Le Figaro Magazine - 3 Septembre 2021
Le Figaro Magazine - 3 Septembre 2021
Le Figaro Magazine - 3 Septembre 2021
VERONIqUE DE VIGUERIE
SUPPLÉMENT FIGARO - CAHIER N°1 - NOS 23961 ET 23962 DES 3 ET 4 septembre 2021 - CPPAP N° 2001 C 83022
9
10
L’éditoriaL de Guillaume Roquette
Nous & vous Contributeurs et le forum
40
12 CLub Figaro Actualités du Figaro
14 arrêts sur images
EntréEs LibrEs
20 eN vue Pierre Dubreuil
22 Les iNdisCrétioNs de Carl Meeus
24 baromètre
26 PoLitique
28 mise à jour
30 iNitiative & teChNoLogie
32 Les reNdez-vous de J-R Van der Plaetsen
Esprits LibrEs
34 viCtor rouart « Pour préserver la
tolérance, il faut se défendre face à l’intolérance »
38 La ChroNique de François d’Orcival KabouL à L’hEurE dEs taLibans Nos reporters ont
rencontré les nouveaux maîtres de l’Afghanistan.
MagazinE
82
40 Les Nouveau maîtres
de KabouL En couverture
50 « aLLÔ bureau bobo » :
ChroNique du téLétravaiL Société
58 FéCamP,
PerLe de NormaNdie La Solitaire
63 reNtrée Littéraire Culture
QuartiErs LibrEs
72 eN vue Art Paris
74 à L’aFFiChe Culturellement vôtre,
par J.-Ch. Buisson
et les passe-temps d’Éric Neuhoff
76 CiNéma et la vision télé de Stéphane Hoffmann
78 La Page histoire de Jean Sévillia
80 Littérature et le livre de Frédéric Beigbeder
82 daNs Les Pas de daNte Carnets de voyage
art dE vivrE
93 métier rare
94 teNtatioNs
95 CadraN et la bonne mesure de Julien Scavini
96 auto
98 Le CroC’Notes de Laurence Haloche
StaniSlaS Fautré ; Véronique de Viguerie
Le sudoKu de Bernard Gervais Ce numéro comporte en jeté statique sur la une de la signature 2, sur tous les kiosques
du territoire national, un encart de 2 pages « Promo abonnement » ; en double page
108 bridge centrale, sur le département 76, un cahier de 12 pages « La Solitaire Fécamp » et un
cahier de 12 pages « Fleurus Presse » mis sous film sur les abonnés postés et portés de
114 derNière NouveLLe Éric Naulleau tout le territoire national.
J
ean-Michel Blanquer n’a pas froid aux yeux. c’était avant. À huit mois de l’échéance présidentielle, le
En sous-entendant que l’allocation de ren- gouvernement préfère mettre en place (fin septembre)
trée scolaire servait parfois à acheter des un « revenu d’engagement » ressemblant fort à un rSa
écrans plats, il a évidemment déclenché un jeunes qui ne dit pas son nom. Et nul ne sait encore si la
concert de protestations. « Mépris des plus réforme, courageuse, de l’indemnisation du chômage ira
pauvres », « suspicion envers les familles finalement à son terme.
précaires », « cynisme »… voilà le malheu- En 2011, Laurent Wauquiez avait fait scandale en
reux ministre de l’Éducation nationale rhabillé pour affirmant que l’assistanat était le cancer de la société
l’hiver. Et pourtant, son propos était frappé au coin du française. Mais le nombre de titulaires du rSa a encore
bon sens : pour éviter que l’allocation soit détournée de augmenté depuis. Et les irrégularités du système n’ont
son objet, il suggérait simplement de la transformer en pas été corrigées. Une commission d’enquête parlemen-
bons d’achat de fournitures scolaires. taire sur la fraude sociale révélait l’année dernière qu’il
Mais au pays le plus généreux du monde, nul ne peut y a 5 millions d’assurés sociaux de plus que de résidents
impunément critiquer la sacro-sainte solidarité natio- en France. Elle dénonçait aussi une « culture du verse-
nale et les abus, pourtant manifestes, de notre modèle ment » chez les organismes (Cnam, Cnav…) chargés de
social. Certains restaurateurs n’ont jamais aussi bien distribuer les prestations, peu enclins à effectuer des
vécu que pendant le confinement grâce aux aides de contrôles, « comme si le fait même de contrôler pouvait
l’État ? Chut, il ne faut pas le dire. la fraude massive aux être assimilé à de la suspicion ».
cartes Vitale ? N’en parlons pas, ça stigmatiserait les La préférence française pour l’allocation, qui perdure d’une
étrangers. le coût indécent des intermittents du spec- majorité à l’autre, est le reflet de notre obsession de l’éga-
tacle ? Ceux qui le critiquent sont des ennemis de la lité. Pour être populaire, mieux vaut dire qu’on va prendre
culture. les 500 000 emplois non pourvus malgré nos aux riches pour reverser aux pauvres que de réformer des
2,4 millions de chômeurs ? Personne ou presque n’ose dispositifs dont les effets pervers sont pourtant flagrants.
reconnaître que des indemnisations chômage trop géné- Confucius préférait apprendre à un homme à pêcher
reuses peuvent dissuader de rechercher un travail. Sauf plutôt que de lui donner un poisson. Nos politiques, eux,
évidemment les professionnels qui transpirent sang et eau préfèrent trop souvent promettre le poisson du voisin.
pour trouver les salariés qui leur manquent.
ANDRÉ DE CHASTENET
Guillaume Roquette
Directeur de la rédaction du Figaro Magazine
groquette@lefigaro.fr
@G_Roquette
contributrices
La journaliste Margaux Benn (à gauche) et la photographe Véronique de Viguerie (à droite), au siège de la télévision afghane,
interviewent le nouveau présentateur taliban.
A
elles deux, cela fait deux décennies qu’elles et Visa d’or), sillonne et documente le pays depuis 2003.
couvrent l’Afghanistan : autant que la Quand l’Afghanistan est tombé entre les mains des tali-
guerre la plus longue des États-unis, qui bans, elles étaient encore en France. En l’absence de vols
vient de s’achever avec le départ des dernières commerciaux, avec un aéroport de Kaboul tenu par les
troupes américaines du pays. Margaux forces américaines, Véronique et Margaux ont décidé de
Benn, grand reporter, a été correspondante en rejoindre la capitale afghane coûte que coûte et ont
Afghanistan depuis 2018 pour plusieurs médias, dont traversé à pied, vêtues de burqas, la frontière pakistano-
Le Figaro, et continue de s’y rendre régulièrement pour afghane pour témoigner, dans nos pages, d’un moment
des documentaires et des projets long format. Véronique tant historique que redouté : le retour de l’ordre isla-
de Viguerie, photojournaliste spécialiste des zones de mique. Dans ce reportage exclusif, elles ont pu rencon-
conflit et primée à maintes reprises (World Press Photo trer les nouveaux maîtres de Kaboul.
● L’éolien pollue beaucoup plus que ● Les élus ne voient que le côté centres commerciaux avec des
d’autres sources d’énergie (lire le idéologique, et se gargarisent de pancartes et affiches publicitaires
dossier de Ghislain de Montalembert pouvoir afficher une région en pointe partout, cela ne gêne pas du tout !
dans nos éditions de la semaine pour la transition énergétique. Sans Mathieu Nancy
dernière, NDLR). Au niveau réfléchir aux conséquences. Charly 10 ● L’éolien sert juste à donner bonne
Véronique de Viguerie
économique, il est principalement aux ● C’est aux conseils municipaux de conscience, à financer d’énormes
mains des Chinois. Et puis, il défigure faire pression pour bloquer les projets. fortunes, à rendre l’électricité plus
les paysages. Une fois de plus, les Wolf Solent chère et à torpiller le nucléaire français.
politiques français nous trahissent. ● Une éolienne dans un champ, c’est Merci l’UE et l’Allemagne !
Anonyme 84188 gênant. En revanche, les ZAC et autres Libre et heureux
U
sont de retour pour
Le mois de septembre
n rendez-vous digital lever le voile mystérieux qui permet aux
exceptionnel pour tous
ceux qui ambitionnent de
apprentis écrivains de consacrer leurs
écrits et de répondre aux innombrables V ous pouvez d’ores et déjà vous
inscrire aux ateliers animés par
Grégoire Delacourt (photo à gauche)
transformer leur manus- questions qui se posent : à qui envoyer ?
crit en un livre. Préparé par Sous quelle forme ? Comment tra- ou Benoît Charpentier (photo à droite)
qui débuteront respectivement les 14
la rédaction du Figaro littéraire, vous vailler le titre ? Va-t-on me lire en et 16 septembre prochains. Durant
découvrirez toutes les coulisses qui intégralité ? Comment attirer l’atten- 6 sessions pédagogiques de
vous donneront les clés pour faire tion ? aurai-je une réponse ? Que 3 heures, ces auteurs vous
aboutir ce rêve. Michel bussi, auteur à penser de l’autoédition ? transmettront leur savoir et leurs
succès, Cécile guidot, primo-roman- secrets pour vous lancer, organiser
les masterclasses du Figaro littéraire, le
cière, éditeurs de maisons prestigieuses, 29 septembre à 19 h sur le site du figaro. ou parfaire vos écrits avec
maisons d’autoédition… tous se livre- inscriptions sur www.figarostore.fr, bienveillance et passion.
ront sans tabous aux journalistes pour tarif spécial pour les abonnés du figaro. Les Ateliers d’écriture se dérouleront
en petits groupes au sein des locaux
du Groupe Figaro, à Paris, dans le
“Le Figaro Histoire” “Le Figaro” plus grand respect des consignes
sanitaires du moment.
“Le roi artHur. L’Histoire “Les mots croisés modalités, tarifs et inscriptions sur
et La Légende” du Figaro” www.lefigaro.fr/ecriture. attention, le
nombre de places est limité.
A l’occasion de la sortie de Kaamelott, film n’ont d’égales que la surprise dégustateur Vin au “Figaro”
D
événement d’Alexandre Astier, Le Figaro et le ravissement procurés par
urant trois jours, vous serez
Histoire décrypte la légende du roi Arthur dans leur résolution.
immergé dans ce terroir
un dossier spécial de 60 pages. L’existence de Les Mots croisés du Figaro, N° 4, d’exception et irez à la découverte de
ce seigneur breton, qui aurait organisé la 100 grilles, 6,90 €. en vente quelques propriétés remarquables :
défense des peuples celtes contre les invasions chez votre marchand de journaux
château Angélus, château Cheval
germaniques à la fin du Ve siècle, n’est pas et sur www.figarostore.fr
Blanc, château Figeac, château
attestée. Mais sa légende, mise en forme au
Pavie… Ces visites seront
XIIe siècle, apparaît comme un miroir du Moyen
accompagnées de dégustations dans
Âge, une sorte de grand reportage sur le
les règles de l’art. Puis vous dînerez
monde féodal, avec ses chevaliers épris
dans des restaurants étoilés.
d’amour courtois, ses femmes séduisantes et
LE FIGARO ; BRunO ChAROy ; DR
Pierre Dubreuil
Un « serviteur de l’État » au chevet de la nature
Alors que vient de s’ouvrir à Marseille le congrès mondial de la nature,
le directeur général de l’Office français de la biodiversité,
l’établissement public créé pour répondre aux enjeux complexes de la préservation
de l’environnement, alerte sur l’urgence à agir pour protéger le monde sauvage.
H
« L’OFB est là pour défendre l’intérêt concret de la nature,
pour dépasser les postures, investir les territoires, établir un
dialogue et faire respecter les règles et les lois, explique-t-il.
Mais aucune institution ne peut aujourd’hui faire l’impasse
sur ceux qui connaissent et veulent protéger, chacun à leur
manière, la nature et l’environnement. À cet égard, les chas-
seurs, comme tous les usagers de la nature, jouent un rôle
important et leur participation est une richesse. Mais ils ne
sont pas les seuls et, dans l’absolu, toutes les forces doivent
s’unir. Le congrès mondial de la nature, organisé par
l’Union internationale pour la conservation de la nature,
qui vient d’ouvrir ses portes à Marseille est là pour le
rappeler. Nos 2 800 agents ne sont pas les sauveurs de la
biodiversité qui meurt. Ce sont les Français eux-mêmes qui
doivent se mobiliser pour lutter contre cette tragédie
silencieuse et il est urgent qu’ils en prennent conscience. Ils
doivent comprendre que les menaces qui pèsent sur le
monde naturel sont aussi graves que celles posées par le
aut fonctionnaire changement climatique. Le temps de la désunion est
passé par l’univers préfectoral et celui de la collectivité terminé. Il faut agir ensemble. »
territoriale, administrateur de l’Éducation nationale, de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche, fin connais- RassEmblER pouR pRésERvER lEs miliEux natuREls
seur des rouages de l’État, chasseur et homme de terrain Une volonté de rassemblement qui s’applique aussi à
quand il le faut, Pierre Dubreuil, 53 ans, ancien directeur l’Office de la biodiversité lui-même. Car la greffe entre ses
général délégué du Muséum national d’histoire naturelle différentes composantes a mis un peu de temps à prendre.
et ex-directeur général de l’Institut national de recher- Né après des années d’atermoiements, l’OFB a souffert
ches archéologiques préventives, a toujours aimé pos- dans ses débuts d’une forme de décalage mêlé parfois de
séder son sujet à fond. À la tête de l’Office français de la méfiance et d’incompréhension entre les anciens, majori-
biodiversité (OFB) depuis le 1er janvier 2020, un établisse- tairement issus du monde de la chasse, et les nouveaux
ment public pluridisciplinaire unique en Europe, né de arrivants, souvent plus sensibles aux voix des ONG et des
l’union entre l’Agence française pour la biodiversité associations. « Cette période de fusion est désormais der-
(AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sau- rière nous. Cela prend toujours un peu de temps pour créer
vage (ONCFS) et chargé de la surveillance, de la préser- une culture commune, reconnaît Pierre Dubreuil. Mais les
vation, de la gestion et de la restauration de la biodiver- agents de l’ONCFS et de l’AFB travaillent maintenant
sité dans les milieux terrestres, aquatiques et marins, sous la même bannière. Tous ont la même finalité, celle de
l’homme est particulièrement dans son élément. Placé préserver les milieux. Notre intérêt commun, c’est de stop-
sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et per l’érosion et de faire en sorte que l’homme et la nature
solidaire, de celui de l’Agriculture et de l’Alimentation et vivent mieux ensemble. » Un vaste programme qui, sans
rassemblant l’ensemble des acteurs qui interagissent surprise, devrait faire l’unanimité. Car les scientifiques
dans les espaces sauvages, Pierre Dubreuil a pour lourde ont lancé un cri d’alarme : le rythme auquel les espèces
tâche de faire venir à la même table écologistes et exploi- disparaissent est 58 fois plus rapide qu’il ne le serait sans
tants forestiers, chasseurs et opposants à la chasse, l’impact de l’homme sur l’environnement. Cyril Hofstein
scientifiques et élus locaux, fédérations sportives et
associations de protection de la biodiversité, pêcheurs,
agriculteurs, protecteurs du loup et bergers… et de faire
en sorte qu’ils puissent s’entendre et s’écouter.
“
les indiscrétions
de carl meeus
C
omme François Fillon s’était confié à lui, sortant sera candidat, mais sa campagne ne pourra pas
édouard Philippe a accepté le jeu proposé forcément atteindre son terme ». C’est la raison pour
par tugdual Denis. Le rencontrer souvent, laquelle les troupes du maire du Havre se tiennent prêtes.
parler beaucoup et laisser le journaliste de « Édouard Philippe est un homme organisé. Il s’intéresse
Valeurs actuelles en tirer un livre dans lequel plus à la logistique que ne pouvait le faire quelqu’un comme
il brossera un portrait de l’homme politique mélangeant Alain Juppé. Il n’attend pas que les choses se structurent
conversations, souvenirs personnels (de l’auteur et du autour de lui. Il prétend agir. »
sujet), anecdotes, analyses de proches. Et réfléchir. Aujourd’hui coqueluche des sondages,
La Vérité sur Édouard Philippe. Récit d’une embuscade édouard Philippe a déjà en tête ce qu’il faudrait faire.
(chez robert Laffont, le 9 sep- En termes d’organisation (laisser
tembre) permet de mieux le premier ministre agir), mais
connaître l’ancien premier aussi en termes de propositions.
ministre, même si, malgré tout, Et tant pis si ceux qui l’apprécient
fidèle à sa réputation, le maire maintenant pourraient tordre le
du Havre ne s’est pas livré totale- nez. « Quand je commencerai à
ment. Les voyages au Havre se dire des choses, la gauche sera hor-
sont enchaînés après la démis- rifiée. Une vieille idée que j’ai, par
sion du premier ministre en exemple – et je ne sais pas s’il fau-
juillet 2020. Les repas comme les dra le dire… –, consisterait à dire
dégustations de bons vins aussi. que, dans l’Éducation nationale, ce
Mais édouard Philippe a su qui est important, c’est qu’elle soit
conserver ses distances. nationale. Qu’il faut donc un recru-
« Moi, je suis orgueilleux, et tement de professeurs national,
rancunier », avoue cependant une inspection nationale, des pro-
l’homme qui se serait bien vu grammes nationaux. Mais que
rester un peu plus longtemps à pour le reste… les contractuels, la
l’hôtel Matignon, numéro deux gestion des lycées, plutôt que ce
d’Emmanuel Macron. Les liens soit la région. »
avec le président de la répu - « Je suis convaincu qu’il faut faire
blique ? « Il a longtemps fait très des réformes de structure dans ce
attention, à quelques exceptions près, d’être respectueux pays. On ne règle pas la question des finances et des
de ma fonction. Un premier ministre est là pour être plei- dépenses publiques avec un simple rabot. Il faut faire des
nement numéro deux. Pas numéro trois, hein ? Pleinement trucs assez profonds, assez sauvages… » Pas sûr que cela
numéro deux. Le Président fixe le cap et moi, je dois y plaise à tous ceux qui le soutiennent aujourd’hui, mais
arriver. Il n’y a pas marqué sur mon front que j’ai vocation si édouard Philippe s’est forgé, pendant ses trois années
à être numéro un et que je ne peux pas accepter d’être à Matignon, une image de réformateur, ce n’est pas pour
numéro deux. Ni que j’ai vocation à rester toujours numéro en changer à l’aube de sa nouvelle ambition. D’autant
deux, je vous le garantis. Si un jour je suis élu, qu’il affiche la couleur de son modèle : « Pompi-
c’est moi qui fixerai le cap, croyez-moi. Et c’est dou, c’est mon modèle, car c’est un équilibre entre
quelqu’un d’autre qui se démènera pour y arri- une forme d’enracinement, d’identité, et une
ver. C’est comme ça. C’est le job. » aspiration à la modernité. »
« Si un jour je suis élu… » L’ancien premier Et l’homme qui a vécu de près un certain
ministre n’esquive pas la question de son nombre de crises reste pantois quand il voit les
ERIC DESSONS/JDD/SIPA
ambition présidentielle. selon l’auteur, une prétendants à l’élysée se bousculer. « Les gens
conversation a eu lieu entre édouard Philippe n’imaginent pas à quel point c’est dur d’être prési-
et bruno retailleau en avril dernier. selon ses dent de la République. Ils n’imaginent pas ce que
informations, « l’ancien premier ministre laisse cela implique. Quand je vois certains postuler, je
transparaître ce qu’il présage : le président me dis parfois que cela relève de la folie… »
Capacité de charge
de la batterie vérifiée
Samir
Produit 100%
fonctionnel
Carine
Marie Robin
Et voilà comment
Back Market se
dépasse pour
prouver que le neuf,
c’est dépassé
Google Workspace permet aux équipes de toutes
tailles de se retrouver, de créer, et de collaborer. Alors
que vous reconditionniez des produits tech ou rachetiez
d’anciens appareils, Google Workspace est là. Et voilà !
L
es sympathisants de droite thisants de droite, quand la présidente de la E. PHILIPPE 44 (-4)
semblent déboussolés en cette région Île-de-France en perd 16 ! éric Ciotti N. HULOT 30 (+1)
rentrée. À huit mois de l’élection et Philippe Juvin, candidats à la primaire et X. BERTRAND 28 (-5)
présidentielle, aucun des res - testés pour la première fois dans le baro- B. LE MAIRE 28 (-2)
ponsables de la droite et du cen- mètre n’arrivent pas à percer. seul Michel V. PECRESSE 26 (-5)
tre n’arrive à trouver grâce à barnier s’installe en 13e position, M. LE PEN 26 (+1)
leurs yeux. Laurent Wauquiez Macron perd des recevant les suffrages de 31 % des O. VERAN 25 (-2)
qui a renoncé à se porter candi- suffrages à droite sympathisants de droite et 20 % A. HIDALGO 25 (+4)
R. BACHELOT 24 (-2)
dat à la primaire ? Le patron de de ceux du centre. Pas de quoi
M. MARECHAL 23 (+1)
la région Auvergne-rhône-Alpes perd inquiéter Marine Le Pen ou Emmanuel
F. BAROIN 21 (-3)
4 points auprès d’eux (35 %). Xavier Macron. Alors même que le chef de l’état
N. SARKOZY 20 (-1)
bertrand et Valérie Pécresse qui ont passé perd des suffrages à droite. 64 % ne lui font
M. BARNIER 18 nt*
leur été à faire campagne l’un pour la prési- pas confiance (+ 13). Comme si les élec-
J.-Y. LE DRIAN 18 (-1)
dentielle, l’autre pour la primaire ? ils per- teurs, à l’aube de la campagne, revenaient
G. ATTAL 18 (+2)
dent tous les deux 5 points. Le patron de la dans leur camp, espérant qu’un candidat
18 (-4)
région Hauts-de-France, 10 chez les sympa- crédible émerge. C. M. L. WAUQUIEZ
E. DUPOND-M. 18 (-2)
G. DARMANIN 17 (-1)
Juin 2017
Sept. 2021
57% J.-M. BLANQUER 16 (-4)
32%
A. MONTEBOURG
Y. JADOT 13 (-2)
Ch. ESTROSI 13 (-1)
F. RUFFIN 12 (+2)
E. BORNE 9 (-1)
-1 +2
55 % des Français ne 59 % des Français ne E. CIOTTI 9 nt*
lui font pas confiance lui font pas confiance G. LARCHER 9 (-1)
pt pts
CYRIL BITTON pOuR Le FIgaRO MagazINe ; FRaNCOIS BOuCHON/Le FIgaRO
Sans opinion : 7 % depuis juillet 2021 depuis juillet 2021 Sans opinion : 9 % O. FAURE 8 (=)
B. POMPILI 7 (-1)
R. FERRAND 7 (-2)
B. RETAILLEAU 6 (=)
Édouard phiLippe anne hidaLgo
6
L L
Ch. JACOB (-3)
a discrétion est-elle la a médiatisation nt*
Ph. JUVIN 5
meilleure stratégie en commence à porter ses *non testé en juillet
période préprésidentielle ? fruits. La maire de Paris
Sondage Kantar-OnePoint effectué
L’ancien premier ministre, multiplie les interventions pour Le Figaro Magazine.
s’il demeure largement en cette rentrée et monte à Dates de réalisation : 29 au 31 août
en tête du baromètre, perd gauche : + 15 points auprès 2021. Échantillon national
-4 ▼ 4 points sur l’été. + 4▲ des sympathisants de
de 1 000 personnes,représentatif
de l'ensemble de la population âgée
Principalement auprès des gauche (52 %) et + 3 (52 %) de 18 ans et plus, interrogées en face
à face à leur domicile par le réseau
sympathisants de droite (–10, auprès de ceux d’extrême des enquêteurs de Kantar.
à 64 %) qui ont l’œil rivé sur gauche. Avant la sortie Méthode des quotas (sexe, âge,
profession de la personne de
l’organisation de la primaire de son livre et sa déclaration référence) et stratification par
dans leur camp. de candidature. région et catégorie d'agglomération.
L A BA N Q U E PR I V É E , P O U R QU I , PO U R Q U O I ?
