HD RRG V
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HD RRG V
Mon séjour au sein d’une institution comme la Casa de Velázquez a constitué une
influence de premier ordre dans ma formation. Je suis en dette avec Joseph Pérez,
directeur pendant tout le temps où je fut membre libre (1994-1997) de la section
scientifique ; avec Jean Canavaggio, directeur de la Casa de Velázquez quand fut éditée
ma thèse doctorale ; avec Jean-Gérard Gorges, avec qui j’ai collaboré au cours du
programme de recherches « Moyen Guadiana » ; enfin, je suis tout particulièrement en dette
avec Patrice Cressier, directeur d’études avec qui j’ai collaboré sur des projets scientifiques
qui ont fortement contribué à ma formation.
Je dois aussi beaucoup à Pierre Garmy pour son concours durant mes recherches
en Languedoc au moment où il occupait le poste de Directeur des Antiquités du Service
Régional de l’Archéologie de Languedoc Roussillon. Henri Galinié, directeur d’équipe au
CNRS, Archéologie et Territoires (Tours), et Jean-Luc Fiches, du Centre de Recherches
Archéologiques de Valbonne, m’a accueillir durant mon cycle post-doctoral entre 1994 et
1997, je leur en suis très reconnaissant. Je voudrais adressé quelques lignes spéciales à G.
Chouquer qui fut le tuteur scientifique de mon projet de recherches post-doctoral, et à qui je
dois toutes mes connaissances en matière de morphologie agraire et d’analyse
morphologique des paysages. Toute ma gratitude la plus affectueuse à qui je considère
comme le véritable maître de ma formation scientifique.
-2-
En outre, il me faut remercier expressément l’Université de Paris 7 – Denis Diderot
et tout particulièrement Jean-Pierre Vallat pour son conseil scientifique et son appui
personnel qui depuis 1998, mais surtout cette année, ont pris la forme de sages avis et de
justes suggestions pour la correction de déficiences et d’oublis dans mon travail. Il me faut
aussi remercier par avance les membres du jury dont les observations et suggestions
serviront indéniablement à améliorer mes propositions.
Pour finir, je tiens à rappeler ici la difficile tâche de traduction de mon texte au
français effectuée par Cédric Gameiro et la révision finale de François Amigues, Maître de
Conférence à l’Université de Perpignan et surtout collègue et amis depuis mes premiers pas
en tant qu’archéologue, vers 1984. Cependant, les erreurs ne pourront être mises qu’à mon
compte.
-3-
INTRODUCTION
« Se vogliamo che tutto rimanga come è, bisogna che tutto
cambi. Mi sono spiegato? »
G.-T. di Lampedusa, Il Gattopardo, 1956
1
(E.-J. H OBSBAWN 2003)
-4-
superficie de sites fouillés. Une fois la publication finie, j’ai appris que de la fouille d’un site
l’on obtient aussi une image, et ce indépendamment de la subjectivité et des erreurs du
chercheur. L’accumulation de strates, de structures, de matériau céramique, d’échantillons
archéobotaniques… sont aussi des interprétations obtenues d’une fouille et ne sont pas
plus fiables (ni moins non plus) que les données dérivées d’une analyse morphologique ou
de l’analyse d’un texte ancien. Les registres archéologiques, documentaires, paysagers…,
bien que particuliers et spécifiques, nous donnent des images qui doivent contribuer à la
connaissance historique des sociétés du passé. Je crois les avoir pratiqué sans trop de
problèmes ni de préjugés, en effet ma formation et mon intérêt principal se sont orientés
vers le registre archéologique. J’espère aussi en faire la démonstration tout au long de ce
travail.
La réflexion sur le site de can Fita, dix années avoir été fouillé et après ma
formation post-doctorale, ainsi que le travail de récapitulation de mes recherches sur
Ebusus a deux conséquences. D’un coté, renforcer la ligne de recherche régionale qui,
jusqu’à ce jours, se composait de recherches sans liens communs ou simplement
juxtaposées. D’un autre coté, relativiser l’importance du registre archéologique comme
forme de connaissance de la réalité rurale ancienne et de la connaissance générée par
l’archéologie des paysages. Finalement je fais le choix d’une ligne de recherche future qui
tente de faire vivre les structures agraires observées par vue aérienne et qui intègre dans le
milieu environnant ce qui a été sauvé lors de fouilles ou qui intègre les images de superficie
dérivées des prospections. L’objectif est ainsi de mettre en relation les zones de résidence
et les espaces de production respectifs afin d’établir les dimensions du groupe et de la
production, ce qui est peu fréquent dans les recherches sur le monde ancien. Certes il est
vrai que les recherches menées par les médiévistes du monde musulman possèdent
l’avantage de pouvoir définir les espaces de production à travers les unités techniques qui
les constituent, le tracé du canal d’irrigation et le périmètre de terres que celui-ci comprend;
nous ne pouvons pas nous résigner à rechasser les données dérivées d’un savoir qui a
supposé tant de bons résultats pour d’autres chercheurs. Il va sans dire que je ne partage
absolument pas cette croyance funeste, de mise chez beaucoup d’archéologues, selon
laquelle si les « faits » sont correctement pris, les conclusions surgissent d’elles-mêmes.
C’est là l’objectif le plus ambitieux de mes recherches à venir.
-6-
RECHERCHES PREDOCTORALES
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
PREMISSES
Quand je voulus classifier les trouvailles funéraires et essayer de simplifier la réalité pour
avoir une sorte de « norme » explicative, j’ai été confronté au fait que les exceptions étaient
plus nombreuses que la norme. Il y avait tellement de possibilités, y compris pour une même
époque, qu’il m’était impossible de réduire la réalité à un modèle explicatif. Le rite funéraire,
bien que stéréotypé, est unique et ne peut être réduit à une typologie, comme peuvent l’être
les céramiques, ce que j’ai découvert quelques temps plus tard. Si je voulais comprendre et
expliquer la réalité archéologique des sépultures je devais trouver les réponses à tout ce qui
avait été écrit sur la conception de la mort et dans les manifestations rituelles des
enterrements. Je me plongeais alors dans la lecture de tout ce qui tombait entre les mains sur
le sujet: anthropologie, histoire, archéologie ..., mais aussi philosophie, épistémologie, droit
romain...
Je découvris que certains archéologues l’avaient déjà fait avant moi, mais ils n’avaient jamais
explicité leur méthode; personne n’avait expliqué pourquoi telle sépulture exprimait telle
idéologie, alors que beaucoup l’affirmaient. J’essaierai de rappeler quelles étaient ces
hypothèses théoriques et de les synthétiser. L’objectif consistait à démontrer que les restes
matériels trouvés dans une sépulture avaient un contenu symbolique, un signifiant, qui
pouvait, avec l’aide de différents outils, s’interpréter comme partie intégrante du rituel
funéraire romain. L’identification du rituel conduit au cadre social dans lequel il se définit et
permet de savoir quelles sont ses résonances idéologiques. Ainsi, il nous permet d’interpréter
le rite comme un révélateur social qui a tendance à reproduire un système socio-économique
et de cette manière, il nous est possible de connaître la société dans laquelle ces rituels se
sont reproduits.
Dans une première étape il nous fallut définir le concept de rituel qui permettrait d’interpréter l’objet
funéraire comme un signe d’existence de celui-ci, ainsi que celle de l’idéologie, et de sa valeur pour
l’explication des phénomènes sociaux. Ensuite, il s’agissait de donner les clefs d’interprétation du rituel
-8-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
du point de vue du vestige archéologique ... c’est à dire, la construction d’une sémiotique de l’objet
funéraire romain, pour lequel il serait nécessaire d’apporter les différents contextes qui permettraient
d’interpréter convenablement ces symboles: le contexte archéologique, le contexte historique et le
contexte anthropologique. [titre 47: 147].
Le cas de l’étude historique des superstructures est paradigmatique: on ne peut que parler
incorrectement d’une histoire totale sans tenir compte et essayer de connaître ce que l’on appelle « le
troisième niveau ». Le marxisme recule depuis longtemps devant ce thème trop difficile pour une
approche matérialiste, dont la recherche se fait attendre avec impatience. En tant qu’historiens, comment
ne pas apprécier alors la constitution d’une histoire des mentalités, d’une anthropologie historique et
d’une histoire socioculturelle de la part de la nouvelle histoire avec l’aide des sciences humaines
voisines? Jusqu’à maintenant l’historiographie avait abordé essentiellement la superstructure politique,
institutionnelle, étatique ; les nouveaux historiens français – non marxistes et marxistes - abordent
néanmoins l’analyse de la superstructure de la société civile, ce qui permet, entre autres choses,
d’entamer une recherche sur le sujet social de l’histoire dans sa globalité.
Mais, en plus, même sans connaître cette situation décrite par le théoricien Carlos
Barros, en ce qui me concerne avec une difficulté ajoutée, car il était, depuis, l’objet de la
culture matérielle, du registre archéologique. Les restes les plus matériels que peut trouver
l’historien devaient être portés au niveau de la superstructure idéologique. La question était
de savoir comment.
Ayant commencé ce travail au milieu des années 1980, période pendant laquelle
l’influence de la New Archaeology dans les universités espagnoles était grande et les
méthodes de la dite archéologie de la mort s’imposaient à l’heure d’interpréter les vestiges
matériaux des nécropoles fouillées, les effets de mode de la dite archéologie de la mort
persistaient encore comme je pus le démontrer grâce à la disposition sur un graphique des
titres qui avaient pour objet l’étude de la mort selon les différentes sciences sociales et
humaines [titre 44: 30, graphique 1]. L’archéologie de la mort était donc une source
d’inspiration incontournable. Mais, intéressé par le sujet, je ne pus éviter de me plonger
dans la lecture des historiens de la mort de l’école française, raison pour laquelle un séjour
à Paris (Centre Gustave Glotz, Paris I : École Normale Supérieure ; Centre d'Art et
Archéologie ; Bibliothèque de La Sorbonne), financé par la Generalitat Valenciana, en avril
1992 me fut d’une aide précieuse ; il me permit de réunir une ample bibliographie sur le
2
(C. B ARROS 1991)
-9-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
sujet, y compris certains classiques introuvables dans les bibliothèques habituelles. Au dire
de quelques uns de mes lecteurs, je suis arrivé à une synthèse des deux écoles en
m’intégrant à la fois dans les courants de pensée anglo-saxon et français, ayant recours à
J.-J. Hatt, à M. Vovelle, comme à F. Hinard, frappant aux portes de l’anthropologie, de
l’ethnologie, de la sociologie, de l’archéologie et de l’histoire, maniant la longue comme la
courte durée, structure et conjoncture, continuité et rupture... Mais sans vouloir enlever une
seule part de vérité à qui ainsi le pensait, je crois que l’étude se revendiquait davantage des
Annales que de l’archéologie anglo-saxonne, même si à aucun moment je n’ai eu la moindre
hésitation à utiliser les résultats de cette dernière. Toutefois, la décision ne fut pas
immédiate, le type de registre archéologique et l’humilité des restes funéraires du Pays
Valencien m’aidèrent à me décider pour cette option. En préparant la recherche et l’analyse
des restes de mobiliers et des cimetières, j’arrivai à la conclusion que l’analyse propre de
l’archéologie de la mort s’adaptait plus aux nécropoles isolées car il est nécessaire que les
données d’une société soient complètes, que tout le groupe social utilise le même lieu
d’enterrement ou que puissent être considérés tous les processus taphonomiques. Les
conditions pour pratiquer cette archéologie de la mort nous renvoient principalement aux
cimetières des groupes réduits de la pré- ou protohistoire ou, même, à un groupe réduit
d’une ville donnée qui avait un seul cimetière et où, pendant des générations, se firent
enterrer les différents membres du groupe, indépendamment de leur condition sociale, mais
avec des différences de rituels, offrandes, etc.
Toutefois, le monde romain nous renvoie à une réalité bien différente. Restes de
nécropoles incomplètes ou partiellement fouillées, petits indices d’une nécropole ici, deux
enterrements isolés là, une grande nécropole urbaine de l’Antiquité tardive, une autre rurale
du haut Empire...; en définitive, l’analyse se prêtait à une étude qualitative plus que
quantitative.
D’un autre côté, je me plaignais du fait qu’il manquait une étude complète, une
histoire totale, basée sur le registre archéologique de la mort à Rome qui aurait tenu compte
de toutes les données qui circulaient et qui existaient de type anthropologique, social,
ethnologique...; le modèle latent d’une étude de ces caractéristiques était celui de M.
Vovelle, La Mort et l'Occident, de 1300 à nos jours, 1983, connue plus tard sous le nom de
vovellien [titre 44: 38]. Certaines personnes, lors de conversations informelles, me
découragèrent de le faire prétextant que ceci relevait exclusivement de la labeur des
« grands historiens » et s’adaptait mal au format d’une thèse doctorale prenant comme
référence les données archéologiques provenant du Pays Valencien. Je dois reconnaître
que pendant un certain temps je crus ce que l’on me disait, mais la fortune me sourit en me
permettant de rencontrer celui qui serait, à partir de ce moment-là, mon directeur de thèse,
E. Llobregat, séduit par le sujet et la méthode de travail que je lui présentai. Je ne peux
-10-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
éviter de me sentir redevable aux augures pour leur avertissement car cela me permit de
réfléchir à l’objet de ma recherche, consacrant un chapitre à l’historiographie sur le sujet, le
1er, et un vaste chapitre, le 3ème, de type méthodologique et théorique, dans lequel
j’exposais les raisons pour lesquelles je croyais qu’un tel projet était possible. Ce qui
finalement fut l’une des parties les plus appréciées par ceux qui m’ont lu 3.
DÉFINITION DE RITUEL
Les rites ont une finalité communicative, c’est à dire qu ils sont un exercice de
méta-communication. Par l’intermédiaire des métaphores et des métonymies, les
participants au rituel expriment quelque chose, en même temps qu’il se passe quelque
chose, vivent l’événement de façon intense, et ils interprètent pendant l’acte rituel
proprement dit les signifiants qui lui donnent forme. Formalité, stéréotypie, condensation, et
redondance sont donc les caractéristiques communes aux manifestations rituelles.
Indépendamment des résultats immédiats obtenus par la pratique d’un rituel, son effet se
concentre en dernier ressort sur la domination sociale. La cohésion, la solidarité ou la
hiérarchisation sociale obtenues suite au rituel, sont toujours profitables au même ensemble
social.
Le rituel fait partie d’un système par lequel on peut passer de la structure sociale à
l’imaginaire de la communauté, à travers l’ interprétation théâtrale et le jeu, en modifiant, de
cette façon, la perception qu’ont ces sociétés de leur propre réalité.
Les rituels, par leur formalisme, leur stéréotypie, leur concentration, et leurs
redondances, se déroulent suivant un scénario qui prescrit les limites de la règle, en même
temps qu’il en définit les exceptions. Les participants à l’acte rituel acceptent leur rôle social
par rapport au rôle du reste des co-participants, de même que leur comportement établi au
préalable par les rituels; ainsi donc, le rituel est un révélateur de la tension qui existe entre
les éléments préétablis dans ce scénario et les limites de la prescription.
3
(A. F ERDIÈRE 2001 : 301)
-11-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
La mort acquiert une valeur considérable pour l’analyse d’une société parce qu’elle
transmet, comme aucun autre aspect idéologique, les relations de pouvoir entre dominants
et dominés. La relation sociale sous-entend une tension de forces entre l’ordre établi et le
désir ou les pulsions de vie. Le pouvoir est exercé par la peur que génère la mort, et donc,
gérer la mort c’est dominer la vie. Cela suppose un exercice de pouvoir qui rejette toute
mort individuelle qui ne soit pas exemplaire: la peine de mort de l’« associal »; en admettant
et reconduisant comme bénéfice propre le sacrifice du héro. Le droit et le pouvoir, donc,
s’exercent à partir de l’opposition entre différents paramètres: destruction-domination,
puissance-impuissance, qui représentent un moyen « symbolico-magique » de lutte contre
l’angoisse que génère la mort. En conséquence, le pouvoir n’est acquis qu’au prix de la vie,
c’est pour cela que le suicide est un révélateur du lieu qu’occupe dans la société le
suicidaire et de la valeur accordée à la classe ou au secteur social qu’il représente. Les
anthropologues du suicide, à travers l’analyse de la personnalité sociologique du suicidaire,
ont pu établir comme caractéristique principale qu’il s’agit de personnes qui ne trouvent pas
leur espace social défini, à cause de leur manque de participation dans les mécanismes
productifs. Leur négation sociale devient, à travers le suicide, une auto-affirmation et un
dernier, et particulier, exercice de pouvoir sur les autres.
Si l’on met en relation cette situation avec le rôle social des différents personnages
dans le cadre productif, on peut constater que la mort d’un esclave était considérée comme
un problème mineur, car il n’était autre chose qu’un outil, cher, mais un outil, en fin de
compte. Sa disparition représente un préjudice, mais pas l’arrêt des mécanismes de
reproduction du système socio-économique. Contrairement au système esclavagiste qui se
-12-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
reproduisait par la capture des esclaves en temps de guerre et pour des raisons de guerre
ou sociales, les hommes libres se reproduisent et reproduisent le système au sein d’une
famille et donc, la situation du libertus et des colons est différente car, en attentant à leur
propre vie, ils brisent la reproduction du système dans lequel ils se trouvent. Le suicide d’un
colon, père de famille, représentera la fin de la cellule productive à la tête de laquelle il se
trouvait, ce qui impliquera nécessairement son immédiate substitution.
Pour éviter ceci, le droit romain utilisera les moyens coercitifs les plus poussés: la
punition exemplaire et la confiscation de ses propres biens, comme une garantie pour éviter
l’interruption du système productif. Le suicide du colon attentait à la perpétuation du mode
de production qui allait être dominant jusqu’à l’époque moderne et la doctrine chrétienne
n’allait pas rester indifférente devant un fait d’une telle ampleur, recueillant ainsi les
préceptes moraux de la société romaine tardive.
rituels funéraires ne sont pas les morts mais les vivants. La métaphore naît donc de
l’interaction entre un interprète et un texte métaphorique, mais son interprétation provient
non seulement du texte en lui-même, vinum respersum, mais aussi du contexte général des
connaissances encyclopédiques d’une culture, à un moment précis de son évolution
historique, c’est-à-dire du contexte historique: le sens du vin pour les romains, le sens que
revêt le verser parterre sans lui donner de consommation humaine et donc, le gaspillant.
Toutefois, la genèse originaire d’une métaphore, ainsi placée dans son contexte, plongeait
ses racines dans l’expérience interne du monde et dans les processus émotifs humains
traduits dans le langage, c’est à dire ce que j’ai appelé le « contexte anthropologique » qui,
avec le contexte historique, forment ce que U. Eco définissait comme « système sémantique
global » formé par les unités culturelles et les unités sémantiques. Les unités culturelles se
manifestent à travers leurs interprétations : la parole, l’écriture, les images, les gestes, les
comportements, et ajoutai-je, les rituels. Dans l’exemple utilisé, le vinum respersum, ou
dans l’exemple plus général du banquet funéraire, silicernium o refrigerium, pouvaient être
identifiées les caractéristiques implicites d’une métaphore, parce qu’elle a deux lectures
possibles. La première lecture est la lecture explicite: toute la famille mange avant ou après
l’enterrement, à côté de l’être disparu, et le font ainsi complice du repas; la deuxième est la
lecture interprétative que faisaient les personnes présentes lors du rituel, la conciliation
avec les esprits et le réconfort personnel (il ne faut pas oublier que l’étymologie de
refrigerium est « rafraîchissement », dans le sens de « reconfort » et de « béatitude »,
terme conservé dans la langue française comme « rafraîchissement spirituel »), évitant ainsi
la sanction de la communauté. Le premier sens ne se comprend pas sans le deuxième, et
vice-versa, car il est très rare que le locuteur méconnaisse le premier sens ou fasse erreur
dans son interprétation. Ensuite, le texte « verser du vin sur une tombe » est une métaphore
parce qu’il nous renvoie à un monde possible. Monde qui n’a rien à voir avec la perception
objective du monde de l’Antiquité, mais au monde qui rend possibles les métaphores. De la
même façon qu’aujourd’hui nous déposons des fleurs sur les tombes, sans que pour cela
nous croyions que nous sommes en train de décorer la maison de nos chers décédés et que
ceux-ci se réjouissent de leur présence. Cette tournure sémiologique m’aidait parfaitement
à déraciner une fois pour toutes la confusion engendrée par l’interprétation fonctionnaliste
qui était faite habituellement par certains archéologues et qui avait déjà été formulée par les
premiers chrétiens, comme Lactance, qui se moquait des païens à cause de la célébration
de sacrifices sanglants [titre 47: 151] sans faire remarquer que les chrétiens faisaient un
sacrifice/métaphore non sanglant avec le corps et le sang du Christ, pour commémorer un
fait qui, lui, fut sanglant : la crucifixion. Toutefois, ceci n’est pas un inconvénient pour que, à
certaines occasions, les métaphores d’une culture contribuent d’une façon importante à
-14-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
modeler la perception qu’ont les personnes de la réalité, faisant naître ainsi la confusion
réalité - imaginaire.
Finalement, notre exemple peut être considéré comme une métaphore parce qu’il y
a un transfert de certaines propriétés d’un terme à l’autre de la comparaison, car une fois
accepté le sens métaphorique de « verser du vin sur une tombe », qui est que le décédé est
complice du repas que les vivants lui offrent, si l’interprétation se faisait de façon littérale et
était poussée jusqu’aux dernières conséquences des interprétations des fonctionnalistes,
ceci conduirait à un « univers désordonné », dans lequel il faudrait se rendre tous les jours
au cimetière pour déposer de la nourriture sur la tombe afin que les restes de la personne
décédée pussent se nourrir.
Une fois démontré que le rituel était un système sémiotique, l’étape suivante était
l’établissement d’un modèle dans lequel le registre archéologique trouvé à l’intérieur d’une
tombe puisse être interprété comme l’expression d’un rituel. En d’autres mots, le fait que le
langage soit un système sémiotique n’implique pas directement et de façon automatique
que celui-ci puisse s’interpréter par les données archéologiques d'une langue qui
existeraient. En outre, comment décoder ce métalangage? La façon dont s’établit une
corrélation entre le signe et le contenu découle des décisions préalables ou ultérieures à la
production même du signe. Dans le cas du rituel funéraire romain, si nous acceptons
l’exemple des verres trouvés à l’intérieur d’une tombe, rien ne nous permet d’assurer que
les récipients déposés dans une sépulture soient ceux qui furent utilisés pour l’exécution de
libations rituelles. Cependant, le registre documentaire, les textes anciens classiques nous
permettent de savoir qu’il exista la coutume d’y déposer les verres utilisés dans ce but, et
de cette façon, les premiers archéologues qui fouillèrent des sépultures et qui connaissaient
leur contexte historique purent déduire qu’il devait s’agir des récipients avec lesquels on
avait réalisé des libations et ingestions rituelles, et qu’ils avaient été déposés à l’intérieur de
la tombe. On pourrait penser que ces mêmes récipients furent utilisés dans un autre but, et
notre interprétation habituelle serait peu adaptée.
-15-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
moment des enterrements, mais ceci serait beaucoup moins certain et cela pourrait être la
tâche d’autres chercheurs que d’élucider l’opportunité de telles interprétations.
Je concluais que le rituel funéraire était un acte communicatif, dans le sens que J.
Habermas 4 donne à l’expression, et que sa manifestation s’inscrivait dans le processus
d’apparition de la structure sociale familiale, en transformant les interactions
symboliquement transmises, propres aux anthropoïdes et aux premières communautés de
chasseurs-cueilleurs, par un système de normes sociales que présuppose le langage et les
gestes qu’il coordonne. L’interprétation des vestiges de la culture matérielle des sépultures
avait enfin, selon mon point de vue, un cadre théorique interprétatif.
PRINCIPAUX RÉSULTATS
Voyons à grands traits certains des résultats dans l'application de cette méthode
sur les restes funéraires du Pays Valencien. D'abord je veux revendiquer les chapitres 4 et
5. Une étude à caractère systématique comme celle-ci a un effet évident sur l’état de la
connaissance du sujet dans la recherche de la région. L'inventaire dans un corpus critique
de toutes les nouvelles ou des références, anciennes et plus récentes, perdues ou
dispersées ; le répertoire d'images, plans, rapports de fouille, descriptions de matériaux
déposés dans des fonds de musées, études paléoanthropologiques, inscriptions
funéraires..., et de son homogénéisation dans un modèle de fiche descriptive commune est
une réalisation que possèdent très peu de régions de l'ancien Empire romain. C'est un
avantage de ce travail, qui le rendra, à en juger par les nombreux chercheurs qui y font
référence, incontournable pour longtemps et cité dans les recherches qui ont pour but la
connaissance des restes d'une certaine nécropole du Pays Valencien ou d'Espagne. De fait,
les sept années passées entre 1994 (date de la soutenance de la thèse,)et 2001 (date
d’édition de celle-ci) ont fait que J M. Abascal, membre du jury, affirme dans la présentation
4
(J. H ABERMAS 1990 a ; 1990 b ; 1992)
5
(A. F ERDIÈRE 2001 : 301)
-16-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
publique du livre, qu’une bonne partie des hypothèses qui y étaient formulées trouvaient
leur confirmation dans certaines des fouilles de cimetières qui avaient été effectuées dans
ce laps de temps.
6
(H. G ALINIÉ , E. Z ADORA -R IO eds. 1996)
-17-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
certaines provinces), dans d’autres cas, détectaient des idiosyncrasies indigénistes que l’on
pouvait entrevoir sous ce vernis à des moments et dans des lieux différents.
En suivant cette méthode je pus différencier trois grandes périodes qui reflétaient
l’évolution de l’attitude face à la mort et son expression matérielle dans les tombes. La
république tardive et l’expansion impériale de Rome dans la région était et continue d’être la
période de laquelle nous avons le moins de données sur la région qui nous occupe, bien
que certaines découvertes dans la ville de Valence, ultérieures à ma recherche, semblent
éclaircir certains silences dans le registre archéologique, au moins en ce qui touche aux
aspects funéraires d’une colonie romaine créée ex nihilo.
Dans la culture matérielle de ces sépultures nous trouvons une grande profusion
de mobilier correspondant à tous les moments du rituel funéraire, preuve d’un dépôt
matériel objectif, et chaque objet est l’expression d’une étape du rituel : onguentaires pour
l’onction des corps, verres, assiettes ou vases pour les offrandes d’aliments...
En ce qui concerne les sépultures, elles sont le reflet des groupes sociaux et de
leurs manifestations symboliques. Les monuments funéraires d’origine italique et à
précédents héléniques rendent évidente l’héroïsation du défunt dans le style grec. Les
sépultures des humbles consistent en des incinérations qui font penser aux incinérations
grecques dont nous pouvons voir des exemples dans l'Enéide (dans les rituels de Polidore
ou d'Anchise). Cependant, l’humilité de ces sépultures n’empêche pas qu’il y ait la même
7
(J. P. V ALLAT 2001, rapport inedit)
-18-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
profusion d’objets et d’offrandes que dans les plus riches, même si la nature des objets
déposés dans celles-ci est plus simple.
Je la mets cette culture matérielle en relation avec les processus plus généraux de
l’Empire naissant. D’un côté nous trouvons une société en expansion qui prétend et qui
réussira par la suite à conquérir de vastes territoires en exportant le mode de production
esclavagiste, à travers la colonisation agricole et l’expansion de sa culture. Les classes
sociales colonisatrices sont composées de soldats, paysans libres prolétarisés et des
artisans, et de classes intermédiaires développées au sein d’une société mercantiliste de
rapide bénéfice. L’exploitation de la terre se base sur l’esclavage avec peu de mécanismes
de fixation sur la propriété, ce pourquoi l’esclave est déplacé à n’importe quel moment et
n’importe quel lieu.
Les sépultures de l’époque reflètent à grands traits la pratique des mêmes rituels et
la même disposition verticale des restes funéraires qu’au cours de la période antérieure
-19-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
mais avec une réduction sensible des objets déposés dans celles-ci. L’inhumation surgit de
façon précoce par rapport à d’autres régions de l’Empire et l’on voit augmenter le nombre
des sépultures sans mobilier.
Les monuments funéraires des classes supérieures se trouvent le long des voies
d’accès aux villes et aussi dans la campagne, partageant ainsi l’origine des styles
architecturaux de la péninsule italique (« templiformes »), des provinces orientales
(hypogées) et de celles du nord de l’Afrique (monuments turriformes). Ces monuments
comme les antérieurs sont individuels et non transférables et ont aussi la fonction d’héroïser
le défunt. Avec ces modèles architecturaux, et les premières inhumations, surgissent les
premiers sarcophages importés d’ateliers romains et faits de marbre. Les sépultures des
plus humbles sont faites de façon prédominante avec des tuiles, présentes depuis les
incinérations tardives, l’inhumation organique en contact direct avec la terre se faisant plus
usuelle.
-20-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
Les structures funéraires les plus riches sont presque exclusivement représentées
par le panthéon familial collectif. Face à la verticalité des sépultures antérieures prédomine
l’horizontalité ; l’individualisme se transforme en sépulture familiale, la structure fermée
s’ouvre, créant un bâtiment fréquenté et aménagé pour la visite. Leur caractère familial
montre que l’individu préfère appartenir à un groupe que de se distinguer individuellement.
Sont aussi fréquents, à ce moment-là, les premiers sarcophages paléochrétiens décorés et
importés ainsi que d’autres plus simples, probablement d’origine locale, taillés dans la
pierre et dépourvus de décoration. Les sépultures les plus humbles sont encore faites dans
certains cas en tegulae, bien que l’inhumation organique augmente et que surgissent les
structures en pierre en forme de ciste.
Les cimetières de cette époque ne se trouvent plus sur les voies qui conduisent
aux villes, mais incorporent leur centre névralgique : le siège épiscopal ou autour des
premières basiliques. Dans la campagne, les cimetières grandissent et ont tendance à
s’organiser intérieurement, et parfois ils sont munis d’une fermeture périphérique.
-21-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
de lien de parenté avec des liens familiaux étroits. L’exploitation de la terre se fait avec une
population paysanne de plus en plus assujettie à la campagne.
CONCLUSION
-22-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
D’un point de vue méthodologique, j’ai encore confiance dans le fait d’avoir
contribué à cette « refondation » de la discipline en matière d’histoire sociale à partir des
données funéraires. Et j’admets un certain décalage entre la partie méthodologique et son
application pratique sur les sépultures du Pays Valencien, dû, fondamentalement au fait
qu’il s’agit d’un corpus élaboré sur des informations anciennes. J’estime nécessaire la
multiplication des recherches monographiques de cimetières en appliquant les méthodes et
connaissances de cette partie théorique dans la fouille d’une nécropole, pour rectifier le
modèle à sa juste mesure. Je pense particulièrement aux analyses de stratification verticale
des mobiliers dans les sépultures, à la dispersion horizontale de ceux-ci par rapport aux
cadavres, ou à des études d’organisation interne des nécropoles à partir des données
révélées par des informations d’anciennes fouilles. L’application de la méthode à de
nouvelles fouilles devrait permettre d’identifier de nouveaux vestiges de culture matérielle:
paléosols fréquentés pour les rituels, diagrammes polliniques pour l’intérieur de la sépulture
qui identifieraient des dépositions de fleurs, identification des limites des cimetières ou des
voies d’organisation interne, comme c’est arrivé dans certains cas postérieurs à ma
recherche.
Mais il est évident, sous toutes les perspectives, qu’il manque à ce « troisième
niveau » un premier, celui des grands traits de l’évolution sociale et économique de
l’Empire, mais à niveau régional. Dans ce sens, je voudrais reporter les paroles que
prononça M. Vovelle lors d’une conférence magistrale qu’il donna à l’Université de Valence,
alors que j’étais encore étudiant ; c’était peu de temps après la publication de La Mort et
l'Occident, de 1300 à nos jours, sur l’étude de l’idéologie. Vingt ans après perdure en moi le
souvenir de la réponse qu’il apporta à mon professeur d’histoire contemporaine quand celui-
ci lui demanda si l’on pouvait concevoir une étude des structures idéologiques sans avoir de
bonnes connaissances des infrastructures. Il répondit qu’il n’y avait pas de raccourcis. Ce
qui était logique, d’un point de vue basé sur le matérialisme historique. C’est pour cela que
dans mon travail, mon obsession à tout moment fut de pouvoir donner des références à mes
observations dans le vaste contexte de l’ensemble du monde romain qui me permettait de
comprendre ce que mes sépultures reflétaient au niveau régional, en établissant les règles
générales et les exceptions au modèle global. C’étaient les avantages inhérents au fait
-23-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
d’aborder une étude des superstructures idéologiques d’un Empire. En toute certitude, les
résultats seraient beaucoup plus intéressants, nuançables et réfutables si l’on connaissait
mieux les différences économiques et sociales qui caractérisaient le territoire du Pays
Valencien pendant l’Antiquité.
Les villes de l’époque romaine reconnues sur le territoire actuel du Pays Valencien
représentent un total de neuf ou dix concentrations urbaines. La comparaison entre la carte
de dispersion des principales villes de cette époque et la carte du relief du Pays Valencien
met en évidence que toutes se trouvent (mis à part Lesera) dans l’étroite plaine côtière ou
dans la limite entre celle-ci et les premières hauteurs, toujours à moins de 200 m au-dessus
du niveau de la mer et où se développent les sols colluviaux et alluviaux.
Un autre aspect qui attire l’attention est la présence de sites jalonnant les voies de
communication romaines qui ont pu être identifiées jusqu’à présent. La voie principale qui
traverse le Pays Valencien du Sud jusqu’au Nord est la Voie Augustéenne, ancienne voie
Heraklea, d’importance indiscutable dans le processus de romanisation du Pays Valencien.
Il s’agit de la voie naturelle de pénétration qui fut utilisée par l’armée de Scipion lors de son
-24-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
Yacimientos
30
25
20
15
10
0
1 km
2 km
3 km
4 km
5 km
6 km
7 km
8 km
9 km
10 km
11 km
12 km
13 km
14 km
15 km
16 km
17 km
18 km
19 km
20 km
D’un autre côté, on trouve une série d’exceptions à cette norme générale: deux
pics se trouvent entre 1, 5 et 10 km de distance, ce qui peut être identifié comme distances
préférées pour l’implantation d’établissements ruraux. Si on transfère les mesures du
système métrique décimal à celui des longitudes romain, ces concentrations se situeraient
grosso modo autour d’une demi-mille (739,25 m), 3,5 milles (5.174,75 m) et, finalement, 7
milles (10.349,5 m). En résumé, les chaussées semblent avoir joué un rôle non négligeable
dans la distribution des assises d’exploitation agricole avec des distances préférentielles
bien définies.
8
De re rustica, 1, 4.
-25-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
9
(De sepulchris, Liber Coloniarum, La. 271-272)
10
(P. P. R IPOLLES 1999 : 264-267)
-26-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
certains cas. On peut donc observer un renforcement des groupes locaux qui ne peuvent
pas tout à fait recevoir le nom de village groupé à caractère pseudo-urbain, mais on peut
parler d’une tendance à la concentration et à l’existence d’établissements groupées ou de
constellations rurales d’établissements.
