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La Pravda Americaine-Histoire Et Seconde Guerre Mondiale

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Pravda américaine :
Histoire et seconde guerre mondiale

Ron UNZ

19 avril 2020

Version : 20200419

Traduction française : 2019 par l’équipe du Saker francophone


https://lesakerfrancophone.fr
Version anglaise : Our american pravda

Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons
Attribution — Pas d’Utilisation Commerciale — Partage dans les Mêmes Conditions 4.0
International.

2
Table des matières

Table des matières 3

1 Alexander Cockburn et les espions britanniques 6

2 Comment Hitler a sauvé les Alliés 18

3 Quand Staline a failli conquérir l’Europe 49

4 Les secrets du renseignement militaire 66

5 Le général Patton s’est-il fait assassiner ? 114

6 Après-guerre francaise, après-guerre allemande 124

7 Comprendre la seconde guerre mondiale 150

8 Le projet étasunien d’une frappe nucléaire préven-


tive contre la Russie au début des années 1960 234

3
L’auteur et le concept de la
Pravda Américaine

Ron Keeva Unz est un homme d’affaire qui connut la réussite


aux États-Unis : il fonda une société spécialisée en informatique
financière, qu’il vendit ensuite au fameux groupe financier Moody’s.
Il s’est présenté aux primaires républicaines pour les élections pour
le poste de Gouverneur de Californie en 1994, mais n’a pas gagné.

Né en 1961, juif non pratiquant d’ascendance ukrainienne, il


a publié une série d’articles, American Pravda, dont certains sont
très critiques sur certaines élites juives, tentant de réhabiliter l’his-
toire du siècle dernier. Comme le dit Paul Craig Roberts, c’est

4
TABLE DES MATIÈRES 5

très courageux et cela pourrait permettre de briser certains tabous


qui enferment une partie de la population juive dans une nasse
idéologico-religieuse, risquant une fois encore d’en faire la victime
indirecte des agissements de ces mêmes élites.
Chacun connaît, ou se souvient, de la Pravda, le journal de
propagande du parti communiste en Russie Soviétique, qu’il fal-
lait lire si l’on ne voulait pas être bien informé. Le journal était
connu de tous comme empli de platitudes à la gloire du parti, et
d’abstractions vis à vis de la réalité.
Ce recueil fait donc l’analogie entre cette situation, qu’ont bien
connue les Russes et autres peuples d’Europe de l’Est, avec l’état
actuel de la presse occidentale. Ron Unz, très bien informé, s’appuie
sur des informations qu’il peut systématiquement sourcer, et qui se
révèlent souvent très fiables, pour démonter les récits narratifs de
notre temps et de notre lieu. Bien que son focus soit très étasunien,
on peut sans doute transposer une bonne partie de ses critiques à
nos médias dominants français ou occidentaux.
Comme le dit Ron Unz, le plus difficile pour percer un mur épais
est de pratiquer la première ouverture. Certains sujets qu’il aborde
sont énormes et inimaginables pour le lecteur habitué au discours
et à la « bulle » mainstream. On espère que la présente distribution
contribuera à ce que des lecteurs francophones accepteront de lire
les arguments très forts qu’il présente, de les vérifier, de les analyser,
afin de se faire leur propre opinion sur toute ou partie de ces sujets.
Le présent ouvrage est une compilation d’articles. Il ne faut pas
chercher un sens à l’ordre dans lequel ils sont présentés ; en revanche
ils s’éclairent et se complètent souvent les uns et les autres.
Chapitre 1

Alexander Cockburn et les


espions britanniques

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article Alexander


Cockburn et les espions britanniques
Par Ron Unz – Le 29 août 2016 – Source Unz Review

Il y a une dizaine d’années, je m’étais lié d’amitié avec feu


Alexander Cockburn, l’un des premiers journalistes radicaux amé-
ricains et fondateur de Counterpunch, un webzine de gauche de
premier plan. Face à la quasi-totalité des grands médias améri-
cains qui n’ont de cesse d’encourager la folie totale de notre guerre
en Irak, Counterpunch a été un phare dans la tempête et a acquis
une crédibilité considérable à mes yeux.
Bien qu’Alex vivait dans l’extrême nord de la Californie, la côte
nord rurale près de la frontière de l’Oregon où une grande partie de
l’économie locale était basée sur la culture illégale de la marijuana,
il faisait périodiquement des voyages dans la région de la Baie,
et passait parfois à Palo Alto pour déjeuner avec moi. Souvent, il
apportait un livre qu’il était en train de lire, et après ses fortes

6
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 7

recommandations, il finissait habituellement sur ma propre liste.


Parfois, mon évaluation différait nettement de la sienne. Par
exemple, le best-seller international de Shlomo Sand, The Inven-
tion of the Jewish People, a été très largement salué par les mi-
lieux libéraux de gauche et antisionistes, et a attiré une attention
considérable dans les grands médias. Mais bien que j’aie trouvé
de nombreuses parties de l’histoire extrêmement intéressantes, la
revendication centrale me semblait incorrecte. Pour autant que je
sache, il semble y avoir des preuves génétiques irréfutables que les
Juifs ashkénazes d’Europe remontent en grande partie à la Terre
Sainte, étant apparemment les descendants de quelques centaines
(probablement juifs) de gens du Moyen-Orient, principalement des
hommes, qui se sont installés en Europe du Sud quelque temps
après la chute de Rome et qui ont pris des femmes locales, italiennes
du Nord, après quoi ils sont restés largement endogames pendant
les mille et quelques années suivantes, au fil de leur présence en Eu-
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 8

rope centrale et orientale. Cependant, en tant qu’historien plutôt


que chercheur en génétique, le professeur Sand n’était apparem-
ment pas au courant de ces preuves tangibles et s’est concentré sur
des indicateurs littéraires et culturels beaucoup plus faibles, étant
peut-être aussi quelque peu influencé par ses propres prédilections
idéologiques.
D’un autre côté, j’ai trouvé certaines des autres recomman-
dations d’Alex absolument fascinantes et très convaincantes. Un
jour, il a mentionné qu’il lisait un livre sur le réseau d’espionnage
étranger qui avait pris un considérable contrôle du système poli-
tique américain juste avant notre entrée dans la Deuxième guerre
mondiale. « Oh », dis-je, « vous voulez dire le réseau d’espionnage
communiste soviétique ? » J’avais récemment pris conscience du vo-
lume de preuves révélées par les décryptages de Venona. « Non »,
répondit-il en souriant, « l’autre réseau d’espions étrangers, celui
dirigé par l’Angleterre. »
Il a expliqué que les espions britanniques avaient joué un rôle
caché massif dans l’implication de l’Amérique dans la Seconde
guerre mondiale malgré l’opposition écrasante des citoyens, et qu’ils
avaient très probablement assassiné un haut responsable du Parti
républicain en prenant secrètement le contrôle politique du GOP 1
et son processus de nomination présidentielle. Étant lui-même issu
d’une famille de membres du Parti communiste britannique, il trou-
vait assez amusant que des réseaux rivaux d’espions britanniques et
d’espions communistes aient discrètement rivalisé ou coopéré pour
le contrôle de notre propre gouvernement national à cette époque,
même lorsque les moutons américains, totalement ignorants et in-
conscients, paissaient dans l’herbe de temps à autre, émettant un
Bééééh ! à l’occasion et ne voyant jamais que la direction du trou-
peau changeait périodiquement, apparemment inexplicablement.
J’ai donc commandé le livre, Desperate Deception de Thomas
E. Mahl, et je l’ai mis sur ma pile, car étant occupé avec mon
1. Grand Old Party - acronyme du parti républicain, NdT
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 9

travail dans le logiciel, il m’a fallu quelques années avant de finale-


ment le lire. Malheureusement, à ce moment-là, Alex n’était plus
parmi nous, alors je n’ai pas pu lui laisser une note de remerciement
pour cette recommandation. En tant que personne qui n’a qu’une
connaissance superficielle de l’histoire américaine du XXe siècle,
acquise en grande partie dans les manuels scolaires du secondaire
et les articles de journaux, j’ai trouvé les éléments assez choquants,
mais d’après quelques conversations que j’ai eues, je suppose que
de nombreux Américains, y compris ceux qui s’y connaissent beau-
coup mieux que moi, auraient réagi de la même façon. Ces jours-ci,
les observateurs avertis sont devenus un peu blasés à l’idée que
notre pays soit manipulé par des agents d’une puissance étrangère
et ses alliés influents, et bien que les ovations interminables et stali-
niennes que le Congrès a adressées l’an dernier au premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu aient suscité quelques froncements
de sourcils temporaires, l’incident fut rapidement oublié. Mais à
l’époque plus innocente des années 1930, on avait encore le sen-
timent naïf que les élus américains devaient agir au service de ce
qu’ils percevaient comme les intérêts nationaux de l’Amérique, et si
les faits du livre du professeur Mahl avaient été connus à l’époque,
il y aurait certainement eu une grave réaction politique.
En effet, l’auteur note à de nombreux endroits que les oppo-
sants politiques sont restés perplexes face à notre participation à
la Seconde guerre mondiale. Ils ont senti qu’il semblait y avoir une
main invisible de coordination derrière les individus et les forces qui
se trouvaient à leur merci, mais ils n’ont jamais deviné que c’était
simplement un service de renseignement étranger.
L’histoire officielle nous apprend que la Grande-Bretagne et
la France sont entrées en guerre contre l’Allemagne et qu’ils se
sont rapidement retrouvés enlisés, voire surclassés. Seule l’entrée
de l’Amérique dans la Première guerre mondiale avait renversé le
cours de ce conflit, menant à une victoire alliée, et le même facteur
a semblé nécessaire lors du deuxième round en 1939, bien plus dur.
Cependant, l’implication de l’Amérique dans la Première guerre
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 10

mondiale avait fini par être perçue par le peuple américain avec le
recul comme une erreur désastreuse, et l’idée d’aller faire la guerre
en Europe une deuxième fois était extrêmement impopulaire. D’où
la nécessité d’une campagne secrète de subversion politique et de
manipulation des médias pour saper les personnalités publiques qui
s’opposaient à l’intervention et faire en sorte que l’Amérique entre
en guerre, même si très peu d’Américains le voulaient réellement.
Cette tâche a été rendue beau-
coup plus difficile par un autre fac-
teur que l’auteur n’a que peu abordé.
Au cours de la période en question,
un réseau d’agents communistes fi-
dèles à l’Union soviétique a exercé une
énorme influence politique, comme l’a
démontré de manière concluante de
nombreuses décennies plus tard la dé-
classification des décryptages Venona.
Cependant, Staline et Hitler étaient
devenus des alliés juste avant le dé-
but de la Seconde guerre mondiale,
et jusqu’à l’invasion allemande de la
Russie en juin 1941, les communistes
étaient généralement opposés à tout soutien américain à la Grande-
Bretagne ou à la France, et encore moins à toute intervention mili-
taire directe. Ainsi, pendant presque toute la période en question,
les espions et les agents d’influence britanniques qui ont poussé
l’Amérique à aller en guerre se sont parfois heurtés à la résistance
des espions et des agents d’influence communistes qui poussaient
dans la direction opposée.
L’audace du réseau d’espionnage britannique était vraiment re-
marquable et s’expliquait en partie par l’énorme degré de contrôle
qu’eux-mêmes et leurs alliés américains exerçaient sur la plupart
des principaux médias, ce qui les protégeait largement du risque de
divulgation publique dommageable. Dans le cadre de cette immu-
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 11

nité médiatique, des documents ont été falsifiés pour embarrasser


les opposants politiques, des sondages d’opinion ont été manipu-
lés ou peut-être même truqués, et des femmes attrayantes ont été
déployées pour influencer des élus de premier plan.
Par exemple, j’avais toujours vu le
nom du sénateur Arthur Vandenberg,
du Michigan, cité comme le leader ré-
publicain dont la remarquable conver-
sion de l’isolationnisme à l’interven-
tionnisme et à l’internationalisme a
jeté les bases de décennies de politique
étrangère bipartisane américaine. Et
dans un chapitre complet, Mahl four-
nit des preuves convaincantes que le
changement idéologique de Vanden-
berg a été grandement facilité par
trois femmes successives qui ont été
ses principales auxiliaires pendant un
certain nombre d’années, toutes agis-
sant au nom du renseignement britan-
nique. Mahl consacre un autre chapitre à la chronique des tenta-
tives répétées et finalement réussies de ces forces extérieures pour
vaincre le représentant Hamilton Fish, retranché pendant des dé-
cennies dans son district du nord de l’État de New York, qui a été
l’un des principaux opposants de l’intervention étrangère du pays
et qui siégeait au Comité des affaires étrangères de la Chambre. De
grosses sommes d’argent extérieur affluaient régulièrement dans son
quartier, ainsi que des attaques massives et coordonnées par tous
les médias disponibles, lançant les accusations les plus absurdes,
y compris qu’il était soutenu par des agents nazis ou en était un
lui-même, ces accusations étant parfois basées sur de simples fal-
sifications. En fait, les seuls agents étrangers impliqués dans ces
campagnes étaient les espions britanniques qui coordonnaient se-
crètement l’effort anti-Fish.
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 12

Fait intéressant, parmi les principaux arguments avancés pour


pousser les Américains ordinaires à considérer l’Allemagne comme
une dangereuse menace nationale, il y avait l’affirmation selon la-
quelle Hitler avait l’intention de violer la doctrine Monroe en pre-
nant le contrôle de l’Amérique latine, comme en témoigne une carte
secrète nazie indiquant les zones éventuelles d’occupation militaire.
Mais l’Allemagne possédait une marine de surface d’une force né-
gligeable, de sorte que toute tentative de traverser l’océan Atlan-
tique pour ensuite envahir et conquérir la moitié de l’hémisphère
occidental aurait été une entreprise étonnante, et naturellement la
carte avait été fabriquée par les Britanniques, peut-être à la de-
mande de l’administration Roosevelt. Les personnes qui ont falsifié
les « Niger Yellowcake papers » pour promouvoir la guerre en Irak
n’étaient que des pique-assiettes en comparaison.
Un autre détail historique fascinant concerne la création de
l’OSS, le service de renseignement américain qui a été l’ancêtre
de la CIA. Le FBI existait déjà, tout comme le service de rensei-
gnement militaire américain, mais ces organisations bien établies
étaient évidemment beaucoup moins vulnérables à l’influence poli-
tique extérieure, sans parler d’un contrôle étranger. Par conséquent,
l’impulsion à l’origine de la création du nouvel OSS provenait appa-
remment en grande partie d’éléments des services de renseignement
britanniques, qui ont également aidé à choisir les hauts dirigeants,
ce qui a soulevé des questions intéressantes quant à la loyauté pre-
mière de ces derniers à l’égard de ces individus. En effet, les agents
britanniques ont souvent décrit Bill Donovan, directeur de l’OSS,
comme notre homme dans leurs communications internes.
Mais l’histoire la plus remarquable, que je ne connaissais pas
du tout, fut peut-être la nature bizarre de la course présidentielle
de 1940. Franklin Roosevelt avait en partie remporté sa réélection
écrasante en 1936 en se présentant comme un puissant opposant
à toute intervention dans une future guerre européenne, mais en
1937, l’économie s’était à nouveau effondrée, avec un nouveau crash
boursier, un retour à un chômage presque record et une perception
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 13

Figure 1.1 – La soi-disant carte secrète nazie de conquête de


l’Amérique du Sud

répandue que malgré des dépenses gouvernementales sans précé-


dent, le New Deal tant vanté avait finalement été un échec. En
outre, la tentative du FDR de circonscrire la Cour suprême avait
subi une défaite bi-partisane majeure en 1937, ce qui avait encore
réduit sa popularité et donné l’impression que sa présidence avait
été un échec. Preuve de l’impopularité de Roosevelt, les républi-
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 14

cains ont remporté 80 sièges de plus à la Chambre lors des élec-


tions de mi-mandat de 1938, l’une des plus grandes fluctuations de
l’histoire américaine.
Le déclenchement de la guerre en Europe en 1939 a donné
un énorme coup de fouet à l’économie américaine et a fourni à
Roosevelt une excuse potentielle pour briser toutes les traditions
politiques américaines et chercher un troisième mandat présiden-
tiel. Mais le soutien de Roosevelt à l’engagement militaire dans ce
conflit constituait un obstacle majeur à de tels plans puisque tous
les principaux adversaires républicains étaient de puissants anti-
interventionnistes, le sénateur Robert Taft de l’Ohio en tête, tout
comme le peuple américain. Roosevelt devrait donc apparemment
soit risquer une défaite électorale, soit s’engager une fois de plus
à maintenir la future neutralité militaire de l’Amérique, limitant
ainsi sa ligne de conduite future s’il était élu et aliénant peut-être
aussi certains de ses principaux partisans, qui étaient entièrement
concentrés sur la nécessité pour les États-Unis d’entrer rapidement
en guerre contre l’Allemagne.
Évidemment, l’idéal aurait été que l’adversaire républicain de
Roosevelt à la présidence soit en quelque sorte son jumeau idéo-
logique internationaliste, ne laissant ainsi à la majorité probable
des électeurs isolationnistes aucun choix de vote dans l’isoloir. De
puissantes personnalités de l’aile du Parti républicain de l’establish-
ment WASP de la côte Est, dont Henry Luce de l’empire média-
tique Time-Life et Thomas Lamont de J.P. Morgan & Company,
ont ardemment recherché à obtenir ce résultat, mais sans candi-
dat républicain potentiel ni soutien populaire significatif, l’effort
semblait sans espoir.
Pourtant, lorsque la convention du parti de 1940 a finalement
pris fin le 28 juin, le candidat républicain inattendu à la présidence,
Wendell Willkie, a atteint cet objectif improbable. Il a également
été un choix assez étrange à bien d’autres égards, étant un démo-
crate de toujours, quelque peu obscur sur le plan politique et qui
n’avait jamais occupé auparavant un poste électif, ni n’avait jamais
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 15

participé à aucune élection primaire républicaine. Les observateurs


politiques expérimentés de l’époque considéraient la nomination de
Willkie comme l’une des plus bizarres et des plus déroutantes de
l’histoire politique américaine, le redoutable H.L. Mencken laissant
entendre que l’intervention divine était la seule explication possible.
Mahl, cependant, souligne des facteurs plus terre à terre. Il
existe d’énormes preuves de vantardises importantes de la part
d’agents britanniques, y compris la manipulation totale du pro-
cessus de nomination par le directeur de la convention, qui était
leur proche allié. Des micros ont été sabotés à des endroits cru-
ciaux et des billets en double ont été imprimés pour s’assurer que
toutes les travées seraient complètement remplies par des bruyants
partisans de Willkie, dont l’enthousiasme a aidé les délégués hé-
sitants à se décider. Le succès aurait pu être très difficile sans de
telles machinations illégales, et il est intéressant de noter que le
monsieur qui les a organisées n’a acquis son poste d’autorité que
lorsque le directeur du congrès original, un ardent partisan de Taft,
s’est soudainement effondré et est mort plusieurs semaines aupara-
vant. Cet événement, apparemment si crucial pour la nomination
de Willkie, a peut-être été entièrement fortuit, mais Mahl note que
les individus recrutés dans le réseau d’espionnage britannique local
ont été explicitement avertis qu’ils pourraient avoir à commettre
un meurtre dans le cadre de leurs fonctions.
Malgré le succès remarquable de Willkie dans l’obtention de
l’investiture, sa campagne présidentielle s’est avérée un désastre
total, nombre de ses anciens partisans ayant rapidement abandonné
ou même transféré leur allégeance à Roosevelt. Son histoire en tant
que démocrate et sa défense d’un internationalisme agressif n’ont
guère inspiré l’enthousiasme des électeurs républicains, tandis que
ses antécédents à Wall Street constituaient un contre-feu parfait
pour les positions populistes de Roosevelt. Ainsi, malgré d’énormes
doutes du public au sujet de Roosevelt, Willkie a subi une défaite
écrasante, ce qui a permis à Roosevelt d’occuper le poste pour un
troisième mandat.
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 16

Ce dernier s’est montré remarquablement magnanime dans la


victoire, devenant très amical avec Willkie, lui offrant plusieurs
nominations importantes, notamment une position américaine de
premier plan en Grande-Bretagne, et le considérant même comme
un remplaçant du très pro-soviétique Henry Wallace comme son
choix de vice-président en 1944 et probablement successeur, avant
de finalement se tourner vers Harry S. Truman. C’est ainsi qu’un
démocrate de toute une vie est sorti de l’ombre pour s’emparer
soudainement de l’investiture présidentielle républicaine en 1940
avant de devenir presque le candidat démocrate à la vice-présidence
en 1944, ce qui l’aurait mis à la Maison Blanche à la mort de
Roosevelt en 1945.
Un coup d’œil sur Wikipédia suggère que la tension psychique
d’être arrivé si près du pouvoir suprême est peut-être devenue trop
forte pour le pauvre Willkie, qui, peu de temps après s’être vu
refuser la vice-présidence, a commencé à souffrir de nombreuses
crises cardiaques, pour finalement s’écrouler et mourir à 52 ans
juste avant les élections de 1944. Toute l’étrange histoire de ces
événements nous rappelle l’accent mis par Lénine sur les avantages
énormes qu’il y a à créer ou du moins à contrôler sa propre opposi-
tion politique, et souligne peut-être aussi les risques possibles pour
la santé des individus pris dans de tels stratagèmes.
La monographie de Mahl, basée sur sa thèse de doctorat en his-
toire diplomatique à la Kent State University, a été publiée il y a
près de 20 ans dans la Brassey’s Intelligence & National Security
Library, une presse spécialisée respectée. Elle a reçu l’appui de plu-
sieurs spécialistes et a été brièvement revue dans Foreign Affairs
et d’autres revues spécialisées. Mais la seule couverture américaine
étendue de cet important travail ne semble l’avoir été que dans de
petites publications idéologiques telles que les Chroniques paléo-
conservatrices, les publications libertariennes Independent Review
et Mises Review, qui fournissent commodément des revues et des
résumés beaucoup plus détaillés de tous ces éléments que je ne l’ai
présenté ci-dessus. Cependant, malgré l’absence de tout signe de
A. COCKBURN ET LES ESPIONS BRITANNIQUES 17

réfutation substantielle, je ne vois pas non plus d’indication que


la recherche ait jamais été intégrée de manière substantielle dans
notre vision de l’histoire de cette époque. Par exemple, l’entrée de
11 000 mots de Willkie sur Wikipédia contient une bibliographie
exhaustive et plus de 150 références, mais ne fait aucune mention
des résultats importants de la recherche de Mahl.
Il n’est pas rare qu’une nation supposée souveraine voie son sys-
tème politique ou ses élections démocratiques subverties et contrô-
lées par les actions cachées d’une puissance étrangère, et le siècle
dernier a été rempli de tels exemples. Mais même si je suis sûr que
le Guatémaltèque ou le Colombien moyen instruit est parfaitement
conscient des nombreuses manipulations de la politique publique
que son malheureux pays a subies au fil des décennies des mains de
la CIA, je doute que beaucoup de ses homologues américains de-
vinent que l’histoire des États-Unis a aussi été fortement influencée
par les interventions subtiles d’une ou plusieurs agences étrangères
de renseignement.
Chapitre 2

Comment Hitler a sauvé les


Alliés

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article Comment


Hitler a sauvé les Alliés
Par Ron Unz – Le 13 mai 2019 – Source Unz Review

Il y a quelques années, je lisais les mémoires de Sisley Hudd-


leston, un journaliste américain vivant en France, pendant la Se-
conde guerre mondiale. Bien qu’oublié depuis longtemps, Huddles-
ton avait passé des décennies comme l’un de nos correspondants
étrangers les plus importants, et des douzaines de ses principaux
articles avaient paru dans The Atlantic Monthly, The New Re-
public et Harpers, alors qu’il avait écrit quelque 19 livres. L’un
de ses amis les plus anciens et les plus proches était William Bul-
litt, l’ambassadeur américain en France, qui avait déjà ouvert notre
première ambassade soviétique sous FDR. La crédibilité de Hudd-
leston semblait impeccable, c’est pourquoi j’ai été si choqué par son
témoignage de première main sur Vichy en temps de guerre, totale-
ment contraire à ce que j’avais appris dans mes manuels d’histoire.

18
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 19

J’avais toujours eu l’impression que le régime collaborationniste de


Pétain avait peu de légitimité, mais ce n’était pas du tout le cas.
Des majorités quasi unanimes des deux chambres du parlement
français, dûment élues, avaient élu le vieux maréchal en dépit de
ses profondes réticences personnelles, le considérant comme le seul
espoir comme sauveur national unificateur de la France après la
défaite écrasante de ce pays en 1940 face à Hitler.
Bien que les sympathies de Hudd-
leston ne fussent guère en faveur des
Allemands, il remarqua la correction
scrupuleuse dont ils firent preuve à la
suite de leur victoire écrasante, po-
litique qui se poursuivit pendant les
premières années de l’occupation. Et
bien qu’il ait à quelques reprises rendu
des services mineurs au mouvement
naissant de la Résistance, lorsque le
débarquement de Normandie en 1944
et le retrait allemand qui a suivi ont
soudainement ouvert les portes du
pouvoir aux forces anti-Pétainistes,
celles-ci se sont engagées dans une or-
gie d’effusions de sang idéologiques,
probablement sans précédent dans l’histoire française, dépassant
largement le fameux règne de terreur de la révolution française,
avec peut-être 100 000 civils ou plus massacrés sur la foi de preuves
peu ou pas fondées, souvent uniquement pour régler leurs comptes
personnels. Les exilés communistes de la guerre civile espagnole,
qui avaient trouvé refuge en France après leur défaite, en ont pro-
fité pour renverser la vapeur et massacrer le même genre d’ennemis
de classe bourgeois qui les avaient vaincus lors du conflit précédent,
quelques années auparavant seulement. Alors que je cherchais à
comparer le témoignage de Huddleston au récit traditionnel de la
France en temps de guerre que j’avais toujours pleinement accepté,
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 20

la plupart des facteurs semblaient pencher en sa faveur. Après tout,


ses références journalistiques étaient impeccables et, en tant qu’ob-
servateur direct et très bien informé des événements qu’il a rap-
portés, ses déclarations ont certainement compté pour beaucoup.
Entre-temps, il est apparu que la plupart des récits classiques qui
dominent nos livres d’histoire avaient été construits une généra-
tion ou deux plus tard par des écrivains vivant de l’autre côté de
l’océan Atlantique, dont les conclusions pouvaient avoir été forte-
ment influencées par le cadre idéologique noir et blanc qui avait été
rigidement ancré dans les universités américaines de l’élite.
Cependant, je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer une énorme
faille dans le récit de Huddleston, une erreur si grave qu’elle a jeté
de sérieux doutes sur sa crédibilité en tant que journaliste. Vers
le début de son livre, il consacre une page environ à mentionner
de façon fortuite qu’au début des années 1940, les Français et les
Britanniques se préparaient à lancer une attaque contre l’Union
soviétique, alors neutre, utilisant leurs bases en Syrie et en Irak
pour une offensive de bombardement stratégique visant à détruire
les champs de pétrole de Staline à Bakou dans le Caucase, alors
une des principales sources mondiales de ce produit essentiel.
Évidemment, toutes les organisations militaires produisent une
multitude de plans d’urgence pour toute éventualité couvrant toutes
les situations et tous les adversaires possibles, mais Huddleston
avait sans doute mal compris ces possibilités ou rumeurs, les pre-
nants au premier degré. Selon lui, le bombardement de l’Union
soviétique par les Alliés devait commencer le 15 mars, mais il a été
retardé et reprogrammé pour diverses raisons politiques. Quelques
semaines plus tard, les divisions de panzers allemands balayèrent
la forêt ardennaise, encerclèrent les armées françaises et s’empa-
rèrent de Paris, faisant avorter le projet de bombardement allié de
la Russie.
Étant donné que l’URSS a joué un rôle de premier plan dans la
défaite finale de l’Allemagne, une attaque précoce des Alliés contre
la patrie soviétique aurait certainement changé l’issue de la guerre.
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 21

Bien que les fantasmes bizarres de Huddleston aient eu raison de


lui, il n’avait guère tort de s’exclamer C’est passé si près !
L’idée que les Alliés se préparaient à lancer une offensive de
bombardement majeure contre l’Union soviétique quelques mois
seulement après le déclenchement de la Seconde guerre mondiale
était évidemment absurde, si ridicule qu’aucune allusion à cette ru-
meur débridée depuis longtemps n’avait jamais été reprise dans les
textes historiques standard que j’avais lus sur le conflit européen.
Mais le fait que Huddleston se soit accroché à des croyances aussi
absurdes, même plusieurs années après la fin de la guerre, a soulevé
de grandes questions sur sa crédulité ou même sa santé mentale.
Je me demandais si je pouvais lui faire confiance ne serait-ce qu’un
seul mot sur autre chose.
Cependant, peu de temps après, je suis tombé avec surprise
sur un article publié en 2017 dans The National Interest, un pé-
riodique éminemment respectable. Le court article portait le titre
descriptif Aux premiers jours de la Seconde guerre mondiale, la
Grande-Bretagne et la France avaient l’intention de bombarder la
Russie. Le contenu m’a absolument sidéré, et avec la crédibilité de
Huddleston maintenant pleinement établie – et la crédibilité de mes
manuels d’histoire standard tout aussi démolie – je me suis inspiré
de son récit pour mon long article « La Pravda Américaine : La
France et l’Allemagne d’après-guerre ».
Je ne me considère guère comme un spécialiste de l’histoire de
la Seconde guerre mondiale, mais j’ai d’abord été profondément
embarrassé d’avoir passé toute ma vie dans l’ignorance totale de
ce tournant crucial et précoce de ce vaste conflit. Cependant, une
fois que j’eus lu attentivement cet article dans The National In-
terest, ma honte s’est rapidement dissipée, car il était évident que
l’auteur, Michael Peck, ainsi que ses rédacteurs en chef et ses lec-
teurs n’étaient pas au courant de ces faits longtemps enterrés. En
effet, l’article avait été publié à l’origine en 2015, mais a été ré-
édité quelques années plus tard en raison de l’énorme demande des
lecteurs. Autant que je sache, cet essai de 1100 mots constituait
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 22

la première et la seule fois que les événements mémorables décrits


avaient retenu l’attention du public au cours des soixante-dix an-
nées qui se sont écoulées depuis la fin de la guerre.
La discussion de Peck a grandement étoffé les remarques brèves
et désinvoltes de Huddleston. Les hauts commandements français et
britannique avaient préparé leur énorme offensive de bombardiers,
l’opération Pike, dans l’espoir de détruire les ressources pétrolières
de la Russie soviétique, et leurs vols de reconnaissance non marqués
avaient déjà survolé Bakou en photographiant les emplacements des
cibles visées. Les alliés étaient convaincus que la meilleure stratégie
pour vaincre l’Allemagne était d’éliminer ses accès aux sources de
pétrole et à d’autres matières premières vitales et, la Russie étant
le principal fournisseur d’Hitler, ils décidèrent que la destruction
des champs pétroliers soviétiques semblait une stratégie logique.
Toutefois, M. Peck a souligné les graves erreurs de ce raisonne-
ment. En fait, seule une petite fraction du pétrole d’Hitler prove-
nait de Russie, de sorte que l’impact réel d’une campagne, même
entièrement réussie, aurait été faible. Et même si les commandants
alliés étaient convaincus que des semaines de bombardements conti-
nus – qui représentaient apparemment la plus grande campagne
de bombardements stratégiques au monde à cette date – élimi-
neraient rapidement toute la production pétrolière soviétique, les
événements ultérieurs de la guerre laissent entendre que ces projec-
tions étaient extrêmement optimistes, avec des attaques aériennes
beaucoup plus importantes et plus puissantes qui, en général, cau-
saient beaucoup moins de destruction permanente que prévu. Ainsi,
les dommages causés aux Soviétiques n’auraient probablement pas
été importants, et l’alliance militaire complète entre Hitler et Sta-
line qui en aurait résulté aurait certainement inversé l’issue de la
guerre. Ceci a été reflété dans le titre original en 2015 du même
article « Opération Pike : Comment un plan fou pour bombarder la
Russie a failli faire perdre la Seconde guerre mondiale ».
Mais si le recul nous permet de reconnaître les conséquences
désastreuses de ce plan de bombardement malheureux, nous ne de-
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 23

vons pas être trop durs avec les dirigeants politiques et les stratèges
de l’époque. La technologie militaire était en constante évolution,
et les faits qui semblaient évidents en 1943 ou 1944 étaient beau-
coup moins clairs au début du conflit. D’après leur expérience de la
Première guerre mondiale, la plupart des analystes pensaient que
ni les Allemands ni les alliés n’avaient l’espoir de réaliser une percée
précoce sur le front occidental, tandis que les Soviétiques étaient
soupçonnés d’être une puissance militaire faible, constituant peut-
être le ventre mou de la machine de guerre allemande.
En outre, certaines des conséquences politiques les plus graves
d’une attaque alliée contre l’Union soviétique auraient été totale-
ment inconnues des dirigeants français et britanniques de l’époque.
Bien qu’ils étaient certainement conscients des puissants mouve-
ments communistes dans leur propre pays, tous étroitement liés
à l’URSS, ce n’est que bien des années plus tard qu’il est devenu
clair que la haute direction de l’administration Roosevelt était infil-
trée par de nombreux agents pleinement fidèles à Staline, la preuve
finale attendant la libération des décryptages de Venona dans les
années 1990. Ainsi, si les forces alliées étaient soudainement entrées
en guerre contre les Soviétiques, l’hostilité totale de ces personnes
influentes aurait considérablement réduit les perspectives futures
d’une aide militaire américaine substantielle, sans parler d’une in-
tervention éventuelle dans le conflit européen.
Ainsi, si les Allemands avaient pour quelque raison que ce soit
retardé de quelques semaines l’assaut de 1940 contre la France,
l’attaque alliée en attente aurait amené les Soviétiques à entrer en
guerre dans l’autre camp, assurant la défaite des alliés. Il semble
indéniable que l’action fortuite d’Hitler a sauvé par inadvertance
les alliés des conséquences désastreuses de leurs plans stupides.
Bien que l’exploration des implications dramatiques du déclen-
chement d’une guerre alliée-soviétique en 1940 puisse être un exemple
intrigant d’histoire alternative, en tant qu’exercice intellectuel, elle
n’a guère de pertinence pour notre monde d’aujourd’hui. Bien plus
important est ce que le récit révèle sur la fiabilité du récit historique
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 24

standard que la plupart d’entre nous ont toujours accepté comme


réel.
La première question à examiner
était de savoir si les preuves de l’at-
taque prévue des alliés contre les So-
viétiques étaient réellement aussi so-
lides que le suggérait l’article du Na-
tional Interest. L’information sous-
jacente provient de Operation Pike,
publiée en 2000 par Patrick R. Os-
born dans une série académique in-
titulée Contributions in Military Stu-
dies, alors j’ai récemment commandé
le livre et je l’ai lu pour évaluer les re-
vendications remarquables qui y sont
faites. Bien qu’assez sèche, la mono-
graphie de 300 pages documente mé-
ticuleusement ce cas, l’écrasante ma-
jorité des documents étant tirée des archives officielles et d’autres
documents gouvernementaux. Il ne semble pas y avoir le moindre
doute sur la réalité des événements décrits, et les dirigeants alliés
ont même déployé des efforts diplomatiques considérables pour en-
rôler la Turquie et l’Iran dans leur attaque planifiée contre l’Union
soviétique.
Alors que le principal motif des Alliés était d’éliminer le flux
des matières premières nécessaires vers l’Allemagne, il y avait aussi
des objectifs plus larges. La collectivisation forcée de l’agriculture
soviétique dans les années 1930 avait conduit à l’abattage généra-
lisé d’animaux de ferme, qui avaient ensuite été remplacés par des
tracteurs à essence. Les dirigeants alliés pensaient que s’ils par-
venaient à éliminer l’approvisionnement en pétrole soviétique, la
pénurie de carburant qui en résulterait entraînerait un effondre-
ment de la production agricole, provoquant probablement une fa-
mine qui pourrait emporter le régime communiste au pouvoir. Les
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 25

alliés avaient toujours été intensément hostiles aux Soviétiques, et


l’opération prévue a été nommée en l’honneur d’un certain colonel
Pike, un officier britannique mort aux mains des bolcheviks dans
le Caucase lors d’une précédente intervention militaire vingt ans
auparavant.
Cette planification anti-soviétique s’est rapidement accélérée
après l’attaque brutale de Staline contre la minuscule Finlande
à la fin de 1939. La résistance finlandaise inattendue et féroce a
conduit les puissances occidentales à expulser l’URSS de la So-
ciété des Nations en tant qu’agresseur flagrant et a inspiré de
nombreuses demandes d’intervention militaire parmi les élites poli-
tiques et le grand public, des propositions sérieuses étant envisagées
pour envoyer plusieurs divisions alliées en Scandinavie combattre
les Russes au nom des Finlandais. En effet, pendant une grande par-
tie de cette période, l’hostilité des alliés semble avoir été beaucoup
plus grande envers les Soviétiques qu’envers l’Allemagne, malgré
l’état de guerre nominal contre cette dernière, les sentiments fran-
çais étant particulièrement forts. Comme l’a fait remarquer un élu
britannique : On a l’impression que la France est en guerre avec la
Russie et qu’elle n’est qu’en très mauvais termes avec l’Allemagne.
Les alliés avaient l’intention d’utiliser les forces polonaises en
exil dans leur combat terrestre contre les Soviétiques, peut-être
même de provoquer un soulèvement polonais contre les occupants
communistes haïs de leur patrie. Osborn note que si Staline avait
eu vent de ce plan, cela pourrait expliquer pourquoi c’est à ce
moment-là qu’il a signé les ordres officiels ordonnant au NKVD
d’exécuter immédiatement les 15 000 officiers et policiers polonais
qu’il détenait déjà comme prisonniers de guerre, un incident fina-
lement connu sous le nom de massacre de Katyń, qui est l’une des
pires atrocités du conflit mondial.
Tous ces plans militaires et les discussions internes des Bri-
tanniques et des Français étaient alors gardés secrets, et leurs ar-
chives sont restées scellées aux historiens pendant de nombreuses
décennies. Mais dans l’introduction de son fascinant récit, Osborn
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 26

explique qu’après que les armées allemandes victorieuses se sont


déplacées vers Paris en 1940, le gouvernement français a tenté de
détruire ou d’évacuer tous ses dossiers diplomatiques secrets, et
un train rempli de ce matériel très sensible a été capturé par les
forces allemandes à 160 kilomètres de Paris, y compris le dossier
complet des plans pour attaquer l’URSS. Dans l’espoir de marquer
un grand coup en terme de propagande internationale, l’Allemagne
a rapidement publié ces documents cruciaux, fournissant à la fois
des traductions en anglais et des copies des originaux en fac-similé.
Bien qu’il ne soit pas clair si ces révélations ont reçu une couverture
médiatique occidentale significative à l’époque, Staline a certaine-
ment pris connaissance de cette confirmation détaillée des informa-
tions qu’il avait déjà obtenues par bribes de son réseau d’espions
communistes bien placés, et cela a dû renforcer sa méfiance envers
l’Occident. L’histoire aurait également été rapidement connue de
tous les observateurs bien informés, ce qui expliquerait pourquoi
Huddleston était si sûr de lui lorsqu’il a mentionné l’attaque alliée
prévue dans ses mémoires de 1952.
Après l’invasion barbare de l’URSS par Hitler en juin 1941, qui
amena soudainement les Soviétiques dans la guerre du côté des
alliés, ces faits très gênants seraient naturellement tombés dans
l’oubli. Mais il semble assez étonnant que cette amnésie politique-
ment correcte soit devenue si profondément enracinée dans la com-
munauté de la recherche universitaire que pratiquement toutes les
traces de cette remarquable histoire ont disparu pendant les six
décennies qui ont précédé la publication du livre d’Osborn. Plus
de livres en anglais ont peut-être été publiés sur la Seconde guerre
mondiale au cours de ces années-là que sur tout autre sujet, mais il
semble possible que ces dizaines de millions de pages ne contiennent
pas un seul paragraphe décrivant les plans importants des alliés
pour attaquer la Russie dans les premiers jours de la guerre, laissant
peut-être même le bref et désinvolte commentaire de Huddleston en
1952 comme compte rendu le plus complet. Osborn lui-même note
le si peu d’attention accordé à cette question par les chercheurs de
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 27

la Seconde guerre mondiale, citant un article paru dans une revue


universitaire en 1973 comme l’une des rares exceptions notables.
Nous devrions nous inquiéter sérieusement du fait que des événe-
ments d’une telle importance ont passé plus de deux générations
presque totalement exclus de nos archives historiques.
De plus, même la publication de
l’étude universitaire massivement do-
cumentée d’Osborn en 2000 semble
avoir été presque complètement igno-
rée par les historiens de la Se-
conde guerre mondiale. Prenons, par
exemple, le livre Absolute War pu-
blié en 2007 par le célèbre historien
militaire Chris Bellamy, un ouvrage
de 800 pages dont la couverture rou-
geoyante le qualifie de récitfaisant au-
torité sur le rôle de la Russie sovié-
tique pendant la Seconde guerre mon-
diale. L’index détaillé de 25 pages ne
contient aucune référence à Bakou et
la seule référence à l’indiscutable préparation des alliés à l’attaque
de l’URSS au début de 1940 est une phrase obscure qui apparaît
15 mois et 150 pages plus tard au lendemain de l’Opération Barba-
rossa : « Mais le 23 juin, le NKGB rapporte que Sir Charles Portal,
Chef de l’État-Major de l’air britannique, avait suggéré de télégra-
phier des ordres en Inde et au Moyen-Orient pour leur ordonner
d’arrêter de planifier les bombardements du gisement de Bakou qui,
comme on le craignait, pourrait servir à fournir les allemands ».
Les révélations d’Osborn semblent avoir disparu sans laisser de
trace jusqu’à ce qu’elles soient enfin remarquées et rendues pu-
bliques 15 ans plus tard dans The National Interest. Bien qu’il soit
assez facile de comprendre pourquoi les historiens ont évité le sujet
pendant les deux premières décennies qui ont suivi la fin de la Se-
conde guerre mondiale, une fois une ou deux générations écoulées,
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 28

on pourrait raisonnablement s’attendre à voir une certaine réaf-


firmation de l’objectivité scientifique. L’opération Pike était de la
plus grande importance possible pour le déroulement de la guerre,
alors comment a-t-elle pu être presque totalement ignorée par pra-
tiquement tous les auteurs sur le sujet ? Les préparatifs des alliés
au début de 1940 pour lancer la plus grande offensive de bombar-
dement stratégique de l’histoire mondiale contre l’Union soviétique
ne semblent guère le genre de détail ennuyeux et obscur qui serait
rapidement oublié.
Même si la première génération de chroniqueurs de guerre l’a
soigneusement exclue de ses récits pour éviter l’embarras idéolo-
gique, ils devaient sûrement être au courant des faits étant donné
la publication allemande des documents. Et bien que leurs jeunes
successeurs n’en aient pas fait mention dans les livres qu’ils ont
étudiés, on pourrait s’attendre à ce que leurs mentors leur aient
parfois murmuré à l’oreille certains des secrets cachés du temps de
guerre laissés de côté dans le récit classique. De plus, M. Osborn
fait remarquer que des articles sur les faits ont été publiés très rare-
ment dans des revues universitaires professionnelles, et on pourrait
supposer qu’un seul cas de ce genre se serait répandu comme une
traînée de poudre dans l’ensemble de la communauté universitaire.
Pourtant, même après la parution du volume massivement docu-
menté d’Osborn dans une série académique respectable, le silence
est resté absolument assourdissant. Le cas de l’opération Pike dé-
montre que nous devons faire preuve d’une extrême prudence en
acceptant l’exactitude et l’exhaustivité de ce qui nous a été dit.
De telles conclusions ont des conséquences évidentes. Mon site
web a tendance à attirer un grand nombre de commentateurs, de
qualité très variable. L’un d’entre eux, un immigré d’Arménie sovié-
tique se faisant appeler Avery, semble bien informé et pondéré, bien
qu’intensément hostile aux Turcs et à la Turquie. Il y a quelques an-
nées, un de mes articles sur la Seconde guerre mondiale a provoqué
un commentaire intrigant de sa part :
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 29

Pendant la bataille de Stalingrad, la Turquie, officiel-


lement neutre mais coopérant secrètement avec l’Alle-
magne nazie, avait rassemblé une énorme force d’inva-
sion à la frontière de l’URSS (Arménie RSS). Si les Al-
lemands avaient gagné à Stalingrad, les Turcs allaient
envahir le Russie, courir jusqu’à Bakou et rejoindre les
forces allemandes qui descendaient de Stalingrad pour
prendre les champs de pétrole. Lorsque l’armée de Pau-
lus fut encerclée et anéantie, les Turcs quittèrent rapi-
dement la frontière pour regagner leur caserne. Staline
n’a jamais oublié la trahison des Turcs et n’a jamais
pardonné. Quand l’Allemagne s’est rendue, Staline a
rassemblé d’énormes armées en RSS d’Arménie et en
RSS de Géorgie. Le plan était d’envahir et de chasser
les Turcs de l’Est de la Turquie et de l’Arménie occiden-
tale. L’explosion de deux bombes atomiques américaines
a convaincu Staline de se retirer. Certains pensent que
les États-Unis ont fait exploser les deux bombes non pas
pour forcer le Japon à se rendre, mais comme un mes-
sage à Staline.
Lorsqu’on l’a interrogé, il a admis qu’il n’était au courant d’aucune
référence dans une source occidentale, mais il a ajouté :
C’était de notoriété publique en Arménie RSS, d’où je
suis originaire. Les vétérans de guerre de la Seconde
guerre mondiale, les anciens combattants, en discutaient
tout le temps ... ils ont vu plus de troupes de l’Armée
rouge et de matériel militaire se rassembler près des
frontières de la RSS d’Arménie et de la RSS de Géor-
gie qu’ils ne l’avaient jamais fait auparavant. Puis, ils
sont tous partis. . .
Dans des circonstances normales, peser le silence universel de tous
les historiens occidentaux contre les affirmations informelles d’un
commentateur anonyme qui s’appuyait sur les récits qu’il avait en-
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 30

tendus de vieux vétérans ne serait guère un choix difficile. Mais je


me pose la question...
Les documents officiels discutés par Osborn démontrent que
les Britanniques ont fait des efforts considérables pour enrôler les
forces turques dans leur attaque planifiée contre l’URSS, les Turcs
allant et venant sur la question jusqu’à ce que la Grande-Bretagne
abandonne finalement le projet après la chute de la France. Mais
si les Turcs avaient fortement envisagé une telle aventure militaire
en 1940, il semble tout à fait plausible qu’ils auraient été beaucoup
plus désireux de le faire en 1942, étant donné les pertes énormes
que les Soviétiques avaient déjà subies des mains des Allemands,
et avec une armée allemande redoutable approchant du Caucase.
Peu après la guerre, la Turquie est devenue l’un des alliés les
plus importants de l’Amérique pendant la guerre froide contre les
Soviétiques, avec un rôle central dans l’établissement de la doctrine
Truman et la création de l’OTAN. Toute allusion selon laquelle le
même gouvernement turc aurait été très proche de rejoindre l’Axe
d’Hitler et d’attaquer la Russie en tant qu’allié nazi quelques an-
nées plus tôt aurait été extrêmement dommageable pour les inté-
rêts américains. De tels faité scrupuleusement exclus de toutes nos
histoires de guerre.
Jusqu’à il y a quelques semaines encore, j’aurais probablement
eu tendance à favoriser le front uni de tous les historiens occiden-
taux contre les remarques causales d’un seul observateur anonyme
sur mon site web. Mais après avoir lu le livre d’Osborn, je pense
maintenant que le commentateur anonyme est plus probablement
celui qui dit vrai. Il s’agit d’un triste verdict personnel sur la cré-
dibilité actuelle de notre profession historienne.
Ces considérations importantes deviennent particulièrement per-
tinentes lorsque nous tentons de comprendre les circonstances en-
tourant l’opération Barbarossa, l’attaque de l’Allemagne contre
l’Union soviétique en 1941, qui a constitué le point tournant central
de la guerre. Tant à l’époque qu’au cours du demi-siècle qui suivit,
les historiens occidentaux affirmèrent unanimement que l’assaut
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 31

surprise avait pris Staline dans l’ignorance totale, le mobile d’Hit-


ler étant son rêve de créer l’immense empire terrestre allemand
dont il avait esquissé les contours dans les pages de Mein Kampf,
publiées seize ans auparavant.
Mais en 1990, un ancien officier du renseignement militaire
soviétique qui avait fait défection à l’Ouest et vivait en Grande-
Bretagne a lâché une véritable bombe. Sous le nom de plume de
Viktor Souvorov, il avait déjà publié un certain nombre d’ouvrages
très appréciés sur les forces armées de l’URSS, mais dans Icebreaker,
il prétendait maintenant que ses recherches approfondies dans les
archives soviétiques avaient révélé qu’en 1941, Staline avait réuni
d’énormes forces militaires offensives et les avait placées tout le
long de la frontière, se préparant à attaquer et facilement écraser
les forces largement en sous effectifs et mal équipées de la Wehr-
macht, préparant une conquête rapide de l’Europe entière.
Voici comment j’ai résumé l’hypothèse de Souvorov dans un
article l’an dernier :
Ainsi, tout comme dans notre récit traditionnel, nous
voyons qu’au cours des semaines et des mois qui ont
précédé l’opération Barbarossa, la force militaire offen-
sive la plus puissante de l’histoire du monde s’est dis-
crètement rassemblée en secret le long de la frontière
germano-russe, se préparant à exécuter l’ordre qui al-
lait déclencher leur attaque surprise. L’armée de l’air
non préparée de l’ennemi devait être détruite sur les ter-
rains d’aviation dans les premiers jours de la bataille,
et d’énormes colonnes de chars d’assaut allaient com-
mencer à pénétrer profondément, entourant et piégeant
les forces opposées, remportant une victoire éclair clas-
sique, et assurant l’occupation rapide de vastes terri-
toires. Mais les forces préparant cette guerre de conquête
sans précédent étaient celles de Staline, et sa force mili-
taire aurait sûrement saisi toute l’Europe, probablement
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 32

bientôt suivie par le reste de la masse continentale eur-


asienne. Puis, presque au dernier moment, Hitler s’est
soudain rendu compte du piège stratégique dans lequel
il était tombé, et a ordonné à ses troupes largement en
sous-effectif et mal équipées de lancer une attaque sur-
prise désespérée contre les Soviétiques, les attrapant par
une attaque surprise au moment même ou leurs propres
préparations finales les avaient rendus les plus vulné-
rables, et arrachant ainsi une victoire initiale majeure
des mâchoires d’une défaite certaine. D’énormes stocks
de munitions et d’armes soviétiques avaient été placés
près de la frontière pour approvisionner l’armée d’inva-
sion de l’Allemagne, et ils tombèrent rapidement entre
les mains des Allemands, apportant un complément im-
portant à leurs propres ressources terriblement insuffi-
santes.
Bien que presque totalement ignoré dans le monde anglophone, le
livre précurseur de Souvorov est rapidement devenu un best-seller
sans précédent en Russie, en Allemagne et dans de nombreuses
autres parties du monde, et avec plusieurs volumes à suivre, ses
cinq millions d’exemplaires imprimés en font l’historien militaire le
plus lu dans l’histoire du monde. Pendant ce temps, les médias et
les milieux universitaires anglophones ont scrupuleusement main-
tenu le silence total sur le débat mondial en cours, aucune maison
d’édition n’étant même disposée à produire une édition anglaise des
livres de Souvorov jusqu’à ce qu’un éditeur de la prestigieuse presse
de l’Académie navale brise finalement l’embargo près de deux dé-
cennies plus tard. Cette censure quasi totale de l’attaque soviétique
massive prévue en 1941 ressemble singulièrement à la censure quasi
totale de l’indéniable réalité de l’attaque massive prévue par les Al-
liés contre les Soviétiques l’année précédente. Bien que l’hypothèse
de Souvorov ait inspiré des décennies de débats académiques fé-
roces et ait fait l’objet de conférences internationales, elle a été
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 33

scrupuleusement ignorée par nos auteurs anglophones, qui n’ont


fait aucune tentative sérieuse pour défendre leur récit tradition-
nel et réfuter la vaste accumulation de preuves convaincantes sur
laquelle elle est fondée. Cela me porte à croire que l’analyse de
Souvorov est probablement correcte.
Il y a dix ans, un écrivain soli-
taire a d’abord attiré mon attention
sur les recherches novatrices de Sou-
vorov et, en tant que Slave russe émi-
gré vivant en Occident, il n’était guère
favorable au dictateur allemand. Mais
il a conclu sa critique par une décla-
ration remarquable :
Par conséquent, si l’un
d’entre nous est libre d’écrire,
de publier et de lire ceci
aujourd’hui, il s’ensuit que
pour une partie non né-
gligeable, notre gratitude
pour cela doit aller à Hit-
ler. Et si quelqu’un veut m’arrêter pour avoir dit ce que
je viens de dire, je ne fais aucun mystère de l’endroit
où je vis.
Quand Staline a failli conquérir l’Europe
Pendant près de trente ans, nos médias de langue anglaise ont
presque entièrement supprimé toute discussion sérieuse sur l’hypo-
thèse de Souvorov, et ce n’est guère le seul aspect important de
l’histoire soviétique qui soit resté caché au regard du public. En
effet, sur certaines questions cruciales, les faussetés et les distor-
sions ont considérablement augmenté au lieu de diminuer au fil des
décennies. Aucun exemple n’est plus évident que les tentatives en
cours pour dissimuler le rôle énorme joué par les Juifs dans la Révo-
lution bolchevique et le communisme mondial en général. Comme
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 34

je l’ai écrit l’année dernière :


