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LE MANAGEMENT ET LA COMMUNICATION : DE

L'INSTRUMENTALISATION À L'INTÉGRATION

Gilles Rouet

CNRS Éditions | « Hermès, La Revue »


© CNRS Éditions | Téléchargé le 16/02/2022 sur www.cairn.info via Ecole de Formation Psycho Pédagogique (IP: 81.250.243.222)

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2014/3 n° 70 | pages 111 à 114
ISSN 0767-9513
ISBN 9782271082619
DOI 10.3917/herm.070.0111
Article disponible en ligne à l'adresse :
--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2014-3-page-111.htm
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Le management et la communication :
de l’instrumentalisation à l’intégration
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Communication et management semblent indisso- Les entreprises des Temps modernes évoluent
ciables, aussi bien au niveau des pratiques que des ana- ensuite et prennent en compte les facteurs sociaux et
lyses. Les managers sont devenus des « communicants », de motivation : des salariés « satisfaits » sont plus per-
utilisateurs d’instruments, de dispositifs et de processus formants. Pour Elton Mayo (1933), la coopération et
de communication considérés, en particulier à partir l’exercice des créativités sont des sources d’amélioration
des années 1980, comme fondamentaux d’une recherche des productivités. Il est donc nécessaire de tenir compte
d’excellence (Peters et Waterman, 1983) ou, plus tard, des aspects informels (et communicationnels) au sein
comme solutions aux « crises » du management. des organisations, dans le sillage des travaux des psy-
Un « allant de soi » donc, qui pourtant ne se tra- chosociologues (Bavelas, Lewin, etc.). Trente ans plus
duit pas massivement dans les travaux de recherche en tard, Douglas McGregor prolonge cette analyse et pré-
sciences de gestion. En effet, ceux-ci ont surtout ana- conise une amélioration du contrôle avec une démarche
lysé les relations fonctionnelles de la communication au participative. Il ne s’agit cependant pas d’une remise en
sein des organisations qui, avant de devenir « commu- cause de l’organisation industrielle, mais d’élargir la
nicantes », ont instrumentalisé la communication, en conception de la communication qui n’est plus limitée
particulier pour le contrôle, la motivation des salariés à la transmission d’informations dans un cadre formel.
ou encore la coordination au fil de l’évolution des pra- Il convient alors, une fois l’implication de chaque acteur
tiques et des concepts. reconnue, de tenter de contrôler l’ensemble des inte-
ractions formelles et informelles, en particulier en ins-
tallant des dispositifs de gestion des communications
De la communication comme outil ascendantes et en canalisant les latéralités.
de contrôle… Herbert Simon, en 1947, propose un nouveau
schéma d’analyse qui permet de faire la synthèse de
Dès le début du xxe  siècle, Frederick Winslow la conception classique de l’entreprise, mécanique de
Taylor (1911) préconise une organisation scientifique production, et des propositions de l’école des relations
du travail ; puis Henri Fayol (1918) décrit un système humaines visant à prendre en compte l’informel pour
de division du travail avec spécialisation des fonctions augmenter la motivation – et donc l’efficacité – des
et séparation des pouvoirs. La communication est alors ­salariés.
intégrée comme instrument de contrôle, indispensable La théorie de la décision s’appuie sur une analyse
outil permettant la coordination et le fonctionnement des organisations en termes d’information, d’une part,
même des modèles. Une conception classique prévaut et d’influence, d’autre part. Toute décision s’inscrit dans
alors : la communication est descendante et se limite le cadre de la rationalité limitée et les organisations
à une transmission rationnelle d’informations dans le doivent tenir compte des coûts d’information comme
cadre d’une organisation ­hiérarchique. des intérêts divergents. Ces derniers déterminent

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l’implantation de processus particuliers visant à les munication, toujours instrumentalisée, est intégrée
accorder. « À l’évidence, il ne saurait y avoir d’organisa- comme un phénomène complexe, multidimensionnel,
tion sans communication, car le groupe ne disposerait indispensable pour les transmissions d’informations
alors d’aucune possibilité d’infléchir le comportement qui peuvent poser problème comme pour le renforce-
des individus. » (Simon, 1983) ment de la motivation des acteurs. La communication
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La communication, en termes de processus indis- est aussi liée, dans ce cadre, à des logiques d’adaptation
pensable à la fois pour les prises de décision et les trans- qui deviennent fondamentales alors que l’entreprise
missions de ces décisions, n’est dès lors plus un élément commence à devenir « proactive », dans des démarches
relativement extérieur ou complémentaire aux logiques d’apprentissage, ce qui préfigure le modèle de l’organi-
de gestion des entreprises, mais devient un élément sation apprenante qui apparaît quelques décennies plus
constitutif du management. Les managers doivent en tard.
effet non seulement veiller à produire des informations
descendantes adaptées, mais aussi prévoir de les expli-
quer et mettre en place des dispositifs de gestion des
… à la communication comme
remontées d’information, préalable organisationnel aux élément central de l’organisation
prises de décision.
Il s’agit bien d’un changement de paradigme qui, Dans le même temps, alors qu’il ne suffit plus de
en proposant une nouvelle analyse des organisations produire pour vendre, le marketing devient commu-
centrée sur les décisions, incite au développement des nicant : il faut rechercher des informations (études de
circuits et réseaux de communication tout en accordant marché), répondre aux désirs des clients (relations de
un nouveau statut à l’information, que ce soit dans les service, service après-vente), communiquer sur les pro-
réseaux formels ou informels de l’entreprise. Les orga- duits (avec une évolution de la réclame vers la publicité)
nisations doivent ainsi mettre en place des routines qui et cultiver les relations publiques (sponsoring, mécénat,
permettent de mieux faire face aux incertitudes, de mais aussi lobbying). Un âge d’or, donc, de la commu-
diviser les processus de décision entre plusieurs acteurs nication au sein des entreprises, même si, malgré une
pour plus d’efficacité et de limiter le risque d’erreur dans prise en compte croissante des remontées d’information
cette théorie basée sur la rationalité procédurale. de l’opérationnel au stratégique, le service « communi-
Ainsi, la relation entre management et commu- cation », ouvert à l’extérieur, reste un service à part.
nication se transforme radicalement, en interne prin- Cependant, l’apport de l’analyse systémique
cipalement, non seulement avec le dépassement du contribue à une évolution conceptuelle et pratique.
« formel » et la prise en compte – voire la canalisation L’entreprise devient une organisation complexe ouverte
– de phénomènes qui « échappent » au dirigeant, mais sur son environnement pour laquelle la communication
surtout parce que la communication est désormais for- – en pratique, concept et processus – est doublement
malisée dans une logique organisationnelle qui génère intégrée : ce caractère d’ouverture du système impose
des pratiques de contrôle (Crozier et Friedberg, 1977). une adaptation permanente aux conditions externes
La nature des informations fait l’objet d’interrogations et la structure a besoin d’une coordination interne. Le
et c’est bien le modèle mécaniste qui disparaît au profit modèle de l’organisme supplante celui de la machine et
d’un modèle plus « ingénieural » dans lequel la com- l’entreprise devient contingente. Avec Henry Mintzberg

