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Couple et Famille : Étude comparative des systèmes

juridiques français et marocain


Dyaa Sfendla

To cite this version:


Dyaa Sfendla. Couple et Famille : Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain.
Droit. Université de Toulon, 2016. Français. �NNT : 2016TOUL0110�. �tel-02485193�

HAL Id: tel-02485193


https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02485193
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teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
École doctorale n° 509 Civilisations et Sociétés euro-méditerranéennes et
comparées

FACULTE DE DROIT DE TOULON

Centre de Droit et Politique Comparés


Jean-Claude Escarras (UMR-CNRS 7318 DICE)

couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et
marocain

Thèse pour le Doctorat en droit privé


présentée et soutenue publiquement le 20 mai 2016 par

Dyaâ SFENDLA

JURY

Monsieur Hubert BOSSE-PLATIERE,

Madame Mélina DOUCHY-OUDOT, Toulon (Directeur)

Monsieur Vincent ÉGEA, -Marseille

Madame Dominique FENOUILLET, de Paris II, Panthéon-Assas

Monsieur Abdallah OUNNIR, Professeur à


Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à mon directeur de
thèse, Madame le professeur Mélina Douchy-Oudot. Un grand merci

au long de ces années.

Je tiens également à remercier le doyen Pierre Sanz de Alba pour sa


disponibilité et ses précieux conseils durant les premières années de ce
travail.

Je remercie Madame le professeur Dominique Fenouillet et Messieurs


les professeurs Vincent Égéa, Hubert Bosse-Platière et Abdallah Ounnir
ury de soutenance de cette
thèse.

tes les personnes qui, de près


Merci aux
membres du Centre de droit et de politique comparés Jean-Claude
Escarras pour leur aide et leur soutien. Un grand merci à toi Catherine.
À mes parents,
À ma famille,
À mes amis,
improbation aux opinions
émises dans cette thèse qui demeurent propres à leur auteur.
TABLE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

APIE
AJ. fam. Actualité juridique famille
al. Alinéa
A.N. Assemblée nationale
Arch. philo. dr. Archives de philosophie du droit
art. Article
Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
CA
C.E.
C.G.I. Code général des impôts
CPC Code de procédure civile
Cass. plén. Cour de cassation, assemblée plénière
ch. mixte Cour de cassation, chambre mixte
ch. réunies Cour de cassation, chambres réunies
chr. Chronique
circ. Circulaire
C. civ. Code civil
C. com. Code du commerce
CEDH
CJCE Cour de justice des communautés européennes
CJUE Cour de just
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Civ. 1ère Cour de cassation, première chambre civile
Civ. 2ème Cour de cassation, deuxième chambre civile
Civ. 3ème Cour de cassation, troisième chambre civile
CMF Code marocain de la famille
Com. Cour de cassation, chambre commerciale
Comm. EDH
coll. Collection
concl. Conclusions
Cour EDH
C. cass. maroc. Cour de cassation marocaine (après 2010)
C. cass. tun. Cour de cassation tunisienne
C. pén. Code pénal
Cour supr. Cour suprême (marocaine, avant 2010)
Comp. comparez
Cons. constit. Conseil constitutionnel
contra solution contraire
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
CSP Code du statut personnel
CSS Code de la sécurité sociale
D. Décret
D. Recueil Dalloz
DCC Dahir sur la condition civile des français et étrangers au Maroc
Defrénois Répertoire du Notariat Defrénois
Doc. A.N. Document parlementaire Assemblée nationale
Doc. Sénat Document parlementaire Sénat
GACEDH Les grands arrêts de la Cour européenne des

Gaz. pal. La gazette du palais


gde ch. Grande chambre de la Cour européenne des

ibid ibidem
infra voir ci-dessous
JAF Juge des affaires familiales
J.-Cl. civ. Jurisclasseur de droit civil
JCP, éd. E Jurisclasseur périodique - édition entreprise
JCP, éd. G Jurisclasseur périodique - édition générale
JCP, éd. N Jurisclasseur périodique - édition notariale
JDI Journal de droit international (Clunet)
J.O Journal officiel
NCPC Nouveau Code de procédure civile
n° numéro
op. cit. opere citato
p. page
pan. panorama
LPA Les petites affiches
précit. précité
PUF Éditions des Presses universitaires de France
Rapp. Cass Rapport annuel de la Cour de cassation
RCADIP
international privé La Haye
Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé
Rép. civ. Dalloz Dalloz (encyclopédie) civil
Rép. min. Réponse ministérielle
Rap. Rapport
Rev. dr. fam Revue droit de la famille
Rev. dr. éco.
Rev. dr. soc. Revue de droit social
Rev. tun. dr. Revue tunisienne de droit
RIDC Revue internationale de droit comparé
RJPF Revue juridique Personnes et Famille
Rev. Lamy dr. civ. Revue Lamy droit civil
RRJ Revue de la recherche juridique
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen
RTDH
Rev. dr. sanit. soc. Revue trimestrielle de droit sanitaire et social
saw Salutations et paix sur lui
s. Et pages suivantes
S. Recueil Sirey
Soc. Cour de cassation, chambre sociale
spéc. spécialement
supra voir ci-dessus
t. Tome
TGI Tribunal de grande instance
TI
TPI Tribunal de première instance
V. voir
V° verbo au mot
GLOSSAIRE

Adoul Notaire traditionnel chargé de la célébration des mariages


au Maroc

Charia
sources scripturaires sacrées auxquelles adhèrent les
musulmans : le Coran et la sunna. La charia désigne aussi
le corpus de textes juridiques élaborés par la doctrine
islamique et sur lequel se fonde le juriste musulman.

Dahir Décret royal.

Fatwa
précis par un savant du droit musulman de rang élevé, soit
du même pays soit du rite auquel il se rattache.

Fiqh prudence) telle que


comprise par les hommes et traduite juridiquement par eux.

Firach
littéralement « le lit conjugal ».

Hadana

Hadith Propos ou récit attribué au Prophète Mohamed (saw) et


re

Toutes les traditions rapportées ne sont pas acceptées par la


Science des hadiths. Seules les traditions dites authentiques
(confirmées par la transmission) constituent des sources
principales.

Ijtihad Effort de compréhension du message divin qui consiste

Nikah Désigne à la fois le mari

Ouléma Ou imam

Umma Communauté des musulmans au-delà de leur nationalité.

Ssolh Processus visant à remettre en fonction ce qui ne fonctionne


plus.
Sunna Tradition du Prophète (saw) est-à- nsemble des
faits et gestes, des approbations implicites ou explicites qui
lui sont attribués et rapportés dans les hadiths.

Talaq Dissolution unilatérale du mariage par le mari traduite dans

Tatliq
Ne peut avoir lieu que devant un tribunal et dans des cas
bien définis et limités.

Waliy Tuteur matrimonial.


SOMMAIRE

Introduction

PREMIERE PARTIE

LA PRIVATISATION DES LIENS DE FAMILLE

TITRE 1- LE LIEN MATRIMONIAL FONDEMENT DU LIEN FAMILIAL


Chapitre 1- Une conception de la famille commune aux deux rives de la Méditerranée
Chapitre 2- Une conception de la famille renouvelée

TITRE 2- LE LIEN FAMILIAL DETACHE DU LIEN MATRIMONIAL


Chapitre 1- Du lien familial au lien parental
Chapitre 2- Du lien familial aux liens familiaux

SECONDE PARTIE

LA DEMATRIMONIALISATION DES LIENS DE FAMILLE

TITRE 1- LA CONSECRATION JURIDIQUE DE NOUVELLES CONJUGALITES


Chapitre 1- -mariage dans le Code civil
Chapitre 2- Une exportation du modèle familial français outre-méditerranée

TITRE 2- LA METAMORPHOSE JURIDIQUE DE LA PARENTE


Chapitre 1- inhérente à la procréation
Chapitre 2-

Conclusion générale
INTRODUCTION

« Le droit de la famille est un droit original car il se nourrit de données humaines (il
régit les comportements humains les plus intimes), de données scientifiques
e (le
droit de la famille est construit sur de valeurs : valeurs morales hier, étroitement
universelles
droits et libertés fondamentaux). Il est également original par sa dimension
symbolique

une boussole pour les individus ohésion


sociale »1.

1. Couple et Peut-on réellement imaginer parler du


couple2 ? Toutes les histoires conjugales ne sont-elles pas des histoires
-on encore sérieusement parler de famille
? Le couple ne serait alors que
. Le mystère
est une entreprise tout
»3, et que « le thème
conjugal évoque trop de choses pour chacun, et chacun le voit à travers un regard trop
»4. propos
«

1
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 5ème éd., 2016, p. 42, spec.
n° 54, et p. 66, n° 97.
2
Il semblerait que la première utilisation du mot « couple
vers les années 1150. Cf. A. WALCH, Histoire du couple en France, Rennes, éd. Ouest-France, 2003.
3
A. WALCH, Histoire du couple en France, op. cit., p. 10.
4
Ibid., p.10.

1
Introduction

ctible à aucune analyse »1. Le droit laisse de côté la question


relative aux sentiments2 pour traiter avec objectivité celle des liens3.
2. Couple et famille, une histoire de liens. Le couple et la famille sont une réalité
vécue par tous. Elle renvoie à la structure familiale propre à chaque individu et dans
laquelle la plupart se projette. Le terme « couple » se distingue cependant du terme
« famille ». Le sens étymologique du mot « couple » renvoie au latin copula au sens de
« lien, liaison, groupe de deux ». Au féminin, le terme
correspond au « lien servant à attacher deux ou plusieurs animaux de même espèce ».
erme « homme et la femme unis par des
relations affectives, physiques ». Depuis peu, et par extension, le couple peut également
être constitué de « deux personnes du même sexe vivant ensemble, et unies par des liens
affectifs, physiques »4 volontairement deux
individus,

même dictionnaire de référence décline sous diverses occurrences ce terme, selon le temps
et le lieu. I de « l ensemble des personnes (enfants, serviteurs, esclaves, parents)
vivant sous le même toit, sous la puissance du pater familias », comme il peut également
personnes « unies par le sang » par « le mariage, la filiation ou,
excep adoption ». Enfin, la famille peut désigner la « succession des
individus qui descendent les uns des autres, de génération en génération ». Le terme est
pluriel, mais il renvoie ée de groupe (plus de deux
personnes) dont les individus semblent être liés entre eux de façon pérenne.
3. Couple et famille, des notions pluridisciplinaires. intuitives, les notions
de couple et de de nombreuses études scientifiques et se
retrouvent au carrefour de plusieurs disciplines dont les objectifs varient. Les historiens5

systèmes familiaux. La psychanalyse se concentre


son psychisme à partir du couple et de sa famille.
1
M. DOUCHY-OUDOT, « Propos impertinents sur »,
Jean HAUSER, Dalloz, 2012, p. 81.
2
Monsieur le professeur Jean HAUSER affirmait, à juste raison, que «
d ». Cf. J. HAUSER, « Amour et
liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 73. V.
le professeur TERRE « Fait-on du bon droit avec de bons sentiments », in . Exercices
, C. PUIGELIER, F. TERRE (dir. de), éd. Mare&Martin, 2015, pp. 19-20. Pour Madame le professeur
FENOUILLET
FENOUILLET,
Droit de la famille, Paris, Dalloz, 2013, p. 44.
3
É. PAILLET, « Liens personnels, liens de famille », in Des liens et des droits -
Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 433-443.
4
P. ROBERT, Le grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, par A. REY, éd. Le Robert, 2008, V° Couple.
5
A. BURGUIERE, C.F. KLAPISCH, M. SEGALEN et alii (dir. de), Histoire de la famille, Paris, Armand Colin, 1986.

2
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cette cellule comme unité de production pour peremttre la mise en place de politiques
familiales adaptées1. La psychologie le rôle
2
de la famille . Si la sociologie observe la
3
,
à sa source, tandis que le droit, dans la vocation de
réglementation des rapports sociaux qui lui est dévolue, se propose établir un lien
juridique entre les membres . En dehors de ce lien que lui seul peut
instituer, point de famille ni de couple au sens juridique du terme et, par conséquent, point
bligations. Neurobiologistes4, sociologues5, anthropologues6, démographes7
et juristes se sont également intéressés au phénomène familial de la manière la plus large
qui soit.
Après quelques précisions liminaires nécessaires au cadre général de cette recherche (I), il
II). Le recours au
droit comparé permettra de révéler les différences et points communs de deux traditions
juridiques différentes et constituera la méthode de recherche privilégiée dans cette étude
(III).

I. CADRE GENERAL DE L ETUDE

4. Le Maghreb constitue le premier ensemble


8
francophone au monde, dont les pays présentent un nombre important de similitudes. Tant
du point de vue religieux, historique, culturel ou encore linguistique, les trois pays qui le
forment se retrouvent au carrefour de la mer Méditerranée. Cette position stratégique est, à
bien des égards, déterminante dans la perspective comparée tant de leurs droits entre eux,
. Dans ce contexte, le système
français, de tradition juridique civiliste faisant partie de la famille des droits romano-
germaniques, système juridique
maghrébin. Bien que ces pays

1
En ce sens, V. le dossier dans la Revue droit de la famille « Analyse économique du droit de la famille », 2015,
n° 10.
2
C. HALPERN, J.-C. RUANO-BORBALAN, Identité(s). , éd. Sciences humaines,
2004.
3
F. DE SINGLY, , éd. Arman Colin, 2003 ; P.-Y.
CUSSET, Le lien social, Armand Colin, 2007.
4
J.-D. VINCENT, La biologie du couple, éd. Robert Laffont, 2015.
5
C. CICCHELLI-PUGEAULT, V. CICCHELLI, Les théories sociologiques de la famille, éd. La Découverte, 1998.
6
C. LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, PUF, 1949.
7
L. ROUSSEL, La Famille incertaine, éd. Odile Jacob, 1989.
8
petit » Maghreb, en opposition au « grand Maghreb arabe » lequel inclut la
Libye et la Mauritanie.

3
Introduction

comparé « le système islamique »1 que tout semble éloigner du droit français, force est de
constater que la structure du système juridique frança est pas totalement étrangère aux
2
pays du Maghreb . Les trois pays ont été, au début du siècle dernier, soit sous protectorat
français (le Maroc et la Tunisie), soit purement et simplement un département français
Surtout, au lendemain des indépendances, les structures juridiques françaises
mises en place y ont, pour la plupart, été conservées3 malgré quelques réticences dues au
sentiment nationaliste4. Il est vrai que le domaine des relations

religion musulmane. Pourtant, le simple contact


droit totalement laïcisé quences5. Pour toutes ces raisons, l
géographique privilégiée dans cette étude est celle du Maghreb, le choix ayant été fait de
privilégier le droit marocain dans le processus même de comparaison. En effet, le Maroc

chose jusque là inédite dans le droit des pays son


homologue marocain en 2005, les modifications apportées ne semblent pas comparables à
législateur marocain.
5. L Couple et Famille ».
importance aux deux termes du sujet que sont le couple et la famille. Conscients de la
des mots, le
de ce
qui est étudié
mieux la fiabilité de la compréhension des mots est au centre de cette étude. Comme le
remarquait Gérard CORNU, «
sens juridiques. Le phénomène est irréductible. En droit aussi, le nombre des signifiés est
infiniment plus élevé que celui des signifiants, les notions juridiques, beaucoup plus
nombreuses que les mots pour les nommer. Même la néologie ne compense pas la

1
A. GAMBARO, R. SACCO, L. VOGEL, Paris, LGDJ-Lextenso, 2011 ;
G. CUNIBERTI, Grands systèmes de droit contemporains, Paris, LGDJ, 2ème
également de « droit musulman » : R. DAVID, C. JAUFFRET-SPINOSI, Les grands systèmes de droit
contemporains, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2002.
2
Pour tout ce qui concerne le droit des obligations notamment, le fond du droit y est similaire, et la
lumière des décisions de la Cour de cassation
française. R. LEGEAIS, Grands systèmes de droit contemporain, Approche comparative, Litec LexisNexis, 2ème
éd., 2008, p. 244.
3
V. M.J. ESSAID, , Rabat, Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le
développement Socio-Économique, avec le concours de la Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque
Populaire, 4ème éd., 2010.
4

5
V. infra, n° 90.

4
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

disproportion car la puissance analytique est un trait accentué de la pensée juridique qui
divise, subtilise, distingue sans fin »1.
6. Un intitulé au singulier. L Couple et
Famille indifférent
dans toute leur factualité2 Couples et des
3
Familles ». Pourtant, face à la pluralité des formes de vie en couple et de familles, le souci

Ce parti pris ne nie pas hui


consacrée des familles et des couples conjugaux tout au long de
justifié ce choix vers un intitulé au singulier
droit interne pure, voire de droit européen et communautaire avait été privilégiée dans cette
étude, il aurait été possible de saisir le couple et la famille dans leur réalité plurielle et

u système juridique de comparaison, le souci de

conception qui y a cours. Or, le couple maghrébin ne saurait être autre chose que marié, la
famille étant légitime ou n pas. Le singulier ou le pluriel prend alors
important.
7. du sujet
« Couple et Famille » pourrait paraître indéterminée pas accompagnée de
« ». Il ressort de la littérature juridique relative aux études
portant sur une « » que, très souvent, «
inutile qui ne recèle aucune orientation vers la recherche conceptuelle annoncée »4. Couple
et famille ne sont pas que notionnels. La véracité scientifique supposait le
intitulé ouvert sur
comparative.
8. Un contenu substantiel déterminé. Si la plupart des branches du droit privé font
référence à la notion de couple5, étude est cependant
restreint au droit civil, particulièrement aux relations personnelles du couple. La
démonstration proposée concerne essentiellement le droit extrapatrimonial de la famille

1
D. ALLAND, S. RIALS (dir. de), Entrée « linguistique juridique », in Dictionnaire de la culture juridique, sous
Les rapports des mots et du droit, Lamy-Puf, 2003, p. 954.
2
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012.
3
J.-J. LEMOULAND, « Le pluralisme et le droit de la famille, post-modernité ou pré-déclin ? », D., 1997, chr.
133 ; « Le couple en droit civil », Rev. dr. fam., 2003, chr. n° 22, pp. 11-16 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À
propos du pluralisme des couples et des familles », LPA., 28 avril 1999, n° 84, p. 29.
4
C. JARROSSON, , Paris, 1987, LGDJ, p. 25.
5
A.-M. GILLES, Le couple en droit social, Paris, Economica, 1997.

5
Introduction

1
. Le droit patrimonial, notamment le domaine des
successions ou encore des régimes matrimoniaux ne sera abordé q
. Par exemple, évoquer le régime primaire des
époux sans aborder la question des charges du ménage ou celle touchant à la solidarité du
pècherait par son incomplétude. De même, prétendre expliquer
contemporaine du droit marocain sans revenir sur les raisons
du droit successoral présenterait le même écueil. Bien que cette seconde dimension ne
, un recours ponctuel aux éléments du droit
patrimonial a été nécessaire par souci de pertinence et de clarté du propos.
9. Une approche simultanée du couple et de la famille. Traiter en droit du couple
2
et de la famille ce que cette dernière est de
-, conjuguée aux spécificités qui y sont attachées selon
les traditions juridiques en font devant être mis en contemplation de
xuel par la loi
du 17 mai 2013 en France illustre ce face à face nécessaire du couple et de la famille. Cet
épiphénomène rend compte de toute une (r)évolution familiale.
10. Un jeu de miroirs entre les deux rives de la méditerranée. L
3
françai révèle les contradictions autant
que les atouts des conceptions renouvelées du couple et de la famille. La comparaison avec
les pays européens voisins slation
française, de connaissance du droit étranger, voire de rapprochement des législations

familiale issue droit musulman suggère une tout autre

construire un pont pour favoriser une communicabilité4 entre deux systèmes juridiques5
différents. Inhabituelles, les raisons comparée sont nombreuses. Dans
un premier temps, les études privilégiant une approche comparée droit occidental/droit
musulman de la famille sont encore peu nombreuses. L
u droit international privé,

1
A.-M. LEROYER, « Les nouveaux liens de famille : entre idéalisme et réalisme », in Les nouveaux rapports de
droit, E. JEULAND, S. MESSAÏ-BAHRI, Paris, RJS éd., t. 39, pp. 129-142.
2
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Dalloz Action, Paris, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.12, p. 3.
3
J.-J. LEMOULAND, « Quel apport du droit comparé au droit français des personnes et de la famille ? », in
Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 329-349.
4
V. en ce sens : La communicabilité entre les systèmes juridiques, Liber amicorum, Jean-Claude ESCARRAS,
Bruxelles, Bruylant, 2005.
5
En ce sens, V. les actes du colloque « La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb »
dans la Revue de droit de la famille, 2015, sept., n° 38, spec. B. AZZEMOU, « Difficultés de connaissance des
institutions familiales étrangères : les difficultés liées à la diversité des sources du droit algérien ».

6
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

système juridique français1. P divergences des deux systèmes


sans i rechercher
éloigne de la démarche comparative. Cette attitude favorise une réception à sens unique
contexte de « consommation culturelle »2, la
plupart des études menées tant au Nord
le droit français de la famille à la lumière du droit des pays européens voisins 3, de la même
manière que le droit de la famille marocain constitue, depuis la dernière réforme
législative, le pays avant-gardiste du sud de la médite
autres législations moins avancées4 de la même tradition juridique. Cette sclérose de deux
modèles si proches géographiquement mais que tout condamne à éloigner a été un élément
décisif dans la
comparable, afin de dégeler une conception des relations familiales ici et là, largement
gouvernées par la méconnaissance et les préjugés.
11. Une connaissance mutuelle à parfaire. Le processus même de connaissance de

« installer un jeu de
s, où les rapports entre les acteurs du transplant
les porteurs des modèles juridiques occidentaux- et les acteurs du retour -ceux qui
revendiquent leurs différences culturelles- se contaminent »5.
professeur Jean HAUSER, « quand deux pays veulent se pencher sur la réception réciproque
-

et pour ind être reçu


o

1
V. en ce sens : R. EL HUSSEINI-BEGDACHE, Le droit international privé et la répudiation islamique, Paris,
LGDJ, 2002 ; H. BOUCHAREB-CASSAR, Conséquences des ruptures conjugales entre Nord et Sud de la
Méditerranée ZAHER, qui a envisagé tant la
réception des institutions islamiques dans les pays non-musulmans, que la situation des non-musulmans dans les
pays de tradition islamique. Cf. K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, Paris,

2
W. CAPELLER, « Droits infligés et chantiers de survivances : de quel lieu parle ton ? », in Une introduction
aux cultures juridiques non occidentales : Autour de Masaji CHIBA, W. CAPELLER, T. KITAMURA (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 15.
3
: A.-C. REGLIER, , Thèse, Aix-Marseille, 2013 ;
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, Paris, LGDJ, 2013 ; L. MONTILLET
DE SAINT PERN, La notion de filiation en droit comparé, Thèse, Paris II, 2013.
4
Entre autres : F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : d ,
Marseille, PUAM, 2008 ; S. PAPI, ;
M. MONJID, : Maroc,
Algérie, Tunisie CHAFI, Les
rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français et du droit marocain, Thèse, Paris II, 1989.
5
W. CAPELLER, « Droits infligés et chantiers de survivances : de quel lieu parle ton ? », art. precit., p. 17.

7
Introduction

»1.
12. La perspective comparatiste apporte une

celle-ci doit être comprise non comme une théorie générale du droit national mais

la civilisation humaine,
fournirait les éléments communs à différents droits, pour mettre en évidence
comparé de la diversité des institutions et servir de base à une
compréhension mutuelle.

II. ÉVOLUTION DU COUPLE ET DE LA FAMILLE EN DROIT


13. Existence de mutations profondes. Les processus et les problèmes élémentaires
du droit et de la vie sont . À cet
égard, le professeur Del VECCHIO a pu écrire que «
humain (qui) rend possible et fructueuses les communications de peuple à peuple »2 car le

vérifie particulièrement en droit de la famille. Le problème de son


pose en des ter société donnée, se
pose aussi, bien que de manière différente, au Maroc et dans les pays de tradition
islamique. Monsieur le professeur Mohamed CHAFI,
Doctorat en 1989 -portant sur Les rapports juridiques entre époux3- faisait remarquer que

dans sa structure et sa fonction en raison des transformations que subit la société 4.


mation semble relever de la banalité Et pourtant, les tenants
-musulmane ne cessent de
réduire cette structure à ses institutions les plus controversées telles la polygamie ou encore
u droit de la famille est telle que ces
au Maroc en tous cas- à des v
et seul le respect dû à la source religieuse du droit en empêche la suppression dire
que de telles institutions ont, à leur tour aussi, nécessairement subi les transformations
L

1
J. HAUSER, « La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb », Rev. dr., fam., 2015, sept.,
n° 51.
2
G. DEL VECCHIO, « « Les bases du droit comparé et les principes généraux du droit », in Humanité et Unité du
droit. Essais de philosophie juridique, par G. DEL VECCHIO, Paris, LGDJ, 1963, p. 16.
3
M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français et du droit marocain, op.
cit.
4
Ibid., p. 14.

8
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la famille mérite une attention globale qui ne se limite pas à ces institutions. Les mutations
en question sont au demeurant perceptibles en droit français (1) et en droit marocain (2).

1. En droit français

14. e la notion de couple. Réalité initialement sociale, l


1
de la notion de couple est récente en droit de la famille. Les travaux universitaires
portaient, avant la consécration de cette notion en 1999, sur le mariage et la famille de
façon plus large, voire sur les concubinages. apparition tardive du couple réside à bien
2
des égards, au fait que celui-ci
fondait. Celui-ci était le préalable nécessaire à la fondation de la famille 3 et non une fin en
soi. Ce modèle dominant a longtemps re et était exclusif de
toute autre configuration.
À la fin du siècle dernier, la loi du 15 novembre 19994 reconnaissant le concubinage et
portant création du Pacte civil de solidarité introduit dans le Code civil un article 515-8
disposant que « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune
présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent
ou de même sexe, qui vivent en couple ». Avec cette loi, le législateur hisse au rang
législatif une f e au profit du seul
mariage et dans le même temps reconnaît que le couple, en droit français, peut être formé
de deux personnes de même sexe. La rupture droit de la famille classique
sera conséquente. À la famille légitime autrefois valorisée par le Code napoléon a succédé
une famille constituée un couple, marié ou non, de sexe différent ou de même sexe. Ce
changement de perspective du droit de la famille5 fait suite au développement de la vie en
couple en dehors du cadre marital. Il a eu pour prémisse les concubinages6 et a coexisté
avec les unions conjugales.

1
C. BRUNETTI-PONS, La notion juridique de couple, Paris, Economica, 1998 ; H. LECUYER, « La notion
juridique de couple », Rev. dr. et patrim., 1997, n° 53, p. 62-65; J.-J. LEMOULAND, « Le couple en droit civil »,
Rev. dr. fam., 2003, chron. 22.
2
V. néanmoins : Le droit non civil de la famille, Préf. J. CARBONNIER, PUF, Publications de la Faculté de droit
et des sciences sociales de Poitiers, 1993.
3
Sur cet aspect, V. D. FENOUILLET, « De la vertu familiale naturelle du mariage », in Le discours et le Code,
Portalis, deux siècles après le Code Napoléon, Paris, LexisNexis Litec, 2004, pp. 127-137 ; V. aussi J. HAUSER,
« Une république familiale », in Le discours et le Code, op. cit., pp. 139-149.
4
L. n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au Pacte civil de solidarité, J.O, 16 nov. 1999, p. 16959.
5
C. BRUNETTI-PONS Rev. dr. fam., 2003, n° 5, chr.
n° 15, pp. 10-17 ; 2ème partie, même revue, n° 6, chron. n° 17, pp. 4-8.
6
J. RUBBELIN-DEVICHI (dir. de), Des concubinages dans le monde, Paris, éd. du C.N.R.S., 1990.

9
Introduction

La reconnaissance autonome du couple par rapport à la famille


t valeurs nouvelles que la société1 véhicule. Entre
autres faits et valeurs contemporaines, émergeait plus précisément
de même sexe pouvaient également former un couple. Si la jurisprudence2 dans les années
90 affirmait vigoureusement que le couple ne saurait être autre chose que
faisait peu à peu son chemin que les personnes de
même sexe pouvaient être heureuses ensemble et vivre une relation parentale. Le recours à
des « droits venus »3 permettait aux associations LGBT
en provenance des pays scandinaves4
société afin que le droit en constitue le réceptacle. La démarche implique donc une mise en
valeur du couple et de sa volonté au détriment de la famille. Il résulte de ces nouvelles
valeurs un « éclatement du consensus social sur des valeurs communes »5, aboutissant à
une philosophie nouvelle ogie du bonheur, qui relègue la
conc À
6
-
7
public- qui et de la
8
morale
privilégiant une approche plus subjective du mariage et la prise en compte par le
droit de cette tendance générale ont favorisé la mutation du droit contemporain de la
famille9.
hétérosexuel que le couple homosexuel.
On le voit d la définition du couple adoptée en 1999
promettait nombre de transmutations en droit de la famille. À cet égard, s
à son profit

1
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la justice, La Documentation française,
Paris, 1999.
2
Cass. soc., 11 juillet 1989, J.C.P., G, 1990, II, 21553, note M. MEUNIER; Cass. civ. 3ème, 17 décembre 1997,
J.C.P., 1998, G, 10093, note A. DJIGO.
3
CARBONNIER dans Droit et passion du droit sous la Vème République,
Paris, éd. Flammarion, 1996, p. 44.
4
J. POUSSON-PETIT, « Couples conjugaux et pluralismes culturels et juridiques en Europe », in Mélanges en
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 385-410.
5
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Famille et justice », in Familles et justice,
Justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, M.-T. MEULDERS-KLEIN (dir. de), Bruxelles-
Paris, éd. Bruylant-LGDJ, 1997, p. 603, spec. p. 606.
6
D. FENOUILLET, « », in Le droit privé
français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Paris, éd. Litec, 2000, p. 487-528.
7
S. BENISTY, La norme sociale de conduite saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des
Thèses », 2014.
8
M. PICHARD, « Droit et morale en droit extrapatrimonial », in Droit et morale, D. BUREAU, F. DRUMMOND,
D. FENOUILLET (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2011, p. 135-153.
9
Sur les tensions générées par cette mutation, V. P. DEUMIER, « Le droit de la famille vu par ses sources », in
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 229-243.

10
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

pas pour autant. La reconnaissance du couple homosexuel ne constituait e première


fondation jetée en vue de permettre, à plus ou moins long terme, de franchir le cap du
mariage.
matrimonial au pluralisme. Nombreux furent en effet les couples de sexe différent qui
délaissèrent le mariage pour le Pacs.
15. Un pluralisme conjugal. La consécration de la diversité des modes de
conjugalité1 a conduit la doctrine à mener une riche réflexion s
comme le droit commun du couple2. De nombreuses études à mettre en exergue
les analogies entre les différents couples, afin de démontrer que le pluralisme hiérarchisé3 a
laissé entrevoir une concurrence entre les formes juridiques de la vie en couple 4, avant que
ce dernier ne cède la place à un monisme5 conjugal. L
6
invite à réfléchir sur la portée de la diversité initialement mise en
place. Ne serait-ce, au demeurant, -
7
modèle unique ? Les écrits doctrinaux relèvent des lignes de convergences assez marquées
entre les couples, qui sont
respect de la diversité
des couples, une partie de la doctrine défend pourtant farouchement les particularités liées
à chaque type de conjugalité8. Si, LEBORGNE
9
« le mariage semble avoir perdu de sa superbe » , celle- pourtant pas à défendre
avec force l t qui intéresse la société tout entière car il
est nécessairement maintenu comme mode
spécifique de conjugalité. MIRKOVIC

1
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », in La diversité du droit. Mélanges en
SAINTE-ROSE, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 675-697 ; Y. LEQUETTE, « Quelques remarques
sur le pluralisme en droit de la famille »,
amicorum, Paris, Defrénois, 2012, pp. 523-550.
2
En ce sens : X. LABBEE, Le droit commun du couple, Presses universitaires du Septentrion, 3ème éd., 2012 ;
M. SAULIER, Le droit commun des couples. Essai critique et prospectif, Thèse, Paris 2, 2014.
3
V. C. BRUNETTI-PONS, « », in
Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte civil de solidarité, LGDJ,
2002, pp. 37-47.
4
J. HAUSER, « La concurrence des formes juridiques de la vie en couple », Rev. dr. fam., 2000, n° 12, pp. 20-24.
5
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », art. precit., spec. n° 16 et s.,
p. 538. V. aussi, D. FENOUILLET, Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, pp. 28-29.
6
Particulièrement depuis la réforme du Pacs en 2006.
7
J.-J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe- in La diversité du
droit SAINTE-ROSE, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 729-750.
8
Interrogée sur la question de savoir si la notion de vie maritale pouvait être élargie aux concubins pour le

mode de conjugalité, une cohérence des notions soit assurée selon le domaine du droit, cette exigence ne doit pas
conduire nécessairement à une harmonisation totale des règles applicables à ces différents modes de
conjugalité ». En effet, «
oniale
différentes ». Rép. min. n° 13605, J.O, Sénat, Q° 24 déc. 2015.
9
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », art. precit., p. 675.

11
Introduction

ée que le mariage rend un véritable service public


conséquent, de lui restituer sa spécificité et ses avantages 1. Dans
auteurs plus réalistes quant au devenir du mariage étaient déjà prompts à une réflexion sur
une éventuelle suppression de celui-ci « plus ou moins
2
disparu », voire serait « devenu une sorte de partenariat renforcé » . ffirmer
ueur du mariage
entre personnes de même sexe or, celui-ci est irrémédiablement coupé de ses
racines familiales pour être relégué à un simple statut de couple3, sauf à modifier le droit
de la filiation lui-même. Cet ultime chantier de réforme a donc été ouvert comme cela était
prévisible.
16. Vers un régime impératif conjugal. Dans ce contexte, réinventer la singularité
des statuts de la vie commune a été une des pistes proposées4 afin de respecter la liberté
individuelle de ceux qui souhaitent rester en dehors du droit, tout en offrant une protection

deux. Dans cette entreprise, le droit commun du couple qui semble se dessiner est de
nature protectrice5 gisse de la dimension patrimoniale du couple6 ou de sa
dimension personnelle7, le juge est appelé à jouer un rôle premier dans la protection des
intérêts de ses membres que ce soit pendant la vie de couple, ou lors de la rupture. Comme
e professeur LEMOULAND, le contrôle du juge8 «
des domaines qui lui échappaient auparavant, celui des couples non mariés en particulier.

impose aux partenaires des devoirs qui sont considérés comme participant du régime
primaire des gens mariés : communauté de vie, secours, assistance, solidarité vis-à-vis des
tiers »9. donc et une telle protection
jurisprudentielle invite à réfléchir à impératif conjugal

1
A. MIRKOVIC, « Le mariage, un service public à redécouvrir », Rev. Lamy dr. civ., 2012, n° 94, pp. 55-58.
2
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », in Mélanges en
HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 128.
3 ème
S. FULLI-LEMAIRE, « siècle », in Les piliers du droit civil,
Famille, Propriété, Contrat, -Assas (Paris II), les 6 et 7 juin 2013,
N. LAUENT-BONNE, N. POSE, V. SIMON (dir. de), éd. Mare&Martin, 2014, pp. 61-76.
4
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », art. precit.
5
Sur la force normative de la nouvelle éthique familiale, cf. R. OUEDRAOGO, La notion de devoir en droit de la
famille, Bruylant, Bruxelles, 2014.
6
A.-S. BRUN, Contributi , Thèse, Grenoble, 2003 : W. BABY,
Les effets patrimoniaux du Pacs, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2013.
7
L. PIZARRO, un droit commun de
la rupture du couple, Thèse, Aix-Marseille, 2014.
8
V. en ce sens : V. ÉGEA, , Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
9
J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe- art. precit., p. 748.

12
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

structuration du droit contemporain de la famille, lequel pèche par « une absence totale de
réflexion et de cohérence »1 de privilégier les
exigences de
interventions jurisprudentielles ponctuelles. Dans la mesure où , le
2
retour témoigne que son contenu déplacé «

davantage de protection que de direction »3, il ne serait pas inutile de sérieusement y


songer. Dans cette perspective se répand
désengagement total du législateur vis-à-vis de la norme juridique, mais
désengagement relatif4. Pour Monsieur le professeur Marc PICHARD, « en formulant son
intervention morale dans des mots dont la portée est particulièrement discutée ou dont il
adopte une approche discutable » le législateur rend « incertain le sens de son message
moral itime de se demander si celui-ci ne se désengagerait pas à
5
son insu . Moins optimiste mais pourtant plus tranchée est
professeur Yves LEQUETTE pour qui «
sont les siennes et devrait marquer nettement ses préférences en portant des jugements de
valeur substantiels dictés par les intérêts de la société dont il a la charge, afin de servir de
guide aux citoyens »6, car lorsque «
on ne saurait tabler sur le sentiment que les individus se font du bien

maintien de la société »7.


17. La rupture du lien couple-mariage-parenté : quel fondement pour quelle
famille ? À est totalement détachée du mariage, le devenir
de la famille est des plus incertains. Quels rapports existe-t-il entre couple et famille ? Le
-il exclusif de la famille, ou nécessairement lié à celle-ci ? Le
8
à en croire Monsieur le

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 78.
2
la famille a incontestablement subi
un net recul face à la contractualisation des relations familiales. V. en ce sens : D. FENOUILLET, B. DE
VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), La contractualisation de la famille, Paris, éd. Economica, 2001.
3
J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe- art. precit., pp. 747-748.
V. aussi : D. FENOUILLET, Droit de la famille, op. cit., pp. 29-30.
4
M. PICHARD, « Droit et morale en droit extra patrimonial », in Droit et morale, op. cit. pp. 146-147.
5
Ibid., p. 153.
6
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », art. precit., p. 542, spec. n° 20.
7
Ibid., n° 19. Dans le même sens, V. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5ème éd.,
2016, n° 45, p. 39. Ceux- -ci « exerce
dans le droit familial des fonctions essentielles. Même inefficace, elle crée un sentiment de sécurité et de
responsabilité. Elle accomplit un rôle éducatif et exemplaire : elle dit ce qui est mal et ce qui est bien. Surtout, si

innocente ».
8
Selon les termes mêmes de Monsieur le professeur HAUSER et de Madame le professeur HUET-WEILLER, « la

13
Introduction

professeur MURAT pour qui « il faut renoncer à une définition simpliste et unique de la
famille » qui « consiste à (la) définir de manière générale comme un groupe de
» lesquels ne permettent
«p
communauté de vie »1. Si la complexité et la diversité de la notion de famille empêchent
2
, il est des constantes qui soulignent la permanence de cette
institution
onsieur le professeur FULCHIRON ne manque pas de le souligner : « que

un berceau aditionnelle, la sainte famille, continue à modeler


e un peu la photo »3. Le même point de vue
est partagé par Monsieur le professeur MURAT pour qui, en dépit du renouvellement des
valeurs de la société, «
leurs fonctions traditionnelles et
dans un tout contractuel »4. Bi d « Légo-cité »5 ou
« famille Légo »6, l
des institutions la fin de la famille et des fonctions qui lui sont traditionnellement dévolues.
titude et le flou nt la
question demeure de savoir ce qui fonde
Il semblerait en tous cas
ans la fondation de la famille7. Plus

puisse aller plus loin sans discussion ». Cf. La famille : Fondation et vie de la famille, Traité de droit civil, 2ème
éd., n° 1.
1
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Dalloz Action, Paris, Dalloz, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.12, p. 3.
2
V., a contrario, la thèse de Mme REGLIER

les objectifs poursuivis par les différents auteurs qui ont la maîtrise

». Pour autant, cette complexité ne devrait pas, selon


-C. REGLIER,
européenne, Thèse, Aix-en-provence, 2013, pp. 1-3.
3
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », art. precit., p. 132.
4
P. MURAT, op. cit., n° 01.21, p. 5.
5
DOUCHY-OUDOT, « Les filiations él
droit, vingt ans après », NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, spec.
p. 506.
6
Pour MALAURIE et FULCHIRON, Droit de la famille, Paris,
Defrénois, 5ème éd., 2016, n° 92, p. 63.
7
F. PAYEN, « La famille organisatrice du sexuel et de la parenté est-elle en voie de disparition ? »,
du concept de famille en Europe depuis trente ans : étude pluridisciplinaire, P. BOUCAUD (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2009, pp. 139-156.

14
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

précisément, «
de la parenté »1. Encore faut-
18. Ce mouvement perceptible dans tion du
droit de la famille a été rendu
MALAURIE et
FULCHIRON, « fait famille »2.
Le même constat a été souligné il y déjà : « Il est

-à- travers le
3
statut de la filiation naturelle » . Le droit contemporain de la famille serait donc centré sur
4
, mythe fondateur5 du droit contemporain de la famille.
et avec lui la procréation6. S
depuis quelques années maintenant un mouvement de mutation de la sexualité7 dans le
couple, qui ne remplirait plus sa fonction procréative mais se voit valorisée dans sa
dimension récréative8. Face à ce mouvement de « contraction »9 du couple sur lui-même,
nément admise que la famille existe ,
indépendamment du statut conjugal des parents. Or, dans les couples de même sexe, la
potentialité d enfant à deux est, par procréation charnelle, nulle.
19. Procréation et couples de même sexe. Les revendications homoparentales
initiales privilégiaient la dimension éducative afin de faire aboutir les demandes
tendant à établir du (de la) partenaire du (de la) père (mère).
Le débat portait donc sur la capacité du couple homosexuel à élever et éduquer un enfant
ensemble. D sonnes de même sexe, la
tendance de recourir, par les couples de même sexe, aux techniques
sfaire leur

1
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 49.
2
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, op. cit., pp. 24-25, n° 17.
3
A.-S. BRUN, , Thèse, Grenoble, 2003.
4
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, op. cit., p. 62, spec. n° 76.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, p. 249-270.
6
M. MESNIL, Repenser le droit de la reproduction au prisme du projet parental, Thèse, Paris IV, 2015.
7
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, N. GALLUS (dir. de), Paris, LGDJ, Centre de droit privé-Unité de droit familial, 2012, pp. 25-
33 ; X. LABBEE, « Le pacte civil de solidarité et la sexualité », in Du Pacs aux nouvelles conjugalités, où en est
?, J. FLAUS-DIEM, G. FAURE (dir. de), Paris, PUF, 2005, pp. 11-19.
8
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », ,
P. JACQUES (dir. de), Dalloz, coll. « Thèmes&commentaires », 2010, pp. 9-25.
9
FULCHIRON : « Mariage, conjugalité ; parenté,
parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON
(dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009, p. XI.

15
Introduction

Outre que le procédé est même sexe ou de sexe différent, car


il conduit à la fabric il aboutit à nombres
illégalement
. Les figures familiales qui en résultent sont inédites1, et les
transformations qui affectent les conditions de la reproduction subissent une mutation sans
précédent ailleurs pas manqué de se demander si la logique volontariste
irriguant le droit du couple était transposable à la parenté ?2 En effet, la remise en cause
consécutive du système de parenté conduit à la transformation des notions les plus
élémentaires engendrement humain repose sur la réunion de deux personnes
de sexe différent.
20.
contemporain de la famille3. Sa construction sur des valeurs nouvelles, remettant en cause
ature est en cours. La mutation de la parenté ause la
pérennité du système actuel. À la diversité actée des couples en droit de la famille fait écho
. La doctrine ne manque de relever ces «
de plus en plus difficiles à surmonter »4 et qui sont dues au «
caractérisé la première vague de réformes dans les années 1960. Désormais, les réformes
se succèdent dans la précipitation et le désordre (...) il peut même arriver que deux lois
promulguées le même jour reposent sur des logiques différentes »5. L qui en
6
résulte ne semble plus pouvoir être contenue , et et parenté
rend nécessaire une intervention législative définissant les nouvelles valeurs au fondement
du système de parenté.

2. En droit marocain

21. Précisions terminologiques. Si en langue française le terme couple porte en son


langue arabe
de la définition française, en désignant le couple par le vocable zawj, qui constitue
également une racine de mot. Celle- accompagnée du suffixe (ane)

1
F. BELLIVIER, «
droit », , op. cit., 2010, pp. 39-47.
2
D. FENOUILLET, «
-puissance du sujet », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 37-71, spec. n° 49.
3
C. BRUNETTI-PONS, « Après la loi du 17 mai 2013, quel état des lieux et quelles perspectives pour le droit de la
famille ? », , Institut Famille&République, 2016, pp. 25-44.
4
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 73.
5
Ibid., n° 82, pp. 72-73.
6
M. DOURIS, « : une évolution contenue en droit français de la
famille ? », : étude pluridisciplinaire,
P. BOUCAUD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2009, 13-58.

16
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

zawjane, désigne les deux époux pris dans leur individualité en insistant sur leur dualisme.
Par conséquent, la racine zawj peut désigner tant la paire de et le
féminin zawja
famille, celle-ci est, en langue arabe, appréhendée soit sous le vocable oussra, ou encore
, à cette différence près que la prem
nucléaire, formée par le couple conjugal et ses enfants, tandis que la seconde englobe le
cercle plus large de la parenté par les mâles en y incluant les grands-parents, oncles, tantes,
petits- Face à ce dualisme linguistique, sera
retenu dans le cadre de cette étude le vocable oussra, car il correspond davantage
de la famille occidentale nucléarisée ayant fait disparaître la famille lignage 1. La famille,
bie e encore aux grands-parents2, ne sera étudiée ici
restreint du couple et de ses enfants. Un tel parti pris de raffermir la
démonstration, en . Les rapports juridiques impliquant les
grands-parents re traditionnelle de la
3
famille -dont la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 sur le vieillissement marque
- amiliaux et de leur
appréhension par le droit.
22. Enjeux du « droit de la famille » au Maroc.
pays musulmans, de droit de la famille au sens occidental. Celui-ci fait partie de ce qui est
communément appelé le « statut personnel »4 englobant tant le droit des personnes, le droit
de la famille et
droit musulman, car leur réglementation provient de la source première constituée par le
Coran. On compre à modifier ou compléter la loi,
celle- , en tout temps et en tous
lieux. L est de

1
Le recul, voire la disparition de cette dernière depuis le XVIII ème
des fonctions qui

-même choisir les rapports


sociaux exigés par

économique, les indépendances ont au contraire favorisé la

nelles, en réinterprétant
la modernité occidentale conformément aux valeurs locales. Cf. J. COMMAILLE, F. DE SINGLY (dir. de), La
question familiale en Europe Logiques sociales », 1997, pp. 144-146 ; M. SEGALEN,
Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 4ème éd., 1996, p. 283.
2
V. notamment : M. BOURASSIN, C. COUTANT-LAPALUS (dir. de), Les droits des grands-parents, une autre
dépendance, Paris, Dalloz, 2012.
3
L. n° 2015- la société au vieillissement, J.O, 16 janv.
2016, p. 24268.
4
V. en ce sens : M. AOUN (dir. de), Les statuts personnels en droit comparé, évolutions récentes et implications
pratiques, Leuven-Paris-Dudley, Peeters, 2009, particulièrement M. AOUN, « Origines et fondements historiques
des statuts personnels », pp. 11-22.

17
Introduction

taille et permet de mieux saisir la constance de la pratique judiciaire1. Un autre repère, et

est devenue un

des traditions ancestrales considérées comme sacrées »2. Par conséquent, au


la restaurer comme modèle
3
juridique . La promulgation de la moudawana, transcription fidèle des règles coraniques
issues du rite malékite auquel appartient le Maroc, poursuit un tel objectif4.
23. Un double défi. A pourtant, le défi est double pour le législateur :
comment, tout en conservant une approche respectueuse de la religion, base du système
social5 (et politique au Maroc), nouer avec la modernité en adaptant le droit aux évolutions
de la société6 ? Nier purement et simplement le donné religieux conduirait à violer le
domaine du sacré, alors que les marocains musulmans sont plus que tout autre chose
attachés aux fondements de leur religion. Il ne saurait non plus être question de passer
outre le processus de modernité qu nt la globalisation et les nécessités de la vie
urbaine. L
7
nouvelles réalités familiales. Particulièrement ,
l amélioration de la place de la femme dans la sphère publique au Maghreb a transformé le
paysage des relations familiales. Le salariat féminin a favorisé une évolution vers le libre
choix du conjoint en milieu urbain La
8
sociologie a été le révélateur du changement des structures et des fonctions familiales.
-guerre en France, avec les
transformations sociales qui ont suivi, qui a conduit aux réformes portées par le doyen
CARBONNIER. La nécessité
constitue donc le plus petit dénominateur commun entre les deux systèmes. Bien
1
À tempérer néanmoins au sujet de la jurisprudence tunisienne, V. infra, n° 478-479.
2
A. MOULAY HID, « Le droit de la famille entre la politique et le changement social », in Droit et
environnement social au Maghreb, Paris-Casablanca, éd. CNRS&Fondation du Roi Abd-El-Aziz pour les études
islamiques et les sciences humaines, 1989, p. 237.
3
les richesses premières du droit musulman altérées

modèle juridique de la famille, en revenant aux richesses premières, à savoir la Charia ». A. MOULAY HID,
« Le droit de la famille entre la politique et le changement social », art. precit., p. 238.
4
infra, n° 91-92.
5
BOURQIA :
Les valeurs : changements et perspectives, réalisée dans le cadre du rapport 50 ans de développement humain,
Perspectives 2025.
6
Y. BEN ACHOUR, « Mutations culturelles et juridiques, vers un seuil minimum de modernité ? », Rev. tun. dr.,
1990, pp. 55-73.
7
Pour une approche prospective de cette question, V. le Rapport préparé par Madame M. BENRADI pour le Haut-
Commissariat au Plan, Dynamique sociale et évolution des statuts des femmes au Maroc. « Prospective Maroc
2030 », Royaume du Maroc, 2006, disponible en ligne.
8
A. ADAM, Une enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc, Aix-en-provence, éd. La pensée
universitaire, 1963.

18
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s, car les enjeux sont autres


ic
assurer sa fonction classique
24. Le resserrement de la famille autour du couple. Le 3 février 2004 a
stoire du droit de la famille
patriarcat
exacerbé, place désormais la famille marocain
famill « chef de la
1
famille » lui devant obéissance
nouvel équilibre et des relations égalitaires au sein de la cellule familiale, afin de protéger
et garantir les droits lus
assurer «
»2. Contrairement à son homologue français, le législateur marocain
choisi de mettre en place une égalité entre époux à partir du volet patrimonial, au
risque de créer une situation concurrentielle entre eux, mais celui-ci a privilégié une
intervention à partir des relations personnelles du couple3. Il a ainsi pris la peine de donner
une définition4 du mariage empreinte de symbolisme. En droit marocain, le mariage est
«
entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et
ous la direction des deux époux »5. Désormais « membre
»6 conjointement avec son époux la
direction des affaires familiales et devient juridiquement responsable des actes de gestion
accomplis pour la famille. Enfin, cette définition insiste sur le fait que le mariage est
7
synonyme de stabilité et . La rupture
e la représentation de la société, et le législateur
accepte enfin de tenir compte « de la réalité à savoir le rôle croissant de la femme dans la
société notamment dans la famille. La femme actuellement travaille, occupe des postes
remarquables, elle jouit statut social, il serait donc injuste de ne pas lui accorder un

1
F. BELKNANI, « Le mari chef de famille », Rev. tun. dr., 2000, pp. 49-93.
2
M. MONJID « Les apports de la réforme du droit marocain de la famille », in Les droits maghrébins des
, J. POUSSON-PETIT
p. 49.
3
V. infra, nos développements n° 99 et s.
4
Contrairement aux Codes algérien et tunisien.
5
Art. 4 Code marocain de la famille (çi-après CMF).
6
MOUNIR in Le nouveau droit de la famille au Maroc. Essai
, éd. Cheminements, 2005, p. 22.
7

assurer le suivi de la situation de la famille et de

organismes compétents » (art. 169 de la Constitution).

19
Introduction

statut dans la famille »1. Cette adaptation du droit aux faits sociaux, bien connue du
législateur français, a donc permis à la règle de droit musulman de montrer sa capacité à
nouer avec la modernité tout en servant de matériau incontournable dans cette évolution.
Pour preuve, chaque nouveauté introduite au sein du code a été appuyée du verset
coranique correspondant herchée dans le donné
religieux
précautions prises dans la modification de la loi en vue de sa légitimation et son
appropriation par la société civile. En faisant évoluer la législation familiale vers davantage

mais surtout à inculquer les valeurs égalitaires aux individus. La doctrine en France
manqué de le souligner a observé que « (...) le législateur marocain

entre homme et femme entend, au-delà du symbole faire évoluer les comportements par le
modèle désormais proposé (...) »2. Ce nouveau modèle de la famille moderne et égalitaire,
fait suite à une longue tradition patriarcale, constitue un défi car il doit
imprégner les mentalités individuelles, particulièrement masculines qui se voient détrônées
de leur place de « chefs de famille » au avec
la réussite de la réforme ne saurait être complète sans un profond
changement de mentalités auquel il ne peut être parvenu que sur le temps long. Le débat
doctrinal au Maroc porte do des nouvelles dispositions tant par les
3
acteurs judiciaires que par la société civile, mais aussi sur la nécessité (ou pas ?) de revoir
certaines dispositions dont les lacunes ont été révélées (plus de dix ans maintenant) après
entrée en vigueur du Code.
25. .
de la loi ne peut faire abstraction des dispositions culturelles en vigueur dans un État

En partie de type positiviste, le


système judiciaire marocain est fondé sur un système normatif sacralisé issu tant du droit
musulman fiqh autorité religieuse des hommes4.
une « logique politique de fonctionnement »5 qui ne postule

1
M. MONJID « Les apports de la réforme du droit marocain de la famille », art. precit., p. 54.
2
P. MALAURIE, H. FULCHIRON (dir. de), Droit de la famille, op. cit., n° 53, p. 42.
3
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Ma
Al jadida, 2015, p. 154 (en langue arabe).
4
M. MOUAQIT, « Dispositions culturelles/axiologique du juge et interprétation du nouveau code de la famille »,
in Le code de la famille. Perceptions et pratique judiciaire, M. BENRADI, H. ALAMI CHICHI, A. OUNNIR et
aliii (dir. de), Fès, éd. Friedrich Ebert Stiftung, p. 147.
5
Ibidem., p. 148.

20
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
un ensemble de
convictions sociales dont « le trait principal est la patriarcalité (...) système de valeurs
fondé sur un modèle général de relation autoritaire et vertical, dont la manifestation

et hybride
2
dans lequel le rôle du juge ne saurait être surdimensionné . En outre, dans la conception

est en
désaccord avec son contenu substantiel, que le juge applique la loi conformément à ce que
lui dicterait son système de valeurs. Une telle attitude - par
son imprécision et ses lacunes- empêcherait la concrétisation du changement voulu par le
elle exprime pas directement mais se trouve enrobée « dans la
it »3. Autant de
déterminants sont à même de renseigner sur les orientations possibles de la jurisprudence.

III. LE DROIT COMPARE COMME METHODE DE RECHERCHE

26. Détermination du comparé et du comparant. La législation marocaine


été le point de départ du processus de comparaison, mais davantage le comparandum,
-à-dire le comparant le couple et la famille en droit français
(comparatum) qui détermineront le mode même selon lequel la comparaison aura lieu.
Cette approche imprimera au processus même de comparaison une tournure particulière et
un intérêt spécifique. Particulièrement, elle permettra de mettre en relief que la manière de

sein la seule technique utilisable, enfin, que les frontières


Cette approche explique
oit
musulman telles la polygamie ou la répudiation qui
(bien soit forte entre la répudiation de droit islamique et le
divorce français pour altération du lien conjugal).
La présente démonstration se veut duale dans (2), ce qui
explique le recours au droit comparé (1) comme méthode de travail.

1
Cette réalité est parfaitement bien exprimée par Monsieur le professeur MOUAQIT qui insiste sur

propre orientation, particulièrement en droit de la famille, cf. spec. pp. 157-159.


2
Ibidem., p. 159.
3
Ibid., p. 143.

21
Introduction

1. Opportunité du recours au droit comparé

27. La comparabilité des deux systèmes juridiques. Au Maroc comme partout


ailleurs, les réformes législatives sont accompagnées
valeur de ces études est grande pour les pays qui souhaitent réformer leur législation, car
elle permet de t connu les mêmes
problématiques plus tôt au regard du développement socio-économique. Une certaine
communicabilité est donc inéluctable entre systèmes juridiques1. Même indirecte, elle est
les systèmes juridiques quant à la
2
finalité du droit . Or, l a que trop été portée sur les discordances entre le
système juridique islamique et le système juridique occidental par des examens superficiels
et trop hâtifs, qui ont bien souvent favorisé le primat de la théorie et , faussant le
donné pris comme acquis. Il peut y avoir des ressemblances très grandes en réalité. Dans
ce contexte, DEL VECCHIO a démontré comment3 des ressemblances et des identités
qualifie de natives- se vérifient dans les droits des différents peuples en dehors de toute
notre commune condition
humaine « que la philosophie avait depuis longtemps entrevu
»4. Bien que les phases du développement des systèmes juridiques ne
soient pas similaires -en raison notamment des circonstances particulières de la vie de
chaque peuple- la commune nature et
commun des nations s
identiques »5. Et tel est le cas du couple et de la famille. considère
6
confirmée cette « » . Tant le développement des
exigences et des nécessités communes imposent au droit la création de nouvelles catégories
juridiques, même différentes des schémas il
-
politiques et économiques différents, à condition de mener ce processus dans le respect des
conceptions culturelles en vigueur dans le pays en question.
les empru ils ont lieu entre
États de la même tradition juridique. Pour autant, cette différence ne constitue en soi, ni un
obstacle à la communicabilité, ni à la comparaison entre les systèmes.

1
Pour preuve, cf. G. KADIGE, D. DEROUSSIN, S. JAHEL et alii (dir. de) Le Code civil français et le dialogue des
cultures juridiques
Faculté de droit et des sciences politiques de versité Saint-Joseph, Bruxelles, Bruylant, 2007.
2
G. DEL VECCHIO, Humanité et unité du droit, Paris, LGDJ, 1963.
3
G. DEL VECCHIO, « Les bases du droit comparé et les principes généraux du droit », in Humanité et Unité du
droit. Essais de philosophie juridique, Paris, LGDJ, 1963, pp. 11-19.
4
Ibidem, p. 13.
5
Ibid., p. 14.
6
DEL VECCHIO.

22
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

I néanmoins pas rare de lire au sein des traités de droit comparé que la comparaison
suppose dérisoire de renoncer à
comparer le droit français de la famille au droit marocain sous prétexte que le premier
is que le second est lié par
une source supra humaine. Outre que ce raisonnement aboutirait à limiter de façon
inadmissible le domaine du droit comparé en présentant le droit musulman tel un droit
s sociales, il présenterait également
-scientifique. Nombre de sociétés dépourvues de similarités

t de la greffe. le
danger contre lequel le comparatiste doit être vigilant est celui du décalage entre la règle
Cette vigilance a tout au
pements
couple et de la famille est étroitement liée au système politique et juridique de chacune des
. Toute règle de droit potentiellement exportable devait être passée au crible
de sa compatibilité tant .
28. Le recours à la méthode comparative. a structure du
système juridique marocain, il est remarquable de constater que celui-ci
de la structure du système français1 car le premier a suivi, après le protectorat, le modèle
français2 dans nombre de domaines. Pour autant, ceci ne signifie pas que les mécanismes
juridiques qui y ont cours
que du point de vue culturel. En effet, la pratique du droit y est faite par des hommes dont
la mentalité est déterminée par les conditions culturelles de leur propre pays. La mentalité
arabo-musulmane est formée p
différente de celle de
européenne, il reste da arabo-musulman la mentalité originaire
qui détermine, en fin de compte, la manière de penser Monsieur le professeur
Rodolfo SACCO désigne par formants implicites ou « cryptotypes » qui sont des facteurs
non formulés et qui modèlent le droit. Cet auteur explique que toute communauté juridique
obéit à des formants non écrits sans en être consciente ou sans re de les
3
exprimer de la mentalité. P juriste comparatiste
lui-même appartenant à un système juridique donné aura autant de mal à se libérer de
ervissement de ces cryptotypes dont la permanence permettra de retrouver le contenu
des règles intemporelles un système juridique donné4. À cette fin, le domaine du droit

1
Bien entendu, le système politique joue un rôle. Il rend inconcevable, dans certains pays, des expériences qui
ont été faites dan
2
En ce sens, V. La circulation du modèle juridique français CAPITANT, Paris,
Litec, 1993.
3
R. SACCO, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Paris, Economica, 1991, p. 105.
4
Ibid., p. 107.

23
Introduction

pur doit être dépassé afin de privilégier une approche portant sur l
sociaux la démonstration. À cet égard,
de mieux saisir
création et la transformation du droit. Elle élargit sensiblement les perspectives de la
llement le fait juridique de son
environnement social et culturel. Elle est également le gage que les résultats récoltés
é scientifique, en appréhendant utilement le
fonctionnement du système juridique étranger. différentes sources
du droit constituent des données fondamentales dont il convient de tenir
compte.
Bien que la tâche du comparatiste
r, le choix a été fait, en vue de rendre utile et fécond le
travail de comparaison, de privilégier
ayant définitivement permis de consacrer la
contrariété des deux systèmes. Le droit comparé « ainsi entendu devient une meilleure
-

cette solution »1.


roximations insatisfaisantes et indignes du caractère
ar de ce
que préconisait Monsieur le professeur Rodolfo SACCO
conceptuelle de la langue juridique étrangère lors de nos développements. Nous avons
néanmoins cédé à la tentation de rendre disponible le concept en question dans la langue de
rédaction , afin de ne pas tenir en otage une
tradition juridique par la langue, et en essayant -avec la plus grande précaution- autant que
possible e, en la replaçant dans son

2. La dualité de la recherche

29. But de la perspective comparée des droits. La présente recherche se veut un


cas de comparaison objective dans un but de recherche scientifique,
moins à é , aux fins de modification ou de
remplacement. La recherche a davantage pour objet de mettre en lumière les tendances
révolution ?) des législations étudiées. Ce qui a particulièrement été

1
M. ANCEL, « Situation et problèmes actuels du droit comparé », in Livre du centenaire de la société de
législation comparée. Évolution internationale et problèmes actuels du droit comparé, Paris, 1971, p. 13.

24
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

qui sont, dans une large mesure, similaires- et les réponses qui leur

socio-juridiques de différentes législations ne répond pas uniquement à une préoccupation


1

comme une nécessité pratique du fait de la multiplication des rapports entre les États que
2
. Ainsi que le
souligne un auteur, «

caractéristiques, de leur évolution, pour arriver à se mieux comprendre, et plus encore à


-social »3. Conscients que
le législateur français ne recourra pas à des emprunts législatifs dans un système juridique

ne souhaite pas -en dehors de tout jugement de valeur- tout en lui offrant un état des lieux
dont les récentes évolutions
ont radicalement bouleversé les structures familiales

rs à la méthode comparative
permettant de contribuer à la connaissance scientifique afin de mesurer les différences
entre modèles juridiques4

fondamentalement avec les cultures

voulons aussi bien que ce dont nous ne voulons pas. Au surplus, un des buts recherchés par
cette étude a été de projeter un éclairage sur la portée éducative du droit comparé, dont
consiste à connaître la manière dont les hommes, ici et là, ordonnent leurs rapports
et conçoivent la justice afin de mieux se connaître, pour mieux se comprendre. Ainsi, le
droit comparé se mue en instrument privilégié de coopération humaine dans la vocation
universaliste qui lui revient.
30. But de la perspective positive. La présente étude se veut également positive et
prospective. La perspective positive de rationalisation du droit des couples (et du droit de
5
la famille globalement)

1
En ce sens : H.P. GLENN, « Vers un droit comparé intégré », RIDC, 1999, pp. 841-852.
2
Surtout, les problèmes ici et là sont, dans une très large mesure, les mêmes.
3
V. CADERE, « Quelques réflexions sur les études de science juridique comparative », RIDC, 1971, p. 849.
4
P. LEGRAND, « », RIDC, 1993, p. 879.
5
En ce sens : P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », in Mélanges en
LE GUIDEC, LexisNexis, 2014, pp. 777-794. V. aussi, du même auteur :

25
Introduction

droit commun » du couple, entendu comme un ensemble


de règles uniformes régissant tant ses relations personnelles que patrimoniales, il est
notable de relever que les rapprochements entre couples mariés et couples non mariés

commun, applicable indifféremment aux couples conjugaux


durant leur vie commune. Pour cela, il convient en premier lieu de vérifier si la diversité
des règles, juridiques soient-elles ou jurisprudentielles, répond à un objectif donné1 ou si
ité est plutôt

légal qui en fixe les principes élémentaires tels que reconnus par le législateur en faveur
des partenaires pacsés, ou par la jurisprudence ponctuellement, au profit des concubins. À
cette fin, un régime impératif conjugal (RIP) « qui se réduirait au strict minimum »2,
i aux couples,
indépendamment de leur statut. Cette démarche permettrait de fusionner les règles
élémentaires du Pacs et du mariage, dont la quasi-similitude de régime juridique brouille
les frontières. Maintenant que le mariage est admis au profit des couples de
même sexe, il semble inutile dans les mots de la loi de distinguer là où celle-ci a renoncé à
le faire. La vigilance est pourtant de mise, car la spécificité de chaque type de
conjugalité doit être maintenue : le mariage demeure incontestablement le mode de
est la durée. Cette inscription dans le temps fait naître une
solidarité incontournable qui
Pour autant de raisons, sa spécificité doit être mise en avant.
Cette démarche conduit donc à inventorier les droits et obligations liés à la notion de
couple, en distinguant les éléments juridiques et leur commune
évolution. Selon Monsieur le professeur Jean HAUSER, « la société a le droit de trier ce
commun, jugé comme socialement utile parce que
à : un statut de
base de la vie en commun, des régimes tilité sociale du couple
3
considéré » . Mais pour cela, une esquisse doit impérativement être brossée des grandes
4
. Sans cela, « le résultat sera médiocre, car il
té interprétative des juristes), ni la force

« Prolégomènes à une hypothétique restructuration du droit des filiations », in


professeur J. HAUSER, LexisNexis-Dalloz, 2012, p. 405-426.
1
Pour Monsieur le professeur MURAT, « le pluralisme des formes de conjugalité repose sur une gradation dans
». Cependant, ce
dernier reconnaît que « toutes les formes de conjugalité présentent des points communs ». P. MURAT, « Pour une
vraie réflexion prospective en droit de la famille », art. precit., p. 786.
2
MURAT : « Pour une vraie réflexion prospective en droit
de la famille », art. precit., p. 787.
3
J. HAUSER, « Couple et différence de sexe », in La notion juridique de couple, C. BRUNETTI-PONS
(dir. de), Economica, 1998, p. 111.
4
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », art. precit., p. 785.

26
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

»1.
doctrinal amorcé doit être poursuivi. Dans ce cadre, la
impératif conjugal permettrait de fournir de sérieuses pistes de réflexion pour une tentative

31. Plan. La présente étude prend le parti, au plan de la comparaison juridique, de


démontrer que les deux systèmes étudiés ne présentaient pas de contrariété de principe
portant sur la physionomie de leurs relations familial
sexuée du mari pour la
fondation de la

qui pouvait fonder une communauté de valeurs entre les deux systèmes juridiques étudiés.
Leur évolution simultanée offre néanmoins une grille de lecture inédite sur le point de non
retour consommé, et permet cier les raisons ayant poussé chacun des systèmes à
opter pour telle ou telle conception de la famille. À cet égard, la présente recherche entend
apporter une contribution à la détermination du couple et de la famille contemporains en
droit comparé. Les divers visages du couple en droit français attestent
nouvelle du droit de la famille,
processus toujours en cours- de dématrimonialisation. Cette libéralisation contraste
fortement, tant par ses objectifs que par ses fondements, avec modernisation
raisonnée du droit de la famille dans les pays du Maghreb, à tout le moins du Maroc.
Il faut bien reconnaître que, depuis les réformes engagées par le doyen CARBONNIER et
ème
siècle, le mouvement de privatisation, point de départ de notre
analyse (Partie I), ns leur sphère
familiale
individuel. La nouvelle famille contractualisée2 ou plutôt « le droit de la personne unie par
un lien familial »3 répondait, semble-t-il, à une aspiration sociale privilégiant les désirs
. Cette approche individualiste du droit
favorise
essentiellement sur la satisfaction des revendications de certains4. Comme cela a
parfaitement pu être affirmé, « »5. Alors

de la famille se dé
1
Ibid., p. 785.
2
Sur ce processus, V. X. LABBEE, « La contractualisation du droit de la famille : et après ? », in Mélanges en
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 261-277.
3
ÉGEA, La fonction de juge
contemporain de la famille, op. cit., p. 25.
4
A.-C. AUNE, Le phénomène de multiplication des droits subjectifs en droit des personnes et de la famille,
Marseille, PUAM, 2007.
5
A. GARAPON, « Rapport français », tion récente du droit de la famille, Paris, Economica,
CAPITANT, t. XXXIX, 1988, p. 707, spec. p. 713.

27
Introduction

doyen CARBONNIER. Au début du XXIème siècle, le législateur, loin de procéder à la


reconstruction du droit de la famille désormais modernisé et conforme aux aspirations de la
société, poursuit le chantier législatif en anticipant les aspirations de celle-ci et en se
conformant aux ocessus de
dématrimonialisation prend le relais e adaptation du droit aux
faits, et conduit à un véritable mouvement de transformation des bases familiales auquel
ait ni socialement, ni juridiquement, à en croire les décisions de la Cour
intervenues en la matière. Cette dématrimonialisation
Partie II). La question du mariage
entre personnes de même sexe, nouvel entrant sur la scène juridique, complique la
mission du législateur qui doit impérativement tirer les conséquences de la transformation
de la définition du mariage. À cette religion des dr maghrébin se

farouche protection de la structure familiale qui demeure marquée du sceau de


ibilité, malgré quelques assouplissements

contraire, ces constantes du droit maghrébin témoignent de leur capacité à dapter aux
aussi
Afin de mener à bien cette démonstration, les fondements mêmes du lien familial doivent
être revisités au sein des deux systèmes afin de saisir avec justesse les raisons ayant poussé
à son évolution ici et là
question portant sur la manière dont a été résolu le paradoxe entre deux aspirations
foncièrement contradictoires : le couple porteur et de liberté1
part la famille, structure en quête de stabilité. Il apparaîtra très rapidement que les liens
complexes entretenus entre couple et famille dépendront largement des représentations
ude, poursuivis par
: stabilité et organisa al selon des valeurs objectives ou
des aspirations individuelles. En somme, comment le
droit peut assurer la permanence du lien familial entre individus déliés2.

PARTIE 1. La privatisation des liens de famille.


PARTIE 2. La dématrimonialisation des liens de famille.

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 73-80.
2
F. DE SINGLY, , éd. Armand Colin, 2003. V. aussi,
P. PEDROT, « Lier, délier, relier », in Identités, filiations, appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de),
Grenoble, PUG, 2005, pp. 71-83.

28
Première partie

LA PRIVATISATION DES LIENS DE


FAMILLE

32. Privatisation des liens et principe de liberté1. Selon le Grand Robert de la


langue française, le verbe privatiser consiste à confier au secteur privé une activité relevant
2
. La privatisation, action en cours correspond dans cette
étude au processus par lequel la famille, structure par essence institutionnelle, quitte le
dividus. Ce
mouvement de privatisation correspond en réalité à un des traits contemporains du droit de
la famille, qui considère la famille comme une structure résolument tournée vers
, en vue de garantir leur bonheur. Cette tendance a trouvé
un terreau fertile dans la pensée du doyen CARBONNIER, pour lequel la vie des familles
constitue par excellence le domaine du non-droit3. À cet égard, les réformes entreprises

Dans ce contexte, la liberté est de mise afin que chacun puisse atteindre le présupposé
cette morale. Or, la permission légale accélère la liberté des
tif.
domino
4
, incompatible avec la fonction
dévolue à la règle de droit.
33. Privatisation des liens et contractualisation. En toile de fond à ce mouvement,
la famille. L

1
Sur le : V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réception des
: un tableau impressionniste », in Le
droit privé français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, pp. 83-107.
2
P. ROBERT, Le Grand Robert de la langue française, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, Paris, 2ème éd., entièrement revue et enrichie par A. REY, t. III, 1992, V° Privatiser.
3
J. CARBONNIER, Flexible droit (Pour une sociologie du droit sans rigueur), Paris, LGDJ, 10ème éd., 2014, spec.
pp. 9-103.
4
MURAT, «
rôles prescrits et des statuts traditionnels ; ils privilégient des liens affinitaires et égalitaires qui sont négociés et
valorisent leur expérience personnelle ». P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd.,
2016-2017, n° 01.21, p. 5.

29
» cède la place à
une action négative en vue de promouvoir un nouveau type de famille : la famille
« consensuelle »1 nt ceux de liberté et
véritables principes directeurs du droit de la famille. La triade liberté-égalité-
contractualisation
émerger une nouvelle famille démocratisée
familiales fondées sur le lien du mariage (Titre I) est davantage perçue comme une
contrainte incompa , si bien que la venue du premier enfant se
fait en dehors de ce cadre factuelle de la famille qui en découle place celle-ci
davantage comme une structure par le couple, et non plus
-ci. La logique matrimoniale, renversée, cède la
place à une appréhension parentale du couple (Titre II).

1
ÉGEA dans son travail de thèse.

30
Titre premier. Le lien matrimonial
fondement du lien familial
34. social à un autre. Au lendemain de la Révolution
française, le mariage est un lien civil que permet la rencontre de deux volontés libres. La
rupture dans la conception du lien matrimonial ayant cours en Occident jusque
là est conséquente. Selon la nouvelle philosophie, ommes de
la volonté
libre et toute puissante prévaut sur le groupe social. Le nouvel idéal qui en
ressort fait la part l
cosmos dans lequel le mariage constituait une réalité
objective indépendante de la volonté. Tout ne procè
et harmonieux qui dépasse les individus, mais cet ordre place
sa philosophie. Si ces nouvelles règles les domaines politique et
économique, elles ne tarderont pas à imprégner la sphère sociale et juridique.
35. Une approche non exclusivement juridique de la famille. Une des spécificités
de la famille1 dans les
individus, la mission du législateur étant de réglementer et diriger les rapports familiaux en
vue À cette fin, il tient nécessairement compte «

»2. lle ne saurait être


menée sans son arrière-plan religieux, fondement premier du lien matrimonial. Dans ce
contexte, la rupture opérée par les valeurs nouvelles interroge, de manière renouvelée, le
fondement moral du lien matrimonial. Selon un auteur, lorsque la loi civile «
»3. J degré ces
propos se vérifient-ils aujour dans la législation
du donné religieux ?

1
Étymologiquement, la « famille » est la familia romaine, constituée par toutes les personnes vivant dans la
même maison (domus paterfamilias, également maître (dominus). Se
trouvent inclus dans cette famille toute personne ne présentant pas nécessairement un lien de parenté direct avec
le paterfamilias, tel que les serviteurs et les esclaves. Est donc privilégiée la dimension domestique de la famille
Dans un second sens, la famille constitue un groupe très large,
us
conjugale -
à-dire composée du couple qui la constitue et ses enfants. Ayant profondément évolué, celle-ci ne repose plus
nécessairement sur les liens du sang.
2
G. RIPERT, J. BOULANGER, , Paris, t. 1 « Introduction générale,
les personnes », Paris, LGDJ, 1956, p. 206.
3
Ibid., p. 207.

31
36. Le temps du renouveau en France. Fondé sur le préalable du mariage dans la
quasi-totalité des sociétés, ce pilier du droit selon les mots du Doyen CARBONNIER1
reposait entièrement sur une construction législative et jurisprudentielle dont le but était
en trouvant le juste équilibre entre les intérêts individuels de ses
membres. Cet « intérêt familial »2 inégalité entre époux et enfants, leurs
natures respectives justifiant la promotion de ce seul modèle familial. Pourtant, le XXème
siècle en Occident sera le théâtre de nouveaux principes modifiant
sensiblement les rapports entre les membres de la famille. Après la famille traditionnelle et
patriarcale, remplacée par le modèle3 de la famille moderne,
famille post-moderne4 , mais procède de la
5
volonté individuelle elle-même .
37. Le renouveau au Maghreb. Parallèlement à évolution occidentale, les rapports
familiaux dans les pays du Maghreb semblent suivre la même trajectoire toutes
proportions gardées-
devient une revendication de la société civile. Il correspond à un engagement de ces pays
au respect des principes universel
ont acceptés de ratifier. Pourtant, une réserve est permise teneur de
dans ces pays. Le droit des pays du Maghreb, particulièrement la matière du
« statut personnel »6, trouve sa source dans les prescriptions religieuses issues du Coran.
Droit révélé, celui- car il suppose
immuable la part de donné Répondre aux
revendicat , sans contrevenir à la part du
« révélé »
38. Méthodologie adoptée.

7
de référence. Pour cela, il sera
8
nécessaire de tenir compte des « éléments déterminants » -à-dire des facteurs extra-

1
J. CARBONNIER, « Les trois piliers du droit », in Flexible droit, Paris, LGDJ, 2001.
2
S. GAUDEMET, « a famille »,
professeur Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, 2012, pp. 287-302.
3
A. TERRASSON DE FOUGERES, Le modèle dans le droit de la famille : Notion et fonction (essai de droit
comparé interne), Thèse, Paris II, 1994.
4
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, Marseille,
PUAM, 2006.
5
D. FENOUILLET, P. VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), La contractualisation de la famille, Paris, Economica,
2001.
6
M. AOUN (dir. de), Les statuts personnels en droit comparé, Évolutions récentes et implications pratiques,
Leuven-Paris, Peeters, coll. « Law and religion studies », 2009.
7
E. BULYGIN, « Système juridique et ordre juridique »,
Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 223-229.
8
L.-J. CONSTANTINESCO, « La comparabilité des ordres juridiques ayant une idéologie et une structure politico-
économique différente et la théorie des éléments déterminants », RIDC, 1973, pp. 5-16.

32
juridiques ayant pu avoir une influe
prise en compte des différences fondamentales inhérentes à chaque système juridique
conclusions erronées et hâtives qui seront uniquement fondées
sur des ressemblances formelles. Élément essentiel de la comparaison, cette première
phase donnera la matière première nécessaire au travail même de comparaison. Cela
amènera, ensuite,
NIBOYET : « Il y a deux étapes : une première étape, étape descriptive dans laquelle il faut

»1.
À une conception commune de la famille fondée sur le seul mariage sur les deux rives de
la méditerranée (Chapitre 1) se substituera une conception marquée par les
transformations notables de la famille opérant distinctement sur les deux rives
méditerranéennes (Chapitre 2).

1
NIBOYET, Montesquieu et le droit comparé. La pensée politique et constitutionnelle de Montesquieu.
-1948, Paris, 1952, p. 256.

33
Chapitre premier. Une conception de la famille
commune aux deux rives de la Méditerranée

39. .
1
précise dans le Code civil français, le mariage a toujours été perçu on qui
2
permet . ouvrir
naturellement sur Cette spécificité
mérite donc que le droit y accorde la plus haute importance, et voulu la favoriser
Outre les liens étroits que le mariage
entretient avec la morale, il est au-delà un lien sacré empreint d symbolisme profond

40. L . En remontant le temps,


occidental révèle une évolution caractérisée par son manque de linéarité (Section 1),
caractéristique qui semble avoir transcendé les siècles car le mariage continue,
encore, à susciter des controverses. -ci est insaisissable et que
son évolution est
relativement récent, les législations familiales dans leur quasi-totalité poursuivaient le
même objectif de protection de la famille fondée sur le mariage. Dans les pays de tradition
islamique, , cet attachement reste indéfectible, le mariage est
cellule de base de la société (Section 2).
La comparabilité3 du mariage dans les deux ordres juridiques établira les rapports de
ressemblance aux fins de rapprochement - et de dissemblance .
Seront mis
s de la plupart des domaines de la vie civile4, à une

1
THERY «
», in Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention
, F. SUDRE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 61-105.
entre la définition usuelle
e une dimension normative) pour enfin dégager la
définition hypothétique
2
Dans ses travaux préparatoires du Code civil, -PORTALIS (Jean Étienne Marie PORTALIS, (1745-1807),
rédacteurs du Code civil aux côtés de TRONCHET, MALEVILLE et BIGOT DE PREAMENEU - y voyait « la société de

le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ». Cf. Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-
TERNEYRE, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, Paris, Dalloz Sirey, 18ème éd., 2013, p. 599.
3
Sur cette notion de comparabilité, voir L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode
comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974.
4
C. LE TERTRE, La religion et le droit civil du mariage, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat», 2004.

34
1
. Une lumière plus vive éclairera la
2
façon de concevoir le droit , ainsi que le système de valeurs qui y préside, ce qui permettra
une meilleure ordres
juridiques.

1
I. FADLALLAH, « Lien conjugal et rencontre de civilisations », in Le statut personnel des musulmans, Droit
comparé et Droit international privé, J.-Y. CARLIER, M. VERWILGHEN (dir. de), Bruxelles Bruylant, 1992,
p. 344.
2
,

révélation divine. Plus encore que l


yeux de ses fidèles, il a atteint sa complète perfection le jour même où il a été promulgué. Le Coran, les
enseignements du prophète transmis et complétés par ses compagnons -puis par les disciples de ces derniers- ont
été codifiés par les quatre fondateurs des écoles orthodoxes puis commentés par les jurisconsultes. Telle est la
source du droit islamique. Cf. M.-M. SALAMA, Le mariage en droit musulman, Thèse, Montpellier, 1923, pp. 14-
15.

35
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

Section 1. Le mariage occidental

41. Une interpénétration de trois systèmes. La conception occidentale du mariage 1


distinctes : le droit romain, la
2
doctrine chrétienne et enfin, les coutumes germaniques . Dénué de dimension religieuse, le
de valeur particulière à la dimension sexuelle de
est une jonction
entre le consensualisme caractérisant le mariage romain et
consommation du mariage dans les coutumes germaniques3. Il épouse enfin la conception
chrétienne du mariage. La dissolution
différentes dans chacun des trois systèmes. La grande liberté dont bénéficiaient les couples
germaniques de se séparer et de choisir un nouveau conjoint rejoint la conception du
divorce en vigueur chez les romains. Si la morale sociale se montrait favorable à la stabilité
des unions, la rupture du mariage était toutefois admise, et les roma
abondamment. La doctrine chrétienne du mariage devait, dans un tel contexte de
permissivité, se situer par rapport au droit existant. Sur le fondement des textes
scripturaires, les Épîtres de saint Paul4 et trois passages des Évangiles5
affirmera son attachement à la stabilité du mariage et cherchera à imposer sa nouvelle loi.
Néanmoins, un certain réalisme commandait de ne pas faire abstraction des habitudes en
vigueur, quitte pour cela à tolérer en vue
de faire triompher le principe évangélique.
42. Un mariage « institution ». Évoquer le mariage sous son angle institutionnel
institution » en tant que catégorie juridique6. Trouvant sa racine
dans les mots instituere, institutor et institutio -qui signifient à la fois «
dans une fonction
préexistante »- que, «
même temps une règle, un cadre imposé d »7. Instituer

1
J. GAUDEMET, Le mariage en Occident, Paris, éd. du Cerf, 1987.
2
B. BASDEVANT-GAUDEMET, , Limoges,
PUL, coll. « », n° 14, 2006.
3
Dit « par étapes », car la phase finale du mariage de ce type de mariage est la consommation à proprement dite.
Rapprocher avec la conception musulmane du mariage, cf. infra, n° 37, note n° 2.
4
« Que la femme ne se sépare pas de son mari, -en cas
réconcilie avec son mari et que le mari ne répudie pas sa femme », Première épître aux Corinthiens (7, 10).
5
-Marc : « » (10, 9). Saint-
: « Tout homme qui répudie sa femme hormis le cas de fornication la
» (5, 32 et 19, 9-10).
6
J.-P. BRAS (dir. de), , , Actes du colloque organisé le 22

7
Y. SASSIER, « Réflexion autour du sens instituere, institutio, instituta »,
, op. cit., p. 27.

36
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

consiste donc à émettre une règle et imposer un cadre servant de modèle. Imprégné de
ce sens , puis repris au
Moyen âge par les théologiens dans le domaine de la divinité, perçue comme institutor de
toutes choses. La théori de Maurice HAURIOU reprend cette même idée de
fondation -acte éminemment objectif-
ance -
ne communauté ne saurait être efficacement gouvernée que via un pouvoir
représentant. Maurice HAURIOU apporta un troisième élémen
communion ». Celle- , de dégager une certaine unité
dans la collaboration du pouvoir central avec les organes collaborateurs. Cette unité doit

rcice du pouvoir ne se justifierait que par cette soumission de tous à


1
. Si cette théorie se
société, elle reçoit une parfaite application en matière familiale. Ainsi perçue, la cellule
famille serait constituée du pouvoir central représenté par la figure du pater familias,

43. Méthode de travail. Afin de percevoir avec justesse la nature et la portée des
évolutions ayant affecté le groupe familial, il convient avant toute chose de resituer ces
évolutions dans leur contexte historique, en les mettant en rapport avec les transformations

modification des texte


transformation contemporaine du lien matrimonial et plus largement, du lien familial. À
cette fin
alors à distinguer : celle précédant la Révolution française -pendant laquelle la dimension
morale du mariage était mise en avant (§1)- puis celle qui y est consécutive (§ 2).

§1) La dimension morale du mariage chrétien

44. Valeur de la loi morale et/ou religieuse par rapport à la loi civile. « Par-
dessus le lien juridique, il y a un autre lien, religieux ou moral selon les cas, plus solide,
plus étroit, plus exigeant Un droit matrimonial ne tient pas seulement son importance
ais aussi des normes de conflits par lesquelles
»2.
Ces propos du doyen CARBONNIER renvoient à la morale et/ou à la religion jugées
« supérieures » à la règle de droit, et

1
E. MILLARD, « », Rev. droit et société, n° 30-31, 1995.
2
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du XXème
siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. I, 1950, p. 337.

37
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

mariage ne saurait en refléter une fidèle vision. Tronquée et incomplète, la démonstration


souffrirait du défaut de sincérité intellectuelle. La double incursion en terrain
philosophique et religieux est nécessaire pour mener à bien une telle étude, car
«
élaborée sans prendre en compte une certaine transcendance, dont les racines, tout en

fondements »1 2
t
pas sans avoir une incidence sur les règles présidant au mariage occidental. Son caractère
A) que de la sphère
religieuse qui t approprié le monopole législatif (B). Nul besoin cependant de
lution de la conception du mariage au
3
cours des siècles. Cette . Plus
modestement, sera mis sur les principaux courants doctrinaux ayant conduit à la
doctrine du mariage, objet de transformation progressive.

A) Le point de vue philosophique

45. Le fondement du droit. la dimension religieuse du droit en


Occident suppose de délimiter la période durant laquelle les normes juridiques des pays
occidentaux ont pu trouver leur source dans les normes révélées par Dieu 4. Ayant fait le
choix de laisser de côté le droit de la Grèce ou la Rome antiques, le
Moyen-âge chrétien, période à
laquelle la question semble avoir atteint sa forme la plus aboutie
THOMAS D QUIN est, à ce titre, capital car,
Aristote, il y introduira le rapport avec Dieu selon la pensée
chrétienne. La Somme théologique .

1
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVIème-
XXIème), Paris, LGDJ, 2011, p. 1.
2
A. LEFEBVRE-TEILLARD, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1ère éd.,
1996 ; J. CHELINI, , Paris, éd. Hachette Littératures, 1991 ; J.-
L. HALPERIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 2ème éd., 2012 ; J.-P. LEVY,
A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Paris, Dalloz, 1ère éd., 2002. Cf. aussi J.-P. DURAND, « Code civil et droit
canonique », Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, pp. 59-79.
3
J. BASDEVANT,
Code civil, Paris, 1900 ; O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation intermédiaire (1789-1804), Paris,
éd. Arthur Rousseau, 1901 ; G. DUMAS, , Paris II, éd.
Arthur Rousseau, 1902 ; E. STOCQUARD, Aperç , Bruxelles, éd.
O. Lamberty, 1905 ; P. BERNARD ALVES PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint augustin, Paris, éd.
Gabriel Beauchesne, 1930 ; P. FONTEZ, Les diverses étapes de la laïcisation du mariage en France, Perpignan,
Pontifica universitas gregoriana, 1972. Plus récemment, v. A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le
lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVIème-XXIème), op. cit.
4
La réflexion philosophique, notamment sur la nature humaine, ne peut occulter la question du rapport au divin

38
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Faisant la distinction entre la loi positive humaine et la loi positive divine, le docteur
angélique dégage
1
se : la loi naturelle. En effet, la combinaison entre
philosophie et théologie enrichit la réflexion relative à la loi naturelle. Celle-ci, selon le
jugements
normatifs évidents tels que « » ou encore « être juste, ne pas

généraux demandent à être précisés dans leur contenu, leurs limites, les modalités de leur

loi naturelle, première règle de la

loi » au sens de juste, mais « corruption de la loi ».


46. La loi naturelle. Utilisant une expression imagée, un auteur définissait la « loi
naturelle » comme « la face humaine de la loi éternelle »2. Loi naturelle et loi éternelle
: Dieu, qui est « non

»3. Selon la célèbre formule de


saint THOMAS D QUIN, « la loi naturelle est la participation de la loi éternelle dans la
créature raisonnable ». Le fondement ultime de la loi humaine est par conséquent la loi
-
4
en
promulguant sa propre loi humaine. Néanmoins, le législateur humain ne peut, de façon
totalement libre, décider de ce qui est juste et de ce qui . Saint THOMAS
D QUIN « il convient de souligner que la volonté humaine, par
une entente commune, peut rendre juste ce qui ne répugne pas en soi à la justice naturelle.
Éthique à
Nicomaque térieurement à la
prescription légale -
accomplissement. Mais si quelque chose répugne en soi au juste naturel, la volonté
humaine ne peut pas le rendre juste. Il en serait ainsi si le législateur permettait de voler ou

1
Pour une approche philosophique de la personne, cf. infra, n° 19.
2
G. KALINOWSKI, « Somme théologique »,
Arch. philo dr., 1973, t. 18, p. 69.
3
Ibidem., p. 69.
4
Pour saint Thomas D QUIN ou ARISTOTE, le juste est le but auquel tend le travail du juriste, qui est « le prêtre
de la justice dikaion et du jus qui est « harmonie, équilibre, bonne proportion
arithmétique ou géométrique entre les choses ou les personnes », dont le but est « le juste rapport objectif, la

droit désignera la part qui lui revient dans ce juste partage, puisque la justice a pour
». V. M. VILLEY, « »,
Arch. philo droit, 1964, t. 9, p. 103.

39
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

: « Malheur aux auteurs de lois


1
iniques ! » naturelle2
3
ce juste positif conformément aux limites de la
4
morale issue du christianisme . Ici encore, la loi naturelle
THOMAS donne une explication objective du problème de justice à partir du réel
observable, en distinguant selon un subtil équilibre entre la loi (lex)
(ius) . La doctrine du droit naturel qui naîtra avec GROTIUS et PUFFENDORF
lex et ius dans un
5
système exclusivement rationnel , dans lequel « » est
6
individuellement considérée . Le mot « nature » sera de plus en plus compris en fonction
NEWTON notamment, une
7
signification purement phénoménale . On sera déjà
par ARISTOTE ou Saint THOMAS D QUIN. Malgré cet excès de rationalisme, le principal
avantage de lier le droit à la « nature humaine »
tégrer à une conception religieuse ou idéologique

reconnaît à tous les hommes quelque chose en commun.


47. Perception du lien conjugal tte conception du droit.

8
juridique est une réalité naturelle afin de « répondre à des critères
ndividu à la fois moral et politique,
9
du vrai et du bien » . Cette vision objective du lien
conjugal correspond à une harmonie du monde dont la finalité est qui

1
La Somme théologique, II a, II æ, q. 57, art. 2.
2
« », , Écrits de Pierre
KAYSER parus de 1981 à 2001, Marseille, PUAM, 2003, pp. 145-161. ARISTOTE et PLATON
objectiver le lien conjugal, o
Platon - en soi », qui est immuable et à
privilégie le mouvement, ce qui est en vie.
Pour Aristote, st être en acte. Or, pour Platon, les choses soumises au changement ne peuvent « être », et
ayant de démontrer que les
choses ne sont que « nécessité », leur associe une finalité, ce qui le pousse à observer la nature des choses, et le

conju
3

4
G. AMBROSETTI, « Y a-t-il un Droit naturel chrétien ? », Arch. philo. dr., 1973, t. 18, p. 77.
5
Sur l cf. infra, n° 19.
6
Cf. infra, n° 20.
7
M. HALBECQ, « Le Divin et les conceptions du droit naturel », Arch. philo. dr., 1973, t. 18, p. 171.
8
-
repris ensuite par le christianisme.
9
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème-
XXIème), op. cit., p. 14.

40
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
vrai, en lui permettant
« tout harmonieux » dérive directement de la notion de cosmos propre à la civilisation

déterminé du tout. du mot « droit » est


compris telle une qualité, sous-tend : le Bien, entendu dans sa dimension
incorporelle et immatérielle. Il en découle que les droits sont « dans les choses », et non
« sur les choses »2. Par conséquent, le lien conjugal -découlant de la nature3 même des
4
choses- . Perçu comme
5 6
expression de la justice et du droit, il ouvre . La justice est
entendue ici comme le « sentiment qui détermine une pratique, et cette pratique est une
»7. La force du lien conjugal dépend alors étroitement de
oit
renouvelée, elle se répercutera nécessairement sur le lien conjugal et la façon dont il est
conçu à une époque donnée.

1
C. DESPOTOPOULOS, « Arch. philo. dr., 1975, t. 20, pp. 71-87.
2
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 23.
3
M. THOMANN, « Christian Wolff et le droit subjectif », Arch. philo. dr., Dossier « Le droit subjectif en
question », 1964, t. 9, p. 153.
4
Pour le doyen CARBONNIER, les tenants de ce coura
transmissible de notions et de sentiments, de mythes et de complexes, patrimoine très ancien, ancien au point de
se retrouver dans un très grand nombre de peuples, de telle sorte que nous avons en sa pr

« fonds non pas originel, mais très archaïque de la psyché humaine »


auquel il ne semble reconnaître que son utilité pratique, « plus exactement un droit naturel par myopie
» : J. CARBONNIER, « V° Famille, Législation et quelques autres », in Mélanges
offerts à René SAVATIER, Paris, Dalloz, 1965, p. 147-148. Toutefois, celui-
-il « nous avons changé tout cela.
les droits positifs
», Préface au dossier de droit de la famille, Arch.
philo. dr., 1975, t. 20, p. 2.
5
La justice consiste à accorder à chaque chose sa place dans un monde harmonieux où règne un juste universel
donné par la nature, voir en ce sens : « La justice selon Aristote », Écrits de
Pierre KAYSER parus de 1981 à 2001, op. cit., pp. 133-144 ; « Essais de contribution aux notions de droit, de
», , op. cit., pp. 311-369.
6
Cet amour que Platon définit comme « la possession éternelle du bien ». Il
personnes différentes dans un seul et même souffle, en en dégageant leur caractère identique.
7
J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, Paris, PUF, 27ème éd. refondue, 2002, p. 102.

41
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

B) Le point de vue religieux

48. Compétence de principe du droit canonique1. Dans le prolongement de cette


vision objective, les théologiens et canonistes
doctrine du mariage2. Perçu telle une morale, le mariage chrétien constitue un état inférieur
au célibat. La virginité est préférée à la chasteté conjugale et le célibat au mariage. Les
gation de progresser dans toutes les vertus car le mariage est indépendant
de leur vie personnelle. Leur perfection morale est nt la
s recherchent la formation spirituelle de leurs
3
enfants . Célibat et mariage constituent donc des états de vie compatibles avec la sainteté,
avec cette différence que le premier la favorise plus que le second
augustinienne.
glise chrétienne de promouvoir un

société familiale est organisée selon un principe hiérarchique de complémentarité, en vertu


duquel le mari dirige et protège sa famille en qualité de chef. Le respect de cette hiérarchie

1
Le droit canon est un droit confessionnel chrétien qui est né près de deux millénaires avant le Code napoléon.
Par opposition au

part coutumier, car composé de décisions ponctuelles de nature différentes : conciliaires, épiscopales, abbatiales

, des Actes ou des Epîtres était


extrêmement réduit. -
durée-
-ci eut
pour auteur un moine de Bologne prénommé GRATIEN qui publia la Concordantia discordantium canonum,
connue sous le nom de Décrêt de Gratien

textes juridico-religieux. La compilation du droit canonique ne date que du début du 20ème siècle avec le premier
Codex iuris canonici promulgué par BENOIT
canonique catholique romain dont la refonte fut ordonnée par le pape JEAN XXIII le 25 janvier 1959. Bi
existait déjà en 1804 un Corpus iuris canonici GRATIEN, ce droit

chrétiennes. Le nouveau Codex Juris Canonici a été promulgué par le pape Jean Paul II le 25 janvier 1983 et a
substantielles -notamment en matière de mariage- afin de lui conférer plus de
spiritualité et moins de technicité.
2
Occident est perçue comme un mystère chrétien ne

couple, les deux grandes vertus que sont la fidélité et la solidarité -qui régissent également les rapports avec le
Seigneur- gouvernent également la vie conjugale. dans le mariage, le couple ayant
pour rôle de transmettre la morale et la foi. (le nouvel apport du Codex est ici capital
puisque dans la nouvelle conception, on ne se marie plus uniquement pour se donner mutuellement le droit

le fait que ce sont les époux eux-mêmes qui se le confèrent. Les Églises protestantes ont des vues très
divergentes sur ce point car les anglicans y vo

3
B. ALVES PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint augustin, Paris, éd. Gabriel Beauchesne, 1930, pp. 66-
67.

42
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

dre naturel, moral et spirituel


1
. Il semblait dès lors naturel disposa du monopole2 de la
réglementation de principe en la matière3, seuls les effets civils étant réglementés par le
pouvoir royal. La lutte entre la puissance temporelle et le pouvoir spirituel remettra en
cause cette répartition4 -notamment au XVIème siècle- avec la réforme protestante et
5
.
ème
Fix siècle, les règles du mariage chrétien ont permis à
dès le haut Moyen-
politique considérable6
ile, elle parvient à élaborer une doctrine du
7
mariage matrimoniale. Elle emprunte au droit
romain ce qui ne heurte pas la morale chrétienne, notamment les éléments nécessaires à la
formation du mariage tels son caractère monogame et requis8. Le mariage à
la condition nécessaire de toute famille légitime et cet acte religieux valait
acte civil. Tous aient le mariage comme un sacrement9

vie commune dans la pa


propres à chacun des conjoints10.

1
M.-C. BARBAZZA, « stes espagnols des XVIème et XVIIème siècles », Mélanges
de la CASA DE VELAZQUEZ, t. 24, 1988. pp. 99-137.
2
CHENON, , Paris, 1921.
3
Cette compétence exclusive remonte au Xème siècle.
4
où le mariage catholique, et plus généralement religieux a été intégré à
côté du mariage laïc dans le Code civil italien : article 82.
5
Sur cette remise en cause, v. infra, n° 53.
6
P. DAUDET, , I. Les origines carolingiennes de la
, Thèse, Paris, 1933 ; II.
matière de divorce et de consanguinité, Paris, 1941.
7
La doctrine canonique du mariage chrétien est fixée, dans ses débuts, sous le règne des Carolingiens qui y

a pratique

-
notamment sans bénédiction- ne pouvait être valable. Cf. J. CHELINI,
Paris, éd. Hachette littératures, 2002, pp. 196-200.
8
Le domaine des prohibitions à mariage étant très libéral dans le droit romain. Celui-ci ne sera pas repris par le

incidence sur la validité du lien. De façon similaire, le statut social des époux est sans incidence sur sa validité,
contrairement à ce qui avait cours à Rome.
9 ème
siècle, en 1184 que le mariage prend place parmi les sept sacrements : « ce que Dieu a
», Cf. Évangile selon Saint Matthieu, XIX, 6. Le deuxième Concile de Lyon
ra, puis le Concile de Florence en 1439.
10
E. ROGUIN, Traité de droit civil comparé. Le mariage, Paris, éd. Picho&Successeur, 1904, spec. n° 124 et s.

43
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

49. La théorie du mariage-contrat-sacrement. Dans ce contexte, trois éléments


(tria bona) selon SAINT AUGUSTIN. À côté de
proles, fides, sacramentum1. Ce dernier élément, aussi
appelé par SAINT AUGUSTIN2 « lien minimum » -en comparaison au lien « magnum » qui
uni - est ainsi qualifié époux retrouve sa liberté par la
-tandis que le Chr ent éternellement unis-. Si proles
(élément originaire du mariage et le seul dont Dieu ait parlé au moment de la création du
monde : « croissez, multipliez et remplissez la terre ») et fides (la foi) constituent des
éléments volontaires et humains dont le but est de faire naître entre les époux le vinculum
conjugale - bligations- le sacramentum imprime au mariage certaines
propriétés qui en font une union indissoluble. Il
lors du mariage indépendamment de la volonté des époux, pour en faire le symbole de
3
. La supériorité du mariage qui en résulte permet de
maintenir le mariage même non procréateur4.
Toute la difficulté pourtant résidait dans le fait que les protestants5 refusaient de voir le
mariage comme un sacrement produisant la grâce. L souhaitaient faire constater
leurs mariages, ceux-ci devaient demander au ministre du culte catholique un concours que
leur foi repoussait6. brés
sans bénédiction nuptiale, et considérer ces unions
comme valides ou non. riage était un sacrement, les mariages
les

1
Le terme sacramentum est employé par Saint AUGUSTIN de façon très large et lui donne même plusieurs
significations littérales, notamment celle de symbole, de signe ou encore de lien indissoluble. Or, un sens

semble être le rapport du mariage vis-à-


VASQUEZ, Saint AUGUSTIN
sacrement » au sens stricte et théologique du terme. Pour MAUSBACH, il désignait
POURRAT

2
Saint AUGUSTIN sera le premier à établir une relation logiq
en formulant précisément et harmonieusement la doctrine des biens du mariage.
3
G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement de la
doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928.
4
Néanmoins, si on laissait la possibilité à un époux de dissoudre le lien et de se remarier, ce dernier pourrait
atteindre un des grands biens du mariage. Pour autant, la doctrine du mariage ne le lui permet pas, car « si le lien
sacramentum
ne comprend pas comment il puisse établir une union si strictement indissoluble ». Cf. P. BERNARD ALVES
PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint Augustin, Paris, éd. Gabriel Beauchesne, 1930, p.183.
5
-ci considèrent
bien le mariage comme une chose sain

thèse de CALVIN et LUTHER admettait le divorce pour disparité de cul

ministres, celui-
leurs mariages par le juge à leur domicile.

44
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

reconnaître rendait la bénédiction nuptiale comme simple accessoire.


mariage- de discussions en son principe1, était en revanche
discutée la question de savoir quels rapports existaient entre le contrat et le sacrement.
Étaient-ils indépendants ou indivisibles ?
50. Les thèses débattues. Plusieurs thèses étaient soutenues. Pour VIGOR, le contrat
conférait au mariage son caractère indissoluble alors que le sacrement permettai
ajouter la grâce. AURIENSIS et GEBENNENSIS procédaient à la même distinction, tout en
reconnaissant la possibilité de déclarer nul le contrat de mariage sans remettre en cause le
sacrement. Cette thèse ne revenait pas moins indépendance des deux éléments,
alors que la contrat et sacrement ne
Petrus FERNANDEZ, « le contrat de mariage est de droit naturel, mais
le Christ y a ajouté quelque chose de plus, quae facit illud sacramentum »2.
le contrat ne pouvait être sans le consentement, ni le sacrement sans le contrat.
Inséparables, ces éléments justifiaient le pouvoir e
Dans le prolongement de cette
idée, le ministre du sacrement étaient les contractants eux-mêmes et non le prêtre. La
volonté des époux réaliserait donc à la fois le contrat et le sacrement. Mais le problème
subsistait de savoir si elle pouvait ? La question a une
fois de plus mobilisé ceux pour qui le mariage constituait un contrat élevé au rang de
sacrement par le Christ et tion des époux la condition de
validité du sacrement. Si une telle intention faisait défaut, les époux pouvaient valablement
contracter sans recevoir le sacrement3. Dans le premier cas, la compétence exclusive de
ait maintenue, dans le second sécularisation du
4
mariage. À ce dilemme, le Pape PIE IX a tranché en faveur d et
condamné LEON XIII se chargea de
promulguer le 10 février 1880 la doctrine du contrat-
encyclique Arcanum divinæ sapientiæ sur le mariage chrétien, réfutant la théorie du
mariage-contrat purement civil, considérée comme erreur-base du rationalisme5. Telles

1
Du fait que le mariage constitue le premier contrat de droit naturel valable par le consentement des deux parties
COSTE-FLORETO, La nature juridique du maria
devrait être, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1935, p. 14.
2
Cité par G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement
de la doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse, Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928, p. 218.
3
A. COSTE-FLORETO,
op. cit., 1935, p. 15.
4
e façon claire par PIE Acerbissium
vobiscum du 27 septembre 1852 : « Entre fidèles, il ne peut y avoir de mariage qui ne soit en même temps

».
5
A. COSTE-FLORETO,
op.cit., p. 27.

45
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

étaient donc les opinions soumises au Concile de Trente e


doctrine officielle promouvant le mariage. Lors de la 24ème session du Concile, la Haute
assemblée adopt es
différentes opinions. Elle a estimé «

au moment où Adam laisse échapper ces paroles : es os et la


chair de ma chair -ci,

a nature du contrat, il fit de


1
celui-ci un sacrement » .
théorie du mariage contrat-sacrement it pas « table rase » de la
doctrine augustinienne, mais la relégua au second plan. Le sacrement est donc le contrat

-sacrement formulera le
mariage ainsi : « le mariage est un contrat élevé par Notre-Seigneur-Jésus-Christ à la
dignité de sacrement »2. Pendant longtemps, les canonistes n en une forme
spéciale la doctrine émise par le Concile de Trente. Il faudra attendre le XVIIIème
siècle pour la voir traduite en une formule consacrée.
51. Les difficultés posées par la fixation de la législation canonique du mariage.

copula carnalis, des fiançailles et de la


bénédiction nuptiale. Si les deux derniers éléments que sont les fiançailles -simple
préliminaires- et la bénédiction nuptiale -élément non indispensable
sacrement- ltés particulières, ce sont surtout les deux premiers
éléments qui ont cristallisé les tensions. Pas de mariage sans le consentement des époux,
mais pas de mariage complètement indissoluble sans la copula carnalis3. Le débat entre
Pierre LOMBARD et GRATIEN - de
- paraît à plusieurs égards désuet et la doctrine actuelle ne manque de le
rappeler. Le consentement nécessaire au mariage ne pouvant souffrir d

en est pas moins dépourvue d e bien un


empêchement dirimant, et la
éléments sont donc prépondérants dans la conception canonique du mariage.

1
Cité par G. SERRIER, op. cit., p. 220.
2
Ibidem., p. 221. Cf. le catéchisme du Diocèse de Toul, 1788 : « Dieu a institué le mariage dès le
-Seigneur-Jésus-Christ ».
«
». Cité par G. SERRIER, op. cit., p. 242.
3
R. VANHEMS, e contrat,
Paris, éd. Arthur Rousseau, 1904, p. 8.

46
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Les différentes réformes entreprises ultérieurement à la controverse ne toucheront plus à la


nature du mariage1, mais concerneront la forme de sa publicité -

Concile de Trente permettra de fixer xigence de publicité du mariage. Désormais, aux


côtés du ajoutée : le recueil du
2
consentement devant le parochus en présence de deux témoins . Tout ministre du culte ne
saurait désormais procéder au mariage en dehors des règles édictées, élevées au rang
par le Concile. À partir de cette date, la doctrine du mariage
canonique trouvera une réelle cohérence dans sa formulation, autour des deux premiers
éléments que sont la copula carnalis et le consentement, la publicité y constituant un
accessoire. La doctrine canonique du mariage-contrat-sacrement était désormais immuable
quant au fond.
Telle est la théorie officielle qui régit pendant de longs siècles le mariage des Français. La
ensuite autour de la notion de contrat, formulée
époque :
BONAVENTURE ou encore saint THOMAS D QUIN.
moderne3 et dont les thèses seront reprises par les philosophes
des Lumières, nourrira notamment les débats relatifs au sort de la famille en contexte
révolutionnaire.

§2) Vers une approche contractuelle du mariage

52. La soustraction progressive de la compétence religieuse en matière


matrimoniale. religieuse eût le monopole en matière matrimoniale, les
aient régis par le pouvoir civil. Insatiables, les besoins de la
couronne domaine réservé
4
notamment par de nombreux moyens doctrinaux -, affaiblissant le caractère religieux du

1
Il est désormais acquis que celui-ci est un sacrement, source de grâces spirituelles, et le Concile de Trente ne

2
R. VANHEMS,
cit., p. 13.
3
Dans son développement historique, la doctrine du droit naturel revient aux jurisconsultes du Digeste puis aux
théologiens du Moyen Âge, dont Saint Thomas D QUIN est le plus représentatif. Dans nos développements, la

olution. Cette école est née vers les XVII ème et XVIIIème
PUFENDORF (1632-1694), traduit en
français par Huguenot Jean BARBEYRAC, et le hollandais GROTIUS (1583-1645).
4
Ainsi en est-il de la thèse de MELCHIOR CANO (XVIème
théologiens, fera du contrat-sacrement, ce tout indivisible, deux éléments distincts et séparables. LERIDANT
(XVIIIème siècle) relève une expression malad
« contrat élevé par Jésus-Christ à la dignité de sacrement
modifier les institutions existantes, mais seulement ajouter la bénédiction nuptiale destinée à répandre la grâce

47
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

mariage (A). La proclamation du caractère civil du mariage en sera la conséquence directe


(B).

A)

53. Le sacramentum revu par les gallicans. Afin de soustraire le monopole de la


réglementation des affaires matrimoniales pouvoir royal -aidé par les laïcs-
a tout particulièrement au sacramentum que le mariage est
un sacrement, les gallicans -particulièrement TABARAUD- à démontrer que le
raisonnement théologique est erroné. Selon TABARAUD, le sacrement de la loi nouvelle ne
constitue pas le sacrement du mariage, car celui-ci existerait déjà avant même la venue du
Christ. Par ailleurs, les époux le reçoiv
ire du prêtre1. Pour parvenir à un tel raisonnement, une définition
élargie du sacrement a été retenue. Étayant leur argumentation sur les textes mêmes des
Pères2, les tenants de cette doctrine se limiteront à la seule bénédiction nuptiale, dont ils
veulen
MELCHIOR CANO pour qui tout sacrement nécessite, pour produire son effet spirituel, une
manifestation extérieure -via un rite sacré-. Une telle approche explique que les tenants du
nt voulu voir le rite extérieur que dans la bénédiction du prêtre. Leur
analyse les conduira à percevoir le mariage-sacrement comme totalement indépendant du
mariage-contrat, suite logique de la dissociation du contrat et du sacrement. Une fois
,
matière matrimoniale en vue de leur soustraire. Ce même objectif jouira du XVIème au
XIXème
54. n nouveau cadre philosophique. Une controverse religieuse,
insoupç
cadre philosophique en Occident. Celle-ci opposa in et la
papauté. Selon la prescription de saint FRANÇOIS aux frères de son Ordre, il fallait, à
instar du Christ, ne pas manifester de signes de richesse et pauvreté. Les
franciscains se limitaient à revendiquer un simple usage s

sortes de contrat dans le mariage, un contrat civil, relevant du pouvoir temporel, et un contrat naturel.
TABARAUD (XVIIIème siècle), défenseur du pouvoir civil, relève que le contrat de droit naturel qui ressortit de la

le défaut de loi qui r


policée, le contrat naturel disparaît au profit du contrat civil, voire forment un tout indivisible constitué du
consentement des parties -essence du mariage- dans les formes établies par la loi. Cette doctrine gallicane
rencontrera, dès sa naissance, des partisans convaincus car elle était en harmonie avec certaines idées qui avaient
fficiels, en affirmant
son pouvoir de juger les affaires matrimoniales. Le but étant de permettre au pouvoir temporel de légiférer en

1
LERIDANT, Traité sur le mariage, Paris, 1753, p. 4.
2
Notamment St Ignace, St Polycarpe, Tertullien, Sirice

48
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

effectuaient, sans jamais en détenir la propriété. La papauté avis était autre quant à
la valeur à accorder à la pauvreté- a à démontrer que cette
fondée, notamment du fait pain » dont on a
assurément la propriété en le mangeant. Il reviendra particulièrement à JEAN XXII de
condamner cette thèse1, notamment en obligeant les franciscains à « devenir
propriétaires DE CESENE et Guillaume d OCCAM
réfuter. Ceux-ci démontreront, selon une philosophie dont le fondement
2
ont
savoir que Monsieur le professeur TRIGEAUD qualifie de « mythique (
»3
conduit à mettre entre parenthèses les exigences de sémantique
et de droit, une telle philosophie procède à la dénaturation de la réflexion du philosophe du
droit. Particulièrement, l en ressort entièrement dépendante du rapport établi
entre les personnes et les biens (ou les choses plus largement), et entre la nature de
Une telle distinction remonte à ARISTOTE, grâce à
laquelle il procède à la distinction entre une « justice générale » liée au droit extra-
patrimonial et une « justice particulière » attachée au droit patrimonial. Or, dans cette
controverse, OCCAM s juriste mais dialecticien. Il excelle dans la
science de distinguer le sens des mots et leur définition

conventionnel, que les sens des mots son connotent des réalités diverses,
4
» , qui facilitera le glissement du sens du mot « droit »,
vers le sens de « pouvoir ». Par ailleurs, OCCAM sert une cause, celle des
franciscains, pour qui la vie la plus sainte est la vie exclusive de droit. Ceci explique il
que ceux-ci de fait et non un droit sur les biens.
Selon la conception romaine du droit pourtant, les franciscains ne pouvaient valablement
affirmer ne pas en disposer. il était nécessaire, pour la cause, de modifier
cette conception romaine trop générale du sens du mot « droit » pour en adopter une plus
restreinte, correspondant à leur théorie. Or, tout concept est signifié par un mot. Dans le
langage juridique5

1
Particulièrement en raison de la distorsion entre la théorie qui considère les franciscains comme non
propriétaires et la pratique qui - - a révélé le contraire
(possession de nombreux biens : églises, couvents, livres et provisions). Bien que quelque peu fictif, un
compromis -trouvé par la papauté- a permis de conserver les biens des communautés franciscaines à leur
disposition, en leur permettant un simple usage dessus, la propriété en revenant au Saint-
JEAN XXII qui le dénoncera.
2
M. VILLEY, « m », Arch. philo. droit, 1964, t. 9, p. 116.
3
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 19.
4
Ibid. p. 116-117.
5
R. PERROT, , Thèse, Paris, Sirey, 1947.

49
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

sens que le concept exprime, en rapport inévitable avec un élément auquel il renvoie 1. Si la
règle juridique ne peut être portée que par des mots, elle représente aussi
fait concret en termes de droit. « référent sémantique » ou
2
« référent ontologique » , dont le sens va permettre de désigner une chose que le mot
traduit ur Jean-Marc TRIGEAUD

er le sens recherché ».
55. Le renversement sémantique de la définition de la « personne ». Facilité par
le désordre du Haut Moyen Âge -
3
-, la pensée de Guillaume D CCAM élèvera au niveau de science
un mode de pensée qui était informel. apporte
un éclairage supplémentaire à notre propos et nécessite de mobiliser la notion de
« personne ». La perspective philosophique, dans sa dimension ontologique,
déterminer

derrière les fluctu ». Or, le


sens que prend le mot personne dans la spéculation métaphysico-religieuse de Guillaume
D CCAM gréco-romaine4. Dans un
contexte où émerge un « langage parallèle », celui-ci emploiera le mot « sujet »5, plus
facilement personnalisable. Or, le sens de ce à celui de
personne, constitue être dans son substrat, distinct de la personne l
désigne. ne peut être réductible à son apparence. Son essence
même est sous-jacente à extériorité qui se matérialise apparente.
Pour autant, cette extériorité ne peut se manifester que dans la transcendance (par
pour toujours être en lien avec dont elle provient : être.

le sens juridique de la personne tel le seul


paraître en en occultant nouveau sens du mot « personne » ne traduirait plus

1
M. DOUCHY-OUDOT, « La notion de non-droit », RRJ, 1992, p. 434.
2
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 17.
3
Ceux-ci pensent spontanément à parti

4
Le mot « personne » chez les grecs est prosopon, persona en latin. Il désigne « un rôle joué dont la trame est
bien dont on se dispute la
propriété ». Cf. J.-M. TRIGUEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept
occidental de personne. Une histoire de la liberté », art. precit., p. 20.
5
Le mot personne en grec signifie prosopon, persona en latin. Dans ce contexte de spéculation, ce mot sera
hypostasis » et « substantia » dont le trait commun est de
-social.

50
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

que la dimension liée au « paraître », désormais synonyme d « être ». Un tel glissement


sémantique1 opère par le dédoublement du sens du mot personne en un bien extérieur -
rattaché juridiquement à un patrimoine2-, Le mot « personne »
désignera Monsieur le
professeur TRIGEAUD résume p «
»3. Le sens du mot
« personne » sera réduit un bien propre, entraînant dans le sillage de ce langage
parallèle la notion de droit. Or, et nous rejoignons Monsieur le professeur TRIGEAUD dans
son analyse, il ne convient pas de « projeter sur la personne ce langage récent issu de
-ci ne possède pas de droits dits subjectifs, puisque de tels droits
-romaines »4.
56. Un raisonnement fondé sur l Le même contresens ayant conduit
ar
contamination de langage, le même contresens a permis de présenter le sujet comme
« à laquelle celle-ci est imputée », qui entraînerait sa responsabilité.
Théologisant ce langage, le sujet est « considéré comme étant en relation de communauté
intersubjective avec »5. Autrement dit, le sujet renverrait à une
action engageant une responsabilité libre et individuelle. Or, le terme communitas ne
renvoie pas aux sujets actifs comme societas, mais à des sujets ontologiques ne dépendant
pas les uns des autres, dont . Le sujet en question ne
constitue pas ce « sujet en action » tel « un réseau
6
intersubjectif projetable sur le vivre ensemble social » . Le concept de liberté
individuelle caractéristique de la philosophie franciscaine permettra à Guillaume D CCAM
de défendre la thèse « indifférents -à-dire

par amour, ce en quoi tient la vertu chrétienne »7. Chaque individu


un « foyer de conduite libre, donc un centre de pouvoir absolu »8. La morale classique de
vite , la liberté individuelle telle que comprise par
Guillaume D CCAM trouvant secteur de la vie dans lequel nos
indifférent » pour la morale

1
BERNARD, « Vers des droits de
», , Institut Famille&République, 2016,
pp. 101-109.
2
T. REVET, « », in Mélanges Christian Mouly, Paris, Litec, 1998, pp. 141-154.
3
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », art. precit., p. 21.
4
Ibid., p. 21.
5
Ibidem., p. 22.
6
Ibidem., p. 38.
7
M. VILLEY, « », art. precit., p. 122.
8
Ibidem., p. 122.

51
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

naturelle, nt la justice et le droit »1


liberté radicale ne peut jouer que dans une sphère supérieure, celle de la vertu. Guillaume
OCCAM a confondu les deux sphères que saint THOMAS D QUIN avait su distinguer : le
domaine de la vie surnature
2
. de détourner de leur sens premier les notions, mais
bel et bien de mettre au centre de cette philosophie la volonté individuelle, en mettant la
liberté comme pierre angulaire du droit. Madame le professeur DOUCHY-
OUDOT relève comme étant « la victoire du nominalisme juridique les concepts ne
servation objective de la nature des

contenu à tel concept, indépendamment de toute réalité car celle-ci est niée en soi »3.
57. La redéfinition du rapport à la transcendance. Dans ce contexte, mieux situer
dans sa dimension extérieure de « personne » conduit à considérer au plan
théologique4
extérieur abstrait et transcendant. Le postulat de la singularité, étendu à la transcendance,
conduit à lui nier sa toute-puissance. Au-dessus de la raison humaine, il y a désormais la
Raison divine, -et non plus la Raison immuable- dont dépend tice. Le
fondement de celle-ci changeant, le sens du mot droit suit le mouvement. Il se décline
ou

1
Ibidem. p. 122-123.
2
M. VILLEY explique très justement que « du personn OCCAM)

individualistes du mystique. Et la merveilleuse notion chrétienne de la liberté, valable pour le moine détaché du
monde, mais peut être moins pour les hommes enfoncés dans le temporel, propriétaires, négociants, escrocs et
voleurs auxquels les juristes ont affaire il la transpose précisément dans le monde du droit ». Cf. M. VILLEY,
« La », art. precit., p. 123.
3
M. DOUCHY-OUDOT, « Propos im »,
Jean HAUSER, Paris, Dalloz, LGDJ, 2012, pp. 82-94.
4
Si la personne au sens gréco-
conduit à considérer la personne en vertu de ce seul aspect extérieur, en la personnalisant dans son être et
a « personne » -transmise notamment par
CICERON-a donc conduit les Pères grecs entre le II ème et le IVème siècle à substituer le point de vue du sujet à
celui de « bien propre patrimonial st considéré

« personne

réalité sous le masque


personne unique et non le personnage configurable en un rôle générique,

est une
« Personne trois personnes -à-
Dieu unique, avec trois rôles distincts et ontologiquement autonomes. Cf. J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines
juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne. Une histoire de la liberté », art.
precit., p. 35-36.

52
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la Raison immuable1. nsforme en immanence,


empêche de relier.
58. . Si Guillaume D CCAM a pu être
considéré comme le père du nominalisme, René DESCARTES pourrait bien être le père du
rationalisme. Établissant une méthode de connaissance totalement subjective et rationnelle
-dite méthode déductive-, celui-ci soumet la réalité -en vue de parvenir à la vérité- à une
sorte de grille de lecture totalement rationnelle. Or, , par définition, pas
rationalisables,
de connaissance2, dont l est le « sujet pensant ». En procédant à
e de penser, son existence. Totalement rationalisé, le
concept de personne est définitivement coupé de la transcendance. La Raison et
Entraînant une mutation profonde de la pensée, la
démarche cartésienne touche de très près la sphère juridique. Comme le souligne André-
Jean ARNAUD, « la
concept fut
ption radicalement
nouvelle du droit dont les critères les plus manifestes sont la conceptualisation
systématique, un développement idolâtre pour le subjectivisme 3, la prétention à

du droit autour de quelques concepts accessib ntendement de chacun -parce


raison de chacun
»4. Est déjà très
ou de la philosoph qui privilégiaient
et attribuaient à la nature un ordre distinct de celui existant entre individus,
pouvant être observé dans la cité comme au sein de la famille.
59. La mutation corrélative de la conception objective du mariage Cette
révolution une réalité
objective naturelle est remise en cause par le jeu de la singularité des choses. Au sujet de la
1
Telle que comprise dans la vision aristotélicienne.
2
dans quelle mesure les méthodes
scientifiques de raisonnement peuvent être utilisées dans les sciences dites sociales ? le

va pas seulement de con ; les principes de la science, les postulats de la géométrie, les
; le droit, lui, a pour objet propre de nous fournir des
». Cf. R. NERSON, « Progrès scientifiques et droit familial », in Le droit
privé français au milieu du XXème siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, 1950, pp. 405-406.
3
P. MAYER, « Existe-t-il des normes individuelles ? », , Mé
Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 679-691.
4
A.-J. ARNAUD, « », in Internationalisation des Droits
Actes des Journées

Lille II, Paris, LGDJ, 1996, p. 4-5.

53
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

purement et simplement de sa négation comme essence universelle. « Par


extension, dit Michel VILLEY
est négation des communautés : la cité, mais aussi la famille dans leur consistance
ontologique et contingent, procédant
»1. Par suite, « le
mouvement des idées descend dans le droit et la politique, impliquant une nouvelle
tat »2 car, «
triompher dans un groupe social, se répercute sur les juristes »3.
Au XIVème siècle, au lieu d ordre objectif, le lien conjugal sera
appréhendé à partir de sujet omnipotent « absolument libre et détenteur de tous
4
les droits » . Tout un référentiel en ressort bouleversé.
e entraînant une profonde
mutation de la conception du mariage, réduit à un simple accord individuel5. Cette
existant
6
autrefois entre amour et justice sera tout naturellement métamorphosé. La réalité, qui dans
droit dans les choses extérieures, est
désormais tributaire de la pensée -
humaine et le corps-. Cet isolement de la pensée et du corps se répercutera en matière
conjugale, dissociant de ce fait Ainsi que le
souligne Monsieur BETHERY DE LA BROSSE « à vouloir soumettre toute la réalité dans une
grille rationnelle de type géométrique, on exclut nécessairement les aspects irrationnels de
cette même réalité - s de la raison et de la
science - impensables par manque de logique adaptée pour les appréhender »7.
DESCARTES marque à cet égard un pas décisif dans le processus de subjectivisation de la
pensée, en contribuant à poser les principes de la science moderne indépendamment de
toute réalité spirituelle.

1
P. MOREAU, « Penser le droit de la famille avec Michel Villey », Arch. philo. dr., 2006, p. 335.
2
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème-
XXIème), op. cit., p. 35.
3
M. VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, PUF, « coll. Léviathan », 2003, p. 278.
4
A.-J. ARNAUD, « », in Internationalisation des Droits
, op.cit., p. 5.
5
Voir en ce sens : J.-P. AGRESTI, « Le mariage et le contrat à la fin : éléments de réflexion
», in Lien familial, lien obligationnel, lien social. Livre I « Lien familial et lien
obligationnel », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, coll. « Inter-
normes », 2013, pp. 53-92.
6
J. JIANG, « Droit et amour, variations sur la moralité », ARNAUD-
MAZERES, Paris, Litec, 2009, pp. 395-414 ;V. aussi J.-M. TRIGEAUD, « Le politique et le droit entre amitié et
amour. Une redéfinition de la personne », in Personne, Droit, Existence, op. cit., pp. 57-66.
7
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne, op. cit.,
p. 129.

54
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Une fois ce nouveau cadre philosophique étendu à tous les domaines1, le processus voit
son couronnement achevé par un inversement total de la fonction du droit, qui « un
2 3
rapport supra, interindividuel » , se retrouve exclusivement relié au sujet dont il procède.
Révélation, mais « il devient possible
u, des droits universels inscrits dans la
4
raison humaine » . Le lien conjugal appréhendé comme une réalité qui dépasse
5
le couple , mais rationalisable car se rapportant à chacun de ses membres. À cet égard, la
que tirer les conséquences de la nouvelle conception du droit.

B) La consécration du mariage civil républicain

60. L . La Révolution française « fait entrer dans le champ


de la relativité, du changement perpétuel, ce qui relevait en principe du transcendant, de
»6. Surtout, elle marque le
consacrant « les droits subjectifs de
viduelle, son droit à la liberté

1
Monsieur le professeur Hugues FULCHIRON relève que la liberté individuelle constitue désormais une valeur

idéologie aux autres, par un phénomène de contagion lle « le triomphe du


système le plus libéral ». P. ARNAUD dénonce pour sa part «
-
:

-à- ». Cf. P. ARNAUD, «


problème de la famille d », Arch. philo. dr., t. 20, p. 138-139.
2
M. VILLEY, « La genèse du droit subjectif chez Guillaume D OCCAM », in Le droit subjectif en question, Arch.
philo dr., 1964, t. 9, p. 104.
3
CARBONNIER reflète bien cette philosophie : « La conception française du

». Cf.
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du
XXème siècle, Études offerts à Georges RIPERT, op. cit., p. 345.
4
A.-J. ARNAUD, « Homme et droit de la famille », art. precit., p. 4.
5
Le doyen CARBONNIER soulignait de façon profonde que « Le mariage français est une union perpétuelle.

lien, et elle affleure, par instants, à la lumière du droit ». Il


continue, en ajoutant cette pénétrante remarque : « Ainsi, en faux bourdon, à travers le droit, la voix grave de la
-t-on, est impossible
; ou il faut se dresser contre le droit, ou votre morale est vaine. Mais
ite, lui assure le
véritable règne auquel il ait vocation ». Cf. J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage »,
art. precit., pp. 343-344.
6
J. BOUVERESSE, « ale », in Le droit
entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p. 53.