Nous sommes présents dans les grandes villes de France avec plus de
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jour au domicile ou sur le lieu de travail de nos clients.
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E n t r é E s L i b r E s
Politique
ImmIgratIon, Islam :
les proposItIons à droIte
Confrontés au scepticisme de leur électorat, les candidats rivalisent de fermeté
dans le discours pour asseoir leur crédibilité.
Judith Waintraub
D
u moratoire de plusieurs années sur l’immi- – qu’éric Ciotti veut supprimer purement et simple-
gration, préconisé par Michel barnier, à ment. La restauration de la « double peine » pour les
l’inscription dans la Constitution des étrangers en situation régulière condamnés est réclamée
racines judéo-chrétiennes de la France, par l’ensemble des candidats.
promise par éric Ciotti, c’est à qui se dis- En ce qui concerne la lutte contre l’islamisme, l’expul-
tinguera à droite sur les deux thèmes jugés « prioritaires sion des fichés s non nationaux fait à peu près consen-
pour les mois qui viennent » par une écrasante majorité sus. Et le durcissement des dispositifs légaux qui
des électeurs des républicains et du rassemblement permettent de réprimer la diffusion de l’islam politique
national (enquête ifop-Fiducial pour sud radio du figure, sous des formes diverses et variées, dans tous les
30 août). programmes – qui ne sont encore qu’à l’état d’ébauche.
Le concours de propositions chocs est d’autant plus dis- L’entrepreneur Denis Payre, nouvel arrivé dans la
puté que les angles d’attaque de tous les candidats sont compétition puisqu’il ne s’est déclaré que le week-end
peu ou prou les mêmes. tous, à commencer par Xavier dernier, est le moins avancé dans son projet régalien,
bertrand et Valérie Pécresse, voudraient que les demandes mais a déjà expliqué qu’il se retrouvait parfaitement
d’asile soient au maximum traitées à l’extérieur du terri- dans les propositions d’éric Ciotti.
toire national. tous considèrent que l’entrée clandestine L’époque où Valérie Pécresse soutenait Alain Juppé,
en France doit être un motif d’expulsion. partisan d’« accommodements raisonnables » avec
La fixation par le Parlement d’un quota d’immigrés fait l’islam, contre François Fillon, est bel et bien révolue.
l’unanimité. La délivrance d’un titre de séjour doit, de Oubliées, aussi, les imprécations de Xavier bertrand
l’avis général, être subordonné à une adhésion aux prin- contre la « dérive droitière » de Laurent Wauquiez. reste
cipes républicains et à une maîtrise minimale de notre à convaincre les électeurs que la fermeté nouvelle des
langue dûment vérifiées, ainsi qu’à des conditions de discours serait suivie d’actes en cas de victoire à la
ressources. Y compris pour le regroupement familial présidentielle.
FRANCOIS BOUCHON/ Le FIgARO ; eLOdIe gRegOIRe/ABACA ; eRIC gARAULt ; JeAN-LUC BeRtINI pOUR Le FIgARO MAgAzINe
Convention européenne de taxer les quelque
des droits de l’homme. 13 milliards d’euros
Ce serait donc l’une des envoyés chaque année
propositions qu’Éric Ciotti à leurs familles
soumettrait à un par leurs ressortissants
référendum organisé installés en France
en même temps que s’ils ne reprennent pas
les législatives. leurs expulsés.
MISE À JOUR
A Vapeur d’eau
INFOGRAPHIE LE FIGARO
B Introduction d’iodure d’argent
8 / Le
28/ Le Figaro
Figaro Magazine
Magazine // 323septembre
mars 20182021
* A L’AVANT-GARDE DE LA PLAISANCE
PHOTO: © GILLES MARTIN-RAGET
LA CROISIÈRE PREND TOUT SON SENS. Sur une magnifique carène de plus de 17 mètres de long, l’Oceanis
Yacht 54 ouvre la voie à une nouvelle génération de croiseurs à cockpit optimisé. L’ensemble des manœuvres est
ramené sur l’arrière du cockpit laissant libre cours au farniente et à la contemplation, du double poste de barre jusqu’à PARTENAIRE OFFICIEL
DEPUIS 20 ANS
l’étrave. Par son design et son habitabilité, il demeure parfaitement dans l’ADN Oceanis avec en plus un souci du détail
et des matériaux choisis qui en font un véritable yacht de croisière.
WWW.BENETEAU.COM
E n t r é E s L i b r E s
InItIatIve
R
La start-up Ubebest analyse l’impact éfrigérateurs, fours, mais aussi ordinateurs
réel des appareils modernes afin de guider et smartphones… Quelle est leur empreinte
carbone ? Leur efficacité énergétique ? Leur
les consommateurs dans leur choix. taux de réparabilité ? Pour informer les 84 %
de consommateurs qui déclarent être sen-
95 %
des consommateurs
sibles à l’empreinte environnementale des produits qu’ils
achètent, la start-up française Ubebest (Ubebest.com)
lance, début septembre, un site dévoilant le premier
estiment que l’inFormation
score environnemental des appareils électroniques et
sur l’empreinte
enVironnementale des électroménagers. Découpé en quatre catégories (fabrica-
produits est insuFFisante tion, transport, utilisation et fin de vie), il passe au crible
l’extraction des matières premières, leur approvisionne-
ment, l’usage du carburant, la consommation en eau et
72
millions
en électricité mais aussi l’indice de réparabilité, un
indicateur obligatoire depuis début 2021 sur certains
produits électriques et électroniques. Les données utili-
d’appareils sées pour le calcul proviennent de différentes institutions
électro- indépendantes et certifiées telles que l’Agence de l’envi-
ménagers
Vendus
ronnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), le
en France ministère de la transition écologique et la Commission
en 2020 européenne. L’objectif consiste à guider les acheteurs
vers des appareils plus responsables et, par conséquent,
à inciter les fabricants à s’investir dans une économie
circulaire. Pascal Grandmaison
Objet
S
i l’on entend régulièrement connexion 4G. Elle est ainsi capable (la vidéo est visible dans la rubrique
les spécialistes nous alerter de réaliser et de diffuser automati- blog du site Enlaps). réparties sur
des conséquences de la quement des vidéos timelapse de de nombreux glaciers en Patagonie,
montée des températures l’endroit. il s’agit d’images fixes, pri- en islande ou en norvège, les caméras
sur la fonte des glaciers, il ses à intervalles réguliers (une heure, tikee sont également indiquées
reste difficile pour le néophyte de un jour ou plus) et mises bout à bout pour la surveillance des écosystèmes
mesurer l’ampleur de cette mutation. pour déterminer un condensé de (calanques, forêts) comme pour le
Grâce à la caméra tikee 3 de la l’évolution sur une période donnée suivi des travaux dans le bâtiment,
start-up grenobloise En- pour l’événementiel ou le
Oleksandr delyk - stOck.adObe.cOm ; service de presse
G
illes Martin-Chauffier a tout le monde ignorait en revanche
trois patries, Paris, la qu’il fut un spécialiste de l’Antiquité
bretagne et l’Antiquité, et qu’il lit les auteurs de la philoso-
et deux passions, qui sont phie classique dans le texte – c’est-à-
la littérature et le journa- dire en latin. Dans Le Dernier Tribun,
lisme. Est-ce si étonnant ? Petit-fils excellent roman sur la chute de la
du rédacteur en chef de Libération république romaine, il décrit l’af-
(celui de la résistance), fils d’un ré- frontement entre plusieurs per -
dacteur en chef du Figaro, lui-même sonnages restés dans les mémoires :
rédacteur en chef à Paris Match, il a César, Pompée, Clodius, mais aussi
reçu les mots en héritage, comme un Cicéron, Catulle ou Caton. C’est
trait de famille. Figure du Paris des brillant, enlevé, souvent cruel et
lettres, auquel il a consacré plusieurs toujours plein d’humour, sans que
romans, Martin-Chauffier se reven- jamais l’érudition de l’auteur ne pèse
dique aussi du pays du granit et des sur le plaisir de lecture. « Cicéron m’a
korrigans, tels ses camarades du toujours agacé, dit-il. À l’inverse de
petit cercle des bretons de la capitale La phrase du livre à retenir (p. 94)
Clodius, cet aristocrate qui, comme le
que sont Pinault, bolloré, Leclerc, prince Salina, cherche à tout changer
Queffélec ou Poivre d’Arvor. sur “La justice ne renforce plus pour que rien ne change. » Le Dernier
l’Île-aux-Moines, dans le golfe du la République, elle l’épuise. Tribun n’est pas un péplum : sous ses
Morbihan, où sa famille possède Quand l’État laisse insulter airs de tragédie antique, ce roman
une maison de corsaire depuis le ses représentants, il n’y a plus peut aussi se lire comme une para-
XiXe siècle, Martin-Chauffier est d’autorité respectée” b o l e c o n t e m p o ra i n e. C ’ e s t u n
aussi connu que la baleine blanche portrait en creux de nos sociétés occi-
de Moby Dick. Là encore, la bre- dentales, où juges et avocats se sont
tagne lui a fourni la matière à de emparés de tous les pouvoirs, mar-
nombreux livres, dont un beau Le deRnieR tRibun, quant ainsi le début de la discorde
roman sur la résistance, intitulé La de Gilles Martin-Chauffier, perpétuelle. En attendant la guerre
Femme qui dit non. Grasset, 336 p., 20,90 €. civile ? Alea jacta est.
C ’était en 1991.
Nirvana, le groupe
phare de la scène
grunge, sortait son
deuxième album,
de la pochette en question
qu’il s’est amusé à la
reproduire à différents âges
de sa vie, cette fois-ci
en maillot de bain. Et voici
figurant sur la pochette
d’Atom Heart Mother,
dont on voit les pis, va-t-il
attaquer Pink Floyd pour
incitation à la zoophilie ?
Nevermind. Sur la pochette que trente ans plus tard, Une association féministe
(photo) figurait un bébé nu Spencer Elden, c’est va-t-elle expliquer que
âgé de 4 mois. Le groupe son nom, a décidé la banane de The Velvet
avait évidemment demandé de porter plainte pour Underground & Nico est
l’autorisation à ses parents. « pédopornographie » un symbole phallique
Nevermind a été un véritable (on voit son pénis sur la et patriarcal ? Et que dire
jackpot, se vendant pochette) et réclame des très jeunes filles nues
à plusieurs millions 150 000 dollars à chacun sur Houses of the Holy
d’exemplaires, Kurt Cobain, des accusés (les survivants d’idées dans ce pays où l’on de Led Zeppelin ? Pour
chanteur fragile et du groupe, la veuve peut attaquer un restaurant la pochette de Nevermind,
toxicomane, n’a pas su gérer de Kurt Cobain, la maison si un serveur a eu Spencer Elden flottait dans
le succès et s’est suicidé de disques, etc.). le malheur de renverser l’eau à côté d’un dollar.
JF Paga
le 5 avril 1994. Le bébé Les avocats américains un café sur votre cuisse… On peut dire que Nirvana
a grandi, était tellement fier ne sont jamais à court Le propriétaire de la vache a eu une idée prophétique.
V
Propos recueillis par Alexandre Devecchio
otre livre s’ouvre par une et vite oubliées. Avait-on réalisé l’ampleur des drames qui
longue description glaçante s’étaient produits ? Je fus consterné par certaines réactions
de l’attentat du Bataclan. de membres du gouvernement de l’époque et d’intervenants
Vous êtes-vous interrogé qui ne semblaient pas prendre la mesure de la gravité de la
avant d’écrire cette scène ? situation. Tous ces éléments m’ont poussé à exprimer mon
Comment raconter l’innom- malaise, mon indignation face à cette situation.
mable ? Votre livre s’intitule : « Comment pourrais-je pardonner ? »
L’approche à adopter sur la Pourquoi avoir choisi ce titre ? Avez-vous essayé de par-
description des événements donner ? Pourquoi n’avez-vous pas réussi ?
vécus fut l’objet d’une lon- Le pardon est l’une des composantes essentielles de la reli-
gue réflexion personnelle. gion chrétienne, et en tant que catholique, j’attache une
Comment évoquer avec précision l’horreur subie et les importance significative à cette vertu. D’un point de vue
sévices infligés lors de cette terrible soirée, sans encombrer religieux, j’aimerais pardonner comme je l’ai déjà accordé
la narration de détails superflus pouvant rendre la lecture au cours de ma vie et comme je l’ai demandé et reçu. Mais
particulièrement éprouvante. J’ai décidé, en mon âme et l’ignominie des actes perpétrés qui ont attenté directe-
conscience, de relater avec le plus de précisions possibles, les ment à la vie d’autrui rend, selon moi, le pardon délicat
événements tels que je les ai vécus pour que le lecteur puisse à accorder dans ces circonstances. Comment accorder le
comprendre l’intensité des souffrances endurées par les pardon à des individus qui ont semé la mort, provoqué
victimes de l’attentat. Je reconnais que certains passages des souffrances insupportables et endeuillé des familles
peuvent choquer ou heurter, j’ai moi-même été particulière- entières ? C’est pourquoi il me paraît raisonnable, en dépit
ment touché et affecté émotionnellement de me replonger de mon attachement religieux, de conditionner le pardon à
dans mes douloureux souvenirs. Cependant je ne pouvais la proportionnalité de l’acte commis. Pour être accordé, le
occulter certains faits par souci d’authenticité. Je suis pardon nécessite une volonté, un geste de la part de l’auteur
convaincu que le lecteur n’interprétera pas mon histoire per- incriminé, et en l’absence de demande dans ce sens, je consi-
sonnelle comme du voyeurisme mais comme un témoignage dère que le pardon ne peut être accordé de manière unilaté-
sincère de la terrible réalité à laquelle les spectateurs du rale et qu’il se mérite. Le titre peut d’un certain point de vue,
concert et moi-même avons été confrontés. symboliser le dilemme, l’opposition entre le domaine spiri-
Pourquoi était-ce important pour vous de faire ce récit ? tuel et la situation purement factuelle.
Durant ma convalescence, j’ai pu longuement méditer sur Votre titre semble faire écho au « Vous n’aurez pas ma
les événements dont j’avais été victime. Je constatais avec haine » d’Antoine Leiris, qui a perdu son épouse dans
effroi et tristesse l’accumulation des victimes liées aux diffé- l’attentat. Pensez-vous, comme lui, et comme ceux qui ont
rentes attaques terroristes perpétrées sur le sol français et brandi des bougies après le drame, que l’on peut combattre
ailleurs. J’avais la désagréable impression qu’une forme de l’ennemi en exaltant l’amour et la fraternité ?
« résilience », terme commode pour justifier l’inaction, et le L’amour et la fraternité sont des sentiments et des valeurs
fatalisme s’emparaient du pays. J’avais peur que les consé- nobles, qui démontrent selon moi les richesses et la bonté de
quences relatives au phénomène terroriste soient minorées l’âme humaine, qui permettent de distinguer le bien du mal. ____ u
et avec des parcours assez similaires, notamment un passé l’affaire d’une génération mais celle de tous les Français
délinquant, suivi d’une radicalisation d’une extrême rapi- quelles que soient leurs origines, leurs croyances, leurs
dité. La question de l’assimilation revient ici sur le devant convictions. Chacun doit se sentir concerné face à une
de la scène. La problématique n’est pas nouvelle. Une forme forme de totalitarisme qui a déjà causé des dégâts consi-
de communautarisation s’est développée dans certains quar- dérables et qui se diffuse dans la société. s’interroger sur
tiers et celle-ci peut servir de terreau fertile à la radicalisation ses valeurs, son identité, ses fondements et sur ses éven-
d’individus disposant d’un ressentiment profond envers le tuelles erreurs, n’est pas une manifestation d’un pays belli-
pays d’accueil. Ce phénomène est malheureusement identifié queux ou replié sur lui-même, mais bien celle d’une nation
depuis de nombreuses années. Je trouve regrettable que les qui veut continuer d’exister. ■
classes dirigeantes successives aient relativisé les constatations Propos recueillis par Alexandre Devecchio
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La chronique
de françois d’orcivaL
La minute PhiLo
incLusivement vôtre
À Marseille, la délinquance
se propage par le nord
Comme le montre très bien le film « BAC Nord »,
I l est né le divin Afghan. Son
nom ? Le taliban inclusif !
Improbable synthèse de
l’Afghanistan et du « Wokistan »,
cette nouvelle catégorie
une politique de fermeté est nécessaire dans les quartiers.
de la pensée politique a été
récemment inaugurée
par notre ministre des Affaires
étrangères. Elle en dit long
sur la fortune de l’oxymore et
les ravages de la sous-culture
« woke » sur des consciences
immuno-déprimées.
Talibanisme inclusif ?
Et pourquoi pas « nazisme
et dialogue », « stalinisme
et progrès », « génocide
humanitaire », « exclusion
E
inclusive » ? Jean-Yves Le Drian
mmanuel Macron avait sortie de l’ENA, formée à la préfec- serait-il un esthète, disciple de
Lautréamont pour qui la beauté
pris soin d’emporter de ture de police de paris, et en zone de était « comme la rencontre
l’argent et des munitions défense et de sécurité, elle est venue fortuite sur une table
pour se rendre à Mar- à Marseille remplacer un préfet qui de dissection d’une machine
seille, ce mercredi. il prenait les choses à la légère. La à coudre et d’un parapluie »
avait rendez-vous avec les 101 élus voilà à l’épreuve : il lui faut s’im- À moins que, lecteur pressé
du conseil municipal, et il allait leur poser face à la guerre des gangs et de Roland Barthes, il considère
parler du combat contre la drogue des quartiers… que « la langue est fasciste »
et la délinquance, des trafics et des Elle a une alliée, arrivée dix mois plus et qu’il convient de la libérer.
réseaux. Vaste programme – mais on tôt : Dominique Laurens, qui était Mais de quoi ? Du réel et de la
est en campagne présidentielle. procureur à Meaux avant de prendre logique qui entravent son
émancipation. C’est pourquoi
il devait confirmer ce que le ministre les mêmes fonctions à Marseille. les principes de contradiction
de l’intérieur avait annoncé : l’arri- Changement de registre ! Elle sera, et de réalité doivent être
vée de 300 policiers de plus aussitôt elle aussi, chargée de la mise en appli- bazardés. Alors, le monde pourra
que possible – soit près de 10 % cation de la réforme de la justice des être recréé à notre image par le
des effectifs actuels, sans compter mineurs qui entre en vigueur le biais d’une langue démiurgique
les « municipaux ». Une mesure 30 septembre. Et des mineurs, elle en chargée d’exprimer sans
que personne n’ose plus contester. trouve déjà chaque jour victimes de bornes ni formes nos pulsions
Depuis quinze jours, le film BAC règlements de compte, de ce qu’elle et désirs. Dans ce conte de fées
Nord de Cédric Jimenez, avec Gilles appelle l’acharnement, le ciblage, les postmoderne ou règnent
Lellouche, est une traduction terri- tueries déclenchées de plus loin, de l’irréel et la « non-pensée »,
il va de soi que tous nos
ble et glaciale de ce qu’un élu de plus haut… phantasmes coexisteront
Marseille appelle la « pétaudière abso- il y avait eu 29 tués en 2016, et 28 en- amoureusement dans le déni
lue » : les quartiers nord de la ville et core l’an dernier ; on en est déjà à 15 pathologique de toute vérité
leur taux de délinquance le plus élevé cette année. toujours la drogue. La et réalité nécessairement
de France. légalisation serait-elle une issue ? offensantes. En son temps,
ici, le chef de l’État a su faire recruter « Cela ne permettrait qu’aux ache- qui est aussi le nôtre, Orwell
deux femmes de caractère pour incar- teurs de s’offrir une bonne conscience ; avait parfaitement décrit et
ner sur place une politique qui pré- les consommateurs sont devenus les nommé cette langue nouvelle
GEORGES ROBERT/LA PROVENCE/MAXPPP
cède et prolonge les mots d’un dis- complices des meurtriers », dit le « la novlangue »), condition
cours. Une politique de remise en député macroniste saïd Ahamada, de possibilité de maints
cauchemars dystopiques. Son
ordre. La plus jeune des deux et la plus qui connaît bien les quartiers nord. extension hégémonique nous
récemment arrivée dans la ville est Député Lr de Marseille de longue enjoint d’opérer sans tarder
Frédérique Camilleri, nommée préfet date, Guy teissier posera mardi la la destruction de toute pensée
de police du département. Elle vient question au premier ministre : va- afin d’entrer dans le nihilisme
de fêter ses 37 ans – elle est née à t-on enfin arrêter de temporiser et de inclusif. Paulin Césari
beyrouth, en pleine guerre civile… laisser pourrir la situation ?
À VOS
Les mardis
14, 21, 28 septembre
5, 12 et 19 octobre
de 19h à 22h
dans les locaux du Figaro
14 bd Haussmann, Paris 9ème
Découvrez toutes les modalités sur: www.lefigaro.fr/ecriture
ATTENTION, LE NOMBRE DE PLACES EST LIMITÉ
En couverture
Dans le bureau du
nouveau commissaire
de police du neuvième
district de Kaboul.
La prison ultrasécurisée
de Pul-e-Charkhi accueillait des
milliers de détenus : des talibans
mais aussi des membres
d’al-Qaida. Tous ont été libérés.
Un vendeur
de drapeaux
talibans.
Un check-point dans
les rues de Kaboul.
