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Diabétologie

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Université Pierre et Marie Curie

Diabétologie

Questions d’internat

1999 - 2000

Pr. A. Grimaldi

Mise à jour : 16 février 2000


2/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000
Table des matières

Table des matières


3 Table des matières

7 Chapitre 1 : Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

7 1.1 Epidémiologie
8 1.2 Définition du diabète
8 1.2.1 Définition
8 1.2.2 Place de l’HGPO
9 1.2.3 Intolérance aux hydrates de carbone et hyperglycémie à jeun non diabétique
9 1.2.4 Conclusion
10 1.3 Classification, étiologies
10 1.3.1 Classification
12 1.3.2 Etiologies du diabète
13 1.4 Bibliographie

15 Chapitre 2 : Physiopathologie du diabète de type 1

15 2.1 Le terrain génétique de susceptibilité


16 2.2 Les facteurs déclenchants
17 2.3 Déroulement de la réaction auto-immune
17 2.4 Intérêt de la recherche des anticorps pancréatiques
17 2.5 Diabète de type 1

19 Chapitre 3 : Physiopathologie du diabète de type 2

19 3.1 L’insulinorésistance
19 3.1.1 Mécanisme de l’insulinorésistance
20 3.1.2 Facteurs cliniques d’insulinorésistance
21 3.1.3 L’insulino-résistance
21 3.2 Insulinodéficience
21 3.3 Remarque
22 3.4 Erreurs conceptuelles et pratiques en matière de diabète de type 2

23 Chapitre 4 : Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) :


Diagnostic, Complications, Principes du traitement

23 4.1 Diabète de type I et de type II


23 4.1.1 Les complications
25 4.1.2 Facteurs de mauvais pronostic lors d’une grossesse chez une femme
diabétique

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 3/142


Table des matières

25 4.1.3 Prise en charge de la grossesse chez une femme diabétique (diabète de type 1
et 2)
27 4.2 Diabète gestationnel
27 4.2.1 Définition
28 4.2.2 Complications du diabète gestationnel
28 4.2.3 Diagnostic et dépistage du diabète gestationnel
29 4.2.4 Surveillance de la grossesse

31 Chapitre 5 : Recommandations de l’ANAES : suivi du patient


diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des
complications

31 5.1 Diagnostic
32 5.2 Education du patient
32 5.3 Suivi glycémique
33 5.4 Suivi des facteurs de risque vasculaire
35 5.5 Dépistage des complications oculaires
36 5.6 Dépistage des complications rénales
37 5.7 Dépistage des complications neurologiques et prévention de la plaie du pied
37 5.8 Dépistage des complications cardio-vasculaires
38 5.9 Divers
38 5.10 Rythme des consultations
41 5.11 Force des recommandations

43 Chapitre 6 : Complications du diabète (type 1 et 2)

43 6.1 La neuropathie diabétique


43 6.1.1 Facteurs favorisants
44 6.1.2 Formes cliniques
44 6.1.2.1 Les mononeuropathies et les mononeuropathies multiples
44 6.1.2.2 Les polyneuropathies diabétiques
45 6.1.2.3 La neuropathie végétative
49 6.1.3 Traitement de la douleur des neuropathies diabétiques douloureuses
49 6.2 La néphropathie diabétique
49 6.2.1 La glomérulopathie
49 6.2.1.1 La glomérulopathie diabétique
51 6.2.1.2 Les 5 stades de la néphropathie diabétique
52 6.2.1.3 La glomérulopathie incipiens
52 6.2.1.4 La glomérulopathie patente
53 6.2.2 Les infections urinaires
53 6.2.2.1 Les infections urinaires basses
54 6.2.2.2 Les infections aiguës du haut appareil
54 6.2.2.3 La néphropathie due aux produits de contraste iodés
56 6.3 Macroangiopathie diabétique
56 6.3.1 Epidémiologie : fréquence et gravité

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57 6.3.2 Rôle des facteurs de risque et de l’hyperglycémie : conséquences cliniques


57 6.3.3 Particularités cliniques de la macroangiopathie diabétique
57 6.3.3.1 Tableaux cliniques à haut risque d’athérosclérose
58 6.3.3.2 Complications de l’athérosclérose
59 6.3.4 Prévention de la macroangiopathie
61 6.4 Le pied diabétique ou comment prévenir les amputations ?
61 6.4.1 Quels sont les diabètiques à risque podologique ?
62 6.4.2 Comment dépister les pieds à risque podologique ?
63 6.4.3 Que faire en cas de plaie du pied chez un diabétique ?
63 6.4.3.1 En rechercher la cause
63 6.4.3.2 Faire la part de l’artérite et de la neuropathie
64 6.4.4 Toute plaie du pied chez un diabétique nécessite-t-elle obligatoirement une
hospitalisation en urgence ?
64 6.4.5 En urgence, l’interne de garde doit
64 6.4.6 Le lendemain et les jours suivants

67 Chapitre 7 : Acidose lactique : physiopathologie, étiologie, diagnostic

67 7.1 Physiopathologie - étiologie


69 7.2 Diagnostic, clinique et biologique
69 7.3 Traitement

71 Chapitre 8 : Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie,


diagnostic, traitement

71 8.1 Physiopathologie
71 8.1.1 Rôle de la carence en insuline
74 8.1.2 Rôle des hormones de « contre-régulation »
75 8.2 Etiologie
76 8.3 Diagnostic
76 8.3.1 Phase dite de pré-coma diabétique
76 8.3.2 Phase d’acidocétose sévère
77 8.3.3 Examens complémentaires
78 8.4 Diagnostic différentiel
78 8.4.1 Si le diabète n’est pas connu
78 8.4.2 Si le diabète est connu
79 8.5 Traitement
79 8.5.1 Le traitement de la cétose
80 8.5.2 La réanimation hydro-électrolytique
80 8.5.3 Les soins non spécifiques du coma
80 8.5.4 Traitement des causes déclenchantes
81 8.5.5 Complications secondaires
83 8.6 Prévention

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85 Chapitre 9 : Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie,


diagnostic, traitement

85 9.1 Physiopathologie
86 9.2 Circonstances étiologiques
87 9.3 Diagnostic
87 9.3.1 Clinique
88 9.3.2 Examens complémentaires
88 9.4 Evolution - complications
90 9.5 Traitement

91 Chapitre 10 : La rétinopathie diabétique : physiopathologie, diagnostic,


évolution, principes du traitement

91 10.1 Physiopathologie
92 10.2 Diagnostic
92 10.3 Evolution
94 10.4 Traitements

95 Chapitre 11 : Etude du D.C.C.T : Diabetes Control and Complications


Trial Research Group

97 Chapitre 12 : Etude de l’U.K.P.D.S : United Kingdom Prospective


Diabetes Study

99 Chapitre 13 : Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de


type I

99 13.1 Insulines commerciales et conservation


101 13.2 Les règles de l’insulinothérapie
103 13.3 Conseils aux patients diabétiques insulino-dépendants pour prévenir et traiter
l’hypoglycémie

105 Chapitre 14 : Traitement du diabète de type 2

105 14.1 Les objectifs du traitement du diabète non insulino-dépendant


105 14.1.1 L’objectif à long terme est la prévention des complications de micro et de
macroangiopathie.
107 14.2 Les principes de la diététique du DNID
108 14.2.1 Diminuer l’apport d’alcool
108 14.2.2 La restriction calorique doit ensuite porter sur les graisses
108 14.2.3 Eviter les compulsions ou les grignotages de fin d’après-midi
108 14.2.4 Préférer les graisses insaturées

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109 14.2.5 La séparation ancienne entre sucres lents et sucres rapides a été
complètement révisée
109 14.2.6 En résumé
110 14.2.7 Quelques notions diététiques
114 14.3 Exercice physique et diabète non insulino-dépendant
114 14.3.1 Arguments physiopathologiques
115 14.3.2 Arguments cliniques
116 14.3.3 Apprendre à prescrire l’activité physique
117 14.4 Les hypoglycémiants oraux
117 14.4.1 Les Sulfamides Hypoglycémiants
121 14.4.2 Les Biguanides
123 14.4.3 Les Inhibiteurs des Alpha-glucosidases
125 14.5 Quand recourir à l’insulinothérapie chez le diabétique non insulino-
dépendant ?
127 14.6 Rythme des consultations
129 14.7 Force des recommandations

131 Chapitre 15 : Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à


tenir en situation d’urgence avec la posologie
médicamenteuse

131 15.1 Hypoglycémies en dehors du diabète


132 15.1.1 Hypoglycémies organiques
132 15.1.1.1 Diagnostic positif
133 15.1.1.2 Les hypoglycémies organiques de cause évidente
134 15.1.1.3 L’insulinome
135 15.1.1.4 Traitement de l’hypoglycémie organique
135 15.1.2 L’hypoglycémie réactive ou hypoglycémie post prandiale
136 15.1.2.1 L’interrogatoire
136 15.1.2.2 Diagnostics différentiels
136 15.1.2.3 Examens complémentaires
136 15.1.2.4 Traitement
139 15.2 L’hypoglycémie chez le diabétique
139 15.2.1 Traitements
140 15.2.2 Quand faut-il hospitaliser le malade ?

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

Chapitre 1

Diabète : épidémiologie,
diagnostic, étiologie
Questions d’internat n° 330 et 331

1.1 Epidémiologie
On compte en France 2 000 000 diabétiques : 15 % sont diabétiques insulino-dépendants, 85 %
non insulino-dépendants. Le diabète est un problème de santé publique aussi bien en France, où
l’on dénombre environ 3,5 % de diabétiques (soit 1 600 000 diabétiques connus et 400 000 diabé-
tiques qui s’ignorent), mais aussi en Europe où le nombre de diabétiques est évalué à 30 millions,
et aux Etats-Unis où il y a 15 millions de diabétiques pour moitié méconnus. Dans le monde entier,
on dénombre 100 millions de diabétiques.
Le terme de diabète recouvre en fait deux maladies différentes :

— le diabète insulino-dépendant (type 1), qui survient le plus souvent avant l’âge de 20 ans et
représente 10 à 15 % des diabètes
— le diabète non insulino-dépendant (type 2), qui survient le plus souvent après l’âge de 50 ans
et représente 85 à 90 % des diabètes.

C’est le diabète non insulino-dépendant qui pose un problème de santé publique. Sa prévalence
augmente parallèlement au vieillissement, à l’urbanisation, à la sédentarisation et au développe-
ment de l’obésité dans les populations des pays industrialisés. Cette maladie n’épargne pourtant
pas les pays sous développés où le diabète non insulino-dépendant atteint parfois une prévalence
de 20 à 30 %, en raison d’une prédisposition génétique couplée à une modification rapide du mode
de vie : urbanisation brutale, sédentarisation et alcoolisation des populations.
Le diabète représente un coût financier important en raison du taux élevé de complications dégé-
nératives. Treize pour cent des dialysés en France sont diabétiques tandis que ce taux dépasse 30 %
aux Etats Unis. Il en est de même dans les pays scandinaves et dans l’Ile de la Réunion. De fait, 50
à 75 % des diabétiques dialysés sont des diabétiques non insulino-dépendants. Le diabète reste la
première cause médicale de cécité avant 50 ans dans les pays développés.
Cinq à 10 % des diabétiques subiront un jour une amputation d’orteil, de pied ou de jambe, 4/5
d’entre eux sont des diabétiques non insulino-dépendants. En France, on compte environ 3 à 5 000
amputés par an chez les diabétiques. Le quart des journées d’hospitalisation pour le diabète est dû

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

à des problèmes podologiques. Le coût du diabète est estimé à 35 milliards de francs. Pour lutter
contre ce coût, la déclaration de Saint Vincent adoptée en 1989 par les représentants de l’Organi-
sation Mondiale de la Santé (OMS), les gouvernements européens et des organisations de malades,
a rappelé les bonnes pratiques médicales en diabétologie. Elle a fixé pour objectif, dans les 5 ans,
une réduction d’un tiers à la moitié des complications du diabète. Plusieurs études ont en effet mon-
tré que la modification de l’organisation des soins visant à obtenir une formation des patients eux-
mêmes permet de réduire de 50 % le taux des amputations.

1.2 Définition du diabète

1.2.1 Définition
La définition du diabète est fondée sur le seuil glycémique à risque de microangiopathie en parti-
culier de rétinopathie. Le diabète se définit par une hyperglycémie chronique, soit une glycé-
mie à jeun supérieure à 1,26 g/l (7 mmol/l) à deux reprises. Cette définition repose en fait sur
plusieurs études épidémiologiques prospectives qui ont montré de façon convergente que lorsque
la glycémie à la deuxième heure de l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) est supé-
rieure ou égale à 2 g/l, il existe un risque de survenue, dans les 10 à 15 ans suivants, d’une rétino-
pathie diabétique. Dans la mesure où une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1,26 g/l correspond
à une glycémie à la 2ème heure de l’HGPO supérieure ou égale à 2 g/l, on n’a plus besoin de recou-
rir à « l’étalon or » de l’HGPO.

Nouvelle définition du diabète :


Glycémie à jeun supérieure à 1,26 g/l (7 mmol/l) à deux reprises
Ou
Glycémie supérieure à 2 g/l (11,1 mmol/l) à n’importe quel moment de la journée

Pour porter le diagnostic de diabète, il n’est pas utile de doser l’insulinémie ou le peptide C ou les
anticorps anti-îlots, ni même de demander une échographie ou un scanner du pancréas. Ces exa-
mens sont parfois utiles pour l’enquête étiologique.
Le plus souvent, l’hyperglycémie modérée est asymptomatique. On peut constater parfois une dis-
crète perte de poids (1 à 3 kg) et une asthénie, mais le malade peut se sentir parfaitement bien. Le
syndrome cardinal diabétique, qui comporte polyuropolydipsie, amaigrissement, hyperphagie,
n’existe que pour des glycémies supérieures à 3 g/l. Il existe alors une glycosurie importante, res-
ponsable de polyurie osmotique, entraînant à son tour une polydipsie.

1.2.2 Place de l’HGPO


L’hyperglycémie provoquée orale (après absorption de 75 g de glucose) doit devenir exception-

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

nelle. Elle est inutile chaque fois que la glycémie à jeun est supérieure ou égale à 1,26 g/l puisqu’il
s’agit d’un authentique diabète. Elle est inutile chez les personnes de plus de 70 ans car l’attitude
thérapeutique ne dépendra pas des résultats. Elle ne présente pas d’intérêt devant une hyperglycé-
mie à jeun non diabétique comprise entre 1,10 et 1,26 g/l associée à l’un des éléments du syndrome
d’insulino-résistance métabolique (obésité, répartition androïde des graisses, hérédité diabétique,
HTA, hyperlipidémie). Le traitement hygiénodiététique (activité physique, équilibre alimentaire)
doit être prescrit d’emblée compte tenu des facteurs de risque vasculaire.
L’HGPO garde finalement une place très limitée dans les situations difficiles à interpréter :

• élévation de la glycémie au dessus de la normale tout en restant inférieure à 1,26 g/l en l’ab-
sence de contexte d’insulino-résistance métabolique
• glycémie à jeun normale mais glycémie post prandiale, c’est-à-dire 90 minutes à 2 heures
après le début du repas, élevée comprise entre 1,40 et 2 g/l
• l’HGPO permet alors de poser le diagnostic de diabète : glycémie à la 2ème heure supérieure
ou égale à 2 g/l.

1.2.3 Intolérance aux hydrates de carbone et hyperglycémie à


jeun non diabétique
On parle d’hyperglycémie à jeun non diabétique lorsque la glycémie est comprise entre 1,10 et
1,26 g/l. On parle d’intolérance aux hydrates de carbone lorsque la glycémie à jeun étant inférieure
à 1,26 g/l, la glycémie à la 2ème heure de l’HGPO et comprise entre 1,40 et 2 g/l avec une valeur
intermédiaire (30, 60, 90 minutes) supérieure ou égale à 2 g/l. Sous les termes d’hyperglycémie à
jeun non diabétique et d’intolérance aux hydrates de carbone, on regroupe 3 types de patients :

— ceux qui évolueront vers le diabète : 25 % à 50 % dans les 10 ans


— ceux qui resteront hyperglycémiques non diabétiques ou intolérants aux hydrates de carbone :
25 à 50 % des patients
— ceux qui retrouveront une tolérance glucidique normale : environ 25 %

1.2.4 Conclusion
On distingue donc désormais, dans un « dégradé » métabolique :

— les sujets normaux


— les sujets hyperglycémiques non diabétiques (glycémie entre 1,10 et 1,25 g/l à jeun)
— les diabétiques (glycémie supérieure ou égale à 1,26 g/l à jeun, ou glycémie supérieure à 2 g/
l à la 2ème heure de l’HGPO)
— les intolérants au glucose (glycémie comprise entre 1,40 et 2 g/l à la 2ème heure de l’HGPO)

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

1.3 Classification, étiologies

1.3.1 Classification
Les données essentielles pour le diagnostic étiologique sont cliniques : âge, poids, existence
d’une cétonurie, hérédité familiale de diabète.

a. Diabète de type 1
Il est remarquable par son début brutal : syndrome cardinal associant polyuropolydipsie,
polyphagie, amaigrissement et asthénie chez un sujet jeune, mince, avec cétonurie associée
à la glycosurie. On ne retrouve d’antécédent familial que dans 1 cas sur 10. Il survient essen-
tiellement avant 20 ans, mais connaît 2 pics d’incidence vers 12 et 40 ans. Il peut être associé
à d’autres maladies auto-immunes (vitiligo, maladie de Basedow, thyroïdites, maladie de
Biermer).
b. Diabète de type 2
A l’opposé, il se caractérise typiquement par la découverte fortuite d’une hyperglycémie
chez un sujet de plus de 40 ans avec un surpoids ou ayant été obèse, avec surcharge pondé-
rale de prédominance abdominale (rapport taille / hanche supérieur à 0,8 chez la femme, su-
périeur à 0,95 chez l’homme). Le plus souvent, on retrouve une hérédité familiale de diabète
non insulino-dépendant. Le diabète de type 2 est souvent associé à une hypertension arté-
rielle essentielle et/ou à une hypertriglycéridémie. Le diagnostic se fait le plus souvent lors
d’un examen systématique. En effet, le diabète de type 2 est asymptomatique. Le retard au
diagnostic est d’environ 5 ans. Ainsi, dans 20 % des cas, il existe une complication du diabète
au moment du diagnostic.

Diabète de type 1 Diabète de type 2


début brutal découverte fortuite
syndrome cardinal asymptomatique
sujet mince sujet avec surpoids
avant 20 ans après 40 ans
pas d’hérédité familiale hérédité familiale
cétonurie HTA, hypertriglycéridémie

c. Les diabètes iatrogènes


Ils correspondent aux hyperglycémies provoquées par :
— corticoïdes (sous toutes les formes)
— β bloquants non cardio-sélectifs
— diurétiques hypokaliémiants
— progestatifs de synthèse de type norstéroïdes

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

— sympathicomimétiques (Salbutamol)
— antiprotéases (traitement du SIDA)
d. Les autres étiologies du diabète
Elles ne sont pas à rechercher systématiquement. En cas de doute diagnostic uniquement (dia-
bète n’ayant pas les caractères habituels du type 1 ou du type 2) on évoquera une autre étio-
logie en fonction du contexte clinique :
— pancréatite chronique calcifiante
La découverte d’un diabète chez un homme de plus de 40 ans, dénutri, avec des anté-
cédents d’alcoolisme doit la faire suspecter. La pancréatite chronique calcifiante associe
au déficit endocrine, une insuffisance pancréatique externe avec stéatorrhée et parfois
malabsorption dont le traitement relève des extraits pancréatiques. Le traitement de ces
malades par insulinothérapie comporte un risque majeur d’hypoglycémies sévères en
raison d’une carence associée en Glucagon. Des calcifications pancréatiques peuvent
être mises en évidence sur le cliché d’abdomen sans préparation, voire le scanner ab-
dominal. On observe également des pancréatites chroniques calcifiantes familiales ou
pancréatites calcifiantes nutritionnelles, chez les immigrés africains en particulier.
— hémochromatose
Elle peut également s’accompagner d’un diabète. Le dosage du fer sérique et du coef-
ficient de saturation de la transferrine permet le diagnostic confirmé par la mise en
évidence de la mutation HFE. Le seul traitement efficace de la surcharge ferrique
consiste en des saignées initialement hebdomadaires mais le diabète est irréversible.
— diabètes endocriniens
Ils sont associés à l’hyperthyroïdie, au phéochromocytome, au syndrome de Cushing, à
l’acromégalie, à la maladie de Conn, au glucagonome, au somatostatinome. Seuls les
signes cliniques évocateurs de ces différentes pathologies doivent amener à pratiquer des
dosages hormonaux nécessaires au diagnostic.
— cancer du pancréas
L’échographie et le scanner du pancréas ne doivent pas être systématiques lors de la dé-
couverte d’un diabète non insulino-dépendant. Si le tableau clinique est évocateur (amai-
grissement, vitesse de sédimentation accélérée, fièvre, ictère...) chez un sujet de plus de
40 ans sans antécédent familial de diabète, on pourra demander des examens d’imagerie
pancréatique ou des marqueurs biologiques à la recherche d’un cancer du pancréas.
— diabète de type 3
Il doit être suspecté chez les africains et les indiens. Ce diabète apparaît entre 30 et
40 ans. Son début est aigu, généralement avec cétose. L’évolution se fait secondairement
vers un mode non insulino-dépendant. Il n’y a pas de marqueur d’auto-immunité, pas
d’insuffisance pancréatique externe. Ce diabète associe carence insulinique et insulino-
résistance.
— diabète MODY (Maturity Onset Diabetes of the Young)
C’est un diabète d’hérédité autosomale dominante. Il s’agit d’un diabète non insulino-
dépendant, survenant avant l’âge de 25 ans, parfois même dans l’enfance. Le diabète
MODY II réalise une hyperglycémie bénigne familiale due à une mutation de la gluco-
kinase, enzyme dont le métabolisme régule la sécrétion d’insuline. Tout se passe comme

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

si le « lecteur de glycémie » de la cellule B du pancréas était déréglé, lisant 1 g/l lorsque


la glycémie est en réalité à 1,20 ou 1,40 g/l. Les diabètes MODY I, III et IV sont dus à
des mutations de facteur de transcription nucléaire (HNF) retrouvés au niveau du foie et
du pancréas. Ils s’accompagnent d’une carence insulino-sécrétoire et leur évolution est
souvent plus sévère que celle du MODY II, avec nécessité parfois d’une insulinothéra-
pie.
— diabète secondaire à une mutation de l’acide désoxyribonucléique mitochondrial
Il associe une surdité de perception et se caractérise par une hérédité maternelle. Il peut
s’associer à des atteintes tissulaires diverses, musculaires, neurologiques, cardiaques, ré-
tiniennes. Ce diabète est parfois d’emblée insulino-dépendant.
— diabète lipoatrophique
Congénital ou acquis, il est caractérisé par la disparition du tissu adipeux. Il existe une
insulino-résistance majeure avec hyperlipidémie et stéatose hépatique. A l’examen cli-
nique, on peut retrouver un acanthosis nigricans (pigmentation brunâtre avec aspect
épaissi et velouté de la peau et nombreux papillomes au niveau du cou, des aisselles, de
l’ombilic) témoin de l’insulino-résistance.
— Autres étiologies rares : pancréatectomie totale, mucoviscidose, cirrhose hépatique, in-
suffisance rénale sévère
e. Formes cliniques atypiques
Diabète de type 1 d’évolution lente.
Il s’observe chez les personnes de plus de 40 ans avec ou sans surpoids, présentant un diabète
non insulino-dépendant non cétosique mais associé à une maladie auto-immune (dysthyroï-
die, maladie de Biermer, vitiligo). Chez ces patients, l’existence d’une insulite auto-immune
mise en évidence par la positivité de marqueurs d’auto-immunité [anticorps anti îlots de Lan-
gerhans, anticorps anti GAD (Glutamate Acide Decarboxylase)] est un argument en faveur
d’une insulinothérapie dès le diagnostic. Le diabète est alors facile à équilibrer avec de petites
doses d’insuline.

1.3.2 Etiologies du diabète


• diabète de type 1
• diabète de type 2
• diabète iatrogène
• pancréatite chronique calcifiante
• hémochromatose
• endocrinopathies
• cancer du pancréas
• diabète de type 3
• diabète MODY
• diabète mitochondrial
• diabète lipoatrophique

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

1.4 Bibliographie
1. ALBERTI KG
Quelques problèmes posés par la définition et l’épidémiologie du diabète de type 2 (non in-
sulino-dépendant) dans le monde
Diabete Metab. 1994 ; 20 : 315 — 324
2. GRIMALDI A. ; CORNET P. ; MASSEBOEUF N. ; POPELIER M. ; SACHON C.
Guide pratique du diabète. Paris 1997. Collection Médiguide du Généraliste
3. GRIMALDI A. ; HEURTIER A.
Les critères de diagnostic du diabète de type 2
Rev. Prat. 1999 ; 49 : 16 — 21
4. LAVILLE M.
Diabète, dialyse, dépenses de santé
Néphrologie 1996 ; 17 : 319 — 320
5. MAC CANCE D.R. ; HANSON R.L. ; PETTITT D.J. ; BENNETTE P.H. ; HADDEN D.R. ;
KNOWLER W.C.
Diagnosing diabetes mellitus. Do we need new criteria ?
Diabetologia 1997 ; 40 : 247 — 255
6. PAPOZ L. ; WILLIAMS R. FULLER J.
Le diabète en Europe
Paris ; INSERM. John LIBBEY, 1994

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Diabète : épidémiologie, diagnostic, étiologie

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Physiopathologie du diabète de type 1

Chapitre 2

Physiopathologie du diabète
de type 1
Question d’internat n° 330

Le diabète de type 1 est dû à une destruction auto-immune des cellules insulino-sécrétrices dites
cellules B. L’hyperglycémie apparaît lorsqu’il ne reste plus que 10 à 20 % de cellules B fonction-
nelles. Le processus auto-immun responsable d’une « insulite » pancréatique se déroule sur de
nombreuses années (5 à 10 ans voire plus, avant l’apparition du diabète). Cette réaction auto-im-
mune survient sur un terrain de susceptibilité génétique à la suite de facteurs déclenchants et peut
être dépistée avant l’apparition de l’hyperglycémie par des dosages sanguins d’auto-anticorps.

2.1 Le terrain génétique de susceptibilité


Il s’agit d’une susceptibilité plurigénique avec au moins 10 gènes en cause :

— Le 1er et le principal se situe sur le chromosome 6 au niveau des gènes ou du système HLA
de classe II avec un risque relatif de 3 à 5, lorsqu’il existe un antigène HLA DR3 ou DR4. Le
risque relatif atteint 20 à 40 lorsque les deux antigènes DR3 et DR4 sont associés, ce qui veut
dire que l’association DR3-DR4 est fréquente dans la population diabétique alors qu’elle est
exceptionnelle dans la population non-diabétique. Ainsi, le risque pour des frères et sœurs
peut être précisé en fonction de l’identité HLA avec le diabétique. Le risque est de 15 %
lorsque les frères ou sœurs présentent les deux haplotypes HLA en commun avec le diabé-
tique. Il n’est que de 7 % lorsqu’ils n’ont qu’un seul haplotype en commun et il est inférieur
à 1 % lorsque les deux haplotypes sont différents.
— Le 2ème gène repéré se situe dans la région du gène de l’insuline mais d’autres régions du gé-
nome sont impliquées. Leur étude permettra peut-être d’améliorer le dépistage du risque gé-
nétique. Mais elle devrait surtout permettre de mieux comprendre la physiopathologie de la
maladie.

Il est important de connaître le risque de survenue d’un diabète insulino-dépendant dans la fratrie
d’un enfant diabétique ou lorsque l’un des deux parents est diabétique pour pouvoir répondre aux
questions des patients. Le risque pour une mère diabétique insulino-dépendante d’avoir un enfant

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 17/142


Physiopathologie du diabète de type 1

diabétique est environ 2 % alors que le risque est de 4 à 5 % lorsque c’est le père qui est diabétique
insulino-dépendant. Les différents risques sont résumés dans le tableau ci-dessous :

Risque de survenue d’un diabète insulinodépendant :

population générale 0.2 %


personnes DR3 DR4 (1 % de la population générale) 7%
enfant de mère DID 2-3 %
enfant de père DID 4-5 %
frère ou sœur d’un DID 5%
frère ou sœur d’un DID, HLA différent <1%
frère ou sœur d’un DID, HLA identique 15 %
frère ou sœur d’un DID, HLA semi-identique 7%
jumeau homozygote d’un DID 30-40 %

2.2 Les facteurs déclenchants


Des facteurs d’environnement sont probablement à l’origine du déclenchement du processus auto-
immunitaire. Ils pourraient expliquer « le gradiant nord-sud » du DID : en effet, un enfant finlan-
dais a 7 à 8 fois plus de risque de développer un diabète insulino-dépendant qu’un enfant français.
Ceci est en faveur de l’existence de facteurs environnementaux bien que les facteurs génétiques
puissent également rendre compte de ce gradiant.
Le rôle des virus dans la pathogénie du diabète de type 1 est suspecté mais non démontré. En faveur
de cette hypothèse, la haute prévalence du diabète de type 1 (environ 20 %) en cas de rubéole
congénitale ou la présence du virus coxsackie B4 isolé dans le pancréas d’enfant décédé lors d’une
acido-cétose inaugurale. Certains virus pourraient présenter un antigène commun avec des pro-
téines de cellule B (virus coxsakie ou cytomégalovirus).
L’infection virale pourrait être responsable de la sécrétion de cytokines, en particulier d’interféron
γ, favorisant par différents mécanismes le développement de la réaction auto-immune au niveau
pancréatique.

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Physiopathologie du diabète de type 1

2.3 Déroulement de la réaction auto-immune


La destruction de la cellule B est essentiellement due à une infiltration des îlots par des
lymphocytes T helper CD4 et des lymphocytes T cytotoxiques CD8. Ce processus se déroule à bas
bruit pendant plusieurs années. Au cours de cette réaction sont produits des auto-anticorps dirigés
contre certains antigènes pancréatiques. Ces auto-anticorps n’ont pas en eux-même de rôle patho-
gène mais sont des marqueurs fiables du déroulement du processus auto-immun pathologique.
Ces anticorps sont essentiellement au nombre de 4 :

— Les anticorps anti-îlots (islet cell antibody : ICA).


— Les anticorps anti-GAD (glutamate acide décarboxylase). Ces anticorps sont dirigés contre
une enzyme ubiquitaire mais qui est exprimée au niveau pancréatique. Leur présence traduit
l’existence d’un processus auto-immun dirigé contre les cellules B du pancréas.
— Les auto-anticorps anti-insuline, retrouvés surtout chez l’enfant.
— L’anticorps anti-IA2 : c’est un anticorps dirigé contre une phosphatase membranaire des
cellules B.

2.4 Intérêt de la recherche des anticorps


pancréatiques
La recherche de ces auto-anticorps peut être effectuée dans deux indications :

— Le dépistage des sujets en train de développer une insulite auto-immune à bas bruit, soit dans
la fratrie d’un enfant diabétique, soit chez les enfants d’un parent diabétique. Plus l’on re-
trouve d’auto-anticorps différents, plus le risque de développer un diabète de type 1 est im-
portant. Ce dépistage a un intérêt soit pour rassurer l’entourage s’il est négatif, soit pour
démarrer le plus tôt possible une insulinothérapie a minima qui pourrait retarder la destruction
des cellules B. Certaines équipes proposent des traitements préventifs du diabète mais ceci
reste dans le cadre de la recherche.
— Dans le cas d’un diabète qui ne présente pas toutes les caractéristiques du diabète de type 1
ou de type 2, on peut parfois être amené à rechercher la présence d’un ou plusieurs auto-anti-
corps qui est un argument pour un diabète d’origine auto-immune.

2.5 Diabète de type 1


• susceptibilité liée au système HLA de classe II
• risque plus élevé si HLA DR3 et/ou DR4
• facteurs déclenchants environnementaux

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Physiopathologie du diabète de type 1

• réaction auto-immune dépendant des lymphocytes T


• auto-anticorps = marqueurs de l’insulite

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Physiopathologie du diabète de type 2

Chapitre 3

Physiopathologie du diabète
de type 2
Question d’internat n° 331

Le diabète non insulino-dépendant ou diabète de type 2 résulte de la conjonction de plusieurs gènes


de susceptibilité, dont l’expression dépend de facteurs d’environnement, au premier rang des-
quelles, la consommation excessive de graisses saturées et de sucres rapides, et la sédentarité.
L’insulino-déficience responsable de l’hyperglycémie du diabète de type 2 est précédée par 10 ou
20 ans, d’hypersécrétion insulinique (hyperinsulinisme) secondaire à une insulino-résistance des
tissus périphériques. L’anomalie métabolique fondamentale qui précède le DNID est l’insulinoré-
sistance.

3.1 L’insulinorésistance

3.1.1 Mécanisme de l’insulinorésistance


Il s’agit d’une insulinorésistance essentiellement musculaire portant principalement sur la synthèse
du glycogène.

— Cette insulinorésistance survient sur un terrain génétique puisqu’on la retrouve chez les en-
fants ayant une tolérance glucidique strictement normale mais ayant deux parents diabétiques
non insulino-dépendants. Toutefois, on ne connaît pas encore les gènes impliqués.
— Sur le plan métabolique, l’insulinorésistance est secondaire à l’excès de graisses au niveau
des muscles et du tissu adipeux viscéral. Le tissu adipeux viscéral libère une grande quantité
d’acides gras libres. Le flux portal des acides gras libres favorise la synthèse hépatique des
triglycérides et stimule la néoglucogénèse hépatique. Au niveau musculaire, il existe une vé-
ritable compétition entre les acides gras libres et le glucose pour être oxydé : les acides gras
libres sont oxydés en priorité, entraînant une production accrue d’acetyl CoA qui inhibe en
retour les enzymes de la glycolyse. L’énergie musculaire est donc fournie en priorité par
l’oxydation des acides gras libres et le stock de glycogène musculaire reste intact, ce qui ré-
prime en retour la glycogène synthase.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 21/142


Physiopathologie du diabète de type 2

En résumé, le stockage et l’utilisation du glucose sont diminués au niveau musculaire


alors qu’au niveau hépatique, il y a une stimulation de la néoglucogénèse. Tout ceci
concours à augmenter la glycémie.

3.1.2 Facteurs cliniques d’insulinorésistance


Les principaux facteurs cliniques d’insulinorésistance sont :

— L’obésité, appréciée par l’index de poids corporel (poids en kilos sur carré de la taille en
mètre). L’obésité est définie par un index supérieur à 30.
— La répartition abdominale, sous-cutanée et plus encore viscérale des graisses. On dis-
tingue trois types de tissus adipeux de topographie différente : le tissu adipeux gynoïde (de
type féminin) qui prédomine à la partie inférieure du corps au niveau des cuisses et des fesses,
le tissu adipeux androïde sous-cutané et viscéral. Ce tissu adipeux androïde (de type masculin)
se localise au contraire à la partie supérieure du corps. Il est caractérisé par une hypertrophie
adipocytaire et une sensibilité lipolytique importante. Cette topographie androïde avec sur-
charge adipeuse viscérale serait favorisée entre autre par une augmentation du tonus sympa-
thique et par l’hyperinsulinisme. La répartition abdominale des graisses est appréciée
grossièrement par le rapport du périmètre de la ceinture mesurée au niveau de l’ombilic sur le
périmètre des hanches, mesurée au niveau des trochanters. C’est ce que l’on appelle le rapport
taille sur hanche. Une répartition androïde des graisses est définie par un rapport taille sur
hanche supérieur à 0.8 chez la femme et supérieur à 1 chez l’homme. Cette répartition an-
droïde des graisses comporte un risque d’apparition de diabète multiplié par 3 à 6 en compa-
raison à une population de poids identique avec une répartition des graisses différentes.
— La sédentarité, multiplie le risque de diabète par 2.
— Un facteur génétique : l’insulinorésistance pourrait s’expliquer par une augmentation des
fibres musculaires à contraction rapide plus insulino-résistantes que les fibres à contraction
lente. En effet, les fibres à contraction lente dites de type 1 sont richement vascularisées à mé-
tabolisme oxydatif, et sont très sensibles à l’insuline. Elles sont sollicitées par les efforts d’en-
durance et leur nombre est accru chez les sportifs entraînés. Au contraire, les fibres à
contraction rapide dites de type 2 sont insulino-résistantes.
La répartition topographique du tissus adipeux et la variation typologique du tissu musculaire
dépendrait de facteurs hormonaux et environnementaux : le stress, l’alcool, le tabagisme, fa-
vorisent la topographie androïde des graisses alors que la sédentarité et le vieillissement en-
traînent une élévation des fibres musculaires de type 2 par rapport aux fibres musculaires de
type 1.
— L’âge : le sujet âgé cumule plusieurs facteurs d’insulinorésistance.
— L’hypertension artérielle essentielle, l’augmentation des triglycérides et la baisse du
HDL cholestérol, apparaissent comme des conséquences de l’insulinorésistance, ce qui ren-
drait compte de la fréquence de leur association avec le diabète de type 2.

