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Agrégation de Mathématiques

Cours d’analyse (1994)

Alain P OMMELLET

2017-09-14 22:19:11+02:00
2
Table des matières

I Topologie 9
1 Les nombres réels 11

2 Topologie : généralités 27

3 Espaces métriques complets 49

4 Compacité 59

5 Applications uniformément continues, lipschitziennes 71

6 Applications linéaires continues, normes équivalentes 79

7 Connexité 91

8 Théorèmes de points fixes 99

II Fonctions d’une variable réelle 111


9 Continuité, dérivabilité, accroissements finis 113

10 Suites récurrentes réelles 131

11 Formules de Taylor 137

12 Fonctions convexes 145

13 Le théorème de Cesàro 155

14 Comparaison des fonctions 161

III Processus sommatoires 175


15 Séries numériques 177

16 Intégrales généralisées 193

17 Comparaison série-intégrale 201

3
IV Convergence et approximation dans les espaces de fonctions 209
18 Convergence des suites de fonctions 211

19 Approximation par des polynômes 225

20 Convolution 233

V Interversion des limites 241


21 Fonctions définies par une suite, une série ou par une intégrale 243

22 Interversion d’une limite et d’une série ou une intégrale 261

VI Séries entières 271


23 Rayon de convergence des séries entières 273

24 Fonctions définies par une série entière 279

25 Opérations sur les séries entières, développement en série entière 287

26 Problèmes au bord du disque de convergence 297

VII Analyse hilbertienne 303


27 Espaces préhilbertiens, théorème de Riesz 305

28 Polynômes orthogonaux 315

29 Séries de Fourier, théorème de Parseval 323

VIII Fonctions de plusieurs variables 333


30 Différentiabilité 335

31 Différentielles d’ordre supérieur 353

32 Inversion locale, fonctions implicites 367

33 Problèmes d’extremum 383

IX Équations différentielles 391


34 Équations non linéaires ordinaires 393

35 Équations différentielles linéaires vectorielles 409

4
36 Équations différentielles linéaires scalaires 423

X Intégration 435
37 Fonctions mesurables, théorèmes de convergence 437

38 Espaces Lp 439

39 Le théorème de Fubini 441

XI Fonctions analytiques 443


40 Fonctions complexes usuelles 445

41 Fonctions holomorphes, théorème de Cauchy 449

42 Le prolongement analytique 451

43 Le théorème des résidus 453

XII Analyse numérique 455


44 Résolution approchée des équations F (x) = 0 457

45 Calculs approchés d’intégrales 465

46 Approximation de la somme d’une série 469

47 Résolution approchée d’équations différentielles 473

Bibliographie 477

5
6
Table des figures

2.1 Adhérence d’un point x à une partie A . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36


2.2 Intérieur d’un convexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

4.1 Compacité et distance atteinte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

5.1 Uniforme continuité en −∞ et +∞ . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75


5.2 Densité des fonctions affines par morceaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 76

6.1 Noyau et forme linéaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 80

7.1 Intersection de parties connexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 93

8.1 Compacité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103

9.1 Théorème de Rolle à l’infini . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119

12.1 Inégalité des trois pentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150


12.2 Droites d’appui et épigraphe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 151

16.1 Fonction non bornée positive intégrable . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198

17.1 Comparaison d’une série et d’une intégrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 202

18.1 Tube de convergence uniforme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 212


18.2 Phénomène de bosse glissante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 215

20.1 Approximation de l’unité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 235


20.2 Noyaux de Dirichlet et de Fejér . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 237

22.1 Convergence uniforme sur tout segment . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 264

23.1 Rayon de convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 275

27.1 Projection sur un convexe fermé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 309

29.1 Densité des fonctions continues 2π-périodiques pour k·k2 . . . . . . . . . . . . 324

32.1 C 1 -difféomorphisme local . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 370


32.2 Coordonnées sphériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 373
32.3 Graphe de f (x) = lnxx . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 378
32.4 Ligne de niveau d’une fonction de deux variables . . . . . . . . . . . . . . . . . 378

7
33.1 Fonction coercive . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 384
33.2 Maximisation de l’aire d’un triangle inscrit . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385

34.1 Solutions d’une équation différentielle autonome, stabilité par translation . . 400
34.2 Solutions de y 0 = sin y . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 402
34.3 Solution unique à abscisse, ordonnée et pente données . . . . . . . . . . . . . 403

35.1 Diagramme commutatif de la résolvante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 414

44.1 Méthode de Newton . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 460


44.2 Méthode de la fausse position . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 463

8
Première partie

Topologie

9
Chapitre 1

Les nombres réels

1.1 Corps ordonnés


Tous les corps sont supposés commutatifs.

1.1.1 Définition
Un corps ordonné est un quadruplet (K, +, ·, ≤) tel que :
(i) L’ordre de K est total ;
(ii) L’ordre de K est compatible avec les lois de K, c’est-à-dire compatibles avec l’addition
et avec la multiplication par des éléments positifs (éléments ≥ 0).
Un corps ordonné est de caractéristique nulle (on a 1 > 0 par élévation au carré puis par
récurrence sur n, n > 0), nous considérerons désormais qu’il contient Q.
Dans un tel corps on définit la notion de suite bornée et de suite convergente par la même
quantification que dans R.

la suite (u n )n∈N converge vers l ⇐⇒ ∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N , |u n − l | < ε;

de même pour les suites de Cauchy

la suite (u n )n∈N est de Cauchy ⇐⇒ ∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N , ∀m ≥ N , |u n − u m | < ε;

En utilisant la compatibilité des lois et de l’ordre on montre que


— toute suite de Cauchy est bornée ;
— toute suite convergente est de Cauchy ;
— la somme de deux suites convergentes est convergente ;
— le produit de deux suites convergentes est convergent ;
— le quotient de deux suites convergentes (u n )n∈N , (v n )n∈N , où la suite (v n )n∈N des déno-
minateurs ne tend pas vers 0, est convergente.

1.1.2 Définition
On dit que le corps ordonné K est archimédien si, pour tout a de K il existe un entier n
tel que n > a.

11
1.1.3 Proposition
Si K est un corps ordonné archimédien
— entre deux éléments distincts de K il y a un nombre rationnel ;
— tout point de K est limite d’une suite de nombres rationnels.

1.1.4 Lemme
Soit ε un élément > 0 de K. Pour tout x de K il existe un nombre entier n tel que nε > x,
et pour tout x > 0 de K un nombre rationnel r tel que 0 < r < x.

Démonstration : Puisque K est archimédien on peut trouver un entier n tel que n > xε
d’où le premier point. Pour le deuxième il suffit de choisir moyennant le caractère archimé-
dien de K un nombre entier n tel que n > x1 .

Démonstration de la proposition : Maintenant si a < b sont deux éléments distincts de


K, et si ε est un rationnel tel que 0 < ε < b − a, on sait qu’il existe des entiers m et n tels que
na > ε et mε > −a.
L’ensemble des entiers p de Z tel que pε ≤ a est donc non vide, car il contient −m, et il
est majoré par n ; il possède de ce fait un plus grand élément q. Il vient alors les inégalités

qε a q +1 ε a +ε b−a
¡ ¢
≤ < ≤ <

et le rationnel r = (q + 1)ε convient.


De là, pour tout n de N∗ , on trouve un nombre rationnel r 0 tel que a < r 0 < a + n1 .
Soit ε > 0. Par le lemme, n1 < ε pour n assez grand, donc (r n )n∈N converge vers a. QED.

Remarque : On montre de façon analogue l’existence de la partie entière d’un élément


de K.

1.2 Construction de R
Deux notions essentielles sont à la base de tous les théorèmes de l’analyse :
— Le fait que toute partie non vide bornée de R possède une borne supérieure ;
— Le caratère complet de R.

1.2.1 Le corps Q est sans borne supérieure et n’est pas complet


Q ne possède aucune de ces qualités, on vérifie par exemple facilement que
1. L’ensemble A des nombres rationnels x tels que x 2 < 2 ne possède pas de borne supé-
rieure.
En effet, notons en premier lieu qu’il n’existe pas d’entiers p et q premiers entre eux
tels que p 2 = 2q 2 , sinon q divise p 2 donc p, d’où q = 1 et p 2 = 2, absurde. De là, si A
possède une borne supérieure c on ne peut avoir c 2 = 2.

12
Si c 2 < 2 on a (c + n1 )2 < 2 dès que n1 (2c + n1 ) < 2−c 2 ce qui est réalisé, vu le caractère ar-
chimédien de Q, dès que n > 2c+1 2−c 2
: c n’est pas un majorant de A ; on montre de même,
2 1 2
si c > 2 que (c − n ) > 2 pour n assez grand, c n’est pas le plus petit des majorants : il
n’y a pas de borne supérieure pour A dans Q.
2. u n = 1 + 1!1 + 2!1 + · · · + n!
1 1
est une suite de Cauchy qui diverge : la suite v n = u n + nn!
est décroissante (calculer v n+1 − v n ), de là pour tout couple m < n d’entiers ≥ 1 on a
1
u m < u n < v n < v m d’où 0 < u n − u m < v n − u m < v m − u m = mm! .
p
La suite (u n )n∈N est donc de Cauchy. Si la suite (u n )n∈N converge vers un élément e = q
de Q on déduit des encadrements utilisés les inégalités u n < e < v n .
a
Comme pour n ≥ q, q divise n! et le rationnel e s’écrit : e = n! , on a aussi

b
un = , (a, b) ∈ N
n!
d’où
a −b 1
0 < e − un = < v n − un =
n! nn!
l’entier a − b vérifie alors 0 < a − b < 1, ce qui est impossible.

On construit alors un corps — le corps des réels — qui possède une de ces deux qualités
— soit en quotientant l’anneau des suites de Cauchy par l’idéal des suites de limite
nulle ;
— soit en introduisant la notion de coupure de Q, ce qui correspond aux “interval-
les” illimités à gauche de Q ne possédant pas de plus grand élément.

Conseil pratique : Ces constructions sont délicates, nous donnons en appendice une
construction de R par les suites de Cauchy (pour plus de détails voir par exemple [EM73]
analyse 1, [AF88], ...) ; les preuves ne s’improvisent pas un jour d’oral : il convient de les avoir
assimilées en profondeur — les risques de confusion sont grands — si l’on doit traiter la
leçon : construction de R.
Notons que la preuve la plus difficile (conceptuellement) est, selon les cas :
— dans la construction par les suites de Cauchy, celle du fait qu’une suite de Cauchy de
nombres réels converge ;
— dans la construction par les coupures, la preuve du théorème de la borne supérieure.
La première construction donne alors un corps ordonné complet ; et la deuxième un
corps ordonné possédant la propriété de la borne supérieure.

Nous allons comparer ces deux notions, en vérifiant que pour un corps ordonné conte-
nant Q les deux propriétés sont les mêmes. Commençons par montrer une proposition pré-
liminaire, appelée théorème des intervalles emboîtés :

13
1.2.2 Proposition
Soit [ a n ; b n ] une suite décroissante de segments de K, telle que (H ) limn→+∞ b n − a n = 0.
Il est équivalent de dire que
(1) l’ensemble { a n | n ∈ N } possède une borne supérieure ;
(2) il existe c dans K tel que : n∈N [ a n ; b n ] = { c }.
T

Démonstration : Tout d’abord, on a facilement : ∀(m, n) ∈ N, a n ≤ b n (∗).


(1) =⇒ (2) : soit c la borne supérieure de l’ensemble A = { a n , n ∈ N }. Avec l’inégalité (∗),
chaque b m est un majorant de A, d’où il résulte que c ≤ b m pour tout m et donc :
\
c∈ [ a n ; b n ].
n∈N

Soit alors c 0 un autre élément de cette intersection, comme c 0 est un majorant de A on a :


c ≤ c 0 . Si c < c 0 il vient b n − a n ≥ c 0 − c > 0 pour tout n contrairement à l’hypothèse (H ) ; donc
c 0 = c ce qui achève la preuve de (2).
(2) =⇒ (1) : il est clair que c est un majorant de { a n , n ∈ N } = A. Si c 0 < c est un autre majorant
de A on a b n − a n ≥ c − c 0 > 0 pour tout n, ce qui contredit à nouveau (H ), d’où (1).

1.2.3 Théorème
Soit K un corps ordonné archimédien. Les deux propriétés suivantes de K sont équiva-
lentes :
a) K vérifie la propriété (bs) de la borne supérieure ;
b) toute suite de Cauchy de K est convergente.

Démonstration : a) =⇒ b). Soit donc (x n )n∈N une suite de Cauchy de K ; on prouve sans
peine que (x n )n∈N est bornée, ce qui justifie l’introduction des suites : a n = infm≥n {x m } et
b n = supm≥n {x m }. Visiblement, (a n )n∈N croît, (b n )n∈N décroît, et du fait que (x n )n∈N est de
Cauchy, il vient : limn→+∞ b n − a n = 0.
Il résulte alors de la proposition précédente que n→+∞ [ a n ; b n ] est réduite à un certain {λ}.
T

Montrons pour finir que (x n )n∈N converge vers λ :


Soit ε > 0 dans K, comme a n croît vers sa borne supérieure λ, et de même b n décroît vers sa
borne inférieure λ, il existe un entier n 0 tel que λ − ε < a n ≤ b n < λ + ε pour tout n ≥ n 0 , par
définiton des suites (a n )n∈N et (b n )n∈N il vient : ∀n ∈ N, n ≥ n 0 =⇒ λ − ε < x n < λ + ε.
b) =⇒ a) Soit A une partie non vide majorée de K. Pour tout n de N le caractère archimédien
de K fait que B m = {p ∈ Z | p.2−m majore A} est non vide et minorée. Posons

y m = min(B m ) − 1 puis x m = y m .2−m .

Par définition de y n chaque x n + 2−n est majorant de A, comme tout x n est majoré par un
élément de A au moins, il en résulte déjà que : x n+1 ≤ x n + 2−n pour tout n. Supposons un
instant : x n+1 < x n , il vient y n+1 < 2y n d’où y n+1 ≤ 2y n − 1 d’où y n+1 ≤ 2y n − 1 et

(y n+1 + 1) 2−n−1 ≤ y n 2−n = xn ,

14
(y n+1 + 1) 2−n−1 est donc majoré par un élément de A contrairement au fait que

y n+1 + 1 ∈ B n+1 .

En résumé nous avons :

∀n ∈ N, xn ≤ x n+1 ≤ x n + 2−n .

K étant archimédien, la suite est de Cauchy.

0 ≤ x n+p − x n ≤ x n+p − x n+p−1 + · · · + x n+1 − x n ≤ 2−n 1 + 2−1 + 2−2 + · · · = 21−n .


¡ ¡ ¢ ¢

Soit c sa limite, prouvons que c = sup A : Si x est dans A, on a x ≤ x n + 2−n pour tout n donc
x ≤ c ; enfin si a est un majorant de A, a majore tous les x n donc aussi leur limite c.

Remarques : La proposition 1.2.2 nous dit que R vérifie le théorème des intervalles em-
boîtés ; d’autre part la démonstration de a) =⇒ b) ci-dessus montre que si un corps archimé-
dien K vérifie la propriété des segments emboîtés, K est complet.
On dispose de plus d’une “unicité à isomorphisme près” :

1.2.4 Théorème
Deux corps ordonnés archimédiens complets sont isomorphes.

Voir pour cela les références évoquées ([EM73], [LFA74], [RDO75], [AF88], etc.).

N.B. : l’isomorphisme évoqué est un isomorphisme de corps et d’ensembles ordonnés.

Désormais, nous fixerons un corps ordonné complet contenant Q qui sera noté R.

1.3 Propriétés de R
1.3.1 R a la propriété de la borne supérieure
On rappelle d’abord que R est complet et que toute partie non vide majorée de R possède
une borne supérieure (voir 1.2.3). Il faut aussi retenir la propriété caractéristique suivante de
la borne supérieure :
Si A est une partie non vide majorée de R on a l’équivalence

c = sup(A) ⇐⇒ (c majore A et ∀ε > 0, ∃x ∈ A, c − ε < x ≤ c)

Bien comprendre la place des signes < et ≤ ; on dispose évidemment d’une caractérisation
analogue des bornes inférieures.
Cette traduction de la propriété de la borne supérieure montre que :

Toute suite monotone bornée de nombres réels converge.

15
Application : Limites inférieures et supérieures d’une suite bornée (u n )n∈N .
On pose a n = sup{u m ; m ≥ n}, la suite (a n )n∈N est réelle car (u n )n∈N est bornée, et visible-
ment décroissante. Un minorant de (u n )n∈N est aussi un minorant de (a n )n∈N , donc (a n )n∈N
converge.
Soit α sa limite, on a α ≤ a n < α + ε ; par définition des bornes supérieures il existe un entier
m ≥ n tel que α − ε < u m < α + ε donc α est une valeur d’adhérence de (u n )n∈N , appelée
limite supérieure de la suite (u n )n∈N et notée lim sup u n . On a mieux :

(∗) Pour tout ε > 0, l’ensemble A = {n ∈ N; α − ε < u n } est infini et l’ensemble B = {n ∈


N; α + ε ≤ u n } est fini.
En effet, le caractère infini de A vient du raisonnement précédent, d’autre part a n < α + ε
pour n assez grand, et de ce fait u n < α + ε pour n assez grand : B est fini.
On déduit immédiatement de (∗) que α est la plus grande valeur d’adhérence de la suite
(u n )n∈N .
De la même façon, la suite b n = inf{u m ; m ≥ n} croît vers une limite β = lim inf u n qui vérifie :

(∗∗) Pour tout ε > 0, l’ensemble D = {n ∈ N; β + ε > u n } est infini et l’ensemble D0 = {n ∈


N; β − ε ≥ u n } est fini.

β = lim inf u n est alors la plus petite valeur d’adhérence de la suite (u n )n∈N .

Extension : Lorsque la suite (u n )n∈N n’est pas majorée (resp. n’est pas minorée), sa limite
supérieure est +∞ (resp. −∞).

1.3.2 Théorème de Cantor : le corps R n’est pas dénombrable


Preuve no 1 : Elle repose sur la construction d’un nombre réel par segments emboités.
Il suffit pour ce qui nous occupe de montrer qu’étant donné une suite réelle (a n )n∈N , il y a
un nombre ¤ x qui n’appartient pas à l’image de (a n )n∈N . On construit un premier seg-
réel
ment x 0 ; y 0 qui ne contient pas a 0 avec x 0 < y 0 . Ce segment est ensuite divisé en trois
£

segments de même longueur, et l’un au moins de ces trois segments ne contient pas a 1 ;
on le nomme£ x 1 ; y 1¤ . On itère alors le processus, construisant par récurrence une suite
£ ¤

décroissante x n ; y n de segments emboîtés tels que :


1. x n ; y n ne contient pas a n - donc a 0 , . . . , a n−1 non plus par décroissance de x k ; y k ;
£ ¤ £ ¤

2. La longueur de x n ; y n tend vers 0.


£ ¤

Le théorème des segments emboîtés nous dit alors que n∈N x n ; y n est réduit à un point
T £ ¤

x qui visiblement n’est aucun des a n .

Preuve no 2 : C’est la preuve originale, elle s’appuie sur les développements décimaux.
Supposons que l’on puisse indexer par N∗ les points de l’intervalle [ 0 ; 1 ] : a 1 , . . . , a n , . . .
Soit b n le n-ième terme du développement décimal propre de a n , b n est un élément de
{0, . . . , 9}.
On choisit pour chaque n un nombre x n de {0, . . . , 8} avec x n 6= b n . Soit x le nombre dont
le développement décimal est 0, x 1 x 2 . . . x n . . . (Ce développement est propre car x n ≤ 8). Il
existe par hypothèse un p de N∗ tel que a p = x. Par unicité des développements propres il
vient b p = x p , contradiction et résultat.

16
1.3.3 Nombres transcendants
Cette non-dénombrabilité est la source de résultats variés, vérifions par exemple que : Il
existe dans R des nombres transcendants.
Il suffit de montrer que l’ensemble A des réels algébriques, c’est-à-dire des nombres
réels qui sont racine d’un polynôme non nul à coefficients rationnels, est dénombrable. En
multipliant les coefficients d’un polynôme rationnel donné par un entier convenable, on
voit qu’il suffit de prouver que l’ensemble des zéros des polynômes à coefficients entiers est
dénombrable.
Si P (X ) = a n X n + · · · + a 1 X + a 0 est un tel polynôme, on désigne par H (P ) le nombre |a 0 | +
· · · + |a n |. Clairement, l’ensemble Pm des polynômes P de Z[X ] tels que H (P ) ≤ m est fini,
donc aussi Am l’ensemble de leurs racines réelles. Comme la réunion des Am est justement
A, l’ensemble A est dénombrable comme réunion dénombrable d’ensembles finis.

1.4 Approximation d’un nombre réel par un nombre ration-


nel
Nous avons déjà vu la densité de Q dans R, valable dans tout corps archimédien. Sachant
que e est irrationnel (cf. 1.2 p. 12) on en déduit que R\Q, qui contient Q + e, est dense dans
R. En fait on dispose du résultat plus fin suivant :

1.4.1 Théorème de Dirichlet


Soit x un nombre irrationnel. Pour tout nombre ε > 0 et tout entier M ≥ 1 il existe un
p
nombre rationnel r = q , avec p ∧ q = 1, tel que

¯x − p ¯ < ε
¯ ¯
¯ ¯
et q > M.
¯ q¯ q

p
L EMME. Soit x un nombre irrationnel, et soit N dans N. Il existe r = q , q ≤ N − 1, tel que

¯x − p ¯ < 1 .
¯ ¯
¯ ¯
¯ q¯ qN

Preuve : Considérons les N + 1 nombres kx − dkxe, 0 ≤ k ≤ N . On constate d’abord que


xe
ces nombres sont distincts car l x − dl xe = mx − dmxe entraîne x = dmxe−dl m−l ∈ Q, ce qui est
absurde.
En
h outre,hceux-ci appartiennent tous à l’intervalle [ 0 ; 1 [ , qui est la réunion des
h N intervalles
h
k k+1 k k+1
N ; N , 0 ≤ k ≤ N −1. En vertu du principe des tiroirs, il y a un intervalle N ; N qui en
contient deux, soit l x − dl xe et mx − dmxe, l 6= m. On obtient alors l’inégalité
1
|l x − dl xe − (mx − dmxe)| <
N
d’où
¯x − p ¯ < 1
¯ ¯
¯ ¯
avec p = dl xe − dmxe et q = l −m
¯ q¯ qN

17
Démonstration du théorème de Dirichlet : On se donne donc ε, M comme il est dit.
n
Encadrons x par M < x < n+1
M
. Quitte à diminuer ε nous pouvons supposer que

p p +1
µ ¶
ε < min x − , −x .
M M
1 p
Choisissons ensuite N tel que N
< ε puis r = q , q ≤ N − 1, tel que

¯x − p ¯ < 1
¯ ¯
¯ ¯
¯ q ¯ qN

Nous pouvons
¯ supposer
¯ la fraction irréductible sans toucher à l’inégalité. On voit immédia-
p¯ n p
tement que ¯x − q ¯ < ε, ensuite M < q < n+1
M ce qui impose q > M .
¯

D ÉVELOPPEMENT DES NOMBRES EN BASE p :


On fixe un nombre entier p ≥ 2 et un nombre réel x de [ 0 ; 1 [ .

1.4.2 Théorème
Il existe une unique suite (x n )n≥1 à valeurs dans {0, . . . , p − 1} telle que :
1. x est la somme de la série n≥1 x n p −n ;
P

2. L’ensemble {n ∈ N∗ | x n 6= p − 1} est infini


+∞
L’égalité x = x k p −k est appelé développement de x en base p.
P
k=1

Démonstration : Posons, pour n entier ≥ 1, y n = bp n xc. On a donc y n < p n et les enca-


drements

∀n ∈ N∗ , yn ≤ p n x < yn + 1 et p −n y n ≤ x < p −n y n + p −n

de là p y n ≤ p n+1 x < p y n + p et comme y n+1 ≤ p n+1 x < y n+1 + 1 il vient

p y n ≤ y n+1 et y n+1 < p y n + p.

Si nous développons le nombre y n < p n en base p, soit :

y n = x n + x n−1 p + · · · + x 1 p n−1 , x i ∈ {0, . . . , p − 1}

(attention à l’ordre !) les inégalités p y n ≤ y n+1 < p y n + p montrent que

y n+1 = x n+1 + x n p + · · · + x 1 p n , x n+1 ∈ {0, . . . , p − 1}

ce qui définit correctement la suite x n .


Puis, pour tout n ≥ 1, p −n y n est n-ième somme partielle de la série k≥1 x k p −k qui de ce fait
P

converge vers x. Reste à prouver (2) et l’unicité : par l’absurde, si x k = p − 1 pour k ≥ r , on a


pour n ≥ r

p −n y n − p −r y r (p − 1) p −n + · · · + p −r −1 p −r − p −n .
¡ ¢
= =

18
La suite p −n y n + p −n + p −n est donc constante de valeur y r + p −r , et tend vers x ; par
passage à la limite y r + p −r = x ce qui contredit la définition de y r d’où (2).
Enfin si (x n )n≥1 et (z n )n≥1 sont deux suites distinctes de {0, . . . , p −1} vérifiant (2), on introduit
m = min{k ∈ N∗ | x k 6= z k } ; supposons par exemple x m > z m , si
+∞ +∞
x k p −k z k p −k
X X
x = et z =
k=1 k=1

il vient
+∞
(x m − z m )p −m + (x k − z k )p −k
X
x−z =
k=m+1
et dans la somme S de droite, l’un des |x k − z k | au moins est < p − 1, donc

|S| < (p − 1) p −m−1 + p −m−2 + · · · < p −m


¡ ¢

et
|x − z| > |x m − z m | p −m − p −m ≥ 0. QED.

1.5 Homomorphismes de R
1.5.1 Théorème
Soit f : R 7→ R un morphisme de groupes additifs.
1. Si f est continu, f est de la forme : x 7→ ax.
2. Si f est borné au voisinage de 0, f est continu (et donc de la forme : x 7→ ax).

Noter que l’hypothèse est en particulier vérifiée si f est croissant.

Démonstration :
1. Posons a = f (1). Pour tout entier relatif et tout nombre réel x on a f (nx) = n f (x)
(récurrence), en particulier f (n) = na. Si q est un entier 6= 0 on en déduit

1 1 1 1
µ ¶ µ ¶ µ ¶
a= f q· =qf d’où f = a
q q q q

finalement si (p, q) ∈ Z × N∗ il vient

p 1 p
µ ¶ µ ¶
f = pf = a.
q q q

Pour passer de Q à R on exploite alors la continuité de f et le fait qu’un nombre réel


est limite d’une suite de rationnels.
2. En écrivant f (x + h) − f (x) = f (h) on voit qu’il suffit d’avoir la continuité en 0 pour
l’obtenir partout. Soit [ −α ; α ] un voisinage de 0 sur lequel | f | est majoré, mettons
par M > 0. Soit ε > 0.
Si N est choisi de sorte que M
£ α α ¤
N
< ε on aura pour tout x de − M ; M , N x ∈ [ −α ; α ]
donc | f (N x)| ≤ M , soit N | f (x)| ≤ M , et finalement | f (x)| ≤ ε. QED.

19
Conséquences : Par composition avec l’exponentielle ou le logarithme, on constate que :
— tous les morphismes continus de (R, +) dans ( ] 0 ; +∞ [ , ∗) sont des exponentielles ;
— tous les morphismes continus de ( ] 0 ; +∞ [ , ∗) dans (R, +) sont des logarithmes (sauf
le morphisme nul).

La connexité montre qu’un morphisme continu de (R, +) dans (R, ∗) est partout > 0.

B : Il existe des homorphismes de R qui ne sont pas des homothéties, pour en construire,
il suffit de choisir une base du Q-espace vectoriel R — il en existe par le théorème de Zorn —
et de définir une application linéaire qui n’est pas une homothétie, par exemple en envoyant
tous les vecteurs de la base sur 0 sauf un.

1.5.2 Théorème
Le seul morphisme de corps de R est l’identité.

Démonstration : Ici, il n’y a aucune hypothèse de continuité ! Sachant que C possède une
infinité d’automorphismes (alors que seuls deux d’entre eux sont continus : z 7→ z et z 7→ z̄)
on peut se douter de ce que l’ordre joue un rôle essentiel dans le cas de R. D’après la preuve
de la proposition précédente, portant sur les morphismes de groupe, on constate que, pour
tout r de Q, f (r ) = r . Vérifions ensuite que f est croissant : comme f (x) − f (y) = f (x − y) il
suffit de vérifier que f (z) ≥ 0 si z ≥ 0, or tout nombre réel positif z est un carré z = t 2 , donc
f (z) = f (t 2 ) = f (t )2 ≥ 0 puisque f est aussi un morphisme multiplicatif. On pourrait alors
conclure moyennant la caractérisation des morphismes continus de R dans R, mais il y a
plus simple : si x est un nombre réel tel que f (x) 6= x on choisit un rationnel r entre x et
f (x). Si x < r < f (x) la croissance de f amène f (x) ≤ f (r ) = r , absurde ; de même si f (x) < x.

1.5.3 Mauvaise approximation des nombre algébriques


Commençons par l’étude d’un problème classique. Il s’agit de montrer que, pour tout
nombre réel α > 2, la série de terme général α ¡1 p ¢ est absolument convergente.
n sin nπ 3


p
Soient
p n ∈ N , et p l’entier le plus
p proche de n 3 ; pour fixer les idées
p nous supposons
p ≤ n 3 ≤ p + 12 . Il vient alors 0 ≤ n 3 − p ≤ 21 et en multipliant par n 3 + p nous trouvons
¡ p
0 ≤p3n 2 − p 2 ≤ 4n n ¡3 − 2 2
pp . Or¢ 3n − p est unπ entierpnon nul moyennant l’irrationnalité
¢
π
de 3, et donc£1 ≤ 4n ¤ n 3 − p ce qui amène 4n ≤ nπ 3 − pπ, (< 2 ). La fonction sin étant
croissante sur 0 ; π2 , nous obtenons
¯ ¯
¯ 1 ¯ 1
¡ p ¢¯ ≤
¯ ¯
π
n α sin
¯ ¡ ¢
¯ n α sin nπ 3 ¯
4n

ce qui donne la convergence voulue.


p Le point essentiel est la mauvaise approximation d’un nombre algébrique irrationnel, ici
3, par les rationnels. Le résultat général est le suivant :

20
T HÉORÈME . Soit x un nombre algébrique irrationnel, racine d’une équation irréductible à
coefficients rationnels P (X ) = 0, et soit n = deg(P ). Pour tout segment J possédant
¯ ¯x, il existe
p p¯
un nombre C > 0 tel que, pour tout couple (p, q) ∈ Z × N tel que q ∈ J on ait ¯x − q ¯ ≥ qCn .
∗ ¯

Preuve : nous pouvons supposer que P (X ) = u n X n + · · · + u 1 X + u 0 , avec u n , . . . , u 0 en-


p
tiers. Soit (p, q) ∈ Z × N∗ tel que q ∈ J .
p p
³ ´ ³ ´
L’idée consiste à appliquer le théorème des accroissements finis à la quantité P q = P q −
p
³ ´
P (x) ce qui donne une égalité du type P (p/q) = P 0 (c)(x −p/q). On observe ensuite que P q
s’écrit sous la forme qNn , où N est un entier non nul puisque P n’a pas de zéro rationnel ; il en
¯ ³ ´¯
¯ p ¯
résulte que ¯P q ¯ ≥ q1n . Mais la fonction continue P 0 est bornée sur le segment J , mettons
1
par M > 0 ; on peut donc prendre C = M
pour obtenir l’inégalité voulue.

N OMBRES DE L IOUVILLE
Les développements dyadiques et le lemme ci-dessus nous permettent de définir explici-
tement une famille non dénombrable de nombres transcendants, par une méthode due à
Liouville.

On appelle nombre de Liouville tout nombre réel construit comme suit : soit ε = (εn ),
n ≥ 1, une suite non ultimement constante à valeurs dans {0, 1}, on pose

+∞
X εn
xε = n!
.
n=0 2

T HÉORÈME . Tout nombre de Liouville est transcendant.

Preuve : un nombre de Liouville x = x ε est irrationnel, par exemple parce que son dé-
ε
veloppement dyadique n’est pas périodique. Pour n dans N∗ , posons x n = nk=0 2k!k . Claire-
P

ment, x n est de la forme p/q, avec q = 2n ! . De plus,


¢n+2 ¡ −(n+1)! ¢(n+2)(n+3)
|x − x n | 2−(n+1)! + 2−(n+1)! 2
¡
≤ + + ···
+∞
X ¡ −(n+1)! ¢k
≤ 2
k=1

d’où l’on tire que |x − x n | ≤ 2.(2−n ! )n+1 ≤ q −n . L’entier n étant arbitraire, le lemme ci-dessus
montre que x, qui est irrationnel, est transcendant.

On retrouve donc le fait que le cardinal de l’ensemble des nombres transcendants est
celui de R.

1.6 Sous-groupe additifs de R


Soit G un sous-groupe de (R, +).

21
1.6.1 Théorème
Ou bien G = R, ou bien il existe un unique réel a ≥ 0 tel que G = aZ.

Démonstration : Supposons G 6= {0}, alors G ∩ R+∗ 6= ; ; introduisons a = inf(G ∩ R+∗ ).


i) Si a > 0, on a d’abord a ∈ G ; sans quoi, par définition de la borne inférieure, il existe x
dans ] a ; 2a [ ∩G, puis y dans ] a ; x [ ∩G, alors x−y est dans
¥ x G¦∩ ] 0 ; a [ , contrairement à
la définition de a. Ensuite pour tout x de G, l’élément x− a a = y de G vérifie 0 ≤ y < a
donc y = 0 et G = aZ.
ii) Si a = 0, pour tout ε > 0 il existe a ∈ G tel que 0 < a < ε. Comme Za est contenu dans
G, tout intervalle de R de longueur ≥ ε rencontre G, donc G = R.

1.6.2 Corollaire
Si G est un sous-groupe fermé de R, G = aZ ou G = R.

1.6.3 Applications
a) Périodes d’une fonction : Soit f dans C(R, R) ; le groupe G des périodes de f , c’est-à-dire
l’ensemble des réels τ tels que ∀x ∈ R, f (x + τ) − f (x) = 0 est fermé : si (τn )n∈N est une
suite de G, convegente de limite τ, la continuité de f impose à τ d’être dans G. D’après
les résultats précédents, ou bien G = aZ, a > 0, et f est une fonction a-périodique.
b) Si θ ∈ R\Q, l’ensemble {ei 2πnθ | n ∈ Z} est dense dans S1 .
L’image par une application continue surjective d’une partie dense de la source étant
dense dans le but (utiliser par exemple des suites) il suffit de montrer que G = Z + θZ
est dense dans R. Raisonner par l’absurde, c’est ici supposer qu’il existe un réel a > 0
tel que G = aZ, d’où p et q dans Z tels que θ = pa et 1 = q a. Il vient alors : θ = pa =
p
q ∈ Q ce qui est absurde.
On montre de cette même manière que {sin n | n ∈ Z} et {cos n | n ∈ Z} sont denses
dans [ −1 ; 1 ].

1.7 Structure des ouverts de R


Le théorème de structure des ouverts de R s’appuie essentiellement sur le lemme suivant

1.7.1 Lemme
Une partie de R est un intervalle ssi elle est convexe.

Démonstration : Le sens direct est clair. Soit A une partie convexe non vide de R. Posons
a = inf(A) et b = sup(B). Nous allons vérifier que ] a ; b [ est contenu dans A et A contenu
dans [ a ; b ], ce qui prouvera que A est un intervalle. Par définition de a et b, A est inclus
dans [ a ; b ].
Soit maintenant x ∈ ] a ; b [ , par définition
¤ des bornes a et b il existe y et z dans A tels que
y < x < z ; comme A est convexe, y ; z est contenu dans A, et x est dans A, ce qui achève
£

la preuve.

22
1.7.2 Théorème
Tout ouvert Ω de R est réunion dénombrable d’intervalles ouverts deux à deux disjoints.

Démonstration : Définissons sur Ω la relation R par xR y ssi il existe un intervalle ou-


vert I , contenu dans Ω et contenant à la fois x et y. R est clairement symétrique et comme
Ω est ouvert, R est réflexive. La transitivité vient de ce que la réunion de deux intervalles
ouverts ayant un point commun est un intervalle ouvert. Ainsi, R est d’équivalence ; soit
(I a )a∈D l’ensemble des classes d’équivalence (non vides) selon R.
Chaque I a est un intervalle ouvert : en effet, I a est ouvert comme réunion d’intervalles ou-
verts. D’autre part si x et y sont dans I a il existe par définition un intervalle I ouvert contenu
dans£ Ω tel¤que x, y ∈ I ; si z ∈ I on a xRz et donc I est contenu dans la classe I a de x. De ce
fait x ; y est inclus dans I , donc dans I a , ce qui montre que I a est convexe, donc est un
intervalle.
Enfin, D est dénombrable car à chaque I a on peut associer un rationnel r a qui lui appar-
tient, soit D l’ensemble qu’ils — les rationnels — forment. Comme les I a sont deux à deux
disjoints a 7→ r a est une injection de D dans Q.

1.7.3 Théorème
Tout intervalle de R est connexe.

Démonstration : Il suffit, moyennant le fait qu’une réunion de connexes ayant un point


commun est connexe (§ 7.1), de montrer qu’un segment [ a ; b ] de R est connexe. Soit f
une fonction continue de [ a ; b ] dans {0, 1}. Supposons par exemple f (b) = 1. Raisonner par
l’absurde c’est dire qu’il existe x dans [ a ; b ] tel que f (x) = 0 ; il est alors licite d’introduire

c = sup x ∈ [ a ; b ] | f (x) = 0 .
© ª

Comme f est continue, f (c) = 0, donc c < b. On peut donc envisager l’étude de la limite à
droite de f en c, par définition de c, celle-ci doit être égale à 1, ce qui contredit la continuité
de f en c.
Nous avons montré en passant que les qualités : être connexe, convexe, un intervalle sont
équivalentes pour une partie de R. Ce fait se révèlera très important lors de l’étude des fonc-
tions de variable réelle.

APPENDICE : C ONSTRUCTION DE R
Notons C l’ensemble des suites de Cauchy de nombres rationnels ; la somme de deux suites
de Cauchy est une suite de Cauchy et, du fait qu’une suite de Cauchy est bornée, le produit
de deux suites de Cauchy est une suite de Cauchy. Ainsi

L’ensemble C des suites de Cauchy de rationnels est un anneau pour les lois naturelles.

Soit I l’ensemble des suites de nombres rationnels qui tendent vers 0 ; visiblement, I est un
idéal de C ; R est alors l’anneau quotient C /I . Si (r n )n∈N est une suite de C , nous désignerons
par cl (r n )n∈N la classe de (r n )n∈N dans R, c’est-à-dire l’ensemble des suites (s n )n∈N de C telles
que (r n − s n )n∈N tende vers 0.

23
T HÉORÈME 1. R est un corps.

Preuve : Soit (r n )n∈N une suite de Cauchy de rationnels qui ne tend pas vers 0, il faut
montrer que cl (r n )n∈N est inversible c’est-à-dire qu’il existe une suite (s n )n∈N telle que
cl(r n s n )n∈N = 1, soit : (r n s n − 1)n∈N tend vers 0.
Le fait que (r n )n∈N ne tende pas vers 0 s’exprime par

∃ρ > 0, ∀N ∈ N, ∃n > N, |r n | > ρ. (1.1)


ρ
Exprimons que la suite (r n )n∈N est de Cauchy avec ε = 2 :
ρ
∃Nρ ∈ N, ∀n ≥ Nρ , ∀m ≥ Nρ , |r n − r m | < . (1.2)
2
ρ
Prenons N = Nρ dans (1.1) et fixons n > N tel que |r n | > 2 . Pour tout m ≥ N nous aurons
ρ
|r n − r m | < 2 et donc
ρ
∀M ≥ N , |r n | > . (1.3)
2
(Remarque : nous constatons que tous les r m sont du signe de r n pour m ≥ N .)
Posons enfin
1
s m = 0 si n < N et sn = si n ≥ N .
rn
La suite (s n )n∈N est de Cauchy en vertu de (1.3), et l’on a s m r m = 1 pour m ≥ N , ce qui montre
bien que cl (r n )n∈N cl (s n )n∈N = (1)n∈N . QED.
Il s’agit maintenant de définir dans R une relation d’ordre compatible avec les lois de R. De
façon générale, dans un anneau, on dispose du

T HÉORÈME 2. Soit A un anneau commutatif. Si P est une partie de A telle que


i) P + P est contenu dans P ;
ii) P.P est contenu dans P ;
iii) P ∩ (−P ) = { 0 }
la relation ≥ définie sur A par a ≥ b ssi b − a ∈ P est une relation d’ordre compatible
avec les lois de A, dont P est l’ensemble des éléments positifs ; ≥ est totale ssi
iv) P ∪ (−P ) = A.

Preuve : Par (ii) 0 est dans P donc ≥ est réflexive, de (i) on déduit la transitivité enfin
l’antisymétrie vient de (iii). (i) et (ii) donnent la compatibilité avec les lois de A. (iv) vient
des définitions. QED.
Nous allons donc construire un tel ensemble P dans R (un « cône positif ») ; de façon plus
précise, soit Π l’ensemble des suites (r n )n∈N de C telles que

∀ρ > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N , r n > −ρ. (1.4)

On vérifie facilement que la propriété (1.4) est satisfaite par tous les éléments d’une classe,
ou ne l’est jamais, on définit donc correctement l’ensemble P des classes de R = C /I dont
un représentant au moins vérifie (1.4), dans ce cas tous les représentants d’une classe de P
satisfont aussi à (1.4).

T HÉORÈME 3. P vérifie dans A = R les propriétés (i) à (iv) du théorème 2.

24
Preuve : (i) et (ii) sont clairs ; (iii) vient du fait que, si (r n )n∈N et (−r n )n∈N vérifient (1.4),
(r n )n∈N tend vers 0 ; (iv) est la propriété la plus délicate à établir. Soit (r n )n∈N une suite qui
n’est pas dans Π, ce qui s’exprime par
∃ρ > 0, ∀N ∈ N, n > N, r n < −ρ (∗)
ρ
Reprenons la preuve du théorème 1 : nous voyons qu’il existe un rang Nρ tel ∀n ≥ Nρ , |r n | ≥ 2
et ∀n, m ≥ Nρ , r n et r m sont de même signe.
ρ
(∗) impose à ce signe d’être négatif, on constate donc que −r n > 2 ≥ 0 pour n ≥ N , ce qui
montre que (−r n )n∈N vérifie (1.4) et que cl (−r n )n∈N est dans P . QED.
Ainsi, R muni de la relation ≥ définie par P est un corps ordonné.
Dans ce qui suit, nous désignerons, lorsque r est un nombre rationnel, par r¯ la classe dans
R de la suite constante de valeur r .
T HÉORÈME 4. L’application φ qui au nombre rationnel r fait correspondre r¯ est un isomor-
phisme de (Q, ≥) sur un sous-corps de (R, ≥), et (R, ≥) est un corps ordonné archimédien.
Preuve : Compte tenu de la définition de R, φ est un morphisme de corps donc est in-
jectif : c’est un isomorphisme algébrique de Q sur φ(Q). Il faut ensuite montrer que φ est
croissant : la définition de l’ordre sur R nous dit qu’il suffit de prouver que, pour tout r de Q,
r ≥ 0 entraîne r¯ ∈ P , ce qui est immédiat. Enfin, si x = cl (r n )n∈N est un nombre réel, la suite
de Cauchy (r n )n∈N est bornée dans le corps archimédien Q d’où un nombre entier N tel que
∀n ∈ N, rn ≤ N
ce qui montre que le nombre réel x est inférieur à l’image canonique N de N dans R.
Nous pouvons maintenant utiliser les résultats de 1.1.3 et 1.1.4 :
— pour tout ε > 0 de R il existe un nombre rationnel ρ tel que 0 < ρ < ε.
Cette propriété exprime que l’on peut écrire, dans R, le critère de Cauchy en se bor-
nant aux majorants ε rationnels, voire même de la forme n1 . Enfin ce résultat amène la
densité des rationnels dans R :
— entre deux éléments distincts de R il y a un nombre rationnel ;
— tout point de R est limite d’une suite de nombres rationnels.
Prouvons ensuite que notre but est atteint, c’est-à-dire que toute suite de Cauchy de nombres
réels converge. Il nous faut d’abord vérifier que notre construction est cohérente, c’est-à-
dire :
L EMME. Dans le corps des réels, toute suite de Cauchy de nombres rationnels converge vers le
nombre réel qu’elle représente.
Démonstration : Soit x = cl (r n )n∈N un nombre réel, soit ρ un nombre rationnel > 0.
Exprimons que la suite (r n )n∈N est de Cauchy :
ρ
∃Nρ ∈ N, ∀n ≥ Nρ , ∀m ≥ Nρ , |r n − r m | < .
2
Par définition de l’ordre sur R — bien y réfléchir ! — nous constatons que, pour tout m ≥ Nρ
on a
−ρ ≤ x − r m ≤ ρ.
Comme pour tout ε > 0 de R il y a un nombre rationnel ρ tel que 0 < ρ < ε, nous obtenons la
convergence de la suite m 7→ r¯m vers x dans R.

25
T HÉORÈME 5. R, ≥ est un corps ordonné archimédien complet.
¡ ¢

Preuve : Reste la complétude, qui est le point le plus difficile de la construction ; repérez
les confusions possibles ! La clé de la preuve en est le lemme ci-dessus. Soit x p p∈N une suite
¡ ¢

de Cauchy de R. Par densité des rationnels, il existe pour tout p de N∗ un rationnel tel que
¯ ¯
¯x p − r p ¯ 1
< .
p

On vérifie alors immédiatement que la suite r p p∈N est de Cauchy, donc converge vers le
¡ ¢

nombre réel x qu’elle représente. Maintenant le choix de r p p∈N fait que la suite x p p∈N
¡ ¢ ¡ ¢

converge aussi vers x. QED.

EXERCICES

1) Étudier la continuité de l’application qui à x réel associe le n e terme de son dévelop-


pement décimal (vérifier que ce dernier est donné par x n = b10n xc − 10b10n−1 xc).
p
2) Soit f une application continue admettant 1 et 2 pour périodes, montrer que f est
constante.
p
3) Soient p n n∈N et q n n∈N (q n ≥ 1) deux suites d’entiers telles que les rationnels qnn
¡ ¢ ¡ ¢
p
tendent vers un nombre réel x avec x 6= qnn pour tout n. Prouver que la suite q n n∈N
¡ ¢

tend vers +∞.


4) Déterminer tous les homomorphismes continus ou monotones
a) de (R, +) vers (R+∗ , ×) ;
b) de (R+∗ , ×) vers (R, +) ;
c) de (R+∗ , ×) vers (R+∗ , ×).
5) Soit I 1 , . . . , I n une famille d’intervalles ouverts recouvrant le segment [ a ; b ] dans R.
Montrer que la somme des longueurs de I 1 , . . . , I n est supérieure à b − a.
6) a) Montrer que ln10 2 est irrationnel.
b) On note G le groupe des éléments inversibles > 0 de l’ensemble des nombres
décimaux. Montrer que G est dense dans R+
∗.
7) Soit I n = ] a n ; b n [ une suite décroissante d’intervalles réels bornés ouverts non vides.
Trouver une condition nécessaire et suffisante portant sur les suites (a n )n∈N et (b n )n∈N
pour que l’intersection des intervalles I n soit non vide.
8) Déterminer toutes les isométries de (R, | · |) sur lui-même.
9) Soient (u n )n∈N et (v n )n∈N deux suites réelles telles que :
i) limn→+∞ u n = limn→+∞ v n = +∞ ;
ii) limn→+∞ u n+1 − u n = 0.
Montrer que {u n −v m | (m, n) ∈ N2 } est dense dans R. En déduire que : {sin(log n) | n ∈
N} est dense dans [ −1 ; 1 ] (contrairement aux apparences, ce résultat est plus simple
que : {sin n | n ∈ N} est dense dans [ −1 ; 1 ]).

26
Chapitre 2

Topologie : généralités

Avertissement : il s’agit ici d’un survol très rapide des notions de base, les preuves sont
concises, et les résultats vraiment simples laissés au lecteur. Il s’agit en quelque sorte d’un
« crash course » s’adressant à un étudiant qui a suivi un cours de topologie détaillé, et qui a
besoin de refaire une mise au point avant de se lancer dans une étude plus approfondie.

2.1 Généralités

2.1.1 Définition
On appelle topologie sur l’ensemble E la donnée d’une famille > de sous-ensembles de
E , appelées ouverts de >, satisfaisant aux propriétés suivantes :

(T1 ) E et ; sont des ouverts ;


(T2 ) Toute réunion d’ouverts est un ouvert ;
(T3 ) L’intersection d’une famille finie d’ouverts est un ouvert.

Le couple (E , >) est alors appelé espace topologique, on le notera le plus souvent E .

2.1.2 Exemples
1. Les ouverts de R forment une topologie, dite topologie de l’ordre de R, ou encore to-
pologie usuelle.
2. Topologie de R : on ajoute aux voisinages dans R les voisinages de +∞ et −∞. Un sous-
ensemble de R est alors dit ouvert s’il est voisinage de chacun de ses points, les pro-
priétés Ti sont alors clairement vérifiées.
3. Topologie trace : si A est une partie de l’espace topologique (E , >), les parties de A de
la forme Ω∩A, où Ω est ouvert dans E , forment visiblement une topologie >A appelée
trace de la topologie de E sur A. L’espace topologique (A, >A ) est appelé sous-espace
topologique de E .

27
2.1.3 Définition
Soit (E , >) un espace topologique, et a un point de E . On appelle voisinage de a toute
partie V de E telle qu’il existe un ouvert Ω contenant a et contenu dans V . Une base de voi-
sinages de a est une famille (U i )i ∈I de voisinages de a telle que tout voisinage de a contienne
au moins un élément U i de la famille.

Notation : On note V (a) l’ensemble des voisinages d’un point a.

Les propriétés suivantes de voisinages découlent immédiatement des définitions :

1. Si U ∈ V (a) et si U est contenu dans W , W est un voisinage de a.


2. L’intersection d’un nombre fini de voisinages de a est un voisinage de a.
3. Les voisinages ouverts de a forment une base de voisinages de a.

2.1.4 Proposition
Une partie Ω de E est ouverte ssi Ω est voisinage de chacun de ses points.

Démonstration : Il est clair qu’un ouvert est voisinage de chacun de ses points. En sens
inverse, si Ω est voisinage de chacun de ses points, pour tout a de Ω on peut trouver un ou-
vert ωa contenant a, inclus dans Ω. Il est clair, par double inclusion, que Ω est réunion de la
famille (ωa )a∈Ω .

N.B. : ceci procède « à l’envers » de la définition des ouverts de R ou R : en fait il y a


deux façons de procéder ; on peut soit définir les ouverts puis les voisinages, soit définir les
voisinages puis les ouverts, l’ordre « voisinage puis ouvert » est souvent employé dans l’étude
élémentaire de la construction de R.

2.1.5 Définition
Une partie F de E est dite fermée si le complémentaire de F est un ouvert.

Il résulte immédiatement de la définition d’une topologie que les fermés possèdent les
propriétés suivantes :

(F1 ) E et ; sont des fermés.


(F2 ) Toute intersection de fermés est fermée.
(F3 ) Toute réunion finie de fermés est fermée.

Exemple : Dans R, un intervalle fermé est un fermé pour la topologie usuelle.


Rappellons qu’il existe des parties qui ne sont ni ouvertes, ni fermées. En fait, la plupart (au
sens des cardinaux) des parties de R ne sont ni ouvertes ni fermées (pas même boréliennes).

28
2.1.6 Définition
Un espace topologique est dit séparé si, pour tout couple (x, y) de points distincts de E ,
il existe V dans V (x) et W dans V (y) tels que V ∩ W = ;.
On constate immédiatement que tout sous-ensemble fini d’un espace séparé est fermé.

2.1.7 Définition
Une famille (ωi )i ∈I d’ouverts de E est appelée base d’ouverts de la topologie > si tout ou-
vert de > est réunion d’ouverts de (ωi )i ∈I .

Exemple : La famille des intervalles p ; q , avec p et q rationnels, forme une base de


¤ £

la topologie usuelle de R. En effet, si Ω est un ouvert¤ de £R et a ∈ Ω on peut trouver deux


nombres rationnels p et q tels que p < a < q et que p ; q soit contenu dans Ω, l’ouvert Ω
est alors la réunion de ces intervalles p ; q .
¤ £

2.2 Espaces métriques


Soit E un ensemble.

2.2.1 Définition
On appelle distance sur E toute application de E dans [ 0 ; +∞ [ satisfaisant aux trois
propriétés suivantes :
(d1 ) ∀(x, y) ∈ E 2 , d x, y ≥ 0 et d x, y = 0 ssi x = y ;
¡ ¢ ¡ ¢

(d2 ) ∀(x, y) ∈ E 2 , d x, y = d y, x ;
¡ ¢ ¡ ¢

(d3 ) ∀(x, y, z) ∈ E 3 , d x, y ≤ d x, y + d y, z (inégalité triangulaire).


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

Exemple : (x, y) 7→ ¯x − y ¯ est une distance sur R2 , de même sur C2 avec le module.
¯ ¯

D’ici au § 2.3, E est muni d’une distance d.

2.2.2 Définition
Soit a dans E et r un nombre réel > 0, on appelle boule ouverte de centre a et de rayon r
l’ensemble des points x de E tels que : d (a, x) < r ; on appelle boule fermée de centre a et de
rayon r l’ensemble des points x de E tels que d (a, x) ≤ r .

Notation : Boule ouverte : B (a, r ), boule fermée : B (a, r ) (parfois B0 (a, r ), ou B f (a, r )).

BB À l’écriture B (a, r ) : cette notation est nécessaire mais dangereuse, rien en effet
ne dit que l’adhérence de la boule ouverte B (a, r ) est la boule fermée correspondante ; ce
résultat est vrai si E est un evn (voir plus loin), mais faux en général.

29
2.2.3 Définition
On dit que le sous-ensemble Ω de E est un ouvert de E si, pour tout x de Ω, il existe un
nombre réel r > 0 tel que B (x, r ) soit contenu dans Ω.

Un ouvert est donc une réunion arbitraire de boules ouvertes. On vérifie facilement que
les ouverts ainsi définis forment une topologie sur E , dite topologie métrique de (E , d).

2.2.4 Proposition
1. Toute boule ouverte est ouverte.
2. Toute boule fermée est fermée.

Démonstration : 1– Par le ¡dessin


¢ et l’inégalité triangulaire : si x ∈ B (x, r ), et ρ = r −d (a, x)
on a B x, ρ contenue dans B a, ρ .
¡ ¢

2– On vérifie de même (faites !) que le complémentaire d’une boule fermée est un ouvert.

2.2.5 Corollaire
Un espace métrique est séparé.
En effet, si a et b sont deux points distincts de E et r = 21 d (a, b) les boules ouvertes B (a, r ) et
B (b, r ) sont des voisinages disjoints de a et de b.

2.2.6 Théorème-définition
Soit A une partie de E , E 6= ;. On dit que A est bornée si A vérifie l’une des conditions
équivalentes suivantes :

1. il existe un réel M tel que, pour tout couple (x, y) de A 2 , d x, y ≤ M ;


¡ ¢

2. il existe a dans E et un réel R > 0 tel que A soit contenue dans B (a, R) ;
3. pour tout point a de E il existe un réel R > 0 tel que A soit contenue dans B (a, R).

Les équivalences sont immédiates par l’inégalité triangulaire.

2.2.7 Définition

¡ Le ¢diamètre de la partie A de E est la borne supérieure dans [ 0 ; +∞ ] de l’ensemble


{d x, y | (x, y) ∈ A 2 }.

Exemples : δ(;) = 0 ; en espace vectoriel normé non nul, δ (B (a, r )) = 2r comme on le voit
en considérant le diamètre ; et pour une partie quelconque δ(A) est fini ssi A est bornée.

30
2.3 Sous-espaces d’un espace métrique, ouverts et fermés re-
latifs

2.3.1 Définition
Soit (E , d) un espace métrique. Si A est une partie de E , l’espace métrique (A, δ) où δ est
la restriction de d à A est appelé sous-espace métrique de (E , d).

2.3.2 Théorème
Soit A un sous-espace de l’espace métrique (E , d).

— une partie ω de A est ouverte ssi il existe un ouvert Ω de E tel que ω = Ω ∩ A ;

— une partie Φ de A est fermée ssi il existe un fermé F de E tel que Φ = F ∩ A.

Démonstration : Par complémentarité (relative) il suffit de le montrer pour les ouverts


de A. Observons d’abord, pour tout ce qui suit que, pour tout a de A et tout nombre r > 0

B (a, r ) ∩ A = B A (a, r )

où B A (a, r ) désigne la boule ouverte de centre a et de rayon r de l’espace métrique (A, δ).
Soit Ω un ouvert de E , et ω = Ω ∩ A. Pour tout a de ω il existe un nombre réel r > 0 tel que
B (a, r ) soit contenue dans Ω. Avec ce choix de r , B A (a, r ) = B (a, r ) ∩ A est contenue dans ω
ce qui montre que ω est ouvert dans (A, δ).

Réciproquement, si ω est ouvert dans (A, δ) pour tout a de ω il existe r > 0 tel que
B A (a, r ) = B (a, r ) ∩ A soit contenue dans ω ; si Ω est la réunion des boules B (a, r ) ainsi dé-
terminées, il est clair que ω = Ω ∩ A.

On voit donc que la topologie induite par la restriction de d à A est bien la topologie trace
de E sur A. Donc :

— si A est ouvert, tout ouvert de A est ouvert dans E mais en général un fermé de A n’est
pas fermé dans E ;

— si A est fermé, tout fermé de A est fermé dans E mais en général un ouvert de A n’est
pas ouvert dans E .

Il convient de ne pas oublier ces difficultés lorsque l’on étudie des images réciproques
d’ouverts ou de fermés par des fonctions continues qui ne sont pas définies sur l’espace tout
entier ; ou encore en calcul différentiel, où les fonctions de plusieurs variables sont obliga-
toirement définies sur des ouverts, par exemple pour obtenir l’annulation de la différentielle
aux points critiques.

31
2.4 Espaces vectoriels normés
2.4.1 Définitions
Soit E un espace vectoriel sur R ou sur C. On appelle norme sur E toute application N de
E dans R+ satisfaisant aux propriétés suivantes :
(N1 ) ∀x ∈ E , N (x) ≥ 0 et N (x) = 0 ssi x = 0;
(N2 ) ∀(λ, x) ∈ K × E , N (λx) = |λ| N (x) ;
2
(N3 ) ∀(x, y) ∈ E , N (x + y) ≤ N (x) + N (y).

Un espace vectoriel normé (en abrégé evn) est un couple (E , k·k) où E est un espace vectoriel
sur R ou C, et k · k une norme sur E ; une algèbre normée est un couple (A, k · k) où A est une
algèbre sur R ou C, k · k une norme sur A satisfaisant à

∀(x, y) ∈ A 2 , kx ∗ yk ≤ kxk.kyk (∗ est la loi multiplicative de A)

2.4.2 Exemples
1. Sur Rn ou Cn on dispose des trois normes :
n
X
N1 (x 1 , x 2 , . . . , x n ) = |x i |
k=1
n
|x i |2
X
N2 (x 1 , x 2 , . . . , x n ) =
k=1
N∞ (x 1 , x 2 , . . . , x n ) = max (|x 1 |, |x 2 |, . . . , |x n |)

et plus généralement de la norme N p définie pour tout p réel > 1 par


à !1
n p

|x i |p
X
N p (x 1 , x 2 , . . . , x n ) =
k=1

Le fait que N p soit une norme n’est pas du tout trivial, l’inégalité triangulaire résulte
de l’inégalité de Minkowski, cf. le § 11 « fonctions convexes ».
2. Si X est un ensemble, l’algèbre
° ° B (X¯, K) des
¯ fonctions bornées de X vers K muni de la
norme k·k∞ définie par f ∞ = sup f (x)¯ est une algèbre normée.
° ° ¯
x∈E
(Petit exercice : prouver sans omettre le moindre détail le fait que k·k∞ est une norme).
On peut également munir l’algèbre des fonctions continues d’un compact X vers le
corps K, soit C (X , K) de la même norme.

Tout sous-espace vectoriel d’un evn E est muni par restriction d’une norme, on l’appelle
alors sous-espace vectoriel normé de E .

2.4.3 Propriétés particulières à la topologie d’un evn E


— La topologie de E est invariante par translation et par homothétie.
— Le seul sev borné de E est { 0 }.

32
2.5 Suites dans les espaces métriques
Dans tout ce qui suit, (E , d) est un espace métrique.

2.5.1 Définition
Soit (u n )n∈N une suite de points de l’espace métrique (E , d). On dit que (u n )n∈N converge
vers le point a si, pour tout voisinage V de a, il existe un entier nV tel que

∀n ≥ nV , u n ∈ V.

Traduction : La suite (u n )n∈N converge vers a dans (E , d) ssi la suite ( d (u n , a) )n∈N tend
vers 0.

2.5.2 Proposition
Si la suite (u n )n∈N converge vers les points a et a 0 , a = a 0 .

Par l’absurde, ce résultat provient immédiatement de la séparation de l’espace.


Cette unicité nous permet désormais de parler, le cas échéant, de la limite d’une suite conver-
gente.

2.5.3 Opération sur les suites convergentes dans un evn


1. La somme de deux suites convergentes est convergente, la limite étant la somme des
limites ;
2. La multiplication par une suite scalaire convergente d’une suite convergente fournit
une suite convergente, la limite étant le produit des limites.

Les démonstrations suivent celles du cas réel (c’est éventuellement l’occasion de les revoir).

2.5.4 Suites de Cauchy


A nouveau, la définition est la même que dans R, au remplacement près de la valeur
absolue par la distance :

(u n )n∈N est de Cauchy ssi ∀ε > 0, ∃N ∈ N, ∀n ≥ N , ∀m ≥ N , d (u n , u m ) < ε.

Et l’on vérifie immédiatement que toute suite convergente est de Cauchy, sans réciproque
bien sûr (cf. espaces complets). De plus, toute suite de Cauchy est bornée.

2.5.5 Théorème-définition : valeurs d’adhérence


Soit (a n )n∈N une suite de l’espace métrique (E , d) et soit a un point de E . Les trois proprié-
tés suivantes sont équivalentes :
1) a est limite d’une extraction convergente de la suite (a n )n∈N ;

33
2) pour tout nombre ε > 0 et tout N de N il existe n > N tel que d (a n , a) < ε ;
3) pour tout nombre ε > 0 l’ensemble A ε = { n ∈ N | d (a n , a) < ε } est infini.

Un point satisfaisant l’une de ces trois propriétés est appelé valeur d’adhérence de la
suite (a n )n∈N .

Démonstration : (2) et (3) sont équivalents car, dans N, « non borné » est équivalent à
« infini ». Comme (1) implique visiblement (2) ou (3), il nous reste à montrer que (3) entraîne
(1). Mais (3) nous permet de construire une suite d’entiers ( φ(n) )n∈N strictement croissante
telle que
1
∀n ∈ N, d a φ(n) , a < .
¡ ¢
n +1
1
Ayant construit φ(0) < · · · < φ(n − 1), on pose ε = n+1 et l’on choisit φ(n) > φ(n − 1) dans
l’ensemble infini A ε ; la récurrence est achevée.

2.5.6 Proposition
L’ensemble des
ª valeurs d’adhérence d’une suite (u n )n∈N est égal à l’intersection des A n où
An = up | p ≥ n .
©

Preuve : traduire l’appartenance à l’intersection des A n .

2.5.7 Corollaire
L’ensemble des valeurs d’adhérence d’une suite est fermé.

Preuve : Par intersection.

2.5.8 Proposition
Toute suite de Cauchy qui possède une sous-suite convergente converge.

(Immédiate).

2.6 Intérieur, adhérence, frontière


2.6.1 Définition
Soit A une partie de l’e.m. E . On dit que le point a de E est :
1. un point intérieur à A s’il existe un ouvert ω contenu dans A et qui contient a, ce qui
équivaut à dire que A est un voisinage de a ;
2. un point d’adhérence à A si tout voisinage de a rencontre A ;
3. un point frontière de A si a est adhérent à A et à son complémentaire.

34
L’intérieur de A est l’ensemble, noté Å, des points intérieurs à A ; l’adhérence (aussi appelée
fermeture) de A est l’ensemble, noté A, des points adhérents à A ; la frontière de A est l’en-
semble des points frontière de A et se note Fr(A).

Exemple : L’intérieur d’un intervalle réel est l’intervalle ouvert correspondant ; la ferme-
ture d’un intervalle non vide est l’intervalle fermé correspondant.

2.6.2 Proposition
L’intérieur de A est un ouvert, plus précisément, c’est le plus grand ouvert contenu dans
A.

Démonstration : L’intérieur de A est ouvert : soit a un point intérieur à A. Il existe un


ouvert ω contenu dans A et qui contient a ; mais alors par définition chaque point de ω est
dans Å, donc Å est un voisinage de a. Å, qui contient par définition tous les ouverts contenus
dans A, est donc le plus grand ouvert contenu dans A.
Les énoncés suivants viennent alors par simples équivalences logiques :

2.6.3 Proposition
L’adhérence de A est l’intérieur du complémentaire de A.

2.6.4 Corollaire
L’adhérence de A est le plus petit fermé de E contenant A.

Le critère suivant spécifique à des espaces métriques, est souvent utile :

2.6.5 Théorème
Le point a de l’espace métrique (E , d) est adhérent à A ssi a est limite d’une suite de points
de A .

Démonstration : Si a est limite d’une suite de points de A, tout voisinage de a contient


les points de cette suite à partir d’un certain
¡ rang¢ donc rencontre A et a ∈ A.
1
En sens inverse, si a ∈ A, chaque boule B a, n+1 rencontre A, on choisit alors un point a n
de A dans cette intersection d’où une suite de points de A qui converge vers a.

2.6.6 Corollaire
La partie A de E est fermée ssi toute limite de suite de points de A appartient à A.

B : l’usage usuel de cette proposition est plutôt le sens : A fermé =⇒ une limite de
point de A est dans A. Par exemple, si A est une partie fermée non vide majorée de R, la

35
borne superieure de A est dans A. Ainsi, dans un fermé, l’ensemble des zéros d’une fonc-
tion continue possède, lorsqu’elles existent, ses bornes inférieure et supérieure.

2.6.7 Exemples
Soient E un evn de dimension ≥ 1, a dans E , r un réel ≥ 0 ; alors :
a) L’adhérence de B (a, r ) est B (a, r ).
b) L’intérieur de B (a, r ) est B (a, r ).
c) La frontière de B (a, r ) est S(a, r ), de même pour B (a, r ).

x
b
b

xn

a
b

F IGURE 2.1 – x ∈ B (a, r ) et B (a, r ) 3 x n −−−−−→ x


n→+∞

Démonstration : Comme toujours il s’agit de concevoir la preuve par la géométrie, puis


de traduire ce qui a été vu en termes topologiques corrects.
a) L’adhérence de B (a, r ) (= plus petit fermé contenant B (a, r )) est contenue dans le fermé
B (a, r ) ; réciproquement si x est dans B (a, r ), x est limite de la suite de B (a, r )
1 1
µ ¶
xn = 1 − x + a.
n n

b) L’ouvert B (a, r ) est contenu dans B (a, r ). Il suffit donc de prouver qu’un point x de
B (a, r ) \B (a, r ) cad un point x de S(a, r ) n’est pas intérieur à B (a, r ), ce qui revient à dire que
toute boule B (x, r ) rencontre ¢ le complémentaire de B (a, r ), ce dernier point est clair si l’on
1
considère la suite a + 1 + n (x − a).
¡

Le reste suit alors aisément.


Contre-exemple lorsque E n’est plus supposé être un evn :
Il suffit de prendre pour E une partie d’un evn, par exemple {0, 1} dans R où B (0, 1) est {0}
qui est fermé alors que B (0, 1) est ici {0, 1}.

36
2.6.8 Parties convexes
Soit E un espace vectoriel normé. On rappelle que la partie C de E est dite convexe
lorsque, avec deux points a et b elle contient le segment qui les joints, ce qui se traduit par
∀(a, b) ∈ C 2 , ∀t ∈ [ 0 ; 1 ], t a + (1 − t )b ∈ C .

P ROPRIÉTÉS ALGÉBRIQUES DES CONVEXES


On vérifie que l’intersection d’une famille de convexes, que la somme convexe : aC + bC 0 ,
a, b > 0 de deux convexes est convexe. On dispose aussi, pour construire des ensembles
convexes, de l’image d’un convexe par une application affine, ou de son image réciproque
ce qui donne en particulier comme exemples de telles parties les demi-espaces ouverts et
fermés.

P ROPRIÉTÉS TOPOLOGIQUES
L’adhérence, l’intérieur d’un convexe C sont convexes.

x b
a b b b

F IGURE 2.2 – L’intérieur d’un convexe C est convexe

En effet, si a et b sont dans C et t dans [ 0 ; 1 ], a et b sont limites respectives de suites


(a n )n∈N et (b n )n∈N à valeurs dans C ; et la suite de points du convexe C , soit t a n + (1 − t )b n
converge vers t a + (1 − t )b qui est de ce fait un point de C .
Pour l’intérieur la situation est un peu plus subtile : on utilise le fait (simple à vérifier) que
l’image par une homothétie h de rapport λ d’une boule B (b, r ) est la boule B (h(b), |λ|r ). Soit
alors a un point de C , b un point intérieur à C , x un point de ] a ; b [ , soit
x = a + t (b − a), t ∈ ]0; 1[.
Il existe par hypothèse un nombre r > 0 tel que B (b, r ) est contenu dans C . L’homothétie h
de centre a et de rapport t envoie b sur x, la boule B (b, r ) sur la boule B (x, t r ), et la convexité
de C fait que l’image de C par cette homothétie est contenue dans C ; en particulier, l’image
B (x, t r ) de B (b, r ) est contenue dans C , ce qui montre que x est intérieur à C .

37
2.6.9 Définition
Soit (E , d) un espace métrique. On dit que la partie A de E est dense dans E si l’adhérence
de A est E .

2.6.10 Théorème
Pour une partie A de E , il est équivalent de dire :
1) A est dense dans E ;
2) tout ouvert non vide de E rencontre A ;
3) toute boule ouverte de E rencontre A ;
4) tout point de E est limite d’une suite de points de A.

Démonstration : (1) =⇒ (2). Un ouvert est voisinage de chacun de ses points, et tout
voisinage d’un point de E est supposé rencontrer A ; (2) =⇒ (1) vient de ce qu’un voisinage
d’un point de E contient toujours au moins un ouvert non vide.
(3) ⇐⇒ (2) par définition des ouverts dans un espace métrique (l’écrire) ;
(1) ⇐⇒ (4) résulte enfin de la caractérisation des adhérences par les suites.

2.6.11 Exemples
1. Les parties Q et R\Q de R sont denses dans R.
2. On montre aussi, avec ces critères, que GL n (R) est dense dans M n (R) ou encore que
l’ensemble des matrices complexes (n, n) possédant n valeurs propres distinctes est
dense dans M n (C) (voir par exemple « Groupes de Lie Classiques » [MT86] chapitres
un et deux).

Exercice : Montrer que l’espace métrique (E , d) possède une base dénombrable d’ou-
verts ssi E possède une partie dénombrable dense (indication : ⇒ = prendre¡ un¡ point
¢¢ dans
= si A est dénombrable dense, la famille d’ouverts B a, n1 a∈A,n∈N∗
chaque ouvert de la base ; ⇐
est dénombrable ; en jouant sur l’indépendance de a et de n on prouve qu’il s’agit d’une base
d’ouverts).

2.6.12 Définition
Soit A une partie de E . Un point a de E est un point isolé de A s’il existe V dans V (a) tel
que V ∩ A = {a}, on note leur ensemble A i .
Au contraire, on dit que le point a de E est un point d’accumulation si, pour tout V de V (a)
on a V \{a} ∩ A 6= ;, on note leur ensemble A c .

2.6.13 Exemple
1. Tous les points de Z sont isolés.
2. Tous les points de R sont d’accumulation de Q.

38
3. Une valeur d’adhérence d’une suite injective u n est un point d’accumulation de A =
u(N).

2.6.14 Propriétés
— A est la réunion de A i et A c .
— En espace métrique, le point a est un point d’accumulation ssi tout V de V (a) est tel
que V ∩ A est infini.

2.7 Limites, domination


Nous nous placerons dans le cadre des espaces topologiques, ce qui nous permettra de
travailler sans problèmes dans R, N ∪ {∞}, C ∪ {ω}, etc.

2.7.1 Définition
Soit A contenu dans E espace topologique, a dans A, f une application de E dans l’es-
pace topologique F . On dit que f admet l pour limite au point a si pour tout V ∈ V (l ), il
existe U ∈ V (a) tel que f (U ∩ A) est contenu dans V .

Traductions :
1. Lorsque E et F sont métriques, le fait que f admette la limite l en a selon A se traduit
par
∀ε > 0, ∃δ > 0, ∀x, x ∈ B (a, δ) ∩ A =⇒ f (x) ∈ B (l , ε)
On observe que f admet la limite l (en a) ssi d f (x), l tend vers 0 en a.
¡ ¢

2. Lorsque E = R, a = +∞, et F est un evn, on obtient les caractéristiques habituelles de


limites à l’infini, etc.
Notons que l’existence d’une limite est une question locale (ceux qui souhaitent des éclair-
cissements peuvent consulter le début du § 13 « comparaison des fonctions »), et aussi que,
si f admet une limite en a, f est bornée au voisinage de a.
On a, comme pour les suites, la

2.7.2 Proposition
Si F est séparé, f admet au plus une limite au point a.
Ce qui nous permet d’introduire la notation l = limx→a f (x).

2.7.3 Proposition
Si f admet une limite en a selon A, et si a ∈ A, f (a) = l .

Démonstration : Si V est un voisinage quelconque de l , V contient un ensemble de la


forme f (U ∩ A), donc contient f (a), comme l’espace est séparé c’est que f (a) = l .

39
Cette proposition remet en ordre la confusion qui règne à cause de l’absurde programme
du secondaire : le point a doit-il ou non appartenir à la partie A ? Il n’y a pas de règle stricte,
c’est selon le choix de A ; mais si l’on impose a ∈ A il faut que f (a) = l .

2.7.4 Opérations algébriques


Comme dans le cas des suites on dispose de la somme, du produit, de l’inverse pour les
fonctions à valeurs dans C∗ .

2.7.5 Composition des limites


Commençons par un exemple. Que pensez-vous de la situation suivante :
f est la fonction
¡ 1 ¢ caractéristique de { 0 }, donc f possède la limite 0 en 0 ;
g (x) = x sin x pour x 6= 0, g (0) = 0 est continue en 0.
¡ 1 ¢ ³ ´
1
Mais f ◦g n’a pas de limite en 0 puisque la suite f ◦g 2nπ tend vers 0 et la suite f ◦g 2nπ+ π
2
tend vers 1 ?
L’explication est dans les hypothèses du théorème de composition des limites, f possède
une limite selon R∗ , et l’image par g d’un voisinage de 0, même pointé, n’est jamais conte-
nue dans R∗ .

Données : f va de A dans F et g va de B contenu dans F dans G, a ∈ A et b ∈ B .

2.7.6 Théorème
Si f admet une limite b en a selon A, si f (A) est contenu dans B , et si g admet une limite
l en b selon B , g ◦ f admet la limite l en a selon A.

N.B. : l ∈ B est clair...

Démonstration : On choisit W dans V (l ), puis V dans V (b) tel que f (V ∩B ) soit contenu
dans W , et enfin U dans V (a) tel que f (U¡∩ A) contenu dans V . Comme f (A) est inclus dans
B , f (U ∩ A) est inclus dans V ∩ B , d’où g f (U ∩ A) est inclus dans W .
¢

2.7.7 Théorème
Soit f : E → F une application entre espaces métriques. f admet une limite ¡au point ¢ a
selon la partie A ssi, quelle que soit la suite (u n )n∈N de A de limite a, la suite f (u n ) n∈N
converge. Dans ce cas, la limite de f (u n ) est limx→a f (x).

Démonstration : En premier lieu, si f possède la limite l en a, le résultat énoncé est une


application immédiate des définitions.

Réciproque : Il n’est pas dit a priori que les suites doivent converger vers la même limite !
Nous commencerons donc par montrer ¡ cela.¢ Soient¡ donc¢ (u n )n∈N et (v n )n∈N deux suites
de A qui convergent vers a, les suites f (u n ) n∈N et f (v n ) n∈N sont alors convergentes par

40
hypothèse, de limites respectives mettons b et b 0 . Introduisons la suite (u n )n∈N définie pour
n dans N par
w 2n = u n et w 2n+1 = v n .
Il est clair ¡que (w¢n )n∈N converge vers a ; à nouveau f (w ) ¢ N converge vers b 00 , mais comme
¡ ¢
n n∈
les suites f (u n ) n∈N et f (v n ) n∈N sont
¡ extraites de f (w n ) n∈N on a b = b = b 00 . Soit désor-
0
¡ ¢ ¡

mais l la limite commune des suites f (u n ) n∈N lorsque (u n )n∈N converge vers a.
¢

On raisonne maintenant par l’absurde, supposant que l n’est pas limite de f en a. Par les
quantificateurs, ceci se traduit par

∃ε > 0, ∀δ > 0, ∃x, x ∈ B (a, δ) et f (x) 6∈ B (l , ε)


1 ∗
On reprend ¢δ = n , n ∈ N , pour construire une suite (u n )n∈N de A de limite a telle que la
suite f (u n ) n∈N ne converge pas vers l , contradiction et résultat.
¡

entre dans le cadre des espaces métriques (mais pas normés !) : il suffit de poser
¢ : R|x−y|
¡ N.B.
d x, y = 1+|x−y| , c’est facilement une distance qui induit la topologie canonique de R. On
dispose donc d’un moyen intéressant de nier l’existence d’une limite dans R (→ raisonne-
ment par l’absurde).

2.8 Continuité
2.8.1 Définition
Une application f : E → F topologiques est continue au point a de E ssi, pour tout voisi-
nage de f (a), il existe un voisinage U de a dans E tel que : f (U ) est inclus dans V .
Ceci équivaut à dire que : ∃ limx→a f (x) = f (a), la limite étant prise sur un voisinage de a.
On peut donc appliquer à la continuité toutes les propriétés des limites : somme, produit
etc.
1. L’image réciproque d’un voisinage (quelconque...) de f (a) est un voisinage de a. En
effet, si f (U ) est inclus dans V , f −1 (V ) contient U ; et si U = f −1 (V ) est un voisinage
de a, f (U ) est contenu dans V .
2. En termes métriques, par les « conditions de Cauchy »

∀ε > 0, ∃δ > 0, x ∈ B (a, δ) f (x) ∈ B f (a), ε


¡ ¢
∀x, =⇒
i.e d (a, x) < δ ∂ f (x), f (a) < ε
¡ ¢
=⇒

Par transposition directe du théorème 2.7.7 on a le

2.8.2 Théorème
Soient E et F deux espaces métriques. Soit f une application de E dans F , f est continue
au point a de E ssi f transforme tout suite de E convergeant vers a en suite convergente.

Exercice : Avec les données du théorème, on suppose sans faire l’hypothèse : F complet,
que l’application f envoie toute suite convergeant vers a sur une suite de Cauchy. Montrer
que f possède une limite en a. (Indication : considérer les suites (u 0 , a, u 1 , a, u 2 , a, . . .).)

41
2.8.3 Définition
On dit que f est continue sur E si f est continue en tout point de E .

C ARACTÉRISATION PAR LES IMAGES RÉCIPROQUES D ’ OUVERTS ET DE FERMÉS

2.8.4 Théorème
Les trois propositions suivantes sont équivalentes :
1) f est continue sur E ;
2) pour tout ouvert Ω de F , f −1 (Ω) est un ouvert de E ;
3) pour tout fermé Y de F , f −1 (Y ) est un fermé de E .

Démonstration : 2) et 3) sont équivalentes, l’application ensembliste réciproque respec-


tant les complémentaires.
Supposons (1). Soit Ω un ouvert de F . Si a ∈ f −1 (Ω), Ω est un voisinage de f (a) donc f −1 (Ω)
est un voisinage de a, ainsi f −1 (Ω) qui est un voisinage de chacun de ses points est ouvert.
Supposons (2). Soit a un point de E et V un voisinage de f (a). V contient un ouvert Ω,
avec f (a) ∈ Ω, f −1 (Ω) est alors par hypothèse un ouvert de E contenant a, donc f −1 (V ), qui
contient f −1 (Ω) est un voisinage de a.

B : L’image directe d’un ouvert n’est pas nécessairement ouverte, pas plus que l’image
directe d’un fermé n’est fermée. Par exemple, l’image par le sinus de ] 0 ; π [ est ] 0 ; 1 ], et
celle de N par le cos est dense dans [ 0 ; 1 ] (cf. nombres réels).

2.8.5 Exemples et applications


1. On montre très souvent que certains ensembles sont ouverts ou fermés à partir d’in-
égalités entre fonctions continues ; si f et g sont continues de E vers R, f −1 ({ a }) est
©fermé comme imageª réciproque du fermé { a } par l’application continue f ;
x ∈ E | f (x) ≤ g (x) est fermé, comme image
ª réciproque du fermé ] −∞ ; 0 ] par l’ap-
plication continue f − g , x ∈ E | f (x) 6= 0 est ouvert comme image réciproque de
©

l’ouvert R∗ par l’application continue f , par exemple si f = det ; GL n (R) est ouvert
dans M n (R).
2. Principe de prolongement des identités :
Soient f et g deux fonctions continues de l’espace topologique E dans l’evn F .

Si f et g coïncident sur une partie dense, f et g sont égales.

En effet, l’ensemble des points x de E tels que f (x) = g (x) est fermé par continuité,
contenant une partie dense c’est nécessairement E tout entier.
3. Distance à une partie, application à la topologie métrique.
Soit A une partie non vide de l’espace métrique (E , d). Lorsque a est dans E , on pose

d (a, A) = inf d (x, a) .


x∈A

42
1°) Pour tout a de E , d (a, A) = 0 ssi a est dans A.
En effet, d (a, A) = 0 signifie exactement que, pour tout ε > 0, la boule B (a, ε)
rencontre la partie A.
2°) Soient x et y dans E . On a l’inégalité d (x, A) ≤ d x, y +d y, A , et l’application de
¡ ¢ ¡ ¢

E dans R+ définie par a 7→ d (a, A) est 1-lipschitzienne. ¡


Pour l’inégalité, on écrit que, pour tout z de A, d (x, z) d x, y ¢ y,¡ z d’où cor-
¢ ¡ ¢
≤ +d
rectement d (x, A)¡ ≤ ¢d x, y¡ + d
¢ y, z , et ensuite d (x, A)¯ ≤ d x, y +¡ d y,¢¯A . ¡
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

De là d (x, A)−d y, A ≤ d x, y , par symétrie des rôles ¯d (x, A) − d y, A ¯ ≤ d x, y ,


¢

donc d (., A) est 1-lipschitzienne et de ce fait continue.


3°) Soient A et B deux parties disjointes non vides de E . Il existe deux ouverts dis-
joints U et V de E tels que A est contenue dans U et B est contenue dans V .
Preuve : On introduit la fonction f : x 7→ d (x, A) − d (x, B ). Avec 1°) et le fait que A
et B sont fermés,
© on a f (x) ª< 0 pour© tout x de A,
ª f (x) > 0 pour tout x de B ; dons
les ouverts U = x; f (x) < 0 et V = x; f (x) > 0 séparent A et B et sont disjoints.

2.8.6 Définition
Soient E et F deux espaces topologiques, on appelle homéomorphisme de E vers F toute
bijection f : E → F continue ainsi que sa réciproque.

B : Il faut insister, dans le cas général, sur le caractère continu de la réciproque. Par
exemple la fonction définie par f (x) = x + 1 si x ∈ [ 0 ; 1 ], f (x) = x si x ∈ ] 2 ; 3 ] est une bijec-
tion continue de [ 0 ; 1 ] ∪ ] 2 ; 3 ] sur [ 1 ; 3 ] dont la réciproque n’est pas continue.

Des propriétés supplémentaires de l’espace source permettent souvent de conclure à


la continuité de la réciproque : compacité de E , intervalle de R, ou plus difficile, application
linéaire bijective continue entre espaces de Banach, application bijective continue entre ou-
verts de Rn

2.8.7 Exemples
1. Les homéomorphismes entre intervalles de R sont les fonctions continues strictement
monotones.
B : Ce résultat tombe en défaut si la source n’est plus un intervalle (donner un exemple).
2. Les homothéties-translations d’un evn sont des bijections continues dont les réci-
proques sont aussi des homothéties-translations, ce sont des homéomorphismes.
3. Une isométrie surjective entre espaces métriques est un homéomorphisme.

Les propriétés topologiques de deux espaces homéomorphes doivent être les mêmes : com-
pacité, connexité... On obtient souvent des renseignements plus précis en considérant des
parties de la source et du but, la restriction d’un homéomorphisme f de E sur F à une partie
A de E est visiblement un homéomorphisme de A sur f (A).

43
2.8.8 Exemples
1. R n’est pas homéomorphe à R2 .
R et R2 ont à première vue les mêmes qualités : connexité, compacité locale... de plus il
existe des bijections de R sur R2 (cf. Mathématiques générales, c’est assez simple avec
les développements décimaux et Cantor-Bernstein).
Par l’absurde, on considère la restriction f d’un homéomorphisme f de R sur R2 à R∗ ,
obtenant ainsi un homéomorphisme de R∗ sur R2 \ { a }, a = f (0), ce qui est absurde
puisque le premier n’est pas connexe alors que le second l’est (il est « flexé »).
2. Le cercle unité S1 n’est homéomorphe à aucune partie de R.
On raisonne à nouveau par l’absurde en introduisant un tel homéomorphisme f .
f (S1 ) est alors un compact connexe de R, soit [ a ; bª ], avec a < b. Si c est dans ] a ; b [ ,
1
© −1
[ a ; b ]\ { c } n’est pas connexe alors que S \ f (c) l’est, par exemple en écrivant que

f −1 (c) = exp(i θ) et S1 \ f −1 (c) = exp ] θ ; θ + 2π [


© ª ¡ ¢

Absurde.
On en déduit : Toute injection continue de S1 dans S1 est un homéomorphisme.
En effet, si j est une telle injection, il suffit de prouver que j est surjective : dans ce cas
la compacité de S1 assure que j est un homéomorphisme ¡ ¢ (cf. § 4.4.1). Par l’absurde,
si j n’est pas surjective, on fixe z = exp(i θ) dans S1 \ j S1 . On sait alors (cf. le § 40)
c’est visible mais non trivial) que t 7→ ei t est un homéomorphisme h de ] θ ; θ + 2π [
sur S1 \ { z }, et h −1 ◦ j réalise alors un homéomorphisme de S1 sur une partie de R,
contradiction et résultat.
Remarque pratique pour l’oral : 2) constitue une bonne proposition d’exposé, qui peut
de plus être utilisée dans plusieurs leçons : espaces homéomorphes, exponentielle com-
plexe, etc. Attention à la continuité de la réciproque de t 7→ exp(i t ) sur ] 0 ; 2π [ , passage
délicat !

Exercice : Montrer que deux ouverts de R sont homéomorphes ssi ils ont le même nombre
de composantes connexes (simple si l’on a bien compris que la continuité est une notion lo-
cale).

2.9 Espaces produits


2.9.1 Définition
Soient (E 1 , d1 ), ..., (E p , dp ) p espaces métriques. L’ensemble E 1 × E 2 × . . . × E p muni de la
métrique définie par

d (x 1 , . . . , x p ), (y 1 , . . . , y p ) = max d1 (x 1 , y 1 ), . . . , dp (x p , y p )
¡ ¢ ¡ ¢

est appelé espace métrique produit de (E 1 , d1 ), ..., (E p¡, dp ).


Il est clair que, pour tout réel r 0, la boule ouverte B (x , . . . , x ), r est le produit des boules
¢
> 1 p
ouvertes Bd1 (x 1 , r ), ...,Bdp x p , r .
¡ ¢

On construit de même l’espace vectoriel normé produit³ de (E 1 , k·k1 ), ..., (E p , k·kp ) en munis-
° ° ° ° ´
sant E 1 × E 2 × . . . × E p de la norme °(x 1 , . . . , x p )° = sup kx 1 k1 , . . . , °x p ° (ou de toute autre
p

44
norme équivalente). Il est clair que ce cas particulier entre, avec les métriques associées,
dans le cadre des espaces métriques produits.

2.9.2 Théorème
Si Ω1 , . . . , Ωp sont des ouverts de (E 1 , d1 ), ..., (E p , dp ) respectivement, le produit Ω1 × Ω2 ×
. . . × Ωp est un ouvert de E 1 × E 2 × . . . × E p .
Un tel ouvert est appelé pavé ouvert du produit E = E 1 × E 2 × . . . × E p .

Démonstration : Soit (x 1 , . . . , x p ) un point de Ω1 × Ω2 × . . . × Ωp . Pour chaque i de ‚1, pƒ


il existe un réel r i > 0 tel que B (x i , r i ) soit contenue dans Ωi . On pose alors r = min(r i ).
Manifestement, la boule B (x 1 , . . . , x p ), r est contenue dans Ω1 × Ω2 × . . . × Ωp .
¡ ¢

2.9.3 Théorème
Les ouverts de (E , d) de la forme Ω1 × Ω2 × . . . × Ωp , où Ω1 , . . . , Ωp sont des ouverts de
E 1 × E 2 × . . . × E p respectivement, forment une base de la topologie de E .

Démonstration : Nous avons déjà vu, lors du théorème précédent, que tout produit
Ω1 × Ω2 × . . . × Ωp d’ouverts des E i est un ouvert de l’espace produit E = E 1 × E 2 × . . . × E p .
D’autre part, toute boule de (E , d) est un produit d’ouvert des E i , et comme tout ouvert de E
est réunion de boules, c’est aussi une réunion de pavés d’ouverts.

E SPACES PRODUITS ET LIMITES


On conserve les notations antérieures.

2.9.4 Théorème

1- Les projections πi de E 1 × E 2 × . . . × E p sur E i sont continues pour les distances d et di


respectivement.
2- Si (a 1 , . . . , a p ) est fixé dans E , les applications x 7→ (a 1 , . . . , a i −1 , x, a i +1 , . . . , a p ) sont conti-
nues.

Démonstration : Toutes ces applications sont en fait 1-lipschitziennes (cf. § 2.5).

2.9.5 Théorème
Soit X un espace topologique, et soit f une application de X dans l’espace métrique pro-
duit E = E 1 × E 2 × . . . × E p , de composantes ( f 1 , . . . , f p ). Soit A une partie de X , et a un point
adhérent à A. Alors f possède une limite au point a ssi chacune de ( f 1 , . . . , f p ) en a une, soit l i ,
et dans ce cas la limite de f en a est (l 1 , . . . , l p ).

Démonstration : Pour la condition nécessaire, il suffit d’appliquer le théorème de com-


position des limites à f i = πi ◦ f . Réciproquement, si chaque f i possède une limite
¡ l i en a se-¢
lon A, et si Ω est un ouvert de E contenant f (a), il existe un réel r > 0 tel que B (l 1 , . . . , l p ), r

45
soit contenu dans B (l i , r ) ; si U est l’intersection des Ui , f (U ) est contenue dans Ω.
On a bien sûr un énoncé analogue avec :
1. les fonctions continues : f est continue au point a ssi chacune de ses composantes l’est ;
2. les suites : une suite de E 1 × E 2 × . . . × E p converge ssi ses composantes convergent.

2.9.6 Théorème
Soit f une application de E 1 ×E 2 ×. . .×E p dans un espace topologique X . Si f est continue
en a, chacune des applications partielles

x 7→ f (a 1 , . . . , a i −1 , x, a i +1 , . . . , a p ) est continue au point a i .

Démonstration : Il suffit de composer f et l’application x 7→ (a 1 , . . . , a i −1 , x, a i +1 , . . . , a p ).

B : Pas de réciproque ! Nous verrons dans le § 30 (dérivées partielles) qu’il existe des
fonctions possédant des dérivées dans toutes les directions en un point, et qui ne sont pas
continues en ce point.

Exemple : Soit (A, k·k) une algèbre normée. La loi ∗ est une application continue du pro-
duit A × A dans A. ° °
En effet, fixons (a, b) dans A × A, pour tout (x, y) de A × A tel que °(x, y) − (a, b)° ≤ 1 on a par
définition d’une algèbre normée et la norme produit
° ° ° °
°x ∗ y − a ∗ b ° = °x ∗ (y − b) + (x − a) ∗ b °
≤ kxk.ky − bk + kx − ak.kbk
≤ (kak + 1) .ky − bk + kx − ak.kbk.

Lectures supplémentaires : Il existe de très bons ouvrages de topologie : les classiques


et remarquables cours de Choquet [Cho73] et Schwartz [Sch70] par exemple. Pour ceux qui
désirent vraiment acquérir des connaissances approfondies et complètes la lecture de Bour-
baki [Bou71] reste fortement recommandée.

46
EXERCICES

1) Soit A une partie d’intérieur non vide de l’evn E . Montrer que vect(A) = E .
2) Soit A une partie de l’espace métrique E , et f une application de E dans l’espace mé-
trique F . Rapports entre
(i) f est continue sur A et
(ii) tout point de A est un point de continuité de f .
3) Soit D une partie dénombrable de Rn . Montrer que Rn \D est dense dans Rn .
4) Montrer qu’un ouvert de R est réunion dénombrable d’une famille d’intervalles ou-
verts deux à deux distincts.
5) Soit (E , d) un espace métrique. Montrer l’équivalence entre :
(i) E contient une partie dénombrable dense ;
(ii) E possède une base dénombrable d’ouverts.
6) Trouver l’ensemble
© 1 des points
ª © 1 isolés et des pointsªd’accumulation des ensembles sui-
1
vant : Q, R\Q, n | n ∈ N , n + m | (m, n) ∈ N∗2

47
48
Chapitre 3

Espaces métriques complets

3.1 Définition, premiers exemples


3.1.1 Définition
Un espace métrique (E , d ) est dit complet si toute suite de Cauchy de E converge. Un
espace vectoriel normé complet s’appelle un espace de Banach.

L’intérêt de la complétude est, grosso modo :


1– de permettre de fabriquer de nouveaux objets à l’aide de processus sommatoires : sé-
ries absolument convergentes, transformation d’Abel ; ou d’approximations succes-
sives : point fixe, Cauchy-Lipschitz ;
2– de fournir des prolongements de fonctions, en vue par exemple de construire l’inté-
grale de Riemann, ou de trouver les intervalles de définition de solutions maximales
d’équations différentielles.

B : Métrisable complet ne signifie rien. Ainsi, la métrique R définie par


¯ ¯
d (x, y) = ¯ arctan x − arctan y ¯

a pour boules les intervalles ouverts de R donc définit sur R la topologie usuelle, tandis que
la suite n 7→ arctan n est de Cauchy pour d , et diverge.

3.1.2 Premières propriétés


Soit n∈N u n une série à valeurs dans l’espace vectoriel normé complet (E , k · k) alors
P

X m
X
u n converge ⇐⇒ ∀ε > 0, ∃n ε ∈ N, ∀m > n > n ε , uk < ε
n∈N k=n+1

Ceci résulte immédiatement du fait que


X X
u n converge ⇐⇒ la suite des sommes partielles de u n est de Cauchy.
n∈N n∈N

On en déduit que n∈N ku n k converge =⇒ n∈N u n converge, c’est-à-dire que la conver-


P P

gence absolue entraîne la convergence.

49
3.1.3 Exemples
1. (R, | · |) est un espace métrique complet.
2. Si X est un ensemble, le C-ev E =
° ° © ¯B (X¯, C) des fonctions bornées
¡ de¢ X dans C est com-
plet pour la norme f ∞ = sup f (x) | x ∈ X . En effet, si f n n∈N est une suite de
ª
° ° ¯ ¯
Cauchy de E , on a pour tout x de X
° ° ° °
° f n (x) − f m (x)° ≤ ° fn − fm °

Donc f n (x) n∈N est une suite de Cauchy de C et par suite converge. La suite f n n∈N
¡ ¢ ¡ ¢

converge donc simplement, soit f sa limite. Il faut prouver deux choses :


α) f est bornée. ° °
Pour cela on fixe N tel que,
¯ pour tout m
¯ ≥ N et n ≥ N on ait ° f n − f m ° ≤ 1.

De là pour tout x de X , ¯ f N (x) − f m (x)¯ ≤ 1, en faisant tendre m vers +∞ :
¯ ¯
∀x ∈ X , ¯ f N (x) − f (x)¯ ≤ 1

d’où ¯ ¯ ¯ ¯ ° °
∀x ∈ X , ¯ f (x)¯ ≤ 1 + ¯ f N (x)¯ ≤ 1 + ° f N (x)°∞
et est bornée.
β) f n n∈N converge uniformément vers f .
¡ ¢
° °
Soit ε > 0. Soit N tel que, pour tout m ≥ N et¯n ≥ N on ait °¯ f n − f m °∞ ≤ ε. Fixons
n ≥ N . Pour tout x de X et tout m ≥ N on a ¯ f n (x) − f m (x)¯ ≤ ε, en faisant tendre
m vers +∞ : ¯ ¯
∀x ∈ X , ¯ f n (x) − f m (x)¯ ≤ ε

d’où ° °
∀n ≥ N , ° f − fn °
∞ ≤ ε.

Application : Construction du complété d’un espace métrique :


Si (X , d ) est un espace métrique, il existe un espace métrique complet (Y , δ) et une
application j de X dans Y tels que :
i) j est une isométrie ;
ii) l’image de X est dense dans Y .

Démonstration : On fixe d’abord un point a de X . L’idée est d’associer à chaque point


x de X la fonction f x : y 7→ d (y, x) − d (y, a). La fonction f x est bornée car
¯ ¯
¯d (y, x) − d (y, a)¯ ≤ d (x, a)

ainsi l’application j : x 7→ f x est bien définie de X dans E = B (X , R). Vérifions qu’il


s’agit d’une isométrie : si x et x 0 sont dans X on a, pour tout y de X (2.8.5-3)

¯d (y, x) − d (y, x 0 )¯ d (x, x 0 )


¯ ¯

50
avec égalité pour y = x donc ° f x − f x 0 °∞ = d (x, x 0 ) et j est une isométrie. Désignons
° °

enfin par Y l’adhérence de j (X ) dans E : Y est complet car fermé dans un espace com-
plet, et Y convient. Le caractère « universel » du complété sera obtenu par le théorème
de prolongement des applications uniformément continues entre parties denses d’es-
paces complets.

Remarque : Nous venons de voir que tout espace métrique est isométrique à une par-
tie d’espace vectoriel normé. Il est donc illusoire de penser que l’on facilite l’étude
de la topologie métrique en la restreignant aux sous-ensembles des espaces vectoriels
normés.

3. Si (E , k·kE ) et (F, k·kF ) sont deux espaces normés, avec F complet

L c (E , F ) muni de la norme associée à k·kE et k·kF , k·kLc (E ,F ) , est complet.

En effet, soit f n n∈N une suite de Cauchy de L c (E , F ), k·kLc (E ,F ) .


¡ ¢ ¡ ¢

α) La suite f n n∈N est simplement convergente et sa limite simple f est linéaire.


¡ ¢

Pour tout x de E on a
° ° ° °
° f m (x) − f n (x)° ≤ ° f m − f m ° . kxk
E

et l’on constate que la suite f n (x) n∈N est


¡ de¢ Cauchy. Comme F est complet on a
¡ ¢

bien la convergence simple de la suite f n n∈N , mettons vers f . La linéarité de f


est alors immédiate.
β) La suite f n n∈N converge vers f dans L c (E , F ), k·kLc (E ,F ) .
¡ ¢ ¡ ¢

Posons X = B (0, 1). La convergence dans L c (E , F ), k·kLc (E ,F ) équivaut, pour les


¡ ¢

applications linéaires, à la convergence uniforme sur X (cad pour k·k∞ ). Mais


nous avons vu en 2) qu’une suite de Cauchy de B (X , R) pour k·k∞ a une limite
simple bornée et converge uniformément vers celle-ci. f est donc bornée sur la
boule unité et par suite continue. La preuve est donc achevée.

+∞
4. Le C-evn l 2 (N, C) des suites complexes (a n )n∈N telles que |a n |2 converge est complet
P
n=0
pour la norme :
µ +∞ ¶ 21
X
k(a n )n∈N k2 = an .
n=0

Notons tout d’abord que l 2 (N, C) est bien sûr un ¡ C-espace vectoriel : si (a n )n∈N et
2 2 2
(b n )n∈N sont dans l (N, C), l’inégalité |a n + b n | ≤ 2 |a n | + |b n | montre que la somme
¢

(a n + b n )n∈N est dans l 2 (N, C) ; de même directement pour (λa n )n∈N . Ensuite, k(a n )n∈N k2
est bien une norme par passage à la limite dans l’inégalité de Minkowski. Passons à la
complétude.
Soit p 7→ a n,p n∈N une suite de Cauchy de l 2 (N, C), ce qui se traduit par
¡ ¢

µ +∞ ¶1
X¯ ¯2 2
∀ε > 0, ∃p ε ∈ N, ∀p ≥ p ε , ∀q ≥ p ε , ¯a n,p − a n,q ¯ ≤ε
n=0

51
¯ ¯ °¡ °
Comme ¯a n,p − a n,q ¯ ≤ ° a n,p − a n,q n∈N °2 , on constate que, pour chaque n fixé, la
¢

suite p 7→ a n,p est de Cauchy, donc converge, mettons vers a n . On retrouve alors les
deux problèmes usuels :
α) montrer que la suite (a n )n∈N est dans l 2 (N, C) ;
β) vérifier que la suite p 7→ a n,p n∈N converge effectivement dans l 2 (N, C) vers (a n )n∈N .
¡ ¢

Pour α) on écrit que, pour N fixé dans N :


à !1
N ¯ 2
¯a n,p − a n,q ¯2
X ¯
∀p ≥ p 1 , ∀q ≥ p 1 , ≤1
n=0

On bloque p ≥ p 1 et l’on passe de façon licite à la limite dans la somme finie pour
obtenir
à !1
N ¯
X ¯2 2
∀p ≥ p 1 , ¯a n,p − a n ¯ ≤1
n=0
d’où pour p = p 1 (en usant des propriétés de la norme euclidienne dans Rn )
à !1 à !1
N 2 N ¯ ¯2 2
2
X X °¡ °
≤ 1+ ¯a n,p ¯ ≤ 1 + ° a n,p ° .
¢
|a n | 1 1 n∈N 2
n=0 n=0
PN
Les sommes partielles de la série à termes positifs n=0 |a n |2 sont donc bornées donc
la série converge.
β) reprend en grande partie les idées ci-dessus. Bloquant ε > 0 puis p ε et N on obtient
à !1
N ¯
X ¯2 2
∀p ≥ p ε , ∀q ≥ p ε , ¯a n,p − a n,q ¯ ≤ε
n=0

d’où par passage à la limite licite


à !1
N ¯ 2
¯a n,p − a n ¯2
X ¯
∀p ≥ p ε , ≤ε
n=0

puis en faisant tendre N vers +∞


µ +∞ ¶1
¯ 2
¯a n,p − a n ¯2 ≤ ε.

∀p ≥ p ε ,
n=0

5. Si E , B, µ est un espace mesuré et p est un nombre réel ≥ 1, L p (E ) est complet. Voir


¡ ¢

le § 38 pour davantage d’informations.

3.1.4 Théorème
Un sous-espace complet d’un espace métrique est fermé.

Démonstration : Avec des notations évidentes, soit a un point de l’adhérence de F dans


E . Il existe une suite de points de F qui converge vers a, cette suite est alors une suite de
Cauchy dans F donc converge dans F , par unicité de la limite a est dans F .

52
3.1.5 Théorème
Un sous-espace fermé d’un espace métrique complet est complet.

Démonstration : Soit (x n )n∈N une suite de Cauchy de F , sous-espace fermé de l’espace


métrique complet E ; (x n )n∈N converge alors dans E , mettons vers l . Comme F est fermé, l
est dans F qui est par la suite complet.

3.1.6 Preuves de complétudes


On dispose essentiellement de deux méthodes pour prouver qu’un espace est complet.
A– La preuve directe, c’est celle qui est adoptée dans les exemples ci-dessus. Notons aussi
que l’on peut se contenter de montrer qu’une suite de Cauchy possède une sous-suite
convergente ; ainsi, tout espace métrique compact est complet ; cette idée est souvent
employée en théorie de la mesure, par exemple pour montrer la complétude des es-
paces L p .
B– Montrer que l’espace qui nous intéresse est fermé dans une espace plus grand.
Exercice : Prouver pour illustrer cette idée que le R-ev des suites de limite nulle est complet
pour k·k∞ .

3.1.7 Proposition

¡ Un produit d’espaces¢métriques ¡ complets (E 1 , d 1 ), ..., (E ¢ p , d p ) muni de la distance produit


d (x 1 , . . . , x p ), (y 1 , . . . , y p ) = max d 1 (x 1 , y 1 ), . . . , d 1 (x p , y p ) est complet.

Démonstration : Les composantes d’une suite de Cauchy du produit (E , d ) sont de Cau-


chy par définition de d , donc convergent puisque E 1 , . . . , E p sont supposés complets. Ceci
montre que la suite évoquée converge dans E .

3.2 Critère de Cauchy, prolongements


3.2.1 Théorème
Soit f une application de l’espace métrique (E , d ) dans l’espace métrique (F, δ). Si f pos-
sède une limite au point a de E selon la partie A, on a

∀ε > 0, ∀x ∈ A, d (x, y) < α δ f (x), f (y) < ε. (CC)


¡ ¢
=⇒

Réciproquement, si F est complet, la propriété (CC) (Critère de Cauchy) entraîne l’existence


d’une limite de f au point a.

Démonstration : Le fait que (CC) est nécessaire est évident, nous supposerons donc
cette dernière condition vérifiée, il faut alors montrer que f possède une limite en a. Mais
le fait que f vérifie le critère de Cauchy en a entraîne visiblement¡ que l’image d’une suite
(a n )n∈N de points de A qui converge vers
¢ a est une suite de Cauchy f (a n ) n∈N de F . Comme
¢

F est supposé complet, la suite f (a n ) n∈N converge, on peut alors appliquer le critère usant
¡

53
des suites qui fournit l’existence d’une limite en a (§ 2.7.7).

Intuitivement, une « concentration » des images de la fonction en un point suffit à assu-


rer l’existence d’une limite.

Application : Si a < b sont deux nombres réels, et si f est une application dérivable
de ] a ; b [ dans R qui possède une dérivée bornée sur ] a ; b [ , f possède un prolongement
continu en a et b.
En effet, soit K un nombre > 0 tel que ∀x ∈ ] a ; b [ , ¯ f 0 (x)¯ ≤ K . Le théorème des accrois-
¯ ¯

sements finis nous dit alors que f est K -lipschitzienne. Mais alors f vérifie le critère de
Cauchy en a et en b, car si l’on se donne ε > 0 et si α ≤ Kε il vient, pour tout couple (x, y) de
[ b −α; b [2 : ¯ ¯
¯ f (x) − f (y)¯ ≤ K α ≤ ε

et de même en a, d’où l’existence des limites.

N.B. : Le caractère lipschitzien de l’application suffit pour obtenir le prolongement.

P ROLONGEMENT DES APPLICATIONS UNIFORMÉMENT CONTINUES DÉFINIES SUR UNE PAR -


TIE DENSE

3.2.2 Théorème
Soient (E , d ) et (F, δ) deux espaces métriques, F étant complet, A une partie dense de E
et f une application uniformément continue de A dans F . Il existe une unique application
continue g de E dans F qui prolonge f , de plus, g est uniformément continue.

Démonstration : Écrivons d’abord la traduction de l’uniforme continuité de f :

∀ε > 0, ∃α > 0, ∀(x, y) ∈ A 2 , d (x, y) < α =⇒ δ f (x), f (y) < ε.


¡ ¢

Cette expression quantifiée montre que le critère de Cauchy est vérifié en tout point de
E , f possède donc une extension naturelle g à E fournie par

g (x) = lim f (a).


a→x

×
Montrons que g est uniformément continue : soit (x, y) dans E E tel que d (x, y) < α et
soient (a n )n∈N et (b n )n∈N deux suites de points de A qui convergent vers x et y respective-
ment. La continuité de la distance fait que d (a n , b n ) < α à partir d’un certain rang N , donc

δ f (a n ), f (b n ) < ε pour n ≥ N
¡ ¢

Comme par construction ¡les suites ¢ f (a n ) n∈N et f (b n ) n∈N convergent vers f (x) et f (y)
¡ ¢ ¡ ¢

respectivement, il vient δ f (x), f (y) ≤ ε, d’où le résultat. L’unicité est donnée par le prin-
cipe de prolongement des identités : égalité des fonctions définies sur une partie dense.

Application : Si f est une application linéaire continue définie sur une partie dense, f
est toujours lipschitzienne donc uniformément continue, et le théorème s’applique dès que

54
le but de f est complet, ce qui est toujours le cas s’il est de dimension finie ; en particulier
lorsque f est une forme linéaire.
On observe aussi que la norme reste la même, les bornes supérieures d’une fonction numé-
rique continue sur une partie A et sur A étant égales.

3.2.3 Illustrations
1. Construction de l’intégrale de Riemann sur des fonctions réglées.
Nous admettrons ici (voir le § 4.4) que toute fonction réglée est limite uniforme de
fonctions en escalier. L’intégrale d’une fonction en escalier φ du segment [ a ; b ] de R
dans l’espace de Banach E est donnée par la formule :
Z b n−1
X
φ = (x i +1 − x i ) λi
a i =0

où (x 0 , . . . , x n ) est une subdivision adaptée à φ et λi la valeur constante que prend φ


sur l’intervalle ouvert ] x i ; x i +1 [ . On vérifie sans peine (en commençant par le cas où
l’une des subdivisions est plus fine que l’autre, puis en considérant leur réunion) que
la valeur de cette intégrale ne dépend pas de la subdivision choisie, ce qui entraîne la
linéarité de l’intégrale et le fait que
°Z b °
° ° ° °
φ°° ≤ (b − a) φ ∞
° ° °
a
°

L’intégrale se prolonge donc en une forme linéaire de même norme sur l’espace des
fonctions réglées. Dans le cas des fonctions réelles on vérifie alors la conservation des
caractères positifs, puis croissants, etc.
2. On obtient immédiatement l’unicité, à isométrie près, du complété d’un espace mé-
trique (l’écrire).

3.3 Point fixe des applications strictement contractantes


3.3.1 Théorème
Soit A une partie complète non vide de l’espace métrique (E , d ), f une application de A
dans E . Si f (A) est contenue dans A et si f est strictement contractante, f possède un point
fixe unique l dans A. De plus, la suite récurrente donnée par :

u 0 = a ∈ A, u n+1 = f (u n )

converge vers l .
Pour la démonstration et les applications, voir le § 8 correspondant.

3.4 La propriété de Baire


Le résultat suivant joue un rôle fondamental en analyse fonctionnelle.

55
T HÉORÈME . (Théorème de Baire.) Soient (E , d) un espace métrique complet :
a) si (Ωn )n∈N est une suite d’ouverts denses de E, alors l’intersection G des Ωn est une partie
dense de E ;
b) si E est réunion d’une suite (F n )n∈N de fermés, l’un des F n est d’intérieur non vide.

Preuve : a) rappel : B (a, r ) n’est l’adhérence de B (a, r ) que dans les evn. Dans les espaces
métriques, il s’agit seulement d’une notation pour désigner la boule fermée :

x ∈E d (x, a) r .
© ª

Pour obtenir la densité de G, il suffit de montrer que toute boule ouverte B (a, r ) de rayon
r > 0 contient un point commun à tous les Ωn .

Par récurrence sur n, nous construisons une suite décroissante de boules fermées B (x n , r n )
de rayons r n > 0 tendant vers 0, telles que B (x n , r n ) soit contenue dans B (a, r )∩Ω0 ∩· · ·∩Ωn .

— L’ouvert Ω0 étant dense dans E , coupe B (a, r ) suivant un ouvert non vide. On peut
donc trouver x 0 dans E et r 0 > 0 tels que : r 0 < 1 et B (x 0 , r 0 ) ⊂ B (a, r ) ∩ Ω0 .
— Supposons construites des boules convenables jusqu’au rang n¤; par densité de Ωn+1 ,
rn £
B (x n , r n ) ∩ Ωn+1 est un ouvert non vide, d’où x n+1 ∈ E et r n+1 ∈ 0 ; 2 tels que
B (x n+1 , r n+1 ) ⊂ B (x n , r n ) ∩ Ωn+1 .
Comme par hypothèse la suite des boules B (x k , r k ) décroît jusqu’au rang n, B (x n+1 , r n+1 )
est contenue dans B (a, r ) ∩ Ω0 ∩ · · · ∩ Ωn .

Le lemme de Baire s’applique alors à la suite de fermés B (x n , r n ), et fournit un point b ap-


partenant à toutes les boules B (x n , r n ). Le point b est alors visiblement dans l’intersection G
des Ωn et dans B (a, r ).

b) Par complémentarité : si le fermé F n est d’intérieur vide, son complémentaire Ωn est


un ouvert dense de E , donc le complémentaire de la réunion H des F n , c’est-à-dire l’inter-
section des Ωn , est dense dans E : H est nécessairement d’intérieur vide.

Applications : le théorème de Baire apparaît ici clairement comme un outil d’uniformi-


sation, ce que nous retrouverons avec le théorème de Banach-Steinhauss.

1. Convergence des séries trigonométriques.

Soient (a n )n∈N et (b n )n∈N deux suites réelles, et (u n )n∈N la suite de fonctions définie
pour tout nombre réel x par u n (x) = a n cos(nx) + b n sin(nx).
Si la série de fonctions n∈N u n converge absolument sur un segment [ u ; v ], avec
P

u < v, alors n∈N |a n | + |b n | converge.


P

Preuve : on met
q classiquement les fonctions u n sous la forme x 7→ u n (x) = r n cos(nx +
φn ), où r n = a n2 + b n2 . (L’utilisation de cette écriture est usuelle lors de l’étude des

56
ensembles de convergence). Soit, pour N , p dans N2 , l’ensemble
¡ ¢

½ p
X
¾
A N ,p = x ∈[ u; v ] |u n (x)| ≤ N .
n=0

Chaque A N ,p est fermé par continuité, donc aussi


\
½ +∞
X
¾
AN = A N ,p = x ∈[ u; v ] |u n (x)| ≤ N .
p∈N n=0

L’hypothèse dit que la réunion des fermés A N est [ u¡; v ].


Le théorème de Baire s’applique à l’espace complet [ u ; v ], |·| : il existe N0 dans N tel
¢

que A N0 soit d’intérieur non vide.


On fixe alors un segment¯ J contenu dans
¢¯ A N0 , de longueur λ (J ) strictement positive.
Pp
La suite U p (x) = n=0 r n ¯cos nx + φn ¯ est uniformément bornée par N0 sur J , et l’on
¡

a par intégration sur J , en faisant tendre p vers +∞ :


+∞
X Z ¯
r n ¯cos nx + φn ¯ dx ≤ N0 λ (J ) .
¡ ¢¯
p=0 J

Or J r n ¯cos nx + φn ¯ dx ≥ J r n cos2 nx + φn d x = r n 12 λ(J ) + εn où


R ¯ ¡ ¢¯ R ¡ ¢ ¡ ¢

εn = 12 J cos 2nx + 2φn tend vers 0 ; il en résulte que n∈N r n converge.


R ¡ ¢ P

2. Soit f une fonction indéfiniment dérivable de R vers R. On suppose que, pour tout x
réel, il existe un nombre entier n tel que f (n) (x) = 0. Alors f est un polynôme.
(Ici, n dépend de x, sans quoi le résultat est immédiat !)

Preuve : soit Ω l’ensemble des nombres réels a pour lesquels il existe un nombre r a > 0
tel que f soit une fonction polynôme P a sur ] a − r a ; a + r a [ . Par définition, Ω est voi-
sinage de chacun de ses points donc ouvert dans R. Il est clair que P a est uniquement
déterminée par la donnée de a dans Ω. Soit F le complémentaire de Ω dans R.

— Étape un : ] u ; v [ est une composante connexe de Ω dans R, f est une fonction


polynôme sur ] u ; v [ .

En effet, la relation définie sur ] u ; v [ par xR y si et seulement si P x = P y est


d’équivalence, et les classes selon R sont ouvertes car pour tout de ] x − r x ; x +
r x [ , f , P x et P y coincident au voisinage de y et donc P x = P y . Comme ] u ; v [ est
connexe, il n’y a qu’un seule classe

— Étape deux : F ne possède pas de points isolés.

Par l’absurde, supposons que b soit un point isolé de F . Il existe alors ε > 0 tel que
] b − ε ; b [ et ] b ; b + ε [ soient tous les deux contenus dans Ω, de même que ci-
dessus, on voit que f est une fonction polynôme P sur ] b − ε ; b [ et une fonction
polynôme Q sur ] b ; b + ε [ . Le caractère C ∞ de f amène alors

∀n ∈ N P (n) (b) = f (n) (b) = Q (n) (b)

57
et la formule de Taylor appliquée aux polynômes P et Q en b montre que P = Q.
Mais alors, par continuité de f , f = P sur ] b − ε ; b + ε [ , c’est à dire que b appar-
tient à Ω : contradiction.

— Étape trois : le fermé F est vide.

C’est ici qu’intervient la propriété de Baire. Soit, pour n entier,

Fn x ∈F f (n) (x) = 0 .
© ª
= |

Chaque F n est fermé dans F , et F est la réunion des F n ; comme F est fermé dans
R donc complet pour la distance usuelle, F vérifie le théorème de Baire, et de ce
fait l’un des F n est d’intérieur non vide dans F , ce qui se traduit par l’existence
d’un intervalle ouvert I ⊂ R tel que G = I ∩ F soit non vide et contenu dans F n .

On a donc f (n) = 0 sur G ; d’après l’étape 2, aucun point de G n’est isolé ce qui
montre que, pour tout p ≥ n et tout x de G, f (p) (x) = 0 (si un zéro d’une fonction
C ∞ n’est pas isolé, toutes les dérivées de cette fonction s’y annulent, c’est une
application de la formule de Young).
Soit enfin ]u, v[ une composante connexe de l’ouvert I \ F ; sur ]u,v[, f coincide
avec une fonction polynôme P et comme l’un de u, v est dans G, par exemple u,
on a P (k) (u) = 0 pour k ≥ n, ce qui impose deg(P ) ≤ n − 1.
Mais alors, f (n) s’annule sur G, sur I \ F , donc sur I , ce qui amène I ⊂ Ω et donc
I ∩ F est vide : contradiction et résultat. Une dernière application de l’étape un
montre que f est une fonction polynôme sur R.

Lectures supplémentaires : Ceux qui sont intéressés par la topologie pourront se plon-
ger dans l’étude des structures uniformes, très bien décrites dans [Bou71] I et II. On peut
aussi étudier ce qui relève du théorème de Baire et de la catégorie (au sens topologique) :
voir [Sch70] pour un traitement détaillé, et le problème qui suit.

P ROBLÈME : THÉORÈME DE B AIRE On notera int(A) l’intérieur d’une partie A d’un espace
métrique (E , d ). Soit f une application de R dans R.
1°) Montrer que l’ensemble des points de continuité de f est l’intersection des ouverts :

1 1
µ µ¸ · ¶¶
−1
[
Ωn = int f y− ;y+
y∈R n n

2°) a) Prouver que Q ne peut être intersection dénombrable d’ouverts de R.


b) Existe-t-il une fonction de R dans R admettant Q comme ensemble de points de
continuité ?
3°) Soit (Ωn )n∈N une suite d’ouverts denses de R. Montrer qu’il existe une fonction f :
R → R admettant A = n∈N Ωn comme ensemble de points de continuité (on pourra
S

considérer une suite de fonctions bien choisie).

58
Chapitre 4

Compacité

4.1 Compacité par recouvrements


On rappelle qu’étant donné un ensemble E et un sous-ensemble X de E , un recouvre-
ment de X est une famille de parties de E dont la réunion contient X . Si (E , >) est un espace
topologique, le recouvrement est dit ouvert lorsque les parties qui le composent sont ou-
vertes. Un sous-recouvrement d’un recouvrement (A i )i ∈I de X est une sous-famille (A i )i ∈J ;
il est dit fini si J est fini.

4.1.1 Définition
L’espace topologique séparé X est dit compact lorsque de tout recouvrement ouvert on
peut extraire un sous-recouvrement fini.

En notant que i ∈I Ωi ∩ X = i ∈I Ωi ∩ X on voit que dans le cas où X est une partie


¡S ¢ S ¡ ¢

de (E , >) muni de la topologie trace, dire que X est compact — ce qui s’exprime avec les
ouverts induits — équivaut à dire que de tout recouvrement ouvert de X par des ouverts de
E on peut extraire un sous-recouvrement fini. On dit alors que X est un sous-espace compact
de E .

4.1.2 Exemples
1. Tout sous-espace fini d’un espace séparé est compact.
2. Plus généralement, si (x n )n∈N est une suite d’un espace métrique E , convergente de
limite l , X = { x n | n ∈ N } ∪ { l } est compact : si (Ωi )i ∈I est un recouvrement ouvert
de X , l’un des Ωi contient l donc contient tous les termes de la suite mettons pour
n ≥ N , et { x 1 , . . . , x N } est recouvert par un nombre fini des Ω j ce qui fournit un sous-
recouvrement fini de (Ωi )i ∈I .

4.1.3 Théorème
Si a et b sont deux nombres réels, avec a < b, le segment [ a ; b ] est un sous-espace com-
pact de R.

59
Démonstration : La preuve ci-dessous se lit en effectuant un dessin : on place d’abord
[ a ; b ] puis a + ε, ensuite c etc.
Soit (Ωi )i ∈I un recouvrement ouvert de [ a ; b ] par des ouverts de R. Soit A l’ensemble des
points x de [ a ; b ] vérifiant la propriété (P ) suivante : il existe un sous-ensemble fini J de I
tel que [ a ; x ] soit contenu dans la réunion de la famille (Ωi )i ∈J . Comme a est contenu dans
l’un des ouverts Ωi , il existe ε > 0 tel que a + ε ∈ A. On note alors c la borne supérieure de A
(licite) et l’on montre successivement :
1– c ∈ A. En effet, c est dans un ouvert Ωk , d’où α > 0 tel que Ωk ⊃ ] c − α ; c + α [ . Par
définition de la borne supérieure, ] c − α ; c ] contient un point x de A ; [ a ; x ] est alors
recouvert par une sous-famille (Ωi )i ∈J du recouvrement, donc [ a ; c ] est contenu dans
la réunion de Ωk et (Ωi )i ∈J .
2– c£ = b. Si c¤< b et si, avec les notations précédentes, on impose α < b − a, le segment
a ; c + α2 est contenu dans la réunion d’une sous-famille finie de (Ωi )i ∈I , ce qui
contredit la définition de c.

4.1.4 Théorème
Soit [ a ; b ] un segment de R et f une application réglée de [ a ; b ] dans l’evn E . Alors f est
limite uniforme d’une suite de fonctions en escalier sur [ a ; b ].

Démonstration : Il suffit de montrer qu’une fonction réglée peut être approchée à ε près
par une fonction en escalier. C’est essentiellement une application de la propriété 4.1.3,
l’idée étant d’exploiter le fait que la fonction « varie peu » au voisinage d’un point x pour
l’approcher à gauche et à droite par une constante ; le théorème de Borel-Lebesgue inter-
vient pour opérer une sélection finie.
De façon plus précise, soit ε > 0 ; introduisons pour chaque x de [¯a ; b ] un nombre αx > 0
; x¯[ ∩ [ a ; b ] on ait f (y) − f (x − )¯ < 2ε , et pour tout y de
¯
tel que, pour tout y de ¯ ] x − αx +
¯
] x ; x + αx [ ∩ [ a ; b ], ¯ f (y) − f (x )¯ < 2ε . Le théorème de Borel-Lebesgue nous permet de
recouvrir [ a ; b ] par un nombre fini d’intervalles ] x − αx ; x + αx [ , soit
i h i h
x 1 − αx 1 ; x 1 + αx 1 , . . . , x p − αx p ; x p + αx p

Notons alors (a 0 , . . . , a n ) la subdivision de [ a ; b ] formée par les points

x i − αx i , x i , x i + αx i

(du moins, ceux qui sont dans [ a ; b ]), a et b. Le lecteur se persuadera de ce que tout in-
tervalle ] a i ; a i +1 [ est contenu dans l’un des ] x − αx ; x [ , ] x ; x + αx [ . On définit enfin une
fonction en escalier φ par
³a +a ´
i i +1
φ(a i ) = f (a i ), i = 0, . . . , n ; φ constante de valeur f sur ] a i ; a i +1 [ .
2
Si y ∈ ] a i ; a i +1 [ , on choisit x de sorte que

] x − αx ; x [ ⊃ ] a i ; a i +1 [ (ou ] x ; x + αx [ ⊃ ] a i ; a i +1 [ )

il vient ¯ ³a +a ´
i i +1
¯ ε ¯ f (y) − f (x − )¯ < ε
− f (x − )¯ ≤
¯ ¯
¯f et
¯ ¯
2 2 2

60
¯ ¯
ce qui amène ¯φ(y) − f (y)¯ < ε. QED.

