiducie requiert un
transfert de droits de la part du constituant au profit du bénéficiaire. C’est à cette seule condition que la
fiducie peut servir une opération de gestion ou de sûreté. (En ce sens, F. Barrière, « Commentaire sur la loi
n°2007-211 du 19 février 2007 (première partie), Bull. Joly, 2007, p. 440, A. 1.2). Voir également, F.-X.
Lucas, Bull Joly, 2007, p. 610, note sous Cass. com.23 janvier 2007.
1164
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1 . B
1165
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B.
263
A. Les doutes relatifs à la prohibition des clauses léonines dans les cessions de titres
549 - Les promesses unilatérales de rachat à prix plancher stipulées dans le cadre
d’opérations autres que celles qui assurent la transmission échelonnée des titres d’une
société ou que celles qui, dans le cadre d’un portage d’actions, ne sont pas croisées
avec une promesse unilatérale de vente conclue aux mêmes conditions1166, entrent dans
le domaine d’application de la prohibition des clauses léonines.
Il s’agit notamment des pactes de retrait conclus au profit des investisseurs dans le
cadre des opérations de capital-investissement afin d’aménager, soit la sortie
prématurée de l’investisseur à des conditions de risque atténué, soit la sortie de ce
dernier dans des conditions préférentielles au terme de l’opération de financement1167. A
cet effet, les actionnaires majoritaires et dirigeants consentent à l’investisseur, en
contrepartie du bénéfice de nouveaux moyens de financement en fonds propres, une
promesse unilatérale de rachat à prix plancher garantissant, outre le remboursement de
l’apport réalisé, la rémunération du service financier rendu par l’investisseur1168.
Le risque de nullité, au regard de la prohibition des clauses léonines, est alors encouru
pour les seules promesses unilatérales de rachat entre actionnaires conclues à un prix
1166
Lesquelles devraient être, lorsque cela est possible, supplantées par le recours à la fiducie (voir supra,
Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1, § 1. B).
1167
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B. et Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 1. B.
1168
Pour un exemple de prix plancher égal au montant de l’investissement augmenté d’un intérêt de 14%
par an sur trois ans, voir Cass. com. 16 novembre 2004, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque.
264
plancher d’une valeur au moins égale au prix auquel le bénéficiaire-cédant a acquis les
titres objets du rachat1169. C’est en effet dans cette seule hypothèse que le bénéficiaire
du pacte a l’assurance d’échapper à l’incidence que d’éventuelles pertes sociales
auraient sur la valeur des titres qu’il revend et est ainsi garanti contre toute moins-value
de cession.
1169
En ce sens également, voir P. Didier, Droit commercial, T 2, L’entreprise en société, Les groupes de
ème
société, PUF, coll. Thémis, 3 éd., 1993, p. 64 et F.-D. Poitrinal, « Cession d’entreprise : les conventions
de earn out », JCP, éd. E., 1999, p. 1, 1. C.
1170
Rappelons que la nulité d’une promesse reconnue comme léonine n’atteindra pas le reste du pacte si
cette promesse n’est pas considérée par les juges comme constituant un élément déterminant pour le pacte
tout entier. Par précaution, il est préférable de stipuler que les promesses unilatérales d’achat à prix
plancher ne présentent pas un caractère déterminant pour le pacte et d’ajouter que les clauses du pacte
sont indépendantes les unes des autres.
1171
« L’antique prohibition des pactes léonins, pour aussi légitime que son fondement puisse apparaître,
constitue encore aujourd’hui un véritable boulet dans la vie des affaires » (A. Couret, Bull. Joly, 2006, p. 92,
note sous Cass. com. 27 septembre 2005, affaire BSA Bourguoin, cité infra).
1172
En ce sens, Y. Guyon, op. cit., n°198 et 209 et note sous Cass. com. 19 octobre 1 999, JCP, éd. E,
1999, p. 2067, 2, selon lequel étendre l’application de la prohibition des clauses léonines aux conventions
extra-statutaires entre actionnaires reviendrait à « frapper ceux-ci d’une interdiction de contracter non
prévue par la loi ».
1173
Voir les arrêts Cass. req. 14 juin 1882 ; Cass. civ. 16 juillet 1894 ; Cass. req. 9 avril 1941 ; Cour d’appel
de Paris 5 décembre 1983 et Cour d’appel de Paris 22 octobre 1996, précités.
1174
Ainsi en est-il notamment des dispositions extra-statutaires relatives à la distribution des dividendes que
nous ne traitons pas dans cette étude (sur cette question, voir Y. Guyon, op. cit., n°238).
265
551 - D’une part, au regard de la lettre de la loi, la fixation d’un prix plancher dans
une promesse de rachat de droits sociaux entre actionnaires ne permet qu’une
exonération limitée de la contribution aux pertes par le bénéficiaire, laquelle n’est pas
sanctionnée. En effet, tant qu’il n’a pas levé son option, le bénéficiaire demeure soumis
aux aléas de la conjoncture et notamment au risque de voir ses titres disparaître par
suite d’une liquidation judiciaire ou d’une opération de réduction du capital social
motivée par des pertes. A ce titre, un arrêt a expressément retenu, confirmant la
tendance de la jurisprudence à apprécier largement le concept de contribution aux
pertes, que cette contribution recouvre tout autant la disparition que la dépréciation des
titres1176. Mais la disparition des titres sociaux demeure, pour certains, un risque
théorique1177. Plus fondamentalement, une fraction non négligeable de la doctrine
désapprouve le lien établi par la jurisprudence entre les bénéfices ou les pertes réalisés
par la société et les plus ou moins-values réalisées sur la cession de leurs titres sociaux
par les actionnaires1178. En effet, établir une « corrélation mécanique entre l’état du
patrimoine social et l’évolution du prix des titres sociaux »1179 revient à négliger les
divers éléments, autres que les pertes sociales, dont dépend la valeur vénale des titres,
tels que l'anticipation des gains futurs1180.
1175
A. Pietrancosta vise une « sollicitation excessive et hasardeuse », op. cit.
1176
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Gontard c/ M. Jean Papelier, Bull. Joly, 2005, p. 961, note F.-X.
Lucas ; JCP, éd. E, 2005, n°938, note H. Hovasse ; Dr. sociétés, 2005, comm. 107, G. Trébulle et Rev.
sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque.
1177
H. Le Nabasque, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note précitée sous Cass. com. 22 février 2005. Contra, G.
Trébulle, commentaire précité sous Cass. com. 22 février 2005, citant un arrêt ayant eu à statuer sur une
telle disparition des titres (Cass. com. 10 octobre 2000, Dr. sociétés, 2001, comm. 20, note T. Bonneau).
Pour un autre exemple, voir Cass. com. 18 juin 2002, JCP, éd. E, 2002, 1556, note A. Viandier.
1178
Notamment, Th. Massart, Bull. Joly, 2002, p. 499 note sous Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001
confirmé par Cass. com. 27 septembre 2005, affaire BSA Bourgouin, cité infra ; H. Hovasse, note précitée
sous Cass. com. 22 février 2005 ; A. Pietrancosta, op. cit, n°14 et P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud, « Les
promesses d'achat de droits sociaux à prix plancher à l'épreuve de l'interdiction des clauses léonines »,
RDC, 2007, p. 955, n°12.
1179
A. Pietrancosta, op. cit, n°14.
1180
P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud, op. cit., n°12.
1181
G. Trébulle, commentaire précité sous Cass. com. 22 février 2005.
1182
En ce sens, se référant expressément à la ratio legis de l’article 1844-1 du Code civil, voir M. Germain,
JCP, éd. N, 1986.II. 221, note sous Cass. com. 20 mai 1986, affaire Bowater, précité.
266
553 - Il s’avère, par ailleurs, que cette affaire est l’une des premières, semble-t-il, à
avoir conduit la Cour de cassation à se prononcer sur les promesses unilatérales de
rachat à prix plancher stipulées dans le cadre d’opérations de capital-investissement1187.
La chambre commerciale de la Cour de cassation approuve en effet, dans un arrêt du
19 octobre 1999, les juges du fond d’avoir validé la promesse litigieuse, en reprenant la
formule de l’arrêt Bowater, selon laquelle cette promesse, qui avait pour objet d’assurer
la transmission d’actions, était sans incidence sur la répartition des résultats, après avoir
relevé en outre que la Cour d’appel avait bien fait ressortir que cette promesse «avait
pour objet d’assurer l’équilibre des conventions conclues entre les parties »1188. Dans
cette solution, la chambre commerciale ne précise pas aussi clairement que les juges du
fond ne l’avaient fait, dans l’arrêt précité du 18 octobre 1996, que la promesse n’entrait
pas dans le champ de la réglementation des clauses léonines. Cela pouvait toutefois se
déduire de la reprise de la formule inaugurée par l’arrêt Bowater. Par ailleurs, l’arrêt de
la chambre commerciale fait pour la première fois référence à l’équilibre des
conventions. Cet équilibre revêtait une dimension particulière, en l’espèce, dès lors que
l’apport en capitaux effectué par les investisseurs, qui suffisamment conséquent pour
1183
G. Trébulle, commentaire précité sous Cass. com. 22 février 2005.
1184
Dans le même sens, P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud, op. cit., n°11, lesquels précisent avoir peine à
voir ce qu'il y a de léonin dans les promesses unilatérales de rachat à prix plancher, que ces dernières
soient consenties par un tiers ou par un actionnaire.
1185
Cour d’appel de Paris 18 octobre 1996, Bull. Joly, 1997, p. 11, note N. Rontchevsky, confirmé par Cass.
com. 19 octobre 1999, JCP, éd. E, 1999, p. 2067, note Y. Guyon (cité infra).
1186
G. Trébulle, commentaire précité sous Cass. com. 22 février 2005. En ce sens également, D. Randoux,
selon lequel « la prohibition de la clause léonine ne s’applique qu’au seul contrat de société », Rev.
sociétés, 1986, p. 587, note précitée sous Cass. com. 20 mai 1986, affaire Bowater.
1187
Précédemment, voir Cour d’appel de Paris 17 octobre 1996, Bull. Joly, 1996, p. 807, note A. Couret.
1188
Cass. com. 19 octobre 1999, JCP, éd. E, 1999, p. 2067, note Y. Guyon, confirmant Cour d’appel de
Paris 18 octobre 1996, précité.
267
rendre ces derniers majoritaires dans la société, ne leur conférait qu’un niveau de
participation dilué en capital et en droits de vote, sûrement justifié par le versement
d’une importante prime d’émission1189 comme cela est courant dans les opérations de
financement1190, en contrepartie de quoi, l’actionnaire fondateur, qui avait ainsi pu
conserver le contrôle de la société, s’était engagé à accorder aux investisseurs une
faculté de retrait à prix garanti. Cet arrêt laissait présager pour les promesses de rachat
à prix plancher intervenant dans le cadre d’opérations de capital-investissement, un
traitement jurisprudentiel identique à celui des promesses organisant une cession
échelonnées de titres1191.
554 - Pourtant, à partir de 2004, la Cour de cassation est venue encadrer par
certaines conditions la validité des promesses unilatérales de rachat à prix plancher
figurant dans les opérations de capital-investissement et celles, non assorties d’une
promesse croisée de vente, figurant dans les opérations de portage. Intégrant ainsi ces
promesses dans le domaine de la prohibition des clauses léonines pour en conditionner
la validité, la Cour de cassation infléchit sa position bienveillante adoptée dans l’arrêt
Bowater et confirmée jusqu’alors, dont on avait pu penser qu’elle était générale. Une
telle généralisation n’a toutefois jamais été acquise en droit positif et les fondements de
cette indulgence démontrée par la jurisprudence dans l’arrêt Bowater et confirmée dans
l’arrêt SDBO demeurent confus. De plus, au regard de la rigidité qui, historiquement, a
caractérisé pendant plus d’un siècle la jurisprudence relative à la réglementation des
clauses léonines, l’admission sous condition de la validité des promesses unilatérales de
rachat à prix plancher marque assurément un assouplissement de la prohibition des
clauses léonines.
1189
Cette particularité nous permet notamment de conclure que le litige était intervenu dans le cadre d’une
opération de financement par capital-investissement et non pas dans le cadre d’une cession de contrôle. En
ce sens, A. Pietrancosta, n°7. Contra, M. Germain, op. cit., n°1056-47.
1190
Voir A. Pietrancosta, op. cit, n°14.
1191
Précisons que l’équilibre des conventions ne peut pas être érigé en condition de validité des promesses
unilatérales de rachat à prix plancher entre actionnaires au regard de la prohibition des clauses léonines. La
notion d’équilibre est en effet impuissante à jouer un tel rôle dès lors que la prohibition ne condamne pas le
seul déséquilibre mais soit l’affranchissement total soit la charge exclusive de la contribution aux pertes (en
ce sens, A. Pietrancosta, op. cit, n°14).
268
énoncées. Nous l’avons dit, le Professeur Lucas avait discerné dans la jurisprudence
antérieure relative aux conventions de portage les prémisses d’une distinction entre les
promesses consenties au profit d’actionnaires véritables et celles consenties au profit
d’investisseurs, simples bailleurs de fonds1192.
Or c’est bien le raisonnement annoncé par cette doctrine que semble consacrer, pour la
première fois1193, la chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt
remarqué, en date du 16 novembre 2004, dans lequel elle reconnaît la validité de la
promesse unilatérale de rachat d’actions à prix plancher consentie par des actionnaires
fondateurs à un investisseur, dans le cadre d’une opération de capital-investissement,
au motif que cette promesse « avait pour objet, en fixant un prix minimum de cession,
d’assurer l’équilibre des conventions conclues entre les parties en assurant à M. X,
lequel est avant tout un bailleur de fonds, le remboursement de l’investissement auquel
il n’aurait pas consenti sans cette condition déterminante »1194.
La netteté de la solution est toutefois troublée par le fait que la chambre commerciale
poursuit en reprenant la formule consacrée par l’arrêt Bowater et en ajoutant qu’il
importait peu, au regard du défaut d’incidence sur la répartition des résultats de la
stipulation de prix plancher, que la promesse soit unilatérale. La formulation de cette
solution, mélange d’éléments anciens, par la reprise de la formule inaugurée dans l’arrêt
Bowater, et d’éléments nouveaux tenant, d’une part, à la qualité de bailleur de fonds du
bénéficiaire de la promesse et, d’autre part, au caractère déterminant de l’octroi de cette
promesse pour l’opération d’investissement, tout en confirmant la référence récente à
l’équilibre des conventions1195, laisse perplexe1196. L’on pouvait en effet tout autant
analyser cet arrêt comme l’expression de la volonté de la Cour de cassation d’étendre la
solution énoncée dans l’arrêt Bowater à d’autres promesses de rachat à prix plancher
que celles jusqu’alors expressément affranchies de la réglementation, qu’au contraire,
comme la reconnaissance de ce que ces autres promesses étaient bien concernées par
la réglementation des clauses léonines.
556 - C’est cette seconde proposition que la chambre commerciale n’a pas tardé à
confirmer. Les promesses unilatérales de rachat à prix plancher stipulées dans le cadre
des conventions de capital-investissement ou dans le cadre des conventions de portage
lorsque, pour ces dernières, ces promesses sont sèches, entrent dans le champ de la
1192
F.-X. Lucas, article précité, JCP, éd. E, 2000, n°5, p. 171.
1193
Voir cependant, Cass. com. 12 décembre 1978, Bull. civ., IV, n°306, cité par F.-X. Lucas, op. cit.
1194
Cass. com. 16 novembre 2004, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque.
1195
En l’espèce, la contrepartie que l’investisseur trouvait au versement d’une prime d’émission de 2250 Frs
par action, pour un nominal de 100 Frs, non justifiée par ailleurs par le niveau des fonds propres de la
société, résidait dans l’octroi de cette promesse unilatérale de rachat à prix plancher.
1196
H. Le Nabasque, note précitée, n°9.
269
1197
Cass. com. 27 septembre 2005, BSA Bourgoin, Bull. Joly, 2006, p. 92, note A. Couret et Dr. sociétés,
2005, comm. 210, H. Lécuyer, confirmant Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001, Bull. Joly, 2002, p. 499,
note Th. Massart, précité.
1198
On l’a dit, l’équilibre des conventions ne peut constituer une condition autonome de validité des
promesses unilatérales de rachat à prix plancher (voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect°1, § 2. A, note
de bas de page sous Cass. com. 19 octobre 1999, précité).
1199
F.-X. Lucas, Les transferts temporaires de valeurs mobilières, LGDJ, 1997, n°314 et « Du contrat de
société au contrat d’investissement’’, RD bancaire et fin., 2005, p. 50, n°13 et 14.
1200
F.-X. Lucas, op. cit., n°14.