Ce véhicule militaire
américain a été pris à
l’ancienne armée afghane.
journal télévisé ! », tient-il à souligner. arme, refusant de lire la lettre signée rendre la camionnette à son proprié-
« Notre message est clair : les Afghans par son supérieur, le combattant taire et identifier le coupable », nous
ne doivent rien craindre de nous », s’égosillait : « Ici, le chef, ce n’est pas certifie le quinquagénaire à l’épaisse
assure Zia ul-Haq Haqmal, le présen- Zabihullah Mujahid. Ce n’est pas le barbe noire. Qu’adviendra-t-il de ce
tateur qui a énoncé le communiqué et mollah Baradar (cofondateur et dernier ? La punition pour un tel vol,
qui fut longtemps l’un des dirigeants numéro deux du mouvement NDLR). selon la loi islamique citée par
d’Emarat TV, l’organe de propa- C’est moi ! » Le jeune homme hirsute a plusieurs dignitaires talibans, est la
gande du mouvement. Le petit ensuite commencé à rouer de coups et mutilation. « Ce sera au juge d’en
homme sec se gausse tout de même de humilier le confrère afghan qui nous décider », se défausse le policier.
l’autocensure que s’étaient imposés, accompagnait en qualité d’interprète,
en prévision, les employés de la RTA : lui assénant des coups de poing der- les Talibans onT Tous les droiTs
« Ils avaient préparé une nouvelle grille rière la tête et des coups de pied dans le Sauf que l’État que se sont arrogés les
des programmes, avec seulement des bas du dos, sur une distance d’une talibans n’a pas encore de gouverne-
émissions religieuses ! », ricane-t-il. vingtaine de mètres. ment. Ses ministères et autres institu-
Finalement, la majorité des program- « Tout est sous contrôle ! », assure tions, vidées de leurs élites et chapeau-
mes, même sportifs, sont pour l’heure pourtant Mohammed Zubair Mut- tées par des mollahs fraîchement
conservés. Seule règle instituée à tra- maeen, directeur par intérim de la nommés, sont des coquilles vides. Les
vers le pays : les médias ne sont plus sécurité du neuvième district de « Étudiants en religion », dont le fon-
autorisés à diffuser de la musique si dement de l’idéologie repose sur une
elle n’est pas religieuse. vision ultralégaliste de la société selon
Depuis la victoire incontestée des tali- Les ministères, les préceptes de la charia, n’ont même
bans, la chefferie du mouvement n’a pas de constitution. Le système judi-
de cesse de polir son image pour tenter vidés de Leurs ciaire, pour l’instant, repose sur des
d’apaiser la population, jurant de la éLites et instances locales qui régissaient jus-
protéger. Mais de nombreux témoi- qu’il y a encore deux semaines l’État
gnages font état d’exactions et autres chapeautés par parallèle des territoires qu’ils contrô-
violations des droits de l’homme à tra- des moLLahs, laient, c’est-à-dire des poches éparses
vers le pays : anciens employés gouver- sur moins de la moitié du pays.
nementaux ou des forces armées, acti- sont des Que faire alors des criminels et
vistes, journalistes sont menacés,
torturés ou encore assassinés. Beau-
coquiLLes vides autres contrevenants aux nouvelles
lois de l’Émirat ? « On inscrit leur
coup ont disparu, certainement enle- nom sur un registre et on les laisse fi-
vés par des membres du mouvement. Kaboul, en d’autres mots le nou- ler », nous avoue Tari Abdoul Rah-
« Même si les dirigeants politiques du veau commissaire de police. Dans man à son poste de contrôle situé à
mouvement étaient sincères, ce dont son bureau trône une bannière tali- l’une des principales entrées de la
personne ne peut être certain, il de- bane enroulée lâchement autour ville. Ce sexagénaire chétif coiffé
meure que la majorité des talibans, en d’un pied en métal. Sur des éta - d’un large turban dirige une dizaine
particulier dans les provinces, sont de gères, des dossiers ont été laissés là, d’hommes qui fouillent les voitures.
jeunes membres d’une guérilla habituée que les talibans n’ont pas pris la Objectif : déceler des armes et les
à ne rendre des comptes qu’à leurs chefs peine de consulter. confisquer. « À Kaboul, tout le
locaux et à commettre à l’envi toutes « Nous faisons régner l’ordre. Pas monde possède une arme : il y a plus
sortes d’abus », note Thomas Ruttig, comme le gouvernement précédent, ni de kalachnikovs ou de pistolets que
fondateur de l’Afghanistan Analysts comme les Américains ! », siffle le d’habitants. Certaines personnes
Network, qui rassemble des cher- commissaire improvisé. Sur le bu- pourraient être des ennemis de
cheurs afghans et étrangers. reau, trois talkiewalkies silencieux l’Émirat, et il faut les désarmer »,
font office de décor. « De nombreux explique l’homme au visage ner-
“TouT esT sous conTrôle” anciens policiers ont volé puis repeint vuré de rides profondes, membre du
Un matin, alors que nous marchions leurs véhicules de service et les ont em- mouvement depuis sa création et
dans une rue de la capitale munies menés en province. Nous traquons ces ancien agent des services de rensei-
d’une autorisation de travailler émise individus. Il y a aussi de nombreux cas gnement talibans de la province du
par Zabihullah Mujahid, le porte-pa- de vols de véhicules civils que nous élu- Nangarhar, à l’est du pays. Depuis
role et directeur de communication du cidons » se vante-t-il. La veille, par quelques jours, un permis de port
mouvement, nous avons, nous-mê- exemple, un véhicule dérobé à Ka- d’arme a été institué. Il n’existe pas
mes, été agressées par le responsable boul a été retrouvé à Mazar-e- Cha- encore de bureau où soumettre une
d’un checkpoint. Brandissant son rif, au nord du pays. « Nous allons demande : « Jusqu’à présent, seuls
Le besoin de nature
est l’une des principales
motivations de ces
jeunes expatriés.
Bali offre tous les
avantages recherchés.
C
gagner pluS que de l’argent : une qualité de vie
a fait du bien de revoir des êtres entre février et mars 2020 (veille du premier confine-
humains ! » En ce début d’après- ment) est passé de 88 000 à 860 000 : une augmentation
midi de février 2021, Vincent débute de 876 %. Un nouveau rayon de soleil révèle sur le visage
son rituel. Le même que des mil- de Vincent un soupçon de nostalgie. Ce soleil, Vincent en
lions – des milliards – d’êtres profitait aussi de l’autre côté de la planète, à Bali. En
humains : la pause déjeuner en 2019, comme un précurseur qui s’ignorait, il s’était rendu
temps de pandémie. Assis sur un sur « l’île des dieux » désormais rebaptisée « Silicon Bali »
quai de Seine, l’ingénieur en infor- dans le monde de la tech. Point de vacances, mais une
matique de 31 ans répète ces nou- nouvelle vie organisée dans cet eldorado du télétravail
veaux gestes machinalement : pour jeunes Occidentaux. Ces nomades du digital – du
retirer son masque, le plier soigneusement dans une po- fait de la nature de leur métier – pouvaient alors toucher
che ou le passer autour de son poignet, déboucher son un graal de plus en plus inaccessible dans les sociétés
flacon de gel hydroalcoolique et se frotter vigoureuse- occidentales : l’indépendance économique, le sentiment
ment les mains avant d’attraper un sandwich emballé d’appartenance à une communauté et la possibilité de
sous vide. Autour de nous, tous les Parisiens participent à profiter des plaisirs de la vie et du moment présent dans
ce même cérémonial, méticuleusement espacés pour pré- un monde où, pour beaucoup de jeunes, l’avenir semble
server la distanciation sociale. Un rayon de soleil hivernal incertain. Travailler moins, et dans un cadre idyllique,
perce la couverture de nuages et vient caresser le visage pour gagner plus que de l’argent : une qualité de vie.
de Vincent qui lève la tête vers le ciel pour savourer ce
prélude printanier. Un petit plaisir ; un moment de répit Un miroir aUx aloUettes
attrapé au vol dans une période compliquée. « Ce que m’offrait Bali me manque, avoue Vincent. La
Comme lui, depuis le début de la pandémie, près de sérénité, la maîtrise du temps, cette forme extrême de
11 millions de Français ont expérimenté le télétravail liberté… » C’est que, sur l’île, tout est fait pour combler
depuis la propagation de la Covid-19. Un chiffre inima- les désirs des jeunes âmes égarées. Pour s’en rendre
ginable il y a encore peu, et qui illustre un vrai bouleverse- compte, il suffit de se rendre à Dojo. Le plus populaire
ment de notre société. Sur Google, rien qu’en France, le espace de coworking de Bali est situé à 100 mètres de la
nombre moyen de recherches autour du mot « télétravail » plage de Canggu, un ancien village de pêcheurs. Pour ___u
Les expatriés du
téLétravaiL
rentrent souvent restaurants branchés, bars équipés de skatepark, maga-
chez eux au bout de sins de vêtements… C’est pour éviter ces tentations que
six mois par manque certains décident de partir à la campagne. C’est le cas de
Tiya, jeune Croate de 31 ans, qui s’est installée à Ubud au
de revenus et milieu des rizières. Pour seulement 400 dollars par mois,
d’opportunités la jeune femme peut y louer la villa de ses rêves. Comme
elle, de plus en plus de jeunes réclament l’espace, la nature
professionneLLes et le silence. Comme une volonté de réparer leur vie usée
par les notifications des téléphones portables et autres
alertes permanentes. Nomades mais pas bohèmes, les plus
160 euros par mois (l’équivalent du salaire minimum fortunés de ces expatriés digitaux peuvent même inscrire
mensuel à Bali), les « digital nomades » peuvent accéder leurs bambins à la Green School d’Ubud. Un enseigne-
à tous les avantages que propose l’espace de coworking : ment articulé autour de la « slow-tech » au service d’un
une connexion internet ultrarapide, un accueil 24 heures développement durable est inculqué aux enfants dans
sur 24, 7 jours sur 7 et surtout… un accès à la piscine. l’espoir d’en faire des « green leaders ». Green School
Michael Craig, l’entrepreneur australien qui a fondé et green leader pour un prix beaucoup moins green :
Dojo, propose également des espaces de coliving afin 20 000 euros l’année. Car le confinement et l’explosion
d’entretenir l’esprit de communauté au-delà des heures du télétravail qu’il a provoquée ont révélé une inégalité
de travail. En vain. Pas besoin de rester très longtemps à qui existe depuis déjà plus d’une dizaine d’années mais
Dojo pour remarquer que si ces jeunes se croisent tous les qui devient de plus en plus saillante : la consommation
jours, ils ne se rencontrent pas, ou alors très peu. Autour plus modérée des appareils connectés et des écrans est un
des tables, toujours le même tableau : un corps bronzé luxe réservé à une petite élite.
engoncé dans un bermuda et une chemise à fleurs, en-
gloutissant des litres de café latte ou de « vegan smoo- Le téLétravaiL serait pLus productif
thie », est courbé ou affalé devant un ordinateur. Tous ont Alors qu’une enquête de l’agence européenne Euro-
un casque sans fil à réduction de bruit vissé sur la tête found a dévoilé que 27 % des télétravailleurs déclarent
– une façon de se couper encore un peu plus du monde travailler sur leur temps libre afin de satisfaire à leurs
qui les entoure comme une évolution des vieilles cloisons contraintes professionnelles, le droit à la déconnexion se
qui avaient germé dans tous les bureaux des années 1990. pose et se repose inlassablement. Prendre conscience de
À côté d’eux, un petit chevalet en bois est posé sur la ta- l’omniprésence des écrans au quotidien et tenter de la
ble. « Travailler seul, c’est nul ! Partage ta table ! » limiter : c’est justement l’une des raisons qui a motivé
peut-on y lire, sans ironie aucune. À Dojo, au départ, la Vincent à poser ses bagages à Bali. « J’avais participé à
plupart des membres étaient développeurs web, desi- une digital détox lors de mon arrivée à Ubud et ça m’a fait
gners web ou simples entrepreneurs disposant déjà d’un un bien fou », se remémore-t-il en continuant de mâcher
réseau de clients avant de s’installer à Bali. Mais depuis son sandwich. Pour plusieurs centaines d’euros, les parti-
quelque temps, Michael Craig voit arriver un nouveau cipants redécouvrent sur quelques jours des moments de
genre d’immigrants digitaux : « Lorsque j’ai créé Dojo en vie sans appareils connectés. Un vrai défi lorsque les
2015, les gens arrivaient à Bali avec de solides compéten- études montrent qu’en moyenne un utilisateur consulte
ces et des expériences professionnelles dans leurs bagages. son smartphone toutes les six minutes. « En ce moment,
Aujourd’hui, c’est différent. Avec les réseaux sociaux, on entre mon travail et mes projets perso, je passe environ
voit s’installer sur l’île des gens plus concentrés sur leur quarante-cinq heures par semaine devant mon écran »,
apparence que sur leur carrière. » Une réalité et des lacunes poursuit-il tout en se massant le cou.
qui viennent écourter le nomadisme de ces jeunes travail- L’ingénieur ne fait pas figure d’exception. Des chercheurs
leurs. « Comment voulez-vous que des entreprises leur de la Harvard Business School et de la New York Univer-
fassent confiance à distance s’ils n’ont jamais été travailler sity ont analysé pendant seize semaines les e-mails et les
dans un bureau où ils devaient rendre des comptes à quel- agendas de 3 millions de télétravailleurs aux États-Unis,
qu’un ? » poursuit Craig. en Europe et au Moyen-Orient. Résultat : ces employés
seraient plus productifs qu’en entreprise avec quarante-
Les jeunes récLament espace, nature et siLence neuf minutes de travail en plus par jour.
Selon ses estimations, environ 8 digital nomades sur 10 Il y a quelques mois, Vincent s’est rendu au Portugal.
rentrent chez eux au bout de six mois par manque de Comme des milliers de jeunes Européens, le voyage avait
revenus et d’opportunités professionnelles à distance. pour but d’échapper aux restrictions sanitaires de son
Rien d’étonnant, puisque tout est fait autour de l’espace de pays. Grèce, Portugal ou encore les Canaries : tous
coworking pour pousser les jeunes à dépenser leur argent : retrouvent à moins de cinq heures d’avion de chez eux ___u
tous les ingrédients du bonheur à la sauce de la Silicon l’accord de son agence, elle a opté pour une forme de
Bali. Une sauce qui a parfois du mal à prendre. Nina, « travail hybride » avec trois jours de télétravail et deux
jeune digital nomade hollandaise de 31 ans installée jours en entreprise. Une formule sur mesure qui ne saurait
depuis quelques mois au Portugal, ne regrette pas d’avoir se conjuguer aveuglément dans toutes les entreprises et
quitté Bali : « Là-bas, j’étais constamment dérangée par avec tous les salariés. Car au sujet de la satisfaction et de
les distractions et les sorties. On atterrit avec l’idée que la l’épanouissement des employés en télétravail, les études
vie n’est pas chère, alors on dépense en restaurants, bars, divergent. Et pour cause, les paramètres à prendre en
clubs… On se retrouve en fait à faire tout ce que l’on avait compte sont aussi nombreux que fluctuants.
fui en Europe. » Un autre mirage de ce mode de vie se
trouve, selon elle, dans les relations aux autres : « Les gens Les avantages du présentieL
arrivent et repartent. Il n’est pas possible de créer des liens Un sondage réalisé par l’Institut Montaigne montre une
sur la durée. Tout est éphémère ! » Mais pour Nina, pas tendance : 60 % des Français souhaiteraient, après la
question de reprendre une vie de bureau en Europe. crise sanitaire, que les entreprises permettent une alter-
Aujourd’hui, la jeune entrepreneuse aspire à une vie plus nance entre télétravail et présentiel. En somme, une démo-
saine et plus écologique, de concert avec son petit copain cratisation du « travail hybride » et, avec lui, le retour au
brésilien rencontré à Lisbonne. Elle prévoit de s’installer « flex office » qui permet de réduire la surface des bureaux
avec lui au Brésil tout en travaillant à distance. et limiter le budget immobilier. Mais, selon un sondage
Avec cette tendance du télétravail, les bureaux sont les d’Odoxa publié en mars 2021, 6 jeunes sur 10 seraient
grandes victimes de la pandémie. Sans aller jusqu’à Bali, réticents au télétravail, loin de l’image d’ultraconnectée
8 managers parisiens sur 10 aimeraient quitter la capitale qu’on attribue à la hâte à cette génération. C’est le cas de
pour s’installer « au vert », selon une étude. C’est le cas Maud et Sacha, stagiaires dans la « finance durable » et
de Christine, associée dans une agence digitale à Paris, et dans la « food tech ». Avec leurs colocataires, ils parta-
Norbert, commercial pour un groupe de produits électro- gent leurs expériences de stagiaires en télétravail.
niques. Avec leurs trois filles, ils ont quitté la région pari- « L’avantage du présentiel est que, lorsque la journée de
sienne pour s’installer à la campagne, dans l’Oise. Leurs travail se termine, notre ordinateur reste au bureau, ana-
critères : tranquillité, espace, débit internet rapide et posi- lyse Sacha. En télétravail à la maison, nous sommes tout
tionnement à moins d’une heure de l’aéroport Roissy- le temps connectés grâce aux ordinateurs portables livrés
Charles-de-Gaulle pour les déplacements profession- par nos entreprises. » Mais, comme souvent en période
nels. Même avec le rythme soutenu et les trois heures de crise, cette réorganisation soudaine des méthodes
de transport entre son domicile et son bureau à Paris, de travail a fait émerger de nouveaux concepts. Parmi
Christine ne se voit pas passer en télétravail à 100 %. Avec eux, celui de la start-up Kabin, lancée en décembre 2019.
Les salariés
en télétravail
consacrent à
leur profession,
en moyenne,
48,5 minutes de
plus par jour.
C
’est une ville originale et mystérieuse, Fécamp un monastère bénédictin sur les vestiges d’un
oubliée au cœur de la Normandie. sanctuaire qui avait été édifié en 658. Arrière-petit-fils du
Dans ses rues, une lumière ou une Viking Rollon, il place à sa tête le célèbre réformateur
architecture peuvent surgir sans crier Guillaume de Volpiano, qui fait du monastère un des plus
gare, et arrêter le pas du visiteur, sub- renommés de Normandie. « Pendant des siècles, le monas-
jugué par une telle har monie. tère régit la cité. Il possède le port, les moulins et le marché,
Fécamp mérite davantage qu’un dé- nourrit les pauvres, finance l’hôpital et la diffusion du savoir,
tour. Le belvédère du nouveau Musée explique Manuel Martin, responsable du service archives
des Pêcheries offre un point de vue et patrimoine de la ville. Il faudra plusieurs années pour que
exceptionnel sur la mer, les falaises et la ville trouve un nouvel équilibre après sa fermeture en
la valleuse dans laquelle se niche la ville, entre deux pla- 1791 », à la Révolution. Un dicton cauchois établit
teaux. Fortifiée par les Allemands, puis bombardée en 1944 qu’avant cette date, « d’où que le vent vente l’abbaye de
par les Alliés qui visaient les terrains militaires avant que le Fécamp a rente ». En chassant les Bénédictins de l’abbaye,
port soit entièrement saboté par les perdants, cette perle les révolutionnaires obligent la ville à « se réinventer »,
oubliée du pays de Caux connaît depuis quelques années selon l’expression consacrée. « Dès 1804, un projet de port
une véritable renaissance économique, sociale et culturelle. en eaux profondes moderne est lancé pour dynamiser la
Déjà habitée à l’époque gallo-romaine, la cité a connu un pêche, le commerce et répondre à la menace anglaise »,
âge d’or au Moyen Âge, lorsque la minérale et gothique ajoute l’archiviste.
abbatiale Sainte-Trinité est édifiée, avec sa longue nef et sa
tour-clocher haute de 60 mètres qui surplombe la ville avec APPRIVOISER L’ABSENCE
une légèreté stupéfiante. Car pendant cinq siècles, à partir de la Renaissance, les
Lorsqu’on « relit », à la façon des Jésuites et des architectes armements morutiers font partie de la vie quotidienne des
du patrimoine, l’histoire de ce port prospère jadis, on com- Fécampois. Le poisson est pêché au large des côtes d’Amé-
prend un peu mieux comment la cité constitue en elle- rique du Nord. Dès 1815, les trois-mâts performants puis
même un rempart au bling-bling. les chalutiers permettent à Fécamp de devenir l’un des pre-
Destination de pèlerinage au Moyen Âge, le site abrite miers ports morutiers de l’Hexagone, ce jusqu’en 1975. La
depuis plus de quinze siècles une relique du « Précieux ville développe la pêche au grand large, envoyant des
Sang » du Christ, que Joseph d’Arimathie et Nicodème générations d’hommes jusqu’aux confins du Canada, en
auraient gardée dans un tronc de figuier, et qui aurait Terre-Neuve, à la recherche de morues. La longue absence
échoué sur le rivage de Fécamp. Conservée au cœur de intermittente de la gent masculine façonne une certaine
l’abbatiale, cette relique est toujours présentée dans un façon d’être des habitantes : travailleuses, fortes et coura-
tabernacle en marbre sculpté par des artistes italiens de la geuses, les femmes de Fécamp ont une âme qui tient tout
Renaissance. C’est autour d’elle qu’en l’an 1001, le pays. Les hommes aussi mènent une vie dure au loin.
Richard II (960-1026), duc de Normandie, fonde à Dans leurs voiliers morutiers, les marins ne disposent que
Phare et estacade en
bois, à l’entrée du port.
Artistes et femmes
De l’évolution des médiums, des sujets et de la place des femmes, de la fin du XIXe
à l’aube de ce XXIe siècle : elles sont peintres, photographes, sculptrices, vidéastes
ou plasticiennes, maniant une variété impressionnante de techniques artistiques.
Un recueil pour (re)découvrir les fabuleux destins de ces femmes inspirées.
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Culture
RentRée
littéRaiRe
Romans français : les 20 coups de cœur du “Fig Mag”
D
epuis quelques livres, Louis-Henri de La Rochefou-
cauld (désigné plus loin par ses initiales pour gagner de
la place) se moque de la Révolution française ; avec le
nom qu’il porte, difficile de faire autrement : sa famille
compte 14 guillotinés ! Cette fois, il va plus loin et fait
son « outing » de monarchiste.
Un soir de beuverie, il rencontre le fantôme de Louis XVI dans un
bar de nuit. Châteaux de sable est à la fois un dialogue érudit avec
un roi décapité et l’autoportrait d’un romancier aussi fauché que
titré. Que reste-t-il de la noblesse française ? Un style de vie et une
manière d’écrire – érudite, nonchalante et déchue. « Obèse et
dépressif », Louis XVI vit sur l’île Saint-Louis, quai de Bourbon,
bien sûr. Il est toujours aussi fan de montgolfières et de serrurerie.
De tous les romans de la rentrée, Châteaux de sable est le plus
amusant et élégant. Il raconte la Révolution française avec un
regard frais : à mi-chemin entre Jean Teulé et Tocqueville. Après
tout, la prise de la Bastille a eu lieu il y a 232 ans : avec sa virtuosité
frivole, LHLR donne l’impression que c’était hier, et pas plus
important que Mai 68, mai 1940, ou l’incendie du Fouquet’s. Il flâne
avec Marie-Antoinette mais, par courtoisie, évite les abords de la
Conciergerie. Cette promenade dans le temps dégage un charme
fou. LHLR ne comprend pas pourquoi la France a supprimé la
monarchie sans rien mettre de grandiose à la place. La démocratie
est si belle qu’elle mériterait peut-être de se remarier à la royauté. La
France est si paumée, qu’a-t-elle à perdre ? F. B.
C
’est une région de l’État du Mississippi, coincée entre le fleuve boueux
et la rivière Yazoo, que l’on nomme le Delta. en 1932, cinq ans après
la crue biblique qui a inspiré à Charley Patton la chanson High Water
Everywhere, la chaleur anéantit le pays du coton. Les bourgades sont
divisées en deux : la ville blanche, la ville noire. La ségrégation est démente.
Betty, lavandière, et Steve, boulanger, deux jeunes noirs, forment un couple
survivant péniblement à leur lamentable condition. Les personnages
abondent dans cette fresque ambitieuse : il y a la tante de Betty, sorcière
pratiquant le vaudou importé du Dahomey par les esclaves, la divinité Papa
Legba, roi des métamorphoses, une jeune chanteuse noire prostituée et son
fils, un pasteur baptiste craintif soumis aux Blancs, un maire véreux qui fait
appel au Ku Klux Klan pour conserver son poste, des bouilleurs de cru, une
violence sourde. enfin, il y a trois des pères fondateurs du fameux « Delta
blues » donnant son titre au livre : Son House, Willie Brown et Robert
Johnson. Il fallait beaucoup d’audace pour s’emparer d’un musicien aussi
légendaire que Johnson et en faire un personnage de roman… Julien
Delmaire s’en sort haut la main, et connaît par cœur toutes les mythologies
du blues (souvent fantasmées par des musicologues blancs en manque
d’informations fiables) : on a dit de Robert Johnson qu’il avait,
nuitamment, vendu son âme au diable – ou à Papa Legba – à un carrefour,
SDP, JF PAGA, Vincent AlVArez,
I
l ne faut pas sous-estimer la rage de survivre »… Au seuil de la mort, l’homme voit sa vie
défiler devant lui, dit-on. Patrick semble confirmer la rumeur face aux 12 combattants du
peloton d’exécution congolais le mettant en joue un jour de 1964. De ses vingt-huit ans
sur terre, il se souvient de tout : une enfance choyée auprès d’une grand-mère maternelle
cherchant à combler les absences de sa mère ravagée par la mort de son mari lorsque Patrick
avait 8 mois ; des vacances aux allures de scènes de La Guerre des boutons passées dans
le château délabré d’une famille paternelle aussi noble que fauchée ; son copain d’école,
Jacques, dragueur et tuberculeux ; ses années de fac de droit où, comme Cyrano de Bergerac,
il écrivait des lettres d’amour à la place de son colocataire ; sa rencontre avec celle qui, après
moult obstacles, deviendra sa femme ; ses premiers pas dans la diplomatie. Patrick est le père
d’Amélie nothomb et sa vie valait bien un livre.
Pour son trentième roman, l’écrivain aux chapeaux plonge sa plume dans son arbre généalo-
gique. D’une écriture à la fois délicate et vive comme l’épée d’un hussard, elle prête sa voix
à son père pour rédiger une vraie-fausse autobiographie. Ses mots choisis composent un
hommage à Patrick nothomb, négociateur lors de la prise d’otages de Stanleyville
(ex-Congo belge) qui évita la mort de centaines d’hommes, femmes et enfants. Mais aussi
la tendre déclaration d’amour posthume d’une fille à son père disparu l’année dernière. Il
ne faut pas sous-estimer la rage d’écrire… M. R.
