Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

JOYEUX 2020 Archivage

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 439

NNT : AAAAUBFCYXXX

THESE DE DOCTORAT DE L’ETABLISSEMENT UNIVERSITE BOURGOGNE


FRANCHE-COMTE
PREPAREE A IAE de Dijon

Ecole doctorale n° 593


DGEP

Doctorat de Sciences de Gestion

Par
M. Joyeux Jean-Marc

Analyse de la digitalisation du canal de distribution : une approche


triadique dans l’étude du risque de désintermédiation des grossistes
traditionnels

Thèse présentée et soutenue à Dijon, le 15 juin 2020

Composition du Jury :
Madame Vanheems, Régine Professeure des Universités, Université Lyon 3
Présidente
Madame des Garets, Véronique Professeure des Universités, Université de Tours
Rapporteur
Monsieur Paché, Gilles Professeur des Universités, Université d’Aix-Marseille
Rapporteur
Monsieur Filser, Marc Professeur des Universités, Université de Bourgogne Franche-Comté
Examinateur
Monsieur Dubois, Pierre-Louis Professeur Émérite des Universités, Université de Montpellier
Examinateur
Monsieur Belvaux, Bertrand Professeur des Universités, Université de Bourgogne Franche-Comté
Directeur de
thèse
Titre : Analyse de la digitalisation du canal de distribution : une approche triadique dans
l’étude du risque de désintermédiation des grossistes traditionnels

Mots clés : Grossiste – Intermédiation – Canal de distribution – Relation – Digital

Résumé : Les intermédiaires sont des En l’absence de demande forte de l’aval du


acteurs peu étudiés en Sciences de Gestion. canal de distribution, les grossistes ont du
La recherche propose de mettre en avant un mal à mettre en place une stratégie digitale
type d’intermédiaire particulier qu’est le faisant sens. En revanche, ce retard permet
grossiste traditionnel. Face à la à l’industriel de prendre le leadership sur les
digitalisation de tous les secteurs, il est flux informationnels en laissant la gestion
intéressant de s’interroger sur la capacité des flux physiques et financiers au grossiste
des grossistes à générer de la valeur ajoutée traditionnel. Ce phénomène de
dans le canal de distribution. En se basant réintermédiation partielle remet en cause les
sur la méthodologie triadique et sur le relations entre les acteurs sans pour autant
terrain d’étude, il s’avère que le digital peut voir la disparition du grossiste.
modifier les processus relationnels
interorganisationnels.

Title : Analysis of the digitalization of the marketing channel: a triadic approach in the
study of the risk of disintermediation of traditional wholesalers

Keywords : Wholesaler – Intermediation – Distribution Channel – Relation – Digital

Abstract : Intermediaries are little studied In the absence of a strong demand for
in Management Science. The research downstream distribution channels,
proposes to put forward a particular type of wholesalers are struggling to put in place a
intermediary that is the wholesaler. Faced digital strategy that makes sense. On the
with the digitization of all sectors, it is other hand, this delay allows the
interesting to question the capacity of industrialist to take the lead on information
wholesalers to generate added value in the flows by leaving the management of
distribution channel. Based on the triadic physical flows to the wholesaler. This
methodology and the field of study, it turns phenomenon of partial re-intermediation
out that digital can modify one of the inter- calls into question the relations between the
organizational relational processes. actors without seeing the disappearance of
the wholesaler.

Université Bourgogne Franche-Comté


32, avenue de l’Observatoire
25000 Besançon

2
« L'Université n'entend ni approuver ni désapprouver les opinions émises dans cette thèse.
Celles-ci n'engagent que leur auteur. »

3
Remerciements :

Mes premiers remerciements vont tout naturellement à mon Directeur de thèse, le Professeur
Bertrand Belvaux. Je me rappelle ce premier déjeuner un jour d’octobre 2016 qui a lancé cette
incroyable aventure humaine et intellectuelle. Vous avez su à chaque étape poser les bonnes
questions afin de faire mûrir ce projet de recherche tout en me laissant la latitude de l’explorer
à ma guise. Je vous remercie une nouvelle fois pour votre engagement et le temps que vous
m’avez accordé tout au long de ce travail doctoral, tout particulièrement lors de mes
sollicitations nombreuses sur la dernière ligne droite. Ce projet n’aurait jamais vu le jour sans
votre concours.

Je suis extrêmement honoré (voire impressionné) par le jury qui a accepté d’évaluer ce travail
composé des Professeur(e)s Véronique des Garets, Régine Vanheems, Gilles Paché, Marc
Filser et Pierre-Louis Dubois. J’espère que ce travail saura susciter autant d’intérêt qu’il en a
suscité chez moi et qu’il sera à la hauteur de vos attentes.

Que serait un doctorant sans son laboratoire de recherche ? Cette question purement rhétorique
trouve sa réponse dans les échanges toujours bienveillants et constructifs qu’ont su me
prodiguer l’ensemble des membres du CERMAB lors de mes diverses présentations
d’avancement de thèse. Je remercie tout particulièrement le Professeur Marc Filser et les
Maîtres de conférences Véronique Collange et Jean-François Notebaert pour leur relecture
avisée des différents papiers que je leur ai soumis.

J’ai une pensée particulière pour mon Directeur de Master, Fréderic Lassalle, à qui j’ai soumis
mes intentions de réaliser une thèse et qui m’a immédiatement mis en contact avec le Professeur
Belvaux.

J’adresse ma plus grande reconnaissance à l’ensemble des professionnels qui m’ont accordé
leurs temps et qui ont partagé avec moi leur vision d’un secteur passionnant qu’est celui de la
construction. Ce sont des femmes et des hommes passionnés par leur métier. Je ne peux toutes
et tous les citer mais de nombreuses personnes ont répondu à mes différents questionnaires et

4
sans cela ce travail n’aurait pu aboutir. Ces échanges en « on » et en « off » ont permis de faire
avancer ce travail de recherche sur des chemins que je n’avais pas envisagés, bien loin de mes
certitudes dans un canal que je pensais connaître.

Cette thèse s’est déroulée en parallèle d’une carrière professionnelle. Ce processus a de bons et
de moins bons côtés. Quoi qu’il en soit je remercie mon entreprise, Doras, et mes collègues des
services Base de données, Marketing – Communication et Commercial qui m’ont aidé, supporté
et encouragé dans les moments de doutes. Je remercie Alain Renard, François Grivet et Jean-
Christophe Drouot qui ont surveillé de manière bienveillante ce projet académique tout en me
confiant des responsabilités professionnelles. Cette confiance et cet intérêt m’ont fait grandir.

Estelle, Charlotte, Lucile et Laurent, l’aboutissement de ce travail est aussi le vôtre, vous êtes
ma #Dreamteam. Je vous remercie pour les conseils et la relecture (au combien fastidieuse mais
indispensable) que vous avez effectués. Vous avez été des artisans indispensables à la
construction de ce projet.

Une construction n’est rien sans ses fondations et ses murs, un lieu de réconfort et de
divertissement. Ma famille et mes amis ont été ces lieux de réconforts et de divertissements.
Même s’ils n’ont pas toujours compris l’investissement que représente une telle aventure, ils
ont toujours répondu présent pour une partie de console, une soirée ou un coup de téléphone.
Merci à Nathalie, Sandra, Eric, Yannick, Gaëtan, Christelle, Fabien, Quentin, Cindy, Pauline,
Clément, Maxime et tous les autres.

Enfin et surtout, il n’y a aucun terme qui puisse exprimer l’ensemble de l’engagement, du
dévouement, de l’amour et même de l’abnégation dont a fait preuve ma future femme Mélanie.
Elle a partagé l’ensemble des phases de joies, de doutes et d’errements que j’ai rencontré durant
ce projet. Tu as su te faire une place dans ma bulle. Tu m’as portée sans relâche jusqu’au point
final de cette incroyable aventure. Tu as été mon Sam.

5
Table des matières
Introduction ................................................................................................................................ 1
Origine de la recherche ........................................................................................................... 2
La naissance d’Internet comme phénomène de désintermédiation ........................................ 4
L’évolution du marketing B to B ............................................................................................ 7
L’étude de la désintermédiation en Sciences de Gestion........................................................ 9
L’impact de la transformation digitale pour les entreprises traditionnelles ......................... 11
L’émergence des plateformes comme stratégie de réintermédiation ................................... 16
Problématique et questions de recherche.............................................................................. 21
Cadre d’analyse de la recherche ........................................................................................... 23
Contribution de la recherche................................................................................................. 25
Plan de la recherche .............................................................................................................. 27
Partie 1. La valeur ajoutée du grossiste dans le canal de distribution ...................................... 30
Chapitre 1. Le grossiste, un intermédiaire particulier dans le canal de distribution ................ 34
1.1 Le grossiste, une institution historique ...................................................................... 35
1.2 La position du grossiste dans l’organisation du canal ............................................... 48
1.3 Les intermédiaires à l’âge du digital .......................................................................... 72
1.4 Conclusion ................................................................................................................. 82
Chapitre 2. Le risque de désintermédiation : le point de vue des acteurs ................................ 87
2.1 Le design de l’étude ................................................................................................... 88
2.2 Interprétation et discussion des principaux résultats ............................................... 117
2.3 Conclusion et limites de la recherche qualitative .................................................... 186
Partie 2. Le risque de désintermédiation du grossiste suite à la diminution de sa valeur ajoutée
................................................................................................................................................ 195
Chapitre 3. Modélisation et étude empirique : le risque de désintermédiation par l’intégration
verticale du flux informationnel ............................................................................................. 199
3.1 Cadre conceptuel de la recherche ............................................................................ 200
3.2 Construction du modèle théorique ........................................................................... 233
3.3 Méthodologie de la recherche.................................................................................. 241
3.4 Conclusion ............................................................................................................... 260
Chapitre 4. Analyse et principaux résultats de l’étude quantitative ....................................... 265
4.1 Analyses préliminaires et présentation des données ................................................ 265
4.2 Évaluation des qualités psychométriques des mesures ............................................ 270
4.3 Tests des hypothèses ................................................................................................ 328
4.4 Conclusion ............................................................................................................... 349
Conclusion .............................................................................................................................. 354
6
Synthèse de la recherche..................................................................................................... 355
Réponses aux questions de recherche ................................................................................. 363
Les apports de la recherche................................................................................................. 366
Les limites de la recherche ................................................................................................. 378
Les voies de recherche futures............................................................................................ 382
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 385
ANNEXES ............................................................................................................................. 404
TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE ............................................................................... 413
INDEX DES ACRONYMES ................................................................................................. 420
INDEX DES FIGURES ......................................................................................................... 421
INDEX DES IMAGES........................................................................................................... 423
INDEX DES TABLEAUX .................................................................................................... 424

7
« Nombreux sont les vivants qui mériteraient la mort et les morts qui mériteraient la vie.
Pouvez-vous la leur rendre ? Alors ne soyez pas trop prompts à dispenser mort et jugement.
Même les plus grands des Sages ne peuvent tout connaître. »

J.R.R. Tolkien

Introduction

1
Origine de la recherche

Les intermédiaires, à l’instar des grossistes, ont une histoire riche. D’importateur international
de produits, ils sont devenus avec le temps des acteurs enracinés localement. Si les
intermédiaires ont fait évoluer leurs fonctions, les autres acteurs du canal de distribution en ont
fait autant, brouillant ainsi les cartes de la création de valeur ajoutée au sein du canal. Cette
dernière peut être définie comme la comparaison de l’apport d’un acteur avant et après son
intervention (Diviné, 2016). Il apparaît donc que les intermédiaires sont soumis à un double
risque de désintermédiation par les acteurs traditionnels (Rosenbloom, 2007 ; Gadde, 2012 ;
Michel, 2016), mais aussi de réintermédiation par de nouveaux entrants digitaux (Soriano,
2016 ; Alexandre, 2017 ; Daidj et al., 2017).

Nous utiliserons les définitions de Rosenbloom (2007) en ce qui concerne la désintermédiation


et la réintermédiation à savoir :

Tableau 1 : définition de désintermédiation et réintermédiation (d’après Rosenbloom, 2007 p.


329-330)

Désintermédiation Réintermédiation
« Disintermediation emphasizes the removal or « Reintermediation stresses a reformulation,
disappearance of intermediaries from distribution realignment and perhaps even some pruning of
channels, which if carried to the ultimate meaning of intermediaries in distribution channels but not total
the term would result in the total elimination of elimination. »
middlemen from the channel. »

Or les intermédiaires, malgré les prévisions et les volontés des acteurs en amont et en aval, sont
toujours présents dans le canal. Face à cette annonce de disparition des intermédiaires,
nombreux sont ceux qui ont réussi à maintenir, à défendre et même à améliorer leurs positions
(Gadde, 2014 ; Michel, 2016). Le point de départ de cette recherche doctorale est l’étude de la
survie des intermédiaires, notamment physiques, au travers de la création de valeur ajoutée au
sein du canal de distribution dans un environnement de transformation digitale.

2
Internet a, dans un premier temps, généré un phénomène de désintermédiation avec l’essor du
commerce en ligne1. Mais face à l’augmentation des offres et de l’information, de nombreuses
plateformes sont apparues et s’inscrivent dans un courant de réintermédiation s’appuyant sur
l’ultra-connectivité des consommateurs et leur « ubiquité » (Badot et Lemoine, 2013 ; Picot-
Coupey, 2013 ; Collin-Lachaud et Longo, 2014). La consommation ou l’usage de produit et de
service se fait de plus en plus sur un mode Any Time, Any Where, Any Device (ATAWAD) peu
importe l’environnement, qu’il soit physique, digital ou hybride (Badot et Lemoine, 2013 ;
Lemoine, 2015).

La démarche que nous avons retenue pour cette recherche doctorale a été construite par notre
parcours universitaire et professionnel. En effet, dans le cadre de la réalisation d’un Master à
l’IAE DIJON, nous avons pu avoir une première approche du canal de distribution des
matériaux de construction. Cela a abouti à la rédaction de deux mémoires sur les thématiques
suivantes :

- Le concept du drive, sur le modèle proposé par la grande distribution, est-il adaptable
au négoce de matériaux de construction ? (2014)
- La borne interactive est-elle le meilleur outil dans le processus de digitalisation des
points de vente ? (2015)

Déjà lors de ces deux travaux, nous avions entr’aperçu que ce canal en particulier avait du mal
à se digitaliser, non pas par manque d’initiatives des industriels et des grossistes, mais plus par
manque d’intérêt de la part des clients professionnels du bâtiment. Nous avons pu approfondir
ce constat en tant que Responsable de la transformation digitale d’un leader régional de négoce
de matériaux. Tout développement d’outils ou de services digitaux se heurte à la faible
utilisation par l’aval du canal et par des problématiques de partage de l’information entre les
acteurs.

Et dans le même temps, nous avons vu les industriels grandir sur le sujet du digital et du service
dans une optique d’intégration verticale de certaines fonctions assurées jusqu’à présent par le

1
Source : https://www.latribune.fr/opinions/blogs/le-blog-du-contrarian/la-reintermediation-du-monde-
742357.html, consulté le 21/01/2020

3
grossiste. Les artisans du bâtiment se sont également regroupés sous la forme de coopératives
afin de désintermédier le grossiste traditionnel pour entrer en relation directe avec les
industriels. Pour autant, dans ce contexte de désintermédiation par les acteurs traditionnels,
aucun acteur digital n’est venu bousculer les forces en présence dans une conception de
plateformisation des échanges.

Nous avons donc trouvé pertinent à ce moment de notre réflexion de confronter l’aspect
scientifique de la recherche doctorale avec notre expérience professionnelle. En effet, si la
survie des intermédiaires traditionnels, notamment de grossistes, est actée (Michel, 2016), il
faut alors voir comment ils continuent aujourd’hui à produire de la valeur ajoutée au sein du
canal de distribution dans ce contexte de digitalisation.

La naissance d’Internet comme phénomène de désintermédiation

L’informatique puis le digital ont permis une numérisation de l’information qui facilite la
récolte, le stockage, le traitement et le transfert des informations. Internet a joué un rôle
prépondérant dans ce courant de dématérialisation de l’information puisqu’il est vu dès son
origine comme un moyen de partage libre et gratuit de l’information. Cette démocratisation a
légitimé l’émergence du commerce sur ce support à partir du milieu des années 1990, même si
les premières transactions électroniques apparaissent dès les années 1980 (Gaudeul et Jullien,
2001b). Ces dernières sont l’œuvre de Michel Aldrich en 19792. Les transactions de ce type
restent, dans un premier temps, attachées au secteur du B to B et se réalisent notamment en
France grâce au Minitel et l’EDI3 (Frazier, 1999 ; Belvaux, 2006 ; Munos, 2006 ; Belvaux et
Notebaert, 2018). Ce n’est que dans les années 90 que ce commerce s’étend aux transactions B
to C.

2
Source : https://www.ecommercemag.fr/Thematique/data-room-1223/Breves/histoire-commerce-infographie-
190270.htm, consulté le 21/01/2020
3
L’EDI ou Electronic Data Interchange consiste à envoyer des données informatisées et standardisées (Belvaux
et Notebaert, 2018).

4
Mais l’achat en ligne demeure marginal du fait de l’absence de règles et d’autorité centrale sur
la toile. En réalité, la France a très tôt adopté de nombreuses lois 4 (Perben II – 2004, LCEN –
2004, DADVSI – 2006, Hadopi 2 – 2009, Loppsi 2 – 2011, LPM – 2013, Loi antiterroriste –
2014, Loi relative au renseignement - 2015) qui sont venues réglementer le contenu et l’usage
d’Internet. Plus récemment, s’applique en droit national le règlement général sur la protection
des données ou RGPD de l’Union européenne5. Les faibles parts de marché de l’achat en ligne
s’expliquent aussi à l’époque par la crainte qu’inspire le paiement en ligne (Belvaux, 2006).
Aujourd’hui, l’enjeu se situe sur la collecte et la gestion des données privées.

Cependant, la vente en ligne va croître en raison de nombreuses évolutions technologiques et


sociétales. Internet progresse fortement auprès du grand public au début des années 2000. Le
taux d’équipement des Français en connexion Internet à domicile passe de 4 % en 1998 à 86 %
vingt ans plus tard6. Dans le même temps, les parts du e-commerce dans l’économie continuent
de croître avec des nombres à deux chiffres. Entre 2012 et 2018, le chiffre d’affaires réalisé sur
les sites de vente en ligne est passé de 31 milliards7 à 92,6 milliards8, passant ainsi de 7 % (hors
alimentaire) à 9,1 % du commerce de détail.

Un autre phénomène est venu bousculer le e-commerce classique. Il est induit par la nouvelle
mobilité des supports de communication et se traduit par le « m-commerce » ou mobile
commerce (Barda et al., 2011). L’importance grandissante du m-commerce comme canal de
vente à part entière s’enracine progressivement puisqu’il représente 22 % du chiffre d’affaires
du commerce en ligne en 2018 contre 8 % en 20149. Le m-commerce se traduit par le fait
d’acheter et de vendre des produits ou services sur smartphone (Téléphone intelligent) ou
tablette (aussi appelé t-commerce). Le site web de l’e-commerçant ne doit pas simplement être
transposé à l’expérience mobile. Il est nécessaire de prendre en compte le support tel que la
taille de l’écran, le tactile, etc. Le m-commerce date du début des années 2010 avec la
démocratisation du smartphone et la prise en compte de la transformation digitale au sein des

4
Source : https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/04/15/sept-lois-en-dix-ans-pour-encadrer-le-web-
francais_4615841_4355770.html, consulté le 22/10/2020
5
Source : https://www.cnil.fr/fr/rgpd-par-ou-commencer, consulté le 22/10/2019
6
Source : https://fr.statista.com/statistiques/471949/equipement-connexion-internet-a-domicile-france/, consulté
le 21/01/2020
7
FEVAD (2013), Les chiffres clés 2013
8
FEVAD (2019), Les chiffres clés 2019
9
FEVAD (2019), Les chiffres clés 2019

5
entreprises (Metais-Wiersch et Autissier, 2018). Le taux d’équipement des Français en
smartphone passe de 17 % en 2010 à 73 % en 201710.

Le parcours d’achat d’un professionnel ne diverge que très peu par rapport au consommateur
particulier. D’après une étude de la Fédération du E-commerce et de la Vente À Distance
(FEVAD) et de QualiQuanti, la priorité pour 84 % des professionnels est la recherche d’un
rapport qualité-prix-services11. La recherche d’optimisation des coûts n’est donc pas un
avantage comme cela aurait pu être envisagé puisque seulement 16 % des sondés recherchent
le tarif le plus avantageux. Ce chiffre est confirmé dans le secteur du bâtiment, puisque pour 51
% des artisans le gain de temps est la principale motivation d’achat en ligne 12. Ainsi, le
professionnel reste fidèle au fournisseur qui lui fait gagner du temps.

Le client B to B est connecté, il se renseigne sur Internet avant d’acheter. L’achat est réalisé de
la même manière que dans sa vie privée. Dans le cadre de la préparation d’achat, Internet est la
première source d’information, devant le catalogue, le commercial et la visite en magasin. Il est
nécessaire ici d’entrer dans le détail, car pour certaines typologies de clients, les artisans du
bâtiment par exemple, le distributeur – négociant reste la première source d’information sur les
produits et les matériaux en 201413. En ce qui concerne les commandes des professionnels,
87 % d’entre elles sont passées sur Internet contre 56 % en magasin et 54 % par téléphone. Le
professionnel recherche donc un gain de temps et une harmonisation des données lors de son
processus d’achat.

Nonobstant, une distinction peut être opérée entre l’achat récurrent où le souhait est le gain de
temps, de l’achat complexe où le professionnel ressent le besoin d’être guidé. Faire gagner du
temps à son client est un facteur clé pour le fournisseur, que ce soit au travers de l’accès à
l’information et sa personnalisation, ou que ce soit par la rapidité de commande dans le cas des
achats récurrents. Une bonne information sur le produit est jugée primordiale pour 40 % des
professionnels et cette proportion augmente à mesure que le produit acheté est complexe. Mais

10
Secrétariat d’État au numérique (2017), Baromètre du numérique 2017
11
Marsiglia, A. Couratier, C.-E. & Bô, D. « Enquête sur les nouveaux comportements des entreprises en matière
de ventes aux professionnels (BtoB) », www.fevad.fr, publié le 08/11/2013
12
Source : Enquêtes Capeb & CNOA /Batiactu – Baromètre artisans/architectes, septembre 2014
13
Source : Enquêtes Capeb & CNOA /Batiactu – Baromètre artisans/architectes, septembre 2014

6
le gain de temps n’est pas le seul point important. Le client professionnel, tout comme le
particulier, attend du contact, des conseils et des services. Cette relation peut passer par le
commercial, mais aussi par une hotline réactive. Il y a une vraie tendance sociétale de fond dans
le sens où le service devient l’un des principaux leviers de différenciation. Le fournisseur doit
donc passer d’une approche « produit » à une approche « servicielle » centrée sur le client
(Moati, 2019).

La croissance d’Internet dans l’économie fait peser un risque de désintermédiation sur les
intermédiaires au sein du canal de distribution et donc de réintermédiation par de nouveaux
acteurs comme les marketplaces (Moati, 2019). Il est possible de nuancer le pourcentage
d’achat en ligne par les professionnels. En effet, en 2017, 19 % des ventes B to B se sont faites
par un moyen électronique avec une surreprésentation de l’EDI (15 %) et une part par e-
commerce plus faible (4 %). Mais Internet n’est pas le seul outil de désintermédiation. Les
acteurs amont et aval peuvent aussi avoir la volonté de supprimer des intermédiaires.

L’évolution du marketing B to B

L’expression business to business (B to B) est un anglicisme pour définir des échanges et des
relations interentreprises. Dans la réflexion B to B, le client final est un nouveau levier
d’efficacité. Le B to B classique n’identifie pas le client final puisque les biens ne lui sont pas
destinés directement (Malaval et Bénaroya, 2013). Dans un contexte B to B, l’échange de
produits et services se fait entre entreprises ou d’une entreprise à une administration (Malaval
et Bénaroya, 2013). Il y a une opposition économique entre le secteur B to B et le secteur des
biens de grande consommation.

Le marketing B to B possède des caractéristiques propres. L’une des principales caractéristiques


est le nombre réduit de clients potentiels. En effet, les acteurs interviennent dans un marché
concentré. Les clients ont des besoins complexes, mais ils sont également rationnels et
prévisibles (Diviné, 2016). De plus, les clients sont souvent bien informés et organisés. Le
nombre réduit de clients rend possible un suivi exhaustif en matière d’étude et de force de vente.
Les clients sont majoritairement connus et suivis dans des bases de données ou des outils de
7
CRM (Custom Relationship Management) (Diviné, 2016). Les bases de données sur les clients
permettent au personnel en contact avec les clients de personnaliser le service (Eiglier, 2004).

La deuxième caractéristique concerne l’hétérogénéité de la clientèle. Cette clientèle


professionnelle connaît une différence de taille, de motivation, de mode de fonctionnement ou
encore d’implantation géographique. Par exemple, elle peut être internationale. Le processus
d’achat est plus complexe, car il s’intègre dans un processus d’achat de groupe qui fait
intervenir plusieurs personnes au sein de l’organisation et peut nécessiter un certain temps. Une
autre caractéristique est le rôle actif du client. Nous traiterons ce point plus tard dans le
raisonnement notamment avec l’apport du « Service-Dominant Logic » et de la co-création.

La dernière caractéristique est la forte implication réciproque entre le client et le fournisseur.


La relation est plus fidèle en B to B que dans le secteur de la grande consommation. Cette
relation s’appuie sur un double engagement du fournisseur en termes de confidentialité et sur
la garantie d’avoir des pièces de rechange (Malaval et Bénaroya, 2013).

Lorsque l’on se situe dans une approche B to B, cette dernière fait appel au marketing relationnel
(Malaval et Bénaroya, 2013). Les premiers temps du marketing sont organisés autour de la
transformation des produits. Les travaux se situent alors plutôt en économie. Avant les années
70, la technique d’échange reposait sur le marketing-mix classique et les « 4P », à savoir le
prix, le produit, la promotion et la place (Callot, 2002 ; Béji-Bécheur, 2016). Dans un deuxième
temps sont apparus le marketing des services et le marketing relationnel organisés sur l’échange
de biens, que ce soit des produits ou des services. Dans les travaux traditionnels sur les canaux
les aspects sont économiques, politiques et sociaux avec des concepts comme le pouvoir, le
conflit, la confiance ou la dépendance. Le pouvoir intervient plutôt dans des canaux
transactionnels alors que la confiance apparaît dans les canaux relationnels (Assassi et Filser,
2005). Dans le marketing relationnel, l’aspect principal est celui de la gestion de la relation et
de sa valeur dans le temps avec une approche réseau. La relation est au cœur du marketing B to
B dont les concepts clés sont la confiance, l’engagement, l’implication et la coopération (des
Garets, Lamarque et Plichon, 2003 ; Malaval et Bénaroya, 2013).

8
Il est nécessaire de passer d’une opposition entre le marketing relationnel et transactionnel pour
aller vers une utilisation des deux de manière simultanée afin de maximiser les retombées
(Assassi et Filser, 2005 ; Lafaix-Durant, 2006). En B to B, les relations doivent être construites,
développées et maintenues sur le long terme entre les partenaires. Mais elles peuvent également
être optimisées pour créer une valeur et une efficacité accrue (Debos, 2006). La création de
valeur se fait au travers de la satisfaction du client. Il est donc nécessaire d’avoir une parfaite
compréhension des besoins exprimés et latents du client (Malaval et Bénaroya, 2013). Le
marketing relationnel présente un nouveau paradigme relationnel avec deux variables clés que
sont la confiance et l’engagement (Morgan et Hunt, 1994 ; Bonet Fernandez, 2008). Le
marketing B to B a évolué d’une optique purement transactionnelle à une optique relationnelle
de type « gagnant-gagnant » avec une stratégie de coopération (Debos, 2006 ; Bonet Fernandez,
2008).

L’étude de la désintermédiation en Sciences de Gestion

L’intermédiation et la distribution B to B sont de grandes oubliées de la littérature en Sciences


de Gestion et leurs acteurs sont peu ou mal connus avec une bibliographie « maigre » (Dugot,
2000 ; Paché, 2012). L’un de ces acteurs du milieu a été particulièrement oublié dans la
littérature sur la distribution et le commerce : le grossiste (Rosenbloom, 2007 ; Gadde, 2014 ;
Pardo et Paché, 2015 ; Dugot, 2016). De plus, l’intermédiaire dans le canal de distribution ne
serait pas capable d’innover, ce qui le priverait d’un rôle actif dans la modernisation des canaux
de distribution (Pardo et Paché, 2015).

Le rôle de l’intermédiaire se comprend dans une mission à deux dimensions. Il doit assurer des
fonctions transactionnelles (liées aux marchandises) et logistiques (gestion des flux physiques
et informationnels) (Pardo et Paché, 2015). Pour Gadde (2012), le rôle du commerce de gros
est assez peu développé en recherche (Frazier, 1999 ; Pardo et Michel, 2013) et il souffre, tout
comme le grossiste, d’un manque d’étude encore aujourd’hui. En effet, les recherches sur le
retail ont été préférées (Beckman et Engle, 1951 ; Dugot, 2000 ; Michel, 2014). Il y a peu
d’études scientifiques sur les grossistes avant les années 1930. L’intérêt pour le commerce de
gros réapparaît dans les années 1920, notamment dans la sphère économique (Beckman et
Engle, 1951 ; Rosenbloom 2007). De plus, le grossiste jouit d’une image négative et court
9
toujours le risque de se voir désintermédier par l’amont et l’aval du canal de distribution comme
le montre l’image 1 (Michel, 2016). Michel et al. (2019) vont même jusqu’à parler de
« wholesalophobia » dans les interactions entre détaillants et grossistes dans la distribution
alimentaire.

Image 1 : campagne de publicité 2020 d’un distributeur alimentaire sur le thème « zéro
intermédiaire »

Une entreprise peut s’imposer dans un réseau si elle génère de la valeur ajoutée pour ses
partenaires. La valeur ajoutée permet à l’intermédiaire de ne pas disparaître, autrement dit, cela
lui permet d’exister et de justifier sa place dans le canal de distribution. Afin de continuer à
exister, l’intermédiaire a dû faire évoluer ses fonctions de base qui représentaient un espace
assez réduit dans la chaîne de valeur. Cet acteur a donc intégré des activités en amont (le
fabricant) et en aval (distributeur de détail et client professionnel) (Dugot, 2000 ; Coffy,
Pouquet et Sienkiewicz, 2007 ; Néfussi, 2008a, 2008b). Ainsi, parler de l’intermédiation revient
à envisager un jeu de trois acteurs avec des liens et des relations plus ou moins étroits (Pardo et
Paché, 2015).

10
Si les intermédiaires ont compris la valeur ajoutée des activités de service dans leur
positionnement, tous n’ont pas encore totalement apprivoisé la transformation digitale en cours.
Cela fut le cas, en son temps, de la grande distribution avant de trouver le modèle du Drive 14.
Internet a modifié les modes d’organisation de certains secteurs comme l’automobile, la chimie,
le transport et les biens d’équipement de haute technologie (Gaudeul et Jullien, 2001b). Des
distributeurs ont disparu alors que de nouveaux intermédiaires sont apparus avec des activités
qui n’existaient pas avant.

L’impact de la transformation digitale pour les entreprises traditionnelles

Nous assistons à un décrochage d’une quinzaine d’années entre la transformation digitale de la


société et de l’économie et la transformation digitale des entreprises (Deshayes, 2017).
L’économie digitale « désigne les entreprises dont les modèles de gestion reposent de plus en
plus sur les technologies de l’information, les données et [I]nternet. » p. 10 (Srnicek, 2018). Le
terme digital apparaît pour les entreprises en 2012. Il s’agit du passage de l’usage d’Internet à
travers des sites Internet à celui d’applications accessibles depuis n’importe quel device pour
produire des services (Metais-Wiersch et Autissier, 2018). C’est à ce moment-là qu’émerge la
transformation digitale au sein des entreprises. Elle est avant tout une affaire de stratégie
d’entreprise et de management (Deshayes, 2017).

Il faut revenir sur le débat sémantique entre numérique et digital. Dans un premier temps, le
terme « numérique » a été préféré, qui correspond au développement informatique et à Internet
(Belvaux et Notebaert, 2018). Ce terme se rapporte à la notion d’informatisation de la donnée,
de l’automatisation de son traitement et de sa mise en valeur (Metais-Wiersch et Autissier,
2018). Le terme « digital », dont l’étymologie renvoie à la notion de doigt (digitus en latin), se
rapporte à l’affichage par segments activés ou non (système binaire). Les termes « numérique »

14
Définition : « Le terme de drive désigne généralement un point de retrait de biens ou de marchandises au sein
duquel le client prend livraison de ses articles directement au sein ou à proximité de son véhicule.
Le terme de drive fut initialement utilisé pour désigner la possibilité de commande et de retrait au volant
disponibles dans des enseignes de fast food. », B. Bathelot (2016) sur https://www.definitions-
marketing.com/definition/drive/

11
et « digital » sont devenus synonymes comme le montre le Larousse15 (Belvaux et Notebaert,
2018 ; Moatti, 2018).

La transformation digitale est apparue comme une réponse à la crise de 2008. Elle est aussi
perçue comme pouvant construire de nouveaux avantages concurrentiels. Comme le montre
une étude de Capgemini et du MIT, les entreprises qui prennent en compte la transformation
digitale et se situent dans une certaine maturité digitale surperforment, car elles ont une
profitabilité supérieure de 26 % par rapport à la moyenne de leur secteur16 (Lemoine, 2014 ;
Metais-Wiersch et Autissier, 2018). Il apparaît alors difficile de donner une définition de la
digitalisation ou de son synonyme qu’est la transformation digitale, car elle est globale, c’est-
à-dire qu’elle touche tous les secteurs et tout le monde. Elle influence l’interne et l’externe
d’une entreprise (Daidj et al., 2017). Elle peut être perçue comme une réelle rupture des usages,
des business models et des règles du marché. La transformation digitale est liée aux évolutions
d’Internet et notamment de ce qu’a initié Tim O’Reilly (2005) avec le Web 2.0 portant sur les
relations avec les réseaux sociaux. C’est une nouvelle forme de dialogue qui s’inscrit dans un
marketing (plus) participatif où il est demandé l’avis et la participation du consommateur. Avec
Internet et les réseaux sociaux, l’information n’est plus seulement descendante. Le marketing
participatif a deux principaux avantages. Il permet de comprendre les besoins et les envies du
consommateur et de mieux fidéliser les clients, ce qui augmente le chiffre d’affaires des
marques ayant leurs communautés (Audigier et al., 2016).

La transformation digitale repose sur trois composantes : les innovations des outils numériques
(les plateformes par exemple), la dimension stratégique (managériale, organisationnelle et
culturelle) et la dimension humaine (Vanheems, 2018). Le digital doit permettre « l’intégration
de partenaire dans l’écosystème »17. Il est à présent indispensable de penser le marketing via le
digital. Les acteurs comme les marques et les enseignes doivent être présents à tous les moments
du parcours client et procurer la meilleure expérience puisque la consommation se fait de plus
en plus par le digital (Bénavent, 2016).

15
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/num%c3%a9rique/55253?q=num%c3%a9rique#54878
16
https://www.capgemini.com/news/une-tude-mondiale-ralise-par-capgemini-consulting-et-le-mit-center-for-
digital-business/
17
Baratoux, P. (2016), Qu'est-ce que digital signifie vraiment ? https://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-
rh/digital-rh/quest-ce-que-digital-signifie-vraiment, consulté le 13 mai 2018

12
Cette transformation agit également sur le modèle économique des entreprises. Or le modèle
économique dominant chez les intermédiaires traditionnels, en particulier les grossistes, serait
mixte (Capon, Funel et Sury, 2013), c’est-à-dire qu’il s’appuierait sur un enrichissement de la
proposition de valeur plutôt orienté vers le client que vers le fabricant et sur la maîtrise des
coûts de fonctionnement. Cela signifie que l’ensemble des processus internes et externes sont
modifiés.

La transformation digitale s’inscrit dans un cycle Schumpéterien (Roy, 2005 ; Lehmann-Ortega


et Roy, 2005 ; Gallouj et Gallouj, 2009 ; Schaeffer et al., 2016 ; Yagoubi et Tremblay, 2017)
dans lequel Internet est à la base d’innovation de rupture ayant permis l’émergence de nouveaux
acteurs et l’avènement des GAFA (Metais-Wiersch et Autissier, 2018) :

- Google : positionnement sur la recherche et la monétisation de la publicité ;


- Amazon : leader du e-commerce ;
- Facebook : réseaux sociaux ;
- Apple : développe la consommation de contenus culturels digitalisés.

La transformation digitale des secteurs économiques a créé des effets, dont la dématérialisation,
qui fait apparaître de nouveaux canaux de communication et de distribution. Le digital
dématérialise tout ou partie d’un processus informationnel et transactionnel (Metais-Wiersch et
Autissier, 2018). La transformation digitale repose sur une suite d’évolutions technologiques
matérielles (puces, serveurs, etc.) et immatérielles (langage informatique, logiciel, application,
etc.) (Belvaux et Notebaert, 2018 ; Metais-Wiersch et Autissier, 2018). Les outils digitaux
modifient l’environnement interne et externe de l’entreprise. En interne, le top management
doit s’approprier à bras le corps ce sujet. De nouvelles méthodes de travail peuvent être mises
en place, qui soient plus collaboratives et moins hiérarchisées. En externe, les échanges avec
les fournisseurs et les clients sont modifiés pour être plus directs et plus rapides. Le client est
au centre de la stratégie de l’entreprise, il faut alors parler de « customer centric » (Metais-
Wiersch et Autissier, 2018).

13
La digitalisation a également d’importants impacts sur le stockage, le traitement et le partage
de l’information, autrement dit de la donnée. De la carte perforée à la disquette sur laquelle il
était possible de stocker jusqu’à 1,44 Mo en passant par la clé USB (plusieurs To) et le CD –
DVD – Blu-ray (plusieurs centaines de Mo puis de Go), aujourd’hui tout le monde utilise le
cloud (nuage) et peut-être demain l’ADN18 pour stocker des informations. Les leaders du cloud
computing19 sont de grandes plateformes qui ont diversifié leur activité comme Amazon Web
Services, Microsoft, Google Cloud Plateform ou encore Alibaba, ce qui ouvre les portes de l’IA,
des algorithmes (Bénavent, 2016) et de l’IoT20 comme le Quantified Self (Bénavent, 2014). Les
solutions de cloud pour les particuliers sont également devenues importantes, par exemple
Dropbox possède 500 millions d’utilisateurs avec des comptes gratuits21. Le service de stockage
de photo de Google (Google Photos) est utilisé par 1 milliard de personnes22. Le cloud peut être
utilisé dans l’externalisation du traitement et de la conservation des données (Motroni et
Posocco, 2017).

Le traitement de l’information est également rendu plus facile sous forme numérique. Le big
data permet de conserver et d’analyser les traces laissées par les Internautes. Cela renseigne sur
leurs parcours d’achat (Vayre, 2013). Cette donnée est ensuite utilisée par les entreprises pour
comprendre et orienter les activités des clients en proposant des solutions adaptées (Salerno et
al, 2013 ; Vayre, 2013 ; Motroni et Posocco, 2017). Il s’agit « de fournir chacun en information
personnalisée » p. 11 (Bénavent, 2014). Nous retenons la définition du McKinsey Global
Institute selon lequel la « Big data refers to datasets whose size is beyond the ability of typical
database software tools to capture, store, manage, and analyze. »23.

18
Carbon D. (2017), L’évolution de l’espace de stockage et son futur,
https://www.supinfo.com/articles/single/5491-evolution-espace-stockage-son-futur, consulté le 17/02/2020
19
Définition : Informatique en nuage (calque de l'anglais cloud computing), modèle d’organisation informatique
permettant l'accès à des ressources numériques dont le stockage est externalisé sur plusieurs serveurs. (Au
Canada, on dit infonuagique.), https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/nuage/55167
20
Source : https://www.zdnet.fr/actualites/top-2019-des-fournisseurs-de-cloud-aws-azure-gcp-ibm-sur-l-hybride-
et-salesforce-domine-le-saas-39880577.htm, consulté le 17/02/2020
21
Source : https://www.macg.co/ailleurs/2018/02/dropbox-compte-11-millions-dabonnes-payants-et-perd-de-
largent-101491, consulté le 17/02/2020
22
Source : https://www.presse-citron.net/google-photos-cest-deja-plus-dun-milliard-dutilisateurs/, consulté le
17/02/2020
23
McKinsey Global Institute (2011), Big data : The next frontier for innovation, competition, and productivity

14
La capacité de transfert et d’accès à Internet a bouleversé l’accessibilité à l’information en
passant de 14.4 Kb/s en 199424 à 20 Gb/s demain avec la 5G. Le débit sous la 5G sera multiplié
par 10 selon l’Arcep25 par rapport à la 4G et l’ouverture à la commercialisation doit commencer
en 2020. Cette technologie de rupture est une avancée technologique sur laquelle les Chinois
sont actuellement leaders avec des entreprises comme ZTE et Huawei (Edward, Benjamin et
Walker, 2018 ; Gomart, 2019). Cette innovation technologique va bouleverser notre
environnement26 dans des domaines comme la ville intelligente, la santé ou l’industrie.

Le smartphone peut être vu comme le principal vecteur de la transformation digitale. Des NTIC
(Nouvelles Technologie de l'Information et de Communication), nous passons réellement à
l’ère du digital. L’information est disponible partout et tout le temps (Deshayes, 2017 ; Metais-
Wiersch et Autissier, 2018). De nombreuses entreprises ont construit leur business model autour
du smartphone et des opportunités qu’il représente : plateforme de co-voiturage et de transport,
plateforme de streaming vidéo ou musical, etc. (Benghozi et Chantepie, 2019). Les acteurs
traditionnels y sont également venus comme les banques ou les groupes de presse. La
digitalisation n’est pas un simple changement des technologies ou des outils, mais réellement
le rapport que nous avons avec l’information. Celle-ci est devenue instantanée et planétaire. Il
ne suffit donc pas de mettre des écrans ou des bornes dans les magasins, il faut également faire
tomber les silos au sein de l’entreprise, pouvoir gérer un feed-back pour adapter le plus
rapidement possible son offre et passer d’un management vertical à un management horizontal
(Belvaux et Notebaert, 2018). Il y a donc une co-construction de la création de l’offre dans
laquelle le produit n’est plus vendu seul, mais se comprend dans une expérience.

24
Source : https://www.zdnet.fr/blogs/infra-net/acces-internet-et-si-on-revenait-au-modem-56k-juste-pour-voir-
39831970.htm, consulté le 17/02/2020
25
Source : https://www.arcep.fr/la-regulation/grands-dossiers-reseaux-mobiles/la-5g.html, consulté le
17/02/2020
26
Source : Le monde en face, Qui a peur de Huawei ?, diffusé sur France 5 le 14/01/2020

15
L’émergence des plateformes comme stratégie de réintermédiation

La désintermédiation et la réintermédiation ont des effets sur la réorganisation des chaînes de


valeurs (Soriano, 2016). De nouveaux acteurs réinventent les modèles d’affaires et peuvent
s’intercaler entre les entreprises traditionnelles et leurs clients (Lemoine, 2014).

Si nous cherchons dans le Larousse, la désintermédiation se définit comme l’« Évolution par
laquelle les agents économiques peuvent accéder directement aux marchés de capitaux, sans
passer par le système bancaire. »27. Le Larousse semble conditionner la désintermédiation au
domaine bancaire. Jusqu’en 1980, lorsqu’une entreprise voulait financer son activité, elle avait
presque systématiquement recours au crédit bancaire28. Dès les années 90, avec l’émergence
d’Internet et des NTIC (le digital n’existe pas encore), le secteur bancaire se voit menacé par
l’arrivée de banques en ligne (Deshayes, 2017). Ainsi un phénomène de désintermédiation
bancaire est apparu avec l’accès pour les particuliers et les entreprises à d’autres modes de
financement29 (Fonrouge, 2017).

Ce phénomène s’est accéléré depuis dix ans, notamment sous deux effets. Le premier concerne
la crise de 2008 où les banques, par peur, ont été très (trop) prudentes dans l’octroi de crédits
aux TPEs/PMEs. Durant cette période, le mode de financement des PMEs est modifié. Les
banques ont fermé les robinets, ce qui a permis à de nouveaux acteurs d’apparaître pour
proposer des alternatives. Le second effet, qui accentue davantage la désintermédiation des
banques traditionnelles, s’explique par de nouvelles réglementations bancaires comme Bâle
III30 ou la législation sur les pratiques tarifaires.

27
Source : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/d%C3%A9sinterm%C3%A9diation/24513, consulté le
17/01/2020
28
Source : https://group.bnpparibas/actualite/desintermediation-intermediation-equilibre, consulté le 17/01/2020
29
Source : https://www.latribune.fr/opinions/blogs/le-blog-du-contrarian/la-reintermediation-du-monde-
742357.html, consulté le 21/01/2020
30
Source : https://www.letemps.ch/economie/desintermediation-bancaire-repond-aux-besoins-pme, consulté le
17/01/2020

16
Le gouvernement, et de manière plus générale l’État, joue un rôle actif dans la
désintermédiation bancaire. Les entreprises ont donc à présent différents moyens de
financement en dehors du crédit bancaire :

- les marchés, pour les grandes entreprises, sous la forme d’émission de titre obligatoire ;
- les instruments de dette privée émis par les assurances et les structures sous forme de
placement ;
- les « minibons » sont des bons de caisse utilisant la blockchain31 et qui peuvent être
échangés sur les plateformes de financement collaboratives (Motroni et Posocco, 2017);
- le crowdfunding qui est un nouveau mode de financement auprès des particuliers pour
les TPEs/PMEs.

Nous allons nous intéresser plus particulièrement au crowdfunding ou financement participatif,


bien qu’il n’ait pas fallu attendre le financement participatif pour voir apparaître la
désintermédiation bancaire et donc une certaine forme de réintermédiation.

Le crowdfunding est défini par la Banque de France comme « […] un mode de levée de fonds
réalisé auprès d’un large public de particuliers pour financer un projet spécifique via une
plateforme sur [I]nternet. Il peut se présenter sous trois formes : dons, prêts ou participations
au capital. »32. Cette solution est née de la digitalisation avec d’autres FinTech portées sur le
crowdlending33. Les entreprises de la FinTech sont de nouveaux entrants dans l’écosystème de
la banque et de la finance (Motroni et Posocco, 2017). Elles commercialisent des produits et
services bancaires aux particuliers et aux entreprises via des plateformes. Il existe trois types
de plateformes :

- les plateformes de prêts qui ont le statut d’intermédiaire en financement participatif


(IFP) ;
- les plateformes de capital qui ont le statut de conseiller en investissement participatif
(CIP) ;

31
« La blockchain est une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et
fonctionnant sans organe central de contrôle. » de Blockchain France, https://blockchainfrance.net/decouvrir-la-
blockchain/c-est-quoi-la-blockchain/, consulté le 01/03/2020
32
Banque de France (2017), Le financement participatif (crowdfunding), Référentiel des entreprises, Fiche 332
33
« Le « crowdlending » permet à des particuliers de financer, via Internet, le projet d’une entreprise grâce à un
prêt rémunéré. », https://banque.ooreka.fr/astuce/voir/579299/crowdlending, consulté le 17/01/2020

17
- les plateformes de dons qui ne sont soumises à aucune réglementation spécifique.

Il est donc en réalité plus correct de parler de réintermédiation puisque de nouveaux acteurs
proposent des services qui n’existaient pas jusqu’à présent et se reposent sur des solutions
digitales.

En 2018, les plateformes de crowdfunding ont collecté 402 millions d’euros de fonds contre
336 millions d’euros en 2017. Cela représente une évolution de 20 % entre 2017 et 2018. Le
nombre de projets a également fortement progressé puisqu’il est passé de 24 126 en 2017, à
33 381 en 2018 dont 85 % ont été financés sous la forme de dons34. D’après les chiffres de
l’INSEE, le montant des prêts avec intérêt accordés à des entreprises par des plateformes de
financement participatif est de 93 millions d’euros en 2018 et de 104 millions d’euros en 2017
soit respectivement 294 et 332 bénéficiaires. Ce type de financement participatif, même s’il
s’adresse majoritairement à de petites entreprises, puisque 73 % ont un chiffre d’affaires
inférieur à 750 000 euros, reste un financement complémentaire35. La banque reste le meilleur
intermédiaire pour financer les TPEs/PMEs, car elle propose une gamme de services essentiels
comme le financement du découvert et des crédits à court terme, des services financiers comme
la gestion des impayés ou des opérations plus complexes comme les fusions-acquisitions ou les
cessions d’entreprises. De plus, les réseaux bancaires bénéficient de barrières à l’entrée vis-à-
vis des acteurs digitaux via des actifs comme le réseau d’agences (Metais-Wiersch et Autissier,
2018).

Mais les plateformes de crowdfunding ne sont pas les seules concurrentes digitales aux banques
traditionnelles. Les banques en ligne, ou néobanques, utilisent Internet pour proposer des
services bancaires. Sur le marché des particuliers, 6,5 % des Français sont clients de ces banques
en ligne36. Ces acteurs ont encore des difficultés à trouver un modèle d’affaires rentable, car
presque aucun des acteurs ne dégage de résultats positifs en 2017 37. L'autorité de contrôle
prudentiel et de résolution (ACPR), dans son étude des banques en ligne et des néobanques de

34
Source : Baromètre du crowdfunding en France 2018 réalisé par KPMG pour Financement Participatif France
35
Source : https://www.insee.fr/fr/statistiques/4238554?sommaire=4238635, consulté le 17/01/2020
36
Source : Analyses et synthèses, Etude sur les modèles d’affaires des banques en ligne et des néobanques,
ACPR – Banque de France, 2018
37
Source : Analyses et synthèses, Étude sur les modèles d’affaires des banques en ligne et des néobanques,
ACPR – Banque de France, 2018

18
2018, identifie quatre générations de nouveaux entrants. La première génération arrive avec
l’avènement d’Internet et se positionne plutôt sur des produits d’épargne avec des acteurs tels
que ING Direct (2000), Fortuneo (2000) ou encore Boursorama (2002). Ces banques en ligne
ont rapidement été rachetées par des banques traditionnelles, Fortuneo par Arkéa en 2006 et
Boursorama par la Société Générale en 2002. En réaction à cette structuration du marché, les
banques traditionnelles qui n’avaient pas encore de banques en ligne, lancent les leurs. Il est
possible de citer le Crédit Agricole avec BforBank (2009) ou encore BNP Paribas avec Hello
Bank (2013). D’autres acteurs bénéficiant d’un réseau de distribution physique, mais
s’appuyant sur le phygital38 comme Carrefour avec C-Zam ou Orange avec Orange Bank
(2017) initient la troisième génération. La quatrième génération est nativement mobile avec des
acteurs comme Revolut ou N26 Bank qui utilisent massivement les réseaux sociaux. Ces acteurs
restent pour le moment indépendants.

La concurrence de ces deux types d’acteurs ainsi que le comportement des clients dans l’usage
des applications bancaires pour les tâches courantes poussent les groupes bancaires à revoir leur
maillage territorial. En effet, le nombre d’agences bancaires a diminué de près de 3 % passant
de 37 623 en 2014 (Notebaert, Attuel-Mendès et Belvaux, 2016) à 36 519 en 201939.

Un autre secteur a connu un bouleversement bien plus systémique, il s’agit de celui des produits
culturels. Dans la musique, dès la fin des années 90, une plateforme d’échange de fichiers MP3
fait des ravages dans l’industrie du disque. Cette plateforme de partage avant l’heure est Napster
(Deshayes, 2017). Elle s’appuie sur un saut technologique avec l’utilisation du peer-to-peer40
et des fichiers MP3 (Deshayes, 2017). À la fin de l’année 2018, 235 millions de personnes dans
le monde écoutaient de la musique en streaming via un abonnement payant41 dont 5,5 millions
en France. En 2018, le marché numérique a généré plus de revenus (335 millions d’euros) que
celui du physique (256 millions) avec une variation respective de + 18,7 % contre – 15 %. Ce

38
Définition : « Phygitalisation : la phygitalisation est née de la contraction des mots « physique » et
« digitalisation ». […] La phygitalisation du point de vente consiste à combiner les avantages d’une composante
physique, issue des produits, des services, de la présence des salariés… aux bénéfices d’une composante digitale
provenant de différents outils et applications : tablettes, cabines d’essayage connectées, bornes interactives… »
p. 14 (Belvaux et Notebaert, 2018).
39
Fédération Bancaire Française (2019), Faits et chiffres – Le secteur bancaire français
40
« Technologie permettant l’échange direct de données entre ordinateurs reliés à Internet, sans passer par un
serveur central. », Larousse
41
Source : https://www.futuresource-consulting.com/press-release/media-entertainment-press/paid-music-
streaming-subs-will-hit-235-million-by-the-end-of-2018/, consulté le 20/01/2020

19
sont les plateformes de streaming qui génèrent le plus de chiffres d’affaires depuis 2016 et
atteint 51 % de parts de marché en 201842. Ainsi, les ventes de CD restent quand même
importantes et s’écoulent à travers différents canaux comme les disquaires, le e-commerce, des
enseignes spécialisées et des grandes surfaces alimentaires. Ce phénomène de distribution
multicanal n’est pas nouveau puisque dès 2009, Belvaux et Labbé-Pinlon identifient cinq
groupes d’acheteurs de CD entre ceux qui n’achètent qu’en magasin, que sur Internet ou mixant
les différents canaux.

Des acteurs traditionnels ont connu une fin tragique, comme le distributeur Virgin Megastore
qui a fermé ses 26 magasins en 2013. Cette disparition est due à la concurrence de certains
GAFA, principalement Amazon et Apple, et à l’effondrement des marchés physiques43. De plus,
si les labels existent toujours et sont des acteurs puissants, des plateformes comme Spotify
tentent de les désintermédier en passant des contrats directs avec des artistes actuellement
indépendants44 (Rimaud, 2019).

Finalement, la plateformisation peut être vue comme la réponse au risque de la


désintermédiation annoncée. La relation avec le client final ainsi que la création de valeur se
trouvent modifiées et reposent sur un petit groupe d’acteurs en position de quasi-monopole.
Cette position de monopole a permis à ces plateformes de réduire la concurrence et d’investir
en R&D, dans leur technologie et ainsi d’offrir toujours plus de services. Prenons l’exemple
d’Amazon qui fut créé en 1994 et lancé un an plus tard. La plateforme (qui n’est alors qu’un
site e-commerce) arrive en France en 2000. Elle se donne comme objectif de rendre réel le
fantasme du e-commerce en commençant par vendre des livres sur le principe de la longue
traîne45 (Filser, 2012 ; Moati, 2019). Il faut attendre l’éclatement de la bulle d’Internet pour
qu’Amazon gagne enfin de l’argent en 200146. La croissance que connaît cette plateforme depuis
est alors exponentielle et atteint un chiffre d’affaires de 232,9 milliards de dollars et un bénéfice

42
SNEP (2019), L’économie de la production musicale 2019
43
Source : https://www.francetvinfo.fr/economie/emploi/plans-sociaux/la-direction-de-virgin-megastore-va-
deposer-le-bilan-mercredi-annoncent-les-syndicats_199695.html, consulté le 20/01/2020
44
Source : https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/comment-spotify-tente-de-court-circuiter-les-labels-
133537, consulté le 21/10/2020
45
« Popularisée par Chris Anderson, la « longue traîne » désigne les produits qui sont l’objet d’une faible
demande, ou qui n’ont qu’un faible volume de vente, mais qui peuvent collectivement représenter une part de
marché substantielle, si les canaux de distribution peuvent proposer assez de choix et permettre de les découvrir. »,
p. 81 (Moati, 2019)
46
Source : https://www.numerama.com/start-up/amazon, consulté le 21/01/2020

20
de 10,1 milliards47. Depuis, Amazon a diversifié son offre et ses services pour passer d’un
« simple site de vente en ligne » à une plateforme proposant des services de stockage, de web
services, de streaming musical, de streaming et de création de contenu vidéo, de logistique,
etc.48. Amazon est actuellement présent sur 29 secteurs marchands dont de nombreux dans
l’industrie culturelle (Rimaud, 2019). Il est passé du rôle de distributeur à celui de producteur.

Il existe cependant encore des secteurs qui n’ont pas connu de processus de désintermédiation
et de réintermédiation. Certains canaux de distribution restent encore faiblement digitalisés.
C’est par exemple le cas de la distribution de matériaux de construction où le chiffre d’affaires
en e-commerce est à peine supérieur à 1,1 %49, et ce malgré le fort taux d’équipement en outils
digitaux (ordinateur et smartphone) des entreprises du bâtiment. L’État intervient même depuis
2014 au travers d’un plan pour le numérique afin de faire monter en compétence l’ensemble
des acteurs de la filière sur ce sujet. La distribution est peu dématérialisable et des
intermédiaires historiques restent en place. En outre, de nombreuses plateformes ont fermé leurs
sites après seulement quelques années d’existence comme Batiwiz ou Outiz. Ce paradoxe mérite
donc d’être approfondi.

Problématique et questions de recherche

Le paradoxe entre les phénomènes de désintermédiation et de réintermédiation et la survie de


certains intermédiaires traditionnels a servi de piste à la construction de la problématique de
recherche (Rosenbloom, 2007).

Fort de ces remarques, l’objectif de la présente recherche est d’étudier l’effet de la digitalisation
pour le distributeur B to B dans ses relations aussi bien avec le fabricant que le client
professionnel. La problématique de recherche défendue est la suivante :

47
Source : https://www.lefigaro.fr/flash-eco/amazon-quatrieme-trimestre-meilleur-que-prevu-mais-ses-
previsions-decoivent-20190131, consulté le 21/01/2020
48
Source : https://www.unboxstory.com/do-you-know-these-services-you-use-are-provided-by-amazon/,
consulté le 21/01/2020
49
Source : INSEE, Enquête TIC 2014 consultable :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1492711?sommaire=1492717

21
Dans le cadre d’une transformation digitale de son environnement, quelle est la valeur
ajoutée que le grossiste traditionnel apporte aux autres membres du canal de distribution
et comment cela contribue-t-il à éviter ou à réduire le risque de désintermédiation ?

Le postulat est que la création de valeur ajoutée par cet intermédiaire a un impact sur sa relation
avec ses fabricants et ses clients. Il est alors possible d’imaginer le grossiste comme une
entreprise pivot (Capo, 2002). Le négoce cherchera à se positionner sur certains nœuds
stratégiques au sein de son réseau. Ces nœuds stratégiques permettront au négoce de générer de
la valeur ajoutée pour l’amont et l’aval de son canal de distribution, ce qui évitera sa
désintermédiation en le rendant « indispensable » et créera des barrières à l’entrée pour de
nouveaux entrants. Dans le cadre de la réflexion stratégique de Gadde (2014), l’intermédiaire
doit constamment apporter de la valeur ajoutée aux fournisseurs et aux clients.

Cette première approche du sujet nous permet de poser quatre questions de recherche :

- La perte de valeur ajoutée par l'intermédiaire conduit-elle à une désintermédiation ?

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter sa valeur ajoutée ?

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter les effets de sa valeur ajoutée sur la
désintermédiation ?

- Le modèle des grossistes traditionnels est-il en capacité de concurrencer le modèle des


plateformes ?

Afin d’étudier ce paradoxe entre des secteurs comme la banque ou la musique qui ont connu de
profonds changements et d’autres qui ne semblent pas être modifiés par la transformation
digitale, nous avons choisi d’utiliser différents cadres théoriques.

22
Cadre d’analyse de la recherche

Nous avons, dans un premier temps, cherché à comprendre la place et la valeur ajoutée des
intermédiaires, et plus spécifiquement des grossistes, au sein du canal de distribution. Le
grossiste reste présent dans un certain nombre de canaux, mais tous n’ont pas la même faculté
d’adaptation face à la digitalisation. Il semblerait que le canal retenu soit protégé par des
barrières à l’entrée qui ne permettent pas la mise en place d’un processus de désintermédiation
ou de réintermédiation.

Les théories sur le canal de distribution ne semblaient pas pouvoir répondre entièrement à la
problématique de recherche. Nous nous sommes intéressés aux théories sur les réseaux qui
expliquent l’émergence des plateformes. En effet, si la désintermédiation a clairement été
identifiée dans les travaux sur le canal, la réintermédiation via des plateformes semble plutôt
attachée aux théories des réseaux. Il est cependant possible de voir les plateformes comme de
nouveaux intermédiaires (Pardo et Paché, 2015 ; Bénavent, 2016 ; Evans et Schmalensee,
2016). En revanche, nous avons décidé d’axer principalement notre propos sur le risque de
désintermédiation.

Afin de mieux comprendre ce phénomène, le terrain retenu est le canal de distribution des
matériaux de construction. Ce canal est peu étudié en comparaison d’autres canaux comme
celui de la distribution alimentaire par exemple (Capon, Funel et Sury, 2013). De plus, il est
particulièrement intéressant à observer, car il existe un intermédiaire indispensable sur le
marché français qu’est le négoce de matériaux de construction. Le négoce est un intermédiaire
de type grossiste. Il est également intéressant de l’étudier au vu du poids qu’il représente dans
notre économie. Les négoces généralistes et multispécialistes en bois et dérivés cumulent un
chiffre d’affaires supérieur à 35 milliards d’euros HT50.

C’est l’acteur privilégié entre l’amont et l’aval du canal de distribution. En s’appuyant sur la
théorie des réseaux et plus particulièrement le concept de triade de distribution, il est possible

50
Zepros Négoce (2019), Zetop Négoce 2019, 16.

23
de sélectionner comme unité d’analyse l’industriel, le grossiste et le client professionnel. Deux
couples sont toujours utilisés. Dans le cadre du marketing management, il s’agit du fournisseur
et du distributeur. La distribution est alors perçue comme un élément du marketing-mix en tant
que levier du fournisseur. Dans le cadre du marketing, nous retrouvons le distributeur et le
client, mais cela est rare lorsque le client est un professionnel.

La distribution B to B est rarement étudiée du point de vue du distributeur ou de façon tronquée


et les triades organisationnelles sont des objets d’étude peu développés (Portier, Pardo et Salle,
2014 ; Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). La triade est une entité « confortable », c’est-
à-dire pas trop grande, et suffisamment pertinente en vue de regarder le phénomène de
distribution. Il est alors possible d’analyser l’influence réciproque des relations (Pardo, 2015
dans Pardo et Paché, 2015). Durant l’intégralité de ce travail de recherche, des allers - retours
ont été effectués avec le terrain, et ce, en partie grâce à notre rôle d’observateur privilégié. Ce
rôle a permis un accès facilité au terrain, notamment aux acteurs, mais aussi à de l’information
de première main. Il a également été possible de faire des études préliminaires et de cadrer le
travail final.

La méthodologie mise en place s’appuie sur cette triade de distribution. Dans une première
approche, nous avons mené une étude qualitative. Vingt-deux entretiens semi-directifs ont été
exécutés auprès de chacun des membres de cette triade. Cette première étape a permis de créer
un modèle de recherche en s’appuyant sur l’analyse thématique des entretiens sur NVivo 12.
Cette phase a permis de mettre en lumière l’importance des fonctions de gros au sein du canal
de distribution et un risque de désintermédiation partielle suite à la diminution de la valeur
ajoutée du grossiste. En effet, les industriels ont récupéré la gestion de certains flux par manque
de compétence ou de vision des négociants en matériaux de construction. De ce constat, nous
avons décidé de tester les éléments suivants : comment le grossiste génère de la valeur ajoutée
et quels sont les risques de désintermédiation. Le modèle met en avant les flux physiques,
informationnels et financiers dans le canal comme antécédents de création de la valeur ajoutée
du grossiste. Le modèle cherche alors à mesurer si la valeur ajoutée à un effet positif ou négatif
sur le risque de désintermédiation. La littérature et les résultats de l’étude qualitative ont fait
émerger deux modérateurs. Ces modérateurs peuvent influencer le lien entre la valeur ajoutée
créée par le grossiste et le risque de désintermédiation. En utilisant la dynamique des canaux de

24
distribution, nous avons fait émerger le Service-Dominant Logic comme levier pour l’industriel
dans le processus de désintermédiation. Le grossiste, quant à lui, peut s’appuyer sur une
Resource-Based View pour augmenter l’effet de la valeur ajoutée sur le risque de
désintermédiation. Ces modérateurs doivent permettre d’améliorer ou de diminuer les effets de
la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation.

Contribution de la recherche

Ce travail de thèse envisage différents apports académiques et managériaux. D’un point de vue
académique, la recherche vise dans un premier temps à identifier les fonctions conservées par
les grossistes au sein du canal de distribution. Les fonctions ainsi assurées par cet acteur lui
permettent de générer de la valeur ajoutée pour l’amont et l’aval de la chaîne. Ces fonctions,
transactionnelles et logistiques, peuvent être subdivisées en trois flux : logistique, financier et
informationnel (Bowersox et al., 1980 ; Bowersox et Morash, 1989 ; Dugot, 2000 ; Coughlan
et al., 2006 ; Pardo et Paché, 2015). Il sera alors possible d’identifier l’extension de la valeur
ajoutée du grossiste par de nouveaux services (Néfussi, 2008a) ou à l’inverse la baisse de cette
valeur par la volonté de réintégration verticale (Filser, 1989 ; Filser, des Garets et Paché, 2012).

Dans un deuxième temps, cette étude permettra de mettre en lumière et d’étoffer la littérature
sur les intermédiaires, car comme nous l’avons rappelé, c’est un acteur peu étudié en Sciences
de Gestion (Giraud et Pardo, 2012). La place de l’intermédiaire dans la chaîne de valeur ainsi
que son rôle dans la création de valeur seront mieux définis. De plus, les intermédiaires
semblent s’être plus difficilement appropriés le courant de transformation digitale. Il pourra être
intéressant d’identifier quelles en sont les causes, si cela provient des stratégies, des outils ou
des personnes. Cette recherche s’efforcera également de clarifier les différents types
d’intermédiaires qui peuvent intervenir au sein du canal (Beckman et Engle, 1951 ; Dugot
2000 ; Coughlan et al., 2006).

Dans un troisième temps, l’utilisation d’une triade de distribution dans le cadre de la


méthodologie devra permettre de participer à la constitution du cadre conceptuel et de la

25
théorisation des triades en général et plus précisément en France. La triade est pour le moment
peu étudiée et vue comme un outil méthodologique.

D’un point de vue managérial, la recherche donnera des clés pour la digitalisation des
entreprises, tout particulièrement pour les intermédiaires traditionnels. Ainsi, les responsables
dans le secteur B to B pourront mettre en place une stratégie de service à valeur ajoutée en
utilisant la transformation digitale. Dans le secteur étudié, le digital commence tout juste à être
appréhendé par les décideurs, mais il est perçu comme un service à forte valeur ajoutée. C’est
le cas par exemple du commerce électronique dans le négoce. Il n’est pas perçu comme un canal
de vente, cette activité générant à peine plus de 1 % du chiffre d’affaires, mais plutôt comme
un service supplémentaire auprès des clients professionnels dans leur relation et organisation
quotidienne avec leurs distributeurs. Il est également important d’avoir une stratégie digitale
clairement identifiée pour échanger les bons flux avec les industriels. D’autant plus que les
grandes marques ont déjà mis en place un écosystème digital dense avec sites Internet,
médiathèques et applications qui s’adressent aussi bien aux intermédiaires qu’aux clients
professionnels, voire finaux. Il est donc essentiel pour l’intermédiaire de se positionner sur ce
segment de la chaîne de valeur.

Il sera également possible pour une organisation d’étudier ses relations en amont et en aval pour
pouvoir s’adapter, afin de conserver sa place dans la chaîne de valeur ou bien construire un
avantage concurrentiel. Ce positionnement dans la chaîne de valeur du canal de distribution doit
permettre d’anticiper et d’éviter le processus de désintermédiation par des acteurs déjà en place
ou le processus de réintermédiation par de nouveaux entrants. Bien que les industriels soient de
plus en plus nombreux à proposer des outils digitaux, seuls les négociants peuvent proposer une
offre de service globale de type « chantier de A à Z » et multimarque. La relation humaine est
très marquée pour les acteurs du terrain étudié, ce qui génère de forts freins à la digitalisation
des membres de la triade. Il est donc déterminant pour un acteur d’identifier les différentes
conséquences sur les relations.

Les acteurs pourront également identifier une partie de la valeur ajoutée par chacun et leur
fonction respective au sein du canal de distribution à travers la triade industriel – intermédiaire

26
– client professionnel. En utilisant la triade, cela permettra également d’étudier en partie le
comportement des clients professionnels et de vérifier s’il est identique aux clients particuliers
et si cela a une influence dans les relations au sein du canal. Les grossistes B to B souffrent d’un
manque de visibilité et restent encore peu étudiés. La notion de triade permet de mettre au centre
des relations le négoce et d’identifier clairement son rôle dans le canal et les échanges qu’il
entretient avec les autres acteurs. C’est l’une des limites de la littérature sur le parcours d’achat
omnicanal. Il existe peu d’études sur la digitalisation dans les relations B to B et encore moins
sur le grossiste. Peuvent-ils être traités comme les détaillants (littérature riche), dans ce cas il
est possible d’utiliser la théorie néo-institutionnelle (mimétisme), ou est-il nécessaire d’utiliser
un autre modèle ? Nous allons dans le sens d’un rapprochement des théories sur le canal de
distribution et sur les réseaux, qui se comprendrait dans un cadre théorique plus large que nous
pourrions nommer « théorie de plateformisation » (Filser, Frisou et Henriquez, 2019).

Plan de la recherche

Dans une première partie, nous tenterons d’apporter une compréhension à notre problématique
au travers de la présentation du cadre théorique et méthodologique. Dans le premier chapitre,
nous présenterons la revue de littérature qui a orienté nos réflexions. Celle-ci s’appuie
principalement sur la théorie du canal de distribution et sur celle des réseaux. Le canal de
distribution a été sollicité pour permettre une meilleure compréhension du rôle, de la place et
des fonctions de chaque acteur dans la création de valeur. Cette théorie peut aussi apporter un
éclaircissement sur les différents intermédiaires physiques et digitaux. Ainsi, il sera possible de
mieux définir les grossistes. La théorie sur les réseaux permet d’avoir une meilleure
compréhension des intermédiaires digitaux en s’appuyant notamment sur l’écosystème
d’affaires. Elle offre aussi la possibilité de mieux comprendre les marchés multifaces inhérents
à ce type d’acteur.

Ensuite dans le chapitre 2, la méthodologie mise en place pour l’étude qualitative sera
développée ainsi que son apport dans le processus de conception de la recherche. Nous ferons
connaître dans un premier temps les enjeux du digital pour le terrain retenu. Cela nous permettra
de détailler l’unité d’analyse qui repose sur le concept de triade de distribution, la phase de

27
récolte et d’analyse des données. Puis, ce chapitre mettra en avant les principaux résultats
obtenus lors des entretiens semi-directifs. Il se terminera par les conclusions et les limites de
cette phase de la recherche.

Afin de répondre à la problématique, dans la seconde partie, nous exposerons la modélisation


de l’étude et les principaux résultats des tests empiriques. Le chapitre 3 sera consacré à la
modélisation et à l’étude quantitative. Après avoir détaillé les objectifs de la recherche, nous
présenterons le cadre conceptuel retenu. Ce dernier reposera sur la distinction des flux et la
dynamique du canal de distribution. Cela nous permettra de construire un modèle théorique et
de présenter le terrain d’étude et la méthode de collecte des données. Nous conclurons alors ce
chapitre.

Le chapitre 4 développera l’analyse et les principaux résultats de l’étude empirique. Il reviendra


sur les résultats de la collecte de données et sur la représentativité de l’échantillon pour chacun
des membres de la triade. Il sera ensuite possible d’évaluer la qualité psychométrique des
mesures. Une fois ce travail fait, nous testerons les différentes hypothèses et discuterons les
résultats.

Enfin, nous conclurons ce travail de thèse en apportant des réponses aux différentes questions
de recherche. Il sera enfin temps d’aborder les apports académiques et managériaux de notre
travail de recherche. Nous montrerons qu’un rapprochement entre les théories du canal de
distribution et des réseaux peut être pertinent pour comprendre l’intermédiation. Cette réflexion
a été initiée par les travaux de Filser, Frisou et Henriquez (2019). Un tel travail ne serait pas
complet sans en évoquer ses limites. Il sera alors possible d’ouvrir sur les voies de recherches
futures.

28
Figure 1 : plan de recherche

29
Partie 1. La valeur ajoutée du grossiste dans le canal de distribution

30
L’objectif de cette recherche doctorale est d’identifier les risques de désintermédiation pour les
acteurs traditionnels de la distribution et l’effet du digital dans ce processus. Cette première
partie nous permet de mettre en place le cadre théorique mobilisé et de présenter l’étude
qualitative ainsi que son analyse.

Afin d’atteindre l’utilisateur final, l’industriel doit définir une politique de distribution. Il doit
créer ou modifier un canal de distribution en prenant en compte des variables internes et des
variables externes. Nous nous plaçons d’abord dans une fonction verticale de distribution au
sens de Filser, des Garets et Paché (2012) : « […] la gestion du canal de distribution, qui établit
une chaîne de relation entre le producteur et l’acheteur final. » p. 8. La littérature nord-
américaine parle de Marketing Channel lorsque les travaux portent sur le canal de distribution.
Ce sont des séquences d’institutions qui ont pour but d’acheminer le produit du fabricant au
consommateur final (Filser, 1989).

La vente est rarement réalisée dans le cadre d’un circuit direct ou court. Cela laisse l’opportunité
à des acteurs intermédiaires d’intervenir dans le canal de distribution. Même si le risque de
désintermédiation a été de nombreuses fois annoncé par les acteurs amont et aval, force est de
constater l’importance de ce type d’acteur du milieu dans la distribution. Nous nous attardons
sur un type d’intermédiaire en particulier qu’est le grossiste dans un premier chapitre.
Cependant, de nouveaux acteurs ont vu le jour via Internet et sont considérés comme de
nouveaux intermédiaires. Il s’agit des plateformes numériques. Ces acteurs interviennent dans
un courant de réintermédiation en s’appuyant sur les théories des réseaux. Cette vision réseau
remet en partie en cause la vision verticale adoptée dans le cadre des théories du canal.

Dans un deuxième chapitre, nous présentons les modalités de mise en place de l’étude
qualitative ainsi que les résultats de cette enquête. Le terrain retenu est celui de la distribution
des matériaux de construction, et ce pour différentes raisons qui sont détaillées dans la suite de
notre développement. Dans le cadre de cette étude exploratoire, nous avons décidé d’utiliser le
concept de triade. En effet, ce sont les relations physiques et digitales entre trois membres qui
nous semblent pertinentes d’étudier dans le cadre de la désintermédiation. Cette réflexion nous
a conduit à interviewer des industriels, des négociants en matériaux de construction et des

31
entreprises du bâtiment. L’ensemble de ces interviews a fait l’objet d’une analyse thématique
et a permis de construire un arbre thématique.

32
33
Chapitre 1. Le grossiste, un intermédiaire particulier dans le canal de
distribution

Nous avons décidé de structurer ce chapitre autour de trois grandes sections permettant de
comprendre l’évolution des intermédiaires. Tout d’abord, nous nous attardons sur le grossiste,
car il est le type d’intermédiaire que nous souhaitons mettre en lumière dans notre recherche.
À travers un rapide résumé historique, nous montrons que cet intermédiaire a évolué pour passer
du rôle d’importateur international à celui d’acteur local. Le grossiste a donc cherché à
développer sa valeur ajoutée auprès des autres membres du canal de distribution afin d’éviter
la désintermédiation (1.1).

Ensuite, de manière moderne, les théories du canal de distribution peuvent permettre de


comprendre les phénomènes d’intermédiation, de désintermédiation, de maintien de certains
intermédiaires ou de réintermédiation (Baritaux et Billion, 2018). Le défi du canal de
distribution implique deux processus majeurs. Le premier est de concevoir le bon canal afin
qu’il soit efficace et efficient. Le deuxième est de mettre en œuvre cette conception. La
conception du canal relève de trois éléments principaux. D’abord, l’architecte du canal doit
déterminer qui sont les membres. Ensuite, il doit décider l’identité exacte de chaque partenaire,
et ce à chaque niveau du canal. Enfin, le manager du canal doit décider de combien de chaque
type de membre vont être inclus dans le canal (Coughlan et al., 2006). L’arrivée d’Internet a
modifié le comportement des consommateurs (Belvaux, 2004). Les membres traditionnels du
canal, notamment les distributeurs, ont développé des stratégies multi, cross et omnicanal afin
de répondre à l’enjeu de la transformation digitale. En tant que membre incontournable de la
distribution des biens, il est possible d’étudier le grossiste de manière contemporaine sous
l’angle des théories du canal de distribution (1.2).

Si l’analyse classique de l’intermédiaire peut être d’abord étudiée avec une approche canal, elle
se trouve rapidement limitée par le déploiement du digital et des acteurs qui y sont nés. Le
digital a fait évoluer l’intermédiation avec l’apparition des plateformes numériques qui sont
vues comme de nouveaux intermédiaires et potentiels concurrents aux grossistes traditionnels
dans un processus de réintermédiation. Les théories du canal de distribution montrent alors

34
quelques limites qui peuvent être résolues par une approche réseau. Cette dernière peut alors
s’appuyer sur les théories de l’écosystème d’affaires et sur celle des triades (1.3).

Nous concluons ce premier chapitre avant de passer au suivant (1.4).

1.1 Le grossiste, une institution historique

Le grossiste canalise les flux matériels et immatériels dans le but d’éviter la multiplication des
points de contact entre les fournisseurs et les clients (Dugot, 2000). L’intermédiaire rend
possible la réduction des difficultés relationnelles entre des acteurs avec des intérêts divergents.

Comme nous le verrons plus loin dans le développement, le positionnement du grossiste au sein
du canal de distribution a été modifié par l’extension d’activités classiques et la création de
nouvelles activités. Cette extension se traduit par exemple par la création de nouvelles
prestations de services qui empiètent sur les activités des acteurs en amont et en aval.
Cependant, il reste difficile pour les grossistes de valoriser leurs services, même si ceux-ci
renforcent leur rôle d’intermédiaire au sein du canal de distribution (1.2.2).

Mais pour comprendre le positionnement actuel du grossiste, il nous semble plus que judicieux
de revenir sur les origines historiques du commerce de gros et plus particulièrement du
grossiste. Le commerce de gros et le commerce de détail sont les niveaux les plus importants
du point de vue des activités de distribution. Le commerce de gros se différencie par ses
fonctions et ses modes d’organisation (Filser, 1989). Il est historiquement lié aux biens
mobiliers corporels (Coughlan et al., 2006) (1.1.1).

1.1.1 Évolution du commerce de gros et du grossiste à travers les âges

Il est intéressant pour comprendre la richesse des grossistes d’explorer leur évolution dans
l’Histoire. Nous avons identifié cinq périodes comme étant les plus structurantes pour cette

35
intermédiaire. Il s’agit de l’Antiquité (1.1.1.1), le Moyen Âge (1.1.1.2), le courant
mercantilisme (1.1.1.3), la révolution industrielle (1.1.1.4) et enfin la période contemporaine
(1.1.1.5).

1.1.1.1 L’émergence des grossistes sous l’Antiquité

La genèse du commerce se retrouve dans le troc. Le troc est une forme d’échange qu’on retrouve
depuis l’apparition de l’Homme sur la Terre. Ce commerce a été durant un long moment le seul
moyen d’échanges entre les différents peuples. Ces échanges de biens, même s’ils furent
minimes au début, finirent par écouler les surplus de l’agriculture et de l’élevage. Les modes
d'échange étaient pris en charge par des opérateurs dont le rôle connaissait les premières
spécialisations.

Cependant, c’est avec la création de la monnaie et les différentes évolutions des moyens de
transport que le commerce de gros a pu éclore. Ces évolutions ont été influencées par les
demandes. Le grossiste va alors se mettre à transporter des quantités de biens par des caravanes.
Cela revient à organiser des convois de caravanes qui étaient tirées par des animaux et dirigées
par des hommes. Ces convois empruntaient la route « des caravanes ». Les traces des premières
routes remontent à -4000 avant notre ère. Cette phase va s’étendre sur l’eau via l’évolution des
transports et la mise en place de transports marins. Les Mésopotamiens avaient développé un
commerce maritime dans le golfe Persique. Ainsi, l’origine du commerce de gros trouve ses
racines dans le transport de petites quantités de biens à haute valeur par les caravanes. Puis cette
phase va s’étendre sur l’eau via les fleuves et les bateaux (Beckman et Engle, 1951 ; Michel et
Pardo, 2012).

Cependant, il faut attendre l’ère de suprématie grecque pour voir émerger le commerce de gros
comme une branche distincte du commerce (Beckman et Engle, 1951). Pour illustrer notre
propos, nous pouvons nous inspirer de la Cité grecque d'Athènes. Les Athéniens faisaient une
hiérarchie des occupations des hommes libres. Au sommet, on retrouvait la culture de la terre
alors que les activités telles que le commerce ou encore l’artisanat étaient dépréciées, car celles-
ci ne permettaient pas l’indépendance de celui qui la pratique. De plus, l’approvisionnement et
l’exportation des denrées étaient surveillés par la Cité en cas de forte pénurie. La Cité, c’est-à-
36
dire les hommes libres, mettait en place des intermédiaires pour simplifier les échanges et pour
augmenter les taxes. Ils n’étaient cependant pas les seuls intermédiaires qui existaient dans cette
cité, on retrouvait en effet des intermédiaires entre les producteurs et les consommateurs, c’est
ce qu’on va appeler les marchands. Ces intermédiaires ne se retrouvent pas seulement dans la
Grèce antique, en effet on peut également les retrouver en Égypte. Néanmoins, on ne dispose
que de très peu de sources, ce qui ne nous permet pas de connaître les règles qui régissaient ce
commerce.

En revanche, on en connaît les acteurs. D’un côté, il y a les « emporos » qui sont les grossistes
et de l’autre les « kapelos » qui sont les détaillants. On peut dès lors remarquer que la distinction
est clairement appliquée. Les « emporos » se concentrent au port du Pirée et vendent des
produits tels que le blé. Les conquêtes faites par Alexandre le Grand vont permettre de faire des
échanges bien plus importants et avec des pays qui étaient hors d’atteinte avant celles-ci
(Beckman et Engle, 1951 ; Orrieux et Schmitt Pantel, 2016).

Sur le continent, les Romains, eux, semblent d’abord être opposés au commerce. En effet, le
commerce n’a que très peu d’importance face à la guerre et à la politique d’extension du
territoire. Néanmoins, celui-ci va devenir la deuxième source de richesse de l'Empire. Il se met
en place dans les échanges internes, mais aussi lors d’échanges externes. Dans la première
catégorie, on retrouve des échanges entre les régions, mais aussi un commerce « centralisé »
qui converge vers Rome et qui passe par des ports tels que le port d’Alexandrie. Dans la
deuxième catégorie, on retrouve l’approvisionnement de produits exotiques qui pouvaient
provenir, par exemple, du commerce avec les pays d’Extrême-Orient. De ces échanges va naître
le « negateore », de plus en plus estimé par la haute société, celle-ci dépendant des produits
importés qu’elle consomme. De grands hommes vont se mettre à faire ce métier, car celui-ci
permet de faire des gains. Toutefois, les premiers « negatoeore » étaient souvent des armateurs
grecs qui achetaient des cargaisons pour ensuite les entreposer dans des entrepôts. Ceux-ci
étaient souvent placés dans des points stratégiques afin de faciliter le commerce. Les grossistes
vont peu à peu se rassembler en corporation pour faire valoir leurs droits. Ces corporations vont
prendre la forme des « curis municipales » ou assemblées municipales (Beckman et Engle,
1951 ; Le Bohec et al., 2019).

37
1.1.1.2 La période trouble du Moyen Âge

L'Empire romain d’Occident s’effondre avec les invasions. Celles-ci vont mener à l’abdication
de Romulus Augustule en 476. Quant à l’empire d’Orient, celui-ci s’effondre avec la prise de
Constantinople en 1453 (Le Bohec et al., 2019). Le Haut-moyen âge commence donc en 476
et s’étend jusqu’au Xe siècle. Celui-ci va s'évertuer à recréer le modèle antique, cependant, cela
reste une époque chaotique. Les invasions se succèdent, les peuples barbares ne se sédentarisent
pas et sont souvent en guerre, ce qui mène au dépeuplement des villes. Le système de commerce
est donc de nouveau fondé sur le troc et il se fait au niveau local. Malgré tout, les rois successifs
vont essayer, dès Pépin le Bref, de protéger les marchands avec des réglementations telles que
la moralisation de l'usure ou encore la création de douanes par Charlemagne. De nouvelles
routes commerciales s'ouvrent avec le réseau romain et les fleuves tels que le Rhin. Cependant,
les Francs n’étaient pas de grands navigateurs, leurs richesses étaient terrestres. Par contre, le
peuple Frison était, au VIIe siècle, des commerçants et des pirates qui entretenaient des relations
avec le monde scandinave et qui contrôlaient la majeure partie des côtes méridionales de la mer
du Nord. Un système local va se mettre en place avec le système féodal. Les seigneurs assurent
la protection des vassaux, car les routes n’étaient plus très sûres. Durant le Xe siècle, les routes
de commerce se vidèrent de leurs voyageurs pour laisser la place aux troupes de soldats qui les
parcouraient pour prévenir des incursions guerrières.

Vient ensuite le Moyen Âge classique. L’activité commerciale reprend à partir de la moitié du
XIe siècle. On retrouve des chemins empruntés tels que le chemin de Compostelle ou « chemin
français » qui était surveillé de manière efficace par le célèbre ordre militaire des Templiers.
Cette surveillance permettait donc de faire le voyage sans craindre d’être violenté. En plus des
pèlerins qui suivaient les reliques et qui voyageaient à pied et par petits groupes, vont se greffer
d’autres voyageurs comme des montreurs, des acteurs ou encore des ambulants. Ainsi la vie
commerciale et la vie intellectuelle voyagent, apportant des progrès techniques et permettant le
repeuplement du continent. On est donc face à une période de croissance.

Il faut cependant attendre le Moyen Âge tardif (XIV-XVe) pour voir le métier de commerçant
se structurer et ainsi reparler de grossiste, le commerce de gros s’étant éclipsé durant la majeure
partie du Moyen Âge (Michel et Pardo, 2012). C'est durant cette période que le commerce et

38
les marchands vont de nouveau être au cœur de la vie économique du royaume. On retrouve
d’une part les guildes, mais aussi les hanses (Beckman et Engle, 1951). Les guildes possédaient
leurs privilèges et leurs propres juridictions codifiés selon un statut officiellement reconnu.
Parmi ceux-ci figuraient la fixation des prix, celle des poids et mesures et le monopole
commercial. Les hanses quant à elles étaient le regroupement de guildes. Elles n'échappèrent
pas au mouvement et se transformèrent en ligues de villes marchandes. Il s'agissait à la base de
confréries à caractère religieux qui fleurirent au cours de l'Empire carolingien, lesquelles
donnèrent naissance aux corporations. Si la plus grande part du commerce international
provenait des ports du Nord ou de la Méditerranée, ceux-ci irriguaient ensuite le continent tout
entier. Ainsi, les commerçants sont devenus de véritables hommes d'affaires en achetant des
chargements entiers de navires et de lots de marchandises. Ces hommes ne se contentaient plus
de vendre aux particuliers, ils se donnaient rendez-vous dans les foires pour vendre et acquérir
des biens. Le commerce de gros est alors international et synonyme d’importation et
d’exportation. Le grossiste est alors un assembleur à grande échelle qui vend aussi bien à des
professionnels transformants le produit ou à des consommateurs51 (Dugot, 2000).

1.1.1.3 Le repli du grossiste au niveau national

Le courant mercantilisme ou encore « système mercantile » selon Adam Smith du XVIe au


XVIIIe siècle s’inscrit dans un mouvement nationaliste de création et de rétention des biens. La
politique mise en place au XVIIe siècle par Colbert l’illustre parfaitement : il a cherché à doter
l’État Français d’une balance commerciale excédentaire en encourageant le commerce. Le rôle
du grossiste est de premier plan dans ce système puisqu’il organise la production et contrôle la
vente. Colbert affirma dans une lettre à son cousin, intendant de Rochefort (1666) que : « Le
commerce est la source de la finance, et la finance est le nerf de la guerre. » p. 294 (Spector,
2003).

Son importance ne va pas cesser de croître notamment avec l’arrivée des produits industriels,
en effet les activités des marchands sont alors légitimées, puisque ce sont eux qui permettront
d’affirmer la puissance économique nationale et donc d'imposer le pouvoir royal. Leur activité

51
http://www.histoire-france.net/moyen/commerce, consulté le 02/10/2019

39
permet la circulation monétaire, sur laquelle est appuyée la fiscalité notamment avec la mise en
place des manufactures (Beckman et Engle, 1951).

Le visage moderne du grossiste commence alors à prendre forme et ne connaîtra plus de grandes
évolutions fondamentales. En effet, il gère le transport et le stockage de biens achetés à
différentes sources et trouve les débouchés afin de les vendre (Beckman et Engle, 1951). Lyon
devient durant un temps le centre commercial de l'Europe, devançant ainsi Paris. C'est la ville
où se négocient les grosses commandes entre marchands de différents horizons. Les marchands
isolés ou encore les petits artisans ne peuvent plus rivaliser, ils ne peuvent plus soutenir la
concurrence des puissants, des hommes d'affaires. Le commerce est lié au marché local, mais
se développe un commerce colonial au XVIIIe siècle. Il est lié aux ports et à leur plat pays.
Certains ports se spécialisent dans le commerce en ligne droite. C'est le cas de Bordeaux.
D'autres trafiquent avec le commerce triangulaire, comme Nantes. En effet, la « traite des
Nègres » est une partie du négoce qui voit des négociants faire fortune. Marseille se développe
pour le commerce international, de ce port Liliane Hilare-Pérez indique que « Les négociants
ont conscience d’appartenir à un groupe distinct de la société traditionnelle, comme ils
l’expriment clairement à Marseille en revendiquant au début du XVIIIe siècle ce « nom de
négociant »52. Par le voyage, le négociant acquiert ainsi une disposition à la mobilité et à
l’autonomie, une culture originale dans une société traditionnelle et un esprit entrepreneur. La
littérature de cette période nous donne une bonne idée du degré de spécialisation dans les types
d’intermédiaires de vente en gros53.

1.1.1.4 Une phase de spécialisation pour les grossistes

Le commerce de gros va connaître un tournant important lors de la « révolution industrielle »


dont Adolphe Blanqui, dans les années 183054, est l’un des premiers à utiliser cette notion. Cette
révolution se fait en s’inspirant de la crise sociale et industrielle qui s’est produite en Angleterre
dans le dernier tiers du XVIIIe siècle. Les progrès qui s'en suivent sont l’amélioration de la
communication avec la mise en place du chemin de fer, du développement des banques

52
https://www.histoire-genealogie.com/Le-monde-des-negociants-et-du, consulté le 02/10/2019
53
http://www.melchior.fr/content/les-fondements-de-leconomie, consulté le 02/10/2019
54
https://langloishg.fr/2018/08/11/la-revolution-industrielle-selon-adolphe-blanqui-1837/, consulté le
02/10/2019

40
organisées comme le Crédit mobilier des frères Pereire (1852), ou encore l'extension du marché
avec le libre-échangisme (Fureix, 2014).

Cette ouverture concurrentielle se retrouve dans les expositions universelles qui sont des
vitrines et des lieux de désirs. Cela aura pour effet d’accélérer le déclin des institutions de
distribution au profit des marchés permanents. La chute des compagnies et des foires va se faire
au profit des marchés et des grossistes qui utilisent des entrepôts pour stocker de gros volumes.
En effet, le commerce ne cesse de s'élargir au profit des pays européens grâce à l'évolution des
transports, que ce soit les trains ou encore par les canaux (Beckman et Engle, 1951).

Outre-Atlantique, le rôle du commerce de gros et des grossistes sera structurant dans le


développement économique de la nation (Chandler, 1988). Aux États-Unis, les autres fonctions
qu’ils assuraient auparavant, comme les fonctions financières, de transport, d’assurance, etc.,
sont désormais prises en charge par des banques et des compagnies d’assurances. Le grossiste
est peu à peu dissocié des importations et connaît une phase de spécialisation dans un certain
type ou ligne de marchandise (Beckman et Engle, 1951 ; Chandler, 1988 ; Dugot 2000). Le
XIXe siècle est une époque d’expansion pour les grossistes (Chandler, 1988). Toutefois, on va
voir se dessiner deux des concurrents notables du grossiste : celle de l’amont par les fabricants,
et celle de l’aval par les détaillants (Dugot, 2000 ; Michel et Pardo, 2012).

1.1.1.5 La dilution des fonctions de gros à l’époque contemporaine

Ces concurrents ne vont pas disparaître, au contraire ils vont se retrouver dans notre période
actuelle, mais ils ne seront plus les seuls. Les intermédiaires à l’époque sont peu enclins à faire
des démonstrations, le service après-vente et l’installation. En réalité, ils proposent peu de
service à valeur ajoutée. Cela permet au producteur de développer leur propre force de vente et
de travailler sur leur image de marque (Chandler, 1988 ; Gadde, 2014). Le producteur va
également bénéficier des avancées technologiques dans les transports ou le partage de
l’information pour améliorer sa performance (Gadde, 2014). Le pouvoir des grossistes diminue
durant cette phase.

41
Le bouleversement connu dans la distribution de détail durant les années 60 va se répercuter
sur les activités du commerce de gros (Dugot, 2000). Si de manière générique il est possible de
définir le commerce de gros comme étant toutes les institutions assurant les fonctions
d’intermédiations entre le producteur et la vente au client final (Filser, 1989 ; Coughlan et al.,
2006), ces fonctions de gros vont être de plus en plus prises en charge par les acteurs en amont
et en aval du canal de distribution (Michel et Pardo, 2012 ; Gadde, 2014). L’intermédiaire a
alors une image négative due à leur nombre important et à son coût dans la distribution. Sa
position s’oppose à la rationalisation des coûts d’une production de masse (Gadde, 2014).

Le commerce de gros va connaître de profondes mutations à partir des années 1970 avec le
développement des offres de prestations commerciales, la concentration et la spécialisation des
intermédiaires (Dugot, 2000, Rosenbloom, 2007 ; Michel et Pardo, 2012 ; Gadde, 2014). Il est
intéressant de rappeler qu’à l’époque préindustrielle, les grossistes assurent une grande part des
échanges internationaux. Cela n’est plus le cas aujourd’hui puisque les grossistes ont une zone
d’influence restreinte qui excède rarement le niveau régional ou local (Dugot, 2000).

Il y a donc un faible niveau de concentration qui se traduit par un éclatement géographique


(Coughlan et al., 2006). Ce phénomène s’explique par le nombre important de PMEs et
d’indépendants fortement enracinés localement, mais qui tend à décroître. En effet, nous
assistons à une consolidation du nombre d’acteurs à la suite des rachats et fusions de petites
structures et d’indépendants par de gros groupes. Ce processus de consolidation s’explique en
partie par le coût des investissements à faire dans les technologies de l’information. En parallèle
de ces investissements, les activités doivent de plus en plus être compatibles avec Internet
(Coughlan et al., 2006). Le commerce de gros comptabilise 200 000 entreprises en 1999 contre
120 000 en 2014 pour un chiffre d’affaires de 780 milliards d’euros55.

Les grossistes ne sont donc pas dans une phase de déclin telle qu’elle avait été annoncée par
l’amont et l’aval des canaux de distribution (Michel, 2016). Les ventes à faible volume sont
peu rentables pour les fabricants, et ce malgré la rationalisation (Gadde, 2014). Le grossiste a
l’avantage de pouvoir proposer une large gamme de produits provenant de différents fabricants.

55
CGI, Perspectives BtoB. (2014), Les nouvelles frontières du commerce de gros

42
Il est également mieux positionné pour répondre aux besoins de petits acheteurs (Gadde, 2014).
La baisse de puissance du grossiste à partir du XXe siècle est aussi due aux détaillants et
notamment à la grande distribution ayant mis en place une stratégie de « plateformisation »
(Baritaux et Billion, 2018). Le grossiste alterne entre phase de croissance et donc d’échange
interétatique avec des phases de replis où le commerce est local.

1.1.2 Définition et adaptation du grossiste contemporain

Les intermédiaires jouent un rôle central dans le référencement (Filser, des Garets et Paché,
2012) même si le grossiste jouit encore d’une perception négative (Gadde, 2012 ; Michel,
2014). Le commerce de gros et de surcroît le grossiste ne sont plus les seuls acteurs à assurer
les fonctions de gros (Dugot, 2000). Pour Dugot, le grossiste est « situé en position
intermédiaire entre les producteurs en amont et les détaillants (ou tout autre utilisateur) situés
en aval, il permet une organisation des relations. » p. 16. Il convient de définir plus précisément
ces acteurs (1.1.2.1) pour ensuite aborder l’adaptation du grossiste à son environnement
(1.1.2.2).

1.1.2.1 La définition du grossiste aujourd’hui

Il est pour nous intéressant de nous pencher sur la place et la fonction du grossiste aujourd’hui
pour comprendre et interpréter les différentes évolutions constatées. Comme nous l’avons
énoncé, le grossiste n’est plus le seul acteur à assurer la « fonction de gros ». Cet état de fait l’a
poussé à développer des activités en dehors de son champ classique.

Les acteurs assurant les différentes fonctions de gros étant devenues floues, il est nécessaire
d’identifier les critères qui permettent de définir le grossiste. Ainsi, quatre critères peuvent être
retenus : la propriété des marchandises, la nature de la clientèle, le niveau de service offert et
l’indépendance juridique et financière de l’institution de gros par rapport aux entreprises en
amont et en aval (Filser, 1989 ; Dugot, 2000, 2016).

43
La propriété des marchandises signifie que le grossiste possède en son nom propre les
marchandises qu’il vend (Dugot, 2000). Il s’agit d’un critère juridique de propriété des
marchandises (Filser, 1989). Ce critère permet la distinction entre deux types d’acteurs du
commerce de gros (Tableau 2). Le fait d’entrer en propriété des marchandises fait peser un
risque maximum sur le grossiste, car il doit financer et écouler le stock (Filser, 1989). Cette
propriété sur les produits donne le pouvoir aux grossistes de définir le prix de vente. Ils
connaissent également l’identité des futurs acheteurs qu’ils peuvent partager ou non avec le
fabricant (Coughlan et al., 2006).

Tableau 2 : différence d’intermédiaires suivant le type de propriété (inspiré de Filser, 1989 ;


Dugot, 2000)

Type de propriété Type de rémunération Type d'acteur


Le profit se fait sur la différence entre le
Le risque est maximal car propriété
coût d'achat et le prix de revente moins
et il est nécessaire de financer le Négociants
les coûts inhérents.
stock et son écoulement
Cela est égal à la marge
Le risque est absent car absence de Intermédiaire de type
La rémunération se fait sur un
propriété ce qui facilite la courtiers et agents
pourcentage de la transaction
transaction commerciaux

Le deuxième critère concerne la nature de la clientèle du grossiste. La nature de la clientèle est


majoritairement, mais non exclusivement professionnelle. Ainsi, le grossiste peut aussi bien
vendre à des détaillants, même si c’est de moins en moins le cas, des entreprises, des utilisateurs
professionnels, mais aussi à des clients particuliers tant qu’ils ne sont pas majoritaires (Dugot,
2000). Il est également possible de différencier les grossistes suivant les types de clients (Filser,
1989). Le grossiste a tendance à pratiquer une stratégie de diversification qui se traduit par un
élargissement de son champ d’activité. Il touche donc plusieurs types de clients. Mais cette
stratégie de diversification permet également au grossiste de répondre à l’intensification de la
concurrence (Filser, 1989).

Les deux premiers critères d’identification sont les principaux, mais ils restent insuffisants pour
clairement définir le grossiste (Dugot, 2000). Le niveau de service offert par le grossiste est la
justification de son existence qui passe par la capacité à procurer un certain nombre de services
complémentaires aux autres membres du canal (Filser, 1989 ; Dugot, 2000). Cette capacité
permet au grossiste d’assurer une fonction de manière plus économique qu’un autre acteur grâce

44
à l’effet d’échelle et/ou d’expérience. Le grossiste peut utiliser le service comme une variable
d’ajustement. Il est en faculté de réduire les services pour réduire les prix de vente (Filser,
1989). Le niveau de service offert peut être très variable d’un grossiste à un autre, mais quoi
qu’il en soit cela fait partie de la stratégie marketing de ces acteurs. Le grossiste assure tous les
services liés à la fonction de gros, c’est-à-dire logistique, financier et commercial (Filser, 1989 ;
Dugot, 2000).

Le dernier critère d’identification est le degré d’indépendance de l’institution de gros par


rapport aux autres membres du canal de distribution. Cette indépendance peut être caractérisée
par différents axes comme le plan juridique et financier ou le plan de la liberté de politique
commerciale et de développement de l’entreprise (Filser, 1989 ; Dugot, 2000). Dugot (2000)
retient uniquement le niveau d’indépendance juridique et financière. Il est possible de faire un
parallèle entre le degré de dépendance de l’institution de gros et les formes d’organisation du
canal (Tableau 3).

Tableau 3 : organisation du canal et indépendance du grossiste (repris de Filser, 1989, p.34)

Degré d'indépendance Organisation du canal


Indépendance complète Canal traditionnel
Dépendance limitée vis-à-vis du fournisseur Canal administré
Dépendance limitée vis-à-vis du détaillant Chaîne volontaire, franchise (canal contractuel)
- Coopérative de détaillants (canal contractuel)
Dépendance totale
- Canal intégré (par le fournisseur ou le détaillant)

Il est donc possible de distinguer différentes institutions du commerce de gros selon les critères
susmentionnés. Les négociants indépendants à service complet et à service limité exercent leurs
activités avec une grande autonomie. Ces institutions sont présentes dans les canaux
traditionnels ou administrés. Une distinction entre les négociants à service complet peut être
opérée suivant si l’assortiment est large, étroit et profond ou bien spécialisé (Filser, 1989). Il
existe ensuite des intermédiaires indépendants comme les agents commerciaux et les courtiers.
Ces intermédiaires n’ont pas de droit de propriété sur les marchandises (Filser, 1989 ; Dugot,
2000). Enfin, il existe des institutions de gros intégrées soit par le fabricant soit par le détaillant
(Filser, 1989). Ainsi, la mort des intermédiaires indépendants a été plusieurs fois proclamée,
mais ils continuent d’exister et d’être des acteurs importants dans le canal de distribution
(Rosenbloom, 2007 ; Michel, 2016). Les intermédiaires sont capables de s’adapter à de

45
nouvelles conditions et de faire évoluer leur mode de fonctionnement antérieur (Gadde, 2014 ;
Michel 2014). Les entreprises qui survivent sont celles réussissant à générer de la valeur pour
leurs partenaires et qui s’adaptent à leur environnement (Gadde, 2014).

1.1.2.2 Le développement des prestations de services

L’absence du déclin des grossistes s’explique par l’adaptation de l’offre avec le développement
de ces nouvelles prestations de service (Néfussi et Vicaire, 2013). Les prestations de service
ont permis aux intermédiaires de renforcer leur légitimité et leur rôle au sein du canal de
distribution, et dans le même temps d'enrichir leur proposition de valeur allant jusqu'à empiéter
sur la chaîne de valeur de leurs fournisseurs et de leurs clients. Il est intéressant de remarquer
que suivant la taille de l’intermédiaire, la prestation de service n’est pas envisagée de la même
manière. Pour les acteurs régionaux, le service ne peut être vendu seul, mais accompagne le
produit et permet de continuer à vendre. Alors que pour les acteurs à rayonnement européen, la
différenciation avec la concurrence ne se fait plus sur le prix, mais bien par le développement
de services, c’est-à-dire l’enrichissement de la proposition de valeur (Capon, Funel et Sury,
2013). Le service peut être identifié comme l’action de comprendre le problème puis concevoir
et produire la solution avec l’acteur concerné (Néfussi, 2008a, 2008b).

Il est possible de distinguer le développement des prestations de services selon deux cas. D’un
côté, les intermédiaires ont su améliorer les services classiques et de l’autre, ils ont proposé de
nouveaux services ou des services peu développés jusqu’alors. Cela se traduit par un
accroissement de la prestation et une extension de la chaîne de valeur (Kadjar, 1997). La relation
commerciale a donc évolué pour devenir plus coopérative. Si nous nous appuyons sur le
marketing relationnel et les travaux de Morgan et Hunt (1994), le grossiste est passé d’un rôle
d’acquiescement, plutôt passif et dans la réactivité, à un rôle de coopération, plutôt situé dans
la proactivité. Les auteurs traduisent cette image par l’exemple de la publicité. Dans le cas d’un
mode d’acquiescement, la publicité des produits du fabricant est faite de manière passive alors
que dans un mode de coopération, de meilleures publicités sont suggérées par le grossiste
(Morgan et Hunt, 1994).

46
Leur légitimité repose encore toutefois sur trois grands types de services traditionnels (Néfussi
et Vicaire, 2008). Tout d'abord, les intermédiaires ont un rôle de prescripteur dans le sens où ils
assurent la rencontre de l'offre et de la demande. Ce rôle s'appuie sur une double compétence,
à savoir la pertinence de l'offre au travers de la connaissance des produits et des producteurs et
de la compréhension de la demande. Ils proposent également de regrouper une offre spécifique
en un seul lieu ("One stop shopping") en permettant au client professionnel de gagner du temps
(Sethuraman, Anderson et Narus, 1988 ; Filser, 1989 ; Dou et Chou, 2002). Ensuite, le grossiste
gère les flux physiques. Il s'agit ici de la logistique qui comprend le transport et l'entreposage
(Dugot, 2016). Le dernier service traditionnel est le financement de l'activité. Il se traduit par
le crédit commercial (délai de paiement au client) et le financement des stocks qui passent par
la propriété entre le moment de l'achat aux fournisseurs jusqu'à la vente au client. Les trois
grands types de services peuvent être rapprochés des quatre grandes catégories de Dugot (2000),
à savoir les fonctions physiques et logistiques, les fonctions financières, les fonctions
d’information et les autres services. En parallèle de ces services traditionnels, de nouveaux
services sont proposés par les intermédiaires ce qui crée une extension de la chaîne de valeur
(Kadjar, 1997, Néfussi, 2008b ; Néfussi et Vicaire, 2013).