Une fois définis ces facteurs de localisation rurale, par ailleurs assez élémentaires,
il fallait nécessairement se demander quelle était la ville à laquelle ils appartenaient. Sauf
exception, les territoires des villes du Pays Valencien n’avaient pas été objets d’étude ou,
du moins, aucune d’approche globale n’avait été proposée ; je décidais donc que la
meilleure option était de proposer un modèle de territoires à partir des polygones de
Thiessen.
Partant de ces présupposés, il était possible d’obtenir une liste de distances entre
les sites étudiés et la grande ville la plus proche, à l’intérieur du polygone défini pour
chaque ville. Leur disposition sur un axe de coordonnées me permit d’observer une
régression comprise entre 1 et 72 km, qui tendait à la rarification d’établissements à mesure
que nous nous éloignions de la ville. L’absence presque totale d’assises à partir de la
distance de 60 km permettait de définir une distance limite qu’aucune ville ne dépasserait et
de déduire l’intensité d’exploitation du territoire autour du lieu central, en marquant les
limites d’espaces là où l’on observait des vides (2,5 ; 5 ; 12 ; 21,5 ; 40 et 48,5 km), donnant
lieu à une division du territoire en secteurs approximativement équidistants. Une fois ces
segments internes tracés on pouvait conclure, en fonction de la quantité de sites et de la
distance par rapport au centre urbain, la structuration productive et le pourcentage du
territoire qu’il représente par rapport au total. Une fois faites les corrections nécessaires on
pouvait distinguer les différentes aires qui configureraient un modèle théorique, comme
nous commençâmes à le faire en 1993 au Congrès d’Orléans Monde des morts et monde
des vivants..., [titre 15: 134-135] et que je pus développer plus tard dans la thèse [titre 44:
126-128].
-27-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
100
90
80 Área marginal
70 Área rural 2
60 Área rural 1
Área suburbana
50
Área periurbana
40
30
20
10
% 0
Yacimientos % Territorio %
-28-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
D’un autre côté, la taille des cimetières ruraux me permit de distinguer ceux du
Haut-Empire du reste. Les nécropoles de cette époque étaient de simples accumulations de
sépultures, avec un faible nombre d’enterrements alors que généralement sont fréquentes
les petites concentrations qui n’excédent pas les 5 ou 6 tombes, et même il n’est pas rare
de noter l’apparition d’une ou deux sépultures isolées dans la campagne. Pendant le Bas
Empire et l’Antiquité tardive, nous trouvons, avec la prédominance de petits et moyens
groupes de sépultures comme à l’époque précédente, la présence de grands cimetières,
inédits jusqu’à ces dates-là, et qui se trouvent au dessus du nombre maximum de
sépultures du Haut-Empire : entre 30 et 150 sépultures. Circonstance que je mis en relation
avec les différentes formes d’exploitation. D’un côté la famille vilicana aura tendance à
créer des cimetières petits et ouverts, avec un certain aspect « provisoire »; alors que la
famille coloniale aura d’autres cimetières plus grands et fermés. Non en vain, les structures
organisatrices incontestables des cimetières ne peuvent être associées qu’aux nécropoles
les plus grandes, et donc tardives, du Pays Valencien. Mais nous ne devons pas sous-
estimer la possibilité d’un réseau de peuplement différent. Il a pu exister des cimetières
communs à un ou plusieurs établissements ruraux, symptôme d’un réseau de peuplement
qui serait caractérisé par une concentration différente de la propriété de la terre sur un
unique propriétaire mais avec différents colons travaillant pour lui, créant, en conséquence,
des liens particuliers de solidarité qui mettraient en relief l’existence de cimetières
communs. Ce fait a aussi été constaté en Gaule, où l’on répertoria des cimetières collectifs
qui furent interprétés comme appartenants à différents habitats ruraux 11.
AGGLOMERATIONS SECONDAIRES
11
(A. F ERDIERE 1988 : 249-272)
-29-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
d’inscriptions funéraires dans les régions intérieures des villes, ou de villes sans relation
directe avec la côte: les zones de Villar del Arzobispo dans l’intérieur du territoire de la ville
de Edeta et de Jérica ou Viver, Segorbe, appartenant à Saguntum, ou El Monastil, à Elda,
dans l’intérieur de la ville d'Ilici, même si dans ce cas la constatation de cette agglomération
n’est pas due à l’épigraphie mais à l’existence de structures urbaines fouillées ces
dernières années. Finalement quelques concentrations mineures de type portuaire comme
le Portus Ilicitanus, dans l’actuelle Santa Pola, ou le Portum Sucrone 12 que j’ai contribué à
identifier avec les restes qui, depuis l’époque des colonisations jusqu’au VIè siècle apr. J.-
C., se trouvent dans l’actuelle Cullera [titre 8: 60-84].
De toutes ces agglomérations urbaines, celle pour laquelle il a été fait le plus de
progrès est dans l’étude de El Monastil, qui peut s’identifier avec la Elo du Synodus
Gundemari, de l’année 610 13, auquel assiste l’évêque Sanabilis ; site où ont été réalisées
des fouilles systématiques. Ces recherches mettent en évidence un ancien oppidum
ibérique avec un hiatus entre les IIè et IIIè siècles de notre ère et qui a pu être une civitas
contributa d’Ilici. A partir des IVè et Vè siècles apr. J.-C. ; elle fait l’objet d’une revitalisation
édilitaire avec un urbanisme structuré et la présence d’une nécropole avec des monuments
funéraires tardifs, son activité se prolongeant jusqu’après le début de l’époque islamique.
12
Strabon, Chr. 3, 4,6: Σούκρωνος; Plinio, Nat. His. 3, 3, 20: Sucro fluvius et quondam oppidum;
Ravennate, 304, 7: Portum. Sucrune.
13
(E. L LOBREGAT 1977 : 94-97)
14
(F. B ELTRÁN 1980)
15
(F. A RASA 1998)
-30-
Archéologie funéraire romaine, rituels et idéologie
de paysans dépendants et d’une élite indigène qui préféraient se faire enterrer dans le
territoire agricole, grâce aux agglomérations secondaires qui, pour la plupart, étaient
d’origine indigène 16.
En tout cas, tout semble indiquer que l’on pourrait trouver ces agglomérations
secondaires sur des hauteurs voisines des agglomérations actuelles, où l’on trouve des
anciens oppida ibériques qui ont en commun leur origine indigène et dont ces origines
remontent fréquemment jusqu’à l’âge du Bronze, et qui perdurèrent jusqu’à l’époque du
Haut-Empire, même si l’absence de fouilles systématiques empêche une quelconque
affirmation catégorique 17.
En définitive, les deux cas les mieux connus ont des points communs qu’il vaut la
peine de souligner. D’un côté, avec les données dont nous disposons les exemples de la
haute vallée du fleuve Palancia montrent une continuité depuis les établissements indigènes
et semblent s’arrêter à la fin du Ier siècle apr. J.-C. ou au début du IIè et même disparaître,
pendant le Haut-Empire, pour que certains s’en occupent de nouveau et de façon
asynchronique à partir du IIIè siècle apr. J.-C., en coïncidant avec l’abandon de beaucoup
d’établissements dans la plaine au Haut-Empire. À El Monastil, l'établissement ibérique se
perpétue jusqu’aux IIè-IIIè siècles et renaît à partir du IV siècle apr. J.-C., devenant un
centre « urbain » ce qui finit par lui conférer le sixième siège épiscopal du Pays Valencien,
même s’il disparut en tant que tel une vingtaine d’années plus tard. Les deux exemples ne
semblent pas dépasser la continuité de l’habitat au-delà du IIè siècle apr. J.-C. ou, en tout
cas, les manifestations matérielles de cette survie seraient moins perceptibles dans le
registre archéologique, pour se retrouver jusque dans les premiers temps de l’installation
de l’Islam dans ces terres. La « distorsion » qu’introduit dans les formes de gestion de
l’espace le modèle colonisateur romain est une exception, une anomalie, sur la longue
durée.
16
(J. L. F ICHES 1993 : 339)
17
(F. B ELTRÁN 1980 : 354-356; R. J ÁRREGA 2000 : 241, 256-261)
-31-
RECHERCHES SUR LE MONDE INDIGÈNE PUNIQUE ET ROMANISATION À EBUSUS
PREMISSES
18
(J.-H. D'A RMS , E.-C. K OPFF , (eds.), 1980 ; J.-M. B LÁZQUEZ , (coord.) 1980 ; J.-M. B LÁZQUEZ , J.,
R EMESAL R ODRÍGUEZ , (eds.) 1984 ; M. L ENOIR , D. M ANACORDA , C. P ANELLA , (eds), 1989 ;
R AVITAILLEMENT 1994 ; M.-C. A MOURETTI , J.-P. B RUN (eds.) 1993)
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Je dois reconnaître que l’expression fut utilisée sans trop de sens par une bonne
partie des chercheurs de l’époque et que la différenciation entre registre archéologique et
registre documentaire convertit l’exercice de l’archéologue en celui d’un historien sans
complexes, enfin, face aux documentalistes. Mais l’utilisation que je fis de celle-ci répondait
sans aucun doute à un contenu défini, délimité et avec une méthode décrite par A.
Carandini qui, à son tour, se basait sur des auteurs comme W. Kula. Je citais cet auteur
explicitement [titre 5: 67] et je conserve encore soulignés quelques extraits dans mon
exemplaire de Problemas y métodos de la historia económica.
19
(W. K ULA 1977: 65-68 , et note 9 chapitre II « El objeto de la historia económica ».)
20
(M. B ARCELÓ 1992; 1993 : 195-205)
21
(A. C ARANDINI 1984)
-33-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
22
(A. C ARANDINI 1984 : 61, 65-71)
23
(A. C ARANDINI 1969-1970)
-34-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Médiévale Espagnole (Huesca, 1985) encore en tant qu’étudiant de la spécialité par le biais
d’une communication en collaboration avec E. Díes [titre 1: 524].
-35-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Cinq années plus tard et déjà plongé dans la recherche sur l’Antiquité [titre 5, en
phase de rédaction du 9], surgit l’opportunité d’élargir les résultats de cette recherche,
publiée en espagnol lors d’un congrès à Rabat [titre 20] et en français dans une revue du
midi français [titre 21], à cause de la présence de ce type d’importations valenciennes dans
la région de Narbonne. Deux raisons conseillaient cette nouvelle incursion. En premier lieu
les nouvelles trouvailles qui confirmaient certains des résultats antérieurs et en deuxième
lieu, l’effet multiplicateur qu’avait engendré le premier apport, car d’autres trouvailles dans
des lieux différents avaient été publiées dont on avait pu identifier l’origine et la chronologie
des emballages céramiques, confirmant, ainsi, les premières intuitions. Même si cette fois-ci
l’allusion à la culture matérielle et à Carandini dans la première note de l’article ou dans
l’allusion à l’article « Histoire de la Culture Matérielle » de J. M. Pesez [titre 21: note 11, 45]
(dont l’édition espagnole date aussi de façon significative de l’année 1984), apparaissait de
manière explicite.
24
(J. V. L ERMA 1992 : 173177)
-36-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
25
(J.-J. M ARTIN G ONZALEZ 1988 : 99-100)
-37-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Rome. Particulièrement dans le cas du monde punique qui présente des caractéristiques
bien différentes des ibères ou gaulois quant à son niveau de
développement social et économique.
26
Institut de Recherche sur l'Architecture Antique (CNRS) P. Gross (dir.). Centre Camille Jullian
d’Aix-en-Provence J.P. Morel (dir.) ; février 1990.
27
Centre d'Études NordAfricaines d’Aix-en-Provence.
-38-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
et quelques fragments de verre. D’un point de vue fonctionnel dominait la vaisselle de table
(29,9 %) et de cuisine (64,6 %) qui pouvait se classifier en casseroles, marmites, assiettes,
écuelles et plateaux et cruches pour chauffer du lait, comme elles purent être identifiées un
peu plus tard, quand je fis connaître une des pièces du dépotoir, grâce à un article
monographique dans Antiquités Africaines [titre 14].
28
(J.-B. Yon 2004 : 336)
29
En ordre chronologique de réalisation des fouilles : Ses Païses de Cala d’Hort, can Corda et can
Fita.
-39-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
3. ses Païses de Cala d’Hort et can Fita en finissent avec les installations
d’extraction d’huile au IIIème siècle ou déjà au IVème apr. J.-C.
A partir de ce moment-là le doute me pris. Ce doute avait trait au rôle joué dans
ces réseaux commerciaux par Ebusus. C’est à dire, quelle était la raison de la présence de
productions africaines, extraordinaires par leur rareté, comme évidence de leur plus grande
présence ici que dans d’autres ports. Il me semblait évident que si le registre archéologique
ébusitain montrait cette spécificité c’était le signe d’une plus grande fréquentation des
navicularii porteurs de produits agricoles africains et, en même temps, d’une consommation
de produits et une spécificité de l’archipel ébusitain dans le contexte des routes
commerciales méditerranéennes.
Pour renforcer cette idée je m’appuyais alors sur les travaux de J. Rougé 31 sur
l’organisation du commerce maritime méditerranéen dans l’Empire romain et sur l’étude
sous presse de J. Ruiz de Arbulo sur l’importance des routes maritimes dans les processus
30
(R. P UIG M ORAGÓN 2003)
31
(J. R OUGÉ 1966)
-40-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
de colonisation de la Péninsule Ibérique 32. Je dois confesser, non sans une certaine honte,
que je méconnaissais à ce moment-là les travaux de M. -I. Finley 33, absent de ma
bibliographie, sur l’économie de l’Antiquité, qui auraient été d’extrême intérêt pour renforcer
cette hypothèse.
Immédiatement après ce travail je fis connaître deux des pièces qui faisaient partie
du mobilier du dépotoir et une autre provenant d’un site de la côte du sud-est valencien
dans la revue Antiquités Africaines [titre 14] car il s’agissait d’une forme inédite et parce
qu’elles reflétaient cette originalité des routes commerciales qui passaient par Ebusus.
Cette découverte d’une pièce inédite engendra une autre étude monographique, avec déjà
de nouvelles trouvailles, et l’analyse des concrétions calcaires que j’identifiai et que purent
analyser d’autres auteurs, arrivant à la conclusion qu’il s’agissait d’un chauffe-lait 35.
Confirmation qui renforce le caractère domestique du dépotoir de céramiques.
32
(J. R UIZ DE A RBULO 1990)
33
(M.I. F INLEY 1986)
34
(M.I. F INLEY 1986 : 159)
35
(M. O RFILA , A. A RRIBAS 1995 : 250-251). Ces auteurs joignèrent 2 exemplaires de l'île de Majorque
aux exemplaires que j'identifiai dans ma publication (2 à Ibiza, 1 à Xàbia, 1 à Uzita et 1 à Ostia en
plus des 2 identifiés par C. Aguarod dans Caesaraugusta [titre 14: Addenda, 190]); en plus de 3
autres exemplaires de la côte ampuritana que je n'incluai pas dans mon étude.
-41-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
-42-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
A dire vrai, j’ai pendant longtemps poursuivi l'idée de faire de cette ligne de
recherche le sujet central de ma thèse de troisième cycle, une ligne de recherche que je «
36
(R. G UÉRY 1987)
37
(C. G ÓMEZ B ELLARD 1990)
-43-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
considère encore d'indispensable réalisation » [titre 46: 15]. De façon monographique les
archéologues se sont peu occupés du monde romain ébusitain, ce qui paraît logique dans la
mesure où l'île est une double fondation, phénicienne et punique plus tard.
L’Ebusus romaine présentait une bonne liste d'avantages pour un éventuel travail
de recherche. D'un côté comprendre et décrire les différents processus de romanisation,
apparemment non violente des puniques ébusitains, « négocié », dirions-nous aujourd'hui 38,
mérite bien un effort. Ibiza et Formentera, les îles du dieu Bes, 'Ybsm, traduit au grec,
Pythiusai, ou au latin, Insulae Augustae ou Ebusus, ont un grand avantage, l'insularité, qui
représente des limites d'espace concises qui, à leur tour, représentent une série de
restrictions élémentaires, bien que non pour cela moins importantes par rapport aux
produits qui arrivent à ses côtes et qui partent de celles-ci.
Ce n'est que plus tard, dans le cadre des cours de doctorat, que je mis en pratique
les méthodes en vigueur de l'Archéologie Spatiale, sur la totalité des sites de l'Âge du
Bronze de la petite île de Formentera [titre 4], dont la carte archéologique venait d'être
confectionnée.
38
(P. L E R OUX 2004)
-44-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
commenter plus loin, cette constatation a sa propre logique dans les caractéristiques que
nous identifions pour la période des VIè et VIIè siècles, que nous avons qualifié de phase
« créative » et de transformation.
2. Distance du port le plus proche. Distinguons deux sites qui ont accompli cette
fonction dans les deux points de la côte Nord de l'île.
6. Pourcentage de la ressource sol apte pour l'agriculture par rapport à son aire de
ressources.
39
(J. P. V ALLAT 2001; 2002)
-46-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
20
15
(yacimientos)
10
0
IV-III II-I I-II-III IV-V VI-VII
Periodos
En définitive, nous avons pu différencier quatre types de sites selon leur spécialité
productive : agricoles, activités complémentaires et extractives, de vocation maritime,
établissements non spécialisés, et cinq sous-types, dont la périodisation a permis de
présenter les conclusions suivantes.
Bien qu'il manque encore des faits archéologiques positifs qui permettent d'élucider
nos hypothèses, étant donné l'absence de recherches systématiques à Formentera, la
distribution non aléatoire des premiers établissements colonisateurs dans l'espace et une
volonté agricole affirmée paraissent particulièrement éloquentes, tout comme le fait qu'il
s'agisse aussi de huit points encore vifs à la fin de l'antiquité. Ce sont des éléments qui me
permettent de réaffirmer le caractère pionnier et conservateur de leur liaison à la terre,
typique comme nous pourrons voir dans certains cas de sites fouillés à Ibiza. Il ne s'agit pas
40
(J. P. V ALLAT 2001 : 585-586)
41
(Chr III, 5, 1-3)
42
(J. R AMÓN 1991 : 49)
43
(C. GÓMEZ BELLARD 2003 : 224)
-47-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Durant la période suivante (IIè-Ier siècles av. J.-C.) les mêmes établissements sont
maintenus et les espaces sont remplis ; il y a conquête de nouvelles terres et nous pouvons
observer une plus grande spécialisation des établissements ruraux. Les événements de la
IIè Guerre Punique n'ont pas trop d'influence sur la société rurale des îles, il semble
simplement que nous soyons en face d'une évolution expansive des mêmes règles qui
régissent la période précédente.
Pendant le haut Empire, (I-II- moitié du IIIè siècles apr. J.-C.) l'île connaît sa
période d'expansion maximale avec l'occupation par « remplissage » de terres marginales
par des sites nouveaux, les établissements de la conjoncture, dont la fonction semble être
d'exploiter les ressources alternatives (sel, activités complémentaires), en rapport très clair
avec les embarcadères et les ports de l'île, de la production agricole qui est la fonction des
établissements et marque le territoire depuis des siècles. Aucune indication chronologique
ne nous permet de considérer de coïncidence entre forte expansion et occupation historique
de l'île et l'édicte de latinité de Vespasien de la fin du Ier siècle apr. J.-C. Toutefois, les
données extraites des excavations de sites de l'île, comme pour can Fita [titre 46] ou ses
Païses de Cala d'Hort, permettent d'avancer l'hypothèse que ce soit le moteur d'une
transformation profonde des structures agraire de nombreux établissements qui eurent
forcément une répercussion sur la gestion du territoire. L'image d'une Formentera
densément peuplée et qui représente la dispersion de dix-neuf sites habités pendant les
deux premiers siècles a probablement un rapport avec la décision de Vespasien d'accorder
le ius latii aux villes d'Hispania, ce qui transformerait Ebusus en un municipium flavium
ebusum de l'inscription CIL II 3663.
-48-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
trouvent dans des lieux qu'il leur permet une exploitation diversifiée, moins spécialisée,
avec la possibilité de réaliser différentes activités en même temps : activités extractives et
agricoles, bien que la sortie par mer des excédents ne semble pas déterminante à ce
moment.
De cette période date un site fouillé au début des années 80 et injustement oublié
par les chercheurs, à l'exception de quelques notes marginales et exceptionnelles, comme
pour castellum de can Blai [fig. I, 2] dans l'isthme qui unit la Mola avec le cap de Barbaria,
non loin du site qui perdurent dans ce secteur de l'île pendant cette période. A l'époque
nous proposions déjà de le situer dans le contexte des turres et castella du Bas Empire qui
dans la Péninsule Ibérique avaient pour mission de surveiller les chemins et les terres par
où était transportée l’annona 44 et qui, en ce qui concerne can Blai, doit être mis en rapport
avec des armées rustiques formées essentiellement de paysans réunis et armés par les
grands propriétaires et apparus de la main du patronat (patrocinium, defensor locorum).
44
(J. Arce 1988: 78, 95, 105, 112-113)
45
(N. G. D A C OSTA 2000)
46
(J. A RCE 1988 : 60)
-49-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
avec nos îles. La documentation mentionne quelques razzias de pirates originaires du Nord
de l'Afrique depuis la fin du IIè siècle et le début du IIIè 47.
47
(J. M. B LÁZQUEZ 1978 : 511)
48
(R. P UERTAS T RICAS 1986)
-50-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Avant de finir cet alinéa je voudrais commencer une petite recherche autour d'un
élément du paysage ébusitain injustement oublié et qui n'a jamais fait l'objet d'une véritable
investigation, même petite. Il s'agit de ce que « l'on appelle » l'aqueduc romain de
s'Argamassa [fig. II]. Et je dis « on appelle » parce qu'il ne répond qu'à l'intuition de la
recherche locale. En effet, si l'on parle d'aqueducs, c’est que l’on se refère forcément à des
constructions romaines. Je ne nie pas, toutefois, cette possibilité mais affirmer qu'il est
romain est aussi gratuit que de le nier, étant donné l'absence d'un début d'étude qui
établirait sa source : croquis, planimétrie et analyse constructive, plus une certaine fouille
ponctuelle qui permettrait de trouver des éléments de datation sûrs.
-51-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
RECHERCHES POSTDOCTORALES
-52-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
49
(M.-J. F UENTES 1986)
-53-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
(CNRS) 50 m'a été d'un grand secours ; j'ai pu aborder avec une plus grande solvabilité
l'étude des structures architectoniques de can Fita, peut-être les restes les plus importants
de la culture matérielle du site.
Je me dois de préciser que la perspective avec laquelle j'ai abordé l'étude du site a
été enrichie par deux influences. D'une part, mes conversations avec Jean-Luc Fiches m'ont
procuré un point de vue extérieur sur la problématique en me montrant la particularité, à
approfondir et à souligner convenablement, des caractéristiques d'un établissement type
« villa » bien antérieur aux premières villae rencontrées dans les provinces occidentales de
l'Empire romain. De l'autre, l'ensemble des recherches de Philippe Leveau sur le Maghreb
romain et les recherches sur les campagnes méditerranéennes que cet auteur réalisa avec
J.-P. Vallat et P. Sillières dans Les campagnes de la Méditerranée romaine 51. J'essayerai de
résumer les principaux résultats de l'étude.
Comme dans le cas des sites de Formentera, can Fita prend ses origines à la fin du
IVè siècle av. J.-C. Quelques matériaux permettent cette datation même s'ils restent
marginaux par rapport à ceux du IIIè siècle av. J.-C. Le bâtiment principal occupait une
surface d'environs 650 m 2 , bien que l'on trouve des restes d'activité humaine sur une
surface de presque 4 000 m 2 . Le bâtiment de cette première période était fixé sur la roche
et a été fabriqué avec des matériaux périssables qui ont laissé peu de traces, bien qu'ils
aient probablement été réutilisés et masqués par le nouveau bâtiment. Une première grande
transformation élevée au IIè siècle av. J.-C. ; on sait avec certitude qu'il était consacré,
entre d'autres activités agricoles, à la production d'huile comme le démontrent les trois
bassins de décantation qui ont été identifiés. Trois siècles plus tard, à la fin du Ier ou au
début du IIè siècle apr. J.-C., une seconde grande transformation a lieu qui voit les
structures de pressage « se moderniser » (sa fonction continue d'être l'élaboration de
l'huile) à travers des modèles et des moyens technologiques qui se développent à ce
moment-là dans toute la Méditerranée ; cela multiplie sa capacité de transformation des
produits agricoles : deux contrepoids et un seul bassin mais qui a pu contenir 3,5 fois plus
que les précédents [fig. III, 1 et 2].
C'est sûrement à ces mêmes moments que l'installation agricole s'est dotée d'une
pars urbana décorée selon les patrons décoratifs de peinture murale propres des modèles
italiques bien que transformés par le substrat indigène punique, et décorée par une
50
Projet d'études financé par la Generalitat Valenciana, sous la tutelle scientifique de Jean-Louis
Paillet et Pierre Gros: Arquitectura y urbanismo romanos en Ebusus, técnicas constructivas e
influencia del substrato indígena en la arquitectura.
51
(P. L EVEAU , P. S ILLIERES , J. P. V ALLAT 1993)
-54-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
sculpture de marbre qui représente un Hermès dionysien aussi propre des modèles
iconographiques hellénistiques et italiques. Je croyais que ces dates et le processus de
transformation pouvaient s'exprimer à travers la transformation de la vieille mapalia punique
en villa « à la romaine », point sur lequel j'insisterai par la suite. L'horizon de comparaison
est le moment où se produit une transformation très semblable à celle de ses Païses de
Cala d'Hort et, peut-être, l'expansion maximale de l'exploitation de Formentera.
Les installations agricoles continuèrent à fonctionner pendant le IIIè siècle apr. J.-
C., mais certaines dépendances furent abandonnées. La pars urbana, probablement après
un abandon prolongé, a sûrement servi de matériel de remplissage pour amortir les
installations agricoles qui entreraient dans un processus d'activité peu visible par le biais
des fouilles archéologiques que nous ne pouvons pas classer comme totalement abandonné
puisque 77 % des monnaies récupérées sur le site datent des IIIè et IVè siècles apr. J.-C. Il
semble que nous soyons en présence d'un modèle qui expliquerait l'absence d'images de
surface des sites explorés à Formentera et la réoccupation postérieure aux VIè et VIIè
siècles apr. J.-C. On peut direqu’au cours de cette période se produit la rupture du modèle
d'exploitation intensive et l’invention d’un autre, au même moment où les îles entrent dans
l'Empire Byzantin à partir de 534 apr. J.-C.
Il semble que c'est ce qui se passe avec can Fita, ou avec ses Païses de Cala
d'Hort, où la production d'huile est définitivement abandonnée, comme le prouvent l'emploi
des contrepoids des presses d'huile comme support de nouvelles parois et l'état d'abandon
du bassin de décantation. L'ancienne villa devient un petit établissement muni d'une maison
centrale et d'une petite basse-cour qui réutilise la partie supérieure des vieilles installations
remplies des matériaux et des parois de l'ancienne villa [fig. III, 3]. Cet établissement
semble exploiter avec une plus grande intensité les ressources marines et animales qu’au
cours des périodes précédentes alors que la mer a toujours été là, à coté.
-55-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
entre les structures de transformation, les restes matériels du trapetum, les contrepoids et
le bassin de décantation, et l'activité générale de l'unité productive [titre 46 : 61-63].
Avec le temps, je crois qu'il est possible de risquer une hypothèse quant aux
récipients céramiques qui ont pu servir à stocker l'huile ébusitaine. Dans la région du détroit
on a identifié deux productions d'amphores hispaniques caractéristiques de la distribution
de produits tardopuniques typiques de cette zone. Il s'agit des amphores Mañá C2B, qui
contenaient des salaisons et les Mañá C2C qui ont pu contenir de l'huile à en juger par les
restes d'olives contenus dans un des exemplaires trouvés dans l'épave Dramont A. Les
exemplaires qui nous intéressent sont les C2C, elles reproduisent des formes originaires de
Carthage et de la Méditerranée Centrale, dans les conditions morphologiques des Mañá B
et C1B (siècles IVè-IIè av. J.-C.) ; Les données que nous avons pour ces dernières laissent
penser qu'elles contenaient aussi de l'huile. Il n'existe qu'une production d'amphores
ébusitaines qui fasse référence à ces conditions centre méditerranéennes, les amphores
PE-31 produites dans l'île entre la fin du IIIè siècle et le début du IIè siècle av. J.-C., et au
dire de celui qui en a établi la classification : « la production n'a du être faite qu'à petite
échelle. En effet, nous n'avons pas connaissance d'exemplaires exportés hors de l'île, et
dans l'île elle-même, elle est très peu documentée » 52.
52
(J. R AMÓN 1991 : 152)
-56-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
que les exemplaires de PE-31 plus tardifs coïncident avec les premières importations
d'huile, que ce soit du cercle du Détroit ou que ce soit de la Méditerranée centrale.
Les noyaux ruraux puniques sont, dans leur conception, de véritables villae, et pour
cela il existe un terme punique transcrit en latin comme mapalia-ium, qui a été utilisé, par
exemple, dans l'Enéide quand Virgile se réfère aux établissements ruraux du Nord de
l'Afrique 54 puis répétée dans l'inscription d'Henchir Mettich, où nous retrouvons les termes
villa et mappalia sur le même pied d'égalité 55. Le terme et son contenu ont été récemment
analysés par P. Leveau 56 [titre 46: 69-70] et comme les villae, les établissements puniques
sont des centres de production qui à partir du IIè siècle av. J.-C. s'engagent vers une
commercialisation des excédents 57.
53
(P. L E R OUX 2004)
54
(E NEIDA , I, 421 y IV, 259)
55
CIL, VIII, Suppl. 4, n. 25 902: “...qui i]n f(undo) Villae Mag/nae sive Mappalia(e) Siga(e) villas
[habe]nt...”
56
(P. L EVEAU 1993 a : 162-167)
57
(P. L EVEAU , P. G ROS , F. T REMENT 1999)
-57-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Pour soutenir cette affirmation, Kolendo 58 fait valoir que certains des domaines du
Haut Empire, avec des relations de dépendance, existaient déjà à l'époque numide. Cette
tradition pré-romaine s'appuie aussi sur une phrase de Polibe (I, 72) dans laquelle il est dit
que, pendant la première Guerre Punique, les Carthaginois auraient doublé les rentes des
villes en percevant la moitié des récoltes. Pour sa part, Tite Live 59 raconte que dans une
harangue à ses troupes avant la bataille de Ticino, Anibal promettait, pour eux et leurs
descendants, des terres affranchies du paiement de rentes dans les différents lieux qu'ils
conquerraient. On peut donc en déduire que l'état carthaginois percevait des revenus
importants proportionnels aux récoltes ; facteurs qui établissaient les conditions favorables
pour le futur développement du colonat dans cette province, bien que sans exclure
l'existence d'un pourcentage inconnu de travail issu de l'esclavage dans la société punique.
58
(J. K OLENDO 1979 : 147-154)
59
(XXI, 45, 5): “...agrum sese daturum esse in Italia, Africa, Hispania, ubi quisque uelit, immunem ipsi
qui accepisset liberisque...”
60
(J.-L. L OPEZ C ASTRO 1995)
-58-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Les îles d'Ibiza et de Formentera ont été pour moi un « laboratoire » où j'ai pu
appliquer les méthodes d'étude des différents thèmes de recherche que j'ai suivis, à
l'exception de l'archéologie funéraire. Pour cela depuis l'année 1993 j'ai eu l'occasion
d'appliquer les méthodes d'analyse des paysages et des formes agraires que j'avais
commencées quelques années avant (voir thème 3). Toutefois, il ne s'agit pas ici de
dévoiler les résultats que j'ai pu obtenir à partir de cette méthode d'analyse, mais plutôt de
faire part des découvertes susceptibles d’enrichir le thème 2 (Monde indigène punique et
romanisation à Ebusus). Cette année-là, je fut titulaire d'une bourse de recherche de la
Casa de Velázquez 61 [titre 16] qui m'a permis d'établir les bases de ma recherche post-
doctorale, accumulant bibliographie et photographies aériennes de différentes zones du
Pays Valencien, en plus d'établir, en collaboration avec G. Chouquer, les lignes principales
de mon étude ultérieure. Cette bourse m'a permis d'identifier une structure agraire de
caractéristiques formelles anciennes sur l'île de d'Ibiza et deux sur la petite île de
Formentera qui requièrent encore une analyse détaillée mais qui, en unissant leurs données
aux connaissances sur la distribution d'anciens établissements, me permirent d'élucider
certaines questions.
Peu de choses ont pu être déduite de l'interaction entre la dispersion des sites et la
structure. En effet, aucune des périodes qui ont été définies ne peut se présenter comme le
moment de création de la structure, et nous ne pouvons pas établir plus de séparations.
Toutefois, à cette époque-là commençait à apparaître l'idée que certains domaines de
l'antiquité (comme des îles dans une structure) aient pu organiser et structurer le domaine
environnant. Telle pourrait être la véritable interprétation à en juger par la faible dispersion
des restes conservés de la structure et par l'empreinte intense qu'elle présentait autour d'un
61
Ville et Territoire: l'organisation du paysage à l'époque antique dans les îles d'Ibiza et de
Formentera et le territoire de la ville de Valentia, mars-mai 1993.
-59-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
établissement qui, tenant ses origines du IVè ou IIIè siècles av. J.-C., se prolongea jusqu'au
IIIè siècle apr. J.-C.
CONCLUSION
Dans le cas des céramiques antiques romaines, les sigillées et les vaisselles
africaines, on constatait qu'Ibiza faisait partie d'une région et d'un trafic commercial
différencié, avec pour origine la Méditerranée centrale, mais en nette relation avec la région
que les spécialistes du monde phéno-punique appellent le Cercle du Détroit. Au moins, il
s'agissait d'une manière d'interpréter l'origine de la culture matérielle punique-ébusitaine
avec des imitations de céramique attique ou campanienne et de la présence sur le sol
ébusitain (consommation) de récipients amphoriques puniques de la Méditerranée centrale.
les routes commerciales puniques à son profit. Il faut rappeler que si, dans le transport par
voie terrestre il existait des passages naturels ou des cols fiscalisés par les tribus sous
forme de taxes là où Anibal et ses éléphants sont passés (ce qui était considéré par les
Romains comme une forme de brigandage 62) l'exemple doit être extrapolable aux ports de
mer. Le foedus avec Ebusus fait partie de l'intégration du marché et des circuits
commerciaux puniques de la Méditerranée occidentale : les navires romains pourraient
dorénavant débarquer sans problème.
Avec l'entrée de l'île d'Ibiza dans la structure économique de l'Empire Romain, l’île perdit son rôle
économique mais pas son importance stratégique par rapport aux routes commerciales de la
Méditerranée, ce qui lui octroya un nouveau rôle.
Sans cette situation privilégiée qui caractérise Ebusus elle aurait très probablement fini par être un
secteur marginal et isolé ou, en termes actuels, « sous-développé » (...)