D
eux grands fantômes sanguinaires hantent l’histoire nippone du XXe siècle : l’armée
impériale des années 1930-1940 et l’Armée rouge japonaise des années 1970. Il arrive
qu’ils se croisent dans la même famille. Yasukazu Sanso, fils d’un soldat de l’empe-
reur, s’est jeté adolescent à corps perdu dans la lutte armée communiste. Des batailles rangées
contre la police à la fac de Tokyo aux camps d’entraînement terroristes au Liban, de l’assassi-
nat de sang-froid à l’attentat plus ou moins aveugle, il a œuvré aux côtés du sinistre Carlos
et participé à des scènes de torture de « traîtres ». Mais ça, c’était avant. Il s’appelle désormais
M. Mizuno et vit une retraite paisible. Jusqu’au jour où une rencontre fortuite le pousse à
affronter ses démons. Et sa famille, qui ignorait son passé…
Un titre magnifique pour un livre aux allures de polar politique qui ne l’est pas moins, quoi-
qu’il évoque une mémoire sombre : le roman choc de Michaël Prazan est époustouflant d’am-
bition et de maîtrise narratives. Foin de toute moraline, l’écrivain et documentariste suit et
creuse ses personnages avec une finesse et une profondeur psychologiques rares, fussent-ils
détestables. À lire en complément du film Onoda, d’Arthur Harari, pour embrasser (un peu)
la complexe âme japonaise contemporaine. J.-Ch. B.
L’HISToIrE En HérITAgE
La Carte postale, d’Anne Berest, Grasset, 512 p., 24 €.
E
lle a parfois l’air de s’excuser : Anne, la narratrice, est juive mais ne se sent pas
juive. Il suffira d’un événement, inattendu et écœurant, pour qu’elle se pose la
question : qu’est-ce qu’être juif dans une famille non religieuse ? Sa mère ne
parlait pas ou peu des siens. Mais, en 2003, celle-ci reçoit une carte postale ano-
nyme et perturbante : au recto quatre prénoms, ceux de ses grands-parents, de
son oncle et de sa tante. Quatre noms pour quatre membres d’une famille disparus à jamais
au camp d’Auschwitz en 1942. La carte postale est oubliée dans un tiroir : n’en parlons
plus. Dix-huit ans plus tard, Anne ressent le besoin de découvrir qui en est l’auteur. Alors
elle mène l’enquête, rencontre un détective privé, un graphologue, des témoins, se casse le
nez et rebondit. retrouve les traces de cette famille russe qui toute sa vie sera empêchée
puisque juive. Passionnante de bout en bout, Anne Berest mêle la grande Histoire à la pe-
tite, parcourt les années et les kilomètres pour mieux comprendre l’effrayant destin de ses
aïeux, son héritage. Sous nos yeux, elle s’enhardit, comme poussée par une force lointaine.
Et, si elle réussit à résoudre son énigme, elle démêlera bien d’autres fils. L. C.
Le diabLe est dans Les détaiLs
Fenua, de Patrick Deville, Seuil, 362 p., 20 €.
Q
uand il avait l’avenir devant lui, et sous les yeux, le lazaret de Mindin, en Loire-
atlantique, Patrick deville se demandait si tahiti existait vraiment. son père, qui
n’avait jamais voyagé, s’était pris de passion pour l’expédition du Kon-tiki : ces
histoires de plumes rouges et de sauvages guerriers, de lagons et de pirogues à
balancier étaient de nature à enflammer l’imagination d’un enfant. L’écriture serait-elle le
combustible de l’insatiable découvreur qu’il est devenu ? Une chose est sûre : l’auteur de
Peste et choléra a de la suite dans les idées. soixante ans après ses robinsonnades immobiles,
il nous entraîne en Polynésie. À peine la surface de la Corse, toutes îles confondues, mais
l’infini de ceux que l’inconnu démange ! Parmi eux : le médecin de marine gustave viaud,
qui fixa sur calotypes l’éden autarcique et Pomaré iv, sa souveraine ; gauguin, le
désenchanté sauvage des nabis ; plus tard alain gerbault et bernard Moitessier, derniers
croisés du rêve avant les essais nucléaires du Centre d’expérimentation du Pacifique. Lors
du tournage du Guépard, visconti exigeait que Claudia Cardinale portât des dessous
d’époque ; deville a le même souci du détail. et chaque détail signe une résurrection.
Connaître le menu du banquet donné pour gauguin, avant son embarquement pour
Papeete en avril 1891, c’est échapper au temps, échapper aussi à la pesanteur d’être soi. en
cette rentrée littéraire plus nombriliste que jamais, on ne saurait bouder cette captivante
issue de secours. É. B.
Le biffin de barbès
Mon business model, de Julien Gangnet, Le Dilettante, 222 p., 17,50 €.
J
oseph Hakim est un jeune loser qui se retrouve employé dans une société « produisant du
contenu ». il s’agit de « bitoubi » conçu pour vendre à des sites internet ou à des chaînes
d’info en continu des scoops sensationnalistes à peine vérifiés. Hakim, malin et
ambitieux, exploite à fond la bêtise et le cynisme de ces nouveaux médias en rôdant aux
alentours de barbès, dans le Xviiie arrondissement de Paris. il prend du galon, puis, enhardi,
démissionne, monte sa propre agence, et finit par vendre des infos aux états-Unis considérant
Paris comme une « no-go zone ». entre-temps, il a retrouvé un ami d’enfance devenu marabout
qui lui sert de psy. Hakim a une grosse faille qui lui fait du mal : sa jeunesse. installé à
aubervilliers avec pour employés une bande de tocards dont certains carburent au crack, il
marche, aperçoit un enfant triste maltraité par sa mère, recense les écoles du quartier et décide
de punir les mauvais parents comme un justicier dans la ville. C’est du brutal… Julien gangnet
vole comme un papillon et pique comme un frelon ; c’est ainsi qu’il écrit. Le Mohamed ali
de la littérature française envoie crochets et uppercuts (quand il ne casse pas les rotules à coups
Astrid di CrollAlAnzA, sdP, Adrien lAgier, olivier roller, JF PAgA, MonA P, PAsCAl ito / FlAMMArion
d’antivol) en sautillant, et décape au Kärcher le monde moderne avec ce premier roman
hilarant, féroce, jouissif. on risque d’entendre à nouveau parler de lui. N. U.
L
orsque l’enfant paraît, la joie s’installe dans la maison. Mais si cet enfant s’avère
lourdement handicapé et promis à une vie courte, d’autres émotions, pensées et
sentiments envahissent la famille. il y a l’aîné de la fratrie, meneur d’une bande de
cousins admiratifs, un poil arrogant et sûr de lui, qui décide de faire corps avec
l’enfant, le protéger, s’en occuper jusqu’à en oublier les autres et lui-même. il y a
la cadette, pleine de vitalité et d’allégresse, qui en veut au petit être condamné d’avoir fracturé
le bonheur familial et préfère l’ignorer tant il la dégoûte. et puis, il y a le dernier. né après
la mort du cadet, il n’ose pas poser de question, mais sent en permanence la présence absente
de ce frère qu’il n’a pas connu et se réfugie dans les bras enveloppants de la nature. Parce que
lorsque l’on grandit dans un hameau à l’ombre des montagnes cévenoles, les arbres, les
ruisseaux et les animaux offrent un écrin idéal pour les âmes en peine. au point que Clara
dupont-Monod a audacieusement confié le soin de raconter cette histoire aux pierres
bordant la maison. Poétique, délicat, tendre, S’adapter est un conte tragique et lumineux à
la fois. Une ode merveilleuse à la vie. M. R.
MAL De Mère
Revenir à toi, de Léonor de Récondo, Grasset, 180 p., 18 €.
D
ans cinq jours, Magdalena commence les répétitions de la pièce Antigone, qu’elle
doit jouer à Avignon l’été prochain. Immense actrice, elle a incarné les plus grands
rôles du répertoire avec une intensité qui lui a valu reconnaissance, triomphe et
gloire. endosser la vie d’un personnage lui permet de combler le vide qu’elle sent
en elle depuis la disparition de sa mère, Apollonia, lorsqu’elle avait 11 ans. Quand
son agent lui annonce que l’on a retrouvé sa trace, Magdalena part immédiatement la rejoindre.
Mais pas âme qui vive dans la maison éclusière du Lot-et-Garonne où elle est supposée vivre.
Qu’à cela ne tienne, Magdalena plante une tente dans le jardin et attend. Apollonia finit par
rentrer chez elle, mais les retrouvailles ne sont pas celles que Magdalena espérait. Qu’importe :
elle a le temps. et veut savoir ce qu’il s’est passé il y a trente ans.
violoniste baroque, auteur d’Amours – couronné de nombreux prix –, Léonor de récondo
explore dans son nouveau roman les blessures souvent inguérissables de l’enfance. entre flash-
back et hommages aux grands mythes littéraires, elle décrit tout en pudeur la réconciliation
d’une femme avec sa mère. et d’une femme avec elle-même. M. R.
P
armi les 500 romans de l’automne, épluchés par votre serviteur avec la circonspection d’un
garçon de café inspectant des photocopies de Qr code, Murnau des ténèbres est de loin la
plus incroyable surprise. Nicolas Chemla est allé déterrer le dernier film du génie du cinéma
muet, friedrich Murnau, Tabou, tourné à Tahiti et Bora Bora en 1929, et en a conçu une aventure
de toute beauté, à la fois onirique et délabrée. Les romans sur le cinéma sont indispensables en ce
moment puisque le cinéma se meurt, remplacé par des personnages en body moulant qui s’entre-
tuent dans des téléphones mobiles. Jonathan Coe a réussi la même prouesse avec Billy Wilder et
moi : quoi de plus romantique qu’un crépuscule ? L’histoire débute au sud de Tahiti en 2008. Sur
une plage paradisiaque, le narrateur rencontre un vieillard tatoué qui lui conte le tournage désas-
treux de Tabou un siècle plus tôt. Après quelques joints, la réalité devient rêve, on se croirait au
bout du fleuve de Conrad… Murnau voulait recréer le paradis, et il en est mort. Un monde dis-
paru ressuscite grâce au talent éblouissant de Nicolas Chemla. rares sont les livres qui enchantent
comme ce Murnau des ténèbres. Ce voyage féerique exhale un parfum de nostalgie déchirant et
d’exotisme révolu. Chemla m’a fait découvrir Tabou *, « le plus grand film du plus grand auteur de
films » selon Éric rohmer, dont chaque plan est un tableau de Gauguin. Il procure surtout un plai-
sir infini et un espoir démesuré : et si la dernière chance du 7e art était la littérature ? F. B.
* Visible gratuitement sur YouTube !
Le vrAI DU fAUx
Au printemps des monstres, de Philippe Jaenada, Mialet-Barrault Éditeurs, 752 p., 23 €.
C
’est un fait divers que les moins de 60 ans ne peuvent pas connaître. Une affaire sordide :
en 1964, un enfant de 11 ans, Luc Taron, est retrouvé mort, assassiné, dans une forêt près
de Paris. Très vite, son présumé meurtrier inonde la presse, la police, les parents de l’en-
fant, de lettres délirantes qu’il signe l’Étrangleur. Un faux pas et voilà notre homme arrêté. C’est
Lucien Léger, c’est un dément. Affaire pliée ? Pas si vite ! Car celui qui a tout avoué revient sur
ses dires. Il n’est, dit-il, qu’un bouc émissaire, victime d’un complot. Toute cette histoire ne pou-
vait que passionner Philippe Jaenada et ses lecteurs avec lui. Il mettra quatre ans à mener son
enquête, à fouiner, à chercher ce qui coince. Ce qu’il trouve n’est pas beau à voir : dans ce Paris
des années 1960 où quelques-uns s’enrichissent on ne sait trop comment, ou d’autres vivent
dans une misère noire, les plus respectables s’avèrent être des sales types, les folles des femmes
perdues, les meurtriers des hommes d’honneur. L’auteur fouille, certain que la justice a bâclé
son travail. Il nous régale de ses fameuses digressions car, n’en doutons pas, Jaenada est le plus
drôle de nos écrivains : nous n’irons plus chez le dentiste sans penser à lui. Des digressions, donc,
comme autant de petites respirations hors de ce bourbier malfaisant où on ne sait plus que
croire, qui croire. Une seule vérité, indiscutable celle-là : Lucien Léger a passé quarante et
un ans en prison pour un meurtre qu’il jure n’avoir pas commis. L. C.
A
la frontière turco-syrienne, Bérénice, jeune archéologue française transformée en
trafiquante d’antiquités, recueille une enfant abandonnée. C’est là aussi qu’elle
rencontre Asim, réfugié syrien fabriquant de faux papiers. Avant cela, l’ancien
pompier était devenu fossoyeur. Celle qui déterre « des choses ancestrales et éternelles » et
celui qui ensevelit les morts se retrouvent autour d’un combat commun. Ils vont prolonger
l’œuvre de la sœur d’Asim, tombée pour une Syrie démocratique, qui se fit l’archiviste de la
mémoire des victimes et des identités des bourreaux. Leur périple les mènera au Kurdistan
syrien auprès de combattantes peshmergas.
Sans didactisme ni manichéisme, Julie Ruocco retrace une géographie de l’horreur au
sein de laquelle les crimes de masse du régime d’Assad croisent ceux de l’État islamique
et de ses fanatiques parfois venus de France avec des fantasmes d’esclaves se rêvant en
sultans barbares. Ce premier roman impressionne par son ampleur, son âpreté, son
souffle, sa langue aussi magnétique que précise. Furies convoque la tragédie antique et
les anciens mythes, brasse destins collectifs et individuels. Jusque dans les dernières pages
poignantes et lumineuses. C. A.
L’AmNÉSIe et LA mÉmoIRe
Une vie cachée, de Thierry Hesse, L’Olivier, 184 p., 17 €.
T
out commence par la perte d’une relique. Puis son oubli : l’étape indispensable
pour qui veut se souvenir et comprendre. L’énigme où s’aventure, fasciné, le nar-
rateur, s’attache à la photo d’un soldat en uniforme allemand. Sur ce portrait-
carte du début du XXe siècle pose un orgueilleux jeune homme qu’il a toujours
connu solitaire et diminué : son grand-père, François etgen, dit « Franz ». en
1974, alors qu’il n’avait que 7 ans, ses parents l’avaient confié à ce veuf exilé au fond d’un
HLm accueillant comme un tunnel. Nous sommes à metz, en Lorraine. Dans cette ville
où l’histoire s’emmêle de géographie, les patronymes vacillent, comme les frontières, entre
désir d’amnésie et devoir de mémoire. Sa réclusion, « Franz » se l’est-il imposée comme une
épreuve ? « La majorité des vies que l’on observe […] n’ont rien de très mouvementé ni d’assez
passionnant pour mériter d’être racontées. Sauf que ce cours tranquille dissimule parfois des
trous sombres. » thierry Hesse n’est pas le seul auteur de cette rentrée 2021 à lancer son filet
vers ses ancêtres. Son enquête, pauvre en archives mais riche en émotions, est la plus
convaincante. Pour sa profondeur, son économie, sa justesse. Autant dire, son style. É. B.
A
nnée 1918. Des casseroles, des cloches, des bouts de ferraille… Quand il n’a pas de
djembé, Jules, percussionniste de génie, tape sur tout ce qu’il trouve. Franco-Sénéga-
lais anglophone par sa mère, il est l’interprète du 369e régiment des États-Unis entiè-
rement composé de Noirs et découvre le jazz grâce aux membres du Harlem’s Rattlers Band,
qui troquent fusils et baïonnettes pour saxos et trompettes dès qu’ils en ont l’occasion.
Armistice, démobilisation : Jules rentre à Dakar. entre des études de droit et la musique,
le choix est vite fait : il part rejoindre les Rattlers à New York. La suite ? Un tour d’Amérique
virant au vinaigre aux abords des États sudistes ; la découverte d’une lointaine cousine,
militante pour les droits civiques ; des concerts dans des clubs new-yorkais où le gratin sabre
le champagne malgré la prohibition ; une tournée auréolée de succès en France avec
Joséphine Baker ; une expédition en Afrique avec l’écrivain-espion Graham Greene… Pas
après pas, Jules remonte le fil d’un passé familial aussi trouble qu’incomplet.
Christophe Naigeon ne retrace pas que le destin incroyable d’un homme. Des Ardennes à
monrovia, en passant par Paris, Harlem et la Nouvelle-Angleterre, il raconte, tambour
battant et dans un style qui swingue volontiers, l’histoire du Liberia et des esclaves africains
affranchis. Avec une musique de fond idéale : du jazz. M. R.
SE FAIRE
de transformer leur manuscrit
en un livre.
PUBLIER ?
Avec la participation des écrivains
Michel Bussi, auteur à succès,
Cécile Guidot, primo-romancière,
éditeurs de maisons prestigieuses,
Dans le secret des maisons d’auto-édition…
maisons d’édition
P
ar un (lourd) matin d’été, clémence reçoit à domicile la visite d’une délégation
d’officiers, aussi gênés que guindés. On lui annonce que son mari, l’adjudant cédric
Delmas, membre des forces spéciales, est tombé dans une embuscade avec cinq de ses
camarades. Où ? Quand ? comment ? Elle sent bien qu’on lui cache quelque chose, pour ne
pas dire l’essentiel. Les dépouilles sont finalement rapatriées. Sauf deux, dont celle de cédric.
L’espoir renaît : « Une nouvelle fois, comme un refrain lancinant, une comptine que j’avais
oubliée, les six mots de la survie ont infiltré mon esprit : pas de corps, pas de mort. » Avec dignité
mais ténacité, la « veuve de guerre » (« l’expression était d’une laideur archaïque mais non
dépourvue de noblesse ») se lance dans une croisade pour la vérité, afin que ses trois garçons
sachent un jour pourquoi leur père est mort au champ d’horreur. Face à une grande muette,
plus taiseuse que jamais, elle lutte pied à pied, ne lâche rien. La voici plongée dans les arcanes
de la guerre secrète menée par la France en Syrie et en Irak. Un contre-djihad qui ne fait pas
la une de la presse mais tue le mal au germe. Ancienne volontaire de l’armée de terre et
diplômée en criminologie, Émilie Guillaumin maîtrise parfaitement son sujet. L’intrigue et
le suspense, le ton et le style, font de ce premier roman atypique (l’institution militaire vue par
une femme de soldat) un temps fort de la moisson littéraire 2021. J.-L. T.
SI JE t’OUBLIE, KURDIStAN
S’il n’en reste qu’une, de Patrice Franceschi, Grasset, 237 p., 19,50 €.
D
ans le Rojava, leurs noms sont légendes. Par la manière dont elles ont vécu et dont
elles sont mortes – héroïquement, les armes à la main –, Gulistan et tékochine
inspirent un respect et une admiration qui ont fini par traverser les frontières et
les années. D’autant qu’une rumeur – qui s’avérera exacte – prétend qu’elles sont
enterrées ensemble. Que se cache-t-il derrière cette mystérieuse démarche ? Pour-
quoi des zones d’ombre et des informations contradictoires circulent-elles à leur sujet ? c’est
Melania avanzato, SDP, valérie laBaDie, Chloé vollMer-lo / BelfonD, renauD KonoPniCKi, GianMarCo ChiereGato, hélène BaMBerGer / CoSMoS
pour répondre à ces questions qu’une journaliste australienne décide de se rendre au Kurdis-
tan. Pour écrire un article et peut-être un livre sur ces héroïnes de la liberté qui ont contribué
à défaire l’État islamique, mais dont l’Occident a abandonné leurs compagnes et compagnons
d’armes depuis aux griffes turques.
Patrice Franceschi connaît le Moyen-Orient comme la poche de sa veste de baroudeur infati-
gable. Écrivain de marine, il est aussi à l’aise sur la terre ferme, dans les plaines, sur les plateaux
et au cœur des villes (Kobané, Raqqa…) qui forment le décor dantesque et tragique de son
roman, entre Syrie et Anatolie. Il a surtout une connaissance intime du quotidien des com-
battantes kurdes – les fameuses Yapajas. Avec des accents schoendoerfferiens, il fait défiler des
personnages magnifiques, perclus de dilemmes moraux et de doutes sur le sens et l’utilité de
leurs combats. Ici, certaines défaites ont des goûts de victoire et réciproquement. Et son roman,
la beauté des tragédies antiques. J.-Ch. B.
LE DÉSENchANtÉ
Basculer, de Florian Forestier, Belfond, 325 p., 19 €.
A
chaque génération ses illusions perdues. Gageons ici que s’il était né en 1981, comme
l’auteur, avait fait son chemin depuis l’ENA jusqu’aux think tanks de l’Élysée, connu le
port du masque par temps de pandémie, Balzac aurait souscrit à ce bréviaire du désen-
chantement. Basculer ne serait que bien troussé, à l’instar des proses que livrent à chaque saison
les Rastignac biberonnés aux Inrocks, nous aurions passé notre chemin. Un roman ne se bâtit pas
qu’à l’habileté, le ressenti est son catalyseur, dût-il irradier les confessions d’un haut fonction-
naire, qui, par goût du pouvoir et pour mieux l’approcher, avait mis ses affects en sourdine. À tra-
vers le parcours de Daniel, depuis ses débuts prometteurs jusqu’à sa chute en montagne, ses liens
avec Julie, étoile montante en politique, Mathilde, la cinéaste aux dents longues, Stanislas, théori-
cien de l’effondrement, Florian Forestier explore les séductions et les dérives d’un système en le-
quel, tel son héros, il aura osé croire. « Le piège fonctionne. Depuis des années, le piège qui dégoûte
des livres qu’on aimait, dégoûte de soi, fait lentement de vous un clone de l’agent Smith… » Son pre-
mier roman tendra à certains un cruel miroir… É. B.
R
ien ne va plus pour Léon de Testasecca. son château de Montrafet sur les contre-
forts des Corbières menace de s’effondrer. L’expropriation est plus qu’une hypo-
thèse. Comment financer les coûteux travaux alors que les crédits, les tracasse-
ries administratives, les vieilles rancœurs de voisins et les magouilles
immobilières s’accumulent ? Comment repousser ces chevreuils dont on ne sait
si la présence invasive obéit à Dieu ou au diable ? L’aristocrate, bagarreur et porté sur la bou-
teille, qui se proclame « anarchiste de droit divin », voudrait produire son propre vin, un objet
« de culture et de nature » reflétant le caractère de ce pays, mais là encore l’argent manque.
sa femme Diane, la « princesse parisienne » qu’enleva un jour le « Minotaure des Corbières »,
veille. Leurs enfants, Jeanne et Pierre, 17 et 15 ans, aussi. Pour cette famille, dont le destin
épouse celui de la france depuis un millier d’années, rien ne semble impossible.
Avec son cinquième roman, Guillaume sire signe une manière de conte dont les accents
mythologiques épousent à merveille le réalisme du récit. Dans Les Contreforts, on part à la
recherche d’un trésor caché, on se souvient de la rencontre entre le jeune baron Pierre et une
démone baptisée Loghauss, on se bat contre les puissants. La nature s’emballe, le tragique
s’invite. il faudra quitter le royaume de l’enfance et ses légendes sans sacrifier l’espérance.
Miracle accompli par Jeanne et son créateur, Guillaume sire, romancier virtuose. C. A.
Le POiDs DU PLOMB
Bellissima, de Simonetta Greggio, Stock, 288 p., 20 €.
L
’italie n’est pas seulement le pays de la dolce vita. C’est aussi celui de la violence.
Mussolini, le fascisme, les années de plomb, les Brigades rouges, la Mafia, tout
un peuple a eu peur. La peur, simonetta Greggio connaît ce sentiment, peut-être
plus que n’importe qui. Tandis que son pays s’enflammait, elle a subi la brutalité d’un
père. Tandis que son pays saignait, elle a pris des coups, son cœur en gardera pour
toujours les stigmates. Ce roman autobiographique, plein de fureur et pourtant plein
de grâce, revient sur son adolescence marquée à jamais par le silence, les secrets, le sien
et celui des autres, ce refus de la vérité qui l’ont un jour poussée à quitter définitivement
l’italie et sa famille. en mêlant la grande histoire à ses propres souvenirs, l’écrivain
tente de comprendre ce moment de bascule : comment son pays, comment son père,
en sont arrivés là, pourquoi soudain elle ne les a plus reconnus. Ce texte baigné de
larmes, mais plein d’amour, émouvant et parfois terrible, est à l’image de ce pays
éprouvé, dont le passé est évoqué avec une désespérante lucidité, et d’une italienne
blessée, qui devront trouver, ensemble, un chemin vers la réconciliation. L. C.