Une vingtaine de nouveaux services ont été identifiés (Néfussi, 2008a, 2008b). Onze sont
orientés vers le client comme l'expertise technique, l’apport d’informations techniques et
scientifiques et la formation aux bons usages et huit vers le fournisseur avec par exemple
l'innovation et la conception de produit par le retour d'expérience, la formation aux bons usages
ou encore la promotion des innovations. Mais, encore peu de grossistes ont développé une
« offre globale » de service. L’intermédiaire a l’avantage, par rapport à un fournisseur, de
pouvoir proposer au client professionnel l’ensemble des produits dont il a besoin avec un
service à forte valeur ajoutée.

Ainsi, la mise en place d'une offre de prestation nouvelle adaptée aux attentes du marché
pourrait être une innovation forte voire de rupture. Elle pourrait modifier les relations entre les
acteurs, comme cela a pu être le cas avec l’arrivée d’un nouveau type d’intermédiaire : les
plateformes numériques. Le développement d’Internet a marginalisé depuis les années 2000 de
nombreux intermédiaires historiques (exemple dans le secteur du voyage). Mais Internet a

47
également fait apparaître de nouveaux intermédiaires appelés alors « cybermédiaires » (Filser,
des Garets et Paché, 2012).

Si la définition du commerce de gros n’est pas évidente, il tire sa légitimité dans le canal de
distribution de son utilité.

Dans le canal de distribution, le commerce de gros a trois fonctions traditionnelles :


- l’achat,
- le stockage,
- la vente de marchandise.
Le coût de ces fonctions doit être supporté dans le canal de distribution (Beckman et Engle,
1951). Point important, il ne faut pas faire un amalgame entre commerce de gros et grossiste.
Le grossiste n’est pas le seul acteur présent dans le commerce de gros, mais c’est sans doute le
plus important. C’est à partir de l’année 1927 que la place du grossiste est clairement définie
dans la distribution. Nous assistons donc, à partir des années 1920, à une montée en puissance
de l’intérêt et des problématiques autour du commerce de gros et du grossiste (Beckman et
Engle, 1951 ; Rosenbloom, 2007). Les grossistes fournissent du temps et de l'utilité (en plaçant
le bon produit au bon endroit quand le client le souhaite) (Coughlan et al., 2006).

1.2 La position du grossiste dans l’organisation du canal

Les facteurs économiques et sociaux, comme la révolution taylorienne, et la dissociation des


tâches ou l’urbanisation et le besoin de rationalisation des achats ont influencé les stratégies
dans les canaux. Entre 1852 et la fin du XIXe siècle, il est possible de voir la naissance du
commerce moderne avec la création des grands magasins. La séparation des fonctions dans le
canal, entre la production et la commercialisation, s’accentue. Le commerce de gros domine
encore les canaux de distribution jusqu’à la deuxième moitié du XXe siècle. Mais à partir des
années 1970, le distributeur (généralement détaillant) prend le pouvoir avec la mise en place du
libre-service et la création de « super-centrales ». Le conflit se mue en coopération dans les
années 2000 avec la montée en puissance de l’information (D’Hauteville, 2000).

48
Le marketing est né pour répondre aux problèmes des industriels. Le distributeur joue un rôle
clé dans la dynamique d’échange avec les différents membres du canal de distribution (Bonet
Fernandez, 2008). Le canal de distribution « D'un point de vue stratégique, il est analysé comme
une chaîne de valeur composée de maillons créant de la valeur et éventuellement un avantage
concurrentiel lié à la qualité de la relation verticale entre deux acteurs de la chaîne. » p. 12
(Bonet Fernandez, 2008).

Le concept d’intermédiaire est régulièrement utilisé dans la littérature marketing. Ce concept


désigne une catégorie particulière d’acteurs dans le canal de distribution qui se situe entre deux
autres acteurs. C’est d’ailleurs souvent sous la relation avec ces deux autres acteurs que sont
analysés les intermédiaires. La forme la plus élémentaire est un échange et un transfert de
ressources entre un fournisseur et l’utilisateur d’une ressource donnée, c’est-à-dire un produit.

Cette deuxième section a pour but de présenter l’intermédiaire dans le canal de distribution.
Nous nous appuyons sur la théorie du canal de distribution pour définir le rôle de
l’intermédiaire. Nous traitons tout d’abord des différentes formes d’organisation au sein des
canaux de distribution (1.2.1). Cela nous permet dans un deuxième temps d’évoquer la place
des intermédiaires dans le canal (1.2.2). Nous ne pouvons aborder le canal de distribution sans
parler du multicanal apparu notamment avec l’émergence d’Internet. Plus précisément, nous
abordons le passage du multicanal à l’omnicanal et de l’impact de la digitalisation du parcours
de recherche d’information et d’achat dans la distribution et plus particulièrement sur les forces
de vente (1.2.3). Le commercial a un rôle central dans les relations de long terme en B to B. La
digitalisation du canal de distribution a eu des effets sur les relations entre les membres. La
vision verticale du canal de distribution peut être remise en cause au profit d’une vision
multiface inspirée par les travaux dans les théories des réseaux (1.2.4).

1.2.1 Les différentes formes d’organisations des canaux de distribution

« A marketing channel is a set of interdependent organizations involved in the process of


making a product or service available for use or consumption. » p. 28 (Coughlan et al., 2006).

49
Les canaux de distribution contiennent des intermédiaires car ils facilitent la recherche. Le
processus de recherche est caractérisé par l’incertitude de la part de deux faces. En effet,
l’utilisateur final se trouve dans l’incertitude d’obtenir le produit et/ou le service dont il a
besoin. Quant au fabricant, il est dans l’incertitude de toucher la cible qu’est l’utilisateur final.
Les intermédiaires sont utiles aux fabricants sans nom de marque. Car s’ils n’existaient pas ces
fabricants vendraient peu. Les agents des deux faces supportent l’usage d’intermédiaires dans
les canaux pour la valeur qu’ils apportent (Coughlan et al., 2006 ; Rosenbloom, 2007).

Trois critères peuvent être utilisés pour établir les typologies des canaux de distribution : la
longueur du canal, la technique de vente utilisée dans la relation avec l’acheteur et les formes
d’organisation des relations entre les institutions composant le canal (Filser, 1989 ; Néfussi et
Vicaire, 2008). Il existe quatre différents types d’organisation des canaux en s’appuyant sur les
travaux dans les années 1970 de McCammon :

- Traditionnel (non organisé)


- Administré

Systèmes marketing verticaux :

- Contractuel
- Intégré

Dans le cadre des canaux traditionnels, il n'y a pas de forme d'organisation et aucun formalisme
entre les membres. L'ensemble des organisations sont indépendantes. Par exemple, chacun a
une liberté de choix de la politique commerciale (Filser, 1989). Les canaux traditionnels ont
une forme transactionnelle typique (Assassi et Filser, 2005). Les canaux administrés ont deux
caractéristiques originales. Tout d’abord, une ou plusieurs organisations ont un pouvoir
d’influence hérité de leur taille ou de leur compétence. Ensuite, ces membres mettent en place
une coordination des activités avec des incitations positives ou négatives auprès des différents
membres du canal (Filser, 1989).

50
L’administration du canal de distribution permet de stabiliser les relations entre les membres et
évite la volatilité de ces derniers. C’est le détenteur du pouvoir qui maîtrise la relation (Assassi
et Filser, 2005). De plus, elle offre un contrôle du marketing-mix. Les membres peuvent être
définis comme un fabricant qui est une marque, le grossiste assure les quantités commandées
par le détaillant et le détaillant contribue au respect des normes. Dans ce type de canal, il y a
une absence de base contractuelle (Filser, 1989).

C’est pourquoi les canaux contractuels se fondent sur la limite des canaux administrés qui
reposent sur la capacité d’un membre à coordonner le canal. Si la situation est potentiellement
conflictuelle, le leader peut fonder son pouvoir de coordination sur des bases contractuelles. Il
existe différentes typologies de canaux contractuels : la chaîne volontaire, les coopératives de
détaillants ou la franchise (Filser, 1989). Ce type d’organisation réduit les risques
d’opportunisme, augmente la confiance et le partage d’information entre les membres (Assassi
et Filser, 2005). Cette typologie stable d’organisation des systèmes marketing verticaux
coordonne le processus d’intermédiation entre l’amont et l’aval (Noireaux et Ralet, 2019).

Si une seule organisation s’occupe de l’ensemble des fonctions de fabrication et de distribution


alors elle se situe dans un canal intégré. Finalement, il s’agit d’une stratégie d’intégration
poussée à son paroxysme. L’intégration amont a lieu lorsque le grossiste intègre des activités
de fabrication. Au contraire, lorsque le fabricant maîtrise toute la chaîne, l’intégration est dans
le sens aval du canal. Différentes raisons peuvent expliquer le processus d’intégration. Des
raisons économiques légitiment les économies d’échelles et la baisse du coût de revient. Mais
des raisons stratégiques peuvent aussi être admises avec un contrôle total ce qui élimine la
dépendance et constitue une barrière à l’entrée (Filser, 1989).

1.2.2 La place des intermédiaires dans le canal de distribution

Les intermédiaires indépendants dans le canal de distribution effectuent la fonction de sélection


de l’offre et bénéficient encore d’économies d’échelle à travers les services fournis
(Rosenbloom, 2007). L’intermédiaire, lorsqu’il assure la fonction de sélection, réalise une suite
d’activités que sont la sélection, l’accumulation, la mise à disposition de plus petite unité et
51
l’assortiment (Coughlan et al., 2006). Cette fonction apporte de la valeur dans le canal parce
qu’il existe une contradiction naturelle entre l’assortiment de produits et de services fabriqués
par le producteur et l’assortiment demandé par le consommateur. La contradiction se situe dans
le fait que le producteur fabrique des produits peu variés, mais en grande quantité alors que
l’utilisateur final demande une quantité limitée, mais de beaucoup de produits (Coughlan et al.,
2006). Les membres clés du canal de distribution sont les fabricants, les intermédiaires
(grossistes, détaillants, spécialistes et aujourd’hui les plateformes numériques) et les utilisateurs
finaux (Coughlan et al., 2006). L’existence de l’un des acteurs dépend de sa capacité à fournir
de la valeur ajoutée à l’utilisateur final (gérer les flux).

Les canaux peuvent évoluer suivant différentes influences d’éléments environnementaux,


conjoncturels ou durables (Capo, 2002 ; Filser et Paché, 2008). Le canal de distribution n’est
pas figé. Et les acteurs du commerce de gros font preuve d’une capacité toujours renouvelée
pour s’adapter aux chaînes de valeur en mouvement (Pardo et Paché, 2015).

Le canal de distribution est un « ensemble d’organisations interdépendantes qui articulent leurs


plans d’action pour satisfaire la demande en apportant aux utilisateurs finaux des utilités de
forme, de possession, de temps et de place. » (Bonet, 1999, p. 3 dans Capo, 2002 p. 5).

Les intermédiaires ont une vision stratégique de leur positionnement dans le canal de
distribution qui doit évoluer (Gadde, 2012). Cette évolution est possible par la mise en avant de
la co-création de valeur avec les différents membres du canal (Giraud et Pardo, 2012).
L’intermédiaire peut devenir un facilitateur d’échange en identifiant et en solutionnant les
besoins (Dawson, 2007). Cette vision rejoint le concept de firme pivot au sein des réseaux
dynamiques que nous aborderons dans la prochaine section (Miles et Snow, 1986, 1992).

Les intermédiaires participent au travail du canal de distribution, car ils apportent de la valeur
ajoutée et contribuent à réduire le coût du canal. Les intermédiaires traditionnels ont deux rôles,
la gestion des flux d’information et la gestion d’infrastructures physiques. Cette distinction a
été apportée par Bowersox dans les années 1980 (Bowersox et al., 1980 ; Bowersox et Morash,

52
1989). Internet a permis une séparation exceptionnelle de ces deux rôles (Gaudeul et Jullien,
2001a).

Ainsi, pour conserver leur place, les intermédiaires, entre autres les grossistes, ont su enrichir
et faire évoluer leur proposition de valeur avec notamment de nouveaux services (Dugot, 2000 ;
Néfussi, 2008a, 2008b ; Néfussi et Vicaire 2008, 2013). Cependant, l’intermédiaire se tourne
plus vers le client dans une optique de « résolution de problème » et de « solution globale » que
de soutien à l’activité du fabricant (Néfussi, 2008a ; Gadde, 2014). De manière classique, il
existe huit flux génériques au sein du canal de distribution (Figure 2) (Bowersox et Morash,
1989 ; Coughlan et al., 2006). Chacun de ces flux a un coût qui doit être supporté par un ou
plusieurs membres du canal de distribution. Les intermédiaires, grossistes ou détaillants,
assurent ces flux entre le producteur et le consommateur final, le résultat étant la satisfaction de
ce dernier.

Figure 2 : les flux marketing dans les canaux (d’après Coughlan et al., 2006 p. 74)

Les flux peuvent avoir lieu un à un ou par grappe et il peut exister des séquences. De plus, la
performance de certains flux peut être corrélée à d’autres (Coughlan et al., 2006).

La stratégie marketing du marketing-mix des « 4P » sert à former les activités de ces flux
(Bowersox et Morash, 1989). Les flux doivent être partagés seulement entre les membres du
53
canal qui apportent de la valeur ajoutée ou réduisent les coûts en les supportant (Coughlan et
al., 2006). Pour exister, les intermédiaires doivent avoir une gestion de ces flux plus efficace et
efficiente que les fabricants et les consommateurs (Rosenbloom, 2007). Le fabricant peut faire
le choix d’être en capacité de gérer à lui seul l’ensemble des flux. Un acteur du canal peut être
supprimé, mais le flux qu’il supportait lui ne peut pas l’être. Il doit donc être supporté par un
autre acteur. Un acteur peut être éliminé, car un autre peut avoir une gestion plus efficace ou à
moindre coût (Coughlan et al., 2006 ; Rosenbloom, 2007).

La distribution est l’un des quatre piliers du marketing-mix dont le champ de recherche reste
marginal par rapport aux variables de prix, de promotion et de produit et service (Filser, 1989 ;
Coughlan et al., 2006 ; Bonet Fernandez, 2008). Dans le but d’accroître l’efficience et
l’efficacité des canaux, la séparation des flux d’activités par la spécialisation des intermédiaires
peut être nécessaire pour réaliser certains flux (Bowersox et Morash, 1989). Ainsi, les activités
d’intermédiation sont créatrices de valeur ajoutée (Giraud et Pardo, 2012 ; Baritaux et Billion,
2018). L’intermédiaire crée de l’utilité pour l’utilisateur final, car il l’aide à consommer une
combinaison de produits et/ou de services attractifs dans un même espace de temps et de lieu
(Dugot, 2000). Cet acteur crée également de l’utilité pour les acteurs amont avec une
routinisation de la transaction et la réduction du nombre de contacts. Les intermédiaires de type
grossiste permettent de réduire le nombre de contacts (d’échanges) entre les fabricants et les
détaillants. Les intermédiaires réduisent la complexité de ce système d’échange et aussi
facilitent les transactions (Coughlan et al., 2006).

54
Figure 3 : nombre de contact avec et sans intermédiaire (inspiré de Coughlan et al., 2006, p. 9)

Cependant, Internet et le e-commerce peuvent aussi réduire l’asymétrie concernant


l’information et faciliter les transactions (Gaudeul et Jullien, 2001b ; De Vogeleer et Lescap,
2011 ; Alexandre, 2018). Ainsi, pour Rosenbloom (2007), la vente en ligne est le plus
redoutable challenge des grossistes dans le futur. Les grossistes doivent embrasser ce
changement et en faire une opportunité en s’adaptant et en adoptant le changement dans la
distribution. C’est ce qui a été fait avec la mise en place du multicanal comme service de
distribution pour leurs clients et pour contrer la vente directe. Ce positionnement, selon l’auteur,
favorise la réintermédiation du grossiste plutôt que sa désintermédiation. Il convient alors de
voir en détail ce qu’implique la digitalisation des canaux de vente. Par exemple, le transfert des
clients d’un canal à un autre se fait entre canaux similaires (Internet/catalogue) et non pas entre
canaux distincts (Internet/magasin) (Belvaux, 2004 ; Nicholson et Vanheems, 2009). Les

55
intermédiaires ont un rôle important dans les stratégies multicanaux des industriels (Gadde,
2014).

1.2.3 L’impact du multicanal puis de l’omnicanal pour les intermédiaires

Si le multicanal a permis de poser les premières pierres de l’étude de la vente par Internet, c’est
également là où la digitalisation du commerce et des entreprises est la plus visible et la plus
étudiée (1.2.3.1). Le multicanal est visible par l’ensemble des acteurs alors que le processus de
digitalisation peut être interne comme avec la mise en place d’un CRM ou d’un PIM (Product
Information Management) et donc non visible. Ici, l’image de l’iceberg a toute sa légitimité,
car seulement une petite partie de la digitalisation est visible à l’extérieur de l’entreprise.
Nonobstant, le multicanal se trouve dépassé par l’aboutissement de la révolution digitale qui
tend vers une stratégie plus globale avec de nouvelles solutions digitales (Belvaux et Notebaert,
2018). Ces nouvelles solutions vont modifier les rôles et la valeur ajoutée des acteurs dans le
canal de distribution. Par exemple, le cas de l’imprimante 3D pose la question de l’acteur qui
fabrique le bien (compris comme le produit et le service). Cet aboutissement se retrouve dans
l’émergence de l’omnicanal (1.2.3.2). Dans les rapports B to B, la force de vente a un rôle
primordial de conseil et d’accompagnement. Cependant, cette population semble en difficulté
face à des clients de plus en plus connectés (1.2.3.3).

1.2.3.1 Les limites du multicanal

Le multicanal se traduit comme l’usage de différents canaux pour vendre le même assortiment
de produits aux mêmes cibles clients (Jeanpert, 2011). Il est important de souligner que les
définitions sont très variées selon les auteurs et les époques. Dans une vision plus
contemporaine, Belvaux et Notebaert (2018) rappellent, par exemple, que le multicanal peut
être utile pour viser des clients différents. Il permet de faire face à la concurrence et d’être plus
compétitif (Colla et Lapoule, 2014). Mais il ne faut pas occulter le risque de cannibalisation
entre les canaux (Belvaux et Noebaert, 2018). Pour éviter ce phénomène, il faut que les
nouveaux canaux s’adressent à de nouvelles cibles ou des prospects (Jeanpert et Salerno, 2013 ;
Vanheems, 2015). Le facteur essentiel n’est pas le nombre de canaux à mettre en place, mais
c’est la coordination des canaux entre eux (Bonet Fernandez, 2008). Il existe à la fois une

56
compétition et une complémentarité des canaux. Une stratégie multicanale peut permettre
d’offrir une offre de service globale et dans le même temps risquer une certaine cannibalisation.
En revanche, le positionnement sur différents canaux permet de ne pas les laisser inoccupés et
donc accessibles à des concurrents (intra et inter type) (Bonet Fernandez, 2008).

De manière traditionnelle, dans une optique multicanale, il existe trois types de canaux :

- les canaux hors ligne (magasins) ;


- les canaux en ligne (e-commerce) ;
- les canaux traditionnels de marketing direct (catalogues).

Si dans les faits, les termes de multicanal, crosscanal et omnicanal sont synonymes, ils ont
cependant chacun une définition propre comme le montre le tableau 4 (Verhoef, Kannan et
Jeffrey Innam, 2015 ; Belvaux et Notebeart, 2018).

Tableau 4 : définitions des termes multicanal, crosscanal et omnicanal (repris de Belvaux et


Notebaert, 2018 p. 5)

Définition
Utilisation de différents canaux de vente et de communication qui ne sont pas reliés entre eux.
Multicanal Des murs sont érigés entre les activités développées. Cette stratégie peut être volontaire et
répondre à un positionnement marketing ou découler d'un manque d'intégration entre les canaux.
Connexion de plusieurs canaux de vente et de communication qui favorisent un parcours d'achat
Crosscanal
empruntant différentes trajectoires.
Omnicanal Intégration des différents canaux de distribution et de communication.

Internet est à la fois un canal de distribution des produits et services et un canal de


communication et d’information (Belvaux, 2006 ; Bressolles, 2016). Il a permis l’apparition
d’un nouveau canal de distribution : la vente en ligne (Bressolles, 2016). Internet a
potentiellement simplifié l’accès à la vente directe pour les producteurs, ce qui induit un
phénomène de désintermédiation supplémentaire (Rosenbloom, 2007). La vente sans
intermédiaire implique la désintermédiation. Il y a des avantages à vendre en direct. Il est
notamment possible de récolter des informations sur la demande du consommateur ou les
sources de non-satisfaction. Mais ces avantages doivent être contrebalancés par le coût
incrémental à mettre en place une telle stratégie : multiplication des contacts et gestion des colis

57
(Coughlan et al., 2006). Pour l’ensemble des acteurs de la distribution, ne pas être présent sur
Internet c’est ne pas être présent en amont du processus de décision de l’acheteur (Vanheems,
2015).

L’e-commerce B to B réalise plus de volume que le B to C car les entreprises sont moins
volatiles (Dou et Chou, 2002). En 2017, selon les chiffres de la FEVAD56, les entreprises de
plus de 10 salariés ont fait un chiffre d’affaires de 464 milliards d’euros dont 438 via des ventes
par EDI et 126 via des ventes par site Internet. Le chiffre d’affaires e-commerce en B to C est
de 92,6 milliards d’euros en 2018. En parallèle de l’achat sur des sites de vente en ligne, il est
aussi possible pour les entreprises d’acheter via des solutions d’e-procurement
(approvisionnement en ligne). L’objectif de l’e-procurement est l’utilisation d’Internet pour
vendre via un portail dédié. Il s’agit de faire du one to many en ajoutant un canal de distribution
supplémentaire afin d’assurer la gestion en ligne de l’approvisionnement de l’entreprise. L’e-
procurement nécessite une base de données et un système de gestion de type progiciel ou ERP.
Les places de marchés, ou marketplaces, peuvent être vues comme le principal outil de l’e-
procurement. Le marché des marketplaces est entré en phase de consolidation puisque nous
assistons à des fermetures, des rachats et à des modifications de périmètre. L’e-procurement a
un certain nombre d’avantages, notamment pour le fournisseur. Il simplifie la relation client,
peut accroître les volumes de commande et permet une gestion autonome des catalogues
(Malaval et Bénaroya, 2013).

Il est possible de voir trois usages du web et du digital dans un contexte de marketing digital B
to B. Le premier usage se situe dans le cadre de l’avant-vente, notamment de la recherche
d’informations. Il s’agit alors de e-Marketing. Le e-commerce intervient au moment de la vente.
Le troisième usage est l’e-Support qui se réalise en après-vente. Cet usage est plus important
qu’en B to C et très employé (Diviné, 2016). Il y a un intérêt croissant pour l’aspect relationnel.
L’échange peut continuer entre le client et l’entreprise au-delà de la seule transaction (Audigier
et al., 2016). Ces trois usages sont des produits « augmentés » qui permettent la différenciation
de l’offre par rapport à celle des concurrents (Bressolles, 2016).

56
FEVAD (2019), Les chiffres clés 2019

58
Les canaux à distance peuvent être vus comme une coproduction de services (Munos, 2006).
Kotler, Keller et Manceau (2015) soulèvent l’importance stratégique pour le e-commerce des
services pré et post-achat et des services associés. Il est important de comprendre et de mesurer
le degré d’acceptation des clients à utiliser les technologies mises à disposition (Belvaux, 2004).
Le confort d’usage et la qualité de l’ergonomie sont des critères essentiels (Munos, 2006). Ce
phénomène d’acceptation a un impact et peut avoir pour conséquence des modifications
internes à l’entreprise (Munos, 2006). En plus de l’impact sur la gestion de la relation client, la
stratégie multicanale a également des impacts en interne sur la logistique, le stockage et les
systèmes d’information (Bressolles, 2016). Il est possible de voir le service logistique comme
un élément clé dans la stratégie de l’offre (Bonet Fernandez, 2008). La relation de service peut
être remise en cause lors du passage d’une interface directe (physique) à une interface à distance
(Munos, 2006). Il existe différents types de contraintes comme les contraintes techniques ou
comportementales. Les canaux à distance peuvent être utilisés pour les tâches à faible valeur
ajoutée. L’indicateur de performance sur un canal digital devient alors le taux de transformation
(Bressolles, 2016).

Il est possible de faire des segmentations d’utilisateurs. Par exemple, Munos (2006) développe
une grille en utilisant la tolérance au risque liée à l’usage des technologies et la maîtrise de
l’usage des technologies. Cette segmentation va des technophobes passifs aux technophiles
potentiellement actifs. Vanheems (2009) retient quatre types d’acheteurs :

- l’acheteur réactionnel ;
- l’acheteur apathique, utilitaire et indifférent ;
- l’acheteur économique, smart shopper ou acheteur malin ;
- l’acheteur qui recherche du lien social et des contacts sociaux.

Un client multicanal est un client plus rentable et plus fidèle qu’un client monocanal (Bèzes,
2012 ; Vanheems, 2015). Il faut transformer les clients monocanaux en multicanaux, car ils sont
plus rentables à condition de générer des ventes additionnelles et pas seulement une migration
entre les différents canaux (Vanheems, 2009 ; Bèzes, 2012). Ce phénomène s’explique par la
commodité, les nouveaux services, la multiplication des occasions de rencontre et la présence
sur plusieurs devices (Vanheems, 2015). Il y a une multiplication des points de contact avec le
consommateur qui augmente la valeur (Chanut et Bonet, 2009).

59
Les opportunités d’une stratégie multicanale dépendent de la forme organisationnelle. Par
exemple, le débat « concurrence-complémentarité » entre les différents canaux ne se pose plus
pour les réseaux intégrés, mais est toujours en question pour les réseaux contractuels comme
les associés ou les franchisés (Chanut et Bonet, 2009).

Le consommateur particulier est plutôt dans une situation expérientielle d’achat alors qu’à
l’inverse l’acheteur professionnel est plus dégagé personnellement du produit (Siadou-Martin
et al., 2014). L’achat B to B se fait sur des produits techniques dans le cadre d’un investissement
avec des montants souvent élevés qui engagent la rentabilité de l’entreprise (Siadou-Martin et
al., 2014). Il existe une relation de long terme qui génère de la rentabilité à travers des
approvisionnements réguliers entre le fournisseur et le client professionnel (Siadou-Martin et
al., 2014). De manière générale, il semble que le processus d’achat en B to B soit de plus en
plus initié sur Internet avant d’entrer en contact avec le commercial (Colla et Lapoule, 2014).
En effet, les frontières entre activité professionnelle et personnelle ne sont pas étanches, même
si l’activité professionnelle a été touchée plus tardivement par la digitalisation (Vanheems,
2018). Ainsi, les écarts entre particulier et professionnel tendent à s’estomper (Vanheems,
2018). Le canal web peut être perçu de deux manières différentes. Il est possible de le considérer
comme un canal à part entière, ce qui se traduit par une baisse de la fréquentation du canal
traditionnel. Ou bien il peut être utilisé comme un service supplémentaire du canal traditionnel
(Colla et Lapoule, 2014). Cette double lecture peut être illustrée pas le chiffre d’affaires du e-
commerce dans certains marchés B to B. Par exemple, l’achat sur Internet de
« fourniture/équipements bureau » est de 33 %. Sur ce marché, le commerce électronique peut
être considéré comme un canal à part entière alors que dans les « pièces et équipements
automobiles » seulement 13 % du chiffre d’affaires est fait sur ce canal 57. Il est donc possible
de voir ce canal comme un service en plus du canal traditionnel et non pas encore un canal de
vente à part entière. La part du e-commerce B to B est inférieure à celle du B to C puisqu’elle
est respectivement de 4 %58 et 9,1 %59.

57
Sources : Étude Fevad/DGE sur la transition numérique & commerce B to B réalisée par Next Content en
collaboration avec le Crédoc - Octobre 2015 dans Les chiffres clés 2016/2017, Fédération E-commerce et vente
à distance
58
Source : INSEE, enquêtes TIC 2018, 2016, 2012, 2008, sociétés de 10 personnes ou plus, dans Les chiffres
clés 2019, Fédération E-commerce et vente à distance
59
FEVAD (2019), Les chiffres clés 2019

60
Les technologies de l’information dessinent de nouveaux espaces de négociation, de publicité
ou d’interaction. Elles instrumentalisent l’acte d’achat puisqu’il n’est plus possible de
consommer sans utiliser certains outils (Néfussi, 2008a). Ces nouvelles technologies ont fait
évoluer la manière de faire du marketing autour de quatre notions. Le marketing est aujourd’hui
centré sur le client. Il est axé sur la relation avec le développement d’outils comme les CRM.
Le marketing offre une place importante à la personnalisation, au sens de donner un caractère
personnel à la relation et aux éléments qui interviennent dans cette relation. Le concept
d’expérience en B to B se focalise sur l’aspect conseil et la fourniture de solutions. Enfin, le
marketing est de plus en plus médiatisé par les ordinateurs. Il est nécessaire alors de comprendre
l’appropriation de ces technologies dans leurs usages (Néfussi, 2008a).

La stratégie de distribution en multicanal permet d’abaisser les coûts et d’augmenter la qualité


des services. Cette stratégie de multiplication des canaux doit créer une synergie et la
multiplication des points de contact (Vanheems, 2012). Cette synergie est difficile à mettre en
place. Si dans les années 2000, le multicanal procurait un avantage concurrentiel durable à
l’entreprise (Poirel et Bonet Fernandez, 2008 ; Jeanpert, 2011 ; Vanheems, 2012) avec
l’évolution et le passage au cross puis à l’omnicanal, cela semble moins vrai à présent
(Vanheems, 2015). Le multicanal est une gestion séparée de ces canaux avec l’intégration
limitée de certains sujets comme l’assortiment ou la tarification entre les canaux (Verhoef,
Kannan et Jeffrey Innam, 2015). Il semble contre-productif d’avoir un assortiment différent
entre les différents canaux. La coordination des canaux serait vertueuse et indispensable pour
qu’il n’y ait pas de rupture dans le parcours d’achat des clients (Bèzes, 2012 ; Vanheems, 2013 ;
Paché, Seck et Fulconis, 2014 ; Colla et Lapoule, 2014). En effet, les clients ayant fait des
recherches sur Internet passent moins de temps à choisir un produit, mais plus à préparer l’acte
d’achat (Belvaux, 2004, 2006). Le comportement web to store du client se répercute sur son
parcours d’achat.

Il est possible d’envisager différentes stratégies multicanales comme le montre le tableau 5.

61
Tableau 5 : les différentes stratégies multicanales

Muller-Lankenau, Klein et Wehmeyer, 2004 Payne et Frow, 2004


Stratégie de domination du Offline Stratégie de fournisseur monocanal
Stratégie d'isolation Stratégie de segmentation de clientèle
Stratégie d'intégration Stratégie de gestion de compte progressive
Stratégie de domination du Online Stratégie de migration de canal
Stratégie de canaux basée sur les activités
Stratégie multicanal intégrée

Le multicanal a diverses modalités en fonction du nombre de canaux, de leur degré d’intégration


et des objectifs et des moyens assignés à chaque canal pour satisfaire le consommateur final
(Poirel et Bonet Fernandez, 2008). Les auteures montrent qu’il est nécessaire d’intégrer les
différents canaux de distribution. Or l’une des grandes limites du multicanal c’est son
fonctionnement en silo (Belvaux et Notebaert, 2018).

1.2.3.2 L’émergence de l’omnicanal

Le passage du multi à l’omnicanal dans la littérature semble se faire en 2015 avec un numéro
spécial de Journal of Retailing dirigé par Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam (Rouquet, Paché
et Henriquez, 2016). L’article de Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam (2015) se situe au niveau
du retail pour lequel l’omnicanal n’a pas encore été conceptualisé et non au niveau du marketing
channel. L’évolution technologique avec les smartphones, les réseaux sociaux, etc., et le
comportement des clients permettent le passage du multicanal à l’omnicanal. L’omnicanal
implique davantage de canaux que le multicanal, car il tient compte des canaux mobiles, des
applications, etc. L’entreprise doit offrir une expérience transparente et sans couture, peu
importe le device et le support.

62
Tableau 6 : Multi-channel vs Omni-channel management (repris de Verhoef, Kannan et Jeffrey
Innam, 2015 p. 176)

Multi-channel
Omni-channel management
management
Channel focus Interactive channels only Interactive and mass-communication channels
Retail channels: store, online website, and direct
Retail channels : store,
marketing, mobile channels (i.e., smart phones, tablets,
Channel scope online website, and direct
apps), social media Customer Touchpoints (incl. mass
marketing (catalog)
communication channels : TV, Radio, Print, C2C, etc.)
Separation of Separate channels with
Integrated channels providing seamless retail experiences
channels no overlap
Brand versus
Customer – Retail
channel customer Customer – Retail channel – Brand focus
channel focus
relationship focus
Channel
Per channel Cross-channel
management
Channel objectives (i.e.,
Cross-channel objectives (i.e., overall retail customer
Objectives sales per channel ;
experience, total sales over channels)
experience per channel)

Le multicanal est aujourd’hui banalisé et n’est plus une source d’avantage concurrentiel
(Vanheems, 2015). La stratégie n’est plus vue comme une cannibalisation entre canal physique
et virtuel, mais comme un apport de complémentarité et de synergie (Chanut et Bonet, 2009).
Le crosscanal puis l’omnicanal unifient l’ensemble des canaux de distribution et de
communication en mettant le client au cœur de la stratégie. Le parcours doit devenir sans
couture dont les différents contacts comportent une offre cohérente, interactive et fluide
(Notebaert, Attuel-Mendès et Belvaux, 2016).

Le raisonnement cloisonné fondé sur un management canal par canal est obsolète et risqué pour
le distributeur. L’omnicanalité signifie faire tomber les silos au sein de l’entreprise pour passer
à une vision transversale (Vanheems, 2015 ; Bressolles, 2016 ; Rouquet, Paché et Henriquez,
2016 ; Belvaux et Notebaert, 2018). La banque a très vite compris l’intérêt de faire migrer leurs
clients sur les canaux digitaux pour les tâches à faible valeur (Vanheems, 2015 ; Notebaert,
Attuel-Mendès et Belvaux, 2016 ; Alexandre, 2018). Ainsi, il est plus pertinent d’avoir une
approche omnicanale (Rouquet, Paché et Henriquez, 2016)

63
Il existe trois stratégies d’organisation, à savoir Brick and Mortar60, Click and Mortar et pure
players (Chanut et Bonet, 2009). Cependant, le point de vente physique reste au cœur des
stratégies de la distribution (Rouquet, Paché et Henriquez, 2016). Ainsi de nombreux pure
players ont acheté des magasins en dur et deviennent des Click and Mortar où passent des
partenariats avec des distributeurs physiques afin de devenir des acteurs omnicanaux61. La
stratégie inverse est aussi vraie puisque par exemple Cdiscount appartient à Casino, ou Darty
détient Mistergoodeal (Moati, 2019). Le Click and Mortar apporte plus de valeur que le Brick
and Mortar et que la stratégie pure player (Chanut et Bonet, 2009).

Les évolutions technologiques et notamment l’arrivée du smartphone ont modifié le


comportement du consommateur qui ne pouvait avant uniquement solliciter les canaux de
manière successive (Picot-Coupey, 2013). Cette succession est remise en cause par l’omnicanal.
Les canaux virtuels ont une dimension utilitaire au travers de la recherche d’information et de
la facilité de l’utilisation alors que les canaux physiques ont une dimension expérientielle et
hédonique (Belvaux, 2006). Le magasin offre une expérience physique avec les produits alors
que le site Internet permet d’accéder à l’information sur les produits, les services, l’histoire de
l’entreprise, etc. (Belvaux, 2006 ; Chanut et Bonet, 2009).

Chaque mode d’achat a ses avantages et ses inconvénients (Belvaux, 2006). Le choix d’un
moyen d’achat va se faire sur l’avantage recherché, l’expérience recherchée et le risque perçu
(Belvaux, 2006). Il ne faut pas confondre diversification des canaux de distribution et création
de plateformes (Alexandre, 2018). Comme nous le verrons un peu plus loin dans notre
raisonnement, le concept de plateforme interroge celui de canal de distribution. La distribution
omnicanale pousse les compétences des consommateurs à être en constante mutation puisqu’il
est nécessaire d’utiliser ses compétences et d’en développer de nouvelles (Collin-Lachaud et
Longo, 2014). Cela induit une évolution du comportement, des compétences et des attentes des
clients (Colla et Lapoule, 2014). La question est de savoir si le consommateur B to B est
identique à un consommateur B to C. La littérature nous apporte des éléments de différenciation

60
Définition : « Entreprise de vente traditionnelle (c’est-à-dire disposant de points de vente « physiques »), par
opposition aux « Pure Players » qui ne vendent leurs produits et services que sur Internet et aux « Click & Mortar
» qui désignent les entreprises traditionnelles ayant une activité de distribution en ligne. », https://www.mercator-
publicitor.fr/lexique-marketing-definition-brick-mortar
61
Source : https://www.challenges.fr/entreprise/grande-conso/spartoo-miliboo-zalando-pourquoi-les-pure-
players-ouvrent-des-boutiques-physiques_470655, consulté le 11/01/2019

64
comme la relation à long terme, l’investissement, etc. Quoi qu’il en soit, l’arrivée d’Internet et
la mise en place de stratégie multicanale puis omnicanale modifient les échanges avec le
commercial (Colla et Lapoule, 2014).

1.2.3.3 Incidence entre les clients et le personnel commercial

Dans le cadre de la mise en place d’une stratégie digitale, il n’est pas toujours évident d’obtenir
l’adhésion des personnels de vente (Jeanpert, 2011 ; Jeanpert et Salerno, 2013). Dans le B to B,
il est primordial d’avoir cette adhésion, car les contacts physiques sont répétés et la relation se
fait sur le long terme. Le commercial, comme personnification de l’entreprise, instaure une
certaine confiance. Jeanpert (2011) identifie trois mécanismes organisationnels qui sont
susceptibles d’améliorer l’adhésion du personnel dans un canal multiple.

Le premier mécanisme est la mise en place d’un système de rémunération incitatif et adapté lié
à la performance de canal Internet (Vanheems, 2018). En effet, le multicanal peut être perçu
comme une menace sur la rémunération du vendeur via la cannibalisation des canaux et donc
la perte de clientèle (Vanheems, 2013). Pour réduire cette menace, il est possible de mettre en
place un système de rémunération qui tient compte de l’ensemble des achats du client, peu
importe le canal, sur lequel est commissionné le vendeur (Colla et Lapoule, 2014). Il est
également possible de faire évoluer le modèle de rémunération sur des critères qualitatifs
comme la formation ou le suivi des clients.

Le deuxième est l’influence du niveau de centralisation qui peut être perçu comme une
contrainte par le personnel. Ainsi, plus le niveau de centralisation perçu est élevé, moins
l’adhésion du personnel au système multicanal est garantie (Jeanpert, 2011). Il est souhaitable
de faire participer les différentes parties prenantes dans le processus de transformation digitale
de l’entreprise.

Le dernier mécanisme organisationnel est l’influence de la répartition des ressources internes.


Il faut limiter la perception de la concurrence entre les différentes ressources internes sinon cela

65
crée des contraintes et du stress. Il est nécessaire de mettre en place des mécanismes de
coordination entre les canaux pour éviter les tensions et les conflits (Jeanpert, 2011).

La recherche d’informations sur Internet transforme le parcours d’achat et le rapport du client


avec le magasin et les vendeurs (Vanheems, 2012). Le rôle du commercial peut être remis en
cause par la capacité de certains clients et par l’utilisation d’Internet (Colla et Lapoule, 2014).
Le vendeur a un rôle essentiel dans la qualité de la cohabitation entre les canaux et il doit
accompagner le client dans son parcours omnicanal (Vanheems, 2013, 2018). La peur d’Internet
reste encore un frein à l’adoption pour certains vendeurs (Vanheems, 2011). D’autres vendeurs
n’hésitent pas à utiliser les canaux digitaux pour atteindre leurs objectifs commerciaux
(Vanheems, 2013, 2018). La digitalisation et l’omnicanalité du parcours d’achat remettent en
cause l’ensemble des piliers traditionnels du management de la force de vente et souvent il y a
un manque de recommandation des managers (Vanheems, 2011, 2013, 2018 ; Colla et Lapoule,
2014). Il est nécessaire d’embarquer les équipes dans cette transformation digitale (Metais-
Wiersch et Autissier, 2018). Il faut revoir le management des forces de vente en intégrant de
nouvelles variables comme la rémunération, la formation, le recrutement, la motivation,
l’aspect psychologique, personnel et l’autonomie des vendeurs (Jeanpert et Salerno, 2013 ;
Vanheems, 2013, 2018 ; Colla et Lapoule, 2014 ; Belvaux et Notebaert, 2018). Le site Internet
peut devenir un outil d’autoformation pour les personnels de vente (Vanheems, 2013). Il est
également possible de former les commerciaux en ligne avec des modules d’e-learning (Colla
et Lapoule, 2014). Le site Internet peut même servir au vendeur dans le cadre d’autoformation.
Le site e-commerce devrait aider les commerciaux et faire évoluer leur fonction vers un rôle de
conseiller, de formateur et de service (Colla et Lapoule, 2014).

Le parcours d’achat des clients a été modifié par le digital et les outils comme le smartphone
qui ont généré de nouvelles habitudes de type Showrooming (recherche en magasin et achat sur
Internet) ou ROPO (research online, purchase offine) et Webrooming (recherche d’information
en ligne et achat hors ligne) (Vanheems, 2015 ; Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam, 2015). Le
consommateur fait une utilisation interchangeable et transparente des différents canaux lors du
parcours de recherche et d’achat (Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam, 2015). La modification du
comportement, du parcours d’achat et du niveau d’information des clients modifie la relation
entre eux et le personnel de vente (Bouzid et Vanheems, 2014). Dans une démarche

66
d’omnicanalité, l’entreprise peut participer en mettant à disposition le wifi ou des tablettes et
bornes dans le point de vente physique (Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam, 2015 ; Notebaert,
Attuel-Mendès et Belvaux, 2016). Cela participe à la phygitalisation du point de vente.

Si le client est devenu « ubiquitaire », le vendeur quant à lui doit devenir « averti », ce qui
entraîne une évolution de son rôle dans le cadre d’une stratégie omnicanale (Vanheems, 2011).
Le vendeur n’est plus le seul à détenir l’information (Racat et Capelli, 2014). La hiérarchie de
l’entreprise est partie prenante de cette évolution et doit accompagner les forces de vente. Le
vendeur peut être, par son comportement, soit un élément de « liant » entre les canaux ou bien
un élément de rupture expérientielle (Vanheems, 2011). L’évolution des compétences du client
en fait un client « avisé » ce qui peut entraîner un accompagnement inversé (Vanheems, 2018).
C’est le client qui possède une expertise sur le produit par la recherche d’information en amont
et la partage avec le vendeur (Vanheems, 2018). Il y a donc un processus d’« avalisation » qui
modifie le rôle du vendeur. Ainsi, le vendeur intervient de plus en plus en aval du processus de
décision dont certaines étapes classiques deviennent secondaires, voire inutiles (Vanheems,
2013, 2018).

Comme nous l’avons montré, il existe des disparités entre les stratégies omnicanales dans la
distribution B to C et B to B et suivant les secteurs d’activité. Mais l’intégration de la révolution
digitale est un défi à relever pour les intermédiaires traditionnels (Pardo, 2014). Et les théories
du canal de distribution ne sont pas les seules à pouvoir expliquer le positionnement et
l’évolution induite par le digital pour les intermédiaires.

1.2.4 L’intermédiaire dans une vision réseau

Le passage d’une vision canal à une vision réseau amène à traiter une perspective divergente
sur les relations entre les acteurs. Les approches sur le canal sont plutôt fondées sur les relations
conflictuelles alors que l’approche sur le réseau s’appuie sur la coopération (Gadde et Ford,
2015 dans Pardo et Paché, 2015). L’intermédiaire doit s’adapter aux changements d’activités
et de ressources dans son réseau (Pardo, 2012 ; Gadde, 2014 ; Gadde et Ford, 2015 dans Pardo
et Paché, 2015). Les relations sont alors vues comme des ressources (Pardo et Paché, 2015).
67
Dans le cadre de l’IMP2, Jouny-Rivier et Jouny (2015) procèdent à la description empirique et
à la conceptualisation des réseaux d’affaires. Il en ressort trois principales caractéristiques de
la valeur :

- les relations ;
- la réciprocité ;
- l’interconnexion.

Cette adaptation peut être vue comme l’enjeu le plus stratégique. Les intermédiaires ont été très
puissants, mais ils vont être contestés par les organisations de vente des fabricants et par les
centrales d’achat des détaillants. Gadde (2014) parle alors d’une phase 1.

L’intermédiaire a une fonction « d’économie » sur les coûts pour combler l’écart entre les
fournisseurs et les clients, c’est-à-dire réduire les coûts de transaction. C’est un rôle historique
important de l’intermédiaire commerçant (Chandler, 1988). Dans cette phase 2, les
intermédiaires deviennent des distributeurs d’assortiments contrôlés par le producteur. Avec
l’émergence des grandes entreprises de fabrication industrielle, l’état et les fonctions de
l’intermédiaire sont affectés. Cela crée un nouveau rôle, l’intermédiaire distributeur apparaît.
L’intermédiaire en tant que distributeur est la vue dominante en littérature marketing.

Dans la phase actuelle, la troisième, les intermédiaires sont des fournisseurs de valeur grâce à
des solutions personnalisées. Passer de l’intermédiaire distributeur à l’intermédiaire fournisseur
signifie de passer de l’efficacité du transfert à l’efficacité de la coordination (Gadde et Snehota,
2001).

Il est possible de créer une typologie d’intermédiaire suivant ces différentes phases. Pour la
phase 1, l’intermédiaire est de type commerçant alors que durant la phase 2 il a un rôle passif
de distributeur. Dans la phase 3, l’intermédiaire est de type fournisseur avec une orientation
client et approvisionnement (Gadde et Snehota, 2001).

68
L’intermédiaire peut être envisagé selon trois rôles :

- l’intermédiaire trader : rôle de rencontre entre l’offre et la demande ;


- l’intermédiaire distributeur : rôle d’économie sur les coûts de transaction et de transfert ;
- l’intermédiaire en tant que fournisseur : rôle de coordination. Il est possible d’apparenter
ce positionnement à une plateforme et à une entreprise pivot.

Ils doivent donc s’adapter aux risques environnementaux, ce qui se traduit par une grande
diversité d’intermédiaires : échange d’information, distribution physique, résolution de
problème pour le client et offre de solution globale. Tous ces intermédiaires créent de la valeur
grâce à une collaboration avec des partenaires commerciaux. Les échanges commerciaux ont
été modifiés par la digitalisation et la « servitization62 » (Cova et al., 2015).

Les intermédiaires centralisent les flux de produits et d’informations. Ces flux nécessitent des
ressources spécifiques comme des infrastructures, des savoir-faire et des relations (Michel et
al. 2019). Ils prennent également en charge des fonctions de distribution au travers de la
proximité géographique et relationnelle (Baritaux et Billion, 2018). Les intermédiaires
comblent la séparation spatiale, temporelle, informationnelle et juridique entre les membres du
canal (Baritaux et Billion, 2018). L’omnicanal modifie de manière significative l’organisation
du canal transactionnel (échanges commerciaux) et logistique (flux des produits et de
l’information associée, la proposition de valeur au client ou la gestion de l’assortiment) (Paché
et des Garets, 1997 ; Rouquet, Paché et Henriquez, 2016). Les intermédiaires doivent prendre
en considération deux questions stratégiques. La première est qu’ils doivent décider pour qui la
valeur doit être générée. Est-ce qu’elle doit l’être pour l’amont ou l’aval du canal de
distribution ? La seconde est de savoir comment cette valeur peut être générée. Cette
multiplication des canaux entre l’online et l’offline ne concerne pas uniquement la vente.
Internet et l’Internet mobile sont des compagnons qui ne quittent plus les acheteurs dans leur
parcours d’achat. C’est pourquoi la transformation digitale de la société et des entreprises
entraîne des modifications relationnelles entre les membres du canal. Il est donc nécessaire
d’identifier les sources de valeur ajoutée dans un monde de plus en plus digital.

62
En français : nouvelles prestations de service

69
Cette vision « canal » de l’intermédiaire peut être opposée à une vision « réseau ». La
distribution actuelle se caractérise par une spécialisation et une interdépendance croissante des
acteurs. Il est donc possible de reconsidérer le concept d’intermédiaire en tant que sous-
catégorie des dispositifs de distribution, c’est-à-dire dans une approche réseau. En effet, la
perception de l’intermédiaire est différente suivant si l’on se situe dans l’approche canal ou
dans l’approche réseau. Dans l’approche canal, l’intermédiaire est un moyen pour connecter un
grand nombre de fabricants avec un grand nombre de clients. Il est dans son rôle de réduction
et de gestion de l’échange (Gadde et Ford, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).

Figure 4 : vision de l’intermédiaire dans une approche canal

Mais dans une approche de réseau, le processus est global entre les différentes faces et
l’intermédiaire. La notion d’échange est alors remplacée par celle d’interaction (Gadde et Ford,
2015 dans Pardo et Paché, 2015). Le concept d’intermédiaire est alors redéfini et un schéma
triadique se met alors en place. Cette approche triadique s’insère dans les travaux de l’IMP
(Industrial Marketing and Purchasing Group) entre le concept d’interaction propre à l’étude
des dyades et le concept de réseau (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).

70
Figure 5 : vision de l’intermédiaire dans une approche réseau

L’usage d’intermédiaires peut être plus efficient qu’un système d’échange décentralisé, tout
dépend du nombre d’intermédiaires sollicités, des services apportés et du coût de contact avec
chaque acteur. Mais les intermédiaires, lorsqu’ils sont judicieusement utilisés, réduisent le
nombre de contacts (Coughlan et al., 2006 ; Rosenbloom, 2007). Les relations
interorganisationnelles sont une source majeure de création de valeur (Lafaix-Durant, 2006).
Le fabricant a intérêt à faire appel à un distributeur dans plusieurs cas. Par exemple, le fabricant
peut faire le choix d’externaliser la distribution lorsque le nombre de clients est élevé, qu’ils
sont dispersés géographiquement, ou que la clientèle est déjà fidèle à un réseau. C’est le cas
dans le second œuvre du bâtiment avec les grossistes en matériaux ou matériel électrique. En
effet, ces enseignes ont une très bonne caution auprès des professionnels du secteur et il est plus
efficace de passer par elles pour vendre un nouveau produit (Malaval et Bénaroya, 2013). Ce
constat sera discuté dans la suite de la recherche. D’autant que dans un contexte de marketing
B to B, la distribution nécessite de nombreux services à valeur ajoutée (Diviné, 2016). Les
intermédiaires sont présents et nécessaires dans le canal de distribution, car ils apportent de la
valeur ajoutée et réduisent les coûts (Coughlan et al., 2006).

Cela devient plus complexe lorsque plusieurs acteurs échangent un ensemble d’éléments de
ressources (sous-entendu comme différents produits et services). Dans ce cas, un réseau de
relations d’échanges et d’acteurs est impliqué. Le réseau de marché selon Gadde et Snehota
(2001) permet de considérer les affaires d’un intermédiaire à la hauteur de son point de vue. Le

71
produit et le service sont perçus comme une ressource. L’intermédiaire offre au client une
combinaison (assortiment) de produits. L’intermédiaire explore et crée des opportunités
d’échange et supporte les risques. Il opère sur deux marchés, d’un côté l’intermédiaire aide les
clients à accéder aux ressources et de l’autre il aide les fabricants (les détenteurs) de ressources
à atteindre les utilisateurs. Cette perception de l’amont et de l’aval peut être étudiée aussi au
regard de la notion de face (Rochet et Tirole, 2003, 2006). Dans cette vision classique,
l’intermédiaire est un acteur biface. En revanche, dans une vision réseau l’intermédiaire peut
être perçu comme un acteur multifacette. Il s’approche alors des nouveaux intermédiaires nés
de la digitalisation : les plateformes.

1.3 Les intermédiaires à l’âge du digital

L’arrivée d’Internet n’a pas supprimé les intermédiaires et a même généré un phénomène de
réintermédiation (Rosenbloom, 2007). Internet a permis l’arrivée de nouveaux acteurs qui ont
remplacé la distribution physique, par exemple avec le livre numérique ou la musique (Gadde,
2014).

Fort de ces apports, nous étudions d’abord le rôle des plateformes dans l’accès à l’information
(1.3.1). La réussite ou l’échec d’une plateforme est soumis à cinq effets de réseaux que nous
présentons en y rapprochant la notion de marché biface (1.3.2). Si certains intermédiaires
traditionnels ont souffert de l’arrivée des plateformes, ce n’est pas le cas de tous. Il est alors
requis d’observer l’apport des plateformes par rapport aux acteurs traditionnels (1.3.5). Les
plateformes peuvent être comprises dans un concept plus large qui est celui de l’écosystème
d’affaires, dont nous allons énoncer les grands principes (1.3.4).

72
1.3.1 Le rôle des plateformes dans l’accès à l’information

De nouveaux acteurs sont apparus avec Internet. Ces nouveaux entrants n’ont cependant pas
redéfini les règles de tous les secteurs d’activités comme cela a pu être le cas dans le secteur de
la musique par exemple (Belvaux et Labbé-Pinlon, 2009 ; Deshayes, 2017 ; Rimaud, 2019).
Ainsi, si certaines plateformes ne menacent pas les entreprises existantes, d’autres ont provoqué
des ravages (Evans et Schmalensee, 2016). Les plateformes participent à la « destruction
créatrice » qui révolutionne l’économie mondiale (Bénavent, 2016). Des termes synonymes à
celui de plateforme sont trouvés dans la littérature comme celui de marché numérique (Dou et
Chou, 2002). Les plateformes induisent notamment une modification de la façon dont les
consommateurs font leurs achats. L’impact sur le commerce est perceptible avec la baisse de
fréquentation des points de vente physique qui entraîne des fermetures ou la manière de penser
les formats de vente physique (Notebaert et al., 2018). Comme le signal Kotler, Keller et
Manceau (2015), les « Brick and Mortar » ont des avantages de poids face aux pure players :
des ressources financières plus importantes, une connaissance approfondie du secteur, une
certaine expérience industrielle et logistique, des relations avec les fabricants, une base clientèle
étendue. Pour autant, le commerce physique n’est pas mort (Barda, 2013). L’omnicanal peut
être vu comme une réponse des acteurs traditionnels à la montée en puissance des plateformes.
Le rapprochement entre plateformes et acteurs traditionnels est une autre piste (vertueuse ?)
comme le rapprochement d’Amazon et de Monoprix63.

En outre, les plateformes interviennent directement dans l’économie collaborative (Bénavent,


2016 ; Evans et Schmalensee, 2016). La notion de propriété est remise en cause pour celle
d’usage (service de streaming pour la musique, les films et les séries, ou de partage pour les
voitures et le logement) (Gaudeul et Jullien, 2001b, de Becdelièvre, 2015 ; Bénavent, 2016).
Dans le cadre de la consommation, la commodité, la rapidité, l’immédiateté et le prix ont permis
aux plateformes d’exploser (Bénavent, 2016).

63
Source : https://www.challenges.fr/entreprise/l-offre-monoprix-sur-amazon-prime-now-est-etendue_647771,
consulté le 28/12/2019

73
« La fonction des plateformes est donc d’assurer l’interopérabilité entre des flux d’information
différents. » (Bénavent, 2016). L’information a une nature particulière de bien en tant qu’objet
d’échanges (Gaudeul et Jullien, 2001b). Il y a deux types d’informations sur Internet. Les
informations de marché permettent de trouver un vendeur ou un acheteur, quel bien, à quel prix,
etc. Ce type d’information requiert des intermédiaires. L’autre type sont les informations plus
élaborées qui ont une valeur ajoutée comme les logiciels, la musique ou les articles. Les deux
types d’informations ont les mêmes caractéristiques de coût de reproduction faible et
d’inaliénabilité. Cela pose la question de la propriété puisqu’une connaissance peut être acquise
en totale décorrélation de sa propriété (Gaudeul et Jullien, 2001b).

Il est possible d’avoir une approche sectorielle des plateformes avec six grands domaines
(Bénavent, 2016) :

1- les services aux personnes avec la distinction entre les services professionnels (le
conseil) et ceux du care (du ménage aux soins) ;
2- le monde de l’alimentation ;
3- les biens : prêt, occasion et le neuf ;
4- l’argent ;
5- l’espace : le logement ;
6- le transport.

Les plateformes peuvent également être regroupées en trois grandes familles : interne,
logistique et industrielle (ou technologique) (Gawer, 2014 ; Daidj et al., 2017). Pour le moment
par exemple, le négoce de matériaux de construction joue le rôle d’une plateforme logistique,
il pourrait devenir une plateforme technologique.

La digitalisation, à défaut d’avoir supprimé tous les intermédiaires, a créé un courant de


réintermédiation. Ce phénomène se traduit par les plateformes qui sont traitées par les auteurs
comme de nouveaux intermédiaires (Bénavent, 2016 ; Evans et Schmalensee, 2016 ; Moati,
2019). Les plateformes peuvent être virtuelles (Amazon ou Microsoft), physiques (un centre
commercial peut être imaginé comme une plateforme physique) ou les deux. À titre d’exemple,
les enchères sont avec les foires les formes les plus anciennes de plateformes (De Vogeleer et

74
Lescap, 2011). Il est alors possible de parler de « plateformisation » (Rochet et Tirole 2003 ;
Bénavent, 2016 ; Alexandre, 2018).

Il s’agit de voir grâce aux enjeux du digital, comment on passe d’un mode d’organisation à un
autre. Les plateformes apportent de nouvelles solutions à des problèmes traditionnels et naissent
avec le déploiement des technologies de l’Internet (Bénavent, 2016). Pour le Conseil National
du Numérique « Une plate-forme est un service occupant une fonction d’intermédiaire dans
l’accès aux informations, contenus, services ou biens édités ou fournis par des tiers. Au-delà
de sa seule interface technique, elle organise et hiérarchise les contenus en vue de leur
présentation et leur mise en relation aux utilisateurs finaux. À cette caractéristique commune
s’ajoute parfois une dimension écosystémique caractérisée par des relations entre services
convergents »64. Les plateformes corrigent les asymétries d’information et agissent comme de
véritables infomédiaires (Gaudeul et Jullien, 2001b ; De Vogeleer et Lescap, 2011 ; Alexandre,
2018). Elles jouent un rôle considérable dans l’accessibilité à l’information, dans son stockage
et son partage entre les membres de l’écosystème d’affaires (Edouard et Gratacap, 2011). Les
infomédiaires traditionnels « permettent à la fois de faire connaître et d’aider à évaluer les
différentes offres existantes. » p. 72 (Belvaux et Notebaert, 2018). De ce fait, dans la gestion de
l’information est apparu de nouveaux types d’intermédiaires électroniques. Il ne s’agit plus de
s’appuyer sur un intermédiaire « tout compris », mais plutôt sur différents acteurs spécialisés
(Gadde, 2014).

1.3.2 Les effets de réseaux et la notion de multiface

Il faut ajouter à cette définition cinq effets de réseaux qui doivent être présents simultanément :
l’effet de réseau direct, l’effet de feed-back positif, les effets de réseau indirect, les effets de
réseau croisés et l’effet de verrouillage65 (Daidj et al, 2017). Les effets de réseaux se traduisent
par le fait qu’ajouter des clients attire d’autres clients et génère de la valeur (Gaudeul et Jullien,

64
CNNum (2015), Rapport « Ambition numérique : pour une politique française et européenne de la transition
numérique ».
65
Isaac, H. (2015), Plateformes et dynamique concurrentielles, Renaissance Numérique

75
2001b ; Evans et Schmalensee, 2016). Les marchés qui ont des externalités de réseau sont
principalement bilatéraux (Rochet et Tirole, 2003).

L’effet de réseau direct s’explique par le fait que plus de personnes sont connectés plus le réseau
est intéressant pour chacun des membres. Cet effet de réseau a une importance dans l’apparition
de l’avantage du premier entrant. C’est l’idée du gagnant rafle la mise ou de winner takes all66
(Soriano, 2016 ; Rimaud, 2019). Autrement dit, il faut être le premier sur un marché et maintenir
son avance afin de capturer la plus grande part de ce marché. Ce phénomène tend à créer des
Gatekeeper où un acteur détient un monopole (Soriano, 2016 ; Benghozi et Chantepie, 2019).
Mais ce cas est rare, il faut donc plutôt parler d’oligopole (Evans et Schmalensee, 2016 ;
Bénavent, 2016). L’effet de réseau direct peut aussi bien être positif que négatif.

L’effet de feed-back positif est absolument nécessaire pour la croissance et la survie de la


plateforme. Les membres des différentes faces de la plateforme doivent participer pour créer
une émulation. C’est en partie l’absence de feed-back positif et de contrôle des concurrents de
l’une des faces qui explique la mort des bourses B to B du début des années 2000 (Evans et
Schmalensee, 2016). Les acheteurs n’ont pas eu confiance (Filser, 2002).

L’effet de réseau indirect repose sur le fait que la valeur d’un produit ou service provient de la
création d’une offre de biens complémentaires.

L’importance de l’effet de réseau croisé est soulignée par les travaux de Rochet et Tirole. La
valeur d’une plateforme pour une face dépend du nombre de participants dans une autre face.
Il est nécessaire d’atteindre une masse critique de membres dans les différentes faces. C’est
l’attente de cette masse critique qui détermine le démarrage et la pérennité d’une plateforme. Il
s’agit de résoudre le dilemme de l’œuf et de la poule (Rochet et Tirole, 2003 ; Evans et
Schmalensee, 2016). La signification de la masse critique est précise pour une plateforme. Elle
se rapproche fortement de celle utilisée en physique. Il faut gérer un problème de coordination

66
Tirole, J. (2014), La nouvelle économie mondialisée entre les mains d’un petit nombre d’entreprises, Le
Monde, https://www.lemonde.fr/idees/article/2016/11/04/la-nouvelle-economie-mondialisee-entre-les-mains-d-
un-petit-nombre-d-entreprises_5025694_3232.html, consulté le 17/08/2018

76
afin que les différentes faces arrivent de manière similaire sur la plateforme dans l’optique que
chacun y trouve de la valeur. Différentes stratégies peuvent être mises en place pour atteindre
la masse critique. Il en existe au moins trois d’après Evans et Schmalensee (2016). La première
est appelée la stratégie en zigzag, les deux faces sont recrutées de façon simultanée (exemple
de YouTube ou d’Alibaba). La deuxième est la stratégie en deux étapes où un premier groupe
est persuadé puis l’autre. La stratégie d’engagement est la dernière. Elle intervient lorsqu’un
des groupes doit investir, ce qui est le cas par exemple dans les plateformes de jeux vidéo avec
console (Benghozi et Chantepie, 2019). Le fait d’ajouter des faces à une plateforme peut
accroître le nombre d’effets de réseaux positifs indirects. Le nombre de chaque membre permet
de garantir la qualité du service (Gaudeul et Jullien, 2001a).

Enfin, l’effet de verrouillage signifie que le consommateur reste captif de la plateforme, car les
coûts de transfert sont élevés (Isckia, 2011). Cependant, l’effet de verrouillage est affaibli par
les logiques d’interopérabilités67.

Ces effets de réseaux doivent être combinés avec d’autres effets liés à l’activité digitale comme
les effets de réputation, d’expérience ou d’apprentissage liés aux usages68.

La notion de face est également intéressante au sens de Rochet et Tirole (2003, 2006). Les
plateformes multifaces (c’est-à-dire qui facilitent les interactions entre plusieurs types
d’acteurs) mettent en relation différentes faces pour échanger de la valeur (Evans et
Schmalensee, 2016). Cette notion de relation est un point central du concept de triade. Il est
possible de parler de plateforme multiface, car elles facilitent les interactions entre plusieurs
types de clients et/ou plusieurs types de fournisseurs (Evans et Schmalensee, 2016). Bénavent
(2016) parle de leadership par les plateformes. La structuration des faces doit reposer sur une
identification de groupe d’utilisateurs homogènes (Parmentier et Gandia, 2016). L’interaction
peut être à peu près n’importe quoi, mais doit être clairement identifiée (Rochet et Tirole, 2006).

67
Isaac, H. (2015), Plateformes et dynamique concurrentielles, Renaissance Numérique
68
Baratoux, P. (2016), Qu'est-ce que digital signifie vraiment ?, source :
https://www.rhinfo.com/thematiques/strategie-rh/digital-rh/quest-ce-que-digital-signifie-vraiment, consulté le
13/05/2018

77
Pour Bénavent (2016), les plateformes remettent en cause la notion de propriété des biens et
ont un rôle de coordination entre les différentes faces. Ce rôle de coordination permet
d’automatiser les réponses aux questions qui, quoi, où et quand. L’automatisation est rendue
possible par la maîtrise des données et des algorithmes (Moati, 2019). La domination d’une
plateforme repose sur la maîtrise d’un algorithme spécifique constitué de nombreux modules
(Bénavent, 2016).

1.3.3 L’apport des plateformes par rapport aux acteurs traditionnels

Les recherches se sont principalement faites en économie afin de comprendre le fonctionnement


des plateformes et leurs différences avec les firmes traditionnelles (Evans et Schmalensee,
2016). Grâce à l’économie collaborative, l’humain est remis dans le marché (Bénavent, 2016).
L’importance des évolutions technologiques a permis l’émergence fulgurante des plateformes
entre l’Internet grand public des années 90 et l’arrivée du haut débit mobile et des smartphones
dans les années 2000. Selon Evans et Schmalensee (2016), six technologies ont permis
l’accélération de la croissance des plateformes. Il s’agit de l’augmentation de la puissance des
puces, de l’Internet compris comme un réseau avec un protocole standard, le Word Wide Web,
les communications à bande large, les langages de programmation ainsi que les systèmes
d’exploitation et le cloud.

L’ensemble de ces technologies a permis de créer deux types de plateformes fondatrices : les
fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les systèmes d’exploitation. Les FAI peuvent être vus
comme des plateformes bifaces pour les particuliers et pour les fournisseurs de contenu. En
donnant accès à Internet de manière fixe ou mobile, ils permettent de connecter les différentes
faces pour un coût très faible. Cela représente un effet de réseau positif gigantesque pour les
autres plateformes. Les systèmes d’exploitation sont quant à eux des plateformes bifaces pour
les utilisateurs et pour les développeurs d’applications. Windows, Mac OS, iOS ou encore
Android sont des moteurs invisibles qui servent d’autres plateformes (Evans et Schmalensee,
2016). Par exemple, Android est une plateforme et Facebook en tant qu’application compatible

78
avec ce système d’exploitation est une sous-plateforme (Alexandre, 2018). Il existe donc de
super plateformes.

L’intérêt des plateformes est qu’elles redéfinissent radicalement le métier de grossiste. En effet,
elles ne se rémunèrent pas sur la marge à la revente, mais sur des commissions pour la mise en
relation (Moati, 2019). Les nouvelles plateformes peuvent réduire davantage les frictions et les
coûts de transaction (Evans et Schmalensee, 2016). Un coût de transaction est un coût lié à un
échange économique. Le digital a permis une forte réduction de ces coûts et un accès élargi à
l’offre (Bénavent, 2016). Le socle des plateformes est digitalisé, c’est-à-dire que ce socle est
caractérisé par une conception modulaire (Bénavent, 2016).

La friction est un élément clé dans la création de valeur des plateformes. Il est nécessaire de
tenir compte de la distorsion provoquée par les effets de réseau indirect qui créent une
interdépendance de chaque groupe. Afin d’attirer des membres dans une face, cette dernière
peut être gratuite. Le prix est alors payé par l’autre face qui est la face payante. Il est donc
essentiel de trouver la bonne structure de prix (Evans et Schmalensee, 2016). Mais les
plateformes ont d’autres modèles de rémunération comme la publicité, l’abonnement ou la
commercialisation des données (Bénavent, 2016). Cependant les travaux de Rochet et Tirole
(2003), montrent que les plateformes traitent souvent un côté comme un centre de profit et
l’autre comme une perte ou un financement neutre.

1.3.4 L’importance du concept d’écosystème d’affaires

Les plateformes sont attachées au concept d’écosystème d’affaires et sont l’un des instruments
de gestion de cet écosystème avec le business model et le leadership (Edouard et Gratacap,
2011). En effet, les plateformes se situent dans des écosystèmes d’entreprises ou d’autres types
d’institutions (Evans et Schmalensee, 2016). La notion d’écosystème d’affaires rompt avec une
perception purement sectorielle (Gratacap, 2011). La définition de l’écosystème d’affaires
provient des recherches en système écologique de Frontier (1999), qu’il définit comme « un
système d’interaction entre les populations de différentes espèces dans un même site, et entre
ces populations et le milieu physique ». Ce concept a été transposé aux entreprises à travers les
79
travaux de Moore (1996) et de Ianseti et Levien (2004) dans les réseaux. C’est une stratégie
volontariste et elle se fait sur le partage de valeurs communes.

Il est possible de définir un écosystème d’affaires comme : « plusieurs acteurs interdépendants


issus de différents domaines d’activité partageant une vision stratégique « commune » autour
d’un leader qui parvient à imposer sa technologie. » p. 105 (Daidj, 2011). Le leader ou
entreprise pivot doit gérer la tension entre coopération et compétition (Isckia, 2011). Dans un
écosystème d’affaires, l’entreprise pivot ne cherche pas à contrôler l’ensemble du réseau, mais
à se positionner sur des nœuds stratégiques (Capo, 2002 ; Daidj et al., 2017). L’entreprise pivot
capte une partie de la valeur, contribue au développement d’une compétence écosystémique et
réduit l’incertitude en introduisant des coûts de transfert (Isckia, 2011). À travers l’utilisation
de la firme pivot, Capo (2002) cherche à comprendre les relations entre les acteurs du canal de
distribution en utilisant les théories du coût de transaction, contractuelles et des gouvernements.
La firme pivot, ou broker, s’inscrit dans le concept de réseau dynamique (Miles et Snow, 1986,
1992 ; Capo, 2002 ; Paché et Paraponaris, 2006). Les firmes pivots ont un rôle de coordination
et d’émulation au sein du réseau et/ou du canal (Capo, 2002). Ces entreprises pivots ont souvent
recours à des plateformes technologiques (Daidj et al., 2017).

Les firmes pivots se fondent sur la théorie des réseaux. La théorie des réseaux industriels en
tant que cadre d’examen de la dynamique de distribution a une certaine pertinence (Gadde,
2014). L’article de Capo (2002) montre qu’il existe des entreprises pivots dans le canal de
distribution avec les mêmes fonctions de coordination entre les membres que dans les firmes
pivots de la théorie des réseaux. Les entreprises pivots ont un rôle de coordination des activités,
des compétences et des objectifs et d’émulation des autres membres. Ainsi, elles exercent un
pouvoir sur les autres membres du canal. Les entreprises pivots ont un triple rôle. Elles ont un
rôle d’architecte via la sélection, la mise en relation et l’implication des membres. Cela leur
permet d’avoir une vision globale. Le deuxième rôle est celui d’organiser, c’est-à-dire de créer
des connexions entre les entreprises. Enfin, ces entreprises pivots ont un rôle d’intermédiaire
dans le sens où elles gèrent les relations entre les membres. L’entreprise pivot doit maintenir
un certain niveau de compétition entre les membres du canal. Les grossistes japonais, grâce à
la valeur ajoutée de leurs services, ne peuvent pas être évincés du canal de distribution. Ils
possèdent donc un contre-pouvoir (Capo, 2002).

80
Ces entreprises pivots ont souvent recours à des plateformes technologiques, ce qui leur donne
un rôle d’intermédiaire (Daidj, 2011 ; De Vogeleer et Lescap, 2011 ; Daidj et al., 2017). La
plateforme technologique peut se définir comme ; « […] un ensemble de solutions techniques
et de services disponibles pour résoudre des problèmes […] » p. 181 (Edouard et Gratacap,
2011). Les détenteurs de plateformes jouent un rôle de coordination des acteurs et de
stimulation de la création de valeur (De Vogeleer et Lescap, 2011 ; Isckia, 2011). Le partage
de valeurs communes se retrouve dans les recherches sur les triades puisque dans l’approche
triadique, les acteurs ont une vision similaire, sinon ils sont remplacés par d’autres acteurs
(Svensson, 2004).

L’écosystème d’affaires est plus large que la simple plateforme, mais puisque tous les membres
sont en interaction, il existe un risque que le comportement de l’un des membres affecte la
valeur de la plateforme. Les plateformes permettent d’accéder à des ressources, mais il faut
faire la distinction entre les plateformes fermées ou ouvertes (Daidj, 2011). Le degré
d’ouverture de la plateforme détermine les modalités d’accès aux ressources (Isckia, 2011).
Finalement, les plateformes standardisent l’accès aux ressources pour les membres (Isckia,
2011).

Les plateformes transforment progressivement des formes d’organisations en réseau (Daidj,


2011). Il faut passer du rôle d’acteur du marché à celui de support (De Vogeleer et Lescap,
2011). La plateforme est une solution mise à la disposition des membres de l’écosystème
d’affaires à travers des points d’accès et des interfaces (Web Service et API). C’est une
association de technologie, de produits et d’organisations (Gueguen et Passebois-Ducros,
2011).

Dans une analyse des articles et des terminologies parlant de l’écosystème d’affaires, Gueguen
et Passebois-Ducros (2011) déterminent trois représentations des écosystèmes d’affaires. La
première classe repose sur une stratégie de mise en réseau et est conforme aux travaux de Ianseti
et Levien dont la plateforme avec le rôle des TIC et des entreprises pivots sont la clé de voûte
(Isckia, 2011). La seconde classe se rapproche de la définition de Moore avec une communauté

81
économique au sein d’un univers technologique dont l’objectif est de créer de la valeur. La
coévolution entre concurrents pour innover est la troisième classe. Ce travail sous-tend le fait
qu’il n’y a pas de vision unique des écosystèmes d’affaires.

Dans le cadre de l’écosystème d’affaires, l’unité d’analyse n’est plus l’entreprise, mais un
réseau d’organisations (Edouard et Gratacap, 2011). L’échelle d’observation est modifiée
puisque l’entreprise se situe en micro-environnement alors que la relation entre les entreprises
se place dans le méso-environnement. Ce phénomène légitime par exemple l’utilisation de la
triade dans les analyses. La structure organisationnelle d’un canal de distribution peut être vue
comme un flux de réseau. Ce flux crée des nœuds qui englobent les mouvements réels du
produit, titre et information (Bowersox et Morash, 1989). Les firmes avec plateforme ont deux
leviers stratégiques. Elles peuvent tout d’abord jouer sur la profondeur, c’est-à-dire ajouter de
nouvelles fonctionnalités ou produits et services pour les différentes faces. Elles peuvent ensuite
étendre les espaces du marché couvert. L’étendue cherche de nouvelles sources de valeur et
crée des externalités indirectes par ajout de nouvelles faces (Isckia, 2011). La « data » est le
levier des acteurs qui se positionnent comme des entreprises pivots (Daidj et al., 2017). D’où
l’importance de la gestion du flux d’information pour les intermédiaires.

Ainsi le passage d’une approche « canal » a une approche « réseau » permet de remettre en
avant l’étude du grossiste qui a été négligée en recherche (Gadde, 2014). De plus, le passage à
une vision réseau légitime l’étude de l’évolution des fonctions de gros via l’usage du digital
dans une optique de plateformisation. L’intermédiaire ne joue plus le rôle de filtre et de
réduction des points de contacts entre l’amont et l’aval du canal, mais peut être vu comme un
intermédiaire pivot de type fournisseur (Gadde et Snehota, 2001, Capo, 2002 ; Gadde, 2014).

1.4 Conclusion

Le terme d’intermédiaire renvoie à tous les membres du canal situés entre le fabricant et
l’utilisateur final. Coughlan et al. (2006) différencient trois types d’intermédiaires :

82
- Les détaillants intermédiaires revêtent plusieurs formes aujourd’hui. Bien qu’ils soient
différents des grossistes, certains s’ouvrent sur le marché de gros.
- Les intermédiaires spécialisés performent sur un flux spécifique.
- Les intermédiaires de gros comme les grossistes, distributeurs, représentants du
fabricant, les agents et les courtiers. Ils achètent au prix de gros et revendent en aval
avec un prix de mise sur le marché.

La distinction entre les différents acteurs de gros peut se faire sur la prise de propriété des biens
vendus ou sur le degré d’autonomie entre les membres amont et aval du canal.

Si la place et le rôle des intermédiaires dans le canal de distribution et dans les réseaux
apparaissent comme un axe de recherche éprouvé, il nous semble en revanche qu’il y ait encore
des pistes d’amélioration dans l’étude de la digitalisation dans un contexte de marketing B to
B. À notre connaissance, aucune recherche n’a été menée sur la segmentation des utilisateurs B
to B dans un canal de distribution digitale comme cela a pu être le cas dans le B to C (Belvaux,
2006 ; Munos, 2006 ; Vanheems, 2009). Est-ce que le caractère fonctionnel de l’achat sur
Internet dans le cadre du B to C à savoir la commodité, le gain de temps, l’achat à domicile et
le contrôle de soi sont valable en B to B (Vanheems, 2012) ? Il y a également peu de travaux
sur le e-commerce B to B. Il faut attendre l’étude Fevad/DGE sur la transition numérique &
commerce B to B réalisée par Next Content en collaboration avec le Crédoc en octobre 2015
pour avoir des chiffres détaillés sur le e-commerce B to B en France.

De plus, si la plateforme (avec effet de réseau, voire monopole69) arrive à influencer les acteurs
amont (fabricants et éditeurs) cela agit sur les canaux de distribution. Le canal de distribution
comporte des intermédiaires, car ils réduisent les frictions et ils gèrent de l’information.
Cependant, la disponibilité de l’information permet une désintermédiation (Bénavent, 2016).
En fait, les plateformes sont une forme de réintermédiation. Ce sont de nouveaux acteurs avec
de nouvelles modalités qui redéfinissent les marchés et permettent de réduire le manque
d’efficience des intermédiaires traditionnels (Bressolles, 2016). Cette réintermédiation est

69
Source : https://www.latribune.fr/opinions/blogs/le-blog-du-contrarian/la-reintermediation-du-monde-
742357.html, consulté le 21/01/2020

83
rendue possible par la disponibilité croissante de l’information et par la baisse de son coût
d’acquisition. En revanche, le coût de traitement de cette information augmente en proportion
(Bénavent, 2016). Il est ainsi possible d’imaginer deux modèles d’étude de la création de valeur
dans un contexte relationnel : l’intermédiaire traditionnel au sein du canal de distribution avec
ses fonctions ou la firme pivot comme intermédiaire et s’appuyant sur une plateforme multiface.

L’intermédiaire est étudié de manière traditionnelle à travers la théorie du canal de distribution.


Mais les théories des réseaux peuvent amener à une autre lecture notamment en utilisant la
plateforme (Filser, Frisou et Henriquez, 2019). La digitalisation du parcours de recherche,
d’information et d’achat plus le risque de désintermédiation poussent à revoir la recherche sur
l’intermédiaire traditionnel et plus spécifiquement le grossiste.

En effet, l’influence du digital dans un contexte B to B n’a été que peu étudiée, le retail et les
rapports B to C lui ayant été préférés par les chercheurs.

Il n’y a plus seulement l’intégration verticale des fonctions de gros qui menacent les grossistes
traditionnels. De nouveaux intermédiaires comme les plateformes bousculent ces acteurs. La
digitalisation permet l’émergence de nouveaux acteurs qui, pour un certain nombre, menacent
les entreprises traditionnelles. Un cas emblématique est apparu ces dernières années avec la
crise entre Uber et les taxis. Ce conflit a même donné naissance au terme d’« uberisation ». Il
est plus correct de parler de « plateformisation » que d’« uberisation », car ce terme est
réducteur (Alexandre, 2018). En effet, il est préférable de voir le terme « uberisation » comme
un synonyme de disruption ou de désintermédiation (Deshayes, 2017). Mais contre toute
attente, il semblerait que des entreprises soient pour le moment protégées par des barrières à
l’entrée importantes.

Il nous semble pertinent d’étendre la littérature sur le grossiste en alliant l’approche du canal
de distribution et des réseaux à travers les concepts de plateformes et d’écosystèmes d’affaires.
Cela signifierait que le grossiste doit évoluer vers le statut de plateforme. Cette approche peut
se confondre, à notre avis, avec la vision de l’intermédiaire comme un fournisseur avec un rôle
de coordinateur qui se retrouve également dans l’entreprise pivot (Gadde et Snehota, 2001).
84
Au demeurant, la notion de face permet de remettre au centre des échanges les intermédiaires
(Rochet et Tirole, 2003, 2006). C’est pourquoi dans la suite du raisonnement nous utilisons le
concept de triade de distribution dans un secteur qui semble peu digitalisé, cela dans le but de
déterminer comment la vision dynamique que nous proposons peut trouver un ancrage
empirique. Les grossistes sont perçus traditionnellement comme des acteurs bifaces, dans
lesquels s’inscrit l’unité triadique. En revanche, les plateformes s’insèrent dans une vision
d’innovation Schumpetérienne (Gallouj et Gallouj, 2009 ; Yagoubi et Tremblay, 2017). Il est
alors question d’une approche multiface.

85
86
Chapitre 2. Le risque de désintermédiation : le point de vue des acteurs

L’objectif de la recherche est de déterminer comment le grossiste traditionnel peut développer


sa valeur ajoutée au sein du canal de distribution afin d’éviter la désintermédiation et de
déterminer l’impact du digital dans ce processus. À ce stade, il convient de rappeler les
questions de recherche sous-tendues par cet objet :

- La perte de valeur ajoutée par l’intermédiaire conduit-elle à une désintermédiation ?


- Par quels moyens l’intermédiaire peut-il augmenter sa valeur ajoutée ?
- Par quels moyens l’intermédiaire peut-il augmenter les effets de sa valeur ajoutée sur la
désintermédiation ?
- Le modèle des grossistes traditionnels est-il en capacité de concurrencer le modèle des
plateformes ?

Afin d’apporter un commencement de réponse à ces questions, nous avons jugé pertinent
d’entamer une approche qualitative. Comme le montre la revue de littérature, les relations B to
B dans un contexte de digitalisation ont été peu étudiées (Filser, 2002 ; Siadou-Martin et al.,
2014). Les relations entre le grossiste et les autres membres du canal de distribution sont peu
analysées (Capo, 2002). Les modifications dans la chaîne de valeur restent à approfondir. Si le
risque de désintermédiation est bien présent par la volonté des acteurs en amont et en aval du
canal de distribution, notamment dans la grande distribution (Filser, 1989 ; Filser, des Garets et
Paché, 2012), il ne faut pas exclure le phénomène de réintermédiation avec l’émergence de
nouveaux intermédiaires que sont les plateformes (Bénavent, 2016 ; Evans et Schmalensee,
2016). Les intermédiaires traditionnels sont donc soumis à une double pression à la fois
verticale, mais aussi horizontale.

La méthodologie s’appuie sur l’utilisation de la triade au sens de Havila, Johanson et Thilenius


(2004) et de Pardo et Michel (2013) pour la phase de recherche qualitative (2.1). En effet, les
données qualitatives « […] sont davantage susceptibles de mener à « d’heureuses trouvailles ».
Elles permettent en effet aux chercheurs de dépasser leurs a priori et leurs cadres conceptuels
initiaux. » (Miles et Huberman, 2003 p.11). Cette première approche du terrain permet de
mettre au jour des modifications dans les flux classiques du canal de distribution qu’il convient

87
d’approfondir au travers des différents résultats (2.2). Il sera ensuite temps de conclure ce
chapitre et de mettre en avant les limites de cette première partie du travail (2.3).

2.1 Le design de l’étude

Afin de comprendre la richesse du canal, mais sans pour autant se limiter à la seule vision du
grossiste, il a été fait le choix d’utiliser l’unité de la triade de distribution afin de permettre une
meilleure compréhension des dynamiques à l’œuvre (2.1.1). Ce choix permet d’étendre la
recherche en distribution qui utilise souvent l’unité d’analyse dyadique (Gadde et Ford, 2015
dans Pardo et Paché, 2015). De plus, dans les recherches en marketing B to B, l’approche
triadique n’est pas courante (Portier, Pardo et Salle, 2014). Les trois membres de la triade
retenus sont les industriels, les négoces de matériaux de construction et les clients
professionnels du bâtiment. Le choix du terrain s’est tout de suite porté sur le canal de
distribution des matériaux de construction puisque l’opportunité permettait de le rendre
accessible à l’auteur et d’effectuer des allers-retours quotidiennement avec ce terrain (2.1.2).
En effet, nous travaillons depuis l’obtention de notre Master dans ce canal et pour différents
grossistes de niveau national et régional. Cela permettait d’avoir une place d’observateur
privilégié et de pouvoir approcher les différents membres du canal de distribution. C’est
d’ailleurs d’observations directes que sont apparues les premières questions de recherche. Il a
donc été décidé de mener des entretiens semi-directifs, en plus des différents documents
récupérés dans la presse spécialisée, auprès des trois membres de la triade (2.1.3). Pour analyser
ce matériau, nous avons choisi d’utiliser une méthodologie d’analyse thématique (2.1.4).

2.1.1 La triade comme unité

Simmel en 1950 (Simmel et Wolff, 1950), philosophe et sociologue, est le premier à faire la
différence entre la dyade et la triade. Caplow (1956) étend ce travail. Cela a inspiré plusieurs
auteurs dans le domaine des affaires interentreprises et dans les recherches
interorganisationnelles en reprenant la vision méso-sociologique (Mercklé, 2011). Caplow
définit la triade comme « […] un système social comprenant trois éléments liés entre eux par
une relation durable. » (Caplow, 1984). La triade favorise l’émergence d’une coalition de deux

88
membres contre le troisième. En sociologie, l’exemple est celui de la famille avec la relation
père – mère – enfant (Dubois, 2009). La triade n’est pas une addition de dyade, mais elle est
combinatoire (Mercklé, 2011). Il sert d’analogie avec les relations d’affaires. Pour Laage-
Hellman (1989), les triades sont les plus petites unités de réseaux de relations connectées.

Ainsi, les triades se composent de trois acteurs liés les uns aux autres à travers leurs trois
relations qui s’influencent mutuellement. C’est un groupe formé pour des raisons spécifiques
avec des interactions répétées. L’un des arguments fondamentaux est que l’étude des triades
peut être parfois plus bénéfique que celle des dyades (Dubois et Fredrikson, 2008). En effet,
dans la dyade, l’intermédiaire est traité de façon implicite : son existence est ignorée, il se traduit
par « l’autre partie » de la relation (Havila, Johanson et Thilenius, 2004). La représentation la
plus simple d’un contexte de distribution se traduit par un distributeur, un fabricant et un client
d’où l’intérêt d’utiliser le concept de triade dans la distribution B to B (Pardo et Michel, 2013).
L’étude des interactions entre les membres d’un canal de distribution se fait sous l’angle d’une
dynamique en évolution dans laquelle les NTIC sont le principal facteur environnemental
(Bonet Fernandez, 2008). Mais comme le font remarquer Gadde et Ford (2015 dans Pardo et
Paché, 2015), il existe une différence fondamentale entre l’approche réseau (basée sur la
coopération) et l’approche canal (basée sur les relations conflictuelles). Ces deux approches
amènent une perspective divergente sur les relations entre les acteurs.

Les relations rendent les entreprises interdépendantes, car elles appartiennent à un réseau de
relation (Ritter, 2000). Il existe un portefeuille de relation. Ainsi, les relations n’existent pas
indépendamment les unes des autres. La modification de l’une des relations a un impact sur les
autres (Ritter, 2000). Et l’évolution des relations peut faire évoluer la place des acteurs dans le
réseau (Harrison, Holmen et Pedersen, 2012). Ritter (2000) montre que les relations peuvent
avoir trois types d’effets (neutre, positif et négatif) et que ces effets peuvent se cumuler. Les
relations entre les membres de la triade peuvent également avoir des conséquences sur les
acteurs en dehors de la triade (Dubois et Fredrikson, 2008).

Il existe un débat au sein des auteurs pour savoir si la triade est bien la plus petite unité d’analyse
des réseaux et si c’est bien un cadre conceptuel. Certains affirment (pour l’étude des

89
approvisionnements au moins) qu’il faut passer de la dyade à la triade, car c’est la plus petite
unité d’analyse (Choi et Wu, 2009 ; Harrison, Holmen et Pedersen, 2012). Alors que pour
d’autres, la triade peut être considérée comme l’un des nombreux sous-ensembles pertinents (à
des fins différentes) d’un réseau plus large (Dubois, 2009). Mais tout choix d’une triade est
arbitraire et peut nuire à la compréhension des échanges dans le réseau. Pour Dubois (2009), la
triade n’a pas de signification théorique ou conceptuelle, mais seulement méthodologique.

L’intérêt principal de l’étude des triades est la mise en avant de l’interdépendance ou confiance
interorganisationnelle (Leperis, 2003 ; Havila, Johanson et Thilenius, 2004), de
l’interconnexion et de l’interaction dans la relation. La confiance comme concept central de la
triade rejoint le marketing relationnel (Morgan et Hunt, 1994 ; Havila, Johanson et Thilenius,
2004). Pour Ritter (2000), les problèmes de l’interdépendance entre les relations peuvent être
analysés dans la triade. Cela revêt également des aspects coopératifs et concurrentiels. Capo
met en avant, dès 2002, le manque d’analyse du rôle et des mécanismes relationnels qui lie les
intermédiaires distributeurs et les producteurs. Ainsi, la relation a été conceptualisée comme
étant à la fois un moyen et une fin en raison de son caractère interactif et intégré (Dubois et
Håkansson, 2002). La fin se traduit comme une ressource organisationnelle capable
d’augmenter la valeur alors que le moyen permet d’identifier, de capturer et de développer ces
valeurs. Créer et améliorer l’interdépendance nécessite une coopération basée sur l’échange
d’information, de connaissance et de technologie. Il y a donc un caractère dynamique et
multifacette dans l’étude de la triade. Il est important de noter que les conditions relationnelles
entre les différents acteurs qui gravitent autour des grossistes ont évolué avec le temps (Dugot,
2000). Cela signifie que les relations d’affaires sont différentes suivant si l’on se trouve dans
une dyade ou dans une triade. Comme évoqué précédemment, les relations B to B sont
généralement étudiées sous l’angle de la dyade. Mais il ne faut pas ignorer qu’une triade n’est
jamais stable (Holma, 2010).

La triade a déjà été sollicitée dans l’étude de la désintermédiation notamment de la chaîne


d’approvisionnement dans l’aérospatial américain (Rossetti et Choi, 2005, 2008) ou pour les
grossistes de fruits et légumes frais (Pardo et Michel, 2013). Dans le cadre de ses recherches,
Holma (2010) montre qu’Internet a servi dans un processus de réintermédiation dans le voyage
d’affaires. Internet a créé un nouveau business model qui a modifié les relations de base, mais

90
qui n’a pas entraîné de désintermédiation. Au contraire, dans le cas de l’approvisionnement, la
désintermédiation représente un changement structurel fondamental de la chaîne pour Rossetti
et Choi (2005). Cette désintermédiation a été provoquée par deux types de promesses non
tenues :

- le manque de relation étroite de l’intermédiaire avec le fournisseur ;


- l’atténuation de l’avantage concurrentiel.

Au fil des recherches, les auteurs présentent plusieurs conditions de réseau triadique :

- un acheteur interagissant avec 2 fournisseurs (Smith et Laage-Hellman, 1992 ; Dubois


et Fredrikson, 2008 ; Wu et al., 2009) ;
- un fournisseur interagissant avec un intermédiaire et un client final (Smith et Laage-
Hellman, 1992 et Rossetti ; Choi, 2005 et 2008) ;
- un fournisseur interagissant avec 2 acheteurs (Smith et Laage-Hellman, 1992) ;
- un fournisseur interagissant avec un intermédiaire et un client professionnel/distributeur
(un autre intermédiaire) (Michel et Pardo, 2012 ; Pardo et Michel, 2013).

Par exemple dans le cadre de la mise en place d’un approvisionnement triadique, l’acheteur
créé de manière active des interdépendances entre deux fournisseurs. Cet approvisionnement
triadique augmente la performance, car la pression concurrentielle est plus fréquente. Les
membres investissent dans la relation, car la productivité et l’innovation sont améliorées
(Dubois et Fredrikson, 2008).

Il est également possible d’identifier différents types de triades (Havila, 1996 ; Holma, 2010,
2012) :

- la triade de pont : dans ce cas c’est l’intermédiaire qui fait le lien entre le client et le
fabricant, il n’y a pas d’interaction entre le fabricant et le client ;
- la triade en série : les interactions sont principalement réalisées entre le client et le
fabricant sous une forme contractuelle, l’intermédiaire n’étant présent que pour remplir
les termes du contrat ;

91
- la triade unitaire : dans ce cas le rôle de l’intermédiaire est adapté à la situation avec une
répartition du travail, ce qui conduit à une interaction plus égale entre les trois acteurs.

Dans le cadre de l’étude de la dynamique des rôles, Harrison, Holmen et Pedersen (2012)
identifient trois paramètres triadiques qui permettent et contraignent la dynamique :

- diamant : il existe une dyade focale ;


- aligné unitaire : il existe une triade focale, c’est-à-dire que les acteurs ne changent pas
mais les activités évoluent ;
- minuteur : il existe un acteur focal qui appartient à plusieurs triades.

Il est donc possible de voir que l’étude des triades s’est enrichie au fil du temps principalement
dans le cadre des réseaux et des travaux de l’IMP. Le canal de distribution a été quelque peu
étudié sous l’angle de la triade (Havila, Johanson et Thilenius, 2004 ; Svensson, 2004 ; Michel
et Pardo, 2012 ; Pardo et Michel, 2013). Dans le cadre de l’étude de la triade, la distribution
interentreprises est traitée en mettant l’accent sur les relations développées par un intermédiaire
avec ses clients et ses producteurs. Les relations d’un distributeur/intermédiaire B to B avec ses
fabricants et ses clients ont un impact sur les relations des uns et des autres, notamment dans le
cadre d’une désintermédiation (Michel et Pardo, 2012). Il est possible de voir que si les relations
fabricant – client se renforcent, cela affaiblit la relation fabricant – intermédiaire et
intermédiaire – client, mais l’inverse est aussi vrai (Holma, 2010). L’interconnexion entre les
relations implique l’existence d’effets positifs ou négatifs si les relations évoluent (Ritter,
2000).

La représentation la plus simple d’un contexte de distribution est un jeu de trois acteurs
fabricant – distributeur - client d’où le choix d’utiliser la triade dans la distribution B to B (Pardo
et Michel, 2013). Se mettre au niveau de l’intermédiaire, c’est construire une réflexion, à
minima, triadique. C’est également le point de vue défendu par Havila, Johanson et Thilenius
(1996, 2004) qui parlent du « rôle différent des intermédiaires ». En effet, Havila (1996) est la
première à faire une lecture triadique d’une situation de distribution. L’auteure distingue alors
la triade de distribution par rapport à d’autres triades organisationnelles. Les triades de
distribution ont un caractère de triade sociologique dans le sens où plus l’interaction est forte

92
dans la dyade intermédiaire-client moins elle est forte dans la dyade fabricant-client (Havila,
Johanson et Thilenius, 2004 et Holma, 2010).

2.1.2 Un risque de désintermédiation dans le canal de distribution des


matériaux de construction

Le point de départ de cette recherche doctorale est le questionnement de l’auteur sur l’usage du
digital au sein de la triade de distribution de matériaux de construction. L’industriel, le négoce
et le client artisan sont les principaux acteurs de ce canal de distribution. Il n’est pas ici question
de définir les acteurs et le secteur (cela sera fait dans le chapitre 3), mais leurs usages digitaux.

Le secteur du bâtiment peine à passer le cap de la digitalisation malgré les initiatives de


nombreux acteurs : distributeurs traditionnels, industriels, plateformes numériques ou
nouveaux entrants. C’est pourquoi l’État intervient pour encadrer et développer le numérique
dans notre pays (2.1.2.1). Il est donc nécessaire d’identifier l’impact que cela va avoir sur les
membres de la triade, en particulier le grossiste et le client professionnel (2.1.2.2).

2.1.2.1 L'État, moteur de l’innovation digitale

Dans le but de moderniser le secteur du bâtiment en France, l’État est intervenu pour encadrer
et développer le numérique. Sylvia Pinel (Ministre du Logement et de l’Égalité des territoires
de 2014 à 2016) décide la mise en place du Plan de Transition Numérique du Bâtiment et
nomme Bertrand Delcambre ambassadeur du numérique pour la filière en 2014. Un fond de 20
millions d'euros est également dégagé afin de financer cette mutation et accompagner les
acteurs de la filière. Il est important de noter que le syndicat représentatif des négoces (FNBM)
ne fait pas partie du comité de pilotage. Les négociants sont cependant représentés à travers
d'autres organismes comme le Cercle Promodul. Le plan d’action de l’État porte sur 4 axes. Le
premier est de convaincre et donner envie à tous les acteurs d'utiliser les outils digitaux. Le
deuxième axe doit permettre de répondre aux besoins d’équipement et de montée en
compétences numériques des acteurs. Le plan d'action a pour rôle de développer des outils
adaptés à la taille de tous les projets. Enfin, il doit également installer la confiance dans

93
l’Écosystème du Numérique Français. Ces quatre axes ont donc pour but de moderniser la
filière du Bâtiment dans son ensemble.

Le numérique sera au service de la transition énergétique pour la croissance verte, du plan de


relance du logement et du développement durable (le bâtiment dans son environnement). On
assiste donc à une double transition : énergétique et numérique. Le numérique va permettre de
passer d’une complémentarité à une transversalité (collaborative) entre les différents acteurs de
la filière du Bâtiment. Cela va donc créer de la valeur ajoutée à chaque étape de la fabrication
des produits et de la construction. Le numérique peut donc être perçu comme une véritable
innovation qui permettrait de construire plus de logements, de meilleure qualité et à moindre
coût. Cela a un impact de la conception à la maintenance notamment en termes d’économies.
En option, le numérique nécessiterait la création d’emplois à forte valeur ajoutée. Cela aurait
pour effet de valoriser la filière et de la rendre plus attractive. Le Plan de Transition liste toute
une série d'innovations digitales comme la réalité augmentée, la Smart Cité et les IoT, les
MOOC, l'impression 3D, la robotique ou encore la numérisation des bâtiments grâce à des
scanners 3D. Mais le principal outil digital mis en avant est le BIM (Building Information
Modeling) puisque « La maquette numérique est l’innovation numérique majeure dans le
secteur, car elle a un impact potentiel sur tous les métiers » p.470. Le BIM réduirait les coûts
des projets de 10 % avec notamment des économies sur les matériaux et une diminution des
reprises. Sur la question du BIM, la Finlande est l'un des pays les plus en avance avec l'Italie en
Europe. Ainsi, la maquette numérique permettrait d'augmenter les marges des entreprises de
45 %, réduirait les déchets de 45 % et les accidents de chantier de 5 %. Le numérique pourrait
devenir une innovation de rupture au sein de la filière.

Pour la commission, les industriels et les négoces de matériaux ont des rôles de première
importance dans la digitalisation de la filière. Tout d'abord, les industriels sont de plus en plus
impliqués et ils auraient un rôle central dans la numérisation de la filière. Ensuite, le négoce est
un élément important de la chaîne de valeur pour conseiller et accompagner les entreprises. En
effet, il est un lieu privilégié pour la montée en compétences des professionnels. « Il y a un vrai
enjeu majeur pour faire décoller puis massifier le marché de la rénovation énergétique à coûts

70
Delcambre, B. (2014), Rapport « Mission Numérique Bâtiment »

94
maîtrisés et ce en agissant sur les deux ressorts de l’offre et la demande. » p. 2871. Les
distributeurs peuvent intervenir pour faciliter et accompagner la montée en compétences des
clients avec par exemple du coaching réalisé par les vendeurs (Collin-Lachaud et Longo, 2014).
Cela signifie mettre en place des parcours de recrutement en intégrant les savoirs, savoir-faire
et savoir-être en plus de formation.

Des recherches récentes montrent l’importance des normes publiques, l’engagement et le rôle
des institutions dans le développement de l’innovation (Belley, 2013 ; Yagoubi et Tremblay,
2017). L’environnement institutionnel peut également avoir un rôle important dans la
configuration du canal ou le comportement des organisations en prenant appui sur la théorie
néo-institutionnelle (Assassi, 2008 ; Michel, 2014, 2016). Les institutions au sein du canal de
distribution peuvent mettre en place des processus de coordination et de régulation du canal
permettant de faire face à l’incertitude du marché (Assassi, 2008). Les pressions normatives
peuvent être à l’origine d’un phénomène de réintermédiation du grossiste alors que les pressions
par le prix peuvent être à l’origine d’une désintermédiation (Michel, 2014).

La transformation digitale pour le négoce peut être considérée comme une innovation de
rupture. Cette mutation pourrait se traduire par de nouveaux services et modifier le modèle
d’affaires. Comme le souligne Porter (2001), les affaires électroniques peuvent entraîner de
nombreuses modifications au sein des activités de la chaîne de valeur de l’entreprise
traditionnelle. Cela passe notamment par l’acquisition et le développement de ressources et de
compétences plus coûteuses (Sabouin et Vézina, 2002 ; Belvaux et Notebaert, 2018). Le
multicanal n’est actuellement pas perçu par les négociants comme un canal à part entière, mais
bien comme un service complémentaire du canal traditionnel. Ainsi ces mutations internes et
externes aux négoces tendraient à penser le numérique comme une innovation stratégique/de
rupture au sens du courant de pensée de Schumpeter avec le concept de « destruction créatrice
». La rupture peut être définie comme un « […] changement radical des règles du jeu issu de
la remise en cause de l’orthodoxie sectorielle » p.164 (Schoettl, 2009).

71
Delcambre, B. (2014), Rapport « Mission Numérique Bâtiment »

95
La transformation digitale remet donc en cause tout ou partie des interactions entre les différents
acteurs du canal de distribution.

2.1.2.2 L’impact du digital pour les grossistes et les clients professionnels du


bâtiment

Nous allons dans un premier temps revenir sur l’influence du digital pour les négociants en
matériaux de construction (2.1.2.2.1) pour aborder dans un second temps la transformation
digitale des artisans du bâtiment (2.1.2.2.2).

2.1.2.2.1 Le digital et le négoce de matériaux

Les principales utilités du digital pour le négoce seraient le gain de productivité et l'amélioration
du service client. Si la grande majorité des acteurs possèdent un site institutionnel, ce n'est pas
le cas des sites e-commerce. Trois cas peuvent être identifiés72 :

- les enseignes sans site e-commerce, mais dans une logique de Web to store : BigMat et
Samse ;
- les enseignes avec site de vente en ligne tardif (2018-2020) : Tout Faire Matériaux ;
- les enseignes précurseurs : Gédimat qui a un site e-commerce depuis 2012.

Cela rejoint les résultats des travaux de Chanut et Bonet (2009) qui montrent que plus le taux
de mixité est élevé au sein de l’organisation contractuelle, moins l’enseigne intégrera un site
marchand. Le chiffre d'affaires des achats via le e-commerce (sans EDI) pour ce canal de
distribution en 2014 représente 1,1 % soit 3 fois moins que la moyenne des autres secteurs du
B to B73. Pour l’industrie et la construction, les ventes par le web se situent à 5 % en 201774.

72
Début 2020
73
Source : INSEE, Enquête TIC 2014 consultable :
https://www.insee.fr/fr/statistiques/1492711?sommaire=1492717
74
FEVAD (2019), Les chiffres clés 2019

96
Cette faible part peut s'expliquer par l'importance du point de vente dans la prise de commande,
la diffusion des nouveautés techniques et réglementaires et la typologie des produits. Les pure
players, de type plateforme numérique, ont encore des difficultés à trouver le bon business
model.

En ce qui concerne la digitalisation des surfaces physiques, il est à noter la particularité du


négoce. En effet, une grande majorité des commandes sont passées à l'extérieur de l'agence
(commercial itinérant, téléphone, fax et e-mail) et sont directement retirées ou bien livrées. Déjà
en 2014, le Président du directoire de BigMat France insistait sur le fait de passer du « fax-
drive à l’e-drive »75. Nous allons anticiper quelque peu la mise en avant des verbatim76, mais
le discours d’un Directeur de marché (N6) illustre parfaitement la position des acteurs sur
l’achat en ligne et le Click and Collect : « Pas encore, pas encore, heu, heu, je, je, je prends un
exemple, le Click and Collect, le Click and Collect depuis, ça fait 20... 25 ans que je suis dans
le métier, le Click and Collect quand j'étais magasinier, les gars le faisaient, ils s’arrêtaient
dans une cabine téléphonique "Salut Polo, j'arrive dans 2 heures, est-ce que tu peux me
préparer les 3 panneaux, 4 plaques de plâtre et 2 boîtes de vis", voilà et c'était du Click and
Collect, voilà. Et Click and Collect aujourd'hui il se fait essentiellement par téléphone "tiens je
suis de passage, mon retour de chantier, tac tac, tac, tac" voilà. ».

La proximité et l'échange sont des valeurs essentielles dans la relation commerciale entre le
client et son négoce. Le trafic en agence est donc limité. Ainsi, quelques initiatives sont tentées
par les acteurs, mais il ne semble pas y avoir de consensus sur les outils à développer dans ce
secteur. Cela se voit également dans l'absence de poste et d'équipe dédiée uniquement au digital.
Pour la majorité des enseignes, ces fonctions sont rattachées au Marketing : comme chez SGBD
avec Olivier Royer qui est Directeur Marketing et Digital jusqu’en mars 201977 ou encore
Mathieu Giafferi qui est Directeur Marketing, Communication et Digital chez Gedex78. Il est à
noter que ces personnes ont été nommées entre 2014 et 2016 à ces fonctions. Les projets

75
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/les-contenus-au-c-ur-de-la-strategie-numerique-de-bigmat.1390759,
consulté le 14/11/2019
76
Définition : « Reproduction intégrale des propos prononcés par l'interviewé ; compte rendu fidèle. »,
https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/verbatim/81475
77
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/saint-gobain-distribution-batiment-france-un-pilote-commun-pour-
asturienne-sfic-et-dispano.2030360, consulté le 25/01/2020
78
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/gedimat.573374, consulté le 25/01/2020

97
digitaux sont souvent transverses et donc ils peuvent être partagés entre différents services
(Ressources Humaines, Systèmes d’Information, Bases de Données). Pour ne citer que
quelques projets, il y a le cas des commerciaux connectés de Pum Plastic et Doras équipés
d'une tablette avec un CRM. On peut également nommer BigMat et son triptyque site,
application et borne Bi (qui est mort de sa belle mort quelques années seulement après son
lancement).