Présentons maintenant une autre application typique de la compacité par recouvre-


ments, fondamentale dans la théorie des algèbres normées.

4.1.5 Théorème

Soit X un espace compact. Soit I un idéal propre de l’anneau C (X , R). Il existe a dans X
tel que : ∀ f ∈ I , f (a) = 0.

Démonstration : Rappelons que « I propre » signifie que I n’est pas l’anneau, ce qui se
traduit par 1 6∈ I . On raisonne par l’absurde en supposant que, pour chaque a de X , il existe
une fonction f a dans I telle que f a (a) 6= 0. La continuité de f a fait qu’il existe un voisinage
ouvert Va de a sur lequel f a ne s’annule pas. La famille (Va )a∈X est alors un recouvrement
ouvert de X duquel on peut extraire un sous-recouvrement fini, soit Va1 , . . . ,Van . La fonction

f = f a21 + ··· + f a2n

1
est alors > 0 sur tous les Vai (car f ≥ f a2i ), donc sur X , et appartient à l’idéal I . L’inverse f
de
1
la fonction f est donc bien définie, continue sur X , et 1 = f est dans I par définition d’un
f
idéal ; mais un idéal qui possède l’unité 1 est égal à C (X , R), contradiction et résultat.

4.1.6 Traduction en termes de fermés

Dire que (Ωi )i ∈I est un recouvrement ouvert de X équivaut à dire que la famille (F i )i ∈I ,
où F i = X \Ωi est une famille de fermés d’intersection vide.
« X est compact »
est de ce fait équivalent à
« de toute famille de fermés d’intersection vide on peut extraire une sous-famille finie d’inter-
section vide » ;
ou encore par contraposition à
« toute famille de fermés dont les sous-familles finies ont une intersection non vide a une in-
tersection non vide » ;
ce qui entraine enfin que
« dans un espace compact, toute suite décroissante de fermés non vides a une intersection non
vide ».
Ceci est essentiel, entre autres, pour la preuve du théorème de Dini (§ 18.2).

Nous nous placerons désormais dans le cadre des espaces métriques ; même si plusieurs
des résultats énoncés sont valables en toute généralité, nous avons délibérément choisi d’en
écarter la preuve pour focaliser notre attention sur les processus d’extraction et en favori-
ser l’apprentissage. Les références données ([CH30], [Sch70], etc.) permettront au lecteur
soucieux d’hypothèses minimales de satisfaire sa curiosité.

61
4.2 Compacité dans les espaces métriques
4.2.1 Théorème
Soit (E , d ) un espace métrique compact. De toute suite de E , on peut extraire une sous-
suite convergente.

Démonstration : On sait que l’ensemble desªvaleurs d’adhérence d’une suite (u n )n∈N est
égal à l’intersection des A n où A n = u p | p ≥ n . Ces ensembles forment une suite décrois-
©

sante de fermés non vides du compact E , donc leur intersection est non vide.

Application : Une suite réelle bornée est contenue dans un segment, donc possède, par
compacité de ce dernier, une valeur d’adhérence ; ce que l’on a vu directement par les limites
supérieures et inférieures.

4.2.2 Corollaire
Un sous-ensemble infini d’un espace métrique compact possède au moins un point d’ac-
cumulation.

Preuve : Soit A un tel sous-ensemble, on construit par récurrence sur n une suite injec-
tive (a n )n∈N à valeurs dans A, une valeur d’adhérence de (a n )n∈N est alors visiblement un
point d’accumulation de A.

Conséquence : Si A est un ensemble fermé de l’espace métrique compact (E , d ) dont


tous les points sont isolés, A est fini.

4.2.3 Corollaire
Tout espace métrique compact est complet, et tout sous-espace compact d’un espace mé-
trique est fermé et borné.

Démonstration : On sait qu’une suite de Cauchy qui possède une sous-suite conver-
gente converge, d’où le premier point. Le second vient de ce qu’un sous-espace complet
d’un espace métrique est toujours fermé.

B : Pas de réciproque ! Pour le premier point c’est clair avec R. Pour le second, considé-
rons par exemple la boule unité fermée B0 de l 2 (N, C), et la suite (e n )n∈N de B0 définie par
(
0 si n 6= p,
e n (p) =
1 si n = p.
p
Il est visible que, pour tout m 6= n, ke n − e m k2 = 2 et que de ce fait il n’y a pas de sous-suite
convergente extraite de (e n )n∈N .
Ce phénomène se produit avec toute famille orthonormée infinie d’un espace préhilbertien.
Voir aussi, au § 6.4, le théorème de Riesz.

62
L E THÉORÈME DE B OLZANO -W EIERSTRASS

4.2.4 Théorème
L’espace métrique (E , d ) est compact ssi, de toute suite de points de E on peut extraire une
sous-suite convergente.
(En d’autres termes, E est compact ssi toute suite de points de E possède au moins une va-
leur d’adhérence).

Montrons d’abord le lemme suivant (dit « de Lebesgue ») :


Si, de toute suite de points de E on peut extraire une sous-suite convergente, alors, pour¡ tout¢
recouvrement ouvert (Ωi )i ∈I de E il existe un nombre ρ > 0 tel que, pour tout x de E , B x, ρ
est contenue dans l’un des ouverts Ωi au moins.

Preuve du lemme : Elle est peu intuitive ! Raisonnons donc par ¡ l’absurde : pour tout
ρ > 0 supposons que l’on puisse trouver x ρ dans E tel que la boule B x ρ , ρ ne soit contenue
¢

dans aucun des ouverts Ωi . Prenons ρ = n1 et notons x n le point correspondant.


De la suite ¢ n )n∈N on peut, selon l’hypothèse faite sur E , extraire une sous-suite conver-
(x
gente x φ(n) n∈N ; soit l sa limite. Le point l appartient par l’hypothèse à un ouvert Ωk au
¡

moins. Il existe de ce fait un réel r > 0 tel que B (l , r ) soit contenue dans Ωk .
Pour un n ≥ N convenable on a

1 r ¢ r
et d x φ(n) , l <
¡
<
φ(n) 2 2
³ ´
1
donc la boule B x φ(n) , φ(n) est contenue dans B (l , r ) et a fortiori dans Ωk , contrairement à
la définition de (x n )n∈N .

Démonstration du théorème : Soit (Ωi )i ∈I est un recouvrement ouvert de E . Notons ρ


le « nombre de Lebesgue » introduit par le lemme. Vérifions que l’on peut recouvrir E par
un nombre fini de boules de rayon ρ : sinon, il est possible de construire par récurrence une
suite de points (x n )n∈N telle que, pour tout entier n ≥ 1

xn B x 0 , ρ ∪ · · · ∪ B x n−1 , ρ
¡ ¢ ¡ ¢
6∈

Pour tout p < q de N il vient d (x p , x q ) ≥ ρ et l’on ne peut visiblement pas extraire de (x n )n∈N
une sous-suite convergente (essayez...), contrairement à l’hypothèse.
Il existe donc des points x 1 , . . . , x n de E tels que

E B x1 , ρ ∪ · · · ∪ B xn , ρ
¡ ¢ ¡ ¢
=

Si l’on note Ωi 1 , . . . , Ωi n¡ certains des¡ ouverts


¢ du recouvrement étudié qui contiennent respec-
tivement les boules B x 1 , ρ , . . . , B x n , ρ , on aura E = Ωi 1 ∪ · · · ∪ Ωi n ce qui achève la preuve.
¢

On dispose moyennant le théorème de Bolzano-Weierstrass de preuves simples et courtes


des principales propriétés des compacts dans le métrique :

63
4.2.5 Théorème
Un sous-espace fermé d’un espace métrique compact est compact.

Démonstration : Si (x n )n∈N est une suite


¡ de ¢points de F on peut, selon l’hypothèse faite
sur E , extraire une sous-suite convergente x φ(n) n∈N , soit l sa limite ; l appartient à F puisque
F est fermé, donc F est compact.

4.2.6 Corollaire
Les parties compactes de R sont les parties fermées et bornées.

Démonstration : La condition est nécessaire dans tout espace métrique ; elle est ici suf-
fisante car un fermé borné F est contenu dans un segment [ a ; b ] compact, donc est fermé
dans un compact.

B : Les compacts de R© 1ne sont pasª nécessairement des réunions d’intervalles ! Considé-

rer par exemple le cas de n | n ∈ N ∪ { 0 } (voir 4.1).

4.2.7 Théorème
Soit (x n )n∈N une suite de points d’un espace métrique compact (E , d ). La suite (x n )n∈N
converge ssi elle possède au plus une valeur d’adhérence.

Démonstration : Si (x n )n∈N converge, sa limite est sa seule valeur d’adhérence. En sens


inverse, si (x n )n∈N ne possède qu’une valeur d’adhérence a mais diverge, il existe ε > 0
tel que l’ensemble A = { n ∈ N | d (x, x n ) ≥ ε } soit infini ¢(nier la quantification de la conver-
gence). Si φ est une bijection croisante de N sur A, x φ(n) n∈N est une suite du fermé E \B (a, ε)
¡

qui possède dans ce compact une valeur d’adhérence b ; visiblement b est aussi une valeur
d’adhérence de (x n )n∈N , contradiction et résultat.

4.2.8 Application : Graphe fermé compact


Soient E et F deux espaces métriques, avec F compact, et soit f une application conti-
nue de E dans F . f est continue ssi le graphe de f est fermé dans E F . ×
Démonstration : Si f est continue, son graphe est clairement fermé (il est souhaitable
d’expliciter cette propriété facile pour saisir la suite). En sens inverse, pour montrer la conti-
nuité, il suffit de prouver qu’une suite convergente (x n )n∈N de limite a dans ¡ E est¢ envoyée sur
une suite qui converge dans F . Il suffit pour cela de montrer que la suite f (x n ) n∈N possède
une seule valeur ¡ d’adhérence, soit f (a), dans¡le compact¢ F . Quitte à extraire, nous pouvons
supposer que f (x n ) n∈N converge. La suite x n , f (x n ) n∈N est alors une suite convergente
¢

du graphe de f , si (a, l ) est sa limite, (a, l ) appartient à l’adhérence du graphe de f qui est
par hypothèse fermé. ¡ Donc ¢ (a, l ) est dans
¡ le graphe de f et f (a) = l : la seule valeur d’adhé-
rence possible de f (x n ) n∈N est f (a), f (x n ) n∈N converge et f est continue.
¢

64
B : C’est le but et non la source qui doit être compact. Considérer par exemple sur [ 0 ; 1 ]
le cas de f (x) = x1 si x 6= 0 et f (0) = 0.

4.3 Fonctions continues sur un compact


4.3.1 Théorème
Soient E et F deux espaces métriques, avec E compact. Si f est une application continue
de E vers F , f (E ) est une partie compacte de F .

Démonstration : Soit y n n∈N une suite de f (E ), il existe par définition une suite (x n )n∈N
¡ ¢

de points de E telle que f (x n ) = y n . Comme E est compact, on peut extraire de (x n )n∈N


une sous-suite convergente qui est envoyée par la fonction continue f sur une sous-suite
convergente de y n n∈N .
¡ ¢

4.3.2 Théorème
Soit f une bijection continue du compact E sur l’espace métrique E 0 . Alors f est un ho-
méorphisme.

Démonstration : Pour monter que f est un homéomorphisme il suffit de prouver que f


est fermée i.e. que l’image par f d’un fermé de E est fermée. Si X est un fermé de E , c’est un
compact et son image f (X ) est un compact de E 0 donc un fermé de E 0 .

B : Ce résultat peut tomber en défaut si l’on ne suppose plus E compact.

4.3.3 Théorème
Soit f une application continue du compact non vide E dans R ; f est bornée et atteint ses
bornes.
En effet, l’image de f est un compact non vide de R c’est-à-dire un fermé borné.
Par exemple, une fonction continue sur un segment de R est bornée et atteint ses bornes.
On trouvera de nombreuses utilisations de ce résultat dans le § 33.

4.3.4 Application : compacité et distances atteintes


Soit A une partie compacte non vide de l’espace métrique E .
a) Il existe x dans A tel que : d (y, A) = d (y, x).
b) Il existe a et b dans A tels que d (a, b) = diam(A).
c) Soit F une partie°fermée° non vide de E evn de dimension finie ; pour tout x de E il existe
y dans F tel que °x − y ° = d (x, F ).

En effet,
a) La fonction y 7→ d (x, y) est continue car 1-lipschitzienne (cf. § 2) donc atteint son mi-
nimum d (x, A) sur le compact non vide A.

65
b) De même, l’application (x, y) 7→ d (x, y) est continue sur A × A donc atteint son maxi-
mum.

x B (x, R)
b

y F
b A
b

F IGURE 4.1 – Le point y ∈ F ∩ B (x, R) = A est le plus proche de x

c) On se ramène à un compact par intersection : soit R un nombre > d (x, F ). L’intersec-


tion de B (x, R) avec F est un fermé borné A, donc est un compact, et A est non vide
car R > d (x, F ). D’après le a), il existe y dans A tel que d (x, y) = d (x, A). Vérifions que
d (x, y) = d (x, F ) : si z est dans F , on distingue deux cas :
Premier cas : z ∈ A. Par choix de y, d (x, y) ≤ d (x, z).
Deuxième cas : z 6∈ A. Alors z est dans F mais pas dans B (x, R) donc

d (x, z) ≥ R ≥ d (x, y)

Ainsi, d (x, y) est la plus petite valeur possible de d (x, z), z ∈ F : d (x, y) = d (x, F ).

4.3.5 Théorème de Heine


Soit f une application continue de l’espace métrique compact (E , d ) dans l’espace mé-
trique (F, d ). Alors f est uniformément continue.

Démonstration : cf. le § 5, fonctions uniformément continues, avec de nombreuses illus-


trations.

4.4 Espaces produits


4.4.1 Théorème
Tout produit fini de compacts est compact.

Démonstration ¡ : (Cadre métrique). Par récurrence, on se ramène au cas de deux com-


pacts E et¡ F . Soit¢ x n , y n n∈N une suite de points de E × F . On veut extraire une suite conver-
¢

gente de x n , y n n∈N .
Extraire simultanément de (x n )n∈N et y n n∈N échoue car les extractions ¢ne sont pas néces-
¡ ¢

sairement les mêmes. On procède de ce fait consécutivement : soit x φ(n) n∈N une sous-suite
¡

66
convergente de (x n )n∈N , soit a sa limite ; (z n )n∈N = y φ(n) n∈N est
¡ une¢ suite du compact F , il
¡ ¢

existe donc une injection croissante ψ de N dans N telle que z ψ(n) n∈N converge, soit b sa
limite. Alors les suites extraites

x φ◦ψ(n) n∈N et y φ◦ψ(n) n∈N


¡ ¢ ¡ ¢

convergent, d’où la conclusion (N.B. : c’est bien φ ◦ ψ et non ψ ◦ φ. Si.)

4.4.2 Application
On se place dans Rn muni de la topologie produit, donnée par la norme produit :
k(x 1 , . . . , x n )k∞ = sup (|x 1 |, . . . , |x n |) (attention ! la distance induite n’est pas quelconque). Alors
une partie de Rn est compacte ssi elle est fermée et bornée : un compact est toujours fermé et
borné ; en sens inverse, si K est une partie fermée, bornée mettons par M , K est un fermé du
compact produit [ −M ; M ]n et de ce fait est compact.

4.5 Séparabilité
D ÉFINITION. Un espace topologique X est dit séparable lorsque sa topologie possède une base
dénombrable d’ouverts, c’est-à-dire qu’il existe une famille dénombrable (O n )n∈N d’ouverts
de X telle que tout ouvert de X soit réunion d’une sous-famille (forcément dénombrable) de
(O n )n∈N .

Exemple : R est séparable. Considérons en effet la famille I des intervalles ouverts de R


dont les extrémités sont rationnelles ; I est, comme Q2 , dénombrable et si O est un ouvert
de R, la densité de Q montre — c’est un exercice basique — que O est réunion des intervalles
de I qui sont contenus dans Q.

De façon plus générale, on a le résultat suivant :

P ROPOSITION. Soit (E , d) un espace métrique. Les propriétés suivantes sont équivalentes :


a) E contient une partie dénombrable dense ;
b) E est séparable.

Preuve : supposons a) vérifiée, soit (a n )n∈N une partie dénombrable ¢ dense de2E et envi-
1
sageons la famille dénombrable de boules ouvertes B m,n = B a n , m+1 , (m, n) ∈ N .
¡

Soient O un ouvert de E , et x un point de O. Il existe un nombre ε > 0 tel que B (x, ε) ⊂ O.


1
Soient m et n deux entiers tels que m+1 < 21 ε et d (a n , x) < m+1
1
. L’inégalité triangulaire montre
que B m,n ⊂ B (x, ε) ⊂ O, de ce fait O est la réunion des boules B m,n qu’il contient.

T HÉORÈME . Tout espace métrique compact E est séparable.

Preuve : soit n ∈ N∗ . Le théorème de¡Borel-Lebesgue dit notamment qu’il existe une


partie finie A n de E telle que E = x∈A n B x, n1 . La réunion des A n est alors une partie dé-
S ¢

nombrable dense de E .

67
T HÉORÈME . Soit (E , d) un espace métrique séparable. Alors l’ensemble O des ouverts de E ,
l’ensemble F des fermés de E ont tous un cardinal inférieur ou égal à card(R).

Preuve : soit {O n }n∈N une base dénombrable d’ouverts pour la topologie de E .


— Pour tout x appartenant à E il existe une partie A x de N telle que x = lim a n . L’ap-
n→∞, n∈A x
plication x 7→ A x est alors une injection de E dans P (N) et donc card(E ) ≤ card P (N) =
¡ ¢

card (R).
— De même, on attache à chaque ouvert Ω ∈ O de E une partie B de N telle que Ω =
O n , obtenant encore une injection de O dans P (N). Le cas des fermés suit par
S
n∈B
complémentarité.

En conséquence de cela, nombre de « gros » compacts de l’analyse fonctionnelle ne sont


pas métrisables.

Lectures supplémentaires : On trouvera de nombreux exemples de compacts utiles et


non triviaux dans le « Groupes de Lie Classiques » de Mneimné et Testard. Il me semble éga-
lement très important d’améliorer sa connaissance des compacts et de la droite en étudiant
en détail l’ensemble de Cantor : une bonne connaissance de ce dernier guérit définitivement
de nombreuses idées fausses, et permet d’éviter de croire que les choses simples se pré-
sentent naturellement, en l’absence d’hypothèses explicites de régularité (c’est la tendance
à la mode, qui vient d’un usage défectueux de la notion de généricité ; ni les mathématiques
ni l’étude de la nature ne ressortent de lois triviales). Ce dernier est donné en exercice dans
la majorité des livres de Topologie, dans [LFA74], [AF88], [RDO75], ... (l’étude en est prévue
dans le volume de travaux dirigés).

EXERCICES

1) a) Soient X une partie compacte de l’evn E et Y une partie fermée de E . Montrer


que X + Y est fermée dans E .
b) Prouver que ce résultat ne subsiste pas si on suppose seulement X fermé (prendre
les sous-groupes Z et πZ de R).
2) Soit X une partie compacte de l’evn E . Montrer que X contient une partie dénom-
brable dense (recouvrir X par un nombre fini de boules de rayon n1 , prendre la réunion
des centres quand n varie).
3) Soit f une isométrie du compact métrique (X , d ) dans lui-même. Montrer que f est
surjective (considérer, lorsque a est dans X , la suite f n (a)).

68
P ROBLÈME : THÉORÈME DE C ARATHÉODORY ET ENVELOPPE CONVEXE DES COMPACTS
Dans tout ce qui suit, A désigne une partie non vide de (E , 〈· | ·〉) espace vectoriel euclidien
de dimension finie. On désigne par c(A) l’enveloppe convexe de A.
1°) ©Montrer que c(A) est le sous-ensemble de E :
x ∈ E | il existe un entier naturel p ≥ 1 et des ªréels positifs λ1 , . . . , λp , de somme 1, et
a 1 , . . . , a p dans A tels que x = λ1 a 1 + · · · + λp a p .
2°) Soient a 1 , . . . , a p p éléments de A, avec p ≥ n +2, x dans c(A), x = λ1 a 1 +· · ·+λp a p avec
λ1 , . . . , λp réels positifs, de somme 1.
a) Montrer qu’il existe α1 , . . . , αp dans R, non tous nuls et de somme nulle, tels que

α1 a 1 + · · · + αp a p = 0

b) On introduit F = t ∈ R | t αi + λi ≥ 0, i = 1, . . . , p .
© ª

i) Montrer que F est un fermé non vide de R.


ii) Prouver que F possède au moins un point frontière τ et qu’en un tel point, il
existe j tel que
X
τα j + λ j = 0... On a donc : x = µi a i avec les µi ≥ 0 et de somme 1
i 6= j

Déduire de tout cela que c(A) est l’ensemble des points x de E tels qu’il existe
des nombres réels positifs λ1 , . . . , λn+1 , de somme 1, et a 1 , . . . , a n+1 dans A
tels que x = λ1 a 1 + · · · + λn+1 a n+1 .
3°) Applications :
a) Montrer que, si A est bornée, A et c(A) ont le même diamètre.
b) On suppose A compacte. Montrer que c(A) est compacte. On pourra introduire
Λ = (λ1 , · · · , λn+1 ) ∈ Rn+1 | λi ≥ 0 pour i = 1, . . . , n + 1 et 1 = λ1 + · · · + λn+1 , et le
© ª

compact A n+1 , et une application continue convenable.


4°) Trouver un fermé F de R2 dont l’enveloppe convexe n’est pas fermée.
Référence : [MT86], ou encore le cours de géométrie de M. Berger vol. 3 (Cedic, Nathan).

69
70
Chapitre 5

Applications uniformément continues,


lipschitziennes

5.1 Uniforme continuité


5.1.1 Définition
Soient (E , d) et (F, δ) deux espaces métriques. On dit que l’application f de E dans F est
uniformément continue si l’on a :

∀ε > 0, ∃α > 0, ∀(x, y) ∈ E 2 , d x, y < α =⇒ δ f (x), f (y) < ε.


¡ ¢ ¡ ¢

Il convient d’analyser attentivement la définition.


— tout d’abord, celle-ci dépend du choix des métriques sur E et sur F : changer d ou
δ pour une métrique donnant la même topologie ne conserve par l’uniforme conti-
nuité
¡ ¯ ; ce n’est pas une¯¢notion topologique (cherchez un exemple dans
R, ¯arctan x − arctan y ¯ ).
— Ensuite, la quantification montre que le choix de α à ε donné ne dépend que de ε
et non de x ou de y : il s’agit en quelque sorte d’un « ε passe-partout », et cette qua-
lité nous sera indispensable en intégration, par exemple au moment de l’étude de la
convolution.

5.1.2 Première note sur les quantificateurs


Ici apparaît l’importance de la notion de « dépendance d’une variable par rapport à une
autre » dans une quantification. Celle-ci est créée dès qu’une variable introduite par un ∃ en
suit une autre introduite par ∀. Par exemple dans l’expression de la continuité le α dépend
du ε et du x qui le précèdent.
Nous retrouverons cette dépendance à bien d’autres occasions, en particulier lors de l’étude
de la convergence uniforme. Il est ainsi nécessaire de voir immédiatement dans une quan-
tification quelles sont les dépendances des variables entre elles, et pour une bonne com-
préhension de l’analyse d’apprendre ensuite à repérer dans un énoncé moins formalisé les
« dépendances cachées ».

71
5.1.3 Négation de la continuité uniforme
Directement avec les quantificateurs, celle-ci s’exprime par :
³ ´
∃ ε > 0, ∀ α > 0, ∃ (x, y) ∈ E 2 , d x, y < α et δ f (x), f (y) ≥ ε .
¡ ¢ ¡ ¢

En remplaçant les nombres α > 0 par une suite qui tend vers 0, nous obtenons la traduction
équivalente :
³ ´
N N
∃ ε > 0, ∃ x n , y n n∈N ∈ E × E , d x n , y n tend vers 0 et δ f (x n ), f (y n ) ≥ ε .
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

5.1.4 Exemples et contre-exemples


1) Nous rencontrerons de nombreux exemples de fonctions uniformément continues
tout au long de l’exposé : fonctions lipschitziennes, continues sur un compact...
2) La fonction f : x 7→ sin x 2 n’est pas uniformément continue sur R (bien que C ∞
¡ ¢

et bornée ; noter que le caractère C ∞ d’une fonction n’entraîne rien sur ses oscilla-
tions, problème que nous retrouverons souvent : convergence d’intégrales générali-
sées, comparaison série-intégrale).
p q
Considérons en effet les suites x n = 2nπ et y n = 2nπ + π2 , on a ¯x n − y n ¯ ≤ pπn donc
¯ ¯
¯ ¯ ¯
¯x n − y n ¯ tend vers 0 mais ¯ f (x n ) − f y n ¯ = 1 ; d’où la conclusion, visible sur une re-
¡ ¢¯

présentation graphique.
On dispose d’un exemple analogue avec sin x1 sur ] 0 ; 1 ], laissé au lecteur : la fonc-
tion est cette fois C ∞ et bornée sur un intervalle non fermé, il manque ici le caractère
compact, qui serait donné par la fermeture de l’intervalle borné.
3) Une combinaison linéaire de fonctions uniformément continues est aussi uniformé-
ment continues, mais pas nécessairement un produit : il suffit de considérer sur R le
produit de : x 7→ x par elle-même, en prenant x n = n et y n = n + n1 on constate que

1
y n2 − x n2 = 2 +
n2

ne tend pas vers 0, donc la fonction x 7→ x 2 n’est pas uniformément continue.

5.2 Fonctions lipschitziennes


5.2.1 Définition
Soient (E , d) et (F, δ) deux espace métriques. On dit que l’application f de E vers F est
lipshitzienne s’il existe un nombre réel k tel que

∀(x, y) ∈ E 2 , δ f (x), f (y) k d x, y .


¡ ¢ ¡ ¢

Traduction : Le caractère lipschitzien de f s’exprime par le fait que le rapport

δ f (x), f (y)
¡ ¢

d x, y
¡ ¢

72
est borné sur E 2 \∆, où ∆ est la diagonale de E 2 ; la borne supérieure de ces « taux d’accrois-
sement » est alors appelée rapport de Lipschitz de f , il s’agit visiblement de l’inf des nombres
k vérifiant la propriété définissante.

B : Même si E 2 est compact E 2 \∆ ne l’est pas en général, et notre borne supérieure n’est
pas en général un maximum.

5.2.2 Exemples
1. Toute application linéaire continue entre evn est lipschitzienne.
2. Si f est une application dérivable de l’intervalle I de R dans R, f est lipschitzienne
dès que sa dérivée est bornée moyennant le théorème des accroissements finis ; la
réciproque est vraie en écrivant la définition de la dérivée.
3. La fonction distance à une partie non vide est 1-lipschitzienne (§ 3)

5.2.3 Proposition
Toute application lipschitzienne est uniformément continue.

Preuve : Immédiate.

5.2.4 Contre-exemple
Un exemple de fonction uniformément continue non lipschitzienne :
Il suffit de penser qu’un fonction peut-être continue sur un segment sans que nécessai-
p
rement ses pentes soient bornées : on considère la fonction f : x 7→ x sur [ 0 ; 1 ]. Pour
p p p
0 ≤ x ≤ y ≤ 1 on a y − x ≤ y − x, en prenant α = ε2 on trouve l’uniforme continuité de
f . Mais f n’est pas lipschitzienne sinon les rapports définis pour y > 0

f (y) − f (0) 1
=p
y −0 y

seraient bornés en 0 ce qui n’est pas (faire une figure).

5.3 Prolongement des applications uniformément continues


définies sur une partie dense (rappel)
5.3.1 Théorème
Soient (E , d) et (F, δ) deux espaces métriques. F étant complet, A une partie dense de E
et f une application uniformément continue de A dans F . Il existe une unique application
continue g de E dans F qui prolonge f , de plus, g est uniformément continue.

Voir le § 3.2.2 : espaces complets, avec applications.

73
5.4 Théorème de Heine
5.4.1 Théorème (dit « de Heine »)
Soit f une application continue de l’espace métrique compact (E , d) dans l’espace mé-
trique (F, δ). Alors f est uniformément continue.

Démonstration : La plus rapide consiste à nier l’uniforme continuité de f à l’aide de


suites :
³ ´
∃ ε > 0, ∃ x n , y n n∈N ∈ EN × EN , d x n , y n tend vers 0 et δ f (x n ), f (y n ) ≥ ε .
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

Comme ¢ E est compact, nous pouvons extraire de (x n )n∈N une sous-suite ¢ convergente, soit
x φ(n) n∈N , de limite a. Du fait que d (x n , y n ) tend vers 0 la ¡suite y φ(n)
¢¢ n∈N converge aussi
¡ ¡

vers a. Comme la fonction f est continue en a, les suites f x φ (n) n∈N et f y φ (n) n∈N
¡ ¡ ¡ ¢¢

convergent vers le point f (a), ce qui est absurde puisque par hypothèse :

δ f (x n ), f (y n ) ≥ ε. QED.
¡ ¢
∀n,

En particulier, toute fonction continue d’un segment de R dans un espace métrique est uni-
formément continue.

5.4.2 Exemples importants


1. Toute fonction continue périodique f de R dans C est uniformément continue.
Supposons la fonction f T -périodique, avec T > 0. Soit ε > 0. Utilisons l’uniforme
continuité de f sur le segment [ −T ; 2T ] — attention, il faut déborder du segment de
période !
Il existe α > 0 tel que,

∀(x, y) ∈ [ −T ; 2T ]2 ,
¯ ¯ ¯ ¯
¯x − y ¯ < α =⇒ ¯ f (x) − f (y)¯ < ε. (∗)

Nous supposerons α < T .


Soit maintenant (x, y) dans R2 tel que ¯x − y ¯ < α. Comme
¯ ¯

x−T < y < x + T,

nous pouvons trouver un entier n tel que x − nT et y − nT soient tous les deux dans
le segment [ −T ; 2T ]. En utilisant alors (∗) pour x − nT , y − nT et la périodicité de f
nous obtenons : ¯ ¯
¯ f (x) − f (y)¯ < ε. QED.

2. Soit f une application continue de R dans R, admettant des limites finies en +∞ et


−∞. Alors f est uniformément continue.

Soient l 0 et l les limites respectives de f en −∞ et +∞. Soit ε > 0. Choisissons M > 0


tel que, pour tout (x, y)

¯ f (x) − l 0 ¯ ≤ ε et ¯ f (y) − l ¯ ≤ ε.
¯ ¯ ¯ ¯
x ≤ −M < M ≤ y =⇒

74
π b b

2 π
2
−ε
1

~
−M O M
b b

-4 -2 ~ı 2 4

-1
Γf
b b
− π2 + ε

1
F IGURE 5.1 – Uniforme continuité de f (x) = arctan(3x) + 1 ]−1;1[ (x). e x 2 −1

Introduisons pour ce ε le α de la continuité uniforme sur [ −M ; M ], nous pouvons


imposer que α < M . Soit enfin (x, y) dans R2 , tel que |x − y| < α. Comme α < M les
nombres x et y ne peuvent être situés de part et d’autre du segment [ −M ; M ]. Nous
devons traiter trois cas :
Premier cas : x et y sont tous les deux > M (ou tous les deux < −M ). Alors

¯ f (x) − l 0 ¯ + ¯l − f y ¯
¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (x) − f y ¯
¡ ¢¯ ¡ ¢¯
≤ ≤ ε+ε

(même résultat pour x < −M ).


Deuxième cas : x et y sont dans [ −M ; M ]. On applique la définition de α :
¯
¯ f (x) − f y ¯ < ε.
¡ ¢¯

Troisième cas : x ∈ [ −M ; M ], y 6∈ [ −M ; M ], ou inversement. On suppose par exemple


x ≤ M ≤ y. Alors
¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (x) − f y ¯ ¯ f (x) − f (M )¯ + ¯ f (M ) − f y ¯ 2ε
¡ ¢¯ ¡ ¢¯
≤ ≤

par les deux premiers cas. QED.

5.4.3 Application du théorème de Heine


Une fonction continue f du segment [ a ; b ] de R dans un evn E est limite uniforme d’une
suite de fonctions affines par morceaux.

Démonstration : Soit ε > 0. On écrit d’emblée

∃α > 0, ∀(x, y) ∈ A 2 , d x, y ≤ α δ f (x) − f (y) ≤ ε,


¡ ¢ ¡ ¢
=⇒
¯ ¯
puis l’on choisit une subdivision (x 0 , . . . , x n ) de [ a ; b ] de pas < α, d’où ¯ f (x i +1 ) − f (x i )¯ ≤ ε
et l’on désigne par φ la fonction affine sur chacun des [ x i ; x i +1 ] qui prend la même valeur

75
0.3

0.2

0.1

-1.2 -1.0 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2

-0.1

1
F IGURE 5.2 – Approximation de f (x) = 1 ]−1;1[ (x). e x 2 −1 par une fonction affine par morceaux

que f aux extrémités.

Comme φ est affine sur [ x i ; x i +1 ] on observe que, pour tout x du dit :


° ° ° ° ° °
°φ (x) − φ (x i )° ≤ °φ (x i +1 ) − φ (x i )° = ° f (x i +1 ) − f (x i )° ≤ ε.

Si x est dans [ x i ; x i +1 ] on en déduit :


° ° ° ° ° ° ° °
° f (x) − φ (x)° ≤ ° f (x) − f (x i )° + °φ (x i ) − φ (x)° ≤ ° f (x) − f (x i )° + ε.
° °
or |x − x i | ≤ α donc ° f (x) − f (x i )° ≤ ε, il en résulte
° °
° f (x) − φ (x)° ≤ 2 ε

cette inégalité est clairement indépendante de x. QED.

5.5 Module de continuité uniforme


Soient (E , d) et (F, δ) deux espaces métriques. Soit l’application f de E dans F , au nombre
α > 0 on associe l’élément de [ 0 ; +∞ ]

ω f (α) = sup δ f (x), f (y) ; d x, y ≤ α .


© ¡ ¢ ¡ ¢ ª

Si f est uniformément continue, en prenant ε = 1 et en notant α0 le nombre α correspon-


dant on constate que, pour α ≤ α0 , ω f (α) est fini. Notons aussi que ω f (0) = 0.

Propriété : Le module de continuité uniforme est croissant.

(Immédiate). Nous avons le

76
5.5.1 Théorème
Soient (E , d) et (F, δ) deux espaces métriques. Si l’application f de E dans F est uniformé-
ment continue, l’application module de continuité uniforme ω f est continue en 0.

Démonstration : Soit ε > 0. Appliquons la définition de la continuité uniforme :

∀ε > 0, ∃α > 0, ∀(x, y) ∈ E 2 , d x, y < α δ f (x), f (y) < ε.


¡ ¢ ¡ ¢
=⇒

On a donc
ω f (α) ≤ ε
et de ce fait, la croissance de ω f (α) entraîne que, pour tout β ≤ α, ω f (β) ≤ ε. QED.

AUTRES APPLICATIONS DE LA CONTINUITÉ UNIFORME


La continuité uniforme intervient de façon déterministe en intégration :
— comportement à l’infini des intégrales généralisées (§ 16) ;
— intégrales à paramètre (§ 22).
Et dans les problèmes d’approximations :
— polynômes de Bernstein (§ 19) ;
— convolution, séries de Fourier (§ 20, 29).

EXERCICES

1) Soit f une application uniformément


¯ ¯ continue de R dans R. Montrer qu’il existe deux
réels a et b tels que : ∀x, ¯ f (x)¯ ≤ ax + b. Y a-t-il une réciproque ?
2) Soit f une fonction de l’intervalle I de R dans R vérifiant :

¯ f (x) − f (y)¯ ≤ C |x − y|α


¯ ¯
∃ α > 0, ∃C > 0, ∀ (x, y) ∈ I × I , (Hα )

a) Si α > 1 montrer que f est constante.


b) Si α ≤ 1 vérifier que f est uniformément continue. Donner des exemples de telles
fonctions non lipschitziennes avec α < 1.
c) Trouver une fonction uniformément continue ne vérifiant aucune des conditions
(Hα ).

77
78
Chapitre 6

Applications linéaires continues, normes


équivalentes

6.1 Continuité des applications linéaires


Dans ce paragraphe, (E , k·kE ) et (F, k·kF ) désignent deux espaces vectoriels normés sur
R ou sur C. On notera L c (E , F ) l’espace vectoriel des applications linéaires continues de E
dans F .

6.1.1 Théorème
Soit f dans L c (E , F ). Les propriétés suivantes sont équivalentes :
(1) f est continue ;
(2) f est continue en un point au moins ;
(3) f est continue en 0 ;
° °
(4) Il existe une constante k ≥ 0 telle que, pour tout x de E , ° f (x)°F ≤ k kxkE ;
(5) f est bornée sur la boule unité ;
(6) f est bornée sur la sphère unité.

Démonstration : L’équivalence de (1), (2) et (3) provient de l’identité

∀(x, h) ∈ E 2 , f (x − h) − f (x) = f (h).


° °
Puis visiblement (4) =⇒ (5) =⇒ (6). Pour (6) =⇒ (4) : si k majore ° f ° sur la sphère unité il
vient pour tout x non nul de E :

x °
° µ ¶°
° ° °
°f ° ≤ k d’où ° f (x)° ≤ k kxkE .
° kxk °
E F

On déduit immédiatement de (4) et de la linéarité qu’une application linéaire continue f


entre evn est lipschitzienne, donc (4) =⇒ (1).
Enfin (3) =⇒ (6) car si f est continue en 0 il existe
° un°réel r > 0 tel° que °f soit bornée par 1 sur
la sphère S(0, r ), si x est dans S(0, 1) on aura f (r x) F ≤ 1 d’où f (x) ≤ r , k = r1 convient.
° ° ° ° 1

79
6.1.2 Exemples
R1
1. Sur C ([ 0 ; 1 ], R) muni de k·k∞ , l’application u : f 7→ 0 f (t )g (t ) dt est linéaire et conti-
nue puisque :
Z 1
¯ ¡ ¢¯ ° ° ¯ ¯
¯u f ¯ ≤ ° f ° ¯g (t )¯ dt .

0

2. L’application φ de l’espace E des fonctions continues 2π-périodiques de R dans C qui


à une telle fonction associe la suite (c n )n∈Z de ses coefficients de Fourier est linéaire
continue lorsque E est muni de la norme de la convergence uniforme (norme sup.) et
l’espace c 0 des suites complexes doubles tendant vers 0 de la norme sup.
3. Un exemple de forme linéaire non continue.
On se place sur R[X ] muni de k·k∞ , le sup étant pris sur [ 0 ; 1 ]. La suite de polynômes
(X n )n∈N est alors bornée. Si φ est la forme linéaire P 7→ P (2), φ (x n ) = 2n n’est pas
bornée, donc φ n’est pas continue.

6.1.3 Proposition
Une application linéaire entre espaces vectoriels normés f : E → F est continue ssi elle
transforme toute suite de limite nulle en une suite bornée.

Démonstration : La condition est évidemment nécessaire. En sens inverse, raisonnons


par l’absurde : si f n’est pas continue, f n’est pas bornée sur° la sphère unité. Il existe donc
2 1
°
° tout n, ku n k = 1 et f (u n ) ≥ n . La suite v n = n u n tend
une suite (u n )n∈N telle °que, pour ° °
alors vers 0 tandis que ° f (v n )° ≥ n : contradiction et résultat.

6.1.4 Proposition
Une forme linéaire u sur un espace vectoriel normé E est continue ssi son noyau est fermé.

r
H b
0E

y
b b

Ha a
b
x

F IGURE 6.1 – La forme linéaire u est continue et kukLc (E ,K) ≤ r1

Démonstration : Si u est continue, le noyau de u, image réciproque par u du fermé { 0 },


est fermé. Réciproquement, si u est non nulle, le noyau de u est un hyperplan H . Comme u
est une forme linéaire 6= 0, u est surjective, on peut donc choisir a dans E tel que u(a) = 1.

80
L’hyperplan affine fermé H a = H + a ne contient pas 0, il existe donc r > 0 tel que la boule
B (0, r ) ne rencontre pas H a .
Vérifions enfin que, pour tout x de B (0, r ), |u(x)| ≤ 1 : sinon, quitte à changer x en αx, avec
|α| = 1, il existe x dans B (0, r ) tel que λ = u(x) est réel et > 1. Le vecteur y = λx est alors dans
B (0, r ) et vérifie u(y) = 1, contradiction et résultat. Par homothétie, u est bornée par r1 sur la
boule unité fermée, donc est continue.

N ORME SUR L’ ESPACE DES APPLICATIONS LINÉAIRES CONTINUES .

6.1.5 Théorème-définition
Soient (E , k·kE ) et (F, k·kF ) désignent deux espaces vectoriels normés. Lorsque f est dans
L c (E , F ) on pose
° ° ° °
°f ° = sup ° f (x)°F
L c (E ,F )
x∈B(0,1)

Alors k·kLc (E ,F ) est une norme sur L c (E , F ), dite associée (ou subordonnée) aux normes k·kE
et k·kF sur E et F .
° °
En effet, si ° f °Lc (E ,F ) = 0, f est nulle sur la boule unité, donc sur E tout entier par ho-
mothétie ; pour le reste on observe simplement qu’il s’agit de la norme sup sur un espace de
fonctions bornées.

Notation : Lorsque la distinction entre la norme sur L c (E , F ) et celles de E ou F est cru-


ciale, on écrit |||·||| au lieu de k·kLc (E ,F ) , par exemple en calcul différentiel, pour le théorème
des accroissements finis.

6.1.6 Caractérisation
¯¯¯ ¯¯¯
¯¯¯ f ¯¯¯ est le plus petit nombre k ≥ 0 tel que, pour tout x de E
° °
° f (x)° ≤ k kxkE
F

¯¯¯ ¯¯¯
Revoyons la preuve ° du théorème
° : il est clair que k = ¯¯¯ f ¯¯¯ vérifie la condition
° ci-dessus.
°
D’autre part l’inégalité f (x) F ≤ k kxkE , si elle est valable
° °
¯¯¯ ¯¯¯ sur E , entraine que ° f (x)° est
F
borné par k sur la boule unité, donc par définition : ¯¯¯ f ¯¯¯ ≤ k.

6.1.7 Exemples de calcul de norme


1) Lorsque E = C ([ 0 ; 1 ], R) est muni de la norme k·k∞ , les formes linéaires d’évaluation
a 7→ f (a), a ∈ [ 0 ; 1 ] ont pour norme 1.
2) L’application φ de l’exemple 2) ci-dessus a pour norme 1.
3) Pour de nombreux calculs de normes matricielles, on pourra consulter le chapitre un
de [MT86], avec les exercices. Voir aussi les exercices de ce paragraphe.

81
6.1.8 Proposition

¯¯¯ Soient
¯¯¯ ¯¯¯E ,¯¯F¯ ¯¯et
¯ ¯G ¯¯ trois espaces vectoriels normés. Si f ∈ L c (E , F ) et g ∈ L c (F,G) on a
¯¯¯g ◦ f ¯¯¯ ≤ ¯¯¯g ¯¯¯.¯¯¯ f ¯¯¯.

Conséquence : Lorsque E = F , (L c (E , F ), |||·|||) est une algèbre normée. En particulier —


ceci nous sera utile à plusieurs reprises lors de l’étude du calcul différentiel — pour a fixé
dans L c (E , F ) les applications
¯¯¯ x ¯¯7→
¯ a¯¯¯◦ x et x 7→ ¯x¯¯ ◦ a sont
¯¯¯ |||a|||-lipschitziennes
¯¯¯ donc conti-
nues. (On a en effet a ◦ x − a ◦ y = a ◦ (x − y) ≤ |||a|||. x − y .)
¯¯¯ ¯¯ ¯ ¯¯¯ ¯ ¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯

6.1.9 Théorème
Soient (E , k·kE ) et (F, k·kF ) deux espaces normés, avec F complet, L c (E , F ) muni de la
norme k·kLc (E ,F ) = |||·||| associée à k·kE et k·kF est aussi complet.

La preuve a été donnée dans le § 3.1 : espaces complets.

On déduit de ce théorème que, si E est un espace de Banach, (L c (E ), |||·|||) est une algèbre
complète (une algèbre de Banach).

6.2 Prolongement des applications linéaires continues


6.2.1 Théorème de Hahn-Banach
Rappel : Si f est une application linéaire continue définie sur une partie dense de l’evn
(E , k·kE ) à valeurs dans (F, k·kF ) complet, f est lipschitzienne donc uniformément continue,
et le théorème de prolongement des applications uniformément continues à but complet
s’applique : f possède un (unique) prolongement continu à E . On rappelle aussi que la
norme reste la même, les bornes supérieures d’une fonction numérique continue sur une
partie A et sur A étant égales.

On a en fait un résultat plus général pour les formes linéaires, que nous admettrons :

T HÉORÈME . (Hahn-Banach.) Soit (E , k·kE ) un espace vectoriel normé, F un sous-espace vec-


toriel de E , et f une forme linéaire continue de F dans le corps de base K. (K = R ou K = C). Il
existe un prolongement linéaire continu g de f à la source E , de norme égale à celle de f .

N.B. : g , ici, n’est pas nécessairement unique.

Application : Soit F un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel normé (E , k·kE ). F est


dense dans E ssi tout forme linéaire qui s’annule sur F est nulle sur E .

Un sens est clair : si F est dense dans E , le principe de prolongement des identités (§
2.8.5) nous dit que f est identiquement nulle.

La réciproque est plus délicate, on la montre par contraposition : si F n’est pas dense
dans E , son adhérence G est 6= E . Soit a dans E \G, définissons une forme linéaire f sur la

82
somme directe H = G Ka en posant f (x) = 0 si x est dans G, f (a) = 1. La forme linéaire
L

f est continue sur H car son noyau est G est fermé (6.1.4) donc f admet un prolongement
continu g à E ; g n’est pas nulle puisque g (a) = 1, pourtant g s’annule sur F , et la preuve par
contraposition est achevée.

6.2.2 Théorème de Banach-Steinhaus


Il s’agit d’une illustration du théorème de Baire, importante en analyse fonctionnelle à
divers titres. Nous renvoyons notamment aux séries de Fourier pour une application fonda-
mentale.

T HÉORÈME . (Banach-Steinhaus.) Soit (u i )i ∈I une famille d’applications linéaires continues


d’un espace de Banach E dans un evn F . Alors on est dans l’un des deux cas suivants :
1) La famille (u i )i ∈I est bornée dans L c (E , F ), c’est-à-dire qu’il existe C > 0 telle que, pour
tout i ∈ I , la norme d’opérateur de u i est ≤ C .

2) Il existe un ensemble dense G de points de E tel que, pour tout x ∈ G,

sup ku i (x)k = +∞.


i ∈I

Démonstration : introduisons la fonction f de E dans [ 0 ; +∞ ] définie par

f (x) = sup ku i (x)k .


i ∈I
° °
Soit a dans E , et m un nombre réel tel que m < f (a). Il existe alors j dans I tel que °u j (x)° >
m ; puisque u j est continue, cette inégalité se maintient sur un voisinage V de a, ce qui
donne a fortiori ∀x ∈ V, f (x) > m.
Il en résulte que tous les ensembles de © la forme Ωm = ªx ∈ E | f (x) > m sont ouverts, et
© ª

donc que leurs complémentaires Ym = x ∈ E | f (x) ≤ m sont fermés. Le théorème de Baire


conduit alors à distinguer deux cas.

Premier cas. Il existe n ∈ N tel que Yn soit d’intérieur non vide. On montre alors que la fa-
mille (u i )i ∈I est bornée pour la norme d’opérateur, par l’argument d’homothétie-translation
suivant : il existe a ∈ E et r > 0 tels que BE (a, r ) ⊂ Yn , c’est-à-dire que, pour tout h ∈ BE (0, r )
et tout i de I , ku i (a + h)k ≤ n, or ku i (a)k ≤ n, d’où par différence, pour tout i de I et tout h
de BE (0, r ) la majoration ku i (h)k ≤ 2n.
Ceci montre que, pour tout i ∈ I , la norme d’opérateur de u i est majorée par la constante 2n r
.

Deuxième cas. Les fermés Yn , n ∈ N, sont tous d’intérieur vide. Le théorème de Baire
nous dit alors que, dans l’espace complet E , l’intersection des Ωn est une partie dense G ; il
est clair que, sur G, f = +∞.

Ce résultat est souvent appelé principe de la borne uniforme. Le théorème de Baire ap-
paraît ici encore comme un outil d’uniformisation pour les familles d’applications.

83
6.3 Équivalence des normes
6.3.1 Théorème
Soient N1 et N2 deux normes sur l’espace vectoriel E . Les propriétés suivantes sont équi-
valentes :
(1) tout ouvert de (E , N2 ) est un ouvert de (E , N1 ) ;
(2) l’application Id : (E , N1 ) → (E , N2 ) est continue ;
(3) il existe une constante k > 0 telle que N2 ≤ k N1 .

Démonstration : (1) et (2) sont équivalentes par la caractérisation des applications conti-
nues par les images réciproques d’ouverts, et l’équivalence de (2) et (3) vient de 6.1.1.

La preuve ci-dessus est souvent un peu trop « algébrique » pour ceux qui préfèrent voir :
on peut aussi noter que la contrainte¡ r ¢ « Il existe une constante k > 0 telle que N2 ≤ k N1 »
?
amène l’inclusion B2 (a, r ) . . . B1 a, k (Bi : boule pour Ni ) qui montre que toute boule de
centre a pour N2 est un voisinage de a pour N1 , donc que tout ouvert pour N2 est un ouvert
pour N1 .

6.3.2 Définition
Les normes N1 et N2 sur l’espace vectoriel E sont dites équivalentes s’il existe des constantes
strictement positives α et β telles que, pour tout x de E

αN1 (x) ≤ N2 (x) ≤ βN1 (x)

Propriétés :
1. visiblement, il s’agit d’une relation d’équivalence des normes ;
2. si deux normes sont équivalentes, leurs bornés, suites de Cauchy, etc. sont les mêmes.

6.3.3 Théorème
Deux normes sont équivalentes ssi elles définissent la même topologie.

Démonstration : Si les deux normes N1 et N2 sont équivalentes, nous voyons que l’iden-
tité (E , N1 ) → (E , N2 ) et (E , N2 ) → (E , N1 ) fournit deux applications continues, donc les ou-
verts pour N1 et N2 sont les mêmes. En sens inverse, on applique le théorème ci-dessus 6.3.1
pour obtenir α et β.

Bien sûr, deux normes équivalentes fournissent les mêmes fermés, les mêmes fonctions
continues, etc.

Exemples : En dimension finie, le théorème d’équivalence des normes (voir plus loin)
ôte tout l’intérêt à l’étude de tel ou tel exemple (sauf en analyse numérique, ou le choix

84
d’une norme adaptée au problème est important). On se place donc en dimension infinie.
Comparons sur C ([ 0 ; 1 ], R) les normes
Z 1 µZ 1 ¶1
° ° ¯ ¯ ° ° ¯ ¯ ° ° ¯ ¯2 2
°f ° = sup f , ¯ ¯ ° f 1 =
° ¯ f ,
¯ ° f 2 =
° ¯ f ¯ .

[ 0;1 ] 0 0

On a d’abord k·k1 ≤ k·k2 ≤ k·k∞ la première inégalité provenant de l’inégalité de Schwarz. De


là tout ouvert pour k·k1 l’est pour k·k2 , et tout ouvert pour k·k2 l’est pour k·k∞ .
Mais les normes considérées ne sont pas équivalentes, l’idée étant qu’une fonction peut
atteindre de grandes valeurs et son intégrale° ° rester °
petite
° : 1
n 1
° °
On reprend f n (x) = x , x ∈ [ 0 ; 1 ]. Alors f ∞ = 1, f °2 = p
° ° ° , ° f °1 = n+1 ce qui montre
2n+1
qu’il n’y a pas de constantes α ou β > 0 telles que k·k∞ ≤ α k·k2 ou k·k2 ≤ β k·k1 .

6.4 Espaces vectoriels normés de dimension finie


6.4.1 Théorème
Si E est un espace vectoriel normé de dimension finie, toutes les normes sur E sont équi-
valentes.

Démonstration : Nous la diviserons en deux cas.


Premier cas : E = Rn . Comme la relation étudiée est d’équivalence, il suffit de montrer qu’une
norme N et la norme particulière k(x 1 , . . . , x n )k∞ sont équivalentes.
1. Il existe une constante C > 0 telle que, pour tout x = (x 1 , . . . , x n ), N (x) ≤ C kxk∞ .
Soit en effet (e 1 , . . . , e n ) la base canonique de Rn on a
N (x) = N (x 1 e 1 + · · · + x n e n ) ≤ |x 1 |N (e 1 ) + · · · + |x n |N (e n )
Si K = max (N (e i )) nous trouvons
i =1,...,n

N (x) K |x 1 | + · · · + |x n | n K k(x 1 , . . . , x n )k∞


¡ ¢
≤ ≤
et C = nK convient.
2. Il existe une constante C 0 telle que, pour tout x de Rn on ait
k(x 1 , . . . , x n )k∞ ≤ C 0 N (x)
En effet, la première inégalité (1) montre que N vérifie
∀(x, y) ∈ Rn × Rn ,
° °
N (x − y) ≤ C ° x − y °∞
N est donc C -lipschitzienne et par suite continue pour la tolopogie définie par k·k∞ .
Mais la norme k·k∞ª définit la topologie produit : pour cette topologie, la sphère unité
x ∈ Rn | kxk∞ = 1 est compacte car fermée et bornée dans le produit de compacts :
©

[ −1 ; 1 ] × [ −1 ; 1 ] × · · · × [ −1 ; 1 ] = x ∈ Rn | kxk∞ ≤ 1
© ª

N est de ce fait une fonction continue sur un compact : elle atteint son minimum m
en un point a du dit compact. On a donc m = N (a) > 0 (a 6= 0 car a ∈ S). Si y est un
y
élément non nul de Rn , x = y est dans S donc N (x) ≥ m et par homogénéité de N ,
k k∞
N (y) ≥ m ° y ° . La constante C = 1 convient.
0
° °
∞ m

85
Deuxième cas : E est un espace vectoriel de dimension finie quelconque.
Si n est la dimension de E , il existe un isomorphisme φ de E sur Rn . Soient alors N1 et N2
deux normes sur E . Les normes N1 ◦ φ−1 et N2 ◦ φ−1 sont équivalentes sur Rn , donc aussi N1
et N2 par composition avec φ.

6.4.2 Théorème
Soit (E , N ) un espace vectoriel normé de dimension finie. Une partie X de E est compacte
ssi elle est fermée et bornée.

Démonstration : La condition est nécessaire dans tout l’espace métrique (§ 4.2.2). Pour
montrer qu’elle est¡ suffisante, on choisit un isomorphisme φ de Rn sur E , l’application défi-
0
nie par N (x) = N φ(x) est alors une norme sur E , qui par le résultat précédent est équiva-
¢

lente à la norme k·k∞ . Les fermés bornés de N 0 et de k·k∞ sont donc les mêmes. Mais ceux
de k·k∞ sont compacts, car k·k∞ définit la topologie produit. On revient à E en utilisant l’iso-
métrie bijective φ (qui est aussi un homéomorphisme).

Application : voir dans le § 4, compacité, les distances atteintes ; et dans le § 33, pro-
blèmes d’extremum, l’existence d’un polynôme de meilleure approximation (§ 33.1.2-2).

6.4.3 Théorème
Un espace vectoriel normé de dimension finie est complet.

Démonstration : D’après le théorème précédent, les parties fermées et bornées de E


sont compactes. On sait aussi qu’une suite de Cauchy de E est bornée ; elle est de ce fait
contenue dans une boule fermée mettons B (a, r ). La boule B (a, r ) est alors compacte donc
complète, et la suite de Cauchy considérée converge.

Application : Un espace vectoriel de dimension finie F est fermé dans tout evn (E , k·kE )
qui le contient.
En effet, F est complet pour toutes les normes, donc en particulier pour la norme qu’induit
k·kE , F est par suite fermé dans E .

6.4.4 Théorème
Si (E , k·kE ) et (F, k·kF ) sont des espaces vectoriels normés, et si E est de dimension finie,
toute application linéaire f de E dans F est continue.

Démonstration : Par équivalence, le choix de la norme sur E est libre. On prend alors
n
une base de E , soit (e 1 , . . . , e n ), et l’on norme E par kx 1 e 1 + · · · + x n e n kE = |x k |.
P
k=1
Il vient pour x = x 1 e 1 + · · · + x n e n dans E :
° ° ° ° n
X n
X
° f (x)° = ° f (x 1 e 1 + · · · + x n e n )° ≤ |x k | ke k kE ≤ C |x k |
F F
k=1 k=1
° ° ° ¢
où C = max ° f (e 1 )°F , . . . , ° f (e n )°F , d’où la continuité de f .
¡°

86
6.4.5 Théorème de Riesz
Si la boule unité fermée d’un espace vectoriel normé (E , k·kE ) est compact, E est de dimen-
sion finie.

Démonstration : Nous savons que, pour tout ρ > 0, la boule unité fermée B peut être
recouverte par un nombre fini de boules de rayon ρ (rappel : on extrait du recouvrement
de B par toutes les boules de rayon ρ un sous-recouvrement ¢fini). On introduit
¢ alors m
vecteurs a 1 , . . . , a m de E tels que B soit contenue dans B a 1 , 21 ∪ · · · ∪ B a m , 12 , puis F le
¡ ¡

sous-espace vectoriel de E engendré par a 1 , . . . , a m . Prouvons que F = E : sinon, il existe x


dans E \F ; comme F est fermé — il est de dimension finie — la distance de x à F , soit d est
> 0. Choisissons z dans F tel que d ≤ kx − zk < 32 d . Posons a = kx−zk x−z
, le vecteur a est sur la
1
sphère unité donc il existe a i tel que ka − a i k ≤ 2 . Après multiplication par kx − zk il vient
kx − z − kx − zk a i k ≤ 12 kx − zk ≤ 43 d , mais z + kx − zk a i est dans F , et l’on a contredit ainsi la
définition de d . QED.

Ce résultat est crucial pour l’étude des opérateurs compacts dans les espaces fonction-
nels.

6.5 Parties convexes dans les espaces vectoriels normés de


dimension finie
Les convexes d’un espace vectoriel normé de dimension finie possèdent des proprié-
tés spécifiques liées à la compacité locale, qui en général ne se retrouvent pas dans les es-
paces de Banach, et sont essentielles à l’étude des polyèdres, groupes de Lie, empilement de
sphères etc. . . On note Λp l’ensemble des p + 1-uplet (λ0 , . . . , λp ) de nombres réels positifs
dont la somme est 1.

Rappel : si A est une partie d’un espace affine E , l’enveloppe convexe de A est

p
( )
∃p ∈ N∗ , ∃ a 0 , . . . , a p ∈ A p+1 ,
X
x ∈E ∃ λ0 , . . . , λp ∈ Λp , x= λi a i
¡ ¢ ¡ ¢
k=0

Noter que, dans la caractérisation précédente, l’entier p dépend de x. En dimension fi-


nie, on peut limiter p en fonction de la dimension de l’espace ambiant.

6.5.1 Théorème
Soit C une partie convexe d’un evn E de dimension finie n ≥ 1 :
a) si C engendre affinement E , l’intérieur de C est non vide ;
b) l’enveloppe convexe d’une partie A de E est l’ensemble des x appartenant à E tel qu’il
existe des réels positifs λ1 , . . . , λn+1 , de somme 1, et a 1 , . . . , a n+1 dans A tels que x = λ1 a 1 +
· · · + λn+1 a n+1 ;

87
c) si A est compacte, son enveloppe convexe est aussi compacte (théorème de Carathéo-
dory).

Démonstration : a) par hypothèse, nous disposons de n + 1 points affinement indépen-


dants de C , soit a 0 , . . . , a n ; sans nuire à la généralité nous supposons a 0 = 0E . Les vecteurs
e i = a i − 0E , i = 1, . . . , n forment alors une base de E , et par équivalence des normes en di-
mension finie les fonctions coordonnées dans cette base sont continues.

Puisque C est convexe, x = 1 − ni=1 x i 0E + x 1 a 1 + · · · + x n a n est dans C dès que les x i


¡ P ¢

sont positifs, de somme ≤ 1 ; de là il résulte que l’ensemble x i > 0, i = 1, . . . , n, x i < 1 est


P

inclus dans C ; or ce dernier est un ouvert non vide.

b) On rappelle que c(A) est le sous-ensemble de E tels qu’il il existe un entier natu-
rel p ≥ 1, des réels positifs λ1 , . . . , λp , de somme 1, et des points a 1 , . . . , a p dans A tels que
x = λ1 a 1 +· · ·+λp a p ; nous affirmons ici qu’en dimension finie n, l’entier p intervenant dans
la description de c(A) donnée au départ peut être pris égal à n + 1.

Soient a 1 , . . . , a p p éléments de A, avec p ≥ n + 2, x dans c(A), x = λ1 a 1 + · · · + λp a p avec


λ1 , . . . , λp réels positifs, de somme 1.

Puisque p ≥ n +2, les p points a 1 , . . . , a p sont affinement liés donc il existe µ1 , . . . , µp dans
R, non tous nuls et de somme nulle, tels que µ1 a 1 + · · · + µp a p = 0E .

Introduisons alors F = t ∈ R | t µi + λi ≥ 0, i = 1, . . . , p . Clairement, F est l’intersection


© ª

d’intervalles fermés de R, et il est non vide puisqu’il contient 0. Comme deux au moins des
µi sont de signes strictement opposés, F est borné, c’est donc un segment. Soit τ un point
frontière de F ; en un tel point, il existe j tel que τµ j + λ j = 0 (sinon τ est intérieur à F ). On a
donc :

x λ1 a 1 λp a p τ µ1 a 1 µp a p
¡ ¢
= + ··· + + + ··· +
= ν1 a 1 + ··· + νp a p

où les νi = λi + τµi sont positifs et de somme 1, l’un d’entre eux étant nul.

Bilan : un élément x de l’enveloppe convexe de A, qui s’écrit comme combinaison convexe


de p ≥ n + 2 éléments de A, peut s’obtenir également avec p − 1 éléments. Autrement dit, on
peut toujours se ramener à une combinaison convexe d’au plus n + 1 éléments de A.

c) Λn est visiblement fermé, borné dans Rn+1 ; c’est donc un compact. De même, A n+1
est compact, et d’après b) l’application continue

f : Λn × A n+1 → E
(λ1 , . . . , λn+1 , a 1 , . . . , a n+1 ) 7→ λ1 a 1 + · · · + λn+1 a n+1

envoie le compact Λn × A n+1 sur l’enveloppe convexe c(A) de A, qui est de ce fait compacte.

88
L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : Très bons chapitres 4 et 5 de [Rud73], on peut laisser de
côté les résultats difficiles usant de la théorie de la mesure. Voir aussi le livre de Brézis :
[Bre82] et [LFA74].

EXERCICES

1) Soit f une application linéaire de l’evn E dans l’evn F .


k f (x)k
On suppose qu’il existe limx→0 kxk = 0. Montrer que f est nulle.

C ALCUL DE NORMES D ’ APPLICATIONS LINÉAIRES CONTINUES


En dehors de cas triviaux, ou des exemples matriciels cités, les calculs de normes sont
souvent difficiles. On en trouvera plusieurs exemples dans le tome 3, associés à la ré-
solution de problèmes délicats d’analyse (divergence de séries de Fourier etc.)
2) Pour n dans N∗ et f dans C 2π (R, C) (fonctions continues 2π-périodiques de R dans
1
1 π sin n+ u
¡¡ ¢ ¢
C). On pose u( f ) (= S n (0), cf. § 29) = π 0 2
f (u) du. Calculer la norme de u
R
sin u
¡ ¢
2
lorsque l’espace de départ est muni de la norme k·k∞ .
3) On note : E l’evn C ([ 0 ; 1 ¯], R), muni de la norme k·k∞ , φ l’application de E dans E qui à
¯ [ 0 ; 1 ] −→ R ° °1
f continue associe φ( f ) : ¯¯ R x . Trouver lim °φn ° n . (On rappelle que
x 7−→ 0 f n→+∞
e
la « formule de la primitive n » provient de la formule de Taylor avec reste intégral).

C OMPARAISON DES NORMES


4) Comparer sur C 1 ([ 0 ; 1 ], R) les normes
a) N1 ( f ) = ° f ° + ° f 0 ° ; N2 ( f ) = ¯ f (0)¯ + ° f 0 °
° ° ° ° ¯ ¯ ° °
∞ ∞ (pour montrer que N1 et N2 sont

équivalentes, on utilisera le théorème des accroissements finis).
¯ R1¯
b) ¯ f (0)¯ + 0 ¯ f 0 (x)¯ dx,° f °1 + ° f 0 °1 (penser que f est l’intégrale de sa dérivée).
¯ ¯ ° ° ° °

5) Soit E l’espace vectoriel des


¯ fonctions ¯ lipschitziennes de [ 0 ; 1 ] dans R. Montrer que :
° ° ¯ f (x)− f (y) ¯
f 7→ N ( f ) = f ∞ + sup ¯ x−y ¯ est une norme sur E . Est-elle équivalente à k·k∞ ,
° °
x6= y
(E , N ) est-il complet ? Est-il complet pour k·k∞ ? (Pour le premier point, on regardera
les pentes. En vue de montrer la complétude on pourra revoir les preuves du § 3.1.)
6) Soit P n une suite de polynômes réels telle que : P n converge uniformément vers 0 sur
[ 0 ; 1 ], P n (−1) = 1 pour tout n. Que dire de la suite de leurs degrés ? (Indication : si la
suite des degrés est bornée, on est en dimension finie, où toutes les formes linéaires
sont continues.)
7) Soit E un evn. Montrer qu’il n’existe pas de couple (u, v) d’éléments de L c (E ) tels que :
u ◦ v − v ◦ u = Id. (Montrer par récurrence sur n que u ◦ v n − v n ◦ u = ? et regarder les
normes).

89
90
Chapitre 7

Connexité

7.1 Généralités
7.1.1 Définition
Un espace topologique E est dit connexe s’il vérifie l’une des quatre propriétés équiva-
lentes suivantes :
C1 : si E est réunion de deux ouverts disjoints, l’un de ces deux ouverts est vide ;
C2 : si E est réunion de deux fermés disjoints, l’un de ces deux fermés est vide ;
C3 : les seules parties ouvertes et fermées de E sont E et ; ;
C4 : toute fonction continue de E dans { 0, 1 } est constante.

Équivalence des propriétés : C1 et C2 sont équivalentes par complémentarité ; C3 est


manifestement équivalente à C2 , enfin une fonction f de E dans { 0, 1 } est continue ssi cha-
cun des ensembles f −1 ({ 0 }), f −1 ({ 1 }) est ouvert.

Exemple : Nous avons vu dans le chapitre sur les nombres réels qu’une partie de R est
connexe ssi il s’agit d’un intervalle.

7.1.2 Généralisation à un espace discret


Facilement, C1 entraîne que si (Ωi )i ∈I est une partition ouverte de E (c’est-à-dire que E
est réunion disjointe des ouverts Ωi ), alors tous les Ωi sont vides sauf peut-être un qui est
égal à E (considérer un des Ωi , et la réunion des autres pour obtenir une partition de E en
deux ouverts). C4 se généralise alors immédiatement en :
« toute application continue de E dans un espace discret est constante ».

7.1.3 Ouverts et classes d’équivalence


Une conséquence importante de ces propriétés est le résultat suivant : nous dirons qu’une
relation d’équivalence R sur un ensemble E est « ouverte » si, pour tout point a de E on peut
trouver un voisinage V de a tel que : ∀x ∈ V, xRa . Cette propriété entraîne clairement que
les classes d’équivalence de R sont toutes ouvertes. Nous en déduisons le :

91
7.1.4 Théorème
Si E est connexe et si R est une relation d’équivalence ouverte sur E , E est la seule classe
d’équivalence de R.

En effet, les classes d’équivalences de R forment une partition ouverte de E .

Nous disons qu’une partie d’un espace topologique (E , >) est connexe si la topologie
trace de > en fait un espace connexe. Il faut donc dans les définitions ci-dessus remplacer
les mots ouverts (resp. fermés) par ouverts de A (resp. fermés de A), et dans la pratique écrire
les dits ouverts (resp. fermés) sous la forme Ω ∩ A (resp. F ∩ A), avec Ω ouvert de E (resp. F
fermé de E ).

7.2 Premières propriétés des espaces connexes


7.2.1 Proposition
L’adhérence d’une partie connexe est connexe.

En effet, si f est une application continue de A dans { 0, 1 }, f est constante sur A donc
sur A par le principe de prolongement des identités.

Cela est en général


ª © faux pour l’intérieur (faire un dessin) : A est dans R2 la réunion de
(x, y) < 0 | x < 0 , (x, y) < 0 | x > 0 et { 0 }. Visiblement A est connexe par arcs grâce
ª à la
© ª

présence du « point étoile » { 0 }, mais l’intérieur (x, y) < 0 | x < 0 (x, y) < 0 | x > 0 n’est
© ªS©

pas connexe.

7.2.2 Proposition
La réunion d’une famille de parties connexes ayant une intersection non vide est connexe.

Démonstration : Soit (C i )i ∈I une famille de parties connexes ayant en commun le point


a. Soit f une application continue de C i dans { 0, 1 }. f est constante sur chacun des
S
i ∈I
connexes C i de valeur f (a), donc f est constante sur C i .
S
i ∈I

B : L’intersection de deux parties connexes n’est pas nécessairement connexe : consi-


dérer par exemple les deux « bananes » ci-dessous.

7.3 Composantes connexes


7.3.1 Théorème-définition
Soit a un point de l’espace topologique E . La réunion de l’ensemble des parties connexes
de E qui contiennent a est une partie connexe fermée de E appelée composante connexe de a

92
............ .
.. ...... ..................
... .. ....
...
...
.. .... ...
.. .... .. ......... ..... .. ... .. ......... .. ... .. ... .. ... .. ... .. ... .. .. .. ... ... .
.... .. .. .. .. .. ... ...
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... .
..............
................... ... ........................................................
... . ..................................
................................................. .
... ... ..... .... ....
.. ........... . . .... . .
... .

F IGURE 7.1 – Intersection non connexe de deux parties connexes

dans E . C’est la plus grande partie connexe de E contenant a.

Démonstration : Les connexes de E contenant a ayant en commun le point a, leur


réunion C (a) est connexe. C (a) est par construction le plus grand élément de la famille des
parties connexes contenant a ; comme l’adhérence de C (a) est aussi une partie connexe
contenant a, elle est contenue dans C (a), donc C (a) est fermé.

7.3.2 Remarque
Les composantes connexes de E sont les classes d’équivalence de la relation d’équiva-
lence définie par « a et b appartiennent à une même partie connexe de E » elles sont deux à
deux disjointes.

7.3.3 Exemples
— Les composantes connexes d’un ouvert de R sont des intervalles ouverts.
— Les composantes connexes de GL n (R) sont GL − +
n (R) et GL n (R) (cf. Mathématiques gé-
nérales, ou l’ouvrage de Mneimné et Testard, « Groupes de Lie Classiques »).

7.4 Image continue d’un connexe


7.4.1 Théorème
Si f est une application continue de l’espace topologique connexe E dans l’espace topolo-
gique F , l’image de E est une partie connexe de F .

Démonstration : Soit g une application continue de f (E ) dans { 0, 1 }, g ◦ f est alors une


application continue du connexe E dans { 0, 1 } donc est constante. Ceci entraîne visiblement

93
que g est constante sur f (E ).

E SPACES CONNEXES PAR ARCS

7.4.2 Définition
Soient a et b deux points d’un espace topologique E . Nous dirons que a et b peuvent être
joints par un arc γ s’il existe une application continue γ de [ 0 ; 1 ] dans E telle que γ(0) = a
et γ(1) = b. L’espace topologique E est dit connexe par arcs si deux points quelconques de E
peuvent être joints par un arc.

7.4.3 Proposition
Tout espace connexe par arcs est connexe.

Démonstration : On fixe un point a de E . À chaque point b de E on associe un arc γ de


[ 0 ; 1 ] dans E tel que γ(0) = a et γ(1) = b, puis le connexe γ ([ 0 ; 1 ]) noté C b . C b est connexe
comme image continue d’un connexe. Comme E est la réunion des connexes C b qui ont en
commun le point a, E est connexe.

Ainsi, toute partie convexe d’un evn est connexe, en particulier, toute boule d’un evn est
connexe.

Il existe des espaces qui sont connexes mais pas connexes par arcs, par exemple l’adhé-
rence du graphe de sin x1 . Ces exemples sont en général compliqués, pour les hypercubes
lexicographiques et autre « snake-like continua » cf. le volume de travaux dirigés.

7.4.4 Théorème
Le produit d’une famille finie d’espaces connexes est connexe.

Démonstration : Le cas général est assez subtil ; dans la pratique on ne rencontre guère
que des espaces connexes par arcs ; pour ceux-là, il suffit de considérer des arcs (γ1 , . . . , γn )
où γi joint a i à b i , i ∈ ‚1, nƒ.

7.5 Passage du local au global


Les connexes sont les outils mathématiques élémentaires qui permettent d’étendre à
l’espace tout entier des propriétés locales. Pour passer à l’espace ambiant le plus simple
habituellement est d’introduire une relation d’équivalence dont les classes sont ouvertes, et
de conclure par la connexité qu’il n’y a qu’une seule classe.

94
7.5.1 Théorème
Tout ouvert connexe d’un espace vectoriel normé est connexe par arcs.

Démonstration : Cette propriété est vraie localement, i.e. pour les boules ouvertes qui
sont convexes. Soit R la relation

« les points a et b de Ω peuvent être joints par un arc polygonal ».

(polygonal = affine par morceaux). Il est clair que R est réflexive, et en considérant, pour un
arc γ, l’arc t 7→ γ(1 − t ) on constate que R est symétrique. Pour vérifier que R est transitive
on joint a à b par α puis b à c par β, a et c sont alors joints par l’arc polygonal γ défini par

t ∈ 0 ; 12 ,
(
α(2t ) si
£ ¤
γ(t ) =
β(2t − 1) si t ∈ 12 ; 1
£ ¤

Ainsi, R est une relation d’équivalence.


Vérifions que R est ouverte. Soit X une classe selon R, et soit a ∈ X . Comme Ω est ouvert
il existe une boule B (a, r ), r > 0, contenue dans Ω. Tout point b de B (a, r ) peut être joint
à a par le segment [ a ; b ], donc est dans la classe de a c’est-à-dire dans X , donc X est un
voisinage de a et par suite ouverte.
R est une relation d’équivalence dont les classes sont ouvertes, donc ne possède qu’une
seule classe dans l’ouvert connexe Ω, ce qui amène le résultat demandé. QED.

7.5.2 Théorème
Toute application localement constante sur un connexe est constante.

Démonstration : Soit f : E → F une application localement constante sur l’espace connexe


E . On donne une preuve similaire : si R est la relation définie par

« aRb ssi f (a) = f (b) »

R est visiblement d’équivalence et le fait que f est localement constante se traduit par l’ou-
verture des classes, il n’y donc qu’une seule classe et f est constante. QED.

Pour d’autres applications importantes de la connexité :


— le chapitre 34 « Cauchy-Lipschitz » sur les équations différentielles ;
— le chapitre 43 « Prolongement analytique ».

7.6 Application de la connexité aux fonctions de variable réelle


7.6.1 Théorème
Si f est une fonction continue, l’image par f de tout intervalle I de R est un intervalle de R.

95
En effet, l’image de I , qui est connexe, par f , qui est continue, est un connexe de R donc
un intervalle. QED.

L’énoncé topologique se traduit immédiatement par le théorème dit des « valeurs inter-
médaires » :

Si f est une fonction numérique continue définie sur l’intervalle I de R, si a et b sont deux
points de I tout nombre y compris entre f (a) et f (b) est l’image d’un x de [ a ; b ].

En effet, l’image par f du segment [ a ; b ] est un intervalle contenant f (a) et f (b), donc
possédant tout nombre compris entre f (a) et f (b).

Conséquences pour le signe : si f , fonction continue, change de signe sur l’intervalle


I , f s’annule ; ou encore, si f continue ne s’annule par sur l’intervalle I , f garde un signe
constant sur I . Cette simple constatation est à la base de la méthode de dichotomie.

On déduit par exemple de ces résultats — en regardant les limites à l’infini — qu’un po-
lynôme réel de degré impair possède toujours une racine réelle.

Le théorème suivant est aussi une application de la connexité, assez remarquable de


simplicité, les preuves élémentaires étant compliquées voire insuffisantes.

7.6.2 Théorème
Soit f une fonction continue de l’intervalle I de R dans R. Alors f est injective ssi f est
strictement monotone.

Démonstration : Dans l’ensemble totalement ordonné R, la stricte monotonie entraîne


l’injectivité. Afin d’établir la réciproque, introduisons la partie de I × I :

T = (x, y) ∈ I × I | x < y
© ª

et la fonction g définie sur T par g (x, y) = f (x) − f (y) (faire un dessin de T ).


T est convexe (triangle, ou vérification directe) donc connexe, et g est continue. L’image
g (T ) de T par g est de ce fait un connexe J de R c’est-à-dire un intervalle. L’injectivité de f
se traduit par le fait que 0 n’est pas dans J . De là deux cas :
Premier cas : J est contenu dans R∗+ . Alors f est strictement croissante.
Deuxième cas : J est contenu dans R∗− . Alors f est strictement décroissante. QED.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : Avant de rechercher des contre-exemples fins, il faut dé-


couvrir des exemples de connexes vraiment utilisés par les mathématiciens : on conseille
pour cela les chapitres un et deux de l’ouvrage de Mneimné et Testard « Groupes de Lie
Classiques » [MT86].

96
EXERCICES

1) Soit C une partie connexe de l’espace métrique E telle que C rencontre la partie A de
E ainsi que son complémentaire. Montrer que C rencontre Fr(A).
2) Montrer que, pour n ≥ 2, la sphère unité Sn−1 de Rn euclidien est connexe.
3) Soit (K n )n∈N une suite décroissante de compacts connexes de l’espace métrique (E , d).
a) Montrer que l’intersection K des K n est connexe (raisonner par l’absurde en écri-
vant l’intersection comme réunion de fermés disjoints non vides, de distance
mutuelle d > 0, et prendre la trace des compacts K n sur l’ensemble des points x
tels que d (x, K ) ≥ d2 ).
b) Donner un contre-exemple lorsque l’on remplace « compact » par « fermé ».
4) ©(Assez difficile) Soit F unª fermé de [ 0 ; 1 ] × [ 0 ; 1 ], tel que, pour tout x de [ 0 ; 1 ],
y ∈ [ 0 ; 1 ] | (x, y) ∈ F soit un segment (non vide) I x de [ 0 ; 1 ]. Montrer qu’il existe x
dans [ 0 ; 1 ] tel que x ∈ I x .
5) Montrer que E = R2 \Q2 est connexe par arcs (Soient A 6= B deux points de E , considé-
rer sur la médiatrice de [ A ; B ] l’ensemble des points M tels que l’un des segments,
[ A ; M ], [ M ; B ] contienne un élément de l’ensemble dénombrable Q2 ).

P ROBLÈME
I. Applications polynomiales planes
Dans cette première partie, P désigne un polynôme complexe de degré d ≥ 1.
1°) a) Soit K une partie compacte de C. Montrer que la pré-image de K par P est
compacte.
b) Soit F une partie fermée du plan ; montrer que P (F ) est fermée.
2°) Ouverture
a) On suppose que P (0) = 0 et qu’il existe r > 0 tel que P B (0, r ) ne soit pas un
¡ ¢

voisinage de 0.
Construire λ ∈ C∗ , des suites complexes (z n )n∈N et a k,n n∈N , k = 1, . . . , d
¡ ¢

telles que, pour tout n :


— P (X ) − z n = λ dk=1 X − a k,n ;
Q ¡ ¢

— z n tend vers 0 ;
¯ ¯
— ¯a k,n ¯ ≥ r .
Montrer que, quitte à extraire, on peut supposer que toutes les suites n 7→
a k,n convergent et aboutir à une contradiction.
b) Montrer que P est une application ouverte.
3°) Principe du maximum
Soit K un compact non vide du plan complexe. Montrer que |P | ne peut atteindre
son maximum sur K en un point intérieur à K . On suggère deux méthodes :
a) Utiliser la méthode du théorème de d’Alembert-Gauss.

97
b) Choisir un point a ∈ K en lequel |P | atteint son maximum ; écrire

³ ´ d
P a + r ei θ b k r k ei kθ
X
= b0 +
k=1

¯P a + r ei θ ¯2 = 2π Pd |b k |2 r 2k pour aboutir à une contra-


R 2π ¯ ¡
et vérifier que
¢¯
0 k=0
diction.
II. Ensembles de Julia
Soit P un polynôme complexe de degré d ≥ 1 ; à un nombre complexe z, il est associé
la suite (z n )n∈N définie par z 0 = z et z n+1 = P (z n ), notée P ◦n (z).
1°) Étudier z n lorsque P est de degré 1.

On suppose désormais P de degré ≥ 2. Soit K l’ensemble des nombres complexes


z tels que (z n )n∈N est bornée.
2°) Montrer qu’il existe R > 0 tel que, pour tout nombre complexe z de module > R,
|P (z)| > 2 |z| et en déduire que K est borné.
3°) Soit a ∉ K . Montrer qu’il existe N tel que ¯P ◦N (a)¯ > R et en déduire que K est
¯ ¯

fermé.
4°) Soit Ω un ouvert non vide borné de C, de frontière F (qui et elle aussi non vide,
pourquoi ?). Prouver que supz∈Ω |P | = supz∈F |P |.
5°) Démontrer aussi que le complémentaire d’un compact du plan complexe pos-
sède une composante connexe non bornée et une seule.
6°) Prouver que le complémentaire de K est connexe.

98
Chapitre 8

Théorèmes de points fixes

8.1 Généralités
De façon générale, les théorèmes de points fixes expriment qu’une application f d’un
espace E dans lui-même, l’une et l’autre possédant diverses qualités (en général décrites de
façon topologique ou métrique) possède un point fixe. Le plus élémentaire est certainement
le suivant :

8.1.1 Théorème
Une application continue f d’un segment [ a ; b ] de R dans lui-même possède au moins
un point fixe.

La preuve en est évidente moyennant le théorème des valeurs intermédiaires : la fonction


g (x) = f (x) − x est continue et vérifie compte tenu des hypothèses faites sur f

g (a) ≥ 0 et g (b) ≤ 0.

d’où l’existence de x dans [ a ; b ] tel que g (x) = 0 i.e. f (x) = x. QED.

On observe ici que l’hypothèse faite sur f — la continuité — est très faible, mais que
l’espace topologique ambiant est très particulier — un segment [ a ; b ] de R. Moins les hy-
pothèses sur f sont fortes mieux il faut connaître l’espace ambiant, et plus la démonstration
peut s’avérer délicate !

Notons en passant un résultat analogue et moins connu :

8.1.2 Proposition
Soit f une application continue d’un segment [ a ; b ] de R dans R telle que l’image de
[ a ; b ] par f contienne [ a ; b ]. Alors f a un point fixe dans [ a ; b ].

La preuve procède du même principe : la fonction g (x) = f (x) − x est continue, si g ne


s’annule pas elle garde un signe constant, que nous supposerons, sans nuire à la généralité,

99
strictement positif. Il vient alors ∀x ∈ [ a ; b ], f (x) > x ≥ a et de ce fait la valeur a n’est pas
atteinte, contradiction et résultat. QED.

8.2 Applications contractantes


Nous commencerons par le classique théorème dit « de Picard », qui assure l’existence
d’un point fixe pour les applications strictement contractantes d’un espace complet dans
lui-même.

8.2.1 Théorème (du point fixe dans un espace complet)


Soit A une partie complète non vide de l’espace métrique (E , d), f une application de A
dans E . Si f (A) est contenue dans A et si f est strictement contractante, f possède un point
fixe unique λ dans A. De plus, pour tout a de A la suite récurrente donnée par :

u 0 = a ∈ A, u n+1 = f (u n )

converge vers λ.

Démonstration : La preuve procède en sens inverse de l’énoncé : on part d’un point a


de A et de la suite donnée par u 0 ∈ A, u n+1 = f (u n ). Cette suite est correctement définie et
à valeur dans A puisque f (A) est contenue dans A. Du fait que f possède un rapport de
Lipschitz k < 1 il vient :

d (u n+1 , u n ) = d f (u n ), f (u n−1 ) ≤ k d (u n , u n−1 )


¡ ¢
∀n ∈ N,

et par récurrence facile

∀n ∈ N, d (u n+1 , u n ) ≤ k n d (u 1 , u 0 )

On en déduit, pour n et p ≥ 1

d u n+p , u n ≤ d u n+p , u n+p−1 + · · · + d (u n+1 , u n )


¡ ¢ ¡ ¢

≤ k n+p + · · · + k n d (u 1 , u 0 )
¡ ¢

≤ k p + · · · + 1 k n d (u 1 , u 0 )
¡ ¢

1
≤ k n d (u 1 , u 0 )
1−k
Comme 0 ≤ k < 1 la suite k n tend vers 0 et l’on vérifie de là le critère de Cauchy : la suite
(u n )n∈N converge. Sa limite λ est dans A = A, la continuité de f en λ donne alors f (λ) = λ.
Pour l’unicité on note enfin que f (λ) = λ et f (λ0 ) = λ0 impliquent

d λ, λ0 = d f (λ), f (λ0 ) ≤ k d λ, λ0 avec k < 1 donc λ = λ0 . QED.


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

Notons que la preuve fournit une estimation numérique de la différence d (u n , λ). Dans le
cas réel, avec de bonnes hypothèses de régularité sur f on a un équivalent de la différence
d (u n , λ), cf. le § 44.

100
Ce théorème a été mis en évidence par le mathématicien français Emile Picard, la mo-
tivation première étant la résolution d’équations différentielles ou plus généralement fonc-
tionnelles. (Voir au § 34, le théorème de Cauchy-Lipschitz.)

Il faut pour que ce résultat soit efficace disposer de moyens de s’assurer qu’une fonction
donnée est strictement contractante ; dans R ou plus généralement dans Rn la vérification
s’appuie souvent sur l’inégalité des accroissements finis : si, sur une partie convexe fermée
non vide A, la dérivée (ou la différentielle) est majorée en valeur absolue (ou en norme) par
un nombre k < 1, f est une contraction stricte de A.
Réciproque partielle : en considérant les taux d’accroissement, une fontion k -lipschitzienne
sur un intervalle I de R vérifie
¯ 0 ¯
∀x ∈ I , ¯ f (x)¯ ≤ k

Exercice : trouver une application f de R dans R de classe C 1 sans point fixe qui n’est pas
strictement contractante et qui vérifie
¯ 0 ¯
∀x ∈ R, ¯ f (x)¯ < 1.

Exemple : soit à étudier la suite récurrente réelle définie par la donnée de a = u 0 et la rela-
tion de récurrence u n+1 = cos(u n ).
La fonction cos n’est pas strictement contractante, comme les remarques qui précèdent le
montrent : sa dérivée atteint la valeur 1. Mais u 1 ∈ [ −1 ; 1 ], u 2 = cos(u 1 ) ∈ [ 0 ; 1 ], cos ([ 0 ; 1 ])
est contenu dans [ 0 ; 1 ] et sur le segment [ 0 ; 1 ] la dérivée de cos est bornée par sin 1 < 1.
L’inégalité des accroissements finis montre alors que cos est là strictement contractante,
donc la suite (u n )n∈N converge vers l’unique point fixe l de cos sur [ 0 ; 1 ], qui est aussi
l’unique point fixe de cos sur R (étude graphique).
(Exercice : discuter de la qualité de l’approximation de l donnée par la suite (u n )n∈N , cf. le §
44).

8.3 Cas des espaces compacts


8.3.1 Contre-exemple
Examinons maintenant en détail le cas de la fonction x → 7 sin x sur [ 0 ; 1 ] : pour tout
x < y de [ 0 ; 1 ] × [ 0 ; 1 ] on a
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯sin x − sin y ¯ = cos(c) ¯ y − x ¯ < ¯ y − x ¯

et nous savons par avance que, pour tout a de [ 0 ; 1 ], la suite récurrente définie par la don-
née de u 0 = a > 0 et la relation : u n+1 = f (u n ) converge vers l’unique point fixe de f sur
[ 0 ; 1 ] c’est-à-dire 0 (voir § 12.2).
Peut-on en déduire que f est une contraction stricte ? Plus précisément, que pensez-vous
du raisonnement suivant : « supposons que f ne soit pas une contraction stricte, il existe
alors, pour tout entier n ∈ N∗ , un couple x n < y n tel que

1 ¯¯
µ ¶
¯ ¯ ¯
¯sin x n − sin y n ¯ ≥ 1− xn − y n ¯
n

101
Quitte à extraire on peut supposer que les suites (x ) ¯ ¯ y n n∈¯ N convergent, mettons vers
et
¡ ¢
¯ n n∈N
x et y, on obtient après passage à la limite sin x − sin y ¯ ≥ ¯x − y ¯ contradiction. »
¯
Où est la faille ? tout simplement dans le fait qu’après passage à la limite on a bien x ≤ y
sans exclusion du cas d’égalité ; où l’inégalité est triviale ! On peut rapprocher cette difficulté
du fait que [ 0 ; 1 ]2 \∆ n’est pas compact (voir le § 5 : continuité uniforme, fonctions lip-
schitziennes ; il y a des fonctions continues sur un compact qui ne sont par lipschitziennes).
Pourtant un théorème précis et correct généralise la suite étudiée :

8.3.2 Théorème
Soit f une application de l’espace métrique compact non vide (E , d) dans lui-même telle
que
∀(x, y) ∈ E × E , x 6= y d f (x), f (y) < d x, y
¡ ¢ ¡ ¢
=⇒
Alors f possède un point fixe unique l dans A. De plus, pour a dans E , la suite récurrente
donnée par :
u 0 = a ∈ A, u n+1 = f (u n )
converge vers l .

Démonstration : Ici, l’existence du point fixe ne dépend pas de la convergence de la


suite :
On introduit l’application continue g : x → d f (x), x (en vérifier la continuité). Si g ne s’an-
¡ ¢

nule pas,
¡ elle atteint un minimum m > 0 sur l’espace compact E , disons au point a. Tradui-
sons : d f (a), a = m, donc f (a) 6= a. Utilisons l’hypothèse, il vient
¢

d f 2 (a), f (a) < d f (a), a = m


¡ ¢ ¡ ¢

contrairement à la définition de m, contradiction et résultat. On vérifie comme dans le théo-


rème du point fixe de Picard que l est unique.
Convergence de la suite (u n )n∈N : Celle-ci est nettement plus délicate. Pour ε > 0, posons

X ε = (x, y) ∈ E 2 | d x, y ≥ ε .
© ¡ ¢ ª

Par continuité de la distance, X ε est une partie fermée de E 2 , comme E est compact, X ε
est compact. La fonction définie sur X ε par

d f (x), f (y)
¡ ¢
g (x, y) =
d x, y
¡ ¢

est continue sur X ε donc atteint son maximum k ; l’hypothèse sur f fait que ce dernier est
< 1. On distingue maintenant deux cas :
Premier cas : Il existe N tel que u N ∈ B (l , ε). Alors pour tout n ≥ N il vient

d (u n+1 , l ) = d f (u n ), f (l ) ≤ d (u n , l )
¡ ¢

et donc u n ∈ B (l , ε).
Deuxième cas : pour tout n ∈ N, u n 6∈ B (l , ε). Le couple (u n , l ) est alors dans X ε pour tout n,
d’où pour tout n
d (u n+1 , l ) = d f (u n ), f (l ) ≤ d (u n , l )
¡ ¢

102
non compact compact

F IGURE 8.1 – Exemple de parties compacte et non compacte

et par récurrence d (u n , l ) ≤ k n d (u 0 , l ).
Comme k < 1, u n est dans B (l , ε) à partir d’un certain rang ce qui est impossible. Seul sub-
siste le premier cas, ε étant arbitraire, la suite (u n )n∈N converge vers l . QED.

8.4 Points fixes pour les opérations affines et les groupes d’au-
tomorphismes
L’étude de l’action d’une famille d’applications sur un ensemble bien choisi est souvent
un puissant outil de découverte et de preuve. En voici un premier exemple, utile entre autres
en théorie de la mesure.

8.4.1 Théorème de Kakutani.


Soit E un espace vectoriel normé, C un convexe compact non vide de E , et f i i ∈I
¡ une
¡ ¢

famille d’applications affines continue de C dans C , commutant deux à deux. Alors f i i ∈I


¢

possède un point fixe dans C .

Preuve : pour n dans N∗ , introduisons la transformation


1³ ´
f i ,n = IdE + f i + . . . + f i(n−1)
n
(dans la parenthèse, l’exposant se rapporte à la composition). Puisque C est convexe et
stable par les f i , il est stable par toutes les f i ,n , et ces dernières commutent entre elles.

Soit F la famille de tous les sous-ensembles de C de la forme C i ,n = f i ,n (C ), i ∈ I et n ∈ N∗ .


C étant compact et convexe et les f i ,n affines continues, les C i ,n sont compacts.

103
D’autre part, si k, . . . , l ∈ I , et p, . . . , q ∈ N∗ , le fait que les f i ,n commutent apporte les in-
clusions f k,p ◦ · · · ◦ f l ,q (C ) ⊂ C k,p ∩ · · · ∩C l ,q (par exemple, f k,p ◦ · · · ◦ f l ,q (C ) = f l ,q ◦ · · · ◦ f k,p (C )
est contenu dans f k,p (C ) et f l ,q (C )), ce qui montre que la famille F possède la propriété de
l’intersection finie.

Par compacité, l’intersection des éléments de F est non vide ; soit a dans cet ensemble.
Soit i ∈ I ; pour tout n ∈ N∗ il existe x ∈ C tel que a = f i ,n (x), et l’on a grâce à la définition de
f i ,n et un calcul direct


f i (a) a f i f i ,n (x) f i ,n (x) f i ,n (x) x
¡ ¢ ¢
− = − = −
n

qui tend vers 0 du fait que C est borné. Le point a est donc un point fixe commun à toutes
les f i .

P OINT FIXE DE GROUPES D ’ AUTOMORPHISMES


Notons d’abord que, si G est un groupe de bijections d’un ensemble X laissant stable la
partie A, alors A est invariante par G, i.e. pour tout g de G, g (A) = A.

T HÉORÈME . Soit G un groupe compact d’automorphismes d’un espace vectoriel normé E de


dimension finie, et K un compact non vide de E , invariant par G. Il existe dans l’enveloppe
convexe C de K un point fixe commun à tous les éléments de G.

Démonstration : moyennant le théorème de Carathéodory (6.5.1-c)), C est un convexe


compact de E . Puisque K est invariant, la linéarité des éléments de G montre que les élé-
ments de l’enveloppe convexe C de K — de la forme di=1 λi a i , avec a i dans K , et les λi
P

positifs et de somme 1 — sont envoyés dans C par G, donc que C est invariant par G.
La preuve du théorème repose alors sur les deux lemmes suivants :

L EMME 1. Il existe une norme N sur E, possédant la propriété de Minkowski, c’est-à-dire véri-
fiant :
« pour tout couple (u, v) ∈ E 2 , N (u + v) = N (u) + N (v) entraîne que u et v sont positivement
liés »
pour laquelle tous les éléments de G sont des isométries.

L EMME 2. Il existe parmi les boules fermées centrées dans le convexe compact C , une boule et
une seule de rayon minimal contenant K .

Si l’on dispose de ces deux lemmes la preuve du théorème vient aisément : soit B (a, r ),
a ∈ C , une boule fermée de rayon minimal contenant K ; puisque C et K sont invariants par
G, et que¡ les éléments de G sont des N -isométries, l’image de B (a, r ) par g ∈ G est aussi une
boule B g (a), r de rayon minimal contenant K ; l’unicité amène alors g (a) = a : a est un
¢

point fixe commun à tous les éléments de G.


° °
Preuve du lemme 1 : Soit, pour x ∈ E , N (x) = supg ∈G °g (x)°, où k·k est une norme eucli-
dienne sur E.
La compacité de G et la continuité de g 7→ g (x) montrent que N est correctement définie ; on
vérifie aussi sans peine que N est une norme. Soit (u, v) ∈ E 2 tel que N (u + v) = N (u) + N (v).

104
° °
Puisque°G est compact,
° il existe g 0 ∈°G tel que
° ° N (u +°v) = °g 0 (x)°, d’où il résulte par dé-
finition °g 0 (u + v)° = N (u) + N (v) ≥ °g 0 (u)° + °g 0 (v)°. Le cas d’égalité dans l’inégalité de
Minkowski donne le fait que g 0 (u) et g 0 (v) sont positivement liés, donc aussi u et v.

Preuve du lemme 2. Soit r la borne inférieure des réels pour lequel il existe une boule
fermée centrée en a ∈ C contenant K ; il existe alors une suite (a n , r n ) de C × R+ telle que
(r n )n∈N converge vers r , et K ⊂ B (a, r ).
Par compacité de C , quitte à extraire, nous pouvons supposer que la suite (a n )n∈N converge,
mettons vers a.
Soit x dans K . Pour tout n ∈ N, on a N (x − a n ) ≤ r n et par passage à la limite : kx − ak ≤ r
Donc K est contenu dans B (a, r ).

Reste enfin à montrer l’unicité d’une telle boule. S’il existe a et b distincts tels que K
soit contenu dans B (a, r ) et B (b, r ), si c est le milieu de [ a ; b ], on peut par minimalité de r
trouver x dans K tel que N (x − c) ≥ r (raisonner par l’absurde).
Il vient alors
a +b 1¡
µ ¶
r ≤ N (x − c) = N x − N (x − a) + N (x − b) ≤ r
¢

2 2
avec N (x − a) ≤ r et N (x −b) ≤ r , ce qui impose d’avoir l’égalité partout ; comme la norme N
est stricte, x − c, x − a et x − b sont liés, ce qui fait que x est sur la droite qui supporte [ a ; b ].
Or une telle situation est clairement impossible sur une droite (figure), d’où la conclusion.

8.4.2 Application
Soit G un sous-groupe compact de GL n (R). Alors G est conjugué à un sous-groupe du
groupe orthogonal, c’est-à-dire qu’il existe P dans de GL n (R) tel que P −1GP ⊂ O n (R).

Preuve ¢: soit q une forme quadratique définie positive et pour g dans G, q g la forme
x 7→ q g (x) .
¡

Les formes quadratiques q g sont visiblement définies positives, et g 7→ q g est une ap-
plication continue de G dans l’espace vectoriel F des formes quadratiques (la matrice de q
dans la base canonique est, avec des notations évidentes, t gQg ).

L’ensemble K = q g | g ∈ G est donc un compact de F , invariant par G. D’après le théo-


© ª

rème précédent, G possède un point fixe q 0 dans l’enveloppe convexe de K ; q 0 est combi-
naison linéaire à coefficients strictement positifs d’éléments de K , donc est définie positive.

Par construction, G ⊂ O q 0 . Soient (e) = (e 1 , . . . , e n ) une base orthonormée pour q 0 , P sa


¡ ¢

matrice dans la base canonique et g ∈ G.

La matrice de l’application linéaire x 7→ g · x dans (e) est P −1 g P , comme G ⊂ O q 0 il


¡ ¢

s’agit d’une matrice orthogonale, donc P −1 g P ∈ O n (R). QED.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : à titre culturel, il convient de citer le célèbre théorème


de Brouwer : « toute application continue de la boule unité fermée de Rn dans elle-même

105
possède un point fixe » ; il en existe de nombreuses preuves, toutes sont délicates, les plus
simples font intervenir Stone-Weiertrass pour le passage aux fonctions C ∞ et un argument
d’intégration. Des compléments sont donnés en problème.

EXERCICES

1) Montrer qu’une application croissante ©du segment [ªa ; b ] de R dans lui-même admet
au moins un point fixe (considérer sup x ; f (x) ≥ x ).
2) Soient A une partie complète de l’evn E , B une partie de F , f une application continue
de A × B dans A telle que :

∃k ∈ [ 0 ; 1 ], ∀(a, a 0 , λ) ∈ A × A × B, ° f (a, λ) − f a 0 , λ ° ≤ k °a − a 0 ° .
° ¡ ¢° ° °

On note (justifier) a(λ) l’unique point fixe de l’application partielle f (·, λ) de A dans
A. Montrer que λ 7→ a(λ) est continue.
3) Soit C une partie convexe compacte ° 6= ; de l’evn
° °E , et f° une application partielle de
2 °
C dans C telle que : ∀(x, y) ∈ C , f (x) − f (y)° ≤ °x − y °. Montrer que f possède au
moins un point fixe. (Considérer, pour ε > 0 l’application x 7→ εa + (1 − ε) f (x), avec a
fixé dans C , qualités ? et faire tendre ε vers 0.)

P ROBLÈME

Notations : dans tout ce qui suit, n est un entier ≥ 2, Bn désigne la boule unité fermée
de l’espace euclidien Rn , Sn−1 est la sphère unité du même. Le but du problème est d’étu-
dier des conséquences et variantes du théorème de Brouwer, qui dit que toute application
continue d’un convexe compact non vide d’un evn de dimension finie dans lui-même admet
au moins un point fixe.

Les parties I et II donnent des conséquences du théorème de Brouwer, tandis que la


partie III vise à établir quelques applications aux équations différentielles des théorèmes de
point fixe. On admettra que, si C est un convexe compact d’intérieur non vide de Rn , il existe
un homéomorphisme de Rn envoyant C sur la boule unité Bn .

I. Le théorème des trois fermés.

L’espace ambiant est le plan R2 , identifié au plan complexe dès que nécessaire. Sn−1
désigne le cercle de centre 0 et de rayon 1. ∆ désignant un triangle de R2 (enveloppe
convexe de trois points non alignés a, b, c), le théorème s’énonce :

« si ∆ est la réunion de trois fermés non vides F a contenant [ a ; b ], F b contenant


[ b ; c ] et F c contenant [ c ; a ], F a , F b et F c ont un point commun ».

Le but de cette partie est d’établir l’équivalence entre le théorème de Brouwer et le


théorème des trois fermés en dimension 2.

106
1°) On se place dans les hypothèses du théorème des trois fermés, et l’on raisonne
par l’absurde en supposant que l’intersection F a ∩ F b ∩ F c est vide.
a) Montrer que, pour tout h de R2 , il existe un unique point g de R2 tel que :

d (h, F a ) (g − a) + d (h, F b ) (g − b) + d (h, F c ) (g − c) = 0.

On définit alors une application de R2 dans lui-même : h 7→ g , notée φ dans


la suite.
b) Montrer que φ est continue et que φ(∆) est inclus dans ∆.
c) En admettant Brouwer en dimension 2, montrer le théorème des trois fer-
més.
2°) On suppose maintenant acquis le théorème des trois fermés, et l’on se donne
une application continue f de B2 dans B2 .
a) On suppose f sans point fixe. Montrer que l’application qui à x de B2 associe
l’intersection de la demi-droite ( f (x), x) ( f (x) exclu) avec la frontiere S1 de
B2 , est une application continue de B2 dans S1 laissant chaque point de S1
fixe.
b) On prend pour [a, b, c] un triangle équilatéral inclus dans B2 . Construire à
l’aide de a) une application φ continue de ∆ dans ∆ telle que :

φ(x) = x si x ∈ [ a ; b ] ∪ [ b ; c ] ∪ [ c ; a ] = ∂, et
φ(∆) ⊂ ∂.

c) À l’aide de φ construire trois fermés mettant en défaut le théorème évoqué,


et en déduire le théorème de Brouwer pour B2 .
d) Montrer qu’un convexe compact de R2 est homéomorphe à un segment de
R ou à B2 , en déduire le théorème de Brouwer en dimension 2.

II. Le théorème de Schauder.

En admettant ici le théorème de Brouwer, on se propose de prouver que :

si C est convexe compact non vide de l’espace vectoriel normé (E , k·k), et f est une ap-
plication continue de C dans lui-même, f possède au moins un point fixe.

Dans ce qui suit, C désigne un convexe compact d’un evn (E , k·k), et f une application
continue de C dans C .

1°) a) Soit ε un réel > 0, montrer qu’il existe a 1 , . . . , a N dans C tels que f (C ) soit
inclus dans la réunion des boules fermées de centre a i et de rayon ε.
b) Dans ce qui suit, on pose F = vect(a 1 , . . . , a N ) et C 0 = C ∩ F . Montrer que C 0
est un convexe compact de F .

107
2°) Pour i dans ‚1, N ƒ et x dans E , on pose :
(
2ε − kx − a i k si kx − a i k ≤ 2ε,
φi (x) =
0 sinon.

N
Montrer que chaque φi est continue, et que φ = φi est > 0 sur f (C ).
P
i =1
3°) On définit une application p ε de f (C ) dans C par :

1 X N
pε = φi (y)a i ,
φ(y) i =1

montrer que p ε est continue et que l’on a :


° °
∀y ∈ f (C ), °p ε (y)° ≤ 2ε.

4°) En considérant p ε ◦ f , et en utilisant le théorème de Brouwer, montrer que f pos-


sède un point fixe dans C .

III. Application aux équations différentielles

N.B. : aucune connaissance sur les équations différentielles n’est ici nécessaire.

Soit φ une application continue de l’ouvert non vide U de R2 £dans R et (x 0 , y¤0 ) un point
¯ K = [ x 0 −r ; x 0 +r ]× y 0 −r ; y 0 +r soit inclus
de U . On introduit un réel r >¯0 tel que
dans U , puis un réel M > sup φ(x, y)¯, (x, y) ∈ K (justifier). On désigne par :
¯

r r
— A ¤l’ensemble des applications f continues de x 0 − M ; x0 + M dans y 0 −r ; y 0 +
£ ¤ £

r telles que f (x 0 ) = y 0 ;
r r
— C l’ensemble des applications f de x 0 − M ; x0 + M dans y 0 − r ; y 0 + r telles
£ ¤ £ ¤

que :
(i) f est M -lipschitzienne et
(ii) f (x 0 ) = y 0 .

Il est enfin rappelé que l’algèbre des fonctions continues d’un segment S de R dans R
est complète pour la norme k·k∞ (relative à S).
On suppose φ continue. Le but de cette partie est de prouver que l’équation différen-
tielle (E) y 0 = φ(x, y) admet une solution passant par le point (x 0 , y 0 ) (théorème d’Ar-
zela).

1°) Soit f n n∈N une suite de fonctions k-lipschitziennes, ¡ k réel fixé, d’un intervalle
¡ ¢

[ a ; b ] de R dans R telle que, pour tout x de [ a ; b ], f n (x) n∈N converge vers f (x).
¢

Montrer que f est k-lipschitzienne, et que la convergence est uniforme, c’est-à-


dire que, pour tout ε > 0, il existe un entier° n ε ne dépendant° que de ε tel que,
pour tout n ≥ n ε et pour tout x de [ a ; b ], f n (x) − f (x) ≤ ε.
° °

108
2°) Montrer que C est compact pour k·k∞ .
3°) Montrer que T envoie C dans C , puis que T est continue pour k·k∞ .
4°) Conclure. Montrer par un exemple qu’il n’y a pas nécessairement unicité de la
solution de (E) passant par (x 0 , y 0 ), contrairement au cas où f est lipschitzienne.

109
110
Deuxième partie

Fonctions d’une variable réelle

111
Chapitre 9

Continuité, dérivabilité, accroissements


finis

9.1 Continuité, monotonie


9.1.1 Définition
Une fonction f de l’intervalle I de R dans l’espace vectoriel normé E possède au point x 0
de son domaine :
— une discontinuité de première espèce, si, dans la mesure où l’existence de celles-ci peut
être envisagée, f admet une limite à droite et une limite à gauche en x 0 ;
— une discontinuité de deuxième espèce, si f est discontinue en x 0 , la discontinuité n’étant
pas de première espèce.
Par exemple, une fonction monotone possède, en tout point a où l’existence de celle-ci
peut être envisagée, une limite à droite et à gauche ; si f est croissante on a

f (a − ) = sup f (x) | x < a , f (a + ) = inf f (x) | x > a .


© ª © ª

donc
f (a − ) ≤ f (a) ≤ f (a + )

l’égalité des limites à droite et à gauche entraîne alors la continuité en a (ce qui n’est pas
nécessairement le cas si f n’est pas supposée monotone, regarder 1{0} ).
En revanche, la fonction f (x) = sin x1 possède une discontinuité de deuxième espèce en 0.

9.1.2 Fonctions réglées et continues par morceaux


On rappelle qu’une fonction I → R est
1. réglée, si elle n’admet que des discontinuités de première espèce, c’est-à-dire si elle
possède une limite à droite et une limite à gauche en tout point ;
2. continue par morceaux si, dans chaque segment de I , la fonction f ne possède qu’un
nombre fini de points de discontinuité, tous de première espèce.

113
9.1.3 Proposition
L’ensemble des points de discontinuité d’une fonction monotone est dénombrable.

Démonstration : Soit f une application croissante de l’intervalle ouvert I de R dans R


(cas auquel on peut se ramener). À chaque point a de l’ensemble ∆ des points de disconti-
− +
nuité de f on associe l’intervalle ouvert I a = f (a ) ; f (a ) .
¤ £

Ces intervalles ouverts sont non vides, et a 6= b entraîne I a ∩ I b = ; (9.1.1). Les I a forment
donc une famille dénombrable (cf. § 1, choisir un nombre rationnel dans chaque pour ob-
tenir une injection de ∆ dans Q), il en va donc de même de ∆. QED.

Interprétation géométrique : si l’on regarde le graphe de f de côté « vers Oy » dans


chaque trou du graphe (correspondant aux discontinuités de f ) — on voit un rationnel
(faites un figure !).

N.B. : les discontinuités d’une fonction monotone ne sont pas nécessairement isolées,
elles peuvent même constituer un ensemble dense ; considérer par exemple

2−n
X
f (x) =
r n <x

où r n est une énumération de l’ensemble des rationnels : f est visiblement croissante, et


tout nombre rationnel est un point de discontinuité, car pour x < r p on a par définition
f (x) ≤ f (r p ) − 2−p . (Si ceci vous paraît difficile, reportez-vous en 21.2.2).

On dispose en fait d’un énoncé plus général mais dont la preuve repose sur un principe
différent :

9.1.4 Proposition
L’ensemble des points de discontinuité d’une fonction réglée est dénombrable.

Démonstration : Il suffit de noter qu’une fonction réglée est limite uniforme d’une suite
φn n∈N de fonctions en escalier (cf. § 4.1.4) ; la réunion ∆ des ensembles de discontinuité
¡ ¢

des fonctions φn est une réunion dénombrable d’ensembles finis donc est dénombrable, et
hors de ∆ la convergence uniforme des φn assure la continuité de la limite f . QED.

Exemple : La fonction définie sur [ 0 ; 1 ] par

p p
³ ´
f q = q1 si q est rationnel (écriture irréductible) et
f (x) = 0 sinon.

possède l’ensemble Q ∩ [ 0 ; 1 ] comme ensemble de points de discontinuité : étant nulle sur


un ensemble dense, elle est discontinue en tout point a tel que f (a) 6= 0 ; et si x est irrationnel
on a 0 ≤ f (y) ≤ N1 sur R\ N1 Z qui est un voisinage de x, d’où l’existence d’une limite nulle en
x.

114
M ONOTONIE , CONTINUITÉ ET FONCTIONS RÉCIPROQUES

9.1.5 Rappels
Nous avons vu en application de la connexité (§ 7.6) que :
— Si f est une fonction continue, l’image par f de tout intervalle de R est un intervalle de
R.
— Si f est une fonction continue sur l’intervalle I , f est injective ssi f est strictement mo-
notone.
Nous allons utiliser ces propriétés pour donner un premier résultat concernant les fonc-
tions réciproques. f est une fonction de R dans R.

9.1.6 Théorème

(1) Soit f une application croissante de l’intervalle I de R dans R. Alors f est continue ssi
l’image de f est un intervalle.
(2) Si f est une bijection continue de l’intervalle I sur l’intervalle J , f −1 est continue.
Démonstration : (1) Si f est continue c’est usuel, avec ou sans la monotonie — inver-
sement, si f n’est pas continue en un point au moins, f (I ) n’est pas un intervalle : si par
exemple f est croissante et c est un point de discontinuité de f qui n’est pas une extrémité
de I , on a
f (c − ) < f (c + )
et pour x < c < y
f (x) ≤ f (c − ) < f (c + ) ≤ f (y)
donc f (I ) n’est visiblement pas un intervalle.
(2) On sait que f , et par suite f −1 , sont monotones. Comme l’image par f −1 de l’intervalle J
est l’intervalle I , f −1 est continue (si !). QED.

9.2 Dérivabilité
9.2.1 Définition équivalente
Soient I un intervalle de R, a un point de I et f une application de I dans l’evn E . La
définition classique de la dérivabilité en a comme existence de la limite d’un quotient est
manifestement équivalente à la suivante :

f (a + h) = f (a) + hλ + o(h)

où λ est le nombre dérivé. Cette définition a souvent l’avantage d’être mieux manipulable,
en particulier lorsqu’il s’agit d’établir des inégalités. Notons aussi que l’égalité différentielle
entraîne immédiatement la continuité ; nous étudierons plus loin les rapports entre conti-
nuité et dérivabilité.

115
9.2.2 Opérations sur les dérivées
Les premières opérations sont issues de celles que l’on a prouvées pour les limites :
— Combinaison linéaire ( f + g )0 = f 0 + g 0 .
— Produit d’une fonction scalaire et d’une fonction vectorielle

(λ f )0 = λ0 f + λ f 0 .

Dérivation composée : la formule est usuelle : (g ◦ f )0 = g 0 ◦ f . f 0 .

B : La preuve n’est pas aussi simple qu’il y paraît :


— On peut utiliser la composition des différentiabilités, il s’agit alors de reproduire la
preuve donnée pour les fonctions de plusieurs variables (§ 30.1.6, ce qui est long mais
correct).
— Ou bien directement, supposant f dérivable en a et g en b = f (a), introduire la fonc-
tion h définie par
( g (y)−g (b)
y−b
si y 6= b, et
h(y) = 0
g (b) si y = b.
Il est clair que h est continue au point b, l’avantage de la fonction h est que l’on a pour
tout x 6= a,
g ( f (x)) − g ( f (a)) f (x) − f (a)
= h( f (x)).
x −a x −a
et l’on peut passer à la limite en a.
B : Ne pas utiliser une égalité

g ( f (x)) − g ( f (a)) g ( f (x)) − g ( f (a)) f (x) − f (a)


= .
x −a f (x) − f (a) x −a

Même si f n’est pas constante, le graphe de f peut venir recouper indéfiniment l’axe y = b,
par exemple avec b = 0 et f (x) = x 2 sin x1 .

C OMPOSITION AVEC UNE APPLICATION MULTILINÉAIRE .


Comme application de la règle de dérivation d’une application différentiable et d’une fonc-
tion dérivable (§ 30.1.5-3 et 4) on obtient, les fonctions f 1 , . . . , f n étant dérivables au point a
et p étant une application n-linéaire continue :
n
p( f 1 , . . . , f n )0 (a) = p( f 1 (a), . . . , f i0 (a), . . . , f n (a))
X
i =1

Cette identité a des applications variées : produit scalaire, produit vectoriel et surtout déter-
minant
n
det( f 1 , . . . , f n )0 (a) = det( f 1 (a), . . . , f i0 (a), . . . , f n (a))
X
i =1

formule qui est, entre autres, utile pour l’étude du wronskien.

116
9.2.3 Comparaison de la continuité et de la dérivabilité
On sait classiquement qu’une fonction continue n’est pas nécessairement dérivable, par
exemple |x| en 0. Il est souhaitable d’avoir étudié des exemples un peu plus variés, ainsi :
Une fonction peut être dérivable en n points x 1 , . . . , x n et nulle part continue ailleurs. Prenons
n
f = 1{Q} et multiplions f par (x − x i )2 .
Q
i =1
Pour tout i de ‚1, nƒ nous avons : f (x) − f (x i ) = O((x − x i )2 ) au voisinage de x i , donc f est
dérivable en x i de dérivée nulle. Clairement f n’est pas continue ailleurs.

9.2.4 Une fonction continue nulle part dérivable


Un tel exemple est délicat à décrire : pour ce faire considérons la fonction 2-périodique
g dont la restriction à [ −1 ; 1 ] est |x|, et posons

X 3 n
+∞ µ ¶
f (x) = g 4n x
¡ ¢
n=0 4
¡ ¢n
Il est clair que, g étant bornée par 1, la série de fonction 34 g (4n x) est normalement conver-
gente ; de là, f est continue.
Fixons maintenant x dans R et posons h = ε 21 4−m , où le signe de ε est choisi de sorte qu’il
n’y ait pas d’entiers entre 4m x et 4m (x + h) (c’est possible). Considérons ensuite le rapport :

g (4n (x + h)) − g (4n x)


an =
h

Pour n > m, 4m h est entier donc a n = 0 (périodicité) ; pour n ≤ m le caractère 1-lipschitzien


de g fait que : |a n | ≤ 4n . Enfin, par construction de f et choix de ε, |a m | = 4m ; donc :
µ ¶m m−1
¯ f (x + h) − f (x) ¯ 3 X 3 m
¯ ¯ µ ¶
m
¯ ¯ ≥ .4 − 4
¯ h ¯ 4 n=0 4
3m − 1
= 3m −
2
3m + 1
= .
2

qui tend vers +∞ avec m. Donc f n’est pas dérivable au point x.

Nous admettrons qu’une fonction monotone est dérivable presque partout (ce résultat
sera prouvé dans le volume de travaux dirigés, sinon voir [RN48] chap.1). On en déduit alors
qu’il existe des fonctions qui sont continues sur [ 0 ; 1 ], et qui ne sont monotones sur aucun
sous-intervalle non trivial.

Il n’est pas raisonnable d’aller plus loin dans l’étude fine de la dérivabilité en l’absence
de connaissances plus approfondies de la topologie de R, en particulier celle de l’ensemble
de Cantor, pour lequel nous renvoyons à nouveau à un ouvrage futur (qui finira bien par
venir si vous êtes assez nombreux à acheter celui-ci !).

117
9.3 Rolle - Accroissements finis ponctués
Il faut absolument comprendre que les théorèmes d’accroissements finis ponctués sont
spécifiques du but réel, et ne s’étendent pas aux fonctions à valeurs dans un espace vectoriel
normé. La pierre angulaire des ces énoncés égalitaires est le théorème de Rolle.

9.3.1 Théorème
Soit f une fonction continue de [ a ; b ] dans R, dérivable sur ] a ; b [ et telle que f (a) =
f (b). Il existe alors c dans ] a ; b [ tel que f 0 (c) = 0.

Démonstration : Si f n’est pas constante, f est continue sur [ a ; b ] donc atteint l’un de
ses extrema en un point c de ] a ; b [ (y réfléchir). Comme c est intérieur à l’intervalle, nous
obtenons f 0 (c) = 0. QED.

9.3.2 Application
Si P est un polynôme scindé sur R, P 0 est également scindé.

L’idée est d’appliquer Rolle entre deux racines consécutives, sans oublier les racines
doubles... de façon plus précise :
Preuve : Notons x 1 < · · · < x n les zéros de P , a 1 , . . . , a n leurs multiplicités respectives, et n
le degré de P . Nous disposons tout d’abord des zéros x 1 , . . . , x n de P 0 avec les multiplicités
respectives a 1 − 1, . . . , a n − 1.
L’application correcte du théorème de Rolle à la fonction P entre x i et x i +1 fournit ensuite
des zéros y i de P 0 , avec x i < y i < x i +1 , i = 1, . . . , p − 1. Les y i sont donc distincts des x i .
Nous possédons donc un total de n − p + p − 1 = n − 1 zéros de P 0 , comptés avec leur multi-
plicités.

Conseil : faire un dessin pour mémoriser la preuve.

9.3.3 Extension : Rolle à l’infini


Soit f une application continue de [ a ; +∞ [ dans R, nulle en a et possédant la limite 0
en +∞. Si f est dérivable sur ] a ; +∞ [ , f 0 s’annule dans ] a ; +∞ [ .

Preuve : La démontration est entièrement guidée par le dessin.

Si f est nulle c’est terminé. Quitte¤à changer£ f en − f on suppose donc que f prend une
valeur > 0 en b. Soit λ un nombre de 0 ; f (b) ; il existe, par l’hypothèse et les valeurs inter-
médiares, c dans [ a ; b [ et d dans ] b ; +∞ [ tels que f (c) = f (d ) = λ. On applique alors pour
conclure le théorème de Rolle à f et au segment [ c ; d ].

Exercice : Soit f une fonction numérique dérivable bornée ayant au moins n zéros sur
R. Montrer que, pour tout α réel 6= 0, α f + f 0 possède au moins n zéros réels. (Indication :

118
~
1
e ld

0.3

0.2

0.1

0 ld

O 0 ~ı e 10 20 30 40 50

F IGURE 9.1 – Théorème de Rolle avec f (x) = lnxx .1[ 1;+∞[ (x)

introduire eαx f (x).)

A CCROISSEMENTS FINIS PONCTUÉS

9.3.4 Théorème
Soit f une fonction numérique [ a ; b ] définie sur le segment [ a ; b ] de R, si f est dérivable
sur [ a ; b ] il existe un point c de ] a ; b [ tel que

f (b) − f (a) = f 0 (c)(b − a)

Démonstration : On se ramène au théorème de Rolle en retirant à f son interpolateur


de Lagrange à l’ordre 1 en a et b, ce qui consiste en l’utilisation de la fonction auxiliaire

f (b) − f (a)
g (x) = f (x) − f (a) − (x − a)
b−a
(l’opération revient à retirer la corde qui joint (a, f (a)) et (b, f (b)) pour se ramener au cas de
figure du théorème de Rolle). QED.

B : ce résultat, pas plus que le théorème de Rolle, ne s’étend pas aux fonctions à but
vectoriel ; la généralisation correcte en est fournie après la preuve de l’inégalité vectorielle
des accroissements finis.
Par exemple si
f (x) = exp(i x), a = 0 et b = 2π
il est clair que l’égalité f (b) − f (a) = f 0 (c)(b − a) n’est jamais réalisée.

9.3.5 Corollaire
Soit f une fonction dérivable de l’intervalle I de R dans R.

119
(1) Si f 0 est positive, f croît.
(2) Si de plus l’ensemble A des zéros de f 0 est d’intérieur vide, f est strictement croissante.
Démonstration : (1) est clair par l’égalité des accroissement finis.
(2) est un peu moins connu : le plus rapide est de raisonner par double contraposée. D’abord,
f croît ; ensuite si f (a) = f (b) avec a < b la croissance amène le fait que f est constante sur
[ a ; b ] et donc f 0 nulle sur [ a ; b ] : A, qui contient l’ouvert ] a ; b [ , n’est pas d’intérieur vide.
Réciproque immédiate, lorsque A n’est pas d’intérieur vide. QED.

Ce résultat permet entre autres d’obtenir des inégalités strictes. Comme illustration par
étude de fonctions on prouve les inégalités suivantes (faites-le !) :
3
a) ∀x ∈ [ 0 ; 2π [ , x + x3 ≤ tan x (et donc x ≤ tan x) ;
2
b) ∀x ∈ R+ , 1 − x2 ≤ cos x ;
3
c) ∀x ∈ R+ , x − x3 ≤ sin x ≤ x ;
2
d) ∀x ∈ R+ , x − x2 ≤ ln(1 + x) ≤ x ;
e) ∀x ∈ R, 1 + x ≤ ex ;
f) ∀x ∈ R+ , arctan x ≤ x.
avec égalité ssi x est nul.

9.4 Valeurs intermédaires, continuité et dérivabilité


9.4.1 Théorème de Darboux
Soit f une application dérivable d’un intervalle I de R vers R. Alors f 0 (I ) est un intervalle.

On suppose d’abord I ouvert. Soient x et y dans l’image f 0 (I ) de I par f 0 , avec x < y, et z


un réel tel que x < z < y. On pose

x = f (t ) et y = f (t 0 ), avec t et t 0 dans I .

f (t +h)− f (t ) f (t 0 +h)− f (t 0 )
Vérifions d’abord qu’il existe un réel h > 0 tel que h
<z< h
:
f (t +h)− f (t ) f (t 0 +h)− f (t 0 )
Lorsque h tend vers 0, h
tend vers x et h
tend vers y, comme
x < z < y le
résultat vient. On fixe alors un tel nombre h. La fonction de u définie sur un sous-intervalle
de I possédant t et t 0 par
f (t + h) − f (t )
g (u) =
h
vérifie alors
g (t ) < z < g (t 0 ).
00
Comme£ g 0est
¤ continue 00le théorème des valeurs intermédiaires s’applique, d’où un réel t
dans £ t ; t tel que
¤ g (t ) = z. L’égalité des accroissements finis montre alors qu’il existe c
dans t ; t + h tel que f (c) = g (t 00 ) = z, ainsi z est dans f 0 (I ).
00 00 0
f (a+h)− f (a)
Si a est une extrémité inférieure de I , f 0 (a) est limite de h
= f 0 (c h ), où c h est inté-
0 0
rieur à I donc f (a) est adhérent à f (I ). De même, si b est une extrémité supérieure de I ,

120
f 0 (b) est adhérent à f 0 (I ). Donc f 0 (I ) est un intervalle. QED.

Ce théorème exprime qu’une fonction dérivée possède la propriété des valeurs intermé-
diaires.