55
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

contractuelle »1.
indispensable au pouvoir royal, les corps intermédiaires sont affaiblis2 voire anéantis car
«

remonte se transforme en pouvoir et redescend ; cet incessant mouvement de va-et-vient


doit toujours être parfaitement fluide »3. La phase libérale de la Révolution va pourtant
rapidement changer à la veille de la promulgation du Code civil. Fondant la société issue
de la Révolution sur la propriété et la famille, les rédacteurs du Code demeurent
paradoxalement convaincus de où la conservation des
4
biens est centrale .
61. . La Révolution consacre le contrat comme
fondement de toute chose, car « la volonté individuelle possède une véritable puissance
créatrice » 5 . Cette conception de la liberté
OCCAM, se manifeste que le mariage
que la volonté fait et défait. Le second projet de codification
de CAMBACERES prévoyait que le droit de la famille reposerait sur la liberté, et que tout
individu est « maître de sa personne », tout en reconnaissant la place centrale du mariage
formé pour le bonheur de deux individus »6. Le
sacrement de mariage devient une « cérémonie » à
consentement matrimonial7. La suppression des corps intermédiaires permet la
8
. À cet égard, la puissance
paternelle
Humanisée, elle est soumise au contrôle des nouveaux tribunaux de famille. La
reconnaissance des liens de filiation naturelle par la loi du 17 nivôse an II, puis le décret du
12 brumaire an II sur les successions mettent à quasi égalité les droits de succession des
1
A. COLIN, H. CAPITANT, Traité de droit civil, Introduction générale, institutions civiles et judiciaires,
Personnes et Famille, t.1, Paris, Dalloz, 1957, p. 129.
2
Ibid., p. 125.
3
J. BOUVERESSE, « », art. precit.,
p. 79.
4
Cf. R. LE GUIDEC, « Regards sur les fonctions économiques de la famille », in Mélanges
professeur Jean Hauser, Paris, Dalloz, 2012, pp. 299-307.
5
J. BOUVERESSE, « », art. precit.,
p. 77.
6
Cité par O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation intermédiaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd.
Arthur Rousseau, 1901, pp. 112-113.
7
P. FONTEZ, Les diverses étapes de la laïcisation du mariage en France, Perpignan, Pontifica universitas
gregoriana, 1972.
8
Ceci explique que la famille dans le Code ci
sans
prendre conscience, ou au moins sans prendre pleinement conscience que toutes les règles ont trait à une
institution unique ». Cf. H. et L.
MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de droit civil, la Famille, t. 1, 3ème vol., 7ème éd. revue par
L. LEVENEUR, Montchrestien, 1995, p. 4, n° 685.

56
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

enfants naturels et des enfants légitimes. La capacité de la femme mariée est reconnue et la
puissance maritale est re ont incontestablement affaibli la
famille en tant que corps intermédiaire.
62. Le mariage, un contrat civil. En raison une conception bourgeoise du
mariage, la réforme de s. La

les revendications égalitaires1 omme dans sa vie privée2. La


Constitution de 1791 et le décret du 20 septembre 1792 font du mariage un contrat libre
sécularisé : « La loi ne considère le mariage que comme contrat civil »3

ime4.

, au nom du respect de la liberté de conscience. Ce bouleversement met fin à des


siècles de mariage uniquement religieux. Les officiers publics reçoivent désormais les
déclarations de naissances, de mariage et de décès. La rupture est ainsi consommée avec
-
Cotterêts (1539) de constater et enregistrer tout évènement familial.
liberté individuelle propre à chacun et la sécularisation consécutive du mariage conduisent
à admettre le divorce. Bien que les nouvelles dispositions portent en leur germe le
caractère révolutionnaire et indiv s demeurent marquées par
-considérée au même
titre que les fous et les enfants comme une « perpétuelle mineure »- devant obéissance à
5
son époux ou encore au mariage de son fils. La nouvelle législation
perspective de compromis entre
individualiste porté par la phase révolutionnaire
issu de la tradition catholique depuis des siècles6. La philosophie individualiste imprègnera
pourtant la conception du mariage : «

1
Cf. notamment J.-P. DURAND, « Code civil et droit canonique », Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, p. 59-79.
2
mière

privé) et, partant de là, celle- THERY appelle droit du


principe. Une deuxième conception voyait en la famille une « société irréductiblement spécifique » dont

droit du modèle. Cf. I. THERY, Le démariage, Paris, Éd. O. Jacob, 1993, p. 23.
3
Lors de la promulgation du Code civil en 1804, PORTALIS
civil, ni un acte religieux. Il est un acte naturel, commun à toutes les personnes humaines et donc un acte devant
être organisé par la loi civile.
4
Y. BRULEY, « Mariage et famille sous Napoléon : le droit entre religion et laïcité », Napoleonica. La revue,
2012, n° 2, pp. 111-126.
5
A. DESRAYAUD, « Le père dans le Code civil, un magistrat domestique », Napoleonica. La Revue, n° 2, 2012,
pp. 3-24.
6
S. BLOQUET, « Le mariage, un », Napoleonica. La Revue, n° 2,
2012, pp. 74-110.

57
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

consentement ». La prise en compte de la liberté dans le mariage -venue directement de la


pensée anglaise dont LOCKE est représentatif- ouvre la porte à
du mariage.
63. La consécration du dominante
ème
siècle, bonheur et mariage ne sont plus antagonistes. Le bonheur tel que
perçu repose sur . des
des moralistes, es
1
romanciers mariage. L promeut une conception
du mariage fondé sur les sentiments humains, délaissant son côté
« une contradiction irréductible oppose
les pulsions individue et les contraintes de la
2
»
MONTESQUIEU défend. Démontrant
équilibre, il met en relief le sacrifice du bonheur individuel qui en résulte. Comparant le
mariage tel que vécu en France avec le harem dans ses Lettres persanes, il mettra en
lumière les conditions, selon lui, favorables au plaisir amoureux. Le harem favoriserait un
amour sensuel et raffiné, où les relations charnelles seraient plus difficiles à obtenir, en
raison de la pudeur inculquée aux filles dès leur plus jeune âge. Un tel amour serait
imulé par la concurrence des femmes entre elles, rivalisant de sensualité
pour être préférées3. Or, MONTESQUIEU valorise un sentiment amoureux à partir des
individualités qui le ressentent. Détaché de la morale, il se trouve réduit à la seule
dimension charnelle et sentimentale : c le règne du mariage subjectif. Pour appréhender
les relations humaines, VOLTAIRE raisonne lui aussi en termes
individuel. sur la philosophie anglaise lockienne, il développe une pensée dont
le fondement est moteurs des actions humaines. Pour ce
dernier, le mariage serait désir mutuel de vie commune et de relation
4
charnelle » . La question du désir physique fondement naturel du mariage- sera
développée par ROUSSEAU. Sa théorie du contrat social favorise
conception juridique du mariage qui repose sur trois idées. La première considère que
-être, seul mobile des actions
5
humaines » . Cette approche est probablement la plus déterminante dans la mutation
contemporaine du mariage. La seconde procède à une nette distinction entre la possession
des choses et celle des personnes, «

1
C. PHILIPPE, « Maupassant, précurseur du mariage moderne », in Mélanges à la mémoire de Danièle Huet-
Weiller, Liber amicorum, Strasbourg, PUS, LGDJ, 1994, pp. 367-377.
2
S. MELCHIOR-BONNET, C. SALLES (dir. de), Histoire du mariage, Paris, 2009, p. 604-605.
3
MONTESQUIEU, Lettres persanes, lettre III.
4
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne, op. cit.,
p. 182.
5
ROUSSEAU, Le contrat social, Paris, GF Flammarion, 1992.

58
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

: mais il

»1.
Sans doute est-ce cette idée sur laquelle repose la liberté du consentement au mariage.
Enfin, ROUSSEAU distingue le pouvoir gouvernemental du pouvoir paternel, en mettant
ce dernier, qui seul justifie
64. orce. Cette question a donné lieu à de virulents débats au
XVIII siècle entre canonistes et jurisconsultes2. En admettant le divorce de façon très
ème

large3, la Révolution a généré nombre excès4. SEDILLEZ proposait une théorie très
proche de la nature, laissant au juge en toute conscience, les faits
pèce qui lui seraient soumis. Le mariage étant un pur contrat civil, il est désormais
possible de le rompre de la , sans que la société ne dispose
elle semble
très proche de notre conception du divorce. Pour PORTALIS, « le véritable
motif qui oblige les lois civiles à tes je
rendis tout indépendant de la religion

aucune religion. Je ne voulais accorder aux prêtres aucune influence et aucun pouvoir sur
les affaires civiles »5. Le divorce résulte ainsi directement de la Déclaration des droits de

1
ROUSSEAU, , Paris, GF Flammarion, 1992, p. 246.
2
Pour les premiers, le mariage était un contrat-sacrement relevant exclusivement du pouvoir spirituel, alors que
pour les seconds (notamment les gallicans) le contrat-civil relevait du pouvoir temporel, donc des prérogatives

-
« accessoire » du
premier.
3

considérations sentimentales et juridiques sans jamais évoquer son utilité sociale ni le principe même de son
admission. Les assemblées délibérantes maintenaient un contact avec le peuple duquel elles étaient issues, en

des secrétaires ou par les pétitionnaires eux-mêmes, ces pétitions pouvai


relative au divorce était essentiellement une loi de liberté : O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation
intermédiaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd. Arthur Rousseau, 1901, pp. 68-75.
4
Certains divorces avaient été constatés authentiquement avant le 20 septembre 1792, que le décret des 4-9
floréal an II (23-28 avril 1794), facilitant le divorce, régularisa par suite ; en cas de séparation de fait pendant six
e divorce pouvait être prononcé sans délai. Des pénalités étaient
prévues pour certaines municipalités réfractaires au prononcé du divorce dans de telles conditions.
Cf. O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation révolutionnaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd. Arthur
Rousseau, 1901, pp. 88-89.
5
Cité par J. BASDEVANT,
Trente au Code civil, Paris, 1900, p. 201 ; B.-E. EARA, Napoléon en exil à Sainte-Hélène, t. 1, p. 150, cité
par E. STOCQUARD, Aperç , Bruxelles O. Lamberty, 1905, p. 247.

59
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

65. Les abus générés par une pratique excessive du divorce. Le principe de liberté
Trois types
de divorce ont été retenus par le Comité de législation : le divorce par consentement
mutuel, le divorce pour motifs déterminés et le divorce sur allégation unilatérale
1
. -
-ci qui justifie les deux premières formes de divorce. Un délai de
deux mois était nécessaire pour dissoudre le mariage en cas de consentement mutuel, sans
condition de délai et sans connaissance de cause un motif, enfin un délai
intervention de
était limitée à de la volonté des parties. Or, les
pétitions s s nouvelles règles du divorce,
particulièrement du divorce se sont
avérées désastreuses. Un mouvement de réaction face aux abus perpétrés p
du divorce poussa les rédacteurs du Code2 à en modifier la physionomie3. Les causes
sont finalement restreintes et déterminées4, les conditions de sa mise en
5
durcies, voire rendues impossibles. Tout en rappelant que le mariage devait être
contracté dans un esprit de perpétuité, le principe de la liberté de conscience commandait
« la
6
» . Ainsi
consacré, le divorce subsista yant aboli, en
même temps que le catholicisme fut Il ne réapparaîtra
loi du 27 juillet 1884.
66. Le recours modéré a La cellule familiale est un lieu où le
doit être harmonieusement combiné avec celui de différenciation des
places et des rôles de chacun. té de la femme mariée, perçu comme
assujettissement de celle-ci , permettait paradoxalement de maintenir la

1
§1er de la loi, art. 2 et 3.
2
La commission chargée de rédiger un projet de Code civil était composée de TRONCHET, de BIGOT-
PREAMENEU, de MALLEVILLE et de PORTALIS
Divorce ».
3
La loi votée par le Corps législatif fut promulguée le 10 germinal an XI.
4
profit du divorce par consentement mutuel dans
: le mari doit avoir plus de 25 ans, la femme entre
21 et 45 ans (articles 275, 277 du code de 1804) ; des conditions de durée du mariage : plus de deux ans et moins
de 20 ans (art. 276 et 277). Les époux devaient également obtenir le consentement de tous leurs ascendants

alimentaire qui lui sera versée si elle est dans le besoin (art. 280), enfin donner immédiatement la moitié de leurs

trois ans (art. 297), cf. J.-Ch. LAURENT, « Quelques réflexions sur les causes du divorce », D. 1949, 13ème Cahier,
pp. 61-64.
5
La procédure était longue car il y avait pas moins de quatre tentatives de conciliation (art. 285 et 286).
6
G. DUMAS, français, Thèse, Paris II, éd. Arthur Rousseau,
1902, pp. 77-78.

60
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cohésion de la cellule familiale dans le respect des différences entre homme et la femme.
ture de la femme commanderait une quelconque soumission,

conduire à une situation concurrentielle1 qui m


paisibilité requises dans le cadre familial. Bien souvent, d
consacrée par les dispositions légales, la réalité était tout autre : les épouses gagnaient la
protection avec la dépendance, et un certain pouvoir domestique avec leur incapacité
juridique. Bien souvent, elles étaient «

un projet commun et une association de partenaires égaux, par-delà les faux-semblants de


la norm

de la protéger »2. Comme le souligne Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, « il


paraiss
»3. Le législateur en
certains domaines, pourtant objectif
du droit de la famille. le Code civil proclamai
entre les enfants des deux sexes, sans distinction aucune. La loi du 9 avril 1881 autorisait la
femme mariée ans autorisation de son époux, tandis
que la loi du 13 juillet 1907 portait sur la libre disposition des gains et salaires. Autant
permettaient , en ne créant
aucun conflit es membres de la famille. Bien au contraire,

exerçait une activité salariée.


Une fois appréhendés les éléments déterminants dans la fixation des règles qui président au
mariage occidental, il convient de s maintenant à ceux qui président à la fixation
des règles régissant le mariage musulman.

1
V. infra, n° 140.
2
J. BOUVERESSE, « », art. précit.,
p. 55.
3
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Droit des personnes et de la famille : de 1804 au PACS (et au- »,
Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, p. 37-52.

61
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

Section 2. Le mariage musulman

67. ordre juridique de référence.


«
»1,
étudier le mariage musulman nécessite un examen approfondi de sa genèse afin de
comprendre la portée d ion
islamique. Une telle entreprise
préislamique2.

3
consacrées , loin de ,
4
un ensemble .
ordre juridique, dont il fait partie intégrante, que la structure et le rôle du mariage seront
mieux appréhendés.
68. Un mariage en apparence religieux. Parce que nombre de règles relatives au
mariage sont puisées dans le Coran, celui-ci est, dit-on, religieux. Il est sans doute encore
ainsi perçu en raison de la forte prégnance religieuse de la communauté dans laquelle il
dans laquelle le religieux se confond le plus souvent avec les pratiques sociales5.
Pourtant, celui-ci est profondément consensuel et ne devient valide que par le
consentement des époux6. au VIIème siècle de notre ère est, à cet
(§2). Cependant, des transformations apportées par
cette religion ne peut être appréhendée sans un examen des grands traits de

1
L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974, p. 26.
2
Hervé BLEUCHOT affirme que « -isl
». H. BLEUCHOT, Droit musulman, t. I :
Histoire, Marseille, PUAM, 2000, p. 41.
3
V. en ce sens : M.-M. SALAMA, Le mariage en droit musulman, Thèse, Montpellier,
Imprim. Firmin&Montaine, 1923.
4
S. A. ALDEEB ABU-SAHLIEH, Introduction à la société musulmane. Fondements, sources et principes, Paris, éd.
Eyrolles, 2006. Pour des développements plus poussés, v. la thèse de I. TOUALBI, Le droit musulman : de
« » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, spec. p. 191. Dans son
étude, M. TOUALBI explique que la compréhension réelle du droit musulman ne peut être complète en se référant
uniquement au contenu du récit coranique. En effet, sur les six mille versets que compte le Coran, seuls cent
cinquante traitent du droit stricto sensu. Afin de réellement saisir la portée de ces versets normatifs, aussi
convient- xes permettant de connaître précisément les
circonstances historiques et linguistiques de leur apparition, ce qui exige bien évidemment un savoir théologique
eur se propose

5
I. FADLALLAH, « Lien conjugal et rencontre de civilisations », in Le statut personnel des musulmans, Droit
comparé et Droit international privé, J.-Y. CARLIER, M. VERWILGHEN (dir. de), Bruxelles Bruylant, 1992,
p. 344. Si dans l
sacramentel et ne constituent pas un élément du contrat de mariage.
6
N. GAFSIA, : le cas tunisien, Paris, LGDJ, coll. « Droit et
Société », 2008.

62
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

familiale anté-islamique (§1 permettra une meilleure


compréhension des règles juridiques contemporaines et leur évolution dans les pays du
Maghreb (§3).
69. Méthode de travail. Il convient, afin de ne pas dénaturer la portée du donné
étranger, s
« interprétant des institutions appartenant aux peuples primitifs
civilisés
à des résultats erronés. Inconsciemment, ces comparatistes leur ont prêté des raisons, des
objectifs, et des réactions juridiques conformes à leur propre esprit et mentalité et non à la
mentalité du monde spirituel dans lequel vivaient ces peuples »1. L
doi et
2

ne séparant pas disposition juridique, règle morale et prescription religieuse. Il


de cet éclairage, plus aisé de comprendre les résultats auxquels ont pu aboutir certains

laïcisé.

-islamique : une structure désorganisée

70. Une pluralité de types de mariage 3. ans la péninsule


la société arabe. Afin
4
une adhésion massive des fidèles au nouveau dogme -unité et toute puissance de
5
Dieu , vie future avec ses peines et ses récompenses-, revenir su
et coutumes locales ayant cours dans la région se révélait inadapté au but poursuivi6. Tout
au plus était-il possible de les encadrer, voire de les
mariage telle que la connaît le droit musulm

1
L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974, p. 186.
2
V. en ce sens : J.-P. CHARNAY, Esprit du droit musulman, Paris, Dalloz, 2008.
3
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème
Al jadida, 2015, pp. 1176-182 (en langue arabe).
4
Le dogme musulman se caractérise par une grande simplicité : les musulmans sont appelés à croire en un Dieu
unique, Allah, à ses anges, à son apôtre, au Livre, aux Écritures révélées avant lui et au jugement dernier.
5
religion » dominante le

ieu mais un
ROMMIER,
« Religion », in Encyclopaedia Universalis
pp. 710-730.
6
Le souc
mariage dans ses débuts, cf. supra, n°.

63
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

conception islamique. Avant son arrivée, la pratique de union libre1 rendait incertaine la
frontière entre mariage et prostitution. Parmi les unions prohibées figuraient notamment :
le mariage « à durée limitée » , dans lequel la femme était louée pour un prix
et pour un laps de temps déterminés. En guise de don de mariage, la femme offrait à
une lance et une tente. Une autre sorte de mariage, proche de nikah
al istibdaâ -mais dont le but était procréatif-

homme connu pour son courage, son intelligence ou tout autre qualité. Le mari ne touchait
plus sa f
cohabitation avec cet homme. Le mariage « hérité » appelé aussi mariage « détestable »
nikah al makt permettait au fils aîné du défunt Achetée
avec les biens du mari, la femme
Nikah al-seby permettait aux guerriers de se
partager les femmes de la tribu vaincue, les enfant nant
esclaves. Enfin, le mariage « compensatoire » (nikah al chighar) permet à deux hommes de
leur
compensation, sans dot aucune. empêchait la fondation
hui, le mariage variant
une autre.
71. Une polygamie illimitée. la pratique de la
polygamie mais surtout illimitée, cette institution y
jouait un rôle social important en épargnant à la femme non mariée de tomber dans la
ayant réduite à quatre femmes, un statut juridique
garantissant les droits .
2
72. e personnalité juridique de la femme. était une
e au monde était
3
pénalisante pour la productivité du groupe . Une telle pratique humiliante envers les
femmes a été condamnée avec rigueur.

1
I. KHILLO, « Conjugalité et concubinage dans le monde musulman : de la loi religieuse à la réalité sociale »,
Annuaire Droit et religions, PUAM, 2010-2011, vol. 5, p. 277.
2
Al-Nahl
; il suffoque ; il se tint à
qui lui a été annoncé. Va-t- -t-il dans la poussière ?
-il pas détestable ».
3
jahiliya (période pré-islamique), l
capacités productives mais surtout physiques, afin de participer aux guerres. La femme, sexe faible, était de ce
té bédouine. Objet de

En matière matrimoniale, aucune loi ne déterminait

64
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

e bref retour historique, il se dégage une volonté de ne pas mettre en place


une structure radicalement différente d
essentiellement eu pour objet ration de la condition féminine et la réglementation
1
objectifs inspirés
2
d .

: le mariage fondateur de la famille

73. Un arrière-fond politique, social et religieux déterminants. du


fonctionnement de la famille musulmane ne saurait être entier il ne tient pas compte du
cadre politique, social et religieux (A). Son étude révèlera aux antipodes du
cadre philosophique et religieux occidental. Une fois ce donné posé, il rejaillira une
meilleure lisibilité sur la famille comme institution (B).

A) Détermination du cadre politico-religieux

74. Une imbrication de facteurs complexes. Dans le monde islamique, aborder la


question « pensant » bute sur plusieurs obstacles. La compréhension
dénaturée du message divin (1), conjuguée à -en-
relation-avec-Dieu (2) et une excessive politisation de la vie sociale (3) en empêchent
.

1- Un message divin imparfaitement compris ?

75. . dans le texte sacré est


3
désigné sous le vocable insân , dérivé du radicale ins qui exprime, selon IBN MANDHOUR
et FAYROUZABADI, « solitude sauvage »4. Le vocable ins5 est

1
-trois années, ce laps de temps était insuffisant pour
remettre radicalement en question les coutumes socio-culturelles.
2
I. TOUALBI, Le droit musulman : de « » aux tentatives de réforme, Thèse,
Paris I, 2011, p. 100.
3
La langue arabe est en ef
, pluriel de insân, ensuite le vocable rijal, lequel désigne les hommes par opposition aux femmes, ibad
désigne la masse des serviteurs de Dieu sans précision de sexe, et bachar

4
A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? »,
, B. FEUILLET-LIGER, P. PORTIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 160.
5
Du radical ins découle également ce que recouvre en langue française le terme « humanisme », insania, « lien

privilégiées ». A. BOUHDIBA, art. precit., p. 160.

65
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

généralement couplé au vocable djin « être d »1 ins wal


jin
djin. La consonance en forme de sur laquelle est
construit le vocable insân Homme imân (la foi) ou islam (la religion)- « met
en avant le caractère intrinsèque, intérieur, volontariste même, ferme et permanent mais
aleur en pleine réactivation psychique »2. Le texte sacré ferait
donc une large faisant partie intégrante du projet
3
islamique .
76. Consistance du message divin islamique.
comme un individu libre. Aussi surprenante soit-elle, cette affirmation
est à mettre en parallèle avec le mythe de la Création. La place occupée par Dieu en Islam
est infinie et illimitée, il est considéré comme créateur de toutes choses, humaine soit-elle,

4
. Cette supériorité5 que
se situe directement après . Il a pour tâche de
monde pour lequel il a été créé et, «
-puiser (puiser en lui- uguer les atouts de sa liberté, les

de la constituer en une science, transmissible, apitalisable de génération en génération.


Malgré les aléas du quotidien, liberté, raison, sagesse, savoir et savoir-faire demeurent
»6
compréhension de la tradition instituée par le prophète MOHAMED (saw) est une obligation
pour tout croyant, loin de idée de monopole religieux.

1
Ibidem., p. 160.
2
Ibid., p. 160.
3
(sourate Al-insân, et sourate
Al-nâs) : dans sourate Al-nâs,
e est évoqué pas moins de cinq reprises dans ses relations avec son créateur
Rabb, dans ses relations avec lui en tant que Maître Mâlik, enfin dans sa relation à Dieu, Ilâh. Pas moins de
cinquante- insân ins est opposé au djin ou
chaytane, tandis que trente-deux évoquent le genre humain bachar.
4
A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? », art. precit., pp. 157-185.
5
Dieu ayant créé Adam, il demande aux anges de reconnaître son éminente dignité en se prosternant devant lui,
intronisation » est
pourtant contestée par IBLIS, essence du mal en Islam. Celui-ci argue du fait que lui, plus puissant, est fait de feu,

désobéissance même d BLIS qui « », car « il installe


». A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des
Lumières ? », art. precit., p. 163.
6
Ibid., spec. pp. 166-167.

66
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

77. La dénaturation du message divin. Dès la clôture de la prophétie par le décès


- la Raison a été mise à contribution de manière tout à fait
autonome. Comme éclairante Monsieur BOUHDIBA, « Si Dieu
-ci a
atteint la pleine maturité ; la pleine conscience de soi qui rend superflue toute nouvelle

»1.
comprendre a été abusivement limité aux seules élites religieuses2, à tel point que le sens
même de la prophétie semble avoir été altéré par « les conséquences des inévitables
blocages historiques, culturels, économiques ou politiques dont toute société fait
»3. Madame Asma LAMRABET
déplore à cet égard « la fragmentation
ale
afin de comprendre la teneur des véhicule.
centré sur le dogme de la servitude
« la hauteur de son texte sacré »4. Une telle approche globale est pratiquement inexistante
dans la pensé musulmane contemporaine et dans la réalité des musulmans et leur
conception pratique du religieux5. L consistant à tirer des
solutions éphémères pour les problèmes de la société actuelle génère une « confusion
6
idéologique ce q . Une telle approche conduit à
occulter les fi
coraniques et les normes sociales7. -ci
contribuerait lui-même à se prendre en
profond du message divin.

2- Une relecture possible de la tradition religieuse

78. Le référentiel en Islam : la umma8. Un verset coranique hautement symbolique


umma en Islam : « Vous êtes la communauté la meilleure

1
Ibid., p. 172.
2
Ibid., p. 158.
3
Ibid., p. 159.
4
A. BIDAR, , éd. Albin Michel, 2ème éd., 2012, p. 17.
5
Ibid., p. 187.
6
A. LMARABET, « Une autre approche du Coran », in Femmes et Hommes dans le Coran, quelle égalité, éd.
Albouraq, 2012, p. 29 et s.
7
M. EL SHAKANKIRI, « Loi divine, loi », RIDC, 1981, pp.
767-786.
8
Le mot umma vient de la racine umm, qui signifie « mère ». Au sens strict, la umma symbolise la mère patrie,

indépendamment de leur lieu de naissance. Elle symbolise la fraternité universelle de tous les adeptes de la

67
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

qui ait surgi parmi les hommes : vous commandez le bien, vous interdisez le mal, vous
croyez en Dieu »1. La notion de bien est centrale dans la pensée islamique. Elle constitue
un devoir collectif où chaque citoyen est appelé à prendre partie. Un hadith rapporté
dispose que « quiconque pour vous voit quelque chose de répréhensible doit le changer
avec la main
».
Cette obligation collective relève de la responsabilité de chaque musulman dans la
Communauté, dont il lui en sera demandé de rendre compte devant Dieu2.
79. importance accordée à la
3
collectivité explique que en tant que sujet dans les pays de
tradition musulmane présente une relative pauvreté, car la umma fonctionne comme un
corps opaque et contraignant. La réponse apportée lam lui-même à la problématique
tion est la suivante : pourquoi faudrait-il des sujets, lorsque la communauté
4
? L se
5
trouve déclassé par rapport à la collectivité et, si ce dernier arrive à se percevoir en tant

-même,
mais se conçoit uniquement dans le cadre de cette umma
tacite -même au profit de la collectivité -
saisiss à la
6
réflexion sur la personne dans la tradition chrétienne être

umma e de chaque sujet se


confond nécessairement avec toutes les autres individualités.
80. Un individu en relation avec Dieu. Se dégage alors ce que
psychanalyste Monsieur CHEBEL « êtres de croyance »7 ou

religion musulmane, un corp

même religion, vénérer un même Dieu et communier dans une même langue. La force de cette structure supra-
ethnique réside dans son aspect englobant. Sur la umma
V. S. PAPI, -Lybie- Maroc-Mauritanie-Tunisie, Paris,
Harmattan, 2009, p. 261 et s.
1
Sourate 3, , verset 110.
2
R. SANTUCCI, « Le regard de », , M. AGI (dir. de), éd. Des idées&Des
hommes, 2007, p. 158.
3
du croyant. Cf. en ce sens : Y. BEN ACHOUR, « Les droits
»,
Mélanges Petros J. PARARAS, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 1-16.
4
Ibidem, p. 16.
5
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, Paris, éd. du Seuil, 2002, p. 148.
6
Cf. supra n° 19.
7
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 149.

68
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sujets de Dieu té et de « fraternité en Dieu » dont


la force permet de les relier au-delà des frontières. Il en découle que la umma, disposant de
la norme sociale1 et sa validation co pris
ni comme finalité du système ni comme son axiome. que la
plupart des versets commencent « par un ordre divin transmis aux hommes
par le biais du prophète MOHAMED » (saw) traduisent « t réservé à
humaine que parce que « soumise à la dimension supra-
humaine ». Dans son ouvrage Le sujet en Islam, Monsieur CHEBEL met en évidence
« individu-hors-du-monde » et « individu-dans-le-monde ». Cette

Monsieur Ernst TROELTSCH à propos des


doctrines sociales des Églises et des groupes chrétiens2, reprise par Monsieur Louis
3
DUMONT de ses Essais . Pour Monsieur TROELTSCH
comme pour Monsieur DUMONT, les chrétiens étaient primitivement des individus-en-
relation-avec-Dieu. -dans-le-monde ne serait pas tributaire, dans son
vécu quotidien, de cette vision supra humaine et transcendante mais est attaché aux
contraintes et -en-relation-
avec- éclaire sur la place qui
a été faite au développement des formes rationnelles de la société. Monsieur CHEBEL le

:« le caractère pesant du rituel de la prière

physique pour le cantonner dans une préoccupation céleste ou, dans le pire des cas, dans un
ôté, ce même musulman est appelé à embrasser
le monde, à le pratiquer, le sillonner, le maîtriser. La sunna propose des fins concordantes,
t nombreux : chaque profil peut disposer de tel ou tel hadith,
qui lui permettra de ne jamais se contredire lui-même, sans contredire le projet
»4. Le musulman constituerait donc à la fois cet individu-en-relation-avec-Dieu
-dans-le-monde raisonnement de Monsieur HUNTINGTON,
5
pour qui la umma est une masse virtuelle condamnan est
contestable. Un tel raisonnement méconnaît
complément indissociable à la compréhension de la religion musulmane. Surtout, la
négation qui en découle des diversités nationales et culturelles propres aux pays

1
Sur cette notion, V. infra, n° 399. Pour un essai de théorisation, cf. S. BENISTY, La norme sociale de conduite
saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des Thèses », 2014.
2
E. TROELTSCH, Les doctrines sociales des Églises et des groupes chrétiens, 1912, Camille FROIDEVAUX (trad.),
Paris, PUF, coll. « Sociologie », 1999.
3
L. DUMONT, Essais sur , Paris, éd.
du Seuil, 1983.
4
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 154.
5
S. HUNTINGTON, Le choc des civilisations, trad. française, Paris, éd. O. Jacob, 2000.

69
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

musulmans conduit Monsieur HUNTINGTON à occulter la réalité complexe de ces pays 1


lesquels « ne sauraient être réduits à une seule entité immobile et univoque déshumanisant
masse virtuelle »2. Cette méconnaissance
esprit ne
saurait
81. La place incontournable du donné religieux.
simpliste et littérale du donné religieux par Monsieur HUNTINGTON est contestable, il ne
nous semble pas que le critère tiré de la place de la religion dans les pays islamiques ne
dans le dialogue des civilisations entre elles,
3
c auteur . La place large que ce dernier accorde à la notion de
. La religion constitue élément
4
et occupe, à ce titre, une place
de choix au sein du système islamique. Le réel malentendu résiderait dans le désintérêt
-à-vis des affaires touchant la sphère religieuse et qui
5
empêcherait et du donné religieux au fondement
de son identité. Convient-il de préciser que le malentendu allégué semble être nourri par la
notion d -en-relation-avec-Dieu, qui constitue de plus en plus le modèle
rie

de plaire à Dieu et à son prophète » 6 (saw). Dans cette configuration, l -dans-le-


monde se trouve rapidement évincé alors même que cette dimension est appelée à
faire partie intégrante du projet divin. Comme le souligne Monsieur CHEBEL, « les figures
et thématiques du sujet distordent la ressemblance du croire, en préférant parfois le
»7.
-
82. Pour un Islam de . Pourtant, un certain nombre de
déconstruction du rapport

1
K. ZAHER, Conflits de civilisations et droit international privé
2
Ibidem., p. 18.
3
K. ZAHER, Conflits de civilisations et droit international privé, op. cit., spec. n° 8, p. 19.
4
En atteste l privilège de religion dans les litiges internationaux en matière
de statut personnel, V. infra, n° 425 et s.
5
Monsieur HUNTINGTON les musulmans

plus à aucune religion ». Cf. S. HUNTINGTON, op. cit., p. 313.


6
Ibidem., p. 168.
7
Ibid., p. 168.

70
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
. Un tel processus prendrait forme
« -à- ».
BIDAR, le philosophe utilise le concept de self
islam2 -construction
elle éloigné de «
mise à
distance de la religion comme fait social pour se la réapproprier librement et par ses
propres moyens3. -à-vis
-même et ne semble pas « avoir pris une réelle conscience de soi, à la mesure de son
évolution retard entre
tation des actes (déjà en cours) et leur représentation (encore liée à un islam du

ence au
4
discours de la religiosité ambiante » . Se gardant de promouvoir un islam individualiste
ou « à la carte », Monsieur BIDARD
autonomie et de responsabilité personnel
umma
, -
merger une culture de la
5
liberté, éloignée de toute idée de jugement et de censure .

3- Une contestable politisation de la vie sociale

83. La perception du sujet par le droit et le politique6. La vie sociale du sujet telle
par le droit et le politique pose la question liée à la justice comme valeur. Si la

1
Un tel processus constitue le mode de vie majoritaire des musulmans européens selon les études sociologiques.
Cf. J. CESARI, « » ,
P. DEWITTE (dir. de), Paris, La Découverte, 1999, pp. 229-231.
2
self islam
personnelle de pensée et de conscience, pour soi et pour autrui ». A. BIDAR, , Pour un
existentialisme musulman, op. cit., p. 18.
3
Ibid., p. 17.
4
Ibid., p. 20.
5
Ibid., p. 21.
6
Dans son acception juridico-
Considérant le second cas, il peut être considéré comme b

social
6

référence à u
TRIGEAUD lors souligne que « si je suis socialement, -t-il, tantôt je tombe sous le contrôle
; tantôt je me soustrait totalement à

e culture qui les dépasse et une liberté

71
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

vie sociale se décline en une « vie juridique » est une personne


juridique apte à être titulaire de droits, elle est aussi une « vie sociale » constitutive de la
vie citoyenne. Entre les deux pourtant existerait une vie « culturellement parlant »1, qui
ividu du point de vue subjectif. Éminemment personnelle, cette dimension
de la vie se présente sous existentielle, que ni le droit ni
la politique ne sauraient ignorer.
84. Instrumentalisation du droit par le politique. Il peut arriver que le droit,
employé abusivement, ait vocation à . Une telle dérive ne
manifeste ni plus ni moins une « pathologie (du droit)
en jouant de divers
2
amalgames » . Si les solutions peuvent être légales,

Les situations les plus illustratives de ce phénomène à travers


la création de comités, de commissions, hautes autorités ou observatoires qui marquent leur
prééminence sur les instances de droit - -. Le
processus de confiscation indirecte du pouvoir qui en résulte nie le troisième aspect de la
vie3 en réduisant la vie juridique à la vie sociale. La politisation consécutive de la vie
sociale aboutit à la négation des singularités, en englobant la vie entière des individus4.
Dans les États de droit et sociétés dites démocratiques, les considérations
de valeur des consciences selon des références mises en place par le politique ne sauraient
exister, car « le droit est lié par sa propre règle dont il ne décide pas, qui est reçue de la

décider de tout »5. Ce phénomène est particulièrement présent dans le cadre de la sphère
culturelle ou religieuse. T impose à la
société un invariant religieux et politique en méconnaissance de la distinction entre droit et
me, le droit régit la vie sociale des individus en la soustrayant de

existentielle qui en montre ses limites ». Dans le premier cas, le système le plus représentatif de cette situation
rice à la conduite
-M.
TRIGEAUD, « Le dédoublement du sujet : entre sujet juridique et sujet social », in Personne, Droit, Existence, éd.
Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie comparée », 2009, p. 159.
1
J.-M. TRIGEAUD, « Le dédoublement du sujet : entre sujet juridique et sujet social », art. precit., p. 161.
2
Ibidem., p. 162.
3
En ce sens, v. la thèse du professeur D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, LGDJ, 1993, spec. n° 21,
p.
système juridique prescrit une interdiction ou une obligation, « il impose catégoriquement sa norme, et celle-ci
est indépendante des commandements du for interne -à-dire la conscience.
4
CHEBEL

parfois le combat, est en effet la seule à pouvoir conduire le sujet vers son autonomie et son identification
». Cf. Le sujet en
Islam, op. cit., p. 166.
5
Ibidem. p. 163.

72
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

son contenu1, use


incitations artificiellement attribuées à une société manipulée, dressée et domptée,
ici ou là, par des méthodes de propagande à peine masquées qui se répercutent
grossièrement dans des modes caractéristiques du processus législatif lui-même »2. Dans
cette configuration, si le politique occulte le droit - - de telles
défaillances ne sauraient valablement être imputées aux dysfonctionnements du droit. Si
cette
3
interprétation lui échappe pour ne relever que du politique pourquoi il convient de
distinguer le droit et son application.
85. d u sujet. La complexité de la personnalité du sujet
musulman ne fait plus de doute. Son individuation4 dans la sphère politico-juridique est
if qui ne peut être atteint que par une nette dissociation entre la
sphère psycho-religieuse et juridico-politique. L

remise en cause. Ce processus de redéfinition doit être mené à la lumière de la


ssance conditionne
5
la foi des fidèles té de la personne humaine, a fortiori sa dignité. À titre
es Conventions internationales ratifiées par nombre de pays musulmans
reconnaissent des droits à toute personne humaine, dans son individualité propre. Or, la
personne visée par ces textes ne correspond nullement à la conception de la personne
humaine retenue par les pays musulmans, appréhendée exclusivement
de croyance. demeurent lettre morte en pratique6 pour
. La sphère psycho-religieuse gagnerait donc à être
reléguée à une question de conscience individuelle7, afin de pouvoir faire émerger la
dimension juridique et citoyenne de la personne humaine.

1
Ibid. p. 170.
2
Ibid. p. 164.
3
Ibid., p. 166.
4
V. aussi : R. CHENNOUFI, « Sujet ou citoyen », Rev. tun. dr., 2000, pp. 205-220.
5
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 167.
6
C. FAURE, Ce que déclarer des droits veut dire : histoires, Paris, PUF, 1ère éd., 1997.
7
Nombre de tentatives, du vivant même du prophète, se sont employées à asseoir une conception du sujet dans la

M. CHEBEL : « les laïcs musulmans, les non-pratiquants, les infidèles et les athées continuent à subir le sarcasme

dont dispose encore le corps des théologiens, à travers ses différentes chapelles: juridique, légale, politique,
liturgique et morale, notamment à travers la vocation à contrôler la vertu que ceux-ci se sont arrogés ». Le sujet
en Islam, op. cit., p. 168.

73
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

B) La conception islamique du mariage

86. Absence de dimension transcendante du mariage en Islam. Dans la


de
nt
membres. La structure familiale unité politique de base et le lieu de la
importance de cette structure -comparable à la
umma à un échelon moindre- ne favorise guère . Le
poids du sentiment religieux au sein de la famille empêche

personnelles1. Dans ce contexte, le lien conjugal ne présente pas la même richesse


pays occidental, ni la même aura sacramentelle. Le mariage constitue un contrat de droit
privé dénué de tout caractère transcendant. Pour autant, celui-ci présente une importance
t
la conjugalité. C est particulièreme approche philosophique du lien conjugal en
Occident qui pour la simple et
2
bonne raison mise en évidence Monsieur le professeur Rémi BRAGUE , que « jamais la

s fut répercutée
par une armée
et donner à la pensée des grands maîtres un relais social qui a manqué à leurs confrères
musulmans »3. Si la lecture critique des textes sacrés en les
rationalisant- tel . IBN RUSHD4
parfaitement soulign «

»5.
87. Le mariage est un pacte. La portée symbolique et la signification profonde de la
relation conjugale parfaite en Islam sont exprimées par le verset suivant : «
comment oseriez-

mithaq ghalizh ? ». Deux conceptions ressortent de ce verset : la première relative à


la relation intime qui unit les époux, acte intime et amoureux qui
lie les époux à un point t

1
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 152.
2
Rémi BRAGUE est professeur de philosophie arabe et médiévale à Paris I, et de philosophie des religions à

3
R. BRAGUE, « Penser en Islam », Le point, Hors-série n° 5, nov.-déc., 2005, p. 11.
4
Connu .
5
AVERROES, Discours décisif, traduction inédite de Marc Geoffroy, Paris, GF-Flammarion, 1996, pp. 115-116.

74
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

mithaq ghalizh1 renvoie au


contrat de mariage aqd. Littéralement, pacte lourd de conséquences et pour
cette raison, le mariage est un lien solide et un engagement ferme qui unissent intimement
les deux époux. qui
deux partenaires à respecter leurs responsabilités communes. Son importance est encore
confirmée par le vocable mithaq ghalizh, seul terme désignant dans le Coran à la fois
2
et le pacte conjugal.
que à la relation conjugale permet de mieux comprendre la
faveur qui est sienne. Cadre conjugal de la générosité réciproque, le mariage doit
néanmoins pouvoir être rompu lorsque la relation intime - ifda-
temps. ilité du
la chose licite la plus détestable à
Dieu ».
88.
relation conjugale parfaite. Le Coran évoque le tarâdi3, qui est la capacité à la satisfaction
tachâwur4 correspond à la concertation
mutuelle dans constituent la pierre
angulaire des relations conjugales. Le Coran fait également référence à plusieurs reprises à
la sakîna5, traduisible par sérénité IBN CHUR compare ce principe coranique
au «
représentation de la vie à deux dans la dignité et la noblesse des
sentiments afin de dépasser toutes les épreuves de la vie à deux. Un « amour fou » ne
saurait résister à de telles exigences car il ne dure
mawadda wa rahma (amour profond et bonté infinie) sont deux autres principes établis par
le Coran comme fondements du mariage
de tendresse et de compassion. D , ces sentiments fondent la
relation conjugale parfaite qui devient avec le temps une fusion spirituelle et physique que
le Coran traduit par la métaphore du libas (vêtement) : « vos épouses sont un vêtement
s »6. Chaque partenaire Le
7
fadl exprime la générosité , que ce soit n de soi, dans le

1
Dans son exégèse, IBN KATHIR explique que ce mithaq ; « il
n » dit-il. Il signale aussi que ce

première clause est définie par un autre verset coranique : « vivre en bonne entente ou se séparer décemment
avec bienveillance » (Sourate 4, verset 19).
2
Sourate 7, verset 33.
3
Sourate 2, versets 232-233.
4
Sourate 2, verset 233.
5
Sourate 7, verset 189 ; Sourate 30, verset 21.
6
Sourate 2, verset 187.
7
Sourate 2, verset 237 : « ».

75
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

comportement ou la séparation.
conjugale de la société arabe pré-islamique1. De cette éthique découle une conception du
mariage orientée vers la recherche du bien commun.
89. : le bien commun. En Islam, le mariage est un
contrat synallagmatique des droits et des devoirs
2
réciproques . Cette union demeure profondément liée à la conduite que doit adopter le
mu en assurant la procréation dans la moralité et la pureté.
L ridiques relatives à la famille car
que se confondent en Islam dans la charia (loi de Dieu), code
3
. Le regard
coranique porté sur la femme est tout à fait autre que celui ancré dans la tradition judéo-
chrétienne galité y étant assurée dans le livre sacré de manière inconditionnelle4. Le

les hadiths5 quant aux responsabilités incombant aux époux : « Chacun de vous est comme
un émir (le prince) est responsable de sa
communauté ; e est responsable de sa famille ; la femme est responsable de son
»6.
Un autre hadith i est pas une institution établie en Islam, qui soit plus
Allah que le mariage », celui-ci y est perçu comme «
admirable de Dieu qui a imposé à ses créatures un désir sexuel qui les oblige par là, malgré
leur volonté, à assurer la continuité de leur descendance ; il est un auxiliaire de la
religion »7. Se marier est un acte de foi en Islam, le célibat étant perçu comme contre
nature8. Un hadith du prophète en atteste : « qui se marie a préservé la moitié de sa

1
Une des caractéristiques majeures de la péninsule arabique au cours des VI ème et VIIème
onc, entre autres buts, de mettre fin à une vie sociale
libertine et désordonnée.
2
Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité de droit musulman comparé, Paris-La Haye, éd. Mouton, 1965, p. 23.
3
S. JAHEL, « », in La place de la Cha
pays arabes, Paris, LGDJ, éd. Panthéon Assas, 2012, p. 155.
4
Cf. Sourate 33, verset 35 : « Les musulmans et musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes,
loyaux et loyales, endurants et endurantes, cra
: Allah a
préparé pour eux un pardon et une énorme récompense », et la sourate 2, verset 228, de corroborer cette égalité :
« Quant à elles, elles ont des droits équivalents à leurs obligations, conformément à la bienséance ». Le message

5
Les hadiths reposent sur la sunna du prophète, qui constitue un modèle de conduite pour tout musulman, bien
que les textes de référence en la matière diffèrent selon les sunnites et les chiites.
6
Rapporté par Al-Boukhari et Mouslim.
7
GHAZALI, Le livre des bons usages en matière de mariage, traduction de L. BERCHER et G.-H. BOUSQUET,

(par le mariage) pour permettre aux croyants de satisfaire leur sensualité dans des conditions approuvées par la
volonté divine. V. en ce sens : G.-H. BOUSQUET, , Paris, éd. Maisonneuve et Larose,
1966 ; B. ALAYLI, La réglementation des rapports sexuels en droit musulman comparé, Thèse, Paris II, 1980.
Cette

76
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

religion ». Alliance sacrée et solennelle, elle est conclue pour durer «


mansuétude »1. Le Coran souligne cette complémentarité du couple dans deux versets :
« Et de toute chose nous avons créé deux éléments de couple » ; « Louange à celui qui a
-
pas ».
Le fondement de la vie à deux est symbolisé par le concept de (bien commun) qui
2
réitéré plus de vingt fois dans le Coran tel un rappel
comme signifiant le Bien, le convenable et ce qui est moralement acceptable par tous, il
correspond à «
êtres humains, et le terme désigne aussi tout ce que la raison reconnaît comme étant juste et
»3. Ce concept - - paraît très
proche, voire équivalent à celui du bien commun inhérent à la pensée platonicienne et
aristotélicienne. Il a en général
caractère à la fois rationnel et divin.

§3) Le mariage dans les droits positifs des pays musulmans

90. La rencontre du droit musulman et du droit occidental. Avant sa codification,


de droit positif de la famille à proprement dire, seules les prescriptions
coraniques réglementant les relations familiales. Dans le silence du Coran, il était fait appel
à la technique d ijtihad (effort jurisprudentiel) des spécialistes d
ème
dura j siècle. Au contact de la législation française, le
Ainsi que le soulignait le doyen
CARBONNIER, « quand deux systè
impunément. Des effets vont en résulter, aussi bien sur les institutions que sur les individus

à un sacrement, afin de lui conférer une dimension spirituelle, tout en estimant que le mariage pourrait être

Saint AUGUSTIN, de la plus haute perfection que puisse atteindre les chrétiens. Cf. POTHIER, Traité du contrat de
mariage, Paris, Thomine et fortic, 1821, p. 3 : le mariage est une « union dans laquelle les parties, par le contrat

ence du mariage ». Selon Saint AUGUSTIN, «


». « Et en effet : ce

». Cité par
G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement de la
doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928, p. 83.
1
Sourate 30, verset 20 « il vous a créés des épouses formées de vous-mêmes, pour que vous habitiez avec
», in La Bible et le Coran, de Moïse à Jésus et
Mahomet, les plus grands textes, Paris, Le nouvel Observateur, CNRS éditions, 2010, p. 731.
2
aux relations
Entretenez avec vos épouses des rapports qui soient fondés sur le bien
commun ».
3
A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?, Paris, éd. Dar Al Bouraq, coll. « La croisée
des chemins », 2012, p. 76.

77
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

modification des institutions). Ainsi, toute acculturation du droit se traduit, dans les
institutions et dans les individus par des phénomènes multiples de psychologie sociale, qui
sont des phénomènes juridiques1
partout dans

»2. Bien que la


matière du « statut personnel »3 soit demeurée 4
, le
contact entre les deux systèmes juridiques a permis dans un premier temps la codification
des règles religieuses en un corpus que le législateur marocain a intitulé moudawana5
6
(littéralement y est sans
doute pour beaucoup, et les autres domaines du droit -ne relevant pas directement du
domaine révélé- ont facilement pu être codifiés selon les conceptions empruntées au

1
J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994, p. 240.
2
Ibidem., p. 236 et 240.
3
Le domaine du « statut personnel le droit des personnes et de
la famille », à cette différence près que les statuts personnels concernent également le droit des successions et
demeurent régis par le principe de la personnalité des lois. V. M. AOUN (dir.), Les statuts personnels en droit
comparé, évolutions récentes et implications pratiques, Leuven-Paris-Dudley, Peeters, 2009, particulièrement
M. AOUN, « Origines et fondements historiques des statuts personnels », pp. 11-22.
4
V. néanmoins la thèse de N. GAFSIA, , Paris, LGDJ,
coll. « Droit et Société », 2008. Reprenant la grille de lecture proposée par C. BONTEMS et J. GAUDEMET -selon
laquelle il existerait deux manières de concevoir socialement et juridiquement la formation du lien matrimonial-
par étapes » (par opposition au mariage occidental dit « ponctuel ») a

nouvel ordre étatique issu de la colonisation, les autres demeurant liées aux pratiques juridiques et sociétales
el de

contrat de mariage. La prévalence des tribunaux français dans le cadre des mariages mixtes dans lesquels le
conjoint tunisien a été naturalisé dépossède en conséquent le juge musulman (cadi) de ses attributions habituelles

musulmans en interprétant la « loi musulmane ». À cette occasion, ce dernier met en avant les représentations
juridiques de la formation ponctuelle du lien matrimonial, entraînant des conséquences au niveau de la
redéfinition des pratiques sociales mais aussi du fiqh (droit musulman). Ainsi, les modes de lecture du fiqh

modèle ponctuel et du mariage par étapes dans le champ juridique tunisien. Cette situation « travestit » le modèle
musulman et conduit à des « enchevêtrements » théoriques et pratiques. V. spec. p. 121.
5
Le choix même de cette appellation était symbolique, car il reprend le titre de la compilation par laquelle
SUHNUN avait codifié les dires et sentences de Malik IBN ANAS, fondateu

un code pénal de type moderne, rédigé sur le modèle du code pénal français de 1810. En 1850 fut introduit un
Code du commerce totalement calqué sur le code du commerce français. Dans le domaine judiciaire et

Moustapha Kémal ATATÜRK imposera par décret à la Turquie le code civil suisse, le code pénal italien et le code
de procédure du canton de Neuchâtel.

78
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

système juridique français1


de droit mixte, combinant règles religieuses et règles de droit positif « »,
2
avec parfois certaines règles issues de la coutume, étrangères en tant que telles .
Dans un second temps, la codification a permis la réunification des fractions nationales
berbères et arabes -divisées pendant la période coloniale3. La codification du droit de la
famille aura donc principalement une fonctio du pays.
91. La codification de la matière du statut personnel. Le droit de la famille trouve

ensembles formés par le « droit musulman »4. Le mouvement de codification des règles du

tutelle européenne : en 19565 pour la Tunisie6, en 1957-1958 pour le Maroc7 et en 19848


9
. Le fait même de procéder à la codification de la charia ne semble a priori
-pour le Maroc10 notamment-, de
procéder à une compilation des règles de droit musulman dans la moudawana. En réalité,
les conséquences de la codification sont bien plus importantes car les règles du droit de la
famille recevront désormais application non plus au
favoriser une véritable unité
juridique, permettant une accessibilité simplifiée, complète et précise aux règles désormais
disponibles dans un seul corpus. L imprécision des règles issues des traités du fiqh11 tient

1
Tel est le cas du droit public, administratif, fiscal, droit commercial, droit pénal, procédure pénale, et de
l .
2
Notamment dans certaines régions berbères du Maroc ou de la Kabylie.
3
Notamment le dahir berbère de 1930 au Maroc qui avait soustrait une partie de la population marocaine au rite
malékite.
4
H. DE WAEL, Le droit musulman, nature et évolution, Paris, 2ème éd., 1993, pp. 56-57. Le second ensemble étant
constitué par le droit des contrats et des obligations, puis le troisième représenté par les différentes règles qui
intéressent le domaine public et administratif.
5
Le 13 août 1956, quelques mois seulement après son indépendance. V. S. BEN HALIMA, « Religion et statut
personnel en Tunisie », Rev. tun. dr., 2000, pp. 107-138.
6
V. en ce sens, pour une approche du lien matrimonial, particulièrement pendant, et après le protectorat en
Tunisie : M. LESCURE, Le lien matrimonial en Tunisie, Thèse, Paris, 1958.
7
La moudawana marocaine a été promulguée entre 1957 et 1958 par cinq dahirs (décret royal) successifs, puis
modifiée en 1993 par la loi n° 1-93-347 du 10 septembre 1993, B.O, 1er déc. 1993, p. 664.
8
Loi n° 84- : L. HAMDAN,
« Les difficultés de codification du droit de la famille algérien », RIDC, 1985, pp. 1001-1015. Sur sa réforme en
2005 : W. LTAIEF, « La réforme du Code algérien de la famille », in Les statuts personnels en droit comparé,
évolutions récentes et implications pratiques, M. AOUN (dir. de), Leuven-Paris, Peeters, coll. « Law and religion
studies », 2009, pp. 83-101 ; K. SAÏDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et rénovation »,
RIDC, 2006, pp. 119-152.
9
G. BENMELHA, Éléments du droit algérien de la famille, le mariage et sa dissolution, t. 1, Paris, éd. Publisud,
1985.
10
V. en ce sens la thèse de M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français
et du droit marocain, Thèse, Paris II, 1987.
11
Le fiqh est à distinguer de la charia la voie » à suivre, qui correspond à la loi
MOHAMED
des musulmans : le Coran. Le fiqh lui correspond à la science juridique qui suppose la connaissance du donné

79
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

notamment aux divergences qui peuvent exister entre les différents auteurs, fut-ce à
juridique. Pourtant, cette « trans »1
dénature le système originel car « la codification, en soi, par soi, réalise déjà, la
modification ; disons, sans jeu de mots aucun, que
musulman est, par nature, un droit oral2 et non un droit écrit ; il est un droit traditionnel et
jurisprudentiel »3.
Cette même opinion est également partagée par Monsieur le professeur G. TIMSIT, pour qui
« touche à la norme, et
-même des
occasions de transgression ». Cette transgression est manifeste lorsque la norme est en
contradiction avec le code culturel en vigueur du fait du non-
des valeurs et croyances du système en vigueur4.
92. Les enjeux de la codification. Le mouvement de codification revêt une
importance cruciale5 estion du statut personnel est
6
soulevée dans les pays du Maghreb. Elle fait notamment suite au mouvement idéologique
de Renaissance Nahda qui émergea au XIXème siècle afin de « redonner naissance » à
ijtihad (effort jurisprudentiel) au XIIème siècle ayant
définitivement acté son déclin. Cette pensée autour de
deux courants principaux : le premier, rigoriste, rejette
multiplicité des innovations -qui seraient la cause de la déchéance du monde musulman-.

révélé, mais dont le domaine est beaucoup plus restreint que celui de la charia qui déborde le simple domaine
DE WAEL, Le droit musulman, nature et
évolution, Paris, 2ème éd., 1993, p. 56.
1
R. MAUNIER, Loi française et coutume indigène en Algérie, Paris, Montchrestien, 1912, pp. 65-76.
2
M. TOUALBI dans sa thèse de doctorat met en évidence que les premiers jurisconsultes musulmans répugnaient
à voir leurs avis juridiques transcrits. La raison, de leur point de vue, résidait dans la suprématie des sources
principales constituées par le Coran et la Sunna, qui elles méritaient une compilation. Cette position se justifiait
également par la crainte de voir leurs avis élevés par leurs disciples au rang de textes sacrés. Durant la période
abbasside (750-900), les nouveaux cadis (magistrats) eurent rapidement besoin de manuels mettant en évidence
charia. Un certain nombre de traités juridiques voient alors le jour, et leur
rédaction donna naissance à une nouvelle terminologie juridique. Corrélativement, la fonction des juristes
it des multiples interprétations
auxquelles les Saintes Écritures pouvaient donner lieu, ceux-ci se contentaient désormais des manuels juridiques
exposant le patrimoine jurisprudentiel élaboré par les anciens jurisconsultes. Cf. I. TOUALBI, Le droit
musulman : de « » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, p. 289-290.
3
R. MAUNIER, Loi française et coutume indigène en Algérie, op. cit., p. 65-76.
4
G. TIMSIT, Archipel de la norme, Paris, PUF, coll. « Les voies du droit », 1ère éd., 1997, p. 151-152.

supprimé la polygamie et interdit la répudiation dans une société encore largement « islamisée ».
5
Sur cette rencontre des textes juridiques islamiques avec les textes français, cf. L. BUSKENS, « Commentaires
islamiques et Codes français. Confrontation et accommodation de deux formes de rédaction du droit de la famille
au Maroc », in Droits et sociétés dans le monde arabe. Perspectives socio-anthropologiques, G. BOËTSCH,
B. DUPRET, J.-N. FERRIE (dir. de), Marseille, PUAM, 1997, pp. 61-86.
6

a participation féminine dans le processus de libération avaient été soulevées par certains
nationalistes, indépendamment de la question de leurs droits dans le cadre des lois relevant du statut personnel.

80
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Le second courant1 est favorable à une relecture des institutions en tenant compte des
transformations conjoncturelles, mettant en avant la nécessité de promouvoir le statut
juridique de la femme musulmane2. Il est regrettable que it
pas eu la portée effective escomptée sur le plan juridique. Il aura tout au plus, selon
Monsieur J. SCHACHT3, apporté une pensée originale
islamique.
93.

traditionnelles4. Celles-ci variaient, pouvant aller des choix les plus traditionnels -tels que
moudawana marocaine et le Code du statut personnel algérien- aux options
les plus modernistes dont la Tunisie est représentative 5. Les droits positifs des pays
musulmans diffèrent sensiblement,
L autant de causes de
leurs différences. Ces différences sont encore plus marquées lorsque les États
appartiennent à des écoles juridiques différentes6 -
sein de la même école juridique, des divergences d
7
Désormais doté slam ,
le droit musulman appliqué dans les pays maghrébins représente purement et simplement
le droit positif, ou fait partie de ce même droit, de manière explicite ou implicite. Les
-à-
représentent le droit positif. pour la majorité des États, de mettre un fond
8
traditionnel dans une enveloppe moderne

entre ce qui était religieusement souhaitable et ce qui était légalement prescrit, « la force
1
Parmi ces réformistes, il convient de citer les noms des égyptiens Qasim AMIN (1865-1908), Mohammed
ABDOU (1849-1905), Rachid RIDHA (1865-1935), le tunisien Tahar HADDAD (1899-1935) qui ont marqué dans
le monde arabo- à

2
HADDAD, Notre femme dans la loi et la société, Dar al-Gharb al-Islami, 1985.
3
J. SCHACHT, Paris, Maisonneuve&Larose, 1999, spec. pp. 64-65.
4

les courants
réformistes anciens, et son président, H. BOURGUIBA, était un fervent défenseur des droits des femmes.

Quant au Maroc rural et fé


6

es à la suite du décès du Prophète. En ce


sens : M. DAOUALIBI, « », in Travaux de la semaine internationale
de droit musulman, Paris, 2-7 juillet 1951, Recueil Sirey, 1953, pp. 101-115.
7
La plupart des Constitut
intangible.
8
F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes , Marseille,
PUAM, 2008, p. 58.

81
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

inhérente à la parole de Dieu ayant bien souvent été revendiquée au bénéfice de celle de
ses interprètes »1. Les codifications musulmanes ne reflètent pas2, dans la majorité des cas,

3
. À la veille de sa révision en 1993, la
moudawana marocaine pouvait être présentée comme un simple code de conduite morale
faute de disposition. La prééminence de

mariage, du déroulement de la vie conjugale ou de la dissolution du mariage. Le corpus


reproduisait fidèlement le modèle de la famille traditionnelle, très marquée par le droit
musulman classique et les interprétations traditionnelles conformément au rite malékite 4.
Le lien matrimonial, fortement précaire, reflétait
largement admise. Le même cas de figure se retrouve en Algérie, dont les règles ne
diffèrent guère. La révision marocaine de 1993 demeura lettre morte5
e et la réalité sociale6
: permettre
aux femmes qui le souhaitaient de mettre un terme à leur union sans chantage aucun de

1
H. DE WAEL, Le droit musulman, nature et évolution, op. cit., 1993, p. 55.
2
En 1923 déjà, M.-M. SALAMA : « Nous
les

législation musulmane, si elle était sagement interprétée et équitablement appliquée, pourrait, sans innovation,
donner satisfaction à toutes les exigences modernes. Il suffirait pour cela que nos législateurs aient le courage

». Cf. M.-M. SALAMA, Le mariage musulman, op. cit., pp.


173-174.
3
M. BENRADI exprime parfaitement cette situation : « Dans la sphère culturelle musulmane, les droits familiaux
étant énoncés sur la base du référent religieux, leur évolution demeure soumise aux lectures faites par les
différentes écoles des préceptes coraniques de la Sunna. De ce fait, la capacité pour le droit de la famille de
prendre en considération les mutations sociales reste hypothéquée par les lectures restrictives qui ont dominé

limités ». Cf. M. BENRADI, H. , A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et


pratique judiciaire, Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007, p. 14.
4
Sur cet aspect, cf. M. L. MESSAOUDI, « Grandeurs et limites du droit musulman au Maroc », RIDC, 1995,
pp. 146-154.
5
La tutelle matrimoniale permettant à
toujours nécessaire à la jeune femme non orpheline, quel que soit son âge. La polygamie était maintenue, et la

: demander le divorce ou demeurer dans les

craindre.
6

(wali). La poursuite des études pour les jeunes filles, leur indépendance
financière et leur implication grandissante dans le choix de leurs futurs conjoints sont autant de facteurs
-même. Certains se

moudawana ne leur reconnaît pas le droit de


contracter leur propre mariage.

82
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

et égard, le divorce par ou compensation rachat


transformant ainsi
le divorce en véritable occasion enrichissement. Nous sommes loin du hadith du
prophète qui préconisait de dissoudre le pacte
décence, la générosité et la pudeur. Le droit du mariage et de la famille restait
profondément inégalitaire et demeurait marqué du
même de la charia.

83
Conclusion du chapitre premier

94.
Occident que dans les pays de tradition islamique une
conception unitaire commune du mariage et de la
rives méditerranéennes, le lien familial repose exclusivement sur le préalable du mariage.
Point de famille en dehors de celui-ci. dans un premier temps de démontrer la
commune conception du lien matrimonial, considéré comme le cadre naturel le plus à
es membres du groupe familial.
étude, révélées indiscutables tant la
naturalité du modèle proposé emportait une adhésion massive. Tant le paramètre religieux
que la volonté politique ent dans le cadre de la promotion de ce modèle. Il a
donc semblé important de mettre en lumière les raisons ayant conduit à cette concordance
dans la conception du mariage. La communauté de valeurs religieuses présidant à la
conception du mariage dans les deux droits a incontestablement constitué un véritable trait
pourquoi la prise en compte de ce
donné a constitué un élément clé incontournable dans étude. Une telle

ayant permis de
en Occident, -et
corrélativement - extraction sans
précédent du mariage de son ancrage religieux le fondement du lien
familial, toujours assuré par le préalable du mariage. Désormais simple lien civil reposant
sur le contrat et la libre rencontre des volontés, la sécularisation du mariage assurait
toujours au lien familial son fondement matrimonial. La précision est de la plus haute
importance pour les développements à suivre.
Une telle tradition
islamique où le législateur a fait le choix de maintenir un lien étroit entre religion et
mariage. A sociale et
religieuse. à proprement parler de conception religieuse du mariage
isation de la conscience religieuse de cette communauté aboutit
à une conception du mariage profondément liée à la conduite que doit adopter le croyant à
La nature du mariage dans chacune des législations permet ainsi de
déterminer le degré de religiosité des règles qui y préside. à
la conception unitaire du mariage
ici et là repose, en définitive, sur deux visions du monde
religieuse. Ne convient-il pas alors de rechercher le juste milieu

84
englobant celui- ? on de mariage est sans
doute dans cette difficile équation.

85
Chapitre second. Une conception de la famille
renouvelée sur les deux rives de la Méditerranée

95. Les transformations socio-économiques. Les grandes réformes du Code civil


des années 60-701 interviennent dans un contexte particulier de libération des contraintes
sociales2 3
. Grâce ou à cause
de ces principes, la naturalité du modèle familial conçu comme cellule monarchique et
catholique sera très progressivement remise en cause. Le facteur économique, déterminant
dans cette remise en cause femmes sur le marché du travail en
favorisant leur passage du statut de « ménagère » au statut de « consommatrice ». Le
mariage est désormais un handicap dans le parcours professionnel de la femme qui aspire à

plus seulement comme épouse. Tant l ue


uissement des individus participent à la transformation profonde des rôles des deux
sexes au sein de la famille4. Autant de facteurs ne pouvaient laisser intact le modèle
familial initialement conçu : la durée des mariages qui participait autrefois de leur stabilité
est désormais fragilisée ; hors-
de la famille naturelle
5
perçu comme un devoir social . Le concept de famille
traditionnelle éclate et nécessite une adaptation aux nouvelles configurations.
96. Le rôle de la sociologie juridique6. Nouvelle discipline qui connait un essor
important, la sociologie juridique est la nouvelle donnée prise en compte par le législateur
.
utilisant les enquêtes de terrain. Le droit a en

1
J. FOYER, « Le Code civil de 1945 à nos jours », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Paris,
Dalloz, 2004, pp. 275-296.
2
Cf. M. BONINCHI, , Paris, PUF, 1ère éd., 2005.
3
J.-L. RENCHON, «
personne et de la famille », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz,
2009, pp. 209-236 ; P. JESTAZ, « », in Autour du droit civil, Écrits
dispersés, Idées convergentes, Paris, Dalloz, 2005, pp. 289-304.
4
Sur ces transformations, V. M. SEGALEN, Sociologie de la famille, Paris, éd. Armand Colin, 1996 ;
E. SULLEROT, La crise de la famille, Paris, éd. Fayard, 2000.
5
Le doyen CARBONNIER
: pour se lier comme pour
-même ». Cf. J. CARBONNIER, « Terre
et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle. Études offertes à
Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, p. 328.
6
En ce sens, V. : J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994 ; plus récemment cf. :
sociologique en droit. Pluriel et singularité, D. FENOUILLET (dir. de), Paris, Dalloz, coll.
« Thèmes&Commentaires », 2015.

86
conséquence pris acte de ce qui constituait la « maladie du mariage et de la famille »1 et a
évolutions. La transformation de la conception juridique
du mariage qui en découle (Section 1) repose
aspirations, vers lesquelles le droit tend à se rapprocher.
97. En droit comparé. Les mêmes évolutions socio-économiques peuvent être
constatées dans les pays du Maghreb. La transformation des
toutefois pas conduit à des évolutions aussi spectaculaires en matière conjugale. En effet,
ommune
face à la règle de droit. Son adaptation doit
contrevenir frontalement ou de la remplac ijtihad (effort de
jurisprudence). De cet effort découle la pratique qui consiste à « tourner la loi », trouver
2
des hiyal astuces . le
échappe pas au mouvement de modernisation (Section 2) de la législation
familiale. Les rapports entre conjoints sont désormais rééquilibrés
garantis.

1
J. BOUVERESSE, « », in Le droit
entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p. 56.
2
En Occident, cette technique serait perçue comme une fraude à la loi, et peut être sanctionné. Ce qui est bien

, la fraude à la loi est synonyme de refus de soumission à celle-ci, légitime du

va différemment dans un système de sources anciennes et r

Ceci contribue à la pérennité de la norme religieuse en remédiant à son inadaptation éventuelle. V. en ce sens
L. MILLIOT, « », Travaux de la semaine internationale de droit musulman, Paris, 2-
7 juillet 1951, Recueil Sirey, 1953, pp. 17-33.

87
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La transformation de la conception juridique du


mariage occidental

98. et la liberté comme fondements. Si à la veille des réformes menées par


le doyen CARBONNIER ce dernier trait
disparaîtra de la législation familiale depuis que comme
s interventions législatives. t sous-tendues par cette logique
égalitaire, la vague de réformes intervenues sous son égide modifie en profondeur la
physionomie des relations conjugales. La famille inégalitaire cède du terrain
modèle de famille qui promeut une gestion bilatérale des affaires du couple et des enfants. À
cette fin, les époux sont investis de pouvoirs réciproques1 au plan patrimonial (§1). Aux côtés
, la pe directeur des réformes menées. La poursuite du droit

Conscient du climat de libération des contraintes sociales


fait, le législateur institue donc la possibilité de rompre librement le mariage (§2).

§1) La situation concurrentielle des époux pendant le mariage

99. . Les premières réformes entreprises au


début du XXème

telle

100. Les premières lois ponctuelles en droit patrimonial. Le centenaire du Code


civil a été marqué par un évènement inédit. Celui-ci a conduit la militante féministe
Hubertine AUCLAIR à brûler un exemplaire du Code civil place Vendôme. Cet incident a
suscité des attaques virulentes
doute à la suite de ce geste hautement symbolique qu est adoptée le 13 juillet 1907 la loi
sur le libre salaire de la femme mariée. Consacrant ain nombre de femmes
alors que leurs gains et salaires demeuraient à la libre disposition -
le législateur a souhaité adoucir le statut de la femme active en consacrant son autonomie

1
Selon Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT, la recherche de cette égalité entre les époux repose sur
une « conception déviante du début du XXème

supériorité de nature conception dégénérée de la différence des sexes ne pouvait


». M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche
critique sur les mutations familiales, Poitiers, éd. DMM, 2013, p. 16.

88
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

professionnelle. À la suite de ce texte, la loi du 18 février 1938 supprime la puissance


maritale ainsi que les retombées de ces textes
relevaient ation des
règles techniques des régimes matrimoniaux.
101. La grande réforme du droit des régimes matrimoniaux1.
petites doses au sein de la triade mari-femme- est désormais
premier du législateur. Que ce soit dans le domaine du droit patrimonial de la famille2 ou
3
au plan des .
4
La réforme du droit des régimes matrimoniaux par la loi du 13 juillet 1965 est
5
douter, guidée par le principe de . Si les conjoints sont en théorie
égaux, le mari est toujours, juridiquement, le chef de famille6. globale qui a fait
défaut au début du siècle est rattrapée de la loi du 13 juillet 1965 qui permet

acquit une
liberté q n consacrant sa liberté professionnelle et son
autonomie bancaire, la nouvelle loi organise une association plus étroite des conjoints dans
la gestion des intérêts pécuniaires du ménage 7. À ce dessein, la mise en place du régime de
la communauté légale réduite aux acquêts est organisée en li
de la communauté de meubles et acquêts.
102. Les modifications ultérieures. Le droit des régimes matrimoniaux atteindra
une cohérence avec la loi du 23 décembre 19858. Celle-ci parachève évolution
amorcée en mettant en place le principe de gestion concurrente de la communauté 9 qui
une égalité parfaite. Sont ainsi balayées les dernières inégalités
dont étaient victimes les épouses dans la gestion des biens de la famille. Si la loi de 1965
10
avait abandonné l , la loi

1
V. P. SPITERI, , Paris,
LGDJ, 1965.
2
Cf. à ce sujet les actes du Colloque organisé par le Centre Pierre KAYSER Aix-en-
provence : E. PUTMANN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir.), Le droit patrimonial, miroir des mutations
familiales, Marseille, PUAM, coll. « Inter-normes », 2012.
3
P. CATALA, « La métamorphose du droit de la famille », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir,
Paris, Dalloz, 2004, pp. 341-358.
4
L. n° 65-570 du 13 juil. 1965, J.O, 14 juil. 1965, p. 6044.
5
R. CABRILLAC, « Genre et droit patrimonial de la famille », in Bioéthique et genre, A.-F. ZATTARA-GROS (dir.
de), Paris, LGDJ, 2013, pp. 265-273.
6
H. MAZEAUD, « Une famille sans chef », D., 1951, chron. p. 141.
7
J. PATARIN, « Rapport France », in Le régime matrimonial légal dans les législations contemporaines,
J. PATARIN, I. ZAJATY (dir. de), Paris, éd. A. Pedone, 1974, p. 441-4475.
8
L. n° 85-1372 d égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents
dans la gestion des biens des enfants mineurs, J.O, 26 déc. 1985, p. 15111.
9
A. COLOMER, « des époux dans les régimes matrimoniaux »,
Defrénois, 1986, art. 33711.
10
M. GOBERT, « Mutabilité ou immutabilité des régimes matrimoniaux », JCP, G, 1969, I, 2281.

89
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

n° 2006-728 du 23 juin 20061 2


,
jugé contraire à la liberté des époux. Le changement de régime matrimonial est désormais
libre3, bien encadré par le juge
4
commande .
103. La progressive promotion des droits du conjoint survivant. La vocation
successorale du conjoint survivant5
6
la famille. Si autrefois celui-ci , la nouvelle approche du
7
lien familial privilégie la valorisation des liens affectifs
fortune du couple se constitue lors de la vie à deux, il semblait équitable de promouvoir la
situation juridique du conjoint survivant, notamment lorsque celui-ci a activement participé
à la constitution du patrimoine conjugal8. À cet égard, la loi du 3 décembre 20019 a
effectué au début de XXIème siècle, « la réforme la plus impor
droits successoraux du conjoint dans leur histoire depuis Justinien »10. Non seulement
celle-ci améliore le sort du conjoint survivant en en faisant, dans certains cas, un héritier
réservataire, mais elle reconnaît les droits successoraux des enfants adultérins. Supprimant

1
L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, J.O, 24 juin 2006, p. 9513.
2
R. CABRILLAC, Droit des régimes matrimoniaux, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 2013, p. 95.
3
V. ÉGEA, « Les régimes matrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, international et européen,
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Paris, éd. Lextenso, pp. 218-228, spec. n° 535.
4
Art. 1397 C. civ.
5

était un étranger dans la dévolution de la succession, le souci de conservation des biens dans la famille étant

créance alimentaire contre les héritiers lui

la successibilité au 6ème une loi du 9 mars 1891

son statut de « successeur irrégulier ». Une loi du 3 décembre 1930 lui permettra de recueillir des droits en pleine

branches. La loi du 26 mai 1957 lui permettra de recueillir la totalité de la succession par préférence aux

nfant adultérin.
6
G. RIPERT, J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil de Planiol, Paris, LGDJ, 4ème éd., t. III, 1951,
p. 474-475.
7
s
familiales et la diversité des liens, n° et s.
8
A. SERIAUX, Successions et libéralités, Paris, Ellipses, 2013, p. 38.
9
L. n° 2001-1135 du 3 déc. 2001 « relative aux droits du conjoint survivant », cf. pour les commentaires de cette
loi : B. BEIGNIER, « La loi du 3 décembre 2001 : achèvement du statut du logement familial », Rev. dr. fam.,
2002, chron. 5, p. 4, et « La loi du 3 décembre 2001 : le conjoint héritier », Rev. dr. fam., 2002, chron. 8 ;
J. CASEY, « Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001 », RJPF, 2002, nov., n° 11 ;
G. GRILLON, « Les nouveaux droits successoraux du conjoint survivant », JCP, G, 2002, I, 133 ; M. MATTHIEU,
« », JCP, N, 2002, n° 1163,
p. 353 ; A.-D. MERVILLE, « La réforme du statut du conjoint survivant par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre
2001. Le conjoint est-il un membre à part entière de la famille ? », JCP, G, 2002, I, 185.
10
P. MALAURIE, C. BRENNER, Les successions, les libéralités, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 6ème éd., 2015,
n° 89, spec. p. 64.

90
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

la réserve héréditaire des ascendants


survivant dans la hiérarchie lui permet de bénéficier de droits successoraux plus
importants. L les descendants ou avec les ascendants
privilégiés, ses droits sont augmentés. La conception familiale se resserre donc autour du
couple et des enfants qui en sont issus, accentuant le phénomène de nucléarisation de la
famille. Pour Monsieur le professeur Jean HAUSER, cette loi constitue « une victoire de
-delà de la mort, pour le mariage qui a réussi »1.
Les nouvelles dispositions ont également développé ses droits spéciaux relatifs au
logement familial2, en lui permettant le maintien te
familial et la jouissance des biens meubles le garnissant3. À ce droit issu des effets du
viager au logement -de nature successorale- lui permettant
4
dans le bien immeuble occupé .
5
Toujours en matière successorale, la loi du 23 juin 2006 a permis la mise en place de
6
, « décrispant
7
public touchant le droit des libéralités . Elle offre ainsi plus de souplesse et de liberté au de
cujus dans la gestion de son patrimoine8. Substantiellement, cette loi supprime la réserve
9
,
renforçant les droits du conjoint survivant.

§2) Le droit de libre rupture du mariage

104. La consécration de la liberté de rompre. Faisant suite à une longue tradition


, la liberté de la rupture est la nouveauté en droit de la famille.
Davantage constitutive du concubinage, cette liberté de rompre devrait, en principe, être
, le mariage
traduisant un engagement solennel relation dans la durée. Or, étant une
simple adaptation du droit au fait, la reconnaissance du droit au divorce10 répondait à ce

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., t. 57, 2014, p. 80.
2
F. VAUVILLE, « Les droits au logement du conjoint survivant », Defrénois, 2002, art. 37608.
3
Art. 763 al. 1 code civil.
4
Article 764 code civil.
5
L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 « réformant le droit des successions et des libéralités », cf. pour les
commentaires de cette loi : N. PETERKA, « Les retouches à la dévolution successorale, à propos de la loi du 23
juin 2006 », Rev. dr. fam., 2007, étude 52 ; P. CATALA, « Le droit successoral, entre son passé et son avenir », in
Le monde du droit. Jacques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 229-240.
6
Sur cet aspect, V. infra, n° 278.
7
C. JUBAULT, Droit civil, les successions, les libéralités, Paris, Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 2ème
éd., 2010, p. 11.
8
Sur ces divers instruments, cf. infra, n° 166 et s.
9
Art. 738-2 du code civil.
10
V. le dossier « Divorce AJ fam., 2015, n° 3, pp. 128-160.

91
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

moment à une attente sociale que le législateur a satisfaite. Son étude est donc
particulièrement révélatrice du processus de valorisation de la volonté libre, et permet de
saisir le mouvement de contractualisation du mariage1. La consécration contemporaine du
droit au divorce (B) fait directement suite à une première phase de libéralisation (A).

A) La première phase : la libéralisation du droit du divorce

105. Admission du divorce et rôle de la volonté. Depuis


la loi NAQUET le 27 juillet 1884, le seul cas de divorce possible était le divorce pour faute.
En dehors de ce cas particulier, la rupture du lien conjugal guère possible. Cette
tendance mettait que le mariage est indissoluble, mais
un des conjoints a
commis une faute rendant le maintien de la vie commune impossible. te
justifiant la rupture du lien matrimonial assurait une effectivité aux obligations
matrimoniales2 en permettant de punir celui qui les avait transgressées 3 (divorce-sanction).
Ce système le divorce
pas une affaire privée, mais sur lequel la société a un droit de regard. S
donner au mariage toute la place qui doit être sienne, les devoirs et obligations qui en
découlent gagneraient à être raffermis par la sanction stricte de leur violation. C
cette condition que leur effectivité peut être garantie. Or, accorder aux époux la liberté de
rompre le
volonté4, ainsi que le souligne Monsieur GARRIGUE dans son travail de thèse, est
antinomique des obligations matrimoniales, « les devoirs conjugaux ayant vocation à

conjoints sans les mettre en péril. En accroissant la liberté des époux, on limite
; lorsque la volonté part en
5
conquête, la contrainte bat nécessairement en retraite » . des
devoirs conjugaux dépend du degré d autonomie reconnu aux époux. Plus celle-ci est
grande, moins raffermis sont les effets du mariage. à effets
6
limités » a pourtant été suggérée
ses effets personnels (fidélité, sec
1
V. en ce sens : C. NEIRINCK, « Le couple et la contractualisation de la rupture », RRJ, 2009, pp. 107-119.
2
Sur le devoir de fidélité, V. par ex M.-T. MEULDERS-KLEIN, « évolution du mariage
contrat, et au-delà », in La personne, La famille et le droit 1968-1998, Trois décennies de mutations en Occident,
Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 1999, spec. pp. 41-47.
3
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux. Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, LGDJ, éd.
Panthéon-Assas, 2012, spec. n° 415, p. 345.
4
V. sur les accords de volonté en droit du divorce, notamment : C. LESBATS, Les accord de volontés entre époux
dans le divorce, Thèse, Nantes, 1999.
5
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux. Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, op. cit., n° 415.
6
M.T. CALAIS-AULOY, « Pour un mariage aux effets limités », RTD. civ., 1988, p. 255 et s.

92
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

parental. Si eilli que très peu de suffrages, il semblerait que le droit


de la famille rapproche grandement.
106. Raisons présidant à la réforme. En 1975, à la veille de la réforme du droit du
divorce, faux-divorces » pour faute1 et la désaffection des jeunes
couples vis-à-vis du mariage ont contribué à le fragiliser. L a loi du 11 juillet
2 3
1975 accentuera cette tendance en libéralisant le divorce . Dans un contexte où les
aspirations des individus tendaient vers plus de liberté4, il semblait
droit aux nouvelles réalités de la société française5. Cette adaptation avait déjà été prise en
compte par le droit en maints domaines, particulièrement en matière de tutelle et
6
, de régimes matrimoniaux7 8 9

parentale10 et de filiation11. e droit du divorce ne pouvait demeurer en


dehors du mouvement de libéralisation qui touchait tous les pays européens12.
107. L
13
divorce à la carte permet de consacrer la volonté comme fondement de la relation
familiale. La rupture est désormais une affaire privée14. Si le divorce sur requête conjointe

la vie commune permet de mettre fin au mariage par décision unilatérale. Cette

1
Lesquels étaient simulés par les couples souhaitant commun accord mettre un terme à leur union mais ne
le pouvant pas.
2
Loi n° 75-617 du 11 juil. 1975 portant réforme du divorce, J.O, 12 juil. 1975, p. 7171. F. TERRE, « Terre à terre
dans le droit du divorce », in Droit des personnes et de la famille. Mélanges à la mémoire de Danièle HUET-
WEILLER, Strasbourg, PUS-LGDJ, 1994, p. 495; A. BENABENT, « Plaidoyer pour quelques réformes du
divorce », D., 1999, 27ème Cahier, p. 225; V. DEMARS-SION, « Libéralisation du divorce
loi du 11 juillet 1975 à la lumière de celle du 20 septembre 1792 », RTD civ., 1980, pp. 232.
3
P. RAYNAUD, « Les divers visages du divorce 1976 », D., 1976, chron. XXVII, p. 141.
4
BENABENT, « La liberté individuelle et le mariage », RTD civ., 1973, 440.
5
ROUSSEL, O. BOURGUIGNON, « Générations nouvelles et mariage traditionnel »,
Population, 1979, p. 141 et s.
6
L. n° 64-1230 du 14 déc. 1964, J.O du 15 déc. 1964, p. 11140.
7
L. n° 65-570 du 13 juil. 1965, J.O du 14 juil. 1965, p. 6044.
8
L. n° 66-500 du 11 juil. 1966, J.O du 12 juil. 1966, p. 5966.
9
L. n° 68-5 du 3 janv. 1968, J.O du 4 janv. 1968, p. 114.
10
L. n° 70-459 du 4 juin 1970, J.O du 5 juin 1970, p. 5227.
11
Loi n° 72-3 du 3 janvier 1972, J.O du 5 janv. 1972, p. 145.
12
En ce sens : M.-T. MEULDERS-KLEIN, «
occidentale », in La personne, La famille et le Droit 1968-1998, Trois décennies de mutations en Occident, op.
cit., p. 53 et s. ; Plus récemment, F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé,
Rapport final pour la mission de recherche Droit et Justice, Centre de Droit de la Famille et Institut de droit
comparé Edouard Lambert (IDCEL), oct. 2013.
13
J.-J. LEMOULAND, « Le pluralisme et le droit de la famille, postmodernité ou pré-déclin », D., 1997, chron.
p. 134.
14
V. en ce sens : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation de la famille,
D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica, 2001, pp. 67-79.

93
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

« innovation marquante »1 oser la rupture à un époux en entérinant la


2
séparation de fait . Le divorce peut alors
être demandé de six années de séparation. Il débouche sur le constat
mariage, divorce faillite » ou
3
« divorce échec » . Le mouvement de contrac semble aller de
des
4
époux .
108. cadrement de la liberté de rompre. Le mouvement de contractualisation
pour autant pas absolu. Si le divorce par consentement mutuel est admis, il demeure
« »5. La convention de
divorce est judiciairement homologuée lorsque chacun de ses éléments -la volonté réelle et
sérieuse et le règlement global des conséquences qui en découlent- a été apprécié par le
juge de ce processus et permet de donner à la
Tout dans le divorce est encore
6
conjointe des époux et du juge . Les causes du divorce pèsent toujours de tout leur poids
sur ses effets7 : s privées du couple, son
contrôle de la réalité et du sérieux du consentement relève de plus en plus
strictement formel. Le contrôle judiciaire fonctionne finalement «
porte-à- tuer correctement et rendant dès lors

contrôle judiciaire qui justifie, ensuite, la soumission du divorce sur requête conjointe à un
n ou presque de contractuel »8.
La liberté de demander le divorce pour rupture de la vie commune non plus,
absolue, car elle répond à certaines conditions. Conscient des conséquences extrêmement
it9 a pas hésité à

doit donc « payer le prix fort », tant psychologiquement que financièrement. Si une durée
six ans est exigée, ce long délai
désireux de refaire sa vie . époux à

1
G. CORNU, Droit civil, La famille, Paris, Montchrestien, coll. « Domat Droit privé », 9ème éd., 2006, n° 356,
p. 542.
2
Ancien article 237 du Code civil.
3
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., n° 312, p. 490.
4
S. CHASSAGNARD-PINET, D. HIEZ, Approche renouvelée de la contractualisation, Marseille, PUAM, 2007,
p. 11.
5
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., p. 449.
6
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « »,
art. precit., p. 87.
7
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation de la famille, op. cit., p. 75.
8
Ibidem., p. 75.
9
H. MAZEAUD, « Le divorce par consentement forcé », D., 1963, chron. XXIII.

94
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

initiative de la séparation demeure tenu des frais afférents à la séparation en devant


compensation au conjoint abandonné, sans jamais pouvoir prétendre à aucun avantage
découlant de la rupture. ononcé
du divorce dès lors que s état de santé du conjoint qui
1
subit la rupture. Autant de garanties procédurales entravaient la pleine expression de la
2
volonté et pouvai . Tout se passait comme si le divorce était
prononcé aux torts exclusifs, en en faisant une sorte de « divorce à charge »
nitiateur de la procédure, et un « divorce protection
abandonné3
conjoint innocent.
109. Les faiblesses du système. Les statistiques fournies par le Ministère de la
justice4 ont révélé que sur une période allant de 1975 à 1993, le nombre de divorces a
doublé, passant de 63889 divorces à 112605,
-134601-. Cette hausse du nombre
de demandes en divorce essentiellement pour faute-, la lenteur des délais procéduraux, les
difficultés liées à la liquidation du régime matrimonial et les demandes de prestation
compensatoire5 ce qui révèle les failles
du système réforme.

B) La consécration du droit au divorce : un aboutissement

110. Une nouvelle conception du divorce. Afin de dédramatiser6 la rupture


-sanction poussa le législateur à dissocier
conséquences financières qui en découlent. Cette nouvelle approche du droit du divorce

1
Le devoir de secours est maintenu

ve du divorce ne pouvait prétendre à la


prestation compensatoire et supportait la totalité des dépens. Cf. ancien art. 239 du Code civil : « époux qui
demande le divorce pour rupture de la vie commune en supporte toutes les charges. Dans sa demande il doit
préciser les moyens par lesquels i égard de son conjoint et des enfants ».
2
En témoigne la marginalité statistique de ce cas de divorce, cf. L. CHAUSSEBOURG, V. CARRASCO,
A. LERMENIER, Le divorce, Études et statistiques, Ministère de la Justice, juin 2009, p. 13. En 1978, ce cas de
divorce ne représentait que 2% des divorces prononcés, contre 3 à 4% entre 1996 et 1999.
3
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., n° 356, p. 543.
4
Site internet du Ministère de la Justice, .
5
2000-596 du 30 juin 2000.
6
LABBEE, « le divorce était un véritable drame, aux enjeux
importants. Une telle procédure impliquait nécessairement des enquêtes, des comparutions de témoins, des

torts partagés pouvait constituer une réelle victoire, pour celui qui cherchait avant tout à échapper à toute
condamnation. Il y avait en tout cas un intérêt véritable à gagner
avoir des répercussions sociologiques ». Cf. X. LABBEE (dir. de), Les rapports juridiques dans le couple sont-ils
contractuels ?, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, pp. 103-104.

95
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

amène le législateur à faire une place de plus en plus importante à la volonté des époux en
vue de parvenir à un règlement pacifié et amiable de leur différend, cet objectif répondant
1
lui-même à une préoccupation majeure .
couple conjugal est précaire, ommune
volonté, et aucune rais a décision de rompre.
111. Le divorce, une affaire privée. « la société
-même de décider de sa réussite ou de
2
son échec » , le divorce continue de présenter un caractère dérogatoire, un accident de
parcours, une charte de prudence3. La loi du 26 mai 20044 consacre tout naturellement en
faveur des individus un réel droit au divorce, en offrant dans la continuité de la loi de 1975
aux couples un choix de divorce à la carte5, simplifiant et réaménageant les règles
existantes6. La société se borne désormais à prendre acte de la volonté des époux de
de dissuasion7. Le

112. Le divorce dédramatisé. Le changem la


8
terminologie même. Les quatre cas de divorce prévus en 1975 sont maintenus, mais leur

1
Sur cette notion, V. infra, n° 195 et s.
2
I. THERY, ,
La Documentation
française, Paris, juin 1998, p. 31.
3
G. CORNU, « Le phénomène du divorce », in Sociologie judiciaire du divorce, J. HAUSER (dir. de), Paris,
Economica, coll. « Études juridiques », 1999, p. 10.
4
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, J.O, 27 mai 2004, p. 9319 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, J.-J.
LEMOULAND (coord.), La réforme du divorce, entre rupture et continuité, Litec, coll. « Carré droit », 2005 ;
H. FULCHIRON, « Les métamorphoses des cas de divorce », Defrénois, 2004, p. 1103 ; T. GARE, « La réforme du
divorce, entre innovations et droit constant (1ère partie) », RJPF, 2004, juin, n° 6, p. 6 ; 2ème partie, même revue,
« Les moyens du changement », 2004, n° 7-8, p. 6 ; J.-J. LEMOULAND, « La loi du 26 mai 2004 relative au
divorce », D., 2004, p. 1825 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, « Le nouveau droit du divorce, Loi n° 2004-439 du 26 mai
2004 », JCP, G, act. 251.
5
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce atteindra t-elle ses objectifs ? », 1ère partie, « Variations sur
les intentions du législateur », Rev. dr. fam., juin, 2004, pp. 5-7 ; 2ème partie, juil.-août 2004, p. 6-11 ; 3ème partie,
sept., 2004, p. 7-11 ; J.-J. LEMOULAND, S. DEL ARCO, « Séparation et divorce dans la loi du 26 mai 2004 », Rev.
dr. fam., mars, 2005, étude n° 5, p. 7 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, « Le nouveau droit du divorce, aperçu rapide »,
JCP, G, 2004, act. 251.
6
LIENHARD, « La nouvelle procédure de divorce cédurale des ententes », AJ fam., 2004, p. 208 ;
H. POIVEY-LECLERCQ, « Pratique de la nouvelle procédure de divorce », RJPF, 2004, n° 12, p. 6 ; L. MINIATO,
« La réforme des procédures de divorce par la loi du 26 mai 2004 et le décret du 29 octobre 2004 : le
changement dans la continuité », Rev. dr. fam., 2004, p. 13.
7
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, Rapport final pour la mission
de recherche Droit et Justice, Centre de Droit de la Famille et Institut de droit comparé Edouard Lambert
(IDCEL), oct. 2013, p. 39.
8
causes
le divorce à aucun des conjoints. V. J.M. JAQUET, « Le rôle de la cause dans le nouveau droit français du
divorce », RTD civ., 1984, pp. 616 et s.

96
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

appellation est modernisée1. Une terminologie neutre est substituée


connotation péjorative favorisait la culpabilité et faisait rejaillir les mauvais sentiments. Le
divorce pour faute demeure néanmoins inchangé 2. Pour permettre à la volonté des époux
de déployer ses pleins effets, le divorce est normalisé
accident de parcours. Un triple objectif est poursuivi par le législateur : simplification,
n passe

ces accords permet au système des passerelles de privilégier un divorce pacifique3 et


rapidement prononcé. Les derniers verrous qui bridaient la liberté de divorcer des époux
sont supprimés, particulièrement ceux existants dans le cadre du divorce pour rupture de la
vie commune. , le législ
tionnelle dureté est abandonnée
nécessairement les frais inhérents au divorce.
haitant divorcer de le faire sans dissuasion
aucune.
113. ?
pas un droit au mariage mais une liberté de se marier ou non
divorce4. La loi du 26 mai 2004 ne men nullement
droit au profit des individus. Néanmoins, nombreux sont ceux pour qui la loi du 26 mai
2004 met en place un véritable droit au divorce5. Ce qui est difficilement réfutable. Si la
réforme de 1975 a offert une pluralité des cas de divorce à ceux qui souhaitaient y recourir
en consacrant la possibilité de divorcer de manière unilatérale, la nouvelle loi a pour
objectif la simplification du divorce, en accélérant la procédure.
rce exceptionnel, mal nécessaire en certaines circonstances. Le principe de la

demande acceptée se transforme en divorce pour acceptation du principe de la rupture, et le divorce pour rupture
de la vie commune devient divorce pour altération définitive du lien conjugal.
2
Bien que cette forme de divorce décline, et ce partout en Europe fin de favoriser une rupture pacifique et un
dialogue entre les époux, afin de trouver u
particulier la médiation familiale, infra n° 91 et s.
3
Cependant, aussi louable puisse être la volonté de pacifier les divorces, un rapport sur la justice familiale
faisant état de la proportion des divorces par consentement mutuel revenant devant le juge démontre bien que cet

TASCA, M. MERCIER, Justice aux affaires familiales : pour un règlement pacifié


des litiges, 26 fév. 2014.
4
En ce sens, cf. la thèse de Monsieur M. PICHARD, Le droit à, Étude de législation française, Paris, Economica,
coll. « Recherches juridiques », 2006, pp. 129-133, spec. n° 101 et s.
5
V. par ex. J.-J. LEMOULAND, qui estime «
difficilement contestable », cf. « La loi du 26 mai 2004 relative au divorce », art. precit., p. 1828. Madame
V. LARRIBAU-TERNEYRE est plus nuancée : « Le mariage, toute institution soit-il, ne saurait être une prison à vie,

juge ». Cf. « La réforme du divorce atteindra-t-elle ses objectifs ? », 2ème partie, « Les moyens du changement »,
art. precit., p. 7.

97
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

liberté de rupture époux est confirmé et facilité par la nouvelle


réforme. ue du
mariage. En témoigne la disparition de tous les garde-fous qui encadraient autrefois le
divorce pour rupture de la vie commune 1, ce qui permet à un des
2
. À tous ces égards, la loi du 26 mai 2004 constitue un aboutissement de
divorcer amorcée en 1975. Elle traduit
une rupture idéologique dans la manière de percevoir le mariage, appréhendé à
3
. Pour autant de raisons, la position d certain nombre
auteurs ayant , un « démantèlement de
4
» , mené « sans grand bruit » et modifiant « en profondeur notre
5
droit du divorce » est à approuver. Monsieur le professeur Bernard BEIGNIER soulignait à
juste titre que « la nouvelle loi est, indubitablement, la continuation de celle de 1975, mais
on le sait, les vraies réformes, profondes, sont celles qui prétendent être des achèvements
meure, en pratique tout change »6. Monsieur le professeur
Xavier LABBEE le passage à la
», et telle une prophétie, il
poursuit : « nous ne serions pas

qui parachève la contractualisation : on


laisse aux

ine »7.
114. La transformation de la fonction du juge. La faveur pour les accords
librement négociés entre les époux divorçant conduit à transformer la place du juge dans le
contentieux du divorce. Après avoir été homme-orchestre du divorce »8, ses décisions

familiales « » de son rôle dans la sphère

contentieux au paiement de dommages-

2
En ce sens, cf. Cass. civ. 1 ère, 15 avr. 2015, n° 13-27.898, Rev. dr. fam., n° 6, 2015, comm. 114, J.-R. BINET ;
même revue, n° 9, 2015, chron. V. ÉGEA.
3
F. NIBOYET, , Paris, LGDJ, 2008, spec. n° 301, p. 166.
4
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce atteindra t-elle ses objectifs ? », Rev. dr. fam., 1ère partie,
juin, 2004, p. 5.
5
J.-J. LEMOULAND, « La loi du 26 mai 2004 relative au divorce », D., 2004, p. 1825.
6
B. BEIGNIER, « », Repère, Dossier spécial « Réforme du divorce », Rev. dr. fam.,
2005, p. 1.
7
X. LABBEE, Les rapports juridiques dans le couple sont-ils contractuels ?, Presses universitaires du
Septentrion, 1ère éd., 1996, p. 108.
8
J.C. GROSLIERE, « -orchestre du divorce », D., 1976, chron. 73.

98
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

privée1. De plus en plus, sa fonction se limite à valider ou refuser les accords négociés en
vue de leur homologation. Cette nouvelle mission fait la part belle au consensualisme, en
associant plus fréquemment le justiciable à la prise de décision2 défendue est que la
décision négociée et comprise par les justiciables est b
émane des parties elles-mêmes. Elle apaisement du conflit familial et la
responsabilisation de ses acteurs. Certains ont pu voir dans cette transformation de la
fonction de juger un appauvrissement du rôle joué par le juge, « la fonction arbitrale qui lui
était traditionnellement dévolu »3.
115. La déjudiciarisation discutée du divorce par consentement mutuel. Bien
que la liberté individuelle ne soit pas absolue, les débats4
déjudiciarisation du divorce pourraient y conduire. Dans
pacification des ruptures5, une « résolution thérapeutique des contentieux familiaux »6 a été
mise en place à la suite de la proposition n° 47 des travaux de la commission de Monsieur
le professeur GUINCHARD. La convention de procédure participative7 permettrait
objectif visé car un tel instrument offre non seulement un « cadre structuré et
sécurisé de négociations des conditions futures du divorce »8 en renforçant la mission

accords préalablement négociés.


Afin de satisfaire au même objectif, les rapports de MM. DELMAS-GOYON9 et
MARSHALL10 un consacré au « juge du XXIème autre aux « juridictions du
ème
XXI siècle », préconisent de confier aux seul greffe le divorce par consentement mutuel,

1
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, rapp. precit., p. 40.
2
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois, coll.
« Lextenso éditions », 2010.
3
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, rapp. precit., p. 41.
4
C. PHILIPPE, « Pour une réforme du divorce ? (1) », AJ fam., 2013, p. 408.
5
infra, n° 165 et s.
6
N. FRICERO, « Le décret du 20 janvier 2012 : vers une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la
procédure participative assistée par avocat », AJ fam., 2012, p. 66.
M. HERZOG-EVANS, « », D., 2011,
n° 44.
7
La loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010 exécution des décisio exercice
de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (dite loi « Béteille ») introduit dans le Code civil
un nouveau titre relatif à la convention de procédure participative assistée par avocat aux articles 2062 à 2067.
En ce sens : S. AMRANI-MEKKI, « La convention de procédure participative », D., 2011, p. 3007. V. infra, sur
de résolution des conflits avec le processus de médiation notamment,
n° 184.
8
N. FRICERO, « Le décret du 20 janvier 2012 : vers une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la
procédure participative assistée par avocat », art. precit., pp. 66-67.
9
P. DELMAS-GOYON, « Le juge du XXIème siècle », Un citoyen acteur, une équipe de justice, La Documentation
française, 2013.
10
D. MARSHALL, Les juridictions du XXIème siècle : une institution qui, en améliorant qualité et proximité,
tente des citoyens, et aux métiers de la justice, La Documentation française, 2013.

99
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

1
délocalisant ainsi le traitement de la rupture en présence o .
Dans un contexte de difficultés fonctionnelles de la justice, la
judiciaire commande une modernisation selon les besoins du XXIème siècle. Cela passerait
par la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, les données statistiques2

vail qui incombe aux magistrats


transfert vers un « greffier juridictionnel doté de compétences propres, notamment celle de
prononcer le divorce par consentement mutuel »3. Si le but poursuivi par cette proposition
4
, nécessitant
et la mo il
le
risque est de voir le mariage modèle du Pacs en en renforçant la dimension
contractuelle.
abandonne définitivement la dimension institutionnelle du mariage. Si le mode de rupture
traduit union5, il va sans dire que la déjudiciarisation du
.
6
Monsieur le professeur Jean HAUSER « le
lieu symbolique de la discussion » et non dans le débat relatif à «

une vision du contenu du couple »


déterminant qui

dimension sociale inégalée7. Admettre un divorce sans le juge signerait « la vraie mort du
mariage » car cela signifierait que « contre-fiche du mariage, homosexuel ou
8
hétérosexuel » , et que la société renonce à organiser les rapports familiaux entre individus.
Dans un tel contexte, les droits de la partie la plus faible seront assurément mis à mal par
protecteur par lui assumé9

1
H. FULCHIRON, « Vers un divorce sans juge ? », D., 2008, p. 365.
2
Site du Ministère de la Justice, Évolution statistique des mariages et des divorces.
3
Rap. precit., DELMAS-GOYON, p. 33.
4
M. DOUCHY-OUDOT, « Le divorce ne serait- ? », Arch. philo. dr., n° 57, 2014, pp. 81-
93.
5
J.-R. BINET, « Divorce sans juge : nouvelle tentative, nouveau débat », Rev. dr. fam., n° 2, 2013, repère 2.
6
Mais aus
compensatoire, V. J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., t. 57,
2014, p. 79.
7
C. BRENNER, « Table ronde, Les débats sur la réforme »,
sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 114, spec. n° 16.
8
J. HAUSER, « Table ronde, Les débats sur la réforme », art. precit., p. 116, spec. n° 22.
9

parties ne peut objectivement l Quid alors de

100
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

de ce divorce, et de lui dépendra la qualité des


convention de procédure participative qui prendra probablement toute sa force et son sens1.
tous cas, ne semble pas aller dans
déjudiciarisation. La proposition de la commission GUINCHARD visant la suppression de la
comparution unique des époux consentant au divorce2 rejet par la
3
Commission des lois du Sénat . Étant une décision grave, le divorce doit être « marqué par
la solennité que la présence des époux dans un palais de justice, face à un magistrat,
confère à la décision judiciaire »4. Le juge reste donc pour le moment, le garant de la
réalité et de la liberté du consentement au divorce.
En droit comparé5
6
. Seule la Roumanie a procédé au transfert
du prononcé des divorces

leur demande devant le notaire7.

son aspect le plus formel. En ce sens : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation


de la famille, D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica, 2001, p. 75.
1
M. DOUCHY-OUDOT, Rev. procédures, 2011, comm. 99.
2
Lorsque ceux-
3
Rapp. Sénat, n° 394, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 mars 2011, p. 72.
4
Rap. précit., p. 73.
5
Sur « Le divorce dans le monde AJ famille, 2015, n° 11, pp. 570-597, et n° 12, pp. 642-671.
6

CERDEIRA BRAVO
DE MANSILLA, « Le projet de divorce notarial en Espagne », Rev. dr. fam., n° 2, fév. 2015, étude 8.
7
Pour une approche comparée des droits européens, cf. F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du
mariage en droit comparé, rapp. precit., spec. p. 44 et s., 69 et s.

101
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

rapports familiaux au Maroc

116. Des réformes substantielles. Depuis sa codification en 1957, la moudawana


marocaine e réforme. Simple compilation de droit musulman de la
famille, le texte accommodait déjà pourtant mal des transformations de la place de la
femme dans la sphère publique. Celle-ci accède désormais au salariat et aspire,
reconnaît et protège son
investissement financier et moral au sein de sa famille. La valorisation démesurée de
époux comme chef de famille, pourvoyeur aux besoins de sa femme, aboutissait bien
souvent à des injustices. , entendue en
particulièrement lors de la dissolution du couple.
pourquoi le législateur marocain a tenté une réforme du droit de la famille en 1993.
Extrêmement timide1, - fois de toucher au domaine religieux-
elle resta lettre morte. Plus conséquentes en revanche sont les réformes intervenues en ce
début de siècle tant au Maroc2 Algérie3. La législation tunisienne4 présente la
interprétation progressiste5 du droit dès la codification
du droit de la famille en 1956. Particulièrement émancipée du donné religieux, elle interdit
la polygamie et la répudiation6

1
Décret royal (dahir) portant loi n° 1-93-347 du 1er déc. 1993. Cette réforme a légèrement modifié le

était tout de même


prononcée (art.
2
Promulguée par la loi n° 70/03 le 3 février 2004, B.O, n° 5184 du 5 fév. 2004, p. 418. Ce Code comporte 400
articles répartis en sept livres relatifs à la famille
nouveau texte, cf. M.-C. FOBLETS, J.-Y. CARLIER, Le Code marocain de la famille. Incidences au regard du
droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2005. V. aussi : F. SAREHANE, « Le nouveau code de la
famille », Gaz. Pal., 4 sept. 2004, pp. 2-17 ; L. BUSKENS, « Le droit de la famille au Maroc », in Ordre public et
droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 97-125.
3

n. Depuis
cette date là, une ordonnance relative au mariage sera adoptée n° 59-274 (J.O.R.F du 11 fév. 1959, p. 1860) en
prévoyant que « hors le cas de décès, le mariage ne peut être dissous que par décision de justice ». Ce ne sera
05-
02 du 27 fév. 2005 (J.O n°15 du 27 fév. 2005, p. 17), voir en ce sens : F. LALAMI, « Les amendements au Code
algérien de la famill », Confluences Méditerranée, 2006, n° 59, pp. 23-30;
K. SAÏDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et innovation », RIDC, 2006, n° 1, p. 140.
4
V. M. BENJEMIA, S. BEN ACHOUR, M. BELLAMINE, « Le droit tunisien de la famille entre modernité et
tradition », in Ordre public et droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-
MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 162-196.
5
Si la Tunisie a été le premier pays musulman à avoir partiellement sécularisé son droit de la famille, la

permis la réintroduction du phénomène religieux.


6
La polygamie est interdite et est érigée en infraction pénale, le tuteur matrimonial a pareillement été supprimé :
la femme consent elle-même à son mariage. La répudiation est par ailleurs prohibée et le divorce ne peut être que

102
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

limites posées par les textes sacrés. Les réformes intervenues au Maroc et en Algérie
permettent donc une sorte de « mise à niveau » de leur législation avec celle de leur voisin.
117. poursuivi Si le législateur français a été guidé lors des
réformes
les législateurs maghrébins. Les modifications réclamées pas la société civile et portées par
le législateur sont nourries par le souci de rééquilibrer les relations familiales au profit de
la femme1 tout en protégeant . urquoi le choix du législateur
naturellement porté non pas sur la sphère des relations patrimoniales,
législateur français, mais a privilégié le domaine des droits personnels (§1). Les droits
patrimoniaux (§2) ont également été revisités par le législateur marocain, mais ils
été le fer de lance de la modernisation du Code inédite, cette initiative témoigne
de la volonté du législateur marocain une nouvelle architecture des liens
familiaux, équitable et moderne.

§1) Les droits interpersonnels conjugaux

118. La fin des discriminations ? La formation du mariage (A) et sa dissolution (B)


étaient les deux terreaux propices aux discriminations les plus criantes entre hommes et
femmes que le législateur a atténuées2.

A)

119. . Le mariage étant un acte


3
éminemment sérieux , le législateur marocain le place désormais sous la responsabilité
conjointe des deux époux4. homme chef de famille » auquel la
femme doit « obéissance », le nouveau Code traduit sa nouvelle vision de la famille dans le
texte même de la loi. O elle renforce les droits et les obligations incombant aux
femmes en valorisant leur rôle dans la cellule familiale, cette disposition esprit

en droit musulman.
Seul le droit successoral demeure inspiré du droit musulman classique.
1
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème
Al jadida, 2015, p. 153 (en langue arabe).
2

parentales. Une égalité stricte et abstraite


complémentarité des deux sexes (particulièrement dans la relation parentale) méconnaît les règles marocaines du
droit de la famille reposant sur le texte religieux. Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le
mariage, op. cit., pp. 158-159.
3
A. KOUMDADJI, « un mode de rupture empreint de
réflexion et de formalisme », Rev. dr. fam., mars, 2012, pp. 18-20.
4
Art. 4, Code marocain de la famille (ci après CMF).

103
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

ancienne moudawana. Le rôle pédagogique de la loi contribue


dans ce contexte à éduquer les mentalités en vue de faire émerger un nouveau modèle de
famille, dans lequel le couple
120. Si le mariage pouvait auparavant être conclu
it le
1
législateur marocain, à . Il est désormais fixé pour les deux sexes à
2
dix-huit années révolues . En revanche, cette disposition : les
obtenir une dérogation judiciaire afin de procéder à la
3
Cette
entorse au principe permet le maintien de pratiques qui ont libre cours dans certaines
régions éciation des juges4.
121. autoriser
le mariage du mineur, le juge doit procéder à une expertise médicale ou à une enquête
sociale afin de préserver au mieux intérêt de l'enfant. Ce dernier critère est le seul qui
puisse justifier la dérogation légale, et doit par conséquent être appréhendé restrictivement.
Or, le mutisme du code sur les circonstances pouvant conduire le juge à autoriser de tels
mariages et l il peut les consentir rendent
. L
contre la décision du juge, ce qui a pour conséquence, en cas de généralisation de ces
autorisations, contre
la pratique des mariages précoces. Dans ce contexte, tant la pratique judiciaire que
révèlent en pratique devenue la règle5. Les
statistiques données par la Ligue démocratique des droits des femmes, dans le rapport

dérogations, 3603 ont été autorisées, et 127 rejetées seulement. Dans une conférence tenue
occasion des dix ans du nouveau Code, Monsieur le ministre de la justice Mustapha
RAMID en 2004, seules 7,75% des mineurs étaient mariées, ce chiffre étant
en 2013 passé à 11,47% soit une hausse de 18.341 cas en 2004 à 35.152 en 20136. Le
nombre de mariage des mineures a donc doublé en une décennie.

1
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., pp. 262-265.
2
Art. 19 CMF.
3
Art. 20 CMF.
4
retien du
juge avec le (ou les) mineur(s), voire tout autre enquête sociale. Au titre des éléments pouvant être pris en

orisation. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit.,


p. 262.
5
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », RIDC, 2015, n° 1, pp. 207-224.
6
Les statistiques sont fournies par le Ministère de la Justice.

104
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

mariage1. En pratique, il peut être recouru de manière frauduleuse à cette reconnaissance.


L -Meknès)
souligne que cet article a non seulement favorisé le mariage des mineurs, mais aussi la

Le certificat de célibat2
contractés durant la minorité des époux. Selon la présidente de cette association, cette
situation a permis à nombre d et à des mineurs de contracter
mariage sans autorisation,
mariage. Selon le représentant du ministère3, les enquêtes menées ne révèleraient pas de
tels cas de mariage, tandis que le récent rapport 4
(CNDH) portant sur relève expressément
« dispositions sur la période transitoire de

gouvernement persiste à vouloir procéder à une nouvelle prolongation de la période


transitoire »5.
122. Quelles alternatives ? Face à un tel laxisme, une partie de la doctrine attire
un amendement législatif6 afin de fixer un âge minimal en
dessous duquel la dérogation légale . De la même
manière, il est préconisé que tout représentant légal ou juge qui méconnaîtrait cette
limitation verrait sa responsabilité particulièrement pénale- engagée, et le mariage annulé.
Or, un obstacle non des moindres se dresse quant à la possibilité de faire annuler le
mariage. La capacité matrimoniale ne figure pas au nombre des règles de validité du
mariage en droit musulman, lequel distingue la conclusion même du mariage de sa
consommation7 valablement
être nul ou vicié. Par conséquent, aucune sanction civile ne saurait être mise en place ce
qui, selon Madame le professeur MONJID « neutralise la portée des articles 19 et 20 en les
vidant de leur sens »8. La fidélité au droit musulman classique est ici patente et constitue
une limite considérable à la pleine effectivité de la disposition. En tout état de cause, il

1
V. infra, n° 395-396.
2
Rapp. de TGI Lille, 16 déc. 2014, n° 13/00575, note X. LABBEE, AJ fam., 2015 n° 3, p. 174.
3
Le matin du 5 fév. 2015, S. BENCHERKI
16 du Code de la famille ».
4
CNDH, État parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs
constitutionnels, 2015, disponible sur www.cndh.ma.
5
V. infra, n° 396.
6
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », art. precit.
7
Rapp. avec le mariage par étapes, cf. N. GAFSIA, : le cas tunisien,
Paris, LGDJ, coll. « Droit&Société », 2008.
8
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », art. precit., p. 215.

105
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

sse du
mariage du mineur dans lequel
u mariage que seules des raisons impérieuses doivent avoir
empêché de célébrer, le juge doit faire preuve de la plus grande prudence en privilégiant

cette condition que la réforme atteindra ses objectifs.


123. La représentation de la femme par son waliy1. Lors de sa réforme en 2005,
l supprimé la représentation de la future épouse2. Si le législateur marocain
en a fait une simple option3, laissant le choix à la femme de se faire ou non représenter4, le
est montré inaudible aux mouvements féministes laïques qui
considèrent la présence du waliy comme infériorité de la femme musulmane. Le
5
droit algérien exige donc toujours sa présence lors de la conclusion du mariage. La
position marocaine, qui en fait une option, une volonté politique de
satisfaire tant les revendications du courant laïc que celles du courant traditionnel. Il est
esprit occidental non éclairé esprit même de cette institution
la percevra davantage comme la manifestation éclatante une discrimination fondée sur le
et le
6
Maroc ont adhéré . De plus,
les citoyens devant la loi, sans discrimination aucune du fait de la naissance, de la race ou
du sexe. En définitive, si l par les pays du Maghreb de principes universels visant
y adhérer, que dans le
respect de esprit et des objectifs qui animent les institutions familiales. À cet égard,
la présence d un waliy ne sera
pas exigée lors de la conclusion du mariage. Les femmes les plus indépendantes pourront
faire le choix de s affranchir, tandis que les plus conservatrices pourront y recourir. Ni
imposé, ni supprimé, la solution médiane consiste à maintenir sa présence de façon
symbolique afin de faire rejaillir ors de la
conclusion du mariage qui demeure, au sein de ces sociétés, une affaire de famille et non

1
La représentation de la future épouse par le waliy ne trouve pas de fondement scripturaire mais constitue un
concept juridique élaboré par le fiqh.
ijtihad. Loin de se résumer à une
waliy symbolise un soutien moral et familial
-ci, généralement par un
proche familial lequel a et la soutiendra dans son choix.
assigné et combattu par les mouvements féministes laïques considère la présence du waliy à la conclusion du

22
Art. 33 CAF : « waliy ».
3
Art. 24 CMF.
4
Sur la wilaya, cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., pp. 341-353.
5
La Tunisie a purement et simplement aboli cette pratique dès la codification du statut personnel en 1956.
6
CEDAW notamment.

106
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

un simple engagement entre deux individus. Le compromis marocain en est


illustration topique.

B)

124. diciaire de la répudiation. Au risque de ne pas aboutir, la


réforme marocaine a opté pour un changement dans la continuité. Pour cela, elle
dans un cadre strictement religieux1 et chaque point de la réforme repose sur le verset
coranique le justifiant. Il est dès lors plus aisé -regrettable ?- de comprendre que des
institutions telles que la polygamie et la répudiation 2
une réforme si importante3. Les modifications opérées par le Code marocain
vont dans une seule et même orientation encadrement de ces pratiques.
4
usage abusif et capricieux de la répudiation comme mode de dissolution du mariage
contrevient tant à la source script y recourir qu avec
parcimonie, à la cohésion du lien familial. Afin de mettre fin aux abus perpétrés par la
répudiation, la réforme procède à sa judiciarisation. Désormais, le prononcé de la

épouse et faire consigner cette

dernier rempart face aux injus exercice abusif de cette


5
institution. .
Bien que son esprit demeure, celle-ci change de visage en se modernisant tant par le

1
En Islam, le divorce est « Allah ».
2

un changement terminologique, préférant le terme « divorce sous contrôle judiciaire » à la traditionnelle


répudiation. Si le vocable rappelant cette institution a été supprimé, son esprit même subsiste puisque le terme en
langue arabe désignant la répudiation est demeuré inchangée : talaq. Le « divorce sous contrôle judiciaire »
e
- -,
: le
droit de rompre discrétionnai :
anciennement appelé Code du statut personnel (moudouwana) Code de la
famille ». Celui-
parlementaire et adopté par les deux chambres.
3
Lors de son discours, le Roi MOHAMED
autoriser ce que Dieu a prohibé, .
4
Cf. M. BORRMANS, Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours, Mouton, Paris-La Haye, 1977.
Pour aller plus loin, N.-M. MAHIEDDIN, «
en droit musulman et en droit algérien », RIDC, 2006, n 1, pp. 75-95 ; Y. LINANT DE BELLEFONDS, « La
», RIDC, 1962, n° 3, pp. 521-548.
5

encore intervenir » demander le divorce que dans des cas


énumérés par la loi.
résigné à établir une égalité entre les époux, que ce soit au stade de la formation du mariage, que celui de sa
dissolution.

107
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

processus de judiciarisation que par le changement terminologique. En effet, le vocable


« répudiation » a été abandonné au profit de la nouvelle appellation « divorce sous contrôle
judiciaire ».
125. Le changement dans la continuité. L du Code marocain dispose
« il y aura lieu de se référer aux prescriptions du rite malékite et/ou aux conclusions de
1
» . Cette disposition,
elle incite le juge à recourir à interprétation, à avoir un système
2
de référence qui est le droit musulman classique » . Convient-il à cet égard de rappeler que
la quasi-totalité des magistrats, de sexe masculin, semblent épouser la vision patriarcale
diffuse au sein de la société ils procèdent, pour la plupart, à une interprétation
sprit de la réforme3. Aussi, le véritable impact de ce
nouveau mode de dissolution ne pourra être atteint à la condition a souligné
le roi du Maroc lui- aune La rupture avec le passé ne pourra
donc être totale en pratique. Anciennes dispositions cohabitent avec les nouvelles, une

instruits et les esprits les plus rationnels, les dispositions nouvelles sont là pour servir le
justiciable qui saura , les anciennes dispositions étant toujours en vigueur pour
les autres. Par cette technique, le législateur essaie de satisfaire toutes les franges de la
société en recourant à une sorte de compromis, quitte à scinder la société en deux en créant
un fossé entre les classes sociales. Le maintien de la présence du waliy lors de la
conclusion du mariage en atteste. Malgré les différentes options, le changement est réel, et
4
se traduit par la consécration en faveur de l .
126. : le chiqaq ou divorce pour
discorde. Le droit marocain admet, à côté du talaq, divorce « sous contrôle judiciaire »,
du tatliq, divorce judiciaire. Celui-ci existait déjà sou moudawana,
mais son usage était e pour certains motifs, dès lors que

disposition dans la présente loi, il est fait référence aux dispositions de la charia ». Rien de tel dans la législation
tunisienne, qui ne fait référence au droit musulman ni pour interpréter, ni pour combler les lacunes de la loi. Pour
autant, la question de savoir si le droit musulman constitue une source du droit tunisien fait toujours débat.
2
A. MOULAY CHID, « e changement social », in Droit et
environnement social au Maghreb, éd. du CNRS, Paris, 1989, p. 243.
3
En matière de polygamie par exemp
convoler en secondes noces, celles-
ssort des statistiques relatives à la
polygamie que si celle-ci est passée de 0,34% entre 2004 et 2011 à 0,26% entre 2012 et 2013 acceptation des
demandes par les juges a néanmoins augmenté de 25%.
4
Le divorce judiciaire constitue une nouveauté introduite dans les droits positifs des pays arabes lors du

utilisation de la répudiation par les époux.

108
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

Les nouvelles dispositions1 en élargissent donc le domaine. Le divorce judiciaire peut


. Parmi les différentes
causes que compte le divorce, le législateur introduit lors de la réforme la notion de chiqaq,
traduisible par discorde. a recours à cette cause de divorce2 obtiendra quasi-
automatiquement la dissolution de son union en apportant la preuve du caractère
intolérable de la vie commune.
127. L nouveau cas de divorce
est de remédier à une crise au sein du couple
une tentative de conciliation3. La rupture étant un mal devant demeurer exceptionnel, le
tribunal prononce en tout état de cause le divorce, lorsque la tentative de conciliation
. La jurisprudence est fermement établie en ce
4
sens . qui exige une rupture de la vie commune pendant deux
ans pour recourir au divorce pour altération du lien conjugal, il suffit en droit marocain à
souhaitant mettre un terme à son union de rejeter la conciliation, en persistant
sur sa position de chiqaq. bien la consécration du droit au divorce5 en droit marocain,
eant e mettre un terme à son union de le faire6. Sa

1
Le Code marocain consacre tout un chapitre IV - Titre premier (art. 94 à 97) - à cette nouvelle forme de divorce

les femmes », au verset 35 : « Si

épouse. Si les deux arbitres veulent vraiment les réconcilier, Allah les aidera dans
leur tâche et fera aboutir leurs tentatives. Allah est Tout-savant et parfaitement informé ».
3

4
CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006, in Morceaux choisis de la jurisprudence en matière
d'application du Code de la famille, Ministère d
information juridique et judiciaire, série relative aux explications et preuves, n° 10,éd. ath Elite, Rabat,
2009, vol. I, p. 119 ; Trib. 1ère inst. Semara, sect. just. fam, 23 janvier 2007, dossier n° 129/2006, in Morceaux
choisis d application du Code de la famille, op. cit., p. 128.
5
Contra, V. X. LABBEE, note ss CA Douai, 7ème chb., sect. 1, 19 janv. 2012, n° 11/00923, Rev. dr. fam., 2012,
n° 7, pp. 40-

le juge français. Son rôle ne serait plus « iré ou comme on disait


autrefois, de défendre le lien ».
Nous ne partageons pas ce point de vue. Un droit au divorce est bel et bien consacré en droit marocain au profit

: cellule de base de la société dans un cas, simple statut de

formalité substantielle qui ne saurait être implicit


civ. 1ère, 16 déc. 2015, n° 14-28.296, Rev. Lamy dr. civ., 2016, n° 135.
6
F. SAREHANE, « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz. pal., sept-oct 2004, pp 2792-2805 ;
K. ZAHER, « Plaidoy
chambre civile du 4 novembre 2009 », Rev. crit. DIP, 2010, p. 313.
le lien conjugal -malgré les multiples tentatives du juge à
son épouse- les juges ont admis à bon droit que la dislocation de la famille étant de son fait, celle-ci ne pouvait
prétendre à aucune compensation du fait de la rupture, cf. Trib. 1 ère inst. Tétouan, 27 nov. 2006, dossier
n° 858/2006/13, n° 1487.

109
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

seule insistance pour divorcer suffit à rompre le lien1 2


ou de
3
. Néanmoins, le juge conserve un pouvoir

mariage par le chiqaq. Celui- de son fait, de


rechercher sa responsabilité dans la dissolution du mariage afin de refuser toute
compensation financière à son profit, ce que la Cour de cassation approuve4.
Certains auteurs le recours fréquent à la procédure du
chiqaq, fortement nuisible
des de divorces émanant de femmes en
comparaison avec les demandes formulées par les époux5. une conférence
casion des dix ans du nouveau Code, Monsieur le ministre de la justice
Mustapha RAMID a souligné, notamment au sujet des dissolutions de mariages conclus par
des mineurs, que ceux-ci sont passés de 7213 cas en 2004 à 40850 en 2013, le divorce pour
discorde représentant 97% des cas, soit une hausse de 500%6. Si cette procédure visait
initialement à mettre fin à une discorde persistante entre les époux7, il ressort de la pratique
judiciaire8 « se trouve transformée en simple procédure de divorce rapide et facile
encourageant le recours excessif des citoyennes et citoyens à cette procédure. La société
des résultats égalitaires réalisés en matière de dislocation des foyers et
se soucie très peu du devenir des divorcées (particulièrement sans revenus) et de leurs
enfants après cette dislocation expéditive mais très coûteuse sur tous les niveaux : social,
économique, égalitaire, éducationnel, sécuritaire ! »9.
128. Imprécision du contenu de la discorde. L visant le différend
ne donne pas de précision sur le caractère que doit revêtir la discorde pour justifier le

1
Trib. 1ère inst. Nador, sect. just. fam., 8 février 2006, jugement n° 187, dossier n° 719/2005 ; Trib. 1 ère inst.
Marrakech, sect. just. fam, 25 novembre 2004, jugement n° 3475, dossier n° 2114/8/2004, inédit.
2
Trib. 1ère inst. Oujda, sect. just. fam., 15 mars 2005, jugement n° 974, dossier n° 1362/04.
3
Il a ainsi été jugé que le défaut de preuve du préjudice ne rend pas irrecevable la demande de divorce car « sans
fondement légal, un tel argument est de nature à vider le nouveau Code de la famille de sa substance et de sa
p accès à la dissolution du lien conjugal incapacité de
prouver le pr intimité de leurs vies privées devant les
institutions judiciaires ». Trib. 1ère inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars 2005, jugement n° 418, dossier
n° 04/8/2005; Trib. 1ère inst. Larache, sect. just. fam., 9 janvier 2007, dossier n° 90/06/5.
4
Cour supr., 24 sept. 2008, dossier n° 198/2/1/2007, n° 440 ; Cour supr., 4 oct. 2011, dossier n° 285/2/1/2010,
n° 534.
5
En 2008, le chiqaq représente un pourcentage de 74,68% des cas de divorce judiciaire, contre 56% en 2007.
6
Statistiques fournies par le ministère de la justice.
7

8
M. BENRADI, H. ALAOUI CHICHI, A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire,
Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007.
9
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, t. 3, De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, Rabat, 3ème éd., Bouregreg,
2009, p. 72.