D
ans la lignée de ses remarquables Les Forêts de Ravel ou Deux remords de Claude
Monet, Michel Bernard nous plonge avec Les Bourgeois de Calais dans l’intimité
d’un grand artiste emblématique du génie français. Le récit de la longue et
douloureuse création de l’œuvre d’Auguste Rodin, qui donne son titre au roman, est aussi
celui de l’amitié entre le sculpteur et le commanditaire du monument : Omer Dewavrin,
notaire et maire de Calais au moment de leur rencontre en 1884. Dix années s’écouleront
avant que l’hommage aux six bourgeois de Calais, qui se livrèrent au roi d’Angleterre afin
que leurs concitoyens fussent épargnés au début de la guerre de Cent Ans, ne voie le jour.
Querelles politiques et esthétiques, problèmes de financement et même une épidémie de
choléra frappant Calais ne viendront à bout de la persévérance des deux hommes.
Une nouvelle fois, Michel Bernard rend extraordinairement vivantes et attachantes des
figures du passé au-delà des images d’Épinal. Avec la foi et les intuitions du romancier, il
démontre brillamment que l’histoire ne s’écrit pas seulement dans le marbre des manuels,
que ses figures et ses épopées traversent les époques pour nous parler et nous émouvoir.
C. A.
GréGory CoPITET, CourTEsy GalErIE DErouIllon ; CourTEsy alExIs larTIGuE FInE arT ; nIColas DEGravE, CourTEsy HElEnE BaIlly GallEry ; CourTEsy GalErIE lElonG & Co. ; CourTEsy GalErIE WaGnEr
Alex Foxton, « Saint George II Georges Mathieu, « Saint-Guillaume, duc d’Aquitaine, premier comte
(arrest) », 2020. de Toulouse, chassant les Sarrasins de la ville d’Orange », 1954.
Guy de Lussigny,
Pablo Picasso, « Tête de jeune homme barbu », 1967. « Prisonnier », 1959.
Art PAris
Les galeristes en première ligne
La 23e édition du salon organisé au Grand Palais Éphémère accueille un nombre important
d’exposants aux goûts affirmés et variés. Le symbole du renouveau artistique dans la capitale.
R
éjouissantes perspec - Marcella Barceló, à l’inspiration japonisante… La variété
tives ! La 23 e édition ne manque pas ! Ni le talent, à une époque où ce genre
d’Art Paris, qui fera est parfois snobé par certains experts. « Au-delà d’un
comme à l’accoutumée simple effet de style, le portrait permet aux artistes de
la part belle à la création construire un nouveau rapport au monde. Il devient à la
moderne et contempo- fois étendard des différences et instrument d’ancrage »,
raine, s’annonce comme explique Hervé Mikaeloff.
un événement de taille. Bien d’autres noms et d’autres genres seront mis à l’hon-
Rien ne semble devoir neur. Il ne faudra pas manquer les œuvres dédiées à l’art
manquer. Et surtout pas brut dévoilées par Jean-Pierre Ritsch-Fisch, ou l’ensemble
un cadre à la hauteur des consacré à Pablo Picasso sous l’impulsion d’Hélène
attentes des galeristes et Bailly Gallery. Une rétrospective couvrant une longue
des visiteurs… période (1919-1969), qui retiendra assurément l’atten-
Direction le Grand Palais Éphémère du Champ-de- tion. Le courant de l’abstraction lyrique sera notamment
Mars, conçu par le célèbre architecte Jean-Michel incarné par l’incontournable Georges Mathieu, sous
Wilmotte. Une enceinte idéale pour symboliser l’essor l’égide de la galerie Alexis Lartigue Fine Art. L’abstrac-
retrouvé de la vie culturelle parisienne après les éprou- tion géométrique, elle, trouvera un ambassadeur de choix
vants mois de fermeture en raison de la pandémie ou pour en la personne de Guy de Lussigny, par l’intermédiaire de
travaux. Après avoir maintenu “physiquement” notre foire la Galerie Wagner qui annonce une exposition mono-
en septembre dernier, nous souhaitons encore contribuer au graphique très prometteuse. Sans oublier la nouvelle
renouveau de la capitale et à son effervescence explique le école de Paris, représentée par des figures de proue de la
commissaire général Guillaume Piens. L’année 2021 veine de Vasarely (Galerie AB). Impossible de citer tout
marque le début d’une ère nouvelle avec la réouverture des le monde…
musées de la Marine ou Carnavalet, de la Bourse de
commerce, de la Samaritaine… » DEs placEs très chèrEs
Raison pour laquelle la direction générale (assurée par Un parcours alléchant, enrichi de la présence des repré-
Julien et Valentine Lecêtre) a également vu grand au sentants des établissements de moins de six années d’exis-
niveau du casting. Pas moins de 140 professionnels, issus tence. Bienvenue dans le secteur « Promesses », créé pour
de tous les pays (Corée, Côte d’Ivoire, Guatemala…), favoriser l’éclosion de la jeune génération ! À l’instar de
sont attendus. « Nous aimons dire qu’Art Paris est une foire la galerie parisienne Hors-Cadre, dont les compositions
à la fois régionale et cosmopolite », poursuit Guillaume récentes affichent une splendide allure. Sans surprise, les
Piens. Un rendez-vous placé sous le signe du renouvelle- places ont été chères. « Nous avons reçu des demandes de
ment, donc. Ne recense-t-on pas une soixantaine de nou- participation de professionnels jusqu’au dernier moment »,
velles galeries par rapport à la saison 2020 ? Ce souci de souligne Guillaume Piens. Comme l’an passé, le public
rajeunissement se traduit pareillement par le choix d’of- suivra probablement le mouvement. « Nous devrions
frir une carte blanche à un expert invité à promouvoir les accueillir environ 60 000 visiteurs », précise le commis-
talents français. « En regardant parfois ailleurs, on a ten- saire général. Un chiffre qui annoncerait le début de la
dance à passer à côté de ce qui se passe chez nous », glisse reconquête. Pierre de Boishue
Guillaume Piens. Après Camille Morineau en 2019 et
Gaël Charbau l’année dernière, c’est au tour d’Hervé
Mikaeloff de soumettre ses coups de cœur aux visiteurs.
Une stratégie payante. En choisissant le thème « Portrait et
figuration », ce dernier parvient à séduire et à surprendre
avec sa sélection. À suivre plus particulièrement, parmi
les 20 artistes triés sur le volet : le réputé Marc Desgrand-
Art Paris,
champs, à l’aise dans tous les domaines ; Alex Foxton, qui Grand Palais Éphémère,
étonne par ses œuvres célébrant la masculinité ; Laurent Paris 7e, du 9 au 12 septembre.
Grasso, fascinant concepteur d’une mythologie inconnue ; Artparis.com
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Par Jean-ChristoPhe Buisson
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ne cessaient d’augmenter. Bilan : une centaine de aissance et mort de la courte et méconnue iie répu-
victimes dont près de 30 morts, hâtivement et
clandestinement enterrés en dehors de la ville.
blique… Née sur les barricades de février 1848, elle
Sans oublier, dans les jours suivants, des blâmes, s’acheva brutalement, décapitée d’un coup de sabre
des menaces, des punitions et des arrestations habile porté par son propre président en décembre 1851.
par centaines… Deux romans magistraux mettent en lumière cette période
Dans Chers camarades !, Andreï Konchalovsky fiévreuse en s’appuyant sur deux de ses figures centrales aux
reconstitue ces « jours tragiques à Novotcherkassk » destins romanesques en diable.
avec un brio, une sobriété et une force exemplaires. en se glissant dans la peau et la plume de Madame de
En noir et blanc, pour coller à une époque où Lamartine (la bien prénommée Marianne), sylvie Yvert (1)
l’image circulait ainsi, et parce qu’il ne souhaitait pas raconte le rôle politique crucial de l’auteur du Lac dans
faire des scènes de mort un spectacle – on est chez la proclamation et les premiers pas du régime qui succéda
Mosfilm, pas à Hollywood. Et avec pour personnage
principal, central, crucial, une femme magnifique
à la monarchie de Juillet. et surtout la manière dont le
qui cristallise toutes les contradictions du peuple peuple français, cet ingrat, l’aura vite oublié – jusques à
russe, surtout à cette époque. Âme généreuse, aujourd’hui. avec une finesse d’esprit et de langage rare,
Liouda (exceptionnelle Julia Vysotskaya) ne jure l’inspirée romancière ressuscite le poète, célèbre le poli-
que par Staline, dont on déboulonne alors les tique, salue la grande âme. et rappelle au passage que der-
statues, persuadée que les errements du pouvoir rière chaque grand homme se tient une femme…
cinéma
JEnniFER HUDSOn SUit
la vOix D’aREtHa FRanklin
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évélée comme chanteuse par le télé-crochet « american
idol », Jennifer hudson a embrassé avec succès une
carrière… d’actrice. Dès son premier film, Dreamgirls,
elle décrochait l’Oscar du meilleur second rôle. et après avoir fait
preuve d’un investissement total pour incarner l’ex-femme de
Nelson Mandela dans Winnie, c’est tout naturellement que le rôle
d’aretha franklin lui est revenu dans Respect *, le biopic de la
reine de la soul. Laissant à la jeune et brillante skye Dakota
turner le soin de retracer l’enfance de la petite « ree » dans
l’église de son pasteur de père (forest Whitaker) et dans un foyer
aimant où elle est devenue mère à 12 ans (!), Jennifer hudson s’est
laissé habiter par la diva pour retracer ses années de labeur et de
gloire, ses romances, ses addictions et ses combats aux côtés de
Martin Luther King. en suivant le fil de la vie d’aretha franklin,
la réalisatrice Liesl tommy a opté pour une forme classique, mais
en ponctuant de tubes planétaires le destin exceptionnel de la
chanteuse disparue en 2018, à 76 ans, elle en fait une œuvre à voir
(et à entendre) sans hésitation. Clara Géliot
* En salles le 8 septembre.
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lES bEacH bOyS SORtEnt DE l’EaU
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oins connus que le chef-d’œuvre Pet Sounds – qui a retourné les beatles en personne
à sa sortie en 1966 –, mais vénérés par les fans, Sunflower (1969) et surtout Surf’s Up
(1971), ressortent aujourd’hui en un coffret gargantuesque * n’alignant pas moins de
135 enregistrements en 5 cD au format livre. On y trouve les disques originaux remastérisés et
une avalanche d’inédits, prises alternatives et enregistrements en concert. À l’époque, le génie
du groupe brian Wilson connaissait de sérieux problèmes d’ordre psychiatrique et s’était mis
en retrait, ce qui ne l’a pas empêché de composer pour ces deux albums certaines de ses plus
belles chansons, comme Till I Die ou Surf’s Up (coécrite avec son complice Van Dyke Parks). Le reste du groupe se lance
dans l’écriture et accouche de très belles choses (Don’t Go Near the Water), tandis que le frère carl Wilson chante souvent
comme un dieu. Le coffret réunissant ces deux disques formidables ravira les maniaques ; les autres, qui ne connaissent pas
ces deux perles, pourront se contenter d’une version en deux cD. Nicolas Ungemuth
* Feel Flows : The Sunflower & Surf ’s Up Sessions 1969-1971 (Universal).
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★ ★ ★ Gogo, de Pascal Plisson.
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uit ans après Sur le chemin de l’école, dont le César
du meilleur film documentaire couronna un
succès critique et commercial, Pascal Plisson
poursuit sa démonstration du pouvoir de l’éducation à
travers une histoire aussi insolite qu’émouvante : celle de
Gogo, une Kényane espiègle qui, à l’aube de son 95e anni-
versaire, décida de rejoindre les bancs de l’école.
Pour cette femme courageuse, il s’agissait bien sûr d’appren-
dre enfin à lire et à écrire, mais aussi – et surtout – de montrer
l’exemple à toutes les fillettes de son pays dont le travail ou la
Une tempête soUs Un crâne maternité précoce les prive trop vite d’éducation.
Grâce à la mise en scène habile de Pascal Plisson et aux
★ ★ ★ ★ Boîte noire, de Yann Gozlan, avec Pierre Niney, images lumineuses de michel benjamin, on suit, dans un
Lou de Laâge et André Dussollier (en salles le 8 septembre). village reculé du Kenya, les pas, pas si lents, de cette arrière-
I
l faut le dire haut et fort : le cinéma français produit grand-mère de 54 bambins et sage-femme depuis soixante-
peu d’œuvres comme celle-ci. À la fois brillant exer- quinze ans, qui partage son quotidien avec des maîtresses
cice de style et thriller haletant, Boîte noire assume sa et des élèves qu’elle a fait naître. et parce qu’elle est
facture de construction filmique sophistiquée tout en ne devenue la plus vieille écolière du monde, les étapes qui la
lâchant jamais son public. mèneront à l’examen final deviennent une aventure
en suivant l’enquête compliquée d’un agent de l’aviation extraordinaire à découvrir en famille. Clara Géliot
civile sur une mystérieuse catastrophe aérienne, le réali-
sateur Yann Gozlan (Un homme idéal) livre un spec-
taculaire film d’action psychologique qui nous immerge
totalement dans l’intimité émotionnelle et la psyché d’un
spécialiste de l’analyse de bandes sonores, jusqu’à nous ★★★★
excellent
faire douter de sa santé mentale et de sa moralité. On ★★★
pense parfois à certains classiques américains du thriller très bien
parano, comme Conversation secrète ou Blow Out, mais ★★
au bout du compte, le thriller de Gozlan se suffit parfaite- bien
★
ment à lui-même. une expérience à vivre impérativement moyen
en salle – ne serait-ce que pour apprécier son impression- ✖
nante bande-son ! Arnaud Bordas À éviter
la vision télé
de stépHane Hoffmann les clés d’Un procès
poUr l’Histoire
Attentats de Paris, 13 novembre 2015.
R emarquable. Quand la
télévision propose des
programmes de cette
qualité, elle est à son meilleur.
On ne peut que s’incliner et
le box, 1 700 parties civiles,
300 avocats pour une instance
qui va durer plus de sept mois.
Magistrats, avocats des parties
civiles et des accusés, politiques,
de comprendre pourquoi ? Les
victimes y trouveront-elles un peu
d’apaisement ? Nous les voyons
se préparer à la confrontation,
elles disent ce qu’elles en
WY PRODUCTIONS ; J MOMMeRT ; SeRvICe De PReSSe ; SUPeRNOva fIlM lIMITeD
drame
les variations
Pour le Pire et le meilleur de françois delétraz
★ ★ ★ Supernova, de Harry Macqueen, avec Colin Firth,
Stanley Tucci, Pippa Haywood (en salles le 8 septembre).
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tre ensemble. Voilà ce à quoi aspirent sam et tusker
qui s’aiment depuis vingt ans mais savent leur bon-
heur compté. Car la maladie d’alzheimer emporte
doucement tusker. alors, pour satisfaire ce désir com-
mun, les deux hommes embarquent à bord de leur vieux
camping-car et convoquent famille, amis et vieux souve-
nirs sur la route de ce qui ressemble à leur dernier voyage.
plutôt que de faire de l’homosexualité un sujet, le cinéaste
britannique Harry macqueen s’appuie sur ce couple
stable pour explorer les ravages de la démence précoce et
poser la question de l’euthanasie avec un éclairage inédit :
le chagrin, mais aussi la colère et l’incompréhension de PaPaioannou : le chorégraPhe
celui qui reste. un thème fort dont s’emparent deux qui se veut scénograPhe
acteurs solides : stanley
B
ien que présentée avec la nudité, surtout
tucci, qui révèle subti- avant l’été à la masculine. Parfois à bon
lement les premiers Biennale de la danse escient comme lorsqu’il
symptômes de la mala- de Lyon et à Montpellier évoque la statuaire
Danse, Transverse grecque, mais parfois
die, et Colin Firth, bou- orientation * de Dimitris de manière inutilement
leversant dans ce rôle Papaioannou pourrait tout provocatrice avec un
d’amoureux rempli de aussi bien avoir sa place excès qui n’apporte rien
dévotion et de larmes. dans un festival de au propos. Il faut aller
une performance qui théâtre, ou bien comme voir ce spectacle
mériterait bien un bafta installation dans un comme on visiterait
ou un Oscar… C. G. musée. En effet, cette une exposition, avec
œuvre se situe à la la patience de laisser
frontière des arts, le guide imposer son
romance
et la danse y est réduite rythme un peu lent et son
à sa portion congrue, ton grandiloquent, le tout
et que durent les moments doux tant son auteur se pose sur quelques accords
plus en scénographe de Vivaldi. Il n’empêche,
★ ★ ★ Une histoire
d’amour et de désir, qu’en chorégraphe. à trop multiplier les
de Leyla Bouzid, Pendant 1 heure 45, thèmes, le chorégraphe
avec Sami Outalbali l’artiste grec compose perd son fil. On ne
et Zbeida Belhajamor. une suite de tableaux comprend pas toujours
qu’il a voulus aussi beaux où il veut en venir :
C
’est le film qui qu’oniriques – au point exposer le conflit des
clôturait la se- que ce spectacle conçu générations ? évoquer
maine de la cri- pour le plaisir des yeux le fils tuant le père ?
frise parfois la caricature. la naissance d’un nouveau
tique 2021 en beauté ! avec cette œuvre, les cinéphiles ont On passe de la figure monde ? le pouvoir de la
pu constater qu’il n’y avait rien de mieux qu’« une histoire du Minotaure à des sortes force, celui de la douceur,
d’amour et de désir » pour aborder en douceur des problè- de ramoneurs savoyards ; celui de la sensualité ?
mes existentiels et des sujets d’actualité. on saute d’une corrida S’il y a de la beauté,
en captant les prémices d’une romance, celle que va vivre à une chevauchée il y a aussi un côté libre-
un étudiant français d’origine algérienne en intégrant une d’Ève recevant le fruit service où chacun peut
faculté de lettres parisienne, Leyla bouzid parvient à célé- défendu… prendre ce qu’il veut.
brer, comme tesson le faisait dans La Panthère des neiges, Dimitris Papaioannou, en * Théâtre de la Ville (Paris 4e),
l’art de la patience. mais elle réussit aussi à évoquer, sans revisitant les mythes, joue du 7 au 11 septembre.
le politiser, le brûlant sujet de l’intégration et à célébrer la
poésie orientale. un tiercé gagnant qui fait de ce film une
magnifique odyssée, et dans le cœur bouillonnant d’un et aussi
jeune homme et dans notre société. Délicat et subtil, son L’Île des esclaves, de Marivaux (Poche-Montparnasse, Paris 6e),
scénario est servi par deux acteurs investis : sami Outalbali, mise en scène de Didier Long, avec Hervé Briaux, Chloé Lambert…
Après un naufrage, un groupe d’aristocrates et de serviteurs
aussi crédible ici que dans la série Sex Education, et Zbeida échouent sur une île où les rôles sont inversés. Sous forme à la fois
belhajamor dont les premiers pas convaincants la de comédie et de tragédie, une réflexion percutante sur les thèmes
promettent à une belle carrière. C. G. de l’égalité et de l’identité à l’époque des Lumières.
LA PAGE D’HISTOIRE
DE JEAN SéVILLIA
NapoléoN
révolutioNNe l’europe
À la suite des Jacobins, Napoléon a entrepris de refondre l’Europe en imposant
la suprématie française. Un projet qui a parfois échoué, parfois réussi.
E
n 1792, la France s’engage dans vingt-trois an- dimension européenne. ancrant son étude dans une
nées de guerre qui s’achèveront par la défaite chronologie qui court de 1789 à 1815, l’auteur relativise la
de Napoléon à Waterloo. À la Convention, les coupure de 1799, en montrant la continuité profonde du
partisans de la guerre de conquête estiment projet jacobin de mise à bas de l’europe des rois et de
que les pays voisins doivent se républi- l’ambition napoléonienne de refondre la carte du
caniser et constituer un glacis protecteur pour le continent à travers la suprématie française. thème
pays. Dès lors, des gouvernements plus ou moins par thème, pays par pays, période par période,
dépendants de Paris tentent d’imposer à leurs Vincent Haegele décrypte les enjeux, les résistances
peuples, d’amsterdam à Naples en passant par et les succès de ce vaste dessein. Nulle part Napoléon
trèves, berne, Milan et rome, des lois puisant leur et ses parents n’ont su fonder une légitimité poli-
inspiration dans l’exemple de la révolution fran- tique durable, parfois même ils ont réveillé malgré
çaise. bonaparte s’inscrit ensuite dans cette même eux la fidélité envers les vieilles dynasties, comme il
logique en affrontant par les armes les différentes en fut pour les bourbons de Naples. Mais en même
coalitions étrangères nouées contre la France. sacré temps, ils ont détruit les ultimes traces féodales dans
empereur, devenu roi d’italie et protecteur de la Confédéra- des sociétés restées à l’heure de l’ancien régime, sociétés
tion du rhin, Napoléon installe ses proches sur les trônes que l’adoption du code Napoléon fera entrer dans la moder-
d’europe : ses frères Louis en Hollande, Joseph en espagne nité, et provoqué par contrecoup des identités et des pas-
et Jérôme en Westphalie, son beau-frère Murat à Naples. sions nationales, comme en Prusse, qui écriront l’histoire
« Guerre révolutionnaire ou révolution guerrière ? » s’inter- au XiXe siècle et au-delà.
roge Vincent Haegele. spécialiste de Napoléon et du pre- une formidable synthèse sur une époque qui vit le passage
mier empire, cet historien publie un volume de 600 pages, de l’ancien au nouveau monde.
fruit de deux années de travail et de quinze années de Révolution impériale. L’Europe des Bonaparte, 1789-1815,
recherche, qui analyse l’expérience bonapartiste à travers sa de vincent Haegele, passés composés, 594 p., 26 €.
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ESSAI PORTRAITS L
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Traduit du suédois par Marina Heide. qu’il aurait été si triste de perdre à
jamais de vue. Heureusement,
mateurs de récits Elizabeth Strout a eu la bonne idée de
fantastiques passez faire revivre Olive Kitteridge, l’héroïne
votre chemin ! éponyme du roman qui lui valut le prix
Contrairement Pulitzer en 2009. Dans cette suite,
à la promesse du on retrouvera ou on découvrira Olive,
titre, on ne trouve aucune professeur de maths à la retraite,
chimère sous la plume aiguisée toujours irascible, toujours sans filtre,
de Karolina ramqvist, mais une toujours attachante. Son nouveau mari
gente dame du XVie, un écrivain est républicain, ses petits-enfants mal
élevés, son fils fuyant, mais elle
du XXe, la sœur d’un roi commence à s’y faire. Dans le Maine,
de France, elle-même reine de à Crosby, sa ville natale, tout le monde
Navarre, des cartographes, des se connaît mais personne ne sait rien
militaires, des chauffeurs uber, de l’intimité de ses voisins. Tant
des arquebuses, des iPad, et le d’anecdotes savoureuses ou tragiques
Grand Nord canadien. Plus se déroulent pourtant derrière
précisément, une île déserte, au les fenêtres des maisons proprettes !
large de la Nouvelle-écosse. Quel humour noir et quelle tendresse
C’est à ses rivages hostiles qu’en dans ces pages, quelles fines
1541, Jean-François La roque observations sur le temps qui passe,
les remords, le poids de la famille,
de roberval, chargé par les affres du grand âge. Car cette
François ier de fonder la communauté vieillissante, drôle
première colonie française en et courageuse, parfois pitoyable,
amérique du Nord aurait abandonné sa pupille Marguerite, coupable de parfois ridicule, est avant tout humaine.
s’être livrée à la débauche durant la traversée de l’atlantique. Elizabeth Strout est
elle y mettra au monde un enfant et ne devra sa survie que deux ans plus décidément une
tard, grâce à des pêcheurs de morue. virtuose : sous sa
un formidable sujet en soi. Mais quand elle la découvre, l’auteur comprend plume, la cinglante
que l’incroyable aventure de Marguerite ne va pas être un livre de plus, Olive et ses
acolytes deviennent
ni même l’occasion d’un essai politique sur le genre, mais une invitation à
des créatures à part
sonder ses propres abîmes de créatrice écartelée entre sa famille et son et leur quotidien,
œuvre. L’écriture n’est-elle pas une maternité abstraite ? Le plus fascinant, plus que banal,
dans ce récit hybride à la croisée de l’essai et du roman, c’est la liberté une prodigieuse
avec laquelle ramqvist passe d’un siècle à l’autre et de l’universel à l’intime. aventure.