La thèse récente d'E. García Riaza, d'un foedus conséquence du contrôle des
réseaux maritimes, et la mienne sont cohérentes par rapport à l'apogée du développement
du portorium depuis la bataille de Zama, dans un clair contexte d'intégration des droits
tarifaires déjà existants pour faciliter l'échange commercial entre les régions qui seront
intégrées à l'Empire romain (et Hispania comme scène des guerres puniques est parmi les
premières) et pour augmenter les recettes d'une administration qui exige chaque fois plus
un appareil administratif 63. Ebusus n'apparaît pas parmi les stationes hispaniques mais vu
les conditions de navigation de l'Antiquité, les îles constituent un relais tout à fait approprié
pour les marins du mare nostrum ; D'après le matériel trouvé dans le sous-sol, il est
pratiquement sûr que si l'île n'était pas à proprement parler une statio douanière impériale,
elle a du percevoir des tarifs propres imposés par la ville ou des droits de péages pour le
62
(P. LEVEAU 2003 : 330)
63
(E. N ARDO , D. F ALCIANI 1999)
-61-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
passage, des droits qui font inéluctablement partie de l'ensemble fiscal homogène que
désigne le terme portorium. D'autre part, si le portorium était perçu dans chacune des huit
circonscriptions douanières qui divisent l'Empire (Britannia, Gallia, Hispania, Africa,
Aegyptus, Asia, Sicilia et Italia) la majorité des routes maritimes qui menaient à la Péninsule
Ibérique avaient Ebusus comme premier port de relais de la circonscription hispanique ; il
est donc difficile de ne pas y voir un des multiples postes douaniers qui se sont créés le
long de la côte à partir de la Seconde Guerre Punique.
D'un point de vue strictement archéologique je crois que le monde rural ébusitain a
profité de la confrontation entre l'information issue des analyses de l'espace et du paysage
et la fouille archéologique de sites. Les images de surface donnent une idée « extensive »
de l'occupation et de l'exploitation du territoire, mais l'archéologie, disons « intensive », la
fouille ponctuelle, a apporté des éléments de réflexion fondamentaux. Par exemple je crois
chaque fois plus intéressant de décrire et de modéliser précisément l'existence de ces
constellations de sites proches entre eux, qui paraissent indiquer la présence de différents
composants des domaines ruraux, l'exploitation agricole et le reste des bâtiments et des
petites installations rurales qui font partie d'une même exploitation.
D'autre part, jusqu'à une période avancée de l'époque romaine, nous ne pouvons
pas faire la différence entre les partes urbanae (la résidence) et les partes rusticae (le
hameau, les bâtiments de production et autres éléments de transformation des produits
agricoles). À can Fita ou, mieux, près du site fouillé cette partie résidentielle a dû exister à
partir de la fin du Ier siècle ou du début du IIè siècle apr. J.-C. ; elle était richement ornée
de peintures murales « à la romaine ». Si nous comparons ces données avec celles que
nous disposons pour les époques précédentes, nous nous trouvons face à un paradoxe.
Quand nous avons pour un établissent et ses abords des indices de la résidence de ses
propriétaires, nous ne trouvons pas les nécropoles rurales, omniprésentes à l'époque
punique, mais qui cessent de l'être à partir de la période tardive du IIIè siècle av. J.-C. Dans
le cas, nous ne connaissons pas la nécropole que can Fita a dû avoir dès ses débuts, au
IVè ou au IIIè siècle av. J.-C., mais les nécropoles rurales ébusitaines sont bien connues
depuis les travaux de M. Tarradell et M. Font en 1975. Ces auteurs ont déjà identifié ce
phénomène d'absence de nécropoles rurales, malgré l'existence d'établissements pendant
toute l'Antiquité 64. Ils étaient aussi conscients de ne pas trouver de trace de leur réutilisation
ou de trace de nouvelles nécropoles rurales avant le Bas Empire. D'autre part, dans le cas
de can de Fita nous avons affaire à une nécropole tardive qui fut interprétée en son temps
[titre 46 : 38] comme étant une conséquence « du lien étroit entre la propriété la terre et la
64
(M. T ARRADELL , M. F ONT 2000 : 189-197)
-62-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
situation et permanence du cimetière, ce qui prouve que les propriétaires fonciers estiment
positivement, et à long terme, (...) la création d'un cimetière familial in suo fundo ; tandis
que les classes détentrices du domaine utile, mais sans propriétés foncières, et dont les
droits sur la propriété de la terre sont éphémères tendraient à créer des cimetières ouverts
et de courte durée » [titre 44 : 121]. Si nous extrapolons ces aspects à la situation de
désintégration de la société tardo-punique en conséquence de l'influence et du contact avec
Rome, cela pourrait nous apporter des pistes de recherche intéressantes pour plus tard.
Il convient aussi de souligner que la société punique, suite à la défaite infligée par
Rome et sous son influence, subit une transformation en passant d'une économie locale à
une économie régionale ; toutefois, la sensation que les Carthaginois suivaient un chemin
assez parallèle à l'évolution de Rome est chaque fois plus forte. Le conflit armé entre les
deux sociétés était un conflit pour le contrôle des circuits économiques et des marchés
indigènes vitaux pour les deux puissances méditerranéennes. À ce débat, l'archéologie
paraît apporter des éléments de réflexion intéressants, étant donné la « continuité »
matérielle apparente de beaucoup d'aspects de la société ébusitaine tardo-punique avec la
période immédiatement postérieure aux premiers contacts et à la soumission à Rome après
la deditio.
Du point de vue des événements politiques nous ne possédons pas trop éléments
pour attribuer à l'un ou à l'autre la responsabilité des changements. Peut-être pourrions-
nous l'expliquer par le biais de la datation des premières frappes de monnaie punico-
ébusitaine, par une vocation de circulation hors de l'île ou par une nouvelle situation
politique administrative par rapport à Rome ; ce qui d'après E. García Riaza 65 pourrait
ratifier l'hypothèse selon laquelle Rome a entrepris « une politique sénatoriale commune
visant à la régularisation du contrôle sur les diverses villes maritimes hispaniques de
tradition punique, dans le contexte des opérations contre Sertorius ».
65
(E. G ARCÍA R IAZA 2001 : 245)
-63-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
plus tard, à travers le financement de la dette (90 000 sesterces) de la ville d'Ebusus envers
Rome à titre d'impôts annuels 66, par un descendant de la gens des cornelii.
Ce fait explique deux aspects qui me paraissent importants : d'un côté l'existence
de familles dont l'accumulation d'excédents leur permet de pratiquer l'évergétisme ; c'est-à-
dire que leur richesse est antérieure à la concession par Vespasien du statut municipal, et
ce d'autant plus si l'on considère que sur les deux inscriptions sont représentées plusieurs
générations. D'un autre côté, la transformation, même si elle ne se fair qu’au niveau
politique, qu'ont dû éprouver celles que nous observons dans les règles de distribution des
établissements ou dans l'évolution interne de ces derniers ; bien au contraire, les données
que nous possédons sur la distribution des établissements et sur les sites semblent faire la
lumière sur les faits de l'histoire politique et administrative. Nous observons des
coïncidences intéressantes entre ces événements politiques et la vie matérielle des îles. Il a
été récemment avancé plus qu'une simple supposition à partir d'éléments comparatifs sur la
date du foedus entre Ebusus et Rome. 78 av. J.-C. a été proposé comme date possible ;
cela correspond au moment où Gades a renouvelé ou a établi l'accord officiel de fédération
avec Rome. L'expansion tardo-punique des sites de Formentera dans la phase II (siècles II-I
av. J.-C.) et la restructuration de l'établissement de can Fita à ces mêmes périodes sont des
faits qui expliquent cette accumulation de richesse, alors que l'éclosion du peuplement
ébusitain ainsi que les transformations qui en découlent (l'occupation maximale de
Formentera et l'évolution entre la mapalia punique et la villa de can de Fita) illustrent, selon
moi, la maturation du processus précédent et la romanisation effective de la société
punique. Toutefois, je ne vois aucun motif pour mettre dans une relation de cause à effet la
municipalisation et les réformes effectuées à can Fita et dans d'autres sites, comme dans
l'expansion des sites à Formentera. En d'autres mots, les transformations profondes qui
sont actuellement connues affectent les villes qui ont été nommées sièges d'événements
internationaux, comme les Jeux Olympiques. Il serait inopportun d'attribuer le résultat de
ces transformations à cette nomination à moins que ce ne soit en tant que catalyseur d'un
état préalable, de l'accumulation de richesse qui rend possible la nomination. Dans le cas
d'Hispania, et en particulier dans celui d'Ebusus, tout paraît indiquer que l'édicte de
Vespasien ne fit que confirmer et accélérer un état de fait qui, de plus, selon Patrick Le
66
(J. J UAN C ASTELLÓ 1988 : 88-90)
-64-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
Roux, a pu entraîner des redéfinitions territoriales ayant pour but un meilleur contrôle
fiscal 67.
67
(P. L E R OUX 1994)
-65-
RECHERCHES SUR L’ARCHÉOLOGIE DES PAYSAGES
Il s'agit du thème de recherche auquel je me suis entièrement consacré au cours
des quatorze dernières années, rares exceptions faites de quelques retouches apportées à
des travaux de recherche antérieurs.
Je serais bien incapable d’expliquer mon intérêt pour ce type de recherche. Pour ce
qui est de la ligne de recherche sur Ebusus mon idée était de faire une histoire totale. Je
me suis donc adressé à Gérard Chouquer en 1988 dans le but de me former dans l'analyse
des cadastres romains, ce qui constituait un paragraphe supplémentaire dans mon travail
sur can Fita (site fouillé à cette époque-là) ; et, surtout, en toile de fond il y avait le projet
sur Ebusus romaine. Je n'ai reçu de réponse qu'à la fin de l'année suivante quand il
m'informa de l'existence d'un cours par correspondance comprenant un stage final
d'évaluation, cours que j'ai suivi avec un réel intérêt entre 1990 et 1991 68.
Pour des raisons de calendrier et pour éviter que cela coïncide avec la phase finale
de ma thèse doctorale je m’étais promis à moi-même de ne rédiger aucun article avant de
l'avoir terminée ; promesse que je n'ai tenue qu'en partie seulement, puisque j'ai participé à
un bref essais, paru dans une revue spécialisée en critique archéologique, aujourd'hui
disparue, Arqritica [titre 19: 231-233], annonçant la publication de deux ouvrages de G.
Chouquer et de F. Favory : Les paysages de l’Antiquité et Les arpenteurs romains. Théorie
et pratique 69, qui finirent par marquer une inflexion définitive entre les études de cadastres
et l'archéologie du paysage.
68
Archéomorfologie, carto et photointerprétation par G. Chouquer (CNRS.
69
(G. Chouquer, F. Favory 1991 ; 1992)
Archéologie des paysages
L'exemple qui peut le mieux éclairer mes propos est celui de l'irrigation. Les terres
susceptibles d'être irriguées ne le sont pas forcément parce que, comme nous le savons,
l'irrigation est une option sociale apportée par les colons de la péninsule ibérique qui
formèrent al-Andalus. Toute analyse du territoire de captation des sites romains de l'arrière
pays de l'actuelle ville de Valence procurera une haute valeur aux sols cultivés par un
apport d'eau supplémentaire issu de l'irrigation. Il est évident que les méthodes qu'utilise
l'archéologie spatiale ne permettent pas de savoir si ces sols sont ceux qui existaient dans
l'antiquité, si toutefois ils existèrent, ni ne permettent d'évaluer l'intervention d'une société
qui transforme l'usage du sol et qui produit des biens dont la valeur à l'usage est beaucoup
plus importante que la valeur à l'échange. Suivant ainsi les principes de recherche de M.
Barceló sur les espaces agraires andalous, le hameau (alquería) islamique d'un groupe
clanique berbère d'une zone montagneuse peut subsister sur un territoire beaucoup plus
réduit (1 ha), (dû à la haute valeur d'usage des produits agricoles de subsistance du groupe
provenant des périmètres irrigués) que dans le cas d'une villa romaine spécialisée dans la
culture de la vigne, produit qui est ou peut être consommé à plusieurs kilomètres de
distance du lieu de production. Jusqu'à présent, les analyses qui ont été réalisées au sujet
des possibles territoires d'exploitation des villae romaines multiplient par 130 cet espace, et
donc, cela requière une approche différente. Par conséquent, tout aussi compliqué que cela
puisse être, il me semble que l'archéologie des paysages peut être, en des circonstances
précises, une jauge pertinente des résultats issus des méthodes de l'archéologie spatiale.
C’est ce que j’ai tenté de démontrer pour le territoire de captation de can Fita [titre 46: fig.
80] et dans l'analyse des formes du paysage de l'ager aesonensis, thème que j'aurai
l'occasion de commenter plus en avant [titre 37 = 41].
Mais, l'archéologie des paysages telle qu'elle était pratiquée dans mon pays (à
cette époque, l'étude des cadastres romains) ne me satisfaisait pas non plus. Après les
travaux pionniers du milieu des années 70, les travaux les plus spécialisés étaient alors
ceux de Enrique Ariño et de Rosa Plana. Ces deux auteurs, suivant le contexte
méthodologique et théorique de l’école de Besançon, se basaient principalement sur l'étude
des cadastres romains et grecs dans la région du val de l'Èbre et dans la région de
l'Ampurdan (le territoire d’Ampurias). Ma critique reposait essentiellement sur le fait que
dans les deux cas on omettait les différentes phases de création du paysage, à moins que
l'objectif n’ait été de différencier les moments de création paysagère et de confirmer la
datation antique des structures cadastrales recherchées. Pour ces auteurs et les régions
qu'ils étudiaient, cela était sûrement possible, mais pour celles où je commençais mon
travail, il me paraissait inadmissible d'aborder les phases antiques de création paysagère
sans entrer pleinement dans l'identification des phases les plus récentes. Ces circonstances
me conduisirent à aborder des problèmes scientifiques qui m'éloignaient des
-67-
Archéologie des paysages
D'autre part, j'ai collaboré avec l'équipe de Miquel Barceló. C'est en participant à
un congrès sur l'agriculture et l'irrigation en al-Andalus, qu'il sollicita ma collaboration pour
l'analyse des formes du paysage de la plaine d'Ibiza ; en effet, il se heurtait aux limitations
de l'archéologie hydraulique, développée par son équipe, pour définir et comprendre ces
espaces. Cette collaboration me permettait d'aller plus en avant dans les hypothèses
émises sur les paysages d'un espace étudié depuis quelque temps, comme l'était Ibiza et
d'aborder la construction paysagère du hawz (territoire de la ville) d'une médina d'al-
Andalus (Yabisa), créée suite à la bonification d'un marais côtier, à travers le drainage et la
construction d’un espace mixte d'exploitation agricole et d'élevage.
-68-
Archéologie des paysages
de las formaciones sociales 70, et sur l'essai introductif de M. Barceló à la traduction de cette
oeuvre à l'Espagnol.
De ce temps datent tous mes travaux en rapport avec cette ligne de recherche sur
le paysage rural et urbain et l'archéologie préventive. Et cela correspond précisément à
l'époque où se manifesta et se cristallisa la crise épistémologique de l'école de Besançon.
À ce moment-là, mon entrée dans cette discipline ne fit que réaffirmer certaines de mes
intuitions préalables, fruit du cadre géographique de mes premières recherches, comme
l'était la nécessité de comprendre les paysages dans la diachronie. Et, surtout, la nécessité
d'établir un vaste répertoire de formes basées sur la casuistique qui me permettraient de
définir les règles générales des formes agraires, leurs interrelations, leur origine et leur
fonctionnalité, pour ouvrir des lignes de recherche futures et de proposer des
problématiques alternatives que la recherche résoudrait par la suite.
Le choix de ces zones suivait un critère basé sur l'identification préalable des
formes du paysage et facilement imputable, a priori, à une société ou à une période
chronologique précise : parcellaires dans les environs d'une fondation médiévale du XIIIè
siècle ou des régions dont la documentation médiévale parleraient de forme explicite
d'interventions d'arpenteurs médiévaux ; parcellaires d'irrigation liés à des établissements
islamiques ; des centuriations stéréotypées et sans appel du point de vue de leur
aménagement formel et d'une bonne conservation des axes qui la formaient. Mais il était
aussi nécessaire d'étudier des pistes de recherche qui dévoileraient de nouveaux objets, de
nouvelles formes agraires qui pourraient augmenter le répertoire des formes inconnues et
permettraient de disposer, à l'avenir, de nouveaux modèles formels. Dans ce sens, les
résultats ont été spécialement fructueux par rapport aux formes médiévales et modernes,
spécialement riches dans le Pays Valencien, et par rapport aux formes proto-historiques
dont nous disposons, à ce jour, de certaines hypothèses qui devront être confirmés dans le
70
(S. A MIN 1974)
-69-
Archéologie des paysages
futur, comme le soulignèrent certains auteurs dans le commentaires qu’ils firent sur mon
travail 71.
Toutefois, à mon avis, les résultats les plus intéressants sont le fruit de l'analyse
de la relation entre les formes hypothétiquement anciennes et les formes agraires des
bonifications agricoles (que se soit par irrigation ou par drainage) d'époque médiévale. Pour
la première fois, dans certaines zones qui ont fait l'objet d'une étude, on a pu distinguer la
physionomie des espaces de culture de l'antiquité des espaces de culture médiévaux, et les
règles qui ont régies ces changements ; Spécialement, dans des zones où la recherche
pionnière de M. Barceló n'avait pas pu intervenir : les huertas urbaines et les plaines
côtières où se situent les villes de l'antiquité. Je crois intéressant de rappeler les mots de
M. Barceló 72 relatifs à cette problématique :
(...) toutes les recherches qui ont été faites, qui ne sont pas légion, sur les espaces ruraux d'al-Andalus
(...) indiquent de manière évidente que les paysans ont produit un espace agricole bien différent de celui
qu'il y avait avant, même en avouant la profonde méconnaissance de ce qu'il y avait avant. Mais il n'y a
pas de doute qu'il s'agisse d'un espace agricole nouveau, (...) Je n'ai jamais voulu suggérer l’absence de
champs de terrain non irrigué. Il y en a, certes, mais l'option préférentielle, celle qui détermine tant le
secteur de résidence comme les domaines de culture, les processus de travail, son volume et le régime
alimentaire est l'irrigation. Naturellement, ce nouvel espace agricole a une séquence chronologique de
formation que nous connaissons encore très mal. Nous ne savons pas non plus, comme il a été
précédemment indiqué, sur quel ordre agraire les innovateurs arabes et berbères agissent pour modifier
et créer un nouvel espace.
Tout cela a pris forme dans le volume Las formas de los paisajes mediterráneos,
publié par l'Université de Jaén en 2002 [titre 45], dans lequel j'ai compilé tous les articles
dispersés et publiés dans différentes langues (espagnol, catalan et français) et des rapports
de recherche alors inédits, dans une proportion approximative de 50 %. C'est pourquoi
j'indiquerai toujours une double référence : celle de l'article publié préalablement et celle du
chapitre du livre où il se reproduit parce qu'il y a parfois des nuances et des changements
qui recommandent une double lecture. Par ce volume je prétendait faire un bilan d'étape,
une halte sur le chemin, qui me permettrait une réflexion sur les lignes de recherche future
devant être abordées et sur celles qui de par la distance qu'elles supposent avec ma
spécialité devraient être abordées par des chercheurs beaucoup plus compétents en la
71
(J. L. F ICHES 2002; G. C HOUQUER 2003)
72
(M. B ARCELÓ 1992 : 247-248)
-70-
Archéologie des paysages
matière. Dans un premier temps j'aborderai les principaux résultats de mes recherches: 1)
La genèse des premiers paysages, 2) Bonification :
irrigation et drainages, 3) Planification et Fondation : le
concept de régularité organique, 4) La variété des formes
médiévales et la contribution des textes de valenciens, et
5) Archéologie préventive ; une ouverture sur de futures
lignes de recherches.
-71-
Archéologie des paysages
Il s'agit des formes agraires du territoire de l'ancienne Edeta (Liria, Valencia) [titre
25: 282, fig. 1; titre 42; 45: chapitres IV et VI; titre 48: 429-439] et de celui d’Eso-Aeso
(Isona, Lérida) [fig. IV, 1] [titre 37 = 41; 45: chapitres V et VI; titre 48: 429-439], qui
présentent de nombreux points communs bien qu'ils se trouvent assez éloignés l’un de
l’autre. Comme dans la majorité des cas d'étude espagnols, les preuves de son ancienneté
sont seulement circonstanciels, la situation spatiale des établissements ibériques, certaines
ornières, bornes ibériques qui sont alignés et orientés comme la structure générale, y
compris l'orientation de la rue principale d'un établissement situé dans la plaine... . Mais il
manque encore la fouille d'une fossé, d'un chemin dont la présence de matériaux ibériques
qui permettrait d'assurer une chronologie approximative, ou du moins d'utilisation dans le
secteur concerné de la structure antique.
Au contraire, face à toutes les preuves circonstancielles, les similitudes entre les
deux cas, sur différents aspects, leur confèrent le statut de modèle. Tout deux ordonnent
l'espace qui entoure la ville (comme c’est le cas des villes ibériques) et montrent une
morphologie assimilable à celle d'un système cohérent sans toutefois manifester
l'orthogonalité rigoureuse d'un système centurié. Cependant elles offrent une métrologie
coïncidente et articulée par un module de 525 m. On pense alors à l'ancienne mesure basée
sur la coudée de 0,525 m (0,525*1 000 = 525) qui, selon Max Guy 73, ferait partie d'un
système basé sur cette même coudé, le pied de 0,35 m (⅔ de la coudée) et du pied associé
de 0,297 m, qui se trouverait à la base de toutes les mesures parcellaires depuis l'époque
archaïque jusqu'à l'adoption du pied romain vers le IIIè siècle av. J.-C., en Grande Grèce.
Un système très semblable a pu être identifié en Syrie 74. En outre, dans les deux cas, les
structures parcellaires d'époque romaine qui se superposerait au système cohérent, forment
un angle presque identique : 27º30' pour les structures d'Isona et de 28º42' dans le cas des
structures de Liria. La différence idéale entre les deux structures étant 27º33’ [titre 45: 135-
136, fig. 51] ; c’est probablement ce que les arpenteurs cherchèrent à obtenir en situation
optimale. Cette variation angulaire offre les caractéristiques d’angles semblables, construits
à partir de l’hypoténuse, que les arpenteurs romains auraient utilisés pour différencier les
structures agraires organisées par leur opération d'arpentage de celles qui existaient
précédemment ; par conséquence, une construction géométrique de parcellaires qui
entraine une plus faible utilisation de la groma 75. Ce qui n'est pas étonnant si nous tenons
compte de l'attention spéciale que prêtent les arpenteurs romains à la réalité indigène à
73
(M. G UY 1996, 188)
74
(J. L EBLANC , J.-P. V ALLAT 1997)
75
(A. R OTH G ONGES 1996)
-72-
Archéologie des paysages
laquelle ils se trouvaient confrontés, tout comme François Favory l'a mis en évidence dans
une étude récente 76. Par la suite, nous pourrons voir un autre exemple de comparaison
entre deux centuriations romaines : les perticae de Nîmes A et Orange A, dans le
Languedoc.
Une autre structure agraire, dont les origines peuvent remonter à la proto-histoire,
est un cas que j'ai étudié dans le Languedoc : le système de la Vistrenque [titre 45: 112-
120, 131-133, figs. 22-24]. La structure est fossilisée par des grands axes formant de
grands chemins, mais dont la conservation fossile est faible dans la masse parcellaire
actuelle. cependant, contrairement aux exemples précédents, un élément archéologique
permet d'affirmer qu'au moins un axe intégré dans la structure a été fouillé et on peut
affirmer dans ce cas qu'il a été utilisé à l'époque républicaine.
Donc, bien que j'aie tenté de trouver un module métrologique qui pouvant organiser
les plus grands axes de ce système, je n'ai pu rencontrer que quelques coïncidences, que
j'estime peu significatives, également autour d'un module équivalent à 525 m, mais
seulement dans quelques zones (autour de Garons, de Bézouce ou Saint-Vincent et
Jonquières). Au moment de rédiger le rapport en 1997, (sa publication fut plus tardive)
j'affirmais que j'avais : « (...) l'impression d'une grande régularité du fait de l'existence de
structures intermédiaires qui organisent et partagent l'espace », [titre 45: 120], faisant
référence à une proposition de G. Chouquer 78 sur les structures de la proto-histoire ; et
j'affirmais que, dans ce cas, nous ne pouvions nous trouver « (...) qu'en présence de la
seule charpente de base du réseau, la voirie. La faiblesse des surfaces concernées par ce
réseau pouvait le démontrer » [titre 45: 132].
À leur tour, ces constatations servaient mes réflexions au sujet des possibles
morfogèneses d'un système cohérent [titre 45: 141-146; fig. 31, 2]:
76
(F. Favory 2003)
77
(G. C HOUQUER 2003 ; C. L AVIGNE 2003 ; C. M ARCHAND 2003)
78
(G. C HOUQUER 1996 : 203) : « (...) réseaux protohistoriques lentement réifiés, par développement
progressif et assemblage des blocs et quartiers parcellaires. Ce développement a sans doute été
favorisé par le tracé de quelques axes principaux, pouvant servir de charpente à cette lente
organisation du parcellaire. »
-73-
Archéologie des paysages
La construction spontanée de différents réseaux, non préconçue, dans différents terroirs d'un même
finage (...), avec des espaces intermédiaires non cultivés. La cohérence géographique ou la « géométrie
naturelle de l' espace » feront le reste, et donneront lieu à une structure, qui fonctionne en réseau,
partageant des éléments communs, par exemple, les chemins, mais qui n'a jamais été conçue comme
telle. Notre recherche au sud de Marrakech, où la régularité du parcellaire d'irrigation s'étend à travers
différents territoires tribaux ; ce que peut aussi illustré l'aspect d'« îles » des différents blocs parcellaires
du système de la Vistrenque.
La régularité organique des parcellaires de formation. (...) Ces différentes contraintes imposées par le
milieu, à l’homme, se sont posées à toutes les époques et aboutissent à la formation de parcellaires
marqués par une forte régularité organique (GONZALEZ 1996). Cette régularité peut être confondue
avec la régularité modulaire des parcellaires de fondation du Moyen Âge aux formes, parfois, aussi
souples et ductiles.
Bien que plus tard l’harmonie des concepts passerait à l’oubli, sans aucune
explication (je reviendrai plus en avant sur ce thème), il lui fut substitué le concept de
planification discrète 80.
(...) c’est l’émiettement et l’adaptation souple des champs à la topographie, à l’hydrographie et aux
chemins préexistants, que la régularité des formes issue d’une quelconque grille modulaire. On parlera
donc de planification discrète par mitages parcellaires. Le terme de discret est employé ici, à la fois, dans
son sens coutumier, c’est-à-dire qui se montre peu et qui est donc difficile à voir, mais aussi dans son
sens mathématique, où discret veut dire discontinu. Cette planification est discontinue puisque aucune
trame d’ensemble n’assure la continuité géométrique de l’espace.
En définitive, les différentes observations et les nuances que l'on trouve entre les
cas qui ont fait l'objet d'analyse, en Espagne et en France, offrent deux propositions
complètement différentes quant à leur origine et planification. D'un côté, une possible
planification dans les exemples ibériques, peut-être simultané avec l'apparition de
structures à pouvoir fort, et, d'un autre, de la formation d'une structure agraire qui ne ferait
pas l'objet d'une planification, mais d'une formation, en intégrant différents îlots dans un
espace géographique marqué par des axes linéaires qui le structurent, en donnant lieu à
une structure discontinue qui se (ré)crée au fil du temps. Mais, d'autre part, ils
accomplissent des fonctions semblables, puisque dans tous les cas les principales lignes
qui organisent l'espace, se concrétisent comme chemins creux qui ont une fonction
drainante qui évitent l'érosion et la disparition des sols.
CENTURIATIONS ROMAINES
79
(C. L AVIGNE 1997 : 155-156)
80
(C. L AVIGNE 2002 : 151)
-74-
Archéologie des paysages
Quant aux structures centuriés j'ai effectué une triple tâche. Dans un premier
temps, une révision des hypothèses de centuriations émises depuis le milieu des années 70
me paraissait nécessaire et indispensable, puisqu'elles étaient difficilement soutenables ;
en même temps, cela permettait d’éviter la confusion entre centuriations et parcellaires
médiévaux. Dans un deuxième temps, j’identifiais de nouvelles structures centuriées qui
organisent le territoire et qui étaient passées inaperçues, probablement parce que la
recherche ne s’était exclusivement centrée que sur les colonies romaines. Finalement, je
creusais les dossiers de centuriations bien connues du sud de la France, concrètement
dans la région des Costières de Nîmes, où le registre archéologique est particulièrement
riche, tant par la présence indiscutable des marbres d'Orange (Orange A) qui permettent
d'avoir la certitude du siège et de l'extension de la pertica, tant par la production scientifique
de résultats dérivés de la fouille d'éléments matériels de la structuration des champs
d'époque antique. Cette circonstance a supposé une évolution dans l'interprétation et la
compréhension organisatrice d'une structure centurié qui ne me permettrait jamais l'étude
des perticae hispaniques en général et de Valence en particulier (probablement à
l'exception d'Elche), dont les résultats dans ce sens sont encore loin d’être satisfaisants.
C'est là un aspect qui, comme on le verra plus loin, influence de manière décisive
l'archéologie des paysages qui peut être effectuée en Espagne.
81
(A. L OPEZ G OMEZ 1974)
82
(A. B AZZANA 1978 ; 1984)
83
(M. C. OCAÑA 1974 : 189-192)
84
(V. M. R OSSELLÓ , G. M. C ANO 1974)
-75-
Archéologie des paysages
Une autre centuriation revisitée est celle de l'oppidum ibérique d'Helike, qui
deviendra la colonie d'Ilici. Cette colonie mérite une brève notice biographique de la
recherche effectuée sur la structure centuriée. La conservation excellente des limites
principales de la centuriation a fait ainsi du paysage d'Elche un des plus analysées et
étudiées d'Espagne. Publiée dans un premier temps par García y Bellido 85 , Gozálvez Pérez
en proposa une grille et une planimétrie deux années plus tard, bien considérés et acceptés
pratiquement jusqu'à nos jours, bien qu'en 1976, R Corzo ait corrigé légèrement la
proposition de Gozálvez en proposant une alternative légèrement différente. J.-G Gorges
intégra ensuite ces deux hypothèses dans une approche éclectique entre les deux
hypothèses, proposant l'existence de deux centuriations avec un degré angulaire de
différence et qui pourraient être datées de l'époque d'Auguste et de Tibère (et non de César
et d'Auguste comme j'ai confondu en 1996 et 2002 [titre 25: 158; titre 45: 437]) par le
changement de légende qui apparaît dans les séries monétaires des deux empereurs :
(Colonia Caesarina Ilici Augusta) et C.I.IL.A. (Colonia Iulia Ilici Augusta) 86, toutefois, il est
certain que le développement de l'abréviation des émissions monétaires est un problème
qui n'est pas encore définitivement réglé 87.
85
(A. G ARCÍA Y B ELLIDO 1972)
86
(J. G. G ORGES 1983 a et 1983 b)
87
(M A M. L LORENS 1987 : 8-9; A. M ARQUES DE F ARIA 1999 : 34-35)
-76-
Archéologie des paysages
En résumant toutes les observations proposées, nous pouvons maintenir l'hypothèse selon laquelle la
fondation de la colonie d'Ilici n'a pas eu lieu en une seule fois. La colonie s'est établie, comme une
colonie Iulia et probablement déjà en ce temps comme une colonie immunis, entre 49 et 42 av. J.-C.,
peut-être déjà liée au licenciement de vétérans par César après ses victoires en Hispania durant les
années 40 et 46 et peut-être durant l'année 47. Toutefois, il est beaucoup plus vraisemblable que la
colonie ait été fondée peu de temps après le décès du dictateur, probablement en accord avec ses
plans, par ses successeurs, et très probablement au cours de l'année 42 av. J.-C. Pendant la principat
d'Auguste, pas avant 27 et probablement autour de l'an 26 av. J.-C., à un moment des guerres contre les
Cantabres et les Astures au nord-ouest de la Péninsule Ibérique, où la situation militaire a permis le
licenciement de légionnaires, ou comme plus tard, aux environs de 19 av. J.-C., quand ces guerres
terminèrent, une seconde déduction de vétérans eut lieu à Ilici. Grâce à cette réorganisation, la colonie
ilicitaine assuma aussi l'appellation d'Augusta ; sous la forme d'une contributio, le conventus civium
Romanorum d'Icosium fut incorporé à la communauté ; et au même moment la ville a probablement reçu
aussi l'Italicum ius.
En 1994, dans un article où ils révisaient les différentes hypothèses sur les
structures centuriées hispaniques, E. Ariño, J.-M. Gurt et M.-A. Martín-Bueno croyaient déjà
difficile d'accepter l'existence des deux structures, tel que le proposait J.-G. Gorges, avec
aussi peu de différence angulaire ; toutefois, ils reprenaient à leur compte l'argument réitéré
de la coïncidence des canaux d'irrigation et la grille centuriée comme argument probatoire
de la contemporanéité des deux structures agraires 89 , comme l'avait fait à l'époque
Gozálvez Pérez.
Au cours de la même année, une partie de ces auteurs, et d'autres 90, proposaient
dans un article le concept de « stratigraphie du paysage » et reconsidéraient quelques
exemples de cadastres hispaniques. Voyons quelques aspects dont a profité cette révision
de la pertica d’Ilici.
Pour commencer, ils ont distingué pour la première fois l'existence de deux
structures agraires, en plus de la structure orthogonale identifiée au préalable avec la
centuriation ; ils ont formulé l'existence d'une structure radiale qui affecte tout le « campo
d'Elche », dont l'actuelle ville d'Elche (fondée à la fin du Xè siècle) est le pôle d'attraction;
tandis que la centuriation a fondamentalement été identifiée près de l'Alcudia, la ville
antique. Au moyen de méthodes de traitement numérique non explicitées, ils ont formulé
une séquence chronologique relative qui attribuait une plus grande antiquité à la structure
88
(G. A LFÖLDY 2003 : 44-45)
89
(E. A RIÑO , J. M. G URT , M. A. M ARTÍN B UENO 1994 : 318)
90
(E. A RIÑO , J. M. G URT , A. DE L ANUZA , J. M. P ALET 1994 : 204-207)
-77-
Archéologie des paysages
centuriée, tandis que ce qui est radial serait d'époque médiévale, datation que confirme
notamment la confluence des chemins vers la ville de création médiévale.
Plus tard, en 1996, une partie des auteurs de l'article précédent 91 publièrent une
révision dans laquelle ils insistent sur la chronologie relative des deux structures, en se
basant sur l'existence d'un seul cadastre romain, et non de deux, orienté à 7,5º
sexagésimaux par rapport au nord géographique et un module de 20*20 actus équivalents à
un carré de 710 m de côté, étant la pertica plus étendue que ce qui avait été admis avant.
Quant à la structure radiale centrée sur la ville d'Elche, elle se superposerait et éliminerait
« le cadastre orthogonal, qui à partir de l'établissement de ce second aménagement de
l'espace, a perdu sa fonctionnalité précédente, en s'adaptant à la nouvelle structuration ».