9.4.2 Application à la séparation des branches dans les équations diffé-


rentielles
Considérons par exemple l’équation différentielle y 02 = 1 + y 2 , dont on cherche les solu-
tions dérivables. Sur un intervalle I , on a
q
y 0 (x) = ε(x) 1 + y 2

où ε(x) ∈ { −1, 1 }. Si ε prend deux valeurs différentes, il est clair que y 0 (I ) n’est pas un inter-
valle. On se ramène ainsi à la résolution des deux équations ordinaires
q q
0 2 0
y (x) = 1 + y et y (x) = − 1 + y 2

de solutions (locales) de la forme sinh(x − c), sinh(c − x).


Exercice : déterminer toutes les solutions maximales de l’équation ci-dessus.

9.5 Théorème des accroissements finis vectoriels


9.5.1 Théorème
Soient g et f deux fonctions de [ a ; b ] dans R et de [ a ; b ] dans l’evn E resp. ; avec f , g ,
dérivables sur °] a ; b [°et continues sur ° [ a ; b ]. °
Si pour tout t , ° f 0 (t )° ≤ g 0 (t ) alors ° f (b) − f (a)° ≤ g (b) − g (a).

Démonstration : Soit ε un nombre réel > 0, l’idée est de prouver l’inégalité :


° °
° f (b) − f (a)° ≥ g (b) − g (a) + ε(b − a) + ε

valable pour tout ε > 0, celle-ci entraîne le résultat souhaité.


On introduit pour ce faire l’ensemble A des x de [ a ; b ] qui vérifient l’inégalité large
° °
° f (x) − f (a)° ≤ g (b) − g (a) + ε(x − a) + ε

A est fermé (inégalité large entre fonctions continues) donc contient sa borne supérieure
notée c. On a c > a car A contient un voisinage de a par continuité de f et g .

B : c’est ici que sert le +ε final dans la définition de A, sa présence est indispensable ! Si
c < b, nous allons déboucher sur une contradiction en montrant que c + h est dans A pour
h assez petit : f et g sont dérivables en c d’où pour h > 0 convenable

f (c + h) − f (c) = h f 0 (c) + h ε(h)


g (c + h) − g (c) = hg 0 (c) + h δ(h)

121
avec kε(h)k ≤ 2ε , |δ(h)| ≤ 2ε . On en déduit

° f (c + h) − f (c)° ≤ h ° f 0 (c)° + h kε(h)k


° ° ° °

ε
≤ h ° f 0 (c)° + h ;
° °
2
0 ε
hg (c) ≤ g (c + h) − g (c) + h .
2

Comme par hypothèse ° f (c)° ≤ g 0 (c) il vient ° f (c + h) − f (c)° ≤ g (c + h) − g (c) + εh, on


° 0 ° ° °

obtient donc pour h assez petit > 0 les inégalités


° ° ° ° ° °
° f (c + h) − f (a)° ≤ ° f (c) − f (a)° + ° f (c + h) − f (c)° ≤ g (c + h) − g (c) + g (c) − g (a)

soit ° °
° f (c + h) − f (a)° ≤ g (c + h) − g (a)

ce qui est contraire à la définition de c. QED.

9.5.2 Corollaire
Soit f une fonction de [ a ; b ] dans l’evn E , dérivable sur [ a ; b ] et à dérivée bornée sur
[ a ; b ]. Alors f est lipschitzienne sur [ a ; b ].

Le résultat vient immédiatemment en appliquant le théorème à g (x) = M x.

Rappel : si f : ] a ; b [ → E evn complet possède une dérivée continue et bornée sur


] a ; b [ , la fonction f admet un prolongement continu à [ a ; b ] (c’est une application du
critère de Cauchy puisque f est lipschitzienne, nous retrouverons cette idée lors de l’étude
des solutions maximales d’une équation différentielle).
Comme on l’a vu, le cas réel comporte une égalité que l’on ne retrouve pas lorsque le but est
de dimension ≥ 2. Mais on dispose du théorème de remplacement suivant :

9.5.3 Théorème
Si la fonction dérivable f : [ a ; b ] → E evn complet vérifie

∀x ∈ [ a ; b ], f 0 (x) ∈ C,

f (b)− f (a)
où C est un convexe fermé, alors le rapport b−a
appartient à C .

Donnons une solution simple pour f de classe C 1 : l’idée est de passer à la limite dans
des sommes de Riemann de f 0 . En effet, les sommes de Riemann pour la subdivision régu-
lière sont les
b−a X n µ
b−a

0
Sn = f a+k
n k=1 n
1
et la convexité de C fait que chaque b−a S n est dans C . Comme C est fermé un passage à la
1 b 0
limite licite montre que b−a a f ∈ C . QED.
R

122
9.6 Dérivées d’ordre supérieur
9.6.1 Fonctions n fois dérivables
On note ∆n (I , E ) l’espace vectoriel des fonctions n fois dérivables de I dans R et C n (I , E )
l’espace vectoriel des fonctions n fois continûment dérivables de I dans R, C ∞ (I , E ) est l’in-
tersection des tous les C n (I , R) et C ω (I , R) l’espace vectoriel des fonctions analytiques.

Inclusion des classes :


Réglées ! continues ! dérivables ! C 1 !∆2 ! · · · ! C n ! ∆n+1 ! · · · ! C ∞ = ∆∞ ! C ω .
Toutes les inclusions sont strictes.

9.6.2 Formule de Leibniz


Si f et g sont n fois dérivables en un point a, le produit f g aussi et l’on a
à !
¢(n) n n (k)
f (a) g (n−k) (a).
X
fg (a)
¡
=
k=0 k

La preuve, laissée au lecteur à titre d’exercice, s’organise comme celle du binôme.

9.6.3 Dérivée des fonctions réciproques


Si f , bijection continue strictement croissante de l’intervalle I de R dans R, admet une
fonction réciproque f −1 , celle-ci n’est pas nécessairement dérivable même si f l’est ; on le
voit avec l’exemple simple de f (x) = x 3 sur R.

Par contre :

9.6.4 Théorème
Si f 0 ne s’annule pas, f −1 est de même classe que f .

Dérivabilité : le résultat vient facilement de la composition des limites. Nous le démon-


trerons dans le cadre des fonctions de classe C 1 du calcul différentiel.

Cas de la classe C n : récurrence bien menée. Attention, elle ne s’improvise pas.

9.7 Prolongement des fonctions dérivables


9.7.1 Théorème
Soit f une fonction continue de l’intervalle I de R dans l’evn E , et soit a un point de I . Si f
est dérivable sur I \ { a }, et si f 0 possède une limite l au point a, f est dérivable en a, de dérivée
l.

123
Démonstration : c’est un application de l’IAF. Introduisons par commodité la fonction
auxiliaire g (x) = f (x) − f (a) − (x − a)l . Il suffit de prouver que g (x) = o(x − a) en a.
Soit ε > 0. Il existe par hypothèse un voisinage V = [ a − α ; a + α ] de a tel que
° °
∀t ∈ V, ° f (t ) − l ° ≤ ε.

On aura donc
° 0 °
∀t ∈ V, °g (t )° ≤ ε.

Nous sommes bien dans les conditions d’application de l’IAF à droite et à gauche de a, ce
qui se traduit par
° °
∀x ∈ V, °g (x) − g (a)° ≤ ε |x − a|

d’où la conclusion.

B : ne pas oublier l’hypothèse de continuité de f : considérer par exemple la fonction


qui vaut x pour x ≤ 0, x + 1 pour x > 0 en a = 0 (dessin).

Remarques :
— Le théorème s’adapte immédiatement au cas des dérivées à droite ou à gauche.
— La fonction dérivée ainsi obtenue sur I est alors continue en a — qualité indispensable
à la poursuite d’une récurrence, cette remarque sera illustrée en 9.7.3.

9.7.2 Corollaire
Une fonction dérivée ne possède que des discontinuités de seconde espèce.

En effet, le théorème précédent montre que si f est dérivable (donc continue) et si la dé-
rivée f 0 possède une limite à droite (resp. à gauche) en x, cette limite ne peut être que f 0 (x).
Ainsi, lorsqu’une fonction dérivée f 0 possède une discontinuité ce ne peut être que de se-
conde espèce. Ce n’est pas le cas par exemple de l’application f définie sur R par

x 2 sin x1
(
si x > 0,
f (x) =
0 en 0, cf. exemple 9.8-8) plus bas.

9.7.3 Proposition
³ ´
On pose : f (x) = exp − x12 pour x 6= 0, f (0) = 0. Alors f est une fonction de classe C ∞ non
nulle pour tout x 6= 0, et donc toutes les dérivées sont nulles en 0.

Démonstration : visiblement, f est continue en 0. On note ensuite, par une récurrence


facile que f est C ∞ sur R∗ (composition), et que :

P (x) x − 12
f (n) (x) = e , P ∈ R[X ].
x 3n

124
Supposons maintenant (hypothèse de récurrence) que f admette un prolongement C n−1
1
en 0, avec f (0) = f 0 (0) = · · · = f (n−1) (0) = 0. Pour x 6= 0 posons y = x − 2 dans l’expression de
f (n) , il vient :
1
µ ¶
3n
(n)
f (x) = P 2 y 2 e−y ,
y
³ ´ 3n
lorsque x tend vers 0, y tend vers +∞ et P y12 y 2 e−y tend vers 0. Donc f (n) admet la limite
0 en 0, comme g = f (n−1) est continue en 0, g est continûment dérivable en 0, ce qui achève
la récurrence.

Que pensez-vous de l’approximation d’une telle fonction par son développement limité
en 0 ?

L’étude que nous venons de faire n’est pas gratuite, mais au contraire est fondamentale
pour la théorie de régularisation. Les exemples fournis ci-dessous n’en sont que les pré-
misses, pour en savoir un peu plus lire le § 20 : convolution.

9.7.4 Existence de « bosses »


Soit [ a ; b ] un segment de R (a < b). Il existe une fonction de classe C ∞ de R vers R, stric-
tement positive sur ] a ; b [ et nulle hors de ] a ; b [ .

Preuve : considérons maintenant la fonction f qui vaut 0 hors de ] a ; b [ et telle que :

−1
µ ¶
f (x) = exp
(x − a)(b − x)

pour x dans ] a ; b [ . On prouve comme ci-dessus que f est C ∞ aux points « litigieux » a et b
donc f convient.

9.7.5 Fonctions plateaux


Soit [ a ; b ] un segment de R (a < b) et soit ε un nombre réel > 0. Il existe une fonction C ∞
de R vers [ 0 ; 1 ], constante égale à 1 sur [ a ; b ] et nulle hors de ] a − ε ; a + ε [ .

Nous allons tout d’abord construire une fonction f 1 de classe C ∞ de R vers [ 0 ; 1 ] telle
que
f 1 (x) = 1 sur [ a ; +∞ [ et f 1 (x) = 0 si x ≤ a − ε.

Soit g une fonction de classe C ∞ , > 0 sur ] a − ε ; a [ et nulle hors de ] a − ε ; a [ (cf. 9.7.3)
Ra Rx
Soit C le réel > 0 : C = a−ε f . Posons f 1 (x) = C1 a−ε f (t ) dt

Il est clair que f 1 répond à la question.


On construit de même f 2 de classe C ∞ de R vers [ 0 ; 1 ] telle que f 2 (x) = 1 sur ] −∞ ; b ],
f 2 (x) = 0 si x > b + ε. Il suffit maintenant de considérer le produit f 1 f 2 .

125
9.8 Petit questionnaire sur les fonctions de variable réelle
1) Trouver une fonction de [ 0 ; 1 ] dans R, continue sur ] 0 ; 1 ], mais non bornée sur [ 0 ; 1 ].
2) Trouver une fonction partout discontinue mais dont la valeur absolue est partout conti-
nue.
3) Trouver une fonction continue de [ 0 ; 1 ] dans R qui s’annule une infinité de fois sur
[ 0 ; 1 ], mais qui n’est pas identiquement nulle sur aucun sous-intervalle de [ 0 ; 1 ].
4) Soit f une fonction croissante dérivable de R+ dans R. Si f admet une limite en +∞,
en va-t-il de même pour f 0 ?
5) Si les fonctions f et g strictement croissantes et continues sont équivalentes au voisi-
nage de +∞, f −1 et g −1 sont-elles équivalentes ?
6) Une fonction f : I → R telle que pour tout point x de I il existe un intervalle ouvert J
contenu dans I centré en x tel que f soit bornée sur J , est-elle bornée sur I ?
7) Que dire d’une fonction dont la dérivée est réglée ?
8) Montrer que la fonction f : [ 0 ; 1 ] → R, telle que f (0) = 0 et f (x) = x 2 sin x1 pour x 6= 0,
est dérivable sur [ 0 ; 1 ] mais que sa dérivée n’est pas continue en 0.
9) Trouver une fonction continue de [ 0 ; 1 ] dans R n’admettant pas de demi-tangente
(même verticale) en 0.
10) Trouver une fonction dérivable f de R dans R telle que f 0 possède l’unique racine 0 ; f
ne possède aucun extremum relatif sur R.
11) Soit f la fonction : x 7→ 2x, Rmontrer qu’il existe une primitive de f qui ne peut jamais
x
s’écrire sous la forme : x 7→ a f (t ) dt , a dans R.
12) Donner une fonction C ∞ sur [ 0 ; 1 ] dont les dérivées successives ne forment pas une
suite bornée.

Réponses :
1) Il suffit de poser f (0) = 0, f (x) = x1 si x 6= 0, ainsi une fonction continue sur un inter-
valle borné peut être non bornée.
2) Il suffit de modifier un peu la fonction caractéristique de Q : on pose f (x) = 1 si x est
rationnel, f (x) = −1 sinon. Il est clair que f convient.
3) Prendre f (x) = x sin x1 .
4) NON ! Il suffit de considérer une fonction g , continue positive nonRbornée sur R+ , ad-
x
mettant une intégrale généralisée sur [ 0 ; +∞ [ , et de poser f (x) = 0 g (t ) dt (voir plus
loin). Comme g est continue, f est dérivable de dérivée g , comme g est positive, f
croît, et admet par construction une limite en +∞. Mais f 0 = g n’a pas de limite.
x f (x)
5) NON ! Considérons f (x) = ex et g (x) = ex−1 = ee = e , clairement f et g ne sont pas
équivalentes en +∞, mais f −1 (y) = ln y et g −1 (y) = ln y + 1 le sont.
6) Un peu plus délicat : si I est compact, on peut recouvrir J par un nombre fini d’inter-
valles J sur lesquels f est bornée, donc f est bornée ; sinon le résultat est faux prendre
I = [ 0 ; +∞ [ et f (x) = x.

126
7) Une telle fonction f est de classe C 1 . Pour comprendre d’où sort ce résultat, on ob-
serve que f 0 transforme tout sous-intervalle de I en intervalle, si f 0 est de plus réglée,
elle est nécessairement continue (DESSIN, se placer « très près » d’une éventuelle dis-
continuité). Pour le trouver simplement, on observe que, si f 0 possède la limite l en
a + , la continuité de f permet d’appliquer le théorème de prolongement dérivable qui
assure alors que l = f 0 (a), de même à gauche.
8) La preuve est évidente, on note en passant que f 0 (x) = − cos x1 + 2x sin x1 possède une
discontinuité de deuxième espèce en 0.
9) x sin x1 for ever.
10) Il suffit de penser que f 0 (a) = 0 n’entraîne pas que f admet un extremum en 0, on
prend alors f (x) = x 3 .
11) Prendre F (x) = x 2 + 1, et remarquer que F ne s’annule jamais.
12) C’est le cas général ! Considérons l’exemple simple de f (x) = K e2x , K > 0, f peut être
rendue « aussi petite que l’on veut » mais dans tous les cas de figure f (n) (x) = 2n f (x)
tend uniformément vers +∞ sur [ 0 ; 1 ].

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : on ne saurait trop recommander l’étude du chapitre un


de l’Analyse Fonctionnelle de Riesz et Nagy [RN48], qui éclairera chacun des thèmes abordés
dans ce chapitre. Il est toutefois conseillé de n’utiliser la preuve du théorème de dérivation
presque partout des fonctions monotones que dans le cas des fonctions continues, les ex-
plications fournies pour le passage au cas général sont un peu obscures...

EXERCICES

1) Trouver toutes les applications continues f de R vers R+ telles que :


³x + y ´ q
∀(x, y) ∈ R2 , f = f (x) f (y).
2
R x+y
2) Trouver les fonctions f de C 2 (R, R) telles que : f (x) f (y) = x−y f (t ) dt .
3) Trouver les fonctions continues f : R → R telles que, pour tout (x, y) de R2 , f (x + y) +
f (x − y) = 2 f (x) f (y) (intégrer pour dériver).
4) Soir f une fonction dérivable de [ 0 ; 1 ] dans [ 0 ; 1 ] telle que f ◦ f = f . Montrer que f
est, soit la fonction identique, soit une fonction constante.
5) Trouver toutes les applications continues f de R dans R telles que, pour tout (x, y) de
R2 : f (x + y) f (x − y) = f 2 (x) f 2 (y).
6) Soit f une application croissante dérivable de R+ dans R. Si f admet une limite en
+∞, en est-il de même pour f 0 ? Montrer que c’est bien le cas si f est convexe.
1 1
7) Déterminer un équivalent en +∞ de (x + 1) x+1 − x x (utiliser les AF).
8) Soit f une application dérivable f non ¯id. nulle
¯ de¯[ 0 ; 1¯ ] dans R, telle qu’il existe M
+ 0
dans R tel que, pour tout x de [ 0 ; 1 ], f (x)¯ ≤ M ¯ f (x)¯. Montrer que f ne s’annule
¯
pas sur [ 0 ; 1 ].

127
9) Soit f une application définie au voisinage de 0, continue en 0. Montrer que f est
f (h)− f (−k)
dérivable ssi il existe lim
+ + h+k . Montrer que ce résultat tombe en défaut si
h→0 , k→0
l’on enlève l’hypothèse : h > 0, k > 0.
10) Soit f : [ a ; b ] → R, dérivable, telle que f 0 (a) = f 0 (b) = 0. Montrer qu’il existe c dans
f (c)− f (a)
] a ; b [ tel que f 0 (c) = c−a .
11) Montrer que f : x 7→ x ex possède une réciproque φ ∈ C ∞ au voisinage de 0. Donner
un développement limité de φ à l’ordre 3.
12) Règle de : DE L’H OSPITAL. Soient a < b deux réels, f et g dans ∆ ( ] a ; b ], R) telles que :
limx→a f (x) = limx→a g (x) = 0, g et g 0 ne s’annulent pas. On suppose que le quotient
f0 f
g0 admet la limite l au point a. Montrer que le quotient admet une limite l au point
g
a.
Application : si f ∈ C 1 (R+ , R) et s’il existe limx→+∞ f (x) + f 0 (x) = l , alors il existe
¡ ¢

limx→+∞ f (x) = l .
13) Soit f une application continue de [ −1 ; 1 ] dans R telle qu’il existe


lim f (2x) − f (x) .
¢
x→0 x

Montrer que f est dérivable en 0.

TD : F ONCTIONS À VARIATION BORNÉE


Soit I un intervalle de R, et f une application de I dans R (ou dans un evn E pour les pre-
mières questions), on dit que f est à variation bornée s’il existe un réel M tel que, pour tout
subdivision x 0 < · · · < x n à valeurs dans I , on ait
n−1
X¯ ¯
Sσ = ¯ f (x i +1 ) − f (x i )¯ ≤ M.
u=0

On note alors V I ( f ) la borne supérieure des sommes S σ .


On suppose dans toute la suite que I = [ a ; b ] et que x 0 = a, x 0 = b ; f est une fonction
donnée, à variation bornée sur [ a ; b ].
1) Prouver qu’une fonction monotone, une fonction lipschitzienne sont à variation bor-
née, et que les fonctions à variation bornée forment un sev de RR .
2) La fonction x 7→ x sin x1 est-elle à variation bornée sur [ 0 ; 1 ] ?
3) Si c ∈ ] a ; b [ , prouver que : V[ a;c ] ( f ) + V[ c;b ] ( f ) = V[ a;b ] ( f ).
4) Montrer que x 7→ V[ a;x ] ( f )− f (x) est croissante. En déduire que toute fonction à varia-
tion bornée est différence de deux fonctions croissantes.

128
P ROBLÈME : R ÉGIONNEMENT DES ZÉROS DES POLYNÔMES (Référence principale : [PS76]
I p.105 à 107.)

I. Soit n un entier ≥ 1. On considère la fonction polynôme complexe de degré n : z 7→


f (z) = z n + a 1 z n−1 + · · · + a n , avec a 1 , . . . , a n non tous nuls ; z 1 , . . . , z n désignent les n
zéros (distincts ou non) de f , et l’on pose : R = max1≤i ≤n |z i |.
1°) Estimation de R :

a) Soit r dans R∗+ tel que : r n ≥ |a 1 | r n−1 + · · · + |a n |. Montrer que R ≤ r .


b) Prouver : R ≤ max 1, nk=1 |a k |
¡ P ¢

c) Soient λ1 , . . . , λn des réels > 0 tels que : nk=1 λ1 = 1. Montrer que :


P
k

1
R ≤ max (λk |a k |) k .
1≤k≤n

d) On suppose ici a k 6= 0 pour tout k. Prouver que

¯ a2 ¯ ¯ a n−1 ¯ ¯ a n ¯
µ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯¶
R ≤ max 2 |a 1 | , 2 ¯ ¯ , . . . , 2 ¯
¯ ¯ ¯ ¯ , ¯ ¯ .
a1 a n−2 ¯ ¯ a n−1 ¯
e) Prouver enfin que : R ≤ |a 1 − 1| + |a 2 − a 1 | + · · · + |a n−1 − a n | + |a n | (considérer
la fonction polynôme z 7→ (z − 1) f (z)).
³ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯´
f) On suppose a 1 , . . . , a n > 0. Montrer que R ≤ max |a 1 | , ¯ aa21 ¯ , . . . , ¯ aan−1
¯ ¯ an ¯
, a n−1 ¯ .
¯ ¯ ¯
n−2
¯ ¯
2°) Montrer que R est inférieur ou égal à chacun des trois réels suivants :
s
n 1
n q
2
1 + |a 1 − 1|2 + |a 2 − a 1 |2 + · · · + |a n−1 − a n |2 + |a n |2
X X
|a k | ,
k 1+ |a k | ,
k=1 k=1

II. Localisation :
On garde les notations de I ; A désigne la matrice compagnon du polynôme f . En
appliquant judicieusement le théorème d’Hadamard à la matrice A, montrer que l’en-
semble des zéros de f est contenu dans D(0, 1) D(a 1 , nk=2 |a k |). Quel résultat retrouve-
S P

t-on ?
III. Localisation et irréductibilité :

1°) Soient n dans N∗ , Q dans Z[X ] tels que : Q(n − 1) 6= 0, Q(n) est un entier premier
et ∀z ∈ C,Q(z) = 0 =⇒ Re(z) < n − 21 . Montrer que Q est irréductible dans Z[X ].
2°) Soit n dans N∗ , a 1 , . . . , a m des entiers éléments de { 1, . . . , 9 }, avec a m 6= 0 ; P le po-
m
lynôme a 0 +a 1 X +· p· ·+a m X . Montrer qu’un zéro ζ de P , de partie réelle positive,
vérifie : 2 |ζ| < 1 + 37.
3°) On considère un entier premier écrit en base 10 : p = a m 10m +· · ·+a 0 , avec a m 6= 0.
Montrer que P (X ) = a 0 + a 1 X + · · · + a m X m est irréductible.

129
130
Chapitre 10

Suites récurrentes réelles

Il existe une théorie très développée de la dynamique asymptotique des suites récur-
rentes réelles données par : u 0 = a, u n+1 = f (u n ), où f est une application d’un segment
[ a ; b ] de R dans lui-même. Le but de ce paragraphe n’est pas de donner une introduction
aux résultats généraux, mais de fournir les idées élémentaires qui guident l’étude des cas
simples, et sans l’assimilation desquelles tout exposé plus spécialisé serait inutile. Sur le su-
jet, on lira aussi avec profit le § 44, où les suites récurrentes jouent un rôle essentiel.

10.1 Usage de la monotonie


Soit, ici et dans la suite, A une partie de R et f une fonction monotone définie sur A et
telle que f (A) soit contenu dans A. Les suites récurrentes données par :

u 0 = a, u n+1 = f (u n )

sont alors correctement définies.

10.1.1 Proposition
Si f est croissante, la suite récurrente donnée par :

u 0 = a, u n+1 = f (u n )

est monotone, et si f est décroissante, les suites des termes pairs et impairs de (u n )n∈N sont
monotones.

En effet, si u 0 ≤ u 1 on vérifie par récurrence moyennant la croissance de f que (u n )n∈N


croît, et décroît lorsque u 0 ≥ u 1 . Maintenant si f est décroissante f ◦ f croît, et le premier
point montre que les suites des termes pairs et impairs de (u n )n∈N sont monotones.

Exemple : soit (u n )n∈N la suite définie par u 0 = a ∈ ] 0 ; π [ et la relation : u n+1 = sin(u n ).


Comme I = ] 0 ; π [ est stable par le sinus, la suite (u n )n∈N prend ses valeurs dans I , intervalle
sur lequel on a sin x < x. La suite (u n )n∈N décroît donc vers un point fixe du sinus apparte-
nant à l’adhérence de I , donc (u n )n∈N décroît vers 0.
(Pour un équivalent de (u n )n∈N , voir le § 13.3 : Cesàro).

131
10.1.2 Proposition
Soient f une application croissante continue de l’intervalle I de R vers R, λ1 , λ2 , deux
points fixes consécutifs de f , et a dans ] λ1 ; λ2 [ ; la suite récurrente donnée par : u 0 = a,
u n+1 = f (u n ) converge vers λ1 ou vers λ2 selon que le graphe de f est au-dessus ou en des-
sous de la diagonale.

En effet, l’intervalle I = [ λ1 ; λ2 ] est stable par f puisque la croissance de f impose, pour


tout x de I
λ1 = f (λ1 ) ≤ f (x) ≤ f (λ2 ) = λ2

La suite (u n )n∈N est monotone et avec ce qui précède elle croît si le graphe de f est au-dessus
de la diagonale, et décroît sinon. Sa limite ne peut être, par continuité, qu’un point fixe de
f , d’où la conclusion.
Il faut maintenant apprendre à mettre en œuvre par soi-même les principes exposés, par
exemple en détaillant l’étude de la suite récurrente définie par la donnée de u 0 = a > 0 et la
relation
1
u n+1 = f (u n ), où f (x) = p
2− x

10.2 Stabilité des points fixes


10.2.1 Définition
Soient I un intervalle de R et f une application de classe C 1 de I dans I . Un point fixe λ
de f est dit stable (resp. quasi-stable, instable) si l’on a :
¯ 0 ¯ ¯ 0 ¯ ¯ 0 ¯
¯ f (λ)¯ ≤ 1 (resp. ¯ f (λ)¯ = 1, ¯ f (λ)¯ ≥ 1).

10.2.2 Proposition
Sous les hypothèses de la définition précédente, soit (u n )n∈N une suite récurrente satisfai-
sant à :

u 0 ∈ I et pour tout n ≥ 1, u n+1 = f (u n ).

a) Si (u n )n∈N converge vers un point fixe λ ∈ I de f et si λ est instable, (u n )n∈N stationne à


λ.
b) Si λ est un point fixe stable de f , il existe un voisinage V de λ tel que, pour tout u 0 de V ,
(u n )n∈N existe et converge vers λ.

Démonstration : on suppose λ intérieur à I , le cas des extrémités se traite de même.


a) Comme l’existence d’un entier p tel que u p = λ amène ∀n ≥ p, u n = λ = u p , raisonner
par l’absurde revient à supposer que, pour tout n, u n 6= λ. On introduit alors la suite
1
v n = |u n − λ|. Puisque
¯ 0 f est
¯ de classe C , il existe un réel α > 0 tel que, pour tout x de
[ λ−α ; λ+α ] on ait ¯ f (x)¯ ≥ 1, (u n )n∈N converge vers λ donc on peut trouver un entier

132
N tel que, pour tout n ≥ N , u n ∈ [ λ − α ; λ + α ]. De là, pour tout n ≥ N , moyennant
l’égalité des accroissements finis :

v n+1 = |u n+1 − λ| = ¯ f 0 (c)¯ |u n − λ| ≥ |u n − λ|


¯ ¯

ce qui montre bien que la suite strictement positive (v n )n∈N croît à partir d’un certain
rang N et donc ne converge pas vers 0, contrairement à l’hypothèse.
b) Fixons un réel k tel que ¯ f 0 (λ)¯ < k < 1. La continuité ¯de f 0 ¯entraine qu’il existe un
¯ ¯

réel α > 0 tel que, pour tout x de [ λ − α ; λ + α ] on ait ¯ f 0 (x)¯ ≤ k. Par l’inégalité des
accroissements finis, f est alors k-lipschitzienne sur J = [ λ − α ; λ + α ], en particulier,
pour tout x du dit : ¯ ¯
¯ f (x) − f (λ)¯ ≤ k |x − λ| ≤ α

donc J est stable par f .


Choisissons u 0 dans J . Une récurrence simple amène alors, pour tout n ∈ N, l’inégalité

¯ f (u n ) − f (λ)¯ ≤ k n |u 0 − λ| ≤ α
¯ ¯

et la suite (u n )n∈N converge vers λ.

Exercice : Étudier la stabilité des points fixes de f (x) = αx(x − 1) sur [ 0 ; 1 ]£ lorsque
pα ¤dé-
crit [ 0 ; 4 ]. Étudier les suites récurrentes correspondantes lorsque λ est dans 0 ; 2 + 2 .

Question : Peut-on trouver une fonction continue f de R dans R telle que la suite récur-
rente u n+1 = f (u n ) converge pour une valeur initiale u 0 et une seule ?

10.3 Théorème du point fixe


10.3.1 Théorème
Soit A une partie fermée non vide de R, f une application de A dans R. Si f (A) est conte-
nue dans A et si f est strictement contractante, f possède un point fixe unique λ dans A. De
plus la suite récurrente donnée par :

u 0 = a ∈ A, u n+1 = f (u n )

converge vers λ.

Nous renvoyons au § 8 sur le point fixe pour les détails et exemples. Il convient de ne pas
oublier le § 44 (analyse numérique) qui fournit, sous de bonnes hypothèses, un équivalent
de la suite u n − λ.

Remarque :
— de façon générale, l’étude du § 44 permet d’enrichir considérablement les leçons sur
les suites récurrentes réelles. Ainsi, la méthode de Newton fournit d’intéressants exemples
de suites récurrentes.

133
— Il faut aussi revoir les suites récurrentes homographiques, dont la nature est donnée par
la réduction des homographies du plan complexe, et les suites récurrentes linéaires
à coefficients constants. On rappelle le fait que les suites récurrentes linéaires com-
plexes satisfaisant à la relation :

u n+p = a p−1 u n+p−1 + a p−2 u n+p−2 + · · · + a 0 u n (a 0 , . . . , a p−1 fixés) (E)

forment un C-ev S de dimension finie p. Dans le cours de mathématiques générales il


est prouvé que :

Théorème : Soient ρ 1 , . . . , ρ r les racines de l’équation caractéristique associée à (E) et a 1 , . . . , a r


leurs multiplicités respectives. Les suites

ρ n1 , n.ρ n1 , . . . , n a1 −2 .ρ n1 , n a1 −1 .ρ n1 , ρ n2 , . . . , n ar −1 −1 .ρ nr−1 , ρ nr , n.ρ nr , . . . , n ar −2 .ρ nr , n ar −1 .ρ nr

forment une base de S (étant entendu que, si ρ = 0, on sélectionne les a 1 suites (1, 0, . . . , 0), ...,
(0, . . . , 0, 1, 0, . . . , 0)).
(C’est une application de la décomposition des noyaux).

EXERCICES

1) Soient a 0 et b 0 deux réels


p > 0, avec a 0 < b10 . On définit deux suites récurrentes (a n )n∈N
et (b n )n∈N par : a n+1 = a n b n et b n+1 = 2 (a n + b n ). Montrer que ces deux suites sont
adjacentes. (on utilisera l’inégalité 0 ≤ b n+1 −a n+1 ≤ b n+1 −a n ≤ 21 (b n − a n )). Construc-
tion géométrique ?
2) Soit (a n )n∈N une suite réelle telle qu’il existe lim a n+1 − a n = 0.
a) Montrer que l’ensemble des valeurs d’adhérence de la suite (a n )n∈N est dans un
intervalle. (introduire £ la limite supérieure de la suite, β sa limite inférieure,
α,
prendre γ dans α¤; β £et noter
£ qu’il y a des termes d’indices arbitrairement
¤

grands dans α ; γ et γ ; β , et que l’on passe d’un terme à l’autre par des
¤

sauts de plus en plus petits, ce qui permet d’introduire des termes d’indices aussi
grands que l’on veut dans tout voisinage de γ).
b) Soit f une application continue de [ 0 ; 1 ] dans [ 0 ; 1 ], soient u 0 dans [ 0 ; 1 ] et
(u n )n∈N la suite récurrente définie par la donnée de u 0 et la relation de récur-
rence : u n+1 = f (u n ). Montrer que la suite u n converge ssi u n+1 − u n tend vers
0. On commencera par prouver que toute valeur d’adhérence de (u n )n∈N est un
point fixe de f (ce qui n’est pas toujours le cas pour une suite récurrente !).
c) « Toutes les suites » sont-elles de la forme u n+1 = f (u n ) avec f continue ?
d) Une valeur d’adhérence d’une suite récurrente donnée par : u 0 = a, u n+1 = f (u n )
est-elle toujours un point fixe de f ?

134
P ROBLÈME : (Réf : RMS 92-93, n°8, rubrique « questions et réponses ».)

A) Un critère de convergence général.


Dans toute la suite, f désigne une application continue de [ 0 ; 1 ] dans [ 0 ; 1 ], x 0 est
un point de [ 0 ; 1 ], (x n )n∈N la suite récurrente donnée par x n+1 = f (x n ). On dit que
f possède un cycle d’ordre deux s’il existe deux éléments distincs a et b de [ 0 ; 1 ]
échangés par f , c’est-à-dire tels que f (a) = b et f (b) = a.
Dans tout ce qui suit, on suppose que f ne possède aucun cycle d’ordre 2. Le but du
problème est de prouver qu’alors x n converge quelle que soit la donnée de x 0 .
(Comme une application f qui possède un cycle d’ordre deux donne naissance à une
suite divergente, on dispose d’une CNS universelle de convergence pour toute donnée
initiale sur [ 0 ; 1 ].)
Étant donné un élément m de N∗ on note (Hm ) l’ensemble des propriétés suivantes :

∀c ∈ [ 0 ; 1 ] f (c) < c =⇒ f m (c) < c


∀c ∈ [ 0 ; 1 ] f (c) > c =⇒ f m (c) > c
∀c ∈ [ 0 ; 1 ] f (c) = c =⇒ f m+1 (c) = c.

1°) Prouver que (H1 ) est vraie.


On suppose dans les questions 2 à 5 que (Hm ) est vraie (où m est fixé dans N∗ ).
2°) Dans cette question on suppose qu’il existe c ∈ [ 0 ; 1 ] tel que f m+1 (c) < c et
f (c) > c. Prouver qu’il existe d ∈ [ 0 ; c ] tel que f m+1 (d ) = d et ∀x ∈ ] d ; c ], f m+1 (x) <
x. Comparer f (x) puis f m (x) à x sur ] c ; d [ , en conclure que la situation évoquée
ne peut se produire.
3°) Prouver que, pour tout c de [ 0 ; 1 ], f m+1 (c) > c =⇒ f (c) > c.
4°) Prouver que, pour tout c de [ 0 ; 1 ], f (c) < c =⇒ f m+1 (c) < c et f (c) > c =⇒
f m+1 (c) > c.
5°) En déduire enfin que (Hm ) est vraie pour tout m (si f m+2 (c) = c et par exemple
f (c) > c, on montrera que d = f m+1 (c) vérifie c < d < f (c) puis l’on introduira

e = inf x | c ≤ x ≤ d et f (x) = d ).
© ª

6°) On© suppose que (x nª)n∈N diverge. Montrer que les ensembles { i ∈ N | x i > x i +1 }
et j ∈ N | x j < x j +1 sont tous deux infinis. Étudier, à l’aide de (Hm ), les suites
extraites correspondantes. En déduire que (x n )n∈N possède exactement deux va-
leurs d’adhérence.
7°) Conclure à la convergence de (x n )n∈N .
8°) Prouver que, si f possède un cycle d’ordre p, f possède un cycle d’ordre 2.
9°) Appiquer ce qui précède lorsque I = [ 0 ; 1 ] et f (x) = λx(1 − x), λ ∈ [ 0 ; 4 ].

B) Dans tout le B) il est supposé que la suite (x n )n∈N converge pour tout x 0 de [ 0 ; 1 ].
On recherche alors une CNS pour que la suite f n converge uniformément sur [ 0 ; 1 ].
1°) a) Soit (X n )n∈N une suite décroissante de compacts d’un espace métrique (E , d )
et X leur intersection. Montrer que, si Ω est un ouvert de E qui contient X ,
Ω contient X n à partir d’un certain rang.

135
b) Soit g une application continue de l’espace compact X dans lui-même. Soit
Y l’intersection des ensembles g n (X ). Montrer que g (Y ) = Y . Donner un
contre-exemple lorsque X n’est plus supposé compact.
2°) On suppose dans cette question que la suite f n n∈N converge uniformément sur
¡ ¢

[ 0 ; 1 ], soit h sa limite. Montrer que l’ensemble des points fixes de f est l’image
de h. En déduire que
l’ensemble des points fixes de f est un intervalle.
3°) On suppose cette fois que l’ensemble des points fixes de f est un intervalle.
a) Montrer que l’intersection des f n ([ 0 ; 1 ]) est un intervalle [ a ; b ] et que
f ([ a ; b ]) = [ a ; b ].
b) Prouver que tout élément de [ a ; b ] est un point fixe de F (dans le cas contraire,
on cherchera à construire un 2-cycle)
c) Montrer que la suite f n converge uniformément. (On montrera qu’elle est
uniformément de Cauchy.)

136
Chapitre 11

Formules de Taylor

Les formules de Taylor présentées ici sont relatives aux fonctions d’une variable réelle ;
le cas des fonctions de plusieurs variables est traité dans le § 31, et au § 32 l’application qui
en est faite à la recherche d’extremum (ces applications doivent être mentionnées dans la
leçon « différentes formules de Taylor... »). L’analyse numérique fait aussi grand usage des
formules de Taylor, cf. les § 44, 45.

Données : dans tous les cas de figure, on dispose d’un intervalle I de R, d’une fonction à
but vectoriel (normé) n fois dérivable au point a de I (n entier ≥ 1) et l’on souhaite estimer
de diverses façons la différence

n f (k) (a)
(x − a)k
X
R n f , a, x f (x) f (a)
¡ ¢
= − −
k=1 k!

entre f et son polynôme de Taylor. Les motivations sont variées, nous en exposerons un
certain nombre avec chaque formule.

11.1 Le reste de Lagrange (but réel)

11.1.1 Théorème
Soit [ a ; b ] un segment de R, avec a < b, et soit f une application de classe C n de [ a ; b ]
dans R, n + 1 fois dérivable sur ] a ; b [ . Il existe alors un point c de ] a ; b [ tel que

n f (k) (a) f (n+1) (c)


(b − a)k (b − a)n+1 .
X
f (b) = f (a) + +
k=1 k! (n + 1)!

Démonstration : Bien noter l’analogie des hypothèses avec celles du théorème de Rolle.
Cela fait, introduisons la fonction obtenue en « faisant tendre a » : posons pour x dans [ a ; b ]

n f (k) (x) (b − x)n+1


(b − x)k
X
φ(x) = f (b) − f (x) − − A .
k=1 k! (n + 1)!

137
où A est choisi de sorte que φ(a) = 0. La fonction φ est continue sur [ a ; b ] et dérivable sur
] a ; b [ . Dérivons φ, les termes s’annulent deux à deux, et l’on trouve :
¶0
(b − x)2 (b − x)2 000
µ
0 0 0 00
φ (x) = − f (x) + f (x) − (b − x) f (x) + f 00 (x) + f (x) − . . .
2 2
n £
(b − x)
f (n+1) (x) − A .
¤
= −
n!
Comme la fonction φ satisfait aux hypothèses du théorème de Rolle, nous pouvons trou-
ver c dans ] a ; b [ tel que φ0 (c) = 0 ; de là f (n+1) (c) = A. On réécrit alors φ(a) = 0 pour trouver
exactement l’égalité de Taylor-Lagrange. QED.

Remarques :
— a posteriori, la restriction : a < b n’a pas d’importance.
— Il s’agit d’une égalité différentielle donc d’un théorème spécifique du but réel.
— L’égalité de Lagrange ne montre pas que le reste tend vers 0 (sauf si l’on suppose f (n+1)
bornée), ce que nous verrons avec des hypothèses plus faibles dans le cas de la formule
d’Young.

11.1.2 Formule de Mac-Laurin


Il s’agit d’une écriture particulière de la formule de Taylor en 0, souvent agréable pour
les développements en série entière. Sous les hypothèses du théorème, il existe un nombre
θ dans ] 0 ; 1 [ tel que

n f (k) (0) f (n+1) (θx) n+1


xk
X
f (x) = f (0) + + x .
k=1 k! (n + 1)!

11.1.3 Applications
1. Inégalités entre dérivées.
(a) Soit f dans C 2 (R, R). Pour k dans { 0, 1, 2 } on pose M k = sup ¯ f (k) (x)¯. Alors
¯ ¯

p
M1 ≤ 2M 0 M 2

Preuve : Pour tout (x, h) de R × ] 0 ; +∞ [ on a

h 2 00
f (x + h) = f (x) + h f 0 (x) + f (x + θ1 h) (θ1 ∈ ] 0 ; 1 [ )
2
et
h 2 00
f (x + h) = f (x) + h f 0 (x) + f (x + θ2 h) (θ2 ∈ ] 0 ; 1 [ )
2
De là :

¢ h 2 £ 00
2 f 0 (x) = f (x + h) − f (x − h) + f (x + θ2 h) − f 00 (x + θ1 h) .
¡ ¤
2

138
On en déduit :
¯ 0 ¯ M0 h
¯ f (x)¯ ≤ + M2
h 2
0
Déjà, f est bornée. On cherche maintenant le minimum de l’application

M0 h
h 7→ + M2 ;
h 2
q
2M 0
une simple étude de fonction montre que ce dernier est atteint pour h = M2
¯ p
et il suffit de remplacer h par sa valeur pour obtenir ¯ f 0 (x)¯ ≤ 2M 0 M 2 .
¯

(b) Soit f une fonction de classe C n de R dans R. Si f et f (n+1) sont bornées, toutes
les dérivées intermédiaires f 0 , . . . , f (n) sont aussi bornées
L’idée de la preuve que nous allons donner est d’exploiter l’équivalence des normes
en dimension finie. Pour a dans R et x dans [ 0 ; 1 ] écrivons

f (n+1) (c) n+1 n f (k) (a)


x k = P a (x),
X
f (a + x) − f (a) − x = c ∈ ]a ; a + x [.
(n + 1)! k=1 k!

Le membre de gauche est une fonction bornée sur R, mettons par M . Les poly-
nômes P a (x) forment donc une famille bornée (par M ) de Rn [X ] pour la norme
k·k∞ donnée par kP k∞ = supx∈[ 0;1 ] |P (x)|. Rn [X ] est de dimension finie, k·k∞ est
de ce fait équivalente à la norme ka n X n + · · · + a 1 X + a 0 k = max (|a 0 |, . . . , |a n |) ; il
existe alors donc une constante C telle que, pour tout a de R, kP a (X )k ≤ C M , ce
f (k) (a)
qui montre que les k! sont bornés sur R
x x
2. Pour tout x réel positif : e > 1 + x + · · · + n! .
Il suffit d’appliquer la formule de Mac-Laurin en 0 :

x x2 xn x n+1 θx
ex = 1 + + +···+ + e , θ ∈ [ 0; 1 ]
1! 2! n! (n + 1)!

et le reste est > 0.


Remarques :
i) On déduit de l’inégalité précédente que, pour tout entier n ≥ 1, x n−1 = o (ex ) en
+∞, ce qui permet de retrouver les règles usuelles de domination des fonctions
x n , ex et (ln x)p (par changement de variable) en ∞.
ii) Comme eθx est borné par ex , le reste de Taylor tend vers 0 et l’on retrouve le
développement de ex en série entière (de même pour x < 0).
3. Développement en série entière des fonctions absolument monotones.
Soient I un intervalle ouvert de R, f une fonction de classe C ∞ de I dans R positive
ainsi que toutes ses dérivées. Alors f est analytique.

Preuve : Nous allons montrer que, pour a dans I , et h assez petit, le reste de Taylor-
Lagrange de f en a tend vers 0. Soit r > 0 tel que a − r ∈ I et a + 2r ∈ I . On a
n f (k) (a + r ) f (n+1) (d ) n+1
rk +
X
f (a + 2r ) = f (a + r ) + r , a + r < d < a + 2r.
k=1 k! (n + 1)

139
f (n+1) (d ) n+1
³ ´
Les termes de la somme sont tous positifs. On en déduit que la suite (n+1) r n∈N
est bornée. Du fait que f (n+1) est croissante et positive il vient pour tout c de ] a −r ; a +
r[
f (n+1) (c) n+1 f (n+1) (d ) n+1
0≤ r ≤ r ≤ M r −n−1 ,
(n + 1) (n + 1)
³ ´n+1
f (n+1) (c)
donc si |h| < r , le reste de Taylor entre a et a+h, soit (n+1) h n+1 est borné par M |h|r
Pn f (k) (a) k
et de ce fait tend vers 0. La suite f (a) + k=1 k! h converge ainsi vers f (a + h), et f
est analytique.

Remarque : la preuve fournit une estimation du rayon de convergence R de la série de


Taylor de f en a : tant que r > 0 et a + 2r ∈ I , r minore R.

Exercice : (d’après l’American Monthly) : existe-t-il un nombre c > 0 tel que toutes les
dérivées de la fonction x → x x soient positives pour x > c ?

11.2 L’inégalité de Taylor-Lagrange


11.2.1 Théorème
Soit [ a ; b ] un segment de R, avec a < b, et soit f une application de classe C n de [ a ; b ]
dans l’espace vectoriel normé E , n + 1 fois dérivable sur ] a ; b [ et telle que, pour tout t ∈
[ a ; b ], ° f (n+1) (t )° ≤ M . Alors
° °

° °
° n f (k) (a) ° (b − a)n+1
(b − a)k ° ≤ M
X
° f (b) − f (a) − .
° °
° k=1 k! ° (n + 1)!

Pn f (k) (x)
Démonstration : reprenons la fonction g (x) = f (b) − f (x) − k=1 k!
(b − x)k , g est
n
continue sur [ a ; b ] et la norme de sa dérivée sur ] a ; b [ est majorée par M (b−x) n! . Introdui-
n+1
sons la fonction h(x) = −M (b−x)
° 0 ° 0
(n+1)! . Pour tout t de ] a ; b [ on a °g (t )° ≤ h (t ) ; et l’application
de l’inégalité (9.5.1) des accroissements finis à g et h donne
° °
°g (b) − g (a)° ≤ h(b) − h(a)

d’où la conclusion.

11.3 Le reste intégral


11.3.1 Théorème
Soit [ a ; b ] un segment de R, avec a < b, et soit f une application de classe C n+1 de [ a ; b ]
dans l’espace vectoriel normé E , on a
n f (k) (a) 1
Z b
(b − a)k (b − t )n f (n+1) (t ) dt
X
f (b) = f (a) + +
k=1 k! n! a

140
f (k) (x)
Démonstration : on reprend encore g (x) = f (b) − f (x) − nk=1 k! (b − x)k qui est cette
P

fois de classe C 1 sur [ a ; b ], donc égale à l’intégrale de sa dérivée, comme


(b − x)n (n+1)
g 0 (x) = − f (x)
n!
il suffit d’écrire Z b
g (b) − g (a) = g 0 (t ) dt . QED.
a

11.3.2 Application
Le théorème de Bernstein pour les développements en série entière. Soit a un nombre
réel > 0 et f une fonction de classe C ∞ de [ −a ; a ] dans R. Si pour tout n de N, la fonction
f (2n) est positive, f est développable en série entière sur l’intervalle ] −a ; a [ .

Preuve : premier cas : on suppose que f est paire. Nous convenons dans ce cas que
premier cas de noter g (au lieu de f ) la fonction étudiée.
Chaque dérivée g (2n+1) est impaire et croissante, d’où g (2n+1) (0) = 0 et par la formule de
Taylor avec reste intégral, pour x ≥ 0 nous obtenons

g (2n) (0) (x − t )2n+1 (2n+1)


Z x
g (x) = g (0) + · · · + + I n (x), où I n (x) = g (t ) dt ≥ 0.
(2n)! 0 (2n + 1)!
x−t x−t
Nous obtenons alors que a−t
décroît (dérivée). En écrivant x −t = a−t
(a−t ) ≤ ax (a−t ) il vient
³ x ´n Z x (a − t )2n+1 (2n+2) ³ x ´n ³ x ´n
0 ≤ I n (x) ≤ g (t ) dt ≤ I n (a) ≤ g (a).
a 0 (2n + 1)! a a
Ainsi I n (x) tend vers 0 sur [ 0 ; a [ . Comme I n est paire par différence (I n est le reste de Taylor
de g ) il en est de même sur ] −a ; 0 ] et donc la série de Taylor de g converge vers g .
Deuxième cas : f quelconque. Introduisons la fonction paire g (x) = f (x) + f (−x), ainsi

g (2n) (x) = f (2n) (x) + f (2n) (−x) ≥ f (2n) ≥ 0,

et en particulier g (2n) (0) = 2 f (2n) (0).


f (2n+1) (0) 2n+1
Écrivons alors pour x ∈ ] −a ; a [ , f (x) = f (0) + · · · + (2n+1)!
x + J n (x) où
x (x − t )2n+1 (2n+2)
Z
0 ≤ J n (x) = f (t ) dt ≤ I n (x).
0 (2n + 1)!
Il en résulte déjà que J n (x) tend vers 0, mais on ne peut en déduire pour l’instant que la série
de Taylor de f converge vers f : nous n’avons établi que la convergence des sommes d’ordre
impair de la série de Taylor de f .
f (2n) (0) g (2n) (0)
Pour conclure correctement il suffit de noter que 2 (2n)! x 2n = (2n)! x 2n ; ce dernier terme
tend vers 0 d’après le premier cas, donc la différence entre les sommes d’ordre pair et celles
d’ordre impair tend vers 0, ce qui achève la preuve.

2
¤ π π: £la dérivée 1 + tan (x) de la fonction tan x remplit les conditions
Illustration ¤ du théo-
π π
rème sur − 2 ; 2 . On en déduit que tan x est développable en série entière sur − 2 ; 2 .
£

141
11.4 La formule de Young
11.4.1 Théorème
Si f est une fonction de l’intervalle I de R dans l’espace vectoriel normé E , n fois dérivable
au point a, on a
n f (k) (a)
(x − a)k o (x − a)n .
X
f (x) f (a)
¡ ¢
= + +
k=1 k!

Démonstration : Cette fois, l’idée est d’utiliser une récurrence (l’ordre 1 est la dérivabi-
lité) et le reste de Taylor : f est n − 1 fois dérivable sur un voisinage de a et la dérivée de
n f (k) (a)
(x − a)k
X
R n ( f , a, x) = f (x) − f (a) −
k=1 k!

est
n f (k) (a)
R n−1 ( f 0 , a, x) f 0 (x) − f 0 (a) − (x − a)k−1 .
X
=
k=2 (k − 1)!
Appliquons l’hypothèse ° de récurrence ° : soit ε n−1 > 0, il existe α > 0 tel que, pour tout x de
0
] a − α ; a + α [ on ait R n−1 ( f , a, x) ≤ ε |x − a| . Prenons par exemple x ≥ a et considé-
° °
n
rons la fonction g (x) = ε (x−a)n
. Les fonctions t 7→ R n ( f , a, x) et g (t ) vérifient les conditions
d’application du théorème des accroissements finis, donc
° °
° R n ( f , a, x) − R n ( f , a, a) ° ≤ g (x) − g (a)
n
ce qui se traduit par °R n ( f , a, x)° ≤ ε (x−a)
° °
n
.
La preuve est la même lorsque x < a. QED.

11.4.2 Application
1. Développements limités.
La formule d’Young fournit un développement limité au voisinage du point. Il faut
comprendre qu’il s’agit — au contraire de la formule de Lagrange — d’un résultat local,
qui ne donne que des renseignements sur les limites.
2. Une approximation des dérivées secondes : soit f une fonction à valeurs dans un evn E ,
définie au voisinage du réel a, deux fois dérivable au point a. On veut étudier la limite
en 0 du rapport
f (a + h) + f (a − h) − 2 f (a)
h2
C’est f 00 (a) : il suffit d’écrire

h 2 00
f (a + h) = f (a) + h f 0 (a) + f (a) + o(h 2 )
2
et
h 2 00
f (a − h) = f (a) − h f 0 (a) + f (a) + o(h 2 )
2

142
f (a+h)+ f (a−h)−2 f (a)
Remplaçons dans le quotient : h2
= f 00 (a) + o(1).
(Ce résultat est souvent utilisé pour le calcul approché des dérivées secondes.)

O RDRE DES ZÉROS DES FONCTIONS DE C ∞


Soit f une fonction C ∞ de l’intervalle I de R dans R, et a un zéro de f . On dit que a est
d’ordre infini si toutes les dérivées de f s’annulent en a. Sinon, a est dit d’ordre fini et le plus
petit entier p tel que f (p) (a) soit 6= 0 est appelé ordre de a.

11.4.3 Proposition
Tout zéro de f d’ordre fini est isolé.

Démonstration : Écrivons la formule d’Young en a soit


p
f (k) (a)
(x − a)k ε(x − a)p
X
f (x) = f (a) + +
k=1 k!

où ε(x) tend vers 0 en a. Par l’hypothèse, toutes les dérivées de f en a sont nulles sauf la p e
et l’on peut écrire :
µ (p)
p f (a)

f (x) = (x − a) + ε(x)
p!
¯ (p) ¯
¯ f (a) ¯
On choisit alors α > 0 tel que, pour tout x de ] a −α ; a +α [ on ait |ε(x)| < ¯ p! ¯ et il est clair
que a est le seul zéro de f sur ] a − α ; a + α [ .

Corollaire : Si f possède une infinité de zéros dans le compact [ a ; b ], il en est au moins


un qui est d’ordre infini.

Preuve : Dans le cas contraire, on disposerait d’un sous-ensemble discret, infini et fermé
dans le compact [ a ; b ], ce qui est impossible d’après le théorème de Bolzano-Weierstrass.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : Demailly [Dem91] pour la formule d’Euler-Mac Laurin,


voir aussi [Bou76].

EXERCICES

1) Écrire explicitement la formule de Taylor-Lagrange pour f (x) = ln(1 + x) à l’ordre n


k−1
en 0. En déduire la limite quand n tend vers +∞ de nk=1 (−1)k .
P

2) On suppose f de classe C n+2 de [ −α ; α ] dans R, avec f (n+2) jamais nulle. Étudier la


limite en 0 du terme θx de la formule de Mac Laurin de f à l’ordre n.
3) Soient a un réel >¯ 0, f dans C 2 ([ −a ; a ], R). Pour k dans {¯0, 1, 2¯} on pose ¡
M k = sup ¯ f (x)¯. Montrer que, pour tout x de [ −a ; a ], ¯ f 0 (x)¯ ≤ a1 M 0 + x 2 + a 2 M
¯ (k)
2a .
¢ 2
2
p
En déduire que, si φ est une fonction bornée de classe C de R dans R, M 1 ≤ M 0 M 2 ,
(M k étant cette fois relatif à φ).

143
P ROBLÈME :
Notation : dans tout ce qui suit, f est une fonction de classe C 2 de R dans R, m est un
nombre entier ≥ 1, et E m l’espace vectoriel des polynômes réels de degré m, muni de son
unique topologie d’evn de dimension finie.

Définitions : On dit que la fonction g de A m = C m (R, R) est m-plate sur la partie P de R


lorsque : ∀x ∈ P, g (x) = · · · = g (m) (x) = 0, lorsque g est de classe C ∞ et m-plate sur P pour
tout m on dit que f est plate sur P .

I. Lemme de Silov
Soient φ et ϕ dans A m ; lorsque g est C m au voisinage du point a de R, T (g , m, a) dé-
signe le polynôme de Taylor d’ordre m de g au point a ; on note enfin P a le polynôme
T (ϕ, m, a) lorsque a est dans Ω, et l’on pose T (φ, m, a) lorsque a ∈ F .
P a (x) est noté : f 0 (a) + f 1 (a)x + · · · + f m (a)x m .
On suppose, dans tout le I., que a 7→ P a est une application continue de R dans E m .
Sous les hypothèses faites, nous allons obtenir que f 0 est de classe C m sur R, de poly-
nôme T ( f 0 , m, a) = P a sur R.
1°) On suppose ici m = 1
a) On fait l’hypothèse : f 1 est identiquement nulle. Montrer que f 0 est constante
(on distinguera les cas : a ∈ Ω, a est un point isolé de F , est un point d’accu-
mulation de F , DESSIN !).
b) Conclure dans le cas m = 1.
2°) Démontrer le résultat annoncé pour tout m ≥ 2 (Lemme de Silov).
II. Théorème de Glaeser
Le but final est de prouver
p le résultat suivant : si f est 2−plate sur l’ensemble v ( f ) de
1
ses zéros, la fonction f est de classe C .
0 00
1°) (Lemme de Malgrange) On suppose ¯ 00 ¯ : g ∈ A 2 , g positive, g (0) = g (0) = g (0) = 0,
et pour tout x de [ −2c ; 2c ] : ¯g (x)¯ ≤ M
a) Montrer que, pour tout x de [ −2c ; 2c ], ¯g 0 (x)¯ ≤ Mc
¯ ¯

b) En déduire, sur [ −2c ; 2c ] : g 02 (x) ≤ 2M g (x) (On commencera par prouver


2
que le trinôme f (x) + t f 0 (x) + t2 M est positif pour tout t réel).
2°) Conclure en appliquant la partie I. f est de classe C 1 .
p

144
Chapitre 12

Fonctions convexes

12.1 Définitions, inégalités de convexité

12.1.1 Définition
Une fonction f de ¡ l’intervalle ¢I de R dans R est dite convexe si, pour tout x, y de I , et tout
λ de [ 0 ; 1 ], on a : f λx + (1 − λ)y ≤ λ f (x) + (1 − λ) f (y).

— f est dite strictement convexe si l’inégalité précédente est stricte dès que x < y et 0 <
λ < 1.

— On dit que f est concave si − f est convexe, les résultats démontrés ici s’appliquent
avec les modifications nécessaires (sens des inégalités...) aux fonctions concaves.

Rappelons que la convexité d’une fonction se lit sur la partie de


ª plan située au dessus du
graphe de f , l’épigraphe de f : épi( f ) = (x, y) ∈ I × R | f (x) ≤ y ; f est convexe ssi épi( f )
©

est une partie convexe du plan. La stricte convexité correspond au fait que le graphe de f ne
contient pas trois points distincts alignés.

Vérifiez-le analytiquement ! De façon générale, l’étude des fonctions convexes est un


excellent apprentissage de l’une des méthodes de découverte fondamentale en mathéma-
tiques : s’appuyer sur un dessin pour informer et guider une preuve. Il est indispensable de
savoir passer d’une constatation géométrique à une démonstration d’analyse logiquement
sans faille ; ce n’est pas toujours simple, il faut s’y exercer longuement.

12.1.2 Premières propriétés


— La somme de deux fonctions convexes, le produit d’une fonction convexe par un sca-
laire positif sont des fonctions convexes (mais les fonctions convexes ne forment pas
un espace vectoriel).

— La borne supérieure d’une famille majorée de fonctions convexes est convexe.

Nous disposons d’abord de l’inégalité fondamentale suivante :

145
12.1.3 Théorème
Si f est une fonction convexe de I dans R, si x 1 , . . . , x n sont dans I et si les réels positifs
λ1 , . . . , λn vérifient λ1 + · · · + λn = 1, nous avons :

f (λ1 x 1 + · · · + λn x n ) ≤ λ1 f (x 1 ) + · · · + λn f (x n ) .

Démonstration : par récurrence sur n. Le résultat, pour n = 2, vient de la définition de


la convexité de f . Supposons alors la proposition vraie au rang n, et donnons-nous n + 1
scalaires positifs λ1 , . . . , λn+1 tels que λ1 + · · · + λn+1 = 1. Si l’un des λi est nul, l’hypothèse de
récurrence s’applique ; sinon λ1 > 0, ...,λn+1 > 0 et l’on introduit

λ1 x 1 + · · · + x n λn
α = λ1 + · · · + λn > 0 ( 1 − α = λn+1 ) puis x= .
α
Par convexité de f
f (αx + (1 − α)x n+1 ) ≤ α f (x) + (1 − α) f (x n+1 )
ce qui s’écrit

λ1 x 1 + · · · + λn x n
µ ¶
f (λ1 x 1 + · · · + λn+1 x n+1 ) ≤ α f + λn+1 f (x n+1 ).
α
³ ´
Appliquons l’hypothèse de récurrence à f λ1 x1 +···+λ
α
n xn
, ce qui est licite puisque la somme
λi
des α
est 1, nous obtenons

λ1 x 1 + · · · + λn x n λ1 λn
µ ¶ µ ¶
αf ≤ α f (x 1 ) + · · · + f (x n )
α α α
finalement

f (λ1 x 1 + · · · + λn+1 x n+1 ) ≤ λ1 f (x 1 ) + · · · + λn+1 f (x n+1 ) . QED.

— La lecture de cette démonstration montre que l’inégalité obtenue est stricte si f est
strictement convexe et si les nombres λi sont non nuls, et les x i non tous égaux.
— Le cas le plus important est celui, le plus simple, où λ1 = · · · = λn = n1 ; si f est de plus
une fonction strictement convexe, l’égalité équivaut au fait que les x i sont tous égaux.
On obtient ainsi nombre d’inégalités classiques, avec le cas d’égalité.

12.1.4 Premières inégalités


Nous allons utiliser le théorème précédent pour obtenir les premières inégalités de convexité.
Il est admis pour l’instant qu’une fonction f deux fois dérivable vérifiant f 00 > 0 est stricte-
ment convexe ; par exemple f (x) = ex est strictement convexe ; il en est de même, pour r > 1
de f (x) = x r sur ] 0 ; +∞ [ .
1. On a sin x ≥ 2x
£ π¤
π sur 0; 2 .
Il suffit de constater que le sinus est concave sur l’intervalle en question donc situé
au-dessus de sa corde. Cette inégalité dite de Jordan permet des évaluations fines de
certaines sommes trigonométriques.

146
2. Inégalité arithmético-géométrique :
Celle-ci s’énonce : pour tous réels positifs x 1 , . . . , x n
p 1
n
(x 1 + · · · + x n )
x1 · · · xn ≤
n
l’inégalité est stricte sauf si les x i sont tous égaux.
Démonstration : Si l’un des x i est nul, le résultat est clair. Sinon, une telle situation
amène naturellement à passer à l’exponentielle, c’est-à-dire à poser : x i = e y i . L’inéga-
lité à démontrer équivaut alors à
1 1 ¡ y1
e n ( y 1 +···+y n ) ≤
e + · · · + eyn
¢
n
qui provient immédiatement de la convexité de l’exponentielle.
Cas d’égalité : La stricte convexité de l’exponentielle et le fait que les coefficients x i
soient tous > 0 montre que l’égalité n’est réalisée qu’à la condition x 1 = · · · = x n .

Les applications de cette inégalité sont très nombreuses, en particulier en présence


de symétries. Donnons une illustration géométrique, d’autres sont proposées en pro-
blème.
Application : on va déterminer le maximum du produit P des distances d’un point
M intérieur à un tétraèdre régulier T = (A 1 , A 2 , A 3 , A 4 ) aux côtés de T . On note d i la
distance de M à la face opposée à A i , et S la surface commune des aires de T . Le
volume du tétraèdre limité par la face opposée à A i et M est alors 13 d i S (formule du
tronc de cône) et de ce fait S(d 1 + · · · + d 4 ) = 3V , où V est le volume de T . La somme
d 1 + · · · + d 4 est donc constante, et l’inégalité arithmético-géométrique nous dit que
³ ´4
d 1 +···+d 4
P≥ 4 , avec égalité ssi tous les d i sont égaux, le maximum cherché est donc
¡ 3V ¢4
4S
, atteint au centre du tétraèdre.
3. Inégalité de Hölder :
Soient a 1 , . . . , a n et b 1 , . . . , b n des nombres réels positifs, et p, q, deux nombres réels > 1
tels que : p1 + q1 = 1 (on appelle un tel couple (p, q) une paire d’exposants conjugués).
Alors :
à !1 à !1
n n p n q
X X p X q
ai bi ≤ ai bi
i =1 i =1 i =1
Preuve : on prouve tout d’abord que, pour tous nombres x et y positifs on a
1 p 1 q
xy ≤ x + y .
p q
C’est clair si l’un de x ou de y est nul. Sinon, l’on écrit x = eu , y = ev , et l’inégalité à
démontrer vient alors moyennant la convexité de l’exponentielle
1
pu )+ q1 (q v ) 1 pu 1 q v
eu+v = ep( ≤ e + e .
p q
1 1
p¢ q¢
Cela fait, posons A = ni=1 a i p et B = ni=1 b i q .
¡P ¡P

À nouveau, si l’un de A ou B est nul tout est clair ; sinon soit


ai bi
xi = et yi = pour i ∈ ‚1, nƒ
A B

147
D’après la première inégalité établie
1 p 1 q
xi y i ≤ x + y pour i ∈ ‚1, nƒ
p i q i
Après sommation et simplification, nous obtenons
n
X 1 1
xi y i ≤ + =1
i =1 p q
et l’on retombe sur l’inégalité à démonter. QED.

On en déduit usuellement l’
4. Inégalité de Minkowski :
à !1 à !1 à !1
n p n p n p
p p
(a i + b i )p
X X X
≤ ai + bi .
i =1 i =1 i =1

B : il y a une idée à retenir qui consiste à introduire le sous-ensemble de R+n :


( )
n ¯ ¯
B (q) = y = (y 1 , . . . , y n ) ∈ Rn ¯ y i ¯q = 1 .
X
i =1

Soit ensuite x = (x 1 , . . . , x n ) dans Rn , x 6= 0, on a


à !1 ¯ ¯
n p ¯X n ¯
|x i |p
X
N p (x) = = max ¯ x i y i ¯
¯ ¯
i =1 y∈B (q) ¯i =1 ¯

En effet, l’inégalité de Hölder montre que le membre de droite est inférieur au membre
p−1
de gauche ; l’égalité est obtenue en considérant y i = Np1(x) εi x i , i = 1, . . . , n, où εi est
le signe de x i (le vérifier ! Ce n’est pas très difficile mais il vaut mieux l’avoir fait avant
un éventuel exposé). De là
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯X n ¯ ¯X n ¯ ¯X n ¯
N p (x + z) = max ¯ (x i + z i )y i ¯ ≤ max ¯ x i y i ¯ + max ¯ z i y i ¯
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
y∈B (q) ¯i =1 ¯ y∈B (q) ¯i =1 ¯ y∈B (q) ¯i =1 ¯

Soit
N p (x + z) ≤ N p (x) + N p (z).
Associée à l’inégalité de Minkowski, l’inégalité de Hölder joue un rôle fondamental
dans l’étude des espaces normés, en particulier dans le cadre des espaces mesurés, cf.
les « espaces L p » (§ 38).

Exercice : Inégalité de Jensen :


Soit φ un fonction convexe continue de l’intervalle I de R, et f une application réglée de
[ 0 ; 1 ] dans I . Montrer l’inégalité de Jensen :
Z 1 µZ 1 ¶
φ◦ f ≥ φ f .
0 0

Indication : On peut ici utiliser des sommes de Riemann, l’inégalité vient alors immé-
diatement par passage à la limite.

148
12.2 Régularité des fonctions convexes
Lorsque a est un point de I , on note p a la pente de f en a :
pa : I \ { a } → R
f (x)− f (a)
x 7→ x−a
Il est clair que l’existence d’une limite à droite (resp. à gauche) de p a en a équivaut, par
définition, à l’existence d’une dérivée à droite (resp. à gauche) en a.

12.2.1 Théorème
Pour que f soit convexe, il faut et il suffit que, pour tout a de I , la fonction p a soit crois-
sante.

Démonstration : montrons d’abord que, si f est convexe, p a est croissante. Soit x < y
dans I \ { a }, on distingue plusieurs cas :
Premier cas : a < x < y. L’idée est, dans tous les cas de figure, d’écrire le terme central comme
combinaison barycentrique des deux autres. On détermine donc λ dans ] 0 ; 1 [ tel que :
y −x
x = λa + (1 − λ)y, ici λ = .
y −a
Comme f est convexe
f (x) = f λa + (1 − λ)y ≤ λ f (a) + (1 − λ) f (y).
¡ ¢

En explicitant
y −x x −a
f (x) ≤ f (a) + f (y).
y −a y −a
De là, en chassant les dénominateurs et en réorganisant p a (x) ≤ p a (y).
Les autres cas : x < a < y et x < y < a se traitent de même.
Supposons ensuite les pentes croissantes. Soient x et y dans I , x < y, λ dans [ 0 ; 1 ], et a = λx +
y−x
(1 − λ)y. L’hypothèse se traduit par p a (x) ≤ p a (y), et comme λ = y−a il vient en réorganisant
à nouveau
f λx + (1 − λ)y ≤ λ f (x) + (1 − λ) f (y). QED.
¡ ¢

Interprétation géométrique : l’inégalité des trois pentes (Fig. 12.1).


L’ordre dans lequel ces pentes se placent naturellement est la clé de l’étude de la régularité
des fonctions convexes.

12.2.2 Corollaire
La fonction convexe f : I → R admet en tout point de l’intérieur de I des dérivées à droite
et à gauche.

Démonstration : soit a un point intérieur à I . Fixons y > a (c’est possible...). Pour tout
x−a y−x
x < a on a, du fait de la croissance de la fonction p a : x−a ≤ y−a . Ceci montre que la fonction
croissante p a est majorée sur I ] −∞ ; a [ , donc admet une limite finie au point a.
T

Pour prouver l’existence d’une dérivée à droite en a l’idée est la même de bloquer un x < a,
puis d’utiliser pour « butoir » p a (x) pour contrôler la fonction p a (y) pour y > a.

149
y C
b

b
A

Bb
Γf

F IGURE 12.1 – L’inégalité des trois pentes

12.2.3 Corollaire
La fonction convexe f : I → R est continue sur l’intérieur de I .

En effet, une fonction admettant une dérivée à droite est continue à droite ; de même à
gauche.

B ! Comme le montre le cas de la fonction caractéristique de { 0, 1 } dans [ 0 ; 1 ] une fonc-


tion convexe sur un segment peut fort bien ne pas être continue en ses extrémités.

Si f est une fonction numérique définie sur l’intervalle I de R, nous appellerons droite
d’appui de f en a toute droite D admettant une équation y = px + q telle que f (a) = pa + q
et, pour tout x de I , px + q ≤ f (x) (interpréter géométriquement).

12.2.4 Corollaire
La fonction convexe f : I → R admet en tout point de l’intérieur de I une droite d’appui
pour son épigraphe.

Démonstration : soit a un point intérieur à I , on sait que f admet une dérivée à droite
β et une dérivée à gauche α ; la construction même de ces dérivées montre que l’on a pour
tout choix de x, y dans I , tels que x < a < y

f (x) − f (a) f (y) − f (a)


≤α≤β≤ .
x −a y −a

On choisit alors un nombre λ dans α ; β pour obtenir, en distinguant les cas z ≤ a et z ≥ a


£ ¤

∀z ∈ I , f (z) ≥ f (a) + λ(z − a) = g (z).

150
Le graphe de g est alors une droite d’appui de l’épigraphe de f .

Γg 1 Γf Γg 2

F IGURE 12.2 – Les deux droites Γg 1 et Γg 2 sont des droites d’appui de l’épigraphe de f

12.2.5 Proposition
Une fonction convexe sur un intervalle ouvert est l’enveloppe supérieure d’une famille de
fonctions affines.

Démonstration : Choisissons en chaque point a de I une fonction affine d’appui pour


l’épigraphe de f , soit g a . La famille g a a∈I est alors majorée par la fonction f , soit φ sa
¡ ¢

borne supérieure. On a φ ≤ f par construction, d’autre part si a est dans I ,

φ(a) ≥ g a (a) = f (a)

donc φ ≥ f et de ce fait φ = f .

Application : retrouvons l’inégalité de Jensen dans le cas général : soit f une fonction
intégrable de [ 0 ; 1 ] dans R, à valeurs
R 1 dans l’intervalle ] a ; b [ et soit φ une fonction convexe
de ] a ; b [ dans R. Le nombre I = 0 f (x) dx est alors dans ] a ; b [ et l’on a
µZ 1 ¶ Z 1
φ f (x) dx ≤ φ ◦ f (x) dx.
0 0

Preuve : par l’intégration des inégalités strictes a < f (x) < b sur [ 0 ; 1 ] il vient I ∈ ] a ; b [ .
Passons à l’inégalité : dans le cas où la¡ fonction est affine, l’inégalité à démontrer est en fait
une égalité. Dans le cas général, soit ψi i ∈J une famille de fonctions affines dont φ est la
¢

borne supérieure ; pour tout i de J nous disposons de l’inégalité


µZ 1 ¶ Z 1 Z 1
ψi f (x) dx = ψi ◦ f (x) dx ≤ φ ◦ f (x) dx.
0 0 0

151
En prenant la borne supérieure du membre de gauche
µZ 1 ¶ Z 1
φ f (x) dx ≤ φ ◦ f (x) dx. QED.
0 0

12.2.6 Théorème
Soit f dans ∆1 (I , R) ; f est convexe si et seulement si f 0 croît.
¤ Démonstration : supposons d’abord f convexe, et soient x < y dans I . Pour tout z de
x ; y , f (x) étant la limite à droite en x de la fonction croissante p x (z) il vient f 0 (x) ≤ p x (z).
£ 0

De même, p x (z) ≥ p x (y) = p y (x) ≥ f 0 (y). Donc f 0 (x) ≥ f 0 (y).


Supposons réciproquement que f 0 croît. Si f n’est pas convexe, il existe a < b dans I et
c dans ] a ; b [ tel que (c, f (c)) soit strictement au-dessus de la corde joignant (a, f (a)) et
(b, f (b)). En procédant comme dans le théorème 11.2.1 (c = λa + (1 − λ)b etc.) on voit que :

f (c) − f (a) f (b) − f (c)


> .
c −a b −c
L’application de l’égalité des accroissements finis dans ] a ; c [ et ] c ; b [ fournit des nombres
α et β tels que :

f (c) − f (a) f (b) − f (c)


a < α < c < β < b, = f 0 (α), = f 0 (β)
c −a b −c
d’où f 0 (β) < f 0 (α), ce qui contredit la croissance de f .

12.2.7 Corollaire
Soit f dans ∆2 (I , R). f est convexe ssi f 00 est positive.

Enfin revenus au point de départ !

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : tout livre de bon niveau sur les inégalités. L’ouvrage clas-
sique de Hardy, Littlewood et Polya [HLP51] est un traité de base, mais les notations qui y
sont employées sont anciennes et pesantes. Personnellement je préfère le traité, moins com-
plet mais plus agréable, de Bechenbach et Bellman [BB71]. Pour une introduction claire aux
fonctions convexes de plusieurs variables, voir Roberts [Rob74].

EXERCICES

1) Montrer que la borne supérieure d’une famille majorée de fonctions convexes est
convexe. En déduire que, si f : I → R dérivable vérifie :

∀a ∈ I , ∀x ∈ I , f (x) ≥ f (a) + f 0 (a)(x − a),

alors f est convexe (ce résultat peut également être démontré en notant que, sous les
hypothèses faites, la dérivée de f est croissante, mais on obtient ainsi une preuve plus
naturelle de ce phénomène, et qui se généralise bien en dimension > 1).

152
2) Si la somme de deux fonctions convexes est affine, elles sont toutes les deux affines.
3) Soit f : I → R une fonction convexe.
a) Si f possède un maximum local en un point intérieur à I , f est constante au
voisinage du dit maximum.
b) Si f possède deux minima locaux, f est constante entre les points de minimisa-
tion. Conséquences ?
4) Soit f : I → R une fonction convexe dérivable, si c est un point d’annulation de la
dérivée de f , f (c) est le minimum absolu de f sur I . Que se passe-t-il si l’on enlève
l’hypothèse de convexité ?
5) Soit f une fonction continue sur un intervalle I de R satisfaisant à la relation :
³x + y ´ f (x) + f (y)
∀(x, y) ∈ I 2 , f ≤ .
2 2

Montrer que f est convexe. Fournir un contre-exemple si f n’est plus supposée conti-
nue.

P ROBLÈME :

I. Étude des moyennes


Soient f et g deux applications continues strictement croissantes de l’intervalle I de
R dans R. Étant donné n nombres x 1 , . . . , x n¡ de I , on appelle f¢ -moyenne de x 1 , . . . , x n
l’unique réel m (justifier) tel que : f (m) = n1 f (x 1 ) + · · · + f (x n ) . On notera M f la fonc-
tion de x 1 , . . . , x n ainsi obtenue.
a) Retrouver avec f convenable les notions de moyenne arithmétique, harmonique,
géométrique et plus généralement d’ordre p. On notera M p la moyenne d’ordre
p.
b) Montrer que M f ≤ M g ssi, ou bien g est croissante et g ◦ f −1 convexe, ou bien g
est décroissante et g ◦ f −1 concave ; à quelle condition a-t-on M f = M g ?
c) Traduire les résultats de b) lorsque f et g sont munies de dérivées premières et
secondes, avec f 0 et g 0 jamais nulles. Appliquer ce résultat à la comparaison des
moyennes d’ordre p.
d) Soit f une fonction de R∗+ dans R telle que, pour tout x 1 , . . . , x n > 0, et tout réel
k > 0, M f (kx 1 , . . . , kx n ) = kM f (x 1 , . . . , x n ). Montrer qu’il existe p tel que M f = M p .

II. Méthodes de quasi-linéarisation


Dans tout ce qui suit (p, q) est une paire d’exposants (> 1) conjugués.
1°) Lorsque n est dans N, on note G(n) le sous-ensemble de R∗+ :
( )
n 1
(y 1 , . . . , y n ) ∈ R∗+
Y
n
G(n) = | yi = 1
i =1

153
Vérifier, que pour tout (x 1 , . . . , x n ) de R∗+ on a
( )
Yn 1 Xn
n
x i = inf x i y i | (y 1 , . . . , y n ) ∈ G(n)
i =1 i =1

(utiliser l’inégalité arithmético-géométrique).


2°) Adapter la technique utilisée pour l’inégalité de Minkowski pour établir les in-
égalités suivante sur R∗+ :
n ¡
Y ¢1 n
Y 1 n
Y 1
xi + y i n ≥ x in + y in et
i =1 i =1 i =1
Pn p Pn p Pn p
i =1 (x i + y i ) i =1 x i i =1 y i
Pn p−1
≤ p−1
+ p−1
i =1 (x i + y i )
Pn Pn
i =1 x i i =1 y i

3°) Montrer enfin que, pour des réels convenables :


¢1 1
p p p¢p
(x 1 + y 1 )p − (x 2 + y 2 )p − · · · − (x n + y n )p p x1 − x2 − · · · − xn
¡ ¡
≥ +
1
p p p¢p
y1 − y2 − · · · − yn
¡

154
Chapitre 13

Le théorème de Cesàro

Au départ, celui-ci se présente sous la forme suivante : si une suite (u n )n∈N tend vers l , la
suite des moyennes
u0 + · · · + un
n +1
tend aussi vers l . Il est aisé de reprendre le raisonnement de « découpe » qui conduit à la
preuve du résultat évoqué, en remplaçant l’énoncé par le suivant :

13.1 Théorème
Soit (u n )n∈N une suite réelle tendant vers une limite l (éventuellement infinie), et soit α0 +
· · · + αn une suite de réels > 0 telle que n∈N αn diverge. La suite des moyennes α-pondérées :
P

α0 u 0 + · · · + αn u n
α0 + · · · + αn
tend aussi vers l .

On constate immédiatement que l’énoncé classique vient avec la suite constante αn = l ,


comme de nombreuses utilisations demandent l’énoncé généralisé, c’est celui que nous dé-
montrons.

Preuve : celle-ci se fait en deux étapes.


Remarquons tout d’abord que la suite α0 + · · · + αn est croissante par positivité de αn et
divergente par hypothèse, elle croît donc vers +∞. On écrit ensuite

α0 u 0 + · · · + αn u n α0 (u 0 − l ) + · · · + αn (u n − l )
− l =
α0 + · · · + αn α0 + · · · + αn
et l’on procède par majoration explicite : soit ε un nombre réel > 0. On choisit un premier
entier n 0 pour que ∀n ≥ n 0 , |u n − l | ≤ ε, et l’on écrit pour n > n 0
α0 (u 0 − l ) + · · · + αn0 (u n0 − l ) αn0 +1 (u n0 +1 − l ) + · · · + αn (u n − l )
vn − l = + = sn + r n
α0 + · · · + αn α0 + · · · + αn
Chaque terme du numérateur de (r n )n∈N étant borné (c’est-à-dire majoré en valeur absolue)
par αk ε, le dernier terme est majoré en valeur absolue par ε.

155
A n 0 bloqué, le numérateur de s n est constant, comme α0 + · · · + αn tend vers +∞, s n tend
vers 0 ; on peut de ce fait trouver n 1 > n 0 tel que, pour tout n ≥ n 1 , |s n | < ε. De là :

∀n ≥ n 1 , (v n − l ) < ε. QED.

Le cas où la suite tend vers l’infini se démontre de façon similaire, c’est un exercice impor-
tant pour le lecteur que de le traiter.

13.2 Extension
Le théorème est bien sûr valable pour les suites à valeur dans un evn, en particulier pour
les suites complexes, en remplaçant au besoin les valeurs absolues par des normes.
Faisons une remarque d’ordre général sur les preuves en analyse : le fait de donner au dé-
part un nombre ε > 0 signifie que l’on va raisonner par approximation et encadrement. Les
théorèmes fondateurs de l’analyse sont en général de cette nature (parfois de façon im-
plicite lorsque les preuves sont basées sur la monotonie). Au contraire, les raisonnements
catégoriels rattachent le problème posé à des résultats plus élaborés
³ supposés
´ acquis ; par
1
exemple les raisonnements de convergence de séries en « u n = O n2
» où d’intégrales en
³ ´
« f (x) = O x12 » qui, au fond, viennent du critère de Cauchy.

B : la réciproque est fausse, c’est-à-dire que la suite (v n )n∈N peut converger alors que
(u n )n∈N diverge : il suiffit par exemple de prendre u n = (−1)n , et plus généralement toutes
les suites divergentes dont les sommes partielles forment une suite bornée.

13.3 Applications
Elles sont nombreuses. Nous nous contenterons d’exposer ici les premières d’entre elles,
se reporter aux § 14.6.1 « comparaisons des fonctions », et § 26 « problèmes de convergence
radiale : étude asymptotique des séries entières » pour d’autres illustrations importantes.
Quant au principe de découpe qui constitue le ressort essentiel de la preuve, il intervient
encore dans bien d’autres lieux : intégration des relations de prépondérances (14.7), trans-
formation de Laplace (§ 21.4), etc.
1. « D’Alembert implique Cauchy »
Le lecteur connait les critères de d’Alembert et de Cauchy pour les séries entières
n
n∈N a n z :
P
¯ ¯
— le premier s’exprime par : s’il existe ρ = lim ¯ aan+1 ¯, le rayon de convergence de
¯ ¯
n→+∞ n
n 1
n∈N a n z est R = ρ ;
P

1
— le second est moins restrictif : si ρ = lim sup |a n | n , le rayon de convergence de
n→+∞
n 1
a z est R = .
P
n∈N n ρ
Le premier de ces critères suppose une plus grande régularité que le second, on s’at-
tend donc naturellement à l’existence de liens entre ces deux résultats ; c’est exact et
l’on a encore un résultat plus précis :

156
1
¯ ¯ ³ ´
¯ an+1 ¯
S’il existe ρ = lim ¯ an ¯, la suite |a n | n converge vers ρ.
n→+∞ n∈N

Démonstration : pour ramener ce problème de caractère multiplicatif à un problème


additif, on introduit la suite b n = ln |a n |. L’hypothèse faite sur la suite (a n )n∈N se traduit
par la convergence de v n = b n+1 −b n vers ln ρ (le cas échéant, +∞ ou −∞). Appliquons
le théorème de Cesàro à la suite (v n )n∈N , nous constatons que bnn tend vers ln ρ (ou...),
1
³ ´
donc la suite |a n | n converge vers ρ.
n∈N
2. Recherche d’un équivalent d’une suite récurrente :
Il s’agit par exemple de donner un équivalent de la suite récurrente définie par la don-
née de
u 0 = a ∈ ] 0 ; π [ et la relation : u n+1 = sin u n .
On sait (cf. § 10 : suites récurrentes) que (u n )n∈N décroît vers 0.
3
Du développement limité sin x = x − x6 + o(x 3 ) on déduit que le quotient

u n+1 u n2
= 1 − + o(u n2 )
un 6

tend vers 1. L’idée est maintenant d’utiliser le développement limité du sinus pour
étudier les suites de la forme v n = u1a − u a1 : pour a bien choisi, (v n )n∈N converge vers
n n+1
une limite non nulle donc aussi sa moyenne de Cesàro, ce qui fournit un équivalent
de (u n )n∈N . On a donc
¶a ¶a
u n3 u n2 u n2
µ µ µ ¶
a
u n+1 = un − + o(u n3 ) = u na 1− + o(u n2 ) = u na 1−a + o(u n2 )
6 6 6

puis

u n2
1 1 a
u n+1 − u na −a 6
+ o(u n2 )
vn = − = =
u na a
u n+1 a
u n+1 u na a
u n+1

(v n )n∈N tend vers la limite finie − 31 lorsque a = 2, ce que l’on choisit désormais. Le
théorème de Cesàro sous sa forme classique nous dit alors que

1 Xn 1
vk −−−−−→ −
n k=0 n→+∞ 3

mais
n
X 1 1
vk = − ,
k=0 u 02 2
u n+1
2
donc nu n+1 tend vers 3 et par équivalence de u n et de u n+1 :
r
3
un ∼
n→+∞ n

157
EXERCICES

Le but du petit texte qui suit est de tester la compréhension par le lecteur de la méthode
de Cesàro, ainsi que sa rigueur en analyse élémentaire. (Attention, il y a quelques épines
cachées !)
On note E le R-ev C (R, R), et Φ l’application de E dans RR qui à la fonction f de E associe
l’application F : R+ → R définie par :
1 x
Z
F (0) = f (0) et F (x) = f (t ) dt si x > 0
x 0
a) Montrer que Φ est un endomorphisme de E .
b) Montrer que, si f possède une limite en +∞, F aussi.
c) Déterminer les valeurs propres et les vecteurs propres de Φ.

P ROBLÈME :
Dans toute la suite du problème, si l’on dispose d’une série réelle ou complexe, la lettre
minuscule se rapporte au terme général de la série, et la lettre majuscule aux sommes par-
tielles. Ainsi, pour la série de terme général (u n )n∈N , on a : Un = u 0 + · · · + u n , U est la somme
si elle existe. l ∞ (N) désigne l’ensemble des suites réelles bornées, muni de la norme sup.
k·k∞ ; on rappelle que cet espace est complet.
L’objet du problème est l’étude de certains processus permettant d’associer une « somme »
à une classe de séries plus large que la classe (C ) des séries convergentes, de sorte que la
condition de permanence suivante soit vérifiée : si n∈N u n converge de somme S, le pro-
P

cessus associe à la série n∈N u n la même somme S. Par exemple, le procédé qui à la suite
P
1
Un associe la suite n+1 (U0 + · · · +Un ) transforme une suite convergente (Un )n∈N en une suite
1
convergente de même limite, donc est permanent. Si n+1 (U0 + · · · +Un ) converge on dit que
la suite
¡ (U¢ n )n∈N , ou la série n∈N u n , converge au sens de Cesàro.
P

Soit c µ,n (µ,n)∈N×N une suite de réels indexée par N × N. On suppose dans toute cette partie
que +∞ ¯c µ,n ¯ converge pour tout µ fixé dans N, de somme notée S µ .
P ¯ ¯
n=0

1°) Montrer que, pour tout µ, l’application :

Tµ : l ∞ (N) → R
+∞
(a n )n∈N 7→ c µ,n a n
P
n=0

est correctement définie et continue.


2°) On suppose les conditions suivantes réalisées :
(P1 ) la suite S µ µ∈N est bornée
¡ ¢

(P2 ) pour tout n fixé, la suite µ → c µ,n tend vers 0


+∞
(P3 ) si s µ = c µ,n , la suite s µ µ∈N tend vers 1.
P ¡ ¢
n=0
Montrer que, pour toute suite convergente a = (a n )n∈N , la suite µ → Tµ (a) converge
vers la même limite que a (on se ramènera d’abord au cas où la suite tend vers 0).
Montrer que l’on retrouve ainsi le théorème de Cesàro (généralisé).

158
3°) Il s’agit de prouver la réciproque de 2°).
a) Préliminaire topologique : soit (u n )n∈N une suite de formes linéaires continues
sur l’evn complet (E , k·k). On suppose que la suite (|||u n |||)n∈N n’est pas bornée.
(i) Montrer que, pour tout p de N, F p = x ∈ E | ∀n ∈ N, |u n | ≤ p est un fermé
© ª

d’intérieur vide.
(ii) En déduire l’existence d’un point x de E en lequel la suite (u n (x))n∈N n’est
pas bornée (on pourra admettre le théorème de Baire - § 3 exercices).
Quel énoncé obtient-on si l’on suppose au contraire que la suite (u n (x))n∈N
converge pour tout x de E ?
b) Montrer que le sous-espace c 0 de l ∞ formé des suites de limite nulle est complet
pour k·k∞ .
c) Trouver la norme de Tµ sur c 0 (c 0 étant muni de k·k∞ ).
d) On fait maintenant l’hypothèse que pour toute suite convergente a¡ = (a¢ n )n∈N , la
suite µ → Tµ (a) converge vers la même limite que a. Prouver que c µ,n (µ,n)∈N×N
vérifie les hypothèses (P1 ), (P2 ) et (P3 ).

159
160
Chapitre 14

Comparaison des fonctions

14.1 Préliminaires : propriétés locales


L’expression « la propriété P est locale » est souvent employée à propos de nombreux
problèmes relatifs aux fonctions : existence de limite, continuité, dérivabilité... et tout étu-
diant s’interroge un jour ou l’autre sur la définition mathématique exacte du concept. Nous
emploierons dans le livre la convention suivante :
Soient E un espace topologique, A une partie de E , a un point de A et F un ensemble. On
note ∼ la relation définie sur l’ensemble F A des fonctions de A dans F par « f ∼ g ssi il existe
un voisinage de a tel que les restrictions de f et de g à U coïncident. » est visiblement,
compte tenu des propriétés des voisinages de a, une relation d’équivalence dans F A .
Une propriété P définie sur l’ensemble F A est dite locale en a, si la relation f ∼ g entraîne
que P ( f ) et P (g ) sont simultanément vraies, ou simultanément fausses.
Le lecteur a maintenant tout intérêt à reprendre de ce point de vue les propriétés évoquées

« avoir une limite en a », « être continue en a », « dérivable en a ».

14.2 Comparaison, notation de Landau


Soient a un point d’un espace topologique X (en général R), U l’ensemble des voisinages
pointés de a (voisinages de a privés de a), f une application d’un élément U de U dans l’evn
(E , k·kE ), et g une application de U dans R.

14.2.1 Définition
On dit que :
1. f est dominée par g , ce que l’on note f = O(g ° ), s’il° existe¯ un
¯ voisinage V de a et une
constante M tels que, pour tout x de V \ { a }, ° f (x)° ≤ M ¯g ¯.
2. f est négligeable devant g , ce que l’on note f = o(g
° ) si,°pour¯ tout¯ nombre ε > 0, il existe
un voisinage Vε de a tel que, pour tout x de Vε , ° f (x)° ≤ ε ¯g (x)¯.
3. On suppose f à valeurs réelles. On dit que f et g sont équivalentes, ce que l’on note
f ∼ g si f − g = o(g ).
Il est clair que ces propriétés sont locales, au sens précisé ci-dessus.

161
14.2.2 Proposition
On suppose f et g à valeurs réelles. Il est équivalent de dire, au voisinage de a
1) f = O(g ) et : il existe V dans U et une fonction h bornée de V dans R telle que

∀x ∈ V, f (x) = h(x)g (x);

2) f = o(g ) et : il existe V dans U et une fonction x 7→ ε(x) de V dans R de limite nulle en


a telle que
∀x ∈ V, f (x) = ε(x)g (x);
3) f ∼ g et : il existe V dans U et une fonction x 7→ ε(x) de V dans R de limite nulle en a
telle que
∀x ∈ V, f (x) = (1 + ε(x)) g (x).
Démonstration :
1) Il existe par hypothèse un voisinage V de a et une constante M tels que
¯ ¯ ¯ ¯
∀x ∈ V \ { a } , ¯ f (x)¯ ≤ M ¯g (x)¯ .
f (x)
On pose alors h(x) = 0 si g (x) = 0 et h(x) = g (x) sinon, h convient. La réciproque est
claire.
2) Avec ε = 1, on trouve V un voisinage de a tel que
¯ ¯ ¯ ¯
∀x ∈ V, ¯ f (x)¯ ≤ ¯g (x)¯ .
f (x)
Posons comme ci-dessus ε(x) = 0 si g (x) = 0 et ε(x) = g (x) sinon ; il faut prouver que
x 7→ ε(x) tend vers 0 en a. Mais si l’on se donne ε > 0 et si l’on choisit Vε dans U ,
contenu dans V , de sorte que
¯ ¯ ¯ ¯
∀x ∈ Vε , ¯ f (x)¯ ≤ ε ¯g (x)¯ .

Par construction il vient


∀x ∈ Vε , |ε(x)| ≤ ε
d’où la conclusion. Réciproque claire.
3) Il suffit d’appliquer 2) à f − g .

14.2.3 Exemples
1. La relation f = O(1) signifie que f est bornée au voisinage de a, la relation f = o(1)
que f tend vers 0 en a.
2. Si f admet la limite réelle finie l en a, avec l 6= 0, la relation f ∼ g équivaut au fait que g
possède la même limite l en a. Ceci est bien sûr faux avec une limite nulle on infinie :
prendre x et x 2 en 0 et en +∞.
3. Soit ω le point à l’infini de C et P dans C[z], P (z) = a n z n + · · · + a 1 z + a 0 avec a n 6= 0.
Alors |P (z)| est équivalent en ω à |a n ||z|n : il suffit d’écrire
a n−1 −1 a 0 −n
µ ¶
P (z) = a n z n 1 + z ···+ z .
an an

162
4. Si (E , k·kE ) est un evn on a, ° kxk = o(kxkα ) ssi α > 1, et si φ est une application
en 0, °
linéaire continue sur E on a °φ(x)° = O (kxk).
5. Sur E = R2 on a, en 0, et pour une norme quelconque N :

hk = o (N (h, k)) .

En effet, comme les normes sont équivalentes on peut choisir N (h, k) = max (|h| , |k|)
et dans ce cas
|h.k| ≤ N (h, k)2 .

6. Avec a = +∞, on a x n = o (eαx ), e−x = o(x −n ), ln x = o(x α ), etc. si α > 0.


7. Très important : l’échelle (ln x)γ x β eαx = f α,β,γ
on a f α0 ,β0 ,γ0 = o( f α,β,γ ) ssi (α0 , β0 , γ0 ) < (α, β, γ) pour l’ordre lexicographique.
Il suffit d’étudier le quotient de ces deux termes. Pour simple qu’il soit, ce résultat est
fondamental, et exprime le fait qu’un facteur d’une échelle (ln x)γ influe très peu sur
un terme x β , qu’à son tour un facteur x β influe très peu sur un facteur géométrique eαx
etc. Il permet d’étudier un grand nombre de séries et d’intégrales, et de comprendre
le fonctionnement du rayon de convergence d’une série et d’une intégrale, et de com-
prendre le fonctionnement du rayon de convergence d’une série entière. Notons que
la fonction x x ne peut être évaluée sur cette échelle, pas plus que n! (cf. Stirling).
1
8. Développement asymptotique de x x à la précision x12 .
1 ¡ ¢2 ³¡ ¢3 ´ ³¡ ¢3 ´
On écrit x x = exp lnxx = 1+ lnxx + 21 lnxx +O lnxx et avec ce qui précède O lnxx
¡ ¢
=
³ ´
o x12 .
B : o(g ) (resp. O(g )) désigne un ensemble de fonctions négligeables devant g (resp.
dominées par g ), l’égalité dans f = o(g ) est symbolique d’une appartenance à cet en-
semble (idem f = O(g )) ; on a conservé ces notations pour les facilités algébriques
qu’elles procurent.

14.2.4 Premières propriétés


— Si f 1 = O(g ) et f 2 = O(g ) on a f 1 + f 2 = O(g ), de même avec o(g ).
— Si f = O(g ) et si g = o(h) on a f = o(h).
On possède bien sûr des définitions analogues pour les suites (les écrire).

14.2.5 Théorème
La relation ∼ est une relation d’équivalence.
La démonstration, facile, est laissée au lecteur.

14.2.6 Propriété
Deux fonctions numériques équivalentes en a ont le même signe au voisinage de a.

Démonstration : On dispose d’un voisinage V de a et tel que, pour tout x de V , 12 g (x) ≤


f (x) ≤ 32 g (x) et V convient.

163
14.2.7 Exemples
Signe des polynômes réels au voisinage d’un zéro. Soit P un tel polynôme non nul, et soit
a un zéro de P . Si α est la multiplicité de a, on peut écrire, par définition P (x) = (x − a)αQ(x)
avec λ = Q(a) 6= 0. Il vient alors, au voisinage de a :

P (x) ∼ λ(x − a)α


x→a

Application : dans R[X ], tout polynôme positif sur R est somme de deux carrés.
En effet, soit E l’ensemble des polynômes de R[X ] qui sont somme de deux carrés.
1. E contient tous les polynômes de la forme : (x − a)2n , n ∈ N.
Ceci est clair puisqu’un tel polynôme est un carré.
2. E est stable par multiplication : on utilise pour cela l’identité de Lagrange, qui nous
dit que :
¡ 2
a + b 2 c 2 + d 2 = (ad + bc)2 + (ac − bd )2 .
¢¡ ¢

3. Un polynôme irréductible normalisé de degré 2 est dans E .


En effet, si x 2 + ax + b est un polynôme irréductible, a 2 − 4b est < 0 d’où :
s 2
a a 2
x 2 + ax + b = (x − )2 +  b −  .
2 4

Nous sommes maintenant en mesure de conclure : soit P un polynôme positif sur R.


Le coefficient dominant de P est nécessairement positif (équivalent à l’infini). Ensuite
si a est un zéro réel de P , de multiplicité n, P (x) = (x − a)n Q(x) avec Q(a) 6= 0, est
équivalent à c(x − a)n au voisinage de a (c 6= 0). Pour que P soit positif il faut donc que
n soit pair, donc que
(x − a)n ∈ E .
Enfin les facteurs irréductibles de degré 2 de P sont dans E d’après ce qui précède ;
compte tenu de la stabilité des éléments de E par produit P est dans E .

14.2.8 Opération sur les équivalents


Les opérations utiles sont essentiellement de type multiplicatif, toutes les fonctions en
jeu sont supposées > 0.
f g
1. Si f ∼ g et h ∼ k on a f h ∼ g k et h
∼ k
;
2. si f ∼ g et si α ∈ R on a f α ∼ g α .
Ces relations sont claires si l’on étudie les quotients. Il faut par contre se méfier des sommes,
des exponentielles : en +∞ par exemple x ∼ x + ln x, mais ex n’est pas équivalent à ex+ln x =
x ex (le quotient tend vers +∞) ; et, dans une moindre mesure, des logarithmes : en 0 on a
1 + x ∼ 1 + x 2 mais ln(1 + x 2 ) ∼ x 2 qui n’est pas équivalent à ln(1 + x).
Plutôt que de retenir n! règles, sans grand intérêt pour la pratique, on emploie dans les cas
douteux des égalités : f ∼ g est remplacé par l’égalité f = g + o(g ), ou f = (1 + ε)g ou des
développements asymptotiques.

164
14.3 Développements limités
Rappelons qu’une fonction f de R dans C admet au point a un développement limité à
l’ordre n s’il existe une fonction polynôme P de R dans C, de degré ≤ n, telle que, au voisinage
de a
f (x) = P (x) + o (x − a)n .
¡ ¢

Si f possède un développement limité à un ordre n ≥ 0 en a, elle est continue en a, si f pos-


sède un développement limité à un ordre ≥ 1, elle est dérivable en a.
On se ramène par translation à l’étude en 0, où les notations sont claires. Par tris des puis-
sances de x en jeu, on obtient alors les propriétés additives, multiplicatives, de division (sui-
vant les puissances croissantes) etc.
Attention à la composition ; pour composer les développements limités en 0 de f et de g , il
faut bien s’assurer que f (0) = 0.

Comme applications des développements limités, citons en vrac : la recherche d’équiva-


lents, de limites, l’étude de la convergence de séries numériques et d’intégrales généralisées,
dont les exemples sont à trouver tout au long du texte.

Bibliographie : L’exposé de [LFA74] p. 146 et suivantes, est remarquable de clarté et


d’efficacité.

14.4 Développements asymptotiques


Pour s’initier sérieusement aux développements asymptotiques, la lecture des premières
pages du chapitre III de [Die54] semble indispensable. Rappelons qu’une échelle de compa-
raison au voisinage d’un point a de R consiste en la donnée d’une famille de fonctions soit
E telle que, pour toute paire
¡ ¢ φ, ψ de fonctions de E on ait φ = o(ψ) ou ψ = o(φ) (en d’autres
termes, la relation φ = o ψ ou ψ = o(φ) est une relation d’ordre total sur E). Comme pre-
miers exemples, nous avons l’échelle des x α en 0 ; ou encore, en +∞, les fonctions (ln x)γ x β eαx
δ
(mieux encore avec x 7→ (ln x)γ x β eαx (δ > 0)).
Un développement asymptotique à la précision ψ d’une fonction f définie au voisinage de a
consiste en la donnée de p fonctions ψ1 , . . . , ψp de E et de p scalaires λ1 , . . . , λp tels que
1. φi +1 = o(φi )
2. ψ = o(φp )
3. f = λ1 φ1 + · · · + λp φp + o(ψ)
Si les λi ne sont pas tous nuls, et si k est le plus petit indice tel que λk 6= 0, le terme φk est
appelé partie principale de f sur l’échelle E.
La plupart des opérations sur les développements asymptotiques résultent du principe sui-
vant : on effectue l’opération algébrique sur des égalités données par le développement
asymptotique, puis l’on trie les termes pour ne garder que ceux qui sont significatifs.
Le lecteur aura alors intérêt à effectuer le développement asymptotique de +∞ des fonc-
tions suivantes, en gardant à l’esprit le fait que le point de départ des dits développements
est la substitution dans un développement limité convenable :
−2 f (x + 1) p
(1 + x)x , où f (x) = x ln x, e x
à la précision x −4 .
f (x)

165
Remarque : la leçon dont le titre est « exemples de développements asymptotiques » est
assez difficile à traiter. Comme dans toute leçon d’exemples, le plan doit être centré sur la
mise en œuvre du cours et non sur le cours lui-même (il est souhaitable que les théorèmes
illustrés ne soient évoqués qu’oralement). On pourra commencer par le cas particulier des
développements limites avec leurs applications, puis donner des échelles de comparaison
plus vastes et la détermination de parties principales (i.e. d’équivalents décrits à l’aide des
fonctions usuelles), de nombreux exemples sont donnés dans la suite comme dans les cha-
pitres ultérieurs ; finir enfin par les développements à l’ordre n des intégrales de 14.7.2. Le
sujet est plus qu’étendu, immense : la lecture de [Bru58] et [Erd55] permet de s’en faire un
première idée.

14.5 Questions sur les équivalents et les développements li-


mités
1. Liens logique entre les affirmations suivantes, au voisinage de 0 :
(i) f (x) ∼ x
(ii) f (x) ∼ x + x 2
(iii) f (x) ∼ x + x 3 .
2. Liens logiques entre
(i) u n ∼ ln n
(ii) u n = ln n + εn , où εn tend vers 0
(iii) u n = ln n + αn , où αn bornée.
3. Si au point a, f et g sont équivalentes et tendent vers +∞, ln f et ln g sont-elles équi-
valentes ?
4. L’existence de développents limités à l’ordre ≥ 2 en 0 entraîne-t-elle
— la continuité au voisinage de 0 ?
— la dérivabilité au voisinage de 0 ?
Réponses :
1. Les trois propositions sont équivalentes ! Les fonctions x et x + x 2 sont équivalentes
donc les ensembles o(x + x 2 ) et o(x) sont égaux (plus généralement si f = O(g ) et
g = O( f ) les ensembles o( f ) et o(g ) sont égaux, cf. 14.2.5).
(ii) donne f (x) = x + x 2 + o(x + x 2 ), comme x 2 = o(x) et o(x) = o(x + x 2 ) il vient

f (x) = x + o(x) d’où (i),

et si (i) on a

f (x) = x + o(x) = x + x 2 + o(x) − x 2 = x + x 2 + o(x) = x + x 2 + o(x + x 2 )

On procède de même pour les autres équivalences.


2. On a (ii) =⇒ (iii) =⇒ (i), il suffit de constater que le quotient par ln n tend vers 1, mais
(i) n’entraîne pas (iii) : on a ln n + ln(ln n) = ln n + o(ln n) donc ln n + ln(ln n) ∼ ln n et
ln(ln n) ne tend pas vers 0.

166
3. Oui. On écrit f (x) = g (x)(1 + ε(x)), avec ε de limite nulle en +∞, d’où

ln f (x) = ln g (x) + ln(1 + ε(x))

ln g (x) tend vers +∞ et ln(1 + ε(x)) vers 0 donc ln f (x) ∼ ln(g (x)).
x→+∞
4. Nous allons construire une fonction admettant des développements limités à tous
ordres en 0 ; mais qui :
(a) n’est pas continue hors de 0, et donc
(b) n’est pas deux fois dérivable en 0.
N.B. : Un tel exemple est optimal : une fonction admettant un développement limité à
l’ordre ≥ 1 en x 0 est nécessairement dérivable en ce point.
−1
Considérons tout naturellement f (x) = ex 2 .1Q , où 1Q est la fonction caractéristique
de Q. Comme elle est toujours = 1 sur Q, on voit sans peine que f n’est continue en
1
−2
aucun point de R∗ . D’autre part f est le produit de ex avec une fonction bornée ;
donc :
f (x) = o(x n )
pour tout voisinage de 0.
(comprendre l’idée de la construction ! on écrase f par une fonction très petite en 0,
pour obtenir le o(x n ) et l’on « brouille les cartes » hors de 0 pour défaire la régularité).

14.6 Équivalents des restes et sommes partielles de séries


De nombreux résultats sont fournis par la comparaison d’une série et d’une intégrale :
voir le § 17.4 et § 17.5 à ce sujet.

14.6.1 Théorème
Soient n∈N u n et n∈N v n deux séries numériques, avec v n > 0. On note Un = nk=0 u k et
P P P
Pn
Vn = k=0 v k leurs sommes partielles respectives.
a) Si la série n∈N v n diverge,
P

u n = O(v n ) =⇒ Un = O(Vn )
u n = o(v n ) =⇒ Un = o(Vn )
un ∼ v n =⇒ U n ∼ Vn .

b) Si la série n∈N v n converge,


P

X
u n = O(v n ) =⇒ u n converge (absolument),
n∈N

et si R n = +∞ u k et Tn = +∞ v k désignent les restes d’ordre n de n∈N u n et


P P P
k=n+1 k=n+1
n∈N v n respectivement, on aura :
P

u n = O(v n ) =⇒ R n = O(Tn )
u n = o(v n ) =⇒ R n = o(Tn )
un ∼ v n =⇒ R n ∼ Tn .

167
Démonstration : la seule preuve délicate est celle de la deuxième implication de a) (la
troisième s’en déduit par différence, et b) se prouve directement). Comme u n = o(v n ) on
dispose d’une suite (εn )n∈N telle que u n = εn v n et lim εn = 0. On doit alors montrer qu’il
existe
ε0 v 0 + · · · + εn v n
lim =0
n→+∞ v0 + · · · + vn

Mais ce résultat est exactement le théorème de Cesàro généralisé (§ 13.1), aux notations
près. QED.

14.7 Intégration des relations de comparaison

14.7.1 Théorème
Soit f et g deux fonctions de R dans R, localement intégrables, avec g > 0.
R +∞
a) Si a g diverge,
Rx µ Rx ¶
f = O(g ) =⇒ f = O g
Ra x x→+∞ µRa x ¶
f = o(g ) =⇒ f = o g
Ra x x→+∞ R ax
f ∼ g =⇒ f ∼ g.
a x→+∞ a

R +∞
b) Si a g converge,
R +∞ µ R +∞ ¶
f = O(g ) =⇒ f = O g
Rx +∞ x→+∞ µRx +∞ ¶
f = o(g ) =⇒ f = o g
Rx +∞ x→+∞ R x+∞
f ∼ g =⇒ f ∼ g.
x x→+∞ x

Démonstration : à nouveau, seul le deuxième point de a) pose un problème. On utilise


pour le prouver une
¯ méthode
¯ du type Cesàro : soit ε > 0. Il existe un réel A > a tel que, pour
tout x ≥ A on ait ¯ f (x)¯ ≤ εg (x). On écrit alors, pour x ≥ A :

x A¯ x¯ A¯ x
¯Z ¯ Z Z Z Z
¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯ f ¯¯ ≤ ¯f ¯ + ¯f ¯ ≤ ¯f ¯+ε g.
a a A a A
¯

Rx
A est fixé par ε, et par hypothèse la fonction a g tend vers +∞, il existe donc un réel B ≥ A
R A¯ ¯ Rx
tel que, pour tout x ≥ B , a ¯ f ¯ ≤ ε a g et alors

x x
¯Z ¯ Z
¯ ¯
∀x ≥ B, ¯ f ¯¯ ≤ 2ε g . QED.
a a
¯

168
14.7.2 Exemples
Rx dt
1. Développement asymptotique en +∞, à n termes, de 2 ln t .
Par n intégrations par parties consécutives on a
Z x dt x 1!x (n − 1)!x
Z x n! dt
I (x) = = + 2
+···+ + +C
2 ln t ln x (ln x) (ln x)n 2 (ln t )n+1

où C est une constante. En effet,


Z x Z x
n! dt n!x (n + 1)! dt n!
n+1
= n+1
+C 0 + n+2
(u = , dv = dt )
2 (ln t ) (ln x) 2 (ln t ) (ln t )n+1

une récurrence simple donne l’égalité annoncée.


Moyennant le théorème ci-dessus, la deuxième intégrale est négligeable devant la pre-
mière ; de plus toutes les intégrales en jeu divergent, donc la constante C est négli-
geable devant celles-ci et Z x
n! dt n!x
n+1

2 (ln t ) (ln x)n+1
et Z x
dt x 1!x (n − 1)!x x
µ ¶
= + +···+ +O
2 ln t ln x (ln x)2 (ln x)n (ln x)n+1
soit
x 1!x (n − 1)!x x
µ ¶
I (x) = + +···+ +o .
ln x (ln x)2 (ln x)n (ln x)n
2. En utilisant cette fois le b) du théorème et le même principe (intégration par par-
ties, comparaison des intégrales consécutives) on obtient de même le développement
asymptotique :
+∞ e−t 1 1! 2! (n − 1)! +∞ e−t
Z Z
dt = − 2 + 3 + · · · + (−1)n−1 + (−1)n n! dt .
x t x x x xn x t n+1

14.8 Équivalents intégraux


B : Il faut éviter de confondre la recherche d’un équivalent pour une intégrale dépen-
dant de sa borne supérieur, et un problème similaire pour les intégrales à paramètre
Rb
a f (x, t ) dx, dont on cherche un équivalent lorsque t tend vers a de R (Attention ! Il vaut
mieux, confronté à un exercice de ce genre, éviter les notations o, O, trop imprécises ! Nous
préconisons de toujours préférer des majorations explicites, voir les exemples ci-dessous).

14.8.1 Équivalents de type affine


Commençons par donner un exemple. Il s’agit
a) d’étudier le comportement en +∞ de
Z 1 dx
φ(t ) = ¢t ;
1 + x + x2
¡
0

169
b) d’en donner un équivalent.

Solution :
a) Pour le comportement, on note que, pour tout x > 0, l’intégrande (i.e. la fonction in-
tégrée) est bornée par 1 et tend vers 0, qui devrait être la limite. Afin de le vérifier, un
simple encadrement suffit, on a en effet :
Z 1
dx 1
0 ≤ φ(t ) ≤ t
=
0 (1 + x) t +1
donc la limite est nulle.
b) Pour trouver un équivalent de φ, on utilise une classique méthode de découpe.
1
Posons pour x réel f (x) = 1+x+x 2 . Soit ε un nombre réel dans ] 0 ; 1 [ . Comme au voisi-
nage de 0, f (x) = 1 − x + o(x), il existe un nombre a > 0 tel que, pour tout x de [ 0 ; a ]
1 − (1 + ε)x ≤ f (x) ≤ 1 − (1 − ε)x.
Posons alors Z a¡ ¢t
Z 1¡ ¢t
u(t ) = f (x) dx et v(t ) = f (x) dx.
0 a
Nous obtenons les encadrements :
Z a Z a
(1 − (1 + ε)x)t dx ≤ u(t ) ≤ (1 − (1 − ε)x)t dx (14.1)
0 0
et
1
0 ≤ v(t ) ≤ ¢t (14.2)
1 + a + a2
¡

(14.1) s’écrit, après calcul et multiplication par t + 1 :


1 £ 1 £
1 − (1 − (1 + ε)a)t ≤ (t + 1)u(t ) ≤ 1 − (1 − (1 − ε)a)t
¤ ¤
1+ε 1−ε
1 1
Lorsque t tend vers +∞, le membre de gauche tend vers 1+ε et celui de droite vers 1−ε .
Il existe de ce fait un nombre t 0 tel que, pour tout t ≥ t 0 , on ait
1 1
− ε. ≤ (t + 1)u(t ) ≤ + ε.
1+ε 1−ε
D’autre part (14.2) nous garantit que (1 + t )v(t ) tend vers 0 en +∞.
Finalement, nous obtenons un nombre t 1 > t 0 tel que, pour tout réel t ≥ t 1 , on ait :
1 1
− 2ε. ≤ (t + 1) (u(t ) + v(t )) ≤ + 2ε,
1+ε 1−ε
ce qui montre que (t + 1)φ(t ) tend vers 1.

Remarque : l’idée ici, comme dans un grand nombre de problèmes de recherche d’équi-
valents, est de remplacer une expression qui ne s’exprime pas à l’aide des fonctions
usuelles par une autre équivalente et qui, elle, se calcule. Le lecteur pourra vérifier
l’utilité de ce principe, et consolider sa compréhension du procédé dans l’exemple
ci-dessus en étudiant la généralisation suivante :
Soient a dans R∗+ et f continue de [ 0 ; a ] dans R, telle que :
f (0) = 1, ∃ f 0 (0) = k < 0 et ∀x ∈ ] 0 ; a ], ¯ f (x)¯ < 1.
¯ ¯
Ra¡ ¢n
Étudier la suite u n = n 0 f (x) g (x) dx, où g est continue > 0.

170
14.8.2 Intégrales de Wallis
On va donner un équivalent des intégrales de Wallis :
Z π
2
In = sinn x dx.
0

Commençons par établir une relation de récurrence entre I n et I n−2 :


Z π Z π Z π
2 2 2
n n−2
In = sin x dx = sin x 1 − cos2 x dx = I n−2 − sinn−2 x cos2 x dx.
¡ ¢
0 0 0

On intègre par parties la dernière intégrale en posant : u = cos x, dv = sinn−2 x cos x il vient
π π
1
Z Z
2 2
sinn−2 x 1 − cos2 x dx = sinn x dx
¡ ¢
0 n −1 0

et donc
1 n −1
µ ¶
1+ I n = I n−2 soit In = I n−2 .
n −1 n
De là, le produit nI n I n−1 est constant de valeur π2 . On note ensuite que

n
I n ∼ I n−1 car I n−1 ≤ I n ≤ I n−2 = In .
n −1

En remplaçant dans nI n I n−1


π
nI n2 ∼
2
et de ce fait r
π
In ∼ .
2n

14.8.3 Équivalent de type parabolique


Soient a dans R∗+ et f continue de [ 0 ; 1 ] dans¯ R, telle que f est de classe C 2 sur [ 0 ; 1 ],
f (0) = 1, f 0 (0) = 0, α = − 21 f 00 (0) 6= 0 et ∀x ∈ ] 0 ; 1 ], ¯ f (x)¯ < 1. Alors :
¯

a) On a α > 0.
Ra p
π
b) Pour tout a < 1, 0 (1 − u 2 )n du ∼p .
n→+∞ 2 n
R1 p
π
c) I n = 0 f n (x) dx est équivalent quand n tend vers +∞ à p .
−2n f 00 (0)
1
Rn
d) La suite u n = n! 0 e−x x n dx converge vers 12 .

Démonstration :
a) Sinon f 00 (0) > 0 et l’inégalité f (x) = 1 + 21 f 00 (0)x 2 + ε(x)x 2 montre que f (x) > 1 pour
x > 0 assez petit.

171
R1 Ra R1
b) On écrit 0 (1 − u 2 )n du = 0 (1 − u 2 )n du + a (1 − u 2 )n du.
En posant u = cos t on constate
p
que l’intégrale du membre de gauche n’est autre que
π
l’intégrale de Wallis I 2n ∼ 2pn , d’autre part
1 µp ¶
π
Z
2 n 2 n
0 ≤ (1 − u ) du ≤ (1 − a ) = o p
a 2 n
R1 Ra
donc 0 (1 − u 2 )n du et 0 (1 − u 2 )n du sont équivalentes.
c) Nous appliquons ici le principe déjà évoqué : remplacer f par une fonction calculable.
Si tout va bien, du fait que « l’intégrale I n estRconcentrée en 0 » on remplace f par son
a
développement limité en ce point p
d’où I n ∼ 0 (1 − αx 2 )n dx pour a assez petit et avec
p π
b) et u = αx il vient I n ∼ p 00
. Il reste à justifier correctement ce raisonnement
−2n f (0)
« plausible » :
µ p ¶−1
π
On pose u n = p , et l’on se donne ε > 0, ε ¿ α. Le développement limité de
−2n f 00 (0)
2 2
f en 0 amène, pour a assez petit et 0 ≤ x©≤¯ a:1
¯ − (α + ε)xª ≤ f (x) ≤ 1 − (α − ε)x
On introduit ensuite le nombre k = sup ¯ f (t )¯ ; a ≤ t ≤ 1 . Par compacité de [ a ; t ] et
continuité de f , le sup k est atteint, moyennant les hypothèses faites sur f on a donc
k < 1. Nous déduisons de tout ceci les encadrements :
Z a Z a
2 n n
¢n
1 − (α + εx ) dx − k ≤ In ≤ 1 − (α − εx 2 ) dx + k n
¡ ¢ ¡
0 0
n
Attention ! ne pas conclure trop vite ! k est effectivement négligeable devant les inté-
grales de droite et de gauche mais k tend vers 1 lorsque ε tend vers 0, on n’est donc pas
« assuré » de tenir l’équivalent de¢ I n en remplaçant les intégrales de droite et de gauche
n
par leurs équivalents (cf. 1 − n1 tend vers e−1 , et pas vers 0). Pour raisonner correc-
¡

tement, nous allons remplacer la recherche d’un équivalent par celle d’une limite en
multipliant par u n
µZ a ¶ µZ a ¶
2 n n 2 n n
un 1 − (α + ε)x dx − k ≤ un I n ≤ 1 − (α − ε)x dx + k u n
¡ ¢ ¡ ¢
0 0
q q
α α
Le membre de gauche tend vers α+ε
et celui de droite vers α−ε
donc pour n assez
grand : r r
α α
−ε ≤ un I n ≤ +ε
α+ε α−ε
ce qui achève la preuve.
d) On fait le changement de variable x = nu et t = 1 − u :
1 n −x n n n+1 1 −n(1−t ) n n+1 n
Z Z Z
e x dx = e x(1 − t )n dt = e −n
f n (t )n dt
n! 0 n! 0 n! 0
t 1 2 2
avec f (t ) = e (1 − t ) = 1 − 2 t + o(t ), le résultat précédent s’applique avec f 00 (0) = −1 :
1
r
π
Z
n
f (t ) dt ∼ ,
0 2n
n n+1 p1
d’après la formule de Stirling e−n n!
est équivalent à en remplaçant : l’intégrale
2nπ
tend vers 12 .

172
L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : surtout le chapitre 3 de [Die54], ou bien Bourbaki [Bou76]
chap. V. Sinon on trouve couramment d’excellents livres (pas cher !) chez D OVER, par exemple
[Bru58] de Bruijn ou [Erd55] de Erdelyi.

EXERCICES

1) Trouver, par trois méthodes différentes, le DL de tan x à l’ordre 7 en 0.


2) Soit f la fonction : x 7→ x cos x ; montrer que f admet une réciproque C ∞ au voisinage
de 0. Déterminer un DL à l’ordre 5 de celle-ci en 0.
3 5
³ ´
3) Trouver le développement limité à l’ordre 6 en 0 de f (x) = arcsin x − x6 + 120
x

k
³P ´
4) Donner un développement limité à l’ordre n + 1 en 0 de : ln nk=0 xk! .
5) Soit f une fonction numérique de classe C 1 sur ] 0 ; 1 [ . On suppose qu’il existe un
α > 0 tel que f (x) ∼ − (1 − x)−α , et que f 0 est croissante. Trouver un équivalent de
x→1
f 0 (x) lorsque x tend vers 1− (intégrer f 0 ).
f 0 (x)
6) Soit f dans C 1 R+ , R∗+ , on suppose qu’il existe λ = limx→+∞ f (x) .
¡ ¢
R∞ R +∞
a) Montrer que, si λ < −1, 0 f converge, si λ > −1, 0 f diverge, et que l’on ne
peut pas conclure lorsque λ = −1.
R +∞ x f (x) Rx
b) Si λ < −1, prouver : x f équivalent en +∞ à − λ+1 . Si λ > −1, prouver : 0 f
x f (x)
équivalent en +∞ à λ+1 .
7) (Méthode de Laplace, difficile.) Soient ] a ; b [ un intervalle de R, c ∈ ] a ; b [ , g une
fonction > 0 possédant une intégrale généralisée sur ] a ; b [ , et enfin f (x) = eh(x) une
application > 0 de ] a ; b [ dans R, h de classe C 2 sur ] a ; b [ , vérifiant :
Rb
i) pour tout n dans N ; a g f n est absolument convergente ;
ii) h 00 (c) < 0 et pour tout ε > 0 : sup { h(x) | q
x ∈ ] a ; c − ε [ ∪ ] c + ε ; b [ } < h(c).
Rb ¢n 1 R +∞ n −x
Montrer que : a g f ≈ g (c) f (c) + 2 n−2π
n
. Appliquer à n! x e dx,
¡
00
f (c)
= 0
que retrouve-t-on ?

S UITES ET ANALYSE LOCALE


(n+1)a −n a
8) Trouver : lim a−1 .
n→+∞ (n+1)
n ³ 2
´
9) Étudier la suite de terme général : u n = 1 + nk 3 .
Q
k=1
n n−1
10) Montrer que l’équation x + x + · · · + x − 1 = 0 possède une seule racine positive x n ,
sens de variation ? Limite (notée l ) ? Équivalent de x n − l (utiliser le TAF) ?
11) Soit f une application de classe C 1 , f : [ −1 ; 1 ] → R telle que f (0) = 0. Étudier u n =
n ³ ´
f nk2 (évitez absolument la sommatoire des o ou O).
P
k=1
12) Trouver un équivalent des suites suivantes quand n tend vers +∞ :
a) 11 + 22 + · · · + n n
b) 1n + 2n + · · · + n n
1 1 1
c) 1 + 1 +···+ 1 .
1n 2n nn

173
P ROBLÈME : D ÉVELOPPEMENT ASYMPTOTIQUE DES FONCTIONS ARITHMÉTIQUES

I. Fonctions multiplicatives
On dit qu’une application f de N∗ dans R est multiplicative si, pour tout couple (m, n)
d’entier naturels 6= 0 et premiers entre eux, f (nm) = f (m) f (n). ( f est dite totalement
multiplicative si f (nm) = f (m) f (n) a lieu sans la restriction : m et n sont premiers
entre eux). Dans ce qui suit, f désigne une fonction multiplicative.
a) Montrer qu’une fonction multiplicative est déterminée par les valeurs qu’elle
prend sur les nombres de la forme p α , p premier et α ∈ N. Pour n dans N∗ , on
note φ(n) le nombre d’entiers de ‚1, nƒ premiers avec n.
b) Calculer φ(n) lorsque n = p α , p premier.
c) Soient m et n deux entiers premiers entre eux, D resp. D 0 l’ensemble des diviseurs
de m resp. n ; D 00 l’ensemble des diviseurs de mn. Montrer que l’application :

D × D 0 → D 00
(d , d 0 ) 7→ d d 0

est bien définie et bijective.


d) Montrer que F : n → f (d ) est multiplicative, et prouver que, si f = φ, F est
P
d |n
l’identité.
e) Ici, µ désigne la fonction de Möbius : µ(n) = 0 si n est divisible par un carré non
trivial, µ(p 1 . . . p s ) = (−1)s lorsque p 1 , . . . , p s sont des nombres premiers distincts.
Appliquer d) lorsque f = µ. En déduire la formule d’inversion¡ de ¢ Möbius : si h
∗ n
applique N dans R et si k(n) = h(d ) alors h(n) = µ(d )k d (formule d’in-
P P
d |n d |n
version de Möbius).