Dans les premières années de la Révolution bolchevique,
presque personne ne remettait en question le rôle écra-
sant des Juifs dans cet événement, ni leur prépondé-
rance dans les prises de pouvoir bolcheviques en Hongrie
et dans certaines parties de l’Allemagne. Par exemple,
l’ancien ministre britannique Winston Churchill dénon-
çait en 1920 les « juifs terroristes » qui avaient pris le
contrôle de la Russie et d’autres parties de l’Europe, no-
tant que « la majorité des personnalités sont juives » et
déclarant que « dans les institutions soviétiques, la pré-
dominance des Juifs est encore plus étonnante », tout
en déplorant les horreurs que ces Juifs avaient infli-
gées aux Allemands et aux Hongrois qui en souffraient.
De même, le journaliste Robert Wilton, ancien corres-
pondant russe du Times of London, a fourni un ré-
sumé très détaillé de l’énorme rôle juif dans son livre
Russia’s Agony de 1918 et The Last Days of the Ro-
manovs de 1920, bien que l’un des chapitres les plus
explicites de ce dernier ait été apparemment exclu de
l’édition anglaise. Peu de temps après, les faits concer-
nant l’énorme soutien financier fourni aux bolcheviques
par des banquiers juifs internationaux tels que Schiff et
Aschberg ont été largement rapportés dans les médias
grand public. Les Juifs et le communisme étaient tout
aussi fortement liés en Amérique, et pendant des an-
nées, le journal communiste le plus diffusé dans notre
pays a été publié en yiddish. Lorsqu’ils furent finalement
rendus publics, les Venona Decrypts ont démontré que,
jusque dans les années 1930 et 1940, une fraction re-
marquable des espions communistes américains prove-
nait de cette origine ethnique. Une anecdote personnelle
tend à confirmer ces documents historiques arides. Au
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 35

début des années 2000, je déjeunais avec un informati-


cien âgé et très éminent. En parlant de ceci et de cela,
il en vint à mentionner que ses deux parents avaient
été des communistes zélés et, étant donné son nom ir-
landais évident, j’ai exprimé ma surprise en disant que
je pensais que presque tous les communistes de cette
époque étaient juifs. Il a dit que c’était effectivement le
cas mais, bien que sa mère ait une telle origine eth-
nique, ce n’était pas le cas de son père, ce qui faisait
de lui une exception très rare dans leurs cercles poli-
tiques. En conséquence, le Parti avait toujours cher-
ché à le placer dans un rôle public aussi important que
possible, uniquement pour prouver que tous les com-
munistes n’étaient pas juifs et, bien qu’il ait obéi à la
discipline du Parti, il était toujours irrité d’être uti-
lisé comme un tel « symbole ». Cependant, une fois
que le communisme est tombé en disgrâce en Amérique
dans les années 1950, presque tous les « Red Baiters »
comme le sénateur Joseph McCarthy ont fait d’énormes
efforts pour obscurcir la dimension ethnique du mouve-
ment qu’ils combattaient. En effet, de nombreuses an-
nées plus tard, Richard Nixon parlait en privé de la dif-
ficulté qu’il avait rencontrée, ainsi que les autres enquê-
teurs anticommunistes, à essayer de se concentrer sur
des cibles non juives puisque presque tous les espions
soviétiques présumés étaient juifs, et lorsque un enre-
gistrement de cette conversation est devenu public, son
antisémitisme présumé a provoqué une tempête média-
tique, même si ses remarques impliquaient manifeste-
ment le contraire. Ce dernier point est important, car
une fois que le dossier historique a été suffisamment
blanchi ou réécrit, tout fil conducteur de la réalité ori-
ginale qui pourrait survivre est souvent perçu comme
une étrange illusion ou dénoncé comme une « théorie
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 36

du complot ». En effet, même aujourd’hui, les pages


toujours aussi étonnantes de Wikipedia fournissent un
article entier de 3 500 mots attaquant la notion de
« bolchevisme juif » comme étant un « mensonge anti-
sémite ».
Dans un article subséquent, j’ai résumé plusieurs des nombreuses
sources qui décrivent cette réalité évidente :
Parallèlement, tous les historiens savent parfaitement
que les dirigeants bolcheviques étaient majoritairement
juifs, trois des cinq révolutionnaires que Lénine a nom-
més comme ses successeurs plausibles venant de ce mi-
lieu. Bien qu’environ 4% seulement de la population
russe ait été juive, Vladimir Poutine déclarait, il y a
quelques années, que les Juifs constituaient peut-être
80-85% du premier gouvernement soviétique, une esti-
mation tout à fait cohérente avec les affirmations contem-
poraines de Winston Churchill, du correspondant du
Times of London, Robert Wilton, et des officiers des
services de renseignements militaires américains. Les
livres récents d’Alexandre Soljenitsine, Yuri Slezkine et
d’autres ont tous brossé un tableau très similaire. Et
avant la Seconde guerre mondiale, les Juifs restaient
énormément sur-représentés dans la direction commu-
niste, en particulier dans l’administration du Goulag et
dans les rangs supérieurs du redoutable NKVD.
L’aspect peut-être le plus explosif et le plus totalement étouffé
de la relation étroite entre les Juifs et le communisme concerne
les affirmations selon lesquelles Jacob Schiff et d’autres banquiers
juifs internationaux de premier plan étaient parmi les principaux
bailleurs de fonds de la Révolution bolchevique. J’ai passé presque
toute ma vie à considérer ces rumeurs vagues comme des absurdités
si évidentes qu’elles ne faisaient que démontrer l’anti-sémitisme lu-
natique qui infestait les mouvements anti-communistes d’extrême
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 37

droite, confirmant ainsi pleinement le thème du célèbre livre de


Richard Hofstadter, The Paranoid Style in American Politics. En
effet, les accusations de Schiff étaient tellement ridicules qu’elles
n’ont jamais été mentionnées une seule fois dans la centaine de
livres sur l’histoire de la Révolution bolchevique et du communisme
soviétique que j’ai lus dans les années 1970 et 1980.
Par conséquent, j’ai été extrêmement choqué lorsque j’ai dé-
couvert que non seulement les affirmations étaient probablement
exactes, mais qu’elles avaient été presque universellement acceptées
comme vraies tout au long de la première moitié du XXe siècle.
Par exemple, The Jewish Threat
de Joseph W. Bendersky résume ses
années de recherches archivistiques
et il documente que le soutien fi-
nancier de Schiff aux bolcheviques a
été largement rapporté dans les dos-
siers du renseignement militaire amé-
ricain de l’époque, le renseignement
britannique adoptant la même posi-
tion. L’étude de Kenneth D. Acker-
man de 2016 sur Trotsky à New York
en 1917 décrit à peu près le même ma-
tériel. En 1925, le British Guardian
publia cette information et elle fut ra-
pidement largement discutée et accep-
tée dans les années 1920 et 1930 par de nombreux grands médias
internationaux. Naomi W. Cohen, dans son volume hagiographique
de 1991 sur Jacob Schiff, consacre plusieurs pages à résumer les dif-
férentes histoires des liens bolcheviques forts de Schiff qui avaient
été publiés dans les principaux périodiques américains. Écrivant
près d’un siècle après les événements à l’étude, ces trois auteurs
juifs, fortuitement, rejettent tous les nombreux récits fournis par
des observateurs très crédibles – des agents des services de ren-
seignements américains et britanniques et d’éminents journalistes
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 38

internationaux – comme démontrant simplement la nature illusoire


de l’anti-sémitisme extrême qui aurait infecté tant de gens dans le
monde en ces jours révolus. Pourtant, la plupart des historiens sé-
rieux accorderaient certainement beaucoup plus d’importance aux
preuves contemporaines qu’aux opinions personnelles des auteurs
qui rassemblent ces preuves matérielles des générations plus tard.
Henry Wickham Steed était l’un des journalistes les plus en vue
de son époque et il avait été rédacteur en chef du Times of London,
le journal le plus influent du monde. Quelques années après sa
retraite, il a publié ses longs mémoires personnels, maintenant en
ligne, qui contiennent les passages très intrigants suivants :
De puissants intérêts financiers internationaux étaient
à l’œuvre en faveur de la reconnaissance immédiate des
bolcheviques. Ces influences ont été en grande partie à
l’origine de la proposition anglo-américaine de convo-
quer des représentants bolcheviques à Paris en janvier,
au début de la Conférence de Paix, proposition qui a
échoué après avoir été transformée en une proposition
de Conférence avec les bolcheviques à Prinkipo. Le cé-
lèbre banquier juif américain, M. Jacob Schiff, était
connu pour être soucieux d’obtenir la reconnaissance
des bolcheviques. . .
. . .les principaux instigateurs furent Jacob Schiff, Paul
Warburg et d’autres financiers internationaux, qui vou-
laient avant tout soutenir les bolcheviques juifs afin de
s’assurer un terrain pour l’exploitation allemande et
juive de la Russie.
La propre famille de Schiff confirma plus tard cette histoire lar-
gement acceptée. Le 3 février 1949, la chronique Knickerbocker du
New York Journal-American, alors l’un des principaux journaux de
la ville, rapporte : Aujourd’hui, le petit-fils de Jacob, John Schiff,
estime que le vieil homme a coulé environ 20 millions de dollars
pour le triomphe final du bolchevisme en Russie. Cette somme s’éle-
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 39

verait à environ 2 milliards de dollars contemporains, ce qui est très


important.
Malgré cet énorme volume de preuves convaincantes, pendant
un demi-siècle ou plus, le nom de Schiff a presque entièrement dis-
paru de tous les textes courants sur le communisme soviétique.
Comme je l’ai écrit l’année dernière :
En 1999, l’Université Harvard a pu-
blié l’édition anglaise du Livre noir du
communisme, dont les six co-auteurs
ont consacré 850 pages à documenter
les horreurs infligées au monde par ce
défunt système, dont le nombre total
de morts s’élève à 100 millions. Je n’ai
jamais lu ce livre et j’ai souvent en-
tendu dire que ce prétendu décompte
des corps est largement contesté. Mais
pour moi, le détail le plus remar-
quable est que lorsque j’examine l’in-
dex de 35 pages, je vois une vaste pro-
fusion d’entrées concernant des indivi-
dus totalement obscurs dont les noms
sont sûrement inconnus de tous sauf du spécialiste le plus éru-
dit. Mais il n’y a aucune entrée pour Jacob Schiff, le banquier juif
de renommée mondiale qui a apparemment financé la création de
l’ensemble du système en premier lieu. Ni pour Olaf Aschberg, le
puissant banquier juif suédois, qui a joué un rôle si important en
fournissant aux bolcheviques leur survie financière pendant les pre-
mières années de leur régime encore instable, et qui a même fondé
la première banque internationale soviétique.

La Pravda américaine : La révolution bolchevique et ses consé-


quences
RON UNZ - 23 JUILLET 2018 - 6 900 MOTS
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 40

Peut-être que l’extrême prudence et le silence timide dont ont


fait preuve presque tous les historiens occidentaux sur ces éléments
sensibles de la Seconde guerre mondiale et de la Révolution bol-
chevique ne devraient pas nous surprendre étant donnés les risques
professionnels et personnels qu’ils pouvaient courir s’ils s’écartaient
de leur orthodoxie.
Prenons David Irving. Au cours de la première moitié de sa car-
rière professionnelle, sa série de best-sellers largement traduits et
ses millions d’ouvrages imprimés ont probablement fait de lui l’his-
torien britannique qui a connu le plus grand succès international au
cours des cent dernières années, ses remarquables recherches d’ar-
chives révolutionnant fréquemment notre compréhension du conflit
européen et des forces politiques à l’œuvre. Mais comme il a dé-
montré à maintes reprises son manque de respect pour l’orthodoxie
officielle, il s’est attiré de nombreux et puissants ennemis, qui ont
fini par ruiner sa réputation, l’ont poussé à la faillite personnelle,
et ont même organisé son emprisonnement. Au cours du dernier
quart de siècle, il est devenu de plus en plus une non-personne,
les quelques mentions occasionnelles de son nom dans les médias
étant évoquées de la même manière talismanique que les références
à Lucifer ou Belzébuth.
Si un historien d’une telle stature et d’un tel succès pouvait être
amené si bas, quel universitaire ordinaire oserait risquer un destin
semblable ? Voltaire a fait remarquer que tirer sur un amiral de
temps en temps est un excellent moyen d’encourager les autres.

La remarquable historiographie de David Irving


RON UNZ - 4 JUIN 2018 - 1 700 MOTS
La destruction de la brillante carrière d’Irving vint des mains
de militants juifs, indignés par son traitement équilibré d’Hitler et
par son engagement continu à enquêter sur bon nombre des mythes
largement acceptés en temps de guerre, qu’il espérait remplacer
par ce qu’il appelait la vraie histoire. Dans l’introduction de sa
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 41

nouvelle édition de Hitler’s War, il raconte comment un journaliste


du magazine Time dînait avec lui à New York en 1988 et dit :
Avant de venir ici, j’ai lu les fichiers de coupures de presse sur
vous. Jusqu’à Hitler’s War, vous ne pouviez pas vous tromper d’un
iota, vous étiez le chouchou des médias ; après ce livre, ils ont jeté
de la bave sur vous.
Comme Irving le savait certainement, la diffamation déraison-
nablement dure des dirigeants ennemis en temps de guerre n’est
pas un cas rare. Bien que cela ait été largement oublié aujour-
d’hui, pendant une grande partie de la Première guerre mondiale
et des années après, le monarque régnant de l’Allemagne, le Kaiser
Guillaume II, a été largement décrit dans les pays alliés comme
un monstre sanguinaire, un des hommes les plus mauvais qui aient
jamais vécu. Cette diffamation s’est produite malgré le fait que
Guillaume II ait été le petit-fils aîné bien-aimé de la reine Victoria
d’Angleterre, qui, selon certains récits, serait morte dans ses bras.
De plus, bien que la propagande alliée dépeignait régulièrement
Guillaume II comme un belliciste acharné, il avait en fait évité d’im-
pliquer l’Allemagne dans un seul conflit militaire majeur durant les
vingt-cinq premières années de son règne, alors que la plupart des
autres grandes puissances mondiales avaient mené une ou plusieurs
guerres durant cette même période. En effet, j’ai récemment décou-
vert qu’un an seulement avant que les armes ne commencent à tirer
en Août 1914, le New York Times avait publié un long profil mar-
quant le premier quart de siècle de son règne et l’avait salué comme
l’un des principaux artisans de paix au monde :
Aujourd’hui... il est acclamé partout comme le plus grand
facteur de paix que notre temps puisse montrer. Nous
entendons dire que c’est lui qui, à maintes reprises, a
jeté tout le poids de sa personnalité dominante, soute-
nue par la plus grande organisation militaire du monde
– une organisation construite par lui-même – dans la
balance pour la paix partout où les nuages de guerre
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 42

s’accumulaient sur l’Europe 1 .


Ce bref extrait de l’encomium du Times attire l’attention sur
un autre sujet que je n’ai jamais vu mentionné. J’ai consacré une
grande partie des années 2000 à la numérisation et à la mise à dis-
position des archives complètes de centaines de publications améri-
caines des 150 dernières années, et lorsque j’ai jeté un coup d’œil au
contenu, j’ai progressivement remarqué quelque chose de bizarre.
Bien que le monde anglophone d’aujourd’hui se réfère invariable-
ment au souverain allemand en temps de guerre sous le nom de
Kaiser Guillaume, cela n’était que rarement le cas avant le dé-
but de la guerre, quand il était généralement connu sous le nom
d’Empereur Guillaume. Cette dernière nomenclature n’est guère
surprenante puisqu’on parle toujours de Frédéric le Grand plutôt
que de Friedrich der Grosse.
Mais il est évidemment beaucoup plus facile de mobiliser des
millions de citoyens pour qu’ils meurent dans des tranchées boueuses
pour vaincre un Kaiser étranger monstrueux que le Bon Empe-
reur Guillaume, cousin germain des rois britanniques et russes.
La visionneuse NGram de Google Books montre très clairement
le moment du changement, la pratique anglophone changeant à
mesure que la Grande-Bretagne devenait de plus en plus hostile
à l’Allemagne, surtout après le déclenchement de la guerre. Mais
l’Empereur Guillaume n’a été éclipsé définitivement par le Kaiser
Guillaume qu’après que l’Allemagne soit redevenue un ennemi pro-
bable dans les années précédant immédiatement la Seconde guerre
mondiale.
Les publications de l’époque révèlent également de nombreux
faits discordants sur la Première guerre mondiale, des sujets certes
connus des spécialistes universitaires, mais qui font rarement l’objet
d’une grande couverture dans nos manuels standard, étant relégués
1. Guillaume II, roi de Prusse et empereur allemand, Kaiser au pouvoir
depuis 25 ans, salué comme le principal artisan de paix, New York Times, 8
juin 1913
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 43

à une phrase ou deux, voire même moins. Par exemple, malgré ses
succès militaires considérables, l’Allemagne a lancé un effort de
paix majeur à la fin de 1916 pour mettre fin à l’impasse de la
guerre par des négociations et éviter ainsi des océans de nouvelles
effusions de sang. Cependant, cette proposition a été farouchement
rejetée par les puissances alliées et leurs partisans dans les pages des
principaux périodiques du monde, car ils demeuraient fermement
attachés à une victoire militaire ultime.
La fièvre de la guerre était certainement encore très forte la
même année en Grande-Bretagne, première puissance alliée. Lorsque
d’éminents défenseurs de la paix tels que Bertrand Russell et Lord
Loreborn, fortement soutenus par le rédacteur en chef de l’influent
journal The Economist de Londres, ont insisté pour que les com-
bats cessent par la négociation, ils ont été sévèrement dénigrés et
ce dernier a dû démissionner de son poste. E.D. Morel, un autre
défenseur engagé de la paix, a été emprisonné pour son activisme
dans des conditions si dures qu’il a perdu la santé et est mort à
l’âge de 51 ans quelques années après sa libération.
Comme excellent antidote à notre compréhension gravement
déformée des sentiments de guerre et de la politique intérieure eu-
ropéenne à l’origine du conflit, je recommande vivement le texte
de Lothrop Stoddard, L’Europe d’aujourd’hui, l’un des intellectuels
publics américains les plus influents de l’époque. Écrit avant l’en-
trée de l’Amérique dans le conflit, l’ouvrage offre le genre de déta-
chement scientifique remarquable qui allait bientôt devenir presque
impossible.

L’Europe d’aujourd’hui Ses états d’esprit nationaux


LOTHROP STODDARD - 1917 - 74 000 MOTS
Bien que la représentation démoniaque de l’empereur allemand
ait déjà été remplacée par un traitement plus équilibré quelques
années après l’armistice et ait disparu après une génération, aucun
processus similaire ne s’est produit dans le cas de son successeur
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 44

pendant la Deuxième guerre mondiale. En effet, Adolf Hitler et


les nazis semblent être beaucoup plus présents dans notre paysage
culturel et idéologique aujourd’hui qu’ils ne l’étaient au lendemain
de la guerre, leur visibilité augmentant à mesure qu’ils s’éloignent
dans le temps, une étrange violation des lois normales de la pers-
pective. Je soupçonne que les conversations informelles que j’avais
l’habitude d’avoir avec mes camarades de classe du Harvard College
au début des années 1980 sur les questions de la Seconde guerre
mondiale seraient complètement impossibles aujourd’hui.
Dans une certaine mesure, la transformation de la bonne guerre
en une religion laïque, avec ses monstres et ses martyrs désignés,
peut être analogue à ce qui s’est produit lors du déclin final de
l’Union soviétique, lorsque l’échec évident de son système écono-
mique a forcé le gouvernement à se tourner de plus en plus vers les
célébrations sans fin de sa victoire dans la Grande guerre nationale
comme source principale de sa légitimité. Les salaires réels des tra-
vailleurs américains ordinaires stagnent depuis cinquante ans et la
plupart des adultes ont moins de 500 $ d’économies disponibles, de
sorte que cet appauvrissement généralisé peut forcer nos propres
dirigeants à adopter une stratégie semblable.
Mais je pense qu’un facteur beaucoup plus important a été la
croissance étonnante du pouvoir juif en Amérique, qui était déjà
considérable il y a quatre ou cinq décennies, mais qui est mainte-
nant devenu absolument écrasant, que ce soit en politique étran-
gère, dans la finance ou dans les médias, notre minorité pesant
démographiquement 2% exerçant un contrôle sans précédent sur
la plupart des aspects de la société et de notre système politique.
Seule une fraction des Juifs américains ont des croyances religieuses
traditionnelles, de sorte que le double culte de l’État d’Israël et de
l’Holocauste a permis de combler ce vide, les individus et les événe-
ments de la Seconde guerre mondiale constituant plusieurs des élé-
ments centraux du mythos qui sert à unifier la communauté juive.
Et comme conséquence évidente, aucune figure historique n’occupe
une place plus élevée dans la démonologie de cette religion séculière
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 45

que le Führer et son régime nazi.


Cependant, les croyances fondées sur des dogmes religieux s’écartent
souvent fortement de la réalité empirique. Les druides païens peuvent
adorer un chêne sacré particulier et prétendre qu’il contient l’âme
de leur dryade tutélaire ; mais si un arboriste ausculte l’arbre, sa
sève peut paraître semblable à celle d’un autre.
Notre doctrine officielle actuelle décrit l’Allemagne nazie d’Adolf
Hitler comme l’un des régimes les plus cruels et les plus agressifs de
l’histoire du monde, mais à l’époque, ces faits saillants échappaient
apparemment aux dirigeants des nations avec lesquelles elle était
en guerre. Le livre Operation Pike fournit une énorme quantité de
documents d’archives sur les discussions internes secrètes des diri-
geants gouvernementaux et militaires britanniques et français, et
tout cela tend à suggérer qu’ils considéraient leur adversaire alle-
mand comme un pays parfaitement normal, et qu’ils regrettaient
peut-être à l’occasion d’avoir été impliqués dans une guerre ma-
jeure pour un petit conflit frontalier polonais.
Bien que nos histoires standards ne l’admettraient jamais, le
chemin réel vers la guerre semble avoir été très différent de ce que
la plupart des Américains croient. De nombreuses preuves docu-
mentaires fournies par des responsables polonais, américains et bri-
tanniques bien informés démontrent que les pressions exercées par
Washington ont été le principal facteur à l’origine du déclenche-
ment du conflit en Europe. En effet, d’éminents journalistes et in-
tellectuels américains de l’époque, tels que John T. Flynn et Harry
Elmer Barnes, avaient publiquement déclaré qu’ils craignaient que
Franklin Roosevelt ne cherche à fomenter une grande guerre euro-
péenne dans l’espoir de le sauver de l’échec économique apparent
de ses réformes du New Deal et peut-être même lui fournir une ex-
cuse pour se présenter à un troisième mandat sans précédent. Étant
donné que c’est exactement ce qui s’est passé en fin de compte, de
telles accusations ne semblent pas totalement déraisonnables.
Et dans un contraste ironique avec les échecs domestiques de
FDR, les succès économiques d’Hitler avaient été énormes, une
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 46

comparaison frappante puisque les deux dirgeants étaient arrivés au


pouvoir à quelques semaines d’intervalle, au début de 1933. Comme
l’a noté Alexander Cockburn, gauchiste iconoclaste, dans un papier
de Counterpunch de 2004 :
Quand [Hitler] est arrivé au pouvoir en 1933, le taux de
chômage était de 40%. La reprise économique n’a pas
été stimulée par les dépenses d’armement[...] Il y a eu
de vastes travaux publics comme les autoroutes. Il n’a
guère prêté attention au déficit ou aux protestations des
banquiers au sujet de ses politiques. Les taux d’intérêt
ont été maintenus bas et, bien que les salaires soient
fixes, le revenu familial a augmenté en raison du plein
emploi. En 1936, le chômage avait chuté à 1%. Les dé-
penses militaires allemandes restèrent faibles jusqu’en
1939. Non seulement Bush, mais Howard Dean et les
démocrates pourraient tirer quelques leçons de politique
économique de cet Hitler, keynésien avant l’heure.
En ressuscitant une Allemagne prospère alors que presque tous les
autres pays restaient embourbés dans la Grande dépression mon-
diale, Hitler a attiré les éloges d’individus de tout le spectre idéolo-
gique. Après une visite prolongée en 1936, David Lloyd George, an-
cien premier ministre britannique en temps de guerre, fit l’éloge du
chancelier en le qualifiant de George Washington d’Allemagne, un
héros national de la plus grande envergure. Au fil des ans, j’ai vu des
affirmations plausibles ici et là qu’au cours des années 1930, Hitler
était largement reconnu comme le leader national le plus populaire
et le plus prospère au monde, et le fait qu’il ait été élu Homme de
l’année 1938 par Time Magazine tend à confirmer cette conviction.
Seul le judaïsme international était resté intensément hostile à Hit-
ler, outré par ses efforts couronnés de succès pour déloger les 1% de
la population juive allemande de l’emprise qu’elle avait acquise sur
les médias et les finances allemands, et pour diriger le pays dans
le meilleur intérêt de la majorité allemande des 99%. Un parallèle
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 47

Figure 2.1 – Le portrait de Hitler à la une du Time, homme de


l’année 1938

frappant a récemment été l’énorme hostilité que Vladimir Poutine


a suscité après avoir évincé la poignée d’oligarques juifs qui avaient
pris le contrôle de la société russe et appauvri la majeure partie
de la population. Poutine a tenté d’atténuer cette difficulté en s’al-
liant à certains éléments juifs, et Hitler semble avoir fait de même
en approuvant le partenariat économique nazi-sioniste, qui a jeté
les bases de la création de l’État d’Israël et a ainsi fait adhérer la
petite mais croissante faction sioniste juive.
COMMENT HITLER A SAUVÉ LES ALLIÉS 48

À la suite des attaques du 11 septembre 2001, les néoconser-


vateurs juifs ont précipité l’Amérique vers la guerre désastreuse
en Irak et la destruction du Moyen-Orient qui en a résulté, avec
les têtes parlantes de nos téléviseurs affirmant sans cesse que Sad-
dam Hussein est un autre Hitler. Depuis lors, nous avons régulière-
ment entendu le même slogan répété dans diverses vernt dire que
Mouammar Kadhafi est un autre Hitler ou Mahmoud Ahmadine-
jad est un autre Hitler ou Vladimir Poutine est un autre Hitler ou
même Hugo Chavez est un autre Hitler. Depuis quelques années,
nos médias américains ne cessent d’affirmer que Donald Trump est
un autre Hitler.
Au début des années 2000, j’ai évidemment reconnu que le di-
rigeant irakien était un tyran sévère, mais je me suis moqué de la
propagande absurde des médias, sachant parfaitement que Saddam
Hussein n’était pas Adolf Hitler. Mais avec la croissance constante
d’Internet et la disponibilité des millions de pages de périodiques
fournis par mon projet de numérisation, j’ai été très surpris de
découvrir progressivement qu’Adolf Hitler n’était pas Adolf Hitler.
Il n’est peut-être pas tout à fait exact de prétendre que l’his-
toire de la Seconde guerre mondiale était que Franklin Roosevelt
avait cherché à échapper à ses difficultés intérieures en orchestrant
une grande guerre européenne contre l’Allemagne nazie prospère
et pacifique d’Adolf Hitler. Mais je pense que cette image est pro-
bablement un peu plus proche de la réalité historique réelle que
l’image inversée que l’on trouve le plus souvent dans nos manuels
scolaires.

La Pravda américaine : Notre Grande Purge des années 1940


RON UNZ - 11 JUIN 2018 - 5,400 MOTS
Note du Saker Francophone
Un lecteur nous signale que ces projets ont été déjà relatés au
quatrième chapitre d’un livre publié par Paul-Marie de la Gorce
« 39-45 Une guerre inconnue », chez Flammarion, en 1995.
Chapitre 3

Quand Staline a failli


conquérir l’Europe

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article quand sta-


line a failli conquerir leurope
Par Ron Unz – Le 4 juin 2018 – Source Unz Review

Pendant de nombreuses années, j’ai maintenu beaucoup trop


d’abonnements à des magazines, plus de périodiques que je ne pou-
vais en lire ou même parcourir, si bien que la plupart des semaines,
ils allaient directement au stockage, avec à peine plus qu’un coup
d’œil sur la couverture. Mais de temps en temps, je parcourais l’un
d’entre eux, curieux de savoir ce que j’avais l’habitude de manquer.
Ainsi, à l’été 2010, j’ai feuilleté un numéro de Chronicles, l’or-
gane phare à faible tirage du mouvement paléo-conservateur mar-
ginalisé, et j’ai rapidement commencé à lire une critique d’un livre
au titre fade. Mais l’article m’a tellement étonné qu’il a immédia-
tement justifié les nombreuses années de paiements d’abonnement
que j’avais envoyés à ce magazine.
Le critique était Andrei Navrozov, un émigré soviétique rési-

49
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 50

dant depuis longtemps en Grande-Bretagne, et il commençait en


citant un passage d’une précédente revue de 1990, publiée presque
exactement vingt ans auparavant :
Souvorov commente chaque livre ; chaque article ; chaque
film ; chaque directive de l’OTA ; chaque hypothèse de
Downing Street ; chaque commis du Pentagone ; chaque
universitaire ; chaque communiste et anticommuniste ;
chaque intellectuel néoconservateur ; chaque chanson ;
poème ; roman et pièce musicale soviétique jamais en-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 51

tendu ; écrit ; fait ; chanté ; publié, produit ou né pen-


dant les 50 dernières années. Pour cette raison, Ice-
breaker est l’œuvre la plus originale de l’histoire que
j’ai eu le privilège de lire.
Il avait lui-même écrit cette critique de livre antérieure, qui a été
publiée dans le prestigieux Times Literary Supplement à la suite
de la publication originale en anglais de Icebreaker, et sa descrip-
tion n’a pas été exagérée. Les travaux visaient à renverser l’histoire
établie de la Seconde guerre mondiale. L’auteur de Icebreaker, qui
écrivait sous le nom de plume Viktor Souvorov, était un vétéran du
renseignement militaire soviétique qui avait fait défection à l’Ouest
en 1978 et publié par la suite un certain nombre de livres très ap-
préciés sur l’armée et les services secrets soviétiques. Mais ici, il
avance une thèse beaucoup plus radicale.
L’« hypothèse Souvorov » affirme
qu’au cours de l’été 1941, Staline était
sur le point d’organiser une invasion
et une conquête massives de l’Europe,
tandis que l’attaque soudaine d’Hit-
ler le 22 juin de la même année était
destinée à prévenir ce coup imminent.
En outre, l’auteur a également fait
valoir que l’attaque prévue par Sta-
line ne constituait que le dernier acte
d’une stratégie géopolitique de beau-
coup plus longue haleine qu’il avait
élaborée depuis au moins le début des
années 1930.
Après la Révolution bolchévique,
le nouveau régime soviétique avait été considéré avec beaucoup de
suspicion et d’hostilité par d’autres pays européens, dont la plupart
considéraient aussi leurs propres partis communistes comme une
cinquième colonne. Ainsi, pour réaliser le rêve de Lénine et porter la
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 52

révolution en Allemagne et dans le reste de l’Europe, Staline avait


besoin de diviser les Européens et de briser leur ligne commune
de résistance. Il considérait la montée d’Hitler comme un « brise-
glace 1 » potentiel, une occasion de déclencher une autre guerre
européenne sanglante et d’épuiser toutes les parties, tandis que
l’Union soviétique resterait à l’écart et se servirait de ses forces,
attendant le bon moment, pour envahir et conquérir le continent
tout entier.
À cette fin, Staline avait ordonné au puissant parti communiste
allemand de prendre des mesures politiques pour s’assurer qu’Hitler
arrive au pouvoir, puis avait attiré le dictateur allemand à signer le
pacte Molotov-Ribbentrop pour diviser la Pologne. Cela a conduit
la Grande-Bretagne et la France à déclarer la guerre à l’Allemagne,
tout en éliminant l’État tampon polonais, plaçant ainsi les armées
soviétiques directement à la frontière allemande. Et dès qu’il eut
signé cet accord de paix à long terme avec Hitler, il abandonna
tous ses préparatifs défensifs et se lança dans un énorme renforce-
ment militaire des forces purement offensives qu’il comptait utiliser
pour la conquête européenne. Ainsi, selon Souvorov, Staline est le
« principal coupable » du déclenchement de la Seconde guerre mon-
diale en Europe, et l’édition anglaise actualisée de son livre porte
exactement ce titre.
À ma grande surprise, j’ai découvert que les théories spectacu-
laires de Souvorov avaient acquis une énorme importance mondiale
depuis 1990 et qu’elles avaient été largement discutées presque par-
tout sauf en Amérique et dans les autres pays anglophones. Comme
Navrozov l’a expliqué :
L’édition anglaise du livre s’est vendue à 800 exem-
plaires.
Quelques mois plus tard, une édition allemande du livre,
sous le titre « Der Eisbrecher : Hitler in Stalins Kaul-
kul », a été publiée en Allemagne par une petite mai-
1. IceBreaker, NdT
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 53

son d’édition, Klett-Cotta, avec des critiques timides


et prudentes. Il s’est vendu à 8 000 exemplaires. En
1992, le manuscrit de Souvorov a été livré à un édi-
teur franc-tireur à Moscou, et le livre a enfin vu le jour
dans sa version originale russe, se vendant rapidement
à 100 000 exemplaires pour son premier tirage. Dans
les années qui ont suivi, plus de cinq millions d’exem-
plaires ont été vendus, faisant de Souvorov l’historien
militaire le plus lu de l’histoire.
Pourtant, au cours des 20 années qui se sont écoulées
entre le lancement d’Icebreaker en Angleterre et la pré-
sente publication de « The Chief Culprit », aucun édi-
teur britannique, américain, canadien ou australien n’a
jugé bon d’exploiter un intérêt potentiellement mondial
pour cet Icebreaker à la dérive – ou aborder Souvorov
même du bout des doigts – malgré le fait que les exem-
plaires à 20$ de l’édition Hamish Hamilton, presque im-
possibles à obtenir, épuisés depuis longtemps, ont été
transférés sur Internet et valent près de 500 dollars.
Depuis 1990, les travaux de Souvorov ont été traduits dans au
moins 18 langues et une tempête internationale de controverses
scientifiques s’est déchaînée autour de l’hypothèse de Souvorov en
Russie, en Allemagne, en Israël et ailleurs. De nombreux autres
auteurs ont publié des livres à l’appui de cette théorie ou, plus
souvent, se sont heurtés à une forte opposition, et même des confé-
rences universitaires internationales ont été organisées pour en dé-
battre. Mais nos propres médias de langue anglaise ont presque
entièrement mis sur liste noire et ignoré ce débat international en
cours, à tel point que le nom de l’historien militaire le plus lu qui
ait jamais existé m’était resté totalement inconnu. Enfin, en 2008,
la prestigieuse Naval Academy Press d’Annapolis a décidé de briser
cet embargo intellectuel de 18 ans et a publié une édition anglaise
actualisée de l’œuvre de Souvorov. Mais une fois de plus, nos médias
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 54

ont presque entièrement détourné leur regard, et une seule critique


a paru dans une obscure publication idéologique, sur laquelle je
suis tombée par hasard. Cela démontre de façon concluante que
pendant la majeure partie du XXe siècle, un front uni d’éditeurs et
d’organes de presse de langue anglaise pouvait facilement mainte-
nir le boycott d’un sujet important, de sorte que presque personne
en Amérique ou dans le reste de l’Anglosphère n’en entende jamais
parler. Ce n’est qu’avec l’essor récent d’Internet que cette situation
décourageante a commencé à changer.
Il n’est guère facile de détermi-
ner les véritables motivations de
Staline et la base de sa politique
étrangère dans les années 1930, et
ses déclarations et ses actions sont
sujettes à de multiples interpréta-
tions. Par conséquent, la théorie
selon laquelle le dictateur a passé
toutes ces années à préparer habi-
lement le déclenchement de la Se-
conde guerre mondiale me semble
assez spéculative. Mais l’autre af-
firmation centrale de l’hypothèse
de Souvorov, selon laquelle les So-
viétiques étaient eux-mêmes sur le
point d’attaquer lorsque les Alle-
mands ont frappé, est une question extrêmement factuelle, qui peut
être évaluée sur la base de preuves solides. Je trouve l’affaire très
convaincante, du moins si les faits et les détails que Souvorov cite
à l’appui ne sont pas totalement faux, ce qui semble peu probable
avec la Naval Academy Press comme éditeur.
Le front de l’Est a été le théâtre décisif de la Seconde guerre
mondiale, impliquant des forces militaires beaucoup plus impor-
tantes que celles déployées à l’Ouest ou dans le Pacifique, et le récit
classique souligne toujours l’ineptie et la faiblesse des Soviétiques.
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 55

Le 22 juin 1941, Hitler lança l’opération Barbarossa, une attaque


surprise soudaine et massive contre l’URSS, qui prit l’Armée rouge
complètement par surprise. Staline a été régulièrement ridiculisé
pour son manque total de préparation, Hitler étant souvent décrit
comme le seul homme en qui le dictateur paranoïaque ait jamais
eu pleinement confiance. Bien que les forces soviétiques en défense
étaient d’une taille énorme, elles étaient mal dirigées, leur corps
d’officiers n’étant toujours pas remis des purges paralysantes de la
fin des années 1930, et leur équipement obsolète et leurs mauvaises
tactiques n’étaient absolument pas à la hauteur des divisions de
panzer modernes de la Wehrmacht allemande, jusqu’alors invain-
cues. Les Russes ont d’abord subi des pertes gigantesques, et seuls
l’arrivée de l’hiver et les vastes espaces de leur territoire les ont sau-
vés d’une défaite rapide. Après cela, la guerre a basculé pendant
quatre autres années, jusqu’à ce qu’un nombre supérieur de soldats
et des tactiques améliorées amènent finalement les Soviétiques dans
les rues d’un Berlin détruit en 1945.
Telle est la compréhension traditionnelle de la lutte titanesque
russo-allemande que l’on retrouve sans cesse dans tous les journaux,
livres, documentaires télévisés et films qui nous entourent. Mais
même un examen superficiel de la situation initiale a toujours révélé
d’étranges anomalies.
Il y a de nombreuses années, alors que j’étais au collège, je
suis devenu un passionné des jeux de guerre avec un vif intérêt
pour l’histoire militaire, et le front oriental de la Seconde guerre
mondiale était certainement un sujet très populaire. Mais à chaque
reconstruction de l’opération Barbarossa, on a toujours noté que
les Allemands devaient une grande partie de leur grand succès ini-
tial au déploiement très étrange des énormes forces soviétiques, qui
étaient toutes rassemblées le long de la frontière en formations vul-
nérables presque comme si elles préparaient une attaque, et certains
auteurs ont laissé entendre que cela aurait pu être le cas. Mais le
volume de preuves recueillies par Souvorov va bien au-delà de ce
genre de spéculation oiseuse, et il dresse un tableau historique ra-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 56

dicalement différent de ce que nos comptes standard ont toujours


laissé entendre.
Tout d’abord, bien qu’il y ait eu une croyance répandue dans la
supériorité de la technologie militaire de l’Allemagne, de ses chars
et de ses avions, c’est presque entièrement de la mythologie. En fait,
les chars soviétiques étaient de loin supérieurs en armement princi-
pal, en blindage et en maniabilité à leurs homologues allemands, à
tel point que l’écrasante majorité des panzers étaient presque obso-
lètes en comparaison. Et la supériorité soviétique en nombre était
encore plus extrême, Staline déployant plusieurs fois plus de chars
que le total combiné de ceux détenus par l’Allemagne et toutes les
autres nations du monde : 27 000 contre seulement 4 000 dans les
forces d’Hitler. Même en temps de paix, une seule usine soviétique
à Kharkov produisait tous les six mois plus de chars d’assaut que ce
que le Troisième Reich avait construit avant 1940. Les Soviétiques
avaient une supériorité similaire, quoique un peu moins extrême,
dans leurs bombardiers d’attaque au sol. Le caractère totalement
fermé de l’URSS signifiait que de vastes forces militaires restaient
entièrement cachées aux observateurs extérieurs.
Rien n’indique non plus que la qualité des officiers soviétiques ou
de la doctrine militaire n’ait pas été à la hauteur. En effet, nous ou-
blions souvent que le premier exemple réussi d’une « guerre éclair »
de l’histoire dans la guerre moderne fut la défaite écrasante d’août
1939 infligée par Staline à la 6e Armée japonaise en Mongolie ex-
térieure, en s’appuyant sur une attaque surprise massive de tanks,
bombardiers et infanterie mobile. Et Staline avait apparemment
une si haute opinion d’un grand nombre de ses meilleurs stratèges
militaires en 1941 que, malgré ses énormes pertes initiales, nombre
d’entre eux sont restés aux commandes et ont finalement été pro-
mus aux plus hauts rangs de l’establishment militaire soviétique à
la fin de la guerre.
Certes, de nombreux aspects de la machine militaire soviétique
étaient primitifs, mais c’était exactement la même chose pour leurs
opposants nazis. Le détail peut-être le plus surprenant au sujet de
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 57

la technologie de la Wehrmacht en 1941 était que son système de


transport était encore presque entièrement pré-moderne, reposant
sur des chariots et des charrettes tirés par 750 000 chevaux pour
maintenir le flux vital de munitions et de troupes fraîches à ses
armées en marche.
Pendant ce temps, les principales catégories de systèmes d’armes
soviétiques semblent presque impossibles à expliquer, sauf en tant
qu’éléments importants des plans offensifs de Staline. Bien que la
majorité des forces blindées soviétiques étaient des chars moyens
comme les T-28 et T-34, généralement de loin supérieurs à leurs
homologues allemands, l’URSS avait aussi été pionnière dans le
développement de plusieurs lignes de chars hautement spécialisés,
dont la plupart n’avaient aucun équivalent ailleurs dans le monde.
— Les Soviétiques avaient produit une remarquable gamme de
chars BT légers, capables d’escamoter facilement leurs che-
nilles et de continuer sur roues, atteignant une vitesse maxi-
male de 100 km/h, deux ou trois fois plus rapide que tout
autre véhicule blindé comparable, et idéalement adaptés à
une exploitation en territoire ennemi en profondeur. Cepen-
dant, une telle machine avec des roues n’était efficace que
sur les autoroutes en dur, dont le territoire soviétique était
dépourvu, et donc idéale pour voyager sur le vaste réseau
d’autoroutes de l’Allemagne. En 1941, Staline a déployé près
de 6 500 de ces chars d’assaut, soit plus que le reste des chars
du monde réunis.
— Pendant des siècles, les conquérants continentaux de Na-
poléon à Hitler avaient été bloqués par la barrière de la
Manche, mais Staline était beaucoup mieux préparé. Bien
que la vaste URSS de Staline ait été entièrement une puis-
sance terrestre, il a été le pionnier de la seule série au monde
de chars légers entièrement amphibies, capables de traverser
avec succès de grandes rivières, des lacs, et même ce détroit
notoirement large que Guillaume le Conquérant a traversé
la dernière fois avec succès en 1066. En 1941, les Soviétiques
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 58

ont déployé 4 000 de ces chars amphibies, soit beaucoup plus


que les 3 350 chars allemands de tous types utilisés dans leur
attaque. Mais étant inutiles pour la défense du territoire, ils
ont tous été abandonnés ou détruits sur ordre.
— Les Soviétiques ont également déployé des milliers de chars
lourds, destinés à engager et à vaincre les blindés ennemis,
alors que les Allemands n’en avaient pas du tout. En com-
bat direct, un KV-1 ou KV-2 soviétique pourrait facilement
détruire quatre ou cinq des meilleurs chars allemands, tout
en restant presque invulnérable aux obus ennemis. Souvo-
rov raconte l’exemple d’un KV ayant subi 43 coups directs
avant d’être finalement frappé d’incapacité, entouré par les
carcasses des dix chars allemands qu’il avait d’abord réussi
à détruire.
D’autres preuves de l’ampleur et de l’intention des armées de Sta-
line à l’été 1941 sont tout aussi révélatrices :
— Au cours des premières années de la Seconde guerre mon-
diale, les Allemands utilisèrent efficacement des parachu-
tistes et des forces aéromobiles pour s’emparer de cibles
ennemies clés loin derrière les lignes de front pendant une of-
fensive majeure, ce qui fut un élément important de leur vic-
toire contre la France en 1940 et la Grèce en 1941. De telles
unités sont nécessairement légèrement armées et n’avaient
aucune chance contre l’infanterie régulière dans une bataille
défensive ; leur seul rôle est donc offensif. L’Allemagne est
entrée en guerre avec 4 000 parachutistes, une force beau-
coup plus importante que tout ce qu’on trouve en Grande-
Bretagne, en France, en Amérique, en Italie ou au Japon.
Cependant, les Soviétiques avaient au moins 1 000 000 de
parachutistes entraînés, et Souvorov pense que le vrai total
était en fait plus proche de 2 000 000.
— Parfois, les décisions de production des principaux systèmes
d’armes fournissent de fortes indications sur la stratégie
plus large qui sous-tend leur développement. L’avion mili-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 59

taire le plus produit dans l’histoire était l’IL-2, un puissant


bombardier d’attaque au sol soviétique lourdement blindé,
conçu à l’origine comme un système à deux hommes, avec un
mitrailleur arrière capable de défendre efficacement l’avion
contre les chasseurs ennemis durant ses missions. Cepen-
dant, Staline a personnellement ordonné que la conception
soit modifiée pour éliminer le deuxième homme et l’arme-
ment défensif, ce qui a rendu le bombardier extrêmement
vulnérable aux avions ennemis lorsque la guerre a éclaté.
Staline et ses planificateurs de guerre avaient apparemment
misé sur une suprématie aérienne quasi totale pendant toute
la durée d’un conflit, hypothèse plausible seulement si la
Luftwaffe allemande était détruite au sol par une attaque
surprise dès le premier jour.
— Il existe de nombreuses preuves que dans les semaines précé-
dant l’attaque surprise allemande, Staline avait ordonné la
libération de plusieurs centaines de milliers de prisonniers
du Goulag, qui avaient reçu des armes de base et étaient
organisés en divisions et corps dirigés par le NKVD, consti-
tuant une partie substantielle du deuxième échelon stra-
tégique situé à des centaines de kilomètres de la frontière
allemande. Ces unités étaient peut-être destinées à servir
de troupes d’occupation, permettant aux forces de première
ligne beaucoup plus puissantes de poursuivre et de finaliser
les conquêtes de la France, de l’Italie, des Balkans et de l’Es-
pagne. Hormis cette hypothèse, je ne peux trouver aucune
autre explication plausible à l’action de Staline.
— L’invasion et l’occupation prévues d’un grand pays dont la
population parle une autre langue exigent une préparation
logistique considérable. Par exemple, avant leur attaque, les
Allemands, notoirement méthodiques, imprimèrent et dis-
tribuèrent à leurs troupes un grand nombre de livres de
phrases de base germano-russes, permettant une commu-
nication efficace avec les villageois et les citadins slaves lo-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 60

caux. Ironiquement, à peu près à la même époque, l’URSS


semble avoir produit des dictionnaires russo-allemands très
similaires, permettant aux troupes soviétiques conquérantes
de se faire facilement comprendre des civils allemands. Plu-
sieurs millions de ces recueils de phrases avaient été distri-
bués aux forces soviétiques à la frontière allemande au cours
des premiers mois de 1941.
La reconstitution par Souvorov des semaines qui ont précédé le
début des combats est fascinante et met l’accent sur les mesures
prises par les armées soviétique et allemande en miroir. Chaque
camp déplaçait ses meilleures unités de frappe, créait des aéro-
dromes et des dépôts de munitions près de la frontière, idéal pour
une attaque mais très vulnérable en défense. Chaque camp a soi-
gneusement désactivé tous les champs de mines résiduels et arraché
tous les obstacles de barbelés, de peur qu’ils n’entravent l’attaque
à venir. Chaque partie a fait de son mieux pour camoufler ses pré-
paratifs, parlant haut et fort de la paix tout en se préparant à
une guerre imminente. Le déploiement soviétique avait commencé
beaucoup plus tôt, mais comme leurs forces étaient beaucoup plus
importantes et avaient des distances beaucoup plus grandes à fran-
chir, elles n’étaient pas encore tout à fait prêtes pour leur attaque
lorsque les Allemands ont frappé, ce qui a brisé la conquête de
l’Europe prévue par Staline.
Tous les exemples ci-dessus de systèmes d’armes soviétiques ou
de décisions stratégiques semblent très difficiles à expliquer dans
le cadre du discours défensif conventionnel, mais sont parfaitement
logiques si l’orientation de Staline à partir de 1939 avait toujours
été offensive, et s’il avait décidé que l’été 1941 était le moment de
frapper et d’élargir son Union soviétique à tous les États européens,
comme le voulait initialement Lénine. Et Souvorov fournit des di-
zaines d’exemples supplémentaires, étayant cette théorie brique par
brique et de manière très convaincante.
Le livre n’est pas trop long, comptant peut-être 150 000 mots,
et 20 $ ainsi que quelques clics de souris sur Amazon vous four-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 61

niront une copie à lire et à juger par vous-même. Mais pour ceux
qui désirent un simple résumé, la conférence en 2009 de Souvorov
au Forum Eurasie de l’Académie navale d’Annapolis est commodé-
ment disponible sur YouTube [Lien indisponible, un autre lien est
proposé, NdT], bien que légèrement entravée par son faible niveau
en anglais :
https://www.youtube.com/watch?v=vOSPvp8Kgeg
Et aussi ses conférences C-SPAN Book TV au Woodrow Wilson
Center :
https://youtu.be/Nj9Geqf3LB8
Les théories controversées, même
si elles sont soutenues par des preuves
apparemment solides, peuvent diffi-
cilement être évaluées correctement
tant qu’elles n’ont pas été mises en
balance avec les contre-arguments de
leurs détracteurs les plus sévères, et
cela devrait certainement être le cas
avec l’hypothèse de Souvorov. Mais
bien que les trois dernières décen-
nies aient vu le développement d’une
importante littérature secondaire, en
grande partie très critique, presque
tout ce débat international s’est dé-
roulé en russe, en allemand ou en hé-
breu, des langues que je ne lis pas.
Il y a quelques exceptions. Il y a plusieurs années, je suis tombé
sur un débat à ce sujet sur un site Web, et un grand critique a
affirmé que les théories de Souvorov avaient été totalement dé-
mystifiées par l’historien militaire américain David M. Glantz dans
Stumbling Colossus, publié en 1998. Mais quand j’ai commandé et
lu le livre, j’ai été très déçu. Bien qu’il prétendait réfuter Souvo-
rov, l’auteur semblait ignorer presque tous ses arguments centraux
et se contentait de résumer de façon plutôt ennuyeuse et pédante
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 62

le récit standard que j’avais vu des centaines de fois auparavant,


avec quelques excès rhétoriques dénonçant la vilenie unique du ré-
gime Nazi. Ironiquement, Glantz souligne que, bien que l’analyse de
Souvorov sur la lutte militaire titanesque russo-allemande ait reçu
une grande attention et un soutien considérable parmi les cher-
cheurs russes et allemands, elle a été généralement ignorée dans le
monde anglo-américain, et il semble presque insinuer qu’elle peut
probablement être ignorée pour cette raison. Cette attitude reflé-
tait peut-être l’arrogance culturelle de nombreuses élites intellec-
tuelles américaines pendant la désastreuse période Eltsine de la
Russie à la fin des années 1990. Un livre de bien meilleure qualité,
généralement favorable au cadre de Souvorov, est Stalin’s War of
Annihilation, de l’historien militaire allemand Joachim Hoffmann,
primé, commandé à l’origine par les forces armées allemandes et
publié en 1995 avec une édition révisée en anglais publiée en 2001.
L’introduction de l’auteur relate les menaces répétées de poursuites
judiciaires qu’il a reçues de la part d’élus et les autres obstacles ju-
ridiques auxquels il a dû faire face, alors qu’ailleurs il s’adresse
directement aux autorités gouvernementales invisibles comme s’il
savait qu’elles étaient en train de lire par-dessus son épaule. Lorsque
le fait de s’écarter trop loin des limites de l’histoire admise com-
porte le risque sérieux que l’ensemble du tirage d’un livre soit brûlé
et que l’auteur soit emprisonné, le lecteur doit nécessairement faire
preuve de prudence lorsqu’il évalue le texte, car des sections impor-
tantes ont été biaisées ou supprimées par précaution dans l’intérêt
de sa conservation. Il devient difficile d’évaluer les débats savants
sur des questions historiques lorsque l’une des parties doit faire
face à une incarcération du fait du caractère audacieux de ses ar-
guments. Pouvons-nous dire si Souvorov a raison ? Puisque nos
gardiens de l’information du monde anglophone ont passé les trois
dernières décennies à fermer les yeux et à prétendre que l’hypothèse
de Souvorov n’existe pas, l’absence quasi totale d’examens ou de
critiques substantiels m’empêche largement d’arriver à une conclu-
sion définitive. Mais sur la base des preuves disponibles, je crois
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 63

qu’il est beaucoup plus probable qu’improbable que les théories de


Souvorov soient au moins substantiellement correctes. Et si c’est le
cas, notre compréhension actuelle de la Seconde guerre mondiale –
l’événement formateur central de notre monde moderne – en serait
entièrement transformée.
Souvorov note que les traités ou
pactes portent traditionnellement le
nom de la ville dans laquelle ils ont été
signés – le Pacte de Varsovie, le Pacte
de Bagdad, l’Accord de Munich – et
donc le « Pacte Molotov-Ribbentrop »
signé le 23 août 1939 par lequel Hitler
et Staline ont convenu de la division
de la Pologne devrait plutôt être ap-
pelé le « Pacte de Moscou ». Grâce à
cet accord, Staline a obtenu la moitié
de la Pologne, les États baltes et di-
vers autres avantages, dont une fron-
tière directe avec l’Allemagne. Pen-
dant ce temps, Hitler a été puni par
des déclarations de guerre de la France et de la Grande-Bretagne,
puis par une condamnation mondiale en tant qu’agresseur militaire.
Bien que l’Allemagne et la Russie soviétique aient toutes deux en-
vahi la Pologne, la Russie a réussi à éviter d’être entraînée dans
une guerre avec les anciens alliés de la Pologne. Ainsi, le principal
bénéficiaire du Pacte de Moscou a clairement été Moscou.
Étant donné les longues années de guerre de tranchées sur le
front occidental pendant la Première guerre mondiale, presque tous
les observateurs extérieurs s’attendaient à ce que le nouveau cycle
du conflit suive un schéma statique très similaire, épuisant pro-
gressivement toutes les parties, et le monde a été choqué lorsque
les tactiques novatrices de l’Allemagne lui ont permis d’obtenir une
défaite éclair des armées alliées en France pendant 1940. Mais à ce
moment-là, Hitler considérait la guerre comme essentiellement ter-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 64

minée et était convaincu que les conditions de paix extrêmement


généreuses qu’il offrait immédiatement aux Britanniques abouti-
raient bientôt à un règlement définitif. En conséquence, il a ramené
l’Allemagne à une économie de temps de paix, préférant le beurre
aux armes à feu afin de maintenir sa grande popularité nationale.
Staline, cependant, n’était pas soumis à de telles contraintes
politiques, et à partir du moment où il avait signé son accord de
paix à long terme avec Hitler en 1939 et divisé la Pologne, il a
augmenté son économie de guerre totale à un cran encore plus haut.
S’engageant dans une montée en puissance militaire sans précédent,
il a concentré presque entièrement sa production sur des systèmes
d’armes purement offensifs, tout en arrêtant même la production
de ces armements mieux adaptés à la défense et en démantelant ses
lignes défensives de fortifications. En 1941, son cycle de production
était terminé et il avait des plans en conséquence.
Ainsi, tout comme dans notre récit traditionnel, nous voyons
qu’au cours des semaines et des mois qui ont précédé l’opération
Barbarossa, la force militaire offensive la plus puissante de l’his-
toire du monde s’est discrètement rassemblée en secret le long de
la frontière germano-russe, préparant l’ordre qui allait déclencher
leur attaque surprise. L’armée de l’air non préparée de l’ennemi
devait être détruite au sol dans les premiers jours de la bataille, et
d’énormes colonnes de chars d’assaut allaient commencer à péné-
trer profondément, entourant et piégeant les forces opposées, rem-
portant une victoire éclair classique, et assurant l’occupation ra-
pide de vastes territoires. Mais les forces préparant cette guerre de
conquête sans précédent étaient celles de Staline, et sa force mi-
litaire aurait sûrement saisi toute l’Europe, probablement bientôt
suivie par le reste de la masse continentale eurasienne.
Puis, presque au dernier moment, Hitler s’est soudain rendu
compte du piège stratégique dans lequel il était tombé, et a or-
donné à ses troupes sous-équipées et en infériorité numérique de
lancer une attaque surprise désespérée contre les Soviétiques, les
rattrapant par hasard au moment même où leurs propres prépa-
QUAND STALINE A FAILLI CONQUÉRIR L’EUROPE 65

rations finales pour une attaque surprise les avaient rendus plus
vulnérables, et arrachant ainsi une victoire initiale majeure des
mâchoires d’une défaite certaine. D’énormes stocks de munitions et
d’armes soviétiques avaient été placés près de la frontière pour ap-
provisionner l’armée d’invasion de l’Allemagne, et ils tombèrent ra-
pidement entre les mains des Allemands, apportant un complément
important à leurs propres ressources terriblement insuffisantes.
Les ressources énormes et pleinement militarisées de l’État so-
viétique, complétées par les contributions de la Grande-Bretagne et
de l’Amérique, ont fini par renverser la vapeur et par mener à une
victoire soviétique, mais Staline s’est retrouvé avec seulement la
moitié de l’Europe plutôt que sa totalité. Souvorov soutient que la
faiblesse fatale du système soviétique était son incapacité totale à
concurrencer les États non soviétiques dans la production de biens
civils en temps de paix, et parce que ces États avaient encore sur-
vécu après la guerre, l’Union soviétique était vouée à l’effondrement
final.
Navrozov, le chroniqueur des Chronicles, est un slave russe et
donc peu favorable au dictateur allemand. Mais il termine sa cri-
tique par une déclaration remarquable :
Par conséquent, si l’un d’entre nous est libre d’écrire,
de publier et de lire ceci aujourd’hui, il s’ensuit que dans
une partie non négligeable, notre gratitude pour cela doit
aller à Hitler. Et si quelqu’un veut m’arrêter pour avoir
dit ce que je viens de dire, je ne fais aucun secret de
l’endroit où je vis.
Chapitre 4