110
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

prononcé du divorce. Par conséqu

considèrent que le chiqaq est « une situation de fait qui empêche la continuité de la relation
conjugale, chaque époux étant autre du fait hostilité,
de telle affection en sont devenus distendus, empêchant les époux
accomplir leurs droits et obligations réciproques »1. La doctrine a également définit cette
notion ensemble des querelles et malentendus qui élo
autre rendant impossible le maintien de la vie conjugale 2. Le caractère intolérable de la
vie commune entre les époux, peu important sa cause, permet donc de faire prononcer le
divorce. Une étude Code de la famille3 a permis de dégager la tendance des
magistrats à retenir une conception assez large de la discorde, permettant aux couples
souhaitant mettre un terme à leur union de le faire4. De la même manière, toutes les fois où

fondements -
conjugale5- celle-ci peut engager une demande de divorce pour chiqaq6.
129. Le Code
marocain de la famille innove également en matière procédurale. Outre la création de
sections spécialisées dans la « justice familiale » au sein des tribunaux de première
instance, des règles de procédure et de délais7 sont prévues pour le prononcé du divorce.
Les nouvelles dispositions viennent en réaction à la lenteur de la procédure, dont les
victimes premières sont les épouses qui souhaitent mettre fin à leur union8. Le législateur a
9
donc exigé la comparution de avant la tentative de réconciliation, le jugement de

1
Trib. 1ère inst. Marrakech, sect. just. fam., dossier n° 3269/8/2004, 13 janvier 2005, inédit.
2
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal ath al-najah
al-jadida, Casablanca, 2006, p. 102.
3
M. BENRADI, H. ALAOUI CHICHI, A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire,
op. cit.
4
En ce sens : TPI Rabat, 17 fév. 2005, dossier n° 32/277/04 ; TPI Rabat, 31 mars 2005, dossier n° 32/422/04 ;
TPI Rabat, 24 janv. 2005, dossier 32/433/04.
5
Pendant la période de continence en cas de divorce sous contrôle judiciaire révocable : article 124 CMF.
6

discorde représentait 56,25% des affaires en cours devant les tribunaux et 46,09% des affaires jugées.
Cf. Ministère de la justice, « Application des dispositions du code de la famille, les mesures prises, difficultés
», 2006.
7
Le délai afin que le juge statue ne doit pas dépasser six mois et cette nouvelle mesure est applicable à tous les
cas de divorce. Cf. art. 113 CMF : «

délai maximum de six mois, sauf circonstances particulières ».


8

refaire leur vie, entravent le cours de la procédure en ne comparaissant pas lors de la tentative de réconciliation,
en interjetant appel ou un pourvoi en cassation.
9
Art. 81 CMF.

111
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

divorce1 devenant définitif en premier ressort2 et tout recours contre celui-ci est
irrecevable. protection des droits
moudawana se contentait d
réforme de 2004 lui en détaille les prérogatives et lui indique la procédure judiciaire à
suivre. Il paraissait contr oncer
avait expressément consenti, en son absence. À défaut de comparution, le
ministère public met en demeure l sera statué sur le dossier. Le juge occupe
désormais la place de partie principale dans toutes les affaires familiales3. Il est chargé de
coercitives prévues par la loi, et peut procéder à toute
enquête jugée utile à la demande du tribunal, notamment
nouveau domicile de son épouse en vue de faire échec à sa comparution4.
5
130. Le juge conciliateur.
. Avant de statuer, celui-ci
pourra entendre tout témoin , désigner deux arbitres hakam et un conseil de famille7. Tout
6

.
Dans ce dernier cas, le juge doit entreprendre une deuxième tentative de réconciliation,
trente jours après la première.
8
131. pendant le
délai de viduité (de trois mois) est une nouveauté introduite dans les législations marocaine
et algérienne
pour la bénéficiaire du droit de garde des enfants (prioritairement la mère) la
majorité des enfants. La crise du logement, combinée au manque de ressources des classes
les plus défavorisées ne permet pas toujours à la famille de loger une autre famille éclatée.
Dans ces situations, un nombre important de femmes subissent violences et sévices. Les

1
Article 128 CMF : les décisions de divorce « ne sont susceptibles urs dans leur partie mettant fin
aux liens conjugaux ».
2
CA Marrakech, 1er février 2005, dossier n° 3955/8/2004, inédit : « appel
interjeté contre le jugement ayant prononcé le divorce pour discorde ».
3
Y. SALHI, Le rôl , Publications de la revue Menara
pour les études juridiques et administratives, coll. « Études universitaires », 2015, n° 8 (en langue arabe).
4
Article 81 CMF. voit également des sanctions pénales en cas de fausse
déclaration du mari.
5
Le Coran mentionne la conciliation (ssolh) dans sept passages, dont le verset 130 de la sourate 128 : « Quand

» ; ou dans les versets 227-228 de la sourate 2 : « Si les maris décident de répudier


leur est pas permis

de les reprendre durant ce temps ».


6
Art. 82 CMF.
7
Sur cette dernière institution, v. infra, n° 193.
8
À défaut, le tribunal fixe le montant des frais de logement, consigné au secrétariat-greffe du tribunal. Au TPI de
Rabat par exemple, ce montant est fixé à 3000 DHS (soit environ 300 euros). Quid des critères qui permettent
aux juges de retenir ce montant, mais surtout de la constance de ce quantum dans tout le Royaume ?

112
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

plus courageuses se retrouvent sans domicile suite à leur divorce. la


disposition ne peut saluée. Elle rencontre cependant des limites dues au délai de
trois mois insuffisant- ainsi aux moyens d époux qui doit être capable
x-épouse et son (ses) enfant(s).
132. Limites de la protection. Plusieurs questions non encore résolues mettent à mal
une application effective du nouveau texte. Il en est ainsi du barème auquel doit se référer
le juge en matière de pensions alimentaires1, 2
et des
nombreux itent pas à dissimuler la majeure partie de
leurs ressources afin de minimiser le montant de la pension. Le manque de moyens
matériels3 et l conduisent à conférer au juge un large pouvoir
4
- perpétré par la répudiation dans
la fixation de la compensation financière-
nouveau texte5. Pour autant, certaines décisions ont pu révéler que certains juges -lorsque

1
dahir n° 191.10.1 du
bis de la loi de finances n° 09-48 pour

une
auprès du président du tribunal de première instance (art. 4) qui statue dans les huit jours (art. 7), sans jamais
dépasser le plafond fixé (350 dhs par personne sans jamais aller au-delà de 1050 dhs par famille). Sur la mise en
LACHKAR, « », in Approche plurielle des
problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile,
t. 2, 2015, pp. 142-168 (en langue arabe).
2
Sur 48829 affaires en 2008, le nombre de jugement non exécutées était de 14287 contre 17600 en 2011 (sur
43903 affaires en cause). Cf. Statistiques du Ministère d
3
Sur cet aspect, V. Y. SALHI, , op. cit., pp. 53-
56.
4
référentiel sur lequel ce
malékite
pays du Maghreb et à laquelle ils se réfèrent en cas de silence de la loi, la réforme marocaine de 2004, par le
ijtihad -
malékite -, afin de concrétiser «
vie commune ». Le juge pourra donc puiser dans les autres rites en cas de situation non prévue par la loi, mais il

PAPI, islamique au Maghreb, Algérie, Libye, Maroc,


Mauritanie, Tunisie : M. DAOUALIBI, «
écoles », in Travaux de la semaine internationale de droit musulman, Paris, 2-7 juillet 1951, Recueil Sirey,
1953, pp. 101-

ratifiées ? Si la ratific -ci ne sauraient


avoir valeur supérieure sur les principes découlant de la morale et la religion islamiques. Si certains magistrats
ractérisent par « une surabondance de motifs, donnant ainsi

». Cf. M. BENRADI, H. ALAOUI CHICHI, A. OUNNIR et alii,


Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire, Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007, p. 269.
5
Sur la variabilité et la modicité des sommes allouées au titre de la pension alimentaire, Cf. TPI Salé, 29 août
2012, n° 814, dossier n° 531/12/1606. Dans ce jugeme

113
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

le montant de la pension al -
1
.
suivisme » législatif occidental, celui-
douter avec une législation marocaine qui « »
considérable de protection incombant au juge. Ceci se vérifie aussi dans le domaine des
droits patrimoniaux.

§2) Les droits patrimoniaux

133. Relativité des réformes entreprises en matière patrimoniale. Si les réformes

contrat dans la gestion des biens acquis durant le mariage (A), le domaine successoral
continue de constituer une fidèle représentation du droit musulman classique (B).

A)

134. ignorance par le système juridique musulman du concept de régimes


matrimoniaux. Les systèmes juridiques issus du droit musulman ignorent le régime de
communauté des biens entre époux et les régimes matrimoniaux de façon générale2. Une
telle méconnaissance en premier lieu
3
biens en toute liberté . En second lieu, cette méconnaissance par la
reconnaissance du mariage polygamiqu la loi islamique, le
souci de protection de la femme
conjugale. Plus tard, les jurisconsultes musulmans ne se sont pas intéressés à la question, et
il aurait fallu dou un système de
communauté des biens entre un époux et ses quatre femmes. Le maintien de la polygamie
au sein des Codes de la famille (exception faite de la Tunisie) ne permet pas toujours la
n tel régime de communauté, et le régime légal applicable aux époux
demeure la séparation des biens4.
135. Sa compatibilité indiscutée avec le droit musulman. Aucune disposition
coranique ou hadith ne fait référence régimes matrimoniaux en Islam.

dhs au titre de la pension alimentaire due à la fille du couple, 400 dhs au profit du garçon et 150 dhs au titre du
loyer. Cf. TPI Salé, 18 juil. 2012, n° 1947, dossier n° 2262/11/1607.
1
Cour supr. maroc., 18 juil. 2007, dossier n° 667/2/1/2006, n° 411.
2
H. DANNOUNI, « Le régime des biens entre époux en droit algérien », Rev. tun. dr., 1986, pp. 157-177.
3
AHMED, Étude
comparative du mandat en droit romain et en droit musulman, Thèse, Paris II, 1981, p. 160.
4
Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité de droit musulman comparé, Paris, La Haye, t. 2, 1965, n° 790.

114
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

Cette indifférence est bien la preuve que la r Le mariage en


droit musulman étant un contrat, il est parfaitement possible pour
leurs relations patrimoniales en insérant dans leur acte de mariage une clause relative aux
biens. L des configurations familiales par emmes sur le marché de
a conduit à adapter le droit à cette réalité.
136. Un régime de séparation de biens atténué. Le Code marocain de la famille
consacre le principe de la séparation des biens : Les deux époux disposen un
1 2
patrimoine propre . En vue atténuer les méfaits de ce système, deux mesures sont
49. La première mesure ménage un cadre contractuel3, indépendant de
acte de mariage, permett un commun accord du mode de
gestion, de répartition et de fructification des biens acquis pendant le mariage 4. Cet accord
Pour donner plus de force

1
Art. 49 CMF. La loi tunisienne n° 98-91 du 9 novembre 1998 avait également introduit un régime de
communauté de premier de la un régime facultatif pour
lequel les époux peuvent opter (...) ». Le régime légal demeure ainsi celui de la séparation de biens, la loi
propose seulement un régime de communauté minimale réglementé dans ses différents aspects. Les époux
peuvent opter pour ce régime au moment de la conclusion du mariage ou à une date ultérieure, ce qui ouvre la
opter pour ce régime aux époux mariés avant la promulg un commun
accord, changer de régime matrimonial, en optant pour un régime de com inverse y mettre fin
écoulement de deux ans au moins à partir de
son institution, et celle-ci doit être constaté par un acte authentique. V. en ce sens : S. BOUZIR, Le régime de la
communauté des biens entre époux : étude comparative du droit français et du droit tunisien, Thèse, Paris I,

communauté (26 articles), probable

la nature diffèrent sensiblement de la communauté de biens à la française. Si la première ressemble plus à une
«
particuliers.
2
M. CHAFI relevait déjà, dans sa thèse de doctorat, que les époux en droit marocain pouvaient constituer une

est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en


commun leurs biens ou leur travail, ou les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».

ne faisant pas allusion


entre elles. Ainsi, malgré leur inégalité au sein de la structure conjugale, les époux jouissaient de droits égaux
CHAFI, Les rapports juridiques entre époux, Étude
comparative du droit français et du droit marocain, Thèse, Paris II, pp. 302-303.
3
-marocain a été célébré en France, sous le régime de la
communauté légale, mais que la liquidation du régime matrimonial est entreprise au Maroc à la suite de
: Cour cass. maroc., 31 mai 2011, arrêt n° 310, dossier
n° 210/1/2/431; Rev. dr. fam., 2016, n° 3, alerte 22. La Cour de cassation marocaine, en application du code de la

marocaine), celui-ci ayant


versé à sa femme le fruit de ses économies que cette dernière avait utilisé pour acquérir des immeubles au Maroc
en son seul nom. Pour la Cour de cassation, «
épou
».

fructification du patrimoine familial commun.


4
Art. 49-2° CMF.
dispositions claires régissant les droits et obligations de nature patrimoniale entre les époux ou vis-à-vis des tiers.

115
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

à cette mesure, le Code impose aux adouls en informer les époux lors de la conclusion
du mariage1. Cependant 2
, par
les femmes de leurs droits conduisent bien souvent à passer sous silence cet important
aspect de leur future vie conjugale. La deuxième mesure concerne le partage des biens
acquis pendant le mariage. ont pas fait de contrat sur les biens, le
Code prévoit le recours « aux règles générales de preuve, en prenant en considération le
travail de chacun des conjoints, les efforts fournis et les charges assumées pour fructifier
les biens de la famille »3. Cette dernière mesure a cependant été diversement appréciée par
les tribunaux. Les premières applications ont conduit les juges à épouse une
un pourcentage sur la valeur des biens acquis pendant le
mariage. Certains juges ont même exclu le travail domestique .
Or, la raison de équité au profit des
4
femmes au foyer . Persister dans une pratique judiciaire conforme à la lettre de
moudouwana contrevient le privant des effets

137. La jouissance conjointe du logement familial. Le Code de la famille reconnaît


enfin que la jouissance du domicile conjugal appartient conjointement aux deux époux.

p
logement familial, composante de la nafaqa
appréhendé i5 ou à
CHAFI, il est
déplorable que « ouisse

terme de la retraite légale sur laquelle insistent la législation coranique, la doctrine

en effet le droit de la veuve au logement »6 nt la vie commune

1
Art. 49-3° CMF.
contrat de mariage. En 2007, 900 contrats ont été conclus pour 270 660 actes de mariage.
2
Madame le professeur NAJI EL MEKKAOUI explique ainsi la situation : « La conclusion du pacte matrimonial et

majestueuses, e

librement et sereinement leurs points de vue sur les détails et de prévenir les éventuels désaccords dans le
futur ! ». Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le
conventionnel en Harmonie. De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, t. 3, Rabat, 3ème
éd., Bouregreg, 2009, p. 66.
3
Art. 49 dernier alinéa.
4
article 49 par les tribunaux, V. Le Code de la famille, perception et
pratique judiciaire, op. cit., p. 260 s.
5
cile conjugal le délai de viduité prévue de quatre mois et dix jours.
6
M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux, Étude comparative du droit français et du droit marocain, op.
cit., p. 430.

116
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

des époux est enfin érigé en logement familial, et sa disposition relève du pouvoir de
cogestion du couple. Une meilleure protection est assurée par la qualification de
logement familial du bien. Elle est renforcée par l intervention du ministère public1 dans
la réintégration au
époux expulsé sans raison valable et prend les mesures garantissant
sa protection.

B) t successoral

138. La pérennité du droit musulman dans le domaine successoral. Les règles


relatives au droit des successions2 pas été revues3 casion des réformes
entreprises dans le domaine familial. La totalité des législateurs musulmans expriment leur
fidélité au droit musulman classique en la matière, les règles instaurant une inégalité
structurelle4 entre les deux sexes5. égalité de degrés,
6
une femme reçoit . Attachée à la règle coranique,
7
une partie de la doctrine rappelle la source scripturaire claire et précise au fondement de
cette disposition, qui empêcherait son adaptation aux exigences modernes. Pour Monsieur
le professeur KACHBOUR, la contrariété alléguée à la C
la loi fondamentale elle-même exclue toute remise en cause du donné religieux8,
Pourtant, dans son rapport
parité au Maroc, le Conseil national

1
Article 53 CMF.
2
Pour une présentation, V. F. SAREHANE, « Successions et contrats au Maroc », in Les successions, Travaux de
-388.
3
La principale justification est que la dévolution héréditaire est fixée par la loi coranique, donc ainsi voulue par
Dieu. Par conséquent la volonté humaine ne peut en modifier le régime.
4

fardh -à-dire à part fixe (en opposition avec les héritiers


aceb, à part variable), la quote-
rt est

de cujus, et du huitième seulement si elle est en concours avec des


descendants.
5
galité des parts entre le fils et la fille du défunt serait en partie justifiée par la configuration
patriarcale de la famille arabe et musulmane et non pas par la nature propre de la femme. Plusieurs hadiths de
sens : I. TOUALBI, Le droit musulman : de «
jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, spec. pp. 100-103.
6
La législation islamique appelle la femme à la succession soit de sa propre famille, soit de celle de son mari.

fait plus elle- MILLIOT désigne comme étant « une


».
Cf. L. MILLIOT, Étude sur la condition de la femme musulmane au Maghreb, Paris, 1912, p. 167.
7
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème
Al jadida, 2015, p. 155 (en langue arabe).
8
Ibidem., p. 155.

117
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

successorale comme facteur de vulnérabilité des femmes à la pauvreté et préconise une


égalité successorale entre hommes et
successorale au Maroc ?
139. Le « legs obligatoire ». Les législateurs maghrébins ont cependant tenté de
remédier à
femmes1 théorie de la représentation » en droit successoral musulman2.
Le Ma gypte en 1946, la technique dite du « legs
obligatoire »3. Mixte, cette institution relève du droit des successions car elle est

caractère testamentaire car elle se limite au tiers de la succession et ne bénéficie pas à un


héritier successible4. Son intérêt réside dans la possibilité de faire appeler une catégorie de
parents à une succession dont ils sont en principe, exclus, indépendamment
un testament et encontre même de la volonté du de cujus5.
petit-fils dont le père est prédécédé : e . En effet, le petit-fils
est en principe exclu de la succession oncles paternels vivants au moment de
6
. Le legs obligatoire permet de contourner le principe, « pour
remédier à certaines situations inéquitables auxquelles conduisent les règles des évictions
applicables dans la classe des descendants »7. Sa mise
-enfants qui se rattachent au défunt par leur père8, et non au profit
des petits-e -parents par la mère- qui ne peuvent être appelés à
la succession. L en 2004 sur cette
inégalité fondée sur le sexe. Depuis, les petits- peuvent venir
à la succession de leurs grand-père et grand-mère dans les mêmes conditions que les

1
Le principe agnatique est la base du système successoral musulman.
2
M.J. ESSAID, , Rabat, Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le
développement Socio-Économique, avec le concours de la Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque
Populaire, 4ème éd., 2010, pp. 120-122.
3
Le « legs obligatoire » est une technique basée sur le verset 180 de la sourate 2. Pour la plupart des écoles, cette
zahirite qui en a toujours

tout en restant fidèle au droit musulman, adopteront cette technique juridique. V. en ce sens M. CHAFI, Les
rapports juridiques entre époux, Étude comparative du droit français et du droit marocain, op. cit., p. 353 et s.
4
F. SAREHANE, Jurisclasseur dr. comparé, fasc. 2, Maroc, n° 154.
5
est ce qui explique sans doute sa place parmi les règles de la dévolution successorale, du moins en
droit marocain.
6
une fille prédécédé ou décédé en même temps que le de cujus sont exclus de la
succession par leur oncle.
7
F. SAREHANE, Jurisclasseur dr. comparé, fasc. 2, Maroc, n° 155.
8
De même que pour y prétendre, le descendant ne doit pas participer à la succession du défunt (art. -à-
. Le de cujus ne doit pas non plus avoir gratifié le prétendant du
legs obligatoire d'une donation entre vifs ou d'un legs. le montant de la libéralité ne
il aurait reçue au titre du legs obligatoire. Si le montant est inférieur, il doit être
complété il excédent est soumis au consentement des héritiers. explique par le
souci de ne pas léser les héritiers.

118
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

1
enfants . La même disposition intitulée « héritage par substitution » se
retrouve dans les Code algérien et tunisien2. Le second limite néanmoins les bénéficiaires
du legs obligatoire à la première souche des descendants3 est-à-dire aux petits-enfants
du de cujus, alors que infini et sans limitation de degré en droit
marocain.

1
Si le de - à la moitié de la part de son auteur.
2
Art. 191 et 192.
3
Le legs obligatoire ne joue pas au profit des collatéraux.

119
Conclusion du chapitre second

140.
dans la conception occidentale et musulmane du lien matrimonial, il convenait de vérifier
apparu
que l familial son harmonie et sa pérennité a été
rompu en Occident à partir des années 1960. La construction législative sur laquelle
reposait le mariage depuis des siècles est remise en cause au nom des nouvelles exigences
les
désormais nouvelle qui consiste à gommer toute trace

famille moderne et égalitaire, fragilise corrélativement le lien familial. Le juste équilibre


entre les intérêts individuels des membres de la famille est abandonné au profit de la mise
entielle entre eux, appréhendée en termes
ité des cas de divorce par la
loi de 1975 du lien matrimonial au nom de la poursuite du droit au
bonheur. La volonté individuelle de chacun des époux, libre et autonome, suffit désormais
à faire et à défaire le lien matrimonial, conformément à la transformation de la nature du
mariage, désormais simple lien civil.
Plus tardivement dans les pays du Maghreb, une évolution similaire poussera le législateur,
à procéder à un rééquilibrage des relations conjugales au profit

législateur marocain substitue au régime familial patriarcal un régime de patriarcat libéral.


ijtihad constitue la preuve
incontestable que le droit musulman est un droit vivant, reflétant les besoins de la société
arabe moderne1
plus souples, sans jamais contredire les textes

1
À ce sujet, M. TOUALBI
1
charia à évoluer p . Son caractère flexible
permet sans conteste « son aptitude naturelle à épouser les variations du temps historique »1 administrant ainsi la
preuve de son caractère pluriculturel et proprement universaliste tant au temps de la Révélation comme en celui
-ci conteste l
CEDH le 31 juillet 2001, dans un arrêté rendu public en réponse à une requête qui lui était adressée par le parti
turc Refah invariance normative sous
du
progrès. Comme le souligne A. GRESH, il semble désormais évident que « la situation de la femme musulmane
ne découle pas du Coran, mais son oppression peut trouver alibi dans tel ou tel verset, ou dans la manière dont la

». V. I. TOUALBI, Le droit
musulman : de « » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, pp. 636-37.

120
fondamentaux1.

ce. La nouvelle physionomie du lien matrimonial


issue de la réforme permet
primitif tel que perçu par nombre de législations étrangères
muable de la loi religieuse, les évolutions en la matière
sont tributaires de la volonté politique.
En somme, l
et les objectifs qui y
président.

MOHAMMED (saw),
ainsi que la grande liberté accordée aux Califes qui lui succédèrent et premiers jurisconsultes afin de légiférer

121
Conclusion du titre premier

141. Ce premier titre a permis de mettre en relief que le relâchement du lien familial
constitue la conséquence directe d du mariage comme simple lien civil entre
les conjoints. Le raisonnement du législateur a permis
de souligner en premier lieu que le droit contemporain exprime une faveur de principe pour

est sans appel. Il est possible

nial de la famille,
la tendance égalitaire se développe ociation patrimoniale conjugale, qui
contamine assez rapidement la dimension personnelle, particulièrement le droit du divorce.

législative déterminée de remodeler les relations interindividuelles sur une base


parfaitement égalitaire. Or, les présents développements ont permis de révéler que la
mparfaitement au cadre
familial. Celui-ci suppose une inégalité structurelle des rapports conjugaux, inhérente à la
qui assurent, chacun pour leur part, des fonctions
différentes. Cette inégalité structur

harmonieuse des deux sexes. L


1 2
droits)
au sein de la structure familiale ous ne pensons pas que la famille
constitue le terrain privilégié à une telle entreprise. Jusque là, et malgré la généralisation de
la tendance égalitaire, lien matrimonial et lien familial forment encore une seule et même
paire,
commencent à se faire jour, le mariage et la famille ne formant plus ce « tout » unitaire et
harmonieux tel que décrit, au moins dans les textes, dans notre premier chapitre, ils
.
En second lieu, a été mise
dans les relations

1
C. LABRUSSE-RIOU, « ens familiaux : une relation explosive ou
pervertie ? », in La famille, le lien et la norme

2
M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers,
DMM, 2013, p. 16.

122
droit substantiel que le droit processuel1 de la famille, et la volonté individuelle décide
désormais seule du maintien et de la dissolution du lien matrimonial au nom du droit au
bonheur2
nécessité de maintenir le lien matrimonial en vue de pérenniser le lien familial, mais
Ce
changement de philosophie sur lequel repose désormais le droit de la famille a, sans
conteste, contribué à fragiliser le lien familial.
Au Maghreb, la nécessité de modifi
société a été pensée par .
Une telle orientation permet une meilleure appropriation des nouvelles dispositions par la
la tradition juridique islamique.
L dans les relations familiales doit donc être
approuvée.
familial. Néanmoins, la place large qui a été faite en pratique au principe de libre rupture
fragilise le lien matrimonial. à tout-va »,

du fragile équilibre en matière matrimoniale. À la fragilité consubstantielle de celui-ci du


autrefois excessive de la répudiation (privilège masculin), le lien
matrimonial pâtirait , dans
ofessionnelle de ces dernières.

professionnelle de la femme ne doit pas


familial. La liberté acquise ne doit pas être comprise comme une liberté au sens
individualiste du terme, mais une liberté comprise en termes de responsabilité.
Dans ce contexte, la commune évolution constatée du droit de la famille dans les deux
législations soulève la question du
lien matrimonial fait défaut, un nouveau fondement
stabilité du lien familial.

1
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
2
E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur », VOIRIN, Paris,
LGDJ, 1967, pp. 678-709.

123
Titre second. Le lien familial détaché du
lien matrimonial
142. a coparentalité post divorce.
famille depuis la loi du 4 mars 2002 est celle de coparentalité 1
exprimée dans le vocabulaire juridique CORNU
parentale fondée sur le respect, en chacun des parents, de sa vocation parentale et la faveur

»2 suit un
objectif louable, semble trouver une limite dans la fréquence des séparations conjugales.
Or, pour être exercée en commun, l rentale commande
accommode mal de la stabilité
requise pour exion entre mariage et famille

143. La nécessité de régénérer un lien aussi


spécial que le lien familial
requise des individus, quitte à faire de celui-ci le nouveau mythe fondateur du droit
contemporain de la famille3 (Chapitre 1). Le mouvement qui se dessine conduit à porter
4
l
parents5. Dans ce contexte, de ce dernier devrait constituer le critère unique de
prise de décision. Lorsqu refaire sa vie », sa place doit
doublement être réfléchie. Balloté entre le principe de coparentalité lors de la rupture et
une recomposition familiale de plus en plus fréquente, à partager son
quotidien avec un adulte -voire plusieurs adultes successifs - mais qui

1
C. NEIRINCK, « Parenté et parentalités, aspects juridiques », in Lien familial, lien social, M. DELAGE,
P. PEDROT (dir. de), Grenoble, PUG, 2003, pp. 59-74.
2
G. CORNU (dir. de), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, Paris, 10ème éd., Quadrige, 2014,
p. 273.
3
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, pp. 249-270.
4
De même que les sanctions qui y étaient liées se sont déplacées de la sphère conjugale pour recouvrir leur
pleine effectivité sur le terrain parental, notamment dans les relations familiales verticales. En ce sens :
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses »,
2014, spec. la deuxième partie du travail de thèse.
5
THERY qualifie comme étant « une contrepartie très forte à la liberté accrue du couple ation

». I. THERY, : le droit face aux mutations de


la famille et de la vie privée
ministre de la Justice, Paris, éd. Odile Jacob&La Documentation française, 1998, p. 194.

124
sera appelé à participer, même occasionnellement, à sa prise en charge quotidienne et à son
éducation. Ces nouvelles configurations alimentent la diversité des situations familiales et
justifi Chapitre 2
famille. Bien plus que cela, le lien de parenté qui découle en principe du
est, de plus en plus, valorisé dans sa dimension
éducative. Cette nouvelle dimension du lien de parenté traduit libre et
volontaire d un adulte de prendre en char mais avec lequel il
est amené à vivre du fait de leur vie commune. À la pla

occupée le, à tel point que la parenté -dans sa seule


dimension éducative- est appelée au se
son instabilité.

125
Chapitre premier. Du lien familial au lien parental

144. En instaurant le principe de coparentalité


applicable à tous les enfants et dans toutes les situations, le législateur a non souhaité
remédier après la séparation, mais il a également veillé à
mettre en place une stricte égalité parentale entre les père et la mère. Fidèle à la
Recommandation (REC
européenne relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive, il met en place
un dispositif favorisant un exercice renforcé de la coparentalité1 au profit des parents
(Section 1). Aussi efficace puisse être ce dispositif, il ne peut pourtant pas nier les effets de
la rupture. Conscient de cette réalité, le législateur a prévu des mesures permettant de
pacifier le conflit post-conjugal. En , la médiation familiale peut constituer
un cadre extra judiciaire ouvert au dialogue et propice au rétablissement des liens. Lorsque

plac Section 2).

1
V. en ce sens le dossier Coparentalité à , 2009, n° 4, pp. 148-169.

126
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La coparentalité renforcée au profit des parents

145. La parentalité, une situation de fait ? intérêt doctrinal pour la parentalité1


empêche de la voir comme un simple synonyme de autorité parentale ». Bien que la
confusion ait été favorisée radical, les deux situations sont bien
2
distinctes. La parentalité renvoie à des situations factuelles calquées sur la relation
parentale3 en relèvent pourtant pas
parenté que le droit reconnaît. de son contenu met en relief un
4 5
aspect fuyant et protéiforme , dont les contours se dessinent au gré des objectifs
poursuivis.
6
, étroit en comparaison avec
parentale. Ni la dimension liée à la parenté, ni celle concernant les bien
sont considérés car le tiers exerce des prérogatives de facto. Faute de lien
juridique en trouve
réduite rentale limitée à sa dimension éducative.
146. Distinction
entre les deux
7
notions serpent de mer » du
8
droit civil de la famille . T cette chose non identifiée9 fait sienne la
dimension personnelle mais aussi patrimoniale de la relation parentale. Or, le droit civil a

1
D. FENOUILLET, « La parentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », Arch. philo. dr., Dossier
« La famille en mutation », t. 57, 2014, pp. 95-122. Sur la dimension sociologique de cette notion et les dangers
de son usage en droit, cf. : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « parentalité », in
HAUSER, Dalloz-LexisNexis, 2012, pp. 41-58.
2
S. BALIAN, « Néologismes législatifs pour la forme ? », in Droit civil, procédure, linguistique juridique, Écrits
en hommage à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, pp. 1-7.
3
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, Quadrige, 2014, p. 733.
4
I. THERY, Couple, filiation, parenté, rapp. precit., p. 195.
5
Cette situation contraste avec la définition plus riche et plus large adoptée par le comité national de soutien à la
parentalité lors de sa séance du 20 novembre 2011. La parentalité est ainsi définie
est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la
fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et
un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laq inscrit, da
le dévelo éducation de l'enfant. Cette relation adulte/enfant suppose un ensemble de fonctions, de
obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés da
un lien prévu par le droit (autorité environnement
géographique, social et éducatif où vivent la ».
6
Ibidem., p. 733.
7
Madame le professeur FENOUILLET do
FENOUILLET, « La
parentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », art. precit., pp. 112-113, spec. n° 34.
8
M.-L. CICILE-DELFOSSE, « Le beau-parent, serpent de mer du droit civil de la
famille », , Paris, LGDJ, 2012.
9
pression utilisée par le professeur FENOUILLET, art. precit., p. 98, spec. n° 7.

127
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

le premier étant
parentalité est
contestable, car il conduit à emprunter un raccourci en court-
telle que juridiquement construite, as
statut. Cette de la parenté aboutit à une sorte de parentalité remontante
1
qui à terme, favorise la revendication .
Perturbant le droit de la famille dans sa dimension relative aux rapports parentaux, elle se
décline désormais sous toutes les occurrences : pluriparentalité, monoparentalité,
homoparentalité et coparentalité.
147. Le maintien du lien parental au-delà de la séparation. Le prononcé du
divorce est sans incidence sur la relation parentale2. Au couple conjugal, le législateur
décide de substituer le couple parental comme assise de sa politique familiale.
louable, la La
est pas vécue de la même
3
manière couple vivant un état de conflit grave . Dans cette dernière situation,
u juge est nécessaire pour faire respecter la coparentalité. Tout en
le juge veille
à sa réalisation matérielle (§1). celui-ci pourra favoriser post
conjugale à trouver lui-même la meilleure solution pour son
enfant. Dès 1993, le législateur offre les moyens favorisant un traitement pacifié du conflit
familial. Il instaure un cadre juridique à la médiation judiciaire en général, familiale en
particulier (§2). Dans ce cas de figure, la coparentalité fait

§1) La coparentalité imposée

148. Divers instruments juridiques


internationaux et régionaux rappellent le droit entretenir des relations
personnelles avec ses parents. La Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989
mentionne expressément le droit de enfant « d'entretenir régulièrement des relations
personnelles et des contacts directs avec ses deux parents ». Ce droit fondamental est
protégé par la Convention europ :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ». Cette
disposition garantit le droit des parents de maintenir des contacts réguliers avec leurs

1
Ibidem., p. 107, spec. n° 25.
2
-2 al. 1 dispose que : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution
autorité parentale ».
3

-il de promouvoir une


égalité à tout prix entre les parents ? Ou est-
justifierait la nécessité de la mesure ?

128
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

enfants. Il ne peut être restreint ou exclu que pour de sérieuses raisons intérêt
enfant le commande. En encourageant les États à adopter des principes communs en
matière de droits parentaux (A), les textes leur proposent un modèle de coparentalité
commun la charge de promouvoir (B).

A) Les normes internationales et régionales incitant à la coparentalité

149. La promotion du principe de coparentalité en droit international et


européen. En énonçant que « les pè
article 372 alinéa 1 du Code civil consacre la coparentalité1. à égalité par les
ticle 7 de la
Convention de New York. En vertu de ce texte, être élevé par ses deux
2
parents . Lorsque enfant est sép eux, les États parties
doivent respecter « entretenir régulièrement des relations personnelles et des
contacts directs sauf si cela est contraire à enfant »3. En dépit

Consciente de cette limite, la Convention prévoit la possibilité de conserver des contacts et


des relations personnelles a
Elle exhorte à cette fin les États parties « à assurer la reconnaissance du principe selon
lequel les parents ont une responsab
assurer son développement »4. Autant de dispositions constituent une déclinaison du
droit au respect de la vie familiale5 au profit du mineur, érigé en droit fondamental que les
États parties à ladite Convention doivent faire respecter.
150. Réception en droit interne. Après avoir refusé douze années6 durant de
reconnaître un effet direct7 à la C -après
8
CIDE), la Cour de cassation affirme en 2005 de ses

1
A. GOUTTENOIRE-CORNUT, « La consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars 2002 », Rev. dr. fam.,
2002, étude 11 ; F. VAUVILLE, « Du principe de coparentalité », LPA, 18 oct. 2002, n° 209, pp. 4-11.
2
G. MEUNIER,
interne des États parties
3
Art. 9 de la CIDE.
4
Art. 18 de la convention.
5
A. KIMMEL-ALCOVER, « », in La convention
, C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de), Paris,
Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2014, pp. 43-54.
6
Cf. arrêt Lejeune, cass. civ. 1ère, 10 mars 1993 ; M.-CL. RONDEAU-RIVIER, « La Convention des Nations Unies
devant la Cour de cassation : un traité mis hors jeu », D., 1993, chron. LIV, p. 203 et s.
7
W. MASTOR, « À propos de son caractère self executing », in La convention internationale relative aux droits
, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2014, pp. 7-13.
8
Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Rev. dr. fam., 2005, comm. 156, obs. A. GOUTTENOIRE ; RJPF,
2005, n° 9, 31, note F. EUDIER.

129
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

dispositions
considération primordiale dans toute décision le concernant (article 3-1 CIDE) ; le second
qui le concerne (art. 12-
2 CIDE). Malgré la reconnaissance de nombreux droits au profit des enfants, cette
Convention semble toujours insuffisante1
des
droits proclamés que procéduraux.
151. 7
de la CEDH énonce que les époux jouissent entre eux
responsabilités de caractère civil. égalité est de mise dans leurs
relations avec leurs enfants au regard du mariage et à sa dissolution. Dans ce contexte, la
coparentalité en cas de séparation ou de divorce du couple ne suscite que peu de
controverse dans les législations des États membres, qui ne distinguent ni selon le sexe des

naturelles. Deux affaires portée


concernait le droit allemand qui ne permettait pas un tel exercice lorsque les parents
mettait en cause
2
coparentalité lorsque la mère . Dans les deux cas, la Commission a admis
égitime et la famille naturelle en
la
nature particulière de la famille naturelle », jugée plus précaire et moins conforme à
3
. Le raisonnement reposait sur une sorte de
,
4
fai . En 2003, la Cour EDH avait se prononcer
sur la conformité du droit allemand qui accordait au père légitime un droit de garde et de
visite5 sans reconnaître le même droit au profit du père naturel6. La Cour conclut à la
violation des articles 8 et 14 de la Convention, combinés au motif que seules de très fortes
raisons - - pouvaient conduire à une différence de traitement fondée sur

1
V. C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de),
convention particulière, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2014, spec. la seconde partie.
2
Comm. eur. dr. h., 15 mars 1984, B.R. et J. c/ Allemagne ; Comm. eur. dr. h., 9 oct. 1989, N. c/ Danemark.
3
V. COUSSIRAT-COUSTERE, « La notion de famille dans les jurisprudences de la Commission et de la Cour
»,
famille, Paris, LGDJ, 1996, pp. 45-74.
4
CEDH, 8 juil. 2003, Sommerfeld c/ Allemagne ; CEDH, 8 juil. 2003, Sahi c/ Allemagne.
5
Sur ce

droit de visite au profit du père. Il en


ème
sect.,
15 janv. 2015, n° 62198/11, AJ fam., 2015, p. 101, E. VIGANOTTI.
6

130
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la naissance hors mariage. La lourde charge probatoire imposée au père naturel révélait,
selon la Cour, une présomption qui lui était défavorable. Surtout, elle conférait à
Le revirement est notable

152. Le contrôle de de la relation parentale par la CEDH. La


question relative à la coparentalité
pays signataires de la Convention ont réformé leur législation des articles
1
5 et 18 de la CIDE européenne.

2
qui
3
implique le droit de maintenir les liens en cas de séparation . Plus controversées sont les

4
. Si la Cour reconnaît de
5
manière souple et évolutive le droit au respect de la vie familiale, particulièrement à
des tiers entretenant fant6 -et ceux qui ont tissé une
relation familiale de fait7 avec lui- la Cour veille spéc
lien familial entre les enfants et leurs parents. Une obligation positive de moyens8- du
respect effectif de la vie familiale9 est mise à la charge des États. Une jurisprudence
constante permet la sanction du non-respect de cette obligation10.

2
CEDH, 24 mars 1988, Olssen c/ Suède, Les grands arrêts de la Cour europé Paris,
PUF, coll. « Thémis Droit », 2005, n° 43; JDI, 1989, 789, obs. P. TAVERNIER.
3

une séparation des membres de la famille, porte atteinte au droit au respect à la vie familiale tel que prévu à
: CEDH, 31 janv. 2006, Rodriguez
Da Silva et Hoogkamer; CEDH, 28 janv. 2011, Nunez c/ Norvège, Rev. dr. fam., 2012, étude n° 10, obs.
A. GOUTTENOIRE.
4
En ce sens : S. GRATALOUP, , Paris, LGDJ, 1998.
5
H, 26 mai
1994, Keegan c/ Irlande

législation relative aux droits des étrangers : CEDH, 28 mars 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/
Royaume-Uni.
6
-parents : CEDH, 13 juil. 2004, Pla et Puncernau c/ Andorre
frères : CEDH, 24 avr. 1996, Boughanemi c/ France ; CEDH, 21 oct. 2004, I. et U. c/
Norvège. : CEDH, 8 fév. 1994, Boyle c/ Royaume-Uni.
7
X, Y et Z c. Royaume-Uni du 22 avril 1997, n° 21830/93, JCP, G, I, 107, obs. F. SUDRE.
Plus récemment, cf. CEDH, 15 mars 2012, Gas et Dubois c/ France :
CEDH, 27 avr. 2010, Moretti et Benedetti c/ Italie.
8
CEDH, 15 avr. 2014, Krasicki c/ Pologne, n° 17254/11; AJ fam., 2014, p. 373, E. VIGANOTTI.
9
CEDH, Zhou c/ Italie, 21 janv. 2014, n° 33773/11.
10
CEDH, 30 juin 2005, Bove c/ Italie ; CEDH, 22 nov. 2005, Reigado Ramos; CEDH, 29 juin 2004, Volesky c/
République tchèque ; CEDH, 26 avr. 2007, Patera c/ République tchèque ; CEDH, 22 juil. 2006, Lafargue c/
Roumanie ; CEDH, 18 janv. 2007, Zavrel c/ République tchèque. :
CEDH, 28 sept. 2005, Fourchon c/ France. Plus récemment : CEDH, 17 déc. 2013, aff. 51930/10, Nicolò

131
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Ribic1. Le défaut

que trois fois en dix-huit ans

droit de visite. Une telle recommandation est considérée comme insuffisante à offrir au

accélérer la procédure relative à son droit de visite3. De telles obligations positives, mises à
la charge des États, favorisent la convergence des législations européennes et permettent de
dessiner un modèle parental européen.
153. La Convention sur les relations personnelles et la notion de liens
de famille. Dans le cadre de sa politique sociale et familiale, le Conseil de
développe des conventions et des
Parlementaire ou du Comité des Ministres. Ces recommandations incitent, elles aussi, les
États membres à adopter des principes communs. Parmi les travaux touchant
spécifiquement aux relations familiales, deux sont sig portée à la
4
protection des liens personnels de et des nouvelles formes de parentalité. La
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants5 (de moins de 18 ans)

Santilli c/ Italie, Rev. Lamy dr. civ., 2014, n° 3. Pour la Cour, « méconnaît le droit au respect de la vie familiale

six ans » ; CEDH, 4ème sect., 17 nov. 2015, n° 35532/12 ; AJ fam., 2016, E. VIGANOTTI, p. 50. Concernant le

: CEDH, 30 juillet 2013, Polidario c/ Suisse, n° 33169/10.


1
CEDH, 2 avr. 2015, n° 27148/12, Ribic c/ Croatie, Rev. dr. fam., 2015, J. COUARD, alerte 43. Dans le même
sens : CEDH, 11 juin 2013, Prizzia c/ Hongrie, n° 20255/12.
2
CEDH, 16 oct. 2014, Vorzhba c/ Russie, n° 57960/11 ; AJ fam., 2014, E. ROUILLARD, p. 696.
3
CEDH, 15 janv. 2015, Kuppinger c/ Allemagne, n° 62198/11 ; AJ fam., 2015, E. VIGANOTTI, p. 101.
4
En 1984, le Comité des ministres a adopté la Recommandation n° R (84) 4 sur les responsabilités parentales.
Deux idées sont sous-jacentes à cette recommandation. La première repose sur « une conception moderne selon

». La seconde
encourager les parents à remplir leurs tâches en harmonie tout en
consultant leurs enfants chaque fois que cela semble indiqué ».
5
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants, 15 mai 2003, STE n° 192. Le Comité
-
a crée en 1996 le groupe de travail sur la garde et le droit de visite (CJ-FA- s

coopération internationale
Conférence européenne sur le droit de la famille, tenue à Cadix du 20-22 avril 1995, celle-ci recommande au
de la question. Approuvée successivement par le

Ministres lors de sa 110ème session, la Convention élaborée par le groupe de travail est ouverte à signature le 15
ème

132
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

constitue le texte le plus abouti en matière de protection des liens de


avec un tiers. Convention
nouvelles dispositions pour préserver les relations personnelles entre les enfants et leurs
parents, et les autres personnes ayant des liens de famille avec les enfants »1 en raison de
« la nécessité de promouvoir dans les É adoption de principes communs au sujet des
relations personnelles concernant les enfa application des
instruments internationaux dans ce domaine ». un instrument
international supplémentaire est nécessaire pour fournir des solutions, notamment en
matière de relations personnelles transfrontières concernant les enfants ». La notion de
« liens de famille », venue remplacer celle de « » est au
coeur de la Convention. Le texte prévoit que les É
de préserver des relations »2 -à-dire
3
à des tiers ayant de famille ne les
lie. La notion de lien de famille est donc entendue de manière très extensive. Ces relations
personnelles peuvent se matérialiser par toutes formes de communication entre et le tiers : un
4
simple séjour ou quelques rencontres, voire même la correspondance . Ces relations personnelles

que les droits des parents sont respectés. Le souci de garantir un équilibre entre les droits
des parents et des tiers conduit la Convention à reconnaître un « droit de demander à
entretenir des relations personnelles » et non des
relations personnelles ».

ses opinions5. Le rapport explicatif joint à la Convention précise que « les législations
nationales pourraient envisager que les relations personnelles avec une personne ayant des
liens de famille doivent être subordonnées au consentement
discernement suffisant ». Dans ir des relations
personnelles, il est préconisé de prendre en considération ses souhaits6. Le
rapport encourage les États à inscrire ces dispositions dans leur législation nationale,
particulièrement les États dont les tribunaux ne peuvent prononcer ou exécuter une
décision se rapportant aux relations personnelles d de plus de 16 ans ou, étant
plus jeune, celui-ci rait.

1
Préambule de la Convention, disponible sur
2
Art. 5, 2°.
3
de ce texte : «
entretenir des relations personnelles non seulement avec leurs deux parents, mais aussi avec certaines autres
les parents et ces autres personnes de
rester en contact avec les enfan intérêt supérieur des enfants ».
4
Art. 2, a.
5
Art. 6.
6
Non seulement au moment du prononcé de la décision relative au maintien des liens personnels, mais aussi

133
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

154. ffectivité des dispositions. Le rapport explicatif joint à la Convention


encourage les États à ne pas établir de « système de filtrage » afin de permettre aux tiers
des relations personnelles avec
. Pour en , il est prévu que chaque État p engage
à assurer la conformité de sa législation avec les principes de la Convention et adopte les
mesures nécessaires à cette fin. Enfin, il est rappelé que les États doivent encourager les
parents et les tiers à privilégier les accords amiables1 en recourant notamment à la
médiation familiale2 des bonnes pratiques généralement admises et appliquées
heure actuelle par la majorité des É un élément international soit ou non établi.
Si cette Convention France3, la législation interne est déjà en
harmonie avec la plupart des principes généraux recommandés. Le paragraphe 3 de
article 20 de la Convention contient une référence spécifique aux règles de la
Communauté et dispose que les États parties, membres de la Communauté européenne,
appliquent dans leurs relations mutuelles la Convention que dans la mesure où il
existerait aucune règle communautaire qui le permette4. Sans doute là est la raison du
défaut de ratification par la France, ladite Convention yant pas effets sur les
5
instruments existants ou futurs en la matière .
155. Les autres travaux en faveur de la coparentalité. À coté de cette Convention,
ème
la 28 Conférence des Ministres européens chargés des Affaires familiales tenue à
Lisbonne le 16-17 mai 2006 portait sur le thème « Évolution de la parentalité :
».
parentalité et sur la nécessité de nfant soient
protégés et promus quels que soient les liens conjugaux et les types de cohabitation ». Il y a
un accord sur le fait que « la place et le rôle des beaux- ent être étudiés
de manière plus approfondie, tant du point de vue éthique que juridique, en tenant compte
des droits et obligations des parents biologiques ». Une Déclaration a été adoptée à la suite
de cette conférence par les Ministres européens chargés des affaires familiales6.

1
Art. 7, b de la Convention.
2
Au cours des travaux préparatoires de la sur le droit de la famille (CJ-FA) et
son Groupe de travail sur la garde et le droit de visite (CJ-FA-GT1) ont souligné à quel point il est important de
favoriser les accords entre les parties, notamment sur les questions qui concernent les enfants. À cet effet, ils
ont encouragé les États à recourir davantage à la médiation familiale, conformément aux dispositions de la
Recommandation (98) 1 du Comité des Ministres aux États membres sur la médiation familiale. Les accords
conclus sont donc inclus dans la
notion de « décision relative aux relations personnelles ».
3
Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Portugal, la
République Tchèque, la Roumanie, la Turquie, Saint Marin États sur 46
É
4
Art. 20, 3°.
5
Art. 20, 1°.
6
Conférence des ministres européens chargés des affaires familiales, Évolution de la parentalité : enfants
, Communiqué final et déclaration politique, 28ème session, 16-17 mai 2006,

134
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

(CS-EF)1 a également publié un rapport2 sur


la parentalité positive3 re
de parentalité conçus « comme un cadre général applicable à l exercice de la parentalité,
cadre qui indique clairement les types de comportement souhaitables tout en laissant une
très large latitude aux parents quant à la manière de transposer ces généralités dans la
pratique »4. Le rapport passe en revue et analyse les principaux changements touchant la
parentalité afin de repérer et développer les bonnes pratiques à suivre en matière de
politique publique la favorisant. Le rapport précise que le terme de parentalité désigne
« non seulement les activités des parents biologiques, mais aussi celles des personnes qui
ne sont pas les parents de l enfant mais participent à sa prise en charge et à son
éducation. En un sens, les mots « parentalité » et « parents » y sont utilisés comme une
sorte de raccourci eng es personnes liées à la prise
en charge d un enfant.
À la suite de ce travail, une Recommandation (REC 2006) 19 du Comité des ministres aux
États membres relative aux Politiques visant à soutenir une parentalité positive a été
adoptée le 13 décembre 2006. Après avoir rappelé les travaux du C

Lisbonne. Selon cette déclaration, « Rappelons le rôle crucial de la famille pour le maintien de la cohésion
sociale, soutien des familles sous leurs
; Suggérons que les gouvernements répondent à leurs propres changements
sociodémographiques en adaptant la législation afin de tenir compte des différents modes de vie familiaux.
Malgré le fait que plusieurs mesures concrètes ont été prises dans les Etats membres, il semble encore exister un
vide politique et juridique, particulièrement en raison de la progression des nouvelles formes familiales
(par exemple pour ce qui est des familles monoparentales ou des obligations envers les enfants dans les familles
recomposées considérée
comme un domaine relevant aussi de politiques publiques et que toutes les mesures nécessaires devraient être
adoptées pour soutenir la parentalité et créer les
positive/épanouie. Cette dernière est définie comme un comportement parental qui élève, renforce et fournit une
structure ou un ) ; Soulignons le fait
que ces mesures devraient se fonder sur la Convention des droits de l´enfant ainsi que sur les instruments
juridiques du Conseil de l'Europe, reconnaître et respecter les parents, ou toute personne dépositaire de
r lieu la garde et la charge de
supérieur de ce dernier, et refléter la diversité de dispositions reconnaissant que les parents, les enfants et les
familles sont hétérogènes. Les mesures visant une ensemble de
mesures intégrées; Considérons que ces mesures devraient avoir comme finalité des conditions de vie
adéquates, notammen
positive ».
1
Ce comite a été établit en 2004 avec pour mission de soutenir les parents dans l supérieur de l enfant.
2
La parentalité positiv : une approche positive, éd. du

3
Le rapport la définit comme suit : ensembles actuels de relations et activités dans lesquelles les
parents sont impliqués pour soigner et éduquer les enfants. La parentalité implique alors un ensemble de
réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de jouer leur rôle de parents, c est-a-dire
de répondre aux besoins de leurs enfants sur les plans physique, affectif, intellectuel et social ». Celle-ci est
qualifiée de positive car « », une parentalité « qui respecte et
soutient les droits de l enfant tels qu énoncés dans la CNUDE. A ce titre, elle est fidèle aux principes de la non-
discrimination, de la primauté de l intérêt supérieur de l enfant dans toutes les actions le concernant, du droit de
l enfant à la survie et au développement dans toute la mesure du possible et du respect des opinions de l enfant ».
Cf. La parentalité positiv : une approche positive, op. cit., pp. 9-11.
4
, op. cit.

135
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

matière d t de famille, les textes juridiques, les recommandations1 et sommets2, le


Comité des ministres recommande aux gouvernements des États membres du conseil « de
reconnaître le caractère essentiel des familles et de la fonction parentale, de créer les
conditions nécessaires à une parentalité positive 3 qui tienne compte des droits et de
; de prendre toutes les mesures appropriées, législatives,
la
4
présente recommandation » .
F aussi bien politiques, juridiques que judiciaires, il devient plus

permet de donner un éclairage aux règles mises en


place en droit interne afin de promouvoir, autant que faire se peut, la parentalité.

B)

156. La convergence des deux systèmes vers une coparentalité renforcée durant
Si le modèle français de coparentalité impose aux parents de remplir leur fonction
parentale conjointement et à égalité durant la vie du couple comme à sa dissolution (1), la
étroit entre coparentalité et
état de mariage. Bien que la coparentalité soit encouragée durant la vie commune, les
droits maghrébins
(2).

1
: REC 751 (1975) relative à la situation et aux
responsabilités des parents dans la famille moderne et au rôle de la société à cet égard ; REC 1074 (1988)
relative à la politique de la famille ; REC 1121 (1990) relative aux droits des enfants ; REC 1443 (2000) pour un
internationale ; REC 1501 (2001) sur la responsabilité des parents
REC 1551 (2002) Construire au XXIème siècle une société avec
et pour les enfants, (suivi de la Stratégie européenne pour les enfants (Recommandation 1286 (1996))) ; REC
REC 1666 (2004) Interdire le châtiment
corporel des enfants en Europe ; REC 1698 (2005) relative aux droits des enfants en institution (suivi à la
Recommandation 1601 (2003)) .
2
Cf. le Varsovie, en
mai 2005, nvention des

« Construire une Europe pour et avec les enfants », lancé à Monaco, les 4 et 5 avril 2006.
3
La Recommandation définit en ces termes la parentalité positive : « celle-ci se réfère à un comportement
onsabiliser, qui est non violent et
lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein
développement ».
4
Recommandation REC (2006) 19 du Comité des Ministres au États membres relative aux politiques visant à
soutenir une parentalité positive, adoptée par le Comité des Ministres le 13 décembre 2006 lors de la 983 ème
réunion des Délégués des Ministres.

136
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1- En droit français

157. L Le
beso établir un lien stable et sécurisant a été démontré par
plusieurs études au cours des dernières décennies. Cette stabilité et le sentiment de sécurité
se retrouvent au premier chef auprès de la mère, mais cette place peut être tenue par le père
ou un membre de la famille. La recherche en sciences humaines nous apprend que «

sociales de qualité, d
personnes dans sa propre histoire »1
construire de nouveaux liens que par un travail psychique préalable auprès de ses parents.
Les liens de
remaniement, de nouer des liens nouveaux2. Les chercheurs en sciences humaines insistent

celle-ci se trouve diminuée après les années pré-scolaires. Ces premiers liens sont donc
déterminants dans la construction de la personnalité tout au long de la vie, mais aussi dans
les relations avec autrui -maladroitement ?- juridiquement par
« coparentalité
le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ évoque « la force symbolique des structures
juridiques », la « fonction symbolique et structurante » du droit civil de la famille ou « la
force expressive du Code civil
exprimer en termes juridiques.
158. La coparentalité, symbole ou réalité ? Le principe de coparentalité « innerve
»3. Présente dans le rapport remis par Madame
le professeur Irène THERY en 19984, la coparentalité constituait également un des fils
conducteurs du rapport remis par Madame le professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ.
Celle-ci définit la coparentalité comme «

l soit désuni »5. Cette

1
D. VERSINI, artagé
, Rapport annuel de la défenseure des enfants, la
Documentation française, 2006, p. 14.
2
B. CYRULNIK, « », in Lien familial, lien social, M. DELAGE,
P. PEDROT (dir. de), Grenoble, PUG, 2003, pp. 51-58.
3
F. VAUVILLE, « Du principe de coparentalité », LPA, 18 oct. 2002, n° 209, p. 4.
4
I. THERY, : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,
rapp. precit.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Paris, La Documentation
française, Coll. des « rapports officiels », 1999, p. 71.

137
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

« on est parent pour toujours » quel que soit le mode


tant elle relève de
partir du moment où un parent est titulai
de toutes les prérogatives liées à la fonction, peu important que celui-
-
du symbole ? Si certains ont pu y voir un mythe davantage que la
1
réalité
159. Le rôle pédagogique de la loi. P que la
2
« coresponsabilité parentale est pédagogique » . Si e des
propositions du rapport de Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, la tentation est
3
grande . Elle y évoque notamment la « fonction
symbolique et structurante » du droit civil de la famille4 ainsi que « la force expressive et
symbolique »5 du Code civil. Les propos introductifs à cette
dimension symbolique, exprimée en ces termes : « Il existe une forte attente de repères qui
fassent sens pour les individus, et il est nécessaire que les structures juridiques aient la
force symbolique qui correspond à cette demande »6. Il en ressort le besoin «

symbolique des liens et des places »7. S symbolique8 du principe de coparentalité


ses parents, cet
énoncé dans les mots de la loi vise, encore une fois, une finalité non traduisible en termes
juridiques :
160.
parentale. L ant9 (ci-

1
C. BRIERE, « La coparentalité : mythe ou réalité ? », Rev. dr. san. soc., 2002, p. 567 ; V. aussi : F. BOULANGER,
« Modernisation ou utopie », D., 2002, p. 1571.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », Rev.
trim. dr. civ., 1995, p. 249. Sur la loi pédagogue, cf. J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit
sans rigueur, Paris, 10ème éd., LGDJ, 2001, spec. p. 155 et s.
3
Entre autres propositions, «
», p. de
leurs droits et devoirs, à
4
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, rapp. precit., p. 13-15.
5
Ibidem., p. 13.
6
Ibidem., p. 12.
7
Ibidem., p. 15.
8
G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, « », , Mélanges
TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 441-451.
9
Proposition de loi n° 1856

pas été adoptée, en raison tant de la multiplication des projets en matière familiale
que de leur inaboutissement. La proposition de loi APIE prendra néanmoins une place significative dans les
développements à suivre.

138
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

après APIE) prévoit, en vue de


civil1 par le rappel que les parents «
». Le rapport fait au nom
de la C
générale de la république sur la proposition de loi précise que « cette règle correspond à
». Le
groupe de travail présidé par Monsieur le président JUSTON préconisait déjà dans son
rapport Médiation familiale et contrats de coparentalité de définir dans le Code civil
torité parentale2. La modification projetée de
cette proposition. Une partie de la
3

suffisamment déjà. De professeur ÉGEA, celle-ci ne soulève guère de


difficultés sur son fondement ni Si la modification
-
une communication des parents entre eux- son inscription même dans la loi lui confère une

Madame le professeur FENOUILLET le droit

161. Légiférer « à mots ouverts ». Les normes juridiques « ont une fonction
normative (« orienter les comportements humains ») sur une fonction
4
expressive (« dire les choses bonnes » . À cet égard, Gérard CORNU
considérait le langage du législateur comme déterminant du choix de la législation. Ce
choix permet ression de la règle de droit et correspond à un « parti législatif fondé sur
un parti linguistique »5 pour lequel le législateur manifeste sa préférence. Favoriser
en privilégiant les « paraît essentiel (afin) de ne pas figer
uant par avance une évolution que le législateur

»6. La souplesse et le caractère évolutif de la norme correspondent néanmoins


à une façon de légiférer traduit une conception de la loi

2
: « Les père et
mère exercent Les parents prennent donc ensemble les décisions concernant
décisions importantes relatives à sa santé, sa scolarité, son éducation religieuse et
culturelle et son changement de résidence, informent une indispensable
communication entre orga ».
3
V. ÉGEA, « ? », Rev. dr. fam., 2014, n° 5, alerte 20.
4
D. FENOUILLET, « La parentalité, nouveau paradigme du droit de la famille », art. precit., p. 113, spec. n° 35.
5
G. CORNU, « Le langage du législateur », in , Paris, 1ère éd., PUF, coll.
« Doctrine juridique », 1998, p. 290.
6
Ibidem., p. 290.

139
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

reposant sur le concours du juge1. À ce dernier revient la charge de déterminer les


circonstances de faits spécifiques à chaque situation en vue de favoriser la meilleure
solution. teur, « c
législative de délégation au juge, le législateur ayant résolu de créer un vide dans son texte
(une lacune intra legem »2. Cette
3
. La précision juridique classique laisse
la place à un effritement de la qualité normative de la loi 4, excès de symbolisme pouvant
générer des « effets pervers »5
162. Les Après art législatif « ouvert à
», le législateur peut capter la puissance d un mot6 pour en faire une directive
législative. Ce pouvoir de nommer les choses est particulièrement puissant
7
changemen il constitue le support nécessaire de . Il
8
suffit de songer à la transmutation de la puissance paternelle par le concept plus moderne
, devenue autorité parentale « conjointe », puis « responsabilité
parentale post moderne de « coparentalité »9.

parentale. Le nominalisme législatif10 tre portée par le


changement terminologique. On compte plusieurs formes de nominalismes : humanitaire, il
intervient pour civiliser le droit et rejeter les éléments humiliants ou irritants11 dans les
mots de la loi, évitant de mettre « »12 (cas de

1
V. infra 212 et s.
2
G. CORNU, « Le langage du législateur », art. precit., p. 291.
3
V. notamment : P. PEDROT, « Les jeux de mots en droit des personnes et de la famille », in Mélanges en
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 15-21. V. aussi C. LABRUSSE-RIOU, qui
considère les termes de « direction et signification » liés en droit, bien que la prétention positiviste à la neutralité
LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement
», Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 489.
4
Cf. O. DUFOUR, « », LPA, 22 mars 2006, p. 4.
5
P. MALAURIE, « », in Droit civil, procédure, linguistique juridique, Écrits en hommage
à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, pp. 309-316.
6
L. LEVENEUR, « Le choix des mots en droit des personnes et de la famille », in Les mots de la loi,
N. MOLFESSIS (dir. de), Paris, Economica, coll. « Études juridiques », 1999, pp. 11-29.
7
Selon Gérard CORNU, «

source sublime. Du point où est le législateur, sa voix porte haut et vient de loin », art. precit., pp. 284-285.
8
LEQUETTE, « Observations sur le nominalisme législatif en
matière de filiation », in Études offertes à Geneviève VINEY, Liber amicorum, Paris, LGDJ, 2008, p. 647,
spec. n° 1.
9
développement

».
10
Y. LEQUETTE, « Observations sur le nominalisme législatif en matière de filiation », art. precit., pp. 647-668.
11
Ibidem., p. 648.
12
G. CORNU, art. precit., p. 292.

140
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

. ttention de bienveillance1 bénigne, le


nominalisme « diplomatique » ou antinominalisme dénoncé par Monsieur le professeur
LEQUETTE renonce à nommer. La tendance a gagné du terrain à tel point que la
déconstruction des modèles2
la supériorité3. Ce militantisme législatif repose sur une neutralité des jugements
4
de valeur. Un tel procédé relègue le droit au rang instrument mis à la disposition
Dénoncé en doctrine, ce processus est
5
purement idéologique qui use du langage pour modeler les esprits et les mentalités. Dans
ce contexte, la coparentalité constitue le modèle que le législateur impose aux
familles.
163. Les moyens juridiques permettant une coparentalité effective. La séparation
conjugale perturbe les relations familiales. celle-ci
ne modifie en ri
La réorganisation des relations familiales en vue de réaménager les
, la résidence de
6
ant est des parents. Le second parent dispose simple droit
Cette situation peut néanmoins conflits
aigus. Selon leur intensité, les juges adaptent la coparentalité à chaque par
7
plusieurs procédés . Si la situation se révèle très conflictuelle, le juge peut permettre au
parent de maintenir le lien parental grâce à des retrouvailles dans un point de rencontre8.
Cet espace transitoire peut aider à la reconstruction familiale et redonner une chance à
1
Ibidem., p. 292.
2
Sur la supériorité du mariage par rapport aux autres modes de conjugalité, le professeur Y. LEQUETTE souligne
« nion libre est un modèle moins favorable à la satisfaction

t, son concurrent le mariage.


légitimé ». Cf. Y. LEQUETTE, « Le droit
», in Le discours et le Code, Portalis, deux siècles après le Code napoléon, Paris,
Litec, 2004, p. 396 et s.
3
Cons. Constit., 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 10, comm. 143, V. LARRIBAU TERNEYRE.
4
LEQUETTE
scepticisme du législateur, et corrélativement une transformation de la conception du droit dont le but premier

. LEQUETTE, « Le droit est la semence des


», art. precit., pp. 395-396.
5
L. JAUME, « », ,
TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 519-

dans la politique. Au-

-ci se rend banale et acceptée.


6
Sur la réforme projetée (abandonnée infra, n°
7
: CA Chambéry, 6 oct. 2015,
n° 13/02187; Rev. dr. fam., n° 12, déc. 2015, comm. 218, A.-C. REGLIER.
8
M. JUSTON, « Le lien entre la justice et le dispositif espace rencontre
quand il désigne un espace rencontre, le point de vue du praticien », Rev. dr. fam., 2012, n° 11, étude 19.

141
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

la coparentalité1. Ne pas envisager un tel palliatif risque de générer une rupture


irrémédiable des liens, contraire au principe encouragé. Dans certaines situations graves, le
s peut être suspendu voire temporairement
2
supprimé n éloignement du parent
3
violent .
4
, la suspension du lien parental ne peut être totale, mais tolère
certaines atteintes dans des cas exceptionnels5. Autant de mesures permettent au juge
dans les situations conflictuelles des palliatifs favorisant le maintien des liens.

2- En droit maghrébin

164. La pendant le mariage.


Code marocain de la famille rééquilibre les droits de la
femme en tant que mère. L du CMF deux
parents : « au père et à la mère tant que les liens conjugaux
subsistent ». on ne peut plus claire. Les parents sont tous deux investis de
la mission x intérêts de leur(s) enfant(s) tant personnels que
patrimoniaux. Le législateur impose donc un modèle de coparentalité dans lequel les
parents
conscients de investiture qui leur incombe, mais son rappel dans les mots de la loi
, le droit marocain se
montre extrêmement prudent dans la cons

1
I. CORPART, « Les dysfonctionnements de la coparentalité », AJ fam., 2009, p. 155.
2
Cass. civ. 1ère, 25 sept. 2013, n° 12-21.118. Cet arrêt réitère la condition de motifs graves

motifs graves, mais sont censurés par


il importe que soit conservé un lien, si ténu soit-
ses parents, hormis si cela ».
3
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2000, n° 98-14386, RTD civ., 2001, note J. HAUSER, p. 126.
4
Sur la transformation de cet ordre public, cf. CA Paris, pôle 3, ch. 3, 18 juin 2015, n° 15/00864 ; Rev. dr. fam.,
2015, n° 12, comm. 216, J.-R. BINET

du père. À cette occasion, les juges parisie


rappellent que « autorit est pas un concept déconnecté de toute
réalité, imaginé pour satisfaire les revendications égalitaires des adultes, ma
être élevés par leurs deux parents ». Pour la Cour, «
échanges éducation envisagée ». Ceci signifie implic

5
:
«e
u à sa mère.

relèvent que le père ne se désintéresse pas de sa fille », Cass. civ. 1ère, 4 déc. 2013, n° 13-10.618.

142
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

conception de la coparentalité -ci ne dure et ne se justifie que par


qui la rupture ne modifie en

post rupture1 diffère sensiblement de la


conception française de la coparentalité.

§2) La coparentalité réfléchie

165. tif : déconflictualiser la séparation. La dimension affective et


psychologique du contentieux familial appelle un traitement particulier. Encore plus lors de
la rupture -synonyme de la - le sentiment de culpabilité et
peut naître Dans un tel contexte émotionnel, la fragilité
sentimentale prend une grande place et
commun. Techniquement, la fixation

, qui les empêchera de


2
mener à bien reconstruction . À défaut pour les parties de parvenir à un tel
accord, le juge pourra décider de ce qui est le mi
166. L médiation comme moyen de pacifier le conflit. La
promotion judiciaire du consensus en droit de la famille ces dernières années a permis de
revisiter la fonction de juger3. Mise en évidence sous la plume de Monsieur le professeur
ÉGEA, la tendance est au partage de cette fonction entre le justiciable
judiciaire. La faveur pour la mprise et acceptée par le couple
participe de ce mouvement et permet de déconflictualiser la séparation4. La
« décontamination des sentiments négatifs »5 par le recours à la médiation contribue à un
tel objectif car elle favorise la pacification des relations humaines et permet de retisser « le

1
Pour de plus amples développements, V. infra, n° 481 et s.
2
Selon Madame Danièle GANANCIA, juge aux affaires familiales et vice-présidente du TGI de Paris, « le
litige plus profond, du conflit, tissé de
blessures et de non-dits. Une décision de justice imposée ne suffit pas forcément à ramener la paix entre les
parties. La médiation familiale propose une autre logique, celle du dialogue, de la co-construction, plus
appropriée à un grand nombre de situations familiales ». Cf. C. TASCA, M. MERCIER,
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et
, enregistré à la présidence du Sénat le 24 février 2014.
3
En ce sens : V. ÉGEA, , Paris, Defrénois,
coll. « Droit&Notariat », 2010.
4
A. LEBORGNE, « La médiation familiale liaux », Rev. Lamy dr. civ.,
2015, supp. n° 132.
5
L. GENET, Conflit conjugal et médiation, Transformer le conflit conjugal de la justice à la médiation, Liège,
éd. Jeunesse et droit, 1998, p. 60.

143
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

lien social rompu par un individualisme effréné »1. Plusieurs rapports officiels relatifs à la
procédure ont été remis au gouvernement et la médiation y est présentée comme un modèle
à promouvoir2. Le groupe de travail présidé par Monsieur le recteur Serge GUINCHARD3
propose de généraliser la médiation familiale à travers la pratique de la « double
convocation ». On compte également le groupe de travail présidé par Monsieur le président
MAGENDIE4. Le 26 février 2014, Madame la sénatrice Catherine TASCA et Monsieur le
sénateur Michel MERCIER
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement
. Il a été suivi en avril de la même année
par le rapport présenté par Monsieur le président Marc JUSTON intitulé Médiation familiale
et contrats de co-parentalité. Selon le rapport Magendie III, «
t désormais

devienne un mode habituel de règlement des conflits »5. Cette incitation à la médiation
« désengorgement » judiciaire6 et de faveur pour le
dialogue afin de généraliser le processus et en faire un mode « thérapeutique »7 de
règlement des différends. Sa promotion dans les textes connaît une amplification sans
précédent. Pour répondre à ces objectifs, la proposition de loi (APIE) déposée le 1er avril
LE ROUX comporte des dispositions
relatives à la médiation familiale. pourtant, la médiation
nécessiterait une réflexion en soi pour en améliorer ectivité (B). Outre que celle-ci
« ne dépend pas uniquement de », elle demeure intimement liée à
«
professionnelle de chacun de ces acteurs. La médiation est plus un esprit que des textes.

1
J.-C. MAGENDIE, « Loyauté, dialogue, célérité. Trois pri
de justice », Mélanges en
GUINCHARD, Paris, Dalloz, 2010, p. 336.
2
Le système français de médiation est très largement inspiré du système canadien pionnier en la matière. Dès
1974, Monsieur O. J. COOGLER, avocat et conseiller matrimonial met en place le premier centre de médiation
une loi obligeant les parents à rencontrer un

ice de médiation à la
famille est crée le 1er
justice en matière civile et familiale, Ottawa, Canada, rendu public en octobre 2013.
3
S. GUINCHARD, , la Documentation française, 2008.
4
J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, Rapport issu du groupe de
travail sur la médiation, 2008.
5
Ibid., p. 4.
6
L. CADIET, J. NORMAND, S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, PUF, coll. Thémis, 2010, n° 50.
7
FRICERO. Cf. « Le décret du 20 janvier 2012 : vers
une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la procédure participative assistée par avocat »,
AJ fam., 2012, n° 2, p. 66.

144
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

resteront lettres mortes, comme des coquilles vides »1 (A).

A) Un préalable : le changement de culture judiciaire

167. Médiation et justice : un rapport de complémentarité. Le processus de


médiation seul est insuffisant à résoudre définitivement le différend familial. Un rapport de
complémentarité avec la justice doit permettre une articulation harmonieuse des deux
st pourquoi les accords passés en médiation doivent pouvoir être appréciés
2
ble des
consensus comme fondement autonome
des relations familiales -tel que mis en évidence par Monsieur le professeur ÉGEA3-
pourrait constituer un réel danger.
itif
législatif. Bien que le mouvement de contractualisation soit présent en droit de la famille,
par le entre les parties permet de le limiter.
168. La constante faveur pour les accords parentaux. L -2-7 du Code
civil prévoit la possibilité pour les parents de conclure des accords dans lesquels ils règlent
certaines questions touchant leur relation parentale.
4
accord convenu par le couple est homologué pa
des parties et des autres acteurs : juges, avocats et médiateurs- à la recherche
solution au conflit permet non seulement au couple de prendre conscience de la
responsabilité qui pèse sur lui, mais surtout que la fonction parentale dont il a la charge est
5
orient , indépendamment du conflit conjugal. Ardu en contexte
de séparation - du conflit- le respect
commande que chacun des parents se c
Cette notion essentielle, qui présidait à la vie du couple en union, ne doit pas être ignorée

1
J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, rapp. precit., p. 23.
2
B. MELIN-SOUCRAMANIEN, « », r du
professeur Jean HAUSER, Paris, Dalloz, pp. 373-383.
3
V. ÉGEA, La fonction de juger dans le droit contemporain de la famille, op. cit., p. 442, spec. n° 691.
4
Juris-Data n° 2004-263748) a
accord des parties s autorité parentale à la mère
et accord, sans
prendre en co Cf. P. MURAT, « La méfiance des juges face aux accords attribuant
», Rev. dr. fam., 2005, n° 5, comm. 101.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille : proposition pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, La Documentation française, 1999.

145
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

169. L au dialogue en vue de changer de culture


judiciaire. Introduite expressis verbis1 dans le Code civil2, la médiation familiale peut être
. Celui-ci désigne un
médiateur une fois recueilli. À défaut, le juge leur enjoint de rencontrer
un médiateur qui les informera sur le processus de médiation. Les instances destinées à
modifier les décisions rendues par le JAF représentant une part importante du contentieux
devant le JAF, les juges privilégient autant que possible le processus de médiation
judiciaire3 Dès sa consécration en 20024, le
a permis au juge de la
promouvoir comme moyen de restaurer la communication parentale. Quelques mois
permettant
de conclure à une volonté de généralisation de cette mesure. Les juges parisiens ont précisé
ponsabilités de chacun des parents

res de nature à restaurer la


communication parentale, notamment par le moyen de la médiation familiale »5. Dans la
même logique, les juges aixois ont pu refuser une demande de résidence alternée formulée
par un père, notamment en raison de son attitude. Ce dernier refusait « par avance toute
»6. La
« philosophie consensuelle »7 au fondement du principe de coparentalité a poussé un juge à
considérer «

attachés et qui indéniablement leur rendent leur affection


»8.

1
M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, Gualino, 6ème éd., 2014, p. 78, spec. n° 105.
2
Article 373-2-10 du Code civil introduit par la loi du 4 mars 2002.
3
: CA Paris, 2° ch. D., 30 sept. 2004,
JurisData n° 2004-263714. Les juges peuvent aussi enjoindre au couple de procéder à un tel processus avec
obligation de lui en rendre compte : CA Nîmes, ch. civ. 2ème C, 2 mars 2005, JurisData n° 2005-278555.
4

aux affaires matrimoniales (devenus juges aux affair


: TGI
D., 1989, p. 411, note
C. LIENHARD; Trib. Enfants Toulouse, 13 sept. 1988 et 2 fév. 1989, D., 1990, 395, note T. GARE.
5
CA Paris, 1ère ch. A., 11 sept. 2002, D., 2002, IR, p. 3241.
6
CA Aix-en-provence, 6° ch. A., 24 juin 2003, JurisData n° 2003-222521.
7
V. ÉGEA, , op. cit., p. 95, spec. n° 137.
8
CA Dijon, ch. civ. C., 27 juil. 2006, JurisData n° 2006-330565.

146
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

tenter l

possibilité, de vive voix, au moins de commenter le contenu de leurs lettres respectives »1.
Chaque parent est donc érigé en «
»2. De telles incitations
judiciaires peuvent répandre la culture du dialogue afin de modifier la nature contentieuse
de la conception de la justice. Par ricochet, les parents privil
en abandonnant, au moment de la saisine du juge, vainqueur
parent « perdant ».
170. La CEDH et la médiation. La Cour e
aussi au mouvement de promotion de la médiation. Dans un arrêt du 6 décembre 20113,
elle fait expressément référence à la recommandation du Comité des ministres du Conseil
amiliale. La Cour préconise le recours à ce
améliorer la communication entre les membres de la

assurer la continuité des liens personnels entre les parents et les enfants, réduire les coûts
financiers et sociaux de la séparation et du divorce pour les parties elles-mêmes et pour
les États ». Lombardo c/ Italie -sur une
longue période- d accordant le droit de visite à un des parents est condamnée
par la Cour européenne. Les juges strasbourgeois estiment, compte tenu des circonstances
que, « face à de pareilles situations, les autorités auraient du prendre des mesures plus
directes et plus spécifiques visant à établir du contact entre le requérant et sa fille. En
particulier, la médiation des services sociaux aurait du être utilisée pour encourager les
parties à coopérer et celle-ci aurait dû, conformément aux décisions du tribunal, organiser
toutes les rencontres entre le requérant et sa fille, y compris celles qui auraient dû se

ectif du droit effectif de visite


4
du requérant » . Le constat est donc à une forte volonté de généraliser les accords
parentaux. Une obligation positive est mise à la charge des États organisation une
médiation familiale effective. Par ricochet émerge une volonté politique, législative et
juridictionnelle y incitant autant que possible.
171. En droit comparé. En Grande-Bretagne
familiale. Lorsque les parties

1
CA Bordeaux, 17 déc. 2004, 3ème ch. correc., JurisData n° 2004-281844.
2
V. ÉGEA, La ., p. 95, spec. n° 137.
3
CEDH, 6 déc. 2011, CengizKilic c/ Turquie.
4
CEDH, 29 janv. 2013, Lombardo c/ Italie, § 93.

147
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

refusent la médiation, leur droit à une telle aide peut être refusé. Les juges peuvent
condamner aux dépens la partie -même gagnante- qui a refusé « de manière
déraisonnable » de recourir à la médiation. Aux Pays-Bas, une véritable procédure de
médiation exi
médiation dans le ressort de la Cour, en assurant des déplacements auprès des TGI. Une
véritable structure est mise en place, avec des médiateurs formés et des fonctionnaires
attitrés à la médiation. La loi canadienne oblige les avocats à informer leurs clients sur la
possibilité du recours à la médiation. Le rapport relatif à
civile et familiale1 e de personnes (50%) qui
tente de régler ses problèmes sans représentation juridique. Cette situation constitue un réel

encore plus important en matière familiale, et refléterait la perception du point de vue du


justiciable du système. Les abus des plus fortunés, aggravés par la méconnaissance des

justice. Selon le rapport, il convient de mettre en place une feuille de route en vue

particulièrement « les immigrants, les autochtones, les populations rurales et les autres
raison pour laquelle le système existe ».

B) La médiation familiale : un cadre juridique laboration

172. Un développement variable de la médiation familiale. Le droit français


offrant une place de choix au processus de médiation, il convient désormais, compte tenu
de la particularité du contentieux familial, de lui imprimer une spécificité propre (1).
Encore embryonnaire, le processus outre méditerranée peine encore à se développer (2).

1- En droit français

173. a médiation. Le Conseil national


consultatif de la Médiation familiale définit la médiation comme « un processus de

des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation, dans lesquelles un
tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision -le médiateur familial-

de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution »2.

1
familiale,
et familiale. Une feuille de route pour le changement, Ottawa, Canada, oct. 2013.
2
Travaux et Recommandations du Conseil consultatif national de la médiation familiale, déc. 2004, p. 7.

148
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

La directive européenne du 21 mai 2008 (2008/52) 1 en matière civile et commerciale


prévoit que la médiation « peut apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide
aux litiges en matière civile et commerciale au moyen de processus adaptés aux besoins
des parties
« -
mêmes, volontairement, de p

disposer par elles-mêmes en vertu de la législation pertinente applicable. De tels droits et


obligations sont particulièrement fréquents en droit de la famille et en droit du travail ». Le
texte insiste sur le fondement qui préside à un tel processus, qui doit être « volontaire, en
ce sens que les parties elles-
». Les juridictions nationales
sont appelées à «
fois », et à définir les mécanismes visant à « préserver la souplesse

menée avec efficacité, impartialité et compétence ». Pour la directive européenne, « la


médiation ne devrait pas être considérée comme une solution secondaire par rapport aux
procédures judiciaires au motif que le respect des accords issus de la médiation dépendrait
de la bonne volonté des parties. Les États membres devraient donc veiller à ce que les
parties à un accord écrit issu de la médiation puissent obtenir que son contenu soit rendu
exécutoire. Un État membre ne devrait pouvoir refuser de rendre un accord exécutoire que
si le contenu de l

exécutoire »2.
174. Définition retenue en droit français. Le législateur se réfère à la définition
plus complète du Conseil national consultatif. La médiation est un « processus structuré,
la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à
un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, ave
médiateur, choisi par elles ou désigné avec leur accord par le juge saisi du litige ». La
proposition de loi (APIE) projette de modifier cette définition, et l
proposition est ainsi libellé : « La médiation familial apaiser le
conflit et de préserver les relations au sein de la famille, est un processus structuré et
confidentiel de résolution amiable d aide du médiateur
familial, tiers qualifié, impartial et indépendant, les personnes tentent de parvenir à une

1
La direct

de 2011 reprend cette même conception européenne.


2
Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation
en matière civile et commerciale, J.O.U.E, 24 mai 2008.

149
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

solution mutuellement acceptable, qui autre et de


celui de leurs enfants éventuels, être
homologués par le juge ». Le texte a le mérite de rappeler la définition de la médiation
familiale, mais est passé sous silence. Selon la doctrine1,
l
spécifiquement la médiation familiale ( ) et )
en matière de résolution amiable des différends familiaux.

La spécificité de la médiation familiale

175. Transposition de la
directive communautaire en droit interne.
2
transpose la directive européenne du 21 mai 2008
(2008/52) sur la médiation en matière civile et commerciale3,
le 20 janvier 2012 institue un livre 5 au Titre I du Code de procédure civile. La mise en
4
en matière civile et
commerciale voir une culture du dialogue, de la pacification
des conflits, et du renforcement d processus5.
176. Détermination du cadre juridique de la médiation.
transposant la directive communautaire, la loi du 8 février 1995 réglementait la seule
médiation judiciaire6. 1
, la loi

1
A. LEBORGNE, « Le rapport Médiation familiale et contrat de coparentalité et après ? », Rev. dr. fam., 2014,
n° 9, dossier n° 9.
2
Ord. n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, J.O, 17 nov. 2011, p. 19286.
3

conciliations menée
de 2011 reprend cette même conception européenne.
4
Plus récemment ont été adoptées la directive UE n° 2013/11 du 21 mai 2013 relative au règlement
extrajudiciaire des litiges de la consommation et le règlement UE n° 524/2013 du 21 mai 2013 relatif au
2015-1033 du 20 août 2015 puis le décret du
30 octobre 2015, pris en application de cette même ordonnance, transposent la directive du 21 mai 2013. Cf.
D. n° 2015-1378, 30 oct. 2015, J.O, 31 octobre 2015, p. 20399.
5
V. ÉGEA, « La médiation familiale : un modèle pour les modes alternatifs de règlement des conflits ? », Rev.
Lamy dr. civ., 2011, p. 4476. C
Droit des Procédures (C.E.R.D.P.) à la faculté de droit de Nice, le 5 avril 2013, La résolution amiable des
différends dans le contentieux familial, L. ANTONINI-COCHIN (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014.
6
Loi n° 95-

chambre civile de la Cour de cassation qui avait jugé que la médiation avait « pour objet de procéder à la
confrontation respective des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur », ce qui constituait
« ticle 21 du Code de procédure civile ». Cass. civ. 2ème, 16 juin 1993, Bull.
civ., II, n° 211. En raison de son caractère indisponible, le droit de la famille avait été exclu du champ de la
médiation prévue par cette loi. Néanmoins, des mesures de médiation familiale étaient proposées par certaines

2002 atténuera largement cette indisponibilité en permettant au juge de proposer, voire enjoindre, la rencontre

familiales pourra connaître (art. 1071 du CPC).

150
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

n° 2011-525 du 17 mai 2011 de


de la directive communautaire aux médiations intervenant en
dehors de tout contexte transfrontalier. Elle complète la loi du 8 février 1995 en posant un
cadre général à la médiation judiciaire et conventionnelle2 au sein du chapitre 1, titre II du
Code de procédure civile consacré à la conciliation et à la médiation judiciaire. À cet
égard, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et
certaines procédures juridictionnelles
actuelle de développement de la médiation -2-10, elle
3
introduit une expérience de médiation obligatoire préalable à la saisine du juge concernant

comme préalable à une modification des dispositions contenues dans une convention
homologuée. Le juge pourra souleve
de reco satisfaite. Cette loi donc directement
dans la politique de développement des modes alternatifs de règlement des conflits
familiaux, en particulier de la médiation familiale.
177. Le renforcement législatif de la spécificité de la médiation familiale. La
médiation familiale représente un aspect
particulier de la médiation fixée pour tous les modes de règlement amiable des différends
. L attention qui est s
volonté législative de lui imprimer une spécificité propre. Lorsque
liale peut prendre deux formes. Si le juge la propose
et que les parties acceptent, un médiateur4 peut être désigné. pas
spécifique à la médiation familiale mais elle est prévue de manière générale par la loi du 8
février 19955. Si les parties n , le juge peut leur enjoindre de rencontrer un
médiateur à titre informatif. Le décret n° 2010-1395 du 12 novembre 2010 précise à titre
expérimental6
entretien de . Les
dispositions contenues dans la convention homologuée sont également précisées sur le
modèle de la double convocation. Cette expérimentation découle directement du rapport

1
Art. 198 de la loi.
2
Les textes antérieurs ne concernaient que la médiation judiciaire. Désormais, un certain nombre de règles

3
Sur cette expérience, cf. L. WEILLER, « La médiation familiale », in Les transformations du contentieux
familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 59-71 ; V. aussi : M. JUSTON, « Une médiation
familiale peut-elle être imposée au titre du principe de précaution ? », Gaz. Pal., 27 et 28 juil. 2007. Le rapport
dit « Magendie III il
serait contraire à la nature même de la médiation fondée sur la liberté et responsabilisation de ses acteurs, de

».
4
Art. 1071 CPC.
5
Art. 2.
6

151
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

GUINCHARD qui

parentale précédemment fixées par une décision de justice 1. Cette modalité permet aux
parties être informées d u processus de médiation. Lorsque
des parties ou tranche le litige à défaut. L
de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 20112 de allégement
de certaines procédures prévoit, irrecevabilité et à titre expérimental3, que « la
saisine du juge par le ou les une tentative de médiation
familiale ». Cette tentative aurait lieu dans le cadre des décisions « fixant les modalités de
exercice autorité p enfant
ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée » pouvant être
modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du (des) parent(s) voire
du ministère public. Passer outre cette tentative interdirait le dépôt de la requête et
constituerait une véritable fin de non recevoir 4 e dispositif pourrait
devenir obligatoire avant toute saisine du juge aux affaires familiales aux fins de

e spécificité propre à la
médiation familiale a également été a rapport de Madame la sénatrice TASCA et
Monsieur le sénateur MERCIER qui préconisent une voie médiane à celle adoptée par le
recteur GUINCHARD. Lorsque le magistrat propose la médiation aux parties, une
convocation la médiation pourrait avoir lieu avant

ation de la double convocation. Dans le même ordre


e rapport de Monsieur le président JUSTON suggère également « une séance
préalable à la médiation familiale » ou « un entretien préalable à la médiation familiale »
es parents au processus. En vue de mettre rapidement fin au
différend, le rapport indique que le juge pourrait homologuer les accords obtenus selon une
procédure gracieuse, sans audience et sans comparution des parties sauf nécessité.
178. Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015. Dans le sillage de ces propositions, la
proposition de loi (APIE) ajouter -à 373-2-10, la faculté pour le juge

1
S. GUINCHARD, , Paris, La Documentation française, 2008, p. 167.
2
L. MAUGER-VIELPAU, « Aspects familiaux de la loi du 13 décembre 2011 », Rev. dr. fam., 2012, étude 7.
3

ÉGEA, « Médiation
familiale préalable : désignation des juridictions expérimentales », Rev. dr. fam, 2013, n° 7, alerte 42.
4

raisonnable. Cependant, deux autres exceptions sont prévues par le


efficacité du dispositif : le motif légitime justifiant la dispense de recourir à la médiation obligatoire, ce qui
donne au juge une latitude importante dans sa détermination, puis la demande conjointe des deux parents de faire
-2-7 du Code civil.

152
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de prendre part à des séances de médiation familiale »1. Si cette


proposition de loi semble être abandonnée2, le décret du 11 mars 2015 relatif à la
simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution
amiable des différends3 « une étape supplémentaire de la
modernisation de la justice au service des citoyens inscrite dans le programme de la justice
du XXIème siècle, assurer une justice plus proche et plus efficace »4. À cette fin,
le diction par voie
diligences entreprises en vue de

urgence ou à la matière considérée, en particulier lors ordre public »5.


Le recours au juge en dernier recours sous-tend la logique de ce texte en vue de faire de la
résolution amiable le mode privilégié de règlement des différends. Si une partie de la
doctrine a pu exprimer son scepticisme6 quant à la réelle promotion par ce texte des modes
alternatifs de règlement des différends, la circulaire de présentation du décret reste muette
tant sur la manière de caractériser les diligences entreprises que sur la sanction du défaut
de précision7. Plus optimiste, une autre partie de la doctrine considère que « plutôt que de

plus que jamais des modes de règlement amiable des différends » 8 car leur « véritable
ef »9. Or, la

du litige ».

1er de Paris au sujet un conflit


opposant le père et éducation de leur enfant,

1
Art. 17 de la proposition de loi.
2

3
D. n° 2015-282 du 11 mars 2015, J.O, 14 mars 2015, p. 4851. V. les commentaires : S. THOURET, « Résolution
amiable des différends : entrée dans une nouvelle ère », AJ fam., 2015, p. 212 ; Y. STRICKLER, « Le décret
n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et
à la résolution amiable des différends », Rev. Procédures, 2015, étude 6 ; V. ÉGEA, « Un semestre de droit
procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
4
Circ. 20 mars 2015 de présentation du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la
procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends
NOR : JUSC1505620C.
5
Art. 56 et 58 du CPC.
6
Pour Monsieur le professeur ÉGEA, la circulaire de présentation du ministère de la justice procède à une
véritable neutralisation de la portée du décret. Dès lors, son succès dépendra tant de la capacité des praticiens du

tentative amiable de résolution du conflit. V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier
2015/juin 2015), Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3, spec. n° 4.
7
V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), art. precit, spec. n° 2 et 3.
8
S. THOURET, « Résolution amiable des différends : entrée dans une nouvelle ère », AJ fam., 2015, p. 212.
9
V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), art. precit., spec. n° 4.

153
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

les juges parisiens affirment que « si le recours aux modes alternatifs de résolution des
litiges est favorisé, en particulier en obligeant acte de saisine
de la juridiction, les démarches de résolution amiable précédemment effectuées, le
ayant prévu obligation de préciser les
diligences entreprises en ce sens, aucune nulli éventuelle
absence de démarche a elle soit démontrée au vu des faits
1 2
espèce » .
faculté pour le
guère surprenante. Elle atteste cependant de la principale difficulté de la médiation, tirée de
juges,

tenant aux « diligences entreprises affaire


en question pourrait être renvoyée à une audience ultérieure tant que ne sont pas justifiées
les démarches en vue de la médiation. Il est à craindre, dans ces conditions, que les

179. Faiblesses de la médiation. Si imentation de la double


convocation permet due à sa « une faible efficience
3
(...) (...) » , permettrait
aux parties après une ou deux séances de révéler la persistance de leur désaccord
ou leur adhésion au processus. Dans le premier cas, le juge trancherait le différend. Dans le
second, les séances de médiation suivraient leur cours.
générale des services judiciaires, « même lorsque les parties refusent de poursuivre la

apaisé difficilement mesurable toutefois »4


force de per

1
TGI Paris, 5 fév. 2016, n° 15/38132, AJ fam., 2016 p. 156.
2
i instance et conformément aux
dispositions des art. 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur
litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».
3
Le développement des modes amiables de
règlement des différends, avr. 2015, n° 22, spec. pp. 18-
e
mesuré ». En effet, au TGI de Bordeaux «

examiné la recevabilité de la requête préalablement à la demande


ocessus de médiation

-
la faible part des accords de médiation au regard
du volume du contentieux ».
4
Ibidem, p. 44.

154
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

interdisciplinaire au niveau local entre tous les acteurs1, le passage politique


incitation à obligation Il a
notamment été avancé que cette expérience porterait atteinte au droit au recours de manière
disproportionnée question prioritaire de constitutionnalité2. La
doctrine et de nombreux rapports dénoncent la possibilité de faire de la médiation un

une alternative intéressante, les parties


personnalisé et adapté à leur situation. En pratique, celles-ci souhaitent trouver le plus
rapidement possible une solution à leur désaccord, que la généralité de cette séance

contrevient à la libre adhésion au processus et porte atteinte au droit au juge.


-Bretagne peu

si elles souhaitent bén elle aide, doivent accepter la médiation comme mode
de règlement de leur conflit. ne règle pas toute les dimensions du problème -
ant des ressources des parties- cette alternative incite à
réfléchir à la question d du dispositif.
180. Disponibilité des droits et médiation familiale.
lui permet de prendre place parmi les modes de
résolution amiables des conflits. Malgré la généralité de ce cadre, elle ne semble pas y
trouver une spécificité propre. Largement tributaire de la , la
médiation ne porte pas atteinte aux droits dont
onnance le rappelle bien3. Aussi, les deux textes
ayant introduit la médiation familiale au sein du Code civil4 délimitent de façon impérative
son domai .
181. La possible extension du domaine de la médiation familiale. À la lecture de
21-
dérogé au cadre impératif imposé « sans préjudice des règles complémentaires applicables
à certains types de médiation pe
de médiation pourraient constituer des règles complémentaires au cadre général posé. Ces
règles pourraient être dégagées en abordant la question de la spécificité de la médiation
familiale de façon « inversée -à- -value apportée par le

1
Ibid., p. 44.
2
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Nouvel essor pour les modes alternatifs et collaboratifs de règlement des litiges en
matière familiale ? (À propos de la médiation obligatoire et de la convention de procédure participative), Rev. dr.
fam., n° 5, mai, 2012, étude 12.
3
Art. 21-
4
Article 373-2-

155
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

contentieux familial à la médiation au sens large1. Suggérée par Monsieur le professeur


ÉGEA, domaine
plus utilisée. Lorsqu elle est acceptée par les parties, la médiation a
joué un rôle de choix dans des domaines particulièrement lourds en conflits. Loin de se

alimentaires ou du divorce, la médiation pourrait se révéler un instrument tout aussi


efficace dans la résolution des « conflits transgénérationnels (...) : par exemple pour
désamorcer des conflits avec les grands- ; mais aussi au-delà
des questions relatives aux enfants
et alliés, ou bien pour des difficultés concernant les régimes de protection des majeurs ou

»2. On songe également à la liquidation et au partage des intérêts


patrimoniaux du couple. es époux peuvent passer toutes conventions
pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial 3 défaut de
règlement conventionnel par les époux » que le juge, en prononçant le divorce, ordonne la
liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux4. Le processus de médiation pourrait

homologation. Bienvenue serait une telle mesure dans le règlement des intérêts
patrimoniaux des partenaires notamment. La seule limite à un tel développement de la
médiation porterait sur un accord de soustraire au juge une question qui
5
relève directement de son office du
divorce ou de La spécificité de la
médiation familiale tiendrait davantage à sa pratique cadre juridique la garantissant.
De surcroit, l lui est
le Comité
national consultatif de la médiation familiale et la profession de médiateur familial7. Sur le
6

plan procédural, Madame le professeur DOUCHY-OUDOT met en lumière8 un mouvement


à contentieux familial.
1
V. ÉGEA, « ? », Rev. Lamy dr. civ., 2011, déc.,
n° 88, 4476.
2
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le cadre juridique de la médiation familiale », in La résolution amiable des
différends dans le contentieux familial, L. ANTONINI-COCHIN (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 24.
3
Art. 265 al. 2 du Code civil.
4
Art. 267 du Code civil. Sur les difficultés posées par ce règlement amiable, V. infra, spec. n° 185 et s.
5
- es accords de médiation sont impossibles afin de désigner un
médiateur pour lui déléguer les tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et
de séparation de corps.
6

7
Dont
familial, en structurant la profession et en donnant les garanties de formation.
8
M. DOUCHY-OUDOT, « Le lien familial en dehors du droit civil de la famille la procédure civile », in Le lien
familial hors du droit civil de la famille, I. MARIA, M. FARGE (dir. de), Institut Universitaire Varenne, coll.
« Colloques&Essais », 2014, pp. 131-147.

156
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Conjugué au développement du consensualisme, ce mouvement conduit le législateur à


instituer une procédure familiale commune 1. Autant de spécificités ne peuvent
les modes alternatifs de règlement des conflits en leur imprimant une spécificité à partir du
modèle de la médiation familiale2.
182. La prise en charge du coût de la médiation. La prise en charge du coût de la
médiation est déterminante de sa promotion comme mode habituel de règlement des
conflits
frais de médiation familiale. L -1266 du 19 décembre 1991
détermine les coefficients affectés aux différentes procédures et ne prévoit pas
telle mesure, judiciaire soit-elle ou conventionnelle3.
En revanche, le limitée à deux
unités de valeur toutes
qui correspond à 45 euros supplémentaires aux 30 unités prévues notamment
pour le divorce par consentement mutuel). Le rapport de Madame la sénatrice TASCA et
Monsieur le sénateur MERCIER préconise de valoriser la participation des avocats

mé e
rapport de Monsieur le président JUSTON privilégie la mise en place
par séance et par partie, tout en prévoyant une majoration de vocat.
La dimension financière relative à la prise en charge
dispositif. Pour preuve, le rapport canadien p
la justice en matière civile et familiale rendu public en octobre 2013 fait état du bon
fonctionnement de son système de justice, mais déplore le fossé existant « entre le coût des
services juridiques et ce que la grande majorité des canadiens peuvent se permettre »,
ide juridictionnelle ne concernant que ceux dont les moyens sont extrêmement
modestes. analyse en termes de prise en charge menée
de concert avec le coût engendré par la fréquence des retours devant le juge. C est bien la
preuve que les parties parviennent difficilement à une solution globale et apaisée du conflit
sans la médiation. Le rapport de la Direction générale des politiques internes du Parlement
européen, particulièrement « Droits des citoyens et affaires constitutionnelles » relatif à la
qualification du coût de situations conflictuelles mal réglées révèle que le coût moyen

de 2497 euros pour une médiation4


travail des tribunaux pourraient à terme, être considérablement réduits et favoriser une

1
Cf. les articles 1137 et suivants du décret n° 2004-1158.
2
V. ÉGEA ? », art. precit., 4476.
3
N. FRICERO, C. BUTRUILLE- CARDEW, L. BENRAÏS et alii, Le guide des modes amiables de résolution des
différends (MARD), Paris, Dalloz, 2014-2015, p. 214, spec. 233-25.
4
Ibidem., p. 215, spec. 233.31.

157
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

meilleure qualité du système de justice. Toute la mesure du problème de prise en charge est
à sérieusement considérer pour un meilleur développement du dispositif.
Malgré ces données et un engouement certain pour le processus, la médiation ne constitue
de la résolution des conflits considérer à la lumière
mécanismes de règlement amiable des différends familiaux.

Médiation familiale et convention de procédure participative

183. La convention de procédure participative de négociation assistée par


avocat. Dans le même esprit aux modes amiables de résolution des différends,
1
(articles 2062-2068 du Code
civil) tend à faciliter le règlement amiable des litiges impulsion des avocats2.
Traduction de la 47ème proposition du rapport de Monsieur le professeur GUINCHARD, cet
instrument suppose que les parties elles-mêmes aient la volonté de rechercher une solution
au différend qui les oppose avant toute saisine du juge 3, (s)
avocat(s). À « ces procédés de règlement amiable des différends
ont initiative des parties, qui, si elles sont
parfois contraintes de rencontrer un tiers à cet effet, pourront décider de ne pas se
soumettre à une telle mesure »4. En cas de refus, le litige est tranché par le juge bien que la
tendance soit à la résolution par les parties elles-mêmes du différend qui les oppose. Pacte
de non agression à durée déterminée, la convention permettra aux parties pendant le laps
de temps convenu avec leur(s) avocat(s) d uvrer conjointement et de bonne foi à la
résolution de l à ne pas saisir le juge5 sauf cas des mesures
urgentes, conservatoires, ou de non-respect de la convention. L de simplification et

1
L. n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à «
». Sur ce nouveau mode de résolution
des différends, V. : N. FRICERO, « Qui a peur de la procédure participative ? Pour une justice,
autrement... », in Justices et droit du proc humanisme processuel, Mélanges en
Serge GUINCHARD, 2010, Dalloz, pp. 145-154 ; F. SELL-MACREZ, « Vers la justice
participati ombre du droit », D., 2010. Chron. 2450 ; S. AMRANI-MEKKI, « La
convention de procédure participative », D., 2011. chron., 3007; C. BUTRUILLE-CARDEW, « La place du droit
collaboratif dans les MARC », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 12, n° 69 ; M. DOUCHY-OUDOT, « La convention de
procédure participative, commentaire de la loi du 20 décembre 2010 », Rev. procédures, 2011, n° 3, mars,
comm. 99; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Nouvel essor pour les modes alternatifs et collaboratifs de règlement des
litiges en matière familiale ? (À propos de la médiation obligatoire et de la convention de procédure
participative), art. precit.
2
S. GUINCHARD, rapp. precit., p. 22.
3
Cett

quatre mois, « faute de quoi celle-

».
4
M. DOUCHY-OUDOT, Pan. contentieux familial, D., 2013, 798.
5
Art. 2062 du NCPC.

158
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
y est perçu en termes de gain de temps, de moyens
2
et de prévisibilité . du justiciable au processus
judiciaire, cette justice alternative permet « de rechercher une véritable justice de proximité
(qui) passe légitimement par une plus grande participation des intéressés à la solution de
leur litige »3. Réservée aux matières mettant en cause les droits disponibles4 ,
5
elle a été étendue au divorce et à la séparation de corps , la phase contractuelle cédant
ensuite la place à une procédure « formée et jugée suivant les règles du titre VI du livre 1 er
du Code civil »6. , la procédure de droit commun reprend son
cours devant le juge - a été prévu- sans que les
parties soient soumises au préalable de conciliation ou de médiation judiciaires7.
184.
participative. La convention de procédure participative se démarque de manière
significative exclut pas. verse de la seconde, la convention
de procédure participative repose sur un processus structuré établit sur le mode judiciaire -
que le Code de procédure civile distingue nettement8. Sécurisant par la présence
lors de la phase contra accord des parties est rendu
exécutoire par le juge en fin de processus. Alors que la médiation9 est le plus souvent
abandonnée à la volonté des parties et ne constitue pas toujours le tremplin efficace à la
le recours nécessaire aux serv une
convention de procédure participative
de trouver un accord à leur conflit. les parties
une telle convention, devraient pouvoir soumettre un point de leur conflit au processus de
médiation. Elles pourraient notamment décider y avoir recours concernant les modalités
, une fois le conflit conjugal désamorcé grâce à la
convention de procédure participative. La distinction entre le conflit conjugal et le
désaccord parental favoris à la médiation en fin de processus.
Une telle combinaison serait même encouragée, ssant pas les mêmes
fonct médiateur. Formé à une f

1
Cf. L. n° 2009-526 du 12 mai 2009, J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
2
Madame le professeur FRICERO exprime ainsi cette prévisibilité, « qui suppose la définition de principes de

», « Qui a peur de la procédure


participative ? Pour une justice, autrement... », art. precit., p. 149.
3
Ibidem., p. 148.
4
Art. 2064, al. 1 C. civ.
5
Art. 2067 C. civ.
6
Art. 2066 CPC.
7
Art. 2066 C. civ.
8
Art. 1544 à 1555 pour ce qui concerne la phase contractuelle, et art. 1555 à 1564 pour ce qui concerne la
procédure aux fins de jugement.
9
Cf. supra, spec. n° 101.

159
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

pour les outils de la communication, notamment pour le recueil de la parole de


. Une telle alternative, combinant harmonieusement les deux modes de règlement
amiable n . Deux décisions de la
Cour de cassation en ont limité, pendant un certain temps, la portée.
185. La question de l en matière de
liquidation.
favoriser un continuum entre la procédure de divorce et la procédure en liquidation et en
partage des intérêts patrimoniaux du couple1, afin de faire une sorte de divorce « tout-en-
un »2. Tout en maintenant la compétence du JAF pour statuer sur les demandes de maintien

une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis 3.


Exceptionnellement toutefois, le juge du divorce se muait en juge de la liquidation, la
même loi lui ayant confié le pouvoir de statuer sur les désaccords persistants entre époux4
un notaire a été désigné sur 255, 10° du Code civil.
Hormis cette exception, et faute de règlement conventionnel par les époux de leur régime
matrimonial, le juge continuait
à ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux5. Or, cet
équilibre sera rompu par la loi de simplification du droit inspirée des travaux de la
commission GUINCHARD- du 12 mai 20096 qui fait du JAF le juge de la liquidation et du
partage7 des intérêts patrimoniaux en lieu et place du tribunal de grande instance
normalement compétent8 . aux antipodes de ce qui avait été fait

1
Avant 2004, le juge du divorce statuait sur les éventu
attribution préférentielle et ordonnait la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux (C. civ.,
art. 264-1 dans sa version antérieure à la loi n° 2004- avait aucune compétence sur la
détermination du régime matrimonial ni pour sa liquidation. Au mieux, celui-ci désignait un notaire pour
procéder aux opérations de liquidation et de partage. En cas de désaccord, ce dernier établissait un procès-verbal
des difficultés au tribunal de grande instance, seul compétent pour trancher ces difficultés.
2
seur Pierre MURAT. Cf. la chronique droit de la famille,
J. RUBELLIN-DEVICHI (dir. de), JCP, G, 2016, n° 1-2, 35, spec. n° 4.
3

divorce en 2004, b
des torts. Cf. article 267-1 du Code civil, issu de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 lequel désignait « le
tribunal » chargé de procéder au partage. article 1115 du Code de procédure civile issu du décret n° 2004-1158
du 29 octobre 2004 prévoit que la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux au
- assignation en divorce, ne « constitue pas une
prétention au sens de l'article 4 ».
4
En vertu de ce texte, « si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le
fondement de l'article 255, 10° contient les informations suffisantes, le juge, à l autre des
époux, statue sur les désaccords persistants entre eux ».
5
Art. 267-1 C. civ.
6
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009, precitée.
7
213- organisation judiciaire dispose que « le juge aux affaires familiales (...) connaît
de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux (...) sauf en cas de décès ou de déclaration
absence ».
8
article 267-1 du Code civil.

160
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

en 2004- est de permettre au juge de vider sa saisine en prononçant le divorce 1. Se posait


lation de la procédure de divorce et la
procédure de partage, les deux relevant désormais du même juge, avec cette nuance que,
pour statuer sur les opérations de liquidation et de partage, une nouvelle assignation devait
être effectuée.
procéder au partage amiable de ses intérêts patrimoniaux sans avoir recours au juge. Pour

qui souhaitait mettre en place un continuum entre le prononcé du divorce et les opérations
de partage et de liquidation.
Dans ce contexte, une partie de la doctrine a légitimement pu croire à une
nouvelle conception instance en divorce par laquelle le
2
compétences élargi , regroupant les compétences jusque-là dévolues au juge des tutelles,
3
. Or, une circulaire du ministère de
4 5
la Justice maintient la conception duali . B
6
confusions en pratique , aux parties de trouver un accord
amiable avant toute saisine du juge. À défaut, une nouvelle assignation leur permettait de
demander le partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux. Or, l ambigüité des textes7
conduira la Cour de cassation8 à considérer que le juge
du divorce peut désigner le notaire chargé de la liquidation et du partage des intérêts
patrimoniaux.
186. La mise en péril corrélative de la convention de procédure participative.
la Cour de cassation9 censure par trois arrêts
rendus le même jour la Cour appel toulousaine dans un attendu de principe : « en
refusant ainsi de désigner un notaire, ce qui rendait impossible la mise en oeuvre des
opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux du couple, la cour

1 er
du Code civil affirmait toujours que « le juge, en prononçant le divorce, ordonne la
liquidation et le partage ».
2
En ce sens : V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La centralisation des contentieux : le nouveau bloc de compétence du
JAF », in Les transformations du contentieux familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 19-34.
3
C. BRENNER, D., 2012, 2011. auteur, les difficultés actuelles état des différents
textes, mal coordonnés les uns par rapport aux autres.
4
Circ. CIV10/10, 16 juin 2010 de présentatio article 14 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009.
5
a pas, au stade du prononcé du divorce, la
faculté « de désigner un notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation et de partage des intérêts
patrimoniaux ou de commettre un juge ».
6
J. COMBRET, N. BAILLON-WIRITZ, « Liquidation et partage après divorce impose »,
Rev. dr. fam., 2013, étude 6; C. BRENNER, D., 2012, 2011, contra, E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, p 607.
7

spécifique au divorce, cf. J. COMBRET, N. BAILLON-WIRITZ, « Rupture du couple : partage amiable et partage
judiciaire des intérêts patrimoniaux », JCP, N, 2013, n° 17, 1105, spec. n° 60-62.
8
Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, 11-20.195 ; D., 2012, 2011, note C. BRENNER ; AJ fam., 2012, 403, obs. S. DAVID;
RTD civ., 2012, 519, obs. J. HAUSER.
9
Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, n° 12-17.394, n° 11-17.377 et n° 11-10.449.

161
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

étendue de ses pouvoirs en violation des articles 267 et 267-1 du


Code civil ». Pour la Haute juridiction, le juge a la charge de désigner un notaire aux fins
de liquidation1 audience de conciliation, se fonder sur le
projet de liquidation pour fixer en cas de désaccord des époux
occupation du logement2.
Si le glissement instance inscri
accélération et de pacification de la procédure de divorce, une partie de la
doctrine a pu y voir une « fronde » à la circulaire confirmant le maintien de la solution
dualiste3. E , la décision de la Cour de cassation
aboutit paradoxalement à évincer la convention de procédure participative 4. En effet,
ation actuelle au règlement amiable du différend avant toute saisine juge ne
-
partage judiciaire- À considérer que le juge aux affaires
familiales vide sa saisine par le prononcé du divorce, il est toujours loisible aux ex-époux
de conclure une convention de procédure participative pour le partage de leurs intérêts
patrimoniaux. si le prononcé du divorce ne le dessaisit pas, les époux ne
peuvent conclure - - une convention de procédure participative
ayant pour objet le partage amiable, celle-ci ne pouvant avant toute saisine
du juge. Pour Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, la désignation par le juge aux
affaires familiales du notaire ferait de lui « le juge du partage, tant et si bien que tout
partage amiable disparaîtrait au profit du seul on sache
comment le juge du partage aura été saisi ». Ce paradoxe reflète, pour Monsieur le
professeur ÉGEA, exercice de la fonction de juger5 et appelle
une clarification nécessaire dont la convention de procédure
participative. Pour un autre auteur, la systématisation projetée du partage judiciaire aboutit
plus « à allonger la durée moyenne de à la réduire », et sera
source de « navettes interminables opérées entre notaire et juridiction »6. De plus, la
nature de l reposerait sur un fondement incertain. Judiciaire, le
partage effectué par le notaire le sera-t-il au ti
partage amiable ? Pour Monsieur le professeur HAUSER, « agirait de faire, pour après-

1
Spec. n° 11-10.449.
2
Particulièrement, n° 11-17.377.
3
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La fronde à la circulaire confirmée concernant les pouvoirs liquidatifs du JAF »,
Rev. dr. fam., 2012, comm. 179.
4
L. JUNOD-FANGET, « La convention de procédure participative mise en danger par la Cour de cassation ? »,
AJ fam., 2013, 105; E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, 607; même revue, 2013, 55, obs. P. HILT; D., 2013, 798,
pan. M. DOUCHY-OUDOT ; du même auteur, Procédures, 2013, comm. 19 ; V. ÉGEA, « Un an de droit procédural
de la famille », Rev. dr. fam., 2013, n° 11, n° 1.
5
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois, 2010 ;
Particulièrement, « Un an de droit procédural de la famille », art. precit.
6
E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, p. 607.

162
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

divorce, ce qui a été fait depuis 1975 pour les causes de divorce en aménageant des
passerell habitude par confettis, on a créé un imbroglio
dont la Cour de cassation cherche heureusement et courageusement à sortir. A est,
globalement, le rôle du juge en matière fami ordre public du
1
ofts hui » . Réitérant la solution
2
consacrée en 2012, la Cour de cassation
sa conc tout-en-un ».
187. : le compromis trouvé. Une nette
dissociation des deux procédures de divorce et de partage devait en conséquence être
opérée afin de permettre une meilleure articulation des deux procédures entre elles, et
permettre à la convention de procédure participative de trouver à Pourtant,
3 4
-la loi du 16 février 2015 ayant habilité le
5
gouvernement à légiférer - tion. Loin de faire
ordonnance
prévoit également un net accroissement des pouvoirs du juge. Ce dernier, en prononçant le
divorce et à défaut de règlement conventionnel par les époux, statue -comme avant- sur les
avance sur part de
6
communauté ou de biens indivis . Il peut également statuer sur les demandes de liquidation
et de partage des intérêts patrimoniaux dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378
du Code de procédure civile7, et le faire office la détermination du
8
régime matrimonial entre époux . Si autrefois le juge était exceptionnellement compétent

1
J. HAUSER, RTD civ., 2013, p. 96.
2
Cass. civ. 1ère, 11 sept. 2013, n° 12-18.512; Bull. civ., I, 2013, n° 164 ; AJ fam., 2013, obs. P. HILT, p. 585; D.,
2014, obs. M. DOUCHY-OUDOT, p. 689. Après la publication de la loi du 16 février 2015: Cass. civ. 1ère, 4 mars
2015, n° 13-19.847.
3
Ordonnance n° 2015-1288 du 15 oct. 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille, J.O,
16 octobre 2015, p. 19304. Pour les commentaires, V. : M. DOUCHY-OUDOT, « La simplification et la
-1288 du 15 octobre 2015 », Rev. procédures, 2016, n° 1,
étude 2 ; S. THOURET, « Réforme du droit de la famille : le juge du divorce et la liquidation », AJ fam., 2015, pp.
598-600 ; E. BUAT-MENARD, « Réforme du droit de la famille : Accords et désaccords », AJ fam., 2015, pp. 600-
601 ; N. BAILLON-WIRITZ, « Liquidation et partage après-divorce -t-il été
entendu ? », Rev. dr. fam., 2016, n° 1, dossier 2 ; Y. PUYO, « Le nouvel article 267 du Code civil : un compromis
entre tradition et innovation », Rev. dr. fam., 2016, n° 1, dossier 3.
4
L. n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures
dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, J.O, 17 février 2016, p.
: D. n° 2016-185, 23 févr. 2016, J.O, 25 févr.
2016.
5
Sur le recours aux ordonnances en droit de la famille, cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille,
Paris, LGDJ, 5ème éd., 2016, n° 938, pp. 423-424. Pour les auteurs, un tel recours est contestable,
particulièrement en droit de la famille. Il fait fi du débat de société, « », et met
à mal la représentation populaire.
6
Nouvel art. 267 al. 1er du Code civil.
7
Nouvel art. 267 alinéa 2.
8
: Cass. civ. 1ère, 20 mars
2013, n° 11-27.845; D., 2013, note S. LE GAC-PECH, p. 1451; AJ fam., 2013, p. 388, obs. A. BOICHE.

163
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

pour trancher les désaccords entre les ex-époux au sujet de la liquidation et du partage,
1
lequel peut
désormais procéder à la liquidation Celui-ci se voit donc
2
investi de pouvoirs liquidatifs largement étendus . Cependant, cette compétence est
tributaire du désaccord subsistant entre les parties, par
tous moyens, notamment en produisant un
partage judiciaire indiquant les poin état liquidatif et de
partage établi par un notair 255, 10° du Code civil3.

judiciaire permettrait à la convention de procédure participative de satisfaire à un tel


objectif4.
tère non encore

en date du 23 février 2016


ébauche le régime procédural des demandes liquidatives présentées sur le fondement de
Il rétablit au Code de procédure civile un article 1116
qui impose aux parties de justifier par tous les moyens leurs désaccords « au moment de
instance ». N condition de la compétence du JAF mais un
simple moyen de preuve, le et de partage a été établi par
un notair 255, 10° du Code civil, « peut être annexé
ultérieurement aux conclusions dans lesquelles la demande de liquidation et de partage est
formulée ». Concernant la forme de la déclaration commune, le texte précise que celle-ci
doit être « formulée par écrit et signée par les deux époux et leurs avocats respectifs », ce
qui exclu
Un véritable acte procédural conjonctif est donc nécessaire. Or, le risque, tel que souligné
par la doctrine, serait de « limiter sèche des
5
opérations de partage judiciaire, simultanément au prononcé du divorce »
1116 alinéa 2 précise que « les points de désaccord mentionnés dans la déclaration
un partage judiciaire ne constituent pas des prétentions au sens

1
Y. PUYO, « Le nouvel article 267 du Code civil : un compromis entre tradition et innovation », art. precit.,
spec. n° 17.
2 ère
Cf. réce , 25 sept. 2015, n° 14-21.525 ;
Rev. dr. fam., 2015, n° 12, Y. PUYO, comm. 21. La Cour de cassation procède à une stricte application de
pertise judiciaire peut fonder la compétence du juge du divorce pour
trancher le contentieux de la liquidation et du partage. Or, cette solution « appartient peut- histoire du
contentieux familial : cf. V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la
famille », Rev. dr. fam., 2016, n° 2, chron. 1, spec. n°
: Cass. civ. 1ère, 10 fév. 2016, n° 15-
14.757; D., 2016, p. 424.
3
Nouvel art. 267, al. 2.
4
THOURET, « Réforme du droit de la famille : le juge du divorce et la liquidation », AJ fam., 2015, pp. 598-600.
5
D. FILOSA, P. SALVAGE-GEREST, V. AVENA-ROBARDET, « Réforme du droit de la famille », AJ fam., 2016,
p. 126.

164
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

que la déclaration commune ne détermine


objet du litige liquidatif mais les parties devraient pouvoir conclure ultérieurement
quant aux conséquences liquidatives du divorce.

2- En droit maghrébin

188.
réel cadre structuré en faveur de la médiation familiale au Maroc ( ). Pourtant, les

des conflits, une meilleure effectivité des


dispositions du Code de la famille ( ).

189. cadre juridique propre. Bien que le Maroc dispose depuis 2004
un nouveau Code de la famille, celui-ci ne traite pas expressément de la médiation
familiale comme mode indépendant de résolution des conflits familiaux1. Madame le
professeur NAJI EL MEKKAOUI
nouvea de conceptualisation portant sur ce mode de
2
règlement des conflits . xtes à rappeler que « le recours

entraîne la dislocation de la famille et porte préjudice aux enfants »3, mais sans que ne
4
. Il est vrai que le Code prévoit lors de la procédure

1
- publiée au
Journal Officiel n° 5584 du jeudi 6 décembre 2007. Celle-ci abroge les dispositions du Code de procédure civile
. Le texte

de procédure civile dispose que : «


parties à une audience. À cette première audience, les parties doivent comparaître en personne ou par leur
représentant légal et il est toujours procédé à une tentative de conciliation. Si cette conciliation intervient, le juge

d'aucun recours au divorce sous contrôle judiciaire,


dispose que « le tribunal convoque les époux pour une tentative de conciliation :
« En vue de concilier les conjoints, le tribunal peut prendre toutes les mesures utiles, y compris le mandatement

Si la conciliation entre les époux aboutit, un procès-verbal est établi à cet effet et la conciliation est constatée par
le tribunal
incombe au tribunal de procéder à la conciliation.
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, t. 3, De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, Rabat, 3ème éd., Bouregreg,
2009, p. 70.
3
Ibidem., p. 70.
4
Dans le même sens : K. ALLAOUI, « », in Approche
plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la
justice civile, t. 2, 2015, pp. 169-175 (en langue arabe).

165
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

de divorce une phase de réconciliation ssolh indispensable dans la gestion du conflit du


couple, mais celle-ci rs de la procédure de divorce.
Un couple demandeur de séanc
dispositif indépendant, structuré et encadré de médiation. La seule alternative possible pour
ce dernier est de trouver lui-même une
solution, voire de recourir à eute conjugal. Le plus
souvent, de façon
1
informelle le rôle de conciliateur . Lorsque le couple saisit la justice pour mettre fin à son
union, le juge convoque obligatoirement le couple pour une tentative de conciliation, une
seconde étant obligatoire un médiateur
tentative de médiation pas au
établir la communication, souvent rompue. Simple phase de
réconciliation, elle
tre. De la même
professionnel formé aux techniques et modalités de la
communication, en permettant dans un cadre
confidentiel et extra judiciaire . Les statistiques du Ministère de la
Justice au cours des années 2010-2011 témoignent du faible taux de conciliation réussies
lorsque celles-ci sont entreprises par le juge. Le même constat peut être effectué au sujet de
-
souvent une précieuse alternative à la dislocation de la famille, se limite bien souvent « à la

»2 de chacun des conjoints.


190. Une conception de la médiation familiale, reflet de la conception des liens
familiaux. Éminemment volontaire, la médiation devrait être mise à la disposition des
époux afin que ceux- onflit première étape de
la « thérapie » conjugale-
outre méditerranée, la médiation familiale abordée sous le seul angle de la conciliation-
, que le reflet de la conc
matière familiale succombe de plus en plus au principe de disponibilité en France, celle-ci

le litige, fait largement la place au consensus en acceptant de partager sa fonction de juger

1
Le professeur NAJI EL MEKAOUI souligne que la médiation « a toujours eu place dans la société Islamique à
travers les âges. Au demeurant, le douar, le quartier, la famille étendue, les amis, les Imams, les prédicateurs, les
personn
habilités à faire appel aux arbitres ou se positionner eux-mêmes en tant que médiateur et prévenir la discorde et
es coutumes est confirmé par le taux insignifiant du divorce dans
les sociétés ancestrales ». Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le
référentiel et le conventionnel en Harmonie, op. cit., p. 324.
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. 329.

166
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

avec le justiciable1. En droit maghrébin, le droit de la famille plus que tout autre domaine
-
religieuse . À ce titre, la fonction du juge laisse une place très minime au consensus 3 car
2

ne
r la durabilité de
la relation conjugale. Le référent islamique lui-même préconise le
ssolh nitiatrice. Permettre au
couple de recourir à des séances de médiation aurait pour vertu de le responsabiliser, en lui

incombe à chacun de ses membres dans la constructi

191. La nécessité de promouvoir une culture judiciaire pacifiée. La place de la


conciliation et de la médiation dans la politique familiale marocaine constitue pourtant le
sixième grand fondement de la politique familiale islamique4 préconisé par Madame le
professeur NAJI EL MEKKAOUI. Si la tentative de réconciliation vise à mettre un terme au
différend qui o
pacification du conflit. Une fois entre les mains du juge, celui-ci
judiciairement tranché.
médiati
familiale française, tous les couples qui souhaitent saisir le juge aux fins de divorce. À titre
rmé et redirigé
vers des séances de médiation familiale. Le médiateur mettra alors tout
pas de

1
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois,
coll. « Droit&Notariat », 2010.
2
V. infra, n° 421 et s.
3
GANNAGE, « Aperçu comparatif : les pays du pourtour méditerranéen », in
La contractualisation de la famille, D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica,
2001, pp. 247-
a un
domaine plus restreint dans les droits religieux internes et peu

des liens
familiaux ». Cf. spec. p. 249.
4
Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. ecourir aux
arbitres ou médiateurs toutes les fois où la discorde entre les époux est à craindre » en vertu du verset coranique
35 de la sourate Les Femmes : « Si vous craignez le désaccord entre les deux (époux), envoyez alors un arbitre
de sa famille à l
entre eux. Allah est certes, Omniscient et parfaitement Connaisseur ». Le même appel divin se retrouve dans un
autre verset (234) de la sourate La Vache : «
décider ».

167
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

parvenir à accord, la rupture est inévitable. La médiation est question de culture judiciaire1,
et tout le défi dans les pays du Maghreb est de promouvoir cette culture de la pacification
dans des sociétés caractérisées par «
surnombre des litiges judiciaires »2. La médiation familiale élément
incontournable saine, efficace et apaisée. Les expériences
étrangères, notamment canadienne, peuvent à ce titre être une véritable source
e en place bute sur les moyens matériels -
modernisation du système judiciaire- et humains formation et réglementation du métier de
médiateur-. Madame le professeur NAJI EL MEKKAOUI suggère de confier la médiation aux
institutions déjà existantes ayant prouvé leur utilité par le passé, telles « le Conseil de la
famille3, les arbitres, la mosquée avec ses différentes composantes, les Conseils des

personnes jouissa
»4. il ne

autorisa

meilleure structuration des différentes institutions et mécanismes nécessaires permettraient


une meilleure effectivité du Code.