Cette affirmation permet de déduire que ces auteurs datent la structure radiale de la fin du
Xè siècle, moment de la fondation de la ville d'Elche à son emplacement actuel.
La découverte dans l'Alcudia en 1996 d'un bronze [fig. V, 4], probablement une
sortitio de la déduction, fit jaillir les interprétations quant à cette déjà célèbre centuriation,
bien qu'elles n'aient pas été accompagnées de nouvelles études morphologiques. Les
auteurs recoururent aux grilles traditionnels, cependant il me parait indispensable de
procéder à une analyse morphologique détaillée afin de pouvoir définir l'emplacement
théorique sur les terres auxquelles le document fait allusion.
Quand J.-J. Chao, J.-F. Mesa et M. Serrano publient pour la première fois la tabula
de bronze en essayant de situer l'emplacement des terres auxquelles fait allusion
l'adsignatio, ils tombent dans l'erreur, comme J. Corell 92, de traduire l'expression sicci ivc
cxxx de la première phrase par 130 jugères de terrain non irrigué (secano), quand, en
réalité, la tabula d'Elche nous parle de 130 jugères asséchées, comme j'en ai moi-même
déjà apporté la correction [titre 45: 440] ainsi que d'autres auteurs 93 qui se sont penchés sur
ce document. C’est pour cela qu’ils essayèrent de placer les terres distrbuées dans la
tabula sur les terrains traditionnellement non irriguées (secano).
91
(J. M. G URT , A. DE L ANUZA , J. M. P ALET 1996)
92
(J. C ORELL 1999 : 63-67)
-78-
Archéologie des paysages
Les travaux d'interprétation cadastrale les plus intéressants ont été effectués, d'un
côté, par M. Mayer et O. Olesti, et de l'autre par J.-Y. Guillaumin. Cependant, ils
commettent l’erreur de vouloir, comme je l'ai dit, intégrer les terres dont nous parle la tabula
dans un terrain qu'ils ne connaissent pas et sur lequel ils n'ont effectué aucune recherche
nouvelle quant à la morphologie agraire, ce qui me paraît indispensable aux vues des
nouvelles données.
Par ces critères Mayer et Olesti essayent de placer les lots sur le terrain, et c'est là
qu'ils commettent une grosse erreur. Ils ont pris le parti d'identifier comme cardo et
decumanus maximus les axes proposés par Gorges (d'après Corzo) qui se croisent au sud-
est de la ville et, orientant avec le nord la partie supérieure du fragment de bronze ils
situent les 130 jugères sous la ville d'Elche, « dans une zone qui coïncide avec la limite
entre le territoire plat et l’amorce des premières élévations de la montagne voisine ».
À notre avis, la référence à ces terres sicci permet de supposer l'existence de terres irriguées ou, plus
sûrement, drainées (la non-existence d'une pratique implique l'existence de l'autre), ce qui coïncide
93
(M. M AYER , O. O LESTI 2001 : 128; M. M AYER , O. O LESTI 2002 ; J. Y. G UILLAUMIN 2002 : 117 et note
10)
94
(H IG . G ROM ., 163, 2-14 Th = 200, 3-14 La).
-79-
Archéologie des paysages
précisément avec les secteurs mieux conservés du cadastre, autour du noyau urbain de l'Alcudia (nous
devons rappeler que le site est entouré de petits cours d'eau). Ceci coïncide avec les données
morphologiques, car, comme nous avons indiqué, il y a divers canaux de drainage et / ou d'irrigation qui
suivent l'orientation générale du cadastre et même coïncident avec sa métrique [note 34 : R. Ramos, El
Elche de hace 2.000 años. Elche, 1994, p. 43]. Cela nous rapprocherait du sens original du terme
traiectus, qui ferait référence à des passages sur les cours d'eau, dans ce cas canaux de drainage.] (...)
Il est convenu que le tronçon final de la rivière Vinalopó présente des problèmes de drainage, de sorte
que le cadastre a probablement été une méthode pour mettre en exploitation de nouvelles terres (...).
Les terres non irriguées (secano) contrastaient avec celles plus proches à la ville, probablement
récupérées à ce moment-là.95
Il est possible que les terres mentionnées aient correspondu à des espaces gagnés sur les marécages et
le delta de la rivière pendant la procédure de cadastration, avant le tirage au sort.96
Ce paragraphe mérite une explication. Il est certain que sicci doit se traduire par
séchés ou drainés mais il ne peut exister de terres drainées qui soient en même temps en
opposition avec d'autres de terrain non irrigué (secano). Sicci signifie la même chose que
terres drainées. Par conséquent, l'explication des auteurs se perd dans un labyrinthe qui
vise à ne pas entrer en contradiction avec la situation erronée de la tabula sous l'actuelle
avenue de la Libertad d'Elche, entre les limites formées par la rue José María Buck au sud,
et la place de Barcelone au nord. Comme je l'ai déjà dit, les jugères assignées sont d'une
terre qui se trouvait dans un terrain marécageux qui aurait été préalablement drainé [titre
45: 439-440], ce qui concorde avec l'affirmation de J.-Y. Guillaumin 97. En définitive, là où
Mayer et Olesti placent la tabula ilicitana il ne peut pas y avoir de terres de ces
caractéristiques-là, ce qui les conduit à critiquer un concept qu'ils ne peuvent qu'admettre,
car enfin, il suffit de retourner la carte pour que les choses aient du sens.
C'est ce que fait J.-Y. Guillaumin. Il ne s'agit probablement pas seulement d'un jeu
intellectuel comme il le soutient dans la note 3 de son étude : en optant pour l'option 4 de
l'hypothèse 1 il situe dans un vieux document cartographique (celui de Gozálvez Pérez et
pas un autre, pour clarifier les doutes exprimés par l'auteur) la situation des assignations du
document de bronze, très près déjà des sols hydromorphes qui entourent l'actuelle lagune
du Fondo ; plus concrètement il s’agit d’une zone connue comme la Foia, la dépression, le
bassin. Bien que Guillaumin le fasse dans un document proposé par Gozálvez Pérez en
1974, avec le système de coordonnées formulé par R. Corzo en 1976 et intégré dans la
position éclectique de J.-G. Gorges 98.
95
(M. M AYER , O. O LESTI 2001 : 128-129)
96
(M. M AYER , O. O LESTI 2002 : 1T6A)
97
(J. Y. G UILLAUMIN 2002 : 117 et note 10)
98
(J.-G. G ORGES 1983 a et b).
-80-
Archéologie des paysages
L'hypothèse des deux cadastres romains ayant un degré de différence ne peut être
soutenue. Il n’y en a qu’un et serait orienté à NG-8ºE : on trouve des traces de son
existence dans toute la feuille 1 : 50 000 (893-Elche) qui a comme centre approximatif la
ville d'Elche. Loin de s'agir d'un cadastre de dimensions réduites, il semble que non
seulement on le trouve dans la zone classique autour du site de l'Alcudia, mais on peut
aussi apprécier ses vestiges à l'est, dans le fondet de Sant Pere, au nord-est, à Altabix et à
Vallonga, à Crevillent, entre la ville et la lagune, et, au nord de la Montagne de Crevillent.
Pour la première fois nous bénéficions d’une cartographie complète de la pertica et d’une
analyse morphologique détaillée du secteur central de celle-ci.
D'autre part, j'ai rejeté la traduction sicci = terrain non irrigué (secano) des éditeurs
de la tabula et lui ai préféré celle de « asséché », « drainé ». Et j'ai intégré l'analyse
détaillée du parcellaire dans une argumentation qui interprétait la vieille problématique de
l'origine de l'irrigation à la lumière des différentes stratégies qui président aux formes
sociales d'organisation des espaces productifs et des secteurs de résidence 99, en obtenant
des résultats très intéressants.
D'abord, la zone située au sud de l'Alcudia n'a pu être irriguée suivant les
méthodes traditionnelles avant le début du XXè siècle, ce qui fait que la coïncidence entre
canaux d'irrigation et centuriation n'explique aucune chronologie relative ; de plus, il ne
s'agit que d'infimes coïncidences. Comme à Valence, la structure des canaux d'irrigation et
99
(M. B ARCELO 1992 : 248)
-81-
Archéologie des paysages
Pour cela j'ai choisi les quatre centuries [fig. VI, 1] qui se trouvent dans les
environs de la zone proposée par Guillaumin. L’identification qu’il donne du cardo et du
decumanus maximus ne repose que sur de simples déductions (les mêmes que les autres
auteurs qui s'en sont occupés) motivées par la forte empreinte des axes dans le terrain, et
non sur connaissance dérivée d’un document épigraphique ni sur la topographie comme
c'est le cas pour les marbres d'Orange.
Les résultats sont donc suggestifs, car dans un secteur clairement marqué et
influencé par le système radial, on observe une faible conservation des axes principaux de
la centuriation (contrairement à ce qui est fréquent dans la pertica ilicitana) à l'exception du
cardo II, qui est fortement attirée et déformé par le cardo mineur (k 2,1), qui divise la
centurie en dix parcelles. D'autre part, malgré la disparition presque absolue de K III, autour
de l'axe théorique on conserve une importante empreinte de parcelles orientées par rapport
à l'orientation dominante de la centuriation, spécialement en DV KIII et DV KII et un peu
moins en DIIII KII. C'est comme si la disparition dans ce cas avait affecté la limite plus
grande, tandis que les petites parcelles ont été conservées dans une plus grande mesure.
Finalement, et en opposition claire avec cette constatation, quelques tronçons des limites
intercisivi sont effectivement conservés, subdivisant la centurie en trifinia. Il faut souligner
-82-
Archéologie des paysages
les 284 m restants, conservés sous forme de limites parcellaires du second decumanus
mineur de DIIII (d 4,2) et les 426 m restants du second decumanus de DV (d 5,2), ce qui
conduit à penser que la proposition de Guillaumin peut être jugée assez satisfaisante, au
moins quant à la zone proposée [figs. VI, 3 et 4].
Je ne voudrais pas conclure sur l'espace consacré à Elche sans faire au préalable
une référence au système radial. Au cours de l'année 2002 j'ai exprimé mes doutes et suis
arrivé à formuler comme hypothèse de travail que les manifestations parcellaires se formant
avec une orientation comprise entre NG-9º-40ºW devaient remonter à l'antiquité, peut-être à
la proto-histoire parce qu'elles étaient aussi fortement en rapport avec le site de l'Alcudia
[titre 45: 438].
Mon appréciation est donc différente des analyses effectuées par Ariño et d'autres
ainsi que Gurt et d'autres 100, dans lesquelles ils défendent la postériorité de cette structure.
Bien qu'une bonne partie des trajets coïncidant avec cette orientation vont en direction de
l'actuelle ville d'Elche (fondation du Xè siècle) il n'en est pas moins sûr que certains de ces
trajets intégrants la même structure se dirigent vers le site de l'Alcudia, dont l'origine
néolithique et ibérique est certaine et qui subsiste, tout au moins, jusqu'à la fin du VIIIè
siècle apr. J.-C. Par conséquent, si on considère qu'il s'agit d'une structure créée par une
société déterminée, on ne peut avancer une date postérieure à la fondation de la ville
d'Elche, et oublier les chemins qui se dirigent aussi vers l'établissement antique.
Grau et J. Moratalla allaient dans le même sens dans leur étude sur le Poblamiento
ibérico en el Bajo Segura 101, en identifiant l'un de ces chemins comme une ancienne voie
entre l'établissement ibérique de l'Alcudia et celui contemporain d’El Oral. L'affirmation de
ces auteurs se base sur les arguments suivants.
1. L'existence d'une draille d'élevage joignant Elche à Guardamar, qui passant par le
site d'El Oral laisse l'empreinte d'anciennes ornières l’orientation approximative NW-
SE coïncide avec le système radial et avec les trajets que j'ai précédemment décrits.
100
(E. A RIÑO , J. M. G URT , A. DE L ANUZA , J. M. P ALET 1994 : 204-207 ; J. M. G URT , A. DE L ANUZA , J. M.
P ALET 1996)
101
(I. G RAU , J. M ORATALLA 2001 : 183-185)
-83-
Archéologie des paysages
Mais le plus significatif est l'argumentation selon laquelle une parcelle est divisée
par un decumanus de la centuriation, s'agissant-là probablement d'un problème dérivé de
l'échelle utilisée pour l'analyse. En l'augmentant nous obtiendrions une vision bien différente
[fig. V, 2 et 3]. En effet, la parcelle n'est pas rectangulaire comme elle nous est proposée et
comme nous pouvons l'observer sur l'illustration, où la parcelle rectangulaire idéale (en
jaune) est prolongée au nord du decumanus et ne coïncide pas avec les limites de la
parcelle réelle (en rouge). En outre, la parcelle située au sud et la parcelle située au nord
du decumanus de la centuriation présentent un emplois agricole diversifié : il s'agit d'une
culture arbustive dans la parcelle nord, tandis que dans le sud, même si on ne le distingue
pas très bien, il ne s'agit pas du même type de culture. Il ne s'agit donc pas d'une parcelle
coupée par le decumanus, mais de deux parcelles des deux côtés d'un chemin, dont les
extrémités coïncident partiellement créant ainsi un effet de continuité et non de rupture.
Pour cela cette structure mérite d'être définie plus précisément. Sur la figure [fig.
VI, 2] on apprécie clairement comment plusieurs chemins se dirigent vers La Alcudia et
s'arrêtent aux angles des cadres de centurie. Comme je l'ai déjà signalé en son temps, ces
grands alignements, qui prennent la direction tant de La Alcudia (dans une moindre mesure)
comme d'Elche, sont perpendiculaires à la pente du terrain, tandis que les lignes
-84-
Archéologie des paysages
transversales sont parallèles aux courbes de niveau. Ces lignes transversales représentent,
du nord au sud, plusieurs trajets : (1) le premier est l'ancien chemin qui conduit d'Elche à
l'Altet ; le deuxième (2), double, se dirige ou passe au sud de l'Alcudia, ce sont d'une part
les canaux d'El Progreso (créé en 1906) et d'autre part, la 2 e Déviation d'Elche de Riegos
de Levante (créés entre 1918 et 1922 à l'aide du capital de la banque française Dreyfus) 102 ;
le suivant (3) est la 1 e Déviation d'Elche de Riegos de Levante ; finalement, le dernier trajet
(4), partiellement doublé aussi, n'est autre que le chemin qui se dirige vers le sud, touchant
les zones de marais, vers Santa Pola (l'ancien Portus Ilicitanus). Tandis que les trajets
perpendiculaires sont des voies et des chemins allant, soit vers l'Alcudia (a et b), soit vers
Elche
On peut donc affirmer que tous les trajets réunis donnent une impression de
structure identifiable, avec des ensembles parcellaires isoclines bien qu'ils ne forment pas
une structure cohérente, qui se crée avec le temps, parce que nous avons la certitude que
certains de leurs éléments datent de périodes précédentes, tandis que d'autres sont issus
de l'adaptation au terrain d'infrastructures d'irrigation d'époque récente ; une
(ré)construction qui est sédimentée dans le paysage et qui augmente au fil du temps. En
définitive, je crois que l'explication de tout cela réside dans ce qui a été défini comme trame
parcellaire auto-organisée 103.
Cependant, malgré toutes ces considérations, il me semble que l'on peut aussi
proposer, en guise d'hypothèse, l'idée que la structure centuriée se superpose à une
structure (encore insuffisamment définie) sans la transformer complètement, du moins dans
certains secteurs de la pertica. L'exemple de la centuriation de Salonae-Tragurium dans la
péninsule de Split (Croatie) pourrait être un élément de comparaison. La centuriation
étudiée par John Bradford et analysée par G. Chouquer 104, au moins pour un secteur, se
matérialise exclusivement dans ses limites majeures, tandis que la trame parcellaire est
fortement déterminée par le relief, étrangère à la grille centuriée.
102
(A. G IL O LCINA 1968 : 541-549 et fig. 6)
103
(C. M ARCHAND 2003 : 102-111)
104
(J. B RADFORD 1957 : 187-188, pl. 45; G. C HOUQUER 2000 : 142)
-85-
Archéologie des paysages
sens large), origine qu'il faut confirmer par la fouille des structures fossiles comme
les fossés, les chemins ou les limites parcellaires.
2. Contrairement à l'avis de mes collègues catalans, la pertica d'Ilici est plus grande
que ce qu'a proposé Gozálvez Pérez en 1974, du moins, ses manifestations
parcellaires sont-elles étendues sur tout le Campo d'Elche.
3. Rien n'est clarifié en ce qui concerne la chronologie de la, ou des déductions par
rapport aux anciennes exploitations dispersées dans la campagne d'Elche ou sur le
façonnement de ces structures au sol.
4. Toutefois, le dossier d'Elche apporte des éléments tranchants sur certains thèmes
qui, dûment analysés depuis différentes disciplines, peuvent aider à éclaircir
quelques questions d'importance comme celle de la fonction drainante des
centuriations (et en corollaire l'abandon du stéréotype sur l'origine de l'irrigation en
époque romaine), l'existence de deux possibles assignations (témoignages
épigraphiques et numismatiques) dans une ville ibérique antique, et la connaissance
du patron de l'assignation.
6. En dernier lieu, et comme fait original par rapport à d'autres contributions, je crois
avoir formulé une hypothèse de travail valable, laissant en arrière les conjectures
sur l'identité de la structure « radiale », et avoir reconnu ce qui a été identifié comme
structures « auto-organisées ».
-86-
Archéologie des paysages
ou Augusta Emerita, spécialement en raison des textes des anciens arpenteurs qui y font
référence. Pour cela, les nouvelles découvertes se produisent dans les zones mentionnées
précédemment (spécialement autour d'anciennes colonies Romains ou sur d'évidents foyers
de romanisation), tandis que de nombreuses zones restent en marge de l'intérêt de la
recherche.
105
Coordonné par : J. Burnouf, J.-M. Froidefond, P. Garmy et J.-P. Tastet.
-87-
Archéologie des paysages
réflexion strictement morphologiques dans les environs du site de Brion, bien que ceux-ci
étaient accompagnés de conjectures sur la fonction qu'avait assumée, dans la structuration
du paysage, une agglomération secondaire, assimilable à l'antique Noviomagus,
dépendante de la ville de Bordeaux dans le territoire du pagus des Médulles.
D'autre part, une autre zone où j'ai identifié une centuriation inédite, a été celle de
l'actuel village d'Isona, la ville d'Eso qui frappe monnaie ibère et du Municipium Aesonensis,
dans les Pyrénées catalanes. En collaboration avec mes collègues et amis Teresa Reyes et
Joan García, et dans le cadre d'un projet financé par la Generalitat de Catalunya 106, nous
avons pu approfondir la simple identification formelle de la centuriation. Cela a été possible
grâce aux prospections systématiques effectuées préalablement par T. Reyes, laquelle a
apporté les éléments de réflexion sur l'occupation du sol, et grâce aux travaux d'intégration
des données morphologiques et paysagères dans un SIG par J. García Biosca ; les
résultats ont été publiés dans des articles en catalan [titre 37: 364-390] et en castillan [titre
41: 391-427] ; l'ouvrage Las formas de los paisajes mediterráneos [titre 45: chapitre V]
reprend les aspects strictement morphologiques ; l'article de la Table Ronde d'Avignon [titre
48: 428-439] insiste, quant à lui sur les aspects métrologiques.
106
Project de recherche de la CIRIT : Estudi territorial de l'ager aesonensis, Musé d’Isona et
Université de Lérida.
-88-
Archéologie des paysages
Les principaux résultats ont été très divers. D'un point vue purement
morphologique, laissant de coté la structure cohérente qui a déjà été évoquée
précédemment, il faut souligner l'identification d'une structure centuriée de petit module
(15*15 actus) dans un petit municipium de la Tarraconaise intérieure. Pour effectuer cette
affirmation je me suis appuyé sur divers arguments.
Tout d'abord, il semble s'agir d'une division de terres qui aurait affectée les
espaces non organisés, ou exploités lors de périodes précédentes, les terres concernées
par cette division de l'espace sont situées à la périphérie des possessions exploitées par
les structures précédentes, tel que l'on peut le voir dans le modèle numérique du terrain
[fig. IV, 2], où sont mises en évidence les manifestations parcellaires de la centuriation
dans les zones planes. Il ne semble donc pas s'agir d'une transformation profonde de la
situation précédente. Le module est de petite taille, comme il a été signalé, et comparable
avec les cadastres augustéens italiques ou hispaniques, non seulement par le module
utilisé (15*15 actus), mais aussi dans la philosophie de leur empreinte spatiale ; en effet,
ces terres périphériques, aux interventions précédentes, paraissent faire l'objet d'une
attention particulière 107, bien qu'elles soient, dans ce cas, propres de la société indigène qui
a pu les créer. En ce sens l'articulation angulaire entre les deux structures parcellaires
récidive, parce que, comme je l'ai identifié à l'époque, elle pourrait indiquer une construction
parcellaire sans l'utilisation de la groma et en recourant à la construction d'un angle varé
[titre 41: 402]. Je me suis basé sur la modélisation que réalisa A. Roth Congés à partir de la
lecture des anciens arpenteurs 108; bien que, dans ce cas et dans celui d'Edeta, elle soit,
j'insiste, entre une centuriation et une hypothèse de parcellaire proto-historique.
107
(G. C HOUQUER et al. 1987 : 254)
-89-
Archéologie des paysages
Parcellaire Pentes Peu d'exigence Haute capacité de Peu définis bien qu'avec
cohérent légères drainage nécessité d'humidité
Caractéristiques que j'ai mises en rapport, finalement, avec les résultats obtenus
par F. Favory dans le projet A RCHAEOMEDES 109 sur la perception des sols par les anciens, ce
qui permettait d'émettre l'hypothèse que « les sols préférés pour une centuriation sont les
plus appropriés pour les cultures méditerranéennes et, par conséquent, parfaits pour les
Romains et leurs installations de villae. Il resterait à savoir si ces sols avaient déjà été mis
en culture ou si, au contraire, il s'agit d'espaces non utilisés par les ibères » ; [titre 37: 382
= titre 41: 415].
La ville de Valence est l'un des secteurs où la révision des formes s'est révélée la
plus intéressante pour confirmer les données précédentes, bien qu'avec une importante
révision des arguments principaux qui caractérisaient les hypothèses. Il s'agit d'une des
premières colonies fondées hors de l'Italie et une des premières fondées dans la péninsule
Ibérique : deux hypothèses de centuriations on été formulées, une au nord de la ville vers le
milieu des années 70 et une deuxième au sud de la ville au début des années 80 111.
La teneur de la première hypothèse (au nord de la ville) était contenue dans le titre
de l'article (Sobre una posible centuriatio en el regadío de la acequia de Montcada) et qui a
influencé négativement, de mon point de vue, la recherche jusqu'à nos jours. Il s'agit de la
relation d'isoclination existant entre la centuriation et les canaux d'irrigation que confirmerait
la première étude de la centuriation située au sud de la colonie et en corollaire logique la
datation du paysage de la Huerta de Valencia de l'époque romaine.
108
(A. R OTH C ONGÈS 1996 : 341 y fig. 38)
109
(F. F AVORY , S.V AN DER L EEUW 1998 : 278-284)
110
(T. L IVE , Periocha, LV)
111
(G.M. Cano 1974 ; E. Pingarrón 1980)
-90-
Archéologie des paysages
1. Les deux centuriations dépassent les limites fixées par ceux qui les ont découvertes,
s'étendant au nord et au sud de la ville ; ainsi il est vrais que la première, renommée
Valence B dans mes travaux (NG-23ºE et module de 20*20 actus équivalents à 706
m), a une plus grande influence dans le nord de la ville, tandis que Valence A (NG-
18ºE et module de 20*20 actus équivalents à 704 m), la deuxième, a une plus
grande présence autour de la ville et au sud, aspects qui étaient passés inaperçus
aux yeux des auteurs précédents, à cause surtout d'une question de méthode et
d'échelle des documents avec lesquels ils travaillaient. Bien que la valeur
métrologique du pied romain soit un argument remis en question, dans le cas des
centuriations espagnoles où les vérifications archéologiques sont inexistantes, c'est
un argument qui, toute précaution prise, aide à recherche 112.
2. La variation métrique de la valeur de l'unité du pied romain utilisé dans les deux
centuriations, plus l'empreinte dans le territoire permettait de proposer l'hypothèse
d'une Valence A plus ancienne, probablement de déduction coloniale, et d'une
Valencia B conséquence d'une déduction postérieure dont le but était la bonification
des zones marécageuses du nord de la ville. C’était plus la valeur du module et elle
a été rejeté comme un discriminant chronologique ; tant qu'on ne développera pas
une archéologie des formes agraires nous ne disposerns pas d'autre critère.
4. La superposition des zones marquées par les formes agraires et les systèmes
agraires mettait en évidence un effacement intense des formes agraires supposées
anciennes (centuriation) là où la présence des formes agraires étaient fossilisées au
moyen de canaux d'irrigation. Les preuves, loin des thèses traditionnelles, affirment
que l'irrigation est un phénomène postérieur à l'antiquité, restructurant les espaces
productifs, à la suite des différents postulats techniques et socio-économiques de
l'irrigation, en éliminant les traces d'anciennes organisations parcellaires.
112
(F. F AVORY 1991)
-91-
Archéologie des paysages
5. Pour la première fois, en plein milieu d'une huerta urbaine de grandes dimensions,
on proposait l'idée de l'existence de parcellaires islamiques avec une morphologie et
une métrique formalisées et clairement différenciées des centuriations.
Certains de ces principes ont guidé la ligne de recherche que j’exposerai par la
suite ; ils me hantent chaque fois que j'essaie de réfléchir sur les formes agraires que
produirait une irrigation véritablement romaine. C'est-à-dire, la recherche de réponses à la
question de savoir si une irrigation dans la grille de la centuriation est possible, ou bien de
savoir si les conditions physiques de l'irrigation conditionnent à ce point les formes agraires
que du moment où nous identifions une structure de canaux de conduite d'eau, nous
sommes nécessairement en présence d'une structure non centuriée. Mais la question
suivante est évidente : Si on avait voulu créer un système d'irrigation à l'époque romaine,
celui-ci aurait-il pu être étranger à une grille centuriée ?
D'autre part, bien que j'y reviendrai plus tard, il convient de rappeler en ce moment
l'existence d'une troisième structure centuriée détectée en 1993 et exposée dans un
Rapport de Recherche [titre 16]. C’était la seule hypothèse de centuriation encore inconnue
(je l'ai conventionnellement appelé Valence C : NG-2º30 'E et module de 20*20 actus
équivalents à 710 m). Son secteur d'influence s’étendait sur tout le territoire lié
traditionnellement à la colonie de Valentia bien que sa présence soit plus notoire à l'ouest
de la ville, dans le Pla de Quart. Il ne s'agit pas d'une structure spécialement présente et
comme nous nous trouvions plongés, en 1993, dans une révision des hypothèses de
multiples centuriations, je n'ai jamais rendu compte de l'hypothèse de Valence C dans
aucun forum scientifique. Toutefois j'ai récemment ravivé cette hypothèse pour trois raisons.
D'abord, parce qu'il s'agit d'une structure qui avait été détectée à la même époque par un
-92-
Archéologie des paysages
autre chercheur, P Guerin, mais n'avait pas non plus été l'objet d'une communication ni
d'une publication formelle ; en second lieu, parce que l'articulation des connaissances
actuelles des anciennes formes agraires des trois villes qui forment le triangle (Edeta-
Valentia-Saguntum) permet de proposer l'existence d'un espace vide d'interventions qui, à
la lumière des espaces gérés par l'une ou l'autre ville, pourrait correspondre à une volonté
de la part de la ville de Valentia de gérer cet espace ; finalement, parce qu'une comparaison
entre les possibles assignations accordées aux colons de Valentia et les surfaces
théoriquement gérées par les centuriations appartenant à cette ville, m'amène à penser que
l'espace théorique structuré par Valence A et B est insuffisant et s'expliquerait par une
assignation de terres dans des perticae des villes voisines (Edeta ou Saguntum), selon la
figure récemment mise en valeur par G. Chouquer et F. Favory du ager sumptus ex vicino /
ex alieno territorio ; ou alors il faudrait évaluer la fonction qu'a pu jouer le façonnement réel
de Valence C à l'ouest de la ville pour rendre compte de l'expansion des exploitations de la
ville.
C IVITAS E DETANORUM
Comme je l'ai déjà dit, l'exemple le plus semblable à celui d'Isona, pour de
multiples raisons, est celui de la centuriation d'Edeta dans l'actuelle ville de Liria (Valence).
L'existence de cette structure centuriée a été annoncée au congrès d'Orléans de 1996 [titre
25: 281-282], développée dans les Scripta in Honorem E. Llobregat Conesa [titre 42: 301-
316] et reprise lors de la Table Ronde d'Avignon [titre 48: 428-439], et partiellement
amplifiée dans deux chapitres du livre sur Las formas..., [titre 45: chapitres IV et VI].
-93-
Archéologie des paysages
Au cours de l'année 2002, j'ai publié une proposition de parcellaire de type centurié
dans la plaine côtière comprise entre Almenara et Puçol [titre 45: 433-436, figs. 94 et 95].
La proposition s'appuyait sur un élément du paysage supposé ancien : le trajet fossilisée de
la voie Auguste dans cette plaine côtière. Il s'agissait d'une nouveauté, insérée dans ce
chapitre, dont le cadre principal était formé par l'article présenté au Congrès d'Orléans de
1996 [titre 25], avec une intention claire : la présentation d'une hypothèse de parcellaire
centurié dans le territoire de Sagonte afin de susciter un débat et de contraster les données
morphologiques avec celles du terrain.
113
(M A M. L LORENS 1995 : 469)
114
(G. C HOUQUER et al. 1987 : 245-254)
-94-
Archéologie des paysages
En dépit de l'imperfection de la documentation dont nous disposons à l'heure actuelle, il est manifeste
que Sagunto a fait l'objet d'une reconstruction dans laquelle l'empreinte de Rome est palpable du point
de vue technique, urbain, artistique et idéologique, ce qui est tout à fait exceptionnel dans le panorama
ibérique de l'époque que cela laisse entrevoir une intervention dirigée par Rome avec le but ferme de
115
(P. P. R IPOLLÉS , M. M. L LORENS 2002 ; P. P. R IPOLLÉS , J. V ELAZA 2002)
116
(C. A RANEGUI 2002 : 252)
-95-
Archéologie des paysages
romaniser la population, non seulement par la dotation d'une certaine infrastructure urbaine, mais aussi
par les transmission de quelque chose d'aussi significatif que les coutumes religieuses de la patrie (...)
puisque la ville a certainement dû revêtir un aspect très différent de celui d'autres villes ibériques (...).
Ce fut G. Alföldy qui, en 1977, affirma que les inscriptions de l'influente famille des
Baebii trouvées dans le territoire de Saguntum (dans le vall de Segó, dans la plaine et les
collines immédiatement au sud de la ville, et dans la plaine au sud du Mijares) « pourraient
avoir été la base économique qui a assuré la promotion des Baebii (...) » 117, précisément où
nous trouvons les principales manifestations de la structure centuriée. Arrêtons-nous,
d'autre part, sur les inscriptions de le vall de Segó ; il s'agit de 15 inscriptions 118 qui nous
offrent un échantillon varié des familles les plus influentes de Saguntum : les Baebii, Aemilii,
Cornelii, Sergii, Valerii. Il s'agit précisément de cinq familles dont les nomina sont les plus
représentées dans l'épigraphie sagontine, et qui coïncident, dans deux cas, avec les
gentilices des magistrats en charge des émissions monétaires durant la période coloniale :
Aemilii, Baebii et avec certains des édiles de la ville dont la trace épigraphique se trouve
dans la zone de la vall de Segó : L. Emilio qui a exercé toutes les magistratures ou G.
Emilio Nepos, édile et duovir, pour ne citer que deux exemples. C'est-à-dire qu'il s'agit de
grandes familles qui possédaient des propriétés aux bords des marais côtiers, dont une,
comme les Baebii, ont financé au moyen d'actes d'évergétisme la construction du forum de
Sagonte ; ou encore, il s’agit de certaines des familles dont les édiles coloniaux frappèrent
monnaie au cours des années où la ville fut colonie. Peut-être ne s'agit-il que d'une
coïncidence, mais les indices nous invitent à penser à une même atmosphère économique
et sociale dans laquelle la colonisation agricole de nouvelles terres, la promotion au rang
colonial, et la frappe de quatre émissions monétaires semblent s'entrelacer, sans que pour
le moment nous puissions nous prononcer sur l'ordre cause-conséquence qui les régit. De
117
(G. A LFÖLDY 1977 : 29 et fig. 4)
118
(J. C ORELL 2002, números 417-431)
-96-
Archéologie des paysages
119
(M.-I. F INLEY 1986 : 113, 192)
120
(M. W EBER 2001 : 339)
121
(E. G ABBA 1989, 1992 ; F. F AVORY 1997)
-97-
Archéologie des paysages
Selon les données dont nous disposons les protagonistes de cette situation sont
plutôt des agriculteurs indigènes que des colons romains ; certes, mais il s'agit bien d'une
fonction « civilisatrice » et structurante de la société ibère sagontine, de caractère politique,
territorial, agricole et urbain qui a pu signifier la rationalisation « à la romaine » de l'espace
agricole. La création de nouveaux fundi, la transformation de la propriété collective au
bénéfice de propriétaires privés, l'introduction de nouvelles cultures spéculatives qui
donneront lieu aux fameux vins sagontins se sont révélés comme un indicateur de
développement économique et de romanité, et tout cela dans le contexte des guerres civiles
de la fin de la république : châtiment, d'une part, pour villes prenant le parti des armées
vaincues et sous forme de récompense pour les villes alliées.
L E CARREFOUR V ALENTIA -S AGUNTUM -E DETA
Toutefois, pour chacune des trois villes, il existe des faits qui, dûment combinés,
apportent d'intéressants éléments de réflexion pour comprendre le processus de création et
d'évolution de leur espace.
1. Edeta est le chef-lieu éponyme d'un territoire et d'une tribu ibérique qui est détruit
autour de l'année 175, tandis que le autres hameaux et villages de son territoire
succombent avant 150 av. J.-C.
2. Douze ans plus tard, en 138 av. J.-C., la seconde colonie d'Hispania, Valentia, se
fonde et termine ainsi le processus de transformation du patron territoriale d'Edeta.
-98-
Archéologie des paysages
4. L'année 75 av. J.-C., 63 ans après sa fondation, Valentia , pour avoir pris le parti de
Sertorius, est détruite par les partisans de Pompée. Au même moment, il semble
qu'un groupe de « colons » se soit installé au pied de l'oppidum d'Edeta donnant lieu
à la naissance de la ville romaine.
5. L'inscription de Cupra maritima, datée de l'an 60 av. J.-C., témoigne d'une certaine
activité dans la ville de Valentia, malgré le silence des fouilles archéologiques...
6. Entre l'an 54 av J.-C. (comme date post quem) et ca. 5 ou 4 av. J.-C., peu avant le
changement d'ère, la ville de Saguntum a connu une période coloniale de quelques
décennies.