Les secrets du
renseignement militaire

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article les secrets


du renseignement militaire
Par Ron Unz – Le 10 juin 2019 – Source Unz Review

Certains se souviendront peut-être qu’en 2005, une importante


controverse médiatique a englouti le président de Harvard, Larry
Summers, au sujet de ses remarques lors d’une conférence univer-
sitaire. D’une manière informelle et officieuse, lors d’une réunion
privée, Summers avait évoqué avec précaution la possibilité hypothé-
tique qu’en moyenne, les hommes pourraient être un peu meilleurs
en mathématiques que les femmes, ce qui explique peut-être en par-
tie le nombre beaucoup plus élevé d’hommes occupant des postes
dans les départements des mathématiques, des sciences et du gé-
nie.
Ces spéculations controversées ont rapidement été divulguées à
la presse et une énorme tempête de protestations a éclaté, le profes-
seur du MIT Nancy Hopkins affirmant que le simple fait d’entendre

66
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 67

les paroles de Summers lors de l’événement l’avait rendue physique-


ment malade, la forçant à quitter rapidement la salle, de peur d’une
syncope qui la verrait s’effondrer.
Les étudiants et les membres du
corps professoral de Harvard ont ra-
pidement lancé une campagne orga-
nisée pour que Summers soit viré du
sommet de notre monde universitaire,
le psychologue Steven Pinker étant
l’un des très rares professeurs à vou-
loir le défendre publiquement. Fina-
lement, un vote de « non-confiance »
sans précédent de l’ensemble du corps
professoral et la perte croissante de
confiance du conseil d’administration
ont forcé Summers à démissionner,
devenant ainsi le première président
de Harvard à subir ce sort en 350 ans
d’histoire de l’université, démontrant ainsi apparemment le pouvoir
étonnant du féminisme « politiquement correct » sur les campus
universitaires.
L’histoire vraie pour ceux qui l’ont suivie était en fait un peu
plus complexe. Summers, ancien secrétaire au Trésor de l’adminis-
tration Clinton, avait un long passé de comportement très douteux,
qui avait scandalisé de nombreux membres du corps enseignant
pour des raisons totalement différentes. Comme je l’ai écrit il y a
quelques années :
Aujourd’hui, je ne suis guère disposé à défendre Sum-
mers contre toute une série d’accusations très graves et
légitimes. Il semble avoir joué un rôle majeur dans la
transformation de Harvard d’une université renommée
en un hedge fund agressif, des politiques qui ont par la
suite amené mon Alma Mater bien-aimée au bord de la
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 68

faillite pendant la crise financière de 2008. Sous sa pré-


sidence, Harvard a versé 26 millions de dollars pour ai-
der à régler les accusations de délit international d’ini-
tié contre Andrei Shleifer, l’un de ses plus proches amis
personnels, qui a ainsi évité la prison. Et après de telles
réalisations financières et éthiques, il a naturellement
été nommé l’un des principaux conseillers économiques
du président Obama, poste à partir duquel il a fortement
soutenu le sauvetage massif de Wall Street et du reste
de notre élite du secteur des services financiers, tout
en ignorant les souffrances de Main Street. Peut-être
par coïncidence, de riches fonds de couverture l’avaient
payé plusieurs millions de dollars pour leur avoir fourni
quelques heures par semaine de conseils de consultation
à temps partiel au cours des douze mois précédant sa
nomination.
De plus, Summers avait précédemment dénoncé l’activisme anti-
israélien des étudiants et des professeurs de Harvard comme étant
« antisémite », une accusation qui avait suscité une vive opposition.
Quelques années plus tard, il est également apparu que Summers
avait peut-être joué un rôle crucial en favorisant Mark Zuckerberg
par rapport aux frères Winkelvoss dans leur première bataille pour
la propriété de Facebook, tandis que Sheryl Sandberg, l’ancienne
assistante de Summers, devint plus tard présidente de Facebook, la
rendant multi-milliardaire.
Bien que les remarques impolies de Summers au sujet des apti-
tudes en mathématiques des femmes aient certainement déclenché
son éviction, la cause sous-jacente était probablement ses nom-
breuses années de comportement extrêmement inconvenant. En
fait, je pense qu’on peut raisonnablement affirmer que Summers
a été le président le pire et le plus déshonorant de toute la longue
histoire d’Harvard.
Pourtant, même une horloge cassée ou tordue est à l’heure deux
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 69

fois par jour, et je doute que Larry Summers soit la seule personne
au monde qui soupçonne que les hommes puissent être un peu
meilleurs en mathématiques que les femmes. Mais certains sont
tout à fait en désaccord avec cette évaluation et, à la suite de la
controverse de Summers, l’une de ses plus féroces opposantes acadé-
miques fut une certaine Janet Mertz, spécialisée dans la recherche
sur le cancer à l’Université du Wisconsin.
Afin de réfuter efficacement les spéculations odieuses de Sum-
mers, elle et ses coauteurs, ont décidé d’examiner attentivement
la liste complète des participants aux Olympiades internationales
de mathématiques pour les années 1988-2007. Ces quelque 3200
personnes représentent les élèves en mathématiques les plus per-
formants au monde dans les écoles secondaires de douzaines de
pays, et la répartition des sexes dans tant de cultures différentes et
d’années, constituerait certainement une preuve quantitative puis-
sante de la différence significative entre les aptitudes moyennes des
hommes et celles des femmes. Étant donné que la plupart de ces
milliers d’olympiens en mathématiques viennent de pays non oc-
cidentaux, la détermination du sexe de chacun d’entre eux n’est
pas une entreprise triviale, et nous devrions féliciter Mertz et ses
collègues pour les recherches diligentes qu’ils ont entreprises pour
accomplir cette tâche.
Ils ont publié leurs importants résultats dans un article de revue
académique de 10 000 mots, dont la conclusion « première et prin-
cipale », fournie en caractères gras italiques, était que « le mythe
selon lequel les femmes ne peuvent pas exceller en mathématiques
doit être mis de côté ». Et dans ses entrevues subséquentes, elle a
proclamé que ses recherches avaient démontré que les hommes et
les femmes possédaient des capacités innées égales en mathéma-
tiques, et que les différences actuelles de performance étaient dues
à la culture ou aux préjugés, un résultat que nos médias ont fait
valoir avec enthousiasme et éloquence.
Mais curieusement, lorsque j’ai pris la peine de lire le texte et les
tableaux de son étude académique d’une longueur particulièrement
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 70

ennuyeuse, j’ai remarqué quelque chose d’assez intrigant, surtout


dans les résultats quantitatifs résumés dans les tableaux 6 et 7 (pp.
1252-53), et je l’ai mentionné dans un des mes articles :
Le premier tableau montre la répartition par sexe des
quelque 3200 olympiens en mathématiques des 34 pre-
miers pays pour les années 1988-2007, et en quelques
minutes à l’aide d’un tableur révèlent que le biais est
de 95% d’hommes et 5% de femmes. En outre, presque
tous les pays, que ce soit en Europe, en Asie ou ailleurs,
semblent suivre la même tendance, la part des femmes
se situant entre 0 % et 12 %, mais généralement proche
de 5 % ; la Serbie-et-Monténégro est la seule grande ex-
ception avec 20 % de femmes. De même, le tableau 7
présente une répartition des résultats selon le sexe pour
les États-Unis seuls, et nous constatons que seulement
5 de nos 126 athlètes olympiques en mathématiques -
soit 4 % - étaient des femmes. Divers autres concours
de mathématiques prestigieux semblent suivre un biais
de genre à peu près similaire.
Ces résultats remarquables sont encore plus faciles à saisir lorsque
nous résumons les pourcentages masculins des meilleurs élèves en
mathématiques agrégés sur la période 1988-2008 pour chaque pays
individuellement :

ASIE :
Chine, 96% d’hommes
Inde, 97% d’hommes
Iran, 98% d’hommes
Israël, 98% d’hommes
Japon, 98% d’hommes
Kazakhstan, 99% d’hommes
Corée du Sud, 93% d’hommes
Taïwan, 95 % d’hommes
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 71

Turquie, 96% d’hommes


Vietnam, 97% d’hommes

EUROPE :
Bélarus, 94% d’hommes
Bulgarie, 91% hommes
République tchèque, 96% d’hommes
Slovaquie, 88% d’hommes
France 97% hommes
Allemagne, 94% d’hommes
Hongrie, 94% d’hommes
Pologne, 99% d’hommes
Roumanie, 94% d’hommes
Russie/URSS, 88% d’hommes
Serbie-et-Monténégro, 80% d’hommes
Ukraine, 93% d’hommes
Royaume-Uni, 93% d’hommes

AUTRE :
Australie, 94% d’hommes
Brésil, 96% d’hommes
Canada, 90 % d’hommes
États-Unis, 96% d’hommes

MOYENNE INTERNATIONALE :
94,4 % hommes

Ce sont les résultats empiriques que Mertz et ses co-auteurs ont


présentés comme démontrant de façon concluante que les hommes
et les femmes ont des capacités mathématiques égales. D’après ce
que je peux dire, aucun journaliste ou chercheur n’avait remarqué la
différence considérable entre les données empiriques de Mertz et ses
conclusions, ou peut-être que ces personnes étaient tout simplement
trop intimidées pour attirer l’attention du public sur cet écart.
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 72

Ce décalage frappant entre les conclusions présumées d’une


étude et ses résultats réels devrait nous alerter sur des possibili-
tés similaires ailleurs. Il n’est peut-être pas si rare que des cher-
cheurs diligents dont le zèle idéologique dépasse suffisamment leurs
capacités mentales consacrent énormément de temps et d’efforts à
recueillir de l’information, puis à l’interpréter d’une manière exac-
tement contraire à son sens évident.
C’est ce que j’ai récemment pensé lorsque j’ai décidé de lire une
remarquable analyse de l’armée américaine par Joseph W. Ben-
dersky de la Virginia Commonwealth University, historien juif spé-
cialisé dans les études sur l’Holocauste et l’histoire de l’Allemagne
nazie. L’année dernière, j’avais parcouru quelques pages de son livre
pour mon long article sur la négation de l’Holocauste, mais j’ai
maintenant décidé de lire attentivement l’ouvrage entier, publié en
2000.
Bendersky a consacré dix an-
nées complètes de recherches à son
livre, fouillant de façon exhaustive
les archives du renseignement mili-
taire américain ainsi que les docu-
ments personnels et la correspondance
de plus de 100 personnalités militaires
et officiers du renseignement. « Jewish
Threat » s’étend sur 500 pages, dont
quelques 1350 notes de bas de page,
les sources archivistiques répertoriées
occupant à elles seules sept pages
complètes. Son sous-titre est « Poli-
tiques Anti-Semite de l’U.S. Army »
et il fait valoir de manière extrême-
ment convaincante qu’au cours de la première moitié du XXe siècle
et même après, les hauts gradés de l’armée américaine et surtout
du renseignement militaire ont fortement souscrit aux notions qui
aujourd’hui seraient universellement rejetées comme « théories an-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 73

tisémites du complot ». En termes simples, les chefs militaires amé-


ricains de ces décennies croyaient largement que le monde faisait
face à une menace directe de la part des Juifs organisés, qui avaient
pris le contrôle de la Russie et cherchaient également à renverser
et à prendre le contrôle de l’Amérique et du reste de la civilisation
occidentale.
Dans ces cercles militaires, on croyait fermement que de puis-
sants éléments juifs avaient financé et dirigé la révolution bolche-
vique russe et qu’ils organisaient des mouvements communistes si-
milaires ailleurs pour détruire toutes les élites existantes de Gentils
[non-Juifs] et imposer la suprématie juive dans toute l’Amérique et
dans le reste du monde occidental. Alors que certains de ces diri-
geants communistes étaient des « idéalistes », de nombreux partici-
pants juifs étaient des opportunistes cyniques, cherchant à utiliser
leurs partisans crédules pour détruire leurs rivaux ethniques et ga-
gner ainsi la richesse et le pouvoir suprême. Bien que les agents
de renseignement en vinrent graduellement à douter que les Pro-
tocoles des Sages de Sion fut un document authentique, la plupart
croyaient que ce travail notoire fournissait une description raison-
nablement exacte des plans stratégiques des dirigeants juifs pour
subvertir l’Amérique et le reste du monde et établir la domination
juive.
Bien que les prétentions de Bendersky soient certainement ex-
traordinaires, il fournit une énorme quantité de preuves convain-
cantes à l’appui, citant ou résumant des milliers de dossiers de
renseignements déclassifiés, et appuyant son cas en puisant dans
la correspondance personnelle de plusieurs des agents en cause.
Il démontre de façon concluante qu’au cours des mêmes années
où Henry Ford publiait sa série controversée « The International
Jew », des idées similaires, mais beaucoup plus tranchantes, étaient
omniprésentes dans notre propre communauté du renseignement.
En effet, alors que Ford se concentrait surtout sur la malhonnê-
teté, la malfaisance et la corruption juives, nos professionnels du
renseignement militaire considéraient le judaïsme organisé comme
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 74

une menace mortelle pour la société américaine et la civilisation


occidentale en général. D’où le titre du livre de Bendersky.

Le Juif international - Le problème le plus important au monde


HENRY FORD - 1920 - 323 000 MOTS
Ces croyances répandues ont eu d’importantes conséquences po-
litiques. Au cours des dernières décennies, nos principaux partisans
des restrictions en matière d’immigration ont régulièrement sou-
tenu que l’antisémitisme n’avait joué absolument aucun rôle dans la
loi de 1924 sur l’immigration, qui réduisait considérablement l’im-
migration européenne, et les débats et les discours que l’on trouve
dans le Congressional Record ont eu tendance à appuyer leurs re-
vendications. Cependant, l’année dernière, j’ai émis l’hypothèse que
la sensibilisation généralisée des dirigeants juifs [aux États-Unis] à
la Révolution bolchevique avait peut-être été un facteur important
derrière cette législation, mais qui n’a pas été divulgué. Les re-
cherches de Bendersky confirment pleinement mes soupçons, et il
révèle que l’un des anciens officiers militaires qui craignaient le plus
la subversion des immigrants juifs, a joué un rôle crucial dans l’or-
chestration de la législation, dont le principal objectif non déclaré
était d’éliminer tout nouvel afflux de Juifs d’Europe orientale.
La majeure partie des documents fascinants cités par Bendarsky
provient de rapports de renseignement et de lettres officielles conte-
nues dans des archives militaires. Par conséquent, nous devons gar-
der à l’esprit que les agents qui produisent de tels documents au-
raient certainement choisi leurs mots avec soin et évité de mettre
toutes leurs pensées controversées sur papier, ce qui laisse supposer
que leurs croyances réelles auraient pu être beaucoup plus extrêmes.
Un cas particulier de la fin des années 1930 impliquant un général
de haut rang donne un aperçu des opinions et des conversations
privées probables d’au moins certaines de ces personnes.
Bien que son nom ne signifie rien aujourd’hui, le chef d’état-
major adjoint George Van Horn Moseley a passé la plupart des
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 75

années 1930 comme un des généraux les plus respectés des États-
Unis, ayant été considéré pour le commandement supérieur de nos
forces armées et servant également de mentor personnel à Dwight
D. Eisenhower, au futur secrétaire d’État George C. Marshall, et à
de nombreuses autres figures militaires importantes. Il semble avoir
été très apprécié au sein de notre establishment militaire et avait
une excellente réputation personnelle.
Moseley avait aussi des opinions très arrêtées sur les grands
enjeux publics de l’époque, et après sa retraite en 1938, il a com-
mencé à se libérer de la discipline militaire et à faire la promotion
de ses opinions de façon agressive en participant à une tournée na-
tionale de conférences. Il dénonça à plusieurs reprises la montée en
puissance militaire de Roosevelt et, dans un discours prononcé au
début de 1939, il déclara que « la guerre proposée aujourd’hui a
pour but d’établir l’hégémonie juive à travers le monde ». Il a dé-
claré que seuls les Juifs profiteraient de la guerre, et affirmé que les
principaux Juifs de Wall Street avaient financé la Révolution russe,
en avertissant les Américains de ne pas laisser l’histoire se répéter.
Bien que le franc-parler de Moseley lui ait rapidement valu une ré-
primande de la part de l’administration Roosevelt, il a également
reçu des lettres privées de soutien d’autres généraux de haut rang
et de l’ancien président Herbert Hoover.
Dans son témoignage au Congrès juste avant le déclenchement
de la Seconde Guerre mondiale, Moseley est devenu encore plus
franc. Il déclara que les « escouades d’assassins » des communistes
juifs avaient tué « des millions de chrétiens », mais que « heureu-
sement, le caractère du peuple allemand s’était éveillé » contre ces
traîtres en leur sein et que par conséquent « nous ne devrions pas
reprocher aux Allemands de régler le problème du Juif sur leur ter-
ritoire pour toujours ». Il a même exhorté nos dirigeants nationaux
à« tirer profit » de l’exemple allemand pour s’attaquer problème
national juif de l’Amérique qui s’envenimait.
Comme on pouvait s’y attendre, l’éloge que Moseley fit en 1939
de la politique juive de l’Allemagne devant le Congrès provoqua une
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 76

puissante réaction médiatique, avec une manchette dans The New


Republic le dénonçant comme « une cinquième colonne » nazie,
The Nation l’attaquant de la même manière ; et après la guerre, la
plupart des personnages publics prirent progressivement leurs dis-
tances. Mais Eisenhower et Marshall continuèrent à le considérer en
privé avec beaucoup d’admiration et restèrent en correspondance
amicale pendant de nombreuses années, suggérant fortement que
sa dure appréciation des Juifs n’avait guère été un secret profond
dans son cercle personnel.
Bendarsky affirme que les cinquante caisses de mémoires, de
documents privés et de correspondances de Moseley contiennent
toutes sortes d’arguments antisémites jamais manifestés dans l’his-
toire de la civilisation occidentale, et d’après les divers exemples
extrêmes qu’il donne, peu de gens pourraient contester ce verdict.
Mais il note aussi que les déclarations de Moseley différaient peu
des descriptions des Juifs exprimées par le général George S. Pat-
ton immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, et même de
certains généraux à la retraite jusque dans les années 1970.
Bien que je ne remettrais pas en question l’exactitude des re-
cherches archivistiques exhaustives de Bendersky, il semble beau-
coup moins crédible sur l’histoire intellectuelle américaine et laisse
parfois ses sentiments personnels le conduire à de graves erreurs.
Par exemple, son premier chapitre consacre quelques pages à E.A.
Ross, citant certaines de ses descriptions peu flatteuses des Juifs
et de leur comportement, et suggérant qu’il était un antisémite
fanatique, qui redoutait « la catastrophe à venir d’une Amérique
envahie par des gens racialement inférieurs ».
Mais Ross était en fait l’un de nos plus grands sociologues, his-
toriquement, et sa discussion de 26 pages sur les immigrants juifs
publiée en 1913 était scrupuleusement juste et impartiale, décri-
vant à la fois les caractéristiques positives et négatives, suivant des
chapitres similaires sur les nouveaux venus irlandais, allemands,
scandinaves, italiens, et slaves. Et bien que Bendersky dénonce ré-
gulièrement ses propres méchants idéologiques en tant que « dar-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 77

winistes sociaux », la source qu’il cite au sujet de Ross a correc-


tement identifié le savant comme l’un des principaux critiques du
darwinisme social américain. En effet, la stature de Ross dans les
cercles de gauche était si grande qu’il fut choisi comme membre
de la Commission Dewey, organisée pour juger de manière indé-
pendante les accusations contradictoires colériques des staliniens
et des trotskystes. Et en 1936, un juif de gauche louait pleinement
la longue et distinguée carrière scientifique de Ross dans les pages
de The New Masses, le périodique hebdomadaire du Parti com-
muniste américain, regrettant seulement que Ross n’ait jamais été
prêt à embrasser le marxisme.

L’ancien monde dans le nouveau - Les Hébreux d’Europe de l’Est


E.A. ROSS - 1914 - 5 000 MOTS
De même, Bendersky est complètement hors de son domaine de
compétence dans la discussion des questions scientifiques, en par-
ticulier celles qui concernent l’anthropologie et le comportement
humain. Il se moque du « racisme scientifique » qui comme il l’a
noté, est largement répandu parmi les officiers militaires qu’il a étu-
diés, affirmant que de telles théories avaient déjà été démystifiées de
manière concluante par Franz Boas et ses collègues anthropologues
de la culture. Mais la science moderne a fermement établi que les
notions qu’il rejette si cavalièrement étaient substantiellement si-
non entièrement correctes alors que celles de Boas et de ses dis-
ciples étaient largement fallacieuses, et la conquête « Boasienne »
du monde académique a imposé un demi-siècle d’âge sombre aux
sciences anthropologiques, tout comme Lysenko l’avait fait en bio-
logie chez les soviétiques. En effet, le point de vue de Boas, un juif
immigré, a pu être principalement motivé par des considérations
idéologiques, et ses premiers travaux les plus célèbres ont semblé
impliquer une fraude pure et simple : il a prétendu avoir prouvé
que la forme des têtes humaines était déterminée par leur régime
alimentaire, et changeait rapidement parmi les groupes immigrés
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 78

en Amérique.
Mais bien plus graves que les manquements de Bendersky dans
des domaines extérieurs à son expertise professionnelle sont les
omissions massives et flagrantes que l’on retrouve au cœur même de
sa thèse. Ses centaines de pages de texte démontrent certainement
que pendant des décennies, nos meilleurs professionnels militaires
ont été très préoccupés par les activités subversives des commu-
nistes juifs, mais il semble négligemment rejeter ces craintes comme
absurdes, presque illusoires. Pourtant, les faits réels sont très dif-
férents. Comme je l’ai brièvement noté l’année dernière après mon
examen superficiel de son livre :
Le livre compte plus de 500 pages, mais lorsque j’ai
consulté l’index, je n’ai trouvé aucune mention des Ro-
senberg, ni de Harry Dexter White, ni d’aucun des très
nombreux espions juifs révélés par les décryptages de
Venona, et le terme « Venona » lui-même est égale-
ment absent de l’index. Les rapports montrant que la
direction des bolcheviques russes était majoritairement
juive sont généralement traités comme sectaires et pa-
ranoïaques, tout comme les descriptions du même dés-
équilibre ethnique au sein du Parti communiste amé-
ricain, sans parler du soutien financier important ap-
porté aux bolcheviques par les banquiers internationaux
juifs. A un moment donné, il rejette le lien entre les
Juifs et le communisme en Allemagne en notant que
« moins de la moitié » de la direction du Parti commu-
niste était juive ; mais comme moins d’un Allemand sur
cent venait de cette origine ethnique, les Juifs étaient
manifestement surreprésentés parmi les dirigeants com-
munistes à hauteur de 5 000 %. Cela semble être le
genre de malhonnêteté et d’innombrables erreurs que
j’ai régulièrement rencontrées parmi les experts juifs de
l’Holocauste.
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 79

Certes, le livre de Bendersky a été


publié juste 18 mois après la publi-
cation du premier volume de Venona
de John Earl Haynes et Harvey Klehr
au début de 1999. Mais les Venona
Decrypts eux-mêmes avaient été dé-
classifiés en 1995 et ont rapidement
commencé à circuler au sein de la
communauté académique. Pour Ben-
dersky, ignorer obstinément la réalité
indéniable d’un vaste et écrasant ré-
seau juif d’agents staliniens se trou-
vant près du sommet de l’administra-
tion Roosevelt, tout en ridiculisant les
officiers militaires qui faisait de telles
déclarations à l’époque, soulève de sérieux doutes sur sa crédibilité
en tant qu’historien objectif. Comme je l’ai souligné plus tôt cette
année :
De 1941 à 1944, le vice-président de FDR était Henry
Wallace, qui aurait succédé à la présidence si Roose-
velt ne l’avait pas révoqué cette dernière année juste
avant de décéder. Et bien que Wallace lui-même n’ait
pas été déloyal, ses principaux conseillers étaient sur-
tout des agents communistes. En effet, il déclara plus
tard qu’une administration Wallace aurait inclus Lau-
rence Duggan comme secrétaire d’État et Harry Dex-
ter White comme secrétaire du Trésor, installant ainsi
des hommes de main staliniens au sommet du gouver-
nement, vraisemblablement soutenus par de nombreux
fonctionnaires de niveau inférieur d’une conviction po-
litique similaire. On pourrait se demander, en plaisan-
tant, si les Rosenberg – plus tard exécutés pour trahison
– auraient été chargés de notre programme de mise au
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 80

point d’armes nucléaires.


Le fait que le gouvernement national américain du dé-
but des années 1940 ait en fait été à l’extrême limite –
ou plutôt à un battement de cœur – de tomber sous le
contrôle communiste est une vérité très désagréable. Et
nos livres d’histoire et nos médias populaires ont gardé
un silence total sur cet épisode remarquable au point que
même parmi les Américains instruits d’aujourd’hui, je
soupçonne que moins de 5% sont conscients de cette
sombre réalité.
Le projet Venona a constitué la preuve définitive de l’ampleur mas-
sive des activités d’espionnage soviétique en Amérique, que de nom-
breux journalistes et historiens du courant dominant nient réguliè-
rement depuis des décennies, et il a également joué un rôle secret
crucial dans le démantèlement de ce réseau d’espionnage hostile à la
fin des années 40 et dans les années 50. Mais Venona a été presque
étouffé un an après sa naissance. En 1944, des agents soviétiques
ont pris conscience de l’effort crucial de décryptage du code secret
et, peu après, ont fait en sorte que la Maison-Blanche de Roose-
velt publie une directive ordonnant l’arrêt du projet et l’abandon
de tous les efforts visant à découvrir l’espionnage soviétique. La
seule raison pour laquelle Venona a survécu, ce qui nous a permis
de reconstruire plus tard la politique fatidique de l’époque, était
que l’officier du renseignement militaire responsable du projet, ris-
quant la cour martiale, a désobéi directement à l’ordre présidentiel
explicite et à continué son travail.
Cet officier était le colonel Carter W. Clarke, mais sa place
dans le livre de Bendersky est beaucoup moins favorable, étant
décrit comme un membre éminent de la« clique » antisémite qui
constitue les méchants de son récit. En effet, Bendersky condamne
en particulier Clarke pour avoir semblé croire encore dans la réalité
essentielle des Protocoles des sages de Sion dans les années 1970,
citant une lettre qu’il avait écrite à un frère d’arme officier en 1977 :
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 81

Si, comme les Juifs l’affirment, les Protocoles des Sages


de Sion ont été élaborés par la police secrète russe, com-
ment se fait-il que tout ce qu’ils contiennent a déjà été
adopté et que le Washington Post et le New York Times
défendent si fermement le reste.
Nos historiens doivent sûrement avoir du mal à digérer le fait re-
marquable que l’officier responsable du projet vital Venona, dont
la détermination désintéressée l’a sauvé de la destruction par l’ad-
ministration Roosevelt, est en fait resté un croyant à vie dans l’im-
portance des Protocoles des sages de Sion.
Prenons un peu de recul et replaçons les conclusions de Ben-
dersky dans leur contexte. Nous devons reconnaître que pendant
la majeure partie de l’ère couverte par ses recherches, le renseigne-
ment militaire américain constituait la quasi-totalité de l’appareil
de sécurité nationale américain - l’équivalent d’une CIA, de la NSA
et du FBI - et était responsable de la sécurité internationale et in-
térieure, bien que ce dernier portefeuille ait été progressivement
assumé par la propre organisation en expansion de J. Edgar Hoo-
ver à la fin des années 1920.
Les années de recherches diligentes de Bendersky démontrent
que pendant des décennies, ces professionnels expérimentés - et
bon nombre de leurs commandants suprêmes - étaient fermement
convaincus que des éléments majeurs de la communauté juive or-
ganisée complotaient impitoyablement pour prendre le pouvoir en
Amérique, détruire toutes nos libertés constitutionnelles tradition-
nelles et, finalement, acquérir la maîtrise sur le monde entier.
Je n’ai jamais cru en l’existence des ovnis en tant que vaisseaux
spatiaux extraterrestres, rejetant toujours ces notions comme des
absurdités ridicules. Mais supposons que des documents gouverne-
mentaux déclassifiés révèlent que pendant des décennies, presque
tous nos officiers supérieurs de la Force aérienne avaient été ab-
solument convaincus de la réalité des OVNI. Pourrais-je continuer
dans mon refus insouciant d’envisager de telles possibilités ? À tout
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 82

le moins, ces révélations m’obligeraient à réévaluer sérieusement la


crédibilité probable d’autres personnes qui avaient fait des affirma-
tions similaires au cours de la même période.
Comme je l’ai écrit en 2018 :
Il y a quelques années, je suis tombé sur un livre qui
m’était totalement inconnu, datant de 1951 et intitulé
Iron Curtain Over America de John Beaty, un profes-
seur d’université très respecté. Beaty avait passé ses an-
nées de guerre dans le renseignement militaire, étant
chargé de préparer les rapports de briefing quotidiens
distribués à tous les hauts responsables américains ré-
sumant les informations de renseignement acquises au
cours des 24 heures précédentes, ce qui était évidem-
ment un poste à responsabilité considérable.
En tant qu’anticommuniste zélé, il considérait une grande
partie de la population juive américaine comme profon-
dément impliquée dans des activités subversives, consti-
tuant ainsi une menace sérieuse pour les libertés tra-
ditionnelles américaines. En particulier, la mainmise
juive croissante sur l’édition et les médias rendait de
plus en plus difficile pour les points de vue discordants
d’atteindre le peuple américain, ce régime de censure
constituant le rideau de fer décrit dans son titre. Il ac-
cusait les intérêts juifs de pousser à une guerre contre
l’Allemagne hitlérienne qui cherchait depuis longtemps
de bonnes relations avec l’Amérique mais qui avait subi
une destruction totale en raison de sa forte opposition
à la menace communiste qui était soutenue par les Juifs
d’Europe.
Beaty dénonçait aussi vivement le soutien américain
au nouvel État d’Israël, qui nous coûtait potentielle-
ment la bonne volonté de millions de musulmans et
d’Arabes. Et en passant, il a également critiqué les Is-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 83

raéliens pour avoir continué à prétendre qu’Hitler avait


tué six millions de juifs, une accusation hautement in-
vraisemblable qui n’avait aucun fondement apparent dans
la réalité et semblait n’être qu’une fraude concoctée par
les juifs et les communistes, visant à empoisonner nos
relations avec l’Allemagne de l’après-guerre et à souti-
rer au peuple allemand qui souffrait depuis déjà long-
temps de l’argent pour l’État juif.
Il dénonçait aussi le procès de Nuremberg, qu’il décrivait
comme une« tache indélébile majeure » sur l’Amérique
et une « parodie de justice ». Selon lui, la procédure
était dominée par des Juifs allemands vengeurs, dont
beaucoup se livraient à la falsification de témoignages
ou avaient même des antécédents criminels. En consé-
quence, ce « fiasco fétide » n’a fait qu’enseigner aux Al-
lemands que « notre gouvernement n’avait aucun sens
de la justice ». Le sénateur Robert Taft, le chef républi-
cain de l’immédiat après-guerre, avait une position très
similaire, ce qui lui a valu plus tard l’éloge de John F.
Kennedy dans Profiles in Courage. Le fait que le procu-
reur en chef soviétique de Nuremberg ait joué le même
rôle lors des fameux procès staliniens de la fin des an-
nées 1930, au cours desquels de nombreux anciens bol-
cheviques ont avoué toutes sortes de choses absurdes et
ridicules, n’a guère renforcé la crédibilité des procédures
aux yeux de nombreux observateurs extérieurs.
À l’époque comme aujourd’hui, un livre prenant des po-
sitions aussi controversées avait peu de chance de trou-
ver un éditeur new-yorkais, mais il fut quand même
publié par une petite entreprise de Dallas, puis rem-
porta un énorme succès, étant réimprimé dix-sept fois
au cours des années suivantes. Selon Scott McConnell,
le rédacteur en chef fondateur de The American Conser-
vative, le livre de Beaty est devenu le deuxième texte
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 84

conservateur le plus populaire des années 1950, ne se


classant qu’après le classique emblématique de Russell
Kirk, The Conservative Mind.
Bendersky consacre plusieurs pages à une discussion sur le livre
de Beaty, qui, selon lui, « compte parmi les diatribes antisémites
les plus vicieuses de l’après-guerre ». Il décrit également l’histoire
de son immense succès national, qui a suivi une trajectoire inha-
bituelle. Les livres d’auteurs inconnus qui sont publiés par de mi-
nuscules éditeurs se vendent rarement à beaucoup d’exemplaires,
mais le travail a attiré l’attention de George E. Stratemeyer, un gé-
néral à la retraite qui avait été l’un des commandants de Douglas
MacArthur, et il a écrit une lettre d’approbation a Beaty. Beaty a
commencé à inclure cette lettre dans ses campagnes de promotion,
suscitant la colère de l’ADL 1 , dont le ratemeyer, lui demandant
de répudier le livre, qui a été décrit comme une « amorce pour
les groupes marginaux déments » partout en Amérique. Au lieu
de cela, Stratemeyer a donné une réponse cinglante à l’ADL, la
dénonçant pour avoir proféré des « menaces voilées » contre « la
liberté d’expression et de pensée » et tenté d’établir une répres-
sion à la soviétique aux États-Unis. Il déclara que tout « citoyen
loyal » devrait lire The Iron Curtain Over America, dont les pages
révélaient enfin la vérité sur la situation de notre pays, et il com-
mença à promouvoir activement le livre dans tout le pays en atta-
quant la tentative juive de le faire taire. De nombreux autres géné-
raux et amiraux américains de haut rang se sont rapidement joints
à Statemeyer pour appuyer publiquement le travail, tout comme
quelques membres influents du Sénat américain, ce qui a conduit à
ses énormes ventes nationales. Ayant maintenant découvert que les
vues de Beaty étaient tout à fait cohérentes avec celles de presque
tous nos professionnels du renseignement militaire, j’ai décidé de
relire son petit livre, et j’en ai été profondément impressionné. Son
érudition et son sang-froid étaient exactement ce que l’on pou-
1. Anti Defamation League
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 85

vait attendre d’un universitaire accompli, titulaire d’un doctorat


de l’Université Columbia, qui avait atteint le grade de colonel au
cours de ses cinq années de service dans le renseignement militaire
et dans l’état-major général. Bien que fortement anti-communiste,
Beaty était, de toute évidence, un conservateur modéré, très ju-
dicieux dans ses affirmations et ses propositions. La dénonciation
hystérique de Bendersky a une influence fâcheuse sur la crédibilité
de l’émetteur de cette fatwa.
Le livre de Beaty a été écrit il y a
près de 70 ans, au tout début de notre
longue guerre froide, et n’est guère
exempt de diverses erreurs largement
répandues à l’époque, ni de préoccu-
pations profondes concernant diverses
calamités qui ne se sont pas pro-
duites, comme une troisième guerre
mondiale. De plus, puisqu’il a été pu-
blié quelques années seulement après
la victoire de Mao en Chine et au mi-
lieu de notre propre participation à la
guerre de Corée, sa discussion sur ces
grands événements contemporains est
beaucoup plus longue et détaillée que
ce qui intéresserait probablement les lecteurs actuels. Mais si l’on
laisse de côté ces petites imperfections, je pense que le récit qu’il
donne des circonstances réelles de l’implication de l’Amérique dans
la Première et la Seconde Guerres mondiales et leurs conséquences
immédiates est largement supérieur aux versions fortement incli-
nées et expurgées que nous trouvons dans nos livres d’histoire stan-
dard. Et la responsabilité quotidienne de Beaty en temps de guerre
de rassembler et de résumer tous les renseignements collectés, puis
de produire un résumé qui serait distribué à la Maison-Blanche et à
nos autres hauts fonctionnaires lui a certainement fourni une image
beaucoup plus précise de la réalité que celle du scribe typique de
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 86

troisième main.
Nous devrions au moins reconnaître que le livre de Beaty four-
nit un excellent résumé des croyances des officiers du renseignement
militaire américain et de bon nombre de nos principaux généraux
au cours de la première moitié du XXe siècle. Le droit d’auteur
étant expiré depuis longtemps, je suis heureux de le rendre dispo-
nible en format HTML, permettant au lecteur intéressé de le lire
et de juger par lui-même :

Le rideau de fer sur l’Amérique


JOHN BEATY - 1951 - 82 000 MOTS
Malgré les fulminations de Bendersky, Beaty semble avoir été
quelqu’un de sentiments assez modérés, qui voyait l’extrémisme de
n’importe quelle nature avec beaucoup de réserves. Après avoir dé-
crit la prise de pouvoir en cours dans la société américaine par des
immigrants juifs, pour la plupart alignés sur le sionisme interna-
tional ou le communisme international, les réponses qu’il suggérait
étaient étonnamment inoffensives. Il a exhorté les citoyens amé-
ricains à manifester leur désapprobation en écrivant des lettres à
leurs journaux et à leurs représentants élus, en signant des pétitions
et en apportant leur soutien politique aux éléments patriotiques des
partis démocrate et républicain. Il a également fait valoir que l’as-
pect le plus dangereux de la situation actuelle était le « rideau de
fer » de la censure juive qui empêchait les Américains ordinaires
de reconnaître la grande menace qui pèse sur leurs libertés, et a
affirmé que la lutte contre cette censure des médias était une tâche
de la plus haute importance.
D’autres d’origines et de points de vue similaires se sont par-
fois déplacés dans des directions beaucoup plus extrêmes. Il y a
une douzaine d’années, j’ai commencé à remarquer des références
éparses sur des sites Web marginaux à un certain Revilo P. Oli-
ver, un activiste politique du milieu du XXe siècle au nom étrange,
possédant apparemment une forte aura dans les cercles d’extrême
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 87

droite. Selon ces récits, après avoir servi au ministère de la Guerre


pendant la Seconde Guerre mondiale, il a entrepris une longue et
brillante carrière comme professeur de lettres classiques à l’Uni-
versité de l’Illinois. Puis, à partir du milieu des années 1950, il
s’est lancé en politique et s’est imposé comme une figure de proue
au début de la National Review et de la John Birch Society, bien
qu’il ait fini par rompre avec ces deux organismes lorsqu’il en est
venu à les considérer comme trop politiquement compromis et in-
efficaces. Par la suite, il s’est peu à peu mis en colère et est devenu
plus extrême dans ses opinions et, en 1974, il était devenu ami
avec William Pierce de l’Alliance nationale, suggérant le thème de
son roman The Turner Diaries qui s’est vendu à des centaines de
milliers d’exemplaires comme un énorme best-seller underground
et, selon les procureurs fédéraux, a servi d’inspiration à Oklahoma
City en 1995 pour les attentats.
Bien que je n’aie jamais entendu
parler d’Oliver ni de sa carrière inha-
bituelle, la plupart des faits que j’ai
pu vérifier semblaient exacts. Les pre-
mières années de la Revue nationale
avaient donné lieu à plus de 100 de
ses articles et critiques et un article
important du Saturday Evening Post
traitait de sa rupture rancunière avec
la John Birch Society. Quelques an-
nées plus tard, je suis devenu suffisam-
ment curieux pour commander son
livre de 1981 America’s Decline : The
Education of a Conservative, conte-
nant ses mémoires personnelles et plu-
sieurs de ses écrits. Il y en avait si peu
que, par hasard, celui que j’ai reçu était la copie personnelle de l’au-
teur, avec une étiquette de son adresse collée sur la couverture et
incluant quelques pages de sa correspondance personnelle et des
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 88

notes d’errata envoyées à son éditeur. De nos jours, les nombreux


exemplaires disponibles à la vente sur Amazon commencent à un
prix scandaleux de près de 150$, mais heureusement, le livre est
aussi disponible gratuitement pour lecture ou téléchargement sur
Archive.org. Lorsque j’ai lu pour la première fois le livre d’Oli-
ver il y a sept ou huit ans, il constituait l’une de mes premières
expositions à la littérature d’extrême droite, et je ne savais pas
du tout quoi en faire. Son énorme érudition classique était tout
à fait apparente, mais sa rhétorique politique semblait totalement
scandaleuse, avec le mot « conspiration » utilisé avec un abandon
sauvage, apparemment sur presque toutes les autres pages. Étant
donné ses querelles politiques amères avec tant d’autres person-
nages de droite et l’absence totale de tout appui de la part du
grand public, j’ai considéré ses affirmations avec beaucoup de scep-
ticisme, bien qu’un certain nombre d’entre elles me soient restées
dans la tête. Cependant, après avoir absorbé très récemment les
remarquables éléments présentés par Bendersky et relu Beaty, j’ai
décidé de revisiter le volume d’Oliver, et de voir ce que j’en pensais
à la deuxième lecture.
Bendersky ne fait aucune mention d’Oliver, ce qui est malheu-
reux puisque toutes les accusations fallacieuses qu’il avait portées
contre Ross et Beaty auraient été entièrement correctes si elles
avaient été portées contre Oliver. Contrairement à la plupart des
gens de droite, à l’époque ou aujourd’hui, Oliver était un militant
athée, ayant des opinions cinglantes envers le christianisme, et il
plaça plutôt le conflit racial au centre absolu de sa vision du monde,
faisant de lui un exemple de soutien ouvert au Darwinisme social,
une opinion fréquente dans les premières années du XXe siècle,
mais depuis longtemps cachée sous le tapis. Une bonne indication
de la dureté explicite des sentiments d’Oliver apparaît à la toute
première page de sa préface, lorsqu’il ridiculise l’inefficacité totale
des conservateurs dans la lutte contre « la situation existante, qui
résulte de l’invasion de leur pays par des hordes d’étrangers qui
sont, par nécessité biologique, leurs ennemis raciaux ». Ce genre de
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 89

Figure 4.1 – Revilo P. Oliver

déclaration aurait été inimaginable chez Beaty, qui mettait l’accent


sur la charité chrétienne et la bonne volonté.
Plus de la moitié du texte assez long est constituée d’articles
parus en 1955-1966 dans National Review, American Opinion (le
magazine de Birch) et Modern Age, généralement des critiques de
livres. La plupart des sujets ne sont guère d’un grand intérêt actuel
et discutent des conflits internes de la Rome antique, ou peut-être
fournissent les vues d’Oliver sur Spengler, Toynbee, John Dewey,
ou l’histoire haïtienne ; mais ces éléments établissent certainement
l’ampleur intellectuelle impressionnante de l’auteur. Selon l’intro-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 90

duction du livre, Oliver connaissait onze langues, y compris le sans-


krit, et je peux bien créditer cette affirmation.
Comme mentionné, Oliver méprisait particulièrement le chris-
tianisme et les prédicateurs chrétiens, et il consacra une partie sub-
stantielle du reste du livre à les ridiculiser ainsi que leurs doctrines,
déployant souvent sa grande érudition mêlée d’invectives grossières,
et écrivant généralement dans un style malicieux, plutôt drôle. Bien
que cela ne m’intéresse pas beaucoup, je pense que ceux qui par-
tagent les réticences religieuses d’Oliver pourraient trouver ses re-
marques plutôt amusantes.
Toutefois, le tiers environ du volume restant est axé sur des
questions factuelles et politiques, une grande partie de la documen-
tation étant très importante. Selon la dernière page de couverture,
Oliver avait passé la Seconde Guerre mondiale comme directeur
d’un groupe de recherche secret au ministère de la Guerre, à la
tête d’un département qui a fini par atteindre la taille de 175 per-
sonnes, et a été cité par la suite pour ses services gouvernementaux
exceptionnels. Ses déclarations se présentent certainement comme
étant extrêmement bien informées sur « l’histoire cachée » de cette
guerre, et il n’a absolument rien dit de ses opinions. La combinaison
de sa solide formation universitaire, de son point de vue personnel
et de son franc-parler extrême ferait de lui une source unique et
précieuse sur toutes ces questions.
Mais cette valeur est tempérée par sa crédibilité, mise en doute
par sa rhétorique souvent sauvage. Alors que je considérerais le livre
de Beaty comme assez fiable, du moins par rapport aux meilleures
informations disponibles à l’époque, et que je pourrais placer The
International Jew d’Henry Ford dans la même catégorie, j’aurais
tendance à être beaucoup plus prudent avant d’accepter les af-
firmations d’Oliver, surtout étant donné les émotions fortes qu’il a
exprimées. Outre ses nombreux articles réimprimés, le reste du livre
a été écrit alors qu’il avait soixante-dix ans, et il a exprimé à plu-
sieurs reprises son désespoir politique concernant ses nombreuses
années d’échec total dans divers projets politiques à droite. Il a dé-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 91

claré qu’il avait perdu tout espoir de restaurer un jour l’Amérique


contrôlée par les Aryens en 1939 et qu’il prévoyait plutôt le déclin
inévitable de notre pays, aux côtés de celui du reste de la civilisa-
tion occidentale. De plus, bon nombre des événements qu’il raconte
se sont produits trois ou quatre décennies plus tôt, et même dans
les meilleures des circonstances, ses souvenirs auraient pu être un
peu brouillés.
Cela dit, en relisant Oliver, j’ai été frappé de constater à quel
point sa description de l’implication de l’Amérique dans les deux
guerres mondiales semblait tout à fait conforme au récit de Beaty
ou à celui de nombreux autres journalistes et historiens très res-
pectés de l’époque, tels que ceux qui avaient contribué à Perpetual
War for Perpetual Peace. J’avais découvert ces éléments quelques
années après avoir lu le livre d’Oliver, et cela renforçait grandement
sa crédibilité.
Mais contrairement à ces autres écrivains, Oliver a souvent pré-
senté les mêmes faits de base de façon extrêmemement dramatique.
Par exemple, il a dénoncé la stratégie de bombardement aérien de
1940 de Churchill comme le crime de guerre le plus monstrueux :
La Grande-Bretagne, en violation de toute l’éthique de
la guerre civilisée qui avait jusque-là été respectée par
notre race, et en violation traîtresse des engagements
diplomatiques solennellement assumés sur les « villes
ouvertes », avait secrètement bombardé intensivement
de telles villes ouvertes en Allemagne dans le but af-
firmé de tuer suffisamment d’hommes et de femmes
désarmés et sans défense pour forcer le gouvernement
allemand à répliquer et à bombarder les villes britan-
niques et à tuer ainsi suffisamment d’hommes, de femmes
et d’enfants britanniques sans défense pour susciter chez
les Anglais l’enthousiasme pour la guerre folle dans la-
quelle leur gouvernement les avait engagés.
Il est impossible d’imaginer un acte gouvernemental plus
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 92

vil et plus dépravé que d’inventer la mort et la souf-


france pour son propre peuple - pour les citoyens mêmes
qu’il exhortait à la « loyauté » - et je soupçonne qu’un
acte de trahison aussi infâme et sauvage aurait rendu
malade même Genghis Khan ou Hulagu ou Tamerlan,
barbares orientaux universellement décriés pour leur fo-
lie sanguinaire. L’histoire, si je me souviens bien, n’in-
dique pas qu’ils aient jamais massacré leurs propres
femmes et enfants pour faciliter la propagande menson-
gère[...] En 1944, les membres du renseignement mili-
taire britannique ont tenu pour acquis qu’après la guerre,
Sir Arthur Harris serait pendu ou tué pour haute trahi-
son contre le peuple britannique. . .
Au moment où j’ai lu ces mots pour la première fois, ma connais-
sance de la Seconde Guerre mondiale se limitait surtout à des par-
ties de mes vieux manuels d’histoire pour les nuls dont je me souve-
nais à moitié, et j’étais naturellement assez sceptique devant les ac-
cusations étonnantes d’Oliver. Mais au cours des années suivantes,
j’ai découvert que les circonstances étaient exactement comme Oli-
ver l’avait prétendu, un historien aussi remarquable que David Ir-
ving ayant pleinement documenté les preuves. Ainsi, bien que l’on
puisse remettre en question la caractérisation exceptionnellement
dure d’Oliver ou sa rhétorique enflammée, les faits qu’il présente
ne semblent pas faire l’objet d’un débat sérieux.
Sa discussion sur l’entrée de l’Amérique dans la guerre est tout
aussi véhémente. Il souligne que ses collègues du ministère de la
Guerre avaient complètement cassé les codes japonais les plus sûrs,
donnant à notre gouvernement une connaissance complète de tous
les plans japonais :
Le message le plus exaltant jamais lu par les services de
renseignements militaires américains fut peut-être celui
envoyé par le gouvernement japonais à leur ambassa-
deur à Berlin (si je me souviens bien), l’exhortant à ne
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 93

pas hésiter à communiquer certaines informations par


télégramme et lui assurant qu’« aucun esprit humain »
ne pouvait déchiffrer des messages qui avaient été en-
codés sur la Machine pourpre. Cette assurance justifiait
la gaieté qu’elle provoquait. . .
Cependant, comme beaucoup d’autres l’ont prétendu, Oliver af-
firme que Roosevelt a alors délibérément autorisé [laissé faire, NdT]
l’attaque de Pearl Harbor et n’a pas averti les commandants mi-
litaires locaux, qu’il a ensuite fait paraître en cour martiale pour
leur négligence :
Tout le monde sait maintenant, bien sûr, que le mes-
sage adressé à l’ambassadeur du Japon à Washington,
l’avertissant que le Japon était sur le point d’attaquer
les États-Unis, a été lu par les services du renseigne-
ment militaire peu de temps après que l’ambassadeur
lui-même l’eut reçu, et que la couverture frénétique, im-
pliquant certains mensonges sur des détails, visait, non
à préserver ce secret, mais à protéger les traîtres à Wa-
shington qui se sont employés, assez longtemps pour que
l’attaque ait lieu, à assurer que cette dernière serait une
réussite, entraînant la perte maximale en vies améri-
caines et la destruction des navires américains.
De nombreux historiens semblent avoir établi que Roosevelt a fait
tout son possible pour provoquer une guerre contre le Japon. Mais
Oliver ajoute un détail fascinant que je n’ai jamais vu mentionné
ailleurs :
En janvier 1941, presque onze mois avant Pearl Har-
bor, les préparatifs commencèrent à Washington lorsque
Franklin D. Roosevelt convoqua l’ambassadeur du Por-
tugal aux États-Unis et, lui enjoignant de garder le plus
grand secret, lui demanda d’informer le premier mi-
nistre Salazar que le Portugal ne devait se soucier ni
de la sécurité du Timor ni de ses autres biens dans
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 94

le sud-est asiatique ; les États-Unis, a-t-il dit, avaient


décidé d’écraser le Japon pour toujours en attendant
que ses forces militaires et ses voies de communica-
tion soient suffisamment étendues, puis en lançant sou-
dainement une guerre totale par des attaques massives
auxquelles le Japon n’était pas, et ne pouvait être, prêt
à résister. Comme prévu, l’ambassadeur du Portugal a
communiqué la bonne nouvelle au chef de son gouver-
nement, en utilisant sa méthode de communication la
plus sûre, un code chiffré que les Portugais imaginaient
sans doute « incassable », mais que Roosevelt savait
bien avoir été compromis par les Japonais, qui lisent
actuellement tous les messages envoyés par radio. La
déclaration, ostensiblement confiée dans le « secret le
plus strict » à l’ambassadeur du Portugal, était, bien
entendu, destinée au gouvernement japonais et, en fait,
il est devenu certain que le tour avait réussi lorsque le
contenu du message de l’ambassadeur du Portugal à Sa-
lazar est rapidement apparu dans un message japonais
chiffré par la Machine pourpre. Roosevelt n’a plus eu
qu’à attendre que le Japon agisse sur la base des infor-
mations « secrètes » qui lui furent ainsi données sur les
plans américains, et qu’il ordonne des mouvements na-
vals et des négociations diplomatiques qui sembleraient
confirmer les intentions américaines aux Japonais.
Le fait que je viens de mentionner est vraiment le secret
ultime de Pearl Harbor, et semble avoir été inconnu de
l’amiral Theobald quand il a écrit son célèbre livre sur
le sujet.
Oliver note que Roosevelt avait longtemps cherché à faire par-
ticiper l’Amérique à la grande guerre européenne dont il avait or-
chestré le déclenchement, mais qu’il avait été bloqué par un senti-
ment national anti-guerre écrasant. Sa décision de provoquer une
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 95

attaque japonaise comme « porte dérobée » à la guerre n’a été prise


qu’après que toutes ses provocations militaires contre l’Allemagne
aient échoué à obtenir un résultat similaire :
Son premier plan a été défait par la prudence du gou-
vernement allemand. Tandis qu’il geignait contre le mal
provoqué par l’agression contre les Américains blancs
qu’il méprisait et détestait, Roosevelt utilisa la marine
américaine pour commettre d’innombrables actes d’agres-
sion furtifs et traîtres contre l’Allemagne dans une guerre
secrète et non déclarée, cachée au peuple américain, es-
pérant qu’un jour, une piraterie si massive exaspére-
rait tellement les Allemands que ceux-ci déclareraient la
guerre aux États-Unis, dont on pourrait alors gaspiller
les ressources et les hommes pour punir ceux qui tentent
de garder un pays souverain. Ces actes odieux de crimi-
nel de guerre étaient connus, bien sûr, des officiers et
des hommes de la Marine qui exécutaient les ordres de
leur commandant en chef, et étaient couramment dis-
cutés dans les cercles informés, mais, pour autant que
je sache, ils ont d’abord, et que beaucoup plus tard, été
relatés par Patrick Abbazia dans Mr. Roosevelt’s Navy :
the Private War of the U.S. Atlantic Fleet, 1939-1942,
publié par la Naval Institute Press à Annapolis en 1975.
. . .Bien que les actes de piraterie scandaleuse de la ma-
rine américaine en haute mer aient été dissimulés avec
succès à la majorité du peuple américain avant Pearl
Harbor, ils étaient, bien sûr, bien connus des Japonais,
et expliquent en partie le succès de Roosevelt à les trom-
per avec ses « confidences » à l’ambassadeur du Portu-
gal ... ils supposaient que lorsque Roosevelt serait prêt
à les attaquer, son pouvoir sur la presse américaine et
les communications lui permettrait de simuler une at-
taque qu’ils n’avaient pas faite en réalité. Le succès de
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 96

cette tromperie a bien sûr été démontré en décembre


1941, lorsqu’ils ont fait un effort désespéré pour éviter
le coup traître qu’ils craignaient.
Une fois que l’Amérique fut ainsi entrée en guerre, Oliver se concen-
tra ensuite sur la manière horrible dont les Alliés l’ont menée, uti-
lisant le bombardement aérien pour massacrer délibérément la po-
pulation civile de l’Allemagne :
Tant les Britanniques que les Américains ont toujours
prétendu être humains et ont condamné haut et fort les
effusions de sang inutiles, les massacres de masse et
le plaisir sadique d’infliger de la douleur ... en 1945,
ces prétentions pouvaient encore être crédibles sans au-
cun doute, et cela signifiait qu’ils seraient frappés de re-
mords pour un acte de sauvagerie sans précédent dans
l’histoire de notre race et sans précédent dans les ar-
chives de toutes les races. Le bombardement de la ville
non fortifiée de Dresde, au moment opportun pour assu-
rer une mort atroce d’un maximum de femmes et d’en-
fants blancs, a été décrit avec précision par David Irving
dans The Destruction of Dresden (Londres, 1963), mais
l’essentiel de cette atrocité répugnante fut connu peu
après son exécution. Certes, il est vrai qu’un tel acte au-
rait pu être ordonné par Hulagu, le célèbre Mongol qui a
eu le plaisir d’ordonner l’extermination de la population
de toutes les villes qui ne lui ont pas ouvert leurs portes
- et de certaines qui l’ont fait - afin que les têtes cou-
pées des habitants puissent être empilées en pyramides,
monuments périssables mais impressionnants pour sa
gloire. Les Américains et les Britanniques, cependant,
se considèrent plus civilisés que Hulagu et moins sa-
diques.
Il condamne aussi sévèrement la nature très brutale de l’occupation
américaine de l’Allemagne qui a suivi la fin de la guerre :
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 97