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Physiopathologie du diabète de type 2

3.1.3 L’insulino-résistance
• précède le diabète de type 2
• survient sur un terrain génétique de susceptibilité
• diminue l’utilisation musculaire du glucose
• augmente la production hépatique de glucose
• se traduit par une obésité androïde
• s’accompagne souvent d’HTA, d’hypertriglycéridémie, et d’hypo HDLémie.

3.2 Insulinodéficience
L’insulinorésistance décrite précédemment entraîne pendant 10 à 20 ans un hyperinsulinisme per-
mettant pendant des années de maintenir la glycémie à jeun inférieure à 1.20 g/l. Puis l’insulinémie
décroît progressivement en même temps que la glycémie à jeun dépasse 1.20 g/l. Cette insulinodé-
ficience est d’abord relative puis devient absolue lorsque la glycémie à jeun dépasse 2 g/l. A ce
stade, la carence insulinique et l’excès de sécrétion de GLUCAGON sont responsables d’une aug-
mentation du débit hépatique de glucose avec augmentation de la néoglucogénèse hépatique res-
ponsable de l’hyperglycémie à jeun.

3.3 Remarque
On ne connaît toujours pas l’anomalie primitive à l’origine du développement de l’insulinorésis-
tance puis du diabète non insulinodépendant. Nombre d’auteurs pensent que le trouble primitif
siège au niveau du tissu musculaire. L’insulinorésistance musculaire serait responsable d’un hy-
perinsulinisme qui favoriserait l’obésité androïde. Mais d’autres pensent que le trouble primitif
siège au niveau du tissu adipeux avec une hypersensibilité à l’insuline responsable du dévelop-
pement de l’obésité androïde, le muscle étant secondairement victime de l’excès de production
d’acides gras libres.
D’autres encore estiment que le trouble primitif se situe au niveau de la cellule bêta du pancréas
avec une hypersensibilité au stimulus insulinosécréteur.
Quoi qu’il en soit, la prédisposition héréditaire est importante dans le diabète de type 2 :
lorsque l’un des parents est diabétique, le risque pour les enfants est de 30 %, lorsque les deux pa-
rents sont diabétiques, le risque est d’environ 50 %. Ceci a des implications en terme de santé pu-
blique, mais aussi pour le médecin traitant qui doit se préoccuper de la prévention de la maladie
chez les enfants et les petits enfants des diabétiques en leur prodiguant des conseils diététiques vi-
sant à réduire ou prévenir la surcharge pondérale, et surtout en les encourageant à avoir une activité
physique.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 23/142


Physiopathologie du diabète de type 2

3.4 Erreurs conceptuelles et pratiques en


matière de diabète de type 2
La physiopathologie du diabète de type 2 permet d’éviter les erreurs souvent commises dans la
prise en charge du diabète de type 2, qui sont énumérées dans le tableau ci-dessous :

1. Ne prendre en compte que le rôle du tissus adipeux hypertrophié et oublier que le tissu mus-
culaire est le siège principal de l’insulinorésistance.
2. En conséquence, sous-estimer la place de l’activité physique dans la prévention et le traite-
ment du DNID.
3. Prescrire un régime hypoglucidique au lieu de prescrire une diététique normoglucidique hy-
polipidique limitant les graisses saturées.
4. Restreindre le DNID à la glycémie en oubliant l’importance de l’hyperlipidémie et de l’hy-
pertension artérielle, le plus souvent associées.

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Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

Chapitre 4

Diabète et grossesse (y
compris diabète
gestationnel) : Diagnostic,
Complications, Principes du
traitement
Question d’internat n° 165

4.1 Diabète de type I et de type II


Les risques principaux sont d’une part les malformations liées à l’hyperglycémie lors des 1ère se-
maines de grossesse (qui sont responsables de la moitié de la mortalité néonatale) et d’autre part,
les complications néonatales liées à l’hyperinsulinisme fœtal développé à partir du 2ème trimestre
(macrosomie avec traumatisme néonatal, hypoglycémie...).
La règle est donc d’une part d’obtenir un équilibre glycémique parfait à la fois au moment de la
conception (ce qui sous-entend une programmation des grossesses), pendant la grossesse, mais
aussi pendant l’accouchement, et d’autre part, un suivi mixte diabétologique et obstétrical rappro-
ché.
Grâce à ces progrès dans la prise en charge des grossesses diabétiques, le pourcentage de mortalité
périnatale est proche de celui des autres grossesses (1 % environ).

4.1.1 Les complications


1. 1er trimestre : organogénèse : risque = malformations
Une prise en charge après 8 SA multiplie le risque de malformation de 5 à 6 fois par rapport
à une prise en charge avant la conception. Elles sont :

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 25/142


Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

— non spécifiques du diabète (sauf le syndrome de régression caudale, exceptionnel).


— le plus souvent, malformations cardiaques :
• persistance du canal artériel
• communication interventriculaire
• coarctation aortique
— malformations neurologiques :
• spina-bifida
• hydrocéphalie
• anencéphalie
— malformations rénales.
Conséquences de ces malformations :
— fausses couches spontanées
— mortalité néonatale.
2. 2ème trimestre : développement fœtal :
Hyperglycémie + excès d’acides aminés et d’acides gras libres

hyperinsulinisme fœtal

hyperanabolisme fœtal ⇒
— macrosomie (développée aux dépends des tissus insulino-sensibles avec augmentation
du périmètre abdominal alors que le diamètre bipariétal et la longueur fémorale restent
normaux)
— hypoxie tissulaire (d’où production excessive d’érythropoïétine, d’où polyglobulie et
hyperbilirubinémie)
— retard de la maturation pulmonaire (lié directement à l’hyperinsulinémie)
— hypertrophie cardiaque septale
3. Accouchement :
— Traumatisme fœtal secondaire à la macrosomie
— Hypoglycémie sévère du nouveau-né (enfant hyperinsulinique dont les enzymes de la
glycogénolyse sont inhibées)
— Hypocalcémie (carence brutale des apports maternels chez ces enfants en hyperanabo-
lisme)
— Hyperbilirubinémie/polyglobulie (secondaire à l’hypoxie)
— Détresse respiratoire transitoire par retard de résorption du liquide amniotique
— Maladie des membres à hyalines.

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Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

4.1.2 Facteurs de mauvais pronostic lors d’une grossesse chez


une femme diabétique
— insuffisance rénale préexistante à la grossesse : la mortalité fœtale in-utéro est alors de 50 %
— aggravation pendant la grossesse de l’hypertension artérielle, de la protéinurie, de l’in-
suffisance rénale
— insuffisance coronarienne : risque de mortalité maternelle de 50 %, donc grossesse très for-
tement déconseillée, voire indication d’une interruption thérapeutique de grossesse.
— pyélonéphrite aiguë
— acidocétose diabétique ⇒ mortalité fœtale in-utéro de 50 %
— cétose simple prolongée : rôle néfaste sur le développement du système nerveux.
— pré-éclampsie : fréquente chez les diabétiques de type 1 ayant une microangiopathie et chez
les diabétiques de type 2 obèses.

NB : hypertension artérielle et grossesse : se définit par une pression artérielle systolique


≥ 140 mmHg ou une pression diastolique ≥ 90 mmHg à 2 reprises (tension artérielle prise au repos
en décubitus latéral gauche ou assis). L’hypertension artérielle est souvent secondaire à une insuf-
fisance placentaire, d’où nécessité d’améliorer les débits sanguins placentaires.

Traitement :
Objectifs : diminution progressive de la pression artérielle en évitant de descendre en-dessous de
13/8.

— repos
— contre-indication des régimes désodés, des diurétiques et des inhibiteurs de l’enzyme de
conversion
— anti-hypertenseurs centraux (ALDOMET*, CATAPRESSAN*)
— vasodilatateurs (NEPRESSOL*, MINIPRESS*, ALPRESS*) et bêtabloquants
— si microangiopathie diabétique et/ou anomalie de signal au doppler utérin lors de la 2ème écho-
graphie, traitement par ASPIRINE 100 mg/j (à discuter avec l’obstétricien), interruption de
l’ASPIRINE à 34 SA (en prévision de l’accouchement).

4.1.3 Prise en charge de la grossesse chez une femme


diabétique (diabète de type 1 et 2)
Prise en charge glycémique :

— Grossesse programmée (ce qui sous-entend une contraception orale fiable avant la gros-
sesse)
— arrêt des sulfamides (risque tératogène) et des biguanides
— insulinothérapie avec pour objectif la normoglycémie : HbA1c normale, glycémie à jeun in-
férieure ou égale à 0,9 et post prandiale inférieure ou égale à 1,20 g/l pour le diabète de type 2,
et pour le type 1 moyenne glycémique entre 0,6 et 1,60 g/l. Ces objectifs seront les mêmes

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Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

pendant toute la grossesse. Schéma d’insuline « type » : semi-lente matin et soir (NPH) et in-
suline rapide aux 3 repas. Pour le diabète de type 1, ce schéma peut être aussi remplacé par
une semi-lente le matin et au coucher et 3 rapide aux repas, ou 3 rapide aux repas et 1 insuline
lente au coucher. Pour le diabète de type 2, ce schéma peut être remplacé par 3 rapide matin,
midi et soir et 1 semi-lente le soir ou un mélange matin et soir + insuline rapide le midi.
l n’y a donc pas de schéma « tout fait » mais le bon schéma est celui qui permet d’obtenir les
objectifs glycémiques.
— nécessité afin d’obtenir ces objectifs d’un auto-contrôle glycémique avant et 90 minutes après
le repas et au coucher, afin de pouvoir faire un correctif thérapeutique immédiat (collation si
inférieure à 0,60 g/l, ajout d’insuline rapide si supérieure à 1,60 g/l).
— consultation diabétologique tous les 15 jours (cf. tableau « Surveillance d’une femme diabé-
tique lors d’une grossesse (diabète type 1 et 2) »).

Surveillance d’une femme diabétique lors d’une grossesse (diabète type 1 et 2)

Diabétologue Obstétricien

Déroulement de la grossesse

Début de la grossesse
Consultation tous les 15 jours : — Echographie 20-22 SA → morpholo-
gie
— Poids, TA — Echographie 32 SA → paramètres
— Bandelette urinaire analysés à l’échographie :
— Fructosamine / 15 jours
— biométrie
— HbA1c, uricémie / 2 mois
— FO vers 26-28 SA (1x/mois si rétino- — structure placentaire
pathie) — liquide amniotique
— ASPEGIC 100 mg : 11ème à 34ème — Doppler artère utérine si microangio-
SA si rétinopathie et si HTA. pathie, HTA ou retard de croissance
intra-utérin
Avant la grossesse
— Recherche de foyer infectieux (sto- — Sérodiagnostic toxoplasmose,
mato++) rubéole, syphilis, VIH
— Bilan complet du diabète, — groupe Rh, RAI
notamment :
— FO voire angiographie
— créatinine, μalbuminurie
— HbA1C : HbA1C < 7 % →
grossesse possible
— Mise à l’insuline si diabète de type 2
et arrêt des anti-diabétiques oraux

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Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

Diabétologue Obstétricien

Déroulement de la grossesse

Accouchement
— Insulinothérapie I.V. + G10 %, sur- — Césarienne non systématique ; césa-
veillance glycémique/1h, objectifs rienne si :
glycémiques 0,6 à 1 g/l — bassin étroit
— Prévention hypoglycémie et hypocal-
— utérus pluricicatriciel
cémie néonatales avec surveillance
glycémie capillaire pendant 48 h — grossesse gémellaire
— macrosomie
Après accouchement : — souffrance fœtale

— diabète type 1 : besoin en Insuline — Accouchement programmé le plus


diminué 50 %, reprendre le même souvent :
traitement que celui antérieur à la — hospitalisation à 32 SA si équi-
grossesse en diminuant un peu les libre glycémique imparfait ou
doses. problème obstétrical,
— diabète de type 2 : si allaitement, — sinon hospitalisation à 36-38 SA
poursuivre l’insuline ; si pas allaite- → déclenchement dès que
ment, reprise des A.D.O. conditions locales le permettent.
FO Echographie 11-12 SA → terme

4.2 Diabète gestationnel

4.2.1 Définition
Le diabète gestationnel est défini comme une intolérance au glucose de sévérité variable survenant
ou diagnostiquée pour la première fois pendant la grossesse, quelque soit le terme de cette gros-
sesse, quelque soit le traitement nécessaire et l’évolution après l’accouchement.
Le diagnostic est généralement fait entre la 24 et 28ème SA (6ème mois).
La fréquence du diabète gestationnel est très variable à travers le monde et est estimée en France
4 à 6 % des grossesses.
Les facteurs de risque de diabète gestationnel sont : l’âge maternel (> 30 ou 35 ans), le surpoids
maternel avant la grossesse (BMI > 25 kg/m2), la prise de poids excessive pendant la grossesse,
l’origine ethnique (origine indienne et asiatique, notamment chinoise ; le risque chez les races
noires et hispaniques est plus controversé), les antécédents familiaux de diabète, les antécédents de
diabète gestationnel ou de macrosomie, les antécédents d’hypertension artérielle.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 29/142


Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

4.2.2 Complications du diabète gestationnel


• Immédiates : il s’agit le plus souvent d’une hyperglycémie développée au 2ème trimestre de la
grossesse. L’organogenèse est donc déjà effectuée. Il n’existe donc pas de malformation fœ-
tale. Le risque est donc lié à l’hyperinsulinisme fœtal (cf. diabète de type 1 et 2 au
2ème trimestre), avec pour risque principal, la macrosomie. La macrosomie est définie soit
par un poids de naissance supérieur à 4 kg, soit par un poids de naissance supérieur au
90ème percentile (sur la courbe de Leroy-Lefort qui tient compte du terme). Il semble cepen-
dant qu’il faudrait également tenir compte de la taille de l’enfant à la naissance dans l’estima-
tion de la macrosomie.
• A long terme : le risque de diabète de type 2 chez la mère est de 20 à 50 % des cas en fonction
du BMI des femmes pré-grossesse. Pour l’enfant, le risque est une obésité d’une part et un
diabète de type 2 d’autre part.

4.2.3 Diagnostic et dépistage du diabète gestationnel


Il n’y a pas de test diagnostic parfaitement validé pour le diabète gestationnel. Différents tests dia-
gnostiques sont en fait proposés à travers le monde, et c’est la seule situation où l’HGPO a encore
sa place. Ces différents tests sont soit le test de O’Sullivan (mesure de la glycémie 1 heure après
l’ingestion de 50 g de glucose per os, suivie d’une hyperglycémie provoquée par voie orale avec
100 g de glucose si cette glycémie est supérieure à 1,30 g/l) pour certains, ou encore une hypergly-
cémie provoquée par voie orale avec 75 g de glucose per os pour d’autres. Les seuils proposés dans
ces différents tests sont probablement trop élevés.
Cependant, pour tout le monde, une glycémie à jeun supérieure ou égale à 1 g/l et/ou post-
prandiale supérieure à 1,40 g/l, est anormale et doit déboucher sur une prise en charge thé-
rapeutique à base de diététique et/ou d’insulinothérapie.
Il n’y a pas non plus consensus sur le dépistage du diabète gestationnel. Cependant, il paraît logique
de ne pas dépister les femmes de moins de 25 ans, ayant un poids normal avant la grossesse, sans
antécédent familial de diabète. Il paraît par contre légitime de dépister toutes les femmes qui ont
un facteur de risque de macrosomie. Le dépistage s’effectue entre 26 et 28 semaines d’aménorrhée.

Facteurs de risque de macrosomie


(en dehors de la glycémie)
— BMI avant la grossesse > 25 kg/m2
— Age > 35 ans
— Prise de poids excessive pendant la grossesse
— Parité élevée
— Antécédent familial marqué de diabète de type 2
— Antécédent de diabète gestationnel
— Antécédent de macrosomie

30/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

4.2.4 Surveillance de la grossesse


• Diététique : la plupart des diabètes gestationnels sont traités par régime seul. La base de ce
régime est le fractionnement. L’apport calorique va de 2 000 à 1 500 kcal/j selon le poids de
la patiente soit environ 20 à 30 kcal/kg avec un apport glucidique de 250 à 180 g/24h en pri-
vilégiant les glucides à index glycémique bas (légumineuses et pâtes). Le régime est fait de
3 repas et de 3 collations.
• Insulinothérapie : en l’absence de facteur de risque de macrosomie (cf. tableau de facteurs
de risque de macrosomie) ou de problème obstétrical (HTA gravidique notamment) et après
2 semaines de régime fractionné, l’insulinothérapie est instituée si la glycémie à
jeun ≥ 1,05 g/l et/ou la glycémie 90 minutes après le repas ≥ 1,40 g/l. S’il existe un ou plu-
sieurs facteurs de risque, l’insulinothérapie est instituée si la glycémie à jeun est ≥ 0,9 g/l et/
ou la glycémie postprandiale ≥ 1,20 g/l malgré la diététique. Le schéma d’insulinothérapie est
variable selon le profil glycémique. Si seules les glycémies postprandiales sont élevées, le
schéma sera composé d’une injection d’insuline rapide avant chaque repas. Si la glycémie à
jeun au réveil est élevée, on pourra effectuer une insuline semi-lente (NPH) au coucher. Si les
glycémies à jeun et après les repas sont élevées, on fera appel à un mélange NPH/rapide 50/
50 le plus souvent.
Les femmes sont suivies tous les 15 jours avec prise du poids, de la pression artérielle, on s’as-
sure de l’absence d’œdèmes des membres inférieurs, contrôle de la bandelette urinaire avec
analyse des glycémies capillaires (6 auto-contrôles/j avant et 1h30 après chaque repas) et
adaptation des doses d’insuline.
• Suivi obstétrical : lorsque les objectifs glycémiques sont atteints et en l’absence de compli-
cations, la surveillance et l’accouchement ne présentent pas de particularité. En cas de mau-
vais équilibre glycémique ou de retentissement fœtal (macrosomie, hypertrophie septale) ou
encore s’il existe par ailleurs une hypertension artérielle, la surveillance doit être rapprochée,
estimée au cas par cas par l’obstétricien.
Le mode d’accouchement est fonction du degré de macrosomie fœtale (en sachant que l’écho-
graphie n’a une sensibilité pour détecter la macrosomie que de 50 %). En l’absence de consen-
sus, l’attitude suivante est proposée : si le poids fœtal est estimé ≥ 4 500 grs, une césarienne
de principe est indiquée. Dans les autres cas, un déclenchement dans la 39ème SA peut être
envisagé en cas de macrosomie. Le choix de la voie d’accouchement dépend de la confronta-
tion fœto-pelvienne.
La surveillance de l’enfant doit être renforcée au minimum les 24 premières heures après l’ac-
couchement (glycémie toutes les 2 heures). Celle-ci doit rester supérieure à 0,40 g/l.
• L’allaitement doit être conseillé car il contribue au retour à la normale de la tolérance au glu-
cose à distance de l’accouchement chez la mère.
Trois à six mois après l’accouchement, il est nécessaire de contrôler chez la mère la tolérance
au glucose par une glycémie à jeun.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 31/142


Diabète et grossesse (y compris diabète gestationnel) : Diagnostic, Complications, Principes du traitement

32/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

Chapitre 5

Recommandations de
l’ANAES : suivi du patient
diabétique de type 2 à
l’exclusion du suivi des
complications
Ces recommandations concernent le « suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi
des complications ». Sont exclus du cadre de ces recommandations :

— Le dépistage du diabète
— Les modalités thérapeutiques du diabète et des facteurs de risque vasculaire qui lui sont sou-
vent associés
— Le suivi et le traitement des différentes complications
— La grossesse chez la diabétique et les mesures particulières à proposer chez la femme diabé-
tique souhaitant un enfant
— Le diabète gestationnel
— La contraception ou le traitement hormonal substitutif de la ménopause chez la femme diabé-
tique
— L’intolérance au glucose

5.1 Diagnostic
— Le diabète sucré est défini par une glycémie à jeun (au moins 8 h de jeûne) ≥ 1,26 g/l
(7 mmol/l) vérifiée à 2 reprises (grade B). Ce critère de diagnostic n’est pas un seuil d’inter-
vention pharmacologique.
— Il n’est pas recommandé de doser l’hémoglobine glyquée ni de réaliser une hyperglycémie par
voie orale pour poser le diagnostic de diabète sucré (accord professionnel).
— Les arguments en faveur du diabète de type 2 sont des arguments cliniques de probabilité :

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 33/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

âge supérieur à 40 ans, index de masse corporelle supérieur à 27 (kg/m2), absence de cétonu-
rie (ou faible), antécédents familiaux de diabète de type 2 (accord professionnel).
— La découverte d’une complication, en dehors de sa prise en charge spécifique, ne modifie pas
les règles de suivi vis-à-vis du dépistage et de la prévention des autres complications. Elle les
renforce (accord professionnel) dans la mesure où la présence d’une complication majore le
risque de survenue des autres complications de la maladie.

5.2 Education du patient


— L’éducation occupe une place importante dans la prise en charge et le suivi du diabétique de
type 2 (grade B).
— Le consultations initiales doivent comporter un contenu d’éducation : donner des informa-
tions sur ce qu’est le diabète, ses complications et son traitement ; assurer une formation à
l’autogestion de la maladie et du traitement, en particulier dans les domaines de la diététique
et de l’activité physique, de manière que le patient puisse acquérir une réelle autonomie (ac-
cord professionnel).
— Lors des consultations de suivi, il convient d’évaluer les acquis du patient en matière d’édu-
cation, de comportements, d’observance du traitement hygiéno-diététique (régime alimen-
taire, exercice physique, arrêt du tabac) (accord professionnel).

5.3 Suivi glycémique


— Un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 est recommandé pour retarder, voire préve-
nir, la survenue et/ou ralentir la progression des complications dites microvasculaires (recom-
mandation de grade A).
— Un bon contrôle glycémique du diabète de type 2 est recommandé pour prévenir la survenue
des complications cardio-vasculaires (recommandation de grade B).
— Le suivi du contrôle glycémique du diabète de type 2 doit reposer sur le dosage de l’HbA1c
effectué tous les 3 à 4 mois.
— Pour un patient donné, le dosage de l’HbA1c doit être pratiqué dans le même laboratoire, pour
permettre de comparer les résultats excessifs. Le compte rendu du laboratoire doit spécifier la
technique utilisée, si cette technique a été certifiée par les sociétés internationales de standar-
disation, l’intervalle des valeurs normales et les coefficients de variation intra et interlabora-
toire. La technique utilisée doit de préférence doser la seule HbA1c (valeur normale 4 - 6 %)
et les coefficients de variation doivent être inférieurs à 5 %.
— Les objectifs glycémiques se traduisent en objectifs de l’HbA1c. Ils doivent être individuali-
sés en fonction de l’âge du patient, des comorbidités et du contexte psychosocial. Les critères
suivants doivent être pris comme référence :
• l’objectif optimal à atteindre est une valeur d’HbA1c ≤ 6,5 %

34/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

• lorsque l’HbA1c est ≤ 6,5 %, il n’y a pas lieu de modifier le traitement (sauf effets se-
condaires, par exemple un risque d’accident hypoglycémique sous sulfamides ou insuli-
nothérapie)
• lorsque l’HbA1c se situe entre 6,6 % et 8 % sur deux contrôles successifs, une modifi-
cation du traitement peut être envisagée en fonction de l’appréciation par le clinicien du
rapport avantages / inconvénients du changement de traitement envisagé
• lorsque la valeur de l’HbA1c est > 8 % sur deux contrôles successifs, une modification
du traitement est recommandée (accord professionnel).
— L’auto-surveillance glycémique ne doit pas être recommandée de principe pour le suivi du
diabète de type 2 traité par le régime et/ou les hypoglycémiants oraux car son intérêt dans
cette indication n’est pas actuellement démontré (grade B).
— L’auto-surveillance glycémique est cependant utile, a priori à titre temporaire, pour les
3 indications suivantes (accord professionnel) :
• sensibiliser le patient à l’intérêt de la diététique et d’un exercice physique régulier. Elle
constitue souvent un outil précieux d’éducation
• déterminer la posologie d’un sulfamide en début ou lors d’un changement de traitement
oral (notamment pour prévenir les hypoglycémies asymptomatiques)
• en cas de maladie intercurrente ou de prescription d’une médication diabétogène.
— Une surveillance glycémique régulière est nécessaire chez le diabétique de type 2 traité par
insuline (grade B).
— La mesure de la glycémie au laboratoire n’est pas indispensable pour le suivi du diabète de
type 2
La mesure de la glycémie au laboratoire garde un intérêt dans les cas particuliers suivants (ac-
cord professionnel) :
• pour contrôler la précision des mesures de glycémie capillaire chez un patient qui pra-
tique l’auto-surveillance glycémique
• en cas de changement du traitement, en particulier prescription de sulfamides, ou encore
affection intercurrente ou prescription d’une médication diabétogène, chez un patient qui
ne pratique pas l’autosurveillance glycémique. Il est alors utile d’avoir des résultats gly-
cémiques sans attendre 3 mois la valeur de l’HbA1c
• lorsque les techniques disponibles du dosage de l’hémoglobine glyquée ne répondent pas
aux exigences de qualité définies plus haut. Il est sans doute alors préférable de disposer
d’une mesure fiable de la glycémie.
Les mesures de la glycosurie et de la fructosamine ne sont pas recommandées pour le suivi du dia-
bétique de type 2 (accord professionnel).

5.4 Suivi des facteurs de risque vasculaire


— Le suivi du diabète de type 2 comporte le suivi et la prise en charge des facteurs classiques de
risque vasculaire souvent associés au diabète sucré (tabagisme, hypertension artérielle, ano-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 35/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

malies lipidiques (grade A).


— Un risque cardio-vasculaire global, calculé à partir de équations de Famingham et/ou Laurier,
égal ou supérieur à 2 % par an justifie une intervention thérapeutique (accord professionnel).
Un chiffre inférieur n’exclut pas de traiter les facteurs de risque qui dépassent les seuils défi-
nis dans ces recommandations.
— Toutes les mesures visant à aider à l’arrêt d’un tabagisme doivent impérativement être mises
en œuvre.
— La pression artérielle doit être mesurée à chaque consultation.
— La définition de l’hypertension artérielle est la même que chez les non diabétiques : pression
artérielle systolique (PAS) habituellement ≥ 140 mmHg et/ou pression artérielle diastolique
(PAD) habituellement ≥ 90 mmHg (accord professionnel).
— Un bilan lipidique à jeun doit être effectué une fois par an chez le diabétique de type 2. Il com-
porte la mesure du cholestérol total, du HDL cholestérol et des triglycérides, la mesure ou le
calcul (si triglycérides < 4,5 g/l) du LDL cholestérol.
— Au terme de 6 mois d’une diététique appropriée et après obtention du meilleur contrôle gly-
cémique possible, la valeur du LDL cholestérol sert de référence pour instaurer un traitement
médicamenteux hypolipidémiant.

Définition des anomalies du LDL cholestérol justifiant une intervention médicamenteuse


chez le diabétique de type 2 non compliqué (prévention secondaire exclue)

Catégories de patients ayant une élévation Valeur d’instauration du traitement


du LDL cholestérol médicamenteux en g/l (mmol/l)

Prévention primaire des diabétiques de type 2 ≥ 1,90 (4,9)


sans autre facteur de risque
Prévention primaire des diabétiques de type 2 ≥ 1,60 (4,1)
ayant un autre facteur de risque
Prévention primaire des diabétiques de type 2 ≥ 1,30 (3,4)
ayant au moins 2 autres facteurs de risque

36/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

Catégories de patients ayant une élévation Valeur d’instauration du traitement


du LDL cholestérol médicamenteux en g/l (mmol/l)

1. Mise en œuvre des mesures diététiques et/ou des mesures médicamenteuses visant
à améliorer le contrôle glycémique.
2. Facteurs de risque de maladie coronaire, à prendre en compte chez les sujets ayant
une élévation du LDL cholestérol :
• âge : homme de 45 ans ou plus, femme de 55 ans ou plus, ou femme ayant
une ménopause précoce sans œstrogénothérapie substitutive
• antécédents familiaux de maladies coronaires précoces (infarctus du myo-
carde ou mort subite avant l’âge de 55 ans chez le père ou chez un parent du
premier degré de sexe masculin, ou avant 65 ans chez la mère ou chez un
parent féminin du premier degré), ou d’artériopathie quel que soit le siège
• tabagisme en cours
• hypertension artérielle (PA ≥ 140/90 mmHg ou traitement antihypertenseur
en cours)
• HDL cholestérol < à 0,35 g/l (0,9 mmol/l)
• taux des triglycérides > 2 g/l
• présence d’une microalbuminurie.
3. Facteur protecteur :
• HDL cholestérol ≥ 0,60 g/l ; soustraire alors « un risque » au score de niveau
de risque.
Valeurs du LDL cholestérol calculées (si triglycérides < 4,5 g/l) ou mieux directement
mesurés.

5.5 Dépistage des complications oculaires


— Un bilan ophtalmologique, effectué par un ophtalmologiste, doit être pratiqué dès le diagnos-
tic puis une fois par an chez le diabétique de type 2 non compliqué.
— Le bilan ophtalmologique annuel comprend la mesure de l’acuité visuelle après correction op-
tique, la mesure de la pression intra-oculaire, l’examen du cristallin et un examen du fond
d’œil après dilatation pupillaire réalisé au biomicroscope.
— L’angiographie en fluorescence n’est pas un examen de dépistage et n’a pas d’indication dans
le suivi du diabète de type 2 tant que l’examen biomicroscopique du fond d’œil ne montre pas
de complications.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 37/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

5.6 Dépistage des complications rénales


L’insuffisance rénale est une complication grave du diabète de type 2 : il s’agit le plus souvent
d’une néphropathie diabétique (atteinte glomérulaire) mais il peut aussi s’agir d’une néphropathie
d’un autre type ou d’une pathologie rénovasculaire. Le suivi du diabétique de type 2 aura donc
comme objectif le dépistage et la prévention d’une atteinte rénale chez le diabétique.
Un bon contrôle glycémique et tensionnel prévient le risque de survenue d’une néphropathie dia-
bétique (grade B)

— Il convient de mesurer une fois par an la créatininémie à jeun. Il est recommandé de calculer
à partir de la créatininémie la clairance de la créatine par la formule de Cockcroft :
140 – âge (année) × poids (kg) × K
C (ml/min) = -----------------------------------------------------------------------------------
Créatininémie (μmol/l)
K = 1,25 pour l’homme et 1 pour la femme.
Si la créatine est exprimée en mg/l, il faut en multiplier le chiffre par 8,8 pour l’obtenir en
μmol/l.
— Des explorations complémentaires, à commencer par la mesure de la clairance de la créatine
endogène, doivent être envisagées impérativement dans les cas suivants (accord
professionnel) : présence d’une albuminurie, d’une hématurie ou d’une infection urinaire ;
créatininémie > 105 μmol/l (11,8 mg/l) chez la femme et > 135 μmol/l (15,2 mg/l) chez
l’homme ; clairance calculée (Cockcroft) ≤ 60 ml/min.
— La présence d’une microalbuminurie chez un diabétique de type 2 est un marqueur de gravité
générale (notamment vis-à-vis du risque cardio-vasculaire) de la maladie, plus qu’un mar-
queur spécifiquement néphrologique. Elle incitera à renforcer la prise en charge dans tous les
domaines. La présence d’une microalbuminurie est aussi un facteur prédictif du risque de dé-
velopper une protéinurie mais n’est pas un facteur prédictif direct validé du risque de déve-
lopper une insuffisance rénale chronique chez le diabétique de type 2.
— Il convient de pratiquer une fois par an chez le diabétique de type 2, la recherche d’une pro-
téinurie par la bandelette urinaire standard. Ce test a aussi pour but de rechercher une héma-
turie et/ou une infection urinaire qui demandent des explorations spécifiques et qui peuvent
fausser l’interprétation de l’albuminurie.
— Il convient de mesurer une fois par an la microalbuminurie, si le test par la bandelette urinaire
standard est négatif. Cette mesure de la microalbuminurie peut se faire sur un échantillon uri-
naire au hasard (exprimé en rapport de concentration albumine / créatine) ou sur les urines de
la nuit et/ou des 24 h. Le résultat sera considéré comme pathologique s’il est confirmé à
2 reprises (un dépistage, deux confirmations).
— Une microalbuminurie et/ou une protéinurie confirmées devront être quantifiées sur les urines
des 24 heures.
— Un examen cytobactériologique des urines systématique annuel n’est pas recommandé.

38/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

5.7 Dépistage des complications


neurologiques et prévention de la plaie du
pied
— Il convient de procéder une fois par an à un examen neurologique à la recherche de signes de
neuropathie périphérique symptomatique. Recherche par l’interrogatoire de paresthésies et/ou
de douleurs.
Les explorations neurologiques ne sont pas recommandées dans le cadre du suivi du diabète
de type 2 non compliqué.
— Il convient de procéder une fois par an à un examen clinique méthodique du pied pour dépister
les sujets à risque de développer une lésion :
• recherche d’une neuropathie sensitive par l’évaluation de la sensibilité tactile de la plante
et du dos du pied, si possible en utilisant la méthode standardisée du monofilament Ny-
lon
• recherche d’une artériopathie par la palpation des pouls périphériques
• recherche de déformations du pied et/ou des cals.
— Il convient, à chaque consultation, chez les patients à risque, d’enlever chaussures et chaus-
settes pour inspecter le pied et rechercher petite lésion, troubles trophiques, fissure, érythème,
mycose...
— Il convient, au minimum une fois par an, de rappeler les règles d’éducation du patient à risque
concernant l’hygiène du pied : choix de chaussures adaptées, inspection et lavage réguliers du
pied, signaler aussitôt toute lésion suspecte, éviter les traumatismes...
— Il convient, une fois par an, de rechercher par l’interrogatoire les principaux symptômes évo-
cateurs d’une éventuelle neuropathie autonome à expression clinique : hypotension artérielle
orthostatique, troubles digestifs, anomalies de la vidange vésicale, impuissance... (accord pro-
fessionnel).
— La recherche d’une neuropathie autonome par des examens complémentaires n’est pas recom-
mandée en l’absence de signes cliniques d’appel (accord professionnel).

5.8 Dépistage des complications cardio-


vasculaires
— Il convient une fois par an de procéder à l’examen clinique suivant dans le domaine cardio-
vasculaire :
• interrogatoire à la recherche de signes typiques ou atypiques évocateurs d’angor et/ou de
claudication intermittente et/ou d’accident vasculaire cérébral ischémique transitoire
• palpation des pouls pédieux et tibial postérieur

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 39/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

• auscultation à la recherche de souffles carotidiens, fémoraux ou abdominaux.


— Il convient une fois par an de pratiquer un ECG de repos.
— Des explorations complémentaires (ECG d’effort et/ou scintigraphie myocardique) seront
proposées en cas de signes cliniques typiques ou atypiques d’angor ou en cas d’anomalies sur
l’ECG de repos. Ces explorations ne sont pas recommandées, sauf cas particulier, chez le pa-
tient asymptomatique dont l’ECG de repos est normal (accord professionnel).
— Des explorations complémentaires des gros vaisseaux, à commencer par l’exploration écho-
doppler, ne sont pas recommandées à titre systématique mais seront proposées en cas d’ano-
malies à l’examen clinique.