Pourtant, l’équipement des vendeurs et leur montée en compétence apparaissent comme


primordiaux tant leur rôle a été remis en cause par la capacité de certains clients. Grâce à
Internet et au multicanal, le client est devenu éclairé/avisé ou « savvy » (Collin-Lachaud et
Longo, 2014). En termes de comportement, le processus d’achat est de plus en plus initié sur
Internet avant la rencontre avec le commercial. Cette information permet de préparer l’achat et
de réduire le temps des rendez-vous. Nous assistons donc à une évolution du comportement,
des compétences et des attentes du client devant lesquelles les vendeurs ne sont pas toujours
prêts. Ce phénomène (pour avoir échangé de manière informelle avec de nombreux artisans)
est de plus en plus marqué dans la relation artisan – client particulier. Le client particulier se
renseigne énormément sur Internet avant de solliciter un artisan ou pour confirmer ses dires. Ce
processus de recherche d’information a un impact dans les relations entre l’artisan et le client
final. Les industriels, comme nous le verrons après, ont très bien perçu ce phénomène. Et
souvent au sein des entreprises, il y a un manque de recommandation des managers qui ne
savent pas expliquer cette mutation. Les firmes doivent également repenser la formation et la
rémunération de leurs équipes. Si des similitudes existent entre les commerciaux B to C et B to
B, des différences demeurent. En B to B, l’information ne concerne pas seulement le produit,
mais également la revente et l’utilisation (Colla et Lapoule, 2014).

Le digital ne semble pas encore être un service différenciant et indispensable auprès des clients
professionnels. La question même de la valeur ajoutée du digital pour le négoce peut se poser
actuellement ainsi que la gestion en interne de cette mutation. Il est important de faire le
parallèle avec la compétence des clients professionnels du bâtiment.

98
2.1.2.2.2 Le digital et les clients professionnels

Le secteur du bâtiment se caractérise par un très fort taux de petites entreprises. En effet, 95 %
des entreprises de ce secteur ont moins de 10 salariés. Cela représente 373 000 entreprises sur
les 394 000 que compte le secteur79.

Les artisans du bâtiment connaissent une utilisation hétérogène des technologies digitales bien
que 98 % d'entre eux possèdent un mobile ou un ordinateur80. En 2014, 81 % des artisans
utilisent Internet quotidiennement dans le cadre de leur travail dont 67 % recherchent des
informations concernant les matériaux sur le site des distributeurs et négociants81. D’après cette
même étude, 62 % des artisans ont déjà commandé sur Internet dans le cadre de leur activité
professionnelle. Ces chiffres ont très peu varié puisque dans le baromètre national 2017
« L’artisan du bâtiment d’aujourd’hui » de Batiweb et Sage, 69 % des artisans recherchent des
informations et 65 % passent des commandes. Les artisans sont 81 % à avoir un smartphone,
ce qui est supérieur à la moyenne de 73 % des Français équipés d’un téléphone intelligent. Dans
l'enquête « Le digital et l'artisan » de l'institut Axiome82, 31 % des artisans ont déjà acheté sur
Internet dans le cadre de leur activité. L'enquête révèle également un effet d'âge très marqué
puisque 50 % des moins de 30 ans ont déjà acheté via ce canal contre 19 % pour les 55 ans et
plus. Un écart du simple au double apparaît entre les deux études sur le pourcentage
d’entreprises qui ont déjà commandé sur Internet. Il pourrait donc être pertinent d’étudier la
compétence des clients professionnels pour savoir s’ils sont passés d’une compétence
« produit » à une compétence « numérique » (Durant-Megret et Vanheems, 2016). La notion
de risque perçu est également au cœur de l’adoption par les consommateurs des stratégies
multicanales (Belvaux, 2006 ; Belvaux et Labbé-Pinlon, 2009 ; Vanheems, 2012). L’effet d’âge
renvoie également aux travaux de Collin-Lachaud et Longo (2014) sur la différence de
compétence entre les « Digital natives » et les « Digital immigrants ». D’autant que presque la
moitié des artisans (44 %) ne sont pas présents sur les réseaux sociaux83.

79
Source : Le bâtiment en chiffre 2018 de la Fédération Française du Bâtiment, juin 2019
80
Source : https://www.sage.com/fr-fr/blog/le-btp-et-la-mobilite-lartisan-daujourdhui/, consulté le 25/01/2020
81
Source : Enquêtes Capeb & CNOA /Batiactu – Baromètre artisans/architectes, septembre 2014
82
Source : Batiobs : L’artisan et le digital, 2014
83
Source : https://www.sage.com/fr-fr/blog/le-btp-et-la-mobilite-lartisan-daujourdhui/, consulté le 25/01/2020

99
Bien que les artisans soient équipés en technologie digitale, il semble que leur utilisation reste
basique et qu’ils doivent être accompagnés et formés à l'utilisation d'outils qui pourraient
modifier leurs métiers ou leur faire gagner du temps. Le faible usage du digital par les
entreprises du bâtiment persiste malgré les tentatives des négociants et des industriels. Cela peut
expliquer le choix de l’État qui a cherché à dynamiser la filière en promouvant l’innovation
digitale. En effet, dans l’usage, le smartphone pourrait venir se substituer au catalogue pour la
prise de commande nomade lorsque celui-ci aura une réelle valeur ajoutée pour l'utilisateur.
Nous sommes en présence de freins comportementaux qui pourraient être réduits à court terme
par l'amélioration de l'ergonomie des interfaces et à long terme par l'arrivée d'une nouvelle
génération de chef d'entreprise plus technophile.

La digitalisation des industriels, pour des raisons pratiques, sera présentée dans le corps de
l’analyse qualitative. À présent que les limites de la digitalisation du canal de distribution de
notre terrain d’étude ont été développées, il nous est possible de présenter l’échantillon et la
méthode de recueil de données retenue lors de la phase qualitative.

2.1.3 L’échantillon et le recueil de données

Dans l’objectif de répondre à la problématique, à savoir quels sont les risques de


désintermédiation pour les grossistes et comment le digital peut y jouer un rôle, une étude
qualitative a été réalisée avec la création d’un guide d’entretiens (2.1.3.1). Dans le cadre des
triades, recueillir des données est une tâche ardue (Choi et Wu, 2009). De plus, la méthode
qualitative est pertinente lorsque le champ de recherche est émergent (Stebbins, 2001), ce qui
semble être le cas ici puisque les concepts mobilisés sont relativement récents ou ont été peu
étudiés. Lors de recherche sur la triade, l’étude de cas paraît être favorisée, car elle permet de
construire des théories sur les relations triadiques (Wu et Choi, 2005 ; Olsfeld, 2005 ; Dubois
et Fredkisson, 2008 ; Choi et Wu, 2009 ; Holma 2010, 2012). La recherche qualitative est
également utilisée lors des études sur le multicanal et le digital (Jeanpert, 2011 ; Vanheems,
2011 ; Yagoubi et Tremblay, 2017 ; Vanheems et Klotz, 2016). En outre, puisque l’objectif est
de décrire et de comprendre une position stratégique ou bien une dynamique, une étude

100
quantitative semble peu pertinente dans un premier temps (Dumez, 2013). Nous présentons
donc l’échantillon retenu (2.1.3.2).

2.1.3.1 Le guide d’entretiens

Vingt-deux entretiens individuels semi-directifs ont été menés jusqu’à saturation des données
pour chaque type d’acteur. Selon Beaud et Weber (2010), « l’essentiel est de gagner la
confiance de l’enquêté, et de parvenir rapidement à le comprendre à demi-mot et à entrer
(temporairement) dans son univers (mental) ». C’est dans cet objectif que des entretiens semi-
directifs ont été menés et qu’un « questionnaire-guide » (ou grille d’entretien) a été élaboré
(Annexe 1), au cas où il serait nécessaire de relancer l’entretien ou de le compléter. Cette grille
d’entretiens s’inspire des orientations théoriques retenues et des différents échanges avec le
terrain (Dumez, 2013). Lors d’entretiens d’étude qualitative en B to B, il est préconisé
d’interviewer une dizaine de personnes84. Ce sera l’une des limites de cette phase, puisque si ce
quota a été respecté pour l’acteur négoce (douze entretiens) et presque pour l’acteur industriel
(six entretiens), il ne l’est pas pour l’acteur entreprise du bâtiment (seulement quatre entretiens).
Cependant, comme nous le verrons dans l’analyse du contenu, la saturation sémantique des
données est très vite arrivée et a été atteinte lors de ces vingt-deux entretiens. L’étude
exploratoire a cherché à interviewer l’ensemble des acteurs de la triade de distribution :
industriel – négoce – entreprise du bâtiment. Contrairement à l’entretien directif, ce dernier
n’enferme pas le discours de l’interviewé dans des questions prédéfinies ou dans un cadre
fermé. Comme le conseille Kaufmann (2008), un ton proche de la conversation a été adopté.
L’entretien, c’est interroger les acteurs dans leur environnement (Dumez, 2013).

Une seule grille d’entretien a été constituée pour l’ensemble des membres de la triade. Elle était
divisée en différentes parties. La première comportait une présentation qui servait à introduire
l’intervieweur et l’enjeu de l’entretien.

84
https://www.e-marketing.fr/Thematique/academie-1078/fiche-outils-10154/Entretien-etude-qualitative-
306874.htm

101
Ensuite, les cinq thèmes étaient présentés de manière générique : le canal de distribution, la
valeur ajoutée de chaque acteur, la relation au sein du canal, le digital et le service. Des
questions avaient été prévues pour relancer la discussion et éviter les disgressions. Ces thèmes
ont été retenus suite à une série d’entretiens informatifs, composée de différents acteurs du canal
de distribution de la vente de matériaux de construction et de premières lectures de la littérature,
permettant de dresser un premier panorama relatif à notre thème de recherche.

• Le thème du canal de distribution avait pour but d’explorer le rôle et la place des
membres dans le canal, le risque de désintermédiation et le pouvoir.
• Le deuxième thème, sur la valeur ajoutée, servait à déterminer la valeur de chaque
membre de la triade et de voir comment ils créaient cette valeur ajoutée.
• Ensuite, il était question de caractériser la relation, purement commerciale ou plutôt
partenariale, et d’apprécier l’importance de l’humain dans les échanges.
• Le digital arrivait en quatrième thème afin de cerner la maturité des acteurs sur ce sujet
et de déterminer l’impact que le digital pouvait avoir au sein du canal de distribution.
Les questions des outils et de la perception des plateformes numériques ont été abordées
ici.
• Le dernier thème abordait le service avec à la fois les services proposés par chacun des
membres au sein de la triade, mais également ceux à développer et les services innovants
liés à la digitalisation comme le BIM, la robotique ou encore l’impression 3D (axe
majeur du PTNB). La notion de service et notamment de qualité de service est souvent
revenue lors des échanges informels avec les membres de la triade.

Ensuite, il y avait des questions d’ordre démographique comme l’âge, le sexe, l’ancienneté dans
la société, dans le poste, etc. Cette série de questions, après une phase de prétest et un échange
avec un maître de conférences de l’IAE DIJON, est passée à la fin de la grille afin de ne pas
braquer les répondants dès le début. Pour conclure, des remerciements étaient effectués. Une
attention particulière a été apportée à la formulation des questions. Les questions fermées ont
été exclues, de même que les questions commençant par « pourquoi ». L’adverbe interrogatif
« comment » a été préféré.

102
2.1.3.2 L’échantillon

L’échantillon est un échantillon de convenance, car il a été privilégié d’interroger des décideurs
dans chacune des typologies d’acteurs de la triade industriel – négoce – client professionnel,
cela afin de recueillir la position stratégique de chaque organisation et la vision le plus large
possible du canal de distribution. Cette méthodologie a pour but d’étudier les relations au niveau
interorganisationnel et non interpersonnel. Nous sommes partis avec le postulat que le négoce
est alors perçu et se perçoit comme une entreprise pivot qui réfléchit à son positionnement et
souhaite se placer comme un acteur indispensable sur certains nœuds dans la chaîne de valeur
(Capo, 2002).

Un prétest a été effectué sur cinq collaborateurs de l’entreprise où nous travaillons avec des
profils proches de ceux recherchés pour le questionnaire final comme le montre le tableau 7.
Cette phase a permis de valider les thèmes de la grille d’entretiens. Elle a également permis de
mettre au jour quelques points importants, mais non évoqués dans la grille de départ comme
l’importance du jeu de négociation tarifaire entre le client professionnel et le négoce. Et d’autres
ont été supprimés comme le thème de l’écosystème d’affaires, puisqu’il était abordé à travers
les autres questions. Pour garantir l’anonymat des répondants, un code a été attribué à chacun
d’entre eux. Le code commence par une lettre avec A pour Artisan, I pour Industriel et N pour
Négoce puis un chiffre.

Tableau 7 : échantillon de prétest

Durée Activité de
Prétest Code Poste Rayonnement Entretien Age
(min) l'entreprise
Négoce généraliste,
Gestionnaire de
N1-1 N2 Régional Face à face 38 24 multi-spécialiste et
données
spécialiste
Responsable de la Négoce généraliste,
N1-2 N3 communication Régional Face à face 82 32 multi-spécialiste et
digitale spécialiste
Négoce généraliste,
N1-3 N5 Chargé marketing Régional Face à face 52 25 multi-spécialiste et
spécialiste
Négoce généraliste,
Chargé de
N1-4 N8 Régional Face à face 55 28 multi-spécialiste et
communication
spécialiste
Négoce généraliste,
Chef de projets
N1-5 N9 Régional Face à face 74 28 multi-spécialiste et
immobiliers
spécialiste

103
En tant qu’acteur privilégié du secteur, nous avons sollicité notre réseau pour obtenir des
entretiens avec chaque type d’acteur. La sélection des industriels s’est faite via des contacts
proposés par différents chefs de marché, quatre au total, et un directeur commercial au sein d’un
négoce régional. Dans un premier temps, nous avons présenté le thème et l’objectif de notre
recherche ainsi que l’intérêt d’interviewer des industriels auprès des chefs de marché et du
directeur commercial. Ils ont ensuite joué le rôle d’intermédiaire soit en nous donnant les
adresses électroniques et les téléphones de leurs contacts soit en rentrant directement en contact
avec et en nous mettant dans l’échange. Nous avons ainsi pu récupérer seize contacts. Nous
sommes entrés en contact par e-mail sous une adresse e-mail professionnelle en @doras.fr
(entreprise de l’auteur).

Tableau 8 : contact auprès des industriels

Activité Fonction
Chef des ventes
Menuiserie Directeur commercial
Directeur régional
Directeur
Aménagement intérieur
Directeur régional
Parquet Chef des ventes
Chef de région
Responsable grands comptes France
Outillage/Électroportatif/EPI/LS Directeur division bâtiment
Directeur des ventes
Responsable des ventes
Directeur régional
Second Œuvre Responsable du développement client
Directeur régional des ventes Nord-Est
Responsable de l'export
Aménagement extérieur
Directeur technique

À la suite de cette prise de contact, six industriels ont répondu favorablement à notre demande
d’interview.

104
Tableau 9 : échantillon des industriels

Durée Activité de
Code Poste Rayonnement Entretien Age
(min) l'entreprise

Responsable Marketing B to
B industrie et distribution - Outillage
I1 International Face à face 66 45
Achats & Sourcing professionnel
international

Responsable du Plaque de
I2 International Téléphone 72 44
développement client plâtre
Directeur régional des ventes Plaque de
I3 International Téléphone 74 35
Nord-Est plâtre
Menuiserie
Directeur commercial
I4 National Téléphone 83 42 (Porte et
régional
dressing)
Directeur commercial
I5 International Téléphone 61 46 Electro-portatif
régional
Directeur
I6 régional/Responsable International Face à face - duo 40 50/ Isolation
Marketing

Pour les négociants, l’auteur a de nouveau fait appel à son réseau à la fois dans son entreprise
(leader régional de la vente de matériaux de construction) et de sa société mère (leader national
de la vente de matériaux de construction). Les interviewers du négoce ont été contactés par
mail, puis un rendez-vous physique a eu lieu. Nous avons pu interroger des représentants de
négoce régional et national à des postes stratégiques comme trois directeurs du marketing, un
directeur commercial ou encore un directeur de marché. Il est important de signaler à ce niveau
que l’ensemble des interviewers, que ce soit au niveau des industriels ou des négociants ont à
la fois un poste stratégique, mais également un contact régulier avec l’ensemble des membres
de la triade.

105
Tableau 10 : échantillon des négoces

Durée Activité de
Code Poste Rayonnement Entretien Age
(min) l'entreprise
Négoce
Directeur commercial et généraliste, multi-
N1 Régional Face à face 62 49
membre du directoire spécialiste et
spécialiste
Négoce
Directeur Marketing généraliste, multi-
N10 National Face à face 38 50
Opérationnel spécialiste et
spécialiste
Négoce
Directeur Marketing et
généraliste, multi-
N11 Innovation et membre du National Face à face 31 55
spécialiste et
directoire
spécialiste
Négoce
généraliste, multi-
N12 Responsable marketing digital National Face à face 59 45
spécialiste et
spécialiste
Négoce
généraliste, multi-
N2 Gestionnaire de données Régional Face à face 38 24
spécialiste et
spécialiste
Négoce
Responsable de la généraliste, multi-
N3 Régional Face à face 82 32
communication digitale spécialiste et
spécialiste
Négoce
généraliste, multi-
N4 Chef de marché second œuvre Régional Face à face 76 38
spécialiste et
spécialiste
Négoce
généraliste, multi-
N5 Chargé marketing Régional Face à face 52 25
spécialiste et
spécialiste
Négoce
Directeur activité bois & généraliste, multi-
N6 National Face à face 61 40
dérivés spécialiste et
spécialiste

Directeur de la Négoce
communication, du marketing généraliste, multi-
N7 Régional Face à face 54 50
et de l'animation des ventes et spécialiste et
membre du directoire spécialiste

Négoce
généraliste, multi-
N8 Chargé de communication Régional Face à face 55 28
spécialiste et
spécialiste
Négoce
généraliste, multi-
N9 Chef de projets immobiliers Régional Face à face 74 28
spécialiste et
spécialiste

106
Il a été plus difficile d’approcher les acteurs aval de la triade, c’est-à-dire les professionnels du
bâtiment (ce phénomène se retrouve également dans la recherche quantitative). Pour
interviewer des artisans, nous avons pris contact avec des parents de collègues eux-mêmes
artisans. Nous avons également sollicité le concours de chefs des ventes et de commerciaux
itinérants d’un négoce régional sans grand succès (un seul entretien). Les artisans sont une
population difficile à interroger, et ce pour différentes raisons. Souvent ce sont de petites
structures où l’artisan est à la fois chef d’entreprise, manager, employé… et il effectue
l’ensemble des tâches de gestion de l’entreprise, de la réalisation de devis en passant par la
réalisation des prestations. Cela lui laisse assez peu de temps pour des sollicitations extérieures.
Quant aux majors et constructeurs de maisons individuelles, il a été décidé de ne pas les
interroger dans cette première phase. En effet, ils ont des statuts particuliers auprès à la fois du
négoce et de l’industriel. Par exemple, dans le cas des relations avec le négoce, les relations
sont très formalisées notamment par des contrats-cadres et des tarifs fixés à l’année. De plus,
cette typologie d’acteurs représente une faible part des clients du négoce. Comme nous l’avons
déjà dit, 95 % des entreprises du bâtiment sont des structures de moins de 10 salariés. En outre,
ce sont également des structures qui jouent souvent sur les deux tableaux puisqu’elles négocient
en direct des tarifs auprès des industriels et ont des structures d’achats qui peuvent concurrencer
les négoces.

Tableau 11 : échantillon des artisans

Durée
Code Poste Rayonnement Entretien Age Activité de l'entreprise
(min)

Chef Maçonnerie - Taille de pierre -


A1 Local - rural Face à face 35 54
d'entreprise Aménagement intérieur

Chef
A2 Local - rural Face à face 77 55 Couverture - Zinc
d'entreprise
Chef
A3 Régional Face à face 47 35 Maçonnerie
d'entreprise
Chef
A4 Local - urbain Face à face 67 50 Plaque de plâtre
d'entreprise

La durée des entretiens est comprise entre trente minutes et une heure vingt pour une durée
totale de conversation de 21 heures et 45 minutes. Les entretiens se sont déroulés du 5 novembre
2018 au 31 janvier 2019. La majorité des entretiens (18) ont eu lieu en face à face. Après accords
des interviewés, les discours ont été enregistrés avec deux dictaphones numériques pour éviter

107
tout incident technique ou perte de données. Les quatre autres entretiens ont été réalisés à
distance par téléphone. Dans ce cas-là aussi un double enregistrement a été assuré puisque dans
le téléphone une application a été préalablement installée pour enregistrer les conversations
(CallX) et l’échange s’est fait sur haut-parleur ce qui permettait d’enregistrer avec un deuxième
appareil. L’intégralité des entretiens a été retranscrite, ce qui représente 318 pages de texte,
pour faire l’objet d’une analyse de contenus avec le logiciel NVivo 12.

2.1.4 Le traitement des données

Le matériau qualitatif est par nature volumineux (il y a une masse de données importante à
traiter) et hétérogène (Dumez, 2013). Il peut être pertinent d’utiliser un logiciel d’analyse des
données qualitatives qui peut permettre un gain de temps par rapport à un codage manuel.
L’ensemble des entretiens a été enregistré puis retranscrit et intégré sur le logiciel NVivo 12.
NVivo est un logiciel payant et développé par QSR International qui possède différentes
fonctions. Il permet dans un premier temps de stocker et d’organiser les données comme les
entretiens. Ensuite, il est possible de catégoriser et d’analyser les données. Dans NVivo, les
verbatim sont associés à des « nœuds », c’est le processus de codage ou de thématisation du
matériau. Un même verbatim peut être associé à un ou plusieurs thèmes (Martineau et Plard,
2016). En tout, 237 thèmes ou nœuds ont été constitués durant le codage du corpus soit plus de
1 900 références.

Image 2 : capture d’écran du travail de codage sur NVivo 12

108
Enfin, ce logiciel d’analyse des données qualitatives offre la possibilité de visualiser et de
découvrir les résultats du corpus. Une analyse de la fréquence d’apparition des mots est
également permise. Les images 3 et 4 ci-après permettent de visualiser la récurrence des termes
employés par les interviewés et les axes importants à surveiller. Même avec l’aide du logiciel,
la thématisation du matériau dépend de la subjectivité du chercheur et de l’orientation théorique
prise par la revue de littérature (Dumez, 2013). Paillé et Mucchielli (2012, p. 240) parlent aussi
de la « sensibilité théorique et expérientielle du chercheur ». La sensibilité théorique est
constituée par la formation initiale et continue, par l’expérience de la recherche et plus
particulièrement par celle du terrain alors que la sensibilité expérientielle se base sur
« l’expérience personnelle, intime et professionnelle ».

Image 3 : nuage sur les 25 mots les plus fréquents (longueur minimale de 5 caractères avec
correspondance exacte)

109
Image 4 : nuage sur les 150 mots les plus fréquents (longueur minimale de 5 caractères avec
correspondance exacte)

L’analyse thématique a été retenue, car elle permet d’extraire les thèmes centraux du matériau
via un processus de codification et d’approfondir les résultats de l’étude (Martineau et Plard,
2016). Les entretiens ont été lus plusieurs fois et des annotations informelles ont été réalisées
comme il est souvent conseillé dans la littérature sur les analyses qualitatives afin de
s’approprier le matériau (Paillé et Mucchielli, 2012). Pour la méthodologie de l’analyse
thématique, nous nous sommes principalement appuyés sur les ouvrages de Paillé et Mucchielli
(2012) et de Dumez (2013). Nous avons donc adopté une posture descriptive afin de décrire les
dynamiques entre les membres de la triade.

L’analyse thématique fait intervenir un procédé de réduction des données dans le sens où le
chercheur procède au repérage, au regroupement et à l’examen discursif des thèmes. Il est alors
nécessaire de trouver le bon niveau de généralité pour la création de thèmes pertinents. Ainsi,
le corpus est résumé et traité grâce à des thèmes dans lequel les propos sont synthétisés (Paillé
et Mucchielli, 2012 ; Martineau et Plard, 2016). La thématisation du matériau est l’élément
central de la méthode, « […] à savoir la transposition d’un corpus donné en un certain nombre
de thèmes représentatifs du contenu analysé et ce, en rapport avec l’orientation de la recherche
(problématique). » (Paillé et Mucchielli, 2012 p. 232). La principale fonction de l’analyse
thématique est de relever l’ensemble des thèmes pertinents avec l’objet de recherche et à
l’intérieur du matériau.

110
Les thèmes peuvent être constitués à partir de la théorie, mais ils peuvent également émerger
lors des entretiens et il faut alors les nommer (Dumez, 2013). Dumez (2013) conseille de limiter
le nombre de thèmes à une quinzaine pas plus. Nous avons appliqué ses recommandations à
savoir « […] premier point, les thèmes sont bricolés, mélangeant orientations théoriques et
idées issues du matériau ; deuxième point, ils se recoupent partiellement ; troisième point, ils
sont en nombre suffisant pour garantir une large diversité, mais en nombre pas trop grand pour
permettre de gérer l’ensemble du matériau. » p. 84. Ainsi, à la fin du travail de thématisation,
dix thèmes ont été retenus.

Figure 6 : synthèse des dix thèmes retenus réalisé avec FreeMind

Cette analyse thématique a permis l’élaboration d’un arbre thématique. Celui-ci a pour but de
faire un panorama du processus de thématisation. Mais cette méthode ne se prête pas à un grand
nombre de sujets, ce qui n’est pas notre cas (Paillé et Mucchielli, 2012). Le type de démarche
de thématisation retenue est la thématisation en continu (à la différence de la thématisation
séquencée). Cette démarche consiste à attribuer de manière ininterrompue les thèmes et de
réaliser en parallèle la construction de l’arbre thématique. La création des thèmes et leurs
affectations se font au fur et à mesure de la lecture du texte (Paillé et Mucchielli, 2012). Nous
avons donc effectué une lecture et un codage systématique des entretiens. Cela a amené
l’émergence de plusieurs thèmes que nous avons ensuite regroupés avec d’un côté des thèmes
centraux ou nœuds « parents » (thèmes plus importants) et de l’autre des sous-thèmes, c’est-à-
dire des nœuds « enfants » (Martineau et Plard, 2016).

111
C’est une analyse vraiment fine, mais plus complexe et plus chronophage (il faut compter une
bonne semaine, avec un travail de huit heures par jour pour les 300 pages d’entretiens). Il y a
eu une étape de « proto-thématisation » puisque les textes ont été coupés en diverses unités de
significations. Chaque unité de signification se rapporte à un même thème. Il ne faut pas
confondre les rubriques (abstrait) et les thèmes (concret). Le thème peut être défini comme
« […] un ensemble de mots permettant de cerner ce qui est abordé dans l’extrait du corpus
correspondant, tout en fournissant des indications sur la teneur des propos. » (Paillé et
Mucchielli, 2012 p. 242). Il faut rattacher les thèmes au cadre de la recherche et les questions
de recherche par rapport au corpus. Un relevé de thème est par la suite réalisé afin de faciliter
la comparaison des thèmes entre eux. L’analyse du relevé de thèmes est l’étape la plus
importante dans le cadre de la robustesse de l’analyse (Paillé et Mucchielli, 2012). Dans le cadre
d’une démarche progressive, le chercheur a effectué une comparaison des thèmes dans leur
ordre d’apparition dans chaque entretien. Le relevé de thèmes permet ainsi de déterminer les
meilleurs regroupements à faire. En plus de cette analyse du relevé de thèmes, nous avons
réalisé une correspondance de regroupements via un coefficient de corrélation de Pearson.

112
Tableau 12 : exemple de relevé de thèmes ventilé par colonnes avec extraits de verbatim

Rubriques Thèmes Extraits de verbatim


"D'accord, effectivement on on sent dans des canaux de
Best-of Best-of distribution que ce sont bien souvent de de, c'est pas péjoratif ce
que je vais dire, de vieilles mamies."
"Bah parce que le zinc c'est très compliqué au niveau accessoire et
Baisse de la tout ça. Et le personnel de chez Doras, c'est pas une critique hein,
Désintermédiation compétence des mais n'est pas formé pour heu, pour ça, parce que c'est très
négo complexe, ils sont pas formés, ils connaissent pas les produits, ils
savent pas le stocker."
"En revanche, voilà, on ne souhaite pas vendre en direct, c'est un,
c'est une stratégie. La demande est forte de la part des utilisateurs,
Bien que sollicité évidemment au travers du digital, au travers des réseaux sociaux,
Désintermédiation l'industriel ne veut on a souvent des questions qui nous reviennent "mais comment
pas vendre en direct fait-on pour acheter du Bosch en direct" voilà. Ce n'est pas à
l'ordre du jour chez Bosch, en tout cas sur du court terme, moyen
et court terme ce n'est pas à l'ordre du jour voilà."
Désintermédiation Achat direct Ind-Cli "Ho bah oui, parce que certains chantiers ça vaudrait le coup."
Capacité des
"Ho oui parce que le temps que je trouve sur Internet. Surtout pour
acteurs à gérer
avoir, oui les stocks, les prix, s'ils ont en stock, tout ça quoi."
Donnée/Information l'information
"Et le digital aujourd'hui ne sert qu'à donner de l'information et
produite par la
très peu à gérer de la transaction."
digitalisation
"Notre, notre problématique c'est de dire comment on fait pour
que, puis c'est la même, je pense, pour le négociant en matériaux,
c'est comment collecter ou donner de la data, mais comment
Accès à la donnée donner de la data sous le même, comment dire, le même standard
Donnée/Information
Cli-Négo-Ind voilà parce que tout à l'heure on a parlé de milliers de libellés
articles à gérer par le négociant en matériaux si demain il doit
gérer ces différents libellés articles de façon différente c'est pas
possible."
Accès à la donnée "Ou alors troisième version, il se rapproche directement du
Donnée/Information
Cli-Ind fournisseur."
"Bah c'est ça ouai et pis j'ai pas beaucoup de temps et puis du
Attente de la
coup. Là vu le peu de temps qu'il me reste à faire je vais finir
Typologie de client génération suivante
comme ça et pis s'il y a une s'il y a un successeur et tout bah ils
pour faire évoluer
feront et pis voilà."
"Bah le client professionnel moi je, je, je le, j'ai un peu
d'expérience dans le métier, heu, je pense qu'il, je pense qu'il est
Baisse de
de moins en moins technique. On a à faire face à une, une vraie
Typologie de client compétence des
perte de compétence auprès de nos artisans, enfin de la part de nos
clients pro
artisans. On a des artisans qui sont de moins en moins
compétents."
"La filière bâtiment est mal valorisée, est mal perçue, à une image
Baisse du nombre
Typologie de client qui est pas high-tech peut-être, ou suffisamment high-tech, n'attire
de clients pro
plus, c'est trop compliqué, peut-être trop fatigant, trop."
Certaines
typologies de "On estime, c'est une estimation et d'après notre syndicat qui
Vente sur Internet produit se prêtent s'appelle le SECIMPAC voilà 15 à 20 % des ventes, voilà, qui sont
plus à la vente sur faites au travers du digital."
web

Il y a donc une étape de regroupement, de fusion et de hiérarchisation des thèmes. Ces étapes
sont permises par la récurrence des thèmes, ce qui apporte une certaine validation des thèmes.
L’arbre de thématisation est construit progressivement et n’est terminé qu’à la fin de l’analyse

113
du matériau (Paillé et Mucchielli, 2012). Un arbre thématique a été construit avec le logiciel
gratuit FreeMind. C’est un logiciel de mind-mapping (carte heuristique). Le fait de passer par
ce type de logiciel facilite l’organisation des résultats et permet de s’assurer de la cohérence de
l’ensemble (Martineau et Plard, 2016). Cet arbre thématique fait ressortir dix thèmes principaux
et une quarantaine de sous-thèmes. Les thèmes « parents » sont classés par importance. Le canal
de distribution, la relation, le risque de désintermédiation, le digital sont les thèmes les plus
importants. L’information et la donnée, l’innovation, l’importance du produit, l’importance du
prix, la spécificité du marché et la typologie des clients sont les thèmes secondaires.

Tableau 13 : construction d’une portion d’arbre thématique


Niveau 3 de
Niveau 2 de
Niveau 1 de l'arbre l'arbre
l'arbre Extraits de verbatim
thématique thématique -
thématique
Thèmes
"Bah parce que le zinc c'est très compliqué
au niveau accessoire et tout ça. Et le
/Baisse de la Baisse de la personnel de chez Doras, c'est pas une
Désintermédiation/Canal
valeur ajoutée compétence des critique hein, mais n'est pas formé pour heu,
de distribution
du négoce négo pour ça, parce que c'est très complexe, ils
sont pas formés, ils connaissent pas les
produits, ils savent pas le stocker."
"En revanche, voilà, on ne souhaite pas
vendre en direct, c'est un, c'est une stratégie.
La demande est forte de la part des
utilisateurs, évidemment au travers du
Bien que
digital, au travers des réseaux sociaux, on a
Désintermédiation/La /Relation directe sollicité l'Ind ne
souvent des questions qui nous reviennent
relation Ind-Cli veut pas vendre
"mais comment fait-on pour acheter du
en direct
Bosch en direct" voilà. Ce n'est pas à l'ordre
du jour chez Bosch, en tout cas sur du court
terme, moyen et court terme ce n'est pas à
l'ordre du jour voilà."
Désintermédiation/La /Relation directe Achat direct "Ho bah oui, parce que certains chantiers ça
relation Ind-Cli Ind-Cli vaudrait le coup."
Certaines
"On estime, c'est une estimation et d'après
typologies de
/Vente sur notre syndicat qui s'appelle le SECIMPAC
Digital produit se
Internet voilà 15 à 20 % des ventes, voilà, qui sont
prêtent plus à la
faites au travers du digital."
vente sur web
"Ho oui parce que le temps que je trouve sur
Capacité des
Internet. Surtout pour avoir, oui les stocks,
/Données acteurs à gérer
les prix, s'ils ont en stock, tout ça quoi."
Digital/Information partagées entre l'information
"Et le digital aujourd'hui ne sert qu'à
les acteurs produite par la
donner de l'information et très peu à gérer
digitalisation
de la transaction."
"Notre, notre problématique c'est de dire
/Données Accès à la comment on fait pour que, puis c'est la
Information partagées entre donnée Cli- même je pense pour le négociant en
les acteurs Négo-Ind matériaux, c'est comment collecter ou
donner de la data, mais comment donner de

114
la data sous le même, comment dire, le
même standard voilà parce que tout à
l'heure on a parlé de milliers de libellés
articles à gérer par le négociant en
matériaux si demain il doit gérer ces
différents libellés articles de façon différente
c'est pas possible."
/Données
Accès à la "Ou alors troisième version, il se rapproche
Information partagées entre
donnée Cli-Ind directement du fournisseur."
les acteurs
"Bah le client professionnel moi je, je, je le,
j'ai un peu d'expérience dans le métier, heu,
/Baisse de je pense qu'il, je pense qu'il est de moins en
Baisse de
compétence des moins technique. On a à faire face à une,
Typologie de client compétence des
clients une vraie perte de compétence auprès de nos
clients pro
professionnels artisans, enfin de la part de nos artisans. On
a des artisans qui sont de moins en moins
compétents."
"La filière bâtiment est mal valorisée, est
/Baisse du
Baisse du mal perçue, à une image qui est pas high-
nombre des
Typologie de client nombre de tech peut-être, ou suffisamment high-tech,
clients
clients pro n'attire plus, c'est trop compliqué, peut-être
professionnels
trop fatigant, trop."
"Bah c'est ça ouai et pis j'ai pas beaucoup
Attente de la
de temps et puis du coup. Là vu le peu de
Typologie de /Effet de génération
temps qu'il me reste à faire je vais finir
client/Digital génération suivante pour
comme ça et pis s'il y a une s'il y a un
faire évoluer
successeur et tout bah ils feront et pis voilà."
"D'accord, effectivement on on sent dans des
canaux de distribution que ce sont bien
Best-of
souvent de de, c'est pas péjoratif ce que je
vais dire, de vieilles mamies."

115
Figure 7 : arbre thématique éclaté suite à l’analyse thématique du matériau réalisé avec
FreeMind

116
L’ensemble du déroulement de la phase de recherche qualitative est schématisé dans la figure
8.

Figure 8 : schéma étape par étape de la phase de recherche qualitative

Entretiens semi-
Création de la grille Test et ajustement de la directifs avec les
d’entretiens grille (5 répondants) membres de la triade
(17 répondants)

Codification sur
Retranscription de
NVIVO et construction
l’ensemble des Analyse des résultats
de l’arbre thématique
entretiens
en parallèle

Le concept de saturation s’applique aux thèmes, c’est-à-dire qu’à un moment donné la lecture
des nouveaux entretiens ne fait plus émerger de nouveaux thèmes. C’est la saturation qui permet
de déterminer les thèmes centraux (Paillé et Mucchielli, 2012 ; Martineau et Plard, 2016).
Lorsque la saturation est atteinte, il est alors possible de passer à l’étape de l’interprétation et
de la discussion des résultats.

2.2 Interprétation et discussion des principaux résultats

L’analyse de données qualitatives permet de mettre en avant les connaissances et manquements


de la littérature ainsi que les pistes de recherche possibles (Martineau et Plard, 2016). L’objectif
de cette partie est dans un premier temps de comprendre comment le digital est utilisé au sein
du canal de distribution au travers de la triade de distribution (2.2.1). Dans un deuxième temps,
nous nous attacherons à identifier la valeur ajoutée du grossiste au travers de ses fonctions au
sein du canal (2.2.2). Enfin, nous étudierons la concurrence des acteurs physiques et numériques
pour le grossiste (2.2.3).

117
2.2.1 Un canal digitalisé, mais avec des usages encore restreints

Nous allons étudier les rapports au digital dans la triade en examinant successivement chacune
des dyades en commençant par la dyade industriel-grossiste (2.2.1.1), puis celle industriel-client
(2.2.1.2) pour terminer par la dyade client-grossiste (2.2.1.3). Il sera alors possible de
poursuivre sur l’utilisation du digital au sein de la triade de manière globale (2.2.1.4). Enfin,
nous apporterons une conclusion à cette digitalisation du canal de distribution des matériaux de
construction (2.2.1.5).

2.2.1.1 Le digital entre l’industriel et le grossiste

Il ressort des observations de terrain et des entretiens que les industriels semblent être en avance
sur la digitalisation. Cette avance s’inscrit dans une stratégie d’omnicanalité forte qui se traduit,
en plus de la présence physique, par la mise à disposition d’outils digitaux comme des logiciels,
des applications, mais aussi des sites institutionnels et e-commerce, de leur présence sur les
réseaux sociaux ou leurs chaînes YouTube, I2 « Le digital en fait chez nous il prend de
l'importance, heu, prépondérante depuis quelques années. » ou I5 « Notre asset, enfin par
rapport au digital pour nous c'est une, c'est une corde supplémentaire à notre arc. ».

L’omnicanalité peut s’exprimer au travers des canaux de distribution, I5 « En fait c'est pareil,
on est omnicanal, on est sur tous les canaux de distribution, ok. ».

Une concurrence émerge entre les distributeurs traditionnels et les industriels qui vendent en
direct depuis Internet. Internet peut devenir un canal de distribution pour les biens banalisés dès
lors que les infrastructures logistiques existent et sont efficaces (Malaval et Bénaroya, 2013).
C’est un état de fait qui est intégré par les négociants, comme l’indique le Directeur Marketing
d’un négoce national, N11 « Mais j'ai 20 % de mon temps maintenant j'observe c'est nouveau
depuis l'année dernière ce que font nos partenaires industriels. Parce qu'en fait nos partenaires
industriels ont engagé des investissements de transformation digitale qui sont très intéressants
et dont il faut avoir une vision en temps réel. Je donnerai deux exemples : pendant le directoire
l'autre fois pendant que un de mes collègues faisait le tour de table, j'ai ouvert un compte sur

118
Karcher et j'ai passé commande d'un Karcher, j'ai juste arrêté au moment du paiement […] Et
un autre exemple, Sogal qui est un fournisseur de menuiserie, qui fait des promos, des soldes,
qui a un nouveau site, et le coup enfin quand on voit la home page du site on se dit que le coup
d'après c'est la boutique. ».

Bien qu’Internet puisse devenir un canal de vente, comme nous le verrons dans la section
suivante, il ne se prête pas à la vente de tous les matériaux. Certaines typologies de produits ne
se prêtent pas à la vente sur Internet, et ce pour différentes raisons. Il peut s’agir de produits
pondéreux (la palette d’agglos) ou techniques qui nécessitent parfois d’être testés ou expliqués
en agence. Plusieurs autres facteurs peuvent expliquer la faiblesse des achats de matériaux de
construction sur Internet comme l’absence d’offre puisque les acteurs du terrain ne sont pas
convaincus, I1 « Donc on se doit quand même de jeter un œil sur d’autres canaux de
distribution, donc on a testé la vente en ligne, très honnêtement on en est pas convaincu
aujourd'hui parce que c'est très compliqué de vendre de la porte de placard en ligne ».

Mais il serait réducteur de limiter la digitalisation d’un canal de distribution à la simple part
d’achat en ligne. En effet, le parcours d’achat est devenu plus complexe, notamment avec la
recherche d’informations sur différents supports (Belvaux, 2006). La digitalisation s’exprime
de manière plus globale sur l’ensemble des sujets et des outils, I1 « C'est aussi cette maîtrise
de l'ensemble de l'écosystème et des différentes possibilités qui nous permet à un moment d'être
performant, réactif. » ou I4 « Parce que nous on a, industriel, un certain nombre d'idées, on les
déploie, c'est ce qu'on disait tout à l'heure le SogalID, le cercle Sogal Expert, on va refondre
très certainement notre site Internet dans quelques temps, enfin y a, pour en faire autre chose,
des applications de mise en relation avec les, avec les artisans. ».

Ainsi les outils digitaux sont destinés à la fois aux clients (professionnels, mais aussi
particuliers), mais également pour les négociants comme l’indiquent différents industriels, I6
« Tu vas t'inscrire sur MyIsover, tu dis si tu es particulier, pro, distributeur ou, ou prescripteur
tu as des outils différents suivant la nature. ».

119
Ces outils digitaux, mis à disposition par les industriels pour les négoces, offrent différents
types de services comme l’accès à l’information ou la récupération et le partage de leads.
Cependant, les négoces ne sont pas toujours en capacité de gérer correctement ces opportunités
commerciales. Comme on le verra, les industriels ont donc développé de nouvelles stratégies
pour exploiter cette donnée.

Tableau 14 : verbatim sur le partage de l’information entre l’industriel et le négociant

« Bah déjà parce que je connais pas tous leurs produits, je l'ai
maitrise pas. Et je recherche beaucoup de l'information produit,
Information gamme, les fiches techniques bah des fois ouai on me pose des
N4
produit questions auxquels je sais pas répondre donc je farfouille sur
internet. Si si je suis souvent sur internet. Et leurs sites sont quand
Partage de même plutôt bien faits donc c'est quand même intéressant. »
l'information « Donc SogalID, SogalID, on leur donne un code, un code d'accès,
ça leur permet de faire leurs devis, heu, directement sur le même
Information outil que celui du négociant (d'accord, ok) et, et, et d'envoyer le devis
I4
commerciale aux négociants pour dire voilà c'est ça que je veux passer en
commande pour mes clients et de faire aussi, bien sûr, les devis chez
leurs propres particuliers. »

Le digital, entre autres, permet aux industriels de reprendre la main sur la promotion et sur la
prescription de leurs produits. La prescription est une stratégie pull dont l’objectif est de
stimuler la demande par la valorisation de l’offre (Malaval et Bénaroya, 2013). Ce rôle est à
l’origine un flux en cascade qui part de l’industriel et descend le long du canal. Chaque
intermédiaire intervient alors pour apporter la visibilité nécessaire du produit ou de la marque
de l’industriel face au client (Coughlan et al., 2006), N7 « Sur le digital ils sont de plus en plus
prescripteurs. Hein on voit bien, on voit bien les outils, enfin toute la communication qui font
qu'elle soit digitale ou pas digitale, mais ils, ont ils ont aujourd'hui une communication où ils
incitent le client particulier à être prescripteur de leurs produits. ».

Ce nouveau rôle de l’industriel devient une contrainte pour les intermédiaires comme le
souligne très bien N1 : « Et je pense que ça, les choses se sont accélérées ces, ces dernières
années. C'est une contrainte supplémentaire pour nous, d'accord, donc aujourd'hui il ne s'agit
pas d'aller la combattre parce que je pense qu'à un moment donné c'est, c'est des choses qui,
qui vont très vites et puis qui sont bien lancées, à la rigueur je veux pas dire que c'est trop tard,

120
mais à un moment donné cette contrainte aujourd'hui faisons en sorte que, que cette contrainte
n'en soit pas une quoi, hein qu'on s'appuie dessus. »

Si la digitalisation remet en cause le rôle de chacun des deux membres dans le canal, elle permet
aussi de simplifier et de fluidifier les contacts. Il convient de rappeler que les contacts peuvent
avoir lieu à différents niveaux. Le niveau le plus haut est celui de la négociation annuelle des
quantités, des tarifs et des BFA85 qui a généralement lieu entre la direction commerciale du
négoce et la direction commerciale régionale de l’industriel. Le niveau le plus bas va se dérouler
en agence avec le chef d’agence ou le commercial et le représentant de l’industriel pour mettre
en place une opération ponctuelle ou pour remporter une affaire. Ces différents niveaux sont
bien résumés par les propos de N7 : « Y a effectivement la relation des directions sur les négos
de BFA, sur heu, sur les participations aux opérations commerciales et là c'est 3-4 fois dans
l'année. Après avec les gens de terrain c'est, c'est heureusement un peu, beaucoup plus fréquent
que ça quoi. ».

La fréquence des contacts est quotidienne au niveau du terrain et régulière à des niveaux plus
stratégiques. Les acteurs sont souvent en contact et échangent énormément. Les besoins et les
problématiques de chacun sont ainsi partagées, I5 « Donc on va dire c'est un échange
hebdomadaire et pour nos équipes, hebdomadaire également ou au quotidien ou encore une
fois de plus tout dépend de la taille du point de vente. », I3 « Tous les jours, tous les jours, tous
les jours. (Blanc) Même parfois pendant les vacances, donc non tous les jours. » ou encore I4
« Ah non, bah c'est oui, c'est bah c'est plus que quotidienne. […] Y a minimum 6, 7 visites qui
sont réalisées, qui sont réalisées chez le négociant toutes les semaines. Sans compter, alors ça
s'est sans compter effectivement les coups de fil, les mails. ».

En plus de l’utilisation des sites pour véhiculer de l’information, les principaux outils digitaux
utilisés dans la relation sont le téléphone, les mails, les SMS et les réseaux sociaux comme le
montre une cheffe de marché (N4) « […] bah téléphone, mail, ordi, hum, bah donc téléphone,

85
Bonification de Fin d’Année ou Remise de fin d’année : « Une remise de fin d'année est une remise consentie
par un fournisseur à un distributeur, un franchisé, un concessionnaire ou une centrale d'achat en fonction du
volume de ventes effectuées auprès du distributeur ou de la centrale durant l'année. » B. Bathelot (2020) sur
https://www.definitions-marketing.com/definition/remise-de-fin-d-annee/

121
appel, SMS, mail. Bah j'ai les réseaux, les réseaux, enfin je dis social, mais LinkedIn quoi en
pro. ».

Mais encore une fois, face à ses outils classiques, l’industriel innove pour apporter toujours plus
de service : « En termes d'information, en termes d'assistance, en terme au sens, en termes
d'aide. Toi qui es dans le digital, enfin on a, on a, on est en train de développer plein d'outils
notamment digitaux à destination de toutes ces populations-là. » (I6) ou « Pour ce qui est, pour
ce qui est du SogalID, aujourd'hui, je crois que 60 à 65 % des commandes passent par ce tube-
là. » (I4).

Si l’industriel a pris de l’avance sur le digital, c’est aussi parce que le négoce lui en a laissé
l’occasion à la fois dans la stratégie : N7 « Bah on est pas bon, on est pas du tout mature quoi
je veux dire sur le sujet. » et N12 « Mais y a un malaise vis-à-vis de ça, y a un malaise, y a une
manière, c'est présenté comme quelque chose qui n'est pas une opportunité, mais une menace,
voilà. », mais aussi dans les compétences des salariés :

I6 « C'est comme les délégués qui sont contactés parce que le négoce lui demande combien de
m² dans une palette de tel ou tel produit. Et ça en trois coups de clics tu l'as en fait. ».

I2 « Alors nous on a, on a plein de bonnes intentions, on a, on a plein de choses dans les cartons,
il faut qu'on s'adapte effectivement aux réticences de nos clients (cf. les négoces). ».

I4 « Par contre quand on va sur du transactionnel, on est sur quelque chose de différent, c'est
à dire que la transaction par exemple, heu, je prends l'exemple de notre marché si demain on
gère de la transaction, c'est pas l'industriel qui va prendre le lead là-dessus. Et c'est là où je
pense que le négoce doit faire, doit faire attention. Nous industriel, on ne fera que subir comme
en France on ne fait pas de transaction directe, on, on, j'ai envie de dire on suivra, on va pas
subir, mais on va suivre la tendance. ».

Le négoce n’est pas mûr sur ces sujets aussi parce que les clients n’ont pas encore véritablement
d’usages digitaux et parce que c’est un canal qui est resté très humain.

122
2.2.1.2 Le digital entre l’industriel et le client

Comme nous l’avons vu précédemment, le digital est devenu un canal de relation directe entre
l’industriel et le client professionnel voire le client particulier : I3 « C'est pour ça qu'on
intervient auprès des, auprès des, auprès des clients. Et par plusieurs canaux, alors ça va être,
heu, le canal digital par exemple, heu, enfin ça peut être du média, du hors-média. ».

Le digital a plusieurs usages. Il permet à l’industriel de faire la promotion de ses produits et de


sa marque notamment au travers des sites, des réseaux sociaux et de vidéos, I5 « On a des
utilisateurs au travers des réseaux sociaux évidemment, voilà. Et heu on a des, même pour aller
maintenant au-delà des contacts, des offres-là qui leur sont dédiées toujours au travers du
digital, bien souvent à travers du digital. ».

Cela sert donc à pousser de l’information à l’ensemble des acteurs aval, mais aussi d’en faire
remonter. Internet offre la possibilité d’un échange direct entre les différents membres :
remontée terrain, questions, etc. C’est un véritable canal de partage d’informations avant d’être
un canal transactionnel. Cette avance de l’industriel a été permise par le retrait du négoce sur
ces sujets : I1 « Et après effectivement là l'artisan peut entrer par la marque Diager, on a un
mail contact, on reçoit régulièrement des demandes "bah où est-ce que je peux trouver votre
produit et ainsi de suite" et là on renvoie vers le distributeur du département ou vers (blanc). ».

La partie la plus importante, sans doute, est le développement d’outils pour faciliter le quotidien
de l’ensemble des membres. Ce point fait partie d’une vraie stratégie de l’industriel : « Ça, ça
c'est, ça c'est le premier point effectivement après on met en place un certain nombre d'outils,
nous aussi pour heu, pour agrémenter leur, pour les aider dans leur business. Ils s'en servent,
ils s'en servent pas, mais enfin les outils sont là. On a une application mobile. On a donc
effectivement un site Internet, bon pff bon, qui est complètement à refaire, mais il existe, y en a
un avec un configurateur, qui permet de configurer une porte de placard. » (I4) ou « Tu vas
t'inscrire sur MyIsover, tu dis si tu es particulier, pro, distributeur ou, ou prescripteur tu as des
outils différents suivant la nature. » (I6).

123
Si Internet n’est pas encore un canal de distribution, il sert de plus en plus dans la diffusion des
nouveautés techniques et réglementaires avec notamment une désintermédiation du grossiste
au profit d’une relation directe industriel-utilisateur. Les artisans, via les newsletters des
industriels par exemple, ont souvent l’information avant les équipes terrain du négoce :
A2 « Même moi des fois on est informé par, via Internet par nos fournisseurs, parce que des
fois quand on donne nos mails, les industriels nous envoient dès qu'il y a une nouveauté, des
fois moi je surprends le commercial à Nuits (agence) parce que je suis informé de truc avant
eux. ».

L’équipement des vendeurs et leur montée en compétence apparaissent comme primordiaux


tant leur rôle a été remis en cause par la capacité de certains clients (Vanheems et Klotz, 2017).
On retrouve ici le processus d’« avalisation » présenté dans la revue de littérature (Vanheems,
2013, 2018). Dans le cadre du marketing de service, il a déjà été montré que des employés
impliqués et récompensés délivrent une meilleure satisfaction auprès des clients (Collot, 2002).
En termes de comportement, le processus d’achat est de plus en plus initié sur Internet avant la
rencontre avec le commercial. Cette information permet de préparer l’achat et de réduire le
temps des rendez-vous. Nous assistons donc à une évolution du comportement, des
compétences et des attentes du client devant lesquelles les vendeurs ne sont pas toujours prêts.

Les négociants ont cependant bien conscience de l’existence de cette relation directe entre
l’industriel et le client comme l’indique N7 « C'est-à-dire qu’ils ont effectivement heu, c'est eux
qui ont de plus en plus le lead, heu, ils ont la puissance pour mettre en place des opérations
commerciales ou en tout cas des opérations de marketing comme des clubs pros etc. pour capter
un maximum d'information sur les artisans et sur le marché. Donc c'est… Aujourd'hui les
industriels ont une connaissance de nos clients qui est quelquefois meilleure que celle qu'on a
nous. »

2.2.1.3 Le digital entre le client et le grossiste

Dans les rapports commerciaux B to B, il est courant que les clients aient des conditions
tarifaires particulières. Cette pratique favorise la négociation en face à face et les services
personnalisés (Siadou-Martin et al., 2014). Le multicanal puis le cross et aujourd’hui

124
l’omnicanal offrent un avantage concurrentiel en permettant des synergies pour l’organisation
et la multiplication des points de contact (Belvaux et Notebaert, 2018). La valeur affective,
c’est-à-dire émotionnelle de l’échange, a montré que la fréquence ne provoque pas d’émotion,
alors que la diversité des contacts dans une stratégie multicanale en B to B génère des émotions
négatives (Siadou-Martin et al, 2014). Pour les fabricants et intermédiaires, il faut donc
privilégier le canal physique, même si l’approche multicanale permet de personnaliser le service
et offre une interactivité forte et une fréquence régulière de contact. Cela traduit l’importance
du capital humain, qui peut être perçu comme une des valeurs ajoutées essentielles des
intermédiaires. Les artisans sont très attachés à cette proximité et préfèrent passer par un contact
direct comme le face-à-face ou le téléphone, comme le montre le discours de A2 : « Moi je
travaille très, énormément comme ça par affinité, par confiance tout ça. Donc voilà, je les
appelle […] ».

Il est possible de faire un parallèle avec la théorie de la richesse des médias. La communication
orale est considérée comme étant plus riche que la communication écrite (Belvaux, 2006 ;
Siadou-Martin et al., 2014). La dimension relationnelle se traduit par le tissage de relations
étroites et organisées entre tous les professionnels d’un même secteur. Les optiques
transactionnelles et relationnelles sont finalement complémentaires (Assassi et Filser, 2005 ;
Debos, 2006). C’est un milieu où la relation humaine peut prédominer sur la relation
transactionnelle comme l’indique A3 : « Ça peut être aussi, bon c'est une histoire d'homme
aussi. Moi je sais que je m'entends bien avec Maxime (commercial), voilà c'est […] Le
relationnel, oui bien sûr, oui bien sur oui. Quand on a un « con » en face de soi, on n’a pas
envie de travailler avec je pense. ».

Le fait que le terrain soit encore très « humain » réduit le développement des usages digitaux.
Il est possible d’imaginer l’artisan comme un acheteur en recherche de contacts sociaux
(Vanheems, 2009). Ce type d’acheteur se caractérise par une fréquentation de proximité et reste
fidèle au point de vente physique. Le contact physique permet aussi d’échanger plus facilement
sur des points techniques ou de compétence, N7 « Mais c'est aussi en relation avec le manque
de compétence, avec le besoin parce que ce manque de compétence de nos artisans fait qu'ils
ont besoin d'être rassurés. Et cette réassurance c'est pas l'outil digital qui va leur apporter,
c'est la partie physique hein. C'est le fait d'avoir un interlocuteur quand je téléphone, c'est le

125
fait, heu, c'est le fait de pouvoir avoir une réactivité dans le service, c'est le voilà. Et cette
réassurance dont a besoin le, le professionnel aujourd'hui il le trouve à travers le contact
physique, il le trouve pas à travers l'outil digital. ».

Il n’y a pas eu de demande forte de digitalisation de la part des clients. Le négoce a donc
développé des outils qui dans les faits sont peu utilisés par les clients. C’est le cas par exemple
des sites e-commerce. En effet, au-delà des chiffres de la FEVAD, les acteurs s’accordent pour
dire que les achats en ligne représentent tout juste 1 % du chiffre d’affaires pour un négoce
généraliste. Ce chiffre peut grimper entre 5 et 10 % pour les spécialistes comme les quincailliers
qui ont moins de contraintes logistiques. Cette faible part peut s'expliquer par l'importance du
contact humain, du point de vente dans la prise de commande et la typologie des produits.
Aucun des artisans interviewés ne commande sur Internet pour son activité professionnelle
comme l’indique A4 : « Pas des matériaux non, non, non pas de matériaux sur Internet. […],
je sais qu'en matériaux électroportatifs on pourrait avoir de bonnes affaires, mais non. Bah
c'est un peu pareil quoi si vous voulez après quand vous êtes en panne ou n'importe, pour être
dépanné bah c'est quand même plus simple de passer un petit coup de fil à la personne qui vous
suit et avec qui vous travaillez. Et en quelques heures voire maximum une journée vous êtes
dépanné quoi. ».

Le seul artisan à passer des commandes sur Internet est un membre d’une coopérative
d’artisans. Dans ce cas, il n’y a pas de commercial et toutes les commandes doivent être prises
sur le site, cela fait partie des engagements lors de l’adhésion à la coopérative.

Dans l’usage de canal de transmission de l’information, le digital a eu un impact sur le prix de


vente. En effet, que ce soient les industriels qui affichent des prix de vente conseillés ou les
marketplaces, la question du prix est devenue un enjeu central. Internet a amélioré la
transparence sur les prix et impacté les modes de fixation des prix (Bressolles, 2016).
Cependant, il ne faut pas que les entreprises aient une approche trop transactionnelle focalisée
sur le prix et les marges négociées au détriment d’une confiance réciproque (Debos, 2006). Les
négoces ont du mal à valoriser leurs services face à des tarifs plus agressifs (Capon, Funel et
Sury, 2013). Le négoce pourrait mettre en avant ses services de livraison, de maillage territorial,

126
la reprise des marchandises ou le conseil. Ce problème de différenciation entre services et tarifs
pénalise la marge de l’intermédiaire, N7 « Aujourd'hui le numérique a créé de nouveaux
référentiels de prix et qui pour le négoce sont, bah sont quand même pénalisants et comme
globalement on est dans un métier où on a un peu de mal à mettre en avant, heu, nos éléments
de différenciations, et tous nos atouts et bah, heu, bah, bah on a notre niveau de marge qui
baisse parce qu'on pourrait très bien justifier quand on est en milieu rural la proximité, la
réactivité, l'implication dans la vie locale. ».

Bien que le négoce semble en retrait du côté de la digitalisation, il utilise l’ensemble des outils
à sa disposition comme l’indique une responsable marketing digital (N12) « On fait tout, on fait
du mailing, on fait du prédictif, on fait de la web analyse, du trafic management, du social
média, heu, du, du SEA, du SEO, on fait ouai du réseau social, on fait, on va se mettre à faire
du e-commerce, du click and collect, je, on a toute la palette, je. Avec plus ou moins
d'innovation et de créativité, mais on les a tous. ».

La digitalisation de la relation entre le négoce et le client peut s’effectuer sur différents points.
Tout d’abord, elle peut permettre d'améliorer le maillage territoire en augmentant les horaires
de mise à disposition des produits. En effet, le retrait de marchandises en dehors des horaires
d’ouverture des agences peut être un axe de développement intéressant. Il est sûr que toutes les
typologies de produits ne peuvent entrer dans cette amélioration du service. Il y a des contraintes
techniques et financières qu’il faut lever avant de pouvoir proposer ce type de service. Dans des
endroits à faible potentiel, il est possible de mettre en place des conteneurs de retrait avec une
logistique qui viendrait les alimenter suivant les commandes des clients. Il s’agirait de mettre
en place des stocks déportés dans des régions en dehors de la zone de chalandise traditionnelle.

127
Tableau 15 : verbatim sur l’amélioration des services du négoce grâce au digital

« Donc, heu, oui par contre, heu, à mon sens et c'est là tout
l'enjeu de la digitalisation c'est les amplitudes que ça permet
d'avoir. C'est-à-dire que l'agence qui est ouverte de 8, aller 8h à
midi et de 14h à 18h pour faire simple, heu, souvent l'artisan à
Extension des 13h30 il sort de table et il aimerait bien faire le click and collect,
horaires voilà. Et là quand il appelle, bah y a personne, voilà. Souvent
d'ouvertures des l'artisan au retour de son chantier à 18h32, alors que l'agence
agences (24/7) elle fermait à 18h30, heu il aimerait bien pouvoir récupérer ses 4
plaques de plâtre. Et c'est là à mon sens tout l'enjeu, de, de la
Amélioration valeur ajoutée qu'on va pouvoir apporter, c'est justement pour
N6
due au digital correspondre à des amplitudes qui sont beaucoup plus
importantes et demandées par le client. »
« On va y venir et va falloir qu'effectivement on s'adapte à ça.
Notre modèle et là clairement le présentiel ne pourra pas faire,
voilà. Il va falloir qu'on, qu'on pense digital, heu, relais poste, je
Extension des
sais pas, des centenaires avec des digicodes pour mise à
zones de
disposition de la marchandise, enfin on peut tout inventer. Mais
chalandise
clairement je pense que ça là-dessus, apporter ce service là
encore une fois c'est se rendre incontournable et de l'amont et de
l'aval client très clairement. »

La digitalisation des forces de ventes est également un enjeu fort. Il permet de mettre le
commercial sur un pied d’égalité avec le client : N1 « Même peut-être avec des moniteurs, hein
je veux dire on peut, on peut imaginer plein de choses, mais que pour nous, tu vois des tablettes,
des choses comme ça de façon à ce que aujourd'hui quand dans notre échange avec
l'entrepreneur bah je veux dire qu'on puisse, qu'on puisse étayer, améliorer cette compétence
et faire en sorte que nous, nous soyons incontournables. ».

Les clients professionnels, mais aussi les clients particuliers ont une meilleure connaissance des
produits, quelquefois même meilleure que la connaissance des professionnels du secteur : N7
« Bah alors y a eu l'impact de la digitalisation, y a eu l'impact de la vision des prix, y a eu, y a
tout ça. Après la meilleure connaissance qu'on les clients finaux des produits hein. Alors je
parle pas forcément des pros, mais je parle aussi des particuliers […] ».

Cela implique que le personnel du négoce soit techniquement mieux formé, ce qui n’est pas
évident au vu de l’étendue des produits proposés par le négoce et des divers corps de métiers
couverts. Il existe une perte de compétence et de technicité au sein des négoces que les clients
reconnaissent, comme le montrent les verbatim suivants : « Bah des fois, le problème, des fois

128
c'est que Maxime (le commercial) il est très gentil, mais il est pas technique. Donc si tu veux,
je trouve qu'ils ont pas fait assez de chantiers tu vois ce que je veux dire, enfin. Et c'est
dommage. » (A3) ou « C'est pour ça qu'on m'embauche des fois pour l'inventaire. Ouais je vais
leur donner un coup de main. […] pour tout ce qui est accessoire de tuile et tout, parce que je
reconnais, je sais donc ça les aide, voilà c'est un service que je leur... » (A2). On assiste donc
parfois à une inversion des rôles puisque c’est le client qui rend service au distributeur.

2.2.1.4 Le digital au sein de la triade

L’industriel commence à être perçu dans ce modèle comme une plateforme de mise en relation,
c’est-à-dire un intermédiaire entre le distributeur et le client, rôle initial du négoce. Il est
possible d’entrevoir un développement, par l’industriel, de certaines fonctions autrefois
réservées aux intermédiaires. Le fabricant s’approprie une partie des fonctions du grossiste :
N7 « Ils ont en matière de digital, certains se sont essayés à, à, ouai quasiment de
l'intermédiation. ».

L’industriel acquiert cette position tout d’abord par la mise en place de supports, d’outils et de
services à la fois physiques et digitaux, ensuite par le fait que cette stratégie est aussi bien
orientée vers le négoce que vers le client professionnel et même le client final. L’industriel
devient un intermédiaire dans la captation et le partage de la donnée au sein du canal de
distribution.

Eiglier (2004) remarque qu’il est surprenant de voir à quelle vitesse les consommateurs ont
adopté ces nouveaux services et produits et ont opté pour de nouveaux usages. De plus, Internet
offre un traitement analytique de l’information. Il est donc préféré pour les tâches utilitaires
(Belvaux, 2006). Cela ne semble pas être le cas dans notre terrain. Il semble que deux facteurs
peuvent expliquer la faible digitalisation du canal, au moins dans les échanges visibles : la force
de l’humain et la typologie des clients. Tout d’abord, et c’est sans doute un trait prégnant du
canal étudié, c’est la prédominance de l’humain dans la relation comme l’évoque N9 : « La
problématique du bâtiment c'est qu'il y a l'échange, le contact humain reste essentiel dans la
démarche. ».

129
Dans l’ensemble des relations, le contact physique est mis en avant que ce soit par l’industriel,
le client professionnel ou le négoce.

Tableau 16 : verbatim sur l’aspect humain du canal de distribution

« On a toujours fait des tournées duo on va dire avec nos distributeurs, c'était
I5 un moyen de voilà, on privilégiait la relation humaine, voilà de se faire
connaitre auprès du commercial aller admettons Doras. »
« On est une PME familiale et c'est vrai que les hommes ont vraiment toute leur
I1 place dans notre société donc vous aussi dans le négoce vous avez cette
habitude de relation humaine avec, avec vos clients. »
Industriel « Y a beaucoup d'humain, le facteur humain est essentiel donc on essaie
I6 toujours d'avoir voilà donc des relations étroites. Le commerce c'est aussi une
affaire d'homme entre guillemets hein et de relations. »
« C'est très compliqué de, de répondre à ça parce que dans le bâtiment y a
encore une grande importance au rôle humain, à la place humaine
I2
effectivement. C'est un contact humain, bah voilà y a un relationnel qui, qui
Un canal
s'installe, heu, qui s'installe entre l'entreprise, entre le négoce et compagnie. »
humain
« Ça peut être aussi, bon c'est une histoire d'homme aussi. Moi je sais que je
A3
m'entends bien avec Maxime, voilà c'est. »
Artisan « Moi je travaille très, énormément comme ça par affinité, par confiance tout
A2
ça donc voilà je les appelle et puis. »
A4 « Donc on suit, on suit un peu le négoce c'est plus au niveau humain. »
« Si c'est sectoriel, mais parce que à un moment donné on a été très, en fait ce
qui nous a, ce qui nous a un peu joués, déjoué, ce qui a un peu déjoué, etc. ce
N1
qui nous a un peu défavorisés, heu, je pense que c'est cette partie humaine
Négoce puisqu’étant très, très ou trop accès sur l'humain, on fait. »
« Et ça c'est important ce qui n'empêche pas bah toute la partie humaine, toute
N7 la partie contact, opération de convivialité, il faut pas qu'on déshumanise le, le
négoce parce que c'est une de ses forces. »

Finalement le relationnel est humain parce que le travail l’est, comme nous le dit l’artisan A4 :
« Donc c'est encore pour ça que nous dans le bâtiment on est encore humain parce qu'on a des
hommes en face pour faire le boulot ».

Ensuite, il est nécessaire de prendre en compte la typologie des clients. L’ensemble des
membres de la triade sont d’accord pour dire qu’il y a un effet générationnel dans l’utilisation
du digital. Pour les négociants et les industriels, il y a clairement deux générations identifiées.
Ces deux types de clients ressortent dans les verbatim des négociants comme dans le cas de
N4 : « Alors, ça l'impact heu, alors aujourd'hui sur les artisans, ça peut, alors c'est toujours
pareil, on, enfin je dirais qu'on a deux populations d'artisans. On a l'ancienne génération et
puis les trentenaires quoi. », et des industriels comme avec I6 : « Sauf en fait, là aussi c'est

130
assez générationnel quoi tu as ceux, ceux qui veulent pas entendre parler d'aller sur Internet
pour faire quoi que ce soit. Je pense par contre que les nouvelles générations sont différentes »
et « Les choses ont quand même un peu évolué je pense que y a une nouvelle génération
d'entrepreneurs où bon bah le gars il veut passer ses commandes le soir, il est chez lui, faire
son camion du lendemain, enfin bon. ».

Si les acheteurs B to B sont également des particuliers qui peuvent commander à titre personnel
sur Internet, cela signifie que les deux mondes ne sont pas étanches (Vanheems, 2015). Le B to
B devrait donc aussi être concerné par le cross et l’omnicanal. Les clients digitaux utilisent de
nombreux points de contact, ils sont plus volatiles et plus experts. Nous soutenons le point de
vue de Notebaert et al. (2016) qui est de faire évoluer la segmentation socio-économique en
ajoutant une segmentation sur l’adoption des nouvelles technologies. En effet, dans notre cas,
les clients B to B, à la fois de manière professionnelle et personnelle, ne commandent pas sur
Internet. La limite pour séparer la génération qui serait plus digitale que l’autre semble être la
trentaine, ce qui est conforme à la littérature (Collin-Lachaud et Longo, 2014) : I5 « Donc je
vais dire l'utilisateur final, heu, tranche d’âge 20 - 35 ans heu il est très avancé voilà et tant
mieux, il pousse, il pousse l'industriel que nous sommes alors qu'on est pas en retard voilà à
encore aller plus en tout cas à lui donner un petit peu plus d'information sur la partie, sur le
digital ».

Cet usage du digital est vérifié par l’échantillon des entretiens. En effet, sur les quatre artisans
interrogés, trois ont cinquante ans ou plus et ont un usage assez restreint du digital : absence de
site Internet, aide de l’entourage (A2 : « Mais on est une génération nous on est pas très, c'est
compliqué pour nous donc on sait déjà pas faire, on sollicite souvent Estelle (fille de l’artisan)
parce qu'on est paumé ou. »), peu présent sur les réseaux sociaux et à la recherche
d’informations plutôt de type push (A2 : « Non, non, je, je fais pas beaucoup de recherche pour
le pro sur Internet »). L’accompagnement de l’entourage (souvent plus jeune) fait écho aux
travaux de Durand-Mégret, Ezan et Vanheems (2016) sur le décalage générationnel des
compétences en matière de numérique. Les auteurs montrent dans une recherche exploratoire
qu’une compétence instrumentale liée à la pratique des technologies numériques remplace la
compétence informationnelle. Cette compétence instrumentale est souvent l’apanage des plus
jeunes, ce qui créé un décalage générationnel des compétences.

131
Les artisans reçoivent l’information, mais ne vont pas forcément la chercher sur Internet. En
cas de besoin, ils préfèrent passer à l’agence ou téléphoner au commercial du négoce ou de
l’industriel. L’artisan qui a la trentaine d’années lui a un usage plus intensif d’Internet pour aller
chercher des informations. Il voit d’ailleurs cet écart sur les chantiers comme il l’évoque : « Je
vois là sur un chantier, y a un terrassier, bon bah c'est un vieux de la vieille d'un Bressois qui
faisait le terrassement. Le gars il lit ses mails une fois tous les 10 ans tu vois. C'est compliqué
quoi aujourd'hui ces gars-là ils sont vite perdus. Je pense qu'aujourd'hui c'est compliqué de
plus être là-dedans quoi. » (A3).

Le faible usage digital provient aussi de ce phénomène puisqu’une majorité des clients est
encore de « l’ancienne école » et le digital peut être un handicap pour eux : « Ah oui l'impact,
bah pour moi c'est un impact positif pour les, on va dire les jeunes générations, un peu moins,
alors c'est pas négatif, mais un petit peu plus handicapant pour les anciens artisans. » (N4).

Cependant, aucun ne commande de manière régulière sur Internet, hormis l’artisan faisant partie
d’une coopérative. Internet n’est pas un canal autonome dans ce cas, mais un support de vente
additionnel de présentation (Malaval et Bénaroya, 2013). Encore une fois, l’achat sur le site de
la coopérative se fait, car il n’y a pas de contact physique comme cela est le cas avec les
négoces : A2 « Pas du tout, sauf bah on parlera tout à l'heure, sauf SCABOIS parce que c'est,
on commande par un site, y a pas d'intermédiaire. Mais autrement non, bah non, pis c'est pas,
bah c'est pas dans notre déontologie. ». Notre (faible) échantillon remet en cause les différentes
études sur l’usage des sites de vente en ligne par les artisans du bâtiment. Le retour des artisans
interrogés va dans le sens des comportements que nous constatons dans notre activité
professionnelle. En effet, les entreprises clientes d’un négoce généraliste passent peu de
commandes sur les sites e-commerce au contraire des clients de négoces spécialistes où le
chiffre d’affaires via ce canal online est plus élevé. Une segmentation suivant le métier de
l’artisan pourrait faire émerger des différences d’utilisations.

Aujourd’hui bien que l’effet de génération soit perceptible, il n’est pas encore flagrant comme
l’exprime I6 : « Moi je suis d'accord avec ton constat de dire j'ai pas trouvé le digital addict,

132
je suis d'accord. En revanche, moi quand je dis que je suis convaincu qu'il y a une question de
génération c'est-à-dire que les plus jeunes vont plus avoir tendance à aller se renseigner sur
Internet, du coup d'aller voir sur notre site c'est quoi le nouveau, c'est quoi la nouveauté, c'est
quoi l'innovation. Eux vont plus avoir tendance à le faire, ils vont plus avoir ce réflexe de
commande. » ou I4 : « Alors on, on, on peut espérer qu'il y aura un effet générationnel, mais il
n'est pas encore là. Il est pas encore là. ».

Cependant, les artisans mesurent l’apport de ces technologies : « Je serais plus jeune
j'achèterais même carrément un drone moi. » (A2). Mais cela leur nécessiterait trop de temps
pour se former et ils n’ont pas la certitude que leur entreprise soit reprise. C’est d’ailleurs une
des grosses inquiétudes dans le canal de voir la perte de compétences et la baisse du nombre
d’entreprises : « Donc oui oui non non c'est pas, c'est pas très très réjouissant donc on a une
perte de compétence, une perte tout simplement numérique, on a une perte de compétence. »
(N7).

Cette problématique est très bien mise en avant par A4 : « Y a un moment, bon je suis entre les
deux hein, je... Mais après voilà, moi derrière c'est pareil hein j'ai, bon après je sais pas si
Robin (fils de l’artisan) un jour reprendra où pas, mais bon arrivé à 50 ans, il me reste encore
une quinzaine d'années à faire. Est-ce que ça vaut le coup ? ».

Le digital, peu utilisé, pose tout de même la question de l’évolution du canal comme l’exprime
I6 : « Y a une vraie réflexion d'ensemble hein parce que comment le digital demain peut
transformer peut-être les métiers hein. Tu vois le négoce, quel sera le métier du négoce avec le
digital, pour les entreprises aussi comment elles vont évoluer avec ça. Bon ça remplacera pas
tout, ça va être une aide, mais y a de vrais réflexions à l'heure actuelle. ».

De nombreuses innovations commencent à émerger, elles pourraient remettre en cause une


partie des processus ou des métiers. Nous pouvons citer l’imprimante 3D, l’Intelligence
Artificielle, la robotique ou le BIM. Encore une fois, ces innovations liées à la digitalisation ne
sont une préoccupation ni pour le client professionnel ni pour le négoce.

133
Tableau 17 : verbatim sur la perception des innovations par les clients professionnels et les
négoces

« Si vraiment, si vraiment j'en aurais, si vraiment j'en aurais besoin, si j'en avais
Artisan A3
l'utilité, je me formerais c'est sûr. »
Artisan A1 « Non. Moi l'ordinateur n'est pas équipé pour faire des plans en 3 dimensions. »
Innovation « Bah typiquement voilà nous on est, on est, le BIM on peut aller sur le terrain
voir avec nos équipes leur demander ce que c'est que le BIM, la plupart ne
Négoce N7
savent pas ce que s'est quoi et nos clients non plus. Donc oui ça aura, le BIM
c'est sûr ça va avoir une influence. »

Le champ est donc libre pour les industriels, notamment sur le BIM, puisqu’ils ont mis en place
des bibliothèques comprenant leurs produits sous forme d’objets numériques et qu’ils proposent
des formations aux artisans comme le raconte A4 (tableau 18). Il y a peu d’échanges entre le
négoce et l’industriel sur ce sujet-là. Le BIM devient un outil de promotion et de prescription
des produits de l’industriel auprès des maîtres d’œuvre.

Tableau 18 : verbatim sur l’enjeu autour du BIM

« Ok donc nous on a beaucoup d'outils effectivement ouai sur, sur, sur le BIM où en
fait tous nos ouvrages sont digitalisés, heu, une cloison bah voilà on va pouvoir
savoir le nombre de vis, on va pouvoir savoir effectivement le nombre de plaques, le
nombre d'ossature et compagnie. Mais le BIM aujourd'hui, j'ai peu d'entreprise qui
I2
m'en parlent, ça va être quelques grosses entreprises qui ont des bureaux d'études et
qui vont être sur le BIM, ça va être les entreprises générales. Mais l'artisan qui lui
va être sur la rénovation, qui va être, heu où même qui fait un peu de petits appels
d'offres, il est pas du tout là-dessus. »
I4 « On est très avancé dans le projet du BIM. »
Industriel
« Les seuls contacts qu'on a avec pour le BIM par exemple c'est directement avec les
BIM
entreprises qui ont un bureau de, un bureau d'études ouai. Mais le négoce, non y a
peu, y a peu, alors de temps en temps nous on va faire une, une information pour
I2
dire bah tiens quand tu es sur le site Placo, tu as ouai une petite icône où tu peux
avoir l'ouvrage en BIM. Donc c'est plutôt de l'information, mais y a très peu
d'éléments effectivement ouai qui sont concentrés vers le négoce. »
« Mais non ça va pas nous impacter nous directement auprès des négociants parce
I4 que le BIM a plutôt une utilité aujourd'hui auprès des promoteurs, des archis, ce
type de clientèle. »
« Bah pis même là j'ai fait, je vais ptre anticiper un peu votre question, mais on a,
Artisan A4
j'ai été justement à une journée Siniat, y a un mois-là, pour la découverte du BIM. »

Comme nous l’avons déjà dit, le commerce en ligne, même à travers des pure players, a encore
du mal à créer de la valeur, ce qu’exprime bien également N6 : « Heu, mais faut pas se leurrer,
aujourd'hui notre clientèle n'est pas prête à basculer en masse ses achats sous un, avec un pure

134
player par exemple, voilà, très très clairement pour tout un tas de raisons. Et, et on constate
même sur la nouvelle génération. ».

Malgré tout, les négociants et les industriels sont vigilants sur ce phénomène, car ils savent que
le risque de disruption est possible comme l’indique N1 : « Bah c'est des concurrents parce que
à un moment donné à chaque fois que nous serons, nous serons défaillants, nous renforcerons
ces plateformes. ».

Encore une fois, en plus de l’absence d’usage des utilisateurs, la typologie des produits peut
expliquer la faible percée des plateformes : « Très, très peu, c'est heu, on vend de temps en
temps ouai un petit peu de, heu d'accessoires spécifiques ou des, voilà plutôt sur de l'accessoire.
Mais nos produits sont tellement complexes à transporter et tellement volumineux c'est
qu'aujourd'hui on ne passe pas par, par des plateformes numériques ouai, hmmm. » (I3).

De plus, certains industriels refusent de vendre sur des plateformes ou via les GSB (Grande
Surface de Bricolage), car ils considèrent avoir un vrai savoir-faire. Passer par ces canaux
reviendrait selon eux à « dévoyer leur marque » (I1). L’aspect générationnel peut une nouvelle
fois être soulevé et le canal peut espérer qu’une nouvelle génération de clients commande plus
au travers du digital : « Dans cet esprit de « il m'en faut pour demain », je pense qu'ils vont plus
avoir tendance à aller commander sur le site e-commerce soit de Doras soit de je ne sais quoi,
Amazon ou Manomano, heu, ils vont plus avoir cette tendance-là. » (I6).

2.2.1.5 Conclusion

À travers l’analyse des différentes dyades puis au niveau de la triade, il est possible de distinguer
deux usages différents du digital. Le premier usage se situe dans la vente des produits à un
niveau multicanal entre des industriels qui vendent en direct via des sites et des plateformes, ou
les négociants qui ont développé leurs propres sites e-commerce. Mais si pour le moment le
chiffre d’affaires généré par les ventes en ligne reste marginal, les acteurs sont tout de même
prêts. Le deuxième usage, plus développé, est le partage de l’information au sein du canal.

135
Fonction avant supportée par l’intermédiaire, elle est de plus en plus aujourd’hui partagée voire
pilotée par les industriels. Cela est en particulier vrai pour les gros industriels à rayonnement
national ou international. Les plus petits industriels restent dépendants de la capacité des
intermédiaires à mettre en avant leurs produits. La figure 9 propose de schématiser le canal de
distribution du terrain étudié.

Figure 9 : schéma du canal de distribution des matériaux de construction

Le digital ne semble pas encore être un service différenciant et indispensable auprès des clients
professionnels. Le canal de distribution reste donc majoritairement physique. En revanche,
l’information, qu’elle soit sur les produits ou sur les acteurs, est de plus en plus partagée par
Internet. Cet état de fait remet en cause certaines fonctions des intermédiaires traditionnels.

136
2.2.2 Un phénomène de réintermédiation verticale grâce au digital et aux
services développés par l’industriel

En étudiant les fonctions logistiques et transactionnelles au sein du canal de distribution


(Bowersox et Morash, 1989 ; Dugot, 2000 ; Coughlan et al., 2006 ; Pardo et Paché, 2015) et en
repartant de la distinction des flux physiques, informationnels et financiers (Beckman et Engle,
1951 ; Dugot, 2000 ; Coughlan et al., 2006 ; Capo, 2008 ; Michel, 2015), il est possible de
mettre en avant une réintermédiation, ou tout du moins une intégration verticale de certains flux
assurés auparavant par le grossiste. Cette constatation peut être rapprochée de la baisse
constante des fonctions du grossiste à travers l’histoire (Dugot, 2000).

La notion de partenariat dans les canaux de distribution B to B est un sujet majeur en littérature
marketing depuis les années 90 (Bêche, 2008). Le négoce reste un acteur indispensable pour les
industriels avec de vraies stratégies de partenariat comme l’évoquent les deux acteurs : I4 « […]
notre stratégie commerciale est basée sur un véritable partenariat avec le négociant. » et N4
« Bon, on a une relation de partenariat ».

Le négoce reste le distributeur des matériaux de construction à destination des professionnels.


Cela est bien montré par le verbatim de I3 : « Parce que remettre en cause le partenariat,
remettre en cause le système de distribution aujourd'hui avec le négoce en matériaux, c'est-à-
dire quand on parle de ça c'est vendre en direct à l'entreprise, ça remettrait en cause trop de,
trop de choses. Je pense que les risques seraient trop importants. ».

Cette première phase qualitative met en avant un phénomène intéressant de désintermédiation


partielle. En effet, le négoce tend à perdre de la valeur ajoutée sur les flux informationnels et à
conserver les flux physiques et financiers. Les flux informationnels ont une importance
stratégique puisqu’ils sont créateurs de liens entre les membres du canal (Capo, 2002). Les
industriels ont mis en place des outils et des stratégies, notamment grâce au digital, qui leur
permettent de recueillir les remontées terrain, et donc de capter énormément de données
qualifiées, mais aussi de diffuser de la donnée en dehors du circuit descendant standard. Pour
introduire cette partie, nous pouvons nous appuyer sur les propos de N6 qui montrent bien la

137
particularité du canal de distribution des matériaux de construction : « Le canal de distribution
effectivement, heu, le négoce dans tout ça bah c'est juste l'intermédiaire entre un industriel qui
à mon sens de par des notions de crédit, de par des notions de géographie, de par des notions
de justement de manque de relation, de manque de relation client parce qu'il a un vision très
industrie, très productiviste, heu, qui est parfois en décorrélation complète avec l'aspect très
rock and roll, voir artisanale, voir même un peu paysan de, de, du, du, du bâtiment, voilà du
bâtiment dans sa généralité fait que y a nécessité d'avoir cet intermédiaire-là. ».

Il sera tout d’abord traité la question de pourquoi l’industriel conserve des intermédiaires
(2.2.2.1) pour ensuite évoquer la modification de la gestion du flux informationnel (2.2.2.2).
Cette section se terminera par une conclusion (2.2.2.3).

2.2.2.1 Conservation des flux physiques et financiers par le négoce

Dans la gestion de fonction physique ou logistique (Pardo et Paché, 2015), il convient de


distinguer le flux physique du flux informationnel. Nous étudions tout d’abord le flux physique
(2.2.2.1.1), le flux informationnel faisant l’objet d’une section à part. Ensuite, nous examinons
le flux financier (2.2.2.1.2).

2.2.2.1.1 Le flux physique

Le rôle du négoce dans le canal de distribution des matériaux de construction est très bien
résumé par N7 : « Hein c'est de, quand je disais au début de l'entretien que aujourd'hui on est
stockiste et banquier, aujourd'hui c'est ce que veulent pas faire les industriels. ».

Ces fonctions lui permettent de rester un intermédiaire avec « […] une place qui est, qui est un
peu délicate puisque aujourd'hui on, nous sommes coté client, coté entrepreneur, utilisateur et
coté industriel qui lui un industriel, lui aujourd'hui la distribution ça l'intéresse pas, lui ce qui
est important pour lui c'est de dégager de la valeur ajoutée, de répondre à un cahier des
charges, d'avoir un produit qui soit le plus technique et le plus facile possible et puis le fait qui
soit technique et facile puisse pour lui améliorer, augmenter son prix. » (N1).

138
Le grossiste conserve la partie distribution des produits de la construction, il faut donc revenir
sur les différents éléments qui composent ces flux physiques. De plus, le négoce a un rôle
particulier de « banquier » auprès des clients professionnels, mais aussi de garantie auprès des
industriels. La gestion de ces deux flux (physique et financier) est vraiment prégnante pour les
négociants qui ne les dissocient jamais dans l’apport de service au sein du canal : « Bah dans
ces services c'est de mettre en avant ses produits, c'est de les stocker, c'est de, de, d'avoir la
fonction de crédit, de support crédit le risque financier est très fort et c'est aussi la personne
qui est là pour limiter le litige. » (N10) ou encore « Heu, je disais crédit, stock et service voilà.
Donc et c'est ce qui va faire qu’effectivement on va éviter la désintermédiation […]. » (N6).

L’intermédiaire dans le canal de distribution joue toujours le rôle de facilitateur pour la


rencontre de l’offre et de la demande notamment sur ce segment B to B. Dans le cadre de
l’industriel, le positionnement de l’intermédiaire sur un marché est primordial dans sa sélection.
Ce point est particulièrement bien expliqué par I1 : « Donc c'est vrai que nous on est un
fabricant, on a, c'est vraiment notre ADN, c'est être un fabricant. On a toujours fabriqué des
produits de qualité, donc c'est vraiment une recherche. Donc de fait pour la distribution de nos
produits on a aussi travaillé avec des réseaux qui sont des réseaux capables d'avoir une cible
client qui est en attente de ce niveau de qualité, mais également des réseaux qui sont capables
à un moment de relayer la bonne image de notre, de notre marque soit sur des supports, soit
des réseaux physiques donc ce qu'on appelle le maillage hein finalement ça c'est un élément
intéressant, intéressant pour nous. ».

Ce positionnement de sélection de l’offre est également important pour le client professionnel


puisque seul, il a moins de points de contact et un carnet d’adresses réduit pour
s’approvisionner. A2 « Pis peut-être avoir, ils nous apportent le contact pas mal avec les
industriels qu'on aurait p’têtre pas voilà après si on était tout seul de notre côté ou heu. ».

L’intermédiaire assure cette mise en relation et réduit le nombre de contacts nécessaires pour
chacune des faces. Le grossiste était donc initialement l’acteur biface de la triade. Il permettait
l’échange de produits et d’informations au sein de la triade. Ce n’est plus aujourd’hui le seul

139
acteur biface puisque de plus en plus l’industriel cherche à entrer en contact directement avec
le client pour échanger de l’information.

Toutefois, le grossiste est encore un acteur qui permet de concentrer les contacts sur un nombre
réduit d’entités entre n industriels face à n professionnels et particuliers sur la partie de l’offre.
C’est une vraie valeur ajoutée apportée par le négoce pour les autres membres comme pour
l’industriel : « Mais effectivement le fait d'avoir un point de vente qui centralise les commandes
de X menuisiers aux alentours ou particuliers parce qu'il n'y a pas que des menuisiers, mais
des particuliers. » (I4).

Les négociants ont d’ailleurs bien conscience de cette force, comme le montrent ces deux
témoignages de directeurs commerciaux : « Donc la concentration rassure l'industriel en face,
voilà, a contrario de ce qu'on pourrait le croire avec potentiellement une perte de, de puissance
de négo, mais la concentration rassure énormément. » (N6) et « Ça aujourd'hui un industriel
n'est pas adapté pour aller faire tous les, d'aller tourner chez tous les artisans, ça c'est le
premier point. » (N1).

Cela rejoint d’autres points, que nous allons présenter ci-après tel que le maillage territorial, la
complémentarité des produits vendus, etc. C’est en fait l’ensemble des services proposés par le
négoce à l’amont et à l’aval du canal de distribution (I5 « Leeee service dans sa globalité, l'offre
générale, voilà. » ou A2 « Bah le regroupement de pas mal de matériaux quand même. »).

Une autre mission, réduite par le temps (Dugot, 2000), est toujours assurée par le grossiste.
Dans ce cas, il s’agit du sourcing de produits à différents niveaux allant du local à
l’international. Le sourcing peut intervenir de manière a priori puisqu’il est nécessaire de
référencer l’ensemble des produits intervenant dans la construction : « Bah en fait y a la, avant
la distribution, y a la partie référencement c'est-à-dire à un moment donné le négoce doit faire
cette partie de sourcing en amont. De se dire pour chaque partie d'ouvrage, pour chaque partie
d'ouvrage je me dois de repérer, d'effectuer ce sourcing etc. De façon à proposer les produits,
la solution technique la plus adaptée, la plus évoluée » (N1).

140
Mais le sourcing peut également intervenir de manière a posteriori lors d’un besoin bien
spécifique du client : « Donc on est tellement proche d'eux depuis tellement longtemps en tant
que stockiste, qu’on sait très bien qu’ils influencent nos plans de stocks et nos plans de vente
d'ailleurs, puisqu'ils nous demandent souvent de trouver des produits exotiques dont ils ont
besoin parce que l'architecte leur met la pression. » (N11).

La logistique a une importance stratégique dans le succès ou l’échec des produits et services
(Paché et des Garets, 1997 ; Bonet Fernandez, 2008). Dans la gestion des flux logistiques, trois
principaux services permettent au grossiste d’apporter de la valeur ajoutée au sein du canal de
distribution et de la triade. Il est cependant difficile de toujours bien les dissocier. Il s’agit du
stock, de la livraison et du maillage via les agences.

Pour le stock, c’est une véritable force du négoce et une valeur ajoutée, aussi bien pour l’amont
que pour l’aval du canal de distribution (Tableau 19). Même si nous le verrons un peu plus loin,
celui-ci tend à être diminué par les négoces pour différentes raisons. Il est nécessaire d’avoir le
bon stock au bon endroit, au bon moment, ce qu’exprime très bien N4 : « Alors, la base, c'est
détenir les produits, donc le bon produit au bon endroit, enfin le stock quoi. Avoir le produit,
l'avoir en stock. ».

Tableau 19 : verbatim sur le stock

« […], le stockage, le, le, la mise à disposition de manière générale c'est-


Industriel I6
Stock à-dire le fait de l'avoir, de l'avoir dans les quantités qui vont bien. »
Artisan A2 « Donc d'où la force d'un négoce s'il a, il a du stock et puis […] »

Cela impacte donc les services de livraison et de maillage. Le stockage permet aussi de répondre
à une certaine désorganisation du client. Cette désorganisation peut être le fait du client
professionnel, mais également due aux aléas climatiques. Les chantiers peuvent donc être
décalés et il faut que le produit soit disponible au moment opportun. Cette notion de

141
désorganisation du client est assez marquée pour les négociants alors que les entreprises du
bâtiment se considèrent plutôt assez bien organisées (Tableau 20).

Tableau 20 : verbatim sur la différence de perception entre le négoce et le client sur son
organisation

Point de vue du négoce Point de vue du client


« Si on s'organise
« C'est-à-dire qu'aujourd'hui la chance qu'on a c'est
bien on y arrive. Si
que le, le, le, le négoce vient combler une partie de la
N7 A3 on est un minimum
désorganisation de nos clients et c'est pour ça qu'on
organisé on y
s'en sort aujourd'hui. »
Organisation arrive. »
des clients « Et le négoce dans son rôle aussi hyper structurant et
« Non, bah moi je
important c'est que le négoce est un stockiste. C'est-à-
suis assez organisé
dire qu'à un moment si j'ai mal préparé mes choses,
N10 A2 donc j'anticipe assez
mes choix, mes quantités, heureusement le négoce est
donc je demande bien
là et il va pallier à ma désorganisation de préparation
avant. »
de produit. ».

La notion de stockage n’est qu’une première étape « […] c'est-à-dire d'avoir les produits non
seulement de les connaître, de les stocker, d'accord, et de les distribuer. » N1. Le négoce doit
donc mettre en œuvre la promotion des produits et leur vente. Comme on le verra par la suite,
l’industriel intervient de plus en plus vers l’aval du canal afin de faire la promotion de ses
produits et de sa marque. Il existe également un phénomène de reprise de marchandises
inutilisées qui est assez développé. Ce phénomène est clairement mis en avant par les
entreprises du bâtiment comme A3 « Si j'ai du stock disons, s'il me reste 30 agglos sur le
chantier, je les ramène. Pourquoi je vais les stocker chez moi, le stock on en a parlé, ça coûte
cher. Vaut mieux que vous les stockiez-vous que moi. » ou « Mais la reprise de stock c'est
important oui. ».

Le négoce permet aux clients de déporter son stock, car eux-mêmes stockent de moins en
moins : « Et bon ils ont le même problème que nous, nous on a diminué nos stocks parce que
voilà ça un stock qui dort ça coûte très cher et voilà. » (A2). Ce fonctionnement existe aussi,
car le négoce joue un rôle de proximité que nous détaillerons juste après. L’ensemble des
acteurs ont conscience du coût que représente le stock et chacun essaie de le réduire à son
niveau, y compris les négoces. La question est posée de savoir si le négoce stocke moins ou s’il
a plus de produits à stocker. Il faut aussi voir que les grossistes ont travaillé sur la « gestion des
catégories » pour réduire le nombre de produits de leur portefeuille (Gadde, 2014). Cela se
142
traduit par une consolidation de la base des fournisseurs, ce qui accroît la dépendance des
fabricants envers le grossiste (Gadde, 2014). Quoi qu’il en soit, les clients professionnels
trouvent que le stock n’est parfois pas suffisant. Cette perception est également ressentie par
les industriels.

Tableau 21 : verbatim sur la diminution du stock chez les négoces

« Eh ben le stock, parce que il y en a, mais il n'y a pas pas suffisamment


A2
à mon goût quoi. »
« Bah après bon comment dire, on est, moi je trouve que c'est bien parce
que bon déjà y a du stock, mais des fois y en a pas assez. (Donc chez le
Diminution du Artisan
négoce) Oui, si tu veux aujourd'hui je trouve qu'il y a trop de produit qui
stock chez les A3
sont sur commandes, y a beaucoup. Dès qu'on rentre dans le technique
négoces
ou dans ce qui est un peu compliqué souvent on galère un peu pour
trouver, pour trouver vraiment. »
« C'est pas notre cas et puis enfin de toute façon le négoce se désengage
Industriel I5
de plus en plus du stockage donc heu dès qu'il peut aujourd'hui, […]. »

La diminution des stocks est une remise en cause de l’activité traditionnelle des intermédiaires
B to B (Giraud et Pardo, 2012). Si ce phénomène s’accentue, cela pourra remettre en cause tout
ou partie du rôle du négoce dans le canal de distribution, car cela peut être perçu comme une
diminution de sa valeur ajoutée auprès des artisans : « […] mais malheureusement ça ça nous
complique un peu la vie […]. » (I2) et de l’industriel : « […] mais c'est vrai que dans la relation,
dans l'équilibre de la relation bah quand le négociant ne joue plus son rôle de
stockiste/distributeur et que c'est, que c'est l'industriel qui stocke pour le négociant bah y a un
moment y a quelques négociants (industriels) qui vont se dire pourquoi je lui file de la marge. »
(I5).

Il faut également tenir compte de la typologie des produits qui vont du tournevis à la palette de
tuiles. Le négoce a une diversité de produits à stocker qui est assez élevée avec un référencement
qui tourne souvent autour des 100 000 produits pour un généraliste. Il y a donc des produits qui
sont toujours stockés et fabriqués au niveau régional et d’autres produits qui sont sur
commande. Cette variété de produits peut aussi expliquer les différents canaux d’achat. C’est
d’ailleurs une vraie réflexion au sein des négoces : N7 « […] je pense qu'il y a suivant, suivant
la nature des matériaux ou des matériels, heu, je pense que le marché évoluera dans les
quelques années à venir hein. C'est-à-dire que tous les produits qui sont volumineux,
pondéreux, heu, bah ceux-là les industriels auront du mal à se passer du négoce, heu pour le

143
reste, pour le reste je pense notamment à tout ce qui concerne les produits de libre-service,
l'outillage, l'électroportatif, etc. heu, je serai pas surpris qu'il y ait des avancées dans la matière
quoi. » et N1 « Bien évidemment je ne parle pas du fournisseur de cuve en béton qui pèse
3 tonnes. Mais le fournisseur de produits petits à valeur qui rentrent dans du carton ou de la
palette Europe, il peut se poser des questions quoi hein. Et donc si il shunte le négoce, il a 30 %
de marge en plus. La marge complète du négoce aujourd'hui entre la marge avant et la marge
arrière c'est environ 30. ».

Le stock reste un service différenciant comme l’explique le Directeur marketing d’un négoce
national : « Et quand pendant la crise en 2008, les grands négociants ont eu comme premier
réflexe parce qu'ils étaient managés par des technocrates de de d'améliorer leur rotation de
stock, de réduire les stocks pour des ratios financiers, et que nous on a pas bougé de stock, on
a pris des marchés parce qu'on avait plus de stock et que tout le monde l'a su tout de suite sur
le territoire. » N11.

Ce n’est pas le tout d’avoir « le bon stock », il faut encore l’avoir « au bon endroit » notamment
au vu de la variété et de la typologie des produits distribués. Le maillage territorial par des
agences est donc essentiel. Il y a une combinaison stock-maillage à prendre en compte. C’est
également un service indispensable pour l’ensemble des membres, que ce soit pour
l’industriel ou pour le client professionnel.

Tableau 22 : verbatim sur l’importance du maillage territorial


« Y a le, y a la, le maillage, je pense qui fait, c'est ce qu'on disait tout à
I1
l'heure. »
Industriel « Et la mise à disposition avec la notion de quantité, de maillage
I6 géographique avec la notion, c'est vraiment le, le du coup la diffusion de nos
produits partout, tout le temps, en permanence. »
Maillage « Et pis autrement, bah moi on peut redire la proximité quand même, parce
territorial que c'est quand même important, tout le monde n'est quand même pas dans
mon cas d'avoir une agence à 3km même pas donc c'est déjà c'est énorme.
Artisan A2 D'où le moins de stock parce que voilà je sais que hein c'est important aussi.
Sûr que quelqu'un qui va être à en Haute-Marne et pis qui en a un qui est à 30
ou 40 km, il va peut-être un peu plus stocker ou pour éviter un peu plus. Alors
que moi c'est sur ma route quoi, quasiment tous les jours donc. »

144
C’est une vraie stratégie du côté du négoce, car il sait que cela répond à de vrais enjeux de flux,
notamment en termes de temps : N1 « Des points importants donc les stocks, la, la disposition,
quand je dis la disposition moi pour moi j'intègre le maillage de façon à ce qu'aujourd'hui en
fonction du territoire que nous ayons un maillage qui soit, il faut que le négoce ait un maillage
qui soit, qui soit adapté de façon à limiter les déplacements, les pertes de temps. ».

Cependant, ce maillage a un coût d’immobilisation, de foncier, face par exemple à des pure
players. Il faut également prendre en compte les horaires d’ouverture de ces points de vente
physiques qui peuvent être perçus comme une amélioration du service, comme en témoigne
notamment N10 : « […] dans les services sur lesquels je pense qu'on a une problématique avec,
aujourd'hui on a de plus en plus de difficulté de flux ce qui veut dire qu'on va sans doute demain
avoir à réfléchir aux horaires d'ouverture de nos agences hors flux. (Blanc) Ce qui va vouloir
dire qu'on va devoir aussi apporter des services pour de la préparation de commande jusqu'à
une certaine heure pour quelle puisse être enlevé le lendemain matin. ».

Mais cela permet de centraliser les flux en un même lieu, ce qui génère de la valeur comme
pour l’industriel I4 : « Donc est-ce que ça nous coûterait plus cher, j'en suis pas sûr. Est-ce
qu'on y perdrait en délai et en efficacité, oui. ».

Quoi qu’il en soit, le négoce est « […] un métier de territoire, de proximité, du dernier
kilomètre. » (N11). Ce qui nous amène au dernier service fort du négoce, c’est sa capacité de
livraison. La livraison intervient surtout sur des quantités importantes ou des produits
pondéreux : A1 « […] quand j'ai de grosses quantités j'essaie de me faire livrer ça m'évite, ça
me fait gagner du temps. » et A2 « Quand c'est un gros truc et pis qu'il y a de la place je fais
livrer par le service Doras mais autrement y a des fois, souvent c'est pas facile. ».

Puisque les entreprises du bâtiment ont des véhicules de type utilitaire qui leur permettent
d’aller chercher les matériaux directement chez les négociants, c’est ce qu’on appelle l’enlevé :
I3 « La deuxième c'est une question logistique, heu, la capacité de livrer du détail à nos clients
sachant qu'il y a une part d'enlevé en France qui est aussi importante. ».

145
Le coût de ce service est également un facteur important, puisque celui-ci est faible pour le
client ou du moins plus avantageux dans certains cas que d’enlever la marchandise. Les
montants des livraisons semblent être similaires d’un négoce à l’autre : A3 « […] c'est
important surtout au prix que ça coûte, je trouve que c'est pas. Quand je vois, bon moi je vois
une livraison sur Dijon ça me coûte grosso modo dans les 55 euros, heu pfff, 55 euros c'est
quoi, c'est 2 heures de boulot grosso modo mal payé c'est 2 heures de boulot. Bah tu sais le
temps que tu prennes ton camion, que tu ailles chercher tout. Là tu mets tout sur le camion, le
camion il est blindé, tu as tout. Moi je trouve que c'est bien, il te décharge, il met ça à l'endroit
où que tu veux. Moi je pense que c'est un plus. » et A1 « Parce que bon le Stoker est pas
excessivement chère en livraison. Et je me suis fait livrer 8 palettes d'agglos j'en ai eu pour 50
€ de livraison donc moi ça me paie largement une heure de travail. ». Ce service vient aussi
répondre à la désorganisation des clients, puisqu’elle doit s’adapter aux modifications de
commandes ou encore aux contraintes de temps des clients : A1 « J'étais livré assez rapide. J'ai
téléphoné le matin, le tantôt j'avais les agglos. ».

Les négoces veillent donc à posséder leur propre flotte de camions pour toujours apporter le
meilleur service possible. Cela nécessite donc des investissements conséquents pour toujours
avoir le bon outil de livraison comme l’explique N1 : « Y a des évolutions en termes de moyen
logistique hein qui nous permettent de livrer plus haut, plus vite, plus loin et plus, et plus
rapidement. ». Cependant, il n’en reste pas moins que ce service est polluant comme l’ensemble
du secteur du bâtiment : « On a une flotte de camions qui n'est pas du tout écologique. » (N12).
Le service logistique des négoces peut être perçu comme un service indépendant de type 3PL
(Third party logistics) ou 4PL (Fourth party logistics) pour certains clients (Filser et Paché,
2008 ; Filser, des Garets et Paché, 2012), c’est-à-dire qu’au-delà de l’offre produit, la logistique
du grossiste peut être mise à disposition des clients dans leur activité. Ainsi le client sous-traite
sa logistique au négoce. Elle peut également intervenir en complément de la relation directe
industriel – client, c’est-à-dire qu’une négociation directe a lieu entre le client et l’industriel
pour négocier les prix et les quantités à l’année, mais le stockage et le transport restent à la
charge du négoce.

146
Cette logistique est une vraie force pour les grossistes, car l’industriel ne sait pas faire de
l’unitaire, son unité de base étant la palette. Le grossiste est le seul capable d’approvisionner
un secteur atomisé de petits artisans (Filser, des Garets et Paché, 2012). Dans un certain nombre
d’autres secteurs, comme l’alimentaire, c’est le détaillant qui a pris en charge
l’approvisionnement alors que jusque dans les années 70, cela était une prérogative appartenant
aux industriels et aux grossistes. Cela a obligé les grossistes à revoir leur positionnement (Filser,
des Garets et Paché, 2012 ; Michel, 2016).