. . .avec l’invasion américaine du territoire allemand ont


commencé les innombrables atrocités contre sa popu-
lation civile — les atrocités contre les prisonniers ont
commencé encore plus tôt — qui ont valu à notre peuple
la réputation des hordes d’Attila. Les outrages étaient
innombrables et, pour autant que je sache, personne
n’a même essayé de dresser une liste des incidents ty-
piques de viol et de torture, de mutilation et de meurtre.
La plupart des atrocités innommables, il est vrai, ont
été commises par des sauvages et des Juifs en uni-
forme américain, mais beaucoup, il faut bien l’avouer,
ont été perpétrées par des Américains, des voyous de
notre propre société ou des hommes normaux fous de
haine. Toutes les armées victorieuses, il est vrai, contiennent
des éléments qui veulent outrager les vaincus, et peu
de commandants dans les guerres « démocratiques »
peuvent maintenir la discipline serrée qui a fait des ar-
mées de Wellington les merveilles de l’Europe ou la dis-
cipline qui a généralement caractérisé les armées alle-
mandes dans les deux guerres mondiales ; ce qui nous
fait honte, c’est que les atrocités ont été encouragées par
notre commandant suprême en Europe, dont les ordres,
probablement donnés quand il n’était pas ivre ou occupé
avec ses prostituées, ont rendu difficile ou dangereux
pour les généraux américains responsables d’observer ce
qui avait été les règles civilisées de la guerre. Presque
tous les soldats américains en Allemagne avaient été té-
moins du traitement barbare des vaincus, des citoyens
de l’une des plus grandes nations de la civilisation oc-
cidentale et de nos propres parents, et — malgré les ef-
forts pour les inciter à la haine inhumaine par la propa-
gande juive — beaucoup de nos soldats ont été témoins
de tels actes de violence avec pitié et honte. L’effet cu-
mulatif de leurs rapports à leur retour dans leur propre
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 98

pays aurait dû être important. Il n’est pas nécessaire de


multiplier les exemples, dont certains se trouvent dans
Advance to Barbarism de F.J.P. Veale (Londres, 1953).
Et il suggère que les tribunaux de Nuremberg ont apporté la honte
éternelle sur son propre pays :
J’ai été, bien sûr, profondément choqué par les meurtres
odieux de Nuremberg qui ont fait honte au peuple amé-
ricain. Les sauvages et les barbares orientaux tuent nor-
malement, avec ou sans torture, les ennemis qu’ils ont
vaincus, mais ils ne sombrent pas si bas dans l’échelle
de l’humanité en accomplissant la farce obscène de te-
nir des procès de parodie de justice avant de les tuer.
Les Américains, étant donné leur pouvoir absolu, en as-
sument la responsabilité et leur culpabilité ne peut être
transférée à leurs supposés alliés. Si les Américains,
je dis, avaient simplement massacré les généraux alle-
mands, ils pourraient prétendre ne pas être moralement
pire que les Apaches, les Balubas et autres primitifs. Les
peuples civilisés épargnent la vie des vaincus, montrant
à leurs chefs une considération respectueuse, et les ins-
tincts les plus profonds de notre race exigent une cour-
toisie chevaleresque envers les braves adversaires que la
fortune de la guerre a mis en notre pouvoir.
Punir les guerriers qui, contre toute adversité, ont com-
battu pour leur pays avec un courage et une détermina-
tion qui ont suscité l’émerveillement du monde, et les
tuer délibérément parce qu’ils n’étaient pas des lâches
et des traîtres, parce qu’ils n’ont pas trahi leur nation
- voilà un acte d’infamie dont nous avons longtemps
cru notre race incapable. Et pour accroître l’infamie de
notre acte, nous les avons stigmatisés comme « crimi-
nels de guerre », ce qu’ils n’étaient certainement pas,
car si cette expression a un sens, elle s’applique aux
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 99

traîtres qui impliquent sciemment leurs nations dans


une guerre visant à infliger la perte, la souffrance et la
mort à leur propre peuple, qui sont ainsi forcés de lutter
pour leur propre défaite effective - traîtres tels Chur-
chill, Roosevelt et leurs complices blancs. Et pour ajou-
ter une ultime obscénité au crime sadique, des « pro-
cès » ont été organisés pour condamner les vaincus se-
lon des « lois » inventées à cette fin, et sur la base de
faux témoignages extorqués aux prisonniers de guerre
par la torture. . .
. . .La responsabilité morale de ces crimes diaboliques in-
combe donc à nos propres criminels de guerre et, dans la
pratique, les nations portent toujours la responsabilité
des actes des individus qu’elles ont, même par erreur,
placés au pouvoir. Nous ne pouvons pas raisonnable-
ment blâmer Dzhugashvili, alias Staline : il n’était pas
un criminel de guerre, car il a agi, logiquement et sans
pitié, pour accroître le pouvoir et le territoire de l’Em-
pire soviétique, et il a été l’architecte du régime qui a
transformé une populace dégradée et barbare en ce qui
est maintenant la plus grande puissance militaire sur
terre, quels que fussent ses mobiles personnels.
Les mémoires d’Oliver ont été publiés par une minuscule maison de
presse londonienne dans une reliure en papier bon marché, n’avaient
même pas d’index et n’avaient guère de chance d’atteindre un pu-
blic important. Cela, ainsi que les preuves internes de ses paroles,
me porte à croire qu’il a été très sincère dans ses déclarations, du
moins en ce qui concerne toutes ces sortes de questions historiques
et politiques. Et compte tenu de ces croyances, il ne faut pas s’éton-
ner de la rhétorique enflammée qu’il dirige contre les cibles de sa
colère, en particulier Roosevelt, qu’il qualifie à plusieurs reprises
de « grand criminel de guerre ».
La sincérité n’est évidemment pas une garantie d’exactitude.
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 100

Mais l’examen approfondi des lettres privées et des mémoires per-


sonnels de Bendersky révèle qu’une grande partie de nos officiers
du renseignement militaire et de nos généraux de haut rang sem-
blaient partager de près l’opinion d’Oliver sur Roosevelt, dont la
mort a provoqué une « exultation » et une « joie farouche » dans
leur cercle social. Enfin, l’un d’eux a écrit : « Cet homme maléfique
est mort ! »
De plus, bien que les paroles d’Oliver soient aussi vives que
celles de Beaty sont mesurées, les affirmations factuelles des deux
auteurs sont assez similaires en ce qui concerne la Seconde Guerre
mondiale, de sorte que tous les généraux de haut rang qui ont
soutenu avec enthousiasme le best-seller de Beaty en 1951 peuvent
être considérés comme apportant un soutien implicite à Oliver.
Pensez aussi aux journaux personnels et aux conversions rap-
portées du général George S. Patton, l’un de nos commandants de
campagne les plus renommés. Ils révèlent que peu après la fin des
combats, il s’est indigné d’avoir été totalement trompé au sujet
des circonstances du conflit et qu’il avait l’intention de retourner
aux États-Unis, de démissionner de sa charge militaire et d’entre-
prendre une tournée nationale pour présenter au peuple américain
les faits réels sur la guerre. Au lieu de cela, il est mort dans un
accident de voiture très suspect la veille de son départ prévu, et il
existe de très nombreuses preuves qu’il a été assassiné par l’OSS
américain.
La discussion d’Oliver sur la Seconde Guerre mondiale offre une
rhétorique remarquablement vivante et quelques détails intrigants,
mais son analyse de base n’est pas si différente de celle de Beaty ou
de nombreux autres auteurs. De plus, Beaty avait un point de vue
plus haut placé pendant le conflit, tandis que son livre a été publié
quelques années seulement après la fin des combats et a également
été beaucoup plus largement approuvé et distribué. Ainsi, bien que
la candeur extrême d’Oliver puisse ajouter beaucoup de couleur à
notre image historique, je pense que ses mémoires sont probable-
ment plus utiles pour leurs autres éléments, comme sa compréhen-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 101

sion unique des origines de la National Review et de la John Birch


Society, deux des principales organisations de droite établies dans
les années 1950.
Oliver commence son livre en décrivant son départ de Washing-
ton DC et du service gouvernemental en temps de guerre à l’au-
tomne 1945, tout à fait convaincu que l’horrible trahison nationale
dont il avait été témoin à la tête du gouvernement américain al-
lait bientôt susciter« une réaction d’indignation nationale qui allait
devenir une véritable furie ». Comme il le dit :
Cette réaction, je m’y attendais, se produirait automa-
tiquement, et ma seule préoccupation était le bien-être
de quelques amis qui s’étaient innocemment et en toute
ignorance battus pour la guerre avant que l’indicible
monstre de la Maison-Blanche ne parvienne à convaincre
les Japonais de détruire la flotte américaine à Pearl
Harbor. Je me demandais si un plaidoyer d’ignorance
les sauverait des représailles que j’avais prévues !
Il a passé la décennie suivante entièrement engagé dans ses études
classiques et à établir une carrière académique, tout en notant cer-
tains des premiers signes encourageants du soulèvement politique
qu’il s’attendait pleinement à voir :
En 1949, le membre du Congrès Rankin présenta un
projet de loi qui reconnaîtrait comme subversive et hors-
la-loi la « Anti- »Defamation League of B’nai B’rith,
la formidable organisation des cow-boys juifs qui che-
vauchent leur bétail américain... Dans les deux chambres
des représentants et les comités du Sénat ont commencé
des enquêtes sur la trahison cachée et la subversion
étrangère...Puis le sénateur McCarthy entreprit une en-
quête plus approfondie, qui semblait ouvrir une fuite vi-
sible dans la vaste digue de tromperie érigée par nos en-
nemis, et il était facile de supposer que le petit jet d’eau
qui jaillissait à travers cette fuite se développerait jus-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 102

qu’à ce que le barrage se brise et libère une irrésistible


crue.
Toutefois, en 1954, il a reconnu que la destruction politique de
McCarthy était proche et que les forces opposées qu’il méprisait
tant avaient pris le dessus. Il a été confronté à la décision cruciale
de s’impliquer ou non dans la politique et, dans l’affirmative, quelle
forme cela pourrait prendre.
Un de ses amis, un professeur de droite de Yale du nom de
Wilmoore Kendall, a fait valoir qu’un facteur crucial dans la do-
mination juive de la vie publique américaine était leur contrôle sur
des revues d’opinion influentes telles que The Nation et The New
Republic, et que le recours le plus efficace pourrait consister à lan-
cer une publication concurrente. Pour ce faire, il avait recruté un
étudiant qu’il appréciait, du nom de William F. Buckley Jr, qui
pouvait puiser dans les ressources financières de son père riche,
connu depuis longtemps dans certains milieux pour son parrainage
discret de diverses publications anti-juives et « son opinion privée
radicale sur la perversion des étrangers dans notre vie nationale ».
Quelques années plus tôt, le célèbre mensuel littéraire de H.L.
Mencken, The American Mercury, avait connu des temps difficiles
et avait été acheté par l’un des hommes les plus riches d’Amérique,
Russell Maguire, qui espérait l’utiliser en partie comme véhicule
pour ses sentiments anti-juifs extrêmement forts. En effet, l’un des
cadres supérieurs de Maguire pendant quelques années fut George
Lincoln Rockwell, mieux connu pour avoir plus tard fondé le Parti
nazi américain. Mais, selon Oliver, les énormes pressions concertées
exercées par les intérêts juifs sur les kiosques à journaux et les
imprimeurs avaient causé de grandes difficultés à ce magazine, qui
allaient finalement forcer Maguire à abandonner l’effort et à vendre
le magazine.
Kendall et Oliver espéraient que le nouvel effort de Buckley
pourrait réussir là où celui de Maguire avait échoué, peut-être en
évitant toute mention directe des questions juives et en se concen-
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 103

trant plutôt sur les menaces des communistes, socialistes et libé-


raux, qui étaient des cibles beaucoup moins risquées à attaquer.
Buckley avait déjà acquis une certaine expérience journalistique en
travaillant au Mercury pendant quelques années, de sorte qu’il était
probablement bien conscient de l’environnement politique difficile
auquel il pourrait être confronté.
Bien que L. Brent Bozell, un autre de ses jeunes protégés de
Yale, travaillera également avec Buckley sur la nouvelle entreprise,
Kendall a dit à Oliver qu’il n’avait pas réussi à trouver un seul
professeur d’université prêt à risquer son nom comme contributeur.
Cela a incité Oliver à relever le défi avec une telle détermination que
plus de ses œuvres ont paru dans la National Review au cours des
années 1950 que presque tout autre écrivain, même avant Kendall
lui-même. Apparemment, Oliver avait déjà été ami avec Buckley,
ayant participé à la fête de mariage de ce dernier en 1950.
Mais du point de vue d’Oliver, le projet s’est avéré un échec
lamentable. Contre tous les conseils, Buckley fonda son magazine
en tant qu’entreprise à but lucratif, faisant circuler un prospectus,
vendant des actions et des débentures, et promettant à ses bailleurs
de fonds un excellent rendement financier. Au lieu de cela, comme
tout autre magazine politique, il a toujours perdu de l’argent et a
rapidement été contraint de solliciter des dons, ce qui a grandement
irrité ses investisseurs initiaux.
Une autre préoccupation était que juste avant le lancement, un
couple d’anciens communistes juifs qui dirigeaient alors un maga-
zine conservateur existant a eu vent de la nouvelle publication et a
proposé de trahir leur employeur et de faire venir tous leurs abon-
nés existants s’ils se voyaient confier des rôles de direction. Bien
qu’ils aient été dûment amenés à bord, leur coup d’État planifié de
leur ancienne publication The Freeman a échoué, et aucune prime
promise d’abonnés n’est apparue. Avec le recul, Oliver s’est mis à
se méfier profondément de ces développements et de la façon dont
la publication s’était si rapidement détournée de sa mission prévue.
Il écrit :
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 104

. . .ce n’est que longtemps après que le professeur Ken-


dall eut été exclu de l’organisation et que j’eus rompu
mes liens avec celle-ci que j’ai perçu que chaque fois
qu’une revue potentiellement influente était fondée, elle
recevait l’aide de juifs « conservateurs » de talent, qui
sont chargés de surveiller les enfants aryens et de veiller
à ce qu’ils ne jouent qu’à des jeux approuvés.
Oliver a également souligné le grave dilemme auquel sont confrontés
le magazine et toutes les autres organisations destinées à combattre
l’influence des Juifs et des communistes. Pour des raisons évidentes,
ils se sont presque invariablement centrés sur un fort soutien au
christianisme. Mais Oliver était un athée militant qui détestait la
foi religieuse et croyait donc qu’une telle approche aliénait inévi-
tablement « le très grand nombre d’hommes instruits qui... étaient
repoussés par l’hypocrisie, l’obscurantisme et les ambitions féroces
du clergé ». Ainsi, les mouvements anticommunistes chrétiens ont
souvent eu tendance à produire une forte réaction de sympathie
pour le communisme dans les cercles d’élite.
Les petites publications idéologiques sont connues pour leurs
intrigues amères et leurs disputes colériques, et je n’ai fait aucun
effort pour comparer la brève esquisse d’Oliver de la création de
National Review avec d’autres récits, qui fourniraient certainement
des perspectives très différentes. Mais ces faits de base me semblent
vrais.
En 1958, Oliver s’était établi comme l’un des principaux contri-
buteurs de la National Review, et il a été contacté par un riche
homme d’affaires du Massachusetts nommé Robert Welch, qui avait
été l’un des premiers investisseurs du magazine mais qui était très
déçu par son inefficacité politique, et les deux hommes ont cor-
respondu et sont progressivement devenus très amis. Welch s’est
dit préoccupé par le fait que la publication se concentrait princi-
palement sur la frivolité et les tentatives pseudo-littéraires, alors
qu’elle minimisait ou ignorait de plus en plus le rôle conspirateur
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 105

des étrangers juifs qui avaient acquis un tel degré de contrôle sur le
pays. Les deux hommes finirent par se rencontrer et, selon Oliver,
ils semblaient tout à fait d’accord sur le sort de l’Amérique, dont
ils discutèrent en toute franchise.
Vers la fin de la même année, Welch décrit ses plans pour re-
prendre le contrôle du pays par la création d’une organisation natio-
nale semi-secrète d’individus patriotiques, principalement issus des
classes moyennes supérieures et des hommes d’affaires prospères,
qui devint par la suite la John Birch Society. Avec sa structure et
sa stratégie inspirées par le Parti communiste, il devait être étroi-
tement organisé en cellules locales individuelles, dont les membres
établiraient alors un réseau d’organisations de façade pour des pro-
jets politiques particuliers, toutes apparemment sans lien les unes
avec les autres mais en réalité sous leur influence dominante. Des
directives secrètes seraient transmises de bouche à oreille à chaque
cellule local par l’intermédiaire de coordinateurs envoyés du siège
central de Welch, un système également calqué sur la stricte disci-
pline hiérarchique des mouvements communistes.
Welch a dévoilé sa proposition en privé à un petit groupe de
cofondateurs potentiels, qui, à l’exception d’Oliver, étaient tous
de riches hommes d’affaires. Il a admis candidement son propre
athéisme et a expliqué que le christianisme n’aurait aucun rôle dans
le projet, ce qui lui coûta quelques soutiens potentiels ; mais une
douzaine d’entre eux s’engagèrent, notamment Fred Koch, le père
fondateur des Industries Koch. Un accent minimal devait être mis
sur les questions juives, en partie pour éviter d’attirer l’attention
des médias et en partie dans l’espoir qu’un schisme croissant entre
juifs sionistes et non sionistes pourrait affaiblir leur puissant adver-
saire, ou si le premier prenait le dessus, peut-être aider à assurer
le déplacement de tous les juifs au Moyen Orient.
Au fur et à mesure que le projet avançait, un magazine mensuel
appelé American Opinion a été lancé et Oliver a pris la responsa-
bilité d’une grande partie de chaque numéro. Compte tenu de son
importance universitaire et politique, il est également devenu l’un
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 106

des principaux conférenciers de l’organisme dans des lieux publics


et un visiteur influent de plusieurs de ses sections locales.
Bien qu’Oliver soit resté une figure de proue de l’organisation
jusqu’en 1966, il a conclu plus tard que les graves erreurs de Welch
avaient condamné le projet à l’échec en quelques années seulement
après sa création. Très tôt, un journaliste juif avait obtenu une
copie de certains des écrits secrets et controversés de Welch et leur
révélation publique avait paniqué l’un des plus éminents dirigeants
de Birch, produisant bientôt un scandale médiatique majeur. Welch
a hésité à plusieurs reprises entre défendre et nier son manuscrit
secret, forçant ses associés à prendre des positions contradictoires,
et rendant l’ensemble de la direction à la fois malhonnête et ridicule,
une tendance qui devait se répéter dans les années à venir.
Selon Oliver, près de quatre-vingts mille hommes et femmes se
sont enrôlés dans l’organisation au cours de la première décennie,
mais il craignait que leurs efforts énergiques et leur engagement ne
soient entièrement gaspillés, ne produisant rien de valeur. Au fil
des ans, l’inefficacité de l’organisation devint de plus en plus évi-
dente, tandis que le contrôle autocratique de Welch bloquait tout
changement nécessaire de l’intérieur puisque son conseil exécutif
fonctionnait simplement comme une feuille de vigne impuissante.
Bien qu’Oliver restait convaincu que Welch avait été sincère lors-
qu’il avait commencé l’effort, l’accumulation de tant de faux pas
inutiles l’a finalement amené à soupçonner un sabotage délibéré.
Il prétendait que son enquête minutieuse avait révélé que les pro-
blèmes financiers de l’organisation avaient forcé Welch à se tourner
en désespoir de cause vers des donateurs juifs de l’extérieur, qui de-
vinrent alors ses seigneurs secrets, ce qui l’avait conduit à rompre
avec beaucoup de rancœur avec l’organisation en 1966 et à la dé-
noncer comme une fraude. Bien que je n’aie pas les moyens faciles
de vérifier la plupart des affirmations d’Oliver, son histoire ne me
semble guère invraisemblable.
Oliver soulève également un point important au sujet du grave
dilemme engendré par la stratégie de Welch. L’un des objectifs
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 107

centraux de l’organisation était de combattre l’influence juive or-


ganisée en Amérique, mais toute mention des Juifs était interdite,
de sorte que le terme officiellement utilisé pour désigner leurs enne-
mis subversifs était le « complot communiste international ». Oliver
a admis que l’usage de cette expression omniprésente était devenu
« lourde » et « monotone », et en effet elle ou ses variantes appa-
raissent avec une régularité remarquable dans les articles tirés du
magazine Birch.
Selon Oliver, l’intention était de permettre aux membres de tirer
leurs propres conclusions logiques sur qui était vraiment derrière
la « conspiration » à laquelle ils s’opposaient tout en permettant
à l’organisation elle-même de maintenir un déni plausible. Mais
le résultat fut un échec total, les organisations juives comprenant
parfaitement le jeu, tandis que des individus intelligents conclurent
rapidement que l’organisation de Birch était soit malhonnête, soit
délirante, ce qui n’est pas une déduction déraisonnable. À titre
d’exemple de cette situation, le regretté journaliste d’investigation
Michael Collins Piper en 2005 a raconté l’histoire de l’« adhésion
d’une minute » à la John Birch Society qu’il avait embrassée à
l’âge de 16 ans. En fait, à la fin des années 1960, toute expression
publique d’antisémitisme par des membres de Birch devenait un
motif d’expulsion immédiate, une situation plutôt ironique pour
une organisation fondée à l’origine une décennie plus tôt avec des
buts antisémites déclarés.
Après sa rupture de 1966 avec Welch, Oliver réduisit considéra-
blement son écriture politique, qui n’est plus apparu désormais que
dans des cénacles beaucoup plus petits et plus extrêmes que le ma-
gazine Birch. Son premier livre ne contient que quelques passages
de ce genre, mais le seconde, publié dans un magazine britannique
de droite en 1980, présente un certain intérêt.
Comme on pouvait s’y attendre, Oliver avait toujours été par-
ticulièrement cinglant à l’égard du prétendu Holocauste juif, et au
tout début de son livre, il expose ses propres vues avec une force
typique :
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 108

Les Américains ... hurlaient d’indignation devant la pré-


tendue extermination par les Allemands de quelques mil-
lions de Juifs, dont beaucoup avaient profité de l’occa-
sion pour se glisser aux États-Unis, et . . .on aurait pu
supposer en 1945 que lorsque le canular, conçu pour
encourager le bétail qui était expédié depuis l’Europe,
aurait été exposé, même les Américains se seraient in-
dignés d’avoir été si complètement embobinés.
L’exposition rapide de l’escroquerie sanglante semblait
inévitable, d’autant plus que les agents de l’OSS, com-
munément connus dans les milieux militaires sous le
nom d’Office of Soviet Stooges 2 , qui avaient été en-
voyés pour conquérir l’Allemagne afin d’y installer des
chambres à gaz pour prêter une crédibilité au canular,
avaient été si paresseux et insensibles qu’ils n’avaient
envoyé que des images de bains douche, ce qui était
tellement absurde que pour éviter tout ridicule elles ont
dû être supprimées. Personne n’aurait pu croire en 1945
que le mensonge serait utilisé pour extorquer trente mil-
liards de dollars aux Allemands sans défense et qu’il
serait enfoncé dans l’esprit des enfants allemands par
des « éducateurs » américains grossiers - ou que les
hommes civilisés devraient attendre 1950 pour que Paul
Rassinier, qui avait lui-même été prisonnier dans un
camp de concentration allemand, puisse contester le fa-
meux mensonge ou 1976 pour que le professeur Arthur
Butz démentit en détail et de manière exhaustive l’im-
posture venimeuse de la crédulité aryenne.
Le canular du XXe siècle - Les arguments contre l’extermination
présumée des Juifs d’Europe
ARTHUR R. BUTZ - 1976/2015 - 225 000 MOTS

2. Bureau des larbins soviétiques, NdT


LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 109

Dans son article réédité, Oliver a abordé ce même sujet de ma-


nière beaucoup plus approfondie et dans le contexte de ses impli-
cations théoriques plus larges. Après avoir raconté divers exemples
de fraudes et de camouflages historiques, à commencer par la lettre
peut-être falsifiée du jeune Pline, il s’est étonné que l’histoire de
l’Holocauste continue à être largement acceptée, malgré l’existence
de centaines de milliers de témoins directs du contraire. Il a sug-
géré qu’une situation scientifique aussi étonnante doit nous forcer
à réévaluer nos hypothèses sur la nature des méthodes de preuve
en historiographie.
Le rejet péremptoire par Oliver du récit standard de l’Holo-
causte m’a amené à examiner de plus près le traitement du même
sujet dans le livre de Bendersky, et j’ai remarqué quelque chose
de très étrange. Comme nous l’avons vu plus haut, ses recherches
exhaustives dans les dossiers officiels et les archives personnelles
ont permis d’établir de façon concluante qu’au cours de la Seconde
Guerre mondiale, une fraction très considérable de tous nos of-
ficiers du renseignement militaire et de nos généraux supérieurs
étaient farouchement hostiles aux organisations juives et avaient
également des convictions qui seraient considérées comme totale-
ment délirantes de nos jours. La spécialité académique de l’auteur
est l’étude de l’Holocauste, il n’est donc pas surprenant que son
plus long chapitre ait porté sur ce sujet particulier, portant le titre
« Les officiers et l’Holocauste, 1940-1945 ». Mais un examen at-
tentif du contenu soulève des questions troublantes.
Sur plus de soixante pages, Bendersky fournit des centaines de
citations directes, provenant pour la plupart des mêmes officiers
qui font l’objet du reste de son livre. Mais après avoir lu attenti-
vement le chapitre deux fois, je n’ai pas pu trouver une seule de
ces déclarations faisant référence au massacre massif des Juifs qui
constitue ce que nous appelons communément l’Holocauste, ni à
aucun de ses éléments centraux, comme l’existence des camps de
la mort ou des chambres à gaz.
Le chapitre de quarante pages qui suit se concentre sur le sort
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 110

des « survivants » juifs dans l’Europe d’après-guerre, et le même


silence total s’applique. Bendersky est dégoûté par les sentiments
cruels exprimés par ces militaires américains à l’égard des anciens
détenus juifs des camps, et il les cite souvent en les qualifiant de vo-
leurs, de menteurs et de criminels ; mais les officiers semblent étran-
gement ignorer que ces âmes malheureuses avaient à peine échappé
à une campagne organisée de destruction massive qui avait si récem-
ment tué la grande majorité de leurs semblables. De nombreuses
déclarations et citations concernant l’extermination des Juifs sont
fournies, mais toutes proviennent de divers militants et organisa-
tions juifs, alors que tous les officiers militaires eux-mêmes ne font
que garder le silence.
Les dix années de recherches dans les archives de Bendersky
ont mis au jour des lettres personnelles et des mémoires d’officiers
militaires écrites des décennies après la fin de la guerre, et dans
ces deux chapitres, il cite librement ces documents inestimables, y
compris parfois des remarques privées de la fin des années 1970,
longtemps après que l’Holocauste fut devenu un sujet majeur dans
la vie publique américaine. Pourtant, aucune déclaration de tris-
tesse, de regret ou d’horreur n’est fournie. Ainsi, un éminent histo-
rien de l’Holocauste passe une décennie à faire des recherches dans
un livre sur les opinions privées de nos officiers militaires sur les
Juifs et les sujets juifs, mais les cent pages qu’il consacre à l’Ho-
locauste et à ses conséquences immédiates ne contiennent pas une
seule citation directement pertinente de ces individus, ce qui est
simplement étonnant. Un gouffre béant semble exister au centre
de son long volume historique, ou en d’autres termes, « un chien
hurlant nous assourdissant de son silence ».
Je ne suis pas un chercheur archiviste et je n’ai aucun intérêt
à examiner les dizaines de milliers de pages de documents sources
qui se trouvent dans des douzaines de dépôts d’archives à travers le
pays et que Bendersky a examinés avec tant de diligence pendant
la production de son important livre. Peut-être durant toute leur
activité de guerre et pendant les décennies qui suivirent, pas un seul
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 111

des quelque cent officiers militaires importants qui ont fait l’objet
de son enquête n’a jamais abordé le sujet de l’Holocauste ou du
massacre des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais je
pense qu’il y a une autre possibilité.
Comme nous l’avons déjà mentionné, Beaty a passé ses années
de guerre à examiner attentivement chaque jour la somme totale de
toutes les informations reçues des services de renseignement, puis à
produire un résumé officiel qui sera distribué à la Maison-Blanche
et à nos autres hauts dirigeants. Et dans son livre de 1951, pu-
blié quelques années seulement après la fin des combats, il a rejeté
l’Holocauste présumé comme une concoction ridicule du temps de
guerre par des propagandistes juifs et communistes malhonnêtes,
sans fondement dans la réalité. Peu de temps après, le livre de
Beaty a été entièrement endossé et promu par plusieurs de nos
principaux généraux de la Seconde Guerre mondiale, y compris
ceux qui ont fait l’objet des recherches d’archive de Bendersky. Et
bien que l’ADL et diverses autres organisations juives aient violem-
ment dénoncé Beaty, rien n’indique qu’elles aient jamais contesté
son « négationnisme » absolument explicite.
Je soupçonne que Bendersky a progressivement découvert qu’un
tel « déni de l’Holocauste » était remarquablement courant dans les
journaux privés de bon nombre de ses officiers du renseignement
militaire et de ses généraux supérieurs, ce qui lui posait un grave
dilemme. Si seulement une ou deux de ces personnes avaient ex-
primé de tels sentiments, leurs déclarations choquantes pourraient
être citées comme preuve supplémentaire de leur antisémitisme dé-
lirant. Mais qu’en est-il si une grande majorité de ces officiers -
qui possédaient certainement la meilleure connaissance de la réa-
lité de la Seconde Guerre mondiale - avaient des convictions privées
très semblables à celles exprimées publiquement par leurs anciens
collègues Beaty et Oliver ? Dans une telle situation, Bendersky a
peut-être décidé que certaines portes fermées devaient rester dans
cet état et a entièrement éludé le sujet.
A l’âge de 89 ans, Richard Lynn est sûrement le « grand vieil
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 112

homme » de la recherche sur le QI, et en 2002, lui et son co-


auteur Tatu Vanhanen ont publié leur ouvrage fondateur IQ and
the Wealth of Nations. Leur volume soutenait fortement que la
capacité mentale mesurée par des tests standardisés es facteurs
héréditaires et génétiques, et pendant près de deux décennies, les
résultats de leurs recherches ont constitué un pilier central du mou-
vement autour du QI qu’ils ont inspiré pendant longtemps. Mais
comme je l’ai fait valoir dans un article important il y a plusieurs
années, la quantité massive de preuves qu’ils ont présentées dé-
montre en fait la conclusion exactement opposée :
Nous sommes maintenant confrontés à un mystère sans
doute plus grand que celui du QI lui-même. Étant donné
les puissantes munitions que Lynn et Vanhanen ont
fournies à ceux qui s’opposent à leur propre « forte hy-
pothèse autour du QI », nous devons nous demander
pourquoi cela n’a jamais attiré l’attention de l’un ou
l’autre des camps en guerre dans ce conflit sans fin et
amer autour du QI, malgré leur connaissance présu-
mée du travail des deux éminents chercheurs. En fait,
je dirais que les 300 pages annoncées par Lynn et Van-
hanen constituaient un but personnel de fin de partie
contre leur côté déterministe du QI, mais qu’aucune
des équipes idéologiques concurrentes ne l’a jamais re-
marqué.
Le fait que des chercheurs aveuglés par l’idéologie produisent par-
fois des recherches qui constituent un but personnel de fin de partie
peut être beaucoup plus courant que ce à quoi la plupart d’entre
nous pourraient s’attendre. Janet Mertz et ses coauteurs féministes
zélées ont consacré énormément de temps et d’efforts pour établir
de façon concluante que dans presque tous les pays du monde, peu
importe la culture, la région et la langue, le groupe des élèves les
plus performants en mathématiques a presque toujours été composé
d’environ 95 % de garçons et seulement 5 % de filles, un résultat
LES SECRETS DU RENSEIGNEMENT MILITAIRE 113

qui semble miner profondément leur hypothèse que les hommes et


les femmes ont une compétence égale en mathématiques.
De même, dix ans de recherches archivistiques exhaustives de
Joseph Bendersky ont produit un volume qui semble démolir com-
plètement notre récit conventionnel de l’activisme politique juif en
Europe et en Amérique entre les deux guerres mondiales. De plus,
lorsqu’on y réfléchit attentivement, je pense que son texte consti-
tue un poignard visant avec une précision mortelle directement au
cœur de notre récit conventionnel de l’Holocauste, son propre do-
maine d’étude pour la vie et un pilier central du cadre idéologique
actuel de l’Ouest.
Au cours des deux dernières années, les pressions de l’ADL et
d’autres organisations juives militantes ont incité Amazon à in-
terdire tous les livres qui remettent en question l’Holocauste ou
d’autres croyances profondément ancrées dans un judaïsme orga-
nisé. La plupart de ces œuvres purgées sont assez obscures, et beau-
coup sont d’une qualité indifférente. En général, leur impact public
a été sévèrement diminué par les associations idéologiques réelles
ou perçues de leurs auteurs.
Pendant ce temps, pendant près de vingt ans, un livre d’une
importance historique absolument dévastatrice s’est trouvé sur les
étagères d’Amazon, librement disponible à la vente et portant des
commentaires brillants de couverture de la part d’érudits répu-
tés, mais Amazon n’en a vendu presque aucun exemplaire, alors
que c’est un obus massif et non explosé que presque personne ne
semble avoir correctement reconnu. Je suggère aux lecteurs inté-
ressés d’acheter leurs exemplaires de l’excellent opus de Benersky
avant que des mesures ne soient prises pour le jeter définitivement
dans le trou de la mémoire.
Chapitre 5

Le général Patton s’est-il


fait assassiner ?

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article Le général


Patton s’est-il fait assassiner?
Par Ron Unz – Le 22 août 2016 – Source Unz Review

Pendant la longue période de la Guerre froide, nombre de Russes,


fatigués des mensonges et des omissions de leurs organes de presse,
écoutaient la radio occidentale pour saisir quelques parcelles de vé-
rité. De nos jours, les Américains disposent d’internet, qui leur
apporte une opportunité assez semblable : cliquer sur un site web
étranger et découvrir des articles importants, ayant échappé pour
une raison ou une autre à l’attention de leurs propres journalistes.
Chose ironique, une part importante de cette couverture par des
médias alternatifs est disponible dans les journaux anglais les plus
éminents et les plus respectables, mis sous presse par le plus proche
de nos alliés de toute l’histoire.
Par exemple, il y a trois ou quatre ans, j’ai remarqué un lien
sur l’un des sites internet libertaires de premier plan, qui laissait

114
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 115

Figure 5.1 – Timbre étasunien à l’effigie du général Patton

à penser que George S. Patton, l’un des commandants militaires


les plus réputés de la Seconde guerre mondiale, s’était fait assassi-
ner par ordre du gouvernement étasunien. N’étant pas moi-même
très enclin à porter vers le conspirationnisme et l’alarmisme, cette
affirmation sinistre m’apparut tout à fait bizarre, mais je décidais
de suivre le lien et de me payer une tranche de folie, de celles que
l’on ne trouve que dans les tréfonds de l’Internet. Mais voilà, la
source de l’information était un long article du Sunday Telegraph
britannique, l’un des journaux les plus réputés au monde, qui pré-
sentait un nouveau livre, publié après une décennie de recherche et
d’interviews, et écrit par un journaliste américain expérimenté et
spécialisé en affaires militaires.
Le livre ainsi que l’article étaient parus en 2008, et je n’avais
jamais lu le premier mot de cette affaire dans aucun journal amé-
ricain de quelque importance. La description qu’en faisait l’article
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 116

semblait très factuelle et détaillée. J’en vins à consulter quelques


universitaires de premier plan parmi mes connaissances, disposant
de connaissances en histoire et en science politique. Aucun d’eux
n’avait jamais entendu parler de cette théorie, et ils se montrèrent
aussi surpris que je pouvais l’être par les éléments dont je disposais,
et par le fait que des révélations aussi remarquables aient pu ne re-
cevoir aucun écho dans notre propre pays, qui est comme chacun
sait la terre des médias les plus libres et les plus friands de scandale
du monde entier.
La curiosité commençant à prendre le pas sur moi, je comman-
dai donc le livre pour 8 dollars sur amazon.com.
de page. Les nombreuses années
passées par l’auteur sur ce projet
ont eu leur effet sur le contenu,
qui intègre de nombreuses interviews
personnelles, ainsi que l’analyse soi-
gneuse d’une quantité considérable de
sources primaires et secondaires. J’ai
rarement été amené à consulter un
travail de journalisme aussi complet
et détaillé, et l’on comprend que l’au-
teur y ait porté un tel soin au vu
de la nature explosive des accusations
qu’il porte. Mais son travail n’a jamais
eu l’opportunité d’être proposé aux
lecteurs des médias dominants amé-
ricains. À titre personnel, j’ai trouvé les preuves de l’assassinat
de Patton tout à fait convaincantes, pour ne pas dire accablantes.
Tout lecteur curieux peut, en investissant la modique somme de
2.93 dollars hors frais de port, commander ce livre et en juger par
lui-même.
Wilcox lui-même fut tout aussi frappé de stupeur que n’importe
qui quand il tomba pour la première fois sur ces faits surprenants,
mais les preuves qui s’étalaient sous ses yeux le convainquirent
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 117

d’investir des années de son temps pour mener une recherche sur
cette théorie, afin d’en publier les résultats. Et il en a découvert
des vertes et des pas mûres.
Au cours des derniers mois de sa vie, Patton se montrait de plus
en plus critique envers le gouvernement étasunien, de sa conduite
de la Seconde guerre mondiale, et de sa politique à l’égard des
Soviétiques. Il projetait de démissionner après son retour aux États-
Unis, et de commencer une grande tournée publique pour dénoncer
la gouvernance politique étasunienne ; de la part d’un héros de
guerre de sa stature, ces dénonciations auraient sans doute eu un
impact très important. L’accident de voiture qui lui coûta la vie se
produisit la veille du jour où il devait revenir au pays, et il venait,
par deux fois, d’échapper de peu à la mort dans des circonstances
très suspectes.
Le livre comprend des interviews en personne avec l’assassin,
qui confesse de lui-même avoir été mandaté par le gouvernement –
il était à l’époque attaché aux services de renseignement de l’OSS,
l’ancêtre de la CIA de l’époque. Cet agent disposait déjà au mo-
ment des faits d’une longue carrière documentée, très précisément
dans ce type d’activité, tant pendant la guerre qu’au cours des dé-
cennies qui suivirent. On pense qu’il a travaillé comme indépendant
à l’international, et s’est occupé de nettoyer des cibles humaines
pour la CIA et pour divers autres employeurs. Arrivant à la fin de
sa vie, il développa une forme de rancœur envers les bureaucrates
du gouvernement étasunien, s’estimant maltraité par eux ; et la
culpabilité qu’il put également ressentir d’avoir été le responsable
de la mort d’un des plus grands héros militaires des USA contribua
également à sa décision de déballer ce qu’il savait, avec à l’appui
un journal personnel assez conséquent. De nombreuses interviews
avec des personnes liées aux circonstances de la mort de Patton
semblent avoir également étayé la théorie.
L’assassin reporte que William Donovan, dirigeant de l’OSS,
avait ordonné l’assassinat de Patton parce que ce dernier était parti
en vrille, et devenait une menace importante envers les intérêts na-
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 118

tionaux étasuniens. Dans le même temps, un agent de terrain mi-


litaire affecté au contre-espionnage avait commencé à recevoir des
remontées crédibles établissant qu’un assassinat de Patton était
dans les cartons, et avait essayé d’en avertir sa hiérarchie, Dono-
van y compris ; non seulement ses avertissement furent-ils ignorés,
mais il fut menacé à plusieurs reprises, et même arrêté. Il apparaît
clairement que les ordres de Donovan provenaient d’au-dessus, ou
bien de la Maison Blanche, ou bien d’ailleurs.
Les motivations de l’assassinat peuvent avoir eu des origines
intérieures aux USA, ou étrangères. Au cours des vingt dernières
années, des chercheurs comme John Earl Haynes et Harvey Klehr
ont démontré avec brio l’influence considérable qu’avait établi un
vaste réseau d’espions communistes dans les branches les plus éle-
vées du gouvernement étasunien. Et Wilcox lui-même documente
avec soin l’infiltration subie par l’OSS elle-même de la part d’élé-
ments hauts placés du NKVD soviétique, ainsi que le fait qu’au
cours de cette même période, les deux agences de renseignements
se trouvaient dans une situation ambiguë de quasi-partenariat : Do-
novan se montrait particulièrement soucieux de s’accommoder les
bonnes grâces politiques des éléments pro-soviétiques hauts placés
dans le gouvernement étasunien.
Et Patton, un anti-communiste zélé, présentait des vues diffé-
rentes, et plaidait pour une attaque militaire immédiate contre les
armées affaiblies de l’Union Soviétique. On peut facilement com-
prendre comment Staline et les dirigeants américains de son orbite
auraient pu décider que supprimer physiquement Patton consti-
tuait une priorité absolue.
Au moment de sa mort, Patton était le plus haut officier de l’ar-
mée des USA en Europe, et la nouvelle de son décès devient bien
entendu une information de premier plan dans le monde entier.
Plusieurs rapports officiels furent produits quant aux circonstances
exactes de l’accident de circulation très bizarre en question, mais
aucun de ces rapports n’existe plus dans les archives du gouverne-
ment étasunien. J’ai du mal à imaginer une explication non sinistre
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 119

à ces disparitions.
Ces quelques modestes paragraphes vous exposent une toute
petite portion de l’imposant travail documentaire et de l’analyse
méticuleuse que Wilcox a menés pendant dix ans pour construire ce
livre impressionnant. Bien sûr, de nombreuses questions attendent
une réponse, et il est impossible d’apporter des preuves absolues
soixante-dix ans après les faits. Mais pour ce qui me concerne,
la probabilité d’un assassinat est écrasante, et implique presque
certainement des dirigeants américains de premier plan.
Je tiens également de source sûre que la communauté du rensei-
gnement des USA fait l’objet depuis plusieurs années d’une croyance
répandue, voulant que Patton ait été éliminé par le gouvernement
étasunien pour des raisons politiques, ce qui n’est pas du tout sur-
prenant dans ces cercles. L’assassin présumé avait fait confession
de sa culpabilité il y a plusieurs dizaines d’années déjà, devant des
journalistes, lors d’une réunion-repas de l’OSS à Washington DC,
assis à la même table que William Colby, son ami et collègue de
longue date et ancien directeur de la CIA. Malgré le fait que les
articles de presse locale qui s’en étaient suivis aient été totalement
ignorés des médias nationaux, il n’y a pas à s’étonner que l’infor-
mation ait infusé dans la communauté du renseignement.
Peut-être quelque chercheur expérimenté, sur la base d’une pers-
pective différente, pourrait-il investir du temps et du travail pour
réfuter le solide dossier établi par Wilcox, mais pour l’instant per-
sonne ne s’y est mis. Imaginons pour la forme que les preuves
de cette théorie ne soient finalement pas si éclatantes qu’elles le
semblent, et ne permettent d’estimer la possibilité que cette his-
toire soit vraie qu’à une possibilité raisonnable, disons 25%. J’es-
time pour ma part que s’il existe même une faible possibilité que
l’un des généraux les plus admirés des USA, opérant dans l’Europe
d’après guerre, ait pu être assassiné pour des raisons politiques
par le propre gouvernement des États-Unis, le scandale qui devrait
éclater serait l’un des plus grands de toute l’histoire moderne des
USA.
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 120

Le livre a été écrit par un auteur réputé, et publié par une mai-
son d’édition bien établie, quoique assez conservatrice. Malgré cela,
il n’a fait l’objet d’aucun relais de la part d’aucune publication na-
tionale importante aux USA, conservatrice ou libérale, et n’a donné
lieu à aucune enquête. Seul un journal britannique de premier plan
a repris les éléments ignorés par les journalistes américains.
Il est probable qu’un livre qui aurait traité en miroir des élé-
ments historiques solides expliquant le décès soudain de quelque
général russe ou chinois de premier plan, au tournant de la Seconde
guerre mondiale, aurait facilement fait son chemin jusqu’aux pre-
mières pages du New York Times, et sans doute jusqu’à la section
hebdomadaire des fiches de lectures proposées par le journal [weekly
Book Review, NdT]. On aurait peut-être même assisté à une cou-
verture médiatique considérable si la victime avait été un général de
premier plan de l’État du Guatemala, dont le nom aurait pourtant
jusque-là été totalement inconnu du grand public américain. Mais
ces mêmes allégations, sur la disparition de l’un des dirigeants mi-
litaires les plus célèbres et les plus admirés dans années 1940 n’ont
pas soulevé l’intérêt des grands journalistes américains.
À nouveau, il y a bien deux sujets à distinguer. Que j’aie raison
ou non de croire que l’assassinat de Patton est étayé de preuves
accablantes est sans aucun doute passible de débat. Mais il est
irréfutable que les médias étasuniens sont totalement passés à côté
de ces révélations.
Comme je le disais au début, j’étais tombé sur cette histoire
fascinante il y a quelques années, et je n’avais pas eu le temps
alors de publier un article. Mais quand j’ai décidé de revenir sur
le sujet, j’ai relu le livre pour me rafraîchir la mémoire, et l’ai
trouvé encore plus convaincant qu’en première lecture. Huit années
après sa première publication, je ne pus trouver aucune couverture
presse de la part de nos grands journaux craintifs, mais au vu de
la croissance immense du journalisme flottant sur internet, je me
demandai si les informations avaient pu être relayées ailleurs.
En faisant usage de mon moteur de recherche préféré, je n’ai pas
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 121

trouvé grand chose. À quelques reprises, au fil des années, Wilcox


avait pu s’exprimer ci et là, comme dans le New York Post en 2010
et dans le American Thinker webzine en 2012, ce dernier faisant
mention d’un nouveau témoin d’importance qui avait finalement
décidé de sortir du bois. Mais outre cela, son livre remarquable
semble s’être enfoncé dans l’oubli.
D’un autre côté, d’autres auteurs ont récemment commencé à
tirer parti de ses recherches, en rhabillant le récit sous une forme
ayant plus de chances de s’attirer les faveurs de l’establishment
américain et des médias qu’il contrôle.
avec Martin Dugard. Le titre de
l’ouvrage apparaît comme un défi en-
vers la thèse officielle de l’accident de
voiture, et je fus prompt à ouvrir le
livre, mais je fus rapidement et sévè-
rement déçu. La présentation qu’on y
trouve est bien mince, et on y trouve
à peine 10% des éléments d’analyse de
Wilcox, les 90% restants étant gonflés
d’un résumé historique très conven-
tionnel du front de l’Ouest de la fin de
la Seconde guerre mondiale, descrip-
tion comprise des camps de concen-
tration nazis, bien peu de tout ceci
ayant la moindre connexion avec Pat-
ton. La seule partie intéressante de l’ouvrage semble reprendre les
recherches publiées par Wilcox, et cette relation est totalement
masquée par l’absence de toute note de bas de page. On ne trouve
qu’une seule indication, dans une brève phrase en fin d’ouvrage,
citant le livre de Wilcox comme résumé très utile des théories du
complot. Non sans raison, Wilcox semble s’être irrité du peu de cas
et de crédit dont il a fait l’objet. Le livre simpliste d’O’Reilly s’est
vendu a plus d’un million d’exemplaires, avec un titre proclamant
l’assassinat de Patton. Mais la couverture presse qui s’ensuivit fut
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 122

maigre et largement négative, s’employant à critiquer une soi-disant


indulgence pour les théories du complot. Media Matters a résumé
la réaction par ces mots : « les historiens déchirent le nouveau livre
d’O’Reilly sur Patton », et au vu du manque total de documenta-
tion apporté par O’Reilly, le gros de cette critique apparaît plutôt
justifié. Ainsi, les médias ont totalement fait abstraction d’un livre
très bien documenté et très étayé, et ont préféré attaquer et ridi-
culiser un autre livre très faible sur le même sujet : cette double
approche constitue un moyen efficace d’obscurcir la vérité.
Les faiseurs d’opinions américains ont tendance à s’appuyer sur
nos journaux nationaux principaux pour comprendre le monde, et
la seule couverture que j’ai pu trouver dans ces journaux du best-
seller d’O’Reilly fut un article d’opinion plutôt bizarre Richard
Cohen, un journaliste du Washington Post. Cohen ne semble pas
s’intéresser outre mesure à la question de l’assassinat de Patton,
mais condamne sévèrement O’Reilly pour n’avoir pas consacré assez
de pages au soi-disant anti-sémitisme de Patton. En fait, il alla
presque jusqu’à induire que certaines des notes retrouvées dans
les journaux intimes de Patton étaient assez méchantes envers les
Juifs pour que les américains n’aient à se soucier de savoir si notre
général le plus gradé en Europe ait été assassiné par son propre
gouvernement, ou par qui que ce soit d’autre. La mentalité de nos
médias principaux est vraiment devenue très étrange de nos jours,
et nous vivons dans le monde qu’ils créent pour nous.
Dernièrement, le succès du livre d’O’Reilly et la reprise de la
Guerre froide avec la Russie peuvent avoir amené à la production
d’un nouveau documentaire s’intéressant au dossier de l’assassinat
de Patton, mais en reconstruisant les faits de manière déformée.
Les recherches menées par Wilcox avait démontré que des diri-
geants américains de premier plan avait organisé l’assassinat de
Patton, même si cela était probablement en coordination avec les
Soviétiques. Le livre d’O’Reilly relatait certains de ces faits, mais
ses interviews dans les médias écartaient toute responsabilité amé-
ricaine dans l’affaire, en déclarant abruptement que « Staline a tué
LE GÉNÉRAL PATTON S’EST-IL FAIT ASSASSINER ? 123