270
558 - Il nous semble que la réunion de ces deux conditions est également
susceptible de valider les promesses unilatérales de rachat à prix plancher, non croisées
avec une promesse unilatérale de vente stipulée dans les mêmes termes, dans le cadre
d’opérations de portage1203. Mais il n’existe pas, à notre connaissance, de décision de
jurisprudence ayant eu à statuer dans une telle hypothèse depuis l’évolution opérée par
l’arrêt précité du 16 novembre 20041204.
C’est dans une situation proche mais différente de cette hypothèse exacte, alors que
régnaient encore les incertitudes soulevées par l’arrêt du 16 novembre 2004, avant que
la chambre commerciale ne rende l’arrêt précité du 27 septembre 20051205, qu’un autre
arrêt de cette chambre, en date du 22 février 2005, relatif à l’affaire Gontard1206, avait
1201
Voir notamment, V. Cuisinier, L’affectio societatis, Litec, 2008 et Cass. com. 9 juin 2009, Bull. Joly,
2009, p. 958, note B. Dondero, précité, adoptant une conception très simplifiée de l’affectio societatis.
1202
Voir notamment, D. Schmidt, Les conflits d’intérêts dans la société anonyme, éd. Joly, 2004, n°4, 5 et 8.
1203
Du même avis, F.-X. Lucas, Bull Joly, 2007, p. 610, note sous Cass. com. 23 janvier 2007.
1204
Cass. com. 16 novembre 2004, Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque, précité.
1205
Cass. com. 27 septembre 2005, BSA Bourgoin confirmant Cour d’appel de Paris 21 décembre 2001,
précités.
1206
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Gontard c/ M. Jean Papelier, dit également affaire Textilinter, Bull.
Joly, 2005, p. 961, note F.-X. Lucas ; Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque. A ne pas confondre
avec l’arrêt Cass. com. 22 février 2005, arrêt Laurent c/ CRCAM du Morbihan, cité supra, Partie II, Titre 2,
Chap. 2, Sect° 1, § 1. B (relatif à une convention de portage également mais reposant sur des promesses
croisées de rachat et de vente à prix plancher, commenté par H. Le Nabasque dans la même note).
271
achevé de semer la confusion1207. Cet arrêt, qui met un terme à un litige ayant fait l’objet
de nombreuses décisions1208, valide une promesse unilatérale de rachat à prix plancher,
sans se soucier, ni de l’absence de conclusion d’une promesse de vente croisée et de
l’objet de la promesse, éléments dégagés par les solutions de principe Bowater et
SDBO, d’une part, ni de la qualité de bailleurs de fonds et de la nature de
l’investissement opéré par le bénéficiaire de la promesse, selon les conditions de
validité, encore incertaines, exprimées depuis peu, d’autre part. La chambre
commerciale se contente de désapprouver la Cour d’appel d’avoir considéré que la
promesse était léonine alors même qu’elle avait constaté que son bénéficiaire, « ne
pouvait lever l’option qu’à l’expiration d’un certain délai et pendant un certain temps, ce
dont il résulte qu’il restait, en dehors de cette période, soumis au risque de disparition ou
de dépréciation des actions »1209.
Pour autant, il apparaît que l’arrêt Gontard daté du 22 février 2005 ne remet pas en
cause le raisonnement initié, quelque mois auparavant, par la chambre commerciale en
matière de capital-investissement, lequel sera ultérieurement confirmé par l’arrêt précité
du 27 septembre 2005. Il ne remet pas non plus en cause la solution énoncée par l’arrêt
SDBO, reprise par la chambre commerciale, dans un autre arrêt daté du 22 février 2005,
relatif à l’affaire Laurent1210 précitée, lequel confirme que sont expressément placées en
dehors du champ de la réglementation des clauses léonines, les promesses croisées à
prix plancher stipulées dans le cadre des conventions de portage. En effet, dans l’affaire
Gontard, les juges du fond avaient constaté l’absence de stipulation d’une promesse de
vente croisée, ce dont il résultait que la promesse de rachat entrait dans le champ de la
prohibition, et l’opération, si elle présentait certaines caractéristiques du portage ne
remplissait pas les nouvelles conditions dégagées par la jurisprudence relatives à la
qualité de bailleur de fonds et à la nature de l’investissement. Plus précisément, il
résultait des constatations des juges du fond, lesquels avaient d’ailleurs refusé de
qualifier l’opération de portage1211, que le bénéficiaire de la promesse, personne
physique et actionnaire « historique », s’était impliqué dans les affaires sociales et avait
notamment accepté, dès son entrée au capital, la fonction de président du conseil de
surveillance. La chambre commerciale se trouve donc à devoir rechercher si la
promesse tombe sous le coup de la prohibition des pactes léonins en ce qu’elle soustrait
1207
Voir notamment, H. Le Nabasque, note précitée.
1208
Antérieurement, dans la même affaire, voir Cour d’appel de Paris 22 octobre 1996, Bull. Joly, 1997, p.
15, note P. Le Cannu; Cass. com. 16 novembre 1999, JCP, éd. E, 1999, p. 2067, note Y. Guyon; Cour
d’appel de Versailles, 17 février 2002, RJDA, 8-9, n°890, p. 756 cassé par Cass. com. 22 févrie r 2005, arrêt
Gontard, précité.
1209
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Gontard c/ M. Jean Papelier, précité.
1210
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Laurent c/ CRCAM du Morbihan, précité, relatif à une convention de
portage reposant sur des promesses croisées de rachat et de vente à prix plancher.
1211
Cass. com. 16 novembre 1999, précité.
272
559 - Au final, il est possible de trouver une certaine cohérence1213 dans les
différentes solutions énoncées en quelques mois par la chambre commerciale de la
Cour de cassation à la suite de l’arrêt du 16 novembre 2004, lequel marque le début de
la prise en compte, par cette même chambre, du profil des actionnaires bénéficiaires de
la promesse unilatérale de rachat à prix plancher. Plus largement, la jurisprudence de la
Cour de cassation paraît bien présenter dans son ensemble, depuis l’infléchissement de
sa rigueur initié en 1986 par l’arrêt Bowater, une homogénéité tant au regard du
domaine de la réglementation des clauses léonines, qu’au regard des conditions
entourant la validité des promesses unilatérales d’achat à prix plancher concernées par
la prohibition.
Deux arrêts plus récents sont d’ailleurs venus confirmer la constance de ces solutions.
Ainsi, dans un arrêt en date du 15 mai 2008, statuant dans le cadre d’une opération de
capital-investissement1214, la première chambre civile de la Cour de cassation, laquelle
n’avait pas été amenée à se prononcer sur la question des clauses léonines depuis
longue date1215, reprend les solutions récemment dégagées par la chambre commerciale
pour conclure au caractère non léonin de la promesse unilatérale de rachat profitant à
un investisseur, dont les juges du fond avaient reconnu la qualité d’actionnaire
authentique, au motif que cette faculté de rachat, encadrée dans le temps, n’était pas de
nature à exonérer le bénéficiaire de tout risque de perte.
1212
En ce sens également, H. Le Nabasque, note précitée, n°11 et A. Couret, note précitée. Rappelons que
dans le cadre d’une promesse unilatérale de vente ou d’achat, la stipulation d’un délai pour la levée d’option
n’est pas requise ad validitatem. A défaut, le droit d’option se prescrit selon le droit commun, le promettant
étant en droit de mettre le bénéficiaire en demeure de se prononcer (F. Collart-Dutilleul, « La durée des
promesses de contrat », RDC, 2004, p. 15)
1213
Voir notamment la synthèse de cette évolution proposée par H. Lécuyer “Promesse unilatérale d’achat
d’actions et sanction des clauses léonines”, Dr. sociétés, 2005, comm. 210, sous Cass. com. 27 septembre
2005 (affaire BSA Bourguoin).
1214 ère
Cass. 1 civ. 15 mai 2008, Bull. Joly, 2009, p. 43, note P. Le Cannu.
1215 ère
Pour le dernier arrêt en date, à notre connaissance, voir Cass. 1 civ. 29 octobre 1990, Bull. Joly,
1990, p. 1053.
273
Plus récemment, dans un arrêt en date du 3 mars 2009, intervenant dans le cadre d’une
opération de capital-investissement, la chambre commerciale de la Cour de cassation
reconnaît la validité des promesses unilatérales d’achat à prix plancher consenties aux
investisseurs1216, en reprenant la formule énoncée dans l’arrêt du 27 septembre
20051217. Il est en outre remarquable que par cet arrêt, la chambre commerciale
confirme l’abandon, initié dans l’arrêt du 27 septembre 2005 précité, de la référence, qui
était devenue usuelle depuis l’arrêt Bowater, au défaut d’incidence qu’une telle
promesse pourrait avoir en raison de son objet sur la répartition des résultats.
560 - Sur ce point, la jurisprudence paraît admettre le caractère par essence léonin
de toute promesse de rachat stipulée pour un prix plancher supérieur au prix
d’acquisition. Il semble alors bien établi, qu’en cours de vie sociale, le bénéfice d’une
option de vente à un prix ainsi garanti est de nature, sauf à ce que l’exercice de l’option
soit encadré dans une fenêtre temporelle d’exercice, à exonérer totalement l’actionnaire
de sa contribution aux pertes sociales.
Dès lors, il est permis de s’interroger sur la cohérence de cette dichotomie opérée par la
jurisprudence entre les promesses de rachat à prix plancher dont l’objet ôte toute raison
d’être à la réglementation des clauses léonines et les autres promesses, pleinement
concernées par la prohibition. En effet, s’il est possible de trouver une certaine
homogénéité dans cette évolution jurisprudentielle, on peut regretter le manque de clarté
des solutions quant à leurs fondements ainsi que les difficultés pratiques auxquelles
donne lieu leur mise en application.
561 - N’aurait-il pas été plus cohérent de reconnaître que les promesses extra-
statutaires de rachat d’actions à prix plancher, bien qu’elles soient léonines par nature
échappent, sauf fraude, à la prohibition en raison de l’esprit de la loi ? C’est en effet, la
ratio legis de l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil qui, selon le Professeur Germain1218,
préside à la solution énoncée dans l’arrêt Bowater : « la cour d’appel n’avait pas à
vérifier si la fixation […] d’un prix minimum, avait pour effet de libérer le cédant de toute
contributions aux pertes sociales dès lors qu’elle constatait que la convention litigieuse
1216
Cass. com. 3 mars 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 110, M.-L. Coquelet, selon lequel : « Ne
contreviennent pas aux dispositions de l’article 1844-1 du Code civil les promesses d’achat qui ont eu pour
objet d’assurer l’équilibre des engagements en garantissant aux bénéficiaires, qui ont été avant tout dans
cette opération des bailleurs de fonds, le remboursement de l’investissement auquel ils n’auraient pas
consenti sans lesdites promesses ». L’arrêt ajoute en outre : « les promesses d’achat ne sont donc que la
contrepartie du service financier ».
1217
Cass. com. 22 février 2005, arrêt Gontard c/ M. Jean Papelier, dit également affaire Textilinter, Bull.
Joly, 2005, p. 961, note F.-X. Lucas ; Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque, précité.
1218
M. Germain, JCP, éd. N, 1986.II.221, note précitée sous Cass. com. 20 mai 1986.
274
constituait une cession »1219, laquelle solution semble devoir être généralisée à toutes
les cessions d’actions1220 « sauf à remettre en cause le principe même de la cessibilité
des droits sociaux »1221. Au regard du fonctionnement de l’organisation sociale et en
particulier, à l’égard de la société et des autres actionnaires1222, il importe peu, nous
l’avons précisé, de savoir qui du cédant ou du cessionnaire contribue aux pertes
sociales dès lors que l’un d’eux y contribue effectivement1223. Quant à l’équilibre dans les
cessions de titres conclues entre actionnaires, il doit, tout comme en droit commun, être
laissé à la libre appréciation des parties1224.
De plus, certains auteurs dénoncent le manque de fondement théorique et s’interrogent
sur l’opportunité1225 de la distinction prétorienne ainsi érigée entre les actionnaires
authentiques et les bailleurs de fonds, laquelle corrobore la théorie dite du contrat
investissement1226. Il est permis de se demander pourquoi un bailleur de fonds devrait
être traité de manière plus indulgente qu’un véritable actionnaire1227, et ce d’autant plus
que l’on s’accorde à penser que la prohibition des clauses léonines vise à protéger les
actionnaires les plus faibles1228 et non pas ceux qui, comme les investisseurs financiers,
exercent une réeelle domination sur les autres actionnaires1229.
1219
Cass. com. 20 mai 1986, affaire Bowater, Rev. sociétés, 1986, p. 587 note D. Randoux précité.
1220
En ce sens, Th. Massart, op. cit. Voir également, G. Trébulle, Dr. sociétés, 2005, comm. 107 sous Cass.
com. 22 février 2005, précité et P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud, « Les promesses d'achat de droits
sociaux à prix plancher à l'épreuve de l'interdiction des clauses léonines », RDC, 2007, p. 955, précité, n°11.
1221
Th. Massart, op. cit.
1222
Notons que cet argument conserve tout son poids si l’on considère, comme certains (voir, J. Mestre,
« L’égalité en droit des sociétés », Rev. sociétés, 1989, p. 399, spé. p. 408 et Th. Massart, op. cit.), que la
prohibition des clauses léonines vise également à protéger les créanciers sociaux.
1223
G. Trébulle, commentaire précité sous Cass. com. 22 février 2005 et P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud,
op. cit., n°11.
1224
Y. Guyon, op. cit., n°243 et A. Pietrancosta, op. cit., n°16.
1225
Voir notamment, A. Couret, note précitée ; A. Pietrancosta, op. cit., n°15 et 16 et P.-M. de Girard et Ch.-
A. Pascaud, op. cit., n°12.
1226
F.-X. Lucas, « Du contrat de société au contrat d’investissement », RD bancaire et fin., 2005, p. 50.
1227
A. Couret, note précitée.
1228
P.-M. de Girard et Ch.-A. Pascaud, op. cit, n°12. Voir également Th. Massart, note précitée so us Cour
d’appel de Paris 21 décembre 2001 (affaire BSA Bourgouin), Bull. Joly, 2002, p. 499.
1229
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
1230
« A partir de quel moment un associé voit-il cette qualité s’effacer au profit de celle d’investisseur ? Quid
de l’investisseur qui participe étroitement à la direction de la société ou, tout au moins, à sa gestion ? » (Ph.
Dom, Bull. Joly, 2000, p. 1142, note sous Cour d’appel de Paris 12 mai 2000).
1231
Cass. com. 3 mars 2009, Dr. sociétés, 2009, comm. 110, M.-L. Coquelet, précité.
1232
Voir notamment, A. Couret, note précitée et A. Pietrancosta, op. cit., n°15.
275
s’étaient fait consentir les engagements de rachat à prix plancher. Il en résultait alors,
ainsi que le pourvoi l’avait invoqué, que le rachat des actions au terme de
l’investissement n’entraînerait pas pour autant la sortie des bénéficiaires de la société. Il
est notable que la chambre commerciale n’est pas totalement insensible à l’argument
dans la mesure où elle précise que c’est dans l’opération particulière d’investissement
que les bénéficiaires étaient « avant tout » des bailleurs de fonds1233 à la différence des
arrêts précédents des 16 novembre 2004 et 27 septembre 2005 dans lesquels elle
relevait, dans l’absolu, la qualité de bailleur de fonds « avant tout »1234.
563 - Sous un autre aspect qui touche également à la fixation du prix dans les pactes
organisant des cessions ou des acquisitions d’actions, il semble, au contraire, que la
jurisprudence a récemment cherché à renforcer l’étendue et la portée du caractère
d’ordre public de l’expertise énoncée à l’article 1843-4 du Code civil, applicable
spécifiquement en cas de désaccord entre les parties sur le prix dans les cessions de
droits sociaux. Si le renforcement de l’impérativité de la procédure de l’article 1843-4 du
Code civil est acquis au regard des cessions de droits sociaux aménagées par les
statuts, l’influence de ce renforcement sur le régime des pactes d’actionnaires est plus
incertaine.
564 - Par application du droit commun, les partenaires sont tenus, lors de la
conclusion de pactes organisant une promesse de cession ou d’achat de droits
sociaux1235, à peine de nullité de cette dernière, de fixer le prix de sorte que ce dernier
soit déterminé, conformément à l’exigence énoncée à l’article 1591 du Code civil, ou
objectivement déterminable, ainsi que l’admet la jurisprudence1236.
1233
Voir supra, la solution de l’arrêt reproduite et M.-L. Coquelet, note précitée.
1234
Cass. com. 16 novembre 2004, précité et Cass. com. 27 septembre 2005, BSA Bourgoin, précité.
1235
En matière de pacte de préférence ou d’agrément, le prix n’a pas à être déterminé dès la conclusion du
pacte. Si un prix est toutefois stipulé, il doit alors, selon la jurisprudence, respecter l’exigence de
détermination ou de déterminabilité objective (voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Section 2, § 2. A).