192. Une promotion timide de la médiation au plan régional. Malgré ces


une
meilleure connaissance et une plus large diffusion de la culture de la médiation.
Chaml pour la Famille et la Femme a organisé les 20 et 21 novembre 2009 à
(United Nations Development Fund for Women),
Ministère de la Justice un colloque international autour du
thème « ». Cette

1
V. en ce sens la thèse de A. KERMOUCHE, La nouvelle pratique judiciaire dans le Code marocain de la famille,
Rabat, Publications Al-
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. 324.
3
Cette dernière instance, créée par le décret n° 2-94-
moudawana a jamais fonctionné, notamment pour des raisons organisationnelles. Relancée par le
décret n° 2-04-88 du 6 octobre 2005 relatif à la composition et aux attributions du Conseil de famille, cette
ster la Justice dans les affaires familiales (art. 25 al.
2 du CMF) ne connaît que très peu de succès. Selon le professeur NAJI E L MEKKAOUI, celle-

4
Ibidem., p. 330.

168
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

a Tunisie, de la Mauritanie et du Maroc. À cette occasion,


Monsieur Ayssar IBRAHIM, directeur des affaires civiles au ministère de la Justice a mis
accent sur l'importance du rôle de la médiation dans le règlement des conflits familiaux,
soulignant que ce type de médiation existe dans la vie quotidienne et permet le règlement
de nombreux de conjuguer tous les efforts en vue de sa
promotion. Un autre colloque international a également été organisé les 10 et 11 octobre
2010, et le Centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ) a réuni le 10 février 2011 à
Alger près de 140 médiateurs pour une assemblée générale constituante afin de créer
P e, en
rocédure civile et administrative

». Ceci signifierait-il que le droit algérien considère la médiation comme un procédé

familiales ? Il convient probablement de distinguer médiation et conciliation, cette dernière

possible de parler de réel processus de médiation


autonome et structuré il existerait en droit français.
avance, le législateur tunisien adopte dès le 19 octobre 2010 un projet
de loi portant création de la fonction de conciliateur familial chargé de trancher les litiges.
Il modifie el qui permet désormais au « juge de la
famille, après l'accord des deux époux en conflit, de se faire assister par un conciliateur
familial désigné parmi les cadres relevant des structures de la promotion sociale, en vue de
les réconcilier et de les aider à parvenir à une solution mettant fin à leur différend, dans le
but de sauvegarder la cohésion familiale »1. La liste des conciliateurs familiaux est établie
sur l un arrêté commun entre le ministre de la Justice et le ministre chargé des
Affaires sociales. de cette loi de protection de la famille,
elle témoigne en comparaison avec les voisins marocain et algérien.
Surtout, cette initiative intervient en concrétisation du programme présidentiel Ensemble
relevons les défis pour 2009-2014 et permet de considérer le juge de la famille autrement
un simple juge du divorce. Elle en fait avant tout un conciliateur. Cependant, la
possibilité de recourir au conciliateur familial relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui
peut, si les deux conjoints y consentent, recourir à ce mécanisme.
193. Le Conseil de famille, une institution à régénérer ? L article 251 alinéa 2 du
Code de la famille institue un Conseil de famille « dans ses
attributions relatives aux affaires de la famille. Sa composition et ses attributions sont
fixées par voie réglementaire ». du décret fixant ses attributions2 précise que le

1
Art. 32 du CSP modifié par la loi n° 2010-50 du 1er novembre 2010.
2
D. n° 88.04.2 du 14 juin 2004.

169
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

isslah (rendre fonct )


pour tout ce qui concerne les affaires familiales. Néanmoins, ses avis sont purement
consultatifs. Selon cet article, le Conseil jouit de prérogatives élargies et peut intervenir
ou de pension alimentaire. Cependant, ce
Conseil a davantage brillé par son effacement des affaires familiales. Cette situation est

-ci désigne
conformément au décret. Or, désigner des proches en vue de parvenir à un accord conjugal

souvent, un des conjoints


1
. Le
caractère purement consultatif de ce Conseil a également contribué à son effacement. Dès
lors que

r un rôle
déterminant dans le processus de conciliation. Une partie de la doctrine a même argué de la
nécessité pour le juge de motiver le non recours aux services de ce Conseil 2
e Conseil, ou encore les

ineffectivité. Une régénération de ce Conseil dans les missions qui lui ont été dévolues
promotion de la médiation
familiale. Cette régénération passerait par le caractère obligatoire de sa convocation par le

professionnels neutres capables de recueillir la parole des époux dans un espace dédié à cet
effet.
194.
familiale. -Unies pour la femme et en
collaboration étroite avec le ministère de

au Maroc. Le
plan des Nations-Unies (2007-2011), dont un des

significatifs »3
écanisme de médiation et de conciliation opérationnel.
À cette fin, les sections de la famille pilotes du projet ont été les tribunaux de Benslimane,

1
A. KECHBOUR, La nouvelle pratique judiciaire dans le Code marocain de la famille, Rabat, Publications Al-
47 (en langue arabe).
2
Ibidem., p.47.
3
Mais aussi réduire la vulnérabilité des femmes et des enfants, lutter contre la discrimination et renforcer les
capacités des femmes.

170
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Casablanca, Inzegane et Tanger, où des cellules de médiation ont été mises en place afin
ser un cadre de proximité adapté au traitement des conflits conjugaux 1.
ce soient les juges et
procureurs eux-mêmes qui ont assuré la fonction de médiateur, créant une confusion tant
chez les acteurs eux- quant à la réelle signification du
nt été mobilisées les enquêtes socia
acteurs supplémentaires pour alléger le travail du magistrat, celui-ci ne saurait être ce tiers
impartial à rétablir la communication, ni apaiser le conflit existant. Le risque
les juges réduisent ces séances de médiation à une simple
phase de réconciliation, assurent déjà dans le cadre de la procédure de divorce.
D doigt, particulièrement
plan des ressources humaines, de coût engendré par le processus de médiation et
infrastructures. En effet, l un processus de médiation mené au sein même
des sections de la famille -rattachées aux tribunaux de première instance- est patente.
autonome, exclusivement dédié à la justice familiale et a fortiori à
avortement prématuré de
conjugal poursuivi par un tel processus. Pour autant de raisons sans doute, le ministère de
la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a procédé à une visite
sociations familiales (UNAF) (du 28 au 30
-outre
pays- est de permettre une meilleure connaissance de la médiation en France, tant du point
de vue de son dispositif institu associatif. À la fin de la même année (les 7 et 8
décembre 2015) a été organisé à Skhirate un Congrès international sur la médiation
hange sur les bonnes pratiques à partir
était Gageons que le Maroc
puisse adopter, dans les années à venir, une loi promouvant la médiation familiale comme
processus autonome de résolution des conflits familiaux en phase avec les valeurs et
spécificités de la société. Une telle entreprise ne pourra néanmoins se concrétiser que par
u e la culture de la pacification,
réforme du système judiciaire déjà en cours2.

1
En ce sens : K. ALLAOUI, « Vers la mise en place de la médiation familiale au Maroc », in Approche plurielle
des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice
civile, t. 2, 2015, pp. 169-174 (en langue arabe).
2
En ce sens, une charte présentant six recommandations a été présentée par la Haute instance du dialogue
national en juillet 2013, disponible en ligne en langue arabe sur le site du ministère de la justice et des libertés.
Disponible en langue française sur le portail juridique et judiciaire du ministère adala.justice.gov.ma

171
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Section 2. La coparentalité dans t

195. . Le droit commun de


-ci exige que les père
1
. Durant le
mariage, il revient naturellement aux parents de veiller

2
français que par le droit marocain (§1 fonde la coparentalité en
mariage, celle-ci devrait pouvoir se poursuivre même après la séparation du couple. Le
droit français se distingue sur ce point du droit marocain qui promeut une coparentalité liée
à celle-ci se poursuive apr
exclusivement liée à la situation matrimoniale
§2).

§1) Une protection commune

196. L enfant . Les vertus humanistes du


droit ont conduit depuis plusieurs années maintenant nfant.
La prise en compte de son intérêt a permis de repenser son bien-être dans le cadre familial
et a largement nourri la réflexion doctrinale (A). La fréquence des séparations conjugales
met pourtant à mal cet intérêt, que la jurisprudence préserver au mieux (B).

A) Les fondements de la protection

197. Des fondements distincts. Au- rt entre la conception française et


marocaine du droit de la famille, la réflexion portant sur le une
3
relative convergence des législations en la matière ance de la
famille en tant que cellule de base de la société, la réflexion autour et son
intérêt néanmoins

Particulièrement, l » (1) contraste


1
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014, n° 554, p. 348.
2
C. SANDRAS, Thèse, Paris II, 2000, p. 442.
BORE (La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 1997)

BRUNETTI-PONS, « : une
définition possible ? », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 87, dossier supplément «
».
3
M. DOUCHY-OUDOT, « Les enfants et la séparation des parents », RIDC, 2010, pp. 623-651.

172
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

avec celle du droit musulman, qui privilégie une approche davantage orientée vers ses
droits (2).

1- »

198. : un standard juridique. Pour Monsieur le professeur


RIALS, le standard juridique est une expression de la règle de droit qui « vise à permettre la
mesure de comportements et de situations en termes de normalité »1. Pour un autre auteur,
le standard (à la différence du concept indéterminé) « ne propose pas un cadre
duquel cheminerait la pensée mais, au contraire, un centre autour duquel gravite le

conformer. Sans prétendre -il pour le moins

recommandée »2. La définition donnée par Monsieur ROSCOE POUND du standard


juridique ieur le professeur RIALS, en lui conférant une
« un procédé donnant la mesure moyenne de
»3. La plasticité caractéristique de
« » le rapproche également de la notion à contenu variable4, son

199. Pour Madame SANDRAS5, la définition de la


» doit être perçue telle « une directive, un ensemble de points

.
doit, sans être imprécise, être large pour être valable quel que soit le domaine concerné et
pour tenir compte de toutes les situations susceptibles de se présenter »6
«l
familial et un entourage sereins et matériellement convenables, de ne pas voir sa santé, son

»7. Si la définition telle que


proposée semble être suffisamment large pour contenir

1
S. RIALS, Le juge administratif français et la technique du standard juridique, Paris, LGDJ, 1980.
2
A. PAPAUX, « Prolégomènes : paradigme pour une appréhension dynamique du droit », in Notions-cadre,
concepts indéterminés et standards juridiques en droits interne, international et comparé, E. CASHIN RITAINE,
E. MAITRE ARNAUD (dir. de), Genève-Zurich, Bruylant, 2008, pp. 3-4.
3
Cité par P. DELEBECQUE, « Standards in civil law systems », RRJ, 1988, p. 872.
4
J. CARBONNIER, « Les notions à contenu variable dans le droit français de la famille », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 99. V. aussi, S. FREMEAUX,
« Les notions indéterminées du droit de la famille », R.R.J., 1998, p. 865.
5
C. SANDRAS, , Thèse Paris II, 2000.
6
Ibidem., p. 433.
7
Ibid., p. 434.

173
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

enfant peut avoir à -en fournissant une ligne de conduite au juge lors de son
appréciation-, cette tentative de définition négligerait pourtant le critère de non-
exclusivité. Déjà de mise dans certains domaines1
pourtant pas inutile de le rappeler dans un contexte où est largement répandue
enfant-roi.
200. « » et « nt ». La question portant sur les
droits et son intérêt pourrait maladroitement conduire à considérer que tout ce
qui est de son intérêt devrait être traduisible pour lui en termes de droits à. Or, tout droit

question portant sur la nature de cet intérêt, Monsieur le professeur OST2 relève quatre
caractéristiques pouvant lui être imprimées :
potentialité subversive. Madame TRIBES y ajoute volontiers la neutralité3. Ce dernier trait
de caractère confèrerait « intérêt » une permanence au regard de la diversité des
situations et des époques. La notion résisterait également à la classification, la
systématisation et la définition. Protéiforme, informe mais déforme aussi les
secteurs les plus divers du système juridique par son intense variabilité4. Pour Monsieur le
professeur DABIN constitue une valeur économique ou morale appartenant à son
titula
que la possession du droit5. Pour Monsieur le professeur HAUSER,

élément objectif6. Un début de réponse sur la question semble pouvoir être trouvé dans la
pensée d IHERING qui a clairement distingué intérêt et le droit dans son étude du droit
romain7 principe de droit : «
substantiel
formel, qui se rapporte à ce but uniquement comme moyen, à
savoir la protection du droit, n en justice. Celui-là est le fruit dont celui-ci est
8
» . À partir de cette distinction, IHERING pose la définition selon
laquelle « les droits sont des intérêts juridiquement protégés ». Préalable à ses droits
la finalité des droits subjectifs qui lui sont
1
prénom, de droit de visite,

2
P. GERARD, F. OST, M. VAN DE KERCHOVE (dir. de), Droit et intérêt, Entre droit et non-droit
, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis,
1990, p. 185.
3
A. TRIBES, , Thèse, Paris II, 1975, p. X.
4
P. GERARD, F. OST, M. VAN DE KERCHOVE (dir. de), Droit et intérêt, Entre droit et non-droit
sur , op. cit., p. 185.
5
V. DABIN, Le droit subjectif, Paris, 1952, p. 80.
6
J. HAUSER, , Thèse, Paris, LGDJ, 1971, spec. pp. 61-65.
7
R. VON IHERING, , t. IV, A. Marescq,
1878.
8
Ibidem., p. 326.

174
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

accordés. Pour les satisfaire, le droit fourni y parvenir : bonnes


conditions de vie, construction et épanouissement personnel. En dépit de cet
éclaircissement, , IHERING associant
la volonté. À considérer titulaire de droits, celui- pourtant pas apte à leur
exercice.
201. Madame MONTILLET DE SAINT-PERN
1
met en lumière dans sa thèse les deux positions doctrinales qui se font jour en Angleterre
sur la question. Selon l interest theory, les droits dérivent des intérêts de la personne. De ce
a de droits que si son intérêt est suffisant pour en justifier et
imposer un devoir à une autre personne. Cette théorie protègerait donc les intérêts de la
personne indépendamment de ses choix. HIERING ce courant de pensée du
finalité du droit, indépendamment de la
will theory ne peut parler de droit que
est apte à exercer, le faire exécuter ou y renoncer. Cette position
établit un lien étroit entre la t erait défaut chez
les enfants mineurs faute de pleine capacité juridique. Cette théorie conteste
donc la possibilité pour les enfants mineurs .
202. Intérêt « concret » et intérêt « abstrait ». Fonctionnelle et extrêmement
malléable, l peut viser plusieurs objectifs. I rait à cet égard pas
un différents intérêt de préserver au mieux. Des
dre moral, psychologique, affectif, physique, éducatif, matériel et
pécuniaire peuvent coexister2. Elles sont également
pourquoi chacun doit être appréciée concrètement par le juge, selon le domaine en
cause.
lorsque le juge est amené à apprécier sa vocation successorale ou son aptitude à recueillir
3
. Le rôle du
charge, en dernier lieu, de
décider de ce qui est le mieux dans son intérêt
contrôle de la motivation des juges du fond sans se préoccuper de la qualification des faits
elle vérifie néanmoins le critère
décisionnel des juges. La difficulté est encore plus grande pour le juge qui doit combiner
in concreto on in abstracto, «

représentation abstraite de ce que devrait être sa situation »4.

1
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, droit français et droit anglais, Thèse,
Paris II, 2013, pp. 265-266, spec. n° 467.
2
C. SANDRAS, , op. cit., pp. 351-365.
3
Chb. réunies, 8 mars 1939, D., 1941, p. 37, note L. JULLIOT DE LA MORANDIERE.
4
M.-P. ROSADO, «
Convention de New York », Rev. Lamy dr. civ., 2006, nov., p. 35, spec. p. 37.

175
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

2- « »

203. La protection des droits de La législation islamique se préoccupe de


1
. À cet égard, celle-ci distingue cinq étapes dans son
développement
de sa vie2. 3
, le Coran se réfère à une combinaison
de liquides, comportant les traits physiques et psychiques des parents dont dépendront les

prophète insistant sur la responsabilité incombant aux conjoints dans le choix du partenaire
de vie4. La première phase de la protection
naissance. S pendant le développem de
se développer et de ettre
.
particulièrement faire preuve de tendresse à et le choyer.

prétendre. De la même manière, a droit à un prénom agréable. Pendant les deux


tement maternel est un devoir de la mère à son
égard5.

socialisation et son éducation, pour lui inculquer les règles morales de conduite et les
valeurs de la société islamique. La sourate coranique qui concentre le plus de versets
Loukmane, dans laquelle est rapporté
spensait à son fils. Après le culte voué à Dieu et la
reconnaissa parents, cette sourate insiste sur le bon

Loukmane y incite son fils à observer la nature autour de lui -car elle constitue « autant de
bienfaits de la part de Dieu »- et à avoir une attitude scientifique, en se fiant à ses propres
observations sans
pas6. Pendant cette période aussi, l
7
. Il est préparé à accomplir ses
pratiques religieuses (prière et jeûne). La dernière étape court de la puberté à la majorité de

1
M. NOKKARI, « »,
Moyen-Orient), L. KHAÏAT, C. MARCHAL (dir. de), Paris, Société de législation comparée, 2008, pp. 33-44 ;
Y. KASSEM, « Rapport égyptien », CAPITANT, Paris,
Economica, 1981, pp. 91-100.
2
M. NOKKARI, « Le statu », art. precit., p. 36.
3
Sourate , verset 2.
4
Le futur conjoint est choisi pour ses qualités morales et physiques. Il est idéalement exempt de toute maladie

5
Sourate La Vache, verset 232.
6
M. NOKKARI, « », art. precit., p. 42.
7
Ibid., p. 41.

176
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

-ci est responsable de ses actes, il accomplit ses devoirs religieux, poursuit
ses études et agit de la meilleure façon avec ses parents. La législation islamique pose
également le principe général de préservation des s faire accroître et
fructifier j Cependant, les droits de
pas seuls considérés, mais une importance capitale est accordée aux
trées autour du respect que doivent les enfants à leurs parents
et dont le Coran rend largement compte1.
204. .
2
Bien que le Maroc ait souscrit aux conventions internationales protégea , les
3
règles juridiques internes crivent indiscutablement dans le cadre islamique. En effet,
ème
le Maroc a adopté, lors du 7 sommet de Conférence islamique tenue
à Casablanca du 13 au 15 décembre 1994, la Déclaration sur les droits et la protection de
dans le monde islamique. Celle-

Suite logique de cette Déclaration, la 32ème Conférence des ministres des affaires
étrangères réunies du 28 au 30 juin 2005 au Yémen adopte le Covenant des droits de
4

par les valeurs et les pri que


umma islamique et par les règles de la Charia islamique », en
5
.
n affirmation vont de pair avec la protection
internati
6

1
Sourate 17 Al Israe, verset 23-24. Sourate 31 Loukmane, verset 14.
2
V. A. MOULAY CHID, « Les d
dans les pays arabo-musulmans », in Rec. Cours acad. dr. inter., 1997, t. 268, pp. 1-290.
3
Z. ALHORR, « », in L -
Orient), op. cit., pp. 229-251.
4
Cf. à propos de ce Covenant, M. A. AL-MIDANI
de la Conférence Islamique », flexions, Cahier spécial, Institut de Droits
-135.
5
12
juin 1993, B.O, 19 décembre 1996, n°4440, p. 2847.
6

roits que celui-

177
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

tion des lois1, et il est permis de croire que celui-ci constitue le


point de convergence des deux civilisations2.

B) Les moyens de la protection

205. .
voit reconnaître une autonomie croissante en droit français. La reconnaissance de ses droits
et son association aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité

juge lui perme ant


(1). B la prise en compte de ses
sentiments (2).
pratique judiciaire marocaine met en lumière une réappropriation de la notion d
pour protéger les droits qui lui sont reconnus dans la sphère familiale, loin de
(3).

1-

206. La consécration juridique internationale et régionale de la parole de


3
. ce
4
dernier ne peut subir les décisions des adultes fussent-ils ses parents ou un juge, sans
donner son avis5. Cette idée trouve son fondement dans les textes internationaux 6, en
ci-après CIDE)7. Ce texte

1
sur la kafala
et sur les enfants abandonnés modifiée par la loi du 13 juin 2002, le Code de la nationalité modifié par la loi du
23 mars 2007 et le Code du statut personnel modifié le 2 avril 2004.
2
M. DOUCHY-OUDOT, « Les enfants et la séparation des parents », art. precit., p. 634.
3
BONFILS, « », in Les transformations
du contentieux familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 35-40.
4
V. en ce sens : P. MURAT, « : bref
regard critique sur la diversité des situations », Rev. dr. fam., 2006, n° 7, étude 31. Pour Monsieur le professeur
MURAT, «
- -deux manquant de
soudre à en adopter
une nouvelle ».
5
A. GOUTTENOIRE, « », in Le statut
, D. GADBIN, F. KERNALEGUEN (dir. de), Bruxelles, Bruylant,
2004, p. 322 ; M. BRUGGEMAN, « », in La Convention internationale des droits de
, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2014, pp. 107-120.
6
J. DHOMMEAUX, « rnational »,
, op. cit., pp. 5-30.
7

n° 90-548 du 2 juillet 1990, J.O, 5 juillet 1990, p. 7856. Pour les commentaires de cette loi, V. notamment :
G. RAYMOND, « La Convention des Nations-

178
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

domaines : civil, économique, social ou juridique, à travers le droit qui lui est accordé
« ssant
12 de cette Convention prévoit que « qui est capable de
; les

1
de maturité
mai 20052, la C 3
. À côté de la
CIDE4
5
. Émanant intégrée au droit interne par la
er
loi n° 2007-1155 du 1
dans les procédures6 intéressant enfant7. Lui son
exprimer son opinion8 être assisté par une personne appropriée de son
9
choix dans les pr intéressant .
personnelles concernant les enfants consacre « é

(Convention du 20 novembre 1989), JCP, G, I, 1990, 3451 ; M.-C. RIVIER, « Éléments de droit de la famille
», in
droit de la famille
Lille II, LGDJ, 1996, p. 77 ; C. MEININGER BOTHOREL, « Les apports de la Convention internationale des droits
», Gaz. Pal., 18-20 novembre 2007, n° 322, p. 4.
1
appliquait
non pas aux particuliers mais aux États signataires (Arrêt Le Jeune

sept.1997, affaire Cinar, JCP, G, II, 1998, 10051, note A. GOUTTENOIRE).


2
Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Rev. dr. fam., 2005, n° 7, comm. 156, note A. GOUTTENOIRE.
3

facultatif additionnel à cette convention lequel organise une « procédure de présentation de communication ».

de la Convention.
4
LEBORGNE, E. PUTMAN, V. ÉGEA (dir. de), La Convention
de New , Actes du Colloque du 15
janvier 2010 organisé par le Centre de Recherches en Droit Privé Kayser, PUAM, 2012 ; plus récemment :
C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de),
particulière, Colloque Institut de droit privé de Toulouse I Capitole, le 22 avr. 2011, Paris, Dalloz,
coll. « Thèmes&Commentaires », 2014.
5
La Convention a été adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 et signée par la France le 4 juin 1996. La loi
n° 2007-1155 a approuvé la Convention européenne sur l : J.O, 2 août 2007,
p. 12986 ; Rev. dr. fam., 2007, n° 9, alerte n° 73. Cf. le décret portant publication de cette Convention n° 2008-
36 du 10 janvier, J.O, 12 janvier 2008, p. 674 ; Rev. dr. fam., 2008, n° 2, alerte n° 19. Pour une présentation de la
convention, V. : Y. BENHAMOU, «
des enfants », Gaz. Pal., 1995, II, p. 880 ; L. PETTITI, «
droits des enfants », LPA, 3 mai 1995, n° 53, p. 31 ; N. FRICERO, « Ratification de la Convention européenne sur
: une promotion des droits procéduraux des moins de 18 ans ! », RJPF, janv.,
2008, p. 8.
6
C. MARCHAL, « La place », AJ fam., 2009, p. 472.
7
Art. 8.
8
F. ALT-MAES, « Le discernement et la parole du mineur en justice », JCP, G, I, 1996, n° 3913.
9
Art. 2, 3 et 5.

179
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

et à exprimer son opinion »1


le 13 mars 2009 une recommandation n° 1864 intitulée « Promouvoir la participation des
enfants aux décisions qui les concernent », dans laquelle est encouragée leur participation
aux procédures judiciaires les impliquant «
justice moderne et équitable », en invitant le « Comité des ministres, via ses organes
compétents, à préparer des lignes directrices européennes pour une justice adaptée aux
enfants »2 3
prévoit, outre la

opinion pour les sujets le concernant en fonction de son âge et de son maturité4. Plus
contraignant, le règlement Bruxelles II bis5 -devenu le droit commun des états membres de
Union européenne- dispose que les décisions sur la responsabilité parentale ne peuvent
être entendu6, le juge étant le garant de
7
enfant est donc une condition même
8
de la c Union européenne .
207. Consacré en droit positif par
la loi du 8 janvier 1993 et généralisé par la loi du 5 mars 200710, le droit à la parole11
9

12
constitue un véritable droit subjectif de . Alors que le juge pouvait,
nfant qui le souhaitait en motivant son
la demande. Cette
possibilité a été généralisée à l -1 alinéa 2 du Code civil : « Cette audition est de
droit lorsque le mineur en fait la demande ». On est bien loin de la simple faculté laissée
aux juges telle que consacrée par la loi du 8 janvier 1993. Néanmoins, la portée de ce droit

1
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants, 15 mai 2003, STE n° 192. Convention non
ratifiée par la France.
2

3
JOCE, 18 déc. 2000.
4
Art. 24 de la Charte.
5
Regl. (CE) n° 2201/2003 du 23 nov
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. En ce sens : S. DJEMNI-WAGNER,
« bis
parentale », , D. GADBIN, F. KERNALEGUEN (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 191-201.
6
Art. 23, b, du règlement.
7
M. DOUCHY-OUDOT, « en droit positif »,
CIDE, Colloque Lille 3 et 4 déc. 2009, LPA, 2010, n° 10, pp. 12-15.
8
Pour une étude, voir : A. RICHEZ-PONS, «
Europe », Rev. dr. fam., 2006, n° 7, étude 32.
9
-
ALT-MAES, « Le discernement et la parole du mineur en justice », JCP,
G, I, 1996, 3913.
10
L. n° 2007-293 du 5 mars 2007 J.O, 6 mars 2007, p. 4215.
11
V. Le dossier consacré à « AJ fam., 2014, n° 1.
12
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014, n° 1152, p. 692.

180
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

-
2
1 du Code civil. Le décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 fixe les modalités procédurales
article 388-1 du Code civil. Le régime du recueil de
la -1 à 338-13 du CPC. Pour la première fois3

Dorénavant, le mineur capable de discernement est informé de son droit à être entendu et
4 5
.
6
. Cette audition doit donner lieu à un compte
7
audition , les propos tenus par

tenu de motiver sa décision sur leur fondement. Le décret clarifie également les demandes
parents. En effet, le juge peut rejeter la

»8.
208. . -1 alinéa 3 du
Code civil, «
son degré de maturité
ce droit . Cependant, la loi du 5 mars
388- la formule selon

1
-297 du 14 mars 2016
J.O plémentaire et
dispose que « le mineur capable de discernement est entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande,
par la personne désignée par le tribunal à cet effet. Il doit être entendu selon des modalités adaptées à son âge et
à son degré de matur être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Le
mineur peut être entendu seul ou avec un avocat ou une perso
intérêt du mineur, le juge peut proc une autre personne ».
2
D. n° 2009-572, 20 mai 2009, J.O, 24 mai 2009, p. 8649. V. : M. DOUCHY-OUDOT, «
justice », Procédures, 2009, n° 8, étude 7, pp. 6-9.
3
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op.cit., n° 1150, p. 691.
4
La Cour de cassation a précisé que cette information incombait à ses parents : Cass. civ. 1ère, 28 sept. 2011,
n° 10-23.502, comm. M. DOUCHY-OUDOT, Procédures, 2012, n° 1 est pas obligé de
convoquer systématiquement tout mineu
été informé. En ce sens : Cass. civ. 1ère, 26 juin 2013, n° 12-17.275, comm. C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2013,
n° 9, comm. 118.
5
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11.18-849, comm. M. DOUCHY-OUDOT, Procédures, 2012, n° 12, comm. 358;
C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2013, n° 1, comm. 9. Est censurée yon qui refuse de faire droit à

-
Au- idiction
-

procédural absolu au
6
Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, n° 13-27.603.
7
Cass. civ. 1ère, 22 oct. 2014, n° 13-24.945.
8
Art. 338-4 al. 2 CPC. En ce sens : CA Rennes, 18 déc. 2012, RG n° 11/05482.

181
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

laquelle « -fondé de ce
1
refus »
de la décision qui le concerne
que cette affirmation « »2.
Utilisé à outrance, le droit à la parole peut conduire à diluer les prérogatives parentales, ce

donc à la
jurisprudence de faire preuve de prudence afin de ne pas systématiquement convoquer un
enfant pour le faire parler3, car ce sont moins les sentiments qui intéressent le
juge que ses conditions de vie, et la manière dont elles pourraient être modifiées par sa
-notamment au
moment de la séparation-
raison de la faiblesse et la vulnérabilité inhérente à sa personne. Un tel pouvoir donné à
- -

sation4
adultes qui en font leur arme de combat.

concerné voulait entendre. Cette situation justifie que les parents puissent taire
. Le décret du 20
5
mai 2009 précise à cet égard que le compte rendu doit être fait « dans le respect de

lieu de faire une restitution intégrale des propos du mineur. Le juge peut se contenter de
faire une synthèse de ce qui lui paraît utile pour la décision finale et passer sous silence ce
qui pourrait

-4 du CPC dispose que «


être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas ».
2
A. GOUTTENOIRE, « Audition du mineur », in Droit de la famille, op. cit., n° 236.181, p. 1059.
3
Ibid., n° 236.181, p. 1060.
4
es du fond

-
souverainement apprécié p dégradation de la situation, la
au regard de la
xpert A..., la mère étant dans une quête maladive
fille commune »
et de la personnalité paranoïaque de la mère. Ces éléments, selon la CA de Lyon, expliquent par conséquent le

ère
audition, mais au civ., 5 mars 2014, n° 13-
13.530.
5
D. n° 2009-572 du 20 mai 2009 enfant en justice, precit.

182
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
. Le couple,

permettra la prise de décision. La démission des parents est ici patente.


est souvent constaté une inversion des rôles, les parents hésitant à se mettre à dos les

ces conditions, et bien que le juge soit conscient de la pression familiale et du manque de
2
. Le rapport sur
3
en justice, déposé par le Défenseur des droits au Président de la république regrette une
certaine forme de sacralisation
fonction du développement du mineur et de son cadre de vie 4
raison que la proposition dudit rapport -à laquelle se rallie le rapport de Monsieur
ROSENCZVEIG5 pour qui « doit pouvoir donner son avis »- de reconnaître une
présomption de discernement à tout enfant qui demanderait à être entendu7 devrait être
6

nuancée,
8
.
209. Si la notion de
discernement - enfant ait
acquis suffisamment de maturité pour comprendre une situation, penser par lui-même et
exprimer ses propres désirs. Centrale, cette condition relève du pouvoir souverain
appréciation des juges du fond 9. En pratique pourtant, il leur es apprécier si
10 11
elle est satisfaite . aucun secours , les juges ne sont au

1
M. JUSTON, « Les enfants peuvent ils faire la loi ou dire leurs besoins ? », AJ fam., 2009, p. 320 ; M. JUSTON,
« : enfant-roi, enfant-proie ? », Gaz. Pal., 16 mars
2013, n° 75, p. 11.
2
J. BIGOT, « ffaires familiales », AJ fam., 2009, p. 324.
3
F. EUDIER, « et sa parole en justice dans le rapport 2013 du Défenseur des droits », RJPF, 2014, n° 1.
4
Rapport du Défenseur des droits, précit., p. 18 et s.
5
J.-P. ROSENCZVEIG, De nouveaux droits pour les enfants, rapport du groupe de travail remis à madame
Dominique BERTINOTTI le 29 janvier 2014, p. 126.
6
Cette présomption de discernement remédierait ainsi aux « déceptions et inégalités de traitement chez les
enfants qui demandent à être entendus ». Cf. Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles,
1856, p. 123.
7
Proposition n° 1, rapp. precit., p. 7.
8
La proposition de loi envisage de supprimer -par souci de clarté allégué- la condition actuelle tenant à sa
-1 «
degré de maturité ».
9
Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, n° 11-20.357 ; D., 2012, obs. A. GOUTTENOIRE, P. BONFILS, p. 2267.
10
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., n° 1178, p. 705 ; F. ALT-MAES, « Le discernement
et la parole du mineur en justice », JCP, G, I, 1996, 3913.
11
En ce sens : Cass. civ. 1ère, 18 mars 2015, n° 14-11.392. La Cour de cassation censure la décision des juges du

183
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

surplus des enfants1 et manquent souvent de temps2.


Comment peuvent-ils, dans ces conditions,
l ne connaissent pas y ? Une étude
menée à partir de plus de idence que 100% des
demandes de mineurs de plus de quatorze ans, , ont été
reconnus capables de discernement. Cette proportion est de 86% pour les mineurs de treize
ans et tombe à 67% pour les mineurs de douze ans. Les enfants âgés de 11 ans ne
représentent, eux, que 38% et les enfants âgés de 6 ans ne sont pas jugés capables de
discernement3. Dans sa décision du 12 novembre 2012, le défenseur des droits attire
- e- sur le fait que la
motivation du refus ne repose pas, dans la plupart des cas, sur des développements détaillés
mais se fonde seulement sur le jeune âge du mineur, son intérêt ou
discernement. L
concrète, en expliquant en quoi ent empêchent
4
.
La faculté consacrée par la Cour de cassation5
le décret du 20
6
mai 2009
de la procédure, incompatible avec le contexte de recherche de célérité du système de
justice7. Idéalement, la question relative au discernement de laissée à
la libre appréciation des personnes te informer,
parents, opportunité de communiquer cette information8. Ils connaissent

manuscrite. Pour la Haute juridiction, « en se bornant à se référer à l âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-
était pas capable de discernement, et par un motif appel a
privé sa décision de base légale ». AJ fam., 2015, note S. THOURET, p. 282; Rev. dr. fam., 2015, n° 6, comm. 123,
A.-C. REGLIER; même revue, 2015, n° 9, chron. V. ÉGEA ; D., 2015, obs. P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, p. 1919;
RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 352.
1
Décision du Défenseur des droits, 12 nov. 2012, n° 2012-158, RJPF, 2012, obs. F. EUDIER, p. 37.
2
V. AVENA-ROBARDET, « : un casse tête pour les juges », AJ fam., 2007, p. 371.
3
L. BRIAND, « », AJ fam., 2014, p. 22.
4
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., n° 1180, p. 707.
5
Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, n° 03-17.912, D., 2006, note F. BOULANGER, p. 554 ; D., 2006, obs. DOUCHY-
OUDOT, pan. p. 2436 ; D., 2005, IR, 3036, obs. GALLMEISTER ; Rev. dr. sanit. soc., 2006, obs. BRUGGEMAN,
p. 349 ; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 101.
6
Art. 338-9, al. 2 du C. proc. civ.
7
Cf. J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, Rapport issu du groupe de
travail sur la médiation, 2008.
8
V. cependant CEDH, 3 sept. 2015, M. et M. c/ Croatie, n° 10161/13 ; JCP, G, I, 2016, n° 3, 65, F. SUDRE. Dans
cette affaire, il semblerait que la Cour européenne étend -jusque-là reconnu aux parents-
être partie au processus décisionnel débouchant sur le litige entre les parents.
personnelle des adultes, dont le droit de « choisir comment mener sa propre vie
loppement de sa
(§ 171). La Cour
-ci ayant une maturité suffisante
pour exprimer son opinion, sans avoir pu faire connaître avec lequel de ses parents elle souhaitait vivre. La Cour

184
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

enfant et sont bien placés pour appréc


ou non de discernement.
210. La capacité de

deux parents, censés offrir la garantie inconditionnelle de leur soutien et présence, sont
démissionnaires. Ce « déni du réel »1

pour le
recourir2
3
, la question de l lité de la
mesure et son opportunité ne manquent de se poser. La plupart des juges reconnaissent que

décision. res familiales devrait tenter de

on est alors de savoir si le recueil de sa parole est aidant

à cette fin, on
donnera notamment

-
comme le droit pour le mineur de solliciter une audition, et

4 5
. Le Comité des dro a
ème
a 51 session organisée du 25 mai au 12 juin 2009 à Genève, une
observation générale6 relative à
Celle-ci précise que «

intègre ensuite article 12 de la CIDE (§§ 171, 181) garanti enfant « capable de discernement le droit
exprimer librement son opinion sur intéressant » (§ 1), notamment « être
entendu dans toute procédure intéressant » (§ 2), aux exigences procédurales de
.
1
de Monsieur le professeur J.-L. RENCHON, «
», HAUSER, Paris,
Dalloz, 2012, p. 616.
2
En ce sens, un juge a très justement r
éléments suffisants pour statuer âgée de
seulement 7 ans, devait être le plus possible préservée du conflit parental. Cass. civ. 1ère, 16 déc. 2015,
n° 15-10.442 ; AJ fam., 2016, S. THOURET, p. 102.
3
Cf. Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11.18-849, comm. C. NEIRINCK, precit., n° 103.
4
Art. 338-5 al. 1 CPC.
5
iller à la bonne application de la CIDE.
6
nt, Observation générale n° 12, 2009, , 51ème
session, 25 mai-12 juin 2009, Genève, disponible en ligne.

185
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

le respect des formes non verbales de communication, y compris le jeu, le langage


corporel, les mimiques, le dessin et la peinture, par lesquelles les enfants très jeunes
montrent leur compréhension, leurs choix et leurs préférences »1. La systématisation

situations, la meilleure des réponses pour lui. Faire du « sur mesure » paraît être
préférable2. Un enfant a besoin de parents adultes responsables, capables de réaménager
leurs rôles respectifs quand ils se séparent,
enfant aux décisions à prendre.
211. La
3
reconnais favorise
permettant son association au processus judiciaire. Ce qui est recherché actuellement pour
il de

un rempart contre la judiciarisation de sa parole, mais également un tremplin propice à une

le concerne de manière réfléchie5 scrit parfaitement dans le


mouvement actuel visant à pacifier le conflit familial, tant dans sa dimension conjugale que
parentale.

2- en droit français

212. Lors de la séparation des parents. avec ses


deux parents
depuis la loi du 4 mars 2002.
- aitement des père et mère

et de manière responsable, à prendre les décisions


qui le concerne. Le non respect par un parent d
son enfant est régulièrement sanctionné par les juges du fond, qui veillent notamment à
6
. La circonstance tirée des
violences conjugales pour faire obstruction au droit de visite ne saurait, face à la ténacité

1
Observation générale n° 12, 2009, precit., p. 8.
2
Cf. Cass. civ. 1ère, 5 mars 2014, n° 13-13.530, precit., n° 105.
3
A. GOUTTENOIRE, « : un statut en devenir », AJ fam., 2003, p. 368.
4
M. JUSTON, « », Rev. dr. fam., 2008, n° 3, étude 10.
5
D. GANANCIA, «
de la médiation familiale », AJ fam., 2009, p. 333.
6
CA Paris, 10 fév. 2000, n° RG 98/25682 ; CA Rennes, 29 janv. 2001, n° RG 99/06856.

186
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du père ayant multiplié les démarches et procédures pour voir son enfant, prospérer pour
faire échec au maintien du lien entre le père et son enfant 1. La Cour de cassation opère un
contrôle rigoureux sur les décisions des juges du fond qui ne caractériseraient pas
2
rait .
Surtout, la Haute juridiction les juges du fond qui ne répondent pas

autorité parentale3
Montpellier a pu
considérer que «

diminution du temps passé par celui- e immixtion dans sa vie


privée et une détermination à exercer une extrême surveillance assez éloignée du respect

-2 du Code civil »4. Auta


-ci

les grands principes


éducatifs
213. ntale. -2-1 du Code civil

. Exceptionnelle, une telle mesure est réservée par les juges dans les cas les
5
plus graves . Pour autant, le p

1
TGI Bordeaux, 15 sept. 2009, cité par A. GOUTTENOIRE, « Autorité parentale : exercice », in Droit de la
famille, P. MURAT (dir. de), Paris, Dalloz-Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 234.63, spec. p. 984 ; Rapp. de CA
Douai, pour qui l -
ci : CA Douai, 24 mars 2011, n° RG 10/05424. V. néanmoins, dans le cadre de violences conjugales allant
re : CA Paris, 26 sept. 2013, n° RG12/02389, RJPF, 2013,
n° 12, p. 38.
2
Cass. civ. 1ère, 4 juil. 2006, n° 05-17.883, Bull. civ., I, n° 339; Rev. dr. fam., 2006, comm. 188, P. MURAT; Cass.
civ. 1ère, 8 juil. 2015, n° 14-22.101. Dans cette espèce, le père ayant incidemment appris le déménagement de la

décision ayant accueilli sa demande. Censurant les juges du fond, la Cour de cassation rappelle que le non

laquelle la mère
pas avoir répondu « aux conclusion de Mme X.
» : Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, n° 14-25.027.
3
Cass. civ. 1ère, 8 juil. 2015 précité ; Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015 précité.
4
CA Montpellier, 24 juin 2008, n° RG 07/06728.
5
A. GOUTTENOIRE, « Autorité parentale : exercice », in Droit de la famille, op. cit., n° 234.72, spec. p. 987.

187
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

relations personnelles avec lui, sauf motifs graves 1. Lorsque les juges considèrent que le
ant avec le parent constitue pour lui une menace
suspendre leurs relations personnelles notamment
sa fillette de neuf ans. Celui-ci
faisai rtement agressif et injurieux et manifestait un désintérêt total
envers son enfant. Les juges du fond ont donc limité, dans de telles conditions, le droit de
nt de tout danger2,
susceptible de nuire à son intérêt. Le désintérêt du père permet également de confier

3
principe de codécision pour diverses démarches importantes de peut justifier une
limitation de la coparentalité.
4

plan éducatif5 ou à , rendant difficile une prise de décision rapide6.

7
le cas du père qui, de . Il
relative à la question que les juges sont tenus à une

nfant avec ses

motifs graves -1-1 sont eux aussi appréciés de


8
manière plus libérale des parents9 ou la prostitution de
10

1
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 5ème éd., 2016, n° 1604,
p. 711.
2
CA Grenoble, 16 juil. 2014, n° RG 13/04267, RJPF, 2014, n° 10, p. 28.
3
CA Paris, 2 avr. 2015, n° RG 13/13891, RJPF, 2015, n° 4, p. 28.
4
CA Rouen, 19 oct. 2006, n° RG 05/03247.
5
CA Bordeaux, 21 mars 2001, n° RG 99/02805, JCP, G, I, obs. H. BOSSE-PLATIERE, p. 332. V. récemment, sur
stafaris, sur

13/06647.
6
CA Bourges, 16 janv. 2014, n° RG 13/00287.
7
CA Poitiers, 21 nov. 2010, n° RG 9902692.
8
oit marocain, infra, n°
9
CA Grenoble, 31 janv. 1996, JCP, G, IV, p. 2221.
10
CA Limoges, 13 juin 1991, JCP, G, IV, 1992, p. 1113.

188
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

214.
toujours susceptibl
parents. En tête de liste des éléments que le JAF doit notamment prendre en compte en
-2-11 du Code civil, figure la pratique antérieurement suivie par le
couple o
-2-11 du Code civil dont le juge doit tenir compte dans les
-1- me le
droit à la parole du mineur en incitant le juge à « aller au- pour connaître
1
ses sentiments » -

manière indirecte2
3
.
De la même manière, le juge ne peut soumettr
4
.

3-

215.
Code de la famille insiste sur la prise en compte de

après la rupture du mariage.


a jurisprudence cette notion. Dans un arrêt du 9
5
mai 2007
garde de la mère pour cause de remariage de celle-
Code du statut personnel, le requérant soutient que le remariage de la mère par une

102 ancien du même Code, après avoir mené une enquête sociale a à bon droit rejeté la
demande du père. La Cour
juridictions du fond apprécient selon leur p
étant mieux satisfait avec sa mère, son beau-père et sa demi

-ci censure la juridiction inférieure pour

1
A. GOUTTENOIRE, « Audition du mineur », in Droit de la famille, op. cit., n° 236.51, spec. p. 1046.
2
nquête sociale notamment : Cass. civ. 2ème, 14 janv. 1998, n° 96-15.327.
3
Cass. civ. 1ère, 7 oct. 1987, Bull. civ., II, n° 190; Cass. civ. 1ère, 6 mars 2013, n° 11-22.770; Rev. dr. fam., 2013,
comm. 70, obs. C. NEIRINCK; Cass. civ. 1 ère, 28 mai 2015, n° 14-16.511; Cass. civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-
12.592, RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 600.
4
Cass. civ. 1ère, 28 mai 2015, n° 14-16.511; D., 2015, 1207; AJ fam., 2015, obs. S. THOURET, p. 399; RTD civ.,
2015, obs. J. HAUSER, p. 600.
5
Cour supr. maroc., 9 mai 2007, n° 254, dossier n° 181/2/1/2005.

189
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

harmonieuse auprès de son père depuis quatre ans, tandis que la mère, remariée à un non

it de garde au père, sans


1
que celui- .

près de sa mère toutes les fois que


son intérêt le commandait, du fait de son très jeune âge (deux ans), sans que cette situation
ne porte atteinte au droit de garde du père2. De la même manière, a suffisamment

-mère maternelle, les deux enfants du couple vivant auprès

scolarité. Le père remarié, ayant eu deux enfants de sa nouvelle épouse ne leur a jamais
rendu visite, -ci ne reconnu3.
216. Le droit marocain ne consacre
comme un droit de ce dernier dans les
procédures le concernant en cas

choisir lequel de son père ou de sa mère assumera sa garde ». Le choix est donc laissé,

cien du

la Haute juridiction affirme avec vigueur que la mère ne saurait être déchue de son droit de

auprès de celle-ci conformément à son audit


ancien du Code du statut personnel4
également pu justifier de rétablir le droit de garde à son profit, suite à la rupture de son
remariage5 article 170 du Code de la famille qui prévoit que « le

».

1
Cour supr. maroc., 9 mai 2007, n° 263, dossier n° 299/2/1/2006.
2
Cour supr. maroc., 22 fév. 2006, n° 115, dossier n° 386/2/2/2005.
3
Cour supr. maroc., 29 nov. 2006, n° 679, dossier n° 326/2/1/2005.
4
Cour supr. maroc., 31 mai 2006, n° 348, dossier n° 627/2/1/2004.
5
Cour supr. maroc., 7 nov. 2007, n° 566, dossier n° 362/2/1/2007.

190
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

217. es critères de « »1
de la mère.

2
, la jurisprudence marocaine déchoit la mère de son
-
173 du Code de la famille. Parmi celles-
enfant à la mère, pour la
confier par ordre de priorité au père ou aux grands-parents maternels3
défendue est que le mauvais comportement de la mère constitue un motif grave pouvant
te juridiction offre régulièrement
4
, et ne manque de rappeler que la

5
.

§2)

218. au milieu du gué. Que ce soit en droit marocain ou en


En droit
musulman, elle est purement et simplement interdite après la rupture des parents, ce qui ne

pas (A). Malgré les nombreuses incitations du droit français et européen en sa faveur, la
coparentalité montre rapidement les limites inhérentes à la séparation (B).

A) La coparentalité interdite en droit musulman

219. Une conception éloignée du droit français.


19 de la Constitution marocaine dispose que «
des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et

internationaux dûment ratifiés par le Royaume, et ce, dans le respect des dispositions de la

1
Article 173 2°, CMF.
2
V. supra, n° 213.
3
Art. 171 CMF.
4
Cour supr. maroc., 20 janv. 2008, n° 34, dossier n° 20/2/2/2007 ; Cour supr. maroc., 20 fév. 2008, n° 94,
dossier n° 519/2/1/2007 ; Cour supr. maroc., 8 oct. 2008, n° 460, dossier n°509/2/2/2007. Pour un cas de
prostitution : Cour supr. maroc., 12 juil. 2006, n°456, dossier n° 99/2/2/2006 réitéré par Cour supr. maroc., 18
avr. 2007, n° 216, dossier n° : Cour supr. maroc., 4 janv. 2006, n° 18,
dossier n° 485/2/12005, réitéré par Cour supr. maroc., 26 sept. 2007, n° 475, dossier n° 215/2/1/2007. Pour un
cas de vol : Cour supr. maroc., 4 oct. 2006, n° 561, dossier n° 142/2/1/2006.
5
Cour supr. maroc., 1er nov. 2006, n° 602, dossier n° 124/2/1/2006.

191
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Constitution, des constantes et des lois du Royaume


consacrée en maints domaines, celle-ci est tributaire des constantes du Royaume, dont

marocain étant largement inspirés de la conception islamique 1, ceux-


part de la hadana wilaya (tutelle légale). Prérogative féminine,
2
la garde article 163 « de
tout ce qui pourrait ». La
personne qui en est chargée doit donc prendre toutes les dispositions nécessaires à la
préservation
son représentant légal. Cette fonction revient pendant le mariage aux deux parents 3. À la
dissolution de celui-ci, un ordre des personnes dévolutaires du droit de garde est prévu par
4
que revient la garde
5
-
de séparation
de sa mère assurera sa garde. Or, cette prérogative ne comprend que les soins relatifs à sa
personne. La protection des intérêts patrimoniaux un attribut de la
6
wilaya qui revient de droit au père pendant le mariage, mais aussi à sa dissolution. La
mère n en cas de décès incapacité constatée du père, et cette
situation se retrouve dans toutes les législations maghrébines et musulmanes en général.

220. La

1
M. NOKKARI, « »,
Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, société de législation
comparée, 2008, pp. 33-44.
2
F.-Z. ABDELLAOUI, « »,
musulman (Afrique, Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, Société
de législation comparée, 2008, pp. 345-358.
3
Article 164 CMF.
4
La garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, puis à la grand- .À
défaut, le tribunal décid « un des proches parents les plus
». La Tunisie a progressivement transformé le schéma classique de la garde par trois lois
successives. La loi n° 66-42 du 3 juin 1966 fait

maternelle. La loi n° 81-7 du 18 février 1981 permettra à la mère gardienne de saisir le juge afin de se voir
93-
74 du 12 juillet 1993 fait de la mère une quasi tutrice légale en lui permettant la gestion des comptes financiers
de ses enfants, leurs voyages ou encore leurs études.
5
Article 166 CMF.
6
Art. 231 et 238 CMF. La mère titulaire du droit de garde ne peut se charger des intérêts patrimoniaux de
absence du père et, « en cas de nécessité, s e
compromis », cf. art. 163.

192
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

hadana est de droit pour la mère, et que la wilaya .


Attribut de la maternité pendant le mariage, la hadana
prioritairement confié à sa mère. De la même façon, la wilaya
le mariage lui revient au-delà de la rupture. Les droits maghrébins de la famille ignorent
donc le principe de coparentalité après la rupture dans leurs législations 1. Toutefois,
certaines situations peuvent amener un père à bénéficier de la garde de son enfant si la
ou ne remplit pas les qualités énoncées
- et, inversement, la mère peut se voir confier la tutelle légale en lieu et
place du père, lorsque celui-
ne consacre que le modèle jugé le plus à même de protéger la cellule familiale et le plus
bénéfique pour ses membres et pour la société. Lorsque le couple séparé maintient des

parent avec l convenir,


» et de le communiquer « au tribunal qui en
consigne le contenu dans la décision accordant la garde ».

B) La coparentalité déficiente en droit français

221. Les limites de la coparentalité. il est utopique

dans des hypothèses de rupture où les


»2. Plus que dans les situations où le
-mêmes au couple,

parent sont, à ce titre, significatives de la limite du principe de coparentalité dans toutes les
situations (1
bstacles à un exercice effectif de la coparentalité (2).

1
en cas
de quinze ans révolus, choisir lequel de son
père ou de sa mère assurera sa garde ».
2
F. BOULANGER, «
», in Mé CHAMPENOIS,
Paris, Defrénois, 2012, p. 70.

193
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

1- Coparentalité et incarcération

222. Incidence de la séparation sur la parentalité.


1
. Sur le plan

intimement liée à la notion de maternité. L enfant affecte


celle-ci au plus profond de son être, en la renvoyant particulièrement à une image de
« mauvaise mère ». L
plus fréquemment,

que la mère de la séparation de son enfant, ne de la même manière du fait


hyper masculinité » associée au monde de la délinquance et du milieu carcéral.

ressent, au risque d ner son identité paternelle. Cette double identité ne favorise
pas le maintien du lien parental qui se trouve ) et qui peine
à se reconstruire lors de la libération ( ).

223. L -2 alinéa 1 du
Code civil, disposant que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de
autorité parentale aussi aux relations familiales du détenu.
2
.
-après CEDH) opte pour la même solution et

parentale3
carcérale4 du fait de la séparation phys bien que

1
DOURIS,
P. ROMAN, Liens familiaux et détention, Comment être parent en prison. Un défi aux institutions, Journée
V. aussi : M. HERZOG-
EVANS, Droit pénitentiaire, Paris, Dalloz Action, 2012-2013, spec. Vie privée et familiale, n° 411-462.38 ;
V. aussi , Dalloz, 2010.
2

légitime. En ce sens : CEDH, 28 sept. 2004, Sabou et Pircalab c/ Roumanie, req. n° 46572/99.
3
CEDH, 24 fév. 1995, Mc Michael c/ Royaume-Uni, req. 16424/90.
4

e D. 402 du Code de procédure pénale dispose


en vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé
s-ci paraissent
».

194
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

accord existe, le couple parental peut oeuvrer conjointement à la


prise de décisions q
de conversations téléphoniques. Dans ce contexte, la circulaire « Botton »1 est bienvenue
car elle a permis la communication du carnet de note, de correspondance et autres bulletins
et copies scolaires pour signature au parent incarcéré. Cette disposition a été confirmée par
. 431 du Code de procédure pénale. En revanche, lorsque le couple est en
désaccord sions
2
relativement à sa personne, l -2 du Code civil lui en laissant toute latitude. Ce

224. Les restrictions des moyens de communication du détenu. Aucune norme


pénitentiaire ne traite spécifiquement des enfants du détenu. Ceux-ci sont assimilés à

forme la plus développée3

ce domaine. Seuls un droit de correspondance et un droit de visite permettent de maintenir


le lien parental du détenu, nécessairement voué au relâchement selon la durée de la peine.

bien loti que la personne condamnée pour ce qui touche au droit de correspondance. Une
personne condamnée jouit de la faveur des dispositions légales qui lui permettent de
maintenir un contact avec les membres de sa famille, y compris est sanctionnée
4 5
disciplinairement ou placée en isolement . Une telle différence de traitement vient du fait
que en termes généraux à
toute correspondance du prévenu y compris avec ses proches, sans que cette interdiction
ait le moindre lien avec les besoins de , et sans non plus que le moindre
6
recours soit aménagé . Il peut ainsi être interdit au prévenu de communiquer durant dix
jours renouvelables avec un des membres de sa famille. Prévue de façon extrêmement
large, cette interdiction le prive de toute correspondance reçue ou envoyée7. À cet égard, le

1
Circ. -1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire,
relatifs à la correspondance téléphonique et à la correspondance écrite des personnes détenues, NOR :
JUSK1140028C.
2

».
3
Cf. D. FENOUILLET, « La coparentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », Arch. philo. dr.,
Dossier « La famille en mutation », t. 57, 2014, pp. 95-122.
4
Art. R. 57-7-45 al. 2 C. pr. pén.
5
Art. R. 57-7-62 al. 3 C. pr. pén.
6
Art. R. 57-8-16 du C. pr. pén.
7
Art. 145-4 C. pr. pén.

195
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

applicables, ce qui conduit à « une situation manifestement contraire au respect du droit à


la correspondance (...) » et ce alors que « tout détenu a droit au recours hiérarchique,
comme le rappellent à leur manière les règles pénitentiaires européennes (règle 70.1) »1.
Un déséquilibre similaire entre la situation du condamné et celle du prévenu se retrouve

téléphone2 -à ses frais- le prévenu ne bénéficie de cette faculté que depuis la loi
pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. En dépit de la possibilité pour le
prévenu de maintenir un lien familial téléphoniquement, cette faculté est soumise à

puisse pour
des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions
». Par ailleurs, l
à internet est formellement interdit par une circulaire du 13 octobre 20093.
225. Prééminence du droit pénitentiaire sur le droit de la famille. Une autre
illustration topique du traitement moins favorable du prévenu découle de la restriction de
absolu » aux visites4, les dispositions
légales sont largement favorables au condamné, à moins que ne soient en cause des
considérations tenant au « maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des
infractions »5. L rappelle qu evient à
délivrant le permis de visite à un membre de la famille un mois
durant, sans aucune explication. utorité judiciaire
6
est
famille. Ceux-ci , dont
l est insusceptible de recours. Lacunaire, le texte ne précise pas quelles
la Cour de
sur la question. n arrêt remarqué,
la première chambre civile a considéré appartient au JAF « lui-même de définir les

existait, ses modalités

1
, precit., spec. pp. 141-142.
2
L. n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, J.O, 7 mars 2007, p. 4297.
3
Circ.
NOR : JUSK0940021C.
4
Comm. EDH, 21 mai 1975, X. c/ Royaume-Uni. La limitation du droit de visite peut concerner la femme du
détenu lorsque cette limitation est nécessaire à la sécurité publique.
5
Art. 35 de la loi pénitentiaire.
6
Art. 145-4 C. pr. pén.

196
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
éta . Pour la Cour de cassation, il revient donc au

déterminer la
2
périodicité . Quoi eut aucun effet sur les autorités pénitentiaires.
Le droit de visite du parent détenu, bien que fixé par décision de justice du
demeure pas moins soumis dans ses modalités aux contraintes et réalités du milieu
carcéral.
226. Une alternative envisageable ? Madame le professeur HERZOG-EVANS3
, rrait se rendre seul au parloir
ou, à tout le moins, disposer de son propre permis de visite. Si une vieille circulaire du 6

référence à ladite circulaire. Les


silencieux sur la question, pourtant centrale. Pour permettre à un mineur de rendre visite
seul à son parent, une récente circulaire, en date du 20 février 20124 précise que ,
5
quel que so et doit être, à
6

7
de 16 ans
m - -épouse de passer des heures dans
un établissement pénitentiaire chaque semaine lorsque celle-ci a refait sa vie ou ne réside
8
plus dans la même ville . Certains juges

1
Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, n° 04-19.180, Bull. civ., I, n° 464 ; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 105;
Defrénois, 2006, obs. J. MASSIP, 1066; D., 2006, note M. HERZOG-EVANS, p. 2149; Rev. dr. fam., 2006, n° 27,
note P. MURAT.
2
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, n° 06-11.674, Rev. dr. fam., 2007, n° 5, comm. 105, note P. MURAT.
3
M. HERZOG-EVANS, « La stabilité de la relation parentale en cas de séparation forcée. Le cas du droit
pénitentiaire », in La complémentarité des sexes en droit de la famille, C. BRUNETTI-PONS (dir. de), éd.
Mare&Martin, 2014, p. 281.
4
Circ. AP, 20 fév. 2012, relative au maintien des liens extérieurs des pe
: JUSK1140029C.
5
3°-2-1 de la circulaire. Il nous semble néanmoins que cette disposition relève plus du symbole que de

6
Néanmoins, la circulaire précise (3°-2-
personne majeure aux parloirs sous trois conditions strictes et cumulatives : le mineur doit être au moins âgé de

7
V. en ce sens : CA Rennes, 2 juin 2015, n° 14/00317
eil mensuel arrêt un
membr enfant qui lui voue « une véritable un
une association est rejeté par la cour qui suspend le droit de visite du père en raison de sa « fragilité ».
AJ fam., 2015, note M. SAULIER, p. 401.
8

(entre une demi journée et une journée), le coût financier du déplacement peut aussi être un paramètre
déterminant (transport, restauration voire hébergement).

197
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

du fond ont parfois statué en ce sens1, mais la question demeure entière. Des associations,
notamment des Relais enfants-parents (REP)
bénévole des enfants au parloir, une alternative ponctuelle lorsque le
2
.
227. L

interférer dans la sphère privée des individus. L e


pas le bénéfice de la protection conventionnelle3.
ing ,
4
que la Cour européenne tolère . Afin de minimiser ingérence, la CEDH exige que la
limitation du droit de correspondance soit textuellement prévue par la loi, en des termes
« suffisamment accessibles » et « prévisibles »5 pour permettre au détenu de recueillir les
informations nécessaires et adapter sa conduite aux exigences posées6. La limitation doit
-à-dire reposer sur des motifs objectifs en
relation avec la « » ou « la prévention des infractions pénales ». La Cour
t correspondre à un « besoin
social impérieux ». Ainsi, lorsque des considérations sérieuses laissent à penser qu
lettre menacerait la sécurité ou présenterait un caractère délictueux7, la violation de
8 de la Convention protégeant la vie privée et familiale n pas retenue à
contrôle mesuré et exceptionnel du droit de correspondance. La recherche
n équilibre entre les b est
8
. La CEDH a néanmoins pu affirmer qu e
suppression ou limitation trop importante
9
est constitutiv , qui ne saurait se justifier que dans

1
CA Paris, 12 juin 1987, Gaz. Pal., 1988, somm., p. 355.
2
Sur ces REP, V. le de liberté, precit.,
pp. 194-195.
3
CEDH, Golder c/ Royaume-Uni, 21 fév. 2008, Req. n° 4451/70 ; M. HERZOG-EVANS, Rép. dr. pén. et de proc.
pén., n° 461. Le droit au respect de la vie familiale du détenu a été posé pour la première fois en 2000 : CEDH,
28 sept. 2000, Messina c/ Italie, req. n° 25498/94, JCP, G, 2001, I, 291, obs. F. SUDRE.
4
La Cour européenne ne met pas à la charge des États une obligation positive, mais leur laisse une large marge
: CEDH, 29 avr. 2003, Aliev c/ Ukraine, n° 41220/98.
5
CEDH, 26 avr. 1979, Sunday Times c/ Royaume-Uni, Req. n° 6538/74.
internes non publiées et non accessibles au public : CEDH, 29 avr. 2003, Dankevich c/ Ukraine, req.
n° 40679/98.
6
M. HERZOG-EVANS, Rép. dr. pén. et proc. pén., spec. n° 464.
7
Ibidem., n° 464.
8
CEDH, 25 mars 1992, Campbell c/ Royaume-Uni, req. n° 13590/88.
9
En ce sens : CEDH, 9 juil. 2013, Varnas c/ Lituanie n° 42615/06. Ne repose sur aucune justification objective
voir les visites de sa femme pendant toute la durée (plus de
deux ans) de sa détention provisoire, alors même que les détenus condamnés étaient autorisés à recevoir de telles
visites. Cf. JCP, G, 2014, n° 3, chron. 78, F. SUDRE.

198
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des circonstances exceptionnelles1. Dans un autre arrêt, la Cour rappelle


au maintien des contacts effectifs avec
les membres de leur famille, que
2
le refus des visites conjugales était justifié . Dans ce contexte, il est permis de croire que la
législation française porte sensiblement atteinte au droit du détenu de maintenir un lien
parental effectif. Pour autant, une condamnation de

considérations sécuritaires, la notion de « bon ordre interne » étant appréciée de façon


large. Plus récemment, m e3, la Cour a rappelé que les détenus

traitement moins favorable que les autres. Ayant déjà reconnu ien
4
des liens familiaux des personnes détenues
« avoir toute latitude pour introduire des restrictions générales sans prévoir une dose de
flexibilité permettant de déterminer si les limitations apportées dans chaque cas particulier
sont opportunes ou réellement nécessaires »5. Relevant que le régime des restrictions en
Russie est fondé sur la sévérité de la peine, celui-ci est disproportionné et par suite non
conforme avec les «
durée »6 « tendance générale des politiques pénales en Europe
à accorde objectif de réinsertion de la détention »7.
ne visite mensuelle est la fréquence minimale commune8 aux
États membres, un tel consensus9 implique un « rétrécissement de la marge
» État partie10.
228. Le lien parental, tributaire de la durée de la peine. Une dernière question
relative à la durée des parloirs permet en dernier lieu de saisir tant les limites du principe
de coparentalité que du traitement différencié
loi pénitentiaire énonce que « les prévenus peuvent être visités par les membres de leur
au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins
une fois par semaine ». Une lecture rapide pourrait laisser penser que les prévenus sont
cette fois privilégi s

1
CEDH, 28 sept. 2000, Messina c/ Italie, req. n° 25498/94, JCP, G, 2001, I, 291, obs. F. SUDRE; CEDH, 28 nov.
2002, Lavents c/ Lettonie, JCP, G, 2003, I, 109, chron. F. SUDRE; CEDH, 3 déc. 2002, Nowicka c/ Pologne.
2
CEDH, 18 sept. 2001, Kalachnikov c/ Russie, Req. n° 47095/99.
3
CEDH, 30 juin 2015, Khoroshenko c/ Russie, n° 41418/04 ; JCP, G, I, 2016, n° 3, 65, F. SUDRE.
4
CEDH, 28 juin 2001, Selmani c/ Suisse, n° 70258/01.
5
§ 126.
6
§ 148.
7
§ 121.
8
§ 135.
9
Sur cette notion de consensus, cf. F. SUDRE, « La mystification du consensus européen », JCP,G, 2015,
n° 50, 1369.
10
§ 136.

199
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

1
, établissements où en effet, ces normes sont en vigueur. En revanche, tous ceux qui
purgent des peines supérieures à deux ans sont par conséquent affectés à des
établissements pour peine, où il leur est possible de bénéficier de parloir plus
2
important . Dans leur malheur, ceux- privilège
dire, lorsque leur peine est supérieure à deux ans, alors que les plus chanceux dont la peine
est inférieure à cette durée sont moins bien lotis. Tout autre est la situation des condamnés
placés en maison centrale3. individus condamnés aux
peines les plus longues, certains ne bénéficiant pas de permis de sortie4. Pour eux, le droit
pénitentiaire a mis en place des Unités de Vie Familiales (UVF)5, véritables petits
le maintien du lien
. Madame la députée Sylvie ANDRIEUX, à
6
, souligne «
»,
particulièrement lorsque le détenu est incarcéré dans une prison géographiquement
éloignée de son lieu de résidence. Celle-ci attire également la
réinsertion des détenus est très souvent liée au maintien des liens avec leur famille », mais
que les structures pénitentiaires « ne se prêtent pas à un échange humain et efficace », du
moins lorsque la famille parvient à se déplacer7. La réponse du Garde des Sceaux ministre
de la justice rappelle que « le développement de liens familiaux étant un vecteur
personnes détenues », conclut à un bilan très positif de

1
Cf. recit., p. 164.
2
Selon ledit rapport, «
jugée insuffisante par les détenus et leurs proches » tandis que «
détenus ne peuvent recevoir des visites que pendant le week-end ». Tel est notamment le cas au centre de
détention de Tarascon où « une seule visite est autorisée chaque week-end pendant une heure ».
3
Il semblerait que seulement 16% des personnes en centre de détention et 6% des personnes en maison centrale

pour les accueillir. Cf. O. MILHAUD, Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par
, Thèse en géographie, Bordeaux, 2009. Selon le rapport du contrôleur général, seuls quatre
établissements accueillent des femmes condamnées à de moyennes et longues peines : le centre pénitentiaire de
Rennes, les centres de détention de Roanne, Bapaume et Joux-la-Ville. Ainsi, le sud de la France et la région
parisienne ne disposent pas de tels établissements pour accueillir les femmes souhaitant demeurer à proximité de
leurs familles.
4

5
Ces unités de visite familiale ont été créées en 2003 à titre expérimental dans trois établissements pilotes :
maison centrale de Poissy, de Saint-Martin-de-Ré et Rennes. Elles offrent la possibilité aux personnes détenues
de recevoir les membres de le

6
Question écrite n° 75616, Ass. Nat., 11 oct. 2005, J.O, Ass. nat., 17 oct. 2006.
7

-ci est souvent confrontée à des difficultés financières


qui ne lui permettent pas des déplacements fréquents.

200
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
oi
envisagée dès septembre 2006 à quatre autres
établissements : Toulon-La Farlède, Avignon-Le Pontet, Meaux-Chauconin et Liancourt.
Enfin, il est prévu que tout nouvel établissement pé
intégrée
contrôleur général des lieux de privation de liberté fait état de difficultés des détenus dans

le trimestre. Particulièrement bienvenue, une disposition issue de la circulaire du 26 mars


20092 porte une attention particulière aux enfants de moins de trois ans. Celle-ci prévoit
que « da UVF, un soin particulier est porté à la situation
des enfants de moins de trois ans, qui ont particulièrement besoin de relations avec leur
parent incarcéré pour leur développement psychique ». ertains
auteurs regrettent néanmoins
circulaire3.
Au demeurant, la coparentalité semble inévitablement pâtir de la mi
des parents car les intérêts en présence, -
de la - constituent des impératifs tout aussi importants au

privé. Or, il ne nous semble pas judicieux de privilégier le premier au détriment du second,
ce dernier participant i
particulière lui est portée4.

- La nécessaire considération du lien parental par le droit


pénitentiaire

229. L maintien du lien parental en milieu carcéral. Les


consé

1
Le rapport de visite du contrôleur général à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré conclut à un réel succès
tant du côté des détenus et de leurs familles que des personnels, lesquels y voient un véritable outil de réinsertion
». Cf.
., p. 188.
2
Circ. DAP du 26 mars 2009, relative aux Unités de Vie Familiale (UVF), NOR : JUSK0940004C.
3
M. HERZOG-EVANS, « La stabilité de la relation parentale en cas de séparation forcée. Le cas du droit
pénitentiaire », art. precit., p. 284.
4
Madame le professeur HERZOG-EVANS qui impute à la stricte
distinction du champ pénal et du droit civil les causes profondes du désintérêt du premier aux règles présidant au
second. Cf. M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 87, Dossier « Le statut
», pp. 32-35. Pour une perspective
comparée, V. aussi du même auteur : , Paris,
coll. « Logiques juridiques », 2000.

201
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

en pratique, alors

tiers2 ses
ilégiés des tiers. Le
3
principe de c -il pas prioritairement de prendre toutes les mesures

coparentalité ttre exercice, dans certains cas, par un tiers ? Il semblerait


it des mystères que le droit ne saisit pas4, ou du moins que
5
privilégie. Le droit pénitentiaire, avec la logique punitive qui le caractérise et
aveugle »6 quant aux conséquences sur
la société elle-même de telles séparations parentales.
lié à la « bonne santé » des familles, de laquelle il est insépar ourquoi il
importe auj cette question.

concept juridique ; il doit être rapporté à des enjeux psychologiques et éthiques et, dans le
contexte pénal, à des enjeux criminologiques »7. Plusieurs études étrangères ont démontré
les conséquences à court, moyen et long terme de telles séparations8, dont les effets sont

termes de déviance et de délinquance. Pour Madame le professeur HERZOG-EVANS,


«

délinquant, déviant ainsi que sur les troubles mentaux ou du comportement est indéniable
»9.
230. La
10
recommandation R (94) 14 « recommande aux gouvernements des États membres de

1
La réflexion semble fleurir notamment aux États-
après sa libération, ce que les américains appellent le
« reentry
2
V. infra, notre Titre 2 de cette partie, Chapitre 2, section 2.
3
La recommandation R (94) 14 relative aux politiques familiales cohérentes et intégrées, adoptée par le Comité
ème
réunion précise que « les parents sont prioritairement
».
4
V. supra riable, n° 198.
5
J. POUSSON-PETIT, , Paris, éd. du CNRS, 1990.
6
HERZOG-EVANS, in « Les enfants de détenus : The
orphans of justice », art. precit., p. 32.
7
Ibidem.
8
ticle précité de Madame le professeur HERZOG-EVANS.
9
Ibidem.
10
REC R (94) 14 relative aux politiques familiales cohérentes et intégrées, adoptée par le Comité des ministres
ème
réunion.

202
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

», en incitant les
pouvoirs publics à « créer les conditions propices autonomie des
familles, en fourn accueil médicaux, sociaux, éducatifs et
culturels appropriés ». Le concept inhérent à cette recommandation met en avant
« une politique familiale préventive » devant être accentuée
famille a besoin « de recevoir des être dirigée à différentes
étapes de sa vie, par des moyens qui permettent de pallier sa fragilité ». Ceci « implique
que le rôle des pouvoirs publics est de créer les conditions nécessaires pour le
épanouir
spécifiques des différents types de familles, selon les différentes étapes de cycles de vie
familiale, doivent y être pris en compte ». Plus spécifique, la recommandation REC (2006)
21 la vie en prison est

prison », étant précisé que « chaque détention est gérée de manière à faciliter la
réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté »2. L
dispositions semble toutefois douteuse au sein de notre système.
231. Pour une meilleure prise en compte du lien parental. Le sentiment
dû à la sortie cède rapidement la place à la difficulté de reprendre ses marques
dans la société et dans sa famille. Le parent réintégrant le quotidien familial doit retrouver
sa place auprès de son enfant, qui sera habitué à ne vivre et à ne

reconstruction à laquelle il convient de procéder en amont de la libération, et se perpétuer


icace du parent durant cette période, que

et pourra lui permettre de cesser tout comportement délinquant. En droit comparé, de

détenu. La prise en compte de la spécificité du lien familial des personnes détenues a incité
B. CORSTON à remettre au gouvernement anglais et gallois le rapport dit « Corston » dans
lequel sont étudiés les besoins en termes de fragilité des mères détenues. Ce rapport a
ensuite donné lieu à «
politique de g
cause »3 la prégnance
4
culturel qui en limite le développement . Aucune mesure de soutien à la

1
REC (2006) 2 relative aux r
de la 952ème réunion des Délégués des Ministres.
2
Recommandation précit., 5°.
3
M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus : The orphans of justice », art. precit., p. 34.
4

203
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

coparen le système des aménagements de peine,


voisins, tels que
-Bas, la Finlande ou le Danemark, pourraient être mis en
place au profit des mères détenues des Unités de Vie mère-enfant dans lesquelles les
conditions de détention sont plus souples et mieux
Des programmes de soutien à la coparentalité au profit des pères détenus pourraient
notamment faire prendre conscience des conséquences de la délinquance enfant. Ces
actions peuvent avoir un impact direct en termes de prévention de la récidive.

2- Coparentalité et déplacements illicites

232. La détermination du cadre juridique. Dans un contexte de mobilité croissante


des personnes, la multiplication des unions mixtes pose la question récurrente lors du
-
des parents décide de retourner dans
? Si les instruments de droit
interne se sont révélés peu efficaces ,
1
vergure internationale vise, outre à adopter des principes communs sur la
question des relations personnelles des enfants, à lutter contre leurs enlèvements2 dans le
pas sans opérer une véritable « tectonique des sources »3,
n entre eux des différents instruments, qu
atteint. En encourageant les États à adopter des principes communs, les textes et la
jurisprudence européens renforcent corrélativement application des instruments
i enlèvement, du droit de garde et du lieu de résidence
habituelle des enfants, en particulier la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les
enfants4, la Convention de La Haye du 19

la « tradition chevaleresque » française place la France au nombre


est faible ; M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus : The orphans of justice », art. precit., pp. 33-34.
1
onvention de La
Haye du 25 octobre 1980 qui met en place des mécanismes de coopération internationale pour faciliter le retour
des enfants déplacés, complétée par le règlement Bruxelles II bis n° 2210/2003 du 27 novembre 2003 qui édicte
les normes en matière de compétence juridictionnelle et de circulation des décisions rendues en matière de
divorce et de responsabilité parentale. La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 est relative à la
a coopération en matière de responsabilité
parentale et de mesures de protection des enfants. Enfin, le règlement 4/2009 est relatif aux obligations
BARRIERE-BROUSSE, « s
conventions internationales », JDI, 1996, 843-888.
2
H. FULCHIRON (dir. de), , Bruxelles, Bruylant, 2004 ;
V. ÉGEA, « », in Actualité du droit international privé, A. LEBORGNE,
I. BARRIERE-BROUSSE (dir. de), Marseille, PUAM, 2009, pp. 125-141.
3
DEVERS, cf. « -marocains.
Les conventions franco-marocaines face aux droits européen et communautaire », Rev. dr. fam., 2006, n° 3,
étude n° 15.
4
D. n° 83-1021, 29 nov. 1983, J.O, 1er déc. 1983, p. 3466.

204
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, exécution et


la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des
enfants1 a été adopté le Règlement (CE) n° 1347/2000 du
Conseil relatif à la compétence, la exécution des décisions en matière
matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs le 29 mai
20002.
233. Notion de déplacement illicite. t par son parent
constitue une ingérence tant dans l parent, que de
celui de -même.
25 octobre 1980, le déplacement enfant est considéré comme illicite
3
, attribué par décision de justice
avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement. La
Cou es contours de la notion de « déplacement
illicite », en précisant que la Convention de La Haye est applicable à tout enfant déplacé
hors de son domicile familial, seul élément pris en compte, peu importe son lieu de
naissance4. De la même manière, ce droit doit avoir été exercé de manière effective au
moment du déplacement
de déplacement5. Depuis que l attribuer un effet direct à la
C onvention
1) soulève nombre de
problématiques qui appellent
bilatérale que la France a signé avec un autre État (2).

1
D. n° 2011-1572 du 18 novembre 2011, J.O, 20 novembre 2011, p. 19503.
2
Abrogé par le Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen, adopté en droit interne par le D. n° 2015-
1395 du 2 novembre 2015, Union européenne en matière
de successions transfrontalières, J.O, 4 novembre 2015, p. 20592.
3
Ne peut dès lors se prévaloir du caractère illicite du déplacement le père naturel élevant ses
enfants : CJUE, 3ème ch., 5 oct. 2010, aff. C-400/10, J. McB, Rev.
Procédures, 2010, comm. 405, obs. C. NOURISSAT ; AJ fam., 2010, A. BOICHE, p. 482 ; D., 2010, p. 2516, obs.
I. GALLMEISTER ; JCP, G, 2010, note F. BOULANGER, 1327; RTD civ., 2010, P. RÉMY-CORLAY, p. 748, Rev. dr.
fam., 2011, n° 3, comm. 50, M. FARGE. Sur le caractère autonome de la notion de droit de garde, cf. Cass. civ.
1ère, 24 juin 2015, n° 14-14.909 ; D., 2015, obs. I. GALLMEISTER, p. 1437. Au sens de la Convention, le droit de
enfant, mais de la question portant sur la titula autorité
parentale.
4
Cass. civ. 1ère, 26 oct. 2011, n° 10-19.905.
5
Cass. civ. 1ère, 29 févr. 2012, n° 11-15.613 et Cass. civ. 1ère, 14 mars 2012, n° 11-17.011.

205
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

L
internes
1
234. .
constitue un véritable labeur pour les ju
2
.
3
-1 de la Convention de New York semble poursuivre le même
-2 du Code civil -qui exhorte le juge à

autorité parentale
des parents séparés, alors
Convention semble devoir être appréciée indépendamment de la spécificité de chaque
litige. Appréciation in concreto dans un cas, in abstracto
combinaison entre les deux textes peut aboutir à des résultats contradictoires,

à la norme internationale supérieur » et « primordial


effet de combattre une norme matérielle précise est
plus la règle particulière qui édicterait un effet contraire à celui poursuivi par la
Convention internationale. coquetteries »4,

mise en
5
, est

rement topique de
cette crainte peut être exprimée à propos -1 de la Convention
de New York dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention de La Haye de 1980 sur
enfants. Dans ce cas de figure, la piqûre de rappel précisant que
une considération primordiale et supérieure aux intérêts
être au

1
E. GALLANT, Responsabilité parentale et protection des enfants en droit international privé, Paris, Defrénois,
coll. « Doctorat&Notariat », 2004.
2
G. VIAL, « : entre intérêt concret et
intérêt général », in Lien familial, lien obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social »,
E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, pp. 124-131.
3
Cet article dispose que dans toutes les décisions enfant doit être une
considération primordiale.
4
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2006, p. 603.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, 249, spec. p. 266.

206
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

coeur de toute décision prise, et aux adjectifs « supérieur » et « primordial » de remplir tout
leur office.
235. Appréciation judiciaire du retour déplacé. Si la Convention de
1
La Haye du 25 octobre 1980 organise une coopération
exigeant un retour immédiat2 aussi une exception3 à ce
-1 b4. y oppose établit «
à un danger physique ou psychique, ou de tout
autre manière ne le place dans une situation intolérable », le juge peut ne pas ordonner le
5
retour . Les juges du fond apprécient
risque grave. Cependant, ils doivent caractériser le danger
en cas de retour immédiat, ou la situation intolérable que le retour
6
créerait . À défaut, ils risquent de voir leur décision cassée pour manque de base légale.

1
Art. 7 de la convention.
2
L de la convention de La Haye, dans un du retour immédiat, paralyse le pouvoir

e. Le principe visé étant le

Bruxelles II bis figure


un De
nonobstant une décision de non retour rendue en

rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre
».
3
Voir en ce BOULANGER : « Les cas de non-
déplacement illicite de mineurs dans un cadre international », Rev. dr. fam., 2015, n° 11, étude 16.
4
Cet article indique que «

intolérable ».
5
Sur cette notion, cf. Cass. Civ. 1ère, 4 mars 2015, n° 14-19.015. Dans cette décision, la Cour de cassation
iles précisions sur la définition de la notion de « résidence habituelle ». Pour la Cour, la résidence
-au sens du droit européen- ne repose pas tant sur des considérations quantitatives que
qualitatives. Celle-ci est le lieu qui tra

intention des parents de transférer le lieu de ladite résidence.

: CJUE, 2 avr. 2009, n° C-523/07, RTD eur., 2010, 421,


chron. M. DOUCHY-OUDOT, E. GUINCHARD. Telle que posée, la définition a ensuite été reprise par cette même
Cour le 22 déc. 2010, n° C-497/10, RTD eur., 2011, 481, obs. M. DOUCHY-OUDOT, puis le 9 oct. 2014, n° C-
376/. Pour une récente étude, V. E. GALLANT, « Réflexions sur la résidence habituelle des enfants de couples
désunis », MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 241-253.
6
En ce sens, V. CJUE, 23 déc. 2009, aff. C-403/09, Deticek c/ Sgueglia. Au terme de la saisine de la Cour,
celle-
règlement Bruxelles II bis «
doit être interpr

t provisoirement la garde de cet


décision a été déclarée exécutoire sur le territoire du premier État membre ».

207
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

our demeure lettre morte -du fait


t tributaire de exception de danger- la Cour de cassation a su
opérer une interprétation restrictive et donc conforme de cette exception1, préservant la
À Ignacollo-Zénide c/ Roumanie2, la
CEDH consacre une obligation positive des États -à la lumière de la Convention de La
Haye-
déplacement illicite. Les Éta retour de
déplacé. La position de la Cour de cassation est, dans la lignée de la jurisprudence
européenne, parfaitement conforme.
236. Dans une affaire née initiative de
3
la mère de part installer au Canada avec son enfant, la Haute juridiction a rappelé, au
double visa des articles 3-1 de la Convention de New-York et 373-2 du Code civil, que
enfant devait être la considération primordiale dans toute décision le
concernant. Elle censure la C appel qui, pour autoriser la mère à quitter le territoire et
installer au Canada avec son enfant, avait opposé les défauts du père aux qualités
de la mère. La Cour appel qui était déterminée par des motifs sans rapport avec
est donc censurée. Pour ne pas encourir la cassation, les
juges du fond auraient dû vérifier ne se trouvait
éloignement géographique au regard du droit au maintien
des relations personnelles avec ses deux parents. La Cour censure le raisonnement
consistant à prendre parti pour ou contre un des parents
. Par conséquent bstenir, dans leur
motivation, de recourir aux affirmations consistant à défendre leurs intérêts individuels
pour ne que le seul intérêt de enfant. Or, est précisément à ce
stade du raisonneme opère le glissement vers une appréciation concrète. La
difficulté règles internes matérielles relatives à
autorité parentale concrètement compris.
Une espèce similaire a permis aux juges du fond de retenir, indépendamment des choix
que le retour de

Rev. Lamy dr. civ., 2010, n° 68; Rev. Procédures, 2010, comm. 73, note C. NOURISSAT ; D., 2010, note C.
BRIERE, p. 1055; même revue, obs. P. COURBE et F. JAULT-SESEKE, p. 1585; AJF, 2010, note A. BOICHE, p. 131.
1
V. note Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, n° 02-17.411, RJPF, 2005, n° 4, 36, note M.-C. MEYZEAUD-GARAUD ;
Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, n 04-16.942, RJPF, 2005, n° 10, 40, obs. F. EUDIER. Après une période où le risque
de danger grav enfant a été caractérisé par les juridictions françaises : Cass. civ.
1ère, 12 juillet 1994, Rev. crit. DIP, 1995, 96, note H. MUIR WATT ; Defrénois, 1995, art. 36024, obs. J. MASSIP ;
JCP, G, I, 1995, 3903, obs. H. BOSSE-PLATIERE ; Cass. civ. 1ère, 21 novembre 1995, D., 1996, 468, note
J. MASSIP ; Cass. civ. 1ère, 22 juin 1999, RJPF, 1999, 20, note C. DESLANCES et S. VALORY ; Cass. civ. 1ère, 18
avril 2000, Rev. crit. DIP, 2001, 341, note E. GALLANT. V. plus récemment Cass. civ. 1ère, 19 nov. 2014, n° 14-
17.493, Rev. dr. fam., 2015, n° 2, comm. 31, C. NEIRINCK.
2
CEDH, Ignacollo-Zénide c/ Roumanie, 25 juin 2000, Rev. dr. fam., 2000, chron. n° 26, obs. H. FULCHIRON,
A. GOUTTENOIRE.
3
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, D., 2007, obs. A. GOUTTENOIRE et L. BRUNET, p. 2192;
RTD. civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 330; Rev. crit. DIP, 2007, note E. GALLANT, p. 603.

208
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

en Allemagne exposait celui-ci à un danger. Approuvés par la Cour de cassation1


qui rappelle souveraine des juges du fond des faits constitutifs du danger
2
physique ou psychique , celle-
fond dès lors que leur décision caractérise suffisamment le danger. Afin de mettre en
exception au retour, ceux-ci se fondent sur un certain nombre de témoignages,
e permettait a priori pas de caractériser
sous la responsabilité de son père. Selon un auteur3, sans doute les
juges colmariens ont-ils eu le souci louable de protéger la santé physique et psychique de

coïncidait avec le dépôt le même jour, du

sectaires et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des
mineurs4. Il convient néanmoins de prendre garde aux un contrôle
excessivement formel de la motivation des juges du f une
5
caractérisation trop laxiste du danger, ou au contraire trop sévère .
Dans la lignée de ses précédents arrêts, la première chambre civile6 emploie la même
méthode de contrôle combinatoire , en affranchissant cette
fois de la référence à la Convention de New York
coparentalité tel que consacré par la loi du 4 mars 2002. La C appel ayant validé la
décis installer avec son enfant en Nouvelle-Calédonie, la
Haute juridiction reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si le comportement de
la mère ne traduisait pas un refus de respecter le droit de à entretenir des relations
régulières avec son père. Pour formuler sa s enfant à être
entretenir des relations eux, la
Cour de cassation insiste sur la réciprocité du lien parental devant être respecté par chacun
.
Dans un arrêt du 8 novembre 20057, la Cour de cassation a censuré les juges du fond de
pas fait du critèr enfant de leur motivation. Le
conflit qui opposait les parents portait sur la langue dans laquelle la scolarité des enfants
devait avoir lieu. Les juges du fond avaient décidé que les enfants, résidant au Luxembourg
avec leur mère et scolarisés dans une école de langue allemande, devraient désormais
intégrer une école francophone afin que le père, uniquement francophone, puisse assurer

1
Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2006, n° 05-22.119, RJPF, 2007, n° 3, note F. EUDIER.
2
Cf. aussi Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, D., 2005, p. 2790, note F. BOULANGER ; Rev. crit. DIP,
2006, P. 127, note E. GALLANT.
3
E. GALLANT, déc. precit.
4
Rapp. Ass. nat. n° 3507, 2006-2007.
5
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
6
Cass. Civ. 1ère, 4 juil. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 10, p. 25, obs. P. MURAT.
7
Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, RTD civ., 2006, note J. HAUSER, p. 101.

209
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

une coparentalité effective. La Cour de cassation censure appel en lui


reprochant de intérêt du père, sans caractériser ni prendre en
considération intérêt supérieur des enfants.
Cette attitude atteste que enfant, loin une notion vide de contenu et
abandonnée à l appréciation des juges du fond constante recherche entre
la coïncidence de son intérêt concret et son intérêt abstraitement perçu. Sur le terrain de
autorité parentale, elle conduit à un résultat relativement satisfaisant car il apparaît
autre, s il est
1
en demeurer éloigné. la méthode

dite de la « petite Charlotte »2, ayant donné lieu à Maumousseau et


Washington c/ France. Pour la Cour, « les juridictions françaises avaient pris en compte

livrées à un examen approfondi de

une appréciation équilibrée et raisonnable des intérêts respectifs de chacun avec le souci
constant de déterminer quelle était la », à savoir son
retour aux États-Unis auprès de son père. Surtout, le critère de « réintégration immédiate
» a constitué décisions en
la matière, car il semble caractériser une appréciation g eu
égard à la situation familiale prise dans son ensemble.
237. Les incertitudes de la jurisprudence européenne. Depuis quelques années, la
CE
le retour forcé de ce dernier constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie
familiale3. Par l 4
permettre

1
Cf. néanmoins la récente condamnation de la France par la CEDH, 5 nov. 2015, Henrioud c/ France,
n° 21444/11, JCP, G, I, 2015, n° 49, 1333, obs. A. GOUTTENOIRE
général près la CA Bordeaux contre une décision de non-retour, fondée sur l article 979 du Code de procédure
civile imposant a acte de significat appel attaquée,
empêchait la recevabilité du pourvoi incident du requérant. À raison de ce particularisme, jugé dans ses
conséquences « très graves et délicates pour les personnes concernées
ceptions au non-retour immédiat de

2 ère
, 14 juin 2005, n° 04-16.942, Bull. civ., I, n° 245 ; Rev. dr. fam.,
2006, comm. n° 157, obs. A. GOUTTENOIRE ; cette même revue, comm. 42, note M. FARGE ; D., 2005, 2790,
note F. BOULANGER ; JCP, G, II, 2005, 10115, note C. CHABERT ; Rev. dr. sanit. soc., 2005, étude C. NEIRINCK,
p. 814; Rev. crit. DIP, 2005, note D. BUREAU, p. 679; RTD civ., 2005, obs. R. ENCINAS DE MUNAGORRI, p. 556;
même revue, obs. P. REMY-CORLAY, p. 750; RJPF, 2005, n° 10, 40, note EUDIER, p. 24.
3
CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, req. n° 39388/05, AJ fam., 2008, obs.
A. BOICHE, p. 83; GAJCEDH, comm. 52. CEDH, 6 juin 2010, Neulinger et Shuruk c/ Suisse, JCP, G, 2011, obs.
F. SUDRE, p. 94.
4

-retour ayant conduit à une violation du droit au respect


: CEDH, 28 avr. 2015, 3ème sect., n° 1714/10,
AJ fam., 2015, p. 347, note E. VIGANOTTI.

210
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

celui-ci de ne
pas retourner dans le pays de sa résidence habituelle.
fondamentaux concrètement entendu, semble être de
nature à perturber le principe du retour immédiat d en le
neutralisant au profit de son intérêt supérieur. Les réponses apportées par la Cour à cette
problématique rendent peu cohérente sa jurisprudence en la matière et se révèlent peu
compatibles avec les exigences , notamment saisie par le parent
A
les mesures nécessaires pour organiser le retour1, elle admet que le retour puisse être

2
. Cette « dérive interprétative » a même pu rejaillir sur les décisions de
3
.
D ffaire Neulinger et Churuck c/ Suisse4 e la
Convention européenne que la Cour procède à la vérification des conditions dans
lesquelles le retour sera effectué. Elle conclut à la violation dudit article si la décision de
retour était exécutée5. Or, la Cour prend pu décider à
Maumousseau et Washington c/ France, à savoir que
« réintégration immédiate dans
son milieu de vie habituel ». Ce « »6 imposait en réalité aux États
de se livrer à un examen de la situation au fond, en exigeant

1
V. CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, req. n° 10131/11, RJPF, 2013, n° 5, note M. DOUCET.
2
CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, Rev. dr. fam., 2013, étude n° 3, obs. A. GOUTTENOIRE ; AJ fam., 2012,
obs. E. VIGANOTTI, p. 562.
3
CA Grenoble, 24 août 2011, cassée par la Haute juridiction : Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, n° 11-28.424, AJ
fam., 2013, note A. BOICHE, p. 185; D., 2013, note I. GALLMEISTER, p. 498. ce, les juges grenoblois
motiv en France, âgé de trois ans et vivant sur le
territoire français depuis seulement quatre mois et demi. Ce raisonnement, directement inspiré de la
jurisprudence Neulinger est censuré par la Cour de cassation. E
-1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989, la Haute juridiction rappelle aux
juges au regard des objectifs de la Convention
de La Haye en cas de retour, elles doivent mettre un terme à la
voie de fait que constitue le déplacement illicite

4
CEDH, Neulinger et Churuck c/ Suisse, 6 juil. 2010, n° 41615/07, RJPF, 2011, n° 1, obs. F. EUDIER, p. 25;
RTD eur., 2010, p. 927, chron. M. DOUCHY-OUDOT et E. GUINCHARD; D., 2011, pan. p. 1374, obs. F. JAULT-
SESEKE; RTD civ., 2010, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 735.
5
Pour la Cour, le retour
respect de la vie privée et familiale de la mère, au regard des risques de poursuites pénales engagées à son
encontre. Elle en déduit ainsi que « le refus de la mère
injustifié ». Cette position de la Cour, qui retient les conditions dans lesquelles le retour sera effectué tout en

du dispositif de lutte contre les enlèvements. Cette position se vérifie également en droit interne lors de la mise
-marocaine ou franco-algérienne.
En ce sens : Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12687, Bull. civ. I, n° 199 ; Rev. dr. fam., 2007, comm. 155, note
M. FARGE ; RJPF, 2007, n° 10, 26, note M.-C. MEYZAUD-GARAUD.
6
ar un auteur, RJPF, 2014, n° 10, note S. GODECHOT-PATRIS.

211
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

bien-fondé du retour. Cette dérive interprétative a vivement été critiquée, surtout


été confirmée dans trois décisions ultérieures1. décision lettone, la Cour
semble toutefois tempérer sa position.
procédure de retour ne doit se livrer à un ex
la situation familiale. Elle estime «
harmonieuse de la Convention et de la Convention de La Haye sous réserve que les deux
conditions suivantes soient réunies. Premièrement (il faut que) les éléments susceptibles de
enfant en application des articles 12, 13

soient réellement pris en compte par le juge. Ce dernier doit dès lors rendre une décision

être appréciés à la lumi ».

procédural. En définitive, ce rappel indique que même du contrôle a est déplacé : il

les exceptions mêmes du supposé retour. L


est différente selon que le juge est appelé à statuer ment
est appelé à statuer sur la question portant sur Si le
premier doit examiner la prétention du parent « ravisseur » tenant à démontrer le risque
grave en nt, il doit y répondre par une décision suffisamment motivée en
interprétant strictement les exceptions au retour prévues par la Convention internationale.
Quant au second, , il doit
statuer conformément à son intérêt supérieur et aux instruments internationaux. Pour
Madame le professeur GOUTTENOIRE, cette position « confirme la tendance de la Cour

moins systématique et limite sans doute,


»2. Pour un autre
auteur, « l article 13 de la Convention de La Haye a été conçu pour répondre à un objectif
équilibre et intégré dans un système global destiné à résoudre les
enfants. Fais un tout, il doit être interprété au regard de
ensemble auquel il appartient, et non isolément, même par le truchement
une disposition de la C ensemble du texte de la

1
CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, n° 14737/09. CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique,

évaluer le risque
CEDH, grde chb., X. c/ Lettonie, 26 nov.
2013, n° 27853/09, AJ fam., 2014, note A. BOICHÉ, p. 58. La Cour a estimé que la Convention européenne des

dération.
2
A. GOUTTENOIRE, obs. sous CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, in « La famille dans la
», Rev. dr. fam., 2012, études n° 6, n° 19.

212
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Convention de La Haye repose intérêt supér


être ramené immédiatement après son enlèvement, sauf exception strictement.
Il serait indéniablement contraire à la lettre de
enfant, au nom de la Convention de New York, pour contrecarrer ses objectifs
de remise immédiate, eux- enfant »1.
Au demeurant, un auteur était bien en droit de se poser la question de savoir si l
2
.
238.
La Haye. Dans le prolongement de la décision rendue en grande chambre à
lettonne, la CEDH a eu à se prononcer affaire Rouiller c/ Suisse3 sur
onvention de La Haye. Avec cette décision, elle semble revenir sur
terprétation auparavant ses droits
fondamentaux, en recentrant son interprétation sur la convention de La Haye et
e des exceptions. La particularité de cette espèce tenait au fait que la
nouvelle résidence de la mère était à moins de sept kilomètres du
domicile du père. Concrètement, le changement pas
le père de son droit de visite, ce dernier étant de nationalité française et exerçait un emploi
en Suisse. La question portait néanmoins sur l de la Convention. Si son esprit
posées par le texte étaient pour le moins, satisfaites :
les enfants avaient initialement leur résidence dans un État contractant (la France), duquel
ils ont été déplacés vers la Suisse.
prétention sur une des exceptions posées par le texte lorsque le déplacement a duré moins
néa 2 de la Convention de La Haye prévoit que «

constate que celui-


révèle approprié de tenir compte de son opinion ». Or, bien que la Cour ne reconnaisse pas
4
, les mod vaient quelques
d enai nt amené à
exprimer son opinion, d se posait la question inédite où, au sein ,
seul un des enfants manifeste le souhait de ne pas retourner auprès de son parent. L
posait donc la question de la conformité de nterprétation par le tribunal fédéral de
alinéa 2 de la Convention de La Haye. Mettant
X. contre Lettonie, la Cour parvient à trouver un équilibre entre le texte de la
Convention internationale et la Convention européenne. Afin de se ranger à opinion du

1
E. GALLANT, note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2007, p. 603.
2
Cf. V. ÉGEA, « : menace ou chance pour le droit civil ? », in La convention de
tiques, V. ÉGEA, A. LEBORGNE,
E. PUTMAN (dir. de), Marseille, PUAM, 2012.
3
CEDH, 22 juill. 2014, Rouiller c/ Suisse, aff. 3592/08, RJPF, 2014, n° 10, note S. GODECHOT-PATRIS.
4
CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, req. n° 10131/11, RJPF, 2013/5, note M. DOUCET.

213
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

tribunal fédéral, elle souscrit à la portée que ce dernier a conféré


aînée de la requérante1 et qui mettait ation stricte des
exceptions le retour des enfants. Dans une décision mettant en cause la
France, la Cour a
ne peut faire obstacle au retour. Elle a également regretté le désinvestissement progressif
des autorités françaises la décision du 16 avril 2009,
car «
privé
». Elle rappelle,
conformément à sa ligne de conduite en la matière, que permet pas
2
de choisir le lieu où il souhaite vivre . La volonté équivoque des enfants ne pouvait donc
faire échec à une décision de retour.

bilatérales : le cas de la convention franco-marocaine

239. Articul international avec la convention bilatérale.


Particulièrement célèbre pour ses dispositions relatives à la dissolution du mariage par
répudiation, la Convention franco-marocaine portant sur le Statut des personnes et de la
famille et à la coopération judiciaire insiste en son Préambule « sur la nécessité de
conserver aux personnes les principes fondamentaux de leur identité nationale », raison
trouve pas seulement
ressortissants marocains résidant en France, mais à tout jus
Convention3 t la nationalité
extrêmement large est retenu pour permettre une
dentité nationale marocaine des individus
pouvant être rattachés à cet État. Le procédé est toutefois contestable lorsque la personne
le Maroc4. onvention trouve à

enfant

valeur de ce compte rendu qui manquait de précision et sur la nécessité de procéder à une nouvelle audition des
enfants. Le tribunal fédéral, estimant que le compte rendu était suffisamment détaillé (§ 18). Ordonner une
nouvelle audition plus de dix-huit moi pu que conduire à conforter le déplacement
illicite et

pour exprimer un a néanmoins pas été considérée par le tribunal


fédéral, comme suffisamment éloquente.
2
CEDH, 22 juil. 2014, Rouiller c/ Suisse, aff. 3592/08, § 73.
3
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. crit. DIP, 2002, pp. 468-469.
4
Ce qui rappelle le concept de umma, vu plus haut, cf. supra n° 78 et s. Ce qui est également critiquable du point
MONEGER, « La Convention franco-marocaine du

214
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

en matière de déplac
1
expresses déterminant son champ , les règles visant le déplacement illicite ne
semblent reposer sur aucune condition de nationalité des parties au litige. Il suffit que le
déplacement d tre les deux États contractants et implique les
autorités marocaines. De la même manière, la notion de « déplacement illicite
définie la localisation
des enfants déplacés dont le droit de garde est contesté ou méconnu ». Malgré cette
est de faire respecter le droit de garde des
parents, conformément à la philosophie de la Convention de La Haye. À y regarder de plus
près2, les lacunes de ce texte peuvent être expliquées p
Convention. Élaborée
onvention internationale
mis en place quelques mois auparavant. Dès lors, tout silence de cet instrument pourra être
3
compl
lic marocain. Or, cette question sou

harmonieusement. Privilégier la Convention de La Haye revient à écarter la Convention


L

le texte de la conventi
de la Convention de La Haye
semble être un compromis satisfaisant.
240. Une conception différente Les difficultés tenant à la

mécanisme du retour,
ain. Celles-ci ne correspondent
pas en tous points à la conception retenue par le législateur français et européen plus

coparentalité effective à la dissolution du couple, le droit marocain distingue la hadana


(garde) qui revient de droit à la mère, de la wilaya (tutelle) revenant de plein droit au père,

10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », Rev. crit. DIP, 1984,
pp. 2-69.
1
-algérienne du 21 juin 1988 relative à la garde des enfants de couples
mixtes franco-algériens -
algériens. Cf. P. MONIN HERSANT, B. STURLESE, « -algérienne du 21
juin 1988 : un nouvel espoir pour des enfants déchirés », Gaz. Pal., 1988, doct. 523.
2
Pour une présentation complète de cette Convention, cf. F. MONEGER, « La Convention franco-marocaine du
10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », art. precit.; même
revue pp. 267-288 ; P. DECROUX, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des
personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », JDI, 1985, pp. 49-99.
3 er
juin 2010.

215
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

qui conserve également


conception égalitaire du droit européen de la famille, cette situation porte atteinte au

-elle ou patrimoniales. De la
1
même manière, la conception r amène le plus souvent le juge
marocain à retirer la hadana à la mère non musulmane, considérée comme inapte à assurer
quoi il est à craindre, lorsqu est saisi, que le
2
juge français procède à une neutralis au profit des règles
3
découlant du droit international privé communautaire , plus en phase avec le principe de
coparentalité e
réfuter cette affirmation.
241. . Afin de faire
respecter le droit de garde des parents, l on franco-marocaine
organise un mécanisme conventionnel de illicitement
déplacé, inspiré de celui instauré par la Convention de La Haye. L
est déplacé doit donc ordonner, à titre conservatoire, la remise immédiate de celui-
ci. Seules deux exceptions peuvent être invoquées pour faire obstacle au retour de
ou de mauvaise foi de la garde ou le risque grave pour la

la Convention franco-marocaine
ajoute que
ne peut être refusée
celui de la résidence du parent avec l vit habituellement.
cet article édicte des règles de compétence indirectes4, que la Cour cassation pas
manqué de rappeler5.

1
F. CADET, , Paris,

2
A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions du droit musulman », JDI, 2003, n° 3, doct. 100022.
3
A. DEVERS, « on des règlements européens (Bruxelles II bis et Rome III) et des conventions franco-
marocaines (de 1957 et 1981) », Rev. dr. fam., 2012, n° 1, étude 1.
4
vérifier

demande. V. P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 11ème
éd., 2014, pp. 25-26, spec. n° 17, 18.
5
Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, n° 01-02. 959, RJPF, 2003, n° 9, 39, obs. A.-M. BLANC ; Gaz. Pal., 18 nov. 2003,
note M.-L. NIBOYET, p. 20; LPA, 15 mars 2004, note J. MASSIP, p. 17. Mais aussi, Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007,
n° 06-12.687, RJPF, 2007, n° 10, 10, note M.-C. MEYZEAUD-GARAUD ; Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 188,
V. LARRIBAU-TERNEYRE ; même revue, 2007, n° 7, comm. 155, M. FARGE.
:
Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, n° 04-20.362, RJPF, 2006, n° 6, 19, note T. GARE, JCP, G, II, 2006, 10133, note
A. DEVERS; Rev. dr. fam., 2006, n° 6, comm. 133, V. LARRIBAU-TERNEYRE.

216
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Il semblerait que de façon inédite, la première application positive de ce mécanisme


daterait un arrêt de la première chambre civile du 9 juillet 20021 la
Haute juridiction a procédé à une rigoureuse application de la Convention bilatérale. Le
litige concernait un couple de nationalité française, marié et installé au Maroc. La mère,
enfants,
donnance de non conciliation a été rendue, fixant la
résidence des enfants en France auprès de leur pel de Colmar croyait
alors à bon droit devoir rejeter la demande du procureur de la République tendant à faire
remettre les enfants à leur père au Maroc. Or, en raison du déplacement dont ils ont fait
Caractérisé, le
déplacement illicite a Cour de cassation à censurer les juges du fond
onvention bilatérale, et à ordonner la remise immédiate des
enfants à leur père. En effet, la résidence des enfants ne pouvait valablement être située sur
le territoire de at vers lequel , mais celle-ci se trouvait au dernier
Cette rigoureuse
applicat

internationale.
242. L appréciation du contenu
du droit marocain. L
a été déplacé doivent se prononcer sur
avant de pouvoir trancher la question relative au droit de garde2. Or, il
3
semblerait que cette rigueur ne soit pas toujours de mise.

approuvé par la Cour de cassation, a conduit à écart onvention


bilatérale. Si certains ont pu y voir une contradiction de motifs aboutissant à la mise à
onvention bilatérale4, il semblerait que la décision des juges du fond ait
davantage été motivée par le souci de prot
Rabat à réintégrer le domicile conjugal. Dans cette espèce, le pourvoi du ministère public

été rétablie par acte adoulaire5 et par conséquent, le tribunal compétent pour statuer sur le

1
Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, n° 01-13.336 et 01-15.423 ; Rev. crit. DIP, 2002, note E. GALLANT, p. 466-471;
RJPF, 2002, n° 12, 38, note A.-M. BLANC, Rev. dr. patr., 2002, 109, note F. MONEGER, p. 113.
2
Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, n° 02-16.665, RJPF, 2004, n° 2, 39, obs. F. EUDIER ; LPA, 23 févr. 2005, n° 38, note
C. BRIERE, p. 5; Defr., 2004, note J. MASSIP, p. 159; Rev. Lamy dr. civ., 2004, janv., n° 30, obs. G. MARRAUD
DES GROTTES.
3
Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, n° 00-11.087, RJPF, 2002, n° 10, 35, obs. A.-M. BLANC.
4
A.-M. BLANC, dec. precit.
5

onc été condamnée par le tribunal de Rabat à reprendre la vie commune.

217
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

n
révocable qui
décida de
rejoindre la France car il y est acquis que la réintégration forcée du domicile conjugal
constitue une atteinte intolérable aux droits fondamentaux de la personne. Ce souci de

bilatérale caractérisant pas en quoi


a Cour de
cassation s est bornée ustifier légalement la décision et que le
ion au retour de t pas contesté. Dès les débuts de
l application de la Convention, les juges français ont procédé à la neutralisation des effets
indésirables induits par le sur le territoire marocain. Ce
souci de protection de , par le truchement de la protection de la mère en amont peut

à la décision intervenue au Maroc. Dans ce cas de figure, la législation marocaine


normalement applicable
intérêt1.
Dans une autre affaire2
droit de garde de la mère est jugée incompatible avec le jugement français rendu
exequatur. Un couple de nationalité française décide
répudiation a permis à la mère
bénéficiaire du droit de garde de revenir en France, les enfants demeurant au Maroc.
Assignée par son époux aux fins de déchéance du droit de garde sur ses trois enfants, la

aussi
exequatur de la décision du tribunal marocain ayant déchu la mère de son droit de garde
était sollicitée en France, et la Cour de Versailles y fait droit. Censurés pour avoir procédé
à exequatur, les juges versaillais ne pouvaient valablement y procéder sans rechercher si

France, bien que exequatur était sollicité. Il est jugé de


façon classique que la chose jugée ultérieurement

le 16 de la C
ugée sur le territoire français si elle
décision judiciaire prononcée en France, même ultérieurement. Au-delà de son aspect
procédural, la décision retenue témoigne
fois où une conception inégalitaire des relations parentales . Le

1
Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, n° 02-14.082.
2
Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, n° 02-13.490.

218
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

feuilleton épisodique -
marocains par répudiation prononcée au Maroc offre à cet égard une illustration parfaite du
durcissement , dont l tirée de l
1
proximité ne semble plus à même d atténuer .
t sur la même ligne de conduite et devant se prononcer sur le caractère illicite du
déplacement, la Cour de cassation2 a ensuite décidé que « qui
impose de veiller à ce que celui-ci entretienne des relations personnelles avec chacun de
-3 de la Convention de New York sur les droits de
en France que par

totale et non préparée des liens entre la mère et une enfant de sept ans, rupture constitutive
d - »3.

personnelles avec chacun de ses parents est invoqué par la Cour afin de consolider un
enlèvement illicite, alors que le principe de coparentalité a pour objet, , le
-delà de cette affirmation,
t illicitement
déplacé doit être traitée indépendamment des questions
du droit de visite. Or, considérée compétente pour se prononcer
sur la question. Ensuite, la motivation des juges du fond ne semble pas à même de
au sens
onvention bilatérale. , approuvée par la Cour de
cassation, se borne à démontrer par des éléments pas

en rien la gravité du risque auquel il serait exposé. Selon la Cour, le danger pris en
considération pouvait résulter de la s
De manière tout aussi contestable, elle

pourrait-on pas, au demeurant,


de la même façon un exercice effectif de la coparentalité ? Ainsi que le souligne Monsieur
Michel FARGE, « il y a là non seulement une approbation de raisonnements très éloignés de
système mais aussi un jugement très sévère sur la capacité du Maroc à assurer
e », ce qui le
conduit à établir un réel « constat de faillite de la coopération franco-marocaine »4. La
réalisation des principes directeurs à finalité internationale se trouve refoulée au profit des

1
SINDRES, « ? », JDI, 2012, n° 3, doct.
10.
2
Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12.687, Rev. dr. fam., 2007, n° 7, comm. 155, M. FARGE.
3
Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12.687.
4
M. FARGE, precit.

219
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

principes à finalité interne1 car l


volonté de protéger les droits parentaux de la mère de nationalité française. Bien que
reconnus, ceux-ci sembleraient ne pas avoir été respectés2. Néanmoins, la décision retenue

Cette posture conduit à légitimer un déplacement illicite en méconnaissant le mécanisme


du retour automatique, et à

coopération des autorités tant marocaine que française, afin de sauvegarder au mieux

243. Pour une révision des conventions franco-


e. L fait son chemin en doctrine3 quant à
n des deux Conventions bilatérales4 liant la France au Maroc
Cette idée semble
ligner Monsieur le professeur
Yves LEQUETTE au sujet de en droit international privé de la famille. Pour
« au demeurant, parfois tellement profonde
que, même poussée
instrument acceptable par tous »5. La multiplication des normes supra nationales,
6
provoque un
7
et le droit européen des droits de
l Nous souscrivons aux conclusions
de Monsieur FARGE onventions

1
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflits de civilisations, Paris, Dalloz, coll.
« Nouvelle Bibliothèque de thèses », 2005.
2
-ci ne serait pas, selon la juridiction marocaine, en
mesure de lui procurer. V. P. MUZNY, « Pour que garde des enfants et pratique religieuse fassent bon ménage »,
HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, pp. 427-441.
3
En 2006 déjà : A. DEVERS, « -marocains. Les conventions franco-
marocaines face aux droits européen et communautaire », Rev. dr. fam., 2006, n° 3, étude 15, pp. 8-13. Puis en
2012, du même auteur : «
Conventions franco-marocaines (de 1957 et 1981) », 2012, n° 1, étude 1.
4
Outre la convention de 1981, la Convention franco-
J.O, 14 janv. 1960;
D., 1960, p. 57; Rev. crit. DIP, 1960, p. 99.
5
Y. LEQUETTE, « », in
LOUSSOUARN, Paris, Dalloz, 1994,
p. 246, spec. n° 3.
6
H. BOSSE-PLATIERE, « », in Le statut
, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 67-95.
7
Entre autres règlements : R. (CE) n° 2210/2003, 27 nov. 2003, dit « Bruxelles II bis » relatif à la compétence,
la reconnaissance et exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale,
remplaçant le R. (CE) n° 1347/2000, 29 mai 2000 dit « Bruxelles II », J.O.U.E, 23 déc. 2003, n° L 338, p. 1. Plus

de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, applicable à compter du 21 juin 2012, J.O.U.E, 29 déc.
2010, n° L 343, p. 10.

220
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s relations familiales franco-marocaines est

dont leur statut matrimonial, le règlement (CE) n° 664/2009 du Conseil prévoit une
s entre les États membres de
nion et des États tiers pour ce qui concerne la compétence, la reconnaissance et

1
. Ce texte est applicable à une éventuelle révision
desdites conventions. Particulièrement lourde, la procédure de révision est soumise à une
autorisation de la Commission européenne -
auxquelles elle prend part- une notification à la
Commission du proje préconise des négociations à

depuis 2008 du « statut avancé », signe de relations bilatérales privilégiées


européenne. Par ailleurs, celle-ci
-ci établit des objectifs et des priorités à
court et moyen terme afin de mener des réformes sur les plans politique, économique et
s/femmes
objectif global (est)
femmes, notamment par la promotion des droits des femmes et leur application effective,
et comme objectifs spécifiques

droits des femmes par les différents opérateurs du système (y inclus aides sociales aux

au travail décent) »2. Dans un tel contexte de coopération politique, pourquoi ne pas penser
à envisager une coopération judiciaire dans le domaine civil ?

1
Cons. UE, R. (CE), n° 664/2009, 7 juil. 2009, J.O.U.E, 31 juil. 2009, n° L 200, p. 46.
2
Mid-Term Review of the Country Strategy Paper Morocco 2007-2013 and National indicative Program 2011-
2013. Sur le plan culturel, il est prévu comme objectif ce qui suit : « face aux résistances des attitudes, normes et
valeurs de la société, connaissance, compréhension et intériorisation du concept de droits (universels) des
femmes dans ses diverses expressions (civiles, politiques, sociales, économiques et culturelles) par la diffusion
égalité », p. 25.

221
Conclusion du chapitre premier

244. A été mis en perspective dans ce chapitre affaiblissement du lien familial dans
sa conception traditionnelle, marqué par le recul du lien matrimonial et la prépondérance
une philosophie reposant sur le bonheur individuel. Afin de trouver un nouveau
fondement à la famille, susceptible de lui garantir la stabilité requise, le couple parental
parut être une solution. Il marque un déplacement de qui, du lien conjugal
se déporte vers la relation parentale. Les analyses menées ont permis de révé
de deux notions clairement identifiées : le couple conjugal dissoluble au gré des volontés
individuelles et le couple parental indissoluble. Il y a fracture entre le lien matrimonial et le
lien familial. Les deux notions tendent à former deux entités distinctes et autonomes.

modifié. Désormais, au sein des ouvrages de droit de la famille1 ainsi que des chroniques
de jurisprudence2, le droit du couple est identifié et étudié distinctement du lien parental et
, qui indépendants. Le droit du couple

conception unitaire de la famille. L


la nouvelle conception des relations familiales, laquelle permettait par la même occasion

On note cependant la réticence de certains systèmes juridiques à promouvoir


sein de la structure familiale3, mais une forme de contrainte sociale au plan international
valoriser é dans les relations familiales
ce qui, outre- « intérioriser le concept de
droits universels ». Le droit marocain ne connaît pas la même trajectoire que celle suivie
par le droit français. Malgré la consécration en pratique un droit à la libre rupture du lien
matrimonial, le réalisme du législateur maghrébin considère la rupture comme modifiant
avoir de
coparentalité post-divorce, ni de couple parental distinct du couple conjugal.
Lien matrimonial et
lien familial ne sont ni détachables ni autonomes en droit marocain. Les deux notions
demeurent consubstantielles. Toujours est-il que le divorce est consommé en droit
marocain et en droit français. L ,

1
BATTEUR, Droit des personnes, des familles et des
majeurs protégés, Paris, LGDJ, 8ème éd., 2015, celui de Madame I. DAURIAC, Droit des régimes matrimoniaux et
du Pacs, Paris, LGDJ, 4ème éd., 2015, ou encore les actes du colloque : N. GALLUS (dir. de), Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, Anthémis, 2012. Comp. avec H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS,
Leçons de droit civil, La famille, t. 1, 3ème vol., 7ème éd. revue par L. LEVENEUR, Montchrestien, 1995.
2
Cf. notamment la chronique « Contentieux familial » de Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT dans
la revue Dalloz, ou celle de Messieurs les professeurs J.-J. LEMOULAND et B. BEIGNIER.
3
F. MONEGER, « Religion au regard du statut personnel et familial », RIDC, n° 3, pp. 697-706.

222
France, le droit ne pense plus au singulier mais raisonne en termes de
reconnaissance de la pluralité des liens familiaux, probablement en raison de la place
1
, qui justifierait la prise en compte de
nouveaux liens de proximité.

1
J. POUSSON-PETIT, , Paris, éd. du CNRS, 1990.

223
Chapitre second. Du lien familial aux liens familiaux

245. Le compromis entre une coparentalité effective et la protection des


nouveaux liens formés. L constitue -avec des enfants issus
de la première union- les modalités pratiques de la vie commune entre le beau-parent et
1
soulève l mais aussi patrimonial. Le beau-parent
peut-il bénéficier des ? Vient-il
? Surtout, comment préserver le
principe de coparentalité alors que
peuvent se relâcher ?
une éventuelle contribution par le beau-parent aux dépenses
inhérentes aux besoi , ou tout simplement de la manière

-mêmes essaient
de trouver des instruments juridiques qui leur permettent de consacrer juridiquement la
au quotidien (Section 1). À nourrie
2
sur les parentalités -menée déjà depuis quelques années - la proposition de loi n° 1856
, sans mettre en place un statut du
beau-parent, semble assouplir les règles de droit déjà existantes. En procédant au
réaménagement des règles afin de protéger juridiquement les familles recomposées
(Section 2), se pose pourtant la question de savoir si le cadre juridique proposé permet une
meilleure prise en charge des enfants et si elle ne contrevient pas aux droits des parents
biologiques. Le droit marocain, attaché à la préservation des
prend pas en compte le phénomèn
revient de droit à la mère après la rupture. Le remariage de celle-ci peut, dans certains, lui
faire perdre le bénéfice de ce droit3.

1
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et anglais, Paris, LGDJ, 2013.
2
En 2006 déjà, plusieurs rapports voient le jour : Assemblée nationale, Rapport n° 2838 fait au nom de la
Président M. Patrick BLOCHE, Rapporteure Mme
Valérie PECRESSE, enregistré le 25 janvier 2006 ; -2006
au nom de la délégation aux droits des femmes sur les familles monoparentales et les familles recomposées, par
Mme Gisèle GAUTIER, déposé le 13 juin 2006 ; it au nom de la
commission des lois, sur les nouvelles formes de parentalité et le droit, par M. Jean-Jacques HYEST, n° 392,
déposé le 14 juin 2006. La réflexion a été poursuivie depuis, V. en ce sens les quatre rapports commandés à
BERTINOTTI
THERY, Rapporteure Mme A.-M. LEROYER,
Filiation, origines, parentalité. Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle. Puis le
rapport présidé par Madame A. GOUTTENOIRE, Quarante propositions pour adapter
. Le rapport de M. JUSTON, Rapporteure Mme S. GARAGOULLAUD,
Médiation familiale et contrats de coparentalité. Enfin, le rapport présidé par M. J.-P. ROZENCZVEIG, De

3
de son enfant après la rupture. Dès lors, la
-parent buterait sur le veto du père de partager ses prérogatives avec
utefois, une mère

224
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La contractualisation des rapports familiaux et


les stratégies patrimoniales

246. -parent-enfant.
La relation beau-parentale a ces dernières années d un ont
a été la dimension personnelle. Plus précisément, le débat a
porté -parent de prérogatives
parentales §1 order en droit
la question sous le seul aspect personnel est à bien des égards, réducteur. La relation beau-
parentale nécessite une approche juridique , et Madame le professeur
Dominique FENOUILLET mettait déjà en garde de voir la question personnelle
« surinvestie » au détriment des questions patrimoniales1. De façon similaire, lorsque
Madame LESTIENNE-SAUVE analyse la question en droit anglais, elle relève que la question
du droit successoral2 et corrob que
toute réflexion sur les familles recomposées doit être menée tant du point de vue des effets
personnels que patrimoniaux . Or, la question patrimoniale semble être
reléguée en droit français au second plan, alors même que la dissolution de la famille
recomposée -par décès ou séparation- posera inévitablement la question du sort des biens
du couple.
247. La relation beau-parentale dans Actuellement, la place
qui doit revenir au beau-parent est largement tributaire
Cependant, la question de la transmission des biens nécessite une approche non plus axée
, devenu majeur, mais bien sur une approche conciliant une
Là se situe une des premières difficultés
beau-
de la famille recomposée -celle-
3
travaux - mais à

-parent pourra avoir lieu de facto. La Cour suprême a pu


reconnaître que le
la pension alimentaire à son profit : Cour supr. maroc., 20 juin 2007, n° 361, dossier n° 627/2/1/2006.
1
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : des fondements incertains », Actes du Colloque Faut-il réformer
le rôle des tiers en droit de la famille ?, LPA, 2010, n° 39, pp. 25-31.
2
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 24.
3
V. en ce sens : L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit. ;
L. MARTSAL, , Thèse, Paris II, 2013. V. antérieurement à ces deux études :
M. REBOURG, -parent, Paris, Defrénois, 2003 ; pour une approche
comparée, J. SOSSON, Beaux-parents, beaux-enfants, étude de droit comparé, Thèse, Louvain, 1995 ; P. DELMAS
SAINT HILAIRE, « Familles recomposées : quelle protection successorale pour le nouveau conjoint ? », in Des
liens et des droits. -Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 299-309.

225
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

ces familles afin de gérer leur patrimoine (§2). Dans la positive, leur efficacité sera vérifiée.

§1) Le phénomène de recomposition familiale

248. . Le phénomène des recompositions familiales


L
à lui donner une plus grande visibilité (A). Autant de paramètres ont justifié sa prise en
compte par le droit (B).

A) Le renouvellement de la famille recomposée

1
249. Une longue période de . La
2
autrefois la méfiance . Des considérations
et patrimonial justifiaient cette attitude. La doctrine chrétienne de
ainsi que le souci de conservation des biens dans la famille
3
. La mère qui
se remariait pouvait être privée de la tutelle sur son enfant mineur, de son droit de
correction ainsi que de la jouissance légale sur les revenus de son enfant. Avant son décès,
en cas de remariage de son épouse, un tuteur
désignerait t dire que le beau-parent autrefois
représentait de « serpent de mer »4 du droit de la

du nouveau conjoint de la mère


de parenté. Fréquemment, le beau-parent faisait son apparition suite à un veuvage, et venait
ainsi remplacer

1
Pour Madame RUBELLIN-DEVICHI famille recomposée » fait appel aux notions de

secondes familles n des liens, pour tenir


compte de tous les liens familiaux.
2

recompositions familiales » ne prendra d


Pour cela, deux ouvrages fondamentaux se rapportant à la
question doivent être cités : , M.-T. MEULDERS-KLEIN, I. THERY (dir.
de), Bruxelles, Bruylant, 1993 ; Quels repères pour les familles recomposées ? M.-T. MEULDERS-KLEIN,
I. THERY (dir. de), Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 1995.
3
Le droit canonique leur refusait la bénédiction nuptiale, la loi salique exigeait que le second mari paye trois

obligeaient la veuve à rendre à la famille de son premier mari une partie de la dot reçue de ce dernier. Pour de
plus amples développements, cf. J.-P. LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Paris, 1ère éd., Dalloz, coll.
« Précis », 2001, n° 96.
4
M.-L. CICILE-DELFOSSE, « Le beau-parent, serpent de mer du droit civil de la famille », in Mélanges en
CHAMPENOIS, Paris, LGDJ, 2012, p. 189.

226
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

unie, dans laquelle la famille traditionnelle représentait la norme, alors que les différences
étaient « systématiquement interprétées comme des déviances »1
auteur, «
sourc »2. -parent
ème
menaçant perdurera j siècle. Elle changera tout

l Selon le doyen Jean CARBONNIER,

« le divorce, en se multipliant, a multiplié les chances de remariages précoces et par là-


même a donné à la recomposition familiale un air de jeunesse, de convivialité, de joie »3.
250. Une famille comme les autres. us
beau-parent au sein de la famille n est plus
synonyme de remplacement du parent biologique, en raison du lien indéfectible qui unit
parent. Dans ce contexte, la multiplication des familles recomposées -voire
4
- est accom tion dans
autres personnes que celles de ses parents, à qui incombe la
charge de la fonction parentale5 investissement de ces tiers6 enfant varie
7
selon les circonstances et la volonté des adultes. Mais, à des degrés divers, le tiers vient
assister le parent enfant.
parent survivant souhaitera conserver auprès de son enfant le souvenir du parent défunt. Le
beau-parent jouera alors le rôle de parent « social

1
I. THERY, « Introduction générale : le temps des recompositions familiales », in Les recompositions familiales
, Paris, éd. Nathan, coll. « Essai et recherches », 1993, p. 257.
2
F. LUCET, « Famille éclatée, famille reconstituée. Les aspects patrimoniaux », Defrénois, 1991, art. 35028,
spec. n° 5.
3
J. CARBONNIER, Droit civil , Paris, 21ème éd., t. II, PUF, coll. « Thémis », 2002,
p. 11.
4
I. CORPART, « Famille recomposée : Les familles recomposées décomposées », AJ fam., 2007, p. 299.
5
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité, parenté, parentalité : métaphore ou rupture ? », Paris, Dalloz, coll.
« Thèmes&Commentaires », 2009, p. XIV.
6
Pour Aude MIRKOVIC, « pour désigner le c un enfant, les termes adéquats sont
ceux de parâtre et de marâtre. La personne q est désignée par aucun terme
enf utilisation abusive du terme de beau-
paren être source de confusion ». Cf. « Avant-
tiers », AJ fam., 2008, p. 428. Or, le changement terminologique reflète un changement de perce
de la seconde famille.
7
Le rapport
, présenté par P. BLOCHE et V. PECRESSE le 25
janvier 2006 -parent vis-
à- :« ou non avec le parent légal, du même sexe que lui
exe, diffère significativement selon que les deux parents de
exercer leurs responsabilités, de manière plus ou un des parents
est lètement disparu de son horizon après la séparation du couple. Les
le beau-parent sont aussi très variables selon nfant, le temps passé
avec lui, -parent, la place que lui accorde le parent ».

227
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

problématique cependant est la situ fait suite à une


séparation. Dans ce cas de figure
choix de refaire sa vie avec une autre personne qui partagera également le quotidien de
1
et non de remplacer la
première. Juridiquement, cette nouvelle famille demeure composite pas la
2
première . Fréquemment, les deux ex-époux font « table rase » du passé et construisent
chacun une nouvelle famille, signe et de « réalisation de soi »3. Or,
même d ex vient nécessairement rappeler le passé, et
dont -parent peut avoir du mal à
trouver sa juste place, que ce soit en tant que nouveau compagnon ou en tant que parent
, qui continue à entretenir des relations avec ses deux parents.
que met en évidence Madame le professeur THERY évoque la « constellation
4
familiale recomposée dans laquelle circulent les enfants » -à-
relations entre les membres de la première famille et de la seconde famille. Les difficultés
seront dès lors moins liées au fonctionnement de la nouvelle famille
des relations entre les différents foyers formant la constellation.
251. Diversité des familles recomposées. La grande diversité des familles
recomposées5 impose de déterminer les configurations familiales à prendre en compte dans
les développements à suivre. L donc être faite. La
famille recomposée est celle qui se reforme après une première désunion, de laquelle sont
issus un ou plusieurs enfants6. Cette recomposition peut faire suite à un décès, découler
, de la rupture concubinage
ces secondes familles, le(s) enfant(s) issus de la première union sont en principe toujours

parent qui choisit de vivre une nouvelle expérience.