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(1982), la communication, en tant que mécanisme de idée » (Taylor, 1988). L’entreprise communicante serait
coordination, devient un élément fondamental de la alors principalement un système de communication. Il
structure. s’agit bien de réfléchir en termes de réseaux et d’usages,
Pour autant, le xxe  siècle apporte peu d’analyses de relier recherche de performance et participation,
qui dépassent le cadre fonctionnel pour la communica- d’inscrire l’entreprise dans les réalités communication-
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tion, de facto reléguée au statut de réalité secondaire par nelles, en conceptions comme en pratiques.
rapport à l’essence même de l’organisation.
Annie Bartoli (1990) cherche à identifier les condi- Si les analyses instrumentales de la communication
tions de mise en œuvre d’une « communication orga- semblent bien dépassées – la communication n’étant
nisée dans une organisation communicante », dépassant plus considérée ni comme un moyen ni comme une
ainsi une analyse des méthodes et des fonctions com- conséquence en particulier des évolutions des structures
municationnelles et cherchant surtout à mettre en –, cette conception d’une organisation construite par la
perspective les enjeux de la communication avec l’évo- communication, à travers les interactions des acteurs,
lution des structures, pour rompre, en particulier, avec semble bien en phase avec l’évolution des moyens (et des
les préconisations incantatoires (« il faut communiquer usages) de communication à la fin du siècle dernier, alors
plus »). Au sein de cette organisation communicante, où que clients, citoyens et consommateurs s’organisent en
les communications interne et externe s’articulent en réseaux. Dans ce contexte, révolution ou adaptation,
complémentarité, « un raisonnement relatif et temporel mirage ou réalité, le management s’assume comme pra-
[…] s’impose : on communique pour ou sur […]. Toute tique, posture communicationnelle qui reste, toujours, à
autre ambition globale n’est-elle pas une gageure pure et la recherche de son efficacité.
simple ? » (Bartoli, 1990)
Cette analyse rejoint en partie les approches com- Gilles Rouet
municationnelles des organisations, depuis les années Universités de Reims Champagne-Ardenne
1980, en rupture avec les modèles précédents. « En et de Versailles St-Quentin-en-Yvelines
dehors de la communication, l’organisation n’est qu’une

R éférences bibliographiques

Bartoli, A., Communication et organisation, pour une politique March, J. G. et Simon, H. A., Les Organisations. Problèmes psy-
générale cohérente, Paris, éditions d’Organisation, 1990. chosociologiques, Paris, Dunod, 1965.
Crozier, M.  et Friedberg,  E., L’Acteur et le système : les Mayo,  E., The Human Problems of an Industrialized Civiliza-
contraintes de l’action collective, Paris, Seuil, 1977. tion, New York, Macmillan, 1933.
Bertalanffy, L.  (von), Théorie générale des systèmes, Paris, McGregor, D., The Human Side of Enterprise, New York, Mac-
Dunod, 1973. Graw-Hill, 1960.
Fayol, H., Administration industrielle et générale, Paris, Dunod, Mintzberg,  H., Structure et dynamique des organisations,
1918. Paris, éditions d’Organisation, 1982.

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Gilles Rouet

Mintzberg,  H., Le Management : voyage au centre des Taylor, F.  W., The Principles of Scientific Management, New
organisations, Paris, éditions d’Organisation, 1990. York, Harper & Brothers, 1911.
Peters, T.  et Waterman,  R., Le Prix de l’excellence, Paris, Taylor, J. R., Une Organisation n’est qu’un tissu de communi-
Dunod, 1983. cation : essais théoriques, Montréal, université de Montréal, coll.
« Cahiers de recherches en communication », 1988.
Simon, H.  A., Administration et processus de décision, Paris,
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Economica, 1983.

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