1236
Le prix doit alors être ultérieurement fixé « en vertu des clauses du contrat, par voie de relation avec des
éléments qui ne dépendent plus de la volonté, ni de l’une, ni de l’autre des parties », Cass. req. 7 janvier
1925, D. H., 1925. 57 ; Grands arrêts, par F. Terré et Y. Lequette, 1994, n°173 (arrêt d e principe portant sur
la vente d’un fonds de commerce).
276
565 - Les deux dispositions légales sont concurremment1238 applicables par les
partenaires, lesquels peuvent choisir de recourir soit à l’article 1592 du Code civil, dont
le tiers « arbitre »1239 a vocation à intervenir pour fixer le prix, conformément aux
stipulations des parties, dans toute vente quel qu’en soit l’objet, soit à l’article 1843-4 du
Code civil, lequel établit une procédure spécifique au droit des sociétés1240 de
désignation d’un tiers « expert »1241 chargé d’évaluer les droits sociaux dans certaines
circonstances. Dans les deux mécanismes, le tiers se substitue aux partenaires pour
dire le prix et rendre la vente parfaite, le prix ainsi déterminé s’imposant aux parties qui
ont fait de la décision de ce tiers leur loi1242.
1237
Pour des développements exhaustifs quant à l’appréciation du respect de cette condition dans les
cessions de droits sociaux, voir Mémento Expert Cession de parts et actions, F. Lefebvre, 2009-2010,
n°37040 et s.
1238
Contra, J. Moury, « Jeux d’ombres sur la détermination du prix par les tiers estimateurs des articles
1592 et 1843-4 du Code civil », Rev. sociétés, 2005.513, n°6 et s, spéc. n°9 et 10, et Rev. sociétés, 2009, p.
503, note sous Cass. com. 5 mai 2009, n°18. Voir éga lement infra, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2. B.
1239
Précisons que, malgré l’emploi du terme arbitre, l’article 1592 du Code civil ne vise pas la mise en place
d’une procédure d’arbitrage au sens juridictionnel, faute de litige sur des droits nés et de possibilité pour un
arbitre de se substituer aux parties. (J. Moury, op. cit., n°1).
1240
Pour un arrêt admettant toutefois le recours conventionnel à l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil
dans le cadre d’une promesse de cession relative aux « droits incorporels de toute nature afférents aux
composantes logicielles et matérielles [d’un] procédé », voir Cass. com. 30 novembre 2004, n°03-13756, SA
Ternetix et autre c/ SA Néopost France, Defrénois, 2005, p. 890, note H. Hovasse.
1241
Précisons que, malgré l’emploi du terme expert, le tiers désigné sur le fondement de l’article 1843-4 du
Code civil n’est pas un expert judiciaire au sens de l’article 145 du Nouveau Code de procédure civile,
lequel émet un avis à partir duquel le juge prend une décision (En ce sens, Cour d’appel d’Orléans 16
janvier 2003, Dr sociétés, 2004, n°3, obs. F.-X. Lucas et J. Moury, op. cit., n°1).
1242
Cass. com 6 juin 2001, Dr. sociétés, 2001, comm. 170, obs. Th. Bonneau (art. 1592 C. civ.) et Cass.
com. 19 avril 2005, JCP, éd. E, 2005, 1390, note H. Lécuyer (art. 1843-4 C. civ), le tout sous réserve d’une
évaluation entachée d’une erreur grossière, d’un dol ou d’un défaut d’indépendance du tiers.
277
Jusqu’à une époque récente, les partenaires privilégiaient, pour une plus grande
sécurité au regard de l’exigence de détermination du prix, le recours à l’article 1843-4 du
Code civil, lequel énonce que « Dans tous les cas où sont prévus la cession des droits
sociaux d’un associé, ou le rachat de ceux-ci par la société, la valeur de ces droits est
déterminée, en cas de contestation, par un expert désigné, soit par les parties, soit à
défaut d’accord entre elles, par ordonnance du président du tribunal statuant en la forme
des référés et sans recours possible ». En effet, dans le cadre de cette expertise, et
contrairement aux dispositions de l’article 1592 du Code civil1243, il ne fait aucun doute
que le prix sera effectivement fixé par le tiers « expert », c’est d’ailleurs la raison pour
laquelle la vente est valablement formée dès le moment où les partenaires conviennent
de l’application de l’article 1843-4 du Code civil1244.
566 - Avant que cette disposition, qui relève de l’ordre public sociétaire1245, ne fasse
récemment l’objet de décisions de jurisprudence de nature à étendre et à brouiller son
domaine d’application impérative, ce dernier était bien établi et cantonné à certaines
hypothèses de cessions forcées prévues par le législateur, si bien que c’était strictement
par élection conventionnelle que les partenaires recourraient à cette expertise pour
déterminer le prix des cessions organisées dans leurs pactes.
Or, deux arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 4
décembre 20071246 sont venus étendre le caractère impératif de la procédure d’expertise
de l’article 1843-4 du Code civil aux cessions forcées d’origine conventionnelle
organisées dans les statuts et semer le doute s’agissant des celles organisées par les
pactes extra-statutaires.
1243
Dans le cadre de l’article 1592 du Code civil, le mode de désignation du tiers doit être précisé dans
l’acte de cession sous peine de nullité (Cour d’appel de Paris 23 mai 1986, D., 1987, somm. p. 390), le juge
ne pouvant, sauf stipulation expresse, se substituer aux parties qui n’arrivent pas à s’entendre sur cette
désignation (Cass. com. 26 juin 1990, affaire Société Unitec International c/ M. Portugais et autres, Rev.
sociétés, 1991, p. 96, note I. Urbain-Parleani). Mais le plus gros risque d’indétermination tient à l’éventuel
refus ou empêchement du tiers désigné (voir art. 1592 C. civ. et pour des exemples, voir notamment Cass.
ème
2 civ. 8 avril 1999, Dr. sociétés, 1999, comm. 111, note Th. Bonneau et Cour d’appel de Nancy 20
octobre 2004, n°98-3311, Rousselot c/ SA ITM Entrepri ses, RJDA, 10/05, n°1115 confirmé par Cass. com.
19 décembre 2006 n° 05-10.199 F-D, Sté coopérative d 'approvisionnement Paris Est (Scapest) c/ Sté ITM
Entreprises, RJDA, 4/07, n°365, précités).
1244
Mémento Expert Cession de parts et actions, F. Lefebvre, 2009-2010, n°37455 et Cass. com. 30
novembre 2004, n°03-13756, SA Ternetix et autre c/ SA N éopost France, précité. Sauf dans le cas
particulier du rachat légal à défaut d’agrément statutaire en raison de l’existence d’un droit de repentir pour
le cédant (art. L 228-24 C. com. et Cass. com. 8 avril 2008, Dr. sociétés, 2008, comm. n°129, note H.
Hovasse).
1245 ère
Cass. 1 civ. 25 novembre 2003, Dr. sociétés, 2004, comm. 95, F.-G. Trébulle ; Cass. com. 4
ère
décembre 2007, Bull. Joly, 2008.216, note F.-X. Lucas; Cass. 1 civ. 20 décembre 2007, Bull. Joly,
2008.214, note J.-J. Daigre et Cour d’appel de Paris, 9 décembre 2008, D., 2009, A.J. 96, obs. A. Lienhard.
1246
Cass. com. 4 décembre 2007 (deux espèces similaires) : pourvoi n°06-13912, Quilliard c/ Sté Arues
(publié au Bulletin), Rev. sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et
pourvoi n°06-13913, Jacqmin c/ Société SCF Arues, (non publié), Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R.
Mortier.
278
Plus encore, selon un arrêt ultérieur de cette même chambre, en date du 5 mai 20091247,
le tiers expert désigné en application de cette procédure impérative n’est pas lié, dans
l’exercice de sa mission, par les méthodes d’évaluation stipulées par les parties. Cette
solution, qui confirme la portée maximale que la jurisprudence reconnaît au caractère
intangible de la procédure d’expertise, est de nature à remettre en cause la possibilité
pour les partenaires d’élire conventionnellement cette procédure dans le but de
s’assurer, précisément, de la bonne application des méthodes d’évaluation sur
lesquelles ils se sont entendus lors de la conclusion du pacte.
567 - Les arrêts du 4 décembre 2007 ont ainsi initié un mouvement jurisprudentiel
favorable au renforcement de l’étendue et de la portée du caractère d’ordre public de
l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil, lequel a été suivi de près et fortement
critiqué par une partie de la doctrine ainsi que par les praticiens. Mais les conséquences
de cette évolution jurisprudentielle sur la pratique des pactes d’actionnaires doivent être
bien cernées.
Tout d’abord, il semble désormais établi que la procédure d’expertise n’exerce aucune
emprise automatique sur les pactes d’actionnaires organisant des cessions ou des
acquisitions d’actions. En revanche, elle serait susceptible de déjouer les prévisions de
ces derniers si, comme bien souvent en pratique, les partenaires y recourent
conventionnellement. Une telle menace doit toutefois, le cas échant, être relativisée
puisqu’il nous semble qu’il suffirait aux partenaires, pour s’en protéger, d’abandonner la
pratique d’élection conventionnelle de l’article 1843-4 du Code civil au profit des
dispositions de l’article 1592 du Code civil exclusivement. Cette relativité des
conséquences du renforcement jurisprudentiel du caractère impératif de la procédure de
l’article 1843-4 du Code civil est significative d’une faible voire d’une absence d’influence
de l’ordre public sociétaire sur les pactes d’actionnaires à cet égard1248.
1247
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury, précitée ; Bull. Joly, 2009, p. 728,
note A. Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque.
1248
Cette influence est à cet égard tout aussi faible s’agissant des pactes d’exclusion conclus sous la forme
de promesses unilatérales de cession sous condition nonobstant le caractère marqué de la dépendance au
contrat de société de ces derniers (voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 1) que pour l’ensembl e des
autres pactes stipulant des promesses de cession ou d’acquisition d’actions.
279
570 - La question se pose pour les seules cessions conventionnelles qui réunissent
ces deux conditions. Il est bien entendu exclu de généraliser l’application impérative de
la procédure à toutes les cessions entre actionnaires, cela emporterait l’anéantissement
pur et simple de l’autonomie de la volonté sur le terrain de la détermination du prix dans
les cessions de droits sociaux1250.
Sont ainsi susceptibles d’entrer dans le domaine d’application impérative de l’expertise,
les conventions statutaires ou extra-statutaires qui prévoient la cession forcée1251 ou le
rachat forcé1252 des titres d’un actionnaire sous la forme de promesses de vente ou
d’achat sous condition. Les pactes d’agrément extra-statutaires pourraient également
être visés s’agissant de la détermination du prix de rachat à la charge du bénéficiaire à
défaut d’agrément1253. En revanche, les clauses de préférence1254, qu’elles soient
statutaires ou extra-statutaires1255, ne revêtent pas le caractère de cession forcée1256,
mais, au contraire, de cession spontanée, tant pour le promettant, qui conserve
l’initiative de la cession, que pour le bénéficiaire, lequel est libre de préempter ou
non1257.
1249
Il semble bien que dans l’intention du législateur, cette procédure d’expertise, qui figurait historiquement
à l’article 1868 du Code civil, ne s’appliquait qu’aux seuls cas prévus par la loi. (En ce sens, J. Moury, note
précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, n°10 et H. Le Nabasque, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009).
1250
La clause de détermination du prix prévue par les parties serait en effet évincée par l’article 1843-4 du
Code civil.
1251
Ainsi des pactes d’exclusion, clauses américaines, pactes anti-dilution, clauses d’offre alternative et
pactes d’entraînement.
1252
Ainsi des pactes de retrait, clauses de sortie conjointe, clauses d’offre alternative et clauses
américaines.
1253
Par analogie avec le régime des clauses d’agrément statutaires (art. L228-24 du C. com.). Mais nous
avons dit qu’en matière de pactes d’agrément extra-statutaires, la procédure n’est pas impérative (voir supra
Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2)
1254
Voir supra Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 1, § 2 . B et Sect° 2.
1255
Cour d’appel de Paris 6 mai 1994, Dr. sociétés, 1994, n°140, note H. Le Nabasque.
1256
H. Le Nabasque, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, II. A. 1.
1257
La procédure est néanmoins éligible conventionnellement (Dossier ANSA n°3254).
280
573 - Les dispositions légales qui renvoient expressément à l’article 1843-4 du Code
civil1258 imposent, dans leur ensemble1259, la mise en oeuvre de l’expertise en cas de
désaccord entre les parties1260 sur l’évaluation des droits sociaux à l’occasion de la
sortie d’un actionnaire de la société. Aussi diverses que puissent être les causes de
cette sortie1261, elles ont pour point commun d’engendrer, soit une cession forcée pour le
cédant, soit un rachat forcé à la charge de la société. C’est essentiellement dans ce
dernier cas que l’expertise est imposée par le législateur en matière de sociétés par
actions, s’agissant du rachat forcé des titres du cédant, à la charge de la société, à
1258
Voir notamment art. 1862 al. 3 C. civ. et art. L 223-14 al. 3, L 227-18 al. 1 et L 228-24 al. 2 C. com.
s’agissant du refus d’agrément du cessionnaire. Voir également (la liste n’étant pas exhaustive), les art.
1844-12 C. civ et L 235-6 C. com. (nullité de la société) et l’art. 1869 C. civ. (retrait d’un associé de société
civile).
1259
La procédure est supplétive dans les SAS s’agissant du rachat forcé des actions consécutif au défaut
d’agrément statutaire ou de l’exclusion statutaire d’un associé (art. L 227-18 al. 1 C. com).
1260
Exceptionnellement, pour une application d’office de l’expertise dans le cadre de la SARL sans qu’il soit
besoin de constater un désaccord entre les parties, voir l’art. L 223-14 al. 3 C. com (en ce sens, Lamy
Sociétés Commerciales, 2009, n°847).
1261
Le retrait, le décès, l’exclusion d’un actionnaire ou encore une cession spontanée soumise à agrément.
281
défaut d’agrément statutaire1262. Remarquons que dans cette hypothèse, comme dans la
plupart des autres hypothèses prévues par la loi, l’organisation de la cession ou du
rachat forcé est laissée à l’initiative des actionnaires, lesquels s’entendent pour stipuler
dans les statuts une disposition supplétive expressément admise par le législateur.
574 - La condition relative à l’existence d’une contestation sur la valeur des droits
sociaux est appréciée strictement en jurisprudence1263. C’est ce désaccord qui est au
cœur du dispositif et rend impérieuse la mise en œuvre de l’expertise. Peu importe en
effet le caractère forcé de la cession ou du rachat si les parties parviennent à s’entendre
sur le prix1264. L’expertise s’avère ainsi impérative parce qu’il s’agit de mettre fin à une
situation de blocage. Cela explique que dans le prolongement de la nature d’ordre public
de la disposition, un juge, le président du tribunal de commerce exclusivement1265,
puisse procéder lui-même à la désignation de l’expert, par une ordonnance statuant en
la forme des référés et sans recours possible1266. En outre, l’évaluation de l’expert
s’impose aux parties ainsi qu’au juge sauf erreur grossière1267. Si la finalité de cette
procédure est claire : « purger définitivement le débat sur la valeur des droits
sociaux »1268 pour sortir d’une impasse1269, la doctrine est divisée quant à son
fondement.
Un premier courant, soutenu en particulier par le Professeur Mortier1270, voit dans cette
procédure la poursuite d’un impératif économique. Le souci du législateur serait alors de
préserver la sécurité des transactions en assurant la liquidité des titres, et en ce sens,
faire en sorte que « la personne sur laquelle pèse la charge d’un rachat ou d’une
cession forcés ne puisse pas s’y dérober en rendant impossible la détermination du
1262
Art. L228-24 al. 2 C. com.
1263
Précisons que la contestation doit être actuelle au moment où le président du tribunal est sollicité (Cass.
com. 30 novembre 2004, n°03-15278, SCI Notre-Dame c/ X et Autres, Bull. Joly, 2005, p. 400, note H. Le
ème
Nabasque). Voir également Cass. 3 civ. 6 décembre 2000, Bull. Joly, 2001, p. 295, note J.-F. Barbiéri,
refusant le bénéfice de l’expertise au tiers cessionnaire de droits sociaux non agréé.
1264
Voir en ce sens les propos du Rapporteur Etienne Dailly au cours des travaux préparatoires à la loi du 4
janvier 1978, relatés par R. Mortier, Dr. sociétés, 2009, comm. 93 sous Cour d’appel de Paris 9 décembre
2008.
1265 ère
Cass. com. 30 novembre 2004, deux espèces précitées ; Cass. 1 civ. 25 novembre 2003, Dr.
ère
sociétés, 2004, comm. 95, F.-G. Trébulle et Cass. 1 civ. 25 janvier 2005, Dr. sociétés, 2005, comm. 62,
F.-G. Trébulle. Voir également, dernièrement, Cass. com. 9 février 2010, n°09-10.800.