Tableau 23 : verbatim sur l’unité de base de l’industriel

« Nous on sait pas vendre un rouleau, on sait pas et on sait


Industriel I6
encore moins le livrer dans la banlieue de Dijon. »
« Y a l'approvisionnement en petite quantité, ça aujourd'hui un
N1 industriel ne sait pas faire d'accord, et ne veut pas faire
L'industriel ne peut pas d'accord. »
livrer unitairement « Aujourd'hui ils savent pas être stockistes pour les clients. Ils
chaque client sur de veulent bien faire du direct de temps en temps, mais quand il
Négoce
petites quantités N7 s'agit de, de rendre le service pour venir chercher une plaque,
trois rouleaux ou quelque chose comme ça, ils savent pas le faire
et ils veulent pas le faire. »
« L'industriel, il livre par camion complet, nous on a notre place
N6
pour redistribuer par plus petites zones. »

L’ensemble de ces services physiques de centralisation et d’éclatement à travers le stock, le


maillage et la livraison font des grossistes des acteurs indispensables comme l’exprime I2 :
« […] je vois pas comment on peu ne pas passer par un intermédiaire. Parce qu'on ne peut pas
vendre en direct. Y a une majorité, heu, de, de petits artisans donc ils ont pas, ils ont pas de
stockage, ils ont pas de heuuuu, qui n'ont pas heu ni moyens même financier parce que derrière
rentrer, nous on peut, on peut pas livrer de petites quantités, on ne sait pas faire. ».

Cette valeur ajoutée sur la partie des flux physiques se retrouve également dans la gestion, par
le grossiste, des flux financiers.

2.2.2.1.2 Le flux financier

Il convient de dissocier deux aspects dans la gestion des flux financiers par l’intermédiaire.
C’est tout d’abord la sécurité vers l’amont du canal quant à la garantie d’être payé et ensuite le
service de « banquier » qui est proposé aux clients.

147
Nous allons commencer par la gestion des flux financiers avec l’amont. Comme il l’a été
expliqué, le grossiste entre en possession et en propriété des marchandises (Filser, 1989 ; Dugot,
2000). C’est donc lui qui supporte le risque à la revente sur le stock qu’il a acheté. L’industriel
est payé par le grossiste et non par plusieurs petits clients. Ce phénomène de concentration
rassure les industriels (Tableau 24).

Tableau 24 : verbatim sur la concentration du paiement pour les industriels

I1 « Bon y a la sécurité des paiements puisque vous êtes des réseaux. »


« Alors le risque financier de plus en plus, la distribution en fait est
concentrée sur des groupes. Heu bien évidement le groupe Samse,
I2 après ça va être Comafranc, ça va être Point P. Donc ça ça
représente quand même, ces grands groupes où là y a pas, y a pas
Phénomène de
de risque financier dessus […]. »
concentration du
Industriel « Heu, le premier avantage c'est l'encours, c'est la quasi-certitude
paiement pour les
d'être payé. On le voit aujourd'hui, aujourd'hui heu on a, on a un
industriels I3
nombre d'entreprises qui sont en RJ ou même en liquidation
judiciaire particulièrement important. »
« […] à mon avis, derrière tout ça c'est, comment dirais-je, le
I4 confort financier. La prise de risque, c'est le négociant qui la fait
c'est pas nous. »

Le négoce joue ce rôle de concentration des paiements, puisque l’industriel ne fait qu’une seule
facture comme l’explique N1 : « […] le point plus important c'est le risque financier puisque
aujourd'hui on le voit bien nous, un industriel il préfère faire une facture complète où y a tout
un camion et y a quatre lignes dessus. Que si demain bah tout ce volume là ça fait pas quatre
lignes, mais ça fait peut-être 50 clients derrière dispersés dans tous les coins, certains vont
payer en espèces, des machins, le marché qui se tend et tout ça. ».

L’industriel surveille également le niveau de solvabilité des négociants. Si les groupes intégrés
ne posent pas de problème, il s’agit plutôt des indépendants et des coopératives qui peuvent
présenter des risques, I2 « Par contre on travaille également avec des négoces indépendants
qui peuvent être affiliés à une marque comme, comme BigMat ou Tout Faire. Par contre ce
sont des négoces indépendants et là effectivement bah y a des, y a des enquêtes financières qui
sont faites et on va gérer effectivement le contrôle du paiement, l'encours de ces dépôts. ».

148
Il existe des organismes d’assurance interentreprises comme EULER HERMES, anciennement
SFAC, qui assurent les clients jusqu’à un certain montant. Cette assurance va venir impacter les
relations entre les différents membres de la triade : « Je le disais en préambule, l'industriel si y
a de la SFAC, il va voir le client, si y a plus de SFAC, il va plus voir le client, nous on a notre
place. » N6. On voit bien que le niveau de solvabilité des clients a un impact sur son activité,
mais aussi sur les relations qu’il peut avoir avec les industriels et les négociants. Au cours du
dernier trimestre 2018, les procédures judiciaires à l’encontre d’entreprises du bâtiment ont
augmenté de 2,2 %. Les entreprises de la construction sont fortement touchées par le nombre
de défaillances depuis le deuxième semestre 2018. Cela est dû, entre autres, au ralentissement
de la construction de maisons individuelles86.

En plus de ce rôle de garantie, le négoce joue véritablement le rôle de « banquier » auprès des
clients. Et c’est un risque que les industriels ne veulent pas assumer et qui est pris par le négoce
comme l’explique N7 « […] ils veulent surtout pas être banquier quoi, ils veulent surtout pas
prendre le risque financier que nous on prend. ». Ce rôle de « banquier » se traduit par un
encours accordé au client. L’encours peut être parfois supérieur à la garantie assurée par la
SFAC. Cela signifie également que les clients peuvent retirer de la marchandise sans la payer
au moment du retrait, mais sous un délai défini : « Et puis comme je paie mes matériaux à 45
jours donc heu. » (A1). C’est un aspect important pour les clients professionnels, car eux-
mêmes ne sont pas toujours payés le jour de la fin des travaux : A2 « […] on a pas toujours des
clients qui payent dans la semaine ou les 15 jours après la facture donc heu. Moi je fais même
de la résistance parce que je suis un vieux, un vieux compte donc j'étais à 60 jours (ouai) heu
là je suis passé à 45 jours et je sais que les nouveaux comptes c'est 30 jours. ».

Ils peuvent donc générer de la trésorerie avant de payer les matériaux : A3 « Oui c'est mieux on
paie pas tout de suite on paie fin de mois ça nous permet d’engranger un peu d'argent, d'avoir
de la trésorerie et pour régler ses factures. ».

86
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/defaillance-d-entreprises-le-batiment-voit-rouge-les-travaux-
publics-revigores.2017185, consulté le 15/11/2019

149
Les délais de paiement de la marchandise peuvent devenir de vrais enjeux pour certains clients
comme l’explique A2 : « […] ouai je fais de la résistance parce que pour nous ça permet, en
tréso de, c'est plus facile à gérer quoi. On peut, on peut anticiper des, des demandes d'acomptes
sur de l'appro et puis voilà c'est, c'est plus facile. Parce que 30 jours c'est vite hein. Il suffit
que. ».

Cependant, les négociants surveillent les nouvelles stratégies en termes de facilité de paiement
que proposent d’autres acteurs comme les GSB ou les pure players : N11 « Donc et que
maintenant, avant il y avait l'argument de dire oui, mais le crédit client attention, on voit des
offres web de pure players aujourd'hui avec du 4 fois, 6 fois sans frais avec des solutions de
crédit online. ».

Le négoce est donc challengé sur les services qui font sa valeur ajoutée dans le canal de
distribution. Il y en a même certains où leur valeur ajoutée est remise en question notamment
sur la partie informationnelle.

2.2.2.2 Désintermédiation du flux informationnel

Il y a plusieurs raisons qui peuvent expliquer que l’industriel cherche à entrer en contact avec
le client professionnel et/ou final comme la perte de compétence du négoce dû à de forts turn
over des équipes, la multiplication des produits, leurs technicités ou encore la réglementation.
De plus, le digital permet d’entrer en contact directement avec les clients pour un coût qui tend
à diminuer. Il nous faut alors étudier ces deux phénomènes.

Le négoce ne semble plus assurer de manière efficace son rôle dans la transmission de
l’information, surtout vers l’aval du canal. Il arrive que les clients finaux soient mieux informés
que les artisans : A2 « […] on est pas toujours informé par le négoce sur les nouveaux produits,
les, donc des fois on est petit peu, ouai des fois on est devancé par le client un petit peu, ça
arrive. ».

150
L’information est plus facile d’accès, ce qui se répercute sur l’ensemble de la chaîne : N1
« C'est un peu cette évolution notamment avec le digital qui a accéléré les choses, j'ai besoin,
je, je prends quoi voilà. Et quand je prends et bien j'ai l'information sur, l'information complète
du, du produit, les caractéristiques, la technicité, l'utilisation, etc. Et je, j'en dispose. ».

Cette modification de l’accès heurte l’un des services qui était initialement dévolu aux
négociants. Il s’agit de la promotion des produits et de la marque. Ce constat est partagé par le
négoce qui reconnaît que sur « la promotion, on ne joue pas notre rôle, aujourd'hui le négoce
ne joue pas son rôle de promotion, en tout cas des nouveautés. » (N7). Il semble pourtant que
ce soit l’un des seuls services que le négoce puisse proposer à l’amont de son canal, ce
qu’explique très bien N7 : « […] là où on a un vrai rôle à jouer nous c'est, c'est dans la
promotion des produits, alors dans la mise en avant des produits que, qui sont proposés par les
industriels avec lesquels on va travailler. […] Mais oui, oui, oui on a, on a, les services qu'on
peut apporter à nos industriels ça va être principalement ceux-ci quoi enfin moi je vois pas
quels autres services on peut amener à nos industriels en dehors de, de la mise en avant de ces
produits quoi. ».

Finalement, c’est un service qui a été réduit par les négociants en raison aussi de l’augmentation
du nombre de produits, de leur technicité et de la réglementation. L’industriel a repris à sa
charge cette tâche comme le raconte I3 : « Ce que l'on voit nous aujourd'hui avec la, la structure
du marché avec le négoce en matériaux c'est que initialement on se disait leeeeeee, alors là je
parle il y a 50 ans en arrière, le négoce en matériaux va promouvoir notre marque. ».

Cela va également amener l’industriel à connaître de mieux en mieux les clients professionnels
et/ou finaux. Cette promotion et cette connaissance des clients vont passer par la mise en place
de différents outils/services physiques et digitaux par l’industriel que nous allons maintenant
présenter.

151
2.2.2.3 La gestion physique du flux informationnel

Les industriels ont mis en place des stratégies et des outils physiques pour répondre à cet enjeu
d’accès à l’information. Ils ont développé des parcours de formation (2.2.2.3.1), des clubs
d’entreprises (2.2.2.3.2) et des forces commerciales (2.2.2.3.3). Il est nécessaire de tirer des
enseignements de la gestion physique du flux informationnel (2.2.2.3.4).

2.2.2.3.1 La formation

Les industriels ont mis en place des parcours et des structures de formation pour les clients,
mais aussi pour le personnel des négoces. La formation est un outil pérenne dans une stratégie
de fidélisation des clients professionnels (Malaval et Bénaroya, 2013).

Tableau 25 : verbatim sur le parcours de formation des industriels pour les clients
professionnels et les négoces

« Alors après on a aussi des centres de formation. C'est-à-dire qu'on peut


voilà donc dispenser des formations sur des sujets bien spécifiques quoi, mur
I2
intérieur ..., donc on a des centres de formation avec des stages agrées, ça
Parcours de
Industriel c'est important, […] »
formation
I2 « […] alors aussi bien à destination du négoce que de l'entreprise. »
« Donc le centre de formation est également un service qu'on propose à nos
I6
clients négociants ouai. »

Les formations peuvent également avoir lieu dans une agence du négoce, on se retrouve ainsi
dans le cas où les trois membres de la triade sont présents en même temps dans un même lieu.
Les clients professionnels participent à ces formations pour monter en compétence et pour
s’approprier les nouveautés comme l’explique A2 : « Bah Velux, ils ont leur centre de
formation, hein donc on peut, pour les nouveautés, tout ça, pour parfaire dans la domotique,
tout ça, ils ont différents thèmes donc voilà. Mais par contre on paye ça. C'est payant, c'est des
prestas. » ou A4 « […] c'est grâce aussi à Siniat, ces, ces journées pros parce qu'en même
temps ils nous disent "pensez-y parce que ça va venir quoi". ».

Il existe différents types de formation. Elles peuvent être technique et donc s’attacher à la mise
en œuvre d’un produit ou d’une solution constructive. Mais elles peuvent aussi améliorer ou

152
étendre les compétences des entreprises dans d’autres domaines comme le commerce ou la
gestion et le management (Malaval et Bénaroya, 2013). Ce service, qui peut être payant, a
différents usages. Il aide, dans un premier temps, à former les membres du canal à utiliser des
produits de l’industriel. Dans un deuxième temps, cela facilite la promotion des produits de la
marque et favorise donc la création d’ambassadeurs. Si le client est formé à l’utilisation d’un
produit, il y a de fortes chances qu’il le mette en œuvre. Il ira donc dans les négoces qui vendent
ces produits. Dans un troisième temps, cela permet à l’industriel d’avoir des remontées terrain
des utilisateurs en direct et dans un environnement contrôlé. Les objectifs de la formation ne se
limitent donc pas à la pédagogie, c’est également un outil important de prescription et de
communication (Malaval et Bénaroya, 2013).

2.2.2.3.2 Les clubs

Les industriels ont également développé des clubs de professionnels comme l’entreprise d’I2
« Et après on a des relations privilégiées avec des ent, avec certaines entreprises qu'on appelle
chez nous des entreprises du club entreprise. ». Les clubs peuvent avoir différentes tailles allant
de quelques dizaines à plus de cinq cents membres.

Tableau 26 : verbatim concernant le nombre de membres des différents clubs


« Donc ça y a plusieurs en France, y en a entre 500 et 600
I2 entreprises où on va par exemple avoir un échange privilégié avec
Le nombre de ces entreprises. »
membres dans les Industriel « Hmmmm difficile, très très difficile, donc nous, on la présentait à
clubs I3 tous nos membres du club Siniat France donc c'est 250 entreprises à
peu près. »
I4 « Donc ça c'est un groupe, ils sont 700. »

Ces clubs ont différents objectifs qui sont regroupés dans le tableau 27. Ils permettent de
fidéliser les entreprises et d’en faire des ambassadeurs. Les utilisateurs intervenant dans ces
clubs participent également au développement des nouveaux produits. Ces clubs sont de
formidables outils au service de l’industriel dans une stratégie de co-création de produits et de
services entre lui et les clients. Dans la logique où c’est l’intermédiaire qui interagit directement
avec les utilisateurs, il est alors plus susceptible de concevoir une « offre supérieure » que
l’industriel (Gadde et Snehota, 2001). Cela n’est plus le cas ici.

153
Ces clubs permettent également à l’industriel de s’affranchir du négoce dans la promotion des
produits, la mise en relation avec les utilisateurs, mais aussi de décider de l’affectation des
affaires. Dans cette configuration, l’industriel devient une plateforme de mise en relation et a
le choix entre plusieurs faces pour transmettre les demandes des clients finaux qu’il capte
(notamment via les outils digitaux) entre le négoce et les clients de son club. La sélection des
entreprises dans le club lui permet de mailler le territoire national.

Cet industriel explique très bien la raison du club pour l’affectation des affaires qui a glissé du
négoce au client professionnel : I4 « […] attention quand je dis non, c'est à 80 % y avait
sûrement des âmes supers, des endroits des mecs supers qui, qui les géraient, qui les prenaient
à bras le corps et qui les menaient au bout. Mais dans beaucoup de cas on se rendait compte
que, moi les commerciaux relançaient "en disant tiens je t'ai envoyé madame Michu pour son
devis d'aménagement là, son dressing, tu lui as répondu. Ah ouai non, mais attend, non j'ai pas
eu le temps, j'ai appelé une fois, elle était pas là, après j'ai oublié". Enfin bon vous voyez les
trucs tombaient à l'eau et. ».

En parallèle, il y a encore des industriels qui transmettent l’intégralité de leurs affaires au


négoce, allant même jusqu’à générer une certaine dépendance, N6 « On a de plus en plus de
fabricants qui font un gros travail de prescription et j'ai moi des fournisseurs pour lesquels 80
voire même 90 % du chiffre d'affaires est amené par le fabricant. ».

Au-delà de cela, les clubs permettent de présenter des services annexes en dehors du périmètre
produit que peuvent proposer les industriels. La présentation des produits en avant-première
offre la possibilité aux entreprises qui en ont connaissance de programmer de futurs chantiers
avec ces innovations. L’industriel est passé dans une double stratégie de création et de mise en
œuvre de l’innovation. La création de nouveaux produits est à la fois d’origine interne, et donc
dans une stratégie de push, mais elle est également d’origine externe, avec les clients. Il s’agit
alors d’une stratégie de pull (Malaval et Bénaroya, 2013).

154
Tableau 27 : verbatim sur les différentes fonctions des clubs

« Et pis comme je fais partie du club pro Siniat donc j'ai, voilà. Bah
Fidélisation et
Artisan A4 Siniat veut également fidéliser ses clients depuis qu'ils ont changé
ambassadeur
d'entité en passant Siniat. »
« Donc on a un petit club pro voilà, on est pas nombreux, mais on
participe au développement, on participe aux nouveaux produits, on
Artisan A4 participe à notre, il nous demande notre avis sur les produits, sur ce
qui serait bien de développer, de pas développer, d'abandonner
même. »
« Donc eux, c'est eux effectivement qui vont dire bah tiens moi j'ai
beaucoup de contrainte aujourd'hui par rapport aux différentes
Développement de
règlementations thermiques, j'ai ces contraintes. Et donc chez nous
nouveaux produits I2
c'est les personnes du marketing qui vont venir et c'est suite à ces
échanges-là effectivement qu'on va, qu'on va avoir des comités de
Industriel
pilotage, ouai, pour, pour créer des nouveaux produits. »
« On lui demande d'être disponible une à deux journées par an pour
faire, une grande messe, une réunion d'information, on va leur
I4
présenter des nouveaux produits en avant-première et ils vont
également nous aider à développer des nouveaux produits. »
« On savait pas trop quoi en faire parce que c'était pas à nous de faire
du devis. Heu, bon précédemment on les renvoyait vers les négociants
et heu on s'est rendu compte avec le temps que les négociants
prenaient pas ou plus le temps ou n'avaient pas le temps de s'en
occuper de ces demandes qu'on leur envoyait. […] Enfin bon vous
Plateforme de voyez les trucs tombaient à l'eau et. Donc aujourd'hui on les envoie
Industriel I4
transfert de lead vers les Sogal Expert, donc le fait d'en avoir pris 700, ça nous à
permis de mailler le territoire. On voulait qu'ils soient assez espacés
des uns des autres pour pouvoir dire au particulier "si vous venez
chez nous, si vous voulez faire faire un devis, vous avez la possibilité
de vous faire installer votre dressing, votre truc par un Sogal Expert
qui est à moins de 30 km de chez vous. »
« Donc c'est à nous effectivement d'y aller petit à petit, on fait des
ateliers des fois sur les entreprises du club que je vous avais dit avant
et bah voilà pour les, pour, pour dire bah voilà on a ces outils-là qui
Industriel I2
sont à dispositions, heu, pareil sur le traitement des déchets, sur heu,
sur heu une multitude de services qu'on a en ligne, vous pouvez
Présentation de
consulter heu, nos, nos, heu, nos, nos outils BIM […]. »
services annexes
« Moi je le savais à l'avance si vous voulez donc c'est toujours
intéressant de savoir à l'avance que, des fois pour avoir des marchés
Artisan A4 on sait à l'avance qu'y va avoir un produit qui va sortir qui un va un
peu révolutionner le truc. Et la première année de la sortie, j'ai été le,
le plus grand utilisateur de plaque XL de France. »

Certains industriels n’ont pas de club à proprement parler, mais grâce aux données qu’ils
récoltent, ils ont su identifier des entreprises « fans » qu’ils sollicitent davantage que les autres.
Cependant, tous ont une force de vente qui s’adresse au négoce et au client professionnel.

155
2.2.2.3.3 La force commerciale

Les forces de vente des industriels sont très structurées avec différents niveaux clairement
identifiables : I5 « Enfin on a dans notre organisation nous interne, voilà, différents niveaux
d'interlocuteurs pour aller voir l'utilisateur. ».

Le premier niveau est la force de vente traditionnelle qui visite à la fois les négoces et les clients
professionnels. Le temps consacré par la force de vente à chacun des membres peut être variable
allant de 70 % négoce et 30 % client professionnel à du 50/50. Les forces de vente des
industriels sont complétées par celle du grossiste (Gadde, 2014). Cette structure permet une
nouvelle fois de capter de l’information, mais également d’en pousser auprès du canal de
distribution : I6 « […] le rôle bon voilà du délégué bah c'est aussi donc de porter les
nouveautés, donc aider le négoce à vendre, faire des formations. »

Le deuxième niveau est constitué de prescripteurs orientés vers les majors et les architectes
pour positionner les produits de la marque dans les appels d’offres. Leur objectif n’est pas de
vendre le produit physique, mais de faire du référencement. La prescription nécessite un apport
maximum d’information (Malaval et Bénaroya, 2013). Ils y sont vraiment dédiés pour que les
produits soient demandés dans les négoces par les clients, I4 « Donc le fait d'en avoir 25, leur
métier c'est d'aller voir du menuisier, du plaquiste, du constructeur de maisons individuelles,
du promoteur, de l'économiste, de l'architecte pour les prescripteurs et, et pour que les gens
viennent vous demander du Sogal. ».

Et le troisième niveau, qui n’est pas une force de vente à proprement parler, se compose de
professionnels qui viennent sur les chantiers pour aider les clients lors du démarrage d’un
chantier avec de nouveaux produits, A2 « […] si, ils peuvent avec un, avec une aide pour un
nouveau produit par exemple. Ils nous prêtent un gars ou pour un démarrage de chantier avec
un nouveau produit, ça oui. ». Ils peuvent également assurer des formations dans les centres
dédiés des industriels ou directement dans le négoce.

156
Cette stratégie joue donc dans les relations triadiques, puisque dans certains cas on se retrouve
simplement dans une dyade industriel-client professionnel dans un contact physique. Par
moment, cette relation peut être triadique lorsque le négoce est intégré dans le cadre de
formation ou de présentation au sein du négoce et des tournées duos (visite d’un client avec un
représentant du négoce et de l’industriel). Ce contact direct avec le client est devenu une vraie
stratégie de l’industriel, mais qui est relativement récente : I5 « On s'adresse aux utilisateurs
au travers de, de nos contacts qu'on a nous, ok, voilà, nos équipes de vente, nos techniciens,
nos commerciaux voilà, ont pour mission depuis maintenant quelques mois, deux années, voilà
d'aller au contact des utilisateurs, ok. ».

Il est cependant intéressant de relever que la vente et la facturation sont toujours faites par
l’intermédiaire. Une majorité d’industriels n’ont pas pour volonté de court-circuiter
l’intermédiaire pour vendre en direct comme l’exprime I1 : « Mais il est hors de question de
court-circuiter le distributeur donc la facture se fait toujours par le distributeur sauf que nos
promoteurs vont passer du temps avec vos équipes de vente pour aller voir les utilisateurs ou
les sociétés de construction, former, faire de la démonstration, expliquer, accompagner, […] ».

Cet aspect de proximité avec les clients professionnels permet à l’industriel d’avoir des
remontées terrain de manière régulière.

Tableau 28 : verbatim sur la proximité entre l’industriel et le client professionnel

« D'accord, c'est aussi pour nous un moyen d'avoir de l'information


Industriel I1
qui vient, quand je dis le terrain c'est la partie utilisateur. »
« Mais autrement oui, ils tournent avec et puis bah, bah moi comme
Proximité industriel
je travaille beaucoup avec les mêmes Terreal ou Imérys heu il s'est
- client A2
créé une affinité, même des fois ils passent me voir sans le
professionnel Artisan
commercial, voilà ou on s'appelle et tout. »
« Ça s'est presque une fois par semaine quand même si, une fois par
A4
semaine. »

C’est aussi une stratégie de promotion de la marque et des produits. Cela peut impacter le
référencement des négoces, puisqu’une marque forte qui serait absente d’un négoce peut lui
faire perdre du chiffre d’affaires et des clients. Encore une fois la promotion est un axe fort des
industriels, I3 « Parce qu'il a besoin que ses clients ils viennent chez lui parce qu'il travaille

157
avec Isover, avec Siniat, avec Velux, etc. Donc on a besoin aussi pour être attractif et attrayant
auprès des négociants en matériaux d'avoir des produits demandés et une marque demandée. ».

2.2.2.3.4 Conclusion

Cependant, il faut se poser la question du coût de l’ensemble de ces services physiques, car il
faut rappeler qu’ils étaient avant assurés en grande majorité par l’intermédiaire. Il est possible
de voir que le fournisseur passe dans une optique de services avec la gestion de la relation client
(Roveillo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).

Tableau 29 : services physiques développés par les industriels dans la gestion du flux
informationnel

Information Négociation/Commande Promotion


Flux/Intérêt
Connaissance de Visibilité Remontée
Génération de leads Prescription
l'utilisateur final produit/marque terrain
Canal/Services
Formation X X X X
Physique Club d'entreprise X X X X X
Force commerciale X X X X

Il est tout de même nécessaire de tempérer les propos précédemment tenus puisqu’il semble
que certaines activités soient moins portées sur la relation directe. En effet, les deux maçons
interrogés n’ont pas de contact avec les industriels dont ils utilisent les produits. Il y a peut-être
une distinction à chercher au niveau des activités de gros œuvre, de second œuvre et de
troisième œuvre. Les industriels seraient moins présents sur la partie gros œuvre. De plus, la
majorité des industriels sont des structures de taille conséquente, souvent en position de leader,
avec des moyens financiers importants. Ils peuvent communiquer davantage auprès des
différents acteurs du canal de distribution. Ces moyens leur permettent également d’interagir
de manière directe avec les clients professionnels. Les industriels moins importants n’ont pas
les mêmes moyens et sont donc plus dépendants des intermédiaires pour promouvoir et vendre
leurs produits.

158
Nous avons vu les services physiques qu’avaient mis en place les industriels pour reprendre la
main sur le flux informationnel au sein du canal. Mais comme il l’a déjà été dit, l’industriel est
un acteur omnicanal et à ce titre il utilise également les canaux digitaux pour pousser et
récupérer de l’information : I3 « Et par plusieurs canaux, alors ça va être, heu, le canal digital
par exemple, heu, enfin ça peut être du média, du hors-média. Ça peut être, ça peut être
plusieurs points de contact hein, les commerciaux, etc. ».

2.2.2.4 La gestion digitale du flux informationnel

Le digital est de plus en plus un canal qui permet à l’industriel de capter de la donnée en
provenance de l’aval du canal, mais également de mettre en avant de l’information comme des
offres commerciales : I5 « […] on a des, même pour aller maintenant au-delà des contacts, des
offres-là qui leur sont dédiées toujours au travers du digital, bien souvent à travers du digital. ».

Comme nous l’avons présenté précédemment, nous n’allons pas rentrer dans le détail de
l’utilisation du digital pour le contact, mais nous allons plutôt présenter les différents outils que
l’industriel peut mettre en place d’un point de vue digital. Il est possible d’en lister plusieurs
comme les vidéos (2.2.2.4.1), les applications ou logiciels (2.2.2.4.2), les réseaux sociaux
(2.2.2.4.3) et les sites Internet (2.2.2.4.4). Ces apports méritent un conclusion (2.2.2.4.5).

2.2.2.4.1 Les vidéos

Les vidéos réalisées par les industriels servent principalement à présenter ou à expliquer le
fonctionnement et la mise en œuvre des produits. C’est un vrai vecteur d’information et de
promotion qui est très suivi par les industriels, bien qu’il soit plus délicat d’identifier le public
touché comme l’explique I6 : « On a une chaîne YouTube qui est beaucoup visitée. Et d'ailleurs
c'est la chaîne YouTube et c'est le, c'est tout notre univers, et là du coup, bah du coup on sait
moins identifier quel est le pro quel est le part, mais du coup tous types confondus on a, on a 3
sites, on a 2 sites Internet et une chaîne YouTube, les 3 font 5 millions de visites par an
cumulées, ce qui est important. ».

159
Les clients professionnels consultent ces contenus afin d’augmenter leurs compétences ou
lorsqu’ils ont une problématique, A3 « Ça m'est arrivé, ça m'est arrivé quand je connaissais
pas le produit, oui ça peut m'arriver. Quand je connais pas un produit et que bon, je suis comme
tout le monde, après je regarde un peu comment ils font. Je regarde plusieurs vidéos parce que
bon. Mais ouai ça m'arrive, ouai, ouai. ».

2.2.2.4.2 Les logiciels et applications

Les industriels développent différents types d’applications allant de la médiathèque de produits


comme « L’intégrale Placo » à l’application de réalité augmentée comme « MyDayLight »,
« Wood Designer by Silverwood » ou « Sogal Configurateur » dont parle I4 : « Si on a le
configurateur déco, qui est disponible sur, sur les deux d'ailleurs Android et Apple. ».

Nombre d’entre eux donnent également des prix publics comme « Wood Designer by
Silverwood » ou « Bosch Toolbox : boîte à outils pour professionnels ». Ces outils digitaux
permettent à l’industriel de capter énormément de leads ou d’affaires qualifiées sous forme de
devis comme l’explique I4 : « J'ai plus de mal à le quantifier là très honnêtement, j'ai pas les
données, mais heu (blanc) ce qui y a de sûr ce que y en a, le nombre de devis, le nombre de
devis qui est réalisé sur les, sur les, sur les accès, sur les accès des menuisiers est très important.
On a un gros taux de devisage qui se fait, qui se fait là-dessus. Par contre je n'ai aucune donnée
sur le, sur les chiffres. Eux par contre ne peuvent pas passer de commande hein, ils peuvent
faire que le devis. ».

Cette récupération des affaires par les industriels déséquilibre le partenariat, car elle a tendance
à créer une dépendance des négociants auprès des industriels. Le partenariat passe d’offres
produits aux offres de types services et solutions (Bêche, 2008). Ces changements poussent les
industriels à construire des partenariats de plus en plus étroits et structurés allant jusqu’à des
contrats de type « partenarial » avec de nouveaux droits et devoirs pour chacune des parties
(Bêche, 2008). En reprenant la segmentation de Bêche (2008), il est possible de classer les
négociants dans le segment 2 ou « suiveurs ». Il existe une bonne convergence relationnelle,
mais une faible convergence stratégique. Les distributeurs sont orientés sur les produits et sont
fidèles. Mais comme le montrent les verbatim, les stratégies divergent, ce qui pousse l’industriel
160
à prendre les choses en main en développant de nouveaux outils et services. Pour les grossistes,
l’objectif pourrait être de passer dans le segment 4 des « partenaires clés ». Ce segment offre
une bonne convergence stratégique et relationnelle. Le grossiste est alors un challenger sur son
marché avec une bonne capacité logistique et développe une stratégie de différenciation
marketing fondée sur la valeur ajoutée apportée. Ce segment permet d’obtenir les meilleures
performances.

Il est légitime de se poser la question de l’intérêt de ces applications. Les clients professionnels
interrogés n’en utilisent pas dans le cadre de leur activité professionnelle. De plus, comme le
montre le tableau 30, peu d’applications dépassent les 50 000 téléchargements. Le taux de mise
à jour de ces applications montre également que certaines d’entre elles peuvent ne plus paraître
à jour. Et les notations sont souvent inférieures à 4 étoiles. Au début de l’année 2019, trois
applications ont été publiées dont une qui concerne un club. Cette utilisation disparate des
applications est un axe d’amélioration pour les industriels, I6 « Donc on fait des outils, on fait
des outils, mais dont je suis pas encore complètement convaincu de l'efficacité. C'est des trucs
hyper intéressants, hyper sympa, qui mériteraient d'être poussés un peu plus pour le coup tous
autant qu'on est, d'en, d'en parler un peu plus. ».

161
Tableau 30 : applications des industriels sur Google Play (recherche effectuée le 21/09/2019)
Nombre de Date de Date de
Industriel Nom Note
téléchargement sortie dernière maj
Convention Sogal Expert
Sogal / 13/08/2019 13/08/2019 /
2019
Prise de cotes menuiseries
CAIB 100 ou + 21/12/2018 03/06/2019 4.2
CAIB
Knauf Knauf Industries 100 ou + 04/03/2018 12/03/2018 /
Wood Designer by
Silverwood 100 ou + 21/11/2017 09/01/2019 4.9
Silverwood
Parexlanko Parextech 100 ou + 27/09/2017 16/11/2018 /
CAIB, Configurateur
CAIB 100 ou + 17/07/2017 14/05/2019 /
Fenêtres et Portes PRO
ISOVER La laine ISOVER 100 ou + 06/03/2017 22/03/2017 /
BOSCH Bosch TrackMyTools 1 000 ou + 20/06/2019 18/12/2019 3.3
Weber Weberdesign 1 000 ou + 04/11/2017 10/10/2018 1.5
Placo Placo dBstation 1 000 ou + 13/06/2017 13/06/2017 1.4
Makita Makita Timer 1 000 ou + 27/09/2016 27/09/2016 4.0
Knauf Knauf TopView 1 000 ou + 26/04/2016 16/01/2018 4.4
Makita Makita Industry 1 000 ou + 06/03/2015 17/07/2015 3.6
ISOVER Optima Murs 1 000 ou + 04/11/2014 04/02/2015 /
Placo Livraison Chauffeur Paco 1 000 ou + 07/11/2013 14/06/2019 3.0
VELUX ACTIVE with
VELUX 10 000 ou + 03/07/2018 28/05/2019 3.8
NETATMO
VELUX Luxmetr 10 000 ou + 25/10/2016 06/01/2016 3.6
Placo L'intégrale Placo 10 000 ou + 26/01/2015 17/01/2019 3.9
Knauf Guide du bricolage Knauf 10 000 ou + 12/02/2014 14/06/2016 3.4
VELUX VELUX Roof Pitch 10 000 ou + 17/09/2013 28/10/2013 3.2
Makita Makita Mobile Tools 1 000 000 ou + 05/11/2013 06/12/2017 3.6
BOSCH Bosch Toolbox 1 000 000 ou + 31/01/2012 27/08/2019 4.5
Parexlanko ParexKonso 500 ou + 15/03/2018 15/03/2018 /
CAIB, Configurateur
CAIB 500 ou + 17/07/2017 20/05/2019 4.5
Fenêtres et Portes
Sogal Sogal Configurateur 500 ou + 21/05/2014 22/03/2017 2.8
Mapei Mapei m. FR 500 ou + 12/04/2013 27/06/2016 /
Mapei Mapei App 5 000 ou + 16/04/2019 20/09/2019 4.6
Lafarge Guide du Négoce 5 000 ou + 20/01/2016 22/01/2019 4.7
Makita Makita Tools 5 000 ou + 12/01/2016 04/11/2015 3.8
VELUX MyDaylight 50 000 ou + 16/10/2018 16/08/2018 2.9
Bosch Levelling Remote
BOSCH 50 000 ou + 31/03/2017 04/02/2019 3.9
App
BOSCH Measuring Master 50 000 ou + 01/08/2016 27/11/2018 3.1
Siniat no
Diager No
Mondelin no

Du côté des négoces, ce n’est pas mieux. En se basant sur le top 100 des négoces
multispécialistes 2019 de Zepro magazine, sur les 25 négociants challengés, 13 n’ont pas
d’application. Les applications des négociants sont principalement orientées vers la vente avec
accès soit au catalogue de produits soit aux différentes brochures promotionnelles. Il faut
relever que les enseignes du groupe Saint-Gobain, aussi bien industrie que distribution, sont
bien représentées et plutôt efficaces.

162
Tableau 31 : applications des négociants sur Google Play (recherche effectuée le 21/09/2019)
Nombre de Date de Date de
Négoce Nom Note
téléchargement sortie dernière maj
BigMat My BigMat 100 ou + 30/11/2018 19/07/2019 /
Bois et Matériaux PROgramme 100 ou + 12/09/2019 12/09/2019 /
Groupe Samse Simc 100 ou + 15/05/2019 15/05/2019
Partedis Partedis Express 100 ou + 13/08/2019 12/09/2019 /
Ma carte de
Gedimat 1 000 ou + 24/06/2015 19/10/2018 3.4
fidélité Gedimat
Groupe Samse Samse 1 000 ou + 05/01/2015 07/08/2017 /
Generation
Point P 1 000 ou + 29/04/2018 10/07/2019 4.8
Artisan
Chausson-
Chausson 10 000 ou + 06/03/2014 11/07/2019 4.0
Matériaux
Point P Point P 50 000 ou + 14/10/2010 17/04/2019 4.3
La Plateforme du La Plateforme du
500 000 ou + 16/10/2012 11/06/2019 3.5
Bâtiment Bâtiment
Groupe Samse Doras
Groupe Samse M+
Asturienne no
Bricoman no
CCL Comptoir
commercial du no
Languedoc
Chavigny no
Décoceram no
Dispano no
Girardon no
Groupe Quéguiner no
SIG no
Tanguy no
Tout Faire no
Union matériaux no
VM Matériaux no

Les applications servent donc plutôt à transmettre de l’information. L’un des industriels (I5)
s’en sert pour distribuer des offres de remboursement à l’intention des utilisateurs : « Et en plus
de ces offres-là on a des, des offres purement dédiées aux utilisateurs qui vont sur des applis,
donc toujours sur le digital, qui vont sur des applis, heu, pour pouvoir bénéficier des offres de
remboursement ou heu des chèques découvertes enfin voilà. ».

Il y a donc peu d'applications des négociants sur les apps stores et jusqu'à récemment seul un
petit nombre de sites était responsive. Ce n’est plus le cas aujourd’hui avec le Mobil First de
Google qui a forcé les acteurs à modifier leur stratégie. Pour l'essentiel, ce sont soit des
applications e-commerce (Point P ou Chausson Matériaux) ou de base de données produits

163
Samse. Les applications B to B rencontrent moins de succès que celles développées par les GSB
comme Castorama ou Leroy Merlin. La faible utilisation de ces outils par les négociants
pourrait s'expliquer en partie par le nombre d'applications fournies par les industriels comme
Bosch (35) ou Isover (18). Il peut être pertinent de s’interroger sur la cible visée par les
applications des industriels : les commerciaux internes ou externes, les clients professionnels
ou les particuliers.

2.2.2.4.3 Les réseaux sociaux

La piste de l’usage des réseaux sociaux a été suivie à la suite d’une remarque d’un des
répondants, à savoir I5 : « On a des utilisateurs au travers des réseaux sociaux évidemment,
voilà. ».

Nous avons donc décidé de regarder un peu plus dans le détail sur un échantillon de pure
convenance. L’usage des réseaux sociaux se concentre sur trois principaux à savoir LinkedIn,
Facebook et Twitter. En effet, nous avons pris une sélection d’industriels du bâtiment (dont
ceux interrogés lors de la phase qualitative). Nous avons regardé leur présence sur les réseaux
sociaux et entré les données dans le tableau 32. Nous avons limité notre choix aux principaux
réseaux sociaux que sont Facebook (44,9 millions de visites uniques par mois), Instagram (25
millions de visites uniques par mois), Twitter (15,7 millions de visites uniques par mois),
LinkedIn (13,5 millions de visites uniques par mois) et Pinterest (12,4 millions de visites
uniques par mois)87.

87
Source : https://www.blogdumoderateur.com/50-chiffres-medias-sociaux-2019/, consulté le 21/09/2019

164
Tableau 32 : présence des industriels sur les réseaux sociaux (date de sélection des données le
21/09/2019)

2019 LinkedIn Facebook (aime) Pinterest Instagram Twitter


Sogal 595 792 44 non 78
BOSCH (groupe Facebook) 246 571 230 1289 3 213 21 700 9 343
Mapei 2 179 863 5 695 265
CAIB 816 non non non non
VELUX (groupe USA Facebook) 44 213 83 2446 non 23 000 2 426
Parexlanko 2 055 6 229 non 58 non
Knauf 36 935 25 619 non non 2 907
Silverwood non 16 017 non non non
Weber 35 367 27 677 non non non
Placo 7 241 8 802 10 non 1 585
ISOVER 1 657 1 176 non 123 2 356
Makita 700 5 385 non 779 41 000
Lafarge 5 728 8 497 950 1 469 29 200
Siniat 8 113 1 137 non non 534
Diager 590 686 non 1 819 non
Mondelin 83 non non non non
Total 392 843 323 6615 4 222 49 643 89 694
Hors Facebook Bosch et Velux 102 088

Nous retiendrons les chiffres Facebook sans Bosch et Velux, car ce sont des pages
internationales et elles faussent la représentativité de ce réseau social. Si l’on regarde la
représentativité de chacun des réseaux sociaux sur l’échantillon, c’est LinkedIn qui arrive en
tête avec 62 % de l’audience. Il est tout à fait logique que ce réseau arrive en première position
puisque c’est le principal réseau social B to B.

Tableau 33 : total sur l’échantillon retenu et représentativité de chaque réseau social (date de
sélection des données le 21/09/2019)

Classement 2019 Total Représentativité


LinkedIn 392 843 62 %
Facebook 102 088 16 %
Twitter 89 694 14 %
Instagram 49 643 8%
Pinterest 4 222 1%
Total 638 490 100 %

Il est également intéressant d’aller voir du côté des négoces leur présence sur les réseaux
sociaux. Nous avons comparé le nombre d’abonnés et/ou le nombre de personnes qui aiment
(like) la page entre 2017 et 2019. L’échantillon a été sélectionné parmi le top 100 des négoces
de France selon ZePro magazine et Négoce magazine.

165
Linkedin Linkedin Facebook Facebook Pinterest Pinterest Instagram Instagram Twitter Twitter
Enseigne Evolution Evolution Evolution Evolution Evolution
2017 2019 2017 2019 2017 2019 2017 2019 2017 2019
BigMat 2422 4884 102% 878 1529 74% non non / 483 3254 574% Non 284 100%
Denis Matériaux 2 239 11850% 147 173 18% 6 0 -100% non non / 173 178 3%
Batiland 40 non / 956 1406 47% 1 non / 44 non / 24 26 8%
Tout Faire 159 535 236% 536 862 61% non non / 169 244 44% 98 137 40%
Point P Matériaux 6038 0 -100% 18594 19759 6% non non / non non / non non /
La Plateforme du
3058 5283 73% 26 non / non non / 13 149 1046% non non /
Bâtiment
VM (Hérige) 2393 2950 23% 2115 4043 91% 69 0 -100% 716 1397 95% 400 486 22%
Doras 854 1796 110% non non / non non / non non / non non /
M Plus non non / Rien non / non non / 129 non / non non /
Samse 6163 9052 47% 18454 25348 37% 120 186 55% non non / non 757 100%
Gedimat (Gedex) 155 287 85% 1761 4041 129% 13 21 62% non 71 100% 129 3431 2560%
Chausson Matériaux 2679 4136 54% 1158 1374 19% 1 1 0% non non / 423 476 13%
Lariviere non non / non non / non non / non non / non non /
Litt Diffusion 324 432 33% non non / non non / non non / non non /
Costamagna
189 273 44% non 10 100% non non / non non / non non /
Distributon
Groupe
292 495 70% 150 333 122% non non / non non / non non /
Chavigny/matériaux
Groupe Tanguy 1073 1847 72% 9621 9556 -1% 381 516 35% 572 720 26% 316 317 0%
Philomat/ Pillaud +
2 326 16200% 1 743 74200% non non / non non / non non /
Bataille Matériaux
Union-Matériaux 498 750 51% 2113 2297 9% 1 1 0% non non / non non /
Réseau Pro Bois &
non 2403 100% 58 63 9% non non / non non / 44 non /
Matériaux
Panofrance non non / 5 52 940% non non / non non / non non /
Artipôle non 91 100% 1761 2024 15% non non / non 24 100% non non /
Acem non non / non non / non non / non non / non non /
Arba non non / non non / non non / non non / non non /
26341 35779 36% 58334 73613 26% 592 725 22% 2126 5859 176% 1607 6092 279%
Tableau 34 : présence des négoces de matériaux sur les réseaux sociaux entre 2017 et 2019

166
Tableau 35 : total sur l’échantillon retenu et représentativité de chaque réseau social
2017 2019 Taux évolution Représentativité 2019
Facebook 58 333 Facebook 73 613 25 % 60 %
LinkedIn 26 341 LinkedIn 35 779 35 % 29 %
Instagram 2 126 Twitter 6 092 279 % 5%
Twitter 1 607 Instagram 5 859 176 % 5%
Pinterest 592 Pinterest 725 22 % 1%
Total 2017 88 999 Total 2019 12 2068 37 % 100%

Cette comparaison permet de mettre en avant différents points. Tout d’abord, c’est sur
Facebook que les négoces sont les plus suivis. Il est pertinent de se demander si la cible
recherchée est le professionnel ou le particulier ou si les entreprises du bâtiment sont plus
présentes sur Facebook que sur LinkedIn. C’est ce que laisse penser les remarques de N12
(Responsable marketing digital d’un groupe national) : « Et qui en fait va avoir une
consommation digitale différente, c'est-à-dire dans le sens où vu que souvent c'est les
entrepreneurs, ils sont, ils vont le perso et le pro se mélange. Donc heu, moi je le vois beaucoup
sur la page Facebook, heu, on a quand même 25 000 fans, onnnnnnn, (blanc). Les pros, heu,
se, se, enfin s'en, font de l'engages ou font de la, réagissent ou partagent des choses avec leur
profiles perso. » et « C'est-à-dire on va trouver beaucoup d'architectes, de bureaux d'études
sur LinkedIn. Nos clients, c'est pour ça que nous on fait le choix de rester que sur Facebook
heu et YouTube. Parce que pour avoir testé, pour avoir vu, heu, nos clients, ceux qu'on veut
toucher et ceux que potentiellement on pourrait toucher, la communauté Samse est sur
Facebook contrairement à ce qu'on pourrait penser, ils sont sur Facebook. Et ça se justifie à
chaque fois hein dans les jeux concours, dans les, dans les interactions qu'on a avec eux. Heu
on a des demandes de devis sur Facebook, […] ».

Facebook et LinkedIn sont les réseaux où les négoces sont les plus présents en nombre puisque
sur 24 négoces, 18 sont présents sur LinkedIn et 17 le sont sur Facebook.

D’autre part, ce sont des réseaux comme Twitter et Instagram qui progressent le plus entre 2017
et 2019 avec respectivement +279 % et +176 % alors que dans le même temps, ils ne
représentent que 5 % des réseaux sociaux suivis. Cependant, le nombre de négoces présents sur
ces réseaux n’a pas changé : 9 sur Twitter (+ 1) et 7 sur Instagram. La communication sur ces
réseaux a donc dû être plus dynamique. Les réseaux sociaux restent principalement des vecteurs

167
d’information descendante et de style plutôt institutionnel (offre d’emploi, sponsoring, presse,
etc.).

2.2.2.4.4 Les sites Internet

Le site Internet intervient principalement en avant-vente dans un usage de e-Marketing. Il


permet d’attirer les clients au travers de quatre activités que sont la génération des leads,
l’éducation des prospects, l’information des clients et l’accumulation d’informations sur les
clients (Diviné, 2016). Le site Internet de l’industriel est un peu un « couteau Suisse » dans le
sens où il va permettre de pousser de l’information à la fois aux membres de la triade, mais
aussi d’en capter notamment via les prises de contact. Le site peut être vu comme une grande
médiathèque où l’industriel va pouvoir mettre à disposition l’ensemble des informations qui
concerne ses produits. Le client peut avoir accès à une information riche et à jour (Malaval et
Bénaroya, 2013). Les entreprises du bâtiment passent par ce canal pour accéder aux données
techniques sur les produits.

Tableau 36 : verbatim sur la recherche d’informations sur les sites Internet

« Et tu vois mettre bon une entreprise qui a besoin du certificat ACERMI


tel ou tel produit parce qu'elle doit monter un dossier pour le contrôle ou
I6b si on lui demande bah tiens voilà j'ai besoin de l'ACERMI de tel produit
bon bah aujourd'hui c'est disponible sur le site. S'il maîtrise bien en 5 min
ou en 3 min il a tout de suite le document. »
Industriel « Alors on a, heu, si je reviens chronologiquement et bien évidemment la
Information première chose, le premier outil digital ça va être notre site, heu, le site
sur les sites placo.fr. Qui est un lien bah voilà pour, pour mettre en avant nos
I2
Internet produits, où on peut avoir de la, notre documentation qui est feuilletable
en ligne, il va y avoir également, heu, possibilité d'éditer des fiches
techniques de nos produits et ainsi de suite. »
« Oui, oui direct. Bah Internet oui on utilise aussi tout ce qui est PV des
choses comme ça. Tout ce qui est procès-verbaux quand on a besoin de,
Artisan A4
de caractéristique technique, oui bah de PV quoi, de procès. Donc ça on
les passe par Internet avec le site ça va bien ça. »

Cependant, l’information n’est pas toujours fiable ou accessible comme le révèle A3 : « Mais
c'est pas forcément sur leurs sites. En priorité, je vais sur leurs sites, mais bien souvent on
trouve pas et on va à côté. ».

168
En parallèle, les artisans continuent de rechercher de l’information de manière plus
traditionnelle soit en passant par les supports des industriels comme A2 : « Les supports papiers
oui, leur soit leur classeur ou leur. En général ils ont des beaux trucs bien fait donc. C'est, non
non moi honnêtement Internet peut-être plus la nouvelle génération, […] » soit en passant
directement avec le négoce comme A1 : « Je passe pas par des sites Internet. Je fais au plus
simple, je ne vais pas chercher moi-même l’information. Je demande au négoce et il me la
donne. ». Le site Internet ne s’inscrit pas encore dans une stratégie de Web to Store pour les
artisans.

Le site sert également pour la promotion des produits et des innovations : I4 « Alors aujourd'hui
principalement ça va être le site Internet. Heu je pense que c'est plus un outil là aujourd’hui,
c'est plus un outil de présentation de nos gammes de produits. ».

Le canal semble encore assez réfractaire au digital comme le montre très bien la remarque de
I6 : « Mais c'est vrai d'un point de vue, voilà, mais la relation commerciale, moi je, là aussi je
constate ça aussi de l'extérieur quand j'accompagne que ce soient les directeurs régionaux ou
même les délégués, je constate quand même que ça se fait beaucoup autour d'une table. ».

C’est l’aspect très humain du canal que l’on évoquait avant, ce qui se ressent dans l’usage,
encore faible, du digital, N7 « L'impact malheureusement il est aujourd'hui faible, enfin
malheureusement ou heureusement j'en sais rien, mais en tout cas il nous laisse le temps de
nous adapter un peu. Mais je pense que l'impact il est globalement assez faible hein. ».

La faible demande du client pour des outils digitaux ralentit la digitalisation des négoces comme
l’explique N6 : « Alors le secteur de la construction est à mon sens en retard principalement
(blanc) par le fait que y a pas eu l'impulsion client, encore. En clair, de tout temps, c'est le
client qui nous a piloté. Et, et, tant qu'on a pas la demande client, on ne fera rien, voilà. ».

Cette question se pose également du côté de l’industriel, I3 « […] qu'est-ce qu'on fait encore
de l'outil digital voilà de l'interface digitale. Est-ce qu'on continue à en faire ce qu'on fait

169
aujourd'hui c'est-à-dire de l'information et dans ces cas-là bah chacun y va par sa petite, sa
petite application hein. ».

Le négoce est vraiment perçu comme en retard sur la digitalisation à la fois par les industriels
(I5) : « Alors la distribution générale plutôt en retard, ouai voilà. Et heu, globalement plutôt,
plutôt très en retard, humm, ouai je vais même rajouter peut-être très en retard (rire). »), les
clients professionnels, mais également les acteurs du négoce (N5) : « Alors déjà c'est pas un
précurseur ça c'est sur je pense que c'est un follower, mais qui est encore un peu loin (rires) ».
Pourtant, dans le cadre du marketing digital, un site peut permettre la connaissance approfondie
du comportement du consommateur. Il est ainsi possible de développer des produits et services
personnalisés (Bressolles, 2016).

2.2.2.4.5 Conclusion

Quoi qu’il en soit, l’industriel est moteur sur le sujet de la digitalisation du canal de distribution.
Il a mis en place des outils et des stratégies qui lui permettent de partager et de capter
l’information sur les différents canaux, qu’ils soient digitaux ou physiques. Cela se reflète bien
dans la politique de communication de l’industriel, qui est orienté vers de multiples cibles des
différents intermédiaires du canal de distribution aux consommateurs finaux. L’industriel doit
conserver le contrôle de l’ensemble de cette communication et la cohérence du message entre
les différents points de contact. L’industriel est donc dans une logique à la fois de push vers les
grossistes, mais aussi de pull, c’est-à-dire qu’il met en place une stratégie d’attraction avec une
communication auprès du grand public, dans le but que le client final demande de lui-même le
produit, peu importe le distributeur ou le faiseur (Filser, des Garets et Paché, 2012). C’est l’un
des apports du digital : il permet une meilleure transmission de l’information tout au long du
canal de distribution pour le fabricant. Les outils digitaux sont également devenus des outils
d’aide à la vente pouvant renforcer la relation (Malaval et Bénaroya, 2013). On peut même voir
que cela va au-delà de la simple communication puisque l’industriel capte énormément
d’informations.

Ainsi, on peut mettre en avant un risque de désintermédiation partielle au niveau de la gestion


du flux informationnel, comme le montre cet extrait de verbatim de N7 : « […] aujourd'hui
170
l'industriel il a les coordonnées de nos clients, il sait à quel prix on vend ses produits, enfin bon
c'est, c'est. Ils ont de plus en plus la bonne connaissance. » et c’est une volonté affichée par les
industriels : « En revanche, voilà et pour faire un parallèle peut-être aux questions à venir,
voilà, on s'intéresse de plus en plus à l'utilisateur. » (I5). Il est possible de synthétiser les
différentes stratégies digitales dans le tableau 37. Une dichotomie peut être envisagée au sein
du flux physique (Bowersox et Morash, 1989). Dans un cas, il existe un canal de distribution
des produits toujours basé sur un circuit long avec des intermédiaires et de l’autre un circuit
direct sur le partage de l’information à l’ensemble des membres du canal.

Tableau 37 : services digitaux développés par les industriels dans la gestion du flux
informationnel

Information Négociation/Commande Promotion


Flux/Intérêt
Connaissance de Visibilité Remontée
Génération de leads Prescription
l'utilisateur final produit/marque terrain
Canal/Services
Vidéo X X
Application X X X X
Digital
Réseau social X X X X
Site Internet X X X X X

Il est donc possible de parler d’une intégration verticale de certaines fonctions des grossistes
par les industriels, qui peut s’apparenter à une forme de réintermédiation. Dans le cas présent,
il s’agit principalement du flux informationnel. L’industriel n’est pas la seule menace pour les
grossistes. Un autre type d’intégration verticale peut être étudié au travers des coopératives
d’artisans. Il est également possible d’identifier d’autres concurrents, plus ou moins présents,
comme les grandes surfaces de bricolage ou les plateformes numériques.

2.2.3 La concurrence des autres intermédiaires physiques et numériques

Dans le cadre d’une stratégie de désintermédiation, des artisans se sont regroupés sous la forme
de coopérative pour s’affranchir du grossiste dans les relations commerciales avec les
industriels (2.2.3.1). Ces coopératives, sans avoir pour le moment bouleversé les forces en
présence, sont selon nous, l’un des meilleurs concurrents aux négoces de matériaux. D’autres

171
concurrents sont présents sans pour autant être de véritables dangers comme les GSB (2.2.3.2)
ou les plateformes numériques (2.2.3.3). Nous apporterons une conclusion autour de ces
concurrents aux négoces de matériaux après les avoir présentés de manière successive (2.2.3.4).

2.2.3.1 Les coopératives d’artisans

Dans le cadre d’une intégration verticale des fonctions du grossiste, il faut parler des
coopératives d’artisans qui prennent un poids de plus en plus important dans le canal de
distribution des matériaux de construction. Les coopératives sont des regroupements d’artisans
à l’origine par métier puis qui se sont diversifiés avec pour missions de commander en direct
de grosses quantités aux industriels et offrir des services à forte valeur ajoutée aux artisans
adhérents. Un certain nombre de ces coopératives sont affiliées à l’ORCAB (Organisation des
Coopératives d’achat des Artisans du Bâtiment) créée en 199088. Elle fédère 7 500 entreprises
artisanales avec un chiffre d’affaires de 895 millions d’euros en 201989. Il y a encore des
secteurs d’activités qui sont sous-représentés dans les coopératives comme le gros œuvre et les
travaux publics. La coopérative réduit le nombre d’intermédiaires : A2 « Bah non parce que
Scabois fait négoce, je veux dire y a pas d'intermédiaire quasi. Ça arrive du fabricant et c'est
directement chez nous. ».

Le but clairement affiché par ces structures est de se passer de la dépendance vis-à-vis des
négociants aussi bien au niveau des tarifs de vente que du crédit client. N'importe quel artisan
ne peut pas entrer dans la coopérative. L’entreprise doit être proposée et son entrée doit être
validée par les autres membres. Il est également nécessaire de s’investir pour la coopérative.
A2 « Voilà faut faire vivre la coop, faut se servir à la coop, faut pis faut la faire vivre voilà
c'est, faut avoir l'esprit coopératif c'est le cas de le dire. ».

Chacun des membres a des parts dans la coopérative. La coopérative n’a pas de commercial,
les commandes sont passées sur un site. A2 « Mais nous on commande directement sur le site.
On a un site qui est très bien fait, qui marche 7 jours sur 7, 24h sur 24 et on va sur site avec un

88
Source : https://www.orcab.coop/qui-sommes-nous.html, consulté le 15/02/2020
89
Négoce Magazine (2019), Top 100 2019 Distribution bâtiment et bricolage

172
code d'accès où on a le stock de la plateforme, les prix, le prix est pour tout le monde pareil et
les quantités disponibles et on commande directement et après on demande la date de livraison,
tout ça et on est directement livré chez soi à la date voulue. ».

Il est quand même paradoxal de voir que les négoces proposent également les mêmes services
de commande en ligne et que ceux-ci ne sont pas utilisés alors que dans le même temps l’artisan
(A2) interviewé nous confie que « […] je fais des commandes le soir à 9 h ou le dimanche quoi
c'est, c'est, c'est moi je trouve que c'est révolutionnaire le truc. ». Il pourrait très bien faire la
même chose avec le négoce. Nous pensons que le relationnel humain et la proximité physique
qu’a su installer le négoce sont aujourd’hui le principal frein à sa digitalisation.

Le mode coopératif et l’absence d’intermédiaire offrent deux principaux avantages. Le premier


c’est un meilleur prix d’achat auprès du fabricant avec moins de coûts d’intermédiation et donc
un meilleur prix d’achat pour les artisans : A2 « Donc y a pas d'intermédiaire, qu'ils ont pas de
commerciaux et tout ça, ils peuvent tirer les prix et en sachant que la SCABOIS c'est l'ORCAB,
c'est national donc c'est 7000 artisans donc heu la puissance d'achat est énorme hein, on peut
dire, heu ORCAB est le premier acheteur par exemple Velux national. ».

Et le second, c’est la redistribution de remises arrière à l’ensemble des artisans de la


coopérative : A2 « Et un autre truc très important c'est que les BFA sont, contrairement à
Doras, Pagot Savoie et tout ça il se les garde pour lui. Nous les BFA sont reversées dans nos,
parce qu'on donne une, on achète des parts et elles sont reversées en pourcentage sur notre...
Donc ils se battent aussi pour ça donc c'est un gros avantage aussi. ». Il y a donc un aspect
financier très fort dans les avantages qu’offrent ces coopératives.

Mais ce ne sont pas les seuls avantages des coopératives puisqu’elles proposent également des
services annexes comme des salons où les artisans-coopératifs peuvent rencontrer les
industriels. Des formations sont également organisées qui peuvent être techniques : A2 « Bon
et on se déplace, mais on a on a des formations, on a des journées techniques avec des des
industriels. » ou bien sur des sujets annexes : A2 « Savoir vendre, amener ses clients, vendre à
ses clients tout ça. Donc c'est un petit peu pour nous amener la partie commerciale et tout. ».
173
Les coopératives s’équipent d’outils industriels A2 « Là ils ont acheté à comment à Bar là ils
ont acheté une K2 qui fabrique de la charpente, ils ont fabriqué des ils ont acheté des machines
qui fait du comment de l'aggloméré avec des trucs pour les champs pour faire de la cuisine, des
plans de travail et tous des. ». Elles sont donc dans une stratégie de diversification afin
d’augmenter le service à leurs membres.

Il est intéressant de voir que les coopératives sont un vrai sujet pour les négociants. Elles sont
perçues comme de vrais concurrents avec un potentiel de croissance.

Tableau 38 : verbatim sur la concurrence entre négoces et coopératives

« Non, non c'est un beau truc quoi donc et je pense que ça va ouai ça va
Artisan A2 prendre encore de l'ampleur. Et ça fait peur à tout, au négoce hein
d'ailleurs. »
La concurrence « Il faut qu'on ait une vraie veille dessus, il faut qu'on soit très attentif à
des coopératives ça de la même manière qu'il faut qu'on soit attentif aux, aux, aux
Négoce N7 coopératives. Il faut pas qu'on en ait peur, mais il faut qu'on, faut qu'on
soit attentif. Parce qu'il faut qu'on soit en capacité de, de répondre, voilà
de réagir. »

Encore une fois, le relationnel du négoce est une force qui empêche les clients de chercher
d’autres canaux de distribution, même pour les membres des coopératives, A2 « […]
honnêtement s'il n'y avait pas ce relationnel comme j'ai avec Doras, là je suis à on a eu les
chiffres il n'y a pas longtemps je dois être à je dois être à 30 % en coop et tout le reste, mais
s'il n'y avait pas ce relationnel là ça serait l'inverse hein. Ah oui oui, pis la Scab nous pousse
à, on a un peu un engagement et ils nous poussent à faire avoir un chiffre croissant quoi. ».

Cependant, c’est dangereux, car si c’est l’une des seules forces du négoce aujourd’hui, il se peut
que de nouvelles générations soient tentées par les coopératives : A2 « C'est pour ça que je dis
que c'est, les coop vont faire mal parce que le jeune qui va être moins relationnel, la nouvelle
génération, en plus c'est tout sur site et tout, ça va ouvrir des portes hein. C'est forcé. Parce
que moi je fais sûrement comme ton père l'ancienne génération on est très relationnel, très. »,
d’autant plus que les coopératives semblent être nées en partie sur les défauts du négoce. Ainsi
les coopératives ont continué à prospérer et à grandir sur la baisse de valeur ajoutée du négoce.

174
Tableau 39 : verbatim sur la naissance des coopératives

« Les coopératives en sont l'exemple. Quand elles se sont créées, c'est


clairement, y a eu une nécessité de palier à un manque. Et la coopérative que
j'ai vue moi émerger elle était créée sous 2 axes pour pallier à une diminution
de la disponibilité stock. C'est-à-dire à une politique outrancière de, de, de
gestion stock minimum bah on a généré des ruptures qui ont causé des retards
chantiers, donc du coup ça a posé problème à nos clients. Et là, le point le plus
N6 important, c'est le droit de vie ou de mort qu'on a sur le client avec l'ouverture
Faiblesse ou la fermeture en raison du crédit, voilà. […] C'est-à-dire qu'on a mis 4 tours
Négoce
du négoce de vis là où il fallait en mettre 2 parce que y a eu une sinistralité importante sur
une année. Et bah d'un coup on a, on a mis, on a mis le doute dans la tête de
nos clients et la crainte donc il a fallu qu’ils trouvent eux un palliatif à tout ça,
pour éviter de se, d'être, d'être trop interdépendant par rapport aux négociants
justement. »
« On voit bien avec, avec la SCABOIS ce que ça a fait hein, on les a un peu. La
N7 réussite de la SCABOIS aujourd'hui, heu, elle est surtout à l'image de notre
faiblesse à nous. Nous Doras mais pas que, mais en particulier Doras. »

S’il existe de réels risques de désintermédiation des grossistes traditionnels par l’intégration
verticale de ses fonctions de base, il existe également un risque de disparition par la concurrence
d’intermédiaires physiques et même numériques.

2.2.3.2 Les grandes surfaces de bricolage

Les grandes surfaces de bricolages (GSB) sont aujourd’hui des acteurs que surveillent les
négoces de matériaux. Elles peuvent même être perçues comme des concurrents, tout du moins
comme une menace : « C'est une menace, c'est ce que je te dis, c'est une menace. Mais
aujourd'hui on peut pas les considérer comme des concurrents à part entière. Oui c'est un
concurrent parce que c'est sûr aujourd'hui ils captent une partie de notre marché hein. » (N7).

En effet, les GSB ont su diversifier leurs services afin de se rapprocher des bricoleurs et des
artisans qui sont le cœur de cible des négoces. Certaines ont mis en place des forces
commerciales, des formations, le suivi de chantier et les facilités de paiement.

175
Tableau 40 : verbatim sur les services « pro » des GSB

« Et y a aussi un autre facteur qui est


la, je dirais la croissance et
l'importance que la GSB prend à date,
N4 Force commerciale
hein. Quand je vois Leroy Merlin, ils
ont mis des commerciaux sur la route,
voilà. »
Négoce « Ça te fait tout, comment les poser, ce
qui te faut, la quantité, si tu sais pas tu
prends ton cours le vendredi soir. Ils
N4 Formation font même des cours fille bricolage
Les
machin, 1 €, t'y vas, tu picole, tu
services
bricole, tout le monde est content, c'est
"pro"
génial (rire) non mais sans déconner. »
des GSB
« En sachant que les Leroy Merlin, tout
ça, sont de plus en plus pro hein. Leroy
Merlin ils ont carrément prit un mec,
un gars qui s'occupe de gérer les
travaux. Avec, ils ont, ils travaillent, ils
Artisan A2 Suivi de chantier
ont des entreprises qui travaillent pour
eux et ils s'occupent de gérer les
travaux et tout ça à condition que les
gens prennent les fournitures. Mais ça
c'est, c'est un truc énorme. »

Si la concurrence reste encore limitée comme l’exprime N7 « Aujourd'hui peu, on peut pas dire
que c'est pas un concurrent, mais en même temps on peut pas dire que c'est un concurrent super
virulent quoi. », cela peut s’expliquer par les forces du négoce qui se retrouve dans la proximité
avec l’ensemble des membres de la triade. Cette proximité peut s’exprimer à travers des
services physiques comme le maillage ou la logistique, mais aussi par la force de vente du
négoce qui est également un avantage par rapport aux GSB (Tableau 41). L’assortiment produit
peut aussi être un point de différenciation entre le négoce et la GSB. C’est un point qui est mis
en avant par les industriels et par les entreprises du bâtiment. Cependant, c’est un « atout » qui
devient de plus en plus difficile à maintenir et à justifier. Comme la concurrence n’est pas
encore rude, cette concurrence peut apparaître comme « une opportunité parce que je pense
que ils peuvent aussi faire mûrir le marché et nous obliger à avancer un peu plus vite. » (N7).

176
Tableau 41 : verbatim sur les forces du négoce face à la GSB

« Par contre aujourd'hui où nous avons


encore de l'avance et faut en profiter c'est le
maillage du territoire et la distribution. Voilà
N1 Logistique aujourd'hui des camions, heu, de la logistique,
tout ça, où aujourd'hui ils sont, ils sont à la
traîne, mais faut quand même être, être
vigilant […]. »
« Après le maillage oui évidemment, le
Négoce
maillage du négoce il est aujourd'hui
primordiale. Tu parlais tout à l'heure des
GSB, aujourd'hui un des gros avantages qu'a
Maillage
N7 le négoce c'est, c'est son maillage, heu le fait
territorial
d'être présent dans des petites communes de
300 habitants avec des agences qui font 1
Les million 500 mille euros avec 4 personnes, ouai
services du c'est, c'est, aujourd'hui un vrai atout. »
négoce « On a un représentant direct qui s'occupe de
Force
Artisan A4 vous. Vous allez en grande surface, vous avez
commerciale
personne d'attitré qui s'occupe de vous hein. »
« Il va faire quoi, il va cibler 4 références, la
BA13 en 2m50, 2m60, la plaque hydro en
2m50, 2m60, 4 produits. Et, et, et donc lui en
Industriel I2
fait il va, il va mettre le maximum d'effort
financier sur ces 4 produits et il va se
Assortiment rattraper sur les accessoires et compagnie. »
produit « Par exemple dans une gamme de Placo,
c'est ptre, chez Doras c'est Placoplatre alors
que chez Brico ça peut être une sous-marque
Artisan A2
ou un truc qui vient de l'est ou un voila alors
c'est pas les, après on retrouve vraiment des
produits de pro. »

Aucun des clients interrogés ne se sert de manière régulière dans une GSB. Le négoce reste le
partenaire privilégié des entreprises du bâtiment. Les GSB servent en cas de dépannage ou
lorsqu’elles se trouvent en proximité directe comme le montre l’exemple de A3 : « Comme
Brico Dépôt, ça m'arrive d'y aller, j'ai fait un chantier, j'ai fait le Sport 2000 à Quétigny, j'étais
à côté de Leroy Merlin, des fois il me fallait un coude, j'allais pas traverser tout Dijon pour,
j'allais à Leroy Merlin, j'achetais un coude, mais c'est ponctuel. ».

Du côté des industriels, il est possible d’identifier trois stratégies de présence chez les GSB. La
première permet de faire la promotion de la marque et des produits au travers d’un canal qui
touche principalement les particuliers. : I6 « On vend un peu à la GSB, effectivement, on est
présent en GSB pourquoi parce que le particulier il a aussi le réflexe d'aller en GSB. Il a pas
toujours réflexe hein d'aller c'est un négoce. Et ça fait partie du travail sur la force de la
marque. ». Les particuliers deviennent par la suite des prescripteurs de la marque auprès des

177
artisans, I6 « Il aura eu toutes ces informations-là en GSB et quand il va demander à un artisan
de lui faire des devis, l'artisan qui va lui dire "moi je vais vous mettre du Isover" il aura une
carte en plus que celui qui dit rien ou qui donne une autre marque. ».

La deuxième stratégie est d’être présent chez différents types de distributeurs, mais sous des
marques différentes comme l’explique I4 : « Alors GSB, nous on est présent en GSB, heu, mais
sous d'autres marques. ». Une marque est identifiée comme une marque professionnelle et est
vendue par les négoces de matériaux. Et d’autres marques sont créées à destination des
particuliers et sont vendues par des GSB, I4 « Oui, oui, oui, en GSB, ce sont d'autres marques
qui s'appellent Ideko et Icario. Heu qui sont même des, des marques qui sont différentes en
fonction de Leroy Merlin ou Castorama parce que les deux ne veulent pas le même nom de
marque […]. ». Les produits sont vraiment différenciants d’un canal à l’autre : I4 « […] donc
et les modèles, alors les marques sont différentes et les modèles sont de plus en plus distincts
de manière à ce qu'un client qui vient en négoce fait un devis en disant "Ah oui je veux ce
montant avec ce coloris avec ce truc", il pourra pas retrouver le même montant dans le, dans
le, en GSB. ».

Dans le troisième cas, l’industriel refuse de vendre en GSB, car ce canal est trop peu qualitatif
au vu du savoir-faire et de la technicité des produits, I1 « […] la GSB nous intéresse pas pour
le positionnement qualitatif parce qu'elle correspond pas aux investissements et aux structures
commerciales qu'on a mis en place. ». L’industriel I1 emploie des termes forts pour justifier
son choix de ne pas vendre au travers de la GSB comme « le niveau qualitatif est beaucoup
trop élevé par rapport aux attentes de leurs clients », « complètement dépositionné », « on est
pas dupe, on pas dupe non plus et on a jamais voilà voulu galvauder notre, notre marque » ou
encore « la marque Diager est exclusivement vendue sur les réseaux de distribution
professionnelle, heu spécialiste ».

Ainsi, bien que les GSB soient suivies de près, elles ne sont pas considérées comme des
concurrents directs à l’instar des plateformes numériques qui fleurissent dans le secteur du
bâtiment. Il existe également une compétition entre les GSB et ces plateformes comme le révèle

178
I5 : « Mais c'est d'autant plus vrai pour la partie grand public, ou Castorama, Leroy Merlin se
font prendre vraiment des parts de marché par des, des ManoMano, Bricoprivé voilà. ».

Les différents membres de la triade sont revenus sur ces nouveaux entrants.

2.2.3.3 Les plateformes numériques

Les plateformes numériques peuvent venir concurrencer les acteurs traditionnels sur différents
modèles et s’accaparer une partie de leur valeur en assurant de manière plus efficace une
fonction ou un service. Ces plateformes peuvent être des pure players mais aussi naître par la
volonté d’acteurs physiques (Bénavent, 2016). Tout d’abord, dans le canal de distribution
étudié, il existe des plateformes de mise en relation entre des professionnels et des clients
particuliers. Si certaines sont l’œuvre de pure players, de nombreuses ont été créées par des
acteurs physiques comme les syndicats professionnels ou les distributeurs.

Tableau 42 : verbatim sur les plateformes de mise en relation

« Mais malgré tout il faut y faire attention. Alors moi je lisais encore un
N7 article ce weekend-là sur la plateforme 360 qu'a monté, qu'est en train de
monter la CAPEB. »
Plateforme de
« Le Homly You de chez Point P, moi j'ai pas d'information non plus, mais
mise en Négoce
en tout cas les informations que je peux avoir c'est que globalement ça
relation
N7 démarre de manière très confidentielle, voilà et là c'est toujours pareil, la
désorganisation de nos clients elle plaide pas en faveur de, de ces services-
là. »

Cependant, aucune des entreprises du bâtiment interrogées n’est présente sur ces plateformes
de mise en relation comme en témoigne A1 :« Non, je n’en ai pas besoin pour avoir des
chantiers. ».

Ce type de plateforme est suivi par le négoce, car elles peuvent aussi impacter le travail des
clients professionnels. Des travaux peuvent être réalisés par des particuliers pour des
particuliers comme l’explique N11 : « Et maintenant il y a les plateformes de jobbing, qui font
que des supers bricoleurs particuliers peuvent en temps masqué, le soir et le week-end venir

179
prendre des petits bouts de part de marché à des artisans qui payent l'URSAF, qui payent des
charges, qui payent des trucs, qui payent le machin. ». La plateforme permet une relation de
type C to C (Customer to Customer). Elle se rémunère alors sur la mise en relation (Bénavent,
2016 ; Evans et Schmalensee, 2016).

Les négoces sont encore assez en retrait face à ce type de service de mise en relation entre
professionnels et particuliers et ne souhaitent pas s’engager dans cette voie (tableau 43). Un
nombre grandissant d’acteurs proposent ce type de service comme les banques (AXA90), les
distributeurs d’énergie (EDF avec IZI91), les GSB (Leroy Merlin avec Frizbiz92), les syndicats
professionnels (CAPEB avec 360travaux93) et quelques rares négoces (Saint-Gobain
Distribution avec HomlyYou). Il faut bien voir que les artisans ayant un carnet de commandes
complet pour plusieurs mois ne sont pas sur ces plateformes. C’est le cas des quatre artisans
interviewés. Lors de nombreux échanges informels, l’ensemble des personnes que nous avons
interrogé sur ces plateformes avait le même ressenti, bien qu’aucun chiffre ne soit communiqué.
Toutes ces personnes pensent que les artisans qui sont sur ce type de plateforme ne sont pas les
plus qualifiés et les plus sérieux. Cela peut se vérifier par les notes de ces plateformes sur
Internet. Pour HomlyYou (Image 5), sur 15 avis, seulement deux ont la note maximum de cinq
étoiles. Les autres avis sont entre une et deux étoiles avec des commentaires sur le manque de
professionnalisme et les problèmes rencontrés lors des travaux. D’autres plateformes, comme
Travaux.com, ont une meilleure presse. Le système de notation des intervenants sur ces
plateformes joue un rôle important pour leur pérennité. Il en reste que c’est un sujet épineux sur
lequel les négociants rencontrés ne veulent pas se lancer.

90
https://www.mestravaux.axa.fr/
91
https://izi-by-edf.fr/
92
https://www.leroymerlin.fr/magazine/en-coulisses/frizbiz-le-service-d-aide-entre-particuliers.html
93
https://www.360travaux.com/

180
Tableau 43 : verbatim sur la réticence des négoces à devenir des plateformes de mise en relation

« Heu après les plateformes d'intermédiation, pfff, je suis très


réservé, je suis très réservé parce que là encore ça nous ramène
à la désorganisation de la filière […] je, mais je pense que c'est
presque trop engageant pour le négoce parce que, parce que
N7 globalement celui qui est au cœur du dispositif ça va être le
négoce et que, et que celui contre lequel on se retournera si
Réticence des
l'artisan n'a pas été bon, s'il a pas répondu, s'il a répondu trop
négoces à
cher, s'il a rendu un chantier sale, ça sera globalement le
devenir des
Négoce négoce. »
plateformes de
« Non, non, cette partie-là c'est plus par du bouche-à-oreille et,
mise en
et c'est plus par de la, on va dire, de la relation qu'on peut avoir
relation
et on est même hyper frileux dans ce type de relation là parce
que c'est pas quelque chose sur lesquelles on se gargarise en
N11
disant tiens, heu, parce qu'on a tellement peur que le client d'à
côté s’aperçoivent qu'on lui ait pas donné à lui que, que on a
toujours l'impression qu'on favorise et qu'on crée, qu'on crée
quelque chose qui va nous revenir comme un boomerang. »

Image 5 : note de HomlyYou sur Trustpilote (consulté le 21/11/2019)94

Si les grossistes ne semblent donc pas vouloir jouer le rôle de plateforme de mise en relation
entre un client professionnel et un client particulier, les industriels l’ont compris et ont créé
leurs propres plateformes de mise en relation en combinant plusieurs de leurs services, à savoir
la captation des devis via les sites Internet par exemple et leurs clubs d’entreprises
professionnelles. L’approche n’est pas la même que les plateformes que nous avons citées

94
https://fr.trustpilot.com/review/www.homly-you.com, consulté le 16/11/2019

181
avant, puisque dans ce cadre-là, c’est l’industriel qui sélectionne l’artisan à travers son club et
qui lui transmet des leads qualifiés. C’est notamment l’industriel I4 qui explique très bien
comment avant les industriels partageaient avec le négoce les demandes de devis de clients
particuliers. Ces affaires étaient rarement menées jusqu’à leurs termes. Les industriels ont donc
décidé de créer des clubs afin de mailler le territoire et de pouvoir transmettre ces devis aux
entreprises de leurs clubs. Et c’est le client professionnel qui choisit avec quel négoce il va
travailler. Puisque le travail de prescription des industriels a été réalisé en amont, le client
sélectionnera un négoce qui vend des produits de l’industriel. Comme nous l’avons déjà évoqué,
l’industriel joue également un rôle de plus en plus important de plateforme d’accès à la donnée
à la fois pour les intermédiaires et pour les clients. Cependant, il reste limité à ses produits alors
qu’un négoce, qui est multimarques et multicorps d’état, pourrait offrir la donnée sur l’ensemble
des produits de la construction. Aucun acteur n’est encore arrivé à constituer et à pérenniser
une base de données globale. On peut citer la tentative de CMEM avec sa base de données
BDWIN. Des tentatives plus récentes voient le jour notamment avec l’initiative de fiches
produits numériques standardisées avec le format FAB-DIS95 ou le format GS196. Malgré le fait
que l’information marketing et logistique repose sur un grand nombre de données éclatées entre
les différents acteurs du canal, le terrain étudié est loin de la coopération verticale et de la
coordination (Filser, des Garets et Paché, 2012). Cette absence de coopération se retrouve
également dans l’absence d’uniformisation du partage sur l’information client. Or, il est
possible de voir le flux informationnel comme un flux de canal séparé qui nécessite alors une
certaine coordination pour la satisfaction globale du client (Bowersox et Morash, 1989)
L’ensemble des acteurs ne sont pas équipés de CRM par exemple et ceux qui le sont ne le
mettent pas forcément en avant. Cette séparation des flux n’est pas antinomique avec la
réduction du coût global du canal (Bowersox et Morash, 1989).

Ensuite, il convient de parler des plateformes de type marketplace qui peuvent être considérées
comme des concurrentes directes des négoces de matériaux. Mais comme nous l’avons déjà
évoqué dans cette partie, de nombreuses marketplaces comme Batiwiz ou Outiz n’existent plus.
Les « Brick and Mortar » ont de vrais avantages concurrentiels par rapport aux pure players.
Ces avantages peuvent être la notoriété, la force de la marque, l’expérience et le savoir-faire

95
https://fabdis.fr/fr/
96
https://www.gs1.fr/Institutionnel/conferences/Des-distributeurs-du-batiment-adoptent-la-fiche-produit-
digitale-GS1, consulté le 16/11/2019

182
acquis dans le canal de distribution traditionnel. Les « Brick and Mortar » ont également atteint
une taille critique qui leur permet de faire des économies d’échelle (Bonet Fernandez, 2008 ;
Poirel et Bonet Fernandez, 2008). D’autres ont su évoluer comme Amazon qui a lancé Amazon
Business97 en février 2018 ou Manomano qui a ouvert Manomano pro98 en 2019. Ces
plateformes peuvent être perçues comme des intermédiaires à part entière du canal de
distribution avec les mêmes fonctions que les intermédiaires traditionnels, I5 « On les perçoit
comme des intermédiaires voilà qui offrent une offre globale à la, à l'utilisateur donc au
professionnel du bâtiment et de l'industrie. ».

Les industriels, tout du moins leurs produits, peuvent être présents sur ces plateformes, car cela
participe à la visibilité de la marque et des produits.

La relation entre les industriels et ces plateformes n’est pas au niveau de celle qui existe avec
les acteurs physiques, dont les négoces, car ce sont des entreprises trop récentes. Et le
partenariat avec le réseau physique reste fort.

Tableau 44 : verbatim sur la notion de partenariat fort entre les industriels et le réseau physique

« Ça monte en puissance, hmm, hmm. Partenariat non parce


qu'une fois de plus je dirais que on peut pas avoir, c'est que des
I5 jeunes entreprises, et bah on peut pas avoir un partenariat
Notion de comme on peut l'avoir avec nos grands intermédiaires heu depuis
partenariat fort des années. »
Industriel
avec le réseau « Donc on est pas séduit, pour répondre à votre question un peu
physique plus clairement, on est pas aujourd'hui attiré ou séduit par les
I1 plateformes, ça fait pas parti de notre stratégie, encore une fois
c'est plutôt de, de continuer à pousser et d'appuyer les réseaux,
nos réseaux classiques et de grandir ensemble. »

Cependant, c’est un canal qui est encore faiblement exploité par les industriels : I2 « Ça peut
arriver voilà, on avait un partenariat sur, sur des accessoires, mais c'est de toutes petites ventes,
pfff voilà où c'est quelques milliers d'euros donc c'est pas, c'est, c'est clairement pas aujourd'hui

97
https://services.amazon.fr/services/vendre-aux-
professionnels/avantages.html?ld=SEFRB2BAdGog_6624079366_79720239780_kwd-
302400465533_b_386410372764_c_asret_&gclid=Cj0KCQiA2b7uBRDsARIsAEE9XpHy-v6xagLOk5s-
EpSXDuh-2f7bBHueHxxW3GHsfw6WLkHOtOZNT4YaAvBcEALw_wcB
98
https://www.manomano.fr/pro

183
un canal où on est présent […] », voire pas du tout : I1 « Les plateformes, pour le moment c'est
pas quelque chose qui nous intéresse réellement. Pareil on est pas structuré en terme de flux,
en terme de logistique pour aller, pour aller les chercher. ».

Encore une fois, et ce pour différentes raisons, comme la typologie des produits ou
l’organisation de la logistique, les industriels ne passent pas en masse sur ce canal. Un des
verbatim présente très bien cette problématique de la logistique : « Mais nos produits sont
tellement complexes à transporter et tellement volumineux c'est qu'aujourd'hui on ne passe pas
par, par des plateformes numériques […] » (I2). Ainsi le principal frein serait logistique comme
le montre I3 : « Je pense que ces acteurs se, heu s'intéressent pas forcément pour le moment à
nos produits parce que ce sont des produits qui prennent énormément de place en termes de
stockage et c'est plus facile... et en termes de distribution c'est aussi plus compliqué, c'est-à-
dire que là il ne s'agit pas d’affréter une estafette pour livrer une palette de plaques. ».

La technicité et la typologie des produits ne se prêtent pas à une vente par les marketplaces,
comme elles ne se prêtent pas à la vente sur un site e-commerce d’un distributeur physique. Si
pour le gros de l’activité, ces plateformes ne sont pas utilisées par les industriels, il y a des
segments où des ventes sont possibles, notamment sur les accessoires comme on l’a vu avec I2
et sur l’électroportatif et l’outillage : « […] c'est plus simple pour eux je pense de s'intéresser
au marché de l'électroportatif qu'au marché de la plaque de plâtre en tout cas dans un premier
temps. » (I3).

Les négoces sont de nouveau très attentifs à cela, car la typologie de produits vendus sur ces
plateformes sont des segments à forte marge, N7 « Après, après les Manomano, Manomano ils
sont principalement sur tout ce qui est outillage, là y a une vraie menace parce que bah là pour
le coup on sur des produits qui se transportent globalement assez finalement, donc là y a une
menace c'est sûr. » ou N12 « Après dans l'électroportatif tu en a toute une palanquée. ».

Ces plateformes peuvent même avoir une image négative, car elles font baisser les prix ou ne
sont pas claires sur les niveaux de gamme présents : I1 « Après ce que je déplore un peu c'est
que sur les marketplaces, donc Amazon ou ManoMano, on retrouve finalement tout et n'importe
184
quoi. Aujourd'hui ça n'a aucun sens, malheureusement ce qui les fait performer c'est le
service. ».

Si les industriels ne vendent pas directement à travers des plateformes, leurs produits peuvent
y être vendus par des revendeurs présents sur celles-ci : I1 « […] nous on a énormément de
produits qui sont pas vendu par nous malheureusement sur la marketplace Amazon, des fois
c'est un distributeur qui le met, des fois c'est même un étranger, on sait qu'on a des produits
qui viennent d'Italie ou d'Espagne qui sont revendus sur les plateformes avec des informations
qui sont la plupart du temps erronées, avec des photos qui sont plus à jour, voilà. » et I6 « Nos
produits sont disponibles sur des plateformes numériques, mais pas de notre fait. Y a des gens
qui achètent nos produits et qui les mettent à dispo sur les plateformes numériques, […] ».

Les industriels doivent surveiller ce canal même s’ils ne sont pas présents, sans pour autant
avoir un grand pouvoir de contrôle. Cette surveillance est aussi une veille, car ils savent qu’il y
a un risque de basculement et donc de développement de business, I6 « on regarde ce qui se
passe. » ou I3 « On le regarde, aujourd'hui ça ne fait pas partie de notre stratégie commerciale,
mais on le regarde de près parce qu'on voit que ça commence à bouger. ».

Encore une fois, les marketplaces pourraient être utilisées par les industriels pour pallier aux
faiblesses du négoce, comme par exemple sur la vente de produits complémentaires ou non mis
en avant : I2 « Donc le négoce qui lui va être que sur le prix, bah voilà, il va, il, on, nous je
trouve que des accessoires on en vend pas beaucoup. Le négoce voilà sur ces types de produits
il va plutôt chercher le prix. Donc là peut-être effectivement que c'est quelque chose
effectivement à mettre en avant et ça peut être un outil parce que ça se livre assez facilement
l'accessoire. ».

Pour les intermédiaires traditionnels que sont les négoces, les marketplaces sont des
concurrents, N7 « […] les marketplaces c'est une menace, c'est une vraie menace, heu, je pense
que si Amazon s'est lancé sur le sujet ils l'ont pas fait au hasard. » ou N1 « Bah c'est des
concurrents parce que à un moment donné à chaque fois que nous serons, nous serons
défaillants, nous renforcerons ces plateformes. ». Le risque de disruption est une réalité dont
185
les négoces ont conscience comme le montre N12 : « Mais y a pas d'idée de, tu vois j'étais au
congrès Crosscanal et heu, donc au bout de, d'une minute le mot Amazon a été prononcé, heu,
ils se sentent extrêmement fragiles, heu, je les ai sentis fébriles. ».

Cependant, le canal de vente traditionnel semble protégé, car comme nous l’avons déjà dit de
nombreux pure players n’ont pas survécu et les clients ne passent pas en masse par ce canal.
Les artisans interrogés utilisent ces plateformes dans le privé, mais absolument pas pour leurs
achats professionnels : A4 « Bah à titre non, oui, à titre professionnel non, non, non en en fait
pas non, non, non on en fait pas. ».

2.2.3.4 Conclusion

Le négoce est encore un acteur incontournable dans le canal de distribution des matériaux de
construction. En revanche, il est de plus en plus menacé. Les acteurs historiques tendent de
prendre une part de la valeur, que ce soit par l’intégration de fonctions comme l’industriel ou
par la création de structures concurrentes comme les coopératives. D’autres grossistes ont été
obligés de revoir leur valeur ajoutée dans le canal de distribution, ce qui les a conduit à modifier
leur business model, notamment dans l’agroalimentaire (Pardo et Michel, 2014).

Cet intermédiaire doit également être vigilant aux détaillants de type GSB qui développent de
plus en plus de services axés sur les professionnels du bâtiment. Les marketplaces peuvent aussi
être considérées comme des concurrentes sur certaines typologies de produits facilement
transportables comme l’outillage, la quincaillerie, etc. Le risque de disruption semble être faible
en partie à cause des habitudes de consommation des clients B to B et par la typologie des
produits vendus.

2.3 Conclusion et limites de la recherche qualitative

Tous les thèmes soulevés par l’analyse des verbatim n’ont pas été explorés, nous avons fait le
choix de mettre en avant les principaux. Ces thèmes, à savoir la digitalisation de la triade, la

186
gestion des flux et la concurrence, sont des enjeux centraux dans la création de valeur et dans
le positionnement du grossiste comme intermédiaire dans le canal de distribution. Il est temps
de tirer une conclusion sur l’ensemble de cette étude qualitative (2.3.1). Même si cette phase a
été réalisée avec la plus grande rigueur, des limites peuvent tout de même être apportées (2.3.2).

2.3.1 Un phénomène de désintermédiation partielle

Nous sommes partis du postulat que le grossiste, dans le terrain étudié, est une entreprise pivot
(Capo, 2002 ; Daidj et al., 2017). Cela permettait de voir le négoce comme un acteur
incontournable au sein du canal avec des fonctions et un positionnement qui ont peu évolué
depuis son origine au XXe siècle. Cette première approche qualitative montre que la réalité n’est
pas aussi lisse. Le fait de s’appuyer sur la triade de distribution et d’interviewer des décideurs
des trois membres de la triade industriel – grossiste – client professionnel a permis de mettre en
avant des dynamiques profondes sans pour autant signifier la disparition totale de
l’intermédiaire.

Les intermédiaires sont indispensables au bon fonctionnement du canal de distribution. La


recherche s’est attardée sur un intermédiaire en particulier qu’est le grossiste. Il a pour fonction
de gérer des flux que les industriels ne peuvent ou ne veulent pas gérer. Le digital dans le terrain
étudié n’a pas encore profondément modifié ni les usages ni les business models. Mais il s’avère
que le grossiste n’est pas moteur dans la transformation digitale de ce canal. Le leadership
revient à l’industriel qui a su développer un écosystème physique et digital pour devenir une
plateforme de mise en relation des différents acteurs de la triade industriel – grossiste - client
professionnel (Tableau 45). À travers cette gestion du flux informationnel de manière
omnicanale, l’industriel peut être perçu comme un acteur multiface (Rochet et Tirole, 2006). Il
est l’interface qui centralise les données et qui les réintègre dans le canal ou en dehors. Il capte,
par exemple, énormément de demandes d’affaires auprès des clients particuliers. Il a ensuite le
choix de redonner ce lead qualifié soit au négoce soit à son réseau d’entreprises qu’il construit
via les « clubs ». Ainsi, il détient un vrai pouvoir dans la captation et la diffusion des affaires.
Les négociants en ont bien conscience et cela peut mettre à mal le « partenariat » comme le
raconte N5 : « Mais encore une fois je prends l'exemple de l'industriel qui nous apporte 85 %
du chiffre d'affaires qu'il réalise, heu, un moment on ne peut pas lui rentrer dedans aussi

187
aisément que ça quoi, voilà. Le jour où on est à 50/50 et que du coup, heu, on est moins
interdépendant là véritablement la négo peut se tendre. ».

La connaissance du client, grâce au marketing relationnel, est devenue le pivot des réflexions
stratégiques des entreprises. De nouvelles structures organisationnelles doivent donc être mises
en place (Debos, 2006).

Tableau 45 : services développés par les industriels dans la gestion du flux informationnel

Information Négociation/Commande Promotion


Flux/Intérêt
Connaissance de Visibilité Remontée
Génération de leads Prescription
l'utilisateur final produit/marque terrain
Canal/Services
Formation X X X X
Physique Club d'entreprise X X X X X
Force commerciale X X X X
Vidéo X X
Application X X X X
Digital
Réseau social X X X X
Site Internet X X X X X

Si ce rôle est fort pour les industriels dans le second œuvre et le troisième œuvre, il semble
l’être moins pour les industriels du gros œuvre. Il est aussi possible de voir que la taille, le poids
et les moyens de l’industriel jouent un rôle dans cette stratégie multifaces. Le négoce reste quant
à lui un acteur biface entre des industriels de plus en plus autonomes et des clients
professionnels de plus en plus opportunistes.

Dans le modèle triadique, Burt en1982 parle du remplissage de trou de structure (Burt, 1995).
Par exemple, le négoce n’est plus moteur sur la promotion des techniques et des innovations
produits, I1 « Alors, je, je suis un peu sarcastique en disant sincèrement non, mais c'est vrai
que, que voilà le produit va être implanté dans la partie libre-service, mais à un moment il faut
être honnête la partie innovation c'est nous qui allons devoir faire la com’ soit sur les réseaux
sociaux soit sur le net, soit sur des flyers. ».

Ainsi, nous assistons à une réaffectation d’une partie de la valeur ajoutée dans le canal de
distribution à travers l’analyse de cette triade. Il est alors possible de s’appuyer sur la typologie

188
descriptive des transformations dans une triade de Smith et Laage-Hellman (1992). Le
mouvement du fabricant vers le client a un impact sur les relations avec le grossiste. Différents
types de mouvements peuvent être étudiés. Il peut s’agir de l’évitement comme dynamique.
Dans ce cas, le fabricant va vers le client dans le but d’innover. Le contact direct n’est pas
forcément néfaste (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). Il peut également s’agir de
l’évitement recherché dans l’économie des coûts bien que ce ne soit pas le cas ici. Nous
estimons qu’il s’agit plutôt d’un mouvement de fabricants à marques fortes qui peuvent
communiquer directement auprès des clients. Cela génère certaines exigences auprès du
distributeur (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). Cette évolution, bien qu’irréversible, ne
signifie pas la disparition de l’intermédiaire grossiste, bien au contraire. Le grossiste continue
de jouer un rôle de première importance sur les flux physiques (stockage, logistique et maillage)
et financiers (garantie et crédit). En revanche, le passage d’une triade de pont à une triade
unitaire modifie le cadre relationnel entre les membres (Portier, Pardo et Salle, 2014). Afin
d’avoir un accès supérieur à l’information et de combler le manque de connexion avec les
clients, l’industriel a fait évoluer le cadre relationnel pour passer d’une triade de pont à une
triade unitaire. Il a donc réduit le trou de structure (Holma, 2012). Nous parlons de triade
unitaire sur le flux informationnel et non de triade en série, car l’interaction ne se produit pas
principalement entre le fabricant et le client (Havila, 1996 ; Holma, 2010, 2012). Bien que
l’industriel ait pris le leadership, l’intermédiaire joue encore un rôle important dans l’accès et
le partage de l’information. De plus, l’intermédiaire doit adapter son travail et son rôle au niveau
de l’ensemble des flux. Dans le cadre de cette triade unitaire, il est possible de voir que les
relations fabricant – client et fabricant – intermédiaire ont un impact négatif sur la relation
intermédiaire – client. Au sens de Ritter (2000), il s’agit d’un effet hiérarchique. Il est donc
possible de dissocier différents cadres triadiques suivant le type de flux. Pour le moment, il ne
semble pas y avoir d’impacts sur les relations entre les acteurs au sein des triades sur les flux
physiques et les flux financiers. Le grossiste conserve son rôle.

189
Figure 10 : la nouvelle répartition de la valeur ajoutée dans la triade de distribution

Le négociant conserve la gestion des flux physiques qui peuvent se traduire par des services
devenus standards et à valeur ajoutée constante, difficile à valoriser et à fort coût. Cela se
rapproche des observations de Capon, Funel et Sury (2013). Ces services physiques sont le
maillage territorial afin de préserver une proximité avec les clients et les chantiers, le stockage
de produits et la logistique notamment du dernier kilomètre. Le grossiste garde également la
gestion des flux financiers, à savoir la garantie d’être payé pour l’industriel et le crédit pour le
client.

190
L’industriel est quant à lui de plus en plus présent dans la gestion des flux informationnels avec
des coûts relativement restreints, mais à forte valeur ajoutée pour le canal. Les acteurs en amont
du canal ont mis en place des outils et des services à la fois pour diffuser, mais également pour
capter des données directement auprès des clients professionnels, voire des particuliers. Les
industriels estiment que le négoce de matériaux n’est plus en mesure, seul, de promouvoir la
visibilité de la marque et des produits et qu’il n’a plus forcément les compétences en interne. Il
en va de même pour la remontée terrain qui se fait maintenant de manière directe entre la force
commerciale de l’industriel et les clients professionnels. De plus, une partie des contacts sont
directement captés par l’industriel de manière physique ou numérique. Il est donc possible
d’évoquer une désintermédiation partielle sur les deux types de nature d’informations
échangées qualitatives et quantitatives (Filser, des Garets et Paché, 2012). Ce phénomène tend
à remettre en cause une partie de la littérature sur les services standards assurés par le grossiste
(Néfussi, 2008a, 2008b). En effet, l’industriel s’est approprié une partie de la valeur ajoutée qui
n’était plus ou pas assez bien assurée par le négoce comme la promotion des innovations, de la
marque ou la remontée terrain. Les industriels ont mis en place des équipes commerciales de
différents types ayant différentes missions : accompagner le négoce, visiter les clients des
négociants, ou bien encore assurer la prescription des produits et des innovations. Un certain
nombre a également développé des clubs d’artisans afin de capter la remontée terrain et faire
participer les clients dans une optique de co-construction des produits et des services. Ce
phénomène peut même aller plus loin, car ces clubs peuvent servir de plateforme de mise en
relation entre la marque, un particulier et un artisan poseur référencé. La promotion de la
marque et des produits passe par les outils digitaux comme les sites Internet, les réseaux
sociaux, les newsletters ou les applications.

Cet état de fait, dont les négociants ont conscience, peut réduire considérablement la valeur
ajoutée du négoce qui se retrouve cantonné à des services coûteux souvent difficiles à valoriser.
Le négociant, dans le cas présent, ne joue plus complètement son rôle d’intermédiaire et perd
une partie de sa fonction de filtre entre l’industriel et le client professionnel (Capo, 2008). La
relation entre le négoce et l’industriel peut donc devenir déséquilibrée et peut remettre en
question la notion de partenariat au profil d’une notion de dépendance du négoce vis-à-vis de
l’industriel. En effet, ce dernier devient un apporteur d’affaires auprès du négoce et donc

191
centralise une partie de la demande. La relation n’est plus équilibrée et cela peut avoir un impact
dans les négociations entre le producteur et le grossiste. C’est pourquoi la désintermédiation
partielle est en défaveur du grossiste. Dans d’autres secteurs, comme celui des GASC en fruits
et légumes, il a été montré que la pression des prix est à l’origine de la désintermédiation, mais
que la pression normative est à l’origine de la réintermédiation des grossistes (Michel, 2014).

Pour les négociants en matériaux, la désintermédiation ne se fait pas encore par des concurrents
traditionnels comme les GSB ou par de nouveaux entrants comme les pure players bien que les
coopératives soient de plus en plus puissantes, mais partiellement par l’amont du canal. Le
grossiste/négociant en matériaux de construction reste cependant incontournable.

Il a un rôle à jouer dans la montée en compétence de la filière dans un partenariat fort avec les
industriels malgré cette baisse de la valeur ajoutée. Cette étude qualitative va servir de base à
la création d’un cadre conceptuel afin de réaliser une étude quantitative. Cette phase a
également fait émerger de nouvelles questions :

• Quels sont réellement les flux qui génèrent de la valeur ajoutée pour le grossiste ?
• Cette valeur ajoutée réduit-elle le risque de désintermédiation ?
• Existe-t-il des effets modérateurs pouvant accentuer ou diminuer ce risque ?
• Comment la désintermédiation est-elle perçue par chacun des membres de la triade ?

Avant de les explorer dans la suite de la recherche, il est nécessaire de revenir sur les limites de
cette étude qualitative.

2.3.2 Limites

Si cette première phase exploratoire amène à de nouveaux questionnements, notamment sur la


gestion des flux par le grossiste et l’usage du digital dans un canal donné, nous avons identifié
cinq principales limites au présent travail.

Tout d’abord, l’auteur a été le seul à coder, c’est-à-dire qu’une seule personne a découpé les
textes et procédé à leurs thématisations. Paillé et Mucchielli (2012) parlent de « la posture de

192
l’analyste » qui oriente le choix des thèmes. Afin de vérifier la stabilité et la reproductibilité de
la démarche, un autre chercheur aurait pu effectuer le même travail. Il serait alors possible de
voir si le découpage et si les thèmes seraient identiques (Martineau et Plard, 2016). Il faut
également tenir compte de la subjectivité du chercheur pour la validité de l’analyse du corpus.

Puis, il est nécessaire d’indiquer que la majorité des industriels interviewés sont plutôt de
grosses entreprises avec a minima un rayonnement national voire international. Des industriels
à rayonnement plus local ou ne faisant pas partie de groupes structurés ont sans doute moins de
moyens pour mettre en place des stratégies de type pull. Ils sont alors plus dépendants du
référencement et de la mise en avant de leurs produits par les négociants. Il sera intéressant
d’être vigilant à la représentativité des industriels dans la suite de notre travail.

Ensuite, il faut mettre en avant le faible nombre de clients professionnels interviewés. Les
discours des quatre chefs d’entreprise permettent d’arriver à saturation des données. Il aurait pu
être pertinent d’avoir un échantillon plus grand afin de confirmer certaines orientations. En
revanche, il est extrêmement compliqué de mobiliser cette population. Malgré notre
implantation dans le terrain et en mobilisant l’ensemble de notre réseau, nous n’avons pas pu
avoir plus d’entretiens. Il serait assez intéressant de voir si ce phénomène est comparable dans
d’autres domaines d’activité.

En outre, il convient de limiter la validité externe de ces résultats. En effet, ils sont difficilement
généralisables, car portant sur un canal de distribution unique et avec des particularités que nous
avons mises en avant. Afin d’apporter une meilleure validité externe à ce travail qualitatif, il
serait nécessaire de procéder à la même démarche dans d’autres canaux de distribution avec des
grossistes comme dans les secteurs de l’automobile, de la pharmacie ou de l’alimentaire. Si
pour le grossiste que nous avons retenu, il n’y a pas de réelle concurrence et donc pas de remise
en question de son positionnement au sein de la chaîne de valeur, il en va de manière différente
dans l’alimentaire. Deux types de processus sont à l’œuvre pour les grossistes dans le secteur
alimentaire. D’un côté, certains grossistes entrent en confrontation directe avec les détaillants
sur la logistique et la qualité des produits. D’un autre côté, d’autres ont développé de nouvelles
ressources basées sur le localisme, les produits biologiques ou les produits atypiques (Michel

193
et al., 2019). Le modèle du négoce de matériaux, en France, existe depuis une centaine d’années
et les acteurs dans leur grande majorité ne perçoivent pas de concurrents physiques ou digitaux.

Enfin, nous avons analysé la triade sur un seul canal de distribution. Les données et les résultats
seraient sans doute différents dans d’autres canaux plus digitalisés par exemple. Mais c’est
également une force de l’étude puisque c’est un canal qui n’a que très peu été étudié
contrairement à d’autres comme l’alimentaire.

194
Partie 2. Le risque de désintermédiation du grossiste suite à la
diminution de sa valeur ajoutée

195
Si la concurrence de la grande distribution au travers de leurs centrales d’achat et des
plateformes de distribution des prestataires logistiques n’est plus à démontrer pour le grossiste,
il nous semble que la concurrence du fabricant a moins été étudiée (Jeanmougin-Lurdos, 1995 ;
Filser et Paché, 2008). Pour autant l’intégration verticale des fonctions de gros n’est pas un
sujet ignoré notamment dans la musique ou la grande distribution alimentaire (Fiscal et al. ;
2006, Mevel, 2010 ; Barba et al., 2011).

Cependant les services que les grossistes apportent, notamment en assurant les fonctions
logistiques et transactionnelles et en gérant de manière efficace et efficiente un certain nombre
de flux, lui permettent de survivre. Sa place, tout en étant assurée au sein du canal, peut être
remise en cause dans une certaine mesure. C’est ce que tendent à montrer les résultats de l’étude
qualitative. La principale originalité de cette étude, hormis le terrain, réside dans l’utilisation
de l’approche de la triade de distribution pour tenter d’expliquer le risque de désintermédiation.

Si le grossiste reste un acteur incontournable sur la gestion des flux physiques et financiers, il
a tendance à se faire désintermédier par l’industriel sur le flux informationnel. Les artisans se
regroupent en coopératives dans le but de désintermédier le grossiste en entretenant des
relations commerciales directes avec l’industriel sans intermédiaire. Des menaces sont donc
bien présentes.

Dans le chapitre 3, nous élaborons un cadre conceptuel d’analyse permettant d’éclairer le risque
de désintermédiation. Ce cadre repose sur la distinction des flux et la dynamique du canal de
distribution. À partir de ce cadre, nous tentons de bâtir un modèle de recherche inspiré par la
théorie stratégique du canal (Filser, 2012) et la désintermédiation de la supply-chain de Rossetti
et Choi (2008). Afin de valider cette approche, nous émettons des hypothèses. Le test de ces
hypothèses se fera via un questionnaire qui sera administré auprès d’un échantillon des
membres de la triade de distribution des matériaux de construction. La méthodologie et la
démarche pour recueillir les données ainsi que les outils utilisés sont présentés.

L’analyse et les principaux résultats de l’étude quantitative sont abordés dans le chapitre 4.
Nous présentons tout d’abord les résultats de la collecte de données et nous réalisons une
196
description de notre échantillon. Ce dernier est composé de répondants de type industriel,
négociant et client professionnel dans le secteur du bâtiment. Puis l’évaluation des qualités
psychométriques des mesures est effectuée. Ce travail nous permet ensuite de tester nos
hypothèses de recherche et enfin de les discuter. Il sera alors temps de conclure l’ensemble de
cette recherche.