C’est peu dire qu’on est emporté. Élisabeth Barillé Laurence Caracalla
débourser des millions pour un malheureuse était une éminente évoquer les attaques menées
tableau… » Le capitaine Benny experte en peinture de l’âge d’or contre l’histoire et la culture
Griessel, flic de choc dans le néerlandais, venue de Londres afrikaner au nom de la
groupe criminalité violente des à la recherche d’un tableau d’une décolonisation, sujet sensible
Hawks, découvre le monde de valeur inestimable, disparu depuis s’il en est… Philippe Blanchet
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le livre
de frédéric
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LA GUerre de L’ANTirACisme beigbeder
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e tiens à remercier abel Quentin de m’avoir per- morale, celle du piétinement. La publication de son nou-
mis de revenir aux fondamentaux du métier de veau livre va lui attirer des ennuis nombreux et inatten-
critique littéraire : admirer. son Voyant d’Étam- dus, en même temps qu’une célébrité nauséabonde. On
pes est ce que j’ai lu de plus ambitieux depuis n’est pas près d’oublier cette descente aux enfers du poli-
L’Homme surnuméraire de Patrice Jean (2017). tiquement correct, qui rivalise d’adresse avec La Tache de
il existe désormais une école de romanciers néobalza- Philip roth, dont Quentin emprunte le coup de théâtre
ciens, disciples de Houellebecq, qui décrivent la déliques- central. thriller intello, charpenté et corrosif, Le Voyant
cence française avec un sarcasme vengeur. ré- d’Étampes vient de recevoir le prix Maison
sumer l’intrigue du Voyant d’Étampes n’est rouge 2021, décerné chaque été à biarritz par
pas tâche aisée car on se mordrait les doigts de un jury exigeant, présidé par Philippe Djian.
dévoiler les multiples surprises de cette his- retenez bien le nom d’abel Quentin, jeune
toire, qui en font tout l’intérêt et le plaisir. avocat dont c’est seulement le deuxième
L’antihéros, Jean roscoff, est un prof d’uni- roman (le premier, Sœur, fut finaliste du Gon-
versité à la retraite, absurdement accusé de court des lycéens il y a deux ans). Me Quentin
racisme, alors qu’il milita jadis à sOs ra- a une puissance et une précision qui font
cisme. il ne comprend pas pourquoi les mouche à chaque page. s’il vous plaît, faites-
« woke », héritiers du combat antiraciste, de- nous confiance, pour une fois. Vous ne pour-
viennent complètement fachos sur twitter. rez pas lâcher ce roman, qui démarre très fort,
auteur d’une biographie de robert Willow, sur un ton à la fois hilarant et désespérant, et
poète américain méconnu, il sombre dans le gin et le ma- parvient à élever sans cesse son niveau de style, vipérin,
lentendu. sa fille lesbienne couche avec une néoféministe et son suspense littéraire. On souhaite au Voyant d’Étampes
qui l’accuse de toutes les tares. son ex-femme le méprise, le triomphe qu’il mérite, et on espère – sans trop se bercer
son meilleur ami gagne 4 millions par an : bref, tout va d’illusions – que cet éloge de la nuance réveillera quelques
mal. Jean rivalise de veulerie avec François, le héros de « réveilleurs ». On attendait une réponse française à la
Soumission de Houellebecq, autre universitaire déprimé. violente connerie du New York Times : la voilà, majes-
Lui qui incarnait la gauche morale va tomber sous les tueuse, humaine et insolente. Libre.
balles d’une nouvelle génération qui pratique une autre Le Voyant d’Étampes, d’Abel Quentin, L’Observatoire, 380 p., 20 €.
le marque-page
de nicolas ungemuth taxi driver
★ ★ ★ mississippi driver, de Lee Durkee, Flammarion, 300 p., 21 €.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Nicolas Richard.
Au nord-est de Florence,
la douceur des
paysages du Mugello.
À la nuit tombée,
le Ponte Vecchio se mire
dans les eaux de l’Arno.
B
à s’approprier son auguste figure
ien peu de visiteurs le remarquent. Les rues de Florence, sa ville natale, sont hantées par sa
À peine entrés dans la cathédrale silhouette de lévrier héraldique, son long visage triste et
Santa Maria del Fiore, tous les sévère, creusé sans doute par les excès de veille et de travail
regards sont aimantés par le tour- acharné. Sa tête coiffée d’un bonnet et ceinte d’une
billon foisonnant d’anges éthérés et couronne de lauriers se retrouve sur les enseignes de café, les
de démons cornus qui électrisent vitrines de pharmacie ou sur les terrasses des pasticcerie.
l’intérieur de la coupole sur Une représentation totalement fictive puisqu’il n’a jamais
3 600 m2. La fresque du Jugement reçu le moindre prix littéraire de son vivant et que cette face
dernier, la dernière et la plus ambi- longue au féroce nez crochu n’est fondée que sur la descrip-
tieuse réalisation du peintre Gior- tion qu’en a fait Boccace qui, en bon mythographe, ne
gio Vasari à Florence, fait oublier un tableau plus modeste manquait pas d’imagination.
accroché sur la paroi droite de la nef, Dante tenant à la main
La Divine Comédie devant un panorama de Florence en un personnage baigné dans les brumes
1465, date de composition de la toile, ainsi qu’une allégorie Pour un aperçu un peu plus réaliste de la physionomie dan-
des trois royaumes décrits dans son œuvre, L’Enfer, Le Pur- tesque, mieux vaut s’adresser à Giotto, dont Dante avait
gatoire et Le Paradis. C’est la représentation la plus connue fait l’éloge en trois vers dans son Purgatoire. Le peintre lui
du père de la langue italienne, le premier, avant Pétrarque et rend hommage dans une fresque de la chapelle du palazzo
Boccace, à utiliser à l’écrit la vulgaris eloquentia, le parler del Bargello redécouverte en 1840, où Dante figure sans son
populaire à la place du latin. Pour l’avoir étudié trois ans au vilain nez aquilin parmi les béats du paradis. Il faut se
collège puis trois ans au lycée, les Italiens entretiennent avec contenter de cette unique représentation et laisser le person-
le poète une relation à la fois privilégiée et ambiguë où se nage baigner dans les brumes épaisses d’une époque peu
mêlent souvenirs d’étude de textes soporifiques et admira- documentée. Le masque mortuaire présenté au Palazzo
tion sincère envers leur Shakespeare national. Célébré dans Vecchio a été réalisé bien après sa disparition. Sa « maison »
tout le pays, chacun cherche à s’approprier son auguste via Santa Margherita, transformée en musée, rassemble
figure. La marque de glace Algeda vient de sortir en édition certes une intéressante exposition sur l’iconographie de
limitée trois esquimaux célébrant L’Enfer, Le Purgatoire et Dante à travers les siècles, mais le bâtiment lui-même est
Le Paradis à grand renfort d’amandes et de chocolat ! une maison-tour construite en 1910. Quant à l’église Santa ___u
L’extravagante façade
en marbre polychrome
de la cathédrale Santa
Maria del Fiore.
La forteresse de la Rocca
en impose presque autant que la
Torre dell’Orologio, perchée elle
aussi sur l’un des trois éperons
rocheux qui dominent Brisighella.
La crypte de la
basilique Saint-
François de Ravenne.
Verna. Dante connaît déjà le Casentino : en 1289, alors qu’il pont du XVe siècle enjambe le fleuve Montone d’une seule
avait 24 ans, il avait rejoint la première ligne de la cavalerie arche gracieuse. À l’ombre du donjon, dernier vestige du
d’attaque florentine et chargé lance à la main les troupes château fortifié des Guidi, les palais des vieilles familles patri-
gibelines. À l’issue d’un combat féroce et sans merci, ciennes ruminent leur gloire fanée le long de la via Roma.
1 700 gibelins avaient mordu la poussière de la plaine de « Le palazzo Traversari était la propriété d’une famille chassée
Campaldino. Depuis les merlons du château de Poppi, le de Ravenne au début XIVe siècle par l’empereur Frédéric II »,
regard embrasse encore cette campagne de champs fauves raconte Bruno Gurioli, l’historien local. « Non loin, le
et de vignobles disciplinés. Dante y a écrit le 33e chant de palazzo Portinari appartenait au père de Béatrice, la jeune
L’Enfer. Remanié à la Renaissance, le palais forteresse, n’en femme que Dante semble avoir aimée dès son enfance. Mais
demeure pas moins d’humeur moyenâgeuse. Par-delà la elle n’a jamais mis les pieds dans ce village. En revanche, Dante
plaine, dans les lointains, le soleil allume des lueurs blondes est probablement passé par ici lorsqu’il est venu chercher l’aide
sur les ruines du château de Romena où l’exilé a aussi trouvé du seigneur de Forli au nom des guelfes blancs. Mais aucun
refuge. Durant toute cette période, il espère encore pouvoir écrit ne vient le confirmer. Il ne reste que très peu de traces sur
rentrer dans sa ville natale. Reconnu pour sa grande culture les vingt dernières années de la vie de Dante. Il ne subsiste
et sa droiture morale, il joue les ambassadeurs et les média- même pas le moindre manuscrit de sa main. »
teurs pour le compte d’Alessandro Guidi, capitaine de la
ligue des blancs. Dans le cadre de ses missions diploma- un train historique de florence à ravenne
tiques, il sillonne le Mugello, l’Émilie, la Romagne, le long Portico di Romagna a longtemps fait partie de la Romagne
d’antiques sentiers étrusques abandonnés aux genêts. toscane jusqu’à ce que Mussolini ne la rattache à la pro-
De Poppi, on rejoint facilement le cammino di Dante, une vince de Forli en 1923. À 30 kilomètres de là, le village de
boucle d’environ 380 kilomètres jetée sur les reliefs escarpés Marradi, lui aussi situé sur les versants romagnols, au nord
de la chaîne des Apennins et qui célèbre en une vingtaine des Apennins, est pourtant toujours administré par la Tos-
d’étapes les pérégrinations du poète. Depuis 2017, les ran- cane. La tradition veut que Dante s’y soit fait voler sa mule.
donneurs peuvent se lancer sur ses traces au cœur d’un Afin d’éviter ce genre de désagrément, on peut aussi monter
dédale de montagnettes vertes, plonger en sa compagnie à bord du train historique qui relie Florence à Ravenne tous
dans les cercles de L’Enfer au fond de vallées traversées de les week-ends, et descendre à la gare du village après avoir
brumes louches avant de remonter, la sueur au front, les mar- goûté au confort relatif des voitures des années 1930.
ches et les corniches du Purgatoire sur les flancs de sommets « L’idée derrière le Treno di Dante est de capter les touristes
ravinés. L’itinéraire ouvre les brèches d’une Italie médiévale, depuis la côte et de les emmener vers l’intérieur des terres
faite de villages aux tuiles couleur biscuit et d’abbayes disper- encore peu visité », explique l’homme d’affaires Massimo
sées dans la pénombre des forêts. À Portico di Romagna, un Bucci. « Les quatre arrêts entre Florence et Ravenne offrent
À Ravenne, même
le street art s’empare
de la figure de Dante.
1 3
Mer A
Bologne
Ravenne
dria
ÉMILIE-
ROMAGNE
tiqu
Ponte Vico
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Faenza
Brisighella Oriolo
Forli
Monte
Romano
Dovadola
Marradi
Portico di Romagna
Acquacheta
San Benedetto in Alpe Premilcuore
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métier rare
PHILIPPE FRANC
Pour l’amour de la lavande
Ancien marin, ce touche-à-tout s’est lancé dans la confection de fuseaux remplis de graines
odorantes. D’un objet de tradition provençale, il a fait un article d’exception.
D
e la marine à la narine, le palette riche. Autodidacte, Philippe La gamme s’amplifie : trois tailles de
parcours de Philippe Franc se met à confectionner les fuseaux ainsi que des boules et
Franc n’est pas des plus fuseaux lui-même. À Saint-Étienne, même des œufs façon Fabergé. Les
classiques. Après des il s’initie à la qualité des rubans dont rubans sont en velours et en satin.
années sur le pont des navires, puis la cité du Forez est la capitale mon- de luxueux tressages en métal sont
en tant qu’ingénieur dans diverses diale. Ses productions ont si fière également proposés.
industries, dont le nucléaire civil, allure qu’il les propose à des palaces Située sous une arche au cœur du
notre créateur s’est pris de passion parisiens. Le Meurice veut lui village de Lourmarin, la boutique
pour la lavande. tout a commencé commander 500 pièces. impossible, Franc 1884 ouverte en 2018 aimante
par le cadeau de bienvenue d’une car trop tôt. Au Crillon, le succès est l’œil. Les étagères chatoient et les sen-
voisine : un fuseau tressé rempli de instantané. La directrice lui en teurs embaument. « La récolte 2021
ces graines au parfum délicat, une achète un pour offrir et la boutique vient de s’achever, explique Philippe
tradition provençale. Philippe décide d’en proposer à ses clients. Franc. Nous confectionnons les nou-
Franc vient de s’installer à Pertuis velles pièces. » deux lavandiculteurs
aux portes d’Aix-en-Provence. “des crus millésimés” lui réservent 20 000 pieds. « Que des
en 2003, à 41 ans, il reprend des études, Après trois années de vente sur le crus millésimés », insiste cet amateur
un MBA de marketing. « Ce fuseau marché du cours Mirabeau, à Aix, de vin. À l’été 2022, il lancera une
de lavande, ça m’a parlé », dit-il. il se il crée son atelier et se lance sur « bouteille » de lavande inspirée des
plonge dans les senteurs et les cou- internet. il forme trois personnes. flacons que Fargeon, parfumeur de
Service de preSSe
leurs. Côté olfactif, il a de qui tenir. « C’est tout un art, explique-t-il. Marie-Antoinette, préparait pour la
il est issu d’une famille de distilla- Assembler les tiges sans les briser, les reine. des embruns aux effluves,
teurs de revel. Quant à son œil, il est nouer, tresser le ruban tout autour, l’ancien marin a du nez.
celui d’un peintre amateur à la c e l a d e m a n d e d e l a m a î t r i s e. » Jean-Marc Gonin
TenTaTions
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1. Ceinture The Presidio en cuir de buffle, 49 €, Dockers. 2. Surchemise en velours, 217 €, Paul & Shark.
3. Caleçon en coton, coupe américaine en trois pièces, 49 €, McAlson. 4. Défilé automne-hiver 2021, Hermès.
5. Mocassin Marsan en cuir brillant noir et semelle cuir calandré, 330 €, Paraboot sur Paraboot.com. Sélection Élodie Baërd
la bonne mesure
du tailleur scavini
vintage stylé
made in usa
I
l fut un temps, sans doute en
partie rêvé, où les gangsters
savaient se saper pour faire
monsieur. Des États-Unis nous
vient une foule d’images de
trafiquants élégants, Al Capone
en tête. Manteaux à col
d’astrakan, chapeaux en feutre
de castor, costumes clairs de
bord de mer… Une panoplie
digne de Gatsby, dont d’ailleurs
on ne connaît pas l’origine de
cadran la penderie. Serait-elle liée au
Rectangle RaRe crime organisé ? Ce style des
années 1920-1930 a disparu,
Après des années de rondeurs, A. Lange & Söhne hormis à Paris, rue Pasquier
ressuscite sa montre rectangulaire, la Cabaret. (8e), où un commerçant
continue de le faire vivre et de
U
l’incarner. Chez Marc Guyot,
ne seule maison au monde qui ne pardonne aucune erreur. Un dont l’enseigne Cape Cod
monte ses pièces de haute motif inspiré des six appliques des fleure bon l’Amérique, vous
horlogerie, une première heures en or en forme de losange, pouvez vous habiller de la tête
fois, avant de les démonter orientées vers le centre. Quant aux aux pieds. Larges casquettes
et de les réassembler. Ce simple fait chiffres romains iii, iX et Xii, ils sont à huit pans, cravates à motifs
pose l’exigence de qualité extrême à positionnés sur la partie extérieure du voyants, chemises à rayures
laquelle s’astreint A. lange & Söhne. cadran, une mince ligne décorée horizontales et col blanc,
« Aujourd’hui, beaucoup de marques d’une gravure par tremblage séparant sublimes cardigans bicolores,
achètent des composants à gauche et à visuellement les deux zones du vestes gansées de toutes les
droite, confie Anthony de Haas, cadran. enfin, les cadrans auxiliaires couleurs, blousons de motard
en cuir et tricot, pantalons
directeur du développement produit. de la petite seconde et de la réserve de knickers, chaussettes bigarrées,
Nous, nous sommes très fiers de tout marche, sont en or rhodié, tout chaussures façon guêtres…
faire. Nous prenons des risques, mais comme leurs aiguilles. Un vrai rêve de gosse.
nous sommes ainsi, même si le monde Dans la petite
change. Et pour le groupe Richemont, art horloger échoppe où tout sent
dont nous faisons partie, je crois que Cette nouvelle Cabaret repose sur un le cigare et où les
c’est extrêmement important de calibre à remontage manuel l042.1 à « amis » prennent le
respecter notre maison. » double barillet, doté d’une réserve de temps de parler
Cette année, la marque cultive encore marche de 120 heures. Un mouve- chiffons, on ne sait
sa différence en proposant une édi- ment constitué de 370 composants plus où regarder.
L’étalage est
tion limitée à 30 exemplaires de sa (dont 84 pour le tourbillon) abrité raffiné et vintage
Cabaret dotée qui plus est d’un tour- dans un boîtier rectangulaire en pla- pour un style
billon. Si les cadrans de ces pièces au tine de 29,5 x 39,2 mm, pour 10,3 mm « bold », comme
boîtier rond, à commencer par la d’épaisseur. Comme la pièce pro- disent les Ricains,
lange 1, née en 1994, ont conquis les posée en 2008, la première montre- opulent et
connaisseurs, la forme rectangulaire bracelet mécanique au monde avec démonstratif.
du modèle remet au goût du jour un arrêt secondes du tourbillon, il est Certes, il faut
autre style cultivé jadis par la manu- possible de stopper en un instant le avoir un sacré
facture saxonne ressuscitée au lende- balancier à l’intérieur de la cage tour- panache pour oser
main de la chute du mur de Berlin. nante puis, d’une pression sur la cela dans la vie
de tous les jours.
Même le cadran en or gris massif de couronne, de lui faire reprendre ses Mais à l’heure de
cette Handwerkskunst (artisanat en oscillations. Ou quand l’horlogerie de la discrétion et
Service de preSSe
Essai
N
é california en 2008 et devenu Portofino en
2017, le cabriolet à toit rigide de Ferrari
repasse sur le billard tous les quatre ans envi-
ron. cette fois-ci, les ingénieurs ont eu pour
mission de renforcer ses performances sportives, sous la
pression des clients, paraît-il, et d’anticiper des normes
de dépollution de plus en plus contraignantes. Sur ce
dernier point, la Portofino affublée du suffixe M (pour
Modificata) reste fidèle au V8 3,85 litres biturbo, mais
il s’agit désormais de celui de la Roma. S’il ne fournit
que 20 chevaux de plus qu’auparavant, une immersion
dans ses entrailles montre de nouveaux turbos et une
modification de la course des soupapes, au profit d’une
meilleure combustion. L’échappement se dote de filtre à
particules. Résultat : les émissions de co2 baissent de
6 % et la Portofino M répond désormais aux normes
Euro 6d. comptant à présent huit rapports, la transmis-
sion automatique à double embrayage voit sa rapidité
améliorée de 4 %. Ajoutez un mode de conduite « Race »
inédit et des disques de frein en carbone-céramique
(à faire chauffer pour éviter de se faire surprendre) et
vous obtenez un cabriolet de grand tourisme doué des
gènes sportifs de ses sœurs.
Un rythmE Endiablé
Sonorité envoûtante, châssis parfaitement calibré et
direction tranchante : sur le plan des sensations, la M est
une réussite. Le rythme peut devenir si endiablé que l’on
FiChE tEChniqUE finit par oublier que l’on conduit un cabriolet taillé de
moteur 8 cyl. en V biturbo, Consommation
prime abord pour les déambulations familiales. S’ils ont
3 855 cm3, 620 ch, 760 Nm 11,7 l/100 km vocation à installer des enfants ou des bagages, les places
transmission émissions CO2 arrière ont pu accueillir un gabarit de 1,92 mètre. À
Propulsion, auto. double 267 g/km l’avant, l’univers est semblable à celui de sa devancière,
embrayage 8 vitesses Vitesse mais dans un souci de confort, le chauffage de nuque est
dimensions 320 km/h désormais disponible en option, faisant de la M, un
L. 4,59, l. 1,93, h. 1,31 m Prix 203 399 € cabriolet des quatre saisons. Sylvain Reisser
tECh’nOViCE
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Owletcare.eu/fr) affiche sur un ou simuler une présence. Si ces deux
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niveau d’oxygène du bébé pendant ils servent surtout à rassurer les
son sommeil, ainsi que la mesure parents. Selon une étude publiée dans
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LaurenCe haLoChe
r
jeune
Le dé Che de…
man
du di
…Christian
Constant
L
a retraite ? C’est un mot qui
va à reculons alors que j’ai
toujours avancé. » Christian
Constant a vendu ses restaurants
parisiens – en dernier, le Café à
Cyril Lignac –, mais il ne part pas
en catimini. Pour fêter « la
quille », le chef propose du 7 au
25 septembre, un menu spécial
conçu avec ses amis, Yves
Camdeborde, Éric Frechon, Jean-
François Piège et Christophe
Felder. Rien que des plats
Bienvenido Chez nuRA emblématiques : pâté en croûte
À Minorque, le chef Albert Riera a fait de la table façon Crillon, suprême de bar,
pigeon des Landes… Et après ?
de l’hôtel Santa Ponsa l’une des très belles adresses de l’île. Demain, chez lui ? Le déjeuner
A
du dimanche ne changera pas :
vant que la fin septem- traditionnelle de légumes qui s’enrichit « C’est souvent des œufs mimosa
bre ne se couvre de la de figues et de poulpe grillé. son travail avec un filet de thon à l’huile, les
flanelle grise et humide sur les textures – croustillant, cro- petits enfants adorent ça, un poulet
de l’automne, les îles quant, sauces… – donne du relief à des rôti-pommes de terre en robe des
Baléares sont une desti- plats gourmands, généreux, ancrés champs ou une côte de bœuf au
nation idéale pour prolonger l’été. dans le terroir. shiitakés cultivés près barbecue avec des frites, pas
grasses. La recette de ma femme
1 h 30 de vol. Pour moins de 100 €, on de mahón et sésame noir exotisent des est de blanchir les pommes de
file à minorque, nommée région raviolis en forme de soleil farcis de ca- terre, puis de les colorer sur une
européenne de la gastronomie 2022. viar d’aubergine et courgette. Parfaites plaque au four avec sel, poivre,
Les bonnes adresses ne manquent pas : cuissons, peu poussées, de la lotte et du fleur de thym, laurier, huile d’olive.
le bar Cova d’en Xoroi agrippé à la secreto ibérico à la plancha, riz venere En dessert, une mousse au
falaise de Cala Porter, le Cap roig avec sauté, piment padrón, pickles de légu- chocolat ou une salade de fruits,
sa superbe vue sur la baie de mesquita, mes, ajo blanco. Le dessert à la pêche toujours avec des meringues. »
la table de l’hôtel torralbenc ou, dans est savoureux. Pour le vin, du rouge : La Grange
une autre finca, à santa Ponsa, le nura on peut aussi commander une calde- des Pères ou Château Le Puy.