II. Estimation concernant les fonctions arithmétiques (très difficile, voir [Bak77] et [HW38])
Préliminaire : montrer les identités (ζ est la fonction de Riemann). Vérifier successi-
vement pour s réel > 1

Y 1 1 +∞
X µ(n)
ζ(s) = et = s
p∈P 1 − p −s ζ(s) n=1 n

On note σ(n) la somme des diviseurs de l’entier n, et τ(n) leur nombre.


1°) a) Montrer que : τ(n) = o(n δ ) pour δ > 0 (fixé).
b) Prouver : σ(n) ≤ n(1 + ln n).
n
c) Montrer, pour tout entier n ≥ 2 : φ(n) ≥ 4 ln n
.
2°) a) Démontrer que : n≤x τ(n) = x ln x + O(x).
P
2
b) Prouver ensuite que : n≤x σ(n) = π12 x 2 + O(x ln x).
P

c) En déduire enfin que : n≤x φ(n) = π62 x 2 +O(x ln x) ; ainsi, la probabilité pour
P

que deux entiers choisis au hasard soient premiers entre eux est π62 .

174
Troisième partie

Processus sommatoires

175
Chapitre 15

Séries numériques

15.1 Définition et premières propriétés (K = R ou C)

15.1.1 Couple (u n ,Un )n∈N


Une série dont les termes sont dans K est un couple (u n ,Un )n∈N , où (u n )n∈N est une suite
à valeurs dans K et (Un )n∈N est la suite : Un = u 0 + · · · + u n .
Les séries forment visiblement un K-espace vectoriel pour les lois naturelles.

15.1.2 Vocabulaire et notations


u n est le terme général de la série, (Un )n∈N en est la suite des sommes partielles, et la série
(u n ,Un )n∈N sera notée n∈N u n . On dit que la série n∈N u n est une série convergente lorsque
P P

(Un )n∈N converge, la limite U de la suite est appelée somme de la série (B : les propriétés de
cette somme ne sont pas identiques à celles des sommes finies), le reste d’ordre n est alors
U −Un . On note la somme +∞ n=0 u n
P

B : Ne pas confondre la série posée comme problème, et notée n∈N u n , et sa somme


P

éventuelle +∞
n=0 u n .
P

15.1.3 C.N.
Une condition nécessaire, mais non suffisante de convergence est que la suite u n = Un −
Un−1 tende vers 0.

15.1.4 Exemple des séries géométriques


La série de terme général q n converge ssi ¯q ¯ < 1.
¯ ¯

Remarque : pour |q| = 1 et q 6= 1 la série diverge alors que ses sommes partielles sont
bornées.

177
15.1.5 Équivalence suite-série
La suite (x n )n∈N converge ssi la série de terme général x n+1 − x n converge, car la somme
partielle d’ordre n de cette série est x n+1 − x 0 .

15.1.6 Convergence ou divergence simultanée


On dit que deux séries sont de même nature lorsque ces séries sont simultanément conver-
gentes, ou simultanément divergentes. Par exemple, on ne modifie pas la nature d’une série
en changeant un nombre fini de termes, donc la notion de convergence est asymptotique.

15.1.7 « Shift »
Si n∈N u n est une série, la série n∈N u n+p est appelée série décalée à l’ordre p de n∈N u n .
P P P

Les séries décalées sont de même nature que la série de départ. Le reste d’ordre p d’une série
convergente est la somme de la série décalée n∈N u n+p .
P

15.1.8 Opérations algébriques


La somme, le produit par un scalaire, conservent la convergence, en d’autres termes, les
séries convergentes forment un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel des séries et les
séries divergentes le complémentaire du dit.
Si λ 6= 0, on a les relations :
λ.DV = DV,

CV + DV = DV,
mais on ne peut rien dire a priori de DV + DV .

15.2 Critère de Cauchy, convergence absolue


15.2.1 Dans K complet
En écrivant le critère de Cauchy dans l’espace complet K pour la suite des sommes par-
tielles de n∈N u n on obtient le critère de Cauchy pour les séries
P

¯ ¯
X ¯ X m ¯
u n converge =⇒ ∀ε > 0, ∃n ε ∈ N, ∀m > n ≥ n ε , u k ¯ < ε.
¯ ¯
¯
n∈N k=n+1
¯ ¯

15.2.2 Applications
1. Si la suite numérique (u n )n∈N décroît et si n∈N u n converge, la suite (nu n )n∈N tend
P

vers 0.
En effet, si l’on se donne ε > 0 le critère de Cauchy montre que pour n > p ≥ n ε conve-
nable 0 ≤ u p+1 + · · · + u n ≤ ε. Comme u n décroît il vient 0 ≤ (n − p)u n ≤ ε ; on choisit
alors p < n2 (ce qui est possible dès que n > 2n ε ) pour obtenir nu n < 2ε.
Ce résultat est faux si u n ne décroît pas : poser u n = n1 si n est un carré, u n = 0 sinon.

178
un
2. Soit n∈N u n une série divergente à termes > 0. La série de terme général v n =
P
Un
diverge.
Preuve : comme la suite (Un )n∈N croît on a la minoration
u n+p un Un+p −Un−1
v n+p + · · · + v n ≥ +···+ =
Un+p Un+p Un+p
Par hypothèse Um croît vers +∞. Prenons la limite du membre de droite lorsque p
tend vers +∞, il vient puisque Un−1 est fixe :
Un+p −Un−1
−−−−−→ 1
Un+p n→+∞

donc v n+p + · · · + v n ≥ 21 pour p assez grand, d’où la négation du critère de Cauchy.

Note : ce résultat montre qu’il n’y a pas de « série divergente limite » n∈N u n . Dans
P

l’exemple ci-dessus, v n = o(u n ) et n∈N v n est aussi divergente. On voit de même (cf.
P

exercices) qu’il n’y a pas de « série convergente limite ».

S ÉRIES ABSOLUMENT CONVERGENTES , CONVERGENTES DANS R ET C

15.2.3 Définition
Une série n∈N u n est dite absolument convergente si la série n∈N |u n | converge. Si la
P P

série n∈N u n converge mais n’est pas absolument convergente, on dit que la série est semi-
P

convergente.

15.2.4 Théorème
Soit (u n )n∈N une suite numérique.
a) Si n∈N u n est absolument convergente elle converge.
P

b) Si n∈N u n est semi-convergente les séries n∈N u n+ et n∈N u n− divergent.


P P P

Démonstration : a) Immédiate par le critère de Cauchy.


b) Rappelons que u n+ = sup (u n , 0) et u n− = sup (−u n , 0) d’où u n = u n+ + u n− et u n = u n+ − u n− .
Puisque n∈N |u n | diverge, l’une des deux séries n∈N u n+ ou n∈N u n− divergent, mettons
P P P

que ce soit n∈N u n+ ; mais alors n∈N u n− est différence de la série convergente n∈N u n et de
P P P

la série divergente n∈N u n+ donc diverge.


P

15.3 Série à termes positifs


15.3.1 Convergence
Comme la suite des sommes partielles d’une série n∈N u n à termes positifs est crois-
P

sante, la CNS de convergence d’une telle série est que la suite des sommes parteilles soit majo-
rée (c’est bien sûr faux dans le cas général : cf. les séries géométriques).

179
15.3.2 Divergence
Si la série à terme positifs n∈N u n diverge, la suite des sommes partielles tend vers +∞.
P

15.3.3 Théorème

a) Toute série extraite d’une série convergente à termes positifs converge, et sa somme est
inférieure à celle de la série initiale.
b) Toute série déduite d’une série à termes positifs par une permutation des indices est de
même nature que la série initiale, et a même somme en cas de convergence.
c) Ces résultats s’étendent aux séries absolument convergentes.

Démonstration : a) Soit φ une injection croissante de N dans N. Par récurrence sur n, on


a φ(n) ≥ n pour tout n. De là, les termes de la série étant positifs :

u φ(0) + · · · + u φ(n) ≤ u 0 + · · · + u φ(n) ≤ U

et la série n∈N u φ(n) converge de somme ≤ U .


P

b) Si n∈N u n converge, la série n∈N u σ(n) converge en vertu de a). On obtient l’équivalence
P P

en considérant σ−1 . Pour montrer l’égalité des sommes, on note que a) fournit déjà
+∞
X +∞
X
u σ(n) ≤ un
n=0 n=0

l’inégalité inverse est obtenue en considérant σ−1 .


c) On écrit u n = u n+ − u n− où u n+ ≤ |u n |. Les séries n∈N u n+ ou n∈N u n− convergent, il suffit
P P

donc de leur appliquer les résultats précédents. QED.

15.3.4 Théorème (de comparaison)


Soient n∈N u n et n∈N v n deux séries telles que, pour tout n de N, 0 ≤ u n ≤ v n .
P P

a) Si n∈N v n converge, la série n∈N u n converge.


P P

b) Si n∈N u n diverge, la série n∈N v n diverge.


P P

Démonstration : montrons a), b) suit par contraposition. Mais si l’on suppose que n∈N v n
P

converge, les sommes partielles de n∈N v n sont majorées donc aussi celles de n∈N u n , d’où
P P

la conclusion.

15.3.5 Proposition
Soit n∈N u n et n∈N v n deux séries avec v n ≥ 0. Si n∈N v n converge et u n = O(v n ) ; la
P P P

série n∈N u n converge. En particulier, si u n ∼ v n les séries considérées sont de même nature.
P

En effet, sous les hypothèses ci-dessus, |u n | ≤ k |v n | pour n assez grand, et n∈N u n est
P

absolument convergente.

180
B : n’utiliser l’équivalence que pour les séries de signe constant.

Conséquence : les séries absolument convergentes forment un sous-espace vectoriel de


l’espace vectoriel des séries convergentes.

15.3.6 Séries de Riemann et de Bertrand


Parmi les séries utilisées pour la comparaison on utilise le plus souvent les séries de Rie-
mann ou de Bertrand :
— Les séries de Riemann de terme général u n = n1α , il y a convergence ssi α > 1 ;
— Les séries de Bertrand de terme général α 1 β , il y a convergence ssi α > 1, α = 1 et
n (ln n)
β > 1 (cf. § 17 : comparaison série-intégrale).
Toutes sortes de critères se ramènent aux deux résultats 15.3.4 et 15.3.5 ci-dessus : existence
de lim uv nn 6= 0, étude de n α u n ...
n→+∞

15.3.7 Exemples
Étudions les séries de terme général :
Z pπ
1 n 1 − cos x P (n)
p , dx, où P et Q sont deux polynômes.
n ln n 0 1+x Q(n)

Pour la première on choisit α : 12 < α < 1, la suite (n α u n )n∈N tend vers +∞ donc u n ≥ n1α pour
n assez grand et la série diverge.
Dans la deuxième, il faut observer que la fonction intégrée semble ne pas avoir de primitive
exprimée à partir des fonctions usuelles (c’est le cas), on remplace donc cette fonction par
2 ¡ ¢3
une autre qui la majore et se calcule, soit x 7→ x2 , d’où 0 ≤ u n ≤ nπ 2 et la série converge.
P (n)
Enfin Q(n) est équivalent à λn d où λ est le quotient des coefficients dominants et d la dif-
férence des degrés ; on a bien un équivalent de signe constant donc la série converge ssi
degQ ≥ deg P + 2.

15.3.8 Corollaire
Si (u n )n∈N ≥ 0, les séries n∈N u n , n∈N ln (1 + u n ) et n∈N ln (1 − u n ) sont de même nature.
P P P

Preuve : montrons le par exemple pour les deux premières : si u n ne tend pas vers 0,
ln(1+u n ) non plus, et les deux séries considérées sont divergentes. Si u n tend vers 0, ln (1 + u n ) ∼
u n et, à nouveau, les séries considérées sont de même nature.

Application : soit p n n∈N la suite strictement croissante des nombres premiers. La série
¡ ¢
1
n∈N p n diverge.
P
m m ³ ´
1 1
L’idée est d’utiliser le produit Πm = et un passage au ln : on a − ln = − ln 1 −
Q P
1 Πm pn
³ ´ n=1 1− p n ³ ´ n=1
et − ln 1 − p1n ∼ p1n donc les séries de terme général − ln 1 − p1n et p1n sont de même nature.

181
D’autre part
m µ ¶2
Y 1 1 1
1
= 1+ + +···
n=1 1 − p n pn pn

Par développement du produit Πm et décomposition des nombres ≤ m en facteurs premiers


1
on constate que Πm ≥ m n=1 n qui tend vers +∞, donc Πm tend vers +∞ et la série étudiée
P

diverge.

15.4 Critères multiplicatifs

15.4.1 Théorème
u n+1 v n+1
Soient n∈N u n et n∈N v n deux séries à termes > 0. On suppose que ≤ à partir
P P
un vn
d’un certain rang,

— si n∈N v n converge, alors n∈N u n converge.


P P

— si n∈N u n diverge, alors n∈N v n diverge.


P P

Démonstration : Comme u n > 0, il suffit de montrer qu’il existe M ≥ 0 tel qu’à partir d’un
certain rang, u n ≤ M v n . Mais par hypothèse nous disposons de n 0 tel que, pour tout n ≤ n 0 ,
u n+1 un
un
≤ vvn+1
n
. De ce fait uv nn décroît pour n ≥ n 0 , d’où l’on tire 0 ≤ u n+p ≤ v n 0 v n+p ce qui amène
0
la convergence d’après 15.3.4. La deuxième affirmation suit par contraposition.

15.4.2 Corollaire (Critère de d’Alembert)


u n+1
Soient n∈N u n
une série à termes > 0, on suppose que la suite tend vers k.
P
un

— si k < 1, la série n∈N u n converge.


P

— si k > 1, la série n∈N u n diverge.


P

Démonstration : dans le premier cas, on choisit q tel que k < q < 1, et l’on introduit la
suite v n = q n . L’hypothèse faite sur u n entraîne uun+1
nP
≤ vvn+1
n
pour n assez grand ; l’applica-
tion du théorème ci-dessus à la série convergente n∈N v n donne alors la convergence de
n∈N u n . Dans le deuxième cas, on choisit q tel que 1 < q < k et l’on procède de même, en
P

sens inverse.

B : lorsque la limite est 1, par exemple avec les séries de Riemann, on ne peut rien dire :
la série peut diverger ou converger.

Remarque : le critère de d’Alembert est surtout utile pour les séries entières, à la rigueur
dans le cas des suites « à caractère géométrique » ; en fait, la bonne méthode générale de
recherche de la nature d’une série à termes > 0 « donnée par une formule » est la recherche
d’équivalent.

182
15.4.3 Théorème (règle de Cauchy)
1
Soient n∈N u n une série à termes > 0. Si lim sup u nn = L < 1, la série converge ;
P
n→+∞
1
n 0
si lim sup u n = L > 1, la série diverge.
n→+∞

(Rappelons que : d’Alembert implique Cauchy au § 13.3, c’est une application de Cesàro ;
on cherche donc le cas échéant, à appliquer d’abord d’Alembert puis Cauchy.)

Démonstration : si L < 1 on choisit q tel que L < q < 1. D’après les propriétés des limites
1
supérieures, tous les u nn sont < q pour n assez grand, d’où 0 < u n < q n et la convergence de
n∈N u n .
P
1
Si L 0 > 1, la suite ne tend pas vers 0, car u nn ≥ 1 pour une infinité d’entiers n, donc la série
diverge. QED.

À nouveau, la règle de Cauchy est surtout employée pour les séries entières, où elle per-
met une définition directe du rayon de convergence.

Remarque : les règles de d’Alembert et Cauchy donnent, en considérant les valeurs ab-
solues, des critères correspondants d’absolue convergence.

M ÉTHODE DE R AABE -D UHAMEL .

15.4.4 Proposition
u n+1
Soit n∈N u n = 1 − na + w n , la série n∈N |w n |
une série à termes positifs > 0 telle que
P P
un
étant supposée convergente. Alors u n ∼ nKa , et la convergence de n∈N u n est déterminée par le
P

critère de Riemann.

Démonstration : il suffit de montrer que la suite (n a u n )n∈N converge vers K > 0, ou en-
core que la suite v n = ln n a u n converge dans R, ou enfin que la série x n = v n+1 − v n converge
dans R. Mais
u n+1 n +1 a ´ a 1
µ ¶ µ ¶ ³ µ ¶
v n+1 − v n = ln + a ln = ln 1 − + w n + + O 2
un n n n n

soit
a a ´2 ¶ a 1 a ´2 ¶ 1
µ³ µ ¶ µ³ µ ¶
v n+1 − v n = − + wn + O − + wn + + O 2 = wn + O − + wn +O 2
n n n n n n
¢2 2 2
³ ´
où − na + w n = na 2 + 2 na w n + w n2 . Comme |a n w n | ≤ 12 na 2 + w n2 toutes les séries en jeu sont
¡

absolument convergentes, donc x n est absolument convergente, ce qui achève la preuve.

B : nous avons rencontré une difficulté classique de l’étude des séries à termes quel-
conques : lorsque l’on effectue un développement limité généralisé (ou développement

183
asymptotique) il faut s’assurer du fait que le reste conservé est absolument convergent.

1 1.3.5.....(2n−3)
Application : Étude de la série de terme général u n = n! 2.2.2.....2
(n ≥ 2), u 1 = 21 .
³ ´
Sans difficulté : uun+1
n
= 2n−1
2n+2 = 1 − 3
2n + O 1
n2
, donc u n ∼ 13 et la série converge.
n2

N.B. : cette série provient du développement en série entière, valable sur ] −1 ; 1 [ :


+∞
un x n
p
1 − 1 − x2 =
X
n=1
L’évaluation ci-dessous montre que la série entière est normalement convergente sur [ −1 ; 1 ].
Ce résultat nous servira pour la recherche de racines carrées d’opérateurs auto-adjoints po-
sitifs dans un espace de Hilbert.

15.4.5 Variante (laisée à titre d’exercice)


Soit (u n )n∈N une suite à valeurs dans R∗+ telle que : uun+1 = 1 − na + o n1 . Si a > 1 montrer
¡ ¢
n
que n∈N u n converge, si a < 1 montrer que n∈N u n diverge, et que l’on ne peut conclure si
P P

a = 1 (indication : prendre v n = n −b et comparer, pour b compris entre 1 et a, uun+1 n


et vvn+1
n
).
Comparer avec la règle de Duhamel.

15.4.6 Formule de Stirling


Comme autre illustration de la technique « à la règle de Duhamel » nous allons démon-
trer la formule de Stirling :
p ³ n ´n
n! ∼ 2nπ .
e

a) Expression des intégrales de Wallis : I n = 02 sinn x dx.
Rappelons que les expressions prouvées dans le § 14.7.2 (comparaison) :
n −1
r
π π
In = I n−2 , I0 = , I 1 = 1, et I n ∼ .
n 2 2n
Il en résulte, par récurrence sur n que
(2n)! π 22n (n!)2
I 2n = et I 2n+1 = .
22n (n!)2 2 (2n + 1)!
b) On va montrer que la suite de terme général n n en! −n n = v n converge, et trouver sa limite.
p

Pour cela, introduisons les suites s n = ln v n et u n = s n −s n−1 . La série n∈N u n converge,


P

car après simplification des factorielles :


n n − 1 n−1
µ r µ ¶ ¶
u n = ln e
n −1 n
1 1
µ ¶ µ ¶
= 1 + n − ln 1 −
2 n
1 1 1 1
µ ¶µ µ ¶¶
= 1+ n − − − 2 +O 3
2 n 2n n
1
µ ¶
= O 2 .
n

184
(Attention ! il faut développer jusqu’à l’ordre 3 pour avoir un reste absolument convergent,
à cause de la présence du terme en n). On en déduit que la suite v n converge dans
] 0 ; +∞ [ . Il reste à indentifier la limite σ de v n , dans ce but considérons le quotient
p
2 v 2n p (2n)! p 2
= n 2n = n I 2n .
v n2 2 (n!)2 π
p
Le terme de droite tend vers p1 , en passant aux inverses il vient σ = 2π. QED.
n

15.5 Séries semi-convergentes


15.5.1 Critère de Leibniz (des séries alternées)
Soit (a n )n∈N une suite réelle positive. Si la suite (a n )n∈N est décroissante et tend vers 0, la
série de terme général u n = (−1)n a n converge, la somme U de n∈N u n vérifie, pour tout p
P

de N, l’encadrement U2p+1 ≥ U ≥ U2p et le reste d’ordre n de la série d’ordre n de la série est


majoré par |n n+1 |.

Démonstration : pour p dans N∗ on a

U2n+1 = U2n−1 + a 2p − a 2p+1 et U2n+2 = U2n − a 2p+1 + a 2p+2

Comme (a n )n∈N décroît vers 0, la suite U2p+1 p∈N∗ croît, la suite U2p p∈N∗ décroît et la dif-
¡ ¢ ¡ ¢

férence U2p −U2p+1 = a 2p+1 est positive et tend vers 0. Les deux suites considérées sont donc
adjacentes et de ce fait convergent vers la même limite U , qui de plus vérifie :

∀p ∈ N, U2p+1 ≤ U ≤ U2p .

On contrôle enfin le reste en disant que, si n = 2p,

|U −U2n | ≤ U2p −U2p+1 = |u n+1 |

et si n = 2p + 1,
U2p+1 ≤ U ≤ U2p+2

d’où l’encadrement final

0 ≤ U −U2p+1 ≤ U2p+2 −U2p+1 = |u n+1 | . QED.

N.B. : les sommes sont ici prises a priori à partir de 0.

Application :
n
1. Les séries u n = α(−1) β : elles sont toutes convergentes dès que α > 0, ou α = 0 et β > 0,
n (ln n)
car le terme général décroît à partir d’un certain rang.
n
Note : La série u n = (−1)
ln n
est un exemple de série convergente telle que, pour tout
α
α > 0, la série n∈N n diverge.
|u |
P

185
2. Montrons d’abord la formule de Machin (astronome du XVIe siècle). Elle s’écrit :

π 1 1
µ ¶ µ ¶
= 4 arctan − arctan
4 5 239
x+y
³ ´
En effet, tant que x ≥ 0, y ≥ 0 et arctan x + arctan y = arctan 1−x y . Par applications
successives de cette formule nous trouvons
1 1
µ ¶ µ ¶
4 arctan − arctan = arctan(1).
5 239

(−1)k x k
Le développement en série entière de arctan x pour |x| < 1, soit arctan x = +∞
P
k=0 2k+1
fournit une série alternée lorsque 0 ≤ x < 1, dont on sait ainsi majorer le reste. De
là, une approximation rapide de π par développement en série de la formule de Ma-
chin (faire un calcul de π avec trois décimales exactes pour vous en convaincre). (Cet
exemple peut enrichir la leçon : fonctions réciproques).

B : aux fausses séries alternées ! il faut en particulier vérifier le caractère décroissant


(−1)np
de la suite (a n )n∈N . Par exemple, si u n = (−1) n + n (n ≥ 2), n∈N u n est de signe alterné
P
n
mais diverge, bien que u n ∼ (−1)
p , le terme général d’une série convergente : il suffit de
n
« faire un éclatement de u n »

(−1)n (−1)n −1 (−1)n 1 1


µ ¶ µ ¶
un = p 1+ p = p − + O 3 = CV + DV + ACV ;
n n n n n2
la série diverge.

15.6 Méthode d’Abel


Il s’agit typiquement d’une utilisation de la complétude.

15.6.1 Théorème
Soit (εn )n∈N une suite de nombres réels qui décroît vers 0, et n∈N v n une série dont les
P

sommes partielles sont bornées. Sous ces hypothèses, la série de terme général (εn v n )n∈N converge.

Démonstration : commençons par décrire la transformation d’Abel :


On se donne deux entiers m et n avec n > m, et l’on écrit v k = Vk − Vk−1 (différence des
sommes partielles, avec V−1 = 0) la « tranche de Cauchy » de la série considérée devient
n
X n
X n
X n
X
εk v k = εk (Vk − Vk−1 ) = εk V k − εk Vk−1 .
k=m k=m k=m k=m

Le décalage des indices dans la deuxième somme amène l’égalité

n
X n
X n−1
X n−1
X
εk v k = εk V k − εk+1Vk = εn Vn + εm Vm−1 + (εk − εk+1 )Vk .
k=m k=m k=m−1 k=m

186
Passons maintenant aux majorations. M désignant un majorant de la suite (|Vn |)n∈N :
¯ ¯
¯ n−1 ¯ n−1
¯X X
|εn Vn + εm Vm−1 | ≤ M (εn + εm ) et ¯ (εk − εk+1 )Vk ¯ ≤ M (εk − εk+1 )
¯
¯k=m ¯ k=m

(car εk − εk+1 ≥ 0), en simplifiant :


¯ ¯
¯Xn ¯
εk v k ¯ ≤ M (εn + εm ) + M (εm − εn ) ≤ 2M εm .
¯ ¯
¯
¯k=m ¯

Comme par hypothèse la suite (εn )n∈N tend vers 0, le critère de Cauchy s’applique, et la série
étudiée converge.

Remarque : la preuve nous donne « en prime » le contrôle abélien du reste obtenu en


faisant tendre n vers +∞ dans la majoration finale :

∀m ∈ N, |R m−1 | ≤ 2M εm .

Cette estimation nous servira lors de l’étude de convergence uniforme.

15.6.2 Exemple
L’utilisation des méthodes d’Abel est essentielle pour les séries trigonométriques : soit x
dans R, x 6∈ 2πZ. Si la suite (εn )n∈N décroît vers 0, la série n∈N εn ei nx converge : il suffit de
P

montrer que les sommes partielles de n∈N ei nx sont bornées, mais par sommation d’une
P

suite géométrique
i n+1x ¯¯
¯1 + ei x + · · · + ei nx ¯ = ¯ 1 − e 2 2
¯
¯ ¯ ¯
¯ 1 − ei x ¯ ≤ ¯¯1 − ei x ¯¯ ≤ ¯¯sin x ¯¯
¯
2

d’où la conclusion.

15.6.3 Variante
Méthode de Dirichlet (laissée à titre d’exercice) : soit εn une suite de nombres complexes
telle que la série n∈N |εn − εn+1 | converge, et n∈N v n une série dont les sommes partielles
P P

sont bornées. Alors la série de terme général εn v n converge.

(À nouveau, c’est la transformation d’Abel qui est la clé du problème, on applique ensuite
le critère de Cauchy à la série n∈N |εn − εn+1 |).
P

15.7 Groupement de termes


15.7.1 Modification de la convergence
En général, la série obtenue en groupant des termes d’une série donnée peut converger
sans que ce soit le cas de la série initiale : les sommes partielles de la série obtenue après
groupement ne forment qu’une suite extraite de la suite des sommes partielles de départ. Il
faut donc contrôler la différence, c’est ce qu’exprime le théorème suivant :

187
15.7.2 Théorème
Soit φ une application strictement croissante de N dans N telle que φ(0) = 0, et (u n )n∈N
une suite à valeurs dans R ou C. Les deux conditions suivantes étant réalisées :
i) la série de terme général v n = u φ(n) + · · · + u φ(n+1)−1 est convergente
¯ ¯ ¯ ¯
ii) la suite d n = ¯u φ(n) ¯ + · · · + ¯u φ(n+1)−1 ¯ tend vers 0
la série n∈N u n converge et les séries n∈N u n et n∈N v n ont même somme.
P P P

Démonstration : si n∈N v n converge la suite Vp = Uφ(p+1)−1 converge aussi, mettons


P

vers V , et il faut obtenir la convergence


¯ ¯ de (u n )n∈N vers V . Soit ε > 0. Choisissons p 0 tel que,
pour tout p ≥ p 0 , d p ≤ ε et Vp − V ≤ ε. Posons N = φ(p 0 + 1) − 1.
¯ ¯
Pour tout n ≥ N il existe p ≥ p 0 tel que φ(p) ≤ n ≤ φ(p + 1) − 1, on écrit alors
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
|Un − V | ≤ ¯Un − Vp ¯ + ¯Vp − V ¯ ≤ ¯Un − Vp ¯ + ε
¯ ¯
le choix de p donne ¯Un − Vp ¯ ≤ d p ≤ ε, et de ce fait |Un − V | ≤ ε.

Remarques :
1. Si n∈N u n converge, avec les notations du théorème et i) on a Vn = Uφ(n+1)−1 ; donc si
P

la série n∈N u n converge, la suite (Vn )n∈N , extraite d’une suite convergente, converge
P

aussi : n∈N v n converge.


P

2. Si n∈N u n ¯est à termes positifs la ¯condition ii) est inutile car automatiquement véri-
P
¯ ¯
fiée : v n = u φ(n) + · · · + u φ(n+1)−1 ¯ car les termes sont positifs et v n tend vers 0 sous
¯ ¯ ¯
l’hypothèse i).
3. Si φ(n + 1) − φ(n) est bornée et si (u n )n∈N tend vers 0, la condition ii) est vérifiée.
Application : règle de « la loupe » : soit (u n )n∈N une suite décroissante de réels > 0. Les
propriétés suivantes sont équivalentes :
i) n∈N u n converge et
P

ii) n∈N 2n u 2n converge.


P

Il suffit d’écrire : 21 2n+1 u 2n+1¢ ≤ u 2n+1 +· · ·+u 2n +1 ≤ 2n u 2n , ce qui montre que les séries n∈N 2n u 2n
P

et n∈N u 2n +1 + · · · + u 2n+1 sont de même nature, puis de noter que, (u n )n∈N étant à termes
P ¡

positifs, les séries de terme général respectifs u n et u 2n +1 + · · · + u 2n+1 sont de même nature.

Remarque : on retrouve ainsi les critères de Riemann et de Bertrand : si u n = n1a , 2n u 2n =


2(1−a)n qui converge ssi a > 1 ; et si u n = n(ln1n)a , 2n u 2n = (n ln1 2)a qui converge ssi a > 1.

Exemple : on pose : u n = 0 si 9 intervient dans l’écriture décimale de n, u n = n1 sinon.


Nature de n∈N u n ?
P

En fait, cette série est, contrairement à l’intuition immédiate, convergente. Notons a n le


nombre de nombres m tels que : 9 n’intervient pas dans l’écriture décimale de m, 10n ≤ m <
10m−1 − 1. Vérifions que a n ≤ 9n + 1 : l’écriture décimale d’un tel m comporte n + 1 chiffres,
et pour chacun d’entre eux il n’y a que 9 choix possibles, d’où le résultat. On effectue main-
tenant un regroupement des termes de la série avec φ(n) = 10n il vient
µ ¶n
9n+1 9
u 10n + · · · + u 10n+1 −1 ≤ = 9
10n 10
la série majorante est géométrique convergente, comme les u n sont positifs, n∈N u n converge.
P

188
15.8 Produit de convolution
15.8.1 Définition
Soit n∈N u n et n∈N v n deux séries. Le produit de convolution des séries de terme géné-
P P

ral u n et v n est la série n∈N w n où


P

n
X
w n = u0 v n + · · · + un v 0 = u k v n−k
k=0

Ce produit se forme naturellement dès que l’on s’intéresse au produit de deux séries en-
tières, qui généralise celui des polynômes.

15.8.2 Théorème
Soit n∈N u n etn∈N v n deux séries absolument convergentes. Le produit de convolution
P P

de n∈N u n et n∈N n est alors absolument convergent et l’on a :


v
P P

µ +∞ ¶ µ +∞ ¶ µ +∞ ¶
X X X
un vn = wn
n=1 n=1 n=1

Démonstration : Nous emploierons les notations usuelles : Un , Vn , U , V , Wn ...


Premier cas : les séries sont supposées à termes positifs. On vérifie alors, en regardant avec
soin les indices que à !à !
Xk k
X
Wn ≤ un vn ≤ W2n
n=0 n=0

Il en résulte d’abord que la suite des sommes partielles de la série à termes positifs n∈N w n
P

est majorée par UV , donc converge, puis sa somme W satisfait à W ≤ UV ≤ W donc UV =


W.
Deuxième cas : l’idée est d’utiliser le premier cas pour les séries de terme général a n = |u n |
et b n = |v n | : si c n est leur produit de convolution, on a visiblement |w n | ≤ c n donc n∈N w n
P

est absolument convergente, puis l’on vérifie ensuite que

|Un Vn − Wn | ≤ A n B n −C n

(les indices manquants sont les mêmes) et le membre de droite tend vers 0, d’où à nouveau
UV = W . QED.

B : le produit de convolution de deux séries convergentes n’est pas nécessairement


n
convergent : prenons le cas où u n = v n = (−1)
p , la définition amène :
n

n 1
w n = u 1 v n + u 2 v n−1 + · · · + u n−1 v 1 = (−1)n
X
p
k=1 k(n − k)

mais k(n − k) ≤ n 2 donc p 1 ≥ n1 et |w n | ≥ 1, w n ne tend pas vers 0.


k(n−k)

189
15.8.3 Théorème (Cauchy-Mertens)
Soit +∞
P+∞
n=1 u n et n=1 v n deux séries convergentes, la série +∞
n=1 u n étant absolument conver-
P P
P+∞ P+∞
gente. Le produit de convolution de n=1 u n et n=1 v n est alors convergent et
µ +∞ ¶ µ +∞ ¶ µ +∞ ¶
X X X
un vn = wn .
n=1 n=1 n=1

Démonstration : On procède cette fois de façon différente, utilisant une technique « à la


Cesàro ». Commençons par nous ramener au cas plus simple où V = 0 : le remplacement de
v 0 par v 0 −V change w n en Wn −V u n donc ne modifie pas le problème posé. La suite Vn est
bornée mettons par M. De w n = u 0 v n + · · · + u n v 0 on tire

w 0 + · · · + w n = u 0Vn + u 1Vn−1 + · · · + u n−1V1 + u n V0

Soit ε > 0, choisissons N tel que, pour tout n ≥ N , +∞ |u n | ≤ ε et, pour n > N , coupons la
P
k=N
somme ci-dessus à N , il vient

|w 0 + · · · + w n | ≤ (u 0Vn ) + · · · + (u N Vn−N ) + (u N +1Vn−N −1 ) + · · · + (u n−1V1 ) + (u n V0 )


≤ (u 0Vn ) + · · · + (u N Vn−N ) + εM

N étant fixé, la suite (u 0Vn ) + · · · + (u N Vn−N ) tend vers 0 ; pour n assez grand |w 0 + · · · + w n | ≤
(M + 1)ε, ce qui achève la preuve.

si u et v n sont deux séries dont le produit de convolution converge,


P P
Remarque : n
¡P+∞ ¢ ¡P+∞ ¢ n∈N¡P
n∈N
+∞
la relation n=1 u n n=1 v n = n=1 w n reste vraie :
¢

on vérifie d’abord l’identité : U0Vn +· · ·+Un V0 = W0 +· · ·+Wn (compter les indices). Ensuite,
1
divisant par n+1 nous trouvons que le membre de droite tend, avec le théorème de Cesàro,
vers la somme W de la série convolée, et que celui de gauche tend vers le produit UV (c’est
encore une application des idées de Cesàro), d’où la conclusion.

N.B. : il y a une autre preuve de ce résultat, avec les séries entières : voir le § 26, applica-
tion du théorème d’Abel.

EXERCICES

C OMPARAISON , DÉVELOPPEMENTS LIMITÉS , ASYMPTOTIQUES


n2
q
1) Étudier les séries de terme général : 1 − cos p1n , ln n. artanh n12 , .
(ln(ln n))ln(ln n)
1
2) Soit a dans ] 0 ; 1 [ et (u n )n∈N une suite réelle > 0 telle que : ∀n ∈ N, u nn ≤ 1− n1a . Montrer
que la série n∈N u n converge.
P

3) Soit u 0 > 0 et u n+1 = sin u n . Nature de n∈N (u n )α selon α réel, équivalent de S n (utili-
P

ser le § 13.3).
4) Soit n∈N u n une série convergente à termes positifs. Montrer que les séries
P
p 1p
n∈N u n u n+1 et n∈N n u n convergent.
P P

5) Soient n∈N a n et n∈N b n deux séries convergentes réelles, et n∈N c n une série telle
P P P

que : ∀n ∈ N, a n ≤ c n ≤ b n . Que dire de n∈N c n ?


P

190
C RITÈRE DE C AUCHY
6) Soit n∈N u n une série convergente à termes > 0. On note R n le reste : R n = +∞ u .
P P
k=n+1 k
un
Montrer que la série de terme général Rn−1 diverge (user d’une méthode semblable à
celle de 15.2.2-2).
7) Soit n∈N u n une série à termes > 0.
P

a) Montrer que si n∈N u n converge, pour tout a ∈ ] 0 ; 1 [ , la série de terme général


P

v n = Ruan diverge.
n−1

b) Montrer que, si n∈N u n diverge, pour tout nombre a > 1 la série de terme géné-
P

ral : v n = uS an converge. (Utiliser le théorème des accroissements finis pour enca-


n
α
drer S n+1 − S nα−1 .)

É QUIVALENCE SUITES - SÉRIES


8) Soit x n une suite de réels tels que : ∀n ∈ N, 2x n ≤ x n−1 + x n+1 . Si x n est bornée et si
x n+1 − x n tend vers 0, la suite x n converge.
9) Soit (a n )n∈N q
une suite de réels > 0. Montrer que la série n∈N a n et la suite x n : x 0 ,
P

2x n+1 = x n + x n2 + a n sont de même nature.

A PPLICATION DE LA MÉTHODE D ’A BEL


10) Si x ∈ R\2πZ, la série n∈N cosnnx converge.
P
1
11) Soit n∈N u n une série convergente. Montrer que n∈N e n u n converge.
P P

sin2 n |sin n|
12) Nature des séries de terme général : n (linéariser), n (y a-t-il un rapport avec la
précédente ?)

M ÉTHODES D ’ ÉCLATEMENT
(−1)n n
³ ´ ³ ´
13) Étudier la nature des séries de termes généraux : sinh ln n , ln 1 + (−1)
na avec a = 23 ,
1 1
,
2 3
(pour la première utiliser la monotonie, la deuxième se traite à l’aide de dévelop-
pement limités, attention au reste !).
1
14) Étudier la nature des séries de terme général : u n = 1+(−1) n n a , (convergence absolue ?).
³ p ´
15) Nature de la série tan π n 2 + 1 .

G ROUPEMENT DE TERMES
1−p 1
16) Soit p un entier ≥ 2, on pose : u n = n si n ≡ 0 mod p, et u n = n sinon. Nature de la
série n∈N u n ?
P
p
b nc
(−1)
17) Nature de la série de terme général p
n
?

191
P ROBLÈME :
Dans tout ce qui suit, n∈N u n désigne une série à termes réels ou complexes, et σ une per-
P

mutation de N.
1°) Si n∈N u n est absolument convergente, montrer que la série n∈N u σ(n) est conver-
P P

gente et de même somme que n∈N u n . Montrer que l’hypothèse n∈N u n AC est in-
P P
n−1
dispensable, en considérant l’exemple de n∈N (−1)n
P

2°) On suppose que n∈N u n est semi-convergente et réelle. Soit a un nombre réel ; mon-
P

trer qu’il existe une permutation σ de l’ensemble des entiers telle que n∈N u σ(n) con-
P

verge vers a. On utilisera, après preuve, le fait que les séries n∈N u n+ et n∈N u n− di-
P P

vergent, et un encadrement récurrent.


3°) a) Lorsque¡…p est†¢entier, on note φ(p) le plus grand entier m tel que ‚0, mƒ soit contenu
dans σ 0, p . Montrer que φ(p) tend vers +∞ avec p.
b) Si σ(n) − n est bornée, montrer que la convergence de n∈N u n entraîne celle de
P

n∈N u σ(n) , la somme étant conservée.


P

4°) (Théorème de Levy)


a) On suppose cette fois qu’il existe un nombre M tel que, pour tout n de N, σ(‚0, nƒ)
est réunion d’au plus M intervalles (maximaux pour l’inclusion). Montrer que la
convergence de n∈N u n entraîne celle de n∈N u σ(n) , la somme étant conservée.
P P

b) Lorsque n est dans N, on pose

On = j ∈N | j ≤n et σ−1 ( j ) > n , et
© ª

In = j ∈N | j >n et σ−1 ( j ) < n .


© ª

Montrer que la condition de a) est satisfaite ssi il existe un nombre fixe P tel que
O n et I n soient réunion d’au plus P intervalles maximaux.

192
Chapitre 16

Intégrales généralisées

Toutes les fonctions sont ici supposées localement intégrables (ou au moins réglées) et
tous les evn complets, qualité indispensable à la construction de l’intégrale.

16.1 Définition et premières propriétés

16.1.1 Intégrale généralisée


Soit [ a ; b [ un intervalle de R, a ∈ R et b ∈ R. Si f est une fonction de [ a ; b [ dans l’espace
de Banach (E , k·k), nous dirons que f admet une intégrale généralisée sur [ a ; b [ s’il existe

Z x Z b
lim f (t ) dt = f,
x→b a a

Rb
on dit aussi que a f converge.
Rb
Pour une intégrale généralisée, il faut distinguer deux emplois du symbole a f :

— l’intégrale en tant que problème : existence d’une limite ;


— le vecteur ou le nombre obtenu après passage à la limite, il faut dans ce cas avoir préa-
lablement prouvé la convergence.

B : on peut avoir deux bornes d’intégration généralisée, par exemple −∞ et +∞, il faut
alors couper l’intégrale et faire l’étude séparée des bornes ! (se méfier aussi des « bornes mas-
quées »). On peut également,
R y le lecteur s’en persuadera, étudier la fonction de deux variables
indépendantes (x, y) → x f .

16.1.2 Premières propriétés


Il s’agit d’une limite d’intégrale simple donc on doit retrouver toutes les précautions re-
latives aux limites, en particulier pour les opérations algébriques.
Une combinaison linéaire de fonctions dont l’intégrale converge fournit un intégrale conver-
gente.

193
16.2 Intégrale des fonctions positives
16.2.1 Étude simplifiée
Le comportement de l’intégrale
Rx d’une fonction positive est plus simple compte tenu de
fait que la fonction F : x → a f croît ; F possède de ce fait une limite en b ssi F est majorée,
et si l’intégrale diverge c’est vers +∞.

On en déduit un premier

16.2.2 Théorème de comparaison


Rb Rb Rb
Si 0 ≤ f ≤ g , la convergence de a g entraîne celle de a f , la divergence de a f entraîne
Rb
celle de a g .

D’où suit immédiatement, par encadrement, le critère suivant :

16.2.3 Équivalents
Rb
Si, au voisinage de b, les fonctions positives f et g vérifient f ∼ g , les intégrales a f et
Rb
a g sont de même nature.

Noter l’analogie avec les séries, ainsi que la nécessité du caractère positif.

16.3 Critère de Cauchy


Rx
La traduction du critère de Cauchy en termes de la fonction x → a f nous donne immé-
diatement, compte tenu du fait que E est complet, le :

16.3.1 Théorème
Pour que f possède une intégrale généralisée sur [ a ; b [ , il faut et il suffit que, pour tout
ε il existe c ε dans [ a ; b [ tel que, pour tout u et v dans [ c ε ; b [ on ait :
°Z v °
° °
° f°° ≤ ε
u
°

Application : une fonction


° ° bornée sur une intervalle borné fournitεune intégrale conver-
gente. Si M > 0 majore f (x)° sur [ a ; b [ , il suffit de prendre c ε = b − M
°

16.4 Convergence absolue, domination


16.4.1 Définition
Rb Rb° °
On dit que l’intégrale a f est absolument convergente lorsque a
° f ° converge.

194
16.4.2 Théorème
Toute intégrale absolument convergente converge.
Rb° ° Rb
Le critère de Cauchy est vérifié pour a ° f ° donc aussi pour a f car pour u ≤ v
°Z v ° Z v
° ° ° °
° f ° ≤ °f °.
u u
° °

16.4.3 Théorème (Domination)


Si g est une fonction numérique à valeurs positives dont l’intégrale généralisée converge
Rb
sur [ a ; b [ , et si, au voisinage de b, f = O(g ), l’intégrale a f converge absolument.
Rb° °
En effet, l’hypothèse entraîne que a ° f ° converge par domination, l’intégrale étudiée
est par suite absolument convergente, donc convergente.

Remarque :
1. Sur la rédaction des preuves par comparaison ou domination : une fois les théorèmes
démontrés, les preuves de convergence absolue se font par encadrementR des fonc-
tions données par des fonctions connues (« intégrales étalon ») le signe n’a donc
aucune raison d’apparaître (si ce n’est pour fausser le raisonnement, en faisant consi-
dérer comme acquise une convergence à démontrer).
2. Nous entrons ici, comme avec les séries, dans le domaine des raisonnements caté-
goriels ou encore de classification, le but étant de placer une fonction inconnue par
rapport à une échelle de comparaison. Pas de ε > 0 : ceux-ci sont déjà apparus lors des
preuves des théorèmes fondateurs : critère de Cauchy, convergence absolue.

16.4.4 Intégrales-étalon
Les plus courantes des fonctions utilisées comme base de comparaison sont pour la
borne +∞ :
— f (x) = x1a donne une intégrale convergente pour a > 1, divergente pour a ≤ 1 (on a
donc la convergence de¡e−cx¢ P (x), P polynôme, pour c > 0 car x 2 e−cx P (x) → 0 en-
traîne que e−cx P (x) = O x −2 ).

1
— f (x) = donne une intégrale convergente pour b > 1, divergente pour b ≤ 1.
x(ln x)b
En effet, f admet pour b 6= 1 la primitive 1
1−b [ln x]1−b et pour b = 1, x 7→ ln (ln x).

1
N.B. : le cas de se ramène, en choisissant b entre a et 1, à une intégrale du type
x a (ln x)b
précédent.

Pour la borne 0 :
1
— f (x) = xa
donne une intégrale convergente pour a < 1, divergente pour a ≥ 1.
³¡p ¢ ´
−1
— f (x) = |ln x|a donne une intégrale toujours convergente ( f (x) = O x ).

195
16.5 Intégrales semi-convergentes
16.5.1 Définition
Rb Rb° °
On dit que l’intégrale convergente a f est semi-convergente lorsque a
° f ° diverge.

16.5.2 Remarque
Les intégrales absolument convergentes fournissent, pour ce qui est des fonctions nu-
mériques, des intégrales convergentes au sens de Lebesgue (les fonctions sont réglées donc
mesurables ; et pour l’appartenance à L1 on peut appliquer par exemple le théorème de
convergence dominée aux fonctions f n :
(
f (x) si x ∈ [ a ; b n ], où b n tend vers b,
f n (x) =
0 sinon).

Ce n’est plus le cas des intégrales semi-convergentes, définies comme limites de fonctions ; il
convient donc de redoubler de prudence et d’avoir à l’esprit toutes les précautions qu’im-
posent la manipulation des limites.

16.5.3 Outils d’étude


Les outils pour l’étude des intégrales semi-convergentes, sont essentiellement :
— L’intégration par parties,
— La comparaison avec une série.
Nous donnons ici pour mémoire la deuxième formule de la moyenne et la règle d’Abel, dans
la pratique presque toujours remplacée par l’une des deux méthodes déjà citées.

16.5.4 Deuxième formule de la moyenne


Soient f et g deux fonctions réglées numériques sur l’intervalle [ a ; b ], la fonction g
étant supposée positive et décroissante. Il existe alors un point c de [ a ; b ] tel qu’on ait :
Z b Z c
f (x)g (x) dx = f (a) g (x) dx
a a

Pour la preuve on renvoie à [RDO75], [LFA74], [AF88], etc.

16.5.5 Règle d’Abel


Si f est une fonction numérique décroissante
R x de limite nulle en +∞R et si g est une
+∞
fonction numérique telle que la fonction x → a g soit bornée, l’intégrale a f (x)g (x) dx
converge.

La preuve en est immédiate moyennant la deuxième formule de la moyenne et le critère


de Cauchy.

196
I NTÉGRATION PAR PARTIES
Il s’agit d’une méthode efficace souvent sous-estimée par les candidats.

16.5.6 Théorème
Soient u et v deux fonctions à but complexe, de classe C 1 . On suppose que le produit uv
possède une limite en b. Alors les intégrales
Z b Z b
0
I= u(x)v (x) dx et J= u 0 (x)v(x) dx
a a

sont de même nature, et, en cas de convergence

I = lim u(x)v(x) − u(a)v(a) − J .


x→b

Démonstration : Il suffit d’intégrer l’identité (uv)0 = u 0 v + uv 0 .

16.5.7 Applications
R +∞
1. Calcul de I n = 0 x n e−x dx
On intègre par parties : u(x) = x n , v 0 (x) = e−x pour obtenir I n+1 = (n − 1)I n et comme
I 0 = 1 il vient ∀n ∈ N, I n = n!.
R +∞ x
2. Renforcement de la convergence. Traitons le cas de 1 sin xa
dx : l’intégrale converge
absolument pour a > 1, est semi-convergente pour 0 < a < 1 et diverge lorsque a ≤ 0.
Cas où a > 1 : c’est une simple domination (en valeur absolue) par x −a
Cas où 0 < a ≤ 1 : l’idée est d’intégrer par parties avec f (x) = x −a (pour augmenter
le degré du dénominateur) et v 0 (x) = sin x ; il vient u(x)v(x)R= x −a cos x qui tend vers
+∞
0 en +∞, l’intégrale étudiée est donc de même nature que 1 cos x
x a+1
dx qui converge
−(a+1)
absolument par comparaison à l’intégrale de x .
Cas où a ≤ 1 : divergence absolue : voir la fin du § 17, « séries-intégrales, les intégrales ».
Enfin l’intégrale diverge pour a ≤ 0 : il suffit d’utiliser la négation de critère de Cauchy
sur les intégrales [ nπ ; (n + 1)π ].

16.5.8 Changement de variable


1
Théorème £ : soit φ une bijection de classe C ¤de l’intervalle ouvert ] a ; b ¤[ sur l’intervalle
ouvert α ; β , et soit f une fonction continue sur α ; β . L’intégrale de f sur α ; β converge
¤ £ £

ssi celle de ( f ◦ φ)0 φ0 converge sur ] a ; b [ , et dans ce cas les intégrales sont égales.

Démonstration : pour tout u, v de [ a ; b ] on a par changement de variable simple


Z v¡ Z φ(v)
f ◦ φ φ0 f
¢
=
u φ(u)

197
Comme φ est une bijection continue entre intervalles réels c’est un homéomorphisme et
l’existence d’une limite du membre
R y de gauche lorsque (u, v) → (a, b) est équivalente à l’exis-
tence d’une limite en (α, β) pour x f . QED.

Ce théorème est souvent employé pour ramener le problème posé à un autre mieux
connu, voir par exemple la fin de ce paragraphe.

16.6 Comportement aux bornes et convergences des intégrales


généralisées
16.6.1 Contre-exemples
La première constation est que l’on ne peut rien dire du comportement aux bornes d’une
fonction dont l’intégrale généralisée converge. Nous donnons ci-dessous une liste d’exemples
en +∞ ; un changement de variable amène des contre-exemples de même nature en un
point quelconque de R. Une première idée vient de l’exemple suivant :
R +∞
Une fonction non bornée positive sur [ 0 ; +∞ [ telle que : 0 f converge.

On considère la fonction suivante : f (n) = n, f est affine par morceaux, R x la base du triangle
2
est n 3 . Il est alors clair que, la fonction intégrée étant positive, F (x) = 0 f croît, pour prouver

~

O ~ı 1 2 3 4

F IGURE 16.1 – Exemple de fonction non bornée positive dont l’intégrale converge

l’existence de l’intégrale généralisée de f , il suffit donc de montrer que F est bornée. Mais
1
on voit immédiatement que, pour tout réel x réel positif, F (x) = +∞ n=1 n 2 (somme d’une série
P
2
convergente, dont on verra qu’elle vaut π6 ) donc F est bornée et f possède une intégrale
généralisée sur R+ .
On montre ensuite que
R +∞ 2 R +∞
les intégrales 0 sin x dx et 0 x sin ex dx convergent :

198
p
Dans le premier cas, le changement
R +∞ sin xde variables licite x = u, u ≥ 1 (l’étude en 0 est inutile)
ramène à la convergence de 1 1 dx qui a été traitée ci dessus par intégration par partie.
x2
Le deuxième cas se fait de même : en posant x = ln y, y ≥ 1, on se ramène à
Z +∞
ln y. sin y
dx
1 y
3
qui converge absolument par intégration par parties (dériver (ln y)y −1 et comparer à y − 2 ).
L’idée ici est que l’oscillation de plus en plus grande des fonctions considérées amène les
morceaux d’intégrales à se compenser. On vérifie assez facilement que les intégrales en jeu
sont semi-convergentes (cf. comparaison séries-intégrales, considérer la série obtenue en
coupant à nπ).
Nous disposons donc d’exemples de fonctions possédant une intégrale convergente sur R+ ,
et de comportement erratique en +∞. Ce qui compte en fait n’est pas la régularité de f :
caractère C 1 , ..., C ∞ , ... mais, en un sens étendu, sa variation sur l’intervalle d’étude, les cas
traités ci-dessous permettent de s’en faire une première idée.

16.6.2 Les résultats positifs


Par séparation des parties réelles et imaginaires, 1) et 2) ci-après s’étendent au cas des
fonctions complexes.
1) Soit Rf une fonction réglée de [ 0 ; +∞ [ dans R, possédant une limite l en +∞, et telle
+∞
que 0 f converge. f tend vers 0 en +∞.
Par l’absurde, on suppose l 6= 0. Quitte à changer f en − f , on suppose l > 0, il vient
donc f (x) ≥ 2l pour x ≥ M de là pour v > u ≥ M
Z v
l
f ≥ (v − u), négation du critère de Cauchy.
u 2
R +∞ R +∞
Application : si f est C 1 , et si 0 f , 0 f 0 convergent, la fonction f tend vers 0 en
+∞ : en effet, la convergence de l’intégrale de f 0 entraîne par primitivation l’existence
d’une limite pour f . On utilise ce qui précède.
R +∞
2) Soit f une application uniformément continue de R+ dans R telle que 0 f (t ) dt
converge. Alors f possède la limite 0 en +∞ .
Raisonner par l’absurde amène l’existence
¯ ¯ d’un réel ε > 0 et d’une suite (x n )n∈N ten-
dant vers +∞ telle que pour tout n, ¯ f (x n )¯ ≥ ε. Comme f est uniformément continue,
il existe un réel α > 0 tel que :

∀(x, y) ∈ [ 0 ; +∞ [ 2 , ¯ f (x) − f (y)¯ < ε .


¯ ¯ ¯ ¯
¯x − y ¯ < α =⇒
2
Il vient alors, pour tout n et tout x réel ≥ 0 :

¯ f (x)¯ ≥ ε
¯ ¯
|x − x n | < α =⇒
2
¯R ¯
¯ x +α ¯ R x +α ¯ ¯
f garde alors un signe constant sur [ x n −α ; x n +α ] et de ce fait ¯ xnn−α f ¯ = xnn−α ¯ f ¯ ≥
αε ce qui réalise la négation du critère de Cauchy : l’intégrale diverge.

199
R +∞ R +∞
Application : soit f une application de classe C 1 telle que 0 f et 0 f 02 convergent.
Alors f tend vers 0 en +∞.
En effet, on a pour tout 0 ≤ x ≤ y les inégalités

y y ¶1
¯ p p
¯Z ¯ µZ
2
0¯ 02
¯ ¯ ¯
¯ f (x) − f (y)¯ = ¯ f ¯≤ y −x f ≤C y −x
x x
¯

par l’inégalité de Schwarz, où C est une constante. Donc f est uniformément continue
(prendre α = ε2 ) et la convergence de l’intégrale fait que f tend vers 0 en +∞.
R +∞
3) Soit f une fonction décroissante de R+ dans R telle que 0 f (t ) dt converge. On a
lim x f (x) = 0.
x→+∞

C’est encore une application du critère de Cauchy : par décroissance de la fonction


f ≥0 Z x
x
f ≥ f (x)
x
2
2
d’où la conclusion.

N.B. : ces résultats ne sont pas gratuits : convenablement généralisés, ils servent entre
autres dans l’étude des espaces de Sobolev.

EXERCICES

R +∞ cos x
R +∞ cos x
1) Étudier 0 1 dx et 1 1 dx
x 2 +cos x x 2 +sin x
R +∞ t
2) Étudier la fonction x 7→ x sint2
dt sur R∗+ , comportement en 0 et en +∞, existence de
R +∞
l’intégrale 0 x f (x) dx
3) Soit f une application de R+ dans R, de classe C 2 .
R +∞ R +∞
a) On suppose que 0 f (t ) dt et 0 f 00 (t ) dt convergent.R +∞ Prouver qu’il existe
lim f (t ) = 0 et lim f 0 (t ) = 0. Montrer que 0 f 0 (t ) dt converge.
t →+∞ t →+∞
R +∞ R +∞ ¯ 00 ¯
b) On supposeR +∞ que 0 f (t ) dt et 0
¯ f (t )¯ dt convergent. Montrer que pour tout
n de N, 0 f (t ) cos nt dt converge. Ce résultat est-il vrai avec les hypothèses de
a) ?
R +∞ x
4) Nature de l’intégrale : 0 e−x + ee2x| sin x| dx (comparer à une série).
R +∞ R +∞
5) Soit f dans C 1 (R, R) telle que 0 f 2 et 0 x 2 f 2 (x) dx convergent. Montrer que x f 2 (x)
tend vers 0 en +∞.

200
Chapitre 17

Comparaison série-intégrale

I. Les séries

17.1 Étude d’une série à partir d’une intégrale


Le but de ce paragrapheRI est, f étant une fonction de l’intervalle [ a ; +∞ [ dans [ 0 ; +∞ [ ,
n
de comparer les suites a f et nk=a f (k) en vue d’obtenir des renseignements sur la
P

nature et les propriétés


R +∞de la série de terme général k≥a f (k) à partir de la connais-
P

sance de l’intégrale a f (t ) dt ; l’idée générale étant qu’une intégrale, objet continu,


se prête plus facilement à un calcul ou à une estimation asymptotique que les sommes
partielles de la série. On introduira le processus « inverse » de celui-là dans le para-
graphe suivant. Étudions d’abord un cas facile, nous prendrons a = 0 pour simplifier
les notations.

17.2 Cas où f est décroissante

17.2.1 Encadrement
La fonction f , minorée par 0 décroît vers une limite l ≥ 0, donc aussi les suites f (k) et
R k+1
k f (t ) dt ; on peut partir de l’encadrement
Z k+1
f (k) ≥ f (t ) dt ≥ f (k + 1) (F)
k

Pn R n+1 Pn+1
Par sommation de 0 à n il vient : k=0
f (k) ≥ 0 f ≥ k=1
f (k).
En outre Z +∞ Z n
f converge ⇐⇒ f bornée
0 0

car f est positive et donc

n
X n
X
f (k) converge ⇐⇒ f (k) bornée
k=0 k=0

201
1.0
~
0.8

0.6

0.4

0.2
Γf

0
O 0 ~ı 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

1
F IGURE 17.1 – Encadrement de f (x) = x+1

toujours par le caractère positif de f ; finalement


Z +∞ X
f converge ⇐⇒ f (k) converge.
0 k≥0

17.2.2 Applications
(a) On retrouve immédiatement le critère de convergence des séries de Riemann
avec f (x) = x1a .
(b) Séries de Bertrand : On traite moyennant les séries de Riemann le cas de α 1 β
n (ln n)
lorsque α > 1 ou α < 1 : si α > 1 il suffit de choisir un nombre β tel que 1 < β <
α, à l’infini n β .u n tend vers 0 donc pour n grand 0 ≤ u n ≤ n1β ce qui assure la
convergence ; de même avec α < 1 la série diverge. Le cas douteux est celui où
α = 1 : x 7→ 1 β admet pour primitive
x(ln x)
— si β = 1, ln(ln x), qui tend vers +∞ en +∞,
1 1−β
— si β 6= 1, 1−β (ln x) qui tend vers 0 ou +∞ selon que β > 1 ou β < 1.
1
Comme x(l nx)β
décroît pour x assez grand, le théorème de comparaison nous dit
1
que la série de Bertrand n(l nn)β
converge ssi β > 1.

17.2.3 Généralisation
λ étant un nombre > 0 fixé, on obtient bien sûr les mêmes résultats en considérant
la série k∈N f (λk), en travaillant sur les intervalles [ λk ; λk + 1 ] : lorsque f décroît
P
R +∞
la série k∈N f (λk) converge ssi l’intégrale 0 f (t ) dt converge, mais l’encadrement
P

obtenu est cette fois


n
X Z λ(n+1) n+1
X
f (λk) ≥ λ f (t ) dt ≥ f (λk)
k=0 0 k=1

202
17.3 Cas général

17.3.1 Contre-exemple
Rn
B : Sans l’hypothèse sur f , les suites a f et nk=a f (k) ne sont pas en général de même
P

nature.
Il suffit de prendre f (t ) = | sin t | pour obtenir la divergence de l’intégrale et la conver-
gence de la suite des sommes partielles de k∈N f (k) ; inversement, une fonction avec
P

« pics » fournit une intégrale convergente et une série divergente (voir le § 16.6.1, conver-
gence des intégrales généralisées).

La question naturelle est : Quelles hypothèses de régularité peut-on mettre sur f pour
obtenir un résultat positif (dans un sens ou l’autre) ? f de classe C ∞ ? non ; on peut
remplacer dans le premier contre-exemple donné ci-dessus | sin t | par sin2 (t ) ; et ré-
gulariser de même la fonction du second contre-exemple (16.6.1) en « lissant les pics »
(grâce à 9.7.4 par exemple). (N.B. : le caractère C ∞ n’influe pas sur les oscillations).
La question se ramène en fait au problème de la comparaison d’une aire délimitée par
une fonction f et de la valeur de f en un point, ce qui dépend visiblement de « la va-
riation de f » (on peut par exemple montrer que la suite et l’intégrale étudiées sont de
même nature lorsque f est à variation bornée).

L’hypothèse : f monotone donne, comme nous l’avons vu en 17.2, toute satisfaction ;


mais la recherche de conditions plus faibles est délicate ; nous en ferons une étude
plus approfondie dans le volume de travaux dirigés, étude basée entre autres sur les
formules d’Euler-Mac Laurin et de Poisson.

17.4 Complément : recherche de limites et d’équivalents


Rn
Nous supposerons dans le 17.4 : f décroissante positive. Les deux suites a f et nk=a f (k)
P

sont donc de même nature ; la première suite étant supposée connue ou du moins re-
pérable sur une échelle de comparaison (usuellement l’intégrale s’estime plus facile-
ment que la somme de la série, grâce au calcul des primitives, outil continu dont on
ne possède pas d’analogue discret).
L’objet de ce paragraphe est d’affiner notre connaissance des sommes partielles de la
série k∈N f (k) lorsque cette dernière diverge, et d’estimer le reste lorsque k∈N f (k)
P P

converge.

17.4.1 Théorème
Pn R n+1
La suite u n = k=0
f (k) − 0 f (t ) dt converge dans R+ .

Démonstration : la suite (u n )n∈N étant positive, il suffit de prouver qu’elle décroît.


Mais l’on a : Z n+2
u n − u n+1 = f (n + 1) − f (t ) dt ≥ 0
n+1

203
d’où la conclusion.

17.4.2 Applications
Constante d’Euler
1
Avec f (t ) = t +1 , les hypothèses du théorème 17.4.1 sont clairement vérifiées, et de ce
fait la suite
1 1
1 + + · · · + − ln n
2 n
converge vers un nombre réel > 0, noté γ et appelé constante d’Euler.

17.4.3 Corollaire
R +∞
On suppose que la série f (k) diverge (donc aussi 0 f ). Les suites
P
k≥0

Xn Z n+1
f (k) et f (t ) dt
k=0 0

sont équivalentes.

: comme la série k∈N f (k) est à termes positifs et divergente, la suite


P
Démonstration
¡Pn
f (k) n∈N tend vers +∞. D’après le théorème précédent 17.4.1 la différence
¢
Pnk=0 R n+1
k=0
f (k) − 0 f (t ) dt est convergente, d’où la conclusion.

17.4.4 Série convergente


Cas où la série k∈N f (k) converge : l’intérêt est alors d’estimer le reste R n . Par som-
P

mation de la relation fondamentale (F), il vient :


Z +∞
R n−1 ≥ f (t ) dt ≥ R n
n

d’où un encadrement du reste.

B : la recherche Rd’un équivalent du reste est souvent délicate ! Rien ne dit que le reste
+∞
est équivalent à n f (t ) dt , étudier par exemple le cas des séries géométriques q n ,
avec 0 < q < 1 et de f (t ) = exp(−λt ), λ = − ln q > 0 : le reste d’ordre n de la série, soit
q n+1 q n+1
1−q
et l’intégrale de n + 1 à l’infini de f soit − ln q ne sont pas équivalents.
Une condition suffisante utile est : u n = o(R n ), dans ce cas R n et R n−1 =R R n + u n sont
+∞
équivalents, et l’encadrement de 17.4.3. Montre que R n est équivalent à n f (t ) dt .

17.4.5 Exemple
Cas des restes des séries de Riemann n∈N∗ n1α , α > 1. Le reste est équivalent à
P
Z +∞ Z +∞
dt 1
f (t ) dt = =
n n t α (α − 1)n 1−α
Voir également en § 21.2.7-c) la recherche d’un équivalent de ζ en 1+ .

204
17.5 Complément : cas où la fonction f est croissante po-
sitive
Cette étude est sans intérêt pour la pratique de la convergence des séries : sauf si la
fonction f est identiquement nulle, la série k∈N f (k) et l’intégrale de f sur [ 0 ; +∞ [
P

divergent toutes les deux. Il s’agit ici d’utiliser l’idée d’encadrement pour la recherche
d’équivalents de somme de séries, le but étant comme toujours d’estimer
n
X Z n
f (k) à l’aide de f (t ) dt .
k=0 0

Dans ce cas, l’encadrement de départ devient


Z k+1
f (k) ≤ f (t ) dt ≤ f (k + 1)
k

Une question naturelle se pose alors : S n et I n sont-elles équivalentes en +∞ ?


En général ce résultat est faux : prendre f (t ) = et , a = 0, il vient alors :

en+1 −1 e
I n = en −1 et Sn = ∼ α en où α= > 1,
e −1 n→+∞ e −1
donc S n n’est pas équivalente à I n . Quel est le défaut ? Le mal vient de la très rapide
croissante de f ; si celle-ci est moins brutale, en un sens à préciser, on a bien l’équiva-
lence souhaitée ; un bon critère est

f (n) est négligeable devant In ( ou S n )

car dans ce cas l’encadrement


n
X Z n+1 n+1
X
f (k) ≤ f (t ) dt ≤ f (k)
k=0 0 k=0

fournit alors immédiatement l’équivalence souhaitée.

Exemple : déterminons un équivalent de nk=0 n α , avec α > 1 : on trouve par intégra-


P

tion
n n α+1

X
∼ .
k=0
n→+∞ α+1

II. Les intégrales

17.6 Étude d’une intégrale à l’aide d’une série

17.6.1 Principe général


R +∞
Il s’agit cette fois
R xn+1d’étudier la nature d’une intégrale a f à l’aide de la série de terme
général u n = xn f où (x n )n∈N est une suite qui croît vers +∞, telle que x 0 = a.

205
17.6.2 Proposition
La convergence de l’intégrale entraîne celle de la série n∈N u n .
P

Pn R xn+1
En effet, la somme partielle de la série évoquée soit k=0
un = a f possède une li-
mite en +∞.

B : en général la réciproque est fausse, prenons l’exemple de f (t ) = sin t et de x n =


2nπ ; notons qu’il est irréaliste d’espérer
R x contrôler, dans le cas général, le comporte-
Rment
x n+1
d’une fonction en +∞ — ici x 7→ a f — grâce à la connaissance de la seule suite
a f !
Il y a un rapport avec le problème de la sommation par paquets dans les séries : dans
cette dernière on ne connaît que le comportement d’une sous-suite de la suite des
sommes partielles, et il faut - sous des hypothèses convenables - en déduire celui de
la série i.e. de toutes les sommes partielles.

17.6.3 Proposition
Avec les mêmes notations, et l’hypothèse supplémentaire
Z xn+1
¯ ¯
la suite v n = ¯ f ¯ tend vers 0
xn

la convergence de la série n∈N u n entraîne celle de l’intégrale.


P

Démonstration : Elle suit de près celle qui a été donnée pour la sommation par pa-
quets. Soit I la somme de la série n∈N u n . Soit ε un nombre réel > 0. Il existe N dans
P

N tel que, pour tout n ≥ N , ¯ ¯


¯Xn ¯
u n − I ¯ < ε.
¯ ¯
¯
¯k=0 ¯
On peut supposer aussi que N a été choisi de sorte que, pour n ≥ N , v n < ε. Il vient
alors, si x > x N et x n < x < x n+1 (nécessaire n ≥ N )
¯Z ¯
¯ x Xn ¯ Z x
¯ ¯
f − un ¯ ≤ ¯ f ¯ ≤ vn ≤ ε
¯ ¯
¯
¯ a k=0
¯ xn

d’où, pour x ≥ x N :
¯Z ¯ ¯ ¯
Z x ¯ x Xn ¯ ¯Xn ¯
f −I ≤ − un ¯ + un − I ¯ ≤ 2ε
¯ ¯ ¯ ¯
¯ ¯
a ¯ a k=0
¯ ¯k=0 ¯

ce qui achève la preuve.

17.6.4 Application
(a) Soit f une fonction positive décroissante de limite nulle en +∞. L’intégrale
Z +∞
f (t ) sin t dt
0

206
converge. (N.B. : la deuxième formule de la moyenne n’est pas au programme).

Preuve : on emploie ici de façon naturelle la suite x n = nπ. Il s’agit donc de véri-
fier les deux propriétés :
Rx
(1) La série de terme général u n = xnn+1 f converge ;
Rx ¯ ¯
(2) La suite v n = n+1 ¯ f ¯ tend vers 0.
xn
On observe d’abord que le sinus garde un signe constant sur [ nπ ; (n + 1)π ], d’où,
la fonction f étant positive et décroissante :
Z (n+1)π
|u n | = f (t )| sin t | dt

En outre, la fonction | sin x| est π-périodique. Comme f décroît on a


Z (n+2)π
|u n | ≥ 2 f ((n + 1)π) ≥ f (t )| sin t | dt ≥ |u n+1 |
(n+1)π

donc |u n | décroît et tend vers 0 ce qui donne déjà (2). Comme le signe de sinus
est alterné sur les intervalles [ nπ ; (n + 1)π ], la série n∈N u n est alternée et de ce
P

fait converge.
R +∞ ¯ x ¯
(b) Divergence de 0 ¯ sin x a dx : l’intégrale diverge si a ≤ 1.
¯
Notons f la fonction intégrée on a pour n ≥ 1
Z (n+1)π Z (n+1)π
1 2
f ≥ |sin t | dt ≥
nπ (n + 1)π nπ (n + 1)π
comme la série dominée diverge, l’intégrale aussi.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : on trouvera des énoncés désormais classiques dans


[Die54] chap3. Ensuite, il faut donner la priorité à la formule d’Euler-Mac Laurin, très
clairement traitée dans [Dem91] par exemple. Nombreux compléments sur la compa-
raison d’une série et d’une intégrale dans [Die70] (premiers chapitres).

EXERCICES

Pn p
1) Donner un équivalent de k=1
b kc en +∞.
R +∞
2) Soit f : [ 0 ; +∞ [ dans R, monotone et telle que 0 f (t ) dt converge. Montrer que
R +∞ 2
lim+ h +∞ n=0 f (nh) = 0 f (t ) dt , en déduire un équivalent de +∞ t k en 1− .
P P
h→0 k=0
R +∞
3) Étudier la convergence de l’intégrale 0 1+x αdxsin2 x (utiliser la série obtenue en inté-
grant sur [ nπ ; (n + 1)π ], et encadrer convenablement u n par des intégrales qui se cal-
culent).
R +∞ R +∞ ¯ ¯
4) Soit f une application de classe C 2 de R+ dans R. On suppose que 0 f et 0 ¯ f 00 ¯
convergent. Montrer que f et f 0 tendent vers 0, et que les séries n∈N f 0 (n) et n∈N f (n)
P P

convergent.

207
208
Quatrième partie

Convergence et approximation dans les


espaces de fonctions

209
Chapitre 18

Convergence des suites de fonctions

18.1 Convergence simple, convergence uniforme d’une suite


de fonctions
18.1.1 Définition
Soient X un ensemble, E un ¡ espace métrique, et f n n∈N une suite d’applications de
¡ ¢

¡X dans ¢ E . On dit que la suite f n n∈N converge simplement si, pour tout x de X , la suite
¢

f n (x) n∈N converge dans E . Dans ce cas,


¡ la¢ fonction f définie sur X ¡par¢ f (x) = limn→+∞ f n (x)
est appelée la limite simple de la suite f n n∈N , et l’on dit aussi que f n n∈N converge simple-
ment vers f .

Quantification de « f n n∈N converge simplement vers f »


¡ ¢

∀x ∈ X , ∀V ∈ V f (x) , ∃N ∈ N, ∀n ≥ N, f n (x) ∈ V

∀x ∈ X , ∀ε ≥ 0, d f n (x), f (x) ≤ ε
¡ ¢
∃N ∈ N, ∀n ≥ N,

B : l’entier N dépend de V et de x, ou encore de ε et de x.

18.1.2 Définition
Soit X un ensemble, ¡ E¢ un espace métrique, et f n n∈N une suite d’applications de X dans
¡ ¢

E . On dit que la suite f n n∈N converge uniformément s’il existe une fonction f définie sur X
telle ¡que, pour tout
¢ ε > 0, on puisse trouver N dans N vérifiant pour tout n ≥ N et tout x de
X , d f n (x), f (x) ≤ ε.
La fonction f est appelée la limite uniforme de la suite f n n∈N , et l’on dit aussi que f n n∈N
¡ ¢ ¡ ¢

converge uniformément vers f .

Quantification de « f n n∈N converge uniformément vers f »


¡ ¢

∀ε ≥ 0, ∀x ∈ X , d f n (x), f (x) ≤ ε.
¡ ¢
∃N ∈ N, ∀n ≥ N,

Bien noter la place des quantificateurs : le ∀x est introduit après le ∃N , de ce fait N ne dé-
pend pas de x ∈ X . Il y a donc une différence essentielle entre la convergence uniforme et

211
la convergence simple, la convergence uniforme entraînant la convergence simple ; la ré-
ciproque est fausse même avec de très bonnes propriétés de X (segment de R, fonctions
C ∞ ...).

18.1.3 Interprétation graphique


Il faut imaginer, lorsque f n converge uniformément vers f , que les graphes des fonctions
f n entrent tout entiers à partir d’un certain rang, dans un tube de centre le graphe de f et de
rayon ε.
Ainsi, la suite (x n )n∈N qui converge sur [ 0 ; 1 [ , vers la fonction nulle ne converge pas unifor-

Γ fn

ε
Γf
ε

F IGURE 18.1 – Tube de diamètre 2ε autour de f

mément vers celle-ci car on ne peut faire entrer le graphe dans la bande de rayon 12 centrée
sur [ 0 ; 1 [ ×{ 0 } : comme, pour chaque n la limite de f n en 1− est 1, il y aura toujours un x < 1
assez proche de 1 pour que f n (x) > 12 .

18.1.4 Exemples
1. (§ 5.4.3) Toute fonction continue sur un segment de R est limite uniforme de fonctions
affines par morceaux. Comme application, on a la densité des polynômes trigonomé-
triques : § 19.4 et 29.1.
2. (§ 4.1) Toute fonction réglée sur un segment de R est limite uniforme de fonctions en
escalier. De façon générale, pour qu’une fonction f soit limite uniforme de fonctions
prises dans un ensemble donné de fonctions, soit A, il faut et il suffit que, pour tout
nombre ε > 0, on puisse trouver une fonction g de A qui approche f uniformément à
ε près, c’est-à-dire telle que
° °
∀x ∈ X , ° f (x) − g (x)° ≤ ε.

En effet, la condition énoncée est visiblement nécessaire, et si elle est vérifiée on ob-
1
tient une suite convenable en prenant ε = n+1 . QED.

212
Application : (typiquement des résultats d’approximation uniforme, et utiles pour la le-
çon : sous-espaces denses).
1. Sommes de Riemann. Soit (σp , γp ) une suite de subdivisions pointées du segment
[ a ; b ] de R : chaque σp est une subdivision (x 0,p , . . . , x n(p),p ) ; γp p∈N est une suite
¡ ¢

(c 0,p , . . . , c n(p),p ) et c i ,p ∈ x i −1,p ; x i ,p , i ∈ 1, . . . , n(p) . Lorsque f est une fonction ré-


£ ¤ © ª
Pn(p)
glée de [ a ; b ] dans l’espace de Banach E on pose S p ( f ) = k=1 (x i ,p − x i −1,p ) f (c i ,p ).

Rb
Si le pas de σp tend vers 0, la suite S p ( f ) p∈N converge vers a f .
¡ ¢

Preuve (grandes lignes) : on remarque tout d’abord que le résultat, s’il est vrai de
f 1 , . . . , f r , est vrai de toute combinaison linéaire λ1 f 1 + · · · + λr f r . Cela fait
— L’énoncé est vérifié pour toute fonction caractéristique de segment ; contenu
£ ¤
α β
dans [ a ; b ] : il suffit d’encadrer les extrémités de α ; β par les points proxi-
£ ¤

maux de σp .
— L’énoncé est vérifié pour toute fonction en escalier sur [ a ; b ] : par combinaison
linéaire.
— La preuve s’achève°par approximation
° : soit ε > 0, choisissons une fonction en
escalier φ telle que ° f − φ°∞ ≤ ε, pour tout p de N nous disposons des inégalités
° Z b ° ° Z b ° °Z b Z b °
° ° ° ° ° ° ° °
°S p ( f ) − f° ≤ S p ( f ) − S p (φ) + °S p (φ) − f°
φ° + ° φ− °.
° ° ° ° ° °
a a a a
°
°R Rb °
° ° ° ° ° b
Comme °S p ( f ) − S p (φ)° ≤ (b − a) ° f − φ°∞ ≤ (b − a)ε, ° a φ − a f ° ≤ (b − a)ε
°

il vient
° Z b ° ° Z b °
° ° ° °
∀p ∈ N, °S p ( f ) −
° f ° ≤ 2ε(b − a) + °S p (φ) −
° ° φ°
a a
°

C’est à la fin de la preuve que l’on choisit p ε tel que, pour p ≥ p ε ,


° Z b ° ° Z b °
° ° ° °
°S p (φ) − φ ° ≤ ε d’où ∀p ≥ p ε , ° S p ( f ) − f ° ≤ 2ε(b − a) + ε. QED.
a a
° ° ° °

2. Théorème de Riemann-Lebesgue : soit f une fonction complexe intégrable sur le seg-


Rb
ment [ a ; b ] de R ; la suite n 7→ a f (t ) ei nt dt tend vers 0 lorsque n tend vers +∞.

Commençons par le cas où f est une fonction caractéristique d’un intervalle d’extré-
Rb
mités c et d , avec c < d ; un calcul direct donne a f (t ) ei nt dt = i1n e i nd − ei nc qui
¡ ¢

tend vers 0. Par combinaison linéaire, on récupère le cas des fonctions en escalier.
Si f est quelconque, et si l’on ¯ se donne un ¯ réel ε > 0 puis une fontion en escalier φ telle
que, pour tout x de [ a ; b ], ¯ f (x) − φ(x)¯ ≤ ε ; pour tout n de N il vient
¯Z b Z b ¯ Z b
i nt i nt
¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (t ) e dt − φ(t ) e dt ¯ ≤ ¯ f (t ) − φ(t )¯ dt ≤ ε.
a a a
¯ ¯
¯R ¯
¯ b i nt
Choisissons enfin n ε tel que, pour tout entier n ≥ n ε , on ait ¯ a φ(t ) e dt ¯ ≤ ε, nous
¯
¯R ¯
¯ b
obtenons, pour tout entier n ≥ n ε l’inégalité ¯ a f (t ) ei nt dt ¯ ≤ 2ε.
¯

213
N.B. : les deux phénomènes étudiés sont des processus de diffusion, il est (intuitivement)
naturel que les fonctions en escalier se comportent favorablement dans les deux cas, l’ap-
proximation uniforme fait le reste.

18.1.5 Propriétés algébriques (on suppose que E est un evn)


— Une combinaison linéaire de suites uniformément convergentes est uniformément
convergente.
— La multiplication par une fonction scalaire bornée conserve la convergence uniforme.

18.2 Critères de convergence uniforme


18.2.1 Critères pratiques
Il s’agit de déterminer la convergence simple de la suite étudiée. Si l’on connaît la limite f :
— On estime d’abord le nombre supx∈X d f n (x), f (x) = m n . La convergence est uni-
¡ ¢

forme ssi la suite (m n )n∈N tend vers 0.


Une étude de fonction permet le plus souvent de trouver m n .
— Si l’estimation exacte est impossible, on cherche un majorant de m n , soit s n ; si la suite
(s n )n∈N tend vers 0 la convergence est encore uniforme.
En général, il ne faut pas aborder ainsi un problème de caractère abstrait ; l’existence
de la limite uniforme est souvent prouvée par le critère de Cauchy (construction de
nouvelles fonctions).

Négation de la convergence uniforme : pour que f n n∈N ne converge pas uniformément


¡ ¢

vers f il faut et il suffit qu’il existe α > 0 tel que, pour tout N , on puisse trouver n ≥ N et x
dans X¡ tels que d¢ f n (x), f (x) ≥ α. Il est donc suffisant qu’il existe une suite (x n )n∈N telle
¡ ¢

que d f n (x), f (x) ne tende pas vers 0.


x
Par exemple, la suite de fonctions f n (x) = x+n qui converge simplement vers 0 sur [ 0 ; +∞ [
ne converge pas unformément car, pour tout n, f n (n) = 12 , la suite x n = n1 réalise la condition
ci-dessus.

18.2.2 Exemple
α −nx
Conssidérons
¡ ¢la suite de fonctions définie sur [ 0 ; +∞ [ par f n (x) = n x e . Visible-
ment la suite f n n∈N converge simplement vers la fonction nulle. Une étude de fonction
α−1
montre que chaque f n atteint son maximum en x = n1 , on évalue f n n1 = n e . De là,
¡ ¢

f n n∈N converge uniformément ssi α < 1.


¡ ¢

De plus, la ¡suite
¢ des maxima tend vers +∞ si α > 1. Étudions maintenant le comportement
de la suite f n n∈N sur un intervalle I = [ a ; +∞ [ , a > 0 fixé : pour n assez grand, n1 < a donc
les fonctions f n sont décroissantes sur I et l’on a pour tout x de I :

0 ≤ f n (x) ≤ n α a e−na

214
qui tend vers 0 ; il y a bien convergence uniforme vers 0. On a ainsi mis en évidence un phé-
nomène de « bosse glissante ».
En ajoutant des hypothèses sur la variation des fonctions f n , on obtient des cas de figure où

1.2
Γ fn
1.0
~
0.8
p
3
e ⊗
0.6
p
2
e ⊗
Γg
0.4 ⊗
1
e

0.2

O 1
3
1
2 ~ı 1 2 3

3
1 1
F IGURE 18.2 – Tracés de f n (x) = n 2 e−nx pour n ∈ ‚1, 10ƒ, et g (x) = e p sur 10 ; 1 .
£ ¤
x

la convergence simple entraîne la convergence uniforme .

18.2.3 Le théorème de Dini


Soit f n n∈N une suite de fonctions numériques continues convergeant simplement vers
¡ ¢

la fonction continue f sur le compact X , si la suite f n croît, la convergence est uniforme.

B : à l’hypothèse de continuité de la limite trop souvent oubliée par les candidats : par
exemple la suite de fonctions continues f n (x) = 1 − x n croît vers sa limite sur [ 0 ; 1 ], mais la
convergence n’est pas uniforme car la limite f n’est pas continue :
(
f (x) = 1 si x ∈ [ 0 ; 1 [ ,
f (1) = 0.

Démonstration : soit ε > 0. Introduisons les sous-ensembles de X

F n = x ∈ X ; f (x) − f n (x) ≥ ε
© ª

Chaque F n est fermé car les fonctions f n et f sont continues, d’autre part si x est dans F n+1
on a f n (x) ≤ f n+1 (x) d’où f (x) − f n (x) ≥ ε, et donc x est dans F n : la suite (F n )n∈N est dé-
croissante¡pour¢ l’inclusion ; enfin l’intersection de la suite (F n )n∈N est vide par convergence
simple de f n n∈N vers f .
Comme X est compact il existe n ε tel que, pour tout n ≥ n ε , F n = ;, ce qui se traduit par

∀n ≥ n ε , ∀x ∈ X , 0 ≤ f n (x) − f (x) < ε

215
ce qui est bien la convergence uniforme de f n n∈N vers f . QED.
¡ ¢

¢n
Application : la suite f n : x 7→ 1 − nx 1[ 0;n ] (x) converge uniformément vers e−x sur R+ .
¡

En effet, soit x dans [ 0 ; +∞ [ et n un entier ≥ x. En étudiant la fonction


t t
µ ¶ µ ¶
t 7→ (n + 1) ln 1 − − n ln 1 −
n +1 n
¡ x ¢n+1 ¡ x ¢n
on vérifie que n+1 ≥ n , de là, facilement la¡ croissance de f n n∈N vers e−x . L’idée qui
¡ ¢

amène la conclusion sur [ 0 ; +∞ [ est que la suite f n n∈N est « coincée » entre la fonction de
¢

limite nulle e−x et l’axe Ox. (Faire un dessin !)


−A
Soit ε un réel¡ > 0.
¢ Choisissons A > 0 tel que e < ε. −x Sur [ 0 ; A ] le théorème de Dini nous dit
que la suite f n n∈N converge ¯ uniformément vers e , d’où un entier n ε tel que, pour tout
−x ¯
¯
n
¡ ≥¢ n ε et tout x de [ 0 ; A ], −xf n (x)−A
¯ −e ≤ ε. Mais si x ∈ [ A ; +∞ [ la croissance de la suite
f n n∈N amène 0 ≤ f n (x) ≤ e ≤ e ≤ ε et de ce fait
∀n ≥ n ε , ∀x ∈ [ 0 ; +∞ [ , 0 ≤ e −x − f n (x) ≤ ε. QED.

Remarque : en prolongeant les fonctions en jeu par 0 en +∞, on peut appliquer directe-
ment Dini au compact [ 0 ; +∞ ].

18.2.4 Premiers pas vers l’équicontinuité


Soit f n n∈N une suite de fonctions lipschitziennes de¡ [ a¢ ; b ] dans R, dont la suite des
¡ ¢

rapports de Lipschitz est uniformément bornée. Si la suite f n n∈N converge simplement vers
une limite f , la convergence est uniforme.

Démonstration : soit M > 0 un majorant de la famille des rapports de Lipschitz des


f n , par convergence simple f est M -lipschitzienne. Soit ε > 0. Choisissons une subdivision
ε
… pas† < M . La
(x 0 , . . . , x p ) de [ a ; b ] de ¯ convergence¯ simple fournit un entier N tel que, pour
tout n ≥ N et tout i de 1, p on ait ¯ f n (x i ) − f (x i )¯ ≤ ε. Soit enfin x dans [ a ; b ]. On choisit i
tel que x i ≤ x ≤ x i +1 , puis l’on estime, pour n ≥ N , la différence
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (x) − f n (x)¯ ≤ ¯ f (x) − f (x i )¯ + ¯ f (x i ) − f n (x i )¯ + ¯ f n (x i ) − f n (x)¯

d’où ¯ ¯
¯ f (x) − f n (x)¯ ≤ 2M |x − x i | + ε ≤ 3ε. QED.

Visualiser la preuve : la convergence simple donne l’approximation à ε près sur une


subdivision de [ a ; b ] de pas petit ; comme les f n varient lentement, cette approximation se
propage au segment [ a ; b ].

Cas particulier : soit f n n∈N une suite de fonctions dérivables de [ a ; b ] dans R, dont
¡ ¢

la suite des dérivées est uniformément bornée. Si la suite f n n∈N converge simplement elle
¡ ¢

converge uniformément.

Provient du résultat précédent via l’inégalité des accroissements finis.

216
18.3 Critère de Cauchy
18.3.1 Théorème
Soit X un ensemble, E un espace métrique, et
¡ f¢n n∈N une suite d’applications de X dans
¡ ¢

E . Une condition nécessaire pour que la suite f n n∈N converge uniformément est que l’on
ait :

∀ε > 0, ∃n ε ∈ N, ∀m ≥ n ε , ∀n ≥ n ε , ∀x ∈ X , d f n (x), f m (x)


¡ ¢
≤ ε

(critère de Cauchy uniforme) et cette condition est suffisante lorsque l’espace E est supposé
complet.

Démonstration : supposons que la suite f n n∈N converge uniformément vers f . En écri-


¡ ¢

vant la condition de convergence uniforme pour 2ε puis en usant de l’inégalité triangulaire


nous obtenons :

∀m ≥ n ε , ∀n ≥ n ε , ∀x ∈ X , d f n (x), f m (x) ≤ d f (x), f n (x) + d f (x), f m (x) ≤ ε


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

la condition est donc nécessaire.


Inversement, partons du critère de Cauchy uniforme. Il apparaît ¡ ¢tout d’abord que les suites
f n n∈N sont de Cauchy, donc convergentes, donc que la suite f n n∈N converge simplement
¡ ¢

vers
¡ une fonction f . On bloque ensuite n ≥ n ε et x dans X , il vient pour tout m ≥ n ε :
d f n (x), f m (x) ≤ ε ; en prenant correctement la limite lorsque m tend vers l’infini :
¢

∀n ≥ n ε , ∀x ∈ X , d f (x), f n (x)
¡ ¢
≤ ε

d’où la convergence uniforme de f n vers f .

Usage : ce critère nous sera surtout utile pour la création de nouvelles fonctions, au
moyen de séries ou d’approximations successives.

Application : prolongement de la convergence uniforme à l’adhérence : soit f n n∈N une


¡ ¢

suite
¡ ¢ de fonctions continues de C dans C ( ou de R dans R etc.), ¡on ¢suppose que la suite
f n n∈N est uniformément convergente sur la partie A de C. Alors f n n∈N converge unifor-
mément sur A.

En effet, si l’on se donne ε > 0 le critère de Cauchy nous dit que

∃n ε ∈ N, ∀m ≥ n ε , ∀n ≥ n ε , ∀x ∈ A, d f n (x), f m (x)
¡ ¢
≤ ε

On¡ fixe momentanément m et n ≥ n ε , la continuité des fonctions f n et f m fait que l’inégalité


d f n (x), f m (x) ≤ ε s’étend
¡ ¢à A, donc f n vérifie le critère de Cauchy uniforme sur A. Comme
¢

R (resp. C) est complet, f n n∈N converge uniformément sur A.

18.4 Interprétation topologique et fonctionnelle


Convergence uniforme : nous nous intéresserons aux fonctions bornées de l’espace X
vers l’espace vectoriel normé E . (Dans le cas où les fonctions ne sont plus nécessairement

217
bornées, il faut introduire des topologies définies par des semi-distances pouvant prendre
la valeur +∞, de tels outils sont utiles à condition d’être employés dans toute leur généralité,
c’est-à-dire par exemple dans le cadre des distributions, ou des variétés différentielles (où la
vraie topologie efficace est ce qu’on appelle la topologie de Whitney)).

La norme de la convergence uniforme gouverne alors la convergence du même nom,


c’est-à-dire que, dans l’espace vectoriel normé B (X , E ) muni de k·k∞ , où
° ° ©° °
° f ° = sup ° f (x)° ; x ∈ X
ª
∞ E
° °
La suite f n n∈N converge uniformément vers une fonction f ssi ° f − f n °∞ converge vers 0.
¡ ¢

Plusieurs des résultats démontrés ont une interprétation simple dans ce contexte, par ex-
emple, le critère de Cauchy uniforme équivaut à dire que (B (X , E ) , k·k∞ ) est complet dès
que E l’est.

Cas d’espaces de fonctions de dimension finie : regardons le cas éclairant des poly-
nômes. Pour une suite de Rn [X ] et sur [ 0 ; 1 ], la convergence simple entraîne la converge
uniforme.

Preuve : choisissons n + 1 points distincts dans [ 0 ; 1 ] :


L’application P 7→ |P (a 1 ) + · · · + P (a n )| est une norme N sur Rn [X ] (un polynôme de degré
≤ n qui s’annule en n + 1 points est nul). Comme Rn [X ] est de dimension finie, N est équi-
valente à la norme de la convergence uniforme, d’où la conclusion.

Bien sûr, ce résultat ne se maintient pas dans R[X ] (chercher des exemples).

18.5 Convergence des séries de fonctions

18.5.1 But vectoriel


Le but est ici un espace vectoriel normé, pour que la notion de convergence d’une série
ait un sens.

On adapte tout d’abord le vocabulaire relatif aux séries numériques ou vectorielles :


sommes partielles, convergence (simple), restes. Les définitions et résultats proviennent
alors pour l’essentiel de ceux qui ont été obtenus dans le cas des suites de fonctions : la série
de fonctions n∈N u n est dite uniformément convergente si la suite des ses sommes partielles
P

l’est, on dit alors que la série convergente uniformément vers sa somme, cette condition se
traduit par :
Une série de fonctions simplement convergente est uniformément convergente ssi son reste
converge uniformément vers 0.

Les opérations sur les séries uniformément convergentes sont tirées de celles que l’on
connaît pour les suites de fonctions : combinaison linéaire, multiplication par une fonction
bornée.

218
18.5.2 Critères de convergence uniforme
Une condition nécessaire de convergence uniforme est que la suite (u n )n∈N converge uni-
formément vers 0 : il suffit d’écrire que
un = Un+1 − U + U − Un .

Le théorème de Dini dans le cas des séries de fonctions s’exprime comme suit :
Soit n∈N u n une série de fonctions numériques continues positives sur l’espace compact X ,
P

convergente de somme f continue. Alors la convergence est uniforme.

Preuve : il suffit d’observer que le caractère positif des u n entraîne que, pour tout x de
X , la suite (Un (x))n∈N croît vers f (x) ; les fonctions Un et f étant continues, il est licite d’ap-
pliquer le théorème de Dini.

Séries alternées : moyennant le critère de Leibniz, on obtient une majoration du reste


qui permet souvent de montrer la convergence uniforme ; par exemple, la série de fonctions
n
de terme général x 7→ (−1)
x+n
converge uniformément sur [ 0 ; +∞ [ car son reste d’ordre n est
1
majoré, uniformément en x, par n+1 .

18.5.3 Critère de Cauchy uniforme pour les séries


Le critère de Cauchy uniforme devient :
une condition nécessaire et suffisante pour que la série de fonctions n∈N u n de X vers l’espace
P

vectoriel normé E soit uniformément convergente est que l’on ait


° °
° Xn °
∀ε > 0, ∃n ε ∈ N, ∀n > m ≥ n ε , ∀x ∈ X , u k (x)° < ε
° °
°
°k=m+1 °
E

et cette condition est aussi suffisante si l’espace E est complet. .

Démonstration : on exprime le critère de Cauchy uniforme relatif aux suites de fonc-


tions en termes de sommes partielles de la série de fonctions n∈N u n .
P

Application : Prolongement de la convergence uniforme à l’adhérence : soit n∈N u n une


P

série de fonctions continues de C dans C (ou de R dans R etc.), on suppose que la série
n∈N u n est uniformément convergente sur la partie A de C. Alors n∈N u n converge unifor-
P P

mément sur A.

Il suffit d’appliquer le résultat correspondant sur les suites aux sommes partielles, ou en-
core — c’est un bon exercice — de reproduire la preuve dans le cas des séries en s’appuyant
sur le critère de Cauchy uniforme.

Négation du critère de Cauchy uniforme : celle-ci est particulièrement utile lorsque


l’on veut détecter la non-convergence uniforme d’une série de fonctions et s’exprime par :
° °
° X n °
∃ε > 0, ∀n ε ∈ N, ∃n > m ≥ n ε , ∃x ∈ X , u (x)° ≥ ε
° °
°k=m+1 k °
°
E

219
Il suffit donc, pour que
¡ ¢la série¡ne ¢converge pas uniformément de trouver un nombre ε > 0,
des suites d’entiers p n n∈N et q n n∈N et une suite (x n )n∈N dans X telles que
qn
° °
° X °
∀n ∈ N, u k (x n ) ° ≥ ε
° °
°
° k=p +1 °
n E

Le critère de Cauchy nous permet d’aborder une notion spécifique aux séries de fonctions,
qui est celle de la convergence normale :

18.5.4 Définition
On dit que la série de fonctions n∈N u n de l’ensemble X vers l’espace vectoriel normé
P

E est normalement convergente si les fonctions u n sont bornées à partir d’un certain rang,
mettons N , et si la série de terme général ku n k∞ = supx∈X ku(x)kE , n ≥ N converge.

Pratique : la convergence normale est assurée si l’on trouve une suite de constantes
positives telles que pour n assez grand, on ait ∀x ∈ X , ku n (x)kE ≤ αn et que la série n∈N αn
P

converge (estimer directement ku n k∞ est souvent difficile et presque toujours inutile).

18.5.5 Théorème
Soit n∈N u n une série de fonctions normalement convergente de l’ensemble X vers l’es-
P

pace vectoriel normé complet E . La série n∈N u n converge uniformément.


P

Démonstration : elle repose sur le critère de Cauchy : soit n∈N αn une série de nombres
P

réels satisfaisants, vis-à-vis de (u n )n∈N à la définition de la convergence normale. Soit ε > 0.


Choisissons n ε tel que, pour tout n > m ≥ n ε , on ait nk=m+1 αk < ε, il en résulte que pour
P

tout x de X ° °
° X n ° n
X
u k (x n ) ° ≤ αk < ε.
° °
°
° k=m+1 ° k=m+1
E
Naturellement la réciproque est fausse : il suffit de considérer des séries alternées, par exemple
(−1)n +
n∈N x+n sur R , qui converge uniformément par majoration du reste d’une série alternée
P

soit
1
∀x ≥ 0, |R n (x)| ≤ |u n+1 (x)| ≤
n +1
mais n∈N |u n (x)| diverge pour tout x ! Pour ne pas prendre le cas trop facile d’une série de
P

signe quelconque considérons la suivante


£ 1 : 1¤ £ 1 1¤
π¯
¯ ¯
On pose u n (x) = x sin x pour x dans n+1 ; n et u n (x) = 0 si x 6∈ n+1
¯ ;n .
— La série n∈N u n converge uniformément sur [ 0 ; 1 ] : pour chaque¤x de [ 0£; 1 ], il y a
P
1
au plus un entier n tel que u n (x) 6= 0, à savoir celui qui vérifie x ∈ n+1 ; n1 , donc la
P+∞
série converge simplement sur [ 0 ; 1 ]. On voit de même que R N (x) = k=N +1 u n (x)
converge, et que pour tout x de [ 0 ; 1 ], 0 ≤ R N (x) ≤ N1+1 , ce qui assure que le reste tend
uniformément vers 0, et donc que la série converge uniformément.
— La série n∈N u n ne converge pas normalement sur [ 0 ; 1 ] : pour tout n ≤ 1,
P
à !
1 1
ku n k∞ ≥ u n 1
=
n+2 n + 12

220
donc n∈N ku n k∞ diverge.
P

Ainsi n∈N u n est une série de fonctions positives continues, uniformément conver-
P

gentes sur le compact [ 0 ; 1 ] et qui ne converge pas normalement (on peut même vé-
rifier que la convergence uniforme est commutative, ou encore que la famille n∈N u n
P

est sommable pour k·k∞ , un phénomène comme celui-là est typique de la dimension
infinie).

18.5.6 Interprétation fonctionnelle de la convergence normale


Soit (E , k·kE ) un espace de Banach. On se place dans l’espace complet (B (X , E ) , k·k∞ )
des fonctions bornées de X dans E muni de la norme de la convergence uniforme. Dans
(B (X , E ) , k·k∞ ), toute série absolument convergente est convergente, or absolument conver-
gente dans (B (X , E ) , k·k∞ ) signifie normalement convergente comme série de fonctions (at-
tention ! ne pas confondre avec la convergence absolue des séries n∈N ku n (x)kE pour chaque
P

x de X !).

Une notion sans intérêt : la convergence absolue des séries de fonctions. On dit que la
série de fonctions n∈N u n converge absolument lorsque, pour chaque x de X , n∈N ku n (x)kE
P P

converge. Si E est complet, cette propriété donne la convergence simple, et c’est tout.

Le critère de Cauchy uniforme amène immédiatement la méthode d’Abel :

18.5.7 Théorème
Soit (εn )n∈N une suite de nombres réels qui décroît vers 0, et n∈N v n une série de fonctions
P

de l’ensemble X dans C dont les sommes partielles sont uniformément bornées. Alors la série
de fonctions n∈N εn v n converge uniformément sur X .
P

Démonstration : Elle repose, comme pour les séries, sur la transformation d’Abel :
On se donne deux entiers m et n avec n > m, et l’on écrit v k = Vk − Vk−1 , il vient pour tout x
de X :
n
X n
X n−1
X
εk v k (x) = εk Vk (x) − εk+1Vk (x)
k=m k=m k=m−1
n−1
X
= εn Vn (x) + εm Vm−1 (x) + (εk − εk+1 )Vk
k=m−1

après réorganisation.
Passons aux majorations. M désignant un majorant uniforme de la suite |Vn (x)| :
¯ ¯
¯ n−1 ¯ n−1
¯ X X
|εn Vn (x) + εm Vm−1 (x)| ≤ M (εn + εm ) et ¯ (εk − εk+1 )Vk ¯ ≤ M (εk − εk+1 )
¯
¯k=m−1 ¯ k=m

(car εk − εk+1 ≥ 0), en simplifiant :


n
X
εk v k (x) ≤ M (εn + εm ) + M (εm − εn ) ≤ 2M εm .
k=m

221
Comme par hypothèse la suite (εn )n∈N tend vers 0, le critère de Cauchy uniforme s’applique,
et la série converge uniformément dans l’espace complet C.

Remarque : on peut généraliser en supposant que (εn )n∈N est une suite de fonctions qui
décroît uniformément vers 0 sur X .

Exemples : considérons les séries de fonctions de la forme n∈N a n sin nx ou n∈N a n cos nx
P P

avec (a n )n∈N décroissante de limite nulle.


Ces séries convergent uniformément sur les intervalles de la forme [ α ; 2π − α ], α ∈ ] 0 ; π [ :
Nous savons déjà que les sommes partielles des séries concernées sont majorées par sin2 x ≤
| 2|
2
sur [ α ; 2π − α ] (rappel : ceci provient de l’identité
|sin α2 |

¯ 1 − ei (n+1)x ¯ 2
¯ ¯
i x i nx
¯ ¯
¯1 + e + · · · + e ¯ = ¯
¯ 1 − ei x ¯ ≤ ¯¯sin x ¯¯ ).
¯
2

Il y a donc majoration uniforme des sommes partielles sur [ α ; 2π − α ], et par suite, selon le
théorème d’Abel, convergence uniforme.

B. Il n’y a pas en général de convergence uniforme des série en jeu sur [ 0 ; 2π ] :


— Cas de n∈N a n cos nx : il faut que l’on ait la convergence en 0 donc que la série converge
P

en 0, ce qui implique la convergence de la série à termes positifs n∈N a n et de ce fait


P

la convergence normale de n∈N a n cos nx.


P

Remarque : parler de convergence uniforme sur ] 0 ; 2π [ est sans intérêt, d’après les
remarques ci-dessus celle-ci entraîne la convergence sur [ 0 ; 2π ].
— Cas de n∈N a n sin nx : la situation est plus compliquée (voir [Tit34] p. 10 pour une
P

CNS de convergence uniforme). Il peut y avoir convergence partout sans qu’elle soit
nécessairement uniforme, prenons le cas de n∈N sinnnx , posons x = 4n π
on a (variation
P

du sinus)
π
sin(kx) ≥ sin pour n ≤ k ≤ 2n
4
d’où p µ p
sin nx sin 2nx 2 1 1 2

+···+ ≥ +···+ ≥ ;
n 2n 2 n 2n 4
le critère de Cauchy uniforme n’est pas satisfait, la convergence n’est pas uniforme.

EXERCICES

1) Soit f n n∈N une suite de fonctions convexes convergeant simplement vers une fonc-
¡ ¢

tion (convexe de ce fait) continue f sur l’intervalle I ouvert, montrer que la conver-
gence est uniforme sur tout segment inclus dans I (utiliser le théorème de Dini pour
les fonctions :
f (x) − f (a) a +b f (x) − f (b) a +b
· ¸ · ¸
x 7→ sur a; et x 7→ sur ; b ).
x −a 2 x −b 2

222
2) Prouver que l’équation g 0 (x) = g (x − x 2 ) possède au moins une solution C ∞ sur [ 0 ; 1 ]
telle que g (0) = 1 (étudier la suite d’applications définies par :
Z x
g 0 (x) = 1, g n+1 (x) = 1 + g n (t − t 2 ) dt
0

dont on vérifiera qu’elle converge uniformément sur tout compact de R).


3) Étudier la convergence sur [ 0 ; π ] de la suite de fonctions f n (x) = nx e−nx sin x.
4) Soit f n n∈N une suite de fonctions réelles C 1 convergeant simplement vers f sur
¡ ¢

[ a ; b ], on suppose de plus que les moyennes de Cesàro de f n0 convergent uniformé-


ment vers une fonction g . Montrer que f est dérivable de dérivée g .
5) (Difficile) Soit f dans C R+ , R . On suppose que f (x + λ) − f (x) tend vers 0 en +∞
¡ ¢

avec x, pour tout λ réel. Montrer que cette convergence a lieu uniformément dans
tout compact de R (raisonner par l’absurde en construisant, à l’aide des intervalles
emboîtés, λ mettant l’hypothèse en défaut). En déduire que f (x) = o(x). Retrouver ce
résultat avec la seule hypothèse : f continue vérifie f (x + 1) − f (x) tend vers 0 en +∞.

223
224
Chapitre 19

Approximation par des polynômes

19.1 Polynômes interpolateurs de Lagrange


La tentative la plus courante, en vue d’approcher une fonction f qui n’est connue qu’en
une nombre fini n de points par une autre aisément calculable, consiste à introduire un
polynôme qui prend les mêmes valeurs que f aux points considérés. Un tel polynôme existe,
et est de plus unique si l’on impose deg P ≤ n − 1 :

19.1.1 Théorème
Soient a 1 , . . . , a n n éléments distincts d’un corps infini kK , et soient b 1 , . . . , b n n éléments
de K ; il existe un polynôme et un seu P de degré ≤ n − 1 tel que P (a i ) = b i , i ∈ ‚1, nƒ.

Démonstration : considérons l’application φ qui va de Kn−1 [X ] (polynômes de degré


≤ n − 1) dans Kn et qui à P associe (P (a 1 ), . . . , P (a n )). φ est linéaire et si P est dans ker φ, P
possède n racines distinctes — les a i — et de ce fait est le polynôme nul. Donc φ est une in-
jection linéaire entre deux espaces vectoriels de même dimension n, c’est un isomorphisme.
QED.

19.1.2 Interpolation aux points a 1 , . . . , a n


Le polynôme P s’appelle le polynôme interpolateur de Lagrange relatif à la donnée de
a 1 , . . . , a n et de b 1 , . . . , b n . On peut facilement l’expliciter lorsque car(K) = 0 (nous suppose-
rons ici K = R ou K = C) :
si
Yn
ω(x) = (x − a i ),
i =1
on pose
1 ω(X )
P k (X ) = ,
ω0 (a k ) X − ak
comme
n
ω0 (a k )
Y
= (a k − a i )
i =1, i 6=k

225
il vient
P k (a k ) = 1 et P k (a i ) = 0 pour i 6= k,

de ce fait :
P (X ) = b 1 P 1 (X ) + ··· + b n P n (X ).

Étudions maintenant la qualité de l’approximation obtenue. Commeçons par un

19.1.3 Lemme
Soient g une application de classe C n de l’intervalle I de R dans R, et a 1 < · · · < a n n
éléments de I . On suppose que g s’annule en a 1 , . . . , a n . Alors si x est dans I , il existe c dans I
tel que :
g (n) (c) Y n
g (x) = (x − a i ).
n! i =1

Démonstration : si x est l’un des a i , tout point c convient. Sinon, on introduit la constante
A Qn A Qn
A telle que g (x) = n! i =1 (x − a i ). La fonction h : t 7→ g (t ) − n! i =1 (t − a i ) s’annule alors en
n + 1 points distincts, par applications succesives du théorème de Rolle on trouve c dans I
tel que

h (n) (c) = 0, ce qui se traduit par : g (n) (c) = A. QED.

19.1.4 Proposition
Si la suite des dérivées de f est uniformément bornées, et si l’on fait tendre le nombre de
points vers +∞, la suite des interpolateurs de Lagrange de f converge uniformément vers f
sur tout segment [ a ; b ] inclus dans I lorsque n tend vers +∞.

Démonstration : c’est une conséquence du lemme. Notons P n le polynôme interpola-


teur de Lagrange de f à l’étape n, pris en n points a 1 , . . . , a n (N.B. : les points a 1 , . . . , a n ne
sont pas nécessairement conservés lors du passage du cran n au cran n + 1). Soit x dans
[ a ; b ], par application du lemme à la fonction g = f − P n il existe c dans [ a ; b ] tel que

f (n) (c) Y
n
P n (x) − f (x) = (x − a i ).
n! k=1

M n
¯ ¯
Si les dérivées de f sont bornées par M > 0, on en déduit ¯P n (x) − f (x)¯ ≤ n! (b − a) , cette
suite tend vers 0 indépendamment de x, d’où la conclusion.

Remarque : ce résultat positif n’est, dans la pratique, que de peu d’intérêt. En effet, les
fonctions dont la suite des dérivées est uniformément bornée sont rares, et de toute façons
développables en série entière à partir de a sur [ a ; b ] : par la formule de Taylor-Lagrange,

n f (k) (a) f (n+1) (c)


(x − a)k (x − a)n+1
X
f (b) = f (a) + +
k=1 n! (n + 1)!

226
et le reste tend vers 0 uniformément, pour les mêmes raisons que ci-dessus. Le polynôme
de Taylor donne aussi une approximation uniforme (théorique) de f . Reste ici l’intérêt de
disposer d’algorithmes d’approximation dans le cas de l’interpolation de Lagrange.

Sans l’hypothèse sur la fonction C ∞ f , et en prenant à chaque étape pour a 1 , . . . , a n la


subdivision régulière, la suite des polynômes interpolateurs de Lagrange peut diverger, c’est
le phénomène de Runge (voir les exercices). Le choix des points d’interpolation est crucial
et peut améliorer la situation, sans jamais garatir la convergence dans tous les cas. Pour
obtenir un résultat positif pour les fonctions C 1 sur [ −1 ; 1 ], on prend pour points d’inter-
polation les racines des polynômes de Tchebychev, et la convergence obtenue est uniforme !
(ref. [Dem91] p. 51).

19.2 Le théorème de Bernstein


19.2.1 Cas d’un intervalle non borné
Malgré l’échec relatif du procédé de Lagrange, il est vrai que toute fonction continue
sur un segment peut-être approchée uniformément par des polynômes, et il existe un pro-
cédé effectif d’approximation d’une fonction donnée. Avant de décrire l’approximation de
Bernstein, montrons que l’idée d’approcher uniformément une fonction continue par des
polynômes sur un intervalle non borné est dépourvue d’intérêt.

Proposition : Soit (P n )n∈N une suite de polynômes convergeant uniformément sur un in-
tervalle non borné I vers une fonction f ; alors f est un polynôme. .

Démonstration : l’idée est d’utiliser le critère de Cauchy. Il existe un entier N tel que,
pour tout m ≥ N , n ≥ N on ait kP n − P n k ≤ 1 (k·k∞ relative à I ). Mais un polynôme borné
sur un intervalle non borné est une constante, donc pour tout n ≥ N , P n = P N + a n , en ap-
pliquant à nouveau le critère de Cauchy à (P n )n∈N nous voyons que la suite (a n )n∈N est de
Cauchy et que de ce fait la suite (P n )n∈N converge vers le polynôme P N + limn→+∞ a n . QED.

Application : soit n∈N a n z n une série entière réelle de rayon de convergence +∞, et
P

qui converge uniformément sur R (ou un intervalle non borné). Alors la suite (a n )n∈N est
nulle à partir d’un certain rang. En effet, sa limite est un polynôme, dont les dérivées sont
identiquement nulles à partir d’un certain rang (on pouvait aussi reprendre le raisonnement
précédent).

Passons maintenant au cas des segments.

19.2.2 Polynômes de Bernstein


Soit f une fonction continue de [ 0 ; 1 ] dans C. La suite de polynômes (P n )n∈N :
à ! µ ¶
n n k k
x (1 − x)n−k
X
P n (x) = f
k=0 k n

227
converge uniformément vers f sur le segment [ 0 ; 1 ].
¡ ¢ ³ ´
Les polynômes P n (x) = nk=0 nk f nk x k (1− x)n−k s’appellent les polynômes de Bernstein
P

associés à la fonction f .
Pn ¡n ¢
Lemme : on a l’identité k=0
(k − nx)2 k x k (1 − x)n−k = nx(1 − x).

Pn ¡n ¢ k : une
Preuve
n−k
méthode simple consiste à introduire la fonction de deux variables g (u, v) =
k=0 k
u v = (u + v)n . Notons que, pour tout x, g (x, 1 − x) = 1. Une première dérivation
par rapport à u donne
à !
n n k n−k
ug u0 (u, v) = = nu(u + v)n−1
X
k u v
k=0 k

avec u = x et v = 1 − x il vient déjà


à !
n n k
x (1 − x)n−k
X
k = nx
k=0 k

puis en dérivant à nouveau ug u0 (u, v) = nu(u + v)n−1 par rapport à u et en multipliant par u
nous trouvons
à !
n
2 n−2 n−1 2 n
u k v n−k
X
n(n − 1)u (u + v) + nu(u + v) = k
k=0 k

avec u = x et v = 1 − x nous obtenons :


à !
n n k
k2 x (1 − x)n−k (n 2 − n)x 2 .
X
= nx +
k=0 k

Comme (k − nx)2 = k 2 − 2knx + n 2 x 2 on a bien le résultat annoncé en substituant dans la


somme à évaluer les trois identités onbtenues.

Démonstration du théorème : soit ε¯> 0. L’uniforme ¯continuité de¯ f fournit un α > 0 tel
2
¯
que, pour tout (x, y) de [ 0 ; 1 ] , on ait : x − y ≤ α =⇒ f¯ (x) − ¯f (y)¯ ≤ ε. Soit donc x dans
¯ ¯ ¯
[ 0 ; 1 ]. Notons A l’ensemble des entiers k de ‚1, nƒ tel que ¯x − nk ¯ ≤ α et B et le complémen-
¯ ¯

taire de A. On écrit
¯ Ã ! ¯
¯Xn n µ µk ¶ ¶ ¯
− f (x) x k (1 − x)n−k ¯
¯ ¯
¯P n (x) − f (x)¯ = ¯¯ f
¯
¯k=0 k n ¯
Pn ¡n ¢ k
(car k=0 k
x (1 − x)n−k = 1)
¯ Ã ! ¯
¯X n µ k
µ ¶ ¶ ¯
k n−k ¯
¯ ¯
¯P n (x) − f (x)¯ ≤
¯
f − f (x) x (1 − x) +
¯k∈A k n
¯ ¯
¯
¯ Ã ! ¯
¯X n µ k
µ ¶ ¶ ¯
k n−k ¯
f − f (x) x (1 − x)
¯
¯k∈B k n
¯ ¯
¯

228
La première somme est majorée par ε k∈A nk x k (1 − x)n−k ≤ ε nk=0 nk x k (1 − x)n−k = ε.
¡P ¡ ¢ ¢ ¡P ¡ ¢ ¢
¡n ¢ k ³ ´2
n−k k
2
et comme n x − n = (k −nx)2 ≥
° ° P
La deuxième est majorée par 2 f ∞ k∈B k x (1−x)
° °
n 2 α pour k ∈ B , la somme indexée par B se majore par
à ! à !
X n k 1 X n
x (1 − x)n−k ≤ (k − nx)2 x k (1 − x)n−k
k∈B k n 2 α2 k∈B k
à !
1 X n n
≤ (k − nx)2 x k (1 − x)n−k
n 2 α2 k=0 k

soit à !
X n k 1 1
x (1 − x)n−k ≤ nx(1 − x) ≤
k∈B k n 2 α2 4nα2
En appliquant le résultat du lemme nous obtenons
° °
°f °

¯ ¯
¯P n (x) − f (x)¯ ≤ + ε.
2nα2
Cette majoration est indépendante de x et de n ; pour n ≥ N convenable nous avons
¯ ¯
∀x ∈ [ 0 ; 1 ], ¯P n (x) − f (x)¯ ≤ ε + ε. QED.

Nous disposons ainsi, moyennant un changement de variable affine, du théorème de Weies-


trass d’approximation uniforme par des polynômes d’une fonction continu sur un segment.
Pour une variante élémentaire intéressante on peut consulter [AF88], tome 2, pp. 669-670.
On possède aussi la généralisation suivante (Stone-Weierstrass) :

19.2.3 Généralisation
Soit X un espace compact, la R-algèbre de Banach A = C (X , R) est muni de k·k∞ . On
désigne par B une sous-algèbre de A vérifiant les propriétés suivantes :
a) Pour tout x de X il existe f dans B telle que f (x) 6= 0 ;
b) si x et y sont deux éléments distincts de X il existe f dans B telle que f (x) 6= f (y).
Alors B est dense dans A.

Pour la preuve, on renvoie à [CH30] ou [Buc92], ou encore aux volumes ultérieurs de


cette collection.

19.2.4 Application du théorème de Weierstrass


1. (Théorème des moments, version élémentaire) : soit f dans C ([ a ; b ], R) telle que :
Rb n
a f (t )t dt = 0 pour tout polynôme n de N.RAlors f est nulle.
b
En effet, par combinaison linéaire, on aura a f (t )P (t ) dt = 0 pour tout polynôme P .
On choisit alors moyennant le théorème de Weierstrass une suite (P n )n∈N de poly-
nômes qui converge uniformément vers f sur [ a ; b ], comme f est bornée la suite

229
f (t )P n (t ) converge unformément vers f 2 sur [ a ; b ], par intégration de la suite uni-
Rb
formément convergente f (t )P n (t ) n∈N nous obtenons a f 2 (t ) dt = 0 ; comme f est
¡ ¢

continue, elle est nulle.

Extension : par séparation des parties réelles et imaginaires, le résultat ci-dessus reste
valable pour les fonctions à but complexe.
2. Injectivité de la trasformation de Laplace :
Soit f une application continue de R+ dans C. On supposera pour simplifier que l’in-
Rb¯ R +∞
tégrale a ¯ f (t )¯ dt converge. De là, la fonction de s : L f (s) = 0 f (t ) e−st dt (trans-
¯

formée de Laplace de f ) est correctement définie pour s ≥ 0. Supposons maintenant


L f (s) = 0 pour tout s ≥ 0 ; alorsR f est nulle.
x
En effet, introduisons F (x) = 0 Rf (t ) dt , F est par hypothèse bornée, possède une li-
+∞
mite en +∞, d’où en intégrant 0 f (t ) e−st dt par parties (u = e−st , dv = f (t ) dt )
l’identité : Z +∞
L f (s) = s F (t ) e−st dt pour s = 1, 2, . . . , n, . . .
0
R1
Faisons le changement de variable u = e−t nous obtenons 0 G(u)u n−1 du = 0, où
G(u) = F (− ln u). G possède un prolongement continu en 0 ; par une application licite
du théorème des moments, G est nulle, donc F aussi, et enfin f par dérivation.

19.3 Approximation en moyenne quadratique


On renvoie au § 28, polynômes orthogonaux, où la description complète de la meilleure
approximation quadratique est détaillée (§ 28.2).

19.4 Approximation par des polynômes trigonométriques


La densité de l’espace vectoriel T des polynômes trigonométriques dans C 2π (R, C) pour
la norme uniforme est prouvé par le § 20, par une méthode de convolution. On peut aussi
l’obtenir de façon autonome par les séries de Fourier, cf. § 29 pour les deux résultats que
nous utilisons : si f ∈ C 2π (R, C) est C 1 par morceaux, le théorème de Dirichelet nous dit que
la série de Fourier de f converge simplement vers f , comme nous savons aussi que la série
de Fourier de f est normalement convergente, f est limite uniforme des sommes partielles
de sa série de Fourier donc est limite uniforme de polynômes trigonométriques. Maintenant
une fonction de C 2π (R, C) peut être approchée uniformément par des fonctions affines par
morceaux (cf. § 5, continuité uniforme), d’où la densité de T.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : Excellent chapitre II de Demailly [Dem91], réalisant, à


la suite de Crouzeix et Mignot [CM86] une synthèse claire et complète de la question. Si
vous n’avez pas (encore) le livre de Demailly, la preuve du phénomène de Runge se trouve
dans Dieudonné, Calcul Infinitésimal (appendice du chapitre X). Pour le théorème de Stone-
Weiertrass général, on pourra consulter Choquet [Cho73]. Des applications intéressantes
mais difficiles sont traitées dans [Rud73] chap. 5.

230
EXERCICES

1) Pour t dans [ 0 ; 1 ] on pose : p 0 (t ) = 0 et ∀np≥ 0, P n+1 (t ) = P n (t )+ 12 t − P n2 (t ) . Montrer


¡ ¢

que la suite converge p uniformément vers t sur [ 0 ; 1 ] (montrer que la suite est crois-
sante majorée par t puis converge simplement vers cette fonction, utiliser alors Dini
(§ 18.2)).
2) Soit ] a ; b [ un intervalle ouvert borné de R. Montrer que les fonctions qui sont li-
mites uniforme de polynômes sur ] a ; b [ sont exactement les fonctions uniformé-
ment continues sur ] a ; b [ . On admettra bien sûr une des formes du théorème de
Weierstrass (indication : que dire d’une fonction UC à but complet définie sur une
partie A ?).
3) (Théorème de Korovkin).
a) Soit f une application de [ 0 ; 1 ] dans R, continue. Montrer que

∀ε > 0, ∃k > 0, ∀(x, y) ∈ [ 0 ; 1 ]2 , k(x − y)2 .


¯ ¯
¯ f (x) − f (y)¯ ≤ ε +

b) Soit (B n )n∈N une suite d’applications linéaires de C ([ 0 ; 1 ], R) dans lui-même vé-


rifiant :
i) pour tout n, B n est positif, c’est-à-dire que, si f ≥ 0, B n ( f ) ≥ 0.
ii) si f i est la fonction continue qui à x associe x i (i ≥ 0), les suites de fonctions
n 7→ B n ( f i ) convergent uniformément vers f i pour i = 0, 1, 2.
Montrer que, pour toute fonction f de C ([ 0 ; 1 ], R), la suite B n ( f ) converge
uniformément vers f .
¡ ¢ ³ ´
c) Vérifier que B n définie par B n ( f )(t ) = nk=0 nk f nk t k (1 − t )n−k convient.
P

P ROBLÈME : LE PHÉNOMÈNE DE RUNGE


Il s’agit d’un phénomène de divergence des polynômes interpolateurs de Lagrange. Soient
I = [ a ; b ] un segment de R, et f une fonction C ∞ de [ a ; b ] dans R. Soit n dans N∗ et
a 1 < · · · < a n une suite de points de [ a ; b ]. On note ωn (X ) le polynôme nj=1 (X − a j ).
Q

1°) (C’est une question de cours !)


a) Montrer qu’il existe un unique polynôme P n (X ) de degré ≤ n − 1 tel que : ∀ j ∈
‚1, nƒ, P n (a j ) = f (a j ). Cette notation sera conservée dans les questions qui suivent.
b) Montrer que, pour tout x de I il existe c dans I tel que :

1 (n)
f (x) = P n (x) + f (c)ωn (x)
n!

c) Si la suite des dérivées de f est bornée, et si l’on prend pour a 1 < · · · < a n la
subdivision régulière de [ a ; b ], prouver que la suite de polynômes P n associée
converge uniformément vers f .
1
2°) On prend ici I = [ −1 ; 1 ], et on considère la fraction rationnelle f (t ) = a 2 +t 2 , avec a

dans R+ donné. Pour chaque entier pair n = 2m ≥ 1 on définit le n-uplet (a 1 , . . . , a n )
par a k = 2k−1−2m
2m
, n = 2m, k ∈ ‚1, nƒ.