1
J. RUBELLIN DEVICHI, « », LPA, 8 oct. 1997, n° 121. V. la thèse
de Madame L. MARSTAL, , Thèse, Paris II, 2013.
2
J. HAUSER, obs. RTD civ., 1996, p. 371, qui soul
sont « superposés ».
3
V. en ce sens : E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur », in Mélanges offerts à M. le
professeur Pierre VOIRIN, Paris, LGDJ, 1967.
4
I. THERY, « Introduction générale : les constellations familiales recomposées et le rapport au temps : une
question de culture et de société », in Quels repères pour les familles recomposées, op. cit., p. 13-34, spec. p. 26.
5
-six variantes de familles recomposées, cité par L.
LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op.cit., p. 8, spec. n° 8.
6
Ne seront donc pas traitées dans cette partie les questions liées aux familles homoparentales au sein desquelles
un membre du couple a eu recours à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur, à la maternité pour

le professeur BEIGNIER volontaire ». Ces familles homoparentales ab initio


doivent être distinguées de
précédente union du partenaire (homoparentalité accidentelle). En ce sens : B. BEIGNIER, « Note sur
», NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 651-
656.

228
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cohabiter sous le même toit

lien de parenté1. Initialement exclusivement attaché à la qualité de conjoint, le terme de


« beau-parent » est indifféremment étendu aux couples de concubins et de
partenaires. Révélatric , cette indifférence terminologique est
surtout source de confusion car la langue française afin de
désigner autant acteurs présents dans enfant. donc bel et bien de tiers
au profit desquels le droit est sollicité pour octroyer des prérogatives sur un enfant qui leur
est étranger. Cette lacune terminologique illustre bien la difficulté à laquelle se trouve
confronté déterminer un contenu juridique précis à la situation
2
de fait . la place de soit clairement
défini apprécier si ce tiers qui par la force des choses sera amené à
enfant qu ien, a des droits et des devoirs à son égard, et si ces liens peuvent
être juridiquement consacrés.

B) Les moyens juridiques en faveur de la famille recomposée

252. visite et de correspondance au profit des tiers.


un tiers a
3
depuis longtemps été admis par les juges du fond .
n droit de visite était reconnu au profit du
tiers qui a noué des liens affectifs . Un tel droit a été admis en faveur
parrain et marraine qui avaient élevé pendant les cinq premières années de
4 5
sa vie , une tante maternelle qui avait .
Limité initialement au cadre familial, ce droit de visite a ensuite été étendu aux liens
affectifs de fait ai
6 7
recomposées . Ainsi, -concubine hétérosexuelle en
raison du rôle de « seconde mère pendant la vie commune auprès de

2
En ce sens : L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990.
3
V. en ce sens déjà : CA Paris, 30 avril 1959, D., 1960, p. 673 : Cass. civ. 1ère,
20 mars 1979, D., 1979, IR, p. 431 ; Cass. civ. 1 , 4 juillet 1978, Bull. Civ., I, n° 249 ; Cass. civ. 1ère, 11
ère

mai 1976, Bull. civ., I, n° 162, D., 1976, p. 521. De reconnaissances de paternité annulées : CA Rennes, 11 mai
2000, Juris-Data n° 120016 ; CA Reims, 8 juin 2000, Juris-Data n° 124379 ; CA Paris, 18 septembre 2003, Juris-
Data n° 2003-222869.
4 CA Riom, 7 mai 2002, Juris-Data n° 182363.
5
CA Reims, 8 juin 2000, Juris-Data n° 124382.
6
CA Pau, 5 juillet 2000, Juris-Data n° 122459. En cas de décès de la mère
lit, le beau-père peut se voir attribuer un droit décédée puissent
périodiquement entretenir des relations avec leurs demi-frères et soeurs et lui-même
combinée des articles 371-4 et 371-5 du Code civil.
7
CA Nîmes, 13 septembre 2000, Juris-Data n° 126870.

229
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

t. Déjà retenue concubinage homosexuel1, cette solution a


profité quelques années plus tard à une partenaire2
Le rôle
central joué par la compagne de la mère dans les premiers mois de la vie des enfants avait
, intérêt des
enfants. La lecture de la jurisprudence permet de conclure que la loi ne fait pas de
oivent se prononcer,
les juges statuent selon le critère -ci le
commande, les juges permettent le maintien de ses liens personnels vis-à-vis une
catégorie variée de tiers.
253. Une famille élargie. Depuis la loi du 4 mars 2002 légale de la
situation exceptionnelle dans laquelle le tiers bénéficierait d
correspondance ou de visite »3 rendait dérogatoire et limitée la possibilité de maintien des
liens par des tiers. Alors l était de droit au profit des ascendants, le maintien des liens
ne constituait plus L jurisprudentielle qui se dessinait était
nouveaux liens de proximité. Plusieurs
éléments corroborent cette évolution. Le droit des ascendants à obtenir le maintien des
pour motifs graves » est limité
être de droit. Cette restriction a été rendue possible par une appréciation concrète de
tilisé comme instrument judiciaire4
cette notion a constitué un indicateur de choix de la personne auprès de
laquelle cet épanouissement est optimal. Le resserrement de la famille conjugale aidant,
affaiblissement du droit des ascendants de maintenir leurs liens avec leurs
petits-enfants au profit de tiers qui ont partagé (ou partagent) la vie des parents.
que se dessinent les contours de évolution législative actuelle. La
proposition de loi (APIE) propose plusieurs
mesures permettant au beau-parent (plus largement à tout tiers partageant la vie de
enfant) de devenir la figure centrale en matièr au détriment des
5
ascendants . GOSSELIN la mise en place
place et lieu du lien biologique. Pour ce dernier, les règles existantes
rs lorsque une
1
TGI Besançon, 6 janvier 2000, D., 2000, IR, 88.
2
TGI de Mont de Marsan, 13 mars 2006.
3
article 371-4, modifié par la loi du 4 mars 2002, précisait : « En considération de situations
exceptionnelles, le juge aux affaires familiales peut
personnes, parents ou non » vait : « Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce doit ».
4
-4 alinéa 2 est issue de la rédaction de la loi du 5 mars 2007 : « Seul
».
5
Cf. -

choisi dans sa parenté ou non. Le privilège tenant à la parenté serait abandonné.

230
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« volonté délibérée d touj

parents, parfois sont beaux-parents, parfois sont des tiers ?... »1.
existantes permettent tantôt de créer un lien de parenté entre le beau- 1),
tantôt de fournir les outils juridiques nécessaires en vue le quotidien de la
famille recomposée (2).

1- La possibilité de créer un lien de parenté

254. La filiation de complaisance.


par son père, le conjoint2 de la mère peut établir un lien de filiation par une reconnaissance
de complaisance.
est par la suite désintéressé peut être reconnu par son beau-père par le jeu de la possession
L du père légal fragilise alors le lien de filiation
et ouvre la voie à des actions, dans une application a contrario des articles 321 et 334 du
Code civil.
contraires à son intér
lissement de la filiation rend cette dernière
3
inattaquable .
255. La question us
s
est possible.
Néanmoins, elle xercice de
jugé .
A
et les droits des enfants4, Madame WEISS-GOUT suggérait un élargissement de la
de sexe différent non
mariées. Du même avis, Madame le professeur GOUTTENOIRE propose de retenir comme
critère celui tiré de la vie commune du couple, laquelle doit avoir au minimum duré huit
ans. Par ailleurs, l général de la doctrine5

1
Cf. les débats relatifs à cette proposition de loi : Rapport fait au nom de la commission des lois

1856, Ass. nat., n° 1925.


2

3
Art. 333 al. 2 du Code civil.
4
P. BLOCHE, , Rapport
fait au n
n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, la Documentation française, 2006.
5
Le rapport de Mme THERY Filiation, origines, parentalité ein des familles

231
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

pourtant,
parents parents. Il ne semble
pas opportun de double
filiation légale existe. Cela est contraire tant au principe de coparentalité porté par les
réformes des dernières années .

ouverture au profit des couples de même sexe non mariés 1. Cette situation leur permettrait
procréation médicalement assistée en favorisant
2
. La situation
est toutefois différente lorsque
permettrait nt une double appartenance, pouvant être source de stabilité et
de richesse. Plus réservée, Madame MILLET difficulté tenant à la
multiplication des liens de filiation dans le temps. Au gré des ruptures conjugales, toute
personne do
conduirait à une « multiplication incontrôlable des liens de filiation
ainsi être « de
3
chaque parent » contrevient à du droit de la
filiation, le nombre de parents sociaux qui viendraien
, qui serait légalement issu de deux hommes ou de deux
femmes.
soulève la question de son renouvellement mais aussi ses multiples détournements. Si
celle- ivi
, en
Pour l
ageuse4. Dans ce contexte, le flou
entourant ses finalités selon les intérêts de chacun invite à repenser ses fondements et
suppose un choix clair lui donner.

sens : Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE,


droit de la famille, 2006.
1
Formulée par Mme Martine GROSS : « Dans les familles pluri-
de parents adoptifs aux transférée
aux seuls parents adoptifs. Un aménagement de ce dispositif, avec autorité parentale partagée de manière
consensuelle entre parents légaux et sociaux, permettrait à l
son environnement familial ». Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE,
, op. cit., 2006, p. 258.
2
V. infra n° 268 et s.
3
Ibidem., p. 258.
4
2016-297
J.O
simple est pris en compte dans les transmissions à titre gratuit, qui seront désormais imposées comme les

232
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

256. En
1
possible que lorsque tous ses liens . Cependant, une
adaptation de ses conditions est prévue, notamment

totalement
laissé endants au premier degré ou que ceux-ci se sont manifestement désintéressés de
La seule possibilité ouverte par le droit pour un beau-parent puisse adopter un
enfant est donc le mariage du couple. L
le mariage aux couples de même sexe a conduit à ajouter un 1° bis, disposant que
st encore possible «
». Le
conjoint de même sexe peut donc procéder,
dopté par le conjoint de même sexe2
détournement manifeste de la loi par le recours à une procréation médicalement assistée à

tion3. À la suite du prononcé


de n conjoint, premier parent légal. Par exception aux effets
celle-ci du parent
4
biologique et produit . Madame le professeur
GRANET-LAMBRECHTS
même sexe, même en présence d P projet de parenté

est irrévocable. Le recours par un couple de même sexe à une telle adoption, en dehors de

. n plénière conduit Madame le


professeur GOUTTENOIRE à émettre des réserves quant à son opportunité dans le cadr
couple hétérosexuel non marié. Selon celle-ci, « il faut prendre en compte la combinaison
de la relation de couple et de la relation avec

1
Art. 345-1 du Code civil.
2
Première illustration : TGI Lille, 14 oct. 2013, Rev. dr. fam., 2014, note C. NEIRINCK.
3
TGI Versailles, 30 avr. 2014, Dalloz actualité, 2014, obs. COUSTET, V. contra : CA Toulouse, 10 fév. 2015,
n° 14/02830, AJ fam., 2015, p. 220, obs. P. SALVAGE-GEREST ;CA Limoges, ch. civ., 2 mars 2015, n° RG
enfant « obligation ou nécessité de rechercher
les conditions de la conception de l'enfant, il est néanmoins du devoir de la juridiction de assurer une seule
filiation ici maternelle étant établie que le pr adoption plénière ne fera pas obstacle aux effets de
autre filiation ici paternelle si celle- ». La Cour poursuit ainsi : « À supposer non
conforme à la réalité la conception p établi une filiation
pa adoption plénière ». CA Aix-en-provence, 14 avr.
2015, n° 1413/137, AJ fam., 2015, obs. F. BERDEAUX-GACOGNE, enfin CA Versailles, 16 avr. 2015,
n° 14/04253, 14/07327, 14/04245, 14/04244, 14/04243, 14/05356, 14/05360.
4
Article 356 du Code civil.

233
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

relation entre le beau-

indestructibles qui »1. Nous approuvons cette


seconde analyse. L u concubin hétérosexuel ne peut
-à-
un engagement durable entre les concubins eux-mêmes. Comment dès
-ci est
inexistant vis-à-vis du parent ?
257. Panorama de droit comparé. Nombre de législations2 européennes
reconnaissent un statut au beau-parent3.
pas. Celle-ci pourrait pourtant
sans renoncer à ses spécificités. Une étude de législation comparée réalisée par le service
des études juridiques du Sénat sur le statut du beau-parent4
question de sa place familiale. Il en ressort statut juridique de ce tiers en
5
Espagne et en Italie, tandis que la Belgique réfléchit à la création un statut de « parent
social ». En Allemagne6 et en Suisse7, le beau-parent
bénéficie d'une autorité parentale automatique. Pourtant, la récente réforme suisse8 de
-entrée en vigueur au 1er juillet 2014- met en place un exercice conjoint
en cas de séparation. Le principe devient enfin dans cet État celui de

limitera probablement , applicable toutes les fois

1
Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, droit de
la famille, 2006, p. 256.
2
Aussi, les législations anglaise et néerlandaise apparaissent comme les plus favorables aux beaux-parents. La
première permet de partager l'autorité parentale avec les parents biologiques quels que soient le statut juridique
et l'orientation sexuelle du couple recomposé, alors que la seconde créé le concept d' « autorité commune », pour
désigner l'autorité conjointe exercée sur un enfant par l'un des parents biologiques et la personne avec laquelle ce
parent élève l'enfant, qui peut leur être accordé par un juge quel que soit leur statut juridique et leur orientation
sexuelle. Cf. « Statut du beau-parent : étude de législation comparée », JCP, G, n° 20, 13 mai 2009, act. 254.
3
V. en ce sens : J. SOSSON, Beaux-parents, beaux-enfants, étude de droit comparée, Thèse, Louvain, 1995.
4
Sénat, « Le statut du beau-parent », Étude de législation comparée, 2009, n° 196, disponible sur www.senat.fr.
5
De nombreuses propositions de lois ont néanmoins été déposées depuis 2001, dont la proposition de loi du 9

13 octobre 2010 instaurant des dispositions en matière de parenté sociale.


6
Depuis la loi du 16 février 2001, la loi lui octroie une for

ant a deux parents qui, bien que séparés, exercent


-
§ 1687 b Paras. 1- .
7
-
». La loi du 18 juin 2004
entrée en vigueur le 1er janvier 2007, relative au partenariat enregistré étend cette obligation aux couples de
partenaires de même sexe (art. 27).
8
Le Parlement fédéral a accepté la réforme le 21 juin 2013 (FF 2013, 4229) entrée en vigueur le 1er juillet 2014.

234
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

parentale est exercée par un seul parent1. En Suède2, la loi reconnaît le beau-parent dans les
enfants nés au sein de couples homosexuels. Depuis 1985 au Danemark, la loi
rela autorité parentale prévoit que celle-ci peut être partagée entre un parent et un
3
beau-parent . En Finlande,
le beau-parent marié ou non, peut acquérir la responsabilité parentale grâce à une
ordonnance judiciaire. Au Royaume-Uni -depuis le Children Act de 1989- les beaux-
au une décision judiciaire4, nommée
« ordonnance de résidence », établissant que leur domicile est la résidence des enfants.
autorité parentale peut donc être partagée par trois personnes.
258. Absence de statut en droit français. Le droit positif est toujours marqué par
absence de règles juridiques particulières enfant et son beau-
5
parent . Le législateur a montré sa réticence à créer des règles particulières à son profit, et
considère cette reconnaissance comme « une perturbation dans les représentations que
nous avons de la famille, notamment en raison des incertitudes sur la répartition entre les
détenteurs de la parenté biologique et ceux de la parenté sociale »6. Cette réticence
trouve aussi sa source dans la nature même du droit français de la famille. Celui-ci a
toujours perçu la famille comme une institution, entité qui prévaut au-delà même des
individus qui la composent. Par conséquent, il ne revient pas aux individus de décider de
le pouvoir de la réglementer
en déterminant la politique familiale la plus à même de garantir la pérennité de cette
structure. Bien que le législateur ait renoncé à imposer un modèle unique de famille, les

1
En Suisse, l
.L
sa naissance, ne peut selon la lettre du Code civil obtenir

Désormais, les parents non mariés pourront, s

établir les relations personnelles ainsi que leur participation à la prise en charge et
a al. 1 et 2).
2
Loi du 1er fév. 2003.
3
; par extension, les couples
En 1999, le législateur ouvre la voie de

parent de pa

également aux couples de même sexe pour lesquels le partenariat enregistré est réservé.
5
amélioration de la condition du beau-parent ; V. par. ex. D. VERSINI,

enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, La Documentation française, -projet de réforme sur
autorité parentale et les droits des tiers porté par la Nadine MORANO en 2008,
auquel fait suite le rapport de J. LEONETTI, , La
documentation française, 2009.
6
J. COMMAILLE, « Les aspects sociologiques », , Colloque des 7
et 8 février organisé pa CHATIN, LPA, 1er oct. 1997, n° 118, p. 9.

235
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

e ne plus être dirigiste et prescripteur, gère, encadre


et accompagne les relations familiales1
dans ce contexte de recherche du juste équilibre. Le
choix es roit
« post-moderne marqué par le relativisme, le pluralisme, la flexibilité et la mobilité »2.
Or, imprégné de la tradition romano- peu attaché
aux relations inter-individuelles dont il régit la conduite. la
-parent remet profondément en question la manière
dont le droit organise les relations familiales. Madame LESTIENNE-SAUVE dans sa thèse
démontre comment le droit français, attaché aux principes généraux, « a pour but de
donner des solutions aux problèmes avant que ces derniers ne soient susceptibles de se
poser à une juridiction et confère donc aux justiciables un certain nombre de droits et
»3. Mettant en lumière la spécificité française, sa quête des éléments de
solutions sur la question du beau-parent au sein du système de Common law révèle de
approche concrète, sa

laisse une place certaine à

essentiellement jurisprudentiel »4.


législateur dans les relations familiales constitue une atteinte aux libertés individuelles,

2-

259. Un dispositif de soutien à la parentalité. E du droit, un tiers peut


se voir attribuer la respo
es au principe de coparentalité, tolérées
parents sont à des degrés divers défaillants, le recours à une délégation
parentale (volontaire ou forcée) ou un simple partage de celle-ci permet
continuité de la prise en charge. En cas de carence parentale durable, les parents peuvent
être déclarés inaptes à exercer leurs prérogatives parentales. Cette situation commande
alors la mise sous tutelle . , le recours à un

1
F. NIBOYET, , Paris, LGDJ, 2008.
2
J. COMMAILLE, art. precit., p. 9.
3
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, Paris, LGDJ, 2013, p. 11.
4
Ibidem., p. 11.

236
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

eut être sollicité par les parents eux-mêmes ( ) ou par les


1
tiers ( ).

nts

260. Le mécanisme de l Les articles 376 à


377-3 présentaient la délég
comme une réponse à des situations exceptionnelles où un
parentale ne pouvait plus assurer ses prérogatives parentales. Lorsque tel était le cas,
l de substituer
personne. entale,
376- « un

avoir égard aux pactes que les père et mère ont pu librement conclure entre eux à ce sujet,

consentement
avantages2. Pour autant, la conception domi
décision du Tribunal de
3
grande instance de Riom pour qui «
de visite ne peut, en consé
».
parentale était de mise, cette rigueur jurisprudentielle conduisant les juges à refuser de tels
, dans certains cas,
ces difficultés, la loi du 4 mars 2002 assouplit le régime juridique de la délégation
volontaire et atténue ur autorité
parentale. Désormais perçue comme un droit-fonction
.
261. La délégation assouplie. Si les circonstances doivent exiger la délégation, sa
par la loi du 4 mars 2002. Ainsi en est-il de la
4
au-delà de laquelle il ne peut être procédé à une
délégation. Celle-ci est désormais permise . La remise
figurant autrefois au nombre des conditions5,

1
: F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les chemins de
», NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 483-502.
2
Notamment une meil
rupture moins conflictuel.
3
TGI Riom, 27 sept. 1967.
4
La loi n° 74- cle 377
du Code civil et permet la délégation pour les enfants âgés de seize ans au plus.
5

fant et de son beau-parent.

237
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

à partir du moment o ». Désormais,


un parent peut continuer à élever son enfant tout en bénéfi à qui
sont déléguées certaines prérogatives parentales. Les termes de « particulier digne
de confiance » sont élargis au profit de « tiers, membre de la famille » et de « proche digne
de confiance ». ouverture de la délégation à des tiers non parents est un des traits de la
nouvelle physionomie de la délégation. Toutefois, l
essentiellement un membre de la famille
de confiance. Particulièrement - -parent, la
nouvelle rédaction
parents. Afin de permettre la délégation, les deux parents étaient
afin la mesure de délégation
pouvant Si la délégation procède au transfert de
au profit du délégataire, seuls certains droits1 sont
transférés lorsque celle-ci est partielle est totale, tous les droits
sont transmis, qui ne peut
2
jamais être délégué 377-2, la délégation peut toujours prendre
fin ou être transférée Il revient dès lors au
juge de décider si « les circonstances exigent » la délégation, ce qui lui laisse une marge
.
262. Le partage de cice de Le rapport de Madame
ème
VERSINI préconisait dans sa 5 proposition
des relations personnelles avec le tiers qui a partagé sa vie quotidienne et avec qui il a noué
des liens affectif Filiation, origines
parentalité présidé par Madame le professeur THERY propose un réaménagement des
règles relatives à la délégation vers plus de souplesse. La proposition de loi portant réforme
de (APIE), adoptée en première lecture par
prévoit aux articles 13 à 15 une nette distinction entre la délégation
3
, la rédaction actuelle des articles 376 à 377-3 du Code
civil ne les distinguant pas clairement. À cette fin, l -1 du Code civil promis à
4
révision par la proposition de loi ouvre la possibilité de partager entre les parents et le tiers
délégataire, tout ou partie de é parentale « pour les besoins

1
Comme celui de garde et de surveillance.
2
Article 377-3 du Code civil.
3
V. infra, n° 456.
4
-1 sera le premier article (377) issu du paragraphe 2 relatif au « partage
». Si la proposition de loi est adoptée, le partage de tout ou partie de

convention, sauf si celle-ci ne préserve pas suffis

- ention, par jugement en cas de

sauf circonstances exceptionnelles.

238
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

». a pour but éviter un


convenance des parents. Lorsque tous deux
exercent doivent être e partage. Il aurait été
incohérent utorité parentale avec un tiers -beau-parent ou non-
loi de 2002 était
entalité. Dans le cadre du partage , les
actes usuels accomplis par les parents et le tiers délégataire sont présumés être
accomplis conformé -2 du Code civil. En
cas de difficulté, le juge aux affaires familiales peut être saisi par les parents, le tiers
délégataire ou le ministère public. La décision du juge tiendra compte de la
pratique
à respecter les dro tises éventuellement effectuées
lesquelles doivent notamment te et des renseignements
1
. -1 du Code civil ne
permet q
», son application est plus aisée que ode, lequel
permet lorsque les
circonstances ».

cette mesure et en quoi les circonstances alléguées exigent cette ouverture. Toujours est-il
que utilisé, sans
doute en raison de la lourdeur de la procédure, voire de sa méconnaissance.
263. la délégation-partage au profit des familles
homoparentales. Bien que ce cas de figure ne concerne pas le beau-parent stricto sensu, le
contentieux relatif à la question homoparentale a largement contribué à façonner la
délégation-partage, ce qui ne peut être sans conséquences pour le beau-parent. Ce
mécanisme a large
rôle parental fondamental, ayant débouché sur une meilleure acceptation en droit de
Ainsi, plusieurs demandes ont été formulées par des couples
homosexuels pour permet
parentale2. Un premier jugement du TGI de Paris3 a permis à un couple de femmes, dont

-ci privait la mère

1
Art. 373-2-11 C. civ.
2
Pour une approche comparative, V. H. BOSSE-PLATIERE, « PACS et autorité parentale », in Des concubinages :
droit interne, droit international, droit comparé, Études offertes à Jacqueline RUBBELIN-DEVICHI, Paris, Litec,
2002, pp. 193-211.
3
TGI Paris, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361, obs. F. CHÉNÉDÉ ; RTD civ., 2005, p. 116, obs. J. HAUSER, Rev.
dr. fam., 2005, n° 4, obs. P. MURAT. V. avant : TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, somm. p. 655, obs.
C. DESNOYER, et p. 1941, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ., 2002, 84, obs. J. HAUSER ; Rev. dr. fam., 2001,
n° 116, obs. P. MURAT.

239
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

parentale a été ensuite


nouv
«
situation de fait », et que « la demande est confo fant ». Une telle
solution a été consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 24 février 20061. Dans
une autre espèce, un couple de femmes élevant deux fillettes dont la filiation paternelle
parentale. Les juges ont considéré
problème de société dépassant largement le cadre juridique et
intéressant les rapports entre le législateur et le juge 77 alinéa premier du Code
civil issu de la loi du 4 mars 2002, a en effet été conçu afin de favoriser une meilleure

recomposition de la famille
»2.
La Cour de cassation a donc décidé que «

nt ». -partage
les juges du fond ayant relevé que «
femmes était stable et continue, que les enfants étaient décrites comme étant épanouies,

compagne ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle édu


toujours eu aux yeux des enfants ». La référence à ces éléments de fait semble constituer

-parent. Pour obtenir


il suffirait que ce dernier démo rôle
éducatif la nécessité de le consacrer juridiquement afin de
opre rôle.
Dans ces conditions, la délégation-partage pourra être considérée conforme

264. Une appréciation judiciaire variable des « circonstances exceptionnelles ».


de « circonstances exceptionnelles » demeurait le principe

1
Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, n° 04-17.090, Bull. civ., I, n° 101 ; D., 2006, juris. 897, note D. VIGNEAU; ibid.
pan. 1148, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, et 1421, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU ; ibid. IR. 670, obs.
GALLMEISTER ; ibid., Point de vue, 876, H. FULCHIRON ; RTD civ., 2006, 297, obs. J. HAUSER ; AJ fam., 2006,
159, obs. F. CHENEDE, Rev. dr. fam., 2006, n° 89, note P. MURAT ; RJPF, 2006, n° 4, 32, obs. MULON ; Rev. dr.
sanit. soc., 2006, 578, note C. NEIRINCK ; JCP, G, 2006, I, 199, obs. REBOURG.
2
Bull. civ., I, 2006, n° 101.

240
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

, elle a depuis été reprise de façon largement favorable par les juges
1
du fond .
recompositions2, se insisté sur cette exigence3. Ce manque
homogénéité -
partage dans les familles recomposées et ne permet pas une lisibilité des solutions. Une
lecture trop rig et constitue une limitation importante pour

que le critère lié à la stabilité du couple permettrait


telle délégation.

265. Après la séparation des parents, le


juge aux affaires familiales peut « dans des circonstances exceptionnelles décider, du
vivant même des eux qui exerce cette autorité,
cas, désigner la personne à laquelle
4
» . Depuis la loi du 4 juin 1970, i orme de
dérogati -1 du Code civil selon lequel « père et mère décède ou
exerce seul cette autorité ». Si
la disposition semble malvenue lorsque le parent survivant a maintenu de réels liens avec
son enfant, elle peut se révéler appropriée lorsque dans les faits,
et son parent se sont relâchées. Il serai
effectivement veillé à son éducation. L
particulière, il est préférable de confier Forte du
principe de coparentalité, la loi du 4 mars 2002 prévoit que cette mesure ne peut être faite
que dans des « circonstances exceptionnelles ». Elle étend également les dispositions de cet
article à toutes les
aux enfants dont les parents avaient divorcé. La 373-3 en fait
alors un outil parfaitement adapté pour les familles recomposées,

1
V. par ex. TGI Lille, ord. JAF, 11 déc. 2007, D., 2008, AJ. fam., 292.
2
Cf. C. MECARY, « Délégation- : évolution
jurisprudentielle », AJ fam.,

circonstances exceptionnelles. TGI Paris, 28 mars 2008, AJ fam., 2008, 249, obs. F. CHENEDE ; TGI Grenoble,
28 janv. 2008, AJ fam., 2008, 476, obs. F. CHENEDE ; D., 2009, 773, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS
de filiation paternelle a également permis de caractériser ces circonstances : TGI Paris, 23 sept. 2011, RG
n° 11/35995 et n° 11/35997 ; TGI Paris, 20 oct. 2011, RG n°
: TGI Paris, 21 sept. 2012, RG n° 11/44249.
3
Un tel partage pour les actes usuels entre
« -dépendant nécessitant parfois des hospitalisation longues » : CA Lyon, 2ème chb.
civ., 24 janv. 2006, JCP, G, IV, 2006, 2655, Y. REINHARD et R. BESNARD GOUDET. Il a en revanche été refusé
: Cass. civ. 1ère, 8 juil. 2010, n° 09-12.623.
4
Art. 373-3 al. 3, C. civ.

241
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

qui a longtemps vécu avec le tiers beau-parent peut commander de le confier à ce dernier

266. Appréciation judiciaire de l En 1970,


xceptionnelles. Le requérant
souhaitant confier

Il pouvait notamment être démontré le traumatisme lié au changement


de son cadre de vie, ce qui était favorablement accueilli par la jurisprudence1. Selon une
2
décision de , « le simple fait que les enfants disposeraient
ion disposé à se les voir confier et
que la fratrie se serait élargie par des enfants de ce nouveau lit constitue un cas de figure
désormais beaucoup trop courant pour constituer des circonstances exceptionnelles ».
Selon cet arrêt, la multiplication des familles recomposées ne constitue plus une
circonstance exceptionnelle nt à son
beau-parent sur le fondement de ce texte. Dans un autre arrêt du 3 mai 2005, la Cour

résidence habituelle de deux enfants chez leur ancienne belle-mère3. Dans cette décision,
ce sont les « liens profonds » et non « les circonstances exceptionnelles » qui justifient de
confier les enfants à leur belle-mère. Un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2009 4
semble aller dans le même sens. ambivalence de la juri
erver son cadre de vie habituel s
exceptionnelles ne permettait pas, au demeurant, de savoir dans quelles situations le beau-
parent pouvait . Il revenait au juge, selon les circonstances de
tait ou non à son beau-
parent.
267. -3 du Code civil.
pourrait faire ication issue de la proposition de loi APIE alinéa 2 de
cet article prévoit « à titre exceptionnel, et si , notamment
» que le juge confie
« tiers, choisi de préférence dans sa parenté ». Or, la proposition de loi prévoit
de remplacer « dans sa parenté » par « parent ou non »
1
T. civ. Fontainebleau, 17 fév. 1933, RTD civ., 1933, 456, G. LAGARDE ; CA Paris, 15 mai 1991, Juris-Data
n° 022067 ; CA Nancy, 30 sept. 1991, Juris-Data n° 052441 ; Cass. civ. 1ère, 9 juil. 1975, Bull. civ., I, n° 231.
2
CA Bordeaux, 8 mars 2005, Juris-Data n° 2005-270231, JCP, IV, 2005, 3038.
3
À la séparation de la famille recomposée, la mère des enfants demande que la résidence des enfants soit fixée
chez elle. Cependant, celle-ci vivait au sein de la communauté des frères de Plymouth, la belle-mère et le père
de continuer à
vivre auprès de leur ex-belle mère et leurs demi-
4
Cass. civ. 1ère, 25 fév. 2009, n° 07-14.849, AJ fam., 171, note I. GALLMEISTER: le principe du maintien des liens

et traité comme son propre enfant.

242
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

promoteurs du rapport Filiation, Origines, Parentalité1. Il sera donc plus aisé pour les
juges -parent. Après la
séparation des parents, le juge pourrait décider du vivant que , au lieu
-selon -1 du Code civil- est
confié à un tiers. La proposition de loi élargit donc le cercle des personnes auxquelles
, en associant des tiers choisis en dehors de sa parenté si son intérêt
2
le commande .

3
introduit un article L. 221-2-
des familles
le président du conseil
départeme enfant et après évaluation de la situation,
de le conf un accueil durable et bénévole ». Cette nouvelle

être une alternative lorsque le beau-parent a vécu olongement


de cette mesure, il est prévu qu chaque année (ou tous les six mois pour les
enfants âgés de moins de deux ans), un rapport pluridisciplinaire

a « san son développement,


4
sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille » , mais aussi les tiers intervenant
dans sa vie.
268. tuteur testamentaire.
parentale (suite au décès de le droit individuel
de choisir un tuteur, parent ou non » en a du Code civil. Cette
nomination doit être faite par testament ou dans une déclaration spéciale devant notaire 5.
Le parent a donc la possibilité de désigner son conjoint ou son compagnon comme tuteur
de ses enfants, sans intervention de juge. Présentant de nombreux avantages, la tutelle
testamentaire est pourtant peu utilisée. Lorsque le dernier vivant vait
pas procédé à un tel choix avant en vigueur de la loi du 5 mars 2007, la tutelle de
« à celui des ascendants qui est du degré le plus rapproché »6 -à-
7
dire le plus souvent, à un grand-parent . Une partie de la doctrine préconisait déjà, lorsque

1
Rapp. precit., p. 299.
2
Art. 11 de la proposition de loi.
3
L. n° 2016- J.O, 15 mars 2016.
4
Art. 223-
5
Art. 403 al. 2 du Code civil.
6
Art. 402 ancien du Code.
7
automatique du tuteur

défunt, la Cour de cassation dans une décision du 17 janvier 1995 a annulé une décision qui partageait la
grand-père pour la tutelle aux biens et la compagne de son père (qui était le

243
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

la dési autre que les


1
ascendants . Ainsi, Madame le professeur GOUTTENOIRE « en cas de décès
brutal, il serait peut- beau-parent comme tuteur privilégié et de
permettre au juge de le désigner comme dévolutaire de la tutelle légale de préférence aux
grands-parents ». Plus réservée, Madame Edwige ANTIER met en avant «
un enfant de connaître sa filiation et de cultiver ses acquis transgénérationnels ». Elle
grands-parents
reviendrait à « abolir ces efforts (...) t de personnes âgées meurent isolées et
». Le rapport présidé par Monsieur BLOCHE et
Madame PECRESSE privilégiait une solution médiane. Sans revenir sur le principe de
le Conseil de famille présidé par le juge des tutelles
pourrait déroger à cette désignation au profit tiers qui aurait participé à son éducation.
Cette solution présenterait notamment la prise en charge par des
ascendants trop âgés jeune enfant, particulièrement lorsque ce dernier entretient
déjà des liens étroits avec son beau-parent. La solution serait même à privilégier lorsque
a vécu pendant plusieurs années avec le beau-parent qui continue à élever les
demi-frères et demi- coïnciderait aussi avec
exercice de
er
parentale. Entrée en vigueur le 1 janvier 2009, la loi du 5 mars 2007 prévoit désormais
«
vient à cesser ses fonction, le conseil de famille désigne un tuteur au mineur ». La
nomination du tuteur par le conseil de famille permet ainsi une approche favorable au
beau-parent.
269. La délégation imposée aux parents. Les père et mère peuvent se voir
retirer le dans plusieurs cas de
figure :
crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteurs ou complices
crime ou délit commis par leur enfant 2. En dehors de toute condamnation pénale, ils
le sont encore danger la sécurité, la santé ou la
soit par une consommation habituelle

dernier mourant des parents) pour la t tutelle à son grand-


père, mais a maintenu le choix de la juridiction inférieure consistant à confier son éducation à sa mère
sociale. ite que sous
de cassation avait
tuteur par la mère sans le respect de ces formes ne pouvait être nommée tuteur et que cette mission devait être
confiée au grand- conformément à la volonté de la mère et dans
celui-
1
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujou , rapp. precit., p. 218.
2

doit
également se prononcer sur le retrait de celle- s autres enfants mineurs déjà nés au moment du
jugement (art. 379 al. 1).

244
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite


notoire ou des comportements délictueux1, soit encore par un défaut de soins ou un
manque de direction. Enfin, l
que pendant plus de deux ans, les parents se sont volontairement abstenus
,l
2
peut être prononcé . Les cas de délégation forcée ne constituent pas une sanction, mais ont
pour objet de conférer des prérogatives au tiers lorsque le commande,
voire lorsque le(s) parent(s) renonce(nt) ou sont en occuper.
En

ale éducative est provisoirement


3 4
confié . a procédé à
à
le juge peut également être
saisi accord du tiers candidat à la délégation totale ou
effet de statuer sur ladite délégation. Le
cas échéant, le ministère public est informé par transmission de la copie du dossier par le
juge des enfants ou par avis de ce dernier
faveur du tiers qui souhaiterait se voire confi
partielle, le tiers se voit transférer certains droits -tels le droit de garde, le droit à la
surveillance - tout en maintenant au profit des parents
les droits parentaux rela
droits est
Si les parents
justifient de circonstances nouvelles, ces derniers peuvent demander par voie de requête au
juge aux affaires familiales la restitution de leurs droits. L , lorsque
té parentale, se voir accorder un
d .
Le tiers peut également de la même manière, les
en restitution de leurs droits en cas de circonstances
nouvelles . Dans ce contexte, le rapport de Madame le professeur GOUTTENOIRE1 préconise
5

1
Art. 378-1 al. 1 du Code civil.
2
Art. 378-1 al. 2 du Code civil.
3
Cf. Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, n° 14-16.425. Dans cet arrêt, un enfant victime de violences de la part de ses
-mère maternelle forme un recours en annulation de

son pourvoi en cassation ont été rejetées. Pour la Cour de cassation, la qualité de grand-mère maternelle, en
de
DOUCHY-OUDOT, chron. contentieux fam., D., 2016, p. 674.
4
L. n° 2016- J.O, 15 mars 2016.
5
Article 381 du Code civil.

245
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

270. La mesure d ordonnée par le juge.


2
mesure ,
le juge des enfants peut
la famille ou à un tiers digne de confiance3. Il peut également le confier à un service ou
4
à un établis .
5
Le juge des enfants reste maître du choix du placement et peut rejeter la demande
tiers qui souhaite si cela ne semble pas conforme à son intérêt. La
catégorie du « tiers digne de confiance » visée par le texte très largement, ce
dernier ne devant justifier d
xigence de conformité à il est confié à un service,
celui-ci que revient la décision
le choix des parents nourriciers. Le juge des enfants peut cependant
donner des indications, notamment en demandant un placement proche du domicile des
parents ou
, le juge des enfants peut imposer orientation du mineur en famille
, le principe demeure
par les parents des prérogatives parentales non incompatibles avec la mesure.
L tiers, les parents ne disposent plus du droit de garde de
contact ; ils conservent en revanche les autres prérogatives,
notamment celles liées aux actes graves. Le tiers peut accomplir les actes usuels
nécessaires relatifs fant.

1
A. GOUTTENOIRE, Quarante pro
. ; V. aussi A. GOUTTENOIRE, «
placés », NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 514-522.
2
Art. 375-2 du Code civil.
3
Art. 375-3, 2° du Code civil. Voir les récentes recommandations du Défenseur des droits en faveur du tiers
digne de confiance, Lettre du Défenseur des Droits, décision MDE 2014-134 du 29 septembre 2014, n° 12, nov.
déc., pp. 13-
que la décision de confier celui-ci à un tiers digne de confiance -
famille-

soit procédé, en amont du placement, à la rec

devraient être aidées, dès que nécessaire, dans les responsabilités éducatives qui leur sont confiées ». Ne faisant

».
4
En ce sens, cf. la proposition de loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, relati J.O, 15
mars 2016.
5
Art. 375 du Code civil.

246
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

§2) La dimension patrimoniale liée à la recomposition familiale

271. La volonté individuelle -parentale. Centrale dans


la relation beau- pourtant pas
légalement réglementée. Les dispositions du droit successoral concernent uniquement la
vocation successorale du conjoint survivant. Ni le partenaire, ni le concubin ne sont pris en
compte par le droit successoral. la loi du 23 juin
1
2006 proposer plusieurs procédés permettant la transmission des biens
2
au sein des familles recomposées (A). Le porté par le beau-parent pour
dans la transmission patrimoniale. De la même
manière, légale une obligation alimentaire entre le beau-
reposera, une fois de plus, sur le pouvoir de la volonté du beau-parent (B).

A) La

272. structure conjugale. Lorsque la famille


recomposée est fondée sur le mariage, les mécanismes issus des règles du régime
matrimonial peuvent dans certains cas favoriser une transmission des biens du couple au
profit des enfants -communs ou non- (1). Lorsqu e sur le mariage, la
transmission des biens souffre es successorales et
à ces difficultés que la loi du 23 juin 2006 tente de
remédier, par la mise e outils favorisant la transmission patrimoniale au sein des
familles recomposées (2).

1- Le choix du régime matrimonial

273. Insuffisance des règles issues du droit successoral. En droit positif, le bel-
enfant ne constitue ni un héritier réservataire ni un héritier
civil3
parents, vise expressément les enfants du défunt et non ses beaux-enfants. Pour qu -
enfant puisse prétendre à la succession de son beau-parent, un lien de sang entre eux est

1
Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, J.O, 26 juin 2006. Pour les
commentaires relatifs à cette loi, V. N. PETERKA, « Les retouches à la dévolution successorale, à propos de la loi
du 23 juin 2006 », Rev. dr. fam., 2007, étude 52 ; P. CATALA, « Le droit successoral, entre son passé et son
avenir », in Le monde du droit. FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 229-
240.
2
u-
base du critère affectif alors que le lien horizontal unissant le beau-parent au parent est de plus en plus précaire et
sa dissolution facilitée par le législateur. Selon les statistiques, cette précarité touche encore plus les familles

3
les enfants ou leurs descendants succèdent à leur père et mère ou autres ascendants, sans
distinction de sexe, ni de primog ».

247
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

1
nécessaire.

au profit des tiers non appelés à la succession2, et ne se révèle pas suffisamment


protectrice.
274. Les mécanismes issus du régime matrimonial : un choix déterminant. Il
semble toutefois non commun puisse hériter indirectement de son beau-parent.
- Si le conjoint
parent décède après le beau-parent, et toutes les fois où ce dernier aura de son vivant
gratifié son conjoint de libéralités -dans un régime séparatiste par exemple-, celles-ci
permettront à terme de venir enrichir la part successorale de l
soumis au
préalable hérité de son conjoint. Il peut alors trouver dans la succession de son auteur les
profits réalisés par son beau-parent, la masse commune des
eau-parent
aura constitué la principale source de revenus de la famille, et que le régime matrimonial
ayant existé entre eux est celui de communauté universelle. Dans le cadre de ce régime, et
par «
survivant, un époux peut tenter de donner un substitut de vocation successorale aux enfants
de son conjoint, tout en évitant les obstacles civils et fiscaux liés aux libéralités »3. En
effet, au décès du premier des deux conjoints, les biens communs sont partagés par moitié
entre la succession du de cujus le beau-parent décède en

survivant profite de cet enrichissement et peut choisir de le transmettre à ses enfants,


non commun peut alors recueillir la moitié des biens qui

ution intégrale au profit du survivant permet à la moitié des biens de la


communauté de revenir à la succession du parent décédé afin que ses héritiers -enfants non

1
A. HOUIS, « ? En le faisant sien ? », JCP, N,
1997, Prat. n° 4089, p. 919.
pour la perception des droits de mutation à
-1° de ce
même Code p

mutations à titre gratuit en ligne directe (celui-ci peut varier de 5 à 45% en ligne directe). Cette situation exclut
-
mutation est celui prévu entre étrangers -3° perme

régime.
2

ou à des tiers.
3
S. FERRE-ANDRE, « La communauté universelle et les enfants des époux », Defrénois, 1993, I, art. 35455,
p. 193.

248
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

communs- ant, donc au


beau-p , les enfants non communs ont vocation à recevoir une
part des biens de leur parent, ou bénéficier du profit généré grâce à leur beau-parent durant
la vie commune avec son conjoint. Encore faut-il que les époux aient opté pour un tel
régime, -ce qui est souvent le cas lorsque le beau- -,
soit expressément opère pas de façon
bilatérale, en ne jouant que lorsque le conjoint survivant est le parent des enfants.
Lorsque le beau-

exemple en a été donné lors du Congrès des notaires de France 1 : deux époux veufs et
remariés sous le régime légal avaient des enfants communs et un enfant non commun issu
-ce qui
- ituée que du logement

moindre que ses demi-


universelle par le couple permit
commun de profiter des biens de son beau-parent, en privilégiant un partage équitable des
biens du couple entre les enfants de la famille recomposée.
B ces solutions demeurent des procédés indirects
effectués au profit du conjoint ayant partagé la vie du beau-parent. Elles ne permettent
pour autant
enfants. Un enfant pourra espérer indirectement recueillir le profit réalisé par son beau-
parent lorsque celui-ci est décédé en premier, alors que cette possibilité lui sera fermée si
son parent qui décède en premier2 et que le régime matrimonial des époux est le
régime légal. âcheux comportements, cette situation
créée de fortes inégalités dans la famille recomposée au sein de laquelle tous les enfants
auront été traités de manière égale du vivant du couple.
couple a vocation à recueillir la part que la loi lui accorde en qualité d
réservataire3

1
Le statut matrimonial du Français, 75ème Congrès des Notaires de France, du 7 au 10 mai 1978, Paris,
Librairies techniques, 1978.
2
Sauf si le beau-
non -1 du Code civil. En vertu de cet article, « sauf stipulation contraire du
disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a disposé en sa
faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles ». Cette

édiaire du conjoint survivant. Elle évite donc

beau-parent.
3
La part réservée à l

249
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

propre parent décède. Seul au demeurant, le régime de communauté universelle semble à


même de garantir une égalité entre les enfants issus de familles recomposées.
275. La transmission des biens du beau-
conjoint. La transmission entre conjoints présente un intérêt certain. Non seulement ceux-
ci ont la faveur smission des biens dans des
conditions optimales, mais ils bénéficient aussi de la quotité disponible spéciale entre eux.
Lorsque le beau- son
conjoint qui les transmettra ensuite à ses enfants.
entre les concubins ou partenaires exclut le recours à ce procédé, ministration fiscale
les considérant comme l
1
conséquent de 60%. Depuis 2007, la loi TEPA a accentué cette différence de régime. À
son décès, le beau-parent marié peut transmettre ses biens au conjoint survivant sans
jamais être imposé, alors que le beau-parent concubin sera toujours autant taxé par
e régime juridique du Pacs ayant peu à peu été aligné sur celui du
mariage, le beau-parent pacsé est fiscalement traité depuis 2007 de la même manière que le
beau-
vifs2. De la même manière, la partenaire survivant est exonéré de droits de succession.
Lorsque le choix du régime matrimonia , la volonté
une égalité entre les enfants du couple peut être contrariée. Il importe donc de remédier à
cette situation du vivant du couple. La transmission anticipée du patrimoine3 permettrait
.

2- La transmission anticipée du patrimoine

276. Les libéralités-partage avant 2006. Avant la loi du 23 juin 2006, les libéralités
partage permettaient aux parents de partager leurs biens de leur vivant entre les enfants.
4
ne visant que les « héritiers présomptifs », la disposition ne
x familles recomposées. Les donations-partages conjonctives permettaient
aux parents de donner par acte unique leurs biens communs et leurs biens propres à leurs
Dans le contexte des
recompositions familiales, la question se posait de savoir si commun pouvait

1
Loi TEPA n° 2007-1223 du 21 août 2007, J.O, 22 août 2007, p. 13945.
2
Art. 796-0 bis du Code général des impôts pour la transmission par décès, 777 et 790 F pour les donations entre
vifs.
3
V. en ce sens : M. NICOD, « », JCP, N, 2006, n° 12, 1136 ; N. PETERKA, « Les
libéralités graduelles et résiduelles, entre rupture et continuité », D., 2006, 2580 ; S. OLIVIER, « La transmission
anticipée du patrimoine : aspects civils et fiscaux », JCP, N, 6 juil. 2012, n° 27, act. 691 ; F. LUZU, N. LE GALL,
« », JCP, N, 29 juin 2012, n° 26, 1280 ;
V. ZALEWSKI-SICARD, « Familles recomposées et transmission », JCP, N, 10 mai 2013, n° 19, 1130.
4
« Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses
droits ».

250
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

se prévaloir de cette technique. Un arrêt du 14 octobre 19811 avait tenté de répondre à la


question, mais la solution posée par la Haute Cour avait néanmoins divisé la doctrine. Une
partie estimait que la Cour de cassation condamnait la donation-partage en présence
, les biens communs ne pouvant être transmis aux enfants non
la donation-partage était possible à condition que
chaque enfant soit alloti des propres de son auteur ou des biens communs, mais jamais des
propres du conjoint. Les biens propres détenus par un époux ne pouvaient valablement être
porter atteinte aux règles du droit
de propriété. De plus, ien de parenté entre le beau-
permettait pas de faire , non commun
héritier présomptif
ne pouvait, dans tous les cas, indistinctement porter sur es biens des deux
époux. , préalable à son adoption en 2006,
à savoir « clarifier la situation en permettant à des
enfants
recevoir, de leur parent seulement, des biens personnels ou communs ». Favorable à cette
solution, la loi du 23 juin 2006 a été la traduction du principe de conservation des biens
dans la famille.
277. La donation-partage conjonctive2 issue de la loi de 2006. Instrument de

transmission directe des biens du beau- é des motifs


du projet de loi est sans ambiguïté sur ce point. Néanmoins, son but est de traduire sur le

« en cas de donation-partage

auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse
toutefois être co-donateur des biens communs ».
pour procéder à une donation-partage conjonctive : chaque enfant doit être alloti du chef de
son auteur, et celui-ci son auteur ou en biens

1
Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, Juris-Data n° 1981-0003018; Bull. civ., I, 1981, n° 292; D., 1982, IR., 236, obs.
D. MARTIN; Defrénois, 1982, art. 32582, obs. G. CHAMPENOIS ; RTD civ., 1982, p. 646, obs. J. PATARIN; JCP, N,
II, 1983, p. 54, note P. RÉMY.
2
rt. 1076-1 du Code civil, la donation-partage conjonctive est un acte aux termes duquel les
donateurs confondent tout ou partie de leurs biens respectifs en une masse unique pour les partager entre leurs

proportion de la contribution de chacun d'eux dans la masse des biens partagés. Néanmoins, cette forme de
donation
aux deux époux ne peuvent recevoir que des
biens communs ou propres de leur auteur. V. sur ces donations : M. KLAA, « Donation-partage conjonctive de
biens communs et enfants de lits différents », JCP, N, n° 6, 8 fév. 2008, 1068 ; M. GRIMALDI, « Des donations-
partages et des testaments partages au lendemain de la loi du 23 juin 2006 », JCP, N, 2006, I, 179 ;
R. LE GUIDEC, « Les libéralités-partages », D., 2006, 2584.

251
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

rien recevoir du chef de son beau-


1
nécessitent . Dans les familles recomposées, ce procédé est toutefois
soumis à de nombreuses conditions qui en limitent la portée. Pour être réalisable, la
donation-partage au profit de
de son auteur -sur lesquels il a déjà une vocation successorale-. Si elle a pour objet les
biens communs au couple, est nécessaire. Dans ce cas de
figure 1437 du Code civil prévoit une récompense à la communauté toutes les fois
un des époux en a tiré un profit personnel. Bien que le profit ne soit pas établi de façon
directe au bénéfice du parent donateur, il est admis en jurisprudence que le simple
prélèvement de biens ou de deniers sur la communauté suffit à fonder le droit à
récompense2. La donation est, au demeurant, supportée à titre définitif par le parent
donateur. Avec Madame LESTIENNE-SAUVE3, il ressort qu une telle donation-partage ne
constitue pas une « faveur » concédée à la famille recomposée. une
partie de la doctrine préconise, lors de la donation de biens communs en la forme
conjonctive, de supprimer le compte de récompenses et la renonciation anticipée des
enfants réservataires action en réduction4. Ce que seront
favorisées les libéralités faites au conjoint, partenaire, ou concubin.
donation-
.
278. Les libéralités graduelles et les libéralités résiduelles. La pratique des
libéralités graduelles5 et résiduelles6 favorise la transmission patrimoniale au sein des
familles recomposées. Ces libéralités celle
La principale différence entre ces deux types de libéralités réside dans la nature

1
oser entre vifs, à titre
gratuit, des biens de la communauté ».
2
Cass. civ. 1ère 8 fév. 2005 : Avec cet arrêt, la Cour de cassation a modifié la répartition de la charge de la
preuve du profit retiré par la communauté. Auparavant, une double condition te

3
le parent recomposant qui souhaite donner un bien commun à son enfant non commun doit en
prendre conscience ière définitive le
-parent de faire une libéralité à son bel-
: au mieux, elle a ouvert une simple commodité
ent ». L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 585,
spec. 974.
4
Art. 929 du Code civil.
5
Article 1048 du Code civil.
6
condes familles lorsque, à
-ci les transmette à ses enfants. En ce
sens : J.-P. LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., §928-935.

252
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des pouvoirs accordés au survivant. Lorsqu elle est graduelle, le premier bénéficiaire -dit
« grevé »- doit conserver le bien afin de le transmettre à son décès au second bénéficiaire
appelé »-. ation de conservation qui pèse sur le grevé lui impose de conserver le
bien en nature et pas seulement en valeur. Cette exigence permet au principe de
conservation des biens dans la famille en favorisant à la fois le beau-parent et
1
ses propres enfants .
ne peut produire son effet que sur
des biens ou des droits identifiables à la date de la transmission et subsistant en nature au
décès du grevé
lorsque la libéralité porte sur des valeurs mobilières. Afin de ne pas nuire à la gestion du
portefeuille de titres, le texte prévoit que « la libéralité produit son effet, en cas
». Bienvenue au sein des
familles recomposées, cette technique assure au décès du beau-parent des biens au profit
des enfants non communs, lorsque dans le même temps les enfants communs peuvent avoir
Il peut donc être parvenu à une certaine égalité grâce à
cet instrument.
résiduelle2, la libéralité bénéficie successivement à deux bénéficiaires
désignés. Le premier a pour seule obligation de transmettre à son décès le reliquat des
profit du second bénéficiaire. Il peut donc librement disposer du bien
et n ni en nature, ni en valeur3. Le second bénéficiaire désigné ne
reçoit que le residuum. Néanmoins, ses droits rétroagissent au jour où le disposant a
consenti la donation pour les tenir directement de ce dernier4. Lorsque le bien objet de la
libéralité a été vendu, les droits du second bénéficiaire ne se reportent ni sur le produit de
cette vente, ni sur le bien qui y serait subrogé 5. Le premier bénéficiaire dispose ainsi
liberté accrue dans la gestion des biens reçus. Cette liberté est en réalité le coroll
confiance que le parent met en la personne du beau-parent. érêt de
peut gérer les biens reçus en bon père de famille afin de les faire
fructifier bénéficient lors de son décès. Ces techniques permettent de
conférer des droits au nouveau conjoint, partenaire ou concubin tout en ménageant un
retour des bi
conserver un bien dans la famille, la donation pourra être graduelle.
conserver le maximum de souplesse et de droits pour le conjoint tout en préservant les

1
Article 1055 du Code civil : «
tant que celui- ».
2
Art. 1057 du Code civil : « Il peut être prévu dans une libéralit
subsistera du don ou legs fait à un premier gratifié à la mort de celui-ci ».
3

disposant ou à ses héritiers ».


4
Art. 1051 et 1061 du Code civil.
5
Art. 1058 al. 2 du Code civil.

253
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

279. La fiscalité des libéralités graduelles et résiduelles. Lorsque la libéralité est


faite sous forme de legs, le beau-parent conjoint ou partenaire pacsé depuis la loi
TEPA, de droits de succession à acquitter. L -0 bis du CGI dispose que « sont
exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt
par un pacte civil de solidarité ». L
entre vifs, elle est soumise aux conditions fiscales propres aux donations entre époux ou
partenaires pacsés1. ces situations, le régime fiscal est favorable en
raison de la taxation une seule transmission. ode général des impôts
dispose que «
transmission, le légataire ou le donataire institué en premier est redevable des droits de
mutation à

entre le testateur ou le donateur et le second légataire ou donataire. Le régime fiscal


applicable et la valeur imposable des biens transmis au second légataire ou donataire sont
déterminés en se plaçant à la date du décès du premier gratifié. Les droits acquittés par le
premier légataire ou donataire sont imputés sur les droits dus sur les mêmes biens par le
second légataire ou donataire ». L centrale de ce mécanisme est
unique -donc un seul transfert de propriété- comportant une condition résolutoire liée au

reliquat lors du décès. Le premier bénéficiaire demeure tenu des droits de mutation à titre
ien à payer. En revanche, au décès du premier

donateur initial et le second bénéficiaire. Le régime fiscal applicable et la valeur imposable


des biens transmis sont déterminés selon les règles et taux en vigueur à la date du décès du
premier gratifié, qui correspond à la date de la réalisation de la condition. Ainsi, un homme
souhaitant effectuer une donation de bien à son conjoint, lequel devra le transmettre par la
suite à son propre enfant sera soumis à favorable prévu entre époux, le
dépassement restant à la charge du conjoint. Au décès du conjoint, -
- et doit à son tour payer des droits de mutation. En vertu de la taxation
unique, les droits acquittés par le premier bénéficiaire sont retranchés des droits dus sur le
même bien par le second gratifié, et le taux de taxation applicable est celui applicable entre
parent et enfant2. En revanche, le recours tant à la libéralité graduelle que résiduelle ne
semble pas être avantageux lorsque le beau-parent souhaite transmettre ses propres biens à
son conjoint pour que celui-ci les transmette à son propre enfant. L
prend en compte le lien de parenté existant entre le donateur et le second gratifié, non pas

1
n° 2012-958 du 16 août 2012 : « pour la perception des droits de mutation à
titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de
777 prévoit un faible taux de taxation pour les droits applicables en ligne directe (5 à 45 %).
2
Au lieu des 60% applicables entre non parents.

254
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

le lien entre le premier bénéficiaire et le second. Le disposant n


second gratifié, sition dans ce cas est de
60%.

B) L naturelle aux aliments

280. légale obligation alimentaire entre beau-parent et enfant.


« ». adage de LOYSEL fait naître une obligation morale
la parenté en ligne directe. cle 203 du Code civil -relatif aux
obligations du mariage- reprend cette obligation pour la faire figurer parmi les effets de la
parenté. Ainsi, le
end aux ascendants. Le beau-parent ne peut être tenu
1
aucune obligation alimentaire sur le fondement des articles 206 et 207 du Code civil car
les termes de « gendre » et de « belle-fille un premier
2
lit, et la jurispr .
est pas tenu de fournir des aliments au conjoint, concubin ou partenaire de son
parent dans a élevé durant plusieurs années, sauf devoir de
3
conscience . autre peuvent verser volontairement des subsides en exécution
une obligation naturelle.
281. L obligation
naturelle » permettant de faire reconnaître une prise en charge par le beau-parent de son
bel-enfant existe bel et bien dans les faits. -parent décide de subvenir aux
(sa) concubin(e) en dehors de toute obligation légale, il peut être
jugé que celui-ci a accompli une obligation naturelle. Si elle est reconnue, les
empêche ensuite de récupérer les sommes dépensées,
forcée obligation naturelle en obligation civile en
possible. Po
-à- civile » reconnue par le
droit positif. Georges RIPERT
naturelle est « un devoir moral qui monte à la vie civile »4

1
Sur la notion, V. P. BERTHET, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille
coll. « Logiques juridiques, 2000.
2
En ce sens : CA Grenoble, 10 fév. 1903, Rev. dr. patrim., 1904, 2, 469 ; CA Paris, 31 juil. 1915, Rev. dr.
patrim., 1920, 2, 148 ; Cass. civ. 2ème, 16 nov. 1978, D., 1979, I.R., p. 148 ; CA Paris, 19 mai 1992, D., 1993,
somm. 47, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS.
3
-
permet de créer un lien de parenté et produ

4
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, LDGJ, 1994, p. 375.

255
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

question se pose de savoir si le beau-


moral1 ?
282. L
terrain particulièrement fertile en matière familiale, car elle est « outils du
urraient être amenés à jouer un rôle grandissant dans le jeu des solidarités
familiales, par sa vocation à faire pièce aux actions en répétition ou en remboursement »2.
re

3
. Dans le cadre du concubinage, le critère tiré
préciation in abstracto du
devoir moral, il ne serait pas inconcevable de reconnaître une telle obligation naturelle
4
. Pour certains auteurs, le devoir moral
qui la fonde doit être de ceux « qui sont jugés, à un moment donné, par le législateur ou par

»5. Dans le même sens,


Madame le professeur FENOUILLET considère que « les prétendus devoirs juridiques de
conscience collective ne sont pas ceux imposés par la conscience du sujet de droit soumis à
la règle, mais ceux imposés par la onscience collective la règle morale »6. À titre
a progression du nombre de familles vivant en union libre pourrait être
considérée comme étant « », à se fier à son succès auprès des
couples. Il en découlerait cependant un abandon de la règle morale au profit du pouvoir de
la volonté qui déterminera, in concreto, la conduite des individus. Cette idée rejoint
Monsieur le professeur MALAURIE pour qui «
»7.
Cette situation est symptomatique de la législation contemporaine, particulièrement en
droit de la famille. Elle soulève notamment le débat relatif
morale au profit de la loi civile, cher au doyen CARBONNIER. Toujours est- n

1
S. HOCQUET-BERG, « »,
(note sous cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995), LPA, 23 août 1996, n° 102, p. 9.
2
M.-C. RONDEAU-RIVIER, « it des obligations alimentaires », LPA, 1995,
n° 53, p. 12.
3
Cf. loi du 5 juil. 1955 qui ouvre au profit des enfants adultérins une action alimentaire.
4
M. REBOURG turelle »,
in Obligation alimentaire et solidarités familiales, entre droit civil, protection sociale et réalités familiales, L.-
H. CHOQUET, I. SAYN (dir. de), Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 2000, p. 41.
5
M. PLANIOL, G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 7, Obligations, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1954,
n° 982, p. 317.
6
D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, LGDJ, 1993, n° 172, p. 112.
7
P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, Paris, LGDJ, 7ème éd., 2015,
n° 1130.

256
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
-parent, le devoir
alimentaire constitue bel et bien un devoir moral. Il reviendrait donc au beau-parent de
age,
2
le rapport objectif découlant du ssan -parent semble
déjà favoriser une telle reconnaissance.
283. s indirecte du fait de la vie commune. Les
règles du régime primaire des conjoints imposent indirectement au beau-parent marié une
contribution3 à enfant non commun. Sous cet angle, la résidence du beau-
te .
4
Entendue largement, la notion de charges du mariage -
5 6
-commun lorsque le couple est marié sous le régime légal .
Au plan de la contribution à la dette, cet entretien est inclu dans les charges du mariage7.

paragraphe 1360 du BGB, la contribution des époux aux charges de la famille comprend « ce qui est nécessaire
pour subvenir aux dépenses du ménage et satisfaire les besoins personnels des époux, ainsi que les besoins
courants de leurs enfants communs ayant droit à des aliments

-en droit anglais- fournir des


aliments aux enfants qui font partie de la famille.
2
H. FERKH, « Le rapport des obligations naturelles à la morale ou la tendance objective de la jurisprudence »,
Gaz. Pal., 1997, 1, doct. 13.
3

e contribution de fait, peu importe son importance : A. MARTIAL,


«
Toulouse le Mirail, fév. 2002.
4
Cass. civ. 1ère, 20 mai 1981, Bull. civ., I, n° 176; JCP, G, IV,1981, 281. V. Plus récemment la réaffirmation
selon laquelle la résidence secondaire constitue une charge du mariage : Cass. civ. 1ère, 18 déc. 2013, n° 12-
17.420 ; RJPF, 2014, n° 2, comm. V. ÉGEA.
5

général. CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, 134, note D. MAYER et P. CALE. Sur cet arrêt, V. L. ESTIENNE-
SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 221-222. V. aussi M.-C. RONDEAU-
RIVIER, « La contribution spontanée dans les familles recomposées », , Actes

relève pas de la contribution des époux aux charges du

6
-parent conduit à imprimer à la dette son caractère
-parent la supporte définitivement sur le plan de
- parler de dette
-

nées en sa personne, avant ou pendant le mariage. Par conséquent, le beau-

où ce critère de résidence conduit à une différence de traitement injustifiée entre les enfants au sein du régime
légal, celle-ci existe dans le régime de séparation des biens. Pour aller plus loin, cf. L. LESTIENNE-SAUVE, Le
beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 294-295, spec. §485.
7
C.-M. AUBRY, C.-F. RAU, Droit civil français, par A. Ponsard, 7ème éd., LGDJ, tome 8, 1973, §508 ; COLOMER,
Rép. civ., V° Régimes matrimoniaux, p. 6 ; F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Paris,
Dalloz, coll. « Précis », 7ème éd., 2015, p. 44, spec. n° 53.

257
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

Le beau-parent marié participerait donc pour partie aux entretien de


1
de son conjoint . Une partie de la doctrine réfute pourtant cette analyse, en

viser que les dettes relatives aux enfants communs du couple2.


284. Charge définitive de la dette alimentaire. L du bel-
enfant par son beau-parent est une dette ménagère supportée par les gains et salaires et les
biens propres du beau-parent lo avec lui elle ne constitue
sous son toit, insusceptible
3
. En pratique pourtant,
des dépenses occasionnées par les enfants non-communs bute sur la mise
en commun naturelle Comme le
souligne Monsieur le professeur GRIMALDI, «
conjugal, rie », surtout que « la famille

non des deux conjoints »4. Ainsi, les dépenses non alimentaires générées par la vie
-parent sont supportées à titre définitif par la
5
communauté. Aucune récompense au profit de celle-ci .R
LOYSEL « qui épouse le corps épouse les dettes », une partie de la doctrine approuve cette
solution. Pour Monsieur le professeur CHAMPENOIS, «
s étranger à
6
» . Gérard CORNU considérait que « pas les
solidarités familiales « naturel que les charges alimentaires
respectives des époux pèsent, en toute réciprocité, sur le budget du ménage »7. Pour

par la mère. Cf. CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, note D. MAYER et P. CALE.
2

proposée : «
issus du mariage ». Si elle

3
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 232, spec. n° 383.
4
M. GRIMALDI (dir. de) Droit patrimonial de la famille, Paris, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 5ème éd., 2014,
p. 12, spec. n° 111.71-111.73.
5
Alo : « Récompense est due à la communauté qui a acquitté la
». Cependant, les aliments dus par les époux sont définitivement supportées par la
communauté. En ce sens : Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, n° 03-14.831, Bull. civ., I, n° 403 ; D., 2005, IR, 2897 ;
Rev. dr. fam., 2005, n° 274, note B. BEIGNIER ; RJPF, 2006, n° 3, 53, note VALORY.
6
J. FLOUR, G. CHAMPENOIS, Les régimes matrimoniaux, Paris, Dalloz, coll. « Armand Colin », 2ème éd., 2001,
p. 455, spec. n° 484-485.
7
G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, Paris, PUF, 9ème éd., coll. « Thémis », 1997, p. 312.

258
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Madame le professeur REVEL, «


qui avait déjà créé une famille, admet que les finances du mariage soient amputées de ces
communauté »1. S
ue it de la

rait de ne pas imposer cette circonstance au beau-


Lorsque la communauté a acquitté une dette alimentaire (hypothèse du
en valeur, on pourrait valablement estimer
que celle-ci ait un droit à récompense. Ce sera notamment le cas lorsque le beau-parent ne
réside
lorsqu e vie commune existe entre eux lieu à récompense. Ces
différences de traitement fondées sur la résidence conduisent néanmoins à des solutions
2
critiquables du point de vue de la . Avec
Madame LESTIENNE-SAUVE, cette situation « commande le rejet de la distinction de
traitement entre beau-parent résident et beau-parent non résident », car le risque serait
« -
bel-enfant en nature -à-dire à faire en sorte que les contacts du parent non résident

résidence alternée »3.


où la communauté bénéficie des revenus des époux, elle doit corrélativement supporter
toutes leurs dettes, peu importe que celles-
deux4.
285. L aide matérielle » et
« assistance réciproque » prévues depuis la loi du 23 juin 2006 sont exclusives des
dépenses relatives aux enfants, faute de dimension familiale du Pacs.
de cette forme de conjugalité avec le mariage
. La loi n° 2009-526 du 12 mai

relatives à la contribution aux charges du mariage. Il serait dès lors tout à fait imaginable
que le juge puisse un jour

1
J. REVEL, « Les revenus des époux communs en biens et les tiers : mariage ou célibat », D., 1987, chron.
131, n° 18.
2
Un avant projet de loi datant de 1979 semblait vouloir mettre en place une telle récompense lorsque la

bien que certains, notamment le ministère des Droits de la femme, souhaitait que cette possibilité soit consacrée.
Sur ce texte, cf. M. REBOURG, -parent, op. cit., §280.
3
L. ESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 293.
4
G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, op. cit., p. 315 ; A. COLOMER, Droit civil. Régimes matrimoniaux, Paris,
Litec, 12ème éd., 2004, p. 364, spec. n° 797 ; M. GRIMALDI (dir. de), Droit patrimonial de la famille, op. cit.,
n° 142.41 ; F. TERRE, P. SIMLER, Les régimes matrimoniaux, op. cit., p. 312, n° 408.

259
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

relatifs Pour
les couples pacsés peuvent convenir de fixer dans leur
-
parent, ainsi que son étendue.
286. Une obligation naturelle pour le concubin.
ssues du régime matrimonial des époux est inapplicable au beau-
parent.
vie commune1 entre concubins, et a fortiori de solidarité ménagère2 entre eux. Par
conséquent, la participation - enfant de son concubin
relève de son bon vouloir. La jurisprudence, bien que relativement pauvre en la matière,
offre néanmoins quelques -parent concubin
3
pourrait . Les juridictions du fond ont pu considérer que
celui qui entretient les enfants du premier lit
4
. Dans un autre
5
arrêt, la Cour de cassation semblait implicitement
concubin les ayant hébergés
gratuitement pendant un moment, celui-ci a demandé leur expulsion. Les pare -

de leur fille serait tenu de leur verser. Déboutés de leur demande, leur pourvoi est rejeté.
Néanmoins, l les la
possibilité
retenue -les parents - la Cour semblait
reconnaître implicitement son existence à des parents
égard ceux-ci le justifiait6. Il semblerait donc

marié ou du couple non marié.

1
Cass. civ. 1ère, 19 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, comm. 217; Cass. civ. 1ère, 31 janv. 2006, Rev. dr. fam., 2006,
comm. 83, note V. LARRIBAU-TERNEYRE.
2
Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, n° 11-25.430.
3
CA Paris, 23 avr. 1986, 1ère chb., sect., Juris-Data, n° 23210.
4
Cf. Paris, 20 avr. 1944 ; Colmar, 20 déc. 1960, D., 1961, p. 207 ; Cass. civ. 1ère, 21 juil. 1987, cités par
M. REBOURG »,
art. precit.
5
Cass. civ. 1ère, 18 juil. 1995, LPA, n° 87, p. 13, note HAUKSSON-TRESCH.
6
Pour plus de développements sur cet arrêt, cf. L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en
droit anglais, op. cit., n° 494.

260
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 2. La protection juridique de la pluri-parenté

287. La reconnaissance juridique du beau-parent. Nombre de couples souhaitent


faire enfant et le tiers un lien de droit1 qui consacre la relation de fait
vivent. En termes juridiques, il de définir le statut social du beau-parent au sein de la
nouvelle famille, en prenant en compte ses liens avec enfant. Du point de vue du beau-
parent, cela se traduira par la prise en compte de la participation personnelle et pécuniaire
2

-
parents, les grands-parents et grands-beaux-parents, ainsi que les demi-frèr
riage peut en succéder un autre et
-parent en cacherait un autre . En 1998, le rapport4 de Madame le
3

professeur THERY préconisait de reconnaître spécifiquement le rôle du beau-parent tandis


1999, le rapport5 de Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ proposait
un statut du tiers. té de créer un tel statut
(§1). Un aménagement des solutions déjà en droit positif, ne
serait-il pas préférable (§2) ?

§1) statut de beau-parent

288. -parentale. La nécessité de


protéger juridiquement la pluri-parenté commande en tout premier lieu de déterminer la
personne désignée par le terme « beau-parent » (A). Son utilisation indifférenciée au profit
de toutes les formes de conjugalité conduit à considérer que le droit prendra en compte
tous les tiers au gré des multiples unions des parents.
Une fois relevées les difficultés liées à l -parent, transparaîtront
naturellement celles liées au statut (B).

1
V. DEPADT-SEBAG, « La reconnaissance juridique des tiers beaux-parents : entre adoption simple et délégation
partage », D., 2011, p. 2494.
2
Cf. la thèse de M. REBOURG, -parent, Paris, Defrénois, 2003.
3
A. GOUTTENOIRE, « Un beau-parent peut en cacher un autre », Rev. dr. fam., 2006, n° 2, alerte 10.
4
I. THERY, Couple, filiation et parenté au : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,

française, juin 1998.


5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille, propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, La Documentation française,
1999.

261
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

A) -parent

289. Le beau-parent, un auxiliaire. En raison du lien privilégié qui unit le parent


recomposant à chacun de son enfant et de son nouveau partenaire, ces deux derniers sont
voués à vivre sous le même toit. Dès lors -parent :
laisser son parent
occuper. , la vie commune amène bien souvent
tout beau-parent notamment lorsque le parent est absent. Ces
situations, bien que limitées dans le temps, justifient que le beau-parent ait une place
particulière au sein de cette nouvelle famille, dans laquelle il agirait tel un précieux
auxiliaire du parent. La vie commune p accorde cette
1
attention .
290. Une confusion terminologique. Le rapport du groupe de travail Filiation,
origines, parentalité2 présenté par Mesdames les professeurs THERY et LEROYER désigne
comme « beau-parent » le « conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin, de sexe différent
un des parents »3
prudence4, celle- beau-
parent » au sein du rapport. Le terme est appliqué indifféremment au conjoint, partenaire et
concubin. La proposition de loi APIE reprend utilisation extensive du terme de « beau-
parent » sans même réfléchir sur une notion aussi instable que celle de vie commune.
au concubin, partenaire ou conjoint
».
291. Le critère de la vie commune. Le critère de vie commune pourrait générer au
profit du beau-parent. La vie commune
découle-t-elle uniquement du mariage ou convient-il de prendre en compte la vie commune
des concubins et des partenaires ? Le mariage présume la communauté de vie et constitue
-même que vis-à-vis des
enfants qui lui sont rattachés. Il paraît donc naturel que le beau-parent puisse bénéficier
u sein de la nouvelle famille .À
r elle. Le

1
Pour prendre juridiquement en compte la relation beau-parentale, Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ

Le lien juridique découlerait naturellement du mariage et non pas des autres formes de conjugalité, dans
lesquell -à-
-ci semble être indifférent à la nature des relations que pourrait

2
I. THERY, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle,
rapp. precit.
3
Rapp. precit., p. 285.
4
Cf. le rapport, p. 286, 3°.

262
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

nombre des recompositions familiales, sans engagement de durée, est-il un élément à


prendre en compte ? Pour Monsieur le professeur FULCHIRON, dès lors que la
age, il ne semble pas
1
judicieux de fonder le statut du beau-parent sur son état matrimonial .
thèse, Madame le professeur FENOUILLET considère que « ni la résidence commune, ni
affection, ne semblent de nature à fonder directement, en eux-mêmes, un pouvoir sur un
enfant. En premier lieu, car ces deux critères ne sont pas assez sélectifs, et visent trop de
personnes pour être considérés comme signifiants. En deuxième lieu, car ils sont trop flous
et, surtout le second, très difficiles à saisir. Enfin et en dernier lieu, car ils ne garantissent
enfant, cet intérêt ne se résumant ni à sa sécurité affective ni à la
stabilité de son cadre de vie »2.
292. La durée de la vie commune. Le Children Act anglais prévoit un délai minimal
avant que le beau-parent concubin puisse jouir de prérogatives parentales. Une telle mesure
aurait ainsi été bienvenue dans notre législation, afin de marquer la supériorfité (au moins
symbolique) du mariage par rapport aux autres formes de conjugalité. Elle aurait
également permis changements fréquents de tiers qui
partageraient la vie de son parent. te difficulté, Madame le
professeur FENOUILLET se montre sceptique quant à une telle multiplication de droits et de
enfant LEVENEUR3, met en garde
contre le risque « encombrement »4. En toute logique, elle relève ensuite que cette
situation ne présente « aucune stabilité temporelle : la volonté des adultes est
certainement pas intangible ; quant aux sentiments pour les enfants, ils dépendent souvent
des sentimen instabilité affective des adultes risque fort de
enfant » un délai minimal de huit à
5
dix années a été suggéré avant de permettre au concubin de jouir de prérogatives
parentales, voire subordonner au recours préalable
ne soit conféré à des beaux-parents « de passage ». Or, il
est regrettable que les débats relatifs à la proposition de loi ne se soient pas préoccupés de
la question.

1
H. FULCHIRON, « Autorité parentale et famille recomposée » in Droit des personnes et de la famille, Liber
amicorum. Mélanges à la Mémoire de Danièle HUET-WEILLER, LGDJ, Presses universitaires de Strasbourg,
1994, pp. 141-164.
2
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : la parenté éprouvée », Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers
en droit de la famille ? », LPA, n° 59, 24 mars 2010, p. 9.
3
L. LEVENEUR, « Dans les familles recomposées », Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers en droit de la
famille ? », LPA, 24 fév. 2010, n° 39, p. 14.
4
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : la parenté éprouvée », art. precit., p. 10.
5
Cf. en ce sens P. BLOCHE, V. PECRESSE,
droit de la famille et les droits des enfants, Ass.
nat. n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, La Documentation française, 2006.

263
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

B)

293. Du recyclage législatif. À la suite de divers travaux, un projet de loi1 intitulé


« avant- » avait été rendu public
Ledit projet ne concernait pas uniquement le beau-parent qui,
par la force des choses, entretient une relation importante celui-ci
2
tous les tiers qui peuvent intervenir dans sa vie et à qui il était question de
3
conférer des droits. , le projet de loi tend
à faciliter le quotidien des adultes et non à considérer véritablement si
commande une telle reconnaissance. Inversement, il était

-projet illustre bien les difficultés liées à la prise en compte par le droit des
situations de fait. Le Gouvernement a par la suite confié au député Jean LEONETTI une
rapport a été remis au premier Ministre le 7
4
octobre 2009 , guère emporté les suffrages5. Plus récemment, le rapport de
Mesdames les professeurs THERY et LEROYER6 abordait cette même problématique en
prenant en compte les critiques adressées au projet de loi de 2009. La proposition de loi

-parents, prévoit à
tiers7.
consistait à donner aux beaux-parents leur juste place au sein de la nouvelle famille
constituée de tiers à proprement parler. Or,

1
avant-projet, V. A. MIRKOVIC, « autorité parentale et
les droits des tiers », AJ fam., 2008, nov., p. 428 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Du statut du beau-parent aux
droits des tiers : réflexions critiques sur un texte controversé », Rev. Lamy dr. civ., 2009, n° 60.
projet, P. MALAURIE, « Autorité et droit des tiers : un projet patchwork », JCP, G, 1er avr. 2009, p. 167;
A. MIRKOVIC, « Statut du beau-parent », Rev. dr. fam., 2009,
n° 28.
2
Très précisément comme le relève M. BRUGGEMAN, « on ne peut désigner du
fait de élément qui le caractérise. En droit de la famille, il est celui qui, dépourvu de lien juridique
enfant, e catégorie donc sur un critère de
enfant et le exceptionnellement en compte. Relevant du
domaine des faits, son intervention ne lui confère aucun statut et il demeure un « tiers » ; ni parent, ni tuteur de
a en principe ni droit ni devoir à son égard ». Cf. « Les familles recomposées »,
AJ fam., 2007, p. 294.
3
A. MIRKOVIC, « Statut du beau-parent », art. precit.
4
J. LEONETTI, rité parentale et droits des tiers, remis au premier ministre le 7 octobre
2009.
5
A. MIRKOVIC, « », JCP, G,
2009, 345 ; Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers en droit de la famille ? », LPA, 24 fév. et 24 mars 2010.
6
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité
générationnelle, rapp. precit.
7

actes usuels

264
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sur aurait-il
une volonté implicite de reconnaître des droits à tous les tiers, ou serait-ce le beau-parent
qui peine à trouver sa juste place ? Ce dernier est clairement assimilé à un tiers dans la
proposition de loi, alors que le rapport de Mesdames les professeurs THERY et LEROYER
délicat, symboliquement, de faire entrer les beaux-parents dans une
catégorie générique de tiers car précisément, ils ne sont plus vraiment des tiers compte
»1.
294. . Compte tenu de la promotion inédite
du principe de coparentalité, la situation familiale dans laquelle interviendrait un tiers
t demeurer exceptionnelle. Instituer
conduit pas moins à inverser les termes du problème, en intégrant un tiers au lieu et place
de celui ou celle à qui incombe la fonction parentale. Une telle situation méconnaît le droit
2
, le tiers ne pouvant jouer un
rôle comparable à celui des parents
3
et de
-parent ne semble au demeurant servir que les intérêts
des adultes. Monsieur le professeur BEIGNIER
considère « Il ne faut jamais confo
ordre du nécessaire quotidien et du relatif, peut être délégué sans peine.
Le principal ne peut être partagé, sauf en acquitter ; dans ce
us une filiation déficiente. Un tiers peut
être un auxiliaire précieux, utile et souvent généreux, des deux parents que la vie a séparés.
Il ne peut être un captateur de ce qui unit essentiellement l enfant à celui qui lui a donné la
vie. La ligne de partage des eaux se situe là. À chacun sa place juste mais aussi sa juste
place ; et au centre enfant »4.
295. , réponse à la variété des recompositions.
5
statut du beau-parent est séduisante enfant6.

1
Rapp. precit., p. 285, 1°.
2
C. EOCHE-DUVAL, « tenu et élevé par sa mère et par son père est-il un
principe à valeur constitutionnel ? », D., 2013, 786.
3
À cet égard, Madame Aude MIRKOVIC exprime très justement la situation en ces termes : « Il est vrai que
multi enfant aurait le droit de maintenir des liens deviendrait impraticable, mais cela
ne fait que manifester les limites de une accumulation des droits à ceci ou à cela,
compe enfant soumis aux aléas des relations des adultes. Il est illusoire de penser
que la précarité affective dans laquelle les décompositions et recomp enfant puisse
être totalement compensée par le droit de maintenir les liens noués, qui ne peut certainement pas suffire à
r enfant est privé ». Cf. A. MIRKOVIC, « Avant-
les droits des tiers », AJ fam., 2008, n° 11, p. 428.
4
B. BEIGNIER, « Beau-parent ou tiers ? », Rev. dr. fam. n° 6, 2009, repère 6.
5
tiers, car
celle-
THERY insistait sur
6
», voir supra, n° 103.

265
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

statut applicable dans le cadre des recompositions ne semble être une


réponse adaptée, ni même voulue par les couples. L ns de
recomposition nécessiterait de mettre à leur disposition les outils juridiques permettant une
. En effet, la variété des instruments
juridiques permet déjà souhaité du
beau-parent. Le rapport de Mesdames les professeurs THERY et LEROYER
-
sans pour autant revendiquer juridiquement un statut de parent au sens de corps de règles.

consensus, « le juge devant rester, in fine, »1. La place


des père et mère est donc réaffirmée conformément au principe de coparentalité. La
-parent, le
rapport insiste sur sa complémentarité au dispositif de coparentalité. Bienvenue, cette
perspicacité est conforme à la distinction entre le principal -les parents- -les
situations particulières-.

§2) La reconnaissance du lien avec le beau-parent

296. statut » du beau-parent. La proposition de loi


autorité parentale et intérêt procède à un
assouplissement des règles déjà en vigueur. Elle crée un nouvel instrument, le « mandat
» pour simplifier les démarches du beau-parent portant sur des
A). Pour les actes graves (B), le régime juridique de
la délégation est revisité afin de clairement rcice de
son partage.

A) Au profit du quotidien beau-parental

297. Une La catégorie des actes usuels


-2 du Code civil . Dans un souci de
clarification, la proposition de loi adopte une définition de acte important, afin
de définir en creux acte usuel. L -1 alinéa 2 promis à révision définit
important comme celui «
touche à ses droits fondamentaux »2. À contrario, t
fondamentaux relèverait de la catégorie des actes
usuels. Généralement, sont considérés comme telle la réinscription dans un

1
Rapp. precit., p. 285.
2
Ibid., p. 289.

266
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

établissement scolaire habituels (contrôle


de santé de routine demande d inscription par un parent de son enfant mineur sur son
1
passeport . de
2
décision -sauf celles totalement bénignes -, de
3 4
éducation religieuse et ses modalités, voire
constituent des actes graves nécessitant le consentement des deux parents titulaires de
.
298. Une pour les actes usuels.
beau- Madame le professeur
5
THERY proposait en 1999 déjà Children Act anglais qui permet au beau-
parent n
de dait ainsi ode civil de
« Tout tiers ayant en charge de manière habituelle un enfant mineur peut accomplir
les actes usuels le concernant, sans préjudice des droits des tit
parentale ». Présentant un caractère général et systématique, cette autorisation péchait par
du contenu de la catégorie des actes usuels. Proposant une
solution contractuelle plus respectueuse des droits parentaux, les notaires entendus par la
Mission6 avaient suggéré7 la possibilité de conclure à amiable des délégations partielles
d tes de la vie courante8. Reposant sur accord des deux
parents titulaires de cette proposition allégeait considérablement
9
la procédure par la mise de côté du contrôle judiciaire. -projet de loi de 2013
proposait également -2 du Code civil, que
proposition de loi reprend. Une telle présomption bénéficierait à tout tiers de bonne foi
pour effectuer les actes usuels du conjoint, partenaire ou concubin. Un

1
CE, 8 février 1999, n° 173126.
2
CA Versailles, 11 sept. 2003, n° 02/03372.
3
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2000, n° 98-14.386.
4
Cass. civ. 1ère, 3 mars 2009, n° 05-17.163.
5
I. THERY, Couple, f
R
française, Paris, juin 1998.
6
P. BLOCHE, V. PECRESSE,
famille, Ra
n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, La documentation française, 2006.
7
Demain la famille, 95° Congrès des Notaires de France, Marseille, 9-12 mai 1999.
8

Établis en la forme authentique, ils seraient immédiatement exécutoires sans validation judiciaire et seraient
unilatéralement révocables.
9
Madame le professeur GOUTTENOIRE juge indispensable à la fois
juge. Mme MILLET le recours lui semble inéluctable car
in concreto et
naîtraient immanquablement entre les différents adultes, une fois mis en position de revendiquer des droits sur
Cf. le rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, rapp. precit.

267
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

parent pourrait donc parent, à l


tiers des elle présomption vaudrait alors
té pour les tiers
de bonne foi. La sécurisation du régime juridique des autorisations ponctuelles qui en
découle permet de faciliter le quotidien de
299. Les limites de la présomption . Une telle prérogative accordée au
tiers, sur le seul fondement
dont il prend fin laisse perplexe. Le
beau-parent se verrait confier, du seul fait de la vie commune, des droits sur la personne de
. Or, le principe de coparentalité commanderait que toute participation de ce tiers à
tale requiert Pour la Commission
des lois constitutionnelles, la nécessité préalable une concertation des parents est
indiscutable1. pouvant
tomber parent a exprimé son désaccord. Le tiers ayant
dissension manifeste entre les parents relativement ura pas tenu
Un amendement présenté par le rapporteur de la
Commission des loi -1 au sein
du Code civil. Ce nouvel article complèterait

usu
. Or, cet accord affiché dans les mots de la
ni nécessaire, ni sanctionné en cas de non
respect alinéa premier du nouvel article 372-1 précise que « cet accord est exprès pour
les actes importants ». À contrario, il serait implicite pour les actes usuels
tiers comme entre les parents.
300. Le L idée de recourir à un mandat pour
permettre aux beaux- accomplir les actes u est pas
non plus, nouvelle. En 2002, elle a été proposée par le Sénat lors de la discussion du texte,
sans être retenue2. Le mandat tel qu de la simple déclaration par acte
sous seing privé enregis instance, voire aux services de
3
acte notarié. L
mesure tenait sans aucun doute à , non requis pour la conclusion
du insérer dans le Code civil un

1
Ce qui, là en
2
- «
mandat à un tiers pour accomplir certains actes usuels relatifs à l ». Cf. proposition de loi
§ 3 bis de la loi.
3
Proposition du professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, V. Sénat, Familles monoparentales, familles recomposées :
un défi pour la société française rmation n° 388 (2005-2006), G. GAUTIER, au nom de la
délégation aux droits des femmes, 13 juin 2006, p. 150.

268
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

article 373-2-1-1 ainsi libellé : « article 372-2, le parent peut, avec


accord de a éducation quotidienne à son concubin,
partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou conjoint avec lequel il réside de façon
stable pour chacun des enfants vivant avec le couple. Le mandat, rédigé par acte sous seing
privé ou en la forme authentique1, permet au con
autorité parentale pour la durée de la vie commune. Le mandat peut
être révoqué à tout moment par le mandant. Il prend fin de plein droit en cas de rupture de
la vie commune, de décès du mandant ou du mandataire ou de renonciation de ce dernier à
son mandat ». La mesure a bien la portée symbolique recherchée ; en outre, il est permis de
douter de son efficacité2.
301. Limites du mandat. Le rapport de madame le professeur THERY proposait que
le mandat puisse autre, car présumé. Une
3
telle atteinte au principe de coparentalité . Pour
4
, une telle solution serait « une lourdeur inutile » , car elle suppose
évident dans une séparation ». Le risque
« de placer le parent et le beau-parent en situation
o une coparentalité qui continue
après s une beau-parentalité difficilement réalisable ». Or,
ent trouvable entre les parents dans
mer. Il est erroné de poser une
-ci est difficilement trouvable, ou à plus forte raison
beau-parentalité » en devient difficilement réalisable, selon les propos
mêmes de Mme THERY

constitue la modalité principale. F

contrevient à son intérêt ou, à tout le moins, révèle que la coparentalité est difficilement
conciliable avec les situations de recomposition familiale 5. Au cours des débats6 relatifs à
cette proposition de loi, Monsieur Jacques BOMPARD souligne la « parenté distributive » et

1
Rapp. precit., p. 292.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Coparentalité et famille recomposée : une conciliation impossible ? », Rev. Lamy
dr. civ., 2014, n° 116.
3
Article 14 de la proposition de loi.
4
Rapp. precit., p. 291.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Coparentalité et famille recomposée : une conciliation impossible ? », art. precit.
pe de coparentalité et préférer le beau-
parent au parent. Pour Madame le professeur Fenouillet, « le droit se perd entre tous les intérêts en cause, ceux
- ».
Cf. Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, p. 36.
6

269
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

sociale qui est de mise, comme substitut à la parenté biologique. Pour celui-ci, « cette
», et
en tout état de cause, «

». Plus inquiétante est


uge en cas de conflit. Le juge
trancherait alors selon ce
être adoptée, privilégier le tiers beau- Cette possibilité
demeurant, ossibilité pour le tiers de saisir
1
en lieu et place de son parent. Plus « surréaliste »
encore est la possibilité pour le tiers de
2
conserver celle-ci alors que les parents voudraient la lui retirer .

B)

302. Le réaménagement des règles relatives au partage


E droit, les règles relatives à la délégation utorité
parentale semblent ambigües. À -1 du Code civil, il est tant question de
délégation « totale ou partielle », mais aussi de délégation partage. Outre que cet amalgame
rend malaisée une lecture claire du texte, la frontière entre les deux types de délégation y
est également difficile à établir. Souvent, lorsque les juges sont amenés à prononcer une
délégation partage « », ils le font aux conditions
de la délégation classique, qui suppose un transfert de pouvoir et nécessite de caractériser
des « circonstances exceptionnelles »3. Ensuite, le texte traite de manière confuse de la
«
délégation.
les textes afin de les rendre plus clairs et plus lisibles pour les juges qui les utilisent.
Faisant suite aux recommandations du rapport THERY4, la proposition de loi réaménage
donc le régime juridique de la délégation. Il est prévu une modification de la section 3 du

1
Article 12 de la proposition de loi.
2

lui-même. En ce sens, rapprocher par exemple Civ 1ère, 8 juil. 2010, n° 09-12.623, avec TGI Bayonne, 26 oct.
2011, n°11/00950 La décision du JAF de Bayonne reposait uniquement sur
des qualités éducatives et affectives » du couple
égard des deux enfants, faisant ainsi abstraction des circonstances exceptionnelles. Cette décision était en
totale opposition avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Plus récemment, le TGI de Paris, dans une
décision du 22 fév. 2013, n° 12/35092, a
profit de la mère et sa compagne, et ce dans le cadre d'un projet parental à trois, t
depuis sa naissance avec sa mère et la compagne de celle-ci, et voyant son père un week-end sur deux et pendant
les vacances.
4
Rapp. precit., pp. 294-298.

270
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

chapitre premier du titre :


« ». Subdivisée en trois
paragraphes, le premier rappelle les principes généraux, le second a trait au partage de
rentale et le troisième à la délégation, dont le recours devrait être
encore plus exceptionnel que celui de la délégation partage.
303. La souplesse recherchée. des textes

le partage par simple convention homologuée 1 gles


existantes est donc assuré, sous le contrôle du juge
« dans tous les cas, le juge homologue la convention », à moins que celle-ci ne préserve

convention entre le parent et le tiers que le juge doit entériner,


délégation partage croisée si les père et mère ont tous deux recomposé leur couple.
304. té consacrée. Si le partage
nécessite des deux parents, seul un d pourra sai
2
demande . La contradiction du texte est flagrante
s deux parents est nécessaire, le juge
recueille parent mais il peut
passer outre si nfant le commande. Bien que prévu dans des situations
exceptionnelles, il est à craindre que ces situations ne soient pas en réalité le principe, faute
n posant comme
le texte n a logique
parentale en fermant les demandes de partage aux parents en désaccord. De telles situations
bjet ateliers de coparentalité (proposés par Monsieur le président
JUSTON) afin de dépasser le blocage parental. Or, le texte préfère bâtir une relation beau-
parentale sur un désaccord que le juge est chargé de trancher.
305. La concurrence entre le parent et le tiers beau-parent. En cas de désaccord

que « le juge y fait droit, sauf circonstances exceptionnelles ». Il est permis de se demander
quelles pourraient être les raisons qui pousseraient le juge de ne pas y faire droit. Lien par
-parent est

rés

parents sont en accord.


2
Rapp. precit., p. 295.

271
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

on peut se passer. Les circonstances exceptionnelles de ne pas faire droit à la demande

mettre sur un m et le parent sur la question de savoir ce qui est le


mieux pour son enfant. Outre la dilution des prérogatives parentales, le parent est
concurrencé dans leur exercice et ne semble plus être le pivot de la relation parentale qui le
lie à son enfant. Pour autant de raisons, ainsi que les risque potentiels de litiges venant à
nt adoptées, l -1 du
Code civil ne convainc pas.
306. À côté de la délégation classique
, a été crée un nouveau cas de délégation
o
en place de ce nouveau
mode de délégation vient trouver place aux côtés de situations mettant les parents dans
« », ou en cas de « désintérêt
manifeste ». Si l
e civil, ce nouveau cas

demande de tiers, « abstiennent o effectuer


des actes importants en application du deuxiè article 375-7 »1. La
jurisprudence a déjà
dès difficilement joignable et ne prenait pas en compte
2
les besoins de son enfant . Le désintérêt a également pu être retenu
pendant plusieurs années son droit de visite3, ou que celui-ci pas
4
acquitté de la pension alimentaire depuis le prononcé du divorce . Cette troisième cause
la délégation semble toutefois
parentale et pourrait , , source de contentieux. Lorsque le(s) parent(s)
enfant placé ne répond(ent) pas présents aux sollicitations des services sociaux -créant
des situations de blocage à même de - cette mesure
. Dans entraver le droit à
.

1
Article 15 de la proposition de loi.
2
Cass. civ. 1ère, 5 avril 2005, Bull. civ., I, n° 162.
3
CA Lyon, 7 mai 2002, JurisData n° 197869.
4
CA Rennes, 29 mai 2000, n° 98/03537.

272
Conclusion du chapitre second

307. Le recours à la parenté comme assise du lien familial a marqué la fin du XXème
siècle. la consécration
une approche renouvelée de la parenté re
plus usuelle en France, la parenté est une réalité naturelle, appréhendée par le droit,
permettant .
le cas particulier de
. La dissociation entre le fait de donner la vie

filiation. Dans les faits, un enfant peut être successivement élevé par les multiples
partenaires de son parent

parents ou non. De la même manière, la rupture de ce couple commande de maintenir les


Désormais détachée du
-
. La dimension éducative de la parenté y
est particulièrement plébiscitée, car elle repose sur un engagement ferme et une volonté

Mieux, ces configurations familiales inédites viennent se greffer au lien parental initial,
lequel est toujours juridiquement protégé. Elles reçoivent par conséquent un accueil
favorable du droit qui fait la place large aux nouveaux liens de proximité. Comment peut-
on valablement encourager et protéger la coparentalité des parents tout en y associant les

avec celui-ci ? La déformation de la parenté qu multiparentalité1,


conduit corrélativement à affaiblir la place singulière et irremplaçable revenant

la relation parentale. Comment à la fois promouvoir le lien indéfectible des parents à

délitement de la relation parentale ? Il en va de la cohérence même du système qui, à


défaut, est voué au désordre juridique2. On peut donc sans ambages affirmer que le droit
la volonté
individuelle fait et défait le lien matrimonial, elle pourrait décider également de faire, ou
non, le parent3.

1
La multiparentalité vers laquelle se dirige le droit a pu être qualifiée par Madame T HERY de parentalité
domestique, dont le droit serait le vecteur principal de reconnaissance. Celle-ci, à raison, suggérait déjà en 1995
que, « pour penser une figure familiale aussi inédite, aussi diverse (que le beau-parent), pour énoncer les repères
juridiq
confronter à la plus déroutante des responsabilités : inventer ». Cf. M.-T. MEULDERS-KLEIN, I. THERY (dir. de),
Quels repères pour les familles recomposées ?, Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 1995, p. 34.
2
A. DECOCQ, « Le désordre juridique français », in Jean Foyer, auteur et législateur, Écrits en hommage à Jean
FOYER, Paris, PUF, 1997, pp. 147-163.
3
Cf. infra, notre Partie 2, Titre 2, Chapitre 2.

273
Conclusion du titre second

308. Il est apparu que privatisation


des liens de famille, ayant conduit à une adaptation du droit aux faits sociaux, est devenu le
Initialement, le lien matrimonial est
l et de la maternité. La présomption de paternité

romain « le père est celui que les noces désignent ». Le doyen CARBONNIER, reprenant la
même idée, considérait à juste raison que «
la présomption de paternité ». Si cette présomption ne se réduit pas au donné biologique,
elle est la jonction d un fait naturel (avoir donné naissance à un enfant rattachable au mari
de la mère) et d e vérité sociologique (prendre ),
intérêt famille unie. Or, le détachement
consommé du lien matrimonial et du lien fam
conduit à une approche renouvelée de la parenté. Lien matrimonial et lien familial sont
conçoit de façon exclusive.
cette fracture, il apparaît que seul l est encore
Si
est le nouveau fondement sur lequel le droit français articule les
rapports familiaux, sans référence a son
intérêt transcende le lien pouvant unir les parents entre eux. La protection est
une considération tout aussi importante en droit marocain - ermis de

méditerranéennes-, mais intérêt de celui-ci y


française, lié à la nécessité de pouvoir vivre avec des parents unis par le mariage, à défaut
de demeurer auprès de la mère lorsqu est en bas âge. Point de coparentalité post
divorce en droit marocain, car le législateur considère la rupture comme modifiant
La modernisation des rapports entre les
époux ne rejaillit pas sur la conception islamique des prérogatives parentales, qui fait
,
a question liée
est de plus en plus une considération primordiale dont il est tenu compte dans les
textes et la jurisprudence, conformément aux exigences internationales.
tant plus appréhendé dans sa dimension familial
parenté qu -delà de celui-ci. Il y a un mouvement de contraction du premier sur
le couple conjugal, et seconde par les nouveaux liens
parentaux. À la transformation de la place du lien matrimonial dans la société,

importantes ution fondatrice de la parenté (et donc de la famille), il est devenu

274
tent deux volontés libres et autonomes en vue de satisfaire une
.

La valorisation
Dans ce contexte, la
tâche qui incombe au législateur
consiste davantage en une mission de régulation des comportements familiaux qui passe
ation des individus et celle consistant à
reconnaître au lien familial la juste place qui lui revient.

275
Conclusion de la première partie

309. La privatisation des liens de fondement


matrimonial. Cette nouvelle architecture des relations familiales, éclairée par les exigences
rançaise
longue évolution, les transformations constatées se nourrissent
indéfectible de valoriser la personne dans son individualité en lui assurant le droit au
bonheur. La volonté se trouve Le consentement est consubstantiel à
lien matrimonial . Mais la

famille. La discordance mise en lumière entre la conception du mariage et


jadis en atteste, et il
transformé en un réel droit au divorce. Ce changement profond a été analysé par Madame
le professeur Irène THERY démariage », entendu comme la

Ainsi que
démarier, qui était autrefois une obligation sociale i
relations sexuées, est devenu une question de conscience personnelle »1.
plus la capacité
prédéfinie. Elle est le droit de se donner et de se reprendre au gré de sa conscience.

vicissitudes connues par les couples, le droit a


cherché à consolid
entretenir des relations avec ses deux parents, en dépit de leur séparation. À cet égard, la
force pédagogique de la loi2 a contribué de façon déterminante à faire évoluer les
mentalités même les plus éloignées.

géographique, les recompositions familiales rendent souvent difficiles un maintien effectif


du lien parental. Nous ne sommes pas loin de penser que le droit opère artificiellement la
À ce titre, la position du droit marocain qui refuse une
coparentalité juridique après la séparation est plus conforme à la réalité factuelle. Le droit
de la famille ne doit pas être une sorte de « laboratoire expérimental » et si, dit-on en
général,
jeu. Les transformations observées du mariage et de la parenté conduisent toutes à la

1
I. THERY, « Postface. Engendrement et filiation au temps du démariage », in Parenté, Filiation, Origines, Le
, H. FULCHIRON, J. SOSSON, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 346.
2
N. MOLFESSIS, « La langue et le droit », in Langue et droit, E. JAYME (dir. de), XVème Congrès International de
droit Comparé, Académie Internationale de droit Comparé, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 177-198.

276
1
question centrale de savoir
dernière ?
-il de son nouveau fondement, et celui-ci garantira-t-il réellement la stabilité du
? À ces questions, le
droit positif a apporté -t-il des
2
comportements. du juge ne consistant plus à juste « dire » le
droit , mais à réaliser effectivement les droits participe de ce mouvement. Mais le XXIème
3

siècle marque un tournant radical par rapport à son aîné. Il apparaît que la
dématrimonialisation des liens de famille entre dans la politique juridique menée en
simplement suivisme législatif, mais bien une marche en avant de la
législation réformant à tout va une famille qui de naturelle, devient délibérément
construite.

1
A.-C. REGLIER, , Thèse, Aix-en-provence, 2013.
2
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
3
H. CROZE, « Le juge doit-il dire le droit ?», in Justices et droit du procès, Du légalisme procédural à
rocessuel GUINCHARD, Paris, Dalloz, 2010, pp. 225-232.

277
Seconde partie

LA DÉMATRIMONIALISATION DES LIENS


DE FAMILLE

310. La métamorphose du droit de la famille 1. Selon le vocabulaire CORNU,


matrimonial » se rapporte à tout ce qui a trait au mariage. Pour le Grand Robert
de la langue française, le préfixe dé
individuel. Il i que
2
. Appliqué à la
dématrimonialisation, ce dernier terme serait le processus en vertu duquel est chassée toute
connotation matrimoniale des rapports familiaux. Si officiellement les premières vagues de
réformes des années 60-80 avaient pour objectif affiché « de démocratiser les rouages des
institutions classiques »3 sans porter atteinte ni remettre en cause le cadre familial
ème
institutionnel siècle des mutations
beaucoup plus profondes ayant conduit à la métamorphose des institutions familiales. Bien
que les objectifs de ces réformes ne reposent pas sur les mêmes fondements, force est de
constater que celles-ci ne sont pas dénuées de tout lien. Le phénomène de privatisation
décrit en première partie a permis, en premier lieu, de revenir sur les bases traditionnelles
de la famille. ette étape constitue le préalable
incontournable à des institutions familiales. Il aurait été
impensable de procéder à un tel chambardement du droit de la famille alors que les

Particulièrement silencieux
mais extrêmement rapide, le phénomène de dématrimonialisation trouve sa genèse dans la
consécration juridique des nouvelles conjugalités (Titre 1), ayant
puis détaché celui-ci de la
Ce

1
P. CATALA, « La métamorphose du droit de la famille », 1804-2004, Le Code civil, Un passé, un présent, un
avenir, Dalloz, 2004, p. 342 et s.
2
P. ROBERT, Le Grand Robert de la langue française, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, Paris, 2ème éd., entièrement revue et enrichie par A. REY, t. III, 1992, V° -dé.
3
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.43, p. 18.

279
bouleversement de la logique matrimoniale
une définition de la parenté, dont la refondation est pensée à la lumière de la
dématrimonialisation des liens de famille (Titre 2).

280
Titre premier. La consécration
juridique de nouvelles conjugalités
311. Le détachement progressif du
lien matrimonial et du comme mode de
. Dans le même temps émerge
,
vers la filiation. Telle que décrite dans notre première partie, la privatisation du lien de
famille relègue la question du mariage à une affaire de conscience sur laquelle la société
Ce démariage a été favorisé tant
la baisse de la nuptialité, que par le suivisme législatif. L
trouvée affaiblie, et le lien institutionnel qui reliait autrefois horizontalement le couple
engagement,
mais que le droit reconnaît (Chapitre 1). Le mariage ne fonde donc plus rien. Il est
désormais question de la conjugalité ayant mariage, en en faisant
un mode de conjugalité parmi les autres formes de vie à deux. Appréhendée dans toute sa
factualité est la notion juridique de couple qui émerge1
professeur Hugues FULCHIRON, « on assiste à un double mouvement de dilatation et de
contraction. Dilatation du mariage qui se dilue dans une conjugalité ouverte à toutes les
formes de vie en couple ; contraction de la conjugalité qui se referme sur le couple et sur
lui seul »2. Or, la démarche est critiquable
car elle consiste, à commune aux couples de toute nature, de
3
leur ouvrir des droits individuels qui entraîne
le modèle institutionnel dans son sillage en lui faisant perdre de sa substance.
tinent européen et bien au-
4
libéralisme par désengagement de la norme . est de
savoir si le modèle de familles telle que
pourrait séduire outre-méditer
des pays du Maghreb (Chapitre 2).

1
V. en ce sens : C. BRUNETTI-PONS (dir. de), La notion juridique du couple, Paris, Economica, coll. « Études
juridiques », 1998.
2
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-
Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009,
p. XI.
3
Ibid., p. XII.
4
MURAT. Cf. P. MURAT, « Individualisme, libéralisme,
légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., p. 241.

281
Chapitre premier. L -
mariage dans le Code civil

312. La consécration du pluralisme conjugal. Dans le prolongement des réformes


amorcées dep
ème
siècle. Après avoir imprimé sa spécificité au droit du divorce,

r
famille est consommé par la loi du 15 à chacun sa famille,
à chacun son droit » chère au doyen CARBONNIER avait permis à ce dernier introduire le
phénomène pluraliste en droit contemporain de la famille. Au nom de ce pluralisme et de la
liberté individuelle1, le législateur offre au couple trois modes de conjugalité correspondant
différents des conjoints fonde le
mariage, tandis que la liberté gouverne les rapports des partenaires et des concubins. Pour
autant, les trois formes de couples se retrouvent autour de leur volonté de mener une vie
commune. Si le concubinage se révèle dénué de tout devoir ou obligation réciproque, il
Calqué sur le mariage, le pacte civil de
solidarité (ci après Pacs) offre des droits et des devoirs comparables (voire équivalents ?) à
ceux du mariage tout au long de la vie commune. Or, si le but du législateur en 1999 était
-distinct du mariage- afi
leur vie commune,
du mariage affaiblit corrélativement ce dernier2 qui se trouve désormais concurrencé
(Section 1). dynamique de concurrence, les revendications
et à la famille par les couples de même sexe finissent par
trouver un écho favorable auprès du législateur qui procède en 2013 à la dénaturation
même du modèle entre les couples de même sexe
(Section 2).

1
Sur ces notions, V. J.-L. RENCHON, «
réformes du droit de la personne et de la famille », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit.,
pp. 209-236 ; V. aussi, P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-
Parentalité, op. cit., pp. 237-243.
2
Sur cette idée, V. J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris,
éd. Panthéon-Assas, 2012.

282
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 1 : Le lien matrimonial concurrencé

313. Une idée nouvelle : le droit au bonheur pour tous. À la suite des Travaux des
1
, François RIGAUX constate une généralisation
de l au sein des systèmes juridiques
2
occidentaux . Justifiée par une prétendue poursuite du bonheur, cette tendance appelle un
arrêt sur la réelle teneur
vie de couple. Défini comme «
personne », le bonheur fai et au sentiment de bien-être.
3
Appliqué à la sphère familiale, le bonheur suppose, en amont, de saisir le sens réel de sa
propre existence afin de parvenir à une traction.
À cet égard, le mariage implique « ; un don total de
4 5 6
soi » constitue une expérience de . Nous
avons pu démontrer que si les individus ont une singularité ontologiqu
constituent doivent réaliser que chaque élément de leur existence est en connexion avec les
autres dans un tout harmonieux7. Or, le bonheur tel qu dans les sociétés
occidentales se détache en tous points du bonheur dont la notion de Bien commun serait la
finalité, son objet étant la Il se
8
cantonne à la recherche du bien-être de soi, au détriment du « Soi éthique » du couple.
Madame le professeur DOUCHY-OUDOT exprime en ces termes la base sur laquelle se font
: «
9
».

1
F. RIGAUX (préface de), Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, Travaux des
VIIIème DABIN organisées par le Centre de Droit de la Famille les 25-26 mars
1976 à Woluwe-St-Lambert (Bruxelles), Paris, LGDJ, 1978.
2
M. A. GLENDON, «
des Etats-Unis », in Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, op. cit., p. 14.
3
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle.
Études offertes à Georges RIPERT, t. 1, Paris, LGDJ, 1950, p. 335.
4
E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur » in Mélanges offerts à Monsieur le professeur
Pierre VOIRIN, Paris, LGDJ, 1967, p. 688.
5
P. SOUAL, Le drame de la liberté, Introduction aux Principes de la philosophie du droit de Hegel, Paris,
Hermann éd., 2011, p. 82.
6
En ce sens : M. DOUCHY-OUDOT, « »,
professeur Jean Hauser, Paris, LexisNexis Dalloz, 2012, pp. 81-94.
7
V. supra, n° 55 à 58.
8
Sur cette notion du « Soi éthique du couple de P. SOUAL, op. cit. entrer
-pour-

».
9
M. DOUCHY-OUDOT, « »,
Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 81.

283
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Dans le prolongement de cette idée


et de vivre ensemble comme fondement suffisant de la relation familiale. Le suivisme
législatif contemporain a consacré cet état des choses en de
couples conjugaux sur la seule base de leur volonté commune de vivre ensemble : à côté de
la reconnaissance du il a
aussi créé le Pacs.
314. Les signes avant-coureurs de la reconnaissance du concubinage. Depuis la
loi du 2 janvier 19781, les couples de concubins ont bénéficié au regard des droits
sociaux- de la faveur constante du législateur2. Une telle démarche traduit la prise en
compte -par le droit non civil de la famille3- des couples non-mariés, et repose sur
l ne pas porter de jugement de valeur sur le modèle4
a loi MALHURET5 leur permettra, sur simple déclaration
devant le juge des tutelles,
couple. La faveur du législateur continue avec la loi du 6 juillet 19896 qui permet la

partenaire. La même année, en refusant et des


7
couples hétérosexuels , la Cour de cassation contribue à leur reconnaissance. Enfin, une
vie commune stable de deux ans leur ouvrira le
procréation8. Dès lors, le fait de vivre ensemble et de se comporter tel un couple
marié qui permet de révéler le couple (§1). approche factuelle qui en découle ne doit
néanmoins pas occulter ssence même du concubinage, qui demeure la liberté (§2). Or,
de plus en plus, le législateur tend à rapprocher voire confondre, les effets produits par la
conjugalité engageante et les conjugalités qui ne le sont pas,
9

1
-droit de son compagnon
assuré social (Art. L. 161-14 du C. sécu. soc.). Avant cette date toutefois, la loi du 16 novembre 1912 introduit
-4 au sein du Code civil ainsi libellé : « La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée
», et le 4° de cet article poursuit ainsi : « Dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu en état de
concubinage notoire pendant la période légale de la conception ».
2

L. 434-8 C. sécu. soc.).


3
O. DEBAT, « Le droit social et le droit fiscal, des vecteurs de mutations familiales », in Lien familial, lien
obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-
BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, 2014, pp. 105-117.
4
Sur cette notion de modèle, V. Monsieur le professeur H. FULCHIRON
modèle familial européen : « Un modèle familial européen ? », in Vers un statut européen de la famille,
H. FULCHIRON, C. BIDAUD-GARON (dir. de), Actes du colloque organisé par le Centre de droit de la famille de
-Moulin Lyon 3, en association avec le CREDIP, Lyon, les 21 et 22 novembre 2013, Dalloz,
2014, pp. 171-185.
5
Sur cette loi, V. infra, n° 450.
6
L. n° 89-462 du 6 juil. 1989.
7
Pour de plus amples développements sur les couples de même sexe, V. notre Section 2 de ce chapitre.
8
Art. L. 2141-2 du C. santé pub.
9
J. HAUSER, « Vers un droit commun familial », D., 1991, p. 56.

284
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

1
, voire la possible mise
mpératif conjugal (§3).

§1) Le couple non marié révélé par la vie commune

315. Une reconnaissance symbolique. L de la loi du 15 novembre


2
1999 offre au législateur le concubinage3. Au sein du titre
XII (chapitre 2) du Code civil, celui-ci est défini comme union de fait4, caractérisée par
une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux
personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». La célèbre formule
attribuée à NAPOLEON, en vertu de laquelle si « les concubins se passent de la loi, la loi se
» vraie, et explique
5
tut6. À
débats parlementaires portant sur la création du Pacs7, la question de la reconnaissance du
concubinage a été incidemment abordée, ce qui explique que seule une définition de
ses éléments constitutifs est donnée. La possibilité
concubinage a néanmoins poussé certains auteurs à la réflexion. En 1986 déjà, un auteur

modèle8 du mariage. Considéré comme étant


un « faux-problème »9 par Madame le professeur RUBELLIN-DEVICHI, cette dernière
« il est impossible de traiter de façon unitaire des situations de fait aussi
1
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012.
2
L. n° 99-944 du 15 novembre 1999, J.O, 16 nov. 1999, p. 16959.
3
Pour une étude comparée, sociologique et juridique des concubinages, cf. J. RUBELLIN-DEVICHI (dir. de), Les
concubinages, Approche sociologique, Paris, éd. du CNRS, 1986; Des concubinages dans le monde, Paris, éd.
du CNRS, 1990; du même auteur : « Les concubinages : mise à jour », in Mélanges HUET-WEILLER, Paris, LGDJ,
1994, p. 389 et s.
4
Monsieur le professeur J.-J. LEMOULAND considère que le maintien du terme « union de fait » dans cette

produit. Cf. J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 370.
5
J. RUBELLIN-DEVICHI, « », RTD civ., 1983,
389 et s.
6
Cf. Rép. min. n° 25678 du 24 mars 1980, JCP, G, IV, 1980, 408 : «
cadre rigide une situation qui repose par définition sur le liberté des intéressés » ;V. aussi, A. SERIAUX, « De
», in Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au
concubinage et au pacte civil de solidarité udes des 4 et 5 mai 2000, organisées par le
Université Lille II, Paris, LGDJ, pp.
29-36.
7
Sur la genèse du PACS, cf. H. BOSSE-PLATIERE, « Nature juridique et évolution du Pacs », in Droit de la
famille, P. MURAT (dir. de), Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, pp. 559-574.
8
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Modèles et normes en droit contemporain de la famille », in Mélanges Christian
MOULY, Paris, Litec, 1998, p. 281. Sur la notion de modèle, V. TERRASSON DE FOUGERES, Le modèle dans le
droit de la famille. Notion et fonction, Thèse, Paris II, 1994.
9
Pour RUBELLIN-DEVICHI, in Les concubinages,
Approche socio-juridique, Paris, éd. du CNRS, 1986, p. 18.

285
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

diverses »1, qui plus est dans des domaines différents (civil, social et fiscal). Pour Madame
le professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, le décloisonnement des disciplines conduit
nécessairement le droit civil, à partir de la notion de vie maritale, à tenir « compte des
formes de vie familiale auxquelles le droit social accorderait une reconnaissance seulement
pécuniaire »2
européen et de ses répercussions sur le droit interne. La diversité des objectifs et des
méthodes e
qualifié de « dévoiement des modèles familiaux ». Si a la définition du
concubinage se trouve en porte-à- engendre très précisément en
raison des effets non négligeables et qui conduisent parfois à assimiler les
concubins aux personnes mariées. De la même manière, la rupture du concubinage génère
un important contentieux -entre les concubins eux- ers-
qui conduit Monsieur le professeur Jean-Jacques LEMOULAND à douter que «
situation (ne peut être) soit tenable indéfiniment »3. L la
matière permet de « tracer un cadre permet parfois aux
Il ne serait pas inconcevable, dans ce
contexte, de mener
primaires au profit des couples de concubins.
316. Un changement profond du droit de la famille. La place occupée par le
mariage durant des siècles a conduit le législateur, dès la promulgation du Code civil, à
ignorer les concubins. Union « de seconde zone », le concubinage était inférieur état de
mariage et le législateur lui déniait tout effet juridique. Or, l des divorces et
la désaffection des plus jeunes vis-à-vis du mariage dans la seconde moitié du XXème siècle
ont conduit à une -
mise en évidence par la sociologie (notamment juridique) et l - a mis
aux réalités de notre temps, et des propositions
4
ont été faites en ce sens . Bien que le concubinage produisait déjà des effets -
-, sa reconnaissance par le
législateur en 1999 a emporté nombre de conséquences.
consécration léga ou de la simple adaptation du droit à la
bouleversé le
paysage du droit français de la famille. En premier lieu, la perception même du couple en

1
Ibid., p. 18.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Modèles et normes en droit contemporain de la famille », art. precit., p. 281.
3
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, Paris, éd. Ellipses, 2014, p. 373, spec. 458.
4
V. en ce sens le rapport de Madame le professeur F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille.
Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux,
ministre de la Justice, Paris, La Documentation française, Coll. des « rapports officiels », 1999 ; I. THERY,
: le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Rapport à
aris, éd. Odile
Jacob&La Documentation française, 1998.

286
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

ressort profondément modifiée tous


les couples sont égaux et se valent dans la société, de même sexe ou de sexe
différent. Le couple hétérosexuel coexiste désormais avec le couple homosexuel, auquel la
jurisprudence1 a longtemps refusé la reconnaissance. En second lieu, cette loi signe

Peuvent désormais coexister à ses côtés, au sein du Code civil, des unions qui recouvrent
2
, caractérisées par la volonté de vivre ensemble et sans nécessairement
Il y a là un retrait du rôle « positif » du législateur, qui déterminait
autrefois ce qui était bon pour la société et le consacrait légalement. Avec cette loi, il fait
en renonçant à alors
3
même serait plus profitable pour la société . En troisième lieu la
agement privé des individus qui se passe de la société pour exister. À
cet égard, Madame Clotilde BRUNETTI-PONS considère que «
; la loi doit rester neutre et
4
tenir compte de la diversité des situations » . Au demeurant, le législateur « refuse de
», car « rien ne vient plus
justifier que le mariage conserve sa place traditionnelle de modèle »5. Enfin, cette loi
parachève la dissociation de la vie commune du couple conjugal, « envisagée sous son

»6. Après avoir permis aux enfants nés hors mariage


la rupture consiste à reconnaître le couple non fondé
sur le mariage, de même sexe soit-il ou de sexe différent. Corrélativement, le couple est
valorisé et constitue la nouvelle matrice du droit de la famille.
317. Une situation de pur fait. Selon Monsieur le professeur ROUBIER, les
situations juridiques sont « des situations individuelles et concrètes, dans lesquelles
peuvent se trouver placées les personnes les unes vis-à-vis des autres, sur la base des règles
juridiques »7. les situations de fait « ont ce caractère particulier de
»8. Bien que les

1
Cass. soc., 11 juil. 1989, D., 1990, p. 582 ; Civ. 3ème, 17 déc. 1997, D., 1998, p. 111.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », art. precit., pp. 29-36.
3
Su LEQUETTE, cf. supra, n° 83.
4
C. BRUNETTI-PONS, « ? », in
Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte civil de solidarité, Actes

DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir. de), Paris, LGDJ, 2002, p. 37.


5
Ibidem., p. 38.
6
C. BRUNETTI-PONS, « ? », art.
precit., p. 39.
7
P. ROUBIER, Droits subjectifs et situations juridiques, Paris, Dalloz, 1963.
8
L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990, p. 3 ; V. aussi L. JOSSERAND, «
du concubinat, DH, 1932, chron. 45; P. ESMEIN, « », RTD civ., 1935, 747;

287
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« situations de fait soient également des situations concrètes, la structure matérielle de


e droit

sont séparés de corps ou divorcés, etc... La différence vient de ce que les situations de fait
1
ne sont pas établies conformément . Pourtant, il arrive que le
droit prenne en compte ces situations. Ce sont alors des situations irrégulières « auxquelles
sont attachées certains des effets des situations de droit correspondantes » 2. Cette analyse
se vérifie pleinement concubinage, pris en compte du fait de la vie commune
qui le révèle.
318. Une situation fondée sur la vie commune. Les articles 515-8 et 515-1 du Code
civil, issus de la loi du 15 novembre 1999 portant reconnaissance du concubinage et
création du Pacte civil de solidarité (ci-après Pacs) visent tous deux la vie commune
comme critère de reconnaissance des relations non fondées sur le mariage. Si la notion de
, le Conseil constitutionnel, issant du
3 4
PACS . Celui-ci a eu
« la notion de vie commune ne couvre pas seulement une
n entre
deux personnes ; la vie commune mentionnée par la loi suppose, outre une résidence
commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de
nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir

conséquence, sans définir expressément le contenu de la vie commune, le législateur en a


déterminé les composantes essentielles »5. Tandis que les partena
contractuellement à -8 relatif au concubinage

en contemplation du mariage6 chaque fois que la vie du couple de concubins s en


rapprochait7.

M. NAST, « iage légal », DH, 1938, chron. 37; R. RODIERE, Le ménage


de fait devant la loi française
1
L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, op. cit., p. 3.
2
Ibid., p. 4.
3
Sur celui-ci cf. W. BABY, Les effets patrimoniaux du Pacs. L ,
Paris, Defrénois, coll. « Droit&Notariat », 2013.
4
Au lendemain de la loi instaurant le PACS, certains ne voyaient en la communauté de vie que le simple partage
du logement commun. Ce point de vue éloignait dès lors le PACS de la sphère conjugale.
5
Cons. constit., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 novembre, V. N. MOLFESSIS, « Pacte civil de solidarité : la
réécriture de la loi relative au pacs par le Conseil constitutionnel », JCP, G, I, 2000, p. 210.
6
P. MALAURIE, « Mariage et concubinage en droit français contemporain », Arch. philo. dr., 1975, pp. 17-28,
spec. p. 23.
7
Or, la définition retenue du concubinage prend le soin de dissocier nettement le concubinage -union de pur fait-
du mariage.

288
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

concubins semble toujours être calquée sur celle des époux ou des partenaires1. Révélateur
ffectivité de la vie de couple, ce critère constitue le dénominateur
commun aux trois formes de conjugalité. Purement factuel, il contribue également à leur
confusion2 du fait que le législateur en fait le critère exclusif permettant aux conjugalités
de produire leurs effets.
319. Appréciation jurisprudentielle de la durée de la vie commune. Pour produire
dans la durée et la stabilité3. Le temps4 est à cet
Si en mariage la communauté de vie a déjà
quelque chose de présumé, en concubinage elle reste à prouver. ne découle
la communauté de vie en
dehors de toute vie commune matérielle. Il revient
5
par cas la
la preuve du concubinage est libre Il leur
est par conséquent loisible de se retrancher derrière leur pouvoir souverain afin de refuser à
-8 du Code civil,

le compte bancaire joint6. La solution peut sembler sévè


la jurisprudence se
montre assez existence du il
7
est établi que les individus ne partagent pas un domicile commun . Néanmoins,
l
8
, il conditionnera
ux au profit des concubins.

1
une hiérarchisation des nouvelles formes de conjugalité,
: M. LAMARCHE, Les degrés du mariage, Marseille, PUAM, 1999.
2
Cette confusion se
de couple, plus large que la simple cohabitation initialement retenue par le législateur dans le Pacs. Conseil
constit., DC n° 99-419 du 9 nov. 1999, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962.
3
Ces deux critères figuraient déjà dans la jurisprudence antérieure à la loi de 1999, et ont été consacrés par elle :
CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132, note H. LECUYER ; CA Toulouse, 6 mars 2000,
Rev. dr. fam., comm. 106, note H. LECUYER.
4
La jurisprudence examine au cas par cas la réalité de la stabilité du couple « de fait ». Ainsi, une simple
aventure, dénuée du caractère de stabilité, ne permet pas de retenir la qualification de concubinage au sens de
le 515-8, cf. CA Toulouse, 23 janvier 2001, JurisData, n° 2001-137248.
5
R.-M. ROLAND, -conjugalités : mariages fictifs, concubinages, pacs, Lyon,
éd. , 2000, p. 362.
6
Cass. crim. 5 oct. 2010, n° 10-81.743, Rev. dr. fam., 2011, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 1.
7
CA Paris, 19 janv. 1989, D., 1989, p. 42 ; CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132,
H. LECUYER ; CA Douai, 12 déc. 2002, n° 01/03255, Rev. dr. fam., 2003, comm. 86, H. LECUYER. V. plus
récemment : CA Lyon, 2ème ch. A, 2 juill. 2013, n° 13/03189, Rev. dr. fam., n° 10, oct. 2013, comm. 132, J.-R.
BINET.
8
R.-M. ROLAND, , op. cit., p. 358.

289
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

320. La vie commune suppose une vie de couple. La prise en compte de la


communauté de vie comme critère de reconnaissance du concubinage conduit à considérer
le couple comme une entité autonome, perçue principalement ses relations
intimes. À cet égard, la loi de 1999 reconnaît les concubins comme formant un couple,
tandis qu ne représentaien
du couple conjugal de sexe

consécration juridique de la notion de couple en droit civil1.


lles, la vie de
couple telle que visée les implique.
une sphère considérée par le doyen
CARBONNIER comme étant une zone de non-droit oi il ne semble pas
opportun de définir le concubinage comme étant une situation de pur fait,
immiscé dans les moindres recoins de la vie privée du couple. Désormais, Monsieur le
professeur Francis CABALLERO souligne que le concubinage est « ouvert à toutes les

», dont les fratries2. Néanmoins,

deux personnes vivant ensemble, ce qui exclut le concubinage à plusieurs »3. Or, certains
auteurs ont pu du
couple réduit à deux personnes, dès lors que les individus le composant
entière liberté pour de la relation est davantage pris en
4
compte , la vie commune en Pacs et en concubinage suppose des relations intimes.
Pourtant, « juridique attachée à cet élément dit constitutif du
Pacs, ni fidélité pour les partenaires, ni lien avec des enfants potentiels. Rien
-2 du Code civil,
communautaire ,
5
simplement fraternelle » . Il est donc évident que seule une volonté de rapprocher le Pacs

vocation à recouvrir les mêmes notions dès lors que les sanctions ne sont pas les mêmes 6.