9. Les gobelets de Vicarello (en 20 av J.-C.) font preuve du même silence ; les
mentions sur Valentia y sont presque imperceptibles ; et bien que M.-J. Pena 123 l'a
récemment défendu, Strabon ne la mentionne pas entre les années 17 et 18 apr. J.-
C.
10. Un dépotoir votif daté entre l'an 5 av. J.-C. et l'an 5 apr. J.-C. date a été interprété
comme une refondation de la ville de Valentia 124. Toutefois, le silence du registre
archéologique demeure éloquent jusqu'à l'époque flavienne.
11. Au cours de cette période (ca. 4-3 av. J.-C.) à Saguntum on constate la première
inscription où apparaît la mention de municipium.
122
(P. P ASCUAL P ACHECO 1990)
123
(M. J. P ENA 2002 ; 276)
124
(R. A LBIACH et al. 1998)
-99-
Archéologie des paysages
La fondation de Valentia en 138 av. J.-C. est effectué au carrefour des territoires
des oppida de Saguntum, Edeta, la Carencia (Turís) et de Sucro (Albalat de la
Ribera ?) 125 dans le tronçon final du Turia, un espace marécageux qui doit probablement
s'assainit grâce aux structures agraires de la centuriation Valence A. Une petite portion
des territoires des oppida de Saguntum, Edeta et de Sucro est structurée par cette
centuriation. Bien qu'il soit possible que la surface gérée pour cette structure soit
insuffisante par rapport aux chiffres de quelque 2 000 ou 3 000 colons, estimation
donnée par A. Ribera se basant sur la surface de la première ville que l'enceinte murée
républicaine de la fondation de la cité met en évidence 126.
125
(H. B ONET , C. M ATA 2002 : 236-237)
126
(C. M ARÍN , A. R IBERA 2002 a : 289; A. R IBERA 2002 b : 53)
-100-
Archéologie des paysages
dans des plaines côtières étroites. Ainsi, nous pouvons obtenir le tableau suivant en
estimant une population de 1 000 ou de 2 000 vétérans, chiffres qui peuvent donner lieu
à une population totale de 3 000 ou de 4 000 colons.
Source: G. Chouquer, F. Favory 1992, Les arpenteurs romains, Errance, Paris. (Elaboration propre)
Valentia A 7500 75
-101-
Archéologie des paysages
Mais en plus des assignations réduites de terre nous devons penser à la voie
ouverte par la concrétisation de l’ager sumptus ex vicino territorio 127; je la développerai par
la suite.
127
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 127-135)
128
(S ALUSTIO , Hist. II, 98, 6 ; A. R IBERA , M. C ALVO 1995)
129
(L. A LMELA V ALVERDE 2001 : 72)
130
(G. P EREIRA M ENAUT 1979 : 1987)
131
(M. J. P ENA 2002 : 276-278)
-102-
Archéologie des paysages
Face à ces données, il convient de penser que quelques familles valentines de la première époque ont
pu survivre sur le territoire ou dans les villes voisines et sont retournées à Valentia à l'époque impériale
pour constituer l'ordo decurionum ueterum, intégré dans la nouvelle ville.
Cet état de la question conduit à une série d'indices et d’intuitions qui, face au
manque de données positives, sont de bonnes hypothèses de travail. L'atmosphère qui se
respire dans la zone au cours de la seconde moitié du Ier siècle av. J.-C. : absence de vie
urbaine évidente à Valentia et à Edeta, bien qu'il ne s'agisse pas d'un dépeuplement absolu,
le rang de colonie dont jouit Saguntum durant quelques décennies cette même période, et la
structure centuriée découverte à Saguntum comme à Edeta, me font penser à ce contexte
césaro-triumviral, si productif en ce qui concerne les structures centuriées dans d'autres
zones du futur Empire, comme le cadre chronologique le plus adéquat. La structure
centuriée d'Edeta, tellement surdimensionnée, dans un territoire indigène et hostile, à en
juger par la destruction de la ville, rappelle ces grilles qui, comme dans le cas du cadastre
d'Orange A, couvrent de vastes espaces dans le seul but de romaniser les sociétés
indigènes et servir d'instrument d'intégration de l'espace rural d'une société en voie
d'urbanisation et de municipalisation ; ce même processus qui en Italie septentrionale et
dans le sud de la Gaule, entre 46 av. J.-C. et 27-23 av. J.-C., prend le nom d'époque
cesaro-triumvirale. Ces travaux de bonification et de structuration agraire permirent
précisément l'essor de ces villes au Haut Empire. Nous pourrions supposer que c'est dans
cet espace du territoire valencien, bien qu’appartenant à la future pertica edetana, que
purent « se réfugier » quelques familles de la première colonie de Valentia. Ou, de même,
imaginer une scène dans laquelle la pertica edetana soit une conséquence directe de la
destruction de la ville de Valentia, produisant ainsi une solution discontinue dans l'espace
des villes pour les colons et anciens habitants de la ville, comme dans le cas des trois
centuriations représentées dans les marbres d'Orange, exposés dans le forum de la colonie,
et dont une seule uniquement se trouve sur le territoire de la ville.
Précisément, les seules données dont nous disposons pour les deux déductions
d'une autre colonie du Pays Valencien, Ilici, nous parlent du même contexte chronologique :
ca. 42 av. J.-C. pour la première et ca. 26 av. J.-C. pour la seconde (voir supra).
-103-
Archéologie des paysages
Cette situation admet plusieurs explications qui ne s'excluent pas entre elles. Nous
pouvons penser que les limites territoriales établies par critères épigraphiques ne sont pas
correctes et qu'il faut les réviser, bien que cela corresponde aux spécialistes.
Deuxièmement, nous pouvons penser que les différentes perticae sont indépendantes du
territoire de la civitas, (de fait, elles le sont) et interpréter les structures centuriées comme
autant d'opérations de gestion d'espaces définis par le paysage (vallées, plaines côtières,
régions naturels...) étrangères ou nuançant les réalités administratives. Enfin, perticae et
territoria peuvent être interprétés dans une perspective dynamique, indépendantes l'une de
l'autre, et formant ainsi une réalité plus complexe qui intégrerait des réalités de l'espace
indigène antérieures à la fondation de la colonie, ou une communauté de colons assignés à
un espace géographique qui comprend le territoire de plusieurs villes 133.
C'est l'option que nous avons choisie, avec Jean-Luc Fiches en 1997, pour une
étude réalisée sur le territoire de Nîmes [titre 29] où nous avons constaté qu'une limite
intercisivus du cadastre Orange A aux frontières des oppida de Nîmes et d'Ugernum,
confirmait la construction au sol d'une limite administrative au moyen d'un axe de la
centuriation. En nous appuyant sur l'étude effectuée par P. Veyne au sujet de la tablette des
Ligures Baebiani où sont relatés certains des aspects d'une réalité agraire et administrative,
de différentes unités territoriales, bien que conservant un fond de carte historique sur la
réalité des organismes tribaux et de leur adaptation à une nouvelle gestion de l'espace,
nous identifions, aux deux côtés du limes intercisivus 10,5 du cadastre Orange A, les fines
132
(F. B ELTRÁN 1980, carte 2 ; J. C ORELL 2002)
133
(G. C HOUQUER sous presse)
-104-
Archéologie des paysages
Bien que dans le cas de Valentia il ne s'agisse pas de la ville indigène promue au
rang de colonie, ni de l'attribution d'un oppidum à une colonie, mais d'une colonie créée à
nouveau; le territoire de Valentia serait créé à partir des portions de territoires des quatre
grandes oppida (Arse-Saguntum, Edeta, la Carencia, Sucro) qui occupaient cet espace.
Bien qu'il s'agisse des territoires définis par les polygones de Thiessen 134, les comparant
avec la figure où se concrétisent les différentes centuriations, la pertica edetana s'adapte
assez bien à l'espace de son polygone au niveau des limites de Valence, jusqu'au début de
la plaine côtière, approximativement à Paterna, tandis que les perticae de Valence B et
Valence C s'adaptent aux limites proposées par les études épigraphiques, ou les dépassent
de peu. On peut considérer que le territoire défini par les inscriptions sur pierre (lapidaires)
met en évidence une réalité formée par la totalité des inscriptions et, par conséquent, par
une photo fixe du processus terminé, par les limites historiques finales figées par deux ou
trois siècles d'accumulation d'inscriptions. Le territoire ainsi délimité sera le processus final,
le fruit de tensions entre les villes limitrophes et après la récupération, postérieure aux
destructions d'Edeta et de Valentia au IIè et Ier siècle av. J.-C. respectivement [fig. VIII, 1].
134
(H. B ONET , C. M ATA 2002 : 236-237)
-105-
Archéologie des paysages
L'opportunité de pouvoir faire des recherches sur les formes de paysages de cette
zone du Languedoc remonte à un contrat de recherche datant de fin 1994, prolongé jusqu'à
l'année suivante : L'analyse des formes du paysage sur le TGV Méditerranée (Valence et
Montpellier), qui donna lieu à un Rapport de Recherche inédit [titre 27] effectué en
collaboration avec G. Chouquer et F. Gateau. Plus tard je continuai à faire des recherches
sur cette zone dans le cadre de ma formation postdoctorale (1995-1997) menée à terme à
l'UMR 6575, Archéologie et Territoires du CNRS de l'Université de Tours, et à l'USR
Archéologie Spatial du CRA de Valbonne, d'où surgit la collaboration avec Jean-Luc Fiches
[titre 29: 292-300]. Ma principale contribution à cette collaboration fut l'analyse
morphologique et les travaux de comparaison à l'exemple des Ligures Baebiani,
collaboration qui profita de l'atout puissant que constituent les connaissances de Jean-Luc
Fiches quant à la zone et quant aux cadastres nîmois.
Finalement, une grande partie de la matière du rapport inédit sur cette zone du
plateau des Costières, largement développée, ainsi que l'article cité ont été intégrés dans
un Rapport de Recherche inédit (Le rôle de la création parcellaire dans la dynamique des
paysages -Secteur nîmois-) financé par l'Unité d'Archéologie Spatiale du Centre de
Recherches Archéologiques du CNRS, et le Service de l'Archéologie du Languedoc, ce qui
en essence correspond au chapitre III de Las formas…[titre 45: 85-172].
C'est dans ce secteur que le contact entre deux perticae acquiert le plus
d'importance : celle d'Orange A, déjà mentionnée, dans son extrémité la plus occidentale
qui arrive jusqu'aux limites de la ville de Nîmes ; et celle de Nîmes A, dans son extension la
plus orientale, jusqu'au Rhône. Au cours de la recherche que j'ai menée à terme, j'ai pu
démontrer que ce contact avait été probablement effectué par la construction, à partir de
l'hypoténuse d'un axe d'Orange A, en formant un angle varé entre les deux cadastres,
marquant dans le sol des réalités administratives indigènes, en plus des structures
nouvelles, proprement agraires qui étaient sous-jacentes à la superstructure administrative
transformée à l'époque romaine [titre 29].
-106-
Archéologie des paysages
limite diocésaine entre Arles et Nîmes au IVè apr. J.-C., et sa conservation jusqu'à nos
jours, sont des aspects qui montrent bien, comment la forma cadastrale reflétait différents
niveaux de la réalité géographique et administrative, en plus de ses fonctions agraires les
plus évidentes. Mais à la limite occidentale des Costières (à Bouillargues), probablement
parce qu'il s'agit de l'extrémité de la pertica, on a pu mettre en évidence un autre cas de
rapports en diagonale qui indiquent la confluence de Nîmes et de Orange À ; interprété
comme indice de la construction vers l'ouest, de Nîmes A, là où commence la véritable zone
d'influence de cette pertica [titre 45: 136-137, figs. 29 et 30].
Ces analyses ont permis de signaler l'idée que le système d'Orange A a précédé de
quelques années celui de Nîmes À, dans le cadre d'une pertica « transterritoriale » dont la
vocation originale serait celle de créer les conditions d'une nouvelle relation à la terre au
sein des anciens oppida, dont un appartient au secteur d'influence de Marseille, après sa
chute en 49 av. J.-C., et avant la création de la colonie d'Arles en 45 av. J.-C. [titre 29];
nous nous trouverions, donc dans le contexte chronologique des profondes transformations
agraires des cadastres d'époque césaro-triumviral, évoquées par F. Favory 135.
Pour ce qui est du système de Nîmes A, j'ai formuler une hypothèse de travail
selon laquelle la disparition du système du Vistrenque, une structure agraire protohistorique
ou système cohérent, pourrait être lié à la création d'un système de type centurié dont les
axes auraient pour fonction de drainer le plateau vers la vallée du Vistre. En effet, c'est
dans une de ces zones où l'on trouve des traces fossilisées mais aucun type de
conservation active du système du Vistrenque (aux alentours de Garons), que la
centuriation de Nîmes A se manifeste le plus clairement. Dans d’autres zones sa présence
est anecdotique et, en général, liée à un site du type villa du Haut-Empire. Dans ce cas-là,
135
(F. F AVORY 1997 : 121)
136
(F. F AVORY , J.-L. F ICHES , J.-J. G IRARDOT 1987-1989 : 82)
-107-
Archéologie des paysages
Par ailleurs, en ce qui concerne Nîmes B, bien que J.-L. Fiches a déjà souligné la
vrai différence entre les systèmes urbains augustéens et Nîmes B, remettant en questions
l'existence crédible d'éléments de datation dépourvus de l'argument chronologique de
référence (l'urbanisme augustéen de la ville de Nîmes, la vieille interprétation selon laquelle
un cadastre de compréhension aurait mis en exploitation les terres laissées de coté
d'Orange A est moins solide. Cependant, la dispersion spatiale sur le plateau des Costières
de superficies parcellaires ainsi orientées, en relation avec les structures agraires, semble
confirmer les premières impressions.
Il s’agit d’une réflexion sur les modalités de planification des formes agraires dans
l'Antiquité, en dehors du cas bien modélisé des centuriations romaines. Les archéologues
peinent quelque peu à définir les réseaux parcellaires cohérents indigènes, formes que les
chercheurs anglais désignent sous l'expression de cohesive systems 138. Comment construit-
on un tel réseau d’époque ancienne, par exemple un réseau « indigène » préromain ? Cette
réflexion s’inspire aussi des remarques faites par F. Favory dans sa thèse d’état, et reprises
dans un article au sujet de la validité de l’attribution des réseaux cohérents ou des
fluctuations des orientations des parcellaires centuriés à la protohistoire 139. J’ai essayé
137
(G. F ABRE , J.-L. F ICHES , J.-L. P AILLET 1999)
138
(F. F AVORY 1983 : 69-74)
139
(F. F AVORY 1997 : 103-104)
-108-
Archéologie des paysages
1. D'ordre technique d'abord : les premiers agriculteurs auraient été plus maladroits
que les arpenteurs romains, et il est probable qu'ils ne connaissaient pas d’outil tel
que la groma.
140
(F. F AVORY 1983 : 51)
141
(R. B RADLEY , J. R ICHARDS 1978 : 55)
142
(M. P Y 1993 : 150)
-109-
Archéologie des paysages
3. D'ordre social enfin : on peut aussi expliquer la régularité de ces parcellaires par
les types de structures sociales qui les ont produits. Mais pour cela il faut faire un
long détour.
Plus tard, la syntonie de concepts fut oubliée et, sans explication, fut remplacée
par celui de planification discrète. Bien que je ne sois pas en désaccord avec ce prêt, la
réalité à laquelle je pensais à ce moment-là n'était pas celle d'un système fortuit, auto-
organisé dirions nous maintenant, mais planifié.
Le fait d’apprécier une multiplicité d’orientations n’empêche pas l’observation de l’utilisation de modules
et de rythmes métriques s’adaptant aux différentes orientations du parcellaire. Le fait majeur qui
conditionne cette situation est l’adaptation du tracé des acequias aux contraintes du terrain. Dans les
parcellaires irrigués, les nécessités d’adaptation constante au microrelief pour amener l’eau du barrage
jusqu’à la dernière unité parcellaire expliquent qu’on se trouve face à la construction d’un parcellaire
cohérent, mais sans une orientation dominante constante dans tout le secteur programmé. Car
l’arpenteur, ne pouvant s’affranchir de la réalité du terrain, en raison de la particularité de la fonction des
lignes du parcellaire, essaie, quand même, de créer des lots de même taille. Dans ce cas, un réseau
cohérent peut être issu d’une volonté planificatrice.
-110-
Archéologie des paysages
concept de régularité organique [RO] et celui de géométrie de l’espace naturel [GEN] qu'on
trouve chez P. Pascon 143.
(…) le problème de l’exploitation du Hawz est extraordinairement simplifié et relève de la pure géométrie
car, partout où il est vide d’hommes, il ne dépend que d’un seul facteur: l’eau! Une fois connue la
géométrie de l’espace naturel et le site des ressources en eau, le projet d’aménagement est aisé à
concevoir à un niveau technologique donné. Voilà qui donne à réfléchir sur l’importance des
géomanciens et des hydrauliciens dans les cours almoravides et almohades!
Une construction spontanée de divers réseaux dans différents terroirs d’un même
finage avec des espaces intermédiaires non cultivés (j'entends les concepts de terroir et
finage tels qu’ils ont été définis par R. Lebeau 145). La cohérence géographique ou la
« géométrie naturelle de l’espace » feront le reste et donneront lieu à la genèse d'une
structure qui fonctionne en réseau, partageant des éléments communs, par exemple les
chemins, mais qui n’a jamais été conçue comme telle. Les travaux que nous avons
effectués au sud de Marrakech, où la régularité du parcellaire d’irrigation s’étend à
différents territoires tribaux, prenant l’aspect d’ « îles », nous suggèrent cette possibilité. Ou
bien, quand les alignements avec une orientation dominante, vue dans le terrain, ne
paraissent pas construits par un arpenteur, vu (observé dans le détail) le caractère
irrégulier du tracé.
Une construction programmée à partir d’un projet préalable, élaboré à partir des
terres cultivées. À la différence de ce que l’on constate pour les formes romaines où les
limites des réseaux romains sont d'abord tracés avec la groma, les chemins ne seraient pas
143
(P. P ASCON 1983 : 8-9)
144
(G. C HOUQUER 2000 : 189)
145
(R. L EBEAU 1969 : 7)
-111-
Archéologie des paysages
les premiers à être construits. Au contraire, on commencerait par les champs, laissant en
négatif les chemins comme exclusion spatiale dans le projet initial. Plusieurs indices
conduisent à formuler cette hypothèse. Mais le fait principal est qu’on observe une
adaptation permanente des orientations sans qu’on puisse tout expliquer par le relief. Ce
serait précisément l’interaction de cet aspect planifié avec le facteur topographique qui
provoquerait le faisceau d’orientations propre aux systèmes cohérents. Dans la vallée du
Turia, où la régularité du parcellaire paraît liée à la « construction » d’un territoire, avec un
système hiérarchisé d’établissements spécialisés [titre 45: fig. 24 a et b : 165 ; fig. 37 et 38 :
200-201]
Une construction programmée dans le cadre d’un système agraire irrigué ou drainé,
où une préconception des éléments constitutifs est requise. Les éléments en commun de
chaque terroir doivent être nécessairement intégrés (on ne peut imaginer les choses
autrement dans le cas d'un canal d’irrigation ou de drainage), mais à l’intérieur de cet
espace préconçu, la zone cultivée est créé selon la modalité décrite dans le paragraphe
précédent. Cela peut être le cas de n’importe quel système d’irrigation ou drainage.
Toutefois si l’on conçoit ce réseau comme exemple de réseau intégré lié à un drainage, il
faut qu'il ait des connexions, et on ne peut envisager alors des blocs isolés, indépendants
entre eux. Le même exemple peut ainsi illustrer deux réalités.
146
(G. C HOUQUER 1996)
147
(C. L AVIGNE 2002 : 138-164)
148
(C. L AVIGNE 1997 : 156, fig. 6)
-112-
Archéologie des paysages
Bien que le concept ait été développé à partir de la réalité observée dans les
systèmes irrigués, il ne faut pas oublier que cette régularité organique peut être également
perçue dans des systèmes agraires non irrigués. Ainsi l’explication ne tient-elle pas
seulement aux conditions techniques liées à la circulation de l’eau mais aussi à d’autres
facteurs de caractère social. Le concept peut s’appliquer à d’autres systèmes.
D ES CONTRAINTES PHYSIQUES
La gestion des espaces agraires est donc, pour les paysans, une tentative
permanente de tempérer ces effets extrêmes. D’un côté il s’agit d’éviter, si possible,
l’accumulation excessive d’eau de pluie à la faveur des sols agraires et d’empêcher que
l’énergie de l’eau en mouvement pendant les fortes pluies ne fasse disparaître les sols sur
lesquels repose la production. D’un autre côté, il s’agit de « discipliner » et de réguler des
ressources en eau faibles et irrégulières, dues aux précipitations hasardeuses, de manière
à ce que l’eau puisse être utilisée dans les moments critiques du stress estival, quand les
plantes en ont le plus besoin.
L’eau de ruissellement pose deux problèmes majeurs: la gravité universelle qui fait
que l’on ne peut pas déplacer l’eau autrement qu’en suivant la pente ; l’excès de vitesse par
accélération de cette même pente qui provoque l’érosion des sols. Il faut profiter de cette
force mais il arrive un moment où il faut réduire la vitesse produite par l’accélération. Dans
une canalisation l’eau fonctionne comme un fleuve : à vitesse lente les particules en
149
(G. C HOUQUER 2000 : 141)
-113-
Archéologie des paysages
T.-F. Glick a noté que ces facteurs ont été une source de conflits à Valence au
Moyen Âge 152 car la force de l’eau des deux côtés du canal n’est pas seulement la
conséquence de la largeur du canal, mais aussi du niveau du fond, à savoir le lit. Ainsi la
quantité d’eau de chaque bras secondaire et des partiteurs est modifiée par les dépôts
sédimentaires altérant le débit et, par voie de conséquence, il y a transformation des
conditions de distribution préalables convenues par les diverses communautés.
L’information de base qui devait être conservée pour chaque partiteur, et parfois aussi pour
les canaux principaux, était non seulement la largeur mais aussi la côte du lit, afin que,
dans certains cas, l’on renforce celui-ci avec des pierres pour bien marquer le fond et
faciliter son entretien.
150
(P. P ASCON 1983 : 84)
151
(L. B OLENS 1972 : 72)
152
(T. F. G LICK 1988 : 106–115)
153
(R. H ÉRIN 1977, 1990 : 59-60 ; P. P ASCON 1983, 88-89)
-114-
Archéologie des paysages
fleuve soit dans le canal d’un autre sous-secteur. Le terroir ainsi formé est enveloppé par le
cours d’eau, d’un coté, et par le canal principal, de l'autre, et il devient ainsi une unité
technique, géographique et humaine 155.
À l’intérieur de ce secteur, les eaux sont distribuées par des canaux secondaires
qui se subdivisent en « sous-secteurs ou finages de villages, dans lesquels le gradient
s’établit de façon centrifuge par rapport au barrage dans le terroir. Ce schéma théorique est
sensiblement modifié par une courbure de la acequia en aval de manière à réduire, au bout,
la surface dominée » 156. Mais, dès que cette courbure existe, elle est prise en considération
car les livelladors (niveleurs hydrauliciens) en connaissaient bien les conséquences,
puisqu’un canal courbé offre plus de résistance à l’écoulement d’eau (il faut plus d’énergie
pour impulser l’eau le long de la courbe) :
(…) quand l’eau d’un canal principal [acequia mère] se partage de façon égale
entre les deux canaux, pour la construction des cotés et des partiteurs desdits
canaux on a coutume de s’attacher à (de s’attarder sur) celle des deux qui…
va le plus droit [par rapport] au cours du canal principal. Et si l’on voit qu'une
des deux acequias va plus droit [par rapport à la acequias mère], de telle
manière que, recevant l’eau plus librement, elle en prenne plus que l’autre,
également en ligne droite, n'en reçoit, on prendra l'habitude d’élargir le
partiteur du canal qui ne va pas aussi droit, et de rétrécir le partiteur du canal
plus rectiligne, afin que celui-ci ne reçoive pas plus d’eau que celui-là, de
manière à ce que les deux soient alimentés par la même quantité d’eau 157.
C’est pour cette raison que les périmètres irrigués, en plus du tracé sinueux des
canaux, ont une forme lenticulaire. Cela est renforcé en montagne où les conditions du
terrain permettent de trouver de bons sols dans les méandres ou anciens méandres des
fleuves, formant des espaces plus aptes, par leur topographie, à une mise en exploitation
par détournement de l’eau du fleuve.
I NTERPENETRATION DE L ’ ESPACE GEOGRAPHIQUE ET DE L ’ ESPACE SOCIAL
154
(M. B ARCELO 1989 : XXV et suivs.)
155
(P. P ASCON 1983 : 84-85)
156
(P. P ASCON 1983 : 96)
157
(…) que quant laygua de alguna cequia mare se parteix per egual entre dues cequies en la
construccio dels lindors e dels partidors de les dites cequies se ha e acostuma haure sguard qual de
aquelles cequies a les quals la dita aygua se deu partir ve pus dreta al discurs de la cequia mare. E
per ço com trobant se pus dreta alguna de les tals cequies per haure e rebre laygua pus delliure
directa via ne pendria mes que no laltra que no la rebria axi dreta via per tal raho se sol e sacostuma
dar avantatge de qualque pocha latitut o amplaria al partidor de la cequia qui no ve tan dreta e se fa
pus stret lo partidor de la cequia que ve dreta, por ço que per aquell poch avantatge la cequia que no
ve dreta no reba mes aygua que laltra que no ve tan dreta ans cascuna de aquelles reben laygua ab
egualtat.
-115-
Archéologie des paysages
R. Hérin 158 a explicité le fait qu’à chaque mode de production, je dirais plutôt à
chaque formation sociale, correspond une organisation de l’espace déterminée, qui reste
inscrite dans le sol pendant un laps de temps plus ou moins long, ce qui permet une lecture
et une interprétation postérieures. C’est ce principe qui a guidé, d’une manière plus ou
moins consciente, mes propres recherches.
Dans les milieux arides ou désertiques l’eau devient une variable indépendante 159:
Si dans la loi musulmane, comme dans la loi latine, le droit de propriété apparaît comme le type même
du droit réel absolu, en droit musulman, du moins, le droit de propriété sur les eaux fait très nettement
exception à cette règle ; il n’est ni absolu ni exclusif et il est tout empreint d’une charité religieuse
commandée par une impérieuse raison géographique, la rareté de l’eau dans les pays de l’Islam, et
aussi par cette solidarité qui régnait dans les sociétés primitives.
C'est ce que je me propose d'examiner dans les prochaines lignes. Les cultures
irriguées ont besoin de soins constants et il est fréquent qu’on puisse récolter plusieurs
moissons par an, d’où la proximité entre l’habitat et les vergers afin d'assurer la surveillance
des terres et les travaux permanents associés. Ensuite, la acequia intercommunautaire est
à l’origine d’un certain nombre de rapports sociaux entre amont et aval et elle suit un tracé
géométrique rarement simple, associant des raisons topographiques et / ou sociales. Le
micro parcellaire est une conséquence du paradoxe cité plus haut sur la disponibilité de la
terre et de l’eau, à savoir qu'il y a très peu de terres là ou se trouvent les ressources en
eau. Mais le micro parcellaire est également dû à la croissance démographique qui
provoque la fragmentation des parcelles par héritage. Or ce processus comporte une limite
qui est à l’origine d’un phénomène de fragmentation du clan. Quand arrive le moment où il
n’y a plus assez de terre, le clan doit se fragmenter et se déplacer ailleurs pour assurer la
survie de l’unité sociale supérieure qu’est la tribu. On reviendra plus loin sur ce point. Tous
ces facteurs donnent une « transcription spatiale de la distribution de l’eau sous forme
d’échiquier » et une interpénétration de l’espace géographique et de l’espace social.
158
(R. H ÉRIN 1990)
159
(D. M ENESSON 1972 : 15)
-116-
Archéologie des paysages
rapport aux Hrar et M’rabtine, ce qui n’empêche pas l’existence de correctifs entre ceux qui
sont en amont et ceux qui sont en aval des cours d’eau. Ces correctifs sont basés sur deux
formes de tours d’eau ou droits de prise d’eau pour une certaine durée : la forme allam (en
amont, avec abondance d’eau) où la disponibilité d’eau est proportionnelle à la superficie de
terre et la forme melk (en aval, moins abondant) là où la propriété de la terre est
indépendante de l’eau. Ainsi, ceux d’aval, qui disposent de moins d’eau provenant de la
rivière, peuvent acheter l’eau indépendamment de la terre, corrigeant ainsi les déficits
provoqués par la spatialisation et l’équilibre entre la terre et l’eau. Cette situation se
reproduit d’une manière semblable à Elche, en Espagne, où la dula est le tour d’eau des
terres en aval qui sont moins riches en eau 161. Le tour d’eau est ainsi soumis à la
disponibilité de cette ressource.
Cette permanence des structures spatiales nous amène à la solution pratiquée par
la société arabo-islamique quand la croissance démographique affecte le groupe et que les
ressources – en terre et par voie de conséquence, en eau – sont insuffisantes, provoquant
la segmentation clanique. Chacune des crises sociales, avant l’arrivée de la crise
environnementale, est résolue par la scission ou fragmentation du groupe, ce qui provoque
la diffusion des groupes claniques dans tout le monde islamique : diffusion des Hawara ou
des ‘Ata au Maghreb et au sharq al-Andalus. Le projet de recherches conduit par M. Barceló
depuis vingt ans a essayé de mettre en évidence les règles – pautas – de cette « diaspora »
en étudiant les caractères encore imprimés dans l’espace par la construction des espaces
irrigués d’al-Andalus.
160
(L. O UHAJOU 1991 : 96)
161
(R. A ZUAR 1998 : 20-23)
162
(M. B ARCELÓ 1989 : XXVIII – XXIX )
-117-
Archéologie des paysages
Pour terminer sur cette approche société / espace, il faut insister sur la différence
de construction parcellaire qui se constate selon que la programmation parte des espaces
publics ou des espaces privés.
Ce qui me paraît intéressant de remarquer c’est que l’on est en train de comparer
des formations sociales assez éloignées dans le temps (protohistoire et monde islamique),
mais peut-être pas dans leur structure sociale. Les travaux d’E. Wirth peuvent éclairer cette
apparente contradiction. Dans ses travaux sur l’urbanisme, il affirme que la ville dite
islamique doit être dénommée orientale, car il n’y a pas de différence entre les villes
abbassides, ottomanes orientales, celles du nord de l’Afrique médiévale ou les villes de
163
l’Orient Ancien des IVè-Ier millénaires av. J.-C. . Pour lui, les caractéristiques propres,
telles que les ruelles tortueuses ou les impasses, « n’existent ni dans les villes de
l’Antiquité classique ni dans les villes du Moyen Age européen… elles ne sont pas le
résultat d’une croissance anarchique et incontrôlée, mais elles furent consciemment
planifiées ». Elles sont le reflet de l’organisation tribale de l’espace. Les axes de circulation
sont une réalité économique et fonctionnelle mais pas des lieux publics : « rues et places
sont en quelque sorte un « espace négatif », le résultat d’une exclusion spatiale hors du
domaine privé… » 164. Cette différence est marquée par le poids spécifique variable concédé
par ces sociétés au domaine privé, au détriment du domaine public. Une lecture postérieure
m’a permis de mieux comprendre la modélisation, par García y Bellido de ce processus
dans le monde islamique, processus sanctionné par les fatwas et la coutume 165.
163
(E. W IRTH 1982 : 196 ; 1993 : 72-73)
164
(E. W IRTH 1993 : 79)
-118-
Archéologie des paysages
Une hypothèse de travail que l’on peut formuler est celle qui poserait la
prépondérance du privé sur le public comme possible explication de certaines des
organisations parcellaires qui font l’objet d’une étude.
Q UELQUES EXEMPLES
165
(J. G ARCÍA -B ELLIDO 2000)
166
(M. P Y 1993 : 140-150)
167
(A. R UÍZ , M. M OLINOS 1993)
-119-
Archéologie des paysages
tracé d'un canal, le plus long, avec un chemin de desserte rurale, est souligné en blanc [fig.
X, 2]. Son tracé sinueux est très probablement lié à la recherche de réduction de la vitesse
de l'eau qui y circule. La limite de la terrasse inférieure est, au niveau des points soulignés,
exactement parallèle à toutes les autres terrasses situées en contrebas. La subdivision des
parcelles à l'intérieur des terrasses est perpendiculaire à ces axes, et parfois, pour
maintenir la différence de hauteur dans la bande formée par les deux axes, il y a une
deuxième terrasse subdivisant la bande en deux moitiés égales.
La ville de Riba Roja au sud ouest de l'image [fig. XI, 1], domine deux périmètres
irrigués de la plaine alluviale du Turia. Par la photo-interprétation, on peut identifier deux
manières différentes d'organiser l'espace agricole des deux terroirs irrigués. Pour le
système le plus proche de la ville, le concept de régularité organique s'applique aux
quelques canaux qui sont parallèles entre eux, malgré leur tracé sinueux. C'est le cas des
deux canaux les plus proches du canal principal. Les parcelles s’ajustent entre-elles de
manière perpendiculaire. À l'est et en aval du fleuve, un second terroir irrigué présente un
style parcellaire tout à fait différent. Un canal principal délimite les terres non irriguées
(secano) et, dans le secteur irrigué, on observe une grande quantité de bandes
perpendiculaires, avec une métrologie remarquable et des parcelles qui subdivisent les
bandes de manière perpendiculaire, ou quelquefois en oblique.
Il est aussi intéressant de remarquer que l'un des axes délimitant les bandes se
prolonge au-delà de l'espace irrigué ce qui pourrait indiquer la mise en irrigation d'un
espace qui, dans un premier temps, ne l'était pas. Ces deux faits (division organique et en
bandes des terroirs et probable irrigation d'un ancien espace non irrigué) pourraient
indiquer une chronologie relative, à confirmer par d'autres méthodes. L'espace le plus
proche de Riba Roja daterait de l'époque islamique, tandis que l'espace divisé en bandes
serait postérieur ou même subactuel.
La zone d'étude (périmètre 14 NE [fig. XI, 2]) montre deux nécessités : d'une part
le besoin de faire passer le tracé du canal principal en l'adaptant à un cône de déjection,
d'autre part le respect d'un autre petit cône de déjection, situé en contrebas du canal, créé
soit de manière artificielle, soit comme conséquence de la dynamique fluviale du torrent. On
observe l'adaptation de la forme du canal à celle du cône principal et on peut imaginer les
-120-
Archéologie des paysages
fréquentes occasions de réfection de son tracé. Dans les terres cultivables qui ont été ainsi
gagnées, on observe plusieurs canaux secondaires perpendiculaires et sinueux qui
subdivisent l'espace de manière régulière en s'adaptant constamment à la réalité du terrain.
Un cliché de Yann Arthus Bertrand sur Bali montre un parcellaire atypique dans la
mesure où il s'agit de parcelles sous-marines utilisées pour la culture industrielle d'algues.
Ici les chemins sont inutiles car la circulation et l'exploitation sont effectuées par les
pirogues qui circulent à quelques mètres au-dessus de la surface cultivée [fig. XII, 1].