Patton ». Et sur la base des articles de presse que j’ai lus, je me


demande si ce nouveau documentaire, réalisé semble-t-il sans le
concours de Wilcox, ne va pas également ignorer les preuves im-
portantes de l’implication directe du gouvernement des États-Unis,
en faisant uniquement porter le chapeau à ces salauds de Russes.
https://youtu.be/0nxrj-QKGTw
En fin de compte, cette incident historique d’importance nous
donne un moyen d’évaluer la crédibilité de certaines ressources re-
prises partout. Je n’ai eu de cesse d’insister auprès de mes interlocu-
teurs sur le fait que Wikipédia n’est de strictement aucun intérêt
sur tout sujet un tant soit peu controversé. Au vu de l’immense
stature historique du personnage de Patton, il n’est pas surprenant
que sa fiche Wikipédia soit extrêmement longue et détaillée – elle
s’étale sur 15 000 mots, et comprend presque 300 références et notes
de bas de page. Mais cet étalage d’information ne contient pas la
plus minime indication d’un quelconque possible soupçon autour
des circonstances de sa mort. Wiki-Pravda, pourrait-on dire.
Chapitre 6

Après-guerre francaise,
après-guerre allemande

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article Après-


guerre francaise, après-guerre allemande
Par Ron Unz – Le 9 juillet 2018 – Source Unz.com

Lors de mes années d’université, j’étais devenu un fervent joueur


de wargames, fasciné par l’histoire militaire, en particulier celle
de la Seconde guerre mondiale, le conflit le plus titanesque qui
ait jamais existé. Cependant, bien que j’aie beaucoup aimé lire les
comptes rendus détaillés des batailles de cette guerre, en particulier
sur le front de l’Est qui détermina en grande partie son issue, j’ai
eu beaucoup moins d’intérêt pour l’histoire politique qui l’accompa-
gnait, et me suis simplement appuyé sur les récits de mes manuels
scolaires que je trouvais tout à fait fiables.
Ces sources semblaient d’autant plus fiables qu’elles cherchaient
à peine à cacher certains des aspects les plus atroces du conflit et
de ses conséquences, tels que les brutalités notables subies par les
traîtres pro-nazis après la libération de la France en 1944. Pierre

124
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 125

Laval, chef du gouvernement fantoche de Vichy et un bon nombre


de ses compagnons furent jugés et exécutés pour trahison, et même
le maréchal Pétain, célèbre héros français de la Première guerre
mondiale qui, par orgueil, avait tristement prêté son nom au régime
honni comme chef d’État, fut condamné à mort bien que sa vie
eût finalement été épargnée. Des collaborateurs moins éminents
souffrirent également. Mes manuels contenaient souvent des photos
de centaines voire de milliers de femmes françaises ordinaires qui
par peur, par amour, ou pour l’argent, était devenues intimes avec
des soldats allemands pendant les quatre années d’occupation. En
conséquence, on leur rasa le crâne et on les fit marcher dans les
rues de leur ville à l’occasion de parades de la honte.
De tels excès sont évidemment tristes, mais les guerres et les
libérations libèrent souvent une brutalité considérable, et ces spec-
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 126

tacles d’humiliation publique ne sont évidemment rien en compa-


raison de l’horrible effusion de sang des années de joug nazi. Par
exemple, il y eut le cas notoire d’Oradour-sur-Glane, un village
impliqué dans les activités de la Résistance, dans lequel des cen-
taines d’hommes, de femmes et d’enfants furent rassemblés dans
une église ou d’autres bâtiments puis brûlés vifs. Pendant ce temps,
un nombre considérable de Français, parmi d’autres, furent dépor-
tés en Allemagne comme ouvriers-esclaves, en violation totale de
tous les principes juridiques, produisant un étrange parallèle avec
le Goulag de Staline et soulignant la similitude de ces deux régimes
totalitaires.
Finalement, des fêlures majeures apparurent dans cette image
simpliste. J’ai déjà écrit sur ma découverte de John T. Flynn, l’un
des intellectuels publics libéraux les plus en vue des années 1930,
qui fut ensuite exclu des médias grand public et finalement oublié
pour ses opinions discordantes sur certaines questions litigieuses.
Dès le début des années 1940, les livres de Flynn ne trouvèrent
plus refuge que dans la Devin-Adair Company, une petite maison
d’édition irlando-américaine basée à New York. D’une façon ou
d’une autre, il y a peut-être six ou sept ans, j’ai pris connaissance
d’un autre livre publié par cette même maison en 1953.
L’auteur de Unconditional Hatred 1 était le capitaine Russell
Grenfell, un officier de marine britannique qui s’était distingué au
service pendant la Première guerre mondiale et qui, plus tard, aida
à diriger le Collège d’état-major de la Marine royale, tout en pu-
bliant six livres de haut niveau sur la stratégie navale et en servant
de correspondant naval du Daily Telegraph. Grenfell reconnaissait
que de grandes quantités de mensonges accompagnent presque in-
évitablement toute guerre importante. Mais alors que plusieurs an-
nées s’étaient écoulées depuis la fin des hostilités, il s’inquiétait de
plus en plus du fait que le poison persistant de cette propagande
1. Haine inconditionnnelle, ouvrage également traduit par le Saker Franco-
phone, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 127

du temps de guerre pourrait menacer la paix future de l’Europe si


un antidote n’était pas rapidement largement appliqué.
Sa remarquable érudition histo-
rique et son ton mesuré brillent dans
ce fascinant ouvrage, qui se concentre
prioritairement sur les événements
de la Seconde guerre mondiale, mais
inclut de fréquentes digressions sur
les guerres napoléoniennes, voire des
conflits plus anciens. Un des plus in-
trigants aspects de sa présentation
est qu’une grande partie de la propa-
gande anti-allemande qu’il essaie de
démystifier serait de nos jours perçue
comme tellement absurde et ridicule
qu’elle a en fait été presque entière-
ment oubliée, tandis qu’une grande
partie de l’image extrêmement hostile que nous avons actuelle-
ment de l’Allemagne hitlérienne ne reçoit presque aucune mention,
peut-être parce qu’elle n’avait pas encore été implantée, ou était
alors considérée comme trop excentrique pour que quiconque la
prenne au sérieux. Entre autres, il rapporte avec une désappro-
bation certaine que les principaux journaux britanniques avaient
publié des articles à la une sur les horribles tortures infligées aux
prisonniers allemands lors de procès pour crimes de guerre afin de
les contraindre à toutes sortes de confessions douteuses. Certaines
des remarques de Grenfell soulèvent des doutes sur divers aspects
du tableau conventionnel de la politique d’occupation allemande.
Il note de nombreuses histoires dans la presse britannique d’an-
ciens « ouvriers-esclaves » français qui organisèrent après-guerre
des retrouvailles amicales avec leurs anciens employeurs allemands.
Il rappelle également qu’en 1940, ces mêmes journaux britanniques
rapportaient le comportement absolument exemplaire des soldats
allemands envers les civils français même si par la suite, des at-
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 128

taques terroristes par les forces clandestines communistes ayant


provoqué des représailles, les relations empirèrent.
Plus important encore, il souligne que l’énorme campagne al-
liée de bombardements stratégiques contre les villes et l’industrie
françaises tua un grand nombre de civils, probablement plus que
ceux qui moururent entre les mains des Allemands, ce qui provo-
qua inévitablement une forte haine. En Normandie, lui-même et
d’autres officiers britanniques furent avertis de rester très prudents
envers les civils français qu’ils rencontraient de peur d’être l’objet
d’attaques meurtrières.
Bien que le texte de Grenfell et son ton me frappent par leur
recul et leur objectivité, d’autres le virent évidemment sous une
lumière différente. La jaquette de l’édition Devin-Adair note qu’au-
cun éditeur britannique n’était disposé à accepter le manuscrit et
quand le livre parut, aucun critique américain majeur n’évoqua son
existence. De manière plus inquiétante encore, on a dit que Grenfell
travaillait sur une suite quand il mourut soudainement de causes
inconnues en 1954 à l’âge de 62 ans, comme l’explique sa longue
nécrologie dans le London Times. Les droits d’auteur ayant expiré
depuis longtemps, je suis heureux d’inclure cet important volume
dans ma collection de livres HTML afin que ceux qui sont intéressés
puissent facilement le lire et décider pour eux-mêmes.
Sur les questions françaises, Grenfell fournit plusieurs références
extensives à un livre de 1952 intitulé France : The Tragic Years,
1939-1947 par Sisley Huddleston 2 , un auteur totalement inconnu
pour moi, ce qui a stimulé ma curiosité. Une des utilités de mon sys-
tème d’archivage de contenus est de fournir facilement le contexte
approprié pour les écrivains oubliés depuis longtemps. Le nombre
d’occurrences pour Huddleston dans The Atlantic Monthly, The
Nation, et The New Republic, en plus de ses trente livres de ni-
veau reconnu sur la France, semblent confirmer qu’il a été durant
des décennies l’un des principaux spécialistes de la France pour les
2. Cet ouvrage a également été traduit par le Saker francophone, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 129

lecteurs américains et britanniques instruits. En effet, son entre-


tien exclusif avec le Premier ministre britannique Lloyd George à
la Conférence de la paix de Paris devint un scoop international.
Comme beaucoup d’autres écrivains, après la Seconde guerre mon-
diale son éditeur américain devint par nécessité Devin-Adair, qui
publia une édition posthume de son livre en 1955. Compte tenu de
ses éminentes références journalistiques, le travail de Huddleston
sur la période de Vichy fut chroniqué dans les périodiques amé-
ricains, bien que de manière plutôt superficielle et dédaigneuse.
J’en ai commandé une copie et je l’ai lue. Je ne peux pas attes-
ter de l’exactitude du compte rendu de 350 pages que Huddleston
fait sur la France pendant les années de guerre et immédiatement
après, mais en tant que journaliste reconnu pour ses compétences
et observateur de longue date, témoin oculaire des événements qu’il
décrit, écrivant à un moment où le récit historique officiel n’avait
pas encore été plongé dans le béton, je pense que son point de vue
devrait être pris très au sérieux. Le réseau personnel de Huddleston
était certainement étendu et montait assez haut puisque l’ancien
ambassadeur des États-Unis, William Bullitt, était l’un de ses plus
vieux amis. Or, la présentation de Huddleston est radicalement
différente de l’histoire conventionnelle que j’ai toujours entendue.
Évaluer la crédibilité d’une source si ancienne n’est pas facile,
mais parfois un seul détail révélateur fournit un indice important.
En relisant le livre de Huddleston, j’ai remarqué qu’il mentionnait
avec désinvolture qu’au printemps 1940, les Français et les Britan-
niques étaient sur le point de lancer une attaque militaire contre
la Russie soviétique, qu’ils considéraient comme l’allié crucial de
l’Allemagne. Ils avaient planifié un assaut sur Bakou, visant à dé-
truire les grands champs pétrolifères de Staline au Caucase par
une campagne de bombardements stratégiques. Je n’avais jamais
lu une seule mention de ce projet dans aucun de mes livres d’his-
toire de la Seconde guerre mondiale, et jusqu’à récemment, j’aurais
rejeté l’histoire comme une rumeur absurde de cette époque, de-
puis longtemps démystifiée. Mais il y a quelques semaines à peine,
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 130

j’ai découvert dans The National Interest un article de 2015 qui


confirmait l’exactitude de ces faits, plus de soixante-dix ans après
qu’ils aient été effacés de tous nos récits historiques.
Comme Huddleston le décrit, l’ar-
mée française s’effondra en mai 1940,
et le gouvernement désespéré contacta
Pétain, alors octogénaire et considéré
comme un grand héros de guerre, pour
le rappeler de son affectation comme
ambassadeur en Espagne. Bientôt, le
président français lui demanda de
former un nouveau gouvernement et
d’organiser un armistice avec les Al-
lemands victorieux. Cette proposi-
tion reçut un soutien quasi unanime
de l’Assemblée nationale et du Sé-
nat français, y compris le soutien de
presque tous les parlementaires de
gauche. Pétain obtint ce résultat, et
un autre vote quasi unanime du par-
lement français l’autorisa alors à négocier un traité de paix complet
avec l’Allemagne, ce qui plaça sans aucun doute ses actions poli-
tiques sur la base juridique la plus solide possible. À ce moment,
presque tout le monde en Europe croyait que la guerre était termi-
née, et que la Grande-Bretagne ferait bientôt la paix.
Alors que le gouvernement français pleinement légitime de Pé-
tain négociait avec l’Allemagne, un petit nombre de durs-à-cuire,
dont le colonel Charles de Gaulle, désertèrent et s’enfuirent de
l’autre côté de la Manche, déclarant qu’ils avaient l’intention de
poursuivre la guerre indéfiniment. Mais dans un premier temps ils
attirèrent peu de soutien et d’attention. Un aspect intéressant de
la situation était que De Gaulle avait longtemps été l’un des prin-
cipaux protégés de Pétain, et une fois que son influence politique
commença à augmenter quelques années plus tard, on entendit sou-
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 131

vent des spéculations dépassionnées selon lesquelles lui et son an-


cien mentor avaient arrangé une « division du travail », au sein de
laquelle le premier signait une paix officielle avec les Allemands
pendant que le second partait organiser la résistance outre-mer
dans l’attente d’opportunités.
Bien que le nouveau gouvernement de Pétain ait garanti que sa
puissante marine ne serait jamais utilisée contre les Britanniques,
Churchill ne prit aucun risque et lança rapidement une attaque
contre la flotte de son ancien allié, dont les navires étaient déjà
désarmés et amarrés sans danger dans le port de Mers-el-Kébir,
fit couler la plupart d’entre eux et tuer près de 2 000 Français.
Cet incident n’est pas sans ressemblance avec l’attaque japonaise
contre Pearl Harbor qui eut lieu l’année suivante, et scandalisa les
Français pour de nombreuses années.
Huddleston passe ensuite une grande partie du livre à discu-
ter de la complexe politique française des années suivantes, car la
guerre avait continué de façon inattendue, et la Russie ainsi que
l’Amérique avaient rejoint la cause alliée, augmentant considéra-
blement les chances de victoire contre l’Allemagne. Pendant cette
période, les dirigeants politiques et militaires français procédèrent
à un subtil arbitrage, en résistant aux demandes allemandes sur
certains points et en les acceptant sur d’autres, tandis que le mou-
vement de résistance interne se développait, attaquait des soldats
allemands et provoquait de sévères représailles allemandes. Étant
donné mon manque d’expertise, je ne peux pas vraiment juger de
l’exactitude de ce récit, mais il me semble tout à fait réaliste et
plausible, bien que les spécialistes puissent sûrement y trouver des
erreurs.
Cependant, les affirmations les plus remarquables du livre de
Huddleston arrivent à la fin, quand il décrit ce qu’on a par la suite
appelé« la libération de la France ». Elle eut lieu en 1944-45, quand
les forces allemandes en retraite abandonnèrent le pays et se re-
tranchèrent sur leurs propres frontières. Entre autres, il suggère
que le nombre de Français revendiquant des titres de « résistance »
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 132

se multiplia par cent une fois que les Allemands furent partis et
qu’il n’y avait plus de risque à adopter cette position.
Et c’est à ce moment-là que d’énormes bains de sang commen-
cèrent sans attendre. Ce fut de loin la pire vague d’exécutions extra-
judiciaires de toute l’histoire de France. La plupart des historiens
s’accordent à dire qu’environ 20 000 personnes perdirent la vie pen-
dant la célèbre période de « Terreur » de la Révolution française,
et que peut-être 18 000 moururent pendant la répression brutale
de la Commune de Paris en 1870-1871. Mais selon Huddleston, les
dirigeants américains estimèrent qu’il y avait eu au moins 80 000
exécutions sommaires dans les premiers mois de la Libération. Le
député socialiste, qui était ministre de l’Intérieur en mars 1945 et
qui se trouvait le mieux informé 3 , affirma aux représentants de
De Gaulle que 105 000 assassinats avaient eu lieu d’août 1944 à
mars 1945, un chiffre largement repris dans le public à l’époque.
Étant donné qu’une grande partie de la population française avait
passé des années à se comporter d’une manière qui pourrait do-
rénavant être considérée comme « collaborationniste », un nombre
énorme de personnes étaient exposées, et même, risquaient la mort.
Elles cherchaient donc parfois à sauver leur propre vie en dénonçant
leurs connaissances ou voisins. Les communistes clandestins avaient
longtemps été un élément majeur de la Résistance, et beaucoup
d’entre eux s’empressèrent de porter le fer contre leurs « ennemis
de classe » détestés, tandis que de nombreuses personnes profi-
tèrent de l’occasion pour régler des comptes privés. Un autre fac-
teur était que beaucoup de communistes qui avaient combattu pen-
dant la guerre civile espagnole, y compris des milliers de membres
des Brigades internationales, avaient fui en France après leur dé-
faite militaire en 1938. À ce moment, ils prirent souvent l’initiative
de se venger contre les mêmes forces conservatrices qui les avaient
précédemment vaincus dans leur propre pays.
Bien que Huddleston lui-même fût un journaliste international
3. Il s’agissait d’Adrien Tixier, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 133

âgé et reconnu, possédant des amis américains très haut placés, et


qu’il eût rendu quelques menus services en faveur de la Résistance,
lui et sa femme échappèrent de justesse à une exécution sommaire
pendant cette période. Il propose une nombreuse collection d’his-
toires qu’il a entendues de victimes moins chanceuses que lui. Mais
ce qui semble avoir été de loin le pire bain de sang sectaire de
l’histoire de France a été tranquillement rebaptisé « libération » et
presque entièrement retiré de notre mémoire historique, excepté le
souvenir des têtes rasées de quelques femmes déshonorées. De nos
jours Wikipedia distille l’essence congelée de notre Vérité officielle,
et son article sur ces événements place seulement le nombre de
morts à un dixième des chiffres cités par Huddleston, que je trouve
une source beaucoup plus crédible.
Souvent, percer le premier trou dans un mur épais est le plus
difficile. Une fois que j’ai été convaincu que toute ma connais-
sance de l’après-guerre française était entièrement fausse et dans
une certaine mesure rétrograde, je suis naturellement devenu beau-
coup plus réceptif à d’autres révélations. Si la France, membre
de premier plan de la coalition victorieuse des Alliés, avait subi
une orgie de terreur et de tueries révolutionnaires sans précédent,
peut-être ma connaissance standardisée de l’histoire avait-elle éga-
lement été rien moins que candide envers la description du des-
tin de l’Allemagne vaincue. Certes, j’avais lu les horreurs infligées
par les troupes russes, avec peut-être deux millions de femmes et
de filles allemandes brutalement violées, et il y avait aussi une ou
deux phrases sur l’expulsion de plusieurs millions d’Allemands eth-
niques des terres administrées par la Pologne, la Tchécoslovaquie,
et d’autres pays d’Europe de l’Est, prêts à la vengeance après des
années passées sous le terrible joug nazi. Il était également fait
mention du très vindicatif plan Morgenthau, heureusement presque
immédiatement abandonné, et un point sur la renaissance écono-
mique allemande grâce à la générosité du plan Marshall américain.
Mais j’ai commencé à me demander s’il n’y avait rien à ajouter à
ce récit.
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 134

Je suis rapidement tombé sur des références à certains écrits


de Freda Utley, maintenant largement oubliée, mais qui fut dans
les années 1940 et 1950 une journaliste et un auteur assez connu
en Amérique, avec un contexte personnel intéressant. Anglaise née
dans une famille liée à George Bernard Shaw et à la Fabian society,
elle embrassa le communisme et en 1928 épousa un Juif soviétique
servant la même idéologie. Le couple s’installa alors en Union so-
viétique pour aider à construire la Patrie de la révolution socialiste.
Comme ce fut le cas avec tant de communistes étrangers, ils de-
vinrent de plus en plus désillusionnés avec leur vie là-bas. Un jour
de 1936, son mari fut arrêté à l’occasion d’une purge stalinienne,
on ne devait plus jamais le revoir. Elle finit par fuir l’URSS avec
son fils Jon et atteignit nos côtes en 1939. Près de soixante-dix
ans plus tard, j’ai fait la connaissance de Jon Utley grâce à notre
participation conjointe au magazine The American Conservative.
Compte tenu des expériences directes vécues par Utley pen-
dant une décennie en URSS, ses vues sur le communisme soviétique
étaient résolument négatives, très différentes de celles de la plupart
des élites intellectuelles et journalistiques américaines. En consé-
quence, elle fut rapidement étiquetée comme « anti-communiste »,
et ses nombreux livres et articles qui suivirent au cours des deux
décennies suivantes furent généralement relégués aux éditeurs spé-
cialisés et considérés avec disgrâce par les médias grand public.
En 1948, elle passa plusieurs mois à voyager à travers l’Alle-
magne occupée, et l’année suivante publia ses expériences dans
The High Cost of Vengeance 4 , que j’ai trouvé éclairant. Contrai-
rement à la grande majorité des autres journalistes américains, qui
faisaient généralement de brèves visites lourdement chaperonnées,
Freda Utley parlait effectivement allemand et connaissait bien le
pays, qu’elle avait fréquemment visité au cours de l’époque de Wei-
mar. Alors que le ton de Grenfell était très contraint et presque
académique, sa propre écriture était beaucoup plus véhémente et
4. Le coût élevé de la vengeance, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 135

expressive, ce qui est peu surprenant en raison de son contact direct


avec un sujet extrêmement douloureux. Son témoignage oculaire
semble tout à fait crédible, et les renseignements factuels qu’elle
fournit, étayés par de nombreux entretiens et des anecdotes, sont
saisissants. Plus de trois ans après la fin des hostilités, Freda Ut-
ley découvrit un pays encore presque totalement en ruine, et une
grande partie de la population forcée de chercher refuge dans des
caves endommagées ou de partager de minuscules pièces dans des
bâtiments fracassés. La population se considérait comme « privée
de droits », souvent assujettie à un traitement arbitraire de la part
des troupes d’occupation ou d’autres éléments privilégiés qui ne re-
levaient pas de la compétence juridique de la police régulière. Les
Allemands, pour la plupart, étaient régulièrement délogés de leurs
maisons, qui étaient utilisées pour loger les troupes américaines ou
d’autres qui avaient acquis leurs faveurs, une situation qui fut notée
avec une certaine indignation dans le journal posthume du Général
Patton. Même à ce stade, un soldat étranger pouvait encore parfois
voler tout ce qu’il voulait aux civils allemands et en cas de protesta-
tions, les conséquences risquaient d’être dangereuses. Freda Utley
cite de façon éloquente un ancien soldat allemand qui avait servi
en France dans le cadre de l’occupation. Il faisait remarquer que lui
et ses camarades avaient opéré sous la discipline la plus stricte et
qu’ils n’auraient jamais pu imaginer se comporter envers les civils
français comme les troupes alliées traitaient alors les Allemands.
Certaines des paroles citées par Freda Utley sont assez éton-
nantes, mais semblent solidement fondées sur des sources fiables et
intégralement confirmées ailleurs. Pendant les trois premières an-
nées de paix, la ration alimentaire quotidienne allouée à l’ensemble
de la population civile allemande était d’environ 1 550 calories,
à peu près la même que celle fournie aux détenus des camps de
concentration allemands pendant la guerre, et elle chuta parfois
beaucoup plus bas. Pendant le dur hiver 1946-47, toute la popula-
tion de la Ruhr, centre industriel de l’Allemagne, ne reçut que des
rations de famine de 700 à 800 calories par jour, et des niveaux
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 136

encore plus bas furent parfois atteints.


Influencée par une propagande of-
ficielle hostile, l’attitude courante du
personnel allié à l’égard des Alle-
mands ordinaires était certainement
aussi dure que ce qu’affrontaient les
autochtones vivant sous les régimes
coloniaux européens. Freda Utley sou-
ligne à maintes reprises les parallèles
remarquables avec ce qu’elle savait du
traitement et de l’attitude des Occi-
dentaux envers les Chinois pendant
la majeure partie des années 1930,
ou celui que les Britanniques avaient
appliqué à leurs sujets coloniaux in-
diens. Des garçonnets allemands, sans
chaussures, démunis et affamés, récu-
péraient avidement les balles dans les clubs de sport américains
pour une maigre pitance. Aujourd’hui, on discute parfois pour sa-
voir si, à la fin du XIXe siècle, les villes américaines contenaient
des panneaux indiquant « Pas de service pour les Irlandais », mais
Freda Utley a vu avec certitude des panneaux indiquant « Interdit
aux chiens et aux Allemands » devant de nombreux établissements
fréquentés par le personnel allié.
Sur la foi de mes manuels d’histoire standard, j’avais toujours
cru que le comportement des civils différait comme le jour de la
nuit entre les troupes allemandes qui occupèrent la France de 1940
à 1944 et les troupes alliées qui occupèrent l’Allemagne à partir de
1945. Après avoir lu les articles détaillés de Freda Utley et d’autres
sources contemporaines, je pense que mon opinion était absolument
correcte, mais inversée.
Utley croyait que cette situation absolument désastreuse s’ex-
pliquait en partie par la politique délibérée du gouvernement améri-
cain. Bien que le plan Morgenthau, visant à éliminer la moitié de la
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 137

population allemande, eût été officiellement abandonné et remplacé


par le plan Marshall qui devait favoriser une renaissance allemande,
elle constata qu’on observait encore de nombreuses influences du
premier. Même en 1948, d’énormes parts de la base industrielle alle-
mande étaient encore démantelées et expédiées vers d’autres pays,
tandis que subsistaient des restrictions très strictes sur la produc-
tion et les exportations allemandes. En effet, le niveau de pauvreté,
de misère et d’oppression qu’elle voyait partout semblait presque
délibérément destiné à retourner les Allemands ordinaires contre
l’Amérique et ses alliés occidentaux et ainsi, ouvrait peut-être la
porte aux sympathies communistes. De tels soupçons sont renforcés
lorsque nous apprenons que ce système avait été conçu par Harry
Dexter White, qui s’avéra plus tard être un agent soviétique.
Elle devient particulièrement cinglante au sujet de la perversion
totale de toute notion fondamentale de justice humaine pendant le
Tribunal de Nuremberg et divers autres procès liés aux crimes de
guerre, un sujet auquel elle consacre deux chapitres complets. Ces
procédures judiciaires firent preuve de la pire espèce de deux poids,
deux mesures, car les juges alliés considéraient explicitement que
leurs propres pays n’étaient pas liés par les mêmes conventions ju-
ridiques internationales qu’ils prétendaient appliquer aux accusés
allemands. Ce qui est encore plus choquant, ce sont certaines des
méthodes utilisées. Des juristes et des journalistes américains ou-
trés révélèrent que d’horribles tortures, des menaces, du chantage
et d’autres moyens tout à fait illégitimes étaient régulièrement uti-
lisés pour obtenir des aveux ou des dénonciations. Cette situation
suggère fortement qu’un très grand nombre de personnes condam-
nées et pendues étaient entièrement innocentes.
Son livre traite également des expulsions organisées d’Allemands
de Silésie, du Sudatenland, de Prusse orientale et de diverses autres
parties de l’Europe centrale et orientale où ils avaient vécu pacifi-
quement pendant des siècles. Le nombre total de ces expulsés est
généralement estimé entre 13 et 15 millions. On donnait parfois
aux familles dix minutes pour quitter les maisons où elles habi-
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 138

taient depuis un siècle ou plus, puis on les obligeait à marcher,


parfois sur des centaines de kilomètres, vers une terre lointaine
qu’elles n’avaient jamais vue, avec leurs seules possessions tenant
dans leurs mains. Dans certains cas, tous les hommes survivants
furent séparés et envoyés dans des camps de travail, et c’est pour-
quoi l’exode fut composé uniquement de femmes, d’enfants et de
personnes très âgées. Selon toutes les estimations, au moins deux
millions de personnes périrent en cours de route, à cause de la faim,
de la maladie ou des risques divers.
Ces jours-ci, nous lisons de nombreuses et douloureuses discus-
sions sur la fameuse « Piste des larmes » endurée par les Cherokees
dans le lointain passé du début du XIXe siècle, mais cet événement
du XXe siècle, assez semblable, fut presque mille fois plus grand.
Malgré cet énorme écart dans l’ampleur et une distance beaucoup
plus grande dans le temps, je crois que le premier événement pro-
voque mille fois plus la sensibilité les Américains ordinaires. Si tel
est le cas, cela démontrerait que l’écrasant contrôle des médias peut
facilement modifier la réalité perçue d’un facteur d’un million ou
plus.
On peut penser que ce déplacement de populations a repré-
senté le plus grand nettoyage ethnique de l’histoire du monde, et
si l’Allemagne avait fait quelque chose d’à peu près similaire au
cours de ses années de victoires et de conquêtes européennes, les
scènes terribles d’un tel flot de réfugiés se traînant avec désespoir
seraient sûrement devenues la pièce centrale de nombreux films des
soixante-dix dernières années. Mais puisque rien de tel n’est arrivé,
les scénaristes d’Hollywood ont perdu une incroyable opportunité.

The High Cost of Vengeance Freda Utley • 1949 • 125 000 mots
Le sombre tableau que peint Freda Utley est fortement cor-
roboré par de nombreuses autres sources. En 1946, Victor Gol-
lancz, important éditeur socialiste britannique d’origine juive, fit
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 139

une longue visite en Allemagne, et publia In Darkest Germany 5


l’année suivante et raconta l’horreur ressentie face aux conditions
qu’il y découvrit.
Ses affirmations sur la malnutrition,
la maladie et la misère totale étaient
étayées par plus d’une centaine de pho-
tographies effrayantes, et l’introduction à
l’édition américaine fut rédigée par Ro-
bert M. Hutchins, Président de l’Univer-
sité de Chicago et l’un de nos intellectuels
publics les plus réputés de cette époque.
Mais son petit volume semble avoir attiré
relativement peu d’attention des grands
médias américains, bien que son livre Our
Threatened Values 6 , assez similaire, pu-
blié l’année précédente et basé sur des
sources officielles en ait reçu un peu davantage. Gruesome Harvest 7
de Ralph Franklin Keeling, également publié en 1947, rassemble
utilement un grand nombre de déclarations officielles et d’articles
de grands médias, qui dépeignent dans l’ensemble le même tableau
des premières années de l’occupation alliée en l’Allemagne. Au
cours des années 1970 et 1980, ce sujet pénible fut repris par Alfred
M. de Zayas, titulaire d’un diplôme de droit de Harvard et d’un doc-
torat en histoire, qui mena une longue carrière en tant qu’éminent
avocat international des droits de l’homme, affilié de longue date
aux Nations Unies. Ses livres tels que Nemesis at Potsdam, A Ter-
rible Revenge, et The Wehrmacht War Crimes, particulièrement
axés sur le nettoyage ethnique massif des minorités allemandes, et
basés sur de grandes quantités d’archives, reçurent de nombreux
éloges et avis scientifiques dans de grandes revues universitaires.
5. Dans les ténèbres de l’Allemagne, NdT
6. Nos Valeurs menacées, NdT
7. Horrible récolte, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 140

Ils se vendirent à des centaines de milliers d’exemplaires en Alle-


magne et dans d’autres régions d’Europe, mais ne semblent pas
avoir pénétré la conscience de l’Amérique ou du reste du monde
anglophone.
À la fin des années 80, ce débat
historique brûlant prit une nouvelle
tournure remarquable. Alors qu’en
1986, il s’était rendu en France pour
préparer un livre sur un autre sujet,
un écrivain canadien nommé James
Bacque tomba sur des indices suggé-
rant que l’un des plus terribles se-
crets de l’Allemagne d’après-guerre
était resté complètement caché. Il se
lança immédiatement dans des re-
cherches approfondies et publia fina-
lement Other Losses 8 en 1989. Se fon-
dant sur des éléments de preuve consi-
dérables, comprenant des dossiers du
gouvernement, des entrevues person-
nelles et des témoignages oculaires validés, il expliqua qu’après la
fin de la guerre, les Américains avaient affamé jusqu’à un million
de prisonniers de guerre allemands. C’était apparemment un acte
politique délibéré, un crime de guerre, sûrement parmi les plus
considérables de l’histoire. Pendant des décennies, les propagan-
distes occidentaux critiquèrent sans relâche les Soviétiques en pré-
tendant qu’ils retenaient un million ou plus de prisonniers de guerre
allemands « disparus » comme esclaves du Goulag, alors que les
Soviétiques niaient sans répit ces accusations. Selon Bacque, les
Soviétiques avaient toujours dit la vérité, et les soldats disparus
étaient parmi les très nombreux qui avaient fui vers l’ouest à la fin
de la guerre, cherchant ce qu’ils supposaient être un bien meilleur
8. Autres Pertes, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 141

traitement aux mains des armées anglo-américaines. Mais au lieu


de cela, ils furent privés de toute protection légale, et confinés dans
des conditions horribles où ils périrent rapidement à cause de la
faim, de la maladie et des risques.
Sans prétendre résumer la vaste
accumulation des documents de Bacque,
quelques éléments factuels valent la
peine d’être mentionnés. À la fin des
hostilités, le gouvernement américain
détourna un raisonnement juridique
pour faire valoir que les millions de
soldats allemands qu’il avait captu-
rés ne devraient pas être considérés
comme des« prisonniers de guerre »
et n’étaient donc pas couverts par
les dispositions de la Convention de
Genève. Peu après, les tentatives de
la Croix-Rouge internationale pour
acheminer de la nourriture vers les gi-
gantesques camps de prisonniers alliés furent rejetées à plusieurs
reprises, et des avis furent affichés dans les villes et villages alle-
mands avoisinants indiquant que tout civil qui tentait de faire pas-
ser de la nourriture aux prisonniers de guerre pourrait être abattu
à vue. Ces faits historiques indéniables semblent déboucher sur de
sombres interprétations.
Bien qu’initialement sorti chez un obscur éditeur, le livre de
Bacque fit rapidement sensation et devint un best-seller internatio-
nal. Il y dépeignait le Général Dwight Eisenhower comme le princi-
pal responsable de cette tragédie, remarquant que les pertes de pri-
sonniers de guerre étaient beaucoup plus faibles dans les régions qui
échappaient à son contrôle, et laissait entendre qu’en tant que « gé-
néral politique » très ambitieux d’ascendance germano-américaine,
il eut peut-être à subir d’intenses pressions pour prouver sa « du-
reté » envers l’ennemi vaincu.
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 142

L’historien Stephen Ambrose, qui


avait mené une carrière lucrative en
sortant de nombreux volumes élo-
gieux sur Eisenhower et la Seconde
guerre mondiale, aidé en cela par de
nombreux plagiats, réagit avec hor-
reur aux hypothèses de Bacque et
organisa rapidement un symposium
sous les auspices du Centre Eisenho-
wer, espérant ainsi réfuter les accu-
sations monstrueuses qui avaient été
portées contre son gagne-pain. J’ai
senti que lui et le large éventail de co-
auteurs qu’il avait recrutés dans son
projet ont exprimé des doutes sur certaines parties de la thèse de
Bacque, mais ils ont semblé incapables de contester efficacement
son cœur, sauf peut-être en argumentant que quelque chose d’aussi
énorme n’aurait pu rester caché si longtemps. De plus, Ambrose
et ses collègues admirent à contrecœur que les statistiques améri-
caines officielles sur les taux de mortalité des prisonniers de guerre,
qu’aucun d’entre eux n’avait jamais remises en question aupara-
vant, étaient bas au-delà de toute crédibilité. Ils choisirent de ré-
soudre ce problème en quadruplant arbitrairement les données, ce
qui n’inspire guère confiance quant à leurs méthodes.
De plus, une fois la guerre froide terminée et les archives so-
viétiques ouvertes aux savants, leur contenu semble avoir forte-
ment validé la thèse de Bacque. Il note que bien que les archives
contiennent des preuves explicites d’atrocités telles que le mas-
sacre de Katyn du corps des officiers polonais par Staline, elles ne
montrent absolument aucune trace d’un million de prisonniers de
guerre allemands manquants, qui trouvèrent vraisemblablement la
mort par la famine et la maladie dans les camps d’Eisenhower.
Bacque souligne que le gouvernement allemand a émis de graves
menaces juridiques contre quiconque chercherait à enquêter sur les
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 143

fosses communes qui contiennent probablement les restes de ces pri-


sonniers de guerre morts depuis longtemps et dans une édition mise
à jour, il mentionne également l’adoption récente par l’Allemagne
de lois sévères condamnant à de lourdes peines de prison quiconque
remet simplement en question le récit officiel de la Seconde guerre
mondiale
Bacque note ironiquement que les archives soviétiques sur leurs
propres prisonniers de guerre allemands montrent un taux de mor-
talité raisonnablement élevé mais normal dans un contexte de cap-
tivité, mais il n’y a rien de tel que les pertes énormes qui se pro-
duisirent apparemment de manière si rapide dans les camps occi-
dentaux et cela, en dépit de la grande pauvreté de l’URSS d’après-
guerre. Mais nous ne devrions pas nous étonner de ce fait. Staline,
qui était Géorgien, organisa son pouvoir comme une autarcie sovié-
tique, et dans le passé, il avait délibérément ordonné la mort d’un
grand nombre de ses propres sujets, russes ou non, afin d’imposer
son règne. Les Allemands s’étaient opposés à lui et l’avaient com-
battu, et ils avaient beaucoup souffert en conséquence, mais une
fois leur résistance terminée et puisqu’ils étaient maintenant sous
son pouvoir, quelles raisons avait-il de se sentir particulièrement
vindicatif envers eux ? Friedrich von Paulus, le maréchal qui avait
commandé à Stalingrad, déclara plus tard sa loyauté aux Sovié-
tiques et reçut un poste honorifique dans la nouvelle Allemagne de
l’Est, si bien que les prisonniers de guerre ordinaires qui obéirent
et travaillèrent de manière productive furent certainement nourris.
Bien que maintenant âgé, Bacque a donné une longue interview
à Red Ice Radio il y a quelques années, et ceux des lecteurs qui sont
intéressés pourront l’écouter sur YouTube, qui héberge d’autres
vidéos sur le même sujet.
https://www.youtube.com/watch?v=gKGQ65guU3o
Les nouvelles preuves extraites par Bacque des archives du
Kremlin constituent une partie relativement faible de la suite pa-
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 144

rue en 1997, Crimes and mercies 9 , qui est centrée sur une analyse
encore plus explosive. Elle est également devenue un best-seller in-
ternational.
Comme décrit précédemment, des
observateurs directs de l’Allemagne
de 1947 et 1948 comme Gollanz et Ut-
ley, apportèrent des témoignages di-
rects des conditions horribles qu’ils
avaient découvertes. Ils affirmèrent
que depuis des années, les rations
alimentaires officielles prévues pour
la population étaient comparables à
celle des détenus dans les camps
de concentration nazis. Elles étaient
même parfois beaucoup plus basses,
entraînant la malnutrition et les ma-
ladies courantes qu’ils pouvaient ob-
server. Ils notèrent également la des-
truction de la plupart des logements d’avant-guerre en Allemagne
et le terrible surpeuplement produit par l’afflux de millions de ré-
fugiés allemands dénués de tout, expulsés de certaines parties de
l’Europe centrale et orientale. Mais ces enquêteurs n’avaient pas
accès à des statistiques de population fiables, et ne pouvaient que
spéculer sur le nombre énorme de morts humaines que la faim et la
maladie avaient déjà infligées et qui continueraient sûrement sans
changement urgent de politique.
Bacque cumula des années de recherches sur les archives pour
tenter de répondre à cette question, et la conclusion qu’il fournit
n’est pas du genre agréable. En effet, tant le gouvernement mili-
taire allié que les autorités civiles allemandes ultérieures semblent
avoir concerté leurs efforts pour cacher ou obscurcir l’ampleur réelle
de la calamité qui frappa les civils allemands au cours des an-
9. Crimes et grâces, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 145

nées 1945-1950. Les statistiques officielles sur la mortalité que l’on


trouve dans les rapports gouvernementaux sont tout simplement
trop incroyables pour être correctes, bien qu’elles aient fourni la
base de l’histoire de cette période. Par exemple, Bacque note que
ces chiffres indiquent que le taux de mortalité dans les conditions
terribles de 1947, longtemps connue comme l’« Année de la faim »
(Hungerjahr) que Golse, aurait été inférieur à celui de l’Allemagne
prospère de la fin des années 1960. En outre, des rapports pri-
vés des autorités américaines, les taux de mortalité des localités et
d’autres preuves fiables démontrent que ces statistiques, admises
depuis longtemps, étaient pour l’essentiel fictives.
À leur place, Bacque tente de fournir des estimations plus réa-
listes sur la base d’un examen des totaux de population des dif-
férents recensements allemands ainsi que l’afflux de réfugiés alle-
mands tel qu’il a pu être enregistré. À partir de ces données simples,
il arrive à la conclusion raisonnablement probante que l’excédent
de décès allemands au cours de cette période s’éleva à au moins
environ 10 millions, avec une marge de plusieurs millions. De plus,
il fournit des preuves substantielles que la famine fut délibérément
organisée, ou du moins considérablement aggravée par la résistance
du gouvernement américain à une aide alimentaire. Peut-être ne
devrions-nous pas être totalement surpris par ces conclusions, étant
donné que le très officiel plan Morgenthau avait envisagé l’élimi-
nation d’environ 20 millions d’Allemands. Or, comme Bacque le
démontre, les principaux dirigeants américains acceptèrent discrè-
tement de poursuivre cette politique dans la pratique, même s’ils
y avaient renoncé en théorie.
En supposant que ces chiffres soient ne serait-ce qu’à peu près
corrects, les implications sont tout à fait remarquables. Dans ce
cas, le nombre de victimes de la catastrophe humaine survenue
en Allemagne figurerait certainement parmi les plus importants de
l’histoire moderne en temps de paix, et dépasse de loin le nombre
de morts liés à la famine ukrainienne du début des années 1930. Il
s’approcherait même de la mortalité non planifiée consécutive au
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 146

Grand bond en avant de Mao en 1959-61. Il y a plus : les pertes al-


lemandes dépasseraient largement en pourcentage l’un et l’autre de
ces événements terribles, et cela resterait vrai même si les estima-
tions de Bacque étaient sensiblement réduites. Pourtant je doute
que même une petite fraction des Américains soient aujourd’hui
conscients de cette gigantesque catastrophe. Je présume que les
souvenirs sont beaucoup plus prégnants en Allemagne, mais étant
donné la répression juridique des opinions discordantes dans ce mal-
heureux pays, je soupçonne que quiconque discute du sujet trop
énergiquement court le risque d’être immédiatement emprisonné.
Dans une large mesure, cette ignorance historique a été forte-
ment encouragée par nos gouvernements, souvent par des moyens
sournois ou franchement malveillants. Tout comme dans l’ancienne
URSS déclinante, une grande partie de la légitimité politique ac-
tuelle du gouvernement américain et des divers États-vassaux euro-
péens est fondée sur une récit interprétatif particulier de la Seconde
guerre mondiale. Or, la remise en question de ce récit pourrait avoir
des conséquences politiques désastreuses. Bacque raconte de façon
crédible certains des efforts visiblement déployés pour dissuader
tout grand journal ou magazine de publier des articles sur les dé-
couvertes bouleversantes de son premier livre, imposant ainsi un
« blackout » qui vise à réduire au minimum l’exposition médiatique.
De telles mesures semblent avoir été très efficaces, car jusqu’à il y a
huit ou neuf ans, je ne suis pas sûr d’avoir jamais entendu un mot
de ces thèses scandaleuses. De même, je n’ai certainement jamais
vu de telles discussions sérieuses dans les nombreux journaux ou
magazines que j’ai lus attentivement au cours des trois dernières
décennies.
Des moyens illégaux eux-mêmes ont été employés pour entra-
ver les efforts de ce chercheur solitaire et déterminé. Il est arrivé
que les lignes téléphoniques de Bacque aient été mises sur écoute,
son courrier intercepté, et son matériel de recherche copié subrep-
ticement, tandis que son accès à certaines archives officielles avait
été bloqué. Certains des témoins oculaires âgés qui corroboraient
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 147

personnellement son analyse reçurent des menaces écrites et virent


leurs biens vandalisés.
Dans l’avant-propos du livre de 1997, De Zayas, cet éminent
avocat international des droits de l’homme, a fait l’éloge des re-
cherches révolutionnaires de Bacque. Il espérait qu’elles condui-
raient rapidement à un grand débat académique visant à rétablir
les faits qui avaient eu lieu un demi-siècle plus tôt. Mais dans sa
mise à jour de l’édition 2007, il s’indigne qu’aucune discussion de
ce genre n’ait jamais eu lieu. Au lieu de cela, le gouvernement alle-
mand a simplement adopté une série de lois sévères imposant des
peines de prison à quiconque contesterait en profondeur le récit
institutionnel de la Seconde guerre mondiale et de ses suites im-
médiates, et même potentiellement à ceux qui se concentreraient
exagérément sur les souffrances du peuple allemand.
Même si les deux livres de Bacque sont devenus des best-sellers
internationaux, l’absence quasi totale de toute promotion média-
tique a fait en sorte que leur impact sur le public n’ait pas dépassé
l’effet d’une piqûre d’épingle. Un autre facteur explicatif important
est la portée totalement disproportionnée des médias imprimés et
électroniques. Certes, un best-seller peut être lu par des dizaines de
milliers de personnes, mais un film réussi peut en toucher des di-
zaines de millions, et tant qu’Hollywood tournera indéfiniment des
films dénonçant les atrocités allemandes et pas un seul de l’autre
côté, les faits réels de l’histoire auront peu de chances d’attirer
quelque attention. Je soupçonne fortement qu’aujourd’hui, il y a
beaucoup plus de gens qui croient en l’existence réelle de Batman
et Spiderman que de gens informés de l’hypothèse de Bacque.
En évaluant les facteurs politiques qui, semble-t-il, ont provoqué
un si grand nombre de morts apparemment délibérés parmi les
civils allemands longtemps après la fin des combats, il convient
de souligner un point important. Les historiens qui cherchent à
démontrer l’incommensurable méchanceté d’Hitler ou son degré de
connaissance des divers crimes commis au cours du conflit sont
régulièrement forcés de passer au crible des dizaines de milliers
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 148

de ses paroles ici ou là, puis interprètent ces allusions dispersées


comme des déclarations absolument concluantes. Ceux qui, comme
le distingué historien David Irving, ne parviennent pas à modeler
les mots pour les adapter verront parfois leur carrière détruite.
Mais dès 1940, un juif américain
du nom de Theodore Kaufman de-
vint tellement enragé par ce qu’il
considérait comme les mauvais trai-
tements d’Hitler envers les Juifs alle-
mands qu’il publia un court livre inti-
tulé Germany Must Perish ! 10 , dans
lequel il plaide explicitement pour
l’extermination totale du peuple alle-
mand. Or ce livre reçut apparemment
un accueil favorable, et même tout à
fait sérieux dans bon nombre de nos
plus prestigieux médias, y compris le
New York Times, le Washington Post,
et le Time Magazine. Si ce genre de
sentiments s’exprimaient librement dans certains milieux avant
même l’entrée en guerre, alors peut-être les politiques longtemps ca-
chées que Bacque semble avoir découvertes ne devraient-elles nous
étonner plus que ça. Certains cyniques ont parfois noté que l’un des
aspects ironiques de la cuisine hollywoodienne, à la fois à la télé-
vision et au cinéma, est un anti-réalisme écrasant et régulièrement
affiché sur des sujets à forte teinte idéologique. Les films d’action
montrent invariablement des petites femmes qui se battent avec ai-
sance à coups de pieds et de poings bien ajustés contre des hommes
nombreux et costauds, tandis que les Noirs sont souvent dépeints
comme des savants brillants, mais très rarement comme des voyous
ou des truands. Par conséquent, trois générations après le 8 mai
1945, peut-être devrait-on interpréter dans cette perspective le flux
10. L’Allemagne doit périr !, NdT
APRÈS-GUERRES FRANCAISE/ALLEMANDE 149

continu de films sur la Seconde guerre mondiale qui dépeignent les


Allemands sous un jour particulier.
Chapitre 7

Comprendre la seconde
guerre mondiale

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article comprendre


la seconde guerre mondiale
Par Ron Unz – Le 23 septembre 2019 – Source Unz Review

À la fin 2006, Scott McConnell, rédacteur en chef de The Ame-


rican Conservative (TAC), m’a contacté pour me dire que, faute
d’une importante injection financières, son petit magazine allait
devoir fermer ses portes. J’étais en bons termes avec McConnell
depuis environ 1999, et j’ai beaucoup apprécié le fait que lui et ses
co-fondateurs du TAC aient été un point focal d’opposition à la
politique étrangère calamiteuse de l’Amérique du début des années
2000. Dans la foulée du 11 septembre 2001, les Néo-cons centrés sur
Israël avaient plus ou moins réussi à prendre le contrôle de l’admi-
nistration Bush tout en prenant le contrôle des principaux médias
américains, purgeant ou intimidant la plupart de leurs critiques.
Bien que Saddam Hussein n’ait manifestement aucun lien avec les
attaques, son statut de rival régional possible d’Israël l’avait dési-

150
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 151

gné comme leur principale cible, et ils ont rapidement commencé à


battre les tambours de la guerre, les États-Unis lançant finalement
leur invasion désastreuse en mars 2003.
Parmi les magazines imprimés, le
TAC était presque seul à s’oppo-
ser avec force à ces politiques et
avait attiré une attention considérable
lorsque le rédacteur en chef fondateur
Pat Buchanan avait publié « Whose
War », qui désignait directement les
néoconservateurs juifs responsables,
une vérité très largement reconnue
dans les milieux politiques et média-
tiques mais presque jamais publique-
ment exprimée. David Frum, l’un des
principaux promoteurs de la guerre en
Irak, avait presque simultanément pu-
blié un article de couverture de la Na-
tional Review dénonçant comme « antipatriotique » - et peut-être
« antisémite » - une très longue liste de critiques conservateurs,
libéraux et libertaires de la guerre, avec Buchanan proche du som-
met, et la controverse et les insultes ont perduré pendant quelque
temps.
Compte tenu de cette histoire récente, je craignais que la dis-
parition du TAC ne laisse un vide politique dangereux, et étant
alors dans une situation financière relativement solide, j’ai accepté
de sauver le magazine et d’en devenir le nouveau propriétaire. Bien
que j’étais beaucoup trop préoccupé par mon propre travail sur
les logiciels pour m’impliquer directement, McConnell m’a nommé
éditeur, probablement dans l’espoir de me lier à la survie de son
magazine et de s’assurer de futures injections financières. Mon titre
était de pure forme et, au cours des années qui ont suivi, en plus
de faire des chèques supplémentaires, ma seule participation se ré-
sumait habituellement à un appel téléphonique de cinq minutes
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 152

chaque lundi matin pour voir comment les choses allaient.