1266
Excluant tout recours, même contre l’ordonnance du président du tribunal refusant de désigner un
exper, voir Cass. com. 11 mars 2008, Dr. Sociétés, 2008, n°94, note Mortier.
1267
Cass. com. 4 novembre 1987, JCP, 1988.II.21050, note A. Viandier (arrêt de principe). Egalement Cass.
com. 19 avril 2005, JCP, éd. E, 2005, 1390, note H. Lécuyer, précité.
1268
J. Moury, « Des ventes et des cessions de droits sociaux à dire de tiers (étude des articles 1592 et
1843-4 du Code civil) », Rev. sociétés, 1997.455, n°3.
1269
J. Moury, « Jeux d’ombres sur la détermination du prix par les tiers estimateurs des articles 1592 et
1843-4 du Code civil », Rev. sociétés, 2005.513, précité, n°5.
1270
R. Mortier, Dr. sociétés, 2009, comm. n°93, sous Cour d’appel de Paris 9 déc embre 2008, précité. Voir
précédemment, du même auteur, Dr. sociétés, 2008, comm. 23 sous Cass. com. 4 décembre 2007 (n°06-
13.912, Quillard c/ Arues) ; Dr. sociétés, 2008, comm. 47 sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007 et
Dr. sociétés, 2008, comm. 177 sous Cass. com. 4 décembre 2007 (n°06-13.913, Jacqmin c/ Arues).
282
prix »1271. Pour cet auteur, l’expertise ne vise donc pas à protéger l’une des parties à la
cession, « le tiers estimateur de l’article 1843-4 n’est pas un chevalier blanc du juste
prix »1272, sa fonction est de surmonter les « blocages contractuels »1273.
Au contraire, le second courant, dont le plus fervent défendeur est le Professeur
Moury1274, soutient que cette procédure d’expertise a été mise en place par le législateur
pour protéger les intérêts de l’actionnaire cédant. C’est sans aucun doute un tel impératif
de protection de l’actionnaire contre la société qui a conduit le législateur de 1966 à faire
de cette expertise le procédé légal d’évaluation des droits sociaux au profit de l’héritier
de l’associé décédé, du retrayant ou du cédant, toute clause contraire étant inopposable
à ce dernier1275. L’expert est ainsi, selon ces auteurs1276, en charge de déterminer la
juste valeur des titres devant revenir à l’actionnaire, lequel, lorsqu’il est exclu, ne doit
pas pour autant être spolié ou lorsqu’il est retrayant, demeurer prisonnier de la
société1277 en raison de ce qu’on lui imposerait une valeur de rachat bien inférieure à la
valeur vénale1278.
Il semble bien que la ratio legis réside dans l’un de ces deux impératifs1279 entre lesquels
il est difficile mais pourtant nécessaire de trancher1280 puisqu’ils conduisent à une
appréhension différente du domaine ainsi que du régime de l’expertise d’ordre public.
1271
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008.
1272
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007.
1273
R. Mortier, op. cit. Voir également J. Mestre, « Quelques éclairages récents sur le rôle du juge dans la
vie des sociétés », Rev. Lamy Dr. aff., 2009, n°40, n°11 et A. Viandier, évoquant la notion d’« hygiène
juridique » (JCP, éd. E, 1988, II. 15212, note sous Cass. com. 4 novembre 1987).
1274
J. Moury, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note sous Cass. com. 5 mai 2009. Voir précédemment, du même
auteur, Rev. sociétés, 2008, p. 341 ; Rev. sociétés , 2005, p. 513 et Rev. sociétés , 1997, p. 455, précités.
1275
En ce sens, J. Moury, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, n°2 et 3, citant notamment, Hémard,
Terré et Mabilat, Sociétés commerciales, t. 1, 1972, n°320.
1276
Voir également C. Roca, note sous Cass. com. 26 novembre 1996, Bul. Joly, 1997, p. 133 ; H. Le
Nabasque, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009 et A. Lienhard, D., 2009, p. 1349, note sous Cass.
com. 5 mai 2009.
1277
J. Moury, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007, n°7.
1278
J. Moury, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, n°5 et 22. Ce fondement rejoint logiquement celui
qui justifiait la théorie du droit au juste prix du débiteur d’un pacte de préemption avant que la Loi de 1966
n’admette expressément la validité des clauses d’agrément statutaires dans les SA et ne prévoie
corrélativement, en cas de refus d’agrément, une obligation de rachat à la charge de la société à un prix
déterminé, en cas de désaccord entre les parties, par application de l’article 1843-4 du Code civil ((voir
supra, Partie II, Titre 2, Chap. 1, Sect° 2, § 2. B).
1279
Pour un cumul de ces deux impératifs, voir M. Caffin-Moi, Cession de droits sociaux et droit des
contrats, Economica, 2009, n°216.
1280
A. Couret, Bull. Joly, 2009, p. 728, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1281
En ce sens notamment, M. Germain, Traité de droit commercial - Les sociétés commerciales, T. 1, Vol.
ème
2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1083 ; A. Couret, L. Cesbron, B. Provost, P. Rosenpick, J.-C. Sauzey, « Les
contestations portant sur la valeur des droits sociaux », Bull. Joly, 2001, p. 1045, n°14 ; J. Moury, Rev.
283
lesquelles, il nous semble que les cessions en cause ne présentaient pas un caractère
forcé pour l’une ou l’autre des parties1282. Mais la lettre du texte ne précise pas l’origine
que doit avoir la cession et selon l’adage, « là où la loi ne distingue pas, on ne doit pas
distinguer » si bien que le doute était permis quant à cette appartenance1283. En outre,
certains juges s’étaient déjà prononcés en faveur de l’intégration des cessions forcées
prévues par les statuts dans le champ d’application impérative de l’article 1843-4 du
Code civil1284 en se fondant expressément sur l’esprit de la loi, lequel serait de protéger
les droits du cédant1285.
Finalement, confrontée à une situation de désaccord entre associés sur le prix dans le
cadre d’une cession forcée d’origine conventionnelle pour laquelle les statuts ne
renvoyaient pas à l’article 1843-4 du Code civil, la Cour de cassation a admis, dans
deux arrêts remarqués du 4 décembre 2007, l’application impérative de la procédure
d’expertise au détriment de la clause statutaire d’évaluation.
576 - Par ces arrêts du 4 décembre 20071286, rendus dans deux espèces similaires
mettant en cause la même société, la chambre commerciale de la Cour de cassation a
élargi le domaine d’application impérative de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil
aux clauses d’exclusion statutaires.
En effet, alors que les statuts d’une société civile stipulaient une clause de cession
forcée en cas de perte d’une qualité considérée comme essentielle au maintien des
associés dans la société et prévoyaient une méthode conventionnelle de calcul du prix
de rachat, est cassé, pour violation de l’article 1843-4 du Code civil, l’arrêt qui retient
que « dès lors que M. X est exclu en application des dispositions statutaires et que les
sociétés, 2005.513, n°3, 7 et 10, précité et F.-X. Lucas, Bull. Joly, 2008.216 note sous sous Cass. com. 4
décembre 2007, précité.
1282
Cass. com. 26 novembre 1996, Bull. Joly, 1997, p. 133, note C. Roca (cession judiciaire, s’imposant aux
deux parties) ; Cour d’appel de Paris 6 mai 1994, précitée (pacte de préemption extra-statutaire). Voir
également Cour d’appel de Douai 24 février 1983, Rev. sociétés, 1983. 337, note D. Randoux.
1283
Du même avis, H. Le Nabasque, commentaire précité sous Cour d’appel de Paris 6 mai 1994 et C.
Roca, note précitée sous Cass. com. 26 novembre 1996.
1284
Considérant que les dispositions de l’article 1843-4 du Code civil l’emportent sur une clause statutaire
ème
d’évaluation, voir Cour d’appel de Paris 25 ch. section A, 10 mai 1985, Morin c/ Morin, D., 13 juin 1985,
ère
flash. Voir également, Cass. 1 civ. 2 juin 1987, D., 1987. IR. 151 (retrait statutaire dans une société en
participation).
1285 ème
Cour d’appel de Paris 25 ch. section A, 10 mai 1985, Morin c/ Morin, précitée.
1286
Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-13912, Qu illiard c/ Sté Arues (publié au Bulletin), Rev.
sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et pourvoi n°06-13 913,
Jacqmin c/ Société SCF Arues, (non publié), Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier, précités.
284
statuts comportent une clause d’évaluation des droits sociaux, ces règles statutaires
l’emportent sur l’article 1843-4 du Code civil »1287.
578 - Certains auteurs ont attribué à ces arrêts une portée maximale, y voyant la
reconnaissance par la jurisprudence du principe d’application impérative de l’expertise
aux cessions conventionnelles qui réunissent les deux conditions tenant au caractère
forcé de la cession et au désaccord entre les parties sur le prix1290, lequel vaudrait tout
autant, selon un auteur1291, pour les cessions prévues dans les statuts que pour celles
organisées dans des pactes extra-statutaires.
Au contraire, d’autres auteurs ont minimisé la portée de ces arrêts en insistant sur les
particularités des espèces, très similaires, dans le cadre desquelles la chambre
commerciale avait eu à se prononcer1292. Ils n’ont ainsi vu dans cette jurisprudence
qu’une solution d’espèce en raison notamment de ce que l’associé de société civile,
tenu de céder ses titres en vertu de la clause statutaire d’exclusion, avait parallèlement
invoqué, contre la société, le droit de s’en retirer pour justes motifs, sur le fondement de
l’article 1869 du Code civil, lequel renvoie expressément à la procédure d’expertise à
défaut d’accord1293. Il s’avère, en outre, que la clause des statuts de la société civile qui
prévoyait la cession forcée de ses titres par l’associé qui perdrait sa qualité de salarié
dans une société anonyme d’exploitation du groupe, organisait le rachat des titres en
cause, par cette même société d’exploitation, au prix calculé selon la méthode statutaire.
Il en résulte, selon un auteur, que la méthode d’évaluation statutaire n’était pas prévue
1287
Cass. com. 4 décembre 2007, n°06-13912, Quilliard c/ Sté Arues, précité.
1288
Notamment R. Mortier, Dr. sociétés, 2008, comm. 23, sous Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-
13912, précité, qualifiant cette jurisprudence de « bombe à retardement ».
1289
Notamment, R. Dammann et S. Périnot, Bull. Joly, 2008, p. 844, note sous sous Cass. com. 4 décembre
2007, précité.
1290
En ce sens, sous ces arrêts, voir R. Mortier, op. cit., (critiquant très fortement la solution, sur le fond) ; H.
Hovasse, JCP, éd. E, 2008, 1159 et M.-L Bélaval, I. Orsini et R. Salomon, D., 2008, p. 1231 (moins
critiques), et S. Schiller et J.-M. Leprêtre, Les Echos, 21 mai 2008 (dénonçant les risques pratiques).
1291
R. Mortier, op. cit.
1292
En ce sens, F.-X. Lucas, Bull. Joly, 2008, p. 216, précité ; J. Moury, Bull. Joly, 2008, n°2, p. 216, précité
et R. Dammann et S. Périnot, op. cit.
1293
F.-X. Lucas, op. cit. et J. Moury, op. cit., n°2.
285
pour le rachat des titres par la société civile elle-même1294, la procédure d’expertise étant
en tout état de cause impérative en matière de retrait légal1295.
Certains praticiens ont, quant à eux, insistant également sur les particularités de
l’espèce, interprété de manière restrictive ces arrêts comme visant, par l’application de
la procédure d’expertise, à protéger spécifiquement les minoritaires tenus de céder leurs
titres à des conditions statutaires qu’ils se seraient vues imposer1296. Ils relèvent en effet
que dans ces affaires, la clause figurant dans les statuts de la société civile, et relative
aux modalités de calcul du prix de rachat par la société d’exploitation des titres de
l’associé exclu, avait été modifiée à la majorité renforcée dans un sens défavorable à ce
dernier1297.
Il apparaît que, bien que divisée quant à la portée de cette jurisprudence, la doctrine
dans son ensemble s’entend pour analyser la solution, sans l’approuver nécessairement
pour autant1298, comme le souhait de la chambre commerciale de protéger l’associé
contraint de céder ses titres en vertu d’une clause statutaire. Les recommandations de
l’avocat général allaient d’ailleurs en ce sens puisque ce dernier soutenait que
l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil vise à « protéger les associés contraints de
quitter une société non cotée »1299. En outre, comme le remarquent certains, « il serait
injuste que l’actionnaire dont la cession des titres est organisée par les statuts bénéficie
d’un statut moins protecteur » que celui prévu par la loi, en cas de retrait volontaire d’un
associé de société civile, ou encore, en cas d’offre public de retrait ou de retrait
obligatoire dans les sociétés cotées1300.
579 - Le doute quant à la portée de ces arrêts s’est ensuite dissipé lorsque le
Président de la chambre commerciale de la Cour de cassation s’est lui-même très
clairement expliqué sur le sens de la solution énoncée : « l’article 1843-4 du Code civil
s’applique même lorsque le retrait obligatoire découle non pas de la loi mais des
statuts »1301. Ainsi, par ces arrêts du 4 décembre 20071302, et au-delà des spécificités de
1294
J. Moury, op. cit., n°2.
1295
Il est toutefois remarquable que la chambre commerciale s’est abstenue de viser l’article 1869 du Code
civil dans sa solution. Or, cette omission paraît délibérée dans la mesure où dans l’une des deux espèces,
la chambre statue au sujet d’un retrait légal et pleinement volontaire sous le visa de cet article (voir Cass.
com. 4 décembre 2007, n°06-1391, Jacqmin c/ Sté SCF Ar ues (non publié), R. Mortier, Dr. sociétés, 2008,
comm. 177, précité).
1296
R. Dammann et S. Périnot, op. cit.
1297
R. Dammann et S. Périnot, op. cit.
1298
Voir notamment la critique de R. Mortier, op. cit.
1299
S. Schiller et J.-M. Leprêtre, op. cit.
1300
En ce sens, M.-L Bélaval, I. Orsini et R. Salomon, op. cit. Rappelons à ce titre que la procédure
d’expertise est écartée pour les cessions intervenant sur un marché réglementé (Cour d’appel de Paris 3
juillet 1998, JCP, éd. E, 1998, p. 1880).
1301
« La jurisprudence récente de la Cour de cassation », Claire Favre, Président de la chambre
commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, in « La pratique de l’évaluation irrévocable
à dire d’expert (articles 1592 et 1843-4 du Code civil) », Gaz. Pal., 2009, p. 3.
286
580 - Tandis que se confirme, en droit positif, l’appartenance des clauses d’exclusion
statutaires au domaine d’application impérative de l’expertise de l’article 1843-4 du Code
civil, une fraction non négligeable de la doctrine1307, sensible aux craintes des
praticiens1308, se révèle réticente à l’idée d’une intégration des pactes d’actionnaires
dans ce domaine.
1302
Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-13912, Qu illiard c/ Sté Arues (publié au Bulletin), Rev.
sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et pourvoi n°06-13 913,
Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier, précités.
1303
Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009, Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque ; D.,
actualité 17 septembre 2009, A. Lienhard ; JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L. Coquelet et BRDA, 19/09,
inf. 1. Précisons qu’un autre arrêt (Cass. com. 5 mai 2009, H. Le Nabasque, Bull. Joly, 2009, p. 1018 ; J.
Moury, Rev. sociétés, 2009, p. 503 ; A. Lienhard, D., 2009, p. 1349 ; R. Dammann et S. Périnot, D., 2009, p.
2170 et R. Mortier, Dr. sociétés, 2009, comm. 114) est invoqué comme étant confirmatif de l’appartenance
des clauses d’exclusion statutaires au domaine d’application impérative de l’expertise (en ce sens, H. Le
Nabasque, op. cit. et J. Moury, op. cit., n°15). Cet arrêt ne nous semble toutefois pas sig nificatif à cet égard
dès lors qu’en l’espèce, les statuts renvoyaient expressément à l’article 1843-4 du Code civil en cas de
contestation sur la valeur des rachat des titres de l’associé exclu (sur cet arrêt, voir infra, Titre 2, Chap. 2,
Sect° 2, § 2. A. b).
1304
Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009, précité.
1305
J. Moury, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, n°15.
1306
H. Le Nabasque, op. cit. Voir également, sous Cass. com. 5 mai 2009 : A. Lienhard, op. cit; R.
Dammann et S. Périnot, op. cit. et R. Mortier, op. cit. Notons à ce titre que le Professeur Mortier critique
l’application de l’expertise sur ce fondement et suggère que la théorie de l’abus de majorité aurait du être
exploitée.