Néanmoins, il est remarquable d'observer l'utilisation d'une métrologie qui entraîne une
certaine régularité, ainsi que des alignements qu'on reconnaîtrait, au sol, comme étant des
axes de circulation ou des voies. Malgré l'absence de chemins, ce système cohérent offre
une forme de régularité qu'on pourrait assimiler à la régularité organique. Il s'agit d'une
illustration parfaite et totale de planification faite à partir de l'espace privé. Il n'y a pas de
chemins publics pour se diriger dans l'espace privé, la circulation étant assurée à la surface
de l'eau. Par conséquent, la planification n'existe qu'au niveau de l'espace privé, c'est-à-
dire des parcelles de culture.
E N GUISE DE CONCLUSION
Avec la régularité organique, on dispose d'un concept utile qui permet d'avancer
sur la notion de planification, même en l'absence d'axes perpendiculaires. L'idée serait que
les sociétés paysannes s'adaptèrent aux contraintes du terrain et construisirent ces
paysages dès la protohistoire, en associant régularité organique et métrologie. Les
contraintes physiques de l'irrigation forcent cette réalité et aident à sa compréhension, bien
que ces caractéristiques ne lui soient pas exclusives. Mais le fait de faire circuler l'eau,
168
(P. P ASCON 1983 : 8-9 ; 93)
-121-
Archéologie des paysages
D'autre part, il existe une organisation socio-spatiale liée à l'eau, tenant compte de
la communauté villageoise, des lignages, des unités techniques de distribution ou acequias
et des exploitants consommateurs d'eau en dernier lieu. Cet agencement montre des
réalités spatiales communes, identifiables partout où la technique d’irrigation du monde
musulman a été diffusée.
Une autre possibilité aiderait à comprendre les faits observés, il s’agit du poids
spécifique du privé par rapport au public dans l'organisation de l'espace des sociétés
tribales, ainsi qu'une planification de l’espace privé antérieure à celle de l'espace public. À
l'inverse, les axes rectilignes révèlent l'importance du projet préalable des chemins et des
rues à caractère public, quoiqu'un projet préliminaire de lots privés ainsi que la pression
issue des intérêts particuliers sur l'espace public modifient profondément les alignements.
Pour certains chercheurs, il s'agit d'une des lignes de recherche les plus
fructueuses de ma production relative aux paysages. En réalité, il est certain qu'elle a
occupé une place prépondérante dans l'éventail de mes occupations et préoccupations
scientifiques, s'agissant de l'un des débats les plus riches et fructueux d'une problématique
de premier ordre historiographique dans mon pays ; problématique que les travaux de
Pierre Guichard et Miquel Barceló, au milieu des années 70 et aux débuts des années 80,
ont encouragé.
-122-
Archéologie des paysages
-123-
Archéologie des paysages
recherche qui avaient pour but principal les paysages médiévaux. Fruit de ma collaboration
avec l'équipe d'archéologie agraire, ou concrètement d'archéologie hydraulique, de
l'Université Autonome de Barcelone entre 1995-1997, dans le cadre du projet Las pautas
hidráulicas de los asentamientos rurales de al-Andalus 169, dirigé et coordonné par M.
Barceló. Dont la collaboration nous avons rendu compte dans l'article présenté lors des
rencontres d'Antibes de 1996 [titre 30] et dans le volume monographique coordonné par M.
Barceló et publié en 1997 par le Consell Insulaire Ibiza et de Formentera [titre 33: 65-96]
dans lequel j'ai rédigé le chapitre V avec Helena Kirchner ; celui-ci conjuguait les données
dérivées de l'analyse morphologique effectuée par moi même, les résultats de l'étude
documentaire effectuée par H Kirchner et, finalement, les résultats des prospections
paysagères effectuées en commun, qui ont profondément marqué mon travail dans d'autres
projets. Il s'agissait de « comprendre » les lignes du paysage interprétées depuis la vision
zénithale d'une image aérienne et les intégrer dans les différentes unités environnementales
du paysage étudié. Un des objectifs explicités dans mon projet postdoctoral, établir la
nature et la fonction des transformations parcellaires [titre 45: 45], pouvait être atteint au
moyen des « prospections paysagères », en annotant la fonction de chacune des lignes
définies par photo-interprétation, en marquant les microreliefs, les nuances pédologiques, la
convergence des drainages des eaux d'écoulement, en établissant des hiérarchies de
fonctionnement des drainages ou des canaux d'irrigation, en vérifiant les types de culture
qui sont donnés dans l'une ou l'autre unité environnementale. Enfin, une compréhension du
paysage et du système agraire sous-jacent à la morphologie qui avait été précisément créée
pour exploiter d'une manière spécifique un espace déterminé.
Ces principes je les ai aussi appliqués dans le projet effectué entre 1995 et 1998 :
La naissance de la ville islamique: Nakur, Agmat, Tamdult, Casa de Velázquez / École des
Hautes Études Hispaniques (Madrid) et l'Institut National des Sciences de l'Archéologie et
du Patrimoine, INSAP, (Rabat), sous la direction de P. Cressier et L. Erbati.
169
DGICYT (Dirección General de Investigación Científica y Técnica del Ministerio de Educación y
Ciencia PB93-0864)
-124-
Archéologie des paysages
Voyons maintenant quelques unes des questions que je me suis posées et les
réponses respectives que j’ai tenté d’y apporter [titre 45: 264].
(…) nous dirigeons notre recherche vers deux objectifs fondamentaux : 1) connaître la morphologie
agraire que l'irrigation médiévale, qu'elle soit musulmane ou chrétienne, entraîne ; et 2) établir la
stratégie qui doit régir une analyse des possibles zones d'irrigations romaines et anciennes en général.
Ce qui nous a conduit à interroger l'objet observé pour établir les paramètres selon lesquels allait se
développer la recherche : 1) Existe-t-il des irrigations de l'antiquité comparables aux Huertas
méditerranéens médiévales ? 2) Quel aspect aurait une ancienne irrigation dans le cadre d'une
centuriation ou de tout autre forme de division parcellaire de l'antiquité romaine ? 3) Les solutions
hydrauliques similaires, comme « réponse commune à un ensemble commun problèmes et
restrictions »170, entraîneraient-elles une morphologie parcellaire du système irrigué commun à
différentes formations sociales ? 4) Quelles cultures sont l'objet de l'ancienne irrigation ? 5) Devant
l'attribution systématique de la recherche traditionnelle de toute oeuvre hydraulique aux Romains,
pouvons-nous tomber dans l'argument contraire qui nierait le caractère ancien de tout vestige ayant pour
fonction l'arrosage des champs ?
Pour cela je me suis appuyé sur des exemples d'irrigations romaines pour
lesquelles on s'est assuré de l'identité au moyen de fouilles des structures d'irrigation : Les
Bartras (Bollène, Vaucluse), captages tardifs à l'aqueduc de Nîmes, la Z.A.C. des Halles et
le Mas Carbonnel de Nîmes, les Horts de Lunel-Viel, Hérault, ou l'irrigation de Sulmona,
l'ancienne Sulmo en Italie sur laquelle je reviendrai plus tard.
À ces exemples j'ai opposé celui d'un paysage interprété en 1978 par A. Bazzana 171
comme une centuriation à cause de la régularité observée dans le paysage ; quand en
réalité elle doit être interprété comme un parcellaire de fondation de la fin du XIIIè siècle,
sous Jacques Ier, à l'occasion de la fondation de la ville de Villarreal (Castellón) et de la
colonisation agraire liée à la nouvelle ville. La structure urbaine de la ville s'identifie avec
les célèbres bastides du sud-ouest français, où domine l'orthogonalité des îlots, articulés
autour des places publiques où se trouvent habituellement des bâtiments civiques ou
170
(B. D. S HAW 1984 : 129)
171
(A. B AZZANA 1978)
-125-
Archéologie des paysages
religieux. L'irrigation de l'espace agricole environnant est aussi créée par Jacques Ier et elle
est organisée par un parcellaire qui rappelle celui des fondations du bas Moyen Âge, avec
des blocs de culture rectangulaires et en forme de losange comme dans le cas des îlots
urbains de Villareal. La seule différence avec les systèmes de champs du sud-ouest
français est la fonction des lignes structurantes qui à Valence sont arrosée par une
structure de canaux qui reproduit les tracés des chemins et les limites de champs.
L'avantage qu'offre cet exemple est que, comme dans le cas des champs romains,
la structure agraire est un système de carrefours de chemins, dans ce cas avec tendance à
l'orthogonalité, qui délimite des blocs de culture. Si à Villarreal, une structure de champs
semblable à celles de l'antiquité peut servir de charpente à un système irrigué, nous
obtiendrions une réponse négative au supposé déterminisme géographique qui n'admet
qu'une seule forme des champs irrigués. En dépit des conditions physiques de l'irrigation
imposées par le déterminisme de la force de gravité, les arpenteurs du bas Moyen Âge ont
pu imprimer dans la construction des structures agraires leur empreinte culturelle, c'est-à-
dire, un parcellaire de fondation.
Par conséquent, ce fait peut être étendu à l'époque romaine ou à tout autre
moment historique : la morphologie agraire de chaque formation sociale peut se manifester
en dépit des contraintes physiques et des techniques d'irrigation. Il n'y aurait donc pas une
morphologie parcellaire de l'irrigation « (a)historique ».
Plus tard j'ai pu le vérifier au cours de recherches menées à terme dans le cadre
du projet marocain La naissance de la ville islamique…, concrètement par l'exemple de la
ville caravanière de Tamdult [titre 39] aux portes du désert du Sahara, où la création ex
nihilo dans la plaine au pied de la petite colline où se trouve cette ville, créée au Xè siècle,
est accompagnée de la construction d'un système d'irrigation dont la morphologie, à simple
vue, pourrait paraître celle d'une strigatio. Le parcellaire est construit avec une grande
régularité quant à l’orientation (NG-45ºE) de ses limites intermédiaires, en coïncidant avec
l'orientation générale de l'inclinaison de la plaine et on observe le respect d'un module
agraire que nous ne connaissons pas [fig. XIII, 1]. La forme agraire ressemble à celle d'une
division précoce d'anciens champs romains -sans que la comparaison aille au-delà de ce
qui est strictement morphologique : une strigatio, parce qu'il s'agit fondamentalement de
blocs de culture élargis dans le sens de la plus grande dimension du territoire (NE-SO) et
-126-
Archéologie des paysages
divisées par les chemins principaux, à l'intérieur duquel, les unités les plus petites,
planches dans notre cas, se trouvent de manière transversale, comme par exemple la
strigatio de Suessa II 172.
Les observations sur le terrain ont permis d'apprécier que les unités intermédiaires
qui articulent l'espace agricole sont les canaux principaux et que les canaux secondaires
émergent de ceux-là, de manière plus ou moins transversale, vers la partie la plus basse du
microrelief formé dans la plaine ; c'est-à-dire, vers le sud-est. Aspect que nous avons aussi
pu vérifier lors de l'étude détaillée des champs, des canaux, des drains et des partiteurs.
Sur l'image on observe l'arrivée de quatre canaux à la plaine de Tamdult [fig. XIII, 2] et
l'habitat dispersé (chiffres en rouge [fig. XIII, 1]) près des exploitations agraires, formées
par de larges bandes parallèles subdivisées de manière transversale par les parcelles de
culture. Sur le terrain on appréciait les grands canaux et les planches de culture où nous
avons pu effectuer des fouilles pour vérifier la structure interne et la non-existence d'une
autre éventuelle phase de champs de culture antérieure à celle identifiée aujourd'hui dans
les champs abandonnés et un partiteur des eaux de l’ancien système hydraulique [fig. XIII,
3].
La régularité n'est donc pas étrangère aux sociétés islamiques qui pratiquent
l'irrigation, ni exclusive d'une culture déterminée comme j'ai pu le démontrer à de
nombreuses occasions ; mais dans ce cas, l'absence de relief rend propice la régularité.
Pour le moment on peut dire que dans une plaine comme celle qui se trouve au pied de la
ville de Tamdult, où les différences de niveau sont presque inexistantes, la régularité du
parcellaire est totale.
En relation avec les marais côtiers, typiques des milieux méditerranéens, cinq
zones ont fait l'objet de mon attention et ont contribué à faire connaître cette problématique.
Le cas de Sagunto et de celui de la plaine littorale de Sant-Jordi (Ibiza), ont été déjà
commentées comme exemples de l'antiquité (voir plus haut et titre 45 : chapitre VII : 245).
L'extension de cette préoccupation à la zone comprise entre Sagunto et Valence se reflète
172
(G. C HOUQUER et al. 1987 : 171, fig. 51)
-127-
Archéologie des paysages
dans un des chapitres consacrés à la commune d'El Puig, résultat de ma collaboration avec
une entreprise pour la confection d'un Document d'Évaluation du Patrimoine Municipal de
son territoire municipale [titre 45: chapitre X: 307-326] ; dans cette zone côtière, on
distingue les lignes de drainage qui depuis le XIIIè siècle, mais surtout depuis le XVIIIè
siècle, ont asséché spécialement la zone. Un des exemples est celui du Camí de Cebolleta
« dont le fossé, à la hauteur de la Font Blanca, est situé à un niveau plus bas que les
champs adjacents et est revêtu (quand l'ancien revêtement a été préservé) par des pierres
qui facilitent le drainage de l'excédent d'eau » [titre 45: 315], comme on peut l'observer sur
la figure [fig. XIV, 1].
Une autre zone est constituée par La Punta, au sud-est de la ville de Valence, à
l'endroit de l'ancienne embouchure du Turia, où j'ai pu formaliser et définir la morphologie
agraire d'un drainage de 1386 et dont nous connaissons le coût et le temps qu'il supposa au
le conseil de la ville de Valence et au diocèse de Valence [titre 40 352-363 (catalan) = titre
46: chapitre XVI: 411-424 (castillan)].
Mais l'étude la plus intense, comme je l'ai dit précédemment, a été le fruit de ma
collaboration avec M. Barceló, dont nous présentons un résumé en français [titre 30: 228-
351], avant son édition catalane complète [titre 33: 65-96] et duquel j'ai reproduit les
aspects exclusivement morphologiques dans mon livre Las formas…, cette fois en castillan
[titre 45: chapitre XIV: 373-398].
173
(M. B ARCELO 1989 : XV ; 1997: 15)
174
(P H . L EVEAU 1993 b ;1995 ; 1997 ; 2000 ; 2001 ; 2003)
-128-
Archéologie des paysages
(...) la considération de la convergence de travail, autant pour la construction comme pour le maintien et
la gestion des alquerías adjacentes, y compris, naturellement, la médina.
Même en acceptant cette situation, j'insiste sur la divergence d'opinion que j'ai
maintenue avec M. Barceló et H. Kirchner par courrier électronique : il s'agit d'une exception
par rapport à tous les exemples connus de drainages de sols humides, parce qu'il s'agit
d'assécher un espace qui fournit des produits typiques des milieux humides, infiniment plus
divers et plus propres d'une agriculture de subsistance que ceux dérivés d'une
transformation agraire, comme je l'ai dit au sujet de La Punta en Valence [titre 45: 414-415].
Par conséquent, les assèchements peuvent être liés à la transformation d'une économie paysanne de
subsistance en une agriculture d'échange de produits commercialisables, contexte plus favorable à la
présence de pouvoirs forts, capables d'exercer un contrôle sur les individus et les collectivités. Dans le
même sens, la grande différence entre les écosystèmes naturels mis à profit par les paysans et leur
transformation est la capacité d'auto-maintenance, d'auto-réparation et d'auto-reproduction des premiers
; tandis que les écosystèmes transformés « sont intrinsèquement instables et requièrent nécessairement
de l'énergie externe pour l'auto-maintenance ».
Quoiqu'il en soit, en admettant la non-existence d'un pouvoir fort, dans le sens d'un
pouvoir des citoyens par délégation de l'état, à l'initiative d'une telle transformation, sa
réalisation ne peut être comprise que par le rassemblement de la ville, si petite soit-elle, et
des cinq alquerías, si petites soient-elles. D'autre part, il s'avère significatif que la
transformation agraire ait pour but la production de raisins dont nous savons par les textes
d'al-Zuhri 176 qu'ils étaient exportés, au moins au XIIè siècle. Je crois, donc, qu'il s'agit d'un
saut qualitatif entre les petits espaces irrigués de montagne analysés traditionnellement par
l'équipe de M. Barceló et l'exemple de terres asséchées aux alentours de la médina de
Yabisa.
Pour finir, j'ai également pu ébaucher une autre construction paysagère d'époque
moderne dans les îles d'Ibiza et de Formentera, ainsi qu'à Valence. Il s'agit de défrichages
modernes, bien datés par la documentation, normalement au détriment de forêts et de
garrigues, qui ont comme caractéristique formelle d'être des parcellaires radiaux alignés par
les élévations du terrain [titre 25: 288, fig. 5; titre 45: 405, figs. 89 et 91].
175
(M. B ARCELÓ 1997 : 23)
176
(A L -Z UHR ī 1968)
-129-
Archéologie des paysages
Quels sont les instruments utilisés dans la construction des systèmes d'irrigation ?
Nous pouvons penser qu'il peut y avoir une certaine relation entre la morphologie agraire
des instruments utilisés pour la construction des champs.
Il est clair que les traditions technologiques ainsi que les traités de géométrie ne
sont pas une obligation et ne sont pas nécessairement mis en pratique par les arpenteurs.
Mais leur connaissance aide à comprendre le contexte culturel dans lequel sont mises en
ouvre certaines pratiques et certaines autres non. La particularité hispanique est de
provoquer une synthèse des connaissances, puisqu'il y a eu coexistence des cultures
occidentale et classique et une formation sociale orientale permanente depuis 711 jusqu'à
1492 ou même 1609, lors de l'expulsion définitive des mauresques. Cette synthèse se
donne à voir là où les formations sociales se côtoient, dans la Marche Hispanique, en
Catalogne, au monastère de Ripoll entre la France chrétienne méridionale et occidentale, et
la frontière musulmane nord-orientale d'al-Andalus.
Or c'est dans cette région que se matérialisent deux traditions d'arpentage, fruits de
cette particularité Hispanique. Il est donc utile de s'arrêter un instant sur les copies des
manuscrits gromatiques du monastère de Ripoll. La tradition des Gromatici Veteres est
transmise dans le manuscrit ACA Ripoll 106 Geometria Gisemundi de la fin du IXè siècle,
dont la présence en ce lieu pourrait s'expliquer par l'importance des limitations et des
cadastres des possessions foncières de cet important monastère catalan 177. Le manuscrit
aurait pour but la formation culturelle et déontologique des futurs arpenteurs, mais à la
grande différence d'autres recueils comparables, on n'y trouve pas de géométrie mais des
développements de théorie et des pratiques gromatiques, portant sur les « limitations » ou
réseaux d'axes structurant les parcellaires romains. L'absence de problèmes de géométrie
pratique étonne, alors que ces questions sont fréquentes dans le manuscrit ACA Ripoll 225,
copié à la fin du Xè siècle. D'après Lucio Toneatto 178, le compilateur s'intéressait plus à la
morphologie des limitations (limites) qu'aux problèmes des dimensions des champs. Parlant
de la formation du futur arpenteur, il écrit :
(…) avec l'intérêt pratique sous-jacent pour sa propre identification et sa propre détermination [du futur
arpenteur, ndt]. Alors, peut-être, cet opuscule était-il seulement destiné à couvrir les besoins d'un secteur
de l'enseignement, à côté d'autres manuels spécialisés. Ainsi s'expliquerait très bien sa présence dans
une bibliothèque comme celle de l'abbaye, son insertion dans un recueil mixte comme le ms Ripoll 106,
et même sa composition pour une bibliothèque organisée. Sur ce dernier point, nous devons toutefois
conserver une certaine prudence179.
177
(L. T ONEATTO 1982 ; 1992)
178
(L. T ONEATTO 1982 : 286-288)
179
(L. T ONEATTO 1982 : 288 ; trad. G. Chouquer)
-130-
Archéologie des paysages
Ce n'est pas un hasard si c'est au moment où apparaît l'astrolabe que l'on constate
la présence, dans cette même bibliothèque, de ce manuscrit didactique utilisé dans la
culture orientale d'arpentage. Ce manuscrit 225 recouvre la tradition orientale de l'emploi
pratique et de la construction de l'astrolabe, ainsi que le recueil de la Geometria incerti
autoris (GIA) qui s'insère dans la tradition antique de l'arpentage, et dont l'auteur
« emprunte des extraits aux textes gromatiques antiques et les intègre dans des ensembles
obéissant à une nouvelle logique du savoir » 181.
180
(J. M. M ILLAS 1931 ; G. P UIGVERT 1995)
181
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 272-273)
182
(T. F. G LICK 1992 : 38-40; L. B OLENS 1972 ; M. V ILADRICH , R. M ARTÍ 1983)
183
(J. S AMSO 2001 : 237, suivant P. K UNITZSH )
-131-
Archéologie des paysages
est devenue la procédure la plus habituelle, mais elle était déjà courante à Murcie bien
avant l'arrivé des chrétiens en 1272 185.
Il est aussi important de rappeler l'intérêt de Gerbert d'Aurillac (le futur pape
Silvestre II) pour les textes gromatiques. Or il résida près de Ripoll entre 967-970, de sorte
qu’il eut la possibilité de consulter les manuscrits qui nous occupent. De même il suivit des
études à Cordoue, ce qui nous laisse penser qu'il y apprit l'utilisation de l'astrolabe pour la
mesure des parcelles. Plus tard, mais également intéressé par ces questions, l'abbé Oliva
(1002-1046) fut et demeure le grand compilateur des savoirs pratiques du monastère. Il a
probablement participé à la rédaction d'un traité perdu, nommé De ponderibus et
mensuris 186.
Les critères pris en compte dans ce calcul étaient fondés sur divers facteurs tels que
l’irrigation, l’abondance des arbres, la proximité des acequias ou de la ville, l’existence de
maisons, de marais, de terres sableuses ou argileuses; ce classement était le suivant : a-b)
184
(M. A GUIAR , J. A. G ONZÁLEZ 2001)
185
(J. T ORRES F ONTES 1959 : 6)
186
(J. M. Millàs 1931 : 249 ; voir en dernier lieu J. S AMSO 2001)
187
(J. T ORRES F ONTES 1959 : 14)
-132-
Archéologie des paysages
Dans deux articles rédigés en 1995 [titre 25: 285; titre 26: 326-327], j'ai exposé la
singularité de la terminologie utilisée par les arpenteurs (partidores) de Valence du XIIIè
siècle, qui témoignait de la résurgence d'un vocabulaire rare dans les chartes de
peuplement précédentes et dont les racines remontent à la tradition classique du corpus
des arpenteurs romains (liste non exhaustive des termes dans le titre 45 : 83). J'affirmait
188
(J. T ORRES F ONTES 1959 : 18-19)
189
(L. L EFORT et al. 1991)
190
(T. F AHD 1996 : 41-52 ; 1998 : 309-320)
191
(A. F AUS 1995 : 48)
192
(J. E SPLUGUES 1766)
193
(L. P ERINI 1757 ; cité par C. P ANERAI 1984 : 116–117)
194
(L. DE A LBUQUERQUE 1988 : 10-29 ; A. F AUS 1995 : 42)
-133-
Archéologie des paysages
qu'au cours du XIè siècle apparurent les premiers témoignages de termes techniques liés à
l'arpentage, qui par la suite commencèrent à affleurer au XIIè siècle, mais c'est surtout au
XIIIè siècle, et concrètement au cours de la conquête du Royaume de Valence par le roi
Jacques Ier, qu'ils surgissent et occupent de nombreuses chartes de peuplement. J'ai
essayé d'expliquer cette situation par deux faits qui se cristallisent dans le processus de
conquête de Valence : la gestion de vastes espaces conquis avec un petit nombre
d'habitants et la réintroduction du droit romain lié à la construction naissante et timide de
l'état à la fin du Moyen Âge.
Une liste exhaustive des termes trouvés dans le Pays Valencien et en Catalogne,
et l'analyse sémantique du vocabulaire à l'aide de la récente révision de G. Chouquer et F.
Favory, concrétisée dans un dictionnaire de plus de 1 300 entrées de termes et
d'expressions gromatiques de l’Antiquité 195, révèlent des aspects de grand intérêt.
Dans un premier temps, bien que la fréquence soit haute, les expressions ne sont
pas présentes dans toutes les chartes de peuplement, ou ce qui est la même chose, toute la
tâche de repeuplement transcrite par les chartes de peuplement ne produit pas une
terminologie propre de l'arpentage de l'Antiquité, ce qui est déjà un fait significatif en lui-
même. Deuxièmement, on observe une évolution notable entre la présence de termes
descriptifs des chartes de peuplement les plus anciennes, depuis le Xè siècle, et la
présence dans celles plus tardives de phrases ou associations de concepts indiquant que
les arpenteurs essayèrent de transcrire un concept issu de l'antiquité.
Enfin, d'un côté nous trouvons des termes isolés et d'un autre des phrases dont le
contenu, dense, nous renvoie sans doute possible à l'antiquité. Comme nous le verrons,
principale association dont celles-ci rendent compte est l'expression datus et assignatus.
D'autres termes ont souffert des glissements formels dus à l'utilisation de synonymes ou à
l'évolution propre des mots, ce qui entraîne la création de vocables nouveaux fortement
utilisés. Il est aussi fréquent de trouver des expressions inconnues regroupant des termes
latins d'époque romaine mais qui acquièrent une signification, peut-être nouvelle, au Moyen
Age. Finalement, nous trouvons aussi des termes différents du à l'évolution sémantique. Le
cas le plus évident est celui de fita au lieu de terminus ou terminus fictus, fixé, cloué.
Dans l'ensemble nous pouvons classer les mots et les expressions au sein de trois
grands groupes.
195
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 406-469)
-134-
Archéologie des paysages
mais on ne peut pas non plus en déduire une renaissance des termes techniques des
arpenteurs, mais plutôt une simple utilisation de contenus dont l'expression en latin ne
réside que dans le terme propre de cette langue. Ils sont plus fréquents dans les
expressions des chartes de peuplement plus anciennes.
• Cultis et heremis / Cultis et incultis: Division entre l’ager cultus et l’ager incultus,
mais exprimée parfois par le terme heremo ou eremo qui donnera en castillan
yermo (désert). Il est parfois précisé ce que recouvre le terme incultus: garicis.
Silvis, pasquis, liquis, lapidis...; pratis et pascuis; montaneis, planis, nemoribus,
pasquis, lignis, aquis...; prata et pasqua; seu adhuc heremo derelictis cum
pascuis. Parfois il est utilisé pour exprimer les parties d'un tout : terra erema,
partem culta partem inculta. Cultum atque heremum, rochas et petras, silvas et
garricas atque boschos, prata simul ac pascua vel molinares...
• Petras mobiles vel inmobiles: Distinction étrange, bien qu’il nous semble évident
que les petras immeubles se réfèrent aux points de repère fixes.
• Possessiones: Propriétés.
Dans le deuxième groupe, nous trouvons des termes qui font appel à des concepts
issus de l'Antiquité, bien que ces termes soient le fruit de l'évolution de différents
synonymes de l'Antiquité ou de l'invention de nouveaux termes (néologismes) faisant
référence à des réalités anciennes. L’emploi des termes de ce groupe renvoie à une
utilisation de mots antiques mais pas nécessairement au concept.
• Divisor: (sin. Arpenteur). Celui qui divise les propriétés qui seront assignées.
• Partes et sortes: Désigne les parties qui divisent le territoire et qui sont
assignées à de nouveaux propriétaires, bien que l’on ne puisse pas affirmer qu’il
y ait tirage au sort.
• Partitorem hereditatibum Regni Valentie: Charge déléguée par le roi pour diriger
les travaux de division et d’assignation. Elle correspondrait au vir egregius,
iudices et advocati, de la classification des arpenteurs de l'antiquité effectuée
par M.-J. Castillo Pascual 196.
• Quiñoneros (sin. Arpenteur): Celui qui divise le territoire en lots. De quiñón (lat.
quinio, -onis : réunion de cinq, chance de cinq dans le jeu des dés). Lot que
quelqu'un possède en association avec d'autres dans un but productif, surtout
dans le cas d’une terre distribuée pour être ensemencé. Lot de terre cultivable,
de dimension variable selon la zone.
196
(M. J. C ASTILLO P ASCUAL 1993 : 147 ; 1996)
-136-
Archéologie des paysages
• Sogueador: (Sin. Arpenteur). Celui qui mesure avec la corde ou l’arpent (soga),
instrument de mesure.
• Terminare: Borner, diviser les domaines et fixer les limites au moyen de points
de repère ou de bornes.
197
(P. L EVEAU 2002 : 12)
-137-
Archéologie des paysages
Rufus, appelé inventeur - inventeur, auteur, fondateur - d'une zone située au sud
des Furianae insulae, le long du Rhône.
Cette liste nous offre des ensembles, des associations qui prennent tout leur sens
dans l'Antiquité comme c'est le cas pour l'ager datus et adsignatus et l'ager divisus et
adsignatus bien que le terme ager n'apparaisse jamais, peut-être du au fait que l'objet
d'assignation n'est pas un territoire étendu, un ager, mais des domaines spécifiques. On
lamente aussi l'absence du concept ager limitatus, indispensable dans l'Antiquité pour
accomplir l'étape suivante qui est de donner et d'assigner le territoire. Ceci est peut-être du
au fait que les scribes et des arpenteurs médiévaux trouvèrent une expression synonyme.
Si l'ager limitatus est le territoire qui reçoit le tracé au sol des chemins permettant d'accéder
aux domaines et de faciliter la mesure du sol 198, il paraît alors probable que les termes
fréquemment associés à datus et assignatus : hereditates terminatas, determinatas o
soguiyatas, expriment la réalité antique de l'ager limitatus ou l'ager divisus. C'est-à-dire, la
division en portions du territoire ou la « limitation », limitatio en latin, la réification au sol des
limites qui divisent les domaines et qui donnent accès aux propriétés et permettent de les
mesurer ou de les cultiver est remplacée par les partiteurs médiévaux par les concepts de
bornage (amojonamiento) (terminatas ou determinatas) ou mesures par l'arpent ou la corde
(soguiyatas). Cela donne l'impression que le vocabulaire s'adapte à une réalité plus petite
du territoire parce que si nous remplaçons l'instrument de mesure propre des arpenteurs
médiévaux, l'arpent, la corde, par ce qu'utilisaient les anciens, la pertica, nous verrions une
grande similitude entre les deux termes : hereditates soguiyatas renverrait à la même idée
que pertica ; le territoire divisé pour recevoir une délimitation pour une assignation ?
Dans le cas contraire, s'il n'existe pas une division ou une délimitation tangible au
sol, si le travail des arpenteurs ne consiste qu'à décrire un territoire ou même à le mesurer,
nous serions en présence de rigores (et non de limites) : « droite que l'oeil suit entre deux
points, comme une ligne », ce qui se rapprocherait plus des descriptions des premières
198
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 111)
-138-
Archéologie des paysages
chartes de peuplement conservées, dont le ton est plus descriptif (charte de peuplement de
Lavid, Castell d’Aguiló, 1051):
Et abet afrontaciones: de parte orientis in ipsa strada qui venit per ipsa serra de Montfred; de meridie in
termino de Bordel vel in ipsa petra natural vel in eius cruce et vadit a recta linea [el subrayado es mío]
usque ad ipsa serra de ipsa Lobatera et deinde usque ad ipsa strada qui vadet ad Sancta Columba; de
occiduo in istra (sic) strada iamdicta de Sancta Columba; de IIII vero circii in ipsa serra… usque ad ipsa
fita de ipso reguer de ipsa Vid ante ipso orto et vadit per ipsa strada qui vadit ad ipso Sanguinol usque
ad ipsa strada qui vadit ad Sancta Columba (…)
Et qui contraste clairement avec le style lié au terrain d'une charte de peuplement
de Valence de 1271, concrètement celle d'Olocau del Rei, où l'action matérielle de
l'arpenteur consiste à diviser, donner et assigner les terres aux nouveaux habitants:
(…) concedimus et comitimus vobis, Dominico et Boneto de Seta, populationem castri nostri de Olocau.
Ita quod, vos adducatis ibi populatores qui sint simul vobiscum usque ad centum casatos et possitis
vobis et eis dare, assignare et dividere villam et totam terram seu hereditates dicti castri et termini
sui…donationes et assignationes (…)
Nous ne faisons pas face à une usure et à un éloignement du latin classique, mais
plutôt face à une résurgence des formes linguistiques qui rappellent explicitement les
formes antiques. Par conséquent, si les différences sont telles sur une période de quelques
150 ans, que se produit-il dans les chartes de peuplement qui passent de l'utilisation de
199
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 452)
-139-
Archéologie des paysages
termes qui, quand ils coïncident avec ceux de l'Antiquité ne le font que ponctuellement, à
l'utilisation d'un vocabulaire propre des arpenteurs de l'Empire Romain ?
Toujours d’après les derniers travaux de Chouquer et de Favory 200 ainsi que ceux
de C. Moatti 201 nous pouvons rappeler les étapes qui donnaient lieu à l'assignation de terres
aux colons dans l’Antiquité :
4. Donner et assigner des lots ou sortes. Faisant place aux différentes catégories
développées dans le sol : ager datus et assignatus (aux colons); ager redditus
(rétrocession des terres excédentaires de l'assignation aux anciens propriétaires
indigènes); ager exceptus (non divisé, en marge de la division); ager concessus (de
juridiction de la colonie, non limité).
Les parallèles avec la situation du nouveau royaume créé aux dépens des
musulmans sont nombreux. Conquête des propriétés, déportations, délimitation et bornage,
nouveaux habitants parfois bien qu'en cas d'absence d'habitants catalans ou aragonais
nouveaux, on procédait à la rétrocession des terres aux musulmans mais non comme
propriétaires de celles-ci. Comme je l'ai auparavant avancé, la conquête féodale des
nouveaux royaumes hispaniques et la réintroduction du droit romain sont des processus
parallèles dont l'affinité conceptuelle qui se « retroalimente » comme l'expliquait R.-I.
Burns 202. Le furor legalis du XIIIè siècle qui afflige les royaumes de Castille, d'Aragon ou de
France, est clairement lié à la genèse de l'état moderne 203. Dans le cas de la Couronne
d'Aragon, Burns définissait et faisait évoluer la croisade et la guerre sainte depuis le prisme
de la « restauration » et la « reconquête », légitimant l'activité des royaumes chrétiens
s'affairant à « la récupération de portions perdues de la chrétienté » ; cela apparaît très
clairement dans la charte de peuplement de Tarragone, l'ancienne Tarraco, capital
provinciale de la Tarraconaise : « …ob restaurationem Terraconensis ecclesiae et
civitatis…cum territorio suo…civitate et extra civitatem…civitatis et sui territorii… ». La
200
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 95 y ss.)