197
198
Chapitre 3. Modélisation et étude empirique : le risque de
désintermédiation par l’intégration verticale du flux informationnel

En nous appuyant sur les résultats de l’étude qualitative, nous remarquons que malgré la
diminution de la valeur ajoutée apportée par le grossiste, le risque de désintermédiation total
semble faible. Cependant, il existe un risque de désintermédiation partielle, car comme nous
l’avons montré, l’amont du canal de distribution a repris la charge d’un certain nombre de flux
notamment sur la partie informationnelle.

Toujours en s’appuyant sur la triade de distribution dans le canal de distribution des matériaux
de construction, il semble pertinent d’approfondir les résultats obtenus lors de l’approche
qualitative. Cela amène alors à se poser les questions suivantes :

• Quels sont réellement les flux qui génèrent de la valeur ajoutée pour le grossiste ?
• Cette valeur ajoutée réduit-elle le risque de désintermédiation ?
• Existe-t-il des effets modérateurs pouvant accentuer ou diminuer ce risque ?
• Comment la désintermédiation est-elle perçue par chacun des membres de la triade ?

Ces interrogations ont des impacts managériaux qu’il faut anticiper. En effet, si la gestion de
certains flux par le grossiste ne lui apporte plus de valeur ajoutée au sein du canal de
distribution, il doit peut-être se poser la question de réduire son engagement dans ces flux. Cela
signifie que ce sera alors aux acteurs amont et/ou aval, ou bien à de nouveaux entrants d’assurer
à présent ces flux. L’abandon de certains flux par le grossiste lui permettrait de se focaliser sur
ceux le légitimant davantage dans le canal. Il serait alors possible de le voir comme un acteur
incontournable à travers la maîtrise de ces fonctions.

Les apports envisagés sont alors les suivants :

• déterminer les leviers en la possession du grossiste pour réduire voire éviter le risque de
désintermédiation ;

199
• participer aux différents courants de recherche qui mettent en avant l’absence de
disparition des grossistes (Jeanmougin-Lurdos, 1995 ; Dugot, 2000 ; Michel, 2016) ;
• identifier les nouveaux rôles et la relation de chaque acteur au sein du canal de
distribution ;
• approfondir le rapport entre les services physiques et digitaux dans l’optique de création
de la valeur ajoutée ;
• étendre les travaux sur la triade comme concept permettant de comprendre les
évolutions au sein des canaux de distribution.

L’objectif de la recherche est donc multiple. Tout d’abord, nous allons chercher à identifier les
sources de valeur ajoutée du grossiste grâce aux fonctions de gros. Pour ce faire, un cadre
conceptuel va être mis en place (3.1). Celui-ci repose sur la distinction des flux et sur la
dynamique au sein du canal de distribution. Ensuite, nous présentons les hypothèses de
recherche ainsi que le modèle de recherche envisagé (3.2). Dans un troisième temps, nous
présentons la méthodologie de recherche retenue au travers de la présentation de son design et
de la méthode de collecte des données (3.3). Enfin, il est possible de conclure ce chapitre (3.4).

3.1 Cadre conceptuel de la recherche

Dans le but de répondre aux différentes questions posées précédemment, nous allons solliciter
un cadre conceptuel orienté par nos différentes lectures et par les résultats de l’étude qualitative.
Même si nous avons déjà largement évoqué l’importance des acteurs dans la gestion des
fonctions de gros, il semble pertinent de revenir plus en détail sur les différents flux composant
les deux grandes fonctions logistiques et transactionnelles (Bowersox et Morash, 1989) (3.1.1).
Ce risque de désintermédiation par l’évolution de la gestion des flux amène donc à une
modification de l’apport de valeur ajoutée par chacun des acteurs. Pour étudier ce phénomène,
nous nous appuyons sur le modèle théorique de la dynamique des canaux de distribution (3.1.2).
L’ensemble de ce cadre théorique amène naturellement à une conclusion (3.1.3).

200
3.1.1 La distinction des flux

La fonction de grossiste se traduit dans la gestion de flux au sein du canal. Les flux peuvent être
définis comme des liens dans le canal de distribution (Coughlan et al., 2006). En termes de
fonction, il faut distinguer les fonctions matérielles (logistique et géographique qui revêtent une
notion temporelle) et les fonctions commerciales (autrement dit la vente) (Dugot, 2000). Il y a
donc une mission à double dimension, à la fois transactionnelle (marchandise) et logistique
(gestion de flux physique et informationnel) (Pardo et Paché, 2015). Cela amène à devoir gérer
un double flux à la fois vers l’aval (information technique, nouveauté) et vers l’amont du canal
(information sur le comportement du marché face à l’innovation). Les fonctions de gros
justifient de manière économique l’existence d’intermédiaires. La différence entre commerce
de gros et commerce de détail est justement ce positionnement économique entre des aval et
des amont d’entreprises (Dugot, 2000).

Les fonctions de gros se découpent en une série d’opérations qui s’organisent autour d’un
triptyque : l’achat (propriété physique), le stockage (possession physique) et la vente (adapter
l’offre à la demande, promotion des produits dans les rayons et aide/finance à la consommation)
(Dugot, 2000 et Coughlan et al., 2006).
La valeur ajoutée des grossistes provient de huit flux de canaux génériques qu’ils assurent :
- possession physique du produit ;
- propriété du produit ;
- promotion des produits ;
- négociation des transactions ;
- financement de l’opération ;
- risque de leur capital (crédit amont et aval) ;
- traitement des commandes ;
- gestion des paiements.

Les grossistes ne survivent et ne prospèrent que lorsqu’ils peuvent exercer ces fonctions de
manière plus efficace et plus efficiente que les fabricants et les clients comme le démontre Capo
(2005) avec le cas des grossistes au Japon dans les années 90. Le grossiste peut être perçu
comme un frein à la croissance des autres acteurs (Capo, 2008). Ces raisons expliquent en partie
le risque de désintermédiation.

201
L’existence de l’un des acteurs dépend de sa capacité à fournir de la valeur ajoutée à l’utilisateur
final (gérer les flux). Tous ces flux ne se limitent pas à la création de valeur, car ils comportent
également des coûts associés (Coughlan et al., 2006). La fonction de distribution est assurée
par le commerce de gros et le commerce de détail, mais peut être définie selon des relations qui
peuvent être classées en trois flux (Beckman et Engle, 1951 ; Bowersox et al., 1980 ; Dugot,
2000 ; Coughlan et al., 2006 ; Capo, 2008 ; Michel, 2015) :
• les flux physiques vers l’aval ;
• les flux d’information d’amont en aval (et réciproquement) ;
• les flux financiers vers l’amont.

Figure 11 : la gestion des flux par le grossiste (inspiré de Rossetti et Choi, 2008)

L’intermédiaire gère un double flux informationnel à la fois vers l’aval (information technique,
nouveauté), mais également vers l’amont (information sur le comportement du marché face à
une innovation) (Coughlan et al., 2006). Le grossiste a également développé des services
annexes dans les deux sens du canal afin d’accroître sa valeur ajoutée (Néfussi, 2008a, 2008b).

Le canal de distribution des matériaux peut être vu comme étant basé sur le principe de report
(Svensson, 2004). Svensson (2004) met en avant que ce canal doit être considéré comme une
seule entité dont les membres sont interdépendants et impliqués dans la tâche de distribution
des produits jusqu’au consommateur final. Il y a report lorsque les activités sont retardées au
moment opportun. Pour réduire le risque sur les stocks, il s’agit dans lancer la fabrication

202
qu’une fois que la commande est passée (Bowersox et Morash, 1989). Les distributeurs tendent
à progressivement reporter une partie des opérations logistiques, et donc des coûts, sur leurs
fournisseurs. Cela permet à l’industriel de profiter d’un contre-pouvoir en créant les conditions
d’une codépendance favorable au partenariat (Bonet Fernandez, 2008). Si le principe de report
est vrai pour le flux physique, il peut également être appliqué aux flux d’information (Bowersox
et Morash, 1989).

Tableau 46 : sens des flux au sein du canal de distribution

Fonction Flux Sens

Flux physique
Fonction matérielle et logistique
Flux informationnel

Fonction commerciale et transactionnelle Flux financier

Services annexes

C’est souvent le fabricant qui est considéré comme le « channel captain » surtout si c’est une
marque (Coughlan et al. 2006 ; Gadde, 2014). Les intermédiaires participent au travail du canal
de distribution, car ils apportent de la valeur ajoutée et contribuent à réduire le coût du canal
(Coughlan et al., 2006). Les agents des deux faces supportent l’usage d’intermédiaire dans les
canaux par la valeur qu’ils apportent. Mais ces différents acteurs cherchent à pratiquer
l’intégration des fonctions de gros : les détaillants avec des centrales d’achats, les clients avec
les coopératives et les fournisseurs avec la vente en direct. L’utilisation du canal de distribution
permet d’étudier les jeux d’acteurs au niveau vertical, mais également horizontal ainsi que les
dynamiques au sein de la filière. Cette notion de jeu d’acteur est au cœur du concept de triade.

Il est à noter que les logisticiens de type 3PL et 4PL sont également devenus de réels concurrents
aux intermédiaires via des prestations de services à forte valeur ajoutée (Rosenbloom, 2007 ;
Filser et Paché, 2008 ; Filser, des Garets et Paché, 2012). Ces logisticiens exercent des fonctions
de gros, mais contrairement aux grossistes, ils n’ont pas la propriété des produits qu’ils traitent
(Paché et des Garets, 1997). Ces fournisseurs de services logistiques sophistiqués de bout en

203
bout constituent un défi majeur pour les grossistes (Coughlan et al., 2006 ; Filser et Paché,
2008). Il y a une réelle montée en puissance de ces acteurs dans les réseaux de distribution
actuels (Gadde, 2014). Pour autant, ce ne sont pas des intermédiaires de types grossistes. Bien
qu’ils prennent en charge des opérations logistiques dans le canal, ils ne deviennent pas
propriétaires de la marchandise qu’ils gèrent (absence du transfert de titre de propriété). Il ne
faut donc pas confondre les prestataires de services logistiques, qui exercent des fonctions
similaires en matière d’allotissement, de stockage et d’éclatement de la marchandise, avec les
grossistes (Filser, des Garets et Paché, 2012). En revanche, ils peuvent être vus comme une
menace, augmentant le risque de désintermédiation des grossistes traditionnels (Rosenbloom,
2007).

Cependant, nous n’aborderons pas davantage la question des prestataires logistiques, car dans
le terrain étudié, de tels acteurs sont principalement utilisés en amont du canal. En effet, la
livraison entre l’usine de l’industriel et le négoce est souvent réalisée par des prestataires
logistiques. En outre, la logistique entre l’intermédiaire et le client professionnel est assurée
soit par le grossiste, soit par le client lui-même. De plus, le grossiste continue de jouer le rôle
de stockiste et de logisticien. De ce fait, la majorité des négociants possèdent des plateformes
et des entrepôts comme le Groupe Samse avec sa plateforme logistique de Brézins99 ou
Chausson Matériaux qui souhaite mettre en place une solution automatisée pour la préparation
de ses commandes e-commerce100. Dans une optique de diversification, certains négoces ont
également des entreprises de logistique dédiées comme le Groupe Samse avec Zanon101.

Les résultats de l’étude qualitative permettent de remettre en cause, au moins en partie, le


schéma classique. L’industriel s’est réapproprié une partie de la gestion du flux informationnel
et donc a augmenté sa propre valeur ajoutée au sein du canal de distribution au détriment de
celle du grossiste.

99
Source : https://www.groupe-samse.fr/nos-enseignes/logistique/logistique-logappro, consulté le 26/01/2020
100
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/chausson-materiaux-s-equipe-d-un-autostore-pour-son-activite-e-
commerce.2041715, consulté le 26/01/2020
101
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/groupe-samse-le-ca-et-le-resultat-operationnel-grimpent.2027305,
consulté le 16/02/2020

204
Tableau 47 : remise en cause du sens des flux au sein du canal de distribution
Sens
Fonction Flux Sens désintermédiation Acteur Coût
partielle

Flux physique Négoce Élevé


Fonction matérielle et
logistique Flux
Industriel Faible
informationnel
Fonction commerciale et
Flux financier Négoce Élevé
transactionnelle
Services
Industriel Faible
annexes

Il n’est pas rare que des relations directes apparaissent entre le producteur et le détaillant dans
le cadre du flux informationnel (Capo, 2008). Cela affaiblit la maîtrise de l’information par le
grossiste.

Figure 12 : le risque de désintermédiation par le flux informationnel au profit d’une relation


directe Industriel – Client (inspiré de Rossetti et Choi, 2008)

La gestion des flux au sein du canal de distribution montre que des dynamiques entre les acteurs
modifient leurs fonctions, leurs relations et donc la génération de valeur ajoutée. La triade
semble être une clé de lecture appropriée pour comprendre les phénomènes à l’œuvre. La
dichotomie entre les fonctions logistiques et transactionnelles a enrichi la compréhension de la
dynamique de l’organisation des canaux. Filser, en 2012, soulevait déjà l’importance de la

205
gestion de l’information par les intermédiaires : « Trente ans plus tard, cette proposition
conserve toute son actualité lorsque l’on observe le développement dans les canaux de
nouveaux intermédiaires spécialisés exclusivement dans le recueil, l’organisation et la
diffusion de l’information. » p. 126.

3.1.2 La dynamique du canal de distribution

La dynamique du canal nous permet d’étudier l’effet de cette valeur ajoutée sur le risque de
désintermédiation. Nous cherchons à voir s’il existe des effets modérateurs entre la relation
valeur ajoutée/risque de désintermédiation. Nous allons présenter dans le détail les différentes
fondations au sein de la dynamique du canal de distribution (3.1.2.1). Nous sélectionnons la
fondation théorique qui sert de base à l’étude quantitative. Cela permet de mobiliser deux effets.

Le premier est la stratégie de service mise en place par l’industriel. Cette stratégie passe par la
proposition de services physiques et digitaux à la fois pour les clients professionnels, mais
également pour les intermédiaires comme nous l’avons démontré (3.1.2.2).

Le second est l’opportunité pour le grossiste de devenir incontournable grâce à ses ressources
engagées. Ces ressources peuvent être de différents types (Baraldi, Gressetvold et Harrison,
2012) (3.1.2.3).

3.1.2.1 Les différentes approches de l’analyse des canaux

Le canal de distribution est le chemin emprunté par un produit de sa fabrication jusqu’au client.
Son étude repose sur différents modèles théoriques que Filser (2012) regroupe en trois grandes
approches (3.1.2.1.1). Il est question de savoir pourquoi le fabricant fait le choix de l’intégration
ou de l’externalisation des fonctions de gros (Filser et Paché, 2008). L’un des modèles sera
retenu pour la poursuite de la recherche (3.1.2.1.2).

206
3.1.2.1.1 Présentation des quatre fondations théoriques

L’approche économique

La première approche s’appuie sur la fondation économique des analyses des canaux, avec
notamment la théorie des coûts de transaction, se basant sur les travaux de Bucklin et Mallen
(Assassi et Filser, 2005). Les théories économiques se sont très tôt intéressées à l’organisation
du canal et ont permis de justifier le rôle joué par les intermédiaires à travers son utilité et le
coût de ses fonctions (Paché et des Garets, 1997 ; Filser, des Garets et Paché, 2012). Un canal
peut fonctionner même s’il apparaît avec des coûts pouvant être perçus comme aberrants d’un
point de vue économique (Filser, Frisou et Henriquez, 2019). L’intermédiaire est alors légitimé
par la prise de risque face à l’anticipation de la demande. Ce risque explique que l’intermédiaire
se rémunère en appliquant une marge lors de la revente (Rosenbloom, 2007 ; Filser, des Garets
et Paché, 2012). Cette fondation économique trouve son origine dans la recherche
d’optimisation des coûts de chaque fonction (Poirel, 2004). La théorie du coût de transaction
permet de passer d’un coût de fonctionnement à un coût de relation (Filser, 2012). Il est donc
possible de passer d’une vision transactionnelle à une vision relationnelle. Il existe différentes
possibilités au sein des « systèmes marketing verticaux » puisque les canaux peuvent être
pilotés suivant un mode contractuel ou bien par une stratégie d’intégration. Il est important de
souligner que la suppression d’un intermédiaire ne supprime pas le coût des fonctions qu’il
assurait (Coughlan et al., 2006). En effet, ce coût devra être supporté par un autre acteur au sein
du canal. C’est le cas, par exemple, de la logistique, puisque la suppression du grossiste obligera
les acteurs à repenser le réseau de distribution physique en réallouant les services de stockage
et de transport (Filser, des Garets et Paché, 2012).

L’approche comportementale

Le deuxième modèle théorique développe l’autonomie stratégique de la firme par une approche
sociopolitique dont Stern est à l’origine (Assasi et Filser, 2005). Les relations sont alors
influencées par des facteurs sociologiques utilisant des concepts comme le pouvoir, le conflit
ou la coopération. La maîtrise des flux peut être vue comme une source de pouvoir dans le cadre
des relations interorganisationnelles dans le canal (Paché et des Garets, 1997). Ce modèle
reconnaît l’importance du comportement des entreprises dans l’organisation du transfert d’un

207
produit de sa fabrication jusqu’au consommateur (Poirel, 2004). En plus de cette approche du
consommateur qui est au cœur de l’approche stratégique et marketing, le courant sociopolitique
a l’avantage de prendre en compte les canaux virtuels. L’importance des dimensions
stratégiques et marketing des relations entre les acteurs est mise en avant (Poirel et Bonet
Fernandez, 2008). Ces variables vont être analysées de manière séparée jusqu’aux travaux de
Porter de 1982 et de1986. Les travaux de l’IMP (Industrial Marketing and Purchasing Group)
vont également avoir un impact sur l’étude des canaux de distribution avec le passage d’une
vision dyadique et transactionnelle à une vision réticulaire et relationnelle (Filser, 2012).

L’approche stratégique

Le troisième modèle, dit contemporain, se réfère à l’analyse stratégique du rôle de l’information


et reprend le caractère central de la création de valeur avec les ressources engagées et les
services procurés. Comme le souligne Filser (2012), le courant stratégique « […] replace le
canal de distribution et les intermédiaires au cœur du processus concurrentiel de création de
valeur à travers la mobilisation de ressources spécifiques. » p. 134. Un cadre théorique
intégrateur voit le jour avec la reconnaissance d’un triptyque fonction-institution-ressources.
Ce cadre émerge à la suite de deux mouvements. Tout d’abord, le champ du management
stratégique met en avant un courant d’analyse fondée sur les ressources. Ce courant permet de
compléter le modèle théorique stratégique des canaux. Puis il apparaît dans le champ du
marketing avec des concepts comme le « Service Dominant-Logic » (SDL) de Vargo et Lusch
(2004) ou le modèle ARA (acronyme pour Activité-Ressource-Acteur) développé par l’IMP
Group et formalisé par Håkansson et Johansson en 1992. Les modèles ARA et SDL ne sont pas
au même niveau d’analyse. Au vu des résultats de l’analyse qualitative, le modèle SDL sera
préféré dans la suite de la recherche. Le SDL nous semble plus pertinent pour répondre aux
différentes questions de recherche. Il permet également d’étudier de manière approfondie la
distinction entre les flux physiques et les flux informationnels. Cette distinction est forte chez
les industriels puisque le flux physique est toujours géré par le grossiste alors qu’ils ont repris
en partie la gestion de l’information au sein du canal.

Le modèle ARA est une approche des réseaux industriels et permet de distinguer trois
composantes interconnectées clés des réseaux à savoir les activités, les ressources et les acteurs.

208
Ce modèle offre une vision holiste et un cadre d’examen de la dynamique de la distribution
(Gadde, 2012 ; 2014). La nature du modèle ARA s’est étendue à la notion de stratégie (Cova et
al., 2015). Pardo (2011) utilise le modèle ARA sur la valeur ajoutée du commerce de gros en
France. Même si ce modèle n’a pas pu être validé de manière empirique (Håkansson et al.,
2009), les auteurs montrent que les relations entre les acteurs du canal de distribution reposent
sur des liens d’activités (réduire les coûts) mis en œuvre ou sur des liens de ressources
(innovation et développement de produits et services) mobilisés.

Le SDL fait la distinction entre les ressources mises en œuvre et la nature des services procurés.
Cette « logique du service dominant » permet de revoir comment une organisation créée de la
valeur. Même si aucun test empirique ne semble avoir été mené, il est possible d’extraire trois
idées. Tout d’abord, il apparaît qu’il est possible de remettre en cause la notion de « chaîne de
valeur » au profit d’une notion de « constellation de valeur » reposant sur la connaissance et la
relation (Normann et Ramirez, 1993). Ensuite, il est possible de voir que toutes les interactions
entre les membres du canal de distribution permettent une co-création de la valeur généralisée.
Enfin, le SDL remet en cause le caractère central des produits tangibles dans le fonctionnement
des canaux au profit de celui de l’information. Cette dichotomie permet d’approcher la
distinction entre les fonctions logistiques et transactionnelles, plus particulièrement la
distinction en flux physique et informationnel au sein des fonctions logistiques. Trois notions
émergent alors dans cette conception du canal, il s’agit de « liquéfaction », de « découplage »
et de « densité » (Filser, 2012).

La liquéfaction vise à dissocier le plus possible l’information du produit physique. Les


nouvelles technologies permettent d’accentuer ce phénomène. La densité rend l’information
accessible à un maximum de membres via des nœuds. Ce rôle peut être assuré par des
plateformes. Enfin, le découplage ne peut être évoqué sans son opposé qu’est l’encastrement
comme le montre Grossetti et Godart (2007) « Toute entité est à la fois encastrée dans les liens
qu’elle a tissés avec d’autres identités, et découplée, c’est-à-dire disposant d’une marge de
manœuvre spécifique. Tout découplage débouche sur un nouvel encastrement : par exemple, la
formation d’un marché s’accompagne de l’établissement de liens entre ce marché et d’autres
dans un réseau de marchés. » p. 7. Ces notions sont mises en lumière par le théoricien central
de l’analyse des réseaux sociaux : White (Grossetti et Godart, 2007 ; George, Mannarini et

209
Travaillé, 2014). Le découplage entraîne une nouvelle répartition des fonctions entre les
membres du canal par la remise en cause des séquences d’opérations (Filser, 2012). Cette notion
est aujourd’hui utilisée dans de nombreux champs : institutionnel (Meyer et Rowan, 1977),
canal de distribution (Filser, 2012) et stratégique (Daudigeos, 2019).

Nous assistons bien à ce découplage entre flux informationnel et flux physique dans le terrain
étudié lors de la phase qualitative. Le découplage constitue de nouvelles règles de marché et
une nouvelle légitimité pour les acteurs en s’appuyant sur trois piliers (George et al., 2014) :

- normatif ;
- régulation ;
- culturel-cognitif.

Il est alors possible de constater un certain isomorphisme lié aux normes. Cela nous amène alors
à évoquer un autre cadre théorique. En effet, le découplage est un concept fondateur en théorie
néo-institutionnel où les organisations peuvent découpler leurs structures formelles de leurs
activités opérationnelles (Meyer et Rowan, 1977).

L’approche néo-institutionnelle

Ces trois grandes approches permettent d’étudier et de comprendre les dynamiques des
intermédiaires à partir des choix des acteurs du canal de distribution. Cependant, elles ne
permettent pas d’expliquer la position marginale et la mauvaise image des intermédiaires B to B
(Michel, 2014 ; Baritaux et Billion, 2018). Les choix stratégiques des acteurs peuvent être
impactés par l’influence institutionnelle. C’est pourquoi il est possible d’envisager une
quatrième approche émergente dite institutionnelle reposant sur la théorie organisationnelle
néo-institutionnelle (Michel, 2016). Des auteurs comme Meyers et Rowan (1977) ou DiMaggio
et Powell (1983) ont été des pionniers dans le travail sur la sociologie néo-institutionnaliste. Il
s’agit de comprendre pourquoi et comment les organisations tendent à devenir similaires sans
pour autant être plus efficaces (DiMaggio et Powel, 1983). Les auteurs cherchent à expliquer
l’homogénéité des organisations, qui se situe dans un second temps de la recherche en
organisation, à la différence d’autres courants qui s’étonnent de la diversité des organisations

210
et se situe dans un premier temps de la recherche en organisation (DiMaggio et Powel, 1983).
Ce courant s’appuie sur des arguments de réseau à la fois de connectivité et d’équivalence
structurelle (Scott, 2005).

Ainsi, il est possible d’étudier les jeux de pouvoir et l’impact des stratégies de et sur chacun des
acteurs du canal. Il a été montré que la légitimité n’est pas immuable et peut se perdre ou se
gagner et qu’elle augmente la visibilité et améliore l’image des grossistes (Michel, 2014).
Cependant, ce quatrième cadre théorique ne semble pas répondre entièrement à notre
problématique. En effet, la théorie néo-institutionnelle s’appuie principalement sur
l’isomorphisme institutionnel (Huault, 2009 ; Michel, 2016). Il existe deux types
d’isomorphismes qui ont été développés en se fondant sur le courant sociologique (DiMaggio
et Powel, 1983). Les auteurs parlent d’isomorphisme compétitif et d’isomorphisme
institutionnel. La construction théorique du concept d’isomorphisme institutionnel constitue le
socle fondateur de la théorie néo-institutionnelle (Huault, 2009). Finalement, il s’agit de voir
pourquoi les organisations sont similaires plutôt que différentes. L’isomorphisme est le concept
le plus adapté pour décrire la dynamique d’homogénéisation (DiMaggio et Powel, 1983). Il est
alors possible de voir certaines organisations faire des choix stratégiques incohérents en copiant
le comportement ou la stratégie d’une autre. Il existe trois formes de mécanismes institutionnels
de changements isomorphiques (DiMaggio et Powel, 1983 ; Huault, 2009) :

- isomorphisme coercitif : découle de l’influence et du problème de légitimité ;


- isomorphisme normatif : s’associe à la professionnalisation ;
- isomorphisme mimétique : résulte de réponses standards à l’incertitude.

Cette typologie revêt des différences analytiques puisque les types ne sont pas toujours
empiriquement distincts (DiMaggio et Powel, 1983). L’isomorphisme a des conséquences
cruciales pour les organisations puisqu’il favorise le succès et la survie des organisations selon
trois points (Meyer et Rowan, 1977). En devenant légitime, l’organisation renforce le soutien
et sécurise la survie. La légitimité est le point central du courant de pensée de la théorie néo-
institutionnelle (Daudigeos, 2019). L’isomorphisme pousse les organisations à adopter des
critères d’évaluations externes. Enfin, la dépendance vis-à-vis d’institutions normalise et
stabilise les relations organisationnelles externes et internes. Les organisations cherchent une
rationalité applicable (Touron, 2011). Cette forme d’organisation isomorphique est connue des

211
fabricants jusque dans les années 1960, dans le cadre de la mise en place d’une architecture de
contrôle de la distribution physique (Filser, des Garets et Paché, 2012).

Figure 13 : les quatre grandes approches pour expliquer l’intermédiation dans le canal de
distribution

Fondation
Fondation stratégique de
Fondation Fondation
stratégique du rôle l’influence de la
économique sociopolitique
de l’information théorie néo-
institutionnelle

3.1.2.1.2 Sélection du modèle d’analyse

Nous avons retenu le modèle théorique de la fondation stratégique du rôle de l’information, car
il nous semble être le plus pertinent dans le cadre de notre recherche. En effet, il permet
d’expliquer la création de la valeur par chaque membre au sein du canal de distribution. De
plus, il permet de mettre en avant le rôle prépondérant de l’information, rôle qui a été
démultiplié avec l’informatisation et Internet. De plus, il y a un caractère intégrateur du modèle
stratégique qui incorpore les modèles économiques et comportementaux. Il permet également
de prendre en compte la stratégie des acteurs avec un objectif commun, qui est celui de créer
de la valeur (Filser, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). Cette intégration offre une vision globale
de la dynamique des canaux (Jeanmougin-Lurdos, 1995).

Ce modèle théorique a été préféré à celui de la fondation économique, car comme cela est
apparu dans l’étude qualitative, le coût des fonctions assuré par les négociants n’est pas remis
en cause par les autres acteurs de la triade. Il y a bien quelques tentatives en amont pour vendre
en direct à travers des sites de vente en ligne ou en aval avec la création de coopératives, mais
il ne semble pas y avoir de remise en cause profonde du rôle du négoce. Une critique au modèle
économique peut être apportée dans le sens d’une absence de prise en compte du processus de
mise en place des relations entre les acteurs. Ces derniers sont uniquement considérés au travers
des interdépendances entre leurs fonctions (Capo, 2002). Or, le relationnel entre les membres
de la triade est essentiel dans le fonctionnement du canal.

212
Le modèle sur la fondation sociopolitique n’a pas été retenu également, car ce modèle
comportemental ne prend pas en compte les interactions avec les facteurs économiques et les
variables contextuelles (Capo, 2002). De plus, il y a des limites quant aux variables utilisées
puisqu’elles se concentrent sur le pouvoir, le conflit, le leadership ou la coopération (Filser,
2015 dans Pardo et Paché, 2015). La notion de pouvoir est fortement liée à celle de coercition.
C’est une limite à l’analyse du canal de distribution puisqu’elle se fait sous le prisme du pouvoir
et du conflit. Or, le pouvoir ne peut être la construction centrale dans une lecture relationnelle
du marketing (Morgan et Hunt, 1994).

Dans la théorie néo-institutionnelle, les organisations sont influencées par des pressions
normatives qui émanent de différentes sources comme l’État ou d’autres organisations
régulatrices (Touron, 2011). Nous n’avons pas retenu cette théorie, car malgré l’intervention
d’institutions comme l’État ou les syndicats professionnels, les artisans ont encore des usages
faiblement digitalisés. De plus, le rôle de l’information est tout de suite apparu comme un
élément central au sein des flux échangés dans le canal étudié. L’effet d’isomorphisme est
également peu observé entre les acteurs de la triade. Par exemple, pour les négoces en termes
d’organisation interne, il existe de nombreux types d’organisations : coopératives, intégrées et
indépendantes avec ou sans centrale d’achats. Il en est de même pour les formes
organisationnelles externes : négoces traditionnels, négoces digitalisés, GSB, plateformes,
coopératives ou encore ventes directes. De plus, le digital ne semble pas encore une ressource
« culturellement approuvée » qui légitimerait les négoces sur le plan externe (Touron, 2011).
L’isomorphisme apparaît quand les entreprises ne savent pas de quoi sera fait l’avenir. Si les
entreprises du secteur ne s’intéressent pas vraiment à l’avenir ou ne doutent pas de leur survie,
il n’y a pas d’incitation à se copier les uns les autres. Finalement, les acteurs s’intéressent plutôt
à leur simple activité plutôt qu’à la stratégie de leur entreprise.

Nous allons donc revenir sur les deux aspects principaux de la théorie stratégique, à savoir le
SDL dans le champ marketing et la notion de ressource dans le champ stratégique. Cette
approche est sans doute plus opérationnelle que les autres (Gallouj et Gallouj, 2009).

213
3.1.2.2 Le « Service-Dominant Logic »

Nous revenons tout d’abord sur les origines du SDL (3.1.2.2.1). Cela nous permet par la suite
de définir les services (3.1.2.2.2). Le SDL se situe dans une vision intégrative (3.1.2.2.3) dont
les Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication ont participé à son
émergence (3.1.2.2.4). Le SDL permet également de mettre en avant une certaine spécialisation
au sein des fonctions (3.1.2.2.5).

3.1.2.2.1 Les origines du Service-Dominant Logic

La logique dominante se fonde sur l’échange de ressources tangibles, autrement dit de « biens »,
sur une valeur intégrée et sur la transaction (Vargo et Lusch, 2004a). Mais, dans les années
1990, une nouvelle logique orientée vers les ressources immatérielles, la création de valeur et
les relations apparaît. Cette nouvelle logique peut alors devenir dominante en marketing pour
Vargo et Lusch (2004a). Le marketing de service a eu du mal à émerger face au monopole de
la perception économique de la distribution et de la maximisation des coûts. Le marketing de
service a gagné en autonomie avec l’arrivée des NTIC (Callot, 2002).

Il existait une certaine opposition entre le producteur et le consommateur qui a été remise en
cause par la vision intégratrice du SDL (Béji-Bécheur, 2016). À partir de 1970, le marketing
évolue puisqu’apparaissent les notions de processus de création de valeur et de résolution de
problèmes. Les recherches se tournent alors vers le comportement et l’expérience du
consommateur, c’est-à-dire sa participation à la création de valeur ajoutée. Le SDL permet de
passer à une construction collective de la valeur entre le producteur et le consommateur (Béji-
Bécheur, 2016). Ainsi apparaît le marketing des services. Le SDL émerge de ces évolutions
dans les années 2000 en s’appuyant sur la co-création de valeur avec le client, permise par le
développement des NTIC. Si la co-création est assez récente en B to C, c’est en réalité une
pratique ancienne en B to B (Diviné, 2016). En partie grâce à ces technologies, le client occupe
un rôle central dans le processus de création de l’offre et de facto dans la création de
l’innovation (Béji-Bécheur, 2016). Ce changement de paradigme modifie également le
marketing qui n’est plus orienté vers le consommateur (market to) ou « firm-centric-approch »
puisqu’il devient coopératif (market with) (Jouny-Rivier et Jouny, 2015 ; Béji-Bécheur, 2016).

214
Il est possible de faire un parallèle avec le terrain étudié puisque les industriels intègrent de plus
en plus l’avis des clients dans le processus d’innovation. Ces derniers mettent en place des outils
et des services pour collecter et stocker les remontées terrain à travers les sites Internet et les
clubs dans des CRM. Cette stratégie passe par des outils digitaux pour créer plus de valeur au
sein du canal.

S’il y a peu d’études du SDL dans les relations B to B et dans le cadre d’une triade, il ne faut
pas occulter le fait que tout un courant sur le marketing relationnel s’est d’abord développé dans
le B to B (Morgan et Hunt, 1994). Le marketing relationnel est un changement de paradigme.
Ces auteurs conceptualisent le marketing relationnel et ses dix formes. Ils théorisent également
qu’un marketing relationnel réussi nécessite un engagement et une confiance relationnelle. Le
marketing relationnel fait émerger un paradoxe puisque « […] pour être un concurrent efficace
(dans l’économie mondiale) il faut être un coopérateur de confiance (dans un réseau). »
(Morgan et Hunt, 1994 p. 20). Afin d’assurer sa survie, dans le cadre du marketing relationnel,
le grossiste peut passer d’un rôle d’acquiescement (passif/réactif) à un rôle de coopération
(proactif) en suggérant de manière proactive de meilleures publicités par exemple.

Le SDL n’a pas cessé de s’enrichir des travaux des différents chercheurs. Ainsi, Vargo et Lusch
en 2008, puis en 2016, font des « mises à jour » des prémisses fondamentales et en ajoutent de
nouveaux dans un souci de précision du langage.

215
Tableau 48 : évolution des prémisses fondamentales du SDL (d’après Vargo et Lusch, 2016,
p. 8)

Prémisse
2004 2008 Update
fondamentale
The application of
specialized skills and
Service is the fundamental No Change
FP1 knowledge is the
basis of exchange AXIOM STATUS
fundamental unit of
exchange.
Indirect exchange masks
Indirect exchange masks the
FP2 the fundamental unit of No Change
fundamental basis of exchange
exchange.
Goods are distribution
FP3 mechanisms for service No Change No Change
provision.
Knowledge is the Operant resources are the Operant resources are the
FP4 fundamental source of fundamental source of fundamental source of
competitive advantage. competitive advantage. strategic benefit.
All economies are service
FP5 No Change No Change
economies.
Value is cocreated by
The customer is always The customer is always a multiple actors, always
FP6
the co-producer. co-creator of value. including the beneficiary.
AXIOM STATUS
Actors cannot deliver value
The enterprise cannot deliver
The enterprise can only but can participate in the
FP7 value, but only offer value
make value propositions. creation and offering of
propositions.
value propositions.
Service-centered view is A service-centered view is A service-centered view is
FP8 customer oriented and inherently customer oriented inherently beneficiary
relational. and relational. oriented and relational.
All social and economic actors
No change
FP9 are
AXIOM STATUS
resource integrators.
Value is always uniquely and
No change
FP10 phenomenologically
AXIOM STATUS
determined by the beneficiary.
New
Value cocreation is
coordinated through actor-
FP11
generated institutions and
institutional arrangements.
AXIOM STATUS

Ainsi le SDL en 2016 comprend onze prémisses fondamentales et cinq axiomes.

3.1.2.2.2 Définition des services

Il est possible d’identifier de manière distinctive les services par leur intangibilité,
inséparabilité, hétérogénéité et périssabilité (Kotler, Keller et Manceau, 2015). Les quatre

216
critères de définition d’un service échouent à délimiter correctement les services de biens.
Cependant, Vargo et Lusch (2004a, b) mettent en avant que les biens et services doivent être
intégrés dans une offre globale. La distinction, la séparation et l’opposition dans la définition
des biens et des services limitent la compréhension plutôt que de l’éclairer. Nous utiliserons la
définition des services de Vargo et Lusch (2004b) : Accordingly, we define service as the
application of specialized competences (skills and knowledge), through deeds, processes, and
performances for the benefit of another entity or the entity itself (self-service). » p. 326. Le SDL
a une vision de relation imbriquée entre biens et services plutôt qu’une vision binaire avec des
biens et des services comme sous-ensembles des produits puisque les biens sont utilisés dans la
prestation de service (Vargo et Lusch, 2004a). Les auteurs parlent d’une convergence du
marketing des biens physiques et du marketing des services.

Il existe deux types de services élémentaires (Eiglier et Langeard, 1987). Le service de base
satisfait le besoin immédiat ou principal du client. C’est ce service de base qui définit le métier
de l’entreprise, sinon elle en change. À l’inverse, le service périphérique répond à un besoin
secondaire et il valorise ou facilite l’accès au service de base. Plusieurs services périphériques
peuvent être combinés et ils peuvent même devenir autonomes dans certains cas (Eiglier, 2004).
Ce type de service relève de la volonté de créer de la valeur ajoutée et permet de se différencier
des concurrents. Il offre donc un avantage concurrentiel (Boyer et Nefzi, 2009 ; Gallouj et
Gallouj, 2009). Il est possible d’apporter une distinction aux services périphériques entre
service facilitant et service de soutien (Lovelock, 1992).

Un canal de distribution existe et reste viable dans le temps grâce aux fonctions qui réduisent
la recherche, font gagner du temps, gèrent le stockage et d’autres coûts. Ces bénéfices sont
appelés la production de service du canal (Bucklin dans Coughlan et al., 2006). Il existe six
productions de service générique. Les quatre premières sont héritées de Bucklin, il s’agit du
bulk-breaking, de la commodité spatiale, du temps d’attente ou de la livraison et de la variété
de produit ou assortiment. Coughlan et al. (2006) en ajoutent deux que sont la personnalisation
du service et la fourniture d’informations. Ces six productions de service doivent permettre de
couvrir la majorité des besoins de l’utilisateur final et entrent dans la composition des flux de
canal.

217
Pour Normann et Ramirez (1993), la création de valeur ne se fonde plus sur la valeur ajoutée
puisqu’elle repose sur un modèle dépassé. Il faudrait plutôt parler de valeur créée de manière
coproduite avec l’ensemble des acteurs. Dans un marketing centré sur le service, le client est
toujours co-créateur, ce qui le place dans un rôle où il détermine la valeur et participe à sa
création (Vargo et Lusch, 2016). Ainsi, il convient de « l’éduquer » pour le rendre plus
productif à travers l’information (Munos, 2012).

En passant au « SDL », le paradigme centré sur le produit traditionnel est remplacé puisque le
bien ne devient qu’un support. On passe d’un temps de la primauté des éléments tangibles (la
chose échangée) à celle des éléments intangibles (le processus d’échange) « […] such as skills,
information, and knowledge, and toward interactivity and connectivity and ongoing
relationships. » p. 15 (Vargo et Lusch 2004a ; Béji-Bécheur, 2016). Les compétences peuvent
regrouper les connaissances et les savoir-faire. Les connaissances et les processus sont des
échanges d’actifs incorporels (Vargo et Lusch, 2004a). Les compétences ne sont pas des actifs
physiques, mais des processus intangibles. La connaissance est une ressource opérationnelle et
c’est une source davantage concurrentielle comme les compétences. Ces deux ressources
peuvent être transférées suivant différentes modalités :

• directement ;
• par l’éducation ou la formation ;
• indirectement : elle est alors comprise dans l’objet.

Une distinction existe entre les ressources opérandes et opérantes. Les ressources opérandes
sont finies et statistiques autrement dit ce sont des biens. Les ressources opérantes sont quant à
elles souvent invisibles, intangibles et continues comme des compétences essentielles ou des
processus organisationnels. Ces ressources opérantes ont un caractère dynamique et infini
(Vargo et Lusch, 2004a).

3.1.2.2.3 Une vision intégrative

Il est possible de faire émerger une vision intégrative des biens et des services. Cette vision est
rendue possible par le fait que la division entre biens et services est dépassée. La logique de

218
service dominant s’applique aux offres marketing qui peuvent donc impliquer des ressources
tangibles dans un processus de mise à disposition de service (Vargo et Lusch, 2004a). Puisque
la logique de service dominant est orientée vers un service personnalisé, le consommateur
devient acteur. Ainsi les utilisateurs se tournent vers une différenciation croissante avec une
tendance à exiger des solutions personnalisées plutôt que normalisées (Gadde et Snehota, 2001).
C’est une évolution du marketing dans lequel le cadre conceptuel du SDL permet de passer de
l’achat de biens et de services à une offre créatrice de valeur (Moreno et Besson, 2008). Dans
le cadre du SDL ce n’est plus le produit qui est la base de l’échange, mais le service (Munos,
2012).

Cette nouvelle logique dite SDL est donc un changement de paradigme, le service caractérisant
les sociétés post-industrielles (Boyer et Nefzi, 2009). La valeur est définie et co-créée avec le
consommateur. L’humain est donc remis au centre de la prestation d’échange. Le service
permet de créer de la valeur ajoutée et/ou permet la différenciation de l’entreprise par rapport à
la concurrence (Collot, 2002 ; Boyer et Nefzi, 2009). L’industrialisation a réduit la vision de
service dû ou rendu à la fois auprès des clients internes, mais également externes. Toute
l’entreprise doit penser client et abandonner les silos (Kotler, Keller et Manceau, 2015). La
focalisation a été portée sur le produit comme composant fondamental de l’échange
économique. L’apport principal de Vargo et Lusch (2004a) est ce changement de paradigme
puisque le « Good-Dominant Logic » laisse la place au « Service-Dominant Logic ».
Finalement, les produits peuvent être perçus comme des services. Par exemple le rasoir
remplace les services du barbier.

Parler de service revient également à parler de servuction ou l’ensemble des éléments qui
interviennent dans le processus de fabrication et de production d’un service (Boyer et Nefzi,
2009 ; Diviné, 2016). La présence du consommateur est indispensable puisqu’il est à la fois
consommateur et producteur. La participation peut avoir lieu selon différents niveaux :
physique, intellectuelle ou affective (Boyer et Nefzi, 2009). La présence du personnel de
l’entreprise peut être requise pour produire le service. Ce personnel va alors personnifier
l’entreprise et aura un double rôle : opérationnel en effectuant la tâche, et relationnel en étant
en contact avec le client. Le vendeur a un positionnement central dans l’espace multicanal
(Vanheems, 2011).

219
3.1.2.2.4 L’apport des NTIC dans l’émergence du SDL

Il existe quatre caractéristiques fondatrices dans l’approche SDL (Luch et Nambisan, 2015 ;
Béji-Bécheur, 2016). Puisque l’on se situe dans un réseau d’acteurs, chacun peut créer de la
valeur dans le canal. Une certaine fluidité des ressources est permise et facilite le partage de
l’information et des connaissances notamment grâce aux NTIC. La combinaison et l’accès aux
ressources sont optimisés grâce à la densification des ressources. Il est possible pour chaque
acteur de devenir un intégrateur de ressource et un innovateur.

Les nouvelles technologies permettent également cette vision intégratrice puisque de nouvelles
formes de vente et de nouveaux outils sont apparus avec les sites e-commerce, la
géolocalisation, le géomarketing. Si le CRM existait avant l’apparition d’Internet, le digital a
fait apparaître des outils et de nouveaux moyens de contacts. Il est ainsi possible de
personnaliser l’offre sous la forme d’une hyper-segmentation afin de répondre au plus proche
des besoins des consommateurs (Collot, 2002). Le développement des technologies et de
l’informatique permet la rationalisation des offres de service et de l’adapter suivant le profil du
client (Jouny-Rivier et Jouny, 2015). L’arrivée des technologies transforme et améliore les
conditions dans lesquelles sont fabriqués les services. Eiglier (2004) prend l’exemple des
matériaux dans le bâtiment qui sont des transformations et des améliorations non visibles. Mais
il existe également des améliorations visibles matérialisées par des instruments comme les DAB
(Distributeur Automatique de Billets).

Il faut se poser la question de l’intérêt des outils digitaux, car selon Eiglier (2004) pour qu’une
machine technologique soit un succès, elle doit répondre à au moins trois conditions :

- répondre à un réel besoin du client et procurer une véritable valeur ajoutée ;


- être simple d’utilisation ;
- le client doit avoir une utilisation répétée et fréquente afin d’en posséder le maniement.

220
Les nouvelles technologies sont un point crucial dans la proposition des services aujourd’hui.
Ces technologies portent notamment sur l’information et sur son accès ou sa mise à disposition
pour le client. Cela peut poser des problèmes aux acteurs puisqu’il y a un rythme élevé
d’évolution et le montant d’investissement qui peut parfois être important (Eiglier, 2004). Ces
technologies permettent de constituer des réseaux de services. Cela augmente le nombre de
contacts entre les différents acteurs (Eiglier, 2004). Les nouvelles technologies sont créatrices
de valeur pour l’ensemble des membres. Elles permettent d’énormes gains de productivité et
une meilleure qualité de service.

La digitalisation peut être perçue comme une amélioration et comme un avantage différenciant
(Eiglier, 2004). Le digital apporte donc une meilleure circulation des informations entre les
différents membres du canal de distribution. Le flux informationnel peut devenir un avantage
concurrentiel. Vargo et Lusch (2004a) mettent en avant la primauté du flux informationnel dans
le « SDL » : « The goods-centered model necessarily assumes that the primary flow in the chain
is a physical flow, but it acknowledges the existence of information flows. We argue that the
primary flow is information ; service is the provision of the information to (or use of the
information for) a consumer who desires it, with or without an accompanying appliance. » p. 9.

3.1.2.2.5 Spécialisation au sein des fonctions

Le Service-Dominant Logic est aussi permis par une plus grande spécialisation des fonctions.
Les opérations de logistique et de traitement de l’information peuvent être perçues comme des
activités de service (Gallouj et Gallouj, 2009). Il existe une prépondérance de la logistique
matérielle puisqu’il y a un changement avec l’augmentation du contenu informationnel, cognitif
et relationnel (Gallouj et Gallouj, 2009). L’information permet de réduire le risque perçu,
d’augmenter la confiance, de personnaliser et de mieux comprendre l’offre (Munos, 2012). Il
existe différentes natures de l’information. Elle peut être de nature pédagogique, informative,
éducative ou responsable et sociétale (Munos, 2012).

La co-création de services dans la relation B to B est encore peu étudiée en Sciences de Gestion
et reste à l’étape conceptuelle (Jouny-Rivier et Jouny, 2015 ; Jouny-Rivier, 2016). Dans le cadre

221
d’une relation B to B, le consommateur est une entreprise ou une organisation. Il est intéressant
de voir que le SDL permet un passage de la transaction à la relation. En effet, la relation est
basée sur le long terme et évite la multiplication des contacts (Vargo et Lusch, 2004a). Le fait
d’impliquer les clients dans la création de l’offre permet de mieux répondre à leurs besoins dans
un contexte B to B et de créer de la valeur (Jouny-Rivier et Jouny, 2015). Elle apporte également
une meilleure connaissance des clients. La co-construction a surtout été étudiée dans des
contextes B to C (Jouny-Rivier et Jouny, 2015). Le grossiste permet également la
personnalisation de l’offre avec un report de la dernière étape de fabrication lors de la prise de
commande (Coughlan et al. 2006).

Le commerce de gros est un secteur en croissance. Cette croissance est en partie due au
développement des services (Néfussi, 2009). L’offre des distributeurs, aussi bien B to C que
B to B, devient de plus en plus intangible (Munos, 2012). La base de la distribution est de mettre
à disposition des produits tangibles. Mais il est nécessaire de faire autre chose pour s’assurer la
fidélisation et la satisfaction du client et pouvoir se différencier de la concurrence (Munos,
2012). Dans les interactions B to B, si la perception de bénéfice est supérieure au risque alors
la collaboration de type co-construction est possible (Jouny-Rivier, 2015).

Une stratégie de retour ou du maintien au métier de base peut être mise en place. Ce retour vers
les services ou métiers de base s’appelle le recentrage. Les fonctions en dehors de ce périmètre
peuvent être externalisées à d’autres acteurs. Une certaine logique de fond laisse supposer qu’un
spécialiste est meilleur qu’un généraliste. C’est l’un des défis du grossiste qui doit repenser son
statut entre spécialiste, multispécialiste et généraliste dans le souci de créer de la valeur selon
Pardo (2014). Cette stratégie accroît la maîtrise et offre des perspectives d’innover ou
d’améliorer les services. Il est alors possible de délivrer une valeur supérieure au client (Eiglier,
2004). Dans le terrain étudié, ce phénomène de recentrage est assez fort. Nous pouvons citer
deux exemples. Le premier est l’abandon de la branche de distribution par les industriels. CRH
a conclu un accord avec le fonds de pension américain Blackstone102 pour céder toute sa partie

102
Le Groupe Samse est en passe de retrouver son indépendance en rachetant les parts détenus par BME France
(Blackstone) comme l’annonce un communiqué en date du 24 janvier 2020, https://www.groupe-
samse.fr/sites/default/files/media/pdf/Projet%20SAMSE.pdf, consulté le 16/02/2020

222
distribution composée par exemple des groupes comme Raboni ou Samse103104. Cette session
par CRH s’inscrit dans une volonté de se recentrer sur son métier de base, et accessoirement
qui génère plus de marge, le ciment. Saint-Gobain connaît également de grands
bouleversements avec une réorganisation complète et la cession, dans sa partie distribution, de
nombreuses branches (la partie distribution en Allemagne) et filiales comme Point P.TP, K par
K ou Lapeyre105. Le second est la spécialisation des négoces traditionnels avec le rachat ou la
création d’enseignes spécialistes. M+ Matériaux a inauguré l’année dernière sa première
agence MPPI dédiée aux plaquistes en plus de ses enseignes spécialisées dans le carrelage
(Caréo) et dans le bois (Socobois)106.

Il peut être nécessaire de faire un état des lieux des services et d’en faire disparaître certains si
besoin, par exemple lorsqu’ils sont devenus obsolètes. Dans le même temps, il convient de créer
de nouveaux services qui correspondent aux besoins des clients (Eiglier, 2004). Cette approche
a déjà été étudiée dans le cadre des grossistes (Beckman et Engle, 1951 ; Dugot, 2000). Ces
auteurs mettent en avant deux processus distincts. D’un côté, les grossistes s’adaptent à leur
environnement par le développement de prestations de services au travers de l’amélioration des
services classiques. Ces derniers se confondent avec les fonctions et opérations traditionnelles
plutôt physiques comme le stockage, le fractionnement, l’allotissement et le groupage. De
l’autre côté, les grossistes ont su s’adapter par l’élargissement de la prestation de service
(Giraud et Pardo, 2012). Cet élargissement passe soit par la création de nouveaux services soit
par la dynamisation de services peu développés (Tableau 49).

103
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/crh-blackstone-samse-le-point-sur-les-forces-en-presence.2062804,
consulté le 01/12/2019
104
Cette vente ne s’est finalement pas faite, car le Groupe Samse a finalement racheté ses parts :
https://www.lemoniteur.fr/article/samse-echappe-au-rachat-par-blackstone.2072954, consulté le 25/01/2020
105
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/saint-gobain-un-nouveau-numero-2-et-la-distribution-disparait-de-
l-organigramme.2006834, consulté le 01/12/2019
106
Source : https://www.mplus-materiaux.fr/, consulté le 01/12/2019

223
Tableau 49 : liste des nouveaux services développés par les grossistes d’après Néfussi (2008a)

Orientation clients Orientation fournisseurs


L’expertise technique et la prescription La finalisation des solutions (adaptation, installation)
La réduction des coûts par la fonction achat La fabrication sur mesure
L’accès au marché international par le sourcing Le SAV et la réparation
L’innovation et la conception de produits par le retour
La sous-traitance pour les clients
d’expérience
La gestion des stocks clients La création de collections et la gestion de marques
L’entreposage spécifique (exemple de la chaîne du
La gestion des litiges pour le compte du fournisseur
froid)
La gestion complète de rayons de petits objets pour
La formation aux bons usages
la distribution
La maintenance d’équipements La promotion des innovations
La formation aux bons usages
L’apport d’informations techniques et scientifiques
La collecte des déchets comme les emballages

Eiglier (2004) met en avant que la transformation de la relation entre une entreprise et son client
aboutit au « one to one ». Cette transformation tendrait à diminuer voire à faire disparaître les
intermédiaires. Il est possible de nuancer ce propos. Car comme nous l’avons déjà montré dans
la revue de littérature, dans la relation B to B, un certain nombre de services est déjà personnalisé
dans une logique « one to one ». De plus, les intermédiaires grossistes que nous étudions ne
semblent pas être en voie de disparition. En effet, d’après l’étude qualitative, c’est eux qui sont
les mieux placés pour délivrer cette logique de personnalisation de l’offre face à une demande
multiforme et éclatée géographiquement.

3.1.2.3 La « Resource-Based View »

Suite à l’analyse qualitative, il est possible de préciser qu’une concurrence apparaît (tout du
moins sur le flux informationnel pour le moment) entre l’industriel et le grossiste. Il s’avère que
le flux d’information, son traitement et son partage peuvent devenir un avantage concurrentiel
durable (Barney, 1991). Pour définir cet avantage, nous reprenons les propos de Foss et Stieglitz
(2010) : « A firm is said to have a competitive advantage when it is implementing a value
creating strategy not simultaneously being implemented by any current or potential
competitors. » p. 7. Il est possible d’imaginer le grossiste s’appuyer sur ces ressources de base
ou bien développer de nouvelles ressources pour acquérir un avantage concurrentiel durable.
De plus, les ressources deviennent un axe majeur dans une approche réseau des intermédiaires
(Pardo, 2012 ; Pardo et Paché, 2015). Ces concepts de ressources et d’avantages concurrentiels

224
durables font référence à la théorie de la « vue basée sur les ressources » ou RBV en anglais
pour « The Resource-Based View » sur laquelle nous allons à présent nous appuyer. C’est l’une
des théories les plus influentes dans le domaine de la gestion stratégique (Peteraf, 2007 ;
Kraaijenbrink, Spender et Groen, 2010). La maîtrise de la logistique par le grossiste peut être
vue par exemple comme un levier majeur dans l’acquisition d’un avantage concurrentiel
durable (Filser, des Garets et Paché, 2012).

Nous allons commencer par les origines de la vue basée sur les ressources. Le principal
développement de la RBV se situe entre 1984 avec un article fondateur de Wernerfelt (1984) et
le milieu des années 1990. Wernerfelt, en 1984, est le premier à chercher à faire une publication
axée sur les ressources dans le domaine de la gestion stratégique. Il cherche alors à développer
une théorie de l’avantage concurrentiel basée sur les ressources. En s’appuyant sur les travaux
de Porter et sur la théorie de l’avantage concurrentiel basé sur la position du marché des
produits. Il met en avant qu’une entreprise peut développer ou acquérir des ressources pour
mettre en œuvre une stratégie de marché de produits (Wernerfelt, 1984 ; Barney, 2001a). Il
s’agit de développer des outils économiques simples pour analyser les ressources et examiner
les options stratégiques. C’est l’utilisation de la relation entre rentabilité et ressources ainsi que
la gestion des ressources au fil du temps (Wernerfelt, 1984). En réalité, il s’agit de mettre en
adéquation la position sur différents marchés et le portefeuille de ressources. Les principes de
base de la logique centrée sur les ressources sont exposés dans certains articles comme
Wernefelt (1984) ou Barney (1986). Cette logique basée sur la ressource va reposer sur deux
axes théoriques que sont la théorie sur les loyers économiques et la théorie de l’avantage
concurrentiel (Barney, 2001a). En revanche, la théorie de la RBV trouve son origine dans
différentes théories distinctes, notamment en économie et en sociologie (Barney, 2001a,
2001b ; Peteraf, 2007 ; Kraaijenbrink, Spender et Groen, 2010) :

1- L’étude traditionnelle des compétences distinctives qui cherche à expliquer les


possibilités de différences de performance des entreprises en se concentrant
exclusivement sur les cadres supérieurs.
2- La microéconomie néo-classique Ricardienne selon laquelle l’avantage concurrentiel
peut être :
- Ex ante : un dirigeant a une meilleure estimation de la valeur future d’une ressource.
- Ex post : éviter la concurrence par la mise au point d’un mécanisme d’isolement
fournissant à l’entreprise des bénéfices supérieurs à la normale.
225
3- L’économie Pénrosienne héritée des travaux de Penrose (1959).
4- La branche de l’économie de l’évolution de Nelson et Winter (1982).
5- L’étude de l’implication antitrust en économie.
6- Les déterminants de la performance des entreprises reposant sur l’avantage
concurrentiel fondé sur le Structure-Comportement-Performance (SCP) de Porter
(1980).

La RBV prend racine dans la gestion stratégique pour laquelle la question centrale est :
« Pourquoi certaines entreprises persistent-elles à surperformer par rapport à d’autres ? »
(Barney, 2001a ; Peteraf, 2007). Il n’est pas possible d’expliquer ce phénomène avec la théorie
économique traditionnelle au contraire de la vue basée sur les ressources comme l’explique
Barney (2001a) : « The resource-based view (RBV) has emerged as one of several important
explanations of persistent firm performance differences in the field of strategic management. »
p. 124. Par la suite la RBV est utilisée pour expliquer un large éventail de phénomènes. C’est
un paradigme entre l’économie industrielle selon lequel la structure de l’industrie influence la
stratégie et donc la performance alors que pour la RBV c’est l’entreprise qui crée l’avantage
concurrentiel (Peteraf, 1993) puisque les ressources sont hétérogènes entre les entreprises et
imparfaitement mobiles. Les ressources sont d’abord vues avec une vision économiste et
étudiées dans un premier temps sous l’angle des théories économistes (Wernerfelt, 1984). Il y
a eu une unification et une modification de ces théories afin de donner la vue basée sur les
ressources (Barney, 2001a). Celle-ci permet de comprendre que certaines ressources peuvent
être importantes dans la compétitivité de l’entreprise (Pateraf, 1993). Dans l’approche réseau,
l’entreprise ne détient pas les ressources qui sont en réalité réparties, développées et exploitées
dans ses relations avec les autres membres (Gadde et Ford, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).

Il est nécessaire d’apporter une distinction entre une « haute église » et une « basse église » au
sein de la vue basée sur les ressources (Foss et Stieglitz, 2010). La « haute église » est associée
au cadre VRIN (valeur, rareté, imitabilité imparfaite et non-substitualité) développé par Barney
auquel s’ajoute plus tard l’Organisation. Cette approche a permis de redynamiser le problème
de l’hétérogénéité des entreprises, de l’innovation et de la dynamique associée aux économistes.
Les ressources sont liées à la stratégie de l’entreprise et sont considérées comme efficacement
organisées. La « basse église » est associée aux compétences de bases, aux capacités ou aux

226
capacités dynamiques. Les origines sont plus diversifiées et notamment en dehors de
l’économie comme la pensée Schumpétérienne, le leadership ou la pensée de Penrose (Foss et
Stieglitz, 2010).

La définition des ressources est relativement homogène pour les auteurs. Wernerfelt (1984)
définit les ressources de la manière suivante : « By a resource is meant anything which could
be thought of as a strength or weakness of a given firm. More formally, a firm's resources at a
given time could be defined as those (tangible and intangible) assets which are tied
semipermanently to the firm (see Caves, 1980). » p. 172. Pour Barney (2001a) les ressources
revêtent la définition suivante : « Resources are the tangible and intangible assets firms use to
conceive of and implement their strategies. » p. 138. Dans le cadre de la première recherche qui
tente d’appliquer la théorie basée sur les ressources dans un contexte empirique marketing,
Capron et Hulland (1999) définissent les ressources : « […]as stocks of knowledge, physical
assets, human capital, and other tangible and intangible factors that a business owns or
controls (Amit and Schoemaker 1993; Grant 1991), which enable the firm to produce,
efficiently and/or effectively, marketing offerings that have value for some market segments
(Barney 1991; Hunt and Morgan 1996; Srivastava, Shervani, and Eahey 1998). » p. 42. En
réalité, il y a des ressources matérielles (tangibles) et immatérielles (intangibles) qui varient
dans le temps. Pour Wernerfelt, la notion de temporalité des ressources s’inscrit dans leur semi-
permanence alors que pour Barney, elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie de l’entreprise.
Ainsi, les ressources sont des atouts à la disposition des entreprises dans la mise en place de
leur stratégie (Barney, 1991). Il convient de revenir sur la notion de tangibilité des ressources
puisque cette dernière est une question de degré (Wernerflet, 1984 ; Barney, 1991, 2001a) :

Tableau 50 : typologie des ressources dans la « vue basée sur les ressources »

Capital financier
« Les ressources en capital physique incluent la technologie physique utilisée
Tangible
Capital physique dans une entreprise, ses installations et équipements, sa localisation
géographique et son accès aux matières premières. » p. 101 (Barney, 1991)
« Les ressources en capital humain comprennent la formation, l'expérience,
Capital humain le jugement, l'intelligence, les relations et la perspicacité des responsables et
des travailleurs individuels d'une entreprise. » p. 101 (Barney, 1991)
Moins « Les ressources en capital de l’organisation comprennent la structure de
tangible rapport formelle d’une entreprise, ses systèmes de planification, de contrôle
Capital
et de coordination formels et informels, ainsi que les relations informelles
organisationnel
entre les groupes d’une entreprise et entre une entreprise et ceux de son
environnement. » p. 101 (Barney, 1991)

227
Il est possible de lister des ressources bien que cette liste n’ait pas de valeur limitative : les
actifs, les capacités, la confiance, les processus organisationnels, le nom de marque, les
connaissances internes de la technologie, les informations, les compétences, l’emploi de
personnel qualifié, la force de vente, les contacts commerciaux, la réputation positive, les
machines, les procédures efficaces, le capital, l’expertise marketing générale, etc. (Wernerfelt,
1984 ; Barney, 1991, Capron et Hulland, 1999 ; Kraaijenbrink, Spender et Groen, 2010). Dans
le cadre de la distribution B to B, elle combine les ressources « relation avec les fournisseurs »
et les ressources « relation avec les clients » (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). Les
ressources peuvent être la base, mais également un levier futur pour la croissance de l’entreprise
(Pateraf, 1993). Dans cette recherche de performance, l’entreprise peut combiner des ressources
intra et interorganisationnelles (Pardo, 2012).

Une limite peut être apportée à la définition des ressources. En effet, elles seraient trop
inclusives ce qui les rendraient inapplicables (Kraaijenbrink, Spender et Groen, 2010).
L’inclusivité est à la fois une force et une faiblesse de la RBV, car elle rend cette théorie
tautologique puisque du moment où une chose est utile pour l’entreprise, elle devient une
ressource. Le terme de ressources manque de clarté notamment avec des notions comme les
capacités ou les compétences. Il revient ainsi de clairement définir les typologies de ressources
sollicitées. Kraaijenbrink, Spender et Groen, (2010) prônent une meilleure identification des
types de ressources dans le cadre de l’avantage concurrentiel durable. C’est pourquoi dans notre
future étude quantitative, nous utiliserons la typologie de Barney (1991) avec le capital
physique, humain et organisationnel.

En parallèle de la typologie des ressources, pour qu’une entreprise acquiert un avantage


concurrentiel durable grâce aux ressources, Barney (1991) identifie quatre attributs clés ou
indicateurs empiriques connus sous l’acronyme VRIN. Si une ressource n’a pas ces quatre
attributs, elle n’offre pas à l’entreprise le potentiel d’avoir un tel avantage.

- Tout d’abord la ressource doit avoir une certaine valeur, le terme de ressource
précieuse peut également être utilisé. Cette ressource exploite les opportunités et/ou

228
neutralise les menaces de l’environnement. Les ressources doivent donc être utiles
pour constituer une source d’avantage concurrentielle durable. L’utilité de ressource
peut être mesurée lorsqu’elle a pour effet de réduire les coûts nets et/ou d’augmenter
les revenus nets de l’entreprise (Barney, 2001a).
- Ensuite, la ressource doit être rare de manière immédiate ou dans le futur parmi les
entreprises de l’environnement, c’est-à-dire que pour créer de la valeur, cette
ressource ne doit pas être mise en œuvre par un grand nombre d’entreprises de
manière simultanée. Il est possible de déterminer la rareté lorsque la demande
dépasse la fourniture (Peteraf, 1993).
- Puis, la ressource doit être imparfaitement imitable. Bien qu’une ressource soit
précieuse et rare, il faut encore qu’une entreprise qui ne la possède pas ne puisse pas
l’obtenir. Il existe trois raisons non cumulatives pour qu’une ressource soit
imparfaitement imitable :
o le contexte historique unique ;
o le lien entre les ressources ;
o la complexité sociale de la ressource.

Les ressources d’une entreprise peuvent être complexes, interdépendantes et souvent


implicites. Par exemple, la technologie physique est imitable. Mais il est possible
d’avoir un avantage concurrentiel durable par une meilleure exploitation d’une
technologie physique que les concurrents.

- Enfin, la ressource ne peut pas avoir de substituts stratégiquement équivalents, c’est-


à-dire qu’il n’existe pas de ressource valable sur le plan stratégique qui ne soit ni
rare ni imitable.

Selon Barney (1991), ces attributs des ressources de l’entreprise peuvent être considérés comme
des indicateurs empiriques de l’hétérogénéité et de l’immobilité des ressources d’une entreprise,
et donc de l’utilité de ces ressources pour générer des avantages concurrentiels durables. Les
avantages concurrentiels peuvent se reposer sur des faisceaux de ressources connexes. Ces
ressources connexes sont alors utiles, mais ne sont ni rares, ni imparfaitement imitables ou
substituables (Barney, 2001a). De plus, l’avantage concurrentiel ne provient pas d’une
ressource unique, mais de la combinaison complexe de ressources co-spécialisées (Peteraf,
1993).

229
Les ressources doivent être hétérogènes et immobiles pour créer des barrières à l’entrée. Il
existe des ressources immobiles, elles ne peuvent pas être échangées. Il y a également des
ressources imparfaitement mobiles qui sont spécialisées pour les besoins spécifiques de
l’entreprise ou ont des coûts de transferts élevés. Ces ressources sont moins susceptibles d’être
imitées (Pateraf, 1993). Un moyen d’acquérir ce type de ressources est l’achat de l’entreprise
par acquisition et fusion. L’imitation des ressources n’est pas toujours évidente à cause de
l’ambiguïté causale (Barney, 1991). Si l’imitation est difficile, l’acquisition de ressources peut
être le seul moyen viable d’obtenir un avantage concurrentiel durable. Les organisations doivent
aller chercher des ressources ailleurs et plus seulement en interne. Cela est dû à l’évolution des
activités au sein du canal de distribution, par exemple le passage du spéculatif à la
différenciation retardée (Gadde et Ford, 2015 dans Pardo et Paché, 2015). L’immobilité des
ressources pousse donc au rachat complet d’une organisation (Barney, 1991 ; Capron et
Hulland, 1999).

Certains types de ressources peuvent générer des profits élevés. Ce sont alors des barrières de
positionnement des ressources. Ces barrières de positionnement peuvent être identifiées comme
une analogie aux barrières à l’entrée (Wernerfelt, 1984). Les barrières de positionnement des
ressources permettent au détenteur d’une ressource de maintenir une position par rapport à
d’autres titulaires d’une même ressource ou des tiers dans un contexte relationnel. Il est possible
de voir cette barrière de positionnement des ressources comme un avantage du premier arrivé
sur un marché avec des ressources attrayantes qui doit générer des rendements élevés sur le
marché dominé (Wernerfelt, 1984). Il convient à l’entreprise de sélectionner et de développer
ces ressources attrayantes. La logique basée sur les ressources peut permettre d’identifier les
ressources qu’une entreprise doit contrôler et utiliser pour obtenir un avantage concurrentiel
durable. Il s’agit également de déterminer pour l’entreprise quelles sont les ressources à
conserver et celles à développer (Barney, 2001a).

Giraud et Pardo (2012) mettent en avant que le développement de la vision « ressources » est
une piste de réflexion pour penser l’évolution des intermédiaires.

230
3.1.3 Conclusion

Le cadre conceptuel mobilisé semble répondre aux enjeux de la recherche. Dans un premier
temps, l’approche par les flux physiques, informationnels et financiers répond de manière
macro à la création de valeur par le grossiste. Dans un deuxième temps, la dynamique des
canaux avec le modèle théorique de la fondation stratégique du rôle de l’information nous
permet d’identifier les stratégies possibles par les acteurs pour influencer la valeur ajoutée du
grossiste et ainsi jouer sur le risque de désintermédiation. En effet, il est possible d’identifier
des stratégies par les différents membres de la triade aussi bien avec le « Service-Logic
Dominant » qu’avec le « Ressource Base View ». Ces théories n’ont pas encore beaucoup de
fondement empirique, mais elles semblent particulièrement pertinentes dans la suite de notre
recherche.

Tableau 51 : comparaison entre le RBV et le SDL (inspiré de Baraldi, Gressetvold et Harrison,


2012)

Ressource-Based View Service-Dominant Logic


Message L'avantage concurrentiel provient de la Les échanges ne sont plus centrés sur le produit
principal possession de ressources uniques mais sur le service
VRIN + O : recherche de ressources précieuses,
Dinstinction entre les ressources opérandes et
Concepts clés rares, inimitables et non-substituable et
opérantes, co-création de valeur
contrôlées par l'organisation
Gestion stratégique, la microéconomie néo-
Patrimoine classique ricardienne, l'économie pénrosienne,
Gestion des services et marketing relationnel
théorique l'économie de l'évolution, le déterminant de la
perfomance SCP de Porter
L'hétérogénéité et l'imobilité des ressources et le Hétérogénéité des ressources.Valeurs uniques,
Hypothèses
contrôle exclusif des ressources clés créent des contextuelles et expérientielles. Tous les acteurs
théoriques
avantages concurrentiels durables économiques sont des intégrateurs de ressources
Unité (s) L'entreprise et le secteur, mais aussi maintenant
Échanges de services
d'analyse en train de devenir inter-organisationnel
Portée
Stratégie, gestion de l'innovation, développement Marketing, développement de produits, gestion de
empirique et
de produits services
applications
Modèle (s) Les hypothèses de base ne sont pas encore liées à
Paradigme VRIN + O
principal (s) un modèle opérationnel répandu
Sources de valeur dans le processus de co-
Une source d'avantage concurrentiel durable
création. Les avantages compétitifs proviennent
Ressource pour l'entreprise qui en est propriétaire, mais
principalement des ressources opérationnelles
seulement si inimitable
(compétences)
Création de
Via des combinaisons internes de ressources La valeur est créée de manière idiosyncratique par
valeur
uniques rendues inimitables par les concurrents les fournisseurs et les utilisateurs / clients
économique

En revanche, il est possible d’aller chercher une ouverture dans notre réflexion entre les théories
du canal de distribution et celles des réseaux et plus particulièrement des plateformes (Filser,

231
Frisou et Henriquez, 2019). En effet, si l’analyse des acteurs traditionnels de la distribution se
fait sous l’influence du concept de canal de distribution, celle des pure players adopte le concept
de plateforme multiface. L’unité d’analyse traditionnelle dans les canaux est majoritairement
la dyade producteur – intermédiaire (Holma, 2010). Mais comme nous l’avons déjà montré, se
mettre au niveau de l’intermédiaire c’est adopter une vision a minima triadique. Comme le
suggère Choi et Wu dès 2009, tout du moins dans le Supply Chain Management, il est nécessaire
de « passer le pas » de la dyade à la triade comme unité d’analyse (Choi et Wu, 2009 ; Wynstra,
Spring et Schoenhen, 2014). Cette approche a déjà été initiée en partie avec les travaux de Capo
(2008). Puisqu’en imaginant le grossiste comme une entreprise pivot, celle-ci s’appuie sur des
plateformes technologiques. La plateforme est un acteur multiface alors que l’intermédiaire
traditionnel peut être perçu comme un acteur biface. En tant qu’intermédiaire, une face est
orientée vers l’industriel et l’autre face est orientée vers le client.

La triade est ainsi l’expression la plus simple d’une relation biface. C’est la plus petite unité
d’analyse des interactions multifaces. C’est pourquoi nous continuerons d’utiliser l’unité
d’analyse reposant sur la triade de distribution industriel – grossiste – client professionnel dans
le canal de distribution des matériaux de construction. Le concept de « filtrage collaboratif »
pourrait être l’avenir des grossistes. Ce dernier permet d’utiliser les informations des clients du
grossiste sur leurs préférences et de faire des suggestions pertinentes à l’ensemble des clients
sur leurs choix. L’offre est donc proposée en fonction du profil du client (Volle, 2000). Plus il
y a de visiteurs, plus les profils peuvent devenir fins. Ce filtrage offert par les distributeurs peut
réduire les coûts de recherche des clients. C’est la force d’Amazon qui était en avance sur ce
système, mais d’autres plateformes l’utilisent comme Spotify ou Netflix sous forme de système
de recommandation (Kannan et Hongshuang, 2017). Le grossiste comme acteur multiface peut
agréger de la donnée sur les clients en dépassant la simple segmentation par activité ou métier.
Il serait alors en capacité de proposer des offres de produits et de services plus pertinentes aux
différentes faces clients. Cette valeur ajoutée peut alors servir dans les relations avec la face des
industriels par une meilleure connaissance du marché et des besoins.

232
3.2 Construction du modèle théorique

À présent que le cadre conceptuel est posé, il est possible de présenter le modèle théorique mis
en place qui servira de base à l’étude quantitative. Afin de tester les hypothèses, un modèle
théorique est alors proposé (3.2.1). En nous appuyant sur la littérature académique et notre
recherche qualitative, nous exposons nos différentes hypothèses et les variables afférentes
(3.2.2).

3.2.1 Présentation du modèle de recherche

Nous avons tenté de formaliser à travers la figure 14 notre modèle de recherche. Celui-ci
s’inspire de la théorie de la fondation stratégique du rôle de l’information au sein du canal de
distribution (Filser, 2012). Ce modèle est également inspiré des travaux de Rossetti et Choi
(2008) sur la désintermédiation de la chaîne d’approvisionnement dans l’aéronautique au
niveau de l’OEM (Orignal Equipment Manufacturer). Ce secteur connaît une désintermédiation
entre le client et le fabricant de pièces de rechange en excluant l’acheteur. Pour comprendre ce
phénomène de désintermédiation de la chaîne d’approvisionnement (SCD), les auteurs utilisent
la théorie de l’agence qui repose sur le contrat et permet une vision plus dynamique que la
théorie des coûts de transaction. L’incongruité des objectifs peut être causée par trois facteurs :
la compensation du contrat, l’attractivité des alternatives et la flexibilité contractuelle (Rossetti
et Choi, 2008). Finalement, trois facteurs ont pour conséquence une incongruité des objectifs à
savoir l’inflexibilité contractuelle, le désalignement financier et opérationnel, et l’attractivité
du marché secondaire (pièce de rechange). De plus, cette incongruité des objectifs est une
variable modératrice importante dans les relations acheteur-fournisseur. Les auteurs
reconnaissent une certaine complexité du modèle testé. Cependant, il nous semble pertinent de
reprendre ce modèle et de l’ajuster avec la théorie stratégique du canal de distribution. En effet,
ce modèle nous laisse présager de nombreux éclaircissements sur le rôle et la place du grossiste
au sein du canal de distribution.

233
Figure 14 : perspective théorique de la fondation stratégique sur la désintermédiation du
grossiste

Dans un premier temps, nous allons chercher à mesurer la valeur ajoutée des grossistes
traditionnels. Pour ce faire, nous considérons que les flux physiques, informationnels et
financiers sont des antécédents à cette valeur ajoutée. Le cadre des fonctions de gros en sein du
canal de distribution est donc mobilisé. Il s’inscrit dans la continuité de la littérature sur la
gestion des flux par le grossiste comme moyen de création de valeur ajoutée au sein du canal
de distribution (Filser, 1989 ; Dugot, 2000 ; Coughlan et al., 2006).

Une fois cette valeur ajoutée étudiée, nous allons chercher à tester l’effet qu’elle a sur le risque
de désintermédiation. Il s’agira ici de tester notre première hypothèse (cf. tableau 52). Nous
nous attendons à trouver un effet négatif de la valeur ajoutée du grossiste sur le risque de
désintermédiation.

Il sera alors possible de tester ensuite les modérateurs identifiés et de mesurer l’effet qu’ils ont
entre la variable valeur ajoutée et la variable risque de désintermédiation. « Un effet de

234
modération désigne l’interaction entre deux ou plusieurs variables pour influencer une autre
variable. Il y a un effet de modération lorsque l’effet de la variable indépendante X sur la
variable dépendante Y varie en fonction de la valeur d’une troisième variable Z » p. 98 (Borau
et al., 2015). La variable modératrice influence une variable X sur une variable Y avec un
impact sur la nature, le sens et/ou la force de cette influence. Ces effets sont souvent testés dans
les recherches en marketing. Il existe différentes méthodes pour tester les effets modérateurs
comme l’analyse de la variance (ANOVA) ou l’analyse multi-groupes (Borau et al., 2015).
Dans un premier temps, nous appliquons le cadre théorique du SDL à l’initiative de l’industriel.
Cela nous permet de tester notre deuxième hypothèse. Si l’effet de la stratégie de SDL mise en
place par l’industriel est positif, il est possible d’en déterminer une augmentation du risque de
désintermédiation. Dans un second temps, nous testons le cadre théorique du RBV développé
par le grossiste. Nous espérons trouver un effet négatif, ce qui signifierait une diminution du
risque de désintermédiation.

Tableau 52 : récapitulatif des hypothèses

Initiales Hypothèses
H1 La valeur ajoutée du grossiste traditionnel réduit le risque de désintermédiation.
La logique de services mis en place par l’industriel réduit l’effet de la valeur
H2
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.
Les ressources mobilisées par le grossiste augmentent l’effet de la valeur
H3
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.

À présent que le modèle de recherche est défini et présenté, nous pouvons développer les
hypothèses de recherche.

3.2.2 Présentation des hypothèses de recherche

Le modèle imaginé prend en compte trois types de variables qu’il nous faut présenter. Dans
l’ordre, nous présentons les variables antécédentes (3.2.2.1), la variable principale (3.2.2.2) et
les variables modératrices (3.2.2.3). La déduction logique des affirmations proposées s’appuie
235
à la fois sur les recherches précédentes composées de la revue de littérature et du cadre
conceptuel ainsi que des observations de terrain dans une approche abductive.

3.2.2.1 Les variables antécédentes

Il est primordial de revenir sur la fonction de gros et plus précisément sur la gestion des flux au
sein de la triade de distribution. Ils sont alors perçus comme des antécédents à la valeur ajoutée
par le grossiste traditionnel dans le canal de distribution.

Les flux physiques peuvent alors être la gestion physique des produits, c’est-à-dire la logistique
amont et aval ainsi que le stockage. La maîtrise de ce flux est souvent vantée comme l’un des
points forts des plateformes numériques. Cependant, comme le montre l’étude qualitative, dans
le terrain étudié ce flux reste géré par le grossiste traditionnel. De plus, l’industriel ne se voit
pas livrer en direct les clients. Le rôle de réduction du nombre de contacts du grossiste est mis
en avant puisqu’il joue le rôle d’intermédiaire entre plusieurs fabricants et une multitude de
clients divers.

D’autre part, il est possible de s’appuyer sur la distinction entre l’information sur le flux
physique (reconnaissance du délai entre la commande, la livraison et l’échange de données sur
les stocks et les ventes) et les informations stratégiques (données difficiles à standardiser et
représentant une ressource stratégique pour les trois acteurs) (Capo, 2008). Comme le montre
la stratégie mise en place par les industriels, ils semblent clairement en position de force sur le
flux informationnel stratégique. La majorité des outils et des services mis en place par ces
acteurs tendent à récupérer, à maîtriser et à dispatcher l’information au sein du canal.
Auparavant, ce rôle revenait au grossiste, ce qui entraîne des tensions dans la relation. Il
semblerait que le grossiste apporte moins de valeur ajoutée sur la gestion de ce flux à l’industriel
et au client professionnel. C’est pourquoi l’industriel a mis en place une stratégie double
d’accompagnement à la fois des grossistes, mais aussi des clients professionnels. Le client
professionnel est donc plus souvent et plus facilement en contact avec l’industriel. Il peut donc
devenir l’interlocuteur privilégié à la place du grossiste. Le grossiste reste cependant un

236
interlocuteur de choix grâce à sa proximité avec l’ensemble des acteurs. Il a donc encore un
rôle à jouer sur les flux informationnels. Internet a modifié l’accès et le partage de l’information.

Même s’il arrive de temps en temps que la marchandise ne transite pas par le grossiste, la vente
et le paiement ne se fait jamais en direct industriel – client et passe toujours par le grossiste.
Cela a déjà été mis en avant par Capo (2008) dans les relations entre les entreprises au Japon et
notamment au travers de la garantie qu’apporte le grossiste dans l’échange. Si le flux financier
reste au grossiste, c’est parce qu’il assure également des facilités de paiement aux clients
professionnels. Ce rôle de « banquier » qu’occupe le grossiste, l’industriel ne souhaite pas le
récupérer au vu du risque que cela génère. De plus, ce rôle d’absorption du risque par le négoce
est apprécié des clients professionnels (Coughlan et al., 2006).

La gestion de ces trois flux de manière plus ou moins parfaite par le grossiste crée de la valeur.
D’autres sources peuvent être cherchées pour expliquer la génération de valeur ajoutée par les
intermédiaires, mais nous ne retiendrons que celles-ci. Si le grossiste n’assure plus ces flux, il
risque d’apporter moins de valeur ajoutée au sein du canal. Sa place et son rôle pourraient être
remis en question. Les grossistes apportent également une valeur ajoutée en créant une
infrastructure efficace pour gérer différents industriels. Ces industriels peuvent posséder
différentes marques et catégories de produits (Coughlan et al., 2006). Cette infrastructure est
partagée à la fois avec l’amont, mais aussi avec l’aval du canal. Les grossistes ont su se
spécialiser dans les flux de canaux. Ainsi, ils peuvent concurrencer les fabricants sur les prix,
même en intégrant leur structure de coût. L’efficacité des grossistes à couvrir un marché est
souvent sous-estimée par le fabricant (Coughlan et al., 2006).

3.2.2.2 La variable principale : effet de la valeur ajoutée sur le risque de


désintermédiation

La valeur ajoutée générée par le grossiste réduit le risque de désintermédiation. Cette


affirmation a déjà été testée et prouvée dans le canal de distribution (Coughlan et al., 2006).
Comme nous l’avons expliqué, nous retenons que la valeur ajoutée est générée par une gestion
efficace et efficiente des flux de canal par le grossiste. Le commerce de gros est rattaché à la

237
gestion des biens physiques, mais les entités de gros créent de la valeur ajoutée en fournissant
des services, autrement dit des flux de canaux (Coughlan et al., 2006). Comme le soulignent
ces auteurs, il y a beaucoup d’intervenants différents qui gèrent des flux de canal dans le canal
de distribution. Or, les grossistes sont les participants les plus importants puisqu’ils effectuent
chacun des huit flux de canaux génériques. Ils fournissent donc des services en amont et en
aval. Les grossistes ne peuvent survivre que s’ils exercent de manière plus efficace et efficiente
ces fonctions que les fabricants et les clients. Pour qu’une entreprise survive, la création de
valeur est essentielle (Kotler, Keller et Manceau, 2015). Il est à noter que les grossistes ne sont
pas correctement rémunérés au vu des risques qu’ils prennent et des services qu’ils fournissent.
Cela explique la marge prise par ces acteurs lors de la revente (Rosenbloom, 2007).

La gestion des flux augmente la valeur ajoutée du grossiste au sein de la triade de distribution.
Selon toute logique, l’augmentation de valeur ajoutée a un effet sur le risque de
désintermédiation du grossiste. Ainsi, nous émettons l’hypothèse suivante :

H1 : La valeur ajoutée du grossiste traditionnel réduit le risque de désintermédiation.

Comme nous l’avons vu dans l’introduction générale, de nombreux secteurs ont connu un
phénomène de désintermédiation et de réintermédiation comme la banque ou l’industrie
musicale. Si le négoce de matériaux de construction vient à voir son rôle diminuer dans le canal
de distribution ce sera au profit d’un autre intermédiaire. La diminution des ventes de CD s’est
faite au profit des plateformes de streaming. Dans le cadre de l’étude qualitative, différents
intermédiaires peuvent assurer tout ou partie des fonctions de gros. Il y a les intermédiaires
physiques comme les coopératives d’artisans, les Grandes Surfaces de Bricolage et pourquoi
pas les industriels eux-mêmes ou les prestataires logistiques. D’un point de vue purement
digital, cela semble plus compliqué, mais les plateformes de type marketplaces peuvent devenir
une alternative à une génération plus jeune et digitale d’artisans. Une entreprise peut s’imposer
dans un réseau si elle génère de la valeur ajoutée pour ses partenaires. La valeur ajoutée permet
à l’intermédiaire de ne pas disparaître, ce qui permet d’exister et de justifier sa place dans le
canal de distribution (Gadde, 2014).

238
Malgré l’intégration des fonctions de gros par les acteurs amont (industriel), aval (coopérative
d’artisans) et par de nouveaux entrants encore timides (plateforme numérique), le grossiste
continue d’exister au sein du canal. Cela signifie qu’il apporte toujours de la valeur ajoutée.
Cependant, il faut s’interroger sur les leviers qu’il peut mettre en place afin d’améliorer ces
effets.

3.2.2.3 Les variables modératrices

Les variables modératrices sur l’effet entre la valeur ajoutée et le risque de désintermédiation
s’appuieront sur la théorie stratégique du rôle de l’information dans le canal de distribution
(Filser, 2012). Les deux effets modérateurs sont le Service-Dominant Logic au sens de Vargo
et Lusch (2004a) et les ressources au sein de la théorie de Resource-Based View.

Malgré un déclin annoncé des grossistes en aval et en amont du canal de distribution, ces
derniers ont su s'adapter en développant de nouvelles prestations de services à destination des
clients et des fabricants allant jusqu'à empiéter sur leur chaîne de valeur. En effet, c’est dans les
années 1970 que nous assistons à une mutation du commerce de gros avec le développement
des services comme la formation de la clientèle, l’installation ou la transmission de
l’information (Néfussi, 2008a, 2008b ; Michel et Pardo, 2012). De manière générale, c’est
également à cette époque que le secteur connaît une phase de concentration. Les prestations de
services ont permis au commerce de gros de renforcer leur légitimité et d'enrichir leur
proposition de valeur. Une vingtaine de nouveaux services ont été identifiés (Néfussi, 2008a,
2008b). Onze sont orientés vers le client comme l'expertise technique, l’apport d’informations
techniques, scientifiques et la formation aux bons usages. Huit sont orientés vers l’industriel
avec par exemple l'innovation et la conception de produits par le retour d'expérience, la
formation aux bons usages ou encore la promotion des innovations.

Encore peu de grossistes ont développé une "offre globale" de services (Capon, Funel et Sury,
2013). Ainsi, la mise en place d'une nouvelle offre de prestation adaptée aux attentes du marché
pourrait être une innovation forte voire de rupture. Les recherches ont porté sur le service de
manière globale avec la SDL (Lefaix-Durand et al, 2006 ; Munos, 2012 ; Béji-Bécheur, 2016)

239
et la co-création (Jouny-Rivier et Jouny, 2015 ; Jouny-Rivier, 2016) par exemple. Ces
démarches sont alors vues comme permettant de créer de nouveaux services à forte valeur
ajoutée.

Dans le cas présent, il semblerait que ce soit l’industriel qui soit moteur sur la création de service
à forte valeur ajoutée.

Tableau 53 : services développés par les industriels dans la gestion du flux informationnel

Information Négociation/Commande Promotion


Flux/Intérêt
Connaissance de Visibilité Remontée
Génération de leads Prescription
l'utilisateur final produit/marque terrain
Canal/Services
Formation X X X X
Physique Club d'entreprise X X X X X
Force commerciale X X X X
Vidéo X X
Application X X X X
Digital
Réseau social X X X X
Site Internet X X X X X

Ces services peuvent être alors assurés par des outils physiques comme les forces commerciales
ou les clubs d’entreprise et par des outils digitaux avec les sites Internet, les réseaux sociaux ou
les applications. Chaque outil répond à un ou plusieurs services à la fois à destination du
grossiste ou du client professionnel, voire particulier. Ainsi, les forces commerciales des
industriels passent autant de temps avec les deux autres acteurs.

Il devient donc intéressant d’identifier la stratégie de SDL mise en place par l’industriel et de
mesurer son effet entre la valeur ajoutée du grossiste et son risque de disparaître. Nous
soumettons donc l’hypothèse suivante :

H2 : La logique de services mis en place par l’industriel réduit l’effet de la valeur ajoutée du
grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.

Différents types de ressources peuvent être mobilisées par le grossiste pour créer de la valeur
ajoutée. En s’appuyant sur la gestion des flux et son rôle dans le canal de distribution, il est
possible pour le grossiste d’utiliser des ressources comme levier pour diminuer le risque de
désintermédiation. Au-delà des ressources de base exploitées dans la gestion des flux de canaux
240
(comme la logistique ou le stockage), il est possible de mettre en avant des ressources sous
mobilisées dans la littérature et par le grossiste.

Nous avons décidé d’utiliser la typologie des ressources dans la « vue basée sur les ressources »
de Barney (1991). Le grossiste peut développer et contrôler des ressources tangibles de type
capital physique comme les agences, les marques vendues ou des sites e-commerce en lien avec
la technologie. Nous n’avons pas retenu de ressources de type capital financier, car ce capital
est bien ancré dans la littérature comme facteur de valeur ajoutée pour le grossiste et intégré
dans le flux financier. De plus, cela a également été confirmé par les résultats de l’étude
qualitative. Ensuite, le grossiste peut s’appuyer sur des ressources moins tangibles de type
capital humain (la force de vente et les équipes, la connaissance et l’expérience) et de type
capital organisationnel (la relation avec les différents membres du canal).

Sur cette base, il est possible de poser l’hypothèse suivante :

H3 : Les ressources mobilisées par le grossiste augmentent l’effet de la valeur ajoutée du


grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.

À présent que le cadre théorique, le modèle de recherche et les hypothèses sont définis et
présentés, nous pouvons développer la méthodologie de recherche.

3.3 Méthodologie de la recherche

Afin de tester notre modèle de recherche et de confronter les hypothèses posées dans la section
précédente, nous allons repartir dans le canal de distribution des matériaux de construction et
plus précisément sur notre triade de distribution initiale constituée de fabricants de matériaux
de construction, de négociants et de clients professionnels. D’après l’analyse qualitative, il est
possible de voir une évolution de la triade.

241
Dans un premier temps, un membre (le grossiste) sépare les deux autres membres. Il est alors
question de la situation même de distribution. La triade est alors une triade dite de « pont ». Ce
type de triade a été développé par Holma (2010). Mais il est possible de voir dans la triade
étudiée un glissement de la triade de « pont » vers un autre type de triade appelée « unitaire »
(Havila, Johanson et Thilenius, 2004) concernant les flux informationnels. La triade de « pont »
peut alors être étudiée grâce à la théorie des trous structuraux de Burt (1995). La théorie des
trous structuraux s’appuie sur les échanges entre économistes et sociologues. Les trous
structuraux sont des absences de relations qui offrent la possibilité à des acteurs de « se poser
en intermédiaire contrôlant les flux d’information et la coordination des actions entre les
acteurs se trouvant de part et d’autre de ce trou. » (Burt, 1995 p. 602). Dans cette triade, il
existe un lien direct entre les trois membres (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).

Dans le schéma classique, l’intermédiaire est un acteur biface : il achète les biens aux fabricants
et les revend aux clients (Rochet et Tirole, 2006). L’industriel et le client sont alors des acteurs
monofaces. La relation se situe dans un schéma de triade de « pont ». Le fabricant ne cherche
pas à entrer en contact avec le client, mais si ce n’est pas le cas, il y a un risque de
désintermédiation. L’intermédiaire doit donc changer de marché et céder une part de la valeur
au fabricant. Le marché devient alors multiface, ce qui entraîne un échange triadique de type
« unitaire ». Il faut donc faire attention à l’impact que cela peut avoir sur la valeur ajoutée de
chacun des membres et sur les relations entre ces membres. Nous présentons dans un premier
temps les mesures utilisées (3.3.1). Dans un deuxième temps, nous détaillons le terrain d’étude
qui porte sur la distribution des matériaux de construction (3.3.2). Enfin, il s’agit d’expliquer la
méthode de collecte des données (3.3.3).

Les marchés bifaces et multifaces reposent sur un « échange triangulaire » (Edouard et


Gratacap, 2011). La particularité des marchés bifaces est l’asymétrie de la structure de prix qui
est la variable fondamentale de ces marchés en économie industrielle (Alexandre, 2018).

242
3.3.1 Les mesures utilisées

Nous avons construit des échelles de mesure originales pour quantifier l’apport des flux dans
la constitution de la valeur ajoutée du grossiste et pour déterminer l’impact de cette valeur et
des modérateurs sur le risque de désintermédiation. Nous avons constitué les items d’après les
points importants extraits de l’analyse de l’étude qualitative. Pour rappel, cette phase qualitative
a été constituée d’une approche avec vingt-deux entretiens semi-directifs, une revue de presse
professionnelle liée au canal et des échanges quotidiens avec le terrain. La création des items a
également été orientée par la littérature en particulier sur le canal de distribution, les
intermédiaires et les plateformes. Une présentation de chacune des variables et des items les
composant va être à présent déroulée. L’ensemble des items seront mesurés à l’aide d’une
échelle de Likert en 5 points allant de « pas du tout d’accord » à « tout à fait d’accord ».

3.3.1.1 Items constituant les flux physiques

Les flux physiques ressortent comme une des grandes fonctions du grossiste traditionnel à la
fois dans la littérature (Bowersox et Morash, 1989 ; Capo, 2008 ; Bonet Fernandez, 2011), mais
également dans l’analyse thématique. Nous nous sommes inspirés de la gestion des flux
physiques au sens de Néfussi (2008b) et de Filser, des Garets et Paché (2012) pour qui elle
repose principalement sur la logistique. Le flux physique peut rencontrer trois options distinctes
que sont la livraison directe, le passage par des plateformes et le passage par des entrepôts
(Filser, des Garets et Paché, 2012 ; Giraud et Pardo, 2012). La logistique se compose de
l’entreposage que nous considérons être le stock ainsi que la manutention des produits et du
transport que nous assimilons à la livraison.

Tableaux 54 : présentation des items composants la variable flux physiques


Variable Items
Ces différentes fonctions génèrent-elles de la valeur ajoutée pour le négoce de
Dimensions Codes
matériaux ?
PHY1 Le stock disponible immédiatement
PHY2 La logistique (livraison, tournée…)
Flux
PHY3 La réservation de marchandise
Physiques
PHY4 La livraison directe usine-chantier
PHY5 Les plateformes de stockage (en dehors de l'agence)

243
La notion de prix et de tarif n’a pas été abordée dans cette variable physique, car elle arrivait
comme thème secondaire de l’étude qualitative (cf. arbre thématique). Dans le cadre de la
politique du prix, un niveau élevé de prix se fait sur le service proposé (Bonet Fernandez, 2008).
De plus, il était délicat de créer des items qui correspondraient aux deux faces amont et aval de
la triade. Cependant, la question de l’information sur le prix est l’un des items du flux
informationnel alors que le tarif personnalisé est un item du flux financier.

3.3.1.2 Items constituant les flux informationnels

Pour les flux informationnels, nous avons pris le parti de distinguer entre les informations qui
pouvaient provenir de l’agence (physique) de celles provenant d’Internet (digital). Les
principales informations retenues tournent autour du produit avec la donnée technique,
l’information sur le stock et le prix.

Tableaux 55 : présentation des items composants la variable flux informationnels


Variable Items
L'information technique sur les produits transmise par le négoce de
Dimensions Codes
matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux ?
INF1 En agence
INF2 Sur Internet
L'information du stock disponible sur les produits transmise par le négoce
de matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux
?
Flux
INF3 En agence
Informationnels
INF4 Sur Internet
L'information des prix sur les produits transmise par le négoce de
matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux ?
INF5 En agence
INF6 Sur Internet

Nous sommes donc restés sur ce que Gaudeul et Jullien (2001b) appellent les informations de
marchés, dans lesquelles Internet a pris une part importante en permettant un accès rapide entre
vendeurs et acheteurs avec l’information du bien et du prix. Mais Internet n’est pas le canal de
partage de l’information premier dans notre terrain. Beaucoup d’informations s’échangent
encore de manière directe entre les interlocuteurs.

244
3.3.1.3 Items constituant les flux financiers

Néfussi (2008b) parle de service financier rendu par le commerce de gros aux clients. Cela
permet d’alléger le fonds de roulement des clients professionnels. Le négoce dans certains cas
peut se substituer au crédit bancaire (Dietsch, 1990). Le crédit client est un service coûteux pour
le négoce et il est suivi de près par des services dédiés. Ce crédit peut aussi jouer dans la viabilité
et la continuation de l’activité de certaines entreprises du bâtiment notamment en temps de crise
lorsque les marchés sont tendus. Le négoce a dû réduire ce service comme d’autres entreprises
avant lui (Dietsch et Kremp, 1998). Pour le fabricant, le service s’apparente à la prise de risque
commercial puisque le grossiste achète les produits sur ses fonds propres. Ainsi le grossiste
optimise le service dans lequel la rémunération est un profit de distribution (Filser, des Garets
et Paché, 2012). La variable sur les flux financiers est constituée de 3 items : le premier sur les
facilités de paiement accordées par le négoce aux clients professionnels, le deuxième sur les
garanties pour les fabricants et le troisième sur l’aspect de tarification personnalisée pour les
clients. En effet, la politique de prix a longtemps été négligée par l’analyse marketing alors que
le prix est un élément critique de la négociation. Les industriels ont tendance à augmenter les
prix lors des négociations annuelles alors que les distributeurs tendent à limiter cette hausse
(Filser, des Garets et Paché, 2012).

Tableaux 56 : présentation des items composants la variable flux financiers


Variable Items
Ces différentes fonctions génèrent-elles de la valeur ajoutée pour le négoce de
Dimensions Codes
matériaux ?
FIN1 Les facilités de paiement (encours)
Flux
FIN2 Les garanties mises en place
Financiers
FIN3 Les tarifs personnalisés

Une fois la valeur ajoutée déterminée par les flux, nous devons mesurer le risque de
désintermédiation.

3.3.1.4 Items constituant le risque de désintermédiation

Le risque de désintermédiation reprend deux axes. Le premier axe repose sur le rôle et la place
indispensables assurés par le grossiste comme intermédiaire entre l’amont et l’aval du canal de
distribution (items DES2 et DES3). Le deuxième axe tente de déterminer le risque de

245
désintermédiation par d’autres intermédiaires comme les GSB, les plateformes numériques et
les coopératives d’artisans.

Tableaux 57 : présentation des items composants la variable sur le risque de désintermédiation


Variable Items
Dimensions Codes
DES2 Les industriels peuvent se passer du négoce de matériaux
Les entreprises du bâtiment peuvent se passer du négoce de
DES3
matériaux
Le risque de DES4 Les GSB peuvent remplacer le négoce de matériaux
désintermédiation Les plateformes numériques peuvent remplacer le négoce de
DES5
matériaux
Les coopératives d'artisans peuvent remplacer le négoce de
DES6
matériaux

Nous envisageons que la valeur ajoutée devrait réduire le risque de désintermédiation.


Cependant, des effets modérateurs pourraient venir impacter la relation entre la valeur ajoutée
et le risque de désintermédiation.

3.3.1.5 Items constituant le modérateur sur les services

La variable modératrice reposant sur le Service-Dominant Logic a largement été inspirée de la


littérature que nous avons développé dans le cadre théorique. Sa scission entre service physique
et service digital provient de la stratégie des industriels découverte dans les résultats de
l’analyse qualitative. Les industriels ont développé des outils digitaux et physiques afin de
désintermédier les distributeurs sur la partie informationnelle. Nous avons trouvé pertinent de
conserver cette distinction dans le modèle. Les services physiques reposent sur trois variables
que sont les clubs d’entreprises, la formation et la force commerciale. Les variables sites
Internet, réseaux sociaux, applications et vidéos composent les services digitaux. L’idée est de
mesurer tout d’abord si ces services réduisent la valeur ajoutée du négoce (premier item de
chaque variable). Ensuite, il est question de mesurer l’apport pour les industriels en matière de
contacts commerciaux, de visibilité des produits et de la marque (le branding) et de remontées
du terrain.

246
Tableaux 58 : présentation des items composants la variable modératrice sur les services
Variable Items
Dimensions Codes Est-ce que la création de club d'entreprises par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SPHYCLUB2
ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - SPHYCLUB3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Club d'entreprises - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SPHYCLUB4
l'industriel
SPHYCLUB5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la formation (technique et/ou produit) proposée par
Dimensions Codes
les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SPHYFORM2
ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - SPHYFORM3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Formation - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SPHYFORM4
l'industriel
SPHYFORM5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création de forces commerciales par les industriels
Dimensions Codes
:
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SPHYFOCO2
ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - SPHYFOCO3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Force commerciale - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SPHYFOCO4
l'industriel
SPHYFOCO5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Variable Items
Dimensions Codes Est-ce que la création de sites Internet par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SDIGSIN2
ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGSIN3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Site Internet - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SDIGSIN4
l'industriel
SDIGSIN5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Dimensions Codes Est-ce que la présence des industriels sur les réseaux sociaux :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SDIGRXSO2
ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGRXSO3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Réseaux sociaux - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SDIGRXSO4
l'industriel
SDIGRXSO5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création d'applications pour Smartphones et
Dimensions Codes
Ordinateurs par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SDIGAPP2
ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGAPP3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Applications - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SDIGAPP4
l'industriel
SDIGAPP5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création de vidéos (de pose et/ou de présentation
Dimensions Codes
produit) par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de devis
SDIGVID2
ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGVID3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Vidéos - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque de
SDIGVID4
l'industriel
SDIGVID5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain

247
Face à cette stratégie de désintermédiation partielle, il est possible de voir que le négoce peut
faire valoir des ressources afin de contrebalancer ce risque.

3.3.1.6 Items constituant le modérateur sur les ressources

Dans la dynamique des canaux de distribution, les ressources jouent un rôle important (Filser,
2012). L’intermédiaire peut générer de la valeur grâce aux ressources. C’est une modification
des fonctions de l’intermédiaire qui passe du « déplacement » de produit fini à l’apport de
solutions et de résolutions de problèmes (Gadde, 2014). En s’appuyant sur le cadre théorique
de la RBV, nous avons constitué des items dans les trois types de capital retenus par Barney
(1991). Les items sur le capital physique se concentrent sur le point de vente physique, les outils
technologiques que sont les sites e-commerce et les marques vendues par le négoce. Ce sont
des ressources de base pour le négociant (tout au moins les agences et les marques) qui lui
permettent de conserver une grande proximité avec l’ensemble des membres de la triade et qui
lui permettent d’avoir une offre multimarque des fondations aux finitions (pour reprendre
l’ancienne base ligne de Gédimat).

Le capital humain est constitué d’items sur le personnel, les connaissances et l’expérience du
négoce. Le capital humain a une importance considérable dans l’enrichissement des services
(Dugot, 2000). Dugot (2000) considère même que ce capital est la « seule richesse du commerce
de gros » et qu’il est « sa valeur ajoutée essentielle et irremplaçable ». Le personnel est une
valeur ajoutée essentielle et irremplaçable pour le grossiste (Giraud et Pardo, 2012). L’évolution
des comportements des clients et de l’environnement a des conséquences sur les fonctions
commerciales et leurs personnels (Giraud et Pardo, 2012 ; Vanheems 2011, 2013, 2018). Les
connaissances et l’expérience sont confondues dans les ressources au sein de la théorie sur la
« vue basée sur les ressources » (Barney 1991, 2001a, 2001b, Pateraf, 1993, 2007 ;
Kraaijenbrink, Spender et Groen, 2010).

Le capital organisationnel s’attache à l’ensemble des relations que peuvent entretenir les
négoces de matériaux de construction à l’intérieur de la triade, mais également à l’extérieur
avec d’autres membres du canal de distribution ou institutionnel comme les syndicats ou la
presse (Giraud et Pardo, 2012). En effet, les marchés B to B peuvent être vus comme des réseaux
248
avec de multiples relations entre différents types d’acteurs comme les clients, les producteurs,
mais aussi des acteurs marchands comme les intermédiaires distributeurs, et non marchands
comme les syndicats professionnels (Debos, 2006).

Tableaux 59 : présentation des items composants la variable modératrice sur les ressources
Variable Items
Les ressources suivantes améliorent-elles la valeur ajoutée
Dimensions Codes
du négoce de matériaux :
NEGORESS2 - ses points de ventes physiques
Capital physique NEGORESS3 - ses sites e-commerce
NEGORESS4 - les marques vendues
NEGORESS1 - son personnel (magasinier, vendeur, etc.)
Capital humain NEGORESS5 - ses connaissances (sur les produits, sur les acteurs, etc.)
NEGORESS6 - l'expérience (sur les produits, sur les acteurs, etc.)
NEGORESS7 - les relations du négoce de matériaux avec les industriels
Capital NEGORESS8 - les relations du négoce de matériaux avec les entreprises du bâtiment
organisationnel - les relations du négoce de matériaux avec d'autres acteurs du
NEGORESS9
bâtiment (Syndicat, Presse, Plateforme numérique, etc.)