où officie le talentueux Albert riera. reta, sorte de bouillabaisse de homard Cet automne, ce fringant
septuagénaire compte s’accorder
dégustée avec de la mayonnaise, pro- un peu de temps dans le Pays
oLiaigua et CaLdereta duit dont l’origine serait minorquine. basque, pour faire du vélo et
dans cette belle maison coloniale du Les versions divergent, mais, selon cer- profiter des bonnes adresses du
Stéphane de BourgieS ; SéBaStien Boudot ; Yann deret ; céline hamelin
Xviie siècle rachetée par Frédéric tains, le duc de richelieu aurait décou- coin : l’Epoq et La Petite Plage
Biousse et Guillaume Foucher, pro- vert cette sauce à base d’œufs lors de à Biarritz, La Table de Sébastien
priétaires des domaines de Fontenille, l’invasion française en 1756. importée Gravé à Bayonne… L. H.
le chef catalan propose une carte en France, elle aurait alors été baptisée
ciblée, composée à 90 % de produits « mahonnaise » en l’honneur de la ville
locaux. Un potager de 5 000 m2 l’ali- de mahón. Le mieux est encore d’en
mente en légumes. La marée vient des discuter avec Albert, qui parle un fran-
ports du coin, viandes et volailles d’éle- çais impeccable et partage volontiers
veurs voisins. « Nous avons notamment ses secrets pour préparer une bonne
un safran connu des chefs étoilés espa- « mayo » ou une recette locale.
gnols et de très bons fromages. » Ce Carretera Llucalari – Finca Santa Ponsa (Relais
complice d’Éric Guérin qui a travaillé & Châteaux), 07730 Alaior (00.34.971.37.23.52 ;
à La mare aux oiseaux et au Jardin receptionsp@fontenillemenorca.com). Formule
bar le midi, menus 68 € (5 plats), 88 € (7 plats),
des Plumes, affirme ici son identité. ses carte environ 75 €, sans les vins, tous les soirs sauf
assiettes mêlent influences française et le lundi jusqu’au 12 septembre, puis du mercredi au
espagnole comme l’oliaigua : soupe dimanche.
découverte
des vins désirables, il faut trouver le
juste équilibre entre la profondeur et
la vague, la fraîcheur. Pour cela, je bichonne
le saké en ressac mes vignes comme un petit jardin à la
des larmes française », explique-t-elle. Prenons
du levant son blanc, baptisé Le Pied des
nymphettes. il est cultivé sur un
L
e saké. Breuvage souvent petit jardin d’où l’on aperçoit la
servi sous les néons d’une mer, dans la garrigue, et résulte d’un
cantine ambiance Canton, assemblage de sept cépages rares et
dans de petits verres à shot
laissant parfois apparaître
typiquement sudistes – le carignan,
dans le fond une dénudée le macabeu, le vermentino… Alors
naïade effacée en l’espace que les premières grappes étaient
d’une lampée. Une boisson sorties, valérie Guerin a vendangé
à mille lieues de celle des en vert. traduisez : elle a enlevé à la
Larmes du Levant, brasserie main les grappes en partie basse, les
de saké française produisant moins grosses, pour gagner en qua-
de divins liquides à partir lité. Quitte à renoncer à environ
de riz, de levures nippones 30 % du volume. « De la même ma-
et d’eau du Pilat. Le mariage nière, j’ôte les gourmands au sol et je
insolite d’une certaine vision
du mont Fuji et des vallées
nettoie chaque souche à la main »,
rhodaniennes, imaginée terroir ajoute-t-elle. en hiver, ses vignes
sont taillées très court pour embellir
par Grégoire Bœuf à la suite
d’un voyage au Japon, en 2013. secrets d’une ses raisins.
Durant quatre ans, il se forme micro-
avec patience aux us et
coutumes du sujet avant d’oser
production Pierre gagnaire raffole
de ses vins
sortir le moindre flacon. Les cuvées des Mille Vignes, Avec un souci du détail poussé à
Tout un art. « C’est un marqueur de Valérie Guerin, l’extrême, notre vigneronne ne pro-
sociétal, religieux. Les Japonais
ont le même rapport au saké dans le Languedoc, duit ainsi que 1 600 bouteilles de son
que celui que nous avons avec restent confidentielles : Pied des nymphettes par millésime,
sur un champ d’à peine un hectare.
le vin. » Parmi ses rayonnantes 20 000 bouteilles par an que Quant à ses quatre cuvées de rouge,
cuvées, La Vague, dont le nez s’arrachent les chefs étoilés.
vous enroule dans un ressac Atsuko, dennis royal, Les vendan-
J
de miel de printemps, de geurs de la violette et L’idyllique,
sous-bois, de terre doucement e suis un peu le Petrus du Lan- elles bénéficient toutes de la même
mouillée qui guedoc. » ne voyez pas là un attention. Sont bannies de son voca-
donne envie excès de présomption de la bulaire les cuvées d’accueil et les
de partir part de valérie Guerin, la cuvées prestige. « La facilité serait
cueillir des vigneronne des Mille vignes, mais d’avoir un vin avec chaque parcelle.
champignons,
avant de se
une manière d’expliquer que l’excel- J’en produis trois, de haut niveau : un
poursuivre par lence ne rime pas avec le volume et rosé, un rouge et un vin doux naturel
une bouche qu’elle privilégie de loin la qualité à de style muscat. Je travaille le pre-
charnue, la quantité. Quand ses voisins possè- mier début septembre, le deuxième
ravageuse, dent en moyenne 60 hectares de vi- quelques semaines plus tard et le troi-
iodée comme gnes, elle a pris le parti d’avoir sième en novembre. » Le raisin
une claque 11 hectares seulement, répartis sur récolté est déposé dans de petites
d’écume. 13 parcelles. des lopins de terre cuves où elle fait sa popote « comme
Et ce soir-là, entre étangs, garrigue et mer où les une cuisinière », dit-elle, bâtonnant
entre chien et sols et les sous-sols sont tous diffé- sa marmite afin d’amener plus de
loup, il portait
une robe
rents. entre Perpignan et nar- volume en bouche. Ce travail d’orfè-
de bâtard- bonne, elle cultive exclusivement vre a payé. depuis plusieurs années,
montrachet. des cépages anciens, adaptés aux Pierre Gagnaire raffole de ses vins et
Alicia Dorey g ro s s e s c h a l e u r s d e l a ré g i o n . lui rend régulièrement visite pour
prix : 28 €. « Aujourd’hui, les températures exces- goûter la cuisine des Mille vignes.
sives sont un vrai problème. Pour avoir Alyette Debray-Mauduy
Week-end en France
PA
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R LE FI
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A
ZI RO
M AGA
1 2
3 4
S
es chevaux et ses taureaux sont réputés indomp- agricoles. Avec les années, les enfants sont partis, mais
tables. en Camargue, les descendants de Crin l’âme est demeurée. Une âme que Michèle ricard s’attelle
Blanc, tout comme les nobles et vaillants bious désormais à faire vivre toute l’année. on séjourne dans la
– ainsi que l’on nomme ici les taureaux – se laissent vieille École, le Château de Méjanes (1), le Clos des Aman-
pourtant parfois monter par des hérons gar- diers ou les trois roulottes (3). Le mobilier de chaque gîte
des-bœufs qui les débarrassent opportunément d’encom- rappelle l’usage originel des bâtisses : école des années 1940,
brants insectes gêneurs. Au couchant, c’est ainsi affublés que château du Xiie siècle, mas agricoles, cabanes de gar-
les équidés et les bovins, voisinant les canards, flamants roses, dians… . Le moderne dialogue avec l’ancien dans un souci
aigrettes et autres avocettes élégantes, viennent se rafraîchir de confort, d’authenticité et de rusticité. Au restaurant La
les sabots dans l’étang du vaccarès, l’un des nombreux plans Bergerie de Méjanes (4), Picasso, Luis Mariano, Manitas
d’eau faisant tampon entre la terre et la Méditerranée dans de Plata et Johnny Hallyday avaient leurs habitudes,
le delta du rhône. saisissante, ce genre de carte postale est le comme en témoigne une impressionnante collection
quotidien du domaine de Méjanes (2). Acquis par Paul photographique accrochée aux murs.
ricard en 1939, il est depuis mai dernier ouvert au public défenseur de la biodiversité et de l’environnement, Paul
jour et nuit puisque des gîtes y ont été aménagés. ricard avait à cœur de faire connaître cette Camargue aussi
désormais propriété de Michèle ricard, fille du créateur sauvage qu’apprivoisée. C’est pour restituer cette aventure
du « vrai pastis de Marseille », ce domaine est un de ceux que Michèle ricard a ouvert, fin juillet, sur le domaine, un
qui ont contribué au mythe de la Camargue. dans les musée à la gloire de son père. Au-delà de la figure indus-
années 1960, on y venait tous les dimanches depuis nîmes trielle, on y découvre d’autres facettes de l’homme. Plus
et Marseille pour assister à des courses camarguaises… et méconnues. s’y dessine le patriote-résistant, l’artiste
siroter (gratis !) une anisette. peintre, le producteur de cinéma – il racheta les studios de
Ayant dans un plus lointain passé appartenus aux tem- Marcel Pagnol –, l’écologiste…
pliers, les lieux ont également été le refuge de Paul ricard À mi-chemin entre les arènes d’Arles et les saintes-Maries-
durant la seconde Guerre mondiale alors que la fabrica- de-la-Mer, le domaine de Méjanes constitue un refuge
MissBlaBlaCoM ; CeCileDoMens
tion de spiritueux était interdite par le régime de vichy. À naturel chargé d’histoire et de légendes.
Méjanes, l’alcoolier rapatrie ses ouvriers qu’il loge sur Domaine de méjanes (07.88.03.13.22 ; Mejanes-camargue.fr). gîtes à partir
place. il crée un élevage de taureaux, de chevaux, et déve- de 460 € le week-end (330 € en roulotte). Deux nuits minimum hors vacances
loppe la culture de céréales, notamment de riz, grâce aux scolaires. location à la semaine du samedi au samedi (soit 7 nuits minimum),
pendant les vacances scolaires. Deux restaurants sur le site : à partir de 14 €
réseaux d’irrigation napoléoniens qui façonnent l’entre- à la Bergerie de méjanes ; menu poisson unique à 40 € au mazet du vaccarès.
deux-bras du rhône. Parce que le domaine est isolé, une musée paul-ricard : 8 € (gratuit pour les moins de 10 ans).
école y est même créée pour les bambins des ouvriers petit train, balades à cheval, animations taurines…
Argent
L
es placements verts ont le vent en poupe. on le
voit avec l’engouement des épargnants pour les
produits financiers étiquetés responsables (iSr,
eSG…) accessibles via l’assurance-vie ou
l’épargne retraite. mais d’autres produits finan-
ciers « green », plus méconnus, ont aussi leur carte à jouer,
lorsque l’on souhaite diversifier un peu son patrimoine.
C’est le cas des parts de forêt, que l’on peut souscrire depuis
2019 auprès de groupements forestiers d’investissement
(GFi). Concrètement, il s’agit de détenir des fractions de
forêt, gérées et exploitées par un groupe forestier. « C’est un
actif tangible, décorrélé des actifs financiers, et responsable,
dans une filière qui crée de l’emploi, et qui permet de capter
du CO2 », souligne Jonathan Dhiver, à la tête du compara- à l’iFi. « Ce n’est pas un cadeau fiscal, mais une modalité de
teur meilleur-GF. com. calcul », rappelle arnaud Filhol, de France Valley. en effet,
Ce marché est encore petit – 120 millions d’euros de col- la valeur du stock de bois pèse pour 75 % de la valeur d’une
lecte en 2020 – et dominé par le spécialiste France Valley. forêt. Ces mêmes modalités de calcul s’appliquent en cas
mais l’offre en produits s’étoffe. La société de gestion de succession ou de donation.
Fiducial Gérance, connue pour ses fonds immobiliers, veut enfin, la forêt offre aussi des revenus, issus de la vente de
lancer son GFi fin septembre. amundi, poids lourd euro- bois. ils sont faibles, de 0,5 à 1 % par an en moyenne, mais
péen de la gestion d’actifs, a également annoncé vouloir ils ont l’avantage d’être constants dans le temps.
lancer un fonds grand public. Le coup de chaud sur les matières premières ces derniers
mais pour l’épargnant, l’aspect durable ne fait pas tout. La mois a aussi fait flamber la cote du bois, mais la tension est
forêt en parts offre aussi de sacrés avantages, notamment retombée. « Cette envolée était liée aux difficultés d’approvi-
fiscaux. Ce produit profite des atouts du dispositif ir- sionnement dues aux confinements, mais elle n’affectera pas
Pme ou loi madelin. À la clé, une généreuse réduction la valeur des terres », poursuit arnaud Filhol. Le bois,
d’impôt de 25 % sur les sommes placées. Bonne nouvelle valeur refuge, n’est pas habitué aux secousses. La valeur
d’ailleurs, ce taux bonifié en 2020 – il est habituellement de des parts, calée sur celle de l’hectare de forêt, s’apprécie len-
18 % – a été confirmé en 2021, et devrait se poursuivre en tement dans le temps. on l’a vu en 2020 au cœur de la crise.
2022. mais ce n’est pas tout : les détenteurs de parts – à L’hectare de forêt moyen s’est apprécié l’an dernier de
l’image des propriétaires privés de forêts, bénéficient d’un 2,3 % en France, selon la Safer, l’organisme de référence du
gros abattement – 75 % – sur la valeur taxable de leurs parts foncier rural. Jorge Carasso
enfAnts
ou à la piscine, ou temps d’activités Les formules de base démarrent à près d’éviter les doublons, car certaines
périscolaires (TAP). de 10 euros par an, mais elles peuvent garanties figurent parfois déjà dans
En outre, ce sésame permet de mieux grimper à 30 ou 40 euros, au gré des l’assurance habitation. Il faut faire
protéger votre progéniture « L’assurance packages choisis. Les mieux-disants attention à ne pas payer deux fois pour
couvre l’enfant s’il est victime, pas comprennent le vol ou la casse la même chose », souligne Itzal Arbide,
seulement s’il est responsable d’un (instruments de musique, cartable, à la tête du comparateur LeLynx.fr.
dommage, comme le fait déjà la manuels…) ainsi qu’une protection J. C.
Horizontalement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
1. Découpage de papier.
Ministre grec. 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1
2. Unité britannique. Petite
sauteuse mise en carte. 2 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 2
Fait rarement le pont.
Morceau de sucre. A tendance 3 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 3
à faire le mâle.
3. Note. Élu par cette crapule. 4 0 0 0 0 0 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 4
Trait de plume.
4. Deux pages ou en a écrit 5 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 5
beaucoup. Place en vue.
5. Crevée. Homme des bois. 6 0 0 0 0 0 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 6
Drague.
6. Breton en mer. Obtenu par un 7 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 7
travail régulier. Céder la place.
7. Conjonction. Confirmer
officiellement. Sérieusement 8 1 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 8
refroidi. Participe.
8. Passage à niveau. Suit son 9 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 9
cours. Est né sous l’uniforme.
Service à l’ancienne. 10 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 1 1 0 0 0 0 0 0 10
9. Marchand de ballons rouges.
Sacré nom d’un chien ! 11 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 1 11
10. Culte du souvenir. Article.
Des dots à reconstituer. 12 0 0 0 1 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 12
Indicateur.
11. N’engagent que le futur. 13 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 0 0 13
A besoin de lecteur. Ses enfants
n’étaient pas tous frères. 14 0 1 0 0 1 1 1 0 1 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 14
12. Base de départ. Fait du
rase-mottes. Cri de joie. 15 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 1 15
Préposition. D’accord avec
Mistral et ses amis. 16 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 16
13. Deux points. A tendance
à transpirer. D’abord caché. 17 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 1 0 17
On la connaît bibliquement.
14. Dans l’auxiliaire. Tout en laine 18 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 18
ou partiellement caoutchouté.
A gardé son teint d’origine.
15. Laisser passer. Son jour est 19 0 0 0 0 0 0 0 1 0 1 0 0 1 1 0 0 0 0 0 0 19
passé. Appel sous les drapeaux.
16. Battement de chœur. Coup 20 0 0 0 1 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 1 0 0 0 20
dur. Mit des francs dans un tronc.
17. Fera une action d’éclat. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Ont eu une activité trop
absorbante. Gardons.
18. Vaut de l’argent. Des 3. Note. Au bout du quai. 8. Appartiennent au milieu. 14. Conjonction. Veut bien.
répétitions inutiles. Vont bien Courant. Être en activité. Une jouissance qui a des limites. Victimes d’un accident
ensemble. En plein boom ! 9. Tirent sur les verts. de la circulation.
19. Est en argent ? Romains. 4. Portière qui ne cache rien. Cour de maison close. 15. Agents de transmission.
Pèze pas lourd chez Gonzalès. A sa place dans un sac. 10. Souverain renversé. A l’envers : nul en calcul.
20. Réchauffé. Barboteuse. 5. Verre... de lait. Grecque. Homme à tout faire. Arrêts 16. Faire du mâle.
A ses chaînes en Italie. Pronom. Cherche à s’élever facultatifs. Tour de bois.
au-dessus des hommes. 11. Très convenable. 17. Cours de l’or.
6. Vaut rien. Porte clés. Réunion de cardinaux. Ont un Grandes manœuvres.
Verticalement Est de la famille mais pas pont d’accès facile. Pronom. 18. Bonne en affaires.
1. Moïse au cinéma. Le comique pour tout le monde. 12. Hauts lieux de l’Islam. Para. Vieux contribuable.
de la bande. 7. Doit avoir la dent dure. Se tue en prenant de l’alcool. 19. Boissons chaudes (trois
2. Parviennent aisément à se Bosse à la main. Grand parfumeur. mots). Grecque.
faire comprendre. Crochet A un air différent. 13. Vieux bavard. Note. 20. Femme à barbe. Note.
à viande. Alarmistes à Rome. Se font par relation. Né au château. Très musical.
soLution du 27 août
NOUVEAU
Horizontalement Huera. Essor. 15. Flageolets. Azulejos. Or. 7. Slow. Terre. Eu.
1. Dessins animés. Moitié. Idéaliste. 16. Fileuses. Salés. Et. Leçon. 8. Alles. Arrhes. Sud. “FIG MAG
2. Écoutille. Ovate. Lolo.
3. Volcanologue. Adulte. 4. In.
17. Réels. Bella. Homme. 18. Er.
Le. Osa. Marmoutier. 19. Se.
9. Néologisme. Ut. Base. 10. Glu.
Opé. Adresse. IV. 11. Mouise. JEUX”
Wellington. Ou. 5. Noroît.
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placée. L’adversaire pourrait alors être en mesure de réaliser quatre levées.
Pour l’en empêcher, vous devez préparer un jeu d’élimination, suivi d’une
remise en main d’Est au Roi de ♥. Encore faut-il empêcher Ouest de
♠A jouer deux fois ♠. Une seule solution : prendre du Roi de ♦ et en rejouer
♥2 immédiatement sans jouer atout. Ouest plonge du Valet de ♦, rejoue ♠. As de ♠,
♦ D V 10 9 8 3 ♣ pour l’As, ♥ pour l’As, ♣ coupé et atout (ou ♦), le tour est joué. Attention,
♣ D V 10 9 8 si vous jouez ♣ pour l’As, ♥ pour l’As, ♣ coupé et ♥, le jeu d’élimination ne
Les enchères, Nord donneur, Est-Ouest vulnérables : fonctionne plus. Est encaisse son As de ♦, rejoue ♦ et attend tranquillement
S O Nord E sa levée de la Dame de ♠. Vous avez peut-être aussi pensé, pour arriver à une
1♠ passe remise en main efficace, à laisser passer l’entame de la Dame de ♦. La défense
2♦ passe 2♥ passe peut encore vous faire chuter. À la seconde levée, Ouest rejoue ♠ et vous
3♣ passe 3♥ passe ne pourrez pas l’empêcher de prendre une deuxième fois la main avec son
4♦ passe 5♦ fin Valet de ♦ dès qu’Est refuse de jouer son As de ♦ au second tour de la couleur.
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imprimé par grOUPe MAUrY iMPriMeUr (45330 Malesherbes). Numéro d’impression : 21M2132. iSSN 0184-9336. imprimé en France/Printed
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D e r n i è r e n o u v e l l e
Chaque semaine, “Le Figaro Magazine” publie une nouvelle inédite d’un écrivain
le roman inaccessible
D
Par Éric Naulleau *
ans le minuscule orties, j’en appelai pour finir à notre sur l’honneur, reprit Sylvain. Ton nom y
réduit flottait vieille amitié. en vain. Pourquoi pareil figure en toutes lettres : Valère Cosmo.
l’odeur dou- déploiement de stratégie auprès d’un Entre nous, tu l’as bien cherché avec ton
ceâtre des plats collègue dans le seul but d’obtenir le article de l’année dernière, je te cite :
chinois livrés à service de presse d’un roman ? l’expli- « La grande question existentielle
domicile – les cation suppose de revenir quelques demeure inchangée : Pourquoi y a-t-il
emballages ré- années en arrière. quelque chose plutôt que les romans de
pandus au pied il fut un temps révolu où les éditeurs Christine Angot ? »
de la poubelle marquaient une pré- mettaient un point d’honneur à défen- inutile d’insister. Après avoir essuyé
férence pour les nouilles sautées aux dre chaque livre paru sous leurs cou- semblables refus d’autres confrères, je
brocolis. un rai de lumière peinait à leurs sans égard pour une notion aussi fis deux expériences humiliantes.
dissiper l’obscurité. J’entendis jouer vulgaire que le retour sur investisse- D’abord en manquant me faire pincer
une serrure, puis la nuit et le silence se ment. les grandes enseignes germano- dans le bureau de ma rédactrice en chef
firent, il me sembla que l’atmosphère pratines agissent désormais comme tandis que j’y furetais à la recherche du
s’alourdissait de senteurs plus fortes. des joueurs de roulette qui misent tous texte interdit. Puis en me faufilant sous
vous vous demandez sans doute ce leurs jetons sur un seul numéro, preuve l’apparence supposée d’un ouvrier du
que l’un des critiques littéraires les plus étant faite qu’il est plus aisé de vendre livre (blouse bleue, foulard au cou,
redoutés de Paris peut bien faire dans un ouvrage à cent mille exemplaires doigts tachés d’encre…) dans une
ce recoin d’un appartement perché au que dix ouvrages à dix mille exemplai- imprimerie pour me retrouver errant
quatorzième étage d’une tour de l’ave- res. Cela suppose que nulle fêlure ne dans une manière de clinique ultra-
nue d’ivry ? Tout avait commencé trois vienne troubler le cristal de la promo- moderne, au milieu d’un personnel
jours plus tôt. tion, que nul article défavorable ne dûment cravaté, aussi repérable que
– Ah non, mon vieux, demande-moi s’immisce parmi les recensions com- mon curé chez les nudistes. en dernier
n’importe quel autre service, mais pas ça ! plaisantes, que nul vilain petit canard recours, je parvins à soudoyer sa
Sylvain ne voulait décidément rien ne se pique de nager parmi les cygnes. concierge et à m’introduire au domi-
entendre. Je croyais pourtant avoir mis on s’efforcera donc par tous moyens cile du grand homme, là même où vous
toutes les chances de mon côté. de garder les précieux opus hors de m’avez plus haut découvert. une fois
D’abord par le choix de ce restaurant portée des journalistes jugés peu sûrs. parti le propriétaire des lieux, je fouillai
situé au fond d’une impasse de la capi- Tel était le cas du nouveau chef- l’appartement, ordinateur compris (le
tale, quartier général des gens de d’œuvre annoncé de notre écrivain mot de passe était « nouilles »), sans
plume. on s’y attable autant pour voir national (figure à laquelle les Français résultat. Me revint alors l’image de la
que pour être vu, de quoi écarter toute se montrent si attachés qu’ils l’inven- poubelle pleine. Sous les barquettes
idée de conspiration, plus naturelle- tent au besoin), que je tenais plutôt éventrées, je découvris un manuscrit
ment associée à l’arrière-salle d’un café pour un banal sociologue rompu aux frappé du titre Collapsus sur la pre-
bruyant. J’avais ensuite pris soin de techniques du marketing, du haut mière page. Mais toutes les autres se
n’aborder le sujet crucial qu’au chapeau vissé en permanence sur sa révélèrent vierges du moindre mot, à
moment du dessert et d’arroser ce der- tête à sa manière de revenir sans cesse l’exception de la dernière, barrée de
J.-C. MarMara / Le Figaro
nier d’un Armagnac hors d’âge dont je sur des traumatismes d’enfance. Tou- cette inscription en rouge :
ne doutais pas que les vapeurs envelop- jours est-il que je ne pouvais en faire « Merde à Valère Cosmo qui le lira ! »
peraient bientôt mon invité d’une l’impasse dans mon papier de rentrée la meilleure phrase de toute son œuvre.
brume assez épaisse pour qu’il ne me toujours très attendu.
vît pas venir. Toute vergogne jetée aux – J’ai même dû signer une déclaration * Dernier roman paru : Ruse (Albin Michel).
www.richardmille.com
La Solitaire
m
Fécamp
La mer en héritage
Avant de s’aventurer le long des côtes anglaises, la 52e édition de la Solitaire
du Figaro fait escale dans l’ancien port morutier de Seine-Maritime
jusqu’au 5 septembre. Située sur le littoral du pays de Caux, la cité fécampoise,
longtemps délaissée au profit de ses voisines Le Havre ou Honfleur,
fait le pari d’un nouveau dynamisme.