Environ un an après que j’ai commencé à soutenir le magazine,
McConnell m’a informé qu’une crise majeure se préparait. Bien
que Pat Buchanan ait rompu ses liens directs avec la publication
quelques années auparavant, il était de loin le personnage le plus
connu associé au TAC, de sorte qu’il était encore largement connu,
bien que par erreur, sous le nom de « magazine de Pat Buchanan ».
Mais maintenant McConnell avait entendu dire que Buchanan avait
l’intention de publier un nouveau livre censé glorifier Adolf Hitler et
dénoncer la participation de l’Amérique à la guerre mondiale pour
vaincre la menace nazie. La promotion de ces croyances bizarres
condamnerait certainement la carrière de Buchanan, mais comme le
TAC était déjà continuellement attaquée par des activistes juifs, la
culpabilité « néonazie » qui en résulterait par association pourrait
facilement couler le magazine aussi.
En désespoir de cause, McConnell avait décidé de protéger sa
publication en sollicitant une critique très hostile de l’historien
conservateur John Lukacs, qui protégerait ainsi le TAC de la ca-
tastrophe imminente. Étant donné à l’époque mon rôle de bailleur
de fonds et d’éditeur du TAC, il m’a naturellement demandé mon
approbation dans cette rupture brutale avec son propre mentor po-
litique. Je lui ai dit que le livre de Buchanan avait certainement
l’air plutôt ridicule et que sa propre stratégie défensive était plutôt
raisonnable, et je suis rapidement revenu sur les problèmes aux-
quels j’avais été confronté dans mon propre projet de logiciel qui
consommait tout mon temps.
J’avais été un peu ami avec Buchanan pendant une douzaine
d’années et j’admirais beaucoup le courage dont il faisait preuve en
s’opposant aux Néo-cons en politique étrangère, mais je n’étais pas
trop surpris d’entendre qu’il publiait un livre promouvant des idées
un peu étranges. Quelques années plus tôt, il avait sorti « The Death
of the West », qui était devenu un best-seller inattendu. Après que
mes amis du TAC eurent fait l’éloge de ses qualités, j’ai décidé de
le lire moi-même et j’ai été très déçu. Bien que Buchanan ait gé-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 153

néreusement cité un extrait de mon propre article de couverture


de Commentary intitulé « La Californie et la fin de l’Amérique
blanche », j’ai eu l’impression qu’il avait interprété le sens de cet
article totalement de travers, et le livre dans son ensemble semblait
un traitement plutôt mal construit et aligné sur une rhétorique de
droite sur les questions complexes d’immigration et de race, sujets
sur lesquels je me suis beaucoup concentré depuis le début des an-
nées 1990. Dans ces circonstances, je n’ai donc pas été surpris que
le même auteur soit en train de publier un livre tout aussi stu-
pide sur la Seconde Guerre mondiale, causant peut-être de graves
problèmes à ses anciens collègues du TAC.
Des mois plus tard, l’histoire de Buchanan et la révision hostile
du TAC sont toutes deux apparues, et comme prévu, une tempête
de controverse a éclaté. Les principales publications avaient large-
ment ignoré le livre, mais il semblait recevoir d’énormes éloges de la
part d’écrivains alternatifs, dont certains dénonçaient férocement
le TAC pour l’avoir attaqué. En fait, la réponse a été si unilatérale
que lorsque McConnell a découvert qu’un blogueur totalement obs-
cur quelque part était d’accord avec sa propre évaluation négative,
il a immédiatement fait circuler ces remarques dans une tentative
désespérée de revendication. Des collaborateurs de longue date du
TAC, dont j’ai beaucoup respecté les connaissances historiques, tels
Eric Margolis et William Lind, avaient fait l’éloge du livre, alors
ma curiosité a finalement pris le dessus et j’ai décidé de commander
un exemplaire et de le lire pour moi-même.
J’ai été très surpris de découvrir une œuvre très différente de
ce à quoi je m’attendais. Je n’avais jamais accordé beaucoup d’at-
tention à l’histoire américaine du XXe siècle et ma connaissance
de l’histoire européenne à la même époque n’était que légèrement
meilleure, alors mes opinions étaient plutôt conventionnelles, ayant
été façonnées par mes cours d’History 101 et ce que j’avais appris
en lisant mes divers journaux et magazines pendant des décen-
nies. Mais dans ce cadre, l’histoire de Buchanan semblait s’inté-
grer assez confortablement. La première partie de son volume four-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 154

nissait ce que j’avais toujours considéré comme une vue standard


de la Première Guerre mondiale. Dans son récit des événements,
Buchanan explique comment le réseau complexe d’alliances imbri-
quées a conduit à une gigantesque conflagration alors qu’aucun des
dirigeants existants n’avait réellement recherché ce résultat : un
énorme baril de poudre européen avait été allumé par l’étincelle
d’un meurtre à Sarajevo.
Mais bien que son récit soit ce
à quoi je m’attendais, il m’a fourni
une foule de détails intéressants que je
ne connaissais pas auparavant. Entre
autres choses, il fait valoir de fa-
çon convaincante que la culpabilité de
guerre allemande était quelque peu
inférieure à celle de la plupart des
autres participants, notant également
que malgré la propagande sans fin au-
tour du « militarisme prussien », l’Al-
lemagne n’avait mené aucune guerre
majeure depuis 43 ans, un record in-
interrompu de paix bien meilleur que
celui de la plupart de ses adversaires.
De plus, un accord militaire secret entre la Grande-Bretagne et la
France avait été un facteur crucial dans l’escalade involontaire, et
même ainsi, près de la moitié du Cabinet britannique avait failli
démissionner face à la déclaration de guerre contre l’Allemagne,
une possibilité qui aurait probablement conduit à un conflit court
et limité, confiné au continent. J’avais aussi rarement vu insister
sur le fait que le Japon avait été un allié britannique crucial et que
les Allemands auraient probablement gagné la guerre si le Japon
avait combattu de l’autre côté.
Cependant, la majeure partie du livre porte sur les événements
qui manèrent à la Seconde Guerre mondiale, et c’est cette partie
qui inspira tant d’horreur à McConnell et à ses collègues. Buchanan
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 155

décrit les dispositions scandaleuses du Traité de Versailles imposées


à une Allemagne prostrée, et la détermination de tous les dirigeants
allemands subséquents à y remédier. Mais alors que ses prédéces-
seurs démocratiques de Weimar avaient échoué, Hitler avait réussi,
en grande partie grâce au bluff, tout en annexant l’Autriche alle-
mande et les Sudètes allemands de Tchécoslovaquie, dans les deux
cas avec le soutien massif de leurs populations.
Buchanan documente cette thèse controversée en s’inspirant
largement de nombreuses déclarations de personnalités politiques
contemporaines de premier plan, pour la plupart britanniques, ainsi
que des conclusions de grands historiens très respectés. La dernière
exigence d’Hitler, à savoir que Dantzig à 95% allemande soit resti-
tuée à l’Allemagne comme ses habitants le souhaitaient, était tout
à fait raisonnable, et seule une terrible erreur diplomatique de la
part des Britanniques avait conduit les Polonais à refuser cette
demande, provoquant ainsi la guerre. L’affirmation répandue plus
tard que Hitler cherchait à conquérir le monde était totalement ab-
surde, et le dirigeant allemand avait en fait tous les efforts possibles
pour éviter la guerre avec la Grande-Bretagne ou la France. En ef-
fet, il était généralement très amical envers les Polonais et espérait
faire de la Pologne un allié allemand contre la menace de l’Union
soviétique de Staline.
Bien que de nombreux Américains aient pu être choqués par
ce récit des événements qui ont mené au déclenchement de la Se-
conde Guerre mondiale, le récit de Buchanan correspondait assez
bien à ma propre impression de cette période. En tant qu’étudiant
de première année à Harvard, j’avais suivi un cours d’introduc-
tion à l’histoire, et l’un des principaux textes obligatoires sur la
Seconde Guerre mondiale avait été celui de A.J.P. Taylor, un his-
torien renommé de l’Université d’Oxford. Son célèbre ouvrage de
1961, Origines de la Seconde Guerre mondiale, avait présenté de
façon très convaincante une version très semblable à celle de Bucha-
nan, et je n’avais jamais trouvé de raison de remettre en question
le jugement de mes professeurs qui l’avaient confié. Donc, si Bucha-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 156

nan semblait simplement appuyer les opinions d’un grand donateur


d’Oxford et de membres de la faculté d’histoire de Harvard, je ne
comprenais pas pourquoi son nouveau livre serait considéré comme
étant si inacceptable. Certes, Buchanan y a également inclus une
critique très sévère de Winston Churchill, énumérant une longue
liste de ses politiques prétendument désastreuses et de ses revire-
ments politiques, et lui attribuant une bonne part de la responsa-
bilité de l’implication de la Grande-Bretagne dans les deux guerres
mondiales, décisions fatidiques qui ont conduit à l’effondrement de
l’Empire britannique. Mais même si ma connaissance de Churchill
était beaucoup trop limitée pour rendre un verdict, les arguments
qu’il avance en faveur de cette analyse semblent raisonnablement
solides. Les Néo-cons détestaient déjà Buchanan et puisqu’ils vé-
néraient Churchill comme un super-héros de dessin animé, toute
critique de la part de ces gens ne serait guère surprenante. Mais
dans l’ensemble, le livre semblait une histoire très solide et inté-
ressante, la meilleure œuvre de Buchanan que j’aie jamais lue, et
j’ai gentiment donné un avis favorable à McConnell, qui était évi-
demment plutôt déçu. Peu de temps après, il décida d’abandonner
son rôle de rédacteur en chef du TAC au profit de Kara Hopkins,
son adjointe de longue date, et la vague de diffamation qu’il avait
récemment subie de la part de plusieurs de ses anciens alliés pro-
Buchanan a sans doute contribué à cette décision.
Bien que ma connaissance de l’histoire de la Seconde Guerre
mondiale ait été assez rudimentaire en 2008, au cours de la décen-
nie qui a suivi, j’ai entrepris de nombreuses lectures de l’histoire
de cette époque mémorable, et mon jugement préliminaire sur la
justesse de la thèse de Buchanan a été fortement renforcé.
Le récent 70e anniversaire du début du conflit qui a consumé
tant de dizaines de millions de vies a naturellement provoqué de
nombreux articles historiques, et la discussion qui en a résulté m’a
amené à sortir ma vieille copie du court volume de Taylor, que je re-
lis pour la première fois en près de quarante ans. Je l’ai trouvé aussi
magistral et persuasif qu’à l’époque où j’étais dans ma chambre de
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 157

dortoir à l’université, et les brillants communiqués de presse de


la couverture laissaient entrevoir certaines des acclamations que le
travail avait immédiatement reçues. Le Washington Post a saluait
l’auteur comme l’« le plus éminent historien britannique en vie »,
World Politics le qualifiait de « puissamment argumenté, brillam-
ment écrit et toujours persuasif », The New Statesman, magazine
britannique de gauche, le décrivait comme « un chef-d’œuvre : lu-
cide, compatissant, magnifiquement écrit » et le Times Literary
Supplement le caractérisait comme « simple, dévastateur, d’une
grande clarté et profondément inquiétant ». En tant que best-seller
international, il s’agit certainement du livre le plus célèbre de Tay-
lor, et je peux facilement comprendre pourquoi il figurait encore sur
ma liste de lectures obligatoires du collège près de deux décennies
après sa publication originale.
Pourtant, en revisitant l’étude
révolutionnaire de Taylor, j’ai fait
une découverte remarquable. Malgré
toutes les ventes internationales et
les acclamations de la critique, les
conclusions du livre ont vite suscité
une grande hostilité dans certains mi-
lieux. Les conférences de Taylor à Ox-
ford avaient été extrêmement popu-
laires pendant un quart de siècle, mais
comme résultat direct de cette contro-
verse « l’historien vivant le plus émi-
nent de Grande-Bretagne » fut som-
mairement purgé de la faculté peu de
temps après. Au début de son premier
chapitre, Taylor avait remarqué à quel point il trouvait étrange que
plus de vingt ans après le début de la guerre la plus cataclysmique
du monde, aucune histoire sérieuse n’ait été produite pour analy-
ser attentivement ce déclenchement. Peut-être que les représailles
qu’il a subies l’ont amené à mieux comprendre une partie de ce
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 158

casse-tête.
Taylor n’était pas le seul à subir de telles représailles. En ef-
fet, comme je l’ai progressivement découvert au cours de la der-
nière décennie, son sort semble avoir été exceptionnellement doux,
sa grande stature existante l’isolant partiellement des contrecoups
de son analyse objective des faits historiques. Et ces conséquences
professionnelles extrêmement graves étaient particulièrement fré-
quentes de notre côté de l’Atlantique, où de nombreuses victimes
ont perdu leurs positions médiatiques ou académiques de longue
date et ont disparu définitivement des yeux du public pendant les
années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale.
J’avais passé une grande partie des années 2000 à produire des
archives numérisées massives contenant le contenu complet de cen-
taines de périodiques américains les plus influents des deux der-
niers siècles, une collection totalisant plusieurs millions d’articles.
Et au cours de ce processus, j’ai été surpris à maintes reprises de
rencontrer des individus dont la présence massive les positionnait
clairement comme les intellectuels grand public les plus importants
de leur époque, mais qui avaient ensuite disparu si complètement
que je n’avais presque jamais été au courant de leur existence. J’ai
peu à peu commencé à reconnaître que notre propre histoire avait
été marquée par une Grande Purge idéologique tout aussi impor-
tante, quoique moins sanguinaire, que son homologue soviétique.
Les parallèles semblaient étranges :
Je m’imaginais parfois un peu comme un jeune cher-
cheur soviétique sérieux des années 1970 qui aurait com-
mencé à fouiller dans les fichiers d’archives moisies du
Kremlin, oubliées depuis longtemps, et fait des décou-
vertes étonnantes. Trotski n’était apparemment pas le
célèbre espion nazi ni le traître décrit dans tous les
manuels, mais avait été le bras droit du saint Lénine
lui-même pendant les jours glorieux de la grande révo-
lution bolchevique, et était resté pendant quelques an-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 159

nées dans les rangs les plus élevés de l’élite du parti. Et


qui étaient ces autres personnages – Zinoviev, Kame-
nev, Boukharine, Rykov – qui étaient également passé
ces premières années au sommet de la hiérarchie com-
muniste ? Dans les cours d’histoire, ils étaient à peine
mentionnés, en tant qu’agents capitalistes mineurs ra-
pidement démasqués et ayant payé de leur vie leur traî-
trise. Comment le grand Lénine, père de la Révolution,
aurait-il pu être assez idiot pour s’entourer presque ex-
clusivement de traîtres et d’espions ? Sauf que contrai-
rement à leurs analogues staliniens quelques années plus
tôt, les victimes américaines disparues vers 1940 ne
furent ni abattues ni envoyées au goulag, mais sim-
plement exclues des principaux médias qui définissent
notre réalité, les effaçant ainsi de notre mémoire, de
sorte que les générations futures ont progressivement
oublié qu’elles avaient jamais existé.
Le journaliste John T. Flynn, probablement presque inconnu au-
jourd’hui, mais dont la stature était autrefois énorme, est un exemple
éminent de ce type d’Américain « disparu ». Comme je l’ai écrit
l’année dernière :
Alors, imaginez ma surprise de découvrir que, tout au
long des années 1930, il avait été l’une des voix libé-
rales les plus influentes de la société américaine, un
écrivain en économie et en politique dont le statut au-
rait pu être, à peu de choses prés, proche de celui de
Paul Krugman, mais avec une forte tendance à chercher
le scandale. Sa chronique hebdomadaire dans The New
Republic lui permit de servir de locomotive pour les
élites progressistes américaines, tandis que ses appari-
tions régulières dans Colliers, hebdomadaire illustré de
grande diffusion, atteignant plusieurs millions d’Amé-
ricains, lui fournissaient une plate-forme comparable à
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 160

celle d’une personnalité de l’âge d’or des réseaux de


télévision. Dans une certaine mesure, l’importance de
Flynn peut être objectivement quantifiée. Il y a quelques
années, j’ai eu l’occasion de mentionner son nom de-
vant une libérale cultivée et engagée née dans les années
1930. Sans surprise, elle a séché, mais s’est demandé
s’il aurait pu être un peu comme Walter Lippmann, le
très célèbre chroniqueur de cette époque. Lorsque j’ai
vérifié, j’ai constaté que dans les centaines de pério-
diques de mon système d’archivage, on ne trouvait que
23 articles publiés par Lippmann dans les années 1930
contre 489 par Flynn.
Un parallèle américain encore plus fort avec Taylor était celui de
l’historien Harry Elmer Barnes, une figure presque inconnue pour
moi, mais à son époque un universitaire de grande influence et
d’envergure :
Imaginez mon étonnement après avoir découvert que
Barnes avait été l’un des premiers contributeurs du ma-
gazine Foreign Affairs, et le principal relecteur de cette
vénérable publication depuis sa fondation en 1922, alors
que son statut parmi les universitaire libéraux améri-
cains de premier plan se manifestait par ses nombreuses
apparitions dans The Nation et The New Republic au
cours des années 1920. En effet, on lui attribue un rôle
central dans la « révision » de l’histoire de la Première
Guerre mondiale, afin d’effacer l’image caricaturale de
l’innommable méchanceté allemande, laissée en héri-
tage de la malhonnête propagande de guerre produite
par les gouvernements adversaires britannique et étasu-
nien. Et sa stature professionnelle a été démontrée par
ses trente-cinq livres ou plus, dont bon nombre d’ou-
vrages académiques influents, ainsi que par ses nom-
breux articles dans The American Historical Review,
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 161

Political Science Quarterly et d’autres revues de pre-


mier plan. Il y a quelques années, j’ai parlé de Barnes
à un éminent universitaire américain dont les activités
en sciences politiques et en politique étrangère étaient
très similaires, et pourtant le nom ne lui disait rien. À
la fin des années 1930, Barnes était devenu un critique
de premier plan des propositions de participation amé-
ricaine à la Seconde Guerre mondiale. En conséquence,
il avait définitivement « disparu », ignoré par tous les
grands médias, alors qu’une importante chaîne de jour-
naux était fortement incitée à mettre fin brutalement,
en mai 1940, à sa rubrique nationale publiée de longue
date.
Beaucoup d’amis et d’alliés de Barnes tombèrent lors de la même
purge idéologique, qu’il décrit dans ses propres écrits et qui se pour-
suivit après la fin de la guerre :
Plus d’une douzaine d’années après sa disparition de
notre paysage médiatique national, Barnes a réussi à
publier Perpetual War for Perpetual Peace, un long re-
cueil d’essais d’érudits et autres experts traitant des cir-
constances entourant l’entrée de l’Amérique dans la Se-
conde Guerre mondiale. Il a été édité et distribué par
un petit imprimeur de l’Idaho. Sa propre contribution
consistait en un essai de 30 000 mots intitulé « Le
révisionnisme et le blackout historique », qui abordait
les énormes obstacles rencontrés par les penseurs dis-
sidents de cette période. Le livre lui-même était dédié
à la mémoire de son ami l’historien Charles A. Beard.
Depuis le début du XXe siècle, Beard était une figure
intellectuelle de haute stature et d’une très grande in-
fluence, cofondateur de The New School à New York
et président de l’American Historical Association et de
l’American Political Science Association. En tant que
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 162

principal partisan de la politique économique du New


Deal, il a été extrêmement loué pour ses opinions. Pour-
tant, après qu’il se retourna contre la politique étran-
gère belliqueuse de Roosevelt, les éditeurs lui fermèrent
leurs portes et seule son amitié personnelle avec le res-
ponsable de la presse de l’Université de Yale permit à
son volume critique de 1948, Le président Roosevelt,
et l’avènement de la guerre, 1941 de paraître. La ré-
putation immense de Beard semble avoir commencé à
décliner rapidement à partir de ce moment, de sorte que
l’historien Richard Hofstadter pouvait écrire en 1968 :
« La réputation de Beard se présente aujourd’hui comme
une ruine imposante dans le paysage de l’historiogra-
phie américaine. Ce qui était autrefois la plus grande
maison du pays est maintenant une survivance rava-
gée. » En fait, « l’interprétation économique de l’his-
toire », autrefois dominante, de Beard pourrait presque
être considérée comme faisant la promotion de « dan-
gereuses théories du complot », et je suppose que peu
de non-historiens ont même entendu parler de lui. Un
autre contributeur majeur au volume de Barnes fut William
Henry Chamberlin, qui pendant des décennies avait été
classé parmi les principaux journalistes de politique étran-
gère des États-Unis, avec plus de quinze livres à son
actif, la plupart d’entre eux ayant fait l’objet de nom-
breuses critiques favorables. Pourtant, America’s Se-
cond Crusade, son analyse critique, publiée en 1950,
de l’entrée de l’Amérique dans la Seconde Guerre mon-
diale, n’a pas réussi à trouver un éditeur traditionnel et
a été largement ignorée par les critiques. Avant sa publi-
cation, sa signature apparaissait régulièrement dans nos
magazines nationaux les plus influents, tels que The At-
lantic Monthly et Harpers. Mais par la suite, son acti-
vité s’est presque entièrement limitée à des lettres d’in-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 163

formation et à des périodiques de faible tirage, appré-


ciés par un public conservateur ou libertaire restreint.
Aujourd’hui, sur internet, chacun peut facilement créer
un site Web pour publier son point de vue, le rendant
immédiatement accessible à tout le monde. En quelques
clics de souris, les médias sociaux tels que Facebook et
Twitter peuvent attirer l’attention de millions de per-
sonnes sur des documents intéressants ou controversés,
en se passant ainsi totalement du soutien des intermé-
diaires établis. Il est facile pour nous d’oublier à quel
point la dissémination d’idées dissidentes était extrê-
mement ardue à l’époque des rotatives, du papier et de
l’encre, et de reconnaître qu’une personne exclue de son
média habituel aura peut-être besoin de nombreuses an-
nées pour retrouver toute sa place.
Pravda américaine : Notre Grande Purge des années 1940
RON UNZ - 11 JUIN 2018 - 5 400 MOTS
Les écrivains britanniques avaient été confrontés à des périls
idéologiques similaires un an avant que A.J.P. Taylor ne s’aventure
dans ces eaux troublées, comme l’a découvert un éminent historien
naval britannique en 1953 : Première guerre mondiale et qui, plus
tard, aida à diriger le Collège d’état-major de la Marine royale,
tout en publiant six livres de haut niveau sur la stratégie navale et
en servant de correspondant naval au Daily Telegraph. Grenfell re-
connaissait que de grandes quantités de mensonges accompagnent
presque inévitablement toute guerre importante. Mais alors que
plusieurs années s’étaient écoulées depuis la fin des hostilités, il
s’inquiétait de plus en plus du fait que le poison persistant de cette
propagande du temps de guerre pourrait menacer la paix future
de l’Europe si un antidote n’était pas rapidement largement appli-
qué. Sa considérable érudition historique et son ton mesuré brillent
dans ce fascinant ouvrage, qui se concentre prioritairement sur
les événements de la Seconde guerre mondiale, mais inclut de fré-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 164

quentes digressions sur les guerres napoléoniennes, voire des conflits


plus anciens. Un des plus intrigants aspects de sa présentation est
qu’une grande partie de la propagande anti-allemande qu’il essaie
de démystifier serait de nos jours perçue comme tellement absurde
et ridicule qu’elle a en fait été presque entièrement oubliée, tan-
dis qu’une grande partie de l’image extrêmement hostile que nous
avons actuellement de l’Allemagne hitlérienne ne reçoit presque
aucune mention, peut-être parce qu’elle n’avait pas encore été im-
plantée, ou était alors considérée comme trop excentrique pour que
quiconque la prenne au sérieux. Entre autres, il rapporte avec une
désapprobation certaine que les principaux journaux britanniques
avaient publié des articles à la une sur les horribles tortures infli-
gées aux prisonniers allemands lors de procès pour crimes de guerre
afin de les contraindre à toutes sortes de confessions douteuses.
Certaines des remarques de Grenfell soulèvent des doutes sur
divers aspects du tableau conventionnel de la politique d’occupa-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 165

tion allemande. Il note de nombreuses histoires dans la presse bri-


tannique d’anciens « ouvriers-esclaves » français qui organisèrent
après-guerre des retrouvailles amicales avec leurs anciens employeurs
allemands. Il rappelle également qu’en 1940, ces mêmes journaux
britanniques rapportaient le comportement absolument exemplaire
des soldats allemands envers les civils français même si par la suite,
des attaques terroristes par les forces clandestines communistes
ayant provoqué des représailles, les relations empirèrent.
Plus important encore, il souligne que l’énorme campagne al-
liée de bombardements stratégiques contre les villes et l’industrie
françaises tua un grand nombre de civils, probablement plus que
ceux qui moururent entre les mains des Allemands, ce qui provo-
qua inévitablement une forte haine. En Normandie, lui-même et
d’autres officiers britanniques furent avertis de rester très prudents
envers les civils français qu’ils rencontraient de peur d’être l’objet
d’attaques meurtrières.
Bien que le texte de Grenfell et son ton me frappent par leur
recul et leur objectivité, d’autres le virent évidemment sous une
lumière différente. La jaquette de l’édition Devin-Adair note qu’au-
cun éditeur britannique n’était disposé à accepter le manuscrit et
quand le livre parut, aucun critique américain majeur n’évoqua son
existence. De manière plus inquiétante encore, on a dit que Grenfell
travaillait sur une suite quand il mourut soudainement de causes
inconnues en 1954 à l’âge de 62 ans, comme l’explique sa longue
nécrologie dans le London Times. Un autre observateur contempo-
rain de premier plan de cette époque donne un portrait de la France
pendant la Seconde Guerre mondiale qui est diamétralement op-
posé à celui de la narration largement acceptée d’aujourd’hui :
Sur les questions françaises, Grenfell fournit plusieurs
références extensives à un livre de 1952 intitulé France :
The Tragic Years, 1939-1947 par Sisley Huddleston, un
auteur totalement inconnu pour moi, ce qui a stimulé
ma curiosité. Une des utilités de mon système d’archi-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 166

vage de contenus est de fournir facilement le contexte


approprié pour les écrivains oubliés depuis longtemps.
Le nombre d’occurrences pour Huddleston dans The At-
lantic Monthly, The Nation et dans The New Republic,
en plus de ses trente livres de niveau reconnu sur la
France, semblent confirmer qu’il a été durant des dé-
cennies l’un des principaux spécialistes de la France
pour les lecteurs américains et britanniques instruits.
En effet, son entretien exclusif avec le Premier ministre
britannique Lloyd George à la Conférence de la paix
de Paris devint un scoop international. Comme beau-
coup d’autres écrivains, après la Seconde guerre mon-
diale son éditeur américain devint par nécessité Devin-
Adair, qui publia une édition posthume de son livre en
1955. Compte tenu de ses éminentes références journa-
listiques, le travail de Huddleston sur la période de Vi-
chy fut chroniqué dans les périodiques américains, bien
que de manière plutôt superficielle et dédaigneuse. J’en
ai commandé une copie et je l’ai lue. Je ne peux pas
attester de l’exactitude du compte rendu de 350 pages
que Huddleston fait sur la France pendant les années de
guerre et immédiatement après, mais en tant que jour-
naliste reconnu pour ses compétences et observateur de
longue date, témoin oculaire des événements qu’il dé-
crit, écrivant à un moment où le récit historique officiel
n’avait pas encore été plongé dans le béton, je pense que
son point de vue devrait être pris très au sérieux. Le ré-
seau personnel de Huddleston était certainement étendu
et montait assez haut puisque l’ancien ambassadeur des
États-Unis, William Bullitt, était l’un de ses plus vieux
amis. Or, la présentation de Huddleston est radicale-
ment différente de l’histoire conventionnelle que j’ai
toujours entendue. Évaluer la crédibilité d’une source si
ancienne n’est pas facile, mais parfois un seul détail ré-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 167

vélateur fournit un indice important. En relisant le livre


de Huddleston, j’ai remarqué qu’il mentionnait avec dé-
sinvolture qu’au printemps 1940, les Français et les Bri-
tanniques étaient sur le point de lancer une attaque mi-
litaire contre la Russie soviétique, qu’ils considéraient
comme l’allié crucial de l’Allemagne. Ils avaient pla-
nifié un assaut sur Bakou, visant à détruire les grands
champs pétrolifères de Staline au Caucase par une cam-
pagne de bombardements stratégiques. Je n’avais jamais
lu une seule mention de ce projet dans aucun de mes
livres d’histoire de la Seconde guerre mondiale, et jus-
qu’à récemment, j’aurais rejeté l’histoire comme une ru-
meur absurde de cette époque, depuis longtemps démys-
tifiée. Mais il y a quelques semaines à peine, j’ai décou-
vert dans The National Interest un article de 2015 qui
confirmait l’exactitude de ces faits, plus de soixante-
dix ans après qu’ils aient été effacés de tous nos ré-
cits historiques. Comme Huddleston le décrit, l’armée
française s’effondra en mai 1940, et le gouvernement
désespéré contacta Pétain, alors octogénaire et consi-
déré comme un grand héros de guerre, pour le rappe-
ler de son affectation comme ambassadeur en Espagne.
Bientôt, le président français lui demanda de former
un nouveau gouvernement et d’organiser un armistice
avec les Allemands victorieux. Cette proposition reçut
un soutien quasi unanime de l’Assemblée nationale et
du Sénat français, y compris le soutien de presque tous
les parlementaires de gauche. Pétain obtint ce résultat,
et un autre vote quasi unanime du parlement français
l’autorisa alors à négocier un traité de paix complet avec
l’Allemagne, ce qui plaça sans aucun doute ses actions
politiques sur la base juridique la plus solide possible.
À ce moment, presque tout le monde en Europe croyait
que la guerre était terminée, et que la Grande-Bretagne
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 168

ferait bientôt la paix. Alors que le gouvernement fran-


çais pleinement légitime de Pétain négociait avec l’Al-
lemagne, un petit nombre de durs-à-cuire, dont le co-
lonel Charles de Gaulle, désertèrent et s’enfuirent de
l’autre côté de la Manche, déclarant qu’ils avaient l’in-
tention de poursuivre la guerre indéfiniment. Mais dans
un premier temps, ils attirèrent peu de soutien et d’at-
tention. Un aspect intéressant de la situation était que
De Gaulle avait longtemps été l’un des principaux pro-
tégés de Pétain, et une fois que son influence politique
commença à augmenter quelques années plus tard, on
entendit souvent des spéculations dépassionnées selon
lesquelles lui et son ancien mentor avaient arrangé une
« division du travail », au sein de laquelle le premier si-
gnait une paix officielle avec les Allemands pendant que
le second partait organiser la résistance outre-mer dans
l’attente d’opportunités. Bien que le nouveau gouverne-
ment de Pétain ait garanti que sa puissante marine ne
serait jamais utilisée contre les Britanniques, Churchill
ne prit aucun risque et lança rapidement une attaque
contre la flotte de son ancien allié, dont les navires
étaient déjà désarmés et amarrés sans danger dans le
port de Mers-el-Kébir, fit couler la plupart d’entre eux
et tuer près de 2 000 Français. Cet incident n’est pas
tout à fait différent de l’attaque japonaise contre Pearl
Harbor qui eut lieu l’année suivante, et scandalisa les
Français pour de nombreuses années. Huddleston passe
ensuite une grande partie du livre à discuter de la com-
plexe politique française des années suivantes, car la
guerre avait continué de façon inattendue, et la Rus-
sie ainsi que l’Amérique avaient rejoint la cause al-
liée, augmentant considérablement les chances de vic-
toire contre l’Allemagne. Pendant cette période, les diri-
geants politiques et militaires français procédèrent à un
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 169

subtil arbitrage, en résistant aux demandes allemandes


sur certains points et en les acceptant sur d’autres, tan-
dis que le mouvement de résistance interne se déve-
loppait, attaquait des soldats allemands et provoquait
de sévères représailles allemandes. Étant donné mon
manque d’expertise, je ne peux pas vraiment juger de
l’exactitude de ce récit, mais il me semble tout à fait
réaliste et plausible, bien que les spécialistes puissent
sûrement y trouver des erreurs. Cependant, les affir-
mations les plus remarquables du livre de Huddleston
arrivent à la fin, quand il décrit ce qu’on a par la suite
appelé « la libération de la France ». Elle eut lieu en
1944-45, quand les forces allemandes en retraite aban-
donnèrent le pays et se retranchèrent sur leurs propres
frontières. Entre autres, il suggère que le nombre de
Français revendiquant des titres de « résistance » se
multiplia par cent une fois que les Allemands furent
partis et qu’il n’y avait plus de risque à adopter cette
position. Et c’est à ce moment-là que d’énormes bains
de sang commencèrent sans attendre. Ce fut de loin la
pire vague d’exécutions extrajudiciaires de toute l’his-
toire de France. La plupart des historiens s’accordent à
dire qu’environ 20 000 personnes perdirent la vie pen-
dant la célèbre période de « Terreur » de la Révolution
française, et que peut-être 18 000 moururent pendant
la répression brutale de la Commune de Paris en 1870-
1871. Mais selon Huddleston, les dirigeants américains
estimèrent qu’il y avait eu au moins 80 000 exécutions
sommaires dans les premiers mois de la Libération. Le
député socialiste, qui était ministre de l’Intérieur en
mars 1945 et qui se trouvait le mieux informé, affirma
aux représentants de De Gaulle que 105 000 assassi-
nats avaient eu lieu entre août 1944 et mars 1945, un
chiffre largement repris dans le public à l’époque. Étant
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 170

donné qu’une grande partie de la population française


avait passé des années à se comporter d’une manière qui
pourrait dorénavant être considérée comme « collabora-
tionniste », un nombre énorme de personnes étaient ex-
posées, et même, risquaient la mort. Elles cherchaient
donc parfois à sauver leur propre vie en dénonçant leurs
connaissances ou voisins. Les communistes clandestins
avaient longtemps été un élément majeur de la Résis-
tance, et beaucoup d’entre eux s’empressèrent de porter
le fer contre leurs « ennemis de classe » détestés, tandis
que de nombreuses personnes profitèrent de l’occasion
pour régler des comptes privés. Un autre facteur était
que beaucoup de communistes qui avaient combattu pen-
dant la guerre civile espagnole, y compris des milliers
de membres des Brigades internationales, avaient fui
en France après leur défaite militaire en 1938. À ce
moment, ils prirent souvent l’initiative pour se venger
contre les mêmes forces conservatrices qui les avaient
précédemment vaincus dans leur propre pays. Bien que
Huddleston lui-même fût un journaliste international
âgé et reconnu, possédant des amis américains très haut
placés, et qu’il eût rendu quelques menus services en
faveur de la Résistance, lui et sa femme échappèrent
de justesse à une exécution sommaire pendant cette pé-
riode. Il propose une importante collection de récits qui
lui parvinrent quant à des victimes moins chanceuses
que lui. Mais ce qui semble avoir été de loin le pire bain
de sang sectaire de l’histoire de France a été tranquille-
ment rebaptisé « libération » et presque entièrement re-
tiré de notre mémoire historique, excepté le souvenir
des têtes rasées de quelques femmes déshonorées. De
nos jours Wikipedia distille l’essence congelée de notre
Vérité officielle, et son article [fr]sur ces événements
place seulement le nombre de morts à un dixième des
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 171

chiffres cités par Huddleston, que je trouve une source


beaucoup plus crédible.
On peut facilement imaginer qu’un individu éminent et très res-
pecté au sommet de sa carrière et de son influence publique pour-
rait soudainement perdre la raison et commencer à promouvoir
des théories excentriques et erronées, assurant ainsi sa chute. Dans
de telles circonstances, ses affirmations peuvent être traitées avec
beaucoup de scepticisme et peut-être tout simplement ignorées.
Mais lorsque le nombre de ces voix très réputées mais contraires
devient suffisamment important et que leurs affirmations semblent
généralement cohérentes entre elles, nous ne pouvons plus négli-
gemment rejeter leurs critiques. Leur position engagée sur ces ques-
tions controversées s’était avérée fatale pour leur réputation pu-
blique, et bien qu’ils aient dû reconnaître ces conséquences pro-
bables, ils ont néanmoins suivi cette voie, se donnant même la peine
d’écrire de longs livres présentant leurs opinions et chercher un édi-
teur quelque part qui serait prêt à les publier.
John T. Flynn, Harry Elmer Barnes, Charles Beard, William
Henry Chamberlin, Russell Grenfell, Sisley Huddleston et de nom-
breux autres chercheurs et journalistes de haut calibre et de répu-
tation ont tous raconté une histoire assez cohérente de la Seconde
Guerre mondiale, mais en totale contradiction avec celle de l’his-
toire actuelle, et ce, au détriment de leur carrière. Une décennie
ou deux plus tard, le célèbre historien A.J.P. Taylor a réaffirmé
ce même récit de base et a été purgé d’Oxford en conséquence. Je
trouve très difficile d’expliquer le comportement de tous ces indi-
vidus à moins qu’ils ne présentent un témoignage véridique.
Si un establishment politique au pouvoir et ses organes média-
tiques offrent des récompenses somptueuses en termes de finan-
cement, de promotion et d’acclamation publique à ceux qui sou-
tiennent sa propagande partisane tout en jetant dans l’obscurité
ceux qui sont en désaccord, les déclarations des premiers doivent
être considérées avec beaucoup de suspicion. Barnes a popularisé
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 172

l’expression « historiens de cour » pour décrire ces individus mal-


honnêtes et opportunistes qui suivent les vents politiques domi-
nants, et il n’y a guère à douter que nos médias contemporains en
regorgent.
Un climat de grave répression intellectuelle complique grande-
ment notre capacité de découvrir les événements du passé. Dans des
circonstances normales, des revendications concurrentes peuvent
être prises en compte dans un débat contradictoire en public ou
au niveau universitaire, mais cela devient évidemment impossible
si les sujets discutés sont interdits. De plus, les écrivains sur l’His-
toire sont des êtres humains, et s’ils ont été purgés de leurs fonctions
prestigieuses, mis sur la liste noire des lieux publics et même jetés
dans la pauvreté, nous ne devrions pas être surpris s’ils se mettent
parfois en colère et s’irritent de leur sort, réagissant peut-être de
manière à ce que leurs ennemis puissent par la suite attaquer leur
crédibilité.
A.J.P. Taylor a perdu son poste à Oxford pour avoir publié
son analyse honnête des origines de la Seconde Guerre mondiale,
mais son énorme stature antérieure et l’acclamation générale que
son livre avait reçue semblaient le protéger contre d’autres dom-
mages, et l’œuvre elle-même devint rapidement reconnue comme
un grand classique, remises sans arrêt sous presse et plus tard en
honorant les listes de lectures requises de nos universités les plus
élitistes. Cependant, d’autres qui se sont plongés dans ces mêmes
eaux troubles ont eu beaucoup moins de chance.
L’année même où le livre de Taylor est paru, un travail cou-
vrant à peu près le même sujet a été réalisé par un jeune chercheur
nommé David L. Hoggan. Hoggan avait obtenu son doctorat en
1948 en histoire diplomatique à Harvard sous la direction du profes-
seur William Langer, l’une des figures dominantes dans ce domaine,
et sa première œuvre The Forced War était une conséquence directe
de sa thèse de doctorat. Bien que le livre de Taylor soit assez court
et s’inspire surtout de sources publiques et de certains documents
britanniques, le volume de Hoggan est exceptionnellement long et
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 173

détaillé, comptant près de 350 000 mots, y compris des références,


et s’appuie sur ses nombreuses années de recherches minutieuses
dans les nouvelles archives gouvernementales de Pologne et d’Alle-
magne. Bien que les deux historiens étaient tout à fait d’accord sur
le fait que Hitler n’avait certainement pas eu l’intention de déclen-
cher la Seconde Guerre mondiale, Hoggan a soutenu que plusieurs
individus puissants au sein du gouvernement britannique avaient
délibérément travaillé pour provoquer le conflit, forçant ainsi la
main à l’Allemagne d’Hitler, comme son titre le suggérait.
Compte tenu de la nature très controversée des conclusions de
Hoggan et de son manque de réalisations scientifiques antérieures,
son énorme travail n’est apparu que dans une édition allemande,
où il est rapidement devenu un best-seller controversé dans cette
langue. En tant que jeune universitaire, Hoggan était très vulné-
rable à l’énorme pression et à l’opprobre qu’il a dû affronter. Il
semble s’être disputé avec Barnes, son mentor révisionniste, alors
que ses espoirs d’organiser une édition en anglais via un petit édi-
teur américain se sont rapidement dissipés. C’est peut-être pour
cette raison que le jeune savant aux prises avec des difficultés a en-
suite connu une série de crises de nerfs, et à la fin des années 1960,
il avait démissionné de son poste au San Francisco State College,
le dernier poste universitaire sérieux qu’il ait jamais occupé. Il a
ensuite gagné sa vie en tant que chercheur dans un petit groupe de
réflexion libertarien, et a fini ensuite par enseigner dans un collège
local junior, pas vraiment la trajectoire professionnelle attendue
pour quelqu’un qui avait commencé avec de si bons antécédents à
Harvard.
En 1984, une version anglaise de son œuvre majeure était enfin
sur le point d’être publiée lorsque les installations de son petit édi-
teur révisionniste dans la région de Los Angeles ont été incendiées
et totalement détruites par des militants juifs, oblitérant ainsi les
plaques et tout le matériel existant. Vivant dans un anonymat to-
tal, Hoggan lui-même mourut d’une crise cardiaque en 1988, à l’âge
de 65 ans, et l’année suivante, une version anglaise de son œuvre
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 174

parut enfin, près de trois décennies après sa production originale,


les rares exemplaires qui subsistent aujourd’hui étant extrêmement
rares et coûteux. Cependant, une version PDF sans toutes les notes
de bas de page est disponible sur Internet, et j’ai maintenant ajouté
le volume de Hoggan à ma collection de livres HTML, le rendant
enfin disponible à un public plus large, près de six décennies après
son achèvement.

The forced war Quand le révisionnisme pacifique a échoué


DAVID L. HOGGAN - 1989 - 320 000 MOTS
Ce n’est que récemment que j’ai découvert l’opus de Hoggan, et
je l’ai trouvé exceptionnellement détaillé et complet, quoique plutôt
sec. J’ai lu la centaine de premières pages environ, plus quelques
sélections ici et là, juste une petite partie des 700 pages, mais assez
pour en tirer une idée d’ensemble.
La courte introduction de 1989 de l’éditeur la caractérise comme
un traitement unique et complet des circonstances idéologiques
et diplomatiques entourant le déclenchement de la guerre, et cela
semble une évaluation exacte, qui peut même être encore valable
aujourd’hui. Par exemple, le premier chapitre fournit une descrip-
tion remarquablement détaillée de plusieurs courants idéologiques
contradictoires du nationalisme polonais au cours du siècle qui a
précédé 1939, un sujet très pointu que je n’avais jamais rencontré
ailleurs ni trouvé d’un grand intérêt.
Malgré sa longue occultation, vu les nombreuses circonstances,
un travail aussi exhaustif, fondé sur de nombreuses années de re-
cherche archivistique, pourrait constituer le fondement de recherches
pour les historiens ultérieurs, et c’est exactement de cette manière
que divers auteurs révisionnistes récents ont fait confiance à Hog-
gan. Mais malheureusement, il y a de sérieuses préoccupations au-
tour de cet auteur. Comme on pouvait s’y attendre, l’écrasante ma-
jorité des discussions sur Hoggan trouvées sur Internet est hostile
et insultante, et pour des raisons évidentes, cela pourrait norma-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 175

lement être rejeté. Cependant, Gary North, lui-même un révision-


niste éminent qui connaissait personnellement Hoggan, a été tout
aussi critique, le décrivant comme partial, peu fiable sur les faits
et même malhonnête.
J’ai l’impression que l’écrasante majorité des documents de
Hoggan sont probablement exacts et précis, bien que nous puis-
sions contester ses interprétations. Cependant, étant donné la gra-
vité des accusations, nous devrions probablement traiter toutes ses
affirmations avec une certaine prudence, d’autant plus qu’il fau-
drait beaucoup de recherches archivistiques pour vérifier la plupart
des résultats de ses recherches spécifiques. En fait, étant donné
qu’une grande partie du cadre général des événements de Hoggan
correspond à celui de Taylor, je pense qu’il est beaucoup plus avan-
tageux pour nous de nous en remettre généralement à ce dernier.
Heureusement, ces mêmes préoccupations au sujet de l’exac-
titude peuvent être entièrement écartées dans le cas d’un écrivain
beaucoup plus important, et dont la production volumineuse éclipse
facilement celle de Hoggan ou de presque tout autre historien de la
Deuxième Guerre mondiale. Voici comment j’ai décrit David Irving
l’année dernière :
Avec plusieurs millions de ses livres imprimés, y com-
pris une série de best-sellers traduits dans de nombreuses
langues, il est tout à fait possible que Irving, âgé de
quatre-vingts ans, se classe parmi les historiens britan-
niques les plus reconnus au cours des cent dernières
années. Bien que je me sois contenté de lire quelques-
unes de ses œuvres les plus courtes, j’ai trouvé celles-
ci absolument exceptionnelles, Irving affichant réguliè-
rement sa remarquable maîtrise des preuves documen-
taires de première main pour démolir complètement ma
compréhension naïve des événements historiques ma-
jeurs. Cela ne me surprendrait guère que l’énorme cor-
pus de ses écrits constitue finalement un pilier central
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 176

sur lequel les futurs historiens s’appuieraient pour cher-


cher à comprendre les années catastrophiques et san-
glantes de notre XXe siècle extrêmement destructeur,
même après que la plupart des chroniqueurs de cette
époque seront oubliés. ... Face à des affirmations éton-
nantes qui renversent complètement le récit historique
établi, un scepticisme considérable est justifié, et mon
propre manque d’expertise spécialisée dans l’histoire de
la Seconde Guerre mondiale m’a laissé particulièrement
prudent. Les documents que Irving présente semblent
dépeindre un Winston Churchill si radicalement diffé-
rent de celui de ma compréhension naïve qu’il en est
presque méconnaissable, ce qui soulève naturellement
la question de savoir si je pouvais faire crédit à l’exac-
titude du témoignage d’Irving et à son interprétation.
Tout son matériel argumentaire est massivement docu-
menté dans des notes de bas de page, référençant des
documents copieux dans de nombreuses archives offi-
cielles, mais comment pourrais-je éventuellement trou-
ver le temps ou l’énergie pour les vérifier ? Plutôt iro-
niquement, une tournure des événements extrêmement
malheureuse semble avoir complètement résolu cette ques-
tion cruciale. Irving est un individu d’une intégrité in-
tellectuelle exceptionnellement forte, et en tant que tel,
il est incapable de voir dans un dossier des choses qui
n’existent pas, même si c’était dans son intérêt évident
de le faire, ni de fabriquer des preuves inexistantes. Par
conséquent, sa réticence à dissimuler ou à rendre hom-
mage, du bout des lèvres, à divers totems culturels large-
ment vénérés a finalement provoqué une vague de diffa-
mation poussée par un essaim de fanatiques idéologiques
issus de convictions ethniques/religieuses particulières.
Cette situation était plutôt semblable aux ennuis que
mon vieux professeur de Harvard, E.O. Wilson, avait
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 177

vécus à peu près à la même époque lors de la publi-


cation de son propre ouvrage, Sociobiology : The New
Synthesis, le livre qui a contribué à lancer le domaine de
la psychobiologie évolutionnaire humaine moderne. Ces
activistes ethniques zélés ont entamé une campagne co-
ordonnée pour faire pression sur les éditeurs prestigieux
d’Irving afin qu’ils laissent tomber ses livres, tout en
perturbant ses visites fréquentes à l’étranger et même
en faisant pression sur les pays pour l’empêcher d’en-
trer. Ils ont également battu un tambour de diffamation
médiatique, noircissant continuellement son nom et ses
compétences de recherche, allant même jusqu’à le dé-
noncer comme un « nazi » et un « amant hitlérien »,
comme cela avait été le cas pour le Professeur Wilson.
Au cours des années 1980 et 1990, ces efforts détermi-
nés, parfois soutenus par une violence physique considé-
rable, portèrent de plus en plus leurs fruits, et la carrière
d’Irving fut sévèrement frappée. Il avait été autrefois
fêté par les plus grandes maisons d’édition du monde
et ses livres publiés en série dans les plus grands jour-
naux britanniques ; maintenant il est devenu progres-
sivement un personnage marginalisé, presque un paria,
avec d’énormes dommages à ses sources de revenus. En
1993, Deborah Lipstadt, professeur d’études de théologie
et d’Holocauste (ou peut-être de « théologie de l’Holo-
causte »), plutôt ignorante et fanatique, l’a férocement
attaqué dans son livre comme « négateur de l’Holo-
causte », menant l’éditeur timoré d’Irving à annuler le
contrat pour son nouveau volume historique majeur. Ce
développement a finalement déclenché un procès rancu-
nier en 1998, qui a abouti à un célèbre procès en dif-
famation en 2000 devant une cour britannique. Cette
bataille juridique était certainement une affaire de Da-
vid et Goliath, avec de riches producteurs de films juifs,
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 178

et des dirigeants d’entreprises, apportant une somme


énorme de 13 millions de dollars à Lipstadt, ce qui lui
a permis de financer une véritable armée de 40 cher-
cheurs et experts juridiques, sous la direction de l’un
des juristes juifs les plus réputés de Grande-Bretagne.
En revanche, Irving, étant un historien impécunieux, a
été forcé de se défendre sans bénéficier de conseils ju-
ridiques. Dans la vraie vie, contrairement à la légende,
les Goliaths de ce monde sont presque invariablement
triomphants, et ce cas ne fait pas exception, Irving étant
poussé à la banqueroute personnelle, il a perdu sa belle
maison au centre de Londres. Mais vu sur une perspec-
tive plus longue de l’histoire, je pense que la victoire de
ses bourreaux était une remarquable victoire à la Pyr-
rhus. Bien que la cible de leur haine déchaînée ait été
le prétendu « déni de l’Holocauste » d’Irving, pour au-
tant que je puisse le dire, ce sujet était presque entière-
ment absent des plusieurs douzaines de livres d’Irving,
et c’est précisément ce même silence qui avait provoqué
leurs crachats indignés. Par conséquent, en l’absence
d’une cible aussi claire, leur groupe de chercheurs gé-
néreusement rémunérés a passé au moins une année à
effectuer, apparemment, une analyse ligne par ligne et
note de bas de page de tout ce qu’Irving avait publié, lo-
calisant chaque erreur historique qui pourrait éventuel-
lement lui donner une mauvaise réputation profession-
nelle. Avec de l’argent et de la main-d’œuvre presque
illimités, ils ont même utilisé le processus légal d’in-
vestigation pour l’assigner et lire les milliers de pages
de ses journaux intimes et de sa correspondance, espé-
rant trouver des preuves de ses « mauvaises pensées ».
Le film hollywoodien de 2006, intitulé Le Déni et co-
écrit par Lipstadt, peut fournir un aperçu raisonnable
de la séquence des événements, vu de sa propre pers-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 179

pective. Malgré ces ressources financières et humaines


énormes, il n’en est apparemment presque rien sorti,
au moins si l’on en croit le livre triomphaliste de Lips-
tadt titrant Histoire d’un procès et paru en 2005. Au
cours de quatre décennies de recherches et de publica-
tions, qui ont avancé de nombreuses affirmations his-
toriques controversées, de la nature la plus étonnante,
ils n’ont réussi à trouver que quelques douzaines d’er-
reurs de fait ou d’interprétation, la plupart ambiguës ou
contestées. Et le pire qu’ils aient découvert après avoir
lu chaque page des nombreux mètres linéaires des jour-
naux intimes d’Irving était qu’il avait autrefois composé
une courte chanson « insensible à la race » pour sa pe-
tite fille, un élément trivial qu’ils ont claironné comme
preuve qu’il était « raciste ». Ainsi, ils semblaient ad-
mettre que l’énorme corpus de textes historiques d’Ir-
ving était peut-être vrai à 99,9%. Je pense que ce si-
lence du « chien qui n’aboie pas » est éloquent comme
un coup de tonnerre. Je ne connais aucun autre cher-
cheur académique, dans l’histoire du monde entier, qui
ait vu toutes ses décennies de vie au travail soumises à
un examen exhaustif aussi minutieusement hostile. Et
puisque Irving a apparemment réussi ce test avec autant
de brio, je pense que nous pouvons considérer presque
toutes les affirmations étonnantes contenues dans ses
livres – et récapitulées dans ses vidéos – comme absolu-
ment exactes.
La remarquable historiographie de David Irving
RON UNZ - 4 JUIN 2018 - 1 700 MOTS
Il y a quelques années, j’avais lu deux œuvres plus courtes d’Ir-
ving, Nuremberg : The Last Battle et The War Path, ce dernier
traitant des événements qui ont mené au déclenchement du conflit
et qui, par conséquent, se chevauchent largement avec l’histoire
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 180

de Taylor. L’analyse d’Irving semble assez semblable à celle de


son éminent prédécesseur d’Oxford, tout en fournissant une abon-
dance de preuves documentaires méticuleuses à l’appui de cette
simple histoire décrite deux décennies auparavant. Cet accord ne
m’a guère surpris, car de multiples efforts pour décrire avec pré-
cision la même réalité historique sont susceptibles d’être raison-
nablement congruents, alors que la propagande malhonnête peut
diverger largement dans toutes sortes de directions différentes.
J’ai récemment décidé de m’at-
taquer à l’une des œuvres beaucoup
plus longues d’Irving, le premier vo-
lume de Churchill’s War, un texte
classique de quelque 300 000 mots qui
couvre l’histoire du légendaire pre-
mier ministre britannique à la veille
de l’opération Barbarossa, et je l’ai
trouvé tout aussi remarquable que je
l’avais prévu. Comme un petit indi-
cateur de la candeur et des connais-
sances d’Irving, il se réfère à plu-
sieurs reprises, quoique brièvement,
aux plans des Alliés de 1940 d’atta-
quer soudainement l’URSS et de dé-
truire ses champs de pétrole de Bakou, une proposition tout à fait
désastreuse qui nous aurait certainement fait perdre la guerre si
elle avait été suivie d’effets. En revanche, les faits exceptionnelle-
ment embarrassants de l’opération Pike ont été totalement exclus
de presque tous les récits occidentaux ultérieurs du conflit, ce qui
nous laisse à nous demander lesquels de nos nombreux historiens
professionnels sont simplement ignorants et lesquels sont coupables
de mentir par omission.
Jusqu’à récemment, ma familiarité avec Churchill était plutôt
superficielle, et les révélations d’Irving m’ont ouvert les yeux. La
découverte la plus frappante fut sans doute les remarquables vé-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 181

nalité et corruption de l’homme, Churchill avait un train de vie


dispendieux et vivait somptueusement et souvent bien au-delà de
ses moyens financiers, employant une armée de dizaines de servi-
teurs personnels dans sa grande propriété de campagne malgré le
manque fréquent de revenus réguliers et assurés pour les entretenir.
Cette situation difficile l’a naturellement mis à la merci de ceux qui
étaient prêts à soutenir son mode de vie somptueux en échange de
la détermination de ses activités politiques. Et des moyens pécu-
niaires un peu similaires ont été utilisés pour obtenir le soutien d’un
réseau d’autres personnalités politiques de tous les partis britan-
niques, qui sont devenus les proches alliés politiques de Churchill.
En clair, au cours des années qui ont précédé la Seconde Guerre
mondiale, Churchill et de nombreux autres collègues députés bri-
tanniques ont reçu régulièrement des allocations financières consi-
dérables - des pots-de-vin en espèces - de sources juives et tchèques
en échange de la promotion d’une politique d’hostilité extrême en-
vers le gouvernement allemand et du fait qu’il préconisait la guerre.
Les sommes en jeu étaient considérables, le gouvernement tchèque
à lui seul ayant probablement versé des dizaines de millions de dol-
lars en monnaie actuelle à des élus, des éditeurs et des journalistes
britanniques qui s’efforçaient de renverser la politique officielle de
paix de leur gouvernement en place. Un cas particulièrement re-
marquable s’est produit au début de 1938 lorsque Churchill a sou-
dainement perdu toutes ses richesses accumulées lors d’un pari stu-
pide sur le marché boursier américain, et a rapidement été forcé de
mettre en vente sa propriété de campagne bien-aimée pour éviter
la faillite personnelle, avant d’être rapidement sauvé par un mil-
lionnaire juif étranger désireux de promouvoir une guerre contre
l’Allemagne. En effet, les premières étapes de l’implication de Chur-
chill dans ce comportement sordide sont racontées dans un chapitre
d’Irving intitulé à juste titre « Aide à l’embauche ».
Ironiquement, les services de renseignements allemands ont ap-
pris l’existence de cette corruption massive de parlementaires bri-
tanniques et ont transmis l’information au premier ministre Neville
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 182