5.9 Divers
— L’examen annuel du diabétique de type 2 doit comporter la recherche clinique d’une éven-
tuelle infection cutanée ou génito-urinaire, de même qu’un examen de la bouche et des dents
(accord professionnel).
— Il convient chez le sujet âgé (en moyenne âge > 70 ans, définition à moduler par les comorbi-
dités) être vigilant vis-à-vis du risque d’hypoglycémie liée au traitement et vis-à-vis du risque
d’insuffisance rénale. Les polymédications doivent être réduites au mieux (accord profession-
nel).
— Si le diabète du sujet âgé est connu et bien équilibré depuis plusieurs années, il n’y a pas lieu
de modifier les objectifs ni le traitement. Si le diabète est diagnostiqué chez un patient âgé, un
objectif d’HbA1c comprise entre 6,5 et 8,5 % peut servir de références mais il est essentiel
d’individualiser cet objectif en fonction du contexte médical et social (accord professionnel).
— Chez le diabétique âgé, la survenue d’une somnolence, d’une déshydratation, d’une altération
de l’état général doit faire aussitôt mesurer la glycémie (accord professionnel).

5.10 Rythme des consultations


Pour un diabétique de type 2 non compliqué dont l’équilibre est stable, le rythme de suivi recom-
mandé et représenté sur le tableau suivant :

40/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

Suivi du diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des complications

Tous les 3-4 moisa Une fois par an

Interrogatoire
• Education (autonomie, règles • Education (autonomie, règles
hygiéno-diététiques...) hygiéno-diététiques...
• Observance du traitement • Observance du traitement
• Autosurveillance glycémique (si • Autosurveillance glycémique (si
prescrite) prescrite)
• Problèmes psychosociaux • Problèmes psychosociaux
• Tabagisme ?
• Evaluation complémentaire de la
prise en charge de sa maladie par le
patient : « savez-vous quels sont les
résultats du dépistage des
complications ? », « quand devez-
vous être dépisté de nouveau ? »
• Symptômes de complications cardio-
vasculaires ou neurologiques
• Pour les femmes en âge de procréer :
contraception ou désir d’enfant ?
Examen clinique
• Poids Examen clinique complet en particulier :
• Tension artérielle
• Examen des pieds • Examen des pieds : état cutané, neu-
ropathie sensitive (monofilament
Nylon ± diapason)
• Réflexes ostéotendineux
• Palpation des pouls
• Recherche de souffles abdominaux,
fémoraux et carotidiens
• Recherche d’une hypotension orthos-
tatique
• Examen de la bouche, de la sphère
ORL, de la peau
Examens paracliniques

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 41/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

Tous les 3-4 moisa Une fois par an

• HbA1c (si dosage fiable) • Examen par un ophtalmologiste


• Glycémie (si contributive à la déci- • ECG de repos
sion thérapeutique) • Bilan lipidique à jeun : LDL, HDL,
triglycérides et cholestérol total
• Créatininémie et calcul de la clai-
rance par la formule de Cockcroft
• Protéinurie et hématurie, recherche
d’infection par bandelettes urinaires
• Si pas de protéinurie, recherche de
microalbuminurie
Lors de la première visite d’un patient diabétique :

— pour les patients dont le diabète est déjà connu : anamnèse du diabète, traitement
actuel et résultats des bilans précédents ;
— diabète nouvellement diagnostiqué : recherche de signes en rapport avec un dia-
bète secondaire ;
— pour tous : antécédents médicaux, traitements en cours, antécédents familiaux
coronariens, d’hypertension artérielle et de dyslipidémie, habitudes alimentaires et
activité physique, statut socio-économique ;
— diagnostic éducatif : « que sait-il ? Quelles sont ses possibilités ? »
a. pour un patient équilibré

42/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

5.11 Force des recommandations

Evidence scientifique Grade Signification


Etudes concordantes de A Preuve scientifique établie
fort niveau de preuve
(par exemple : essais com-
paratifs randomisés de
forte puissance sans biais
majeur, méta-analyse de
décision...)
Etudes concordantes de B Présomption scientifique
niveau de preuve inter-
médiaire
(par exemple, essais com-
paratifs randomisés de
faible puissance et/ou com-
portant des biais...)
Etudes discordantes ou C Arguments scientifiques
de faible niveau de faibles
preuve
(par exemple, essais com-
paratifs non randomisés
avec groupe contrôle histo-
rique, séries de cas...)

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 43/142


Recommandations de l’ANAES : suivi du patient diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des

44/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Complications du diabète (type 1 et 2)

Chapitre 6

Complications du diabète
(type 1 et 2)
Questions d’internat n° 330 et 331

6.1 La neuropathie diabétique


La fréquence de la neuropathie diabétique est diversement appréciée selon les critères pris en
compte pour la définir. Si on retient des critères cliniques, on estime sa prévalence à 50 % chez les
diabétiques dont la maladie évolue depuis plus de 20 ans et également à 50 % chez les diabétiques
âgés de plus de 65 ans.

6.1.1 Facteurs favorisants


Les facteurs déterminant la survenue de la neuropathie diabétique sont d’abord l’équilibre glycé-
mique et la durée du diabète, comme pour la rétinopathie et la glomérulopathie. C’est d’ailleurs
la raison pour laquelle on parle de triopathie diabétique pour définir l’atteinte « œil - pied - rein ».
Mais il existe assez fréquemment des neuropathies diabétiques isolées sans rétinopathie ni glomé-
rulopathie, compliquant le plus souvent un diabète apparemment pas trop mal équilibré ou des neu-
ropathies révélant un diabète méconnu ou même un diabète d’apparition récente.
Force est alors de penser qu’il existe des facteurs de susceptibilité aujourd’hui imparfaitement
connus. On retient toutefois :

— l’âge, la majorité des neuropathies diabétiques survenant après l’âge de 50 ans. Il est possible
que le vieillissement « physiologique » axonal crée une susceptibilité à l’hyperglycémie.
— le sexe masculin
— la grande taille (peut être en raison de la longueur des fibres nerveuses)
— un alcoolisme associé (parfois d’ailleurs responsable d’une pancréatite chronique calcifiante
et de troubles nutritionnels)
— des facteurs nutritionnels (carences vitaminiques, dénutrition)
— une ischémie par artérite des membres inférieurs pouvant expliquer l’asymétrie de l’explora-
tion fonctionnelle neurophysiologique d’une polyneuropathie diabétique
— enfin des variations rapides de l’équilibre glycémique, en particulier une amélioration sou-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 45/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

daine de la glycémie, peut être l’occasion d’une « décompensation » d’une neuropathie. Il


s’agit alors souvent de la constitution d’une multi-mononeuropathie aiguë motrice et/ou dou-
loureuse, parfois sévère mais en général d’évolution favorable.

6.1.2 Formes cliniques


Parmi les formes cliniques, on distingue en effet :

— les mononeuropathies et mononeuropathies multiples


— les polyneuropathies diabétiques
— la neuropathie végétative.

6.1.2.1 Les mononeuropathies et les mononeuropathies multiples


Elles ne représentent que 10 à 15 % des neuropathies diabétiques : leur début est brutal, faisant
suspecter une pathologie ischémique, mais parfois il s’agit seulement de la compression radiculaire
ou tronculaire d’un nerf « fragilisé par le diabète ». Ces mononeuropathies se traduisent essentiel-
lement par des signes moteurs déficitaires, des douleurs évocatrices par leur exacerbation nocturne.

• Les membres inférieurs sont le plus souvent intéressés (cruralgies).


• Les membres supérieurs sont moins souvent touchés. Il s’agit alors souvent d’une neuropathie
compressive, telle une compression du médian dans le canal carpien.
• L’atteinte des nerfs oculomoteurs est parmi les plus fréquentes. Un tiers des paralysies ocu-
lomotrices serait d’origine diabétique. Le III et le VI sont plus souvent intéressés que le IV.
La paralysie est souvent précédée pendant quelques jours de douleurs vives. L’atteinte du III
épargne en règle les fibres plus superficielles du III intrinsèque. La réactivité pupillaire est
donc normale. Une mydriase associée à une paralysie du III doit en effet faire rechercher sys-
tématiquement un anévrisme de la carotide interne ou une tumeur par tomodensitométrie ou
IRM.
• L’amyotrophie diabétique proximale survient essentiellement chez des diabétiques non insu-
lino-dépendants de plus de 50 ans. Précédée de douleurs spontanées, elle intéresse essentiel-
lement les racines en particulier les psoas et les quadriceps amyotrophiés et douloureux à la
palpation.
Le pronostic des mononeuropathies et des mononeuropathies multiples est en général ex-
cellent ou bon quelle que soit la nature du traitement, et ce en quelques mois. On se contente
en général d’une équilibration parfaite du diabète et d’un traitement symptomatique de la dou-
leur quand cela est nécessaire, d’une prescription d’anti-plaquettaires type ASPIRINE à
faibles doses s’il n’y a pas de contre-indication.

6.1.2.2 Les polyneuropathies diabétiques


Elles sont beaucoup plus fréquentes, puisqu’elles représentent 80 à 85 % des neuropathies
diabétiques. Il s’agit le plus souvent de polyneuropathies sensitives. Leur topographie est habi-

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Complications du diabète (type 1 et 2)

tuellement distale, le plus souvent en chaussettes, plus rarement en gants, exceptionnellement tho-
raco-abdominale.

• Les manifestations subjectives sont de deux ordres :


— les douleurs sont fréquentes, volontiers exacerbées la nuit, parfois intolérables avec sen-
sation d’écrasement ou de brûlures, continues ou fulgurantes.
— plus souvent, il s’agit de paresthésies et de dysesthésies (fourmillements, démangeai-
sons, sensation de froid ou de chaud...)
• L’examen neurologique trouve :
— une abolition des réflexes achilléens et parfois rotuliens
— une altération de la sensibilité profonde avec diminution de la sensibilité vibratoire au
diapason (de valeur avant 65 ans) et troubles du sens de position segmentaire des orteils
— des troubles de la sensibilité superficielle tactile, thermique et douloureuse, l’insensibi-
lité à la douleur pouvant paradoxalement s’associer à une hyperpathie au tact, voire
même au simple frottement des draps
— l’anesthésie à la douleur joue un rôle essentiel dans la pathogénie des ulcérations tro-
phiques des pieds. En perdant la sensibilité à la douleur, le malade perd en effet le moyen
fondamental de protection des pieds.

L’électromyogramme de la neuropathie diabétique révèle un profil caractérisé par un


ralentissement des vitesses de conduction nerveuse ainsi qu’une diminution de l’ampli-
tude des potentiels d’action des nerfs sensitifs puis moteurs. Il ne permet cependant pas
d’explorer les fibres de la douleur. C’est un examen le plus souvent inutile pour le
diagnostic et la surveillance de la neuropathie diabétique. Son indication relève donc du
spécialiste.

6.1.2.3 La neuropathie végétative


Dans ses formes cliniques majeures, elle est presque toujours associée à une neuropathie périphé-
rique à type de polyneuropathie distale et à une microangiopathie rétinienne. Toutefois, les tests
paracliniques parasympathiques et sympathiques permettent de la dépister précocement alors que
l’examen neurologique clinique est encore normal.
La neuropathie végétative comporte :

1. des manifestations cardio-vasculaires et sudorales


• On peut dépister précocement une dénervation cardiaque parasympathique par l’étude
des variations de la fréquence cardiaque lors de la respiration profonde, lors de la ma-
nœuvre de Valsalva et lors du passage de la position couchée à la position debout. La
dénervation cardiaque est responsable d’une perte du baro-réflexe physiologique et ma-
jore donc les fluctuations tensionnelles. Surtout, elles pourraient comporter selon cer-
tains auteurs un risque de mort subite, justifiant une surveillance particulière de ces
diabétiques lors d’une anesthésie générale ou d’une hypoxie respiratoire. Toutefois, la

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 47/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

dénervation cardiaque ne semble pas être la cause principale de la fréquence particulière


chez les diabétiques, de l’ischémie myocardique silencieuse.
• L’hypotension orthostatique avec chute de la pression systolique supérieure à 30 mmHg
et chute de la pression diastolique supérieure à 5 mmHg est plus tardive. Elle témoigne
d’une dénervation sympathique périphérique intéressant les membres inférieurs et le ter-
ritoire splanchnique. Elle est aggravée par les traitements anti-hypertenseurs ou vasodi-
latateurs, par une éventuelle hypovolémie et une dénervation cardiaque.
• Pour certains auteurs, la médiacalcose diabétique avec son rail calcifié visible sur les ra-
dios des pieds et des jambes, serait la conséquence d’une dénervation sympathique vas-
culaire.
• Les troubles vasomoteurs vont de la sympathicotonie avec peau glacée couverte de
sueurs pouvant faire croire à une artérite des membres inférieurs, à la sympathicoplégie
avec à l’inverse peau rosée, chaude, sèche et parfois pouls « bondissants ».
• L’atteinte sudorale est classique et fréquente dans le diabète : anhydrose prédominant
aux membres inférieurs dont elle aggrave les troubles trophiques ou au contraire crises
sudorales profuses qui peuvent donner le change avec une hypoglycémie.

Tests permettant de rechercher une dénervation cardiaque parasympathique


Variations de la fréquence cardiaque lors de la respiration profonde
Malade au repos pendant 15 minutes :
— enregistrement d’une dérivation de l’ECG lors de la respiration profonde
(6 expirations et 6 inspirations en une minute)
— la différence entre fréquence inspiratoire maximale et fréquence cardiaque expira-
toire minimale est normalement supérieure à 15 ; elle est considérée comme anor-
male lorsqu’elle est inférieure à 10.

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Complications du diabète (type 1 et 2)

Tests permettant de rechercher une dénervation cardiaque parasympathique


Epreuve de Valsalva
Après une inspiration profonde, le malade réalise une expiration forcée à glotte fermée
pendant 15 secondes. Une dérivation de l’ECG est enregistrée pendant l’épreuve et
dans la minute qui suit l’épreuve. On mesure le rapport entre l’espace RR le plus long
après l’épreuve (bradycardie réflexe) et l’espace RR le plus court en fin d’épreuve
(tachycardie). Le rapport est normalement supérieur à 1,20. Il est considéré comme
anormal s’il est inférieur à 1,20.
Variations de la fréquence cardiaque lors du passage de la position couchée à la posi-
tion debout
Une dérivation de l’ECG est enregistrée, malade couché puis malade debout pendant
1 minute. On mesurera le rapport de l’espace RR le plus long vers la 20ème seconde (ou
le 30ème battement) après le lever (bradycardie réflexe) sur l’espace RR le plus court à
la 10ème seconde (ou 15ème battement) après le lever (tachycardie initiale). Ce rapport
est normalement supérieur à 1,03. Il est considéré comme anormal lorsqu’il est inférieur
à 1.
— La variation de la fréquence cardiaque lors de la respiration profonde est le test le
plus sensible, permettant de dépister une dénervation cardiaque parasympathique
partielle. Mais il n’est pas interprétable chez les patients ayant une pathologie
broncho-respiratoire et après l’âge de 60 ans.
— La manœuvre de Valsalva est contre-indiquée en cas de rétinopathie proliférante
en raison de la poussée hypertensive qu’elle induit, qui serait susceptible de provo-
quer une hémorragie rétinienne.

2. Des manifestations uro-génitales


• L’éjaculation rétrograde.
• L’impuissance atteindrait 30 % des diabétiques. Multi-factorielle, elle est rarement due
à une obstruction artérielle (syndrome de Leriche). Elle a surtout deux causes :
— d’une part une fibrose pénienne en particulier des corps caverneux
— d’autre part une neuropathie autonome.
Enfin, l’impuissance peut être aggravée par de nombreux médicaments, dont pratique-
ment tous les anti-hypertenseurs, les fibrates, les diurétiques, les β bloquants, les médi-
caments à visée neuropsychique. Il importe d’insister sur le caractère souvent multi-
factoriel de l’impuissance chez le diabétique, avec fréquemment une composante psy-
chologique.
• L’atteinte vésicale est fréquente, mise en évidence par une altération de la débimétrie
urinaire. Les formes évidentes sont rares et correspondent à des stades évolués, compli-
qués d’infection ou de rétention. En effet, le risque majeur est celui de la rétention
d’urine, responsable d’une infection avec reflux vésico-urétéral menaçant le haut appa-
reil. L’échographie post mictionnelle, examen anodin, permet d’en apprécier l’impor-
tance (de façon fiable au-dessus de 100 ml) et de vérifier l’absence de retentissement sur
les voies urinaires. Une exploration uro-dynamique spécialisée s’impose pour décider de

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 49/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

la conduite thérapeutique.
3. Des manifestations digestives
• La gastroparésie avec achlorydrie gastrique. L’achlorydrie peut favoriser la pullulation
microbienne responsable d’une déconjugaison des sels biliaires, participant à la patho-
génie de la diarrhée diabétique. La gastroparésie peut se traduire par des troubles diges-
tifs post prandiaux immédiats (sensation de satiété, pesanteur épigastrique, nausées,
éructations malodorantes). Ralentissant le transit gastrique, elle est un facteur d’instabi-
lité du diabète avec notamment des hypoglycémies postprandiales d’horaires inhabi-
tuels. En retour, le déséquilibre du diabète et les troubles ioniques qui l’accompagnent,
favorisent la gastroplégie diabétique allant jusqu’à l’intolérance digestive avec vomisse-
ments ramenant des aliments absorbés plus de 12 heures auparavant.
• La diarrhée
Bien sûr, toutes les causes de diarrhée des non diabétiques peuvent être retrouvées chez
les diabétiques, mais il faut systématiquement éliminer une diarrhée provoquée par la
prise de Biguanides (GLUCOPHAGE, STAGID, GLUCINAN), une diarrhée avec stéa-
torrhée due à une pancréatite chronique, une diarrhée secondaire à une hyperthyroïdie as-
sociée au diabète ou encore une diarrhée due à une maladie cœliaque à laquelle ferait
penser un syndrome de malabsorption. La diarrhée diabétique elle-même est une diar-
rhée hydrique, fécale, non sanglante, indolore, présentant deux caractéristiques cliniques
essentielles :
— la fréquence des selles allant de 10 à 30 selles par jour, impérieuses, survenant sou-
vent après les repas et parfois la nuit ou à l’occasion d’une hypoglycémie. Elle s’ac-
compagne dans 50 % des cas, d’une incontinence anale.
— l’évolution par poussées de quelques jours à quelques semaines, suivies d’un retour
du transit à la normale ou même assez fréquemment d’une constipation. Cette ryth-
micité est donc bien différente de celle de la fausse diarrhée des constipés.
Fait particulier, cette diarrhée s’accompagne dans 50 % des cas d’une stéatorrhée modé-
rée, sans déficit pancréatique externe ou atrophie villositaire et sans syndrome de malab-
sorption majeure ni amaigrissement.
4. La dysautonomie diabétique peut encore être responsable de :
• troubles pupillaires fréquents, mais un signe d’Argyll Robertson avec son myosis serré
est exceptionnel.
• troubles trophiques dominés par les maux perforants plantaires et par l’ostéoarthropathie
diabétique.
• déficits endocriniens, notamment d’un hypo-réninisme hypo-aldostéronisme parfois res-
ponsable d’une hyperkaliémie avec acidose tubulaire.

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Complications du diabète (type 1 et 2)

6.1.3 Traitement de la douleur des neuropathies diabétiques


douloureuses

1. Equilibration aussi bonne que possible du diabète, au besoin par insulinothérapie


dans le mesure où l’hyperglycémie majore la perception douloureuse.
2. Utilisation d’antalgiques simples (Paracétamol, acide salicylique, anti-inflamma-
toires non stéroïdiens).
3. Utilisation d’antidépresseurs tricycliques en commençant par une posologie de 10
à 25 mg par jour en une prise vespérale avec augmentation progressive des doses
de 10 à 25 mg une à deux fois par semaine. La dose d’entretien efficace est habi-
tuellement de 50 à 100 mg par jour et la dose utile est à poursuivre pendant au
moins 3 semaines avant de conclure à une inefficacité du traitement. L’utilisation
d’antidépresseurs tricycliques doit respecter les contre-indications suivantes : bloc
auriculo-ventriculaire du 2ème degré, hypotension orthostatique symptomatique,
adénome prostatique avec risque de rétention aiguë d’urines, glaucome à angle
fermé.
4. Les antidépresseurs non tricycliques semblent efficaces dans le traitement de la
douleur de la neuropathie, en particulier la Fluoxétine (PROZAC).
5. Les anti-convulsisants type TEGRETOL, DIHYDAN et surtout RIVOTRIL ou
NEURONTIN, dont la posologie peut être très progressivement adaptée. Le
RIVOTRIL a pour avantage de potentialiser les effets des antidépresseurs.

6.2 La néphropathie diabétique

6.2.1 La glomérulopathie

6.2.1.1 La glomérulopathie diabétique


Elle a été étudiée essentiellement chez le diabétique insulino-dépendant, mais elle concerne égale-
ment le diabétique non insulino-dépendant. C’est d’ailleurs chez un diabétique non insulino-dé-
pendant qu’ont été décrites par Klimmestiel et Wilson les lésions histologiques caractéristiques de
glomérulo-hyalinosclérose nodulaire caractéristiques de la glomérulopathie diabétique.
La principale manifestation de la glomérulopathie diabétique est l’augmentation de l’albuminurie.

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Complications du diabète (type 1 et 2)

Données épidémiologiques
— Prévalence d’une albuminurie supérieure à 30 mg/24 heures : 20 à 30 % chez les
DID et les DNID.
— Risque cardiovasculaire × 10 chez les DID et × par 3 chez les DNID
— Décès en insuffisance rénale terminale : 25 à 30 % des DID, 5 % des DNID
— Plus de 13 % des dialysés en France sont diabétiques
— 30 % des dialysés aux USA, dans les pays scandinaves et à la Réunion sont diabé-
tiques.
— 50 à 80 % des diabétiques dialysés sont des diabétiques non insulino-dépendants.

Le dosage de la microalbuminurie : Quand ? Comment ? Pourquoi ?


1. La microalbuminurie fait partie du bilan annuel du diabétique. Elle n’est dosée
plus fréquemment que si elle est positive, c’est-à-dire supérieure à 20 μg/min ou
20 mg/l ou 30 mg/24 heures.
2. Elle n’est en rapport avec le diabète que si elle est retrouvée plusieurs fois et si on
a éliminé une pathologie urinaire en particulier une infection urinaire ou une
hématurie (ECBU) et une autre pathologie rénale. L’échographie permet de véri-
fier la taille des reins et la normalité des voies urinaires.
3. Elle a une double signification :
• elle peut être le symptôme d’une néphropathie diabétique débutante (diabète
de type I, diabète de type II). Il existe le plus souvent une rétinopathie sévère.
La pression artérielle s’élève progressivement.
• elle peut être le marqueur d’une glomérulopathie vasculaire non spécifique,
en particulier chez le diabétique de type II obèse, hypertendu, hyperlipidé-
mique, et témoigne alors d’une macroangiopathie diffuse avec un risque coro-
narien augmenté.

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Complications du diabète (type 1 et 2)

6.2.1.2 Les 5 stades de la néphropathie diabétique

Stade I : néphropathie fonctionnelle

— augmentation de la taille des reins et du volume glomérulaire


— augmentation de la filtration glomérulaire de 20 à 40 %
— pression artérielle normale
— albuminurie normale

Stade II : lésions rénales histologiques sans traduction clinique


Stade III : néphropathie incipiens

— augmentation de la filtration glomérulaire


— augmentation de l’albuminurie > 20 μg/min (croissance annuelle de 20 à 50 %)
— augmentation annuelle de la pression artérielle de 3 à 4 mm Hg (micro HTA)

Stade IV : néphropathie clinique

— albuminurie > 300 mg/24h (protéinurie > 500 mg/24h)


— dépôts mésangiaux nodulaires ou diffus
— hyalinose artériolaire (touchant les artères glomérulaires afférente et efférente)
— diminution de la filtration glomérulaire
— protéinurie croissante
— hypertension artérielle (> 140/90 mmHg)
— l’absence de rétinopathie diabétique doit amener à réviser le diagnostic et en tout
cas à demander l’avis d’un néphrologue qui décidera de l’opportunité éventuelle
d’une ponction biopsie rénale.

Stade V : insuffisance rénale terminale

— obstructions glomérulaires
— filtration glomérulaire < 10 ml/min
— HTA volodépendante

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 53/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

6.2.1.3 La glomérulopathie incipiens

Le diagnostic de néphropathie incipiens


— microalbuminurie entre 30 et 300 mg/24 heures à plusieurs reprises (20 à 200 μg/
min ou 20 à 200 mg/l)
— en l’absence d’un déséquilibre aigu du diabète
— HTA normale (si > 160/95 → HTA idiopathique avec néphroangiosclérose)
— le plus souvent rétinopathie sévère (mais son absence ne permet pas de récuser le
diagnostic de néphropathie diabétique débutante)

Au stade de « néphropathie incipiens », la clairance glomérulaire n’est pas normale, mais augmen-
tée pouvant atteindre 150 à 200 ml/min. Elle commence à décroître lorsque la microalbuminurie
dépasse 70 mg/24 heures et est encore normale lorsqu’apparaît la néphropathie patente (albuminu-
rie > 300 mg/24 heures).

Traitement de la néphropathie incipiens


1. équilibre parfait du diabète
2. régime hypoprotidique 0,8 g/kg/jour
3. inhibiteurs de l’enzyme de conversion
4. objectif tensionnel : TA < 130/80 ; but : éviter l’évolution vers une glomérulopa-
thie diabétique patente
5. traiter une éventuelle hyperlipidémie

6.2.1.4 La glomérulopathie patente


A ce stade, la clairance glomérulaire peut encore être normale, mais elle décroît inexorablement.
Le taux de décroissance est variable d’un malade à l’autre, mais constant chez le même malade,
avec une moyenne de 1 ml/min/mois si bien qu’en 7 ans en moyenne l’heure de l’épuration extra-
rénale est arrivée. Cette évolution inexorable peut aujourd’hui être ralentie grâce à un certain
nombre de mesures :

• la plus importante est le traitement anti-hypertenseur, au besoin en recourant à 2 voire


3 anti-hypertenseurs avec pour objectif une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg
voire inférieure à 125/75 en cas d’insuffisance rénale. Parmi les anti-hypertenseurs, une place
privilégiée est occupée par les inhibiteurs de l’enzyme de conversion en raison de leur rôle
spécifique de protection néphronique. Cette protection pourrait s’expliquer par la baisse de la
pression hydrostatique intra-glomérulaire de filtration que les IEC provoquent en induisant
une vasodilatation de l’artère efférente glomérulaire. Leur efficacité a été démontrée, y com-
pris à faibles doses infra-anti-hypertensives en association à un traitement anti-hypertenseur
classique.
• à ce stade, il semble illusoire de rechercher un parfait équilibre du diabète, si c’est au prix d’un

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Complications du diabète (type 1 et 2)

risque trop élevé d’hypoglycémies sévères. Néanmoins, on essayera d’obtenir un équilibre


« acceptable » avec une HbA1C inférieure à 8 % (glycémie moyenne inférieure à 1,80 g/l)
• sont également souhaitables :
— un régime modérément hypoprotidique autour de 0,8 g/kg/jour, (viande à un repas sur
deux, fromage à un repas sur deux)
— une correction de l’hyperlipidémie soit par fibrates (LIPUR, LIPANTHYL, LIPANOR,
BEFIZAL à posologies adaptées en fonction de la clairance glomérulaire) soit par inhi-
biteurs de l’HMG CoA réductase.
— arrêt du tabac
• enfin, il importe de dépister et d’assurer le traitement d’une infection urinaire, d’éviter l’ag-
gravation de la fonction rénale par les médicaments néphro-toxiques tels que les anti-inflam-
matoires non stéroïdiens, les aminosides... ou l’injection intravasculaire de produit iodé
(artériographie).

Néanmoins, nombre de ces patients diabétiques insulino-dépendants ou diabétiques non insulino-


dépendants, n’atteindront pas le stade de la dialyse ou de la greffe rénale en raison de complications
cardio-vasculaires particulièrement sévères. En effet, la néphropathie diabétique se complique sou-
vent d’une véritable angiopathie maligne associant à une microangiopathie sévère, une athérosclé-
rose accélérée responsable d’accidents vasculaires cérébraux, d’infarctus du myocarde, d’artérite
des membres inférieurs. C’est pourquoi, il importe également de prescrire un traitement anti-pla-
quettaire par ASPIRINE à faibles doses. La recherche d’une ischémie silencieuse et une explora-
tion par écho-doppler des vaisseaux du cou et des vaisseaux des membres inférieurs est
indispensable pour un traitement suffisamment précoce des lésions d’athérome.

6.2.2 Les infections urinaires


L’infection urinaire est plus fréquente chez les diabétiques mal équilibrés ayant une glycosurie im-
portante ou chez les femmes diabétiques après 50 ans ou encore lorsqu’il existe une vessie neuro-
gène avec résidu post-mictionnel. En dehors de ces facteurs favorisants, il ne semble pas que
l’infection urinaire soit plus fréquente chez les diabétiques. Elle est par contre volontiers latente et
a finalement des conséquences plus graves que chez les non diabétiques. C’est pourquoi les me-
sures de simplification diagnostiques et thérapeutiques proposées récemment pour les non diabé-
tiques ne peuvent s’envisager qu’avec prudence chez les diabétiques n’ayant pas de complication
et présentant un bon équilibre glycémique.

6.2.2.1 Les infections urinaires basses


1. diagnostic positif : germes > 105/ml à l’ECBU
2. dépistage systématique 1 ou 2×/an
— bandelette urinaire : leucocytes + et nitrites +
→ ECBU + antibiogramme
— rechercher : fièvre, douleur lombaire récidive, signes de prostatite

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 55/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

3. traitement : antibiothérapie à diffusion urinaire pendant 8 jours + ECBU


4. si récidive :
— chez la femme : échographie rénale + résidu post-mictionnel
— d’emblée chez l’homme : UIV (malformation urologique).

6.2.2.2 Les infections aiguës du haut appareil


Elles peuvent se traduire par une pyélonéphrite aiguë typique avec douleurs lombaires et fièvre
mais elles peuvent aussi se manifester par une fièvre isolée ou même n’entraîner qu’un déséquilibre
apparemment inexpliqué du diabète. Elle justifie l’hospitalisation, permettant après hémocultures
et ECBU, la mise en route d’une antibiothérapie par voie parentérale qui sera poursuivie au moins
3 semaines. Compte tenu de la gravité potentielle de la pyélonéphrite aiguë chez le diabétique,
l’examen radiologique qui semble aujourd’hui le plus approprié pour apprécier à la fois l’état de la
voie excrétrice et l’état du parenchyme rénal est la tomodensitométrie avec injection d’iode suivie
de clichés urographiques. Elle permet de diagnostiquer les abcès du rein, plus fréquents chez les
diabétiques, nécessitant une antibiothérapie adaptée parentérale prolongée (6 à 8 semaines avec re-
lais per os).

La nécrose papillaire
C’est la séquestration ischémique ou dégénérative de l’ensemble ou d’une partie des pa-
pilles rénales en aval de la jonction cortico-médullaire. Le traitement des infections uri-
naires et des uropathies obstructives ont rendu cette complication beaucoup plus rare chez
le diabétique aujourd’hui.
La pyélonéphrite chronique
La pyélonéphrite chronique secondaire aux infections aiguës répétées du haut appareil ou
aux infections urinaires chroniques favorisées par la stase et le reflux restent longtemps
asymptomatiques. Elle est souvent découverte à un stade tardif de l’évolution de l’insuffi-
sance rénale. Elle est en règle associée à la glomérulosclérose. Il est en fait rare que son
expression domine : leucocyturie - bactériurie, hypertension artérielle inconstante, protéi-
nurie minime type tubulaire, absence de syndrome œdémateux, fuites sodées importante et
parfois acidose tubulaire, anémie marquée, reins atrophiques asymétriques bosselés aux ca-
vités atones et aux corticales amincies.

6.2.2.3 La néphropathie due aux produits de contraste iodés


Incidence de l’insuffisance rénale aiguë après produit de contraste iodé chez les patients diabé-
tiques en fonction de la créatininémie :

Créatinine Incidence
< 135 μmol/l ≅0%
entre 135 et 180 μmol/l 50 %

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Complications du diabète (type 1 et 2)

Créatinine Incidence
entre 180 et 360 μmol/l 75 %
> 360 μmol/l 95 %

Les examens en cause sont non seulement l’urographie intraveineuse mais aussi les angiographies,
la cholécystographie, la cholangiographie, la tomodensitométrie avec injection (attention l’angio-
graphie rétinienne à la fluorescéine ne comporte pas de produit de contraste iodé et ne justifie
donc pas les mêmes précautions).

Protocole d’hydratation des diabétiques


Avant l’injection de produits de contrastes iodes
• L’injection de produit de contraste iodé comporte un risque d’insuffisance rénale
aiguë chez les diabétiques. Ce risque dépend :
1. de l’état de la fonction rénale. Il est extrême lorsque la clairance est inférieure
à 30 ml/min soit une créatinine supérieure à 200 μmol/l pour un sujet adulte
de corpulence normale. Il est alors indispensable de prévenir préalablement
les néphrologues.
2. de l’état d’hydratation du sujet
3. de la quantité de produit iodé et de la répétition d’examens iodés à brefs inter-
valles
4. de l’association à des médicaments potentiellement néphrotoxiques.
• Il est indispensable d’avoir non seulement une créatininémie avant l’examen, mais
aussi de contrôler la diurèse et de mesurer la créatininémie 48 heures après l’exa-
men.
• Arrêter si possible avant l’examen : diurétiques, inhibiteurs de l’enzyme de
conversion, médicaments néphrotoxiques type AINS, aminosides. Ne reprendre la
prescription qu’après contrôle de la créatininémie à la 48ème heure.
• La prise des Biguanides (GLUCOPHAGE, STAGID, GLUCINAN) doit impérati-
vement être arrêtée 48 heures avant et 48 heures après l’examen.
• L’hydratation dépendra de la fonction rénale
— si la fonction rénale est normale chez un malade hospitalisé, il est néanmoins
conseillé d’installer une perfusion de sérum physiologique de 500 cc à passer
en 6 heures en commençant 3 heures avant l’examen. En cas de diabète insu-
lino-dépendant, la perfusion de sérum physiologique sera remplacée lors du
départ du malade en examen, par 500 cc de G5 avec 4 g de ClNa.
— si la fonction rénale est anormale, il convient de perfuser 1 litre de sérum phy-
siologique isotonique 8 à 12 heures avant l’examen et 500 cc dans les
3 heures qui suivent l’examen. Là encore, en cas de diabète insulino-dépen-
dant, on posera une perfusion de G5 lors du départ du malade à l’examen.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 57/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

6.3 Macroangiopathie diabétique


Par opposition à la microangiopathie qui touche la micro-circulation, on désigne sous le terme de
macroangiopathie diabétique, l’atteinte des artères musculaires allant de l’aorte jusqu’aux petites
artères distales d’un diamètre supérieur à 200 μm.
En réalité, la macroangiopathie diabétique associe deux maladies artérielles distinctes :

— d’une part, l’athérosclérose qui semble histologiquement identique à l’athérosclérose du non


diabétique
— d’autre part, l’artériosclérose, caractérisée par une prolifération endothéliale et une dégéné-
rescence de la média aboutissant à la médiacalcose.

6.3.1 Epidémiologie : fréquence et gravité


Parallèlement aux progrès des traitements hypoglycémiants et anti-infectieux, l’athérosclérose est
devenue la principale cause de décès des diabétiques, bien avant les comas métaboliques et les
complications infectieuses. En effet, 75 % des diabétiques décèdent d’accident vasculaire, au pre-
mier rang desquels l’ischémie coronarienne responsable de 50 % des décès. Lorsqu’on prend en
compte les facteurs de risque classiques tels que l’âge, l’hypertension artérielle, l’hypercholestéro-
lémie et le tabagisme, le diabète entraîne un risque relatif modéré de 2 à 3 chez l’homme, plus im-
portant de 4 à 5 chez la femme. En effet, en matière d’athérosclérose, la femme diabétique perd son
avantage naturel sur l’homme avec un sexe ratio hommes diabétiques / femmes diabétiques entre
1 et 2 alors qu’il se situe dans la population non diabétique de moins de 50 ans entre 5 et 10.
En fait, le poids relatif des facteurs de risque vasculaires varie selon la topographie artérielle. Ainsi,
l’hypertension artérielle est un facteur de risque majeur pour les accidents vasculaires cérébraux et
pour l’insuffisance coronaire alors que l’hypercholestérolémie est responsable principalement
d’atteinte coronarienne et de lésions aortiques, le tabac favorisant l’insuffisance coronaire et l’ar-
térite des membres inférieurs.