1307
Voir notamment, N. Rontchevsky et Ph. Lauzeral, « Prix de cession d’actions : le contrat ou l’expert »,
La Tribune, 27 juin 2008, p. 22, cité par A. Couret, Bull. Joly, 2009, p. 728, note précitée sous Cass. com. 5
mai 2009.
1308
R. Dammann et S. Périnot, Bull. Joly, 2008, p. 844, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007.
287
Plusieurs arguments, convaincants selon nous, peuvent en effet justifier du maintien des
pactes extra-statutaires hors du domaine d’application impérative de l’expertise (a), ce
que certains juges du fond ont récemment confirmé (b).
582 - Les praticiens sont les premiers à avoir vivement réagi et décelé dans ces
arrêts l’intention particulière de la chambre commerciale de protéger les cédants
minoritaires susceptibles de se voir imposer une modification statutaire des conditions
d’évaluation du prix de rachat forcé de leurs titres1311. Au contraire, les pactes étant
adoptés, modifiés et supprimés, comme toute convention, selon la règle de l’unanimité, il
n’existe aucun risque que les conditions de mise en œuvre des cessions forcées qu’ils
organisent échappent à la volonté des partenaires. Cette proposition est corroborée1312
par le caractère supplétif de cette expertise, en cas de contestation sur la valeur de
rachat, dans les cessions forcées organisées par les statuts de SAS1313 pour lesquelles
les conditions de mise en œuvre ne peuvent être modifiées qu’à l’unanimité1314. Le
Professeur Couret soutient également cet argument tout en ajoutant que dans le cadre
des relations d’affaires dans lesquelles s’inscrivent les pactes d’actionnaires, les
partenaires n’ont pas besoin d’être protégés, peu important par ailleurs que l’un d’entre
eux soit dans une situation de domination sur l’autre1315. Il est d’ailleurs remarquable,
1309
Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-13912, Qu illiard c/ Sté Arues (publié au Bulletin), Rev.
sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et pourvoi n°06-13 913,
Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier, précités.
1310
Selon l’expression employée par le Professeur Mortier pour qualifier la solution énoncée par les arrêts
du 4 décembre 2007 (R. Mortier, Dr. sociétés, 2008, comm. 23, précité).
1311
R. Dammann et S. Périnot, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007 suivie de D., 2009, p. 2170,
note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1312
En ce sens égalemment, R. Dammann et S. Périnot, note précitée D., 2009, p. 2170.
1313
Art. L 227-18 al. 1 C. com renvoyant aux art. L 227-14 C. com. (clause d’agrément statutaire), L 227-16
C. com. (clause d’exclusion statuaire) et L 227-17 C. com. (clause d’exclusion statuaire consécutive au
changement de contrôle d’un actionnaire personne morale).
1314
Art. L 227-19 C. com renvoyant aux art. L 227-14, -16 et -17 C. com.
1315
A. Couret, op.cit., II.
288
nous l’avons développé, que les minoritaires ne sont pas nécessairement ceux qui ont le
plus faible pouvoir de persuasion dans la négociation des pactes d’actionnaires, ainsi
que le démontrent notamment les pactes conclus au profit des investisseurs dans les
opérations de capital-investissement1316.
584 - Enfin, il importe de relever, qu’en pratique, la valeur vénale ne constitue pas
toujours la juste rémunération des titres de l’actionnaire exclu ou retrayant. En effet, il
existe de nombreuses situations dans lesquelles les actionnaires entrent au capital
d’une société à des conditions préférentielles (le Professeur Le Nabasque emploie à ce
titre l’expression de « prix “cassé” » 1320), ce qui justifie que ces actionnaires en sortent à
des conditions grevées des mêmes décotes1321. Cela se vérifie particulièrement
1316
Voir supra, Partie I, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 2.
1317
J. Moury, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, n°17. Dans le même sens, M. Germain, Traité de
ème
droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009, LGDJ, n°1083.
1318 ème
J. Moury, débats sur « 3 thème : La mise en application des clauses contractuelles et statutaires
définissant la méthodologie d’évaluation », p. 15 et s. in « La pratique de l’évaluation irrévocable à dire
d’expert (articles 1592 et 1843-4 du Code civil) », Gaz. Pal., 2009, p. 2 et s.
1319
En ce sens, Cl. Champaud et D. Danet, note sous Cour d’appel de Paris, 1re ch. A, 30 octobre 2007,
RTD com., 2008 p. 127. Voir également, J. Moury, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, n°5.
1320
H. Le Nabasque, note précitée, B. 1.
1321
H. Le Nabasque, note précitée, B. 1. En ce sens également, J.-C. de Lasteyrie, débats précités, Gaz.
Pal., 2009, p. 15 et s.
289
s’agissant des conditions de sortie organisées par les pactes d’actionnaires, lesquelles
doivent être appréciées globalement, les prix de rachat qui y sont garantis étant en
général subordonnés au respect de certains engagements. Corrélativement, des
conditions défavorables de sortie, au regard de la valeur vénale des titres, se justifient
pleinement lorsque les dispositions du pacte poursuivent un but coercitif. Nous en
trouvons une illustration dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 20 mai 2008, dans
lequel les juges du fond ont relevé que les promesses d’achat et de vente, conclues
entre le repreneur et le cédant dans le cadre d’une cession de contrôle, visaient
précisément à dissuader les partenaires de mettre fin, de manière anticipée, à leur
période de collaboration, en stipulant des contreparties financières volontairement
désavantageuses1322.
C’est justement dans le cadre d’un pacte extra-statutaire organisant une période
intermédiaire de collaboration entre le cédant et le repreneur, à la suite de la cession du
contrôle d’une société, que la Cour d’appel de Versailles a récemment confirmé le
maintien des pactes d’actionnaires hors du domaine d’application impérative de l’article
1843-4 du Code civil.
585 - Aussi convaincants que puissent être les arguments avancés par la doctrine et
par les praticiens au soutien de la non-appartenance des pactes d’actionnaires au
domaine d’application impérative de l’expertise, la confirmation de cette thèse par la
Cour de cassation est d’autant plus attendue que cette dernière se montre, au contraire,
favorable à l’extension du domaine impératif de cette procédure.
586 - Un premier pas vers une confirmation en jurisprudence a été effectué par les
juges de la Cour d’appel de Versailles, dans l’arrêt précité du 10 septembre 20091323,
lequel confirme l’appartenance des cessions forcées statutaires au domaine d’ordre
public de l’expertise et, surtout, le maintien des pactes d’actionnaires hors de ce
domaine.
Dans le cadre d’une cession d’actions conférant le contrôle d’une société à la filiale d’un
groupe, le cédant se voit remettre, par le holding de ce groupe, des actions dans une
société intermédiaire, laquelle contrôle la filiale cessionnaire, et est nommé
1322 ème
Cour d’appel de Paris 20 mai 2008, 3 ch. section A, n°06/11163, Micouleau c/ SA Artémis, Ju risdata
n°2008-365472.
1323
Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009, D., 2009, AJ, p. 2220, note A. Lienhard ; BRDA, 19/09,
inf. 1 ; Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque et JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L. Coquelet,
précités.
290
1324
Voir également, A. Lienhard, commentaire précité sous Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009.
1325
Du même avis, H. Le Nabasque, se fondant sur la tournure de l’arrêt, commentaire précitée sous Cour
d’appel de Versailles 10 septembre 2009, (note de pas de page n°1).
1326
On peut en déduire que les promesses de vente ou d’achat entre actionnaires stipulées dans les statuts
n’appartiennent pas non plus au domaine impératif de l’expertise (H. Le Nabasque, op. cit., II. A - 2).
291
promesse. Or, cette considération concerne de près l’article 1843-4 du Code civil
puisqu’elle signifie que le promettant, dont l’engagement de céder au prix convenu dans
la promesse est définitif dès la conclusion de cette dernière, ne peut plus élever aucune
contestation sur le prix, ainsi qu’il en est dans les promesses de droit commun.
Autrement dit, le promettant ne bénéficie pas automatiquement de la procédure
d’expertise. La référence ainsi faite par la chambre commerciale à l’absence de
contestation sur le prix antérieurement à la conclusion de la cession pourrait être
interprétée1332 comme un rappel de ce que les parties auraient pu recourir
spontanément, avant la conclusion de la promesse, à l’expertise de l’article 1843-4 du
Code civil si elles n’étaient pas parvenues à s’entendre sur une méthode d’évaluation.
588 - Cette confirmation par les juges du fond1333 et, plus timidement, par la Cour de
cassation1334, de ce que les pactes d’actionnaires se placent en dehors du champ
d’emprise automatique de l’article 1843-4 du Code civil est significative de la faible
influence qu’exerce l’environnement sociétaire sur les pactes d’actionnaires à cet égard.
Toutefois, si en raison de son fondement d’ordre public, lequel réside dans la protection
de l’actionnaire cédant contre la société, l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil ne
s’impose pas d’office dans le cadre des pactes d’actionnaires, il est de pratique très
courante, pour les partenaires, de recourir conventionnellement à cette expertise1335.
Or sur ce point, l’évolution qui s’est opérée en jurisprudence, dans le prolongement des
arrêts précités du 4 décembre 20071336, en faveur de la reconnaissance de l’autonomie
de l’expert, dans l’exercice de sa mission, au regard des méthodes d’évaluation
stipulées par les parties1337 n’est pas de nature à rassurer les praticiens1338 qui prévoient
le recours conventionnel à cette expertise dans le but de garantir précisément
l’application de la méthode de valorisation sur laquelle les partenaires se sont entendus
dans le pacte. Il existe en effet un doute, en droit positif, quant à la possibilité pour les
partenaires d’écarter l’indépendance de l’expert lorsqu’ils élisent conventionnellement la
procédure de l’article 1843-4 du Code civil dans leurs pactes.
1332
Voir en ce sens, A. Lienhard, op. cit.
1333
Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009, D., 2009, AJ 2220, note A. Lienhard ; BRDA, 19/09, inf.
1 et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, et JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L. Coquelet,
précité.
1334
Cass. com. 24 novembre 2009, précité.
1335
Rappelons que dans les espèces ayant donné lieu aux arrêts susvisés de la Cour d’appel de Versailles
du 10 septembre 2009 et de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 24 novembre 2009, la
clause de détermination du prix figurant dans le pacte ne renvoyait pas conventionnellement à l’expertise en
cas de désaccord ou de difficulté quant à son application.
1336
Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-13912, Qu illiard c/ Sté Arues (publié au Bulletin), Rev.
sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et pourvoi n°06-13 913,
Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier, précités.
1337
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, précité.
1338
Voir notamment, R. Dammann et S. Périnot, D., 2009, p. 2170 sous Cass. com. 5 mai 2009.
293
589 - La doctrine a toujours été divisée quant à la marge de manœuvre dont jouit
l’expert de l’article 1843-4 du Code civil en présence de directives d’évaluation prévues
contractuellement par les parties à la cession1339. La jurisprudence, après être demeurée
pendant un certain temps relativement confuse, affirme désormais clairement la totale
indépendance de l’expert au regard des clauses d’évaluation statutaires. Cette récente
affirmation résulte d’un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en
date du 5 mai 20091340, statuant sur l’étendue des pouvoirs de l’expert désigné dans le
cadre d’une procédure d’exclusion statutaire, pour laquelle il est désormais établi que
l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil est impérative en cas de désaccord entre les
parties sur le prix de rachat1341 et a été confirmée depuis1342.
590 - Cette jurisprudence suscite une vive inquiétude pour la pratique actuelle des
pactes d’actionnaires qu’il convient toutefois selon nous de relativiser. L’enjeu est certes
important dès lors que les signataires de pactes renvoient très fréquemment à la
procédure de l’article 1843-4 du Code civil afin que l’expert applique et soit donc tenu,
précisément, par les directives contractuelles d’évaluation prescrites à son attention. Et,
il est permis de douter, au regard de la jurisprudence relative à l’élection conventionnelle
1339
En faveur de l’autonomie de l’expert, voir D. Randoux, Le juste prix des biens et services dans les
relations commerciales et industrielles, th. Lille, 1973, p. 688 et note sous Cour d’appel de Douai 24 février
1983, Rev. sociétés, 1983, p. 337 et D. Gibirila, note sous Cass. com. 19 avril 2005, Defrénois, 2005,
ère
n°38243. Contra, J.-J. Daigre, note sous Cass. 1 civ. 20 décembre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 247 ; J.
Honorat et H. Hovasse, Defrénois, 1998. 679, note sous Cass. com. 10 mars 1998 ; R. Mortier, « Le tiers
estimateur » in La sortie de l’investisseur, Litec, 2007, Vol. 1, p. 99 et s. et « Le prix de cession d’une prise
de participation temporaire », Dr. sociétés, Actes prat., 2007, dossier 6, n°58 et Lamy Sociétés
commerciales, 2009, n°848.
1340
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, précité.
1341
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1 . A. Notons qu’en l’espèce, les statuts renvoyaient
expressément à l’article 1843-4 du Code civil en cas de contestation sur la valeur des rachat des titres de
l’associé exclu.
1342
Voir dernièrement, Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.668, numéro JurisData : 2010-051670,
ème
confirmant Cour d’appel de Paris, 9 décembre 2008, 3 ch. section A, (affaire M. P. Deyglun c/ Sté Civile
des Mousquetaires), cité infra.
294
A. L’indépendance de l’expert
592 - Si, en vertu du principe de la liberté contractuelle, les parties à une cession de
droits sociaux ont toute liberté pour fixer, même à l’avance, les modalités de
détermination du prix, cette liberté est parfois écartée par l’ordre public, lequel impose,
dans les conditions et pour les raisons impérieuses ci-dessus développées, une
procédure particulière de fixation du prix par un tiers expert.
593 - L’esprit même de la procédure de l’article 1843-4 du Code civil, dont il est
désormais bien établi qu’il vise à protéger l’actionnaire tenu à la cession forcée de ses
titres, implique assurément que l’expert bénéficie d’une certaine marge d’appréciation
dans la fixation du prix1345. Mais l’application impérative de cette procédure est
conditionnée par l’existence d’un désaccord entre les parties, or une telle contestation
ne peut, semble-t-il, émerger entre ces dernières lorsqu’elles se sont d’ores et déjà
entendues sur la méthode de détermination du prix1346.
1343
Au regard du statut des baux commerciaux, voir Cass. ass. plén. 17 mai 2002, RTD. civ., 2003, p. 85,
ère
obs. J. Mestre et B. Fages. S’agissant de la Loi sur le crédit à la consommation, voir Cass. 1 civ. 29
octobre 2002, obs. précitées J. Mestre et B. Fages, selon lequel « attendu que rien n’interdit aux parties de
soumettre volontairement les opérations de crédit qu’elles concluent aux dispositions régissant le crédit à la
consommation édictées par la loi du 10 janvier 1978 qui est alors applicable dans son entier ».
ère ère
(Précédemment, voir Cass. 1 civ. 23 mars 1999, Bull. civ., I, n°108, p. 71 et RJDA, 5/99, n°597 (1 esp.),
ère
Cass. com. 4 février 1992, RJDA, 5/92, n°425 et Cass. 1 civ. 9 décembre 1997, RJDA, 4/98, n°491).
1344
On parle de dépeçage du dispositif.
1345
En ce sens notamment, D. Randoux, op. cit. et J. Moury, note précitée sous Cass. com. 4 décembre
2007, Bull. Joly, 2008, p. 216, n°7.
1346
En ce sens notamment, R. Mortier, Dr. sociétés, 2008, comm. 23 et 177, précités sous Cass. com. 4
décembre 2007, Dr. sociétés, 2008, comm. 47, sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007 ; Dr.
295
Il apparaît donc que c’est au niveau du point d’équilibre entre l’ordre public sociétaire et
l’autonomie de la volonté1347 que se situe le débat, d’une grande actualité, relatif à
l’efficacité des directives données contractuellement par les parties à l’expert désigné en
application de l’article 1843-4 du Code civil, lequel débat a reconquis l’intérêt de la
doctrine1348 à la suite des arrêts précités de la chambre commerciale de la Cour de
cassation du 4 décembre 20071349, avant que cette même chambre ne le tranche
définitivement dans un arrêt en date du 5 mai 20091350 dont la diffusion immédiate par la
Cour révèle l’importance, puis le confirme encore dernièrement dans un arrêt en date du
16 février 20101351.
sociétés, 2009, comm. 93, sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, et Dr. sociétés, 2009, comm. 114,
sous Cass. com. 5 mai 2009.
1347
J. Moury, Rev. sociétés, 2008, p. 341, note sous Cass. com. 4 décembre 2007, n°1.
1348
Sur ce débat, voir A. Couret, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, I.
1349
Cass. com. 4 décembre 2007, pourvoi n°06-13912, Qu illiard c/ Sté Arues (publié au Bulletin), Rev.
sociétés, 2008, p. 341, note J. Moury ; Bull. Joly, 2008, p. 216, note F.-X. Lucas et pourvoi n°06-13 913,
Jacqmin c/ Société SCF Arues, Dr. sociétés, 2008, comm. 177, note R. Mortier, précités.