Chamberlain, qui a été horrifié de découvrir les motifs corrompus


de ses féroces opposants politiques, mais il est apparemment resté
trop gentleman pour les faire arrêter et poursuivre. Je ne suis pas
un expert des lois britanniques de l’époque, mais le fait que des
représentants élus fassent monter les enchères d’étrangers sur des
questions de guerre et de paix en échange d’énormes paiements se-
crets me semble presque un exemple classique de trahison, et je
pense que l’exécution rapide de Churchill aurait sans doute sauvé
des dizaines de millions de vies.
J’ai l’impression que les individus à faible caractère personnel
sont les plus susceptibles de vendre les intérêts de leur propre pays
en échange d’importantes sommes d’argent venant de l’étranger, et
en tant que tels constituent habituellement les cibles naturelles des
trafiquants et des espions étrangers malfaisants. Churchill semble
certainement entrer dans cette catégorie, avec des rumeurs de cor-
ruption personnelle massive autour de lui dès le début de sa carrière
politique. Plus tard, il a complété son revenu en s’engageant dans
la contrefaçon d’art à grande échelle, un fait que Roosevelt a plus
tard découvert et probablement utilisé comme un point de levier
personnel contre lui. L’état d’ébriété constant de Churchill était
tout aussi grave, son état d’ébriété étant si répandu qu’il consti-
tuait un cas clinique d’alcoolisme. En fait, Irving note que dans
ses conversations privées, que Franklin Delano Roosevelt (FDR)
qualifiait couramment Churchill de « clochard ivre ».
À la fin des années 1930, Churchill et sa clique d’alliés poli-
tiques achetés et payés de la même façon avaient sans cesse atta-
qué et dénoncé le gouvernement de Chamberlain pour sa politique
de paix, et il lançait régulièrement les accusations les plus folles
et non fondées, prétendant que les Allemands avaient entrepris un
énorme renforcement militaire visant la Grande-Bretagne. Ces ac-
cusations ont souvent été largement reprises par des média for-
tement influencés par les intérêts juifs et ont beaucoup contribué
à empoisonner l’état des relations germano-britanniques. Finale-
ment, ces pressions accumulées ont forcé Chamberlain à prendre
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 183

l’acte extrêmement imprudent de fournir une garantie incondition-


nelle de soutien militaire à la dictature irresponsable de la Pologne.
En conséquence, les Polonais refusèrent alors avec arrogance toute
négociation frontalière avec l’Allemagne, allumant ainsi la mèche
qui conduisit finalement à l’invasion allemande six mois plus tard
et à la déclaration de guerre britannique qui suivit. Les médias
britanniques avaient largement fait la promotion de Churchill en
tant que figure politique pro-guerre de premier plan, et une fois que
Chamberlain fut forcé de créer un gouvernement d’unité nationale
en temps de guerre, son principal critique y fut amené et se vit
confier le portefeuille des affaires maritimes.
Après la défaite éclair en six semaines de la Pologne, Hitler cher-
cha sans succès à faire la paix avec les Alliés, et la guerre tomba
en suspens. Puis, au début de 1940, Churchill persuada son gou-
vernement d’essayer de surpasser stratégiquement les Allemands
en préparant une grande invasion maritime de la Norvège neutre ;
mais Hitler découvrit le plan et devança l’attaque, les graves erreurs
opérationnelles de Churchill entraînant une défaite surprenante des
forces britanniques, largement supérieures. Pendant la Première
Guerre mondiale, la catastrophe de Gallipoli avait forcé Churchill,
qui en était responsable, à démissionner du Cabinet britannique,
mais cette fois-ci, les médias amis ont contribué à faire en sorte
que Chamberlain soit tenu responsable de la débâcle quelque peu
similaire de Narvik, de sorte que c’est ce dernier qui fut contraint
à la démission, Churchill prenant dès lors sa place de Premier mi-
nistre. Les officiers de la marine britannique étaient consternés que
l’architecte principal de leur humiliation en soit devenu le principal
bénéficiaire politique, mais puisque la réalité est ce que les médias
rapportent, le public britannique n’a jamais découvert cette grande
ironie.
Cet incident n’était que le premier d’une longue série d’échecs
militaires majeurs et de trahisons flagrantes de Churchill qui sont
racontés de façon convaincante par Irving, et qui ont presque tous
été par la suite effacés de notre histoire hagiographique du conflit.
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 184

Nous devrions reconnaître que les chefs de guerre qui passent une
grande partie de leur temps en état d’ivresse sont beaucoup moins
susceptibles de prendre des décisions optimales, surtout s’ils sont
extrêmement enclins à la micro-gestion militaire comme ce fut le
cas avec Churchill.
Au printemps 1940, les Allemands lancèrent leur soudaine pous-
sée de troupes blindées en France via la Belgique, et comme l’at-
taque commençait à réussir, Churchill ordonna au commandant
général britannique de fuir immédiatement avec ses forces vers
la côte, et ce sans informer ses homologues français ou belges de
l’énorme trou qu’il ouvrait ainsi sur le front allié, assurant ainsi
l’encerclement et la destruction de leurs armées. Après la défaite et
l’occupation de la France, le Premier ministre britannique ordonna
une attaque surprise soudaine contre la flotte française désarmée,
la détruisant complètement et tuant quelque 2 000 de ses anciens
alliés ; la cause immédiate fut sa mauvaise traduction d’un seul mot
en français, mais cet incident du type « Pearl Harbor » continua à
être mal digéré par les dirigeants Français pendant des décennies.
Hitler avait toujours voulu des relations amicales avec la Grande-
Bretagne et avait certainement cherché à éviter la guerre qui lui
avait été imposée. La France étant maintenant vaincue et les forces
britanniques chassées du continent, il offrit donc à la Grande-
Bretagne des conditions de paix très magnanimes et une nouvelle
alliance avec l’Allemagne. Le gouvernement britannique avait été
contraint d’entrer en guerre sans raison logique et contre ses propres
intérêts nationaux, de sorte que Chamberlain et la moitié du Cabi-
net étaient naturellement favorables à l’ouverture de négociations
de paix, et la proposition allemande aurait probablement reçu l’ap-
probation écrasante des élites publiques et politiques britanniques
si elles avaient été informées de ses termes.
Mais malgré quelques hésitations occasionnelles, Churchill est
demeuré absolument inflexible quant à la nécessité de poursuivre
la guerre, et Irving soutient de façon plausible que son motif était
très personnel. Tout au long de sa longue carrière, Churchill avait
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 185

connu de remarquables échecs répétés, et le fait qu’il ait finale-


ment réalisé l’ambition de toute sa vie de devenir premier ministre
pour perdre une guerre majeure quelques semaines seulement après
avoir atteint le numéro 10 Downing Street aurait fait en sorte que
sa place permanente dans l’histoire soit extrêmement humiliante.
D’un autre côté, s’il parvenait à poursuivre la guerre, la situation
pourrait peut-être s’améliorer plus tard, surtout si les Américains
pouvaient être persuadés d’entrer un jour dans le conflit du côté
britannique.
Puisque la fin de la guerre avec l’Allemagne était dans l’intérêt
de sa nation mais pas dans le sien, Churchill adopta des moyens
impitoyables pour empêcher les sentiments de paix de devenir assez
forts pour submerger son opposition. Comme la plupart des autres
grands pays, la Grande-Bretagne et l’Allemagne avaient signé des
conventions internationales interdisant le bombardement aérien de
cibles urbaines civiles, et malgré les espoirs qu’entretenait le diri-
geant britannique de voir les Allemands attaquer ainsi des villes
britanniques, Hitler respectait ces dispositions. En désespoir de
cause, Churchill ordonna une série de raids de bombardement à
grande échelle contre Berlin, la capitale allemande, y occasionnant
des dégâts considérables, et après de nombreux avertissements sé-
vères, Hitler commença finalement à riposter par des attaques simi-
laires contre des villes britanniques. La population subit les lourdes
destructions infligées par ces bombardements allemands et ne fut
jamais informée des attaques britanniques qui les avaient précédées
et provoquées, si bien que l’opinion publique s’opposa fermement
à l’idée de faire la paix avec cet adversaire allemand apparemment
diabolique.
Dans ses mémoires publiés un demi-siècle plus tard, le profes-
seur Revilo P. Oliver, qui avait occupé un poste de haut rang dans
le renseignement militaire américain pendant la guerre, a décrit
cette séquence d’événements en des termes très amers :
La Grande-Bretagne, en violation de toute l’éthique de
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 186

la guerre civilisée qui avait jusque-là été respectée par


notre race, et en violation traître des engagements di-
plomatiques solennellement assumés sur les « villes ou-
vertes », avait secrètement bombardé intensivement de
telles villes ouvertes en Allemagne dans le but exprès
de tuer suffisamment d’hommes et de femmes désarmés
et sans défense pour forcer le gouvernement allemand à
répliquer et à bombarder les villes britanniques et à tuer
ainsi suffisamment d’hommes, de femmes et d’enfants
britanniques sans défense pour susciter chez les Anglais
l’enthousiasme pour la guerre folle dans laquelle leur
gouvernement les avait engagés. Il est impossible d’ima-
giner un acte gouvernemental plus vil et plus dépravé
que d’inventer la mort et la souffrance pour son propre
peuple - pour les citoyens mêmes qu’il exhortait à la
"loyauté" - et je soupçonne qu’un acte de trahison aussi
infâme et sauvage aurait rendu malade même Genghis
Khan ou Hulagu ou Tamerlan, barbares orientaux uni-
versellement décriés pour leur folie sanguinaire. L’his-
toire, si je me souviens bien, n’indique pas qu’ils aient
jamais massacré leurs propres femmes et enfants pour
faciliter quelques propagande mensongère[...] En 1944,
les membres du renseignement militaire britannique ont
tenu pour acquis qu’après la guerre, Sir Arthur Harris
serait pendu ou tué pour haute trahison contre le peuple
britannique...
La violation impitoyable par Churchill des lois de la guerre concer-
nant les bombardements aériens urbains a directement conduit à
la destruction de nombreuses villes parmi les plus belles et les plus
anciennes d’Europe. Mais peut-être influencé par son ivresse chro-
nique, il chercha plus tard à commettre des crimes de guerre encore
plus horribles et ne fut empêché de le faire que par l’opposition te-
nace de tous ses subordonnés militaires et politiques.
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 187

Outre les lois interdisant le bombardement des villes, tous les


pays ont également accepté d’interdire la première utilisation de
gaz toxique, tout en accumulant des quantités nécessaires en guise
de représailles. L’Allemagne étant le leader mondial de la chimie,
les nazis avaient produit les formes les plus mortelles de nouveaux
gaz neurotoxiques, comme le Tabun et le Sarin, dont l’utilisation
aurait pu facilement conduire à de grandes victoires militaires sur
les fronts oriental et occidental, mais Hitler avait scrupuleusement
respecté les protocoles internationaux que sa nation avait signés.
Cependant, à la fin de la guerre, en 1944, le bombardement inces-
sant des villes allemandes par les Alliés a mené aux attaques de
représailles dévastatrices des bombes volantes V-1 contre Londres,
et un Churchill indigné est devenu inflexible sur le fait que les
villes allemandes devraient être attaquées au gaz toxique en repré-
sailles. Si Churchill avait obtenu ce qu’il voulait, des millions de
Britanniques auraient bientôt péri à la suite des contre-attaques
allemandes au gaz neurotoxique. À peu près à la même époque,
Churchill vit également contrée sa proposition de bombarder l’Al-
lemagne de centaines de milliers de bombes mortelles à l’anthrax,
une opération qui aurait pu rendre une grande partie de l’Europe
centrale et occidentale inhabitable pour des générations.
J’ai trouvé les révélations d’Irving sur toutes ces questions ab-
solument étonnantes, et je suis profondément reconnaissant envers
Deborah Lipstadt et son armée de chercheurs diligents , qui ont soi-
gneusement étudié et apparemment confirmé l’exactitude de prati-
quement chaque élément.
Les deux volumes existants du chef-d’œuvre d’Irving Churchill
totalisent plus de 700 000 mots, et leur lecture nécessiterait évi-
demment des semaines d’efforts soutenus. Heureusement, Irving est
aussi un conférencier passionnant et plusieurs de ses conférences ap-
profondies sur le sujet peuvent être visionnées sur BitChute après
avoir été récemment censurées par YouTube :
https://www.bitchute.com/embed/C9z1fCgUn5If/
https://www.bitchute.com/embed/bNmOZGlGnbCC/
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 188

J’ai relu très récemment le livre de Pat Buchanan de 2008 qui


condamnait sévèrement Churchill pour son rôle dans la guerre mon-
diale cataclysmique et j’ai fait une découverte intéressante. Irving
est certainement l’un des biographes les plus influents de Chur-
chill, ses recherches documentaires exhaustives étant à l’origine
de tant de nouvelles découvertes et ses livres se vendant par mil-
lions. Pourtant, le nom d’Irving n’apparaît jamais une seule fois
ni dans le texte de Buchanan ni dans sa bibliographie, bien que
l’on puisse soupçonner qu’une grande partie des éléments d’Irving
a été« blanchie » par d’autres sources secondaires de Buchanan.
Buchanan cite abondamment A.J.P. Taylor, mais ne fait aucune
mention de Barnes, Flynn ou d’autres éminents universitaires et
journalistes américains qui ont été purgés pour avoir exprimé des
opinions contemporaines qui ne sont pas si différentes de celles de
l’auteur lui-même.
Au cours des années 1990, Buchanan s’était classé parmi les
personnalités politiques américaines les plus en vue, avec une em-
preinte médiatique énorme tant dans la presse écrite qu’à la télé-
vision, et avec ses campagnes insurrectionnelles remarquablement
fortes pour l’élection présidentielle républicaine en 1992 et 1996,
qui ont renforcé son statut national. Mais ses nombreux ennemis
idéologiques ont travaillé sans relâche pour le miner, et en 2008, sa
présence continue en tant qu’expert sur la chaîne câblée de MSNBC
était l’un de ses derniers leviers de pouvoir d’importance publique
majeure. Il a probablement compris que la publication d’une his-
toire révisionniste de la Seconde Guerre mondiale pourrait mettre
en danger sa position, et a estimé que toute association directe avec
des figures purgées et diffamées comme Irving ou Barnes condui-
rait certainement à son bannissement permanent de tous les médias
électroniques.
Il y a dix ans, j’avais été assez impressionné par l’histoire de
Buchanan, mais j’avais par la suite beaucoup lu sur cette époque
et je me suis trouvé quelque peu déçu la deuxième fois. Mis à part
son ton souvent aéré, rhétorique et peu scolaire, mes critiques les
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 189

plus vives ne portaient pas sur les positions controversées qu’il a


prises, mais sur les autres sujets et questions controversées qu’il a
si soigneusement évités.
La plus évidente d’entre elles est peut-être la question des vé-
ritables origines de la guerre, qui a dévasté une grande partie de
l’Europe, tué peut-être cinquante ou soixante millions de personnes
et donné naissance à l’ère de la guerre froide qui a suivi, pen-
dant laquelle les régimes communistes ont contrôlé la moitié du
continent-monde eurasiatique. Taylor, Irving et bien d’autres ont
complètement démystifié la mythologie ridicule selon laquelle la
cause réside dans le désir fou d’Hitler de conquérir le monde, mais
si le dictateur allemand n’avait manifestement qu’une responsabi-
lité mineure, y avait-il vraiment un vrai coupable ? Ou cette guerre
mondiale massivement destructrice s’est-elle produite d’une ma-
nière quelque peu similaire à celle la précédant, que nos histoires
conventionnelles traitent comme étant principalement due à une
série de bévues, de malentendus et d’escalades inconsidérées ?
Au cours des années 1930, John T. Flynn était l’un des journa-
listes progressistes les plus influents d’Amérique, et bien qu’il ait
commencé comme un fervent partisan de Roosevelt et de son New
Deal, il est progressivement devenu un critique sévère, concluant
que les divers plans gouvernementaux de FDR n’avaient pas réussi
à relancer l’économie américaine. Puis, en 1937, un nouvel effondre-
ment de l’économie a fait grimper le chômage aux mêmes niveaux
que lorsque le président était entré en fonction pour la première
fois, confirmant ainsi le verdict sévère de Flynn. Et comme je l’ai
écrit l’année dernière :
En réalité, Flynn allègue que fin 1937, FDR s’était orienté
vers une politique étrangère agressive visant à impliquer
le pays dans une guerre étrangère importante, principa-
lement parce qu’il pensait que c’était le seul moyen de
sortir de sa situation économique et politique désespé-
rée, un stratagème qui n’était pas inconnu pour les diri-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 190

geants nationaux au cours de l’histoire. Dans sa chro-


nique du 5 janvier 1938 dans The New Républic, il
avertit ses lecteurs incrédules de la perspective immi-
nente d’un important renforcement de la marine et des
moyens militaires, après qu’un important conseiller de
Roosevelt lui aurait vanté, en privé, les mérites d’un
grand conflit de « keynesianisme militaire » et d’une
guerre majeure qui résoudraient les problèmes écono-
miques apparemment insurmontables du pays. À cette
époque, une guerre avec le Japon, qui portait peut-être
sur des intérêts en Amérique latine, semblait être l’ob-
jectif recherché, mais l’évolution de la situation en Eu-
rope a rapidement convaincu FDR que fomenter une
guerre générale contre l’Allemagne était la meilleure so-
lution. Les mémoires et autres documents historiques
obtenus ultérieurement par des chercheurs semblent gé-
néralement soutenir les accusations de Flynn en indi-
quant que Roosevelt a ordonné à ses diplomates d’exer-
cer une énorme pression sur les gouvernements britan-
nique et polonais pour éviter tout règlement négocié avec
l’Allemagne, entraînant ainsi le déclenchement de la
Seconde Guerre mondiale en 1939.
Ce dernier point est important, car les opinions confidentielles des
personnes les plus proches des événements historiques importants
devraient avoir une valeur probante considérable. Dans un article
récent, John Wear a rassemblé les nombreuses évaluations contem-
poraines qui impliquaient FDR en tant que figure centrale dans l’or-
chestration de la guerre mondiale par sa pression constante sur les
dirigeants politiques britanniques, une politique au sujet de laquelle
il a même admis en privé qu’elle pourrait signifier sa destitution si
elle devait être révélée. Entre autres témoignages, nous avons les
déclarations des ambassadeurs polonais et britannique à Washing-
ton et de l’ambassadeur américain à Londres, qui ont également
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 191

transmis l’opinion concordante du Premier ministre Chamberlain


lui-même. En effet, le vol et la publication par l’Allemagne de do-
cuments diplomatiques secrets polonais en 1939 avaient déjà révélé
une grande partie de ces informations, et William Henry Cham-
berlin a confirmé leur authenticité dans son livre de 1950. Mais
comme les médias grand public n’ont jamais rapporté aucune de
ces informations, ces faits restent encore peu connus aujourd’hui.
FDR semble avoir joué un rôle crucial dans l’orchestration du
déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, grandement aidé
par Churchill et son cercle d’amis en Grande-Bretagne. Mais en
1939, les tensions croissantes au sujet de Dantzig donnèrent à Sta-
line une formidable ouverture stratégique. En signant un pacte avec
Hitler, ils envahirent bientôt conjointement la Pologne, mais même
si les Soviétiques s’emparèrent de la moitié du territoire, la Grande-
Bretagne et la France déclarèrent la guerre uniquement à l’Alle-
magne. Et tandis que Staline attendait que les autres puissances
européennes s’épuisent les unes les autres, il commença la prépara-
tion d’une offensive militaire d’une ampleur sans précédent, ayant
bientôt des chars beaucoup plus nombreux et meilleurs que ceux
du reste du monde réunis.
Comme je l’ai écrit plus tôt cette année :
Ces considérations importantes deviennent particuliè-
rement pertinentes lorsque nous tentons de comprendre
les circonstances entourant l’opération Barbarossa, l’at-
taque de l’Allemagne contre l’Union soviétique en 1941,
qui a constitué le point tournant central de la guerre.
Tant à l’époque qu’au cours du demi-siècle qui suivit,
les historiens occidentaux affirmèrent unanimement que
l’assaut surprise avait pris Staline dans l’ignorance to-
tale, le mobile d’Hitler étant son rêve de créer l’im-
mense empire terrestre allemand dont il avait esquissé
les contours dans les pages de Mein Kampf, publiées
seize ans auparavant. Mais en 1990, un ancien officier
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 192

du renseignement militaire soviétique qui avait fait dé-


fection à l’Ouest et vivait en Grande-Bretagne a lâché
une véritable bombe. Sous le nom de plume de Viktor
Souvorov, il avait déjà publié un certain nombre d’ou-
vrages très appréciés sur les forces armées de l’URSS,
mais dans Icebreaker, il prétendait maintenant que ses
recherches approfondies dans les archives soviétiques
avaient révélé qu’en 1941, Staline avait réuni d’énormes
forces militaires offensives et les avait placées tout le
long de la frontière, se préparant à attaquer et facile-
ment écraser les forces largement en sous effectifs et
mal équipées de la Wehrmacht, préparant une conquête
rapide de l’Europe entière. Puis, presque au dernier mo-
ment, Hitler se rendit soudain compte du piège straté-
gique dans lequel il était tombé, et ordonna à ses troupes
largement en sous-effectif et mal équipées de lancer une
attaque surprise désespérée contre les Soviétiques, les
attrapant par une attaque surprise au moment même
ou leurs propres préparations finales les avaient ren-
dus les plus vulnérables, et arrachant ainsi une victoire
initiale majeure des mâchoires d’une défaite certaine.
D’énormes stocks de munitions et d’armes soviétiques
avaient été disposés près de la frontière pour approvi-
sionner l’armée d’invasion de l’Allemagne, et ils tom-
bèrent rapidement entre les mains des Allemands, ap-
portant un complément important à leurs propres res-
sources terriblement insuffisantes. Bien que presque to-
talement ignoré dans le monde anglophone, le livre pré-
curseur de Souvorov est rapidement devenu un best-
seller sans précédent en Russie, en Allemagne et dans
de nombreuses autres parties du monde, et avec plu-
sieurs volumes à suivre, ses cinq millions d’exemplaires
imprimés en font l’historien militaire le plus lu dans
l’histoire du monde. Pendant ce temps, les médias et
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 193

les milieux universitaires anglophones ont scrupuleuse-


ment maintenu le silence total sur le débat mondial en
cours, aucune maison d’édition n’étant même disposée à
produire une édition anglaise des livres de Souvorov jus-
qu’à ce qu’un éditeur de la prestigieuse presse de l’Aca-
démie navale brise finalement l’embargo près de deux
décennies plus tard. Cette censure quasi totale de l’at-
taque soviétique massive prévue en 1941 semble assez
semblable à la censure quasi totale de l’indéniable réa-
lité de l’attaque massive prévue par les Alliés contre les
Soviétiques l’année précédente.
Bien que cette discussion ait sur-
tout porté sur la guerre en Europe,
les circonstances du conflit du Paci-
fique semblent aussi très différentes de
notre histoire officielle. Le Japon com-
battait en Chine depuis 1937, mais
c’est rarement considéré comme le dé-
but de la guerre mondiale. Au lieu de
cela, l’attaque du 7 décembre 1941 sur
Pearl Harbor est généralement consi-
dérée comme le point où la guerre est
devenue mondiale.
A partir de 1940, la FDR avait fait
un grand effort politique pour impli-
quer directement l’Amérique dans la
guerre contre l’Allemagne, mais l’opinion publique y était massive-
ment opposée, avec des sondages montrant que jusqu’à 80% de la
population étaient contre. Tout cela a immédiatement changé une
fois les bombes japonaises larguées sur Hawaï, et soudain le pays
se trouva en guerre.
Compte tenu de ces faits, on soupçonnait naturellement Roo-
sevelt d’avoir délibérément provoqué l’attaque par ses décisions
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 194

exécutives de geler les avoirs japonais, d’imposer un embargo sur


toutes les livraisons de combustibles essentiels et de repousser les
demandes répétées des dirigeants de Tokyo de négocier. Dans le
volume de 1953 édité par Barnes, l’historien diplomatique Charles
Tansill résumait ses arguments très solides selon lesquels FDR cher-
chait à utiliser une attaque japonaise comme sa meilleure « porte
dérobée pour provoquer la guerre » contre l’Allemagne, argument
qu’il avait avancé l’année précédente dans un livre du même nom.
Au fil des décennies, les informations contenues dans les journaux
intimes et les documents gouvernementaux semblent avoir presque
définitivement établi cette interprétation, le secrétaire à la Guerre
Henry Stimson indiquant que le plan était de « manœuvrer [le Ja-
pon] pour leur faire tirer le premier coup de canon ». Dans ses mé-
moires ultérieurs, le professeur Oliver s’est appuyé sur les connais-
sances intimes qu’il avait acquises pendant son rôle dans le rensei-
gnement militaire en temps de guerre pour prétendre même que
FDR avait délibérément dupé les Japonais en leur faisant croire
qu’il avait l’intention de lancer une attaque surprise contre leurs
forces, les persuadant ainsi de frapper en premier en état de légi-
time défense.
En 1941, les États-Unis avaient brisé tous les codes de chiffre-
ment diplomatiques japonais et lisaient librement leurs communi-
cations secrètes. Par conséquent, il existe aussi depuis longtemps la
croyance répandue, quoique contestée, que le président était bien
au courant de l’attaque japonaise prévue contre notre flotte et qu’il
a délibérément omis d’avertir ses commandants locaux, s’assurant
ainsi que les lourdes pertes américaines qui en résulteraient entraî-
neraient une nation vengeresse unie pour la guerre. Tansill et un
ancien chercheur en chef de la commission d’enquête du Congrès
a fait cette hypothèse dans le même volume de Barnes de 1953,
et l’année suivante, un ancien amiral américain a publié The Final
Secret of Pearl Harbor, fournissant des arguments similaires plus
en détail. Ce livre comprenait également une introduction de l’un
des commandants navals américains les mieux classés de la Seconde
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 195

Guerre mondiale, qui approuvait pleinement la théorie controver-


sée. En 2000, le journaliste Robert M. Stinnett a publié une foule
d’autres preuves à l’appui, fondées sur ses huit années de recherche
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 196

archivistique, dont il a été question dans un article récent. Stinnett


fait remarquer que si Washington avait averti les commandants
de Pearl Harbor, leurs préparatifs défensifs auraient été remarqués
par les espions japonais locaux et transmis à la force opérationnelle
qui approchait ; et avec l’élément de surprise perdu, l’attaque au-
rait probablement été interrompue, ce qui aurait contrarié tous les
plans de guerre soigneusement préparés de FDR. Bien que divers
détails puissent être contestés, je trouve les preuves de la connais-
sance préalable de Roosevelt très convaincantes.
Les problèmes économiques de Roosevelt l’avaient conduit à
chercher une guerre étrangère, mais c’est probablement l’hostilité
écrasante des Juifs envers l’Allemagne nazie qui l’avait conduit dans
cette direction particulière. Le rapport confidentiel de l’ambassa-
deur de Pologne aux États-Unis, cité par John Wear, décrit de
façon frappante la situation politique aux États-Unis au début de
1939 :
Il y a maintenant un sentiment qui prévaut aux États-
Unis, marqué par une haine croissante du fascisme, et
surtout du chancelier Hitler et de tout ce qui est lié au
national-socialisme. La propagande est surtout entre les
mains des Juifs qui contrôlent presque 100 % de la ra-
dio, du cinéma, de la presse quotidienne et périodique.
Bien que cette propagande soit extrêmement grossière
et présente l’Allemagne aussi noire que possible, sur-
tout en ce qui concerne les persécutions religieuses et
l’exploitation des camps de concentration, cette propa-
gande est néanmoins extrêmement efficace, car l’opi-
nion publique ici est totalement ignorante et ne connaît
rien de la situation en Europe. À l’heure actuelle, la
plupart des Américains considèrent le chancelier Hitler
et le national-socialisme comme le plus grand mal et
le plus grand péril qui menace le monde. La situation
ici offre une excellente tribune pour les orateurs publics
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 197

de toutes sortes, pour les émigrants d’Allemagne et de


Tchécoslovaquie qui, avec beaucoup de mots et des ca-
lomnies très diverses, incitent le public à s’exprimer.
Ils font l’éloge de la liberté américaine qu’ils opposent
aux États totalitaires. Il est intéressant de noter que
dans cette campagne extrêmement bien planifiée, me-
née avant tout contre le national-socialisme, la Russie
soviétique est presque complètement éliminée. La Rus-
sie soviétique, si elle est mentionnée, l’est d’une ma-
nière amicale et les choses sont présentées d’une telle
manière qu’il semblerait que l’Union soviétique coopère
avec le bloc des États démocratiques. Grâce à la propa-
gande intelligente, les sympathies du public américain
sont complètement du côté de l’Espagne rouge.
Étant donné la forte implication juive dans le financement de Chur-
chill et de ses alliés ainsi que dans l’orientation du gouvernement et
du public américains vers la guerre contre l’Allemagne, des groupes
juifs organisés portent probablement la responsabilité centrale de
la provocation de la 2nd guerre mondiale, et la plupart des gens
bien informés l’ont certainement reconnu à ce moment-là. En effet,
le Forrestal Diaries a enregistré la déclaration très révélatrice de
notre ambassadeur à Londres : « Chamberlain, dit-il, a déclaré que
l’Amérique et les Juifs avaient forcé l’Angleterre à la guerre ».
La lutte en cours entre Hitler et les Juifs du monde entier fai-
sait l’objet d’une attention considérable de la part du public depuis
des années. Pendant son ascension politique, Hitler avait à peine
caché son intention de déloger la petite population juive allemande
de l’emprise qu’elle avait acquise sur les médias et la finance alle-
mands, et de diriger le pays dans le meilleur intérêt de la majorité
allemande à 99%, une proposition qui a provoqué partout l’amère
hostilité des Juifs. En effet, immédiatement après son entrée en
fonction, un grand journal londonien avait publié un titre mémo-
rable en 1933 annonçant que les Juifs du monde avaient déclaré la
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 198

Figure 7.1 – Page de une du Daily Express en date du 4 mars


1933

guerre à l’Allemagne et organisaient un boycott international pour


affamer les Allemands et les soumettre.
Ces dernières années, des efforts quelque peu similaires, orga-
nisés par les Juifs, en matière de sanctions internationales visant à
mettre à genoux les nations récalcitrantes, sont devenus partie in-
tégrante de la politique mondiale. Mais de nos jours, la domination
juive sur le système politique américain est devenue si écrasante
qu’au lieu de boycotts privés, ces actions sont directement appli-
quées par le gouvernement américain. Dans une certaine mesure,
cela avait déjà été le cas avec l’Irak dans les années 1990, mais c’est
devenu beaucoup plus courant après le début du nouveau siècle.
Bien que notre enquête officielle du gouvernement ait conclu
que le coût financier total des attaques terroristes du 11 septembre
2001 avait été une somme absolument insignifiante, l’administra-
tion Bush, dominée par les néo-conservateurs, s’en est servi comme
excuse pour créer un nouveau poste important au sein du départe-
ment du Trésor, le sous-secrétariat au terrorisme et aux renseigne-
ments financiers. Ce bureau a rapidement commencé à utiliser le
contrôle américain du système bancaire mondial et du commerce
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 199

international dominé par le dollar pour imposer des sanctions fi-


nancières et mener une guerre économique, ces mesures étant gé-
néralement dirigées contre des individus, des organisations et des
nations considérées comme hostiles envers Israël, notamment l’Iran,
le Hezbollah et la Syrie.
Peut-être par coïncidence, bien que les Juifs ne représentent que
2% de la population américaine, les quatre personnes qui ont oc-
cupé ce poste très puissant au cours des 15 dernières années depuis
sa création - Stuart A. Levey, David S. Cohen, Adam Szubin, Sigal
Mandelker - ont été juifs, le plus récent étant carrément un citoyen
israélien. Levey, le premier sous-secrétaire d’État, a commencé son
travail sous le président Bush, puis l’a poursuivi sans interruption
pendant des années sous le président Obama, soulignant la nature
entièrement bipartisane de ces activités. [Mme Mandelker a été
remplacé par Justin Muzinich en Mars 2018, juif lui aussi même
si sa fiche Wikipédia omet ce détail, NdT]
La plupart des experts en politique étrangère sont certainement
conscients que les groupes et les militants juifs ont joué un rôle
central dans la désastreuse guerre en Irak en 2003, et que bon
nombre de ces mêmes groupes et individus ont passé les douze
dernières années à fomenter une attaque américaine similaire contre
l’Iran, mais sans succès jusqu’ici. Cela semble assez proche de la
situation politique de la fin des années 1930 en Grande-Bretagne
et en Amérique.
Les personnes outrées par la couverture médiatique trompeuse
de la guerre en Irak, mais qui ont toujours accepté comme par
hasard le récit conventionnel de la Seconde Guerre mondiale, de-
vraient envisager une expérience de réflexion que j’ai proposée l’an
dernier :
Lorsque nous cherchons à comprendre le passé, nous
devons veiller à ne pas nous baser sur une sélection
restreinte de sources, surtout si une des parties était
victorieuse à la fin et dominait complètement la produc-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 200

tion ultérieure de livres et autres commentaires. Avant


l’existence d’internet, cette tâche était particulièrement
difficile, nécessitant souvent un effort considérable de
la part des chercheurs, ne serait-ce que pour examiner
les volumes reliés de périodiques jadis populaires. Pour-
tant, sans une telle diligence, nous pouvons faire de très
graves erreurs. La guerre en Irak et ses conséquences
ont certainement été l’un des événements centraux de
l’histoire américaine au cours des années 2000. Cepen-
dant, supposons que dans un avenir lointain, certains
lecteurs ne disposent que des archives de The Weekly
Standard, National Review, de la page d’opinion du
Wall Street Journal et des transcriptions de FoxNews
pour leur apporter une compréhension de l’histoire de
cette période, peut-être avec les livres écrits par les contri-
buteurs au médias précédemment cités, je doute que,
à part une petite fraction de ce qu’ils liraient, le reste
puisse être qualifié de mensonge pur et simple. Mais
la couverture massivement biaisée, les distorsions, les
exagérations et surtout les omissions ahurissantes leur
fourniraient sûrement une vision totalement irréaliste
de ce qui s’était réellement passé pendant cette période
importante.
Un autre parallèle historique frappant est la diabolisation féroce du
président russe Vladimir Poutine, qui a provoqué la grande hostilité
des éléments juifs lorsqu’il a évincé la poignée d’oligarques juifs qui
avaient pris le contrôle de la société russe sous la mauvaise conduite
du président Boris Eltsine et appauvri profondement l’essentiel de
la population. Ce conflit s’est intensifié après que l’investisseur juif
William F. Browder eut fait adopter par le Congrès la loi Magnitsky
pour punir les dirigeants russes des actions en justice qu’ils avaient
intentées contre son immense empire financier dans leur pays. Les
critiques néo-conservateurs les plus sévères de Poutine l’ont souvent
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 201

condamné comme « un nouvel Hitler » alors que certains observa-


teurs neutres ont reconnu qu’aucun dirigeant étranger depuis le
Chancelier allemand des années 1930 n’avait été aussi violemment
vilipendé par les médias américains. Vu sous un angle différent, il
peut effectivement y avoir une correspondance étroite entre Poutine
et Hitler, mais pas de la manière habituellement suggérée.
Des personnes bien informées ont certainement été conscientes
du rôle crucial des Juifs dans l’orchestration de nos attaques mili-
taires ou financières contre l’Irak, l’Iran, la Syrie et la Russie, mais
il a été exceptionnellement rare qu’une personnalité publique ou
des journalistes réputés mentionnent ces faits pour ne pas être dé-
noncés et calomniés par des militants juifs zélés et les médias qu’ils
dominent. Par exemple, il y a quelques années, un seul tweet sug-
gestif de Valerie Plame, célèbre agent anti-prolifération de la CIA,
a provoqué une telle vague de vitupération qu’elle a été forcée de
démissionner de son poste dans une organisation à but non lucra-
tif de premier plan. Un parallèle étroit impliquant un personnage
beaucoup plus célèbre s’était produit trois générations plus tôt :
Ces faits, maintenant fermement établis par des dé-
cennies d’études, fournissent le contexte nécessaire au
discours célèbre et controversé de Lindbergh lors d’un
rassemblement de l’America First en septembre 1941.
Lors de cet événement il a accusé trois groupes « de
pousser ce pays à la guerre, les Britanniques, les Juifs
et le gouvernement Roosevelt », déclenchant ainsi une
énorme tempête d’attaques et de dénonciations de la
part des médias, notamment des accusations généra-
lisées d’antisémitisme et de sympathies nazies. Étant
donné les réalités de la situation politique, la déclara-
tion de Lindbergh constitue une illustration parfaite de
la fameuse boutade de Michael Kinsley selon laquelle
« une gaffe, c’est quand un politicien dit la vérité – une
vérité évidente qu’il n’est pas supposé dire ». Mais en
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 202

conséquence, la réputation autrefois héroïque de Lind-


bergh a subi des dommages énormes et permanents, les
échos de la campagne de diffamation ont été entendus
pendant les trois dernières décennies de sa vie, et même
bien au-delà. Bien qu’il n’ait pas été totalement exclu
de la vie publique, sa réputation n’a plus jamais été la
même. Avec de tels exemples à l’esprit, il ne faut pas
s’étonner que, pendant des décennies, cet énorme enga-
gement juif dans l’orchestration de la Seconde Guerre
mondiale ait été soigneusement omis de presque tous
les récits historiques ultérieurs, même de ceux qui ont
fortement remis en question la mythologie du récit of-
ficiel. L’index de l’œuvre iconoclaste de Taylor de 1961
ne contient absolument aucune mention des Juifs, et il
en va de même pour les livres précédents de Chamberlin
et Grenfell. En 1953, Harry Elmer Barnes, doyen des
révisionnistes historiques, publia son volume majeur vi-
sant à démolir les mensonges de la Seconde Guerre
mondiale, et une fois de plus, toute discussion sur le
rôle juif faisait presque entièrement défaut, avec seule-
ment une partie d’une seule phrase et la courte cita-
tion suspendue de Chamberlain apparaissant dans plus
de 200 000 mots du texte. Barnes et beaucoup de ses
collaborateurs avaient déjà été purgés et leur livre n’a
été publié que par un petit éditeur de l’Idaho, mais ils
cherchaient toujours à éviter certaines choses non men-
tionnées.
Même l’archi-révisionniste David Hoggan semble avoir soigneuse-
ment contourné le sujet de l’influence juive. Son index de 30 pages
ne contient aucune entrée sur les Juifs et ses 700 pages de texte ne
contiennent que des références éparses. En effet, bien qu’il cite les
déclarations privées explicites de l’ambassadeur de Pologne et du
Premier ministre britannique soulignant l’énorme rôle juif dans la
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 203

promotion de la guerre, il affirme alors de façon plutôt discutable


que ces déclarations confidentielles de personnes ayant la meilleure
compréhension des événements devraient simplement être ignorées.
Dans la populaire série Harry Potter, Lord Voldemort, le grand
ennemi des jeunes magiciens, est souvent identifié comme « celui qui
ne doit pas être nommé », car la simple vocalisation de ces quelques
syllabes particulières pourrait entraîner la mort de l’orateur. Les
Juifs jouissent depuis longtemps d’un pouvoir et d’une influence
énormes sur les médias et la vie politique, tandis que les militants
juifs fanatiques font preuve d’un empressement féroce à dénoncer
et à calomnier tous ceux qui sont soupçonnés d’être insuffisamment
amicaux envers leur groupe ethnique. La combinaison de ces deux
facteurs a donc induit un tel « effet Lord Voldemort » concernant
les activités juives chez la plupart des écrivains et des personnali-
tés publiques. Une fois que nous reconnaissons cette réalité, nous
devrions devenir très prudents dans l’analyse des questions histo-
riques controversées qui pourraient contenir une dimension juive, et
aussi être particulièrement prudents face aux arguments du silence.
Les écrivains désireux de briser ce redoutable tabou juif au sujet
de la Seconde Guerre mondiale étaient assez rares, mais une excep-
tion notable me vient à l’esprit. Comme je l’ai écrit récemment :
Il y a quelques années, je suis tombé sur un livre qui
m’était totalement inconnu, datant de 1951 et intitulé
Iron Curtain Over America de John Beaty, un profes-
seur d’université très respecté. Beaty avait passé ses an-
nées de guerre dans le renseignement militaire, étant
chargé de préparer les rapports de briefing quotidiens
distribués à tous les hauts responsables américains ré-
sumant les informations de renseignement acquises au
cours des 24 heures précédentes, ce qui était évidem-
ment un poste à responsabilité considérable. En tant
qu’anticommuniste zélé, il considérait une grande par-
tie de la population juive américaine comme profondé-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 204

ment impliquée dans des activités subversives, consti-


tuant ainsi une menace sérieuse pour les libertés tra-
ditionnelles américaines. En particulier, la mainmise
juive croissante sur l’édition et les médias rendait de
plus en plus difficile pour les points de vue discordants
d’atteindre le peuple américain, ce régime de censure
constituant le « rideau de fer » décrit dans son titre. Il
accusait les intérêts juifs de pousser à une guerre tota-
lement inutile contre l’Allemagne hitlérienne qui cher-
chait depuis longtemps de bonnes relations avec l’Amé-
rique mais qui avait subi une destruction totale en rai-
son de sa forte opposition à la menace communiste qui
était soutenue par les Juifs d’Europe. À l’époque comme
aujourd’hui, un livre prenant des positions aussi contro-
versées avait peu de chance de trouver un éditeur new-
yorkais, mais il fut quand même publié par une petite
entreprise de Dallas, puis remporta un énorme succès,
étant réimprimé dix-sept fois au cours des années sui-
vantes. Selon Scott McConnell, le rédacteur en chef
fondateur de The American Conservative, le livre de
Beaty est devenu le deuxième texte conservateur le plus
populaire des années 1950, ne se classant qu’après le
classique emblématique de Russell Kirk, The Conserva-
tive Mind. Les livres d’auteurs inconnus qui sont publiés
par de minuscules éditeurs se vendent rarement à beau-
coup d’exemplaires, mais le travail a attiré l’attention
de George E. Stratemeyer, un général à la retraite qui
avait été l’un des commandants de Douglas MacArthur,
et il a écrit une lettre d’approbation à Beaty. Beaty a
commencé à inclure cette lettre dans son matériel pro-
motionnel, suscitant la colère de l’ADL [Anti Defama-
tion League], dont le président national a contacté Stra-
temeyer, lui demandant de répudier le livre, qui a été
décrit comme une « amorce pour les groupes margi-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 205

naux déments » partout en Amérique. Au lieu de cela,


Stratemeyer a donné une réponse cinglante à l’ADL, la
dénonçant pour avoir proféré des « menaces voilées »
contre « la liberté d’expression et de pensée » et tenté
d’établir une répression à la mode soviétique aux États-
Unis. Il déclara que tout « citoyen loyal » devrait lire
The Iron Curtain Over America, dont les pages révé-
laient enfin la vérité sur la situation de notre pays, et il
commença à promouvoir activement le livre dans tout
le pays en attaquant la tentative juive de le faire taire.
De nombreux autres généraux et amiraux américains de
haut rang se sont rapidement joints à Statemeyer pour
appuyer publiquement le travail, tout comme quelques
membres influents du Sénat américain, ce qui a conduit
à ses énormes ventes nationales.
Contrairement à presque tous les autres récits de la Seconde Guerre
mondiale, qu’ils soient orthodoxes ou révisionnistes, l’index du vo-
lume de Beaty est absolument débordant de références aux Juifs et
aux activités juives, avec des dizaines d’entrées séparées et le sujet
mentionné sur une fraction substantielle de toutes les pages de son
livre assez court. Je soupçonne donc que tout lecteur occasionnel
moderne qui rencontrerait le volume de Beaty serait stupéfait et
consterné par un matériel aussi omniprésent et rejetterait proba-
blement l’auteur comme étant délirant et « obsédé par les Juifs » ;
mais je pense que le traitement de Beaty est probablement le plus
honnête et le plus réaliste. Comme je l’ai noté l’an dernier sur une
question connexe :
... une fois que le dossier historique a été suffisamment
blanchi ou réécrit, tout fil conducteur de la réalité ori-
ginale qui pourrait survivre est souvent perçu comme
une étrange illusion ou dénoncé comme une « théorie
du complot ».
Le rôle de Beaty en temps de guerre au sein des services de ren-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 206

seignements américains lui a certainement donné une bonne idée


de l’évolution des événements, et l’appui enthousiaste que lui ont
témoigné nombre de nos commandants militaires les plus haut pla-
cés appuie cette conclusion. Plus récemment, une décennie de re-
cherches archivistiques menées par le professeur Joseph Bendersky,
un éminent historien du courant dominant, a révélé que les vues
de Beaty étaient partagées en privé par bon nombre de nos profes-
sionnels du renseignement militaire et des généraux supérieurs de
l’époque, étant très répandues dans ces milieux.

Le rideau de fer sur l’Amérique


John Beaty - 1951 - 82 000 mots
À la fin des années 1960, les his-
toriens ont recommencé à se concen-
trer sur le rôle central des Juifs dans
la guerre mondiale. En effet, au cours
des dernières décennies, l’amer conflit
entre l’Allemagne nazie et le judaïsme
mondial est devenu un thème telle-
ment écrasant de nos médias popu-
laires que cet élément est peut-être
presque le seul aspect de l’époque
de la Seconde Guerre mondiale qui
est connu de nombreux jeunes Amé-
ricains. Mais la véritable histoire est
en fait beaucoup plus complexe que la
simple caricature selon laquelle Hitler
était mauvais et il détestait les Juifs parce qu’ils étaient bons. Entre
autres choses, il existe la réalité historique de l’important partena-
riat économique nazi-sioniste des années 1930, qui a joué un rôle si
crucial dans la création de l’État d’Israël. Bien que ces faits soient
bien documentés et aient même fait l’objet d’une importante cou-
verture médiatique dans les années 1980, notamment par l’auguste
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 207

Times de Londres, au cours des dernières décennies, l’histoire a


été si massivement réprimée qu’il y a quelques années, un homme
politique de gauche important a été chassé du Parti travailliste
britannique simplement pour y avoir fait allusion. David Irving a
également découvert le détail fascinant que les deux plus grands
donateurs financiers allemands aux nazis pendant leur montée au
pouvoir étaient tous deux des banquiers juifs, l’un d’eux étant le
leader sioniste le plus en vue du pays, bien que les motifs impli-
qués n’étaient pas entièrement clairs. Un autre fait obscurci est que
quelque 150 000 demi-juifs et quarts de juifs ont servi loyalement
dans les armées de la Seconde Guerre mondiale d’Hitler, principale-
ment en tant qu’officiers de combat, dont au moins 15 généraux et
amiraux à moitié juifs, et une douzaine de quarts de juifs occupant
ces mêmes grades élevés. L’exemple le plus remarquable est celui du
maréchal Erhard Milch, le puissant commandant en second d’Her-
mann Goering, qui a joué un rôle opérationnel si important dans
la création de la Luftwaffe. Milch avait certainement un père juif
et, selon certaines affirmations beaucoup moins fondées, peut-être
même une mère juive, alors que sa sœur était mariée à un général
SS. Pendant ce temps, bien que nos médias fortement dominés par
les Juifs présentent régulièrement Hitler comme l’homme le plus
maléfique qui ait jamais vécu, beaucoup de ses contemporains en
vue semblent avoir eu une opinion très différente. Comme je l’ai
écrit récemment :
En ressuscitant une Allemagne prospère alors que presque
tous les autres pays restaient embourbés dans la Grande
dépression mondiale, Hitler a attiré les éloges d’indivi-
dus de tout le spectre idéologique. Après une visite pro-
longée en 1936, David Lloyd George, ancien premier
ministre britannique en temps de guerre, fit l’éloge du
chancelier en le qualifiant de « George Washington de
l’Allemagne », un héros national de la plus grande en-
vergure. Au fil des ans, j’ai vu des affirmations plau-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 208

Figure 7.2 – Hitler dénommé Homme de l’année 1938 par le Times

sibles ici et là qu’au cours des années 1930, Hitler était


largement reconnu comme le leader national le plus po-
pulaire et le plus prospère au monde, et le fait qu’il ait
été élu Homme de l’année 1938 par Time Magazine
tend à confirmer cette conviction.
J’ai découvert un exemple particulier de ces perspectives man-
quantes plus tôt cette année lorsque j’ai décidé de lire The Prize,
l’histoire de l’industrie pétrolière mondiale de Daniel Yergin, lau-
réat du Magistère et du Prix Pulitzer en 1991, et j’ai découvert
quelques paragraphes surprenants enfouis profondément dans les
900 pages de texte dense. Yergin expliqua qu’au milieu des années
1930, le président impérieux de la Royal Dutch Shell, qui avait
passé des décennies au sommet absolu du monde des affaires bri-
tannique, était devenu très épris d’Hitler et de son gouvernement
nazi. Il croyait qu’une alliance anglo-allemande était le meilleur
moyen de maintenir la paix en Europe et de protéger le conti-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 209

nent de la menace soviétique, et il s’est même retiré en Allemagne,


conformément à ses nouvelles sympathies.
Depuis que l’histoire actuelle de
cette époque a été si complètement
remplacée par une propagande ex-
trême, les spécialistes universitaires
qui étudient de près des sujets par-
ticuliers rencontrent parfois des ano-
malies troublantes. Par exemple, un
peu de recherches très décontractées
sur Internet a attiré mon attention sur
un article intéressant d’une biographe
éminente de la célèbre écrivaine mo-
derniste juive Gertrude Stein, qui
semblait totalement mystifiée de voir
pourquoi son icône féministe sem-
blait avoir été une admiratrice ma-
jeure d’Hitler et une partisane enthousiaste du gouvernement pro-
allemand de Vichy, en France. L’auteur note également que Stein
n’était guère seule dans ses sentiments, qui étaient généralement
partagés par tant de grands écrivains et philosophes de l’époque.
Il y a aussi le cas très intéressant mais beaucoup moins bien
documenté de Lawrence d’Arabie, l’un des plus grands héros mi-
litaires britanniques au sortir de la Première Guerre mondiale et
qui avait peut-être pris une direction assez similaire, juste avant sa
mort en 1935 dans un accident de moto suspect. Un compte rendu
présumé de l’évolution de ses opinions politiques semble extrême-
ment détaillé et mérite peut-être qu’on s’y attarde, l’original ayant
été retiré d’Internet mais il est toujours disponible sur Archive.org.
Il y a quelques années, le journal intime d’un John F. Kennedy
de 28 ans voyageant dans l’Europe de l’après-guerre a été vendu
aux enchères, et le contenu a révélé sa fascination plutôt favorable
pour Hitler. Le jeune JFK prédit que « Hitler sortira de la haine
qui l’entoure aujourd’hui comme l’une des figures les plus signifi-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 210

catives qui ait jamais vécu » et a senti qu’« il avait en lui ce dont
les légendes sont faites ». Ces sentiments sont particulièrement re-
marquables parce qu’ils ont été exprimés juste après la fin d’une
guerre brutale contre l’Allemagne et malgré l’énorme volume de
propagande hostile qui l’avait accompagnée.
Les enthousiasmes politiques des intellectuels de la littérature,
des jeunes écrivains ou même des hommes d’affaires âgés ne sont
guère les sources les plus fiables pour évaluer un régime particu-
lier. Mais plus tôt cette année, j’ai fait état d’une évaluation assez
complète des origines et de la politique de l’Allemagne nationale-
socialiste par l’un des historiens les plus éminents de Grande-Bretagne :
Il n’y a pas si longtemps, je suis tombé sur un livre très
intéressant écrit par Sir Arthur Bryant, un historien in-
fluent dont la page Wikipedia le décrit comme le favori
personnel de Winston Churchill et de deux autres pre-
miers ministres britanniques. Il avait travaillé sur Un-
finished Victory à la fin des années 1930, puis l’avait
quelque peu modifié pour le publier au début de 1940,
quelques mois après que le début de la Seconde Guerre
mondiale eut considérablement modifié le paysage poli-
tique. Mais peu de temps après, la guerre est devenue
beaucoup plus amère et il y avait une dure répression
contre les voix discordantes dans la société britannique,
de sorte que Bryant s’est alarmé de ce qu’il avait écrit
et a essayé de retirer toutes les copies existantes de la
circulation. Par conséquent, les seuls copies disponibles
à la vente sur Amazon le sont à un prix exorbitant, mais
heureusement, l’œuvre est également disponible gratui-
tement sur Archive.org. Écrivant avant que la « ver-
sion officielle » des événements historiques n’ait été dé-
terminée de manière rigide, Bryant décrit la situation
intérieure très difficile de l’Allemagne entre les deux
guerres mondiales, ses relations problématiques avec sa
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 211

minuscule minorité juive, et les circonstances derrière


la montée d’Hitler, fournissant une perspective très dif-
férente sur ces événements importants que ce que nous
lisons habituellement dans nos manuels scolaires stan-
dard. Entre autres faits surprenants, il note que même
si les Juifs ne représentaient que 1% de la population
totale, même cinq ans après l’arrivée au pouvoir d’Hit-
ler et l’application de diverses politiques antisémites,
ils possédaient encore apparemment environ un tiers de
tous les biens immobiliers du pays, la majeure partie
de ces vastes biens ayant été acquis envers des Alle-
mands désespérés et affamés dans les terribles années
1920. Ainsi, une grande partie de la population alle-
mande (99%) de l’Allemagne venait d’être récemment
dépossédée des biens qu’elle avait accumulés au fil des
générations. . .
Bryant note aussi avec franchise l’énorme présence juive à la tête
des mouvements communistes qui s’étaient temporairement empa-
rés du pouvoir après la Première Guerre mondiale, tant dans la
majeure partie de l’Allemagne que dans la Hongrie voisine. C’était
un parallèle inquiétant avec les bolchéviks juifs qui, dans leur écra-
sante majorité, avaient pris le contrôle de la Russie, puis massacré
ou expulsé les élites dirigeantes traditionnelles russe et allemande
de ce pays, et donc une source majeure de craintes nazies.
Contrairement à tant d’autres historiens précédemment dis-
cuté, après que le climat politique a changé, Bryant a travaillé
assidûment pour effacer toute trace écrite de ses vues soudaine-
ment démodées, et par conséquent a continué à jouir d’une longue
et réussie carrière, couronnée par les accolades d’un establishment
britannique reconnaissant. Mais je soupçonne que son volume de
1940, longtemps étouffé, présentant une vision raisonnablement fa-
vorable d’Hitler et de l’Allemagne nazie, est probablement plus
précis et plus réaliste que les milliers d’œuvres de propagande
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 212

d’autres auteurs qui ont rapidement suivi. Je l’ai maintenant in-


corporé dans mon système HTML Books, pour que ceux qui s’y
intéressent puissent le lire et décider par eux-mêmes.