L’ensemble de ces ressources sont des ressources de base des négociants, qui sont assez peu
développées et mises en avant (Barney, 2001a ; Foss et Stieglitz, 2010). Comme le disait le
directeur du marketing d’un négoce interrogé lors de la phase qualitative, ils ont des difficultés
à valoriser la proximité et le coût que cela peut avoir par rapport à des pure players. La
proximité spatiale, relationnelle et interorganisationnelle peuvent être une stratégie de
différenciation (Capo et Chanu, 2013). Le négoce pourrait donc mettre en avant ces ressources
afin de diminuer le risque de désintermédiation.

3.3.2 Terrain d’étude : la distribution de matériaux de construction en


France

Le canal de distribution des matériaux de construction se caractérise par un circuit long, c’est-
à-dire qu’il y a un ou plusieurs intermédiaires entre le fabricant et le client final. La longueur
du canal représente le nombre d’intermédiaires entre le producteur et le client final (Filser, des
Garets et Paché, 2012). Berman (1996) met en avant l’existence de relations entre la longueur
du canal et quatre variables d’analyse. Les critères de ces quatre variables déterminent si le
canal est long ou court. Les variables retenues sont le marché, le produit, le producteur et les
intermédiaires. Les critères liés aux intermédiaires sont la disponibilité des distributeurs, le coût

249
et la qualité des intermédiaires (Filser, des Garets et Paché, 2012). Un canal de distribution
court ne comporte qu’un seul intermédiaire (Filser, 1989). Le phénomène de circuit ultra-court
se démocratise. Cela s’apparente à la vente directe sans intermédiaire entre le producteur et le
consommateur (Michel, 2014).

Dans le terrain, la distribution se compose de plusieurs intermédiaires de différentes catégories


comme les négoces de matériaux qui sont des grossistes, mais aussi de Grandes Surfaces de
Bricolage considérées comme des détaillants. Les artisans se regroupent également en
coopérative, par exemple l’ORCAB, pour désintermédier le négociant et pour avoir des relations
directes avec les industriels. Certains domaines d'activité sont plus développés comme le bois
(au niveau régional, on retrouve la coopérative SCABOIS) ou le sanitaire. La coopérative offre
des services à ses adhérents notamment la possibilité voire l'obligation de passer leurs
commandes via un site e-commerce, un showroom, la logistique et le stockage des
marchandises. Nous présenterons de manière successive les fabricants (3.3.1.1), les négociants
(3.3.1.2) et les clients professionnels (3.3.1.3).

3.3.2.1 Les industriels du bâtiment

Dans la filière du Bâtiment, les industriels vont produire les matériaux de construction qui
seront mis en œuvre dans la fabrication des bâtiments. Ils travaillent pour la plupart des matières
premières comme la terre, les métaux, la silice ou le gypse pour produire des matériaux. Des
enjeux forts d’innovation se présentent à eux en termes de contraintes environnementales ou
d’économies d’énergie. Les produits sont en perpétuelle amélioration ainsi que les procédés de
fabrication. Si une part de cette innovation provient de réglementation comme la RT 2012 et
bientôt RT 2020 (réglementation thermique) ou de diminutions de la pollution, elle est aussi le
fruit d’échanges avec l’aval du canal pour améliorer les conditions de travail des acteurs du
bâtiment. Un exemple simple est celui du sac de ciment qui pesait encore 50 kg il y a 20 ans.
Aujourd’hui les sacs de 35 kg et de 25 kg peuvent être directement jetés dans la bétonnière lors
de la réalisation du mortier. Cette innovation réduit la pénibilité et la poussière, mais surtout
génère moins de déchets107.

107
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/lafarge-lance-le-sac-de-ciment-delitable.1184834, consulté le
13/12/2019

250
Les acteurs de la fabrication des matériaux de construction sont très hétérogènes. Il y a des
entreprises dans les carrières et l’extraction de matériaux, les industries de la terre cuite ou du
verre, les entreprises de plaque de plâtre et d’isolation, etc. Le tableau 60 présente quelques
syndicats et unions représentatives de ce secteur.

Tableau 60 : organismes représentatifs des fabricants de matériaux de construction


Nombre Nombre de Chiffre d'affaires
Syndicat Définition Site Internet
d'entreprises salariés en milliard

L’Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction est la


https://www.unicem.f
UNICEM fédération de 14 syndicats qui représentent les industries extractives de minéraux ainsi 2 600 34 000 9
r/
que les fabricants de matériaux de construction (bétons, mortiers, plâtre…).

Union nationale
UNPG 1 570 14 540 3,851 https://www.unpg.fr/
des producteurs de granulats

La Fédération de l’Industrie du Béton défend les intérêts des industriels fabricants de


FIB produits en béton et assure la représentation de ce secteur industriel auprès des 500 18 000 2,48 https://www.fib.org/
pouvoirs publics et de l’environnement professionnel.

Le FILMM représente les industriels français de laines minérales manufacturées auprès https://www.filmm.or
FILMM
de son environnement professionnel. g/

https://www.lesindust
SNIP Le Syndicat National des Industries du Plâtre
riesduplatre.org/

Le SIFF représente les fabricants français de matériaux de construction en fibres-


ciment. Il s'agit essentiellement de produits destinés aux couvertures (plaques ondulées, http://fibres-
SIFF
plaques support de tuiles canal, ardoises en fibres-ciment…) ou aux bardages (grandes ciment.fr/siff/siff.htm
plaques colorées, bardeaux...).

La Fédération Française des Tuiles et Briques représente 99 % du chiffre d’affaires et


FFTB 85 5 000 0,9 http://www.fftb.org/
96 % des effectifs de la filière Terre Cuite en 2015.
https://www.infocime
Le SFIC regroupe les fabricants de liants hydrauliques (ciments, chaux hydrauliques, nts.fr/syndicat-
SFIC 5 4 500 2,094
liants routiers et liants géotechniques). francais-de-lindustrie-
cimentiere-sfic
Le SECIMPAC est un syndicat professionnel créé en 1945, au carrefour des marchés
https://www.secimpa
SECIMPAC professionnels et grand public de l’outillage portatif en France, des autorités 29 4 800 2,8
c.org/
administratives et normatives, et de la distribution.

La digitalisation de ces acteurs est avancée notamment avec le BIM. De nombreux acteurs
possèdent déjà des bases de données d’objets numériques intégrables dans les maquettes
numériques. Ils proposent également de nombreux outils sous forme de sites Internet, logiciels
ou applications mobiles. Les fabricants de matériaux de construction sont à l’amont du canal
de distribution. À la vue de la technicité et de la typologie des produits, ils ont cherché des
distributeurs afin d’écouler leur production tout en réduisant le nombre d’acteurs, mais pas
seulement. Les biens industriels, comme le sont les matériaux de construction, ont certaines
contraintes de distribution (Filser, 1989). Lors de la conception du canal de distribution, il faut
tenir compte de l’importance de la notion de service. Les services comme le service après-vente

251
(SAV) ou les présentations et formations ont des coûts élevés qui peuvent nécessiter des
arbitrages (Filser, 1989). Le négoce de matériaux de construction répond en partie à ces besoins.

3.3.2.2 Les négoces de matériaux de construction

« Selon la jurisprudence des autorités de concurrence communautaire, le négoce de matériaux


de construction est une activité traditionnelle par laquelle les négociants stockent l’ensemble
des matériaux nécessaires aux entreprises du secteur du bâtiment. L’activité consiste à fournir
en gros un large assortiment de matériaux qui, bien que non substituables entre eux, sont
toutefois nécessaires et souvent associés pour réaliser un projet de construction.

L’offre des négociants s’adresse en priorité à des professionnels du bâtiment ou à des


particuliers bricoleurs lourds dont les attentes sont proches de celles de professionnels. Ceci
implique des caractéristiques spécifiques en termes d’organisation de distribution des
produits : les négociants disposent de stocks importants, de gammes profondes, ils livrent
généralement la marchandise à leur clientèle, proposent parfois la livraison directe par le
fournisseur pour les commandes importantes, ont une activité de conseil très importante aux
yeux de la clientèle, accordent des délais de paiement, assument le risque client, etc. »108 .

Cet acteur a deux fonctions principales. La première consiste en l’achat et le stockage des
marchandises auprès des industriels et fabricants. La seconde est la distribution des matériaux
de construction auprès d’une clientèle majoritairement, mais non exclusivement
professionnelle. Par conséquent, le négociant est bien un intermédiaire B to B puisqu'il se situe
entre le fabricant/industriel et le client professionnel. Le négoce de matériaux est un négoce
indépendant qui se situe dans un canal administré (Filser, 1989 ; Dugot, 2000). Il a une
indépendance élevée et il entre en propriété des marchandises qu’il vend. Sa rémunération se
fait sur la marge à la revente. Toutefois, ce n’est pas son seul revenu puisqu’il repose aussi sur
les BFA. Le niveau de service permet d’apporter une dichotomie entre les négociants à niveau
de service élevé (grossistes traditionnels) et ceux à niveau de service limité. Le négoce de
matériaux de construction est un négociant à service complet. Il propose à sa clientèle un
éventail de prestations très étendu avec une extension de la gamme de services dus à la

108
https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/dgccrf/boccrf/03_11/a0110002.htm

252
concurrence intra et inter-type (Filser, 1989 ; Dugot, 2000 ; Capon, Funel et Sury, 2013).
L’accès à ces services peut être limité à certains de ses clients comme les grands comptes ou
suivant certaines modalités comme les quantités achetées (Filser, 1989).

La structure de l’assortiment permet d’opérer une distinction entre les "généralistes" qui sont
caractérisés par un assortiment de produits larges, mais peu profonds et les "spécialistes" qui
ont un assortiment de produits étroits, mais plus profonds (Filser, 1989). Cette distinction est
importante quant au public visé et à la zone de chalandise qui peut aller de quelques kilomètres
à plusieurs dizaines de kilomètres. Dans la nomenclature d'activités française (NAF), le
négociant en matériaux fait partie de la sous-classe 46.73A : Commerce de gros (commerce
interentreprises) de bois et de matériaux de construction. De manière assez grossière, il est
possible de dire que le marché des matériaux de construction est stable. Il est possible de faire
une relation entre le degré de spécialisation du grossiste et les caractéristiques du marché
(Filser, 1989). Les négociants vendent des produits traditionnels avec peu d’innovation (bien
que les produits évoluent). Les clients attendent donc des services de type réduction des coûts
techniques à travers le stockage et le financement (Filser, 1989). Cette relation entre le client et
le grossiste pousse le négoce à s’orienter vers un assortiment non spécialisé, c’est-à-dire large
et peu profond.

Les premiers négoces de matériaux de construction modernes émergent dans les années 20 à la
suite de la Première Guerre Mondiale. Il faut reconstruire le pays et les matériaux étant
pondéreux, il est nécessaire d’avoir de grandes zones d’entreposage pour les stocker. Ce sont
souvent d’anciennes zones de stockage de charbon. Les charbonniers jouent ce rôle dans un
premier temps avant de se professionnaliser et de se concentrer exclusivement sur cette activité.
En effet, ils sont les seuls à avoir les surfaces de stockage, les moyens de transport (charrettes
et chevaux) et « les bras ». L’hiver, ils conservent leur activité de distribution de charbon pour
le chauffage et l’été ils livrent les matériaux. C’est à cette époque que naissent des enseignes
régionales comme Chausson Matériaux, Samse ou Doras. D’autres sociétés se constituent plus
tardivement à l’instar de Tout Faire Matériaux en 1971 ou l’enseigne Point P en 1996. Le
négoce de matériaux se structure au fur et à mesure des crises et connaît avec le temps un
phénomène de concentration comme dans les autres secteurs du commerce B to B au travers de
rachat et de création (Kadjar, 1997). Capo (2002) met en avant la diminution des grossistes au

253
Japon, mais ils deviennent plus puissants et de plus grosse taille. Le commerce B to B est un
secteur extrêmement hétérogène (Giraud et Pardo, 2012). Ce processus de concentration se
traduit par le rachat d’indépendants par des sociétés plus importantes. Certains indépendants
décident de constituer ou de rejoindre des groupements comme Gédimat (1967) ou BigMat
(1981). En parallèle de ce phénomène de concentration, les enseignes de négoce suivent le
courant de spécialisation soit par l’ouverture de nouvelles filiales comme Saint Gobain : Cedéo
(plomberie), Asturienne (toiture) ou par des rachats. Toujours dans une optique d’avoir plus de
poids auprès des industriels, des centrales d’achats voient le jour comme CMEM (Tout Faire
Matériaux et BigMat jusqu’en 2020109).

Cet intermédiaire est le plus souvent un acteur local avec un maillage territorial important dû à
la typologie de produits vendus. Le type de négoce va également déterminer la zone de
chalandise d'un point de vente. Pour un généraliste, elle est généralement de 30 à 50 km. En ce
qui concerne les spécialistes, cette zone se situe dans un rayon compris entre 50 et 70 km
pouvant même parfois atteindre les 100 km. Le négoce de matériaux a donc une dimension
locale bien que dans certains cas, la marchandise transite directement de l’usine du fabricant au
chantier du client.

Le négoce est un intermédiaire entre les industriels du bâtiment et les clients, qu’ils soient
professionnels ou particuliers. À ce titre, il joue un double rôle. Tout d’abord, ce grossiste assure
la rencontre de l’offre et la demande en ce qui concerne les matériaux de construction. Ensuite,
les équipes ont un rôle de conseil, d’expertise voire de formation auprès des clients dans le
choix et la mise en œuvre de produits souvent techniques et dans le respect des normes. La
majorité des clients sont des professionnels du bâtiment, bien que cette part soit variable suivant
les enseignes et la typologie des agences puisqu’elle peut varier entre 65 % et 80 % 110. L’activité
de ces négoces peut se distinguer de celle des grossistes traditionnels, car ils n’approvisionnent
pas des détaillants, mais des artisans dont la valeur ajoutée est leur savoir-faire (Malaval et
Bénaroya, 2013).

109
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/bigmat-quitte-cmem.2038865, consulté le 12/12/2019
110
Source : https://www.toutfaire.fr/tout-faire-materiaux.html et
http://mcd.bappli.com/index.php?option=com_content&view=article&id=32&Itemid=192, consulté le
12/12/2019

254
En 2015, il y avait en France 5 632 établissements de négoce pour 2 663 entreprises (71 % de
TPE) 111. Le chiffre d’affaires du commerce de gros de bois et de matériaux de construction est
de 35 milliards d’euros HT112. Le secteur de la construction a un CA de 300 milliards d’euros
en 2012 dont 50 % sont réalisés par des entreprises de moins de 20 salariés. Il est à noter que
ce secteur est en difficulté depuis la crise des Subprimes de 2008.

Dans le terrain étudié, de nombreux pure players ont fermé leurs plateformes après seulement
quelques années d’activité113. La fermeture de ces acteurs dans la vente de matériaux de
construction tend à montrer que les intermédiaires traditionnels, le plus souvent des Brick and
Mortar devenus Click and Mortar, continuent de jouer un rôle primordial dans le canal de
distribution et donc d’apporter une valeur ajoutée supérieure où tout du moins perçue comme
telle. Comme il a été évoqué, les pure players ont encore du mal à exister dans ce canal de
distribution. On peut citer mesmateriaux.com qui était un site e-commerce de vente de
matériaux de construction qui s’appuyait sur le réseau physique de négociant. Des partenariats
étaient passés avec les négoces de matériaux qui recevaient des appels d’offres. Le mieux placé
remportait l’affaire. Il était donc fréquent qu’un client soit livré par différentes enseignes pour
un même chantier. Ce site a fermé début 2018 malgré plusieurs levées de fonds et après 9 ans
d’existence. Il y a également les sites de vente privée comme Batiwiz qui offrent aux industriels
d’écouler leur fin de stock avec une remise importante. Ce site ne propose pas à la vente des
produits pondéreux à cause de la problématique de la logistique. Ce site a également été liquidé
en 2018. Il semble que les pure players n’aient pas encore trouvé de modèle pérenne dans la
distribution de matériaux. Cependant, de plus en plus de fabricants (notamment dans
l’électroportatif) vendent en direct leurs fins de stock sur des plateformes telles que Amazon.
Les places de marché centrées sur l’électroportatif et l’outillage ont le vent en poupe notamment
auprès des particuliers comme le pure player bricoprive.com avec un chiffre d’affaires de 105
millions d’euros HT114. C’est ainsi que Saint-Gobain a lancé sa propre enseigne pure player
sous le nom de Outiz. Malgré l’ouverture de boutiques physiques, cette enseigne n’a jamais été

111
Source : L’essentiel 2015 Bilan de l’emploi et de la formation, Intergros
112
Zepros Négoce (2019), Zetop Négoce 2019, 16.
113
Mesmateriaux.com (2009 – 2018) http://www.lemainelibre.fr/actualite/le-mans-fermeture-de-
mesmateriauxcom-01-02-2018-211994 et batiwiz.com (2013 – 2018) https://www.lemoniteur.fr/article/batiwiz-
liquide-35517787
114
Source : Top 100 2019 distribution bâtiment et bricolage, Négoce magazine

255
rentable et a fermé ses portes et sa marketplace en 2019115. Ce cas montre bien la difficulté de
la digitalisation du canal de distribution, car même le leader n’est pas parvenu à trouver de
modèle pérenne.

3.3.2.3 Les clients professionnels du bâtiment

Il existe une multitude de statuts juridiques et de métiers au sein des entreprises du bâtiment,
de l’auto-entrepreneur à la SA (société anonyme) en passant par l’artisan maçon, couvreur et
les constructeurs de maisons individuelles ou les majors internationaux116. Quoi qu’il en soit,
le secteur du bâtiment se caractérise par un très fort taux de petites entreprises. En effet, 95 %
des entreprises de ce secteur ont moins de 10 salariés117 et 98 % ont moins de 20 salariés118.
Suivant les sources, il y a entre 394 000 (FFB) et 564 398 (CAPEB) entreprises du bâtiment en
France. Si l’on prend les chiffres de la CAPEB publiés dans Chiffres clés CAPEB 2019, les
artisans du bâtiment ont réalisé 84,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires soit 64 % du chiffre
d’affaires total du bâtiment. Nous allons principalement axer notre présentation sur les artisans
du bâtiment, car ce sont les acteurs les plus représentés dans l’activité.

Pour définir l’artisanat, nous retenons la définition de l’INSEE : « L’artisanat regroupe les
personnes physiques ou morales qui n'emploient pas plus de 10 salariés et qui exercent à titre
principal ou secondaire une activité professionnelle indépendante de production, de
transformation, de réparation ou de prestation de services relevant de l'artisanat et figurant
sur une liste établie par décret en Conseil d'État. »119.

Comme nous l’avons déjà évoqué, les artisans sont fortement équipés en outils digitaux, mais
la transformation digitale remet en cause tout ou partie des interactions entre les différents
acteurs du canal de distribution. Bien que les artisans soient équipés en technologie digitale120,
il semble que leur utilisation reste basique et qu’ils doivent être accompagnés et formés à

115
Source : https://www.lemoniteur.fr/article/clap-de-fin-pour-outiz.2015089, consulté le 14/11/2019
116
Sources : https://www.artisans-du-batiment.com/les-metiers-du-batiment/, consulté le 12/12/2019
117
Source : Le bâtiment en chiffre 2018 de la Fédération Française du Bâtiment, juin 2019
118
Source : Chiffres clés CAPEB 2019
119
Source : https://www.insee.fr/fr/metadonnees/definition/c1137, consulté le 12/12/2019
120
Capeb & Cnoa - Batiactu. (2014), Artisans, Architectes & Innovation

256
l'utilisation d'outils qui pourraient modifier leurs métiers ou leur faire gagner du temps. Le faible
usage du digital par les entreprises du bâtiment persiste malgré les tentatives de l’État, des
industriels et des grossistes. Cela peut expliquer le choix de l’État qui a donc cherché à
dynamiser la filière en promouvant l’innovation digitale.

Un autre point déjà mis en avant est que les artisans en créant des coopératives procèdent à
l’intégration verticale des fonctions de gros (Filser, 1989). Cela passe par l’intégration des
fonctions de négociation auprès des fabricants via un fonctionnement de centrale d’achats et de
référencements comme dans la distribution alimentaire depuis les années 1960. Il s’agit
également d’intégrer les fonctions de distribution physiques avec des entrepôts et des
plateformes pour stocker et distribuer les matériaux.

3.3.3 Méthode de collecte des données

Pour collecter les données, nous avons principalement utilisé des points de contact digitaux via
les réseaux sociaux et l’e-mailing. Cela a permis d’avoir 192 répondants.

La collecte des données s’est faite par l’administration d’un questionnaire en ligne (cf.
Annexe 2). Celui-ci a été réalisé sur Google Forms. Les réponses ont été acceptées du 24 juillet
2019 au 5 octobre 2019. Un texte de présentation introduisait ce questionnaire avec l’objectif
et le temps nécessaire pour y répondre (entre 5 et 7 minutes). Nous avions donné notre adresse
mail si des personnes souhaitaient nous contacter. L’ensemble des questions propres à l’étude
étaient obligatoires. Cela signifie qu’un répondant ne pouvait pas passer à la question suivante
tant qu’il n’avait pas répondu à la question en cours. Le questionnaire était anonyme, ainsi
certains champs de la partie démographique n’étaient pas obligatoires comme le « nom de
l’entreprise » afin d’assurer l’anonymisation pour les petites entreprises du bâtiment. Enfin, il
est important de préciser que le questionnaire était unique. Cela signifie qu’il était identique
pour l’ensemble des membres de la triade.

257
Afin d’atteindre les différentes cibles de la triade (à savoir des industriels, des négoces de
matériaux et des professionnels du bâtiment) différentes stratégies ont été employées. Tout
d’abord, l’auteur a fait appel à son propre réseau via des contacts physiques et digitaux. Cela a
permis rapidement d’avoir des retours de personnes travaillants chez des négoces comme
Doras, Samse et BigMat.

Ensuite, un travail de prescription a été effectué sur LinkedIn. Ce dernier est un réseau social
professionnel créé en décembre 2002 et lancé en mai 2003. LinkedIn compte, en 2019, 610
millions de membres dans le monde dont 16 millions d’inscrits en France (chiffre 2017) ce qui
représente la moitié de la population active121. Un peu plus de 1 200 demandes de connexions
ont été envoyées à des personnes qualifiées. En effet, sur LinkedIn, il est possible de voir le
poste occupé par la personne suivant le paramétrage de son profil. Nous avons privilégié les
profils de PDG, DG, directeur commercial, directeur marketing, chef des ventes et chef
d’agence. Cette phase s’est principalement concentrée sur le recrutement de membres dans
l’industrie et le négoce, mais quelques professionnels du bâtiment ont pu être approchés par ce
canal. Sur les 1 200 demandes, plus de 600 ont été acceptées. Dès qu’une personne nous
acceptait dans son réseau, nous envoyions un message afin d’inciter les personnes à répondre
au questionnaire comme le montre l’image 6 :

Image 6 : message type envoyé au contact du réseau LinkedIn

121
https://www.blogdumoderateur.com/chiffres-linkedin/, consulté le 27/10/19

258
En parallèle de cette campagne de recrutement, plusieurs posts ont été publiés sur la page
personnelle de l’auteur avec d’assez bons retours. Le premier post a été vu 1 215 fois avec 24
repartages, 15 réactions et 4 commentaires.

Image 7 : exemple de post pour inciter des personnes à remplir le questionnaire

Enfin, pour contacter des entreprises du bâtiment, nous avons constitué une base de données
avec les adresses mail de ces entreprises afin de leur envoyer un courriel. Cette étape a concerné
près de 2 000 entreprises avec six envois d’emailing via la plateforme Mailchimp (Image 8).
Nous avons sélectionné cette plateforme pour plusieurs raisons. Nous avions déjà utilisé
Mailchimp dans d’autres occasions et nous étions donc familiarisés avec son fonctionnement
notamment la création graphique du corps de l’email. Après, il est possible d’envoyer
gratuitement en masse un mail à 2 000 personnes, de gérer la relance et la base de contacts.

259
Image 8 : rapport avec date, nombre de contacts, taux d’ouverture et de clics

Comme nous le détaillerons, ce processus a permis de collecter 192 réponses. Cependant, cette
phase souffre de certaines limites comme par exemple le faible taux d’engagement des
entreprises du bâtiment. Cela peut s’expliquer par le fait qu’une démarche physique n’a pas été
entreprise auprès de cette population qui reste ancrée dans la relation humaine. Nous aurions
pu faire du présentiel en agence pour faire remplir le questionnaire sur une tablette par exemple.
Mais là encore après un certain nombre d’animations pour présenter différents outils digitaux,
les entrepreneurs sont peu intéressés et n’accordent généralement que peu de temps à ce genre
de démarche.

3.4 Conclusion

Ce chapitre a permis de présenter la construction de notre modèle théorique ainsi que de


présenter les hypothèses de recherche afin de répondre à notre problématique : dans le cadre
d’une transformation digitale de son environnement, quelle est la valeur ajoutée que le
grossiste traditionnel apporte aux autres membres du canal de distribution et comment
cela contribue-t-il à éviter ou à réduire le risque de désintermédiation ?

260
Le cadre conceptuel a été construit en deux temps. Tout d’abord, nous avons sollicité la
distinction des flux entre flux physique, informationnel et financier. Ces flux, provenant des
grandes fonctions de gros, à savoir matérielle et commerciale, sont alors des antécédents à la
valeur ajoutée par le grossiste. Puis, nous avons fait appel à la dynamique du canal de
distribution avec la théorie stratégique du rôle de l’information. Ce cadre fait émerger
l’utilisation de la théorie du Service-Dominant Logic et du Ressource-Based View comme
modérateur entre la valeur ajoutée et le risque de désintermédiation.

Le modèle de recherche a été bâti d’après les résultats de l’étude qualitative et de la littérature
sur le canal de distribution et les réseaux. Nous proposons que les antécédents influencent
positivement la valeur ajoutée du grossiste traditionnel dans le canal de distribution et que la
valeur ajoutée du grossiste traditionnel influence négativement le risque de désintermédiation.
Cette proposition est traduite par notre première hypothèse. Nous proposons également que la
stratégie de services mise en place par l’industriel influence positivement la relation entre la
valeur ajoutée du grossiste traditionnel et le risque de désintermédiation dans le sens où le
modérateur accentue ce dernier. Cela fait l’objet de notre deuxième hypothèse. Dans le même
temps, la proposition suivante peut être émise : les ressources mobilisées par le grossiste
influencent négativement la relation entre la valeur ajoutée du grossiste traditionnel et le risque
de désintermédiation. Le modérateur devient un levier pour réduire la désintermédiation. Cette
proposition est matérialisée par notre troisième hypothèse.

Tableau 61 : récapitulatif des hypothèses

Initiales Hypothèses
H1 La valeur ajoutée du grossiste traditionnel réduit le risque de désintermédiation.
La logique de services mis en place par l’industriel réduit l’effet de la valeur
H2
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.
Les ressources mobilisées par le grossiste augmentent l’effet de la valeur
H3
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.

261
Nous avons ensuite présenté le processus de récolte des données. Ce processus peut être vu
comme une limite puisque la récolte a été principalement numérique. Comme nous le verrons
dans le prochain chapitre, peu d’artisans ont répondu au questionnaire en ligne.
L’opérationnalisation des variables mobilisées et la justification du choix de l’échelle a
également été réalisées. Les items ont été construits grâce à la reformulation des verbatim issus
de l’étude qualitative et des thèmes qui en ont émergé en plus de la littérature. Il est possible de
synthétiser les variables dans le tableau 62.

Tableau 62 : synthèse des variables et du nombre d’items

Variables Dimensions Code Nombre d'items


Flux physiques PHY 5
Flux informationnels INF 6
Flux financiers FIN 3
Risque de désintermédiation DES 5
Clubs SPHYCLUB 4
SDL - Services physiques Formations SPHYFORM 4
Forces commerciales SPHYFOCO 4
Sites SDIGSIN 4
Réseaux sociaux SDIGRXSO 4
SDL - Services digitaux
Applications SDIGAPP 4
Vidéos SDIGVID 4
RBV - Capital physique 3
RBV - Capital humain NEGORESS 3
RBV - Capital organisationnel 3
9 variables 56 items

Il est possible à ce stade d’imaginer de futures recherches. En effet, la partie contractuelle n’a
pas retenu notre attention dans le cas présent. Mais la contractualisation des relations est une
question émergente qui va se poser dans les futures relations entre l’industriel et le grossiste
notamment dans le cadre d’objectifs et de périmètres d’actions auprès des clients professionnels
et finaux.

Les membres de la triade, au moins la dyade industriel – négoce, sont davantage dans un type
d’organisation contractuelle de plus en plus importante. Il est possible d’envisager une étude
plus poussée sur le faible engagement apparent des artisans sur les outils digitaux de manière
globale et sur les réseaux sociaux de manière plus spécifique.

262
Ce chapitre laisse imaginer un certain nombre d’apports potentiels :

- voir la répartition des fonctions de gros dans un canal de distribution digitalisé,


- apporter une meilleure visibilité académique aux intermédiaires et plus précisément aux
grossistes traditionnels,
- identifier les leviers de création de valeur pour éviter la désintermédiation,
- créer un modèle théorique et empirique qui permettrait de développer la valeur ajoutée
(antécédents) et d’en améliorer les effets (modérateurs)
- étendre le travail sur le concept de triade qui est peu utilisé dans le cadre du canal de
distribution et participer au débat autour de cette notion,
- faire émerger une nouvelle vision du canal de distribution grâce à l’utilisation de la
triade,
- voir éventuellement pour remettre en cause le concept de triade au profit de la notion de
multiface.

Le prochain chapitre présentera l’analyse et les principaux résultats de l’étude quantitative.


Nous exposerons les différents tests effectués dans le cadre de la validation du construit ainsi
que la méthodologie retenue pour tester les hypothèses. Les résultats seront alors développés et
discutés.

263
264
Chapitre 4. Analyse et principaux résultats de l’étude quantitative

Dans le chapitre précédent, nous avons présenté le cadre conceptuel ainsi que le modèle
théorique retenu. Nous avons également présenté la méthodologie de recherche mise en place.
Nous allons à présent exposer les analyses préliminaires sur les données que nous avons
récoltées (4.1). Ensuite, nous procédons à l’évaluation des qualités psychométriques des
mesures. Nous en profitons pour présenter le modèle d’équation structurelle avec la méthode
PLS (Partial Least Square) (4.2). Les résultats des tests des hypothèses font l’objet de la section
suivante (4.3). Nous concluons ce chapitre par la discussion des résultats (4.4).

4.1 Analyses préliminaires et présentation des données

Nous présentons de manière succincte les résultats de la collecte de données (4.1.1) pour ensuite
décrire notre échantillon (4.1.2).

4.1.1 Résultats de la collecte de données

Le questionnaire a été administré du 24 juillet au 5 octobre 2019 (soit un peu plus de deux
mois). Il était accessible librement sur Google Forms. Au total, 192 personnes de toute la France
ont répondu à cette enquête. Afin de s’assurer de la pertinence de l’échantillon, les répondants,
à la fin du questionnaire, devaient déclarer le profil qui leur correspondait entre industrie,
négoce, entreprise du bâtiment ou autre. Douze des personnes interrogées se sont positionnées
dans le type « autre » et ont donc été exclues des futures analyses. Il reste 180 répondants dont
30 qui proviennent d’entreprises du bâtiment, 67 industriels et 83 négoces en matériaux de
construction. Chaque type de membre est affiné par une sélection plus fine présentée dans le
tableau 63.

265
Tableau 63 : détail de l’échantillon par type de membre de la triade

Types Nombre
Autre 12
Entreprise du bâtiment (artisan) 14
Entreprise du bâtiment (société) 16
SOUS-TOTAL 30
Industriel Gros Œuvre 22
Industriel LS 14
Industriel Second Œuvre 31
SOUS-TOTAL 67
Négoce de matériaux Généraliste 36
Négoce de matériaux Multi-spécialiste 28
Négoce de matériaux Spécialiste 19
SOUS-TOTAL 83
SOUS-TOTAL 192
TOTAL 180

Sur les 180 répondants, 44 n’ont pas souhaité renseigner le nom de leur entreprise. Dans la
partie négoce, il est à noter une légère sur-représentation de Doras (25 réponses sur les 83).
Cela s’explique par le fait que l’auteur est salarié de cette entreprise et que le projet de recherche
était suivi notamment par la direction de l’entreprise.

4.1.2 Description de l’échantillon de données

Nous avons ensuite cherché à déterminer la représentativité des différents types de membres de
la triade. En ce qui concerne les entreprises du bâtiment, l’âge des correspondants est assez
proche des données du secteur (cf. Tableau 64). En revanche, si l’on compare la représentativité
de l’échantillon par rapport à l’effectif, il y a une forte représentativité des petites structures
(entre 1 et 10 salariés) et une absence totale de représentation des entreprises de plus de 200
salariés (cf. Tableau 65). En effet, aucun major du bâtiment n’a répondu au questionnaire. C’est
un inconvénient mineur compte tenu du fait que les clients professionnels des négoces de
matériaux sont majoritairement des artisans et de petites entreprises de moins de 10 salariés. De
plus, les majors ont souvent des conditions tarifaires négociées à l’année (contrat-cadre) et ne
sont pas traités comme les clients quotidiens.

266
Tableau 64 : représentativité de l’échantillon entreprise du bâtiment par rapport à l’âge
Âge Données CAPEB Échantillon
60 et + 64 8% 3 13 %
50-59 ans 236 29 % 7 29 %
40-49 ans 242 30 % 5 21 %
30-39 ans 198 25 % 9 38 %
< 30 ans 61 8% 0 0%
801 24
Source : Chiffres clés CAPEB 2019 cf. Sécurité sociale pour les indépendants au 31/12/2017

Tableau 65 : représentativité de l’échantillon entreprise du bâtiment par rapport à l’effectif


Effectif Données FFB Échantillon
0 à 10 437 000 40 % 22 73 %
11 à 50 360 000 33 % 7 23 %
51 à 200 149 000 13 % 1 3%
> 200 158 000 14 % 0 0%
1 104 000 30
Source : Le bâtiment en chiffre 2018 – FFB

La représentativité des industriels a été plus délicate à comparer. Aucune donnée chiffrée
correspondante à notre découpage des activités, à savoir gros œuvre/second œuvre/LS, n’a été
trouvé ni sur l’âge ni sur l’effectif. Nous avons donc comparé la représentativité de l’échantillon
industriel avec les données figurant dans la brochure : L’industrie des Matériaux de
Construction en région Centre-Val de Loire Gros œuvre, second œuvre et décoration septembre
2016. Dans l’échantillon, il n’y a pas de répondant présent dans une société de moins de 20
salariés, et ce pour aucune des activités industrielles. En revanche, l’échantillon est assez bien
représentatif pour les entreprises de plus de 20 salariés comme le montre le tableau 66.

Tableau 66 : représentativité de l’échantillon industriel par rapport à l’effectif


Effectif Données FFB Échantillon
Gros œuvre 24 270 8% 0 0%
- 20 Second œuvre 26 320 9% 0 0%
LS 0 0%
Gros œuvre 83 893 27 % 22 42 %
+ 20 Second œuvre 172 208 56 % 31 58 %
LS 14 100 %
306 691 53
Source : L’industrie des Matériaux de Construction en région Centre-Val de Loire Gros œuvre, second œuvre et
décoration septembre 2016

267
Pour nous assurer de la représentativité de l’échantillon des répondants du groupe négoce, nous
nous appuyons sur l’âge de ceux-ci. La représentation est équilibrée par rapport aux données à
disposition comme le montre le tableau 67. Il n’a pas été possible d’analyser la représentativité
au niveau de l’effectif. En effet, le jeu des regroupements au sein des coopératives et des
groupes ne permet pas de tester de manière probante ce critère. Pour illustrer ce propos, nous
pouvons prendre l’exemple de Doras. Un répondant a pu mettre l’effectif de son agence (une
dizaine de personnes) ou bien du groupe Doras (1 000 salariés) ou encore l’effectif global au
niveau de la maison mère qu’est la Samse (plus de 5 000 salariés).

Tableau 67 : représentativité de l’échantillon négoce par rapport à l’âge

Âge Données Intergros


Échantillon
> 62 ans 1%2 3%
55-61 ans 13 %
7 10 %
45-54 ans 29 %
27 38 %
35-44 ans 30 %
17 24 %
26-34 ans 19 %
16 23 %
< 26 ans 8%2 3%
71
Source : ESSENTIEL 2017//NÉGOCE DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION – INTERGROS 2018

En ce qui concerne les caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon, dont le détail est


présenté dans le tableau 68, l’âge médian des trois membres de la triade est assez proche
puisqu’il est de 43 ans pour les entreprises du bâtiment, 42 ans pour les industriels et de 45 ans
pour les négoces. La majorité des répondants sont des hommes, mais il est à noter une forte
représentation des femmes dans les négoces (33 %). Cela est proche de la représentativité du
terrain puisque selon les chiffres de la branche, il y a 25 % de femmes travaillant dans les
négoces de matériaux de construction122. La représentation des femmes dans le groupe
entreprise du bâtiment est également proche du terrain puisque selon les chiffres de la CAPEB123
11,6% de femmes sont salariées contre 7 % dans notre échantillon.

122
https://www.constructys.fr/nous-connaitre/constructys/presentation-de-la-branche-du-negoce-des-materiaux-
de-construction/ consulté le 27/10/2019 et ESSENTIEL 2017//NEGOCE DES MATERIAUX DE
CONSTRUCTION – INTERGROS 2018
123
Chiffres clés 2017 – Dans le bâtiment, l’artisanat est toujours la première entreprise de France ! CAPEB

268
Tableau 68 : caractéristiques sociodémographiques de l’échantillon
Entreprise du bâtiment (n
Industriel (n = 67) Négoce (n =83)
= 30)
Moyenne : 45 ans Moyenne : 41,43 ans Moyenne : 42,95 ans
Âge Médiane : 43 ans Médiane : 42 ans Médiane : 45 ans
Min/Max : 31/65 ans Min/Max : 23/60 ans Min/Max : 23/64 ans
Masculin : 90 % Masculin : 78 % Masculin : 66 %
Sexe Féminin : 7 % Féminin : 19 % Féminin : 33 %
Non donnée : 3 % Non donnée : 3 % Non donnée : 1 %
Autre : 13 % Autre : 6 % Autre : 11 %
CAP/BEP : 30 % CAP/BEP : 1 % CAP/BEP : 7 %
Niveau d'étude BTS : 33 % BTS : 28 % BTS : 20 %
Bac +3 : 10 % Bac +3 : 19 % Bac +3 : 16 %
Bac +5 : 13 % Bac +5 : 43 % Bac +5 : 42 %
Moyenne : 16,18 ans Moyenne : 7,73 ans Moyenne : 5,8 ans
Ancienneté dans le
Médiane : 15 ans Médiane : 4 ans Médiane : 4 ans
poste
Min/Max : 1 mois/30 ans Min/Max : 6 mois/30 ans Min/Max : 1/25 ans
Moyenne : 14,92 ans Moyenne : 8.59 ans Moyenne : 10,16 ans
Ancienneté dans
Médiane : 13 ans Médiane : 7 ans Médiane : 8 ans
l'entreprise
Min/Max : 1 mois/30 ans Min/Max : 6 mois/29 ans Min/Max : 1/38 ans

L’âge moyen de l’échantillon chez les négoces (42,95 ans) est conforme aux statistiques de la
branche124 puisque l’âge moyen est de 42 ans. Il est également intéressant de relever que le
niveau d’étude est relativement proche entre les groupes industriel et négoce avec
respectivement 62 % et 58 % de Bac +3 et plus. En revanche, le niveau des répondants dans le
groupe entreprise du bâtiment se situe plutôt au niveau CAP/BEP et BTS (63 %). Il serait
intéressant de voir si, en ce qui concerne les organisations, ce décalage a un impact dans les
relations qu’entretiennent ces différents acteurs. De plus, il y a un plus fort taux de turn-over
chez les industriels et les négoces avec des moyennes d’ancienneté dans le poste et dans
l’entreprise inférieures à celles dans les entreprises du bâtiment. Ce phénomène peut également
s’expliquer par le fait que dans le groupe entreprise du bâtiment ce sont des artisans ou des
chefs d’entreprises qui ont leur propre entreprise.

Nous pouvons conclure ce paragraphe par le fait que l’échantillon est représentatif et qu’il peut
donc être utilisé pour la suite de notre raisonnement.

124
ESSENTIEL 2017//NÉGOCE DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION – INTERGROS 2018

269
4.2 Évaluation des qualités psychométriques des mesures

Afin de tester les hypothèses du modèle théorique, nous allons utiliser l’une des méthodes de
la famille des équations structurelles et plus précisément la méthode des Partial Least Square
(PLS) avec le logiciel SmartPLS. L’approche PLS permet de modéliser les relations entre les
variables observées et celles latentes (Manthé, 2018 ; Youssef, Koubaa ; Benabdallah, 2018).
Il convient tout d’abord de présenter rapidement les méthodes d’analyses exploratoires (analyse
factorielle) et confirmatoires (PLS) (4.2.1). Nous allons réaliser les analyses exploratoires et
confirmatoires des variables à expliquer (4.2.2), pour ensuite procéder à l’analyse des variables
explicatives (4.2.3). Ce travail, une fois réalisé, permet de procéder au calcul de la variable
latente de rang supérieur, à savoir les flux comme source de la valeur ajoutée (4.2.4). Enfin, le
même processus est mis en place pour les variables modératrices du modèle (4.2.5 – 4.2.6 –
4.2.7 – 4.2.8). Nous pourrons conclure cette section (4.2.9).

4.2.1 Présentation des méthodes d’analyses exploratoire et confirmatoire

Nous présentons dans un premier temps l’analyse exploratoire (ACP et l’Alpha de Cronbach)
qui permet de vérifier la dimensionnalité et la fidélité des données (4.2.1.1). Puis dans un
deuxième temps, l’analyse confirmatoire est réalisée sous la méthode PLS où il est possible de
comparer les données à un modèle théorique posé (4.2.1.2). Pour finir, le modèle de recherche
(sans les variables modératrices) est présenté (4.2.1.3).

270
4.2.1.1 Présentation de l’analyse exploratoire

Afin de réaliser l’analyse exploratoire, nous allons utiliser l’analyse en composantes principales
(ACP) et l’Alpha de Cronbach. L’ACP est une méthode de la famille des analyses factorielles.
De manière générique, l’analyse factorielle permet d’analyser la structure des corrélations entre
des variables et des facteurs (Hair et al., 2014).

Il est possible de présenter la démarche d’analyse de l’ACP en s’appuyant sur la procédure par
étapes de Hair et al. (2014). Cette procédure comprend sept étapes, la septième étape étant des
cas additionnels. Dans la première étape, il est nécessaire de faire le choix de l’approche
d’analyse. Les techniques d’analyse factorielle permettent de répondre à des objectifs soit
d’analyse exploratoire soit d’analyse confirmatoire. Dans notre cas, il s’agira d’une analyse
exploratoire afin de contrôler la structure des données.

La deuxième étape concerne le type d’analyse factorielle entre variable et observation. Il s’agit
de préparer l’analyse suivant le nombre de variables afin de faire émerger des construits latents.
Autrement dit, cette étape cherche à réduire le nombre de variables originales. Les variables
sont composées de données de type continu. Les réponses sont basées sur une échelle de Likert
à cinq points. De plus, la taille de l’échantillon est de 180 répondants. Il dépasse le seuil
minimum de 100 prescrit par Hair et al. (2014). Mais il ne répond pas au critère de 10
répondants par variable puisque le modèle comprend 56 items en tout. L’analyse est tout de
même poursuivie même si ce critère n’est pas rempli.

La troisième étape consiste à vérifier que les items sont corrélés entre eux. L’usage de la matrice
de corrélation est recommandé. Avec cette matrice, il est possible de voir le degré de corrélation
des variables, les variables devant être au moins légèrement corrélées. Ensuite, il est nécessaire
de réaliser la mesure de l’adéquation de l’échantillonnage avec l’Indice de Kaiser-Meyer-Olkin
(Indice KMO) et le Test de sphéricité de Bartlett. L’indice KMO doit tendre vers 1 sinon la
factorisation n’est pas possible. Il existe différents seuils pour juger cet indice : 0,50 et moins,
c’est misérable, entre 0,60 et 0,70, c’est médiocre, entre 0,70 et 0,80, c’est moyen, entre 0,80

271
et 0,90, c’est méritoire et au-dessus de 0,9, c’est merveilleux. Il est également possible de
vérifier la significativité du test de sphéricité de Bartlett suivant si sig = 0,000, c’est très
significatif, si sig > 0,05, c’est significatif et rejeté si sig > 0,10.

La quatrième étape s’attache à faire le choix de la méthode d’extraction entre variance totale
(ou analyse en composantes principales) et variance commune. Le choix retenu est celui de la
méthode de la variance totale. Le tableau de la variance totale expliquée permet de faire la
sélection du nombre de facteurs (ou composants) à retenir. Les composants supérieurs à 1 sont
conservés dans l’analyse. Il est également possible de faire un contrôle via la rupture du coude
de Cattell, ou tracé d’effondrement.

L’étape cinq se focalise sur l’interprétation des facteurs. Tout d’abord, il faut procéder à un
examen de la matrice de composante sans rotation. Ensuite, un examen de la matrice des
composantes après rotation doit être effectué. Afin de simplifier la représentation factorielle, le
choix de la rotation Oblimin a été fait. Enfin, il est possible de nommer les différents
composants et de tenter d’identifier le construit latent qu’ils permettent de mesurer.

La sixième étape concerne la validation de la matrice de facteurs. Il est possible d’étudier des
échantillons fractionnés, d’analyser les sous-groupes de manière séparée et d’identifier les cas
d’influence. Cette étape s’appuie par exemple sur la modélisation par équation structurelle.

La cohérence interne (Composite Reliability) ou fiabilité doit également être mesurée. Celle-ci
est évaluée avec l’Alpha de Cronbach. La valeur de l’Alpha est considérée comme
« acceptable » lorsqu’elle est supérieure à 0,7. Mais la mesure peut être comprise entre 0,6 et
0,7 pour pouvoir explorer la recherche (Lacroux, 2010 et Hair, 2013).

272
4.2.1.2 Présentation du modèle PLS

L’intérêt de la méthode PLS développée par Wold en 1985 est qu’elle répond à certaines
contraintes dans les recherches sur les groupes et les organisations. Cette méthode, aussi
appelée « modélisation douce », ne nécessite pas un grand nombre de répondants dans
l’échantillon et offre la possibilité de développer des théories émergentes (Soski et al., 2009 ;
Balambo et Baz, 2017). En outre, les méthodes de modélisation par équations structurelles avec
variable latente permettent de tester des hypothèses reflétant la complexité du terrain par la
création de modèles théoriques avec beaucoup de variables (Lacroux, 2010). Ainsi le modèle
PLS recherche des associations prédictives entre des variables au sein de petits échantillons, ce
qui est souvent le cas dans les études de terrain. De plus, il permet de tester des variables et des
modèles théoriques basés sur des théories en cours de développement et sur des recherches
exploratoires (Sosik, Kahai et Piovoso, 2009 ; Lacroux, 2010).

En ce qui concerne la taille de l’échantillon, la méthode PLS offre donc une certaine flexibilité
et peut fonctionner en présence d’un petit échantillon (Balambo et Baz, 2017). Il existe
cependant deux règles sur le nombre d’unités à respecter comme l’explique Sosik, Kahai et
Piovoso (2009). La première est que le nombre d’observations doit être supérieur au :

• (a) nombre de variables du bloc le plus grand ou la variable latente ;


• et (b) le nombre de variables latentes du modèle.

La seconde énonce que la taille de l’échantillon égale ou supérieure à 10 fois la plus grande des
valeurs suivantes :

• (a) le plus grand nombre d’indicateurs de format utilisés pour former une variable
latente ;
• ou (b) le plus grand nombre de chemins structurels menant à une variable latente.

Il est aussi possible de faire appel à une règle empirique faible qui est d’utiliser un multiplicateur
de 5 au lieu de 10. Ces contraintes d’échantillons assez souples offrent une caractéristique
intéressante en gestion, car il est souvent difficile d’avoir un échantillon important (Lacroux,
2010). Cela fait partie de l’un des avantages à employer la méthode PLS étant donné que notre
échantillon est relativement restreint. Nous avons conscience qu’avec un échantillon faible, les

273
paramètres peuvent être instables. Il faudra donc être prudent lors de l’interprétation des
résultats et il conviendra de nuancer les conclusions.

L’une des phases qui est souvent négligée par les chercheurs est l’identification et donc la
distinction à apporter entre les variables latentes formatives et réflexives (Balambo et Baz,
2017). Il est possible de résumer cette distinction par le rapport de causalité entre la variable et
les indicateurs. Dans le cas d’une variable latente réflexive, elle est la « cause » des indicateurs
ou autrement dit les indicateurs sont le reflet de la variable latente. De manière traditionnelle,
la variable latente est considérée comme réflexive. Ainsi, les indicateurs représentent
l’influence de la variable latente. Pour les variables réflexives, les indicateurs doivent donc être
significativement et positivement corrélés (Lacroux, 2010 ; Hair, 2013 ; Balambo et Baz, 2017).
Ces variables se basent sur des équations de régression simple. Alors que dans le cas d’une
variable latente formative, ce sont les indicateurs qui sont la « cause » de la variable et la
variable est le reflet des indicateurs (Balambo et Baz, 2017). Il doit y avoir alors un grand
nombre d’indicateurs à sélectionner, car l’omission d’un d’entre eux peut altérer la nature du
construit (Hair, 2013). Les indicateurs ne sont pas forcément corrélés, mais ils forment la
variable latente qui se mesure avec une équation de régression multiple (Lacroux, 2010). La
distinction entre variable formative et variable réflexive influe sur la qualité du modèle de
mesure et donc sur la validité des résultats du modèle structurel (Lacroux, 2010 ; Balambo et
Baz, 2017).

Figure 15 : spécification et distinction entre variable réflexive et variable formative

274
Dans le cadre des méthodes d’équations structurelles en science de gestion, il est souvent
opposé deux méthodes, à savoir la méthode LISREL125 et la méthode PLS. Il existe un débat au
sein des auteurs sur la validité de cette méthode. Par exemple certaines revues refusent de
publier des papiers qui utilisent le modèle PLS (Balambo et Baz, 2017). Le modèle LISREL est
une technique d’analyse plus répandue (Mourre, 2013) bien que PLS soit utilisé dans de
nombreux domaines comme l’éducation, l’ingénierie, la chimie, mais également dans les
sciences sociales (leadership, dynamique de groupe ou marketing) (Sosik, Kahai et Piovoso,
2009 ; Lacroux, 2010). On peut citer trois principales distinctions entre le modèle PLS et
LISREL.

• La première distinction peut se faire sur la typologie des techniques. LISREL est la
technique la plus courante et se base sur l’analyse des covariances alors que PLS, qui
peut être perçue comme une alternative, s’appuie sur l’analyse des variances (Lacroux,
2010 ; Balambo et Baz, 2017).
• La deuxième concerne la taille de l’échantillon qui est peut-être beaucoup plus réduit
sous PLS.
• La troisième distinction s’attache à la finalité du processus. Alors que la méthode
LISREL a un sens de confirmation en s’appuyant sur des théories solides, le modèle
PLS a plutôt un sens prédictif en se basant sur le développement de nouvelles théories
(Sosik, Kahai et Piovoso, 2009).

Le modèle PLS, malgré son apparente efficacité et sa grande souplesse dans le test de modèle
comprenant à la fois des variables réflexives et normatives, comporte quelques limites qu’il faut
exposer. Tout d’abord, les erreurs de mesure ne sont pas prises en compte. Ensuite, il n’y a pas
d’indice d’ajustement des modèles ou fit indices comme le Chi-deux ou le RMSEA. Ces indices
permettent de juger l’ajustement du modèle testé aux données empiriques. Mais le modèle PLS
peut quand même être évalué. De plus, il est impossible de traiter les modèles non récursifs
puisqu’ils ne fonctionnent que lorsque la causalité entre les variables latentes est univoque
(Balambo et Baz, 2017). Et enfin, il est possible de mettre en avant des problèmes de
consistance (Lacroux, 2010).

125
Définition : « Most widely used SEM program. The name is derived from LInear Structural RELations. » p.
544 (Hair et al., 2014).

275
Il existe différents logiciels pour modéliser des modèles PLS comme LVPLS (Lömoller), PLS-
Graph (Chinn), mais nous allons utiliser SmartPLS (Ringle, Wende et Will, 2005) et ce pour
différentes raisons. Ce logiciel est souvent cité et utilisé par les chercheurs (Ringle, 2006 ; Sosik
et al., 2009 ; Lacroux, 2010 ; Pupion P-C, 2012 ; Hair, 2013 ; Manthé, 2018 ; Youssef, Koubaa
et Benabdallah, 2018). La version 2 du logiciel est gratuite d’utilisation après inscription
contrairement à la dernière version. Son interface est ergonomique et son usage facile.

Dans le cadre de cette recherche, les données et les variables plaident pour l’emploi de la
méthode PLS puisqu’elle se situe dans une perspective exploratoire, le modèle contient des
variables réflexives et normatives et l’échantillon n’est pas très important (Lacroux, 2010).
Maintenant que nous avons présenté dans les grandes lignes la méthode PLS, il est possible de
passer à la détermination et la validation des différents modèles (de mesure et structurel).

4.2.1.3 Présentation du modèle de recherche

Comme nous l’avons présenté dans le paragraphe précédent, il convient de distinguer le modèle
de mesure du modèle structurel. La figure 16 présente cette distinction.

276
Figure 16 : modèle de recherche proposé avant analyse (sans modérateurs)

L’ensemble des items du modèle de mesure et structurel, ainsi que les variables modératrices,
ont été mesurés à l’aide d’une échelle de Likert en 5 points allant de 1 « Pas du tout d’accord »
à 5 « Tout à fait d’accord ». Chaque type de modèle de mesure, à savoir réflexif ou formatif, a
des critères d’évaluation propres (Hair, 2013). La modélisation du modèle de mesure a été
réalisée sur le logiciel SmartPLS avec l’ensemble de l’échantillon, c’est-à-dire les 180
répondants provenant de trois groupes : négoce, industriel et client professionnel. L’évaluation
de l’ensemble des variables se fera à la fois sur l’ensemble de l’échantillon et par groupe. Cela
signifie que l’un des items n’est pas forcément supprimé lors de cette phase s’il est significatif
pour au moins l’un des membres. Il s’agit d’étudier les différences de perception entre les
membres de la triade.

L’évaluation du modèle de mesure réflexif ne peut pas être utilisée dans le cadre du modèle de
mesure formatif (Hair, 2013). En effet, cela peut rendre la recherche incorrecte. Les résultats
du modèle de mesure sont généralement surestimés et ceux du modèle structurel sont sous-
estimés (Hair, 2013).

277
L’évaluation des variables formatives ne demande pas le même procédé que pour les variables
réflexives. Dans un premier temps, il faut évaluer la validité convergente. La validité
convergente peut être définie comme la mesure dans laquelle une mesure est en corrélation
positive avec d’autres indicateurs de la même construction (Hair, 2013). Il faut faire une analyse
de redondance dans laquelle une magnitude de 0,90 ou au moins 0,80 est souhaitée. Cette
magnitude se traduit par une R2 comprit entre au moins 0,64 et 0,81. La deuxième étape de
l’évaluation d’une variable formative consiste à tester la colinéarité entre les indicateurs. De
fortes corrélations ne sont pas attendues entre les éléments formatifs d’un modèle. Si un
indicateur formatif est trop corrélé, cela peut générer des problèmes de méthodologie et
d’interprétation. La trop grande corrélation a un impact sur l’estimation du poids et leur
signification statistique (Hair, 2013). Afin d’évaluer le niveau de colinéarité, nous allons utiliser
le calcul de la Tolérance et son inverse le VIF (Facteur d’Inflation de la Variance). Nous allons
utiliser la définition de la Tolérance de Hair (2013), à savoir « La tolérance représente la
quantité de variance d’un indicateur formatif non expliqué par les autres indicateurs du même
bloc. » p. 124. Dans le cadre d’une méthode PLS, la Tolérance doit être égale ou supérieure à
0,20 et la valeur du VIF doit être égale ou inférieure à 5 pour qu’il n’y ait pas de problème de
colinéarité potentiel. Si ce n’est pas le cas, il faut envisager de supprimer un des indicateurs
(Hair, 2013). Si l’on ne peut pas traiter le problème de colinéarité, il est impossible d’interpréter
les résultats des poids extérieurs (Outer Weights) et la mesure formative doit être rejetée (Hair,
2013).

278
Figure 17 : évaluation de la colinéarité dans les modèles de mesure formative à l'aide du VIF
(repris de Hair et al., 2013, p.126)

Après application de cette évaluation sur la variable portant sur le risque de désintermédiation,
il a été décidé que les indicateurs seraient formatifs. En effet, il semble pertinent de les
considérer comme étant la cause de la variable et non l’inverse. Il n’y a donc aucun problème
de méthodologie ou d’interprétation.

Pour l’évaluation des variables réflexives, nous devons commencer par regarder les Outer
Loadings qui sont les premiers degrés d’analyse pour savoir s’il faut conserver ou supprimer
un indicateur. Si les Outer Loadings sont inférieurs à 0,4, il faut supprimer l’indicateur. Au
contraire si l’indicateur est supérieur à 0,7, il doit être conservé. Si la mesure de l’indicateur
dans les Outer Loadings est comprise entre 0,4 et 07, il est nécessaire de regarder l’AVE et le
Composite Reliability afin de savoir s’il doit être conservé. Nous devons alors voir si la
suppression augmente ou n’augmente pas les mesures au-dessus du seuil. Si la suppression
augmente les mesures au-dessus du seuil, il convient de supprimer l’indicateur réflexif. Dans le
cas contraire, nous conservons l’indicateur réflexif.

279
Figure 18 : test de pertinence avec Outer Loading (repris de Hair et al., 2013, p.104)

Les indicateurs correspondant aux antécédents de la création de valeur ajoutée sont corrélés. Et
la variable peut être considérée comme la cause des indicateurs. Il est donc décidé de laisser les
indicateurs formant les flux comme réflexifs.

Il est à présent temps de passer à l’analyse exploratoire et confirmatoire des variables à


expliquer.

4.2.2 La variable à expliquer : le risque de désintermédiation

La variable à expliquer est considérée comme une variable formative. Dans un premier temps,
nous allons réaliser une analyse descriptive (4.2.2.1) pour dans un deuxième réaliser l’analyse
confirmatoire de redondance (4.2.2.2). Enfin, nous allons réaliser l’analyse confirmatoire
(4.2.2.3).

280
4.2.2.1 Analyse descriptive de la variable à expliquer : le risque de
désintermédiation

Avant de procéder à l’évaluation des construits, le tableau 69 présente les items qui ont été
utilisés dans le questionnaire.

Tableau 69 : items utilisés pour mesurer le risque de désintermédiation

Variable Items
Dimensions Codes
DES2 Les industriels peuvent se passer du négoce de matériaux
Les entreprises du bâtiment peuvent se passer du négoce de
DES3
matériaux
Le risque de DES4 Les GSB peuvent remplacer le négoce de matériaux
désintermédiation Les plateformes numériques peuvent remplacer le négoce de
DES5
matériaux
Les coopératives d'artisans peuvent remplacer le négoce de
DES6
matériaux

Nous considérons que le risque de désintermédiation est une variable latente formative. Les
différents items sont la « cause » de la variable et la variable est le reflet des items (Balambo et
Baz, 2017). DES2 et DES3 représentent la possibilité pour les acteurs amont et aval de se passer
des intermédiaires, autrement dit le risque d’une désintermédiation par une intégration verticale.
DES4, DES5 et DES6 mettent en avant le risque de désintermédiation de l’intermédiaire
traditionnel par une réintermédiation au profit d’autres acteurs omnicanaux et digitaux.

Tableau 70 : analyse descriptive de la variable sur le risque de désintermédiation

Moyenne industriels Moyenne intermédiaires Moyenne clients F Sign.


DES2 2,79 2,51 2,87 1,470 0,233
DES3 2,60 2,51 2,43 0,226 0,798
DES4 3,21 2,66 2,57 4,426 0,013
DES5 2,63 2,46 2,52 0,468 0,627
DES6 3,25 2,86 3,01 1,988 0,140

Seul DES4 présente des différences entre les groupes. Plus précisément, les industriels ont un
niveau plus important que les deux autres acteurs. Ils perçoivent un plus fort remplacement des
négoces de matériaux par les GSB.

281
À ce stade, il n’est pas nécessaire de réaliser une analyse exploratoire. Comme expliqué dans
la sous-section précédente, les indicateurs doivent apporter chacun de l’information
complémentaire. Ils doivent donc être peu corrélés. Pour cela, il est nécessaire de réaliser une
analyse de redondance.

4.2.2.2 Analyse de redondance de la variable à expliquer : le risque de


désintermédiation

Il s’agit de faire une régression des items sur les autres et d’analyser les relations entre les items.
L’examen des VIF et de la tolérance indiquera s’il y a un problème de multicolinéarité ou non.
Afin de calculer la Tolérance et le VIF, nous allons utiliser le logiciel IBM SPSS (Hair, 2013
et Youssef, Koubaa et Benabdallah, 2018). L’ensemble des résultats est synthétisé dans le
tableau 71.

Tableau 71 : synthèse de l’analyse de la tolérance des indicateurs DES

Tolérance Min VIF Max


DES2 0,749 1,336
DES3 0,645 1,248
DES4 0,628 1,279
DES5 0,641 1,355
DES6 0,646 1,433

Pour chacun des items la Tolérance est supérieure à 0,20, la plus faible étant DES4 à 0,628, et
le VIF est inférieur à 5 puisqu’au maximum c’est DES3 qui est à 1,248. L’absence de colinéarité
entre les indicateurs permet de poursuivre l’évaluation de la variable formative.

La dernière étape consiste à évaluer l’importance et la pertinence des indicateurs formatifs.


Cette évaluation de l’importance et de la pertinence se fait grâce aux poids (importance relative
des items). Si le poids est significatif, l’indicateur peut être conservé. Le R² des indicateurs
formatifs étant égal à 1, il est possible de déterminer la contribution de chaque indicateur par
rapport à sa propre variable et de comparer les poids entre eux. En se partageant la variance
expliquée, plus les indicateurs sont nombreux et plus leurs poids respectifs seront naturellement
plus faibles. Dans le cas où les poids ne sont pas significatifs, il faut analyser les saturations

282
(importance relative des items). Si elles sont supérieures à 0,5, il est possible de les conserver.
Dans le cas contraire, le choix de garder ou non l’item se fait au regard du cadre théorique (Hair,
2013).

4.2.2.3 Analyse confirmatoire de la variable à expliquer : le risque de


désintermédiation

Tableau 72 : analyse des poids et contributions factorielles du risque de désintermédiation


(ensemble de l’échantillon)

Poids Saturation
Valeur t Valeur t
DES2 0,329 1,129 0,460 2,690
DES3 -0,355 0,576 0,374 1,637
DES4 -0,228 0,305 0,419 2,163
DES5 0,678 3,132 0,739 4,365
DES6 0,326 0,072 0,467 1,466

Les items DES2, 4 et 5 peuvent être conservés après l’analyse de la saturation. En revanche, les
items DES3 et 6 ne sont pas significatifs. Mais nous ne les excluons pas tout de suite du reste
de l’analyse. Notre travail porte sur une triade, les différents membres ont des perceptions
différentes. Il convient donc de réaliser l’analyse par acteur avant de décider si un item doit être
supprimé.

Tableau 73 : analyse des poids et contributions factorielles du risque de désintermédiation


(par groupe)
Industriels Intermédiaires Clients
Poids Saturation Poids Saturation Poids Saturation
DES2 0,303 0,336 -0,339 0,295 0,405 0,558*
DES3 -0,514* -0,332 0,448 0,518* 0,446 0,419
DES4 0,235 0,459* 0,408 0,532* -0,479 -0,294
DES5 0,709* 0,643* 0,346 0,505* 0,584* 0,630*
DES6 0,344 0,473* 0,478* 0,602* -0,290 -0,320
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Au final, nous conservons les items de DES2 à DES6 en formatif pour s’assurer de la validité
externe de cette variable. En effet, si à propos de l’ensemble de l’échantillon seul DES2, 4 et 5
dépassent le seuil de 0,5, qui nous permet de garder les items, il est nécessaire de faire les

283
contrôles pour chaque item au sein de chaque groupe. Dans le détail de chaque groupe, nous
observons des différences de perception. Pour les artisans, il est possible de maintenir les items
DES2 et DES5. L’item DES3 est proche du seuil. Pour les industriels et les intermédiaires, les
items DES3, DES4, DES5 et DES6 peuvent être conservés, car supérieurs à 0,5. Il y a donc une
perception commune entre les industriels et les intermédiaires. Cependant, il est à noter que
DES3 est négatif pour les industriels. De plus, DES2 n’est pas significatif pour les industriels
et les intermédiaires. Aucune homogénéité n’apparaît dans les résultats. L’ensemble des items
sont significatifs pour au moins l’un des groupes, cette différence de perception entre les
membres de la triade explique que nous conservions l’intégralité des items de la variable à
expliquer, à savoir le risque de désintermédiation.

4.2.3 Les variables explicatives : les flux physiques, informationnels et


financiers

4.2.3.1 Analyse exploratoire de la variable explicative flux physique

Pour rappel, le tableau 74 présente les différents items constituant la variable latente flux
physique. Afin de simplifier la représentation des items pour la suite du raisonnement, des codes
leur ont été attribués.

Tableau 74 : items utilisés pour mesurer le flux physique

Variable Items
Ces différentes fonctions génèrent-elles de la valeur ajoutée pour le négoce de
Dimensions Codes
matériaux ?
PHY1 Le stock disponible immédiatement
PHY2 La logistique (livraison, tournée…)
Flux
PHY3 La réservation de marchandise
Physiques
PHY4 La livraison directe usine-chantier
PHY5 Les plateformes de stockage (en dehors de l'agence)

Nous allons réaliser l’analyse exploratoire en nous appuyant sur l’analyse en composantes
principales (ACP) et l’Alpha de Cronbach. Pour l’ACP, nous reprenons la méthodologie par
étape présentée par Hair et al. (2014). L’étape 1 et l'étape 2 ont déjà été présentées dans la partie
méthodologique.

284
Les items des flux physiques sont suffisamment corrélés pour être factorisés (KMO = 0,665 ;
test de Bartlett sign. = 0,000).

L’analyse en composantes principales fait apparaître deux dimensions restituant 64 % de la


variance. La valeur propre du troisième facteur est très largement inférieure à 1.

Tableau 75 : variance totale expliquée pour les items du flux physique

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales Sommes extraites du carré des chargements Sommes de rotation du carré des chargements
Composante % de la % de la % de la
Total % cumulé Total % cumulé Total % cumulé
variance variance variance
1 2,133 42,654 42,654 2,133 42,654 42,654 1,608 32,164 32,164
2 1,071 21,417 64,071 1,071 21,417 64,071 1,595 31,907 64,071
3 ,760 15,197 79,268
4 ,588 11,756 91,023
5 ,449 8,977 100,000

Figure 19 : rupture du coude de Cattell pour les items du flux physique

L’interprétation des axes factoriels s’effectue par observation des saturations (corrélations entre
items et facteurs) après rotation. Une première rotation oblique (Oblimin), c’est-à-dire
autorisant la corrélation entre les axes factoriels, montre une corrélation moyenne entre les deux
dimensions (0,295). Cela signale la possibilité ultérieure de regrouper ces deux dimensions en
une variable de rang supérieur.

285
Tableau 76 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items du flux physique

Composante 1 Composante 2
PHY5 0,809
PHY3 0,703
PHY4 0,657
PHY1 0,894
PHY2 0,836

Dans cette matrice, chacun des items a une charge supérieure à 0,40 sur une seule composante.
Il convient à présent de décrire les composantes, c’est-à-dire leur donner un sens. La
composante 1 est composée des trois items sur la réservation de marchandise, la livraison
directe usine-chantier et le stock déporté via des plateformes. La première composante concerne
les services annexes qui peuvent être des services supplémentaires pouvant être proposés par
les négoces. La composante 2 regroupe les deux premiers items du flux physique, à savoir le
stock disponible et la logistique. Cette composante peut donc être identifiée comme les services
principaux offerts par les négoces dans leur gestion des flux physiques. Le tableau 77 propose
de synthétiser le processus de désignation des composantes.

Tableau 77 : désignation des composantes pour les items du flux physique


Composante Désignation
Composante 1 Services annexes du flux physique
Composante 2 Services principaux du flux physique

Il reste encore à vérifier la cohérence Internet par l’intermédiaire de l’Alpha de Cronbach (Hair,
2013). Comme nous l’avons déjà évoqué, la mesure doit être comprise entre 0,6 et 0,7 pour
pouvoir explorer la recherche (Lacroux, 2010 et Hair, 2013) et au-dessus de 0,7 la valeur est
considérée comme « acceptable ».

Tableau 78 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour les deux
composantes du flux physique
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,689 0,641 0,597 0,550 3
Composante 2 0,578 0,816 0,529 0,586 2

286
La cohérence interne du modèle de mesure est acceptable pour la composante 1 puisque l’Alpha
est de 0.689. Il est bien compris entre 0,6 et 0,7, nous pouvons donc poursuivre l’analyse du
modèle avec l’analyse confirmatoire avec la composante 1 sur les services annexes du flux
physique. La composante 2, bien qu’à la limite du seuil, sera tout de même conservée. En effet,
il nous semble bénéfique pour le modèle de conserver la composante sur les services principaux
du flux physique. Nous allons à présent réaliser l’analyse confirmatoire des deux composantes.

4.2.3.2 Analyse confirmatoire des variables explicatives flux physiques

L’analyse factorielle confirmatoire appliquée souligne la pertinence des deux dimensions des
flux physiques. PHY3 a une saturation (Outer Loading) un peu faible, mais reste significatif.

Tableau 79 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (ensemble de l’échantillon)

Items Saturation t CR AVE


PHY1 0,826* 7,599
Services principaux 0,762 0,527
PHY2 0,895* 13,134
PHY3 0,491 2,314
Services annexes PHY4 0,724* 4,993 0,864 0,761
PHY5 0,801* 6,549
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

La fidélité des deux dimensions est satisfaisante (CR > 0,7), ainsi que la validité interne (AVE
> 0,5).

Pour garder une certaine cohérence dans l’analyse, le même travail a été fait avec l’ensemble
des classes.

Tableau 80 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
Services PHY1 0,705* 0,839* 0,882*
0,753 0,507 0,782 0,643 0,872 0,773
principaux PHY2 0,793* 0,763* 0,876*
PHY3 0,628* 0,483 0,682*
Services
PHY4 0,759* 0,675 0,414 0,676* 0,675 0,417 -0,631 0,677 0,412
annexes
PHY5 0,522* 0,748* 0,610
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

287
Nous devons voir si la suppression augmente les mesures au-dessus du seuil. Si c’est le cas, il
convient de supprimer l’indicateur réflexif. Ainsi pour le groupe des industriels nous procédons
au retrait PHY5, car cet item fait baisser la validité interne. Pour les intermédiaires, nous
retirons PHY3 pour les services annexes. En ce qui concerne les clients, PHY4 et PHY5 ne sont
pas significatifs pour les services annexes, mais ils sont conservés, car nous procédons au retrait
de PHY4 qui est inversé.

Tableau 81 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (par groupe) après retrait
Industriels Intermédiaires Clients
Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
PHY1 0,722* 0,844* 0,883
Services principaux 0,727 0,572 0,788 0,651 0,872 0,774
PHY2 0,789* 0,768* 0,876
PHY3 0,691* - 0,774
Services annexes PHY4 0,824* 0,731 0,578 0,737* 0,742 0,591 - 0,705 0,545
PHY5 - 0,799* 0,701
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Après ces différents retraits, l’ensemble des mesures sont significatives. Il est donc possible
d’observer une fois encore des différences de perception entre les membres de la triade. En
effet, PHY5 (plateforme de stockage) a été retiré pour les industriels, PHY3 (la réservation de
marchandise) pour les intermédiaires et PHY4 (livraison directe usine-chantier) pour les clients.
Il s’agit tous d’items présents dans les services annexes. Les deux items composants les services
principaux du flux physique sont au-dessus du seuil pour l’ensemble des groupes. Une nouvelle
fois, pour conserver la cohérence externe du modèle, l’ensemble des items seront conservés
pour la suite de l’analyse.

4.2.3.3 Analyse exploratoire de la variable explicative flux informationnel

Les données concernant les flux informationnels sont factorisables (KMO = 0,674 ; test de
Bartlett sign. = 0,000). Deux composantes ressortent de l’analyse factorielle, représentant 56 %
de la variance. Pour rappel, nous présentons les différents items dans le tableau 82.

288
Tableau 82 : items utilisés pour mesurer le flux informationnel

Variable Items
L'information technique sur les produits transmise par le négoce de
Dimensions Codes
matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux ?
INF1 En agence
INF2 Sur Internet
L'information du stock disponible sur les produits transmise par le négoce
de matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux
?
Flux
INF3 En agence
Informationnels
INF4 Sur Internet
L'information des prix sur les produits transmise par le négoce de
matériaux génère-t-elle de la valeur ajoutée pour le négoce de matériaux ?
INF5 En agence
INF6 Sur Internet

Tableau 83 : variance totale expliquée pour les items du flux informationnel

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales Sommes de rotation du carré des chargements
Composante % de la % de la
Total % cumulé Total % cumulé
variance variance
1 2,276 37,938 37,938 1,862 31,038 31,038
2 1,088 18,129 56,067 1,502 25,028 56,067
3 ,838 13,964 70,030
4 ,767 12,786 82,817
5 ,561 9,353 92,170
6 ,470 7,830 100,000

La rotation Oblimin révèle une corrélation moyenne entre les deux axes (r = 0,289).

Tableau 84 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items du flux
informationnel

Composante 1 Composante 2
INF6 0,811
INF2 0,720
INF4 0,609
INF5 0,531 0,411
INF1 0,844
INF2 0,725

Dans cette matrice, chacun des items a une saturation supérieure à 0,40. La composante 1
regroupe les trois items sur la transmission de l’information au travers d’Internet. La

289
composante 2 est composée des trois items sur le partage de l’information en agence. Ainsi, il
est possible de dissocier l’accès et le partage de l’information entre les membres de la triade
selon deux canaux. Il s’agit d’un canal physique via les agences et d’un canal digital au travers
d’Internet. Nous remarquons que l’item INF5 est mal représenté, car sa saturation est plus
importante avec la première composante alors qu’il devrait être plus cohérent avec la deuxième
(lié à l’agence). L’écart de saturation sur cet item entre les deux dimensions étant réduit, nous
le soumettrons à l’analyse confirmatoire dans la deuxième composante. Le tableau 85 propose
de synthétiser le processus de désignation des composantes.

Tableau 85 : désignation des composantes pour les items du flux informationnel


Composante Désignation
Composante 1 Canal digital pour la transmission de l’information
Composante 2 Canal physique pour la transmission de l’information

Nous réalisons à présent la vérification de l’Alpha de Cronbach.

Tableau 86 : fidélité des mesures du flux informationnel (Alpha de Cronbach)


Global Industriels Intermédiaires Clients
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,552 0,279 0,438 0,808 3
Composante 2 0,602 0,559 0,618 0,696 3

La cohérence interne du modèle de mesure est acceptée pour la composante 2 puisque l’Alpha
est de 0.602. Si le seuil n’est pas atteint pour la composante 1 au niveau de l’ensemble de
l’échantillon et pour les groupes industriels et intermédiaires, il peut être considéré comme
« acceptable » pour le groupe client puisqu’il est de 0,808. La première composante est
également conservée. À présent que la cohérence interne des flux informationnels a été
mesurée, nous pouvons procéder à l’analyse confirmatoire.

4.2.3.4 Analyse confirmatoire des variables explicatives flux informationnels

Dans la phase exploratoire, nous avons distingué les informations provenant de l’agence
physique (le point de vente) de celles qui peuvent être récupérées sur Internet (site des
négociants ou des industriels par exemple). Cette distinction était déjà présente dans le
290
questionnaire (cf. Tableau 82). Les mesures pour les indicateurs des flux informationnels pour
l’ensemble de l’échantillon sont présentées dans le tableau 87 ci-après :

Tableau 87 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels (ensemble de


l’échantillon)

Dimensions Items Saturation t CR AVE


INF1 0,790* 5,647
Agence INF3 0,656* 4,210 0,733 0,480
INF5 0,622* 4,267
INF2 0,608* 2,480
Internet INF4 0,591* 3,342 0,660 0,393
INF6 0,679* 2,887
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Les deux dimensions présentent des saturations acceptables et significatives. L’item INF5, qui
était davantage corrélé avec les flux Internet dans l’analyse exploratoire, est en revanche bien
représenté avec les flux agence. La fidélité des flux agence est satisfaisante (CR = 0,733). En
revanche la validité interne des deux dimensions et la fidélité des flux Internet présentent des
critères inférieurs aux seuils habituels. Cela peut être dû aux différences de perception entre les
acteurs, ces analyses sont effectuées au sein de chacun d’eux.

Tableau 88 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
INF1 0,800* 0,547* 0,802*
Agence INF3 0,332 0,558 0,323 0,811* 0,629 0,378 0,804* 0,853 0,658
INF5 0,468 0,42 0,828*
INF2 0,556 0,536 -0,680*
Internet INF4 0,578* 0,634 0,368 -0,434 0,598 0,343 -0,686* 0,732 0,476
INF6 0,678* 0,744* -0,704*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Après analyse, les seuils ne sont pas respectés pour les industriels et donc les items INF3 et
INF2 sont retirés. Pour les intermédiaires, nous retirons INF5 et INF4. Il est à noter que nous
conservons l’ensemble des items pour les clients et que la composante Internet est inversée.

291
Tableau 89 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels (par groupe) après retrait

Industriels Intermédiaires
CR AVE CR AVE
INF1 0,875* 0,584*
Agence INF3 - 0,669 0,518 0,875* 0,704 0,553
INF5 0,520* -
INF2 - 0,580*
Internet INF4 0,649* 0,721 0,568 - 0,690 0,536
INF6 0,846* 0,858*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Les deux composantes, à savoir flux agence et flux Internet, sont significatives pour les artisans.
Après le retrait des items INF3, INF2 pour les industriels et INF5 et INF4 pour les
intermédiaires les mesures sont significatives. Il est possible de voir émerger un paradoxe, car
si les clients vont chercher de l’information sur les deux canaux, les industriels et les
intermédiaires sont plus indécis. Pour conserver la cohérence du modèle et puisque les deux
canaux d’information sont validés pour les clients, ils seront conservés pour la suite de la
recherche.

4.2.3.5 Analyse exploratoire de la variable explicative flux financier

Nous allons à présent travailler sur le dernier flux constitutif de la valeur ajoutée. Le flux
financier est mesuré par trois items représentant les services qu’offre le négoce sur le plan de
la finance à la fois en amont, mais surtout en aval du canal de distribution (cf. Tableau 90).

Tableau 90 : items utilisés pour mesurer le flux financier

Variable Items
Ces différentes fonctions génèrent-elles de la valeur ajoutée pour le négoce de
Dimensions Codes
matériaux ?
FIN1 Les facilités de paiement (encours)
Flux
FIN2 Les garanties mises en place
Financiers
FIN3 Les tarifs personnalisés

Le flux financier est factorisable. L’indice KMO de 0,687 et le test de Bartlett sont très
significatifs puisqu’il est égal à 0.000.

292
Pour le flux financier, il n’y a qu’une seule composante comme le montre le tableau 91.

Tableau 91 : variance totale expliquée pour les items du flux financier

Variance totale expliquéea


Valeurs propres initiales
Composante % de la
Total % cumulé
variance
1 2,177 72,579 72,579
2 ,520 17,327 89,906
3 ,303 10,094 100,000

L’ensemble des items constitue la variable flux financier. L’Alpha de Cronbach va à présent
être vérifié afin de s’assurer de la cohérence interne de la variable.

Tableau 92 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la composante du


flux financier
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Flux financier 0,701 0,801 0,642 0,622 3

La cohérence interne du modèle de mesure est acceptée pour le flux financier, car l’Alpha est
de 0.701. Le seuil est également correct pour chacun des groupes. Il est possible de passer à
l’analyse confirmatoire du flux financier.

4.2.3.6 Analyse confirmatoire de la variable explicative flux financier

Seul l’item FIN3 est au-dessus du seuil avec une mesure de 0,713. Il convient donc de regarder
l’AVE et le CR. Les seuils ne sont pas respectés, mais nous allons regarder les mesures au
niveau de chacun des groupes. Ces mesures sont présentées dans le tableau 93 et le tableau 94.

293
Tableau 93 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (ensemble de l’échantillon)

Items Saturation t CR AVE


FIN1 0,563* 0,097
FIN2 0,557* 0,911 0,643 0,379
FIN3 0,713* 3,321
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Tableau 94 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
FIN1 0,470 0,707* 0,776*
FIN2 0,655* 0,643 0,382 0,634* 0,727 0,471 0,718* 0,764 0,520
FIN3 0,704* 0,715* 0,665*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Après le retrait de FIN1 pour le groupe des industriels les seuils sont respectés.

Tableau 95 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (par groupe) après retrait

Industriels
Saturation CR AVE
FIN1 -
FIN2 0,684* 0,721 0,565
FIN3 0,814*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Seul FIN1 est mal représenté pour les industriels, c’est qu’ils ne doivent pas percevoir l’encours
client comme une source de valeur ajoutée.

Sans retrait, les AVE et les CR ne sont pas forcément bons pour l’ensemble des flux, mais nous
préférons garder l’ensemble des items. En effet, nous cherchons à comparer les perceptions
entre les groupes. Et chaque item est au moins supérieur au seuil pour l’un des membres de la
triade. Nous privilégions la validité externe du modèle.

294
4.2.3.7 Validité discriminante des flux

Nous allons à présent nous assurer de la validité discriminante des variables explicatives. Les
variables doivent être plus corrélées entre elles qu’avec les autres variables. Pour tester cette
validité, nous suivons la méthode de Fornelle et Larcker (1981) qui consiste à comparer la
variance moyenne extraite (AVE) de chaque construit au carré de la corrélation que celui-ci
partage avec les autres construits.

Tableau 96 : mesure de la validité discriminante des flux pour les industriels

Risque de Flux Flux Flux Flux


Flux physiques
désintermédiati financie informationnels informationnels physiques
principaux
on rs agence Internet annexes
Risque de
désintermédiatio -
n
Flux financiers 0,074 0,565
Flux
informationnels 0,137 0,118 0,518
agence
Flux
informationnels 0,140 0,000 0,014 0,568
Internet
Flux physiques
0,039 0,086 0,094 0,000 0,572
principaux
Flux physiques
0,024 0,007 0,133 0,014 0,251 0,578
annexes

Tableau 97 : mesure de la validité discriminante des flux pour les intermédiaires

Risque de Flux Flux Flux Flux


Flux physiques
désintermédiati financie informationnels informationnels physiques
principaux
on rs agence Internet annexes
Risque de
désintermédiatio -
n
Flux financiers 0,061 0,471
Flux
informationnels 0,102 0,101 0,553
agence
Flux
informationnels 0,044 0,100 0,023 0,536
Internet
Flux physiques
0,081 0,040 0,118 0,021 0,651
principaux
Flux physiques 0,116
0,093 0,048 0,091 0,051 0,591
annexes

295
Tableau 98 : mesure de la validité discriminante des flux pour les clients

Risque de Flux Flux Flux Flux


Flux physiques
désintermédiati financie informationnels informationnels physiques
principaux
on rs agence Internet annexes
Risque de
désintermédiatio -
n
Flux financiers 0,081 0,520
Flux
informationnels 0,271 0,086 0,658
agence
Flux
informationnels 0,043 0,093 0,164 0,476
Internet
Flux physiques
0,030 0,083 0,385 0,069 0,872
principaux
Flux physiques 0,081
0,027 0,159 0,092 0,194 0,545
annexes

L’ensemble des carrés de corrélation restent inférieurs aux AVE donc la validité discriminante
entre les flux est assurée pour chacun des groupes.

4.2.3.8 Conclusion

Pour conclure cette sous-section sur le modèle de mesure après évaluation des indicateurs, nous
allons rappeler les échelles de mesure retenues.

Les items de la variable « risque de désintermédiation » ont été considérés comme étant la
« cause » de cette variable. Ainsi, ils sont traités comme des indicateurs formatifs. À la suite
des différentes étapes d’évaluation, nous avons retenu l’ensemble des items.

En ce qui concerne les antécédents à la création de valeur ajoutée dans le canal de distribution,
les variables flux physique, flux informationnel et flux financier sont constituées d’indicateurs
réflexifs. En effet, les flux peuvent être considérés comme la « cause » des items (Lacroux,
2010 ; Hair, 2013 ; Balambo et Baz, 2017). Aucun item n’a été supprimé pour les variables des
flux même si au niveau global tous les items ne sont pas bien représentés, au niveau des groupes
ils sont significatifs pour au moins l’un d’entre eux. Nous avons donc décidé, pour la cohérence
externe du modèle de recherche et pour identifier les différentes perceptions entre les membres
de la triade, de conserver l’ensemble des items. En revanche, l’analyse des variables
296
explicatives nous a permis de dissocier deux flux. Ainsi, pour le flux physique, les services
physiques principaux composés de la livraison et du stock se sont différenciés des services
annexes comme le stock déporté ou la livraison directe usine-chantier. De même, pour les flux
informationnels, la distinction entre information physique et information digitale est clairement
apparue.

Il est à présent possible de passer à l’étude de la variable de second rang.

4.2.4 Calcul de la variable latente de rang supérieur : les flux sources de


la valeur ajoutée

Afin de pouvoir tester les hypothèses, il est nécessaire d’évaluer la variable de second rang à
savoir la valeur ajoutée. Dans le modèle de recherche, la valeur ajoutée est une variable latente
de second rang mesurée par l’intermédiaire des trois types de flux, à savoir le flux physique
(principal et annexe), informationnel (physique et digital) et financier. Les flux sont des
variables latentes explicatives ou exogènes de type formatif. Nous commençons par présenter
l’analyse descriptive de la variable de second rang (4.2.4.1) pour ensuite effectuer l’analyse de
redondance de cette variable (4.2.4.2). Il est alors possible de réaliser l’analyse confirmatoire
de cette variable latente de second rang (4.2.4.3) et de conclure (4.2.4.4).

4.2.4.1 Analyse descriptive de la variable latente de second rang : la valeur


ajoutée

La même méthode par étape va être appliquée pour la variable latente de second rang, à savoir
la valeur ajoutée générée par l’intermédiaire. Nous considérons que la valeur ajoutée par
l’intermédiaire est une variable latente formative. Les différentes variables explicatives sont la
« cause » de la variable latente. En effet, c’est l’ensemble des flux qui constituent la valeur
ajoutée du grossiste. La valeur ajoutée se compose de plusieurs flux dont l’importance varie
entre les acteurs.

297
Tableau 99 : analyse descriptive de la variable sur la valeur ajoutée

Moyenne industriels Moyenne intermédiaires Moyenne clients F Sign.


Physique principal 4,73 4,77 4,44 2,455 0,119
Physique annexe 3,62 3,81 3,63 0,003 0,957
Information Agence 4,13 4,32 4,03 1,644 0,202
Information Internet 4,00 4,01 3,90 0,470 0,494
Financier 4,24 4,24 3,96 0,839 0,361

Les flux physiques composés des services principaux et le flux financier présentent des
différences entre les groupes. Plus précisément, les clients ont un niveau moins important que
les deux autres acteurs. Ils perçoivent moins la valeur ajoutée que génèrent ces flux, peut-être
parce qu’ils sont standards et donc acquis comme tels par les clients.

À ce stade, il n’est pas nécessaire de réaliser une analyse exploratoire. Comme expliqué dans
la sous-section précédente, les indicateurs doivent apporter chacun de l’information
complémentaire. Ils doivent donc être peu corrélés. Pour cela, il est nécessaire de réaliser une
analyse de redondance.

4.2.4.2 Analyse de redondance de la variable latente de second rang : la valeur


ajoutée

L’examen des VIF et de la tolérance va à présent être réalisé pour l’ensemble des flux
intervenant dans la valeur ajoutée par le grossiste. Puisque ce sont des variables normatives, le
même processus que lors de l’analyse des items DES sera appliqué.

Tableau 100 : synthèse de l’analyse de la tolérance des flux

Tolérance Min VIF Max


Physique principal 0,690 1,449
Physique annexe 0,613 1,631
Information Agence 0,530 1,886
Information Internet 0,766 1,305
Financier 0,707 1,414

Pour chacun des items la Tolérance est supérieure à 0,20, la plus faible étant l’information
agence à 0,530, et le VIF est inférieur à 5 puisqu’au maximum c’est l’information agence qui

298
est à 1,886. L’absence de colinéarité entre les indicateurs permet de poursuivre l’évaluation de
la variable formative. Nous allons maintenant procéder à la dernière étape consistant à évaluer
l’importance et la pertinence des indicateurs formatifs.

4.2.4.3 Analyse confirmatoire de la variable latente de second rang : la valeur


ajoutée

Tableau 101 : analyse des poids et contributions factorielles de la valeur ajoutée (ensemble de
l’échantillon)

Poids Saturation
Valeur t Valeur t
Flux physiques principaux 0,227 0,132 0,290 0,975
Flux physiques annexes 0,182 0,172 0,333 1,614
Flux informationnels agence 0,939 5,586 0,691 4,804
Flux informationnels Internet -0,647 3,422 -0,274 1,681
Flux financiers -0,278 1,403 0,173 0,356

Les variables information agence et Internet peuvent être conservées après l’analyse de la
saturation. En revanche, les deux variables concernant le flux physique et le flux financier ne
sont pas significatives. Cependant, dans la continuité du travail au sein de la triade, nous ne les
excluons pas tout de suite du reste de l’analyse. Il convient donc de réaliser l’analyse par acteur
afin d’identifier les différences de perception.

Tableau 102 : analyse des poids et contributions factorielles de la valeur ajoutée (par acteur)

Industriels Intermédiaires Clients


Poids Saturation Poids Saturation Poids Saturation
Flux physiques principaux 0,524* 0,576* 0,362 0,543* -0,306 -0,240
Flux physiques annexes -0,280 0,331 0,310 0,494* 0,283 0,474*
Flux informationnels agence 0,428* 0,550* 0,477* 0,670* 0,999* 0,672*
Flux informationnels Internet -0,481* -0,408 -0,242 0,281 -0,376 -0,209
Flux financiers 0,258 0,316* 0,333 0,484* -0,490 -0,244
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Ainsi, pour les industriels tous les flux interviennent sauf les flux physiques annexes. Pour les
intermédiaires, il n’y a que le flux informationnel Internet qui n’est pas significatif. Enfin, pour
les clients seuls les flux physiques annexes et les flux informationnels agences peuvent être
retenus.
299
Il convient de discuter de ces différences. En ce qui concerne les industriels, les flux physiques
annexes ne génèrent pas de valeur ajoutée. Le fait de faire des transports directs usine-chantier
peut être vu comme un report du stock de l’intermédiaire auprès de l’industriel. Cela s’inscrit
dans les verbatim sur la perception de diminution du stock des négoces par les industriels. En
effet, des gammes qui ne seraient pas stockées dans les plateformes doivent transiter entre
l’usine et l’agence sous forme de commande. Les plateformes et entrepôts ne produisent pas
toujours de valeur ajoutée pour les industriels et ce pour différentes raisons. Tout d’abord, au
lieu de diminuer les points des livraisons, les plateformes ont tendance à multiplier les points
de contacts et de livraison entre l’industriel et les négociants. En effet, certaines gammes
peuvent être stockées dans les entrepôts du grossiste, cela permet d’anticiper les demandes et
de négocier des conditions quantitatives en plus d’apporter un meilleur service aux agences du
réseau. Mais d’autres produits moins fréquemment demandés ne sont pas stockés par les
entrepôts et des systèmes de livraison usine – agence doivent toujours exister. Ensuite, cette
structuration nécessite la gestion de plusieurs grilles tarifaires et donc de plusieurs niveaux de
négociations. Il existe des démarches détournées dans le sens où des commandes sont passées
directement auprès de l’industriel par une agence alors que le produit est stocké en plateforme,
car les conditions tarifaires sont meilleures ou parce que les délais de livraison sont meilleurs.
Des problématiques de rémunérations des commerciaux des industriels peuvent aussi voir le
jour si la plateforme ne se situe pas dans leurs périmètres géographiques. Ainsi, au lieu de
réduire les points de négociations et de livraisons, cela ne fait que les augmenter comme le
montre les figures 20 et 21. Ainsi, les plateformes et entrepôts logistiques des grossistes, bien
que centralisant les produits, ne réduisent pas toujours le nombre d’agences à livrer.

300
Figure 20 : multiplication des points de négociations entre les industriels et les structures d’un
grossiste

Figure 21 : multiplication des points de livraisons entre les industriels et les structures d’un
grossiste

Que les flux informationnels Internet ne soient pas prépondérants pour les intermédiaires va
également dans le sens des résultats qualitatifs. Le grossiste n’est pas perçu comme un acteur
fortement digitalisé et ces acteurs en ont conscience. Ils savent également que les industriels ou
que des acteurs extérieurs sont mieux placés sur ces flux. Il est donc logique que ces flux ne
soient pas une priorité dans la construction d’un avantage concurrentiel. Cela s’inscrit aussi
dans une forme de recentrage sur le cœur de métier en privilégiant les canaux physiques et les
flux physiques et financiers. Finalement, ce sont les flux que les industriels ne veulent pas gérer
dans le canal de distribution.

301
Pour les clients professionnels, si les flux physiques principaux et financiers ne produisent pas
de valeur ajoutée, c’est sans doute qu’ils sont acquis comme faisant partie des services de base
que doit proposer le grossiste. A contrario, sur la base des verbatim, il est également possible
de voir une baisse de la valeur ajoutée des grossistes par des problématiques de stocks et de
financement de l’activité des clients. En revanche, des services plus récents comme les flux
physiques annexes ou plus techniques comme les flux informationnels agence apportent de la
valeur ajoutée pour les grossistes. Ainsi, les flux physiques annexes peuvent être également
perçus par les clients comme un système de report des stocks lorsque ces derniers sont
organisés. Ces flux physiques annexes permettent également de pallier au manque de stocks
dans les agences de proximité. Les flux informationnels agence mettent une nouvelle fois en
avant le côté humain très prégnant du terrain. Il y a une vraie relation de confiance et de long
terme entre les clients et les grossistes. Cela explique que le principal vecteur d’information
(technique, financier, etc.) soit toujours le canal physique.

4.2.4.4 Conclusion

Aucun item n’a été retiré, ce qui aurait permis d’améliorer la cohérence du modèle et ainsi sa
validité externe au niveau de l’ensemble de l’échantillon. Nous avons préféré conserver
l’ensemble des items, car dans l’analyse au niveau des groupes, il existe des différences de
perception. Nous avons donc gardé les items dès qu’ils étaient significatifs pour au moins l’un
des groupes, car nous souhaitons comparer les perceptions entre les différents membres de la
triade interrogés. Cela n’a pas empêché le modèle d’évoluer puisque l’analyse des antécédents
a fait émerger une distinction entre le flux physique principal et le flux physique annexe. Il en
a été de même pour le flux information qui a été scindé suivant si l’information provient de
l’agence (canal physique) ou d’Internet (canal digital).

302
Figure 22 : modèle de recherche proposé après analyse (sans modérateurs)

Des différences de perception sont bien présentes entre les différents acteurs. Cela se traduit
par le fait que ce ne sont pas les mêmes flux qui génèrent de la valeur ajoutée par le grossiste
suivant le membre de la triade observé.

Il est à présent temps de passer à l’analyse des variables de troisième rang, c’est-à-dire les
variables modératrices. Il est possible d’envisager que la stratégie de SDL mise en place par
l’industriel et les ressources engagées par les intermédiaires aient un effet entre la valeur ajoutée
et le risque de désintermédiation (Filser, 2012).

4.2.5 La variable modératrice : les services

Nous allons à présent analyser de manière exploratoire (4.2.5.1) et confirmatoire (4.2.5.2) la


variable modératrice concernant les services. Pour rappel dans le modèle de recherche, nous
avons identifié deux variables modératrices qui peuvent avoir un effet entre la valeur ajoutée et
le risque de désintermédiation du grossiste. D’un côté, l’industriel peut mettre en place une
stratégie de Service-Dominant Logique afin de désintermédier le grossiste. De l’autre côté, en

303
appliquant une Resource-Based View, le grossiste peut trouver des leviers pour augmenter sa
valeur ajoutée et donc réduire le risque de désintermédiation.

4.2.5.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice concernant les services

Dans un premier temps nous analyserons les services physiques pour dans un deuxième temps
analyser les services digitaux.

La factorisation des données est possible et les indices KMO (0,866) ainsi que le test de Bartlett
sont significatifs pour l’ensemble des services (0,000)

Sept composantes constituent 72 % de la variance totale. La matrice de corrélation des


composantes révèle une corrélation faible entre les sept axes, nous passons sur une rotation
VARIMAX plutôt que Oblimin.

304
Tableau 103 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items des services

Composante 1 Composante 2 Composante 3 Composante 4 Composante 5 Composante 6 Composante 7


SDIGRXSO5 0,796
SDIGSIN5 0,750
SDIGAPP5 0,741
SDIGVID5 0,714
SPHYCLUB3 0,746
SPHYCLUB4 0,742
SPHYCLUB5 0,730
SPHYCLUB2 0,691
SPHYFORM4 0,510
SPHYFORM3 0,489
SDIGAPP4 0,779
SDIGRXSO4 0,770
SDIGSIN4 0,734
SDIGVID4 0,716
SPHYFOCO5 0,782
SPHYFOCO3 0,729
SPHYFOCO4 0,685
SPHYFOCO2 0,620
SPHYFORM5 0,471
SDIGVID3 0,707
SDIGAPP3 0,615
SDIGSIN3 0,581
SDIGRXSO3 0,538
SPHYFORM2 0,739
SDIGVID2 0,351
SDIGSIN2 0,828
SDIGAPP2 0,584
SDIGRXSO2 0,478

Cette matrice est riche d’enseignement. En effet, elle montre que pour les services physiques
(hormis la formation) les composantes sont constituées par canaux, c’est-à-dire des clubs et de
la force commerciale. À l’inverse, les services digitaux ne se regroupent pas par canaux, mais
par service. Nous allons donc traiter de manière distincte les services physiques et les services
digitaux dans la suite de l’analyse.

305
Les services physiques

Les données sont factorisables. Les indices KMO et le test de sphéricité sont dans les seuils. Le
KMO pour l’ensemble des items est de 0,859 soit méritoire. Le test de Bartlett est significatif
puisqu’il est de 0,000.

Trois composantes sont supérieures à 1 d’après le tableau 104, ce qui représente 66,269 % de
la variance totale expliquée. La suite de l’analyse se fera donc avec trois composantes.

Tableau 104 : variance totale expliquée pour les items des services physiques

Variance totale expliquée


Sommes de
rotation du
Valeurs propres initiales carré des
Composante a
chargements
% de la
Total % cumulé Total
variance
1 5,600 46,669 46,669 4,061
2 1,284 10,699 57,368 4,275
3 1,068 8,902 66,269 3,786

Nous procédons à l’examen de la matrice de composante sans rotation. Une rotation peut être
appliquée à l’analyse factorielle exploratoire, car les charges des composantes ne sont pas
complètement propres.

Puisque la corrélation est forte entre les deux axes (0,488), nous allons poursuivre avec une
rotation Oblimin en considérant que les variables corrélées peuvent se regrouper au sein de
variables de rang supérieur de type réflexive. Le tableau 105 présente la matrice d’analyse des
composantes après rotation.

306
Tableau 105 : corrélations entre les dimensions
1 2 3
1 0.488 0.484
2 0.436
3

Les indicateurs sont corrélés ce qui va dans le sens de variables réflexives.

Tableau 106 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items des services
physiques

Composante 1 Composante 2 Composante 3


SPHYFOCO3 0.869
SPHYFOCO5 0.834
SPHYFOCO4 0.809
SPHYFOCO2 0.767
SPHYCLUB3 0.880
SPHYCLUB4 0.787
SPHYCLUB2 0.707
SPHYCLUB5 0.701
SPHYFORM2 0.835
SPHYFORM3 0.674
SPHYFORM4 0.662
SPHYFORM5 0.653

Dans chacune des composantes, les items ont une charge supérieure à 0,40 sur une seule
composante. La description des composantes est relativement simple puisque chacune
correspond à un service physique identifié. La première dimension se rapporte à la force
commerciale, la deuxième aux clubs d’artisans et la troisième aux services de formation.

Tableau 107 : désignation des composantes pour les items des services physiques
Composante Désignation
Composante 1 Forces commerciales
Composante 2 Clubs d’artisans
Composante 3 Formations

Nous terminons cette analyse exploratoire de la variable modératrice sur les services physiques
par la mesure de l’Alpha de Cronbach (Tableau 108).

307
Tableau 108 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour les trois
composantes des services physiques
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,857 0,921 0,889 0,750 4
Composante 2 0,829 0,881 0,843 0,758 4
Composante 3 0,778 0,87 0,678 0,762 4

Toutes les mesures, que ce soit au global ou par type d’items, sont « acceptables » allant de
0,750 à 0,921. Il faut à présent passer à l’analyse exploratoire des services digitaux.

Les services digitaux

Les données sont factorisables. Nous procédons à l’analyse des indices KMO et le test de
sphéricité puisque les données sont factorisables. Le KMO pour l’ensemble des items est de
0,849 soit méritoire. Le test de Bartlett est significatif à tous les niveaux (0,000).

Le tableau 109 donne le nombre de composantes à extraire. Il y a au total quatre composantes


qui expliquent 69,408 % de la variance totale. La première composante en explique 45,255 %
à elle seule. Nous contrôlons également la rupture du coude de Cattell.

Tableau 109 : variance totale expliquée pour les items des services digitaux

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales Sommes de rotation du carré des chargements
Composante % de la % de la
Total % cumulé Total % cumulé
variance variance
1 7,241 45,255 45,255 3,259 20,369 20,369
2 1,610 10,064 55,319 3,060 19,122 39,491
3 1,168 7,302 62,621 2,575 16,095 55,586
4 1,086 6,787 69,408 2,212 13,822 69,408

La matrice de corrélation des composantes révèle une corrélation forte entre les quatre axes de
0,402. Puisque la corrélation est forte entre les axes, nous conservons la rotation Oblimin. Cette
corrélation assez forte entre les dimensions va dans le sens d’une mesure réflexive.

308
Tableau 110 : corrélation entre les dimensions
1 2 3 4
1 0.374 0.373 0.313
2 0.401 0.225
3 0.235
4

Les variables de type réflexive sont permises car les corrélations entre dimensions sont fortes.

Tableau 111 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items des services
digitaux

Composante 1 Composante 2 Composante 3 Composante 4


SDIGRXSO5 0,870
SDIGAPP5 0,866
SDIGSIN5 0,795
SDIGVID5 0,679
SDIGRXSO4 0,834
SDIGSIN4 0,832
SDIGAPP4 0,821
SDIGVID4 0,808
SDIGVID3 0,894
SDIGRXSO3 0,738
SDIGAPP3 0,713
SDIGSIN3 0,684
SDIGVID2 0,647 0,595
SDIGSIN2 0,886
SDIGAPP2 0,642
SDIGRXSO2 0,592

Dans chacune des composantes, les items ont une charge supérieure à 0,40 sur plusieurs
composantes. Les items sont conservés dans les composantes où la charge est la plus forte sauf
pour SDIGVID2 qui a une charge supérieure dans la composante 3 (0,647), mais que nous
mettons dans la composante 4 (0,595). Cela s’explique par la description des composantes.
Dans ce cas les composantes se regroupent par services et non par canaux.

Tableau 112 : désignation des composantes pour les items des services digitaux
Composante Désignation
Composante 1 Les remontées du terrain
Composante 2 La visibilité des produits et de la marque
Composante 3 La prescription
Composante 4 La génération de contacts commerciaux

309
La mesure de l’Alpha de Cronbach sur les services digitaux pour l’ensemble de l’échantillon et
par groupe est présentée dans le tableau 113.

Tableau 113 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour les trois
composantes des services digitaux
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,844 0,898 0, 849 0,790 4
Composante 2 0,849 0,875 0,876 0,777 4
Composante 3 0,843 0,875 0,864 0,769 4
Composante 4 0,801 0,831 0,829 0,742 4

L’ensemble des Alpha sont « acceptables » allant de 0,742 à 0,898. Il est donc possible de
poursuivre l’analyse confirmatoire pour les variables modératrices sur les services physiques et
digitaux.

4.2.5.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice concernant les


services

Les services physiques

Les services physiques sont constitués de trois classes, à savoir les clubs d’entreprises, les
formations et les forces commerciales mis en place par l’industriel dans une stratégie de
désintermédier en partie l’intermédiaire. Le tableau 114 présente les différents items qui ont
servi à la mesure des services physiques.

Tableau 114 : items utilisés pour mesurer les services physiques

Variable Items
Est-ce que la création de club d'entreprises par les
Dimensions Codes
industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SPHYCLUB2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - Club SPHYCLUB3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
d'entreprises - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SPHYCLUB4
de l'industriel
SPHYCLUB5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain

310
Est-ce que la formation (technique et/ou produit)
Dimensions Codes
proposée par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SPHYFORM2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - SPHYFORM3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Formation - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SPHYFORM4
de l'industriel
SPHYFORM5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création de forces commerciales par les
Dimensions Codes
industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SPHYFOCO2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services physiques - Force SPHYFOCO3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
commerciale - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SPHYFOCO4
de l'industriel
SPHYFOCO5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain

Les seuils pour l’ensemble des items sont respectés (Tableau 115). Mais nous allons tout de
même procéder à une analyse par groupe. Cela pourra éventuellement faire émerger des
différences de perception entre les acteurs (Tableau 116).