1
C. BRUNETTI-PONS (dir.), La notion juridique de couple, op. cit.
2
eurs, les propositions de loi de Messieurs Jean-Pierre MICHEL et Jean-Marc HAYRAULT prévoyaient

Pacs, excepté aux conséquences relatives aux droits successoraux et aux donations, ceux-là étant jugés plus
favorables sur le plan fiscal au profit des collatéraux.
3
F. CABALLERO, Droit du sexe, Paris, LGDJ, Lextenso éd., 2010, p. 248, spec. n° 287.
4
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 25-33.
5
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, Paris, Lextenso éd., 2013, p. 50.
6
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié en droit belge
et français, Les statuts légaux des couples, Vol. 1, Bruxelles, éd. Larcier, 2012, p. 514.

290
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

En outre, Madame Clotilde BRUNETTI-PONS déplore que ce critère favorise la séparation


entre « couple conjugal » et « couple parental », en appauvrissant la référence familiale au
détriment de la relation parentale. Celle-ci souligne que « la référence à la notion de couple

»1.

§2) Le couple non marié gouverné par le principe de liberté

321. Le recul du principe de liberté en concubinage. Les concubins ne sont tenus


entre eux à aucune obligation expressément prévue par la loi. Bien que réglementé, le Pacs
ncubinage institué
mérite
urs effets tant durant la vie de couple (A) que lors de la rupture
(B), se rapprochent de plus en plus de ceux du mariage2.

A) La liberté encadrée durant la vie de couple

322. Les conjugalités non engageantes : q mmixtion du législateur ?


Si le statut des couples mariés repose sur des règles juridiques protectrices
nouvelles formes de conjugalités reconnues par le droit a conduit le législateur à élaborer
un c « obligations génériques »3 au profit des couples non mariés. La
démarche aboutit à es couples non mariés aux époux - e
souhaitable- ou à propres prenant en compte la vocation des
concubins et partenaires à la liberté. Le respect de cet équilibre sera vérifié tant sur le plan
de la vie personnelle du couple (1) que sur le plan patrimonial (2).

1- Sur le plan personnel

323. Une seule façon de vivre en couple. C


contemplation des règles issues du statut du mariag pour
réglementer les autres formes de conjugalité. Néanmoins, la liberté constitutive du Pacs et
y
diminué du couple. Sans

1
C. BRUNETTI-PONS, « Couple, concubinage ? », art.
precit., p. 40, note 17.
2
J.-J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille », in Mélanges en
SAINTE-ROSE, C. PUIGELIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 729-750.
3
RUFFIEUX in Les sanctions des obligations familiales,
Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2014.

291
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cette précaution, le risque est un monolithisme contraire au pluralisme institué.


La vie du couple marié ne diffère pas, au plan factuel, de celle des couples non mariés1, et
certains principes « moraux » commandent de traiter de manière identique les couples
mariés et les couples non mariés notamment le cas lorsque sont en cause les
exigences de respect ( ) voire de fidélité ( ).

324. Indifférence quant à la nature du lien unissant le couple. L


respect résulte du devoir général de ne pas nuire à autrui. Ce principe gouverne les rapports
entre les personnes et, au-delà des dispositions du Code pénal, trouve sa traduction
dans 1382 du Code civil (article 1240 du Code civil à compter du 1er octobre
2016)2 condamnant à réparation celui dont la faute cause un dommage à autrui. Dans ce
cadre, le phénomène des violences, perpétré dans un cadre conjugal, suppose une
protection particulière et originale car il
3
de sanctionner les débordements occasionnés, notamment .
L a dans un premier temps été prévu
4
.
et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, la loi
n° 2006-399 du 4 avril 20065 introduisait le devoir de respect dans le Code civil en tête de
liste des obligations nées du mariage. Désormais, aux côtés de la fidélité, du secours et de
, les époux se doivent aussi le respect6. Réservée aux seuls couples mariés, la
protection contre les violences conjugales ne pouvait valablement demeurer tributaire de la
qualité du lien qui unit la victime à son agresseur. L qui
en découle dépasse le cadre des relations conjugales et la Cour européenne ne manque de
le rappeler7. a loi n° 2010-769 du 9 juillet 20101 relative aux

1
Pour Monsieur le professeur Xavier LABBEE différentes manières de mener une vie commune
définition unique de la vie de
couple », car les articles 215, 515-1 et 515-8 du Code civil disent au fond la même chose. En ce sens :
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012, pp. 99-100.
2
Cf. ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, J.O, 11 fév. 2016.
3
AJ fam., 2013, n° 5, « Enfant et conflit conjugal ».
4
L. n° 2004- 2004-1158 du 29
octobre 2004 portant réforme de la procédure en matière familiale.
5
L. n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou
commises contre les mineurs, J.O, 5 avril 2006 p. 5097.
6
Article 212 du Code civil.
7
P. LAMBERT, « La violence conjugale », in Le droit de la
, F. KRENC, M. PUECHAVY (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 47-53. V.
s fait défaut : CEDH, 12 juin
2008, n° 71127/01, Bevacqua c/ Bulgarie ; CEDH, 15 sept. 2009, n° 8227/04, E.S. c/ Slovaquie ; CEDH, 30 nov.
2010, n° 2660/03, Hajduovà c/ Slovaquie ; CEDH, 24 avr. 2012, n° 57693/10, Kalucza c/ Hongrie ; CEDH, 26

292
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants constitue la
traduction . Ainsi, la victime des
violences conjugales peut être la personne vivant en couple, peu importe le lien actuel ou
alité de la protection mise en place
de protection au profit de
tous les couples conjugaux.
325. -9
dispose que « lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint,
un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettant en
danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires
familiales (JAF) peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ».
Outre cette ordonnance de protection délivrée par le JAF, dont la durée de vie ne peut être
supérieure à 6 mois2 sauf pour le conjoint qui peut demander la prorogation de ces
mesures si une requête en divorce est introduite-, les mesures civiles de protection
3

attribuer au bénéfice de la victime le logement du couple 4, de exercice de


5
de se prononcer sur les sorties de territoire
6
du membre du couple ou des enfants
7
, retirer « lorsque
ts sur la

des violences peut donner lieu à deux ans


façon similaire, le seul fait de ne pas communiquer son changement de domicile au
membre du couple créancier dans le mesure relative au paiement de subsides
nement et

positionner comme étant


8
Récemment, une proposition de loi a ét en vue de

mars 2013, n° 33234/07, Valiuliené c/ Lituanie ; CEDH, 28 mai 2013, n° 3564/11, Eremia et a. c/ République de
Moldavie.
1
M. DOUCHY-OUDOT, « Quelle protection contre les violences au sein du couple ? », Rev. Procédures, 2010,
n° 10, 37 ; I. CORPART, « Intensification de la lutte contre les violences conjugales. Commentaire de la loi n°
2010-769 du 9 juillet 2010 », Rev. dr. fam., n° 11, nov. 2010, étude 28.
2
Art. 515-12 C. civ.
3
Art. 515-11, 3° C. civ.
4
Art. 515-11, 4° C. civ.
5
Art. 515-11, 5° C. civ.
6
Art. 375-2, 375-3, 375-5 C. civ.
7
Art. 25 de la L. n° 2016-297 du 14 mars 2016 relat J.O, 15 mars 2016, modifiant
-1 du Code civil.
8
Proposition de loi n° 2686 visant à déchoir de leur bail les locataires sociaux auteurs de violences conjugales,

293
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déchoir de leur droit au maintien dans le logement le conjoint ou le concubin violent,


lorsque celui-
étant de renforcer la protection des femmes victimes de violences, en leur transférant le

1
.
La faiblesse du dispositif réside en outre dans le fait que la saisine du juge
demande de la victime ou du ministère public. Or, le plus souvent, les victimes en état de
choc ne saisissent pas elles mêmes le JAF mais passent par l ermédiaire du ministère
public
«
a
minima
»2
que dans le
domaine de la protection privée des personnes.
326. Une protection renforcée par des mesures de répression pénale. Le lien de

3
répressive, une circonstance aggravant . Les violences4,
5
, ainsi que les tortures et actes de
barbarie6
partenaire ou concubin7. Quant au viol, il a déjà été reconnu par la jurisprudence pénale
entre époux et figure, , -24, 11° du Code8. De façon générale, les
mesures pénales relatives à la répression des violences au sein du couple entérinent et
renforcent les mesures existantes. la téléprotection9, le

1
Un article L. 442-3- : « Le droit au
t lorsque le titulaire du bail est auteur de violences conjugales,

conjoint violent est notifiée par


lettre recommandée avec accusé de réception ; elle prend effet immédiatement et le bail est transféré au conjoint
victime ».
2
I. BARRIERE BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Les contentieux familiaux. Droit interne, international, et
européen, op. cit., p. 102-103.
3
Ibid., p. 106.
4
Art. 222-8 6°, 222-10 6°, 222-12 6°, 222-13 6° du CP.
5
Art. 222-15, al. 1er CP.
6
Art. 222-3 6° du CP.
7
J. LEBLOIS-HAPPE, « uple », AJ fam., 2004, p. 17.
8
Selon cet article, «
concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».
9
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le dispositif de télésurveillance destiné à la protection des victimes de violences au
sein du couple est opérationnel », Rev. dr. fam., 2010, n° 5, comm. 73.

294
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

bracelet électronique1 ou le fichier automatisé2 des auteurs de violences conjugales


constituent autant de moyens visant une répression efficace des violences commises au
sein du couple. Au
également le harcèlement moral. Se rapportant initialement au droit social3,
cette infraction est définie -33-2-1 du Code de procédure pénale et consiste
en « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses
conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale », et peut
être imputable à un « ex »4. Autant de mesures permettent donc de faire cesser le conflit

rapidement faire basculer celui-ci


doit être efficace et rapide5 témoin6 contrevient à
bré auprès de ses deux parents.

327. Une notion hors la sphère juridique. «


couple »7 non-droit. Celui-ci est
définit comme «
moral, psychologique ou matériel »8. Concrètement, il consiste à mutuellement à
9
porter le poids de la vie tant que la communauté de vie dure. Madame le professeur
Mélina DOUCHY-OUDOT le qualifie ainsi : « consiste pour un époux

arrive à soi-même et, pour cette raison, i

1
Cette mesure résulte de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des

enfants (CPP. art. 142-12-1).


2
ondamnée ou mise en
-ci.
Le décret n° 2012-268 du 24 février 2012 permet une expérimentation de ce dispositif dans le ressort de
tribunaux de grand -en-
3
Art. 222-33-2 Code proc. pén.
4
Art. 222-33-2 al. 2 Code proc. pén.
5
faute pour les autorités
mesures nécessaires pour préserver la requérante des violences exercées contre elle
par son ex-compagnon : CEDH, 24 avr. 2012, n° 57/693/10, Kalucza c/ Hongrie, Rev. dr. fam., 2012, n° 6,
comm. 95, M. BRUGGEMAN.
6
Sur la q -ci était recevable en
un conjoint vict autre conjoint : CA
Bordeaux, ch. civ. 6, 16 janv. 2013, n° 11/06198; Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 62, comm. P. BONFILS.
7
MURAT in Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème
éd., 2016-2017, n° 116.111, p. 200.
8
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié, op. cit., p. 505.
9
G. CORNU, La famille, 9ème éd., Paris, Montchestien, 2006, n° 30.

295
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

»1. Par conséquent,


ce devoir trouve davantage
communauté de vie entre les époux que dans la loi. De fait
flou et plastique »2, ainsi que des
« contours fuyants »3. Pour cette raison, u
4
devoir d , faute de pouvoir en donner
une définition uniforme.
328. Le
ple a besoin de
5
le
partenaire ou le concubin à une quelconque exécution contre sa volonté car il en va de sa

morale6 liberté7 qui permettrait à


une personne (mariée ou non) de laisser dans le besoin la personne avec laquelle elle a tout
(ou presque) partagé ?
En consacrant le de le droit en assure le

relatives à la protection des majeurs désignent en priorité, en cas de placement sous tutelle
ou sous curatelle, le conjoint comme tuteur ou curateur8. Eu égard aux exigences modernes
de rapidité, de manque de temps, ce devoir aura de plus en
plus tendance à être exécuté
devoir de secours et la contribution aux charges du mariage 9. De plus, très peu de

1
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir.), Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, op. cit., 2013, p. 40.
2
A. BENABENT, « La liberté individuelle et le mariage », RTD civ., 1973, p. 440.
3
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012, p. 61, spec. n° 69 et s.
4
C. PHILIPPE, , Paris, LGDJ,
1981; C. LEFRANC-HAMONIAUX, « », Rev. dr. fam. 1999, chron.
p. 13.
5
M. CULIOLI, « tre idéalisme et réalisme en droit matrimonial français », RTD civ.,
1968, p. 253.
6
Madame PHILIPPE souligne que «
-à-dire
apportée par une personne déterminée, choisie (...) ». Cf. C. PHILIPPE,
, Paris, LGDJ, 1981, p. 37.
7
Il suffit à ce titre de p

altération du lien conjugal, et la diminution corrélative


refasse plus rapidement sa vie.
8
Art. 449 c. civ.
9
J. ROCHE-DAHAN, « Les devoirs nés du mariage. Obligations réciproques ou obligations mutuelles ? », RTD
civ., 2000, pp. 735-758.

296
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

décisions1 tel, mais elles se

de rupture de vie commune.


329. Le d En Pacs, la loi du 15 novembre 1999
avait initialement soumis les partenaires « aide mutuelle et matérielle »
maladroitement copié des devoirs issus du mariage. Dans un mouvement
, la loi du 23 juin 20062
3
fait désormais clairement référence au devoir , créant ainsi
4
entre partenaires. Or, purement contractuel5, le non-
engagement caractérise le PACS assistance suppose non seulement
une affection qui ne saurait se matérialiser que sur du long terme.
6
Une
ier la portée de cette exigence
toute attente, les juges du fond affirment qu'il « est de principe constant que face à
assistance entre personnes unies par un Pacs,
est autre circonstance ». Si
cette position traduit la volonté non équivoque de ne pas assimiler le Pacs au mariage,
-4 du Code civil, la Cour
relève néanmoins que le partenaire avait assumé ses responsabilités
de la partenaire quittée, notamment sur le plan matériel.
330. Inexistence de ce devoir en concubinage ?

« péril », et qui mieux que le concubin, du


fait de sa proximité avec son concubin en péril, peut lui porter assistance ? Par ailleurs, la

1
V. néanmoins CA Metz, ch. famille, 17 avr. 2007, K. Z. c/ Z., JurisData n° 2007-340692; Rev. dr. fam., n° 10,
oct. 2007, V. LARRIBAU-TERNEYRE e mari
qui prend le parti de leur fille commune, contre son épouse, dans le conflit qui oppose ces deux dernières,
c une faute cause de divorce.
2
: H. FULCHIRON, « Le nouveau PACS est arrivé ! », Defrénois, 2006,
p. 1621; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « », Rev. dr. fam.,
2007, étude 1; P. SIMLER, « Le nouveau visage du PACS : un quasi-mariage », JCP, G, I, 2006, p. 161 ;
J. ROCHEFELD, « Réforme du PACS », RTD civ., 2006, p. 624.
3
Art. 515-4 c. civ.
4
ension aux partenaires

extrapatr
devaient aller au -delà de la simple contribution aux charges de la vie courante et revêtir un caractère à la fois
plus large sur le plan pécuniaire et extrapatrimonial.
5
constit.,
21 oct. 2015, n° 2015-9 LOM, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 213, J.-R. BINET.
6
CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, n° 10/00781; Rev. dr. fam., 2011, n° 6, comm. 89, LARRIBAU-
TERNEYRE.

297
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cette obligation.

) Un devoir de fidélité ?

331. adultère en mariage. En mariage,


dispose expressément que « les époux se doivent
fidélité constitue une faute cause de divorce toute forme
même intellectuelle - et la jurisprudence ne manque de le rappeler 2. En
1

théorie, les devoirs et obligations nées du mariage perdurent tant que celui-ci
dissous. La jurispru -systématiquement que « troduction

immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre
»3. Pour autant, on constate une réelle atténuation de
ir pendant la procédure de divorce4
5
. Ensuite, les juges du
fond prennent de plus en plus en considération la date à laquelle
Ainsi, certaines juridictions ont estimé que «
conciliation ne peut généralement être considéré comme une cause de divorce, la fidélité
ne pouvant être imposée au-delà de ladite ordonnance »6, ou encore «

séparément et alors que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait
7
de la longueur de la procédure » .

1
CA Paris, 13 fév. 1986, Gaz. Pal., 1986, p. 216, note JGM.
2
Cass. civ. 2ème, 23 avr. 1980, Gaz. Pal., 1981, 1, 89, note MASSIP ; CA Chambéry, 29 mai 1984, JCP, G, II,
1985, p. 347, note R.L ; CA Aix-en-provence, 7 nov. 2006, JCP, G, IV, 2007, p. 1494.
3
Cass. civ. 2ème, 14 déc. 1983, Bull. civ., II, n° 200, Gaz. Pal., 1984, 1, obs. M. GRIMALDI, pan. 201; Cass. civ.
2 , 12 juin 1987, D., 1987, IR, 160 ; Cass. civ. 2ème, 27 oct. 1993, JCP, G, II, 1994, note P. LEMASSON-
ème

BERNARD p. 22260 ; Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, RTD civ., 1994, p. 571, obs. J. HAUSER ; Cass. civ. 2ème, 3 mai
1995, Bull. civ., II, n° 130 ; Cass. civ. 2ème, 6 mars 1996, Bull. civ., II, n° 60 ; Cass. civ. 2ème, 4 juin 1997, n° 95-
19401 (inédit), Rev. dr. fam., 1998, comm. 176, obs. H. LECUYER; Cass. civ. 2ème, 15 juin 2000, Rev. dr. fam.,
2000, comm. 111, obs. H. LECUYER; CA Paris, 4 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2001, comm. 28, obs. H. LECUYER.
4
V. BALESTRIERO, « Le devoir de fidélité pendant la procédure de divorce », LPA, 8 nov. 1995, p. 18;
C. CHABAULT, « », Rev. dr. fam., 1998, chron. 11;
A. MIGNON-COLOMBET, « Que reste t-il du devoir de fidélité entre époux ? », LPA, 31 janv. 2005, p. 6.
5
Art. 245 al. 1er du c. civ.
6
CA Toulouse, 18 nov. 1991, RTD civ., 1993, obs. J. HAUSER, p. 104, contra Cass. civ. 1ère, 8 mars 2005, n° 03-
20.235; Cass. civ. 1ère, 9 juill. 2008. La Cour considère que « introduction de la demande en divorce ne confère
pas aux époux une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupable
autre ». Plus récemment : CA Pau, 2ème ch., 21ème sect., 29 mai 2012, n° 12/2366; Rev. dr. fam.,
2013, n° 3, comm. 36, V. LARRIBAU-TERNEYRE.
7
Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, Bull. civ., II, n° 123, RTD civ., 1994, obs. J. HAUSER, p. 571; LPA, 1995, n° 134,
note V. BALESTRIERO, p. 17; Gaz. Pal., 25-29 août 1995, obs. H. VRAY, p. 14 ; LPA, 1996, n° 2, obs. J. MASSIP,
p. 7. V. plus récemment CA Douai, 14 mars 2013, n° 11/06457, pour une
-conciliation. Dans une autre affaire, la courte durée entre

298
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Plus récemment,
un enfant avec un autre homme que son époux ne saurait être regardé comme fautif, dès
1
lors que le mari a reconnu avoi , sans
. Une telle souplesse dans le
2
traitement des infidélités conjugales pose la question, pour les époux, de la possibilité de
conventionnellement de ce devoir - exprès ou tacite-3.
L

temporaire que ceux-ci ont présentée, les dispensant du devoir de fidélité4. Plus audacieuse
est toutefois la décision qui reconnaît que
5
. Dans le même ordre
6
a été censurée la décision qui augmente

conçu
de fidélité entre époux et dont les droits ne sauraient préjudicier à ceux des enfants
légitimes ». Au titre du préjudice moral, la Cour de cassation considère que épouse
appréciera in concreto le bien
fondé de la demande au regard de l ode civil, et lui allouer
dommages-intérêts. Plus récemment, a affirmé que « le fait pour
un avoir un enfant avec un autre homme ne saurait être regardé comme fautif »,
dès lors que le mari reconnaît avoir avoir un enfant avec sa femme, sans
un choix commun du couple7.
fidélité en mariage semble avoir trouvé son épilogue avec une décision de la Cour de
cassation, dans laquelle elle a considéré que «
conceptions morales ne permet une infidélité
conjugale serait à elle seule honneur ou à la

-conciliation a permis de la retenir : CA Douai, 7e ch., sect. 1, 28


févr. 2013, n° 12/02395.
1
CA Douai, 19 déc. 2013, n° 13/00009; Rev. dr. fam., 2014, n° 2, comm. 22, J.-R. BINET. Cf. également la

de la part de son épouse infidèle, et intervenu à une date nettement postérieure à la séparation du couple et à
ordonnance de non-conciliation, ne présente pas le car en faire une cause de
épouse : CA Rouen, ch. fam., 22 oct. 2015,
n° 14/04627 ; Rev. dr. fam., 2016, n° 2, comm. 21, A.-C. REGLIER.
2
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des
thèses », 2014.
3
M.-T. CALAIS-AULOY, « Pour un mariage à effets conventionnellement limités », RTD civ., 1988, p. 255.
4
TGI Lille, 26 nov. 1999, D., 2000, note X. LABBÉE, p. 254.
5
M. LAMARCHE, « », Rev. Lamy dr. civ., 2004, p. 33. Cf. la jurisprudence :
Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, n° 03-11238; D., 2004, note D. VIGNEAU, p. 3175 ; RTD civ., 2005, obs.
J. HAUSER, p. 104 ; JCP, G, II, 2005, note F. CHABAS, p. 10011 ; Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, n° 96-19878,
Bull. civ., I, n° 35 ; Cass. civ. 1ère, 3 fev. 1999, n° 96-11946, Bull. civ., I, n° 43.
6
Cass. civ. 1ère, 16 avr. 2008, n° 07-17652, Bull. civ., I, n° 111.
7
CA Douai, 19 déc. 2013, n° 13/00009; Rev. dr. fam., n° 2, fév. 2014, J.-R. BINET, comm. 22.

299
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considération »1 intervenue plus tôt, la Cour de


cassation banalise de manière contestable- en considérant comme
-ci ne portant plus
2
atteinte ni à son honneur , ni à sa considération. Or, le devoir de fidélité figure encore

rappelons le, constitue le régime primaire impératif des personnes mariées et relève, dès
3
. Cette décision
mariage sous prétexte très contestable- ».
prafaitement Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, «
que le droit défend difficilement ce devoir entre époux et ne lui donne aucune assise
solide »4. Un véritable processus de privatisation dans les rapports au
sein du couple, et le juge ne saurait en être le garant. Il peut tout au plus suggérer et
avaliser des aménagements conventionnels.
332. Un devoir de fidélité5 . mariage
on, il est saisissant de constater que les
6
aires
est de demeurer libre, la possibilité de le rompre de façon
unilatérale en témoigne. Les partenaires peuvent cependant
respecter ce devoir dans leur convention initiale, mais rien dans la loi ne les y astreint. En
dépit de cette liberté, certains juges ont pu laisser
tel devoir. Une première décision retentissante du tribunal de grande instance de Lille 7
ommettre un huissier de justice en vue

constat, se fonde ode civil (article 1104 du Code civil à


er
compter du 1 octobre 2016) afin de retenir que «
loyalement le devoir de communauté de vie commune commande de sanctionner toute
forme d
commune justifie une procédure en résiliation de PACS aux torts du partenaire fautif ».
Probablement irréprochable sur le plan de la technique juridique, cette décision demeurait
is

1
Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2015, n° 14-29549 ; AJ fam., 2016, B. DE BOYSSON, p. 109.
2
B. BEIGNIER, , Paris, LGDJ, 1995, spec. pp. 433- droit
» dans les rapports

3
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 116.95, p. 197.
4
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, op. cit., p. 39, spec. n° 67.
5
Sur cette notion, voir la thèse de Madame S. BEN HADJ YAHIA, La fidélité et le droit, Paris, LGDJ, 2013.
6
L. ANTONINI-COLIN, « Le paradoxe de la fidélité », D., 2005, p. 23.
7
TGI Lille, 5 juin 2002, D., 2003, note X. LABBEE, p. 514 ; RTD civ., 2003, obs. J. HAUSER, p. 270 ; Rev. dr.
fam., 2003, B. BEIGNIER, comm. 57.

300
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

constitutionnel a fortement insisté sur la liberté au stade la rupture1. La Cour


Montpellier2 a eu à statuer sur la même question en 2011. Celle-
-mêmes dans leur
convention. la spécificité du devoir
de fidélité, lequel est propre au mariage, en qualifiant le concubinage même formalisé par
3
. Cette décision se situe donc dans le courant
ouvelles conjugalités, car il relève de
Toutefois, une partie de la doctrine
observant que la loi sur le Pacs qui
interdit la bigamie, ferait la pro
sexuelle »4 5
dans
En effet, Monsieur le
professeur Bernard BEIGNIER souligne que «
rétorquera que ce contrat est précisément inspiré du désir de libérer les conjoints de la

pour ne pas y être fidèle est une contre-


jurisprudence, dans son dernier état, tend tout à la fois à imposer une certaine fidélité aux
» 6.
décision du Conseil constitutionnel pour lequel la vie commune correspond bien à une vie
de couple, laquelle suppose une exclusivité sexuelle. Monsieur le professeur Xavier
LABBEE lle
7
vide faute de fidélité . Bien que la reconnaissance de ce devoir
-prise au sens moral du terme- évoque le
devoir de fidélité qui existe en mariage et commande par conséquent sa prise en compte
dans le pacte.
333. : la liberté. À mariage, engagement
durable de deux époux, le concubinage est un état inorganisé de deux personnes qui
décident de mener une vie commune en dehors de tout cadre juridique. Sa rupture tout

de fidélité.

1
Cons. constit. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962.
2
CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, déc. precit., Rev. dr. fam., 2011, n° 6, juin 2011, V. LARRIBAU-
TERNEYRE, comm. 89.
3
CA Rennes, 5 mai 2015, n° 211, 14/01737, Rev. dr. fam., n° 7-8, comm. 140, note J.-R. BINET.
4
X. LABBEE, Le droit commun du couple, op. cit., p. 101. V. aussi : T. REVET, « La loi n° 99-944 du 15
novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité », RTD civ., 2000, p. 173.
5
L. AYNES, « », Arch. philo. dr., 2000, t. 44, p. 195.
6
B. BEIGNIER, « », Rev. dr.
fam., 1997, chron. p. 5.
7
X. LABBEE, op. cit., p. 102.

301
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Néanmoins, il est admis que la rupture abusive du concubinage peut ouvrir droit à
réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. S
stable, la -en-provence1 a pu relever
concubine par son concubin, ce dernier vivant à leur domicile avec une autre femme2

substitut subjectif individuel »3.


vie à deux suppose, ainsi que le souligne Monsieur le professeur LABBEE, un minimum de
règles de savoir vivre à respecter4. Par conséquent, la présupposée liberté des couples non
mariés se heurte nécessairement à une organisation minimale
et la loyauté sont les principes de base. Si les concubins se sont jadis désintéressés de la
rner, la loi ne les ignore plus et considère
r.

2- Sur le plan patrimonial

334. La vie de couple suppose le partage. La vie à deux génère nécessairement une
intérêts patrimoniaux. La contribution aux charges de la vie commune5 ( ) et
) constituent les assises matérielles primaires de la vie du
couple qui permettent de suggérer un rapprochement des devoirs patrimoniaux dans les
nouvelles formes de conjugalité6.

e la vie commune

335. Inexistence en concubinage.


libre de contraintes. Par conséquent, et en dépit de sa reconnaissance par le législateur,
. La vie de couple des concubins est donc caractérisée par un
vide juridique, que la CEDH ne juge pas discriminatoire7. Il est acquis que quelle que soit
la durée de la vie commune, celle- , en principe,
alimentaire entre les concubins. Cette solution est classique 8 et la Cour de cassation la

1
CA Aix-en-provence, 22 juin 1978, D., 1978, p. 192, note PREVAULT.
2
Rapp. avec Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2015 precit., où la Cour de cassation considère, dans le cadre du mariage,

3
X. LABBÉE, op. cit., p. 102-103.
4
Ibidem., p. 103.
5
V. en ce AJ famille 2015 « Charges du ménage », pp. 316-336.
6
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012, p. 95, n° 119 et s.
7
CEDH, 3 avr. 2012, Van der Heijden c/ Pays-Bas, n° 42857/05.
8
La solution est fermement rappelée par la Cour de cassation : chacun des concubins supporte les dépenses de la
vie commune issues de son fait. Cass. civ. 1ère, 19 mars 1991, Bull. civ., I, 1991, n° 92 ; Defrénois, 1991, obs.
J. MASSIP, p. 942 ; Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2000, comm. 139, note B. BEIGNIER; D., 2001,
note R. CABRILLAC, p. 497, et D., 2002, p. 612, obs. J.-J. LEMOULAND ; JCP, N, 2001, note T. GARE, p. 1822;

302
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

réitère à chaque fois que celle-ci est saisie soit soit à la


contribution aux charges de la vie commune, ou lorsque la solidarité du couple est
. Pour autant, la jurisprudence ne se
montre pas complètement indifférente. Certains juges du fond tentent de dégager un
véritable devoir pour les concubins de participer aux dépenses de la vie courante, en se
1
qui existerait entre eux du fait de
la vie commune.
concubins participent ensemble, selon leurs facultés, aux charges inhérentes à leur vie
commune2. S in rem verso
excédant une participation normale aux dépenses de la vie
3
passée ensemble » , ne saurait obtenir gain de cause. Il y a donc là un minimum de
participation jugée nécessaire qui semble se dessiner en creux dans la jurisprudence4.
336. Légalement définie en Pacs. En tant que contrat, le Pacs devrait permettre aux

pourtant rien car le législateur a tenu à y attacher certains effets impératifs. Si lors de sa
création

en une aide mutuelle et matérielle5, semant le trouble sur la nature même du contrat de
Pacs. En 2006, « toute pudeur législative a disparu »6 si bien que « les partenaires liés par

proportionnelle à leurs facultés respectives »7. La formulation de obligation rejoint dans

Defrénois, 2001, obs. J. MASSIP, p. 93; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER, p. 565. V. aussi, Cass. civ. 1ère, 19 avr.
2005, Rev. dr. fam., comm. 127, note V. LARRIBAU-TERNEYRE
: CA Amiens, 2 fév. 1976, JCP, G, IV, 1978,
p. 324.
1
CA Bordeaux, 17 juin 1998, Rev. dr. fam., 1999, obs. H. LECUYER, n° 1 ; CA Pau, 4 avr. 2005, Rev. dr. fam.,
2005, comm. 152, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; CA Aix-en-Provence, 28 juin 2005 et 27 sept. 2005, Rev. dr.
fam., 2006, comm. 24, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; mais surtout CA Montpellier, 11 oct. 2004, Rev. dr. fam.,
2005, comm. 49, note V. LARRIBAU-TERNEYRE

engagement unilatéral, librement consenti par celui-ci, de subvenir au coût du placement de sa concubine dans
une maison de retraite, après quarante ans de vie commune.
2
Contrairement à certains droits positifs (le droit marocain notamment) dans lesquels le mari doit entretenir son
épouse.
3
Cass. civ. 1ère, 18 janv. 2012, n° 10-23267.
4
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux, droit interne, international et
européen, op. cit., 2013, p. 53.
5
-
Cons. constit., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962, considérant n° 31. Cf. pour les
commentaires : J. HAUSER, « », RJPF, 1999, nov.-déc., p. 6 ; H. LECUYER, « Le
PACS désormais sous toutes ses coutures », Rev. dr. fam., 2000, chron. p. 1; J. RUBELLIN-DEVICHI,
« Présentation de la loi adoptée le 13 octobre 1999 », JCP, G, 1999, actu. p. 1909.
6
I. BARRIÈRE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, op. cit., p. 50.
7
Art. 515-4 c. civ.

303
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

son la vie commune. Pour


1
preuve, le rapport remis le 30 novembre 2004
formuler certaines propositions afin de réformer le P u de la
loi du 15 novembre 1999 insistait sur la nécessité de définir cette aide par référence à
Si
2
par certains auteurs , le défaut de sanction de son inexécution empêche de le retenir. De la
même manière, la modification de -
3
par la loi du 12 mai 2009 a offert au juge aux affaires familiales la compétence en matière
la contribution aux charges du mariage et du pacte »4. Or, la rupture étant
libre, celui-ci aide matérielle ne
parvienne au juge, rendant toute procédure sans objet. En tout état de cause, la césure nette
rbée5,

renvoyer à celle issue des textes applicables aux époux, bien q elle ne soit pas expresse.
contribution aux charges du
6
, celle-ci
trouve son prolongement dans le devoir de secours qui en constitue le pendant, mais
rité qui doit exister entre les personnes
laquelle
à PACS qui ne porte
pas en son germe cette vocation familiale. L des partenaires se
7
referme par effet de « contraction » sur les seule vie de
couple.

1
Rapport remis au Garde des Sceaux le 30 nov. 2004, Le pacte civil de solidarité : réflexions et propositions de
réforme. Pour une présentation de ces propositions ; cf. également F. GRANET-LAMBRECHTS, « Trente deux
propositions pour une révision de la loi du 15 novembre 1999 », Rev. dr. fam., 2005, étude 9.
2
X. LABBEE, « -t-elle un caractère alimentaire ? », JCP, G, I, n° 42, 15 oct. 2008, 197.
3
L. n° 2009- J.O, 13 mai 2009,
p. 7920.
4
de la
contribution aux charges du pacte, au même titre que la contribution aux charges du mariage.
5
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié, Les statuts
légaux des couples, Vol. 1, Bruxelles, éd. Larcier, 2012, p. 531.
6
Sur son c

examen » : CA Nancy, 3ème ch. civ., 29 mai 2015, n° 15/01173 et n° 14/01854; Rev. dr. fam., 2015, n° 10, comm.
182, A.-C. REGLIER.
7
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-
Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009,
p. XI.

304
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

337. Absence de solidarité en concubinage. 0 du Code civil pose le

1
. Le principe est donc que toute dette née pendant la durée du mariage,
ucation des enfants, obligera le
conjoint solidairement. Pour le professeur MIGNOT, cette solidarité a pour base « un

s unit »2 a vie en commun


3
suppose nécessairement des dépenses communes , et implique inévitablement une
confusion .
L e
de la vie commune

de cette solidarité, ce qui a pu pousser certains juges du fond à raisonner par analogie. Il a
par exemple été jugé que «
rapprochent cette situation du statut du mariage, il convient alors de faire application aux
concubins des mêmes obligations que celles des époux quant »4.
La même attitude avait été adoptée afin de condamner un concubin au remboursement de
la moitié des dépenses effectuées par sa compagne sur son bien immeuble au titre du
paiement des loyers, des charges et des achats de mobilier5. Le sentiment de justice a sans
Néanmoins,
hodoxie juridique a conduit la Cour de cassation à censurer un tel raisonnement,
ribution des concubins aux charges
6
de la vie commune . E
7
aux couples de
8
concubins est donc sanctionnée par la Cour de cassation . Un concubin qui effectue un

Elle le rappelle ce faisant dans un arrêt inédit de cass. civ. 1ère, 26 sept. 2007, n° 05-17.076.
2
M. MIGNOT, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, Paris, Dalloz, coll.
« Nouvelle bibliothèque des thèses », 2002, spec. n° 405.
3
I. DAURIAC, « », Gaz. Pal., 11 déc. 2008, p. 18.
4
CA Bourges, 8 déc. 1997, JurisData n° 046157, Rev. dr. fam., 1998, n° 6, n° 89, note B. BEIGNIER

5
CA Dijon, 20 mai 1998, cassé par Civ. 1ère, 17 oct. 2000, D. 2001, note R. CABRILLAC, p. 497.
6
Civ. 1ère, 17 oct. 2000, Bull. civ., I, n° 244; D., 2001, note R. CABRILLAC, p. 497; JCP, G, II, 2001, 10568, note
T. GARÉ.
7
A. GOGOS-GINTRAND, « : les résistances à la
solidarité ménagère entre concubins », Rev. dr. fam., 2012, n° 4, étude 10 ; V. aussi : G. CORNU, « Le règne
analogie », in Mélanges offerts à André COLOMER, Litec, LexisNexis, 1993, p. 129.
8
Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Gaz. Pal., 1985, 1, note J. M., p. 133; Defrénois, 1984, p. 933, obs.
G. CHAMPENOIS et p. 1003, obs. J. MASSIP ; RTD civ., 1985, obs. J. MESTRE, p. 171. Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000,
JurisData n° 2000-006289; Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 79, note L. PERROUIN; D.,

305
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

achat est donc présumé le faire seul. Cette situation ne saurait pour autant signifier que
toute solidarité est à exclure en matière de dettes ménagères entre concubins.
338. Une absence de solidarité pouvant être tempérée par la jurisprudence. La
ans certaines situations, permis d étendre aux concubins
la solidarité ménagère b expressément, aux fins notamment
de protéger les tiers qui auraient en toute bonne foi cru contracter avec un couple marié1.
de ne pas hâtivement conclure à une absence totale
qui le
souhaitent, en dehors de toute intervention législative, en optant pour les
mécanismes conventionnels qui leur permettront de mettre en place des contrats de
concubinage2 relatifs à leurs obligations alimentaires et, plus largement, leur vie
patrimoniale. À défaut, la jurisprudence peut,
remédier à cette absence de règles en protégeant la partie la plus faible. La protection

liée à cette forme de conjugalité.


339. Une solidarité en Pacs calquée sur celle des époux. Quasiment identique à
3
, article 515-4 du Code civil a nécessité pas moins de
4
trois interventions législatives . Sur cette question, le législateur a pas hésité à opérer une
analogie entre mariage et Pacs. Alors que le P solidarité
ménagère la solidarité en mariage voit son
re on des enfants. La réforme
de 2006 exclu la solidarité des partenaires pour les dépenses
manifestement excessives, a été suivie en 2010 par la loi du 1er juillet5 réformant la
législation sur le crédit. Cette loi a permis les achats à tempérament ainsi que les
emprunts du champ de la solidarité conjugale

2002, obs. J.-J. LEMOULAND, p. 612; Defrénois, 2001, obs. J. MASSIP, p. 1003; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER,
p. 565, et p. 556, obs. B. VAREILLE; Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, n° 02-16.291, Bull. civ., I, n° 113; Cass. civ.
1ère, 27 avr. 2004, JurisData n° 2004-023427, Bull. civ., I, 2004, n° 113; Rev. dr. fam., 2004, comm. 140, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE; D., 2004, p. 268, obs. D. VIGNEAU ; Defrénois, 2004, p. 1232, obs. J. MASSIP. Pour un
rappel plus récent : Cass. civ. 1ère, 23 mars 2011, inédit. V. aussi, M.-C. RIVIER, « La solidarité entre
concubins », in Des concubinages, Droit interne. Droit international. Droit comparé, Études offertes à
J. RUBELLIN-DEVICHI, Litec, p. 97.
1
F. DAHAN, « », Gaz. Pal., 21 nov. 2000, p. 7.
2
Sur ces contrats de concubinage, cf. notamment : J. CHARLIN, « Le contrat de concubinage : formule », JCP, N,
I, 1991, p. 459.
3
Pour une étude comparée, cf. A. SOULEAU-TRAVERS, «
PACS », Defrénois, 15 mai 2002, art. 37533.
4

plus générale. Bien en 2006 avait


consacré une solidarité nettement plus réduite que celle applicable aux personnes mariées. Cette approche du
éparation de biens devenait le régime commun du pacte
civil.
5
L. n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, entrée en vigueur le 1er mai
2011, J.O, 2 juil. 2010, p. 12001.

306
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. Dans le prolongement de cette


mesure, la loi HAMON du 17 mars 20141 a restreint la solidarité des époux et des
partenaires pour les emprunts de sommes modestes. Celle-ci ajoute à la fin du troisième
alinéa des articles 220 et 515-4 du Code civil : « et que le montant cumulé de ces sommes,
estement excessif eu égard au train de vie
du ménage ». Le réalisme du législateur quant au surendettement des ménages a
directement inspiré cette mesure.
Bien que louable en soi, la mesure laisse néanmoins perplexe quant à son efficacité. En
effet, il semble assez malaisé pour les créanciers de connaître la situation exacte des
endettement est davantage a
posteriori absence de solidarité qui protège désormais chacun
2
des époux et des partenaires . Toujours est-il que les textes qui délimitent les contours de la
entre couples mariés et couples
soumettre à un régime identique. On semble assister,
ainsi que le souligne depuis quelques années la doctrine,
patrimonial du couple. Seul le concubinage occupe une place en retrait, et fait
elle.
340. de la solidarité des partenaires et des conjoints. La jurisprudence,
sur ce point,
e les dettes légales, telles les cotisations sociales obligatoires à
3
, ouvrant droit à diverses prestations -notamment au droit
de réversion en faveur des époux- entr
elles ont vocation à entretenir le ménage, que ce soit de manière actuelle ou future. Dès
lors, la séparation de fait des époux -même prolongée- ne fait pas obstacle au principe de
solidarité. Les juges du fond ont également pu estimer que les dettes de cotisations
4
sociales, notamment de retraite, relèvent de la car elles

conjoint survivant un droit à réversion. Pour autant, que ce soit en matière de pacte ou de
-4
disposent que cette solidarité
5
vie du quant aux

1
Loi n° 2014-344 relative à la consommation, 17 mars 2014, J.O, 18 mars 2014, art. 50.
2
M. LAMARCHE, « Couples, consommation, crédits : le ménage un peu (préservé) du surendettement. La loi
Hamon et la solidarité des dettes ménagères », Rev. dr. fam., 2014, n° 5, alerte 19.
3
Cass. civ. 1ère, 29 juin 2011, n° 10-16.925; JCP, G, II, 2011, n° 39, p. 1017.
4
Cass. civ. 1ère, 17 nov. 2010, n° 09-11.979, Rev. dr. fam., 2011, comm. 2, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE,. Voir
déjà, Cass. civ. 1ère, 4 juin 2009, n° 07-13.122, D., 2009, obs. J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU, p. 1610 ; AJ fam.,
2009, obs. F. CHENEDE, p. 303 ; RTD civ., 2010, obs. B. VAREILLE, p. 800
5
Les juges du fond pourront apprécier ces dépenses « eu égard au train de vie du ménage,
opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ».

307
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

-4 qui ne dit mot dessus1. Il


reviendra par conséquent
dépense eu égard au train de vie du couple. Or, la rareté des décisions publiées en la

concernant
en effet été jugé que, «
est versée à tort, les concubins ou les pacsés qui en ont bénéficié sont solidairement tenus
»2.

) Le logement du couple

341. L absence de protection autonome du logement des partenaires. Le

partenaires. Or, le logement du couple3 est important à deux égards : il représente,


symboliquement,
constitutif tant du Pacs que du concubinage, et représente un bien (voire le bien) du
patrimoine du couple4.
celui-ci ne prévoit pas de protection autonome de leur logement lors de la séparation. Pour
preuve, les juges lillois ont pu affirmer que le logement commun ne pouvait être assimilé
au domicile conjugal5
220-1 alinéa 3 du Code civil a également été exclu par les magistrats à cette occasion au
motif que celui- as par analogie au concubinage. Le refus des

par la situation de cette disposition au sein du régime primaire impératif des époux. Elle ne
appliquer aux simples concubins.
342. Pourtant, la vie

communauté de toit est effective et protégée. importance de ce bien tant pour


obligation de vie commune6 étonner que le
logement des aucune mesure protectrice pendant la durée du
7
Pacs » . Ce vide législatif signifie purement et simplement que « si le logement de la

2
CE 9 juil. 2003, n° 255110; D., 2004, somm. 2967, obs. J.-J. LEMOULAND; RTD civ., 2004, obs. J. HAUSER,
p. 69.
3
J. RUBBELIN-DEVICHI, « La famille et le droit au logement », RTD civ., 1991, p. 246.
4
V. J. LEPROVAUX, La protection du patrimoine familial, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2008.
5
TGI Lille, 21 fév. 2006, D., 2006, 1350, note X. LABBEE ; Rev. dr. fam., 2006, comm. 141, note I. CORPART.
6
En ce sens : J.-M BRIGANT, « ? », Rev. dr. fam., 2011, n° 1, étude 3.
7
P. SIMLER, P. HILT, « Le nouveau visage du pacte civil de solidarité : un quasi-mariage », JCP, G, 2006, n° 30.

308
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

entre eux, celui-ci peut le vendre, le léguer, le louer, le


échanger san accord de l'autre »1. Si le législateur -
accessoirement- intéressé à la protection du logement
aux violences conjugales2, tant et si bien que le
logement des partenaires
propre. En 2
3
, le législateur a remédié à ce vide législatif en
permettant de devenir de plein droit cotitulaires du bail lorsque
leur logement est a . Longtemps réservé aux seuls
4
couples mariés , ticle 1751 du Code civil leur offre désormais le droit à la cotitularité
.
contrat de bail est également prévue par un nouvel article 1751-1 du Code civil. En cas de
un des partenaires pourra donc saisir le juge compétent afin de se
voir attribuer le droit au bail. En revanche, le partenaire non-signataire du contrat de bail
ne peu pas titulaire du droit au bail
la demande. Ses droits à une jouissance paisible5, au renouvellement du bail6 ou encore de
préemption7 ne peuvent, dans ces conditions, être protégés. Simple occupant, il ne peut non
plus se prévaloir du droit au maintien dans les lieux. Comme cela a été souligné, « parce
elle est con est ni automatique, ni obligatoire »8, par
conséquent seule une clause exp
343. Les droits sur le logement du partenaire survivant. Le logement des
partenaires a essentiellement été abordé, initialement,
partenaires. adoption de la loi du 23 juin 2006, le partenaire survivant ne

partenaire décédé. Plusieurs dispositions applicables au conjoint survivant ont, depuis,


es matrimoniaux9. Désormais,

1
C. COUTANT-LAPALUS, « Pacs et logement, dix ans après », Rev. dr. fam., 2010, étude 9, spec. n° 21.
2
V. supra, n° 325.
3
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, J.O, 26 mars 2014.
4
CA Versailles, 29 mai 1998, Gaz. Pal., 1998, 2, somm. p. 626 ; CA Versailles, 22 juin 2001, D., 2002, somm.
p. 1720 ; CA Besançon, 14 janv. 2003, Rev. Loyers et copr., 2003, comm. 124, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA
Paris, 5 janv. 2006, Rev. Loyers et copr., 2006, comm. 49, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA Toulouse, 3 juin 2008,
Rev. Loyers et copr., 2008, comm. 179, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA Aix-en-Provence, 9 avr. 2009, Rev.
Loyers et copr., 2009, comm. 231, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; Cass. civ. 3ème, 28 avr. 2009, n° 08-12.424, inédit.
5
Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, n° 08-15.929, JurisData n° 2009-047671, Rev. dr. fam., 2009, comm. 70, obs.
V. LARRIBAU-TERNEYRE.
6
Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, n° 08-15.929, Rev. Loyers et copro., 2009, comm. 140, obs. B. VIAL-PEDROLETTI;
D., 2009, p. 1090, obs. G. FOREST.
7
CA Paris, 20 mars 1996, Rev. dr. fam., 1996, comm. 1.
8
C. COUTANT-LAPALUS, « Pacs et logement, dix ans après », art. precit., spec. n° 22.
9
-6 du Code civil en ressort grandement influencée, notamment par les dispositions des
articles 831, 831-2, 832-3, 832-

309
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

celui-ci peut se prévaloir du bénéficie du droit temporaire au logement ou demander à


attribution préférentielle de ce dernier. Depuis le 1 er janvier 2007, que le
un titre de propriété un contrat de bail, le partenaire
année qui suit le décès de son partenaire un droit de
jouissance gratuit du logement ainsi que des meubles qui le garnissent. Pour cela, le
ccuper de manière effective le logement à titre
habitation principale, le bien devant appartenir aux deux partenaires soit en indivision,
soit un contrat de bail. Pour autant, ces dispositions ne sont pas
ordre public et le partenaire survivant peut en être privé par testament. Quant au bénéfice
de l préférentielle du logement commun au partenaire survivant, celui-ci doit
avoir été expressément prévu par testament.

3- Hors du droit civil

344. L ges sociaux. la qualité


-droit est automatique, celle-ci demeure variable pour les couples non mariés.

par étapes, voire par des lois de circonstance1. Le plus souvent, les dispositions du Code de
2
. Il
3
.
Néan
4
.

ant-
droit à la personne (de même sexe ou de sexe différent) qui partage
social regard de la protection sociale5, la situation des concubins est
quasiment6 identique à celle des époux, mais sans que celle-ci relève du même texte. En

1
En 2004 par exemple, le législateur a élargi, suite à une explosion survenue dans une entreprise chimique, la
liste des ayants-
permettre aux personnes vivant en couple avec les victimes décédées de bénéficier de rentes de survivants.
2
Art. L. 434-8 et R. 434-10 (rente viagère en cas , L. 815-4, L. 815-9, L. 815-13, R. 815-18
et R. 815-28 (allocation solidarité personnes âgées), L. 815-5 (avantages de vieillesse), L. 821-3 (allocation

3
Art. L. 232- L. 232-
4
Y. FAVIER, « Les concubins et leurs droits sociaux », in Des concubinages, droit interne, droit international,
droit comparé. Mélanges J. RUBELLIN-DEVICHI, Litec, 2002, p. 241; G.VACHET, « Concubinage et vie maritale
dans le droit de la sécurité sociale », in Les concubinages, approche socio-juridique, t. II, CNRS, 1986, p. 185.
G. BUCHET, « Concubinage, vie maritale, vie commune », Rev. dr. soc., 1997, p. 288 ; A. BENOIT, « Protection
sociale et concubinage », Rev. dr. fam., 1997, chron. n° 8 ; X. PRETOT, « Quelle famille est prise en compte dans
notre système de protection sociale », Rev. dr. sanit. soc., 1991, n° 3 ; Y. SAINT-JOURS, « Le statut social
du concubinage », JCP, N, I, 1993, 138.
5
J.-F. LUSSEAU, « Vie maritale et droit de la Sécurité sociale », Rev. dr. soc., 1980, p. 203.
6
assimilation entre le mariage et le concubinage est pas absolue. Le versement de certaines
prestations r un lien de droit. Il en est ainsi en matière de rentes versées en cas
accidents du travail (CSS, art. L. 434- assurance invalidité de veuf ou de veuve (CSS, art. L.

310
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

effet, 313-3 visant les membres de la

L. 161-14 du Code de la sécurité sociale. Ensuite, toute personne qui vit en couple avec un
assuré social depuis 12 mois et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, est
-droit de cet assuré1
maladie- -à-dire au remboursement des frais médicaux2. Tout récemment, la
Cour de cassation a jugé que « une
maladie professionnelle a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de
cette dernière, lorsque le décès de la victime est survenu à compter du 1er septembre
2001 »3. Pour les décès survenus avant cette date, la théorie du mariage posthume permet
de faire remonter les effets du mariage à la date du jou époux4 afin
er au concubin le statut de conjoint survivant, et lui ouvrir le bénéfice de certains
droits réservés aux seuls époux pour le droit à indemnisation du
5
préjudice prévu par les articles L. 437-7 et L. 434-8 du Code de la sécurité sociale dans
leur rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2001. Il en est de même du capital décès6
7
prévu à l'article L. 362-1 du Code de la sécurité social .
8
Un décret est récemment intervenu afin de tirer les conséquences réglementaires en

de la sécurité sociale. Désormais, les droits des concubins et des partenaires pacsés sont
alignés sur ceux du conjoint pour ce qui est des condi

ayant-droit9
bénéficier des assurances invalidité et décès, fermées aux concubins. Il bénéficie
10
, dont le versement est
effectué suivant un ordre de priorité qui place le partenaire après le conjoint survivant,
mais avant les descendants et ascendants. La législatio

342-1 et s.), de pension de retraite ou de réversion (CSS, art. L. 353-1 et assurance veuvage
(CSS, art. L. 356-1 et s.).
1
Art. L. 161-14, al. 2, cf. aussi: Cass. soc., 22 févr. 1978, Bull. civ., V, n° 142, p. 106.
2
Art. L. 161-14 CSS.
3
Cass. civ. 2ème, 4 avr. 2013, n° 10-19.233, AJ fam. 2013, note G. RAOUL-CORMEIL p. 300.
4
Art. 171 al. 2 C. civ.
5
Cass. civ. 2ème , 10 juill. 2008, n° 07-15.390; Rev. dr. fam., 2008, n° 10, comm. 137, V. LARRIBAU-TERNEYRE.
6
Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, n° 05-18.582; Rev. dr. fam., 2007, comm. 160, note A. DEVERS ; JCP, S, 2007,
1524, G. VACHET.
7
Cass. soc., 15 févr. 2001, n° 99-17.199 ; D., 2001, somm. 2449, obs. X. PRETOT; D., 2002, somm. p. 535,
obs. J.-J. LEMOULAND; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER, p. 563; Rev. dr. soc., 2001, note B. GAURIAU, p. 463.
8
D. n° 2015-653, du 10 juin 2015, J.O, 13 juin 2015, p. 9973.
9
Art. L. 161-14, al. 1er CSS.
10
Art. L. 361-4 CSS.

311
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

procréation, si elle exigeait auparavant une vie commune de deux ans afin de caractériser

onc caractérisée par une prise en charge des risques indépendamment du


choix it
risques couverts par le régime général de la sécurité sociale ne promeuvent pas une
conception particulière de la famille, mais leur objet se réduit à la seule couverture des
risques, donné exclusif pris en considération1. Pourtant, ce dernier dépend étroitement des
structures familiales et sociales qui ne cessent de se renouveler. La diversité actuelle des
formes de conjugalité impose donc une prise en compte et une adaptation à ces nouvelles
configurations familiales, sans pour autant procéder à une transposition indifférenciée des
règles applicables aux uns et aux autres.
345. nsion de réversion aux concubins. Il est revenu au
C
concubin survivant. Il a exclu, dans un arrêt du 6 décembre 2006 2
discrimination quant au bénéfice du droit à la pension de réversion visée aux articles 39 et
47 du Code des pensions civiles et militaires. Par un autre arrêt du 18 juin 2010 3, il a jugé
que les disp ode des pensions civiles et militaires de retraites
qui organisent le partage de la pension de réversion entre les ex-
fonctionnaire ne sont pas applicables aux concubins car il existe une différence de situation
entre les personnes mariées et les personnes vivant en concubinage. La même solution a
été reprise au profit des personnes pacsées. Dans une question prioritaire de
constitutionnalité4, le juge constitutionnel a estimé que « réserver le bénéfice de la pension
de réversion aux couples mariés et ne pas reconnaître ce droit aux couples non mariés

». Plus récemment encore, la Cour de cassation5 a estimé


vait pas de discr article 14 de la Convention
européenn homme et des libertés fondamentales agissant
de la différence de traitement entre le conjoint marié et le partenaire lié par un Pacte civil
de solidarité au regard de la pension de réversion. En dro a pu
être jugé entation nationale qui ne prévoit pas de prestation de survie
équivalente à celle octroyée à un époux après le décès du partenaire de vie viole le droit

1
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié en droit belge
et français, Les statuts légaux des couples, op. cit., p. 561.
2
CE, 6 déc. 2006, n° 262096, D., 2007, p. 155 ; AJ fam., 2007, obs. F. CHENEDE, p. 34 ; RTD civ., 2007, obs.
J. HAUSER, p. 86 ; JCP, G, II, 2007, note A. DEVERS, p. 10096.
3
CE 18 juin 2010, n° 315076, AJDA, 2010, p. 1237 ; RTD civ., 2010, obs. J. HAUSER, p. 764 ; Rev. dr. fam.,
2010, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 123.
4
QPC n° 2011-155 du 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, note V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 143.
5
Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2014, n° 13-11.362 ; Rev. dr. fam., 2014, n° 4, comm. 63 ; L. ANDREU, « Vers un
alignement du régime du Pacs sur celui du mariage ? À propos d un arrêt étonnant relatif à la pension de
réversion », D., 2014, p. 968 ; T. TAURAN, Rev. dr. sanit. et soc., 2014, p. 392.

312
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

communautaire dérivé1. La question portant sur la durée de la résistance des juridictions


françaises .
346. En procédure civile. La loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la
simplification du droit a permis aux parties de se faire assister ou représenter devant le
2 3
tribunal par le concubin
ou la personne avec laquelle elles ont conclu un Pacs. La même faculté leur a été reconnue
a sécurité
sociale,
du travail4 5
. Plus récemment, la loi n° 2009-526 du
6
12 mai 2009 de simplification et de clarification du dr a
transféré au juge aux affaires familiales la liquidation et le partage des intérêts
patrimoniaux de tous les couples conjugaux alors que,
mariés saisissaient le juge aux affaires familiales des difficultés nées de la liquidation de
leur régime matrimonial7. Faisant suite à la proposition doctrinale de Monsieur le Recteur
GUINCHARD dans le cadre du rapport , cette
extension du bloc de compétences juridictionnelles du JAF
Pour Monsieur le professeur
ÉGEA, hautement procédurale, la question de « la compétence matérielle des juridictions
reflète parfaitement le pluralisme des formes juridiques de couple et le mouvement de
rapprochement du pacte civil de solidarité du mariage »8
penser que la convergence des formes de conjugalité opère par la procédure civile.

B) La liberté dans la rupture

347. Dénominateur commun des conjugalités non-engageantes. Un sentiment


peut naître au stade de la rupture du couple de concubins. En effet, pas plus que
Là où la
solidarité conjugale se montre efficace, le concubinage révèle sa précarité lorsqu prend

1
CJUE, 1er avr. 2008, Tadao Maruko c/ Versorgungswerk der deutschen Bühnen, affaire C 267-

; CJUE, gde chb., 10 mai


2011, affaire C 147/08, Jürgen Römer c/ Freie und Hansestadt Hamburg.
2
Art. 828 CPC.
3
Art. R. 1453-2 C. travail.
4
Art. L. 144-3 Code sécu. soc.
5
Art. 12 du décret n° 92-755 du 31 juil. 1992 modifié par le décret n° 2008-484 du 22 mai 2008.
6
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et allègement des procédures,
J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
7
V. ÉGÉA, precit., p. 248, n° 610.
8
Ibid., p. 249, n° 611.

313
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fin. au-delà de la supposée liberté, nombre de concubins


recourir au juge au moment de la rupture. Dans ce contexte, la jurisprudence a envisagé
certains mécanismes inspirés du droit commun afin de compenser les aspects les plus bruts
de la rupture (1). à ce stade a conduit le législateur
à ériger le droit à indemnisation, en cas de rupture fautive du Pacs,
public, mettant ainsi en balance les impératifs de liberté de la rupture et de protection de la
partie la plus faible (2). Par conséquent, un processus de rapprochement des conséquences
de la rupture hors-mariage semble se dessiner au moment de la rupture en mariage.
Louable, cette approche est animée par la volonté de réduire au maximum les disparités
dues au statut juridique choisi.

1- La rupture du concubinage

348. Le recours à la responsabilité civile délictuelle. La liberté de rompre1


du concubinage.
2
. En revanche, le droit admet, lorsque les
circonstances de la rupture révèlent une faute3 détachable de la rupture elle même4, que la
t engagée sur le plan délictuel en application de
5
(article 1240 du Code civil à compter du 1er octobre 2016).
349. Le recours aux mécanismes de rééquilibrage patrimonial de droit commun.
de la concubine
qui estime avoir été abandonné, de contraindre son ancien compagnon (ou compagne) à lui
venir en aide. t essentiellement de la société créée de fait, subsidiairement, la
6
. La première technique
7
créée entre les concubins. Elle est donc soumise à des

1
Le principe étant que la rupture du concubinage ne saurait, en elle-même, ouvrir droit à une quelconque
indemnisation. V. en ce sens R. SAVATIER, « », note sous Cass. civ. 1ère, 7 oct.
1957, D., 1958, 493.
2
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, européen et international,
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Paris, éd. Lextenso, 2013, p. 244, spec. n° 602.
3
V. récemment : CA Metz, 1ère ch., 8 janv. 2015, n° 13/01099 et n° 15/00007 ; Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm.
70, A.-C. REGLIER.
4
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, européen et international,
op. cit., n° 603.
5
En ce sens : CA Metz, 8 janv. 2015, n° 13/01099, D., 2015, pan., J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU, p. 1408.
6
V. notamment A. GOUTTENOIRE, « Collaboration familiale et enrichissement sans cause », Rev. dr. fam., 1999,
chron. n° 19.
7
Cass. civ. 1ère, 2 oct. 1974, Bull. civ., I, n° 249; Cass. civ. 1 ère, 20 mars 1989, Bull. civ., I, n° 130; JCP, IV,
1989, 193; Gaz. pal., 1989, 2, 765, note J. MASSIP; Cass. civ. 1ère, 11 fév. 1997, Bull. civ., I, n° 46; JCP, II, 1997,
22820, note T. GARÉ; JCP, 1997, I, obs. M. FARGE, p. 4045; même revue, 4074, n° 1, obs. VIANDIER et
CAUSSAIN ; Rev. dr. fam., 1997, n° 56, note H. LECUYER; Defrénois, 1997, 923 (2ème esp.), note MILHAC ; LPA,
7 juil. 1997, note GIBRILA ; Cass. civ. 1ère, 26 juin 2001, n° 98-16490, Rev. dr. fam., 2002, n° 28, note
H. LECUYER.

314
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

de manière très restrictive1 et la Cour


de cassation ne manque de le leur rappeler. Il faut,
de chaque élément constitutif de la société 2 : des apports mutuels, en nature ou en travail,
un affectio societatis ou la v
,
effective aux bénéfices et aux pertes. Une fois ces trois éléments prouvés distinctement et
cumulativement, les juges peuvent souverainement le société
entre les concubins, notamment pour permettre aux créanciers du couple, qui en
3
démontrent ncontre du concubin du
débiteur. Elle constitue dès lors un véritable substitut, dans certains cas,
4
du Code civil instituant une . Ne
serait-il pas préférable intérêt des créanciers, de consacrer une solidarité entre
concubins, dès lors que celle-ci se trouve applicable aux partenaires ? En tout

obligations, il ne nous semble pas inconcevable niser, ne serait ce que par souci de
cohérence, certains effets inhérents à la vie de couple. Une sorte de socle, de SMIC (statut
minimum inter-conjugal) tel que le suggérait un auteur5.

1
Cass. com., 30 juin 1970, Bull. civ., IV, n° 222.
2
Cass. com., 25 juil. 1949, n° 49-39306, Bull. com., n° 307; D., 1949, somm., p. 41; JCP, 1950, II, 5798; Cass.
civ. 1ère, 4 nov. 1976, Bull. civ., I, n° 328; Cass. com., 9 nov. 1981, n° 80-12477, Bull. civ., IV, n° 385; Cass. civ.
1ère, 5 mars 1985, Bull. civ., I, n° 85; Cass. civ. 1ère, 23 juin 1987, Bull. civ., I, n° 205; Cass. civ. 1ère, 18 juil.
1995, Bull. civ., I, n° 320; RTD civ., 1996, 133, obs. J. HAUSER; Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, Bull. civ., I, n° 357;
D., 1997, somm., 177, obs. R. LIBCHABER; RTD civ., 1997, obs. J. HAUSER, p. 102; Defrénois, 1997, (1ère esp.),
note MILHAC, p. 923; LPA, 5 sept. 1997, note ENAMA ; Cass. civ. 1ère, 1er juil. 1997, Rev. dr. fam., 1997, n° 153,
note H. LÉCUYER ; Cass. com., 9 oct. 2001, Bull. civ., IV, n° 165 ; Defrénois, 2002, obs. J. HONORAT, p. 620;
Rev. dr. fam., 2002, n° 18 et 55, note H. LECUYER ; RTD civ., 2002, obs. J. HAUSER, p. 489; Cass. civ. 1ère, 12
mai 2004, n° 01-03909, Bull. civ., I, n° 131; D., 2004, obs. E. LAMAZEROLLES, p. 2928; meme revue, obs.
D. VIGNEAU, p. 2969; JCP, E, 2004, n° 8, obs. CAUSSAIN, DEBOISSY et WICKER, p. 1510; RTD civ., 2004, obs.
J. HAUSER, p. 487; Rev. dr. fam., 2004, n° 168, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; RTD com., 2004, 743, obs.
C. CHAMPAUD et D. DANET ; Rev. sociétés, 2005, note F.-X. LUCAS, p. 131; Cass. com., 23 juin 2004, Bull. civ.,
IV, n° 135; D., 2004, obs. D. VIGNEAU, p. 2969; AJ fam., 2004, obs. F. BICHERON, p. 324; JCP, 2005, I, n° 3,
116, obs. Y. FAVIER ; JCP, E, 2004, n° 9, obs. CAUSSAIN, DEBOISSY et WICKER, p. 1510; Rev. dr. fam., 2004,
n° 168, note V. LARRIBAU-TERNEYRE ; RJPF, 2004, n° 10, p. 22, note F. VAUVILLE; Rev. dr. et patrim., 2004,
n° 12, p. 96, obs. D. PORACCHIA; RTD civ., 2004, 487, obs. J. HAUSER ; RTD com., 2004, 740, obs. C.-L.
CHAMPAUD et D. DANET ; Cass. civ. 1 ère, 4 juin 2007, n° 06-15.249 ; D., 2008, pan., obs. J.-J. LEMOULAND et D.
VIGNEAU, p. 1793; JCP, 2008, I, 102, n° 2, obs. C. COUTANT-LAPALUS ; Rev. dr. fam., 2007, n° 185, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE.
3
M. BRUGGEMAN, « La solidarité familiale », in Les États généraux du mariage volution de la conjugalité
C. NEIRINCK (dir. de), Marseille, PUAM, 2008, pp. 171-187.
4

dettes. Cf. civ. 1ère, 2 mai 2001, Bull. civ., I, n° 111; D., 2002, somm. 612, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ.,
2001, 565, obs. J. HAUSER ; mais aussi civ. 1ère, 27 avr. 2004, Bull. civ., I, n°113 ; D., 2004, 2968, obs.
D. VIGNEAU ; RTD civ., 2004, 487, obs. J. HAUSER; Rev. dr. fam., 2004, n° 140, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE.
-ci condamne solidairement les
concubins à restituer le trop perçu : CE, 9 juil. 2003, D., 2004, 2967, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ., 2004, 69,
obs. J. HAUSER.
5
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012.

315
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fondée sur Cette alternative semble


intéressante a contribué à la bonne marche du ménage en ccupant
du foyer, ou sans rémunération, en ayant
abandonné sa propre activité professionnelle. Lors (a)
concubin(e) se rend compte que son enrichi il (elle)
corrélativement appauvri(e). Dans ce cas de figure, l sans cause peut être
un bon moyen de compenser des disparités trop flagrantes entre les ex-concubins.
Néanmoins, certaines conditions cumulatives sont requises par la jurisprudence. Il faut
, en apportant corrélativement la preuve de son
propre appauvrissement, tout en démontrant
termes, absence avantages pour lui, qui trouveraient
. Or, les juges relèvent bien souvent une
1
contrepartie matérielle tel que hébergement
vie2 ou intention libérale3. Les décisions ayant eu à se prononcer sur ce fondement
par la concubine est allée au-delà de la
4
simple entraide conjugale et,
ré lors de la rupture.
L anismes pourrait suggérer une protection proche de celle conférée

commun. Cependant, celles-c ne satisfont pas, de surcroît, à


t des personnes mariées.
pis-aller »5. La jurisprudence
mérite de remédier, sur le fondement du droit commun et au cas par cas, à certaines

1
Cass. civ. 1ère, 12 nov. 1998, Rev. dr. fam., 1999, n° 12, obs. H. LÉCUYER.
2
Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, n° 06. 11924, Bull. civ., I, n° 212 ; D., 2008, A.J, 2430, obs. I. GALLMEISTER ;
LPA, 24 nov. 2008, note BOUSSARD; AJ fam., 2008, 431, obs. F. CHÉNEDÉ; RJPF, 2008-12/19, obs.
F. VAUVILLÉ; Defrénois, 2008, 2516, obs. E. SAVAUX; Rev. Lamy dr. civ., 2008/54, n° 3198, obs. JEANNE; RTD
civ., 2008, 660, obs. J. HAUSER; JCP, 2008, art. 597, obs. H. BOSSE-PLATIERE.
3
CA Aix-en-provence, 20 juin 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 202, note V. LARRIBAU-TERNEYRE. Plus
récemment : Cass. civ. 1ère, 2 avr. 2014, n° 13-11.025, D., 2015, pan. p.1408, J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU.
4
Cass. civ. 1ère, 20 janv. 2010

simple entraide, et ne donnait donc pas lieu ; ou


ère
, 24 sept. 2008, Bull. civ., I, n° 212. V. néanmoins
contra, la Cour qui « a souverainement estimé que ces travaux qui excédaient sa nécessaire participation aux
charges de la vie commune, ne pouvaient être considé amélioration du cadre de
vie hébergement gratuit dont M. X. avait profité pendant la période du concubinage » : Cass. civ. 1ère,
23 janv. 2014, n° 12-27.180.
5
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », op. cit., p. 251, n° 619.

316
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

2- La rupture du Pacs

350. Les dangers du principe de la libre rupture du Pacs. La possibilité de résilier


unilatéralement le Pacs, sans motivation ni préavis est, à côté des avantages fiscaux et
la principale cause de son succès1. Or, la doctrin -
2
depuis la création du Pacs- des dangers inhérents à la liberté de rupture . En effet, aucune
ni le contrôle des motifs, ni les conséquences de la rupture. Les
-huis et officier
- prennent uniquement acte de la décision de rompre, et de sa signification au
partenaire subissant la rupture3. À Madame le professeur
Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ «
feront en connaissance de cause
;
ustices. Certains auteurs ont déjà émis la crainte que ces ruptures

violence sociale »4. Le partenaire, tout comme le concubin, est soumis au bon vouloir de
à ce tout
droit
e Pacs -dans sa dimension factuelle- un simple
concubinage aucun avantage à sa dissolution. Il peut être résilié « du jour au
lendemain, sur simple caprice »5, de la même manière que, du jour au lendemain, le
partenaire abandonné peut se retrouver sans rien. La liberté constitutive du Pacs se paie
fort cher à la rupture, et cette situation a pu être qualifiée par la doctrine comme une
hypocrisie de la loi qui consacre des inégalités là où le droit est censé les supprimer ou, à
tout le moins, les atténuer «

trouve, du fait de la loi, automatiquement destitué. Je peux donc avoir dans le même temps
une fiancée et une (ou un) partenaire de service, qui disparaîtra du fait du mariage » car
«
»6. Qualifié comme étant une « défaite de la raison juridique »7, le Pacs est loin de
constituer ce pacte civil de solidarité car il est tout, sauf solidarité entre les partenaires. Il
la loi du plus fort. P la

1
En 2007, 101992 PACS ont été conclus contre 173728 en 2014, dont 96% le sont entre personnes de sexe
différent. Cf. Statistiques du Ministère de la justice.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », LPA, 1999, n° 84, pp. 29-36 ;
X. LABBEE, « dissolution conventionnelle », JCP, G, 2012, n° 1-2, pp. 6-7.
3
Cf. TI Lille, 7 sept. 2009, D., 2010, n° 1, pp. 6970, note, A. KOUMDADJI.
4
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », art. precit, p. 35.
5
X. LABBEE, « PAC », art. precit.
6
Ibid., p. 7.
7
P. MURAT, « », in Mélanges Pierre CATALA, Paris, Litec, 2001,
pp. 109-116.

317
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

défaite consiste à « légiférer à la légère


efforts supplé
désordre aura ses victimes : ceux qui ne verront pas les pièges du pacte, ceux qui par attrait
al
1
été conseillé » . Une autre partie de la doctrine y voit « une crise individuelle face aux
grands choix existentiels, et plus spécifiquement une crise du couple, marié ou non,
nion désormais
2
» . Face à autant de critiques, des
propositions ont été formulées par la commission présidée par Monsieur le recteur Serge
GUINCHARD, dont le rapport a été remis au Garde des sceaux le 30 juin 2008. Ce dernier
du juge au stade de la
3
rupture . Des efforts en ce sens ont été faits, notamment par la loi du 12 mai
4
2009 qui fait du juge aux affaires familiales le personnage incontournable de la séparation
de tous les couples quant à leurs effets patrimoniaux5.

§3) Vers un régime impératif conjugal

351. Une nette distinction du Pacs et du concubinage. Le groupe de travail chargé


de présenter des propositions de réfo
renforcé du Pacs « était de nature à faire naître un mode de conjugalité nouveau, distinct du
concubinage. Dès lors, toute disposition applicable aux con
aux pacsés. Il a donc été décidé de lever toute difficulté
t bien les deux
». Le concubinage « sauvage
515-8 du Code civil se distingue donc du concubinage « institué ». Par conséquent, le

témoigne bie
352. Vers une confusion du Pacs avec le mariage. Si le Pacs a initialement été créé

us à se « matrimonialiser ». D

1
Ibidem.
2
M-T. MEULDERS-KLEIN, « Réflexions sur l », in Droit civil, procédure,
linguistique juridique. Écrits en hommage à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, p. 317.
3
X. LABBEE, « Le PACS et le rapport GUINCHARD », D., 2008, Point de vue, pp. 2354-2355.
4
L. n° 2009-526, 12 mai 2009, J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
5
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le juge aux affaires familiales devient le juge des intérêts patrimoniaux des
concubine et des partenaires », Rev. dr. fam., 2009, n° 6, pp. 20-21 ; X. LABBEE, « PACS, la dernière longueur »,
AJ. fam., 2009, n° 9, pp. 345-346 ; Dossier AJ. fam., mars, 2010, « Judiciarisation du PACS et du concubinage »,
pp. 106-125.

318
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

1
- , en en
renforçant la dimension personnelle. Dans le même mouvement, la loi du 17 mai 20112 a
complété 79 du Code civil3 en faisant figurer nom et
4
prénom du partenaire. Il en découle une confusion, voire une uniformisation des effets
personnels et patrimoniaux du Pacs et du mariage. Le groupe de travail chargé de présenter
des propositions de réforme avait conclu à la « nécessité de renforcer le régime primaire
» 5. Cette volonté
affirmée du groupe de travail reposait sur la nécessité « de définir précisément les relations
pécuniaires entre partenaires ». «
dispositions applicables aux époux ne modifiait pas, en cette matière, la nature
contractuelle du Pacs et ne portait pas atteinte à la spécificité du mariage ». Si la nature
contractuelle du Pacs a bel et bien été soulignée et renforcée, la promesse tenant à la
préservation de la spécificité du mariage ne semble pas avoir été tenue,
auteur a pu inviter à en redécouvrir les avantages en tant que service public6
autre évoquait « le symbolisme » des sanctions et des obligations qui lui sont attachées7.
Il semblerait y avoir une réelle ambivalence entre la volonté législative de maintenir une
hiérarchisation entre les formes de conjugalité
ensemble du droit de la famille.

« obligations génériques qui défendent les valeurs sociales élémentaires »8. Le


raisonnement du législateur qui consiste à faire découler des droits et des obligations à
part élément de pur fait -la vie commune- empêche de raisonner en termes de statuts
particuliers. confusion des statuts conjugaux, en abandonnant le
9
mariage à sa réalité factuelle . Monsieur le professeur Yves LEQUETTE

1
Art. 515-3-1 du Code civil issu de la loi du 23 décembre 2006, en vertu duquel il est désormais fait mention en

2
L. n° 2011-525 du 17 mai 2011 amélioration de la qualité du droit, J.O, 18 mai
2011, p. 8537.
3
Dans un alinéa 4° bis.
4
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », JERRY
Sainte-Rose, C. PUIGELIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 676.
5
Le pacte civil de solidarité, Réflexions et propositions de réforme, Rapport remis à Monsieur Dominique
PERBEN, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, le 30 novembre 2004, p. 14.
6
A. MIRKOVIC, « Le mariage, un service public à redécouvrir », Rev. Lamy dr. civ., 2012, n° 94, pp. 55-58.
7
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des
thèses », 2014, n° 337, p. 327
8
G. RUFFIEUX, op. cit., n° 337, p. 327.
9
Cf. J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012.

319
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

té sociale, « la mauvaise famille chasse la bonne »1. En fin de

la Cour
2
de justice de portant sur la
question de savoir si les avantages sociaux conventionnels ouverts aux seuls couples

le 2 paragraphe 2 de la directive3 du Conseil, laquelle met en place un cadre général


. Pour la Cour, « une
expressément
sur leur orientation sexuelle reste une discrimination directe, dès lors que, le mariage
étant réservé aux personnes de sexe différent, les travailleurs homosexuels sont dans
antage revendiqué »4.
Par conséquent, la convention collective instituant des primes salariales et des congés
spéciaux au profit des seuls couples mariés est contraire à ladite directive, et la Cour de
cette contrariété dans sa
5
jurisprudence .
353. Un traitement de la rupture orienté vers la protection du plus faible. Si le
couple est désormais abandonné à sa réalité factuelle6, le législateur a bien pris soin, à
ar assimilation de tous les couples conjugaux.
Bien que matiques posées à ce stade ait pu, en apparence, conduire à
7
une certaine confusion
juridique8. La distinction entre les trois formes de conjugalité perdure afin de distinguer le
processus encadré et protecteur du droit du divorce bien que libéralisé-, des situations
plus précaires que sont le concubinage et le Pacs. Au demeurant, si la finalité de protection
et de prévisibilité est assurée dans le cadre du mariage, celle-ci est appréciée au cas par cas
1
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille »,
Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, pp. 523-550.
2
Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, Bull. civ., V, n° 161 ; D., 2012, p. 1765, obs. P. B. ; Rev. dr. fam., 2012,
comm. 114, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; RJPF, 2012-07-08/11, obs. E. PUTMAN; JCP, S, 2012, p. 1383,
comm. A. DEVERS.
3
Directive n° 20000/78/CE du 27 novembre 2000, JOCE, 2 déc. 2000, n° L 303.
4
CJUE, 12 déc. 2013, aff. C-267/12, Frédéric Hay c/ Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-
Sèvres, AJ fam., 2014, obs. H. ROBERGE, p. 127.
5
Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 10-18.341 et n° 12-20.864, Rev. Lamy dr. civ., 2014, n° 119, note K. D.-P.
6
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, op. cit.
7
Madame RUFFIEUX
raison « du souci de préservation du pluralisme conjugal et de la singu
la rupture du
Il en va

hors mariage explique, pour partie, la faiblesse des sanctions. Thèse precit., n° 244.
8
L. PIZARRO,
la rupture du couple, Thèse, Aix-Marseille, 2014.

320
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

dans les autres situations. Toujours est-il que la méthode employée par le législateur -dont
le raisonnement en termes de statuts spécifiques est abandonné 1 au profit d
factuelle du couple-
confusion des statuts
? Autrement dit un changement de perspective du droit de la
famille serait- ? Nous ne le pensons pas. Le droit de la famille
tire aujo évolution2
accélérée à partir de 1999, et dont le cap a été franchi avec la loi du 17 mai 2013. Une

3
.
354. Un socle commun de règles minimales pendant la vie commune. La doctrine
ces dernières années à dégager un SMIC (statut minimum inter-conjugal)4.
Tel que décrites5, certaines exigences morales s par le
législateur, ont semblé suffisamment importantes à tel point que ni le statut du couple, ni le
privilège
notamment
particulièrement dans le cadre conjugal, mais aussi de porter assistance à
son partenaire de vie lorsque ce dernier se porte mal et que la vie commune les a un temps
rassemblés. humanité du législateur commandait, sous cet angle, de ne pas réserver un
traitement différencié aux couples selon leur

commande de ne pas tromper celui avec lequel nous lie le contrat de Pacs, le législateur
ayant insisté sur l
-vivre ensemble,
indépendamment de la notion de fidélité. Il ne serait pas inconcevable un seul
et même article - - réunir ces devoirs
6
communs à toute vie en couple . Une éventuelle éviction du devoir de secours ne

1
Cf. A. GOGOS-GINTRAND, Les statuts des personnes, étude de la différenciation des personnes en droit, Paris,
- André TUNC, 2011, p. 429.
2
V. supra, notre Partie I, Titre I, Chapitre 1.
3
Notamment en cas de rapprochement des modes de conjugalité, Madame Gaëlle RUFFIEUX
travail de thèse sur la question de savoir si « les sanctions suivent le même courant que les obligations ». En
raient-elles étendues au pacs et au
concubinage ? Et en cas de réponse affirmative, celle- ? G. RUFFIEUX,
Les sanctions des obligations familiales, thèse precit., spec. n° 171, p. 185.
4
Puisque la vie de couple ne se vit pas différemment selon les statuts, et se résume globalement à une
communauté de toit et de lit, pourquoi distinguer là où le fait est identique ? Tel est la résultante du raisonnement
en termes de prise en compte des situations de fait. Monsieur le professeur LEVENEUR
irrégulières » et « perturbatrices » de
LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990.
5
V. supra, n° 324-342.
6
Contra, cf. C. BRUNETTI-PONS, «
mai 2013 », , Institut Famille&République, 2016, pp. 281-298, spec.

321
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

relatives
le relais1.
355. La nécessaire restructuration du Code civil2.
neutralité du législateur mais aussi la finalité de protection du plus faible, il conviendrait
pourtant de raisonner en termes de spécificité des statuts3
qui les distingue. Cette idée satisfait à la diversité initialement établie des modes de
conjugalité, en offrant aux couples différents statuts juridi
engagement. Cette hiérarchisation préserverait aussi
durable que constitue le mariage, et permettrait une meilleure structuration du

toujours à distinguer le mariage, du Pacs et du concubinage, au sein de dispositions qui


leur sont spécifiques. La distance formelle qui les sépare au sein du Code civil permet sans
doute de mieux les distinguer, par dissociation textuelle. Néanmoins, ne serait-il pas
envisageable, par souci de lisibilité titre V du
livre I du Code civil comme étant relatif au couple, en distinguant un sous-titre Ier relatif
er

au régime impératif c
vie de couple, tant dans sa dimension personnelle que patrimoniale ?

Code à « vieillissement »4 e modèles régionaux


concurrents. La conséquence directe sur le Code en est son caractère « moins compétitif,
en retrait par rapport aux exigences contemporaines ». éclipse du

pp. 283- la
». Le Pacs, « sorte de contrat de
fiançailles », serait exclusivement réservé aux couples de sexe différent, le renforcement des obligations et
avantages qui en découlent serait exclu, exception faite du volet patrimonial.
1
Cf. G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, op. cit. e, à
juste titre, que la sanction du contenu obligationnel des devoirs statutaires du mariage devient « politiquement
incorrect ». Si les devoirs conjugaux subsistent toujours, leur sanction est, pour partie, reléguée à la sphère
individuelle. La contrainte a perdu de sa légitimité et la pression exercée sur les comportements conjugaux relève
davantage du non-
2
L. JULLIOT DE LA MORANDIERE, « La réforme du Code civil », D., 1948, chron. XXVIII, pp. 117-124.
3
Contra, V. E. MATUTANO, « Légalité et conjugalité : le législateur doit épuiser sa compétence », Rev. Lamy dr.
civ., 2016, n° 133. Pour l , « il ne paraît pas concevable, en effet, de laisser perdurer un régime législatif
incohérent et préférentiel, à l heure où tombent les barrières, en ce domaine, à propos de la parentalité. Il
n est pas séant de conserver deux ou trois gradations, installant une hiérarchie entre les personnes, qui n mane
ni de leurs mérites ni de leurs talents respectifs et qui forge des distinctions mal comprises et donc sources de
conflits et de contentieux ».
vaille serait « es » du droit non civil de la famille, sans affecter la définition de chaque
régime dans le Code civil.
4
B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation
française, Ministère de la Justice, 2006, p. 51. V. aussi, R. CABRILLAC, « Recodifier », RTD civ., 2001, p. 833-
846.

322
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Code civil »1

la IIIème République2, et contre laquelle le doyen CARBONNIER avait déjà mis en garde.

des obligations en dehors du Code nuit particulièrement à un des objectifs majeurs de la


3
codification . rquoi sa réhabilitation est vivement
4
souhaitée . Monsieur le professeur Philippe REMY souligne, à juste titre, que le Code civil
devient de plus en plus « une collection de lois chaque jour moins complète »5. Le droit de
la famille semble pourtant être un des domaines les moins affectés par cet éclatement6.
Pour autant, le désordre et la similitude de la plupart des textes applicables aux couples
appellent un meilleur ordonnancement et un toilettage des règles applicables.
356. Le rôle du droit européen dans la restructuration. C
discuté est la question de la réhabilitation directe du Code, particulièrement sous
grandissante des sources supra-nationales que sont le droit européen et le droit
communautaire7. Si une des préoccupations des juges de Strasbourg est la prise en compte
pas en reste de cette tendance, et la loi
du 15 novembre 1999 en est un bel exemple. directe de
la Cour européenne de réformes à la
8
néanmoins rare son impact devrait être circonscrit à une source
9
, sans en faire un « instrument complet de réécriture du
10
droit civil » .

1 ème
partie du rapport precité, FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le
Code civil face à son destin, rap. precit.
2
Ibidem., p. 94.
3
En ce sens : J.-P. DUNAND, « Entre tradition et innovation. Analyse historique du concept de code », in Le Code
civil français dans le droit européen, J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Actes du colloque sur le bicentenaire
du Code civil français organisé à Genève les 26-28 février 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 3-43.
4
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rapp. precit., p. 93 et s.
5
P. REMY, « La recodification civile », Droits, 1997, n° 26, p. 3 et s.
6
En effet, entre autres exem

7
-thèse peu probable et peu souhaitée-
Code européen, cf. M.-A. LATOURNERIE, « Regards croisés : le Code civil est-
société et du droit ? », Le rayonnement du droit
codifié, Journée du 26 novembre 2004, vol. 2, éd. JO, p. 323, p. 337.
8
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 112.
9
V. J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Le Code civil français dans le droit européen, Actes du colloque sur le
bicentenaire du Code civil français organisé à Genève les 26-28 février 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005.
10
Ibidem., p. 112.

323
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

appelé à adopter une « conception plus rigoureuse du droit, sans courir derrière les
moeurs »1.
357. Une restructuration globale ou partielle ? Au sein de la doctrine, les avis sont
l est vrai que
les exemples étrangers de refonte glo e a pu, parfois, être menée
à bien (notamment au Québec), les résultats demeurent nuancés. Le cas de la recodification
en Louisiane permet de constater que le législateur, ayant préféré conserver «
rogressive »2 a abouti à un résultat dénué de
toute logique . Parmi les partisans
français, Monsieur le professeur Denis TALLON la re
temps pour faire peau neuve.
L le chemin vers un patchwork
3
juridique . Dans le même ordre idée
4
et le caractère vieillissant d , Monsieur le professeur Jean-Luc AUBERT
préconise également une refonte globale. Plus modestes5, refonte
partielle du Code civil arguent du préalable de deux conditions devant être de mise dans
toute tentative de restructuration. L en premier lieu
forte , déterminante de toute entreprise de codification7. À cet égard, Monsieur Le
6

professeur Jean-Louis HALPERIN


Code napoléon en 1804 : « La stabilisation monétaire et financière, le rétablissement du
culte avec le concordat de 1801, la pacification intérieure et pour quelques années (1802-
1804) extérieures, le retour en force et le ralliement au régime des juristes formés sous

1
Ibidem., p. 112.
2
Ibidem., p. 113.
3
D. TALLON, « », in 1804-
2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, Livre du Bicentenaire, Paris, Dalloz-Litec, 2004, p. 997,
spec. 1003.
4
J.-L. AUBERT, « », in Livre du Bicentenaire, op.
cit.., p. 123 et s.
5
Et pour les

directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et de la garantie des biens de consommation. La refonte
dans les années 70 du droit des personnes et de la famille est également citée car elle constitue un bel exemple de
refonte partielle réussie. En ce sens : J. FOYER, « Le Code civil est vivant. Il doit le demeurer ! », JCP, G, I,
2004, p. 120.
6
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rapp. precit., p. 114.
7
Aussi convient- ière, en 1904,
avait été demandée par le ministre de la justice à une commission extraparlementaire, afin de réfléchir à une
révision du Code, laquelle ne déboucha sur aucun projet concret (un des arguments avancés pour justifier cela
avait été le décès de SALEILLES en 1912, membre phare de la Commission). La seconde tentative intervient au
lendemain de la seconde Guerre mondiale. Le gouvernement provisoire de la République institue alors par décret
auprès du ministre de la justice une commission extraparlementaire présidée par le doyen JULLIOT DE LA
MORANDIERE, laquelle fut également un échec. Plusieurs raisons avaient été avancées : instabilité

volonté politique. V. en ce sens : L. JULLIOT DE LA MORANDIERE, « La réforme du Code civil », D, 1948, p. 117.

324
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

du Code civil »1. Rien de tel actuellement. Pour Monsieur le professeur Jean FOYER, « la
r
»2. En second lieu, la dimension symbolique3
du Code4 « tionale, le

»5 isme attaché au Code civil


demeure fort et sa valeur inestimable. Pour autant, cette valeur hautement symbolique ne
doit pas conduire à creuser sa tombe6, et conduire à le figer : « le contenant doit être
conservé et le contenu modifié »7. Entre autres éléments dont le contenu a été grandement

358. Les mutations contemporaines 8


de la famille et du couple remettent profondément en cause les fonctions qui sont
9
traditionnellement dévolues .
la protection de la volonté effet corrosif direct conduit à interroger sur
10
son contenu exact . Dans ce contexte, en11 dans

1
J.-L. HALPERIN, Le Code civil, Paris, Dalloz, 1996, spec. p. 16.
2
J. FOYER, « Le Code civil après le Code : la réforme du Code civil sous la Vème République », in La
codification, B. BEIGNIER (dir. de), Paris, Dalloz, 1996, p. 63, spec. p. 67.
3
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 115.
4
R. CABRILLAC, « Le symbolisme des Codes », , Mélanges en hommage à François TERRE,
Paris, Dalloz, 1999, p. 211 et s. V., pour une étude complète : F. EWALD (extraits choisis et présentés par)
Naissance du Code civil, travaux préparatoires du Code civil, Paris, éd. Flammarion, 2004.
5
G. CANIVET, à in JCP, G, 2995, p 69.
6
Pour reprendre une expression : FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin,
rap. precit., p. 105.
7
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 115.
8
Sur ces mutations, V. particulièrement : J.-L. RENCHON, « », Rev.
dr. fam., 2015, n° 9, 46.
9
G. LEBRETON, « Critique républicaine des droits fondamentaux de la personne humaine », in Le droit entre
tradition et modernité, Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p.
texte
-à-dire en réaction au totalitarisme nazi. Par conséquent, ceux-ci reposent sur
« LOCKE.
propriété de soi . La

volontairement surévaluée ». Or, le contexte historique français étant différent de son homologue allemand, les

10
J. HAUSER, « Rapport français » CAPITANT des amis de la
culture juridique, Journées libanaises, 1998, LGDJ, 2001, p. 477.
11
V. en ce sens, J. FOYER, « -il toujours français ? », in Justices et droit du
GUINCHARD, Paris,
Dalloz, 2010, pp. 267-280.

325
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

à travers « »1 des droits fondamentaux participe


de ce mouvement. Si le rôle perturbateur qui en déteint est patent, force
est de constater que les droits fondamentaux de la personne en ont seulement déplacé
ortement présent autrefois dans la dimension personnelle du couple,
semble de plus en plus déployer ses effets dans la sphère des relations patrimoniales du
couple. Abandonnant sa vocation directive au nom de la liberté des individus à
est davantage protecteur. Monsieur le professeur Jean
HAUSER le souligne parfaitement lor
lial pourrait bien être en train de refaire le
chemin séculaire en sens inverse. Parti de la famille définie préalablement pour y inclure

a famille- -

famille »2
ma

1
B. FAUVARQUE-COSSON, « », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-2004),
Paris, Dalloz, 2004, p. 475.
2
J. HAUSER, « Rapport français », art. precit., p. 478.

326
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 2. Le lien matrimonial dénaturé

359. Une reconnaissance inachevée. La reconnaissance légale du concubinage


homosexuel en 1999 brise une jurisprudence constante de la Haute juridiction qui refusait
la reconnaissance des couples de même sexe. En effet, la Cour de cassation refusait de voir
. Malgré cette
reconnaissance légale, le concubinage, -même institué par un Pacs- ne répondait pas à la
é
ne portant pas en son germe la vocation familiale (§1
exe est décidée par le
législateur, seul à même à pouvoir trancher un tel débat de société (§2). Il en résulte, entre
autres conséquences, une indifférence du droit tenant au sexe dans la fondation de la
famille (§3).

§1) La revendication d un droit à la vie familiale par les couples de même


sexe

360. La diversité des revendications. Face au refus réitéré des juridictions internes

même sexe (A -particuli -a

familiale (B).

A) L accès à la conjugalité

361. Une position jurisprudentielle constante. Saisies à plusieurs reprises de la


des couples de même sexe au mariage, les juridictions françaises ont
1
toujours suivi la même ligne jurisprudentielle. Le Conseil constitutionnel,
2
des articles 75 et 144 du Code civil, a conclu à

1
Cons. const., 28 janv. 2011, n° 2010-92 QPC, D., 2011, 297, édito F. ROME, 1040, obs. J.-J. LEMOULAND et
D. VIGNEAU, et 1713, obs. V. BERNAUD ; D., Actualité, 7 février 2011, obs. C. SIFFREIN-BLANC ; D., 2011,
1793, obs. V. BERNAUD ; AJ fam., 2011, 157, obs. F. CHENEDE ; D., 2012, 1033, obs. M. DOUCHY-OUDOT; RTD
civ., 2011, obs. J. HAUSER, p. 326; AJ fam., 2011, obs. F. CHENEDE, p. 157; JCP, G, 2011, n° 29, obs.
A. GOUTTENOIRE, et n° 6, 250, Libres propos, obs. A. MIRKOVIC ; Voir aussi : A. LEBORGNE, « Les dispositions
du ont conformes à la
Constitution », RJPF, 2011, n° 3, pp. 20-23 ; Rev. dr. fam, 2011, comm. n° 32, note GUEDRAOGO.
2
judiciaire la protection de la liberté individuelle, dont
la liberté du mariage constitue une composante (Cons. constit., 13 août 1993, n° 93-325 DC, § 107). Toutefois,
en 2003, le Conseil constitutionnel fait de la liberté du mariage une composante de la liberté personnelle,
protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et non plus uniquement une composante de la liberté

327
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de contrariété à la Constitution des dispositions relatives à


mariage et a rappelé, à cette occasion, les différences notables entre chaque forme de
conjugalité. De la même façon, la Cour eu
fférents statuts
1
organisant la vie du couple (2). Au-delà du débat de société suscité, ssait de se
prononcer sur la question de savoir si la condition tenant à la différenciation sexuelle au
sein du couple (1) constituait ou non un but légitime, justifiant de réserver le mariage aux
seuls couples de sexe opposé.

1- La problématique de la différenciation sexuelle au sein du


couple2

362. Le mariage des personnes de même sexe : un abus de langage. En tant que
liberté, le mariage est ouvert au profit de tous. Le droit ne nie cette liberté ni aux personnes
homosexuelles ni aux personnes hétérosexuelles, car celui-ci ne distingue pas les individus
selon leur orientation sexuelle dans le bénéfice des droits. Dès lors, la polémique autour
pas Aude MIRKOVIC nous livre
à le débat portant
mariage au profit des couples de même sexe comme un « abus de langage » et de
« confusion »3. Dans le même sens, la philosophe Sylviane AGACINSKI4 souligne que « la
s hétérosexuels

posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de


»5. Monsieur le professeur
Yves LEQUETTE, en citant CAMUS au sujet du « nominalisme législatif », considère que
« désordre dans le monde », d
«
nom de la loi contribue à créer ou à recréer le droit. La forme donne à la chose son paraître

20 nov. 2003, n° 2003-484 DC, § 94). V. à ce sujet : A. PENA-SOLER, « Le renouveau constitutionnel de la


liberté du mariage au regard de la liberté personnelle », in La liberté fondamentale du mariage, PUAM, 2009,
p. 49.
1
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Libres propos sur le jeu de rôle des juridictions suprêmes en droit de la famille »,
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 279-308.
2
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », Annuaire droit et religions, vol. 4, 2009-2010, pp. 307-328.
3
A. MIRKOVIC, « Les revendications des personnes de même sexe en matière familiale », Rev. Lamy dr. civ.,
2011, n° 23, pp. 42-48; I. CORPART, « Les revendications parentales des couples homosexuels : de
», RJPF, 2012, n° 4, pp. 6-11.
4
de Madame AGACINSKI sur lemonde.fr du 21 juin 2007: «
question ».
5
A. MIRKOVIC, « Les revendications des personnes de même sexe en matière familiale », art. precit., p. 42.

328
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

et son être »1. Ainsi en est-il au sujet


du faux débat. Ses
implications semblent être beaucoup plus profondes, car elles touchent à la distinction
anthropologique des hommes et des femmes.
la société pourrait tirer à reconnaître un mariage entre
personnes de même sexe.
363. Le rôle joué par la théorie du gender. Les études relatives à la théorie du
gender2 ont, dans ce contexte, beaucoup nourri
PEETERS dès le
gender a été créé, non pas pour distinguer les différences anatomiques des
différences anthropologiques non anatomiques et constitutives de la féminité et de la

nin »3. Le postulat de

parfaite. Notion purement subjective, « qui intègre des connotations psychologiques et


sociales » la théorie du gender reposerait sur « une construction personnelle, par essence
mouvante, qui prend en compte la manière dont la personne construit et vit son
appartenance sexuée »4. Selon ses tenants, son objet est
différence des sexes identité sociale construite
indépendamment du sexe biologique. À cette fin, il est procédé à une déconstruction de la
structure ontologique de la femme, sous prétexte e opposition à
5
partir de laquelle « mme » de la libérer.
6
Madame Martine GROSS AGACINSKI , avance que
« ui
sépare les femmes des hommes », mais que cette dernière « »7.

1
Y. LEQUETTE, « sme législatif » , in Études offertes à
Geneviève VINEY, Paris, LGDJ, 2008, p. 647.
2
Les études relatives au gender

Sur cette théorie, V. les Actes du Colloque d -


politique du diocèse Fréjus-Toulon, La théorie du Gender. Vers une nouvelle identité sexuelle ?, Lethiellieux,
2012.
3
M. PEETERS, « La théorie du gender, une norme politique mondiale », in « La théorie du Gender ». Vers une
nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 25.
4
C. NEIRINCK, « Le », Rev. dr. fam., 2012, n° 2, p. 1 ; V. aussi :
M. LAMARCHE, « -delà des manuels scolaires...Le droit des personnes et de la famille »,
Rev. dr. fam., 2011, Alerte 81.
5
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », in « La théorie du Gender ».
Vers une nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 34.
6
Étude precit.
7
Voir tude de Mme Martine GROSS et Gilles BON-MAURY « Homoparentalité
», sur le monde.fr, 16 nov. 2009.

329
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déterminisme et « conservatisme social par référence aux lois inexorables de la biologie »


e étant des « butoirs de la pensée ». Or, un tel raisonnement militant
conduit non seulement à nier la distinction existante entre hommes et femmes, mais il
aboutit au surplus à la négation de la spécificité de chacun .
constructi
permettre aux individus, dès leur plus jeune âge 1 2
.
Comme le souligne Monsieur le professeur RENCHON, « faire droit à pareille revendication,

élaboré... »3. ifférents, sont pas


pour autant inégaux en tant que personnes humaines. Selon les opposants à cette idéologie,

librement » et indépendamment « des contraintes que lui imposeraient


la réalité et la vérité au sujet de son être et sa destinée »4 repose sur une logique
existentialiste5 dans la négation de ce qui existe en dehors de soi et de ce qui
est posé comme donnée créée6. Pour Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT, cette
idéologie a pour « conséquence immédiate en droit la disparition des modèles comme

entée depuis les années soixante-dix


comme une politique de désengagement et de neutralité du droit, de tolérance et de

compréhension du gender ne plus vaste, celui du libéralisme,


ayant pour noms associés le relativisme et le subjectivisme »7.
8
364. . La proposition de loi n° 30849 est la
gender. La question du

1
Selon M. LAMARCHE, « cette indifférenciation sexuelle a son école en Suède (École Egalia à Stockolm) qui a
supprimé toute référence à la distinction garçon/fille tant dans le langage que dans les activités devenues
asexuées, l'objectif étant de supprimer toute influence biologique mais surtout sociale sur la construction du
genre des enfants (âgés de un à six ans) ».
2
J.-R. BINET, « gender ? », in La Loi&Le Mariage, Protéger
, Institut Famille&République, 2016, pp. 97-100.
3
J.-L. RENCHON, « Une filiation monosexuée ? », art. precit., p. 250, spec. n° 24.
4
M. PEETERS, « La théorie du gender, une norme politique mondiale », in « La théorie du Gender ». Vers une
nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 27.
5
Particulièrement celle de Jean-Paul SARTRE ou de Simone DE BEAUVOIR.
6
Ibid., p. 27.
7
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », art. precit., pp. 34-35.
8
Sur le transsexualisme, V. D. SALAS, Sujet de chair et sujet de droit : la justice face au transsexualisme, Paris,
PUF, 1994. V. aussi : C. KUHN, « Droit et transse », in Bioéthique
et genre, A.-F. ZATTARA-GROS (dir. de), Paris, LGDJ, 2013, pp. 201-212.
9
Après la proposition de loi n° 4127 portant simplification de la procédure de changement de la mention du sexe

330
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

transsexualisme est particulièrement représentative car elle consiste, pour les intéressés, à
revendiquer un statut juridique en accord avec leur personnalité sexuelle 1. Considérée en
droit comme étant une entrave à leur vie privée sexuelle, de telles revendications
2
dont le
rt objectif. Accéder à de telles revendications permet donc de
rquoi la question se pose de savoir
3
? La proposition de loi actuelle
une nouvelle section dans le Code civil facilitant « dans son principe comme dans sa mise
4
en oeuvre » la modification de la me . Il ne pèserait ainsi sur le

son état biologique grâce à de simples attestations ou témoignages » attestant que son
comportement social est bien en adéquation avec le sexe revendiqué. Le procureur de la
république saisi de la demande de changement de sexe (éventuellement de prénom) ne
doute réel et sérieux sur la
bonne foi des éléments » produits existe. Il en résulte en tant que donnée biologique
objective que le sexe de la personne devient interchangeable au gré des volontés
5
dans la
règle de droit nuit pourtant grandement aux droits familiaux.

été abandonnée depuis. S. PARICARD, « Le transsexualisme, à quand la loi ? », Rev. dr. fam., 2012, étude 2,
n° 22.
1
Selon le rapport présenté par le docteur KUSS
le «
rapport avec le sexe chromosomique, et besoin intense et constant de chang ». Cf . Bull.
Acad. Nat. Méd., 1982, n° 6, p. 819.
2

sexe de la personne et son prénom


Initialement, la France refusait de
ne

son état civil. Le principe


ce sens : Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, JCP, G, II, 1993, 21991, concl. JEOL, note G. MEMETEAU ; RTD civ.,
1993, p. 97 et 325, obs. J. HAUSER du 8 février 2010 (D. n° 2010-125, J.O, 10 fév. 2010,
p. 2398) a retiré le transsexualisme de la liste des syndromes. Désormais, le transsexualisme est un choix de vie
lié aux questions relatives au genre.
3
En ce sens : S. PARICARD, « Transsexualisme : maintenir ou assouplir les conditions du changement de
sexe ? », , 2015, dossier thématique « Corps, genre et droit », n° 8.
4
Le premier article 61-5 de la section serait ainsi libellé : « Toute personne majeure dont la mention relative à

perçue par la société peut en demander la rectification ». Ass. nat., prop. de loi n° 3084, 29 sept. 2015.
5
En ce sens Monsieur le professeur P. MURAT distingue le libéralisme par désengagement de la norme juridique
et un libéralisme par concurrence de la norme juridique. Au premier, correspondent les réformes des années
soixante, diligentées par le doyen CARBONNIER : moins de droit, afin de renvoyer certains comportements

Dès lors, chaque individu est responsable de lui- « ce


désengagement est impitoyable aux petits, aux faibles, aux mal éduqués, à ceux qui se trompent, à ceux qui
». Quant au libéralisme par concurrence
des normes juridiques, son vecteur essent

331
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

365. La proposition de loi n° 3084


1
fait directement suite à la décision du TGI de Tours ayant admis de remplacer la mention
sexe neutre ». Tandis que les juges
ont, dans un premier temps opposé une certaine résistance aux modifications de la mention
relative au sexe . Une circulaire de
2
la Chancellerie avait donné -dès 2010-
favorable aux demandes des personnes transsexuelles lorsque le changement de sexe a été
irréversible par les traitements hormonaux et les opérations chirurgicales nécessaires, sans
3
pou agissait par
irréversibilité au sens de
de deux arrêts en date du 7 juin 20124, les juges maintiennent pourtant leur position,
laquelle se fonde sur la nécessité, pour justifier une demande de rectification de la mention
du sexe figurant sur un acte de naissance, que « la personne doit établir, au regard de ce
qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome
transsexuel dont elle est atteinte, ainsi que le caractère irréversible 5 de la transformation
de son apparence ».
que les requérants se soumettent aux opérations chirurgi
organes génitaux, voire procèdent à une réassignation totale que le certificat médical devait
constater et préciser6. Or, nombre de transsexuels ne souhaitent plus procéder à une
réassignation complète, particulièrement lourde et invasive, mais lui préfèrent des voies
médicales plus douces telles les traitements hormonaux. Malgré la position de la Cour de

professeur H. FULCHIRON a appelé la loi du libéralisme maximum


contagion ».
1
TGI Tours, 20 août 2015, AJ fam., 2015, pp. 613-15, note S. LE GAC-PECH ; J. HAUSER, « Le mystère du
», JCP, G, 2015, n° 44, 1157.
2
Circ. du 14 mai 2010 (JUSC1012994C) .
3
Cette circulaire venait sout
simple traitement hormonal avait été mené par les requérants. En ce sens : CA Nancy, 3 janvier 2011, Ph.
REIGNE, « ce », JCP, 2011, jurisp, 480 ; CA Nancy,
2 septembre 2011, n° 11/02099 ; CA Lyon, 2ème ch, 14 février 2011; CA Lyon, 13 mars 2008 ; CA Metz, 24 mars
2010, n° 09/01183.
4
Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 10-26.947 et n° 11-22.490; Rev. dr. fam., 2012, comm. 131, obs. Ph. REIGNIER ;
JCP, G, 2012, 753 ; F. VIALLA, « », D., 2012, p. 1648 ; Ph. REIGNE, JCP, G, 2012,
753; S. PARICARD, Rev. dr. sanit. soc., 2012, p. 880; J. HAUSER, RTD civ., 2012 p. 502.
5
Au sujet du « changement de sexe irréversible », le Garde des Sceaux, le 30 décembre 2010, avait fait savoir
que cette notion « fait référence à la recommandation n°
du juridique ». V. également Rép. min. n° 14524,
J.O, PARICARD, « Le
transsexualisme, à quand la loi ? », Rev. dr. fam., 2012, n° 1, pp.13-17.
6
n réalité indirectement fondée sur un rapport de la Haute Autorité de la Santé, pour

question de fait que les juges apprécient souverainement. Cf. HAS,


de la prise en charge médicale du transsexualisme en France, 2009, novembre, spec. p. 47.

332
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

un simple traitement hormonal. La résistance des juges du fond se poursuit 1, malgré une

2
.
fine les critères exigés en
matière de transsexualisme afin de donner une issue favorable aux demandes de
-ci relève que « M. X ne rapportait pas la preuve, de nature
intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe,
qui ne pouvait résulter du
»3. Elle précise en outre, que doit être recherché « (...) un juste équilibre entre les

chirurgicale constatant le changement irréversible de sexe floue.


législative mettra donc fin à un épisode jurisprudentiel caractérisé par ses « errements »4.
366. ? Si la Cour européenne
5
privilégie, de , une certaine prudence sur la question du
transsexualisme, elle a néanmoins pu considérer, sur la question des exigences préalables

uniquemen
6

irréversible
co -, la Cour considère le refus de
procéder au changement demandé comme contraire au droit au respect de la vie privée et
familiale7 du requérant. Il ressort ainsi implicitement de la décision de la Cour une volonté

contrôle en matière de transsexualisme


est moins « existence

1
CA Paris, 25 mars 2014, pôle 1, ch 1, n° 13/17984.
2
CA Nîmes, 19 février 2014, ch. 2C, RG 13/03142.
3
Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013 (2 espèces) ; Ph. REIGNE, « état civil des personnes
transidentitaires injuste équilibre », JCP, G, 2013, 227.
4
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Transsexualisme et couple », Rev. dr. fam., 2013, n° 5, dossier 14, spec. n° 36 ;
Pour une approche de droit européen, cf. F. LYN, P. ROMUALD, J.-B. WALTER, « Transsexualisme et droit
européen », in Sexe, sexualité et droits européens : enjeux politiques et scientifiques des libertés individuelles,
O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD (dir. de), Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007, pp. 55-67.
5
CEDH, 11 juil. 2002, aff. 28957/95, Goodwin c/ Royaume Uni, RTD civ., 2002, note J.-P. MARGUENAUD,
p. 862.
6
CEDH, 10 mars 2015, aff. 14793/08, Y.Y. c/ Turquie, Rev. Lamy dr. civ., 2015, n° 129, comm. C. BERNARD-
XÉMARD ; Rev. dr. fam, 2015, 113, obs. F. MARCHADIER ; RJPF, 2015, mai, 13, obs. E. PUTMAN.
7
B. MORON-PUECH, « Conditions du changement de sexe à l tat civil : le droit français à l preuve de l arrêt Y.
Y c/ Turquie du 10 mars 2015 », Rev. dr. homme, 2015, n° 3.

333
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
». La position de la
2
, à abandonner
pour davantage
3
.

2- La réponse apportée par le droit

367. La résistance des hautes juridictions. Confrontées à un vide législatif, les


juridictions saisies ont tenté de
la Cour de cassation a clairement exprimé que le
4
. Classique, la solution était respectueuse
de la conception française du mariage. Amenée à se prononcer sur la question de savoir si
obligeait les États à autoriser le mariage entre personnes de
5
même sexe , la Cour européenne considère que la
chaque
mariage « a des connotations sociales et culturelles profondément ancrées qui diffèrent
», la CEDH prend le parti de réserver aux États la marge
La Cour reconnaît
néanmoins la relation homosexuelle comme étant e au sens
conformément à sa jurisprudence. i un
6
minimum de protection doit être réservé aux couples de même sexe . Le Conseil
constitutionnel a également eu à se prononcer sur la constitutionnalité des articles du Code
civil relatifs au mariage par la Cour
7
de cassation . Celui-ci, pas vocation à substituer son

1
Sur la notion de tendance, substituée au consensus dans certains cas par la Cour,
SUDRE : « La mystification du consensus européen », JCP, G, 2015, n° 50, 1369.
2
B. MORON-PUECH, « Conditions du changement de sexe à l tat civil : le droit français à l preuve de l arrêt Y.
Y c/ Turquie du 10 mars 2015 », art. precit., spec. n° 113.
3

avec le sexe revendiqué.


4
Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, n° 05-16.627, Bull . civ., I, 2007, n° 113 ; F. TERRE, Y. LEQUETTE, GAJC, n° 32;
AJ fam., 2007, p. 227, obs. F. CHENEDE ; GAJC, Dalloz, 12ème éd., 2007, n° 32 ; D., 2007, p. 1389, rapp.
G. PLUYETTE; D., 2007, p. 935, obs. I. GALLMEISTER; D., 2007, p. 1395, note E. AGOSTINI; D., 2007, p. 1561,
obs. J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU; D., 2007, H. FULCHIRON, « Un homme, une femme : la Cour de cassation
rejette le mariage homosexuel », p. 1375; RTD civ., 2007, p. 287, obs. J.-P. MARGUENAUD; RTD civ., 2007, obs.
J. HAUSER, p. 315; RTD civ., 2008, obs. P. DEUMIER, p. 438; RJPF, 2007, n° 5, obs. A. LEBORGNE; Rev. dr.
fam., 2007, comm. n° 76, note M. AZAVANT.
5
CEDH, 24 juin 2010, aff. 30141/04, Shalk et Kopf c/ Autriche, D., 2011. pan., p. 1040, obs. J.-J. LEMOULAND,
D. VIGNEAU; CEDH, 7 nov. 2013, n° 29381/09 et n° 32684/09, Vallianatos et autres c/ Grèce, D., 2013, jur.
2888, note F. LAFFAILLE.
6
actuelle ne permet pas aux couples de même sexe
un cadre juridique spécifique apte à reconnaître et protéger leur union : CEDH, 21 juil. 2015, 4ème
sect., n° 18766/11, D., 2015, p. 1646.
7
Cass. Civ 1ère, 16 nov. 2010, n° 10-40.042, D., 2010, p. 2773, obs. I. GALLMEINSTER; D., 2011, p. 209, note
J. ROUX; AJ fam., 2010, note F. CHENEDE, p. 545.

334
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

appréciation à celle du législateur1 quant à la prise en compte de la différence de situation


entre les couples conjugaux, a toutefois rappelé que les couples de même sexe
bénéficiaient alternatives au mariage, telles le Pacs ou le concubinage que le législateur
reconnaît. Il souligne ensuite que « la différence de traitement entre les couples de même
fférence de traitement
quant aux règles du droit de la famille ». Conservant la même approche, et saisi
autre QPC2, le Conseil a affirmé que le droit à la pension de réversi
39 du Code des pensions civiles et militaires de retraite
«
personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais
ille ; que ce régime assure aussi une protection
en cas de dissolution du mariage ». Rappelant,
, que «
à ce que le législateur règle de f

la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec


», le Conseil constitutionnel procède à une analyse des trois formes de couples
reconnues par le droit français en prenant soin de rappeler que «
trois régimes de vie de couple qui soumettent les personnes à des droits et obligations
différents », par conséquent, « la différence de traitement quant au bénéfice de la
pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont
unis par un pacte civil de solidarité ne méco ».
les décisions rendues rappellent toutes la spécificité même du mariage et
le statut protecteur eu égard aux nouvelles formes de vie en couple 3. L
personnes de même sexe au mariage ne constitue plus seulement une reconnaissance
sociale, mais il a pour objet une revendication juridique u caractère

1
tionale rejette le 14 juin 2011, - par 293 voix contre 222 -, une proposition de loi portée par le
socialiste Monsieur Patrick BLOCHE (un des initiateurs du PACS) visant à introduire dans le Code civil la
possibilité de contracter mariage entre personnes de même sexe (proposition de loi AN n° 586, 2007-2008,
le mariage peut être contracté
par deux personnes de sexe différents ou de même sexe ».
2
Cons. const., 29 juillet 2011, QPC n° 2011-155 ; D., 2012, 971, spec. 983, obs. J.-J. LEMOULAND,
D. VIGNEAU, même revue, 1033, obs. M. DOUCHY-OUDOT ; AJ fam., 2011, 436, obs. W. JEAN-BAPTISTE; RTD
civ., 2011, 748, obs. J. HAUSER; JCP, S., 2011, 1458, n° 41, note A. DEVERS; Rev. dr. fam., 2011, comm. 143,
note V. LARRIBAU-TERNEYRE; JCP, G, 2012, n° 1, obs. Y. FAVIER.
3
Une autre QPC a également été transmise au Conseil constitutionnel le 16 sept. 2011 : cf. Cons. Const., 16 sept.
2011, n° 2011-163 QPC, D., 2011, 2823, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE ; AJ pén., 2011, 588, obs. C. PORTERON ;
RTD civ., 2011, 752, obs. J. HAUSER; JCP, G, 2012, n° 1, obs. A. GOUTTENOIRE
prioritaire de constitutionnalité est le suivant : « ne définissant pas les liens familiaux qui conduisent à ce que
des atteintes sexuelles soient
des délits et des peines ». Le 17 février 2012 le Conseil relève que : «
Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines
-
pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ».

335
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

f a potentialité de devenir parent nécessitait


.

B) L on

368. . Acte éminemment altruiste, l

souhaitent adopter un enfant en font la démarche le plus souvent en raison de leur


inaptitud

t est à craindre1. le cas à

-ci a déjà deux parents2. Abondant, le


contentieux suscité peut se transformer en une véritable appropriation ant. Ceci
explique que le droit
pour ce type de situations3. Pour une partie de la
doctrine, la revendication du droit à être parent par les couples homosexuels ne concerne
pas à être nécessairement entendue
pour vocation de répondre à toutes les aspirations individuelles »4.
369. Une revendication légitime ? Pour caractériser la vie conjugale, le couple de
même sexe par principe procréateur.
5
pourquoi celui-ci ne que .
6
L approche revisitée de la sexualité ces dernières années a conduit à la reconnaissance de
sexualités naturellement non-procréatrices. Cette nouvelle forme de sexualité, combinée au
désir de vivre une expérience parentale, de
7 8
parentalité , voire homoparentalité , à côté de la parenté traditionnelle. Monsieur le

1
Voir notamment la thèse de C. NEIRINCK, , Paris,
LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 182, 1984.
2

Un enfant, pour construire son identité, a besoin de se situer dans une lignée généalogique, dont le reflet

généalogie non sexuée reviendrait à effacer soit cette partie masculine - iennes -
soit féminine de son identité - si le couple est homosexuel -.
3
V. supra, n° 252 et s.
4
I. CORPART, « Les revendications parentales des couples homosexuels... », art. precit., p. 11.
5
A. LAMBOLEY, « », in Mélanges Christian MOULY, Litec, 1998,
pp. 313-334.
6
V. infra, n° 377 et s.
7
Sur cette notion, v. supra, n° 145.
8
V. notamment à ce sujet : H. FULCHIRON, « Parenté, parentalité, homoparentalité », D., 2006, « Point de vue »,
p. 876-877; C. NEIRINCK, « Homoparentalité et adoption », in Le droit privé français à la fin du XXème siècle.

336
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

professeur Philippe MALAURIE fait remarquer à juste titre que la construction juridique
remplace la nature, et laisse libre cours à la fiction, « car quand on parle de mariage et de
conjugalité, de filiation et de parentalité,
comportements parentaux, de rapports entre les sexes et entre les générations, on touche

notre civilisation, tenant au double fondement de la vie -à-dire le don de la


-à-
»1.
370. nilinéaire.
2
Une personne seule est autorisée, en droit français, à fonder une famille en adoptant de
façon plénière un enfant3 4
a
condition tenan au nom des milliers
5
réalité en consacrant la possibilité
6
unilinéaire maternelle ou paternelle justifiée par à avoir une famille.
Plus tard, l nfants adoptables en France -et le recours de plus en
plus fréquent à -
aux attentes des adoptants. Dans ce contexte,
même sexe renvoie en tout premier lieu à l une réforme. Comme le fait
remarquer Monsieur le professeur Jean HAUSER , on « ne fait pas
un projet profondément novateur en renvoyant à une institution ruinée
de plâtrer pour les besoins de la cause »7.

8
.

Études offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, p. 353; F. MILLET, «


juridique », Defrénois, 2005, art. 38153, p. 743; H FULCHIRON, « Du couple homosexuel à la famille
monosexuée », AJ fam., 2006, p. 392 ; G. KESSLER, « Homoparenté et
homoparentalité, les différents modes de constitution de la famille homosexuelle », Rev. Lamy dr. civ., 2008,
juin, pp. 35-39 ; G. WILEMS, « La vie familiale des homosexuels au prisme des articles 8, 12 et 14 de la
: mariage et conjugalité, parenté et parentalité », Rev. trim. dr. h.,
2013, n° 1, pp. 65-95.
1
P. MALAURIE, « Les nouveaux visages de la famille », in Mariage-conjugalité, Parenté-parentalité, Paris,
Dalloz, 2008, p. 262.
2
M.-L. CICILE, Le lien parental, LGDJ, Paris, éd. Panthéon Assas, 2003, p. 564.
3
Art. 343-1 du Code civil introduit par la loi n° 96-604 du 11 juillet 1996., J.O du 6 juil. 1996; Pour les
commentaires de cette loi, V. notamment : J. RUBELLIN-DEVICHI, JCP, G, 1996, I, 3979; S. DION-LOYE, LPA,
12 août 1996, p. 5; I. CORPART, LPA, 25 nov. 1996, p. 5; F. BOULANGER, D., 1996, chron. p. 307; C. PHILIPPE,
Rev. dr. et patrim., 1996, nov., p. 48; T. REVET, RTD civ., 1996, p. 999; F. MONEGER, « Regard critique sur le
», Rev. dr. sanit. et soc., 1997, p. 1.
4
-1 du Code civil.
5
C. ATIAS, D. LINOTTE, « », D., 1977, p. 251.
6
G. CORNU, Droit civil. La famille, éd. Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 9ème éd., 2006, n° 279.
7
J. HAUSER, « Le »,
JCP, G, n° 44, 29 oct. 2012, doct. 1185.
8
. infra, n° 374 et s.

337
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

371. adoption conjointe. Faute de trouver un enfant


adoptable, les couples de même sexe se tournent généralement adoption d enfant
de leur partenaire. Or, le problème se pose
époux a un enfant dont la filiation est déjà établie, e voir son enfant
adopté par son nouveau conjoint ou concubin. le
1
consentement du parent dont la filiation est déjà établie, ex
conjoint ou concubin est réellement enclin à donner son consentement alors que par
hypothèse, le pare a abandonné pour une autre personne de même sexe ?
évolution des mentalités que cela implique, les récentes affaires portées tant devant
la CEDH2 que devant la Cour de cassation italienne3 ont bien révélé que le parent
lien de filiation soit établi entre son
enfant et la partenaire de la mère. une des caractéristiques
constantes du marché interne est la raréfaction des enfants adoptables

véritable labeur pour les couples de même sexe. Sur le plan international, les États qui
consentent à de telles adoptions le font en général
de sexe différents
confrontés à de multiples demandes de couples de même sexe, exigent désormais de
non-homosexualité
veuillent se tourner vers les pays de droit musulman, ceux-
mais la kafala, simple recueil légal. Et il es que celle-ci ne
pourra être transformée en adoption une fois de retour en France. La CEDH a été saisie de
la question et en a refusé toute assimilation 4 sur le fondement du respect du pluralisme
culturel.
372. . Selon
ticle 365 du Code civil, l
très fréquemment, la mère biologique
-ci perde toute aptitude à exercer son autorité.
Dans ce cas de figure, l ni justifiée ni
pourquoi la Cour de cassation refuse de se prononcer en faveur de telles adoptions, car
elles privent la mère biologique de son autorité parentale au pr
solution est maintenant acquise depuis deux arrêts en date du 20 février 2007 5. La Cour de

1
S. PARICARD, « Mariage homosexuel et filiation. Quelques éléments de droit comparé », Rev. dr. fam., 2013,
n° 1, dossier 8.
2
Arrêt X. et autres c/ Autriche, CEDH gr. Chambre, req. n° 19010/07, D., 2013 p. 502, note I. GALLMEISTER ;
JCP, G, 2013, n° 11, 316, note H. SURREL; Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 53, note C. NEIRINCK.
3
Cour de cassation italienne, 11 janv. 2013, n° 601, D., 2013, note F. LAFAILLE, p. 177.
4
CEDH, 4 oct. 2012, n° 43631/09, Harroudj c/ France, D., 2012, p. 2947, note P. HAMMJE; AJ fam., 2012,
p. 546, obs. A. BOICHE; RTD civ., 2012, p. 705, J.-P. MARGUENAUD.
5
Cass. civ. 1ère , 20 fév. 2007, n° 04-15.676 et 04-15.647, D., 2007, obs. C. DELAPORTE-CARRE, p. 721; D.,
2007, note D. VIGNEAU, p. 1047; D., 2007, obs. P. CHAUVIN, p. 891; D., 2007, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS

338
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

cassation y voit un détournement1 2


dont elle a rapidement tranché le sort 3.
Pour Madame le professeur C. NEIRINCK, « cette filiation réduite est frauduleusement

par leur orientation sexuelle mais leur fraude initiale »4.


5
ntion de la doctrine.
Celui-

union homosexuelle aux fins de mener à bien leur


projet parental -, met en avant la nécessité de respecter le projet parental établi sur une
coparentalité homosexuelle. Pour le juge, il revenait
construction intellectuelle construite par les parents pour leur enfant, et non à ces derniers

-même constaté le mal-être


de son enfant, et souhaité mettre un terme à la résidence en alternance ne dénote t-il pas de
lui-même de «
structure à même de le situer dans une généalogie cohérente, une double lignée paternelle
et maternell »6.

p. 1460; D., 2007, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU, p. 1561; AJ fam., 2007, obs. F. CHENEDE, p. 182; RTD
civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 325; Rev. dr. fam., 2007, n° 80, note P. MURAT; GAJC, 12ème éd., 2007, n° 53-55;
RJPF, 2007, n° 7, obs. C. MECARY; JCP, G, 2007, II, 10068, obs. C. NEIRINCK.
1
Le « détournement » selon le Vocabulaire CORNU a trois sens

légit
-
à-dire le procédé qui consiste
: « les intéressés font un usage correct
des possibilités légales (...) qui leur sont ouvertes. Mais pour parvenir à des fins accessoires ou tout à fait
». Cf.
F. BOULANGER, « ? », JCP, G, 1993,
I, 3665.
2

FENOUILLET, « Le
détournement d », in Liber Amicorum, Mélanges Philippe MALAURIE, Defrénois, 2005, pp. 237-282 ;
cf. également J. HAUSER, « Le droit de travers », in Mélanges E. ALFANDARI, 1993, pp. 83-95.
3

simple : TGI Paris, ord. JAF, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361; RTD civ., 2005, p. 116, obs. J. HAUSER.
: dans un
-ci de

4
C. NEIRINCK, « », Rev. dr. sanit.et soc., n° 1, 2011,
pp. 142-150.
5
CA Lyon, 28 juin 2010, n° RG : 10/03083, RTD civ., 2011, p. 118, note J. HAUSER ; AJ fam., 2010, obs. C.
SIFFREIN-BLANC, p. 490.
6
A. MIRKOVIK, « La revendication des personnes de même sexe en matière familiale », art. precit., p. 46.

339
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

373. La position des Hautes juridictions. Que ce soit devant le Conseil


constitutionnel via la question prioritaire de constitutionnalité1
devant le Cour européenne2, les revendications parentales des couples de même sexe
s
par le partenaire ou le concubin du parent de même sexe est jugée con
cle au droit de
mener une vie familiale normale. Les juges européens relèvent que le « mariage confère un
» « emporte des conséquences sociales,
personnelles et juridiques ». Dès lors, le couple de même sexe ne peut se trouver « dans
une situation juridique comparable à celle des couples mariés ».

ientation du couple, il ne restait plus aux couples de


: la délégation partage

§2) tention du droit au mariage par les couples homosexuels

374. La méthode législative de dissociation des questions. La loi ouvrant le


mariage entre personnes de même sexe a essuyé nombre de critiques de la part de la
doctrine eu égard à sa « légistique générale »3. Promesse de campagne du Président de la
République Monsieur François HOLLANDE, le mariage entre personnes de même sexe a été
Celui-ci
consacre au profit du couple homosexuel -
homosexuel et de ne pas être discriminé en raison de son orientation sexuelle- la possibilité
réel statut matrimonial ls. Or, dans la
4 1
hâte , la question de .