Victoire inachevée
Arthur Bryant - 1940 - 79 000 mots
Pour la plupart des Américains d’aujourd’hui, l’image primaire
associée à Hitler et à son régime allemand est l’ampleur horrible des
crimes de guerre qu’ils auraient commis pendant le conflit mondial
qu’ils auraient déclenché. Mais dans l’une de ses conférences, Ir-
ving a fait l’observation assez révélatrice que l’ampleur relative de
tels crimes pendant la Seconde Guerre mondiale et en particulier
leur base probante pourrait ne pas nécessairement pointer dans la
direction d’une implication des Allemands.
Bien qu’Hollywood et les personnes qui l’entourent aient sans
cesse cité les conclusions des tribunaux de Nuremberg comme le
dernier mot sur la barbarie nazie, même un examen superficiel de
ces procédures suscite un énorme scepticisme. Au fil du temps, les
historiens ont progressivement reconnu que certains des éléments de
preuve les plus choquants et les plus effrayants utilisés pour obtenir
la condamnation mondiale des accusés - les abat-jour et les pains de
savon humains, les têtes réduites - étaient entièrement frauduleux.
Les Soviétiques étaient déterminés à poursuivre les nazis pour le
massacre de la forêt de Katyn du corps des officiers polonais captu-
rés, même si les Alliés occidentaux étaient convaincus que Staline
en était effectivement responsable, une conviction confirmée par
Gorbatchev et par les archives soviétiques récemment ouvertes. Si
les Allemands avaient réellement fait tant de choses horribles, on
peut se demander pourquoi l’accusation aurait pris la peine d’in-
clure de telles accusations fabriquées de toutes pièces et fausses.
Et au fil des décennies, de nombreuses preuves se sont accumu-
lées que les chambres à gaz et l’Holocauste juif - les éléments cen-
traux de la « légende noire » nazie actuelle - étaient tout aussi fictifs
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 213

que tous ces autres éléments. Les Allemands étaient notoirement


méticuleux et précis dans la tenue des dossiers, embrassant une
bureaucratie ordonnée comme personne d’autre, et presque toutes
leurs archives ont été capturées à la fin de la guerre. Dans ces cir-
constances, il semble plutôt étrange qu’il n’y ait pratiquement au-
cune trace des plans ou directives associés aux crimes monstrueux
que leurs dirigeants auraient ordonné de commettre d’une manière
aussi massivement industrielle. Au lieu de cela, l’ensemble de la
preuve semble consister en une infime quantité de documents plu-
tôt douteux, en l’interprétation douteuse de certaines phrases et en
divers aveux allemands, souvent obtenus sous la torture brutale.
Étant donné son rôle crucial en temps de guerre dans le ren-
seignement militaire, Beaty a été particulièrement sévère dans sa
dénonciation de cette procédure, et les nombreux généraux améri-
cains de haut rang qui ont approuvé son livre ajoutent considéra-
blement au poids de son verdict :
Il dénonçait aussi le procès de Nuremberg, qu’il décrivait
comme une « tache indélébile majeure » sur l’Amérique
et une « parodie de justice ». Selon lui, la procédure
était dominée par des Juifs allemands vengeurs, dont
beaucoup se livraient à la falsification de témoignages
ou avaient même des antécédents criminels. En consé-
quence, ce « fiasco fétide » n’a fait qu’enseigner aux Al-
lemands que « notre gouvernement n’avait aucun sens
de la justice ». Le sénateur Robert Taft, le chef républi-
cain de l’immédiat après-guerre, avait une position très
similaire, ce qui lui a valu plus tard l’éloge de John F.
Kennedy dans Profiles in Courage. Le fait que le procu-
reur en chef soviétique de Nuremberg ait joué le même
rôle lors des fameux procès staliniens de la fin des an-
nées 1930, au cours desquels de nombreux anciens bol-
cheviques ont avoué toutes sortes de choses absurdes et
ridicules, n’a guère renforcé la crédibilité des procédures
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 214

aux yeux de nombreux observateurs extérieurs.


En revanche, Irving note que si les Alliés avaient été sur le banc
des accusés à Nuremberg, les preuves de leur culpabilité auraient
été absolument accablantes. Après tout, c’est Churchill qui a com-
mencé le bombardement illégal des villes par la terreur, une straté-
gie visant délibérément à provoquer des représailles allemandes et
qui a finalement entraîné la mort d’un million ou plus de civils euro-
péens. Vers la fin de la guerre, les renversements militaires avaient
même persuadé le dirigeant britannique d’ordonner des attaques au
gaz toxique tout aussi illégales contre des villes allemandes, ainsi
que le déclenchement d’une guerre biologique encore plus horrible
impliquant des bombes à base d’anthrax. Irving a trouvé ces di-
rectives signées dans les archives britanniques, bien que Churchill
ait été persuadé par la suite de les annuler avant qu’elles ne soient
exécutées. En revanche, les archives allemandes montrent qu’Hitler
avait à plusieurs reprises exclu toute première utilisation de telles
armes illégales, même si l’arsenal beaucoup plus meurtrier de l’Al-
lemagne aurait pu renverser le cours de la guerre en sa faveur.
Bien qu’oubliée depuis longtemps aujourd’hui, Freda Utley était
une journaliste du milieu du siècle d’une certaine importance. Née
anglaise, elle avait épousé un communiste juif et s’était installée
en Russie soviétique, puis s’était enfuie en Amérique après la chute
de son mari dans l’une des purges de Staline. Bien que peu sym-
pathique aux nazis vaincus, elle partageait fortement l’opinion de
Beaty sur la monstrueuse perversion de la justice à Nuremberg et
son récit de première main des mois passés en Allemagne occupée
est révélateur dans sa description des terribles souffrances imposées
à la population prostrée même des années après la fin de la guerre.
De plus :
Son livre traite également des expulsions organisées d’Al-
lemands de Silésie, des Sudètes, de Prusse orientale et
de diverses autres parties de l’Europe centrale et orien-
tale où ils avaient vécu pacifiquement pendant des siècles.
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 215

Le nombre total de ces expulsés est généralement es-


timé entre 13 et 15 millions. On donnait parfois aux
familles dix minutes pour quitter les maisons où elles
habitaient depuis un siècle ou plus, puis on les obli-
geait à marcher, parfois sur des centaines de kilomètres,
vers une terre lointaine qu’elles n’avaient jamais vue,
avec leurs seules possessions tenant dans leurs mains.
Dans certains cas, tous les hommes survivants furent
séparés et envoyés dans des camps de travail, et c’est
pourquoi l’exode fut composé uniquement de femmes,
d’enfants et de personnes très âgées. Selon toutes les
estimations, au moins deux millions de personnes pé-
rirent en cours de route, à cause de la faim, de la ma-
ladie ou des risques divers. Ces jours-ci, nous lisons
de nombreuses et douloureuses discussions sur la fa-
meuse « Piste des larmes » endurée par les Cherokees
dans le lointain passé du début du XIXe siècle, mais cet
événement du XXe siècle, assez semblable, fut presque
mille fois plus grand. Malgré cet énorme écart dans
l’ampleur et une distance beaucoup plus grande dans le
temps, je crois que le premier événement provoque mille
fois plus la sensibilité les Américains ordinaires. Si tel
est le cas, cela démontrerait que l’écrasant contrôle des
médias peut facilement modifier la réalité perçue d’un
facteur d’un million ou plus. On peut penser que ce
déplacement de populations a représenté le plus grand
nettoyage ethnique de l’histoire du monde, et si l’Alle-
magne avait fait quelque chose d’à peu près similaire au
cours de ses années de victoires et de conquêtes euro-
péennes, les scènes terribles d’un tel flot de réfugiés se
traînant avec désespoir seraient sûrement devenues la
pièce centrale de nombreux films des soixante-dix der-
nières années. Mais puisque rien de tel n’est arrivé, les
scénaristes d’Hollywood ont perdu une incroyable op-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 216

portunité.
Je pense que l’explication la plus plausible de la promotion générali-
sée d’une multitude de crimes de guerre allemands largement fictifs
à Nuremberg était peut-être le camouflage et l’obscurcissement des
crimes de guerre très réels vraiment commis par les Alliés.
D’autres indicateurs connexes peuvent être trouvés dans le ton
extrême de certaines publications américaines de l’époque, même
celles produites bien avant que notre pays n’entre en guerre. Par
exemple :
Mais dès 1940, un juif américain du nom de Theodore
Kaufman devint tellement enragé par ce qu’il considé-
rait comme les mauvais traitements d’Hitler envers les
Juifs allemands qu’il publia un court livre intitulé Ger-
many Must Perish !, [L’Allemagne doit périr !, NdT],
dans lequel il plaide explicitement pour l’extermination
totale du peuple allemand. Or ce livre reçut apparem-
ment un accueil favorable, et même tout à fait sérieux
dans bon nombre de nos plus prestigieux médias, y com-
pris le New York Times, le Washington Post, et Time
Magazine.
N’importe quel livre similaire publié dans l’Allemagne d’Hitler
qui préconisait l’extermination de tous les Juifs ou de tous les Slaves
aurait certainement été une pièce maîtresse à Nuremberg, et tous
les critiques de journaux qui l’auraient traité favorablement au-
raient probablement été sur le banc des accusés de « crimes contre
l’humanité ».
Pendant ce temps, la nature terrible de la guerre du Pacifique
qui a suivi Pearl Harbor est suggérée par un numéro de 1944 du
magazine Life qui portait la photo d’une jeune Américaine avec
le crâne d’un soldat japonais que son petit ami lui avait envoyé
comme souvenir de guerre. Si des magazines nazis avaient jamais
publié des images similaires, je doute que les Alliés aient eu besoin
de fabriquer des histoires ridicules d’abat-jour ou de savon humains.
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 217

Et assez remarquablement, cette scène grotesque fournit en fait


une indication raisonnablement précise des atrocités sauvages qui
ont été régulièrement commises pendant les combats brutaux du
théâtre de guerre du Pacifique. Ces faits désagréables ont été expo-
sés en détail dans « War Without Mercy », un ouvrage primé publié
en 1986 par l’éminent historien américain John W. Dower, qui a
reçu les éloges d’éminents universitaires et intellectuels publics.
La triste vérité, c’est que les Américains massacraient généra-
lement les Japonais qui cherchaient à se rendre ou qui avaient déjà
été faits prisonniers, de sorte que seule une petite part de troupes
japonaises - quelques années durant, une infime partie seulement
- défaites au combat a survécu. L’excuse traditionnelle invoquée
publiquement pour expliquer l’absence quasi totale de prisonniers
de guerre japonais était que leur code Bushido rendait impensable
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 218

Figure 7.3 – Natalie Nickerson, 20 ans, regarde un crâne - qui


serait celui d’un soldat japonais - qui lui a été envoyé de Nouvelle-
Guinée par son petit ami servant dans le Pacifique. (exemplaire du
22 mai 1944 de LIFE, p. 35)

la reddition, mais lorsque les Soviétiques ont vaincu les armées ja-
ponaises en 1945, ils n’ont eu aucune difficulté à capturer plus d’un
million de prisonniers. En effet, comme l’interrogatoire des prison-
niers était important à des fins de renseignement, les commandants
américains ont commencé, vers la fin de la guerre, à offrir des ré-
compenses comme de la crème glacée à leurs troupes pour avoir
ramené des Japonais qui se rendaient vivants plutôt que de les tuer
sur place. Les GIs américains ont aussi commis régulièrement des
atrocités remarquablement sauvages. Les Japonais morts ou blessés
avaient souvent leurs dents en or cassées et prises pour des butins
de guerre, et leurs oreilles étaient souvent coupées et gardées en
souvenir, comme c’était aussi parfois le cas avec leurs crânes. Pen-
dant ce temps, Dower note l’absence de toute preuve suggérant
un comportement similaire de l’autre côté. Les médias américains
ont généralement dépeint les Japonais comme de la vermine apte
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 219

à être éradiquée, et de nombreuses déclarations publiques de hauts


responsables militaires américains ont explicitement affirmé que la
majeure partie de la population japonaise devrait probablement
être exterminée pour que la guerre aboutisse. Comparer des faits
aussi bien documentés avec les accusations plutôt ténues générale-
ment portées contre les dirigeants politiques ou militaires nazis est
assez révélateur.
À la fin des années 1980, des preuves d’autres secrets profonds
du temps de guerre sont soudainement apparues.
Alors qu’en 1986, il s’était rendu en France pour pré-
parer un livre sur un autre sujet, un écrivain cana-
dien nommé James Bacque tomba sur des indices sug-
gérant que l’un des plus terribles secrets de l’Allemagne
d’après-guerre était resté complètement caché. Il se lança
immédiatement dans des recherches approfondies et pu-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 220

blia finalement Other Losses [Autres Pertes, NdT.] en


1989. Se fondant sur des éléments de preuve considé-
rables, comprenant des dossiers du gouvernement, des
entrevues personnelles et des témoignages oculaires va-
lidés, il expliqua qu’après la fin de la guerre, les Améri-
cains avaient affamé jusqu’à un million de prisonniers
de guerre allemands. C’était apparemment un acte po-
litique délibéré, un crime de guerre, sûrement parmi
les plus considérables de l’histoire. Pendant des décen-
nies, les propagandistes occidentaux critiquèrent sans
relâche les Soviétiques en prétendant qu’ils retenaient
un million ou plus de prisonniers de guerre allemands
« disparus » comme esclaves du Goulag, alors que les
Soviétiques niaient sans répit ces accusations. Selon
Bacque, les Soviétiques avaient toujours dit la vérité, et
les soldats disparus étaient parmi les très nombreux qui
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 221

avaient fui vers l’ouest à la fin de la guerre, cherchant


ce qu’ils supposaient être un bien meilleur traitement
aux mains des armées anglo-américaines. Mais au lieu
de cela, ils furent privés de toute protection légale, et
confinés dans des conditions horribles où ils périrent
rapidement à cause de la faim, de la maladie et des
risques. Sans prétendre résumer la vaste accumulation
des documents de Bacque, quelques éléments factuels
valent la peine d’être mentionnés. À la fin des hostilités,
le gouvernement américain détourna un raisonnement
juridique pour faire valoir que les millions de soldats al-
lemands qu’il avait capturés ne devraient pas être consi-
dérés comme des « prisonniers de guerre » et n’étaient
donc pas couverts par les dispositions de la Convention
de Genève. Peu après, les tentatives de la Croix-Rouge
internationale pour acheminer de la nourriture vers les
gigantesques camps de prisonniers alliés furent rejetées
à plusieurs reprises, et des avis furent affichés dans les
villes et villages allemands avoisinants indiquant que
tout civil qui tentait de faire passer de la nourriture
aux prisonniers de guerre pourrait être abattu à vue.
Ces faits historiques indéniables semblent déboucher sur
de sombres interprétations. Bien qu’initialement sorti
chez un obscur éditeur, rapidement le livre de Bacque
fit sensation et devint un best-seller international. Il
y dépeignait le Général Dwight Eisenhower comme le
principal responsable de cette tragédie, remarquant que
les pertes de prisonniers de guerre étaient beaucoup plus
faibles dans les régions qui échappaient à son contrôle,
et laissait entendre qu’en tant que « général politique »
très ambitieux d’ascendance germano-américaine, il eut
peut-être à subir d’intenses pressions pour prouver sa
« dureté » envers l’ennemi vaincu. De plus, une fois la
guerre froide terminée et les archives soviétiques ou-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 222

vertes aux savants, leur contenu semble avoir forte-


ment validé la thèse de Bacque. Il note que bien que les
archives contiennent des preuves explicites d’atrocités
telles que le massacre de Katyn du corps des officiers
polonais par Staline, elles ne montrent absolument au-
cune trace d’un million de prisonniers de guerre alle-
mands manquants, qui trouvèrent vraisemblablement la
mort par la famine et la maladie dans les camps d’Ei-
senhower. Bacque souligne que le gouvernement alle-
mand a émis de graves menaces juridiques contre qui-
conque chercherait à enquêter sur les fosses communes
qui contiennent probablement les restes de ces prison-
niers de guerre morts depuis longtemps et dans une édi-
tion mise à jour, il mentionne également l’adoption ré-
cente par l’Allemagne de lois sévères condamnant à de
lourdes peines de prison quiconque remet simplement en
question le récit officiel de la Seconde guerre mondiale.

Les nouvelles preuves extraites par Bacque des archives


du Kremlin constituent une partie relativement faible
de la suite parue en 1997, Crimes and mercies [Crimes
et grâces, NdT], qui est centrée sur une analyse encore
plus explosive. Elle est également devenue un best-seller
international. Comme décrit précédemment, des obser-
vateurs directs de l’Allemagne de 1947 et 1948 comme
Gollanz et Utley, apportèrent des témoignages directs
des conditions horribles qu’ils avaient découvertes. Ils
affirmèrent que depuis des années, les rations alimen-
taires officielles prévues pour la population étaient com-
parables à celle des détenus dans les camps de concen-
tration nazis. Elles étaient même parfois beaucoup plus
basses, entraînant la malnutrition et les maladies cou-
rantes qu’ils pouvaient observer. Ils notèrent également
la destruction de la plupart des logements d’avant-guerre
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 223

en Allemagne et le terrible surpeuplement produit par


l’afflux de millions de réfugiés allemands dénués de tout,
expulsés de certaines parties de l’Europe centrale et orien-
tale. Mais ces enquêteurs n’avaient pas accès à des sta-
tistiques de population fiables, et ne pouvaient que spé-
culer sur le nombre énorme de pertes humaines que la
faim et la maladie avaient déjà infligées et qui conti-
nueraient sûrement sans changement urgent de poli-
tique. Bacque cumula des années de recherches sur les
archives pour tenter de répondre à cette question, et
la conclusion qu’il fournit n’est pas du genre agréable.
En effet, tant le gouvernement militaire allié que les
autorités civiles allemandes ultérieures semblent avoir
concerté leurs efforts pour cacher ou obscurcir l’am-
pleur réelle de la calamité qui frappa les civils allemands
au cours des années 1945-1950. Les statistiques offi-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 224

cielles sur la mortalité que l’on trouve dans les rapports


gouvernementaux sont tout simplement trop incroyables
pour être correctes, bien qu’elles aient fourni la base de
l’histoire de cette période. Par exemple, Bacque note
que ces chiffres indiquent que le taux de mortalité dans
les conditions terribles de 1947, longtemps connue comme
l’« Année de la faim » (Hungerjahr) que Gollancz dé-
crit de manière précise, aurait été inférieurs à celui
de l’Allemagne prospère de la fin des années 1960. En
outre, des rapports privés des autorités américaines, les
taux de mortalité des localités et d’autres preuves fiables
démontrent que ces statistiques, admises depuis long-
temps, étaient pour l’essentiel fictives. À leur place,
Bacque tente de fournir des estimations plus réalistes
sur la base d’un examen des totaux de population des
différents recensements allemands ainsi que l’afflux de
réfugiés allemands tel qu’il a pu être enregistré. À partir
de ces données simples, il arrive à la conclusion raison-
nablement probante que l’excédent de décès allemands
au cours de cette période s’éleva à au moins environ 10
millions, avec une marge de plusieurs millions. De plus,
il fournit des preuves substantielles que la famine fut
délibérément organisée, ou du moins considérablement
aggravée par la résistance du gouvernement américain
à une aide alimentaire. Peut-être ne devrions pas être
totalement surpris par ces conclusions, étant donné que
le très officiel plan Morgenthau avait envisagé l’élimi-
nation d’environ 20 millions d’Allemands. Or, comme
Bacque le démontre, les principaux dirigeants améri-
cains acceptèrent discrètement de poursuivre cette poli-
tique dans la pratique, même s’ils y avaient renoncé en
théorie. En supposant que ces chiffres soient ne serait-
ce qu’à peu près corrects, les implications sont tout à
fait remarquables. Dans ce cas, le nombre de victimes
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 225

de la catastrophe humaine survenue en Allemagne figu-


rerait certainement parmi les plus importants de l’his-
toire moderne en temps de paix, et dépasse de loin le
nombre de morts liés à la famine ukrainienne du début
des années 1930. Il s’approcherait même de la morta-
lité non planifiée consécutive au Grand bond en avant
de Mao en 1959-61. Il y a plus : les pertes allemandes
dépasseraient largement en pourcentage l’un et l’autre
de ces événements terribles, et cela resterait vrai même
si les estimations de Bacque étaient sensiblement ré-
duites. Pourtant je doute que même une petite frac-
tion des Américains soient aujourd’hui conscients de
cette gigantesque catastrophe. Je présume que les souve-
nirs sont beaucoup plus prégnants en Allemagne, mais
étant donné la répression juridique des opinions dis-
cordantes dans ce malheureux pays, je soupçonne que
quiconque discute du sujet trop énergiquement court le
risque d’être immédiatement emprisonné. Dans une large
mesure, cette ignorance historique a été fortement en-
couragée par nos gouvernements, souvent par des moyens
sournois ou franchement malveillants. Tout comme dans
l’ancienne URSS déclinante, une grande partie de la lé-
gitimité politique actuelle du gouvernement américain
et des divers États-vassaux européens est fondée sur
une récit interprétatif particulier de la Seconde guerre
mondiale. Or, la remise en question de ce récit pourrait
avoir des conséquences politiques désastreuses. Bacque
raconte de façon crédible certains des efforts visiblement
déployés pour dissuader tout grand journal ou maga-
zine de publier des articles sur les découvertes boule-
versantes de son premier livre, imposant ainsi un « bla-
ckout » qui vise à réduire au minimum l’exposition mé-
diatique. De telles mesures semblent avoir été très ef-
ficaces, car jusqu’à il y a huit ou neuf ans, je ne suis
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 226

pas sûr d’avoir jamais entendu un mot de ces thèses


scandaleuses. De même, je n’ai certainement jamais
vu de telles discussions sérieuses dans les nombreux
journaux ou magazines que j’ai lus attentivement au
cours des trois dernières décennies. Des moyens illé-
gaux eux-mêmes ont été employés pour entraver les ef-
forts de ce chercheur solitaire et déterminé. Il est arrivé
que les lignes téléphoniques de Bacque aient été mises
sur écoute, son courrier intercepté, et son matériel de
recherche copié subrepticement, tandis que son accès
à certaines archives officielles avait été bloqué. Cer-
tains des témoins oculaires âgés qui corroboraient per-
sonnellement son analyse ont reçu des menaces écrites
et eurent leurs biens vandalisés. Dans l’avant-propos du
livre de 1997, De Zayas, cet éminent avocat internatio-
nal des droits de l’homme, a fait l’éloge des recherches
révolutionnaires de Bacque. Il espérait qu’elles condui-
raient rapidement à un grand débat académique visant à
rétablir les faits qui avaient eu lieu un demi-siècle plus
tôt. Mais dans sa mise à jour de l’édition 2007, il s’in-
digne qu’aucune discussion de ce genre n’ait jamais eu
lieu. Au lieu de cela, le gouvernement allemand a sim-
plement adopté une série de lois sévères imposant des
peines de prison à quiconque contesterait en profondeur
le récit institutionnel de la Seconde guerre mondiale et
de ses suites immédiates, et même potentiellement à
ceux qui se concentreraient exagérément sur les souf-
frances du peuple allemand. Même si les deux livres
de Bacque sont devenus des best-sellers internationaux,
l’absence quasi totale de toute promotion médiatique a
fait en sorte que leur impact sur le public n’ait pas dé-
passé l’effet d’une piqûre d’épingle. Un autre facteur
explicatif important est la portée totalement dispropor-
tionnée des médias imprimés et électroniques. Certes,
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 227

un best-seller peut être lu par des dizaines de milliers


de personnes, mais un film réussi peut en toucher des
dizaines de millions, et tant qu’Hollywood tournera in-
définiment des films dénonçant les atrocités allemandes
et pas un seul de l’autre côté, les faits réels de l’his-
toire auront peu de chances d’attirer quelque attention.
Je soupçonne fortement qu’aujourd’hui, il y a beaucoup
plus de gens qui croient en l’existence réelle de Batman
et Spiderman que de gens informés de l’hypothèse de
Bacque.
La Pravda américaine. Après-guerre française, après-guerre alle-
mande
RON UNZ - 9 JUILLET 2018 - 6 600 MOTS
Bon nombre des éléments présentés ci-dessus ont été tirés de
mes articles précédents publiés au cours de la dernière année envi-
ron, mais je crois qu’il serait utile de fournir ces mêmes éléments
sous une forme unifiée plutôt que séparément, même si la longueur
totale devient nécessairement considérable.
La Seconde Guerre mondiale domine notre paysage du XXe
siècle comme un colosse et jette encore d’immenses ombres sur
notre monde moderne. Ce conflit mondial a probablement fait l’ob-
jet d’une couverture beaucoup plus soutenue, dans la presse écrite
ou électronique, que tout autre événement de l’histoire humaine.
Ainsi, si nous rencontrons une petite poignée d’éléments très anor-
maux qui semblent contredire directement un tel océan d’informa-
tions extrêmement détaillées et acceptées depuis longtemps, il y
a une tendance naturelle à rejeter ces quelques valeurs aberrantes
comme invraisemblables ou même illusoires. Mais une fois que le
nombre total de ces éléments discordants, en apparence pourtant
bien documentés, devient suffisamment important, nous devons les
prendre plus au sérieux, et peut-être finir par admettre que la plu-
part d’entre eux sont probablement corrects. Comme le suggère une
citation largement attribuée à Staline, « la quantité a une qualité
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 228

qui lui est propre ». Je ne suis pas le premier individu à prendre

progressivement conscience de ce contre-narratif large et cohérent


de la Seconde Guerre mondiale, et il y a quelques mois, j’ai lu
la Guerre d’Allemagne, publiée en 2014 par John Wear, historien
amateur. Tirant des sources qui chevauchent en grande partie celles
dont j’ai parlé, ses conclusions sont raisonnablement semblables aux
miennes, mais présentées sous la forme d’un livre qui comprend
quelque 1 200 références exactes. Ainsi, ceux qui sont intéressés
par une exposition beaucoup plus détaillée de ces mêmes ques-
tions peuvent le lire et décider par eux-mêmes. Lorsque la liberté
intellectuelle est menacée, la remise en cause d’une mythologie of-
ficiellement consacrée peut devenir juridiquement périlleuse. J’ai
vu que des milliers de personnes qui ont des opinions hétérodoxes
sur divers aspects de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale sont
aujourd’hui emprisonnées dans toute l’Europe sur la base de ces
convictions. Si tel est le cas, ce total est probablement beaucoup
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 229

plus élevé que le nombre de dissidents idéologiques qui avaient subi


un sort similaire dans les pays en déclin du bloc soviétique dans les
années 1980.
La Seconde Guerre mondiale a pris fin il y a près de trois gé-
nérations, et peu de ses survivants adultes marchent encore sur la
terre. D’un côté, les faits réels de ce conflit et la question de sa-
voir s’ils contredisent ou non nos croyances traditionnelles peuvent
sembler plutôt hors de propos. Débouloner les statues de certains
personnages historiques disparus depuis longtemps et les remplacer
par des statues d’autres ne semble guère avoir une grande valeur
pratique.
Mais si nous concluons graduellement que l’histoire qui nous a
été racontée pendant toute notre vie est fausse et peut-être large-
ment inversée, les implications pour notre compréhension du monde
sont énormes. La plupart des documents surprenants présentés ici
sont à peine cachés ou gardés sous clé. Presque tous les livres sont
facilement disponibles sur Amazon ou même librement lisibles sur
Internet, beaucoup d’auteurs ont reçu un accueil critique et scien-
tifique, et dans certains cas leurs œuvres se sont vendues par mil-
lions. Pourtant, ces éléments importants ont été presque entière-
ment ignorés ou rejetés par les médias populaires qui façonnent les
croyances communes de notre société. Nous devons donc nécessaire-
ment commencer à nous demander quelles autres faussetés massives
ont pu être promues de la même façon par ces médias, peut-être
à la suite d’incidents du passé récent ou même du présent. Et ces
derniers événements ont une énorme importance pratique. Comme
je l’ai souligné il y a plusieurs années dans mon article original sur
la Pravda américaine :
Au-delà des perceptions que nous accordent nos sens,
presque tout ce que nous savons du passé, ou des infor-
mations contemporaines, nous vient de traces d’encre
sur du papier, ou de pixels colorés sur un écran, et il
est heureux que depuis une décennie ou deux, la crois-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 230

sance d’internet ait considérablement élargi le champ


des informations à notre portée dans cette dernière ca-
tégorie. Même si l’écrasante majorité des affirmations
non-orthodoxes livrées par ces sources sur le réseau sont
incorrectes, au moins la possibilité existe-t-elle à pré-
sent d’extraire les pépites de vérité de vastes montagnes
d’impostures.
Nous devons également reconnaître que bon nombre des idées fon-
damentales qui dominent notre monde actuel ont été fondées sur
une compréhension particulière de cette histoire de guerre, et s’il
semble y avoir de bonnes raisons de croire que la narration est es-
sentiellement fausse, nous devrions peut-être commencer à remettre
en question le cadre des croyances qui ont été érigées autour.

George Orwell a combattu pendant la guerre civile espagnole


dans les années 1930 et a découvert que les faits réels en Es-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 231

pagne étaient radicalement différents de ce qu’il avait été amené


à croire par les médias britanniques de son époque. En 1948, ces
expériences passées ainsi que l’« histoire officielle » de la Seconde
Guerre mondiale, qui s’est rapidement confondue, ont peut-être été
au centre de ses préoccupations lorsqu’il a publié son roman clas-
sique « 1984 », qui déclarait que « qui contrôle le passé contrôle
l’avenir ; qui contrôle le présent contrôle le passé ». En fait, comme
je l’ai fait remarquer l’an dernier, cette observation n’a jamais été
aussi vraie que lorsque l’on considère certaines des hypothèses his-
toriques qui gouvernent la politique du monde d’aujourd’hui et la
probabilité qu’elles soient entièrement trompeuses :
À l’époque de la fin de la guerre froide, le nombre de ci-
vils innocents tués pendant la révolution bolchévique et
les deux premières décennies du régime soviétique s’éle-
vait dans l’ensemble à plusieurs dizaines de millions
lorsque l’on inclut les victimes de la guerre civile russe,
les famines provoquées par le gouvernement, le Gou-
lag et les exécutions. J’ai entendu dire que ces chiffres
ont été considérablement revus à la baisse, à une ving-
taine de millions peut-être, mais peu importe. Bien que
les apologistes soviétiques déterminés puissent contes-
ter ces très grands nombres, ils ont toujours fait partie
de l’histoire institutionnelle enseignée en Occident. Pa-
rallèlement, tous les historiens savent parfaitement que
les dirigeants bolchéviks étaient majoritairement juifs,
trois des cinq révolutionnaires que Lénine a nommés
comme ses successeurs plausibles venant de ce milieu.
Bien qu’environ 4% seulement de la population russe
ait été juive, Vladimir Poutine déclarait, il y a quelques
années, que les juifs constituaient peut-être 80-85% du
premier gouvernement soviétique, une estimation tout
à fait cohérente avec les affirmations contemporaines
de Winston Churchill, du correspondant du Times of
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 232

London, Robert Wilton, et des officiers des services de


renseignements militaires américains. Les livres récents
d’Alexandre Soljenitsine, Yuri Slezkine et d’autres ont
tous brossé un tableau très similaire. Et avant la Se-
conde Guerre mondiale, les juifs restaient énormément
surreprésentés dans la direction communiste, en parti-
culier dans l’administration du Goulag et dans les rangs
supérieurs du redoutable NKVD. Ces deux faits simples
ont été largement acceptés en Amérique tout au long
de ma vie. Mais combinez-les avec la taille relative-
ment petite de la communauté juive mondiale, environ
16 millions avant la Seconde Guerre mondiale, et la
conclusion inéluctable est que, ramené au nombre d’ha-
bitants, les Juifs formaient les plus grands assassins
de masse du XXe siècle, méritant cette malheureuse
distinction par une marge énorme et sans qu’aucune
autre nationalité ne s’en approche, même de loin. Et
pourtant, par l’étonnante alchimie d’Hollywood, les plus
grands tueurs des cent dernières années ont en quelque
sorte été transmutés pour être considérés comme les
plus grandes victimes, une transformation si peu plau-
sible que les générations futures en seront sûrement stu-
péfaites. Les néocons américains d’aujourd’hui sont tout
aussi juifs que l’étaient les bolcheviks d’il y a cent ans,
et ils ont grandement bénéficié de l’immunité politique
fournie par cette inversion totalement bizarre de la réa-
lité historique. En partie à cause de leur statut de vic-
times fabriquées par les médias, ils ont réussi à prendre
le contrôle d’une grande partie de notre système poli-
tique, en particulier de notre politique étrangère, et ils
ont passé les dernières années à faire tout leur possible
pour fomenter une guerre absolument insensée contre la
Russie, pays doté de l’arme nucléaire. S’ils parviennent
à atteindre ce but malheureux, ils surpasseront certai-
COMPRENDRE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 233

nement le nombre impressionnant de corps humains ac-


cumulés par leurs ancêtres ethniques.
Ron Unz
Chapitre 8

Le projet étasunien d’une


frappe nucléaire préventive
contre la Russie au début
des années 1960

Ce chapitre constitue une retranscription de l’article Le pro-


jet étasunien d’une frappe nucléaire préventive contre la Russie au
début des années 1960
Par Ron Unz − Le 15 août 2016 − Source Unz Review

Il y a quelques années, quelques articles que j’avais écrits pour


soutenir la thèse d’une forte hausse du salaire minimum m’avaient
valu l’attention de James Galbraith, le célèbre économiste libéral, et
nous eûmes quelques relations amicales. Il était président du groupe
les Économistes pour la paix et la sécurité, et en tant que tel, il
m’invita à parler de ces sujets lors d’une conférence qu’il organi-
sait à Washington DC fin 2013. À l’issue de ces sessions, il avait
convenu de retrouver un ami à lui, présentant quelque influence

234
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 235

dans les cercles politiques de la capitale, pour que nous puissions,


à deux, lui présenter mes propositions sur le salaire minimal.
Alors que nous attendions l’arrivée de notre taxi pour nous
amener à cette rencontre, je saisis malgré moi quelques mots d’une
conversation qu’il tenait avec un ami sur le trottoir. J’entendis des
fragments de phrases tels que « attaquer la Russie », « frappe nu-
cléaire préventive », et « Kennedy et les dirigeants des armées ». Je
ne me souviens pas des termes exacts, mais ces bribes de conver-
sation ne quittèrent pas mon esprit ; je continuais d’y repenser lors
de mon vol retour ce soir-là ; je n’avais pas réagi sur le moment,
mais je me demandai quels faits historiques remarquables il pouvait
avoir évoqués sur ce trottoir. Son père n’est autre que l’économiste
légendaire John Kenneth Galbraith, l’une des figures intellectuelles
de premier plan aux USA pendant des décennies, et un personnage
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 236

très influent au sein de l’administration Kennedy, si bien que je


devinais que cette conversation n’était pas fortuite.
Après une ou deux semaines, ma curiosité l’emporta, et je me
décidai à lui envoyer un message : je lui exposai avec précaution
que j’avais saisi sans le vouloir le sujet de cette conversation, et
je lui instillai l’idée qu’au cas où il serait en possession d’infor-
mations sur l’hypothèse incroyable que l’administration Kennedy
aurait pu envisager de procéder à une frappe nucléaire préventive
contre l’URSS, il était peut-être de son devoir de porter ces élé-
ments à la connaissance du public, pour éviter que ces faits ne
tombent dans les oubliettes de l’histoire.
Il me répondit qu’en effet, il disposait de preuves convaincantes
que l’armée étasunienne avait soigneusement établi un projet de
frappe nucléaire préventive contre l’Union Soviétique au début des
années 1960, et convint de l’importance historique de ce sujet. Mais
il avait déjà publié un article exposant ces faits. Vingt ans plus tôt.
Dans le magazine The American Prospect, très respectable même
si orienté vers le libéralisme. Je pus en trouver une copie sur l’in-
ternet :
L’armée étasunienne projetait-elle une attaque nucléaire pré-
ventive pour 1963 ? 1 Heather A. Purcell et James K. Galbraith,
The American Prospect, Automne 1994.
Je dévorai l’article, et fus stupéfait de ce que j’y trouvai. Le
principal document qu’il relatait était un mémo condensé classé
Top Secret/confidentiel rédigé par Howard Burris, résumant une
session de juillet 1961 du Conseil de sécurité national. Howard
Burris était l’aide de camp du Vice-Président Lyndon Johnson,
et ce mémo fut par la suite classé dans les archives Johnson, et
finit par se voir déclassifié. La discussion qu’il relate s’intéressait à
l’efficacité d’une première frappe nucléaire en projet, et indiquait
que l’année 1963 constituerait l’année optimale pour une telle at-
taque, car c’est alors que l’avantage relatif étasunien en matière de
1. Cet article a été traduit par les-crises.fr
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 237

missiles nucléaires intercontinentaux serait au plus haut. Heather


A. Purcell, l’étudiante qui travaillait avec Galbraith, avait trouvé
ce mémo dans les archives publiées et avait co-écrit l’article avec
lui. Ils indiquaient dans cet article que cette réunion secrète avait
eu lieu peu après que l’armée étasunienne ne découvre que les ca-
pacités soviétiques en matière de missiles étaient bien moindres
qu’évaluées jusqu’alors ; c’est cette découverte qui avait amené à
proposer cette attaque préventive, et cela prouve que la première
frappe qui était discutée était bel et bien provoquée par le camp
américain.
Ce fait historique divergeait significativement du cadre straté-
gique de dissuasion nucléaire américaine, auquel j’avais jusqu’alors
constamment été exposé à en croire les journaux et les manuels
d’histoire.
De toute évidence, une telle attaque nucléaire n’a pas eu lieu, et
ce projet a dû se voir modifié ou abandonné, d’autant plus que le
président Kennedy, selon diverses sources, se montrait très réticent
dès le départ. Mais l’article expose tout de même qu’à l’époque,
l’hypothèse d’une première frappe américaine était prise très au
sérieux par les dirigeants politiques et militaires étasuniens de pre-
mier plan. Dès lors qu’on accepte cette idée, d’autres puzzles his-
toriques deviennent plus aisés à assembler.
Voyons, par exemple, la campagne massive de « défense civile »
que les USA lancèrent très peu de temps après, et qui avait amené
à la construction en masse d’abris antinucléaires sur tout le pays
– dont les célèbres abris pour jardin de maison de banlieue, qui
avaient été à la source de diverses caricatures ironiques. Pour éloi-
gné que je sois de constituer un expert en guerre nucléaire, la moti-
vation de ces constructions ne m’avait jamais convaincu : dans leur
immense majorité, les réserves dont ils disposaient aurait permis à
leurs habitants de tenir au mieux quelques semaines, alors que les
retombées radioactives induites par de multiples frappes thermonu-
cléaires soviétiques sur les centres urbains américains auraient été
bien plus longues. Mais une frappe préventive étasunienne chan-
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 238

Figure 8.1 – Photo : bibliothèque publique de Los Angeles

geait la donne. La réussite d’une attaque menée par les USA aurait
garanti que bien peu, voire aucune bombe soviétique n’atteindrait
le sol américain, et l’utilité de ces fameux abris aurait donc été de
protéger les Américains pendant quelques semaines des retombées
radioactives mondiales (nuages de poussières radioactives) résul-
tant de la destruction nucléaire de l’Union soviétique, qui n’au-
raient atteint le continent américain que sous une forme fortement
diluée.
Nous devons également revoir notre lecture de la crise des mis-
siles de Cuba de 1962, qui constitua sans doute l’un des événe-
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 239

ments les plus importants et les plus dangereux de cette ère. À


supposer que les analystes militaires soviétiques soient parvenus
aux mêmes conclusions que celles de leurs homologues étasuniens,
il ne faut pas s’étonner que leurs dirigeants politiques se soient
exposés aux risques immenses induits par le déploiement de mis-
siles à portée intermédiaire, dotés de têtes nucléaires, au plus près
des villes américaines : cela améliorait de manière importante la
capacité de dissuasion nucléaire soviétique, en amont de leur prin-
cipal point de vulnérabilité stratégique. Et la possibilité est bien
réelle également que les agents de renseignements soviétiques aient
pu collecter des indices des projets de première frappe nucléaire
fomentés par les américains. Les médias étasuniens ont toujours
exposé comme inimaginable l’idée que les USA pourraient frap-
per en premier ; cette idée n’aurait été qu’une fable paranoïaque
développée par les Soviétiques. Mais dès lors qu’une telle hypo-
thèse ne relève pas de l’imagination, mais que nous disposons de
la preuve que des projets concrets on été développés par les USA,
il nous faut revoir l’ensemble du récit de la Guerre froide que nous
connaissons. Et peut-être bien que divers aspects importants de
cette ère de confrontations entre les deux superpuissances doivent
être totalement inversés.
Était-il possible qu’une découverte aussi capitale se voie tota-
lement ignorée par nos journalistes et historiens établis, au point
que je n’en aie jamais entendu parler au cours des 20 dernières
années ? On faisait à l’occasion de nouveaux titres sur les rumeurs
d’une nouvelle infidélité conjugale de JFK, mais pourquoi aucune
discussion n’était-elle jamais menée quant au très sérieux projet
étasunien de lancer une guerre thermonucléaire non défensive, dont
l’issue probable aurait été la mort de personnes par millions ?
Ne disposant que d’une expertise limitée pour analyser la stra-
tégie de guerre nucléaire ou interpréter les documents de sécurité
nationale, je pouvais aussi me fourvoyer dans mon analyse de ce
sujet. Mais un numéro ultérieur du magazine The American Pros-
pect contenait une publication de William Burr et David Alan Ro-
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 240

senberg, des étudiants spécialisés dans ces domaines précis ; cette


publication constituait une longue réfutation du premier article, et
était suivie d’une réplique rédigée par Galbraith et Purcell. Et à
mon avis, la critique émise par Burr/Rosenberg était peu convain-
cante.

Correspondance : la peur nucléaire


William Burr, David Alan Rosenberg, James K. Galbraith, Heather
A. Purcell, The American Prospect, Printemps 1995
Dans leur argumentaire, ils insistaient sur le fait que le do-
cument principal ait été découvert dans les archives de la Vice-
Présidence, alors que les Archives nationales ainsi que les archives
du président Kennedy en personne constituent normalement une
bien meilleure source d’information. Mais justement, c’est peut-
être là un point intéressant. Nul n’a jamais remis en question l’au-
thenticité du document rédigé par Burris, et Burr/Rosenberg ne
présentent absolument aucun document d’archive contradictoire,
ce qui semble indiquer qu’ils ne disposaient d’aucune preuve docu-
mentaire. Les documents établissant une thèse aussi explosive n’ont
donc jamais été déclassifiés, ou ont pu se voir purement et simple-
ment retirés des archives principales, le mémo de Burris, moins
exposé, survivant seul à la purge, et se trouvant plus tard déclas-
sifié, peut-être du fait que le traitement du sujet qu’il expose était
beaucoup moins explicite.
En outre, une lecture attentive du mémo de Burris étaye for-
tement l’interprétation de Galbraith/Purcell, à savoir qu’en juillet
1961, le président Kennedy et les hauts dirigeants du pays ont
discuté un projet d’attaque nucléaire totale, lancée de sang froid
contre l’Union soviétique, prévu dans les deux ans, c’est à dire
au moment où l’équilibre des forces stratégiques serait le plus fa-
vorable. La proposition apparaissait comme tout à fait concrète,
loin de constituer une simple hypothèse parmi d’autres proposées
à l’envi par l’ensemble des organisations militaires.
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 241

Figure 8.2 – Image extraite d’un article de The Popular science


"7 des plus sinistres des abris nucléaires de la Guerre Froide

Galbraith, dans une note de bas de page un peu plus loin, men-
tionne même qu’il a vu son interprétation confirmée en personne
par l’ancien conseiller en Sécurité nationale de Kennedy :
Lorsque j’interrogeai feu Walt Rostow pour établir s’il
avait eu connaissance de la réunion du 20 juillet 1961
(au cours de laquelle ce projet fut présenté), il me ré-
pondit sans hésiter : "Vous voulez parler de celle où ils
voulaient faire sauter la planète ?"
Dès lors que j’acceptai la vraisemblance de cette analyse, je me
voyais choqué du peu d’attention dont cet article remarquable avait
fait l’objet. En recherchant simplement sur Google le nom des au-
teurs « Galbraith Heather Purcell », ne remontèrent que de très
brèves mentions ici et là, le plus souvent dans des ouvrages spécia-
lisés ou des articles écrits par Galbraith lui-même ; rien du tout dans
les grands médias. Cette révision de notre histoire, figurant peut-
être parmi les plus importantes de toutes, concernant la Guerre
froide – et ses immenses conséquences pour la crise des missiles cu-
bains – semble n’avoir obtenu aucun écho significatif dans la sphère
publique.
Mais ce sujet a fait l’objet de suites. En 2001, le rédacteur en af-
faires militaires Fred Kaplan publiait un article d’importance dans
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 242

The Atlantic, sous le titre explicite « Le projet de frappe préventive


de JFK ». Sur la base de toute une série de documents d’archive
déclassifiés, il décrivait de la même manière comment l’administra-
tion Kennedy avait préparé un projet de première frappe nucléaire
contre les soviétiques. Son analyse était sensiblement différente,
plaidant l’idée que Kennedy en personne approuvait la proposi-
tion dans son ensemble, mais que l’attaque ne constituait qu’une
option à envisager dans l’hypothèse d’une confrontation militaire
ultérieure, et non pas un projet daté dans le calendrier.

Le projet de frappe préventive de JFK


Fred Kaplan, The Atlantic, Octobre 2001
Le projet gouvernemental déniché par Kaplan fait référence, de
toute évidence, à la même stratégie que celle qui est discutée dans le
mémo de Burris, mais dans la mesure où Kaplan ne republie aucun
de ces documents sources, il est difficile d’établir si les preuves
convergent avec l’interprétation divergente de Galbraith/Purcell.
Il est également tout à fait étrange que le long article de Kaplan
ne mentionne ni ne réfute nulle part sa connaissance des travaux
préalables menés sur le sujet, ni de leurs conclusions. Il m’apparaît
très difficile à croire qu’un spécialiste comme Kaplan n’ait jamais
eu connaissance de l’analyse publiée dans The American Prospect
plusieurs années avant ses propres travaux, même si cela pourrait
s’expliquer, après tout, par l’absence totale de relais qu’en ont fait
les médias. Avant l’arrivée de l’Internet, et même à ses débuts, des
informations importantes restant ignorées par les médias pouvaient
facilement s’évaporer sans presque laisser de trace.
Le long article de Kaplan semble avoir subi le même sort. Outre
quelques mentions qu’il en fit lui-même dans des articles ultérieurs,
je n’ai trouvé presque aucune référence à son travail sur les der-
nières 15 dernières années en cherchant sur Google. On peut pen-
ser que le calendrier a été particulièrement peu favorable, son ar-
ticle apparaissant dans l’édition de 2001 du magazine, publiée juste
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 243

après les attaques du 11 septembre, mais le silence autour de cet


article n’en est pas moins troublant.
On peut le déplorer, mais le fait est que si une information
d’importance de premier plan n’est publiée qu’une seule fois, sans
faire l’objet de reprises, son impact peut rester très faible. Une
toute petite frange du public reçoit cette annonce initiale, et le fait
qu’elle ne soit pas reprise fait que les personnes qui en ont pris ini-
tialement connaissance finissent par l’oublier, ou font l’hypothèse
semi-consciente que le silence qui suit indique que l’information
était erronée ou s’est vue réfutée. Chaque narrative standard re-
prenant les années 1960, et continuant d’ignorer les sérieux projets
de première frappe nucléaire étasunienne constitue une réfutation
tacite de cette réalité importante, et suggère implicitement que les
preuves n’en existent pas, ou auraient été réfutées. En conséquence,
je doute que parmi le lectorat quotidien du New York Times et
du Wall Street Journal, on trouve plus qu’une faible tranche qui
soit informée de ces faits historiques importants, et il en va sans
doute de même des journalistes-mêmes qui contribuent à ces publi-
cations renommées. Seules la répétition et la couverture continue
permettent d’intégrer peu à peu un sujet dans la vision que nous
nous faisons du passé et de l’histoire.
Il est facile d’imaginer comment les événements auraient pu
prendre une autre tournure. Imaginons, par exemple, que des preuves
solides du même ordre établissant l’existence d’un projet visant
à déclencher une attaque nucléaire non défensive dévastatrice de
l’Union soviétique sous le mandat présidentiel de Richard Nixon
ou de Ronald Reagan. N’est-il pas hautement plus probable que
cette information aurait été couverte de manière autrement plus
sérieuse, et répétée sans fin par nos médias, jusqu’à devenir par-
tie prenante de notre récit historique standard, et connue de tout
citoyen informé ?
D’une certaine manière, remettre sur la table ces événements
remontant à plus d’un demi-siècle en arrière n’a que peu d’inté-
rêt pour nous aujourd’hui : les personnes impliquées ne sont plus
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 244

que des noms dans nos livres d’histoire, et le monde a beaucoup


changé. Aussi, malgré les différences importantes entre l’analyse de
Galbraith/Purcell et celle de Kaplan, qui pourraient mobiliser les
spécialistes académiques en la matière, les différences pratiques en
seraient minimes pour ce qui concerne la connaissance que nous
partageons du passé.
Mais, au contraire, le silence des médias sur ce sujet est abso-
lument assourdissant. Si nos médias ne peuvent pas nous remonter
les faits nouveaux majeurs remontant au début des années 1960,
pouvons-nous réellement compter sur eux pour couvrir de manière
fiable les événements contemporains importants, avec toutes les
pressions et les intérêts politiques qui s’en mêlent ? Si l’histoire
officielle des cinquante dernières années est fortement défaillante,
qu’est ce qui nous indique que les articles que nous lisons chaque
matin quant aux conflits en cours en Ukraine, en Mer de Chine du
Sud, ou au Moyen Orient, sont d’une quelconque fiabilité ?
Essayons d’imaginer une expérience de pensée particulièrement
dérangeante : imaginons que l’attaque nucléaire proposée contre la
Russie ait eu lieu, que des dizaines de millions de personnes soient
mortes sous les bombes et les retombées nucléaires mondiales, avec
pourquoi pas un million ou plus de pertes humaines américaines,
si la première frappe avait échoué à éradiquer toute capacité de ré-
ponse. Dans un scénario aussi dur, n’est-il pas probable que chaque
organe médiatique américain aurait immédiatement été enrôlé pour
promouvoir un récit nettoyé justifiant ces événements terribles, ne
laissant place à aucune voix dissonante ? Sans doute John F. Ken-
nedy aurait-il été encensé comme l’un des présidents de temps de
guerre les plus héroïques – plus grand que Lincoln et que Frank-
lin Roosevelt réunis – le dirigeant qui aurait sauvé l’Ouest d’une
attaque soviétique imminente, un Pearl Harbor nucléaire catastro-
phique. Comment notre gouvernement pourrait-il jamais admettre
la vérité ? Même après des décennies, ce récit historique patrio-
tique, adopté à l’unisson par les journaux, les livres, les films et
la télévision serait devenu inattaquable. Seuls quelques individus
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 245

marginaux et anti-sociaux oseraient avancer l’idée que les faits en


auraient été différents, et ces marginaux seraient largement consi-
dérés comme excentriques ou même fous. Après tout, où le grand
public pourrait-il trouver de meilleurs informations ? Je ne cesse de
le répéter aux gens que je rencontre : les médias créent la réalité.
Je suis reconnaissant que le monde ait échappé à ce destin nu-
cléaire terrible et désastreux. Mais je trouve profondément déran-
geant le fait d’avoir lu chaque matin le New York Times pendant
des dizaines d’années, pour en arriver à ne découvrir cet élément
central de la Guerre froide que par hasard, à une station de taxi,
en saisissant les bribes d’une conversation.
Le Professeur James Galbraith a souhaité ajouter une note,
pour clarifier sa propre vision des sujets discutés dans cet article :
Aux lecteurs n’ayant pas eu le temps de consulter les do-
cuments que nous avons utilisés comme sources, permettez-
moi d’affirmer que je suis convaincu, sur la base de
toutes les preuves que j’ai pu récolter, et sur la connais-
sance qu’avait mon père de Kennedy, que ce dernier
n’aurait jamais envisagé d’accepter le projet de frappe
nucléaire qui lui fut présenté en ce mois de juillet 1961
– ni tout autre projet ultérieur, tel que ceux qui sont
présentés dans l’article de Fred Kaplan. La meilleure
preuve, provenant des mémoires de Rusk (que nous ci-
tons), de ma conversation avec Rostow, et d’autres sources,
en est que Kennedy était irrité par les fondements mêmes
du projet. Pour lui, le problème nucléaire était de sa-
voir comment contrôler ces armes et en empêcher leur
utilisation – pas la meilleure méthode pour en user. Ce
point se voit confirmé dans l’excellent mémoire de Da-
niel Ellsberg, paru bien après notre article, sous le titre
Secrets. Je suis également convaincu que Lyndon John-
son partageait ces préoccupations quand il prit ses fonc-
tions de président, ainsi que Robert McNamara tout au
PROJET DE FRAPPE NUCLÉAIRE PRÉVENTIVE 246

long de son mandat de secrétaire de la Défense. Johnson


y fait allusion dans les toutes premières pages de son
mémoire, et Rostow m’a confirmé, au cours de conver-
sations personnelles que nous avons échangées lors de
notre long séjour au Texas, qu’empêcher que la situation
ne puisse s’envenimer – en particulier au Vietnam –
au point d’en arriver à l’usage du feu nucléaire, consti-
tuait une préoccupation de premier plan tout au long de
la présidence de Lyndon Johnson. Ce n’est pas un se-
cret que les généraux en chef de l’Air Force étasunienne
avaient des vues différentes. Et nous convenons, bien
entendu, de l’importance de cette question. Le contrôle
de l’énergie nucléaire reste un sujet de préoccupation
de premier plan à ce jour. Ceux qui veulent une bonne
présentation peuvent s’intéresser au discours de Daniel
Ellsberg au dîner annuel des Économistes pour la paix
et la sécurité de janvier 2016, disponible à l’adresse
http://www.epsusa.org

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