201
(C.M OATTI 1993 : 80-82)
202
(R.I. B URNS 1981 : 54)
203
(P EREZ M ARTIN 1988 ; M ONTAGUT 1988 ; A. G OURON , A. R IGAUDIERE eds. 1988 ; A. R IGAUDIERE 1988)
-140-
Archéologie des paysages
romanisation du droit au XIIIè siècle a affecté jusqu’aux chartes de peuplement 204 et a été le
fruit de l'importante activité de réception du droit romain de la part de Jacques Ier et de la
Couronne d'Aragon. Les experts en droit formés à Bologne étaient parfois envoyés par la
Couronne, l'Église ou les nobles, parmi lesquels on peut souligner la présence de nombreux
étudiants en Lois (droit romain) catalans 205, ceux-ci entrèrent par la suite dans le corps des
conseillers légaux du roi comme juristes et répartiteurs des nouvelles terres. Beaucoup des
enseignants en Lois formés à Bologne ont été conseillers auliques et partiteurs du nouveau
royaume comme le cas célèbre de l'enseignant en Lois, Jacques Giunta ou Jacques des
lois, qui fut précepteur d'Alphonse X le Sage, conseiller de Jacques Ier, rédacteur des Siete
Partidas et grand répartiteur du nouveau royaume de Murcie, en agissant comme
jurisconsulte des litiges sur les propriétés et en dirigeant au nom du roi les travaux de
répartition du nouveau royaume.
Il se produit la même chose avec les lieutenants de Jacques Ier, Assalit de Gudar
et Eiximen Pérez de Tarassona, experts en droit et formés à Bologne, ils sont répartiteurs
des terres de Valence au nom du souverain (demeure le doute de savoir si l'étudiant
Guillem de Vic que nous trouvons à Bologne en 1218 206 est le même que Guillermum de
Vico qui exerce de partiteur 33 années plus tard à Peñíscola, Castellón, en 1251). De cette
manière, tout comme c'était le cas dans l'Antiquité, les répartiteurs bénéficient d'une
formation académique en droit 207.
Mais il reste encore à approfondir les raisons cachées qui expliquent cette
légitimation de la conquête. Un procès canonique, présenté par Burns 208 oppose le
métropolitain de Catalogne et d'Aragon et l'évêque de Tarragone, à l'évêque de Tolède sur
la juridiction du tout nouveau diocèse de Valence ; ce procès, à mon avis, agit comme
révélateur de la véritable problématique, en illustrant convenablement le problème des
partages de terres et le rôle accordé au droit romain par le nouveau souverain.
204
(R. I. B URNS 1981: 83, n.16)
205
(J. M IRET 1915)
206
(J. M IRET 1915 : 155)
207
(M. J. C ASTILLO P ASCUAL 1996)
-141-
Archéologie des paysages
s'agit pas des mêmes aspects que ceux cités précédemment, ce procès illustre clairement
les divergences de point de vue entre la monarchie castillane (puisque par Tolède il faut
entendre toute la Castille) et la Couronne d'Aragon. Si nous pouvions extrapoler (ce qui
mériterait une étude en profondeur) le droit de conquête avancé par l'évêché de Tarragone
et l'ager occupatorius - ex occupatione - ou catégorie technique gromatique, correspondant
à une forme de possessio 209, nous pourrions en tirer les raisons qui expliquent l’attachement
des monarques hispaniques et de Jacques Ier au droit romain.
À partir d'ici il devient nécessaire d'établir une ligne de recherche qui permette de
vérifier les hypothèses conjecturales et de déterminer les méthodes de travail qui
permettent de les confirmer ou de les rejeter définitivement.
208
(R. I. B URNS 1981 : 70 et suivs.)
209
(G. C HOUQUER , F. F AVORY 2001 : 106-107)
210
(A. G ARCÍA 1968 : 214-218)
-142-
Archéologie des paysages
propriété de la terre ou si ils viennent nuancer celles déjà existantes. Ceci devrait s'appuyer
sur l'exploitation systématique des archives et des contrats d'emphytéose ainsi que des
prélèvements sous forme d'impôts pour déterminer la capacité de la Couronne à obtenir de
nouvelles sources de revenus ou à réduire d'une quelconque manière les prérogatives
seigneuriales.
Face à cette situation que reflètent les documents médiévaux, quel panorama offre
la morphologie agraire du Pays Valencien ? Je rappellerai les principales propositions de
mes travaux relatives à la richesse des formes médiévales:
-143-
Archéologie des paysages
-144-
Archéologie des paysages
L'identification du tracé urbain est un des principaux éléments d'analyse qui permet
la compréhension de l'ancien projet urbain. Le centre historique n'est pas un ensemble
homogène. Il s'agit d'un ensemble constitué de zones isolées et juxtaposées qui, avec la
croissance urbaine au fil du temps, perd son identité individuelle pour se fondre dans une
autre différente. La principale expression de ce phénomène complexe est le tracé du
parcellaire et des rues. L'intervention archéologique en milieu urbain est le meilleur outil
pour comprendre l'ancien paysage urbain et les raisons qui expliquent une concrète et
certaine forme d'intégration du passé historique dans des projets de transformation
historique.
Les moyens mis au service d'un projet de ce type sont divers. Dans un premier
temps une recherche sur les facteurs de développement urbain est nécessaire. Phase
théorique visant à la recherche topographique sur la
longue durée et à échelle macro (1:5 000). Dans le même ordre d'idée que les Documents
d'Évaluation du Patrimoine Archéologique Urbain des Villes de France (D.E.P.A.U.). Il s'agit
de documents de synthèse de réflexion et d'orientation à partir d'un état déterminé des
connaissances. Ils analysent l'évolution topographique historique ; ce n'est pas un
inventaire proprement dit, mais une analyse parallèle du patrimoine théorique, extrapolé du
patrimoine tangible (provenant des faits positifs de la fouille). Cette analyse se détermine à
partir d'événements urbains significatifs de l'évolution historique de la ville. Chaque période
ainsi définie fait l'objet d'une analyse sous la forme de plans susceptibles d'être juxtaposés
(en suivant le principe qui se trouve à la « préhistoire » des Systèmes d'Information
Géographique, SIG 211). Par conséquent, tout élément topographique ou administratif du
passé peut être mis en rapport avec chacun des autres définis. À tout cela, il faut joindre les
destructions du sous-sol connues historiquement, pondérées par l'épaisseur des sédiments
anthropiques, des protections réglementaires... Ces D.E.P.A.U. supposent la première
synthèse nécessaire à la mise en place d'une archéologie préventive.
211
(I. M C H ARG 1969)
-145-
Archéologie des paysages
La mise en route d'un tel projet suppose l'élaboration d'un Guide où l'on établit les
critères à considérer pour la rédaction des D.E.P.A.U. : 1) État des connaissances sur les
éléments de topographie historique. 2) Recherche archéologique sur le terrain. 3) État de la
conservation du patrimoine archéologique. 4) Cartographie historique. 5) Document définitif.
6) Publication.
Le document lui-même est réalisé par les groupes de travail locaux (services
archéologiques municipaux), tandis que c'est dans un lieu centralisé (le C.N.A.U en France)
que les critères graphiques sont uniformisés et que l'on effectue les plans ; ainsi, les
publications définitives sont faites à des échelles homogènes entre les différentes villes de
sorte qu'elles soient comparables entre elles.
Ces postulats ont présidé une bonne partie de mes collaborations avec des
entreprises, en mettant au service de l'archéologie préventive l'analyse morphologique en
milieu urbain ou rural. La première fois, ce fut lors de ma participation au projet
d'intervention archéologique effectuée dans le couvent du Carmen de Valence (1995) pour
lequel j'ai apporté l'analyse morphologique. J'y ai mis en évidence l'existence d'un
urbanisme islamique régulier, ce qui était alors certainement nouveau. Coïncidant avec mon
séjour postdoctoral dans la ville de Tours, j'ai pu consulter la bibliothèque de l'URA 365
URBAMA (Centre d'études et de recherches sur l'urbanisation du monde arabe UMR 6592
C.N.R.S. / Université de Tours). L'article a été rédigé en 1995 bien qu'il n'ait pas été publié
avant l'année 2000 par la revue de l'Institut Archéologique Allemand de Madrid, les
Madrider Mitteilungen [titre 43]. Les principaux résultats peuvent être résumés par les
éléments de réflexion suivants [titre 43 : 453 et suiv.]:
collaboration conclue par un Rapport de Recherche encore inédit [titre 38]. Ainsi, j'ai pu
démontrer que les principales caractéristiques descriptives de l'îlot urbain qui entoure Saint-
Jean sont antérieures à la construction de l'église. D'un côté, le poids de l'antiquité et,
concrètement, d'un bâtiment singulier, comme le cirque romain dont la spina passait par la
façade de l'église [fig. XVI, 1], était fondamental pour comprendre l'évolution postérieure
des lignes générales de l'urbanisme du secteur. L'architecture domestique et l'urbanisme
islamique finiront par éclaircir les détails [fig. XVI, 2] ; le dernier événement urbain (du point
de vue de la morphologie) du secteur étant l'occupation de la « juiverie » (judería). A
l'origine, ce qui deviendrait plus tard le call (« juiverie », la judería) était séparé du secteur
par une rue [fig. XVI, 3] ; de plus, l'espace entre celle-ci et la rue du Mar a pu former un îlot
urbain indépendant à l'époque islamique.
Par cette comparaison nous avons pu observer que les fouilles réalisées dans le
sous-sol de la ville ont confirmé une vaste tâche de restructuration et de construction de
l'espace urbain entre les deux enceintes (enceinte musulmanes du Xè-XIè siècles et
chrétienne du XIVè siècle), datable des dernières décennies du XIVè siècle et du début du
XVè siècle, la documentation écrite le laissait déjà entrevoir. La nature de certaines des
interventions urbaines contemplées dans les archives a été renforcée par les données de la
fouille, comme dans le cas de la non utilisation de la palissade de l'enceinte.
212
R. Narbona (coord.) E. Díes Cusí, E. Cruselles, et J.-M. Cruselles.
-147-
Archéologie des paysages
De même, les données négatives de la fouille, comme les sondages qui ne révèlent
aucune occupation jusqu'au XVIIIè siècle, nous informent sur le processus progressif
d'occupation du sol, et non d'une réalité conclue définitivement au Moyen Âge. Ainsi comme
de la fonctionnalité qui préside à l'occupation du sol ; certains espaces vides de la ville
médiévale, formés en réalité d'un espace non occupé mais avec des habitations, semblent
avoir été des dépôts limitrophes aux espaces domestiques.
ce qui m'a permis d'ajouter à mes arguments sur l'archéologie préventive les principes de la
morphologie agraire. Il est à regretter, toutefois, que l'interruption des travaux du tracé TGV
dans la zone ait avorté une opération fossés de vérification des données morphologiques
dans le terrain, comme celle qui fut réalisée dans la région du Tricastin qui a donné tant de
résultats et suscité tant de réflexions.
213
(F. C RIADO B OADO , X. A MADO , M.-C. M ARTÍNEZ 1998 ; F. C RIADO B OADO 1999 ; M. G ONZÁLEZ 2003)
-149-
Archéologie des paysages
qu'à l'est d'une ligne qui coïncide avec le niveau habituel de débordement de la rivière. Il y
a une seconde limite qui arrive jusqu'à des zones plus hautes, mais le cas ne se présente
que dans des circonstances exceptionnelles, comme dans le cas de la crue de 1982, quand
l'éboulement du barrage de Tous a sensiblement augmenté le débit de l'eau.
À ces faits il faut ajouter les variations des méandres du Júcar, beaucoup d'entre-
elles récemment, qui ont entraîné la transformation de vastes secteurs des deux côtés de la
rivière. En conséquence directe, la plaine a reçu tout au long de son histoire des tonnes
dépôts sédimentaires qui ont enterré d'anciens restes archéologiques à une grande
profondeur. Les fouilles effectuées à Benivaire Alt et dans l'Ermitage de Sant Roc (Ternils)
mettent en évidence que les niveaux romains sont à plus de 1,5 m de profondeur.
Face à cette situation j'ai proposé une délimitation des sites archéologiques. Les
sites correspondent, dans certains cas, à des découvertes matérielles qui ont permis leur
localisation précise tandis que, dans certains autres, il s'agit de notices historiques qui
permettent seulement leur rapprochement en vertu des toponymes conservés. Dans tous les
cas leur délimitation précise a été impossible car le recouvrement sédimentaire que nous
venons de mentionner nous prive de matériaux archéologiques en surface; pour cette
raison, la délimitation a été effectuée, dans le premier cas, en établissant une zone de
sécurité autour des découvertes et, dans le deuxièmement, en délimitant une vaste zone
autour du toponyme actuel. Les données extrapolées des recouvrements sédimentaires et
des zones d'influence des crues de la rivière permirent une correction postérieure.
-150-
Archéologie des paysages
À la délimitation proposée pour chacun de d'eux, j'ai pensé en outre que devait être
pris en considération la sédimentation qui couvre les sites antiques. Ainsi, j'ai proposé une
délimitation en trois zones, A, B et C, en fonction de la limite habituelle des avenues
(mentionnée plus haut). Dans ces zones, les sites délimités seront protégés de tout
bouleversement du terrain à partir d'un niveau de profondeur de -1,25 m dans la zone A, de
-0,5 m dans la zone B et de 0,0 m (côte de surface) dans la zone C.
-151-
NOUVELLES DIRECTIONS DE LA RECHERCHE
Nouvelles directions de la recherche
Avec ce titre, c’est volontairement que je paraphrase Miquel Barceló dans son
article de 1992, Quina arqueología per al-Andalus? (Quelle archéologie pour al-Andalus
?) 214; article dont certains aspects me paraissent indispensables et que j'essayerai de
résumer, tout en faisant abstraction du fait que l'article cité fait référence à une archéologie
de la société islamique d'al-Andalus.
-153-
Nouvelles directions de la recherche
ceux qu'il y avait avant le VIIIè siècle. Les analyses de morphologie agraire m'ont permis de
distinguer la trace de diverses formations sociales dans l'espace, de mesurer l'empreinte de
ces interventions dans des territoires non abordés jusqu'alors et d'apprécier la relation
différenciée entre des formations sociales et le milieu. Cela se traduit, au moyen de ces
« modèles conceptuels », en connaissance historique sur les sociétés du passé.
En ce sens le congrès qui illustre le mieux ce saut théorique est celui qui se
célébra en 1998 sous la désignation de Arqueología espacial, 19-20. Arqueología del
Paisaje, héritier de ceux consacrés à l'archéologie spatiale du « Seminario de Arqueología
de Teruel ». Lors de ce congrès se réunirent les anciens chercheurs de l'archéologie
spatiale, qui s'efforcèrent à expliquer ce déplacement théorique, des nouveaux chercheurs
de l'archéologie du paysage suivant les critères de l'archéologie spatiale, des archéologues
des formes du paysage et des archéologues de l'archéologie agraire. Le cas le plus
exemplaire est probablement celui que présenta Almudena Orejas 215 (chercheur du CSIC) ;
elle a placé le paysage au centre de ses recherches en effectuant un effort remarquable de
ce que j'ai précédemment appelé la théorisation de la méthode, suivant la philosophie de M.
Barceló.
214
(M. B ARCELÓ 1992)
215
(A. Orejas 1995 ; 1995-1996 ; 1998)
-154-
Nouvelles directions de la recherche
Il faut souligner l'effort effectué par J.-M. Ortega pour expliquer ce saut entre les
deux méthodes dans l'article De la arqueología espacial a la arqueología del paisaje: ¿Es
Annales la solución? 216 Il y propose que l'archéologie du paysage soit une réponse globale
d'Annales à l'Archéologie Spatiale de fondements écologiques. Cette réponse, ajoute-t-il,
serait une archéologie globale : économie, société, culture, basée sur un revival braudelien
articulé autour de la géographie et de la vision diachronique de la longue durée. Mais un
changement de point de vue se produit aussi depuis l'archéologie des lieux de reproduction
sociale, propre de l'archéologie spatiale, à une archéologie agraire de la production, de
l'archéologie du paysage annaliste. Toutefois, pour J.-M. Ortega 217 l'étude des centuriations
et les cadastres :
(...) ce sont les exemples les plus évidents de la structuration du paysage, de l'aménagement social et
économique du territoire et de la production, mais aussi un des échantillons les plus palpables que
l'intérêt d'Annales à réduire la question à des problèmes de morphologie agraire, en laissant en marge
les relations de propriété et le pouvoir de l'état [il fait exception de M. Clavel-Levêque pour cette
affirmation]. (…) en conclusion une archéologie agraire ou une archéologie rurale sans paysans ni
berger, au choix. Face à l'analyse sociale l'alibi est ici clair : champs de culture face à des paysans,
écologie de la forêt face à ses formes d'appropriation, techniques d'infrastructures hydrauliques faces
aux formes de partage social de l'eau, etc. (...) S'il est certain que l'« archéologie agraire » de cette
Archéologie nouvelle [en français dans le texte] du Paysage a su éviter l'économie implicite dans l'«
archéologie agraire » qui se pratiquait au temps de la New Archaeology, il reste encore à franchir le pas
suivant d'une véritable « archéologie rurale », dont le sujet central serait la paysannerie, ses processus
de travail, l'organisation des calendriers productifs, le partage du produit. (...)
(…) Il s'agit probablement du plus grand problème que la nouvelle Archéologie du Paysage peut hériter
de ses professeurs : une indéfinition théorique plus que prouvée, ou ce qui revient au même, une
indéfinition politique.
En tout cas, comme je l'ai déjà démontré pour l'archéologie de la mort, le paysage
souffre un effet de mode. Les titres qui auraient pu être rédigés il y a 20 ans sous d'autres
termes, font tous aujourd'hui une allusion explicite au paysage, qu'ils aient ou non à voir
avec l'archéologie du paysage. D'autre part il y a de plus en plus d'adaptations personnelles
et de « constructions de sémantique visqueuse » dans lesquelles on devine que l'intérêt
scientifique se réduit à la publication en elle-même. Les idoles comme « économie » dans
les années soixante, « cultures » dans les années soixante-dix, « mentalités » dans les
années quatre-vingt ont été remplacés par « écologie » ou « paysage ». Ou si non, voyons
216
(J. M. O RTEGA 1998 : 33-51)
217
(J. M. O RTEGA 1998 : 42-44)
-155-
Nouvelles directions de la recherche
la publication récente intitulée Ecohistoria del paisaje agrario 218, où pas une ligne ne vient
justifier l'utilisation du concept « ecohistoria » et où aucune référence n'est faite à G.
Bertrand ni R. Delort et F. Walter 219 qui sont, il ne faudrait pas l’oublier, les premiers à avoir
proposé ces concepts. Sans commentaire.
E. Ariño 220, a effectué récemment un tour d'horizon des différentes tendances qui
ont abordé le sujet des formes des paysages en Espagne, en plus d'émettre une proposition
face à la « crise » assumée qui frappe les essais qui sont faits sur le paysage. Ce tour
d'horizon peut m'aider à développer mon propos.
Les premières études sur les cadastres en Hispania sont récentes. Elles ont pour
instigateurs, au cours de la décennie des 80, deux disciples de l'école de Besançon : R.
Plana en ligne directe, et un partisan reconnu de la méthodologie du tandem Chouquer-
Favory, E. Ariño. La première en travaillant principalement dans le nord-est espagnol
(Emporion, Gerunda...), tandis que le deuxième s'est surtout consacré à la vallée de l'Ebre
(Caesaraugusta) et à la révision d'anciennes hypothèses. Par la suite et, à la fin de cette
décennie ou au début des années 90, des études clairement inspirées à l'école de
Besançon commencent à être réalisées depuis l'Université Autonome de Barcelone, tandis
que les chercheurs de l'Université Centrale de Barcelone ajoutent aux méthodes typiques
de Besançon les études paléoenvironnementales apportées par les analyses
palynologiques.
C'est peut-être E. Ariño qui a effectué le plus grand effort pour systématiser et pour
apporter des éléments pour l'étude des cadastres. Formé à l'Université de Saragosse
comme disciple de M. Martín-Bueno, en 1994 avec d'autres auteurs il a proposé une lecture
stratigraphique du paysage 221. Revendication soutenue dans deux méthodes : l'analyse
méticuleuse de la documentation écrite médiévale et moderne et l'analyse de la
218
(C. G ÓMEZ B ELLARD ed. 2003)
219
(G. B ERTRAND 1975 ; R. D ELORT , F. W ALTER 2001)
220
(E. A RIÑO 2003)
221
(E. A RIÑO et al. 1994)
-156-
Nouvelles directions de la recherche
cartographie historique. Selon les auteurs ceci permet d'établir les phases de transformation
du territoire, en différenciant les éléments plus anciens des traces d'époques postérieures.
Comme il est affirmé dans l’extrait de l'article : « De plus, nous pensons qu'il est intéressant
d'analyser la morphologie des parcellaires d'autres époques pour les différencier de ceux
d'époque romaine et éviter de possibles confusions d'interprétation ». Ce qui, à mon avis,
est une perversion de la méthode, écrite noire sur blanc, car ce qui est médiéval est
seulement analysé comme filtre pour éliminer ce qui ne l'est pas, véritable objet de la
recherche.
Je peux l'admettre comme métaphore, mais non comme concept utile car le texte
ne propose aucune lecture stratigraphique au sens strict (voie qui coupe ou s'adosse à une
parcelle, ou un fossé, recouverte d'alluvions modernes...), mais des lectures spatiales entre
les éléments du paysage. Comme il est fréquent, le transfert de concepts entre disciplines
différentes ne cesse de donner la sensation qu'il s'agit « d'une simple reformulation verbale
de ce qui était déjà su » 223, masquant un concept vide ou une « théorisation de la méthode »
comme dirait M. Barceló.
222
(E. A RIÑO et al. 1994 : 191)
223
(E. G ARCÍA 2004 : 75)
224
(E. A RIÑO , J. M. G URT , J. M. P ALET 1996 : 149, fig. 11)
-157-
Nouvelles directions de la recherche
temps après, cette vision sera critiquée, bien que non de manière explicite, par des auteurs
de l'Université Autonome de Barcelone 225 :
Il est fréquent de lire qu'une centuriation ne répond pas à un module préétabli parce qu'elle s'adapte à
une réalité préexistante. Mais, si les axes conservés ne coïncident pas avec un module théorique, sur
quels éléments morphologiques faut-il nous appuyer si doutons-nous précisément du modèle qui sert
d'analyse ? Nous ne devons pas oublier que les éléments routiers et parcellaires, sauf de rares
exceptions, n'ont pas une chronologie en eux-mêmes, mais seulement dès qu'ils paraissent être en
rapport avec un modèle théorique.
L'article le plus récent d'Ariño, qui prétend être une synthèse des études sur le
paysage, est critique envers l'utilisation effectuée par G. Chouquer du concept « plus
éclectique et ambigu » de formes du paysage face à celui de cadastre plus fréquent dans
les années 80 228. En postulant une « crise de croissance » dans les études du paysage suite
à l'introduction de nouvelles techniques, traditionnellement reléguées à l'étude de l'ancien
territoire, ce qui donne à une partie de la recherche espagnole le rôle de pionnière en la
matière, incorporant en guise de méthode les études paléoenvironnementales au moyen des
analyses palynologiques, et tout particulièrement les travaux de l'Université Centrale de
Barcelone de J.-M. Palet et J.-M. Gurt.
D'autre part, l'auteur croit que la crise de la recherche sur les paysages est due à
la faible attention prêtée à la prospection intensive combinée à l'analyse des formes des
225
(J. C ORTADELLA , O. O LESTI , A. P RIETO 1998 : 43)
226
(E. A RIÑO 2003)
227
(E. A RIÑO et al. 1994 : 206)
228
(E. A RIÑO 2003 : 98)
-158-
Nouvelles directions de la recherche
paysages ; c'est pourquoi il souligne certains des travaux que j'ai réalisés à Isona [titres 37
= 41; 45:chapitres V et VI; titre 48: 429-439], bien qu'il me faille remarquer qu'il utilise de
façon erronée, du moins peu adéquate, mon concept de régularité organique à deux
occasions 229, sans faire la moindre allusion à l'élaboration du concept ni à son créateur :
Il est très probable que nous soyons en présence d’une organisation ancienne plus ou moins régulière,
mais de croissance organique [en italique, ce qui est de ma plume], imposé par la topographie et le
drainage [en allusion à la structure régulière identifiée par O. Olesti de l'Université Autonome de
Barcelone comme une centuriation en Iluro]. (…) Un autre phénomène qui commence à être documenté
est l'utilisation de réticules géométriques modulés en actus qui n'occupent pas le paysage de manière
continue, mais plutôt à la périphérie de zones avec des parcellaires de croissance organique [en italique,
ce qui est de ma plume] de chronologie précédente (cas d'Aeso) (…)
Tout d'abord, pour ce qui est de Calagurris et en partant de l'analyse du nom des
lieux qui témoigne d'une répétition de toponymes depuis le XIè siècle jusqu'à nos jours,
nous nous trouvons face à l'affirmation que le paysage ne montre que peu de différences
avec le paysage actuel ; ce qui est certainement douteux, car un paysage peut changer et
garder le toponyme ancien, reflétant ainsi une réalité antérieure. En outre, l'allusion à une
via vetera dans un document de 1162 est l'indice d'une voie ancienne, mais en aucun cas la
certitude qu'il s'agisse de la voie romaine. Par ailleurs, l'auteur ajoute que divers indices
comme la mention d'un aqueductum dans la documentation de 1046, l'existence du canal de
229
(E. A RIÑO 2003 : 100-101)
230
(P. B OURDIEU 2003 : 132)
231
(P. B OURDIEU 2003 Una lucha regulada : 111-126)
-159-
Nouvelles directions de la recherche
Sorbán, la documentation des restes d'un aqueduc romain qui ponctuellement suit
l'orientation de la centuriation, permettent d'affirmer que l'aqueduc a été modifié pour lui
donner un tracé rectiligne en accord avec la centuriation. Face à cette argumentation on est
en droit de s'interroger sur les raisons qui motivent l'adaptation du tracé d'un aqueduc à
celui des axes d'une centuriation ? Quels sont, en outre, les éléments archéologiques qui
permettent d'affirmer de telles modifications : relations stratigraphiques entre le canal
actuel, le canal médiéval et l'aqueduc romain ? Il s'agit là de conjectures, d'hypothèses de
travail, que l'on peut partager, mais en aucun cas de conclusions valables. A l'autre
extrémité on trouve l'hypothèse d'une irrigation au sein du cadastre B d'Orange, hypothèse
avancée suite à la fouille d'un canal localement isocline à la centuriation, rempli de dépôts
d'allochtones et daté en fonction des fragments de céramiques trouvés à l'intérieur 232
Il est possible que ces sols pierreux (...) soient le résultat des processus de culture d'époque médiévale
et que leur mise en culture par irrigation ait provoqué la perte du sol transformant, par le biais des
charrues de l'époque, des terres cultivables en domaines inexploitables.
Je ne nie pas la possibilité des affirmations d'Enrique Ariño mais il n'y a pas dans
tout son raisonnement d'arguments qui viennent étayer de telles hypothèses. Où en est-on
de la révolution des méthodes de travail ?
232
(J. F. B ERGER , C. J UNG 1996 : 103-105)
-160-
Nouvelles directions de la recherche
En droite ligne avec les travaux d'Ariño, bien qu'avec des nuances, nous trouvons
ceux de J.-M. Palet, et ceux d'autres auteurs, comme c'est le cas de S. Riera, palynologue
qui apporte des données paléoenvironnementales aux analyses morphologiques de J.-M.
Palet et J.-M. Gurt. Cet auteur possède l'avantage de s'attaquer aux études du paysage au
moyen d'une étude régressive de la documentation écrite, examinée et transcrite par lui-
même, d'une analyse rigoureuse et exhaustive de la cartographie historique et, finalement,
d'une prospection intensive des tracés routiers et d'une étude de quelques paysages
agraires fossilisés. Cette méthode lui a permis d'avancer l'idée d'une évolution diachronique
de la plaine littorale de Barcelone entre le IIè siècle av. J.-C. et le XIè siècle apr. J.-C. 233,
bien qu'il ait aussi travaillé dans d'autres régions de Catalogne 234.
L'opinion critique que je pose sur ces travaux se situe à deux niveaux différenciés :
La méthodologie d'un coté, et de l'autre les objectifs poursuivis. Dans le premier cas
l'analyse morphologique effectuée est loin d'être la plus adéquate à la problématique de
recherche, à cause, surtout, de la petite échelle à laquelle travaille l'auteur (contacts des
photographies aériennes à l'échelle 1 : 33 500 environ 235) ; ce qui lui empêche d'entrer dans
le détail du parcellaire et qui conditionne l'exposé des résultats ; en effet, ceux-ci, une fois
publiées, s'expriment généralement sur des plans aux échelles proches de 1 : 178 000. Le
problème réside plus dans la méthode d'analyse que dans le résultat final ; toutefois, pour
bien comprendre les résultats, il me semble nécessaire de recourir à l'analyse des
parcellaires par le biais de clichés agrandis (échelle d'environ 1 : 15 000) ; de plus, les
résultats offerts dans la publication définitive devraient proposer des « sondages » de
certaines zones particulièrement significatives pour l'argumentation où l'analyse parcellaire
détaillée peut être mise en évidence et l'argumentation morphologique être comprise, ce qui
n'est pas toujours évident pour tout lecteur (entre 1 : 50 000 et 1 : 15 000 comme c'est le
cas pour le titre 45). À petite échelle, on perd les détails du parcellaire. En réalité, J.-M.
Palet ou E. Ariño, bien qu'invoquant le nom de G. Chouquer 236, n'incorporent pas à l'analyse
morphologique ce qui a signifié l'analyse archéo-morphologique novatrice de la fin des
années 80 et le début des 90.
D'autre part, l'existence de modules variables dans une même trame de la pertica
est un phénomène qui n'arrive, si je ne m'abuse, que dans les cadastres comme ceux de
233
(J. M. P ALET 1997)
234
(J. M. P ALET , J. M. G URT 1998 ; J. M. P ALET , S. R IERA 2001 ; J. G UITART , J. M. P ALET , M. P REVOSTI
2003 ; J. M. P ALET 2003)
235
(J. M. P ALET 1997 : 33)
236
(J. M. P ALET 1997 : 28)
-161-
Nouvelles directions de la recherche
Tarraco (Tarragone) et Barcino (Barcelone), tous deux étudiés par J.-M. Palet. Dans le cas
de Barcino, une centuriation se développe dans un module carré de 15 actus de côté, bien
que pour l'auteur l'utilisation fréquente d'un quotient équivalent à 5 actus ait dû servir à
introduire une série de variations dans le module base au secteur le plus proche à la ville,
où l'on forme des centuries de 15*20 actus et 150 iugera de surface 237. Dans le cas de
Tarragone il propose, en outre, l'existence de deux trames au sein d'une même pertica
(Tarraco IV) avec une variation de 5 degrés dans l'orientation, se juxtaposant et se
matérialisant au sol dans une zone intermédiaire en conséquence de l'adaptation des axes
de la pertica à la topographie du terrain et aux itinéraires préexistants. À vrai dire, même en
ne doutant pas de cette relation de cause à effet, une telle exception à la norme générale
(existence de différents modules et de différentes orientations dans un même pertica)
nécessite une argumentation s'appuyant sur la morphologie et sur la documentation écrite
beaucoup plus détaillée.
Finalement, un autre doute sur les travaux de J.-M. Palet concerne la spatialisation
des données dérivées des analyses paléoenvironnementales effectuées par S. Riera. Ma
remarque est la même que celle qu'effectua C. Lavigne à D. Marguerie : « les
paleoenvironnementalistes n'ont pas de planimétrie ni formes planimétriques ». Les fouilles
analysés par chaque spécialiste, les trames parcellaires d'un côté, et les pollens, semences
et charbons d'un autre, paraissent se tourner le dos parce que, contrairement à la
localisation précise dans l'espace des zones mises en culture par les centuriations ou par
d'autres systèmes parcellaires, les reconstructions des paléoenvironnementalistes
ressemblent à des schémas ou à des représentations mentales, sans surfaces ni limites. En
ce sens, les doutes posés par Claire Delhon, et d'autres, dans un article destiné à clarifier
les Perceptions et représentations de l’espace à travers les analyses archéobotaniques 238
me paraissent symptomatiques de l'utilisation du concept de mosaïque par les
paleoenvironnementalistes :
Le concept de mosaïque, issu de l’écologie végétale, est d’un grand secours pour l’archéobotaniste. Il lui
permet de décrire une certaine diversité du mileu végétal et de contourner le problème de la localisation
exacte des groupements phytosociologiques. Dans un paysage en mosaïque, on suppose que plusieurs
groupements végétaux occupant chacun de faibles superficies se côtoient dans des zones
écologiquement équivalentes et à des distances comparables du site archéologique, sans que l’on soit
toutefois en mesure de les situer précisément en un point de l’espace. (…) Le terme de mosaïque, très
pratique pour décrire l’hétérogénéité d’une végétation morcelée, ne permet cependant pas de véritable
ancrage dans l’espace car il ne comporte aucune indication sur la taille exacte, la localisation précise, le
nombre, la proximité ou la forme des parcelles occupées par chaque communauté végétale.
237
(J. M. P ALET 1997 : 111)
238
(C. D ELHON et al. 2004 : 292-293)
-162-
Nouvelles directions de la recherche
Plus dans la ligne de Besançon, on trouve des chercheurs espagnols comme Oriol
Olesti ou Rosa Plana qui ont travaillé en terres catalanes, dans le nord-est de la Péninsule
Ibérique. Certains travaux de R. Plana ont été partiellement critiqués par M. Guy 240 point de
vue de l'analyse métrologique, ce qui a permis de mettre en évidence une métrique grecque
(stade ionien de 600 pieds) pour le cadastre de l'arrière pays de la colonie grecque
d'Emporion 241; et J.-M. Palet et J.-M. Gurt 242, quant à eux, commentèrent les travaux de R.
Plana au sujet de l'identification des structures centuriées elles-mêmes. Toutefois, les deux
critiques (depuis l'aspect métrologique et morphologique) sont en accord et admettent que
le cadastre romain pourrait avoir renormé le cadastre grec préexistant. Sans disposer
encore d'éléments solides pour confirmer ou infirmer les propositions de R. Plana ou les
légitimes contre-propositions de J.-M. Palet et J.-M. Gurt, il manque à l'argumentation de
ces auteurs la démonstration morphologique que les deux trames parcellaires proposées
par R. Plana ne correspondent en réalité qu'à une unique trame parcellaire. Car, en réalité il
s'agit de la même polémique suscitée autour de l'identification de deux systèmes : le Forum
Domitii B proposé par A. Pérez et celui de Nîmes À, qui est réfuté au bénéfice d'une seule
trame dans la figure 1 de l'article de F. Favory 243. En ce qui me concerne, je soulignerait
l'effort effectué par R. Plana pour mettre en relation, d'une part, les structures agraires
détectées avec le possible système agraire qui donne lieu à une certaine production et les
relations qu'ont pu maintenir les colons grecs avec les agriculteurs indigènes.
La majorité des travaux d'Oriol Olesti souffrent des défauts que j'ai soulignés dans
le cas des contributions précédentes. La déclaration d'intentions est très éloignée des
résultats finaux et la reconstruction de la grille cadastrale paraît être l'objectif principal.