1350
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, précité.
1351
Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.668 (a ffaire Sté Civile des Mousquetaires c/ M. P.
Deyglun), Numéro JurisData : 2010-051670, précité.
1352
Cass. com. 29 juin 1993, Dr. sociétés, 1993, n°158, note Th. Bonneau.
1353
Cass. com. 19 avril 2005, précité, JCP, éd. E, 2005, 1390, note H. Lécuyer.
296
s’agissait donc pas, pour la chambre commerciale, de confronter les pouvoirs de l’expert
aux stipulations conventionnelles destinées à encadrer la mission de ce dernier1354.
597 - Le débat relatif à l’autonomie dont dispose l’expert de l’article 1843-4 du Code
civil dans l’exercice de sa mission s’intègre naturellement dans le cadre de celui, plus
1354
En ce sens R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, 1 et H. Le
Nabasque, op. cit., I. B. 2, note n°17.
1355
Cass. com. 4 décembre 2007, deux espèces précitées.
1356
Contrairement à ce que laisse entendre la formule de la solution énoncée : « Viole l’article 1843-4 du
Code civil, l’arrêt qui retient que […] ces règles statutaires l’emporteraient sur l’article 1843-4 du Code
civil ».
1357
Voir notamment, R. Mortier, déplorant que ces arrêts condamnent, selon l’auteur, « toute méthode
contractuelle, statutaire ou extra-statutaire, d’évaluation des droits sociaux, dès lors qu’elle résulte d’un
accord antérieur à l’acte de cession ou de rachat », notes précitées sous Cass. com. 4 décembre 2007, Dr.
sociétés, 2008, comm. 23 suivie de Dr. sociétés, 2008, comm. 177. Voir également, H. Hovasse, JCP, éd.
E, 2008, p. 1159, note sous Cass. com. 4 décembre 2007 et J.-J. Daigre, Bull. Joly, 2008.214, note précitée
ère
sous Cass. 1 civ. 20 décembre 2007.
1358
En ce sens, J. Moury, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007, Bull. Joly, 2008, p. 216, n°3.
1359
Rappelons que la clause d’évaluation figurant dans les statuts de la société civile concernait le rachat
forcé des parts sociales imposé conventionnellement à la société anonyme anciennement employeur de
l’associé exclu de la société civile.
1360
« La jurisprudence récente de la Cour de cassation », Claire Favre, Président de la chambre
commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, in « La pratique de l’évaluation irrévocable
à dire d’expert (articles 1592 et 1843-4 du Code civil) », Gaz. Pal., 2009, p. 3.
297
599 - Au contraire, les tenants de l’assujettissement de l’expert aux directives que les
parties ont souhaité imposer à ce dernier, parmi lesquels figure en première position le
Professeur Mortier, invoquent la liberté contractuelle et le respect de la parole
donnée1365. Ils relèvent que le caractère impératif de l’article 1843-4 du Code civil est
limité au domaine de la contestation. Or la méthode conventionnelle d’évaluation
1361
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1 , A. a.
1362
J. Moury, notes précitées sous Cass. com. 4 décembre 2007, n°7 et sous Cass. com. 5 mai 2009, n°22.
1363
J. Moury, op. cit.
1364
J. Moury, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007, n°5. En ce sens également, Lamy Sociétés
Commerciales, 2009, n°850.
1365
R. Mortier, notes précitées sous Cass. com. 4 décembre 2007, Cour d’appel de Paris 14 novembre
2007 et 9 décembre 2008 et Cass. com. 5 mai 2009. Voir également, M. Mekky, « Les clauses relatives au
prix dans les cessions de droits sociaux », Rev. Lamy dr. civ., 2008, p. 64 et s. et H. Hovasse, JCP, éd. E,
2008, p. 1159, note sous Cass. com. 4 décembre 2007 ainsi que les praticiens, R. Dammann et S. Périnot,
D., 2009, p. 2170, note sous Cass. com. 5 mai 2009.
298
stipulée dans les statuts, laquelle a été antérieurement approuvée par les actionnaires
lors de la constitution de la société ou l’entrée de ces derniers au capital de la société,
ne peut être purement et simplement écartée au motif qu’elle soulève, dans son
application, des points de divergence. Une fois que les actionnaires ont donné leur
accord à l’application ultérieure de la clause d’évaluation statutaire, ce consentement ne
peut être révoqué unilatéralement. Admettre le contraire et « briser [ainsi] la loi des
parties reviendrait à transformer l’article 1843-4 en instrument de contentieux »1366, ce
qui aboutirait à une grande insécurité des relations juridiques1367 contre laquelle il est
naturel que les praticiens s’élèvent1368. Conformément à son analyse du fondement de la
procédure de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil comme répondant à un
impératif économique, le Professeur Mortier avance que l’expert n’est pas censé
« pourfendre les prévisions contractuelles [mais qu’il est] est au service du contrat »1369.
Selon l’auteur, l’article 1843-4 du Code civil organiserait ainsi l’intervention de l’expert
« non pas en cas de repentir d’une partie décidée à violer sa parole donnée, mais en
cas d’impossibilité des parties, le moment venu, à convenir d’un prix »1370 et cela de
manière à « surmonter les blocages contractuels »1371. Le Professeur Mortier en déduit
logiquement que « le forçage ne doit avoir lieu qu’à la stricte et à l’exacte mesure du
désaccord »1372, ce dont il conclut que l’article 1843-4 du Code civil « laisse à l’accord de
volonté toute latitude pour s’exprimer »1373, l’expert n’intervenant que pour trancher les
points litigieux1374.
600 - Ce débat doctrinal était en outre alimenté par une jurisprudence demeurée
pendant longtemps incertaine jusqu’à ce que la Cour de cassation ait l’occasion de se
prononcer sur la force contraignante des prescriptions données par les parties à l’expert.
601 - Une telle situation s’est présentée, pour la première fois, devant la chambre
commerciale de la Cour de cassation dans une affaire concernant le groupe de
1366
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007.
1367
R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1368
R. Dammann et S. Périnot, commentaire précité, sous Cass. com. 5 mai 2009.
1369
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007.
1370
R. Mortier, op. cit.
1371
R. Mortier, op. cit.
1372
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008.
1373
R. Mortier, « Le tiers estimateur » in La sortie de l’investisseur, Litec, 2007, Vol. 1, précité, n°22.
1374
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, admettant la possibilité que
l’accord amiable ne soit que partiel .Voir également, H. Hovasse, note précitée sous Cass. com. 4 décembre
2007 et D. Poracchia, Bull. Joly, 2009, p. 540, note sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008.
299
1375
Précisons qu’il s’agit d’une procédure d’exclusion stricto sensu, prononcée par l’assemblée générale.
1376 ème
Cour d’appel de Paris 23 novembre 2005, 14 ch. A, Sté civile des Mousquetaires (SCM) c/ Deyglun,
Rev. sociétés, 2006, p. 193, note I. Urbain-Parleani.
1377
L’arrêt énonce que : « même s’il apparaît que le premier juge a précisé la mission de l’expert pour faire
échec à la disposition des statuts ci-dessus rappelée et lui permettre de procéder en toute liberté à
l’évaluation qu’il est seul apte à faire, il n’avait pas ce pouvoir ».
1378 ème
Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, 3 ch. section A, M. P. Deyglun c/ Sté Civile des
Mousquetaires, D., 2009, p. 96, note A. Lienhard ; Bull. Joly, 2009, p. 540, note D. Poracchia et Dr. sociétés,
2009, comm. n°93, R. Mortier, par la suite confirmé par Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.66 8,
numéro JurisData : 2010-051670.
300
603 - C’est toutefois le contraire qui s’est récemment produit lorsque la chambre
commerciale a cassé cet arrêt de la Cour d’appel de Paris du 14 novembre 2007,
confirmant alors la solution énoncée, par une autre formation de cette même cour, dans
l’arrêt précité du 9 décembre 2008. Après avoir rappelé les termes de l’article 1843-4 du
Code civil, la chambre commerciale décide en effet, dans un arrêt en date du 5 mai
2009, qu’« En ce cas, seul l’expert détermine les critères qu’il juge les plus appropriés
pour fixer la valeur des droits, parmi lesquels peuvent figurer ceux prévus par les
statuts »1381. La Cour de cassation tranche ainsi nettement en faveur de la primauté de
l’ordre public sociétaire sur la liberté contractuelle, conformément à la thèse avancée par
une partie de la doctrine1382. Mais la solution semble quelque peu dépasser la pensée
de ces auteurs en ce qu’il ne serait pas même possible, pour les parties qui parviennent
1379 ème
Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007, 14 ch. A, Sté civile des Mousquetaires (SCM) c/ Crégniot,
Dr. sociétés, 2008, comm. 47, R. Mortier.
1380
R. Mortier, notes précitées sous Cass. com. 4 décembre 2007, Dr. sociétés, 2008, comm. 23 suivie de
Dr. sociétés, 2008, comm. 177.
1381
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, précité. L’arrêt enseigne également, au niveau
procédural, par exception à l’absence de tout recours possible contre la décision désignant l’expert, que « le
pourvoi est recevable contre une décision qui constate un excès de pouvoir et en tire les conséquences ».
Ce revirement s’impose logiquement à la suite de l’affirmation de l’indépendance de l’expert (contra
ère
antérieurement Cass. 1 civ. 6 décembre 1994, D., 1995.IR.40).
1382
Notamment J. Moury, notes précitées. Approuvant également la solution, voir A. Lienhard, D., 2009, p.
1349.
301
604 - Le Professeur Mortier déplore quant à lui que la « bombe à retardement »1384,
dénoncée à la suite de la jurisprudence précitée du 4 décembre 2007, soit en cours
d’explosion et s’apprête ainsi à anéantir, par une réaction en chaîne, bon nombre de
clauses d’évaluation statutaires, à commencer par celles stipulées dans le cadre de la
structure Intermarché1385. Cette solution qu’il taxe d’« absolutisme jurisprudentiel »1386
fait, selon lui, de l’expert un « despote éclairé »1387 dans la mesure où, par ailleurs,
l’évaluation de ce dernier ne peut être remise en cause qu’en cas d’erreur grossière1388,
laquelle est rarement retenue en jurisprudence1389, le juge ne pouvant alors jamais se
substituer à l’expert pour réaliser l’évaluation1390. Il en résulte, selon le Professeur
Mortier une « insécurité juridique sans précédent en la matière »1391.
Malgré ces critiques, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé la
totale autonomie de l’expert dans l’exercice de sa mission, au regard des directives
statutaires données contractuellement par les parties, dans un arrêt en date du 16
février 2010 rejetant le pourvoi formé contre l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 9
décembre 2008 précité, également relatif au groupement Intermarché1392.
1383
R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, 2°. Egalement D. Poracchia, note précitée sous
Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, II.
1384
R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007, Dr. sociétés, 2008, comm. 23.
1385
R. Mortier, notes précitées sous Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008 et Cass. com. 5 mai 2009.
1386
R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 4 décembre 2007, Dr. sociétés, 2008, comm. 23.
1387
R. Mortier, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009, 2°.
1388
Le professeur Viandier définit l’erreur grossière comme celle « qu’un technicien normalement soucieux
de ses fonctions ne saurait commettre » (A. Viandier, JCP, 1988.II.21050, note sous Cass. com. 4
novembre 1987). Peuvent également fonder un recours en annulation de l’évaluation, selon le droit
commun, le dol, la violence ou le défaut d’indépendance (sur ce point, voir dernièrement, Cour d’appel de
ème
Paris 29 mai 2008, n°07-506, 3 ch. B, Gamet c/ FCPR Axa Private Equity Fund, BRDA, 20/08, Inf. 13).
1389
Voir, Cass. com. 4 novembre 1987, JCP, 1988.II.21050, note A. Viandier, précité, et Cass. com. 19 avril
2005, précité, JCP, éd. E, 2005, 1390, note H. Lécuyer. Il est désormais établi que cette erreur n’est pas
constituée par le non respect, par l’expert, des directives conventionnelles d’évaluation (En ce sens
expressément Cour d’appel de Paris 9 décembre 2008, précité, confirmé par Cass. com. 16 février 2010,
pourvoi n°09-11.668, numéro JurisData : 2010-051670 ).
1390 ère ère
Cass. 1 civ. 25 novembre 2003, Dr. sociétés, 2004, comm. 95, F.-G. Trébulle ; Cass. 1 civ. 25
ère
janvier 2005, Dr. sociétés, 2005, comm. 62, F.-G. Trébulle et Cass. 1 civ. 28 juin 2007, Dr. sociétés, 2007,
comm. 193, note R. Mortier, cassant les arrêts par lesquels la Cour d’appel avait elle-même procédé à
l’évaluation. De plus, lorsqu’ils annulent l’évaluation de l’expert, les juges n’ont pas le pouvoir de désigner
ère
d’office le nouvel expert (Cass. 1 civ. 25 novembre 2003, précitée), la procédure tout entière doit alors être
réitérée, en commençant par une tentative d’accord des parties sur la désignation du nouvel expert (voir
ème
toutefois un arrêt isolé dans lequel le tribunal compétent avait lui-même procédé à la nomination, Cass. 3
civ. 6 novembre 2002, Dr. sociétés, 2003, n°65, note F.-X. Lucas).
1391
R. Mortier, op. cit.
1392
Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.668, N uméro JurisData : 2010-051670, confirmant Cour
ème
d’appel de Paris 9 décembre 2008, 3 ch. section A, M. P. Deyglun c/ Sté Civile des Mousquetaire précité.
302
606 - Il convient désormais de s’interroger sur la portée que cette jurisprudence est
susceptible d’avoir sur la pratique, omniprésente et associée à des enjeux financiers
considérables1398, qui consiste pour les partenaires à élire conventionnellement la
procédure de l’article 1843-4 du Code civil dans leurs pactes. Ce faisant, les partenaires
conviennent de faire appliquer par l’expert la méthode d’évaluation sur laquelle ils se
sont entendus afin de se garantir contre tout risque éventuel d’indéterminabilité du prix,
laquelle tiendrait à l’incapacité des partenaires de liquider ou de s’entendre sur la
liquidation de la formule de calcul le moment venu.
Certes, il est désormais établi que les pactes d’actionnaires échappent à l’emprise
automatique de la procédure d’expertise, solution dont on attend sereinement une
confirmation expresse et de principe par la Cour de cassation1399. Mais il n’est pas pour
autant acquis que les partenaires puissent, en plaçant conventionnellement leur pacte
sous l’empire de l’article 1843-4 du Code civil, tout en éludant une partie du dispositif en
ce qu’il repose sur l‘autonomie de l’expert, bénéficier de la double garantie d’obtenir un
prix qui respecte à la fois l’exigence légale de détermination et qui soit conforme à la
méthode de fixation choisie par eux.
Le caractère impératif de l’indépendance de l’expert est en effet susceptible de rejaillir
sur les pactes d’actionnaires et déjouer les prévisions des partenaires. Mais il faut
1393
A. Lienhard, D., 2008, AJ. 16, note sous Cass. com. 4 décembre 2007et commentaire précité sous
Cass. com. 5 mai 2009 ; M.-L. Bélaval, I. Orsini et R. Salomon, D., 2008, p. 1231, note sous Cass. com. 4
décembre 2007 et A. Couret, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1394
Cass. com. 5 mai 2009, précité.
1395
A. Lienhard, commentaire précité sous Cass. com. 5 mai 2009.
1396
H. Le Nabasque, Bull. Joly, 2009, p. 1018, note précitée sous Cass. com. 5 décembre 2007, 5 mai
2009, Cour d’appel de Versailles 10 septembre 2009.
1397
H. Le Nabasque, op. cit.
1398
A. Couret, op. cit.
1399
Voir supra, Partie II, Titre 2, Chap. 2, Sect° 2, § 1 . B. b.
303
relativiser cette influence dans la mesure où, d’une part, elle n’est qu’éventuelle, les
doutes étant sérieux quant au caractère absolu de l’indépendance de l’expert, et d’autre
part, elle peut être aisément contournée par un changement de pratique au profit de
l’article 1592 du Code civil.
607 - Il convient à titre liminaire, avant de s’interroger sur la possibilité pour les
partenaires d’appliquer partiellement le régime de l’expertise de l’article 1843-4 du Code
civil, de rejeter l’idée avancée par certains selon laquelle cette expertise ne pourrait être
appliquée conventionnellement en dehors de son domaine impératif.
Un auteur en particulier, le Professeur Moury, soutient en ce sens que les domaines
d’application des articles 1843-4 et 1592 du Code civil ne s’interpénètrent pas et que
toute référence, non équivoque, faite par les parties à une cession consensuelle à
l’article 1843-4 du Code civil, en dehors donc du champ d’application impérative de ce
dernier, est susceptible d’être requalifiée par le juge en une stipulation en faveur de
l’article 1592 du Code civil1400. L’auteur s’appuie notamment sur une certaine
interprétation de deux arrêts anciens de la Cour d’appel de Douai du 24 février 19831401
et de la Cour de cassation du 4 novembre 19871402.