De même, le diabète entraîne un risque relatif d’athérosclérose hiérarchisé : de 1,5 à 2


pour les accidents vasculaires cérébraux, de 2 à 4 pour l’insuffisance coronaire, de 5 à
10 pour l’artérite des membres inférieurs.

En réalité, les lésions anatomiques telles qu’on peut les diagnostiquer par l’imagerie vasculaire non
invasive (ou lors d’études autopsiques) sont encore plus fréquentes chez le diabétique : environ
5 fois pour l’insuffisance coronaire, 8 fois pour l’atteinte cervico-cérébrale, 14 fois pour l’artérite
des membres inférieurs.

58/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Complications du diabète (type 1 et 2)

6.3.2 Rôle des facteurs de risque et de l’hyperglycémie :


conséquences cliniques
Contrairement à la rétinopathie, le risque coronarien n’augmente pas parallèlement au degré de
l’hyperglycémie.
Le diabète ne semble pas intervenir directement mais plutôt en potentialisant les facteurs de risque
d’athérosclérose ou en aggravant l’athérome constitué (complications thrombotiques de l’athéros-
clérose, accélération du vieillissement de la paroi artérielle notamment).

6.3.3 Particularités cliniques de la macroangiopathie


diabétique

6.3.3.1 Tableaux cliniques à haut risque d’athérosclérose


En pratique, on peut distinguer deux « tableaux cliniques » à haut risque d’athérosclérose :

1. le diabétique insulino-dépendant (ou non insulino-dépendant) développant une glomérulopa-


thie diabétique associée le plus souvent à une rétinopathie sévère ischémique ayant justifié
une panphotocoagulation au laser. L’albuminurie supérieure à 300 mg/24 heures et le déclin
progressif de la fonction glomérulaire s’accompagnent d’une hypertension artérielle, d’une
dyslipidémie, d’une tendance thrombogène et peut être d’une rétention des produits termi-
naux de la glycation normalement éliminés par le rein. L’ensemble de ces facteurs concourent
à la constitution d’une véritable angiopathie maligne associant microangiopathie sévère, athé-
rosclérose étendue, artériosclérose accélérée. Le risque de mortalité coronarienne et d’ampu-
tation des membres inférieurs est multiplié par 10 par rapport aux diabétiques insulino-
dépendants de même âge n’ayant pas d’atteinte rénale.
2. le diabétique non insulino-dépendant présentant une obésité androïde d’aspect pseudo-
cushingoïde : obésité facio-tronculaire avec bosse de bison, rapport taille / hanches > 0,80
chez la femme, > 0,95 chez l’homme, contrastant avec une lipoatrophie relative des cuisses,
parfois une hypertrichose voire un discret hirsutisme et un syndrome des ovaires polymicro-
kystique, une oligo-spanioménorrhée... La différence clinique avec un syndrome de Cushing
porte sur l’absence d’atrophie cutanée et de vergetures pourpres et surtout sur l’absence
d’amyotrophie avec parfois au contraire une hypertrophie musculaire des mollets. Ces pa-
tients ayant une obésité viscérale importante alors que la graisse sous cutanée abdominale est
en réalité peu développée, présentent en général une hypertension artérielle sévère, une dys-
lipidémie (triglycérides élevés, HDL cholestérol diminué) et ont un risque très élevé d’insuf-
fisance coronaire.

Une microalbuminurie supérieure à 30 mg/24 heures à plusieurs reprises, en l’absence d’autre pa-
thologie uro-néphrologique et de déséquilibre aigu du diabète, comporte un risque de mortalité co-
ronarienne multiplié par 3 dans les 10 ans suivants. Elle est d’ailleurs souvent associée à une
hypertrophie ventriculaire gauche.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 59/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

6.3.3.2 Complications de l’athérosclérose


Les complications de l’athérosclérose ont également un certain nombre de particularités cliniques
chez le diabétique en dehors de leur gravité même, marquée par une mortalité globalement double
de celle du non diabétique.

1. Les accidents vasculaires cérébraux sont plus rarement hémorragiques chez le diabétique en
dépit de l’augmentation de la fréquence de l’hypertension artérielle. Par contre, les micro-in-
farctus responsables de lacunes semblent plus fréquents chez le diabétique en particulier en
cas d’association diabète et hypertension artérielle.
2. L’ischémie myocardique est deux à trois fois plus souvent indolore chez le diabétique que
chez le non diabétique. Cette absence de douleur ne semble pas expliquée par une neuropathie
végétative avec dénervation sympathique cardiaque. L’infarctus du myocarde est ainsi très
souvent indolore, bien que plus rarement asymptomatique. Il faut donc y penser systématique-
ment devant la survenue soudaine de symptômes par ailleurs inexpliqués :
• troubles digestifs et parfois douleurs épigastriques
• asthénie en particulier à l’effort
• troubles du rythme cardiaque, embolie
• et parfois simple déséquilibre inexpliqué du diabète
• ou baisse de la pression artérielle
Dans tous ces cas, il importe de faire un ECG qui permettra le diagnostic. Le traitement de
l’infarctus du myocarde ne diffère pas de celui des non diabétiques, mais il impose l’arrêt des
hypoglycémiants oraux et le recours à une insulinothérapie au moins transitoire avec pour ob-
jectif une glycémie entre 1,60 g/l et 2 g/l. Le séjour en unité de soins intensifs est souvent pro-
longé en raison du risque de mort subite retardée en particulier en cas de dénervation
cardiaque avec allongement de QT (> 0,44 ms). Finalement la mortalité est double à 1 mois,
à 1 an et à 5 ans par rapport aux non diabétiques. Cette surmortalité tient essentiellement à la
fréquence de l’insuffisance cardiaque séquellaire en particulier chez la femme diabétique
obèse.
En dehors de l’infarctus, le traitement de l’ischémie coronarienne ne diffère pas chez le dia-
bétique et le non diabétique. Dérivés nitrés, inhibiteurs calciques, IEC, β bloquants, anti-pla-
quettaires ont les mêmes indications. De même en ce qui concerne les pontages coronaires et
les angioplasties avec toutefois une mortalité péri-opératoire environ double (5 % vs 2,5 %)
et un risque de resténose après angioplastie plus élevé. Mais les résultats à moyen et long
terme semblent comparables.
3. L’artérite des membres inférieurs : outre l’association fréquente à une neuropathie respon-
sable du caractère indolore de l’ischémie, l’artérite des membres inférieurs du diabétique est
caractérisée par sa topographie : 1 fois sur 3 elle est proximale, bien corrélée aux facteurs de
risque classiques (HTA, hyperlipidémie, tabagisme), 1 fois sur 3 elle est distale, siégeant en
dessous du genou bien corrélée à l’équilibre glycémique et à la durée du diabète, et 1 fois sur 3
globale, proximale et distale. Par chance, même lorsqu’elle est distale, une artère au-dessous
de la cheville reste le plus souvent perméable. La palpation d’un pouls pédieux n’élimine donc
en rien l’existence d’une artérite sévère des axes jambiers sus jacents, mais il est sûrement un
des meilleurs arguments pronostiques de l’artérite diabétique. En effet, cette persistance per-
met de réaliser des pontages distaux (utilisant la veine saphène interne dévalvulée in situ ou

60/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Complications du diabète (type 1 et 2)

inversée) dans le cadre d’un sauvetage de membre nécessité par une gangrène du pied. En ef-
fet, la gangrène, même limitée, n’est jamais secondaire à une microangiopathie diabétique ;
elle témoigne toujours d’une atteinte des artères musculaires, même s’il s’agit d’artères de pe-
tit calibre et elle doit donc bénéficier à chaque fois que cela est possible, d’une revascularisa-
tion. Un geste d’amputation « à minima » fait sans exploration vasculaire, risque de ne jamais
cicatriser et d’entraîner une aggravation secondaire de l’ischémie avec amputation majeure.

6.3.4 Prévention de la macroangiopathie


La prévention de la macroangiopathie diabétique repose évidemment sur le traitement des diffé-
rents facteurs de risque, grâce à :

1. l’obtention d’un bon équilibre glycémique mais l’objectif glycémique n’est pas ici claire-
ment défini, contrairement à la microangiopathie. Peut être faut-il exiger des valeurs glycé-
miques plus strictes (moins de 1,20 g/l avant les repas, moins de 1,40 g/l 90 à 120 minutes
après le repas)
2. la diminution de l’insulino-résistance en particulier au cours du diabète de type II grâce à
la réduction de la surcharge pondérale, à l’accroissement de l’activité physique et à la pres-
cription de Biguanides
3. notons ici que la réduction des boissons alcoolisées (à 1 à 2 verres de vin par repas) a l’avan-
tage de réduire la surcharge pondérale, de corriger la répartition androïde des graisses, de di-
minuer l’hypertriglycéridémie, d’améliorer l’hypertension artérielle. C’est donc un des points
essentiels de l’équilibre diététique.
4. l’arrêt de l’intoxication tabagique.
5. le traitement d’une dyslipidémie.
6. le traitement de l’hypertension artérielle
L’hypertension artérielle est environ 2 fois plus fréquente chez le diabétique que chez le non
diabétique.
1. Chez le diabétique insulino-dépendant, elle est essentiellement secondaire à la gloméru-
lopathie diabétique. En réalité, la pression artérielle s’élève progressivement vers les va-
leurs hautes de la normale, parallèlement à l’apparition de la microalbuminurie, avant de
franchir la barre des 140/90 mmHg. Un traitement est indispensable dès ce stade pour
ralentir l’évolution de la néphropathie vers la glomérulopathie patente (on a ainsi parlé
de micro-hypertension artérielle). L’objectif est alors une pression artérielle inférieure à
130/85 mmHg. Les IEC qui diminuent la pression hydrostatique transcapillaire, ont un
rôle spécifique de protection néphronique et sont donc devenus des anti-hypertenseurs
de première intention dans cette indication. On prescrit d’abord de faibles doses, puis on
augmente progressivement les posologies. En cas d’action insuffisante, on associe un
diurétique thiazidique fortement potentialisateur.
Au stade de néphropathie patente avec chute de la clairance glomérulaire et hypertension
artérielle parfois sévère, on est souvent contraint d’associer 3 voire 4 anti-hypertenseurs
comprenant toujours un diurétique de l’anse (LASILIX) à posologies augmentées et si
possible un IEC à posologies réduites. L’objectif est alors une pression artérielle infé-
rieure à 125/75 mmHg. Le traitement peut être gêné par la survenue d’une hypotension

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 61/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

orthostatique nécessitant une répartition des prises dans le nychtémère et si besoin une
diminution des diurétiques lorsque le malade se plaint de symptômes orthostatiques.
L’objectif est alors une pression artérielle en position assise inférieure à 130/85 mmHg
sans malaise orthostatique.
2. chez le diabétique non insulino-dépendant, l’hypertension est au contraire dans l’im-
mense majorité des cas une hypertension artérielle essentielle qui précède même le dia-
bète une fois sur deux. Habituellement, elle complique un syndrome d’insulino-
résistance métabolique avec obésité androïde. La prise de la pression artérielle doit être
adaptée à l’obésité avec un brassard spécial dont la poche gonflable a une longueur égale
à 80 % et une largeur égale à 40 % de la circonférence brachiale.
L’association HTA et diabète est particulièrement délétère pour les tissus cibles de l’hy-
pertension. Elle rendrait compte de la fréquence d’une cardiomyopathie infra-clinique
avec hypertrophie ventriculaire gauche, d’accidents cérébraux ischémiques lacunaires et
d’une glomérulopathie vasculaire non spécifique susceptible d’évoluer vers l’insuffi-
sance rénale terminale.
Les objectifs sont une tension artérielle inférieure à 140/90 mmHg.
Il n’y a pas de traitement préférentiel de cette HTA en sachant qu’il faut tenir compte des
effets des anti-hypertenseurs chez les diabétiques (cf. encadré).

Effets secondaires des anti-hypertenseurs


particulièrement redoutés chez les diabétiques
1. Risque d’insuffisance coronaire : dihydralazine (NEPRESSOL), prazosine (MINI-
PRESS, ALPRESS)
2. Risque d’aggravation de l’hypoglycémie : bêtabloquants non cardio-sélectifs
3. Risque d’hypotension orthostatique : diurétiques, anti-hypertenseurs centraux,
vasodilatateurs (prazosine, dihydropyridine)
4. Risque d’hyperkaliémie : diurétiques épargneurs du K, bêtabloquants non cardio-
sélectifs, IEC
5. Aggravation d’une insuffisance cardiaque : bêtabloquants, vérapamil (ISOP-
TINE), benzothiazépine (TILDIEM)
6. Œdèmes des membres inférieurs (→ traumatisme du pied) : dihydropyridine
(nifédipine - ADALATE, nicardipine - LOXEN...)
7. Insuffisance rénale aiguë : IEC (et inhibiteurs des récepteurs de l’Angiotensine II)
en cas d’hypovolémie ou de sténose bilatérale des artères rénales
8. Impuissance : anti-hypertenseurs centraux, bêtabloquants, diurétiques ; en réalité
tous les anti-hypertenseurs
9. Toux : IEC
10. Constipation, pollakiurie : VERAPAMIL, TILDIEM
11. Aggravation d’une artérite des membres inférieurs : bêtabloquants non cardio-
sélectifs.

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Complications du diabète (type 1 et 2)

Traitement de l’hypertension artérielle


de l’obèse diabétique ou intolérant au glucose
Mesures hygiéno-diététiques
↓ calories ↓ glucides rapides
↓ graisses saturées/graisses insaturées ↑ fibres ↑ glucides lents
↓ protides (origine animale) ↓ alcool ↑ poissons
Activité physique
60 minutes 3 à 4×/semaine
Anti-hypertenseurs métaboliquement neutres, voire bénéfiques
α 1-bloquants, IEC, Ica

6.4 Le pied diabétique ou comment prévenir


les amputations ?
5 à 10 % des diabétiques seront un jour victimes d’une amputation. On comptabilise 3 000 à 5 000
amputations par an dues au diabète. 50 % de ces amputations pourraient être évitées.
Il est donc indispensable de rechercher les diabétiques à risque podologique c’est-à-dire les diabé-
tiques ayant perdu la sensibilité à la douleur au niveau des pieds et les diabétiques ayant une artérite
des membres inférieurs.
Les diabétiques à risque doivent recevoir une éducation podologique spécialisée.

6.4.1 Quels sont les diabètiques à risque podologique ?


Le mécanisme lésionnel est évident en ce qui concerne l’artérite des membres inférieurs, puisqu’il
faut environ 20 fois plus d’oxygène pour obtenir la cicatrisation d’une plaie cutanée que pour as-
surer le maintien d’un revêtement cutané. Toute plaie minime due au banal frottement d’une chaus-
sure ou à la blessure d’un ongle incarné ou mal taillé, risque donc de ne pas cicatriser. La
surinfection de la plaie peut être responsable d’une décompensation brutale avec constitution en
quelques heures d’une gangrène d’un orteil.

La gangrène des extrémités est 40 fois plus fréquente chez le diabétique que le non-dia-
bétique.

La neuropathie intervient par 4 mécanismes :

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 63/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

1. d’abord et avant tout en supprimant la perception douloureuse, elle supprime le symptôme


d’alerte assurant la protection normale des pieds contre ses nombreux « ennemis » (chaus-
sure, durillon, ongle, clou, gravier, ciseaux, lame de rasoir...)
2. les troubles moteurs et les troubles de la sensibilité profonde sont à l’origine de déformation
et de troubles statiques (pieds creux et orteils en marteaux) responsables d’appuis anormaux,
sources de durillons et de callosités.

Les sept points d’appui plantaire physiologiques


— les 5 têtes des métatarsiens
— la styloïde du 5ème métatarsien au bord externe du pied
— le talon
C’est au niveau de ces points d’appui que se développent les durillons qui feront le lit
des maux perforants plantaires.

Ces durillons finissent par former l’équivalent d’une pierre, dure, blessant le tissu sous cutané,
provoquant la formation d’une petite poche hydrique. Le liquide sous tension lors de l’appui
dissèque les tissus, formant une véritable chambre de décollement. L’hyperkératose sèche, se
fendille, ouvrant la voie à la surinfection avec constitution d’un véritable abcès sous cutané
qui peut fuser vers l’os ou les parties molles ou s’ouvrir à la peau, formant le classique mal
perforant entouré de sa couronne d’hyperkératose. Le mal perforant n’est donc ni plus ni
moins qu’un « durillon qui a mal tourné ». Il siège électivement au niveau des points d’appuis,
en particulier sous les têtes des métatarsiens (voir encadré).
3. la neuropathie végétative, responsable d’une sécheresse cutanée anormale et d’une hyperké-
ratose favorisant le développement des durillons et callosités. Les fissures de la kératose ta-
lonnière peuvent être l’origine de surinfection susceptible d’entraîner une nécrose talonnière
brutale en cas d’ischémie associée.
4. enfin, la neuropathie végétative peut être à l’origine de shunts artério-veineux avec perte du
réflexe veino-artériel physiologique à l’origine d’œdèmes neurotrophiques associés à une
maldistribution sanguine fragilisant les os du pied. Ainsi se constituent des ostéonécroses et
des fractures indolores responsables de l’ostéoarthropathie nerveuse. Cette ostéonécrose et
ces fractures apparaissent au niveau des zones de contrainte maximale, en particulier au som-
met de l’arche interne du pied, au niveau du premier cunéiforme et du scaphoïde. Leur frac-
ture-nécrose-luxation entraîne l’effondrement de l’arche interne du pied : c’est le classique
pied de Charcot diabétique avec constitution d’un pied plat élargi, source de troubles statiques
à l’origine de durillons et de maux perforants.

6.4.2 Comment dépister les pieds à risque podologique ?


Il s’agit donc de dépister une artérite ou une neuropathie diabétique. Le dépistage repose d’abord
et avant tout sur l’examen clinique systématique annuel des pieds de tout diabétique.
Le pied ischémique se caractérise par des pouls distaux abolis ou faibles, une peau fine, fragile,
glabre, une hyperonychie avec des ongles épais susceptibles de blesser le lit de l’ongle sous-jacent,

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Complications du diabète (type 1 et 2)

une froideur relative du pied, parfois une amyotrophie, souvent une asymétrie lésionnelle.
Au contraire, le pied neurologique se caractérise par une chaleur relative, des pouls parfois bon-
dissants, une peau épaisse et sèche, une hyperkératose au niveau des points d’appui (c’est-à-dire
sous la tête des métatarsiens, au niveau de la styloïde du 5ème métatarsien et sous le talon). Les ré-
flexes sont abolis, comparativement aux réflexes des membres supérieurs. On note une diminution
de la perception vibratoire (avec un indice inférieur à 4 au diapason gradué) de valeur au-dessous
de 65 ans, des troubles du sens de position segmentaire des orteils, une diminution de la perception
du chaud et du froid difficile à quantifier, et un défaut de perception de la douleur également de
quantification mal aisée. La perception douloureuse s’apprécie à l’aide d’une aiguille en dehors des
zones d’hyperkératose, en particulier au niveau de la pulpe des orteils et de la cambrure de la
plante, de façon comparative à la sensibilité au niveau de la jambe. La perception du tact et de la
pression peut être quantifiée à l’aide de monofilaments de Nylon de différents calibres. En effet, il
est très utile de disposer de moyens simples et fiables permettant de diagnostiquer le seuil de dimi-
nution de la perception de la douleur et de la pression comportant un risque de mal perforant et
justifiant donc une prise en charge spécialisée.
Un antécédent de blessure du pied non perçue par le malade doit être systématiquement recherché.
Elle permet d’affirmer le risque podologique et d’en faire prendre conscience au malade.
Tout diabétique à risque podologique (et si nécessaire un tiers de l’entourage) doit être adressé à
une consultation spécialisée de podo-diabétologie pour recevoir une éducation spécifique pour la
prévention des plaies du pied.

6.4.3 Que faire en cas de plaie du pied chez un diabétique ?

6.4.3.1 En rechercher la cause


Parfois évidente, elle est souvent masquée et pourtant décisive à reconnaître pour la supprimer.
Fréquemment le malade ignore comment il s’est blessé, ayant découvert la plaie fortuitement en
enlevant sa chaussure. Cette ignorance (due à l’absence de douleur) est un argument important
pour l’existence d’une neuropathie.

6.4.3.2 Faire la part de l’artérite et de la neuropathie


Les ulcérations ischémiques sont souvent provoquées par le frottement au pourtour du pied dans
la chaussure, ne serait ce que par une couture interne saillante, ou par un ongle incarné ou mal tail-
lé... La plaie siège donc au pourtour du pied. La peau est fine, fragile, elle peut être arrachée par la
simple ablation d’un sparadrap collé (à tort) à même la peau.
Le mal perforant au contraire, siège au niveau des points d’appui plantaires sous les têtes des mé-
tatarsiens, mais parfois aussi au niveau de la pulpe d’un orteil en griffe. Les maux perforants
peuvent également se développer sous la kératose développée au niveau de points de frottement
anormaux (oignon d’un hallux valgus, cor interphalangien dorsal d’un orteil en griffe, œil de per-
drix d’un espace interdigital). Le mal perforant est toujours infecté. Sous l’orifice externe entouré
de kératose, il existe une importante chambre de décollement. Il est essentiel de l’expliquer au ma-
lade, au besoin à l’aide d’un schéma pour qu’il comprenne que l’abrasion de la kératose mettra à

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 65/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

nu une large perte de substance.

6.4.4 Toute plaie du pied chez un diabétique nécessite-t-elle


obligatoirement une hospitalisation en urgence ?
La survenue de la moindre blessure cutanée chez un diabétique ayant une artérite et/ou une neuro-
pathie, ou même seulement suspect d’artérite ou de neuropathie, doit être considéré comme une
urgence. Mais c’est une urgence médicale et non une urgence chirurgicale. Il faut absolument évi-
ter la « chirurgie transversale » d’urgence (véritable chirurgie de guerre !), conséquence de dia-
gnostic à l’emporte pièce du type « pied diabétique pourri ». Les seules urgences chirurgicales
sont : la gangrène gazeuse exceptionnelle et la cellulite extensive avec septicémie menaçant la vie
du malade. Cette chirurgie doit d’ailleurs se réaliser dans le cadre d’une réanimation médicale avec
réhydratation, équilibration du diabète par insulinothérapie intraveineuse à la seringue électrique
ou par injections horaires d’insuline rapide.

6.4.5 En urgence, l’interne de garde doit


1. Demander des prélèvements bactériologiques profonds au mieux par aspiration à l’aide
d’une seringue montée d’une cathlon afin de ne pas adresser au laboratoire un prélèvement
superficiel.
2. Interdire l’appui. L’arrêt de l’appui doit être immédiat et total.
3. En cas de plaie secondaire à un frottement, il faut découper la chaussure ou le chausson
afin de supprimer tout frottement même minime. En cas d’ischémie, il faut installer un mate-
las anti-escarres et protéger les talons. Cette protection des talons est au mieux réalisée par
des blocs de mousse en forme de prisme permettant de soulever en pente douce la jambe, le
talon restant dans le vide sans appui.
4. Prescrire un traitement anticoagulant par héparinothérapie à doses hypo-coagulantes en
cas d’ischémie, à doses iso-coagulantes en cas de neuropathie.
5. Prescrire un traitement antibiotique avant même les résultats du prélèvement bactériolo-
gique à chaque fois qu’il existe des signes locaux infectieux extensifs ou a fortiori des signes
généraux, mais aussi à chaque fois qu’une plaie ischémique fait craindre qu’une surinfection
décompense ou aggrave une gangrène. L’antibiothérapie doit être à spectre large, couvrant
staphylocoques, streptocoques, germes à Gram négatifs, et en cas d’ischémie, anaérobies. La
prescription initiale peut être : AUGMENTIN ou BACTRIM + FLAGYL ou TAZOCILLINE
si malade multi-hospitalisé. En cas de signes généraux, on associe un aminoside par voie pa-
rentérale pendant quelques jours. Bien sûr, un rappel de la vaccination antitétanique ou un sé-
rum antitétanique et une revaccination doivent être systématiques.

6.4.6 Le lendemain et les jours suivants


— on explorera la plaie avec une pointe mousse à la recherche d’un contact osseux signalant l’os-

66/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Complications du diabète (type 1 et 2)

téite
— on réalisera une détersion variable selon la nature des lésions, extensive en cas de neuropathie
isolée, très limitée et peu agressive en cas d’ischémie afin de permettre la limitation spontanée
d’une nécrose sèche
— on demandera des clichés osseux à la recherche d’une ostéite, un écho-doppler et une mesure
de la pression transcutanée en oxygène pour apprécier la vascularisation
— on adaptera l’antibiothérapie en fonction de l’évolution locale et en fonction des résultats de
l’antibiogramme (en choisissant à chaque fois que possible, les antibiotiques à spectre plus
étroit type Oxacilline (BRISTOPEN) pour éviter une sélection de germes résistants
— s’il existe une artérite, une artériographie sera demandée en vue d’un geste de revascularisa-
tion chirurgicale et/ou endoluminale.

Chez le diabétique, il faut conserver la veine saphène et utiliser, lorsqu’il existe une
insuffisance saphénienne, toutes les techniques de cure de cette insuffisance veineuse
superficielle permettant de conserver le tronc veineux. Ceci a été dit chez le coronarien,
mais est encore plus vrai pour le diabétique artéritique.

L’artérite diabétique se caractérise par sa topographie distale en dessous du genou avec obs-
truction d’un ou plusieurs axes jambiers (artère tibiale antérieure, tibiale postérieure, péro-
nière). Mais la pédieuse est souvent perméable. Cette particularité anatomique explique à la
fois que la perception d’un pouls pédieux (affaibli) ne suffise pas à éliminer une artérite et que
malgré la topographie distale de l’artérite diabétique, un pontage reste le plus souvent pos-
sible.

Résultats à moyen terme des pontages artériels chez les diabétiques :


3 ans après pontage artériel des membres inférieurs, 87 % des pontages réalisés chez les
diabétiques sont perméables. On a ainsi pu éviter l’amputation dans 92 % des cas.

— en l’absence d’ischémie et s’il existe une ostéite, un geste d’orthopédie podologique conser-
vatrice (type résection d’une tête de métatarsien ou résection limitée d’une phalange) sans am-
putation pourra être réalisé pour raccourcir le délai de cicatrisation. L’antibiothérapie sera
poursuivie au moins 15 jours après le geste chirurgical.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 67/142


Complications du diabète (type 1 et 2)

Tableau 1 - les valeurs sont en g/l (mmol/l)

Catégories de patients Valeur


Valeur d’instauration
diabétiques ayant une d’instauration
du traitement Valeur cible
élévation du LDL du traitement
médicamenteux
cholestérol diététique

Prévention primaire sans ≥ 1,60 (4,1) ≥ 1,90 (4,9) < 1,60 (4,1)
autre facteur de risque que
le diabète
Prévention primaire des ≥ 1,30 (3,4) ≥ 1,60 (4,1) < 1,30 (3,4)
sujets ayant au moins un
autre facteur de risque que
le diabète
Prévention secondaire des ≥ 1,30 (3,4) ≥ 1,30 (3,4) < 1,00 (2,6)
sujets ayant une maladie malgré une diététique
coronaire patente ou au suivie pendant 3 mois
moins deux autres facteurs
de risque que le diabète

68/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Acidose lactique : physiopathologie, étiologie, diagnostic

Chapitre 7

Acidose lactique :
physiopathologie, étiologie,
diagnostic
Question d’internat n° 332

7.1 Physiopathologie - étiologie


L’acidose lactique provient du catabolisme anaérobie du glucose, survenant de façon physiolo-
gique dans les tissus glucoconsommateurs. Dans les tissus dépourvus d’enzymes mitochondriaux
du cycle de Krebbs, la production d’acide lactique est la seule issue métabolique du glucose : cel-
lules sanguines, muqueuse intestinale, rétine et peau. Normalement, le rapport lactate / pyruvate
est de 10. Le lactate diffuse librement vers le milieu extra-cellulaire et est repris dans la néogluco-
génèse hépatique et rénale (cycle de Cori). La lactatémie (normale = approximativement 1 mmol/
l) résulte de l’équilibre entre la libération périphérique et la captation hépatique d’acide lactique.
L’augmentation de la lactatémie, conséquence d’une élévation du rapport NADH/NAD peut donc
résulter d’une hyperproduction d’acide lactique et/ou d’un blocage de la captation hépatique.

1. L’hyperproduction survient en cas de mauvaise oxygénation tissulaire. C’est pourquoi les


états de choc représentent une cause importante d’acidose lactique, qu’ils soient cardiogé-
niques, hémorragiques ou septiques. Une anémie sévère, une intoxication à l’oxyde de car-
bone peuvent également être responsables d’une hyperproduction de lactates. Enfin, une
production élevée d’acide lactique a également été observée dans certaines leucoses et tu-
meurs malignes.
2. Mais un foie normal est capable de métaboliser de fortes productions périphériques d’acide
lactique (jusqu’à 3 400 mmol de lactate par 24 heures). C’est dire l’importance de l’insuffi-
sance hépatique dans la constitution de l’acidose lactique. Un tel déficit de la néo-glucogé-
nèse hépatique peut être la conséquence :
— non seulement d’une hépatite aiguë ou d’une cirrhose au stade terminal
— mais aussi d’un état de choc en particulier septique ou cardiogénique avec foie cardiaque
aigu, d’une intoxication alcoolique, d’un jeûne prolongé et de la prise de biguanides.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 69/142


Acidose lactique : physiopathologie, étiologie, diagnostic

En effet, les biguanides inhibent la néoglucogénèse hépatique et rénale, en même temps


qu’ils provoquent une hyper-production de lactates par l’intestin, mais la constitution d’une
acidose lactique induite par les biguanides nécessite l’accumulation du produit dans l’orga-
nisme, à l’occasion d’une insuffisance rénale.
La physiopathologie de l’acidose lactique permet de comprendre les règles de prescription des
biguanides. La prescription des biguanides est formellement contre indiquée en cas d’in-
suffisance rénale (clairance de la créatine inférieure à 50 ml/mn), la clairance de la metfor-
mine étant de 400 à 500 ml/mn. La prescription de biguanides est également contre indiquée
en cas d’insuffisance hépatique, d’insuffisance cardiaque, d’athérosclérose sévère et
d’alcoolisme. Les biguanides doivent être interrompus au moins 2 jours avant une anes-
thésie générale ou une intervention chirurgicale et dans toute situation susceptible d’en-
traîner une insuffisance rénale, tel en particulier que le passage intra-vasculaire de
produit iodé (artériographie, scanner avec injection, cholangiographie, cholécystogra-
phie, urographie intra-veineuse, etc...).
En effet, le passage intra-vasculaire de produit iodé chez le diabétique peut, particulièrement
en cas d’hypovolémie et/ou de glomérulopathie, entraîner une insuffisance rénale aiguë. L’ac-
cumulation de Metformine pourrait alors être responsable d’acidose lactique.
Mais il faut penser au risque d’insuffisance rénale aiguë lors de la prescription chez un diabé-
tique traité par biguanides, d’un diurétique, d’un anti-inflammatoire non stéroïdien ou d’un
inhibiteur de l’enzyme de conversion ou surtout lors de l’association de ces médicaments.
Les biguanides doivent être interrompus immédiatement lors de la survenue inopinée d’une
quelconque agression aiguë (infarctus du myocarde, infection sévère, déshydratation...) qui
impose le plus souvent le recours temporaire à l’insuline.
Certains estiment qu’un âge supérieur à 70 ans est une contre-indication à la prescription de
biguanides. Beaucoup estiment qu’il est possible de prescrire des biguanides après cet âge à
la quadruple condition :
— que le bénéfice glycémique, évalué par un essai thérapeutique avec arrêt systématique
secondaire du médicament, soit appréciable
— qu’il n’y ait pas de tares viscérales ou de complications sévères du diabète
— que la posologie soit limitée à 850 mg ou 1000 mg de Metformine par jour, soit 1 cp de
GLUCOPHAGE 850 ® par jour ou 2 cp de GLUCOPHAGE 500 ®
— que le patient soit régulièrement suivi et bien informé.
La rareté des cas d’acidose lactique induite par la Metformine rend légitime sa prescription
dans une indication précise : le diabète non insulino-dépendant chez les patients n’ayant ni in-
suffisance rénale ni tares viscérales majeures.
3. L’acidose lactique, correspondant à un taux de lactates égal ou supérieur à 5 - 6 mmol/l,
conduit à une acidose métabolique (pH ≤ 7,30), qui à son tour aggrave l’hyperlactatémie. Il
existe en effet un véritable cercle vicieux :
— l’acidose entraîne une chute du débit cardiaque qui aggrave l’hypoxie cellulaire et par
voie de conséquence augmente la production de lactates
— le choc entraîne une hyper-sécrétion de catécholamines qui stimule la glycogénolyse
conduisant à une production accrue de lactates
— l’acidose et le choc entravent la néoglucogénèse hépatique, favorisant l’accumulation de
pyruvates et de lactates. L’acidose entraîne au contraire une stimulation de la néogluco-

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Acidose lactique : physiopathologie, étiologie, diagnostic

génèse rénale, mais celle ci est probablement réduite en cas de tubulopathie aiguë secon-
daire au choc.

7.2 Diagnostic, clinique et biologique


• Un syndrome douloureux prodromique doit attirer l’attention : douleurs diffuses, crampes
musculaires, douleurs abdominales et thoraciques. S’y associent souvent des troubles diges-
tifs (nausées, vomissements, diarrhées). Puis apparaissent une hyperpnée sans odeur acéto-
nique de l’haleine et des troubles de la conscience variables, allant de l’agitation extrême
au coma calme et profond. L’absence de déshydratation est fréquente, en rapport avec l’oligo-
anurie précoce. Un collapsus survient précocement, parfois associé à des troubles du rythme
cardiaque, secondaires à l’acidose et à l’hyperkaliémie.
• Sur le plan biologique, il existe une acidose métabolique sévère (pH ≤ 7,20, en fait souvent
< 7 et bicarbonate plasmatique ≤ 10 mmol/l). Le ionogramme sanguin révèle l’existence d’un
trou anionique : différence entre la somme des cations (sodium + potassium) et la somme des
anions (chlore + HCO3 + protéines). Normalement inférieure à 5 mEq/l, cette différence dé-
passe 15 mEq et peut atteindre 40 à 50 mEq. Ce trou anionique est simplement dû aux anions
indosés : lactates (de 5 à 40 mEq/l) mais aussi phosphates et sulfates en cas d’insuffisance ré-
nale et surtout 3 hydroxybutyrate (anion cétonique). Mais comme les réactifs usuels en cli-
nique (Acétest ® et Kétodiastix ®) utilisent le nitroprussiate de soude qui ne décèle que
l’acéto-acétate, cette cétonémie importante est inapparente.

7.3 Traitement
L’évolution de l’acidose lactique était autrefois pratiquement toujours mortelle. Le traitement ac-
tuel comprend :

1. des mesures de réanimation générale : assurer une bonne ventilation, restaurer l’hémodyna-
mique sans recourir aux drogues vaso-constrictrices aggravant l’hypoxie tissulaire, assurer
une diurèse suffisante par de fortes doses de LASILIX, surveiller de près la kaliémie
2. une alcalinisation par le bicarbonate iso-osmotique (14 ‰) 1 à 2 litres en 1 à 2 heures, afin de
relever le pH au dessus du seuil critique de 7,20 (correspondant à un taux de bicarbonates de
10 mmol/l)
3. une épuration extra-rénale par hémodialyse ou dialyse péritonéale permettant une alcalinisa-
tion puissante sans surcharge volémique, une élimination de lactates, et une épuration par-
tielle des biguanides
4. une insulinothérapie modérée associée à l’administration de glucose.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 71/142


Acidose lactique : physiopathologie, étiologie, diagnostic

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

Chapitre 8

Acidocétose diabétique :
physiopathologie, étiologie,
diagnostic, traitement
Question d’internat n° 332

Avant l’insulinothérapie, l’acidocétose aboutissait à un coma entraînant en quelques heures le dé-


cès. Bien que le « coma clinique » ne se voit plus que dans 10 % des cas, on a gardé le terme de
coma pour désigner l’acidocétose sévère. Sa fréquence a diminué grâce à l’éducation des diabé-
tiques, au moins dans les centres de diabétologie spécialisés. Néanmoins, l’incidence annuelle reste
d’environ 4 ‰ diabétiques.