231
a) Montrer :
ωn (t )
f (t ) − P n (t ) = .
ωn (a).(a 2 + t 2 )
b) En admettant la formule de Stirling, trouver un équivalent de ω2m (1) au voisinage
de +∞.
c) Montrer que :

1 1 m−1 (2k + 1)2


µ ¶ µ ¶
2
X
ln |ω2n (a)| = ln a + .
m m k=0 4m 2

Évaluer explicitement la limite des deux membres de cette égalité lorsque m tend
vers +∞.
d) En déduire que, pour a assez petit la suite P n (1) tend vers +∞ et donc ne tend
pas vers f (1).

232
Chapitre 20

Convolution

Le but de la convolution est d’approcher uniformément (au moins localement) les fonc-
tions d’une classe donnée par des fonctions C ∞ , en vue d’étendre par densité aux fonctions
de la classe des résultats faciles à obtenir dans le cas régulier (des propriétés des transfor-
mées de Fourier par exemple).

20.1 Convolution sur la droite réelle


Soit f une fonction numérique
ª définie sur l’espace topologique E . Le support de f est
l’adhérence de x ∈ E | f (x) 6= 0 , on note cet ensemble Supp( f ). La fonction f est dite à
©

support compact lorsque Supp( f ) est compact.


Dans ce qui suit, f et g désigne deux applications continues de R dans C (l’extension de la
convolution aux fonctions de L1 se fait à l’aide du théorème de Fubini (§ 39).

20.1.1 Proposition
R +∞
a) Si le support de la fonction g est compact, la fonction h(x) = −∞ f (t )g (x − t ) dt est
définie pour tout nombre réel x, et l’on a
Z +∞
h(x) = f (x − t )g (t ) dt .
−∞

b) Si la fonction f est de plus à support compact, h est à support compact.


c) La fonction h est continue.
d) On suppose la fonction g de classe C p . Alors h est de classe C p
Démonstration :
a) Donnons-nous un réel a > 0 tel que le support de g soit contenu dans [ −a ; a ]. La
fonction t 7→ f (t )g (x − t ) est alors nulle hors de [ x − a ; x + a ], donc h est bien définie,
et l’égalité suit par le changement de variable affine de t en x − t .
b) Si le support de f est contenu dans [ −b ; b ], b > 0, la fonction t 7→ f (t )g (x − t ) est
identiquement nulle lorsque x appartient à R\[ −a − b ; a + b ].
Ra
c) Partons de l’égalité h(x) = −a f (x −t )g (t ) dt ; la fonction (x, t ) 7→ f (x −t )g (t ) est conti-
nue et que l’on intègre sur un segment, la fonction h est donc continue (21.3.1).

233
d) Fixons un point y de R. Lorsque x ∈ y −α ; y +α on obtient, en cherchant le support
£ ¤

de la fonction intégrée
Z y+a+α
h(x) = f (t )g (x − t ) dt .
y−a−α

En outre, la fonction (x, t ) 7→ f (t )g (x−t ) est continue et possède des dérivées partielles
continues jusqu’à l’ordre p, donc h est de classe C p sur y − α ; y + α ; la propriété
£ ¤

étant locale h est de classe C p sur R.

Vocabulaire, notation : la fonction h introduite dans la proposition ci-dessus est appe-


lée convolée de f et de g et notée f ∗ g .

20.1.2 Théorème
Soit une suite ρ n n∈N de fonctions continues telles que :
¡ ¢

i) chaque ρ n est positive ;


ii) le support de ρ n est contenu dans [ −δn ; δn ], où la suite de nombres strictement positifs
(δn )n∈N tend vers 0 ;
R +∞
iii) −∞ ρ n (t ) dt = 1 pour tout n de N.

Si f est une fonction continue de R dans C, la suite de fonctions f ∗ ρ n n∈N converge unifor-
¡ ¢

mément vers f sur tout compact de R, et converge vers f uniformément sur R si f est unifor-
mément continue.
R1
Démonstration : soit x dans R. Avec iii) nous avons f (x) = −1 ρ n (t ) f (x) dt d’où

Z δn
f (x) − f ∗ ρ n (x) = ρ n (t ) f (x) − f (x − t ) dt .
¡ ¢
−δn

¯ ¯
Soit ε > 0. Il existe un réel α > 0 tel que, pour tout t de [ −α ; α ], ¯ f (x) − f (x − t )¯ ≤ ε. On
choisit alors N tel que, pour tout n ≥ N , δn < α, ce qui nous donne :

¯ ¯
Z δn ¯ ¯
Z δn
¯ f (x) − f ∗ ρ n (x)¯ ≤ ρ n (t ) ¯ f (x) − f (x − t )¯ dt ≤ ε ρ n (t ) dt .
−δn −δn

On enlève ensuite que la convergence est uniforme sur toute partie X de R où le réel α peut-
être choisi indépendamment de x, donc sur R si f est uniformément continue.
Soit X un compact de R. Nous pouvons supposer que X est contenu dans un segment [ c ; d ].
Soit ε un réel > 0, utilisons l’uniforme continuité de f sur [ c − 1 ; d + 1 ]¯: nous obtenons ¯ un
2
réel α dans ] 0 ; 1 [ tel que, pour tout (x, y) de
¯ [ c−1 ; d +1 ] , l’inégalité
¯ est ¯ f (x − t ) − f (x)¯ ≤ ε ;
on retombe par intégration sur l’inégalité ¯ f (x) − f ∗ ρ n (x)¯. QED.

Une suite ρ n n∈N vérifiant les conditions i) – ii) – iii) est appelée un noyau de convolu-
¡ ¢

tion, ou encore unité approchée (Fig. 20.1 : « la masse de concentre en 0. »). Ces suites sont
surtout intéressantes lorsque les fonctions considérées sont C ∞ :

234
1.1
Γρ 3
1.0

0.9

0.8

0.7

0.6

Γρ 2
0.5

0.4

0.3

Γρ 1
0.2

0.1

-1.2 -1.0 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0 1.2

-0.1

1
F IGURE 20.1 – Tracés de ρ n (x) = n e n 2 x 2 −1 .1 ¤− 1 ; 1 £ (x) pour n = 1, 2, 3.
n n

20.1.3 Corollaire

Les fonctions de classe C ∞ à support compact forment un sous-ensemble dense de C 0 (R, C)


(fonctions continues de limite nulle en ±∞) pour la topologie de la convergence uniforme.

Démonstration : la première étape consiste à construire des fonctions C ∞ satisfaisant


aux conditions i) – ii) – iii). Pour cela considérons la fonction φ définie pour x dans ] −1 ; 1 [

235
³ ´
par φ(x) = exp − x 21−1 , et φ(x) = 0 ailleurs. Nous savons (§ 9.7.3) que φ est classe C ∞ . Posons
ensuite φn (x) = φ(nx), le support de φn est − n1 ; n1 , soient enfin
£ ¤

Z +∞ 1
Cn = φn et ρn = φn .
−∞ Cn

Il est clair que la suite de ρ n n∈N ainsi construite convient.


¡ ¢

Soit f dans C 0 (R, C). Appliquons la proposition et le théorème ci-dessus. En premier lieu,
les fonctions f ∗ρ n sont de classe C ∞ . Comme f est continue et possède
¡ une ¢limite en +∞,
elle est uniformément continue sur R (§ 5.4.2) ; d’après 20.1.2 la suite f ∗ ρ n n∈N converge
uniformément vers f . QED.

Remarque : si f est de classe C p , les dérivées des convolées de f sont également don-
¢(p)
nées par la formule f ∗ ρ n = f (p) ∗ρ n : ces dérivées convergent donc uniformément vers
¡

f (p) sur tout compact de R.

20.2 Convolution dans les fonctions périodiques


Pn
Pour n dans N, introduisons la fonction D n (u) = k=−n
ei ku . Visiblement
³ u u
´ 1 1
D n (u) ei 2 e− i 2 ei n+ 2 u
ei n+ 2 u
¡ ¢ ¡ ¢
− = −

sin n+ 12 u
¡ ¢
et donc pour u 6∈ 2πZ, D n (u) = sin u2
, que l’on prolonge par continuité sur 2πZ. On pose :

1
K n (u) = (D 0 (u) + · · · + D n (u)) .
n +1

20.2.1 Proposition
Pour u dans R, en prolongeant continûment sur 2πZ
¢ #2
sin n+1
"
2 u
¡
1
K n (u) = .
n +1 sin u2

De plus,
i) K n est positif ;
1

ii) 2π −π K n (x) dx = 1 pour tout n ;

iii) pour tout δ de ] 0 ; π [ , la suite (K n )n∈N tend uniformément vers 0 sur [ −π ; −δ ]∪[ δ ; π ].
Démonstration : la première identité se vérifie par récurrence :

u u 1
µ ¶
sin2 ((n + 1)K n − nK n−1 ) = sin sin n + u
2 2 2

236
10 10
ΓK 10
9 9
ΓD 4
8 8

7 7

6 6

5 5
ΓK 4
4 4

3 3
ΓD 2
ΓK 2
2 2
ΓD 1 ΓK 1
1 1
~ ~

-3 -2 -1 O ~ı 1 2 3 -3 -2 -1 O ~ı 1 ΓK 3 2 3

-1 -1

ΓD 3
-2 -2

-3 -3
¶2
sin (n+1)x
µ
sin n+ 21 x
¡ ¢
1
(a) D n (x) = x
sin 2
(b) K n (x) = n+1
2
sin x2

F IGURE 20.2 – Comparaison des noyaux de (a) Dirichlet et (b) Fejér.

d’où
u 2u u 1
µ ¶
2
sin (n + 1)K n = n sin K n−1 + sin sin n + u
2 2 2 2
u u 1
µ ¶
= sin2 (n − 1) + sin sin n + u
2 2 2
n + 1
µ ¶
= sin2 u
2

d’où le premier point.


i) Est clair,

ii) vient de ce que −π D n (u) du = 1 pour tout n,
1
iii) résulte enfin de la majoration, valable sur [ −π ; −δ ] ∪ [ δ ; π ] : 0 ≤ K n (u) ≤ .
(n+1) sin2 δ
2
QED.

237
20.2.2 Théorème
Soit f Rune fonction continue 2π-périodique de R dans C. Pour tout n de N, la fonction
1 π
σn (x) = 2π −π K n (x − t ) f (t ) dt est un polynôme trigonométrique, et la suite (σn )n∈N converge
uniformément vers f sur R.

Démonstration : elle est très proche de celle qui a été donnée pour la convolution sur
R, avec une difficulté supplémentaire due au fait que le noyau de convolution n’est pas nul
hors de [ −δ ; δ ]. On observe en premier lieu que l’on a, moyennant la parité de K n et la
périodicité de f et de K n :
1 π 1 π
Z Z
σn = K n (x − t ) f (t ) dt = K n (t ) f (x − t ) dt
2π −π 2π −π
(l’intégrale d’une fonction périodique est constante le long d’un intervalle de période). Com-
me ci-dessus, la différence f (x) − σn (x) s’écrit avec ii) :
1 π 1 π 1 π
Z Z Z
f (x)−σn (x) = K n (t ) f (x) dt − K n (t ) f (x−t ) dt = K n (t ) f (x) − f (x − t ) dt .
¡ ¢
2π −π 2π −π 2π −π
Soit ε un réel > 0. Comme f est continue et 2π-périodique elle est uniformément continue
sur R (§ 5.4.2) d’où un réel δ > 0 tel que, pour tout (x, y) de R2
¯ ¯ ¯ ¯
¯x − y ¯ ≤ δ =⇒ ¯ f (x) − f (y)¯ ≤ ε

On peut toujours imposer δ < π, la découpe de l’intervalle d’intégration donne, compte tenu
du caratère positif de K n :
µZ δ
¯ f (x) − σn (x)¯ ≤ 1
¯ ¯ ¯ ¯

K n (t ) ¯ f (x) − f (x − t )¯ dt +
−δ
Z −δ ¯ ¯
K n (t ) ¯ f (x) − f (x − t )¯ dt +
Z−ππ ¶
¯ ¯
K n (t ) f (x) − f (x − t ) dt
¯ ¯
δ
¯ ¯ ° °
on majore les ¯ f (x) − f (x − t )¯ de la première intégrale par ε, puis les suivantes par 2 ° f ° ∞
pour obtenir, pour tout n de N et pour tout x réel :

1 δ
µ Z ¶
¯ ¯ ° °
¯ f (x) − σn (x)¯ ≤ K n (t ) dt + 4π ° f °∞ M n
2π −δ
où M n est le sup. de K n sur [ −π ; −δ ] ∪ [ δ ; π ]. Mais d’après iii) de § 20.2.1 ce °
sup.
° tend vers
0 lorsque n tend vers +∞, on choisit ainsi n ε tel que, pour tout n ≥ n ε , 4π ° f °∞ M n ≤ ε,
1 1
Rδ Rπ
comme 2π −δ K n (t ) dt ≤ 2π −π K n (t ) dt = 1 nous obtenons enfin
¯ ¯
∀n ≥ n ε , ∀x ∈ R, ¯ f (x) − σn (x)¯ ≤ 2ε. QED.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : pour l’utilisation de la convolution dans la transformée


de Fourier voir [Rud75] chap. 9. Notons aussi que tout traité (ou presque) exposant la théorie
des distributions comprend un exposé de la convolution (l’application de la convolution
aux distributions constitue un argument plus convaincant en sa faveur que l’approximation
polynômiale, déjà donnée par Bernstein).

238
EXERCICES

1) Le noyau de Poisson (voir par exemple [Car61] p.132 et 133)


2
a) Montrer, pour r ∈ ] −1 ; 1 [ , l’égalité 1−2r1−r = 1 + 2 +∞ n
n=1 r cos nθ
P
cos θ+r 2
1
b) Soient (a n )n∈N , (b n )n∈N les coefficients de Fourier de f ∈ C 2π ([ 0 ; 2π ], R). Mon-
2
a0 +∞ n 1 π (1−r ) f (t ) dt
trer que 2 + n=1 (a n cos nx + b n sin nx) r = 2π 0 1−2r cos(x−t )+r 2 et trouver la li-
P R

mite du membre de droite de cette égalité lorque r tend vers 1−¯. Retrouver ainsi
P+∞ ¯ ¯
la convergence de la série de Fourier vers f lorsque la série n=0 c n ( f ) converge.
¯
2) Soit f une fonction coutinue à support dans − 21 ; 12 . En utilisant comme noyau de
£ ¤

convolution les polynômes c n (1 − x 2 )n (sur [ −1 ; 1 ], 0 ailleurs, c n constante conve-


nable) montrer que f est limite uniforme de polynômes. Généraliser au cas d’une
fonction continue de [ a ; b ] dans R.

P ROBLÈME : É QUIRÉPARTITION ([Kör88]).


Si x est un nombre réel, bxc désigne la partie entière de x. Soit (αn )n∈N une suite à valeur
dans le segment [ 0 ; 1 ]. Lorsque f est une fonction de [ 0 ; 1 ] dans C, on note µn ( f , α) le
nombre n1 nj=1 f (α j ). On dit que la suite (αn )n∈N est équirépartie lorsque, pour toute fonc-
P
R1
tion continue par morceaux f , la suite n 7→ µn ( f , α) tend vers 0 f .
1°) Montrer l’équivalence des propriétés suivantes :
a) (αn )n∈N est équirépartie ;
R1
b) pour toute fonction continue f , µn ( f , α) tend vers 0 f;
c) pour tout sous-intervalle I de [ 0 ; 1 ], 1I désignant la fonction caractéristique de
I , la suite µn (1I , α) tend vers la longueur de I ;
d) ¡pour tout ¢entier p de Z∗ , ep désignant la fonction t 7→ exp(i pπt ), la suite
µn (ep , α) n∈N tend vers 0.
(Indications : pour b) =⇒ c) on pourra utiliser un encadrement de 1I par des fonctions
continues affines par morceaux. Pour c) =⇒ b) et d) =⇒ b) il s’agit d’une utilisation
correcte de la densité, cf. la preuve du théorème de Riemenn-Lebesgue).
2°) soit β un nombre irrationnel.
a) Prouver que le sous-groupe de R, Z + βZ est dense dans R.
b) Déduire de a) que la suite αn = nβ − nβ est équirépartie.
¥ ¦

239
240
Cinquième partie

Interversion des limites

241
Chapitre 21

Fonctions définies par une suite, une série


ou par une intégrale

21.1 Propriétés des limites de suites de fonctions

21.1.1 Cas de la convergence simple


Pour des fonctions numériques de variables réelles, on a par convergence simple la con-
servation des caractères croissants et convexe ; pour des applications entre espaces métriques,
le caractère lipschitzien est de même préservé si les rapports de Lipschitz des fonctions de la
suite sont bornés. (B : ce dernier résultat tombe en défaut si l’on oublie la restriction sur les
rapports de Lipschitz, même avec la convergence uniforme : par exemple, la fonction conti-
p
nue x 7→ x est limite uniforme sur [ 0 ; 1 ] de polynôme, fonctions C 1 donc lipschitziennes).

La préservation ¡ de
¢ la régularité demande un renforcement des hypothèses de conver-
gence de la suite f n n∈N vers sa limite simple f , comme le montre l’exemple de la suite x n
sur[ 0 ; 1 ], qui converge simplement vers une fonction non continue f ; la notion adaptée à
la conservation de la continuité est la convergence uniforme (au moins locale). Pour la dé-
rivabilité il faut ajouter la convergence uniforme des dérivées ; de façon plus générale, aux
propriétés des fonctions sont associées des topologies naturelles, c’est la convergence pour
ces topologies qui conservent les propriétés étudiées.

C ONTINUITÉ D ’ UNE LIMITE UNIFORME DE FONCTIONS CONTINUES

21.1.2 Théorème
Soit X un espace topologique, E un espace métrique, et f n n∈N une suite d’applications
¡ ¢

de X dans E convergeant uniformément vers la fonction f . Si chacune des fonctions f n est


continue au point a de X (resp. sur X ), la fonction f est continue au point a (resp. sur X ).

Démonstration : il suffit de montrer la continuité en un ¡ point a. ¢Soit ε > 0. Il existe un


entier n ε tel que, pour tout n ≥ n ε , et tout x de X , on ait d f n (x), f (x) ≤ ε. Fixons un entier

243
n ≥ n ε et partons de la majoration, valable sur X

d f (x), f (a) d f (x), f n (x) d f n (x), f n (a) d f n (a), f (x)


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
≤ + +

la convergence uniforme donne d f (x), f n (x) < ε et d f (a), f n (a) < ε (n ≥ n ε ). Par hypo-
¡ ¢ ¡ ¢

thèse la fonction f n est


¢ continue en a ; il existe donc un voisinage U de a tel que, pour tout
x de U , d f n (x), f n (a) < ε. De là, par application simultanée des trois inégalités
¡

∀x ∈ U , d f (x), f (a) 3ε
¡ ¢

ce qui montre la continuité de f au point a. QED.

I NTERVERSION DES LIMITES

21.1.3 Théorème

¡ Soit
¢ X un espace topologique, A une partie de X , a un point de A, E un espace métrique,
et f n n∈N une suite d’applications de A dans E convergeant uniformément sur A vers la fonc-
tion f . Si chaque f n possède une limite b n au point a, et si E est complet, la suite (b n )n∈N
converge et la fonction f possède la limite b au point a.

Démonstration : on reproduit mutatis mutandis la preuve donnée pour le prolongement


de la convergence uniforme à l’adhérence, l’idée étant de montrer que la suite de fonctions
définies par : g n (x) = f n (x) si x ∈ A, f n (a) = b n est uniformément de Cauchy. La suite f n est
uniformément convergente sur A donc

∃n ε ∈ N , ∀m ≥ n ε , ∀n ≥ n ε , ∀x ∈ A, d f n (x), f m (x)
¡ ¢
≤ ε.

On bloque m ≥ n ε et n ≥ n ε , le passage licite à la limite an a fournit :

∀m ≥ n ε , ∀n ≥ n ε , ∀x ∈ A, d (b n , b m ) ≤ ε

donc ¡ g n¢ n∈N vérifie le critère de Cauchy uniforme sur A ∪ { a }. Comme E est complet, la
¡ ¢

suite g n n∈N converge uniformément (cela revient en fait à la convergence de (b n )n∈N met-
tons vers b) ; les fonctions g n étant continues en a leur limite l’est aussi, ce qui se traduit par
le fait que f possède la limite b au point a.

Corollaire Une limite uniforme de fonctions réglées est réglée.

I NTÉGRATION D ’ UNE SUITE DE FONCTIONS UNIFORMÉMENT CONVERGENTE SUR UN SEG -


MENT

21.1.4 Théorème
Soit E un espace de Banach, et f n n∈N une suite d’applications réglées du segment ³R [ a ; ´b ]
¡ ¢
b
de R dans E convergeant uniformément vers la fonction f . Alors f est réglée et la suite a f n
n∈N

244
Rb
converge vers a f.

Démonstration : le caractère réglé de f a déjà été prouvé ; la preuve de la convergence


de la suite des intégrales est alors immédiate moyennant l’inégalité

b b
°Z Z °
° ° ° °
° fn − f° ≤ (b − a) ° f − f n °∞ .
a a
° °

B : le cas où l’on intègre sur un intervalle qui n’est pas un segment est nettement moins
trivial, cf. 21.3

21.1.5 Dérivation terme à terme d’une suite de fonctions C 1


B : un limite uniforme de fonctions C ∞ sur R peut
q ne pas être dérivable. Considérons
par exemple la suite de fonctions définies par f n (x) = x 2 + n12 , qui converge uniformément
vers |x| moyennant l’encadrement :
¯r ¯
¯ 1 ¯ 1
¯ x 2 + 2 − |x|¯ ≤ ;
¯ ¯
¯ n ¯ n

la fonction limite n’est pas dérivable en 0. Cet exemple est élémentaire, en fait on a bien
mieux, une suite de fonctions C ∞ peut converger uniformément vers une fonction nulle
part dérivable : nous avons construit une telle fonction f au § 9.2.4, en vertu du théorème
de Weierstrass f est limite uniforme sur [ 0 ; 1 ] de fonctions polynômes, donc de fonctions
C ∞.
L’idée
¡ ¢ géométrique sous-jacente est que la convergence uniforme d’une suite de fonctions
f n n∈N ne donne aucun renseignement sur le comportement des pentes des f n .

21.1.6 Théorème
Soit E un espace de Banach, et f n n∈N une suite d’applications de classe C 1 du segment
¡ ¢

[ a ; b ] de R dans E convergeant simplement vers la fonction f . Si la suite des dérivées f n0 n∈N


¡ ¢

converge uniformément vers une fonction g sur [ a ; b ], f est de classe C 1 sur [ a ; b ] et a pour
dérivée g .
Rb
Démonstration : soit x dans [ a ; b ], par le théorème ci-dessus, la suite a f n0 converge
Rb 1
Rx
vers a g , comme les fonctions en jeu sont de classe C , f n (x) − f n (a) converge vers a g.
Par¡ hypothèse f n n∈N converge simplement vers f donc la suite f n (x) n∈N tend vers f (x)
¡ ¢ ¡ ¢

et f n (a) n∈N vers f (a), de là, pour tout x de [ a ; b ]


¢

Z x
f (x) = f (a) + g. QED.
a

B : hypothèses ! Ce sont les dérivées qui doivent converger uniformément, et non les
fonctions de départ.

245
Remarque : on
¡ vérifie sans peine a posteriori, sous les hypothèses du théorème, que la
convergence des f n n∈N vers f est uniforme sur le segment.
¢

Application : ces résultats nous servirons surtout pour prouver la régularité des fonc-
tions introduites comme some des séries, c’est-à-dire de la plupart des fonctions usuelles.

21.1.7 Localisation
Tous les résultats précédents concernent des propriétés locales, déterminées par le com-
portement des fonctions de la suite au voisinage du point. Les théorèmes précédents 21.1.3,
21.1.4 et 21.1.5 sont donc valables sous de simples hypothèses de convergence au voisinage
du point considéré.
Notons que la convergence uniforme au voisinage de chaque point équivaut, dans le cas de
I intervalle de R, à la convergence uniforme sur tout segment.
En effet, si la convergence uniforme locale est acquise, le fait qu’un segment de R soit, en
vertu du théorème de Borel-Lebesgue, réunion finie de voisinages de convergence uniforme,
amène la convergence uniforme sur tout segment. La réciproque est claire puisque tout
point de R admet une base de voisinages formées de segments.

21.1.8 Interprétation fonctionnelle


La continuité d’une limite uniforme de fonctions continues se traduit par le fait que le
sous-espace de (B (X , E ) , k·k∞ ) formé des fonctions continues est fermé dans (B (X , E ) , k·k∞ ).

21.2 Propriétés des fonctions définies par une série


Celles-ci sont directement décalquées des propriétés désormais connues des limites de
suites de fonctions.

21.2.1 Théorème
Soit ser i eu une série uniformément convergente de fonctions de l’espace topologique X
vers l’espace vectoriel normé E . Si les fonctions u n sont continues au point a de X (resp. sur X )
la somme de n∈N u n est continue en a (resp. sur X ) .
P

Démonstration : il suffit s’appliquer le résultat obtenu pour les suites de fonctions aux
sommes partielles de la série.

Complément : Soit n∈N u n une série uniformément convergente de fonctions crois-


P

santes de l’intervalle I de R dans R, uniformément convergente de somme U . L’ensemble


des points de discontinuités de la fonction U est la réunion des ensembles de points de dis-
continuités des u n .
En effet, si a est un point de continuité de chacun des u n , la convergence uniforme assure
que la somme est continue en a. En sens inverse, s’il existe au moins un entier p tel que la

246
fonction u p soit discontinue au point a, on aura pour tout x < a < y les inégalités

u p (x) ≤ u p (a − ) < u p (a + ) ≤ u p (y) d’où u p (x) + δ ≤ u p (y), δ > 0 fixé.

comme de surcroît u n (x) ≤ u n (a + ) ≤ u n (y) pour tout n 6= y il vient après sommation U (x) +
δ ≤ U (y) ce qui montre que U est discontinue en a (on peut même préciser, avec l’interver-
sion des limites, la nature de la discontinuité en a — exercice !).

Application : étudier la série de fonctions n≥1 bnxc .


P
n3
Sur un segment [ −M ; M ], le terme général de la série de fonctions est borné par nM2 , il y a
donc convergence uniforme. Comme tout point de R est intérieur à un tel intervalle, et que
les fonctions x 7→ bnxc sont croissantes, il est licite d’appliquer le résultat précédent et d’en
déduire que la somme f de la série de fonctions a pour points de discontinuité la réunion
des ensembles de points de discontinuité des bnxc, c’est-à-dire des ensembles n1 Z, ce qui
donne Q.

21.2.2 Interversion des limites


Théorème : textit Soient n∈N u n une série uniformément convergente de fonctions de
P

la partie A de l’espace topologique X vers l’espace vectoriel normé E , et a un point de A. Si


les fonctions u n ont une limite b n au point a et si E est complet, la série n∈N b n converge
P

et la somme de n∈N u n possède en a la limite +∞ n=0 b n .


P P

Démonstration : directe par application de théorème d’interversion des limites aux som-
mes partielles de n∈N u n .
P

Corollaire : La somme uniforme d’une série de fonctions réglées est réglée.

I NTÉGRATION TERME À TERME

21.2.3 Théorème
Soit n∈N u n une série uniformément convergente de fonctions réglées de segment [ a ; b ]
P

de R vers l’espace de Banach E . la somme f de n∈N u n est réglée, et la série de terme général
P
Rb Rb
a u n converge et a pour somme a f .

Démonstration : directe par application du théorème d’intégration terme à terme des


suites de fonctions aux sommes partielles de n∈N u n .
P

Exemple : considérons la série trigonométrique n∈N c n ei nx , avec n∈N |c n | < +∞. Cette
P P

série est normalement convergente, de même que toute série qui s’en déduit par multiplica-
tion avec une fonction bornée ; soit f sa somme. Par application du théorème d’intégration
terme à terme nous obtenons
Z π +∞
X Z π
− i nx
f (t ) e dt = c k ei kx e− i nx dt = c n
0 k=0 0

247
relation importante pour l’étude du développement en série de Fourier.

D ÉRIVATION TERME À TERME

21.2.4 Théorème
Soit n∈N u n une série simplement convergente de somme f de fonctions de classe C 1 du
P

segment [ a ; b ] de R vers l’espace de Banach E . Si la série n∈N u n0 est uniformément conver-


P

gente, f est de classe C 1 et sa dérivée est la somme de la série n∈N u n0 .


P

Démonstration : directe par application du théorème de dérivation terme à terme des


suites de fonctions aux sommes partielles de n∈N u n .
P

B : hypothèses ! C’est la série des dérivées qui doit converger uniformément, et non celle
des fonctions de départ ; d’ailleurs on vérifie sans peine a posteriori que, sous les hypothèses
du théorème, la convergence de n∈N u n vers f est uniforme sur [ a ; b ].
P

21.2.5 Exemple
2n i x
La fonction somme de la série n∈N e n! est de classe C ∞ sur R.
P

Il suffit, par application récurrente du théorème de dérivation terme à terme, de montrer


que les séries dérivées terme à terme convergent uniformément. Le terme général de la série
np np
dérivée p e de x 7→ ip 2n! exp 2n i x, bornée (en module) par 2n! . Cette série à termes positifs
converge de somme exp(2p ). Donc la série dérivée terme à terme est normalement, et par
suite uniformément, convergente sur R.
Nous verrons au § 25 que cette fonction f est nulle part analytique sur R.

B ! rédactions incorrectes : lorsque l’on prouve une convergence uniforme au moyen


d’une convergence normale, le symbole n’a pas de raison d’apparaître (surtout lors des
P

preuves de dérivabilité, où il peut faire considérer comme acquises des propriétés à démon-
ter).

21.2.6 Principe de localisation


La continuité et la dérivabilité sont des proriétés locales, déterminées par le compor-
tement des fonctions de la suite au voisinage du point. Les théorèmes de continuité et de
dérivabilité sont donc valables sous de simples hypothèses de convergence au voisinage du
point considéré ; ou encore, tout point de l’intervalle I étant relativement intérieur à un seg-
ment, sous des hypothèses de convergence uniforme sur tout segment.

21.2.7 Exemple
La fonction zet a. On considère la série de fonction de terme général :

1
u n (x) = , x ∈ R, n ∈ N∗ .
nx

248
a) La somme de n∈N u n définit une fonction continue sur ] 1 ; +∞ [ , notée ζ.
P

Observons pour commencer que la convergence ne saurait être uniforme sur ] 1 ; +∞ [ :


sans quoi, par continuité des fonctions en jeu, la convergence s’étendrait à l’adhé-
rence alors que la série diverge en 1. Par contre, si a est un nombre > 1 fixé, l’en-
cadrement : 0 ≤ u n (x) ≤ n1a valable sur [ a ; +∞ [ donne visiblement la convergence
normale donc uniforme de n∈N u n sur [ a ; +∞ [ . La fonction ζ est de ce fait conti-
P

nue sur [ a ; +∞ [ , comme tout point de ] 1 ; +∞ [ est intérieur à un tel intervalle, ζ est
continue.
b) ζ est de classe C ∞ .
On reprend, pour a > 1 fixé, le raisonnement ci-dessus : pour tout x de [ a ; +∞ [
¯
¯ (k) ¯
¯ (ln n)k
0 ≤ ¯u n (x)¯ ≤
na
qui est le terme général d’une série convergente (c’est le cas facile des séries de Ber-
trand, il se ramène au critère de Riemann) ; de là n∈N u n(k) converge uniformément
P

sur [ a ; +∞ [ , et ζ est de classe C ∞ sur ] a ; +∞ [ .


Pour x > 1, on choisit a tel que 1 < a < x, ζ est alors C ∞ au voisinage de x.
c) ζ(x) tend vers +∞ lorsque x tend vers 1. Équivalent de ζ en 1+ .
R +∞
La bonne idée est de comparer à une intégrale, ici 1 dt tx
. On part de l’encadrement
usuel (§ 17.1) Z +∞
dt
ζ(x) ≥ ≥ ζ(x) − 1
1 tx
pour obtenir
1 1
1+ ≥ ζ(x) ≥ ,
x −1 x −1
donc
1
ζ(x) ∼+
x→1 x −1
au point 1.
d) Extension de la définition et la continuité de ζ sur¡Ω = { z ∈¢C | Re(z) > 1 }.
On écrit, par définition n −z = n −x .n − i y = n −x exp − i y ln n donc pour Re(z) > 1, |n −z | ≤
1
, on constate alors que la série n ∈ N∗ n1z converge normalement donc uniformé-
P
nx
ment sur toute partie de Ω de la forme { z ; Re(z) ≥ a }, avec a fixé > 1.
Si K est un compact de Ω, ζ converge uniformément sur K : la projetion de K sur l’axe
Ox est un compact, donc contient sa borne inférieure a > 1 ; il en résulte que K est
contenu dans { z ; Re(z) ≥ a }, d’où la convergence uniforme.
On en déduit que ζ, limite uniforme de fonctions holomorphes sur tout compact, est
elle-même holomorphe (§ 41).

249
21.3 Propriété des fonctions définies par une intégrale
F ONCTIONS DÉFINIES PAR UNE INTÉGRALE SIMPLE

21.3.1 Théorème
Soient U un ouvert de Rn , [ a ; b ] un segment de R, et f une application continue de
U × [ a ; b ] dans l’espace de Banach E .
Rb
a) L’application de U dans E définie par φ(x) = a f (x, t ) dt est continue sur U .
b) Si n = 1, et si f admet une dérivée partielle par rapport à x, soit f x0 (x, t ), continue sur
Rb
U × [ a ; b ], φ est de classe C 1 sur U et a pour dérivée φ0 (x) = a f n0 (x, t ) dt .
Démonstration :
a) Soit y un point de U , et V un voisinage compact de y contenu dans U (l’espace am-
biant est Rn ). Il suffit visiblement de montrer la continuité de φ sur V . Comme la fonc-
tion f est continue sur le compact V × [ a ; b ], elle y est uniformément continue, et
nous pouvons introduire le « module de continuité uniforme » ω de f : au nombre α > 0
on associe l’élément de [ 0 ; +∞ ]
©° ° °
ω(α) = sup ° f (x, t ) − f (y, τ)° ; max °x − y ° , |t − τ| ≤ α .
¡° ¢ ª

On sait alors (§ 5.5) que ω est une fonction décroissante de α, admettant 0 pour limite
en 0, et l’on a pour tout x de V , l’inégalité
Z b
° ° ° ° °¢
° f (x, t ) − f (y, t )° dt ≤ (b − a)ω °x − y °
¡°
°φ(x) − φ(y)° ≤
a
qui montre que φ(x) tend vers φ(y) lorsque x tend vers y dans V . QED.
b) Soit V un voisinage compact de y. On introduit cette fois la fonction
g (x, t ) = f (x, t ) − f (y, t ) − (x − y) f x0 (y, t ),
dont la dérivée partielle par rapport à x est
g x0 (x, t ) = f x0 (x, t ) − f x0 (y, t ) = h(x, t ).
Soit ω le module de continuité uniforme de la fonction continue h sur le compact
V × [ a ; b ]. Pour tout t de [ a ; b ], h(y, t ) = 0 donc
°¢
∀x ∈ V, ∀t ∈ [ a ; b ], kh(x, t )k ≤ ω °x − y °
¡°

en appliquant l’inégalité des accroissement finis sur x ; y à x 7→ g (x, t ) il vient


£ ¤
° ° ° ° ° ° ¡° °¢
∀x ∈ V, ∀t ∈ [ a ; b ], °g (x, t )° = °g (x, t ) − g (y, t )° ≤ °x − y ° ω °x − y °

et après intégration
b
°Z °
° ° ° ° ¡° °¢
∀x ∈ V, ° g (x, t ) dt ° ≤ (b − a) °x − y ° ω °x − y °
a
° °

c’est-à-dire, en revenant à φ :
b
° Z °
f x0 (x, t ) dt °
° ° ° ° ¡° °¢
∀x ∈ V, °φ(x) − φ(x) − (x − y)
° ≤ (b − a) °x − y ° ω °x − y °
a
°
° ° ¡° °¢ °¢
comme (b − a) °x − y ° ω °x − y ° = o °x − y ° , la dérivabilité souhaitée est acquise.
¡°

250
Remarque :
1. Il est indispensable, dans ce contexte, que f x0 (x, t ) soit une fonction continue du couple
(x, t ).
2. Dans le a), on peut remplacer U par un espace localement compact quelconque, par
exemple un segment i nt er v al l e f f αβ de R.

21.3.2 Corollaire
Si E = Rn , et si f admet n dérivées partielles par rapport à x 1 , . . . , x n , soit f x0i (x, t ), conti-
nues sur U × [ a ; b ], φ est continûment différentiable sur U et a pour dérivée partielle par
Rb
rapport à x i les φ0xi (x) = a f x0i (x, t ) dt , i = 1, . . . , n.

Preuve : par application du théorème précédent au fonctions partielles de f . QED.

21.3.3 Application : Division dans les fonctions C ∞


Soit f un fonction de classe C ∞ d’un intervalle I de R, dans un espace de Banach E , et a
un point de I tel que f (a) = 0. Il existe alors une fonction C ∞ soit g telle que, pour tout x de
I , f (x) = (x − a)g (x).
f (x) R1
En effet, on vérifie directement que, pour x 6= a, x−a = 0 f 0 (a + t (x − a)) dt , formule qui de-
meure vraie pour x = a en prolongeant continûment le quotient par f 0 (a).
La fonction (x, y) → f 0 (a + t (x − a)) est C ∞ du couple (x, t ), comme
R 1 composée de fonctions
∞ 0
C , par application récurrente du théorème ci-dessus, g (x) = 0 f (a + t (x − a)) dt est de
classe C ∞ , et convient.

Généralisation : soit f (x 1 , . . . , x n ) une fonction C ∞ de l’ouvert convexe U de Rn dans


l’espace de Banach E . On suppose (pour simplifier les notations) que 0 ∈ U et f (0) = 0. Il
existe alors n fonctions de classe C ∞ , soit g 1 , . . . , g g n telles que, pour tout (x 1 , . . . , x n ) de U
on ait :
n
X
f (x 1 , . . . , x n ) = x k g k (x 1 , . . . , x n )
k=1
En effet, pour x = (x 1 , . . . , x n ) dans U , la « règle de la chaîne » (§ 30.1.7) nous dit que la dérivée
de la fonction définie pour t dans [ 0 ; 1 ] par g (t ) = f (t x) est
n ∂f
g 0 (t )
X
= d f (t x).x = xi (t x)
k=1 ∂x i

de là
n
X
f (x 1 , . . . , x n ) = x k g k (x 1 , . . . , x n )
k=1
R1∂f
où g k (x 1 , . . . , x n ) = 0 ∂x i (t x) dt est de classe C ∞ par le théorème de dérivation sous le signe
somme.

F ONCTIONS DÉFINIES PAR UNE INTÉGRALE GÉNÉRALISÉE


L’idée est, le plus souvent, de ramener l’étude de l’intégrale généralisée à une intégrale
simple au moyen de suites de fonctions : (a n )n∈N tend vers a et (b n )n∈N tend vers b, la suite

251
Rb Rb
de fonctions φn (x) = ann f (x, t ) dt tend (simplement) vers a f (x, t ) dt . On cherche alors à
améliorer la connaissance que l’on a de la convergence de la suite φn n∈N pour utiliser les
¡ ¢

théorèmes précédemment décrits.

21.3.4 Théorème
Soient U un ouvert de Rn , ] a ; b [ un intervalle de R, et f une application continue de
U × ] a ; b [ dans l’espace de Banach E . On suppose qu’il existe une fonction numérique positive
g sur ] a°; b [ possédant
° une intégrale généralisée sur ] a ; b [ telle que, pour tout (x, t ) de U ×
] a ; b [ , f (x, t ) ≤ g (t ). Alors l’application de U dans E définie par
° °
Z b
φ(x) = f (x, t ) dt
a

est bien définie et continue sur U .

Vocabulaire : nous dirons qu’un intégrale à paramètre qui vérifie la condition ci-dessus
est normalement convergente.

Démonstration : E étant complet, φ est bien définie par convergence absolue des in-
tégrales en jeu. Pour la continuité, moyennant le théorème de continuité des intégrales
simples à pararmètre, il suffit de R b prouver que, si (a n )n∈N tend vers a et (bR bn )n∈N tend vers
b, la suite de fonctions φn (x) = ann f (x, t ) dt converge uniformément vers a f (x, t ) dt .
Mais l’on a par hypothèse, pour tout x de U :
°Z b Z bn ° Z an Z b
° °
° f (x, t ) dt − f (x, t ) dt ° ≤
° g (t ) dt + g (t ) dt
a an a bn
°

où le membre de droite tend vers 0 uniformément par rapport à x, d’où la convergence


uniforme. QED.

21.3.5 Théorème
Soient U un ouvert de R, ] a ; b [ un intervalle de R, et f une application continue de
U × ] a ; b [ dans l’espace de Banach E admettant une dérivée partielle par rapport à x, soit
Rb
f x0 (x, t ), continue sur U × ] a ; b [ . On suppose que, pour tout x de U , l’intégrale φ(x) = a =
f (x, t ) dt converge et qu’il existe une fonction numérique positive g sur ° ] a ; b [ possédant une
0
°
intégrale généralisée sur ] a ; b [ telle que, pour tout (x, t ) de U × ] a ; b [ , f x (x, t ) ≤ g (t ).
° °
Rb
Alors φ est de classe C 1 sur U et a pour dérivée φ0 (x) = a f x0 (x, t ) dt .

Démonstration : moyennant le théorème de dérivabilité des intégrales simples à para-


mètre, il suffit de prouver que si (a n )n∈N tend vers a et (b n )n∈N tend vers b, la suite
Z bn Z b
0
ψn (x) = f x (x, t ) dt converge uniformément sur U vers f x0 (x, t ) dt
an a

ce qui vient comme ci-dessus de l’encadrement :


°Z b Z bn ° Z an Z b
0 0
° °
° f x (x, t ) dt − f x (x, t ) dt °
° ≤ g (t ) dt + g (t ) dt
a an a bn
°

252
Vocabulaire : nous dirons qu’un intégrale dérivée par rapport à x est normalement
convergente.

Localisation : les situations qui se présentent dans la pratique permettent rarement


l’application directe des théorèmes précédents, on est souvent conduit à restreindre l’espace
ambiant à un voisinage compact de x, ce qui ne nuit pas aux résultats puisque la continuité
et la dérivabilité sont des propriétés locales.

21.3.6 La fonction Γ
R +∞
Soit x un nombre réel > 0, l’intégrale 0 t x−1 e−t dt converge par domination en +∞,
et en 0 par l’équivalence t x−1 e −x ∼ t x−1 > 0, avec x −1 > −1. On note alors Γ(x) sa valeur, ce
qui définit une fonction Γ de ] 0 ; +∞ [ dans R.

Équation fonctionnelle : pour tout x réel > 0, Γ(x + 1) = xΓ(x).


Il suffit d’intégrer par parties. Un calcul déjà effectué (§ 16.5.7) montre que, pour tout entier
n, Γ(n + 1) = n!.

Régularité : la fonction Γ est de classe C ∞ sur son domaine.

Il n’y a pas convergence uniforme de l’intégrale sur ] 0 ; +∞ [ , on est amené à travailler sur
un segment [ a ; b ] de ] 0 ; +∞ [ : pour 0 < a < 1 < b et x dans [ a ; b ] la fonction g définie sur
] 0 ; +∞ [ par g (t ) = |ln t |k t a−1 si t ≤ 1 et g (t ) = |ln t |k e−t t b−1 si t ≥ 1 possède une intégrale
généralisée sur [ a ; b ] et l’on a visiblement
∀(x, t ) ∈ [ a ; b ] × ] 0 ; +∞ [ , |ln t |k e−t t x−1 ≤ g (t ).
On peut de ce fait appliquer de façon récurrente le théorème de dérivation des intégrales
généralisées aux dérivées partielles par rapport à x de e−t t x−1 (qui sont continues, etc.) d’où
la conclusion. R +∞
On constate ainsi que Γ00 (x) = 0 (ln t )2 t x−1 e−t dt est positive, donc que Γ est convexe, en
fait Γ est logarithmiquement convexe et c’est la seule fonction log-convexe de ] 0 ; +∞ [ dans
R vérifiant l’équation fonctionnelle Γ(x + 1) = xΓ(x) et Γ(1) = 1 (voir Bourbaki [Bou76] chap.
VII).

21.4 Transformées de Laplace


Nous nous intéresserons essentiellement au point de vue du mathématicien : conver-
gence, régularité, laissant au lecteur le soin de se renseigner sur les nombreuses applications
mahtématiques et extra-mathématiques de la transformation de Laplace.

Soit f une application continue de R+ dans C. On note C ( f ) l’ensemble des réels λ tels
que l’intégrale : Z +∞
L f (λ) = f (t ) e−λt dt
0
converge et A( f ) l’ensemble des réels λ tels que la même intégrale soit absolument conver-
gente.

253
R +∞ R +∞
1. Si l’intégrale 0 f (t ) e−λt dt converge, 0 f (t ) e−µt dt converge pour µ > λ. Rx
Démonstration : introduisons la fonction F définie sur [ 0 ; +∞ [ par F (x) = 0 f (t ) e−λt dt
et effectuons pour µ > λ une intégration par parties : si α = µ − λ et x > 0 on a
Z x Z x Z x Z x
−µt −(λ+α)t 0 −αt −αt x
f (t ) e dt = f (t ) e dt = F (t ) e dt = F (t ) e F (t ) e−αt dt
£ ¤
0 +α
0 0 0 0

La fonction F est continue et possède par hypothèses une limite en +∞. ¯ Elle −αt
est ¯de
ce fait bornée, donc la crochet possède la limite 0 en +∞ et l’inégalité F (t ) e ¯ ≤
¯
kF k∞ e−αt montre que l’intégrale de¯ droite est absolument convergente. QED.
−µt ¯ ¯ −λt ¯
¯ ¯ ¯
Une simple domination ( f (t ) e
¯ ≤ f (t ) e ) donne
R +∞ −λt
R +∞
1’. Si l’intégrale 0 f (t ) e dt converge absolument, 0 f (t ) e−µt dt converge pour µ >
λ.
Bien noter la différence : dans le premier cas on effectue une intégration par parties
pour aboutir à une convergence absolue (analogue à la transformation d’Abel), dans
le deuxième une inégalité suffit.
2. Conséquence : C ( f ) et A( f ) sont, soit vides, soit R, soit des intervalles illimités à droites.
B : on note γ( f ) (resp. α( ¡f )) la¢ borne inférieure de C ( f ) (resp. A( f )) dans R ∪ { −∞ }.
En considérant f (x) = exp i e4x , on a α( f )R< γ( f ) : ¡
+∞
Clairement α( f ) = 0. Pourtant, l’inégalité 0 exp i e4x e2x dt converge : on effectue
¢

le changement
R +∞ ¡ 4 ¢ de variable (licite car strictement croissant) x = ln t l’intégrale devient
2
R1+∞ exp i
¡ 2¢t t dt ; en posant u = t , tout revient à déterminer la nature de
1 exp i u du, on vérifie que cette dernière inétégrale converge grâce au change-
ment de variable y = u 2 suivi d’une intégration par parties (§ 16.5 et 16.6.1). Conclu-
sion : γ( f ) ≤ −2 < 0 = α( f ).
3. Soit f une fonction continue bornée de R dans R. Alors L f est une fonction de classe C ∞
sur R∗+ dont la dérivée n e est donnée par
Z +∞
(n) n
L f (λ) = (−1) t n f (t ) e−λt dt
0

Preuve : il suffit, par localisation, de travailler


° ° sur [ a ; +∞ [ , avec a fixé > 0. Sur cet
R +∞
n −at
e
intervalle, la dérivée n par rapport à λ par f ∞ t e
° ° = g (t ). Du fait que 0 g (t ) dt
converge, l’application répétée du théorème de dérivation des intégrales généralisée
dont les dérivées convergent normalement donne l’existence la valeur de L f (λ).
4. Toujours sous l’hypothèse : f bornée, L f et toutes ses dérivées tendent vers 0 lorsque λ
tend vers +∞.
Pour tout λ > 0,
¯ ¯ ¯ Z +∞ ¯
¯ (n) ¯ ¯ n n −λt
¯
¯L f (λ)¯ = ¯(−1)
¯ t f (t ) e dt ¯¯
0
Z +∞
t n e−λt dt
° °
≤ ° f °∞
° ° Z 0
°f ° +∞

≤ u n e−u du
λn+1 0
¯ ¯
soit ¯L (n) ¯ ≤ λn!
° °
(λ) ° f ° , d’où le résultat.
¯ ¯
f n+1 ∞

254
R +∞ R +∞
5. On suppose que 0 f (t ) dt converge. Alors L f (λ) tend vers 0 f (t ) dt lorsque λ tend
vers 0, λ > 0. Rx
Posons pour x ≥ 0, F (x) = 0 f (t ) dt . La fonction F est bornée sur [ 0 ; +∞ [ , nulle à
l’infini, et l’on prouve de même qu’en 1 l’identité :
Z +∞ Z +∞ Z +∞
−λt
f (t ) e dt = f (t ) dt − λ F (t ) e−λt dt .
0 0 0
R +∞
Il reste à montrer que λ 0 F (t ) e−l ambd at dt tend vers 0 avec λ. Utilisons pour cela
une méthode de découpe. Soit ε > 0. Il existe un réel A > 0 tel que, pour tout t ≥ A,
|F (t )| ≤ ε. De là, pour tout λ > 0 :
¯ Z +∞ ¯ Z A Z +∞ Z A
−λt −λt
¯ ¯
¯λ F (t ) e dt ¯ ≤ λ
¯ |F (t )| dt + λε e dt ≤ λ |F (t )| dt + ε
0 0 A 0
¯

on fait enfin tendre λ vers 0, pour λ assez petit nous obtenons


Z A
λ |F (t )| dt ≤ ε
0

ce qui achève la preuve.


R +∞
Application : on se propose de calculer l’intégrale 0 sint t dt (que l’on sait convergente, cf. §
R +∞
16.5). Pour ce faire on introduit pour λ ≥ 0 la tranformée de Laplace F (λ) = 0 e−λt sint t dt ,
qui converge pour tout λ ≥ 0 par 1. Comme la fonction t 7→ sint t est bornée (par un) sur
R +∞
[ 0 ; +∞ [ , F est de classe C 1 sur ] 0 ; +∞ [ , la dérivée de F étant F (λ) = 0 e−λt sin t dt . Mais
1
F (λ) s’intègre explicitement : par deux intégrations par parties on obtient F (λ) = 1+λ 2 et de
π
ce fait F (λ) = C −arctan(λ). Le fait que F tend vers 0 en +∞ amène C = 2 . Enfin 5 nous dit que
R +∞
F est continue en 0, par un passage à la limite en 0 nous donne enfin 0 sint t dt = F (0) = π2 .

21.5 Transformées de Fourier


On notera L1 (R) l’espace vectoriel des fonctions réglées f de R dans C telles que :
Z +∞
¯ ¯
¯f ¯ converge.
−∞

D ÉFINITIONS ET PREMIÈRES PROPRIÉTÉS DE LA TRANSFORMÉE DE F OURIER


Si f est une application réglée de R dans C, on définit, en les points où l’intégrale converge,
une fonction fˆ de R dans C par
Z +∞
ˆ 1
f (x) = p f (t ) e− i xt dt
2π −∞

la fonction fˆ est appelée la transformée de Fourier de f .


1. Si f est dans L1 (R), fˆ est définie pour tout nombre réel x.
¯ f (t ) e− i xt ¯ ≤
¯ ¯
En
¯ effet,
¯ l’intégrale est absolument convergente car pour tout x de R,
¯ f (t )¯.

255
2. Soit f une fonction continue de L1 (R). La fonction fˆ est alors continue.
Preuve : la fonction (x, t ) 7→ f (t ) e− i xt est continue, et l’inégalité précédente montre
que l’intégrale est normalement convergente, donc fournit une fonction continue.
3. Si la fonction f est continue et si l’application t 7→ t n f (t ) est dans L1 , fˆ est de classe C n
et pour k ≤ n sa dérivée k e est la transformée de Fourier de t 7→ (− i t )k f (t ).
Preuves : la fonction dérivée partielle n e par rapport à x, soit (x, t ) 7→ (− i)k t k f (t ) e− i xt
est continue, et l’intégrale valable sur R × (R) \[ −1 ; 1 ]
¯ ¯
¯(− i)k t k f (t ) e− i xt ¯ ≤ ¯t n f (t )¯
¯ ¯ ¯ ¯

montre que les intégrales des dérivées partielles sont normalement convergentes, donc
fˆ est de classe C n , et les dérivées sont bien les fonctions annoncées.
4. On suppose cette fois que f est une fonction de classe C 1 de L1 (R), et que sa dérivée f 0
est également dans L1 (R). Alors
a) f tend vers 0 en +∞.
b) On a, pour tout x de R fb0 (x) = i x fˆ(x).
Preuve :
R +∞
a) Si f 0 est dans L1 , l’intégrale x f 0 converge donc f possède un limite en +∞, si
f est elle-même dans L1 , cette limite est nulle.
R +∞
b) On intègre maintenant p1 −∞ f (t ) e− i xt dt par parties pour trouver la relation

demandée
Application : détermination de la transformée de Fourier de la fonction définie sur R par
2
f (x) = exp(− x2 ) (→ Leçon : problèmes conduisant à une équation différentielle).
Les fonctions f et f 0 sont visiblement dans L1 (R). Par une utilisation correcte de 3 nous
voyons que fb0 (x) = i x fˆ(x). D’autre part, pour tout x réel
Z +∞
−i 1 − i xt
µ ¶
b 0
f (x) = p t exp − 2 e dt
2π −∞ x

il en résulte que la transformée de Fourier y de f vérifie l’équation différentielle

y0 + x y = 0
³ ´
donc est de la forme w 7→ C exp − x12 . Reste à déterminer C , ce que l’on fait en remarquant

−i
Z +∞ µ
1

C = y(0) = p exp − 2 dt
2π −∞ x

et donc
fb = f

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : très nombreuses illustrations du sujet dans les traités


classiques : Dieudonné [Die54], Valiron [Val77], Wittaker & Watson [WW01], ...

256
EXERCICES

S ÉRIES DE FONCTIONS

P1. P ROBLÈME : TOUT FERMÉ DE R EST L’ ENSEMBLE DES ZÉROS D ’ UNE FONCTION C ∞
Soit F une partie fermée de R, de complémentaire l’ouvert Σ, réunion d’intervalles
ouverts (non vides) deux à deux disjoints I n ; leur ensemble est supposé infini en 2°).
1°) Construire, pour chaque entier n, une fonction C ©∞ positive bornée ª et dont toutes
les dériviées sont bornées, soit φn , telle que I n = x | φn (x) > 0 .
° °
2°) On note M n le maximum des °φ(k)
P+∞ φn
p ° pour k et p dans ‚0, nƒ et φ = k=0 n!M n .
° °

Prouver que φ est C ∞ .
3°) Vérifier que F est l’ensemble des zéros d’une fonction C ∞ . Regarder le résultat
obtenu lorsque F = K 3 (ensemble de Cantor).

P2. P ROBLÈME : SÉRIE DE D IRICHELET


On appelle série de Dirichlet toute série de fonctions de la variable complexe z de
la forme S(z) = n≥1 a n exp(−λn z), où (a n )n≥1 est une suite complexe quelconque et
P

(λn )n≥1 une suite de réels positifs strictement croissante non majorée. Dans les ques-
tions 1°) et 2°) x est un nombre réel.
n
1°) a) Déterminer pour chacune des deux séries : n≥1 n1x et n≥1 (−1) n x d’une part
P P

la borne inférieure σc de l’ensemble des réels x pour laquelle elle converge ;


d’autre part la borne inférieure σa de l’ensemble des réels pour lesquels elle
converge absolument.
∗ De façon générale, pour une série de Dirichelet S(x) = n≥1 a n exp(−λn z)
P

on définit l’abscisse de convergence σc comme la borne inférieure de l’en-


semble C des réels x pour lesquels n≥1 a n exp(−λn z) converge, et l’abscisse
P

de convergence absolue σa comme la borne inférieure de l’ensemble A des


réels x pour lesquels n≥1 a n exp(−λn z) converge absolument ∗
P

b) Dans cette question P2.1°)b) seulement, on suppose que λn = ln n, c’est-à-


dire a n exp(−λn z) = nanz . Montrer dans ce cas les inégalités σc ≤ σa ≤ σc + 1,
et donner un exemple pour chacun des deux cas extrèmes σa = σc et σa =
1
σc + 1. Examiner un particulier les cas a n = n!, n! , 12 .
ln n
c) Montrer que S(x) converge pour tout x > σc (resp. converge absolument
pour tout x > σa ). C est-il nécessairement un intervalle ouvert ? fermé ? mêmes
questions pour A.
2°) a) Montrer que la fontion somme de S(x), soit f , est continue sur A.
b) Soit a dans C . Prouver, en utilisant une transformation d’Abel avec reste, que
S(x) converge uniformément sur [ a ; +∞ [ . En déduire la continuité de f sur
C.
c) Montrer que f est C ∞ sur l’intérieur de A.
d) Déterminer la ¤limite£ de f en +∞.
∗ Pour φ dans 0 ; π2 et x 0 réel on désignera par D(φ) l’ensemble des nombres

257
complexes de la forme r ei θ avec r ≥ 0 et |θ| ≤ φ, et par D x0 (φ) l’ensemble
x 0 + D(φ) ∗
3°) a) Montrer, pour tout z de D(φ) et tout n de N :
¯ ¯
¯exp(−λn z) − exp(−λn+1 z)¯ ≤ 1 ¡
exp (−λn Re(z)) − exp (−λn+1 Re(z))
¢
cos φ

(utiliser une intégrale).


b) Montrer que, si x 0 est C , S(z) converge uniformément sur D x0 (φ).

F ONCTIONS DÉFINIES PAR UNE INTÉGRALE

P1. P ROBLÈME : ESPACE DE S CHWARTZ , INVERSION DE LA TRANSFORMÉE DE F OURIER

I. L’espace S de Schwartz
On note S l’espace vectoriel des fonctions de classe C ∞ de R dans C vérifiant :
pour tout fonction polynôme P de R dans R et tout entier n de N, la fonction
t 7→ f (n) (t )P (t ) tend vers 0 en +∞.
1°) Montrer que les propriétés suivantes de la fonction f ∈ C ∞ (R, C) sont équi-
valentes :
(1) f ∈ S .
(2) Pour tout P de R[X ] et tout entier n de N, t 7→ f (n) (t )P (t ) est bornée.
(3) Pour tout P de R[X ] et tout entier n de N, t 7→ f (n) (t )P (t ) est absolument
intégrable sur R.
2°) Dans cette question, on fixe une fonction f de S .
a) Soit T un nombre réel > 0. Montrer que la série de fonction de terme
général
x 7→ f (x + kT ) , k décrivant Z
converge uniformément sur tout segment de R, et que sa somme
+∞
X
g T (x) = f (x + kT )
k=−∞

est une fonction continue T -périodique de R dans C.


b) Montrer que la fonction g T définie en a) est de classe C 1 sur R.

II. Inversion de la transformée de Fourier dans S


On conserve les notations de la question I.2°)
1°) Montrer que la transformée de Fourier d’une fonction de S est de classe
C ∞.
2°) Montrer que la transformée de Fourier d’un élément de S est dans S .

258
3°) Soit f dans S et T ³dans ] 0´; +∞ [ . Montrer que les coefficients de Fourier
RT 2 i πpx 2pπ
³ ´
c p = T1 0 g T (x) exp − T dx de g T sont données par p1 c p = T1 fˆ T .

En déduire, sur R, l’égalité

1 1 +∞ µ
2pπ
¶ µ
2 i πpx

ˆ
X
p g T (x) = f exp .
2π T p=−∞ T T

4°) Si φ est une fonction de S , et h une fonction continue bornée de R dans C,


vérifier que la série +∞ φ(kα)h(kα) converge pour tout nombre α > 0 et
P
k=−∞
que sa somme S(α) vérifie
Z +∞
lim+ αS(α) = φ(t )h(t ) dt .
α→0 −∞

5°) Soit f un élément de S . Montrer que, pour tout nombre réel x,

1
Z +∞
f (x) = p fˆ (t ) exp (i xt ) dt
2π −∞

P2. P ROBLÈME : THÉORÈME DE TAUBER SUR LES TRANSFORMÉES DE L APLACE


Les notations sont celles de 21.4. On suppose cette fois que L f (λ) possède une limite
α en 0.
1°) Comparer 1 − e−x et x sur [ 0 ; +∞ [ .
R +∞
2°) Montrer en considérant f (t ) = cos(t ) que l’intégrale 0 f (t ) dt n’est pas néces-
sairement convergente.
R +∞
3°) On fait désormais l’hypothèse : f (t ) = o 1t . Montrer que 0 f (t ) dt converge.
¡ ¢

On pourra considérer l’inégalité


A +∞ A
¯ Z ¯ ¯Z ¯ ¯Z ³ ´ ¯
−λt −λt
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯α − f (t ) dt ¯¯ ≤ ¯¯ f (t ) e dt ¯¯ + ¯¯ f (t ) 1 − e dt ¯¯ + ¯L f (λ) − α¯
0 A 0
¯

et prendre λ = A1 .

259
260
Chapitre 22

Interversion d’une limite et d’une série ou


une intégrale

22.1 Généralités
Nous avons déjà rencontré, lors de la recherche des propriétés des limites de suites de
fonctions, un théorème portant explicitement le nom d’interversion des limites. En fait tous
les résultats du chapitre précédent peuvent s’interpréter comme une interversion de limites.
De façon plus précise, soit f n n∈N une suite de fonctions de l’intervalle I de R dans l’espace
¡ ¢

de Banach E convergeant simplement vers la fonction f . La continuité éventuelle de f s’ex-


prime par ³ ´ ³ ´
∃ lim lim f n (x) = lim lim f n (x)
x→a n→+∞ n→+∞ x→a

et la dérivabilité par
à !
f n (x) − f n (a) f n (x) − f n (a)
µ ¶
∃ lim lim = lim lim
x→a n→+∞
x6=a
x −a n→+∞ x→a
x6=a
x −a

Rb Rb
Le cas des intégrales est un peu plus difficile à traduire ; a f n (t ) dt ou a f (x, t ) dt est la
limite des sommes de Riemann S σ ( f n ) attachées aux subdivisions σ de [ a ; b ] lorsque le mo-
dule (ou pas) de si g ma tend vers 0, et les théorèmes d’interversion s’expriment par
µ ¶ ³ ³ ´´
∃ lim lim S σ f n = lim S σ lim f n
¡ ¢
n→+∞ |σ|→0 |σ|→0 n→+∞

et µ ¶ ³ ³ ´´
∃ lim lim S σ f (x, t ) lim S σ lim f (x, t )
¡ ¢
=
x→a |σ|→0 |σ|→0 x→a

(Le sommes de Riemann étant relatives à la variable t ).


Le hypothèses retenues pour démontrer l’existence des limites sont toujours de convergence
uniforme.
Dans le cas des séries de fonctions et des intégrales généralisées, entre d’abord en jeu un
processus sommatoire : simple dans le cas de la somme partielle de la série (addition ré-
currente), déjà fondé sur l’existence d’une limite dans le cas de l’intégrale ; on utilise ensuite
une convergence uniforme et en général l’un des principes suivants :

261
1. Ce que nous appellerons le principe de Weierstrass qui consiste à dominer globale-
ment un processus localement uniformément convergent par une série ou une fonc-
tion positive elle-même sommable.
2. Une méthode abélienne de contrôle du reste (transformation d’Abel pour les séries,
règle d’Abel ou intégration par parties pour les intégrales, cf. par exemple les transfor-
mées de Laplace non absolument convergentes).

22.2 Autres applications du principe de Weierstrass


A. Le cas des séries

22.2.1 Séries doubles


Soit a p,n (p,n)∈N×N une suite double d’un espace de Banach (E , k·k). On suppose qu’il
¡ ¢
° °
existe une série convergente de terme général αn > 0 telle que ∀n ∀p °a p,n ° ≤ αn véri-
fiant : pour tout n fixé, la suite p 7→ a p,n converge vers un nombre a n .
Alors la série n∈N a n converge et la suite p 7→ +∞ n=0 a p,n tend, lorsque p tend vers +∞,
P P
P+∞
vers n=0 a n .

Démonstration : on reproduit directement la preuve de l’interversion des limites (il


est possible d’introduire l’espace topologique E = N ∪ { ∞ } et d’appliquer directement
le résultat général, mais une démarche aussi abstraite nuit à l’intuition).
En premier lieu, la série n∈N a n converge puisque par passage à la limite ka n k ≤ αn .
P

Soit ε > 0. Choisissons une bonne fois pour toutes un entier n ε tel que
+∞
X
αk < ε.
n ε +1

L’hypothèse fait que, pour tout p de N ° +∞ ° ≤ ε et aussi °P+∞ a n ° ≤ ε.


°P ° ° °
nε Pa p,n nε
Pn ε nε
En outre, la somme finie k=0 a p,n tend vers° k=0 a n , on peut donc
° choisir (en dernier
Pn ε Pn ε
lieu) un entier p ε tel que, pour tout p ≤ p ε , °
n=0 a p,n − n=0 a n ≤ ε.
°
Il résulte de l’ensemble des estimations obtenues que, pour tout p ≥ p ε :
° nε ° ° ° °
° +∞
°X +∞
X °
°
°X Xnε °
° °+∞
X ° °+∞
X °
a p,n − an °
° ≤ ° a p,n − an °
° + ° a p,n ° + ° a n ° ≤ 3ε.
° ° ° ° ° °
nε nε
°
n=0 n=0 n=0 n=0
° ° ° °

22.2.2 Application
Pour tout a élément d’une algèbre de Banach
³ a ´n X an
+∞
∃ lim 1 + =
n→+∞ n n=0 n!
n ¡ ¢ k
En effet, pour tout n de N, 1 + na se développe en nk=0 nk na k .
¡ ¢ P

De n1k nk = n...(n−k+1) on déduit le fait que n1k nk tend vers k!1


, puis la majoration
¡ ¢ ¡ ¢
n k k!
°Ã ! °
° n ak ° ° k°
°a °
2
∀(n, k) ∈ N , ≤ ° ° = αk (notation).
° °
° k nk ° ° k! °
° °

262
Le principe de Weierstrass s’applique directement et fournit la relation souhaitée.

Remarque : le lecteur se persuadera, en reprenant la preuve de 22.2.1 du fait que la


convergence de la suite ci-dessus est uniforme sur les parties bornées.

B. Le cas des intégrales

22.2.3 Contre-exemple
Commençons par une question : soit f n n∈N une suite de fonctions continues de [ 0 ; +∞ [
¡ ¢

dans R, convergeant uniformément vers une fonction f sur [ 0 ; +∞ [ . On suppose que


toutes les intégrales
Z +∞ Z +∞
In = f n (t ) dt et I = f (t ) dt convergent.
0 0

La suite (I n )n∈N converge-t-elle vers I ?


La réponse est contrairement à l’intuition, négative. Examinons une tentative de preuve
possible : soit A dans [ 0 ; +∞ [ et soit ε > 0, écrivons
Z +∞ Z +∞
In − I = f n (t ) dt − f (t ) dt
0 0
Z A Z A Z +∞ Z +∞
= f n (t ) dt − f (t ) dt + f n (t ) dt − f (t ) dt .
0 0 A A
¯R +∞ ¯
On peut fixer A pour que ¯ A f (t ) dt ¯ < ε ; et lorsque A est fixé, la première diffé-
rence tend vers 0 par convergence uniforme, mais on ne peut pas contrôler, sous les
R +∞
hypothèses faites, la suite u n,A = A f n (t ) dt (il y a en fait une dépendance cachée de
A vis-à-vis de n qui interdit d’utiliser la convergence uniforme sur [ 0 ; A ] : imposer
u n,A ≤ ε revient ici à choisir A en fonction de n, pour chaque n).
Par exemple, si f = 0, f n (t ) = n1 sur [ 0 ; n ], f n affine sur [ n ; n + 1 ] et nulle sur [ n +
1 ; +∞ [ , toutes les hypothèses sont vérifiées, mais I n tend vers 1 alors que I = 0. Pire,
dans le cas étudié à l’instant, la suite I n converge aussi, sans converger vers I !

Il faut encore ajouter une domination uniforme pour conclure, ce qui amène au prin-
cipe de Weierstrass pour les intégrales.

U N RÉSULTAT POSITIF

22.2.4 Avec une hypothèse de domination


Soit f n n∈N une suite de fonctions réglées de [ 0 ; +∞ [ dans R, convergeant uniformé-
¡ ¢

ment vers une fonction f sur tout segmentR [ a ; b ] de [ 0 ; +∞ [ . On suppose cette fois
+∞
qu’il existe une fonction
¯ ¯réglée g telle que 0 g (t ) dt converge et que, pour tout n et
tout nombre t ≥ 0, ¯ f n (t )¯ ≤ g (t ). Alors la suite I n converge vers I .

263
Démonstration : On reprendR +∞la méthode de découpe précédente, ayant préalable-
ment choisi A de sorte que A g (t ) dt < ε.

1.0
~
0.8

0.6
Γ fn
0.4

0.2
Γg
0
O0 ~ı 1 2 3 4 5 6 A 7 8 9 10

F IGURE 22.1 – Convergence uniforme ¡ surx tout


¢n segment, avec hypothèse de domination x
(avec les fonctions f n (x) = 1 − 2n .1[ 0;n ] (x), n ∈ ‚1, 10ƒ et g (x) = e− 2 )
Z A Z A Z +∞ Z +∞
In − I = f n (t ) dt − − f (t ) dt
f (t ) dt
+ f n (t ) dt
0 0 A A
R +∞
les deux dernières intégrales sont bornées indépendamment de n par A g (t ) dt . Choi-
sissons enfin, moyennant la convergence uniforme, n ε dans N tel que pour tout n ≥ n ε
¯Z A ¯
¯ ¢ ¯
f n (t ) − f (t ) dt ¯¯ ≤ ε,
¡
¯
0
¯

il vient, par application simultanée de toutes les estimations obtenues


¯Z +∞ Z +∞ ¯
¯ ¯
∀n ∈ N, n ≥ n ε =⇒ ¯ ¯ f n (t ) dt − f (t ) dt ¯¯ ≤ 3ε
0 0

Extension : Nous avons travaillé sur [ 0 ; +∞ [ pour des raisons de commodité, mais
il est clair que le théorème reste vrai si l’on transpose mutatis mutandis la situation à
un intervalle ] a ; b [ de R.

22.2.5 Exemple : Formule d’Euler pour la fonction Γ


¢n
Rappel : la suite de fonctions f n : t 7→ 1 − nt 1[ 0;n ] (t ) converge uniformément vers
¡
−t
e R+ (§ 18.2.3). Fixons alors
R +∞surx−1 x > 0. Vérifions en premier lieu que la suite
R +∞
0 t f n (t ) dt converge vers 0 t x−1 e−t dt :
En effet, pour tout t de ] 0 ; +∞ [ , 0 ≤ t x−1 f n (t ) ≤ t x−1 e−t fonction qui possède
¢ une in-
tégrale convergente sur ] 0 ; +∞ [ , et la suite de fonctions n 7→ t 7→ t x−1 f n (t ) converge
¡

uniformément vers la fonction t 7→ t x−1 e−t sur les compacts de l’intervalle ] 0 ; +∞ [


(ici ouvert en 0), le principeRde Weiertrass 22.2.4 permet de conclure.
+∞
Calculons maintenant I n = 0 t x−1 f n (t ) dt : en posant t = nu nous obtenons
t n x−1
Z nµ ¶ Z 1
In = 1− t dt = n x (1 − u)n u x−1 du.
0 n 0

264
Avec α = (1 − u)n et β0 = u x−1 et une intégration par parties il vient pour n ≥ 1
Z 1
n 1
Z
n x−1
(1 − u) u du = (1 − u)n−1 u x du (le crochet est nul)
0 x 0
puis par récurrence facile
Z 1 Z 1
n x−1 n n −1 1 n!
(1 − u) u du = ··· (1 − u)0 u x+n−1 du =
0 x x +1 x +n −1 0 x(x + 1) · · · (x + n)
Finalement nous trouvons la Formule d’Euler :
n!n x
Γ(x) = lim
n→+∞ x(x + 1) · · · (x + n)

C. Un théorème du type « Beppo-Levi »

22.2.6 Avec une hypothèse de monotonie


Soient a un nombre réel, I = [ a ; b [ un intervalle de R, (s n )n∈N une suite croissante
d’applications réglées positives de I dans R, convergeant uniformément vers la fonction
réglée S sur tout segment [ a ; c ], avec a ≤ c < b. On fait les hypothèses :
(i) chaque s n possède une intégrale généralisée sur I = [ a ; b [ ;
Rb
(ii) la suite a s n converge.
Alors :
(1) S possède une intégrale généralisée sur [ a ; b [ ;
Rb Rb
(2) la suite a s n converge vers a S.

N.B. : ce résultat ne demande pas de connaître à l’avance la convergence de l’intégrale


de la limite, il y a donc une différence nette, du moins au départ, avec l’énoncé précé-
dent.
Rb
Preuve : soit I la limite de la suite croissante a s n .
Pour tout c de [Ra ; b [ , la Rconvergence uniforme de s n vers S sur [ a ; c ] entraîne la
c c
convergence de a s n vers a S. Comme les fonctions s n sont positives nous onbtenons
Z c Z c Z b
S = lim s n ≤ lim sn = I
a n→+∞ a a

Cette inégalité montre que la fonction positive S admet une intégrale généralisée sur
[ a ; b [ . La suite (s n )n∈N croît vers S, on dispose donc des inégalités 0 ≤ s n ≤ S sur
Rb
[ a ; b [ , la convergence de a S nous autorise à appliquer le principe de Weierstrass
(22.2.4) ce qui donne la conclusion souhaitée.

Exercice : si n∈N a n est une série réelle positive convergente de somme s, montrer
P
n
que la série de fonctions n∈N ann!x converge uniformément sur tout compact de R et
P

que l’on a
a n x n −x
Z +∞ X
∃ e dx = s.
0 n≥0 n!

265
La preuve dans le cas général de ce réultat dû à Borel est donnée plus loin, le cas positif
tombe tout seul avec le résultat ci-dessus.

S UITES DE FORMES LINÉAIRES

L’étude de la convergence de suites de formes linéaires amène souvent à effectuer des


preuves par densité dont les idées sont proches de celles que nous venons d’étudier.
Par exemple :

22.2.7 Convergence simple de formes linéaires

Soit (u n )n∈N une suite de formes linéaires sur un evn (E , k·k). Si la suite ku n kLc (E ,K) n∈N
¡ ¢

= (|||u n |||)n∈N est bornée, et si la suite (u n )n∈N tend vers 0Lc (E ,K) sur une partie dense A
de E , la suite (u n (x))n∈N tend vers 0K pour tout x de E .

En effet, par hypothèse les u n sont uniformément bornées sur la boule unité fermée,
mettons par M . Si x est fixé dans E , et si l’on se donne un réel ε > 0, il existe a dans A
tel que kx − ak ≤ ε ; pour tout n de N il vient :

ku n (x)k ≤ ku n (x − a)k + ku n (a)k ≤ Mε + ku n (a)k .

Comme la suite (u n (a))n∈N tend vers 0, on peut choisir n ε dans N tel que, pour tout
n ≥ n ε , ku n (x)k ≤ M ε + ε. QED.
Remarque : le lecteur aura tout intérêt à reprendre, de ce point de vue, les preuves de
la convergence des sommes de Riemann et du lemme de Riemann-Lebesgue : § 18.1.4.

22.2.8 Application : Généralisation du lemme de Riemann-Lebesgue


R +∞ ¯ ¯
Soit fR une fonction localement intégrable de R dans C, si −∞ ¯ f (t )¯ dt converge, la
+∞
suite −∞ f (t ) ei nt dt tend vers 0.
1
ROn se place
+∞ ¯¯ ¯ dans L (R) (fonctions de R dans°C,°réglées si°l’on veut,
R +∞ ° telles que
−∞ f (t ) dt converge) muni R +∞de la norme f 1 = −∞ f (t ) dt , et l’on prend pour
¯ ° ° ° °
u n la forme linéaire : f 7→ −∞ f (t ) ei nt dt . u n est¯ correctement
¯ R +∞ ¯définie¯ car l’intégrale
converge absolument. Pour tout n, |||u n ||| ≤ 1 car u n ( f ) ≤ −∞ f (t )¯ dt . D’autre part,
¯ ¯ ¯
la preuve du lemme de Riemann-Lebesgue dans le cas d’un segment (18.1) montre
que u n tend vers 0 sur l’espace A des fonctions L1 à support compact. Il nous suffit
1 1
donc
¡ ¢ de montrer que A est dense dans L pour conclure, mais si f est dans L la suite
f n n∈N de fonctions de A : t → 1[ −n;n ] (t ) f (t ) converge vers f puisque

° °
Z +∞ ¯ ¯
Z −n ¯ ¯
° f − fn ° ≤ ¯f ¯ + ¯f ¯
1
n −∞

où le membre de droite tend vers 0. QED.

266
22.3 Méthodes abéliennes
22.3.1 A– Cas des séries
Nous en avons déjà vu divers exemples lors de l’étude des fonctions définies par une
série, on en trouvera bien d’autres au § 26 : problèmes de convergence radiale.

22.3.2 B– Cas des intégrales


L’étude des transformées de Laplace non absolument convergente (§ 21) relève de cette
idée. Nous nous contenteronsici de l’étude d’un autre exemple classique, l’intégration par
parties de la fin tenant lieu de transformation d’Abel.

T HÉORÈME DE B OREL
un n
Soit (u n )n∈N une suite réelle. On pose, lorsque la série converge : B u (t ) = +∞
n=0 n! t .
P

1. Si la suite (u n )n∈N est bornée, la série définissant B u (t ) converge uniformément sur tout
segment [ 0 ; a ] de R.
n
Immédiat car, pour tout t de [ 0 ; a ], un!n t n ≤ M an! où M est un majorant de la suite
(|u n |)n∈N .
2. Si la suite (u n )n∈N converge vers une limite l , la fonction B u (t ) e−t tend vers l lorsque t
tend vers +∞.
Preuve : lorsque l’on remplace u n par u n + c, B u devient B u+c : t 7→ B u (t ) + c et . Il suffit
donc de prouver le résultat demandé lorsque l = 0. On choisit dans ce but un nombre
ε > 0 puis un entier p ≥ 1 tel que, pour n ≥ p, |u n | ≤ ε. En coupant à p, il vient pour
tout t ≥ 0 :
¯p−1 ¯p−1
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯ +∞ ¯ +∞ n¯
¯ X un n ¯ ¯ X un n ¯ ¯ X un n ¯ ¯X t ¯
¯ ¯ ¯
|B u (t )| ≤ ¯ t ¯ + ¯ t ¯ ≤ ¯ t ¯ + ε¯
¯n=0 n! ¯ ¯n=p n! ¯ ¯n=0 n! ¯ ¯n=p n! ¯
¯

donc, pour tout nombre t ≥ 0


¯p−1
¯ ¯
¯ X un n ¯
¯
¯B u (t ) e−t ¯ −t
¯ ¯
≤ e t ¯ + ε
¯n=0 n! ¯
¯

L’interversion d’un passage à la limite¯ en +∞ ¯est la dernière étape qui mène à la


−t ¯Pp−1 u n n ¯
conclusion ; en effet, la fonction e ¯ n=0 n! t ¯ tend vers 0 en +∞ (exponentielle -
polynôme) d’où l’existence de A ≥ 0 tel que, pour tout t ≥ A, ¯B u (t ) e−t ¯ ≤ 2ε. QED.
¯ ¯

3. Soit (a n )n∈N le terme général d’une série réelle convergente de somme S, (A n )n∈N la
R +∞
suite a 0 +· · ·+a n−1 avec A 0 = 0. On se propose de prouver que l’intégrale 0 e−t B a (t ) dt
converge de valeur S. Rx
Soient f (x) = B a (x) et F (x) = B A (x). On a tout d’abord 0 e−t B a (t ) dt = e−x F (x).
En effet,
¡ −x ¢0
e F (x) = e−x F 0 (x) − F (x)
¡ ¢
µ +∞ +∞
X A n+1 n X An n

−x
= e t − t
n=0 n! n=0 n!
= e−x f (x)

267
d’où Z x
e−t f (t ) dt = e −x F (x) − F (0) = e −x F (x).
0
Le 2 nous dit que e−x F (x) a pour limite en +∞ la somme S de la série n∈N a n , d’où la
P

conclusion souhaitée.

22.4 Le point de vue de la théorie de la mesure


Le cadre Lebesguien, ou plus généralement de la théorie de la mesure, permet de s’af-
franchir de l’hypothèse de convergence uniforme locale dans les problèmes de passage à
la limite sous le signe somme. La condition de domination doit par contre être conservée,
comme le montre le contre-exemple de § 22.2.3... On retrouve alors immédiatement tous
les résultats du type de Weierstrass, au prix d’un effort de construction assez important au
départ.

R R P P
22.4.1 Interversion et , et : Théorèmes de Fubini
De façon générale, ces théorèmes expriment, dans le cas d’une mesure σ-finie et de l’ab-
solue convergence, la possibilité d’intervertir deux sommations. Selon la mesure utilisée :
continue, discrète... les résultats se traduisent en termes d’intégrales ou de sommes de sé-
ries.

22.4.2 Cas des intégrales


La situation est décrite, dans le cadre de l’intégrale de Lebesgue au § 39. Pour les fonc-
tions numériques de plusieurs variables, l’intégrale de Lebesgue est le contexte naturel dans
lequel les résultats s’expriment bien. (Généraliser l’intégrale de Riemann est à peu près aussi
lourd et coûteux que construire une théorie de la mesure efficace, nous ne ferons donc pas
de construction de l’intégrale de Riemann à plusieurs variables).

22.4.3 Cas des séries


Le théorème ci-dessous est une conséquence immédiate du théorème de Fubini géné-
ral ; pour que l’exposé soit complet, nous en donnerons une preuve élémentaire et auto-
nome.

Théorème : Soit a m,n (m,n)∈N×N une suite double de nombres réels. On suppose que la
¡ ¢

série de terme général s n = +∞


¯ ¯
P ¯a m,n ¯ converge. Alors les séries
m=0

X +∞
+∞ X +∞
X +∞
X
a m,n et a m,n
n=0 m=0 m=0 n=0

sont bien définies, convergentes et de même somme.

Démonstration : commençons par établir le résultat lorsque a m,n ≥ 0. Une méthode


de limite monotone bien comprise y suffit : en premier lieu, les inégalités 0 ≤ a m,n ≤ s n

268
P+∞
montrent que les séries n=0 a m,n sont convergentes. Soit ensuite M dans N. On a par som-
mation finie
M +∞
X X +∞
X XM +∞
X +∞
X +∞
X
a m,n = a m,n ≤ sn = a m,n
m=0 n=0 n=0 m=0 n=0 n=0 m=0

donc les sommes partielles de la série de terme général +∞ n=0 a m,n sont majorées par
P
P+∞ P+∞ PM P+∞ +∞ P+∞
n=0 m=0 a m,n : la série converge et m=0 n=0 a m,n ≤ ¡n=0 ¢m=0 a m,n .
P

La conclusion vient par symétrie des rôles. Dans le cas où a m,n (m,n)∈N×N est une suite com-
plexe, on écrit
+ −
¡ + −
a m,n = u m,n + i v m,n = u m,n + u m,n + i v m,n + v m,n
¢

+ − + −
et l’on applique ce qui précède aux suites positives u m,n , u m,n , v m,n , v m,n .

Variante utile : Soit a m,n (m,n)∈N×N une suite double de nombres réels. On suppose que
¡ ¢
¯ ¯ ¯ ¯
la série de terme général v n = k+l =n ¯a k,l ¯ converge. Si u n = k+l =n ¯a k,l ¯ les séries n∈N u n ,
P P P

+∞
X +∞
X +∞
X +∞
X
a m,n et a m,n
n=0 m=0 m=0 n=0

sont convergentes et de même somme.

Démonstration : comme ci-dessus, on se ramène au cas où les termes employés sont


positifs. Notons U la somme de n∈N u n (ici u n = v n ) et donnons-nous deux entiers N et M .
P

De l’inégalité
M X
X N NX
+M
a m,n ≤ uk ≤ U
m=0 n=0 k=0
¡PN
nous déduisons d’abord, N étant fixé, que la série à termes positifs n=0 a m,n con-
P ¢
m∈N
verge, soit
+∞
X X N
∀N ∈ N, a m,n ≤ U .
m=0 n=0
Par interversion finie, il vient
N +∞
X X
a m,n ≤ U.
n=0 m=0
On fait alors tendre N vers +∞ pour obtenir la convergence de la série et l’inégalité

X +∞
+∞ X
a m,n ≤ U.
n=0 m=0

En sens inverse, il suffit de partir de l’inégalité


NX
+M M +∞
X X
uk ≤ U ≤ a m,n
k=0 m=0 n=0

La preuve se reproduit sans difficultés. QED.

269
Applications : l’analycité des séries entières, et divers développements en série entière
relèvent de ce principe, voir les § 24 et 25.

EXERCICES

R 1 ln t dt 1
1) Calculer 0 1−t (effectuer un DL de
avec reste explicite).
1−t
P+∞ (−1)n
2) On considère la série de fonctions : S = n=0 n+x .
a) Montrer que la somme f de S est C ∞ sur R∗+ .
R +∞ −λx
b) Prouver l’égalité : ∀x > 0, f (x) = 0 ee−λ +1 dλ (faire à nouveau un DL de 1+u
1
avec
reste explicite).
c) Montrer que f possède un DA à tous ordres en +∞.
3) Soit (a n )n∈N une suite croissante, tendant vers +∞, montrer que :
+∞ µ +∞ +∞ (−1)n
Z ¶
n −a n x
X X
(−1) e dx =
0 n=0 n=0 a n

T RAVAUX
¡ ¢ DIRIGÉS : UN THÉORÈME DE P ERRON
Soit φn n∈N une suite de fonctions réelles satisfaisant au trois hypothèses suivantes :
(H0 ) φ0 est bornée, et
(H1 ) limx→+∞ φn (x) = 1 et
(H2 ) +∞
¯ ¯
n=0 φn (x) − φn+1 (x) ≤ M , où M est indépendant de x.
P ¯ ¯

Préliminaire : montrer que la suite φn n∈N est uniformément bornée et converge simple-
¡ ¢

ment vers une fonction notée φ.

1°) Soit n∈N a n


une série convergente de somme A.
P

a) Montrer que, pour tout x réel, la série¡ +∞ n=0 a n φn (x) converge, la somme étant
P
P+∞
notée S(x) ; et vérifier : S(x) = n=0 A n φn (x) − φn+1 (x) + Aφ(x).
¢

b) Prouver que S(x) tend vers A lorsque x tend vers +∞ (commencer par le cas où
A = 0).
2°) Soit n∈N a n une série convergente de somme A et t dans [ 0 ; 1 [ . Montrer¡ x ¢que la série
P
n n
a t converge, sa somme étant notée f (t ). En posant : (x) = , montrer
P
n∈N n φn x+1
qu’il existe limx→1− f (t ) = A.

(Bibliographie : E. Borel, séries divergentes, [Bor90]).

270
Sixième partie

Séries entières

271
Chapitre 23

Rayon de convergence des séries entières

23.1 Définition, domaine et rayon de convergence

23.1.1 Série de fonctions de la variable complexe


Une série entière est une série de fonctions de la variable complexe z dont le terme d’ordre
n et le monôme a n z n , on la note aussi n∈N a n z n ; la suite (a n )n∈N est appelée suite des coef-
P

ficients de la série entière.


On appelle domaine de convergence de la série entière l’ensemble des nombres complexes z
tels que la série n∈N a n z n converge.
P

R AYON DE CONVERGENCE

23.1.2 Lemme d’Abel


Soit z 0 un nombre complexe tel que la suite a n z 0n n∈N soit bornée. Pour tout z de C tel
¡ ¢

que |z| < |z 0 | la série est absolument convergente.

Démonstration : posons M = supn∈N ¯a n z 0n ¯, et écrivons pour 0 < |z| < |z 0 | :


¯ ¯

¯n
¯ an z n z ¯
n ¯ ¯z ¯z
¯ µ ¶¯ ¯ ¯ ¯
¯a n z n ¯
¯ ¯ ¯¡ ¯ ¯
M ¯¯ avec ¯<1
¢
= 0 ≤ ¯ ¯
¯ z
0
¯ z
0
¯ ¯z
0
¯

l’encadrement donne la convergence par domination.

23.1.3 Définition
On appelle rayon de convergence de la série entière n∈N a n z n la borne supérieure dans
P

[ 0 ; +∞ ] de l’ensemble des nombres r ≥ 0 tels que la suite (a n z n )n∈N soit bornée.

n
Notation : nous écrirons, R désignant le rayon de convergence : R = ρ n∈N a n z .
¡P ¢

273
23.1.4 Théorème
Soit n∈N a n z n une série entière de rayon de convergence R. Pour tout z de C tel que |z| < R
P

la série n∈N a n z n est absolument convergente ; et pour tout z de C tel que |z| > R la suite
P

(a n z n )n∈N est non bornée.

Démonstration : soit d’abord z tel que |z| < R. D’après les propriétés caractéristiques
des bornes supérieures, il existe un réel positif r tel que (a n r n )n∈N est bornée, et |z| < r ≤ R.
Du lemme d’Abel nous déduisons que la série n∈N a n z n converge absolument.
P

Si maintenant |z| > R, la suite (a n z n )n∈N ne peut être bornée, sans quoi r = |z| serait un réel
> R tel que la (a n r n )n∈N soit bornée, contradiction. QED.

Le disque ouvert D(0, R) s’appelle le disque de convergence de n∈N a n z n , il est égal à C


P

lorsque R = +∞. Lorsque R < +∞, le cercle C (0, R) s’appelle le cercle d’incertitude de la série
entière.
Les exemples donnés tout au long du texte montrent que sans étude ad hoc on ne peut rien
dire du comportement d’une série entière sur son cercle d’incertitude. Étudions comme pre-
n n
mier cas celui de n∈N zn : pour |z| = 1 la suite zn n’est pas bornée, et pour |z| < 1 elle est do-
P

minée par la série géométrique |z|n donc elle converge ; il en résulte que R = 1. Sur le cercle
de convergence, on distingue deux cas :
Premier cas : z 6= 1. Les sommes partielles de n∈N z n sont bornées, la méthode d’Abel pour
P

les séries numériques s’appliquent, la série converge.


Deuxième cas : z = 1. Il s’agit de la série harmonique, qui diverge. La série étudiée converge
donc partout sur son cercle d’incertitude, sauf en un point ; notons que l’on peut aussi ob-
tenir le comportement inverse, à savoir la divergence en tout point saut 1 ! (Ce qui est loin
d’être trivial).

23.1.5 Théorème
Soit n∈N a n z n une série entière de rayon de convergence R. La série n∈N a n z converge
P P

normalement, donc uniformément, sur tout compact contenu dans son disque (ouvert) de
convergence ; en particulier dans tous les disques de rayon strictement inférieur à R.

Démonstration : sot K un tel compact (non vide). Posons r = sup { |z| | z ∈ K }. Comme
K est compact, il existe z 0 dans K tel que |z 0 | = r . K étant contenu dans D(0, R), nous consta-
tons que r < R ; la série n∈N a n z n est alors convergente et, pour tout z de K , |a n z n | ≤ |a n | r n ,
P

ce qui donne la convergence normale sur K . QED.


Ainsi, lorsque R = +∞, la série entière n∈N a n z n converge normalement, donc uniformé-
P

ment, sur tout compact de C.

B : Si R est fini, il n’y a pas en général convergence uniforme sur le disque ouvert D(0, R) :
nous savons en effet qu’une telle convergence uniforme entraîne moyennant la continuité
des a n z n la convergence uniforme sur D(0, R) (c’est une application de critère de Cauchy,
n
cf. § 18.3.1). Par exemple, la série n∈N zn ne converge pas uniformément sur D(0, R) car
P
zn
n∈N n diverge pour z = 1.
P

B : si R est infini, il n’y a pas en général convergence uniforme sur C, la condition né-

274
cessaire et suffisante pour qu’il en soit ainsi est que la suite (a n z n )n∈N soit nulle à partir d’un
certain rang : en effet, une condition nécessaire pour que la convergence uniforme ait lieu
est que (z 7→ a n z n )n∈N tende uniformément vers 0 ; or a n z n n’est pas borné sur C pour n ≥ 1
qu’avec a n = 0.

(a n z n )n∈N non bornée


?

cv normale

K compact

cv absolue

F IGURE 23.1 – Rayon de convergence (résumé de la situation, pour R < ∞, à retenir !)

23.2 Méthodes de détermination du rayon de convergence


23.2.1 Méthodes directes
1. Comparaison des fonctions :
On étudie directement les suites |a n | r n selon la valeur r , l’idée essentielle étant de
placer la suite a n sur l’échelle (ln n)α n β e−γn . Considérons, entre autres, la série en-
−2n
tière n∈N (1 − tanh n) z n , on a 1 − tanh n = 1 − 1−e ∼ 2 e−2n terme > 0 et la série
P
1+e−2n n→+∞
¢n
de terme général e−2n r n = r e−2 converge ssi r < e2 ; le rayon cherché est donc e2 .
¡

L’étude directe est aussi conseillée dans le cas des séries irrégulières : par exemple
p si
n e
l’on veut le rayon de convergence de n∈N a n z , où a n est la n décimale de 2, on
P

dit que la suite


p (a n )n∈N ne tend pas vers 0, (sinon la dite suite, formée d’entiers, sta-
n
tionne à 0 et 2 est rationnel) de là R ≤ 1 ; et (a n )n∈N est bornée donc a n r converge
absolument si 0 ≤< 1 : R = 1.
2. Utilisation de la frontière du disque de convergence :
Si, en un point z 0 , la série n∈N a n z 0n est semi-convergente, le point z 0 est sur la fron-
P

tière du disque de convergence : pour illustrer la situation considérons n∈N sinn n z n ;


P

on a moyennant le théorème d’Abel la convergence en z = 1 mais

¯ sin n ¯ sin2 n 1 cos 2n


¯ ¯
¯
¯ n ¯
¯ ≥ = −
n 2n 2n

qui diverge comme somme d’une série divergente et d’une série convergente, donc
R = 1.

275
23.2.2 Formule d’Hadamard
n
Soit n∈N a n z une série entière de rayon R.
P

1
Si L = lim supn→+∞ |a n | n , on a R = L1 (R = +∞ si L = 0, 0 si L = +∞) .

Preuve : supposons par exemple 0 < L < +∞.


1
Si |z| < R, on a lim supn→+∞ |a n z n | n = L|z| < 1 ; la règle de Cauchy s’applique : la série
n
n∈N a n z est absolument convergente.
P
1
Si |z| > R la suite (a n z n )n∈N ne tend pas vers 0 (sinon |a n z n | n ≤ 1 à partir d’un certain rang).
¢n α
Exemple : rayon de convergence de la série cosh n1
P ¡
n∈N
¢n α−1
Avec la formule de Hadamard, tout se ramène à l’étude de cosh n1 , pour laquelle on
¡

effectue un passage à l’exponentielle suivi d’un développement limité :


¶n α−1
1 1 1 1 α−3
µ µ µ µ ¶¶¶ µ ¶
α−1
¡ α−3 ¢
cosh = exp n ln 1 + 2 + O 3 = exp n +o n
n 2n n 2

le rayon est donc 1 si α < 3, p1 si α = 3, et 0 si α > 3.


e

23.2.3 Règle de d’Alembert


Soit n∈N a n z n une série entière à coefficients 6= 0, de rayon de convergence R. On suppose
P
|a |
qu’il existe lim |an+1
n|
= k. Alors R = k1 .

Démonstration : cela peut se voir de deux façons :


1. il s’agit d’une conséquence de « d’Alembert implique Cauchy » du 13.3-1 (Cesàro) ;
2. directement en appliquant le critère de d’Alembert à n∈N a n z n .
P
n
Exemple : Cherchons le rayon de convergence de n∈N nn! z n :
P
|a n+1 | 1 n
|a n | = 1 + n et cette suite tend vers e, le rayon de convergence est donc 1e .
¡ ¢

EXERCICES

1) Soir f = n∈N a¡n z¢n une série entière telle qu’il existe un réel β vérifiant : a n = O n β .
P ¡ ¢

Montrer que ρ f ≥ 1.
2) Déterminer les rayons de convergence des séries suivantes : n∈N tanh nz n ,
P

(1 − tanh n) z n , n∈N 3n z 2n , n∈N (1 + (−1)n ) a n z n (avec a ∈ C), n∈N n!z n ,


P P P P
Pn∈N n n n
n z n
n∈N cos nz , n∈N n! z , n∈N sin n .
P P

3) Trouver le rayon de convergence de n∈N a n z n sachant que n∈N a 2n z 2n a pour rayon


P P

de convergence R 1 et n∈N a 2n+1 z 2n+1 pour rayon de convergence R 2 .


P

4) Montrer que, si n∈N a n z n a un rayon de convergence > 0, n∈N an!n z n a un rayon de


P P

convergence infini.
n
5) Rayon de convergence de n∈N a n z n , où : a n est le nombre de chiffres de 22 en base
P

10 ; a n est la n e décimale de π.

276
6) Montrer que, si n∈N a n z n a un rayon de convergence R > 0, n∈N n b a n z n a pour
P P

rayon de convergence R.
7) Soit a n une suite dans R∗+ telle que : limn→+∞ aan+2
n
= 3. Prouver correctement que le
n 1
rayon de convergence de n∈N a n z est p .
P
3

277
278
Chapitre 24

Fonctions définies par une série entière

24.1 Continuité
24.1.1 Théorème
Soit n∈N a n z n une série entière de rayon de convergence R. La somme f de n∈N a n z n
P P

est continue sur le disque ouvert de convergence.

Démonstration : pour chaque r < R la fonction f est somme d’une série normalement
convergente de fonctions continues sur le disque D(0, r ). Pour tout choix de r < R, f est
donc continue sur D(0, r ). Comme tout point de D(0, R) est intérieur à un tel disque, f est
continue sur le dit.

B : même si la série entière converge sur le disque fermé D(0, R), sa somme f n’y est pas
nécessairement continue. Les contre-exemples sont assez délicats (cf. Tome 2).

Conséquence : pour tout n, f admet au voisinage de 0 le développement limité

f (z) = a 0 + a 1 z + · · · + a n z n + O z n+1
¡ ¢

En effet, f (z) − (a 0 + a 1 z + · · · + a n z n ) = +∞ a z k = z n+1 +∞ a zk .


P ¡P ¢
k=n+1 k k=n+1 k+n+1
La série entière entre parenthèses converge au voisinage de 0, donc définie une fonction
continue en 0.

24.1.2 Approximation par des polynômes


B : le théorème de Weierstrass ne s’applique pas aux fonctions à but complexe : par
exemple, la fonction f : z 7→ z̄ n’est pas limite uniforme de polynômes sur le cercle unité
sans quoi
2 2
Z π ³ ´ Z π ³ ´
iθ iθ
f e e dθ est limite d’une suite P n ei θ ei θ dθ, P n ∈ C[z].
0 0

mais l’intégrale de gauche vaut 2π, et puisque les P n sont des polynômes, toutes les inté-
grales de droite sont nulles, ce qui est absurde. (Avec des connaissances sur les fonctions

279
analytiques, tout s’éclaire : un limite uniforme de fonctions polynômes sur un compact K du
plan complexe possède un prolongement holomorphe sur toute composante connexe bor-
née du complémentaire de K , et a de plus une intégrale nulle sur tout lacet fermé contenu
dans K — voir [Rud75] chap. 20 — donc f ne peut être limite uniforme de polynômes sur
S1 , son intégrale sur le lacet S1 étant non nulle).

Voyons aussi ce que donne l’approximation de Lagrange : prenons pour subdivision les
racines n es de l’unité, soit ζ l’une d’entre elles ; ζ est envoyée par z 7→ z̄ sur son inverse c’est-
à-dire sur ζn−1 : le polynôme¯ d’interpolation de Lagrange est donc z n−1 . Mais la borne supé-
rieure σ de la fonction z 7→ ¯z n−1 − z̄ ¯ sur S1 est 2 : du
¯
fait que
¯ n−1 ¯ les nombres considérés sont
e
de module 1, σ ≤ 2 ; et si z est une racine n de −1, z ¯ − z̄ ¯ = 2. L’approximation obtenue
ne saurait être plus mauvaise !

Dans le cas des séries entières, on dispose de 23.1.5 et du résultat suivant, premier pas
vers le théorème de Mergelyan ([Rud75] chap. 20 ; nous nous plaçons pour simplifier dans
le cas où le rayon de convergence de la série entière n∈N a n z n est R = 1, f désigne alors sa
P

somme sur D(0, 1)) :

24.1.3 Théorème
Pour tout nombre r tel que 0 < r < 1, f est limite uniforme d’une suite de polynômes sur
D(0, r ). On a de plus l’équivalence entre
(1) f admet un prolongement continu au disque fermé D(0, 1) ; et
(2) f est limite uniforme de polynômes sur le disque fermé D(0, 1).
Démonstration : le premier point est immédiat par convergence uniforme des sommes
partielles de n∈N a n z n vers f sur D(0, r ).
P

(1) =⇒ (2), est également clair.


Pour (2) =⇒ (1), renotons f le prolongement continu de la somme de la série entière consi-
dérée à D(0, 1). Soit ε > 0 (Il s’agit donc d’un raisonnement direct d’approximation). La fon-
tion f est uniformément continue sur D(0, 1), d’où l’existence d’un réel α > 0 tel que, pour
tout (z, z 0 ) de D(0, 1),
¯z − z 0 ¯ ≤ α ¯ f (z) − f (z 0 )¯ ≤ ε. QED.
¯ ¯ ¯ ¯
=⇒
¡ z ¢
Introduisons ensuite la fonction auxiliaire g : z 7→ f 1+α ; g est visiblement développable
en série entière sur le disque D(0, 1 + α), et comme 1 < 1 + α ¯il existe en vertu ¯ de 23.1.5 un
polynôme P , issu du DSE de g , tel que, pour tout z de D(0, 1), ¯P (z) − g (z)¯ ≤ ε.
z ¯ ¯ αz ¯
¯ ¯ ¯ ¯
Maintenant si z ∈ D(0, r ), ¯z − 1+α = 1+α ≤ α donc
¯ ¯ ¯ ³ z ´¯
¯ f (z) − g (z)¯ = ¯¯ f (z) − f ¯≤ε
¯
1+α
et l’on a bien, pour tout z de D(0, r ),
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (z) − P (z)¯ = ¯ f (z) − g (z)¯ + ¯g (z) − P (z)¯ ≤ 2ε. QED.

B : les polynômes qui approchent f à ε près sur D(0, r ) ne sont pas en général des
sommes partielles de la série entière qui définit f .

280
24.2 Série dérivée, analyticité des fonctions définies par une
série entière
24.2.1 Théorème
Soit n∈N a n z n une
¡ série
¢ entière de rayon de convergence R, soit p dans N, la série dérivée
P
n
d’ordre p, soit n∈N n + p · · · (n + 1) a n+p z , a le même rayon de convergence R que f .
P

Démonstration : il suffit, par récurrence simple, de montrer le résultat annoncé pour


p = 1. Comme |a n+1 | ≤ (n + 1) |a n+1 | le rayon de convergence R 0 de la série dérivée terme à
terme est ≤ R.
En sens inverse, si l’on se donne un réel r , 0 < r < R il est possible¡ de¢ choisir r 0 tel que
n
r < r 0 < R et l’on a, pour tout n de N (n − 1) |a n+1 | r n ≤ |a n+1 | r 0n (n + 1) rr0 .
¡ ¢n
Le choix de r 0 fait que la suite |a n+1 | r n est bornée ; de plus, la série de terme général (n + 1) rr0
converge (moyennant d’Alembert), par domination n∈N (n + 1) |a n | r n converge. QED, par
P

comparaison.

Conséquence : si R > 0 et si f (n) désigne la somme de la série dérivée d’ordre n, on a

f (n) (0)
an = n!

24.2.2 Définition
Ici K désigne l’un des corps, R ou C. On dit que la fonction f de l’ouvert Ω de K dans
K est développable en série entière au voisinage du point a de Ω s’il existe une série entière
n
n∈N a n z et un nombre r > 0 tels que, pour tout z de D(a, r ),
P


a k (z − a)k
X
f (z) =
k=0

La fonction f est dite analytique sur Ω si elle est développable en série entière en chaque
point deΩ. Les points au voisinage desquels f est développable en série entière sont appelés
points d’analycité de la fonction f .

24.2.3 Théorème
Soit n∈N a n z n une série entière de rayon de convergence R. La somme f de n∈N a n z n est
P P

analytique sur D(0, R). Plus précisément, soit z 0 un nombre complexe tel que |z 0 | < R. Alors la
série entière
X f (n) (z 0 ) n
z
n∈N n!
a un rayon de convergence ≥ R − |z 0 | et l’on a, pour |z − z 0 | < R − |z 0 |,

+∞ f (n) (z 0 )
(z − z 0 )n
X
f (z) =
n=0 n!

281
Démonstration : elle repose sur la possibilité d’intervertir des sommations absolument
convergentes (§ 22.4.3). On pose αn = |a n | et l’on écrit
+∞ +∞
(k + n)! (k + n)!
f (n) (z 0 ) a k+n z 0k
¯ (n)
αk+n |z 0 |k
X ¯ X
= de ce fait ¯ f (z 0 )¯ ≤
k=0 k! k=0 k!

Pour z 0 |z 0 | ≤ r < R on a

X ¯ f (n) (z 0 ) ¯
+∞ X (k + n)!
¯ ¯
n
¯ n! ¯ (r − |z 0 |)
¯ ¯ ≤ αk+n |z 0 |k (r − |z 0 |)n
n=0 k,n k!n!

où la série du membre de droite converge car pour tout N


à !
X (k + n)! m!p!
αk+n |z 0 |k (r − |z 0 |)n |z 0 |p (r − |z 0 |)m−p
X X
≤ αm
k≤N k!n! m 0≤p≤m (m − p)!
n≤N
αm r m < +∞ .
X
=
m

f (n) (z 0 )
(z − z 0 )n
P+∞
Toujours avec 22.4.3 on peut regrouper les termes de n=0 n!
et obtenir

+∞ f (n) (z 0 ) X (k + n)!
(z − z 0 )n = a k+n z 0k (z − z 0 )n
X
n=0 n! k,n k!n!
à !
m!p! p
z 0 (z − z 0 )m−p
X X
= am
m 0≤p≤m (m − p)!
m
X
= a m z . QED.
m

24.2.4 Corollaire
L’ensemble des points d’analyticité (ou d’analycité) d’une fonction de Ω dans C est ouvert.

Preuve : si a est un point d’analycité de f sur Ω, la fonction g : h 7→ f (a + h) est déve-


loppable en série entière sur le disque D(0, r ), avec r > 0 ; de là, tout point de D(0, r ) est
d’analycité pour g , et par suite f est développable en série entière sur D(a, r ).

24.3 Utilisation des séries de Fourier


24.3.1 Théorème
n
Soit f une fonction développable en série entière n∈N a n z sur un voisinage D(a, R) du
P

point a. Pour tout nombre r < R on a

1
Z 2π ¯
¯ f a + r ei t ¯2 dt |a m |2 r 2m .
¡ ¢¯ X
=
2π 0 m

282
Démonstration : la série trigonométrique n∈N a n r n ei nt converge normalement vers sa
P

somme f (a + r ei t ) sur R. La série trigonométrique n∈N a n r n ei nt est donc la série de Fou-


P

rier de t 7→ f (a + r ei t ) ; il suffit pour conclure d’appliquer l’égalité de Parseval. QED.

I NÉGALITÉ DE C AUCHY

24.3.2 Théorème
n
Soit ¯f un fonction développable en série entière n∈N a n z sur le disque ouvert D(0, R),
P
¯
R > 0. Si ¯ f ¯ est majorée par M sur le disque D(0, r ), r < R on a, pour tout n

M
|a n | ≤
rn

Démonstration : par le théormèe ci dessus


Z 2π ¯
2 2n
|a n | r ¯ f a + r ei t ¯2 dt M 2 . QED.
¡ ¢¯
≤ ≤
0

24.3.3 Théorème de Liouville


On appelle fonction entière toute fonction développable en série entière dont le domaine
de convergence est C (nous verrons qu’une fonction holomorphe définie sur C est entière).
Le théorème annoncé affirme que

Toute fonction entière bornée est constante.

En effet, les inégalités de Cauchy : |a n | ≤ rMn sont, sous les hypothèses faites, valables pour
tout r > 0 ; on en déduit que a n = 0 pour tout entière n ≤ 1. QED.

24.4 Cas des fonctions d’une variable réelle

D ÉRIVATION TERME À TERME

24.4.1 Théorème
Soit n∈N a n x n une série entière de la variable réelle x de rayon de convergence R et de
P

somme f ; f est de classe C ∞ sur ] −R ; R [ et pour tout p de N, f (p) est la somme de la série
dérivée d’ordre p, soit
+∞
f (p) (x) = n + p · · · (n + 1) a n+p x n .
X¡ ¢
n=0

Démonstration : nous savons déjà que les séries dérivées terme à terme ont pour rayon
de convergence R, et convergent normalement sur tout segment de ] −R ; R [ . L’application
répétée du théorème de dérivation des séries de fonctions donne alors le résultat.

283
24.4.2 Intégration
La convergence uniforme de la série entière sur les compacts du disque ouvert de conver-
gence D(0, R) fait que l’on peut intégrer terme à terme sur les segments inclus dans l’inter-
valle ouvert de convergence.

24.4.3 Un contre-exemple
Toute fonction analytique réelle est, en vertu de ce qui vient d’être établi, de classe C ∞ .
Mais à la différence du cas complexe, il existe des fonctions C ∞ réelles qui ne sont pas ana-
1 2n i x
lytiques — pire : la fonction somme de la série n∈N n! e est de classe C ∞ sur R, et n’est
P

nulle par analytique.


Étudions d’abord la série de Taylor de f en 0 : son p e coefficient est

1 (p) X 2np
1 +∞ 1
ap = f (0) = = exp 2p
p! p! n=0 n! p!

et
a p+1 exp 2p+1 − 2p exp (2p )
¡ ¢
= =
ap p +1 p +1
qui tend vers +∞ lorsque p tend vers +∞ : le rayon de convergence de la série évoquée est
donc nul.
Si maintenant x = 2rs , r ∈ Z, s ∈ N∗ on a pour tout h réel et tout n ≥ s

exp 2n i (x + h) exp 2n i h
¡ ¢ ¡ ¢
=

la fonction g (h) = f (x + h) s’écrit alors sous la forme f (h) + S(h), où S est une somme finie
1
de fonctions du type n! exp (2n i x). S est donc analytique. On en déduit que g ne peut-être
développable en série entière en 0 — sans quoi f le serait — et x n’est pas un point d’analy-
cité de f .
Nous avons donc mis en évidence un ensemble dense de points de non-analycité de f , à
savoir les rationnels de la forme x = 2rs , r ∈ Z, s ∈ N∗ (rationnels dyadiques) ; comme l’en-
semble des points d’analycité de f est ouvert, il ne peut être que vide.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : l’étude des fonctions définies par une série entière sur le
disque unité a été poussée très loin. Pour se faire une première idée, lire Rudin [Rud75] chap.
16-17 puis Hoffman [Hof62] etc. L’étude des fonctions entières est assez spécialisée [Val39],
[Boa54].

284
EXERCICES

1) Soit (a n )n∈N une suite complexe telle que© ¯le rayon


¯ de convergence de n∈N a n z n soit
P

infini. On pose, pour réel > 0, M (r ) = sup ¯ f (z)¯ ; |z| = r (justifier). On suppose qu’il
ª

existe des nombres réels R et k > 0 tel que, pour tout r ≥ R, M (r ) ≤ ekr . Montrer qu’il
1
existe un entier N tel que, pour tout n ≥ N , |a n | n ≤ 2πk e
n (utiliser Fourier, cf. 24.4.1).
2) Soit f n (z) n∈N une suite de fonctions séries entières, f n (z) = k∈N a k (n)z k supposées
¡ ¢ P

convergentes sur C. On suppose que la suite f n n∈N converge uniformément sur les
¡ ¢

compacts de C vers une fonction continue f .


a) Montrer qu’alors chacune des suites n 7→ a k (n) converge vers a k ∈ C.
b) On suppose de plus qu’il existe une suite (a n )n∈N telle que |a k (n)| ≤ a k pour tout
(k, n) de N2 , le rayon de convergence de n∈N a n z n étant infini. Montrer que
P

f (z) = n∈N a n z n pour tout z de C.


P

285
286
Chapitre 25

Opérations sur les séries entières,


développement en série entière

25.1 Opérations sur les séries entières


25.1.1 Combinaisons linéaires
Soient n∈N a n z n et n∈N b n z n deux séries entières de rayons de convergence R et R 0
P P

respectivement. Alors n∈N (a n + b n ) z n a un rayon de convergence ≥ min R, R 0 et égal à


P ¡ ¢

min R, R 0 si R 6= R 0 .
¡ ¢

En effet, n∈N (a n + b n ) z n converge pour tout z tel que |z| < min R, R 0 . Si R < R 0 par
P ¡ ¢

exemple, on choisit un réel r tel que R < r < R 0 . La suite (a n r n )n∈N n’est pas bornée tandis
que (b n r n )n∈N tend vers 0, donc n∈¡N (a n ¢+ b n ) r n diverge, ce qui montre que le rayon de la
P

dite série est inférieur ou égal à min R, R 0 , d’où l’égalité.

25.1.2 Produit de convolution


Soient n∈N a n z n et n∈N b n z n deux séries entières de rayons de convergence R et R 0 , et
P P

soit (c n )n∈N la suite convolée de (a n )n∈N et (b n )n∈N


n
X
c n = a 0 b n + a 1 b n−1 + · · · + a n b 0 = a k b n−k
k=0

Alors n∈¡N c n z n¢ a un rayon de convergence ≥ min R, R 0 et l’on a, pour tout nombre z tel que
P ¡ ¢

|z| < min R, R 0 :


µ +∞ ¶ µ +∞ ¶ µ +∞ ¶
n n n
X X X
an z bn z = cn z .
n=0 n=0 n=0

En effet, pour |z| < min R, R 0 les séries n∈N a n z n et n∈N b n z n sont absolument conver-
¡ ¢ P P

gentes ce qui permet d’effectuer leur produit de convolution, et d’affirmer que sa somme est
le produit des sommes de n∈N a n z n et n∈N b n z n .
P P

Cette égalité est source d’innombrables identités remarquables, par exemple :

287
Application : soit n∈N a n z n une ¡ série entière de rayon de convergence R > 0. Pour
P
P+∞ n 1 P+∞ n
|z| < min (1, R) on a n=0 A n z = 1−z n=0 a n z , où A n = a 0 + · · · + a n .
¢

En effet, n∈N A n z n est la convolée de n∈N z n et de n∈N a n z n , et ces deux séries convergent
P P P

absolument pour |z| < min (1, R).

25.1.3 Intégration et dérivation


Nous avons vu que ces deux opérations conservaient le rayon de convergence. Elles nous
servirons pour déterminer de nombreux développements usuels.

25.1.4 Quotient, composition, réciproque


La lecture de ce qui suit demande quelques connaissances de base sur les fonctions holo-
morphes telles qu’elles sont rapellées au § 41. Les candidats à l’agrégation interne pourront
admettre les résultats énéoncés.

Ces opérations sont dificiles à exprimer directement sur les séries elles-mêmes, voir
[AF88] tome 3 pour un traitement complet du point de vue algébrique des séries formelles
(on y trouve la preuve de quelques formules remarquables dues à Schur, Lagrange...).
Le plus simple, au niveau de l’agrégation, est de s’appuyer sur la notion de fonction holo-
morphe, c’est-à-dire dérivable au sens complexe : toute fonction analytique est holomorphe,
et réciproquement... De plus, si f est holomorphe dans un disque D(a, r ), la formule de Cau-
chy montre que la série entière qui définit f au voisinage de a possède un rayon de conver-
gence ≥ r ; et le principe du prolongement analytique montre que f et la somme de la série
entière qui définit f au voisinage de a coïncident sur l’intersection de leurs domaines (ou-
verts). Il en résulte les propriétés suivantes :

1. Si f et g sont deux fonctions admettant des développements en série entière en 0 de


f
rayons respectifs R et R 0 > 0, et si g (0) 6= 0, le quotient g est développable en série entière
f
en 0 ; si g possède au moins un pôle dans son D 0, min R, R 0 son rayon de convergence
¡ ¡ ¢¢

f
est le module r du plus petit pôle de la fonction g .

En effet, g est continue en 0 donc ne s’annule pas au voisinage de 0. De ce fait la fonc-


tion f r ac f g est définie au voisinage de 0, et holomorphe par quotient (les opérations
sur les fonctions C-dérivables sont les mêmes que celles que l’on pratique sur les fonc-
tions d’une variable réelle). Elle est donc développable en série entière en 0.
f
Pour ce qui est du rayon, il est clair que g est holomorphe dans D(0, r ), donc que le
f
rayon de convergence du DSE est ≥ r , et que g n’est pas bornée au voisinage du cercle
C (0, r ) à cause de la présence d’un pôle, d’où la conclusion.
2. Si f et g sont deux fonctions admettant des développements en série entière en 0 de
rayons respectifs R et R 0 > 0, et si g (0) = 0, la composée f ◦ g est développable en série
entière en 0.

À nouveau ceci résulte de l’holomorphie de f ◦ g .

288
3. Si f est une fonction admettant un développement en série entière en 0 et si f (0) = 0,
f 0 (0) 6= 0, f possède un inverse développable en série entière au voisinage de 0.

En effet, f est analytique donc de classe C 1 , et sa différentielle en 0 est h 7→ h f 0 (0) qui


est par hypothèse inversible. L’inversion locale s’applique, on en déduit que f pos-
sède une réciproque de classe C 1 , définie au voisinage de 0. Cette réciproque est holo-
morphe : sa différentielle est, en chaque point f (z), l’inverse d’une similitude directe,
donc f −1 est C-différentiable en tout point.

25.2 Développements en série entière


25.2.1 DSE d’une fonction de variable réelle par une formule de Taylor
Une condition nécessaire pour qu’une fonction de variable réelle admette un dévelop-
pement en série entière au voisinage de 0 est qu’elle soit de classe C ∞ . La dite condition
n’est pas suffisante comme nous l’avons vu au § 24.4.3, la CNS étant qu’en tout point d’un
intervalle ] −r ; r [ le reste de Taylor tende vers 0. Nous renvoyons au § 11 pour diverses illus-
trations de l’emploi direct du reste de Taylor.

B : il faut être très prudent avec les fonctions de variable réelle : même si la série de
Taylor converge partout, elle peut ne pas converger vers la fonction dont elle est issue.
Ainsi, il est facile de trouver fonctions admettant le même développement convergeant en
série de Taylor en 0, et qui diffèrent³ partout
´ sur R∗ :
Posons pour x réel 6= 0, f (x) = exp − x12 , g (x) = 2 f (x), et f (0) = g (0) = 0. Les fonctions f et
g ont pour série de Taylor la série nulle, qui converge partout, et pourtant f et g diffèrent
pour tout x 6= 0.

25.2.2 DSE de focntions usuelles


Dans ce qui suit, z désigne une variable complexe et x une variable réelle. Les DSE sont
étudiés au voisinage de 0.

1 1 1
1er groupe : les fonctions 1+z et 1−z , ln (1 − x), arctan x, (1−z) p+1 .

La pierre angulaire est ici le développement, valable pour |z| < 1

1 +∞
= 1 + z + z2 + z3 + · · · + zn + · · · =
X n
z
1−z n=0

d’où l’on tire


1 +∞
= 1 − z + z 2 − z 3 + · · · + (−1)n z n + · · · = (−1)n z n
X
1+z n=0

Les formules concernant le ln viennent par intégration sur le segment [ 0 ; x ], |x| < 1 :

+∞ xn +∞ xn
(−1)n−1
X X
ln 1 − x = − et ln 1 + x =
n=1 n n=1 n

289
1
Quand au DSE d’arctan x, il suit en substituant x 2 à x dans 1+x : pour tout |x| < 1 on a l’égalité

1 +∞
(−1)n x 2n
X
=
1 + x2 n=0

et par intégration, tenant compte du fait que arctan(0) = 0


+∞ x 2n+1
(−1)n
X
arctan(x) = .
n=0 2n + 1

Enfin, après p dérivations complexes consécutives

p! +∞
n + p · · · (n + 1) z n
X¡ ¢
=
(1 − z)p+1 n=0

d’où en divisant par p! Ã !


1 n+p n+∞
X
= z
(1 − z)p+1 n=0 p

Nous disposons ainsi de la série génératrice de la suite n 7→ n+p .


¡ ¢
p

Application : DSE d’une fraction rationnelle :


Soit F (z) une fraction rationnelle de pôles (complexes) z 1 , . . . , z n . Si 0 n’est pas un pôle de F , la
fonction F admet un développement en série entière au voisinage de 0, et le rayon de conver-
gence de ce dernier est R = min { |z i | ; i ∈ ‚1, nƒ }.

En effet, la décomposition de F en éléments simples réduit la preuve au cas où F (z) =


1
(z−a)p
. Dans ce cas, pour
|z| < |a|

(−1)p (−1)p +∞
à !
1 1 X n + p − 1 ³ z ´n
= ¢p =
(z − a)p a p
1 − az a p n=0 p − 1 a
¡

ce qui donne immédiatement le développement annoncé de F sur D(0, R). Le rayon de la


série entière ainsi obtenue ne peut-être ≥ R car la fonction |F | tend vers +∞ en chacun des
pôles. QED.

Exercice : montrer directement, c’est-à-dire sans recours aux fonctions holomorphes,


que le rayon de convergence de F est bien R.
p p p
2e groupe : (1 + x)α , 1 + x, 1 − x 2 , 1 + x 2 , arcsin x, arsinh x.
Tout repose cette fois-ci sur le développement de (1 + x)a lorsque |x| < 1 :
+∞ α (α − 1) · · · (α − n + 1) n
(1 + x)α
X
= 1 + αx + x
n=2 n!

Preuve : il est possible de montrer directement que le reste intégral de la formule de Tay-
lor pour (1 + x)α tend vers 0 si |x| < 1, cf. [Val39] ou [RDO75] tome 3. Toutefois une identifi-
cation directe usant d’une équation difféntielle donne rapidement le résultat : on suppose α

290
non entier, sans quoi la formule est celle du binôme. Moyennant le théorème de d’Alembert,
α(α−1)···(α−n+1) n
la série entière 1 + αx + +∞ x a pour rayon de convergence 1. Sa fonction
P
n=2 n!
somme f est donc dérivable sur ] −1 ; 1 [ et la dérivation terme à terme sur cet intervalle
donne
µ +∞
X α (α − 1) · · · (α − n) n

0
(1 + x) f (x) = (1 + x) α + x
n=1 (n + 1)!
µ +∞
X (α − 1) · · · (α − n) n

= α (1 + x) 1 + x
n=1 (n + 1)!

que l’on réorganise selon les puissances de x en


· +∞
X (α − 1) · · · (α − n) (α − 1) · · · (α − n + 1) n
µ ¶ ¸
0
(1 + x) f (x) = α 1 + x + (α − 1) x + + x .
n=2 (n + 1)! n!

Soit µ +∞
X α (α − 1) · · · (α − n + 1) n

0
(1 + x) f (x) = α 1 + αx + x = α f (x).
n=2 n!
Mais la solution de l’équation (1 + x)y 0 = αy sur ] −1 ; 1 [ prenant la valeur 1 en 0 est la fonc-
tion x 7→ (1 + x)α (l’équation étant linéaire d’ordre 1, on peut se passer de Cauchy-Lipschitz,
voir le § 36.1). Cette unicité impose

∀x ∈ ] −1 ; 1 [ , f (x) = (1 + x)α . QED.

(→ leçon : problèmes conduisant à une équation différentielle).


Diverses valeurs de α et substitutions donnent alors les séries suivantes. Par exemple
µ+∞
1 1 3 2n − 3 2n

2
p
1 − x2
X
= 1−x − ··· x
n=2 n! 2 2 2

et
à !
1 1 3 2n − 3 1 1 1.2.3. . . . . (2n − 2) 1 (2n − 2)! 1 2n − 2
µ ¶
··· = = =
n! 2 2 2 n! 2n 2.4. . . . .2 (n − 1) n2 2n−1 (n − 1)!2 n22n−1 n − 1

3e groupe : ez , cosh z, sinh z, cos z, sin z : nous renvoyons au § 40 pour la construction et


la description de ces fonctions, la série de base est ici l’exponentielle complexe.

25.3 Quelques applications des développements en série en-


tière
25.3.1 Solutions d’équations fonctionnelles
Voici une illustration classique des idées usuellement en jeu.
¯ ¯
Soit f une fonction continue de R dans R telle qu’il existe un nombre réel q vérifiant ¯q ¯ < 1
et ∀x ∈ R, f (x) = 1 − q x f q x . Alors f se développe en série entière de rayon de convergence
¡ ¢ ¡ ¢

291
+∞.