Tableau 115 : analyse factorielle confirmatoire des services physiques (ensemble de


l’échantillon)
Items Saturation t CR AVE
SPHYCLUB2 0,750* 14,436
SPHYCLUB3 0,821* 21,499
0,887 0,662
SPHYCLUB4 0,873* 41,945
SPHYCLUB5 0,799* 22,134
SPHYFORM2 0,686* 14,292
SPHYFORM3 0,830* 29,616
0,903 0,701
SPHYFORM4 0,810* 23,307
SPHYFORM5 0,774* 16,497
SPHYFOCO2 0,795* 20,579
SPHYFOCO3 0,864* 36,916
0,860 0,606
SPHYFOCO4 0,859* 30,123
SPHYFOCO5 0,821* 15,882
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

311
Tableau 116 : analyse factorielle confirmatoire des services physiques (par groupe) après retrait

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
SPHYCLUB2 0,818* 0,752* 0,744*
SPHYCLUB3 0,808* 0,716* 0,879*
Club 0,833 0,722 0,845 0,579 0,918 0,737
SPHYCLUB4 - 0,736* 0,894*
SPHYCLUB5 - 0,647* 0,785*
SPHYFORM2 0,850* 0,663* 0,773*
SPHYFORM3 0,552* 0,787* 0,836*
Formation 0,775 0,547 0,841 0,554 0,944 0,679
SPHYFORM4 0,593* 0,717* 0,851*
SPHYFORM5 - 0,684* 0,771*
SPHYFOCO2 0,826* 0,659* 0,904*
Force SPHYFOCO3 0,799* 0,756* 0,905*
0,912 0,722 0,829 0,570 0,892 0,808
commerciale SPHYFOCO4 0,828* 0,658* 0,852*
SPHYFOCO5 0,719* 0,653* 0,759*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

En ce qui concerne les services physiques mis en place par les industriels, aucune spécificité
n’apparaît entre les acteurs.

Les services digitaux

Les industriels utilisent les canaux digitaux afin de développer de nouveaux services au travers
de leurs sites Internet, des réseaux sociaux, des applications et des vidéos. Comme nous l’avons
déjà montré, il semble que ce soit le membre le plus avancé sur le sujet de la transformation
digitale au sein de la triade. Différents items ont servi à mesurer ces services. Ils sont présentés
dans le tableau 117.

312
Tableau 117 : items utilisés pour mesurer les services digitaux

Variable Items
Dimensions Codes Est-ce que la création de sites Internet par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SDIGSIN2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - Site SDIGSIN3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Internet - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SDIGSIN4
de l'industriel
SDIGSIN5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la présence des industriels sur les réseaux sociaux
Dimensions Codes
:
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SDIGRXSO2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGRXSO3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Réseaux sociaux - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SDIGRXSO4
de l'industriel
SDIGRXSO5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création d'applications pour Smartphones et
Dimensions Codes
Ordinateurs par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SDIGAPP2
devis ou commandes) pour l'industriel
Services digitaux - SDIGAPP3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Applications - permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SDIGAPP4
de l'industriel
SDIGAPP5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain
Est-ce que la création de vidéos (de pose et/ou de
Dimensions Codes
présentation produit) par les industriels :
- permet de générer des contacts commerciaux (demande de
SDIGVID2
devis ou commandes) pour l'industriel
SDIGVID3 - permet de faire de la prescription au profit de l'industriel
Services digitaux - Vidéos
- permet d'augmenter la visibilité des produits et de la marque
SDIGVID4
de l'industriel
SDIGVID5 - permet à l'industriel d'avoir des remontées terrain

Les items pour l’ensemble de l’échantillon respectent les seuils, mais pour garder la même
cohérence dans l’analyse, nous allons analyser les services digitaux par groupe. Ces mesures
sont présentées dans le tableau 118 et le tableau 119.

Tableau 118 : analyse factorielle confirmatoire des services digitaux (ensemble de


l’échantillon)

Items Saturation t CR AVE


SDIGAPP2 0,862* 38,724
SDIGSIN2 0,754* 18,141
0,873 0,633
SDIGVID2 0,708* 11,602
SDIGRXSO2 0,843* 33,153
SDIGAPP5 0,866* 39,168
SDIGSIN5 0,819* 25,324
0,896 0,684
SDIGVID5 0,735* 14,457
SDIGRXSO5 0,876* 41,160

313
SDIGAPP4 0,848* 29,625
SDIGSIN4 0,822* 27,272
0,901 0,694
SDIGVID4 0,820* 23,285
SDIGRXSO4 0,833* 27,969
SDIGAPP3 0,863* 41,201
SDIGSIN3 0,788* 18,563
0,895 0,681
SDIGVID3 0,776* 18,922
SDIGRXSO3 0,864* 42,237
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Tableau 119 : analyse factorielle confirmatoire des services digitaux (par groupe) après retrait

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
SDIGAPP2 0,762* 0,763* 0,860*
SDIGSIN2 0,732* - 0,834*
Leads 0,872 0,694 0,838 0,633 0,892 0,680
SDIGVID2 0,720* 0,660* 0,531*
SDIGRXSO2 - 0,738* 0,847*
SDIGAPP5 0,746* 0,730* 0,901*

Remontée SDIGSIN5 0,706* - 0,792*


0,856 0,602 0,822 0,609 0,917 0,737
terrain SDIGVID5 0,689* 0,781* 0,673*
SDIGRXSO5 0,773* 0,693* 0,849*
SDIGAPP4 - - 0,735*
SDIGSIN4 0,739* 0,658* 0,854*
Visibilité 0,842 0,646 0,799 0,580 0,913 0,725
SDIGVID4 0,703* 0,666* 0,873*
SDIGRXSO4 0,744* 0,700* 0,871*
SDIGAPP3 0,810* 0,594* 0,871*
SDIGSIN3 0,764* - 0,827*
Prescription 0,902 0,700 0,796 0,579 0,913 0,725
SDIGVID3 0,666* 0,855* 0,770*
SDIGRXSO3 0,845* 0,681* 0,852*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Comme pour les services physiques, il n’y a pas de spécificités entre les acteurs du point de vue
des services digitaux développés par les industriels.

314
4.2.6 Calcul de la variable modératrice de rang supérieur : les services

4.2.6.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice de rang supérieur : les


services

Le KMO est faible (0,500), mais permet la poursuite de l’analyse et le Test de sphéricité est
significatif (0,000).

Une seule composante explique 79,279 % de la variance totale (Tableau 120).

Tableau 120 : résultat de la variance totale expliquée pour la variable modératrice de second
rang des services
Variance totale expliquée
Valeurs propres initiales Sommes extraites du carré des chargements
Composante % de la % de la
Total % cumulé Total % cumulé
variance variance
1 1,586 79,279 79,279 1,586 79,279 79,279
2 ,414 20,721 100,000

L’unique composante constitue les services mis en place par les industriels. L’Alpha de
Cronbach est vérifié de manière globale et pour chacun des groupes. L’Alpha pour l’ensemble
de l’échantillon est de 0,730 (Tableau 121).

Tableau 121 : évaluation de la variable explicative avec l’Alpha de Cronbach pour la variable
modératrice de second rang des services

Global Client Industriel Intermédiaire


Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Les services 0,730 0,793 0,688 0,660 2

Nous allons à présent poursuivre avec l’analyse confirmatoire de la variable modératrice de


second rang concernant les services.

315
4.2.6.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice de rang supérieur :
les services

Nous allons maintenant procéder à l’analyse confirmatoire de la première variable modératrice


de second rang à savoir les services développés à travers une stratégie de SDL mise en place
par l’industriel. Le tableau 122 présente la saturation, le CR et l’AVE.

Tableau 122 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services (ensemble de


l’échantillon)

Saturation t CR AVE
Service physiques 0,930* 23,972
0,880 0,786
Services digitaux 0,829* 10,525
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

La saturation ainsi que le CR et l’AVE sont supérieurs aux seuils. Les services digitaux sont
donc conservés. Les services sont principalement constitués par les services physiques. De
manière générale, le digital est en retrait. Les services sont une variable de second rang réflexif
constitués des variables services digitaux et services physiques. Nous allons comparer cette
analyse à travers les différents groupes (Tableau 123).

Tableau 123 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
Leads 0,062 0,752* 0,919*
Prescription 0,848* 0,785* 0,932*
0,654 0,379 0,855 0,601 0,931 0,772
Visibilité 0,590* 0,561* 0,805*
Remontée terrain 0,667* 0,744* 0,852*
Clubs 0,201 0,885* 0,902*
Force commerciale 0,794* 0,717 0,512 0,818* 0,886 0,723 0,917* 0,915 0,783
Formation 0,931* 0,788* 0,833*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

316
Tableau 124 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services (par groupe) après
retrait

Industriels
Saturation CR AVE
Prescription 0,944*
Visibilité 0,736* 0,859 0,672
Remontée terrain 0,766*
Force commerciale 0,789*
0,862 0,760
Formation 0,947*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

L’ensemble des variables est validé et participe à la variable modératrice de second rang que
sont les services au niveau de l’ensemble de l’échantillon. Il y a une différence de perception
entre les industriels et les autres acteurs amont et aval du canal de distribution. En effet, les
leads et les clubs ne sont pas significatifs. Ces deux services ont été retirés pour les industriels.

4.2.7 La variable modératrice : les ressources

4.2.7.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice concernant les


ressources

Nous pouvons procéder à l’analyse du KMO puisque les données sont factorisables. L’indice
KMO de 0,825 et le test de Bartlett sont très significatifs puisqu’ils sont égaux à 0.000.

Pour les ressources, les composantes dégagées par la variance totale expliquée ne correspondent
pas à celle du modèle de recherche comme le montrent les tableaux suivants. En effet, dans le
modèle nous avons trois capitaux, à savoir physique, humain et organisationnel. Or d’après la
variance, deux composantes se dégagent.

317
Tableau 125 : variance totale expliquée pour les items des ressources

Sommes de
rotation du
Valeurs propres initiales
carré des
Composante
chargementsa
% de la
Total % cumulé Total
variance
1 3,977 44,189 44,189 3,767
2 1,177 13,072 57,261 2,060

La matrice de corrélation des composantes révèle une corrélation forte entre les deux axes de
0,329. Nous utiliserons donc une rotation Oblimin. Cette corrélation va également dans le sens
d’un deuxième rang réflexif. Le tableau 125 présente la matrice d’analyse des composantes
après rotation.

Tableau 126 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items des ressources
Composante 1 Composante 2
NEGORESS6 0.852
NEGORESS8 0.791
NEGORESS7 0.789
NEGORESS5 0.725
NEGORESS1 0.673
NEGORESS9 0.647
NEGORESS3 0.792
NEGORESS2 0.672
NEGORESS4 0.581

Dans cette matrice, chacun des items a une charge supérieure à 0,40. La composante 1 regroupe
les six items sur les ressources moins tangibles. La composante 2 est composée des trois items
sur les ressources tangibles. Cela correspond aux travaux de Barney (1991). En revanche, il
n’est pas possible de distinguer à ce stade les différents capitaux. Pour rappel, les auteurs
distinguent le capital financier et physique comme des ressources tangibles et le capital humain
et organisationnel comme des ressources moins tangibles. Le tableau 127 propose de synthétiser
le processus de désignation des composantes. Le modèle de recherche va donc être mis à jour.

318
Tableau 127 : désignation des composantes pour les items des ressources mobilisées
Composante Désignation
Composante 1 Ressources moins tangibles
Composante 2 Ressources tangibles

Les trois capitaux retenus vont être remplacés par les deux types de ressources, tangibles et
moins tangibles, dans la suite de l’analyse.

Les ressources moins tangibles

Les données sont factorisables. Les indices KMO et le test de sphéricité sont dans les seuils. Le
KMO pour l’ensemble des items est de 0,822, soit méritoire. Le test de Bartlett est significatif
puisqu’il est de 0,000.

Une seule composante est supérieure à 1 d’après le tableau 128, ce qui représente 57,172 % de
la variance totale expliquée.

Tableau 128 : variance totale expliquée pour les items des ressources moins tangibles

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales
Composante % de la
Total % cumulé
variance
1 3,430 57,172 57,172
2 ,862 14,370 71,542
3 ,649 10,814 82,356
4 ,428 7,131 89,486
5 ,330 5,498 94,984
6 ,301 5,016 100,000

Il n’y a donc pas d’examen de la matrice de composante sans rotation ou avec rotation à
effectuer. Une seule composante constitue les ressources moins tangibles. Nous terminons cette
analyse exploratoire de la variable modératrice sur les ressources moins tangibles par la mesure
de l’Alpha de Cronbach (Tableau 129).

319
Tableau 129 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la composante
des ressources moins tangibles
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,829 0,931 0,720 0,713 6

Toutes les mesures, que ce soit au global ou par type d’acteur, sont « acceptables » allant de
0,713 à 0,931. Il faut à présent passer à l’analyse exploratoire des ressources tangibles.

Les ressources tangibles

Le KMO peut être considéré comme médiocre puisqu’il est de 0,612, mais la significativité est
bonne (0,000).

Comme pour les ressources moins tangibles, une seule composante est supérieure à 1 et
représente 53,502 % de la variance totale expliquée.

Tableau 130 : variance totale expliquée pour les items des ressources tangibles

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales
Composante % de la
Total % cumulé
variance
1 1,605 53,502 53,502
2 ,774 25,802 79,304
3 ,621 20,696 100,000

La composante est donc constituée des ressources tangibles. Nous poursuivons par la mesure
de l’Alpha de Cronbach pour la composante des ressources tangibles (Tableau 131).

Tableau 131 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la composante
des ressources tangibles
Global Client Industriel Intermédiaire
Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Composante 1 0,549 0,527 0,537 0,586 3

320
L’Alpha de Cronbach est inférieur au seuil de 0,7. Mais la suppression d’un des items ne fait
que baisser le seuil. La composante n’est pas loin du seuil de poursuite de la recherche (Lacroux,
2010 et Hair, 2013), les ressources tangibles seront conservées dans la suite de l’analyse.

4.2.7.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice concernant les


ressources

Les ressources moins tangibles

Pour rappel, le tableau 132 présente les différents items constituant la variable des ressources
moins tangibles.

Tableau 132 : items utilisés pour mesurer des ressources moins tangibles

Variable Items
Les ressources suivantes améliorent-elles la valeur ajoutée du
Dimensions Codes
négoce de matériaux :
NEGORESS1 - son personnel (magasinier, vendeur, etc.)
NEGORESS5 - ses connaissances (sur les produits, sur les acteurs, etc.)
NEGORESS6 - l'expérience (sur les produits, sur les acteurs, etc.)
Ressources moins NEGORESS7 - les relations du négoce de matériaux avec les industriels
tangibles - les relations du négoce de matériaux avec les entreprises du
NEGORESS8
bâtiment
- les relations du négoce de matériaux avec d'autres acteurs du
NEGORESS9
bâtiment (Syndicat, Presse, Plateforme numérique, etc.)

Les Outer Loadings (saturations) sont significatives. De plus, le CR et l’AVE respectent les
seuils. L’ensemble des items peut être conservé.

Tableau 133 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles (ensemble de
l’échantillon)

Items Saturation t CR AVE


NEGORESS1 0,686* 6,759
NEGORESS5 0,806* 15,657
NEGORESS6 0,818* 14,308
0,888 0,572
NEGORESS7 0,759* 16,227
NEGORESS8 0,812* 17,342
NEGORESS9 0,579* 10,225
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

321
Nous avons également analysé la saturation, le CR et l’AVE pour chacun des membres de la
triade. Les mesures sont présentées dans le tableau 134.

Tableau 134 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
NEGORESS1 0,320 0,563* 0,819*
NEGORESS5 0,760* 0,724* 0,898*
Ressources NEGORESS6 0,626* 0,831* 0,842*
moins tangibles
0,813 0,438 0,834 0,460 0,947 0,749
NEGORESS7 0,806* 0,656* 0,831*
NEGORESS8 0,770* 0,679* 0,888*
NEGORESS9 0,517 0,559* 0,676*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Tableau 135 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles (par groupe)
après retrait

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
NEGORESS1 - - 0,793*
NEGORESS5 0,671* - 0,805*
Ressources
NEGORESS6 0,646* 0,645* 0,813*
moins 0,820 0,537 0,847 0,582 0,940 0,727
NEGORESS7 0,757* 0,826* 0,728*
tangibles
NEGORESS8 0,653* 0,663* 0,814*
NEGORESS9 - 0,595* 0,564*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Sur l’ensemble de l’échantillon et pour les clients, la totalité des items sont significatifs.
NEGORESS1 et NEGORESS9 ne sont pas significatifs pour les industriels. Du côté des
intermédiaires, nous avons supprimés NEGORESS1 et NEGORESS2 afin d’améliorer la
qualité des mesures.

Les ressources tangibles

Nous présentons dans le tableau 136 les items qui nous servent à mesurer la variable des
ressources tangibles.

322
Tableau 136 : items utilisés pour mesurer des ressources tangibles

Variable Items
Les ressources suivantes améliorent-elles la valeur ajoutée du
Dimensions Codes
négoce de matériaux :
NEGORESS2 - ses points de ventes physiques
Ressources
NEGORESS3 - ses sites e-commerce
tangibles
NEGORESS4 - les marques vendues

En ce qui concerne les items pour l’ensemble de l’échantillon, les seuils sont respectés, mais
pour garder la même cohérence dans l’analyse, nous allons analyser les ressources tangibles par
groupe. Ces mesures sont présentées dans le tableau 137, 138 et 139.

Tableau 137 : analyse factorielle confirmatoire des ressources tangibles (ensemble de


l’échantillon)

Saturation t CR AVE
NEGORESS2 0,761* 11,644
NEGORESS3 0,548* 5,351 0,766 0,529
NEGORESS4 0,830* 19,232
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Tableau 138 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
NEGORESS2 0,832* 0,753* 0,631*
Ressources
NEGORESS3 0,402 0,758 0,534 0,740* 0,782 0,545 0,272 0,738 0,514
tangibles
NEGORESS4 0,824* 0,699* 0,908*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Tableau 139 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles (par groupe)
après retrait

Clients
Saturation CR AVE
NEGORESS2 0,795*
Ressources tangibles NEGORESS3 - 0,833 0,717
NEGORESS4 0,698*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

323
L’item NEGORESS3 n’est pas supprimé pour les industriels car le CR et l’AVE sont supérieurs
au seuil. En revanche, nous procédons au retrait de cet item pour les clients car la saturation est
faible et que son retrait améliore la qualité des mesures. Le fait que cette ressource ne soit pas
significative pour les clients va dans le sens des comportements généraux des artisans du
bâtiment et spécifiques des entreprises que nous avons interviewés durant la phase qualitative.
Aucune des entreprises rencontrées n’achète des matériaux sur le site e-commerce de ses
négoces (hormis l’artisan qui fait partie d’une coopérative). De nouveau, la faible digitalisation
du membre aval de la triade apparaît.

4.2.8 Calcul de la variable modératrice de rang supérieur : les ressources

4.2.8.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice de rang supérieur : les


ressources

Malgré que les données soient factorisable, le KMO est faible (0,500), mais le test de Barlett
est significatif (0,000).

Pour cette variable, il n’y a qu’une seule composante comme le montre le tableau 140.

Tableau 140 : résultat de la variance totale expliquée pour la variable modératrice de second
rang des ressources

Variance totale expliquée


Valeurs propres initiales Sommes extraites du carré des chargements
Composante % de la % de la
Total % cumulé Total % cumulé
variance variance
1 1,481 74,030 74,030 1,481 74,030 74,030
2 ,519 25,970 100,000

Cette composante explique 74 % de la variance. Nous allons analyser l’Alpha de Cronbach


avant de pouvoir passer à l’analyse confirmatoire de cette modération.

324
Tableau 141 : évaluation de la variable explicative avec l’Alpha de Cronbach pour la variable
modératrice de second rang des ressources

Global Client Industriel Intermédiaire


Alpha de Cronbach Nombre d'éléments
Les ressources 0,646 0,756 0,594 0,526 2

L’Alpha est significatif même s’il est relativement faible pour les industriels et les
intermédiaires. Cette phase va se poursuivre par l’analyse confirmatoire de la variable
modératrice composée des ressources tangibles et moins tangibles.

4.2.8.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice de rang supérieur :


les ressources

Nous allons maintenant procéder à l’analyse confirmatoire de la deuxième variable modératrice


de second rang à savoir les ressources développées par les intermédiaires dans le cadre d’une
RBV.

Tableau 142 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des ressources (ensemble de


l’échantillon)
Items Saturation t CR AVE
Ressources moins tangibles 0,762* 4,203
0,837 0,723
Ressources tangibles 0,893* 7,683
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

La saturation ainsi que l’AVE et le CR sont supérieurs aux seuils. Les ressources moins
tangibles sont donc conservées. Les ressources mobilisées sont une variable de second rang
réflexives constituées des variables de premier rang ressources tangibles et ressources moins
tangibles. Nous allons comparer cette analyse à travers les différents groupes (Tableau 143).

325
Tableau 143 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des ressources (par groupe)

Industriels Intermédiaires Clients


Saturation CR AVE Saturation CR AVE Saturation CR AVE
Ressources
moins 0,795* 0,727* 0,942*
Les ressources tangibles 0,774 0,647 0, 797 0,665 0,906 0,829
Ressources
0,754* 0,895* 0,879*
tangibles
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

L’ensemble des variables est validé et participe à la variable modératrice de second rang que
sont les ressources mobilisées. De plus, il n’y a pas de spécificités entre les membres de la
triade.

4.2.8.3 Validité discriminante des variables de rang supérieur

Comme pour les flux physiques, informationnels et financiers, nous allons vérifier la validité
discriminante des variables de rang supérieur en nous assurant que la corrélation entre les
variables n’est pas trop élevée. Pour se faire, les AVE vont être comparés aux corrélations au
carré.

Tableau 144 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les industriels

La valeur Le risque de Les Les


ajoutée désintermédiation ressources services
La valeur ajoutée -
Le risque de
0,319 -
désintermédiation
Les ressources 0,062 0,070 0,742
Les services 0,004 0,013 0,000 0,301

Tableau 145 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les intermédiaires

La valeur Le risque de Les Les


ajoutée désintermédiation ressources services
La valeur ajoutée -
Le risque de
0,163 -
désintermédiation
Les ressources 0,331 0,123 0,682
Les services 0,014 0,062 0,039 0,727

326
Tableau 146 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les clients

La valeur Le risque de Les Les


ajoutée désintermédiation ressources services
La valeur ajoutée -
Le risque de
0,596 -
désintermédiation
Les ressources 0,000 0,004 0,814
Les services 0,039 0,094 0,120 0,824

Les corrélations au carré restent inférieures aux AVE, ce qui assure la validité discriminante
entre les modérateurs.

4.2.9 Conclusion

Nous avons procédé à l’analyse exploratoire et confirmatoire des variables modératrices. Ainsi,
le modèle complet comprenant la variable de second rang et les variables modératrices peut être
présenté :

Figure 23 : modèle de recherche final avec la variable de second rang et les variables
modératrices

327
Si les services physiques sont restés par canal ou par type, c’est-à-dire clubs, force commerciale
et formation, il n’en va pas de même pour les services digitaux. En effet, les services digitaux
se regroupent par services (leads, prescription, visibilité et remontée terrain). Il y a donc une
différence entre les services physiques et les services digitaux qu’il faudra approfondir.

Les ressources correspondent au cadre théorique que nous avons mis en avant dans le chapitre
3. Les composantes permettent de faire émerger la distinction entre les ressources tangibles et
les ressources intangibles. Cependant, nous ne pouvons pas affiner cette segmentation pour en
faire émerger le capital physique, humain et organisationnel.

Le modèle final comprend les 56 items au niveau de la totalité de l’échantillon. Puisque


l’ensemble des analyses exploratoires et confirmatoires ont été réalisées, nous pouvons
présentement passer aux tests des hypothèses.

4.3 Tests des hypothèses

Il convient de contrôler les différences entre les membres de la triade avec l’aide des ANOVA
ou analyse de la variance (4.3.1). À présent que le modèle de mesure a été ajusté, nous pouvons
tester l’hypothèse H1 au travers du modèle structurel (4.3.2). Il est alors nécessaire de contrôler
la validité des variables modératrices, pour ensuite pouvoir confirmer ou infirmer les
hypothèses H2 et H3 (4.3.3).

4.3.1 Différences entre types d’acteurs

Nous allons réaliser l’analyse de variance avec l’utilisation de l’ANOVA pour chacune des
variables. Les moyennes par classe permettent de réaliser l’interprétation. Le Test de Fisher
indique l’existence d’au moins une différence entre deux groupes. Par la suite, il est nécessaire

328
de regarder la signification. Si cette dernière est supérieure à 0,05, il n’y a pas de différence au
seuil d’erreur de 5 %. Au contraire, si la signification est inférieure à 0,05, il existe au moins
une différence entre deux groupes. Dans ce cas, il faut regarder le tableau « descriptives » et le
tableau des comparaisons multiples. Il est alors possible d’identifier entre quels groupes la
différence est significative.

La valeur ajoutée

Tableau 147 : ANOVA pour la variable de la valeur ajoutée

ANOVA
Valeur ajoutée
Somme des carrés ddl F Sig.
68,3 2 1,94 0,151

Tableau 148 : descriptives pour la variable de la valeur ajoutée

Descriptives
Valeur ajoutée

N Moyenne Ecart type Erreur standard

1 67 4,33 0,446 0,054


2 83 4,42 0,38 0,042
3 30 4,19 0,731 0,133
Total 180 4,31 0,478 0,035

Il n’existe pas de différences significatives entre les trois membres de la triade sur la valeur
ajoutée.

Le risque de désintermédiation

Tableau 149 : ANOVA pour la variable du risque de désintermédiation

ANOVA
Risque de désintermédiation
Somme des carrés ddl Carré moyen F Sig.
Intergroupes 4,905 2 2,453 1,797 0,169
Intragroupes 241,547 177 1,365
Total 246,453 179

329
Tableau 150 : descriptives pour la variable du risque de désintermédiation

Descriptives
Risque de désintermédiation

N Moyenne Ecart type Erreur standard

1 67 3,070 1,150 0,141


2 83 2,744 1,192 0,131
3 30 2,693 1,140 0,208
Total 180 2,857 1,173 0,087

Il n’y a pas de différence significative sur le risque de désintermédiation.

Les services

Tableau 151 : ANOVA pour les variables des services

ANOVA
Somme des carrés ddl Carré moyen F Sig.
Intergroupes 6,159 2 3,079
Services digitaux Intragroupes 102,037 177 0,576 5,342 0,006
Total 108,196 179
Intergroupes 3,714 2 1,857
Services physiques Intragroupes 70,158 177 0,396 4,685 0,01
Total 73,872 179

Tableau 152 : descriptives pour les variables des services

Descriptives

N Moyenne Ecart type Erreur standard

1 67 3,817 0,763 0,093


2 83 3,428 0,631 0,069
Services digitaux
3 30 3,454 1,030 0,188
Total 180 3,577 0,777 0,057
1 67 4,232 0,553 0,067
2 83 3,969 0,571 0,062
Services physiques
3 30 3,872 0,892 0,162
Total 180 4,051 0,642 0,047

Il existe des différences significatives sur les services digitaux et les services physiques.

330
Les services digitaux

Tableau 153 : comparaisons multiples pour la variable des services digitaux


Comparaisons multiples :
Variable dépendante : Services digitaux
Games-Howell

(I) acteur (J) acteur Différence moyenne (I-J) Erreur standard Sig.

2 0,388* 0,116 0,003


1
3 0,363 0,210 0,206
1 -0,388* 0,116 0,003
2
3 -0,026 0,201 0,991
1 -0,363 0,210 0,206
3
2 0,026 0,201 0,991
*. La différence moyenne est significative au niveau 0.05.

La différence se situe entre les industriels (1) et les intermédiaires (2) sur les services digitaux.
Les industriels sont supérieurs aux intermédiaires. Il est nécessaire d’approfondir par services
digitaux.

Tableau 154 : ANOVA pour les services digitaux


ANOVA
Somme des carrés ddl Carré moyen F Sig.
Intergroupes 7,338 2 3,669
Leads Intragroupes 165,288 177 0,934 3,929 ,021
Total 172,625 179
Intergroupes 14,135 2 7,068
Prescription Intragroupes 171,584 177 0,969 7,291 ,001
Total 185,719 179
Intergroupes 7,965 2 3,983
Remontée terrain Intragroupes 217,985 177 1,232 3,234 ,042
Total 225,950 179
Intergroupes 6,190 2 3,095
Visibilité Intragroupes 103,765 177 0,586 5,280 ,006
Total 109,955 179

331
Tableau 155 : descriptives pour les services digitaux

Descriptives

Erreur
N Moyenne Ecart type
standard

1 67 3,527 0,981 0,120


2 83 3,084 0,861 0,095
Leads
3 30 3,234 1,188 0,217
Total 180 3,274 0,982 0,073
1 67 3,882 0,934 0,114
2 83 3,266 0,949 0,104
Prescription
3 30 3,592 1,176 0,215
Total 180 3,550 1,019 0,076
1 67 3,432 1,118 0,137
Remontée 2 83 3,019 1,007 0,111
terrain 3 30 2,948 1,343 0,245
Total 180 3,161 1,124 0,084
1 67 4,408 0,749 0,091
2 83 4,099 0,663 0,073
Visibilité
3 30 3,912 1,029 0,188
Total 180 4,183 0,784 0,058

Les leads, la prescription, les remontées terrain et la visibilité ne sont pas significativement
différents contrairement à la prescription et à la visibilité.

Tableau 156 : comparaisons multiples pour les services digitaux

Games-Howell

Variable dépendante Différence moyenne (I-J) Erreur standard Sig.

2 0,443* 0,152 0,012


1
3 0,292 0,247 0,469
1 -0,443* 0,152 0,012
Leads 2
3 -0,150 0,236 0,802
1 -0,292 0,247 0,469
3
2 0,150 0,236 0,802
2 0,616* 0,154 0,000
1
3 0,289 0,243 0,465
1 -0,616* 0,154 0,000
Prescription 2
3 -0,326 0,238 0,366
1 -0,289 0,243 0,465
3
2 0,326 0,238 0,366
2 0,413 0,175 0,052
1
3 0,484 0,280 0,207
1 -0,413 0,175 0,052
Remontée terrain 2
3 0,070 0,268 0,963
1 -0,484 0,280 0,207
3
2 -0,070 0,268 0,963
Visibilité 1 2 0,309* 0,116 0,024

332
3 0,496 0,208 0,056
1 -0,309* 0,116 0,024
2
3 0,186 0,201 0,627
1 -0,496 0,208 0,056
3
2 -0,186 0,201 0,627
*. La différence moyenne est significative au niveau 0.05.

Les leads, la prescription et la visibilité ont une différence significative qui se situe entre les
industriels (1) et les intermédiaires (2) sur les services digitaux. Les industriels sont supérieurs
aux intermédiaires.

Les services physiques

Tableau 157 : comparaisons multiples pour les services physiques


Variable dépendante : Services physiques
Games-Howell

(I) acteur (J) acteur Différence moyenne (I-J) Erreur standard Sig.

2 0,263* 0,092 0,014


1
3 0,360 0,176 0,116
1 -0,263* 0,092 0,014
2
3 0,097 0,175 0,845
1 -0,360 0,176 0,116
3
2 -0,097 0,175 0,845
*. La différence moyenne est significative au niveau 0.05.

La différence se situe entre les industriels (1) et les intermédiaires (2) sur les services physiques.
Les industriels sont supérieurs aux intermédiaires. Il est nécessaire d’approfondir par services
physiques.

333
Tableau 158 : ANOVA pour les services physiques

ANOVA
Somme des carrés ddl Carré moyen F Sig.
Intergroupes 1,994 2 0,997
Clubs Intragroupes 119,278 177 0,674 1,480 0,231
Total 121,273 179
Intergroupes 5,212 2 2,606
Force commerciale Intragroupes 104,331 177 0,589 4,421 0,013
Total 109,543 179
Intergroupes 1,445 2 0,723
1,379
Formation Intragroupes 92,737 177 0,524 0,254
Total 94,182 179

Tableau 159 : descriptives pour les services physiques

Descriptives

N Moyenne Ecart type Erreur standard

1 67 3,943 0,900 0,110


2 83 3,960 0,658 0,072
Clubs
3 30 3,671 1,021 0,186
Total 180 3,906 0,823 0,061
1 67 4,346 0,738 0,090
2 83 4,002 0,669 0,073
Force commerciale
3 30 3,974 1,046 0,191
Total 180 4,125 0,782 0,058
1 67 4,123 0,654 0,080
2 83 3,932 0,685 0,075
Formation
3 30 3,959 0,947 0,173
Total 180 4,007 0,725 0,054

Les différences se situent sur les services de la force commerciale.

Tableau 160 : comparaisons multiples pour la force commerciale

Games-Howell

Variable dépendante Différence moyenne (I-J) Erreur standard Sig.

2 0,343* 0,116 0,010


1
3 0,372 0,211 0,195
1 -0,343* 0,116 0,010
Force commerciale 2
3 0,028 0,205 0,990
1 -0,372 0,211 0,195
3
2 -0,028 0,205 0,990
*. La différence moyenne est significative au niveau 0.05.

334
La différence se situe entre les industriels (1) et les intermédiaires (2) sur les services physiques.
Les industriels sont supérieurs aux intermédiaires.

Les ressources

Tableau 161 : ANOVA pour les variables des ressources

ANOVA
Somme des carrés ddl Carré moyen F Sig.
Intergroupes 1,954 2 0,977
Ressources moins tangibles Intragroupes 68,324 177 0,386 2,531 0,082
Total 70,278 179
Intergroupes ,421 2 0,211
Ressources tangibles Intragroupes 73,226 177 0,414 0,509 0,602
Total 73,647 179

Tableau 163 : descriptives pour les variables des ressources

Descriptives

N Moyenne Ecart type Erreur standard

1 67 4,623 0,477 0,058


2 83 4,419 0,518 0,056
Ressources moins tangibles
3 30 4,381 1,037 0,189
Total 180 4,488 0,626 0,046
1 67 4,253 0,637 0,077
2 83 4,321 0,597 0,065
Ressources tangibles
3 30 4,390 0,768 0,140
Total 180 4,307 0,641 0,047

Il n’y a pas de différence significative sur les deux dimensions des ressources mobilisées par
les intermédiaires.

À présent que l’ensemble des analyses de la variance a été réalisé, nous allons procéder au test
du modèle structurel.

335
4.3.2 Test du modèle structurel

Notre unité d’analyse étant composée d’une triade, il convient dans un premier temps de réaliser
le test de l’hypothèse H1 sur l’ensemble de l’échantillon et pour chacun des membres de la
triade (4.3.2.1). Dans un deuxième temps, nous effectuons le test des différences en multi-
groupe (4.3.2.2).

4.3.2.1 Test de de la valeur ajoutée (H1) avec l’ensemble de l’échantillon et


par groupe

Les variables latentes ayant montré des qualités psychométriques satisfaisantes, il est possible
de passer à l’évaluation du modèle structurel et faire le test de H1. Pour rappel, l’hypothèse H1
est formulée de la façon suivante : la valeur ajoutée du grossiste traditionnel réduit le risque
de désintermédiation.

Les résultats du modèle structurel permettent de voir si les données empiriques étayent la
théorie. Cela permet de déterminer si la théorie développée par le chercheur est confirmée
empiriquement (Hair, 2013). C’est à ce niveau-là que l’on examine les capacités prédictives du
modèle et les relations entre les construits. Il existe des règles pour l’évaluation du modèle
structurel. Dans un premier temps, il faut examiner chaque ensemble de prédicteurs du modèle
pour la colinéarité, ce qui revient à mesurer la Tolérance et le VIF. Cependant, dans notre cas,
il n’y a qu’une seule variable explicative. Il n’y a donc pas de colinéarité à examiner. Dans un
deuxième temps, le Bootstrap est utilisé pour évaluer l’importance des Path Coefficients. C’est
cette mesure qui permet de valider les hypothèses (Sosik, Kahai et Piovoso, 2009). Plus les
coefficients sont proches de 0, plus les relations sont faibles, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas
significatives (Hair, 2013).

336
Figure 24 : calcul du modèle structurel avec l’algorithme PLS sur SmartPLS

Tableau 163 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon


Coef. t
Valeur ajoutée ➔ Risque de désintermédiation -0,430 7,077
R² 0,185

Le coefficient de -0,430 est significatif, ce qui signifie que la valeur ajoutée a un effet négatif
significatif sur le risque de désintermédiation. Autrement dit, la valeur ajoutée réduit le risque
de désintermédiation. H1 est donc validée avec l’ensemble de l’échantillon. Mais il est
difficile de soutenir l’analyse globale puisque nous avons des mesures par groupe.

Le tableau 164 : synthèse des coefficients pour les différents groupes

Industriels Intermédiaires Clients


Coef. t Coef. t Coef. t
Valeur ajoutée ➔ Risque de
-0,579 8,886 -0,424 6,368 -0,798 15,661
désintermédiation
R² 0,335 0,180 0,637

La valeur ajoutée a bien un effet négatif pour l’ensemble des membres. Cet effet est le plus
marqué chez les clients (-0,798) avec un R² très fort (0,637). Ainsi H1 est également validé
pour l’ensemble des membres de la triade. Cela signifie que la valeur ajoutée du grossiste
réduit le risque de se voir désintermédié au sein de la triade industriel – intermédiaire – client
professionnel. Il convient à présent d’analyser les dimensions de la valeur ajoutée pour savoir
si elles ont un effet sur le risque de désintermédiation.

337
Tableau 165 : analyse par dimension de la valeur ajoutée pour l’ensemble de l’échantillon

Coef Erreur Standard t Effet


Flux physique principal -0,231 0,060 3,857 Effet négatif significatif
Flux physique annexe -0,207 0,068 3,024 Effet négatif significatif
Flux informationnel physique -0,339 0,070 4,865 Effet négatif significatif
Flux informationnel digital 0,185 0,062 3,005 Effet positif significatif
Flux financier -0,165 0,062 2,653 Effet négatif significatif

Sur les cinq dimensions de la valeur ajoutée, quatre ont un effet négatif sur le risque de
désintermédiation au niveau de l’ensemble de l’échantillon. Les coefficients sont standardisés,
ils permettent donc de comparer les niveaux d’effets. Les flux informationnels physiques ont
les effets les plus importants, suivis des flux physiques principaux et annexes. En revanche, le
flux informationnel digital a un effet positif significatif sur le risque de désintermédiation. Plus
le canal de distribution se digitalise, plus le risque de désintermédiation pour les grossistes
traditionnels augmente.

Il convient donc dans un deuxième temps de réaliser l’analyse par type de membre de la triade
(Tableau 166).

Tableau 166 : analyse par dimension de la valeur ajoutée par groupe

Industriels Intermédiaires Clients


Coef. t Coef. t Coef. t
Services principaux -0,310 3,384 -0,341 3,693 -0,410 3,818
Services annexes -0,221 2,492 -0,298 3,147 -0,386 2,813
Information agence -0,394 4,398 -0,329 4,063 -0,574 5,452
Information Internet 0,395 4,280 -0,242 2,937 -0,496 3,742
Flux financier -0,287 3,190 -0,293 3,073 0,278 2,227
R² 0,335 0,180 0,637
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

L’ensemble des flux sont significatifs pour tous les membres de la triade. Il existe des
différences entre les acteurs que nous allons détailler.

338
- Les flux les plus importants permettant de réduire le risque de désintermédiation du
point de vue des industriels sont le flux physique de services principaux et le flux
informationnel agence. Cela s’inscrit dans la vision traditionnelle du grossiste et des
fonctions qu’il doit assurer au sein du canal. Pour les industriels les services physiques
annexes peuvent être perçus comme un report du stock en amont de la chaîne logistique,
notamment dans le cas de transit direct usine-chantier. Les plateformes logistiques des
intermédiaires peuvent être vues comme une contrainte, car cela ne réduit pas toujours
les points de livraisons. Cela peut expliquer que ce flux ait le plus petit coefficient. En
revanche, le flux informationnel digital a un effet positif sur le risque de
désintermédiation. Les industriels sont en avance sur la gestion de ce flux et ont
désintermédié en partie le grossiste. Même si les clients professionnels ne sont pas
friands de ce canal de partage d’information, les industriels investissent en pensant aux
futures générations d’artisans plus technophiles et à d’autres cibles comme les
particuliers ou les prescripteurs de types architectes. Du point de vue de l’industriel, le
grossiste ne génère pas de valeur ajoutée dans la gestion de ce flux.

- Du point de vue de l’intermédiaire, il est possible de voir que l’ensemble des flux dont
il a la gestion réduit le risque de désintermédiation. Ce sont les flux physiques
principaux et informationnels physiques qui réduisent le plus la désintermédiation
d’après lui, suivis par les services physiques annexes et par le flux financier. Il est
intéressant de voir que les flux informationnels Internet sont ceux qui génèrent le moins
de valeur ajoutée pour le grossiste, mais ils permettent tout de même de réduire le risque
de désintermédiation.

- Pour les clients, les deux flux informationnels et le flux physique principal sont ceux
qui réduisent le plus le risque de désintermédiation. L’aspect humain du terrain ressort
ici. La transmission de l’information se fait d’homme à homme de manière physique.
Le téléphone ou le mail peuvent être utilisés, mais les acteurs se connaissent et il est
souvent délicat de dissocier l’artisan de son entreprise. Cela rejoint également le rôle de
proximité des grossistes envers les clients. Le maillage dense d’agence de négoce
permet de créer du lien et de créer de vrais partenariats. En revanche, il faut noter que
le flux financier augmente le risque de désintermédiation du point de vue du client. Il
est intéressant de se demander pourquoi, puisque cela peut être perçu comme une vraie
valeur ajoutée apportée par les grossistes. La réponse est sûrement à chercher dans le

339
fait que le marché reste tendu avec des problèmes de paiement et de trésorerie de la part
des artisans. Cela pousse les négociants (comme les banques) à encadrer de manière
plus stricte les encours clients, ce qui entraine une perception négative de la part de ces
derniers.

4.3.2.2 Test des différences de la valeur ajoutée (H1)

Il est possible de faire l’analyse multi-groupe qui revient à regarder si les coefficients de
régression sont différents entre deux classes. Il convient de noter les paramètres et les erreurs
standards après Bootstrap.

Ensuite si les erreurs-standards sont inégales, nous appliquons la formule suivante :

En revanche, si les erreurs-standards sont égales, nous appliquons cette formule-ci :

Or nous nous situons dans une triade de distribution, il convient donc d’isoler chaque membre
de la triade et d’analyser les résultats. Il faut regarder si les coefficients de régression sont
différents entre les membres.

Tableau 167 : résultat des tests de H1 en multi-groupe

t
Industriels - intermédiaires -1,095
Industriels – clients 2,795*
Intermédiaires – clients 3,976*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

340
Les clients ont un effet négatif de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation plus
important que les industriels et intermédiaires. Les clients perçoivent plus que les autres
membres les fonctions de gros comme une source de valeur ajoutée pour le grossiste qui tend à
décroître le risque de désintermédiation.

Tableau 168 : résultat des tests de H1 en multi-groupe par flux


Industriels - intermédiaires Industriels – clients Intermédiaires – clients
t t t
Services principaux 0,138 1,284 1,153
Services annexes 0,334 0,983 0,707
Information agence -0,428 1,467 1,917
Information Internet 6,407* 4,436* 1,051
Flux financiers -0,005 -3,767* -5,490*
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Deux différences significatives apparaissent suite au test des différences sur les flux par groupe.
La première différence significative apparaît entre industriel - intermédiaire et industriel - client
sur le flux informationnel digital. Il est intéressant de rappeler que si l’industriel semble être le
leader sur ce flux, l’intermédiaire a également investi dans des projets digitaux. Les deux autres
membres n’ont pas la même perception de ce flux. Le grossiste peut espérer avoir une certaine
légitimité dans la gestion de ce flux puisqu’il peut regrouper différentes marques et gammes de
produits. Il peut donc proposer de l’information non plus sur des produits pris de manière isolée
mais sur des systèmes constructifs. L’intermédiaire n’a peut-être pas envie d’abandonner les
investissements réalisés jusqu’à présent dans la digitalisation de ses organisations. Quant aux
clients, ils vont encore peu chercher d’information sur Internet comme l’a montré l’étude
qualitative.

La seconde différence se situe au niveau du flux financier entre industriel – client et


intermédiaire – client. Là encore les industriels et les intermédiaires voient la gestion du flux
financier par les intermédiaires comme réduisant le risque de désintermédiation alors qu’en
réalité il semble l’augmenter du point de vue du client. Il existe donc un décalage de perception
au sein de la triade qui peut créer des dissonances au sein des relations. Il est alors nécessaire
de se poser la question de la valorisation des services financiers offerts vers l’aval du canal.

341
4.3.3 Test des effets de modération

Comme dans le cadre de H1, nous allons procéder en deux étapes. Dans un premier temps nous
testons H2 et H3 avec l’ensemble de l’échantillon (4.3.3.1 et 4.3.3.3). Dans un deuxième temps,
pour comprendre comment les modérateurs influencent les relations de chaque acteur dans la
triade, H2 et H3 sont testés en multi-groupe (4.3.3.2 et 4.3.3.4).

4.3.3.1 Test de la modération des services (H2) avec l’ensemble de


l’échantillon et par groupe

Pour mesurer l’effet modérateur d’une variable sur la relation entre une variable indépendante
et une variable dépendante, il est nécessaire de construire une variable multiplicative. Dans
notre cas, il s’agit de la (valeur ajoutée x services). Cette variable multiplicative représente
l’effet d’interaction entre la variable indépendante et la variable modératrice.

Pour rappel, l’hypothèse H2 énonce : la logique de services mis en place par l’industriel
réduit l’effet de la valeur ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de
désintermédiation.

Il est alors possible de schématiser l’interprétation de l’effet modérateur sur le prédicteur


comme suit :

Tableau 169 : interprétation de l’effet modérateur sur le prédicteur

Modérateur
- +
- Accentue l'effet négatif Freine l'effet négatif
Prédicteur
+ Freine l'effet positif Accentue l'effet positif

342
Figure 25 : calcul de la variable modératrice services avec l’algorithme PLS

Tableau 170 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon pour le modérateur
services
Coef. t
Valeur ajoutée*services ➔ Risque de désintermédiation 0,184 2,326
R² 0,227

Le coefficient du prédicteur est négatif (-0,363) et le modérateur est positif (0,184), ainsi la
variable modératrice des services développés par les industriels freine l’effet négatif de la valeur
ajoutée sur le risque de désintermédiation. H2 est donc validée pour l’ensemble de
l’échantillon. En effet, la mise en place de services par les industriels réduit l’effet négatif
entre la valeur ajoutée et le risque de désintermédiation.

Pour l’étude entre les différents membres de la triade, nous allons détailler suivant si les services
sont digitaux ou physiques.

343
Le tableau 171 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le modérateur
services digitaux

Industriels Intermédiaires Clients


Coef. t Coef. t Coef. t
Valeur ajoutée*services digitaux ➔ Risque
-0,309 1,932 0,452 3,552 0,283 0,971
de désintermédiation
R² 0,335 0,354 0,490

De nouveaux, nous observons des différences de perception entre les membres de la triade.
Pour les industriels, H2 n’est pas validé puisque l’effet négatif est accentué. Plus les
industriels développent des services digitaux, plus le risque de désintermédiation diminue. En
développant des services à faible coût mais à forte valeur ajoutée, les industriels laissent la
gestion des flux à fort coût (flux physique et financier) à la charge des intermédiaires. La
stratégie n’est pas de remplacer les intermédiaires mais de les accompagner dans une optique
de vendre mieux et plus. Mais il existe des disharmonies entre les autres acteurs.

En effet, pour les clients le coefficient n’est pas significatif (t = 0,971). Cela laisse à penser que
les services mis en place par les industriels n’ont pas de réels effets entre la valeur ajoutée et le
risque de désintermédiation. H2 n’est pas validé pour les clients.

En revanche, le coefficient est positif pour les intermédiaires, ce qui tend à freiner l’effet négatif
de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. La mise en place de service par
l’industriel réduit l’effet de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. Les
intermédiaires perçoivent la mise en place de service à forte valeur ajoutée par les industriels
comme ayant tendance à réduire leur propre valeur ajoutée au sein de la relation triadique. Cet
effet modérateur tend à remettre en question leur place et leur rôle au sein du canal de
distribution. Cela explique que certaines relations soient passées d’une triade de pont à une
triade unitaire. H2 est validée pour les intermédiaires.

344
Le tableau 172 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le modérateur
services physiques

Industriels Intermédiaires Clients


Coef. t Coef. t Coef. t
Valeur ajoutée*services physiques ➔ Risque
-0,236 1,647 0,326 2,32 0,333 1,324
de désintermédiation
R² 0,314 0,329 0,579

Comme pour les services digitaux, les membres de la triade n’ont pas la même perception. Pour
les industriels, la mise en place de services physiques ne participe pas à la désintermédiation du
canal au contraire des intermédiaires et des clients. Ainsi, H2 sur la partie des services
physiques est invalidée pour les industriels mais validée pour les intermédiaires et les
clients.

L’effet modérateur des services développés par les industriels n’augmente pas toujours le risque
de désintermédiation bien au contraire. Il est donc possible d’imaginer la mise en place de
synergie entre les intermédiaires et les industriels pour co-créer des services afin d’accroitre la
valeur ajoutée au sein de la triade de manière générale et à destination des clients de manière
plus spécifique. Finalement, cela rejoint les concepts développés dans la Service Dominant-
Logic.

4.3.3.2 Test de la modération des ressources (H3) avec l’ensemble de


l’échantillon et par groupe

Comme précédemment, nous allons procéder au test de la variable modératrice des ressources
engagées par les grossistes. Il s’agit cette fois de construire une variable multiplicative (valeur
ajoutée x ressources).

Pour rappel, l’hypothèse H3 énonce : les ressources mobilisées par le grossiste augmentent
l’effet de la valeur ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque de désintermédiation.

345
Figure 26 : calcul de la variable modératrice ressources avec l’algorithme PLS

Tableau 173 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon pour le modérateur
ressources
Coef. t
Valeur ajoutée*ressources ➔ Risque de désintermédiation 0,155 1,566
R² 0,199

Le coefficient du prédicteur est négatif (-0,394) et le modérateur est positif (0,155), ainsi la
variable modératrice des ressources développées par les intermédiaires freine l’effet négatif de
la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. H3 n’est donc pas validée pour
l’ensemble de l’échantillon. Les ressources mobilisées par les intermédiaires n’accentuent pas
l’effet négatif de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation, ce qui aurait permis de
valider H3. De plus, la mesure n’est pas significative puisque le t est égal à 1,566. Nous allons
à présent réaliser le test par groupe.

Le tableau 174 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le modérateur
ressources

Industriels Intermédiaires Clients


Coef. t Coef. t Coef. t
Valeur ajoutée*ressources ➔ Risque de
0,333 2,259 -0,470 2,859 -0,106 0,305
désintermédiation
R² 0,330 0,296 0,469

346
Pour les intermédiaires et les clients, les ressources développées par les intermédiaires
accentuent l’effet négatif de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. La mise en
place de ressources par les grossistes diminue le risque de désintermédiation auprès des
intermédiaires et des clients. Si H3 est validée pour les intermédiaires, elle ne peut l’être
pour les clients car le t est égal à 0,305 donc non significatif.

Pour les industriels, les ressources développés par les intermédiaires freinent l’effet négatif de
la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. Ainsi, les ressources développées et
maîtrisées par les intermédiaires réduisent l’effet de la valeur ajoutée sur le risque de
désintermédiation en augmentant ce dernier. H3 n’est pas validée pour les industriels.

De nouveau apparaît une différence de perception entre les acteurs qui peut nuire aux relations
au sein de la triade. Les ressources des intermédiaires augmentent le risque de désintermédiation
pour les industriels alors qu’elles sont perçues comme bénéfiques pour les intermédiaires. Cela
sous-entend que le grossiste reste cloisonné à la gestion des flux de canaux. Les ressources, qui
doivent être mises en place pour réduire le risque de désintermédiation, doivent être orientées
vers une gestion plus efficace et plus efficiente de ces flux. Un manque de communication ou
de compréhension au niveau stratégique entre les membres de la triade apparaît.

4.3.3.3 Test des différences de la modération des services (H2)

Le test des différences permet de savoir si les valeurs sont statistiquement différentes entre
elles. Nous allons procéder comme pour H1 en appliquant les formules sur les paramètres et les
erreur-standard.

Tableau 175 : résultat des tests de H2 digitale en multi-groupe

t
Industriels - intermédiaires -4,169*
Industriels – clients -1,716
Intermédiaires – clients -0,170
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

347
Tableau 176 : résultat des tests de H2 physiques en multi-groupe

t
Industriels - intermédiaires -3,266*
Industriels – clients -1,554
Intermédiaires – clients -0,030
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

L’effet modérateur est significativement différent entre les industriels et les intermédiaires
comme pour l’ANOVA. Il est possible de voir que les services mis en place par les industriels
accentuent l’effet négatif entre la variable valeur ajoutée et le risque de désintermédiation pour
les industriels et freine l’effet négatif pour les intermédiaires. Il existe une différence de
perception entre ces deux acteurs. Les industriels mettent en place des services afin de pallier à
la défaillance des négoces sans pour autant vouloir les désintermédier. A l’inverse, les grossistes
interprètent la création de services comme empiétant sur leur propre chaîne de valeur. Ce
phénomène crée une dissonance au sein des relations.

4.3.3.4 Test des différences de la modération des ressources (H3)

L’étude des différences de l’effet de modération des ressources montre également des éléments
intéressants.

Tableau 177 : résultat des tests de H3 en multi-groupe

t
Industriels - intermédiaires 3,575*
Industriels – clients 1,559
Intermédiaires – clients 0,133
* significatif au seuil d’erreur de 5 %

Une nouvelle fois, la différence est significative entre les industriels et les intermédiaires. Ainsi
l’effet modérateur des ressources freine l’effet négatif de la relation entre la variable valeur
ajoutée et le risque de désintermédiation pour les industriels alors qu’elle accentue l’effet
négatif pour les intermédiaires. La perception des acteurs est différente. Finalement, même si

348
les industriels et les intermédiaires semblent proches et entretenir des relations fréquentes, ils
ne sont pas alignés.

4.4 Conclusion

Après avoir mené l’ensemble des étapes d’analyse du modèle avec la méthode PLS, il est temps
de conclure sur les résultats avant de passer à la conclusion finale de notre travail de recherche.

Dans le cadre du travail des relations au sein de la triade, nous avons réalisé les différents tests
et analyses à la fois sur l’ensemble de l’échantillon et sur chacun des membres. Le tableau 178
résume les items qui ont été conservés ou non après les phases d’analyses. Ce travail a été
réalisé avec l’objectif d’étudier les différences de perception entre les différents acteurs.

Tableau 178 : synthèse des items conservés et non conservés

Variable Item Échantillon Industriels Intermédiaires Clients


DES2 OUI OUI OUI OUI
DES3 OUI OUI OUI OUI
Risque de désintermédiation DES4 OUI OUI OUI OUI
DES5 OUI OUI OUI OUI
DES6 OUI OUI OUI OUI
PHY1 OUI OUI OUI OUI
Services principaux
PHY2 OUI OUI OUI OUI
PHY3 OUI OUI NON OUI
Services annexes PHY4 OUI OUI OUI NON
PHY5 OUI NON OUI OUI
INF1 OUI OUI OUI OUI
Agence INF3 OUI NON OUI OUI
INF5 OUI OUI NON OUI
INF2 OUI NON OUI OUI
Internet INF4 OUI OUI NON OUI
INF6 OUI OUI OUI OUI
FIN1 OUI NON OUI OUI
Flux Financiers FIN2 OUI OUI OUI OUI
FIN3 OUI OUI OUI OUI
SPHYCLUB2 OUI OUI OUI OUI
SPHYCLUB3 OUI OUI OUI OUI
Club
SPHYCLUB4 OUI NON OUI OUI
SPHYCLUB5 OUI NON OUI OUI
SPHYFORM2 OUI OUI OUI OUI
SPHYFORM3 OUI OUI OUI OUI
Formation
SPHYFORM4 OUI OUI OUI OUI
SPHYFORM5 OUI NON OUI OUI

349
SPHYFOCO2 OUI OUI OUI OUI
SPHYFOCO3 OUI OUI OUI OUI
Force commerciale
SPHYFOCO4 OUI OUI OUI OUI
SPHYFOCO5 OUI OUI OUI OUI
SDIGAPP2 OUI OUI OUI OUI
SDIGSIN2 OUI OUI NON OUI
Leads
SDIGVID2 OUI OUI OUI OUI
SDIGRXSO2 OUI NON OUI OUI
SDIGAPP5 OUI OUI OUI OUI
SDIGSIN5 OUI OUI NON OUI
Remontée terrain
SDIGVID5 OUI OUI OUI OUI
SDIGRXSO5 OUI OUI OUI OUI
SDIGAPP4 OUI NON NON OUI
SDIGSIN4 OUI OUI OUI OUI
Visibilité
SDIGVID4 OUI OUI OUI OUI
SDIGRXSO4 OUI OUI OUI OUI
SDIGAPP3 OUI OUI OUI OUI
SDIGSIN3 OUI OUI NON OUI
Prescription
SDIGVID3 OUI OUI OUI OUI
SDIGRXSO3 OUI OUI OUI OUI
NEGORESS1 OUI NON NON OUI
NEGORESS5 OUI OUI NON OUI
NEGORESS6 OUI OUI OUI OUI
Ressources moins tangibles
NEGORESS7 OUI OUI OUI OUI
NEGORESS8 OUI OUI OUI OUI
NEGORESS9 OUI NON OUI OUI
NEGORESS2 OUI OUI OUI OUI
Ressources tangibles NEGORESS3 OUI OUI OUI NON
NEGORESS4 OUI OUI OUI OUI

Le tableau 179 propose de synthétiser l’ensemble des résultats pour nos trois hypothèses pour
l’ensemble de l’échantillon et par membre de la triade.

350
Tableau 179 : synthèse des résultats des différentes hypothèses
Hypothèse Unité Formulation Résultat
Échantillon Validée
Industriels La valeur ajoutée du grossiste traditionnel Validée
H1
Intermédiaires réduit le risque de désintermédiation. Validée
Clients Validée
La logique de services mis en place par
l’industriel réduit l’effet de la valeur ajoutée
H2 Échantillon Validée
du grossiste traditionnel sur le risque de
désintermédiation.
Industriels La logique de services (digitaux) mis en place Non validée
Intermédiaires par l’industriel réduit l’effet de la valeur Validée
H2 - services digitaux
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque
Clients de désintermédiation. Non validée
Industriels La logique de services (physiques) mis en Non validée
Intermédiaires place par l’industriel réduit l’effet de la valeur Validée
H2 - services physiques
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque
Clients de désintermédiation. Validée
Échantillon Les ressources mobilisées par le grossiste Non validée
Industriels augmentent l’effet de la valeur ajoutée du Non validée
H3
Intermédiaires grossiste traditionnel sur le risque de Validée
Clients désintermédiation. Non validée

L’hypothèse 1 est validée pour l’ensemble de l’échantillon et pour chacun des membres de la
triade interrogé. Ce résultat est conforme aux travaux déjà réalisé au sein des canaux de
distribution (Coughlan et al., 2006 ; Rosenbloom, 2007). Lorsque l’intermédiaire génère de la
valeur ajoutée le risque de désintermédiation diminue. Dans notre modèle, cette génération de
valeur ajoutée se fait au travers de la gestion des flux physiques, informationnels et financiers
par le grossiste. Cependant, il est possible de voir que la valeur ajoutée par les flux a un effet
négatif plus important pour les clients que pour les autres membres de la triade sur le risque de
désintermédiation. Les flux jouent un rôle plus prononcé sur l’aval du canal que sur l’amont
pour les intermédiaires.

Afin de conserver la validité externe du modèle, l’ensemble des items constituant les variables
ont été préservés pour l’ensemble de l’échantillon mais certains items ont été retirés par groupe.
Il faut donc garder à l’esprit qu’il existe des différences de perception au sein de ces flux pour
chacun des membres. Cette discordance est d’autant plus marquée pour les deux autres
hypothèses.

351
Si l’hypothèse H2 est validée au niveau de l’ensemble de l’échantillon, ce n’est pas le cas pour
l’ensemble des acteurs. De manière globale, la mise en place de services par les industriels
réduit l’effet de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation pour les intermédiaires et
pour les clients sur les services physiques. Autrement dit, pour ces acteurs, plus les industriels
développent des services plus le risque de désintermédiation augmente. Si c’est vrai de manière
globale et pour les intermédiaires et les clients, ce constat n’est pas partagé par les industriels.
En effet, l’effet négatif de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation est accentué par
les services apportés par les industriels pour eux. Ces services n’entrent pas en concurrence
avec les intermédiaires mais au contraire viennent augmenter la valeur ajoutée au sein de la
triade. Il pourrait être bénéfique pour les intermédiaires de participer plus activement à la
création de ces services dans une optique de co-création développée par le SDL (Vargo et
Lusch, 2004a).

A contrario, les ressources mobilisées par les intermédiaires tendent à freiner l’effet négatif de
la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation. Ainsi, l’hypothèse 3 n’est pas validée. Les
ressources ne sont pas perçues par les acteurs amont et aval comme un avantage concurrentiel
durable propre aux grossistes, ce qui ne correspond pas aux résultats d’autres recherches
(Giraud et Pardo, 2012 ; Pardo, 2012 ; Pardo et Paché, 2015). Dans notre cas et contrairement
aux dires de Barney (1991), les ressources ne semblent pas être des atouts à la disposition des
intermédiaires dans la mise en place de leur stratégie. Il est aussi possible de se dire que nous
n’avons pas retenu les bonnes ressources ou que les ressources fondamentales sont déjà
présentes au sein de la gestion des flux par l’intermédiaire. Cette dernière analyse a pour
conséquence de réduire considérablement le rôle de l’intermédiaire au sein de la triade et donc
du canal de distribution ou du réseau. La valeur ajoutée et donc les ressources perçues comme
un avantage concurrentiel pour l’intermédiaire sont constituées par les flux traditionnels des
canaux de distribution. Cela l’enferme dans un rôle réduit ou bien le force à innover dans la
gestion des flux.

352
353
Conclusion

354
Synthèse de la recherche

L’objectif de notre recherche doctorale était d’étudier l’influence de la digitalisation pour le


distributeur B to B dans ses relations aussi bien avec le fabricant que le client professionnel. En
effet, la digitalisation des sociétés et des économies a fait émerger des courants de
désintermédiation avec la disparition d’acteurs traditionnels comme dans le voyage ou la
musique. Dans le même temps, un phénomène de réintermédiation est apparu avec l’apparition
de nouveaux intermédiaires numériques dans le transport et le divertissement par exemple. Ces
nouveaux entrants sont alors définis comme des plateformes numériques permettant de réduire
les frictions entre la demande et l’offre et s’inscrivent dans un courant d’usage plutôt que de
propriété (Bénavent, 2016).

La problématique de recherche qui a guidé notre travail a été la suivante :

Dans le cadre d’une transformation digitale de son environnement, quelle est la valeur
ajoutée que le grossiste traditionnel apporte aux autres membres du canal de distribution
et comment cela contribue-t-il à éviter ou réduire le risque de désintermédiation ?

Cette problématique nous a conduit à nous poser quatre questions de recherche, à savoir :
- La perte de valeur ajoutée par l'intermédiaire conduit-elle à une désintermédiation ?

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter sa valeur ajoutée ?

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter les effets de sa valeur ajoutée sur la
désintermédiation ?

- Le modèle des grossistes traditionnels est-il en capacité de concurrencer le modèle des


plateformes ?

Afin de tenter de répondre à ces questions, dans un premier chapitre basé sur une revue de
littérature, nous avons cherché à apporter une définition de l’intermédiaire qui faisait l’objet de
la recherche, à savoir le grossiste traditionnel. Nous avons présenté l’acteur principal de cette
recherche, c’est-à-dire le grossiste traditionnel. Cet acteur est indissociable du commerce de

355
gros et possède une histoire riche qui remonte à l’Antiquité. Même s’il a perdu son rayonnement
international (Dugot, 2000), il reste un acteur important dans la gestion et l’échange des biens.
Cependant, les acteurs amont et aval cherchent à intégrer les deux grandes fonctions du
grossiste qui sont logistiques et transactionnelles. Le grossiste, en s’appuyant sur la distinction
des flux de Bowersox et al. (1980), gère trois flux distincts que sont les flux physiques d’amont
en aval, les flux informationnels dans les deux sens et les flux financiers d’aval en amont. Les
acteurs amont et aval ne sont pas les seuls à vouloir générer de la valeur ajoutée à travers la
gestion de ces flux.

Ce chapitre nous a permis de mettre en avant la place et l’importance des intermédiaires dans
les canaux de distribution. Le canal de distribution n’est pas la seule grille de lecture permettant
de comprendre le rôle et l’importance des intermédiaires. Comme le montre Gadde (2012 ;
2014), il est intéressant d’intégrer la recherche sur ces acteurs du milieu au sein de la théorie
des réseaux. L’existence de l’intermédiaire est fonction de la valeur ajoutée qu’il apporte aux
autres membres.

Dans le cadre de cette revue de littérature, nous ne pouvions faire l’impasse sur l’étude de la
digitalisation du canal de distribution. D’après les chiffres qui étaient en notre possession et
notre expérience professionnelle dans le terrain retenu, nous savions que l’e-commerce ne
représentait qu’une part marginale des échanges entre les entreprises. Il était donc intéressant
de revenir sur le concept de multicanal qui date du début des années 2000 (Belvaux, 2004). Ce
concept a progressivement trouvé ses limites et s’est fait remplacer par un concept plus global
qui est celui de l’omnicanal (Verhoef, Kannan et Jeffrey Innam, 2015). Un certain manque dans
l’étude des concepts multicanaux et omnicanaux nous est apparu. Il semble que la majorité des
travaux ait porté dans un contexte B to C.

Les plateformes numériques, intervenant dans le cadre d’une réintermédiation numérique,


peuvent être vus comme de sérieux concurrents aux grossistes physiques. Ce nouveau type
d’intermédiaire permet un accès et un partage simplifié de l’information. Ils peuvent accroître
leur valeur par la gestion de différentes faces. Les plateformes s’inscrivent dans une étude des
écosystèmes d’affaires attachée à la théorie des réseaux.

356
Dans un deuxième chapitre, nous avons mis en place notre protocole d’étude d’un point de vue
qualitatif. Nous avons sélectionné comme terrain d’étude la distribution des matériaux de
construction. Ce choix n’a pas été anodin. C’est de ce terrain que sont apparues les premières
questions sur l’enjeu du digital pour des grossistes traditionnels. Nous avions également un
réseau de relations étendu et un accès privilégié à ce terrain. L’unité focale que nous avons
retenue est la triade de distribution. Cette dernière nous est alors apparue comme la meilleure
unité pour articuler les théories sur les canaux et celles sur les réseaux. Pour comprendre
l’impact de la digitalisation de ce canal de distribution, une quelconque dyade nous semblait
trop restrictive pour comprendre la richesse des phénomènes en cours. Il n’était pas non plus
possible d’interviewer l’ensemble des acteurs de cette chaîne qui va de l’importateur de matière
première au client particulier en passant par l’architecte qui un a rôle actif dans le choix des
matériaux ou des syndicats qui accompagnent les artisans du bâtiment. La triade industriel –
négociant – client professionnel nous semblait la bonne unité d’analyse pour apporter une
première lecture assez générique de la digitalisation du canal de distribution des matériaux de
construction. Le négociant en matériaux assure le rôle de grossiste au sein du canal. Un guide
d’entretien a permis de formaliser le début de cette étape qualitative. Sa construction s’est faite
par une première approche de la littérature et par des allers-retours quotidiens avec le terrain.
Vingt-deux entretiens ont ainsi été menés avec les trois membres de la triade dans une optique
de faire ressortir les relations interorganisationnelles et non interpersonnelles.

Le choix de l’étude de ce matériau primaire, constitué de 318 pages de discours, s’est porté sur
une analyse thématique avec le logiciel NVIVO 12. En parallèle de ce travail de découpage et
d’analyse des verbatim, un arbre thématique a été constitué avec le logiciel FreeMind.

Ce travail a mis en avant différents phénomènes intéressants. Le premier est la différence de


maturité digitale des différents acteurs de la triade. Il est clairement ressorti des interviews que
c’est l’industriel qui est le leader sur ce sujet et qu’il est le plus en avance dans ce domaine. Le
négoce est quant à lui perçu comme un acteur en retard sur le sujet sans pour autant que cela lui
porte préjudice. En effet, il n’y a pas de demande forte du terrain et notamment des artisans
pour plus de digitalisation des échanges. C’est un secteur qui est depuis son origine marqué par
le rapport humain à la fois dans l’échange, mais aussi dans la mise en œuvre des produits.

357
Le deuxième phénomène à émerger de cette phase qualitative est la désintermédiation partielle
du négoce de matériaux de construction. Le négoce a conservé la gestion des flux physiques et
financiers au sein du canal de distribution. Ces flux sont les flux originels du négoce de
matériaux. Cependant, la gestion du flux d’information qui se traduit dans le transfert de
données techniques ou de mise en œuvre, de conseil et de formation a été réintégrée par
l’industriel. Ce dernier a mis en place des services physiques (formations, clubs d’artisan et
forces commerciales) et digitaux (vidéos, applications, réseaux sociaux et sites Internet) lui
permettant de gérer de manière plus efficace ce flux.

La gestion de ce flux peut être gérée en totale autonomie par l’industriel ou bien en binôme
avec le négociant. Il est possible de parler de désintermédiation partielle, car l’industriel n’est
pas en possibilité et n’a pas la volonté, pour le moment, de gérer les flux physiques et financiers.
L’unité de livraison pour l’industriel est la palette, il n’est pas en capacité de livrer de petites
quantités à un grand nombre de clients éclatés géographiquement. De plus, le « One stop
shopping » offert par le grossiste auprès de l’artisan est une vraie valeur ajoutée pour
l’industriel. La prise de risque financière par le négoce de matériaux lui permet également de
créer de la valeur ajoutée à la fois en amont, mais également en aval. Le flux financier géré par
ce grossiste n’est pas seulement ascendant, mais s’applique dans les deux sens. En tant que
stockiste et grossiste, il entre en propriété des matériaux qu’il va revendre. L’industriel est donc
certain d’être payé, peu importe si la marchandise est par la suite vendue ou non par
l’intermédiaire. En revanche, le négoce joue également un véritable rôle de « banquier » en
finançant par des facilités de paiement et du crédit client l’activité des entreprises du bâtiment.
C’est un réel risque sur lequel les industriels ne souhaitent pas se positionner. Par une gestion
efficace des flux physiques et financiers, le négoce n’est pas en position de se faire
désintermédier. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’ait pas de concurrents. L’avantage sur
une unité triadique, c’est qu’elle permet de montrer les modifications au sein des relations. Sur
la partie des flux informationnels, la triade a glissé d’une triade de pont à une triade unitaire.
Ce phénomène modifie les relations des acteurs au sein de la triade avec par exemple une
fréquence et une récurrence des contacts entre les industriels et les clients professionnels avec
ou sans les négociants.

358
Il s’agit du troisième fait qui est apparu des entretiens semi-directifs avec les différents membres
de la triade. S’il n’y a pas une intégration complète des fonctions de gros par l’amont, il en
existe une en aval par la présence et la montée en puissance des coopératives d’artisans. Il s’agit
sur certains secteurs territoriaux du seul véritable concurrent des négoces de matériaux de
construction. Les artisans se sont regroupés sous la forme de coopérative pour désintermédier
le négoce et pour avoir des relations commerciales directes avec les industriels. Lorsque nous
disons qu’il n’y a pas eu d’intégration amont, cela peut être nuancé par le fait que certains
industriels dans des secteurs précis comme la menuiserie jouent sur plusieurs canaux puisqu’ils
distribuent leurs produits à travers des négoces, des GSB, mais aussi à travers des filiales en
propre ou sur Internet. Les GSB et les plateformes numériques ne sont pas encore des canaux
de vente B to B bien qu’ils servent aux industriels pour faire de la prescription auprès des clients
particuliers.

Forts de ces constats, nous avons cherché à construire un modèle de recherche en nous appuyant
sur un cadre théorique que nous avons présenté dans un chapitre 3. Ce cadre conceptuel repose
sur la distinction des flux et sur la dynamique du canal de distribution. Comme il a été montré
dans le deuxième chapitre, la gestion des différents flux au sein du canal étudié est mouvante.
Il était donc nécessaire d’en approfondir l’étude et de l’intégrer dans le modèle de recherche.
Ensuite, nous avons préféré la dynamique du canal de distribution à celui de la théorie néo-
institutionnelle mise en avant par Michel (2016) pour différentes raisons. Bien qu’il y ait
l’intervention de différentes institutions au sein du canal pour le digitaliser et que les membres
de la triade soient tentés par un certain mimétisme des comportements B to C, il nous a semblé
plus pertinent de s’appuyer sur la dynamique du canal et le rôle stratégique de l’information. À
la lecture des apports du chapitre 2, les concepts de Service-Dominant Logic et de vue basée
sur les ressources nous ont semblé plus pertinents pour expliquer l’évolution induite par le
digital entre les différents acteurs et l’absence de désintermédiation totale.

Au vu des éléments qualitatifs et du cadre conceptuel, trois hypothèses ont alors pu être posées
et un modèle théorique a été créé. La première hypothèse est une variable principale. Les deux
autres hypothèses ont été posées sous la forme de variable modératrice.

359
Le modèle de recherche a été construit en s’appuyant sur le cadre conceptuel et sur les travaux
de Rossetti et Choi (2005 ; 2008) sur la désintermédiation de la chaîne logistique dans
l’aérospatiale américaine. La gestion des différents flux par le grossiste est considérée comme
un antécédent à la création de valeur ajoutée par cet acteur. La valeur ajoutée ainsi générée par
l’intermédiaire réduit le risque de désintermédiation. Cependant, l’industriel dans une démarche
de Service-Dominant Logic peut influencer cette valeur ajoutée et donc faire croître le risque
de désintermédiation. À l’inverse, le grossiste qui met en place une stratégie de Resource-Based
View peut augmenter sa valeur ajoutée et donc augmenter la relation entre la valeur ajoutée et
la réduction du risque de désintermédiation. Les services et les ressources sont alors utilisés
comme des variables modératrices sur la relation entre la valeur ajoutée et le risque de
désintermédiation. Pour tester ces hypothèses, nous avons administré un questionnaire en ligne
à destination des trois membres de la triade. 192 personnes ont répondu à cette enquête qui a
principalement été diffusée via le réseau social professionnel LinkedIn.

Le chapitre 4 nous a permis de présenter les données et de nous assurer de la représentativité


de notre échantillon. L’ensemble des mesures a fait l’objet d’une évaluation de qualité
psychométrique. Les variables ont été testées grâce au modèle PLS, ce qui a permis de valider
ou non les différentes hypothèses au niveau de la triade et de chacun de ces membres (Tableau
180). L’ensemble des analyses a été faite sur l’ensemble de l’échantillon et pour chacun des
membres de la triade. Des différences entre les acteurs sont très vites apparu et nous avons jugé
pertinent de les intégrer très tôt dans la démarche.

360
Tableau 180 : présentation des hypothèses et résultats

Hypothèse Unité Formulation Résultat


Échantillon Validée
Industriels La valeur ajoutée du grossiste traditionnel Validée
H1
Intermédiaires réduit le risque de désintermédiation. Validée
Clients Validée
La logique de services mis en place par
l’industriel réduit l’effet de la valeur ajoutée
H2 Échantillon Validée
du grossiste traditionnel sur le risque de
désintermédiation.
Industriels La logique de services (digitaux) mis en place Non validée
Intermédiaires par l’industriel réduit l’effet de la valeur Validée
H2 - services digitaux
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque
Clients de désintermédiation. Non validée
Industriels La logique de services (physiques) mis en Non validée
Intermédiaires place par l’industriel réduit l’effet de la valeur Validée
H2 - services physiques
ajoutée du grossiste traditionnel sur le risque
Clients de désintermédiation. Validée
Échantillon Les ressources mobilisées par le grossiste Non validée
Industriels augmentent l’effet de la valeur ajoutée du Non validée
H3
Intermédiaires grossiste traditionnel sur le risque de Validée
Clients désintermédiation. Non validée

Les résultats de l’étude quantitative montrent que la gestion des flux par le grossiste est bien un
antécédent de la valeur ajoutée. Cela est conforme aux travaux dans le canal de distribution
(Coughlan et al., 2006 ; Rosenbloom, 2007). La gestion des flux par le grossiste apporte de la
valeur ajoutée au sein du canal de distribution et diminue le risque de désintermédiation. Cette
observation a donc permis de valider notre première hypothèse. Les grossistes traditionnels sont
encore des acteurs forts et indispensables au sein du canal de distribution. La gestion des
fonctions logistiques (hors information) et transactionnelles sont encore une prérogative des
grossistes dans certains secteurs. La gestion des flux par le grossiste de manière efficace,
efficiente et/ou à moindre coût que d’autres acteurs évite la désintermédiation. Elle peut même
créer des barrières à l’entrée à la réintermédiation. Il est ainsi possible de répondre à la question
de qui a vocation à piloter le canal logistique (Filser, des Garets et Paché, 2012, p. 240). Dans
le cas présent, il s’agit du grossiste.

En ce qui concerne les variables modératrices, il a également été prouvé que la mise en place
d’une stratégie de services par l’industriel réduit la relation entre la valeur ajoutée du grossiste
et le risque de désintermédiation. La deuxième hypothèse a également été validée. Plus

361
l’industriel met en place des services, qu’ils soient physiques ou digitaux, plus cela lui permet
de piloter les autres membres de la triade en devenant un référent au niveau de l’ensemble de
l’échantillon. Le contrôle de l’information revêt une dimension stratégique. « Il permet à celui
qui l’exerce d’être en quelques sorte le « pilote » légitime du canal de distribution en y
imposant ses propres normes de fonctionnement : […] » p. 241 (Filser, des Garets et Paché,
2012). Dans le détail, si ce constat est vrai pour les intermédiaires et partiellement pour les
clients, il est totalement différent pour les industriels. En effet, les services développés par les
industriels accentuent l’effet négatif de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation.
Dans cette étude, les industriels ne mettent pas en place de nouveaux services pour
désintermédier les grossistes mais pour les accompagner afin de vendre plus et mieux. Ce
phénomène peut passer par deux axes :

- La prescription vers l’aval du canal afin de créer des référents et des ambassadeurs des
produits et de la marque.
- Une montée en compétence de la filière dans son ensemble pour passer de produits à
des services à forte valeur ajoutée.

Ainsi, la stratégie des industriels s’inscrit véritablement dans le Service-Dominant Logic


puisqu’elle laisse une place importante à la co-création de service notamment avec les
intermédiaires (grossistes, clients professionnels) et les consommateurs.

En revanche, la troisième hypothèse n’est pas validée ni de manière globale ni pour les membres
amont et aval du canal de distribution. En effet, la stratégie de ressources mise en place par le
grossiste réduit la relation entre la valeur ajoutée du grossiste et le risque de désintermédiation
pour les industriels et les clients. Il est possible de voir que les industriels et les clients sont
dans une démarche où ils ne considèrent plus les grossistes comme étant en capacité
d’augmenter leur valeur ajoutée à travers de nouvelles ressources. Cela semble enfermer les
grossistes dans la gestion des flux physiques, informationnels physiques et financiers. L’usage
de la triade permet de mettre en avant ces différences de perceptions et un début de réponse
quant à l’impact sur les relations entre les membres.

362
Réponses aux questions de recherche

Le postulat défendu à l’origine de ce travail de recherche était que la création de valeur ajoutée
par le grossiste devait avoir un impact sur ses relations avec les fabricants et les clients. Cela
nous a permis de poser quatre questions de recherche auxquelles nous pouvons à présent
apporter des réponses.

- La perte de valeur ajoutée par l'intermédiaire conduit-elle à une désintermédiation ?

D’après nos travaux la diminution de valeur ajoutée par le grossiste ne signifie pas une
désintermédiation pure et simple.

Il semble que le phénomène soit à nuancer et qu’il puisse posséder des degrés. Dans le terrain
étudié, le grossiste est historiquement fort. Il a acquis une véritable légitimité dans la gestion
des flux physiques comme le stockage, la manutention et la livraison de produits techniques et
souvent pondéreux. Il est également un acteur indispensable dans la gestion des flux financiers
qui ne sont pas seulement ascendants. Il crée réellement de la valeur ajoutée à travers ses
fonctions financières d’achat des stocks auprès des industriels et de « banquier » auprès des
clients professionnels.

En revanche, la phase qualitative a permis de montrer que l’intermédiaire a perdu la maîtrise


du flux informationnel sur lequel l’industriel a repris la main. Ce flux n’est plus assuré de
manière assez efficace et efficiente par le grossiste. À travers des services physiques et digitaux,
les industriels ont désintermédié les grossistes pour entrer en relation directe avec les clients
professionnels voire les particuliers. Nonobstant, il est possible d’étendre ce phénomène de
désintermédiation aux artisans eux-mêmes. Les clients particuliers sont souvent plus informés,
grâce à Internet et au travail de communication des industriels, que l’artisan lui-même. Un
décrochage apparaît sur la gestion de l’information et des compétences au niveau de l’ensemble
du canal de distribution. Le client particulier peut devenir l’ambassadeur d’une marque et donc
orienter le choix du professionnel qui va mettre en œuvre les produits suivants s’il travaille ou
non avec les produits de l’industriel souhaité. Ce phénomène se répercute une nouvelle fois

363
dans les relations entre l’artisan et son négoce, puisqu’il aura tendance à travailler avec un
négoce qui propose les produits d’une marque forte ou demandée par ses propres clients.

S’il n’y a pas de désintermédiation totale, il est possible de voir que le flux informationnel est
peut-être le flux le plus important à maîtriser, car il induit une certaine captivité des clients.
Mais la phase quantitative montre que le développement de services par l’industriel dans le
cadre du flux informationnel augmente l’effet de la valeur ajoutée sur le risque de
désintermédiation dans le sens où le risque diminue. Cette gestion des flux par les industriels
n’est pas en concurrence avec la valeur ajoutée des intermédiaires mais peut être vue de manière
complémentaire.

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter sa valeur ajoutée ?

Si le modèle nous a permis distinguer entre les ressources tangibles et les ressources moins
tangibles (Barney, 1991), il ne nous permet pas de mettre en avant les ressources comme un
moyen pour l’intermédiaire d’augmenter sa valeur ajoutée. Au contraire, les ressources
mobilisées par l’intermédiaire auraient un effet positif sur le risque de désintermédiation.

Finalement les ressources créant de la valeur ajoutée pour les intermédiaires semblent celles
entrant dans la gestion des flux de canaux. Dans le cadre des ressources tangibles, le grossiste
peut s’appuyer sur son capital financier et physique. L’avantage apporté par le capital financier
peut être considéré comme une prise de risque à travers la gestion des flux financiers. Pour le
capital physique, le grossiste et le négoce de matériaux sont des acteurs avec un fort
enracinement territorial et une logistique reconnue. Si l’implantation sur le terrain avec des
agences proches des chantiers a un coût (foncier, charges, impôts, stock…), elle offre aussi un
avantage indéniable aux négociants. Il s’agit là d’un atout qui est pourtant difficile à valoriser,
mais semble indispensable à la survie du négoce. La digitalisation des canaux de distribution,
même si c’est une ressource encore peu utilisée, pourrait être perçue comme un service
différenciant auprès de populations d’artisans plus organisées, plus jeunes ou plus technophiles.

364
En ce qui concerne les ressources moins tangibles, dans le modèle de recherche il est difficile
de distinguer entre le capital humain et le capital organisationnel. Même dans la littérature, ces
deux types de ressources retiennent les relations (Barney, 1991). Comme l’analyse des données
qualitative l’avait déjà montrée, cela a été confirmé par les données quantitatives. Le négoce
jouit encore d’une place privilégiée, car le secteur reste humain dans le sens premier du terme.
C’est avant tout une histoire d’hommes. Il existe une réelle proximité entre le négoce et le client
professionnel qu’il soit suivi ou non par un représentant. C’est aussi ce qui peut expliquer la
faiblesse des usages du digital. L’approche quantitative n’a pas permis de déterminer si le
capital humain et organisationnel étaient des leviers de croissance pour les négoces de
matériaux de construction.

- Par quels moyens l'intermédiaire peut-il augmenter les effets de sa valeur ajoutée sur la
désintermédiation ?

Ainsi, il semblerait que pour le négoce de matériaux, les moyens à utiliser restent la base de son
ADN. Il s’agit de services physiques et de services financiers. Cependant, il serait réducteur
d’imaginer l’avenir de cet acteur sur un statu quo. Si la valeur ajoutée permet au grossiste de
ne pas être désintermédié, elle n’empêche pas pour toujours de nouveaux acteurs d’entrer sur
ce marché et de capter des parts de marchés qui à terme peuvent devenir importantes.

Il s’agit de savoir si le grossiste se recentre sur son cœur de métier et laisse le champ libre à de
nouveaux acteurs pour créer de nouvelles valeurs ajoutées. Ce point sera discuté dans les
apports de la recherche. Mais il est possible de voir que l’intermédiaire pourrait augmenter les
effets de la valeur ajoutée sur le risque de désintermédiation dans le cadre d’une stratégie de
co-construction de service avec les industriels. Les services physiques et digitaux proposés par
les industriels peuvent augmenter la valeur ajoutée des intermédiaires en les déchargeant de
certaines tâches qu’ils ne réalisent pas de manière assez efficace et efficiente.

- Le modèle des grossistes traditionnels est-il en capacité de concurrencer le modèle des


plateformes ?

Dans le terrain étudié, le grossiste reste encore le distributeur indispensable dans le canal de
distribution. Mais comme nous l’avons montré, des secteurs d’activité comme le domaine
365
bancaire ou les biens culturels ont connu un courant de plateformisation relativement rapide.
Nous voyons déjà les premiers effets de cette lecture « canal » de l’intermédiaire puisque les
industriels commencent à les désintermédier via le flux informationnel. Ce flux est important
dans le cadre des plateformes. En revanche, le grossiste peut migrer vers un modèle de
plateforme plus physique en agrégeant des services liés aux flux physiques et financiers. Le
raisonnement ne se fait plus réellement en termes de concurrence, mais plutôt de migration vers
un modèle de plateforme. À l’ère du digital, il semble que le modèle de la plateforme offre plus
de valeur ajoutée à l’ensemble des acteurs que le modèle du grossiste traditionnel. Nous avons
vu à travers la riche histoire des grossistes qu’ils ont su s’adapter à leur environnement. Nous
sommes persuadés que ce modèle n’est pas voué à disparaître, mais à évoluer vers un modèle
de plateforme multiface pour apporter encore davantage de valeur ajoutée à leurs partenaires
verticaux, mais également horizontaux. Mais pour le moment, les services offerts par les
intermédiaires traditionnels aux différents membres leurs permettent de concurrencer les
plateformes (Moati, 2019).

Les apports de la recherche

Nous allons tout d’abord présenter les apports théoriques pour enchaîner par les apports
méthodologiques puis managériaux.

Les apports théoriques

Nous nous inscrivons dans un courant de recherche qui montre que les intermédiaires
traditionnels ne sont pas morts. Si le sujet de l’intégration des fonctions de gros, notamment
dans la grande distribution alimentaire, a occupé les chercheurs dans le domaine du retail, nous
soutenons l’analyse récente de chercheurs comme Pardo et Paché (2015) ou encore Michel
(2016) pour qui les intermédiaires et plus spécifiquement les grossistes ne sont pas près de
disparaître. En effet, de nombreux grossistes ont fait preuve d’une adaptabilité à un
environnement changeant quitte à changer de business model ou à se recentrer sur leur cœur de
métier. Dans le terrain étudié, malgré un environnement en pleine mutation et une
désintermédiation partielle, le grossiste reste un acteur incontournable de la distribution de

366
matériaux de construction. De grands groupes, malgré le ralentissement de l’économie,
continuent de progresser. Par exemple, le Groupe Samse connaît un résultat net en hausse de
20 % sur le premier semestre 2019126. Les croissances internes et externes sont également bien
présentes. Il semble que la valeur ajoutée de certains grossistes reste attachée à la gestion des
fonctions logistiques et transactionnelles (Bowersox et Morash, 1989 ; Dugot, 2000 ; Coughlan
et al., 2006 ; Pardo et Paché, 2015). Cela tend à réduire le rôle et la place de l’intermédiaire au
sein du canal mais l’engage également vers un recentrage sur son cœur de métier dont l’objectif
est d’assurer ces fonctions de manière plus efficace et efficiente que les autres membres du
canal de distribution ou bien par de nouveaux entrants. La gestion de ces fonctions par
l’intermédiaire peut s’apparenter à une barrière à l’entrée qui constitue un avantage
concurrentiel durable (Barney, 1991, 2001a).

Ensuite, notre recherche permet de remettre au cœur du débat l’enjeu du digital dans les
relations interentreprises. Les travaux sur les canaux digitaux portent principalement sur les
échanges B to C (Belvaux, 2006 ; Paché, Seck et Fulconis, 2014 ; Vanheems, 2015 ; Verhoef,
Kannan et Jeffrey Innam, 2015). Si la présence des entreprises sur Internet est indispensable, il
existe encore des secteurs faiblement digitalisés. C’est le cas de notre terrain sur plusieurs
points. Durant la phase qualitative, sur les quatre artisans interviewés, seulement un avait un
site Internet pour présenter son entreprise et seulement un passait des commandes sur Internet
dans le cadre de son activité professionnelle (l’adhérent de la SCABOIS). Le comportement des
artisans explique en partie la part marginale (pour ne pas dire nulle) du commerce électronique
dans la distribution de matériaux de construction. Il en va de même pour la recherche
d’informations. Malgré les outils mis en place, par les industriels notamment, la recherche
d’informations pour les artisans se fait encore de manière orale, d’homme à homme. Cet aspect
crée un décalage entre le comportement des professionnels qui vont utiliser un réseau physique
pour trouver de l’information et les particuliers qui ont tendance à rechercher sur Internet. La
communication et les vecteurs de partage de l’information doivent donc être adaptés à chaque
cible. Cela se retrouve dans la stratégie des industriels qui ont mis en place des services
physiques clairement à destination des négoces et des clients professionnels et des services

126
Source : https://www.capital.fr/entreprises-marches/groupe-samse-devoile-des-resultats-en-progression-au-
premier-semestre-1349867, consulté le 16/01/2020

367
digitaux plutôt orientés vers les clients particuliers et les prescripteurs. Tous les secteurs ne
connaissent pas la même vitesse et ne sont pas au même stade de la transformation digitale.

Nous n’avons cessé de naviguer entre les théories du canal de distribution (distinction des flux,
définition et rôle des acteurs, multicanal, etc.) et de celles des réseaux (triade, écosystème
d’affaires, plateforme, etc.). Nous nous inscrivons dans le courant de pensée récent de Filser,
Frisou et Henriquez (2019), pour qui les modèles théoriques du canal de distribution et la théorie
émergente des plateformes multifaces peuvent être vues comme des voies d’enrichissement
dans le cadre de recherche en marketing. Les acteurs Brick and Mortar ont mis en place des
stratégies pour devenir des Click and Mortar. De leur côté, les plateformes, au début
numériques cherchent de plus en plus à intégrer la distribution physique. Ainsi de pure player,
les plateformes deviennent pour certaines des Click and Mortar. C’est le cas par exemple
d’Amazon qui a ouvert une dizaine de librairies aux États-Unis (Rimaud, 2019).

La notion de gestion de différentes faces devient alors centrale et sera présentée dans les apports
méthodologiques puisque c’est elle qui permet de générer de la valeur ajoutée. Les plateformes
sont vues comme de nouveaux intermédiaires (Benavent, 2016 ; Evans et Schmalensee, 2016).
Ainsi la littérature sur les intermédiaires peut être enrichie avec d’un côté les intermédiaires
traditionnels (ne pouvant pas échapper à la transformation digitale) et de l’autre côté les
intermédiaires numériques (ne pouvant rester virtuels) qui tendent vers un modèle commun de
« plateformisation ». Il est alors possible de revoir le positionnement traditionnel du grossiste
au sein de la chaîne de valeur. La diminution du soutien des grossistes à l’activité des fabricants
a poussé ces derniers à revoir la gestion des flux (Nefussi, 2008a ; Gadde, 2014). Le partage
des flux se fait entre acteurs qui apportent de la valeur ajoutée ou réduisent les coûts (Coughlan
et al., 2006). Les grossistes ne jouent plus le rôle de filtre et de réduction des points de contact
entre l’amont et l’aval. Mais ces intermédiaires peuvent être perçus comme des entreprises pivot
de type fournisseur sur certains nœuds (Gadde et Snehota, 2001 ; Capo, 2002 ; Gadde, 2014).
Les nœuds, sur lesquels les grossistes ont la capacité de se positionner, sont les flux logistiques
et financiers. Les nœuds stratégiques liés aux flux d’informations sont quant à eux gérés de plus
en plus par l’industriel. Ainsi, il existe une dissociation dans la réduction du nombre de contacts
avec d’un côté les contacts portant sur les flux physiques et financiers assurés par
l’intermédiaire et de l’autre les contacts de type flux informationnels gérés par le fabricant.

368
Un autre apport théorique permet de discuter la grille de service développée par Nefussi (2008a)
dans laquelle c’est le grossiste qui développe des services pour l’amont et l’aval du canal
(Tableau 181).

Tableau 181 : liste des nouveaux services développés par les grossistes d’après Néfussi (2008a)

Orientation clients Orientation fournisseurs


L’expertise technique et la prescription La finalisation des solutions (adaptation, installation)
La réduction des coûts par la fonction achat La fabrication sur mesure
L’accès au marché international par le sourcing Le SAV et la réparation
L’innovation et la conception de produits par le retour
La sous-traitance pour les clients
d’expérience
La gestion des stocks clients La création de collections et la gestion de marques
L’entreposage spécifique (exemple de la chaîne du
La gestion des litiges pour le compte du fournisseur
froid)
La gestion complète de rayons de petits objets pour
La formation aux bons usages
la distribution
La maintenance d’équipements La promotion des innovations
La formation aux bons usages
L’apport d’informations techniques et scientifiques
La collecte des déchets comme les emballages

D’après les résultats de notre phase qualitative, il est possible de voir que ce sont les industriels
qui ont développé des services pour l’ensemble des acteurs aval (Tableau 182). Ces services
s’inscrivent dans une meilleure gestion de l’information au vue de l’importance que celle-ci a
prise dans l’ère post-digitale (Vanheems, 2018).

Tableau 182 : services développés par les industriels dans la gestion du flux informationnel

Information Négociation/Commande Promotion


Flux/Intérêt
Connaissance de Visibilité Remontée
Génération de leads Prescription
l'utilisateur final produit/marque terrain
Canal/Services
Formation X X X X
Physique Club d'entreprise X X X X X
Force commerciale X X X X
Vidéo X X
Application X X X X
Digital
Réseau social X X X X
Site Internet X X X X X

369
Il est possible de voir que face à la moins bonne gestion de l’information par les intermédiaires,
les industriels ont développé des services physiques et digitaux dans une stratégie de push et de
pull de l’information auprès des acteurs de la triade mais pas seulement.

Enfin, notre modèle de recherche nous a permis de tester les hypothèses et de répondre à la
problématique posée. Il rend également possible la mesure des poids respectifs de chacun des
flux sur la valeur ajoutée par le grossiste grâce à la mesure formative de second rang. Si chacun
des flux peut intervenir dans la constitution de la valeur ajoutée, l’analyse triadique fait
apparaître des différences entre les acteurs. Le flux physique principal (logistique et stock) et
le flux informationnel agence sont les plus importants dans la valeur ajoutée apportée par les
grossistes. Ces résultats ramènent à la fonction logistique de base des grossistes. La fonction
transactionnelle semble avoir moins de poids. Des différences de perception montrent que la
lecture des relations est complexe et que la triade permet de les mettre en exergue. Chaque
membre a une vision différente des flux qui génèrent le plus de valeur. Ce travail permet de
conceptualiser les flux comme antécédents à la valeur ajoutée des grossistes. Le fait que la
valeur ajoutée réduise le risque de désintermédiation a déjà été démontré. Notre modèle appuie
dans ce sens et permet aux acteurs de déterminer quels sont les flux à prioriser ou à développer.

Les apports méthodologiques

L’apport méthodologique principal de ce travail de recherche est l’usage de la triade comme


unité d’analyse. Si la triade a déjà vu le jour en sociologie (Simmel et Wolff, 1950 ; Caplow,
1956), elle a été utilisée dans l’analyse des relations interorganisationnelles au sein des théories
des réseaux puis dans les canaux de distribution (Pardo et Michel, 2013). La triade permet une
réflexion renouvelée des situations de distribution (Pardo, 2015 dans Pardo et Paché, 2015).
Nous intégrons l’apport de la triade dans les apports méthodologiques de notre travail même si
nous sommes d’avis que la triade, malgré son côté arbitraire dans le choix des membres, est un
concept qui mérite d’être approfondi au sens de Choi et Wu (2009a, 2009b). La triade s’inscrit
également dans le travail sur les plateformes multifaces. La triade peut être étudiée comme la
plus petite unité d’analyse d’un marché biface.

370
Dans les premiers temps de notre analyse, nous avons imaginé le grossiste comme une
entreprise pivot (Capo, 2002). Il joue alors le rôle d’intermédiaire entre la face offre (le
fabricant) et la face demande (le client) (Rochet et Tirole, 2003, 2006). Après les différentes
analyses, il est possible de voir que les rôles ne sont pas figés. Le négoce peut être perçu comme
une entreprise pivot sur la gestion des flux physiques et financiers, il est alors dans son rôle
d’intermédiaire entre les deux faces. Mais sur la gestion du flux informationnel, c’est le
fabricant qui joue le rôle de plateforme où une grande partie de l’information transite par lui.
Nous ne sommes plus dans une séquence linéaire verticale d’institutions propre au modèle du
canal, mais dans un réseau d’interactions appartenant au modèle de la plateforme (Filser, Frisou
et Henriquez, 2019). Il est alors possible d’étudier chaque acteur au sein du canal de distribution
comme une face. Il convient alors de voir quelle face génère de la valeur ajoutée pour une autre
face et quelles sont les ressources à mettre en place pour s’accaparer une partie de cette valeur.
Dans les recherches sur les plateformes et les écosystèmes d’affaires, les entreprises pivots
reposent sur des briques technologiques modulaires. Mais il est tout à fait possible d’imaginer
des acteurs physiques comme tels et c’est ce qu’apporte le travail avec la triade. Dans un
contexte de distribution, il est possible de voir la triade de distribution comme la plus petite
unité de marché multiface puisqu’il est possible d’étudier des relations bifaces.

Ce déplacement subtil de la gestion du flux informationnel, entraînant une désintermédiation


partielle, n’aurait sans doute pas été aussi visible dans l’étude d’une dyade ou dans l’analyse
linéaire des institutions. Le fait d’étudier les relations des trois acteurs au même moment permet
de mieux comprendre les dynamiques à l’œuvre dans une situation donnée. La triade permet
d’étudier le rôle central de l’information comme ressource clé (Pardo, 2015 dans Pardo et
Paché, 2015). L’information a une influence sur l’innovation des produits, sur les usages et sur
les relations.

En revanche, l’utilisation de la triade comme unité d’analyse représente une charge de travail
supplémentaire dans la phase qualitative et quantitative. Tout d’abord dans la phase qualitative,
s’il ne faut pas jusqu’à tripler le nombre d’interviews, il est quand même nécessaire d’interroger
assez de répondants pour atteindre la saturation sémantique. Et il est nécessaire d’avoir accès à
trois types d’organisations différentes. Ensuite dans la phase quantitative, il est nécessaire de
faire une étude globale et pour chacun des membres de la triade. L’utilisation de la triade a donc

371
fortement orienté nos choix méthodologiques. Dans un premier temps, l’analyse thématique a
permis de faire ressortir les thèmes importants et communs aux trois types d’acteurs. Dans un
second temps, nous avons retenu le modèle PLS, car il permet d’avoir des résultats fiables avec
un nombre restreint de répondants. Mais la faible taille de l’échantillon explique que la valeur
des paramètres peut être assez instable et assez peu différente de 0.

En dehors de la triade, le deuxième apport méthodologique est la construction d’une échelle de


mesure pour quantifier l’apport des différents flux dans la valeur ajoutée du grossiste et de
déterminer l’impact de cette valeur ajoutée et des modérateurs sur le risque de
désintermédiation. Cette échelle s’appuie sur la revue de littérature et sur les éléments qui sont
ressortis lors de l’analyse qualitative. Même si le modèle a une part d’originalité, celle-ci est à
nuancer puisqu’il s’inspire des travaux de Rossetti et Choi (2008) et de l’analyse des différents
modèles théoriques du canal de distribution de Filser (2012).

Les apports managériaux

Nous allons à présent aborder les apports managériaux. En préambule, il est intéressant de
rappeler que les négoces de matériaux de construction ont une centaine d’années et que leur
modèle a très peu évolué depuis. C’est un fait qui ressort de nos analyses puisque le grossiste
reste le pilote du canal logistique (Paché et des Garets, 1997 ; Filser, des Garets et Paché, 2012).
Dans ce secteur, le grossiste a conservé la gestion des flux physiques à la différence d’autres
où ce flux a été internalisé (grande distribution) ou externalisé à des prestataires de service
logistique de type 3PL ou 4PL.

Un début de réponse se trouve dans la géographie. L’importance du canal physique comme


dans d’autres secteurs est indéniable. Par exemple, dans la banque où le canal physique reste
un élément de différenciation par rapport à la banque en ligne qui compte 6,5 % de Français
clients127. En revanche si le rôle de l’agence a évolué dans la banque, ce n’est pas le cas dans le
négoce (Notebaert et al., 2016). La proximité des négoces, et notamment du stock et de la

Source : Analyses et synthèses, Etude sur les modèles d’affaires des banques en ligne et des néobanques,
127

ACPR – Banque de France, 2018

372
logistique, auprès des chantiers est primordiale. Si l’implantation dans un territoire par le
négoce est indispensable, cela entraîne des coûts qui ne s’avèrent pas toujours rentables.
Néanmoins, il nous semble vital pour les négociants en matériaux de construction de trouver
des modèles de vente plus adaptés pour conserver une présence dans ces territoires. Les
plateformes numériques ou des coopératives d’artisans pourraient à terme gagner des parts de
marché non négligeables dans les territoires abandonnés par ce grossiste. Un négoce spécialisé,
Würth, a mis en place un magasin conteneur automatisé pour vendre des produits au plus près
des chantiers128. Si cela n’est pas possible avec toutes les typologies de produits, la mise en
place de zones de stockage déportées pourrait permettre de couvrir plus de territoires à moindres
frais. Cependant, il faut prendre en compte le risque de vol, de détérioration ou de responsabilité
en cas d’accident. Mais la possibilité de retirer des produits basiques dans des zones avec peu
de distributeurs pourrait faire gagner énormément de temps aux artisans.

La digitalisation des points de contact physique peut aussi avoir un intérêt malgré le faible usage
des artisans et le faible impact apparent au sein des relations de la triade. Il est nécessaire de
parler de l’adéquation des formes de vente au besoin du client (Belvaux et Labbé-Pinlon, 2009).
On peut remettre en cause la stratégie omnicanale selon si l’on se situe d’un point de vue
informationnel ou transactionnel. D’un point de vue transactionnel, elle ne semble pas apporter
de valeur ajoutée aux clients professionnels du terrain. Par contre, la stratégie omnicanale peut
apporter de la valeur ajoutée du point de vue informationnel. Internet pouvant être valorisé
comme un outil de préparation à l’achat et de montée en compétence face à des clients finaux
de plus en plus informés (Belvaux et Labbé-Pinlon, 2009). Dans un premier temps, la stratégie
phygitale devra se concentrer sur la digitalisation des points de vente et des forces de
vente puisque l’échange a lieu physiquement. Les clients B to B du secteur vont encore peu
chercher d’informations sur Internet. Ce comportement n’a donc pas modifié les relations
B to B. L’accompagnement dans la montée en compétence des clients professionnels peut être
un vecteur de croissance pour les négoces de demain.

La prise en compte de l’évolution des clients semble également être un enjeu que le négoce n’a
pas encore pris en considération. Si les industriels ont compris l’importance de se faire connaître

128
Source : https://www.lsa-conso.fr/wurth-installe-des-magasins-conteneur-100-automatises-sur-les-
chantiers,325811, consulté le 16/01/2020

373
des clients particuliers qui sont à l’initiative des chantiers, les GSB ont su de leur côté
communiquer auprès des professionnels avec des offres de paiement différées, des remises fixes
ou des services de logistique. L’étude d’une autre triade pourrait permettre d’accroître la valeur
ajoutée du négoce au sein du canal de distribution. Il s’agit de la triade négoce - client
professionnel - client particulier. Le négoce pourrait intervenir dans l’accompagnement de
l’expression de besoin à la genèse du projet au même titre que l’artisan. Il est aussi important
de prendre en considération le vieillissement des artisans et la non-reprise des entreprises. De
plus en plus de travaux sont réalisés par des autoentrepreneurs ou via des plateformes de mise
en relation entre bricoleurs. Cette typologie de clientèle est radicalement différente des artisans.
En effet, ils n’ont pas de fonds de roulement et achètent rarement les produits en leur nom
préférant envoyer le client final choisir les matériaux. Bien que le négoce ait peur que les clients
professionnels leur reprochent une certaine concurrence à s’ouvrir à ce type d’acteur
économique, il en va peut-être de sa survie demain. La prise en compte d’une clientèle de type
particulière de manière plus ouverte pourrait être bénéfique aux négociants, notamment dans
les grands centres urbains. Cela permet de capter les projets des particuliers dès leurs
conceptions et d’avoir un véritable rôle d’accompagnement.

Le négoce doit également être plus attentif aux innovations de demain. Nous allons en citer
trois. Tout d’abord la maquette numérique, bien qu’elle ne soit pas encore institutionnalisée
pour l’ensemble des chantiers, mais lorsque ce sera le cas le négoce va juste recevoir une liste
préétablie des matériaux pour le chantier. Pour le moment les négoces ne se sont pas intéressés
au BIM (maquette numérique collaborative) contrairement aux industriels. La sélection des
produits se fait en amont, d’où la prescription réalisée par les industriels auprès des architectes
et des maîtres d’œuvre. Les équipes en interne des négoces ne sont pas sensibilisés à ces outils.
Il y a donc un risque de décrochage entre la réalité du terrain et les besoins du secteur. Ensuite,
il nous semble pertinent de revenir sur l’impression 3D. L’ensemble des acteurs interrogés ne
pensent pas que l’impression 3D viendra demain révolutionner la fabrication, la distribution et
la mise en œuvre des matériaux. Il n’empêche que le nombre de projets de bâtiments imprimés
grandit. Juste pour donner une idée, le 26/02/2020 en tapant dans la barre de recherche de
Google Actualité les mots-clés « batiment imprimé en 3d », 1 530 résultats ont été trouvés
(Annexe 3). Nous pensons qu’il ne faut pas minimiser cette innovation bien qu’elle touchera
certainement principalement les constructions neuves. Enfin, la robotique et l’IoT avec plus
particulièrement les exosquelettes sont pour nous le prochain grand service que doit proposer

374
le négoce à ses clients professionnels. S’ils ne montent pas des partenariats dès à présent avec
des sociétés ou start-up qui développent ce type de produits, c’est d’autres acteurs qui
proposeront ce service. À l’identique des leasings de voiture, une location de ce type de matériel
est tout à fait envisageable sur de courtes périodes, lorsque l’artisan va avoir un travail difficile
à réaliser et que les engins traditionnels de levage ne peuvent pas accéder au chantier, ou en
intégrant ce type d’équipement dans les gammes vendues comme l’EPI129. La digitalisation et
les plateformes montrent qu’il ne faut plus être centré sur le produit, mais sur le besoin client
dans une optique de co-construction. Cette dernière se situe à différents niveaux :

- entre le fabricant et le client dans la co-construction des produits et services ;


- entre le grossiste et le client dans la co-construction du référencement et des services.