8.1 Physiopathologie

8.1.1 Rôle de la carence en insuline


L’acidocétose est la conséquence d’une carence profonde en insuline.

1. La chute de l’insulinémie lors du jeûne, entraîne la mise en route de la voie catabolique, per-
mettant à l’organisme de puiser dans ses réserves : le muscle, cardiaque en particulier, utilise
les acides gras provenant du tissu adipeux et les corps cétoniques produits par leur métabo-
lisme hépatique. Le système nerveux, le cerveau principalement, a besoin de glucose. Mais,
les réserves hépatiques en glycogène ne pouvant satisfaire que la moitié de la consommation
quotidienne de glucose par le cerveau, l’essentiel des besoins est assuré par la néoglucogénèse
hépatique.
Chez une personne normale, le catabolisme est contrôlé par la persistance d’une insulino-sé-
crétion basale, car les corps cétoniques entraînent une insulino-sécrétion freinant en retour la
lipolyse selon la « boucle » suivante : ↓ insulino-sécrétion → ↑ lipolyse → ↑ cétogénèse
→ ↑ insulinémie → ↓ lipolyse → ↓ cétogénèse...
Le catabolisme du diabétique insulinoprive échappe à ce rétrocontrôle, si bien que le taux

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 73/142


Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

d’acides gras libres est de 2 à 4 fois plus élevé durant l’acidocétose que durant le jeûne.
La décompensation du diabète entraîne donc hyperglycémie et cétose.
2. L’hyperglycémie est due :
— à l’absence de transport insulino-sensible du glucose dans le tissu adipeux et le muscle
— à la glycogénolyse hépatique
— et surtout à la néoglucogénèse. Elle produit quelques centaines de grammes de glucose
par jour, essentiellement à partir des acides aminés (alanine).
Conséquences de l’hyperglycémie
L’hyperglycémie induit une hyper-osmolarité extra-cellulaire qui entraîne un passage de
l’eau et du potassium intra-cellulaires vers le compartiment extra-cellulaire. L’hypervo-
lémie provoque une augmentation du flux et du filtrat glomérulaires. La non réabsorption du
glucose par le tubule rénal au-delà de sa capacité maximale de réabsorption, entraîne une gly-
cosurie avec diurèse osmotique. Cette diurèse osmotique insuffisamment compensée par les
boissons, a pour conséquence un déficit hydrique important avec hypovolémie responsable
secondairement d’une chute du flux et du filtrat glomérulaires. Cette insuffisance rénale fonc-
tionnelle, élevant le seuil rénal du glucose, majore l’hyperglycémie.
3. La céto-acidose
L’insuline qui inhibe la lipase adipocytaire est la seule hormone anti-lipolytique. La ca-
rence en insuline provoque donc un accroissement de la lipolyse. Cet accroissement de la
lipolyse entraîne une libération des acides gras libres, qui au niveau du foie sont oxydés en
acétyl-coenzyme A. De toutes les voies de réutilisation de l’acétyl-coenzyme A, la synthèse
des corps cétoniques est la voie préférentielle d’autant que la « machinerie enzymatique »
des hépatocytes est orientée vers l’oxydation intramitochondriale où a lieu la cétogénèse. En
particulier, l’acyl-carnitine-transférase (ACT), enzyme qui permet la pénétration intramito-
chondriale de l’acyl-CoA formé dans le cytoplasme à partir des acides gras à longue chaîne,
est augmentée.
L’activité de cet enzyme dépend du taux de malonyl CoA, reflet de l’orientation métabolique
du foie : déprimé dans les situations anaboliques, l’acyl-carnitine-transférase (ACT) est au
contraire stimulé dans les situations cataboliques.
L’augmentation de la cétonémie et l’apparition d’une cétonurie résultent donc essentiellement
de l’hypercétogénèse. En outre, l’utilisation des corps cétoniques par les tissus est diminuée
en l’absence d’insuline.
Les deux acides cétoniques sont l’acide acéto-acétique et l’acide béta-hydroxybutyrique.
L’acétone se forme spontanément par décarboxylation de l’acide acéto-acétique.
Conséquences de l’hypercétonémie :
— les acides cétoniques sont des acides forts, totalement ionisés au pH du plasma. Cet ap-
port d’ions H+ plasmatiques provoque une acidose métabolique, lorsque les mécanismes
de compensation sont débordés.
— l’élimination rénale des corps cétoniques sous forme de sel de sodium et de sel de potas-
sium est responsable d’une perte importante de ces deux cations. Parallèlement,
l’anion chlore est réabsorbé. Cette élimination est diminuée en cas d’insuffisance rénale
fonctionnelle secondaire à l’hypovolémie.
— l’élimination pulmonaire grâce au système tampon bicarbonate - acide carbonique per-
met de transformer un acide fort en acide faible volatile. L’hyperventilation n’atteint son

74/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

maximum que lorsque la réserve alcaline est inférieure à 10 mEq/litre.


— les conséquences de l’acidose : l’acidose grave peut provoquer en s’intensifiant, une dé-
pression respiratoire. Elle est responsable d’une diminution de la contractilité myocar-
dique, et d’une diminution du tonus vasculaire, avec baisse de la sensibilité aux
catécholamines endogènes, entraînant finalement un collapsus cardiovasculaire.
— il est d’autres conséquences de la cétose : l’odeur caractéristique de l’haleine due à
l’élimination d’acétone dans l’air alvéolaire, l’inhibition de l’excrétion rénale de
l’acide urique responsable d’une hyper-uricémie.
4. Finalement, la déshydratation est la conséquence :
— de la diurèse osmotique
— de la polypnée qui peut être responsable d’une perte de 2 litres en 24 heures,
— de vomissements qui sont très fréquents et peuvent entraîner une perte de 1 à 3 litres.
Au total, la perte est de 75 ml environ par kg, dont 60 % proviennent de l’espace intra-cellu-
laire. Cette déshydratation entraîne une hypovolémie responsable d’une insuffisance rénale
fonctionnelle avec hyperaldostéronisme secondaire.
La perte de sodium est due à la diurèse osmotique, à l’élimination des corps cétoniques sous
forme de sel, et aux vomissements. Par contre, l’hyperaldostéronisme induit par l’hypovolé-
mie tend à épargner le sodium urinaire.
Les pertes de potassium : l’acidose mais surtout le catabolisme (glycogénolyse et protéolyse)
et l’hyper-osmolarité entraînent un passage du potassium intra-cellulaire vers le comparti-
ment extra-cellulaire. Le potassium extra-cellulaire est éliminé dans les urines en raison de la
diurèse osmotique, de l’élimination des corps cétoniques sous forme de sel de potassium et de
l’hyperaldostéronisme. Ainsi, la kaliémie peut être haute, normale ou basse, mais il y a tou-
jours un déficit potassique qui va se révéler pendant les premières heures du traitement.

Mécanisme schématique des anomalies métaboliques


et hydro-électrolytiques de l’acidocétose métabolique
Acidose métabolique
— hyperproduction d’acide β-hydroxybutyrique et d’acide acéto-acétique
Hyperglycémie
— glycogénolyse
— hyperproduction endogène du glucose (néoglucogénèse)
— diminution de la pénétration cellulaire
Deshydratation globale (75 ml/kg)
— polyurie osmotique
— polypnée
— vomissements

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 75/142


Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

Mécanisme schématique des anomalies métaboliques


et hydro-électrolytiques de l’acidocétose métabolique
Perte de sodium
— élimination de corps cétoniques dans les urines
— diurèse osmotique
— vomissements (souvent)
Pertes de potassium
Secteur intra-cellulaire → secteur extra-cellulaire
— glycogénolyse
— protéolyse
— hyper-osmolarité extra-cellulaire
— acidose
Secteur extra-cellulaire → urines
— polyurie osmotique
— corps cétoniques urinaires
— hyperaldostéronisme secondaire

5. dans quelques cas, le plasma des malades en coma acidocétosique est lactescent. Cette hyper-
triglycéridémie peut procéder de deux mécanismes isolés ou associés :
— défaut d’épuration des lipoprotéines riches en triglycérides
— accroissement de la production hépatique de triglycérides (dans la phase précédant le co-
ma)
Cette hyperlipidémie induit parfois des éruptions xanthomateuses et même des poussées
de pancréatite.
6. L’hypo-phosphatémie a été mise en cause dans la déficit en 2-3 diphosphoglycérate (2-3
DPG). Présent dans les hématies, le 2-3 DPG favorise la dissociation de l’oxyhémoglobine au
niveau des tissus. Ce déficit en 2-3 DPG peut donc être responsable d’une hypoxie tissulaire
avec ses propres conséquences.

8.1.2 Rôle des hormones de « contre-régulation »


Ces hormones jouent un rôle important et synergique dans l’acidocétose diabétique. Mais, leur ac-
tion lipolytique ne se manifeste que s’il existe une carence absolue ou relative en insuline.

1. Le glucagon, principale hormone de la « contre-régulation » détermine l’orientation métabo-


lique du foie.
C’est le rapport insuline / glucagon qui détermine l’orientation métabolique de l’organisme
vers un état anabolique (I/G élevé) ou au contraire vers un état catabolique (I/G bas). Dans
l’acido-cétose, le rapport I/G est bas.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

2. Le cortisol stimule la lipolyse. Son action hyperglycémiante s’explique par l’augmentation


des acides aminés précurseurs de la néoglucogénèse, l’induction des enzymes hépatiques de
la néoglucogénèse et l’inhibition de l’utilisation périphérique du glucose.
3. Les catécholamines ont une action hyperglycémiante et lipolytique (effet β). Elles stimulent
la cétogénèse (effet α 2) et elles inhibent la sécrétion d’insuline (effet α 2).
Les catécholamines interviendraient particulièrement dans certaines agressions aiguës (in-
farctus, traumatisme, choc, stress psychologique), causes déclenchantes du coma acidocéto-
sique.
4. Quant à l’hormone de croissance, son rôle semble secondaire.

8.2 Etiologie
Le coma acidocétosique se voit à tout âge. Il faut néanmoins en souligner la gravité particulière
chez le vieillard.
Le coma acidocétosique peut survenir quelle que soit l’ancienneté du diabète, qu’il révèle parfois
(20 % des comas acidocétosiques sont révélateurs).
Dans 85 % des cas, le coma acidocétosique complique un diabète de type 1. Mais dans 15 % des
cas, il complique un diabète non traité par l’insuline. Le plus souvent, il s’agit alors d’un diabète
de type 2 en état d’agression, par exemple, à l’occasion d’une infection sévère ou d’un infarctus du
myocarde. Il peut s’agir aussi de diabètes de type 1 lents devenant insulino-dépendants après des
années de traitement par des hypoglycémiants oraux.
Parmi les étiologies retrouvées, l’infection arrive en tête avec 35 % des cas. Une lésion organique
est retrouvée dans 15 % des cas, dont une fois sur deux une complication due au diabète, en parti-
culier vasculaire. L’arrêt de l’insulinothérapie est retrouvée dans 10 % des cas, en particulier
chez les patients traités par pompe à insuline sous cutanée. Dans ses débuts, le traitement par
pompe s’est accompagné d’une augmentation importante de fréquence des comas acidocétosiques
secondaires à des pannes diverses. Depuis que les patients traités par pompe bénéficient d’une édu-
cation particulière pour la prévention de l’acidocétose, la fréquence n’est plus différente de celle
observée lors des traitements conventionnels. Une grossesse non ou mal suivie est retrouvée dans
5 % des cas (les besoins en insuline augmentent dès le 2ème trimestre de la grossesse). L’acidocé-
tose est redoutable au cours de la grossesse, puisqu’elle peut entraîner la mort in utéro du fœtus.

Causes de l’acidocétose diabétique


— coma acidocétosique révélateur du diabète
— infection
— arrêt de l’insulinothérapie (volontaire, ou panne de la pompe à perfusion sous cuta-
née d’insuline)
— accident cardiovasculaire
— chirurgie
— grossesse

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 77/142


Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

8.3 Diagnostic

8.3.1 Phase dite de pré-coma diabétique


Habituellement, l’installation de l’acidocétose se fait progressivement avec une phase dite de
« pré-coma » de plusieurs jours : polydipsie, polyurie, perte de poids, crampes nocturnes, troubles
visuels, souvent apparition d’une discrète dyspnée et de troubles digestifs. Le malade diabétique
correctement éduqué a donc le temps de prévenir l’acidocétose sévère.

8.3.2 Phase d’acidocétose sévère


• 10 % seulement des malades atteints d’acidocétose sont dans un coma clinique, alors qu’à
l’opposé, 20 % ont une conscience parfaitement normale, les autres patients étant stuporeux,
plus ou moins confus.
• La polypnée est un signe fondamental présent dans 90 à 100 % des cas, tantôt dyspnée à
4 temps type Kussmaul, tantôt respiration ample et bruyante. La fréquence respiratoire est
toujours supérieure à 20 et peut atteindre 30 ou 40. En cours d’évolution, la mesure de la fré-
quence respiratoire est un bon indice de l’évolution de l’acidose en l’absence de pneumopa-
thie. Par ailleurs, on note l’odeur caractéristique d’acétone exhalée.
• La déshydratation est globale, extra-cellulaire (pli cutané, yeux excavés, hypotension) et in-
tra-cellulaire (soif, sécheresse de la muqueuse buccale).
Le collapsus cardio-vasculaire est retrouvé dans 25 % des cas, dû en général à la déshydrata-
tion intense, plus rarement à une septicémie à gram négatif ou à une lésion viscérale aiguë (in-
farctus ou pancréatite).
Dans la mesure où la diurèse osmotique protège habituellement de l’anurie les sujets en coma
acidocétosique, la survenue d’une anurie doit faire rechercher une cause organique (pancréa-
tite aiguë hémorragique en particulier) et entraîner l’administration précoce de furosémide pa-
rallèlement à un remplissage intense sous contrôle de la pression veineuse centrale.
• L’hypothermie est fréquente, y compris en cas d’infection. Si on ajoute que l’acidocétose
peut entraîner une hyperleucocytose, on voit que ni la prise de la température, ni la numéra-
tion formule sanguine ne sont d’un grand secours pour diagnostiquer une infection, du moins
dans les premières heures du coma acidocétosique. Au contraire, une hypothermie profonde
inférieure à 35 témoigne souvent d’une infection sévère de mauvais pronostic.
• Les signes digestifs sont fréquents. Les nausées ou vomissements se voient dans 80 % des
cas. Les vomissements aggravent la déshydratation et la perte ionique. Ils exposent aux
risques de fausses routes trachéales et peuvent provoquer un syndrome de Mallory-Weiss (ul-
cérations œsophagiennes hémorragiques). Les douleurs abdominales se voient dans 40 %
des cas, surtout en cas d’acidose sévère, et surtout chez l’enfant, sources d’erreurs diagnos-
tiques redoutables avec un abdomen chirurgical aigu.
• Evidemment, l’examen clinique vérifie l’absence de signe neurologique en foyer, et l’absence
d’atteinte viscérale associée.
• Cet examen est complété par la détermination de la glycémie capillaire au bout du doigt et

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

par la recherche de sucre et des corps cétoniques dans les urines fraîches recueillies si pos-
sible sans sondage.

Finalement, la constatation d’un syndrome clinique d’acidose, d’une hyperglycémie capil-


laire supérieure à 13,7 mmol/l (2,50 g/l), d’une glycosurie et d’une cétonurie importantes,
permet d’entreprendre un traitement énergique avant le résultat des examens biologiques
plus complets.

Signes du coma acidocétosique sévère


— Conscience variable (normale 20 % - obnubilation 70 % - coma 10 %)
— Polypnée
— Nausées, vomissements, douleurs abdominales
— Déshydratation importante intra et extra-cellulaire
— Hypothermie
— Crampes musculaires
— Absence de signe neurologique en foyer
— Cétonurie +++, glycosurie +++, glycémie capillaire > 13 mmol

8.3.3 Examens complémentaires


1. Le pH et la réserve alcaline affirment l’acidose métabolique. Le trou anionique est dû aux
anions indosés β hydroxybutyrate et acéto-acétate. Une acidose grave (pH inférieur à 7,10)
est une menace pour la fonction myocardique.
2. La natrémie peut être abaissée, normale ou élevée, selon l’importance respective des pertes
hydriques et sodées. De toute façon, le bilan sodé est négatif. Une « fausse » hyponatrémie
peut être due à l’hyperglycémie (hyponatrémie de dilution par sortie d’eau du secteur intra-
cellulaire avec maintient d’une osmolarité plasmatique normale), ou à l’hypertriglycéridémie
(hyponatrémie factice par réduction du volume d’eau par litre de plasma).
3. La kaliémie est également élevée, normale ou basse, mais la déplétion potassique est
constante. Ceci est essentiel pour le traitement dont un des objectifs est d’éviter l’hypokalié-
mie.
4. L’ECG donne un reflet très approximatif, mais très rapidement obtenu des anomalies potas-
siques et surtout de leur retentissement cardiaque (l’hypokaliémie se traduit par un allonge-
ment de l’espace QT, une sous-dénivellation de ST, l’aplatissement de l’onde T, l’apparition
d’une onde U). Il permet de dépister un infarctus du myocarde dont la décompensation du dia-
bète peut être la seule traduction clinique.
5. Les protides et l’hématocrite élevés témoignent de l’hémoconcentration.
6. Il existe en général une élévation de l’urée sanguine due à la fois au catabolisme protidique et
à l’insuffisance rénale fonctionnelle.
7. Il existe un déficit en calcium, phosphore et magnésium qui se révélera en cours de traitement,
mais qui n’a pas d’importance pratique.
8. L’amylasémie est parfois élevée en dehors même des rares cas de pancréatite (il s’agit le plus
souvent de l’iso-enzyme salivaire).

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

9. La créatine phosphokinase, les transaminases et les enzymes lysosomiaux hépatiques sont


souvent augmentés.
10. Au moindre doute, hémocultures et prélèvements locaux s’imposent.

Examens complémentaires à demander en urgence


devant un coma acidocétosique diabétique
— Ionogramme sanguin, glycémie
— Gaz du sang
— E.C.G.
— Si besoin, hémocultures et prélèvements locaux (E.C.B.U., prélèvement de
gorge...)
— Eventuellement, radio pulmonaire au lit, numération formule sanguine

8.4 Diagnostic différentiel


Il est assez simple.

8.4.1 Si le diabète n’est pas connu


Il s’agit, grâce aux examens d’urines systématiques, de ne pas se laisser égarer par une forme à ex-
pression cardiovasculaire, respiratoire ou neurologique ou surtout par une forme à expression ab-
dominale pseudo-chirurgicale. C’est pourquoi l’examen systématique des urines doit être la
règle devant un syndrome abdominal aigu en milieu chirurgical. En cas d’hésitation avec une
authentique affection chirurgicale aiguë responsable de la décompensation du diabète, ce sont les
examens cliniques et paracliniques répétés de façon rapprochée après le début du traitement éner-
gique de la cétose, qui permettent de différencier la composante métabolique de la lésion chirurgi-
cale vraie.
A l’inverse, il ne faut pas prendre pour un coma diabétique un coma d’autre origine associé à un
trouble mineur et transitoire de la glycorégulation, tel que peuvent le produire certaines affections
neurologiques aiguës (hémorragie méningée, ictus apoplectique, encéphalite aiguë) ou certaines
intoxications (salicylés, isoniazide, hydantoïne, acide nalidixique, alcool). Le diagnostic repose sur
l’anamnèse, la clinique le dosage non seulement de la cétonurie, mais aussi de la cétonémie, la re-
cherche des toxiques.

8.4.2 Si le diabète est connu


Le diagnostic avec les autres comas est en règle facile.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

• La mesure instantanée de la glycémie capillaire au bout du doigt permet d’éliminer un coma


hypoglycémique.
• L’erreur essentielle consiste à confondre un coma hyper osmolaire, une acidose lactique
comportant une cétose modérée, avec une authentique acidocétose. On pensera au coma hy-
per osmolaire devant les conditions habituelles de survenue (telles qu’une infection chez un
vieillard), l’importance de la deshydratation, le pH supérieur à 7,20, et la réserve alcaline su-
périeure à 15 mEq/l. On évoquera l’acidose lactique en cas de pathologie hypoxique sévère,
devant la discrétion de la déshydratation en raison d’une oligo-anurie précoce, devant la gra-
vité du tableau clinique et l’importance des douleurs. Il est alors essentiel de demander un do-
sage des lactates, le trou anionique paraissant plus important que la seule cétonémie. L’erreur
diagnostique peut en effet avoir de lourdes conséquences : défaut d’hydratation en cas de
coma hyperosmolaire, défaut d’alcalinisation et absence de transfert en centre de dialyse en
cas d’acidose lactique.
• Enfin, il ne faut pas se laisser abuser par une discrète cétose de jeûne associée à une acidose
métabolique d’origine rénale chez un diabétique insuffisant rénal chronique. Porter le dia-
gnostic d’acidocétose sévère peut avoir des conséquences graves en raison de la très grande
sensibilité à l’insuline dans ces cas.

8.5 Traitement
Le traitement doit être entrepris sans attendre le résultat des examens complémentaires. Il vise à un
retour progressif à la normale en 8 à 12 heures. Le traitement doit associer quatre éléments :

— un traitement de la cétose
— une réanimation hydro-électrolytique
— les soins non spécifiques du coma
— le traitement des causes déclenchantes.

8.5.1 Le traitement de la cétose


C’est l’insuline. Des doses modérées d’insuline de l’ordre de 10 unités par heure permettent d’ob-
tenir une activité biologique optimale. On peut recourir soit à la perfusion continue intra-vei-
neuse d’insuline à la pompe (insuline Ordinaire ®, ou Umuline rapide ou Actrapid ®) soit à
l’injection horaire d’insuline en intra-veineux.
Lors de la disparition de la cétose, on passera à l’injection sous cutanée d’insuline toutes les 3
ou 4 heures, la dose étant adaptée en fonction de la glycémie capillaire, en ayant soin d’éviter tout
hiatus dans l’administration d’insuline.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

8.5.2 La réanimation hydro-électrolytique


a. C’est sûrement la prescription la plus importante et la plus urgente du coma
acidocétosique : 6 à 8 litres en 24 heures, dont la moitié doit être apportée dans les 6 pre-
mières heures. On ne commence par du bicarbonate isotonique à 14 ‰ (500 cc à 1 000 cc)
que si l’acidocétose semble sévère, puis on continue par 1 ou 2 litres de sérum physiolo-
gique suivi par des perfusions de glucosé isotonique enrichi en chlorure de sodium et en chlo-
rure de potassium. On n’utilise pas de solution hypotonique en raison du risque d’œdème
cérébral. En cas de collapsus, on ajoute du sang ou des substituts.
La diurèse horaire est évidement un élément essentiel de surveillance, ainsi que la pression
veineuse centrale indispensable s’il existe un collapsus ou une insuffisance cardiaque ou une
oligo-anurie.
b. L’apport de potassium est essentiel. En effet :
— d’une part, la correction de l’acidose (en particulier lors des perfusions de bicarbonate)
et la prescription d’insuline, stoppent la sortie de potassium de la cellule et induisent au
contraire une rentrée intra-cellulaire
— d’autre part, la poursuite de la diurèse osmotique et d’éventuels vomissements, conti-
nuent à entretenir une perte potassique, si bien que la kaliémie chute dans tous les cas.
c. Cette réanimation est adaptée à chaque malade, grâce à une surveillance rigoureuse qui se fait
toutes les heures : diurèse, glycémie capillaire, cétonurie, pouls, tension artérielle, fréquence
respiratoire. Toutes les 4 heures environ, on contrôle le ionogramme sanguin, la réserve alca-
line et l’ECG tant que persiste la cétose.

8.5.3 Les soins non spécifiques du coma


Le troisième aspect du traitement concerne les soins non spécifiques du coma :

— asepsie lors de la pose d’un cathéter intra-veineux


— pose aseptique d’une sonde urétrale, seulement si cela est indispensable
— évacuation systématique du liquide gastrique par sondage chez un malade inconscient intubé
— mise sur matelas anti-escarres
— chez les personnes ayant un mauvais étant veineux des membres inférieurs, héparinothérapie
préventive dans l’espoir de prévenir les thromboses.

8.5.4 Traitement des causes déclenchantes


Le quatrième aspect est le traitement de la cause, en particulier en cas d’infection, l’antibiothérapie
probabiliste intra-veineuse est systématique dès les prélèvements faits pour hémocultures et exa-
men cytobactériologique des urines.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

8.5.5 Complications secondaires


Grâce à un tel traitement, on peut éviter les complications secondaires que sont l’hypoglycémie, la
déplétion potassique, la surcharge hydrosodée avec risque d’œdème aigu pulmonaire, les compli-
cations thrombo-emboliques. Quant aux infections nosocomiales et opportunistes, en particulier la
mucormycose, elles sont favorisées par l’immuno-dépression et les manœuvres de réanimation.
Enfin, l’œdème cérébral est une complication grave mais rarissime.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

Protocole de traitement de l’acidocétose diabétique sévère


1. Insulinothérapie
— à la pompe intra-veineuse
— ou en bolus horaire intra-veineux (10 unités/heure)
Lors de la disparition de la cétose, on passe à :
— 3-4 unités/heure à la pompe
— ou bien aux injections sous cutanées toutes les 3 heures, en fonction de la gly-
cémie capillaire (après avoir fait une dernière injection intra-veineuse de
10 unités en même temps que l’injection sous cutanée pour éviter tout hiatus
insulinémique).
2. Réhydratation hydro-électrolytique
— 1 litre en une heure
— 1 litre en 2 heures
— 1 litre en 3 heures
— 1 litre toutes les 4 heures
On commence par :
— 500 cc ou 1 litre de bicarbonate iso-osmotique à 14 ‰ en cas d’acidocétose
sévère (pH ≤ 7)
— puis 1 à 2 litres de sérum physiologique à 9 ‰
— puis du glucosé isotonique avec 4 g de NaCl et 4 g de KCl par litre
Le potassium est en général apporté à partir du 3ème litre, après contrôle du iono-
gramme sanguin et de l’ECG, et en surveillant la diurèse. La dose de potassium est
adaptée en fonction des ionogrammes sanguins toutes les 4 heures. On ne doit pas
en général, dépasser 2 KCl en une heure.
3. Si besoin, antibiothérapie après hémocultures et prélèvements locaux
La posologie des antibiotiques doit être adaptée en tenant compte de l’insuffisance
rénale fonctionnelle habituelle.
4. Si besoin, héparinothérapie à doses préventives
La surveillance du coma acidocétosique repose sur :
— toutes les heures : conscience, fréquence respiratoire, pouls, tension arté-
rielle, diurèse, éventuellement température, cétonurie, glycémie capil-
laire
— toutes les 4 heures : ionogramme sanguin, glycémie, réserve alcaline,
ECG.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

8.6 Prévention
La fréquence des comas acido-cétosiques a diminué en raison de l’amélioration de l’éducation des
diabétiques. On peut dire qu’un diabétique bien éduqué ne doit pas faire de coma acidocétosique.
Les éléments essentiels de cette éducation sont résumés dans le tableau :

Apprendre aux diabétiques à prévenir l’acidocétose sévère


1. en surveillant quotidiennement son équilibre glycémique, et en adaptant son traite-
ment, et en n’arrêtant jamais l’insuline
2. en n’oubliant pas de rechercher la cétonurie lorsque la glycémie capillaire ≥ 3 g/l
ou en cas d’apparition de symptômes cardinaux
3. en étant particulièrement vigilant (c’est-à-dire en multipliant les contrôles) dans
des situations telles qu’une infection, une extraction dentaire, une intolérance
digestive, un long voyage, une erreur dans le traitement habituel, etc...
4. en ajoutant au traitement habituel des suppléments d’insuline rapide sous cutanée,
de 5 à 10 unités lorsqu’il existe une cétonurie et une glycosurie importante. Les
injections sont répétées toutes les 3 heures tant que persiste la cétonurie.
5. si après 3 ou 4 injections d’insuline rapide, la cétonurie persiste, le diabétique doit
prendre contact sans délai avec son médecin traitant ou venir à l’hôpital. L’hospi-
talisation s’impose si les vomissements interdisent l’alimentation.
6. en vérifiant que le diabétique, dont l’insulinothérapie habituelle ne comprend pas
d’insuline rapide, a néanmoins chez lui un flacon d’insuline rapide non périmée,
dont il connaît l’indication en cas de déséquilibre aigu du diabète.

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Acidocétose diabétique : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

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Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

Chapitre 9

Coma hyper-osmolaire :
physiopathologie, étiologie,
diagnostic, traitement
Question internat n° 332

Le coma hyper-osmolaire représente 5 à 10 % des comas métaboliques des diabétiques. Il se ca-


ractérise par une déshydratation massive. Il se définit par une osmolarité supérieure à
350 mmol/l due à une hyperglycémie majeure (supérieure à 33 mmol/l et souvent 44 mmol) et à
une hypernatrémie. La cétose est absente ou discrète. Le traitement repose sur une réhydratation
massive et rapide. Son pronostic amélioré reste sévère en raison du terrain électif de survenue : pa-
tient de plus de 60 ans, souvent débilité.

9.1 Physiopathologie
Le coma hyper-osmolaire est l’aboutissement d’un processus auto-entretenu : l’hyperglycémie ini-
tiale est responsable d’une polyurie dite « osmotique ». Cette polyurie non ou insuffisamment
compensée par les apports hydriques, entraine une hypovolémie. Cette hypovolémie induit une in-
suffisance rénale fonctionnelle provoquant une rétention sodée, et une élévation importante du
seuil rénal du glucose. La glycémie s’élève fortement. La polyurie n’est plus alors « vraiment
osmotique ». Elle persiste jusqu’à ce que la chute de la perfusion rénale entraîne une oligo-anurie.
Comment expliquer l’absence de cétose ? Elle est corrélée à l’absence d’élévation importante des
acides gras libres. Cette inhibition de la lipolyse s’expliquerait par la persistance au début du pro-
cessus d’une insulinémie périphérique insuffisante pour permettre la pénétration intra-cellulaire du
glucose, mais suffisante pour inhiber la lipolyse.
Si la cétonurie est faible ou nulle, on constate une fois sur deux une acidose métabolique avec une
réserve alcaline inférieure à 20 mEq. Cette acidose avec trou anionique s’explique par la rétention
de phosphates et de sulfates due à l’insuffisance rénale, par la production accrue de lactates, voire
par l’augmentation du 3 β hydroxybutyrate non dépisté par les réactifs au nitroprussiate de soude
(Acétest ®, Ketodiastix ®).
Les hormones de la contre-régulation en particulier le Glucagon, sont augmentées. C’est pourquoi

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 87/142


Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

la néoglucogénèse hépatique est un déterminant majeur de l’hyperglycémie.

9.2 Circonstances étiologiques


La physiopathologie explique les circonstances de survenue :

— patients de plus de 60 ans


— diabète non insulino-dépendant dans 95 % des cas. Souvent considéré comme « mineur »,
traité par le régime seul ou associé aux hypoglycémiants oraux, ce diabète est même méconnu
une fois sur deux
— patients ne percevant pas la sensation de soif ou étant dans l’impossibilité de l’assouvir pour
des raisons neurologiques
— le processus hyper-osmolaire peut être enclenché par toute cause de déshydratation : vomis-
sements, diarrhée, infection en particulier pulmonaire, prescription mal surveillée de diuré-
tiques... ou par tout facteur d’hyperglycémie : « agression » responsable d’une hyper-
sécrétion des hormones de contre-régulation (infection, accident vasculaire), mais aussi
prescription de médicaments ou de solutés hyperglycémiants (corticoïdes ou tétracosactide,
hydantoïne, diazoxide, nutrition entérale mal conduite, administration excessive de sérum
glucosé hypertonique).

Le terrain d’élection du coma hyper-osmolaire est donc plus banalement la personne âgée ayant
une hypertension artérielle traitée par les diurétiques, faisant un accident vasculaire cérébral, le
vieillard traité par corticoïdes pour une maladie de Horton, ou la vieille dame institutionnalisée
pour démence victime d’une infection broncho-pulmonaire.
On retrouve en effet en général deux ou trois causes favorisantes associées et dans tous les cas,
un défaut de surveillance du bilan hydrique. A l’opposé, on peut voir des comas hyper-osmo-
laires chez de jeunes antillais consommant de grandes quantités de boissons sucrées.

Principales causes déclenchantes du coma hyperosmolaire


— Infection
— Diarrhée, vomissements
— Trouble neurologique cérébral
— Diurétiques
— Corticoïdes
— Nutrition entérale ou parentérale mal conduite

Associé à défaut de surveillance :

— de la diurèse
— du bilan hydrique
— de la glycémie capillaire au bout du doigt
— du ionogramme sanguin

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Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

9.3 Diagnostic

9.3.1 Clinique
Le début est insidieux, progressif, durant plusieurs jours voire 1 à 3 semaines, marqué par une po-
lyurie, une adynamie, et les premiers signes de deshydratation. Une forte glycosurie peut être mise
en évidence. La simple surveillance de la diurèse devrait permettre de dépister l’hyperglycé-
mie et la deshydratation avant le stade du coma hyperosmolaire. Hélas, l’attention est souvent
détournée par l’affection aiguë déclenchante.
Le coma hyper-osmolaire associe :

1. Une intense deshydratation globale


— intra-cellulaire : sécheresse de la face inférieure de la langue du sillon gingivo-jugal, dis-
parition de la moiteur axillaire, hypotonie des globes oculaires, soif, perte de poids
— extra-cellulaire : veines déprimées, marbrure des téguments, pli cutané non interprétable
chez le sujet âgé, surtout hypotension artérielle au moins comparativement aux chiffres
antérieurs.
2. Des signes neurologiques
— les troubles de la conscience allant de l’obnubilation au coma carus, sont bien corrélés
au degré d’hyper-osmolarité
— il existe parfois des signes neurologiques en foyer : déficit moteur ou sensitif, asymétrie
des réflexes, signe de Babinski, hémi-anopsie
— des crises convulsives sont fréquentes, souvent localisées, parfois même généralisées,
aggravant le pronostic.
3. La température est variable
De l’hyperthermie d’origine centrale à l’hypothermie indépendamment de toute infection as-
sociée.
4. Des signes digestifs avec nausées, voire vomissements et douleurs abdominales sont fré-
quents.
5. Enfin, on note l’absence de signe de cétose : pas d’odeur acétonique de l’haleine, et l’absence
d’acidose métabolique sévère : pas de polypnée de Kussmaul.
6. Au lit du malade, on constate à l’aide des bandelettes réactives, une cétonurie absente ou dis-
crète (des traces ou une croix d’acétone n’éliminent pas le diagnostic !), une glycosurie mas-
sive, et une glycémie capillaire au bout du doigt très élevée.

La réanimation est alors entreprise sans attendre les résultats des examens complémentaires de-
mandés en urgence.

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Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

9.3.2 Examens complémentaires


Ils confirment l’hyper-osmolarité :

— glycémie souvent supérieure à 44 mmol/l


— natrémie supérieure à 140 mmol/l
— kaliémie variable, souvent élevée, masquant un déficit potassique qui se révélera en cours de
traitement
— urée élevée due à l’insuffisance rénale et à l’hypercatabolisme protidique
— la réserve alcaline est souvent un peu abaissée, inférieure à 20 mmol une fois sur deux, mais
le pH est supérieur à 7,2
— l’hyperleucocytose est habituelle en dehors de toute infection
— le ionogramme urinaire, confirme l’insuffisance rénale fonctionnelle, avec une concentration
uréique élevée (urée urinaire / urée sanguine > 10) et une inversion du rapport sodium
urinaire / potassium urinaire < 1
— l’osmolarité peut être mesurée par osmométrie ou cryoscopie
Elle est en fait calculée à partir du ionogramme sanguin. Différentes formules ont été propo-
sées, une formule simple est :
osmolarité = (Na + 13) × 2 + glycémie en mmol (avec une normale de 310 mmol)
— une élévation de certains enzymes est fréquente, témoignant de la souffrance tissulaire : amy-
lasémie en dehors de toute pancréatite, enzyme lysosomiaux hépatiques, CPK en raison d’une
rhabdomyolyse
— les hémocultures et les prélèvements bactériologiques locaux s’imposent à la moindre suspi-
cion d’infection
— l’ECG montre souvent des troubles du rythme supra-ventriculaire et des troubles de la repo-
larisation dont l’évolution sera surveillée
— la radio pulmonaire au lit est d’interprétation souvent difficile.