Cette opinion est toutefois isolée et contredite par la jurisprudence ultérieure1403. Si l’on
laisse de côté un arrêt critiqué ayant admis l’application conventionnelle de l’expertise à
une cession portant sur des biens autres que des titres sociaux1404, un arrêt de la
chambre commerciale de la Cour de cassation du 19 avril 20051405 admet, dans le
principe, l’élection de cette procédure faite par les partenaires dans un pacte
d’actionnaires contenant une promesse de cession de titres1406. Une fraction importante
de la doctrine confirme cette possibilité de s’en remettre à l’article 1843-4 du Code civil
1400
J. Moury, « Jeux d’ombres sur la détermination du prix par les tiers estimateurs des articles 1592 et
1843-4 du Code civil », Rev. sociétés, 2005.513, n°9 et 10 et Rev. sociétés, 2009, p. 503, note précitée
sous Cass. com. 5 mai 2009, n°18.
1401
Cour d’appel de Douai 24 février 1983, Rev. sociétés, 1983. 337, note D. Randoux, précité.
1402
Cass. com. 4 novembre 1987, JCP, 1988.II.21050, note A. Viandier, précité. Interprétant au contraire
cet arrêt comme confirmant la possibilité pour les parties d’appliquer conventionnellement l’expertise, voir M.
ème
Germain, Traité de droit commercial – Les sociétés commerciales, T. 1, Vol. 2, 19 éd., 2009, LGDJ,
n°1083, p. 72.
1403
Voir notamment, Cass. com. 26 novembre 1996, Bul. Joly, 1997, p. 133, note C. Roca, précité ; Cass.
com. 30 novembre 2004, n°03-13756, SA Ternetix et aut re c/ SA Néopost France, Defrénois, 2005, p. 890,
note H. Hovasse, précité ; Cass. com. 19 avril 2005, JCP, éd. E, 2005, 1390, note H. Lécuyer, précité et
Cass. com. 24 novembre 2009, D., 2009, AJ, p. 2924, A. Lienhard ; JCP, éd. E., 2010, 1200, note M.-L.
Coquelet et JCP, éd. E., 2010, 1146, note G. Mouy, précité.
1404
Cass. com. 30 novembre 2004, n°03-13756, SA Ternetix et autre c/ SA Néopost France, précité.
1405
Cass. com. 19 avril 2005, précité.
1406
En ce sens notamment, H. Le Nabasque, note précitée, II. B.
304
608 - S’il ne fait aucun doute que les signataires de pactes d’actionnaires sont libres
de décider d’appliquer conventionnellement l’expertise, une incertitude subsiste, en droit
positif, quant à la possibilité pour les partenaires de ne se soumettre que partiellement
au dispositif d’ordre public.
Or, la pratique quasi-systématique, consistant à prévoir l’intervention de l’expert de
l’article 1843-4 du Code civil pour appliquer la clause d’évaluation conventionnelle en
cas de difficulté de mise en œuvre de cette dernière par les partenaires et éviter ainsi
l’écueil de l’indétermination du prix, revient à éluder une partie du régime de l’expertise,
en ce qui concerne, précisément, l’autonomie récemment affirmée de l’expert.
La jurisprudence n’a pas encore été amenée à statuer sur la question, rappelons que
dans les espèces ayant donné lieu aux arrêts susvisés de la chambre commerciale de la
Cour de cassation en date du 5 mai 20091410 et du 16 février 20101411, la référence faite
dans la clause statutaire d’exclusion à la procédure d’expertise était indifférente dès lors
que cette dernière procédure y était d’application impérative1412.
1407
Voir notamment, M. Germain, op. cit.; B. Fages, « La détermination du prix dans les cessions de titres
sociaux. Exposé des règles générales sur fond de jurisprudence récente », Rev. Lamy dr. aff., 2006, p. 65 ;
H. Le Nabasque, op. cit, II. A et B ; A. Couret, Bull. Joly, 2009, p. 728, note précitée sous Cass. com. 5 mai
2009, II ; Mémento Expert Cession de parts et actions, n°37453 et Lamy Sociétés commerciales, n°847 et
848.
1408
En ce sens, R. Mortier, « Le tiers estimateur » in La sortie de l’investisseur, Litec, coll. Colloques et
débats, 2007, Vol. 1, p. 102; M. Germain, op. cit.; H. Le Nabasque, op. cit., II. A - 1 (note de bas de page
n°32) et A. Couret, op. cit.
1409
Il semble que dans l’esprit des praticiens, au contraire, le recours conventionnel à la procédure de
l’article 1843-4 du Code civil est plus proche de la situation que ces derniers souhaitent créer dans la
mesure où le texte vise expressément la cession de droits sociaux et l’existence d’un désaccord, éléments
qui coïncident avec la volonté des partenaires de rendre l’expertise applicable en cas d’émergence d’une
contestation au moment de la liquidation de l’application de la méthode conventionnelle (En ce sens, H. Le
Nabasque, op. cit., II. B. 1/).
1410
Cass. com. 5 mai 2009, Rev. sociétés, 2009, p. 503, note J. Moury ; Bull. Joly, 2009, p. 728, note A.
Couret et Bull. Joly, 2009, p. 1018, note H. Le Nabasque, précité.
1411
Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.668 (a ffaire Sté Civile des Mousquetaires c/ M. P.
Deyglun), numéro JurisData : 2010-051670, précité.
1412
Voir également, H. Le Nabasque, op. cit., I. B. 2. b.
1413
Notamment, B. Fages, op. cit. ; H. Le Nabasque, op. cit., I. B. 2. b et II ; A. Couret, op. cit., II ; Mémento
Expert Cession de parts et actions, F. Lefebvre, 2009-2010, n°37453 ; Lamy Sociétés commerciales, 2009,
n°848 (qui ne vise pas expressément la mise à l’éca rt de l’autonomie de l’expert) et J. Moury, note précitée
sous Cass. com. 5 mai 2009, n°18 (lequel se prononc e contre la possibilité d’élire conventionnellement la
procédure, nous l’avons dit mais vise tout de même l’hypothèse dans l’absolu).
305
1414
Ces auteurs élèvent ainsi en principe général, une solution appliquée par la jurisprudence à certains
dispositifs d’ordre public, et selon lequel, dans le choix du recours conventionnel à un régime d’ordre public,
les parties seraient confrontées à la « logique du “tout ou rien” » (H. Le Nabasque, op. cit.). Dans cette
perspective, dès lors que les parties décident d’emprunter conventionnement un mécanisme d’ordre public,
elles s’en remettent nécessairement au régime impératif de ce dernier dans son intégralité. Pour une
condamnation du dépeçage contractuel du statut des baux commerciaux, voir Cass. ass. plén. 17 mai 2002,
RTD. civ., 2003, p. 85, obs. J. Mestre et B. Fages, précité, et s’agissant de la Loi sur le crédit à la
ère
consommation, voir notamment Cass. 1 civ. 29 octobre 2002, obs. J. Mestre et B. Fages, précitées.
1415
Mis de côté le cas des pactes d’actionnaires conclus dans le cadre spécifique de la SAS pour laquelle la
procédure de l’article 1843-4 C. civ. ne présente qu’un caractère supplétif (art. L 227-18 C. com.). En ce
sens, H. Le Nabasque, op. cit., I. A. 2.
1416
En ce sens, en matière de pacte de préférence, voir H. Le Nabasque, op. cit., II. A. 1.
1417
A. Lienhard, D., 2009, p. 1349, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1418
R. Dammann et S. Périnot, D., 2009, p. 2171, note précitée sous Cass. com. 5 mai 2009.
1419
Cass. com. 5 mai 2009 et 16 février 2010, précités.
1420
R. Dammann et S. Périnot, op. cit.
1421
Cass. com. 5 mai 2009, précité.
1422
A. Lienhard, op. cit.
1423 ème
Voir notamment, Cour d’appel de Paris 23 novembre 2005, 14 ch. A, Sté civile des Mousquetaires
(SCM) c/ Deyglun, Rev. sociétés, 2006, p. 193, note I. Urbain-Parleani, précitée et Cour d’appel de Paris 14
ème
novembre 2007, 14 ch. A, Sté civile des Mousquetaires (SCM) c/ Crégniot, Dr. sociétés, 2008, comm. 47,
R. Mortier.
1424
R. Dammann et S. Périnot, op. cit.
1425
Voir également, A. Couret et Th. Jacomet, « Les pièges des pactes d’actionnaires : questions
récurrentes et interrogations à partir de la jurisprudence récente », RJDA, 10/08, p. 951, n°26.
306
l’article 1843-4 du Code civil dans les pactes répond assurément au souci des
partenaires de « surmonter les blocages contractuels »1426, l’expert ne devant intervenir,
selon la volonté de ces derniers, que pour trancher les points litigieux susceptibles
d’émerger lors de la mise en œuvre de la méthode d’évaluation sur laquelle ils se sont
entendus.
Il ne nous semble donc pas que l’intangibilité du régime de l’expertise de l’article 1843-4
du Code civil se prolonge hors de son domaine impératif. Mais, si tel était toutefois le
cas, la jurisprudence devrait être amenée à se prononcer à l’avenir sur ce point, les
partenaires pourraient aisément contourner l’éviction qui en résulterait des prescriptions
faites dans leurs pactes pour l’évaluation du prix de cession.
610 - En l’état actuel du droit positif, les partenaires seront bien avisés, pour
s’assurer au mieux de la validité de leur pacte au regard de l’exigence de détermination
du prix autant que de la bonne application ultérieure de la méthode conventionnelle
d’évaluation sur laquelle ils se sont entendus, de recourir exclusivement à la procédure
de l’article 1592 du Code civil1427. Le Professeur Le Nabasque confirme en ce sens
qu’« il est urgent d’abandonner, fût-ce par précaution, toute référence au mécanisme de
l’article 1843-4 dans les pactes et d’adopter celui de l’article 1592 du Code civil »1428.
1426
R. Mortier, note précitée sous Cour d’appel de Paris 14 novembre 2007, à propos du fondement de la
procédure de l’article 1843-4 du Code civil, qui réside, selon l’auteur, dans un impératif économique.
1427
Sur ce régime, voir Mémento Expert Cession de parts et actions, F. Lefebvre, 2009-2010, n°3745 et s.
1428
H. Le Nabasque, note précitée, II. B. 2/. Voir également, A. Couret, op. cit., III.
1429
Art. 1592 C. civ. Rappelons à ce titre, qu’il s’agit aucunement d’une procédure d’arbitrage au sens
juridictionnel.
1430
Cass. com. 8 avril 1999, JCP, éd. G, 1999.II. 10136, note A. Viandier ; Cass. com. 6 juin 2001, Dr.
sociétés, 2001, comm. 170, Th. Bonneau et Cass. com. 19 décembre 2006 n°1476, Baude c/ Sté Sodi camb,
ème ème
RJDA, 4/07, n°365, 2 esp. Voir également, Cour d’appel de Paris 29 mai 2008, n°07-506, 3 ch. B,
Gamet c/ FCPR Axa Private Equity Fund, précité, BRDA, 20/08, Inf. 13.
1431
Sur cette question, voir « 4. Le produit fini de l’expertise irrévocable ou la difficile obligation de
trancher », E. Brochier et M. Nussenbaum, in Colloque de l’EFB du 25 janvier 2007, Gaz. Pal., 16-17 avril
2008, précité.
307
612 - Enfin, la disposition de l’article 1592 du Code civil s’avère suffisamment souple
pour que la procédure puisse être adaptée aux besoins des partenaires. Ces derniers
sont notamment libres de conditionner la mise en œuvre du mécanisme par l’émergence
d’un désaccord entre eux ou de difficultés quant à l’application de la formule
conventionnelle de calcul.
On prête généralement au mécanisme de l’article 1592 du Code civil le défaut de ne pas
présenter une garantie suffisante au regard de l’exigence de détermination du prix dès
lors que si le tiers ne peut ou ne veut déterminer le prix, il n’y a point de vente1434. Mais
en pratique, il faut relativiser les garanties qu’offre l’article 1843-4 du Code civil à cet
égard1435. En outre, il est possible de verrouiller les conséquences d’une éventuelle
défaillance du tiers désigné en application de l’article 1592 du Code civil en prévoyant
de réamorcer la procédure de désignation1436 si ce tiers manque à sa mission1437 et
éventuellement, que dans un tel cas, la désignation du nouveau tiers sera faite par le
juge des référés1438. Une telle précaution laisse toutefois subsister une différence
irréductible avec le régime de l’article 1843-4 du Code civil1439, laquelle tient à ce que la
1432
Cour d’appel de Paris 17 septembre 2004, RTD. civ., 2005, p. 154, obs. P-Y. Gautier (précisons que la
Cour de cassation n’a pas été amenée à se prononcer dans le cadre de cette affaire qui s’est conclue par
une transaction). Voir également, Cour d’appel de Paris 29 mai 2008, précité, lequel semble poser comme
condition que le tiers ne soit pas ainsi amené à trancher des points de droit.
1433
Cass. com. 9 avril 1991, RTD com., 1992.215, obs. Cl. Champaud et Danet ; Cass. com. 6 juin 2001,
Dr. sociétés, 2001, n°170, note Th. Bonneau, précité et Cass. co m. 4 février 2004, Rev. sociétés, 2004, p.
863, note J. Moury.
1434
Art 1592 C. civ. Voir également, concluant dans un tel cas à la nullité de la vente, Cass. com. 9 mai
1985, Bull. Joly, 1985, p. 788.
1435
En ce sens, le Professeur Couret relève qu’il arrive en pratique que l’expert de l’article 1843-4 du Code
civil soit empêché de réaliser sa mission du fait de la mauvaise volonté d’un tiers par exemple (A. Couret,
op. cit., II).
1436
Rappelons que le mode de désignation du tiers doit être précisé dans l’acte de cession sous peine de
nullité (Cour d’appel de Paris 23 mai 1986, D., 1987, somm. p. 390).
1437
Voir également en ce sens, H. Le Nabasque, op. cit.
1438
Pour un exemple, voir Cass. com. 26 juin 1990, affaire Société Unitec International c/ M. Portugais et
autres, précité, Rev. sociétés, 1991, p. 96, note I. Urbain-Parleani.
1439
Dans le cadre du renvoi à l’article 1843-4 du Code civil, la vente est valablement formée dès le moment
où les partenaires conviennent de l’application de l’article 1843-4 du Code civil (Mémento Expert Cession de
parts et actions, F. Lefebvre, 2009-2010, n°37455 et Cass. com. 30 novembre 2004, n°03-13756, SA
Ternetix et autre c/ SA Néopost France, précité).
308
cession organisée par le pacte n’est valablement formée qu’une fois que le prix est
effectivement déterminé par le tiers arbitre1440.
Conclusion du Chapitre 2
613 - Malgré certains doutes qui subsistent en droit positif à la suite de l’évolution
récente de la jurisprudence, l’influence de la prohibition des clauses léonines et de
l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil sur le régime des stipulations relatives au prix
dans les pactes d’actionnaires organisant des cessions ou des acquisitions d’actions est
faible.
1440 ère
En ce sens, Cass. 1 civ. 24 novembre 1965, JCP, éd. G, 1996.II.14602, note Gaury ; Cass. com. 16
octobre 1984, Bull. Joly, 1984, p. 1197 ; Mémento Expert Cession de parts et actions, op. cit., n°37455 et R.
Mortier, « Le tiers estimateur » in La sortie de l’investisseur, Litec, coll. Colloques et débats, 2007, Vol. 1, p.
101. Contra, H. Le Nabasque, selon lequel faute pour le tiers arbitre d’être en mesure d’effectuer
l’évaluation, la vente, valablement formée ab initio, devient caduque (H. Le Nabasque, op. cit, spéc. note de
bas de page n°43).
309
618 - D’une part, ce renforcement, qui s’est d’abord manifesté par l’extension
jurisprudentielle du domaine d’application impérative de l’expertise aux cessions
forcées, d’origine conventionnelle, stipulées dans les statuts, n’est pas de nature à
atteindre de manière automatique les même cessions organisées par les pactes
d’actionnaires. Cette évolution jurisprudentielle établit en effet que le fondement de
l’expertise d’ordre public de l’article 1843-4 du Code civil réside dans l’impératif de
protection de l’actionnaire cédant contre la société, a fortiori lorsque ce dernier est
minoritaire. Or, une telle protection n’a pas de raison d’être dans les cessions extra-
statutaires entre actionnaires, lesquelles sont étrangères aux rapports collectifs
entretenus par les actionnaires avec la société. C’est en ce sens que des juges du fond
se sont récemment prononcés en excluant du domaine d’application impérative de
310
Conclusion du Titre 2
620 - Les pactes d’actionnaires qui organisent des cessions ou des acquisitions
d’actions ne subissent qu’une faible influence de l’environnement sociétaire,
conformément au degré modéré de la dépendance au contrat de société qui les
caractérise.
mise en œuvre de certains de ces pactes, au regard du garde-fou que constitue le droit
pour tout actionnaire de ne pas demeurer prisonnier de ses titres, les partenaires sont
suffisamment protégés par le droit commun. Il est d’ailleurs remarquable que,
contrairement à ce qui est parfois évoqué, le principe de libre négociabilité des actions
n’induit aucunement un droit au juste prix pour l’actionnaire cédant.