1
Cons. const., 6 oct. 2010, QPC n° 2010-39; M. DOURIS, « Homosexualité, couples non mariés, accès au
», LPA,
2011, n° 11, n° 4-6. V. aussi dans le même sens : P. KIPIANI, « Mariage homosexuel et adoption par un couple
homosexuel ation en droit français à une reconnaissance en droit belge », Rev. dr. fam., 2012,
n° 1, pp. 18-24.
2
CEDH, Gas et Dubois c/ France, 15 mars 2012, n° 25951/07, D., 2012, 814, obs. I. GALLMEISTER; AJ fam.,
2012, p. 220, C. SIFFREIN-BLANC ; même revue, 163, point de vue F. CHENEDE ; RTD civ., 2011, obs. J. HAUSER,
p. 114; D., 2011, 1585, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS ; même revue, 1713, obs. V. BERNAUD; RJPF, 2010/12,
note C. LE BOURISCOT.
3
J. HAUSER, « Table ronde, Les débats sur la réforme », u mariage aux personnes de même
sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 107.
4
HAUSER conception instantanéiste du
phénomène familial nvestissement symbolique exagéré du droit de la famille. En ce sens :
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 321 et s.

340
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Un des exprimé par Monsieur le professeur Jean HAUSER,

suppose un véritable travail de préparation2,


TUNC « le droit en miettes ». L « mariage pour tous »
manqué de laisser perplexe la communauté des juristes, le mariage, en tant que liberté,
. Globalement, il est reproché à cette loi, de
cacher une certaine hypocrisie sous cet intitulé, ses implications se situant ailleurs.
L au profit du conjoint homosexuel est représentative de cette
hypocrisie, à l laient comme minoritaires les partisans de
Bien au-delà du mariage - les couples de
même sexe recherchent -et la jurisprudence précédant le projet de loi en est un bel
exemple- un accès direct , que seul le mariage peut leur offrir
union ne satisfait pas. Pour Monsieur le professeur
Jean HAUSER, la technique de la dissociation des questions est sans doute à imputer « au

n droit de la famille. Celle-ci

où chaque droit et chaque obligation se tiennent et se répondent »3.


375. Pour la sociologue Madame le
professeur Irène THERY, «

des racines très profondes, et qui est déjà largement entamé. Ce changement est
i
instauré après la Révolution française. Autant dire que la rupture ne se produit pas
années
soixante-dix, quand on a commencé
matrimonial fondamentalement enraciné dans la hiérarchie des sexes-
Code Napoléon en 1804 »4. Si une part de vrai ressort de cette affirmation, on ne peut que

1
HAUSER, art. precit., p. 107. Ainsi que le souligne
Monsieur le professeur Rémy CABRILLAC, « les controverses idéologiques sont souvent dépourvues de la
sérénité néce
celui de la machine à
calculer, de la sérénité des études notariales, du sort des achats en commun ou des dettes ménagères », en
comparaison avec « le droit extrapatrimonial, celui du symbole, du strass, des paillettes, des débats télévisés
avant de conclure que cette analyse ne peut être que confortée par les débats récents sur le « mariage pour
tous ». R. CABRILLAC, « Genre et droit patrimonial de la famille », in Bioéthique et genre, A.-F. ZATTARA-GROS
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 270.
2
J. HAUSER, art. precit., p. 107.
3
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
., p. 326.
4
I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche sociologique »,
personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 91.

341
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

constater le fossé qui sépare désormais la vague de réformes conduites par le doyen
CARBONNIER et les révisions plus récentes du Code civil. Innovantes quant au fond, les
premières « portaient en elles le renouvellement substantiel du droit français de la famille,
sans pour autant sombrer dans une certaine démagogie »1. Elles présentaient surtout
2
. Le modèle familial
fondé sur le mariage demeurait affiché et la famille était toujours la clef de voûte du
système. Si « la sociologie se voulait informative

»3. Rien de tel concernant les révisions les plus


récentes du droit de la famille, qui procèdent à une véritable rupture anthropologique.
376. Au regard des conséquences
mal évaluées de cette loi, une partie de l
-grand oublié de la loi adoptée- mais a pour autre objet
ministre de la
4
Famille un Haut Conseil de la Famille .
à plus
court terme consiste à remédier aux difficultés posées par l
la famille avec la loi du 17 mai 2013. Madame BRUNETTI-PONS propose, sans faire
une abrogation de la loi du
17 mai 2013 afin de permettre une meilleure lisibilité du droit des couples. Une telle
entreprise nécessiterait au préalable la hiérarchisation des statuts de couples, en rendant au
mariage sa spécificité au regard de la
conviendrait de « deux mariages sous
le même nom », et régénérer le mariage
hétérosexuel lequel institue la véritable parenté
5
. La création une union civile6, voire une

1
B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation
française, Ministère de la Justice, 2006, p. 103.
2
Pour Gérard CORNU : «
». Cf. G. CORNU, « La refonte
dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille », , Paris,
PUF, 1998, p. 372.
3
Y. LEQUETTE, « », in Le discours et le Code Portalis deux siècles après le
Code Napoléon, Litec, 2004, p. 391 et s., spec. p. 395, cité par B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT,
Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation française, Ministère de la Justice, 2006, p. 110.
4
C. EOCHE-DUVAL, D. MARCILHACY, « Pour une véritable gouvernance familiale », in Le Mariage&La Loi,
Proté , Institut Famille&République, 2016, pp. 451-461.
5
C. BRUNETTI-PONS, « Après la loi du 17 mai 2013, quel état des lieux et quelles perspectives pour le droit de la
famille ? », , op. cit., p. 33.
6
Qui p

342
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

alliance civile au profit des personnes de même sexe, exclusive de la dimension parentale
(ni filiation, parenté ou autorité parentale)1
personnes de même sexe. Envisageant un autre cadre légal, favorisant « la contribution de
tous les foyers à la solidarité et à la stabilité sociale »2, Madame MIRKOVIC préconise la
partenariat de vie commune contrat spécial relevant du droit commun des
obligations-, dont les ressorts
chère à Madame le professeur Jacqueline POUSSON-PETIT. Pour Madame MIRKOVIC, la vie

sur la dimension affective et sexuelle du couple. Or, la sexualité et le sentiment amoureux

seul critère uteur, une catégorie particulière parmi les diverses situations
3
-ci
reposerait, en définitive, sur ce qui demeurerait « -là : la
vie commune » et le consentement libre des personnes « de prendre soin les unes des autres
et, à cet effet, à mettre en commun des moyens »4 bien évidemment,
déterminante, mais en tant que « ». Pour
une telle approche nce jouée par la théorie du
gender, en sauvegardant le champ de compétence du législateur. Naturellement, le contrat

compterait plus que le mariage civil hétérosexuel et le partenariat de vie commune. Bien
mariage homosexuel
5
. Surtout, elle ne semble
pas être en phase avec les orientations contemporaines du législateur, qui a résolument
son intervention législative.

1
C. BRUNETTI-PONS, «
2013 », nfant, op. cit., spec. pp. 285-289.
2
J. THOMAS, A. MIRKOVIC, « Une proposition juste : le partenariat de vie commune », in Le Mariage&La Loi,
, op. cit., p. 349.
3
Ibidem., p. 348.
4
Ibidem., p. 349.
5
Pour les avantages et les inadapta -360.

343
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

377. Les sexualités1 Désormais déclinée au pluriel -à


s- i plus une seule manière de vivre sa sexualité.
En témoigne la mention
relative au sexe dans les trois formes de conjugalité : le contrat de Pacs ainsi que le
concubinage présupposent la sexualité des partenaires, tandis que le mariage peut
être conclu par des personnes de même sexe ou de sexe différent. La vie
commune, centrale dans les trois formes de conjugalité, est obligatoire et suppose
tretien de relations sexuelles. de qualifier un couple de
2
« conjugal » . , le contentieux relatif à la
sexualité était encore, il y a quelques années, extrêmement rare, voire inexistant. Il se
manifestait essentiellement contentieux relatif au transsexualisme. Le
respect de plus en plus envahissant du droit au respect de la vie privée a paradoxalement
3
. La libération des
ainsi que l
respect de la vie privée par la Cour européenne. Tant volution jurisprudentielle
européenne (abondante mais surtout évolutive) convergent vers une égalité de
traitement des vies privées sexuelles (A). Sans incidence sur la réalité du couple,
B), ce qui rend le mariage homosexuel possible. Ces
dernières années bandonnée au profit d une
approche genre.

A) Un traitement égalitaire des sexualités conjugales

378. Fondement de la reconnaissance. Pour prospérer, la reconnaissance de la


du
humains, lequel exclut toute discrimination entre individus à raison du sexe,
orientation sexuelle. Principe fondateur de toute société démocratique, il figure dans
plusieurs textes constitutionnels -nota -, européens et
internationaux. Le caractère extrêmement intime de la sexualité ressortit donc
naturellement de la vie privée corps-, elle-même protégée par

1
Sur cette question, V. : O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD (dir. de), Sexe, sexualités et droits européens : enjeux
politiques et scientifiques des libertés individuelles, Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007.
2
J. POUSSON-PETIT, « Le droit de vivre en commun en dehors du couple sexuel conjugal », in Mélanges en
. HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, pp. 563-588.
3
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 25-33.

344
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

plusieurs textes. Afin de lui assurer une effectivité optimale, le principe de non-
discrimination - -
différence de traitement lorsque celle- justifiée par un but légitime.
379. La protection du droit au respect de la vie privée. Protégé en droit interne à
1
l , le droit au respect de la vie privée permet de sanctionner, de manière
2
autonome , les atteintes illicites et les immixtions arbitraires dans la vie privée des
individus3 prescrire toutes
e la vie privée ».
Le texte permet également au juge
la vie privée des
individus, qui comprend outre leur vie familiale au premier plan, leur vie affective et
sentimentale4, patrimoniale5, leur domiciliation6 7
mais aussi leur
8
intimité corporelle privée, indépendamment de

9
. Ainsi que le souligne la Cour européenne en 1998, la sphère de la
vie privée couvre « ; la garantie offerte

sans ingérences extérieures, de la personnalité de chaque individu dans les relations avec

1
Introduit dans le Code civil par la loi du n° 70-643 du 17 juillet 1970.
2
Cass. civ. 1ère, 5 nov. 1996, Bull. Civ., I, n° 378; GAJC, 12ème éd., n° 20; JCP, G, I, 1997, obs. VINEY, p. 4025;
RTD civ., 1997, obs. J. HAUSER, p. 632.
3
Cass. civ. 2ème, 3 juin, 2004, Bull. civ., II, n° 273 ; D., 2004, note RAVANAS, p. 2069 ; Rev. dr. fam., 2004, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE, n° 172 ; RTD civ., 2004, obs. J. HAUSER, p. 489.
4
TGI Paris, 2 juin 1976, D., 1977, note LINDON, p. 364 (2ème espèce); CA Paris, 26 mars 1987, JCP, G, II, 1987,
note AGOSTINI, p. 20904; Cass. civ. 1 ère, 6 oct. 1998, Bull. civ., I, n° 274; D., 1999, obs. J.-J. LEMOULAND,
somm. 376.
5
Sur la question des informations patrimoniales, la jurisprudence a dans un premier temps, admis que « le

patrimonial, ne comportant aucune allusi » : Cass. civ. 1ère, 28 mai


ème
1991, GAJC, 12 éd., n° 21 ; D., 1992, note P. KAYSER, p. 213 ; JCP, G, 1992, II, note RINGEL, p. 21845. Par
la suite, elle a estimé que «
particulière ressortit à sa vie privée » : Cass. civ. 1ère, 15 mars 2007, Bull. civ., I, n° 191 ; D., 2007, obs. BIGOT,
pan. 2773 ; RJPF, 2007, obs. E. PUTMANN, n° 9/14 ; LPA, 22 août 2007, note M. BRUSORIO-AILLAUD ; RTD
civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 546.
6
Cass. civ. 2ème, 5 juin 2003, Bull. civ., II, n° 175 ; D., 2003, note DREYER, p. 2461; Defrénois, 2003, obs.
AUBERT, p. 1577; Gaz. Pal., 2004, obs. VRAY, somm. 1387; Rev. dr. patrim., oct., 2003, obs. LOISEAU, p. 83;
RJPF, 2003, note E. PUTMAN, n° 11/13; RTD civ., 2003, obs. J. HAUSER, p. 681.
7
TGI Paris, 25 oct. 1982, D., 1983, note LINDON, p. 363.
ification de la personne : Cass. civ. 1ère, 21 mars 2006, Bull.
civ., I, n° 270 ; D., 2006, obs. A. LEPAGE, pan. 2702; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 535. Plus récemment,
Cass. civ. 1ère, 5 avr. 2012, D., 2012, 1062.
8
CA Paris, 9 juil. 1980, D., 1981, note LINDON, p. 72 (2ème espèce); TGI Paris, 6 juin 1988, Gaz. Pal., 1989,
n° 1, p. 30.
9
Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2000, Bull. civ., I, n° 321 ; D., 2001, note SAINT-PAU, p. 2434; LPA, 2 fév. 2001, note
DERIEUX.

345
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

ses semblables »1. La Décla

arbitraires dans sa vie privé », elle prévoit expressément que « toute personne a droit à la
protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes »2. La Cour

Convention.
380. La liberté sexuelle, une composante de la vie privée. Il convient en tout
premier lieu de souligner que la notion de « liberté sexuelle
telle
3
. Abordée sous

droit à la vie privée et familiale. Dans une première affaire qui remonte aux années 1970,
la Commission européenne a éclairci la portée de ce principe. Elle a considéré que le droit

nnalité. Pour cela, il doit

4
. La Commission affirme donc de manière explicite que
les relations et activités sexuelles relèvent du domaine de la vie privée. La Cour
européenne reconnaît, dès 1999, « un aspect
5
des plus intimes de la vie privée » . Usant de son dynamisme interprétatif, elle va même

composante de leur liberté individuelle qui leur permet


sexuelles (qui) découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion
»6. Opérant une interprétation à la lumière des « temps
modernes », elle ésite pas à affirmer dans cette décision le droit à la liberté
sexuelle dans le cadre de relations sadomasochistes adultères, sous la seule condition du
respect de la liberté des participants.
7
les cuirs et latex

1
CEDH, 24 fév. 1998, Botta c/ Italie, §32.
2
Art. 12.
3
O. DUBOS, « Sexe, sexualité et droits européens », in Sexe, sexualités et droits européens : enjeux politiques et
scientifiques des libertés individuelles, op. cit., p. 6.
4
Brüggeman et Scheuten c/ Allemagne.
5
CEDH, 27 sept. 1999, Smith et Grady c/ Royaume-Uni, §89.
6
CEDH, 17 fév. 2005, K. A. et A. D. c/ Belgique, §82-83. Cf. F. SUDRE, JCP, G, 2005, I, 159, n° 12 ; J.-P.
MARGUENAUD, RTD civ., 2005, p. 341 ; M. LEVINET, Rev. dr. patrim., 2006, p. 806 ; P. MALAURIE, LPA, 1er
août 2006, p. 7.
7
M. C. c/ Bulgarie du 4 décembre 2003

Cf. F. Sudre, JCP, G, I, 2004, 107.

346
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

visuels sadomasochistes »1
« »2, et la vie sexuelle constitue
3
. On est là, déjà, très loin de l

381. La banalisation de la relation homosexuelle. Relation « contre nature »4


longtemps réprimée par le droit pénal5, la
loi n° 82-
depuis le 17 mai 19906, comme une maladie mentale.
jurisprudentielle tant de la Cour européenne que des droits internes des différents États
occidentaux est marquée par la tolérance et la non-

permis une réelle attitude compassionnelle à leur égard7. Toute une sé leur ont
ouvert la voie à une reconnaissance progressive à des droits divers et variés 8.
382. La garantie par la Cour EDH du principe de non-discrimination à raison
.
proscrit toute distinction fondée sur le sexe, la naissance ou tout autre situation relevant de

nd
sexuelle.
plusieurs situations repose sur une justification objective et raisonnable.

au texte de la Convention. Une fois assurée du mouvement de dépénalisation des relations


homosexuelles dans la majorité des États européens, la Cour, à
Dudgeon9, considère que «

1
G. GONZALEZ, « La liberté sexuelle », in Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention
me, F. SUDRE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et justice », 2005,
p. 157.
2
CEDH, 29 avr. 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, §62.
3
D. ROMAN, « Le corps a-t-il des droits que le droit ne connaît pas ? La liberté sexuelle et les juges : étude de
droit français et comparé », D., 2005, p. 1508.
4
Sur cette question : F. LEROY-FORGEOT, , Paris, PUF, 1997.
5
des
-190 du 8 février 1945 maintient cette incrimination au titre des
attentats à la pudeur.
6

7
Y. ATTAL-GALY, , Paris, LGDJ, 2003.
8
M. LAMARCHE, « », in Sexe, sexualité et
droits européens : enjeux politiques et scientifiques des libertés individuelles, O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD
(dir. de), Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007, pp. 45-54.
9
CEDH, 22 oct. 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni, Série A, n° 45, §60 ; GACEDH, n° 37. Dans le même sens :
CEDH, 26 oct. 1988, Norris c/ Irlande, Série A, n° 152 et CEDH, 31 juillet 2000, A.D.T. c/ Royaume-Uni.

347
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

immorale, mais cela seul ne saurait autoriser le recours à des sanctions pénales quand les
partenaires sont des adultes consentants ». Une fois acquis le retrait du droit pénal en la
condamner les discriminations motivées par
. Outre les discriminations directes, la Cour condamne les
discriminations indirectes qui se cachent derrière des dispositions en apparence neutres,
mais qui lors de leur application, désavantagent leurs titulaires1. Que ce soit dans le cadre
du travail2, ou pour bénéficier du transfert du droit au bail 3 ou encore
relations parentales4, la Cour européenne procède à une véritable protection des personnes
contre les discriminations liées à leur orientation sexuelle. Salguiero, elle
de traitement

homosexuels5
personne homosexuelle seule, mais bien le couple homosexuel dans sa dimension familiale
en élargissant , combiné
6
À Fretté , alors même
que celui- t pas expressément protégé par le texte de la Convention. Qualifiée
« intime
7
.
s,
la Cour européenne contribue à traiter de façon égalitaire toutes les sexualités en imposant
aux États
Autant de libéralisme trouve pourtant sa limite lorsque la question touche la vie familiale

hétérosexuelle.
383. conjugalité non-procréatrice. Si les débats précédant
permis à une partie de la doctrine de considérer que celui-ci
communauté de toit et de lit », le
Conseil constitutionnel donna au Pacs une orientation résolument sexuelle 8. Il y affirme

1
CEDH, 20 juin 2006, Zarb Adami c/ Malte, Rev. dr. patrim., 2007, obs. SURREL, p. 871.
2
: CEDH, 27 nov. 1999, Lusting-
Prean c/ Royaume-Uni et Smith et Grady c/ Royaume-Uni, Série A, 1999-IX ; RTD civ., 1999, chron. J.-P.
MARGUENAUD, p. 917.
3
CEDH, 24 juillet 2003, Karner c/ Autriche.
4
un père ne peut valablement constituer un motif de retrait de son droit de
garde : CEDH, 21 déc. 1999, Salgueiro Da Silva Mouta c/ Portugal; RTD civ., 2000, note J.-P. MARGUENAUD,
p. 433.
5
CEDH, 9 janv. 2003, L. et V. c/ Autriche, JCP, G, I, 2003, chron. F. SUDRE, p. 160.
6
CEDH, 26 fév. 2002, Fretté c/ France, JCP, G, 2002, I, note A. GOUTTENOIRE et F. SUDRE, p. 10074.
7
J.-M. LARRALDE, « Libre disposition de son corps et préférences sexuelles », in La libre disposition de son
corps, J.-M. LARRALDE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et justice », 2009, pp. 263-290.
8
M. GRIMALDI, « Réflexions sur le pacte civil de solidarité du droit français », Defrénois, 2003, 813.

348
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

que «
pas à une cohabitation entre deux personnes », mais celle-ci suppose « outre une résidence
commune, une vie de couple »1. Appliqué aux couples homosexuels, la décision du Conseil
consacre une forme de « devoir pacsal »2 à connotation sexuelle, détaché de toute idée de
procréation. La sexualité devenant « récréative »3, toute pudeur législative est abandonnée
au profit non procréatrice.

B) Un traitement indifférencié des sexualités conjugales

384. inégalité physiologique. L


hommes et femmes est indépassable car elle tien
procréation4 des premiers entre eux, mais aussi des secondes sans les premiers. Le rapport
de complémentarité qui en découle est irréductible et
supériorité des uns, ni réalité objective que ni les
revendications féministes, ni les interventions du législateur ou t
des techniques scientifiques ne
individus et de la complémentarité des sexes dans un monde en harmonie, où chacun
assume une fonction selon ses capacités physiologiques et psychologiques. Sans cela, le
tir à une confusion des genres.
385. Une complémentarité des sexes mise à mal. Délaissant le terrain du « sexe »
genre neutre5, plus malléable et subjectif6, le droit offre à
chaque personne la possibilité souhaite, indépendamment de son sexe
biologique. La désexualisation du mariage et de la filiation qui en découle relègue le droit à
Or, la question se pose
de savoir quel intérêt y-a-t-il à vouloir nier le sexe biologique ? Au nom de quelle liberté
l choisirait lui-même femme, ou peut être les deux à la
fois ? femme -y compris sur le plan

1
Cons. const. 29 nov. 1999, déc. précit., cons. n° 26.
2
CABALLERO, Le droit du sexe, Paris, Lextenso éd.,
2010, p. 285.
3
DJERASSI, un des pères fondateurs de la pilule. Pour ce
dernier, disparu en janvier 2015, la pilule sera très certainement obsolète en 2050 au profit de la « stérilisation
pour tous », car la technologie reproductive sera pour le chimiste suffisamment pointue, banale et peu coûteuse.
procréation sans sexe et sexe sans procréation ».
4
L. AYNES, « Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : trop ou trop peu »,
D., 2012, p. 2750.
5
TGI Tours, 20 août 2015, AJ fam., 2015, pp. 613-15, note S. LE GAC-PECH ; J. HAUSER, « Le mystère du
», JCP, G, 2015, n° 44, 1157.
6
A. MIRKOVIC, « Le coût juridique. Les conséquences de la théorie du gender sur la filiation », in « La théorie
du gender », vers une nouvelle identité sexuée ?, op. cit., pp. 53-68.

349
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
- aboutit à nier le lien entre la

386. Des rôles parentaux interchangeables. gender2, en


de chacun dans la société seraient

théorie du droit des personnes et de la famille émancipée du genre 3, la loi de financement


de la sécurité sociale pour 20134 complète le congé de paternité dont bénéficie le père à la
naissance L.
1225-35 du Code du travail. Désormais, l

de 11 jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples5.


Cette mesure vise, selon les propos de Monsieur CAVARD
octobre 2012, à « rét
». La vie commune avec la
mère ouvre désormais droit à ce congé sans même poser la question préalable de
investissem La Cour de cassation avait pourtant refusé
aménager le un enfant, pour
6
le réserver uniquement au père, . À cet égard, outre
est
et contrevient à plus forte raison au principe de coparentalité7.
387. L acte de naissance indique, à
partir de identité biologique déclarée comporte le plus
souvent la mention une mère. Ces éléments permettent la détermination de
la généalogie. À partir de cett individu est reconnu comme
appartenant à la catégorie juridique des hommes ou celle des femmes. Si cet individu se
marie, il devient mari ou
consécration du mariage pour tous consacre non lité des sexes mais leur
indifférenciation, laquelle conduit à la « désexualisation » de la famille8 habillage

1
Cf. infra, spec. n° 535.
2
V. en ce sens : S. HENNETTE-VAUCHEZ, M. PICHARD, D. ROMAN (dir. de), La Loi&Le Genre, Études critiques
de droit français, Paris, CNRS éd., 2014.
3
D. BORILLO, « Pour une théorie du droit des personnes et de la famille émancipée du genre », in Droit des
familles, genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 7-24.
4
L. n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
5
A. MIRKOVIC, « Congé de paternité », D., 2012, p. 2600.
6 ème
Cass. civ. 2 , 11 mars 2010, n° 09-65.853, D., 2010, note A. MIRKOVIC, juris. 1394; D., 2011. obs. J.-J.
LEMOULAND et D. VIGNEAU, pan. 1040; D., 2011, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, pan. 1585; AJ fam., 2010, obs.
F. CHÉNEDÉ, p. 184; RDSS, 2010, note M. BADEL, p. 534; RTD civ., 2010, obs. J. HAUSER, p. 315.
7
M. DROUCET, « Vers un nouveau statut parental ? », AJ fam., 2012, p. 542.
8
C. NEIRINCK, « Faut-il tenir compte du sexe des êtres humains ? », Rev. dr. fam., 2012, n° 12, repère 10 ; du
même auteur, « Homoparentalité et désexualisation », Rev. dr. fam., 2012, n° 7, repère 6.

350
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

altérité sexuelle en lien direct avec la procréation. Pour assurer une égalité dans
l'indifférenciation sexuée, la désexualisation du vocabulaire de la famille a été
programmée1. Toutes les références sexuées sont remplacées par une terminologie neutre :
mari et femme par époux ou conjoints, père et mère par parents, terme générique qui
désigne tous ceux qui sont dans un rapport de parenté. À la parenté est substituée la
parentalité, qui conduit à distinguer les deux parents par un chiffre. Or, la filiation sociale

civil2, laquelle conjugue tant la


culturel symbolique qui entoure cette histoire à travers la connaissance de ses origines et de

place et se définit à partir de sa représentation du monde en intégrant les repères


fondamentaux du vivre ensemble3.
388. La confusion des genres. « !»
4
ironisait un auteur . L es droits des membres du couple a conduit à
une égalité abstraite et cette « évolution est sans limite »5. En mettant en cause la
différenciation sexuelle au sein du couple, il serait mis fin à homophobie ». Telle est
idée qui ressort Irène THERY, pour qui le besoin
« être comme les autres
relégués en dehors de la condition humaine commune6. Ceci expliquerait que toute
spécification alité soit bann assimilationniste de
-quitte à passer outre le réel observable. Pourtant, il y a là une forte confusion
entre les différences de fait et les inégalités. Si la réponse du droit consiste à effacer toute
différence de traitement reposant sur la différence des sexes,
universel abstrait, et postule encore moins prendre en
compte les spécificités inhérentes à chaque situation, elle conduit à la négation de la dualité
originaire, somme toute universelle. Abandonnée
plus un impératif et la conjugalité ne repose plus que sur les sentiments. Initialement
limitation du politique, l sont un but en soi7. La

1
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit » in « La théorie du gender »,
vers une nouvelle identité sexuée ?, op. cit., pp. 33-50.
2
V. nos développements, infra, n° 387.
3
J.-L. RENCHON, « Une filiation monosexuée ? », art. precit., pp. 249-250, spec. n° 22.
4
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », in Les sexualités : répression, tolérance, indifférence,
M. BAUDREZ, T. DI MANNO (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 75-108.
5
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », art. precit., p. 103.
6
I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 253.
7
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « la famille : un
voyage sans destination », ,
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir. de), Paris, LGDJ, 1996, pp. 179-213.

351
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la satisfaction de ses désirs individuels conduisent à la


1
transformation ,
symptomatiq au groupe
auquel il appartient.

1
F. NIBOYET, , LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2008.

352
Conclusion du chapitre premier

389. e
ème
être le tournant de la fin du XX siècle, lequel a ouvert la voie à ce que Monsieur le
professeur Pierre MURAT a désigné comme le « libéralisme par concurrence entre les
normes juridiques »1
parfaitement le phénomène de « contagion par imitation législative »2.
FULCHIRON
3
la loi du libéralisme maximum qui tend
discrimination, la question du mariage homosexuel supposait au préalable de découpler le
mariage -institution sexuée- de la procréation. En désexualisant celui- ement
de la force de la présomption de paternité
anage des
couples hétérosexuels, l droits étant atteinte au
profit des couples de même sexe. Dans ce processus de déconstruction4, ence
sexuelle dans le couple est le maître mot, et le mariage « perd une partie de sa substance : il

personnes qui forment un couple »5. Abaissé au niveau des nouvelles conjugalités, un
,
lesquels constituent le nouveau droit du couple, totalement autonome du droit de la famille.
Dans ce contexte paraît irrémédiablement consommé »6, et
le rapprochement entre les trois formes de conjugalité est in
pourquoi la sagesse commanderait désormais
trois formes de conjugalité que connaît
droit de la famille. Le pluralisme institué répond à une attente sociale, et
tout retour en arrière est impossible7.
maintenant doit connaître une pause8, afin de procéder à une restructuration des règles

1
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage Conjugalité, Parenté-Parentalité,
H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009, p. 242.
2
Ibid., p. 242.
3
H. FULCHIRON, « Existe t-il un modèle familial européen ? », Defrénois, 2005, art. 38239.
4
M. DOUCHY-OUDOT, « Les étapes juridiques de la déconstruction familiale », in La réforme du mariage,
Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers, DMM, 2013, pp. 11-31.
5
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage
Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., p. XII.
6
J.-J. LEMOULAND, « », in Mariage Conjugalité, Parenté-
Parentalité, op. cit., p. 43.
7
V. contra : Institut Famille&République, Le , Nancy, IFR, 2016.
8
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille »,
professeur Raymond LE GUIDEC, LexisNexis, 2014, p. 787 ; P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille,
Paris, LGDJ, 5ème éd., 2016, n° 89, p. 62.

353
présidant à la vie de couple que la doctrine appelle de ses . Cette restructuration

conjugal commun à toutes de la


personne au fondement de cette mesure constitue, , une valeur phare du
système français, qui trouve sa place aux côtés des principes
pourquoi le lég
une telle protection au profit de tous les couples conjugaux. Ainsi que le souligne
Monsieur le professeur Jean HAUSER, « s
de façon indiscutable, parmi les grands cadres de la société elle-même leur valeur

»1.
Dans ces conditions, et au vu de la complexité de la vie affective et de la plasticité du
psychisme humain, la question se pose de savoir si ce modèle de familles tel que consacré
par le législateur français a des chances de prospérer outre-méditerranée
on que la société se
?

1
J. HAUSER, « Rapport français », CAPITANT des amis de la
culture juridique, Journées libanaises, 1998, LGDJ, 2001, p. 484.

354
Chapitre second. exportation du modèle familial
français outre-méditerranée

390. Un changement de mentalités. L t


modèle familial
français outre-méditerranée, uple franco-
marocain. Simple exportation indirecte, cette situation traduit la volonté du juge français
offrir une large diffusion à sa récente adoption du mariage entre personnes de même
sexe, à laquelle fait écho , totalement opaque
indifférent ?- à une telle décision. Cette indifférence se retrouve égalem
la pratique du concubinage par les binationaux en France. Cette tolérance (?) des situations
irrégulièrement formées en France est bien la preuve de la contamination des (bi)nationaux
marocains par le mode de vie européen, et atteste bien au demeurant de leur intégration
(perçue positivement ou négativement), souvent mise à m
rencontre des modèles familiaux en droit international privé semble donc bien constituer le
vecteur de cette exportation (Section 1) laquelle, -méditerranée en
nale sous le coup de laquelle elle tomberait, relève davantage
re du comportement des individus. Matériellement, elle continue à buter sur une
limite encore irréductible dans l
protection de la famille fondée sur le mariage (Section 2).

355
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. L
exportation indirecte

391. La circulation des modèles familiaux. Si les comportements familiaux

ressortissants maghrébins (ou binationaux) de confession musulmane en France (§1). Au


contact du modèle familial français1, ceux-ci
Inoffensive quant à ses effets sur le
système juridique français, cette adhésion constitue un
des individus au système local. Paradoxalement,
homosexuelle au-delà des frontières françaises (§2) constitue une réelle menace pour le
modèle familial marocain.

§1) La pratique du concubinage par les français binationaux

392. La réadaptation du mariage coutumier. La pratique du concubinage par les


couples binationaux2 ou mixtes3 en France appelle un arrêt sur la pratique ancienne des
mariages coutumiers au Maghreb. Bien que cette pratique y soit relativement
combattue (A), sa reprise en contexte français permet une meilleure lisibilité de la pratique
du concubinage telle que vécue par ces couples (B).

A) Le mariage coutumier au Maghreb

393. Le consensualisme du mariage musulman. En sa forme traditionnelle, le


mariage musulman est un contrat purement consensuel qui se forme par le simple échange
des consentements, en présence des témoins. La présence de ces derniers est dépourvue de
tout caractère formel, et « confère à celui- n mariage

1
B. BOURDELOIS, « La famille du XXIème siècle et problématiques de conflits de lois », in Mélanges en
MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 77-89.
2
Le couple binational est ici entendu comme disposant de la double nationalité, la nationalité française et celle
de son pays natal (ou, étant né sur le sol français, il bénéficie de la double nationalité à raison de la naissance de
ses parents dans un des pays du Maghreb).
3
On entend ici par couple mixte le

356
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

»1.
du formalisme, le mariage musulman écrit pour sa validité.
394. Les formalités imposées : la fin du mariage traditionnel. Depuis la
promulgation des trois Codes du statut personnel au Maghreb, les législateurs de ces pays
apporter la preuve du mariage,

civil2 ont été mises en place, désignant .


3
, l a imposé aux
ariage en marge de
Lors de la réforme de la moudawana marocaine
en 2004, le législateur renforce le formalisme requis. Désormais,

chacun des époux4, la eu un caractère obligatoire sous le règne de


l ancienne moudawana laquelle une simple «
». La même obligation de transcription est de mise par les
5
législateurs tunisien et algérien. Il existe donc une volonté commune des trois législateurs

6
. La législation tunisienne, particulièrement sévère, sanctionne de nullité toute union
qui ne serait pas conclue conformément au formalisme requis, et prévoit même une
sanction pénale doubler si le couple en cause
persiste dans la vie commu

infraction pénale la conclusion de mariages traditionnels.


authentique p autre
preuve du mariage unifié. Cette fermeté caractéristique du législateur tunisien ne se
retrouve pas chez les voisins algérien et marocain qui admettent une autre forme de preuve

1
M. MONJID, : Maroc,
Algérie, Tunisie , p. 62.
2
Au Maroc, la célébration des mariages ressortit uniquement de la compétence des adouls -notaires traditionnels
(art. 13 CMF). En Tunisie, la loi n° 57-3 du 1er août 1957 institue une dualité des autorités compétentes en vue
de la célébration des mariages : au choix des futurs conjoints, le mariage peut être conclu soit devant deux

permettant la célébration devant un notaire ou un fo


-20 du 19 février 1970).
3
L. n° 37- dahir n° 1-02-239 du 3 octobre 2002.
4
Art. 68 du CMF.
5
Art. 34 de la loi.
6
V. néanmoins, sur les mariages coutumiers tels que pratiqué en Égypte, S. A ALDEEBABU-SAHLIEH, Religion et
droit dans les pays arabes, Bordeaux, PUB, 2008, p. 192 et s.

357
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1
du mariage lorsque celui- , être formalisé par un
acte authentique.
395. La régularisation encadrée des mariages non authentifiés.
authentique soit exigé algérien comme preuve de la conclusion

mis en place un système de sanction civile ou pénale lorsque celui-ci fait défaut.
16 alinéa 2 du Code marocain de la famille prévoit la possibilité
reconnaissance du mariage2, dans laquelle tous les moyens de preuve sont admis3. La règle
concerne le cas de mariages ayant été conclus en la forme traditionnelle en dehors du
formalisme requis. La reconnaissance par un jugement de la réalité de la vie conjugale 4
permet une période transitoire de cinq
ans ur de la moudawana. Cette période a été prolongée pour
une durée de cinq années supplémentaires par dahir du 16 juillet 20105
peu, prorogée pour la même durée6. Transparaît alors la volonté de régularisation des

dispositions par le législateur marocain.

par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Par conséquent, la
reconnaissance du mariage p

dispositions pénales, car il est (haram) illicite

1
Sur le caractère exceptionnel de cette reconnaissance, cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille,
Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème 453-465.
2
WAHCHI, «
reconnaissance de mariage entre cadre juridique et pratique judiciaire », in Approche plurielle des
problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile,
t. 2, 2015, pp. 188-202 (en langue arabe).
3

considérée comme un mariage au sens de la loi saoudienne. Cf. Cour suprême, 3 sept. 2008, arrêt n° 415, dossier
n° 233/2/1/200.
4
Sur laquelle le couple doit expliquer quelles sont les raisons
moudawana de manière
exceptionnelle (anc. art. 5 al. 4), le législateur gardait le silence quant aux raisons qui empêchaient le couple de

ossesse issue de la relation conjugale ». Cf. M. MONJID,


droit de la famille au Maghreb, op. cit., p. 65, spec. n° 112.
5
Dahir n° 1-10-103 du 16 juil. 2010, B.O, 5 août 2010, n° 5862, p. 1522.
6
Dahir n° 1-16-2 du 12 janv. 2016, portant promulgation de la loi n° 102-
n° 70-03 portant Code de la famille, B.O, 4 fév. 2016, n° 6436, p. 164.

358
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

démontrer les raisons impérieuses1


due
pourquoi la notoriété ainsi q
2
permettant de prouver la bonne foi du couple et la réalité du mariage
3
religieux .
396. La généralisation de la possibilité de régularisation. Outre la volonté de
régularisatio
en vigueur du Code de la famille, la portée de la prorogation de ce délai pour dix années
de sa
prorogation est discutable, ne serait-
occasionner et qui sont régulièrement dénoncées4. Alors que la preuve légale du mariage 5
age6, elle ne

nouvelles orientations au fondement de la réforme constitutionnelle de 2011 7. Un des


adopter une formulation

1
-ci
étaient constituées lorsque le décès du adoul
reporté, a empêché ceux- TI Larache, 20 oct. 2006, n° 458/06. A également pu être
considérée comme ossibilité pour une ressortissante marocaine vivant de manière illégale aux
Pays-Bas de formaliser son union avec un ressortissant marocain engagé dans un mariage non encore dissout.
er mariage non encore dissout, a pu être

marié : CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171. Comme en écho à ce cas de figure, les articles 65 à 69 du Code de la

mariage conformément aux procédures administratives locales du pays de


résidence. Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., p. 455-456.
2
CA Settat, 1/11/2006, n° dossier 1960/02, n° 835/06.
3
Concernant la pratique judiciaire liée à la réception de cette action, cf. A. SALIM, « Le traitement judiciaire de
in Approche plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun.
et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile, t. 2, 2015, pp. 203-212 (en langue arabe).
4

potentiels enfants qui en sont nés et qui sont considérés, au regard du droit maghrébin, comme des enfants hors

polygamiques et des mineur : M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain


», RIDC, 2015, n° 1, pp. 207-224 ; A. WAHCHI, «
pratique judiciaire », in Approche plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par),
Rabat, Publications de la revue de la justice civile, t. 2, 2015, spec. p. 198 (en langue arabe) ; CNDH, État de
utionnels, 2015,
disponible sur www.cndh.ma.
5
Art. 16 al. 1 du Code marocain de la famille.
6
Art. 16 al. 4 du Code marocain de la famille.
7
la famille, fondée sur le lien légal du mariage, est la cellule de

économique, de manière à garantir son unité, sa stabilité et sa préservation ».

359
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

», en abordant les dispositions de ce texte « avec réalisme et perspicacité »1.

2
. Le
primat donné à la tradition juridique islamique ne se trouve ici pas justifié du fait de

Dans un système étranger à plus forte raison, le mariage ne saurait exister sans sa

397. implicite du mariage coutumier en Algérie. Le cas de la


législation algérienne présente une particularité importante en comparaison avec le voisin
mariage soit conclu devant un
notaire ou un fonctionnai
ce même code lequel dispose que « la fatiha3 simple concomitante aux fiançailles ne
constitue pas un mariage à proprement dit ». toutefois,
la fatiha concomitante aux fiançailles, en séance contractuelle, constitue un mariage si le
consentement des deux parties et les conditions du mariage sont réunis, conformément aux
e 9 bis de la présente loi bis ne mentionne nullement
parmi les éléments constitutifs du mariage 4. Étant en
, bis
du Code pénal au sujet des relations sexuelles
5
hors mariage . La contradiction des textes laisse perplexe et appelle un éclaircissement
quant à leur portée. tre admis en
droit algérien. Leur reconnaissance, icle 22 sans condition de délai ni de
caractère exceptionnel corrobore cette pratique
incriminant les relations hors mariage. Sur le plan probatoire, une telle hétérogénéité
du système de preuve de mise en
.

1
M. LAFROUJI, Code de la Famille, Rabat, 4ème éd., 2015, p. 19.
2
Dans le même sens, cf. A. WAHCHI, «
judiciaire », art. precit., spec. pp. 200-201 (en langue arabe) ; contra A. SALIM « Le traitement judiciaire de
ce de mariage », art. precit., spec. p. 212 (en langue arabe).
3

invocation à Dieu.
4
Lesquels sont au nombre de 5 : la capacité au mariage, la dot, le waliy, la présence des deux témoins et

dispose que la personne ayant commis « un outrage pu


». Se situant dans la partie relative aux attentats aux
uelles hors mariage.

360
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

B) L

398. : le concubinage halal. En théorie combattu par


1
les pays du Maghreb , le mariage coutumier est pourtant
repris en contexte français. Nombre de binationaux,
sunna islamique, se prévalent de plus en plus de la licéité de ce type de mariage sur le plan
religieux afin de conclure des mariages traditionnels, lesquels constituent davantage une
forme de concubinage « à la française »2 non reconnu
pourquoi la question se pose est celle de savoir si cette pratique traduit un réel retour à une
tradition prophétique, laquelle doit être contextualisée, ou davantage une adhésion
réfléchie au concubinage tel que réglementé par le législateur français. Afin de tenter
s de réponse, le recours à la sociologie, particulièrement à la notion
de groupe, se révèlera être un curseur incontournable dans une telle entreprise (1). La

accommodant pour le couple, nécessitant une légitimation du groupe de référence qui


passe par la dimension religieuse du mariage coutumier (2).

1- La dimension socio-juridique du sentiment

399. Règle de droit et En principe, les


3
rapports entre à un groupe donné et le droit ne sont pas
considérés par ce dernier. L n individu à un groupe peut, tout au plus,
faire , voire un sentiment Les liens potentiels
entre ue Monsieur
4
Daniel GUTMANN
du droit à la sphère psychologique », celui-ci relève, paradoxalement, que «
: celle de constituer la dernière

1
Outre le défaut de protection de la femme si le couple venait à se dissoudre, les potentiels enfants qui en sont

preuve du mariage, la volonté de protection de la femme et des enfants qui préside à une telle authentification du
mariage.
2
Avec tous les avantages sociaux qui lui sont attachés.
3
: M.-C. FOBLETS, « e. Questions particulières
», , J.-L.
RENCHON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Famille&Droit », 2003, pp. 235-263.
4
: celui-ci repose sur une double dimension. La première,
diachronique, « se définit comme le sentiment de la personne de demeurer la même à travers le temps ». La
au sentiment de rester le même à travers la
pluralité des situations de confrontation avec autrui ». Cf. D. GUTMANN, , Étude de droit
des personnes et de la famille, Paris, LGDJ, 2000, p. 24.

361
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

instance normative légitime après le déclin de la morale traditionnelle, et de prendre en


»1.
la morale traditionnelle est partagée à tel point que certains philosophes contemporains 2
ont pu en expliquer tant le processus que les causes, les juristes ne semblent pas être en
Utilisant à cette fin la notion de « norme sociale de conduite »,
Monsieur Samuel BENISTY tente de faire de cet instrument « un concept mobilisable,
notamment pour mener une analyse critique du statut que lui a forgé la pensée privatiste »3.
4
Si le groupe co -ses membres
présentant le plus souvent « des caractères objectifs communs particulièrement saillants »5,
la déploie « à raison du partage des normes personnelles
ne part, et des interactions fréquentes et influences réciproques entre ses membres
»6 norme de conscience partagée ». Cette intériorisation des
valeurs et des normes favorise le partage, la transmission et la pérennité de la norme
sociale de conduite. Mieux encore, ce résultat est particulièrement mieux atteint par
de nouvelles personnes lesquelles, socialisées7, se verront enraciner « au plus
profond de (leurs) âme(s) les valeurs et normes du groupe »8 en vue de les considérer

1
D. GUTMANN, , op. cit., p. 23. Cette idée trouve son prolongement dans les analyses
menées par Monsieur David MARTEL. définit comme un lien de droit
é », et peut constituer un « puissant
perturbateur lorsque des
it ne saurait
étranger », toute communauté de personnes
constituant un ordre juridique particulier. Particulièrement au sein du groupe familial, le lien extrêmement intime
qui unit ses membres ré nécessaire de
relever les liens existants entre les », sans
quoi le juge ignorerait la nature humaine elle-même alors que son rôle est décisif dans tous les actes de la vie.

souvent sous la forme de règles informulées, serait déjà opérée par les juges qui « ne se limitent pas aux règles

juridique ». Cf. D. MARTEL, , Paris, Bibliothèque de


- André TUNC, t. 34, 2012, spec. p. 123 et s., n° 483 et s.
2
M. GAUCHET, Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
3
S. BENISTY, La norme sociale de conduite saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des
Thèses », 2014, p. ence caractérisait la norme

celui-ci relève une simple concurrence de façade, les impératifs moraux relevant davantage de la liberté
individuelle. CARBONNIER que le Droit à réellement été

réel besoin de réhabilitation la « normativité sociale », car « la


pensée juridique cantonna son emprise à la régence de situations intéressant principalement bienséance et
politesse ». spec. p. 307.
4
chose diffuse », thèse
precit., p. 156.
5
S. BENISTY, op. cit., p. 153.
6
Ibid., 167.
7
Ibidem., p. 155.
8
Ibidem., p. 156.

362
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

«
»1.
400. umma islamique. Cette analyse, combinée au
2
concept de umma islamique -delà des frontières.
Rappelons que la umma fonctionne comme un corps opaque et contraignant, dans lequel
chacun se confond nécessairement avec toutes les autres
individualités, c -même au
profit de la collectivité. Il en résulte que la umma, instance de référence, dispose de la
norme sociale et de sa validation. Aussi, «
oser mécaniquement à la désapprobation de tous ceux qui les ont intériorisés, et qui
BENISTY
souligne que le conformisme est de mise, car les membres du groupe qui ont permis
isation de la norme disposent également de sa sanction3. La place même de
de son groupe de référence est tributaire de son action, car le défaut de
. un cadre relationnel parfait pour les
jugements individuels. Cette attitude, dénoncée par Madame le professeur Jacqueline
POUSSON-PETIT, présente un risque permanent de voir des maghrébins ou des Français
vivre totalement ou partiellement
religieuses et culturelles relevant de la communauté musulmane 4 plutôt que sous les
normes juridiques. L application des normes religieuses et
principes européens de liberté, laïcité et égalité est
révélatrice de « ormes socio-
religieuses -mêmes
constate en
France que certains «
», car «
5
».
401. ieuse ignorée du droit français.
français peut
6
, celui-ci ne reconnaît pas

1
Ibidem., p. 156.
2
Cf. supra, spec. n° 57.
3
Monsieur BENISTY en se pliant aux règles sociales, chacun

leur favorable dont

de la position statutaire ». S. BENISTY, op. cit., p. 167.


4
J. POUSSON-PETIT (dir. de), Les droits maghrébins des personne ,

5
Ibid., pp. 358-359.
6

363
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des individus1 qui ressortit à leur vie privée. En effet, la loi du 9 décembre 1905 sur la
ssance négative des cultes,
qui
2
. Cette neutralisation de la
religion celle-ci relève exclusivement du ressort
de la liberté individuelle et ne saurait en aucun cas interférer avec la conception citoyenne
3
. Cette idée traduit une conception de « la modernité politique (qui) consiste

domaine privé »4, de plus en plus intériorisée par les binat


Islam de France » qui emprunterait de plus en
plus à la tradition juridique et politique française les moyens permettant sa solubilité dans
français. véhicule une dimension sociale et collective que la
conception française de la laïcité « entend réduire (le fait religieux) à une simple
expression rituelle privatisée »5. Cette
valeurs véhiculées par la République laïque atteste bien du ion des
binationaux, et traduit
personnel et familial6.

2- Le concubinage « halalisé »

402. en France.
L du binational -notamment de
son statut personnel- et les exigences de la société française peut parfois, être délicate à
trouver7. L e une permanente redéfinition

1
Sur cette question, V. F. FREGOSI, « Droit français et norme religieuse ou les
dans un État laïque »,
juridique, P. KAHN (dir. de), Paris, Mission de recherche « Droit et Justice », La Documentation française, 2001,
pp. 183-200.
2

plus récemment le retrait ordonné de la statue de Saint JEAN PAUL II dans la commune de Ploërmel (dans le
Morbihan) par le tribunal administratif, jugée ostentatoire sur la place publique : TA Rennes, 30 avr. 2015,

3
D. GUTMANN, op. cit., p. 403. La nation, a-t-on écrit, se définit par son ambition de transcender par la

économiques, sociales, religieuses ou culturelles, de définir le citoyen comme un individu abstrait, sans
identification et sans qualification particulières, en deça et au-delà de toutes ses déterminations concrètes »,
D. SCHNAPPER, La communauté des citoyens, p. 49, cité par D. GUTMANN.
4
Ibidem., p. 416.
5
F. FREGOSI, « se en compte dans un État laïque : le
», art. precit., p. 185.
6
D. GUTMANN, op. cit., p. 405.
7
M. SIMONET, «
judiciaire et juridique français », ,
op. cit., pp. 115-146.

364
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

de soi-même, que le contact entre des modèles familiaux différents peut renforcer. Cet
exercice de redéfinition en rend le sentim .
avec Monsieur GUTMANN, « il faut se garder de se laisser porter par la vague qui accentue
-
chrétiennes
le temporel et le spirituel semble ai
doctrine musulmane, que par la vaste adhésion des musulmans vivant en France au
principe de la laïcité »1 une anthropologue2 a
pu relever, à partir des enquêtes menées -particulièrement auprès de la population
féminine- que lorsque celle-ci ne pouvait -ou ne voulait-
profonde des valeurs de la société islamo-maghrébine empêchait nombre de femmes de
vivre ouvertement en relation concubinaire. L
qui ne saurait être dépassée s
à la sanction d et à son jugement.
3 4
première sourate du Coran (la fatiha ) en présence de la famille
permet de « cérémonialiser
groupe. I
concubinage au regard du droit français, et tombe sous le coup de la loi pénale au Maroc et
ne crée pas de
mais les -à-dire à
habil
».
403. Malgré une forte volonté des États maghrébins à identité
nationale de leurs ressortissants. En droit international privé, la règle de conflit de lois
applicable au statut personnel des binationaux 5 a une incidence directe sur leur sentiment
une règle de droit

1
D. GUTMANN, , op. cit., p. 372.
2
S. RADI, « Mariage religieux et concubinage chez les musulmans de Marseille », Anthropologie de
, G. BOËTSCH, J.-N. FERRIE (dir. de)
arabe et musulman, coll. « », 1992, pp. 43-47.
3
RADI, à « connecter le mode de vie
française aux obligations de la société arabo-musulmane, et permet aux femmes de mon enquête de vivre selon
le mode de vie qui leur plait sans perdre leur appartenance identitaire. Il exprime circonstanciellement leur statut
de musulmane
ersonnel de chacune des
femmes », en inscrivant, en douceur l
tradition pour sortir de la tradition ».
4
Cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5 ème éd., 2016, n° 236, p. 160. Les auteurs
soulignent que de telles unions sont célébrées en violation du droit français et ne constituent pas des mariages.
Néanmoins, si une promesse de mariage y est jointe, la rupture entraîne la condamnation à des dommages-
intérêts.
5
V. en ce sens : M. CHARFI, ligion dans le droit international privé des pays musulmans,
Rec. Cours La Haye, 1987, t. 203, p. 329 et s. ; J. DEPREZ, Droit international privé et conflits de civilisation,
Rec. Cours La Haye, 1988, IV, 19.

365
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

bilatérale qui acité des personnes en matière de statut


La vocation « recognitive » de la règle de
1
conflit de lois permet La
vocation « intégrative » de cette même règle traduit à
2
la société française. Difficiles à mettre en pratique, ces « vocations contradictoires » sont
3
« de conserver aux personnes les principes
fondamentaux de leur identité nationale » compte tenu de «
personnelles et familiales existant entre les ressortissants des deux États »4. Ainsi que le
souligne Monsieur le professeur Paul DECROUX au sujet de la convention franco-
marocaine, o le texte ne donne

u
moins à la fantaisie des partenaires, admise de nos jours dans le monde occidental, où le
terme concubins a presque disparu, remplacé par la formule personnes vivant
maritalement -à-dire comme des époux »5 il faille conserver aux

au
-mêmes, des îlots étrangers de même
6
» . La fonction intégrative de la loi cède alors au
profit de sa fonction recognitive, davantage réceptive à la personnalité des statuts et aux
éléments de rattachement qui en découlent tels que la nationalité et, à plus forte raison, la

lui reconnaît . Le
procédé est ensuite con

auteurs ou, lorsq

1
D. GUTMANN, op. cit., p. 373 et s.
2

V. infra, n° 411.
3
Dans le cas du Maroc, la volonté de feu sa Majesté le roi HASSAN

française contre toute intégration des marocains en France.


4
P. DECROUX, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la
famille et à la coopération judiciaire », JDI, 1985, p. 51.
5
P. DECROUX, art. precit., p. 50.
6
Ibid., p. 51.

366
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

reflètent pas son vécu1. Ainsi que le souligne Madame Georgette SALAME, « le droit à la
différence se transforme alors en obligation à la différence »2.
Force est de du droit international privé de la famille
favorise de plus en plus la fonction intégrative de la loi et le principe de territorialité, qui
fait la place large au critère de rattachement a
mariage au profit des personnes de même sexe accentue cette dimension intégrative, et
constitue un exemple topique de rattachement forcé de conflit de
lois qui

§2) L homosexuelle au-delà des frontières françaises

404. Une exportation indirecte. La récente affaire du mariage franco-marocain3 est


A). Son
admission soulève néanmoins certaines problématiq er
(B).

A) controversée du mariage homosexuel franco-marocain

405. Applicabilité de la loi personnelle marocaine.


mariage entre personnes de même sexe a constitué o
sociétale et juridique, celle- avec la décision, impatiemment
attendue de la Cour de cassation, relative au mariage entre un français et une personne de
même sexe étrangère dont la loi personnelle interdit un tel mariage.
erture du « mariage pour tous » à la Cour de
4
cassation , de se ordre p une loi
1
étrangère prohibant le mariage entre personnes de même sexe.

1
Monsieur GUTMANN préconise al
de conflit de loi à vocation « pluraliste », dépassant ainsi «
recognitive » qui se révèle être une situation impossible pour le migrant, tantôt amené à renoncer à sa loi

part non négligeable


GUTMANN, op. cit.,
p. 392-393.
2
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé de la famille, une perspective post-moderne,
Marseille, PUAM, 2006, p. 384, spec. n° 618.
3
Sur cette affaire, V. I. BARRIERE-BROUSSE, « Le mariage franco-marocain ou le choc des civilisations », in Le
, Institut Famille&République, 2016, pp. 53-71.
4
A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions du droit musulman », JDI, 2003, pp. 721-765. V. aussi : M.-
C. FOBLETS, « Le statut personnel musulman devant les tribunaux en Europe. Une reconnaissance

367
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

, les conditions de fond du mariage sont régies


par la loi nationale respective de chaque futur époux. en cause un
ressortissant de nationalité marocaine, la convention franco-marocaine du 10 août 1981
Son article 5 affirme que « les conditions de fond du mariage
telles que âge matrimonial et le consentement, de même que les empêchements,
notamment ceux résu alliance, sont régies pour chacun des
futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité ». Il en résulte que la
loi marocaine ne reconnaissant pas le mariage entre personnes de même sexe devait
l article 202-1 du Code civil, issu de la rédaction de la loi du 17
mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe dispose que « deux personnes de
même sexe peuvent contracter m elles, soit sa loi
État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence
le permet ». Or, le futur ép
la loi applicable au litige. Serait-ce la disposition du Code civil qui permet à une personne

person -ce la supériorité de la convention bilatérale, en vertu


, qui devait primer ? La réponse à cette question appelle
une considération des intentions qui ont présidé tant à la mise en place de la convention
franco- -1 Code civil.
406. Des intérêts contradictoires à trancher. La volonté exprimée par le législateur
à travers les dispositions de l article 202-1 du Code civil est de faire bénéficier le plus
grand nombre mariage homosexuel. En tant que liberté, le
mariage ne saurait être entravé par la puissance publique. Interdire la célébration un
mariage avec un étranger porte atteinte tant à la liberté au mariage du ressortissant étranger
e du national. Intolérable, une telle atteinte ne saurait être et, si
à coup sûr.
Néanmoins, la France en 1981, a signé en accord avec le Maroc une convention afin « de
conserver aux personnes les principes fondamentaux de leur identité nationale » compte
tenu de «
ressortissants des deux États ». La convention bilatérale constitue donc un outil permettant
de déroger au droit commun applicable en France, en permettant à une loi étrangère de

conditionnelle », droit français et de droit comparé),


J. POUSSON-PETIT (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 935-972.
1
H. FULCHIRON, « », D., 2015, p 464. V. aussi
même auteur, « Le mariage pour tous en droit international privé : le législateur à la peine... », JCP, G, 2012,
p. 1317 ; même auteur : « Le mariage entre personnes de même sexe en droit international privé au lendemain de
la reconnaissance du JDI, 2013, doctr. 9; A. BOICHE, « Aspects de droit international
privé », dossier « mariage : la réforme ! », AJ fam., 2013, p. 362 ; P. HAMMJE Mariage pour tous
international privé », Rev. crit. DIP, 2013, p. 773; S. GODECHOT-PATRIS, J. GUILLAUME, « La loi n° 2013-404
du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe : perspective de droit international privé », D.,
2013, p. 1756; A. PANET, « Le mariage homosexuel international en France : célébration et reconnaissance »,
Rev. dr. fam., 2013, dossier 29; D. BUREAU, « aune de la diversité. Les relations privées
internationales », in Mélanges B. AUDIT, Paris, LGDJ, 2014, pp. 155-184.

368
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

trouver application en dehors des frontières de son État. Une fois mises en balance les
intentions des uns et des autres, quel était ? La
préservation de la liberté au mariage, et à plus forte raison la diffusion du mariage
homosexuel au-delà des frontières françaises constitue-t-elle un objectif légitime
rvation aux nationaux les
principes fondamentaux de leur identité nationale » ?
407. -
1
marocain. ,
2
confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance . Les premiers juges ont
« en modifiant simultanément le droit matériel applicable au
mariage (C. civ., art. 143 nouveau) et la règle de conflit de lois applicable au mariage
comportant un élément d'extranéité (C. civ., art. 202-1, al. 2), la loi du 17 mai 2013 a
implicitemen ordre public international français (...) ».
Arguant de la supériorité des conventions bilatérales sur la loi, le pourvoi formé par
avocat général est rejeté par la Cour de cassation3. Procédant par substitution de motifs, la
Haute juridiction considère article 5 de la convention franco-marocaine
du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération
judiciaire, les conditions de fond du mariage telles que les empêchements sont régies pour
chacun des futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité, son
article un des deux États désignés par la convention peut être
éc autre État si elle est manifestement incompatible avec
ordre public ; tel est le cas de la oppose au mariage de
personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l elles, soit la loi personnelle,
État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».
affirme donc que la loi ma ordre public international
français car elle interdit à une personne qui devrait pouvoir se marier, de le faire, selon la
règle française de conflit. -marocaine
prévoie incompatibilité manifeste de
4
la l ordre public du for , la Cour de cassation adopte une
interprétation fort stricte de cette disposition. Pour Monsieur le professeur Pascal PUIG, le
1
CA Chambéry, 22 oct. 2013, n° 13/02258, D., 2013, 2464; même revue, 2576, entretien H. FULCHIRON; ibid.,
2014, 1059, obs. H. GAUDEMET-TALLON et F. JAULT-SESEKE; même revue, 1342, obs. J.-J. LEMOULAND et D.
VIGNEAU; AJ fam., 2013, obs. A. BOICHE, p. 720; RTD civ., 2014, 89, obs. J. HAUSER; JCP, G, 2013, 1159, obs.
A. DEVERS; même revue, 1233, obs. F. BOULANGER; Rev. dr. fam., 2013, comm. 158, obs. J.-R. BINET.
2
TGI Chambéry, ch. civ., 11 oct. 2013, n° 13/01631.
3
Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, n° 13-50.059, Dalloz Actu., 2015, obs. R. MESA; D., 2015, 464, obs. I.
GALLMEISTER ; AJ fam., 2015, point de vue B. HAFTEL, p. 71; Gaz. pal., 5 févr. 2015, n° 36, avis J.-D.
SARCELET, p. 11. Depuis, la position de la Cour de cassation a été reprise -serbe qui
au mariage entre personnes de même sexe : CA Reims, ch. civ., 2ème sect., 29 janv. 2016, n° 15/00088,
JCP, G, 2016, n° 9-10, J.-M. DESPAQUIS, 268.
4

er un non-musulman. En ce sens : CA Paris, 9 juin 1995,


n° 94.3204; JCP, G, I, 1996, 3946, n° 1, M. FARGE; D., 1996, somm. p. 171, B. AUDIT.

369
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« tour de passe-passe afin de


sans heurter la hiérarchie des normes « dissimule derrière un simple
rideau de fumée la ratio decidendi arrêt »1
Il
convention, en accommodant les nouveaux choix du législateur français. Il est également
vrai que les conventions que la France conclut e
ordre public, et la jurisprudence française en matière de répudiation en
témoigne. Or, la décision de la Cour de cassation
2
L mariage
pour tous » avait permis de croire que la règle e 202 -1 du Code civil ne
un des futurs conjoints un pays qui
mariage homosexuel et, à plus forte raison, lorsque cet État a conclu avec la France une
convention en matière de statut personnel. L
de laquelle le mariage entre personnes de même sexe constitue désormais une composante
étonne encore plus. Si
personnes de même sexe doit inf excepti ordre public
international, la logique -conformément aux déclarations de la Chancellerie- aurait

achement à cette réforme sociétale soit tellement fort que la Cour de cassation elle-

rappeler avec fermeté sa conception du mariage, afin de tirer toutes les conséquences que
le législateur français a attachées à la liberté du mariage en tant que droit fondamental.
Enfin
-ci, « la Cour de cassation rappelle
que le mariage est États.
Dès lors, elle considère que la loi du pays étrange une des
conditions suivantes est remplie : il existe un rattachement du futur époux étranger à la
France (dans cette affaire, le ressortissant marocain État
avec lequel autorise pas le mariage entre personnes de
même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle. La solution de la Cour respecte
égalité entre les personnes de nationalité marocaine et les autres ressortissants
auxquels le code civil permet de se marier en France, avec un époux de même sexe ».
Censé éclairer, le communiqué3 jette davantage le trouble sur ce que la communauté
scientifique a pu considérer comme « un communiqué relatif à une autre décision ».

1
P. PUIG, « », RTD civ., 2015, p. 91.
2
Circulaire de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe,
n° JUSC1312445C, du 29 mai 2013, BOMJ n° 2013-05, 31 mai 2013, p. 4. V. sur cette circulaire : C. BIDAUD-
GARON, « Mariage pour tous : la circulaire ! », JCP, G, 2013, aperçu rapide, 729; H. FULCHIRON, « Le mariage
pour tous ou presque », D., 2013, p. 1969 ; JCP, G, 2013, act. 729.
3
P. DEUMIER, « Les communiq une sour
interprétation », RTD civ., 2006, 510.

370
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Abstraite et générale, la formulation de la Cour de cassation est on ne peut plus claire.


Pourtant, le communiqué semble ajouter une condition en exigeant un lien de proximité
avec la France. De la même manière, écarter la loi personnelle du futur époux lorsque
« État avec lequel autorise pas le mariage entre personnes
de même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle » appelle une précision sur ce
« un rejet universel » du mariage homosexuel. La position de
mariage pour tous », pourrait-elle être considérée comme
co rejet universel ?

B) Les conséquences en droit international privé

1
408. , instrument de défense ne politique législative. À
»2, et traduit « la
énéral sur les intérêts particuliers »3
4
, textuel soit-il ou virtuel5.
Ceci dit, aussi louable puisse être sa fonction, la mise en oeuvre
public6 est perturbatrice du jeu normal de la règle de conflit. Notion à contenu variable7,
son usage devrait être strictement limité à la préservation des droits fondamentaux de la
personne8, car la notion porte en son germe un risque de totalitarisme1. elle repose

1
V. sur cette notion le rapport annuel de la Cour de cassation, , 2013, La Documentation
française. V. aussi : M.-C. VINCENT-LEGOUX, , Paris, PUF, 2001.
2
P. CATALA, « », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à Pierre DRAI,
Paris, Dalloz, 2000, p. 511, spec. n° 1.
3
P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Paris, Defrénois, 7ème éd., 2015, p. 325, spec. n°
646 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2013, p. 418-419,
spec. n° 372-373.
4
H. BATIFFOL, P. LAGARDE, Droit international privé, Paris, LGDJ, 6ème éd., 1974, t. 1, p. 448; V. aussi
P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 11ème éd., 2014,
p. 152, spec. n° 205-206.
5
Monsieur le professeur CATALA
public virtuel qui procède du juge. P. CATALA, « », art. precit., p. 518-519, spec.
n° 12.
6
Sur cette question, V. J. FOYER, « ordre public international depuis
la thèse de Paul Lagarde », honneur de Paul Lagarde, Paris, Dalloz, 2005, p. 285, spéc.
pp. 292-294.
7
J. GHESTIN, « », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 77-97.
8
idée d homme, bien que critiquée, peut paraître une alternative
qui serait propre au droit international
amentaux, afin de
et de communication des systèmes entre eux. Le contenu très hétérogène

Hélène GAUDEMET-TALLON, homme impérativité


renforcée », et les droits « moins absolus » car dérivés des droits fondamentaux originaires, dont la protection
pourrait être atténuée.

371
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sur des critères de proximité2 ordre juridique français, l


répond parfaitement à exigence de sauvegarde des valeurs nationales. Témoigne de cette
ligne de conduite arrêt LATOUZ3 -notamment en matière de filiation-
la Cour de cassation a apprécié la proximité4 avec ue français afin

cohérence a permis de repousser les répudiations de droit islamique5, jugées contraire à


ordre public international un des époux est de nationalité française ou a sa
6
résidence habituelle en France .
donc en un mécanisme interne de protection des droits subjectifs des individus7.
409. Ordre public et cohérence des relations privées internationales. Le souci de
semble avoir davantage guidé la Haute juridiction dans sa
décision que le souci de cohérence. Pourtant, bien que le souci d
«
»8.
rapportée, loin de protéger un droit fondamental , permet
au juge de protéger une politique législative en plaçant « les règles du droit international
tion de ces
9
dernières qui dicte le rattachement » . Or, le mariage au profit des personnes de même sexe

1
B. FAUVARQUE-COSSON, « e public », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-2004),
Paris, Dalloz, 2004, p. 474.
2

3
Cass. civ. 1ère, 10 févr. 1993, n° 89-21.997, D., 1994. 66, note J. MASSIP; même revue, 32, obs. E. KERCKHOVE;
Rev. crit. DIP, 1993, 620, note J. FOYER; JDI, 1994, 124, note I. BARRIERE-BROUSSE. Plus récemment, la
décision est toujours de mise : Cass. civ. 1ère, 10 mai 2006, n° 05-10.299 ; Bull. civ., I, 2006, n° 226; JCP, G, II,
2006, 10165, note T. AZZI.
4
En ce sens, V. J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de proximité : quelle
rationalité dans le choix du juge ? », in Le droit entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de
Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, pp. 295-310.
5
R. EL HUSSEINI-BEGDACHE, Le droit international privé français et la répudiation de droit islamique, Paris,
LGDJ, 2002.
6
Cass. civ. 1ère, 17 févr. 2004, n° 02-11.618; Bull. civ., 2004, I, n° 48; JCP, G, 2004, II, 10128, note
H. FULCHIRON.
7

couvert de tolérance et de bienveillance, Monsieur ZAHER


découle et qui co
cache davantage de « », voire du « mépris », car il « conduit à abandonner à un sort que le for lui-
même juge profondément inique ou dégradant tous ceux qui ne peuvent faire valoir aucun titre (la nationalité, le
domicile...) qui justifierait de les traiter comme des êtres civilisés ». Cf. K. ZAHER, Conflit de civilisations et
droit international privé
bonnes intentions car il «

accommoder de telles variations ». Pour Monsieur ZAHER, « un principe est fondamental aux yeux du for ou ne
». Cf. p. 272, spec. n° 390 et 391.
8
J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de proximité : quelle rationalité dans le
choix du juge ? », art. precit., p. 298.
9
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisations, Relations entre
systèmes laïques et systèmes religieux, Paris, Dalloz, 2005, pp. 99-100, spec. n° 104.

372
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

« accède au rang de valeur intangible de la société française au moment même où il voit le


jour »1. Ainsi que le souligne Monsieur le professeur LIBCHABER, « encore faut-il que la
une union strictement hétérosexuelle nous soit devenue aussi détestable que
le mariage polygamique, par exemple »2. explique
c ordre public international « précisément parce que le législateur a voulu
est pas acceptée sans résistance (et) que le juge doit oeuvrer
pour que son respect soit général »3. Or, ce « travestissement inopiné »4 cache mal son
au refus de la Cour de cassation de reconnaître des effets à

vigueur du « mariage pour tous »5 international français et les


principes essentiels du droit français. « une certaine maturation des
principes est g ils puissent se réclamer des fondements
politiques et sociaux de la civilisation française ». La présupposée maturation du mariage
entre personnes de même sexe, outre son caractère quelque peu artificiel, peine à
convaincre du point de vue juridique6, et laisse perplexe du point de vue du droit
international conventionnel.
410. convention franco-marocaine.
sujet du mariage entre personnes de même sexe, ni le Conseil constitutionnel7, ni la Cour
8

droit fondamental -faute de consensus au niveau européen sur cette question.

1
L. GANNAGE, « : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane »,
JCP, G, 2015, mars, n° 12, p. 318.
2
R. LIBCHABER, « Le complexe de la Castafiore », D., 2015, p.
ainsi : « -t-il pas une certaine déraison à exemplarité de notre
droit ? Comment la solu au 17 mai 2013 nous serait-elle devenue odieuse, alors
elle une partie de la population ? Et puis, en sommes-nous si fiers que nous
appliquer de vive force contre les conceptions des autres, une
mission sa occurrence, fallait-il vraiment imposer notre loi à un pays avec lequel
nous avions signé une convention bilatérale, qui exprime un respect mutuel que nous bafouons aussitôt ? »,
tandis que pour Monsieur le professeur Pascal PUIG,
la France en cause sur la scène internationale. P. PUIG, « », RTD civ., 2015,
p. 91.
3
P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, op. cit., spec. n° 205.
4
GANNAGE in « : le mariage
pour tous face aux systèmes de tradition musulmane », art. precit.
5
Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 11-30.261; Bull. civ., I, 2012, n° 125; JCP, G, 2012, act. 728, obs. A. DEVERS;
JCP, G, 2012, 857, F. CHENEDE; Rev. crit. DIP, 2013, note L. GANNAGE, p. 587 et s..
6
Madame GUILLAUME explique que « la prise en compte de la nature des intérêts soulève immanquablement la
» et leur hiérarchisation (outre les difficultés liées à leur identification), ce

». J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de


proximité : quelle rationalité dans le choix du juge ? », art. precit., p. 305, spec. n° 23.
7
Cons. const., QPC, 28 janv. 2011, n° 2010-92.
8
CEDH, 24 juin 2010, req. n° 30141/04, Schalk, Kopf c/ Autriche
: CEDH, gde ch., 16 juill. 2014,
n° 37359/09, Hämäläinen c/ Finlande, Rev. dr. fam., 2015, n° 1, comm. 1, J.-R. BINET.

373
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

pourquoi la neutralisation de la convention bilatérale, si elle était fondée au sujet des


Le contexte dans lequel
-marocain pourrait être de nature à
éclairer le propos. Les relations diplomatiques des deux pays connaissaient « certaines
difficultés dues à la conjonction de plusieurs incidents isolés »1. Néanmoins, trois jours
arrêt rapporté et un an après la suspension par le Maroc de leur coopération
judiciaire, les deux pays annoncent son rétablissement2. La question se pose donc quant à
3
, régulièrement neutralisé4, et que le Maroc lui-même
semblerait abandonner. Si toute révision de cette convention est tributaire une volonté
politique, celle-
sous le règne de feu sa majesté le roi HASSAN II. Or, i pas certain
5
ait la même force . Est- Royaume du
Maroc, ce dernier renoncerait à son objectif de conservation à ses nationaux des principes
fondamentaux de leur identité nationale ? Ou convient-il alors de se demander si
-musulmanes propres à la société marocaine aurait opéré
e double culture,
e
juridique ? Si tel était le cas, ne serait-il pas t
6
? Tant la multiplication des
relations familiales mixtes -dans un contexte de mondialisation et de mobilité7- que
le du droit international privé tendent à un rattachement fréquent à la loi
du dernier domicile8, ce qui éviction - ?1-
totale de ladite convention.

1
Rép. min. n° 07310, J.O, Sénat, 17 juill. 2014, p. 1719; Rép. min. n° 12372, J.O, Sénat, 31 juil. 2014, p. 1813.
2
Cf. lemonde.fr, 31 janv. 2015, « La France et le Maroc rétablissent leur coopération judiciaire ».
3
Il a pu être relevé que « le
ation - - une loi qui le rendrait pratiquement inopérant. Il doit leur interdire pareillement
user de mécanismes correcteurs quand ceux-ci sont susceptibl ». Cf. M.-L.
NIBOYET-HOEGY, « La mise en oeuvre du droit international privé conventionnel », in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs ? honneur de Roger PERROT, Dalloz, 1996, p. 313.
4
Cf. supra 170 et s.
5
on telle que réformée en 2011 dispose que : « Le Royaume du Maroc
oeuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyennes et des citoyens marocains résidant à
les
maintien et au développement de leurs liens humains, notamment culturels, avec le Royaume et à la préservation
de leur identité nationale. Il veille au renforcement de leur contribution au développement de leur patrie, le
gouvernements et les sociétés des pays où
ils résident ou dont ils sont aussi citoyens ».
6
Cf. G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, Marseille,
PUAM, 2006, spec. pp. 380-385.
7
SALAME, Le devenir de la famille en droit international
privé, une perspective post-moderne, op. cit., p. 381, spec. n° 611.
8
Monsieur le professeur Bernard AUDIT évoque à cet égard de « la loi du moment », forme nouvelle et dégradée
de la loi personnelle : B. AUDIT, « Les avatars de la loi personnelle en droit international privé contemporain »,

374
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

411.
lois ? Dans ce contexte, il conviendrait de réfléchir à un modèle de règlement du conflit de
lois
compte . Recognitive soit-elle ou intégrative, la
vocation de la règle de conflit ne semble pas donner satisfaction. Une double vocation de

cette thèse, Monsieur GUTMANN ne nie la valeur du

comme un être à définir en


»2.
L déterminerait lui-même le système dont il se sentirait le plus proche,
ne jouant que comme limite au plein effet de sa
volonté individuelle. À défaut de volonté exprimée, le paramètre temps déterminera la loi
compétente au conflit. Plus le temps écoulé est sera supposée
e la résidence habituelle. Réfutant cette thèse, Madame
SALAME opte pour une approche in abstracto3 en privilégiant le maintien, dans un premier
temps, des repères identitaires lors de son arrivée sur le
territoire français. P à une meilleure
Anticipant «
» , Madame SALAME le limite pourtant dans le temps5. Si elle
4

privilégie, à GUTMANN, la dimension volontaire dans le processus


parce que appelé à renoncer progressivement et

in Le monde du droit cques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 70. Cf. L. RASS,
Les fondements du droit international privé européen de la famille, Thèse, Paris 2, 2015.
1
V. dans le même sens, la position de Madame J. POUSSON-PETIT (dir. de), Les droits maghrébins des personnes

raidissement du droit français face à certaines institutions.


2
D. GUTMANN, , op. cit., p. 386, spec.
n° 463.
3
Ibid., p. 392, spec. n° 633.
4
Ibid., p. 392, spec. n° 633.
5

« honorabilité
ansformant et diversifiant le paysage familial
interne « sans pour autant juxtaposer définitivement des modèles parfois antagonistes ». Cf. G. SALAME, Le
devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit., p. 393, spec. n° 637.
Madame Marie-Claude NAJM

la situation juridique. Une telle adaptation conduirait nécessairement à privilégier la loi du for
absorbante », au détriment de la lex fori
Madame SALAME laisse la possibilité -même temporairement- à la lex fori
-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de
civilisations. Relations entre systèmes laïques et systèmes religieux, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque
de thèses », 2005, p. 347, spec. 355 et s.

375
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

par lui-
d »1. acculturation attendue nécessite néanmoins une
certaine «

identité dans une continuité - - appelée à évoluer au gré des incitations


2
intégratives . Ici encore, le temps «
3
» . Pour autant, le règlement du conflit de lois ne saurait
être abandonné au libre choix - -, mais doit être
4
a situation objective .
ité étrangère, résidant de manière continue et permanente
sur le territoire français, à qui la loi à vocation intégrative serait bienvenue.
non résidant ne pourrait en bénéficier au risque de procéder à une
« emprise illégitime », sans intérêt pour son bénéficiaire sauf à favoriser les situations de
fraude, en lui permettant de se soustraire à un statut personnel prohibitif5 en contrevenant à

Si la double vocation de la règle de conflit de lois semble plébiscitée par les deux auteurs,
Monsieur GUTMANN est davantage attaché à un multiculturel dont
la volonté individuelle déciderait, tandis que Madame SALAME propose une combinaison
obligatoire des deux vocations dans le temps. Cette combinaison ne pourrait cependant se
réaliser que « dans une formule dont la malléabilité et la souplesse exprimeraient la
»6,
7
et qui suppose une attention particulière à la psycho- . La mise en
place le critère de rattachement serait la
nationalité, domicile séduit -
ationniste expressément
affiché. S néanmoins tributaire des interventions
international lequel, intempestivement utilisé, constitue

commande de se rallier à la politique assimilationniste telle que suggérée par Madame

1
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 380, spec. n° 609.
2
Il va sans dire que, « pas possible de troquer sans cesse son identité pour

État ne peut se construire autour de la compartimentation de cultures par trop diverses.


est plus complexe et plus mouvante ». Cf. G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une
perspective post-moderne, op. cit., p. 381, spec. n° 611.
3
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 389, spec. n° 625.
4
Ibid., p. 386, spec. n° 622.
5
Ibidem., spec. n° 623.
6
Ibidem., p. 392, spec. n° 634.
7
Ibidem., p. 392, spec. n° 634.

376
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

SALAME, la première ayant montré ses limites. P en tous cas, il semblerait bien
que
de manifester une tolérance quelconque au droit étranger incompatible avec les nouvelles
valeurs françaises.
412. La résurgence du conflit de civilisations1 ? La doctrine la plus optimiste
autrefois semble être résignée à accepter la réalité du fossé irréductible qui sépare les
systèmes européens de ceux de tradition islamique dans la
mariage et la famille. Pour Madame le professeur Léna GANNAGE, « en décidant,
immense majorité des législations de la planète, relatives au mariage,
hui potentiellement contraires aux principes essentiels du droit français, la
Cour de cassation aura eu au moins le mérite de ne pas céder à la tentation du relativisme
culturel »2. S une source de tensions
3
nouvelles et insurmontables » nce « édifiante » entre les
systèmes occidentaux et ceux de tradition musulmane. Pessimiste mais profondément
empreinte de réalisme, cette affirmation profile derrière elle le risque de cloisonnement des
ordres juridiques et de multiplication de situations boiteuses 4. me de penser
que les réformes entreprises dans les droits de la famille des pays du Maghreb pouvaient
conduire à fonder une communauté de valeurs5 et contribuer à favoriser un certain
rapprochement des systèmes au-delà des différences culturelles, cette décision creuse le
fossé qui sépare le système de tradition islamique et le système européen

défensive du système de valeurs nationales pour adopter une attitude offensive, elle met en

les mêmes valeurs, et contre laquelle un auteur avait déjà pu mettre en garde6. Si ce

1
Sur la notion même de conflit, V. notamment : K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé,
Logiques juridiques », 2009. HUNTINGTON
relative au choc des civilisations. Cf. S. P HUNTINGTON, Le choc des civilisations, trad. Française, Paris, éd. O.
Jacob, 2000. Pour Monsieur ZAHER, la thèse de Monsieur HUNTINGTON
« massification » laquelle «
intellectuelle » en réduisant « : . Comme si

serait impossible ». Spec. n° 13, p. 21. J. DEPREZ, « Droit international privé et conflit de civilisations », Rec.
Cours Acad. La Haye, 1988, IV, 19.
2
L. GANNAGE, « : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane »,
JCP, G, 2015, mars, n° 12, p. 318 ; V. aussi, même auteur : « Le
méditerranéen », RIDC, 2006, n° 1, pp. 101-116.
3
L. GANNAGE, « : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane », art.
precit.
4
Sur les mariages boiteux, cf. I. FADLALLAH, La famille légitime en droit international privé (Le domaine de la
loi applicable aux effets du mariage), Paris, Dalloz, 1977, pp. 27-47.
5
ZAHER, « Plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains »,
Rev. crit. DIP, 2010, p. 313 et s.
6
B. FAUVARQUE-COSSON, « », art. precit., p. 474. Monsieur le professeur A. MEZGHANI parle lui

que Madame Georgette SALAME évoque une « intégration oppressive » qui conduit à retenir la loi du domicile.

377
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déséquilibre de traitement entre la loi nationale et les lois étrangères ne semble pas
nouveau, Monsieur le professeur Bernard AUDIT souligne que celui-ci est «
part, à la situation particulière de chaque État au regard des migrations de population,
ulière des questions

droits
1
fondamentaux » .

A. MEZGHANI, « Détermination de la loi applicable et conflit des civilisations en droit international privé de la
famille », in Le débat juridique
MAHIOU, Y. BENACHOUR, J.-R. HENRY, R. MEHDI (réun. par), Paris, éd. Publisud-IREMAM, 2009, p. 26 ;
V. aussi G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 384, spec. n° 618.
1
B. AUDIT, « Les avatars de la loi personnelle en droit international privé contemporain », in Le monde du droit,
FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 70.

378
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 2. La protection du modèle familial islamique,

413. Une exportation possible.


§1) que du
contenu (§2) constitueront des variables révélatrices du degré de compatibilité ou

§1) Une exportation du contenant

414. Le phénomène de codification. Sans reprendre les vertus liées au processus


même de codification1 acte de souveraineté dont le but est
2
(A). Si le Code civil français a été un instrument de
la réforme du Code marocain
de la famille se présente -musulman tel un exemple de
réforme réussi
tradition et modernité (B).

A) Le Code civil français, modèle de codification imposé

415. droit des obligations. Les liens tissés par la France - de gré ou
de force- tres États ont permis
parcellaire du
droit français a permis de transférer une partie seulement du système de droit français3. La
matière du statut personnel relevant exclusivement de la charia islamique au moment des
protectorats marocain et tunisien, cette partie du droit demeur

1
V. supra, n° 91-92.
2
J.-P. DUNAND, « Entre tradition et innovation. Analyse historique du concept de code », in Le Code civil
français dans le droit européen, J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Bruxelles, Bruyant, 2005, p. 23.
3
amment en droit international privé. Monsieur le professeur Ali
MEZGHANI explique que pendant la période coloniale, les droits religieux étaient maintenus selon le principe de
t de lois «
». Selon nous, le contact entre

per
-
sur la scène internationale, permettant la prise en charge des relations internationales de droit privé. V. en ce
sens : A. MEZGHANI, « Détermination de la loi applicable et conflit des civilisations en droit international privé
de la famille », in Le débat juridique au Maghreb, de , op.cit., pp. 23-38.

379
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

française1. Seul le droit des obligations constitua le terrain de prédilection à la réception


par le droit civil musulman du droit européen2.
416. codification du droit des obligations au Maghreb. Pour
Monsieur le professeur Joël MONEGER, « il ne suffit pas de milliers de cimetières ou de
fusils pour instaurer ou maintenir un droit, pour fonder une civilisation, il faut le

faut des juristes »3. La rédaction du Code des obligations et des contrats en Tunisie4
. Fin connaisseur du droit musulman classique et
des droits continentaux européens, David SANTILLANA adopte une véritable démarche
comparative -des deux systèmes italien et tunisien- conjuguée à une approche consultative
des destinataires de la norme. Tout au long du processus, le rédacteur du code
la conformité des textes dont il a la charge aux principes du droit musulman classique
auquel il reprend certaines institutions, « tout en écrivant selon les modes français les
articles dont le contenu est a-islamique »5
« faire appel au code allemand et au droit italien chaque fois que la norme paraît plus
moderne et plus adaptée »6. Extraordinaire aventure juridique7 de réappropriation, elle a su
allier «
».
Cette démarche de réappropriation du droit européen trouvera un écho particulier après
8
. Bien que le Code civil français y perdurera une dizaine
il sera remplacé signe de rupture avec le passé juridique
de la période coloniale- par le Code des obligations et des contrats en 1975. Or,
9
l que les fondements et les méthodes du nouveau Code

1
Comme le souligne Monsieur le professeur MONEGER, les français « ne sont cependant pas aveugles, ni
ignorants. Ils savent que la maîtrise des lieux ne peut se faire sans le respect des institutions locales
fondamentales ». Cf. J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des
droits civils musulman et européens des obligations », in Le Code civil français et le dialogue des cultures
juridiques, Colloque de Beyrouth, 3, 4
-Joseph, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 177.
2
J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des droits civils musulman
et européens des obligations », in Le Code civil français et le dialogue des cultures juridiques, op. cit., pp. 173-
184.
3
Ibid., p. 176.
4
S. DEROUICHE-BEN ACHOUR, « Rapport Tunisie », in La circulation du modèle juridique français, Travaux de
CAPITANT, Litec, 1993, pp. 283-300.
5
J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des droits civils musulman
et européens des obligations », art. precit., p. 178.
6
Ibidem., p.178.
7
Pour r MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de
la symbiose des droits civils musulman et européens des obligations », art. precit., p. 178.
8
M. ISSAD, N. SAADI, « Rapport Algérie », in La circulation du modèle juridique français, op. cit., pp. 221-234.
9

380
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

demeurent français, le tout islamisé dique


malékite.
Au Maroc1, le droit des obligations et des contrats (DOC)
travail de comparaison2. Préparé dans la hâte à Rabat puis affiné à Paris en moins de deux
ans3, sa promulgation le bénéficié de la ferveur de la population
locale.
les juges franco- -
notamment en droit de la responsabilité civile- après avoir
Protectorat pour son éviction4. Or, coexistait parallèlement à ce nouveau système le droit
musulman local, avec la survivance des tribunaux charaiques (du terme charia) toujours
compétents pour trancher les litiges selon le droit musulman des contrats. Contesté, un tel
pluralisme cédera la place en 1965 à la décision de feu le roi HASSAN II
et de supprimer les
tribunaux charaïques ridiction unique. La symbiose finit par faire place à
la conjonction des droits se droit des
5
obligations et des contrats » .
417. Le possible dialogue juridique. droit des obligations est
révélatrice
juridiques de systèmes différents. Avec Monsieur le professeur MONEGER,
« par-delà les différences de langues, de croyances ou du moins de
expression de celles-
-ci aux ressemblances il y a peu.
Il faut retrouver dans la langue des sédiments différents sécrétés par les arythmies des

exogène sur le corpus juridique endogène, les États du Maghreb se sont comportés comme
le prophète MUHAMMAD (saw) le recommande aux croyants. Garder ce qui est reçu

ou dans la formulation juridique des autres

1
A. KETTANI, « Rapport Maroc », in La circulation du modèle juridique français, op. cit., pp. 263-273.
2

créer un nouveau système juridique en parallèle du droit musulman malékite pour permettre aux investisseurs
Français et étrangers au
3

BERGE, à être appelé près du général LYAUTEY au Maroc -membre de la Commission SANTILLANA en Tunisie-

étrangers au Maroc.
4
Celui-ci était, pour les marocains, un Code fait pour les non-musulmans, alors que pour les étrangers et français
vivant au Maroc, celui-ci était une copie conforme au COC tunisien, et donc considéré comme étant fait pour les
ressortissants musulmans.
5
Ibidem., p. 183.

381
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

grande ouverte bab el ijtihad , sans présomption positive ou négative. Il faut relire IBN
RUSCHD dans la fermeture de la pensée. Cela est
vrai dans les pays du Maghreb comme dans les pays du nord de la méditerranée face aux
mutations du temps »1. Si cette phrase trouve une constante pertinence, elle relance le
débat récurrent dans le monde musulman, p la
nécessité de valoriser ijtihad.
2
418. L ijtihad . Pour Monsieur Bensallem HIMMICH,
ijtihad est «
l
religieuse des rapports socio-juridiques des musulmans », afin de « tempérer ou actualiser
»3. Si p rence humaine
dans la loi divine, il convient de rappeler que ,
4
a été appelé à user de son effort personnel . Défini généralement comme nel
- charia- ijtihad subit, lui aussi,
uence des mouvements rigoristes ou progressistes .
5
armi les sources du droit en Islam, que la dernière place ijtihad confère
pourtant à la règle de droit une extraordinaire plasticité qui la maintient ouverte à
ajustabilité »6 pourrai
imitée néanmoins par le souci de conformité à la
finalité islamique. Dans ce contexte, le pouv
ais bien de créer du droit là où la norme religieuse ne
7

ue « le droit musulman est par définition


pluraliste
ou non, des hommes. Les sociétés musulmanes sont pluralistes par nature. Elles se sont
développées en ppe demeurant u
1
Ibidem., p. 184.
2
Sur ce point, cf. supra, sur la consistance du message divin islamique, n° .
3
Sur ce point, cf. B. HIMMICH, , Rabat, éd. Marsam, 2006, p. 21.
4
Cette idée est à mettre en parallèle avec la fin de la Révélation en Islam, qui coïncide avec le décès du prophète
Mohammed.

clôture de la prophétie constitue un élément important. En ce sens : A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des
Lumières ? », ique, B. FEUILLET-LIGER,
P. PORTIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 170.
5
Après le Coran, la sunna (tradition du prophète), le qiyas ijmaâ (le
consensus).
6
. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? », in Droit,
Éthique et Religion, , B. FEUILLET-LIGER, P. PORTIER (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2012, p. 180.
7
Sur la question de la diversité des Codes du statut personnel dans le monde arabe, cf. La thèse de Madame
F. TOBICH, Les statuts personnels dans les Pays Arabes , Marseille, PUAM,
2008.

382
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

animent »1 la prescription
our conclure au cas
ll
». Dans ce contexte, le débat relatif à la fermeture des
2
ijtihad
lequel est par nature adaptation et créativité. Le réduire à un mimétisme répétitif et fermé
sur lui-même ne conduit pas moins à en ignorer les finalités et le sens profond, dont le but
est « s optimales pour le plein

q » Les prescriptions divines, contrairement à ce qui est


largement répandu, ne sont pas « des ordres à respecter mécaniquement, mais plutôt, et au

»3. ijtihad par le législateur marocain en 2004


éclaire sur la portée de la réforme, car il val
procédé propre au droit musulman, et non celui de la modernité occidentale.
aussi la preuve que « le droit musulman de la famille auquel se rattachent les codes
4
maghrébins (... rs du siècle », .

B) juridique propre

419. réforme. Dès avant sa promulgation, le Code marocain de la


famille eut un écho retentissant à travers le monde. Les craintes exprimées par la société
civile dès l enaien
intimement liée aux valeurs de la société arabo-musulmane, cristallise un certain nombre
de tabous dont la question récurrente du statut de la femme marocaine5 t, la
réforme entreprise intervenai
roi MOHAMMED VI. Jeune monarque -commandeur des croyants- affichant des allures
modernistes, légiférer sur une ques x lui permettait de mettre en
place la conception de la famille , en jetant les bases de sa
politique
mer . Cette

1
A. BOUHDIBA, art. precit., p. 182.
2
t) justifiant cette fermeture, cf. B. HIMMICH, Ijtihad, la
, op. cit., spec. p. 75 et s.
3
Ibid., p. 183.
4
S. JAHEL « », in La
place de la Char , S. JAHEL, Paris, éd. Panthéon-Assas, 2012,
p. 181.
5
N. ZARZAR, « Le statut des femmes, un éternel recommencement », Confluences méditerranées, Hors-série,
78.

383
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

même crainte a tout au long de la réforme, opposé les conservateurs -fervents défenseurs
de la traditionnelle famille arabo-musulmane- aux progressistes. Tout le défi était donc
er harmonieusement tradition et modernité, en imprimant à la réforme son « label
»1 dans la modernité. Les nombreux commentaires2 de la réforme témoignent de
dans un pays où les dispositions relatives au statut personnel
se réduisaient à une simple compilation (moudawana) des règles issues du droit musulman
ijtihad en matière familiale revêtait
moudawana en acceptant de
3
. Le succès de la réforme dans le monde musulman a
également été significatif, à tel enseigne que le Prix de la per 2015, de
la cohésion familiale et du soutien social a été décerné, le 19 avril 2015 Organisation
arabe de la famille au roi Mohamed VI, en signe de reconnaissance des efforts déployés
dans le domaine familial.

§2) Une exportation du contenu


4
420. L comme limite à
caractérise les législations familiales des pays arabo-musulmans, toute tentative

cadre régional du monde musulman5. Pour autant, les pays de tradition juridique islamique
se retrouvent incontestablement unis autour de la conception particulière des droits
fondamentaux, qui découle tant de ue de la
Déclarati égide de la
Conférence islamique. Entre autres éléments caractéristiques de ce système
y constitue une invariante commune (A) dont les contours religieux constituent autant

1
ssion de Madame le professeur Mariam MONJID,
la famille au Maghreb, Étude comparative : Maroc, Algérie, Tunisie
2
Entre autres commentaires : F. SAREHANE, « Le Code marocain de la famille », Gaz. Pal., sept.-oct. 2004, pp.
2792-2805 ; F. MONEGER, « Le Code de la famille marocain de 2004 devant la Cour de cassation », Rev. crit.
DIP, 2004, p. 249 ; A. ROUSSILLON, « Réforme de la Moudawana : statut et citoyenneté des marocaines », rev.
Maghreb-Machrek, n° 179; L. BUSKENS, « Le droit de la famille au Maroc », in Ordre public et droit musulman
de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2012, pp. 97-125 ; F. LAROCHE-GISEROT, « Le nouveau Code marocain de la famille : innovation ou
archaïsme ? », Rev. dr. inter. et dr. comparé, 2005, vol. 82, n° 4, pp. 335-
du nouveau Code sur les relations privées internationales, cf. : M.-C. FOBLETS, J.-Y. CARLIER, Le Code
marocain de la famille, incidences au regard du droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2005.
3
Ainsi que le souligne Madame TOBICH, «
publiquement dans le domaine réservé au statut personnel ». Cf. F. TOBICH, Les statuts personnels dans les Pays
Arabes , Marseille, PUAM, 2008, p. 66.
4
CAPITANT des amis de la culture juridique, Journées
libanaises, 1998, LGDJ, 2001 ; F. CADIET,
France/Espagne Logiques juridiques », 2005.
5
Pour de plus amples développements, cf. F. TOBICH, op. cit., pp. 215-235.

384
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

inenvisageable sans une réhabilitation de la place du donné


religieux (B).

A)

1
421.
, combinées au permettent de limiter -
selon la finalité du droit- reconnaît aux individus2. Outre
les systèmes juridiques occidental et islamique
veillent à
épanouissement, avec cette différence près que le second ne détache pas cette exigence de
la co préalable à la connaissance de Dieu. Dans ce
contexte, la détermination du contenu des fait
3
hiérarchique de la norme. ,
celles-ci permettent encore, dans les pays du Maghreb et dans le monde musulman, de
dessiner les contours d ordre public en accord avec les finalités de la charia. II est vrai
que le substantif « » renvoie à un comportement social bonnes », qui
lui est accolé, modèle de vie en société qui est proposé à tous, mais son
r sens varie selon
»4, qui fait
dire à Monsieur le professeur GHESTIN que «
ciables »5. L du
6
concept de norme sociale de conduite , encore très prégnant, se traduit
conduite jugée conforme par le groupe,
public ne sanctionne pas expressément le défaut mais le fait
en général via que la désapprobation du groupe
constitue une sanction bien plus grave que la sanction juridique.

1
V. sur cette notion : J. FOYER, « », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-
2004), Paris, Dalloz, coll. « Université Panthéon-Assas, 2004, pp. 495-513. Cf. aussi E. FRAGU, Des bonnes
nnelle. Essai critique sur le rôle de la dignité humaine, Thèse, Paris 2, 2015.
2
X. DIJON, La raison du corps, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et Religion », 2012, p. 31.
3
D. FENOUILLET, « ique », in Le droit privé
français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Paris, éd. Litec, 2000, p. 487-528.
4
J. FOYER, « », art. precit., pp. 495-496.
5
J. GHESTIN, « oit privé français », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 85.
6
Cf. supra, n° 257 et s.

385
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1-

422. Méconnaissance de . La controverse liée à la


dent ne retrouve pas la même résonance
1
en droit marocain exequatur
décision cont -à
- rdre public en tant que concept. Les juridictions
marocaines utilisent davantage ses composantes privilège de nationalité et privilège de
religion2-, et ne mobilise que dans les rapports
internes. S rnes
re public sera donc différent.
de protéger les fondements politiques et religieux de la société marocaine

par exemple, de soumettre la volonté des


3
.
Mohamed LOUKILI,
« de rencontrer une décision qui utilise le terme ordre public international ou ordre
public au sens du droit international privé, dans les procès internationaux relevant du droit

public tout c
incompatibles avec les principes ou les lois impératives du statut personnel musulman.
-à-dire au
sens »4. Pour

français établit au Maroc au profit de sa concubine, la Cour suprême marocaine, afin de


sanctionner de nullité le testament ainsi établit, retient comme motif de nullité la
5

incrimine les relations hors mariage. Une décision demeurée isolée de la chambre
administrative de la Cour suprême, mettant en cause un italien ayant effectué un legs au
profit de sa concubine au Maroc, avait permis aux juges de valider le legs en application du
droit italien, rendu applicable par la règle de conflit de lois. Perçue comme étant une

1
M. LOUKILI, « », Rev. dr. fam., 2015, sept., n° 38.
2
V. infra, n° 425 et 426.
3
Cf. art. 62 du DOC : «
».
4
M. LOUKILI, art. precit., p. 147.
5
Cour suprême, chambre civile, 14 sept. 1977, arrêt n° 512.

386
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

marocaine1.
423. La place du roi dans le système de justice. Au Maroc2, la justice est rendue au
nom du roi, Commandeur des croyants. Son pouvoir repose sur une légitimité religieuse,
qui trouve dans la descendance prophétique de la famille alaouite son fondement. En tant
que descendant du prophète, une certaine obéissance -présentée comme une sorte de
bénédiction- lui est due3. justice.
Un arrêt célèbre rendu le 20 mars 1970 par la chambre administrative de la Cour suprême a
précisé que « la fonction judiciaire
en premier lieu du chef des croyants » « le Roi exerce ses pouvoirs

comme une simple autorité administrative »4. Par conséquent le juge « doit tenir compte
dans ses décisions de certains principes et commandements de la loi religieuse (charia) qui
gouverne la vie de chaque Marocain musulman sur le plan du statut personnel et familial,
même quand il vit sur une terre étrangère ou quand il noue des relations avec un étranger
non musulman »5. La jurisprudence est parfois allée le juge prononçant
également musulman, et
6
applique les règles de droit marocain découlant de la charia . Le nouveau Code de la
exequatur des décisions étrangères dont
sement, abandonné ce « dérapage
7
judiciaire » .
424. la personnalité des lois et
celui de territorialité. La jurisprudence rendue pendant le protectorat français répondait
aux exigences et au contexte propres à cette période. Pourtant, certains mécanismes issus
de cette période semblent être toujours ignorés par les juges ou, à tout le moins, leur
maîtrise ferait défaut8.
se montrer hésitants9 quant au rattachement à la loi

1
M. LOUKILI, art. precit., p. 149.
2
A. BENJELLOUN, « La monarchie au Maroc : un régime entre tradition et modernité », in les nouvelles
constitutions africaines : la transition démocratique, H. ROUSSILLON
125-143.
3
S. PAPI, , op. cit., p. 307.
4
Cité par M. LOUKILI, « rocain de la famille », in Ordre public et
droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 127.
5
Ibid., p. 127.
6
Cour suprême, 24 janv. 2001, arrêt n° 90, cité par M. LOUKILI, art. precit., p. 141.
7
LOUKILI, art. precit., p. 152.
8
M. LOUKILI, « Le droit international privé marocain de la famille », art. precit., p. 130.
9
Malgré des indices qui laissaient à croire un éventuel abandon du système de la personnalité des lois. Statuant
(écrit conformément à la règle de conflit de loi locale relative aux conditions de
forme des actes juridiques (art. 10 DCC)) laissé par un anglais résidant au Maroc, les juges ont pu retenir que « si

387
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du for ou la loi personnelle de au Maroc1. La Cour de cassation


manifeste clairement son attachement au principe de la personnalité des lois « hérité de la
tradition islamique et du régime des capitulations »2. De la même manière, le renvoi «
jamais été suivi par la jurisprudence au Maroc, ni pendant la période du protectorat, ni

coloniale, ont jugé le procédé du renvoi inapplicable pour le système marocain de 1913, en
lex fori locale en
matière de droit familial du fait de la pluralité des statuts personnels et de leur nature
religieuse »3. Cette situation persiste encore lorsque les juges se
bornent à appliquer le droit étranger sans même se soucier du système de conflit des lois,
alors même oblige à y procéder4.

2- Les composantes inte


marocain

425. Le privilège de nationalité. À défaut de codification des mécanismes relatifs


aux conflits de lois dahir sur la condition civile des Français et des étrangers 5 au
Maroc (DCC) qui contient el des règles applicables6. Celle-ci fait la part belle au
système de personnalité des lois, dont le critère tiré de la nationalité. Le DCC trouve donc

bilatérale de conflit gle se trouve


7
considérablement atténuée. En effet, la Cour suprême procède à la limitation de son
application au seul cas où les deux parties en cause sont de nationalité étrangère, pour
permettre au droit local de déployer ses pleins effets lorsque le litige met en cause au
moins une partie de nationalité marocaine.

une condition de fond pour sa validité, il faut appliquer la règle de rattachement énoncée par l
relatif aux conditions du fond du testament », par conséquent sa loi personnelle. Cour suprême, chambre civile,

rattaché à la catégorie « conditions de forme » dont le consentement est une composante (afin de permettre le
rattachement à la loi du for (art. 13 DCC)), mais p
capacité des personnes permettant le rattachement à la loi personnelle (art. 3 DCC). Cour suprême, 20 janv.
1982, cité par M. LOUKILI, p. 132.
1
Cour suprême, chambre civile, arrêt n° 251, 5 juil. 1967, JDI, 1971, note P. DECROUX, p. 184.
2
M. LOUKILI, art. precit., p. 132.
3
Ibid., p. 132.
4
Cf. art. 3 de la convention franco-marocaine de 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la
coopération judiciaire.
5
Dahir du 12 sept. 1913, B.O, 12 sep. 1913, n° 46, p. 77. Celui-ci a connu plusieurs réformes dont la plus
importante est celle du 28 septembre 1974.
6
Cf. sur ce dahir P. DECROUX, « Le mariage des Français et des étrangers au Maroc », D., 1956, chron. XXI, pp.
109-116.
7
Cour suprême du Maroc, 7 fév. 1972, Rec. arrêts Cour suprême, nov. 1972, p. 46.

388
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

établit un privilège de nationalité, masque à peine le privilège de religion sous-jacent »1. La


décision rendue en 1972 par la Cour suprême
2
. critère3 permet au législateur et aux juges de
privilégier la nationalité marocaine au détriment de toute autre nationalité. Ce critère a été

de la famille4. L prévoit que les dispositions de la moudawana nt entre


deux personnes de nationalité marocaine, mais aussi entre un marocain (ou un individu
musulman non marocain) et un étranger (non musulman)5. À ce stade déjà se profile le
spectre du critère tiré du privilège de religion, lequel peine à être détaché de la nationalité 6.
Seules les relations entre deux
conflit des lois. La première apparition textuelle de ce privilège se retrouve dans le dahir
du 4 mars 19607
mariages entre Marocains et étrangers. En cas de mariages mixtes, la priorité est donc le
respect de la loi marocaine8. La jurisprudence permettra par la suite une diffusion de ce
privilège à tous les rapports familiaux impliquant une personne marocaine9.

1
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisations, Relations entre
sysèmes laïques et systèmes religieux, op. cit., p. 190, spec. n° 203.
2
Cour suprême du Maroc, 5 juil. 1974, JDI, 1978, p. 681.
3

-à-dire que le souci de préserver la loi étrangère conduisait fréquemment à retenir cette

personnalisme excessif qui justifie sans doute, que la situation ait été ensuite inversée afin de favoriser une
application plus
4
Contrairement à la moudawanna de 1958 qui ne se prononçait pas sur la question.
5
statut
personnel. Cette situation révèle une inégalité car les personnes de confession juive, bien que marocaines, ne

-
la loi marocaine au profit de la loi tunisienne : Cour suprême, 24 janv. 2007, arrêt n° 69, cité par M. LOUKILI,
art. precit., p. 141.
6
Monsieur le professeur LOUKILI -
pensée des rédacteurs de la nouvelle moudawana cer les règles normales de conflits de lois en ce qui

. Cela avait pour


raison, mais a aussi pour conséquence, une confusion entre le privilège de nationalité et le privilège de religion ».
art. precit., p. 140.
7
Dahir du 4 mars 1960 relatif à la célébration des mariages entre marocains et étrangères ou marocaines et
étrangers, B.O, 25 mars 1960, p. 689.
8
on ne peut appliquer au défendeur, le
-à-dire la moudawana ». Alors même que les

la loi des deux parties au procès. Cité par M. LOUKILI, art. precit., p. 140.
9
Cour suprême, 7 fév. 1972, arrêt n° 57, JDI, 1978, note P. DECROUX, p. 674.

389
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

426. Le privilège de religion1. La primauté du rattachement religieux au sein du


système de tradition islamique est
Dans les litiges mettant en cause une personne de confession musulmane, la loi religieuse
est
un non-musulman2.
indépendamment de la loi personnelle, la nationalité initialement inconnue du système
3
islamique- .
dans le Code de la famille, le critère tiré du privilège de religion a, une fois de plus, été
introduit en jurisprudence règlement de la
-et décédé au Maroc en y laissant
des biens-, la Cour suprême a décidé que «
est des questions
relevant du statut personnel et des successions des intéressés, dès lors que cette conversion
»4.
La loi nationale du défunt normalement applicable est donc expressément écartée au profit
de la nouvelle religion du de cujus. a règle de conflit
normalement applicable -issue du dahir
fonctionnement des juridictions de droit commun5- a été tacitement abrogée par le dahir du
24 avril 1959 qui attribue aux tribunaux charaiques (compétents en matière de charia)
« les contestations relatives au statut personnel et successoral des Marocains régis par le
Code du statut personnel et successoral et des étrangers musulmans établis dans le
royaume qui relèvent également des tribunaux du chraâ ». Ce dernier dahir constitue donc

applicable. Les magistrats siégeant dans ces tribunaux étant les cadis
appliquent est exclusivement la loi musulmane.
international privé leur étant méconnue, ceux-ci artir de la qualité de
musulman ou de personne convertie . Le système de justice marocain ayant depuis
6
été unifié par la loi du 26 janvier 1965 et les tribunaux charaïques supprimés, il aurait été

1
M. CHARFI, « », Rec. cours
Acad. La Haye, 1987, III, 329.
2
-musulmans dans les pays de tradition
islamique, V. spec. le Titre 2 de la Partie 2 de la thèse de Monsieur K. ZAHER, op. cit., p. 343 et s.
3
J. DEPREZ, « Environnement social et droit international privé. Le droit international privé marocain entre la
», in Droit et environnement social au
Maghreb, Paris-Casablanca, éd. CNRS&Fondation du roi Abd-El-Aziz pour les études islamiques et les sciences
humaines, pp. 281-330 ; A. MOULAY HID, « Les grandes lignes du droit international privé en matière de
statut personnel », Rev. dr. et éco., 1991, n° 7, pp. 7-42.
4
Cour suprême, 5 juil. 1974, arrêt n° 250.
5
Pour un aperçu avant, pendant et après le protectorat, cf. M.J. ESSAID, , Rabat,
Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le développement Socio-Économique, avec le concours de la
Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque Populaire, 4ème éd., 2010, pp. 326-370.
6
B.O, 3 fév. 1965,
p. 105.

390
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

souhaitable, par souci de cohérence, du critère tiré de la religion des


individus. Celui- et à la date même du prononcé de la
décision- la jurisprudence qui continue de considérer
ce critère come étant un privilège au fondement même du système marocain.
427. Les dange . La prise en compte de la religion dans les
rapports de droit international privé des pays de tradition islamique empêche au système de
conflit de lois de jouer, en le neutralisant au profit du donné religieux. Or, ce système
révèle rapidement ses limites, une présomption de religiosité pesant sur tout justiciable. Si
ce dernier peut bien être musulman, car né de parents musulmans, il peut aussi ne pas
adhérer à la profession de foi de ces derniers. Droit fondamental, le principe de liberté de
conscience permet à de choisir sa religion voire,
question du privilège de religion amène à évoquer la problématique de la liberté de
conscience, particulièrement celle de la liberté religieuse en droit musulman1. Bien que fort
intéressante, la problématique dépasserait le cadre de nos recherches. Il convient
néanmoins de souligner que le critère tiré du donné religieux
il aboutit à la négation de s,
2
Constitution marocaine -
dans son préambule- affirme que la prééminence « accordée à la religion musulmane dans
du peuple marocain aux valeurs
compréhension mutuelle
entre toutes les cultures et les civilisations du monde bannir et
iconque, en raison du sexe, de la couleur,

ou de quelque circonstance personnelle que ce soit


s se traduisent sous la forme de conventions
internationales que le Maroc ratifie, qui empêche leur pleine efficacité. Faut-il rappeler à
cet égard que le statut des conventions et des traités internationaux force
3
obligatoire dans le système juridique marocain

1
: « Sont garanties les libertés de pensée,
». V. les développements de Monsieur le professeur
S. ALDEEB ABU SAHLIEH sur cette question : Religion et droit dans les pays arabes, Bordeaux, PUB, 2008,
p. 159 et s., V. aussi : B. PONT-CHELINI, Quelle politique religieuse en Europe et en méditerranée. Enjeux et
perspectives, Marseille, PUAM, 2004.
2

cultes ».
3
Seule la jurisprudence a eu à statuer sur la question relative à la nécessité de publier le texte conventionnel dans

Zahra BENNANI c/ Air France, cité par H.


ALAMI HICHI, -femmes entre islamisme et
modernisme 54. Or, la question de la force juridique attachée au texte conventionnel
demeure attachée à la résolution du problème de la hiér
réforme de la Constitution en 2011, aucune règle impérative.

391
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Constitution en 20111. À défaut de retenir le critère tiré du privilège de religion si l


application, les juges pourraient toujours opérer le rattachement à la
nationalité Au
demeurant, à partir du moment où un musulman est partie au litige, le juge raisonne en
dehors de tout système conflictuel, avec pour seule considération «
lic religieux »2
Une telle approche du droit international privé limite considérablement le champ

428. La nécessaire refonte des rapports entre le politique et le religieux. Outre

lorsque sont en cause le système confessionnel et le système laïque, Monsieur le professeur


LOUKILI « la situation ou la relation
es liens
les plus étroits pour la soumettre à son droit, selon des critères de rattachement objectifs »3.
Dans un contexte de mobilité croissante des ressortissants marocains à travers le monde, le
réalisme commanderait que les acteurs judiciaires renoncent à leur attitude conservatrice et
de réserve de tolérance dans leurs décisions ainsi que dans la
4
réception du droit étranger
continuité des situations juridiques au-delà des frontières. La persistance du législateur et

dans un monde globalisé et multiculturel, est de moins en moins


considéré à travers une religion donnée. À cet égard, Madame le professeur ALAMI
HICHI dénonce à juste titre la prétexte tiré de la souveraineté des États afin de
continuer à masquer des discriminations flagrantes5. L conjuguée de la modernité
et de la tradition asion de la promulgation du Code marocain de la famille prouve
bien la possibilité de renouer avec le monde, en demeurant fidèle aux principes de base qui
définissent une société donnée. Si le droit international privé marocain a pu être qualifié
comme étant « à la croisée des chemins »6, celui-ci se laisse entraîner -malgré sa situation
géographique stratégique- par la vague de religiosité qui touche le monde arabo-musulman.

politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent Titre et dans les autres
dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le
Maroc et ce, dans le respect des dispositions de la Co ».
2
NAJM. Cf. Principes directeurs du droit international privé et conflit
de civilisations, op. cit., p. 551.
3
M. LOUKILI, art. precit., p. 146.
4
V. en ce sens M. LOUKILI, J. SAGOT-DUVAUROUX, « La neutralisation des obstacles à la réception des
institutions familiales », Rev. dr. fam., 2015, n° 9, 38.
5
H. ALAMI CHICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., p. 144.
6
M. LOUKILI, art. precit., p. 158.

392
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

LOUKILI, la résolution de cette question « ne se limite pas à

-
sphère du religieux au strict domaine personnel en faisant abstraction, dans les rapports qui
se nouent quotidiennement entre les hommes, de leur nationalité et de leur religion »1.
429. Une approche genre limitée à la déconstruction des inégalités sociales. Dans
fesseur ALAMI HICHI
repose profondément affecté par des relations transcendant les
frontières des États et qui affectent les structures internes »2
projection de la politique interne ternational3 ne saurait être faite.
genre afin de
déconstruire les distorsions existantes dans les représentations sociales vécues par les
femmes4. Relevant rapports socialement et historiquement construits autour
publique
femmes est affirmée, pourtant immédiatement contredite par les inégalités au sein de la
sphère privée. Sel a complexité des interactions entre ces deux sphères
empêche et nuit à fectivité de leur
contribution dans la redéfinition du politique, dans lequel elles sont pourtant déjà actrices.
pourquoi une reconsidération des inégalités les plus flagrantes contenues dans le
Code de la famille ne doit pas être, en soi, perçue un simple
tremplin à « -définition complète de la politique »5.
de
réconcilier sphère privée et sphère publique en faisant la démonstration que tout ce qui est
personnel est politique »6. Cela passerait en premier lieu par la recher
sein de la famille7
famille ne devait pas en être le lieu privilégié. Tendre à une égalité où les spécificités de
seraient respectées est, bien entendu, bienvenu. La théorie du
gender pourrait, en contexte arabo-musulman8, contribuer à la déconstruction des

1
Ibidem., p. 159.
2
H. ALAMI HICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., p. 144.
3
Pour reprendre une expression de Madame ALAMI CHICHI, op. cit., p. 144.
4
BENRADI, « Nouvelle approche de la question féminine en sciences
sociales », in Les sciences humaines sociales au Maroc, Rabat, IURS, 1998, pp. 91-102. Plus récemment, V.
B. DUPRET, Z. RHANI, A. BOUTALEB et alii,
mutation, Casablanca, Publications du Centre Jacques BERQUE et de la fondation du roi Abdulaziz AL-SAOUD,
coll. « Dialogue des deux rives », 2016.
5
H. ALAMI HICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., pp. 146-147.
6
Ibid., p. 146.
7
Ibidem., p. 146.
8
Simple effet de mode ou idéologie déjà à gender

déteindre sur la règle de droit, celle- à la remise en cause des inégalités les plus

393
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

stéréotypes et inégalités les plus flagrantes. Or, les dynamique qui sous-tendent cette
1
idéologie vont bien plus loin et portent atteinte .
entièrement telle que proposée car elle
. Pour
est
inévitable du fait
pourquoi er autrement de cette évolution et
surtout, de la méthode à privilégier si une telle évolution était inévitable ?

B) La nécessaire réhabilitation de la place du donné religieux

430. , source du droit musulman. Le


fiqh ou droit musulman tel que connu du système juridique occiden
charia telle a été
2
comprise, en déformation des normes coraniques
ntéresser au sens profond des

manière que son travail peut être paré de la vertu de loyauté intellectuelle. Concernant le
système juridique islamique, les diverses interprétations discriminatoires auquel il donne
du législateur que dans la jurisprudence génère un

post-moderne du droit en France et son détachement du référent religieux, le regain


contemporain de religiosité3 des sociétés islamiques qui se répercute sur la manière de
concevoir le droit- empêche toute harmonie entre ces deux systèmes. Cet
pourtant pas la réalité de la rencontre des deux systèmes du point de
serait à rechercher dans une
réhabilitation de la place faite au donné religieux dans le monde arabo-musulman4. Loin de

ogramme mis en
place au Maroc - -Unies au Maroc (2007-2011)-
fonds de développement des Nations-Unies pour la femme, en collaboration étroite avec le ministère de la justice
et des libertés dont
Code, de répondre aux résultats D du plan initié. Entre autre résultats de ce point D, établir que des progrès
significatifs ont été égalité de genre, de protection des droits de la femme et des filles et de
participation à la vie publique, politique, économique, sociale et culturelle.
1
En ce sens, M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », in « La théorie
du Gender ». Vers une nouvelle identité sexuelle ?, Lethiellieux, 2012, pp. 33-50.
2
V. supra, n° 93.
3
Ce regain de religiosité est davantage vécu «
». A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?,
éd. Albouraq, 2012, p. 196.
4
V. en ce sens : F. FREGOSI (dir. de), Lectures contemporaines du droit islamique (Europe et monde arabe),
PUS, 2004.

394
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

détacher, un certain nombre de propositions doctrinales très pertinentes prônent une


lecture actualisée des sources coraniques. À cette fin, Madame Asma LAMRABET insiste
sur la nécessaire islamique que véhicule le texte, en remettant
dans leur cadre normatif tous les versets supports des multiples discriminations. Une vision
serait ainsi dégagée du texte sacré.
431. La méthode à suivre. elle entreprise nécessite « de
distinguer trois niveaux de lecture de versets coraniques » : ceux à portée universelle -
majoritaires-, les versets conjecturels - - et les versets spécifiques -révélés
spécifiquement pour les hommes ou pour les femmes. Leur représentation permettrait de
distinguer les principes universels
tout lieu, des principes relevant du particulier et du contingent1
poids de la transmission héréditaire, empreinte d
conforme une réforme tant du fond que de la
2
fo car « aucune réforme sérieuse du champ
religieux ne peut être envisagée sans avoir initié en priorité et en urgence la réforme du
». D
la pensée islamique3 mais aussi occidentale,
la science du hadith et le droit musulman en vigueur doivent être mises
que relégué à une simple compilation, passivement transmise de génération en génération,
toute réforme doit être appréhendée à la lumière du droit musulman afin de comprendre les
raisons ayant pu conduire à une interprétation décalée de la source religieuse. Son étude ne
doit plus se limiter à une transmission passive mais elle doit être en connexion avec la
raison ijtihad. Concept de base, celui-ci doit recouvrer la place qui est sienne
de continuer à appliquer les
ème
solutions juridiques élaborées par les juristes du 8 siècle à des problèmes relevant du
ème
21 fiqh réaliste, intelligent, cohérent et critique »4. Ce
rofond
de milliers de musulmans et non par reproduction mimétique modernité
5
dissolvante niant sa spécificité » , que pourra être réhabilité le donné religieux, source
inconditionnelle du droit musulman de la famille.

1
A. LAMRABET, op. cit., p. 35.
2
Cette ré
ducation nationale Monsieur BELMOKHTAR a annoncé la révision projetée des contenus des programmes
. Cf. « »,
panorapost.com du 17 mars 2016.
3

4
A. LAMRABET, op. cit., p. 194.
5
PAPI, , op. cit., p. 367.

395
Conclusion du chapitre second

432.
y étant toujours considéré on
sexuée fondatrice du lien familial.
concubinages est purement et simplement ignorée. Tant le fondement religieux du droit
ux concubins
une visibilité qui les hisserait hors de leur zone de non-loi qui
ne connaît plus en France, de limites, est freinée au Maroc grâce aux valeurs religieuses de
la société. Le droit de la famille demeure fidèle à ses sources, formées par la religion et par
Ceci étant, le droit musulman a démontré sa capacité à évoluer au gré des
besoins de la société, bien que cette évolution ne soit pas sans limites. En effet, les sociétés
islamiques sont plus que tout attachées au seul modèle légal du mariage entre personnes de
sexe opposé.
L , la

ssantes opportunités de rencontre et de circulation des différents modèles


familiaux. À de telles occasions, les conflits de lois ne se réduisent pas uniquement à la
question technique re loi du for ou plutôt de la loi nationale,
mais les conflits cristallisent de manière beaucoup plus profonde un conflit de valeurs entre

islamique et le système juridique français est porteuse de cet antagonisme. Alors que la
diffusion du modèle libéral de familles françaises -
méditerranée, mais indirectem au mode de vie des
(bi)nationaux résidant en France, une telle propagation est rendue possible du fait de la
vocation « intégrative » de la règle de droit. Cette contamination est le reflet du degré

Est-
islamique au-delà des frontières ? Nous ne le pensons pas.
citoyens aux valeurs de résidence est une préoccupation majeure et légitime des
deux systèmes qui se retrouve dualité de
on des désirs
individuels dans une démarche générale tendant à assurer à tout citoyen les conditions
optimales garantissant son bonheur sur le fondement des droits fondamentaux. Une telle
entreprise traduit plus simplement et
objectif, à première vue, semble utre côté, le système islamique poursuit le
même objectif

396
alors l
droits fondamentaux pour le premier, charia islamique pour le
second- en ce monde. Par
conséquent, le conflit tel que posé constitue un abus de langage, car celui-ci ne porte pas
tant sur la finalité de la loi applicable que sur la méthode utilisée pour parvenir à cet
objectif.

397
Conclusion du titre premier

433. e le mariage entraîne incontestablement


celui- . Sa nature est changée,
1
ses obligations affaiblies et son sens affadi . Pour Monsieur le professeur Hugues
FULCHIRON, ne « défamiliarisation »2 du mariage. Dans cette chute, ce
sont les autres formes de couples qui ont gagné la sympathie du législateur, qui a fait de
directeur phare de sa politique.
L étranger à travers
le prisme du droit international privé a fait apparaître au grand jour la contrariété des
législations française et marocaine, mais surtout les obstacles à cette exportabilité.
L interventionnisme du législateur dans les pays du Maghreb contraste fortement avec le
désengagement vis-à-vis de la norme juridique du législateur français. Dans ce contexte,
deux conceptions du droit font leur face à face érale. La
première conception considère la loi comme devant être directive, afin de « ne pas
accréditer des systèmes dangereux »3
humaine, nécessairement imparfaite. L
de création humaine ne saurait prospérer sans la base qui lui est préalable, qui est en
dernier ressort, le texte coranique. Ainsi que le souligne Louis MILLIOT, « (...) le donné
qui, chez nous, est recherché et découvert par la scienc -à-dire par la connaissance
»4.
dans ce système global, où
-même ni pour lui-
.
Dans ce contexte, la distribution des rôles selon des fonctions sociales expressément
édictées par les droits positifs
droit de la famille en

monde musulman, «
plus fortement explicitée et revendiquée »5. Par conséquent,

1
DOUCHY-OUDOT appelle le « mariage triste ». Cf. M. DOUCHY-OUDOT (dir.
de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers, DMM, 2013, p. 142.
2
H. FULCHIRON, « Le partenariat est il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », in Mélanges en
, Paris, Dalloz, 2012, p. 128.
3
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit.,
p. 241.
4
L. MILLIOT, « », in Travaux de la semaine internationale de droit musulman,
L. MILLIOT (dir. de), Paris, Recueil Sirey, Institut de droit comparé, 1953, p. 29.
5
H. ALAMI CHICHI, -femmes entre islamisme et
modernisme , 2002, p. 63.

398
ment une
au sein de ce système.

des situations particulières.


Dans la seconde conception en revanche, le droit adopte une attitude de neutralité vis-à-vis
de la norme juridique, car celui-ci doute « ur les
1
régulations familiales » . Ainsi, le bonheur individuel ne saurait être sacrifié à la
tuel danger pour la société2. Cette approche place en réalité chaque
individu sous sa propre responsabilité. Défendable en son principe, du fait de la marge de

critiquée dureté inflexible », car elle serait en


réalité impitoyable aux « petits, aux faibles, aux mal éduqués, à ceux qui se trompent, à
»3.
Particulièrement, elle porte la marque du doyen CARBONNIER qui pensait substituer
normes non-juridiques à la règle de droit afin de responsabiliser les individus.
, « en libérant certains comportements de la sanction juridique,

religion. Plaçant ainsi chacun sous sa propre responsabilité, il a ouvert entre toutes les
familles une sorte de libre concurrence -pensée étant que
longueur les autres, en réussite sociale, celles qui se seront évertuées à être sinon les plus
vertueuses, du moins les plus sobres, les plus dures envers elles-mêmes »4. Or, en réalité, il
semblerait que le législateur lui-même ait surestimé la capacité des individus à se passer du

pouvaient prendre le relais de la norme juridique5. Bien que non expressément garanti par
au bonheur qui sous-tend cette conception du droit, « philosophie
du bonheur qui a traversé la société des années 1960 »6. Si celle-ci a réussi à chasser le lien
matrimonial de la sphère familiale, la question relative à la parenté ne saurait, en
conséque À la
dématrimonialisation actée de la conjugalité fait suite un processus de
dématrimonialisation de la parenté.

1
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », art. precit., p. 241.
2
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle,
Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, p. 335.
3
P. MALAURIE, Cours de droit civil, La famille, 6ème éd., Cujas, 1998, n° 23, p. 32, cité par P. MURAT, art.
precit., p. 241.
4
J. CARBONNIR, Droit civil, La famille, Paris, PUF, 16ème éd., 1993, n° 6, p. 24, cité par P. MURAT, art. precit.,
p. 241.
5
« -il pas t
normes familiales
», J. CARBONNIER, Droit civil, La famille, op. cit., cité par
P. MURAT, art. precit., p. 242.
6
P. MURAT, art. precit., p. 242.

399
Titre second. La métamorphose
juridique de la parenté
434. Mutation de la parenté. it jamais été exclusivement
1
biologique, la parenté
« parentalité »2 qui oriente davantage le débat vers la fonction éducative qui échoit aux
parents. Alors que dilué dans la conjugalité
débattue so parentalité.
3
organisateurs du colloque fins observateurs du virage conceptuel
vers lequel se dirigeait désormais le droit de la famille. Il serait tentant de croire à une
hasardeuse coï évolution ne correspondait pas précisément à en
vigueur du mariage entre personnes de même sexe
conçu à deux est nulle.
Bien plus fonctionnelle que la parenté, la parentalité permet de faire abstraction des
ont désiré et éduqué. Pourrait donc être parent
enfant occupée de lui, voire toute
it

parenté intentionnelle totalement détachée de la notion de filiation. Après le mariage pour


juridique pour tous (Chapitre 2). Autre
hasardeuse coïncidence, ce mouvement fait nouveaux
nt avec son beau-parent,
4
recompositions familiales . S
qui pourraient contribuer à son épanouissement, la situation est . Ainsi
que cela a été exprimé par Monsieur le professeur MURAT, « ces réformes ont ouvert la

familial
traditionnelles et les bouleversements du C

5
.