Formule permettant de calculer l’osmolarité plasmatique


Osmolarité = (Na + 13) × 2 + glycémie en mmol/l ou (Na + K) × 2 + glycémie + urée
Normale = 310 mmol/l
Coma hyper osmolaire ≥ 350 mmol/l

9.4 Evolution - complications


L’évolution sous traitement peut être émaillée de complications mettant en jeu le pronostic vital.

1. le collapsus peut être initial, nécessitant un remplissage massif par les grosses molécules et
le sérum physiologique isotonique sous contrôle de la pression veineuse centrale. Mais il peut
être secondaire si le traitement a entraîné une baisse rapide de la glycémie, sans apport hy-

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Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

drique parallèle suffisant. En effet, la baisse de l’osmolarité plasmatique provoque alors un


brusque passage de l’eau extra-cellulaire vers le milieu intra-cellulaire, avec contraction vo-
lémique et surtout risque d’œdème cérébral.
2. bien que la polyurie protège habituellement le rein, le collapsus peut être responsable d’une
tubulopathie aiguë anurique. Si celle ci ne réagit pas à un remplissage rapide sous contrôle
de la pression veineuse centrale, un traitement par Furosémide intra-veineux à fortes doses
peut être tenté. En cas d’échec, l’épuration extra-rénale s’impose, aggravant le pronostic.
3. en cours de traitement, l’hypokaliémie doit être prévenue par l’apport de potassium si la diu-
rèse du patient est suffisante. Le contrôle du ionogramme sanguin toutes les 4 heures, permet
une adaptation des apports.
4. la déshydratation massive est notamment responsable d’une hyperviscosité des sécrétions
exocrines, pouvant entraîner une obstruction canalaire avec surinfection :
— atélectasie prévenue par l’utilisation systématique d’humidificateurs bronchiques et dès
que possible par la kinésithérapie respiratoire
— stomatite microbienne ou mycosique qui doit être prévenue par les soins de bouche
— parotidite aiguë suppurée gravissime
— kérato-conjonctivite prévenue par l’instillation répétée de collyre antiseptique
— enfin, exceptionnellement, obstruction du canal de Wirsung pouvant être responsable
d’une authentique pancréatite aiguë
5. l’hyperviscosité sanguine peut entraîner des thromboses vasculaires artérielles (infarctus
cérébral, coronarien, mésentérique ou gangrène) et veineuses (phlébite, embolie pulmonaire),
particulièrement chez les patients âgés athéroscléreux ou ayant un mauvais état veineux. Elle
justifie un traitement héparinique préventif presque systématique.
6. des séquelles encéphaliques et psychiques peuvent persister après récupération d’une
conscience normale : détérioration intellectuelle, syndrome extra-pyramidal, état pseudo-bul-
baire. Ces séquelles sont la conséquence de foyers hémorragiques et ischémiques secondaires
aux variations de flux hydriques cérébraux et à l’hyperviscosité sanguine, plutôt qu’à l’hyper-
natrémie elle même.
7. enfin, ces personnes âgés diabétiques sont particulièrement exposées aux infections non
spécifiques : infection urinaire sur sonde, infection sur cathéter, escarre.

C’est dire que le pronostic dépend non seulement d’une réhydratation bien conduite, mais aussi de
la minutie de ces « petits soins infirmiers préventifs ». Ce faisant, le pronostic autrefois redoutable
avec 50 % de décès s’est maintenant amélioré, se situant autour de 20 %, dépendant certes du degré
d’hyper-osmolarité, c’est-à-dire de la précocité du traitement, mais surtout de l’âge et des tares as-
sociées.

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Coma hyper-osmolaire : physiopathologie, étiologie, diagnostic, traitement

9.5 Traitement

Schéma de protocole de traitement du coma hyperosmolaire


1. Réhydratation
— 1 litre en 1/2 heure
— 1 litre en 1 heure
— 1 litre en 2 heures
— puis 1 litre toutes les 3 heures
2. Sérum physiologique à 9 ‰ pour les 3 premiers litres. Glucosé à 2,5 % ou sérum
physiologique à 4,5 ‰ ultérieurement. Si hypotension : substituts du plasma
3. Chlorure de potassium, à partir du 3ème litre de perfusion, et après résultat du iono-
gramme sanguin (sauf si oligo-anurie)
4. Insulinothérapie : 10 unités/heure jusqu’à glycémie = 13,75 mmol (2,50 g/l) puis 3
ou 4 unités/heure
5. Si besoin, antibiotiques, après hémocultures
6. Héparinate de calcium à doses préventives
7. Humidification bronchique - aspiration pharyngée - soins de la cavité buccale
8. Protection des conjonctives : collyre antiseptique, sérum physiologique
9. Matelas anti-escarres, massage des points de pression, variation des zones d’appui
grâce à des coussins mousses inclinés

Surveillance

1. Toutes les heures : conscience, pouls, TA, diurèse, glycémie capillaire


2. Toutes les 4 heures : ionogramme sanguin, ECG, glycémie.

92/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


La rétinopathie diabétique : physiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

Chapitre 10

La rétinopathie diabétique :
physiopathologie, diagnostic,
évolution, principes du
traitement
question d’internat n° 219

Dans les pays développés, la rétinopathie diabétique reste la première cause de cécité chez les
sujets de 20 à 60 ans. 2 % des diabétiques deviennent aveugles et 10 % deviennent mal voyants.
Le traitement de la rétinopathie diabétique a été radicalement transformé par la photocoagulation
au laser dont les indications sont aujourd’hui précisées.

10.1 Physiopathologie
La rétinopathie est la conséquence d’une hyperglycémie chronique. Elle fait partie des complica-
tions microangiopathiques du diabète. Sa survenue est corrélée à la durée du diabète et au degré
d’équilibre glycémique. La rétinopathie menace donc les patients diabétiques après quelques an-
nées d’hyperglycémie mal maîtrisée. Inversement, plusieurs articles ont prouvé qu’un excellent
contrôle glycémique prévient ou retarde la rétinopathie. Il est donc prouvé que maintenir à long
terme un taux correct d’HbA1C (inférieure à 150 % de la normale) met à l’abri des complications
micro-vasculaires dont fait partie la rétinopathie.
Quel que soit le taux initial d’HbA1C, obtenir un abaissement de 2 % diminue le risque d’appari-
tion ou d’aggravation de la rétinopathie diabétique de 60 %.
L’hyperglycémie chronique est en effet responsable de perturbations précoces de la micro-circula-
tion avec sur le plan fonctionnel :

— une augmentation du débit, de la pression et de la perméabilité capillaires.


— une perte de l’autorégulation hémodynamique avec vasoplégie artériolaire d’amont. Cette va-
sodilatation pourrait être secondaire, au niveau de la rétine, à une situation métabolique de

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 93/142


La rétinopathie diabétique : physiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

pseudo-hypoxie tissulaire avec production de radicaux libres de l’oxygène.


— une tendance thrombogène avec notamment une augmentation du facteur de Willebrand syn-
thétisé par les cellules endothéliales et une augmentation de la viscosité sanguine.

L’hypertension artérielle est un facteur aggravant majeur de la rétinopathie diabétique. In-


versement, le glaucome primitif et la myopie sévère sont des facteurs protecteurs reconnus de la
rétinopathie diabétique sévère.

10.2 Diagnostic
La rétinopathie diabétique se développe à bas bruit sans que le malade ne perçoive pendant long-
temps aucun symptôme. La baisse de l’acuité visuelle témoigne donc de lésions très avancées qu’il
ne saurait être question d’attendre. Il est donc essentiel que tout patient diabétique reçoive une édu-
cation sur la nécessité d’effectuer un dépistage des lésions rétiniennes par un examen systéma-
tique annuel du fond d’œil.
Dans le cas du diabète non insulino-dépendant, le diagnostic étant fréquemment fait avec plusieurs
années de retard, l’examen du fond d’œil permet de découvrir dans environ 20 % des cas, des lé-
sions préexistantes justifiant une angiographie rétinienne.
Dans le cas du diabète insulino-dépendant de début brutal, on peut se contenter pendant les pre-
mières années d’un contrôle annuel du fond d’œil, la première angiographie rétinienne étant réali-
sée après 5 ans d’évolution de la maladie.
Lorsque le fond d’œil est normal, l’angiographie rétinienne n’est plus répétée systématique-
ment.

10.3 Evolution
Le fond d’œil annuel complété si nécessaire par l’angiographie rétinienne permet le dépistage et la
classification de la rétinopathie. Celle-ci se développe sur deux modes évolutifs, fréquemment
associés : d’une part, l’ischémie, d’autre part, l’œdème.

L’ischémie
elle se traduit par la présence d’hémorragies intra-rétiniennes, de territoires non perfu-
sés vus à l’angiographie, de nodules cotonneux témoignant d’une obstruction artériolaire,
d’anomalies du calibre veineux, de néovaisseaux intrarétiniens puis prérétiniens, et notam-
ment prépapillaires, responsables d’hémorragies intravitréennes provoquant le dévelop-
pement d’une fibrose tirant sur la rétine et finissant par la décoller.
L’œdème
il peut être responsable d’exsudats durs prédominants au pôle postérieur. La maculopa-
thie œdémateuse est une des causes de perte de l’acuité visuelle du diabétique. Son déve-
loppement est corrélé à l’équilibre glycémique jugé sur HbA1C et à la pression artérielle

94/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


La rétinopathie diabétique : physiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

diastolique.

On peut proposer la classification simplifiée suivante de la rétinopathie diabétique :

1. Pas de rétinopathie
2. Rétinopathie diabétique non proliférante :
• minime (micro-anévrismes)
• hémorragie punctiformes
[ signes d’hyperperméabilité (œdème maculaire) ]
3. Rétinopathie pré-proliférante :
• anomalie micro-vasculaire intrarétinienne (AMIR)
• nodule cotonneux
4. Rétinopathie proliférante
• néovascularisation prépapillaire, prérétinienne, irienne
• hémorragies intravitréennes
• traction rétinienne, décollement rétinien
5. Maculopathie
• ischémique
• œdémateuse focale
• œdémateuse diffuse ou cystoïde
Les complications de la rétinopathie diabétique sont les suivantes :

— l’œdème maculaire
— l’hémorragie intra-vitréenne
— le décollement de rétine
— la rubéose irienne qui peut se compliquer secondairement d’un glaucome néovasculaire (par
fermeture de l’angle).

A noter une autre complication ophtalmologique fréquente du diabète, indépendante de l’existence


d’une rétinopathie : la cataracte.

Cas particulier de la rétinopathie au cours d’une grossesse : le risque évolutif d’une rétinopathie
est fonction de l’état rétinien de départ. Lorsqu’il n’existe pas de rétinopathie au début de la gros-
sesse, le risque de détérioration de l’état rétinien est faible. Par contre, lorsqu’une rétinopathie pré-
proliférative est présente au début de la grossesse, elle s’aggrave toujours et ce de façon très
importante. Un bilan complet ophtalmologique est donc souhaitable avec si besoin traitement par
laser avant le début de la grossesse. Pendant la grossesse, un fond d’œil trimestriel est souhaitable
en l’absence de rétinopathie.
En cas de rétinopathie, le fond d’œil sera mensuel avec une angiographie à la 28ème semaine, à la
35ème semaine et après l’accouchement.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 95/142


La rétinopathie diabétique : physiopathologie, diagnostic, évolution, principes du traitement

10.4 Traitements
Le traitement d’équilibration du diabète et le traitement de l’hypertension artérielle avec pour ob-
jectif une pression artérielle inférieure à 130/80 mmHg, sont les meilleurs traitements préventifs
de la rétinopathie diabétique. Lorsqu’il existe une rétinopathie évolutive, ils sont indiqués en com-
plément du traitement ophtalmologique. Cependant, l’amélioration rapide de l’équilibre métabo-
lique peut initialement être responsable d’une aggravation transitoire de la rétinopathie. Cette
aggravation semble se faire sur le mode ischémique avec apparition au niveau de la rétine de no-
dules cotonneux secondaires à une obstruction artériolaire. Il convient donc d’améliorer l’équilibre
glycémique de manière progressive (sur au moins deux mois), en cas de suspicion de rétinopathie.
Le traitement par laser a deux indications :

1ère indication
La photocoagulation pan rétinienne est indiquée lorsqu’il existe une rétinopathie prolifé-
rante débutante, avant la survenue d’une prolifération prérétinienne responsable d’hémor-
ragies.
La rétinopathie proliférante touche environ 50 à 60 % des diabétiques insulino-dépendants
et 25 à 30 % des diabétiques non insulino-dépendants après 20 ans d’évolution du diabète.
Le stade pré-prolifératif comporte un risque d’évolution vers la rétinopathie proliférante
dans 33 à 50 % des cas en un an.
La plupart des équipes françaises considèrent que la pan photocoagulation au laser doit être
commencée à ce stade en traitant un œil et en surveillant l’autre. En effet, la pan photocoa-
gulation rétinienne n’est pas dénuée d’inconvénients : diminution du champ visuel, altéra-
tion de la vision nocturne, mais surtout œdème maculaire responsable d’une baisse de
l’acuité visuelle parfois irréversible.
Il faut donc prévenir le malade que le traitement par photocoagulation au laser a pour but
de sauvegarder la vision menacée, mais qu’il ne constitue pas une guérison de la rétine ma-
lade. Pour diminuer le risque d’œdème maculaire, on conseille à chaque fois que cela est
possible, d’espacer les séances de 8 à 21 jours, en réalisant 4 à 6 séances comportant cha-
cune 400 à 600 impacts.
Traitement des complications de la rétinopathie : voir en ophtalmologie le traitement des
différentes complications citées ci-dessus.
2ème indication
La maculopathie œdémateuse. Il peut s’agir d’une photocoagulation des exsudats en cou-
ronne siégeant au pôle postérieur. Le traitement est alors peu dangereux. Par contre,
l’œdème maculaire cystoïde nécessite un traitement de la macula en respectant la zone
avasculaire. Quant à l’ischémie maculaire, il n’en existe pas de traitement efficace.

96/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Etude du D.C.C.T : Diabetes Control and Complications Trial Research Group

Chapitre 11

Etude du D.C.C.T : Diabetes


Control and Complications
Trial Research Group
(N. Engl. J. Med. 1993 ; 329 : 977 - 986)

Objectifs
Montrer la possibilité de diminuer la fréquence des complications microangiopathiques et
neurologiques du diabète de type 1 en maintenant la glycémie à un niveau proche de la nor-
male.
Plan expérimental
Etude prospective randomisée sur 6 ans, incluant 1 441 patients.
Patients
1 441 patients sur 29 centres aux Etats-Unis, recrutés pendant 6 ans avec un suivi moyen
de 6.5 ans, présentant les critères classiques majeurs de diabète de type 1, diabétiques de-
puis au moins un an, ayant une moyenne d’âge de 26 ans. Deux cohortes sont définies par-
mi ces patients : une cohorte est indemne de toute complication, donc suivie en prévention
primaire ; une cohorte avec présence de complications débutante suivie en prévention se-
condaire d’aggravation.
Intervention
Un groupe traité par insulinothérapie dite « conventionnelle », consistant en 1 ou
2 injections quotidiennes d’insuline sans adaptation des doses. Un groupe traité par insuli-
nothérapie dite intensive, consistant en 3 à 4 injections quotidiennes ou la mise en place
d’une pompe à insuline, avec autocontrôle glycémique quatre fois par jour et adaptation des
doses d’insuline visant à obtenir une glycémie inférieure à 1.20 g/l à jeun et inférieure à
1.80 g/l en post prandial.
Critères du jugement
Fond d’œil tous les 6 mois avec cotation de la rétinopathie sur une échelle de 25 points. Mi-
croalbuminurie annuelle, recherche clinique d’une neuropathie, évaluation clinique de la
macroangiopathie, incidence des hypoglycémies sévères.
Principaux résultats
— 99 % des patients sont restés jusqu’au bout dans l’étude. La différence d’équilibre gly-
cémique entre les 2 groupes est significative et stable pendant toute la durée de
l’étude : 2 % d’HbA1C de différence, P < 0.001. L’insulinothérapie « intensive » ré-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 97/142


Etude du D.C.C.T : Diabetes Control and Complications Trial Research Group

duit de manière significative le risque d’apparition d’une rétinopathie (incidence di-


minuée de 50 % sur 6 ans), ou d’aggravation de la rétinopathie (risque de progression
diminué de 50 % sur 6 ans). « L’insulinothérapie intensive » diminue le risque d’ap-
parition ou d’aggravation de la microalbuminurie de 30 à 40 %. De même le risque
d’apparition d’une neuropathie diminue de 70 % sur 5 ans. Les résultats ont conduit à
l’arrêt prématuré de l’étude.
— Le risque de complications macroangiopathiques était faible compte-tenu de l’âge
moyen bas des patients et l’absence de facteurs de risque cardio-vasculaire associés.
Celui-ci ne diffère pas significativement d’un groupe à l’autre.
— Le nombre d’hypoglycémies sévères est plus important dans le groupe traité de ma-
nière intensive mais sans séquelles neurologiques ni coma mortel.
Conclusion
Obtenir une moyenne glycémique proche de la normale permet de retarder l’apparition ou
de ralentir la progression de la rétinopathie, de la néphropathie et de la neuropathie dans le
diabète de type 1.

98/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Etude de l’U.K.P.D.S : United Kingdom Prospective Diabetes Study

Chapitre 12

Etude de l’U.K.P.D.S : United


Kingdom Prospective
Diabetes Study
(Lancet 1998 ; 352 : 837 - 853
Lancet 1998 ; 352 : 854 - 865)

Objectifs
Comparer l’effet d’un traitement hypoglycémiant intensif (ayant pour objectif une glycé-
mie à jeun inférieure à 6 mmol/l) et l’effet d’un traitement conventionnel (ayant pour ob-
jectif une glycémie à jeun inférieure à 15 mmol/l) sur le risque de complications
microangiopathiques et macroangiopathiques dans le diabète de type 2.
Plan expérimental
Etude prospective randomisée incluant 3 867 patients, avec 10 ans de suivi moyen.
Patients
3 867 patients inclus sur 23 centres en Grande Bretagne, présentant les caractéristiques du
diabète de type 2, sans complications microangiopathiques ou macroangiopathiques (sé-
vères), avec une glycémie à jeun entre 6 et 15 mmol/l après 3 mois de mesures diététiques,
ne présentant pas un surpoids majeur. Les patients présentant un surpoids ont été traités
dans une partie annexe de l’étude.
Intervention
Randomisation en deux groupes : un groupe traité par insuline ou sulfamides hypoglycé-
miants avec un objectif de glycémie à jeun inférieure à 6 mmol/l ; un groupe traité par dié-
tétique puis éventuellement sulfamides ou insuline, avec un objectif de glycémie à jeun
inférieure à 15 mmol/l.
Critères de jugement
Les critères majeurs de jugement étaient la survenue d’une complication sévère liée au dia-
bète (mort, infarctus du myocarde, AVC, défaillance cardiaque, insuffisance rénale sévère,
rétinopathie laserisée...). Les critères mineurs de jugement étaient la survenue de compli-
cations à un degré moins sévère.
Principaux résultats
La durée moyenne de cette étude a été de 10 ans. Les deux groupes de patients ont présenté
une différence significative d’équilibre glycémique tout au long de l’étude (0.9 %
d’HbA1C moyenne de différence). Cette différence est à l’origine d’une diminution du

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 99/142


Etude de l’U.K.P.D.S : United Kingdom Prospective Diabetes Study

risque de survenue ou d’aggravation de la rétinopathie de 25 % dans le groupe le mieux


équilibré. La diminution du risque de survenue d’un infarctus du myocarde a été moindre,
de 16 %.
Conclusion
Dans le diabète de type 2, quel que soit le moyen thérapeutique utilisé, améliorer l’équilibre
glycémique moyen permet de diminuer le fréquence ou de freiner l’évolution des compli-
cations microangiopathiques. Mais ne contrôler que le paramètre glycémique dans le dia-
bète de type 2 ne permet pas d’obtenir un résultat aussi important dans la prévention du
risque macroangiopathique. Il est nécessaire pour cela de contrôler aussi les autres facteurs
de risque cardiovasculaires.
Une deuxième partie de l’étude de l’UKPDS montre que la diminution des chiffres tension-
nels dans le diabète de type 2 associée au contrôle glycémique permet de diminuer de ma-
nière significative le risque de complications macroangiopathiques et
microangiopathiques.
La dyslipidémie, fréquemment présente dans le diabète de type 2, n’a pas fait l’objet d’une
intervention thérapeutique contrôlée dans cette étude.

100/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

Chapitre 13

Traitement du diabète
insulino-dépendant ou diabète
de type I
Question d’internat n° 330

Le traitement du diabète insulino-dépendant repose sur l’insulinothérapie.

Il est maintenant bien démontré qu’un bon équilibre glycémique (HbA1C < 7 % pour une
normale de 4 à 5,6, soit une glycémie moyenne inférieure à 1,50 g/l) permet de prévenir l’ap-
parition des complications sévères de microangiopathie (rétinopathie, glomérulopathie et
neuropathie). Pour ce faire, les schémas d’insulinothérapie actuellement proposés visent à repro-
duire l’insulino-sécrétion physiologique. En effet, le sujet normal présente une insulino-sécrétion
basale continue, persistant y compris après plusieurs jours de jeûne, à laquelle viennent s’ajouter
des pics insulino-secrétoires adaptés lors des repas. La plupart des diabétologues ont donc adopté
un schéma dit « basal bolus » réalisé :

— soit par l’association de bolus d’insuline rapide injectés avant chaque repas (au moins 3 par
jour) à une insulinothérapie de base réalisée de façon variable selon les malades et selon les
équipes : injection d’insuline semi-retard ou d’insuline retard matin et soir ou seulement le
soir.
— soit par l’utilisation d’une pompe portable perfusant par voie sous cutanée de l’insuline rapide
avec un débit de base continu éventuellement modulé pour couvrir les besoins nocturnes et
des bolus à la demande avant les repas.

13.1 Insulines commerciales et conservation


Attention : les délais et durées d’action signalés sont tous très théoriques et peuvent être variables
d’un sujet à l’autre.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 101/142


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

Les différentes insulines commerciales

Principales préparations Délai d’action Durée d’action

Insulines rapides
Rapide - Insuman 15 à 30 minutes 4 à 6 heures
Actrapid Humaine (HM)
Ordinaire (Orgasuline,
Umuline, Insuman)
Analogue rapide (Huma- 5 minutes 3 heures
log)
Insulines semi-retard
NPH 1 heure 30 minutes 12 à 16 heures
Umuline
Insulatard
Insuman
Monotard humaine 1 heure 30 minutes 14 à 18 heures
Semi-Lente amorphe 1 heure 10 à 12 heures
Insulines retard
Umuline Zinc Composée 1 heure 30 minutes 20 à 24 heures
Durasuline 1 heure 24 heures
IPZ 3 heures 24 heures
Ultratard Humaine 2 heures 24 à 28 heures
Umuline Zinc 2 heures 24 à 28 heures
Mélange de différentes
insulines
Insuman intermédiaire 15 à 30 minutes 12 à 16 heures
25 % Rapide
75 % NPH
Mixtard 50 15 à 30 minutes 12 à 16 heures
50 % Actrapid
50 % Insulatard
Mixtard 10-20-30-40 15 à 30 minutes 12 à 16 heures
Profil 10-20-30-40 15 à 30 minutes 12 à 16 heures
(Umuline)
Orgasuline 30 -70 15 à 30 minutes 12 à 16 heures

Laboratoire HOECHST = Insuman


Laboratoire LILY = Umuline
Laboratoire NOVO NORDISK = Actrapid, Insulatard, Mixtard, Ultralente
Laboratoire ORGANON = Ordinaire, NPH, Orgasuline

102/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

La conservation de l’insuline
L’insuline est stable à 25° pendant 24 - 36 mois. Il n’est donc pas nécessaire de garder
le flacon que l’on utilise au réfrigérateur, contrairement aux notions admises. En
revanche, les réserves d’insuline doivent être conservées entre 2° et 15° mais elles ne
doivent pas être congelées.
Le coton et l’alcool ne sont pas indispensables à la technique d’injection. Une peau
propre suffit.

13.2 Les règles de l’insulinothérapie


Le respect des 4 règles suivantes de l’insulinothérapie est nécessaire pour obtenir un bon équilibre
glycémique (bien qu’il n’existe pas en la matière de consensus, faute de disposer de méthodologie
à la fois simple et rigoureuse pour en réaliser l’évaluation) :

LES QUATRE REGLES DE L’INSULINOTHERAPIE

• régler la glycémie du réveil en évitant l’hypoglycémie nocturne


• effectuer la triple adaptation des doses
• garder le même territoire d’injection au même moment de la journée
• savoir prévenir et traiter l’hypoglycémie

1ère règle : s’assurer de l’absence d’hypoglycémies nocturnes trop fréquentes et d’hypergly-


cémies au réveil. L’objectif est d’obtenir au moins 5 jours sur 7 une glycémie au réveil
inférieure ou égale à 1,60 g/l et une absence d’hypoglycémie nocturne au moins
6 jours sur 7.
Pour ce faire, il convient parfois de retarder l’injection d’insuline retard du dîner au coucher
à 22 ou même 23 heures. De plus, on doit conseiller au malade de contrôler sa glycémie au
coucher et de prendre une collation calibrée en fonction des résultats lorsque la glycémie
est inférieure à 1,60 g/l. En effet, lorsque la glycémie au coucher est inférieure à 1,60 g/l,
on observe statistiquement 50 % d’hypoglycémies nocturnes (< 0,50 g/l) le plus souvent
asymptomatiques.
2ème règle : apprendre au malade la triple adaptation des doses
c’est-à-dire :
— d’une part l’adaptation rétrospective en fonction des résultats glycémiques des 2 à
3 jours précédents. Ainsi, il convient de modifier la dose de l’insuline retard injectée
le soir en fonction des résultats des glycémies du matin, et de même la dose d’insuline
rapide injectée le matin en fonction des résultats des glycémies de la matinée et du mi-
di, la dose d’insuline rapide du midi en fonction des résultats glycémiques de l’après-
midi et de la glycémie qui précède le dîner.
— d’autre part, une adaptation immédiate, basée sur la glycémie du moment : augmen-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 103/142


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

tation de la dose d’insuline rapide d’une ou 2 unités si la glycémie et élevée. C’est la


« gamme » d’insuline.

EXEMPLE DE PRESCRIPTION D’UNE « GAMME » D’INSULINE


(chez une personne de 60 kg sur la base de 0,7 U/kg/jour répartie en 0,4 U/kg pour les
insulines retard et 0,3 U/kg pour les insulines rapides)

Insuline NPH (Umuline ®, Orgasuline ®, Insulatard ®, Insuman ®...) 12 unités le


matin et 12 unités le soir + Insuline rapide (Ordinaire ®, Actrapid ®...) en fonction de
la glycémie instantanée.

Glycémie Matin Midi Dîner Coucher


(g/l)
< 0,80 5 après 5 après 5 après collation
resucrage resucrage resucrage
≥ 0,80 5 5 5 collation
≥ 1,20 6 6 6 collation
≥ 1,60 7 7 7 0
≥2 8 8 8 0

— enfin, une adaptation prospective tenant compte essentiellement de 2 paramètres : la


quantité de glucides du repas à venir et l’activité physique prévisible des heures sui-
vantes.
Le patient doit aussi tenir compte de la nature de l’insuline rapide qu’il s’injecte : l’in-
suline rapide classique doit être injectée entre 30 et 45 minutes avant le repas, alors
que l’analogue de l’insuline (Lyspro) à résorption rapide, doit s’injecter au début du
repas.

Avec le schéma « basal-prandial », pour calculer sa dose d’insuline


rapide à injecter avant le repas, le diabétique bien éduqué doit répondre à
4 questions :
1. que vais-je manger ? (= adaptation prospective)
2. quelle va être mon activité physique ? (= adaptation prospective)
3. comment étaient mes glycémies correspondant à la durée d’action
de cette injection les jours précédents ? (= adaptation rétrospective)
4. comment est ma glycémie instantanée ? (= adaptation immédiate)

3ème règle : garder le même territoire d’injection pour un moment donné de la journée
mais en variant de quelques centimètres le point d’injection afin d’éviter la constitution de
lipohypertrophies perturbant de façon anarchique la résorption de l’insuline. On conseille
en général d’injecter l’insuline retard du soir dans les cuisses, si besoin en réalisant une in-

104/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

jection oblique à 45° afin d’assurer une résorption lente de l’insuline injectée strictement
en sous cutané. L’insuline du matin et du midi peut être injectée selon le choix du malade
dans le ventre ou dans le bras. L’injection se fait perpendiculairement à la peau, avec des
aiguilles de 8 mm ou 12 mm ou 15 mm selon l’épaisseur du panicule adipeux. Donc à
chaque injection (matin, midi, soir) son territoire !
4ème règle : apprendre au malade à prévenir et à traiter l’hypoglycémie.
En effet, équilibrer un diabète insulino-dépendant, c’est-à-dire obtenir une glycémie
moyenne autour de 1,50 g/l n’est pas possible, sans provoquer des hypoglycémies (infé-
rieures à 0,50 g/l) répétées.
Encore faut-il que ces hypoglycémies ne soient ni trop sévères ni trop fréquentes, entravant
la vie sociale ou professionnelle du malade. Force est en général d’accepter 2 à
3 hypoglycémies modérées par semaine (le malade assurera lui-même le resucrage).

13.3 Conseils aux patients diabétiques


insulino-dépendants pour prévenir et traiter
l’hypoglycémie
Pour éviter l’hypoglycémie :

• adapter les doses d’insuline rapide, non seulement en fonction de la glycémie instantanée mais
aussi en fonction de l’alimentation et de l’activité prévues
• connaître les apports glucidiques des différents aliments
• ne pas retarder un repas ou prendre une collation glucidique (biscottes) en attendant le repas
• diminuer les doses d’insuline non seulement avant l’effort physique, mais aussi après l’effort
car le muscle continue à « pomper le glucose »
• prendre une collation au milieu de la matinée s’il existe une tendance hypoglycémique en fin
de matinée
• prendre une collation au coucher si la glycémie au coucher est inférieure à 1,60 g/l (yaourt aux
fruits, chocolat, pain - fromage, pomme)
• faire l’injection d’insuline rapide du midi après le repas et non avant, s’il existe un risque
d’hypoglycémie au cours du trajet ou de la file d’attente à la cantine ou au self
• avoir toujours sur soi 3 sucres dans la poche
• contrôler sa glycémie au bout du doigt avant de conduire un véhicule
• en cas de malaise hypoglycémique, prendre immédiatement sans délai 3 morceaux de sucre
ou un jus de fruit ou 3 cuillerées à café de confiture. On conseillera au diabétique de ne me-
surer sa glycémie au bout du doigt qu’après ce premier resucrage. Si la glycémie est inférieure
à 0,40 g/l, il prendra une deuxième dose de resucrage identique à la première, puis il recontrô-
lera sa glycémie au bout du doigt 10 à 15 minutes après le second resucrage.
• analyser après correction du malaise, les causes de l’hypoglycémie et éventuellement adapter
les doses d’insuline correspondantes pour éviter la récidive de l’hypoglycémie le lendemain
à la même heure

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 105/142


Traitement du diabète insulino-dépendant ou diabète de type I

• avoir chez soi, sur son lieu de travail, sur son lieu de résidence secondaire ou de loisirs, du
Glucagon gardé au frais au bas du réfrigérateur, non périmé
• former une tierce personne à l’injection de Glucagon à faire immédiatement en cas de coma
ou d’impossibilité de resucrage per os
• pour les personnes seules la nuit, s’assurer qu’un tiers s’enquerra de leur réveil (et pourra, si
nécessaire, intervenir).

LES EQUIVALENCES GLUCIDIQUES

50 g de pain apportent 25 à 30 g de glucides


150 g de féculents (cuits) apportent également 25 à 30 g de glucides
3 pommes de terre (de la taille d’un œuf)
5 c. à soupe de pâtes ou de semoule (couscous et taboulé) ou de haricots secs
7 c. à soupe de riz ou de lentilles
200 g de purée (4 c. à soupe)

LE TRAITEMENT DES HYPOGLYCEMIES

En cas d’hypoglycémie, prendre immédiatement un sucre « rapide » (très hyperglycémiant) :

— 3 carrés de sucre (n° 4)


— 2 c. à soupe de miel ou de confiture
— 1 verre de soda ou de jus de fruit (15 cl)
— 3 à 4 tablettes de dextrose (glucose) : vitagermine, nergi-sport
— 1 pâte de fruit (30 g)

Le risque des hypoglycémies répétées est moins une altération discutée des fonctions cognitives,
qu’une désensibilisation hypothalamo-hypophysaire avec abaissement du seuil de contre-régula-
tion hormonale et précession des signes neuroglycopéniques (ralentissement intellectuel, somno-
lence, incapacité de l’action, troubles du langage, ataxie, confusion...) sur les signes neuro-
végétatifs d’alerte (tremblements, palpitations, sueurs, fringales, anxiété). Très souvent alors le
malade (25 % des diabétiques insulino-dépendants) ne perçoit plus les symptômes d’alerte et/ou
est incapable de se resucrer seul. Il existe alors un risque important de neuroglycopénies sévères
répétées (comas, convulsions...). Néanmoins le risque de séquelles cérébrales provoquées par des
hypoglycémies sévères répétées est faible chez un adulte jeune diabétique insulino-dépendant, en
dehors d’un alcoolisme associé ou d’un état de mal convulsif déclenché par l’hypoglycémie. Le
principal risque est en fait celui de traumatismes pouvant être très graves (chute avec fracture, ac-
cident de voiture...). Par contre, il existe un risque important de séquelles cérébrales chez le petit
enfant de moins de 7 ans et chez la personne âgée de plus de 70 ans.
Il est donc essentiel que le malade diabétique insulino-dépendant ait une parfaite éducation pour la
prévention et le traitement des hypoglycémies.

106/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Chapitre 14

Traitement du diabète de
type 2
Question d’internat n° 331

14.1 Les objectifs du traitement du diabète


non insulino-dépendant
Le diabète non insulino-dépendant est une maladie métabolique complexe concernant non seule-
ment le métabolisme glucidique mais aussi le métabolisme lipidique.
Traiter un diabétique non insulino-dépendant, c’est chercher non seulement à baisser les valeurs
glycémiques mais aussi à corriger les autres facteurs de risque vasculaire souvent associés.