Sans aller plus loin, le décalogue proposé dans un article de 1998 comme réflexions sur
lesquelles articuler une vision réformée de l'étude des paysages, paraît être orienté vers la
reconstruction du paysage et des trames qui le composent, plus que vers l'objectif principal
spécufiée : « l'étude des sociétés qui ont transformé ces territoires » ; ou : « l'objectif
prioritaire doit être le cadastre (...) comme le façonnement dans un territoire concret tant
des relations sociales, comme des mêmes conditions dans lesquelles ils ont été
239
(J. M. P ALET , S. R IERA 2001)
240
(M. G UY 1996 : 191)
241
(R. P LANA M ALLART 1994)
242
(J. M. P ALET , J.M. G URT 1998 : 45-47)
243
(F. F AVORY 1997 : 98-99)
-163-
Nouvelles directions de la recherche
produits » 244. Que se soit dans l’ensemble du décalogue ou dans le reste de l'article, je ne
parvient pas à découvrir les stratégies proposées qui pourraient nous mener à définir ces
rapports sociaux, que j'imagine de production, ni les conditions dans lesquelles ils ont été
produits. Des rapports sociaux qui sont sensés être la matière première de l’interprétation
de cette grille centuriée restituée.
Avant d’en finir avec cet alinéa, je voudrais faire une brève mention des travaux de
Jesus Moratalla qui, même s’ils ne font pas beaucoup progresser les études sur le paysage,
ont reçu une crédibilité acritique de la part d’auteurs tel que E. Ariño et L. Abad 245. Plus
haut, dans l'espace consacré à Elche, j'ai critiqué certaines de ses approches. J'essayerai
ici de démontrer que la proposition d'extensions d'une éventuelle pertica au nord d'Elche 246
dans la moyenne vallée du Vinalopó, ne peut pas être soutenue. Tout d'abord, une des
conditions indispensables quant à l’identification des restes d'une limitation, tel que
l’aménagement formel en carreaux de centurie, n’est pas remplit romaine. La photo-
interprétation de la planche II de son étude (page 567) ne permet d'apprécier à aucun
moment l'existence d'un aménagement de l'espace centuriée [fig. XVII]. Un rapprochement
de ce même espace, important pour l'auteur comme révélateur de l'ancien parcellaire,
démontre quelque chose de bien différent. L'interprétation de la figure 2 (page 554) de son
étude ne laisse aucun doute : l'aménagement formel du parcellaire analysé est typique d'un
parcellaire en bandes étroites. Il s'agit de l'organisation d'un espace (au point de confluence
entre un torrent et le Vinalopó, territoire de Monforte) en parcelles longitudinalespar rapport
aux grandes bandes. Organisées de part et d’autre d'un axe central qui suit la pente du
terrain jusqu'à rejoindre le torrent. Il s'agit d'un parcellaire en bandes qui s’organise suivant
un module de 147*73,5 m environs [fig. XVII, 2-3]. Il n'y a rien de Romain ni dans
l'aménagement formel ni dans la métrique utilisée. La critique habituellement faite aux
chercheurs, qui oublient qu'une limitation antique est une grille d'axes périodiques et que la
division parcellaire est une trame qui commence en fonction d'unités intermédiaires
fondamentales et régulières appelées centuries, prend ici tout son sens, car ils : « (…) se
sont contentés de relever de simples trames isoclines et ont imprudemment conclu à la
présence de centuriations. Sans une reconstitution, au moins vraisamblable, de ce niveau
individuel de cohérence de la forme, on ne peut interpréter dans ce sens (…) une trame
n’est pas une forme » 247.
244
(J. C ORTADELLA , O. O LESTI , A. P RIETO 1998 : 439-440)
245
(E. A RIÑO 2003 : 100 ; L. A BAD 2003 : 124-125)
246
(J. M ORATALLA 2001)
247
(G. C HOUQUER 2000 : 132)
-164-
Nouvelles directions de la recherche
L’ARCHÉOGÉOGRAPHIE
C’est l’étude de l’espace des sociétés du passé et de ses dynamiques, dans toutes ses dimensions.
C’est l’histoire de la transformation de l’espace géographique en écoumène habité, exploité, aménagé,
transmis, hérité. Telle quelle, la discipline possède des spécialités dont certaines sont déjà opératoires :
étude des objets géographiques ordinaires et planifiés des sociétés passées (habitats, voies, et
parcellaires), la plupart sous forme hybridée ; étude des territoires ; étude des réprésentations que les
sociétés anciennes ont de leur espace. (…)
L’objectif principal est la qualification des processus dynamiques qui transforment et transmettent les
formes paysagères. Fondamentalement, cela conduit à considérer que la stratigraphie, l’empilement et
les relations géométriques verticales de couche à couche ne peuvent plus être le seul fil conducteur de
l’interprétation. Le « renversement du schéma stratifié » invite à rechercher d’autres relations, qui se
lisent dans l’espace.
L'article de Claire Marchand 250 expose de manière magistrale que l'existence des
centuriations italiennes, qui ont été conservées de manière extraordinaire jusqu'à nos jours
248
(G. C HOUQUER 2003)
249
(G. C HOUQUER 2003 : 17)
250
(C. M ARCHAND 2003)
-165-
Nouvelles directions de la recherche
sans changement remarquable pendant plus de deux mille ans, est due à une accumulation
d'éléments structurels au fil du temps. Elles ne seraient donc pas l'oeuvre de leurs
créateurs originaux, la structure s'affirme avec les siècles. J'ai moi-même déjà proposé
l'existence de ce phénomène, sans toutefois, à l’image de Claire Marchand, modéliser ce
processus, dans le cas de la prolongation de l'importante limite intercisivus 10,5 de la
centuriation Orange A sur le plateau des Costières. A l'extrémité sud de l'axe, c'est
l'orientation de la centuriation Nîmes A qui jusqu'à 1953 prédominait, mais une
restructuration parcellaire postérieure, peut-être liée au Mas des Cerisiers, a provoqué la
prolongation de cet axe d'environ 3,7 Km et la construction d'un parcellaire isocline avec la
centuriation Orange A [titre 45: 97]. Ce que C. Marchand traduit dans une phrase brillante :
« c’est une virtualité antique qui est devenue matérialité moderne » 251.
A la critique raisonnable que formule cet auteur sur la vision du paysage selon
laquelle à chaque forme doit correspondre une projection au sol d'un pouvoir institutionnel
(une forme – un pouvoir – une époque), j'en exposerai une bien différente. Si l'on admet
l'existence d'une autre réalité que révèle l'auteur (les formes auto-organisées et
autonomes), la question est donc de savoir si ces formes revitalisées ou matérialisées au fil
du temps, – forcément sous forme de limites de parcelles, parois de pierre sèche, fossés...,
et sont forcément matérialisées par quelqu'un (les paysans par exemple) – répondent à une
autonomie paysanne. S'ils sont autonomes, de qui les communautés paysannes sont-elles à
leur tour autonomes? Quel est leur poids dans le cadre productif de la région ou de ce
système auto-organisé... S'ils n'ont aucun poids, je suppose qu'il suffira de décrire la forme
agraire et de continuer à chercher des formes qui ont une signification. Si l'on me permet la
comparaison, c'est comme si on avait découvert une nouvelle espèce d'insecte. Une fois
définie, classée et dénommé, il faut l'intégrer dans la chaîne écologique à laquelle elle
appartient.
251
(C. M ARCHAND 2003 : 100)
-166-
Nouvelles directions de la recherche
utile tout au long de cette période ; il a été redessiné, comme le démontre l'auteur, au fil du
temps et il l'a été au sein du même aménagement formel.
Face à cette situation je crois qu'il est utile de confronter ces résultats à ceux que
j'ai obtenus dans le cas espagnol et se demander pourquoi les centuriations hispaniques
(celle des zones où la société d'al-Andalus est restée davantage de temps et a
profondément transformé les structures sociales, agraires, les champs et la technologie
agraire) n'ont pas été redessinées, à l'instar de l'exemple italien, se transformant et ne
laissant quasiment aucune trace de la conception originale des champs romains ? Ainsi,
selon M. Barceló 252:
(…) toutes les recherches archéologiques réalisées, bien qu'insuffisantes, sur les espaces ruraux d'al-
Andalus - les alquerías, qu'elles soient isolées ou parties intégrantes d'un système - indiquent de
manière très claire que les paysans ont produit un espace agraire différent de celui qu'il y avait avant,
même si l'on ignore totalement ce qu'il y avait avant.
En définitive, il est certain que dans le cas italien la revitalisation des centuriations
est un fait incontournable malgré la période de deux mille ans et le passage de différentes
sociétés, mais je doute que cela ait pu être le cas des centuriations identifiées dans
l'espace qui plus tard fut appelé al-Andalus. Au cours de ces deux miles années le sol
italien a été plus adapté au cadre morphologique créé par les centuriations que celui d'al-
Andalus. Cette différence est justement la question à laquelle il faut répondre,
indépendamment de savoir qui est le responsable de ces transformations.
252
(M. B ARCELO 1992 : 247)
253
(A. M. W ATSON 1998)
254
(M. B ARCELO passim)
-167-
Nouvelles directions de la recherche
L'article de Caroline Pinoteau suscite les mêmes observations ; elle y identifie des
trames mixtes physiologiques « hydro-parcellaires » qui seraient auto-organisées « au gré
de la vie de la population locale, sans projet social planifié global connu » 255. D'accord, mais
une fois admise cette possibilité, qu'apporte-t-elle à la connaissance de la population locale
s'il n'y a pas eu de projet social planifié?
On sait aujourd’hui que les formes paysagères se transmettent et se transforment selon des processus
et des temporalités, faites de potentialités et de décalages, qui leur sont propres et qui ont à voir avec les
conditions socioéconomiques de production [en italique, ce qui est de ma plume], mais pas du tout selon
le schéma conçu jusqu’ici. C’est-à-dire non pas selon une variation en bloc, par grands seuils historiques
induisant des changements repérables et brutaux (sauf cas avérés de planification agraire), mais selon
une multitude de conditions locales, de dates très variées, suscitant, par leur enchevêtrement, la
résilience d’ensemble de la forme. Ce sont bien les mutations incessantes de la forme et des fonctions
agraires, sur une trame d’origine antique, qui construisent la stabilité structurale et non l’inertie des
systèmes agraires traditionnels : tel est le deuxième changement de perspective.
Je suis sûr que l'archéogéographie est une étape, nécessaire, mais une étape dans
la recherche des paysages.
255
(C. P INOTEAU 2003 : 250)
256
(C. L AVIGNE 2002 ; 2003)
257
(C. L AVIGNE 2003 : 181)
-168-
Nouvelles directions de la recherche
L'archéologie de gestion est passée d'un statut de prestige, pour les villes au
patrimoine archéologique en sous-sol riche, à la connotation d'obstacle, de barrière. Le
regard que pose sur le patrimoine une bonne partie des planificateurs du sol (urbain ou
rural) a changé au cours des vingt dernières années suite à une gestion inadaptée et
surtout à une improvisation totale. Malgré les progrès obtenus, l'heure est au
mécontentement des professionnels du patrimoine culturel (départements d'archéologie des
universités, services techniques du patrimoine, municipaux ou autonomes, les chefs
d'entreprises de l'archéologie...) qui dénoncent une protection insuffisante et déficiente du
Patrimoine Historique ; il y a aussi la méfiance, voire une peur manifeste, par ignorance,
des responsables politiques quant au patrimoine ; Et enfin, au bout de la chaîne, il y a les
utilisateurs, les citoyens qui font preuve de sentiments contradictoires allant du
mécontentement provoqué par les interventions archéologiques obstruant les villes,
jusqu'au mécontentement et à l'incompréhension quand il y a perte, même partielle, de
fragments de leur passé, de notre passé. Toutefois, l'archéologie et le patrimoine ne doivent
pas être un frein au développement ni à la gestion du territoire, mais un outil de gestion et
un facteur stratégique.
L'objectif de base devrait être de concevoir une ligne de recherche pour la création
et l'amélioration de méthodes non destructrices dans le cadre d'une archéologie préventive
qui servirait à l'aménagement du territoire et à la protection de l'environnement. Le transfert
des résultats et des techniques servirait à former des spécialistes, à définir des politiques
publiques et des protocoles pour le diagnostic et la protection du patrimoine et de
l'environnement ; cela servirait aussi à la formation permanente de membres d'entreprises
de gestion du patrimoine constituées principalement par des P.M.E. et même à la création
de départements d'archéologie préventive au sein de grandes entreprises de travaux
publics.
Nous pensons, par exemple, à la définition de ces composants qui supposent des
« dépendances historiques » du sol comme la présence de patrimoine au sous-sol et de ces
facteurs qui représentent une difficulté pour transformer ces « dépendances » en
avantages. Faits qui doit faire partie intégrante des systèmes d'information géographique
(S.I.G.) territoriaux ou urbains dans un but prospectif : nous pourrions considérer le prix du
sol, la puissance des sédiments stratigraphiques, formules de définition du coût de la
prospection, fouille et documentation comme d'autres propositions de diagnostic non
destructrices. Des recherches qui se trouvent derrière la récente loi de 2001 qui régule
l'archéologie préventive en France et qui devrait prochainement, selon les syndicats, souffrir
une modification.
Pour atteindre notre objectif principal, il devrait être possible de définir une
méthodologie de catalogage, de protection, de conservation et d'exploitation durable du
patrimoine paysager à travers une archéologie du paysage, ainsi qu'une évaluation des
-170-
Nouvelles directions de la recherche
Dans le cadre urbain, la méthode est tout particulièrement importante car il s'agit
d'un espace réduit aux activités multiples, aux modifications historiques se succédant dans
l'espace ; de plus il s'agit d'un lieu où l'intervention contemporaine dans le sous-sol est
quotidienne et le besoin de méthodes de diagnostic indirect et non destructives est plus
grand.
Je crois qu'il est aussi nécessaire de créer les bases d'un Observatoire Permanent
de l'Archéologie Préventive / Prospective afin de diagnostiquer et d'évaluer l'impact
économique et social des cas ayant eu recours au patrimoine comme ressource pour la
promotion du développement durable dans des zones agricoles, et pour la création d'une
-171-
Nouvelles directions de la recherche
-172-
Nouvelles directions de la recherche
Il est évident que ces trois éléments ont conditionné le contenu de l'oeuvre. Les
paysages qui y sont répertoriés sont stéréotypés, classés chronologiquement et dépourvus
d'argumentations archéologiques ; toutefois, cet ouvrage possède la vertu de présenter un
répertoire de formes qui suivent la ligne de recherche proposée par G. Chouquer.
L'identification des structures de voies et de systèmes parcellaires, et la restitution des
systèmes centuriés répertoriées dans mon essai « sont à considérer comme des
hypothèses relatives à une dimension du paysage étudié, la morphologie agraire, et en
partie seulement » 258.
9. Planification protohistorique.
258
(F. F AVORY 1997 : 102)
259
(G. C HOUQUER 2003 : 16)
-173-
Nouvelles directions de la recherche
colonisation du Far et du Middle West, les lots ont été doublés ou quadruplés 260. Un groupe
de 36 sections formait une unité administrative, le Township étant équivalent, mutatis
mutandis, au concept de pertica.
Toutes ces données serviraient à apporter un élément mineur, pour ainsi dire, à la
récente histoire américaine mais, avant tout, une réflexion valable et utile pour comprendre
et essayer de connaître les processus de création, de dégradation et de construction des
paysages. Beaucoup de doutes, vus précédemment, exposés par E. Ariño sur la
matérialisation physique des centuriations seraient ainsi éclaircis.
D'un point de vue méthodologique je crois qu'une mise en commun des études des
paysages manque et devient nécessaire dans mon pays. Une réunion scientifique qui
rassemblerait les chercheurs travaillant en Espagne sur le thème de la morphologie des
paysages est indispensable ; au cours de celle-ci présiderait la même philosophie que celle
du volume 26 de la Revue Archéologique de Narbonnaise (1993) ou de la journée d'étude
du GDR 954 du CNRS le 27 février 1995, dont le texte proposé pour la réunion par J.-L.
Fiches : « Tracés directeurs de la Nîmes antique et de ses campagnes »; où on a proposé
« (…) un bilan précis, noter les évolutions, mettre en évidence un certain nombre de
questions et de problèmes méthodologiques, ouvrir des perspectives ». Réunions qui ont
contribué à établir des critères unifiés de description des cadastres, à établir les critères de
260
(R. L EBEAU 1969 : 102-103)
261
(G. C HOUQUER sous presse)
-174-
Nouvelles directions de la recherche
Une autre tâche tranchante est la modélisation des formes médiévales attachées
tant à époque islamique que chrétienne. Il est nécessaire de former les étudiants
médiévistes en analyse morphologique pour qu'ils puissent continuer le processus, que j'ai
moi-même engagé, de comparaison des formes agraires de l'irrigation islamique et des
formes agraires de l'irrigation dans le Nord de l'Afrique. Cela permettra de définir les
évolutions propres et inhérentes au processus historique hispanique, ainsi que de faire
toute la lumière sur l'existence d'une morphologie propre de l'irrigation. En ce sens, une
analyse de morphologie agraire et de modélisation des parcellaires géométriques
marocains me paraît aussi d'une importance vitale (parcellaires en bandes ou en lanières)
qui sont construit dans le but d'assigner les terres comme forme de paiement aux troupes
guich (ar. djich = troupe armée) depuis le milieu du XVIè siècle 262. Terres qui ont été
administrés en collectivité, bien que les tribues soient exclusivement considérées comme
des usagers, le domaine restant la propriété éminente de l'État.
Or, depuis 1996 je ne cesse de répéter que la région qui mérite une étude
approfondie et pluridisciplinaire est celle de Murcie [titre 26 : 330-331]. Un passé antique et
262
(J. L E C OZ 1965)
-175-
Nouvelles directions de la recherche
Sur près des deux tiers de la huerta (principalement au nord et à l’est de Murcie), l’analyse
morphologique permet de mettre en évidence de très vastes trames organisées en longues bandes
parallèles, lesquelles servent de cadre à une division géométrique sur la base de champs de très petite
taille (document 4 et 5). Certaines s’étendent, avec la même orientation, sur prêt d’une dizaine de
kilomètres. D’autres ont une extension plus réduite. Il semblerait donc que la colonisation chrétienne,
organisée de façon méthodique par Alphonse X à partir de 1266, date à laquelle la ville et son territoire
sont définitivement incorporés à la couronne de Castille, soit passée, au moins pour les secteurs
concernés par la troisième et quatrième répartition, par une restructuration radicale des terroirs hérités
de l’époque musulmane. Or, la lecture des synthèses historiques anciennes et récentes fait apparaître
une interprétation différente fondée sur l’idée d’une répartition des terres aux chrétiens par transfert de la
propriété, respectant donc le cadre morphologique en place (…)
Cependant, à cette approche nous pouvons objecter qu'il est possible que cette
restructuration radicale des champs hérités d'époque musulmane soit la conséquence de
l'abandon partiel de la Huerta et de l'abandon complet des terrains non irrigués par les
mudéjares qui finirent par émigrer à Grenade, et du retour d'une bonne partie des nouveaux
habitants à leurs régions d'origine, comme l'a exposé J. Torres Fontes dans les deux
articles 264. Apparemment, entre la conquête chrétienne et le XVè siècle, de constantes
épidémies, de mauvaises récoltes, des fléaux de sauterelles et des inondations ont
contribué au dépeuplement de la zone et par conséquent à l'abandon de terres se
transformant progressivement en marais. Devant cette situation les autorités de la ville
exigeront aux Rois Catholiques la possibilité de drainer ces terres le marais avait gagné. Il
est probable qu'une partie de la restructuration observée par Lavigne est celle qui fut faite à
cette date pour planter du riz dans les zones inondable du Segura, culture totalement
absente de la documentation. Dans ce cas il est possible que structure parcellaire et
système agraire changent en même temps.
263
(C. L AVIGNE 2004, extrait du projet de recherche)
264
(J. T ORRES F ONTES 1971 ; 1972)
-176-
Nouvelles directions de la recherche
(...) l’analyse d'une formation sociale concrète doit tourner autour du mode de formation de l'excédent
caractéristique de cette formation, des transferts éventuels de l'excédent et vers d'autres formations et à
la distribution intérieure de cet excédent entre les différentes parties concernées (...)265
Je crois que ces mots définissent bien, à mon avis, l'objectif de l'histoire comme
forme de connaissance des sociétés du passé. Je ne nie pas qu'il existe d'autres formes de
connaissance des sociétés, mais la simple description de ses conditions de vie, de sa
culture, de ses manifestations artistiques, religion, idéologie... est insuffisante. Comment
quelqu'un qui a consacré une bonne partie de sa vie de chercheur au monde funéraire et à
l’interprétation les restes archéologiques des rituels funéraires allait-il le faire? Toutefois, la
majeure partie du temps, la majeure partie de la population, la majeur partie de l'histoire et
de notre monde, a été consacrée à la subsistance de quelques-uns et l'accumulation de
l'excédent par d'autres. Cette subsistance et cet excédent était, jusqu'il y a bien peu en
termes historiques, la finalité du travail de la terre. Paraphrasant M. Barceló, c'est là
l'objectif, à moins que l'on considère la formation, la capture, le transfert et la distribution
intérieure de l'excédent, comme quelque chose naturel. Dans ce cas, il faut expliquer ce
miracle selon lequel « les paysans s'occuperaient volontairement de maintenir un grand
groupe d'illustres oisifs » 266.
265
(S. A MIN 1974 : 67)
-177-
Nouvelles directions de la recherche
Pour commencer par la fin, je crois nécessaire, depuis longtemps [titre 45 : 269-
271], un projet 269 à mi-chemin entre la modélisation de l'analyse morphologique et
l'articulation des données morphologiques avec celles qui sont dérivées de la prospection
266
(M. B ARCELO 1992 : 245)
267
(F. F AVORY 2000 : 11)
268
(A RCHAEOMEDES 1998)
269
Pour laquelle j’ai sollicité une aide financière à l’UMR 7041 pour une mission préalable.
-178-
Nouvelles directions de la recherche
de l'habitat et des champs de culture. Il s'agit des formes du paysage de la ville de Sulmona
(Abruzzes), l'ancienne Sulmo du poète Ovide.
Cette région offre des conditions de départ qui peuvent éclairer la problématique de
la morphologie agraire de l'irrigation. Les textes de Pline et d'Ovide donnent un témoignage
assez direct d'une ancienne irrigation destinée, entre autres, à la culture du lin, très célèbre
à l'époque ; de la même manière que l'archéologie des restes de canalisations anciennes en
articulation avec un système irrigué moderne, en fonctionnement de nos jours 270. La figure
que nous offrent E. Mattiocco et F. van Wonterghem prétend mettre en rapport le réseau
hydraulique hypothétiquement ancien avec les propositions d'anciens cadastres 271 ;
cependant, elle pose quelques problèmes car il s'agit de comparer « la planimétrie [actuelle]
schématique des canaux de dérivation du Sagitario et du Gizio » selon la carte 369-II
Sulmona à l'échelle 1:25 000 de l'IGMI (Institut Géographique Militaire) et la réalité virtuelle,
ancienne, d'une des deux centuriations d'époque des Gracques (Corfinium-Sulmo I = N-
38º45 'W et module de 15*15 actus) proposées pour la plaine alluviale entre les villes de
Corfinium et de Sulmo. Il est regrettable que la grille proposé pour la centuriation
augustéenne (Corfinium-Sulmo II = N-39º30 'E et module de 20*20 actus) n’ait jamais été
présentée ni par Chouquer, ou d'autres, ni par Mattiocco et Wontherghem, puisqu'il s'agit de
l'orientation dominante de la plaine alluviale et, par conséquent, l'endroit de plus fortes
coïncidences entre la centuriation et les canaux qui arrosent la vallée dominée par
Sulmona. Si nous pouvions confirmer ces indices et ainsi prouver qu'il s'agit d'une irrigation
ancienne et de la coïncidence de ce dernier avec les axes de la centuriation Corfinium-
Sulmo II, nous aurions alors la démonstration de la thèse soutenue précédemment (voir
supra, Villareal) : la conception simultanée d'un paysage irrigué et d'une centuriation est
possible dans le même cadre morphologique. Ce qui est parfaitement cohérent avec les
intuitions des recherches menées à terme en Jingyang (Chine) par le géographe Pierre
Gentelle 272
270
(E. M ATTIOCO , F. VAN W ONTERGHEM 1995 : 202, fig. 3)
271
(G. C HOUQUER et al. 1987: 133-136, fig. 28)
272
(P. G ENTELLE 2003 : 168)
-179-
Nouvelles directions de la recherche
célèbres d'Europe selon Pline 273. Les fouilles ont mis en évidence l'existence de deux
grands bassins, séparées par une paroi de la pars urbana et que nous pouvons interpréter
comme les cuvettes de ruissellement du lin. La première approche à l'étude du paysage a
permis de situer la ville à proximités d'une zone où les sols hydromorphes dominent et sont
organisés par une structure agraire en grandes bandes de morphologie médiévale. Les
agriculteurs de la zone m'ont informée que jusqu'à la moitié du XXè siècle on y cultivait du
riz, production agricole qui représentait au XVIIIè siècle 88 % de l'activité agricole. Ce qui
suppose que les nécessités d'humidité de la culture du lin ont dû être satisfaites dans un
espace équivalent à celui qui en époque moderne était consacré au riz, la zone de sols
hydromorphes dominée par le canal principal qui apporte l'eau de la rivière Albaida. Les
conditions pluviométriques de la zone (environs 600 mm annuels face aux 800 mm de la
région de Sulmona) permettent d'aventurer l'hypothèse de la nécessité d'irrigation dans
cette zone pour la culture du lin. De même, la présence de la villa au bord d'une zone
inondable et humide rappelle le cas de la villa Le Vernai (Saint-Romain-de-Jalionas, Isère)
a dû mouiller le chanvre (besoins agrologiques très semblables au lin) aux abords d'un
milieu humide, au cours de la période comprise entre l'an 15 apr. J.-C. et le IIè ou IIIè siècle
apr. J.-C. 274
En ce qui concerne les autres régions, il s'agit de les aborder avec des critères
combinés d'analyse morphologique et spatiale. La première tentative effectuée à
Formentera avec des descripteurs adaptés à la spécificité de la région, bien
qu'exclusivement d'un point de vue spatiale [titre 13], a pu être renforcé par la conjonction
des faits venants des prospections systématiques d'Aeso et l'introduction des données
parcellaires dans un SIG (GRASS) [titre 37 = 41]. En fait, ce décrypteur des sites a été
utilisé pour la première fois dans la zone du Beaucairois 275, bien qu'il n'ait pas été pris en
considération lors d'études postérieures qui ont systématisé la méthode pour le projet
ARCHAEOMEDES .
L'objectif n'est autre que de définir les formes de l'habitat en suivant les mêmes
étapes que le projet ARCHAEOMEDES ou celles de la systématisation effectuée par F.
276
Bertoncello dans le midi ou encore celles de J.-P. Vallat en Italie, déjà citées; l'objectif est
aussi d'obtenir une typologie au moyen de méthodes d'analyses statistiques variable
(Analyse Factorielle de Similitudes et Classification Ascendante Hiérarchique) que j'ai déjà
273
(C. P LINIO S ECUNDO , Naturalis Historia, XIX, 9 : « ... ubi a Saetabis tertia in Europa lino palma »)
274
(J. F. B ERGER et al. 2003)
275
(F. F AVORY , J. L. F ICHES , J. J. G IRARDOT 1987-1988 : 71)
276
(F. B ERTONCELLO 1999)
-180-
Nouvelles directions de la recherche
Dans le cas des îles d'Ibiza et de Formentera, la principale question est de savoir
si l'évolution interne des forces productives de la fin du monde punique est réellement
comparable à celle du monde romain, ou s'il s'agit du résultat d'une dynamique interne due
aux contacts précoces qui confèrent à Ebusus sa condition insulaire. Et ainsi vérifier si les
structures agraires observées (de datation considérablement difficile pour le moment) sont
propres de la société punique ou de la société romaine, ou bien sont une création punique
croissant sur une transformation romaine. Afin de déterminer ces extrêmes, il me paraît
fondamental d'établir, dans un tableau global organisateur (organisation d'un ou de deux
fundi), s'il s'agit réellement d'un phénomène d'îlots parcellaires ou d'une continentalisation
morphologique des manifestations dispersées sur les îles des structures agraires isoclines
(organisation d'une grille centuriée, pertica, pour chaque île).
-181-
Liste des travaux
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-202-
Liste des travaux
-203-
Liste des travaux
FIGURES
Figures
Figure I, 1 : Modèle digital du terrain d’Ibiza et Formentera où l’on apprecie les plaines
littorales reduites.
Figure II, 2 : Aqueduc de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu, Ibiza). Canalisation de la
dernière phase de fonctionnement.
Figure II, 3 : Vestiges de l’usine de salaisons de s’Argamassa (Santa Eulària des Riu,
Ibiza).
Figure III, 1 : Can Fita. Évocation de la phase 3, fin du Ier siècle ap. J.-C. (Santa Eulària
des Riu, Ibiza).
Figure III, 2 : Can Fita. Évocation de la phase 3, de la salle du pressoir à huile de la fin du
Ier siècle ap. J.-C. (Santa Eulària des Riu, Ibiza).
Figure III, 3 : Can Fita. Évocation de la phase 4, VIè-VIIè s. ap. J.-C. (Santa Eulària des
Riu, Ibiza).
Figure IV, 1 : Territoire d’Aeso avec les traces du système cohérent sur le modèle digital du
terrain.
Figure IV, 2 : Territoire d’Aeso avec les traces de la centuriation à module de 15*15 actus
sur le modèle digital du terrain.
Figure V, 2 : Campo de Elche entre la ville actuelle au nord et les marais du Fondo au sud
sur la mission dudit vol américain de 1956.
Figure V, 4 : Forma en bronze ou sortitio où l’on assigne 130 jugères de terres asséchées a
dix colons dans la pertica d’Ilici. Découverte en 1996. Archive de La Alcudia de Elche.
-205-
Figures
Figure VI, 1 : Fond parcellaire de la partie centrale de la pertica d’Ilici avec la proposition
des centuries qui pourraient être l’objet de l’assignation de la tabula de bronze (DIIII KII /
DIIII KIII / DV KII / DV KIII).
Figure VI, 2 : Rélévé des traces radiales qui pourraient faire parti d’un système auto-
organisé.
Figure VI, 3 : Photointerprétation de la zone de La Foia ou se trouvent les centuries DIIII KII
/ DIIII KIII / DV KII / DV KIII qui pourraient être l’objet de l’assignation de la tabula de
bronze. En rouge, division de la centurie en trifinia et subdivision interne en une décurie de
dis lots de 6,5 jugères. En jaune les vestiges conservés dans le paysage actuel de cette
pratique d’arpentage.
Figure VIII, 1 : Synthèse des structures centuries dans le triangle des villes de Valentia-
Saguntum-Edeta.
-206-
Figures
Figure XI, 1 : Riba Roja de Turia (Camp de Turia, Valence). La ville de Riba Roja au sud
ouest de l'image domine deux périmètres irrigués de la plaine alluviale du Turia. Par la
photo-interprétation, on peut identifier deux manières différentes d'organiser l'espace
agricole des deux terroirs irrigués : le plus proche à la ville avec la régularité organique et
un système irrigué divisée en bandes.
Figure XI, 3 : Aghmat (Tahannawt, Maroc). Dans la plaine de l'Ourika, la ville médiévale
d'Aghmat a organisé différents terroirs irrigués. Sur l’image il faut remarquer la régularité
métrologique, d’un module d'environ 506 m, et le parallélisme des canaux secondaires
soulignés, malgré leur sinuosité. Bali.
Figure XII, 1 : Culture d’algues à Bali (Indonésie). Un cliché de Yann Arthus Bertrand sur
Bali montre un parcellaire atypique. Il est remarquable d'observer l'utilisation d'une
métrologie qui entraîne une certaine régularité, ainsi que des alignements qu'on
reconnaîtrait, au sol, comme étant des axes de circulation ou des voies. Malgré l'absence
de chemins, ce système cohérent offre une forme de régularité qu'on pourrait assimiler à la
régularité organique. Il s'agit d'une illustration parfaite et totale de planification faite à partir
de l'espace privé.
Figure XIII, 2 : Depôts calcaires qui mettent en évidence les canaux principaux en amont de
la plaine de Tamdult et vers les sources en eau.
Figure XIV, 1 : Drainage dans la plaine cotière au nord de Valence au Camino de Cebolleta
(El Puig).
Figure XIV, 3 : Squadro agrimensorio d’après L. Perini, Geometria pratica, Venecia, 1757,
cité et illustré par M. Cristina Panerai 1984.
Figure XV, 1 : Beneixama (Alt Vinalopó, Alicante). Traces induites par le parcellaire
originaire du partitorem hereditatem Regni Valentie, Iacobum Linaris (1280) aux alentours
de la ville de Beneixama.
Figure XV, 2 : Beneixama (Alt Vinalopó, Alicante). Traces induites par le parcellaire
originaire du partitorem hereditatem Regni Valentie, Iacobum Linaris (1280). DetailleDétail
de la sousdivision interne.
Figure XVI, 1 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication du cirque romain antique
et l’urbanisme induit d’époque romaine.
Figure XVI, 2 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication de l’urbanisme islamique
et probables azucats, impasses, d’accesd’accès lesaux maisons islamiques.
Figure XVI, 3 : Église de Sant Joan (Valencia). Ilôt avec indication du couvent de Sant
Cristobal et les évidences preuves des limites du call (juiverie).
Figure XVIII, 1 : Valentia. Carte synthètique de l’urbanisme romain du Ier siècle ap. J.-C. et
rélation avec Valencia A (rouge) et Valencia B (vert).
-208-
Figures
-209-
TABLE DES MATIÈRES
Table des matières
REMERCIEMENTS 2
INTRODUCTION 3
RECHERCHES PREDOCTORALES 7
PREMISSES 8
DÉFINITION DU RITUEL 11
PRINCIPAUX RÉSULTATS 16
CONCLUSION 22
A GGLOMERATIONS SECONDAIRES 29
PREMISSES 32
RECHERCHES POSTDOCTORALES 52
CONCLUSION 60
CENTURIATIONS ROMAINES 74
-211-
Table des matières
C IVITAS E DETANORUM 93
O PULENTISSIMA S AGUNTUM 94
-212-
Table des matières
L’ARCHÉOGÉOGRAPHIE 165
BIBLIOGRAPHIE 182
FIGURES 204
-213-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
-I-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
3 2
5 4
-II-
Monde indigène punique et romanisation à Ebusus
-III-
Archéologie des paysages
Aeso
Aeso
-IV-
Archéologie des paysages
-V-
Archéologie des paysages
(1)
(2)
(B)
(A)
(3)
(4)
1 2
3 4
-VI-
Archéologie des paysages
-VII-
Archéologie des paysages
-VIII-
Archéologie des paysages
2
B
1 2
A
3 C 4
-IX-
Archéologie des paysages
-X-
Archéologie des paysages
-XI-
Archéologie des paysages
2
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de
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Tº
Ac
-XII-
Archéologie des paysages
2
-XIII-
Archéologie des paysages
3
-XIV-
Archéologie des paysages
-XV-
Archéologie des paysages
-XVI-
Archéologie des paysages
500 m
-XVII-
Archéologie des paysages
-XVIII-