Il faut proposer aux clients des solutions « clé en main » (Debos, 2006). C’est le fournisseur
(industriel ou grossiste) qui prend en charge certaines activités que le client veut externaliser
(par manque de temps, de compétence, etc.) ou ne peut pas acquérir pour son propre compte.
Dans des métiers où la pénibilité est reconnue du fait des charges et des intempéries, les
exosquelettes et les vêtements connectés et innovants sont une voie d’avenir pour apporter des
solutions à forte valeur ajoutée aux clients. Bricoman a travaillé avec une société pour
développer un exosquelette permettant de répondre aux contraintes des artisans du bâtiment130.
Bosch de son côté propose des vestes chauffantes qui permettent de recharger un téléphone131.
Ces innovations vont permettre demain de rendre les métiers moins pénibles.

Trois pistes peuvent orienter l’évolution de ce grossiste. Les deux premières peuvent être
cumulatives et la troisième peut être plus globale en s’opposant à la deuxième, sans pour autant
être antinomique.

Tout d’abord, il s’agit d’augmenter la spécialisation des activités afin d’apporter un plus haut
niveau de service (Rosenbloom, 2007). Ce processus a déjà été enclenché par une majorité de
négociants soit par des développements internes ou externes. Il semble que le modèle

129
Équipement de protection individuel
130
Source : https://zepros.fr/exosquelette-le-paexo-bient%C3%B4t-chez-bricoman--1588, consulté le 02/03/2020
131
Source : https://www.bosch-professional.com/fr/fr/veste-chauffante-2490033-ocs-c/, consulté le 02/03/2020

375
généraliste convienne aux zones rurales, mais dans les villes et métropoles le spécialiste peut
être préféré. Les spécialités peuvent être présents sous un même toit, mais doivent être
clairement identifiées. On s’approche alors du concept de multispécialiste. Mais le négoce
spécialiste à de meilleures chances de nouer des partenariats forts avec les industriels dont les
produits font partie du référencement de l'agence spécialisé. Il aura également une meilleure
image et une qualité de service supérieur auprès des clients professionnels. En revanche, cela
peut le couper totalement du public particulier. Les industriels interrogés croient beaucoup au
modèle du spécialiste, car ils ont en face d’eux des spécialistes des produits vendus qui les
connaissent et savent les vendre.

L’autre stratégie est le recentrage sur le cœur de métier. Encore une fois, après l’analyse des
résultats, il est possible d’identifier le cœur de métier sur le flux physique, le flux informationnel
physique et le flux financier. Le négoce peut devenir le super logisticien des stocks, de
l’approvisionnement et des livraisons des matériaux de construction. La logistique se comprend
ici dans la chaîne logistique amont et aval. Il est alors possible de proposer des services à forte
valeur ajoutée et différenciant en tenant compte des évolutions de l’environnement. Il est
nécessaire de tenir compte des facteurs réglementaires (la gestion des déchets, RT 2020, etc.),
environnementaux (pollution, circulation urbaine, dernier km) et technologiques (véhicule
autonome, IoT, RFID). La gestion du flux financier est assez peu mise en avant et valorisée par
les négociants, alors qu’en plus d’être un réel risque c’est un service à très forte valeur ajoutée.
On le voit dans d’autres marchés comme les constructeurs automobiles qui ont fait leurs propres
banques avec des services bancaires et peuvent proposer des solutions de financement des
véhicules132. Le négoce peut suivre cet exemple et diversifier son activité de crédit en se
professionnalisant davantage dans ce domaine. Le négoce devient alors une entreprise pivot se
positionnant sur les nœuds stratégiques des flux physiques et financiers. C’est la première étape
vers une vue de l’intermédiaire comme plateforme.

La troisième piste d’évolution pour le négoce traditionnel est d’aller vers un modèle de type
plateforme multiface. Le grossiste peut devenir une plateforme modulaire en proposant des
services à la fois physiques et digitaux à un ensemble de face. Il intégrerait différents types de

132
https://www.banquepsafinance.com/fr et https://www.renault.fr/services/financement-et-services-
bancaires/solutions-epargne.html

376
services offerts par d’autres acteurs comme les cabinets de comptable, les assureurs, les
concessionnaires de véhicules, la gestion de logistique partagée, etc. L’intermédiaire
traditionnel peut évoluer vers un modèle de plateforme multiface ou multilatérale (Filser, Frisou
et Henriquez, 2019) en agrégeant un maximum d’offres complémentaires en parallèle de celles
déjà proposées ou en remplacement de celles perdues. S’il perd les flux informationnels pour
continuer à valoriser sa place, il peut développer de nouveaux services avec des partenariats.
Certains acteurs commencent à prendre cette voie-là, comme Doras qui a déployé un site de
recrutement pour les artisans133. Il entrerait alors en concurrence directe avec d’autres
institutions comme les syndicats d’artisans qui proposent déjà ce type de service à leurs
adhérents. À ce titre, le négoce pourrait devenir un incubateur de start-up dans les matériaux
et la Tech lié à la construction comme l’initiative du Crédit Agricole avec Les villages by CA134.
Dans ce contexte, le grossiste dépasse son rôle d’intermédiaire distributeur pour devenir une
plateforme de mise en relation multiface inscrite dans un principe « d’open innovation ». Mais
cela nécessite de revoir totalement l’organisation interne de l’entreprise et c’est un véritable
changement de business model. En effet, la valeur n’est plus seulement créée lors de la revente
des marchandises, mais sur l’ensemble des services proposés. Il devient alors un intégrateur de
chaîne de valeur sur le marché (Métais-Wiersch et Autissier, 2018). Les résultats de l’étude
qualitative et quantitative vont également dans ce sens puisqu’une co-création des services avec
les industriels peut devenir un enjeu de développement fort. Cette piste permet de prendre à
bras le corps la digitalisation de l’environnement et de s’inscrire comme un acteur en rupture
avec les modèles prédominants puisqu’il devient un fournisseur de solution. De plus, il ne
semble pas exister d’infomédiaire. Il s’agit donc d’un axe de développement pour les
intermédiaires déjà en place ou pour un nouvel entrant. Il faudra tenir compte alors de deux
contraintes : la rentabilité et la valeur proposée aux différentes faces.

Si durant la phase de collecte qualitative, les membres de la triade se sont focalisés sur l’avant-
vente et la vente, un sujet n’a pas été abordé. Il s’agit de la gestion de l’après-vente. Des pistes
en termes de services physiques et digitaux sont peut-être à imaginer.

133
https://www.forum-emploi-doras.fr/recruteur/
134
https://levillagebyca.com/fr

377
Les limites de la recherche

Comme tout travail de recherche, des limites peuvent être mises en avant. Nous les
regrouperons sous trois types que sont les limites théoriques, méthodologiques et managériales.

Les limites théoriques

Si la revue de littérature et le cadre conceptuel ont été réalisés avec sérieux, l’ensemble des
concepts et des théories n’ont pas pu être approfondis. C’est le cas par exemple de la logistique
et de la supply chain. Ce domaine est un champ de recherche à part entière et nous avons décidé
de nous centrer sur l’approche de la distinction des flux dans le cadre du canal de distribution.
Nous sommes pourtant persuadés que l’étude plus approfondie de la chaîne logistique aurait
permis un meilleur éclairage de la gestion des flux. Dans le même sens, le flux financier aurait
mérité à être étudié avec des théories de son domaine.

Les travaux au sein du canal de distribution sur le pouvoir, la compétition, la confiance ou les
contrats auraient également pu éclairer sous un jour différent les analyses. Pour autant, nous
avons privilégié l’étude de la relation au travers de thèmes plus originaux comme le digital ou
le service. Il est possible de voir que la maîtrise de l’information par l’un des membres de la
triade lui donne un pouvoir conséquent et modifie les relations entre les acteurs.

Des champs théoriques en stratégie auraient aussi mérité d’être étudiés plus sérieusement. Nous
pensons notamment aux différents types de stratégies d’innovation. Il aurait été pertinent de
déterminer si le digital pouvait être compris comme une innovation incrémentale ou de rupture
au sein du canal de distribution étudié.

La théorie néo-institutionnelle aurait pu être utilisée pour étudier la mise en place de stratégie
digitale. En effet, un effet de mimétisme aurait peut-être pu être trouvé avec d’autres
organisations. Car comme nous l’avons montré, le chiffre d’affaires du e-commerce et l’usage
digital des professionnels sont faibles. Plusieurs sources de mimétismes pourraient être

378
cherchées auprès des industriels ou bien des GSB par exemple. Mais le faible usage du digital
et la prédominance de l’information physique nous ont poussés à préférer l’approche stratégique
des canaux de distribution plutôt que l’approche néo-institutionnelle.

La notion de triade aurait pu être approfondie notamment en exploitant mieux l’étude des
relations au sein de la triade de distribution étudiée. Finalement, la triade est restée à un niveau
méthodologique. Nous avons tenté de conceptualiser la triade comme étant la plus petite unité
d’analyse des marchés multifaces, comme un marché biface (Rochet et Tirole, 2003, 2006).
Mais les développements ne permettent pas d’en faire un vrai concept. En revanche, nous
sommes persuadés comme Choi et Wu, (2009a, 2009b) ou Harrison, Holmen et Pedersen
(2012) que la triade est la plus petite unité d’analyse des réseaux. Nous sommes également
persuadés qu’il s’agit de la meilleure focale pour étudier les relations de l’intermédiaire et le
risque de désintermédiation (Rossetti et Choi, 2005, 2008 ; Holma, 2010 ; Pardo et Michel,
2013). Afin d’apporter une meilleure conceptualisation, il aurait pu être pertinent de mener
l’étude au sein de différentes triades de distribution.

La dernière limite que nous nommerons est le manque de clarté entre les théories du canal de
distribution et les théories du réseau que nous avons sollicité. En effet, il est difficile de
positionner la recherche puisqu’elle n’est ni uniquement dans le canal de distribution ni
uniquement dans l’étude des réseaux. Il semble que nous ne soyons pas les seuls à éprouver
cette problématique, car Michel et al. (2019) parlent de la capacité des grossistes à aller plus
loin encore dans « the distribution network/channel » p. 11. Il est finalement nécessaire de
produire une approche théorique plus englobante permettant d’intégrer les deux théories.

Les limites méthodologiques

La première limite méthodologique que nous citerons sera celle liée au terrain. Malgré l’intérêt
du terrain étudié, il n’en reste pas moins qu’un seul canal de distribution a été étudié. Il faut
donc garder à l’esprit que l’ensemble des résultats ne sont pas généralisables. Comme nous
l’avons montré à de nombreuses reprises, le terrain est marqué par une faible digitalisation, une
relation humaine forte et avec un intermédiaire fortement enraciné. Nous savons que dans

379
d’autres pays, le négoce de matériaux de construction telle qu’on le connaît en France n’existe
pas. Cette limite est aussi bien fondée pour la partie qualitative que pour la partie quantitative.
Cela tend à restreinte la validité externe des résultats. Comme nous l’avons évoqué dans les
limites du chapitre 2, d’autres grossistes dans différents canaux de distribution ont changé de
modèle d’affaires sous la pression normative ou de différents acteurs.

La taille, assez petite, des deux échantillons limite la signification statistique des résultats et la
généralisation de ces résultats dans le cadre du canal de distribution des matériaux de
distribution.

D’autre part, pour une totale objectivité, il faut mettre en avant le fait que nous avons été
employés par un négoce durant l’ensemble de la recherche. Cela a permis un accès au terrain
quotidien, mais a également pu introduire des biais dans le travail. Pour autant, si de telles
lacunes doivent exister, elles ne sont pas volontaires. Il a été particulièrement enrichissant
autant sur le plan professionnel qu’académique de mener ce projet de recherche en parallèle.
Pour vérifier la stabilité et la reproductivité de la démarche qualitative, un autre chercheur aurait
pu procéder à la thématisation comme le recommande Paillé et Mucchielli (2012) et Martineau
et Plard (2016).

Ensuite, il est possible de mettre en avant l’absence de certains acteurs dans la phase qualitative
et quantitative. Nous pensons par exemple aux majors de la construction. Le choix de ne pas
interroger ce type d’acteur durant la phase qualitative a été une volonté. En effet, ces entreprises
ont des besoins et des organisations bien spécifiques qui ne constituent pas la majorité des
clients du négoce. En revanche, les artisans sont des cibles difficiles à mobiliser et à faire
participer. Seulement quatre artisans ont pu être interviewés et seulement trente ont répondu
aux questionnaires en ligne. Le fait de les avoir sollicités uniquement sous forme digitale peut
être mis en avant comme ayant induit ce faible taux de participation. Cependant, au vu de notre
expérience professionnelle et des retours des différents acteurs du terrain, nous ne sommes pas
sûrs que des moyens plus directs auraient porté plus de résultats. Il en reste que la faible
participation des clients professionnels est une des limites principales de cette recherche.

380
Le leadership de l’industriel sur la partie digitale pourrait être remis en cause. En effet, nous
avons interrogé des industriels à rayonnement national voire international faisant partie pour la
plupart de grands groupes. Ils bénéficient donc de ressources humaines et financières leur
permettant l’investissement dans les nouvelles technologies, le digital s’inscrivant même dans
leur stratégie de visibilité et d’accompagnement des différents acteurs. Or, nous savons que des
industriels de plus petite taille ou à rayonnement régional voire local n’ont pas les moyens ou
la nécessité de développer des services et des outils digitaux. C’est par exemple le cas des
scieries ou des carrières. Il s’agit ici d’une limite de la phase qualitative de la recherche, mais
qui ne remet pas en cause de manière profonde les résultats notamment au niveau quantitatif.
Ce biais a pu être tempéré dans la phase qualitative puisque 9 industriels (13,4 %) sur les 67
qui ont répondu à l’enquête ont entre 10 et 50 salariés.

Enfin, le modèle est original et construit sur les résultats d’un terrain bien spécifique, il pourrait
s’avérer non pertinent dans un autre terrain. De plus, l’échelle de mesure peut être discutée.
Bien qu’elle ait été construite avec la plus grande rigueur et en s’appuyant à la fois sur la
littérature et sur les données récoltées lors de la phase qualitative, elle peut comporter des
anomalies ou des incohérences. De surcroît, elle s’inscrit dans un travail bien spécifique sur un
terrain donné. L’interopérabilité de cette échelle à d’autres marchés permettrait d’en assurer la
cohérence.

Les limites managériales

Comme nous l’avons déjà évoqué, nous sommes Responsable de la transformation digitale d’un
négociant en matériaux de construction. Des préconisations et des axes ont pu être orientés par
notre expérience professionnelle et par notre proximité avec le terrain d’étude. Si des biais sont
apparus, ils ne sont aucunement volontaires, bien au contraire. Nous avons apporté un grand
soin à être critique envers notre travail de recherche. La validité externe de nos propos est donc
à démontrer.

En revanche, il est possible de voir que le modèle développé avec les flux comme antécédents
à la valeur ajoutée d’un grossiste, les deux modérateurs et l’unité focale triadique pourraient

381
éclairer d’autres canaux de distribution ou d’autres réseaux. Nous pensons qu’il offrirait un
nouvel éclairage notamment dans le cadre de la chaîne logistique ou dans des secteurs avec des
intermédiaires comme dans l’automobile, les médicaments ou le commerce de fleurs. Les
résultats sur la constitution et la génération de valeur ajoutée reste valable pour tout
intermédiaire car sans cela il risque d’être désintermédié et/ou réintermédié. Le modèle
permettrait dans d’autres secteurs d’identifier les flux à valeur ajoutée pour les intermédiaires.
Il donne aussi la possibilité de déterminer des leviers comme les services et les ressources ainsi
que l’impact sur les relations interorganisationnelles.

Les voies de recherche futures

Certaines limites de notre recherche peuvent s’avérer être d’intéressantes voies de recherche
dans le futur.

Le digital

Le premier axe se concentre sur le comportement digital des artisans et plus largement des
acheteurs B to B. Il pourrait être pertinent de tester le modèle d’acceptation de la technologie
(TAM, Technology Acceptance Model) développée par Davis, Bagozzi et Warshaw (1989) ou
ces évolutions comme l’UTAUT (Unified Theory of Acceptance and Use of Technology) de
Venkatesh et al. (2003) (Jawadi, 2014 ; Kouakou, 2014). Il serait alors possible de déterminer
l’utilité perçue d’une technologie digitale, sa facilité d’utilisation perçue et sa valeur associée
pour les clients professionnels (Belvaux, 2004 ; Vanheems, 2015). Ce travail pourrait aboutir à
expliquer les freins sur l’adoption des technologies et sur la préconisation d’outils et de services
digitaux à développer en priorité dans un contexte B to B. Comme le montre les résultats des
différentes hypothèses et notamment de H2, les services digitaux n’ont pas d’effet positif sur la
désintermédiation au contraire des services physiques. Il serait alors pertinent de comprendre
plus en détail ce phénomène « anti » digital d’une partie des clients.

Dans la continuité de ce travail, il serait profitable de déterminer une segmentation sur


l’adoption des nouvelles technologies (Notebaert, Attuel-Mendès et Belvaux, 2016).

382
L’identification des différents segments de digitalisation des clients professionnels permettrait
de créer des typologies de clients et d’offrir en face de chacune un package de services
appropriés en s’appuyant sur une matrice à quatre entrées : Digital/Physique et
Transactionnel/Informationnel. Si les clients restent sur des points de contacts physiques, il
devient important de déterminer l’intérêt du site web (est-ce pour de la préparation d’achat,
comparer, acheter de manière occasionnelle, etc.) et faut-il faire du phygital (digitaliser les
points de contacts physiques, équiper les forces de ventes) ?

Toujours sur l’axe client professionnel, une méta-analyse sur la difficulté à faire participer les
artisans de manière globale et plus spécifiquement à travers le digital pourrait apporter un
éclaircissement intéressant pour les chercheurs.

La typologie des produits semble également intervenir dans le processus de digitalisation du


canal de distribution. L’absence de migration entre les canaux pourrait être expliquée par le fait
que ce ne sont justement pas des produits peu impliquants (Belvaux 2004, 2006 ; Vanheems,
2014). Avec l’augmentation du nombre de produits et les évolutions réglementaires, la
technicité des produits s’accroît. L’artisan doit sans cesse monter en compétence et se réassurer.
Cette réassurance, pour le moment, il la trouve encore dans l’échange physique avec ses
commerciaux, dans son négoce et lors de formations.

Une autre voie de recherche serait possible, toujours sur un modèle triadique, mais cette fois en
incluant le client final. Il serait alors possible d’imaginer deux triades : intermédiaire – client
professionnel – client final et fabricant – intermédiaire – client final. En effet, le grossiste peut
avoir intérêt à s’intéresser au client final. Cela peut leur permettre de prendre une longueur
d’avance par rapport aux clients professionnels ou détaillants (Michel et al., 2019). Comme
nous l’avons montré, le fabricant n’hésite pas à utiliser la digitalisation pour avoir une meilleure
connaissance du marché. Le grossiste devrait donc être en capacité d’en faire autant. Comme
dans le cas de l’industriel, cela lui permettra alors d’apporter de la valeur aux clients
professionnels.

383
La plateformisation

Pour participer aux travaux de réunification de la théorie du canal et de la théorie des


plateformes, si le client est au cœur de la stratégie crosscanal/omnicanal (Notebaert, Attuel-
Mendès et Belvaux, 2016), n’est-il pas possible de dépasser la notion d’omnicanal centrée sur
le client pour lui préférer la plateformisation amont et aval ? Le but de chaque intervenant est
alors de devenir un facilitateur (pivot) amenant plus de transparence. L’orientation client est
biface tandis que l’orientation plateforme est multiface.

Pour continuer dans la plateformisation, une étude pourrait être menée pour étudier si le négoce
bénéficie d’effets de réseaux. Si tel était le cas, cela serait un premier pas pour reconnaître le
négoce comme une plateforme à part entière. Même si pour le moment nous n’avons pas poussé
l’étude, il nous semble qu’il existe un oligopole en faveur des négociants pour le moment (Isaac,
2015).

Le modèle

Le modèle pourrait être testé dans d’autres canaux de distribution afin d’éprouver sa robustesse
et la fiabilité de ces résultats. Il serait également possible de faire évoluer les variables
modératrices en y intégrant le modèle ARA par exemple.

Autant de pistes de recherches qui pourront être explorées dans les années futures.

384
BIBLIOGRAPHIE

Akrout W. et Akrout H. (2011), La confiance en B to B : vers une approche dynamique et


intégrative, Recherche et Applications en Marketing, 26, 1, 59-80.

Alexandre H. (2017), Plateformes et évolution du système bancaire, Opinions & débats, 16,
1-72.

B., Filser M. et Roederer C. (2013), L'expérience du consommateur dans le commerce de


détail. Une revue de littérature, Recherche et Applications en Marketing, 28, 3, 84-113.

Assassi I. (2008), Régulation du canal dans un environnement incertain. Le cas des arts du
spectacle, Revue française de gestion, 182, 2, 135-153.

Assassi I. et Filser M. (2005), Les régulations comportementales dans les canaux de


distribution. Un éclairage par le cas des activités culturelles., Actes de la conférence du 8ème
Colloque E.Thil, La Rochelle, 1-23.

Audigier N., et al. (2016), Optimiser l’évaluation du client en ligne, La Revue des Sciences
de Gestion, 278-279, 2, 31-40.

Backhaus K., Lügger K. et Koch M. (2011), The structure and evolution of business-
tobusiness marketing: A citation and co-citation analysis, Industrial Marketing Management,
40, 6, 940–951.

Badot O. et Lemoine, J.-F. (2013), Editorial: Du paradigme dichotomique de l’expérience


d’achat au paradigme ubiquitaire, Recherche et Applications en Marketing, 28, 3, 3-13.

Balambo M. A. et Baz J. (2014), De l’intérêt de l’analyse des modèles des équations


structurelles par la méthode PLS dans les recherches sur les relations inter organisationnelles
: le cas des recherches en Logistique, Actes de la conférence du 7ème colloque international
LOGISTIQUA, Fès, 1-14.

Baraldi E., Gressetvold E. et Harrison D. (2012), Resource interaction in inter-organizational


networks: Foundations, comparison, and a research agenda, Journal of Business Research,
65, 266-276.

Barba C. et al. (2011), Le commerce électronique : évolution ou révolution ?, Entreprises et


histoire, 64, 3, 167-182.

Barda, C. (2011), 2020 : la fin du e-commerce ... ou l'avènement du commerce connecté ?

Barda, C. (2013), Le magasin n'est pas mort

Baritaux V. et Billion C. (2018), Rôle et place des détaillants et grossistes indépendants dans
la relocalisation des systèmes alimentaires : perspectives de recherche, Revue de
l’organisation responsable, 13, 1, 17-28.

Barlatier P.-J. (2016), Management de l’innovation et nouvelle ère numérique. Enjeux et


perspectives, Revue française de gestion, 254, 1, 55-63.

385
Barney J.B. (1986). Strategic factor markets : Expectations, luck and business strategy,
Management Science, 32, 10, 1231–1241.

Barney J.B. (2001b), Resource-based theories of competitive advantage: A ten-year


retrospective on the resource-based view, Journal of Management, 27, 643-650.

Barney J.B. et Arikan A. (2001a), The resource-based view: Origins and implications, In The
Blackwell Handbook of Strategic Management, eds. M.A. Hitt, R.E Freeman and J.S.
Harrison, Oxford: Blackwell Publishing.

Beaud S. et Weber F. (2010), Guide de l’enquête de terrain, Paris, La Découverte.

Bêche J. (2008) La segmentation des portefeuilles distributeurs en B to B. Perspectives


théoriques et opérationnelles, Revue française de gestion, 182, 2, 171-189.

Beck M. et Crié D., (2013), Les apports du développement des nouvelles aides à la vente au
cœur de la relation clients-entreprises : une approche exploratoire, in Colla E. coord., Les
canaux de distribution et les nouvelles technologies, Eds. EMS, Management et Société, 189-
206.

Beckman T. N. et Engle N. H. (1951), Wholesaling principles and pratice, New York, The
ronald press company.

Béji-Bécheur. A. (2016), Une nouvelle logique pour le marketing avec l'approche Service--
Dominant Logic, Economie et Management, 158, 5-10.

Belvaux B. (2003), Du e-commerce au multi-canal. Les différents rôles de l'internet dans


l'acte d'achat, Actes de la Conférence de la Journée su le e-marketing, Nantes, 1-21.

Belvaux B. (2004), Recherche d'information et achat dans un environnement multi-canal. Le


cas du "click and mortar", Thèse en Sciences de Gestion, Université de Bourgogne

Belvaux B. et Labbé-Pinlon B. (2009), Concurrences et complémentarités entre les canaux


physiques et électroniques. Une application aux produits musicaux, Management & Avenir,
26, 6, 15-32.

Belvaux B. et Notebaert J-P. (2018), Crosscanal et Omnicanal : la digitalisation de la


relation client - 2ème éd., Paris, Dunod.

Belvaux B., Mencarelli R. et Riviere A. (2015), Les effets de la consommation multicanal


sur la valorisation d’une offre multiforme, p.1-19

Ben Mahmoud Jouini S. (2016), Le numérique au service des entités dédiées à l’innovation
de rupture, Revue française de gestion, 254, 1, 65-87.

Bénavent C. (2014), Big data : no best way, Le Libellio a' AEGIS, 10, 4, 5-14.

Bénavent C. (2016), Plateformes : Sites collaboratifs, marketplaces, réseaux sociaux...


Comment ils influencent nos choix, France, FYP Editions.

386
Bénavent, C. (2016), Big Data, algorithmes et marketing : rendre des comptes, Statistique et
société, 4, 3, 25-35.

Benghozi P-J. et Chantepie P. (2019), Pourquoi le jeu vidéo est l'industrie culturelle du XXIe
siècle, Éditions de l'Attribut | « Nectart », 8, 1, 46-55.

Benghozi, J-P. (2001), Relations interentreprises et nouveaux modèles d'affaires, Revue


économique, 52, 7, 165-190

Bergadaa, A. et Laaroussi, S. (2005), La mutation des métiers de la ventre BtoB : la praxis


des vendeurs, Management et Avenir, 4, 2, 87-104

Berman B. (1996), Marketing Channels, New York, John Wiley and Sons, Inc

Bèzes C. (2017) CAHIER : Une transformation marketing et digitale de l’entreprise,


Management & Avenir, 94, 4, 101-104.

Bèzes C. et Dubois P-L. (2012), La congruence perçue des magasins et du site Internet : effets
sur le choix du canal d'achat – le cas de la Fnac, Vie & sciences de l'entreprise, 190, 1, 46-
70.

Billard L. (2007), Une approche dynamique des strategies generiques de M. Porter, Actes de
la Conférence de la 16ème conférence de l'AIMS, Montréal, 1-18.

Bomsel O. (2006), Qu'est-ce que le numérique ?, Entreprises et histoire, 43, 2, 5-14.

Bonet Fernandez D. (2008), Réflexions sur les relations interorganisationnelles : du


dépassement de l’antagonisme conflit-coopération à l’émergence de nouvelles démarches
collaboratives, 1-57.

Borau S., El Akremi A., Elgaaied-Gambier L., Hamdi-Kidar L. et Ranchoux C. (2015),


L'analyse des effets de médiation modérée : Applications en marketing, Recherche et
Application en Marketing, 30, 4, 95-138.

Bouzid Y. et Vanheems R. (2014), Comportement web-to-store : vers une nouvelle logique


de contrôle de soi ?, Management & Avenir, 71, 5, 189-200.

Bowersox D. et Morash E. (1989) The integration of marketing flows in channels of


distribution, European Journal of Marketing, 2, 23, 58-67.

Bowersox D., Cooper M., Lambert D. et Taylor D. (1980), Management in marketing


channels, New York, MC Graw-Hill.

Bowman C. et Ambrosini V. (2000), Value Creation Versus Value Capture: Towards a


Coherent Definition of Value in Strategy, British Journal of Management, 11, 1-15.

Boyer A. et Nefzi A. (2009), La perception de la qualité dans le domaine des services : vers
une clarification des concepts, La Revue des Sciences de Gestion, 237-238, 3, 43-54.

387
Bressolles G. (2006), La qualité de service électronique : NetQu@l Proposition d’une échelle
de mesure appliquée aux sites marchands et effets modérateurs, Recherche et Applications
en Marketing, 21, 3, 19-45.

Bressolles G. (2016), Le marketing digital, Paris, Dunod.

Bressolles G. et Durrieu F. (2011), Impact des dimensions de la qualité de service


électronique sur la satisfaction et les intentions de fidélité : différences entre acheteurs et
visiteurs, La Revue des Sciences de Gestion, 252, 6, 37-45.

Burt, R. S. (1995), Le capital social, les trous structuraux, et l'entrpreneur (traduit par
Emmanuel Lazega), Revues Française de Sociologie, 36, 599-628.

Callot, P. (2002), Marketing des services : une construction sur les incertitudes de l'avenir,
Market Management, 2, 1, 67-78.

Capeb et Cnoa - Batiactu. (2012), Les artisans, les architectes et l'innovation

Capeb et Cnoa - Batiactu. (2014), Artisans, Architectes & Innovation

Capeb. (2016), Artisanat du bâtiment Les chiffres clés 2016

Caplow T. (1956), A Theory of Coalitions in the Triad, American Sociological Review, 21,
4, 489-493.

Caplow T. (1984), Deux contre un : les coalitions dans les triades, Paris, EME Editions
Sociales Française (ESF).

Capo C. (2002), Rôle et place de la firme pivot dans le canal de distribution : l’exemple du
modèle japonais de distribution, Actes de la conférence du 5ème Colloque E.Thil, Roubaix,
1-20.

Capo C. (2008), Les sources du pouvoir de l’intermédiaire : l’exemple du grossiste dans le


canal de distribution japonais, 7èmes Rencontres Internationales de la Recherche en
Logistique, Avignon, 1-28.

Capo C. et Chanut O. (2013), Le concept de proximité comme source de différenciation :


proposition d’une grille de lecture des positionnements voulus des distributeurs français,
Logistique & Management, 21, 1, 7–18.

Capon G., Funel C. et Sury R. (2013), Les grossistes, acteurs majeurs des mutations de la
distribution industrielle, CREDOC CAHIER DE RECHERCHE, 306, 1-141.

Capron L. et Hulland J. (1999), Redeployment of Brands, Sales Forces, and General


Marketing Management Expertise Following Horizontal Acquisitions: A Resource-Based
View, Journal of Marketing, 63, 41-54.

Chandler A. D. (1988), La main visible des managers. Une analyse historique. Economica.
Paris.

388
Chanut O. et Bonet D. (2009), Stratégie de distribution multicanal : Le rôle de la forme
organisationnelle du réseau, Actes de la conférence de la 14èmes Journées de Recherche en
Marketing de Bourgogne, Dijon, 1-21.

Charpentier A. (2020), Big Data, GAFA et assurance, Annales des mines, 53-57.

Choi T-Y. et Wu Z. (2009), Go ahead, leap: Triads and their practical and theoretical importIn
response to ‘‘To leap or not to leap: Triads as arbitrary subsetsof networks of connected
dyads’’ by Anna Dubois, Journal of Purchasing & Supply Management, 15, 269–270.

Choi T-Y. et Wu Z. (2009), Taking the leap from dyads to triads : Buyer – supplier
relationships in supply networks, Journal of Purchasing & Supply Management, 15, 4, 263–
266.

Coffy S., Pouquet L. et Sienkiewicz A. (2007), Une modélisation des déterminants de


l’emploi dans le commerce de gros, Cahier de Recherche n° 241, CREDOC, Paris.

Colla E. et Lapoule P. (2014), L’impact du multi-canal sur le rôle et le management des forces
de vente. Le cas du secteur de la beauté professionnelle, Management & Avenir, 72, 6, 139-
155.

Collin-Lachaud I. et Longo C. (2014), Distribution omnicanal : quelles différences


intergénérationnelles dans la montée en compétences du consommateur ?, , p. 1-9

Coughlan A-T., Anderson E., Stern L-W. et El-Ansary, A-I. (2006), Marketing Channels -
7ème ed., New Jersey, Pearson Education.

Coutelle-Brillet P. et al. (2012), Quand innovation de service rime avec stratégie de rupture :
vers une proposition renouvelée de valeur en B to B, Gestion 2000, 29, 1, 103-118.

Cova B. et al. (2015), Normal vs spectacular science: The IMP Group and BtoB marketing,
Industrial Marketing Management, 49, 80–83.

Daidj N. (2011), Les écosystèmes d'affaires : une nouvelle forme d'organisation en réseau ?,
Management & Avenir, 46, 6, 105-130.

Daidj N. et al. (2017), Transformation digitale et avènement des plateformes


programmatiques : la publicité digitale en question, Management & Avenir, 94, 4, 131-151.

Daudigeos T. (2019) Approches néo-institutionnelles macro et meso : quelle pertinence pour


la pensée stratégique ?, Les grands courants en management stratégique, Editions EMS, 1-
34.

Dawson J. (2007), Wholesale Distribution: The Chimera in the Channel. International


Review of Retail, Distribution and Consumer Research, 17, 4, 313-326.

de Becdelièvre G. (2015), Le tourisme à l’heure d’Internet et la désintermédiation induite


signeront-ils la fin des voyagistes traditionnels, Annales des Mines - Réalités industrielles, 3,
80-82.

389
De Vogeleer E. et Lescop D. (2011), Plateformes, coordination et incitations, Management
& Avenir, 46, 6, 200-218.

Debos F. (2006) Une tentative d'optimisation des échanges commerciaux interentreprises par
l'optique relationnelle, XVIth International Conference of RESER Services Governance:
Regulation and Public Policies, Lisbonne, 1-14.

Delcambre, B. (2014), Rapport « Mission Numérique Bâtiement »

Des Garets V., Lamarque E. et Plichon V. (2003), La relation entreprises-clients : de la


fidélité à la dépendance, Revue Française de Gestion, 3, 144, 23-43.

Deshayes C. (2017), Transformation digitale : entre urgence et temps long, Le journal de


l'école de Paris du management, 124, 2, 44-45.

D'Hauteville F. (2000), La grande distribution alimentaire: la recherche est-elle en phase avec


l'histoire?, Économie rurale, 255-256, 72-85.

Dietsch M. (1990), Le crédit interentreprise : coûts et avantages, Economie et statistique, 236,


65-79.

Dietsch M. et Kremp E. (1990), Le crédit interentreprises bénéficie plus aux grandes


entreprises qu'aux PME, Economie et statistique, 314, 25-37.

DiMaggio P. et Powel W. (1983) The Iron Cage Revisited: Institutional Isomorphism and
Collective Rationality in Organizational Fields, American Sociological Review, 2, 48, 147-
160.

Diviné M. (2016), Marketing B to B : Principes et outils, de la stratégie à la vente, Paris,


Vuibert.

Donada C. et Nogatchewsky G. (2007), La confiance dans les relations interentreprises. Une


revue des recherches quantitatives, Revue française de gestion, 175, 6, 111-124.

Dou W. et Chou D. C. (2002), A structural analysis of business-to-business digital markets,


Industrial Marketing Management, 31, 165-176.

Douay N. et Henriot C. (2016), La Chine à l’heure des villes intelligentes, L'Information


géographique, 80, 3, 89-102.

Dubois A. (2009), Comment on ‘‘ Taking the leap from dyads to triads : Buyer – supplier
relationships in supply networks ’’ by Choi and Wu To leap or not to leap : Triads as arbitrary
subsets of networks of connected dyads, Journal of Purchasing & Supply Management, 15,
4, 267–268.

Dubois A. et Fredriksson P. (2008), Cooperating and competing in supply networks: Making


sense of a triadic sourcing strategy, Journal of Purchasing & Supply Management, 14, 170–
179.

Dubois A. et Håkansson H. (2002), Conceptualising Business Relationships, Journal of


Customer Behaviour, 1, 1, 49-68.

390
Dubois M. et al. (2008), Les conséquences sur les compétences du chargé de clientèle du
développement des compétences des clients via l'E-banking, Systèmes d'information &
management, 13, 2, 33-60.

Dugot P. (2000), Le Commerce de gros, Paris, Presse Universitaires de France.

Dugot P. (2016), Commerce de gros, logistique, logistique urbaine, Bulletin de La Société


Géographique de Liège, 66, 1, 77–81.

Dumez H. (2013), Méthodologie de la recherche qualitative, France, Vuibert.

Durand T. (1989), Management stratégique de la technologie : dix enseignements, Futuribles,


39-53.

Durand-Mégret B., Ezan P. et Vanheems R. (2016), Vers une nouvelle manière de concevoir
la compétence et le risque perçu de l’acheteur à l’ère du numérique. le cas de l’adolescent au
sein de la famille, Management & Avenir, 83, 1, 33-49.

Edouard S. et Gratacap A. (2011), Proposition d'un modèle d'intelligence collective pour les
écosystèmes d'affaires, Management & Avenir, 46, 6, 177-199.

Edward M. R., Benjamin H. D. et Walker T. (2018), La prochaine génération de téléphonie


mobile (5G) et ses implications (Infrastructure, Réglementation), Netcom, 32-1, 2, 139-162.

Eiglier P. (2004), Marketing et stratégie des services, Paris, Economica.

Eiglier P. et Langeard E., (1987), Servuction, le marketing des services, Paris, McGraw-Hill.

Evans D. et Schmalensee R. (2016), De précieux intermédiaires : Comment BlaBlaCar,


Facebook, PayPal et Uber créent de la valeur, Paris, Odile Jacob.

Fabbri J. et Charue-Duboc F. (2016), Les espaces de coworking : nouveaux intermédiaires


d’innovation ouverte ?, Revue française de gestion, 254, 1, 163-180.

Feuille de route Opérationnelle « Plan Transition Numérique dans le Bâtiment », juin 2015

Fevad. (2013), Chiffres clés

Fevad. (2015), Chiffres clés

Fevad. (2015), Etude « Transition numérique et commerce BtoB »

Fevad. (2016), Chiffres clés

Fevad. (2017), Chiffres clés

Filser M. (1989), Canaux de distribution, Paris, Vuibert.

Filser M. (2002), Les places de marché électroniques. De la recherche de l'optimisation des


achats à la mise en réseau des membres du canal de distribution, Actes de la conférence du
5ème Colloque E.Thil, Roubaix, 1-20.

391
Filser M. (2012), Intermédiation et création de valeur dans les canaux : une revue de
littérature, Management & Avenir, 51, 1, 122-136.

Filser M. et Paché G. (2008), La dynamique des canaux de distribution. Approches théoriques


et ruptures stratégiques, Revue française de gestion, 182, 2, 109-133.

Filser M. et Paché G. (2008), Modèles et pratiques pour le canal de distribution. Entre


consolidation et ruptures, Revue française de gestion, 182, 2, 105-107.

Filser M., Des Garets V. et Paché G. (2012), La distribution : organisation et stratégie,


Cormelles-le-Royal, EMS Management et société.

Filser, Frisou et Henriquez (2019), Plate-forme contre canal : quel cadre théorique pour
analyser la distribution ?, Actes de la conférence de l'International Marketing Trends
Conference 2019, Venise, 1-12

Fiscal, L., Geffroy A.-G, Kaplan D. et Fridenson P. (2006), Le déploiement de la musique en


ligne, Entreprises et histoire, 43, 2, 93-100.

Fonrouge C. (2017), Crowdfunding et diasporas : le financement participatif vient-il remettre


en cause les acteurs du financement diasporique ?, Innovations, 52, 1, 211-231.

Foss N.J. et Stieglitz N. (2010), Modern resource-based theory(ies), SMG Working Paper
7/2010, 1-43.

Frazier G. (1999), Organizing and managing channels of distribution, Journal of the Academy
of Marketing Science, 37, 2, 226-240.

Fridenson P. (2006), Une entreprise de sélection : Google, Entreprises et histoire, 43, 2, 47-
57.

Frontier S. (1999), Les Ecosystèmes, Paris, Presses Universitaires de France.

Fureix E. (2014), Le siècle des possibles 1814 - 1914, Paris, Presses Universitaires de France.

Gadde L.-E. et Snehota I. (2001), Rethinking the Role of Middlemen, Paper for IMP, Oslo,
1-8.

Gadde L-E. (2012), La dynamique des réseaux de distribution : implications pour les
intermédiaires, Management & Avenir, 51, 1, 137-155.

Gadde L-E. (2014), Distribution network dynamics and the consequences for intermediaries,
Industrial Marketing Management, 43, 622–629.

Gallouj C. et Gallouj S. (2009), L'innovation dans la grande distribution : essai de


construction d'une approche servicielle, Management & Avenir, 21, 1, 103-120.

Gaudeul A. et Jullien B. (2001a), E-commerce. Quelques éléments d'économie industrielle,


Revue économique, 52, 7, 97-117.

Gaudeul A. et Jullien B. (2001b), Economie de l'information et Internet, Revue économique,


52, 3, 633-642.
392
Gawer A. (2014), Bridging differing perspectives on technological platforms: Toward an
integrative framework, Research Policy, 43, 7, 1239-1249.

George A. (2013), Découplage et encastrement entre prestataires logistiques et grande


distribution : cas d'une pratique volontaire de développement durable au sein d'une
logistique "plug and play", Thèse en Sciences de Gestion, Université de Montpellier II

George A., Mannarini M. et Travaillé D. (2014), Logique d'encastrement et de découplage


au sein du développement durable. Le cas des relations entre prestataires logistiques et gms,
Management & Avenir, 67, 1, 13-32.

Girard O. (2016), La digitalisation over-view géographique et sectorielle, Actes de la


conférence de la 5ème Université d'été du commerce interentreprises, 8-8.

Giraud L. et Pardo C. (2012), Les fonctions commerciales au coeur de l'évolution des


intermédiaires du BtoB ? Une étude exploratoire, Management & Avenir, 51, 1, 167-185.

Gomart T. (2019), 5G : la confrontation sino-américaine, Études, 6, 27-28.

Gratacap A. (2011), Les Ecosystèmes, un attracteur étrange..., Management & Avenir, 46, 6,
100-104.

Grossetti M. et Godard F. (2007), Harrison White : des réseaux sociaux à une théorie
structurale de l'action. : Introduction au texte de Harrison White "Réseaux et Histoires",
traduction adaptée sous forme d’article et présentée du chapitre 2 de la nouvelle version
d’Identity and Control en cours d’écriture par Harrison White.

Gueguen G. et Passebois-Ducros J. (2011), Les écosystèmes d'affaires : entre communauté


et réseau, Management & Avenir, 46, 6, 131-156.

Hair J. et al. (2014), A primer on partial least square structural equation modeling (PLS-
SEM), Californie, SAGE.

Hair J. et al. (2014), Multivariate Data Analysis - 7ème ed., Harlow, Pearson New
International Edition.

Håkansson H., Ford D., Gadde L.-E., Snehota I. et Waluszewski A. (2009), Business in
Networks, John Wiley & Sons.

Harrison D., Holmen E. et Pedersen A-C. (2012), “When everyone is connected to everyone”:
exploring role dynamics in triads, Actes de conférrence de la 28ème conférence annuelle de
l'IMP, Rome, 1-23.

Havila V., Johanson J. et Thilenius P. (2004), International business‐relationship triads,


International Marketing Review, 21, 2, 172-186.

Havila, V. (1996), International Business-Relationship Triads, A Study of the Changing Role


of the Intermediating Actor, Thèse of Business Studies, Université de Uppsala

Holma A.-M. (2010), Relationship Development in Business Triads—Case Studies in


Corporate Travel, Management Journal of business market management, 4, 73–90.

393
Holma A.-M. (2012), Interpersonal interaction in business striads—Case studiesincorporate
travel purchasing, Journal of Purchasing & Supply Management, 18, 101–112.

Huault I. (2009), Paul DiMaggio et Walter Powel. Des organisations en quête de légitimité,
Les Grands Auteurs du Management, EMS, pp.XXX-XXX.

Huault I. et Charreire Petit S. (2009), Les grands auteurs en management, Cormelles-le-


Royal : EMS Management et société.

Huberman M. & Miles M. B. (2003), Analyse des données qualitatives - 2ème éd., Bruxelles,
Éditions De Boeck.

Iansiti M., Levien R. (2004), The Keystone Advantage: What the New Dynamics of Business
Ecosystems Mean for Strategy, Innovation, and Sustainability, Harvard Business School
Press.

Isaac, H. (2015), Plateformes et dynamique concurrentielles, Renaissance Numérique

Isckia T. (2011), Ecosystèmes d'affaires, stratégies de plateforme et innovation ouverte : vers


une approche intégrée de la dynamique d'innovation, Management & Avenir, 46, 157-176.

Jawadi N. (2014), Facteurs-clés de l’adoption des systèmes d’information dans la grande


distribution alimentaire : une approche par l’UTAUT, Working Paper IPAG, 199, 1-20.

Jeanpert S. (2009), Réseau de magasins et commerce électronique : Analyse des déterminants


de l'adhésion du personnel au multicanal, Thèse en Sciences de Gestion, Université de Lille

Jeanpert S. et Salerno F. (2013), Marketing multicanal : comment favoriser l'adhésion du


personnel des magasins ?, Décisions Marketing, 71, 13-30.

Jeanpert, S. (2011), Gérer l’adhésion du personnel au système de distribution multicanal,


Actes de la conférence du 14ème Colloque E.Thil, Roubaix, 1-21.

Jouny-Rivier E. (2016), Quels intérêts pour des clients B2B à co-créer un service ?, Annales
des Mines - Gérer et comprendre, 124, 2, 62-73.

Jouny-Rivier E. et Jouny J. (2015), Les Bénéfices et Risques de la Co-création de services:


Une Etude Appliquée aux Entreprises B-to-B, Gestion 2000, 32, 1, 17-33.

Kadjar A. (1997), Les facteurs d'adaptation du commerce de gros depuis 1980, Economie et
statistique, 303, 81-100.

Kannan P.K. et Hongshuang Li (2017), Digital marketing : A framework, Review and


research agenda, 34, 1, 22-45.

Kaufmann J-C. (2008), L’enquête et ses méthodes. L’entretien compréhensif. Armand Colin.

Klarsfeld A. et Delpuech C. (2008), La RSE au-delà de l’opposition entre volontarisme et


contrainte : l’apport de la théorie de la régulation sociale et de la théorie néo-institutionnelle,
Revue de l'organisation responsable, 1, 3, 53-64.

Kotler P., Keller K. et Manceau D. (2015), Marketing Management - 15ème ed, , Pearson.
394
Kouakou K. (2014), Les déterminants de l’adoption des réseaux sociaux numériques en
situation professionnelle : étude empirique au sein des bibliothèques des universités
ivoiriennes, frantice.net, 9, 54-73.

Kraaijenbrink J., Spender J.-C. et Groen A.J. (2010), The resource-based view: a review and
an assessment of its critiques, Journal of Management, 36, 1, 349–72.

Laage-Hellman J. (1989), Technological Development in Industrial Networks. Ph.D. thesis,


Uppsala University, Department of Business Studies.

Lacroux A. (2009), L'analyse des modèles de relations structurelles par la méthode PLS : une
approche émergente dans la recherche quantitative en GRH, Actes de la conférence du 20ème
congrès de l'Association Francophone de Gestion des Ressources Humaines, Toulouse, 1-
27.

Lacroux A. (2012), Les avantages et les limites de la méthode « Partial Least Square » (PLS)
: une illustration dans le domaine de la GRH, Revue de gestion des ressources humaines, 80,
2, 45-64.

Lafaix-Durant A. et al. (2006), Relations interorganisationnelles et création de valeur :


synthèse, modèle conceptuel et perspectives de recherche, XVème Conférence Internationale
de Management Stratégique, Annecy-Genève, 1-28

Le Bohec Y., Le Glay M. et Voisin J.-L. (2019), Histoire Romaine - 4ème ed., Paris, Presses
Universitaires de France.

Le Nagard-Assayag E., Manceau D. et Morin-Delerm S. (2015), Le marketing de l'innovation


: concevoir et lancer de nouveaux produits et services, Paris, Dunod.

Lefaix-Durand A. et al. (2006), Relations interorganisationnelles et création de valeur.


Synthèse et perspectives, Revue française de gestion, 164, 5, 205-227.

Lehmann-Ortega L. et Roy P. (2009), Les stratégies de rupture. Synthèse et perspectives,


Revue française de gestion, 197, 7, 113-126.

Lemoine P. (2014), La nouvelle grammaire du succès, La tansformation numérique de


l'économie français, Rapport au Gouvernement

Lemoine, J.-F. (2015), Du E-Marketing au Marketing Digital, Management & Avenir, 82, 8,
123-127.

Lepers X. (2003), La relation d'échange fournisseurs-grand distributeur : vers une nouvelle


conceptualisation, Revue française de gestion, 143, 2, 81-94.

Lombart C. et Belvaux B. (2004), Pour une réintégration du rôle du prix dans le


comportement de shopping : mesure des orientations d'achat et typologie, 20ème Congrès
International de l'Association Française du Marketing, Saint Malo, 1-28.

Lovelock C. (1992), Seeking synergy in service operations: Seven things marketers need to
know about service operations, European Management Journal, 10, 1, 22-29.

395
Lusch R. et Nambisan S. (2015), Service innovation: A service-dominant-logic perspective,
MIS Quarterly, 39, 1, 155-175.

Machat K. (2011), La socialisation organisationnelle du fournisseur en BtB. Une application


aux fournisseurs régionaux de la grande distribution alimentaire, Management & Avenir, 44,
4, 219-234.

Malaval P. et Bénaroya C. (2013), Marketing Business to Bussiness, Montreuil, Pearson.

Manthé E. (2018), Analyse du comportement d'investissement en equity crowdfunding : une


approche par la valeur consommateur, Thèse en Sciences de Gestion, Université de
Bourgogne Franche-Comté

Martineau A. et Plard M. (2016), Notice méthodologique pour réaliser un état de l’art en


sciences humaines et sociales, working paper, 1-17.

Meissonier R. et al. (2007), Résistance aux projets d'implantation de technologies de


l'information : le cas d'une P.M.E. du secteur des hautes technologies, Gestion, 32, 1, 20-28.

Mercklé P. (2011), Sociologie des réseaux sociaux, Paris, La Découverte.

Metais-Wiersch E. et Autissier D. (2018), La transformation digitale des entreprises,


Eyrolles, Paris.

Mevel O. (2010), Les relations entre la production et la distribution : le cas du partage de la


valeur ajoutée dans la fillière laitière française, Anales des Mines - Gérer et comprendre, 101,
3, 38-49.

Meyer J. et Rowan B. (1977), Institutionalized Organizations: Formal Structure as Myth and


Ceremony, American Journal of Sociology, 2, 83, 340-363.

Michel D-A. (2013), Révolution numérique et stratégie de l'offre, L'Expansion Management


Review, 149, 2, 3-3.

Michel S. (2014), La survie des intermédiaires face au circuit court : le cas des grossistes en
fruits et légumes, Management & Avenir, 71, 5, 135-152.

Michel S. (2015), Les mécanismes à l’origine de la reconstruction de la légitimité Le cas d’un


grossiste en fruits et légumes, Revue française de gestion, 248, 171-185.

Michel S. (2016), Une analyse Néo-institutionnelle du « Travail » pour assurer la pérennité


de l’entreprise : réponses spécifiques et ressources mobilisées par les grossistes en fruits et
légumes., Thèse en Sciences de Gestion, Université de Paris - Dauphine

Michel S., Saucède F., Pardo C. et Fenneteau H. (2019), Business interaction and institutional
work: When intermediaries make efforts to change their position, Industrial Marketing
Management, xxxx, xxxx, 1-14.

Michel S.et Pardo C. (2012), La spécificité du commerce BtoB : quelques repères historiques,
Management & Avenir, 51, 1,156-166.

396
Mignerat M. et Audebrand L. (2011), Technologies de l'information et gestion des méga-
événements : le cas du championnat d’Europe de football – une approche institutionnelle,
Systèmes d'information & management, 2, 16, 9-34.

Miles R. et Snow C. (1986), Organizations : new concepts for new forms , California
Management Review, 28, 3, 62-73.

Miles R. et Snow C. (1992), Causes of failure in network organizations, California


Management Review, 34, 4, 53-72.

Moati P. (2019), Les distributeurs face aux dangers de la "plate-formisation" du commerce,


L'Economie politique, 81, 23-33

Moatti A. (2016), Le numérique rattrapé par le digital ?, Le Débat, 1, 188, 68-72.

Moore J.-F. (1996), The Death of Competition – Leadership and Strategy in the Age of
Business Ecosystems, Harper Business, New York.

Moreno C. et Besson M. (2009), Créer de la valeur dans les services : l’exemple de l’iPhone
sur le marché français, 1-20.

Morgan R. M. et Hunt S. D. (1994), The commitment–trust theory of relationship marketing,


Journal of Marketing, 58, 3, 20–38.

Motroni R. et Posocco L. (2017), La dématérialisation et la désintermédiation dans la


révolution des "Fintech" : premières considérations, Rivista di diritto dell’economia, dei
trasporti e dell’ambiente, 15, 141-159.

Mourre, M-L. (2013), La modélisation par équations structurelles basée sur la méthode PLS
: une approche intéressante pour la recherche en marketing, Acte du cogrès du 29ème congrès
de l'AFM, La Rochelle, 1-24.

Müller-Lankenau C, Klein S. et Wehmeyer K. (2004), Developing a framework for multi


channel strategies - An analysis of cases from the grocery retail industry, Acte de la 17ème
Bled Electronic Commerce Conference, Bled, 1-19.

Munos A. (2006), L'utilisation des canaux à distance. Le point de vue des dirigeants, La
Revue des Sciences de Gestion, 218, 2, 97-109.

Munos A. (2012), La théorie de la SDL (Service-Dominant Logic) appliquée à la distribution


: Validations, limites et contributions, La Revue des Sciences de Gestion, 257, 5, 111-119.

Nantel J., Mekki Berrada A. et Bressolles G. (2005), L'efficacité des sites Web : quand les
consommateurs s'en mêlent, Gestion, 30, 1, 16-23.

Néfussi J. (2008a), Le développement du commerce interentreprises par les services, Actes


de la conférence de la 1ère Université d'été du commerce interentreprises, 17-20.

Néfussi J. (2008b), Les services, levier du développement du commerce de gros, Le


commerce en France, édition 2008 - INSEE, 27-34.

397
Néfussi J. et Vicaire V. (2008), Le commerce interentreprises dans la filière agroalimentaire,
Le commerce en France, édition 2008 - INSEE, 35-45.

Néfussi J. et Vicaire V. (2013), La dynamique du commerce de gros dans les filières


agroalimentaires au cours des années 2000, Economies et Société, 35, 11-12, 1895-1905.

Nicholson P. et Vanheems R. (2009), Orientations d'achat et comportement multicanal du


client, Management & Avenir, 21, 1, 136-156.

Noireaux V. et Ralet P. (2019), Difficultés des canaux de distribution alimentaire en territoire


rural : l'importance du leader, Economie Rurale, 3, 369, 21-39

Normann R. et Ramirez R. (1993), Designing interactive strategy : from value chain to


constellation, Harvard Business Review, 71, 4, 65-77.

Notebaert J-F., Attuel-Mendès L. et Belvaux B. (2016), Le client au centre de la stratégie


digitale, Conférence Paper, 1-10.

Nylén D. et Holmström J. (2015), Digital innovation strategy: A framework for diagnosing


and improving digital product and service innovation, Business Horizons, 58, 57—67.

Orrieux C. et Schmitt Pantel P. (2016), Histoire Grecque - 3ème ed., Paris, Presses
Universitaires de France.

Paché G. (2012), Intermédiation dans les canaux de distribution : vers un renouveau ?,


Management & Avenir, 51, 1, 116-121.

Paché G. et des Garets V. (1997), Relations inter-organisationnelles dans les canaux de


distribution: les dimensions logistiques, Recherche et Applications en Marketing, 2/97, 12,
61-82.

Paché G., Seck A.-M. et Fulconis F. (2014), Quels bénéfices peut retirer l'entreprise d'un
management multicanal intégratif ?, La Revue des Sciences de Gestion, 5, 269-270, 55-63.

Paché, G., et Paraponaris, C. (2006). L’entreprise en réseau : approches inter et


intraorganisationnelles, 1-177.

Paillé P. et Mucchielli A. (2012), L'analyse qualitative en sciences humaines et sociales -


3ème ed, Paris, Armand Colin.

Pardo C. (2010), Impacts sur la chaîne de valeur : l'innovation dans la fonction


d'intermédiation, Actes de la conférence de la 2ème Université d'été du commerce
interentreprises, 12-15.

Pardo, C. (2011), Wholesaling: Exploiting Activity Links and Resource Ties with Suppliers
and Customers, Actes de conférrence de la 27ème conférence annuelle de l'IMP, Glascow.

Pardo C. (2012), L'intermédiaire B to B, créateur de valeur dans la filière, Actes de la


conférence de la 3ème Université d'été du commerce interentreprises, 7-10.

398
Pardo, C. (2012), From internal knowledge to customer offering: The “combination trip” of
a resource, Actes de conférrence de la 28ème conférence annuelle de l'IMP, Roma, 1-15.

Pardo C. (2014), Six transformations clés pour le commerce de gros, Actesde la conférence
de la 4ème Université d'été du commerce interentreprises, 9-11.

Pardo C. (2016), De la gestion de la data à l'expérience client, Actes de la conférence de la


5ème Université d'été du commerce interentreprises, 9-9.

Pardo C. et Michel S. (2013), Interconnections in a distribution triad the case of fresh fruit
and vegetable wholesaling in France, IMP

Pardo C. et Paché G. (2015), Commerce de gros, commerce interentreprise : Les enjeux de


l'intermédiation, Cormelles-le-Royal, EMS Management et société.

Parmentier G. et Gandia R. (2016), Gérer l’ouverture dans un business model multiface. Le


cas du jeu vidéo en ligne, Revue française de gestion, 254, 1, 107-128.

Payne A. et Frow P. (2004), The role of multichannel integration in customer relationship


management, Industrial Marketing Management, 33, 527-538.

Pellat G. et al. (2010), L'orientation client du vendeur du point de vue du consommateur : les
apports de la théorie de l'attachement, Management & Avenir, 31, 1, 246-266.

Penrose E.T. (1959), The Theory of the Growth of the Firm, John Wiley and Sons: New
York.

Penrose E.T. (1959),The theory of the growth of the firm. New York: Oxford University
Press.

Peteraf M. A. (1993), The Cornerstones of Competitive Advantage: A Resource-Based View,


Strategic Management Journal, 14, 179-191.

Peteraf M. A. et Victoria, J. V. (2007), Foreword: The resource-based theory of the firm -


Challenges, new and old, International Journal of Learning and Intellectual Capital, 4, 1-10.

Picot-Coupey K. (2013), Les voies d'avenir du magasin physique à l'heure du commerce


connecté, Gestion, 38, 2, 51-61.

Poirel C. (2004), Equilibre et déséquilibre dans le canal de distribution : les apports du


concept de résistance, Actes des 9èmes Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne,
Filser M., éd., Dijon, 7.2-7.16.

Poirel C. et Fernandez Bonet D. (2008), La stratégie de distribution multiple À la recherche


de synergies entre canal physique et canal virtuel, Revue française de gestion, 182, 2, 155-
170.

Porter M.E. (2001), Strategy and Internet, Harvard Business Review, 1-20.

399
Portier P., Pardo C. et Salle R. (2014), From dyad to triad : managing differentiated vs.
Undifferentiated relationships, Actes de conférrence de la 30ème conférence annuelle de
l'IMP, Bordeaux, 1-25.

Pupion P-C. (2012), Statistiques pour la gestion Application avec Excel, SPSS, AMOS et
SmartPLS, Paris, Dunod.

Racat M. et Capelli S. (2014), Le test de produits en ligne: substitut ou complément à la


présence du vendeur en magasin ?, La fonction commerciale à l'ère du cross-canal, 2ème
Colloque Européen Innovation et Commerce, Paris, 1-10.

Racat M. et Capelli S. (2016), L’impact de la similarité sur l’efficacité des outils d’aide à la
vente en ligne, Revue française de gestion, 154, 1, 89-105.

Rapport d'étape « Plan Transition Numérique dans le Bâtiment », mars 2017

Rimaud M. (2019), Amazon est-il le nouveau géant de la culture et du divertissement ?,


Nectart, 8, 66-76.

Ringle C. M. (2006), Segmentation for path models and unobserved heterogeneity: The finite
mixture partial least squares approach, Research Papers on Marketing and Retailing, 35, 1-
29

Ringle C. M., Wende S., Will A. (2005), SmartPLS 2.0 (beta), www.smartpls.de, Hamburg

Ritter T. (2000), A Framework for Analyzing Interconnectedness of Relationships, Industrial


Marketing Management, 29, 317–326.

Rochet J.C. et Tirole J. (2003), Platform Competition in Two-sided Markets, Journal of the
European Economic Association, 1, 4, 990-1029.

Rochet J.C. et Tirole J. (2006), Two-sided Markets: a Progress Report, The RAND Journal
of Economics, 37, 3, 645–667.

Rochette C. et al. (2016), Réinventer l’agence bancaire de demain. Mise en oeuvre d’un
processus d’innovation collaborative, Revue française de gestion, 259, 6, 101-119.

Rosenbloom B. (2007), The wholesaler's role in the marketing channel: Disintermediation


vs. Reintermediation, The International Review of Retail, Distribution and Consumer
Research, 17, 4, 327-339.

Rossetti C. and Choi T-Y. (2005), On the dark side of strategic sourcing: Experiences from
the aerospace industry, Academy of Management Executive, 19, 1, 46-60.

Rossetti C. and Choi T-Y. (2008), Supply Management Under High Goal Incongruence: An
Empirical Examination of Disintermediation in the Aerospace Supply Chain, Decision
Sciences, 39, 3, 507-540.

Rossetti C. et Choi T-Y. (2005), On the dark side of strategic sourcing: Experiences from the
aerospace industry, Academy of Management Executive, 19, 1, 46-60.

400
Rouquet A., Paché G. et Henriquez T. (2016), Comment combiner les canaux ? Un essai de
typologie des stratégies omni-canal, Actes de la conférence du 19ème Colloque E.Thil,
Roubaix, 1-19.

Roy P. (2005), Vertus de l'innovation stratégiquepour les leaders de marché, Revue française
de gestion, 155, 2, 97-116.

Salerno F., Bénavent C., Volle P., Manceau D., Trinquecoste J.-F., Vernette E. et Tissier-
Desbordes E. (2013), Eclairage sur le marketing de demain : prises de décisions, efficacité et
légitimité, Marketing Décision, 12, 17-42.

Scheid F., Vaillant R. et De Montaigu G. (2012), Le marketing digital : développer sa


stratégie à l'ère numérique, Paris, Eyrolles.

Schoettl J-M. (2009), La révolution à petits pas. Pour une relecture du cas Ikea, Revue
française de gestion, 197, 7, 163-173.

Scott R. (2005), Institutional theory : contributing to a theoretical research program, Great


minds in management : the process of theory development, Oxford Univ. Press, 460-484.

Sethuraman R., Anderson J. C. et Narus J. A. (1988), Partnership Advantage and its


determinants in distributor and manufacturer working relationships, Journal of Business
Research, 17, 327-347.

Siadou-Martin B. et al. (2014), Relation au fournisseur : impératif de multicanalité et gestion


des émotions, Management & Avenir, 71, 6, 177-199.

Simmel G. et Wolff K. H. (1950), The sociology of Georg Simmel, Illinois, Free Press.

Smith P. C. et Laage-Hellman J. (1992), Small group analysis in industrial networks, in


Industrial Networks. A New View of Reality, London : Routledge, Axelsson, B. and Easton,
G..

Smith P.C., et Laage-Hellman J. (1992), Small Group Analysis in Industrial Networks. In B.


Axelsson and G. Easton (Eds.), Industrial Networks: A New View of Reality. London & New
York: Routledge.

Soriano S. (2016), Quelle régulation pour les plateformes ?, Annales des Mines - Réalités
industrielles, 3, 47-50.

Sosik J., Kahai S. et Piovoso M. (2009), Silver Bullet or Voodoo Statistics ? A Primer for
Using the Partial Least Squares Data Analytic Technique in Group and ...., Group &
Organization Management, 34, 1, 5-36.

Spector C. (2003), Le concept de mercantilisme, Revue de métaphysique et de morale, 39, 3,


289-309.

Srnicek N. (2018), Capitalisme de plateforme, l'hégémonie de l'économie numérique, Lux,


Québec.

401
Stebbins R. (2001), Exploratory research in the social sciences : what is exploration ?,
Exploratory Research in the Social Science, 2-18.

Svensson G. (2002), A triadic network approach to service quality, Journal of Services


Marketing, 16, 2, 158-179.

Svensson G. (2004), Triadic dependencies in business networks, European Business Review,


16, 5, 473-493.

Svensson G. (2004), Triadic trust in business networks: a conceptual model and empirical
illustration, European Business Review, 16, 2, 165-190.

Tardieu, H. (2010), La troisième révolution digitale. Agilité et fragilité, Études 2016/10


(Octobre), 31-42.

Thiétart R.A. et coll (1999), Méthodes de recherche en management, Paris, Dunod.

Touron P. (2000), Apports et limites de la théorie institutionnelle des organisations Etude de


trois cas d’adoption de normes comptables internationales en France., Acte de conférence du
21ème Congrès de l'AFC, France, 1-21.

Vanheems R. (2009), Distribution multicanal : pourquoi les clients mixtes doivent faire
l’objet d’une attention particulière ?, Décisions Marketing, 55, 41-52.

Vanheems R. (2011), Imbrication entre espace virtuel et espace physique : quand les vendeurs
s’en mêlent …, Actes de la conférence du 14ème Colloque E.Thil, Roubaix, 1-22

Vanheems R. (2012), Multicanalisation des enseignes. Comment internet transforme les


comportements en magasin, Revue française de gestion, 277, 8, 13-29.

Vanheems R. (2013), La distribution à l'heure du multi-canal, Une redéfinition du rôle du


vendeur, Décisions Marketing, 69, 43-59.

Vanheems R. (2015), Reussir sa stratégie cross et omni-canal, Cormelles-le-Royal, EMS


Management et société.

Vanheems R. (2018), Savoir conseiller et vendre à l'ère post-digitale, Vendeurs et


commerciaux : des métiers à réinventer, Caen, EMS Management et société.

Vargo S. L. et Lusch R. (2004a), Evolving to a New Dominant Logic for Marketing, Journal
of Marketing, 68, 1-17.

Vargo S. L. et Lusch R. (2004b), The four service marketing myths : Remnants of a Goods-
Based, Manufacturing Model, Journal of Service Research, 6, 324-335.

Vargo S. L. et Lusch R. (2016), Institutions and axioms : An extension and update of service-
dominant logic, Journal of the Academy of Marketing Science, 44, 1, 5-23.

Vayre J.-S. (2013), Le big data et la relation client : Quand les traces numériques organisent
l'échange marchand, Actes de la conférence du 12ème Journée Normandes de Recherches
sur la Consommation : Société et Consommation, Caen, 1-20.

402
Verhoef P., Kannan P. K. et Jeffrey Innam J. (2015), From Multi-Channel Retailing to Omni-
Channel Retailing, Introduction to the Special Issue on Multi-Channel Retailing, Journal of
Retailing, 91, 2, 174-181.

Volle P. (2000), Du marketing des points de vente à celui des sites marchands : spécificités,
opportunités et questions de recherche, Revue Française du Marketing, Paris : A.D.T.
d’exécution et de l’exploitation des études de marché, 83-100.

Volle P. et Charfi A. A. (2011), L'immersion dans les environnements expérientiels en ligne


: rôle des dispositifs de la réalité virtuelle, Actes de la conférence du 26ème congrès de
l'Association Française du Marketing, Le Mans, 1-26.

Wacheux F. (1996), Méthodes qualitatives et recherche en gestion, Paris, Economica.

Weber N. (2014), Le numérique comme tiers séparateur ?, Cahiers critiques de thérapie


familiale et de pratiques de réseaux, 53, 2, 131-144.

Wernerfelt B. (1984), A Resource-Based View of the Firm, Strategic Management Journal,


5, 171-180.

Wu Z., Choi T-Y. et Rungtusanatham M-J. (2010), Supplier–supplier relationships in buyer–


supplier–supplier triads: Implications for supplier performance, Journal of Operations
Management, 28, 115–123.

Yagoubi A. et Tremblay D-G. (2017), L’innovation numérique et technologique dans le


secteur vêtement-mode : les politiques publiques en soutien à la création d’un écosystème
d’affaires intersectoriel, Innovations, 0 (Prépublication), 1-41.

Youssef A. A., Koubaa S. et Benabdallah M. (2018), Consommation collaborative de la


génération Y : une analyse par l'approche PLS, La Revue des Sciences de Gestion, 291-292,
3, 75-87.

403
ANNEXES
Annexe 1 : grille d’entretien lors de la phase qualitative
Rubrique Question Commentaire
Bonjour, je suis actuellement doctorant à l'IAE DIJON.
Dans le cadre de ma thèse, je souhaite interviewer des décideurs du négoce de matériaux qui ont une vision
globale de la stratégie de leur entreprise et des interactions avec les acteurs en amont et en aval dans le canal
de distribution.
En effet, le but de la recherche est d'étudier les relations interentreprise et de déterminer l'impact des services
Présentation et du digital sur ces relations.
Cette interview est totalement anonyme et si vous le souhaitez je vous communiquerais les résultats de l'étude.
Pour les besoins de l'étude, cette interview va être enregistrée afin que notre échange soit retranscrit afin de
réaliser une analyse de contenu.
L'interview repose sur de grands thèmes, n'hésitez pas à développer votre raisonnement ou à me faire part de
tout commentaire que vous jugerez pertinent.
Thème 1 : Canal de distribution
Comment percevez-vous le négoce et le fabricant
Quels sont vos différentes sources d'approvisionnement
Pourquoi n'allez vous pas chez … GSB, Plateforme
Quels sont les avantages que vous procurent les intermédiaires (relancer
sur logistique et sur crédit client si pas évoqué)
Quels sont vos rapports avec les fabricants : est-ce que vous passez en
direct avec le fabricant et pourquoi :
- information
- achat
- services
- les outils : apps, sites …
Existe-t-il un risque que vous ne passiez plus par un intermédiaire pour
toute ou partie de votre activité (si oui pour quels motifs)
Thème 2 : La valeur ajoutée
Comment l'intermédiaire (source d'appro) créer de la valeur ajoutée pour
votre entreprise
Thème 3 : La relation
Comment définisseriez-vous vos relations avec intermédiaire (source
d'appro)
Quel est l'importance de la relation humaine avec l'intermédiaire et le
fabricant
Est-ce qu'on peut parler de partenariat ou dépendance
Existe-t-il des moments où vous êtes réunis avec intermédiaire (source
d'appro) et le fabricant
Quel est la fréquence de vos contacts avec :
- intermédiaire (source d'appro)
- et les fabricants de matériaux de construction
Quels sont les différents moyens de contact (Distinguez vous les contacts
physiques des contacts digitaux (lesquels sont les plus positifs) ?)
Thème 4 : Le digital
Quels sont les outils digitaux que vous utilisez pour votre activité et
pourquoi faire
Comment la digitalisation impact vos relations avec :
- intermédiaire (source d'appro)
- et les fabricants de matériaux de construction
A quel stade de digitalisation en est votre entreprise, les autres acteurs,
votre secteur
Comment votre entreprise appréhende les plateformes
Est-ce que vous utilisez internet (app, site…) pour chercher des tarifs et
négocier avec votre intermédiaire (source d'appro)
Thème 5 : Le Service
Quels sont les services et quel est la valeur que vous apporte :
- (source d'appro)
- et les fabricants de matériaux de construction
Quels sont les nouveaux services que vous attendez des intermédiaires et
des fabricants
Est-ce qu'il existe des services qui ne soient pas orienté autour du produit
Est-ce que le tarif a pour vous un aspect important dans la relation avec
l'intermédiaire (source d'appro)
Comment la création de services innovants (formation BIM, IA…) impact
vos relations avec :
- (source d'appro)
- et les fabricants de matériaux de construction
Est-ce que ces innovations ont un impact dans votre métier ajd ? Demain ?
Comment envisagez-vous le métier de votre entreprise dans les 5 ou 10 ans
Age :
Sexe :
Catégorie socioprofessionnelle :
Question Ancienneté dans la société/le métier :
quanti Poste :
Quelle est votre appétance digital de 0 à 5 :
Taille de l'entreprise :
Activité de l'entreprise :
Conclusion Remerciement

404
Annexe 2 : questionnaire en ligne lors de la phase quantitative

405
406
407
408
409
410
411
Annexe 3 : recherche sur Google avec les mots clés « batiment imprimé en 3d » le 26/03/2020

412
TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE
Introduction ................................................................................................................................ 1
Origine de la recherche ........................................................................................................... 2
La naissance d’Internet comme phénomène de désintermédiation ........................................ 4
L’évolution du marketing B to B ............................................................................................ 7
L’étude de la désintermédiation en Sciences de Gestion........................................................ 9
L’impact de la transformation digitale pour les entreprises traditionnelles ......................... 11
L’émergence des plateformes comme stratégie de réintermédiation ................................... 16
Problématique et questions de recherche.............................................................................. 21
Cadre d’analyse de la recherche ........................................................................................... 23
Contribution de la recherche................................................................................................. 25
Plan de la recherche .............................................................................................................. 27
Partie 1. La valeur ajoutée du grossiste dans le canal de distribution ...................................... 30
Chapitre 1. Le grossiste, un intermédiaire particulier dans le canal de distribution ................ 34
1.1 Le grossiste, une institution historique ...................................................................... 35
1.1.1 Évolution du commerce de gros et du grossiste à travers les âges ..................... 35
1.1.1.1 L’émergence des grossistes sous l’Antiquité .............................................. 36
1.1.1.2 La période trouble du Moyen Âge .............................................................. 38
1.1.1.3 Le repli du grossiste au niveau national ...................................................... 39
1.1.1.4 Une phase de spécialisation pour les grossistes .......................................... 40
1.1.1.5 La dilution des fonctions de gros à l’époque contemporaine...................... 41
1.1.2 Définition et adaptation du grossiste contemporain ........................................... 43
1.1.2.1 La définition du grossiste aujourd’hui ........................................................ 43
1.1.2.2 Le développement des prestations de services ............................................ 46
1.2 La position du grossiste dans l’organisation du canal ............................................... 48
1.2.1 Les différentes formes d’organisations des canaux de distribution ................... 49
1.2.2 La place des intermédiaires dans le canal de distribution .................................. 51
1.2.3 L’impact du multicanal puis de l’omnicanal pour les intermédiaires ................ 56
1.2.3.1 Les limites du multicanal ............................................................................ 56
1.2.3.2 L’émergence de l’omnicanal....................................................................... 62
1.2.3.3 Incidence entre les clients et le personnel commercial ............................... 65
1.2.4 L’intermédiaire dans une vision réseau .............................................................. 67
1.3 Les intermédiaires à l’âge du digital.......................................................................... 72
1.3.1 Le rôle des plateformes dans l’accès à l’information ......................................... 73

413
1.3.2 Les effets de réseaux et la notion de multiface .................................................. 75
1.3.3 L’apport des plateformes par rapport aux acteurs traditionnels ......................... 78
1.3.4 L’importance du concept d’écosystème d’affaires............................................. 79
1.4 Conclusion ................................................................................................................. 82
Chapitre 2. Le risque de désintermédiation : le point de vue des acteurs ................................ 87
2.1 Le design de l’étude ................................................................................................... 88
2.1.1 La triade comme unité ........................................................................................ 88
2.1.2 Un risque de désintermédiation dans le canal de distribution des matériaux de
construction ....................................................................................................................... 93
2.1.2.1 L'État, moteur de l’innovation digitale ....................................................... 93
2.1.2.2 L’impact du digital pour les grossistes et les clients professionnels du
bâtiment… .................................................................................................................... 96
2.1.2.2.1 Le digital et le négoce de matériaux ................................................................... 96
2.1.2.2.2 Le digital et les clients professionnels ................................................................ 99
2.1.3 L’échantillon et le recueil de données .............................................................. 100
2.1.3.1 Le guide d’entretiens................................................................................. 101
2.1.3.2 L’échantillon ............................................................................................. 103
2.1.4 Le traitement des données ................................................................................ 108
2.2 Interprétation et discussion des principaux résultats ............................................... 117
2.2.1 Un canal digitalisé, mais avec des usages encore restreints ............................. 118
2.2.1.1 Le digital entre l’industriel et le grossiste ................................................. 118
2.2.1.2 Le digital entre l’industriel et le client ...................................................... 123
2.2.1.3 Le digital entre le client et le grossiste ...................................................... 124
2.2.1.4 Le digital au sein de la triade .................................................................... 129
2.2.1.5 Conclusion ................................................................................................ 135
2.2.2 Un phénomène de réintermédiation verticale grâce au digital et aux services
développés par l’industriel .............................................................................................. 137
2.2.2.1 Conservation des flux physiques et financiers par le négoce.................... 138
2.2.2.1.1 Le flux physique ............................................................................................... 138
2.2.2.1.2 Le flux financier ............................................................................................... 147
2.2.2.2 Désintermédiation du flux informationnel ................................................ 150
2.2.2.3 La gestion physique du flux informationnel ............................................. 152
2.2.2.3.1 La formation ..................................................................................................... 152
2.2.2.3.2 Les clubs ........................................................................................................... 153
2.2.2.3.3 La force commerciale ....................................................................................... 156
2.2.2.3.4 Conclusion ........................................................................................................ 158

414
2.2.2.4 La gestion digitale du flux informationnel ................................................ 159
2.2.2.4.1 Les vidéos ......................................................................................................... 159
2.2.2.4.2 Les logiciels et applications .............................................................................. 160
2.2.2.4.3 Les réseaux sociaux .......................................................................................... 164
2.2.2.4.4 Les sites Internet ............................................................................................... 168
2.2.2.4.5 Conclusion ........................................................................................................ 170
2.2.3 La concurrence des autres intermédiaires physiques et numériques ................ 171
2.2.3.1 Les coopératives d’artisans ....................................................................... 172
2.2.3.2 Les grandes surfaces de bricolage............................................................. 175
2.2.3.3 Les plateformes numériques ..................................................................... 179
2.2.3.4 Conclusion ................................................................................................ 186
2.3 Conclusion et limites de la recherche qualitative .................................................... 186
2.3.1 Un phénomène de désintermédiation partielle ................................................. 187
2.3.2 Limites .............................................................................................................. 192
Partie 2. Le risque de désintermédiation du grossiste suite à la diminution de sa valeur ajoutée
................................................................................................................................................ 195
Chapitre 3. Modélisation et étude empirique : le risque de désintermédiation par l’intégration
verticale du flux informationnel ............................................................................................. 199
3.1 Cadre conceptuel de la recherche ............................................................................ 200
3.1.1 La distinction des flux ...................................................................................... 201
3.1.2 La dynamique du canal de distribution ............................................................ 206
3.1.2.1 Les différentes approches de l’analyse des canaux................................... 206
3.1.2.1.1 Présentation des quatre fondations théoriques .................................................. 207
L’approche économique ..................................................................................................... 207
L’approche comportementale ............................................................................................. 207
L’approche stratégique ....................................................................................................... 208
L’approche néo-institutionnelle .......................................................................................... 210
3.1.2.1.2 Sélection du modèle d’analyse.......................................................................... 212
3.1.2.2 Le « Service-Dominant Logic » ................................................................ 214
3.1.2.2.1 Les origines du Service-Dominant Logic .......................................................... 214
3.1.2.2.2 Définition des services ...................................................................................... 216
3.1.2.2.3 Une vision intégrative ....................................................................................... 218
3.1.2.2.4 L’apport des NTIC dans l’émergence du SDL .................................................. 220
3.1.2.2.5 Spécialisation au sein des fonctions .................................................................. 221
3.1.2.3 La « Resource-Based View » .................................................................... 224
3.1.3 Conclusion ........................................................................................................ 231
3.2 Construction du modèle théorique ........................................................................... 233
415
3.2.1 Présentation du modèle de recherche ............................................................... 233
3.2.2 Présentation des hypothèses de recherche ........................................................ 235
3.2.2.1 Les variables antécédentes ........................................................................ 236
3.2.2.2 La variable principale : effet de la valeur ajoutée sur le risque de
désintermédiation ....................................................................................................... 237
3.2.2.3 Les variables modératrices ........................................................................ 239
3.3 Méthodologie de la recherche.................................................................................. 241
3.3.1 Les mesures utilisées ........................................................................................ 243
3.3.1.1 Items constituant les flux physiques ......................................................... 243
3.3.1.2 Items constituant les flux informationnels ................................................ 244
3.3.1.3 Items constituant les flux financiers.......................................................... 245
3.3.1.4 Items constituant le risque de désintermédiation ...................................... 245
3.3.1.5 Items constituant le modérateur sur les services ....................................... 246
3.3.1.6 Items constituant le modérateur sur les ressources ................................... 248
3.3.2 Terrain d’étude : la distribution de matériaux de construction en France ........ 249
3.3.2.1 Les industriels du bâtiment ....................................................................... 250
3.3.2.2 Les négoces de matériaux de construction................................................ 252
3.3.2.3 Les clients professionnels du bâtiment ..................................................... 256
3.3.3 Méthode de collecte des données ..................................................................... 257
3.4 Conclusion ............................................................................................................... 260
Chapitre 4. Analyse et principaux résultats de l’étude quantitative ....................................... 265
4.1 Analyses préliminaires et présentation des données ................................................ 265
4.1.1 Résultats de la collecte de données .................................................................. 265
4.1.2 Description de l’échantillon de données .......................................................... 266
4.2 Évaluation des qualités psychométriques des mesures ............................................ 270
4.2.1 Présentation des méthodes d’analyses exploratoire et confirmatoire ............... 270
4.2.1.1 Présentation de l’analyse exploratoire ...................................................... 271
4.2.1.2 Présentation du modèle PLS ..................................................................... 273
4.2.1.3 Présentation du modèle de recherche ........................................................ 276
4.2.2 La variable à expliquer : le risque de désintermédiation .................................. 280
4.2.2.1 Analyse descriptive de la variable à expliquer : le risque de
désintermédiation ....................................................................................................... 281
4.2.2.2 Analyse de redondance de la variable à expliquer : le risque de
désintermédiation ....................................................................................................... 282
4.2.2.3 Analyse confirmatoire de la variable à expliquer : le risque de
désintermédiation ....................................................................................................... 283

416
4.2.3 Les variables explicatives : les flux physiques, informationnels et financiers . 284
4.2.3.1 Analyse exploratoire de la variable explicative flux physique ................. 284
4.2.3.2 Analyse confirmatoire des variables explicatives flux physiques ............ 287
4.2.3.3 Analyse exploratoire de la variable explicative flux informationnel ........ 288
4.2.3.4 Analyse confirmatoire des variables explicatives flux informationnels ... 290
4.2.3.5 Analyse exploratoire de la variable explicative flux financier ................. 292
4.2.3.6 Analyse confirmatoire de la variable explicative flux financier ............... 293
4.2.3.7 Validité discriminante des flux ................................................................. 295
4.2.3.8 Conclusion ................................................................................................ 296
4.2.4 Calcul de la variable latente de rang supérieur : les flux sources de la valeur
ajoutée…………………………………………………………………………………..297
4.2.4.1 Analyse descriptive de la variable latente de second rang : la valeur
ajoutée….. .................................................................................................................. 297
4.2.4.2 Analyse de redondance de la variable latente de second rang : la valeur
ajoutée….. .................................................................................................................. 298
4.2.4.3 Analyse confirmatoire de la variable latente de second rang : la valeur
ajoutée….. .................................................................................................................. 299
4.2.4.4 Conclusion ................................................................................................ 302
4.2.5 La variable modératrice : les services .............................................................. 303
4.2.5.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice concernant les services . 304
Les services physiques........................................................................................................ 306
Les services digitaux .......................................................................................................... 308
4.2.5.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice concernant les
services………………………………………………………………………………310
Les services physiques........................................................................................................ 310
Les services digitaux .......................................................................................................... 312
4.2.6 Calcul de la variable modératrice de rang supérieur : les services................... 315
4.2.6.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice de rang supérieur : les
services…. .................................................................................................................. 315
4.2.6.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice de rang supérieur : les
services…. .................................................................................................................. 316
4.2.7 La variable modératrice : les ressources........................................................... 317
4.2.7.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice concernant les
ressources……………………………………………………………………………317
Les ressources moins tangibles ........................................................................................... 319
Les ressources tangibles ..................................................................................................... 320
4.2.7.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice concernant les
ressources……………………………………………………………………………321

417
Les ressources moins tangibles ........................................................................................... 321
Les ressources tangibles ..................................................................................................... 322
4.2.8 Calcul de la variable modératrice de rang supérieur : les ressources ............... 324
4.2.8.1 Analyse exploratoire de la variable modératrice de rang supérieur : les
ressources……………………………………………………………………………324
4.2.8.2 Analyse confirmatoire de la variable modératrice de rang supérieur : les
ressources……………………………………………………………………………325
4.2.8.3 Validité discriminante des variables de rang supérieur ............................ 326
4.2.9 Conclusion ........................................................................................................ 327
4.3 Tests des hypothèses ................................................................................................ 328
4.3.1 Différences entre types d’acteurs ..................................................................... 328
La valeur ajoutée ................................................................................................................ 329
Le risque de désintermédiation ........................................................................................... 329
Les services ........................................................................................................................ 330
Les services digitaux .......................................................................................................... 331
Les services physiques........................................................................................................ 333
Les ressources..................................................................................................................... 335
4.3.2 Test du modèle structurel ................................................................................. 336
4.3.2.1 Test de de la valeur ajoutée (H1) avec l’ensemble de l’échantillon et par
groupe………………………………………………………………………………..336
4.3.2.2 Test des différences de la valeur ajoutée (H1) .......................................... 340
4.3.3 Test des effets de modération ........................................................................... 342
4.3.3.1 Test de la modération des services (H2) avec l’ensemble de l’échantillon et
par groupe. .................................................................................................................. 342
4.3.3.2 Test de la modération des ressources (H3) avec l’ensemble de l’échantillon
et par groupe ............................................................................................................... 345
4.3.3.3 Test des différences de la modération des services (H2) .......................... 347
4.3.3.4 Test des différences de la modération des ressources (H3) ...................... 348
4.4 Conclusion ............................................................................................................... 349
Conclusion .............................................................................................................................. 354
Synthèse de la recherche..................................................................................................... 355
Réponses aux questions de recherche ................................................................................. 363
Les apports de la recherche................................................................................................. 366
Les apports théoriques .................................................................................................... 366
Les apports méthodologiques ......................................................................................... 370
Les apports managériaux ................................................................................................ 372
Les limites de la recherche ................................................................................................. 378

418
Les limites théoriques ..................................................................................................... 378
Les limites méthodologiques .......................................................................................... 379
Les limites managériales ................................................................................................. 381
Les voies de recherche futures............................................................................................ 382
Le digital ......................................................................................................................... 382
La plateformisation ......................................................................................................... 384
Le modèle........................................................................................................................ 384
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 385
ANNEXES ............................................................................................................................. 404
TABLE DES MATIÈRES DÉTAILLÉE ............................................................................... 413
INDEX DES ACRONYMES ................................................................................................. 420
INDEX DES FIGURES ......................................................................................................... 421
INDEX DES IMAGES ........................................................................................................... 423
INDEX DES TABLEAUX .................................................................................................... 424

419
INDEX DES ACRONYMES

3PL Third party logistics

4PL Fourth party logistics

ARA Activité-Ressource-Acteur

BFA Bonification de Fin d’Année

BIM Building Information Modeling

CRM Custom Relationship Management

EDI Échange de données informatisé

EPI Équipement de protection individuel

FEVAD Fédération du E-commerce et de la Vente À Distance

GSB Grande Surface de Bricolage

IMP Group Industrial Marketing and Purchasing Group

IoT Internet des objets

NTIC Nouvelles Technologie de l'Information et de Communication

OEM Orignal Equipment Manufacturer

PIM Product Information Management

PLS Partial Least Square

RBV Resource-Based View

RMSEA Root Mean Square Error of Approximation

RT Réglementation thermique

SA Société anonyme

SAV Service après-vente

SCD Désintermédiation de la chaîne d’approvisionnement

SDL Service-Dominant Logic

VIF Facteur d’Inflation de la Variance

VRIN Valeur, Rareté, Imitabilité imparfaite et Non-substitualité

420
INDEX DES FIGURES

Figure 1 : plan de recherche 29

Figure 2 : les flux marketing dans les canaux (d’après Coughlan et al., 2006 p. 74) 53

Figure 3 : nombre de contact avec et sans intermédiaire (inspiré de Coughlan et al., 55


2006, p. 9)

Figure 4 : vision de l’intermédiaire dans une approche canal 70

Figure 5 : vision de l’intermédiaire dans une approche réseau 71

Figure 6 : synthèse des dix thèmes retenus réalisé avec FreeMind 111

Figure 7 arbre thématique éclaté suite à l’analyse thématique du matériau réalisé 116
avec FreeMind

Figure 8 : schéma étape par étape de la phase de recherche qualitative 117

Figure 9 : schéma du canal de distribution des matériaux de construction 136

Figure 10 : la nouvelle répartition de la valeur ajoutée dans la triade de distribution 190

Figure 11 : la gestion des flux par le grossiste (inspiré de Rossetti et Choi, 2008) 202

Figure 12 : le risque de désintermédiation par le flux informationnel au profit d’une 205


relation directe Industriel – Client (inspiré de Rossetti et Choi, 2008)

Figure 13 : les quatre grandes approches pour expliquer l’intermédiation dans le 212
canal de distribution

Figure 14 : perspective théorique de la fondation stratégique sur la 234


désintermédiation du grossiste

Figure 15 : spécification et distinction entre variable réflexive et variable formative 274

Figure 16 : modèle de recherche proposé avant analyse (sans modérateurs) 277

Figure 17 : évaluation de la colinéarité dans les modèles de mesure formative à 279


l'aide du VIF (repris de Hair et al., 2013, p.126)

Figure 18 : test de pertinence avec Outer Loading (repris de Hair et al., 2013, p.104) 280

Figure 19 : rupture du coude de Cattell pour les items du flux physique 285

Figure 20 : multiplication des points de négociations entre les industriels et les 301
structures d’un grossiste

Figure 21 : multiplication des points de livraisons entre les industriels et les 301
structures d’un grossiste

421
Figure 22 : modèle de recherche proposé après analyse (sans modérateurs) 303

Figure 23 : modèle de recherche final avec la variable de second rang et les variables 327
modératrices

Figure 24 : calcul du modèle structurel avec l’algorithme PLS sur SmartPLS 337

Figure 25 : calcul de la variable modératrice services avec l’algorithme PLS 343

Figure 26 : calcul de la variable modératrice ressources avec l’algorithme PLS 346

422
INDEX DES IMAGES

Image 1 : campagne de publicité 2020 d’un distributeur alimentaire sur le thème 10


« zéro intermédiaire »

Image 2 : capture d’écran du travail de codage sur NVivo 12 108

Image 3 : nuage sur les 25 mots les plus fréquents (longueur minimale de 5 109
caractères avec correspondance exacte)

Image 4 : nuage sur les 150 mots les plus fréquents (longueur minimale de 5 110
caractères avec correspondance exacte)

Image 5 : note de HomlyYou sur Trustpilote (consulté le 21/11/2019) 181

Image 6 : message type envoyé au contact du réseau LinkedIn 258

Image 7 : exemple de post pour inciter des personnes à remplir le questionnaire 259

Image 8 : rapport avec date, nombre de contacts, taux d’ouverture et de clics 260

423
INDEX DES TABLEAUX

Tableaux 1 : définition de désintermédiation et ré-intermédiation (d’après 2


Rosenbloom, 2007 p. 329-330)

Tableaux 2 : différence d’intermédiaires suivant le type de propriété (inspiré de 44


Filser, 1989 et Dugot, 2000)

Tableaux 3 : organisation du canal et indépendance du grossiste (repris de 45


Filser, 1989, p.34)

Tableaux 4 : définitions des termes multicanal, crosscanal et omnicanal (repris 57


de Belvaux et Notebaert, 2018 p. 5)

Tableaux 5 : les différentes stratégies multicanales 62

Tableaux 6 : Multi-channel vs Omni-channel management (repris de Verhoef, 63


Kannan et Jeffrey Innam, 2015 p. 176)

Tableaux 7 : échantillon de prétest 103

Tableaux 8 : contact auprès des industriels 104

Tableaux 9 : échantillon des industriels 105

Tableaux 10 : échantillon des négoces 106

Tableaux 11 : échantillon des artisans 107

Tableaux 12 : exemple de relevé de thèmes ventilé par colonnes avec extraits de 113
verbatim

Tableaux 13 : construction d’une portion d’arbre thématique 114

Tableaux 14 : verbatim sur le partage de l’information entre l’industriel et le 120


négociant

Tableaux 15 : verbatim sur l’amélioration des services du négoce grâce au digital 128

Tableaux 16 : verbatim sur l’aspect humain du canal de distribution 130

Tableaux 17 : verbatim sur la perception des innovations par les clients 134
professionnels et les négoces

Tableaux 18 : verbatim sur l’enjeu autour du BIM 134

Tableaux 19 : verbatim sur le stock 141

Tableaux 20 : verbatim sur la différence de perception entre le négoce et le client 142


sur son organisation

Tableaux 21 : verbatim sur la diminution du stock chez les négoces 143


424
Tableaux 22 : verbatim sur l’importance du maillage territorial 144

Tableaux 23 : verbatim sur l’unité de base de l’industriel 147

Tableaux 24 : verbatim sur la concentration du paiement pour les industriels 148

Tableaux 25 : verbatim sur le parcours de formation des industriels pour les 152
clients professionnels et les négoces

Tableaux 26 : verbatim concernant le nombre de membres des différents clubs 153

Tableaux 27 : verbatim sur les différentes fonctions des clubs 155

Tableaux 28 : verbatim sur la proximité entre l’industriel et le client 157


professionnel

Tableaux 29 : services physiques développés par les industriels dans la gestion 158
du flux informationnel

Tableaux 30 : applications des industriels sur Google Play (recherche effectuée 162
le 21/09/2019)

Tableaux 31 : applications des négociants sur Google Play (recherche effectuée 163
le 21/09/2019)

Tableaux 32 : présence des industriels sur les réseaux sociaux (date de sélection 165
des données le 21/09/2019)

Tableaux 33 : total sur l’échantillon retenu et représentativité de chaque réseau 165


social (date de sélection des données le 21/09/2019)

Tableaux 34 : présence des négoces de matériaux sur les réseaux sociaux entre 166
2017 et 2019

Tableaux 35 : total sur l’échantillon retenu et représentativité de chaque réseau 167


social

Tableaux 36 : verbatim sur la recherche d’informations sur les sites Internet 168

Tableaux 37 : services digitaux développés par les industriels dans la gestion du 171
flux informationnel

Tableaux 38 : verbatim sur la concurrence entre négoces et coopératives 174

Tableaux 39 : verbatim sur la naissance des coopératives 175

Tableaux 40 : verbatim sur les services « pro » des GSB 176

Tableaux 41 : verbatim sur les forces du négoce face à la GSB 177

Tableaux 42 : verbatim sur les plateformes de mise en relation 179

425
Tableaux 43 : verbatim sur la réticence des négoces à devenir des plateformes de 181
mise en relation

Tableaux 44 : verbatim sur la notion de partenariat fort entre les industriels et le 183
réseau physique

Tableaux 45 : services développés par les industriels dans la gestion du flux 188
informationnel

Tableaux 46 : sens des flux au sein du canal de distribution 203

Tableaux 47 : remise en cause du sens des flux au sein du canal de distribution 205

Tableaux 48 : évolution des prémisses fondamentales du SDL (d’après Vargo et 216


Lusch, 2016, p. 8)

Tableaux 49 : liste des nouveaux services développés par les grossistes d’après 224
Néfussi

Tableaux 50 : typologie des ressources dans la « vue basée sur les ressources » 227

Tableaux 51 : comparaison entre le RBV et le SDL (inspiré de Baraldi, 231


Gressetvold et Harrison, 2012)

Tableaux 52 : récapitulatif des hypothèses 235

Tableaux 53 : services développés par les industriels dans la gestion du flux 240
informationnel

Tableaux 54 : présentation des items composants la variable flux physiques 243

Tableaux 55 : présentation des items composants la variable flux informationnels 244

Tableaux 56 : présentation des items composants la variable flux financiers 245

Tableaux 57 : présentation des items composants la variable sur le risque de 246


désintermédiation

Tableaux 58 : présentation des items composants la variable modératrice sur les 247
services

Tableaux 59 : présentation des items composants la variable modératrice sur les 249
ressources

Tableaux 60 : organismes représentatifs des fabricants de matériaux de 251


construction

Tableaux 61 : récapitulatif des hypothèses 261

Tableaux 62 : synthèse des variables et du nombre d’items 262

Tableaux 63 : détail de l’échantillon par type de membre de la triade 266

426
Tableaux 64 : représentativité de l’échantillon entreprise du bâtiment par rapport 267
à l’âge

Tableaux 65 : représentativité de l’échantillon entreprise du bâtiment par rapport 267


à l’effectif

Tableaux 66 : représentativité de l’échantillon industriel par rapport à l’effectif 267

Tableaux 67 : représentativité de l’échantillon négoce par rapport à l’âge 268

Tableaux 68 : caractéristiques socio-démographiques de l’échantillon 270

Tableaux 69 : items utilisés pour mesurer le risque de désintermédiation 281

Tableaux 70 : analyse descriptive de la variable sur le risque de désintermédiation 281

Tableaux 71 : synthèse de l’analyse de la tolérance des indicateurs DES 282

Tableaux 72 : analyse des poids et contributions factorielles du risque de 283


désintermédiation (ensemble de l’échantillon)

Tableaux 73 : analyse des poids et contributions factorielles du risque de 283


désintermédiation (par groupe)

Tableaux 74 : items utilisés pour mesurer le flux physique 284

Tableaux 75 : variance totale expliquée pour les items du flux physique 285

Tableaux 76 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items du 286
flux physique

Tableaux 77 : désignation des composantes pour les items du flux physique 286

Tableaux 78 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour 286


les deux composantes du flux physique

Tableaux 79 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (ensemble de 287


l’échantillon)

Tableaux 80 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (par groupe) 287

Tableaux 81 : analyse factorielle confirmatoire des flux physiques (par groupe) 288
après retrait

Tableaux 82 : items utilisés pour mesurer le flux informationnel 289

Tableaux 83 : variance totale expliquée pour les items du flux informationnel 289

Tableaux 84 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items du 289
flux informationnel

Tableaux 85 : désignation des composantes pour les items du flux informationnel 290

427
Tableaux 86 : fidélité des mesures du flux informationnel (Alpha de Cronbach) 290

Tableaux 87 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels 291


(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 88 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels (par 291


groupe)

Tableaux 89 : analyse factorielle confirmatoire des flux informationnels (par 292


groupe) après retrait

Tableaux 90 : items utilisés pour mesurer le flux financier 292

Tableaux 91 : variance totale expliquée pour les items du flux financier 293

Tableaux 92 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la 296


composante du flux financier

Tableaux 93 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (ensemble de 294


l’échantillon)

Tableaux 94 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (par groupe) 294

Tableaux 95 : analyse factorielle confirmatoire des flux financiers (par groupe) 294
après retrait

Tableaux 96 : mesure de la validité discriminante des flux pour les industriels 295

Tableaux 97 : mesure de la validité discriminante des flux pour les intermédiaires 295

Tableaux 98 : mesure de la validité discriminante des flux pour les clients 296

Tableaux 99 : analyse descriptive de la variable sur la valeur ajoutée 298

Tableaux 100 : synthèse de l’analyse de la tolérance des flux 298

Tableaux 101 : analyse des poids et contributions factorielles de la valeur ajoutée 299
(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 102 : analyse des poids et contributions factorielles de la valeur ajoutée 299
(par acteur)

Tableaux 103 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items 305
des services

Tableaux 104 : variance totale expliquée pour les items des services physiques 306

Tableaux 105 : corrélations entre les dimensions 307

Tableaux 106 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items 307
des services physiques

428
Tableaux 107 : désignation des composantes pour les items des services physiques 307

Tableaux 108 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour 308
les trois composantes des services physiques

Tableaux 109 : variance totale expliquée pour les items des services digitaux 308

Tableaux 110 : corrélations entre les dimensions 309

Tableaux 111 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items 309
des services digitaux

Tableaux 112 : désignation des composantes pour les items des services digitaux 309

Tableaux 113 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour 310
les trois composantes des services digitaux

Tableaux 114 : items utilisés pour mesurer les services physiques 310

Tableaux 115 : analyse factorielle confirmatoire des services physiques (ensemble 311
de l’échantillon)

Tableaux 116 : analyse factorielle confirmatoire des services physiques (par 312
groupe) après retrait

Tableaux 117 : items utilisés pour mesurer les services digitaux 313

Tableaux 118 : analyse factorielle confirmatoire des services digitaux (ensemble 313
de l’échantillon)

Tableaux 119 : analyse factorielle confirmatoire des services digitaux (par groupe) 314
après retrait

Tableaux 120 : résultat de la variance totale expliquée pour la variable modératrice 315
de second rang des services

Tableaux 121 : évaluation de la variable explicative avec l’Alpha de Cronbach 315


pour la variable modératrice de second rang des services

Tableaux 122 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services 316


(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 123 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services (par 316
groupe)

Tableaux 124 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des services (par 317
groupe) après retrait

Tableaux 125 : variance totale expliquée pour les items des ressources 318

Tableaux 126 : matrice d’analyse des composantes après rotation pour les items 318
des ressources

429
Tableaux 127 : désignation des composantes pour les items des ressources 319
mobilisées

Tableaux 128 : variance totale expliquée pour les items des ressources moins 319
tangibles

Tableaux 129 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la 320
composante des ressources moins tangibles

Tableaux 130 : variance totale expliquée pour les items des ressources tangibles 320

Tableaux 131 : évaluation du modèle de mesure avec l’Alpha de Cronbach pour la 320
composante des ressources tangibles

Tableaux 132 : items utilisés pour mesurer des ressources moins tangibles 321

Tableaux 133 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles 321
(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 134 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles 322
(par groupe)

Tableaux 135 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles 322
(par groupe) après retrait

Tableaux 136 : items utilisés pour mesurer des ressources tangibles 323

Tableaux 137 : analyse factorielle confirmatoire des ressources tangibles 323


(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 138 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles 323
(par groupe)

Tableaux 139 : analyse factorielle confirmatoire des ressources moins tangibles 323
(par groupe) après retrait

Tableaux 140 : résultat de la variance totale expliquée pour la variable modératrice 324
de second rang des ressources

Tableaux 141 : évaluation de la variable explicative avec l’Alpha de Cronbach 325


pour la variable modératrice de second rang des ressources

Tableaux 142 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des ressources 325


(ensemble de l’échantillon)

Tableaux 143 : analyse factorielle confirmatoire de la variable des ressources (par 326
groupe)

Tableaux 144 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les 326
industriels

430
Tableaux 145 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les 326
intermédiaires

Tableaux 146 : mesure de la validité discriminante des modérateurs pour les 327
clients

Tableaux 147 : ANOVA pour la variable de la valeur ajoutée 329

Tableaux 148 : descriptives pour la variable de la valeur ajoutée 329

Tableaux 149 : ANOVA pour la variable du risque de désintermédiation 329

Tableaux 150 : descriptives pour la variable du risque de désintermédiation 330

Tableaux 151 : ANOVA pour les variables des services 330

Tableaux 152 : descriptives pour les variables des services 330

Tableaux 153 : comparaisons multiples pour la variable des services digitaux 331

Tableaux 154 : ANOVA pour les services digitaux 331

Tableaux 155 : descriptives pour les services digitaux 332

Tableaux 156 : comparaisons multiples pour les services digitaux 332

Tableaux 157 : comparaisons multiples pour les services physiques 333

Tableaux 158 : ANOVA pour les services physiques 334

Tableaux 159 : descriptives pour les services physiques 334

Tableaux 160 : comparaisons multiples pour la force commerciale 334

Tableaux 161 : ANOVA pour les variables des ressources 335

Tableaux 162 : descriptives pour les variables des ressources 335

Tableaux 163 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon 337

Tableaux 164 : synthèse des coefficients pour les différents groupes 337

Tableaux 165 : analyse par dimension de la valeur ajoutée pour l’ensemble de 338
l’échantillon

Tableaux 166 : analyse par dimension de la valeur ajoutée par groupe 338

Tableaux 167 : résultat des tests de H1 en multi-groupe 340

Tableaux 168 : résultat des tests de H1 en multi-groupe par flux 341

Tableaux 169 : interprétation de l’effet modérateur sur le prédicteur 342

431
Tableaux 170 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon pour le 343
modérateur services

Tableaux 171 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le 344
modérateur services digitaux

Tableaux 172 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le 345
modérateur services physiques

Tableaux 173 : synthèse des coefficients pour l’ensemble de l’échantillon pour le 346
modérateur ressources

Tableaux 174 : synthèse des coefficients pour les différents groupes pour le 346
modérateur ressources

Tableaux 175 : résultat des tests de H2 digitale en multi-groupe 347

Tableaux 176 : résultat des tests de H2 physiques en multi-groupe 348

Tableaux 177 : résultat des tests de H3 en multi-groupe 348

Tableaux 178 : synthèse des items conservés et non conservés 349

Tableaux 179 : synthèse des résultats des différentes hypothèses 351

Tableaux 180 : présentation des hypothèses et résu ltats 361

Tableaux 181 : liste des nouveaux services développés par les grossistes d’après 369
Néfussi (2008a)

Tableaux 182 : services développés par les industriels dans la gestion du flux 369
informationnel

432

Vous aimerez peut-être aussi