14.1.1 L’objectif à long terme est la prévention des


complications de micro et de macroangiopathie.
1. Prévention de la microangiopathie
Prévenir la rétinopathie ne semble pas impliquer une stricte normalisation de la glycémie,
mais des glycémies préprandiales inférieures à 1,20 g/l et glycémies postprandiales infé-
rieures à 1,80 g/l avec une HbA1C inférieure à 6.5 % (normale 4 à 5,6 %) soit une moyenne
glycémique inférieure à 1,40 g/l.
Il semble que l’on puisse retenir les mêmes objectifs glycémiques pour la prévention de la glo-
mérulopathie diabétique. Mais chez le diabétique non insulino-dépendant, la glomérulopathie
est souvent mixte, liée non seulement à l’hyperglycémie, mais aussi sinon plus, à l’hyperten-
sion artérielle, à l’hyperlipidémie, à l’obésité, et à l’athérosclérose.
En matière de neuropathie, les études manquent. Notons seulement que si l’âge du patient est
plutôt un facteur de protection en ce qui concerne la survenue de la glomérulopathie diabé-
tique et de la rétinopathie proliférante, il est par contre un facteur de susceptibilité impor-
tant pour la neuropathie diabétique.
Néanmoins, chez les personnes âgées ayant une espérance de vie inférieure à 10 ans et ne
présentant aucune complication microvasculaire (fond d’œil normal), l’objectif glycé-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 107/142


Traitement du diabète de type 2

mique doit être révisé afin d’éviter tout risque d’hypoglycémie. Il s’agit alors souvent
d’obtenir un simple confort métabolique évitant à la fois l’hypoglycémie et l’hyperglycémie
trop importante, favorisant les infections à répétition (cystites, mycose, tuberculose, fu-
roncles, abcès dentaires...). Des glycémies préprandiales autour de 2 g/l paraissent alors ac-
ceptables.
Par contre, s’il existe une rétinopathie, quel que soit l’âge, il faut rechercher un « équilibre
glycémique correct », c’est-à-dire un équilibre glycémique limitant le risque d’aggravation.
On fixera par exemple une glycémie préprandiale inférieure à 1,60 g/l, quitte à recourir à une
insulinothérapie.
2. Prévention de la macroangiopathie
Prévenir la macroangiopathie suppose de normaliser les facteurs de risques vasculaires.
— La pression artérielle doit être inférieure à 140/90 mmHg. Si des chiffres de pression
artérielle sont retrouvés à plusieurs reprises au-dessus de ces valeurs, au besoin après en-
registrement tensionnel au repos ou ambulatoire, il convient d’entreprendre un traite-
ment anti-hypertenseur.
— Les triglycérides doivent être inférieurs à un taux de 1,50 g/l, celui de HDL choles-
térol supérieur à 0,35 g/l chez l’homme - 0,40 g/l chez la femme. Le seuil d’interven-
tion thérapeutique de l’hypertriglycéridémie est plus bas chez le diabétique que chez les
personnes ayant une hypertriglycéridémie sans autre facteur de risque vasculaire associé
pour lesquels la plupart des conférences de consensus conseillent une intervention hypo-
lipémiante à partir de 2 g/l. Les objectifs de taux de LDL tiennent compte des autres
facteurs de risque cardio-vasculaires.
— L’arrêt d’une intoxication tabagique est d’autant plus justifié que 65 % des accidents
cardio-vasculaires des diabétiques surviennent chez des patients tabagiques. Mais l’in-
formation ne doit pas déboucher sur une culpabilisation souvent inefficace. Une aide doit
être proposée (consultation antitabac, patch de nicotine chez les patients présentant une
dépendance à la nicotine, consultation diététique, si besoin prescription d’anxiolytiques
ou d’antidépresseurs...).
— Lutte contre la sédentarité, l’obésité, la répartition androïde des graisses (voir section
« Exercice physique et diabète non insulino-dépendant » page 116)
— Si une contraception œstro-progestative classique est contre-indiquée par le diabète non
insulino-dépendant, il n’en va pas de même du traitement hormonal substitutif compor-
tant des œstrogènes naturels par voie percutanée, qui est même plutôt recommandé.

108/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Tableau 2 : facteurs de risque et diabète ; les objectifs du traitement

1. OBJECTIFS GLYCEMIQUES
• prévention de la microangiopathie
glycémie < 1,20 g/l à jeun
< 1,80 g/l 90 minutes à 120 minutes après le repas
HbA1C ≤ 6,5 % (Nle 4 - 5,6 %)
• prévention de la macroangiopathie en cas de syndrome d’insulino-résis-
tance
glycémie < 1,10 g/l avant les repas
< 1,40 g/l 90 minutes à 120 minutes après les repas
HbA1C < 6 %
• prévention du risque de macrosomie fœtale lors de la grossesse
glycémie maternelle < 0,90 g/l avant les repas
< 1,20 g/l 90 à 120 minutes après les repas
HbA1C normale
• prévention du risque infectieux (sujets âgés)
glycémie avant les repas < 2 g/l
HbA1C ≤ 9 %
2. OBJECTIFS TENSIONNELS
• prévention d’une aggravation d’une microangiopathie débutante
(rétinopathie ou glomérulopathie « incipiens »)
pression artérielle < 130/80 mmHg
• prévention de la macroangiopathie
pression artérielle < 140/90 mmHg
3. OBJECTIFS LIPIDIQUES
• prévention de la macroangiopathie
triglycérides < 1,50 g/l
HDL cholestérol > 0,35 g/l chez l’homme
> 0,40 g/l chez la femme
LDL cholestérol en fonction des autres facteurs de risques
• prévention de l’aggravation d’une insuffisance coronaire
LDL cholestérol < 1 g/l (prévention secondaire)

14.2 Les principes de la diététique du DNID


La diététique est un élément essentiel au traitement du DNID, au même titre que l’activité physique

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 109/142


Traitement du diabète de type 2

et la prise des médicaments, mais ses principes ont évolué. Il ne s’agit plus d’un régime hypoglu-
cidique, mais d’un régime normoglucidique, modérément hypocalorique, grâce à une réduction
des boissons alcoolisées et des graisses. Finalement la composition du régime diabétique corres-
pond à celle que les nutritionnistes conseillent pour l’ensemble de la population.

Apports caloriques des nutriments


1 g de lipides = 9 calories
1 g de glucides = 4 calories
1 g de protides = 4 calories

14.2.1 Diminuer l’apport d’alcool


La consommation d’alcool peut le plus souvent être divisée par deux. Rappelons qu’une bouteille
(75 cl) de vin à 11° apporte 460 calories, un verre de vin 70 calories, un verre de 10 cl de porto
150 calories, un double whisky 140 calories, une dose de whisky (= 3 cl = 70 calories) (1 g
d’alcool = 7 calories).

14.2.2 La restriction calorique doit ensuite porter sur les


graisses
1 calorie lipidique n’est pas égale à 1 calorie glucidique
Le coût énergétique du stockage des graisses n’est que de 2 à 4 % de l’énergie apportée par les li-
pides ingérés (rendement > 95 %). Par contre, le coût de la lipogenèse à partir du glucose repré-
sente 24 % de l’énergie glucidique absorbée (rendement 75 %).

14.2.3 Eviter les compulsions ou les grignotages de fin


d’après-midi
Pour éviter les compulsions ou les grignotages de fin d’après-midi, il faut proposer au moins
3 repas par jour.

14.2.4 Préférer les graisses insaturées


Si toutes les graisses ont la même valeur calorique (1 g = 9 calories), seules les graisses saturées
(graisses d’origine animale en dehors des poissons, c’est-à-dire : la charcuterie, les viandes et les
fromages) favorisent l’insulino-résistance et l’athérosclérose (ainsi que certaines margarines
comme la végétaline). On recommande donc aux diabétiques comme à l’ensemble de la popula-

110/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

tion, d’augmenter la consommation en poissons (y compris en poissons gras) et en huiles végétales


poly et mono-insaturées.

14.2.5 La séparation ancienne entre sucres lents et sucres


rapides a été complètement révisée
En effet, pendant longtemps on a cru que les sucres complexes (amidons) étaient les sucres lents,
alors que les sucres simples (mono ou disaccharides : saccharose, lactose, fructose) étaient des
sucres rapides. En fait, il n’en est rien. L’amidon du pain ou des biscottes, « débobiné » quasi-ins-
tantanément par les amylases digestives, est un sucre rapide alors que le chocolat, riche en graisses,
est un sucre lent ! On distingue en effet aujourd’hui deux notions :

1. la rapidité de l’ascension glycémique après l’ingestion de glucides. Elle dépend essentielle-


ment de deux propriétés : le temps de transit gastrique, et l’accessibilité aux enzymes diges-
tifs.
2. l’index glycémique, c’est-à-dire l’importance de l’hyperglycémie (surface sous courbe) pro-
voquée par un aliment, relativement à un aliment de référence (glucose ou pain).

Ainsi, on peut distinguer trois types d’aliments :

— le pain, la pomme de terre, la semoule, les carottes qui ont comme le glucose un index gly-
cémique élevé (70-100), c’est-à-dire qui sont fortement hyperglycémiants
— les fruits, les pâtes alimentaires, le riz, le sucre (saccharose) qui ont un index glycémique
moyen (40-60), c’est-à-dire qui sont modérément hyperglycémiants
— le fructose, les laitages, les légumineuses (haricots, lentilles) qui ont un index glycémique
bas (20-40) qui sont donc peu hyperglycémiants.

14.2.6 En résumé
Il importe au moins de ne pas commettre un certain nombre d’erreurs :

1. Fixer un objectif irréaliste, type retour au poids idéal, alors que le plus souvent une perte de
quelques kilos permet d’obtenir un bénéfice métabolique appréciable. Le plus difficile est sû-
rement de maintenir la réduction pondérale initialement obtenue grâce à la poursuite de
l’équilibre alimentaire. Il est exceptionnel en pratique diabétologique, que l’on doive prescrire
au long cours un régime comportant moins de 1 500 calories par jour.
2. Remettre une feuille de régime au lieu de pratiquer une enquête alimentaire, qui permet d’éva-
luer non seulement les apports alimentaires quantitativement et qualitativement mais aussi et
peut être surtout d’analyser la façon dont le (la) patient(e) s’alimente. La conduite alimentaire
révèle en effet le rapport psychologique de chacun à la nourriture, dont les aménagements pro-
posés devront tenir compte. La tenue d’un carnet alimentaire pendant quelques semaines peut
être utile pour faire prendre conscience au malade à la fois de ses erreurs diététiques (régime
souvent trop lipidique) mais aussi de ses comportements alimentaires qu’il pourra ainsi es-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 111/142


Traitement du diabète de type 2

sayer de modifier.
3. Interdire des aliments en général, les glucides en particulier. Les ennemis du diabétique sont
plutôt les graisses et particulièrement les graisses saturées. Mais là encore, s’il faut réduire, il
ne faut pas interdire.
4. Prescrire sans enseigner, et notamment sans corriger un certain nombre de croyances
diététiques :
• l’immense majorité des diabétiques ignorent que le pain contient 50 % de glucides, c’est-
à-dire que 50 grammes de pain (soit un petit pain) correspondent à 5 morceaux de sucre
n°4. Il n’y a aucun avantage à consommer du pain au gluten ou du pain complet ou des
biscottes : 100 grammes de pain sont l’équivalent de 8 biscottes.
• contrairement à ce que croient les patients, toutes les huiles sont aussi caloriques, même
si les huiles mono et poly-insaturées sont bénéfiques en matière d’athérome. Seule
l’huile de paraffine est acalorique, constituant un bon laxatif.
• le gruyère n’est pas un fromage de régime. Il est recommandé chez les personnes âgées
et les enfants en raison de sa richesse en calcium, mais il est un des fromages les plus
riches en lipides. Le pourcentage des lipides des fromages est calculé sur leur poids sec
et non sur leur poids hydraté (exemple : 100 g de fromage blanc à 40 % de matière grasse
= 8 g de lipides alors que 100 g de camembert à 45 % de matière grasse = 22 g de li-
pides).
• les alcools en général, et le vin en particulier, ne contiennent pas de sucre, mais apportent
des calories. Seuls les vins doux, les vins cuits, la bière, le cidre, contiennent des glucides
en plus de l’alcool. Ceci dit, les travailleurs de force n’ont pas plus besoin d’alcool que
les autres...
• les viandes et les féculents ont un haut pouvoir satiétogène, contrairement aux aliments
fortement glucido-lipidiques tels que les gâteaux, les amuse-gueules, l’association pain-
charcuterie ou pain-fromage.
• un régime équilibré n’entraîne pas de carence en vitamines ou en oligo-éléments.
5. Enfin la dernière erreur et peut être la plus grave, consiste à céder à l’obsession calorique pu-
nitive et culpabilisante. Il faut au contraire proposer au malade une politique plus globale
d’entretien et de préservation de la santé grâce à une hygiène de vie comportant notamment
une activité physique régulière et peut être des séances de relaxation... On peut notamment
proposer au patient un contrat d’ensemble, un excès alimentaire pouvant être compensé par
une activité plus importante dans les heures suivantes.

14.2.7 Quelques notions diététiques


1. Les matières grasses
Les quantités de matières grasses utilisées doivent être contrôlées : elles sont une source
d’énergie importante.
Elles sont d’origine animale :
— à partir des graisses du lait : crème fraîche, beurre
— à partir des viandes : saindoux, graisse d’oie...

112/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Elles sont d’origine végétale :


— à partir des plantes : huile, margarine végétale, végétaline

Choisir en quantité

Crème allégée
Du moins gras
Pâte à tartiner à 25 %
Crème fraîche
au « Beurre » allégé à 41 %
Mayonnaise allégée
Beurre allégé à 65 %
Beurre
Margarines ordinaires (papier aluminium)
Plus gras Margarine végétale (en barquettes)
Végétaline
Toutes les huiles
Mayonnaise

Choisir en qualité

les « très bonnes


les « mauvaises » graisses les « bonnes » graisses
graisses » (mono-
(saturées) (poly-insaturées)
insaturées)

beurre, crème fraîche, sain- tournesol, maïs, noix, soja, olive, arachide, colza,
doux, margarines ordi- pépin de raisin mélange de 4 huiles
naires, végétaline (Isio 4)

La consommation de graisses détermine l’apport calorique


Pour un même apport protidique, l’apport calorique dépend de la quantité de lipides :
— 100 g de poisson maigre ou de viande maigre apportent 100 calories.
— 100 g de viande (ou poisson gras) apportent 200 calories.
— 100 g de fromage apportent 300 calories.
— 100 g de charcuterie apportent 400 calories.
Pour un même apport glucidique, l’apport calorique dépend de la quantité de lipides :
— 200 g de purée (15 % de glucides) + 1 noix de beurre ≅ 300 calories.
— 100 g de frites (30 % de glucides) (≅ 15 frites) ≅ 400 calories.
— 100 g de chips (50 % de glucides) (≅ 1 paquet moyen) ≅ 500 calories.
— 100 g de pâtes (20 % de glucides) ≅ 100 calories.
— 100 g de pâtes + 10 g de beurre ≅ 200 calories.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 113/142


Traitement du diabète de type 2

— 100 g de pâtes italiennes (sauce bolognaise) ≅ 300 calories.


2. Les glucides

Rappels
100 g de pommes de terre = 2 pommes de terre de la taille d’un œuf
100 g de cerises = 15 cerises
1 belle pomme = 150 g
1 pain parisien = 400 g
1 baguette = 250 g
1 petit pain = 50 g
150 g de féculents = 6 cuillerées à soupe
1 portion de fromage type camembert = 30 g
1 portion de fromage blanc = 100 g
1 cuillère à soupe = 20 cm3
1 cuillère à café = 5 cm3
Teneur en glucides des aliments

Lait et produits laitiers natures 0à5%


Viandes, poissons, œufs, abats, charcuterie
Toutes les viandes, les poissons, les abats et les charcute- 0%
ries
Pain, produits céréaliers, féculents
Pain, blanc, viennois, de seigle, azyme 50 à 55 %
Biscottes, pain grillé, pain suédois, Craquottes 75 à 80 %
Tapioca (manioc) 85 %
Pâtes, riz, semoule CUITS, pommes de terre 20 %
Légumes verts 2 à 15 %
Fruits 5 à 15 %
Sauf
Banane, cerise, figue, litchi, raisin, reine-claude 15 à 20 %
Fruits secs : banane sèche, pruneau, datte, raisin sec, 65 à 70 %
figue sèche, abricot sec
Matières grasses
Tous les corps gras : huiles, beurre, margarine, crème 0%
fraîche, végétaline, saindoux, vinaigrette

3. Exemples de régimes diabétiques

114/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Régime à 2000 calories


Matin
— café ou thé, SANS SUCRE
— lait demi écrémé
— 1 petit pain ou 4 biscottes
— 1 coupelle de margarine
Midi
— Crudités + vinaigrette
— Viande ou équivalent
— Légumes verts + 150 g féculents
— Fromage ou laitage SANS SUCRE
— 1 fruit
— 50 g de pain ou 4 biscottes
— 1 coupelle margarine
Soir
— Bouillon ou salade verte + vinaigrette
— Viande ou équivalent
— Légumes verts + 150 g féculents
— Fromage ou laitage SANS SUCRE
— 1 fruit
— 50 g de pain ou 4 biscottes
— 1 coupelle margarine
Régime à 1500 calories
Matin
— café ou thé, SANS SUCRE
— lait demi écrémé
— 1 petit pain ou 4 biscottes
— 1 coupelle de margarine
Midi
— Crudités + vinaigrette
— Viande ou équivalent
— Légumes verts
— Fromage ou laitage SANS SUCRE
— 1 fruit
— 50 g de pain ou 4 biscottes ou 150 g féculents
16 heures
Le fruit ou le laitage du déjeuner peuvent être reportés comme collation de
16 heures

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Traitement du diabète de type 2

Soir
— Bouillon ou salade verte + vinaigrette
— Viande ou équivalent
— Légumes verts
— Fromage ou laitage SANS SUCRE
— 1 fruit
— 50 g de pain ou 4 biscottes ou 150 g féculents
4. Restauration rapide

salade + sauce (jardin, cre-


moins de 300 calories vettes, thon...)
1 sundae
1 croque-monsieur
1 hot dog
1 hamburger
1 cheeseburger
6 chicken Mac Nuggets
300 à 400 calories
1 quiche
1 mini-pizza
1 croissant au jambon
1 frite « moyenne »
1 milk shake
« big mac »
400 à 500 calories 1 sandwich (charcuterie,
fromage)

14.3 Exercice physique et diabète non


insulino-dépendant
L’exercice physique est aussi important pour le traitement du diabète non insulino-dépendant que
l’équilibre alimentaire.

14.3.1 Arguments physiopathologiques


Le tissu musculaire est quantitativement le tissu le plus important pour le métabolisme du glucose.
En effet, les muscles oxydent et stockent environ 70 % des glucides ingérés.
Le tissu musculaire est le siège d’une compétition de substrats énergétiques entre acides gras libres

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Traitement du diabète de type 2

et glucose, qui se fait physiologiquement au détriment du glucose. Ce déséquilibre compétitif est


en fait corrigé au cours de l’exercice physique où le glucose devient un carburant indispensable.
L’insulino-résistance des tissus cibles à l’insuline, comme nous l’avons vu, joue un rôle essentiel
dans la physiopathologie du diabète non insulino-dépendant. Mais cette insulino-résistance est hié-
rarchisée. Elle prédomine au niveau du tissu musculaire, alors que la lipoprotéine lipase adipocy-
taire et la lipogénèse restent relativement sensibles à l’insuline. C’est pourquoi l’insulinothérapie
ne saurait être le traitement idéal du diabète non insulino-dépendant. En effet, si l’insuline aug-
mente le transport intra-musculaire du glucose, elle facilite en même temps la prise de poids. Il est
injuste de soupçonner, voire d’accuser le diabétique insulino-nécessitant qui prend 4 kgs depuis la
mise à l’insuline, de manquements diététiques...
A vrai dire, le médicament idéal du DNID devrait avoir les mêmes effets que l’insuline sur le tissu
musculaire, en particulier sur le transport du glucose et avoir des effets opposés à ceux de l’insuline
sur le tissu adipeux. C’est le cas de l’exercice musculaire ! En effet, l’augmentation des besoins en
ATP de la cellule musculaire, entraîne une glycogénolyse musculaire, puis une activation et une
translocation des transporteurs du glucose dits GLUT IV comme le fait l’insuline. A l’inverse,
l’augmentation des hormones de contre-régulation glycémique et la diminution de l’insulino-se-
crétion due notamment à la réponse adrénergique, sont responsables d’un accroissement de la li-
polyse fournissant des acides gras libres, substrats énergétiques devenant indispensables lors de la
prolongation de l’effort.
L’augmentation du transport intramusculaire du glucose persiste 12 à 24 heures après un effort suf-
fisamment intense. En effet, la diminution du stock du glycogène musculaire, entraîne une activa-
tion de la glycogène synthase et une augmentation du transport intramusculaire du glucose, et ce
jusqu’à réplétion des stocks glycogéniques.

14.3.2 Arguments cliniques


Les motifs cliniques sont au nombre de quatre :

1. l’activité physique a une action hypoglycémiante nette et donc évaluable par le malade lui-
même grâce à la mesure de la glycémie capillaire au bout du doigt avant effort et 1 à 2 heures
après effort, pour un effort soutenu d’au moins 30 minutes.
2. la prescription de l’activité physique permet de « rompre » avec l’obsession calorique en
orientant le malade vers une prise en charge plus globale de la santé. Mais cela suppose une
réappropriation du corps obèse et/ou vieilli, souvent rejeté par le malade.
3. l’activité physique a un bénéfice psychologique. Elle peut être le moyen de retrouver un plai-
sir corporel oublié ou négligé. Elle peut être l’occasion de sortir d’un processus d’isolement
et de résignation grâce au développement d’activités collectives plus ou moins ludiques. Glo-
balement, l’activité physique a un effet antidépresseur.
4. les activités d’endurance ont de plus une action bénéfique sur l’ensemble des paramètres du
syndrome d’insulino-résistance en particulier ses conséquences cardio-vasculaires (hyperten-
sion artérielle) et métaboliques (abaissement des triglycérides et augmentation du HDL cho-
lestérol).

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 117/142


Traitement du diabète de type 2

14.3.3 Apprendre à prescrire l’activité physique


Prescrire l’activité physique impose de respecter un certain nombre de règles :

Les durées recommandées de l’effort


— pour le jogging = 30 minutes
— pour le vélo = 1 heure
— pour la marche = 2 heures
au moins tous les deux jours
Bilan à réaliser avant de conseiller une pratique sportive
— l’hypertension artérielle contre-indique les activités intenses à dominance anaérobie.
Par contre, une activité physique régulière prolongée d’intensité modérée améliore les
chiffres de pression artérielle.
— l’ECG est bien sûr systématique, mais chez les personnes de plus de 50 ans présentant
un tabagisme ou ayant deux facteurs de risques associés au diabète, il convient de de-
mander un électrocardiogramme d’effort voire une scintigraphie myocardique d’effort
à la recherche d’une ischémie myocardique silencieuse.
— un examen du fond d’œil doit être systématique. En effet, une rétinopathie proliférante
est une contre-indication temporaire aux activités physiques violentes responsables de
poussées hypertensives susceptibles de déclencher une hémorragie rétinienne.
— en général, les sports dangereux ou comportant des efforts brefs et intenses sont dé-
conseillés chez le diabétique non insulino-dépendant ayant passé la quarantaine.
— un des points essentiel du bilan est l’examen des pieds à la recherche d’une artérite ou
d’une neuropathie qui nécessiterait des précautions particulières.
De toute façon, l’activité physique suppose des soins d’hygiène rigoureux pour éviter
macération et mycoses, le traitement des cors et des durillons et l’achat de chaussures
confortables n’ayant pas de coutures intérieures saillantes susceptibles de blesser lors
du frottement à la marche avec toujours le port de chaussettes suffisamment épaisses
et douces protégeant le pied lors de l’effort et des gelures en montagne.
Quelle activité recommander ?
• L’activité physique doit être modérée, c’est-à-dire à 50 % de la puissance maximale
aérobie. Un moyen simple pour le patient est de se fixer sur sa fréquence cardiaque.
La fréquence cardiaque maximum à viser ne doit pas dépasser 80 % de la fréquence
théorique maximale estimée en retranchant de 220, l’âge du sujet.
(Par exemple : pour un sujet de 50 ans, la fréquence théorique maximale est de 170 et
la fréquence visée doit rester inférieure à 140).
• A ce niveau d’intensité, il doit être possible de continuer à parler en cours d’exercice.
Adapter le traitement hypoglycémiant
• Le traitement hypoglycémiant doit être adapté pour éviter le risque hypoglycémique.
• On sait que les sulfamides hypoglycémiants sont surtout responsables d’hypoglycé-
mie en fin d’après-midi.

118/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

• Un jogging ou un match de tennis à 17 heures peut être l’occasion d’une hypoglycé-


mie, même si la glycémie matinale était autour de 1,80 g/l ou 2 g/l.

14.4 Les hypoglycémiants oraux


Les hypoglycémiants oraux sont le troisième volet du traitement du diabète non insulino-dépen-
dant, après la diététique et l’activité physique.
Il existe actuellement trois familles d’hypoglycémiants oraux : les sulfamides hypoglycémiants,
les Biguanides, les inhibiteurs des alpha-glucosidases.

14.4.1 Les Sulfamides Hypoglycémiants


Voir tableau 3 page 121.

Ils agissent en stimulant l’insulino-sécrétion, en se liant à un récepteur spécifique présent sur la


membrane de la cellule B pancréatique.
Il n’y a aucun intérêt à associer à l’insulinothérapie des sulfamides hypoglycémiants chez des dia-
bétiques insulino-dépendants insulinoprives, c’est-à-dire n’ayant plus d’insulino-sécrétion endo-
gène susceptible d’être stimulée.
Le mode d’action des sulfamides hypoglycémiants rend compte de deux effets secondaires
néfastes :

1. la prise de poids, secondaire à la stimulation de l’insulino-sécrétion. Elle est en général mo-


deste, de 2 à 3 kgs.
2. surtout le risque hypoglycémique. Il s’observe avec tous les sulfamides hypoglycémiants
sans exception. Toutefois il est plus important avec les sulfamides de première génération à
durée d’action particulièrement longue (DIABINESE, GLUCIDORAL) qui ne doivent plus
être utilisés, et avec le DAONIL, sulfamide hypoglycémiant le plus puissant et dont la demi-
vie plasmatique relativement courte (5 heures) masque en réalité une durée d’action prolon-
gée (sûrement plus de 24 heures). C’est pourquoi le Laboratoire HOECHST a mis sur le mar-
ché, à côté du DAONIL Fort (5 mg), un DAONIL Faible (1,25 mg) et un HEMIDAONIL
(2,5 mg).

Hypoglycémies sévères Provoquées par les sulfamides


hypoglycémiants
Incidence annuelle = 0,20 / 1 000
75 % surviennent après 65 ans
5 à 10 % de décès - 5 à 10 % de séquelles cérébrales

La plupart des sulfamides hypoglycémiants ont une durée d’action suffisamment prolongée pour

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 119/142


Traitement du diabète de type 2

permettre leur administration en deux prises voire en une seule prise, ce qui évite la prise du midi
souvent oubliée par les malades.
Un certain nombre de règles doivent impérativement être respectées pour limiter le risque
hypoglycémique :

— commencer par des posologies faibles


— recommander la pratique de l’auto-surveillance glycémique, ne serait ce qu’une fois par se-
maine, en sachant que les hypoglycémies sous sulfamides hypoglycémiants surviennent plus
fréquemment en fin d’après-midi. Un malade peut parfaitement avoir une glycémie à 2 g au
réveil et une glycémie à 0,50 g à 18 heures. L’hypoglycémie de fin d’après-midi est volontiers
méconnue car elle peut simuler une simple fringale.
— conseiller au malade d’avoir toujours sur lui 3 sucres à prendre immédiatement en cas de ma-
laise.
— recommander au malade de ne pas prendre de sulfamide hypoglycémiant s’il doit sauter un
repas ou s’il a une activité physique inhabituellement intense.
— ne pas hésiter à diminuer la posologie des sulfamides hypoglycémiants dans les périodes d’ac-
tivité quotidienne importante.
— connaître la liste des médicaments susceptibles de potentialiser l’action des sulfamides
hypoglycémiants : le miconazole (DAKTARIN), le trimethoprime sulfamethoxazole (BAC-
TRIM), les fibrates (LIPANTHYL, BEFIZAL, LIPUR...), le dextropopoxyphène (ANTAL-
VIC, DIANTALVIC), les inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine (IEC),
ainsi que tout médicament susceptible d’entraîner une insuffisance rénale aiguë diminuant
l’élimination urinaire des sulfamides hypoglycémiants.

En réalité, le risque d’hypoglycémie est nettement majoré chez trois types de malades :

1. les personnes âgées


2. les malades dénutris
3. les insuffisants rénaux.

Enfin, les sulfamides hypoglycémiants peuvent de façon exceptionnelle provoquer comme tout
sulfamide :

— une allergie en particulier cutanée (de l’urticaire au syndrome de Lyell)


— une thrombopénie auto-immune ou une anémie hémolytique
— une agranulocytose
— une hépatite cytolytique

Enfin dernière règle rappelée par les R.M.O. : il ne sert à rien d’associer deux sulfamides hypogly-
cémiants comme on le voit faire trop souvent. La posologie maximale est donc 3 cp de DAONIL 5
par jour. Prescrire 3 cp de DAONIL + 3 cp DIAMICRON ® n’augmente pas l’action hypoglycé-
miante mais peut majorer les effets toxiques. Il s’agit moins des effets secondaires classiques que
de la possible inhibition des canaux potassiques cardio-vasculaires qui n’est peut être pas anodine
notamment sur un myocarde ischémique.

Contre-indications des sulfamides hypoglycémiants :

120/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

• allergie aux autres sulfamides (BACTRIM)


• insuffisance rénale (si clairance < 50 ml/min, le seul sulfamide autorisé est le GLIBENESE
en raison de sa demi-vie courte ; si clairance < 30 ml/min, contre-indication de tous les sulfa-
mides hypoglycémiants sont contre-indiqués)
• insuffisance hépato-cellulaire + éthylisme chronique
• grossesse.

Calcul de la clairance de la créatinine par la formule de Kocroft approchée


( 140 – âge ) × poids (kg)
Clairance de la créatinine = ----------------------------------------------------------- × 1 (femme) ou × 1 ,25 (homme)
créatinine (μmol)

Tableau 3 : les sulfamides hypoglycémiants

Dénomi Demi-
Nom de Puissanc Prix
nation vie Durée Posologi
spécialit e 1999
commun plasmati d’action e
é d’action (Francs)
e que

Sulfa- Glucidoral Carbuta- 4à5h Plusieurs +++ 1 à 3 cp/j 1,90 (30


mides mide jours (cp à 500 cp)
hypogly- mg)
cémiants
de 1ère
généra-
tion

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 121/142


Traitement du diabète de type 2

Dénomi Demi-
Nom de Puissanc Prix
nation vie Durée Posologi
spécialit e 1999
commun plasmati d’action e
é d’action (Francs)
e que
Daonil Glibencla- 5 à 10 h ≥ 24 h + 1 à 3 cp/j 22,40 (60
faible mide (cp à 1,25 cp)
1,25 mg mg)

Hémi- Glibencla- 5 à 10 h ≥ 24 h ++ 1/2 à 3 31,90 (60


daonil 2,5 mide cp/j (cp à cp)
mg 2,5 mg)

Miglucan Glibencla- 5h ≥ 24 h ++ 1/2 à 3 32,90 (60


mide cp/j (cp à cp)
2,5 mg)

Daonil 5 Glibencla- 5 à 10 h ≥ 24 h +++ 1/2 à 3 19,80 (20


mg mide cp/j (cp à cp)
5 mg)

Euglucan Glibencla- 5h ≥ 24 h +++ 1/2 à 3 18,20 (20


Sulfa- 5 mide cp/j cp à 5 cp)
mides mg)
hypogly-
Glutril Glibomu- 8h ≥ 24 h ++ 1 à 3 cp/j 21,40 (20
cémiants
ride (cp à 25 cp)
de 2ème
mg)
généra-
tion Diamicron Gliclazide 10 à 12 h ≥ 24 h ++ 1 à 3 cp/j 48,80 (20
(cp à 80 cp)
mg)

Glibénèse Glipizide 2à4h < 24 h ++ 1 à 4 cp/j 33,40 (20


cp)

Minidiab Glipizide 2à4h < 24 h ++ 1 à 3 cp/j 17,50 (20


(cp à 5 cp)
mg)

Ozidia 5 Glipizide 2à4h 24 h en ++ 1 à 2 cp Ozidia 5


et 10 mono- en 1 seule 47,30 (30
prise prise par cp)
jour (seu- Ozidia 10
lement 81,10 (30
avant 65
cp)
ans)

122/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Dénomi Demi-
Nom de Puissanc Prix
nation vie Durée Posologi
spécialit e 1999
commun plasmati d’action e
é d’action (Francs)
e que
Amarel Glimépi- 5à8h = 24 h en ++ 1 à 2 cp/j
1 mg ride mono- en une 52,20
prise seule (30 cp)
Nouveau 2 mg prise 79,50
sulfamide
(30 cp)
hypogly-
3 mg 100,70
cémiant
(30 cp)
4 mg 114,50
(30 cp)

14.4.2 Les Biguanides


Ils agissent en luttant contre l’insulino-résistance.

LA METFORMINE ET SES DERIVES

Quantité
Dénomination Prix 1999
Nom de spécialité de principe Posologie
commune francs
actif

GLUCINAN Chlorophénoxyacé- 205 mg 3-6 cp/jour 12,10 (30


tate de Metformine cps)
STAGID Embonate de Mét- 280 mg 2-6 cp/jour 30,10 (30
formine cps)
GLUCOPHAGE Métformine 500 mg 2-5 cp/jour 36,50 (50
500 cps)
GLUCOPHAGE Métformine 850 mg 1-3 cp/jour 39,10 (30
850 cps)

Ils sont utilisés depuis les années 50. Depuis le retrait de la Phenformine (INSORAL) responsable
d’acidose lactique, seule la Métformine est aujourd’hui commercialisée en France avec 4 produits :
le GLUCOPHAGE 500, le GLUCOPHAGE 850 (ex GLUCOPHAGE RETARD) le GLUCINAN
et le STAGID. Le plus puissant est le GLUCOPHAGE 850 mais c’est aussi le moins bien toléré
sur le plan digestif.
Contrairement aux sulfamides hypoglycémiants, les biguanides n’ont aucune action insulino-se-
crétrice mais ont une action d’épargne insulinique et in vivo, ils n’ont une action hypoglycé-

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 123/142


Traitement du diabète de type 2

miante qu’en présence d’insuline. Si in vitro ils agissent aussi bien sur la cellule adipeuse que sur
la fibre musculaire et l’hépatocyte, in vivo leur action essentielle se situe au niveau du foie et du
tissu musculaire dont ils augmentent l’insulino-sensibilité.
Leur mécanisme d’action reste toutefois obscur et une durée de quelques jours est nécessaire avant
d’observer la plénitude de leur action. Ce délai peut s’expliquer soit par la nécessaire accumulation
intracellulaire du médicament, soit par la mise en route de boucles d’autorégulation cellulaire.
Les Biguanides apparaissent donc actuellement comme le médicament de première intention
dans le traitement du diabète non insulino-dépendant avec insulino-résistance, que l’insuli-
no-résistance soit secondaire à une obésité diffuse ou à une simple répartition androïde des
graisses.
Leur inconvénient le plus fréquent est la mauvaise tolérance digestive (nausées, crampes épigas-
triques, inconfort abdominal, diarrhée motrice) que l’on peut minimiser par les règles de prescrip-
tion suivantes :

— commencer par 1 seul comprimé par jour et augmenter progressivement la posologie


— conseiller au malade de prendre les comprimés pendant ou à la fin du repas
— en cas d’intolérance importante, essayer l’association avec 1/2 sachet de QUESTRAN pris
30 minutes avant les repas pendant quelques semaines.

Leur risque principal est l’acidose lactique. Il s’agit en fait d’un risque exceptionnel, mais d’une
particulière gravité puisque l’acidose lactique est mortelle une fois sur deux. L’acidose lactique est
à redouter dans deux situations :

— d’une part lorsque le Biguanide s’accumule en raison d’une insuffisance rénale, entraînant
alors un blocage de la néoglucogénèse hépatique
— d’autre part lorsque la production de lactates est pathologiquement augmentée.

Les Biguanides sont donc formellement contre-indiqués :

— en cas d’insuffisance rénale (clairance < 50 ml/mn)


— en cas d’insuffisance cardiaque décompensée
— en cas d’ischémie coronarienne évolutive
— en cas d’insuffisance respiratoire sévère
— en cas d’infection aiguë (septicémie ou bactériémie, méningite...)
— en cas de gangrène ou d’ischémie critique des membres inférieurs
— en cas d’accident vasculaire cérébral récent

De même, ils doivent être arrêtés deux jours avant toute anesthésie générale ou deux jours avant
toute radio comportant une injection de produit iodé (urographie intraveineuse, angiographie, an-
gio-scanner...). En effet, en cas d’insuffisance rénale aiguë provoquée par l’injection iodée, le Bi-
guanide pourrait en s’accumulant, provoquer une acidose lactique mais les Biguanides ne sont pas
par eux-mêmes néphrotoxiques. (Il n’y a pas lieu d’arrêter les Biguanides avant une angiographie
rétinienne à la fluorescéine).
La posologie maximale des Biguanides est de 3 cp de GLUCOPHAGE 850 par jour.