Commençons par montrer que deux solutions continues f et g de l’équation fonction-


nelle
∀x ∈ R, f (x) = 1 − q x f q x (G)
¡ ¢ ¡ ¢

qui coïncident en 0 sont égales sur R. Pour ce faire introduisons la fonction h = f − g qui
visiblement est aussi solution de (G) ; par récurrence sur n il vient

∀x ∈ R, ∀n ∈ N, h(x) = 1 − q x · · · 1 − q n x h(q n x)
¡ ¢ ¡ ¢

La fonction est nulle en 0 et continue, donc pour tout x de R la suite n 7→ h q n x tend vers
¡ ¢

0. Pour montrer que h est identiquement nulle, il suffit de prouver que le produit

πn = 1 − q x · · · 1 − q n x
¡ ¢ ¡ ¢

tend vers une limite


¯ n finie.
¯ Dans ce but choisissons — c’est possible — un entier N tel que,
pour tout n ≥ N , q x < 1. Lorsque n ≥ N tend vers +∞, on a l’équivalence
¯ ¯

ln 1 − q n x = qnx + o qnx
¡ ¢ ¡ ¢

Celle-ci montre la convergence de la série n∈N ln 1 − q n x , et donc celle du produit πn . De


P ¡ ¢

là h est nulle et f = g .
Raisonnons maintenant par analyse et synthèse :
Analyse : si f se développe en série entière de rayon de convergence +∞, soit f (x) = +∞ a xk ,
P
k=0 k
l’équation fonctionnelle (G) se traduit par
+∞ ¢ +∞
ak x k ak q k x k ,
X X
1− qx
¡
=
k=0 k=0

soit
+∞ +∞
ak x k (a k − a k−1 ) q k x k ,
X X
= a0 +
k=0 k=1
d’où l’on tire la relation de récurrence portant sur les (a n )n∈N
qk
a k+1 = ak . (R)
qk − 1
a
Synthèse : on part, a 0 = f (0) étant donné, de la relation de récurrente (R). Le quotient ak+1
k
k
tend vers 0, donc la série entière +∞ a x a un rayon de convergence +∞, et la relation
P
k=0 k
(R) exprime exactement que sa somme f est solution de (G). Pour établir que f = g , il nous
suffit en vertu des préliminaires de montrer que f et g coïncident en 0, mais a 0 est choisit
pour cela. QED.

25.3.2 Solution d’équations différentielles


Nombreuses sont les équations différentielles, linéaires du second ordre surtout (ce n’est
pas un hazard) où l’on passe par un développement en série entière pour recueillir des in-
formations capitales sur la structure des solutions. En particulier, dans l’étude, depuis long-
temps approfondie des équations différentielles linéaires de degré 2. Soit

a(x)y 00 + b(x)y 0 + c(x)y = d (x), a, b, c, d continues,

292
une telle équation, et appelons point singulier de l’équation tout point d’annulation de
la fonction a. Les séries entières permettent dans certains cas fondamentaux d’étudier la
structure des solutions au voisinage de ces points où, rapelons-le, le théorème de Cauchy ne
s’applique pas. Pour de nombreux résultats (mais hélas peu de preuves) on pourra consulter
l’intéressant ouvrage de Bender et Orszag, [BO87].
Donnons en exemple l’équation de Bessel :

x 2 y 00 + x y 0 + x 2 − ν2 y = 0
¡ ¢

pour laquelle le point 0 est clairement singulier. Nous supposerons ν 6∈ N. On en recherche


n n
les solutions sous la forme x λ +∞
n=0 a n x où λ ∈ C, la série entière n∈N a n x ayant un rayon
P P

de convergence > 0 (raisonnons par analyse-synthèse). On impose de plus a 0 6= 0 (la puis-


sance de x est intégrée à x λ ). Replaçant dans l’équation différentielle, nous obtenons les
relations
¡ 2
λ − ν2 a 0 = 0 d’où λ = ν ou λ = −ν
¢

(λ + 1)2 − ν2 a 1 = 0
£ ¤

(λ + n)2 − ν2 a n − a n−2 = 0 pour n ≥ 2


£ ¤

Traitons le cas où : λ = ν.
Il vient alors a 1 = 0 et donc

tous les termes impairs sont nuls.

Pour n pair = 2p, une récurrence facile montre alors que

(−1)p
a 2p = ¢.
22p p! (λ + 1) · · · λ + p
¡

On traite de même le cas où λ = −ν (sauf si λ = −ν = 21 , cas évoqué plus loin). Il résulte alors
de tout cela que les séries entières paires de rayon de convergence +∞ (d’Alembert pour
p
p∈N a 2p z )
P

+∞ (−1)p
S + (x) = 1 + ¢ x 2p
X
2 2p p! (ν + 1) · · · ν + p
¡
n=0
+∞ (−1)p

¢ x 2p
X
S (x) = 1 + 2p
n=0 2 p! (1 − ν) · · · p − ν
¡

fournissent deux solutions x 7→ x ν S + (x) et x 7→ x −ν S − (x) de l’équation différentielle de dé-


part.

Cas particulier : si ν = 21 et λ = − 12 on peut imposer a 1 6= 0 et construire de plus une série


1
entière impaire T (x) telle que x 7→ x − 2 T (x) soit solution de l’équation de Bessel malheureu-
1
sement T (x) = xS(x) (à un scalaire près) et l’on retrouve la solution x 2 S(x).

293
25.3.3 Application aux problèmes de dénombrement
Nous nous contenterons de donner un exemple significatif, en étudiant le nombre de re-
lations d’équivalences (partitions) d’un ensemble. D’autres exemples classiques sont don-
nés en exercice, on pourra aussi consulter le très riche livre de Louis Comtet [Com78]. L’idée
générale est d’étudier une suite numérique (u n )n∈N , en général issue d’un problème com-
binatoire, à travers les propriétés de la série entière n∈N u n z n que l’on appelle série géné-
P

ralisée de la suite (u n )n∈N (on utilise aussi la série génératrice exponentielle n∈N un!n z n ). Les
P

relations, le plus souvent récurrentes, que l’on connaît des (u n )n∈N amène n∈N u n z n à vé-
P

rifier des identités fonctionnelles-différentielles, d’où l’on déduit diverses propriétés de la


somme que se répercutent à leur tour sur la suite (u n )n∈N etc. l’idéal étant la description de
n
n∈N u n z à l’aide des fonctions usuelles.
P

N OMBRE DE PARTITIONS
À titre d’illustration, étudions ce que l’on appelle les nombres de Stirling. Vérifions en pre-
mier lieu que
kn
— La série +∞ converge pour tout entier n.
P
k=0 k! ¢n
1
En effet, le quotient de deux termes consécutifs est k+1 1 + k1 qui tend manifeste-
¡

ment vers 0, le critère de d’Alembert amène une conclusion immédiate.


On pose désormais

X kn
1 +∞
pn = (n e nombre de Stirling)
e k=0 k!

— Pour tout x réel, posons f (x) = exp ex −1. Alors la fonction f est développable en série
p
entière : f (x) = +∞ d x k de rayon de converge +∞, où d k k!k et f vérifie l’équation
P
k=0 k
différentielle y 0 = ex y. En effet, pour x > 0 on dispose des séries convergentes

+∞
(en −1)n 1 +∞
X +∞ X nm xm
µ ¶
exp ex −1
X
.
¡ ¢
= =
n=0 n! e n=0 m=0 n!m!

Les termes des séries en jeu sont tous positifs, il est de ce fait possible d’intervertir
l’ordre des sommations (22.4.3) pour obtenir

1 +∞
X +∞ X nm m
µ ¶
exp ex −1 x .
¡ ¢
=
e m=0 n=0 n!

Pour x < 0, le résultat est le même par application de ce sui précède à |x|. L’expression
ci-dessus montre bien que f (x) se développe en série entière sur R, les coefficients en
1 P+∞ n m pm x
sont les nombres m! n=0 n! c’est-à-dire exactement ¡ les
¢ m! . La fonction exp (e −1)
est donc la série génératrice exponentielle de la suite p n n∈N des nombres de Stirling.
L’équition différentielle vient ensuite par dérivation directe.
On note q n le nombre de partitions d’un ensemble à n éléments (ici, une partition
d’un ensemble à n éléments E est un sous-ensemble de P (E ) \ { ; } dont E est la réunion
disjointe). Le but final est d’identifier p n et q n . L’idée est de montrer que ces nombres
satisfont à la même définition récurrente ; pour q n , la preuve est combinatoire, pour
p n elle provient de la fonction génératrice.

294
¡k ¢
a) Pour tout n de N∗ , q n+1 = 1 + +∞ q
P
k=1 n k
Soit E = (a 1 , . . . , a n+1 ) un ensemble de n + 1 éléments, et soit r k le nombre de
partitions R de E telles que a n+1 appartienne à un ensemble A k pris dans R et
possédant k + 1 éléments exactement.
Pn−1
Comme r n+1 = 1, il vient ¡n ¢ : q n+1 = 1 + k=0 r k .
Identifions r k : il y a k choix possibles pour A k , correspondant à la sélection de
k éléments dans (a 1 , . . . , a n ). A k étant fixé, il reste à choisir une partition quel-
conque de E \A k pour obtenir une partition de E , par définition, cela fait q n−k
choix possibles.
Donc r k = nk q n−k . Finalement :
¡ ¢

à ! à !
n−1
X n Xn n
q n+1 = 1 + q n−k = 1 + qk
k=0 k k=1 k

b) p n = q n pour tout n de N∗ .
On a visiblement p 1 = q 1 = 1, pour conclure il suffit de montrer que, pour tout
n ≥ 1, Ã !
Xn n
p n+1 = 1 + pk . (∗)
k=1 k

Partont de l’équation différentielle y 0 = ex y, nous en tirons par passage aux séries


entières µ +∞ n ¶ µ +∞
+∞ X x

n n
X X
(n + 1)d n x = dn x .
n=0 n=0 n! n=0

L’identification des coefficients obtenus après produit de convolution fournit


n
X dk
(n + 1)d n+1 = ,
n=0 (n − k)!

pk
compte tenu de d k = k! , nous trouvons
à !
(n + 1)p n+1 n
X pk 1 X n n
= = pk
(n + 1)! k=0 k! (n − k)! n! k=0 k

d’où (∗) après simplification.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : très nombreuses illustrations du sujet dans les traités


classiques : Dieudonné [Die54], Valiron [Val39], Wittaker & Watson [WW01], ... Pour les sé-
ries génératrices, on renvoie à nouveau à Comtet [Com78].

295
EXERCICES

R 2π ³ p ´p
1) Donner un DSE en 0 des fonctions suivantes : g (x) = 0 ex sin t dt , x + 1 + x 2 (uti-
liser une équation différentielle linéaire de second ordre à coefficients polynômiaux),
ln(1−x 2 )
q
1 x 1−x
, ln(a + x) (avec a > 0), x + p , , , arctan 1−x , cos x e−x .
¡ ¢
1+x+···+x p 1+x 2 1+x 1+x 1+x
2) Montrer que tan x admet un DSE en 0. En utilisant le théorème de Cauchy-Lipschitz,
montrer que le rayon de convergence de la série entière ainsi obtenue est π2 (on peut
aussi utiliser Bernstein, cf. le § 11.3).

S UITES RÉCURRENTES LINÉAIRES


3) On rappelle le fait que les suites récurrentes linéaires complexes satisfaisant à la rela-
tion : u n+p = a p−1 u n+p−1 +a p−2 u n+p−2 +· · ·+a 0 u n (E ) forment un C-ev S de dimension
finie p, on veut retrouver lorsque a 0 6= 0 le théorème de structure : soient λ1 , . . . , λr les
racines de l’équation caractérisique z p − a p−1 z p−1 − a p−2 z p−2 − · · · − a 0 = 0 associée à
(E ) et α1 , . . . , αr leurs multiplicités respectives. Les p suites :

λn1 , . . . , n α1 −1 λn1 , ..., λnr , . . . , n αr −1 λnr

forment une base de S. Soit donc (u n )n∈N une suite vérifiant (E ). Montrer qu’il existe
M > 0 tel que (|u n |)n∈N soit majorée par (M n )n∈N . En déduire que le rayon de conver-
gence de f (z) = n∈N u n z n est > 0. En développant le produit
P

f (z) z p − a p−1 z p−1 − a p−2 z p−2 − · · · − a 0 = 0


¡ ¢

montrer que f est une fraction rationnelle. Développez alors f en série entière par
décomposition et conclure.

D ÉNOMBREMENTS
4) Soit n dans N∗ . Si r ∈ N∗ , on appelle r -partition de n toute suite décroissante d’entiers
x 1 , . . . , x r telle que x 1 + · · · + x r = n.
a) Montrer que le nombre p r (n) de r -partitions de n est égal au nombre de solu-
tions entières de y 1 + 2y 2 + · · · + r y r = n.
1
b) Montrer que p − n r (n) est le coefficient de z n dans le DSE de P (z) , avec P (z) =
(1 − z) · · · (1 − z r ).
c) Trouver le nombre de 3-partitions de n.
5) Soit (a n )n∈N la suite récurrente telle que : a 1 et a n+1 = a 1 a n + a 2 a n−1 + · · · + a n−1 a 2 +
a n a 1 . Déterminer la suite (a n )n∈N (introduire n∈N a n x n et raisonner par analyse-
P

synthèse).

296
Chapitre 26

Problèmes au bord du disque de


convergence

On se donne, pour tout ce paragraphe, une suite complexe (a n )n∈N . Dès que nécessaire,
on suppose que la série entière n∈N a n z n a un rayon de convergence ≥ 1.
P

P
26.1 Comportement au bord lorsque n∈N a n converge
Le théorème d’Abel est le suivant :

26.1.1 Énoncé
Soit n∈N a n z n une série entière telle que la série n∈N a n converge. La série entière n∈N a n x n
P P P

est alors convergente sur [ 0 ; 1 ] et sa somme f possède selon [ 0 ; 1 ] une limite en l égale à la
somme n∈N a n .
P

La preuve en est donnée comme application de 26.1.3 ; avant de l’aborder, il convient


de préciser quelques propriétés élémentaires. Soit n∈N a n z n une série entière telle que
P

n∈N a n converge.
P

26.1.2 R ≥ 1
Le rayon de convergence de cette série est ≥ 1 : en effet, la suite (a n 1n )n∈N est bornée et le
lemme d’Abel entraîne que n∈N a n z n est absolument convergente lorsque |z| < 1.
P

P
26.1.3 Cas n∈N a n absolument convergente ou alternée
Si n∈N a n est absolument convergente, ou est une série alternée, n∈N a n x n converge uni-
P P

formément sur le segment [ 0 ; 1 ].

Dans le premier cas on a, pour tout z de D(0, 1), l’inégalité |a n z n | ≤ |a n | qui amène la
convergence normale, et par suite uniforme, de la série entière sur D(0, 1) ; a fortiori sur
[ 0 ; 1 ].

297
Dans le deuxième cas, on observe que, pour x dans [ 0 ; 1 ], la suite (a n x n )n∈N est de
signes alternés et décroît vers 0. La série n∈N a n x n satisfait donc au critère des séries alter-
P

nées, son reste d’ordre n − 1 est par suite majoré par |a n x n | ≤ |a n |, ce qui montre à nouveau
la convergence uniforme.

On obtient alors directement le théorème d’Abel en observant que la somme f (x) de


n
n∈N a n x , limite uniforme de fonctions continues, l’est aussi sur [ 0 ; 1 ]. Lorsque x tend
P

vers 1, f (x) tend donc vers f (1) = +∞


n=0 a n .
P

26.1.4 Premières applications


On a les égalités
+∞
X (−1)n−1 +∞
X (−1)n π
= ln 2, =
n=0 n n=0 2n + 1 4
qui proviennent immédiatement, par application du théorème d’Abel, des développements
en série entière de ln (1 + x) et arctan x sur ] −1 ; 1 [ .

Le cas général est donné par le résultat suivant :

26.1.5 Théorème
Si la série n∈N a n est convergente, la série entière n∈N a n x n converge uniformément sur
P P

le segment [ 0 ; 1 ].

Démonstration : c’est une application du critère de Cauchy, qui repose de plus sur une
transformation d’Abel avec reste.
On écrit ici : a n = R n−1 −R n où R n est le reste d’ordre n de la série n∈N a n . Il vient alors pour
P

n et p dans N :

n+p n+p n+p−1 ³ ´


k k k+1 k
R n−1 x n R n+p x n+p
X X X
ak x = (R k−1 − R k ) x = Rk x −x + +
k=n k=n k=n

Soit ε un nombre > 0, choisissons un entier N tel que |R n | ≤ ε pour n ≥ N . Il vient pour tout
n ≥ N et tout p ≥ 0

¯n+p ¯n+p
¯ ¯ ¯ ¯
¯ ³ ´¯
¯X k¯ ¯X k+1 k ¯ ¯R n−1 x n ¯ ¯R n+p x n+p ¯
¯ ¯ ¯ ¯
a x ¯ ≤ ¯ R x −x ¯ + +
¯k=n k ¯ ¯k=n k
¯
¯
n+p−1
X ³ ´
x k − x k+1 ε x n + x n+p car x k − x k+1 ≥ 0
¡ ¢
≤ ε +
k=n
≤ 2εx n ≤ 2ε

et le critère de Cauchy uniforme est vérifié.


Le théorème d’Abel suit alors immédiatement : la somme f (x) de n∈N a n x n est continue
P
P+∞
sur le segment [ 0 ; 1 ], f (x) tend donc vers la valeur f (1) = n=0 a n lorsque x tend vers 1.

298
26.1.6 Application
Soient n∈N u n , n∈N v n et n∈N w n trois séries convergentes de sommes respectives U ,
P P P

V et W , la dernière des séries étant le produit de convolution (de Cauchy) des deux précé-
dentes. On a
W = U V.
Preuve : considérons les fonctions séries entières :
+∞ +∞ +∞
un x n , v n x n , et wn xn .
X X X
f (x) = g (x) = h(x) =
n=0 n=0 n=0

Ces fonctions sont par hypothèse correctement définies sur [ 0 ; 1 ]. De surcroît, la conver-
gence absolue des séries sur ] 0 ; 1 [ entraîne que :

∀x ∈ ] 0 ; 1 [ , h(x) = f (x)g (x).

Appliquons maintenant le théorème d’Abel : f tend vers U en 1− , g tend vers V et h vers W ,


donc
W = U V.

26.1.7 Extension au domaine complexe (théorème de Stolz)


n π
Soit n∈N a n z une série entière telle que n∈N a n converge. Soit α dans 0 ; . On pose
P P ¤ £
2

D = z | |z| < 1 et arg (1 − z) ∈ ] −α ; α [ .


© ª

Le but est d’étendre le théorème d’Abel au domaine D : la limite de f en 1 selon D est f (1). On
|1−z|
montre d’abord, en utilisant les coordonées polaires, qu’il existe r > 0 tel que le rapport 1−|z|
soit borné sur B (1, r ) ∩ D (faire une figure du tout) :
Écrivons 1 − z = ρ ei θ où −α < θ < α et ρ ≥ 0. Pour ρ < cos1 α , z est dans D(0, 1) en effet
¢2
|z|2 = 1 − ρ cos θ + ρ 2 sin2 θ = 1 − 2ρ cos θ + ρ 2 ≤ 1 − 2ρ cos α + ρ 2 ≤ 1 − ρ ρ − 2 cos α
¡ ¡ ¢

Majorons ensuite, toujours avec ρ < cos1 α , le rapport qui nous occupe :

|1 − z| |1 − z| |1 + z| 2 2 2
≤ 2
≤ ¢< <
1 − |z| 1 − |z| 1 − 1 − 2ρ cos θ + ρ Z 2 cos α − ρ cos α
¡

P+∞
Vérifions qu’il existe limz→1 f (z) = n=0 a n .
z∈D
On reprend dans ce but la transformation d’Abel avec reste

n+p n+p−1 ³ ´
ak z k R k z k+1 − z k R n−1 z n R n+p z n+p .
X X
= + −
k=n k=n

Soit ε un nombre > 0, choisissons un entier N tel que l r vbsR n ≤ ε pour n ≥ N , il vient

¯n+p n+p−1
¯ ¯
¯ X ¯¯ k+1 ¯

− z ¯ + ε |z|n + |z|n+p

¯X
ak z ¯ ≤ ε
¡ ¢
¯ ¯z
¯k=n ¯ k=n

299
Exploitons enfin, pour z convenable, les inégalités précédentes en écrivant
¯ ¯ ³ ´
¯ k
¯z − z k+1 ¯ = |1 − z| |z|k ≤ C (1 − |z|) |z|k ≤ C |z|k − |z|k+1
¯

nous obtenons
n+p−1
X ¯¯ k ¯ n+p−1
X ¯¯ k ¯
¯z − z k+1 ¯ + ε |z|n + |z|n+p ≤ C ε ¯|z| − |z|k+1 ¯ + ε |z|n + |z|n+p
¡ ¢ ¡ ¢
ε
¯ ¯
k=n k=n
≤ C ε |z|n + |z|n 2C ε
¡ ¢

ce qui assure à nouveau la convergence uniforme au voisinage de 1 dans D et donc l’exis-


tence, par interversion des limites, de la limite angulaire. QED.

B : f (z) ne tend pas nécessairement vers f (1) lorsque z complexe tend vers 1 dans
D(0, 1) : il y a des contre-exemples, cf. par exemple le problème de Centrale 88 1 , où, pour
des exemples plus simples, un article à paraître dans la Revue de Mathématiques Spéciales
de 1993-1994 [RMS90].

26.2 Estimations asymptotiques


26.2.1 Proposition
Soit n∈N a n une série à termes > 0, divergente et telle que ρ n∈N a n x n = 1. La somme
P ¡P ¢

f de n∈N a n x n tend vers +∞ en 1− .


P

L’idée est ici celle de la limite monotone : f est limite simple de fonctions croissantes
donc croît. Elle possède de ce fait une limite l en 1− , éventuellement infinie. Si l’on fixe un
entier N ≥ 0, on a pour tout x de [ 0 ; 1 [
+∞ +∞
a n x n ≤ f (x) donc par passage à la limite
X X
an ≤ l .
n=0 n=0

La divergence de la série entraîne alors que l = +∞.

26.2.2 Théorème
Soit f la somme de n∈N a n n n . Si (b n )n∈N est une suite négligeable devant (a n )n∈N et si g
P

est la somme de la série entière n∈N b n x n (qui est avec l’hypothèse définie sur [ 0 ; 1 [ ) on a
P

g
lim = 0.
1−
f

Démonstration : on utilise une méthode « à la Cesàro » : soit ε un nombre > 0. Il existe


un entier N tel que, pour tout n ≥ N on ait |b n | ≤ εa n . La découpe s’effectue comme suit,
pour x dans [ 0 ; 1 [
n
¡PN n
¡P+∞
b x
¢
n=0 b n x
¢
g (x) n
= ¡P+∞ ¢ + ¡PN +1
+∞
¢.
f (x) a x n n
n=0 n n=0 a n x

1. Par exemple, sur http://concours-maths-cpge.fr/

300
Le deuxième terme du membre de gauche est, pour tout x de [ 0 ; 1 [ , majoré par ε. Le pre-
mier terme h(x) du membre de gauche est quotient d’une fonction d’une fonction bornée
par f (x), mais f (x) tend vers +∞ en 1 selon [ 0 ; 1 [ d’après 26.2.1. On peut de ce fait trouver
α dans [ 0 ; 1 [ tel que, pour tout x de [ α ; 1 [ , |h(x)| < ε. De là, pour tout x de [ α ; 1 [ :

¯ g (x) ¯
¯ ¯
¯ f (x) ¯ < 2ε
¯ ¯

d’où la conclusion.

On en déduit le résultat suivant, concernant les suites positives équivalentes :

26.2.3 Corollaire
Si n∈N a n est une série à termes > 0, divergente et telle que ρ n∈N a n x n = 1, si (b n )n∈N
P ¡P ¢

est une suite réelle équivalente à (a n )n∈N on a, au voisinage de 1−


+∞ +∞
an x n ∼ − bn x n
X X
n=0 x→1 n=0

Il suffit d’appliquer le 26.2.2 à la différence des deux membres (notons que l’équivalence
assure que le rayon de convergence de n∈N b n x n est 1).
P

Ce résultat permet de trouver de nombreux équivalents en vertu de la règle que nous avons
déjà exprimé : pour obtenir un équivalent, on remplace un objet « non calculable » — au
sens des fonctions usuelles — par un autre qui l’est, par exemple :

26.2.4 Exemple
1
Si a 0 + · · · + a n ∼ n alors f (x) ∼ − 1−x .
n→+∞ x→1

Preuve : visiblement a n = 0(n), donc le rayon de convergence de n∈N a n x n est ≥ 1 (en


P

fait égal à 1 par divergence en 1− ), ce qui justifie l’étude de f en 1− et l’identité de convolu-


tion, vavable pour |x| < 1
+∞ 1
µ +∞ ¶
n n
X X
An x = an x , où A n = a0 + · · · + an .
n=0 1 − x n=0

Comme par l’hypothèse A n ∼ n, une application licite de 26.2.3 montre que, au voisinage de
1−
+∞ +∞ +∞ 1
An x n ∼ nx n ∼ (n + 1)x n = ¡
X X X
1 − x2
¢
n=0 n=0 n=0

d’où la conclusion.

Les résultats de 26.2.2 et 26.2.3 se généralisent au cas où le rayon de convergence de


n
n∈N a n x est +∞, nous les laisserons au lecteur, afin qu’il puisse tester sa compréhension
P

des preuves. (Il faudra prouver de plus qu’un polynôme est négligeable devant f ).

301
EXERCICES

¢n 2 z n
1) Montrer que la série entière n∈N 1 + n1 a un rayon de convergence infini, soit f
P ¡
n!
sa somme. Trouver la partie principale de f (x) lorsque x réel tend vers +∞.

P ROBLÈME 1 : É TUDE ÉLÉMENTAIRE DE LA RÉCIPROQUE DU THÉORÈME D ’A BEL


1°) Montrer qu’en général, la fonction f définie sur [ 0 ; 1 ] par f (x) = n∈N a n x n peut pos-
P

séder une limite au point 1− sans que la série n∈N a n converge. On va donc faire des
P

hypothèses supplémentaires sur (a n )n∈N pour obtenir des réciproques partielles du


théorème de convergence radiale.
2°) Prouver que la réciproque du théorème d’Abel est vraie lorsque la suite (a n )n∈N prend
ses valeurs dans [ 0 ; +∞ [ .
3°) (Assez difficile, théorème de Tauber). Soit n∈N a n z n une série entière de rayon de
P

convergence¡ 1 ¢≥ 1, dont la somme f possède une limite en 1− (sur [¥0 ;¦1 ]). On suppose
que a n = o n ; montrer que n∈N a n converge (on coupera à N x = x1 et on fera x → 1
P

puis Cesàro).

P ROBLÈME 2 : T EXTE DE RÉVISION


¡ n¢ n
1°) a) Étudier la convergence de la suite z 2 n≥0 , puis la série entière n∈N z 2 , on no-
P

tera F sa somme sur le disque de convergence.


¡ p¢
b) Montrer que F n’a pas de limite radiale en tout point de la forme exp i π 2n .
c) Prouver qu’il n’existe pas d’ouvert connexe Ω contenant strictement D(0, 1) sur
lequel F admet un prolongement continu.
2°) On pose a p = 1 si p est de la forme 2n , a p = 0 sinon. Calculer np=0 a p en fonction de
P

ln n.
3°) Développer en série entière F1−x(x)
et F (x)−x
1−x . En déduire qu’il existe une constante
¯ K que
l’on calculera telle que, lorsque x tend vers 1 : F (x) − x − K (1 − x) n=2 x ln n ¯ ≤ x 2 .
¯
¯ P+∞ n

4°) Donner un équivalent de F en 1− . Peut-on améliorer (sur une échelle usuelle) ?

302
Septième partie

Analyse hilbertienne

303
Chapitre 27

Espaces préhilbertiens, théorème de Riesz

27.1 Espaces préhilbertiens réels ou complexes


Nous traitons pour l’essentiel du cas des espaces préhilbertiens complexes, en précisant,
chaque fois que cela sera nécessaire, les différences d’avec le cas réel.
Rappelons qu’un espace préhilbertien complexe est un couple (E , 〈· | ·〉) où E est un espace
vectoriel complexe et 〈· | ·〉 une forme hermitienne définie positive sur E (produit scalaire
sur E ). La convention est que 〈· | ·〉 est semi-linéaire à gauche et linéaire à droite. On a donc
l’égalité
x+y |x+y = 〈x | x〉 + 2 Re x | y y|y
­ ® ¡­ ®¢ ­ ®
+

27.1.1 Exemples usuels


Cn muni du produit scalaire hermitien (z 1 , . . . , z n ) | (z 10 , . . . , z n0 ) = ni=0 z̄ i z i0 .
­ ® P

l 2 (N, C) muni du produit scalaire (z n )n∈N | z n0 n∈N = +∞ z̄ z 0 .


­ ¡ ¢ ® P
k=0 k k

D2π (R, C), espace vectoriel des fonctions continue par morceaux 2π-périodiques, dont
la valeur en chaque point est la demi-somme des limites à droite et à gauche du produit
scalaire
1 2π ¯
Z
f |g f g.
­ ®
=
2π 0
Il s’agit bien d’un produit scalaire car f | f = 0 entraîne la nullité de f en tous ses points
­ ®

de continuité, et donc partout moyennant un passage à la limite.

27.1.2 Premières propriétés


(qui définissent une géométrie d’evn particulière).
p
On pose, pour chaque x dans E , kxk2 = 〈x | x〉.

I NÉGALITÉ DE S CHWARZ¯­ ° °
Si x et y sont dans E on a ¯ x | y ¯ ≤ kxk2 ° y °2 .
®¯
¯­
B : dans la preuve complexe on se ramène au cas ¯où ¯ x | y ¯ est réel en changeant y en
®¯

ei θ y puis on considère, pour y 6= 0, le trinôme t 7→ ¯ x + t y | x + t y ¯ toujours positif, donc


­ ®¯

305
de discriminant négatif.
Le cas d’égalité est celui où x, y est lié.
¡ ¢

I NÉGALITÉ DE M INKOWSKI
° ° ° °
Si x et y sont dans E on a °x + y °2 ≤ kxk2 + ° y °2 .
C’est une conséquence directe de l’inégalité de Schwarz. Le cas d’égalité est celui où (x, y)
sont sur une même demi-droite vectorielle.

N ORME SUR UN ESPACE PRÉHILBERTIEN


Ce qui précède nous authorise à munir E de la norme k·k2 , dite norme préhilbertienne sur
E . On dit que E est un espace de Hilbert si (E , 〈· | ·〉) est complet. Par exemple, pour les pro-
duits scalaires évoqués, l 2 (N, C) est complet mais D2π (R, C) ne l’est pas (son complété est
L2 ([ 0 ; 2π ]), cf. § 38).
Nous noterons désormais k·k au lieu de k·k2 .

T HÉORÈME DE P YTHAGORE °2 ° °2
Si x et y sont deux vecteurs orthogonaux de E , on a °x + y ° = kxk2 + ° y ° . ­
°

La réciproque est vraie dans le cas réel, mais sur C on obtient seulement Re x | y = 0.
®

É GALITÉ DE LA MÉDIANE
Si x et y sont deux vecteurs de E on a
° x + y °2 ° x − y °2 1³ ° °2 ´
2
+ = kxk + ° y ° .
° ° ° °
2 2 2
° ° ° °

Il suffit de développer.

27.2 Projecteurs orthogonaux


27.2.1 Définition
Rappelons qu’un projecteur d’un espace préhilbertien E sur un sous-espace F est dit
orthogonal lorsque, pour tout x de E , x − p(x) est orthogonal à F . En dimension infinie,
l’existence de projecteurs orthogonaux est un problème non trivial qui n’admet pas toujours
une réponse positive.

27.2.2 Proposition
Soit F un sev d’un espace préhilbertien E . Les proriétés suivantes sont équivalentes :
1) F et son orthogonal F ⊥ sont supplémentaires ;
2) il existe un projecteur orthogonal de E sur F .
Démonstration : 1) =⇒ 2) Si F F ⊥ = E , le projecteur p de E sur F de direction F ⊥
L

convient car pour x dans E , x − p(x) est dans F ⊥ .


2) =⇒ 1) On pose G = ker p, si x est dans G par définition x = x − p(x) est dans F ⊥ donc F ⊥
contient G, comme F G = E et F ∩ F ⊥ = { 0 } on a F F ⊥ = E .
L L

306
Conséquence de la preuve : s’il y a un projecteur orthogonal de E sur F , ce dernier est
le projecteur orthogonal de E sur F de direction F ⊥ et de ce fait est unique.

Application : distance à un sev admettant une projection orthogonale.


Si p est un projecteur orthogonal de E sur un sev F , pour tout x de E et tout y de F , on a
moyennant Pythagore

°x − y °2
°2
°x − p(x)°2 °p(x) − y °2
° ° ° ° ° ° °
= °x − p(x) + p(x) − y ° = +

car p(x) − y est dans F et x − p(x) dans F ⊥ ; donc


° °
d (x, F ) = °x − p(x)° , atteinte au seul point p(x) de F .

P ROJECTION ORTHOGONALE SUR UN SOUS - ESPACE DE DIMENSION FINIE

27.2.3 Théorème
Soit F un sous-espace vectoriel de dimension finie de l’espace préhilbertien (E , 〈· | ·〉). Il
existe un (et un seul) projecteur orthogonal p de E sur F ; si (e 1 , . . . , e n ) est une base orthonor-
mée de F celui-ci est donné par
n
X
p(x) = 〈e i | x〉 e i .
i =1

Démonstration : on exploite bien sûr directement la formule finale pour obtenir un pro-
jecteur orthogonal sur F . L’application p est visiblement C-linéaire et d’image incluse dans
F . Pour vérifier qu’il s’agit d’un projecteur (i.e. p ◦p = p) il suffit de montrer que, pour x dans
F , p(x) = x, ce qui se ramène par linéarité à
n
X
p(e k ) = 〈e i | e k 〉 e i = ek
i =1

puisque la base est orthonormée. QED.

N.B. : bien réfléchir au déroulement de preuve


¡ ci-dessus, on peut facilement y être mal-
adroit, par exemple en calculant directement p p(x) .
¢

Pour améliorer nos résultats, il faut passer par les projections sur les convexes complets.
Pour les 1 à 27.2.6 seulement, nous prendrons R comme corps de base (pour dégager les
idées essentielles sans ajouter de difficultés techniques).

27.2.4 Théorème de Riesz


Soit C un convexe complet non vide de l’espace préhilbertien E .
° °
a) Pour tout a de E il existe un unique élément p(a) de C tel que : °a − p(a)° = d (a,C ).

307
b) Pour tout u de C : a − p(a) | u − p(a) ≤ 0. Enfin, a 7→ p(a) est 1-lipschitzienne.
­ ®

Démonstration :
a) Rappelons qu’en dimension finie il y a une preuve simple de l’existence d’un point
réalisant la plus courte distance fondée sur la compacité locale (§ 4 et 33.1). Dans le cas
général, l’idée est de montrer, grâce à l’égalité de la médiane, qu’une suite (x n )n∈N de
C qui approche la distance de a à C est de Cauchy. On choisit donc une suite (x n )n∈N
1
dans C telle que, pour tout n, d (a, x n )2 ≤ d (a,C )2 + n+1 (c’est plus commode techni-
quement). L’égalité de la médiane appliquée à x n − a et x m − a fournit
°x +x °2 ° x − x °2 1¡
° n m ° n m°
− a° kx m − ak2 + kx n − ak2
¢
+ =
°
2 2 2
° ° °

x n +x m
°2
est dans le convexe C , d (a,C ) ≤ ° xn +x
°
m
Comme 2 2
− a ° et avec le choix de de x n

° x − x °2 1 µ 1 1

2 ° n m° 2 2
d (a,C ) + ° ° ≤ d (a,C ) + + d (a,C ) +
2 2 n +1 m +1

soit ° x − x °2
° n m° 1 1
≤ +
2 n +1 m +1
° °

ce qui montre que la suite (x n°)n∈N est bien


° de Cauchy. Si x est sa limite, la continuité
de la norme amène d (a,C ) = °a − p(a)°, d’où le premier point.
Pour l’unicité, on écrit à nouveau l’égalité de la médiane pour x − a et x 0 − a : si x et x 0
réalisent le minimum
°2
° x + x0 ° x − x 0 °2 1³
° ° °
°x − a °2
° 2
° 0 ° ´
°
° 2 − a ° + °
° 2 °
° = kx − ak +
° 2

en simplifiant à l’aide de d (a, x) = d a, x 0 = d (a,C )


¡ ¢

° x − x 0 °2
° °
°
° 2 °
° ≤ 0

d’où x = x 0 .
b) L’idée est d’utiliser une méthode variationnelle : on se ramène d’abord par translation
du tout, au cas où p(a) = 0. Soit u dans C . Si t ∈ ] 0 ; 1 ], t u = (1 − t ).0 + t .u est dans le
convexe C . La définition même de p(a) nous donne alors

∀t ∈ ] 0 ; 1 ], ka − 0k2 ≤ ka − t uk2

par développement et simplification légitime par t et en faisant tendre t vers 0 nous


obtenons : 〈a | u〉 ≤ 0. Il nous reste enfin à montrer que a 7→ p(a) est 1-lipschitzienne :
on écrit pour cela que

a − p(a) | p(b) − p(a) ≤ 0


­ ®

b − p(b) | p(a) − p(b) ≤ 0


­ ®

308
après sommation et développement partiel

a − b | p(a) − p(b) p(b) − p(a) | p(b) − p(a) 0


­ ® ­ ®
+ ≤

d’où
°p(b) − p(a)°2
° ° ° °
b − a | p(a) − p(b) °p(b) − p(a)° . kb − ak
­ ®
≤ ≤

par Cauchy-Schartz et après simplification légitime il reste


° °
°p(b) − p(a)° ≤ kb − ak . QED.

a
b

b
p(a)

F IGURE 27.1 – Projection sur un convexe fermé, dans un espace de Hilbert

Les vecteurs a − p(a) et u − p(a) font un angle obtus. Si a 6∈ C , l’hyperplan orthogonal


à a − p(a) et passant par p(a) laisse C du côté opposé à a, il s’agit d’un hyperplan
d’appui.

27.2.5 Corollaire
Tout sous-espace vestoriel complet F d’un espace préhilbertien E possède un supplémen-
taire orthogonal.

Démonstration : F est visiblement convexe, complet et non vide, on dispose donc d’une
application p, « projection de Riesz » de E sur F . Soit x dans E . On a pour tout u de F

x − p(x) | u − p(x) ≤ 0.
­ ®

Comme F est un sous-espace vectoriel il est invariant par ses translations et de ce fait

∀y ∈ E , x − p(x) | y ≤ 0
­ ®

309
En échangeant y en −y on constate que x − p(x) | y est aussi positif et de ce fait x −p(x) est
­ ®

othogonal à tous les vecteurs de F . L’égalité x = x − p(x)+ p(x) montre alors que F F ⊥ = E .
L

p est ainsi le projecteur orthogonal de E sur F .

Remarques :
1. Rappelons qu’un sous-espace fermé d’un espace fermé d’un espace complet est com-
plet ; si E est un espace de Hilbert, on dispose donc d’une projection sur tout convexe
fermé, et d’une projection orthogonale sur tout sous-espace vectoriel fermé.
2. Tout sev de dimension finie un evn étant complet, le cas de la dimension finie est une
conséquence du cas complet.
B contre-exemple : lorsque l’on omet l’hypothèse F complet. Il suffit de considérer
R1
l’espace vectoriel F des polynômes dans C ([ 0 ; 1 ], R) muni du produit scalaire 0 f g : le

théorème des moments (voir le § 19.2) nous ¯ dit1 ¯que F est nul, et comme F 6= F ⊥ (prendre
une fonction continue non dérivable : t 7→ ¯t − 2 ¯ par exemple) on a F F ⊥ 6= E .
L

27.2.6 Théorème
Soient E un espace de Hilbert, et φ une forme linéaire continue sur E . Il existe un unique
a de E tel que : φ(·) = 〈a | ·〉.

Démonstration : on écarte le cas trivial où φ = 0Lc (E ,C) . H = ker φ est un hyperplan de E ,


et H est fermé puisque φ est continue. Comme E est complet, H est complet et possède de
ce fait un supplémentaire orthogonal, qui est une droite Ce de E . Les formes linéaires φ(·) et
〈e | ·〉 ont alors même noyau, donc sont proportionnelles :

λ̄e | · ,
­ ®
φ(·) = λ 〈e | ·〉 =

le vecteur a = λ̄e convient.

27.3 Inégalité de Bessel

27.3.1 Théorème
Soit (e n )n∈N une famille orthonormée d’un espace préhilbertien E . Pour tout x de E , la
série de terme général |〈e n | x〉|2 converge et +∞ 2 2
n=0 |〈e n | x〉| ≤ kxk .
P

Démonstration : soit x n la projection orthogonale de x sur vect(e 0 , . . . , e n ). On sait que


°2 ° °2 °2
p(x) = ni=1 〈e i | x〉 e i et °x − p(x)° + °p(x)° = kxk2 , donc °p(x)° = kxk2 , ce qui se traduit
P ° °

par
n
|〈e n | x〉|2 ≤ kxk2 . QED.
X
n=0

On a donc affaire à une série à termes positifs dont les sommes partielles sont majorées.

310
27.3.2 Familles totales
Soit (e¡ n )n∈N une
¢ famille d’une espace préhilbertien E . On dit que (e n )n∈N est totale lorsque
F = vect (e n )n∈N est dense dans E . Une telle famille, lorsqu’elle est orthonormée, est sou-
vent appelée base hilbertienne de E mais B : il ne s’agit pas d’une base au sens ordinaire du
terme !

27.3.3 Théorème
Soit (e n )n∈N une famille orthonormée ¢d’un espace préhilbertien E , et soit x dans E . Alors
x est dans l’adhérence de F = vect (e n )n∈N ssi
¡

+∞
kxk2 |〈e n | x〉|2
X
= (égalité de Parseval).
n=0

Démonstration : la convergence de la série et l’inégalité kxk2 ≥ · · · sont acquises moyen-


nant Bessel. Si x est dans l’adhérence de F , vérifions que
à !
n
X
la suite 〈e i | x〉 e i converge vers x pour k·k2 .
i =0 n∈N
° °
Soit ε > 0, il existe par hypothèse y dans F tel que °x − y ° ≤ ε. Le vecteur y est une com-
binaison linéaire finie des (e n )n∈N d’où p tel que y ∈ vect(e 0 , . . . , e n ). Pour tout n ≥ p, y ∈
vect(e 0 , . . . , e n ) et si l’on note x n la projection orhtogonale de x sur vect(e 0 , . . . , e n ), il vient
° °
∀n ≥ p, kx − x n k ≤ °x − y ° ≤ ε

L’expression de x n comme projection orthogonale amène le résultat annoncé. La converge


de la suite (x n )n∈N vers x et la continuité de la norme donnent alors l’égalité souhaitée. QED.

27.3.4 Théorème
Soit (e n )n∈N une famille othonormée d’un espace préhilbertien E . Les propriétés suivantes
sont équivalentes :
1) la famille (e n )n∈N est totale ;
2) pour tout x de E , kxk2 = +∞ 2
n=0 |〈e n | x〉| ;
P

3) pour tout (x, y) de E 2 , la série de terme général e n | x e n | y converge et l’on a


­ ®­ ®

+∞
X
x|y en | x en | y .
­ ® ­ ®­ ®
=
n=0

Démonstration : l’équivalence de 1) et de 2) résulte directement du théorème précédent,


3) =⇒ 2) vient avec x = y et pour 2) =⇒ 3) on utilise l’identité de polarisation hermitienne :

1³°
° x + y °2
°
°x − y °2
° ° ° °2 ° °2 ´
x|y i °x − i y ° i °x + i y ° .
­ ®
= − + −
4

311
27.4 Appendice : compacité faible
Soit H un espace de Hilbert. Une suite (a n )n∈N de H est dite faiblement convergente s’il
existe a dans H tel que, pour tout x de H , la suite n 7→ 〈x | a n 〉 converge dans K vers 〈x | a〉.
Si (a n )n∈N convrege vers a au sens de la norme de H , l’inégalité de Schwarz :

|〈x | a − a n 〉| ≤ kxk . ka − a n k

montre que la suite (a n )n∈N convergence faiblement vers a. La réciproque est fausse en gé-
néral comme le montre l’exemple 2 ci dessous.
Exemples :
1. En dimension finie, la convergence faible équivaut à la convergence. Soit en effet e 1 , . . . , e p
¡ ¢

une base orthonormée de H , si (a n )n∈N converge faiblement vers a, les suites (〈e i | a n 〉)n∈N
convergent par hypothèse, mais ces suites sont les suites coordonées de (a n )n∈N dans
la base e 1 , . . . , e p , donc la suite (a n )n∈N converge.
¡ ¢

2. Soit (e n )n∈N une suite orthonormée de H (il y en a dès que H est de dimension infinie,
par le procédé de Schmidt, voir pour s’en convaincre les polynômes orthogonaux). La
suite (e n )n∈N converge faiblement vers 0.
En effet, si x est donné dans H , l’inégalité de Bessel :
+∞
kxk2 |〈e n | x〉|2
X

n=0

montre que la série de terme général |〈e n | x〉|2 converge donc que la suite (〈e n | x〉)pn∈N
tend vers 0. On observe alors que la suite (e n )n∈N diverge pour k·k, car ke n − e n k = 2,
bien qu’elle converge faiblement vers 0.

Nous admettrons le

Théorème :
Soit H un espace de Hilbert, et soit (a n )n∈N une suite bornée de H . On peut extraire de (a n )n∈N
faiblement convergente.

En dimension finie, il est possible d’effectuer une extraction convergente pour k·k, en
dimiension infinie, seule subsiste a priori l’extraction faiblement convergente.

Le applications en sont nombreuses, mais non triviales, par exemple à la théorie de la


mesure, aux fonctions analytiques et harmoniques etc. cf. [Rud73] ou [Bre82].

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : [Buc92], [Bre82], [Sch70], de façon générale tout livre


contenant des renseignements non triviaux sur les opérateurs compacts. Voir aussi l’appli-
cation la notion d’opérateur compact aux problèmes de Sturm-Liouville, cf. [Die70] chap.
11, ou encore le célèbre ouvrage de Courant et Hilbert, remarquable de clarté : [CH30].

312
EXERCICES

1) Dans l’espace préhilbertien réel (E , 〈· | ·〉), montrer que les points extrémaux de la boule
unité fermée sont les points de la sphère unité ; ce résultat subsiste-t-il dans un evn
quelconque ?
2) Soit p un projecteur 6= 0 de l’espace vectoriel euclidien E . Montrer que p est orthogo-
nal ssi p est de norme 1 (pour la norme sur L c (E ) associée à la norme euclidienne sur
E ). Indication : dans le sens difficile utiliser l’inégalité, valable pour x dans Im p et y
°2
dans ker p : kxk2 ≤ °x + t y ° et faire tendre t vers 0 pour obtenir x | y .
° ­ ®

3) Déterminant de Gram : soit x 1¡, . . . , x p p ¢vecteurs d’un espace préhilbertien ¢ E . On


apelle déterminant de Gram de x¢1 , . .¡­ . , x p le®¢nombre réel noté DG x 1 , . . . ,¡x p déter-¢
¡

minant de la matrice G x 1 , . . . , x p = x i | x j (i , j )∈‚1,p ƒ2 . Montrer que DG x 1 , . . . , x p


¡

est positif, et qu’il est nul ssi x 1 , . . . , x p est liée. Retrouver alors l’inégalité de Schwarz.
¡ ¢

Calcul de la distance de Gram : si F est un sev de dimension finie de E , et a ∈ E , mon-


trer :
G a, x , . . . , x
¡ ¢
1 p
d (a, F )2 = ¢ ·
G x1 , . . . , x p
¡

313
314
Chapitre 28

Polynômes orthogonaux

28.1 Le procédé de Schmidt


Précisons en préliminaire le fonctionnement du procédé d’othogonalisation de Schmidt :
ce dernier est souvent décrit de façon algorithmique, ce qui entraîne l’usage de notations
lourdes et une présentation touffue. La méthode géométrique est pourtant beaucoup plus
simple, et éclaircit les résultats d’unicité.

28.1.1 Théorème-définition
Soit (e 1 , . . . , e n ) une famille libre prise dans un espace préhilbertien (E , 〈· | ·〉). Il existe alors
une famille orthogonale (ε1 , . . . , εn ) telle que

∀i ∈ ‚1, nƒ , vect (ε1 , . . . , εn ) = vect (e 1 , . . . , e n ) (S)

Si (δ1 , . . . , δn ) est une famille de E vérifiant la même propriété (S), il existe des scalaires non
nuls λ1 , . . . , λn tels que δ1 = λ1 e 1 , . . . , δn = λn e n .
Vocabulaire : Une famille (ε1 , . . . , εn ) vérifiant la propriété (S) est appelée une orthogo-
nalisée de Schmidt de (e 1 , . . . , e n ).
Démonstration : on construit (ε1 , . . . , εn ) par récurrence sur n. Pour n = 1, il suffit de
choisir un vecteur proportionnel à e 1 . Supposant le résultat vrai de n, on regarde comment
on peut — et doit — choisir εn . Le vecteur εn doit appartenir à F = vect (e 1 , . . . , e n ), et aussi
être choisi dans l’orthogonal de vect (ε1 , . . . , εn−1 ) dans F . Mais on prend donc εn sur la nor-
male de cet hyperplan dans F ; le vecteur εn ainsi construit convient. La deuxième propriété
suit immédiatement, par récurrence, de la preuve ci-dessus.

On recopie mutatis mutandi l’énoncé ci-dessus dans le cas des systèmes orthogonaux.

28.1.2 Corollaire
Soit (e 1 , . . . , e n ) une famille libre prise dans une espace préhilbertien (E , 〈· | ·〉). Il existe
alors une famille orthonormale (ε1 , . . . , εn ) telle que

∀i ∈ ‚1, nƒ , vect (ε1 , . . . , εn ) = vect (e 1 , . . . , e n )

315
Si (δ1 , . . . , δn ) est une famille de E vérifiant la même propriété, il existe des scalaires de { −1, 1 }
soit λ1 , . . . , λn tels que δ1 = λ1 e 1 , . . . , δn = λn e n . La famille (ε1 , . . . , εn ) est de plus unique si l’on
impose que 〈e i | εi 〉 > 0 pour i = 1, . . . , n.

Démonstration : immédiate avec le théorème ci-avant, pour l’unicité on remarque que


la condition 〈e n | εn 〉 > 0 fixe l’orientation à choisir sur la normale de vect (e 1 , . . . , e n−1 ) et
donc le vecteur normé correspondant.

28.2 Construction des polynômes orthogonaux


28.2.1 Définitions
Soient I un intervalle de R, d’intérieur non vide, et ω une fonction continue, strictement
positive sur I (sauf peut-être aux extrémités). On note E l’espace vectoriel des fonctions
numériques continues sur I telles que la fonction t 7→ f 2 (t )ω(t ) soit intégrable sur I . On
suppose que R[t ] est inclus dans E , ce qui revient à dire que pour tout n de N l’intégrale
Z
t n ω(t ) dt
I

est absolument convergente (la suffisance de cette dernière ¢ condition est claire ; pour mon-
n 2 n
trer qu’elle est nécessaire on utilise l’inégalité 1 t ).
¡
|t | ≤ +
Rappelons que f | g = I f (t )g (t )ω(t ) dt est un produit scalaire sur E . On notera E (I , ω)
­ ® R

l’espace préhilbertien ainsi obtenu.


Dans toute la suite (P n )n∈N désigne la suite de polynômes obtenus par application du pro-
cédé d’orthonormalisation de Gram-Schmidt à la suite (t 7→ t n )n∈N dans E , fixée par 〈t n | P n 〉 >
0 (on fixe parfois une autre suite de polynômes orthogonaux, avec un coefficient dominant
> 0). La suite (P n )n∈N est appelée suite des polynômes orthogonaux associés au poids ω sur I .
Une famille de polynômes non nuls proportionnelle à (P n )n∈N est appelée famille de poly-
nômes orthogonaux.

28.2.2 Premières propriétés


1. Chaque polynôme P n est de degré n.
Par construction : P n ∈ vect (1, t , . . . , t n ) et P n 6∈ vect 1, t , . . . , t n−1 d’où la conclusion.
¡ ¢

2. Soit P un polynôme de degré n. P est proportionnel à P n ssi P est orthogonal à tous les
polynômes de degré ≤ n − 1.
En effet, P n dirige la normale à vect (P 0 , . . . , P n−1 ) = vect 1, t , . . . , t n−1 dans vect (1, t , . . . , t n ).
¡ ¢

3. Toute famille orthogonale (Q n )n∈N de polynômes de degrés echelonées dans E (I , ω) est


telle que, pour tout n de N, Q n = λn P n , λn ∈ R∗ .
C’est traduction directe des propriétés établies lors de la mise au point du procédé de
Schmidt.

28.2.3 Théorème
Chaque polynôme P n possède n racines réelles distinctes dans l’intérieur de l’intervalle I .

316
Démonstration :
1. Cas compact. En fait on dispose du résultat plus général suivant :
Rb
« Soient n dans N et f une application continue de [ a ; b ] dans R telle que a f (t )t k dt =
0 pour tout k de ‚0, nƒ. Alors f s’annule au moins m ≥ n + 1 fois dans ] a ; b [ , et si m
est fini, n + 1 au moins des zéros de f présentent un changement de signe. »

Par l’absurde, on suppose que f s’annule moins de n fois dans [ a ; b ]. On note alors
t 1 , . . . , t p les zeros de f où il y a changement de signe (correct, puisque f ne possède
qu’un nombre fini de zéros). La fonction
p
Y
t 7→ g (t ) (t − t i ) f (t )
i =1
est alors continue et de signe constant sur [ a ; b ] (les changements de signe de f
sont compensés par ceux du produit) et ne s’annule qu’en (t 1 , . . . , t p ). Son intégrale su
[ a ; b ] est donc strictement positive, ou strictement négative. Mais l’hypothèse fait,
par combinaison linéaire, que
Z b
f (t )P (t ) dt = 0.
a
Pour tout polynôme de degré ≤ n, ce qui amène une contradiction en considérant
p
Y
P (t ) = (t − t i ).
i =1
Il y a donc plus de m zéros ; si ceux-ci sont en nombre fini (ce qui est toujours le cas
avec P n (t )) on peut évoquer les changements de signe ; en reproduisant la preuve ci-
dessus, tout est démontré.
2. Cas non compact. Même principe, avec des intégrales généralisées convergentes.

28.2.4 Proposition
Lorsque l’intervalle I est compact
a) la suite P n est totale dans E ;
b) si f ∈ E , I f 2 (x)ω(x) dx = +∞ 2
n=0 c n ( f ) où c n ( f ) = I f (x)P n (x)ω(x) dx.
R P R

Preuve :
a) Comme 1 ∈ E l’intégrale ω(t ) dt converge. Pour toute f de E on aura donc
R
I
Z
° °2
f |f f ∞ ω(t ) dt
­ ®
≤ ° °
I
ce qui montre que la convergence pour la norme k·k∞ entraîne la convergence pour
la norme euclidienne de E ; comme les polynômes sont denses dans C ([ a ; b ], R)
moyennant le théorème de Bernstein, la densité pour k·k2 est acquise.
b) N’est autre que l’égalité de Parseval dans E , licite d’après a). Le problème de savoir si
la suite des polynômes orthonormaux est totale ou non lorsque I n’est plus supposé
compact est délicat, dans le cas des polynômes de Laguerre, on peut le traiter à l’aide
des transformées de Laplace (pour un cas où la réponse est négative, voir l’exercice
2)). Dans tous les cas de figure on conserve l’inégalité de Bessel.

317
28.2.5 Interprétation en terme de polynômes de meilleure approxima-
tion
Si c n ( f ) = I f (x)P n (x)ω(x) dx, la projection orthogonale de la fonction f (pour le pro-
R

duit scalaire définit par ω) n’est autre que nk=0 c k ( f )P k (projection sur un sev de dimension
P

finie dans° un espace


° préhilbertien). Il s’agit donc du polynôme P de Rn [X ] qui minimise la
quantité ° f − P °ω .
On renote maintenant P n la suite des polynômes normalisés associée aux polynômes ortho-
gonaux de E (I , ω) (il ne s’agit donc pas nécessairement d’une famille orthonormée).

28.2.6 Proposition
Les polynômes P n vérifient une relation de récurrence linéaire d’ordre 2

P n = (x + λn )P n−1 + µn P n−2 .

Démonstration : le polynôme Q = P n − xP n−1 est de degré n − 1 donc orthogonal à P n ,


donc Q est une combinaison linéaire de P 0 , . . . , P n−1 soit

Q = λ0 P 0 + · · · + λn−1 P n−1 .

On observe ensuite que, par définition du produit scalaire sur E , on a f | g h = f g | h ,


­ ® ­ ®

donc 〈xP n−1 | P k 〉 = 〈P n−1 | xP k 〉 qui est nul pour k ≤ n − 3 car P n−1 est orthogonal aux poly-
nômes de degré ≤ n − 2 (donc à xP k ). Comme P n est orthogonal à P 0 , . . . , P n−1 il vient λi = 0
pour i = 0, l . . . , n − 3, soit finalement P n − xP n−1 = λn P n−1 − µn P n−2 .

28.2.7 Exemples
1. Polynôme de Laguerre :
On suppose I = [ 0 ; +∞ [ et ω(t ) = e−t . Vérifions qu’une suite de polynômes orthonor-
maux est ici :
1 ¡ −t n ¢(n)
P n (t ) = et e t
n!
L’idée est souvent d’intégrer par partie,­mais il®y a plusieurs façon de le faire : on peut
soit calculer un produit 〈P n | P m 〉 soit P n | t k avec k ≤ n − 1. C’est ici ce deuxième
point de vue qui est le plus agréable. On explicite, pour k ≤ n :
Z +∞ Z +∞
k t
¡ −t n ¢(n) −t ¢(n)
t e e t e dt = t k e−t t n dt
¡
0 0
¢(n)
on intègre la dernière intégrale par partie en primitivant e−t t n et en dérivant t k il
¡

vient Z +∞
D
k
E ¢(n−1)
n! P n | t t k−1 e−t t n dt .
¡
= −k
0
Les fonctions sont nulles aux bornes. Après k intégrations
Z +∞
D
k
E
k
¡ −t n ¢n−k
n! P n | t = (−1) k! e t dt .
0

318
Si k ≤ n − 1 la dernière intégrale donne 0, et si k = n

n! P n | t n = (−1)n n!
­ ®

n
Comme P n = (−1)n!
t n + (termes de degré ≤ n − 1) et que l’on a déjà prouvé que P n était
orthogonal aux polynômes de degré n − 1, il reste 〈P n | P n 〉 = 1.
On notera (L n )n∈N la suite des polynômes de Laguerre.

Remarque : on peut prouver directement que chaque L n possède n racines distinctes


dans [ 0 ; +∞ [ : comme la fonction e−t t n possède un zéro d’ordre n, ses dérivées s’an-
nulent jusqu’à l’ordre n en 0 (formule de Taylor), n applications répétées du théorème
de Rolle à distance finie et infinie montrent alors que L n possède n racines distinctes
dans ] 0 ; +∞ [ .

E XERCICES SUR LES POLYNÔMES DE L AGUERRE


1) Expliciter L n (utiliser la formule de Leibniz). Prouver que les L n vérifient la rala-
tion de récurrence :

(n + 1)L n−1 (x) = (2n + 1 − x) L n (x) − nL n−1 (x).

2) Prouver les relations suivantes :


n−1
L 0n (x) L k (x)xL 0n (x)
X
= − = n (L n (x) − L n−1 (x))
k=0

et
xL 00n (x) + (x + 1)L 0n (x) + nL n (x) = 0
2. Polynôme de Legendre : ¢n ¤
dn
Par définition, il s’agit des polynômes P n = 2n1n! dx
£¡ 2
n X − 1 . Chaque P n est de degré
R1
n par dérivation, vérifions que −1 P m P n = 0 pour m 6= n.
Rappelons tout d’abord que, si a est une racine d’ordre m d’un polynôme P , et k ≤ m,
a est racine d’ordre m −k de P (k) (la preuve est simple par récurrence sur k, ou par une
¢n ¤(k)
formule de Taylor). De là, les polynômes X 2 − 1 s’annulent en 1 et en −1 pour
£¡

tout entier k ≤ n − 1. ¢n ¤(n) ¢m ¤(m+1)


Supposons maintenant m ≤ n, en intégrant x 2 − 1 , dérivant x 2 − 1
£¡ £¡

nous trouvons après intégration par parties, le crochet étant nul


Z 1h Z 1h
¡ 2 ¢n i(n) h¡ 2 ¢m i(m) ¡ 2 ¢n i(n−1) h¡ 2 ¢m i(m+1)
x −1 x −1 dx = x −1 x −1 dx.
−1 −1

Recommençons m fois de suite, il vient finalement :


Z 1h Z 1h
¡ 2 ¢n i(n) h¡ 2 ¢m i(m) ¡ 2 ¢n i(n−m) h¡ 2 ¢m i(2m)
x −1 x −1 dx = x −1 x −1 dx.
−1 −1

Si m < n il vient
Z 1h Z 1h
¡ 2 ¢n i(n) h¡ 2 ¢m i(m) ¡ 2 ¢n i(n−m)
x −1 x −1 dx = (2m)! x −1 dx
−1 −1
¢n i(n−m) 1
·h ¸
¡ 2
= (2m)! x −1 =0
−1

319
et si m = n, en posant x = sin t , dx = cos t
1 ¸2 1
¢n i(n)
Z ·h Z
2
¢n
x −1 dx x2 − 1 dx 2(2n)!I 4n+1
¡
(2n)!
¡
= =
−1 −1

où I m est la m e intégrale de Wallis.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : d’abord ce qui concerne les applications, par exemple


à l’analyse numérique cf. [Dem91] pour les méthodes du type Legendre-Gauss (II-3). On
pourra ensuite consulter des ouvrages plus spécialisés, par exemple [Leb90] , aux éditions
Mir ; enfin le traité (une somme !) de Szegö sur le sujet [Sze39].

EXERCICES

1) Montrer que chaque L n vaut 1 au point 1, et possède n racines simples r 1 , . . . , r n dans


l’intervalle ] −1 ; 1 [ .
2) On considère la fonction
³ 1 ´f définie
³ 1 ´ sur R +∞
RR par f (x) = exp −x 4 sin x 4 . Montrer que, pour tout n dans N, 0 f (x)x n dx =
+
1
0 (poser u = x 4 puis calculer par³ récurrence).
1
´
En conclure que la fonction sin x 4 est orthogonale à R[X ] dans l’espace E associé au
³ 1´
poids ω(x) = exp −x 4 sur [ 0 ; +∞ ], et que de ce fait les polynômes orthogonaux ne
forment pas une famille totale dans E .

P ROBLÈME : COMPLÉMENT SUR LES POLYNÔMES ORTHOGONAUX

A. Utilisation d’un noyau (P n )n∈N désigne le suite de polynômes orthonormaux de E =


E (I , ω), et k·k la norme sur E donnée par le poids ω. Les notations et définitions entre
∗ ∗ sont supposées acquises pour toute la suite ; on garde dans ce problème celles qui
sont déjà utilisées dans ce livre.
∗ On note (k n )n∈N le coefficient dominant de (P n )n∈N , et l’on introduit la fonction
n
X
K n (x, y) = P k (x)P k (y). ∗
k=0

1°) Montrer que, pour tout couple (x, y) de R2 , x 6= y :

k n P n (y)P n+1 (x) − P n (x)P n+1 (y)


K n (x, y) = · ·
k n+1 x−y

(On utilisera une récurrence et la relation 28.2.5). Que devient cette égalité lorsque
y =x?
2°) Soit y dans I . Parmi tous les polynômes de degré n et de norme kP k = 1, celui qui
1
rend maximum la quantité ¯P (y)¯ est P (x) = ±a − 2 K n (x, y), où a = K n (y, y).
¯ ¯

320
3°) Montrer que les zéros de P n séparent strictement ceux de P n+1 .

B. Problèmes d’approximation
1°) Soit f un
° élément
° de E . Montrer qu’il existe un unique polynôme Q rendant mi-
nimum f − P ° lorsque P décrit Rn [X ]. Prouver que f (x) − P (x) change de signe
°
au moins n + 1 fois sur I .
2°) Soit n dans N∗ . On note x 1 , . . . , x n les zeros de RP n et πk (x) le k e interpolateur de
b
Lagrange associé à (x 1 , . . . , x n ). On pose λn = a πk (x)p(x) dx. Rappeler la mé-
Rb
thode de Gauss pour le calcul de a f (x)p(x) dx.
³P ´−1
3°) Montrer, en utilisant correctement K n (x, x k ), que λn = n−1 j =0 P j (x k ) 2
.
4°) On suppose
£ ici a¤ et b réels, et I = [ a ; b ]. Si a < α < β < b, montrer que P n s’an-
nule dans α ; β pour n assez grand.

C. Un complément sur les polynômes de Laguerre


1°) Pour n entier ≥ 1, on considère la fonction

φn : R+ → R
(−1)k x k
³P ´
n
x 7→ e−2x − e−x k=0 k!

Montrer que la suite φn n∈N converge uniformément vers 0 sur R+ .


¡ ¢

2°) Montrer que, pour tout entier p ≥ 1, la fonction x 7→ e−px est limite uniforme sur
R+ d’une suite de fonctions de la forme P n (x) e−x , avec P n ∈ R[X ]. Indication :
raisonner par récurrence sur p, en remplaçant x par p x2 dans le résultat de B.1°),
x
et utiliser l’hypothèse de récurrence appliquée à e−(p−1) 2 .
3°) Prouver que l’ensemble des fonctions de la forme x → P (x) e−x , où P ∈ R[X ],
est dense pour la norme de la convergence uniforme sur R+ dans l’agèbre C 0
des fonctions continues de R+ dans R tendant vers 0 en +∞. En déduire que,
pour toute fonction continue f l’on a, L n désignant la suite des polynômes de
Laguerre :
Z +∞ Z
2 2
X
f (x) exp (−x) dx = cn ( f ) où c n ( f ) = f (x)L n (x) exp (−x) dx.
I n=0 I

321
322
Chapitre 29

Séries de Fourier, théorème de Parseval

29.1 Les coefficients de Fourier comme réponse à un problème


de meilleure approximation L2
Soit f une fonction de E = D2π (R, C), espace vectoriel des fonctions continues par ùor-
ceaux 2π-périodiques, dont la valeur en chaque point est
® la1demi-somme
R 2π des limites à droite
¯
et à gauche. On rappelle que le produit scalaire f | g = 2π 0 f g fait de E un espace pré-
­

hilbertien.
Visiblement, la famille (e k )k∈Z , k ∈ Z, où e k (x) = ei kx , est une famille othonormée de E .
Nous désignerons par Tn le sous-espace vectoriel de E engendré par les fonctions e k , k ∈
‚−n, nƒ (Tn est aussi l’espace vectoriel complexe engendré par les fonctions (1, cos x, . . .,
cos nx, sin x, . . ., sin nx). Cherchons, pour la norme k·k2 associée au produit scalaire 〈· | ·〉,
la meilleure approximation de f par un élément de Tn : d’après 27.2.2 application celle-ci
est donnée par la projection orthogonale de la fonction f sur Tn ; comme Tn est de dimen-
sion finie et possède la base orthonormée (e −n , . . . , 1, . . . , e n ), nous voyons que la meilleure
aproximation pour k·k2 de f par un polynôme trigonométrique de degré ≤ n est
n
X 1 2π − i kx
Z
Sn f ck f e k , où ck f = e k | f = e f (x) dx.
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ­ ®
=
k=−n 2π 0

c n f s’appelle le k e coefficient de Fourier de f .


¡ ¢

29.2 Égalité de Parseval


29.2.1 Théorème
Les polynômes trigonométriques forment un sous-espace vectoriel dense de D2π (R, C) pour
k·k2 .

Démonstration : nous savons déjà (§ 20.2 : convolution) que l’espace vectoriel F des
polynômes trigonométriques est dense dans l’espace C 2π (R, C) pour k·k∞ . Comme k·k2 ≤
k·k∞ , F est a fortiori dense dans C 2π (R, C) pour k·k2 . Mais si f est dans D2π (R, C), on peut
approcher f au sens k·k2 par une fonction continue :

323
1.0
~
0.8
Γf
0.6
Γg
0.4
0.2

-1.0 -0.8 -0.6 -0.4 -0.2 O 0.2 0.4 0.6 0.8 ~ı 1.0

F IGURE 29.1 – Densité de C 2π (R, C) dans D2π (R, C) , k·k2


¡ ¢

Achevons correctement la preuve ° avec


° un nombre ε > 0 : si f est dans D2π (R, C), on
choisit
° °g dans C 2π (R, C) telle que ° f − g ° ≤ ε puis un polynôme trigonométrique P tel que
2
°g − P ° ≤ ε ; il vient alors
2

° f − P °2 ° f − g °2 ° g − P °2
° ° ° ° ° °
2 ≤ 2 + 2 ≤ 2ε.

29.2.2 Théorème
¯ ¡ ¢¯2
Soient f et g dans D2π (R, C). Les séries de terme général ¯c n f ¯ et c n f c n g sont
¡ ¢ ¡ ¢

convergentes et l’on a

+∞ ¯ ¡ ¢¯2 1
Z 2π ¯ +∞ 1
Z 2π
¯ f (x)¯2 dx f¯g
X ¯ X
¯c n f ¯ et cn f cn g
¡ ¢ ¡ ¢
= =
k=−∞ 2π 0 k=−∞ 2π 0

Démonstration : précisons que les sommes indexées par Z s’effectuent de façon symé-
trique, c’est-à-dire de −n à n. Dans le cas des séries à termes positifs, ou plus génnéralement
absolument convergentes, toutes les parmutations sont autorisées (15.3.3), on peut donc ré-
indexer par N si nécessaire.
Nous pouvons ainsi appliquer les résultats obtenus dans le cadre des espaces préhilbertiens
(§ 27...) : la famille (e k )k∈Z est totale dans D2π (R, C) donc les égalités de Parseval s’appliquent
et donnent, dans le présent contexte, les égalités annocées...

Remarque : on récupère ainsi le « lemme de Riemann-Lebesgue » qui dit que les coeffi-
cients de Fourier tendent vers 0 (notons que l’inégalité de Bessel suffit à assurer ce résultat).

1 π2
Exemple : nous allons vérifier que +∞ n=1 n 2 = 6 .
P

Pour cela, on évalue les coefficients de Fourier de la fonction f : x 7→ x sur ] −π ; π [ , de valeur


0 aux bornes. Par définition, pour k 6= 0,

1 π − i kx
Z
ck f xe dx
¡ ¢
=
2π −π
i − i kx π
Z π
1 i
· ¸
= x e − e− i kx dx
2π k −π 2kπ −π
i h i (−1)k
= 2π(−1)k = i
2kπ k

324
¯ ¡ ¢¯2
et c 0 f = 0 d’où ¯c k f ¯ = k12 pour k 6= 0 ; l’égalité de Parseval donne alors
¡ ¢

π2 +∞
X 1
= 2 2
3 n=1 n

où le facteur 2 vient de la sommation de −∞ à +∞, d’où la conclusion.

29.2.3 Extension au cas de l’espace L2 [ 0 ; 2π ], dµ


¡ ¢

On se place dans L2 [ 0 ; 2π ], dµ muni du même produit scalaire où dµ est la mesure


¡ ¢

de Lebesgue ; les relations de Parseval restent valables pourvu que l’on¢ prouve que les poly-
nômes trigonométriques forment une partie dense de L2 [ 0 ; 2π ], dµ ; il suffit moyennant
¡

la preuve du cas de D2π (R, C) de montrer que les fonctions continues forment une partie
dense, ce qui est vrai dans tout Lp (I , dµ), p 6= ∞ (théorème de Vitali-Hahn-Saks).

Généralisation des coefficients de Fourier : lorsque f est dans L1 [ 0 ; 2π ], dµ , la fonc-


¡ ¢

tion x 7→ f (x) ei kx est mesurable, et son


¡ ¢module est dans L1 ; on définit donc correctement les
1 π − i kx
coefficients de Fourier c k f par c k f = 2π −π f (x) e dx ; ce cas inclus celui des fonc-
¡ ¢ R
p
tions de L , p > 1 car l’inégalité f ≤ 1 + f montre qu’une fonction de Lp est dans L1 .
p
¯ ¯ ¯ ¯
¯ ¯ ¯ ¯
(N.B. : ce résultat reste valable sur tout espace de mesure finie). Par une adaptation de¡ la¢
preuve du lemme de Riemann-Lebesgue donné dans le § 21, on montre alors que les c k f
tendent vers 0.

29.3 Séries trigonométriques, séries de Fourier


29.3.1 Définition
On appelle série trigonométrique toute série de fonctions dont le terme général est de
la forme u n (x) = a n cos nx + b n sin nx, (a n )n∈N et (b n )n∈N étant deux suites complexes. Pour
des raisons relatives aux séries de Fourier, nous conviendrons que

1
b0 = 0 et u0 = a0 .
2

Autres écritures : u n (x) = c n ei nx +c −n e− i nx où c n = an −i


2
bn
et c n = an +i
2
bn
et si les coeffi-
q
cients sont réels : u n (x) = ρ n cos n nx + φn où ρ n = a n2 + b n2 , φn convenable (cette nota-
¡ ¢

tion est commode pour l’étude des ensembles de convergence).

29.3.2 Définition
soit f une fonction¡de¢ D2π (R, C), on ¡ appelle
¢ i nx série
¡ de
¢ −Fourier de f la série de fonctions de
i nx
terme général : u 0 = c 0 f , u n (x) = c n f e +c −n f e pour n ≥ 1.

Autre écriture : on an aussi, par les formules de Moivre, les égalités

1
u0 = a0 et u n (x) = a n cos nx + b n sin nx,
2

325

1
Z 2π
an f f (x) cos nx dx, n ≥ 0,
¡ ¢
=
π 0
et
1 2π
Z
bn f f (x) sin nx dx, n ≥ 1.
¡ ¢
=
π 0
N.B. : les suites (a n )n∈N et (b n )n∈N sont réelles dès que la fonction considérée est réelle.
Lorsque f est réelle, la première relation de Parseval s’exprime par
1 2 1 +∞ 1 2π ¯¯
Z
X 2 ¯2
a0 + a n + b n2 = f (x)¯ dx.
4 2 n=1 2π 0
® ° °2 ° °2
Moyennant l’identité de polarisation réelle (4 f | g = ° f + g ° − ° f − g ° ) l’espression du
­

produit scalaire devient


1 2π 1 ¡ ¢ ¡ ¢ 1 +∞
Z X¡ ¡ ¢ ¡ ¢
fg = a0 f a0 g an f an g + bn f bn g
¡ ¢ ¡ ¢¢
+
2π 0 4 2 n=1

Exemple : Convergence et calcul de n∈N bnn .


P

Soit f dans D2π (R, C), prenons pour g la fonction 2π-périodique définie par
g (x) = π − x sur ] 0 ; 2π [ , g (0) = 0
g est maifestement impaire, et une intégration par parties montre que, pour tout n ≥ 1
2
bn f .
¡ ¢
=
n
La formule de Parseval qui donne le produit scalaire fournit
1 2π 1 2π X bn
Z Z
fg = f (x)(π − x) dx = .
2π 0 2π 0 n∈N n

29.3.3 Théorème
Soit a20 + n=1 a n cos nx +b n sin nx une série trigonométrique uniformément convergente,
P

et soit f sa somme. La série de Fourier de f coïncide alors avec a20 + n=1 a n cos nx +b n sin nx.
P

Démonstration : rappelons d’abord que la multiplication par une fonction bornée con-
serve la convergence uniforme (§ 18). Ainsi, la série n∈N (a n cos nx + b n sin ns) cos px con-
P

verge uniformément sur leR segment [ 0 ; 2π ]. Dans le calcul de a p (ci-dessous pour p ≥ 1) on


peut intervertir les signes et et obtenir :
P

1 2π 1 +∞X Z 2π
Z
ap = f (x) cos px dx = ( a n cos nx + b n sin nx ) cos px dx.
π 0 π n=0 0
comme :

cos nx cos px cos(n + p)x + cos(n − p)x
¤
=
2
et

sin nx cos px = sin(n + p)x + sin(n − p)x
¤
2
¡ ¢ 1 Rπ 1£
on trouve finalement a p f = π 0 2 cos 2px + 1 dx = a p , de même pour a 0 et b p , p ≥ 1.
¡ ¢ ¤

QED.

326
29.3.4 Remarque
Les généralisations de ce résultat sont toutes difficiles, même si l’on suppose par exemple
que la série trigonométrique étudiée converge de somme f continue (sans supposer la conver-
gence uniforme !). Le résultat reste vrai dans ce cas, mais la preuve devient délicate.

29.4 Convergence des séries de Fourier

C ONVERGENCE L2

29.4.1 Théorème
Soit f une fonction de D2π (R, C), la série de Fourier de f converge vers f pour la norme
préhilbertienne sur E .

Démonstration : c’est une conséquence immédiate du fait que la famille (e n )n∈N est ici
totale (cf. 27.3).

Corollaire : Si deux fonctions de D2π (R, C) ont même série de Fourier elles sont égales
partout.
° °
En effet, la norme ° f − g °2 est alors nulle par convergence de la série de Fourier vers
f et g . (Si les fonctions sont seulement supposées mesurables on ne récupère que l’égalité
presque partout).

29.4.2 Convergence ponctuelle


Avant de prouver quoi que ce soit, il faut savoir et retenir qu’il existe des séries de Fourier
qui divergent sur un ensemble dense.

Supposons maintenant (∗) que la série de Fourier de f , élément de C 2π (R, C), converge
vers une fonction g du même espace. Alors la première égalité de Parseval montre que f = g .
Mais si la série de Fourier de f converge seulement en un point particulier a, que dire de
sa somme ? Pour le moment, rien. De même, si la dite série converge partout, on ne peut
rien dire a priori, car on ne peut, vu ce que nous connaissons pour l’instant sur les séries
de Fourier, préjuger quoi que ce soit des qualités de la somme d’une série trigonométrique
simplement convergente. Si f est suffisamment régulière, un premier élément de réponse
est donné par le théorème de Dirichlet ci-dessous.

29.4.3 Les identités de Dirichlet


Pn
A – Calcul de D n (u) = k=−n
ei ku : on a visiblement
³ u u
´ 1 1
D n (u) ei 2 − e− i 2 ei n+ 2 u
− e− i n+ 2 u
¡ ¢ ¡ ¢
=

327
sin n+ 21 u
¡ ¢
donc pour u 6∈ Z, D n (u) = sin u2
, que l’on prolonge par continuité sur 2πZ.
B – Formule de Dirichlet : soit f une fonction de D2π (R, C). On désigne par x 7→ S n (x) les
sommes partielles de la série de Fourier de f . Alors, pour tout (x, n) de R × N :

sin n + 21 u f (x + u) + f (x − u)
¡ ¢ ·
1
Z π ¸
S n (x) = du.
π 0 sin u2 2

Démonstration : on écrit
n 1 X n µZ 2π ¶
c k f ei kx e− i kt f (t ) dt ei kx
X
S n (x)
¡ ¢
= =
k=−n 2π k=−n 0

soit, en échangeant et :
R P

1 X n µZ 2π ¶
1
Z 2π
i k(x−t )
S n (x) = e f (t ) dt = D n (x − t ) f (t ) dt .
2π k=−n 0 2π 0

L’intégrale d’une fonction continue et 2π-périodique le long d’un segment de longueur 2π


est constante ; en posant u = x − t il vient

1
Z 2π
S n (x) = D n (u) f (x − u) du.
2π 0

On coupe ensuite l’intégrale en 0, ce qui conduit à intégrer sur [ −π ; 0 ] et [ 0 ; π ], et l’on


change enfin u en −u dans l’intégrale sur [ −π ; 0 ] pour obtenir l’identité annoncée moyen-
nant la parité de D n . QED.
R +∞
Application : évalutaion de 0 sint t dt .
En appliquant la formule de Dirichlet avec f = 1, il vient après simplification

sin n + 21 t
¡ ¢
Z π π

∀n ∈ N , dt = .
0 2 sin 2t 2

On écrit ensuite

sin n + 12 t
à ! ¡ ¢
π
Z π 11
µµ
1
¶ ¶ Z π
= − sin n + t dt + dt
2 0 2 sin 2t t 2 0 t

et
sin n + 21 t n+ 12 π
¡ ¢ ¡ ¢
Z π Z
sin u
dt = du.
0 t 0 u
1 1
La fonction t 7→ 2 sin 2t
− t admet par développement limité un prolongement continu en 0 ;
par le lemme de Riemann-Lebesgue la première Rdes intégrales ci-dessus tend vers 0. Avec
+∞
l’égalité de droite la deuxième intégrale tend vers 0 sint t dt qui vaut de fait π2 .

328
L E THÉORÈME DE CONVERGENCE DE D IRICHLET

29.4.4 Théorème
Si f est une fonction 2π-périodique C 1 par morceaux, S n (x) converge vers la demi-somme
des limites à droites et à gauche de f en x.

Démonstration : si C est une constante, elle est égale à la somme de sa série de Fourier
donc
1
1 π sin n + 2 u
Z ¡ ¢
C = C du (29.1)
π 0 sin u2
On prend pour C la demi-somme des limites à gauche et à droite en a

f (a + ) + f (a − )
C = ,
2
en retirant (29.1) à la formule de Dirichlet nous trouvons :

f (a + ) + f (a − ) 1 π 1 f (a + u) − f (a − ) + f (a − u) − f (a − )
Z µµ ¶ ¶· ¸
Sn ( f ) − = sin n + u du
2 π 0 2 2 sin u2

Appelons g (u) la fonction entre crochets ; g possède, puisque f est C 1 par morceaux, une
limite finie en 0. Nous pouvons donc la prolonger en une fonction continue de¡ [ 0 ; π¢ ] dans
C, que l’on renote g . On peut alors écrire correctement, en isolant le terme sin n + 21 u

f (a + ) + f (a − ) 1 π 1
Z µµ ¶ ¶
S n (x) − = g (u) sin n + u du
2 π 0 2

et le membre de droite tend vers 0 par le lemme de Riemann-Lebesgue. QED.

Remarque : ce résultat se généralise sans peine au cas où l’on ne suppose plus que f est
1 f (a+u)− f (a − )+ f (a−u)− f (a − )
C par morceaux, mais que f est dans D et que le rapport u possède
une limite finie en 0. (N.B. : cette généralisation ne permet pas toujours de répondre à la
question (∗) posée en début de paragraphe, où f est simplement supposée continue).

29.4.5 Corollaire
Si f est une fonction 2π-périodique continue et C 1 par morceaux de R vers C, la série de
Fourier de f converge normalement vers f .

Démonstration : soit g la fonction sur [ 0 ; 2π ] par g (x) = f 0 (x) aux points de dérivabi-
lité de f , et par la demi-somme des limites de f 0 à droite et à gauche ailleurs. Comme f
1
est¡ 2π-périodique
¢ 1 ¡ ¢ continue et C par morceaux, on peut intégrer par parties et obtenir :
c k f = i k c k g . (Il suffit de découper [ 0 ; 2π ] en intervalles sur lesquels f a un prolonge-
ment C 1 et de noter qu’une intégrale ne change pas si l’intégrale est modifiée en un nombre
fini de points).

329
B : il faut que les crochets se compensent, ce qui provient du caractère continu de f —
bien y réfléchir.
³ ¯ ¡ ¢¯2 ´
De (∗) l’on déduit ¯c n f ¯ = ¯ k1 ¯ ¯c k g ¯ ≤ 12 k12 + ¯c k g ¯ . Moyennant Parseval, les deux
¯ ¡ ¢¯ ¯ ¯ ¯ ¡ ¢¯
¯ ¡ ¢¯
séries du membre de droite sont absolument convergentes, donc n∈N ¯c k f ¯ converge et
P

par suite la série de Fourier de f est normalement convergente. Sa somme est f par appli-
cation du théorème de convergence (simple) de Dirichlet. QED.

Remarque : si f est de classe C p , une intégration par partie montre que


¶p
1
µ
ck f c k f (p) ,
¡ ¢ ¡ ¢
=
ik

donc c k ( f ) = o k1p . En particulier, si f est de classe C ∞ , les dérivées terme à terme de la


¡ ¢

série de Fourier de f sont toutes normalement convergentes.

29.4.6 Une application des développement en série de Fourier


Soit P (t ) = nk=−n a k ei λk t un polynôme trigonométrique généralisé, où les λk sont des
P

nombres réels, et soit Λ = max−n≤k≤n |λk |. Alors °P 0 °∞ ≤ Λ kP k∞ .


° °

On se ramène tout d’abord au cas où Λ = π2 en remplaçant au besoin les nombres λk par


αλk , avec£α convenable dans 0 ; +∞
£ π ] 3π ¤ [ . On introduit ensuite la fonction numérique φ qui
−π π
vaut t sur 2 ; 2 , π−t sur 2 ; 2 , et qui est prolongée par 2π-périodicité sur R tout entier.
¤

Cherchons la série de Fourier de φ : φ est impaire, continue, C 1 par morceaux donc φ est la
somme uniforme de sa série de Fourier n∈N b n sin px , la série n∈N b n étant absolument
P ¡ ¢ P

convergente. Un calcul facile monter que

4 (−1)l
∀l ∈ N, b 2l = 0 et b 2l +1 = ·
π (2l + 1)2

On écrit ensuite, de façon licite puisque Λ ≤ π2 ,

n
P 0 (t ) a k φ (λk ) ei λk t
X
=
k=−n

en développant φ en série de Fourier

l l
( µ ¶)
2 n +∞ (−1) (−1)
P 0 (t ) = ei(2l +1)λk − e− i(2l +1)λk ei λk t
X X
ak 2 2
π k=−n l =0 (2l + 1) (2l + 1)

soit
X (−1)l
( )
2 +∞ n n
P 0 (t ) a k ei(t +2l +1)λk t − a k ei(t −2l −1)λk t .
X X
=
π l =0 (2l + 1)2 k=−n k=−n

De là, facilement à !
° 0° 2 +∞
X 1
°P ° ≤ ·2· kP k∞ . (29.2)
∞ 2
π l =0 (2l + 1)

330
π2 P+∞ 1
Comme 6
= l =1 l 2
on trouve par séparation en termes pairs et impairs

+∞
X 1 π2 π2 π2
2
= − = ·
l =0 (2l + 1) 6 24 8

En remplaçant dans l’inégalité (∗) il vient

° 0°
°P ° 2 π2 ° 0° π
∞ ≤ ·2· kP k∞ soit °P °
∞ ≤ kP k∞ . QED.
π 8 2

C ONVERGENCE EN MOYENNE DE C ESÀRO

29.4.7 Théorème
Si f est une fonction 2π-périodique continue de R vers C, les moyennes de Cesàro de la
série de Fourier de f converge uniformément vers f .

Démonstration : Il faut revoir 20.2. Nous allons simplement vérifier que les moyennes
de Cesàro des sommes partielles sont des convolées de f et du noyau de Fejer :
La n e moyenne de Cesàro de la série de Fourier de f est donnée par

1 1
Z 2π
σn (x) = (S 0 (x) + · · · + S n (x)) , avec S n (x) = D n (u) f (x − u) du
n +1 2π 0

donc
1 1 2π 1 1 π
Z Z
σn (x) = (D 0 (u) + · · · + D n (u)) f (x−u) du = K n (u) f (x−u) du
n + 1 2π 0 n + 1 2π −π
· n+1 ¸2
1 sin u
avec K n (u) = n+1 sin2u . On retrouve bien le noyau de convolution de Fejér utilisé au §
2
20.2. Il en résulte que la suite σn converge uniformément vers f sur R.

N.B. : la différence essentielle entre le noyau de Dirichlet et celui de Fejér est le caractère
positif de ce dernier. Si l’on tente de reproduire dans le cas de Dirichlet la preuve qui fait
que les convolées du noyau de Fejér et de f convergent uniformément vers f , on est bloqué

par la majoration d’intégrales du genre −δ |D n (t )| dt qui ne sont pas bornées par un (en fait
elles tendent vers +∞).

Réponse à la question (∗) de 29.4.2 : si la série de Fourier de la fonction continue f


converge, mettons vers s, la suite σn des moyennes de Cesàro de la dite série converge aussi
vers s, donc s = f (x). Enfin !

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : pas d’ouvrage généraliste en français sur les séries de


Fourier pour l’instant. En anglais on dispose du traité de Edwards, Fourier series [Edw11],
assez abordable, et du classique traité de Zygmund, [Zyg28], de lecture assez pénible (il faut
être patient pour en extraire des énoncés utilisables). Voir aussi l’excellent Körner, [Kör88]

331
EXERCICES

D ÉVELOPPEMENT EN SÉRIE DE F OURIER


sin nθ
1) Prouver que, pour tout x de [ 0 ; π [ , +∞ = π−θ . (On pourra calculer correcte-
P
n=1 n 2
ment les coefficients de Fourier de la fonction de droite, convenablement prolongée à
R.)
1
2) Étude de la série de fonctions : +∞ n=1 2 sin2 (1 − cos 2πnx), en trouver la somme.
P

sin2 nx
3) Montrer, pour x de R, |sin x| = π8 +∞n=1 4n 2 −1 .
P

sin nx
4) n∈N ln n est-elle la série de Fourier d’un élément de D ?
P

S ÉRIES DE F OURIER ET FONCTIONS SÉRIE ENTIÈRE


5) Les deux questions ci-dessous se résolvent en utilisant le fait que, si n∈N a n z n est
P

une série entière de rayon de convergence R > 0, n∈N a n r n ei nθ est une série trigo-
P

nométrique normalement convergente (ainsi que ses séries dérivées terme à terme),
à laquelle on peut appliquer les théorèmes de Bessel, Parseval, etc.
a) Soit n∈N a n z n est une
¯ série
¯ entière de rayon de convergence R ≥ 1, de P somme f
P
2
sur son domaine. Si : f (z) ≤ 1 pour tout z de D(0, 1), établir l’inégalité : +∞
¯ ¯
n=0 |a n | ≤
1.
b) Soit n∈N a n z n une série entière de rayon +∞, de somme f sur C. Si f est bornée,
P

montrer que f est constante.


6) Équation de la chaleur (pour un anneau). Soit f une application 2π-périodique de
classe C 3 . Chercher les F : R2 → R de classe C 3 vérifiant les trois conditions :
2
i) ∂F
∂t = a ∂∂xF2 ;
ii) ∀(x, t ) ∈ R2 , F (x + 2π, t ) = F (x, t ) ;
iii) ∀x ∈ R, F (x, 0) = f (x).
7) Séries de Fourier et convolution : soient f et g deux fonctions continues de R dans C,
2π-périodiques.
R 2π
a) Vérifier que la fonction h : x → 0 f (t )g (x − t ) dt est continue, 2π-périodique, et
que si l’une des fonctions f , g est de classe C p , h l’est aussi.
b) Calculer les coefficients de Fourier de h en fonction de ceux de f et g (utiliser
Fubini).
8) Un problème isopérimétrique : soit F une application 2π-périodique de classe C 2 de

R dans R2 de composantes x(t ) et y(t ) et telle que ∀t , °F 0 (t )° = 1. On pose S = 0 x dy.
° ° R

Montrer que S ≤ π. Dans quel cas a-t-on égalité ?

332
Huitième partie

Fonctions de plusieurs variables

333
Chapitre 30

Différentiabilité

30.1 Définitions et premières propriétés


Dans tout ce qui suit, (E , k·kE ) et (F, k·kF ) désignent des espaces vectoriels normés les
notations sont celles introduites dans le cours de topologie. L’espace L c (E , F ) est muni de
la norme associée aux normes choisies sur E et F ; on la note |||·||| quand il s’agit de la dis-
tinguer nettement des normes vetorielles, par exemple dans l’expression du théorème des
accroissements finis. On a donc pour (x, u) dans E × L c (E , F )

ku(x)k ≤ |||u||| kxk .

Afin d’obtenir une définition correcte de la différentiabilité des fonctions dont la variable
est élément d’un evn, on est amené à remplacer la notion de limite d’un quotient par celle
d’approximation linéaire :

30.1.1 Définition
Soient Ω un ouvert de E et f une application de Ω dans F . On dit que f est différentiable
au point a de Ω s’il existe une application linéaire continue φ de E dans F telle que, pour x
dans Ω,
f (x) = f (a) + φ(x − a) + o(x − a).

30.1.2 Remarques
— Il est impératif que les fonctions soient définies sur des ouverts ; contrairement au cas
de R où le passage à l’intervalle fermé est trivial, l’utilisation de fermés en calcul dif-
férentiel soulève des problèmes délicats (l’usage de variétés à bord n’est qu’une pre-
mière étape).
— La définition est locale ; pour étudier la différentiabilité d’une application on peut
donc se placer sur un voisinage « favorable » du point.
— On a intérêt à utiliser diverses écritures pour se familiariser avec la notion de différen-
tiabilité :

f (x) = f (a) + φ(x − a) + kx − ak ε(x − a) où lim ε(x − a) = 0,


x→a

335
ou encore
f (a + h) = f (a) + φ(h) + o(h).
Naturellement, on dira que f est différentiable sur Ω si elle est différentiable en tout point
de Ω.

30.1.3 Proposition
Si f est différentiable au point a, la fonction linéaire φ satisfaisant à f (x) = f (a) + φ(x −
a) + kx − ak ε(x − a) est unique.

Démonstration : soit en effet ψ une deuxième application linéaire continue de E dans F


vérifiant
f (x) = f (a) + ψ(x − a) + kx − ak ε0 (x − a)
Par différence entre les deux expressions de la différentiabilité il vient, pour r > 0 assez petit
et h = x − a (x dans B (a, r ))

φ − ψ (h) = khk ε − ε0 (h) = khk ε00 (h).


¡ ¢ ¡ ¢

Remplaçons h par t h, t ∈ ] 0 ; 1 ], et divisons par t , nous obtenons :

φ − ψ (h) = khk ε00 (t h).


¡ ¢

En faisant tendre t vers 0, on constate que φ − ψ (h) = 0. Donc φ − ψ est nulle sur la boule
¡ ¢

B (a, r ) et, par homothétie et linéarité, sur E .


Ce résultat nous autorise à appeler φ la différentielle de f au point a, les notations pour
φ sont variées : D f (a), f 0 (a), etc. Nous adopterons dabord d f a , puis d f (a) lorsqu’il s’agira
d’étudier la fonction a 7→ d f (a).

Première propriétés (évidentes) :


1. Tout fonction différentiable en a est continue en a.
2. Une combinaison linéaire de fonctions différentiables en a est différentiable en a et sa
différentielle est la combinaison linéaire correspondante des différentelles.

30.1.4 Définition
Si f est différentiable en tout point de Ω, l’application de Ω dans L c (E , F ) qui au point a
de Ω associe la différentielle de f en a est appelée application différentielle de f (ou encore
différentielle de f ), et notée d f .
Si L c (E , F ) étant muni de la norme associée aux normes de E et F , d f existe et est continue,
on dit que f est continûment différentiable, ou encore de classe C 1 .

B : le vocabulaire employé induit facilement en erreur, on se gardera de confondre


1. la différentielle de f au point a, qui est une application linéaire, fixée dès que a est
fixé, définie sur E tout entier ;
2. la différentielle d f de f qui est une application de Ω dans L c (E , F ) ; en dimension
finie et en présence de bases, d f fait correspondre une matrice à un point.

336
30.1.5 Exemples
1. Différentielle d’une application linéaire continue :
Soit u une application linéaire continue. Il est clair, moyennant l’unicité, que u est sa
propre différentielle en tout point a de E : du a = u ; et du est l’application constante
a 7→ u. L’abus courant qui consiste à écrire que du = u est le même que celui qui iden-
tifie une fonction constante et la valeur qu’elle prend.
Si E = Rn et si u est la i e forme coordonnée (x 1 , . . . , x n ) → x i , on note dx i sa différen-
tielle ; en chaque point a de Rn on a, pour tout h de Rn dx i (a)(h) = h i .
Nous rencontrons dès maintenant deux des grandes difficultés de calcul différentiel :
— pratique d’abord : il convient d’être très minutieux et de respecter avec soin les
définitions, sous peine d’erreur immédiate ;
— intrinsèque ensuite : le fait que l’on désigne par la même lettre la fonction x 7→ x
et la variable x, qui sont deux objets différents, est source de nombreuses confu-
sions.
2. On s’intéresse à la différentielle dans L c (E ) de u 7→ u −1 ; les résultats obtenus ici nous
servirons lors de la preuve du théorème d’inversion locale. Soit E un espace de Ba-
nach. Montrons d’abord que

GL c (E ) → GL c (E )
Gl c (E ) est ouvert et l’application Inv : est continuement diffé-
u 7→ u −1
rentiable.

Première étape : la boule B (Id, 1) est contenue dans GL c (E ).


Comme E est complet — cette hypothèse est ici indispensable — L c (E , E ) est aussi
complet et toute série absolument convergente de L c (E , E ) converge. On en déduit,
en notant k·k la norme subordonnée sur L c (E , E ) = L c (E ) que pour tout v de L c (E )
tel que kvk ≤ 1 la série

Id − v + v2 v3 + ···

est convergente : comme k·k est d’algèbre on a °v k ° ≤ kvkk avec kvk < 1, d’où la
° °

convergence absolue de la série. On constate ensuite que

Id − v + v 2 + v 3 + · · · + (−1)n v n (I d + v) = Id + (−1)n+1 v n+1


¡ ¢

tend vers Id en +∞ donc la somme w de la série étudiée est un inverse à gauche pour
Id + v ; on vérifie de même qu’il s’agit aussi d’un inverse à droite. Ainsi, tout élément
de B (Id, 1) est inversible.
³ ´
1
Deuxième étape : si a ∈ GL c (E ), la boule B a, est contenue dans GL c (E ).
ka −1 k
1
Soit h ∈ L c (E , F ), avec khk < , comme a est inversible, on factorise
ka −1 k
a + h = a Id + a −1 h
° −1 ° ° −1 °
avec °a h ° ≤ °a ° khk < 1
¡ ¢

selon la première étape Id + a −1 h est inversible, comme a l’est aussi, le produit a + h


est dans GL c (E ).

337
Troisième étape : continuité de l’application u 7→ u −1 .
Reprenons le calcul précédent, en posant v = a −1 h il vient

(a + h)−1 − a −1 = Id + a −1 h a −1 − a −1 = (Id + v)−1 − Id a −1 .


¡ ¢ ¡ ¢

Mais
°(Id + v)−1 − Id° v2 v3
° ° ° °
= °v − + − ···°
≤ kvk + kvk2 + kvk3 + ···
kvk
=
1 − kvk
donc
° −1 ° °a −1 h °
° °
°(a + h)−1 − a −1 °
° °
≤ °a °
1 − °a −1 h °
° °

où le membre de droite tend vers 0 avec h.

L’application u 7→ u −1 est continument différentiable :


Le calcul ci-dessus montre que la différentielle de u 7→ u −1 est issue du terme en h de
la série v − v 2 + v 3 − · · · de façon plus précise (avec v = a −1 h) :
° −1 ° ° 2
°(a + h)−1 − a −1 + a −1 ha −1 ° °a ° . °v − v 3 + v 4 − · · · °
° ° °

°a ° kvk2 + kvk3 + kvk4 + · · ·
° −1 ° ¡ ¢

° −1 ° kvk2
= °a ° .
1 − kvk

Dès que °a −1 h ° < 12 on aura


° °

°3
°(a + h)−1 − a −1 + a −1 ha −1 ° 2 °a −1 ° khk2
° ° °

de là (a + h)−1 − a −1 + a −1 ha −1 = o(h), ce qui achève la preuve de la différentiabilité.


Enfin, comme Inv : a 7→ a −1 est continue on vérifie directement que l’application dif-
férentielle :
d Inv : GL c (E ) → L (L c (E ))
a 7→ d Inva : L c (E ) → L c (E )
h 7→ −a −1 ha −1

est continue.
3. Applications multilinéaires continues :
Soit E 1 × E 2 × · · · × E n un produit d’evn, et p une application multilinéaire continue de
E 1 × E 2 × · · · × E n dans l’evn F . Alors p est différentiable en tout point (x 1 , . . . , x n ) et sa
différentielle u en ce point donnée par
n
X
u (h 1 , . . . , h n ) = p (x 1 , . . . , x k−1 , hk , x k+1 , . . . , x n ) .
k=1

Il suffit en fait d’évaluer la différence :

∆ = p (x 1 + h 1 , . . . , x n + h n ) − p (x 1 , . . . , x n )

338
On a
n
X
∆ = p (x 1 , . . . , x k−1 , h k , x k+1 , . . . , x n ) + δ
k=1

où δ est une somme ne comportant que des termes de la forme p (. . . , h k , . . . , h l , . . .), où


deux au moins des h i apparaissent ; cette somme est, en norme, majorée par
¢n−2
M 2n khk2 kxk2 + khk2 o(h)
¡
=
©° °
où M = sup °p (x 1 , . . . , x n )° ; kx i k ≤ 1 et où l’on a pris la norme sup. sur le produit
ª

(se persuader des ces affirmations sur le cas n = 2, n = 3, qui éclairent fort bien le cas
général), d’où la différentiabilité annoncée.
4. Applications différentiables :
Rappelons que la dérivabilité d’une application de l’intervalle I de R dans l’env E au
point a de I s’exprime aussi par une identité

f (a + h) = f (a) + hλ + o(h)

égalité qui amène après division par h la dérivabilité au point a, le vecteur dérivée
étant λ.

C OMPOSITION DES DIFFÉRENTIELLES

30.1.6 Théorème
Soient E , F et G trois evn, f une fonction de E dans F différentiable en a et g une fonction
de F dans G différentiable en b = f (a) ; la fonction g ◦ f est alors différentiable en a et de dif-
férentielle dg b ◦ d f a .

Démonstration : Posons φ = d f a et ψ = dg b ; par hypothèse :

f (x) = f (a) + φ(x − a) + kx − ak ε (x − a) où lim ε (x − a) = 0


° ° ¡ x→a
g (y) = g (b) ψ(y − b) + ° y − b ° α y − b où lim α y − b = 0
¢ ¡ ¢
+
y→b

Posons y = f (x), nous avons tout d’abord


° ° ° °
°y − b° = °φ (x − a)° + kx − ak kε(x − a)k ≤ (L + 1) kx − ak
¯¯¯ ¯¯¯
où L = ¯¯¯φ¯¯¯ (norme d’application linéaire), puis par substitution
° ° ¡
g f (x) g f (a) ψ φ(x − a) kx − ak ψ (ε (x − a)) °y − b° α y − b
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢ ¢
= + + +
° ¡
où °α y − b ° tend vers 0 en a, on a donc bien
¢°

g f (x) g f (a) ψ φ (x − a) o (x − a) . QED.


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
= + +

339
30.1.7 Applications
1. Dérivation de la composée d’une application dérivable et d’une application diffé-
rentiable :
Soit α une application de l’intervalle I de R dans l’ouvert Ω de E dérivable au point t 0 ,
soit f une application de Ω dans F , différentiable au point ¡ 0a = ¢f (t 0 ).
La fonction f ◦ α est dérivable en t 0 , de dérivée d i f f f a α (t 0 ) (différentielle de f en
a = f (t 0 ) appliquée au vecteur α0 (t 0 )).
En effet, α est différentiable en t 0 et sa différentielle est l’application linéaire h 7→
hα0 (t 0 ). Moyennant le théorème de composition, f ◦ α est différentiable en t 0 , et sa
différentielle est la composée des différentielles de f et de α soit

h 7−−→ d f a hα0 (t 0 ) = h . d f a α0 (t 0 )
¡ ¢ ¡ ¢

On interprète maintenant ce fait comme la dérivabilité de f ◦ g en t 0 , vecteur dérivé


étant d f a α0 (t 0 ) .
¡ ¢

Retenir cette règle, fondamentale en calcul différentiel.

Illustration : Si E 6= { 0 }, une norme N n’est jamais différentiable en 0. Sinon, on choisit


a 6= 0 et t 7→ t a est alors dérivable en 0, donc aussi t 7→ N (t a) = |t | N (a) : non !
2. Calculs de différentielles :
Si v est une fonction dérivable de variable réelle et f une application différentiable de
Ω dans R, v ◦ f est différentiable et sa différentielle est donnée par

d v ◦ f a (h) = v 0 f (a) . d f a (h).


¡ ¢ ¡ ¢

p p
Par exemple, si f est > 0 et si v(x) = x la diférentielle de f en a est la forme linéaire
sur E : h 7→ p1 d f a (h).
2 f (a)

I NVERSION D ’ UN APPLICATION DIFFÉRENTIABLE

30.1.8 Théorème
Soient Ω un ouvert de E et f une application de Ω dans F et a dans Ω. On suppose que f
est un homéomorphisme de Ω sur un ouvert Ω0 de F , de réciproque g .
i) Si f et g sont différentiable aux points a et b = f (a) respectivement, φ = d f a et ψ = dg b
sont deux isomorphismes d’evn inverses l’un de l’autre.
ii) Si f est différentiable en a, et si φ = d f a est un isomorphisme d’evn, g est différentiable
en b = f (a) de différentielle ψ = φ−1 .
Ce théorème montre que
— l’inversibilité de la différentielle est une condition nécessaire de différentiabilité d’un
éventuel inverse ;
— pour prouver la différentiabilité d’un inverse dont l’existence est acquise, il suffit de
montrer qu’il est continu et que d f a est inversible.

340
Démonstration :
i) Vient immédiatement si l’on différentie g ◦ f = IdΩ et f ◦ g = IdΩ0 :

dg b ◦ d f a = IdE et d f a ◦ dg b = IdF .

ii) Prouvons d’abord l’existence d’un nombre λ > 0 et d’un voisinage U de a tels que
° °
∀x ∈ U , ° f (x) − f (a)° ≥ λ kx − ak .

Partons de l’identité de la différentielle

f (x) = f (a) + φ(x − a) + kx − ak ε(x − a) où lim ε(x − a) = 0


x→a

on écrit ° −1 ¡ ° −1 ° ° °
kx − ak °φ φ(x − a) ° °φ ° . °φ(x) − φ(a)°
¢°
= ≤
Puis l’on exprime que f et φ sont proches au voisinage de a, en choisissant U de sorte
que
1° °−1
∀x, x ∈ U =⇒ kε(x − a)k ≤ °φ−1 °
2
Il vient alors
° ° ° °
° f (x) − f (a)° ≥ °φ(x) − φ(a)° − kx − ak . kε (x − a)k
° −1 °−1 1 ° −1 °−1
µ ¶
≥ ° φ ° − °φ ° kx − ak
2
°−1
d’où le résultat avec λ = 12 °φ−1 ° .
°

On veut maintenant une identité


° °
g (y) = g (b) + ψ(y − b) + ° y − b ° α(y − b) où lim ε(x − a) = 0.
x→a

Soit V = f (U ), par hypothèse V est un voisinage de b. Lorsque y = f (x) est dans V , et


x = g (y) dans U , l’égalité de la différentielle pour f devient

y − b = φ g (y) − g (b) + kx − ak ε g (y) − g (b)


¡ ¢ ¡ ¢

en composant par l’application linéaire continue ψ = φ−1

g (y) − g (b) φ(y − b) kx − ak α y − b


¡ ¢
= −

où α(y − b) = ψ ε g (y) − g (a) tend vers 0 lorsque y tend vers b. Avec le résultat pré-
¡ ¡ ¢¢

liminaire
kx − ak ≤ λ−1 ° y − b °
° °

donc
kx − ak α y − b o y − b . QED.
¡ ¢ ¡ ¢
=

B : ne pas confondre ce théorème avec celui d’inversion locale ; où l’on montre l’existence
d’un inverse.

341
30.2 Inégalité des accroissements finis
Si f est une application de Ω dans F différentiable en a et si h et dans E , la dérivée de f
selon le vecteur h est le vecteur d f a (h), il s’agit de la dérivée en 0 de l’application (définie au
voisinage de 0 dans R) t 7→ f (a + t h).

B : nous noterons ici d f (x) la différentielle de f en x (au lieu de d f x ).

30.2.1 Théorème
Soit f une application de classe C 1 de l’ouvert Ω de E dans F . Soient a et b deux points
de Ω tels que le segment [ a ; b ] soit contenu dans Ω. On a l’inégalité :
° ° ¯¯¯ ¡ ¢¯¯¯
° f (b) − f (a)° ≤ sup ¯¯¯d f (1 − t ) a + t b ¯¯¯. kb − ak .
t ∈[ 0;1 ]

Démonstration : Introduisons la fonction auxiliaire

: t 7−−→ f (1 − t ) a + t b f a + t (b − a)
¡ ¢ ¡ ¢
α =

correctement définie puisque [ a ; b ] est contenu dans Ω. La fonction α est par composition
dérivable et sa dérivée en t est

α0 (t ) d f (1 − t a) + t b . (b − a)
¡ ¢
=

Variante utile : soient f une application de classe C 1 de l’ouvert Ω de E dans F et L une


application linéaire continue de E dans F . Soient a et b deux point de Ω tels que le segment
[a, b] soit contenu dans Ω. On a l’inégalité
° ° ¯¯¯ ¡ ¯¯¯
° f (b) − f (a) − L(b − a)° sup ¯¯¯d f (1 − t )a + t b − L ¯¯¯. kb − ak .
¢

t ∈[0,1]

Preuve : il suffit d’appliquer le théorème 30.2.1 à la fonction x 7→ f (x) − L(x).

30.2.2 Théorème.
Soit f n n∈N une suite de fonctions de classe C 1 de l’ouvert Ω de E dans¡ F¢, convergeant
¡ ¢

simplement vers la fonction f . Si la suite des applications différentielles d f n n∈N converge


uniformément vers une application g sur Ω, f est différentiable de différentielle g (a) en tout
point de Ω.

À nouveau, où sont les objets ? Chaque d f n est une application Ω dans L c (E , F ) , donc
g est une application de Ω dans L c (E , F ), et g (a) est bien une application linéaire continue
de Ω dans L c (E , F ).

Démonstration : elle repose pour l’essentiel sur un usage bien compris de l’inégalité des
accroissements finis. On se ramène, par restriction à un voisinage, au cas où Ω est convexe.
La différentielle par rapport à z de f n (z) − f n (x) − d f n (x)(z − x) est l’application linéaire (de

342
E dans F ) d f n (z) − d f n (x). On en déduit par l’inégalité des accroissements finis pour z 7→
f n (z) − f n (x) − d f n (x)(z − x) que, pour tout y de Ω
° ° ° ° ° °
° f n (y) − f n (x) d f n (x)(y − x) ° sup ° d f n (1 − t )x + t y d f n (x) ° · ° y − x °
¡ ¢
− ≤ −
t ∈[0,1]

(cf. la variante de IAF, que l’on peut appliquer directement avec L = d f n (x)). Faisons tendre
n vers +∞ il vient
° ° ° ¡ ° ° °
° f (y) − f (x) g (x)(y − x) ° sup ° g (1 − t )x + t y g (x) ° · ° y − x ° .
¢
− ≤ −
t ∈[0,1]

On observe maintentant que g , limite uniforme de fonctions continues, est continue : à ε > 0
donné, pour y proche de x on a
° ° ° °
° f (y) − f (x) − g (x)(y − x) ° ≤ ε °y − x°

ce qui montre bien que f est différentiable au point x de différentielle g (x). QED.

Remarque : ce résultat se généralise immédiatement, compte-tenu de sa formulation,


au cas où la convergence uniforme est locale.

On dispose par passage aux sommes partielles d’un énoncé analogue concernant les sé-
ries. Comme souvent, les hypothèses de convergence normale sur la série des différentielles
se traduisent par un critère de Cauchy, d’où l’importance de la complétude.

30.2.3 Théorème.
Soit n∈N u n une série d’applications de classe C 1 de l’ouvert Ω de l’evn E , à valeurs dans
P

l’evn F .
— On suppose n∈N u n simplement convergente. Si la série n∈N du n des différentielles est
P P

uniformément convergente dans L c (E , F ) , la somme U de n∈N u n est de classe C 1 sur


P

Ω, et la différentielle de U est la somme de la série n∈N du n .


P

— On suppose n∈N u n simplement convergente. Si la série n∈N du n des différentielles est


P P

normalement convergente et si F est complet, la somme U de n∈N u n est de classe C 1


P

sur Ω, et la différentielle de U est la somme de la série n∈N du n .


P

Remarques : les hypothèses sont de nature locale i.e. il suffit de les vérifier au voisinage
de chaque point de Ω.
Sous les mêmes hypothèses, le théorème des accroissements finis montre usuellement que
la convergence obtenue pour les f n , ou la série n∈N u n , est localement uniforme.
P

30.2.4 Application : différentielle de l’exponentielle.


Soit (A, k·, ·k) une algèbre normée unitaire complète. La série de fonctions de terme gé-
néral
X an
n∈N n!

343
est normalement convergente sur les boules B (0, R), R ∈ R+∗ . Comme A est une algèbre de
Banach, cette série converge uniformément sur les parties bornées et sa somme a 7→ exp(a)
est une fonction continue de A dans A. Soient a et h dans A, il vient

(a + h)n − h n − a n−1 h + a n−2 ha + · · · + ha n−1 = S


¡ ¢

où S est la somme de 2n − n − 1 produits de n termes égaux à h ou a, dans lesquels figurent


au moins deux termes en h. Il en résulte, compte-tenu du caractère sous-multiplicatif de la
norme, l’inégalité :

kSk ≤ 2n (1 + kak)n−2 khk2 = O khk2 = o (khk)


¡ ¢

qui montre que la fonction x 7→ x n est différentiable en a de différentielle h 7→ a n−1 h +


1 n
a n−2 ha + · · · + ha n−1 . De là, u n : x 7→ n! x est différentiable, et l’on a, pour tout (a, h) ∈ A 2 :

1 ¡ n−1
du n (a)(h) a h a n−2 ha ha n−1 .
¢
= + + ··· +
n!
1
On en déduit que, pour a ∈ B (a, R), kdu n (a)k est majorée par (n−1)! R n−1 ; les conditions du
théorème ci-dessus sont donc remplies ; pour tout a ∈ A l’exponentielle est différentiable en
a de différentielle
+∞ 1 ¡ n−1
a n−2 ha ha n−1 .
X
d exp(a)(h) a h
¢
= + + ··· +
n=1 n!

En particulier, la différentielle en 0 est l’identité, et si A est commutative, il s’agit de


h 7→ exp(a) · h.

30.3 Espaces produits


Soient E 1 , . . . , E p p espaces vectoriels normés, munit le produit E 1 × E 2 × · · · × E p de sa
structure d’evn produit. On dispose alors des deux théorèmes suivants :

30.3.1 Théorème
Soit f = ( f 1 , . . . , f p ) une application de l’ouvert Ω de E dans E 1 × E 2 × · · · × E p . Alors f est
différentiable au point a ssi ses composantes f 1 , . . . , f p le sont ; et dans ce cas la différentielle
est donnée pour h dans E par

d f a (h) = d f 1 a (h) , . . . , d f p a (h) .


¡ ¢

Démonstration : la condition est nécessaire : si f est différentiable, la i e projection p i


étant différentiable, f i = p i ◦ f l’est aussi. Lorsque les f i sont différentiables on vérifie direc-
tement, par écriture de la définition (dans l’evn produit), le caractère différentiable de f et
l’égalité annoncée.

Extension : ce résultat montre que f est C 1 ssi ses composantes f 1 , . . . , f p le sont aussi.

344
Important : en dimension finie, la donnée d’une base (ε1 , . . . , εp ) du but F permet d’iden-
tifier ce dernier à un espace produit : on muni F de la norme
° ° ¡¯ ¯ ¯ ¯¢
° y 1 ε1 + · · · + y p εp ° = max ¯ y 1 ¯ , . . . , ¯ y p ¯

ce qui, du fait de la dimension finie, équivalente à la norme de départ ; l’application de F


sur l’espace produit Kp définie par y 1 ε1 + · · · + y p εp 7→ (y 1 , . . . , y p ) est alors une bijection
isométrique de F sur l’espace produit Kp . Nous pouvons écrire

f (x) = f 1 (x)ε1 + · · · + f p (x)εp

ce qui identifie f et l’application de composantes ( f 1 , . . . , f p ) de E dans Kp ; le théorème de


différentiabilité donné ci-dessus s’applique immédiatement : f est différentiable au point a
ssi ses composantes f 1 , . . . , f p le sont.

D IFFÉRENTIELLES ET DÉRIVÉES PARTIELLES

30.3.2 Théorème
Soit U un ouvert de l’evn produit E 1 × E 2 × · · · × E p , f une application de U dans F . Si f
est différentiable au point a = (a 1 , . . . , a p ) de U , les applications partielles f a,i :

f a,i : E → F
x 7→ f (a 1 , . . . , a i −1 , x, a i +1 , . . . , a p )

définies au voisinage de a i , sont différentiables en a i . Si d f a,i est la différetielle de f a,i en a i ,


on a pour tout (h 1 , . . . , h p ) de E 1 × E 2 × · · · × E p

p
X
d f a (h 1 , . . . , h p ) = d f a,i (h i ).
i =1

Démonstration : soit ρ i l’application affine :

ρi : E → F
x 7→ (a 1 , . . . , a i −1 , x, a i +1 , . . . , a p ),

f a,i est la composée de f et de ρ i , et ρ i est différentiable de différentielle

h 7→ (0, . . . , 0, h, 0, . . . , 0).

La règle de composition s’applique : f a,i est différentiable en a i de différentielle

h → d f a (0, . . . , 0, h, 0, . . . , 0).

En écrivant (h 1 , . . . , h p ) = (h 1 , 0, . . . , 0)+(0, h 2 , 0, . . . , 0)+· · ·+(0, . . . , 0, h p ) et usant de la linéarité


de d f a la formule annoncée vient. QED.

345
30.3.3 Cas de Rn
On suppose cette fois que l’ouvert de départ U est contenu dans Rn , dont on note (e 1 , . . . , e n )
la base canonique. Les applications partielles de f au point a sont alos des fonctions vecto-
rielles de la variable réelle x. On peut envisager de les dériver, au sens ordinaire du terme,
∂f
obtenant alors l’usuelle dérivée partielle de f au point a, notée ∂x (a). Quel est le lien avec
i
une éventuelle différentielle partielle de f ? Il suffit pour l’obtenir de se souvenir du fait que
la différentielle d’une application dérivable α en t 0 est l’application linéaire de R dans F :
∂f
h 7→ hα0 (t 0 ), ici h 7→ h ∂x (a) ; la formule donnant la différentielle devient
i

n
X ∂f
d f a (h 1 , . . . , h n ) = hi (a).
i =1 ∂x i

On retrouve ceci directement si l’on observe que, par définition, la différentielle partielle
∂f
∂x
(a) est la dérivée en 0 de la fonction t → f (a + t e i ) (expliciter la fonction de t grâce aux
i
∂f
coordonées), c’est-à-dire la dérivée de f selon e i soit ∂x i
(a) = d f a (e i ).
Comme d f a est linéaire
n
X n
X ∂f
d f a (h 1 , . . . , h n ) = d f a (h 1 e 1 + . . . + h n e n ) = h i d f a (e i ) = hi (a).
i =1 i =1 ∂x i

B ! comme toujours, lorsque l’on use d’applications partielles, il n’y a pas d’équivalence
entre la régularité de la fonction et celle de ses fonctions partielles. C’est bien normal si
l’on considère que la connaissance des fonctions partielles de f en un point ne donne d’in-
formations sur le comportement de f que sur une très petite partie de l’espace global (les
axes).
Il convient de bien distinguer ce cas de celui où le but est un espace produit, la variable
source étant considérée dans sa globalité, qui ne pose aucun problème.
Un exemple « pathologique » : considérons le cas de la fonction f définie sur R2 par

x2 y
f (x, y) = pour (x, y) 6= (0, 0) et f (0, 0) = 0.
x4 + y 2

La fonction possède en (0, 0) une dérivée dans toutes les directions ; en effet, f (0, y) est tou-
jours nul et si y = px, p 6= 0, nous obtenons
px
f (x, px) =
x2 + p2

qui tend vers 0 en 0.


La fonction f n’est pas continue en 0 : l’idée géométrique est d’approcher (0, 0) « en tour-
nant », de façon plus précise, le long de la parabole y = x 2 ; en effet

x4 1
f (x, x 2 ) = =
x4 + x4 2
qui ne tend pas vers f (0, 0) = 0 lorsque x tend vers 0.

346
30.3.4 Théorème
Soit f une application de l’ouvert U de Rn dans l’espace vectoriel normé F , possédant
n dérivées partielles sur U . Si ces dérivées partielles sont continues au point a de U , f est
différentiable au point a de U et sa différentielle est donnée par
n
X ∂f
d f a (h 1 , . . . , h n ) = hi (a).
i =1 ∂x i

Démonstration : on écrit
f (a 1 + h 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n−1 + h n−1 , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 , . . . , a n−1 , a n )

= f (a 1 + h 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n−1 + h n−1 , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n + h n )

+ f (a 1 , a 2 + h 2 , a 3 + h 3 , . . . , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 , a 3 + h 3 , . . . , a n + h n )

+ ··· − ···

+ f (a 1 , a 2 , . . . , a n−1 , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 , . . . , a n−1 , a n )
∂f
Nous allons montrer que chaque différence, moins le h i ∂x (a) correspondant, est négli-
i
geable devant max (|h 1 | , . . . , |h n |). Pour la première, considérons la fonction auxiliaire α(t )
définie pour t ∈ [ 0 ; 1 ] par
α ∂f
→ f (a 1 + t h 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n + h n ) − t h 1
t 7− (a 1 , . . . , a n ) ,
∂x 1
∂f ∂f
sa dérivée est α0 (t ) = h 1 ∂x1 (a 1 + t h 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n + h n ) − h 1 ∂x1 (a 1 , . . . , a n ).
A ε > 0 donné, la continuité des dérivées partielles en a nous permet de trouver un réel r 1 > 0
tel que, pour max (|h 1 | , . . . , |h n |) < r 1 , on ait
° ∂f ∂f
° °
°
°
° ∂x (a 1 + t h 1 , . . . , a n + h n ) − (a 1 , . . . , a n ) ° < ε.
1 ∂x 1 °

Par l’inégalité des accroissement finis

kα(1) − α(0)k ≤ ε max (|h 1 | , . . . , |h n |) ,

soit
∂f
° °
° °
° f (a 1 + h 1 , . . . , a n + h n ) − f (a 1 , a 2 + h 2 , . . . , a n + h n ) − h1 (a 1 , . . . , a n )°
° ∂x 1 °
≤ ε . max (|h 1 | , . . . , |h n |)

(à nouveau, c’est une application de l’IAF). On reprend le même raisonnement pour i =


1, . . . , n, de là, pour
max (|h 1 | , . . . , |h n |) ≤ min (r 1 , . . . , r n )
il vient
° °
° X n ∂f °
° f (a 1 + h 1 , . . . , a n + h n ) − f (a 1 , . . . , a n ) − hi (a)° ≤ ε.n. max (|h 1 | , . . . , |h n |)
° °
° i =1 ∂x i °

347
30.3.5 Théorème
Soit f une application de l’ouvert U de Rn dans l’espace vectoriel normé F , possédant n
dérivées partielles sur U ; la fonction f est de classe C 1 si et seulement si ses dérivées partielles
sont continues sur U .

Démonstration : si f est de classe C 1 , on écrit pour a et b dans U


° ∂f f
° °
∂ ° ° ° ¯¯¯ ¯¯¯
° ∂x (a) − ∂x (b)° =
° ° °d f a (e i ) − d f b (e i )° ≤ ¯¯¯d f a − d f b ¯¯¯ ke i k
i i

le membre de droite tend vers 0 donc les dérivées partielles sont continues. En sens inverse,
si les dérivées partielles de f continues sur U , f y est différentiable et
n ° ∂f ∂f
° °
°¡ ¢ ° X °
° d f a − d f b (h)° ≤ |h i | . °
° (a) − (b)°
i =1 ∂x i ∂x i °

il vient en normant Rn par k·k∞


n ° ∂f ∂f
° °
¯¯¯ ¯¯¯ X °
¯¯¯d f a − d f b ¯¯¯ ≤ ° ∂x (a) − ∂x (b)°
° °
i =1 i i

Si b tend vers a, le membre de droite tend vers 0 donc aussi celui de gauche. QED.

Remarque : tous ces résultats de transposent immédiatement au cas où la source E


est de dimension finie car la donnée d’une base (e 1 , . . . , e n ) de E permet d’indentifier algé-
briquement et topologiquement E à Rn . Les dérivées partielles obtenues moyennant cette
identification s’appellent les dérivées partielles de f dans la base (e 1 , . . . , e n ).

Application : toutes les fractions rationnelles sont de classe C 1 sur leur domaine de défi-
nition. À titre d’exemple important, calculons la différentielle du déterminant :£l’idée¤ est pro-
céder avec les dérivées partielles. Pour calculer la dérivée partielle en A, A = a i , j (i , j )∈‚1,nƒ ,
par rapport à a i , j , on développe det A par rapport à la j e colonne
n
a k, j (−1)k+ j C k, j
X
det A = où C k, j est le cofacteur correspondant à a k, j .
i =1

Observons — c’est essentiel — que C k, j ne fait intervenir aucun des termes a k, j de la j e


colonne, donc si l’on dérive le membre de droite de l’égalité ci-dessus par rapport à a k, j les
C k, j doivent être considérés comme des constantes, il reste ainsi

∂ det A
= (−1) j +k C k, j .
∂a k, j

Par suite
n
(−1)k+ j C k, j h k, j tr t com (A) .H
X
d (det A) (H )
¡ ¢
= =
i =1

où tr est la trace et t com (A) la transposée de la comatrice (−1) j +k C k, j (k, j )∈‚1,nƒ .