Les partenaires bénéficient ainsi d’une grande liberté contractuelle dans l’aménagement
des pactes relatifs aux cessions et acquisitions d’actions.
qui contiennent des promesses de rachat d’actions à prix plancher entre actionnaires ne
sont pas de nature à menacer le bon fonctionnement de l’organisation sociale en ce que
ce dernier requiert une soumission à l’aléa social des actionnaires dans leurs relations
collectives avec la société. La jurisprudence tend à le reconnaître progressivement, et
l’on assiste, corrélativement, à la disparition de l’influence de la prohibition des clauses
léonines sur les pactes d’actionnaires.
626 - On le voit, l’appréciation que fait la jurisprudence des impératifs d’ordre public
qui fondent les règles énoncées aux articles 1844-1 alinéa 2 et 1843-4 du Code civil se
particularise et tend à libérer les pactes d’actionnaires de l’emprise de ces règles.
314
CONCLUSION DE LA PARTIE II
628 - De plus, cette influence sociétaire s’avère être plus ou moins intense d’un type
de pacte à un autre, ainsi que nous l’avions pressenti, conformément à la variabilité du
degré de dépendance qui imprègne la dimension d’accessoire du contrat de société que
revêt le pacte d’actionnaires.
Or, dans la mesure où tous les pactes sont soumis à la même base minimale d’emprise
de l’environnement sociétaire, laquelle tient au respect du domaine réservé aux statuts,
de la supériorité hiérarchique du contrat de société ainsi que de la condition de non-
contrariété à l’intérêt social, la variation d’intensité de l’influence sociétaire réside
nécessairement dans l’impact des règles relevant de l’ordre public sociétaire. Pour
mesurer la vigueur de cet impact éventuel, il convient alors de s’interroger, au préalable,
sur le fondement d’ordre public de chaque règle, de manière à vérifier si cette dernière
conserve sa raison d’être dans les relations individuelles entre actionnaires aménagées
par le pacte, puis, dans l’affirmative, d’apprécier les conditions qui encadrent le pacte de
manière à assurer le respect par ce dernier de la règle d’ordre public. Ainsi, l’influence
de l’ordre public sociétaire sur le pacte d’actionnaires est-elle d’autant plus soutenue
que les règles d’ordre public s’appliquent au pacte et induisent pour ce dernier un
encadrement rigoureux et proche de celui auquel le contrat de société est lui-même
soumis au regard de ces règles.
1441
Cass. com. 13 février 1996, Rev. sociétés, 1996, 781 note J.-J. Daigre et Cass. com. 7 janvier 2004,
Bull. Joly, 2004.544, note P. Le Cannu, précités.
315
629 - A ce titre, et très logiquement, il apparaît que les pactes caractérisés par une
dépendance marquée au contrat de société subissent plus rigoureusement l’emprise de
l’ordre public sociétaire que les pactes qui se placent dans un rapport de dépendance à
ce dernier d’une intensité plus modérée. Dans la première partie de cette étude, nous
avions pu identifier les trois vecteurs de rattachement du pacte d’actionnaires au contrat
de société que sont le droit de vote, la qualité d’actionnaire et le capital social, les deux
premiers imprimant aux pactes dont ils sont l’objet un degré de dépendance marqué au
contrat de société et le dernier vecteur, un degré de dépendance modéré. La seconde
partie de cette étude nous a alors permis de caractériser ces degrés de dépendance et
d’opérer une classification des pactes d’actionnaires sous cet angle.
630 - Ainsi, les pactes qui aménagent l’exercice du droit de vote et la perte de la
qualité d’actionnaire des partenaires subissent-ils une emprise rigoureuse de l’ordre
public sociétaire, dans le prolongement du caractère marqué de leur dépendance au
contrat de société.
La forte intensité de cette dépendance que présentent les conventions de vote et les
pactes qui organisent la cession forcée des titres d’un actionnaire, soit l’exclusion
entendue au sens large, ou l’inaliénabilité temporaire des titres d’un actionnaire tient à
ce que ces derniers affectent la société dans son fonctionnement, dans sa structure
et/ou dans son fondement-même. Ces pactes subissent en conséquence l’influence des
principes destinés à protéger les droits propres et fondamentaux de l’actionnaire ainsi
que la poursuite de l’intérêt commun : le droit de vote, le droit de rester dans la société
et le droit de ne pas demeurer prisonnier de ses titres ainsi que les principes assurant la
répartition des pouvoirs au sein des organes sociaux : le principe de hiérarchie et de
spécialité des organes sociaux et celui de la révocabilité ad nutum de certains dirigeants
dans la société anonyme. Ces principes donnent lieu à un encadrement ferme, plus ou
moins bien établi selon les pactes. Ainsi, les conditions qui encadrent les conventions de
vote et les pactes d’exclusion sont-elles mieux arrêtées en jurisprudence que celles qui
s’appliquent aux pactes d’inaliénabilité.
La dépendance marquée au contrat de société de ces pactes se caractérise alors dans
ce que la marge de souplesse dont les partenaires bénéficient pour réduire la liberté
d’exercice de leur droit de vote, s’engager à devoir céder leurs titres dans certaines
conditions ou à ne pas céder leurs titres pendant un certain temps, au regard des
principes gouvernant le fondement, le fonctionnement et la structure de la société est à
la mesure de celle dont ils bénéficient dans le cadre du contrat de société, pour exercer
leur droit de vote et aménager leurs droits de rester dans la société et de ne pas
demeurer prisonnier de leurs titres. Cela est manifeste pour les pactes d’exclusion dont
316
les conditions sont le pendant des conditions qui entourent la validité des clauses
d’exclusion statutaires et visent à protéger l’actionnaire exclu de tout arbitraire. Cette
projection de la marge de liberté dont bénéficie l’actionnaire dans le cadre du contrat de
société sur la pacte est également remarquable dans l’application de la théorie de l’abus
du droit de vote pour apprécier le respect par la convention de vote de la condition
relative à la non-contrariété à l’intérêt social.
631 - Au contraire, les pactes d’actionnaires qui organisent des cessions ou des
acquisitions d’actions subissent une faible influence de l’environnement sociétaire,
laquelle tient essentiellement, pour certains de ces pactes, au respect de l’exigence
minimale et irréductible posée par le corollaire du principe de libre négociabilité des
actions, le droit pour l’actionnaire de ne pas rester prisonnier de ses titres.
Ainsi, les pactes de non-agression et de retrait, qui suppriment ou réduisent la liberté
qu’on les actionnaires d’acquérir des titres sont essentiellement soumis au droit
commun, les promesses de rachat à prix plancher, en particulier, étant largement
validées par la jurisprudence, malgré les incertitudes qui entourent les fondements du
recul de la prohibition des clauses léonines. De même, les pactes anti-dilution, clauses
d’offre alternative et clauses d’entraînement, qui restreignent la libre négociabilité des
actions par le mécanisme de la promesse unilatérale de vente sous condition, sont
essentiellement soumis au droit commun de la vente et des avant-contrats.
Seuls les pactes de préférence et d’agrément, lesquels limitent, avant tout projet de
cession, le choix du débiteur dans la personne de son cessionnaire éventuel sont un
minimum encadrés dans leur mise en œuvre, d’une manière bien établie en droit positif,
afin de s’assurer qu’ils n’ont pas pour conséquence, en pratique, de tenir en échec toute
possibilité de cession de ses titres par l’actionnaire débiteur.
Il apparaît que, dans le cadre des pactes qui organisent des cessions ou des
acquisitions d’actions, le risque d’arbitraire est atténué et les partenaires sont
suffisamment protégés par le droit commun des contrats, tandis que le contrat de
société n’est pas particulièrement menacé dans son fondement, son fonctionnement ou
sa structure, sauf fraude ou caractère contraire à l’intérêt social du pacte. Ces pactes
font donc une large place à la liberté contractuelle. Ils ne relèvent notamment pas du
domaine d’application impérative de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil, faute
d’emporter une obligation de cession ou de rachat forcé des titres d’un actionnaire à
l’égard de la société, seule situation justifiant l’impératif d’ordre public de protection de
l’actionnaire cédant contre la société. Les partenaires sont bien entendu libres de
recourir conventionnellement à cette procédure afin de se garantir l’application par
l’expert de la méthode de calcul de prix sur laquelle ils se sont entendus. Toutefois, en
317
1442
F.-X. Lucas, Bull. Joly, 2007, n°4, p. 479, note sous Cour d’appel de Pari s 15 décembre 2006, affaire
SNCM, précité.
318
CONCLUSION GENERALE
634 - 1/ Le pacte d’actionnaires se présente par essence, de par son objet et ses
causes, comme une forme d’accessoire du contrat de société.
Les pactes d’actionnaires ont tous pour objet matériel, de manière alternative ou
cumulative, l’un des éléments constitutifs de la structure et du fonctionnement de la
société : les actions qui composent le capital social et/ou le droit de vote, dont l’exercice
contribue à l’orientation collective du pouvoir au sein de la société. En outre, les pactes
d’actionnaires trouvent, à double titre, leur cause, entendue sous les acceptions
efficiente et finale de la notion, dans la qualité réciproque d’actionnaire des partenaires.
D’une part, la cause catégorique du pacte réside dans la confiance mutuelle attachée à
la qualité d’actionnaire des signataires. D’autre part, le pacte d’actionnaires a pour
cause-fonction l’aménagement des relations réciproques entre actionnaires.
Les fondements de cette dimension d’accessoire du contrat de société que revêt le
pacte d’actionnaires tiennent donc, non seulement à l’emprunt, par ce dernier, de sa
matière au contrat de société, mais encore, à sa raison d’être, laquelle réside dans la
qualité réciproque d’actionnaires des partenaires. Ainsi, la dépendance du pacte
d’actionnaires au contrat de société se caractérise-t-elle, de la manière la plus évidente,
par la caducité qu’entraîne, pour le pacte, la transformation du contrat de société ou la
perte de la qualité d’actionnaire d’un partenaire, quelle qu’en soit l’origine.
635 - 2/ Cette dimension d’accessoire, qui est par essence commune à tous les
pactes d’actionnaires et transcende la diversité de ces derniers, est toutefois à
géométrie variable. Elle repose sur divers facteurs de rattachement au contrat de
société que sont l’exercice du droit de vote, la détention des actions ou la qualité
d’actionnaire des partenaires, lesquels impriment, selon qu’ils s’immiscent plus ou moins
profondément dans le fondement, la structure ou encore le fonctionnement de la société,
divers degrés de dépendance dans la relation pacte - contrat de société. Les pactes
relatifs à l’exercice du pouvoir et à la perte de la qualité d’actionnaire se situent dans un
fort degré de dépendance au contrat de société. Ils interfèrent en effet directement avec
le fonctionnement, la structure et le fondement-même du contrat de société et sont, à ce
titre, davantage susceptibles de tomber sous l’emprise des règles de l’ordre public
sociétaire qui régissent ces différents aspects du contrat de société que ne le sont les
pactes qui organisent des cessions ou des acquisitions d’actions.
319
637 - 4/ Cette influence de l’environnement sociétaire sur les pactes n’est toutefois
pas automatique. Toute règle de l’ordre public sociétaire relevant du fonctionnement, de
la structure ou même du fondement du contrat de société ne trouve pas nécessairement
à s’appliquer aux pactes susceptibles d’interférer avec l’un de ces aspects du contrat de
société. La jurisprudence est en effet amenée à se prononcer, au préalable, sur le
fondement du principe défendu par l’ordre public sociétaire de manière à justifier de
l’impérativité de ce dernier pour le pacte d’actionnaires en cause. Ainsi, la jurisprudence
tend-elle à reconnaître, en matière de promesses de rachat à prix plancher entre
actionnaires présentant un caractère léonin, que la prohibition ne leur est pas applicable
en ce que cette dernière est dépourvue de raison d’être dans le cadre de pactes
organisant des cessions d’actions entre actionnaires. Il en est de même de l’application
de l’expertise de l’article 1843-4 du Code civil aux pactes d’actionnaires, peu important
le degré de dépendance de ces derniers au contrat de société, dès lors que
l’impérativité de cette expertise dans le cadre des relations individuelles entre
320
1443
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V. Principaux arrêts
Cass. com. 16 février 2010, pourvoi n°09-11.668 (af faire Sté Civile des Mousquetaires c/ M. P.
Deyglun),
Numéro JurisData : 2010-051670
ème
Cour d’appel de Paris, 9 décembre 2008, 3 ch. section A, (affaire M. P. Deyglun c/ Sté Civile
des Mousquetaires),
D., 2009, A.J. 96, obs. A. Lienhard,
Bull. Joly, 2009, p. 540, note D. Poracchia,
Dr. sociétés, 2009, comm. n°93, R. Mortier.
er ème
Cour d’appel de Paris 1 juillet 2008, 3 ch. A,
Rev. sociétés, 2008, p. 786, note D. Poracchia.
ème
Cour d’appel de Paris 20 mai 2008, 3 ch. section A, n°06/11163, Micouleau c/ SA Artémis ,
Jurisdata n°2008-365472.
ère
Cass. 1 civ. 15 mai 2008,
Bull. Joly, 2009, p. 40, note P. Le Cannu.
Cass. com. 27 septembre 2005 (Sté Financière de Marcory c/ Sté Sofipharm, n°04-12168),
ère
RJDA, 12/05, n°1359, 1 esp.
Cass. com. 22 février 2005 (affaire Laurent c/ CRCAM du Morbihan, dite également affaire
Textinlinger),
Rev. sociétés, 2005, p. 353, note P. Le Cannu,
Rev. sociétés, 2005, p. 593, note H. Le Nabasque.
Cass. com. 12 mars 1996, (affaire Sté Nollet et Cie et autres c/ M. Salon et autres),
RTD. com., 1996, p. 897, note J. Mestre,
Bull. Joly, 1996, p. 576, note J.-J. Daigre.
Cass. com. 26 juin 1990 (affaire Société Unitec International c/ M. Portugais et autres),
Rev. sociétés, 1991, p. 96, note I. Urbain-Parleani.
VI. Divers
CH (D.), « SEB : la famille dénonce le pacte d'actionnaires », Les Echos, 11 mai 2009,
(Industrie), article de presse disponible sur : www.lesechos.fr
WOJAZER (PH.), « Crédit Agricole assure que les pertes liées à Intesa Sanpaolo sont intégrées »,
Reuters, 11 mai 09, article de presse disponible sur : www.reuters.com
342
SOMMAIRE ..........................................................................................................4
INTRODUCTION ..................................................................................................5
Section 1. Les pactes d’actionnaires ayant pour objet l’exercice du pouvoir au sein de la
société ...........................................................................................................................................84
§ 1. Les principaux pactes relatifs à la gestion de la société...................................................................84
A. Les pactes portant sur l’information des actionnaires ................................................................................85
B. Les conventions de vote ............................................................................................................................87
§ 2. Illustration pratique : les pactes relatifs à l’exercice du droit de vote .............................................89
A. L’orientation indirecte : les pactes relatifs à la composition des organes délibérants ................................90
B. L’orientation directe : les pactes relatifs à l’intervention dans le processus décisionnel ............................91
Section 2. Les pactes d’actionnaires ayant pour objet la détention du capital social..........94
§ 1. Les pactes n’emportant aucun engagement de céder ou d’acquérir des actions ..........................96
A. Les pactes limitant les mutations de droits sociaux dans leur principe même ...........................................96
B. Les pactes limitant, avant tout projet de cession déterminé, le choix de la personne du cessionnaire......98
§ 2. Les pactes ayant pour objet l’engagement de céder ou d’acquérir des actions...........................100
A. Les promesses unilatérales de vente sous condition suspensive............................................................100
B. Les promesses unilatérales d’achat sous condition suspensive..............................................................103
Conclusion du Chapitre 1 ..........................................................................................................105
*
La cause est ici retenue sous ses acceptions de cause efficiente et catégorique et de cause-fonction.
344
TITRE 1. LES PACTES CARACTERISES PAR UNE DEPENDANCE MARQUEE .... 145
TITRE 2. LES PACTES CARACTERISES PAR UNE DEPENDANCE MODEREE .... 217
BIBLIOGRAPHIE .............................................................................................321