124/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

Les biguanides
• traitement de première intention du DNID avec répartition androïde des graisses
• augmentent la sensibilité à l’insuline
• effet secondaire = mauvaise tolérance digestive
• risque principal mais rare = acidose lactique
• respecter les contre-indications

14.4.3 Les Inhibiteurs des Alpha-glucosidases


La troisième classe de médicaments est représentée par les Inhibiteurs des Alpha-glucosidases re-
présentés par le GLUCOR ® (Acarbose) et le DIASTABOL ® (Miglitol). Les glucides absorbés
sont dégradés par l’Amylase salivaire et pancréatique en dissacharides (saccharose, lactose, mal-
tose) puis par les alpha-glucosidases (maltase, lactase, saccharase ou invertase) en monosaccha-
rides. En effet, seuls les mono-saccharides peuvent franchir la barrière intestinale. Les inhibiteurs
de l’alpha glucosidase inhibent le dernier stade de la digestion des sucres. Ceux ci ne pouvant être
absorbés, continuent leur périple dans l’intestin et subissent la fermentation colique bactérienne en
acides gras volatiles ou sont éliminés dans les selles. Ce type de produit a donc pour objectif de
décapiter les hyperglycémies post prandiales. C’est pourquoi ils doivent être pris avec la première
bouchée du repas.
L’inconvénient majeur est la stagnation et la fermentation des sucres non digérés dans l’intestin,
responsables de flatulences, de douleurs digestives, de diarrhée, surtout en début de traitement.
Il est donc recommandé de commencer par des posologies faibles : 50 mg par jour, puis d’augmen-
ter progressivement jusqu’à un maximum de 100 mg 3 fois par jour.
Le bénéfice de ce type de médicaments, qui vise en quelque sorte à transformer les glucides à index
glycémique élevé en glucides à index glycémique bas demande à être évalué sur le long terme. Ils
peuvent être associés aux Sulfamides hypoglycémiants et/ou aux Biguanides. Ils ont été largement
utilisés dans certains pays européens avec un succès variable. En moyenne, ces médicaments per-
mettent d’abaisser l’HbA1C de 0,5 à 1 % alors que le gain est de 1 à 2 % pour les patients traités
par les sulfamides hypoglycémiants ou Biguanides. Les inhibiteurs des alpha-glucosidases ont une
indication particulière lorsque l’hyperglycémie est essentiellement postprandiale.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 125/142


Traitement du diabète de type 2

LES INHIBITEURS DES ALPHA-GLUCOSIDASES

Quantité
Dénomination Prix 1999
Nom de spécialité de principe Posologie
commune (francs)
actif

GLUCOR 50 Acarbose 500 mg 3 cp 105,60 (90


cp)
GLUCOR 100 Acarbose 100 mg 3 cp 139,50 (90
cp)
DIASTABOL 5 Miglitol 50 mg 3 cp 100,90 (90
cp)
DIASTABOL 100 Miglitol 100 mg 3 cp 133,10 (90
cp)

RMO - Diabète non insulino-dépendant

1. il n’y a pas lieu de commencer un traitement médicamenteux en l’absence de critères de dia-


gnostic suffisants (glycémie > 1,26 g/l à 2 reprises ou glycémie 2 h après charge orale de 75 g
de glucose > 2 g/l ou symptômes de diabète et glycémie ≥ 2 g/l).
2. il n’y a pas lieu d’effectuer un dosage de l’hémoglobine glyquée dans un but de dépistage.
3. il n’y a pas lieu de prescrire une hyperglycémie provoquée par voie orale quant la glycémie à
jeun est > 1,26 g/l à 2 reprises.
4. il n’y a pas lieu de prescrire une hyperglycémie provoquée par voie orale comme examen de
surveillance d’un diabétique.
5. il n’y a pas lieu de doser l’hémoglobine glyquée plus d’une fois tous les 3 mois dans la sur-
veillance d’un patient atteint de DNID sauf cas particulier.
6. Il n’y a pas lieu d’associer 2 sulfamides hypoglycémiants.
7. il n’y a pas lieu de prescrire un Biguanide ou un sulfamide hypoglycémiant :
— sans avoir vérifié la fonction rénale au préalable
— sans surveillance de la créatininémie
8. il n’y a pas lieu de prescrire un Biguanide en cas :
— d’insuffisance rénale
— d’insuffisance cardiaque, respiratoire ou hépatique
— d’infarctus du myocarde récent
— de risque d’ischémie tissulaire aiguë
9. il n’y a pas lieu, chez les sujets de plus de 70 ans, d’utiliser des sulfamides hypoglycémiants
à demi-vie longue (carbutamide, chlorpropamide).
10. il n’y a lieu, chez les sujets de plus de 70 ans, de commencer un traitement par sulfamides hy-

126/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

poglycémiants sans utiliser des doses initiales réduites.

Conduite du traitement du diabète non insulino-dépendant

1. équilibre alimentaire : suppression des sodas ; restriction alcool et graisses saturées ; limita-
tion pain (150 g par jour) ; fragmentation des apports
2. augmentation de l’activité physique
3. Metformine en l’absence de contre-indication, quel que soit le poids, avec une posologie pro-
gressive jusqu’à 3 comprimés par jour à prendre au milieu du repas
4. si nécessaire, association des sulfamides hypoglycémiants (ou d’emblée si contre-indication
des Biguanides) : sulfamides de 2ème génération à posologie progressive compte tenu du
risque hypoglycémique
5. place des inhibiteurs des alpha-glucosidases, à posologie progressive ; à prendre au début du
repas ; indiqué surtout lorsque la métformine est contre-indiquée ou mal tolérée, le plus sou-
vent en association à un sulfamide hypoglycémiant
6. traitement d’une dyslipidémie
7. traitement de l’HTA (PA > 140/90 mmHg)
8. arrêt de l’intoxication tabagique

14.5 Quand recourir à l’insulinothérapie chez


le diabétique non insulino-dépendant ?
L’insuline n’est pas le traitement idéal du diabète non insulino-dépendant car si elle permet de bais-
ser les glycémies en favorisant le transport et le métabolisme du glucose intramusculaire, elle fa-
cilite la prise de poids en stimulant la lipogenèse.
L’insulinothérapie est donc contre-indiquée si le déséquilibre du diabète non insulino-dépendant
s’accompagne d’une prise de poids témoignant d’une mauvaise observance du traitement hygiéno-
diététique.
Par contre, force est d’y recourir si l’association alimentation équilibrée, activité physique, hypo-
glycémiants oraux à doses maximales, auto-contrôle glycémique ne permet pas d’obtenir les ob-
jectifs glycémiques fixés (par exemple : moins de 1,60 g/l à jeun).
De façon quelque peu schématique, on peut dire que le diabète non insulino-dépendant est en réa-
lité l’association de deux maladies :

1. l’insulino-résistance prédominant au niveau du tissu musculaire


2. la carence insulinique.

L’insulinothérapie traite la deuxième maladie mais elle risque d’aggraver la première.


L’insulinothérapie risque donc d’aggraver le cercle vicieux à la base de la physiopathologie du dia-
bète non insulino-dépendant : insulino-résistance musculaire ==> hyperinsulinisme ==> obésité de
type androïde ==> insulino-résistance.
C’est pourquoi le recours à l’insulinothérapie au cours du diabète non insulino-dépendant

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 127/142


Traitement du diabète de type 2

nécessite le respect d’un certain nombre de conditions :

— s’assurer de l’absence de prise de poids récente qui témoignerait à la fois de la persistance


d’une insulino-sécrétion résiduelle endogène importante et d’une mauvaise observance du
traitement hygiéno-diététique.
— en cas d’amaigrissement au contraire, vérifier l’absence de pathologie sous-jacente suscep-
tible d’expliquer le déséquilibre glycémique : hyperthyroïdie, infection torpide en particulier
urinaire ou stomatologique, cancer du pancréas...
— s’assurer de l’absence de prise de médicaments hyperglycémiants, en particulier de corti-
coïdes, qu’il s’agisse d’infiltrations ou d’applications locales (crèmes, pommades, lotions)
— vérifier l’optimisation du traitement classique, si besoin à l’occasion d’une hospitalisation ou
d’une consultation spécialisée :
— régime modérément hypocalorique,
— activité physique adaptée aux possibilités physiques et psychologiques du patient,
— prise d’hypoglycémiants oraux à doses maximales (3 DAONIL 5 et 3 GLUCOPHAGE
850). En cas d’intolérance digestive aux Biguanides, essai d’adjonction temporaire de
colestyramine (QUESTRAN 1/2 sachet à prendre avant les repas). Essai d’adjonction
d’un inhibiteur des alpha-glucosidases à posologies progressives
— traitement d’une hyperlipidémie
— traitement d’une hypertension artérielle
— traitement d’une dépression par un inhibiteur de la recapture de la sérotonine type PRO-
ZAC, FLOXYFRAL, DEROXAT
— éducation du patient, en particulier, formation à l’auto-contrôle glycémique en fixant avec le
malade les objectifs à atteindre pour éviter les complications rétiniennes, rénales et neurolo-
giques du diabète et la fréquence de ces auto-contrôles.
— proposition d’une cure de normoglycémie par insulinothérapie intensive (pompe à insuline ou
multiples injections) à l’occasion d’une hospitalisation d’une dizaine de jours dans l’espoir
que le retour à l’euglycémie permette de briser le cercle vicieux de la « glucotoxicité » en
améliorant l’insulino-sécrétion et l’insulino-résistance.
— en cas de recours à l’insulinothérapie, choisir une insulinothérapie minimale associée aux hy-
poglycémiants oraux. Le schéma qui permet d’obtenir le meilleur équilibre glycémique sans
augmenter le risque hypoglycémique et surtout sans induire une surcharge pondérale trop im-
portante, consiste à associer aux hypoglycémiants oraux pris dans la journée, l’injection d’une
insuline retard type NPH (Umuline Insulatard Insuman, Orgasuline) faite le soir à l’heure du
coucher à l’aide d’un stylo à insuline. Le but est alors d’obtenir une glycémie au réveil infé-
rieure à 1,60 g/l. On débute généralement par une posologie faible de l’ordre de 6 unités en
prévenant le malade qu’il faudra sûrement augmenter les doses de 2 en 2 unités jusqu’à at-
teindre l’objectif fixé. Sur le plan théorique, on peut penser que l’insuline injectée avant le
coucher permet de freiner la production hépatique du glucose, le foie restant plus sensible à
l’insuline que le tissu musculaire
— ce n’est qu’en cas d’échec de l’association sulfamides - Biguanides - insuline injectée le soir,
que l’on recourra à une insulinothérapie par multiples injections, le plus souvent trois injec-
tions (matin, midi et soir) ; les sulfamides hypoglycémiants seront alors arrêtés, mais on gar-
dera les Biguanides dans l’espoir de limiter les doses d’insuline et l’aggravation de la
surcharge pondérale.

128/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

14.6 Rythme des consultations


Pour un diabétique de type 2 non compliqué dont l’équilibre est stable, le rythme de suivi recom-
mandé et représenté sur le tableau suivant :

Suivi du diabétique de type 2 à l’exclusion du suivi des complications

Tous les 3-4 moisa Une fois par an

Interrogatoire
• Education (autonomie, règles • Education (autonomie, règles
hygiéno-diététiques...) hygiéno-diététiques...
• Observance du traitement • Observance du traitement
• Autosurveillance glycémique (si • Autosurveillance glycémique (si
prescrite) prescrite)
• Problèmes psychosociaux • Problèmes psychosociaux
• Tabagisme ?
• Evaluation complémentaire de la
prise en charge de sa maladie par le
patient : « savez-vous quels sont les
résultats du dépistage des
complications ? », « quand devez-
vous être dépisté de nouveau ? »
• Symptômes de complications cardio-
vasculaires ou neurologiques
• Pour les femmes en âge de procréer :
contraception ou désir d’enfant ?
Examen clinique
• Poids Examen clinique complet en particulier :
• Tension artérielle
• Examen des pieds • Examen des pieds : état cutané, neu-
ropathie sensitive (monofilament
Nylon ± diapason)
• Réflexes ostéotendineux
• Palpation des pouls
• Recherche de souffles abdominaux,
fémoraux et carotidiens
• Recherche d’une hypotension orthos-
tatique
• Examen de la bouche, de la sphère
ORL, de la peau

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 129/142


Traitement du diabète de type 2

Tous les 3-4 moisa Une fois par an

Examens paracliniques
• HbA1c (si dosage fiable) • Examen par un ophtalmologiste
• Glycémie (si contributive à la déci- • ECG de repos
sion thérapeutique) • Bilan lipidique à jeun : LDL, HDL,
triglycérides et cholestérol total
• Créatininémie et calcul de la clai-
rance par la formule de Cockcroft
• Protéinurie et hématurie, recherche
d’infection par bandelettes urinaires
• Si pas de protéinurie, recherche de
microalbuminurie
Lors de la première visite d’un patient diabétique :

— pour les patients dont le diabète est déjà connu : anamnèse du diabète, traitement
actuel et résultats des bilans précédents ;
— diabète nouvellement diagnostiqué : recherche de signes en rapport avec un dia-
bète secondaire ;
— pour tous : antécédents médicaux, traitements en cours, antécédents familiaux
coronariens, d’hypertension artérielle et de dyslipidémie, habitudes alimentaires et
activité physique, statut socio-économique ;
— diagnostic éducatif : « que sait-il ? Quelles sont ses possibilités ? »
a. pour un patient équilibré

130/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Traitement du diabète de type 2

14.7 Force des recommandations

Evidence scientifique Grade Signification


Etudes concordantes de A Preuve scientifique établie
fort niveau de preuve
(par exemple : essais com-
paratifs randomisés de
forte puissance sans biais
majeur, méta-analyse de
décision...)
Etudes concordantes de B Présomption scientifique
niveau de preuve inter-
médiaire
(par exemple, essais com-
paratifs randomisés de
faible puissance et/ou com-
portant des biais...)
Etudes discordantes ou C Arguments scientifiques
de faible niveau de faibles
preuve
(par exemple, essais com-
paratifs non randomisés
avec groupe contrôle histo-
rique, séries de cas...)

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 131/142


Traitement du diabète de type 2

132/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

Chapitre 15

Hypoglycémie : Orientation
diagnostique et conduite à
tenir en situation d’urgence
avec la posologie
médicamenteuse
Question d’internat n° 59

On définit l’hypoglycémie par une glycémie inférieure à 0.50 g/l.


Il faut distinguer les hypoglycémies survenant lors du diabète traité par insuline ou sulfamides hy-
poglycémiants, des hypoglycémies survenant en dehors du diabète.

15.1 Hypoglycémies en dehors du diabète


On distingue les hypoglycémies organiques (ou hypoglycémies à jeun) et les hypoglycémies réac-
tives (ou hypoglycémies post prandiales). Les hypoglycémies organiques sont secondaires à un
trouble de la régulation de la glycémie que l’on peut objectiver : sécrétion inappropriée d’insuline,
diminution de la néoglucogénèse ou de la glycogénolyse, etc... Inversement les hypoglycémies
dites réactives comportent la plupart du temps des symptômes neurovégétatifs d’hypoglycémies,
sans dysfonctionnement de la régulation glycémique, avec une insulinémie en rapport avec le taux
de glucose circulant.
L’interrogatoire permet dans la grande majorité des cas une première orientation diagnostique, évi-
tant la multiplication d’explorations complémentaires ou d’hospitalisations inutiles.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 133/142


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

15.1.1 Hypoglycémies organiques

15.1.1.1 Diagnostic positif


Il repose sur l’interrogatoire qui doit rechercher les symptômes d’hypoglycémies. Ceux-ci sont de
deux types :

— les symptômes neurovégétatifs liés à la stimulation du système nerveux autonome et surve-


nant pour un seuil glycémique aux alentours de 0.60 g/l : mains moites, sueurs froides, pâleur
des extrémités et du visage, tremblements des extrémités, tachycardie avec palpitations, plus
rarement troubles du rythme, poussées hypertensives, crises d’angor chez les patients ayant
une insuffisance coronarienne connue ou latente, nausées voire vomissements.
— les symptômes liés à la souffrance du système nerveux central, dits neuroglycopéniques, sur-
venant pour un seuil glycémique inférieur à 0.50 g/l : sensation de malaise avec asthénie im-
portante, troubles de la concentration intellectuelle, sensation de dérobement des jambes,
paresthésie des extrémités, céphalées, impressions vertigineuses, troubles psychiatriques,
multiples et trompeurs (confusion aiguë, agitation, troubles de l’humeur et du comportement,
état pseudo-ébrieux...), troubles neurologiques sévères (crises convulsives généralisées ou lo-
calisées), troubles moteurs déficitaires, troubles visuels à type de diplopie ou de vision
trouble.

Le coma hypoglycémique peut survenir brutalement. Il s’accompagne d’une tachycardie, d’une


respiration calme, de sueurs abondantes, de contractures et d’un syndrome pyramidal avec signes
de Babinski bilatéral. Sa profondeur est variable.
L’hypoglycémie sévère durable (glycémie inférieure à 0.20 g/l pendant plus de 2 heures) peut in-
duire une nécrose cellulaire responsable de séquelles.
Des symptômes de type neuroglycopénique sévère (troubles psychiatriques, troubles neurolo-
giques déficitaire, crises convulsives) sont fortement évocateurs d’hypoglycémie organique.
La manière dont les symptômes sont rapportés par le patient peut être un argument de diagnos-
tic différentiel. Les malaises d’hypoglycémie organique entraînant un syndrome confusionnel
peuvent être responsables d’une difficulté pour le patient à décrire précisément ses troubles. Le re-
cours à un tiers est alors nécessaire lors de l’interrogatoire.
Les circonstances de survenue des symptômes : les manifestations cliniques d’hypoglycémies
survenant à jeun le matin ou à distance d’un repas (plus de 5 heures après) et/ou lors d’un effort
physique, sont en faveur du caractère organique de l’hypoglycémie. Les symptômes cèdent ra-
pidement à la prise de sucres rapides, le patient ne peut pas se permettre de sauter un repas et
prévient les malaises avec des collations, ceci entraînant souvent, mais pas toujours, une prise de
poids.
En résumé, des symptômes d’hypoglycémies (particulièrement des symptômes neuroglycopé-
niques) survenant à jeun le matin ou à distance d’un repas ou lors d’un effort physique, calmés par
la prise de sucre, sont en faveur d’une hypoglycémie d’origine organique. Il convient alors d’éli-
miner une cause évidente à cette hypoglycémie. Si celle-ci n’est pas retrouvée, on pourra avoir re-
cours à une épreuve de jeûne en milieu hospitalier. Le diagnostic d’hypoglycémie d’origine
organique peut être étayé par la présence d’une glycémie effectuée au laboratoire au moment d’un
malaise, retrouvée inférieure à 0.50 g/l.

134/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

15.1.1.2 Les hypoglycémies organiques de cause évidente


En cas de suspicion d’hypoglycémie organique, il convient d’éliminer un certain nombre de dia-
gnostics étiologiques avant d’avoir recours à l’épreuve de jeûne et à des investigations plus pous-
sées.

a. Hypoglycémies médicamenteuses et toxiques

De nombreux médicaments, en dehors des médicaments hypoglycémiants peuvent être res-


ponsables d’hypoglycémies par des mécanismes variés. Mais tous ces médicaments voient
leur potentialité à déclencher une hypoglycémie augmenter sur un terrain facilitant : surtout
en cas d’insuffisance rénale, de dénutrition ou cachexie, de diarrhée prolongée, d’infection sé-
vère, de polypharmacothérapie, d’insuffisance surrénale latente... Elles surviennent donc
avec prédilection chez les personnes âgées.

Ces médicaments sont (en dehors des sulfamides hypoglycémiants et de l’insuline) :


— l’aspirine à forte dose
— le disopyramide (RYTHMODAN)
— la cibenzoline (CIPRALAN) et les dérivés de la quinine
— le dextropropoxyphène (ANTALVIC, DI-ANTALVIC, PROPOFAN)
— les antidépresseurs (fluoxétine, IMAO)
— la pentamidine (LOMEDINE),
— le cotrimoxazole (BACTRIM)
— le perhexiline (PEXID) qui n’est pratiquement plus prescrit
— les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (captopril, enalapril) : leur responsabilité reste
discutée
— les dérivés de la quinine
L’alcool peut entraîner une hypoglycémie en inhibant la néoglycogénèse hépatique chez un
sujet dénutri, à jeun ou en potentialisant des médicaments hypoglycémiants.

b. Hypoglycémies d’origine endocrinienne

L’hypoglycémie fait partie de la symptomatologie de l’insuffisance surrénalienne primitive


ou secondaire à l’arrêt des corticoïdes, de l’insuffisance hypophysaire, de l’hypothyroïdie. Au
moindre doute clinique, il est donc justifié de demander un test au synacthène immédiat, un
dosage de T4 libre et de TSH ou des tests de stimulation hypophysaire.

c. Hypoglycémies tumorales extrapancréatiques

Il s’agit de tumeurs dans 45 % des cas mésenchymateuses rarement bénignes (fibromes, neu-
rofibromes, mésothéliomes), plus souvent malignes (sarcomes), soit intrathoraciques, soit ab-
dominales.
Le diagnostic repose le plus souvent sur la découverte d’une tumeur volumineuse, parlante
cliniquement, associée à des malaises fréquents et graves. L’hypoglycémie est causée par la

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 135/142


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

production par la tumeur d’une forme anormale d’IGF-II (Insulin-like growth factor II).

d. Hypoglycémies multifactorielles

Les patients hospitalisés pour une maladie chronique grave ou une atteinte aiguë multisysté-
mique cumulent souvent plusieurs causes d’hypoglycémies : cachexie, médicaments, insuffi-
sance rénale ou hépatique, inhibition de la néoglucogénèse hépatique lors d’un état de choc
ou d’un syndrome septique aigu...

15.1.1.3 L’insulinome
En dehors des causes évidentes d’hypoglycémies organiques, il faut rechercher un insulinome,
c’est à dire une tumeur endocrine responsable d’une sécrétion inappopriée d’insuline.
Lorsque l’interrogatoire, l’examen clinique et les examens biologiques simples font suspecter une
hypoglycémie organique mais ne permettent pas d’en préciser la cause, la recherche d’un insuli-
nome devient impérative, bien que son incidence soit extrêmement faible (un à deux par million
d’habitants). C’est la plus fréquente des tumeurs endocrines du pancréas. Elle survient de façon
identique dans les deux sexes et le diagnostic est le plus souvent porté vers l’âge de 50 ans.
Dans un premier temps, il faut démontrer l’existence d’une sécrétion inappropriée d’insuline lors
d’une hypoglycémie. C’est l’épreuve de jeûne qui permet d’y parvenir, en même temps qu’elle
fournit les éléments du diagnostic différentiel (hypoglycémies auto-immunes et hypoglycémies
factices).
L’épreuve de jeûne doit se dérouler en milieu hospitalier dans des conditions standardisées :

— elle est pratiquée sur trois jours


— régime normal les trois jours précédents
— épreuve de jeûne complet ; eau autorisée, café, thé et tabac interdits
— le jour précédent et pendant les trois jours de l’épreuve : matin, midi et soir : glycémie, insu-
linémie, peptide C et recherche de cétonurie
— surveillance étroite avec mesure de la glycémie capillaire au bout du doigt : matin, midi et
soir, et au milieu de la nuit
— en cas de malaise, en urgence : glycémie capillaire, glycémie et insulinémie au laboratoire
— si glycémie capillaire inférieure à 1.65 mmol/l (0.30 g/l), arrêt de l’épreuve
— si survenue de manifestations neuropsychiques aiguës : arrêt de l’épreuve et resucrage après
prélèvements sanguins

En fait, en cas d’insulinome, elle est le plus souvent interrompue prématurément. Les dosages ef-
fectués permettent de conclure à la présence d’un insulinome en cas de sécrétion d’insuline et de
peptide C non adaptée à l’hypoglycémie (élevée au lieu d’être effondrée).
Si l’épreuve de jeûne est positive, il faut localiser l’insulinome avant de confier le patient au chirur-
gien. La tumeur est le plus souvent unique et bénigne, rarement multiple ou maligne. Mais elle est
de petite taille de 1 à 2 cm et peut se situer n’importe où dans le pancréas.
L’examen de choix actuellement pour localiser la tumeur est l’écho-endoscopie pré-opératoire.
Sa sensibilité et sa spécificité sont supérieures à 80 %. L’angioscanner hélicoïdal a aussi montré
son intérêt dans la localisation de la tumeur. En cas de négativité de ces examens, on aura recours
dans un second temps au cathétérisme portal.

136/142 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 1999 - 2000


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

L’échographie per-opératoire peut aider le chirurgien à réaliser une énucléation de la tumeur


sans léser les structures anatomiques voisines.
L’échographie abdominale et le scanner abdominal standard ne permettent pas de visualiser
un insulinome de petite taille mais permettent la recherche de métastases hépatiques.
En présence d’un insulinome, il faudra rechercher une néoplasie endocrinienne multiple (NEM 1),
en particulier en dosant la calcémie à la recherche d’une hyperparathyroïdie, qui sera à traiter en
premier lieu.

Diagnostic différentiel :
En cas de positivité de l’épreuve de jeûne, on peut évoquer deux diagnostics différentiels de
l’insulinome : les hypoglycémies auto-immunes qui surviennent sur un terrain le plus souvent déjà
connu d’auto-immunité. Mais l’hypoglycémie est associée à des taux bas de peptide C et l’insuli-
némie est le plus souvent effondrée. L’hypoglycémie survient en raison de la présence d’auto-an-
ticorps antirécepteurs de l’insuline qui stimulent ce récepteur. L’hypoglycémie par auto-anticorps
anti-insuline est exceptionnelle. Elle a été rapportée chez les femmes ayant reçu des anti thyroï-
diens de synthèse pour une maladie de Basedow et de la D penicillamine pour une connectivite.
L’autre diagnostic différentiel est l’hypoglycémie factice : due à l’injection d’insuline exogène ou
à la prise inavouée de sulfamides hypoglycémiants. Quand c’est le cas, les personnes concernées
travaillent souvent dans le milieu médical ou bien vivent dans l’entourage d’un diabétique. L’in-
jection d’insuline exogène sera évoquée si lors de l’épreuve de jeûne, une concentration anorma-
lement élevée d’insuline est observée en même temps qu’une hypoglycémie avec un taux effondré
de peptide C, démontrant l’absence de sécrétion endogène d’insuline. En revanche, la prise de sul-
famides hypoglycémiants peut mimer en tout point un insulinome et la recherche de sulfamides
dans le plasma est extrêmement difficile à effectuer.

15.1.1.4 Traitement de l’hypoglycémie organique


C’est un traitement urgent compte tenu du risque de neuroglucopénie. Si le malade est conscient,
il peut se contenter d’un resucrage par voie orale.
En cas de coma hypoglycémique, le traitement est le suivant : injection en intra-veineuse directe
de glucosé hypertonique à 30 % (3 à 4 ampoules) et pose d’une perfusion de glucosé à 10 %.
L’alternative thérapeutique est l’injection intramusculaire de GLUCAGON qui peut être efficace
en l’absence de pathologie hépatique grave, mais l’action du GLUCAGON est transitoire. Une ou
deux ampoules de GLUCAGON peuvent être injectées par voie intra-musculaire à 15 mn d’inter-
valle, mais il convient d’assurer un apport glucidique par voie orale dès la reprise de conscience.
Traitement de la cause : arrêt des médicaments hypoglycémiants ; le traitement de l’insulinome re-
pose sur l’exérèse chirurgicale.

15.1.2 L’hypoglycémie réactive ou hypoglycémie post


prandiale
C’est le diagnostic le plus fréquent. Ce sont, la plupart du temps, des symptômes d’hypoglycémie,
alors qu’une hypoglycémie réelle est extrêmement rarement mise en évidence. On a tendance ac-

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Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

tuellement à regrouper tous ces symptômes sous l’appellation de « syndrome idiopathique post
prandial ».

15.1.2.1 L’interrogatoire
Les symptômes rapportés par les patients sont des symptômes neurovégétatifs (voir ci-dessus) ra-
rement neuroglycopéniques peu sévères. La présence de symptômes à type de troubles psychia-
triques ou de troubles neurologiques déficitaires graves doit faire récuser le diagnostic
d’hypoglycémie réactive (ou syndrome idiopathique post prandial) et faire évoquer une hypogly-
cémie organique.
Contrairement à l’hypoglycémie organique, les symptômes et leur mode de survenue sont facile-
ment décrits par les patients. Les circonstances de survenue des symptômes sont différentes de
celles de l’hypoglycémie organique : ils surviennent deux à trois heures après un repas, très rare-
ment à jeun et ne sont pas forcément calmés par la prise de sucre.
L’interrogatoire doit éliminer les causes d’hypoglycémies organiques : insuffisance surrénale, in-
suffisance antéhypophysaire, hypothyroïdie, médicaments hypoglycémiants, alcool, maladie chro-
nique grave.

15.1.2.2 Diagnostics différentiels


On éliminera à l’interrogatoire : un malaise vagal, une crise d’angoisse voire une attaque de pa-
nique...

15.1.2.3 Examens complémentaires


Le diagnostic d’hypoglycémie réactive ou syndrome idiopathique post prandial est essentiellement
un diagnostic d’interrogatoire. Une hypoglycémie authentique lors d’un malaise est très rarement
retrouvée. La présence d’une glycémie supérieure à 0.50 g/l au moment d’un malaise permet d’in-
firmer une hypoglycémie organique, mais n’élimine pas le diagnostic de syndrome idiopathique
post prandial.
Une hyperglycémie provoquée par voie orale sur 5 heures, était antérieurement demandée. Elle
pouvait retrouver une glycémie basse (≅ 1,05 g/l) vers la 2ème - 3ème heure avec retour spontané à
la normale, associée ou non à un malaise. Dans la mesure où elle est très mal corrélée à la survenue
spontanée des malaises et à la valeur des glycémies post prandiales physiologiques, son intérêt dia-
gnostique est aujourd’hui relativisé.

15.1.2.4 Traitement
Celui-ci repose avant tout sur une prise en compte par le médecin de la pénibilité des symptômes
rapportés par le patient. Ces symptômes étant réels, et en tout cas, réellement responsables d’un
mal-être, des solutions thérapeutiques doivent être proposées au patient même en l’absence d’hy-
poglycémie constatée sur les prélèvements. Ces mesures thérapeutiques peuvent associer :

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Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

— Des mesures diététiques : fractionnement des repas, diminution de l’apport en aliments d’in-
dex glycémique élevé, augmentation de l’apport en aliments d’index glycémique bas et en
fibres. Suppression de l’alcool.
— Une prise en charge psychologique avec recours éventuel à un traitement anxiolytique.
— Un traitement par bêtabloquants qui pourrait diminuer l’intensité des symptômes neurovégé-
tatifs.
— Un traitement par acarbose (GLUCOR) diminuant l’hyperglycémie post prandiale pourrait
être efficace.

La démarche à suivre devant une suspicion d’hypoglycémie est résumée tableau 4.

1999 - 2000 Diabétologie - Pr. A. Grimaldi 139/142


Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

Tableau 4 : conduite à tenir devant une suspicion d’hypoglycémie

Interrogatoire et examen clinique

— pas de médicament • médicaments hypoglyc. — description malaisée


hypogl. υ arrêt — à jeun ou après effort
— pas d’endocrinopathie • endocrinopathie clinique — symptômes neuroglyco-
— examen clinique normal υ test au synacthène péniques
— description aisée des immédiat — correction rapide par le
malaises υ T4, TSH sucre
— horaire post-prandial • ins. hépatique grave
— pas de symptômes neu- • alcoolisme
roglucopéniques • contexte auto-immun
υ Ac anti-insuline et
anti-récept. insuline
Suspicion d’insulinome
• syndrome tumoral

Pas d’arguments pour une


origine organique
hospitalisation pour épreuve
de jeûne

PAS DE BILAN

1. prise en charge diét. +


psy. + médicaments
2. ordonnance pour glycé-
mie lors d’un malaise

Suivi de l’évolution :
diminution de la fréquence, et
modification de la symptoma-
tologie des malaises

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Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

15.2 L’hypoglycémie chez le diabétique


Elle peut survenir chez le diabétique insulino-dépendant traité par insuline, ou chez le diabétique
non insulino-dépendant traité par insuline ou par sulfamides hypoglycémiants. En revanche, les bi-
guanides ne provoquent pas, en dehors d’un jeûne prolongé, d’hypoglycémies sévères. L’hypogly-
cémie est fréquente et grave, voire mortelle sur certains terrains : alcoolisme, insuffisance rénale,
insuffisance hépato-cellulaire, dénutrition, grand âge.
Les symptômes d’hypoglycémies sont les mêmes que ceux décrits précédemment : syndrome neu-
rovégétatif survenant à un seuil glycémique aux environs de 0.60 g/l puis symptômes neurogluco-
péniques survenant à un seuil glycémique inférieur à 0.50 g/l. Chez les patients diabétiques traités
à l’insuline, la répétition de malaises hypoglycémiques trop fréquents peut faire disparaître ou re-
tarder les symptômes neurovégétatifs perdant leur valeur d’alerte pour ne laisser persister que des
symptômes neuroglucopéniques.

15.2.1 Traitements
a. Chez un patient conscient et capable de déglutir
L’hypoglycémie doit être corrigée par l’apport de 15 g de sucre, soient 3 ou 4 morceaux de
sucre, ou 12.5 cl de jus de fruit. Cet apport glucidique doit être répété si la glycémie est infé-
rieure à 0.40 g/l.
Si le patient est traité par sulfamides hypoglycémiants, il faudra arrêter ou diminuer la poso-
logie de ce médicament et rechercher l’association à un médicament potentialisant l’effet des
sulfamides hypoglycémiants qui sont :
les salicylés, la phénylbutazone et apparentés, les sulfamides diurétiques et antibactériens
(BACTRIM), les anticoagulants coumariniques, et les AVK, l’allopurinol (ZYLORIC), le
clofibrate (LIPAVLON), la cimétidine (TAGAMET), le miconazole (DAKTARIN)...
La survenue d’un malaise hypoglycémique chez un patient traité par sulfamides hypoglycé-
miants n’entraîne pas l’hospitalisation à la condition :
1. qu’il n’y ait ni trouble de conscience ni trouble cognitif
2. que la cause du malaise hypoglycémique ait été identifiée
3. que la posologie du sulfamide hypoglycémiant ait été adaptée
4. que le patient ou son entourage soit apte à un auto-contrôle
5. qu’il existe un suivi médical régulier.
b. Chez un patient non conscient et/ou incapable de déglutir
Au domicile du malade et pendant le transport, on peut effectuer une injection intraveineuse
de 2 à 4 ampoules de glucosé hypertonique à 30 % avec installation secondaire de perfusion
de glucosé à 5 ou 10 %.
L’injection de GLUCAGON peut être réalisée chez le diabétique insulino-traité par voie intra-
musculaire ou sous-cutanée et au besoin être répétée dix minutes après une 1ère injection. Elle
est, par contre, contre indiquée chez le diabétique non insulino-dépendant traité par sulfa-
mides hypoglycémiants, car elle risque de stimuler la sécrétion endogène d’insuline.

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Hypoglycémie : Orientation diagnostique et conduite à tenir en situation d’urgence avec la posologie

15.2.2 Quand faut-il hospitaliser le malade ?


Dans tous les cas, s’il s’agit d’un diabétique non insulino-dépendant traité par sulfamides, car
l’hypoglycémie risque de réapparaître quelques heures après le traitement initial en raison de la du-
rée d’action prolongée des sulfamides hypoglycémiants. Il faut donc maintenir une perfusion de
glucosé à 5 ou 10 % pendant 24 à 48 heures.
Par contre, la survenue d’un coma hypoglycémique chez un diabétique insulino-dépendant
n’entraîne pas automatiquement l’hospitalisation. Il peut rentrer chez lui à condition :

— d’avoir du sucre sur lui


— de ne présenter aucun déficit neurologique et cognitif
— de ne pas vivre seul, ne pas rentrer seul chez lui
— de posséder du GLUCAGON et être entouré d’une personne qui saurait le lui injecter
— d’être bien éduqué sur la pratique de l’autosurveillance glycémique
— de connaître l’erreur commise à l’origine de ce coma hypoglycémique
— de revoir rapidement son diabétologue.

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