£ ¤

348
G RADIENT DANS UN ESPACE EUCLIDIEN

30.3.6 Théorème-Définition
Soit E un espace vectoriel euclidien, et soit f une application de l’ouvert Ω de E dans R,
différentiable au point a de Ω. Il existe un vecteur et un seul de E tel que, pour tout h de E ,
d f a (h) = 〈u | h〉. Le vecteur u s’appelle le gradient de f au point a et se note grad f a , ou ∇ f a
(ou ∇ f (a) etc.).

Démonstration : on sait (cf. mathématiques générales) que l’application x 7→ 〈x | ·〉 est


un isomorphisme de E sur son dual. Il existe de ce fait un unique u de E tel que la forme
linéaire 〈u | ·〉 soit d f a .

Coordonnées en base orthonormée : si (e 1 , . . . , e n ) est une base orthonormée de E , et


si l’on prend les dérivées partielles de f dans cette base, la différentielle de f se calcule par
l’identité
n
X ∂f
∇ f (a) | h 1 e 1 + · · · + h n e n d f a (h 1 e 1 + · · · + h n e n ) hi (a).
­ ®
= =
i =0 ∂x i

Identifions, il vient :
X n ∂f
∇ f (a) = (a)e i ,
i =0 ∂x i

en particulier, dans Rn canonique



∂f ∂f

∇ f (a) = (a), . . . , (a) (vecteur colonne).
∂x 1 ∂x n

Exemple : cherchons le gradient


a) de l’application de l’evn E dans R : x 7→ kxk2 ;
b) de x 7→ kxk ;
c) de M 7→ AM dans un espace affine euclidien.

a◦ ) On peut le faire en b.o.n. avec les coordonnées, mais aussi directement :

kx + hk2 − kxk2 = 2 〈x | h〉 + khk2 , khk2 = o (khk)

donc la différentielle de x 7→ kxk2 est h 7→ 2 〈x | h〉 et le gradient 2x.


b◦ ) On utilise l’exemple de composition d’application dérivable et différentiable donné
au § 30.1.7
La norme k·k n’est pas différentiable en 0, mais pour x 6= 0 il s’agit de la composée de
p
· et de k·k2 , elle est de ce fait différentiable et sa différentielle est donnée par

〈x | h〉
h 7−−→ .
kxk
AM
c◦ ) Il suffit de vectorialiser l’espace en A : le gradient est alors le vecteur kAM k .

349
30.4 Matrice jacobienne et jacobien
30.4.1 Théorème-Définition
Soit f une application de l’ouvert U de Rn dans Rp , différentiable au point a de U , de
composantes ( f 1 , . . . , f p ). La matrice J f (a) de la différentiable de f en a dans les bases cano-
niques de Rn et Rp est appelée matrice jacobienne de f en a, et l’on a
 ∂ f1 ∂ f1 
∂x 1
(a) · · · ∂x n
(a)
 .. .. 
J f (a) = 
 . . 

∂ fp ∂ fp
∂x 1
(a) ··· ∂x n
(a)

Il faut retenir que les différentielles des composantes sont placées en ligne, et que chaque
colonne correspond à une différentiation partielle par rapport à une variable.

Démonstration : on sait que, pour tout h =t (h 1 , . . . , h n ) de Rn ,

d f a (h 1 , . . . , h n ) d f 1 a (h), . . . , d f p a (h)
¡ ¢
=

avec
n
X ∂ fk
d f k a (h 1 , . . . , h n ) = hi
i =1 ∂x i
on a donc bien
d f a (h) = J f (a)h. QED.

30.4.2 Définition
Avec les notations et hypothèses précédentes, lorsque n = p, le determinant de J f (a)
s’appelle le jacobien de f en a et se note DJ f (a).

Le jacobien joue un grand rôle dans les problèmes de changement de variables, cf. le §
32 : inversion locale.

C OMPOSITION DES DÉRIVÉES PARTIELLES

30.4.3 Théorème
Soit f une application différentiable de l’ouvert U de Rn dans Rp , soit g une application
différentiable de l’ouvert V de Rp dans R…q , avec † f (U ) contenu dans V . Si a ∈ U et b = f (a) la
dérivée partielle d’indice (i , j ) ∈ ‚1, nƒ × 1, p de g ◦ f en a est donnée par

p
X ∂g i ∂ fk
(b) (a)
k=1 ∂y k ∂x j

350
Démonstration : il suffit de regarder les matrices jacobiennes : la différentielle de g ◦ f
en a est dg b ◦ d f a , donc la matrice jacobienne de g ◦ f en a est le produit des matrices jaco-
biennes de g et de f en b et a respectivement, on effectue enfin le classique produit « ligne
par colonne ». QED.

S’exercer avec des fonctions de deux et de trois variables, des coordonnées polaires ...

EXERCICES

° °
1) Soit f : ] a ; b ] → E evn, continue et g = ° f °. Montrer que g dérivable à droite si f déri-
vable à droite (utiliser la convexité de la norme et les propriétés des fonctions convexes
d’une variable).
2) Soient U un ouvert connexe de l’evn E , et f une application différentiable de U dans
F de différentielle constante. Montrer que f est la restriction à U d’une application
affine de U dans F .
3) Soit f une application C 1 de l’intervalle I de R dans l’evn E et g :

g : I ×I → E
f (x)− f (y)
(x, y) 7→ g (x, y) = x−y .

a) Montrer que g est continue.


b) Prouver que g est différentiable en (x 0 , y 0 ) si ∃ f 00 (x 0 ).
4) Continuité et différentiabilité sur R2 de la somme de la série de terme général

cos nx.y n
u n (x, y) = .
n!

Mn (R) → R
5) Trouver la différentielle de l’application φp : . Lorsque A est nil-
A 7→ tr (A p )
potente de rang n −1, montrer que les différentielles des φp en A sont indépendantes,
p = 1, . . . , n − 1.

351
352
Chapitre 31

Différentielles d’ordre supérieur

Soit Ω un ouvert de Rn , et soit f une fonction de Ω dans un evn (F, k·kF ). S’il est fa-
cile de définir par
³ récurrence (lorsqu’elles existent) les dérivées partielles successives de f ,
∂2 f ∂f ∂f
³ ´´
soit ∂x ∂x (a) = ∂x ∂x (a) etc. la description des différentielles successives est nettement
j i j i
plus délicate : dans le cas des dérivées partielles, le but reste le même, ici F ; dans le cas
des différentielles la première application différentielle va déjà de Ω dans L (Rn , F ), donc
la deuxième va de Ω dans L (Rn , L (Rn , F )), et ainsi de suite, ce qui complique la situation.
Pour familiariser le lecteur avec les problèmes de différentiabilité d’ordre ≥ 2, nous allons
commencer par une étude détaillée du cas de la différentiation à l’ordre 2, qui est dans la
pratique immédiate plus important (penser aux fonctions harmoniques, au problème de
Dirichelet, à la théorie du potentiel ; ou encore à la théorie de Morse).
Dans tout ce qui suit, (E , k·kE ) et (F, k·kF ) sont deux evn notés plus brièvement E et F ; lorsque
cela n’entraîne pas de confusion, les normes sur E et sur F seront écrites de la même façon
k·k, la notation |||·||| étant réservée aux normes d’opérateurs. Enfin L c (E , F ) désigne l’espace
vectoriel des applications linéaires continues de E dans F muni de la norme d’opérateur
associée aux normes de E et F .

31.1 Préliminaire algébrique


L’identification suivante est lourde mais incontournable :

31.1.1 Théorème
Soient E et F deux evn.
© ° On munit
° l’espace B2c°(E°, F ) desªapplications bilinéaires continues
de la norme kB k = sup B (x, y)°F ; kxkE ≤ 1 , ° y °E ≤ 1 et l’espace L c (E , L c (E , F )) de la
°
norme associée aux normes de E et L c (E , F ). Les applications canoniques

Φ : L c (E , L c (E , F )) −−→ B2c (E , F )

E ×E → F
µ ¶
φ 7−−→
(x, y) 7→ φ(x)(y)

353
et
Ψ : B2c (E , F ) −−→ L c (E , L c (E , F ))

E → L c (E , F )
µ ¶
B 7−−→
x 7→ B (x, ·)
sont deux isométries bijectives.

Démonstration : bien regarder, une fois encore, où sont les objets ! le fait que Φ et Ψ
soient des bijections réciproques l’une de l’autre se fait directement par vérification des
identités Φ◦Ψ = Id et Ψ◦Φ = Id ; pour le caractère isométrique on écrit, pour Φ par exemple
à !
° °
sup |||B (x, ·)||| = sup sup °B (x, y)° = kB k .
kxk≤1 kxk≤1 k y k≤1

31.2 Étude de la différentielle seconde


31.2.1 Définition
On dit que l’application f de l’ouvert Ω de E dans F est deux fois différentiable au point
a si f est différentiable sur un voisinage U de a et si l’application différentielle d f : U →
L c (E , F ) est différentiable en a ; sa différentielle est alors appelée différentielle seconde de f
en a et notée d2 f a . On dit que f est deux fois différentiable sur Ω si f est deux fois différen-
tiable en tout point de Ω, et de classe C 2 si la différentielle de d f , soit a 7→ d2 f a est de plus
continue.

Qu’est-ce que la différentielle seconde de f en un point a ? Comme d f applique Ω dans


l’evn L c (E , F ), d2 f a est une application linéaire de E dans L c (E , F ). Avec ce qui précède on
l’identifie algébriquement et topologiquement à une application bilinéaire de E 2 dans F

(h, k) → d2 f a (h)(k)

On écrira donc désormais d2 f a (h, k) ; a 7→ d2 f a est ainsi une application de Ω dans l’es-
pace B2c (E , F ) des applications bilinéaires continues de E 2 dans F .

Il est clair qu’une combinaison linéaire d’applications deux fois différentiables l’est aussi,
la différentielle seconde étant donné par la même opération.

31.2.2 Composition
Avec les hypothèses et notations habituelles, la composée de deux applications f , g deux
fois différentiables en a et b = f (a) resp. est deux fois différentiable.

En effet, g ◦ f est différentiable au voisinage de a et sa différentielle est l’application

x 7→ dg f (x) ◦ d f (x)
¡ ¢

354
Expression de la différentielle : (le calcul effectué ci-dessous ne sert qu’aux futurs géo-
mètres différentiels, ou presque, nous retrouverons plus loin, en usant, pour les fonctions
C 2 , de dérivées partielles). Pour y voir plus clair, il faut encore une fois faire le détail minu-
tieux des opérations. Nous noterons ¢ u.h au lieu de u(h) l’action d’une application linéaire u
sur le vecteur h. On obtient d g ◦ f en composant les applications
¡

x 7−−→ dg f (x) , d f (x)


¡ ¡ ¢ ¢

et « loi ◦ »
L c (E , F ) × L c (F,G) → L c (E ,G)
(u, v) 7→ u◦v
— x → dg f (x) est la composée de dg et f ;
¡ ¢

— x → f (x) est par hypothèse différentiable en a ;


— (u, v) → u ◦ v est bilinéaire continue donc différentiable.

La différentielle de x → dg f (x) , d f (x) en a est ici


¡ ¡ ¢ ¢

¡ 2 £
h 7→ d g b d f (a)(h) , d2 f a (h)
¤ ¢

et celle de ◦ en (φ, ψ) :
« d◦ »
(u, v) 7−−−→ φ ◦ v + u ◦ ψ,
en composant à nouveau, avec

φ = d2 g (b)(h), ψ = d fa, u = dg (b), v = d2 f (a)(h),

on obtient la formule :

d2 g ◦ f (a)(h)
¡ 2
dg (b). d f (a).h ◦ d f (a) dg (b) ◦ d2 f (a).h .
¡ ¢ ¡ ¢¢ ¡ ¢
= +

Il est conseillé de faire des diagrammes pour voir où vont les différentes applications li-
néaires en jeu ; finalement, avec les identifications de 31.1.1

d2 g ◦ f (a)(h, k) = d2 g (b). d f (a).h, d f (a).k + dg (b). d2 f (a).(h, k)


¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

formule utile pour les changement de variable aux points critiques.

31.2.3 Cas où la source est de dimension finie


Nous supposerons désormais que E est de dimension finie et identifié à Rn , la base cano-
nique en est notée (e 1 , . . . , e n ). Une application bilinéaire B de Rn ×Rn dans F est déterminée
par la donnée des n 2 vecteurs B (e i , e j ) :
X
B h1 e 1 + · · · + hn e n , k1 e 1 + · · · + kn e n h i k j B (e i , e j )
¡ ¢
=
1≤i ≤n
1≤ j ≤n

dans le cas de d2 f a

d2 f a h 1 e 1 + · · · + h n e n , h i k j d2 f a (e i , e j ).
X
k1 e 1 + · · · + kn e n
¡ ¢
=
1≤i ≤n
1≤ j ≤n

355
31.2.4 Proposition
Si f est deux fois différentiable au point a, f possède des dérivées partielles jusqu’à l’ordre
2 et l’on a
∂2 f
∀(i , j ) ∈ ‚1, nƒ2 , = d2 f a (e i , e j ).
∂x i ∂x j

Démonstration : notons a i , j le vecteur d2 f a (e i , e j ) et soit h = h 1 e 1 + · · · + h n e n . On rap-


pelle d’abord que les dérivées partielles de f en a sont données par

∂f
(a) = d f (a)(e i ) i ∈ ‚1, nƒ (31.1)
∂x i

et que l’on a par hypothèse :

d f (a + h) d f (a) d2 f a (h) o (h) ( où o (h) ∈ L Rn , F )


¡ ¢
− = +

d’où
d f (a + h)(e j ) − d f (a)(e j ) = d2 f a (h)(e j ) + o (h) (31.2)
mais
n
2 2
h i d2 f a (e i , e j ).
X
d f a (h)(e j ) = d f a (h, e j ) = (31.3)
i =1

Il reste donc, en substituant (31.1) et (31.3) dans (31.2)

∂f ∂f n
h i d2 f a (e i , e j )
X
(a + h) − (a) = + o (h)
∂x j ∂x j i =1

∂f
ce qui signifie exactement que les fonctions ∂x j (a) sont différentiables en a, et de plus pos-
∂2 f
sèdent les partielles ∂x i ∂x j
= d2 f a (e i , e j ). QED.

On constate en sens inverse que

31.2.5 Propostition
L’existence et la continuité des dérivées partielles secondes de f entraîne le caractère C 2
de f .

Preuve : notant (e 1∗ , . . . , e n∗ ) la base duale de Rn , on a

n ∂f n ∂f
e i∗ e i∗ (h)
X X
d f (a) = (a) (ce qui signifie que d f (a)(h) = (a) ).
i =1 ∂x i i =1 ∂x i

∂f
Si les fonctions ∂x i
(a) sont différentiables par rapport à a, d f (a) aussi, or la différentiabilité
∂f
des ∂x j
(a) vient de la continuité des différentielles secondes.

356
∂f
Variante importante de la preuve ci-dessus : les dérivées partielles ∂x (a) de f sont
i
les composantes de la différentielle de f dans L (Rn , F ), espace identifié algébriquement et
topologiquement à F n de la façon¡ classique suivante : si φ est une application linéaire de Rn
dans F , on lui associe l’élément φ(e 1 ), . . . , φ(e n ) de F n .
¢

Comme le caractère différentiable d’une application équivaut à celui de ses composantes,


d f est continûment différentiable ssi les applications dérivées partielles
∂f
(x 1 , . . . , x n ) 7→ (x 1 , . . . , x n )
∂x j

le sont, c’est-à-dire ssi ces applications possèdent elles-mêmes des dérivées partielles conti-
nues, ce qui revient à dire que f possède des dérivées partielles secondes continues.

B : ne pas confondre les applications de f (qui sont des fonctions d’une variable) avec
les applications dérivées partielles ci-dessus (qui sont des fonctions de n variables).

Résumons les résultats obtenus : si une fonction f deux fois différentiable en un point
a, elle adment des dérivées partielles secondes en ce point et la différentielle seconde est
donnée par
∂2 f
d2 f a (h 1 e 1 + · · · + h n e n ) =
X
hi k j (a).
1≤i ≤n ∂x i ∂x j
1≤ j ≤n

Réciproquement, si f admet sur l’ouvert Ω des dérivées partielles continues jusqu’à l’ordre
2, f est de classe C 2 .

Cas des fonctions de Rn dans R : si f est une telle fonction sa différentielle seconde est
une forme bilinéaire qui a pour matrice dans les bases canonique la matrice hessienne
· 2
∂ f
¸
H f (x) = (x) .
∂x i ∂x j 1≤i , j ≤n

31.2.6 Théorème de Schwarz


Soit f une application de classe C 2 de l’ouvert Ω de Rn dans l’evn F . Pour tout a de Ω la
différentielle seconde est une application bilinéaire symétrique sur Rn .

Démonstration : il suffit moyennant 31.2.3 de traiter le cas de deux variables (n = 2) ;


celui-ci acquis, la matrice hessienne est symétrique, et donc d2 f a aussi. On suppose donc
que f va d’un ouvert de R2 dans un evn F . Une translation ramène au cas où a = (0, 0). L’idée
est de montrer que la fonction

∂2 f
∆1 (x, y) = f (x, y) − f (x, 0) − f (0, y) − f (0, 0) − xy (0, 0)
∂x∂y
est négligeable devant x y, la « symétrie » de l’expression en (x, y) permettant également de
prouver que

∂2 f
∆2 (x, y) = f (x, y) − f (0, y) − f (x, 0) − f (0, 0) − yx (0, 0)
∂y∂x

357
est aussi négligeable devant x y et donc que

∂2 f ∂2 f
xy (0, 0) yx (0, 0) o xy
¡ ¢
− =
∂x∂y ∂y∂x

∂2 f ∂2 f
ce qui entraîne ∂x∂y (0, 0) = ∂y∂x (0, 0).
Pour obtenir ces estimations, on utilise le théorème des accroissements ¯ ¯ finis. Soit ε > 0, par
continuité des dérivées partielles il existe η > 0 tel que pour |x| ≤ η et ¯ y ¯ ≤ η on ait
° 2
° ∂ f ∂2 f
°
°
° ∂x∂y (y, x) − (0, 0)° ≤ ε. (31.4)
°
∂x∂y °
¯ ¯
On applique pour chaque y, ¯ y ¯ ≤ η, l’IAF sur [ 0 ; x ] à la fonction

∂f ∂2 f
x 7→ (x, y) − (0, 0)
∂y ∂x∂y

dont la dérivée est précisément la quantité majorée dans (31.4) pour obtenir

°∂f ∂2 f ∂f
° °
°
° (x, y) − x (0, 0) − (0, y)° ≤ ε. (31.5)
° ∂y ∂x∂y ∂y °

L’application de la même méthode à 0 ; y et la fonction


£ ¤

∂2 f
y 7→ f (x, y) − f (0, y) − xy (0, 0)
∂x∂y

fournit avec (31.5)

∂2 f
° °
° ° ¯ ¯
° f (x, y) − f (x, 0) − f (0, y) − f (0, 0) − xy (0, 0)° ≤ ε ¯x y ¯ .
° ∂x∂y °

On trouve la même estimation avec ∆2 (s’en persuader pour mémoriser la preuve) d’où la
conclusion.

Remarque : dans le cas d’une fonction f de classe C 2 d’un evn E et F , on fixe h et k


dans E et l’on introduit la fonction de R2 dans F définie au voisinage de (0, 0) par φ(x, y) =
f (a + xh + yk) ; il vient sans difficultés :

∂2 φ ∂2 φ
(0, 0) = d2 f a (h, k) et (0, 0) = d2 f a (k, h)
∂y∂x ∂x∂y

d’où la symétrie de d2 f a .

31.2.7 Formule de Taylor à l’ordre deux


On calcule d’abord, lorsque f est une application deux fois différentiable de l’ouvert Ω
et Rn dans F et α une application deux fois dérivable de l’intervalle I de R dans Ω, la dérivée

358
seconde de f ◦ α. En premier lieu, par la règle de dérivation des fonctions composées (§
30.1.7-1) :
¢0 n ∂f
= d f (α(t )) . α0 (t ) α0i (t )
X
f ◦α (α(t ))
¡ ¡ ¢
=
i =1 ∂x i

d’où en dérivant une deuxième fois

¢00 n ∂f n X
n ∂2 f
α00i (t ) α0i (t ) α0j (t )
X X
f ◦ α (t ) (α(t )) (α(t )) .
¡
= +
i =1 ∂x i i =1 j =1 ∂x i ∂x j

¢00
Soit f ◦ α (t ) = d f (α(t )) . α00 (t ) + d2 f (α(t )) . α0 (t ), α0 (t ) .
¡ ¡ ¢ ¡ ¢

Théorème : Si f est une application de Rn dans l’evn F de classe C 2 au voisinage de a on


dispose des deux formules
Z 1
f (a + h) = f (a) + d f (a)(h) + (1 − t )2 d2 f (a + t h).(h, h) dt , (31.6)
0

et
1 2
f (a + h) f (a) d f (a)(h) d f (a).(h, h) o khk2 . (31.7)
¡ ¢
= + + +
2

Démonstration : la preuve s’appuie sur les fonctions d’une variable réelle : introduisons
la fonction auxiliaire β : t 7→ f (a +t h) sur [ 0 ; 1 ] dont les dérivées premières et secondes sont
d f (a + t h)(h) et d2 f a (a + t h)(h, h) respectivement (on le voit soit directement, en faisant un
accroissement, soit en appliquant la formule de dérivation composée, soit par les dérivées
partielles : faites ce qui vous réussi !). La formule de Taylor avec reste intégral donne alors
Z 1
β(1) − β(0) = β0 (0) + (1 − t )2 β00 (t ) dt d’où (31.6).
0

Pour obtenir (31.7) effectuons la différence


Z 1 1 2
(1 − t )2 d2 f (a + t h). (h, h) dt − d f (a). (h, h)
0 2
Z 1
(1 − t )2 d2 f (a + t h) − d2 f (a) .(h, h) dt ,
¡ ¢
=
0

le membre de droite est un o khk2 par continuité de a 7→ d2 f (a).


¡ ¢

Remarque : dans le cas où f est un polynôme de degré ≤ 2, on a l’égalité dans (31.7),


car la différence
¡ des¢ deux menbres est un poylôme de degré ≤ 2 en les coordonéees de h,
et aussi un o khk2 , donc est nulle. Ce résultat est particulièrement utile pour l’étude des
quadriques : plan tangent, point singulier, etc.

Application : l’application la plus importante est donnée en 33.3.1 ; à consulter donc.

359
31.3 Différentielles d’ordre ≥ 3
31.3.1 Identification de L (E , L (E , . . . , L (E , F ) . . .)) avec L p (E , F )
Comme annoncé, nous nous bornerons à l’essentiel ; en particulier, les evn concernés
seront supposés être de dimensions finies, ce qui fait que toutes les applications p-linéaires
évoquées seront continues, et les normes équivalentes.
La différentielle d’ordre p ≥ 3 se définit par récurrence sur p à partir de

dp f (x) = d dp−1 f
¡ ¢

étant entendu que dp−1 f applique E dans un evn ; le fait que, pour chaque x de E , dp f (x)
est un élément de L (E , L (E , . . . , L (E , F ) . . .)) fait partie de la récurrence.
La différentiation p e respecte bien
¡ q sûr ¢ les combinaisons linéaires, et l’on a, lorsque les diffé-
p+q p
rentielles existent, d f =d d f .
Pour abréger, nous identifions l’espace L (E , L (E , . . . , L (E , F ) . . .)) à l’espace des applica-
tions p-linéaires de E dans F (noté L p (E , F ) en posant, pour Λ dans L (E , L (E , . . . , L (E , F ) . . .))

Λ h1 , . . . , h p = Λ (h 1 ) (h 2 ) (h 3 ) · · · h p .
¡ ¢ ¡ ¢

31.3.2 Lemme
Soient h 2 , . . . , h p dans E . Si f est p fois différentiable sur Ω et si

g (x) = dp−1 f (x)(h 2 , . . . , h p ),

g est différentiable sur Ω et l’on a, pour tout h de E , dg (x)(h) = dp f x h, h 2 , . . . , h p .


¡ ¢

Démonstration : l’application g est composée des applications dp−1 f et

u : L p−1 (E , F ) → ¡ F
7→ φ h 2 , . . . , h p
¢
φ

u est linéaire donc du = u et la différentielle de g est de fait

dg (x)(h) = d u ◦ dp−1 f x (h) = dp f x h, h 2 , . . . , h p .


¡ ¢ ¡ ¢

É VALUTATION PAR LES DÉRIVÉES PARTIELLES


Comme E et F sont de dimension finie, il suffit moyennant la donnée d’une base d’étudier
le cas de E = Rn et où le but réel, cas auquel nous nous restreindrons désomais.

31.3.3 Théorème
Soit f une application de Ω dans F , possédant des
… dérivées partielles continues jusqu’à
l’ordre p. Pour tout a de Ω et toute permutation σ de 1, p on a
†

∂p f ∂p f
= ·
∂x i 1 . . . ∂x i p ∂x i σ(1) . . . ∂x i σ(p)

360
Démonstration : elle est fondée sur le cas de n = 2, et sur le fait que le groupe symétrique
est engendré par les transpositions de deux indices consécutifs. Pour intervvertir les dériva-
tions relatives à deux indices consécutifs i k et i l , on « remonte les dérivations » jusqu’à ce
que la première dérivée partielle soit prise par rapport à x i k ; le théorème de Schwarz nous
autorise alors à intervertir les dérivations par rapport à x i k et x i l ; on dérive à nouveau l’éga-
lité obtenue pour retomber sur la dérivée partielle que l’on voulait obtenir.

Structure de l’espace vectoriel des formes p-linéaires


Un forme p-linéaire sur Rn est un polynôme homogène de degré p ; la base canonique de
l’espace des formes p-linéaires consiste donc en les polynômes
α α
x (α) = x1 1 . . . xn n

où α1 + · · · + αn = p.

31.3.4 Théorème
Soit f une application de Ω de F ; f est de classe C p ssi f possède des dérivées partielles
continues jusqu’à l’ordre p. Les dérivées

∂p f
(a)
∂x i 1 . . . ∂x i p

sont les composantes de dp f (a) dans la base canonique de L p (E , F ), et dp f est une applica-
tion p-linéaire symétrique.

Démonstration : le premier point vient par récurrence sur p à l’aide de 31.3.1 et 31.3.3,
on montre de même que

p
X ∂p f
d f (a) h 1 , . . . , h p (a)h i 1 ,1 . . . h i p ,p
¡ ¢
=
1≤i 1 ≤n ∂x i 1 . . . ∂x i p
...
1≤i p ≤n
³ ´
où la somme est étendue à toutes les listes h i 1 ,1 , . . . , h i p ,p de composantes de vecteurs
h 1 , . . . , h p (on choisit pour chaque produit une composante h i 1 ,1 de h 1 , h i 2 ,2 de h 2 , ..., h i p ,p
¡ ¢

de h p ). L’extension du théorème de Schwarz 31.2.6 donne la symétrie de la forme dp f a . QED.

31.3.5 Formules de Taylor


On peut généraliser à l’aide de cette formule les résultats donnés dans le § 33 (problème
d’extremum) ; en réalité cette généralisation est presque dénuée d’intérêt ; il est en effet pos-
sible de prouver, au moyen de la notion de généricité, que le cas n = 2 recouvre la plupart
des situations qui se présentent naturellement. La formule générale s’écrit, lorsque f est de
classe C p+1 :
d f (a).h dp f (a). (h, . . . , h)
f (a + h) = f (a) + + ··· + + Rp
1! p!

361

1
Z 1
Rp = (1 − t )p+1 dp f (a + t h). (h, . . . , h) d f .
p! 0

N.B. : (h, . . . , h) est répété q fois si la forme linéaire est d’ordre q.

Démonstration : l’idée est d’utiliser la formule de Taylor avec reste intégral à une va-
riable pour la fonction φ : h 7→ f (a + t h), le seul problème étant de calculer correctement les
dérivées de φ, plus exactement de montrer que φp (t ) = dp f (a + t h). (h, . . . , h) : il résulte du
lemme que la différentielle de g : x 7→ dp f (x). (h, . . . , h) est l’application

k 7→ dp+1 f (x) (k, h, . . . , h) .

En appliquant la règle de composition d’une application différentiable et d’une application


dérivable nous obtenons

φ(p+1) (t ) = dg (a + t h).h = dp+1 f (a + t h). (h, h, . . . , h) .

Une fois les dérivées de φ calculées, la formule évoquée vient immédiatement de la formule
de Taylor donnée en 11.3.1. QED.

APPENDICE : FORMES DIFFÉRENTIELLES

G ÉNÉRALITÉS
Dans tout ce qui suit, E désigne un R-espace vectoriel de dimension finie, et E ∗ son dual.
L’un et l’autre sont munis de leur topologie d’espace vectoriel normé de dimension finie.

D ÉFINITION. Soit Ω un ouvert de E . On appelle forme différentielle de degré 1 sur E toute


application ω de Ω dans E ∗ . La forme différentielle ω et dite de classe C p si elle est de classe
C p en tant qu’application de l’ouvert Ω dans un espace vectoriel normé E ∗ .
Les formes différentielles de degré 1 et de classe C m constituent visiblement un espace vectoriel
pour les lois naturelles.

Exemple : soit F une application de classe C p , p ≥ 1, de l’ouvert Ω de E dans R. La diffé-


E → E∗
rentielle de F , soit dF : est une forme différentielle de classe C p−1 .
a 7→ dF (a)

Soit (e 1 , . . . , e n ) une base de E ; on note (x 1 , . . . , x n ) les coordonées d’un vecteur x de E


dans cette base. La base duale de (e 1 , . . . , e n ) est alors formée par les différentielles dx 1 , . . . , dx n
des coordonnées x 1 , . . . , x n .
Soit ω une forme différentielle sur l’ouvert Ω de E . Pour chaque x de Ω, ω(x) est un élément
de E ∗ , et si a 1 (x), . . . , a n (x) désignent ses coordonnées dans la base duale de (e 1 , . . . , e n ) on
peut écrire :
ω(x) = a 1 (x) dx 1 + · · · + a n (x) dx n .

Alors

La forme différentielle ω est de classe C p ssi les fonctions a 1 (x), ..., a n (x) le sont.

362
Il faut savoir appliquer sans hésitation l’écriture ci-dessus ; les définitions donnent, pour
tout choix de (h 1 , . . . , h n ) dans Rn :

ω(x). (h 1 e 1 + · · · + h n e n ) = a 1 (x)h 1 + ··· + a n (x)h n .

Nous choisissons désormais une base (e 1 , . . . , e n ) de E .

I NTÉGRALES CURVILIGNES
Soit Γ = [ a ; b ], f un arc C 1 , dont le support (l’image) ¢ est0 contenue dans Ω, et ω une forme
¡ ¢

différentielle continue sur Ω. La fonction t¢7→ ω f (t ) . f (t ) est bien définie : pour chaque
¡

réel t , on applique la forme linéaire ω f (t ) au vecteur f 0 (t ), et continue par morceaux car


¡

si l’on désigne par f 1 , . . . , f n les coordonées de f dans la base (e 1 , . . . , e n ) de E

ω f (t ) . f 0 (t ) = a 1 f (t ) f 10 (t ) + · · · + a n f (t ) f n0 (t ).
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢

Comme Γ est continue, toutes les fonctions du membre de droite sont continues.

D ÉFINITION. On appelle intégrale curviligne de la forme différentielle ω le long de l’arc Γ le


nombre
Z b Z b³
¢ 0 ¢ 0 ¢ 0 ´
ω f (t ) . f (t ) dt = a 1 f (t ) f 1 (t ) + · · · + a n f (t ) f n (t ) dt . (∗)
¡ ¡ ¡
a a
R
Notation : Γ ω.

Extension : la définition s’étend sans peine par découpe aux arcs continus et C 1 par
morceaux c’est-à-dire aux chemins...

T HÉORÈME 1. Soit Γ = [ a ; b ], f un arc de classe C 1 , dont le support est contenu dans Ω,


¡ ¢

et ω une forme différentielle continue sur Ω. L’intégrale de ω le long de Γ est invariante par
les C 1 -reparamétrage croissants de Γ, et changée en son opposée par les C 1 -reparamétrage
décroissants.

Démonstration : soit ¢φ : [ c ; d ] un reparamétrage croissant de l’arc Γ. L’intégrale de ω


sur l’arc Λ = [ c ; d ], f ◦ φ est par définition égale à
¡

Z d Z φ(d )
ω f ◦ φ(t ) . f ◦ φ0 (t ) dt ω f (t ) . f 0 (t ) dt
¡ ¢ ¡ ¢ ¡ ¢
=
c φ(c)

par le théorème de changement de variables appliqué à la définitionR (∗). La croissance de φ


impose φ(c) = a et φ(d ) = b, on retombe bien sur l’intégrale initiale Γ ω.
Si φ est décroissante, les valeurs de φ(c) et de φ(d ) sont échangées et les intégrales obtenues
sont opposées.

Extension : en découpant convenablement l’intervalle de définition, le résultat ci-dessus


s’étend sans peine au cas des arcs continus et C 1 par morceaux.

F ORMES EXACTES , FERMÉES

D ÉFINITION. La forme différentielle ω sur l’ouvert Ω est dite exacte s’il existe une fonction F
de classe C p , p ≥ 1 telle que dF = ω.

363
T HÉORÈME 2. L’intégrale d’une forme exacte ω = d f le long d’un arc C 1 , Γ, d’extrémités A et
B vaut F (B ) − F (A).
¢0
Preuve : comme ω = dF , ω f (t ) . f 0 (t ) = d f (t ) . f 0 (t ) = F ◦ f (t ) donc
¡ ¢ ¡ ¢ ¡

Z Z b¡ ¢0
F◦f (t ) dt F f (b) F f (a) . QED.
¡ ¢ ¡ ¢
ω = = −
Γ a

On constate lorsque ω est exacte que la valeur de I ω ne dépend que des extrémités de Γ, et
R

que l’intégrale d’une telle forme est nulle sur tout arc C 1 fermé.

Extension : en découpant convenablement l’intervalle de définition, le résultat ci-dessus


s’étend à nouveau au cas des arcs continus et C 1 par morceaux.

C ONDITION NÉCESSAIRE D ’ EXACTITUDE

P ROPOSITION 1. Soit ω(x) = a 1 dx 1 + · · · + a n dx n une forme différentielle de classe C 1 sur


l’ouvert Ω. Une condition nécessaire pour que ω soit exacte est que l’on ait, pour x de Ω et tout
(i , j ) de ‚1, nƒ2 :
∂a i ∂a j
(x) = (x)
∂x j ∂x i

Preuve : si, avec des notations évidentes, ω = dF , on a

∂F ∂F
ai = (x), aj = (x)
∂x i ∂x j

Comme ω est de classe C 1 , les dérivées partielles de F sont de classe C 1 , donc F est de classe
C 2 , et l’on peut appliquer à F le théorème de Schwarz d’interversion des dérivations

∂2 F ∂2 F
(x) = (x).
∂x i ∂x j ∂x j ∂x i

En revenant à ω, la relation demandée est prouvée. QED.

D ÉFINITION. Une forme différentielle ω(x) = a 1 (x) dx 1 + · · · + a n (x) dx n de classe C 1 vérifiant


pout tout x de Ω et tout (i , j ) de ‚1, nƒ2 :

∂a i ∂a j
(x) = (x)
∂x j ∂x i

est dite fermée.

Traduction en dimension 3 euclidienne : (~ı,~,~ k) désignant une base orthonormée di-


recte de l’espace, la forme différentielle P dx + Q dy + R dz est fermée ssi le rotationnel du
champ de vecteur B = P~ı + Q~ + R~ k, où (~ı,~,~
k) est une base orthonormée directe de E , est
nul ; on sait que cette condition est nécessaire, mais non suffisante, pour que le champ B
soit un champ de gradients.
Il est donc indispensable que la forme différentielle ω soir fermée pour quelle soit exacte,

364
mais ce n’est pas une condition suffisante comme le montre l’exemple ci-dessous.
On considère sur R2 \(0, 0) la forme différentielle définie par
x dy − y dx
ω(x, y) =
x2 + y 2
dont nous calculons l’intégrale curviligne sur le cercle unité Γ paramétré par

t 7→ (cos t , sin t )

ce qui nous donne


Z Z 2π ¡
cos2 t + sin2 t dt 2π.
¢
ω = =
Γ 0
On voit déjà que ω n’est pas exacte, mais ω est bien fermée puisque
−y x ∂P ∂Q
P (x, y) = , Q(x, y) = , et =
x2 + y 2 x2 + y 2 ∂y ∂x

Le défaut
¡ dz ¢est la structure topologique de l’ouvert C (le choix de ω n’est pas fortuit, il s’agit
de Im z . On peut y remédier en ajoutant la condition simple suivante :
D ÉFINITION. L’ouvert Ω est dit étoilé s’il existe un point O de Ω (point étoile) tel que, pour tout
M de Ω, le segment [ O ; M ] soit contenu dans Ω.
T HÉORÈME 3. (De Poincaré.) Soit ω(x) = a 1 (x) dx 1 + · · · + a n (x) dx n une forme différentielle
de classe C 1 sur l’ouvert Ω. Si Ω est étoilé, le fait que ω soit fermé entraîne que ω est exacte.
Démonstration : elle repose sur une intégration le long des segments issus de O, jointe
à une dérivation sous le signe somme. Nous pouvons par translation supposer que 0 est un
point-étoile de Ω. Pour x = (x 1 , . . . , x n ) dans Ω, posons
Z 1
F (x) = a 1 (t x)x 1 + · · · + a n (t x)x n dt
¡ ¢
0

(à nouveau, ce n’est pas fortuit : il s’agit de l’intégrale de ω(x) dx sur [ 0 ; x ] ; l’étude des fonc-
tions holomorphes du plan, par exemple dans [Leb90] ou [Rud75] chap. X éclaire la situa-
tion).
Les hypothèses du théorème de dérivation sous les signe somme sont réunies, la fonction F
est donc (§ 21.3.1) de classe C 1 et l’on a, pour tout x de Ω et tout i de ‚1, nƒ :
Z 1µ
∂F ∂a 1 (t x) ∂a n (t x)

(x) = a i (t x) + t x1 + · · · + t x n dt
∂x i 0 ∂x i ∂x i
∂a i ∂a j
Par hypothèse, ∂x j (x) = ∂x i (x), j = 1, . . . , n, d’où
Z 1µ
∂a 1 (t x) ∂a n (t x)

a i (t x) + t x1 + ··· + t x n dt
0 ∂x i ∂x i
Z 1µ
∂a i (t x) ∂a i (t x)

= a i (t x) + t x1 + ··· + t x n dt
0 ∂x 1 ∂x n
Z 1 d¡
a i (t x).t dt
¢
=
0 dt

365
Pn ∂a i
que l’on intègre en posant g (t ) = t .a i (t x), g 0 (t ) = a i (t x) + j =1 ∂x j (t x)x j , d’où

Z 1µ
∂F ∂a i (t x) ∂a i (t x)

(x) = a i (t x) + t x1 + · · · + t x n dt
∂x i 0 ∂x 1 ∂x n
Z 1
d ³ ´ h i1
= a i (t x).t dt = a i (t x).t = a i (x). QED.
0 dt 0

C OROLLAIRE. L’espace ambiant est R3 euclidien. Si le champ de vecteurs

B = P ~ı + Q ~ + R~
k

k) est une base orthonormée directe de R3 , est de rotationnel nul sur l’ouvert étoilé Ω,
où (~ı,~,~
c’est une champ de gradients.

Démonstration : il s’agit, correctement interprété, d’une application directe du théo-


rème de Poincaré.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : [Car67] chap. 1 ou [Hor83] chap. 1 (très concis) exposent


utilement le calcul différentiel d’ordre ≥ 3. [Die70] chap. 8, 9 et 10 est complet, parfois touffu,
mais toujours juste.

EXERCICES

C ALCULS SUR LES DÉRIVÉES PARTIELLES


1) Calculer le Laplacien en coordonées polaires.
∂2 f ∂2 f
2) Soit f de classe C 2 de R2 dans R vérifiant : ∂x 2 − ∂y 2 = 0. Par le changement de variable :
u = x + y, v = x − y, déterminer la forme de f .

366
Chapitre 32

Inversion locale, fonctions implicites

L’ordre dans lequel sont présentés les théorèmes d’inversion locale et des fonctions im-
plicites dépend de la formation initiale de l’auteur : fonctions implicites d’abord pour ceux
qui ont été élevés dans l’esprit des courbes et des surfaces ; inversion locale pour les géné-
rations qui ont été plutôt influencées par la topologie et les applications étales. J’ai choisi
de présenter les théorèmes de paramétrisation locale en m’appuyant sur l’inversion locale.
Les théorèmes sont présentés en dimension quelconque ; contrairement à une opinion à la
mode, c’est une généralisation utile (et qui ne coûte rien), ne serait-ce que par les preuves
simple d’existence de « boîtes de flot » pour les champs de vecteurs qu’elle fournit.

Notations : dans tout ce qui suit, E et F sont deux espaces vectoriels normés.

32.1 Généralité

32.1.1 Définition
On dit que l’application f de l’ouvert Ω de E sur l’ouvert Ω0 de F est un C 1 -difféomorphi-
sme si f est une bijection de Ω sur Ω0 différentiable ainsi que sa réciproque. On dit que
l’application f de l’ouvert Ω de E sur l’ouvert Ω0 de F est un C 1 -difféomorphisme local si,
pour tout point a de Ω, il existe des voisinages ouvert U de a et V de f (a) tels que f (U ) = V
et f induise un C 1 -difféomorphisme de U sur V .
Bien entendu, les C 1 -difféomorphismes se composent et s’inversent. Si l’un des evn E ou F
est de dimension finie, l’existence d’un C 1 -difféomorphisme d’un ouvert (non vide) de E
sur un ouvert de F impose dim E = dim F , car pour chaque a de Ω, d f a est un isomorphisme
d’espace vectoriels.

32.1.2 Exemples
1. Une application de classe C 1 d’un intervalle I de R dans R est un C 1 -difféomorphisme
de I sur son image ssi sa dérivée ne s’annule pas (le vérifier).
2. Une application linéaire continue u de E dans F est un C 1 -difféomorphisme ssi u est
un isomorphisme d’evn (u et u −1 sont continues).

367
32.2 Inversion locale
Nous allons fournir un critère remarquable de simplicité, le théorème d’inversion locale,
permettant de savoir si une application C 1 est, au voisinage d’un point, un C 1 -difféomor-
phisme. Ce critère exprime grosso modo que la fonction se comporte, sous des hypothèses
convenables, « comme sa différentielle » lorsque l’on est proche du point considéré.
La preuve du théorème d’inversion locale est délicate parce qu’elle met en jeu des notions
qui ne ressortent pas toutes du calcul différentiel : idées métriques, opératorielles... Il faut
séparer soigneusement leurs interventions si l’on veut faire apparaître l’articulation de la
démonstration.

32.2.1 Préliminaire
Soit a un point d’un espace de Banach E , et g une application k-lipschitzienne définie
sur la boule B (a, r ), nulle au point a. Si k < 1 il existe un ouvert U contenu dans B (a, r ) tel
que l’application f : x + g (x) induise un homéomorphisme de U sur B (a, (1 − k)r ).

Démonstration : comme souvent, le résultat difficile est l’obtention de la surjectivité.


Soit y dans B (a, (1 − k)r ). Pour touver x dans B (a, r ) tel que f (x) = y l’idée est de transformer
cette équation en
x = h(x) où h(x) = y − g (x)
(ceci est typique des méthodes « d’approximation succesives » du § 44). La fonction h est,
comme g , k-lipschitzienne. L’idée est alors de contruire une suite (x n )n∈N en posant x 0 = a
et, tant que x n est dans B (a, r ), x n+1 = h(x n ). Partons donc de x 0 et de la dite relation de
récurrence, et montrons par récurrence sur n que

x 0 , . . . , x n ∈ B (a, r ) et kx n − x n−1 k < k n−1 (1 − k)r.

Le résultat est clair pour n = 0, et s’il est vrai de n on a

kx n+1 − x n k ≤ k kx n − x n−1 k < k.k n−1 (1 − k)r = k n (1 − k)r.

et comme

kx n+1 − x 0 k ≤ kx n+1 − x n k + kx n − x n−1 k + ··· + kx 1 − x 0 k

il vient

kx n+1 − x 0 k k n (1 − k) + k n−1 (1 − k) + · · · + (1 − r ) r 1 − k n+1 r r


¡ ¢ ¡ ¢
< = <

ce qui achève la récurrence. De l’inégalité

kx n+1 − x n k < k n (1 − k)r

il découle que la série n∈N (x n+1 − x n ) est absolument convergente de somme des normes
P

< r de ce fait la suite (x n )n∈N converge vers un x de B (a, r ) ; ce x vérifie h(x) = x, d’où f (x) =
y ; l’image par f de B (a, r ) contient B (a, (1 − k)r ).

368
On désigne alors par U l’image réciproque de B (a, (1 − k)r ) par f : f est une surjection de U
sur B (a, (1 − k)r ) et si x, x 0 ∈ U , y = f (x) et y 0 = f (x 0 ) on a

°y − y 0° = ° x − x 0 − g (x) − g (x 0 ) °
° ° °¡ ¢ ¡ ¢°

= °x − x 0 ° − °g (x) − g (x 0 )°
° ° ° °

= (1 − k) °x − x 0 °
° °

ce qui montre que f est bijetive et que sa réciproque est (1 − k)−1 -lipschitzienne. QED.

32.2.2 Théorème
soit Ω un ouvert de l’espace de Banach E , f une application de classe C 1 de Ω dans l’es-
pace de Banach F , et soit a ∈ Ω. Pour qu’il existe un voisinage ouvert U de a et un voisinage
ouvert V de b = f (a) tels que f soit un C 1 -difféomorphisme de U sur V , il faut et il suffit que
d f a soit un isomorphisme d’evn.

Démonstration : la condition énoncée est évidente nécessaire (voir 30.1.7) ; le sens dif-
ficile est donc le suivant : si d f a est un isomorphisme d’espaces de Banach de E sur F , il
existe un voisinage ouvert U de a et un voisinage ouvert V de b = f (a) tels que f induise un
C 1 -difféomorphisme de U sur V .
Revoyons dans le § 30.1.8 l’inversion des applications différentiables : pour que f soit un
C 1 -difféomorphisme, il suffit de montrer que f est un homéomorphisme de U sur V et que
d f x est inversible en tout point x de U (il faut aussi revoir, la suite l’utilise, l’étude de l’appli-
cation u 7→ u −1 dans GL c (E ) du § 30.1).
Supposons donc que d f a soit un isomorphisme d’evn. On vérifie immédiatement, avec les
notations antérieures, que f est un C 1 -difféomorphisme de U sur V ssi φ = d f a−1 ◦ f en
est un, de U sur l’ouvert φ−1 (V ). On se ramène donc au cas où f va de E dans E et où la
différentielle de f en a est l’identité (appliquer la règle de composition des applications dif-
férentiables). Une translation réduit enfin la preuve au cas où f (a) = a.
Montrons d’abord qu’il existe une boule B (a, r ) telle que, pour tout x, x 0 de B (a, r ), on ait


f (x 0 ) − x 0 ° °x − x 0 ° .
°¡ °
° f (x) − x
¢ ¡ ¢°
− ≤
2
1
On introduit moyennant
¯¯¯ 1 le caractère¡ C de f une ¢ boule B (a, r ) ¢telle que, pour tout z de
0 0 0
¯¯¯
¡B (a, r ), d f (z) −0 Id ¢≤ 2 ; si α(t ) = f t x + (1 −
° t )x 0−° t x + (1 − t )x la dérivée de α est α (t ) =
¡
¯¯¯ ¯¯¯
0 1°
d f (t x + (1 − t )x − Id .(x − x ) de norme ≤ 2 x − x ° donc

1°°x − x 0 °
°
α(1) − α(0) ≤
2
et la conclusion suit. (N.B. : c’est encore une application de l’estimation (IAF)’ de 30.2.1

° f (x) − f (x 0 ) − L(x − x 0 )° ≤ sup ¯¯¯d f (t x + (1 − t )x 0 ) − L ¯¯¯. °x − x 0 °


° ° ¯¯¯ ¯¯¯ ° °
t ∈[ 0;1 ]

avec L = Id).
La fonction définie pour x ∈ B (a, r ) par g (x) = f (x) − x est donc 21 -lipschitzienne, et le pré-
liminaire topologique nous donne alors un voisinage ouvert U de a tel que l’application

369
¡ r¢
x 7→ x + g (x) = f (x) induise un homéomorphisme de U sur B a, 2 ; soit f −1 sa réciproque. Il
1 r
reste à montrer que f −1 ¯¯¯ est de classe
¯¯¯ C1 sur B a, 2 .
¡ ¢

Pour tout x de U , on a ¯¯¯d f (x) − Id¯¯¯ ≤ 2 ; d’après de 30.1.5-4 ceci entraîne que, pour chaque
x, l’application d f (x) est continûment inversible, donc que f −1 est différentiable (30.1.7) ;
¢−1
enfin y 7→ d f f −1 (y) est continue par composition d’applications continues (u 7→ u −1 est
¡

continue dans GL c (E )), donc f −1 est de classe C 1 .

Remarque partique (oral) : proposer pour l’exposé toute la preuve de théorème d’in-
version locale est possible mais long : on peut en séparer le développement du théorème
d’inversion des applications différentiables, qui fait une proposition en soi.

Cas de la dimension finie : la preuve est simplifiée en dimension finie où la continuité


de u 7→ u −1 est immédiate (fonction fraction rationnelle). De plus, l’hypothèse d’inversibilité
de la différentielle est simplement équivalente au fait que

le jacobien de f ne s’annule pas en a.

On a par exemple le théorème suivant (image ouverte) :

32.2.3 Théorème
Soit Ω un ouvert de Rn , f une application de classe C 1 de Ω dans Rn , si le jacobien de f
ne s’annule pas, f est un C 1 -difféomorphisme local de Ω dans Rn et l’image f (Ω) est ouvert.

La démonstration est immédiate par le théorème d’inversion locale, l’image f (Ω) étant
voisinage de chacun de ses points.

N.B. : un C 1 -difféomorphisme local n’est pas (sauf dans le cas des intervalles de R) en
général un C 1 -difféomorphisme global, de Ω sur son image, il faut pour cela qu’il soit injectif
— voir entre autre le cas des coordonnées polaires —, le lecteur s’en persuadera aisément
sur le dessin suivant :

a a′ φ
7−−→ φ(a) = φ(a ′ )
+ +

F IGURE 32.1 – Un C 1 -difféomorphisme local peut ne pas être global.

Le point b est image de deux points distincts a et a 0 par le difféomorphisme f qui a


replié l’ouvert de départ. Lorsque l’on parle de réciproque locale de f au voisinage de b il
faut préciser laquelle : celle qui envoie b sur a, ou sur a 0 ?
Le théorème d’inversion locale permet de justifer l’emploi de changements de variable (à

370
placer dans la leçon correspondante, comme ce qui suit), pour les calculs d’intégrales par
exemple.

32.2.4 Applications
1. Un des avantages essentiels du théorème d’inversion locale est qu’il permet, à peu de
frais, de montrer qu’une application est ouverte. Par exemple :

Soit f une application de classe C 1 de l’espace euclidien (Rn , 〈· | ·〉) dans lui-même, telle
que
∀(x, y) ∈ Rn × Rn ,
° ° ° °
° f (x) − f (y)° ≥ k °x − y ° .

Alors f est un C 1 -difféomorphisme.

Preuve : la fonction f étant clairement injective, il suffit de vérifier qu’il s’agit d’un
difféomorphisme local surjectif. Or :
— L’application f est fermée : Si b est limite d’une suite b n = f (a n ) de points de
l’image, il vient kb m − b n k ≥ k ka m − a n k, ce qui montre que la suite a n est de
Cauchy donc converge, mettons vers a ; par continuité f (a) = b.
— L’application f est ouverte : c’est là qu’intervient le théorème d’inversion locale.
Pour (a, h) ∈ Rn × Rn et t ∈ R+∗ , la différentiabilité de f fournit une égalité de la
forme f (a + t h) − f (a) = d f a (t h) + t ε(t h), où ε tend vers 0 en 0 ; en prenant la
norme des deux membres, l’hypothèse faite sur f donne :
° ° ° °
kt khk ≤ ° f (a + t h) − f (a)° ≤ t °d f a (h) + ε(t h)°

ce qui amène, après simplification par t > 0 et passage à la limite lorsque t → 0 :


° °
k khk ≤ °d f a (h)°

et prouve que d f a est injective. L’espace ambiant Rn étant de dimension finie,


d f a est un isomorphisme, donc le théorème d’inversion locale s’applique en a,
ce qui montre que f est ouverte.

Ainsi, f est ouverte et fermée ; par connexité de Rn , f est surjective. C’est donc un C 1 -
difféomorphisme local bijectif. QED.

2. Exponentielle matricielle et sous-groupes de GL n (C).

Nous avons démontré en 30.2.4 que l’application exponentielle d’une algèbre de Ba-
nach est toujours différentiable, sa différentielle en 0 étant l’identité. L’inversion locale
s’applique ; il existe donc un ouvert U voisinage de 0, et un ouvert V voisinage de I n
tels que X 7→ exp(X ) , soit un C 1 -difféomorphisme de U sur V . Nous allons en dé-
duire que GL n (C) ne possède pas de sous-groupe infiniment petit, c’est-à-dire qu’il
existe un voisinage de I n ne contenant pas de sous-groupe autre que { I n }. Noter que
ce résultat peut aussi s’obtenir pas des méthodes de réduction des endomorphismes.

371
L’idée est d’utiliser l’exponentielle pour ramener un problème multiplicatif sur V à un
problème additif trivial sur U , mais il faut prendre des précautions car nous ne pou-
vons travailler que localement.

Nous pouvons, quitte à restreindre, supposer U convexe. Soit U 0 = U2 ; la restriction de


l’exponentielle à U 0 est encore un C 1 -difféomorphisme de U 0 sur un voisinage V 0 de
I n . Supposons que V 0 contienne un sous-groupe multiplicatif H non réduit à { I n }, et
prenons une matrice B dans H \ { I n }. La matrice B est l’image d’un élément A de U 0 :
B = exp A, avec A 6= 0 par injectivité locale.
La suite (kn Ak)n∈N tend vers +∞, il existe donc un entier n tel que n A ∈ U 0 , (n + 1)A ∉
U 0 . Comme 2n A ∈ U = 2U 0 , et que U est convexe et contient 0, (n+1)A est dans
¢ U , mais
pas dans U . En outre, exp est une bijection de U sur V , d’où exp (n + 1)A ∈ V \ V 0 .
0
¡

Mais par hypothèse exp A est dans le sous-groupe H , donc aussi toutes ses puissances ;
¢n+1
il en résulte que exp (n + 1)A = exp(A) ∈ V 0 : contradiction et résultat.
¡ ¢ ¡

Remarque : il est possible de prouver directement la proposition ci-dessus, en utili-


sant la décomposition de Jordan-Dunford. La preuve que nous avons donnée a l’avan-
tage de se généraliser facilement aux groupes de Lie.

32.3 Changements de variable


(Revoir la formation des matrices jacobiennes si nécessaire.)

32.3.1 Coordonnées polaires


Considérons l’ouvert de R2 , Ω = ] 0 ; +∞ [ × R, et l’application f de Ω dans R2 \ { 0 } qui à
(r, θ) associe (r cos θ, r sin θ). f est surjective : cela provient de la surjectivité de l’application
de R dans S1 : θ 7→ exp (i θ) (voir le § 40). Sa matrice jacobienne au point courant est

cos θ −r sin θ
µ ¶
J (r, θ) =
sin θ r cos θ

d’où le Jacobien (à connaître) DJ (r, θ) = r , et le fait les coordonnées polaires réalisent un


C ∞ -difféomorphisme local de Ω sur R\ { 0 }. Pour que les coordonnées polaires réalisent un
C ∞ -difféomorphisme global, il faut restreindre le départ et l’arrivée, en retirant par exemple
à R2 \ { 0 } la demi droite ] −∞ ; 0 [ × { 0 } (demi-axe réel négatif ) et en prenant comme ouvert
de départ ] 0 ; +∞ [ × ] −π ; π [ (illustrer par un dessin).

32.3.2 Coordonnées cylindriques


Il suffit d’ajouter la variable z aux coordonnées polaires : on considère l’ouvert de R3 , Ω =
] 0 ; +∞ [ ×R×R, et l’application F de Ω dans R2 \ {Oz } qui à (r, θ, z) associe (r cos θ, r sin θ, z).
Comme pour les coordonnées polaires, on vérifie que l’application F est surjective, est un
C 1 -difféomorphisme local, et qu’il faut en restreindre le but pour faire un C 1 -difféomorphisme
global. Les détails, le choix des bons ouverts, le calcul du jacobien etc. sont laissés au lecteur
qui s’inspirera des coordonnées polaires.

372
32.3.3 Coordonnées sphériques

3
b
M

θ
1
~
k
-1
~
y
−1 ~ı O 1 2 3
1 b

φ m
2 −1

F IGURE 32.2 – Passage des coordonnées sphériques aux coordonnées cartésiennes

On introduit cette fois l’application Φ :

r sin θ cos φ
 
Φ  r sin θ sin φ  ,
(r, θ, φ) 7−−→
r cos θ

Φ est de classe C 1 car ses dérivées partielles sont continues et la matrice jacobienne de Φ
est :
sin θ cos φ r cos θ cos φ −r sin θ sin φ
 

J (r, θ, φ) =  sin θ sin φ r cos θ sin φ r sin θ cos φ .


cos θ −r sin θ 0
Le déterminant jacobien en est r 2 sin θ, pour (r, θ, φ) dans ∆ = ] 0 ; +∞ [ × ] 0 ; π [ × ] −π ; π [ ,
Φ est donc un C 1 -difféomorphisme local. On vérifie par un calcul direct que Φ est aussi
une bijection de ∆ sur l’ouvert Ω = R3 \Π, où Π est le demi-plan x 0Oz ; Φ est de ce fait un
difféomorphisme de ∆ sur Ω.

32.3.4 Changement de variable dans les intégrales multiples


Le théorème essentiel (admis) est le suivant :

Théorème : on munit Rn de la mesure de Lebesgue notée dx. Soient U et V deux ouverts


de Rn , φ un C 1 -difféomorphisme de U sur V , f une fonction intégrable de V dans R. Alors la

373
¯ ¯
fonction y 7→ f ◦ φ(y) ¯DJ φ (y)¯ est intégrable sur U et les intégrales
Z Z
¯ ¯
f (x) dx et f ◦ φ(y) ¯DJ φ (y)¯ dy
V U

sont égales.

Remarque : dans l’application de ce théorème, le fait d’enlever de U des parties fermées


de mesure nulle, par exemple des morceaux d’arcs ou de surfaces C 1 en nombre fini, ne
change rien à la valeur des intégrales, et peut se révéler indispensable pour que f soit effec-
tivement un C 1 -difféomorphisme entre les ouverts considérés.
On a DJ f (r, θ) = r dans le cas des coordonnées polaires, ce que l’on résume par la formule
de changement de variables dx dy = r dr dθ, et dans le cas des coordonnées sphériques :
dx dy dz = r 2 sin θ dr dθ dφ.

32.3.5 Exemple (essentiel) : calcul de l’intégrale de Gauss


On considère l’intégrale Z +∞ 2
I = e−x dx.
0
2
Il est possible de prouver que la fonction x 7→ e−x ne possède pas de primitive « s’expri-
mant » à l’aide des fonctions usuelles. Le calcul de l’intégrale doit donc faire appel à d’autres
méthodes que la primitivation. Il en est une qui passe par un usage judicieux des coordon-
nées polaires. D’abord, par application licite du théorème de Fubini (voir le § 39), on a
µZ +∞ ¶ µZ +∞ ¶ Z
2 −x 2 −y 2 2
+y 2 )
I = e dx . e dy = e−(x dx dy.
0 0 Π

Π est le quart de plan x > 0, y > 0. On pose x =ª r cos θ, y = r sin θ où 0 < r < +∞ et 0 < θ < π2 ,
avec ∆ = (r, θ) ; 0 < r < +∞ et 0 < θ < π2 et dx dy = r dr dθ nous trouvons
©

π
Z +∞ Z µZ +∞ ¶ µZ
2

−(x 2 +y 2 ) −r 2 −r 2
e dx dy = e r dr dθ = e r dr . dθ
0 ∆ 0 0

par un nouveau Fubini, la première intégrale se calcule grâce au changement de variable


u = r 2 , il reste donc : p
2 π π
I = et de ce fait I = .
4 2

32.4 Fonctions implicites


Pour bien saisir les limites des théorèmes de fonctions implicites il convient de revoir la
notion de graphe fonctionnel : un sous-ensemble Γ de E × F est un graphe fonctionnel si,
pour tout x de la première projection de Γ sur E , l’égalité (x, y) = (x, y 0 ) entraîne y = y 0 . Le
but du présent paragraphe est de donner, à l’aide du calcul différentiel, des conditions pour
que des ensembles définis par une équation f (x, y) = 0 soient localement des graphes fonc-
tionnels.

374
Examinons le cas du cercle x 2 + y 2 = 1.p Si la tangente en (a, b) n’est pas verticale, il est pos-
sible de paramétrer le cercle par x 7→ ε 1 − x 2 , ε ∈ { −1, 1 }, fixé au voisinage de (a, b) ; or le fait
∂f ∂f ∂f
que la tangente d’équation ∂x (X − a)+ ∂y (Y −b) = 0 soit verticale est équivalent à ∂y = 0. On
retrouve donc de façon naturelle une condition différentielle pour que f (x, y) définisse au
voisinage de (a, b) un graphe fonctionnel en y. Nous reviendrons sur cette condition après
l’étude du théorème général.
Si f (x, y) est une fonction de deux variables x ∈ E , y ∈ F , on notera f x0 (a, b) la différentielle
partielle de f en (a, b) c’est-à-dire celle de x 7→ f (x, b) en a, et de même f y0 (a, b) la différen-
tielle de y 7→ f (a, y) en b.

32.4.1 Théorème
Soient E , F et G trois espaces de Banach, Ω un ouvert de l’evn produit E × F , et f une
application de classe C 1 de E × F dans G. On suppose que le point (a, b) de Ω vérifie

f (a, b) = 0 et f y0 (a, b) est un isomorphisme de F sur G.

Il existe alors des voisinages ouverts V de a, W de (a, b) contenu dans Ω, et une application de
classe C 1 notée g de V vers F tels que

∀x ∈ V, f x, g (x) = 0 et ∀(x, y) ∈ W, f (x, y) = 0 y = g (x).


¡ ¢
=⇒

De plus, la différentielle de g en a est dg (a) = f y0 (a, b)−1 ◦ f x0 (a, b).

Démonstration : nous nous appuierons sur ¡ le théorème d’inversion locale. On introduit


l’application f˜ de E × F dans E × G, (x, y) 7→ x, f (x, y) dont la différentielle au point (a, b)
¢

est
φ(a,b) = d f˜(a,b) : E × F → ³ E × G ´
(h, k) 7→ h, f x0 (a, b) (h) + f y0 (a, b) (k) .

On vérifie directement (injectivité, surjectivité) que φ est un isomorphisme d’espace de


Banach, d’inverse continu. (N.B. : un théorème non trivial affirme que toute bijection li-
néaire continue entre espace de Banach a un inverse continu). Par une application licite
de l’inversion locale, il existe un voisinage ouvert W et (a, b) et un voisinage ouvert W 0 de
f˜(a, b) = (a, 0) tels que f˜ induise un C 1 -difféomorphisme de W sur W 0 . On peut supposer,
sans nuire à la généralité, que W 0 est un produit V × V 0 , où V est un voisinage ouvert de a.
Soit g̃ l’inverse de f˜ décrit par g̃ (u, v) = (u, h(u, v)), avec h définie de manière unique par
bijection entre W et W 0 et de classe C 1 . On pose pour x dans V

g (x) = h(x, 0).

Par définition des applications en jeu, pour tout x de V :

x, f x, g (x) f˜ g̃ (x, 0) (x, 0)


¡ ¡ ¢¢ ¡ ¢
= =

donc f x, g (x) = 0 sur V , et si (x, y) de W vérifie f (x, y) = 0 on a


¡ ¢

f˜(x, y) = (x, 0) et (x, y) = g̃ (x, 0) = x, h(x, 0) = x, g (x) soit y = g (x),


¡ ¢ ¡ ¢

375
ce qui achève la preuve de l’existence de g .
Le calcul de la différentielle est immédiat par dérivation composée : la fonction f x, g (x)
¡ ¢

est nulle sur V d’où par composition des différentielles l’égalité

f x0 (a, b)(u) f y0 (a, b) dg a (u) 0


¡ ¢
+ =

valable pour tout u de E . Le calcul de dg a (u) vient alors vient alors en inversant f y0 (a, b).
QED.
Cette preuve n’a qu’un défaut : elle n’est pas très intuitive pour un lecteur qui ne serait pas
familier de la géométrie différentielle (redressement de champ de vecteurs...).

Cas des fonctions définies sur R2 ou R3 .

Avant de faire le lien avec les théorèmes habituels, on doit comprendre le rapport qui
s’établit entre une différentielle parteille et une dérivée partielle. Si f est définie sur Rn la
différentielle partielle de f par rapport à x i n’est autre que la multiplication par la dérivée
∂f
partielle : h 7→ h ∂x (a) ; si le but est aussi R (qui sera ici le G du théorème) cette multiplication
i
∂f
est un isomorphisme ssi ∂x i
(a) =6= 0. Passons aux illustrations.

32.4.2 La fonction f va de R2 dans R


On garde ici bien sûr les hypothèses : f est définie sur un ouvert, C 1 , ..., etc. qui sont
indispensables. Le théorème des fonctions implicites devient ici :

∂f
Si ∂y
(a, b) 6= 0, il existe alors des voisinages ouverts V ⊂ R de a, W ⊂ R2 de (a, b) contenu
dans Ω et une application de classe C 1 notée g de V vers R tels que

∀x ∈ V, f x, g (x) = 0 et ∀(x, y) ∈ W, f (x, y) = 0 y = g (x).


¡ ¢
⇐⇒

∂f
Remarque : si ∂x (a, b) 6= 0 on peut définir localement x comme une fonction C 1 de y.
Donc si ∇ f (a, b) 6= (0, 0), l’ensemble des zéros de f est, au voisinage de (a, b), un arc para-
métré cartésien donc régulier.

32.4.3 La fonction f va de R3 dans R


f est toujours de classe C 1 , et le théorème s’énonce :

∂f
Si ∂y
(a, b, c) 6= 0, il existe alors des voisinages ouverts V ⊂ R2 de (a, b), W ⊂ R3 de (a, b, c)
contenu dans Ω et une application de classe C 1 notée g de V vers R tels que

∀(x, y) ∈ V, f x, y, g (x, y) = 0 et ∀(x, y, z) ∈ W, f (x, y, z) = 0 z = g (x, y).


¡ ¢
⇐⇒

∂f
Remarque : si ∂x (a, b, c) 6= 0 on peut définir localement x comme une fonction C 1 de
(y, z), de même avec y. Donc si ∇ f (a, b, c) 6= (0, 0, 0), l’ensemble des zéros de f est, au voisi-
nage de (a, b, c), une nappe paramétrée cartésienne donc régulier.

376
32.5 Structure locale d’un ensemble de zéros au voisinage d’un
point régulier.
La preuve que nous avons donnée du théorème des fonctions implicites fournit directe-
ment le résultat suivant, qui exprime que l’ensemble des zéros d’une fonction de Rn dans R
est, au voisinage d’un point régulier, une hypersurface :

T HÉORÈME . Soient Ω un ouvert de Rn , f une application de classe C 1 de Ω dans R, S l’en-


semble des zéros de f et a ∈ S. Si la différentielle de f en a est surjective, il existe un voisinage
ouvert
¡ U den−1a, ¢un C 1 -difféomorphisme F de U sur un voisinage V de 0, tel que F (U ∩ S) =
V ∩ {0}×R .

Preuve : puisque la différentielle de f est une forme linéaire, il est équivalent de dire
que d f a est surjective, ou que d f a est non nulle, ou encore que l’une des dérivées partielles
∂f
de f en a est non nulle, par exemple ∂x1 6= 0. On reprend alors le principe de la preuve du
théorème des fonctions implicites : l’application

F : x → f (x), x 2 − a 2 , . . . , x n − a n
¡ ¢
7−
∂f
³ ´
a pour matrice jacobienne une matrice triangulaire supérieure de diagonale ∂x1 , 1 . . . , 1 ,
donc est inversible ; il s’agit donc d’un C 1 -difféomorphisme local entre un voisinage ouvert
U de a et un voisinage ouvert V de 0, qui visiblement répond à la question.

On peut traiter le cas des points critiques non dégénérés par le lemme de Morse , cf.
32.6 qui est par ailleurs une application du théorème des fonctions implicites. Dans tous
ces cas, le théorème d’inversion locale permet de ramener localement des transformations
différentiables à des applications linéaires ou quadratiques.

32.6 Extension
Tous les résultats obtenus s’étendent aux fonctions de classe C p , p ≥ 2, ou C ∞ : il suffit
de remplacer « C 1 » par « C p » (ou C ∞ ) dans les énoncés. La preuve s’effectue par récurrence
sur p, en usant des formules de composition et d’inversion. En dimmension finie, il est plus
simple de raisonner sur les dérivées partielles, en exploitant correctement la formule d’in-
version des matrices carrés.

Travaux dirigés :
a) Montrer que l’équation : x y = y x , (x, y) ∈ ] 1 ; +∞ [ 2 définit une fonction continue y =
ln y
f (x) telle que y 6= x si x = e (on ramènera l’équation à lnxx = y ).
b) Étudier la dérivabilité de cette fonction en x = e.
g (x)−g (y)
c) Si g est une fonction C ∞ sur I × I ; mettre x−y sous forme intégrale. Vérifier que
la fonction obtenue admet un prolongement C ∞ à I × I . (Voir le § : intégrales à para-
mètres).
ln x
d) En usant de c), pour la fonction x
prouver que f est C ∞ .

377
Solution :
a) Définition, continuité et unicité de la fonction f .
On note tout d’abord que, si φ(x) = ln(x)
x , φ possède le graphe

1
~
1 ⊕
e
O ~ı 1 2 e3 4 5 6 7 8 9 10

-1

-2

-3

F IGURE 32.3 – Graphe de φ(x) = lnxx

Ce qui montre que, si x ∈ ] 1 ; +∞ [ , il existe un unique y du même intervalle tel que


φ(x) = φ(y) et y 6= x. La fonction φ est donc unique.
Pour la continuité, on note que la restriction de φ à ] 1 ; e ] est une bijection continue
de ] 1 ; e ] sur ] 0 ; 1 ], dont on note η 1 la réciproque, et que la restriction de φ à [ e ; +∞ [
est une bijection continue décroissante de [ e ; +∞ [ sur ] 0 ; 1 ], dont on note η 2 la ré-
ciproque. f est alors visiblement donnée par f (x) = η−1 2 ◦ η 1 (x) si x est dans ] 0 ; e ], et
f (x) = η−11 ◦ η 2 (x) si x est dans [ e ; +∞ [ d’où la continuité de f .
b) Le caractère C ∞ de f est plus délicat au point x = e. En dehors de x = e, les fonctions
η i sont C ∞ et leurs dérivées ne s’annulent pas donc f est C ∞ sur ] 1 ; e [ et ] e ; +∞ [ .
Posons, lorsque (x, y) ∈ ] 1 ; +∞ [ 2 , F (x, y) = x ln y − y ln x. Il est clair que l’équation
F (x, y) = 0 équivaut, dans ] 1 ; +∞ [ 2 , à x = y ou y = f (x). L’idée naturelle est alors d’ap-
pliquer le théorème de fonctions implicites à F , malheureusement, ce dernier tombe
en défaut au point (e, e), où l’on a une « branche » supplémentaire sur la ligne de ni-
veau de F :

x =1
y =x

y =1
e

F IGURE 32.4 – Allure de la ligne de niveau de F (x, y) = x ln y − y ln x = 0.

Nous allons donc éliminer la branche parasite y = x à l’aide d’une « division dans les
germes C ∞ » basée selon l’usage sur le

378
c) Lemme : si h est une fonction C ∞ sur l’intervalle ouvert I de R, l’application H définie
h(x)−h(y)
sur I × I par H (x, y) = x−y est de classe C ∞ .
R1 ¡
Preuve : on montre simplement que, pour tout (x, y) de I ×I , H (x, y) = 0 h 0 x + t (y − x) dt
¢

(distinguer les cas¢ : y = x, y 6= x), comme h 0 est C ∞ , l’application qui a (x, y, t ) asso-
0
cie h x + t (y − x) aussi par composition et l’intégration sur le segment [ 0 ; 1 ] fournit
¡

donc une fonction C ∞ de (x, y).


d) Considérons maintenant l’application définie par

F (x, y)
G(x, y) = pour y 6= x, x >1 et y > 1.
x−y

Avec le calcul précédent nous trouvons

x ln y − y ln x ln y − ln x
µZ 1 dt

G(x, y) = = ln y − y = ln y − y .
x−y x−y 0 x + t (y − x)

On montre alors sans peine que G admet un prolongement C ∞ sur ] 1 ; +∞ [ 2 donné


par le membre de droite et que G(x, y) = 0 ssi y = f (x), y compris que point (e, e).
Comme ∂G ∂y
(e, e) = −1
2e
6= 0, le théorème des fonctions implicites s’applique à G et f au
point (e, e) ce qui achève la preuve de f ∈ C ∞ .

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : essentiellement dirigées vers la géométrie différentielle :


on trouvera la preuve du théorème du rang (qui amène la structure locale des immersions
et submersions) dans [AF88] et [Die70] chap. X. Sinon, tout bon traité de géométrie différen-
tielle convient.

EXERCICES

I NVERSION LOCALE
1) Soit f l’application de R2 dans R2 définie par f (x, y) = (x + y, x y). Étudier la diféren-
tiabilité de f , donner sa matrice jacobienne, son jacobien, et©l’ensemble ¯des ¯ ª points
critiques (32.2). Montrer que la restriction de f à l’ouvert U = (x, y) | x < y ¯ est un
¯
C 1 -difféomorphisme sur son image.
µ 2x 2z ¶
3 3 e +e
2) Soit f une application de R dans R de composantes e2x − e2z . Montrer que f est un
x−y
C ∞ -difféomorphisme de R3 de sur un ouvert V à préciser.
3) Montrer qu’il existe un voisinage U de In dans Mn (C) et une fonction f : U → V voisi-
nage de In telle que : ∀A ∈ U , f (A)2 = A.
4) Soit k une constante de ] 0 ; 1 [ , et f une application de classe C 1 de R dans R, k-
lipschitzienne. Montrer que l’application φ de R2 dans R2 définie par

φ(x, y) x + f (y), y + f (x)


¡ ¢
=

est C 1 -difféomorphisme de R2 . (On donnera plusieurs méthodes :

379
a) f est un C 1 -difféomorphisme local injectif d’image fermée ;
b) même début, puis application judicieuse du théorème du point fixe).
5) Soit f une application de Rn dans Rn . On suppose que f est de classe C 1 , et que la
différentielle de f est, en tout point, une isométrie. Montrer que f est une isométrie
(on commencera par le prouver localement).

F ONCTIONS IMPLICITES
6) On définit au voisinage du point (1, 2) une fonction y = φ(x) par l’équation x ln y +
y ln x = ln 2 et φ(1) = 2 (justifier). Trouver, avec justification, un DL de φ à l’ordre 3 en
1.
7) Montrer que l’intersection des surfaces x 2 + y 2 + z 2 = 3 et x 2 + y 2 − z 2 = 1 est, au voisi-
nage du point (1, 1, 1) un arc de classe C ∞ . Courbure et torsion de cet arc.

P ROBLÈME :
Le but du problème est d’étudier la méthode de Newton pour les fonctions de plusieurs va-
riables (cf. [SB80]). Dans ce qui suit, on se donne une application de classe C 1 de l’ouvert
convexe Ω de Rn dans Rn . Soient x 0 ∈ Ω, et r > 0 tels que B (x 0 , r ) soit inclus dans Ω et d f (x 0 )
soit inversible. On pose, tant que x k est dans Ω et d f (x) inversible :

x k+1 = xk − d f (x k )−1 . f (x k ).

1°) On suppose, ici et dans la suite, que x 7→ d f (x) est γ-lipschitzienne (γ réel > 0). Mon-
γ° °2
trer, pour tout (x, y) de Ω2 : ° f (x) − f (y) − d f (y).(x − y)° ≤ 2 °x − y °
° °

2°) a) Montrer que, quitte à restreindre Ω, on peut supposer d f (x) inversible pour tout
x de Ω. On suppose désormais qu’il existe deux réel > 0, α et β tels que

°d f (x 0 )−1 . f (x 0 )°
° °
≤ α,

¯¯¯d f (x)−1 ¯¯¯


¯¯¯ ¯¯¯
≤ β sur Ω,

def αβγ
h = < 1 et
2
α
r ≥ ·
1−h
k
b) Vérifier que : x 1 ∈ Ω ; kx k+1 − x k k ≤ αh 2 −1
lorsque x k et x k+1 existent ; puis que
x k est définie pour tout entier k.
3°) Montrer que la suite (x k )k∈N converge vers un élément ζ de Ω.
4°) Prouver que f (ζ) = 0. Résumer le résultat obtenu dans un théorème.
5°) On souhaite appliquer la méthode précédente à la résolution d’équations : P (x) =
a 0 x n + · · · + a n−1 x + a 0 = 0, P ∈ R[X ]. Pour ce faire on divise P par x 2 − r x − q :
¡ 2
P (x) = x − r x − q .P 1 (x) + x.A(r, q) + B (r, q),
¢

380
où r et q doivent être choisis de sorte que¢ A(r, q) = B (r, q) = 0. On applique donc ce
qui précède à f : (r, q) 7→ A(r, q), B (r, q) .
¡

a) Montrer que f est de classe C 1 .


b) Soit x 0 et x 1 les racines de x 2 − r x − q. En divisant P 1 par x 2 − r x − q :

P 1 (x) x 2 − r x − q .P 2 (x) x.A 1 (r, q) B 1 (r, q),


¡ ¢
= + +

calculer les dérivées partielles de A et B par rapport à r et q.


c) Décrire une méthode itérative permettant le calcul de deux racines de P . En don-
ner une programmation en langage informatique.

381
382
Chapitre 33

Problèmes d’extremum

33.1 Compacité et problèmes d’extremum


Du fait qu’une fonction continue sur un compact non vide est bornée et atteint ses
bornes, la compacité joue un rôle majeur dans les preuves d’existence de point maximi-
sant ou minimisant un fonction à valeurs réelles, sans donner en soi d’indication sur les
moyens qui permettent de localiser les points qui réalisent les extrema. Le calcul différen-
tiel pourvoit dans le cas général à ces manques, mais il existe souvent des propriétés ad hoc
qui permettent de résoudre le problème ; on peut user des symétries, d’inégalités variées :
Schwarz, Hölder, arithmético-géométrique et. voir par exemple le § 12 ou le § 33.3.
Quelques applications des extrema atteints sur un compact ont déjà été passées en revue
lors de l’étude des fonctions de variables réelles : théorème de Rolle, fini ou à l’infini ; ou
encore le point fixe compact de § 8. Le but ici est plutôt d’étudier des problèmes relatifs aux
fonctions de plusieurs variables. Nous commencerons par passer du cas compact au cas
localement compact.

33.1.1 Proposition
Soient E un evn de dimension finie, et f une application continue de E dans R, telle que
limkxk→+∞ f (x) = +∞. Alors f est minorée et atteint son minimum.

Démonstration : sur une représentation graphique du phénomène, on voit que la fonc-


tion f « part vers +∞ » et que de ce fait on peut se ramener à une boule fermée.

Formalisons cette constatation


° ° : soit B (0, r ) une boule fermée telle que, pour tout x de
norme ≥ r , on ait f (x) ≥ f (0) . La fonction continue f atteint son minimum en un point
° °
a du compact B (0, r ) (nous sommes en dimension finie). Vérifions que a est un minimum
global de f :
1. si x ∈ B (0, r ), f (a) ≤ f (x)par choix a ;
2. si x 6∈ B (0, r ), on a les inégalités f (a) ≤ f (0) ≤ f (x) ;
d’où la conclusion. Le lecteur se persuadera de la nécessité d’introduire une valeur pivot, ici
f (0).

383
5

3
Γf
2

1
~
|

-2 -1 O ~ı 1 2 3 r 4

-1

-2

-3
1
F IGURE 33.1 – Graphe de f (x) = (x − 1)2 − 2 + 10. e x 2 −1 .1 ]−1;1[ (x).

Ce résultat se généralise immédiatement au cas où f est définie sur un fermé (non vide)
d’un evn de dimension finie et tend vers +∞ en +∞.

33.1.2 Applications
1. Distances atteintes : le fait que la distance d’un point a à une partie fermée non vide F
d’un evn de dimension finie soit atteinte est une application directe de la proposition
via la fonction x → d (x, a).
2. Polynômes de meilleure approximation : on fixe un entier n ≥ 1. Soit f une application
continue de [ 0 ; 1 ] dans R. ° °
Il existe un polynôme° P , de°degré ≤ n, tel que ° f − P °∞ soit la borne inférieure des
nombres de la forme ° f −Q °, où Q décrit l’espace vectoriel E n des polynômes réels de
degré ≤ n. ° °
En effet, la fonction φ définie
° °sur E n par Q °7→° f −Q ∞ tend vers +∞ lorsque kQk∞
° °
tend vers +∞ puisque ° f −Q °∞ ≥ kQk∞ − ° f °∞ , comme φ est continue — plus pré-
cisément, 1-lipschitzienne — elle atteint son minimum en une point P de E n .
On obtient par une étude directe (et délicate) du phénomène le fait remarquable que,
si f 6∈ E n , f − P s’annule n fois en changeant de signe, ce qui aide parfois à repérer P .
3. Théorème de D’Alembert-Gauss : soit P un polynôme complexe non constant, en consi-
dérant la fonction z 7→ |P (z)|, qui tend vers +∞ en +∞ (§ 14.2.2-3) on constate que
|P (z)| atteint son minimum m en un point a de C. Montrons que ce minimum est
nul, donc que P admet au moins un racine complexe. Pour cela nous raisonnerons par
l’absurde en supposant m > 0. Commençons par effectuer diverses réductions (sans
lesquelles les notations sont très pénibles). Par translation sur la variable, nous pou-
vons supposer que a = 0 ; une homothétie ramène ensuite au cas où P (0) = 1 = m.

384
Après factorisation de la plus petite puissance ≥ 1 de z dans P , celui-ci s’écrit

P (z) = 1 + αz p (1 + o (z)) , α 6= 0.

Posons ρ = |α| et z = r ei t , où r > 0 et où t est fixé de sorte que α ei pt = −ρ. Nous


obtenons
P r ei t = 1 − ρr p 1 + ε (z) + i η (z)
¡ ¢ ¡ ¢

où les fonctions ε et η sont réelles, et tendent vers 0 en 0. Par un calcul direct :


¯ ¡ i t ¢¯2 ¢2 ¢2
¯P r e ¯ 1 − ρ r p (1 + ε (z)) ρ r p η (z) 1 − 2 ρ rp +o rp .
¡ ¡ ¡ ¢
= + =

quantité strictement inférieure à 1 pour r > 0 assez petit, contrairement au fait que
m = 1. QED.

33.1.3 Exemple en géométrie


Une idée-force est la suivante : sachant qu’un extremum est atteint en un point a, on ob-
tient des renseignements supplémentaires sur ce dernier en faisant « varier les paramètres »
autour de a. Cette idée conduit tout droit au calcul variationnel et aux conditions différen-
tielles exposée plus loin ; mais tous les problèmes ne relèvent pas du calcul différentiel, par
exemple :
Soit C un cercle de R2 . On veut montrer qu’il existe un triangle d’aire maximum inscrit dans
C , puis qu’un tel triangle est nécessairement équilatéral.

Notation : M N désigne le vecteur d’extrémités ordonnées M et N , et k·k2 la norme eu-


clidienne. La fonction « aire q’un triangle (A, B,C ) » est continue des sommets du triangle,
puisqu’il s’agit de la moitié de |[AB, AC ]| ([AB, AC ] désigne le produit mixte). Elle atteint
donc son maximum sur le compact C 3 en un triangle > = (A, B,C ). Fixons A et B , désignons
par H la projection orthogonale de C sur [ A ; B ] et faisons varier C : l’aire de >, égale à
1
2
AB.C H , est maximale lorsque kC H k2 est maximal ; or C H a un maximum strict lorsque C
est sur la médiatrice de [ A ; B ].

C
b
C′
b

b b b b

A H H ′ B

F IGURE 33.2 – L’aire d’un triangle inscrit est maximale lorsque le triangle est équilatéral.

385
Si > est d’aire maximum, le point C est donc placé sur la médiatrice de [ A ; B ] et > est
isocèle en C . Par symétrie des rôles, il l’est aussi en A, B , et C donc > est équilatéral.

N.B. : pour que le raisonnement que nous avons tenu soit valide, il fallait par avance être
certain de posséder un triangle (A, B,C ) réalisant le maximum.

33.2 Application du calcul différentiel à la recherche d’extrema


locaux
Avant de se lancer dans une étude différentielle de la question, il faut dire que certains
cas fréquents ne peuvent pas être traités par ce dernier, tout simplement parce que les fonc-
tions en jeu ne sontpas différentiables aux points où les extrema sont atteints ! C’est le cas
par exemple de la recherche du minimum d’une fonction affine par morceaux convexe dès
que le minimum est strict (regardez !). Il convient aussi de garder à l’esprit le fait que l’on ne
différentie les fontions que sur des ouverts ; pour étudier entre autre une fonction sur une
boule fermée il faut considérer séparément le cas de l’intérieur (la boule ouverte) de celui de
la frontière (la sphère).

33.2.1 Définition
Soit f une application différentiable de l’ouvert Ω de l’env E dans R. On dit que la point
a de Ω est un point critique de f lorsque la différentielle de f en a est nulle.

N.B. : si d f (a), qui est une forme linéaire continue sur E , n’est pas nulle, elle est surjec-
tive.

33.2.2 Théorème
Soit f une application différentiable de l’ouvert Ω de l’espace vectoriel normé E dans R.
Si f présente un extremum local au point a, a est un point critique de f .

Démonstration : soit h un vecteur de E . La fonction numérique α : t → 7 f (a + t h) est


définie au voisinage de 0 et présente, compte tenu de l’hypothèse faite sur f , un extremum
local en 0. De là, α0 (t ) = d f (a)(h) = 0. QED.

Cas où E = Rn : la condition nécessaire pour que a soit un point critique est

∂f
(a) = 0 (i = 1, . . . , n) .
∂x i

B : tous les points critiques ne sont pas en général des extrema locaux de f , tant s’en faut !
Divers exemples issus de l’étude de « formes normales » des surfaces sont donnés plus loin,
qui illustrent les situations courantes ; mais déjà, dans R, f (x) = x 3 possède l’unique point
critique 0, et aucun extremum local.

386
Exemple : soit U un ouvert relativement compact de Rn , f une application continue
de U dans R, nulle sur, Fr (U ) différentiable sur U . Il existe un point a de U en lequel la
différentielle de f est nulle.
En effet, la fonction continue f du compact U dans R atteint son minimum en un point a et
son maximum en un point b. Si f (a) = f (b) la fonction est constante donc nulle (hypothèse
sur la frontière) et tout point de U convient. Sinon, l’un de f (a), f (b) est 6= 0 et par suite a
ou b est dans U , ce qui donne d f (a) = 0 ou d f (b) = 0.

33.3 Conditions d’ordre deux


On se place désormais en dimension finie et l’on identifie l’espace ambiant à Rn au
moyen d’une base.

33.3.1 Théorème
Soit f une application de classe C 2 de l’ouvert Ω de Rn dans R.
1. Si f présente un minimum local au point a, a est un point critique de f et la différen-
tielle seconde de f en a est une forme bilinéaire symétrique positive.
2. Si a est un point critique de f et si la différentielle seconde de f en a est une forme
bilinéaire symétrique définie positive, a est un minimum local strict de f .
Démonstration : l’outil essentiel de la preuve est la formule de Taylor à l’ordre deux.
1. Nous savons déjà que a est un point critique, la formule de Taylor à l’ordre deux en a
s’écrit donc
1 2
f (a + h) − f (a) = d f a (h, h) + o khk2
¡ ¢
2
et donc, pour khk ≤ r convenable
1 2
0 d f a (h, h) o khk2 .
¡ ¢
≤ +
2
L’idée est classique, dans les preuves variationnelles, de remplacer h par t h, t > 0, puis
de faire tendre t vers 0 (cf. -) ; on a ici
1 2
0 ≤ d f a (t h, t h) + kt hk2 ε (t h) ,
2
où veps tend vers 0 en 0 ; en divisant par t 2 , compte tenu du fait que d2 f a (h, h) est
une forme quadratique il vient

0 ≤ d2 f a (h, h) .

2. Il s’agit de trouver r > 0 tel que, pour 0 < khk < r on ait 0 < f (a + h) − f (a). Nous
sommes en dimension finie, où toutes les normes sont équivalentes. Le choix de la
norme k·k est donc libre : comme par hypothèse h 7→ d2 f a p
(h, h) est une forme quadra-
tique définie positive, on peut prendre pour norme khk = d2 f a (h, h) et la formule de
Taylor s’écrit, puisque a est un point critique
1
f (a + h) − f (a) = khk2 + khk2 ε (h) ,
2

387
où ε tend vers 0 en 0. Il suffit alors de choisir r > 0 de sorte que B (a, r ) soit contenue
dans Ω et khk < r =⇒ |ε (h)| < 21 .
B : bien distinguer les conditions nécessaires données en 1 des conditions suffisantes
de 2, plus restrictives : par exemple, la fonction définie sur R2 par f (x, y) = x 4 + y 4 présente
un minimum global stricit an 0, et sa diffirentielle seconde en ce point est nulle.
Bien entendu, on a un résultat analogue pour les maxima locaux.

33.3.2 Cas de l’ordre deux, notations de Monge


Soi f une fonction de classe C 2 de l’ouvert Ω de R2 dans R. On pose

∂f ∂f ∂2 f ∂2 f ∂2 f
p = , q = , r = , s = , t = ,
∂x ∂y ∂2 x ∂x∂y ∂2 y

Les conditions nécessaires pour qu’il y ait un extremum local sont alors
a) a est un point critique, soit p = q = 0 ;
b) la matrice hessienne de f en a, soit H = ( rs st ) est positive ou négative...
Le caractère positif de H entraîne r ≥ 0, t ≥ 0, et r s−t 2 ≥ 0 (cf. mathématiques générales).
Les conditions suffisantes sont
a) a est un point critique, soit p = q = 0 ;
b) la matrice hessienne de f en a, soit H = ( rs st ) est définie positive ou définie négative.
Dans le cas des matrices de taille 2, H est définie positive si, et seulement si r > 0 et
r t − s 2 > 0.
En effet, si H est définie positive, le nombre ( 1 0 )H ( 10 ) est > 0, donc r est > 0 et le produit des
valeurs propres de H , c’est-à-dire le déterminant r t − s 2 , est > 0.
En sens inverse, si r t − s 2 > 0, les valeurs propres de H sont non nulles et de même signe,
donc H est définie ; et H ne peut-être négative car r > 0.

Exemple : on s’intéresse aux formes quadratiques non dégénérées sur un espace véctoriel
réel
¡ E de dimension 2. Soit q une telle forme. Il existe une base (e 1 , e 2 ) de E qui réduit q à
q xe 1 + ye 2 = αx 2 + βy 2 , α et β sont dans { −1, 1 }. Dans cette base
¢

∇ q(x, y) = 2 α x e1 + 2 β y e2

donc le seul point critique de q est l’origine.


Si α et β sont de même signe, q est :
— définie positive si α, β > 0, (0, 0) est un minimum strict ;
— définie négative si α < 0 et β < 0, (0, 0) est un maximum strict.
Le forme q présente un point-col lorsque αβ < 0. La surface z = αx 2 + βy 2 est alors un pa-
raboloïde hyperbolique dont l’allure est celle d’une « selle de cheval », typique des points
critiques dont la hessienne n’est pas singulière, et qui ne sont pas des extrema locaux.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : elles sont assez spécialisées (problèmes d’optimisation,


linéaires et non linéaires). Faites plutôt les exercices, ou le problème d’analyse numérique

388
de l’agregation (externe) de 1992 1 , qui possède une remarquable partie I (le reste est égale-
ment intéressant).

EXERCICES

1) Extrema de x 4 + y 4 − 2(x − y)2 sur R2 . (On commencera par montrer que f possède un
minimum global sur R2 .)
2) Montrer que la restriction d’une fonction f de classe C 1 de Rn dans Rn à la boule unité
présente au moins deux extrema. Prouver qu’aux points où le maximum est atteint, le
gradient de f est soit nul soit sortant (interpréter).
Rπ£
3) Étudier les extrema de (x, y) 7→ 0 sin t − xt − y t 2 dt .
¤

P ROBLÈME : FONCTIONS CONVEXES


Soit Ω un ouvert convexe de Rn et f une application de Rn dans R. On dit que f est convexe
si elle vérifie

∀(x, y) ∈ Ω × Ω, ∀λ ∈ [ 0 ; 1 ], f λx + (1 − λ)y λ f (x) (1 − λ) f (y)


¡ ¢
≤ +

1°) a) Montrer que f¡ est convexe ¢ssi, pour tout (x, y) de Ω × Ω, l’application de [ 0 ; 1 ]
dans R : t 7→ f t x + (1 − λ)y est convexe.
b) Montrer que, si f présente un minimum relatif en a, elle atteint en fait son mini-
mum absolu en a.
2°) On suppose f convexe et C 1 .
a) Montrer que ∀(x, y) ∈ Ω × Ω,
(i) f (y) ≥ f (x) + grad f (x) | y − x , et
­ ®

(ii) grad f (x) − grad f (y) | x − y ≥ 0.


­ ®

b) Prouver que (i) ou (ii) entraînent que f est convexe.


c) En déduire :
— que grad f (a) = 0 entraîne que f atteint son minimum absolu en a ;
— l’existence de fonctions affines qui minorent f .
d) Application : si Ω = Rn , montrer que, pour tout ε > 0 et tout a de Rn , la fonction
x 7→ f (x) + ε kx − ak2 possède un minimum absolu sur Rn (utiliser 33.1.3). Établir
alors que l’application x 7→ grad f (x) + 2εx est un homéomorphisme de Rn sur
Rn .
3°) On suppose f convexe et C 2 . Montrer que, pour tout x de Ω, la matrice Hessienne de
f en x est symétrique et positive. Réciproque ?

1. Par exemple, sur : http://concours-maths-cpge.fr

389
390
Neuvième partie

Équations différentielles

391
Chapitre 34

Équations non linéaires ordinaires

34.1 Solution d’une équation différentielle


Notation : dans tout ce qui suit, E désigne un espace de Banach.

34.1.1 Définition
Soient U un ouvert de R × E , et f une application continue de U dans E . On appelle
solution de l’équation différentielle

y0 = f (x, y) (E )

tout couple I , φ tel que :


¡ ¢

— I est un intervalle ouvert de R, et φ une application de classe C 1 de I dans E ;


— pour tout x de I , x, φ(x) ∈ U et φ0 (x) = f x, φ(x) .
¡ ¢ ¡ ¢

Ainsi, une solution ¡est un


¢ couple, on autorise donc l’intervalle de définition I à varier. On
dit que la solution I , φ de (E) passe par le point (x 0 , y 0 ) de U lorsque x 0 ∈ I et φ(x) = y 0
(l’emploi de ce terme sera justifié par l’introduction de la notion de courbe intégrale).

Notations variées : on rencontre y 0 = f (x, y), y 0 = f (t , y), x 0 = f (t , x) (surtout dans le cas


des équations de type x 0 = f (x) issues de la mécanique).

34.1.2 Les premiers problèmes qui se posent sont les suivants


1. Existence de solutions.
2. Existence de solutions passant par un point donné (problème de Cauchy).
3. Existence de solutions définies sur un intervalle donné inclus dans la projection de U
sur R.
4. Unicité de telle solutions (à I fixé).
Sans hypothèses sur f autres que la continuité, il peut se faire que 1 ait une réponse né-
gative : l’étude s’arrête là ! Il faut donc hypothèses additionnelles pour fonder une théorie
raisonnable. Le théorème d’existence que nous allons démontrer, même s’il n’est pas le plus
général possible, suffira à nos besoins.

393
34.2 Le théorème de Cauchy-Lipschitz
34.2.1 Définition
Soient U un ouvert de l’espace vectoriel normé X , et soit f une application de U dans
l’espace vectoriel normé F / On dit que f est localement localement lipschitzienne si, pour
tout x de U , il existe un voisinage V de x tel que la restriction de f à V soit lipschitzienne.

La proposition ci-dessous fournit un critère pratique pour déterminer si une application


donnée est localement lipschitzienne.

34.2.2 Proposition
Si f est de classe C 1 , elle est localement lipschitzienne.

Démonstration : soit a dans U ; il existe, par continuité de d f , un réel r > 0 tel que
1. la boule B (a, r ) soit contenue dans U ;
¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯
2. la fonction x 7→ ¯¯¯d f (x)¯¯¯ soit majorée par K = ¯¯¯d f (a)¯¯¯ + 1 sur B (a, r ).
Comme B (a, r ) est convexe, nous pouvons appliquer à f l’inégalité des accroissements fi-
nis : f est de ce fait K -lipshcitzienne sur le voisinage B (a, r ) de a. QED.
(Nul besoin de dimension finie ! Une application continue est toujours localement bornée.)

34.2.3 Théorème de Cauchy-Lipschitz


Soit f une application localement lipschitzienne de l’ouvert U de l’espace produit R × E
dans E , et soit (x 0 , y 0 ) un point de U :
i) il existe une solution I , φ de l’équation différentielle (E) y 0 = f (x, y) telle que x 0 ∈ I et
¡ ¢

φ(x 0 ) = y 0 ;
ii) si J , ψ est une solution de (E) telle que x 0 ∈ J et ψ(x 0 ) = y 0 il existe un voisinage V de
¡ ¢

x 0 dans I ∩ J tel que, pour tout x de V , φ(x) = ψ(x).


Démonstration : la preuve procède en plusieurs étapes, qu’il convient d’articuler cor-
rectement.
A– Existence
1. Localisation :
Nous
¡ fixons pour commencer un réel r > 0 tel que le produit P = [ x 0 −r ; x 0 +r ]×
B y 0 , r soit contenu dans U , f étant en outre bornée par M et K -lipschitzienne
¢

sur P .
2. Mise sous forme intégrale :
Comme une solution φ est de ce fait C 1 , φ vérifie (E) avec φ(x 0 ) = y 0 ssi
Z x
∀x ∈ I , y0 f t , φ(t ) dt .
¡ ¢
φ(x) = +
x0

394
3. Choix d’un domaine stable : Soit α un réel, 0 < α < r . Introduisons l’espace A(α)
stable par F . Pour cela il faut assurer que l’intégrale de droite est « petite ». Il y a ici
deux moyens de contrôler la taille d’une intégrale : en agissant sur l’intégrande,
ou
° °sur la longueur de l’intervalle. Pour ce qui est de l’intégrande, on sait déjà que
° f ° est bornée par M , et il est difficile de faire mieux (à cause de la contrainte
° ¡
f (x 0 ) = y 0 ). Il faut donc agir sur α : pour tout t de I , ° f t , φ(t ) ° ≤ M donc
¢°

° ¡ ¢ °
°F φ (t ) − y 0 ° ≤ |x − x 0 | M ≤ α M.

Par suite, si αM < r le domaine A(α) est stable par F .


4. Détermination d’un contraction :
Ici, A(α) est normé par la norme sup. notée k·k∞ . On suppose aussi que A(α) est
stable ce qui est assuré par αM < r , et l’on veut faire de F une contraction stricte.
Soient φ et ψ dans A(α), par définition, pour tout x de I


°Z °
°¡ ¡ ¢ ¡ ¢¢ ° ° ¢´ °
° F φ − F ψ (x)° f t , φ(t ) f t , ψ(t ) dt °
¡ ¢ ¡
= ° −
x0
° °
° ° ° °
≤ K |x − x 0 | °φ − ψ°∞ ≤ K α °φ − ψ°∞ ,

car f est K -lipschitzienne. On choisit désormais α tel que K α < 1 et M α < r .


5. preuve de i) :
L’application F est¡par choix de α une contraction stricte de (A(α), k·k∞ ) dans lui-
même. Le fermé B y 0 , r de l’espace de Banach E est complet, par suite (A(α), k·k∞ )
¢

l’est aussi, F possède donc un point fixe φ dans A(α). φ est alors de classe C 1 ,
φ(x 0 ) = y 0 et par dérivation φ est une solution de (E).

B– Unicité locale Soit J , φ une autre solution de (E) passant par le point (x 0 , y 0 ). Il existe
¡ ¢

β > 0 tel que :

βK < 1, et x0 − β ; x0 + β contenu dans I ∩ J.


£ ¤
βM < ρ,

F induit ¤alors une contraction stricte G de A(β), et les restrictions


£ de φ et ψ ठx 0 −
£

β ; x 0 +β sont des points fixes de G ; φ et ψ coïncident donc sur x 0 −β ; x 0 +β . QED.

N.B. : le théorème n’exprime qu’une existence et une unicité locales des solutions, il
ne dit pour l’instant rien sur leur comportement global. Celui-ci sera précisé, d’abord par
l’étude des solutions maximale , puis par les théorèmes de prolongement, et illustré enfin
par les exemples de fin de chapitre.

B : les théorèmes¡du cours ¢ ne s’appliquent qu’aux ED « résolues en y » ; les utiliser pour


0
des ED de la forme f x, y, y = 0 conduit immédiatement à des horreurs : existence de so-
lutions alors qu’il n’y en a pas ; au contraire unicité déplacée...

395
34.2.4 Sans l’hypothèse de Lipschitz
Donnons un contre-exemple pour une ED résolue en y 0 si l’on omet l’hypothèse : f est
lipschtizienne. Il suffit de considérer l’équation différentielle
q¯ ¯
y0 = ¯ y ¯.
q¯ ¯
La solution (x, y) 7→ ¯ y ¯ est définie et continue sur l’ouvert R2 . Pourtant, le théorème de
Cauchy ne s’applique pas : les solutions définies par y(x) = 0 pour tout x, et z(x) = 41 (x − a)2
pour x ≥ a, z(x) = 0 pour x ≤ a sont toutes deux de classe C 1 et passent par le même point
(a, 0).

Exercice : compléter le tableau des courbes intégrales des cette équation. On constatera
qu’il y a une infinité de solutions passant par un point quelconque de R2 .

34.3 Ordre sur les solutions, solutions maximales

E XISTENCE ET UNICITÉ DE SOLUTIONS MAXIMALES POUR LE PROBLÈME DE C AUCHY

34.3.1 Théorème
Soit f une application de localement lipschitzienne de l’ouvert U de l’espace produit E ×R
dans E , et soit (x 0 , y 0 )¡un point de U .
Il existe une solution I , φ de l’équation différentielle (E) y 0 = f (x, y) et une seule telle que :
¢

(1) x 0 ∈ I et φ(x 0 ) = y 0 ;
(2) si J , ψ est une solution de (E) telle que x 0 ∈ J et ψ(x 0 ) ∈ y 0 , l’intervalle I contient l’in-
¡ ¢

tervalle J et la restriction de φ à l’intervalle J est ψ.


Démonstration : soit E l’ensemble des solutions J , φ passant par (x 0 , y 0 ). E est non
¡ ¢

vide, désignons par I la réunion¡ des¢intervalles ¢ de définition des solutions de (E) apparte-
nant à E . Soient x un point de I , J , ψ et K , θ deux éléments de E tels que x ∈ J ∩K . Comme
¡

par hypothèse ψ et θ coïncident en x 0 , le théorème de Cauchy-Lipschitz nous dit que ψ et θ


sont égales sur J ∩ K , en particulier ψ(x) = θ(x).
On définit donc correctement une application φ de l’intervalle I dans E en posant, lorsque x
est dans I , φ(x) = ψ(x), où ψ est l’une quelconque des solutions ¢de (E) passant par x. Mon-
trons que φ est solution de (E). Si x ∈ I , il existe une solution J , ψ appartenant à E telle que
¡

x ∈ J , compte tenu des définitions φ(t ) =¡ ψ(t ) pour ¢ tout ¡ t de¢ J , donc φ est dérivable sur J ,
0 0
et l’on a en particulier φ (x) = ψ (x) = f x, ψ(x) = f x, φ(x) , ce qui donne le résultat an-
noncé.
Prouvons enfin (2). Si J , ψ est une solution de (E) passant par (x 0 , y 0 ), J est par définition
¡ ¢

de I contenu dans I et par construction φ prolonge ψ. QED.

34.3.2 Définition
La solution de l’équation différentielle (E) vérifiant (1) et (2) est appelée solution maxi-
male de (E) passant par (x 0 , y 0 ).

396
Il est clair — modulo les hypothèses de Cauchy-Lipschitz, toujours présentes — qu’une so-
lution maximale est caractérisée par le fait qu’elle est non-prolongeable.

C OURBES INTÉGRALES D ’ UNE E.D.O.

34.3.3 Définition
Les graphes des solutions maximales de l’équation différentielle (E) sont appelées courbes
intégrales de (E).

Traduction géométrique : sous les hypothèses du théorème de Cauchy-Lipschitz, les


courbes intégrales de (E) réalisent une partition de l’ouvert U . Par exemple, dans R2 , en un
point (x, y) la pente de la tangente à une courbe intégrale de l’équation différentielle en un
point (x, y) est déterminée par la valeur de la fonction f au point considéré, soit f (x, y).

34.4 Prolongement
À nouveau, l’énoncé que nous allons démontrer n’est pas le plus général possible, tant
s’en faut, mais il est bien suffisant pour les applications que nous avons en vue.

34.4.1 Théorème
Soit f une¡ application ¢ localement lipschitzienne de l’ouvert U de l’espace produit R × E
dans E , et soit ] a ; b [ , φ une solution de l’équation différentielle (E) y 0 = f (x, y) avec b < +∞.
S’il existe un nombre ε > 0 tel que l’ensemble

x, φ(x) ; x ∈ ] b − ε ; b [
©¡ ¢ ª

soit contenu dans un compact X de U , on peut trouver un nombre c > b tel que φ se prolonge
en une solution de (E) sur ] a ; c [ .

Démonstration : en conservant les notations du théorème, introduisons le réel


©° °
K sup ° f (x, y)° ; (x, y) ∈ X .
ª
=

Du fait que φ est solution de l’équation différentielle étudiée, la fonction °φ0 ° est majorée
° °

par K sur ] b − ε ; b [ , ce qui implique que φ est K -lipschitzienne, donc uniformément conti-
nue sur ] b − ε ; b [ . Le critère de Cauchy nous dit alors que φ possède une limite l en b − ; de
plus,¡le
¤ couple
£ (b, ¢ l ) appartient au fermé X donc à U .
Soit a 0 ; c , ψ une solution de (E) passant par (b, l ), et posons θ(x) = φ(x) si x ∈ ] a ; b [ ,
θ(x) = ψ(x) si b ≤ x < c. θ est visiblement dérivable sur ] a ; b [ ∪ ] b ; c [ ; en outre, le choix de
ψ fait que θ est continue en b.
Comme par construction θ 0 (x) = f (x, θ(x)) sur ] a ; b [ ∪ ] b ; c [ , la fonction θ 0 possède en b
la limite f (b,¡ l ), ce
¢ qui achève de prouver que ( ] a ; c [ , θ) est une solution de (E) prolongeant
strictement I , φ en b. QED.

397
34.4.2 Variante importante
Si f est définie sur R × E , et bornée sur les « bandes » [ a ; b ] × E , (a fortiori si f est bornée
sur le tout), toute solution maximale de (E) est définie sur R.

On peut montrer ce résultat directement, en reprenant les idées ci-dessus : soit ] a ; b¢[ , φ
¡ ¢

une solution de (E) avec b < +∞, f est bornée sur ] b − ε ; b [ × E , donc φ0 (x) = f x, φ(x) est
¡

bornée sur ] b −ε ; b [ , ce qui entraîne que φ est lipschitzienne donc uniformément continue
sur ] b − ε ; b [ . Moyennant le critère de Cauchy φ admet une limite l en b − ; on reprend alors
sans modification la preuve de l’existence d’un prolongement pour φ en b.

N.B. : il faut impérativement maîtriser le raisonnement du théorème ci-dessus ; il s’agit


de l’un des « gestes de base » de l’analyse (au même titre que les preuves du type de Cesàro,
les transfomations d’Abel, etc.) indispensable ici à l’étude des équations non linéaires.

34.5 Exemple : équations autonomes


34.5.1 Généralités
On appelle équation autonome une équation différentielle de la forme (E) y 0 = f (y), où f
est une application de l’ouvert U l’espace de Banach E dans E . (Les problèmes de physique
qui¡ ne dépendent pas explicitement du temps conduisent à de telles équations)
Si I , φ est une solution de l’équation autonome (E), pour tout a de R la translatée x 7→
¢

φ(x + a), définie sur l’intervalle I \ { a }, est aussi solution de (E).

34.5.2 Classification (élémentaire)


Soit f une application de classe C 1 de l’ouvert Ω de Rn dans Rn , et y une solution sur I
(intervalle de R) de l’équation différentielle autonome (E) y 0 = f (y).
a) S’il existe t 1 et t 2 > t 1 dans I tels que y(t 1 ) = y(t 2 ), x admet un prolongement pério-
dique à R tout entier.
b) Les solutions de (E) sont : des arcs-points, des arcs réguliers injectifs ou des arcs de
Jordan, ces derniers correpondants aux solutions périodiques non triviales.
Preuve : posons T = t 2 − t 1 . On définit une fonction ψ sur J = [ t 1 + T ; t 2 + T ] en posant :
ψ(t ) = φ(t − T ). La fonction ψ est de classe C 1 sur J , et sa dérivée est donnée par

ψ0 (t ) = φ0 (t − T ) = f φ(t − T ) = f ψ(t )
¡ ¢ ¡ ¢

donc ψ est solution de (E). Définissons alors une fonction θ sur [ t 1 ; t 2 + T ] en posant :
θ(t ) = φ(t ) sur [ t 1 ; t 2 [ , θ(t ) = ψ(t ) sur [ t 2 ; t 2 + T [ . Par hypothèse

ψ(t 2 ) = φ(t 1 ) = φ(t 2 )

donc θ est continue en t 2 , dérivable sur [ t 1 ; t 2 + T [ \ { t 2 }, admet φ0 (t 2 ) pour dérivée à droite


en t 2 et φ0 (t 1 ) pour dérivée à gauche en t 2 . Comme φ est solution de (E)

φ0 (t 1 ) = f φ(t 1 ) = f φ(t 2 ) = φ0 (t 2 )
¡ ¢ ¡ ¢

398
ce qui montre que θ est dérivable en t 2 , de dérivée θ 0 (t 2 ) = f (θ(t 2 )). Le fait que φ et ψ soient
solutions de (E) entraîne que θ vérifie (E) sur [ t 1 ; t 2 + T [ \ { t 2 }, ce qui montre que θ est un
prolongement de φ à [ t 1 ; t 2 + T ].
On poursuit, avec les mêmes idées, le processus pour obtenir un prolongement périodique
θ de φ à la source R. Enfin θ et φ coïncident sur R puisqu’elles sont égales au point t 2 . QED.

B¡ : Ne pas
¢ confondre la courbe intégrale qui est toujours un arc injectif de R × E , soit
x 7→ x, φ(x) , et la trajectoire qui est la courbe de E , soit x 7→ φ(x). Par exemple, si E = R la
trajectoire est contenue dans un intervalle de R.

34.5.3 Étude du cas de la dimension 1


Nous étudierons quelques cas particuliers représentatifs.
1. Soit f une application C 1 croissante de R dans R. On suppose que f possède un
unique zéro a. Étudier les courbes intégrales de y 0 = f (y).

Premières observations : le théorème de Cauchy-Lipschitz s’applique car f est de


classe C 1 . D’autre part les courbes intégrales sont invariantes par translation, comme
dans toute équation autonome. Il est conseillé dès maintenant de consulter la figure
finale.

Régionnement : La fonction constante y = a est une solution maximale de (E) puisque


f (a) = 0. De là, si le graphe d’une solution rencontre la droite y = a, une utilisation
licite du théorème de Cauchy montre que ladite solution est constante. Les graphes de
solutions maximales non constantes sont donc contenues dans l’un des demi-plans

Π+ = x, y ∈ R2 , y > a et Π− x, y ∈ R2 , y < a .
©¡ ¢ ª ©¡ ¢ ª

Étudions tout d’abord une solution maximale I , φ dont le graphe est contenu dans
¡ ¢

Π+ . Comme f croît, et ne s’annule qu’au point a, on a f (y) > 0 pour tout y > a, donc la
1
fonction φ est strictement
£ croissante, mieux, φ est un C -difféomorphisme croissant
de fonction
¤ I = ¤ α ; β¤ sur£son image. On observe alors que
¤ φ est bornée sur tout
¤

intervalle α ; γ , γ ∈ α ; β . Si α est fini, l’image de α ; γ par φ est contenue dans


¤

le compact
K = α; γ × a ; φ γ
£ ¤ £ ¡ ¢¤

sur lequel (x, y) 7→ f (y) ¤est C 1 et£ bornée ; le théorème 34.3.1 s’applique, et φ se pro-
longe sur un intervalle α − ε ; β , contrairement à son caractère maximal (ceci peut
se vérifier directement : la fonction φ, croissante et minorée, admet une limite en α,
on reproduit alors la preuve du 34.3.1). Donc α = −∞ : toute solution maximale de (E)
dont le graphe est dans Π+ est définie sur un intervalle de la forme i nt er v al l eoo−∞β.
Pour la borne β, le raisonnement est une peu plus subtil. On montre d’abord que la
limite de la fonction croissante φ en β est infinie, sinon
— dans le cas où β < +∞, la fonction croissante φ possède une limite réelle en β,
donc un plongement, etc. ;

399
— dans le cas où β = +∞, la fonction φ0 (x) = f φ(x) croît comme compossée de
¡ ¢

deux fonctions croissantes, donc φ est convexe ; si γ est fixé dans I , il vient pour
tout x ≥ γ
φ(x) ≥ φ γ + φ0 γ x − γ
¡ ¢ ¡ ¢¡ ¢

avec φ0 γ > 0 ce qui donne à nouveau la limite +∞ pour φ en +∞.


¡ ¢

Le critère final est alors le suivant :

du
le nombre β est fini, et seulement si, l’intégrale converge.
R
f (u)

Posons par commodité y = φ, l’équation différentielle s’écrit aussi

dy
= dx.
f (y)

Il faut comprendre que l’intégrale du membre de gauche est en fait


x dy x y 0 (x)
Z Z
= dx
f (y) f y (x)
¡ ¢
x0 x0

dans laquelle on effectue le chagement de variable u = y(x), ce qui nous donne


Z y(x) du
= x − x0 .
y(x 0 ) f (u)

Comme y est un C 1 -difféomorphisme croissant, possédant la limite +∞ en β, nous


voyons que β est fini l’intégrale converge.

y =a

x
O

F IGURE 34.1 – Stabilité par translation des solutions d’équations autonomes

Complément : si F est une fonction continue qui ne s’annule pas sur l’intervalle ouvert
réel I et y 0 ∈ I , il existe une solution et une seule f de l’équation différentielle

y0 = F (y) (EF )

400
définie sur l’intervalle ouvert J décrit plus loin,
R x telle que f (0) = x 0 ; f est l’inverse de
dt
l’application φ qui au nombre x de I associe x0 F (t ) et J est l’image de I par φ.

Preuve : supposons par exemple F > 0. φ est de classe C 1 sur I et admet pour dérivée
1
φ0 (x) = >0
F (x)

donc la réciproque f de φ est une application de classe C 1 de J sur I qui satisfait à


1
∀x ∈ J , f 0 (x) F φ−1 (x) F f (x) ,
¡ ¢ ¡ ¢
= = =
φ0 φ−1 (x)
¡ ¢

et f est bien une solution de (EF ) définie sur J .


Pour montrer l’unicité, on se donne une autre solution g de (EF ) sur J , vérifiant g (0) =
x 0 . Puisque F est > 0, g est un C 1 -difféomorphisme de J sur g (J ) contenu dans I . Soit
ϕ la réciproque de g , on calcule pour x dans g (J )
1 1 1
ϕ0 (x) = = =
g0 ϕ (x) F g0 ϕ (x) F (x)
¡ ¢ ¡ ¡ ¢ ¢

Rx dt
comme ϕ(x 0 ) = 0 on a bien ϕ(x) = sur g (J ). Nous aurons aussi ϕ g (J ) = J ,
¡ ¢
x 0 F (t )
donc g (J ) = I et g = f . QED.

2. Un autre exemple : courbes intégrales de l’équation 1 y 0 = sin y.


La fonction sin y est C ∞ donc le théorème de Cauchy s’applique, elle est de plus bor-
née ¢et ce qui fait 34.4.2 que toutes les solutions maximales sont définies sur R. Soit
I , φ une telle solution.
¡

Si φ prend la valeur kπ en un point x 0 de R, φ coïncide avec la solution constante


x 7→ kπ en x 0 , donc sur R par le théorème de Cauchy. Nous pouvons ainsi supposer
que l’image de φ — qui est un intervalle — est contenue dans un ouvert ] kπ ; (k + 1)π [ .
Traitons par exemple le cas où φ prend ses valeurs dans ] 0 ; π [ , les autres se résolvant
de façon similaire.
Pour tout x, φ0 (x) = sin φ(x) donc la fonction φ est strictement croissante. Elle admet
de ce fait une limite en +∞ et −∞, il en est de même pour φ0 . Les limites de φ0 en −∞
et +∞ sont nécessairement nulles : en effet, de l’égalité des accroissements finis

φ(n + 1) − φ(n) = φ0 (c n ) , n < cn < n +1

on tire une suite (c n )n∈N qui tend vers +∞ et dont l’image par φ0 tend vers 0, ce qui
montre que la limite de φ0 et +∞ est nulle. On reproduit mutatis mutandi la preuve en
−∞.
Il résulte enfin de l’égalité φ0 = sin φ que les limites en −∞ et +∞ de la fonction stric-
tement croissante φ, soit l et l 0 , satisfont à sin l = sin l 0 = 0 ; comme l et l 0 sont dans
[ 0 ; π ] il reste l = 0, l 0 = π.
Remarques :
1. Dans Xcas, interactive_plotode(sin(y),[t,y]), puis cliquer avec la souris pour faire appaître la
solution passant par le point selectionné.

401
π y

F IGURE 34.2 – Allure des solutions de l’équation y 0 = sin y

1. Les familles de courbes intégrales d’équations généralisées y 0 = f (x, y) sont plus dé-
licates à étudier. Le candidat à l’agrégation — tant interne qu’externe — s’exercera
utilement sur le problème d’analyse de l’agrégation interne de 1990 2 , qui donne une
description quasi-complète des courbes intégrales de y = y 2 + x.
Le tracé sur ordinateur d’un portrait de phase est rcommandé (c’est certainement une
des meilleures motivations de l’étude de l’analyse numérique et de l’informatique,
voir [Dem91] pour les méthodes usuelles).
2. Dans les leçons sur les équations non linéaires, on tâchera de ne pas omettre les pro-
blèmes issus de la géométrie : courbes déterminées par des conditions portant sur
leurs tangentes, normales et autres rayons de courbure.

34.6 Équation non linéaires du second ordre


34.6.1 Généralités
Soit U un ouvert de R×E ×E , et soit f une application continue de U dans E . On appelle
solution de l’équation différentielle

y 00 = f x, y, y 0 (E00 )
¡ ¢

tout couple I , φ tel que


¡ ¢

— I est un intervalle ouvert de R, et φ une application de classe C 2 de I dans E ;


— pour tout x de I , x, φ(x), φ0 (x) ∈ U et φ00 (x) = f x, φ(x), φ0 (x) .
¡ ¢ ¡ ¢

Les définitions sont analogues à celles qui ont été données dans le cas de l’ordre 1 ; on définit
de même une donnée de Cauchy en fixant un x 0 dans la première projection de U ¡ , puis
¢ des00
0 00
vecteurs y 0 , y 0 , une solution du problème de Cauchy pour E étant une solution I , φ de E
telle que φ (x 0 ) = y 0 , φ0 (x 0 ) = y 0 .
Il se trouve fort heureusement qu’il n’est pas nécessaire de reprendre la preuve du théo-
rème de Cauchy-Lipschitz dans le cas présent, une simple transformation ramène en fait
aux équations différentielles d’ordre un.

34.6.2 Transformation du problème


00 0
L’idée est de transformer¡ l’équation y f x, y, y en introduisant la variable auxiliaire
¡ ¢
¢0 ¡ =
z = y 0 , E00 se ramène alors à y, z = z, f x, y, z .
¡ ¢¢

2. http://concours-maths-cpge.fr

402
Nous désignerons par F l’espace ¡ de ¢Banach ¡produit
¢¢E ×E , et0 par g l’application de l’ouvert U
de R × F dans F définie par g x, y, z = z, f x, y, z . Soit E l’équation différentielle à valeur
¡

dans F
Y 0 = g (x, Y ) (E0 )
Il est alors clair que g est localement lipschitzienne dès que f l’est, et que I , est une
¡ ¢
φ
00 0 0
solution de E ssi I , φ, φ est une solution de E , les caractères maximaux étant conservés.
¡ ¡ ¢¢

On obtient donc moyennant l’énoncé classique de Cauchy-Lipschitz le résultat suivant :

34.6.3 Théorème
Si f est localement lipschitzienne, l’équation différentielle

y 00 = f x, y, y 0 (E00 )
¡ ¢

possède, pour tout choix de x 0 , y 0 , y 00 dans U , une solution maximale I , φ et une seule telle
¡ ¢ ¡ ¢

que φ(x 0 ) = y 0 et φ0 (x 0 ) = y 00 .

Démonstration : dans le cas par exemple où E = R, et où l’on représente les solutions par
leurs graphes dans R2 , les courbes intégrales de E00¢ ainsi obtenues n’ont rien en commun
avec celles d’une équation de la forme y 0 = f x, y : par chaque point de R2 passe une et
¡

une infinité de solutions, déterminées par leurs pentes (la donnée de x 0 , y 0 et y 00 détermine
uniquement la solution.)

y(x 0 )
|

x0 x
|

F IGURE 34.3 – L’abscisse, l’ordonnée et la pente déterminent entièrement la solution.

34.6.4 Équation de Newton


A– Généralités
Il s’agit des équations différentielles de la forme

y 00 = f y (E N )
¡ ¢

où f est une application continue de l’intervalle J de R dans R. Nous supposerons de


plus que J est ouvert et f est localement lipschitzienne sur J , de sorte que le théorème
de Cauchy-Lipshitz s’applique.

Symétrie : si y est solution et a ∈ R, les fonctions x 7→ y(x + a) et x 7→ y(2a − x) sont


aussi solutions (sur les domaines correspondants).

403
Intégrale première : soit F une primitive de f sur J , et y une solution de EN sur I . De
l’identité y 00 y 0 = f (y)y 0 on déduit que la dérivée de 21 y 02 −F (y) est nulle donc que cette
fonction est une constante, en d’autres termes il existe une constante C telle que, pour
tout x de I
y 02 = 2 F y + C (E N 0 )
¡ ¢

Réciproquement, si y est une solution de EN 0 , sur tout intervalle où la dérivée ne s’an-


nule pas, y est par dérivation une solution de EN .
Plaçons-nous désormais dans le cas où y 0 est sans zeros sur I : il existe alors une
constante ε dans { −1, 1 } telle que, pour tout x de I ,

y 0 (x) = ε 2 F (x) + C .
p

Nous pouvons séparer les variables de cette nouvelle équation et obtenir la définition
implicite des solutions
Z y du
x = x0 + ε p ·
y0 2 F (u) + C

Il est alors possible (et fort long...) de décrire assez complètement les solutions se-
lon les données initiales, en particulier de donner des conditions pour qu’il existe des
solutions périodiques. L’exemple ci-dessous illustre bien les raisonnements employés.

B– Étude d’un exemple


On se propose d’étudier les solutions de l’équation différentielle :

y 00 + 2 y3 = 0 ( EB )

et de montrer en particulier que celles-ci sont définies sur R, possèdent une infinité
de zéros et sont périodiques.

Dans ce qui suit, y désigne une solution maximale non nulle de (EB ) (les raisonne-
ments doivent être suivis avec des dessins, nombreux et variés).

Intégrale première : en multipliant l’équation donnée par y 0 puis en intégrant, nous


constatons que la fonction y 02 + y 4 est une constante C ≥ 0. Il en résulte que toute so-
lution est bornée ainsi que sa dérivée ; le théorème de prolongement 34.4.1 s’applique
au système y 0 = z et z 0 = −2y 3 donc les solutions sont définies sur R (on peut reprendre
les idées de 34.4 et faire un raisonnement direct.)

Les zéros de y sont isolés : si y(a) = 0, nécessairement y 0 (a) 6= 0¡ (sans quoi y¢ est la so-
lution nulle) et le développement limité à l’ordre un y(a + h) = y 0 (a) + o(1) h montre
que y ne s’annule pas pour h 6= 0 assez petit.