Par Guyonne de Montjou (texte) et Arnaud Robin pour Le Figaro Magazine (photos)
Quai Bérigny,
derrière lequel on
aperçoit le palais
Bénédictine.
Fécamp
À la verticale des falaises
Cette ville authentique du pays de Caux, anti-bling-bling, recèle un charme désuet qui ne
masque en rien sa puissante dynamique économique et culturelle.
S
erait-ce le mouvement des nuages ? Ou couleurs tantôt grisées, bleutées, jaunes, ocre ou roses.
bien le cycle des marées ? Ou encore la Souvent, le vent qui décoiffe et fait avancer les vaisseaux
sorte d’écriture qui court sur la paroi sur l’eau, le rire des mouettes qui tournoient dans le ciel
verticale des falaises, gardant mémoire de transforment ces tableaux en scènes de cinéma.
chaque strate du temps passé ? Impossible Avant que sa plage ne devienne hospitalière pour les
de l’affirmer. Nul doute que la plage de nageurs courageux, cette perle du pays de Caux s’est
Fécamp, recouverte de galets gris, est un bâtie autour de son port. Grâce au travail des hommes
site époustouflant, chargé d’une beauté et des femmes qui bravaient les embruns, les hivers
puissante, capable de réveiller les âmes endormies. rudes, la mer capricieuse pour le faire vivre, ce port de
Chaque matin, des pêcheurs serrent leur canne à pêche pêche a contribué à enrichir la cité, dont le nom
à proximité de la jetée, des nageurs se risquent dans l’eau comporte la racine germanique de Fisk, qui signifie
glacée, des kitesurfeurs prennent le vent du côté du « poisson ». Au splendide Musée des Pêcheries, qui a
casino et les premiers chalutiers chevauchent les vagues. ouvert près de la criée il y a seulement trois ans, mais qui
Ces grappes d’individus forment un tableau aux semble installé là depuis la nuit des temps, on comprend
que le rythme de cette ville dont les fondations sont clignotants vont en effet être installés dans l’année qui
gallo-romaines, apparaît comme calé sur celui des vient, à 15 kilomètres des côtes, menaçant l’équilibre
départs et des retours des terre-neuvas. Durant quatre magique actuel. Impossible d’anticiper l’effet que leur
siècles, ces hommes ont pris la mer sur leurs grands présence produira sur celui-ci.
morutiers, larguant les amarres pour une durée de neuf En attendant, la ville connaît une forte dynamique
mois, le temps d’une gestation. En rentrant, la cale économique. Les transactions immobilières se
pleine de morues et de harengs, ils apprenaient sur le multiplient dans la cité et ses alentours. Les écoles sont
p o r t s i l e u r b éb é ava i t s u r v é c u a u x m a l a d i e s, réputées, les jeunes couples s’installent et la vieillesse se
découvraient parfois son prénom et entraient dans une passe au calme, à proximité d’un centre-ville revitalisé,
nouvelle famille à terre. Toute cette gamme d’émotions, que les commerces de bouche contribuent à animer.
ces rituels, et leur dureté ont imprégné l’esprit des Combien de charcuteries délicieuses, de bouchers, de
habitants du pays. poissonniers, combien de primeurs, de petits comptoirs
gourmands à Fécamp ? L’infinité des choix, dont aucun
FEMMES vaillantES ne se révèle mauvais, donne le tournis. La crise qui a
Fécamp est une ville où les femmes ont été fortes, suivi la fin de la pêche en mer lointaine et le départ de
courageuses et endurantes. Elles ont apprivoisé le certaines grandes entreprises industrielles sont en voie
monde sans les hommes. Elles ont accepté l’attente d’être jugulés. Les « gilets jaunes » sont pourtant bien
parfois interminable de leurs maris. Prenant les présents, au cœur de cette ville moyenne qui a connu des
décisions, assurant le quotidien, faisant face aux années moins heureuses. Lentement mais sûrement, les
mauvaises nouvelles, aux deuils, aux naufrages, aux investisseurs reviennent, en témoigne l’implantation de
coups du sort, priant sans cesse, pour tenir la barre de Traiteur de Paris et de Morphosis, site de traitement et
leur famille tandis que leurs hommes travaillaient en de recyclage d’éléments de matériels électroniques,
mer. Le regard perdu vers l’horizon, demeuré inchangé promettant une nouvelle dynamique entrepreneuriale.
depuis cette époque, ces femmes ont eu du mérite. Fécamp est authentique, anti-bling-bling, concentrant
Aujourd’hui, certains scrutent la barre horizontale au de multiples savoir-faire. Les commerçants sont
loin, entre ciel et mer, avec la crainte de l’arrivée des aimables, fidèles, implantés. La pudeur et la sobriété
éoliennes dans ce même paysage. Plus de 70 engins discrète du paysan cauchois, qui cultive son blé, son lin
et soigne ses vaches alentour, imprègnent toute la
La promenade
région. Et lui donne son âme. ■ Guyonne de Montjou
de Fécamp,
le long de la plage.
Une grande
respiration, au
début de son
second mandat.
Marie-agnès
Poussier-Winsback
“J’ai fait le pari du développement
économique de Fécamp”
Fille de pharmaciens installés à Fécamp où elle a grandi,
aînée d’une fratrie de cinq, Marie-Agnès Poussier-Winsback a manqué – à 19 voix près –
sa réélection dès le premier tour l’année dernière à la mairie,
signe de sa popularité dans la ville.
V
ous avez la réputation d’aimer la mer… de vrais habitants, tout au long de l’année, en organisant
Oui, on dit souvent : « Madame la les flux de visiteurs le mieux possible. Fécamp, c’est
maire, elle est en mer », et c’est vrai. l’anti-bling-bling et l’inverse d’une cité-dortoir. Nous
Dès que je le peux, je monte sur le sommes actuellement 18 900 ici, et nous travaillons à
pont, j’adore ça ! sauvegarder la dynamique de notre centre-ville pour
L’un des attraits de Fécamp est son qu’il reste attractif. En perfectionnant notre réseau
splendide panorama maritime. Quid d’écoles primaires et secondaires, nous tentons de
des 71 éoliennes qui doivent être érigées l’année pallier le vieillissement de la population et d’attirer les
prochaine au large ? jeunes qui, souvent, partent chercher du travail ailleurs.
Les éoliennes ? Je crois qu’elles ne se verront pas. Elles seront Que faites-vous pour les retenir ?
situées à 20 kilomètres de la côte. Les spécialistes m’ont Je suis convaincue que la richesse vient des entreprises.
assuré – et j’espère qu’ils ont dit vrai – que leur proportion Mon rôle est de faciliter leur implantation pour créer des
serait équivalente à une allumette au bout d’un bras tendu. emplois. J’ai fait le pari du développement économique
Ce, par temps clair. Ici, à Fécamp, le plus souvent une brume et suis un peu devenue, ces dernières années, la VRP de
de mer se maintient à la surface, qui permettra aux éoliennes ma ville pour attirer les investisseurs, souvent avec
de ne pas être visibles. Et puis, ce mix énergétique, il faut bien succès. Je me réjouis que de nouvelles entreprises
le faire ! Je suis vigilante à protéger le patrimoine naturel : on embauchent dans l’agglomération et n’ai pas renoncé à
espère faire bientôt labelliser Grand Site de France le un projet de thalasso qui créerait 70 emplois. Enfin,
segment de côte qui s’étend de Saint-Jouin à Fécamp. attentive à la mixité sociale, je porte une attention
Au début de votre second mandat, quelle question particulière aux personnes vulnérables et aux plus
vous obsède-t-elle ? faibles. Selon moi, les habitants de Fécamp forment un
Celle-ci : quelle expérience va-t-on vivre sur nos terri- échantillon représentatif de la population française. Ils
toires ? Je souhaite que nous restions une vraie ville, avec cohabitent ici dans une bonne ambiance.
AccAstillAge
Au bonheur des marins
s
ur le quai, on ne peut pas la rater. Cette
enseigne Uship (140 magasins en France),
baptisée MG Nautic à Fécamp, vient d’être
reprise par Ludovic et Frédéric, deux marins
trentenaires passionnés et dynamiques qui
proposent dans leur espace de 650 m2 à peu près tout ce
qui équipe un bateau ainsi qu’un service de réparation,
d’entretien, de vente et même de location. Quatre
vaisseaux sont à l’eau dans le port, disponibles tout au
long de l’année (à partir de 150 € la journée), pour
emmener jusqu’à 10 passagers voir les falaises et cette
Côte d’Albâtre spectaculaire. Les virées vers l’aiguille
creuse d’Étretat sont très prisées ! Les clients moins
Jean-Marie LiOT
Sur le quai du
port, cœur battant aventuriers se consoleront avec quelques articles de
de Fécamp. pêche, d’accastillage ou de voilerie.
C
ette année, les roses ne sont pas dans leur meilleure forme », sourit la princesse
Anne-Marie Kayali qui règne sur un parterre de près de 2 500 rosiers aussi
splendides qu’odorants. Le château de Mesnil Geoffroy est une demeure à taille
humaine dans laquelle transparaît l’âme de ses habitants. On y apprend, autour de la
table dressée de la salle à manger, la façon dont les hôtes du XVIIIe siècle dégustaient
leur thé, café ou chocolat, maniant la verseuse et le samovar. On découvre dans le salon
une série de parfums royaux et historiques, issus de fragrances dérivées de fleurs ou tout
droit arrivées de la route des épices. Enfin la basse-cour, où caquettent une vingtaine de
poules « racées », constitue un pôle d’attraction inattendu. Le prince, dont la famille est
originaire de Syrie et cousine des Aga Khan, et son épouse ont créé un jardin des
murmures dans l’ancien potager, qui offre l’occasion d’une halte musicale dans la
nature.
STANISLAS FAUTrÉ
D
epuis le belvédère, on envisage toute la ville, à la
confluence de la Valmont et de la Ganzeville, deux
rivières qui coulaient déjà lorsque Richard, futur duc de
Normandie, édifia le palais ducal de Guillaume le Conquérant.
Ce musée ouvert il y a trois ans, et qui en regroupe plusieurs,
explique l’âme du peuple fécampois, les terre-neuvas, les voiliers
morutiers, l’attente des femmes à terre, le génie du Dr Léon
D u fo u r q u i a i nv e n t é l a s t é r i l i s at i o n d e s b i b e ro n s,
l’aménagement traditionnel des maisons cauchoises, les riches
collections de beaux-arts et les créations d’artistes inspirés par le
puissant paysage. Ne pas manquer le très complet espace de
documentation ainsi qu’un étonnant cabinet de curiosités à Plongée dans
l’ancienne. l’univers des
terre-neuvas.
3, quai Capitaine-Jean-Recher, 76400 Fécamp (02.35.28.31.99 ; Ville-fecamp.fr).
Ouvert tous les jours de 10 h à 18 h. Plein tarif, 7 €. Gratuit pour les moins de 18 ans.
Marché de Fécamp
le bAllet Des sAveurs
s
e promener dans le marché qui envahit le centre-ville
tous les samedis matin revient à humer l’odeur d’un
champ après la pluie ou à déambuler sur un rivage
recouvert de filets de pêcheurs, ou encore dans la cour d’une
ferme qui sent le lait et les fanes de carottes. Sur la soixantaine
d’étals dressés pour ce rendez-vous incontournable, on croise
Jean Boisnel, producteur à l’air bonhomme, qui a cueilli ses
fraises la veille au soir à Falaise, se levant à 3 h 30 du matin
pour écouler ses barquettes. « On a de la magnum, de la
tentation, de la gariguette », égrène-t-il. À côté, l’apiculteur de
Mentheville qui veille sur 300 ruches jusqu’à Jumièges,
propose son miel fort en goût du mois de septembre. « Au
printemps, il aura un parfum d’aubépine et de pissenlit ; à
présent, il a le goût de ronce, de tilleul, de châtaigner »,
explique-t-il. Enfin, la pittoresque halle aux beurres, dans son
jus, rappelle le travail inlassable des belles vaches qui paissent
Une soixantaine alentour. Odile Renault, de la Châtaigneraie, propose depuis
d’exposants 1993 son merveilleux beurre, sa crème, son lait, ses œufs,
chaque samedi. même sa rhubarbe et sa gelée de groseille. « Je ne peux pas faire
mieux, c’est tout ce que j’ai dans mon jardin », sourit-elle.
Femmes de pêcheurs dure. Ce sont nos hommes, Anthony Wallet et Jimmy Aubert,
qui les dépècent, explique l’une. Ils le font en rentrant, à la
les belles âmes pince, parce que c’est trop dur pour nous. » L’autre, installée
sur ce petit étal de briques exposé aux vents, au milieu du
e
lles sont souriantes, ont les cheveux coupés court, port, ajoute : « Quoi qu’il arrive, on félicite les garçons, même
des récits plein le cœur, la fierté de leur métier et de si leur pêche est mauvaise. Ils sont toujours courageux de
leur mari en bandoulière. Les femmes de pêcheurs, partir en mer et on est bien fières d’eux. » Derrière ces
installées au Bout-Menteux du mardi au dimanche, n’ont femmes qui travaillent en famille, toutes générations
pas la langue dans leur poche. Leurs poissons ont bonne c o n fo n d u e s, o n ap e r ç o i t l e c h a s s é - c ro i s é d e s
mine, souples à souhait, l’œil à peine fatigué. Elles les pré- fileyeurs-caseyeurs de 9 mètres de long qui circulent dans le
parent à la demande : « Tous, sauf la roussette qui est trop port, chargés de homards, tourteaux, araignées, bulots. Un
spectacle éternel.
7/ Le Figaro Magazine / 3 septembre 2021
La Solitaire
Le long du GR 21,
une nature (souvent)
préservée.
Balades sur
Q
uelle excellente idée que cette voie cycliste aménagée sur les bordures des
rivières, dans les entrelacs de ce territoire luxuriant, et à flanc de falaise !
la Véloroute du lin Celle que l’on appelle depuis trois ans la Véloroute du lin est d’une
praticité parfaite pour toutes les générations à pied ou à vélo. Cette route
hors en dur croise parfois le GR 21 littoral de la Normandie, qui a été labellisé « GR
préféré des Français » l’an dernier. Distinction bien méritée car ce chemin de
des sentiers terre et de goudron, qui court sur 190 kilomètres, conduit les amoureux de la
nature du Tréport au Havre, en passant par Fécamp mais aussi Dieppe,
battus Veules-les-Roses ou Étretat. La marche et le vélo sont les moyens les plus sûrs
pour permettre à nos corps d’entrer en résonance avec les visages croisés, les
paysages de craie, les villages de caractère, la féerie des valleuses souvent ardues
à remonter… Et pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, une autre voie
de grande randonnée, le GR 223 littoral de la Normandie, se prolonge jusqu’au
Mont-Saint-Michel, aux confins de la Bretagne, soit une échappée longue de
660 kilomètres au total. De quoi bien terminer son été.
Le Bouquet Normand
Fumer Le hareng
L
a dernière boucane de Fécamp emploie
20 personnes qui salent, fument et
découpent le poisson, surtout le hareng et
la morue, pour la joie des riverains de cette cité
dont le nom provient de Fisk, qui, en racine
germanique, signifie « poisson ». Pendant des
siècles, les hommes partaient pêcher jusqu’en
Terre-Neuve, qui appartient aujourd’hui au
territoire canadien, avant de saler et de fumer le
contenu de leurs filets. Il y a encore quarante ans,
il existait une soixantaine de boucanes à
Fécamp. Aujourd’hui, Matthieu Lagarde,
troisième génération, garde la tradition. Il faut
pousser la porte de son usine, dans une petite
cour intérieure, à côté de sa boutique qui
propose des harengs, haddocks, saumons,
Matthieu Lagarde, petit-fils du
maquereaux, salés et fumés par ses soins,
fondateur de la dernière usine de découpés ou hachés en rillettes et conditionnés
salaison maritime de Fécamp. à l’ancienne.
3, rue de la Barricade, 76400 Fécamp (02.27.30.28.95 ;
Lebouquetnormand.fr).
8/ Le Figaro Magazine / 3 septembre 2021
Maison des croyances
Nostalgie
d’uN terroir
a
q u e l q u e s e n c ab l u r e s d ’ u n e p l ag e r e s t é e
confidentielle, au sommet des falaises de Saint-
Pierre-en-Port, la Maison des croyances et traditions
du terroir retrace la vie quotidienne des habitants du pays de
Caux au moyen de plusieurs centaines d’objets du monde
rural. « La plupart nous ont été donnés », explique l’épouse
de Joël, guide, qui s’occupe bénévolement de cet espace
original dont chaque pièce ouvre sur un univers charmant,
parfois loufoque. Installé dans l’ancien presbytère, ce musée Joli presbytère
présente une section sur la sorcellerie, les recettes du curé transformé en lieu
de mémoire.
guérisseur et exorciste en lutte contre les sorts du berger. Il
enseigne l’art de battre le beurre, de faire du pain, de presser
18, rue de la Mairie, 76540 Saint-Pierre-en-Port (02.27.30.46.04 ;
le cidre, et montre les tenues de cérémonie portées par les Maisondescroyances.info). Ouvert du mardi au dimanche de 14 h 30 à
enfants lors des grandes occasions ainsi que l’école des 17 h 30. Visite guidée, 5 €. Visite libre, 3,50 €. Tarif réduit pour les
années 1950 avec l’écriture à la plume et à l’encre violette. enfants.
Chemin de croix
de Valmont
uN trésor
du pays
i
l était resté caché durant trente-sept
ans sous une toile de lin blanche. Le
doux chemin de croix de Jean-Baptiste
Ambroselli a été récemment dévoilé,
comme s’il naissait pour la seconde fois,
dans l’église paroissiale de Valmont.
Peinte en 1961 par un enfant du pays,
petit-fils de Georges Desvallières, cette
f r e s q u e f r ag i l e, p a r e s s e n c e, e s t
spectaculaire par sa profondeur et sa force
évocatrice. L’artiste, tout juste rentré
d’Algérie traumatisé, est alors âgé d’à
Inspirante peine 30 ans lorsqu’il s’attaque à cette
Mater dolorosa. œuvre. À chaque station, Jésus a les yeux
grands ouverts, une attitude infiniment
paisible, éclatant dans son vêtement blanc :
le peintre nous invite à « comprendre le
vivant de l’intérieur, sans se noyer dans le
détail », écrit-il. Il s’agit de méditer ce
« chemin de vie » qui s’achève sur la Croix.
Ambroselli, décédé en février 2020,
porteur d’un mysticisme généreux, a
raconté un jour son expérience à Valmont :
« Ce fut un travail de chair et de sang, de
rencontres humaines qui nous ouvrent le
cœur, l’être toujours plus vaste, plus
ColleCtion privée
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s
ur le vieux gréement baptisé le « Mil’Pat »,
construit en 1962, avec le capitaine affublé du
prénom d’Astérix et Jo sur le pont en maître
d’équipage, la voile prend aisément le vent. Dans la
houle et les rafales de cette mer qui bute sur les
falaises, la bôme de 100 kilos et les 60 tonnes de ce vaisseau
en bois massif sécurisent. Le tangage s’apparente à une
danse, comme si la coque épousait le mouvement de la mer
sans jamais heurter celle-ci. « On envoie la trinquette », tonne
le capitaine de sa voix rocailleuse et les mousses stagiaires
s’activent, en cordée, pour hisser les voiles. Ici, à l’ancienne,
pas de winch ni de subterfuge pour échapper à la rudesse des
éléments. Astérix décrit sa découverte des mouettes
pygmées nichant dans les anfractuosités du calcaire qui
s’étend, à la verticale, sur 145 kilomètres de côtes. Le soleil
se réfléchit sur la muraille ocre, dessinant un paysage d’une
beauté à couper le souffle. Quand le vent tombe, Jo sort sa
canne à pêche pour attraper quelques maquereaux.
Lancé en 1962 pour pratiquer la pêche à la langouste et à la
langoustine depuis Le Guilvinec, essentiellement en mer
d’Irlande et dans le Finistère sud, le « Mil’Pat » fut désarmé
en 1988 avant d’être repris et restauré par l’association
Afdam de Fécamp, qui assure des activités de croisière,
pouvant embarquer jusqu’à 28 passagers chanceux, 12
pour des sorties en haute mer. Expérience forte assurée, Vaisseau féerique,
d’avril à octobre, au gré des vents. restauré dans
Afdam - Fécamp Vieux Gréements, 39, quai Bérigny, 76400 Fécamp les règles de l’art.
(02.27.30.67.53 ; Afdam.com).
L’agenda de La soLitaire
dU 1er AU 5 SePTeMBre MerCredI 1er SePTeMBre SAMedI 4 SePTeMBre
Des animations en continu sur le Arrivée des bateaux tout au long de 11 h et 15 h 30 : atelier sculptures en
Village de la Solitaire. la journée. ballon (enfants de 6 à 9 ans).
S u r f r i d e r e t Ru n E c o Te a m : 10 h : ouverture du Village. 17 h : déambulation des sculptures
sensibilisation à l’écologie et aux 1 6 h 3 0 : c o n c e r t d e G ab r i e l , géantes en ballon « La Mer se
déchets en mer. finaliste de « The Voice » et The déchaîne ».
I n i t i a t i v e O c é a n e : c o l l e c t e, Funky Monkeys. Concert du groupe The Seeds :
comptage et tri des déchets tout au 18 h : journal de la Solitaire. reprises des années 1970 à nos jours
long du week-end. de musique pop, rock et funk.
Accrovoile : structure d’escalade JeUdI 2 SePTeMBre
maritime pour petits et grands. 16 h 30 : scène ouverte proposée par dIMANCHe 5 SePTeMBre
Cabarescale : animations familiales Art en Sort. Départ de la 3e étape.
(jeux en bois, manège…). 10 h : appareillage des bateaux.
Radar : caravane webradio d’Art VeNdredI 3 SePTeMBre 10 h 30 : déambulation musicale par
en Sort. 17 h : concert de musique pop par le Air en Tête BTP.
g ro u p e d e C a e n B e a c h Yo u t h 11 h et 15 h : atelier sculptures en
TOUS LeS JOUrS À 11 H proposé par Art en Sort. ballon (enfants de 6 à 9 ans).
Démonstration de Tonic Gym 18 h : remise des prix de l’étape 2. 16 h : déambulation des sculptures
– sauf le dimanche, à 15 h. 18 h : journal de la Solitaire. géantes en ballon « La Mer se
déchaîne ».
12/ Le Figaro Magazine / 3 septembre 2021