La fonction y s’annule au moins une fois : raisonnons par l’absurde ; quitte à changer
y en −y (qui est encore une solution) nous pouvons supposer que y est strictement
négative. L’égalité y 00 = −2y 3 montre alors que y est strictement convexe, mais une

404
fonction strictement convexe définie sur R ne peut être bornée (utiliser par exemple
une droite d’appui).

La fonction y ne possède pas de plus grand zéro : si y possède un plus grand zéro a, y
garde un signe constant pour x > a ; quitte à changer y en −y nous pouvons supposer
que y est strictement positive, et donc y 00 < 0, y strictement concave et y 0 strictement
décroissante. Comme y 0 est de plus bornée elle tend vers une limite finie positive l 0
en +∞. Si l 0 6= 0, l’intégrale de y 0 en +∞ diverge vers l’infini, et y n’est pas bornée, ce
qui est exclu, donc l 0 = 0. Comme y 0 décroît, elle est positive et y est croissante. Il en
résulte que y tend vers une limite > 0, soit l , en +∞ ; et donc que y 00 tend vers −2l 3 < 0
en +∞. Mais ce dernier résultat entraîne que l’intégrale de y 00 , soit y 0 , diverge en +∞,
contradiction et résultat.

La fonction y est périodique : de ce qui précède il résulte que y possède au moins


trois zéros consécutifs a, b, et c ; y est par exemple positive sur ] a ; b [ , négative sur
] b ; c [ donc y 0 (a) > 0, y 0 (c) > 0, comme y 02 (a) = C = y 02 (c) nous obtenons y 0 (a) = y 0 (c).
Considérons maintenant (cf. les équations autonomes) le nombre T = c − a et la fonc-
tion z définie sur R par z(x) = y (x + T ). Les fonctions y et z sont solutions de la même
équation d’ordre 2 ; en outre z(a) = y(c) = 0 = y(a) et z 0 (a) = y 0 (c) = y 0 (a). Le théorème
de Cauchy-Lipschitz montre alors que y et z sont égales, ce qui prouve la T -périodicité
de y.

M ÉMENTO : méthodes de résolution d’équations différentielles non linéaires.

0 dy 0
De façon générale, en posant y , on écrira une équation non linéaire x, y, y =0
¡ ¢
= dx φ
sous la forme : Φ x, y, dx, dy = 0. Les solutions seront données sous l’une des trois formes
¡ ¢

suivantes :
1. des fonctions cartésiennes y = f (x) ou x = g (y) ;
2. des arcs C 1 t 7→ x(t ), y(t ) satisfaisant en tous leurs points à
¡ ¢

Φ x(t ), y(t ), x 0 (t ), y 0 (t ) 0;
¡ ¢
=

3. des courbes définies implicitement par une équation F (x, y) = Cste.

B : le théorème de Cauchy- Lipschitz ne s’applique qu’aux équations de la forme y 0 =


f (x, y), avec f localement lipschitzienne.

B : les méthodes données ci-dessous sont purement formelles et calculatoires ; la des-


critption rigoureuse d’un portrait de phase attaché à une équation de l’un des types évoqués
demande un effort supplémentaire important : distinction entre conditions nécessaires et
suffisantes, passage su local au global etc.

405
I. Les équations du programme officiel

a) Les équations à variables séparées :


Ce sont des équations de la forme f (x) dx = g (y) dy. Si F est une primitive de f
et G une prmitive de g , les courbes intégrales sont données implicitement par
F (x) = G(y) +C .
b) Les équations homogènes :
0
Ici φ est supposée homogène pour les variables x et y (le terme ¡ en y ¢est affecté
¡ de
degré 0), c’est-à-dire qu’il existe p tel que, pour tout réel t : φ t x, t y = t p φ x, y .
¢

La famille des courbes intégrales est invariante par le groupe des homothéties de
centre 0.

Après recherche des solutions y = ax, on distingue les cas :


¡y¢ y
α) On peut résoudre en y 0 : y 0 = f x , on pose x = t (variante : passer en po-
laires).
y y dy
β) On peut résoudre en x soit x = g y 0 ; on pose y 0 = dx = t et l’on cherche une
¡ ¢

solution sous forme d’arc paramétré à l’aide de dy = t dx et y = g (t )x. Par


différentiation dy = g 0 (t )x dt + g (t ) dx = t dx, on en tire x(t ) puis y(t ).
¡ y¢
γ) On ne peut pas résoudre : on cherche à paramétrer les courbe f y 0 , x = 0 en
dy y
(u(t ), v(t )) d’où dx
= u(t ), x
= v(t ).

II. Quelques équations différentielles classiques


a) Équations incomplètes :
α) f y, y 0 = 0, les courbes intégrales sont invariantes par le groupe des trans-
¡ ¢

lations //Ox.
dy
— on peut résoudre en y 0 = dx = h(y) : variables séparées.
— on peut résoudre en y = h y 0 on pose y 0 = t (cf. les équations homo-
¡ ¢

gènes, cas β)).


dy
— sinon on paramètre f y, y 0 = 0 en y = u(t ), dx = v(t ) etc. (cf. équations
¡ ¢

homogènes cas γ)).


β) f x, y 0 = 0, les courbes intégrales sont invariantes par le groupe des trans-
¡ ¢

lations //O y.
— si y 0 = h(x), quadrature
— si x = h y 0 on pose y 0 = t d’où dy = t dx = t h 0 (t ) dt ce qui donne y et x.
¡ ¢

dy
— sinon ; on paramètre la courbe f x, y 0 = 0 d’où x = u(t ), dx = v(t ) et
¡ ¢

dy = v(t )u 0 (t ) dt etc.
γ) Il manque y 0 . Ce n’est pas une équation différentielle.
b) Équation de Bernoulli :
A(x)y 0 + B (x)y + C (x)y m = 0. On divise par y m puis l’on pose z = y 1−m , ce qui
ramène à une EDL (affine).

406
c) Équation de Riccati :
y 0 = A(x)y 2 + B (x)y +C (x). Il faut connaître une solution particulière u. Cela fait,
on pose y = u + 1z pour obtenir une équation affine d’ordre un.
d) Utilisation des coordonnées polaires :
Lorsqu’apparaissent dans une équation différentielle les groupes x 2 + y 2 , x dy −
y dx, ou x dx + y dy, on a souvent intérêt à passer en coordonnées polaires, en
utilisant les identités différentielles polaires :

x dx + y dy = r dr x dy − y dx = r 2 dθ.

III. Autres équations du premier ordre


a) Équation
¡ 0de
¢ Lagrange :
y = x f y + g y . Après recherche des solutions y = ax, on pose y 0 = t .
0
¡ 0¢

b) Équation de¡Clairaut :
y 0 = x y 0 + g y 0 . C’est un cas particulier de la précédente : après recherche des
¢

solutions y = ax, on pose aussi y 0 = t .

IV. Équations différentielles du second ordre


Ce qui concerne les EDLS est traité dans le § 36.
a) Équations de la forme f y, y 0 , y 00 = 0 :
¡ ¢

On³recherche d’abord les solutions y = y 0 , puis l’on pose ³y 0 = p y ´. De là : y 00 =


¡ ¢

d dy
´
d
¡ ¡ ¢¢ dy 0 dp
dx dx = dy p y dx = p y p y , l’équation devient : f y,¡p,¢p dy = 0 ou y est
¡ ¢ ¡ ¢

la variable et p la fonction inconnue. On en déduit alors p y puis l’on résoud


dy ¡ ¢
dx
p y (variables séparées).

b) Variante : f y, y 02 , y 00 = 0. On pose plutôt : y 02 = q y .


¡ ¢ ¡ ¢

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : le lecteur trouvera de nombreux exemples traités en dé-


tail dans [AF88] tome 3, bien suffisant pour illustrer toutes les leçons sur le sujet (le cours
est par contre assez touffu ; il est souhaitable de dominer ce chapitre avant de s’y lancer, sur-
tout les paragraphes en petit caractères). Pour des compléments on recommande la lecture
de Hirsch et Smale [HS74], qui donne les grandes lignes de la théorie non linéaire en des
termes précis et justes ; la lecture de la partie ED non linéaires est nettement plus délicate
que celle qui concerne les ED linéaires. On peut aussi consulter Arnold [Arn74] pour se faire
une idée sur le point de vue géométrique.

407
EXERCICES

1) Étudier les courbes intégrales maximales du champ de vecteurs de R2 :


µ q q ¶
2 2 2 2 2
X x, y = −y + x x + y − a , −x + y x + y − a . 2
¡ ¢

2) Soit f une application de classe C ¡1 de R dans R et α une racine isolée de f (x) = x. Soit

l’équation différentielle (E) y 0 = f t .
a) Si f 0 (α) < 1, aucune solution de (E) n’est tangente à la droite y = αt en (0, 0).
b) Si f 0 (α) > 1, il existe une infinité de solutions de (E) tangentes à la droite y = αt
en (0, 0).

408
Chapitre 35

Équations différentielles linéaires


vectorielles

Dans ce qui suit, K = R ou K = C, et (E , k·k) désigne un espace de Banach sur K. L c (E )


est muni de la norme d’opérateur associée à la norme k·k de E .

35.1 Généralités
On s’intéresse à l’équation différentielle
Y 0 (t ) = A(t ) Y (t ) + B (t ), t ∈ I, ( E)
où I est un intervalle de R, A une application continue de I dans L c (E ), et B une application
continue de I dans E .
L’étude de telles équations apellées linéaires relève d’un théorème spécifique dit « de Cau-
chy » et prouvé plus loin qui montre que la forme particulière de l’application définissant
le sacond membre permet de construire, sous la seule hypothèse de continuité de A et de
B , des solutions sur I tout entier. Commençons par décrire la structure de l’ensemble des
solutions.
On dit que l’équation (E) est homogène lorsque la fonction B est nulle. Les solutions de (E)
forment alors un espace vectoriel.
Dans le cas où l’équationn n’est pas homogène, la connaissance d’une solution particulière
Y0 de (E) permet par différence de se ramener au cas de l’équation homogène, la solution
générale est de la forme Y0 + Y H , où Y H est solution de
Y 0 (t ) = A(t ) Y (t ), t ∈ I. (EH )
Les solutions de (E) forment donc un espace affine, dirigé par l’espace des solutions de sys-
tème homogène associé.

Remarque : si l’on connaît une solution Yi de chacune des EDL


Y 0 (t ) = A(t ) Y (t ) + B i (t ), t ∈ I , i ∈ 1, p , (Ei )
… †

la fonction λ1 Y1 + · · · + λp Y p est solution de


Y 0 (t ) = A(t ) Y (t ) + B (t ), t ∈ I,
où B = λ1 B 1 + · · · + λp B p .

409
35.2 Le théorème de Cauchy
35.2.1 Théorème
Soient I un intervalle de R, A une application continue de I dans L c (E ), B une applica-
tion continue de I dans E . Pour tout choix de (t 0 , y 0 ) dans I × E , il existe une solution et une
seule de l’équation différentielle (E)

Y 0 (t ) = A(t ) Y (t ) + B (t ), t ∈ I,

définie sur I et telle que Y (t 0 ) = y 0 .

Bien noter les différences d’avec le cas non linéaire : les données sont seulement suppo-
sées continues, et surtout les solutions sont toujours définies sur l’intervalle de définition
de A et B .
B : comme toujours, il s’agit d’un énoncé concernant les équations résolues en Y 0 .

Démonstration :
A– Existence
L’idée est analogue à celle de la preuve de Cauchy-Lipschitz : on écrit d’abord l’équa-
tion différentielle sous la forme équivalente
Z t
Y (t ) = y0 + (A(t ).Y (t ) + B (t )) dt (∗)
t0

(ici pas de difficultés pour la définition, les opérateurs A(t ) sont définis sur E tout en-
tier). Distinguons deux cas :

— Premier cas : I est compact. Soit L la longueur de I , α le sup. de la fonction conti-


nue t 7→ |||A(t )||| sur le compact I , et β le sup. de la fonction continue kB (t )k sur
le compact I . Montrons par récurrence que, pour tout entier n ≥ 1 et tout t de I

¡ ° ° ¢ αn−1 |t − t 0 |n
kYn (t ) − Yn−1 (t )k ≤ α °y0° + β ·
n!
Le résultat est clairement vrai de n = 1, et s’il est vérifié pour n ≥ 1 on aura pour
t ≥ t0 :
°Z t °
° °
kYn+1 (t ) − Yn (t )k = °
° A(u). (Yn (u) − Yn−1 (u)) du °
t0
°
t ¢ αn−1 |t − t 0 |n
Z
¡ ° °
≤ α α °y0° + β du, d’où
t0 n!
¡ ° ° ¢ αn |t − t 0 |n+1
≤ α °y0° + β ,
(n + 1)!

on procède de même pour t ≤ t 0 .


Il en résulte que la série de fonctions n∈N (Yn (t ) − Yn−1 (t )) dont le terme gé-
P

néral est majoré uniformément par le terme de la série numérique convergente

410
¢ n−1 n
α ° y 0 ° + β α n! L est normalement convergente, donc la suite (Yn )n∈N converge
¡ ° °

uniformément sur I vers une fonction continue Y . Par convergence uniforme sur
un intervalle compact, il est possible de passer à la limite dans l’intégrale de la
définition (∗) de la suite récurrente (Yn )n∈N , d’où :
Z t
∀t ∈ I , Y (t ) = y0 + (A(t ).Y (t ) + B (t )) dt
t0

et comme Y est continue, elle est C 1 et solution de (E).


— Deuxième cas : I est quelconque. En reprenant la preuve ci-dessus on constate
que la suite (Yn )n∈N converge uniformément sur tout segment de I vers une fonc-
tion Y qui est, sur ces segments, solution de (E). Comme tout point de I est (re-
lativement) intérieur à un tel segment, Y est C 1 et solution de (E). QED.

B– Unicité
On se ramène facilement au cas où I est compact. Soient Y et Z deux solutions de
(E) sur I telles que Y (t 0 ) = y 0 = Z (t 0 ), par récurrence sur l’entier n on montre comme
ci-dessus que, pour tout t de I

αn |t − t 0 |n
kY (t ) − Z (t )k ≤ kY − Z k∞ ,
n!
La suite de droite tend vers 0 (la série correspondante converge) donc Y = Z . QED.

C AS DES SYSTÈMES HOMOGÈNES


Soit S H l’espace vectoriel des solutions de l’équation homogène (EH ) associée à (E) soit
Y 0 (t ) = A(t )Y (t ). S H est un sous-espace vectoriel de l’espace vectoriel C 1 (I , E ). Le théorème
de Cauchy se traduit, dans le cas de (EH ), par le

35.2.2 Théorème
Pour chaque t 0 fixé dans I , l’application qui à la fonction Y de S H associe le vecteur Y (t 0 )
est un isomorphisme d’espaces vectoriels de S H sur E .

Nous noterons l’isomorphisme évoqué ci-dessus φt0 .

35.2.3 Corollaire
Si E est de dimension finie n, S H est un K-espace vectoriel de dimension finie n.

35.2.4 Corollaire
Soient Y1 , . . . , Y p , p fonctions de S H . Les propriétés suivantes sont équivalentes :
(1) la famille Y1 , . . . , Y p est libre dans C 1 (I , E ) ;
¡ ¢

(2) il existe un nombre t 0 dans I tel que la famille de vecteurs Y1 (t 0 ), . . . , Y p (t 0 ) soit libre
dans E ;

411
(3) pour tout t de I , la famille de vecteurs Y1 (t ), . . . , Y p (t ) est libre dans E .
Démonstration : elle est immédiate compte tenu du fait que, pour tout t de I , φt est un
isomorphisme d’espaces vectoriels, donc conserve la liberté.

B : l’implication (1) =⇒ (2) est en général fausse : prenons l’exemple des fonctions cosi-
nus et sinus. Ces fonctions forment visiblement un système libre de C 1 (R, R) ; malgré cela,
pour tout réel x, les vecteurs cos x et sin x de la droite réelle sont liés. Les espaces de solu-
tions d’équations différentielles linéaires sont donc exceptionnels parmi les sev de C 1 (I , E ).

On peut se demander quels sont les rapports q’entretiennent entre eux les isomorphismes
φt , t ∈ I ; la réponse vient si l’on introduit la notion de résolvante, cf. § 35.3. La résolvante
fournit aussi une occasion de comprendre comment sont construits les espaces S H .

Jusqu’au § 35.2.7, E est supposé de dimension finie n. On ramène l’étude des systèmes
différentiels linéaires aux équations vectorielles en introduisant E = Kn , puis en identifiant
la matrice de système étudié à un opérateur de E .

35.2.5 Définition
Un système fondamental de solutions de (EH ) est une famille (Y1 , . . . , Yn ) de n fonctions
indépendantes choisies dans S H .
D’après ce qui précède, un tel système est une base de S H et toute solution de S H est com-
binaison linéaire des fonctions du système. Nous allons partir d’un système fondamental de
solutions de l’équation homogène pour décrire une méthode permettant d’obtenir une so-
lution particulière de l’équation avec second membre avec n quadratures.

35.2.6 Méthode de la variation de la constante


Soit (Y1 , . . . , Yn ) un système fondamental de solutions de (EH ). Nous cherchons une so-
lution de l’équation avec second membre (E) sous la forme

Y (t ) = λ1 Y1 (t ) + ··· + λn Yn (t ).

Par commodité l’espace de dimension finie E est identifié à Kn au moyen d’une base ; les
vecteurs (Y1 (t ), . . . , Yn (t )) forment alors, pour tout t de I , une matrice R(t ) de rang n donc
inversible. On vérifie ensuite que Y est solution de (E) ssi

λ01 Y1 (t ) + ··· + λ0n Yn (t ) = B (t ),

soit
R(t ) Λ0 (t ) = B (t ),
où Λ(t ) est le vecteur colonne t (Y1 (t ), . . . , Yn (t )). De ce fait, Λ est donné par

Λ0 (t ) = R(t )−1 B (t ),

ce qui détermine les fonctions λ01 , · · · , λ0n à une constante près. En petites dimensions, le
calcul explicite s’effectue avec les formules de Cramer.

412
35.2.7 Wronskien, expression à l’aide d’une exponentielle
Soit (Y1 , . . . , Yn ) un système de n solutions de (EH ). Il existe une méthode élémentaire
amenant à comprendre pourquoi la liberté de (Y1 (t ), . . . , Yn (t )) en un point t 0 entraîne la li-
berté de (Y1 (t ), . . . , Yn (t )) en tout point t de I .
Reprenons la matrice R ci-dessus, et introduisons son déterminant W (t ). La règle de déri-
vation des déterminants conduit à
n ³ ´
W 0 (t ) = Yk0 (t ) , . . . , Yn (t )
X
det Y1 (t ), . . . ,
k=1
Xn ³ ´
= det Y1 (t ), . . . , A(t ) Yk (t ) , . . . , Yn (t )
k=1

d’où (voir plus bas)


W 0 (t ) = tr (A(t )) W (t ).
Si α(t ) est une primitive de la fonction continue t 7→ tr (A(t )), il existe une constante C telle
que, pour tout t de I , W (t ) = C exp (α(t )) (résolution des EDLS d’ordre 1).
Donc W (t ) est identiquement nul, ou ne s’annule pas, on retrouve l’équivalence de (2) et (3)
de 35.2.4 lorsque n = p.

35.3 Résolvante
À toute EDL Y 0 (t ) = A(t )Y (t ) + B (t ) est associée de façon canonique une équation à va-
leurs dans L c (E ), appelée équation résolvante de (E) :

U 0 (t ) = A(t ) ◦U (t ), t ∈ I, (R)

dont les solutions sont des applications de classe C 1 de l’intervalle I de R dans L c (E ). Le


point de départ étant l’application à l’équation résolvante de théorème de Cauchy, nous
aurons besoin du

35.3.1 Lemme
L’application de I dans (L c (L c (E )), |||·|||) qui au nombre réel t associe l’opérateur Λ(t ) :

Λ(t ) : L c (E ) → L c (E )
U 7→ A(t ) ◦U

est continue.

Preuve : pour toute application linéaire (continue) U de E dans lui-même de norme


|||U ||| < 1 et tout couple (t , t 0 ) de I 2 ,

¯¯¯ A(t ) ◦U − A(t 0 ) ◦U ¯¯¯ ≤ ¯¯¯ A(t ) − A(t 0 ) ¯¯¯.|||U ||| ≤ ¯¯¯ A(t ) − A(t 0 ) ¯¯¯
¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯ ¯¯¯

donc la norme de Λ(t ) − Λ(t 0 ) (comme opérateur de L c (E ) dans L c (E )) est plus petite que
celle de A(t ) − A(t 0 ) (comme opérateur de E dans E ). Comme A est continue, Λ l’est aussi.
QED.

413
35.3.2 Théorème-Définition
Pour tout t 0 de I il existe, et de façon unique, une solution

t 7→ R (t , t 0 )

de l’équation différentielle (R) définie sur I et telle que R (t , t 0 ) = IdE ; cette solution est appelée
résolvante de l’équation différentielle (E) d’origine t 0 .

Démonstration : compte tenu du lemme préalable, le théorème de Cauchy s’applique à


l’équation (R), d’où l’existence et l’unicité de la solution t 7→ R(t , t 0 ).

Propriétés de la résolvante
Nous désignerons par S l’espace vectoriel des solutions de (EH ) et, pour tout t dans I ,
par Φt l’isomorphisme de S dans E donné par Φt (Y ) = Y (t ).
a) La solution Y de (EH ) satisfaisant à Y (t 0 ) = y 0 est donnée par

Y (t ) = R(t , t 0 ) . y 0 .

b) Pour tout couple (t 0 , t 1 ) de I × I ,

R(t , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) = R(t , t 1 ).

c) Pour tout couple (t 0 , t 1 ) de I × I , R(t 0 , t 1 ) ∈ GL(E ) et Φt1 ◦Φ−1


t 0 = R(t 1 , t 0 ) et le diagramme
suivant est commutatif :

S
φt 0 φt 1

E E
R(t 1 , t 0 )

F IGURE 35.1 – Diagramme de la résolvante (commutatif).

d) La solution particulière de (E) nulle en t 0 est donnée par


Z t
YP (t ) = R(t 0 , u) B (u) du.
t0

Démonstration :
a) La vérification est immédiate : pour t dans I ,

Y 0 (t ) = R 0 (t , t 0 ).y 0 = A(t ) ◦ R(t , t 0 ) .y 0 A(t ).Y (t )


¡ ¢
=

pour conclure, il suffit de voir que

Y (t 0 ) = R (t 0 , t 0 ) .y 0 = y0.

414
b) L’idée est usuelle, dans les problèmes d’équations différentielles, d’identifier divers
objets grâce au théorème de Cauchy : la fonction R(t , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) admet pour dérivée
³ ´
0
R (t , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) = A(t ) ◦ R(t , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) .

Comme
R(t 0 , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) = Id ◦ R(t 0 , t 1 ) = R(t 0 , t 1 )

R(t , t 0 )◦R(t 0 , t 1 ) et R(t , t 1 ) sont deux solutions de l’équation résolvante qui coïncident
en t = t 0 , elles sont donc identiquement égales.
c) Conséquence de b) : R(t 1 , t 0 ) ◦ R(t 0 , t 1 ) = R(t 1 , t 1 ) = Id, et de même à droite donc R(t , t 0 )
est toujours inversible.
Si y 0 est dans E , Φ−1
t 0 (Y ) est la solution Y de (E) telle que Y (t 0 ) = y 0 soit Y (t ) = R(t , t 0 ).y 0 ,
−1
et Φt1 ◦ Φt0 (y 0 ) = Φt1 (Y ) = R(t 1 , t 0 ).y 0 . QED
d) On cherche la solution particulière sous la forme R(t , t 0 ).C (t ) — ce qui est exactement
une méthode de variation des constantes (l’explication est donnée plus loin). La déri-
vation de Y (t ), puis le remplacement dans l’équation avec le second membre conduit
à
C 0 (t ).R(t , t 0 ) = B (t )

Compte tenu du fait que l’on veut Y (t 0 ) = 0, et de l’identité d’inversion de la résolvante


nous trouvons bien :
Z t
YP (t ) = R(t 0 , u)B (u) du. QED.
t0

Lien avec les systèmes fondamentaux de solution


Nous suposerons ici que E = Kn . Soit (Y1 , . . . , Yn ) un système fondamental de solutions
de (EH ). Nous désignerons par R(t ) la matrice (Y1 (t ), . . . , Yn (t )).

S’il existe t 0 dans I tel que R(t 0 ) = Idn , la résolvante R(t , t 0 ) n’est autre que R(t ).

Par unicité de la solution du problème de Cauchy, il suffit de montrer que R(t ) satisfait à
la même équation que R(t , t 0 ) avec la même condition initiale. Par hypothèse R(t 0 ) = Idn =
R(t , t 0 ), d’où le deuxième point ; pour obtenir le premier il suffit d’observer que
³ ´ ³ ´ ³ ´
0
R (t ) = Y10 (t ), . . . , Yn0 (t ) = A(t ).Y1 (t ), . . . , A(t ).Yn (t ) = A(t ). Y1 (t ), . . . , Yn (t ) ,

et par définition,
R 0 (t , t 0 ) = A(t ).R(t , t 0 ). QED.

35.4 EDL à coefficients constants


Soit E un espace de Banach. Nous allons étendre aux endomorphismes de E la notion
de fonction exponentielle ; cette extension nous donnera une description complète des so-
lutions des systèmes différentiels homogènes à coefficients constants.

415
35.4.1 Théorème-Définition
Soit E un espace de Banach, et a un endomorphisme continu de E . La série de terme géné-
n
ral an! converge uniformément sur les parties bornées de E ; sa somme est appelé exponentielle
de l’endomorphisme a et notée exp (A) ou e A .

Démonstration : par définition des parties bornées, il suffit de travailler sur une boule
fermée B (0, R). Pour tout a de ladite boule, nous disposons de l’inégalité
° n°
°a ° Rn
° °
° n! ° ≤
n!

qui montre, compte tenu de la convergence de l’exponentielle réelle, que la série étudiée
converge normalement sur B (0, R) d’où la conclusion puisque L c (E ) est complet.

D ÉRIVATION DE exp (t a)

35.4.2 Théorème
Soit E un espace de Banach, et a un endomorphisme continu de E . La fonction définie sur
R par φ(t ) = exp (t a) est de classe C ∞ sur R, et l’on a pour tout t de R :

φ0 (t ) = a ◦ exp (t a) = exp (t a) ◦ a.

Démonstration : la convergence simple étant acquise grâce au résultat précédent, il suf-


fit de montrer la convergence uniforme de la série dérivée terme à terme sur les parties
bornées de R. Soit r un réel > 0, on a pour tout t de [ −r ; r ]
¶0
t n an t n−1 a n−1 t n−1 a n−1
µ
= a◦ = ◦a
n! (n − 1)! (n − 1)!

d’où on déduit en premier lieu les inégalités


°µ n n ¶0 °
° t a ° r n−1
°
° n! °
° ≤ kak .
(n − 1)!

qui asurent la convergence normale donc uniforme de la série dérivée sur [ −r ; r ], puis, en
utilisant la continuité des applications x 7→ a ◦ x et x 7→ x ◦ a dans L c (E )

t k−1 a k−1 n t k−1 a k−1


à !
n µ ¶
φ0 (t )
X X
= lim a◦ = lim a ◦ = exp (t a) ;
n→+∞
k=1 (k − 1)! n→+∞
k=1 (k − 1)!

on fait de même à droite. QED.

416
35.4.3 Théorème
Soit E un espace de Banach, et a un endomorphisme continu de E . La solution de l’équa-
tion différentielle ³ ´
Y 0 (t ) = a Y (t )

passant par le point (t 0 , y 0 ) est la fonction définie sur R par φ(t ) = exp ((t − t 0 ) a) .y 0 .

Démonstration : la fonction φ est de classe C 1 par composition et φ(t 0 ) = exp (0) .y 0 = y 0 ,


enfin le théorème de dérivation des exponentielles donne

φ0 (t ) a ◦ exp ((t − t 0 ) a) y 0 a φ(t ) .


¡ ¢¡ ¢ ¡ ¢
= =

Le théorème de Cauchy, qui affirme l’unicité des solutions passant par un point donné,
montre alors que φ est bien la solution cherchée.

D ESCRIPTION DES SOLUTIONS LORSQUE a EST DIAGONALISABLE

35.4.4 Théorème
Si E est de dimension finie n, et si l’application linéaire a est diagonalisable, les solutions
de Y 0 = aY sont les combinaisons linéaires des fonctions

Yi : R → E
t 7→ eλi t v i , i = 1, . . . , n

où (v 1 , . . . , v n ) est une base diagonalisation de a et a(v i ) = λi v i , i = 1, . . . , n.

Démonstration : du fait que chaque v i est un vecteur propre nous obtenons, pour tout
t de R
exp (t a) (v i ) = exp (λi t ) (v i )
les fonctions introduites sont bien des solutions de l’équation Y 0 = a (Y ). En outre, (Y1 (0),
. . . , Yn (0)) = (v 1 , . . . , v n ) est une base de E , ce qui montre que (Y1 (0), . . . , Yn (0)) est un système
fondamental de solutions. QED.

On comprend maintenant pourquoi la variation des constantes en terme de résolvantes


ou de système fondamental de solutions sont si proches.

L IEN AVEC LA RÉSOLVANTE

35.4.5 Proposition
La résolvante de l’équation différentielle à coefficients constants Y 0 = a.Y est donnée par
R (t , t 0 ) = exp (t − t 0 ) a.

417
Preuve : comme toujours, il suffit moyennant le théorème de Cauchy de montrer que
exp (t − t 0 ) a vérifie l’équation résolvante, puisqu’alors les deux fonctions coïncident en t 0
donc partout ; mais ceci vient directement de la dérivation de l’exponentielle. QED.

B : dans le cas des systèmes à coefficients variables, il est en général faux que la résol-
vante soit donnée par R(t −t 0 )a vérifie l’équation résolvante, puisqu’alors les deux fonctions
coïncident en t 0 donc partout ; mais ceci vient directement de la dérivation de l’exponen-
tielle. QED.

B : dans le cas des systèmes à coefficients variables, il est en général faux que la résol-
vante soit donnée par R(t , t 0 ) exp (α(t )) où α est une pritive convenable de A(t ) : la dérivation
de exp (α(t )) ne donne pas α0 (t ) exp (α(t − t 0 )) sauf si les α0 (t ) et α(t ) commutent pour tout
t , ce qui n’a rien d’automatique (la différentielle de l’exponentielle en A n’est pas en général
H 7→ exp (A.H )).

C AS DE L’ ÉQUATION AVEC SECOND MEMBRE


Reprenons dans ce cas particulier (les calculs sont plus simples) l’idée déjà utilisée lors de
l’étude de la résolvante : on cherche une solution sous la forme exp (t a) .C (t ), où C (t ) est de
classe C 1 , ce qui conduit à l’équation

exp (t a) .C 0 (t ) = B (t ).

La solution particulière prenant la valeur 0 en t 0 est de ce fait


Z t Z t
Y (t ) exp (t a) . exp (−ua) .B (u) du exp (t − u)a .B (u) du.
¡ ¢
= =
t0 t0

Application : groupes à un paramètre. soit f un homomorphisme continu de (R, +) dans


GL n (K) ; K = R ou K = C. Nous allons montrer qu’il existe A dans Mn (R) telle que pour tout
t réel, f (t ) = exp (t A). Supposons tout d’abord φ dérivable et dérivons alors par rapport à
l’identité
φ(s + t ) = φ(s) φ(t ),

nous obtenons φ0 (s + t ) = φ0 (s) φ(t ), en prenant s = 0 il vient φ0 (t ) = φ0 (0)φ(t ), de ce fait φ est


solution de l’équation matricielle Y 0 = AY , où A = φ0 (0), comme φ(0) = Idn , ce qui précède
montre que, pour tout réel t , φ(t ) = exp(t A).
Il reste à prouver la dérivabilité de φ, pour cela on part de φ(s + t ) = φ(s)φ(t ) que l’on intègre
par rapport à s pour obtenir
Z x Z x Z x+t Z x
φ(s + t ) ds = φ(t ) φ(s) ds soit φ(u) du = φ(t ) φ(s) ds
0 0 t 0
Rx
ψ(x) = 0 φ(s) ds est inversible pour x assez petit 6= 0 car au voisinage de 0, ψ(x) = x(Idn +
o(1)) (identité de la dérivée). Fixons alors x de sorte que ψ(x) = B soit inversible, il reste
µZ x+t ¶
φ(t ) = φ(u) du B −1 ,
t

418
le membre de droite est de classe C 1 , et l’on retombe sur le premier cas. QED.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : on ne saurait trop recommander l’étude du livre de Ro-


seau [Ros75] ; les deux premiers chapitres (dont sont tirés le problème proposé ci-dessous)
permettent déjà de construire une leçon éblouissante. En anglais, l’ouvrage de Hirsch et
Smale [HS74] est un classique, exemplaire de clarté (NDLR : surtout dans la littérature sur
les équations différentielles).

EXERCICES

Si A et B sont deux éléments de Mn (C) qui commutent,

exp (A + B ) = exp (A) · exp (B )

(vérifier que exp t (A + B ) et exp (t A) . exp (t B ) sont toutes deux solutions de l’équation ma-
¡ ¢

tricielle Y 0 (t ) = (A + B ) .Y (t )).

P ROBLÈME :
N.B. : certaines parties du problème reprennent les notions du cours qui ne figurent pas en
détail dans le programme officiel, comme ce serait le cas un jour d’écrit.
Le parties entre ∗ ∗ introduisent des notations utilisées dans toute la suite du problème. ∗
n désigne un entier ≥ 2, M est l’espace vectoriel Mn,n (C) des matrices carrées de taille n à
coefficients complexes, t 7→ A(t ) est une application continue de R dans M et t 7→ B (t ) une
application continue de R dans Cn ; Cn est usuellement identifié à Mn,1 (C). On note k·k∞ la
norme sur Cn : kxk∞ = max (|x 1 | , . . . , |x n |). Enfin e A désigne, lorsque A est dans M , l’expo-
nentielle de la matrice A ∗

Préliminaires
1°) Soit A une matrice de M2,2 (R). On suppose P A (X ) scindé sur R. Montrer que A
est semblable dans M2,2 (R) à une matrice de l’un des types suivants :

λ 0 λ 1
µ ¶ µ ¶
, , où λ, µ ∈ R2 .
¡ ¢
0 µ 0 λ

2°) a) Soit A et B deux éléments de Mn (R), semblables dans Mn (C), il existe donc
une matrice P inversible dans M telle que AP = P B . On pose P = Q + i R où
Q et R sont deux matrices réelles, et f (λ) = det (Q + λR). Montrer que f n’est
pas le polynôme nul, en déduire l’existence de λ réel tel que f (λ) 6= 0, puis
que A et B sont semblables dans Mn (R).
b) Soit A une matrice de M2,2 (R). On examine maintenant le cas où P A (X ) est
sans racines. Montrer que A est semblable à une matrice de la forme :

a −b
µ ¶
, (a, b) ∈ R2 .
b a

419
∗ Lorsque A est dans M , spec(A) désigne l’ensemble des valeurs propres de A ;
on admettra dans le 3°) et le 4°) que, si deux matrice X et Y permutent, e(X +Y ) =
e X . eY (ce résultat sera prouvé dans la partie I.) ∗
3°) Soit A dans M . On suppose dans cette question qu’il existe un réel a > 0 tel que,
pour tout λ de spec(A), Re(λ) ≤ −a, et l’on se donne un réel α tel que : 0 < α < a.
a) Vérifier que l’application qui à une matrice X = x i , j (i , j )∈‚1,nƒ associe |||X ||| =
£ ¤

max1≤i ≤n nj=1 ¯x i , j ¯ est la norme d’algèbre sur M associée à k·k∞ .


P ¯ ¯

b) On rappelle que toute matrice A de M s’écrit sous la forme A = D + N , avec


D diagonalisable, N nilpotente et D N = N D. Montrer qu’il existe un poly-
¯nôme
¯¯ ¯¯¯réel Q, ௯¯coefficients réels positifs, tel que, pour tout réel t ≥ 0, on ait :
¯¯¯et A ¯¯¯ ≤ Q(t ).¯¯¯et D ¯¯¯.
¯¯¯

c) Prouver qu’il existe une constante C > 0 telle que, pour tout réel t ≥ 0, ¯¯¯et A ¯¯¯ ≤
¯¯¯ ¯¯¯

C
¯¯¯. exp¯¯¯(−αt ) (on commencera par trouver K > 0 tel que, pour tout t ≥ 0,
¯¯¯et A ¯¯¯ ≤ K .Q(t ) exp(−at )).
4°) Le but de cette question est de montrer que, pour toute matrice inversible M de
M , il existe L dans M telle que eL = M . Soit M une matrice inversible de M , que
l’on décompose à nouveau sous la forme M = D + N , avec D diagonalisable, N
nilpotente et D N = N D.
a) Vérifier que D est inversible et qu’il existe une matrice C telle que eC = D.
Prouver que l’on peut prendre pour C un polynôme en D.
k−1
b) Soient l (x) = nk=1 (−1)k x k et e(x) = nk=0 . En utilisant exp (l (x)) et un déve-
P P

loppement limité, vérifier que e (l (x)) − x − l est un polynôme de valuation


≥ n.
c) On pose U = D −1 N . Montrer que exp (l (U )) = e (l (U )) = In + U . Conclure à
l’existence de L telle que eL = M .

I. Étude de la résolvante
∗ On considère dans cette partie l’équation différentielle

X 0 (t ) = A(t ) X (t ) ( EM )

où X est une application de classe C 1 de R dans M ∗

A– Solution générale des EDL


1°) Montrer que l’application de R dans L (M , M ) qui au réel t associe l’endo-
morphisme A (t ) :
A (t ) : M → M
X 7→ A(t )X
est une application continue.
2°) a) En déduire l’existence et l’unicité de la solution R(t ) de EM telle que
R(0) = In . La notation R(t ) sera conservée dans la suite.
d
b) Prouver que, pour tout t réel : dt det R(t ) = tr A(t ) . det R(t ) et en dé-
¡ ¢ ¡ ¢

duire que R(t ) n’est jamais singulière (rappel : singulière = non inver-
sible).

420
3°) a) Vérifier que, si A(t ) est une matrice constante A, on a R(t ) = et A , (t ∈ R).
b) Déduire de ce qui précède et du théorème d’unicité des solutions d’une
EDL que, si A et B dont deux matrices permutables dans M , e A+B =
e A . eB .
∗ On considère désormais les équations différentielles :

x 0 (t ) A(t ) x(t ) B (t ), x ∈ C 1 R, Cn (ECn )


¡ ¢
= +

et
x 0 (t ) A(t ) x(t ), x ∈ C 1 R, Cn (ECn ,H )
¡ ¢
=
avec second membre et homogène. ∗
4°) Soit c dans Cn . Montrer que la solution x de (ECn ,H ) satisfait à la condition
initiale : x(0) = c est x(t ) = R(t ).c.
5°) En utilisant une méthode de variation des constantes : x(t ) = R(t ).c(t ), c ∈
C 1 (R, C), montrer que la solution de (ECn ) avec la condition initale x(0) = c
est Z t
x(t ) = R(t ).c + R(t )R(s)−1 B (s) ds.
0
Expliciter lorsque A(t ) est une matrice constante A.

B– La théorie de Floquet sur les EDL à coefficients périodiques


∗ Dans la partie I.B–, la fonction t 7→ A(t ) est supposée périodique de période
T >0∗
1°) a) Montrer qu’une solution x de (ECn ,H ) est périodique de période T ssi
x(0) = x(T ).
b) Montrer que, pour tout réel t , R(t + T ) = R(t ).R(T ).
1
2°) a) Soit L 0 une matrice de M telle que eL 0 = R(T ) (justifier) et L = L ,
T 0
vé-
rifier que Y (t ) = R(t ). e−t L est T -périodique.
b) Avec les notations de a), montrer que (ECn ,H ) admet une solution (non
nulle) périodique de période T ssi l est valeur propre de eT L , ou encore
ssi 2 iTπk est valeur propre de L pour un k de Z au moins.
3°) On suppose dans cette question B (t ) périodique de période T .
En utilisant I. A– 5°), prouver que, si l’équation (ECn ,H ) n’a pas de solution pé-
riodique (non nulle) de période T , l’équation (ECn ) a une solution T -périodique
unique. Dans ce dernier cas, montrer qu’il existe un réel γ > 0 indépendant
de B tel que, x étant la solution T -périodique de (ECn ) :

sup kx(t )k ≤ γ sup kB (t )k .


t ∈R t ∈R

421
II. Perturbation des systèmes linéaires
∗ On suppose, dans le II., A(t ) constante égale à une matrice A de M ∗
1°) Prouver le lemme de Gronwall : si u(t ), v(t ) sont des fonctions continues de t ≥ 0,
avec u ≥ 0, k une constante positive, telle que :
Z t
+
∀t ∈ R , v(t ) ≤ k + u(s)v(s) ds,
0
montrer que, pour tout t ≥ 0,
µZ t ¶
v(t ) ≤ k exp u(s) ds .
0

Indications :
a) Première approche : soit φ une application de classe C 1 de [ 0 ; +∞ [ dans
R telle que, pour tout x ≥ 0 : φ0 (x) ≤ aφ(x), où a est une constante réelle.
Montrer par dérivation de e−ax f (x) que φ(x) ≤ φ(0) eax pour tout x ≥ 0.
b) Se ramener au cas précédent après multiplication par u.
2°) Prouver que les solutions de (ECn ,H ) tendent toutes vers 0 lorsque t tend vers +∞
ssi toutes les valeurs propres de A ont une partie réelle < 0.
∗ On suppose désormais :
— qu’il existe un réel a > 0 tel que, pour tout λ de specA, Re (λ) ≤ −a, et l’on se
donne un réel α tel que : 0 < α < a ;
— que B (t ) est une application à valeurs dans M ;
— que (ECn ) est l’équation x 0 (t ) = A + B (t ) x(t ), x ∈ C 1 (R, Cn ). ∗
¡ ¢
R +∞
3°) Dans cette question, B vérifie : 0 |||B (t )||| dt converge, et l’on se donne une so-
lution quelconque x de (ECn ,H ).
a) Montrer qu’il existe K réel > 0, pour tout réel t ≥ 0 :
Z t
αt
e kx(t )k ≤ K + K kB (s)k eαs kx(s)k ds
0
(on pourra interpréter x comme solution de l’ED avec second membre :
x 0 (t ) = Ax(t ) + B (t )x(t ) et appliquer la variation des constantes).
b) Montrer que toutes les solutions de (ECn ) tendent vers 0 lorsque t vers +∞.
4°) On suppose cette fois |||B (t )||| bornée par un réel η > 0 pour t ≥ 0. Soit x une
solution de (ECn ).
a) Montrer qu’il existe des constantes K , c > 0 telles que, pour tout réel t ≥ 0 :
Z t
αt
e kx(t )k = K c + K η eαs kx(s)k ds.
0

b) En déduire l’existence d’un réel β tel que, si η < β, toutes les solutions de
(ECn ) tendent vers 0 en +∞.
5°) Déterminer des conditions sur les réels p et q pour que toutes les solutions de
l’équation différentielle :
1
µ ¶
000 0
y + py + q + 2 y = 0
t +1
tendent vers 0 lorsque t tend vers +∞.

422
Chapitre 36

Équations différentielles linéaires


scalaires

36.1 Révision des EDL d’ordre 1 à valeur dans K, K = R ou C


Soient a et b deux fonctions continues de l’intervalle I de R dans K. Soit (E) l’équation
résolue en y’ :
y 0 = a(t ) y + b(t ), t ∈ I (E)
et (EH ) l’équation homogène associée

y0 = a(t ) y, t ∈I (EH )

Le théorème général sur les équations différentielles linéaires (ordinaires) donne, dans ce
contexte :

36.1.1 Théorème
Les solutions de (EH ) forment un sous-espace vectoriel S H de C 1 (I , K) de dimension 1, et
les solutions de (E) forment un sous-espace affine S de C 1 (I , K) dirigé par S H .

Ce fait se retrouve sans peine, directement, par quadrature (résoudre par quadrature si-
gnifie ramener le problème à un calcul de primitive). C’est d’ailleurs, pour les EDLS, le seul
cas où la solution générale s’exprime par quadrature. Lorsque l’EDLS est de degré 2, déjà,
il faut en connaître une solution particulière pour ramener son intégration à un calcul de
primitives.
a) Si α est une primitive de a sur I , la solution de (E³H ) prenant
´ la valeur y 0 au point t 0 de
Rt
I est la fonction φ définie sur I par φ(t ) = y 0 exp t0 a(s) ds .

t
³ R ´
Preuve : supposons que φ soit solution de (EH ), posons ψ(t ) = exp − t0 a(s) ds ; l’idée
est classique de dériver sur I
¢0
φ(t )ψ(t ) = φ0 (t )ψ(t ) φ(t )ψ0 (t )
¡
+
= a(t )φ(t )ψ(t ) + φ(t ) −a(t )ψ(t ) 0,
£ ¤
=

423
ce qui montre la fonction t 7→ φ(t )ψ(t ) est constante de valeur mettons c. Si l’on im-
pose à φ de vérifier φ(t 0 ) = y 0 il vient c = φ(t 0 )ψ(t 0 ), finalement
µZ t ¶
−1
∀t ∈ I , φ(t ) = y 0 ψ(t ) = y 0 exp a(s) ds .
t0

b) Recherche de la solution générale³ : nous la ´chercherons par variation des constantes


Rt
sous la forme de φ : t 7→ C (t ) exp t0 a(t ) dt . La fonction φ vérifie (E) ssi, pour tout t
de I
µZ t ¶ µZ t ¶ µZ t ¶
0
C (t ) exp a(s) ds + C (t )a(t ) exp a(s) ds = C (t )a(t ) exp a(s) ds + b(t ),
t0 t0 t0

soit µZ t ¶
0
C (t ) = b(t ) exp −a(s) ds .
t0

La solution particulière de (E) qui s’annule en t 0 est donc donnée par


µZ t· µ Z τ ¶¸ ¶ µZ t ¶
φ0 (t ) = b(τ) . exp − a(s) ds dτ . exp a(s) ds .
t0 t0 t0

et la solution générale de l’équation est


µ Z t· µ Z τ ¶¸ ¶ µZ t ¶
φ(t ) = C + b(τ) . exp − a(s) ds dτ . exp a(s) ds .
t0 t0 t0

B : encore une fois, il s’agit de résultats particuliers aux équations résolues en y 0 .

Considérons par exemple l’équation différentielle définie sur R par

sin3 x.y 0 + cos x. y = 0 (Eexpl )

sur chaque intervalle ] kπ ; (k + 1)π [ , (Eexpl ) admet pour ensemble de solutions

1
µ ¶
C k exp −
sin2 x

où C k est une constante réelle.


Pour toute famille (C k )k∈Z de RZ on définit une fonction f de R dans R par

1
µ ¶
f (x) = C k exp −
sin2 x

sur ] kπ ; (k + 1)π [ , et f (kπ) = 0. À l’aide de 9.7.3 on montre sans peine que f est de
classe C ∞ sur R et toutes ses dérivées sont nulles aux points kπ, k ∈ Z, ce qui montre
que f est solution de (Eexpl ) sur R.
Cette construction montre que l’espace des solutions de (Eexpl ) sur R est un R-espace
vectoriel de dimension infinie (en fait non dénombrable).

424
36.1.2 Applications
1. Soit f une application de classe C 1 de [ 0 ; +∞ [ dans C telle que f + f 0 admette la li-
mite 0 en +∞. Alors f tend vers 0 en +∞.
L’idée est d’utiliser la méthode de variation des constantes pour une EDL scalaire
d’ordre 1 convenable. On traduit l’hypothèse sur f en termes d’équation différentielle

f (x) + f 0 (x) = ε(x)

où ε(x) tend vers 0 en +∞ ; la méthode de variation des constantes conduit à écrire

f (x) = g (x) e−x d’où g 0 (x) e−x = ε(x)

et finalement Z x
f (x) = e−x ε(t ) et dt + C e−x .
0

La fonction ε(t ) e est négligeable devant la fonction positive et , et l’intégrale de cette


t

dernière diverge en +∞, donc (14.4)


Z x µZ x ¶
t t
ε(t ) e dt = o e dt = o ex
¡ ¢
0 0

ce qui montre que f tend vers 0 en +∞.


2. Lemme de Gronwall :
Soient I un intervalle de R, I = [ a ; b [ , a < b ≤ +∞. Soient u et v dans C (I , R), avec u
positive, vérifiant :
Z x
∃λ ∈ R, ∀x ∈ I , v(x) ≤ λ + u(t )v(t ) dt .
a
¡R x
On va montrerR x que, pour tout x de I , v(x) ≤ λ exp a u(t ) dt .
¢

Soit f (x) = a u(t )v(t ) dt . Après multiplication de l’inégalité donnée par la fonction
positive u, l’hypothèse donne l’inégalité différentielle

f 0 (x) + u(x) f (x) ≤ u(x)

où u est une fonction continue positive sur I . L’idée est de suivre la méthode de va-
riation Rdes constantes en remplaçant ¡ = par¢ ≤ ; pour la mettre en œuvre introduisons
x
U (x) = a u(t ) dt et g (x) = f (x) exp −U (x) , par dérivation nous obtenons
¢0
g 0 (x) λ u(x) exp −U (x) λ exp −U (x)
¡ ¢ ¡
≤ =

après intégration de a à x, compte tenu du fait que g (a) = 0


h ¢i
g (x) ≤ −λ exp −U (x) − exp −U (a) λ exp −U (x)
¡ ¢ ¡ ¡ ¢
= λ −

en réorganisant
f (x) λ exp U (x)
¡ ¢
λ + ≤
mais v(x) ≤ λ + f (x), et la preuve est achevée !

425
36.2 Application du théorème de Cauchy aux EDLS d’ordre n
36.2.1 Théorème
Soient I un intervalle de R, a 0 , . . . , a n−1 et b n + 1 fonctions scalaires de I dans K et (En )
l’équation différentielle
y (n) +a n−1 y (n−1) + . . . + a 1 y 0 + a 0 y = b(x) (En )
Pour tout x 0 de I et tout n-uplet y 0 , . . . , y n−1 de Kn , il existe une solution et une seule de (En ),
¡ ¢

soit y, définie sur I et telle que


y(x 0 ) = y 0,0 , ..., y (n−1) (x 0 ) = y n−1,0 .

Démonstration : la méthode consiste à ramener l’équation différentielle scalaire d’ordre


n à un système différentiel à valeurs dans Kn en posant
y1 = y, y2 = y 0, ..., yn = y (n−1)
le système en question est
 0

 y1 = y2
..



.

0



 y n−1 = yn
− a n−1 y (n−1)
 0
a1 y 0

yn = ... − − a0 y + b(x) (Sn )
De la correspondance bijective entre les solutions de (Sn )¢et celles de (En ) il résulte que, pour
n
tout choix de données initiales dans K soit y 0 , . . . , y n−1 , il existe une solution et une seule
¡

de (Sn ) telle que y 1 (x 0 ) = y 0,0 , ..., y n (x 0 ) = y n−1,0 ce qui, traduit en termes de l’équation (Sn ),
donne exactement le théorème annoncé.
Ce résultat fournit immédiatement la dimension n de l’espace vectoriel (pour les lois natu-
relles) des solutions (Sn,H ) de l’équation homogène
y (n) + a n−1 y (n−1) + ... + a1 y 0 + a0 y = 0. (En,H )

36.2.2 Théorème
Pour
¡ tout choix de x 0 dans I¢, l’application qui à la solution y de (En,H ) associe tout élé-
ment y(x 0 ), y 0 (x 0 ), . . . , y (n−1) (x 0 ) de Kn est un isomorphisme d’espace vectoriel.

Démonstration : l’application étudiée est visiblement linéaire, son caractère bijectif vient
immédiatement du théorème de Cauchy pour les EDLS.

36.2.3 Corollaire
L’espace des solutions (Sn ) de l’équation avec second membre (En ) est un espace affine de
dimension n.

Preuve : si y P est une solution particulière de l’équation avec second membre (En ), on a
(Sn ) = y P + (Sn,H ), d’où la conclusion.

426
36.3 Cas des équations linéaires scalaires d’ordre deux
Nous allons étudier en détail le cas de l’équation d’ordre deux résolue
y 00 + a(x) y 0 + b(x) y = c(x)
où a, b, c sont des fonctions continues de l’intervalle I de R dans K.
Le premier théorème, fondamental, est une simple adaptation des résultats établis dans le
cas général.

36.3.1 Théorème
L’espace vectoriel des solutions à valeurs dans K de l’équation homogène
y 00 + a(x) y 0 + b(x) y = 0
est un espace vectoriel S H de dimension 2, et pour tout x 0 de I , l’application de S H dans K2 qui
à la fonction y associe le couple y(x 0 ), y 0 (x 0 ) est un isomorphisme de K-espaces vectoriels.
¡ ¢

36.3.2 Corollaire
L’espace des solutions à valeurs dans K de l’équation
y 00 + a(x) y 0 + b(x) y = c(x)
est un sous-espace affine de C 2 (I , K) de dimension 2.

36.3.3 Méthode de variation des constantes pour les équations d’ordre


deux
De façon générale, il est possible, connaissant n solutions linéairement indépendantes
de l’équation
y (n) + a n−1 (x) y (n−1) + ... + a 1 (x) y 0 + a 0 (x) y = 0
d’en déduire un système fondamental de solutions du système linéaire homogène associé,
puis une solution particulière du système avec second membre moyennant la variation des
constantes. Nous allons détailler le processus dans le cas des équations linéaires d’ordre
deux¡:
Soit φ, ψ une base de l’espace des solutions de y 00 + a(x)y 0 + b(x)y = 0. La transforma-
¢

tion
¡¡ de l’EDLS¢¢ d’ordre 2 en une EDL vectorielle à valeur dans K2 montre que le couple
φ, φ0 , ψ, ψ0 est une base de solution du système
¢ ¡

y0 =
(
z
z0 = −a(x) z − b(x) y (EV )
La méthode
¡ y 1 ¢ ¡de variation des constantes consiste à rechercher une solution de (EV ) sous la
λφ+µψ ¢
forme y 2 = λφ0 +µψ0 ce qui conduit droit aux équations

λ0 (x)φ(x) + µ0 (x)ψ(x) = 0
(

λ0 (x)φ0 (x) + µ0 (x)ψ0 (x) = c(x)

427
³¡ ´
φ(x) ¢ ¡ψ(x) ¢
pour tout x de I , 0
φ (x)
, 0
ψ (x)
est une base de K2 , on résoud donc le système de Cramer
ainsi obtenu, puis l’on intègre λ0 , µ0 pour retomber sur une solution du système (à une so-
lution de l’équation homogène près).

On retient : les inconnues sont λ0 et µ0 , et le déterminant du système en λ0 , µ0 le Wrons-


kien de la base choisie (voir plus loin).

Exemple : considérons l’équation différentielle réelle

y 00 + y = tan x.

Sur un intervalle ] kπ ; (k + 1)π [ la solution générale de l’équation homogène associée est


λ cos x + µ sin x ; la variation des constantes amène

λ0 (x) cos x + µ0 (x) sin x = 0


(

λ0 (x) (− sin x) + µ0 (x) cos x = tan x.

La matrice du système est othogonale donc s’inverse par transposition, et l’on obtient

cos x − cos1 x
µ 0¶
cos x − sin x 0
µ ¶ µ ¶ µ ¶
λ
= · =
µ0 sin x cos x tan x sin x

d’où l’on tire par intégration de λ0 et µ0 la solution particulière


¯ ³ x π ´¯
y P = − cos x ln ¯tan + ¯ .
¯ ¯
2 4
La solution générale est donc
¯ ³ x π ´¯
y = λ cos x + µ sin x − cos x ln ¯tan + ¯
¯ ¯
2 4
où λ et µ sont des constantes réelles.

36.3.4 Méthode de Liouville


Lorsque l’on connaît une solution de l’équation sans second membre, soit u, la résolution
de l’équation y 00 = a(x)y 0 + b(x)y = c(x) se ramène à une équation du premier ordre sur tout
intervalle J où u ne s’annule pas. L’idée est de chercher la deuxième solution sous la forme
y = uz, où z est une fonction de classe C 2 ; on calcule donc

y0 = u0z + uz 0
y 00 = u z 00
+ 2 u0z0 + uz 00

le remplacement dans l’équation différentielle donne

uz 00 + 2bu 0 + au z 0 +
¡ 00
u + au 0 + bu z 0
¡ ¢ ¢
=

comme u est solution de l’équation homogène il reste

uz 00 +
¡ 0
2u + au z 0 c (∗)
¢
=

428
que l’on ramène à une équation du premier ordre en posant v = z 0 . L’intégration de cette
équation donne toutes les solutions de (EV ) sur J .

Exemple : l’équation (x + 1) y 00 − y 0 − x y = 0 possède la solution particulière u = ex . En


posant y(x) = ex z, on est ramené à l’équation
(x + 1) z 00 + (2x + 1) z 0 = 0.
L’intégration en z 0 fournit sur I = ] −1 ; +∞ [ la solution z 0 (x) = A (x + 1) e−2x ; finalement, la
solution générale de l’équation sur I est
y(x) = B ex + C (2x + 3) e−x .

36.3.5 Wronskien de deux solutions


Soient u et v deux solutions de l’équation homogène y 00 + a(x)y 0 + b(x)y = 0 ; nous défi-
nissons le Wronskien de u et de v par
W (x) = u(x) v 0 (x) − u 0 (x) v(x).
(Ce qui est cohérent avec le passage aux systèmes différentiels.)
Pour évaluer W , on peut revenir au système associé à (EH ) ; en fait la dérivation de W fournit
directement le résultat cherché :
W 0 (x) = u(x)v 00 (x) − u 00 (x)v(x)
−u(x) a(x)v 0 (x) + b(x)v(x) v(x) a(x)u 0 (x) b(x)u(x)
¡ ¢ ¡ ¢
= + +
On constate à nouveau que W est identiquement nul, ou bien ne s’annule pas.

36.3.6 Retour sur la méthode de Liouville


Si u est la solution particulière donnée, et si v(x) = z(x)u(x) est une deuxième solu-
tion calculée à l’aide de la méthode de Liouville le wronskien W (x) est égal à u z u + zu 0 −
¡ 0 ¢

zuu 0 = z 0 u 2 . On dispose donc de la solution particulière


µZ x
W (t )

v(x) = u(x) exp 2
dt .
x 0 u (t )

36.3.7 Cas général


Ne pas oublier les développements en série entière qui fournissent souvent une solution
étudiable, voire même calculable, en particulier au voisinage des points singuliers. (§ 25).

36.3.8 Étude des zéros des solutions des ED scalaires homogènes d’ordre
deux
Soit (E Z ) une équation différentielle de la forme
y 00 + a(x) y 0 + b(x) y = 0 (E Z )
définie sur un intervalle I de R, φ et ψ deux solutions à but réel non (identiquement) nulles
de (E Z ). Alors

429
1) Les zéros de ψ sont isolés, et tout segment de I n’en contient qu’un nombre fini.
2) Si φ et ψ ont un zéro commun, elles sont proportionnelles ; sinon, entre deux zéros de φ
il y en a toujours au moins un de ψ.
Preuves : 1) Soit a un zéro de φ. Si φ0 (a) est nul, φ est la solution nulle par unicité de la
solution du problème de Cauchy. Comme ce cas est par hypothèse exclu, φ0 (a) 6= 0, donc au
voisinage de a, φ(x) ∼ φ0 (x)(x −a) ce qui montre que φ(x) et φ0 (a)(x −a) sont de même signe
sur un intervalle ] a −α ; a +α [ , α > 0 convenable ; sur ce voisinage de a, φ ne s’annule qu’en
a.
Si J est un segment contenu dans I , l’ensemble X des zéros de la fonction continue φ dans
J impose donc à X d’être fini.
2) Soit a un zéro commun des solutions φ et ψ. Du fait que phi 0 (a) 6= 0 on peut trouver un
nombre λ vérifiant ψ0 (a) = λ f 0 (a), la solution φ − λψ de (E Z ) est alors nulle ainsi que sa
dérivée au point a, c’est donc la solution nulle : φ et ψ sont propotionnelles.
Par suite, si φ et ψ ne sont pas proportionnelles, elles ne possèdent pas de ¡zéros¢ communs.
Soient alors a et b deux zéros de φ, nous savons déjà que ψ(α) 6= 0 et ψ β 6= 0. On veut
montrer qu’entre a et b il y a au moins un zéros de ψ. Comme φ ne possède qu’un nombre
fini de zéros dans seg abo, le quotient f = a pour dérivée − ( ) . Le wronskien W φ, ψ
φ W φ,ψ ¡ ¢
ψ ψ2
ne s’annule pas, donc garde un signe constant sur [ a ; b ], ce qui fait que f est strictement
monotone sur [ a ; b ]. La contradiction souhaitée vient alors de ce que f (a) = f (b) = 0.

36.3.9 Étude d’un exemple


Considérons l’équation différentielle
2
y 00 + ex y = 0 (E Z ,expl )

Nous allons montrer que toute solution de (E Z ,expl ) est bornée et s’annule au moins une fois
dans tout intervalle de la forme ] a ; a + 2π [ , a ∈ R.
Pour démontrer la première assertion, on considère une fonction que l’on pourrait appeler
« énergie » de l’équation différentielle (voir les équations de Newton pour une démarche
proche de celle qui est suivie ici) déduite de ce que l’on obtiendrait en intégrant
2
³ ´
0 = e−x y 00 + y y0

soit
2
E = y 02 + e−x y 2

dont la dérivation donne


2
E 0 (x) = −2x e−x

négative pour x ≥ 0, positive pour x ≤ 0 ; le tableau de variation montre alors que la fonction
positive E croît sur ] −∞ ; 0 ], décroît sur [ 0 ; +∞ [ donc est bornée par E (0), ce qui implique
évidemment que y est bornée.
Pour la deuxième assertion, nous allons utiliser une comparaison des solutions de (E Z ,expl )
avec celles d’une autre équation différentielle dont les solutions sont connues, basées sur
une méthode que l’on pourrait appeler « de Wronskien mixte ».

430
Soit φ une solution de (E Z ,expl ), et soit f (x) = sin(x − a), solution de y 00 + y = 0 s’annulant en
a. Introduisons la fonction auxiliaire W (x) = f (x)φ0 (x) − φ(x) f 0 (x). La dérivée de W est
2
f 00 (x)φ(x) − φ00 (x) f (x) = − f (x)φ(x) + ex φ(x) f (x)
h 2 i
= f (x)φ(x) ex −1

Si φ ne s’annule pas dans ] a ; a + 2π [ , W 0 (x) garde un signe constant strict dans ] a ; a + 2π [


donc W est strictement monotone sur [ a ; a+2π ], ce qui est impossible puisqu’elle s’annule
aux bornes : contradiction et résultat.

36.4 Équations différentielles linéaires à coefficients constants


On s’intéresse à l’espace vectoriel S des solutions complexes de l’équation différentielle
(En,H )
y (n) + a n−1 y (n−1) + · · · + a 1 y 0 + a 0 y = 0
où a 0 , . . . , a n−1 sont fixés dans C. S est visiblement un sous-espace vectoriel de Φ = C ∞ (R, C).
À l’équation (En,H ) nous associons son équation caractéristique

C (λ) = 0, λ∈C

C (λ) désigne ici le polynôme λn + a n−1 λn−1 + · · · + a 1 λ + a 0 .


Nous introduisons aussi l’opérateur de dérivation D qui à la fonction f de Φ associe D f =
¡ ¢

f 0 . Lorsque P est un polynôme complexe soit P (X ) = b m X m + · · · + b 1 X + b 0 et u ∈ L (Φ),


P (u) désigne l’élément b m u m + · · · + b 1 u + b 0 Id de L (Φ) (avec u m = u ◦ · · · ◦ u).

36.4.1 Lemme
Pour tout P de C[X ], et toute fonction f de Φ on a
³ ´
P (D) eλt f (t ) = eλt P (D + λId) f (t ).

Démonstration : par combinaison linéaire, on se ramène au cas où P est un monôme


n
X . Le résultat provient alors de la formule de Leibniz : d’une part, moyennant celle-ci
à !
h i n n
n λt
λk eλt f n−k (t )
X
D e f (t ) =
k=0 k

d’autre part, directement


à ! à !
n n n−k n n n−k
n k k
X X
(D + λId) . f (t ) = λ D . f (t ) = λ f (t )
k=0 k k=0 k

d’où la conclusion.

S TRUCTURE DE S
Factorisons C sous la forme C (X ) = ri=1 (X − λi )αi , où λ1 , . . . , λr sont deux à deux distincts,
Q

et α1 + · · · + αr = n. Nous pouvons alors énoncer le

431
36.4.2 Théorème
L’espace vectoriel S des solutions de (En,H ) admet pour base la famille de fonctions t βi , j eλ j t i , j ,
¡ ¢

j = 1, . . . , r ; 0 ≤ βi , j ≤ α j − 1.

Les solutions de (En,H ) sont donc exactement les fonctions de la forme

r
Q j (t ) eλ j t
X
j =1

où Q j est un polynôme de degré ≤ α j − 1.

Démonstration : rappelons (§ 36.1) que l’espace vectoriel S est de dimension finie n.


L’idée est maintenant d’appliquer le théorème de décomposition des noyaux à l’opérateur
D. Visiblement D applique S dans S (il suffit pour le voir de dériver l’équation homogène
(En,H )). De plus, la définition de l’opérateur C (D) montre que la fonction
¢αfj de Φ est solution
de (En,H ) si et seulement si, C (D) . f = 0. Comme les polynômes X − λ j sont deux à deux
¡

premiers entre eux, nous obtenons :

r ¡ ¢α ¢α M M ¢α
D − λId i ker D − λ1 Id 1 ker D − λr Id r
Y
S kerC (D) ker
¡ ¡
= = = ···
i =1

¢α
Il nous reste maintenant à décrire les ker D − λ j Id j , j = 1, . . . , r .
¡

— Si Q est un polynôme de degré ≤ α j − 1, l’application du lemme ci-dessus donne les


identités
¢α ³ ´ ¢α
D − λ j Id j Q(t ) eλ j t eλ j t D − λ j Id + λ j Id j Q(t ) eλ j t D α j Q(t ) 0
¡ ¡
= = =

car degQ < α j .


— Pour conclure, on montre que la famille t βi , j eλ j t i , j est libre : l’annulation d’une com-
¡ ¢

binaison linéaire s’exprime par une égalité

r
Q j (t ) eλ j t
X
= 0, degQ i < αi ,
j =1

¢α L L ¢α
du fait que la somme ker D − λ1 Id 1 · · · ker D − λr Id r est directe chacun des
¡ ¡
λj t
termes
¡ β λ est ¢ Q(t ) e est nul, donc Q j = 0, j = 1, . . . , r , d’où la liberté de ladite famille.
t
t i , j e j i , j est donc une famille de n vecteurs indépendants dans l’espace vectoriel
S de dimension n,il s’agit bien d’une base de S.

R ECHERCHE DE SOLUTIONS PARTICULIÈRES


Nous traitons le cas où le second membre est une exponentielle polynôme P (t ) eµt , P ∈
C[X ] ; le cas des second membres de la forme P (t ) cosh t , P (t ) cos t , etc. s’y ramène par com-
binaison linéaire.

432
36.4.3 Lemme
Si R est un polynôme non nul, et si r désigne la multiplicité — éventuellement nulle — de
0 comme racine de R, à tout polynôme P de C[X ] on peut faire correspondre un polynôme Q
tel que
R(D).Q = P et degQ = deg P + r.

Preuve : si R(X ) = a r X r +· · ·+ a s X s , avec a r 6= 0, R(D) = a r D r +· · ·+ a s D s et l’on constate


pour m ≥ r que :
— les polynômes 1, . . . , X r −1 sont envoyés sur 0 ;
— la suite R(D)X r , . . . , R(D)X m est envoyée sur une suite de polynômes de degrés eche-
lonnés de 0 à m − r .
Il en résulte, en regardant l’image de la base canonique, que l’espace Cm [X ] des polynômes
de degrés ≤ m est envoyé par R(D) sur Cm−r [X ], le résultat est alors immédiat.

36.4.4 Théorème
Si µ est racine de C[X ] de multiplicité r, l’équation

y (n) + a n−1 y (n−1) + ··· + a1 y 0 + a0 y = P (t ) eµt

possède une solution particulière de la forme Q(t ) eµt , où degQ ≤ deg P + r .

Démonstration : lorsque Q est dans C[X ], le lemme montre qu’affirmer que la fonction
Q(t ) eµt , est solution de (En ) se traduit par

C Q(t ) eµt eµt C D + µId Q(t ) P (t ) eµt ,


¡ ¢ ¡ ¢
= =

la CNS pour qu’il en soit ainsi est donc

C D + µId Q(t ) P (t ).
¡ ¢
=

L’application du lemme précédent au polynôme R(X ) = C X + µ permet alors de conclure.


¡ ¢

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : pour les problèmes de Stum-Liouville voir Dieudonné


[Die70] chap. XI. Sur le sujet, les ouvrages anglais sont nombreux et souvent excellents ;
l’ancien Courant et Hilbert : Methods of Mathematical Physics [CH30] demeure l’une des
références indispensables du mathématicien. Rappelons aussi l’utilité du livre de Bender et
Orszag [BO87], essentiellement axé sur l’analyse asymptotique des solutions.

EXERCICES
R +∞ e−ut R +∞ sin u
1) On considère pour t > 0 : f 1 (t ) = 0 1+u 2 du et f 2 (t ) = 0 t +u du. Montrer avec le
2
plus grand soin que f 1 , f 2 sont bien définies et de classe C sur R∗+ , et vérifient l’équa-
tion différentielle : y 00 + y = x1 . Déterminer les limites f 1 et f 2 en +∞, puis comparer f 1
et f 2 .

433
R +∞ ¯
2) Soit q ∈ C R∗+ , R telle que 0 ¯q(x)¯ dx converge, et soit y une solution bornée de
¡ ¢ ¯

y 00 + q(x)y = 0 (Eq ).
a) Montrer que y 0 admet une limite en +∞ et déterminer celle-ci.
b) En utilisant convenablement le Wronskien montrer que (Eq ) possède des solu-
tions non bornées.
3) Rechercher une solution développable en série entière de l’équation x y 00 + y 0 − y = 0.
On voit ainsi que l’ED admet une solution définie sur R tout entier, était-ce évident a
priori ?
4) Méthode variationnelle : soit a, b, α, β dans R4 , a < b. On note E l’ensemble des ap-
¡ ¢

plications continûment dérivables de R dans R prenant les valeurs α et β aux points a


Rb¡
et b respectivement, et φ l’application de E dans R définie par φ( f ) = a f 2 (t ) + f 02 (t ) dt .
¢

a) Montrer que partie φ (E ) de R n’est pas majorée.


b) Montrer que φ (E ) admet une borne inférieure, et que celle-ci est atteinte en un
unique élément de E , solution d’une équation différentielle ¡ à déterminer
¡ ¢ (ajou-
ter une fonction h à f réalisant le minimum, écrire que φ f + h − φ f est ≥ 0,
¢

remplacer h par t h et faire tendre t vers 0 ; vérifier que la fonction f déterminée


convient.)

P ROBLÈME :
n xn
I. On considère la série n∈N (−1) (n!)2 , x ∈ R.
P

1°) Pour quelles valeurs de x converge-t-elle ? Soit f sa somme.


2°) Montrer qu’il existe x 0 > 0 tel que f (x 0 ) = 0 et f (x) > 0 pour x dans [ 0 ; x 0 [ .
p
3°) Prouver que x 0 > 2, et trouver une valeur approchée de x 0 à 10−3 près. On dé-
crira avec soin la méthode utilisée en justifiant la précision obtenue.
II. On considère cette fois l’équation différentielle z 00 + et z = 0 (Ee ).
1°) Montrer que, si z est une solution non nulle de (Ee ), tout intervalle de [ a ; b ] de
R ne contient qu’un nombre fini de zéros de z.
2°) Soient a < b deux réels > 0, z 1 une solution de (Ee ) > 0 sur [ a ; b ], z 2 la solution
de z 00 +ea z = 0 telle que z 1 (a) = z 2 (a), z 10 (a) = z 20 (a). De l’étude de zz21 déduire que,
pour tout t de [ a ; b ], z 1 (t ) ≤ z 2 (t ).
3°) Montrer que toute solution
i non identiquement
h nulle de (Ee ) possède une racine
π
dans tout intervalle t 0 ; t 0 + p t0 .
e
4°) Si α et β sont deux zéros consécutifs d’une solution non nulle de (Ee ), on a β−α >
pπ .

n ent
III. On considère la série : n∈N (−1) (n!)2 .
P

1°) Montrer que la somme de cette série définit une fonction C ∞ φ sur R.
2°) Montrer que φ est solution de (Ee ). Montrer que l’ensemble des points où φ
s’annule est une suite t 1 < t 2 < · · · < t n < · · · telle que t 1 > 12 ln 2 ; lim t n = +∞,
lim (t n+1 − t n ) = 0.
3°) Montrer que limn→+∞ exp (t n+1 ) − exp (t n ) = π2 .
p p

2 2
³ ´
4°) En déduire que l’on a : limn→+∞ t n − ln n 4π = 0.

434
Dixième partie

Intégration

435
Chapitre 37

Fonctions mesurables, théorèmes de


convergence

37.1 Fonctions mesurables


37.1.1 Fonctions boréliennes
37.1.2 Fonctions mesurables
37.1.3 Théorème

37.2 Convergence de suites d’intégrales


37.2.1 Théorème
37.2.2 Théorème
37.2.3 Théorème
37.2.4 Théorème

37.3 Dérivation sous le signe somme


37.3.1 Théorème
37.3.2 Théorème
37.3.3 Application aux transformées de Fourier

437
438
Chapitre 38

Espaces Lp

38.1 Construction
38.1.1
38.1.2 Théorème

38.2 Propriétés
38.2.1 Théorème
38.2.2 Théorème

439
440
Chapitre 39

Le théorème de Fubini

39.1 Le théorème de Fubini


39.1.1 Mesure produit
39.1.2 Construction de la mesure produit
39.1.3 Théorème
39.1.4 Théorème

39.2 Applications
39.2.1 Convolution
39.2.2 Intégrales holomorphes dépendant d’un paramètre
39.2.3 Calculs d’intégrales multiples

441
442
Onzième partie

Fonctions analytiques

443
Chapitre 40

Fonctions complexes usuelles

Le § 40 décrit les fonctions complexes issues de l’exponentielle, son étude est indispen-
sable aux candidats des agrégations internes et externe ; les connaissances requises sur les
fonctions holomorphes dans le § 40, décrite en 41.1, se réduisent pratiquement à la défini-
tion : à partir du § 41.2, l’exposé donne les principales propriétés des fonctions holomorphes
en vue de l’écrit de l’agrégation externe ; comme pour l’agrégation, il s’agit d’un résumé de
cours et la plupart des preuves sont admises, le but étant d’éviter à l’étudiant la dispersion
de son travail lors de la résolution d’un problème d’écrit. La référence que nous prendrons
ici sera le livre de Cartan [Car61] ; on recommande le petit livre de Leborgne [Leb90].

40.1 Exponentielle complexe

40.1.1 Définition
Le but de ce paragraphe est d’établir les propriétés les plus importantes de la fonction
exponentielle dans le plan complexe. Pour z dans C, elle est définie comme la somme de la
série entière
X zn
+∞
exp (z) =
n=0 n!

dont la convergence absolue est donnée par le critère de d’Alembert. Il s’agit donc d’une
fonction entière, et l’on dispose déjà pour exp(z) de toutes les propriétés des fonctions de
cette classe : convergence normale donc uniforme sur tout compact, continuité, dérivation
terme à terme de la série, caractère analytique, holomorphe et C ∞ réel.
La première particularité, la plus importante peut-être de l’exponentielle est donnée par son
équation fonctionnelle :

40.1.2 Théorème
La fonction exponentielle est un homomorphisme analytique du groupe (C, +) dans le
groupe (C∗ , ×).

445
Démonstration : la convergence absolue de la série justifie l’emploi du produit de convo-
lution dans le calcul suivant :
+∞ z m +∞
X z 0p
exp (z) exp z 0
¡ ¢ X
=
m=0 m! p=0 p!
+∞ 1 X n n!
z k z 0n−k
X
=
n=0 n! k=0 k!(n − k)!
X z + z0 n
+∞
¡ ¢
= exp z + z 0
¡ ¢
=
n=0 n!

d’où le fait que l’exponentielle est un morphisme, le reste est déjà acquis. QED.

40.1.3 Premières conséquences

a) Pour tout nombre complexe z, exp(z) 6= 0.


b) La fonction exponentielle est sa propre dérivée : exp0 (z) = exp(z).
c) La restriction de exp à la droite réelle est une fonction strictement positive, strictement
croissante, tendant vers +∞ en +∞ et vers 0 en −∞.
Démonstration :
a) L’équation fonctionnelle que nous venons d’établir nous dit que, pour tout nombre
complexe z, exp(z) exp(−z) = exp(0) = 1, d’où le premier point.
b) Résulte immédiatement de la règle de dérivation terme à terme d’une série entière,
que l’on a détaillée pour les fonctions réelles et pour les fonctions complexes.
c) L’exponentielle réelle est une fonction C ∞ qui ne s’annulle pas, elle garde donc un
signe constant, nécessairement > 0 puisque exp(0) = 1. Il s’agit donc d’une bijection
strictement croissante de R sur un certain intervalle I à déterminer. Pour décrire I ,
nous regarderons les limites à l’infini :
— en +∞, l’inégalité provenant du développement en série entière, soit

exp x ≥ 1+x

montre que la limite cherchée est +∞ ;


— en −∞, l’identité exp(−x) = exp(−x)−1 prouve ensuite que la limite cherchée est
nulle. QED.

40.1.4 Théorème
L’application exponentielle est surjective.

Démonstration : l’image de exp est un sous-groupe H de (C∗ , ×). Montrons pour com-
mencer que H est ouvert : exp(z) est une fonction de classe C 1 dont la différentielle en 0 est
la multiplication par exp(0) = 1, c’est-à-dire l’identité (voir le début du § 41.1). Le théorème
d’inversion locale fournit alors des voisinages ouverts U et V de 0 et 1 respectivement tels

446
que exp(U ) = V . V est ainsi contenu dans H , et le fait que H est un groupe multiplicatif en-
traîne que, pour tout a de H , le voisinage aU de a est inclus dans H , donc H est ouvert. Le
complémentaire de H est ouvert : comme H est un sous-groupe de C∗ , son complémentaire
est constitué des classes bH selon H avec b 6= 0. Chacune des ces classes est ouverte comme
image d’un ouvert par l’homéomorphisme z 7→ bz ; par réunion, C∗ \H est ouvert. Du fait
que C∗ est connexe, l’un de H , C∗ \H est vide ; comme H ne l’est pas, il est égal à C∗ . QED.

40.1.5 Théorème

a) Pour tout nombre complexe z, exp(i z) est de module un ssi z est réel.
b) L’application x 7→ exp(i z) réalise un morphisme surjectif de R sur le groupe S1 des
nombres complexes de module un, dont le noyau est de la forme aZ.
Démonstration :
a) En premier lieu, si z est réel exp(− i z) est le conjugué de exp(i z) puisque les coeffi-
cients de la série exponentielle sont réels ; l’égalité

exp(i z) exp(− i z) = exp(0) = 1


¯ ¯
montre alors que ¯exp(i z)¯ = 1.
Pour la réciproque, décomposons le nombre z sous la forme z = x + i y, avec x et y
réels, ce qui amène

exp(i z) = exp i x + i y = exp −y exp(i x)


¡ ¡ ¢¢ ¡ ¢

le début de la preuve nous dit que


¯ ¯
¯exp(i z)¯ exp −y
¡ ¢
=
¯ ¯
donc ¯exp(i z)¯ = 1 ⇐⇒ exp −y = 1 ⇐⇒ y = 0 grâce à l’étude de l’exponentielle
¡ ¢

réelle.
b) L’exponentielle est surjective, donc aussi z 7→ exp(i z) et tout élément de S1 possède
un antécédent par cette application ; le a) nous dit que ces antécédents sont tous réels,
donc exp(i R) = S1 .
Par restriction, φ(x) = exp(i x) est un morphisme de (R, +) dans (S1 , ×), son noyau est
de ce fait un sous-groupe additif de R, distinct de R et fermé par continuité de φ. Les
résultats établis dans le § 1.6 montrent que ker φ est de la forme aZ, avec a > 0. QED.
Visiblement, aZ est le groupe des périodes de z 7→ exp(i z)

40.1.6 Définition
a
Le nombre réel 2
sera désormais appelé π.

447
40.1.7 Isomorphisme sur S1
L’application φ réalise donc un isomorphisme du groupe additif des classes réelles mo-
dulo 2π sur S1 , chaque classe modulo 2π possédant un représentant et un seul dans [ −π ; π [ ,
φ est une bijection continue de [ −π ; π [ sur S1 (et de plus généralement de tout intervalle
[ α ; α + 2π [ sur S1 ).
B : la réciproque de φ n’est pas continue au point −1 (2.8.8 donne un généralisation de ce
phénomène).

40.2 Fonctions trigonométriques réelles


40.2.1
40.2.2 Premières propriétés
40.2.3 Variation de cos x et sin x
40.2.4 Théorème
40.2.5 Définition

40.3 Détermination principale du logarithme complexe


40.3.1 Théorème
40.3.2 Théorème
40.3.3 Fonctions puissances complexes

40.4 Fonctions trigonométriques complexes


40.4.1
40.4.2 Théorème
40.4.3 Application géométrique

448
Chapitre 41

Fonctions holomorphes, théorème de


Cauchy

41.1 Dérivabilité complexe


41.1.1 Définition
41.1.2
41.1.3 Terminologie
41.1.4 Théorème
41.1.5 Remarque

41.2 Intégrale sur un chemin, théorème de Morera et de Cau-


chy
41.2.1
41.2.2 Théorème de Morera
41.2.3 Interprétation en termes de formes différentielles
41.2.4 Corollaire
41.2.5 Théorème de Cauchy
41.2.6 Corollaire 1
41.2.7 Corollaire 2

449
450
Chapitre 42

Le prolongement analytique

42.1 Zéros isolés, prolongement analytique


42.1.1 Théorème
42.1.2 Corollaire

42.2 Applications
42.2.1 Présence de singularités essentielles au bord
42.2.2 Théorème

451
452
Chapitre 43

Le théorème des résidus

43.1 Singularités des fonctions holomorphes


43.1.1 Définition
43.1.2 Théorème
43.1.3 Définition

43.2 Théorème des résidus


43.2.1 Théorème
43.2.2 Application aux calculs d’intégrales
43.2.3 Application aux zéros des fonctions holomorphes
43.2.4 Théorème (Hurwicz)
43.2.5 Théorème

453
454
Douzième partie

Analyse numérique

455
Chapitre 44

Résolution approchée des équations


F (x) = 0

Ces chapitres 44-47 ne contiennent que quelques rudiments sur le sujet, seule la re-
cherche des solutions f (x) = 0 en dimension 1 a été étudiée un peu plus en détail ; il nous
a semblé en effet important que de futurs professeurs de l’enseignement secondaire pos-
sèdent de solides connaissances sur ce thème. Pour en savoir plus, on lira d’abord l’agréable
[Bar77] puis [Dem91].

Remarque préliminaire : ce chapitre 44 permet de compléter les leçons : « calcul ap-


proché des racines de f (x) = 0 . . . », « rapidité de convergence d’une suite réelle... », pour
lesquels divers éléments ont déjà été donnés aux § 1.2.2, 8, 9, 12, 14. Les résultats ici fournis
peuvent également enrichir d’autres leçons non spécialisées, comme « différentes formules
de Taylor », « suites récurrentes réelles » etc. Au lecteur de les ventiler d’après la liste de le-
çons donnée au début du livre.

Dans tout ce qui suit, f désigne une fonction numérique de variable réelle.

44.1 La dichotomie

C’est sans doute la méthode la plus rudimentaire de recherche d’une racine d’une équa-
tion f (x) = 0, mais elle n’est pas dénuée d’intérêt, ne serait-ce que pour donner une pre-
mière estimation de la racine approchée.
Rappelons que la clé de la dichotomie est le théorème des valeurs intermédiaires : une fonc-
tion continue sur l’intervalle I prenant aux points a et b de I des valeurs de signes opposés
possède nécessairement un zéro entre a et b. Ayant isolé un zéro α de f entre deux points a
et b, on considère le milieu c de [ a ; b ] ; si f (a) f (c) > 0, α est dans [ c ; b ] sinon α est dans
[ a ; c ]. On recommence alors en remplaçant [ a ; b ] par celui des intervalles [ a ; c ], [ c ; b ]
qui contient α, etc. Une récurrence facile montre qu’à la n e étape α est approché avec une
erreur ≤ b−a2n
. Notons aussi que le procédé est algorithmique c’est-à-dire sucseptible d’une
programmation (exercice : le faire en langage informatique standard).

457
44.2 Les méthodes itératives standard
Celles-ci consistent à transformer l’équation F (x) = 0 en f (x) = x, où f est une fonc-
tion convenable (x − F (x) et x + F (x) conviennent entre autres) puis, partant d’un point x 0 ,
à étudier la suite x n+1 = f (x n ). Si f est continue et si la suite (x n )n∈N converge vers a, ce
nombre est une solution de l’équation f (x) = 0. Attention : le choix de x 0 est parfois délicat,
il convient d’assurer en effet, même si la suite (x n )n∈N converge, que sa limite est bien la
solution cherchée, et non une autre.

M ÉTHODE DU POINT FIXE


Il est souhaitable de revoir ce qui concerne le théorème du point fixe contractant dans les §
8 et 14. Le théorème ci-dessous affine les estimations déjà fournies :

44.2.1 Théorème
Soient I un intervalle compact de R et f une application de classe C¯ 2 de I dans ¯ I . On
0
suppose qu’il existe un nombre réel k dans ] 0 ; 1 [ tel que, pour tout x de I , f (x) ≤ k ¯.
¯

a) f possède un point fixe unique λ, et toute suite récurrente donnée par x 0 = a ∈ I et


x n+1 = f (x n ) converge vers λ.
b) On suppose K = f 0 (λ) > 0 et x n > λ pour n assez grand. Il existe alors un réel c > 0 tel
que x n − λ ∼ cK n .
n→+∞

Notons que les conditions de b) sont satisfaites si f est strictement croissante sur I et
x 0 > λ.

Démonstration : a) provient immédiatemment du théorème du point fixe. Rappelons


kn
aussi les majorations |x n − λ| ≤ 1−k |x 0 − λ|.
³ ´
b) On veut donc montrer que la suite u n = ln xKn −λ n converge dans R∗ . Pour cela, il suffit
d’établir que la série de terme général v n = u n+1 − u n converge. Mais

x n+1 − λ
µ ¶
vn = ln
K (x n − λ)

avec les définitions et Taylor-Lagrange nous obtenons

1
x n+1 − λ = f (x n ) − f (λ) = K (x n − λ) + (x n − λ)2 f 00 (c n ).
2

Soit M = ° f 00 °∞ , il vient
° °

1 f 00 (c n )
µ ¶
vn = ln 1 + (x n − λ) .
2 K

f 00 (c ) n
Posons w n = K n (x n −λ), nous avons |w n | ≤ M k
|x − λ| ce qui prouve que la série n∈N w n
P
P 0
K 1−k
est absolument convergente, donc aussi la série n∈N v n . QED.

458
Remarque : un test d’arrêt de la forme |x n+1 − x n | < δ peut conduire à de mauvais ré-
sultats si la convergence est
qtrop lente. Reprenons l’exemple de la suite x n+1 = sin x n du 12
3 x3
(Cesàro) : on sait que x n ∼ n mais de |sin x − x| < 6 pour x > 0 on déduit que

x n3 1 −3
|x n+1 − x n | < = n 2
6 6
négligeable devant x n . L’erreur x n est prépondérante sur la constante d’arrêt du test. Ce n’est
pas le cas sous les hypothèses de 44.2.2 où l’on constate que
1
x n+1 − x n = x n+1 − λ − (x n − λ) = K (x n − λ) + (x n − λ)2 f 00 (c n ) − (x n − λ)
2
soit
x n+1 − x n = (x n − λ) ( K − 1 + o(1) )
avec K − 1 6= 0, ce qui montre que x n+1 − x n et l’approximation obtenue de la racine sont du
même ordre de grandeur.

44.2.2 Accélération de la convergence


Le ∆2 d’Aitken : nous poserons ∆ = x n+1 −x n , d’où ∆2 x n = x n+2 −2x n+1 +x n et e n = x n −λ ;
la suite (x n )n∈N est supposée non stationnaire, elle est de ce fait injective (il s’agit d’une suite
récurrente).
∆x 2
Alors la suite x n0 = x n − (∆2 xn ) converge vers λ, et l’on a limn→+∞ xnn −λ = 0. (Ainsi, la suite ∆2
x 0 −λ
n
tend plus vite vers 0 que la suite (x n )n∈N . Pour savoir d’où sort cette suite, voir [Bar77] p. 22).

Démonstration : le théorème de Rolle nous dit qu’il existe une suite (c n )n∈N , λ < c n < x n
telle que e n+1 = x n+1 − λ = f 0 (c n )(x n − λ) = f 0 (c n )e n . Écrivons ensuite par continuité de f 0
f 0 (c n ) = K + εn , nous obtenons successivement :
¡ 2
e n+2 = (K + εn+1 ) (K + εn ) e n = K + (εn+1 + εn )K + εn εn+1 e n
¢

d’où
∆2 x n ∆2 e n
(K − 1)2 e n + ε0n e n où ε0n K (εn + εn+1 ) − 2εn + εn εn+1
ε0n tend 0 donc ∆2 x n = (K − 1)2 + ε0n e n est non nul pour n assez grand.
¡ ¢

On calcule ensuite
∆x n = ∆e n = (K − 1)∆e n + εn e n
d’où
((K − 1)e n + εn e n )2 (K − 1) + αn (K − 1) + αn
µ ¶
x n0 −λ = x n −λ− ¡ = en − en = en 1−
(K − 1)2 + ε0n e n (K − 1) + α0n (K − 1) + α0n
¢

où αn , α0n tendent vers 0, et le facteur de e n tend vers 0.

D ESCRIPTIF DE LA MÉTHODE DE S TEFESEN


Remplacer tous les x n par les x n0 conduit certainement à une amélioration des approxima-
tions obtenues. Mais il est plus efficace — et plus pertinent — de procéder ainsi :
On calcule x 1 et x 2 puis x 00 par le ∆2 d’Aitken, puis l’on repart de x 00 pour calculer deux itérés
x 10 , x 20 , d’où l’on déduit un x 000 par le ∆2 , etc. L’algorithme ainsi obtenu est celui de Stefenson,
dont la rapidité de convergence est voisine de celle de la méthode de Newton.

459
44.2.3 Méthode de Newton
L’idée de base est grosso modo de remplacer la courbe par sa tangente.

y ΓT x n

Γf

ΓTxn+1
x n+1 xn x

|
F IGURE 44.1 – Calcul du zéro des tangentes successives

L’équation de la tangente est Y − f (x) = f 0 (x)(X − x) d’où pour f 0 (x) 6= 0 la racine :

f 0 (x)
x0 = x −
f (x)

Théorème : Soit (x 0 , c) dans R × ] 0 ; +∞ [ , et soit f une application de classe C 1 de I =


[ x 0 − c ; x 0 + c ] dans R. On suppose qu’il existe un nombre réel m > 0 tel que
¯ ¯
i) ¯ f (x 0 )¯ ≤ cm.
ii) Pour tout (y, z) de I 2 , ¯ f 0 y ¯ ≥ 2m et ¯ f 0 y − f (z)¯ ≤ m.
¯ ¡ ¢¯ ¯ ¡ ¢ ¯

Alors f possède une unique racine α dans I et la suite (x n )n∈N définie par la donnée de x 0 et
f (x )
la relation de récurrence x n+1 = x n − f 0 (xnn ) converge vers α.

La condition i) signifie que l’on doit se placer près de la racine, et ii) que ¯ f 0 (α)¯ > 0 et
¯ ¯

que l’on est assez proche de α pour que la dérivée varie peu.

Démonstration : montrons par récurrence (faible) que, pour tout n de N∗ :


c ¯ f (x n )¯ ≤ cm .
¯ ¯
|x n − x n−1 | ≤ , xn ∈ I et
2n 2n
f (x 0 ) cm
D’abord pour n = 1 : |x 1 − x 0 | = f 0 (x 0 ) ≤ 2m = 2c . Donc x 1 ∈ I et

f (x 1 ) = f (x 1 ) − 0
= f (x 1 ) − f (x 0 ) − (x 1 − x 0 ) f 0 (x 0 )
¡ 0
f (c) − f 0 (x 0 ) ( x 1 − x 0 ) (Rolle).
¢
=

Mais ¯ f 0 (c) − f 0 (x 0 )¯ ≤ m et |x 1 − x 0 | ≤ 2c d’où ¯ f (x 1 )¯ ≤ cm


¯ ¯ ¯ ¯
2 .
On suppose maintenant le résultat vrai de n ≥ 1 et l’on reprend les idées prédédentes :

¯ f (x n ) ¯
¯ ≤ cm (2m)−1 = c
¯ ¯
|x n+1 − x n | = ¯ 0 ¯
n n+1
f (x n ) ¯ 2 2

460
³ ´
1
puis |x n+1 − x 0 | ≤ |x n+1 − x n | + |x n+1 − x n | + · · · + |x n+1 − x n | ≤ c 2n+1
+ 21n + · · · + 12 < c.
Ensuite

f (x n+1 ) = f (x n+1 ) − 0
= f (x n+1 ) − f (x n ) − (x n+1 − x n ) f 0 (x n )
¡ 0
f (c) − f 0 (x n ) ( x n+1 − x n ) (Rolle).
¢
=
c
de ¯ f 0 (c) − f 0 (x n )¯ ≤ m et |x n+1 − x n | ≤ 2n+1 on tire enfin l’inégalité ¯ f (x n+1 )¯ ≤ 2cm
¯ ¯ ¯ ¯
n+1 .
On dispose maintenant d’une suite (x n )n∈N telle que (x − x ) converge absolument,
P
¯ n∈ N n+1 n
c
¯
la suite (x n )n∈N converge donc, et l’inégalité f (x n ) ≤ 2n entraîne que sa limite α est un zéro
¯ ¯
de la fonction continue f . Comme f 0 ne s’annule pas, le théorème de Rolle impose à f d’être
injective ce qui prouve que α est l’unique racine de f dans I .

44.2.4 Estimation de la convergence


Elle est en fait bien meilleure que celle que ¯donne la méthode du point fixe. Faisons
2 ¯ 00 ¯
¯
l’hypothèse supplémentaire : f est de classe C , f ≤ M sur I par exemple. On a
¯ 1 ³ ¯ 1 ¯¯1
¯ ´¯¯ ¯ ¯¯ ¯
0 2 00
¯
|x n+1 − α| = ¯ 0 ¯ f (α) − f (x n ) − f (x n )(α − x n ) ¯ = ¯ 0
¯ ¯ ¯ ¯ (α − x n ) f (d ) ¯
f (x n ) f (x n ) ¯ ¯ 2 ¯

et de ce fait
M
|x n+1 − α| ≤ |α − x n |2 .
2m
M
On pose alors q = 2m . Du fait que |x 0 − α| ≤ c il vient par récurrence sur n

1 n
|x n − α| ≤ (c q)2
q

Si l’on est, au départ proche de la racine, c q < 1 et la convergence est très rapide. À titre
d’exemple, comparer les rapidités de convergence des méthodes de Newton et du point fixe
pour le calcul de la racine de cos x = x.

Exemple : calcul approché des racines carrées. Soit a un nombre > 0. L’application de
la méthode de Newton pour la résolution de l’équation x 2 = a conduit à considérer
³ ´la suite
1 a
récurrente de premier terme u 0 > 0, et telle que, pour tout n de N, u n+1 = 2 u n + un .
p
La suite (u n )n∈N converge vers a : d’abord si la suite converge, ce ne peut être que vers
p
a. Pour montrer la convergence de (u n )¡n∈N , on
¢ peut procéder directement, en effectuant
p
la représentation graphique de g : x 7→ 12 x + x1 , ou encore choisir u 0 > a, obtenir par les
accroissements finis
p 1 1 ¡ p ¢
µ ¶
x n+1 − a = g (u n ) − g a 1 − 2 un − a
¡p ¢
=
2 c
p
et en déduire que (u n )n∈N décroît vers un point fixe de g qui ne peut être que que a.
p p ¢
On prend ensuite u 0 > a. Si e n = u n − a , par un calcul direct
¡

e n2 e n2
e n+1 = = p
2u n 2 a

461
¡ e 1 ¢2 n p
et de ce fait e n+1 < b b où b = 2 a, ce qui assure une convergence très rapide si au dé-
part e 1 < b.

Contre-exemple : considérons f (x) = arctan x. La solution de f (x) = 0 est x = 0. Par


définition, et après calcul, la récurrence donnée par la méthode de Newton pour f est

x n+1 xn 1 + x n2 arctan x n
¡ ¢
= −

2|x 0 |
supposons que l’on ait choisi x 0 de sorte que arctan |x 0 | > 1+x 02
. Une récurrence simple
montre que la suite (|x n |)n∈N croît strictement, et donc que (x n )n∈N diverge.

(Question : le théorème du point fixe contractant s’applique-t-il ici ? Sinon, quel résultat
employer ? Peut-on donner un équivalent de x n pour la suite x n+1 = f (x n ) ?).

Le problème de la méthode de Newton est le caractère contraignant des conditions de


convergence, qui demande déjà une bonne première approximation de la racine. Dans le
cas des polynômes réels scindés, on dispose de la propriété suivante, permettant un large
choix de valeur initiales :

44.2.5 Proposition
Soit P un polynôme réel scindé de racines α1 < α2 < · · · < αp . Pour tout choix de x 0 > αp ,
la méthode de Newton pour f = P de valeur initiale x 0 converge vers αp .

Démonstration : P sera supposé normalisé.

Lemme : pour tout entier k ≤ p, P (k) > 0 sur αp ; +∞ .


£ £

En effet, le coefficient dominant de P (k) est strictement positif, et si P (k) n’est pas constant
(k < p) il est scindé et toutes ses racines sont < αp par 9.3.2.

Preuve de la proposition : on introduit la fonction définie pour x > αp par g (x) = x − PP0(x)(x)
et g (αp ) = αp , et par suite (x n )n∈N est définie par : x n+1 = f (x n ) tant que x n ∈ αp ; +∞ .
¤ £

Montrons :
αp < x n =⇒ αp < x n+1 < x n

(ce qui prouve que (x n )n∈N est correctement déifine). D’abord x n+1 < x n car PP0(x n)
(x n )
> 0. On
00
calcul ensuite f 0 (x) = P (x)P (x)
est est > 0 sur αp ; +∞ , f est de ce fait strictement crois-
¤ £
P 02 (x)
sante et l’inégalité αp < x n entraîne f (αp ) < f (x n ) = x n+1 , d’où les inégalités annoncées.
En conclusion, la suite (x n )n∈N est décroissante minorée et converge vers un point fixe l de la
fonction continue f , le réel l est alors une racine de P supérieure ou égale à αp donc l = αp :
la suite (x n )n∈N converge vers αp . QED.

Remarques :
1. Pour n assez grand, (x n )n∈N est proche de α et les conditions du théorème de conver-
gence 44.2.3 assurent une approximation rapide.

462
2. Les estimations données dans le problème de § 9 : régionnement des zéros d’un po-
lynôme permettent de déterminer en fonction des coefficients de P un majorant de
αp .

P OURSUITE DU PROCESSUS : DÉFLATION


Une racine α ayant été calculée, l’idée naturelle pour trouver les racines restantes de P (bien
que discutable du point de vue de la stabilité des algorithmes) est de diviser P (X ) par (X −α),
ce qui laisse une polynôme scindé à racines simples réelles, puis d’appliquer à nouveau la
méthode de Newton au polynôme ainsi obtenu. Pour d’avantage de détails voir [Mon87] p.
90/91.

Exercice : calculer les racines des polynômes de Legendre et de Laguerre de degré 3.

44.3 La méhode de la fausse position


Soit [ a ; b ], a < b un segment de R, soit f une application de classe C 2 de [ a ; b ] dans R.
On suppose
i) que f (a) f (b) < 0 ;
¯ 0 ¯
ii) qu’il
¯ 00existe des
¯ constantes m > 0, M > 0 telles que, pour tout x de [ a ; b ], ¯ f (x)¯ ≥ m
et ¯ f (x) ≤ M ¯.
Sous ces hypothèses, la fonction f possède une racine unique α dans [ a ; b ] et l’on a, en
désingant par β la racine de la fonction affine

f (b)(x − a) − f (a)(x − a)
L(x) =
b−a
la majoration
¯ ¯ M ¯¯ ¯¯ ¯
¯α − β ¯ ≤ β − a ¯ ¯β − b ¯ .
2m

y
B

a α b
| |
|

O β x

F IGURE 44.2 – Méthode de la fausse position

Démonstration : le premier point est clair. On remarque que L est un polynôme interpo-
lateur de Lagrange de f de degré 1. Nous disposons alors de la formule démontrée en 19.1.

463
« Soit f une application de classe C n de l’intervalle I de R dans R, et a 1 < a 2 < · · · < a n . Si x
f (n) (c) Qn
est dans I et distinct des a i , il existe c dans I tel que : f (x) = n! i =1 (x − a i ). »
(il est conseillé de refaire la preuve dans ce cas particulier). Dans la situation présente, nous
obtenons pour x tel que :

1 00
f (x) − L(x) = f (c)(x − a)(x − b).
2
1 00
Prenons x il vient : f (β) f (c) a b . D’autre part, il existe d ∈ [ a ; b ] tel que
¡ ¢¡ ¢
= β, =
¢ 2 β − β −
f β = f β − f (α) = β − α f 0 (d ). Nous trouvons donc c et d tels que
¡ ¢ ¡ ¢ ¡

f 00 (c) ¡
a b
¡ ¢ ¢¡ ¢
β−α = β − β −
2 f 0 (d )

d’où la conclusion.
L’itération de ce processus, correctement menée, conduit à des résultats proche de la mé-
thode de Newton.

464
Chapitre 45

Calculs approchés d’intégrales

Dans tout ce qui suit, f désigne une fonction de classe C¯ ∞ , du segment [ a ; b ] de R dans
(i )
¯
R. Pour i dans N, on désignera par M i le nombre supt ∈[ a;b ] f (t ) .
¯ ¯
Les méthodes présentées ici sont pour l’essentiel des méthodes de Newton-Cotes : on ef-
fectue une subdivision de segment [ a ; b ], puis sur chaque segment I de la subdivision on
remplace f par un polynôme qui prend les mêmes valeurs que f en des points de I .
Selon le degré n du polynôme on peut imposer n + 1 valeurs (cf. interpolation de Lagrange).
Nous traiterons les cas des degrés 0, 1, 2. Les subdivisions choisies seront régulières de taille
n (n ≥ 1) et l’on posera h = b−a
n , a i = a + i h, i = 0, . . . , n.

I. Approximation par des sommes de Riemann


Avec la formule de la moyenne, pour tout i de ‚0, n − 1ƒ
Z ai +1
∃c i ∈ [ a i ; a i +1 ], f (t ) dt = h f (c i ).
ai

Le nombre c i étant a priori inconnu, on le remplace par un nombre proche pris dans
[ a i ; a i +1 ] (compte tenu de l’uniforme continuité de f , les différences tendent vers 0
uniformément avec h).
— Premier choix : on remplace c i par a i (ou a i +1 ). La valeur approchée de l’intégrale
est donc
Z b
f (t ) dt ≈ h f (a) + f (a + h) + · · · + f (a + (n − 1)h)
¡ ¢
a

(ou la même décalée d’un cran).

Estimation de l’erreur : par Taylor-Young à l’ordre un (AF !) on obtient

f (t ) = f (a i ) + (t − a i ) f 0 (c t ), c t ∈ ] a i ; a i +1 [

d’où
a i +1 a i +1 h2
¯Z ¯ ¯Z ¯
¯ ¯ ¯ ¯
¯ f (t ) dt − h(a i )¯¯ = ¯ (t − a i ) f (c t ) dt − h(a i )¯¯ ≤ M1
¯
ai
¯
ai 2

465
et après sommation

b (b − a)2
¯Z ³ ´¯¯
¯
¯ f (t ) dt − h f (a) + f (a + h) + · · · + f (a + (n − 1)h) ¯¯ ≤ M1 .
¯
a 2n

On a en fait bien mieux en choisissant le point milieu (c’est assez intuitif, de plus
la formule obtenue est exacte lorsque f est affine sur les segments de la subdivi-
sion, ce qui n’est pas le cas de la précédente).
a i +a i +1
— Deuxième choix : on remplace c i par 2 . La formule donnant l’approximation
est alors Z b n−1
X
µ
h

f (t ) dt ≈ h f a + kh +
a k=0 2
R ai + h2 +x
Majoration
h de
i l’erreur : on pose φ(x) = ai f (t ) dt fonction que l’on étudie
h h
sur − 2 ; 2 . Deux applications de la formule de Taylor-Lagrange à l’ordre 3 en 0
fournissent
2 3
³ ´ ³ ´ ³ ´
φ h2 = φ(0) + h2 f a i + h2 + h8 f 0 a i + h2 + h48 f 00 (a i + c i )
2 3
³ ´ ³ ´ ³ ´
φ − h2 = φ(0) − h2 f a i + h2 + h8 f 0 a i + h2 + h48 f 00 (a i + d i )

par différence
a i +1 h h 3 ³ 00
Z µ ¶ ´
f (t ) dt − h f a i + = f (a i + c i ) − f 00 (a i + d i )
ai 2 48

et de ce fait
a i +1 h ¯¯ h3
¯Z µ ¶¯
¯
¯ f (t ) dt − h f a i + ¯ ≤ M2
¯
ai 2 24
après sommation :
¯Z ¶¯
¯ b n−1 h ¯¯ (b − a)3
µ
X
f (t ) dt − h f a + kh + ¯ ≤ M2
¯
2 ¯ 24n 2
¯
¯ a k=0

ce qui est plus satisfaisant.

II. Méthode des trapèzes


On interpole cette fois f sur [ a i ; a i +1 ] par la fonction affine qui prend la même valeur
que f en a i et a i +1 , fonction que nous noterons P i . La formule donnant l’aire d’un
trapèze montre que :
Z a i +1 f (a i ) + f (a i +1 )
P i (t ) dt = h
ai 2

d’où la valeur approchée :


Z b µ
f (a) f (b)

f (t ) dt h f (a + h) f a + (n − 1)h
¡ ¢
≈ + + ··· + +
a 2 2

466
Ra ¡
Majoration de l’erreur : on doit estimer aii +1 f (t ) − P i (t ) dt . Posons h(t ) = f (t ) −
¢
Ra
P i (t ). Le plus simple est de partir de l’intégrale I = aii +1 (a i +1 − t )(t − a i )h 00 (t ) dt et
d’intégrer par parties ce qui donne
Z a i +1 Z a i +1
0
I = − (a i +1 + a i − 2t ) h (t ) dt = 2 h(t ) dt
ai ai

et de là
a i +1 M2 a i +1 M2 h 3
¯Z ¯ Z
¯ ¯
¯ h(t ) dt ¯¯ ≤ (a i +1 − t ) (t − a i ) dt =
¯
ai 2 ai 12
après sommation :

b f (a) f (b) ¯¯ M 2 (b − a)3


¯Z µ ¶¯
¯
¯ f (t ) dt − h + f (a + h) + · · · + f (a + (n − 1)h) + ≤
¯
a 2 2 ¯ 12n 2

III. Méthode de Simpson


a i +a i +1
Aux points a i , 2
, a i +1 on interpole f par un polynôme du second degré

P i (t ) = A t2 + Bt + C

(interpolation de Lagrange, donnée par divers déterminants de Van der Monde, cf.
Mathématiques générales).
Ra ³ ´
Par un calcul classique aii +1 P i (t ) dt = h6 f (a i ) + 4 f (a i + h2 ) + f (a i + h) , d’où la valeur
approchée de I :
à !
Z b
h n−1
X ¡ n−1
X
µ µ
1
¶ ¶
f (t ) dt ≈ f (a) + 2 f a + kh + 2 f a+ k+ h + f (a)
¢
a 6 k=1 k=1 2

Majoration de l’erreur : la fonction f est supposée de classe C 4 , et¢ l’on désigne par
a
M un majorant de f (4) sur [ a ; b ]. On doit majorer aii +1 f (t ) − P i (t ) dt . Introduisons
R ¡

g (t ) = f (t ) − P i (t ) ; g est nulle en a i et a i +1 , et comme P (4) = 0, M est encore un majo-


rant de g (4) . Par des intégrations par parties successives
Z a i +1
(a i − t )2 (t − a i )2 g (4) (t ) dt
a
Z ai i +1
−(a i +1 − t )(t − a i )2 + (a i +1 − t )2 (t − a i ) g (3) (t ) dt
¡ ¢
=
ai
Z a i +1 ¡
= 2 (t − a i )2 − 4(a i +1 − t )(t − a i ) + (a i +1 − t )2 g (2) (t ) dt
¢
ai
Z a i +1
= 2 ( a i +1 + ai − 2t ) g 0 (t ) dt
ai
Z a i +1
= 24 g (t ) dt .
ai

467
Nous en déduisons l’inégalité
¯Z a a i +1
M
¯
¯ i +1
Z
(a i − t )2 (t − a i )2 dt
¯
¯ g (t ) dt ¯¯ ≤
¯
ai 24 ai

et
a i +1 a i +1 ¡ h5
Z Z
2 2
(a i − t ) (t − a i ) dt (a i − t )4 + h 2 (t − a i ) + 2h(a i − t )3 dt .
¢
= =
ai ai 5!

Après sommation, en notant I la valeur approchée de l’intégrale :


¯ ¯ (b − a)5
¯I − I ¯ ≤ M .
¯ ¯
2880n 4

468
Chapitre 46

Approximation de la somme d’une série

L’approximation de la somme d’une série se fait en général en deux étapes : lors de la pre-
mière, on fixe l’approximation souhaitée puis, grâce à une estimation du reste, le nombre de
terme N qu’il s’agit de sommer. La deuxième étape, de nature algorithmique, est consacrée
au calcul effectif de la somme des N premiers termes de la série étudiée. N’oublions pas
l’existence de sommations explicites, obtenues par exemple à l’aide de séries entières ou de
relations fonctionnelles, et qui donnent grâce à des constantes connues la valeur de la série
à estimer.

46.1 Estimations du reste


46.1.1 Encadrement par des suites adjacentes
Rappelons que l’encadrement

1 1 1 1 1 1 1
1 + + + ··· + <e< 1 + + + ··· + +
1! 2! n! 1! 2! n! nn!
1
permet d’obtenir immédiatement l’approximation de e à nn! près, puis son irrationnalité. (Il
ne s’agit pas seulement d’une astuce locale mais d’une technique généralisable qui fournit
plusieurs résultats d’irrationnalité).

46.1.2 Estimation du reste par comparaison à une intégrale


Nous utiliserons les résultats, prouvés dans le § 17 :
Si f est une fonction décroissante positive sur [ a ; +∞ [ , et si la série n∈N f (n) converge,
P

l’intégrale aussi ; on dispose de plus de l’encadrement :


Z +∞ Z +∞
f (t ) dt ≥ Rn ≥ f (t ) dt
n n+1

Lorsque f possède une primitive effectivement calculable, ces inégalités fournissent une
estimation du reste.
1 π2
Prenons l’exemple de +∞ n=1 n 2 , dont la somme S = 6 a été déterminée au § 29.1. En appli-
P

cant l’inégalité précédente à la fonction f (x) = x12 nous constatons que le reste est de l’ordre

469
1
de n
; pour une précision de 10−2 il nous faut calculer 100 termes, ce qui est très peu efficace.

Pour améliorer ce résultat à peu de frais, nous allons appliquer une méthode d’accéléra-
tion de la convergence, aisément généralisable, due à Kummer. On effectue un développe-
ment
1 a1 a2 1
µ ¶
2
= + + vn , vn = O 4
n n(n + 1) n(n + 1)(n + 2) n
a 1 s’obtient avec le passage à la limite dans l’expression obtenue par multiplication par n(n+
1) d’où a 1 = 1. On trouve ensuite a 2 en évaluant

3 1 1
· ¸
a2 = lim n − = 1.
n→+∞ n 2 n(n + 1)
2
Par un calcul facile v n = n 2 (n+1)(n+2) ≤ n24 .
1 1
L’intérêt des séries n∈N∗ n(n+1) , n∈N∗ n(n+1)(n+2) réside dans le fait que leurs sommes se
P P

calculent explicitement : pour la première on écrit

1 1 1
− =
n n +1 n(n + 1)

d’où la somme, égale à 1, et

1 1 2
− =
n(n + 1) (n + 1)(n + 2) n(n + 1)(n + 2)

donc la deuxième série a pour somme 21 .


De là S − 1 − 12 = +∞
n=1 v n . Le reste d’ordre n de v n est majoré par
2
, et 10 termes suffisent
P
3n 3
pour avoir une précision de 10−3 .

46.1.3 Restes de séries de type géométrique


Soit (u n )n∈N une suite > 0 telle que la suite uun+1
n
tend vers k, avec k < 1, on sait qu’alors
(critère de d’Alembert) la série n∈N u n converge. Pour estimer le reste, on choisit q tel que
P

k < q < 1, l’hypothèse faite sur (u n )n∈N entraîne uun+1n


≤ q pour n ≥ n 0 convenable d’où l’on
n−n 0
déduit par récurrence u n ≤ u n0 q ce qui fournit l’encadrement du reste, valable pour
n ≥ n0
u n0 q n−n0
0 ≤ Rn ≤ .
1−q
Le lecteur pourra retrouver ainsi la majoration de 46.1. Cette méthode s’applique assez bien
aux séries issues de séries entières.

46.1.4 Séries alternées


Rappelons le résultat essentiel suivant :
Soit (a n )n∈N une suite réelle positive. Si la suite (a n )n∈N est décroissante et tend vers 0, la série
de terme général u n = (−1)n a n converge, la somme U de n∈N u n vérifie, pour tout p de N,
P

l’encadrement U2p+1 ≤ U ≤ U2p et le reste d’ordre n de la série est majoré par |u n+1 |.

470
La majoration obtenue est explicite et très simple. Nous l’avons déjà utilisée en 15.5 pour
le calcul de π par la formule de Machin.
Comme autre illustration classique, nous allons vérifier que la fonction cosinus donnée par
son développement en série entière, soit
+∞ x 2p
(−1)p
X
cos x =
p=0 (2p)!

s’annule dans [ 0 ; 2 ], ce qui ouvre une autre voie pour l’étude des fonctions trignomomé-
triques, cf. [LFA74] 2 chap. 9. Il suffit moyennant la continuité de cos de vérifier que cos(2) <
0, l’idée étant d’encadrer la valeur de cos 2 grâce au théorème des séries alternées. Il convient
ici d’être très prudent ; les termes successifs de la série sont en valeur absolue

2 4
1, 2, , ,
3 45
La série ne vérifie pas le critère des séries alternées, du moins au départ. Le quotient (en
4
valeur absolue) de deux termes consécutifs est (2n+1)(2n+2) , plus petit que 1 pour n ≥ 1, donc
la série est alternée à partir du rang 1, ce qui nous autorise à dire que

2
cos 2 = 1 − 2 + + R
3
4
où |R| < 45 et donc cos 2 < − 13 + 45
4
< 0. QED.

46.2 Calcul de la somme partielle


Commençons par un calcul d’erreur : on notera ∆(a) l’erreur d’arrondi commise sur le
calcul de la quantité a, et ε la précision relative du calcul. Si deux réels x et y sont représentés
sans erreur nous aurons ¯ ¯¢
∆(x + y) ≤ ε |x| + ¯ y ¯
¡

0 0
et dans le cas où x et y ne sont eux-mêmes
¯ 0 ¯ connus
¯ 0 que ¯ par des valeurs approchées x et y
avec des erreurs respectives ∆x = ¯x − x ¯, ∆y = ¯ y − y ¯, nous aurons

∆ x0 + y 0
¡ ¯ 0¯ ¯ 0¯ ¢ ¯ ¯
¯x ¯ + ¯ y ¯ ≤ ε |x| + ¯ y ¯ + ∆x + ∆y
¡ ¢ ¡ ¢

erreur que l’on doit ajouter à la précédente.


Comme ∆x et ∆y sont en général de l’ordre de ε, on néglige les termes ∆x et ∆y pour obtenir
¯ ¯¢
∆ x+y ≤ ∆x + ∆y + ε |x| + ¯ y ¯ .
¡ ¢ ¡

Appliquons ceci au calcul d’une somme v 1 +· · ·+v n de nombres réels positifs : on calcule les
sommes partielles s k = v 1 + · · · + v k par récurrence

s 0 = 0, s k = s k−1 + v k

Supposons les réels v k connus exactement, on aura sur les sommes partielles les erreurs

∆s k ≤ ∆s k−1 + ε ( s k−1 + v k ) = ∆s k−1 + ε s k

471
L’erreur finale est donc estimée par

∆s n ≤ ε ( s1 + · · · + sn )

ce qui donne

∆s n ≤ ε ( v n + 2v n−1 + 3v n−2 + · · · + (n − 2)v 2 + (n − 1)v 1 )

Les premiers termes sommés sont affectés des coefficients les plus importants, il faut donc
commencer la sommation par les termes de plus petite valeurs absolues, c’est-à-dire en géné-
ral commencer par la fin.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : tout approfondissement du sujet passe par la formule


d’Euler-Mac Laurin, voir [Dem91].

472
Chapitre 47

Résolution approchée d’équations


différentielles

47.1 La méthode d’Euler


On part d’une équation différentielle

y0 f x, y (E)
¡ ¢
=

définie sur un ouvert de R2 de la forme I ×R, où I est un intervalle de R. Nous supposerons f


k-lipschitzienne (globalement d’abord puis localement). Le théorème de Cauchy-Lipschitz
s’applique : par un point (x 0 , y 0 ) de I × R il passe une solution maximale (E) et une seule.

Description : l’idée de la méthode d’Euler est de remplacer localement la courbe par sa


tangente. ¢ La pente de la tangente en (x 0 , y 0 ) d’une solution de (E) est donnée par la valeur
f x 0 , y 0 de f au point considéré. On espère ¡ alors ¢ que l’on obtient une approximation de la
¡

solution en posant y 1 = y(x 0 +h) = y 0 +h f x 0 , y 0 . Partant du point (x 1 , y 1 ), avec x 1 = x 0 +h ;


on définit une récurrence, correctement construite tant que x i est dans I :

x i +1 = x i + h et y i +1 = y i + h f x i , y i .
¡ ¢

Nous allons montrer, sous de bonnes hypothèses, que la méthode décrite converge effecti-
vement.

47.1.1 Théorème
On suppose de plus f de classe C 1 . Soit [ a ; b ] un segment contenu dans I × R, et y une
solution de classe C 2 de (E) définie sur le segment [ a ; b ]. Si h = b−a
N et e n = y n − y(x n ) on a
pour tout n de ‚0, N ƒ
1 ³ k(b−a) ´ M
|e n | ≤ e −1 h
k 2
où M = sup f 00 (t ) ; t ∈ [ a ; b ] . (Notons que y est C 2 puisque f est C 1 ).
© ª

Démonstration : nous commencerons par un

473
47.1.2 Lemme
Soit εn , n = 0, . . . , N , une suite finie de nombres positifs vérifiant εn+1 ≤ cεn + d , où c et d
sont des constantes ≥ 0. Alors

cn − 1
εn ≤ ε0 c n + d , n = 0, . . . , N .
c −1

Preuve du lemme : immédiate par récurrence.

Retournons au théorème : pour évaluer la différence y (x n+1 ) − y (x n ), on utilise la for-


mule de Taylor :

1 2 00
y(x n+1 ) y(x n ) h f x n , y(x n ) h y (θn )
¡ ¢
= + +
2
retirons cette égalité à y n+1 = y n + h f (x n , y n ) nous obtenons

h 2 00
e n+1 en h f x n , y n − f x n , y(x n ) y (θn )
£ ¡ ¢ ¡ ¢¤
= + −
2
avec les hypothèses faites

h2
|e n | 1 + kh M.
¡ ¢
|e n+1 | = +
2
2
Appliquons alors le lemme avec c = 1 + kh et d = h2 M , il vient :
¢n ¢n
h2 1 + kh − 1 1 + kh − 1
¡ ¡
¢n h
|e 0 | 1 + kh M M
¡
|e n | ≤ + =
2 hk 2 k
car e 0 = 0. Mais
¢n
1 + kh eknh (car 1 + u ≤ eu ) et nh b − a,
¡
≤ ≤

ce qui amène l’inégalité souhaitée. QED.

47.1.3 Corollaire
Sous les même hypothèses, la suite φN N ∈N de fonctions affines par morceaux définie sur
¡ ¢

[ a ; b ] par φN (x n ) = y n et φN affine sur [ x n ; x n+1 ], n = 0, . . . , N converge uniformément vers


y.

Démonstration : soit ε¯ > 0. Avec le théorème


¯ ci-dessus, nous pouvons choisir N0 tel que
pour tout N ≥ N0 on ait φN (x n ) − y(x n ) ≤ ε. D’autre
¯ ¯ part, y est uniformément continue,
nous pouvons donc trouver h tel que l’inégalité ¯x − x 0 ¯ ≤ h entraîne ¯ y(x) − y(x 0 )¯ ≤ ε. Si
¯ ¯ ¯ ¯

N ≥ N0 et x ∈ [ x n ; x n+1 ] il vient
¯ ¯ ¯ ¯
¯φN (x) − φN (x n )¯ ≤ ¯φN (x n+1 ) − φN (x n )¯

474
et enfin
¯ ¯ ¯ ¯
¯φN (x n+1 ) − φN (x n )¯ = ¯ y n+1 − y n ¯
¯ ¯ ¯ ¯ ¯ ¯
≤ ¯ y n+1 − y(x n+1 )¯ + ¯ y(x n+1 ) − y(x n )¯ + ¯ y(x n ) − y n ¯
≤ 3ε
¯ ¯
Résumons : ∀N ≥ N0 , ∀x ∈ [ a ; b ], ¯ y(x) − φN (x)¯ ≤ 6ε.

Remarque : la méthode d’Euler prouve — dans le cas où f est de classe C 2 — le résultat


d’unicité dans le théorème de Cauchy-Lipschitz.

Estimation de l’erreur : Nous avons pu constater que l’erreur relative au pas h faite dans
la méthode d’Euler était majorée par C h, où C est une constante. Rien ne dit a priori que ce
résultat ne peut-être amélioré, mais ceci est en fait dans la nature des choses : considérons
l’équation y 0 = y, avec x 0 = 0 et y 0 = 1. La solution exacte est y(x) = ex . En appliquant la
méthode d’Euler sur [ 0 ; 1 ] avec h = N1 nous obtenons facilement :

1 N
µ ¶
yN = 1+ .
N
¢N ³ ³ ´´ ³ ´
Or e − 1 + N1 = e − exp N ln 1 + N1 = e − exp 1 − 2N
1
+ O N12 = 2N
1
+O N12 et l’erreur en
¡ ¡ ¡ ¢¢

h est intrinsèque à la méthode utilisée.

Pour finir, évoquons quelques résultats généraux sur les méthodes d’approximation des
équations différentielles.

47.2 Autres méthodes


47.2.1 Méthode du point milieu
L’idée est d’approcher la pente de la corde qui joint les points t , y(t ) et t h, y(t h)
¡ ¢ ¡ ¢
³ ´ + +
par le nombre y 0 t + h2 , qui fournit certainement une meilleure approximation en moyenne
que y 0 (t ). ³ ´ ³ ´
Le calcul (approché) de y 0 t + h2 s’effectue par y t + h2 ≈ y(t ) + y 0 (t ) h2 ce qui conduit à une
erreur finale en O(h 2 ), donc bien meilleure que celle de la méthode d’Euler.

47.2.2 Généralités sur les méthodes à un pas


Une telle méthode d’Euler est définie par une relation de récurrence de la forme

y n+1 = y n + h ψ x n , y n , h (∗)
¡ ¢

où ψ est une fonction continue de [ a ; b ]×R×[ 0 ; h 0 ], K -lipschitzienne en y uniformément


par rapport à x et à h.

Le théorème suivant règle la convergence des méthodes à un pas.

475
47.2.3 Théorème
Soit une méthode ¯ à un pas définie par (∗)¯et telle que, pour toute solution de (E) avec f
p ¯ y(x+h)−y(x)
de classe C , on ait ¯ − φ x, y(x), h ¯ ≤ K h p . Alors, avec les notations antérieures,
¡ ¢¯
h
l’erreur e n = y n est majorée par
|e n | ≤ K 1 h p
où la constante K 1 ne dépend que de Ψ.

L ECTURES SUPPLÉMENTAIRES : pour un texte élémentaire (ce qui ne veut dire ninvide, ni
trivial), on consultera avec profit l’ouvrage de Baranger [Bar77]. Pour en savoir (beaucoup)
plus, Demailly [Dem91] est idéal ; enfin ceux qui souhaitent vraiment aller très loin (dans un
but de programmation par exemple) pourront lire Crouzeix et Mignot [CM86].

476
Bibliographie

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