1
En ce sens : C. SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français. Étude critique, Marseille, PUAM, 2009.
2
H. FULCHIRON, « Parenté, parentalité, homoparentalité », D., 2006, p. 876.
3
H. FULCHIRON (dir. de), Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, Paris, Dalloz, 2008.
4
V. supra, notre Partie 1, Titre 2, Chapitre 2.
5
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.43, spec. pp. 18-19.

400
Cette parenté intentionnelle émergeante e par le progrès de la
science biomédicale, que le droit encourage. reposant
sur la procréation (Chapitre 1) se substitue la pluriparentalité. Dans un souci de cohérence
juridique, la parenté devrait -dans un contexte de bouleversement culturel et social- être
repensée à la lumière de son interaction avec la nouvelle vision de la conjugalité.

401
Chapitre premier. L inhérente à
la procréation

435. Le concept de filiation : une fonction et un sens. Outre la dimension

1
, le concept désigne, s , un ensemble de devoirs
incombe aux adultes auxquels est
Au delà de son aspect fonctionnel, c

intellectuelles, des places... »2 qui font prendre à tout individu une place t dans
une généalogie indiquant son origine. P cet univers de
une sorte de «
fondement sans le réduire à une réalité de fait »3. Toute la construction du droit de la
filiation, les pays du Maghreb (Section 2), repose sur
tructure le droit de la famille. Le droit de la filiation, en
France non plus, t guère en reste de ce mythe davantage dans une
passe en premier lieu par la recherche de l
enfants en mariage et les enfants hors-mariage (Section 1). Or, c
évolution que le droit maghrébin de la famille refuse de procéder afin de préserver la place
du mariage dans son système.

1
P. MURAT, « Passer la filiation ou dépasser la filiation », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et
, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 260.
2
P. MURAT, art. precit., p. 265.
3
Ibid., p. 266.

402
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 1. L en droit
français

436. Le déclin de la présomption de paternité. Mode privilégié par le législateur,


l
exclusivement reposé sur le mariage. de ce dernier
filiation a conduit à rôle de la présomption de paternité.
P
§1), e répercuter sur les prérogatives
parentales (§2).

du statu d

437.
ème 1
XX était un des principes directeurs du droit de
bien-être2 a permis de faire que
3
. Sous
mondialisation des droits et des instruments internationaux 4 de
protection, les différents systèmes juridiques entendent donc promouvoir le statut de

autrefois principe naturel du droit de la filiation laisse rapidement la place

producteur açon
considérable sur les acquis de la Révolution, assimilant les enfants nés hors mariages à des « bâtards ». Au même

entière et ne jouissaient pas de la personnalité juridique. Cf. H.-L. BRIN, Les innovations de décret-loi du 30
octobre 1935 en matière de droit de correction, Paris, Recueil Sirey, 1938 ; F. BOULANGER, Les rapports
juridiques entre parents et enfants, Perspectives comparatistes et internationales, Economica, Paris, 1998, pp. 4-
13.
2
Surtout que ce dernier «
qualité se substitue à la valeur quantité », cf. I. THERY, Couple, filiation et parenté a i. Le droit face aux
mutations de la famille et de la vie privée, op. cit.
tes et
inégalitaires, et la protection du patrimoine qui pouvait lui échoir lors des transmissions successorales ». Cf.
F. BOULANGER, Les rapports juridiques entre parents et enfants, Perspectives comparatistes et internationales,
Economica, Paris, 1998, p. 1.
3
J. RUBBELIN-DEVICHI, « », JCP, G,
1994, I, 3739, n° 13 ; M. DONNIER, « », D., 1959, chron. p. 180. V. notamment les thèses de
Y. LEGUY, , Rennes, 1973 ; R. LEGUIDEC, La notion
, Nantes, 1973 ; J.-P. SERVEL,
rentales, Aix-Marseille, 1978.
4
J. HAUSER, « : mythe ou réalité ? », LPA, 1995, n° 53, p. 36-37.

403
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

statuts1. Par humanité, le législateur a lors de ses réformes, veillé à établir une parfaite
égalité entre les enfants (A). T
du Code Napoléon, la construction du droit de la filiation a nécessité une refonte radicale
pour refléter les nouvelles bases égalitaires au fondement du droit de la filiation (B).

A) L

438. Une inégalité de naissance injustifiée2.


« naturels »3 ordre juridique d
de la famille hors mariage et du fondement du droit successoral. Selon la conception
traditionnelle du mariage et de la famille, le lien de mariage unissant les parents entre eux
permet de rattacher les enfan
faite par le Code civil entre enfants légitimes, enfants naturels simples, enfants adultérins
4
, et
créait entre les individus des inégalités fondées sur la naissance, à partir de la conduite de
leurs géniteurs5. mal des impératifs
internationaux de protection des enfants, peu importantes les circonstances de leur
naissance. Par ailleurs, s modernisation du droit de la
ituait également une des pièces
maîtresses dans la famille égalitaire moderne, et plus rien ne justifiait que
la filiation « en mariage » soit une filiation « de6 qualité Dans

1
P. RAYNAUD, « Les deux familles. Réflexions comparatives sur la famille légitime et la famille naturelle », in
Aspects du droit privé en fin du XXème siècle. Michel DE JUGLART, Paris, LGDJ,
1986, pp. 63-79.
2
V. en ce sens : V. VOITTO SAARIO, Étude des mesures discriminatoires contre les personnes nées hors
mariage, Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités,
publication des Nations Unies, 1968.
3

an II (2 novembre 1793) leur accorda des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes, à
reviendra pourtant sur cet acquis, en leur concédant des droits
e exclu de la succession et ne
P. MALAURIE, L. AYNES, Les successions et les libéralités, Paris,
Defrénois, 6ème éd., 2014, p. 52, n° 60 ; C. PLESSIX-BUISSET, Ordre et désordre dans les familles, Études
droit, Rennes, PUR, 2002 ; A. LEFEBVRE-TEILLARD, «
français », Recueils de la société Jean Bodin, Bruxelles, T. XXXVI, 1976, pp. 256-269 ; J. POUMAREDE, « La
et la pratique »,
Révolution au Code civil, Paris, 1989, pp. 167-182 ; Y. FLOUR, « », in Les
enjeux de la transmission entre générations, LERADP, éd. Septentrion, 2005, p. 100.
4
Art. 1er DDHC : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ».
5
V. en ce sens : M. FABRE,
famille et la société, Avignon, éd. François Seguin, 1900.
6
D. FENOUILLET, Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, p. 343, spec. n° 383.

404
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

439. La souplesse de la jurisprudence.


entre son respect du mariage et de la présomption pater is est
la date de la
conception (lorsque celle-ci était incertaine), elle le faisait souvent dans un sens favorable à
(en vertu de la règle omni meliore momento). Une telle souplesse lui permettait de
de la conception qui préservait au mieux

1
, sans que la preuve
contraire ne puisse être rapportée. Sur ce même raisonnement reposait un arrêt de la Cour
de cassation2 ayant autorisé un enfant à fixer sa date de conception pendant le mariage de
permettait
preuve de la paternité de fait étant ensuite possible par tous les moyens, tandis que la

discriminatoire, en prenant en compte la réalité sociologique et affective,

440. La loi du 3 janvier 1972 et le principe de vérité biologique. La nouvelle loi


affichait comme objectif la nécessité de responsabiliser les parents, en offrant la possibilité

p toute idée de

Toujours est-il que le nouveau


et diverses différences demeuraient entre filiation légitime et
filiation naturelle. L
3
car elle signe «
4
mariage » . Surtout, le législateur entendait réconcilier le droit de la filiation et le principe

1
Affaire Brousson, Cass. civ., 23 sept. 1940, Sirey, 1941, 161, note ESMEIN. Pour la Cour, la présomption de
durée de grossesse doit être entendue dans un sens favorabl
cent quatre-vingtième et le trois centième jour qui suivent une ordonnance en résidence séparée entre la mère et
pater is est. Il peut néanmoins prétendre à
légitimé du second mari de la mère, en soutenant que sa conception se situe après cette ordonnance.
2
Cass. civ., 29 juin 1965, D., 1966, 2-120, note ESMEIN.
3
Au nom « de la garantie essentielle de la pureté du foyer domestique et du bon ordre des familles », il fallait
que « », C. SCALPEL, « Que reste t-
il de la paix des familles après la réforme du droit de la filiation ? », JCP, G, I, 1976, 2757.
4
I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche sociologique »,
personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 94, spec. n°
9-10. Madame THERY exprime ainsi la situation : «
mais il divisait fortement les femmes selon
filles-mères, et on pourrait multiplier les
».

405
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fondamental de vérité1 es
maladresses techniques2 lors de s es
3
le législateur introduisit à
4
des conceptions nouvelles
5
filiation des enfants . Une règle en particulier permettait aux juges de privilégier la filiation
de conflit que ces derniers tranchaient selon la
filiation la plus vraisemblable. Subsidiairement, la possession ne constituait plus
pour les juges un élément permettant une meilleure appréciation à défaut
éléments de conviction.
large au critère
6
tiré de la vérité biologique , inversa les données du problème en instaurant une législation
chaotique et contradictoire7. Une fois atteint, le critère de vérité biologique ne laissait place
trouvé
en faisant un choix ou, à tout le moins, en privilégiant
approche a eu pour conséquence de faire perdre aux présomptions relatives à la grossesse
leur caractère irréfragable, la preuve contraire pouvant désormais être administrée. Les
interventions législatives ultérieures, notamment la loi du 8 janvier 1993 8

1
A. CHEYNET DE BEAUPRE, « Les liens du sang (filiation et vérité biologique) »,
professeur Claire NEIRINCK, Paris, LGDJ, 2015, pp. 443-459.
2
Cf. C. COLOMBET, J. FOYER, D. HUET-WEILLER et alii, La filiation légitime et naturelle. Étude de la loi du 3
janvier 1972, Paris, Dalloz, 1977, p. 324-344.
3
G. CHAMPENOIS, , Paris, LGDJ, 1971.
4
J. MASSIP, « La contestation de la filiation légitime depuis la loi du 3 janvier 1972 », D., 1977, chron. p. 237 ;
G. CHAMPENOIS, « La loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 a-t-elle supprimé la présomption Pater is est quem nuptiae
demonstrant », JCP, G, I,1975, 2686 ; M. REMOND-GOUILLOUD, « (À propos de la
loi du 3 janvier 1972 », RTD civ., 1975, p. 45 ; M.-L. RASSAT, « Propos critiques sur la loi du 3 janvier 1972
portant réforme du droit de la filiation », RTD civ., 1973, p. 207.
5
-10 de «
; on lui a également fait grief de traiter différemment
», Cf.
C. COLOMBET, J. FOYER, D. HUET-WEILLER et alii, La filiation légitime et naturelle, étude de la loi du 3 janvier
1972, op.cit., p. 145, spec. n° 148.
6
Si la filiation ne repose pas exclusivement sur le critère biologique, c
important car il facilite la représentation du lien symbolique de filiation. Les deux critères sociologique et
biologique sont
fondement biologique est palliée

vient donc pallier un accident dû au hasard de la vie, et aider à mettre en place le schéma symbolique de la

été voulu.
7
la conception est présumée avoir eu lieu à un moment
inéa 3 poursuit « la
preuve contraire est recevable ». La règle omni meliore momento

d
8
Loi n° 93-
J.O, 9 janvier 1993, p. 495 ; V. pour les commentaires de
cette loi : F. GRANET, « », D., 1994,

406
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

première faisant largement la place à la vérité biologique, la seconde la niant au profit


1
Le droit de
2
la filiation oscillera ainsi entre lien biologique et lien affectif pour favoriser équation
3
de la paternité juridique à la vérité biologique . Or, le principe de vérité conduira à

preuves de la filiation.
441. biologique. Un arrêt très remarqué de la
4
première chambre civile -dénotant selon un auteur « des médiocrités législatives de ces
dernières années »5, contribua au désordre du droit de la filiation. Son attendu de principe
est ainsi libellé : « expertise biologique6 est de droit, sauf motif
légitime de ne pas y recourir ». Antéri ordonner
une expertise que lorsque celle-ci était de nature à établir une fin de non-recevoir7. Il
était jamais tenu de recourir à espèce, elle ne constituait
un moyen de preuve. De plus,
action à fins de subsides avait été modifié par la loi du 8 janvier 19938, supprimant les

chron. p. 21; G. SUTTON, « patchwork (loi n° 93-22 du 8 janvier 1993) », D., 1993,
chron. p. 163.
1
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le mythe du sang en droit de la filiation », LPA, 1994, n° 32, pp. 15-21.
2
C. LABROUSSE-RIOU, « La vérité dans le droit des personnes », B. EDELMAN
et M.-A. HERMITTE (dir. de), éd. Christian Bourgois, 1988, pp. 159-198.
3
J. MASSIP, « La contestation de la filiation légitime depuis la loi du 3 janvier 1972 », D., 1977, I, 237.
4
Cass. civ. 1ère, 28 mars 2000, n° 98-12.806; arrêt : T. GARE,
« expertise biologique est de droit en matière de filiation », D., 2000, p. 731 ; H. GAUMONT-PRAT,
« expertise biologique en droit de la filiation », D., 2001, p. 1427 ; C. DESNOYER , « expertise biologique est
de droit en matière d il existe un motif légitime de ne pas y procéder », D., 2001, p. 2868 ; S. LE
GAC-PECH, « De Louis XVII à Z... », D., 2001 p. 404 ; F. GRANET, « expertise biologique est de droit en
matière de filiation, sau il existe un motif légitime de ne pas y procéder », D., 2001 p. 976 ; J. HAUSER,
« Préliminaire : expertise génétique et le juge », RTD civ., 2000, p. 304 ;
LPA, 5 sept. 2000, p. 8, note N. NEVEJANS-BATAILLE et 27 nov. 2000, note C. DABURON p. 13; JCP, G, I, 2000,
n° 253, obs. C. BYK et II, n° 10409, concl. C. PETIT; Defrénois, 2000, art. 37194, obs. J. MASSIP, p. 769; RJPF,
2000, n° 5, obs. J. HAUSER, p. 23; Gaz. Pal., 10 au 12 sept. 2000, note J. MASSIP, p. 30; Rev. dr. fam., 2000,
comm. n° 72, note P. MURAT.
5
J. HAUSER, « Préliminaire : théorie expertise génétique et le juge », art. precit., p.
304.
6
pour
elle ne saurait être une expertise génétique réglementée par
ère
-11 du Code civil , 27
janv. 2016, n° 14-25.559, JCP, G, I, 2016, n° 6, 148.
7
Cass. civ 1ère, 8 juin 1999, n° 97-13.199 : «
songer

avoir relevé que M. L..., qui avait vécu pendant plusieurs années en concubinage avec Mme B..., ne fournissait
aucun élément de preuv
décision... ».
8

librement exercée.

407
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fins de non-recevoir, ce qui avait entraîné un recul significatif de comme moyen


de preuve au fond.

génétique
cassation. -12 du Code civil, consacre un « droit à
1
» au détriment de la vérité sociologique. t la
en faisant un outil de construction et de
déconstruction des liens. Avec cet arrêt, il a été avancé que « le père a le droit de détruire
le lien de fi il a lui-même établi en connaissance de cause,
de enfant a le droit de remettre en cause la paternité de son
enfant ainsi privé de toute filiation paternelle ne se voit pas
reconnaître les mêmes facilités probatoire ». Il
semblerait que le droit de la filiation charnelle ait été «
adulte (ne pas avoir à répondre des conséquences d enfant
2
(avoir une filiation stable) » première victime de cette instabilité selon un auteur .
Tiraillées entre le respect dû au mariage, et la volonté de rendre moins injuste le statut de
mariage, tant la législation par ses maladresses techniques que la
jurisprudence que ce soit par sa rigidité ou sa souplesse ont contribué à la confusion en

juillet 20053 opéra.

1
xpertise biologique que la CEDH ne considère pas attentatoire au droit au respect de la vie privée

15, Canonne c/ France, n° 22037/13 ; AJ fam., 2015, S. LE GAC-PECH,


p. 499.
2
C. DESNOYER, « expertise biologique est de droit il existe un motif légitime de
ne pas y procéder », art. precit., p. 2868.
3
Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (J.O, 6 juillet 2005, p. 11159) « portant réforme de la filiation »
ratifiée par la loi n° 2009-61du 16 janvier 2009. V. les nombreux commentaires : P. MURAT, « Dossier spécial
filiation : avant lecture », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 4 ; A. DIONISI-PEYRUSSE, « La sécurisation de la filiation
2005-759 du 4 juillet 2005 », D., 2006, p. 612 ; F. MILLET, « La vérité affective
ou le nouveau dogme de la filiation », JCP, G, I, 2006, 112 ; A. GOUTTENOIRE, « Les réformes du droit de la
famille », Rev. dr. fam., 2006, n° 3, p. 12 ; J. MASSIP, « Le nouveau droit de la filiation », Defrénois, 2006, p. 6 ;
C. NEIRINCK, « La maternité », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 14 ; A. GOUTTENOIRE, « Les actions relatives à la
filiation après la réforme du 4 juillet 2005 », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 15 ; J. HAUSER, « La réforme de la
filiation et les principes fondamentaux », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 6 ; J. HAUSER, « Des filiations à la
filiation », RJPF, 2005, n° 9, p. 6 ; P. MURAT, « La filiation simplifiée », Rev. dr. fam., 2005, n° 9, p. 4 ;
G. KESSLER, « », Rev. dr. fam., 2005, n° 7-8,
p. 11 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Feu les enfants légitimes et naturels ! Vive la présomption de
paternité...légitime !, Rev. dr. fam., 2005, n° 10, repère n° 9, p. 3 ; A. BATTEUR, « Recherche sur les fondements
», LPA, 19 juin 2007, n° 122, p. 6 ; F. DEKEUWER-
DEFOSSEZ Rev. Lamy dr.
civ., 2009, n° 58, p. 37 ; F. GRANET-LAMBRECHTS
droit de la filiation : les modifications », AJ fam., 2009, p. 76.

408
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

B) La refonte du droit français de la filiation

442. ication des filiations.ordonnance du 4 juillet 2005


unification et supprime les
1
termes de filiation « légitime » et « naturelle » . Un principe simple est posé : « la loi ne
»2. Afin de sécuriser3 les
filiations gles concernant la
prescription. amille fondée
sur le mariage, et bien que la loi de 1972 ait égalisé le statuts des enfants nés hors mariage
avec celui des enfants nés en mariage, celle-ci maintenait des délais très différents4 selon la
nature de la filiation., Jugés trop restrictifs et défavorables à la poursuite du principe de
vérité biologique, ces délais avaient été remis en cause par les juges, dont le libéralisme
tire les conséquences de
5
e dès 1972 en consacrant deux délais de prescription : un délai
équilibre ainsi trouvé par la

les brefs délais du régime antérieur traduit les impératifs du nouveau régime : rapidité,
efficacité et sécurité.
443. La conception biologisante de la Cour européenne. équilibre enfin trouvé
par le législateur français -entre réalité génétique et stabilité de la filiation- contraste avec
la tendance contemporaine de la Cour européenne à privilégier la filiation génétique,
6
particulièrement . Si la Cour procède à un
er si les droits nationaux des États membres7

décisions rendues semble être de moins en moins favorables au principe de stabilité de la

1
J. HAUSER, « Des filiations à la filiation », art. precit., p. 6.
2
Art. 733 al. 1.
3
En ce sens, V. C. SIFFREIN-BLANC, « », in Lien familial,
lien obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-
BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, pp. 133-168.
4

connaissance de la fraude. Ce court délai favorisait la présomption de paternité qui, au-delà des six mois,

0-4 du code civil devait être exercée dans les deux années suivant la
naissance ou dans les deux années suivant la majorité.
5
I. CORPART, « », Gaz. Pal., 24-25 août 2005.
6
Déc. precit. : CEDH, 25 juin 2015, Canonne c/ France.
7
J. POUSSON-PETIT, « Les volontés individuelles et le droit de la filiation charnelle dans les droits européens »,
in De la volonté individuelle, M. NICOD 2009,
pp. 57-76.

409
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Mizzi c/ Malte1, la CE qui ne


permettait pas au mari de contester s « entre

requérant à obtenir un réexamen de la présomption légale de paternité à la lumière des


preuves biologiques ». Bien que le requérant disposâ
en vigueur de la loi permettant le désaveu de paternité, celui-ci t pas agi dans ce
délai, trouvé forclos. P
pourtant pas permis

Dans une autre affaire ant à la Russie2, la Cour européenne a condamné la brièveté

également prévu la possibilité de contester la paternité sans délai, la loi de 1996 ne recevait
pas applica des dispositions transitoires. En effet, le droit russe

avoir été inscrit sans en avoir eu connaissance. À compter du jour où celui-ci découvre sa
paternité la contester. Ayant eu connaissance de

Cour a donc considéré que

de sécurité des liens familiaux poursuivi. Elle


relève en conséquence ilibre «
de la sécurité juridique des liens familiaux et le droit du requérant à obtenir un réexamen
de la présomption légale de paternité à la lumière des preuves biologiques », avant de
conclure à la violation de protégeant le droit au respect de la
vie privée. Paulik c/
3
Slovaquie
paternité dont il a été démontré la non conformité à la réalité biologique. Les tests
génétiques ayant été faits requérante ne à ce que sa filiation

que cette dernière était mariée et ne dépendait plus de son père. La Cour condamne la
Convention, car la loi
slovaque tions, en

1
CEDH, 12 janv. 2006, sect. I, Mizzi c/ Malte, n° 26111/02; contra CEDH, 18 février 2014, A.L. c/ Pologne,
n° 28609/08; AJ fam., 2014, obs. M. ROUILLARD, p. 186; Rev. dr. fam., 2014, n° 7-8, étude 12, A. GOUTTENOIRE.
2
CEDH, 24 nov. 2005, Shofman c. Russie, n° 74826/01.
3
CEDH, Paulik c. Slovaquie, 10 oct. 2006, n° 10699/05. Dans le même sens plus récemment : CEDH, 25 févr.
2014, Ostace c/ Roumanie, n° 12547/06, JCP, G, 2014, n° 28, doct. 832, F. SUDRE ; Rev. dr. fam., 2014, n° 7-8,
étude 12, A. GOUTTENOIRE.

410
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

avait donc disproportion1 entre le but légitime poursuivi et les moyens employés pour
té de contester le lien de
filiation lorsq
2
, le consentement
que
indiquée sur son acte de naissance, devrait pouvoir être contestée3.
Dans ce contexte, la condamnation de la France par la Cour européenne 4 était des plus
prévisibles. Le requérant, qui ne disposait plus de filiation juridique, t pu procéder à
5
une expertise post-mortem . Cette
plus tôt par la
a considéré
familiale, les personnes souhaitant « établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé
par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir
la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle »6, bien au mépris de
-droit du défunt.

passer outre le délai de prescription, au détriment du principe de sécurité juridique. De

1
Ce qui, selon Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ est ce

mais seulement entre les différents intérêts privés en présence. Une telle utilisation est révélatrice de la
-ci est censée servir. Cf.
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les empreintes génétiques devant la CEDH
du 4 juillet 2005 », Rev. Lamy dr. civ., 2007, n° 5, p. 42.
2
CEDH, 1ère sect., 16 juil. 2015, Nazarenko c/ Russie, n° 39438/13, AJ fam., 2015, E. VIGANOTTI, p. 490.
3
Or, cette analyse semble Mandet c/ France, 14 janv. 2016, req.

etée par la Cour. La

de
origines, quitte à les lui imposer.
4
CEDH, Pascaud c/ France, 16 juin 2011, aff. 19535/08, F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rev. Lamy dr. civ., 2011,
oct., n° 4399.
5
-

Cou au motif « que

contestée ne prive pas


paternité qui pourrait lui être imputée ». Cass. civ. 1ère, 16 déc. 2015, n° 15-16.696, RJPF, 2016, n° 2.
6
CEDH, Jäggi c/ Suisse, 13 juill. 2006, n° 58757/00, Rev. dr. fam., 2008, étude n° 14; RTD civ., 2007, 99, obs.
J. HAUSER ; RTD civ., 2006, obs. MARGUENAUD, 727; Defrénois, 2008, n° 5, obs. J. MASSIP, 573.

411
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sous X.
444. onnance de 2005 ? Un arrêt récent de la
2
Cour de cassation
Convention européenne. Loin de donner satisfaction au requérant3, la Cour de cassation
procède par substitution de motifs en st
combiné aux articles 14 et 125 du Code de procédure civile. La Cour de cassation reproche
aux juges du fond la fin de non-recevoir tiré de «
4
», celle-ci .
Est- -droit du défunt, une action en connaissance de
ses géniteurs aurait été possible est de la plus haute importance si
-
qui permet « sans effet sur
». Poussant davantage le raisonnement, un auteur envisageait la
possibilité -une fois la connaissance de ses origines acquise-
filiation en adéquation avec ses origines génétiques 5. Il est vrai que l
juillet 2005 a clairement entendu verrouiller, dans de brefs délais, toute contestation des
filiations pour privilégier le principe de sécurité juridique. Or, tant la jurisprudence
un récent arrêt de la Cour de cassation6 sèment le trouble quant à la

la C

civil ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts


du demandeur - - et ceux des deux
filles du nouveau mari décédé de sa mère-
filiation (et
allait sans doute établir sa paternité). La difficulté tenait au fait que les
conditions d
n juste
équilibre en application de la jurisprudence européenne, adoptant ainsi une lecture

1
Cf. infra, n°
2
Cass civ. 1ère, 13 novembre 2014, n° 13-21.018, Rev. dr. fam., 2015, comm. 9, obs. C. NEIRINCK ; JCP, G,
2015, n° 3, 49, M. DOUCHY-OUDOT.
3
Celui-
lever tout doute sur son lien de filiation régulièrement établi.
4 ère
Cass. civ. 1 , 6 mai 2009, n° 07-21.826; Bull. civ., I, 2009, n° 89 ; RTD civ., 2009, p. 509, obs. J. HAUSER ; D.,
2010, p. 728, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU; D., 2010, M. DOUCHY-OUDOT, p. 989.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « x prérogatives parentales », Rev. Lamy dr. civ., 2015,
supp. n° 132.
6
Cass. civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-20.790; Rev. dr. fam., 2015, n° 9, comm. 163, C. NEIRINCK; D., 2015, note
H. FULCHIRON, p. 2365; RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 596.

412
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

extrê , bien que Cour

juste équilibre.
Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, « filiation
subtilement construit et

qui, ayant la connaissance de leurs origines par la voie de


de filiation, malgré
1
les garde- ».

§2) en matière de droits parentaux

445. Une relation parentale fon égalité. Principe structurant du droit de la


a également permis de consacrer un exercice identique de
parentale entre (A). À travers le
nde de maintenir les liens de ses deux
parents, qui se traduit au quotidien par la mise en place
rupture (B).

A)

2
446. La promotion .
3
durant le mariage est un ensemble de droits et
de devoirs indissociables, qui donne consistance à une charge de famille tant sur les biens
4
. Tournée vers sa protection5, cette autorité constitue
également un pouvoir qui découle naturellement de la paternité et la maternité. En
6
, la forte connotation idéologique 7

1
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « », art. precit.
2
Deux origines latines sont prêtées au terme « autorité auctoritas, dérivé du mot
auctor qui signifie auteur parfois rattaché au verbe augere qui signifie accroître,
autorité parentale
parentale ge.
3
L. GAREIL, , Paris, LGDJ, 2004 ; P. MURAT, «
parents envers leurs enfants », , P. JACQUES (dir. de), Paris, Dalloz, 2010, pp. 49-63.
4
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 10ème éd., Quadrige, 2014, p. 108.
5
F. TERRE, D. FENOUILLET, Droit civil, la famille, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 8ème éd., 2011, p. 886, n° 915.
6
Sur la force des mots de la loi, V. supra, n° 161 et 162.
7
Dès 19 via la Recommandation 874 (1979) relative à une Charte européenne des

« arentale , en précisant les droits

413
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de la loi du 4 juin 19701 brise la hiérarchie traditionnelle père-enfant dans la famille. La


commission DEKEUWER-DEFOSSEZ
«
responsabilit
mener à bien leur mission »2. Les termes
mêmes de la loi sont très révélateurs3, et le passage de la puissance exclusivement
masculine à une autorité parentale gard de
. Davantage personnel, le lien père-enfant repose désormais sur le respect et le
dialogue.
447. . La co
4
légitime -ou famille close - sont présumées. Les articles 213 et 372 du Code civil y servent
Sur la base de ces deux textes -et bien -l
est donc commun aux deux parents. La consécration juridique du principe de codirection et
sa traduction jettent les et permettent de dessiner la
physionomie des relations parentales idéales. Un tel modèle parental bute néanmoins sur
les multiples cas de désaccord des couples.
448.
était exceptionnel car il
soldaient pas
impérativement par un divorce. Impossible à obtenir avant 1975, celui-
que sur le fondement de la faute.
codirection ne survivaient pas à la rupture du lien conjugal. La conscience profonde de
cette réalité a néanmoins été passée sous silence en 1970 lors des débats parlementaires.
Afin de remédier à la mésentente et non la prévenir-, seule
jugée utile. Pourtant, ingérence qui en découle dans les relations familiales avait fait, dans
le temps, nombreuses critiques. -1 du Code civil issu de la loi du 4

e sur les relations personnelles


concernant les enfants du 15 mai 2003. De son côté, le Parlement européen a adopté une Résolution A3-0172/92

communautaires.
1
L. n° 70- J.O, 5 juin 1970, p. 5227. Parmi les commentaires de
cette loi, V. notamment C. COLOMBET, « »,
D., 1971, chron. p. 1; G. DESMOTTES, « », Rev. dr. sanit. soc., 1970, p. 229;
F. TERRE, « », Arch. philo. dr., 1975, n° 20, p. 45.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au garde des Sceaux, ministre de la justice, La documentation française, nov.
1999, p. 74.
3
À la notion traditionnelle de « garde » est substituée celle de « résidence habituelle garde »
la chose gardée
fonction.
4

judiciaire et par conséquent, close sur elle-même contrairement à la famille naturelle. Cf. J. CARBONNIER, Droit
, Paris, PUF, t. 2, coll. « Thémis droit privé », 21ème éd. refondue, 2002,
p. 102.

414
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

- e-
saisir le juge pour enfants qui statuera, après avoir tenté de concilier les époux. Initialement
conçu dans des cas marginaux de simple mésentente, cet article a rapidement été utilisé par
la jurisprudence dans le cadre de séparations de fait1, voire de conflits plus persistants entre
époux aboutissant au divorce. e la procédure de conciliation, les époux
étaient toujours unis par les liens du mariage et, au mieux, pouvaient-ils obtenir une
résidence sépa
2
prononcer une séparation de fait, . Seul
ce dernier cas justifiait le recours au juge des tutelles afin de fixer les modalités de la garde
-1 du Code civil.
449.
légitime. La jurisprudence a pourtant eu à connaître de nombreux litiges3 dans lesquels les
4
pères se sentaient . Sans doute était-ce, dans le temps, la
situation de la famille naturelle qui a servi de matrice aux revendications des pères
divorcés5.
au-delà de la rupture6
a été rendu possible. La condition par
les textes, il a été facile de passer outre. Néanmoins, cette condition constitue la condition
sine qua non pour un exercice conjoint de autorité parentale, particulièrement par les
couples séparés. Si le juge conservait une
exercice conjoint par les ex époux7 le conflit
on de son opportunité. Pourtant, les travaux préparatoires

1
T. FOSSIER, « e des tutelles dans la séparation de fait de parents légitimes », JCP, G, I,
1987, 3291.
2

3
Particulièrement après la réforme du divorce en 1975.
4 er
, dans sa version antérieure à la réforme du 4 juin 1970 disposait que « Durant le
».
5 ème
, 21 mars 1983, D., 1983, 583, note MOUSSA. Selon cet arrêt, «
». Celui-ci a particulièrement marqué les
MALHURET. V. en ce sens les interventions de M. PIERRE MAZEAUD,
rapporteur de la commission des lois
République (J.O.A.N., séance du 7 mai 1987, p. 948, 949, et 969 ; séance du 3 juillet 1987, p. 3662).
6
Au profit notamment des couples non mariés. dispose que (en sa rédaction
issue de la loi du 22 juillet 1987) «
font la déclaration conjointe devant le juge des tutelles
contrôle de la
volonté ainsi exprimée, dénué de toute appréciation de la mesure.
7

la loi MALHURET. Au terme de cet article, «


».

415
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

commun, en ne retenant pas la condition préal L


devenait alors
commandait. De la même manière, i
sur l raient mettre en place un exercice conjoint ou non. Ainsi
que le souligne Madame GAREIL dans sa thèse, «

entre les parents, la désunion des époux excluait cette modalité :


. Le législateur paraissait alors convaincu que le désaccord

sur un accord renouvelé des parents »1. Si tale a été


étendu aux couples non mariés présentant de fortes similitudes avec les personnes mariées,
, et relevait surtout de la sagesse des juges. « Modalité
2
dangereuse »
préconisait comme remède à la mésentente au sein du couple 3.
les juges en inversent la fonction pour
4
en faire un remède au profit des parents , au de enfant.
450. à la famille
5
naturelle. permettait aux parents na
6
. Cette situation trouvait néanmoins de
hors
7 8
mariage. Tant les travaux préparatoires à la loi de 1970, que la jurisprudence et les
commentaires de doctrine9 insistaient sur la nécessité que seuls des parents unis par des
liens semblables à ceux des époux et ayant un mode de vie semblable à ceux-ci pouvaient
se voir reconnaître un tel exercice en commun. Reposant sur des conditions strictes, la mise

1
L. GAREIL, , Paris, LGDJ, 2004, p. 170.
2
Ibidem., p. 170.
3
CA Paris, 3 juil. 1996, Rev. dr. fam., 1997, n° 3, note H. LECUYER, : il
convient « le conjointe, cette mesure devant inciter les parents à renouer un
». V. aussi,
H. FULCHIRON, « ar les parents divorcés à
», in Sociologie judiciaire du divorce, J. HAUSER (dir. de), Paris, Economica,
coll. « Études juridiques », 1999, pp. 69-83.
4
e égalité entre eux.
5
Issu de la loi n° 70- precit.
6
Avant la loi du 4 juin 1970, seul exerçait la « puissance paternelle
Lorsque les deux liens de filiation étaient établis, était privilégié celui établit en premier, généralement le lien de

7
Cf. le discours du rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de
ANDRE TISSERAND (J.O.A.N., séance du 8 avr. 1970, p. 865).
8
TGI Montauban, 14 janv. 1976, JCP, G, IV, 1976, p. 317; D., 1977, I.R., p. 41. TGI Grenoble, 12 juin 1978, D.,
1978, I.R., p. 399. Cass. civ. 1ère, 25 nov. 1981, Bull. civ., n° 348.
9
E.S. DE LA MARNIERRE, «
divorcés ou célibataires », Gaz. Pal., 1987, doct., p. 638.

416
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

d ,
et que les parents vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de
la seconde reconnaissance1. MALHURET2 leur offre néanmoins
la possibilité,
3
. La loi étendait ainsi à

cas de divorce. Une telle possibilité avait déjà été envisagée lors des débats parlementaires
relatifs à la loi de 1970, mais elle avait été abandonnée en raison de vives oppositions 4.
. Celui-ci permettait désormais
exercice conjoint , indépendamment de toute appréciation par le
5
juge de son opportunité . Devenu la règle en pratique, il était largement admis par les
juges, et la loi du 8 janvier 19936 en étend la portée tant dans la famille divorcée que dans
la famille naturelle7. Le juge, relégué à une fonction d enregistrement de la déclaration
conjointe des parents, ne disposait plus du pouvoir de contrôle. Or, si la mesure pouvait
était naturelle pour les couples mariés, en raison de la direction de la famille que les époux
assurent ensemble au sein de la famille naturelle8, caractérisée par

durable.

1
Art. 372 du Code civil issu de la loi du 4 juin 1970.
2
L. n° 87- J.O, 24 juil. 1987, p. 8253. Cf. pour les
commentaires de cette loi : R. LEGEAIS, « », Defrénois, 1988,
art. 34243 ; F. MONEGER, « », Rev. dr. sanit.
soc. 1987, p. 668 ; F. RUELLAN, «
de séparation de corps (loi du 22 juillet 1987) », D., 1990, chron.81 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, F. VAUVILLE,
« Malhuret du 22 juin 1987)», D., 1988, chron.
p. 147 ; F. BASTIEN-RABNER, « Le charme discret de la loi MALHURET. (Une reconnaissance imparfaite du droit
», JCP, G, I, 1992, 3613, n° 18 ; M.-L. MORANÇAIS-DEMEESTER, « Vers
», D., 1988, chron.
n° 9, p. 10 ; H. FULCHIRON (dir. de), autorité parentale après-divorce et dans la famille
application de la loi n° 87- autorité parentale,
Rapport pour le ministère de la justice, 1993.
3
L :«
».
4
J.O.A.N., séance du 8 avril 1970, p. 865.
5
Cass. civ. 1ère, 26 juin 1990, JCP, G, II, 1991, note F. VAUVILLE.
6
L. n° 93-22 du 8 janv. 1993, J.O, 9 janv. 1993. Parmi les nombreux commentaires de cette loi, cf. notamment,
C. BOULLEZ, « Les relations parents- », Gaz. Pal.,
1993, doctr. p. 828 ; H. FULCHIRON, « », D., 1993, chron. p. 117 ;
J. MASSIP, « Les modifications apportées au droit de la famille par la loi du 8 janvier 1993 », Defrénois, 1993,
art. 35559 ; F. MONEGER, « », Rev. dr. sanit. soc., 1993, p. 223 ;
J. RUBELLIN-DEVICHI, « Une réforme importante en droit de la famille : la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 », JCP,
G, I,1993, 3659 ; H. FULCHIRON, D., 1993, p. 117.
7
H. FULCHIRON, « », Rev. dr. fam., 2000, n° 12, hors
série, p. 45.
8
S. VITSE, « », Rev. dr. fam., 1997, chron. n° 3, p. 7.

417
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

451. par la loi du 4 mars


2002.
parental qui a tendance à se distendre, voire disparaître après la rupture

« réalités et aux aspirations de notre temps » était également avancé afin de justifier la
améliorer la législation1. Après le renforcement
, Madame le professeur THERY préconisait déjà
dans son rapport un renforcement du principe de coparentalité en cas de séparation.

« »2. La formulation très générale


imprime au principe une dimension intemporelle, indépendante de la nature du lien qui unit
les parents, et au-delà de la rupture du couple.

reconnaît3

452. ménagement d juge aux


affaires familiales (JAF).
sont lais
privilégié, le juge aux affaires familiales homologue4
dès lors Garant de ce double lien
parental, le juge est appelé à « prendre les mesures permettant de garantir la continuité et
»5, en exhortant
Une décision de
, appelé à se prononcer sur les

1
Cf. I. THERY, Cou
garde des Sceaux, ministre de la justice, éd. O. Jacob, La documentation française, juin 1998 ; F. DEKEUWER-
DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de
notre temps, Rapport au garde des Sceaux, ministre de la justice, La documentation française, nov. 1999.
2
-2 alinéa 2 les appelle à « maintenir des relations
- ».
3

ne pouvait être que le juge aux affaires familiales.


familiale est éminemment symbolique
TERRE, D. FENOUILLET, Droit civil. La
famille, op. cit., n° 957, p.
ainsi

2009 contribua à modifier cet


mineurs. SALVAGE-GEREST, «
», Rev. dr. fam., 2003, avr., n° 12.
4
Art. 373-2-7 du Code civil.
5
Art. 373-2-6 al. 2 du Code civil.

418
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

exercer les
nfluencée par son mari actuel, une mère ayant respecté ni le droit de
éducation en accord de son père1, ni exercice en
commun de l autorité parentale, a pu voir la fixation de la résidence
son autre parent. La mère avait fait preuve de son inaptitude à respecter les droi autre
parent.
Si le juge est appelé à favoriser le double lien parental, cette mesure trouve sa traduction
concrète par la mise en place de la résidence alternée.

B)

453. Les hésitations jurisprudentielles initiales. Au départ, la jurisprudence

parentales. Condamnée à plusieurs reprises -dans des cas favorables de proximité de


résidence2- les juges du fond y voyaient une source de fatigue et de scolarité décousue pour
3
MALHURET, la deuxième chambre civile de la Cour de
r
4

5
.
454. affiché de maintien des liens e mesure. Le

coparentalité dans toutes les situations6, que les parents soient ou non mariés, divorcés ou

1
CA Paris, 13 déc. 2012, n° 12-129.26, Rev. dr. fam., 2013, n° 3, comm. C. NEIRINCK.
2
CA Paris, 10 févr. 1999, JCP, G, II, 1999, n° 10170, note T. GARE ; mais contra, CA Toulouse, 2 mai 2000,
JCP, 2001, IV, n° 1128 ; CA Rennes, 3 juil. 2000, JCP, G, IV, 2001, n° 2650.
3

multiples difficultés. Des études ont démontré que la résidence


-
t-
demeurerait à un domicile fixe, et ce sont les parents qui, à tour de rôle, se déplaceraient régulièrement au

déplacements. Comment dès lors, pourrait-


subir un préjudice quelconque ?
4
Cass. civ. 2ème, 21 mars 1983, Bull. civ., II, n° 78 ; Cass. civ. 2ème, 2 mai 1984, Bull. civ., II, n° 78, p. 56 ; Cass.
civ. 2ème, 20 nov. 1985, Bull. civ., II, n° 174.
5
si le législateur a souhaité en 2002 élargir
ons à la

ou telle modalité de résidence


laisser aux magist Rép. min. n° 4313, JOANQ, 23 oct. 2007, p. 6574.
6
La lutte contre la « monoparentalité maternelle » a été un objectif majeur du nouveau texte.

419
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

séparés1. Après plusieurs tâtonnements législatifs, le dispositif existant trouve son


aboutissement avec la loi du 4 mars 2002 2. Celle-ci introduit la possibilité pour le juge
ordonner une résidence en alternance, au moins à titre provisoire, pour favoriser le
avec ses deux parents. étant
progressivement effacé à partir des années 1970, la nouvelle loi tente de revaloriser son
rôle3 enfant. La généralisation de la mesure trouve son fondement
4 5
dans la CIDE qui , les États
parties étant exhortés à respecter ce droit sauf si « cela est contrair
6
enfant » de leur mieux « à assurer la reconnaissance du
principe selon lequel les parents ont une responsab
assurer son développement »7.
455. Les objectifs visés. Si la réforme des prérogatives parentales en 1970 était
commandée par le souci de mettre en place une autorité parentale conjointe aux deux
parents en lieu et place de la notion de puissance paternelle, la loi du 4 mars 2002 renforce
cette égalité en la rendant parfaite et applicable à tous les couples et à tous les enfants. Il
était alors possible de croir
les pères jouissaient de prérogatives identiques. Or, le princi jamais
que plus de 85 % des mères
obtenaient la garde de leur enfant, et la jurisprudence considère toujours fort
heureusement- implique nullement un

1
1884 disposait que « les enfants seront
-à- innocent ». Le divorce était alors perçu

2
F. BOULANGER autorité parentale par la loi du 4 mars 2002 », D.,
2002, p. 1571 ; C. BRIERE, « La coparentalité : mythe ou réalité ? (Commentaire de la loi n° 2002-305 du 4 mars
autorité parentale) », Rev. dr. sanit. soc., 2002 p. 567 ; J. ROCHFELD, « Loi n° 2002-305 du 4
autorité parentale », RTD civ., 2002, p. 377 ; H. FULCHIRON, « autorité parentale
rénovée. Commentaire de la loi du 4 mars 2002 », Defrénois, 2002, p. 959 ; A. GOUTTENOIRE-CORNUT, « La
consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars 2002 », Rev. dr. fam., 2002, chron. p. 27 ; S. THOURET, « La
autor une véritable coparentalité », Rev.
Procédures, 2002, n° 5, p. 8 ; S. BEN HADJ YAHIA, « »,
professeur Raymond LE GUIDEC, Paris, Dalloz, 2014, pp. 547-571 ; F. BOULANGER, « Réflexions sur la portée et

parentaux », CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, 2012, p. 59-71.


3
Or, aussi louable puisse être cet objectif, il est en contradiction flagrante avec la nouvelle loi relative au nom et
un rééquilibrage égalitaire en faveur de la mère. Reposant sur deux philosophies
une
J. ROCHFELD, « Loi n° 2002-305 du 4 mars
autorité parentale », RTD civ., 2002, p. 377.
4
Texte de la convention publié par décret du 8 octobre 1990, J.O, 12 oct. 1990, p. 12363. G. RAYMOND, « La

novembre 1989) », JCP, G, I, 1990, 3451.


5
Art. 7.
6
Art. 9.
7
Art. 18.

420
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

enfant1.
abstraitement posée par le texte contraste avec la réalité du vécu parental. Le rapport de
Monsieur le président JUSTON
le Code civil de ce partage inégalitaire du temps passé par chacun des parents auprès de
2
. La coparentalité instituée par la loi du 4 mars 2002
3
l de la parité parentale4,
séparation. Si la première loi avait pour objectif de procéder à un rééquilibrage des
prérogatives parentales au profit de la mère, les projets de réforme actuels dénoncent une
5
dans le cadre des séparations parentales. La réalité démontre que
e plus souvent confié à sa mère. Les contraintes et la
6
reconstitution de nouvelles familles ne favorisent pas le maintien des liens entre le père et

456. . La proposition de loi adoptée en


7
première lecture propose une réforme des règles applicables à la détermination de la
symbolique
coparentalité positive parfaitement atteint8, le texte
souhaite dépasser le débat relatif aux bienfaits et inconvénients de la résidence alternée en

1
Même dans le cas de la résidence altern
:
Cass. civ. 1ère, 25 avr. 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 143, note P. MURAT. Dès lors, la finalité posée par
-2-

2
Proposition n° 26 du rapport.
3
Surtout que « nécessairement plus pauvre et incomplète
réalité humaine et sociale beaucoup plus riche : le comportement des générations plus âgées vis-à-vis des plus
jeunes et réciproquement ». V. F. BOULANGER, Les rapports juridiques entre parents et enfants, Perspectives
comparatistes et internationales, Economica, Paris, 1998, p. 1.
4
s père et mère.

le territoire n 2012, la résidence habituelle est fixée au profit de 71 % des


enfants chez la mère (ils étaient plus de 80 % en 2003 et 73,5 % en 2010), 17 % en alternance chez chacun de

trouvé dans plus de 80 % des cas, la proportion de résidences chez la mère demeure identique. Cf. M.
GUILLONNEAU, C. MOREAU, La résidence des enfants de parents séparés. De la demande des parents à la
décision du juge, Ministère de la justice, nov. 2013, p. 5 ;V. AVENA-ROBARDET, « La résidence des enfants : les
chiffres », AJ fam., 2013, p. 666.
5
« Autorité parentale entre parents désunis : des propositions pour améliorer les prérogatives du père », Rev. dr.
fam., 2012, n° 12, alerte 64.
6
V. supra, notre chapitre relatif aux recompositions familiales.
7
Proposition de loi n° 1856 relative à , enregistrée à la présidence de
er
avril 2014, adoptée en première lecture le 27 juin 2014, puis transmise au Sénat.
8
Cf. récemment, le refu

enfants. Ses bonnes qualités de père ne sont pas suffisantes pour appuyer sa demande de résidence alternée ». V.
CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 6 févr. 2014, n° RG 13/07811.

421
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

procédant à une clarification1. Le projet de réforme évoque -une fois de plus-


renforcer la coparentalité, ce qui était soutenu déjà lors des précédentes réformes. Face au
renouvellement co

de

2
législatif proposé mais aussi légal, donnant une impression de
même jeu. Au titre des

conjointement au domicile de chacun des parents3. Cette nouvelle modalité deviendrait

exceptionnel que le juge pourrait


parents. Le texte met

fréquence du changement de la règle de droit qui,

Au plan terminologique il est prévu de


mettre fin à ce qui est considéré être une terminologie péjorative. La résidence alternée,

stigmatisante4
humanitaire). L hébergé

1
on peut singulièrement douter de la nécessité
de clarifier les règles existantes, comme le premier chapitre a pour objet de le faire. Depuis la loi n° 2002-305 du
4 mars 2002, le principe de coparentalité avère déjà relativement clair Les
dispositions actuelles du Code civil ne suscitent pas, en elles-mêmes, des difficultés nécessitant une prétendue
avère problématique ». Cf. Rev. dr. fam., 2014, n° 5,
alerte 20.
2
M. JUSTON
en remplaçant notamment le « », par des mots plus doux et plus neutres comme
« accueil, temps de résidence ou période de résidence ».
3
Article 7 de la proposition, découlant de la proposition n° 27 du rapport de M. JUSTON. Le rapport de Monsieur
le président JUSTON proposait en réalité
de résidence, tout en insérant dans le Code civil la mention que la résidence alternée ne correspond pas à un
mode paritaire de enfant. Toute proposition de résidence alternée paritaire ou non,
notamment celle imposée par le JAF -ce qui veut dire que celle- -, pouvait aussi
être a une mesure de médiation familiale, de manière à ce que les parents vérifient par eux-mêmes
adéquation de ce type de r JUSTON étant de tirer les
vil de la réalité de cette double domiciliation (que ce soit dans le cadre
possible
et non le principe (propositions n° 19 et 26).
4

droit
» et de « droit de visite » étant le plus souvent mal ressenties par les parents concernés, qui

parentales.

422
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

« deux chez lui »1, le « » est vouée à la disparition. Dans le cas

visite, exceptionnel, pourrait être mis en place.


457. Une proposition de loi contraire à .
ponse législative apportée pour favoriser cet

-loin - « peut créer des désordres car


e droits partagés : ses propres droits, ceux de ses parents, ceux des
2
tiers » . onjoint de
Or, du « sur-mesure » est
particulièrement souhaitable lors de la détermination des modalités de exercice de

naturellement plus important que celui passé aux côtés du père. Dès lors, le modèle de
parentalité suggéré trouve sa limite dans la réalité sociale. La règle de droit se trouve ainsi
« en avance ter. Cette
-excessivement ?-
Le suivisme législatif caractéristique de la législation contemporaine tend à
satisfaire les revendications de chacun des membres du couple. Ceci est bien la preuve que

membres. Il est regrettable que la famille ait à servir les ambitions égalitaires du politique
alors que celle-ci, par essence inégalitaire, est aux antipodes de cette mission qui lui est
Oeuvre purement humaine, la règle de droit ne peut tendre à la
-ci, du fait des
nombreuses interv
démontré par les études de sciences humaines que la stabilité est le fondement qui préside
a
3
perfection auprès des personnes qui en sont responsables, ou en tout cas les y inciter .

1
Cette mesure rappelle la suppression du « dr » par la Convention sur les relations
lien de famille ». V. supra, n° 153.
2
S. BEN HADJ YAHIA, « », art. precit., p. 570.
3
Madame Aude MIRKOVIC exprime très justement la situation en ces termes : « autorité
est-ce pas tout simplement que, si la vie des enfants vivant avec des couples
décomposés et est pas à cause il est délicat pour un
enfant de vivre avec des adultes qui ne sont pas ses parents, et vice versa ? Les législateurs successifs tentent de
réparer les effets dévastateurs de la séparation parentale. Que ne cherchent-ils, aussi, des éviter ces
séparations destructrices ? Les récents débats sur le mariage ont montré que celui-ci est recherché comme la
structure la engagement sur lequel il r il offre.
Chacun est libre de se marier ou non, mais une seule mesure (fiscale par exemple) encourageant la stabilité du

423
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

458. Les
de
proposition de loi crée un certain
nombre de mesures permettant de faire respecter la décision du juge ou la convention
homologuée. Une amende civile1 est élever à
10.000 euros afin de sanctionner le parent faisant délibérément obstacle, de façon grave ou
renouvelée,
respecte pas une décision ou la convention homologuée fixant les modali
. La mesure est satisfaisante, le recours à la voie pénale étant
inopportun dans un tel
e. Bie

, pouvant être un instrument efficace entre


les mains des praticiens dans certaines situations.
civile, Monsieur BINET propose, lorsque ité parentale est entravé par

ompte de la modification de la répartition de la charge


effective de son entr sanction, cette mesure
permettrait « de tirer les conséquences financières du non-exercice du droit de visite et
non-respect des périodes de résidence au domicile de chacun des
parents fixées par la décision du juge ou la convention homologuée ». Adoptée par la
Commission des lois constitutionnelles2,
rcée des décisions de justice rendues en matière civile3 ne semble
pas être adaptée à la nature du litige. En effet, le procureur de la République est invité à
Si elles sont
combinées à celles déjà existantes, les mesures mises en place permettent de faire respecter

on n° 23 du rapport
4
de Monsieur JUSTON est fort intéressante car elle préconise en cas de difficultés graves,

i
de privilégier la culture du dialogue à celle de la force.

mariage serait certainement mieux ven autorité parentale et le prétendu intérêt de


enfant », Rev. dr. fam., 2014, sept., n° 9.
1
Article 5 de la proposition de loi.
2
Art. 6 bis.
3
Art. 8 bis.
4
M. JUSTON, Médiation et contrats de coparentalité, rapp. precit.

424
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 2. La fidélité du droit maghrébin de la filiation au


modèle familial islamique

459. Précisions sémantiques. En droit musulman, la parenté recouvre des


acceptions multiples. Le sens le plus courant qui lui est assigné est celui qui permet
gie ascendante, tandis que la parenté entendue en
termes de filiation inscrit davantage celui-ci dans un ordre descendant, en le rattachant à
ses auteurs. La filiation1, patrilinéaire en droit musulman, consiste essentiellement dans
« le fait de porter le nom de son père et de pouvoir hériter de lui, cette dernière disposition
découlant juridiquement de la première dans le droit musulman classique »2. Dans tous les
pays de tradition musulmane, le droit de la filiation demeure une fidèle transcription des
préceptes religieux tant le système de parenté est fortement empreint de morale islamique,
construite autour du modèle de filiation patrilinéaire. Parmi les
bjectif de
sauvegarde de la vie humaine sur terre, une place de choix est faite à la procréation et aux
biens3 Si les législations
positives des pays du Maghreb se réfèrent davantage à la notion de nasab -la parenté au
sens généalogique- bounoua -filiation au sens strict- en
raison conception de la parenté irréductible au simple donné biologique, mais qui
nécessite une parenté. Le nasab est de ce fait « éloigné

avant tout une représentation sociale, indépendante parfois de toute réalité historique »4.
Un tel choix repose également sur une conception différente de la procréation qui, à

effet, celui-ci joue un rôle incontournable dans la doctrine juridique islamique qui le

1
La filiation en droit musulman est constituée de deux éléments : la bounoua et le nasab. Le second, selon
Madame le professeur BEN HALIMA, «
nasab
aternelle légitime. » qui détermine le statut de la personne dans la société. Si la

fondement dans le nasab t à son père, en lui attribuant son nom. À cet égard, le
nasab origine
S. BEN HALIMA, La filiation paternelle légitime en droit tunisien, Thèse, Tunis, 1976, p. 10. V. K. MEZIOU, « La
filiation », , 2009, n° 345, pp. 238-260.
2
C. FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions
et reconnaissance de paternité. De la nécessaire conjonction du social et du biologique »,
filiation. Aux fondements des sociétés européennes et méditerranéennes, P. BONTE, E. PORQUERES I GENE,
J. WILGAUX (dir. de), Marseille, éd. de la Maison des s
3
V. infra, n° 489.
4
A. AOUIJ-MRAD, « Le faible impact des pratiques biomédicales sur la vision de la parenté en Tunisie », in Les
incidences de la biomédecine sur la parenté. Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, M.-C. CRESPO-
BRAUNER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 193.

425
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considère comme le principe vital de descendance1. Le sang est utilisé que comme
simple métaphore des relations de parenté 2
le nasab, dont le
rôle est la représentation sociale et symbolique de la parenté en vue de

460. Les moyens de preuves biologiques : une évolution du droit de la filiation ?


La consécration des moyens biologiques de preuves tests ADN- occasion de
renouveau du
-t-elle permis de faire
basculer la filiation dans un « tout biologique » au détriment du modèle de parenté légitime
fondée sur le mariage ( §1), ou celle-ci demeure t-elle fidèle à sa fonction de maintien
rtaine conception de la famille et des relations parentales (§2) ?

§1) L la filiation

461. Exclusivité de la filiation paternelle. Le droit musulman de la famille accorde


Celui-ci ne reconnaît
3
, inapte à permettre
en vue de prétendre au nasab. Le
mariage, condition sine qua non peut seul faire jouer pleinement la présomption de
paternité (A). Point de mariage, point de nasab dirait le dicton. La

pas le fils de celui que le mariage désigne est forte (B).

A) La force de la présomption de paternité

462. En mariage, la présomption de paternité

1), il ne nécessite nullement une manifestation de volonté et

1
Sur cette question, cf. C. FORTIER, « Le lait, le sperme, le dos. Et le sang ? »,
2001, n° 161, pp. 97-138.
2
Sur ce point, cf. infra, n° 357.
3
Sur le rattach
scripturaire, V. les développements de Monsieur K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé,
-68, spec. n° 69 et s. Cf. aussi la décision de la Cour de cassation ayant refusé,
bounoua
génétique étant sans effet à son égard : Cass. maroc., 20 janv. 2015, dossier n°192/2/1/2014, n° 2/25.

426
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

que ceux-ci sont tributaires de la volonté paternelle (2) ce qui


peut met

1- Un m

463. « conjugal ». En droit musulman, l


al waladou lil firach
. Simple présomption, elle permet de conférer la légitimité à

rts conjugaux permettent ainsi de présumer


les relations charnelles du couple alors même que la vérité
biologique pourrait être contraire à cette réalité. Présomption qui repose sur un fait connu -
le mariage- elle aboutit à un fait inconnu, bénéficiant pourtant du cadre protecteur de la loi.
Le mariage de
fondateur de la famille. La
mais aussi au profit de c
du Maghreb sont une fidèle traduction de ces règles1. Bien que répugnant à la

paradoxalement, bénit de sa légitimité toute situation pouvant être régularisée.


464. Des délais de grossesse favorables . Pour que la présomption joue
encore, la grossesse de la mère
classique. Le délai minimal de la grossesse a unanimement été fixé par les jurisconsultes
des différentes écoles doctrinales à six mois. S
-ci est considéré comme issu du couple. Cette solution a été
reprise par les différentes législations maghrébines2
duquel il convient
de faire courir les six mois, car le droit musulman distingue la date de la conclusion de
-ci a pu être consommé. Les législations marocaine
et tunisienne font courir simplifie
considérablement la question de la preuve des relations charnelles. Néanmoins, le Code
marocain exige que les rapports sexuels soient plausibles entre les époux. La difficulté
initiale est donc entière.
par « la possibilité des rapports 1° du Code de la famille, se pose la
difficulté liée à son appréciation. -t- e
communauté de vie effective sans laquelle le couple serait suspecté de ne pas satisfaire à
cette obligation, ou serait-ce notamm
? Le tribunal de première

1
Ar. 152 du CMF, art. 40 du Code algérien et 68 du Code tunisien.
2
Art. 154-1 CMF, 42 du Code algérien et 71 du Code tunisien.

427
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

instance de Marrakech a notamment pu elations conjugales

intervenait le 20 mai 2003. Dans ces


conditions, la filiation légitime faute de relations conjugales
1
plausib 1° . La même difficulté se retrouve tant dans les

possibilité des relations conjugales du couple permet de renforcer la présomption de


paternité, elle traduit incontestablement le regard (intrusif ?) du droit au sein de la sphère
ce de liberté qui y est réservé. Le délai
2
maximal de la grossesse est en revanche ramené à un an dans la législation marocaine et
tunisienne3, sauf par la législation algérienne 4 qui le ramène à dix mois. La terminologie et
la conception du droit musulman classique sont patentes et génèrent une certaine
confusion, car le droit musulman distingue en matière de rupture du mariage le divorce

particulièrement présente en droit marocain qui maintient la distinction classique du droit


musulman entre le divorce révocable et le divorce irrévocable, lorsque les voisins algérien
et tunisien ne le font pas. Pour autant, un laps de temps considérable peut courir entre la
cessation de la cohabitation et le prononcé définitif
toutefois pour dire que seul le jugement définitif de divorce fait courir le délai.
465. Le cas particulier des fiançailles en droit marocain. Les législations
marocaine et algérienne considèrent -depuis leurs dernières réformes - des
rapports illégitimes préalables au mariage, rattachable à son géniteur. Le droit marocain
exige que le mariage ait ensuite été conclu en toute bonne foi5
considéré comme naturel. Ni la doctrine malékite
cette condition, preuve que le droit marocain ne souhaite ouvrir aucune brèche et manifeste
une tolérance « zéro
relations illégitimes. Malgré ce

1
TPI Marrakech, 6 mai 2004, n° 1307, dossier n° 04/8/192.
2
Celui-ci génère des divergences entre les juri
MONJID, « les délais
considérer que la grossesse
peut durer de multiples années après la séparation de la femme de son époux semble pour le moins
invraisemblable », et les jurisconsultes en étaient bien conscients. En réalité, cette situation traduit le souci
permanent de pren

cation. M. MONJID,
modernité dans le droit de la famille au Maghreb -122, spec., n° 227.
3
Art. 154 CMF et 69 du Code tunisien.
4
Art. 42 du Code algérien.
5
Art. 58 du CMF.

428
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

par choubha
« par erreur », les rapports sexuels du couple comme mari et femme
permettent de pro . L
fiancée sera imputable au fiancé lorsque la conce pendant la
1
période des fiançailles . La conce n enfant peut être régularisée si
celle-ci r
conditions : la notoriété des fiançailles doit pouvoir être prouvée -notamment par
2
-, par tous moyens (photos, témoignages...), le
consentement des futurs mariés établi, enfin que la reconnaissance de la grossesse soit bien
du fait du couple3 et que des circonstances impérieuses aient
mariage. En cas de contestation de la grossesse par le fiancé, il est fait appel à tous les
moyens de preuve légaux pour établir la filiation paternelle. Ayant pour fondement
, ce
nité a donc animé le
législateur, laissé emporter par la tendance humaniste
caractéristique du législateur français. Fidèle à cet objectif, le juge veille à une stricte
application de la nouvelle disposition qui ne joue que dans des cas limités4. Il a pu être
e établie que si les
fiançailles sont connues des deux familles et après aveu des deux fiancés 5. Dans une autre
affaire, la filiation être établie
assurés de la réalité du consentement des supposés fiancés6.

2-

466. de paternité iqrar . Repris du


droit mus
7
. Néanmoins, les trois codes sont laconiques
sur plusieurs points importants, malaise des législateurs avec un tel

1
Cour de cassation, 28 juin 2011, n° dossier 361/2/1/2010, n° 390.
2
Cette condition à elle seule témoigne bien de la dimension institutionnelle et publique du mariage dans les

telle que sa bénédiction est nécessaire afin de mener une vie de famille harmonieuse et épanouie.
3

avant les fiançailles ou après. Cour. cass. maroc., 28 juin 2011, dossier n° 361/2/1/2010, n° 390.
4
A. SAADOUNE, « conçu pendant les
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », in Justice familiale. Appréhensions plurielles et
problématiques contemporaines, Z. ELAMARI (dir. de), Rabat, Publications de la revue de justice civile, t. 1,
2013, pp. 49-78 (en langue arabe).
5
C. cass., 18 avr. 2006, dossier n° 282/2/1/2006.
6
C. cass., 16 janv. 2008, dossier n° 34/2/1/2007.
7
Art. 152 du CMF, 68 du Code tunisien et 40 du Code algérien.

429
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Constitue-t-elle un mode autonome de reconnaissance de la filiation ou est-elle tributaire


de ?1 Si le droit musulman fait preuve de souplesse en
it
qui anime le droit musulman, à savoir ur autant que
possible- font preuve de méfiance
enfant né de relations illicites. Les juges marocains considéraient autrefois que la
2

mariage. Un arrêté ministériel3 avait en effet


préalable d un lien matrimonial. aucune valeur probante et la loi
4
relative à mentionne pas la
5
jurisprudence révèle deux orientations opposées :
nasab saurait
constituer une action indépendante de celle visant la reconnaissance du mariage du couple
ni de celle visan par erreur » durant la
6
période des fiançailles . La Cour de cassation a néanmoins tranché en faveur de la
première. Pour la Haute juridiction, nasab constitue une action
indépendante de celle visant la reconnaissance du mariage.
remarquée, elle a considéré que «
choubha, à condition que le père ne précise pas que
7
zina » . Dans la même lignée jurisprudentielle,
Rabat a admis une action en reconnaissance du nasab
nasab est établi, dans le cadre des
ssesse de la fiancée,
8
corroboré . Dans le même sens, la
censuré un jugement ayant ref le nasab
au motif que celle-ci serait née avant la conclusion du mariage de ses parents. Pour

1
Y. SAADOUNE, « nasab
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », in Justice familiale. Appréhensions plurielles et
problématiques contemporaines, Z. ELAMARI (dir. de), Rabat, Publications de la revue de justice civile, t. 1,
2013, pp. 49-78 (en langue arabe).
2
Cour suprême, 30 mars 1983, dossier n° 54758.
3
Arrêté ministériel n° 159, 1er juillet 1983.
4
M. MONJID, op. cit., p. 131-132, spec. n° 247.
5
Y. SAADOUNE, « nasab
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », art. precit., spec. pp. 63-68.
6
Un couple vivant de façon maritale -dont sont issus deux enfants-
établissement du nasab des deux enfants est admise par les juges de la section familiale

Meknès, 22 août 2006, dossier n° 2808/5/06.


7
Cour suprême, 8 juin 2005, dossier n° 713/2/1/2003, et n° 439 du 28 sept. 2005, cités par M. LOUKILI. Dans le
même sens : CA Agadir, 4 dec. 2007, dossier n° 154/07.
8
CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171.

430
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

infirmer la décision rendue


t était bien de leur fait,
1
. Depuis, ce libéralisme semble avoir été
raison
impérieuse riage. Dans une décision du 14
2
juin 2011 , elle qui a
requérante à son défunt époux (celui-ci étant décédé au jour d
de mariage. Pour justifier la cassation, la
Cour retient le défaut de base légale tiré du défaut de caractérisation de la raison
De la
même manière, le témoignage de deux per pas suffisant pour la Cour, à moins
adouls.

acte de mariage. Ce procédé, fréquemment exigé en pratique, méconnaît la portée de la


reconnaissance de paternité telle que posée par les textes. La Cour de cassation tunisienne
semble avoir opté,
3
, en faveur de la préservation des bonnes
fant adultérin a pu être établie sur le fonde
un tribunal de première instance4, celle- revenir sur cette jurisprudence
en affirmant que «
relation adultérine »5. Inconstante, la jurisprudence tunisienne souffre de son manque
de
jurisprudence est à la tolérance, les juges a né
6
hors mariage en faisant référence à la Convention de New York .
467. excessive du mariage.
Le scepticisme est permis quant à la portée de la pratique consistant à subordonner la
reconnaissance de mariage à son existence préalable. Bien que la reconnaissance

filiation légitime, la reconnaissance de paternité dépend en pratique


mariage des parents. Or, e le droit musulman, elle ne
devrait pas en être tributaire au risque de demeurer lettre morte. Elle contreviendrait
également à e filiation, ce qui revient
à les priver du droit au nom nasab, ainsi que de la vocation successorale qui pourrait leur

1
CA Tétouan, 29 mai 2007, dossier n° 6/06/266.
2
Cass. maroc., 14 juin 2011, dossier n° 364/2/1/2010, n° 346.
3
Cass. civ., 23 avr. 1975, n° 9853. Dans le même sens: Cass. civ., 15 mai 1984, n° 9976.
4
TPI Gafsa, 21 fév. 1994, n° 43979.
5
Cass. civ., 13 mai 1997, n° 56315.
6
TPI Manouba, 28 oct. 2003, n° 16198 ; TPI Manouba, 2 déc. 2003, n° 16189/53.

431
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

échoir. Admettre ensuite que la filiation légitime puisse être établie du seul aveu du père
révèle la suprématie de la branche paternelle en droit maghrébin, en conditionnant son
établissement au bon gré du géniteur. La loi, par souci de protection de ces enfants,
pourrait réserver un accueil plus favorable aux pères désireux de reconnaître leur enfant.
Ceci permettrait de responsabiliser raient pas leurs responsabilités,
la loi pouvant à cet égard revêtir la fonction pédagogique qui lui revient en satisfaisant à
, la reconnaissance de paternité continue
de buter sur la
relation illégitime, la reconnaissance de paternité
Comme le souligne Madame le professeur MONJID, « cette
cond
musulman est simplement sous-
voire dissimulant une certaine
1
hypocrisie »
sauvegarde de la spécificité du mariage
468. Le maintien renforcé de la preuve par témoins. Énumérée parmi les modes
de la filiation, la preuve par témoins constitue le deuxième procédé de
droit musulman classique repris par les législations familiales des pays maghrébins.
moudouwana marocaine2, toujours présente dans les codes
algérien3 et tunisien4, celle- 5
, réglementé

la société actuelle - mais témoigne de


tachement du droit maghrébin de la famille aux règles du droit musulman classique6.
Indéterminé dans ses modalités, ce mode de preuve dépend pour sa mise en oeuvre de
juges, dont le référentiel est constitué par les règles du rite malékite. La
Cour de cassation tunisienne n le témoignage
7
préalable . À peine plus souple, la Cour de cassation marocaine a pu établir
enfant sur la base de la renommée commune8, sorte de poss
reposant sur la vraisemblance du mariage et la notoriété du rattachement
à son père. En l

1
M. MONJID, op. cit., p. 133.
2
Ancien article 89 et nouvel article 168 du CMF.
3
Art. 40 du Code algérien.
4
Art. du Code tunisien.
5
Sur ce moyen de contestation de la paternité, V. infra, n° 472.
6
R. GRANGER, « La tradition en tant que limite aux réformes du droit », RIDC, 1979, n° 1, pp. 37-125.
7
En ce sens : Cass. civ., 6 mars 1973, n° 9210 ; Cass. civ., 11 déc. 1987 ; Cass. civ., 2 juin 1991, n° 26431 ;
Cass. civ., 18 nov. 1996, n° 43-354. Cités par M. MONJID, op. cit., p. 136.
8
Cour suprême, 22 nov. 2006, dossier n° 118/2/2/2006.

432
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

les actions en reconnaissance du nasab du témoignage de deux


adouls lafif (témoignage de 12 personnes).
469. empreinte génétique. Les Codes marocain et
algérien1 établir le lien de filiation
2
pa . Le droit tunisien ne mentionne pas une telle possibilité
dans le Code du statut per
ecourir3.
. Elle témoigne de
es droits maghrébins aux nouveaux moyens offerts par la science et la
médecine en vue de sauvegarder et enfant4.
la compatibilité entre
ces nouveaux moyens de preuve et les principes tirés du droit musulman. Dans les trois
législations, la réglementation de la preuve génétique pèche par son laconisme,
particulièrement en ce qui concerne les cas dans lesquels le juge pourrait y avoir recours et,
au demeurant, si celle-ci est de droit ? Il convient de préciser que ni le droit marocain, ni le
en recherche de paternité5. La solidité de la structure
familiale fondée sur le mariage ne aucune brèche. En suivant cette
logique, il est peu probable que les juges fassent une interpré
qui ne permettra p e
filiations de tous les enfants qui en feraient la demande. Celle-ci permettra, plus
modestement, t au cadre déterminé
par la loi et dans lequel le mariage constitue une forteresse inattaquable. La conception de

le supposé géniteur conteste ce fait6. Il était tentant de cr


filiation paternelle illégitime puisse désormais accéder à la légitimité par la seule
reconnaissance, ce qu bien les nouveaux textes7.

2
Art. 158 du CMF et 40 du Code algérien.
3
Art. 3 bis de la loi du 7 juillet 2003, modifiant et complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à
J.O.R.T, 8 juil. 2003.
4

et de désaveu de paternité : Cour suprême, 18 janv. 2006, n° 2005/1/2/108.


5
Seul le droit tunisien le permet.
6
La Cour de cassation a pu juger que si le fiancé refuse de se soumettre au test ADN en ne comparaissant pas, la
non-
: Cour de cassation, 31 août 2010, dossier n° 173/1/2/2009, n° 388.
7
V. en ce sens R. ALUFFI, « Droit de la filiation dans les Codes de statut personnel », Annuaire dr. et religion,
2009-2010, vol. 4, pp. 61-
dispositions relatives à la filiation, que « la concision de ces dispositions est parfois extrême : elle suppose une

essairement légitime de la
filiation paternelle, on pourrait lire dans la reconnaissance (iqrar) la prévision expresse de la possibilité de
».

433
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

470. Si les droits occidentaux


accordent à la volo blissement du lien de filiation -à
tel point que celle-
filiation1- révèlent
que ceux-ci ne constituent pas des procédés autonomes et indépendants au service des
intérêts individuels, bien que les différents codes de la famille au Maghreb laissent croire à
n. Ceux-ci

entre enfants, a fait de


e la filiation,
maghrébin, ,
la voir établie. Bien qu à son égard
payer le insouciance erreur de ses parents- une admission
excessive de la preuve génétique ou la déconnexion du mariage
de la filiation reposant sur la volonté ne revient pas moins
déstabilisant le mariage.
enfants naturels et enfants légitimes, que la mésaventure du mariage en Occident a
commencé2 ?

B) La présomption de paternité écartée

471. Une présomption contestable. toujours la pierre angulaire du


mariage et du droit de la filiation en droit maghrébin, la présomption de paternité ne saurait
être absolue pour deux raisons. En mariage celle-
pouvant ne pas correspondre à la réalité biologique. Par conséquent, le père désigné doit
pouvoir contester sa paternité (1). Hors mariage, celle-ci est tout simplement inopérante
faute de lien légal entre les parents (2).

1- En mariage

472. moyen traditionnel de contestation de la paternité : le


l .
Mode de dissolution judiciaire du mariage qui
3
trouve sa source tant dans le Coran que dans la sunna du prophète, le mécanisme a été

1
V. infra, notre Chapitre 2, section 2 .
2
Pour Madame le professeur Irène THERY, «
filiation en mariage : on change de monde ». Cf. I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche
sociologique », , Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de),
Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 94, spec. n° 10.
3
Sourate la Lumière, verset 6-9.

434
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

repris par les législations des pays du Maghreb aghrébin de


la filiation calque -malgré les réformes opérées- certains mécanismes traditionnels issus du
Il
là une volonté de maintenir la spécificité islamique du système en référence aux
preuve de leur intemporalité. La procédure, telle que décrite dans
le Coran, perm sans que cette accusation ne vaille
automatiquement désaveu de paternité. , une décision judiciaire est

s , elle doit à son tour riposter


suspicion
entoure. La riposte permet au mieux, de lui épargner la peine réservée aux
fornicateurs. Outre la priorité a -qui doit avoir la certitude de
la tromperie de son épouse- qui combien
1
? Le laconisme des codes en dit
long sur la question, qui ne saurait valablement être tranchée avec certitude en cas de
déclaration mensongère. Relevant davantage du vestige et de la préhistoire juridique, les
législateurs demeurent pourtant attachés au sur le plan formel ayant pas été
réglementé , il est revenu une fois de plus à la jurisprudence, de
déterminer notamment le
tunisienne a considéré que tout retard dans le désaveu de paternité permet implicitement de
consolider le lien paternel2
maximal de grossesse plus strict, fixe le délai en désaveu de paternité à huit jours à partir
3
de la connaissance de la grossesse par le mari, ou de la connaiss . Alliant
comme à son accoutumée tradition et modernité, le Code marocain de la famille mentionne

génétique4 laquelle ne laisse pourtant plus de doute


La persistance de concepts de droit musulman classique propres à une époque donnée
peine à convaincre du point de vue juridique. Le

5
se justifiaient dans un système où le mariage pouvait

1
Ni la procédure du serment, si son mode de fonctionnement ou ses conditions ne sont précisés.
2

-
n° 06/9/214, n° 489.
3
Cour suprême, 28 oct. 1997. Cité par M. MONJID,
Maghreb, op. cit., p. 125, spec. n° 235.
4
Art. 153 CMF.
5
K. MEZIOU, « Migrations et relations familiales », in Rec. cours acad. La Haye, 2009, n° 345, p. 250.

435
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

être célébré sans un écrit attestant, où la polygamie était courante et la répudiation facile,
ils se justifient beaucoup moins de nos jours1.
473. La paternité contestée par la preuve génétique.
a adopté plus tôt2 -que
ses voisins marocain3 et algérien- en tant que mode autonome de désaveu, une décision de
a écarté ce mode de preuve de contestation car
ux articles 40 et 41 du Code de
la famille. L comme mode de désaveu de la paternité
pas consacrée en droit positif, le seul moyen de le faire étant
La situation au Maroc révèle que la modernité se fait lentement. Au terme de
moudawana

dépassé le délai maximal prévu. Plusieurs arrêts rendus témoignent de la position


restrictive4 de la jurisprudence, révélatrice du « blocage du législateur marocain et

scientifiques avec la tradition islamique »5. Si cette ligne jurisprudentielle conduisait à des
situations absurdes6 -tel le mari stérile souhaitant contester sa paternité mais en vain- elle
permettait paradoxalement en
imposant une paternité à lien de paternité ainsi établi
favorise le lien père-
dans la société par la transmission du nom du père.
famille en 2004 a permis aux juges de dépasser leur réserve en matière de preuve

1
J-Cl. Droit comparé, fasc. 70, Tunisie.
2
Sousse, 17 janv. 1974, n° 3411 ; 27 juil. 1976, n° 11005, Tunis, 2 juin 1992, n° 93620, cités par M. MONJID,
op. cit., p. 127.
3
Tout comme il permet désormais la contestation à tou

- al firache
(présomption pater is est) ses pleins effets. Cette solution a été confirmée par un autre arrêt du 23 juillet 2007.
Cette position de la Cour de cassation marocaine est à rapprocher de la récente décision de la CEDH, 18 février

des preuves génétiques : CEDH, 18 fév. 2014, n° 28609/08.


4
Cour suprême, 15 sept. 1991, n° 527, dossier n° 91/217 ; Cour suprême, 8 sept. 1992, n° 966, dossier
n° 87/5457 ; Cour suprême, 25 janv. 1994, n° 16, dossier n° 87/5556. Cités par M. MONJID, op. cit., p. 127.
5
M. MONJID, op. cit., p. 127, spec. n° 238.
6
Cour suprême, 9 fév. 1982 ; Cour suprême, 15 sept. 1981, n° 527, cités par M. MONJID, op. cit., p. 127 ; Cour
suprême, 26 oct. 2005, dossier n° 293/2/1/2005, n° 492.

436
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

génétique1, qui
2
.
474. L ar expertise. Un arrêt remarqué de la
3
Cour suprême marocaine (affaire Bellakhdim), intervenu les premières années de la
promulgation de la moudawana, a permis de rattacher à un couple séparé un enfant né dans
rents. Le délai maximal retenu par le droit
marocain au moment de la
dissolution ayant été rejetée par le tribunal de grande instance
de Mulhouse -au motif que la preuve génétique excluait la paternité du père- la Cour
suprême marocaine avait exclu le recours à la
4
preuve génétique nasab. La sagacité des juges leur a permis

pas, en lui appliquant les délais de grossesse extensifs prévus par le droit musulman
classique. Une telle attitude est à féliciter car elle combine harmonieusement un usage
réfléchi de la preuve
5
, la Cour de cassation semble
faire davantage preuve de rigorisme ou, à tout le moins, affine les contours du recours à
xpertise. Alors que vait déjà plus avec
son épouse au moment de la naissance de celui-ci (intervenue

considéré - par la Cour de cassation comme un

nasab doit répondre aux conditions posées par

par al firach né dans les six mois


sibilité de rapports conjugaux entre les époux, que
», ou encore «
suit la date de la séparation ». -en
6
père- ni le témoignage de deux adouls , ni de preuve fondée sur le
ouï-dire, ni a fortiori la « raison impérieuse »

1
Cour supr., 9 mars 2005, n° 150.
2
Art. 153 CMF. Dans ce sens : Cour suprême, 10 janv. 2007, dossier n° 101/2/1/2006. La Cour a refusé de

: Cass. maroc., 24 mai 2011, dossier


n° 622/2/1/2009, n° 286 ; Cour. Cass. maroc., 25 mars 2014, dossier n° 35/2/1/2013, n° 230.
3
Cour suprême, 30 déc. 2004, n° 658, dossier n° 2003 :1/2/556. Dans le même sens : Cour suprême, 21 juil.
1992, n° 859 ; Cour suprême, 7 sept. 2000, n° 821 ; Cour suprême, 18 janv. 2001, n° 79.
4
moudawana.
5
Cour cass. maroc., 17 août 2010, dossier n° 116/2/1/2009, n° 370 ; dans le même sens, quelques jours après :
Cour cass. maroc., 31 août 2010, dossier n° 173/2/1/2009, n° 388.
6
V., po : CA Settat,
1/11/2006, dossier n° 1960/02, n° 835/06.

437
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

soumettre à la preuve par expertise génétique, sa paternité. Pour la Cour, la cohabitation

avec son ex constitue, faute de preuves, une relation illicite dont est issu un enfant de la
fornication. Outre cette notion de « raison impérieuse », désormais centrale dans la

élément déterminant retenu par la Haute juridiction. À


outre le divorce des époux, était la contestation de la paternité du père légal, la Cour
suprême a approuvé le raisonnement des juges du fond en vertu de leur pouvoir souverain
- ayant considéré que le versement de la pension alimentaire au profit de
dont la paternité était contestée-, dûment versée à la caisse de dépôt prévue à cet

enfant1. tique repose sur la nécessité pour le demandeur

-ci en cause
blie par al firach

Un tel équilibre qui ne peut, au demeurant, satisfaire


les intérêts de tous-
-
toutes les fois où les conditions sont remplies- établie. Or, si un tel raisonnement peut

discrimination fondée sur la naissance.

2- Hors mariage

475. Une reconnaissance


de la famille. Le droit musulman classique ignore la filiation paternelle naturelle. Il ne
2

pas plus permise car elle aurait pour effet de lever le voile sur des rapports
conjugaux illicites3, à moins de les taire. Seule la Tunisie consacre une solution différente

fant dans leur


législation, la discrimination du fait de la naissance est persistante dans les législations

1
Cour supr. maroc., 12 nov. 2008, dossier n° 298/2/1/2008, n° 527.
2
N. AIT ZAI, « iété musulmane », Rev. Femmes et pouvoir, Peuples
méditerranéens, 1989, n° 48-49, p. 113.
3
supra, n° 421.

438
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

marocaine et algérienne. Paradoxalement, les jurisconsultes 1 manifestent une réelle faveur


pour la légitimité en favorisant les possibilités de ratt

hors mariage sont cruciaux -car mettant en cause la conception même de la famille- les
pays de tradition musulmane son
2
éducation et son intégrité physique .
476. La persistance de discriminations du fait de la naissance. Si l
la naissance empêche de révéler une filiation non fondée sur le mariage 3, il va de soi
en
. Dans leurs
versions initiales, les trois codes maghrébins reprenaient respectivement les solutions du
droit musulman, en faisant preuve de laconisme et ambiguïté. Pour compléter et clarifier
les textes, il était fait recours aux règles du droit musulman classique, or celles-ci ignorent
algérien le
sa législation sur ce point, mais e
qui consacre le recours par le juge aux moyens de preuve scientifique en matière de
filiation . Les l opposent
toujours à toute a établisse une filiation paternelle hors mariage4,
bien que ce a convention de New York prohibant
expressément les discriminations fondées sur le statut juridique des parents, que les trois
pays ont ratifié. Au Maroc, l enfant a aucun droi
homme qui a entretenu des rapports sexuels avec sa mère. Il ne peut prétendre ni à un
lien de filiation ni au droit à la succession 5. on réformée en
2011 dispose pourtant que «

et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, abstraction faite de leur
situation familiale ». Cela signifie-t-il que le droit aurait vocation à protéger les enfants nés
de relations hors mariage

1
r le

partie sous réserve des trois conditions suivantes : les fiançailles doivent être de notoriété publique, le tuteur
matrimonial doit avoir donné son consentement au mariage et les fiancés doivent reconnaître que la grossesse est
de leur fait. ssesse, il est fait recours à tous les moyens légaux de preuve
pour établir la filiation paternelle (art. 156).
2
Cf. supra
3
Cour suprême, 8 juin 2005, et n° 439 du 28 sept. 2005, déc. precit.
4
M. CHERIF SALAH-BEY, Jurisclasseur de droit comparé, V. « Algérie ».
5
Art. 148 du CMF : « La filiation illégitime ne produit aucun des effets de la filiation parentale légitime vis-à-vis
du père ».

439
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considération sociale et morale à tous les enfants, cela passerait, en principe, par la
à effectuer
été fermement balayé par une
décision de la Cour
une filiation hors mariage »1, et que «

nasab ne sont pas réunies »2.


477. accrue des pères. Au demeurant, la loi ne

aurait conçu hors mariage. La possibilité introduite en 2004 par le nouveau Code de
reconnaître un enfant né hors mariage se heurte à la volonté du père qui décide, ou non, de

ltrer au sein de la famille fondée sur le

-même face à sa conscience3, qui décide ou pas de


faire établir un lien de filiation illégitimes. Quelle est
, en toute impunité,
pour lequel il devrait assumer toutes les conséquences, particulièrement dans un pays où la
stigmatisation sociale qui pèse sur un enfant ne disposant pas de sa filiation paternelle est
lourde ? Est-
pédagogique de la loi telle que retenue par le législateur français, car elle conduit à

roit ne devrait pas se


dérober à sa fonction tant symbolique que pédagogique afin
plus faibles.
478. Le contexte législatif tunisien. Le droit de la filiation en droit tunisien trouve
sa source dans les articles 68 à 76 du Code du statut personnel (CSP) et dans la loi du 28
octobre 19984, non intégrée au CSP5. En vertu de cette loi, la filiation naturel
peut être établie en dehors de tout lien conjugal. L donc être suffisant
attachés6. Si la

1
Cour suprême, arrêt n° 323, 11 juin 2008, cité par M. LOUKILI.
2
Cour suprême, arrêt n° 327, 11 juin 2008.
3
D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, Dalloz, 1993.
4
Loi n° 98-
filiation inconnue, modifiée par la loi n° 2003-0051 du 7 juillet 2003.
5
Les questions pouvant embarrasser le législateur ne sont pas directement intégrées au corpus juridique

vec la loi du 4 mars 1958, et pour les régimes matrimoniaux par la loi n° 98-91.
6

. Celle-

440
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

législation tunisienne fait figure de pionnière dans le monde arabe par des interprétations
audacieuses de la charia
totalement ignorée., B amie, la
1
, le CSP promulgué en 1956 par Habib BOURGUIBA avait
laissé sans réponse la question des enfants naturels mais aussi tout le pan constitué par le
droit des successions. Ce juge de faire
réformatrice . La jurisprudence oscillera donc entre
ces deux tendances.
479.
filiation, les solutions rendues péchaient par leur manque

2
pouvaient aller , à un durcissement de
3
cette exigence . Aux côtés de l CSP4 permettant
la loi de 1998 permet
une filiation paternelle illégitime. L bis de cette loi -modifié en 20035- permet la
établissement de la filiation paternelle hors mariage 6, -pour
le moins incertaine- des magistrats. Pour les uns, cette loi avait vocation à permettre la
seule attribution du nom de famille tandis que ution ne

qui doit être au préalable établie7. La position

la succession de son père, lui assurant ainsi une intégration sociale sans pour autant le mettre sur le même pied

1
L. n° 58- Journal officiel
de la république tunisienne (J.O.R.T), 1958, n° 19, p. 236.
2
Le concubinag Bull. Cour cass., 1984, 1, p. 198.
3
Pendant les années 60, une partie du problème a été réglée par la référence au terme de firach (littéralement le
lit, afin de désigner les rapports conjugau
iqrar
souplesse sans précédent car elle a pu assimiler des cas de simple cohabitation entre deux personnes, au mariage.
Le nasab
été abandonnée à partir des années 70, à la suite des modifications du CSP qui renforçaient les conditions

nasab d
4
SP tunisien, «
de deux ou plusieurs personnes honorables ». La question récurrente se posait de savoir si ces procédés
par rapport au mariage ? Deux tendances prévalaient,
-libérale-
légitime.
5
Loi n° 2003-51du 7 juillet 2003 la filiation maternelle, et ouvre
action à la personne qui cherche à établir sa filiation.
6
A. MEZGHANI, « Le droit tunisien reconnaît ses enfants naturels. À propos de la loi n° 98-75 du 28 octobre
in
Mélanges BEN HALIMA, p. 651.
7
bis de la loi, modifié par la loi n° 51 du 7 juillet 2003 précise que « la personne concernée, le père,

441
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de la Cour de cassation1 est symptomatique conservateur des magistrats qui,

classique2. Certaines 3
, bien que la
Cour de cassation semble suivre le premier mouvement. Pour la Cour, « la loi du 28

ation ou la preuve de la paternité »4. La Cour de


cassation freine donc les entreprises audacieuses du législateur et circonscrit le champ

Présenté comme étant le pays plus progressiste du monde arabe, le poids de la tradition en
Tunisie
garantir une filiation à tout enfant,
que la juris Une telle attitude

ijtihad propre à la culture islamique, ne favorise pas une réceptivité positive de la règle de
droit.

§2)

480. Des prérogatives tournées vers le bien La physionomie des


5
relations parentales
lateur. inégalité
parentales (B) repose sur une logique islamique de complémentarité des sexes (A).

BEN TARDIET
GHAMERSA, « La preuve génétique de la paternité à travers la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à

la loi n° 2003-51du 7 juillet 2003 », Rev. tun. dr., 2004, p. 157.


1
Cass. civ., 1er mars 2001, Code de droit international privé annoté, p. 239. Le nasab

2
TPI Sfax, 11 juin 1999, n° 41164; TPI Tunis, 21 juin 1999, n° 29840; TPI Tunis, 6 déc. 1999, n° 31968; TPI
Sousse, 29 fév. 2000, n° 40376.
3
TPI Tunis, 10 mai 1999, n° 29308; TPI Tunis, 22 nov. 1999, n° 31846.
4
Cass. civ., 11 mai 2001, Bull. Cour cass., 2001, p. 331.
5
Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème
Annajah Al jadida, 2015, (en langue arabe), pp. 496-503.

442
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

A) Des prérogatives parentales sexuées

481. La conception islamique des droits parentaux. Dans la conception


islamique1, les droits parentaux hadana
part de la niyaba (tutelle légale). Prérogative féminine, la garde2 consiste
article 163 du Code maroc enfant « dans la mesure du
possible, de tout ce qui pourr élever et à veiller à ses intérêts ».
Cette fonction revient pendant le mariage, aux deux parents
présentée comme un attribut de la maternité. À la dissolution du mariage
prioritairement à la mère3 que revient la garde préservation
de sa personne physique et morale. C sans doute pourquoi les droits positifs exigent un
4
certain nombre de qualités devant exister en la personne du gardien . La
protection de ses intérêts patrimoniaux relève en outre du privilège du chef de famille
un attribut de la tutelle5 qui lui revient de droit6 pendant et
après le mariage. -contra ou de celle
qui avait cours pendant la période pré-islamique-
droit-fonction. Lorsque la mère exerce
fait sous le con Dans
toutes les législations maghrébines et musulmanes en général, la mère ne peut être tutrice
légale en cas de décès incapacité constatée du père, en général

1
M. NOKKARI, « », ique,
Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, société de législation
comparée, 2008, pp. 33-44.
2
F.-Z. ABDELLAOUI, « »,
musulman (Afrique, Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, Société
de législation comparée, 2008, pp. 345-358.
3
La garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, puis à la grand- .À
défaut, le tribunal décid « un des proches parents les plus aptes
». La Tunisie a progressivement transformé le schéma classique de la garde en droit musulman, par
trois lois successives. La loi n° 66-

lignée maternelle. Une autre loi n° 81-7 du 18 février 1981 permettra à la mère gardienne de saisir le juge afin de

la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993 fait de la mère une quasi tutrice légale en lui permettant la gestion des comptes
financiers de ses enfants, leurs voyages ou encore leurs études.
4
Entre autres qualités : la majorité légale pour les personnes aut enfant, la rectitude
honnêteté, la capacité enfant sous assurer sa sauvegarde et sa protection sur les plans
religieux, physique et moral, veiller à sa scolarité et enfin, le non-mariage de la candidate à la dévolution de la
garde.
5
La tutelle entendue ici consiste en une tu
- tutelle
affectueuse ». Cf. F. DULOUT, « La hadana, tutelle affectueuse dans le droit musulman et les coutumes », Rev.
algérienne, 1946, p. 2.
6
Art. 231 et 238 CMF. La mère gardienne ne peut se charger
absence du père et, « en cas de nécessité, si les intérêts de enfant risquent », cf. art. 163.

443
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

tuteur. La conception patriarcale de la famille arabo-musulmane explique que le père soit


considéré comme le plus à même à . Il convient néanmoins de la tempérer.
482. Une conception patriarcale à atténuer. Lorsque le père se trouve dans
bilité d la tutelle légale sur son enfant, une personne de sexe masculin en
est toujours chargée. Or son
1
seul aspect affectif peut être critiquable , car une femme est tout aussi apte à assurer cette
mission du fait du lien naturel et affectif qui la lie à son enfant. Convient-il de rappeler que
l
égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et

internationaux dûment ratifiés par le Royaume, et ce, dans le respect des dispositions de la
Constitution, des constantes et des lois du Royaume ». Il semblerait que ce soit de cette
même critique que le législateur marocain se soit
Pourtant, à
2
de son rapport portant sur , le président
du
de la nouvelle Constitution se sont progressivement évaporés. Au nombre des
recommandations énoncées dans ledit e sur les conditions

que le Code de la famille à subvenir aux besoins de la famille lorsqu a des


ressources confortables. L
199 du Code de la famille ne trouve donc pas de contrepartie dans la possibilité qui lui
nts.
483. inachevée de la mère Sur la
question de la tutelle légale, les Codes marocain et tunisien dans leurs versions initiales
étaient une copie conforme au droit issu du rite malékite qui considère la tutelle de droit au
profit du père. En son absence, un tuteur testamentaire désigné par lui de son vivant
-
été désigné du vivant du père, le juge assurait la tutelle sur le mineur. De plus en plus
est
e par le rite
malékite, pas la possibilité pour le père de désigner la mère comme
tutrice de son enfant, notamment avant son décès3.
première réforme de la moudawana en 1993 que la mère accède au rang des dévolutaires
de la tutelle légale, et en Tunisie, avec la loi du 18 février 1981. Les réformes algérienne et

1
M. MONJID, ., p. 154.
2
CNDH, parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs
constitutionnels, 2015, disponible sur www.cndh.ma.
3

444
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

1
tous les actes urg .

y a urgence et que le couple est séparé donc


.
Loin de chercher à assurer une parfaite égalité entre les conjoints, le législateur dans les
pays du Maghreb procède davantage au
à cet exercice2
peut être louable car loin de poser une stricte égalité entre les parents -pouvant aboutir à un
- le juge satisfait à une exigence

B) Des prérogatives parentales inégalitaires

484. La condition tenant à la religion dans la dévolution de la hadana. Le rite


malékite auquel appartiennent l
La mère non-musulmane peut, si
(automatiquement musulman
car ), en bénéficier. Une telle condition n pas non plus exigée
3
par les Codes algérien et marocain . Néanmoins, du Code marocain renvoyant
au rite malékite en cas de silence de la loi, il est fort probable que les juges adoptent sur
cette question une lecture restrictive et réductrice du droit musulman classique4, en
islamité de la mère une place centrale5.
485. La condition tenant au remariage de la personne titulaire de la hadana. En
droit musulman, le remariage de la mère titulaire du droit de garde est une cause de

1
Art. 87 du Code algérien et 236 du Code marocain.
2
Art. 154 du Code tunisien, 238-2 du Code marocain et 87 du Code algérien.
3
moudouwana marocaine disposait explicit -musulmane avait le

celle de son père. Or, le Code de 2004 a supprimé cette disposition.


4
exequatur de
difficile à exécuter dans les pays musulmans. Même en Tunisie où la reconnaissance des jugements étrangers ne
ongtemps montrée réticente à reconnaître des décisions

éducation musulmane. En ce sens : J. DEPREZ, « Droit international privé et conflits de civilisation. Aspects

personnel », RCADI, La Haye, IV, 1988, p. 129 ; M. BENJEMIA, S. BEN ACHOUR, M. BELLAMINE, « Le droit
tunisien de la famille entre modernité et tradition », in Ordre public et droit musulman de la famille en Europe et
en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 161-196.
5
Rapp. du privilège de religion, cf. supra, n° 410.

445
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déchéance de son droit de garde


degré prohibé au mariage. Cette règle est en général rigoureusement reprise par les
législations des pays de tradition islamique. Le postulat de départ est que le mariage de la

entourage affectueux, le spectre du parâtre se profilant derrière cette idée. Or, il est admis
1
. Toujours est-il que
cette présomption peut, dans la réalité, être
droits fondamentaux de la mère, tant les droits marocain que tunisien ont procédé à son
aménagement au profit de la mère2. Le remariage de la mère dans le nouveau Code
marocain ne constitue plus un empêchement automatique à mariage. Le texte fait la
distinction selon que la personne titulaire de la hadana
Dans le premier cas, et lorsque âge de sept ans3, le droit de garde
ne saurait être retiré à la mère si celle-ci se remarie. De la même manière, le législateur a
considéré que si la séparation avec la mère cause un préjudice -notamment
lorsque celui-ci est un handicap rendant sa garde difficile à
assumer par une autre personne- celle-ci peut la conserver. De façon identique, si le nouvel
époux de la mère est un parent de l enfant avec lequel il a un empêchement à mariage ou
il est son représentant légal4 . Enfin, la mère ne peut
dans tous les cas être déchue de tutrice légale fant5. Le

contreviendrait au maintien du lien mère-enfant, primordial lors des premières années de


naissance6. Par ailleurs, la notion de « préjudice uffisamment large
onformément à ce que commande son intérêt7. Il
tel
. Dans la seconde hypothèse, lorsque la personne exerçant la
hadana un
-ci est déchue de son droit de garde.
du CSP exige toujours que la personne titulaire de la hadana
soit célibataire. Néanmoins, la loi du 18 février 1981 complète ce texte en précisant que le

1
V. en ce s
: Cass. mar., 4 mars 2014, dossier n° 291/2/1/2012, n° 175.
2
que la titulaire du droit de garde qui se remarie est

3
Art. 175 CMF. Cf. CA Rabat, 19 avr. 2004, n° 904 du dossier n° 1214/03/10, inédit.
4
Art. 175 du CMF.
5
Art. 175 al. 4 CMF.
6

garde : Cour supr. maroc., 22 fév. 2006, n° 115, dossier n° 386/2/2/2005.


7
Sur les conséquences psychologique

Code de la famille a empêché la déchéance du droit de garde de la mère, remariée à un étranger non parent de
: Cour supr. maroc., 31 déc. 2008, n° 598, dossier n° 371/2/1/2008.

446
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

« sauf si le juge estime le contraire dans


». Cet aménagement permet d
non la déchéance du droit de garde pour cause de remariage, et lui
confère une marge de non négligeable.
486. Le changement de résidence. Dans les trois législations maghrébines, le
changement de résidence de la mère constitue une cause de déchéance du droit de garde.

du père. Par conséquent la distance qui êcher


de son droit de visite. La législation marocaine a pu
apporter quelques correctifs à cette contrainte à
que les deux autres législations maghrébines1 leur droit sur cette
question. En droit marocain, le changement de résidence de la mère est plus un motif de
déchéance e intérieur du Maroc « sauf en cas de motifs avérés pour le
enfant, des conditions particulières du père ou du
représentant lég enfant de son représentant légal »2. La
déchéance du droit de garde pour cause de changement de résidence devient ainsi
exceptionnelle afin de maintenir le lien mère-enfan
commande cet éloignement au regard des critères posés par la loi que le changement de
résidence est
oit de regard sur son éducation dépend entièrement de leur
3
pouvoir souverain . Si ceux-

4
son tuteur légal. Ce pourra pour cause de
mutation professionnelle. Si la distance qui la sépare de la résidence du père est trop
importante, elle pourrait être déchue de sa hadana

judiciaire qui en sera faite. Loin de trancher entre une réforme qui embrasse de manière

déchéance. Le texte évoque « », pouvant être cause de déchéance. Ceci signifie

-à-
59013, cité par M. MONJID, op. cit., p. 172, spec. n° 339.
hadana -ci est
: Cour suprême, 18 mai 1999, dossier n° 222638, cité par M. MONJID, op. cit., p. 172, spec.
n° 339.
2
Art. 178 CMF.
3

déchéance de son droit à gardienne : Cour

supr hadana de son enfant : Cour


cass. maroc., 8 fév. 2011, dossier n° 148/2/1/2009, n° 51.

447
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

permet au juge
d

448
Conclusion du chapitre premier

487. Une similitude est apparue entre la conception originaire du lien de filiation en
France et au Maghreb. Dans les deux législations, l
mariage, et Favorable à la
famille légitime, ce système protégeai
autre considération toute contestation de la filiation
et d assurer la stabilité du lien établi. Cette préférence incitait les individus à
rentrer dans les rangs du mariage, un statut défavorable étant réservé aux enfants nés en
dehors du modèle établi. et le lien de filiation légitime étaient considérés
comme les mieux le cadre sécurisant éducation .
éder à la
famille de son auteur. égislateur a conduit ce dernier à considérer que le
du lien existant entre ces derniers.
Surtout, c
enfant pourrait constituer une sanction à même de dissuader ses auteurs
(dans le cas du Maroc), voire, de commettre
? Telle est pourtant en droit
marocain qui ne reconnaît effets au seul établissement de la filiation légitime

se transmettant par les mâles.


Paradoxalement, la mésaventure du mariage en droit français a bel et bien commencé par
progressive de la filiation naturelle et de la filiation légitime, entraînant dans
es. Au demeurant,
-elle le véritable cheval de
Troie du mariage ? en droit marocain, la jurisprudence un
équilibre en établissant autant que possible la filiation des enfants dont les parents ne sont
pas liés par le mariage, établissent la « raison impérieuse » qui les a
empêchés de le conclure étant filiation légalement
établie is, gageons que la jurisprudence maintienne le juste équilibre
entre et la préservation de la superbe du mariage. Tel constitue le défi
de la pratique judiciaire.
En définitive, la France et le Maroc se retrouvaient non seulement sur la notion de mariage,
mais aussi sur la notion de filiation.
convergence de points de vue entre les deux pays. Un processus de transformation de la
parenté est en cours et la France pourrait à terme, détacher la filiation de la procréation.
Après le mariage pour tous, le slogan pourrait devenir « une filiation pour tous ».

449
Chapitre second. filiation construite sur

488. Une biologisation1 du droit ? Parmi les données sociales contemporaines qui
concourent à la formation du droit, une place non négligeable doit être faite à
2
la « science » . Outre les conceptions morales, idéologiques et économiques qui
ogrès et
découvertes scientifiques ont vite pris du terrain, et «
en vue de perfectionner les conditions de la vie »3.
résulte4 invite tantôt à « -à-dire à fonder les valeurs sur des faits
biologiques », tantôt à « socialiser le biologique, en soulignant la part irréductible des
valeurs contenues dans les faits »5.
pas été le seul usage fait des déc
vouloir donner et retirer la vie 6, cloner7 des semblables, humains soient-ils ou animaux.
qui à repousser les
limites imposées par la corporalité
de cette situation8, tant il est possible commander » un bébé, choisir la
son
donné biologique, il peut même faire appel à une tierce personne qui interviendra de façon
passive Dans les sociétés laïques prétendument
avancées, les interrogations portent donc sur la limite du techniquement faisable, et du
moralement admissible9.

1
En ce sens, V. C. LABRUSSE-RIOU (dir. de), Le droit saisi par la biologie, Des juristes au laboratoire, Paris,
LGDJ, 1996; A.-M. HO DINH, Les frontières de la science et du droit. Essai sur la dynamique juridique, Thèse,
Paris 2, 2015.
2
B. FEUILLET, « La biomédecine, nouvelle branche du droit ? », in Normativité et biomédecine, B. FEUILLET-LE
MINTILLER (dir. de) Economica, 2003, pp. 1-11.V. également C. PUIGELIER (textes rass. par), Mots de science,
LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011.
3
Cité par R. NERSON, « u droit familial », in Le droit privé français au
milieu du XXème siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, pp. 403-431.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
», Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 485-499.
5
R.E DE MUNAGORRI, « La politique juridique des corps humains », in Le corps et ses représentations, E.
DOCKES, G. LHUILIER (dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 55-56.
6
A. BELAUD-GUILLET, « ex utero : du droit à la vie au droit sur la vie », LPA, 1998,
n° 111, p. 8.
7
A. DORSNER-DOLIVET, « 2004-800 du 6
août 2004 », JCP, G, I, 2004, 172.
8
F. LAROCHE-GISEROT, « », D., 1998, p. 530.
9
Ainsi que le souligne à juste titre Monsieur le professeur Bertrand MATTHIEU, « traiter des questions relatives à
ou potentielles, entre deux des piliers
fondamentaux sur lesquels reposent les sociétés occidentales, à savoir la science comme moteur du

450
fondamentalement éthiques, porte également sur la liberté de la personne à disposer de son
corps1, dans un contexte in est en
principe indisponible, les entorses qui y sont portées sont de plus en plus grandes,
notamment face aux n biomédecine.
489. Science et procréation en Islam. de la science dans le
monde musulman est quelque peu différente. La connaissance et la recherche du savoir
de cette religion, la compréhension de la Création. Le
premier verset du Coran est au savoir : « lis ! ».
Ce savoir passe non seulement par la lecture du livre sacré, mais aussi « le Livre de
; lire
portée au discernement, à la prise de conscience, à la quête du savoir ilm »2
pourquoi la recherche du savoir constitue
3
. Malgré une incitation ferme au savoir, la science
dans le système islamique ne saurait être supérieure aux lois divines. Aussi encouragée
soit-elle, elle ne peut avoir pour rôle de changer la Création. La préservation, la protection
et la continuité de la vie humaine sur terre -objectifs de la loi divine- passent par le respect
du croyant à des fins supérieures appelées maqasid on,
la procréation et les biens. Si ces cinq maqasid sont malmenés, les objectifs de la loi divine
sont mis en péril. La place dévolue à la procréation au sein de ce système est donc centrale,
esprit éclairé comprend aisément que la science médicale ne saurait être supérieure aux
objectifs de la Loi4 . Si la science déstabilise
le devient
hiérarchie des objectifs conduit à limiter les évolutions
scientifiques, ou du moins les utilise conformément aux objectifs assignés5. Cependant, le
6
ces

politique et social. Le troisième pilier, représenté par la mondialisation des forces économiques, comme

différents pôles et de la conception que ». Cf. B. MATTHIEU, « Sur quelques lignes


de force du débat bioéthique , en France, à la fin du XXIème siècle », in Mots de science
de Nicole M. LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 99-100.
1
V. en ce sens : X. DIJON, La raison du corps, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et religion », 2012.
2
A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?, éd. Albouraq, 2012, p. 23.
3
Selon un verset coranique, « les enfants sont la parure de la vie en ce bas monde » sourate 18, verset 46.
4
La science du droit en Islam comprend deux volets racines
différentes branches du droit. Ainsi, les traités de droit musulman exposent généralement le droit dans ses
-à- fiqh,
alors que les principes généraux présidant aux règles pratiques se retrouvent dans les ouvrages de « la science
des racines » ouçoul al fiqh
5
A. YOUSRY, « »,
BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996, pp. 793-796.
6
Une étude menée en 1992 a montré que dans les pays émergents, on constate chez les musulmans dix à quinze
pour cent de cas de stérilité. En Algérie infertilité toucherait environ 8 à 10 % des couples,
selon le professeur BOUZEKRINI. Cf. la Tribune de la santé, 5-6 décembre 2008, pp. 9-11.

451
principes en offrant à nombre de couples ne pouvant procréer une alternative, voire un
r en leur permettant de compléter -ou remplacer-
charnelle. Dans les sociétés musulmanes, « un enfant qui tarde à arriver déclenche les

temps est compté pour la femme dans une société qui associe la virilité à la puissance
masculine et la fécondité à la féminité. La femme « non mère » subit une forte
stigmatisation et est confrontée à une souffrance double
imparfait et celle de ne pouvoir enfanter, ne répondant pas ainsi aux normes de la
reproduction humaine et sociale »1.
490. ologisation du droit sur le système de parenté. Convient-il
alors de considérer que le , matérialisé par un projet parental porté par le
2
couple (Section 1) constitue un objectif légitime permettant de passer outre les règles
éthiques et morales sur lesquelles se fonde une société ? La mise en perspective du droit
français avec le droit des pays de tradition islamique révèlera deux réponses différentes au
problème des procréations médicalement assistées celles-ci, le degré de
biologisation du droit pourra être déterminé. L
servira des prouesses scientifiques tel un instrument au service du modèle familial à
promouvoir, la réponse du législateur aura un faible impact sur la vision sociale de la
parenté3. Si au contraire le droit se révèle inféodé aux évolutions de la biomédecine ou
adopte, a fortiori, une attitude d , le risque est de favoriser un accès à
Section 2). Dans cette hypothèse, le lien de filiation4 qui permet de
rattacher juridiquement ses deux parents doit être repensé, afin de traduire la
réalité des nouveaux fondements artificiels de la procréation.

1
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le
droit de la santé : aspects nouveaux, CAPITANT, Bruylant-LB2V, 2012, pp. 39-
63, spec. p. 43.
2
Luc BOLTANSKI
BOLTANSKI,
, Gallimard, coll. « Essai », Paris, 2004.
3
A. AOUIJ-MRAD, « Le faible impact des pratiques biomédicales sur la vision de la parenté en Tunisie », in Les
incidences de la biomédecine sur la parenté. Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, M.-C. CRESPO-
BRAUNER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 189-198.
4
V. en ce sens : Les filiations par greffe, Adoption et Procréation Médicalement Assistée, Acte des Journées

privé (LERADP), Université Lille II, LGDJ, 1997.

452
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 1. Le projet parental, socle de la famille

491. Le rôle joué par la volonté. La volo


1
.
pourquoi le désir de devenir parent est traduit en droit par la possibilité offerte au couple -
- de commanditer un projet
(§1) que de sa naissance (§2).

§1)

492. Le pouvoir de la volonté individuelle. Si le droit admet que le couple puisse


avoir une liberté dans la conception celui-ci lui reconnaît également la
possibilité de ne pas donner la vie (A). Or, un individu peut-il nier sa capacité à procréer2
et, de façon plus globale, le droit doit-il céder à ces revendications, ou davantage imposer
un formalisme dissuasif (B) ?

A) Le droit de ne pas donner la vie

493. Une question de choix ? Pour nombre de croyances ou de philosophies, dès


lors que la vie constitue un don et non une chose
la naissance, ni a fortiori rs que ses éléments sont déjà réunis3 (2). Pourtant,
dans la majorité des sociétés occidentales où le principe de libre disposition par la femme
de son corps4 5

liberté individuelle (1).

1
F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2013, p. 35, n° 28 :
« La force obligatoire ne vient donc pas de la promesse, mais de la valeur que le droit attribue à la promesse ».
2
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », in Ê ,
P. JACQUES (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2010, pp. 9-25. En ce sens, voir aussi
S. PARICARD, La convenance personnelle, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2003, spec.
n° technique
par sa seule volonté un comportement différent de celui proposé
en modèle par la norme ». Or, par un inversement de la fonction du droit, celui-ci cède aux « comportements
différents », en laissant de côté le modèle, se calquant de plus en plus sur les vol
phénomène de multiplication des droits subjectifs en droit de la famille. En ce sens : A.-C. AUNE, Le phénomène
de multiplication des droits subjectifs en droit des personnes et de la famille, Marseille, PUAM, 2007.
3
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », in Ê ,
op. cit., p. 11.
4
Sur cette question, V. S. PRIEUR, , Les Études hospitalières,
coll. « Thèses », 1999.
5
Quid -
humain au cas de « nécessité médicale ».

453
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

1- Corollaire du principe de libre disposition du corps

494. Le corps appréhendé comme support. pose


1
la question de savoir si un individu est ou non titulaire de son corps , et par conséquent de
sa capacité à procréer. À une entière maîtrise sur son corps, la
2
chosification conséquente qui en découlerait conduirait à ne que comme
simple support, dénué de toute subjectivité humaine une
conception objectivée du corps humain, dans le sens où ce dernier constituerait ce que
Monsieur le professeur Éric DE RUS désigne comme « », celui-ci pourra
signification objective qui nous renseigne indissolublement sur le sens
de la personne humaine »3. L r la scène publique
perception :
support de la subjectivité humaine. Le corps se retrouve dépouillé de toute profondeur
à une étendue de chair, une masse de tissus et
pas »4. Un
détachement de la dualité intrinsèque favorisant le passage
5
a et un cor est »
dont la volonté individuelle dispose « propre
6
origine » . Particulièrement éclairante est à cet égard la politique législative dans le
domaine de la bioéthique, car elle permet de traduire le passage de la science à la norme,
7
.
495. Le droit français, protège
8
le corps humain « chose » ordinaire, considère que celui-ci entretient
une relation privilégiée avec la personnalité9. Néanmoins, la loi du 4 juillet 20011 est

1
Sur cette question, cf. I. ARNOUX, , Bordeaux, PUB, 1994 ; V. aussi :
B. EDELMAN, Ni chose ni personne, le corps humain en question, Hermann éditeurs, 2005. Pour une approche
prospective portant sur une potentielle commercialité du corps : D. FENOUILLET, « La personne humaine dans le
commerce juridique », in Un ordre juridique nouveau. Dialogues avec Louis Josserand, éd. Mare&Martin, 2014,
pp. 43-73.
2
Sur cette notion, V. : I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche de la personne humaine juridique,
Paris, LGDJ, 1997 ; J. HAUSER, « La vie humaine est-elle hors du commerce ? », LPA, 5 déc. 2000, p. 19.
3
E. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », in La réforme du mariage, Une approche critique des mutations familiales, Poitiers, DMM,
2013, pp. 33-56. V. aussi : S. AGACINSKI, Corps en miettes, Flammarion, 2008.
4
É. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », art. precit., p. 37, spec. n° 73.
5
Ibidem., p. 34, spec. n° 63.
6
Ibidem., p. 43, spec. n° 88.
7
R.E DE MUNAGORRI, « La politique juridique des corps humains », in Le corps et ses représentations,
E. DOCKES, G. LHUILIER (dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 51-68.
8
Art. 16-1. C. civ.
9
I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche de la personne humaine juridique, Paris, LGDJ, 1997,
p. 221.

454
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

profondément révélatrice législateur français, qui consacre la pratique


2
de la stérilisation volontaire définitive . 2123-1 du Code de la santé publique
vise à cet effet « la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ».
intervention ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une
volonté libre, motivée et délibérée,
sur ses conséquences3. Or, le rapport de Monsieur le professeur NISAND avait très
justement signalé que « les femmes ignorent, quand elles se font stériliser, que cela est
irréversible et que cela peut changer toute leur vie »4
acte, le médecin devant apporter assistance et de
5
conseil . Aucune nécessité thérapeutique est exigée, quitte à contrevenir au principe
-3 du Code civil. Pour Monsieur le professeur
Jean HAUSER, le texte «
consommation ! »6, ce qui est profondément révélateur de la matérialité suggérée du corps
humain. elle se confond fréquemment avec
xigence du consentement éclairé,
pour saisir les causes pouvant pousser une personne à vouloir se faire stériliser7.
496. Le choix de la stérilisation volontaire par un membre du couple. Plus

1
Cf. la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, J.O,
celle du 13 décembre 20
UZAN-COHEN, Rapport
relatif à la contraception et à la grossesse chez les adolescents,
novembre 1998, JCP, G, I, 165 ; D. BOURGAULT-COUDVYLLE, « Commentaire de la loi IVG-contraception (2ème
partie) », RJPF, 2001, n° 10, p. 6 ; F. TAQUET, « ption volontaire
de grossesse et à la contraception », Gaz. Pal., fév. 2002, p. 10 ; ASSIA BOUMAZA, « La stérilisation
contraceptive et le « handicap mental » après la loi du 4 juillet 2001 », Rev. dr. sanit. soc. 2002, p. 233. Cette loi
nt à la maîtrise par les femmes de leur fécondité. En effet, la loi
-
corporelle pour nécessité médicale et non plus seulement thérapeutique, ce qui ouvrait la voie à la stérilisation
contraceptive.
2
La nécessité thérapeutique de la stérilisation a depuis longtemps été affirmée par la chambre criminelle de la
Cour de cassation dans un arrêt dit Des stérilisateurs de Bordeaux (Cass. crim., 1er juillet 1937, Sirey, 1938, p.
193, note TORTAT ; Gaz. Pal., 1937, p. 358). Les stérilisations volontaires demeuraient elles, illicites et, selon
n volontaire (cf. Cass.
crim., 5 sept. 1988, n° 87- -9 et suivants du Code pénal exposaient les médecins qui la
-3
du Code civil.
3
Tous les travaux préalables, notamment les deux avis n° 49 et 50 du 3 avril 1996 du Comité consultatif national
éthique sur
les conséquences
4
I. NISAND
solidarité, 1998, JCP, G, I, 165.
5
D. BOURGAULT-COUDEVYLLE, art. precit., p. 8.
6
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », art. precit., p. 12.
7
V. aussi sur le délai de réflexion de quatre mois -peu suivi en pratique- la décision de la Cour administrative
our des raisons médicales, de ce délai : CAA Bordeaux,
2ème chb., 6 oct. 2015, n° 13BX03265, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, alerte 75.

455
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

que la loi ne donne aucune indication sur le rôle


que peut avoir le conjoint, les notions de maternité et de paternité sont ici directement en
cause, et plus largement le concept même de famille. pas pris en
compte dans la décision de stérilisation de son épouse (concubine), alors même que celle-ci
concerne le couple et son avenir familia affaire Lahache1, le Conseil
a jugé la consultation du mari, quant à la décision de son épouse de mettre un terme
à sa grossesse facultative, blissement hospitalier ne pouvant dès
lors être mise en cause. telle décision interroge sur le dispositif législatif
qui ne semble ni encourager la procréation2, ni prendre en compte le conjoint. Aux
conséquences familiales graves, cette décision doit être réfléchie à deux, car le projet de
non parentalité nts3 et interroge
sur la finalité du couple. En vivant à deux, accepte-t-on implicitement la procréation ou
peut-on considérer la vie de couple exclusive de toute procréation ?
devoirs du mariage -, les juges versaillais ont
avoir pour elle
4
connaissait le envisager une nouvelle naissance . Si la jurisprudence
5

a agi ainsi dans le but de préserver sa liberté de ne pas interrompre sa


grossesse. La faute ainsi retenue à son encontre aurait peut être dû être recherchée du côté

2- La conception islamique du corps et de la vie humaine

497. Le corps est un don. L e corps humain a été confié par


homm entretenir. Cet
corre exigence de préservation de intégrité de son corps, et interdit tout acte qui
désacraliserait ce don. une inviolabilité absolue et de
corps inaliénabilité de la personne. Si en Occident

1
CE, 31 oct. 1980, n° 13028, Affaire Lahache, Recueil Lebon, 1980.
2
Notamment par la généralisation et le remboursement de la contraception -1 du Code de la
la couverture des médicaments, produits et
ns
contraceptives ».
3

: CA Bordeaux, 1er oct. 1991, RTD civ., 1992, 56, obs. J. HAUSER et
D. HUET-WEILLER.
gynécologiques : CA Bordeaux, 7 juin 1994, JCP, G, II, 1995, 22590, note J. VASSEAUX ; RTD civ., 1994, 836,
obs. J. HAUSER
raisonnement.
4
CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 22 janv. 2015, n° 13/09492, Rev. dr. fam., 2015, n° 5, comm. 87, J.-R. BINET.
5
CA Bordeaux, 6ème ch., 10 déc. 1998, n° 97/001925 ; CA Nîmes, 2ème ch., sect. C, 21 mars 2007, n° 05/03638 ;
CA Paris, pôle 3, ch. 3, 10 janv. 2013, n° 12/09158.

456
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

René DESCARTES a réduit la personne à sa pensée je pense donc je suis-, en reléguant la

centre spirituel isolé du corps, ni une manifestation du monde


des idées, mais la totalité humaine, animée par un principe spirituel »1. Ceci signifie que
« chaque personne est un moi spirituel ui subsiste dans la matière, un moi
partiellement corporel . Elle est un corps au même t esprit, tout entière corps
et tout
»2 a pas une maîtrise absolue sur son corps et ne
peut en disposer librement car il en mple « gestionnaire ». Attenter à sa vie
3
participent de

ladie afin de préserver son corps et sa vie.


498. islamique. Deux tendances semblent se
dessiner dans la culture juridique islamique au sujet des nouvelles pratiques de procréation
artificielle : le premier courant, défendu par les oulémas des universités théologiques -
AL-AZHAR- considère que tout comportement
ite. Rigide,
cette grille de lecture privilégie une interprétation littérale du Coran et de la sunna, en

Selon un idéal réformiste, le second courant tente de dégager des notions telles que la
maslaha ( néral) ou la daroura (nécessité)
voies à suivre afin de concilier progrès scientifique et valeurs propres à la société
ijtihad.
499. Le début de la vie humaine en droit musulman.
atteintes au corps humain sur le fondement de la daroura (nécessité) et la maslaha

ijtihad, permettent de répondre aux nouveaux besoins de la société musulmane

ne peuvent être tolérables «


être, élevée et tendant à des fins positives »4. Le Coran ne se prononce pas ouvertement sur

1
H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le contexte de la culture juridique
égyptienne », in Corps de la femme et biomédecine, Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, A. AOUIJ-
MRAD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et société », 2013, p. 188.
2
Ibid., p. 188.
3
Fatwa n° 804 du 22 mai 2005. Selon le Conseil de la Fatwa, la stérilisation permanente est interdite sauf dans
le cas où une future grossesse mettrait en péril la vie de la mère et si le Conseil des médecins indique que la
stérilité permanente est la seule solution. La stérilisation temporaire est elle, permise.
4
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le
droit de la santé : aspects nouveaux, CAPITANT, Bruylant-LB2V, 2012, pp. 39-
63, spec. p. 42.

457
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

. Une tradition prophétique1 constitue néanmoins le socle


commun2 n hadith animation du
et reconnaissant le statut de personne humaine à partir du cent-
3
vingtième jour de la conception . Dieu est réputé avoir insufflé au cent-
vingtième jour de la conception, moment où il acquiert sa dimension sacrée. À
fatwa en date du 4 décembre 1981, le mufti AL-AZHAR
-Cheikh Djad EL HAK ALI- avortement est autorisé durant les 120 jours
existence de risques certains et
médicalement établis encourus par la mère .
500. au Maroc. La question relative à la
contraception ne pose pas de difficultés en Islam, le Conseil de la Fatwa en Égypte ayant
considéré le contrôle de la procréation permis par la charia, de la même manière que le
coït interrompu pratiqué au temps du prophète ne contrevenait pas aux principes
islamiques4. En revanche, non thérapeutique dans les
pays musulmans interroge, de façon récurrente, sur la valeur de la vie humaine et le
pouvoir de la femme de disposer de son corps. Dès le 11 mars 20155, le nombre alarmant
6
a Association
Marocaine de Lutte contre Clandestin (AMLAC), en partenariat avec
, de lancer le débat
7
quant à la possible légalisation -sous conditions- de cette pratique . À cette fin, le Roi

1
trouvée dans le Coran, sourate Les
croyants, versets 12-14 : «
une goutte de sperme déposée en un réceptacle bien protégé, puis Nous avons transformé cette goutte en un
cai
pour en faire, en fin de compte, un nouvel être, bien différencié ».
2
Deux courants théologiques existent sur la question. Le premier considère q
humaine dès la fusion des gamètes, et évoluera selon les quatre étapes décrites par le hadith. Pour le second

avancent le concept de maslaha


car, il est «
pas attachés, en sachant toutefois que cet élément demeure le critère minimal de la justice absolue ». Cité par
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le droit
de la santé : aspects nouveaux, op. cit., p. 44.
3
Hadith rapporté par Abd Allah BEN MASUD : « Chacun de vous est créé dans le ventre de sa mère. Il est une
goutte de sperme pour quarante jours, puis il est un caillot de sang pour la même période, puis il est une masse
Sahih EL
BOUKHARI et EL ASHQAR In Congrès
Organisation Islamique pour les Sciences médicales, 1985, p. 137.
4
Fatwa n° 376 du 15 mai 2005, citée par H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le
contexte de la culture juridique égyptienne », art. precit.
5
Le 27 janvier 2015, le chef de service de la maternité des Orangers à Rabat Chafik CHRAÏBI a été suspendu de
ses fonctions pendant une semaine pour avoir témoigné, au profit de la chaîne de télévision française France 2 à

6
Environ 800 par jour.
7
Rapp. du cas tunisien, qui figure parmi les
pratiqué dans les trois premiers mois par les femmes ayant plus de cinq enfants est permis au profit des
tunisiennes. En septembre 1973, la pratique est généralisée au profit de toutes les femmes peu importe le nombre

458
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

MOHAMED VI a exhorté le ministre de la Justice et des libertés, le ministre des Habous et


des affaires islamiques, ainsi que le président du Conseil
de faire les propositions
préceptes de la société marocaine du droit de la famille, le label
1
du législateur. Le 15 mai 2015,
un communiqué du P , la commission
: la
m E
société civile, prise en compte de la situation des mères célibataires en
particulier les mineures-
. Or, une telle loi a minima est à rapprocher de la réforme
projetée du Code pénal, lequel n envisage pas la dépénalisation des relations sexuelles hors

hors mariage, maintenu dans le Code pénal promis à révision. Dans une société aspirant de
combien de temps
résisteront les verrous garantissant au mariage sa force ?

B)

501. Le projet parental : une demande conjointe du couple.

parental émanant de deux personnes de sexe différent - ?-, de sorte que


double filiation maternelle et paternelle. Une personne

médicale à la procréation. Ouvrir une telle possibilité reviendrait à priver 2 volontairement


filiation. Pour éviter de telles situations, le législateur a
de
de la

médicales de grossesse (IMG) sont ensuite légalisées au-delà de douze semaines de grossesse.
contribué à libérer la femme tunisienne dans son corps, cette avancée traduit le souci de modernisation de son
statut. La législation relative aux procréations médicalement assistées révèlera, malgré la volonté affichée de se
détacher du référent religieux, que le droit tunisien souffre de son « tiraillement » entre une législation parfois
laïque, parfois « non totalement détachée de ses soubassements religieux ». Cf. A. AOUIJ-MRAD, « Le corps de la
femme et la biomédecine : le clair-obscur tunisien », in Coprs de la femme et biomédecine. Approche
internationale, B. FEUILLET-LIGER, A. AOUIJ-MRAD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et
société », 2013, pp. 201-212, spec. 203-204.
1
MONJID dans son travail de thèse,
particulièrement la deuxième partie :
comparative : Maroc, Algérie, Tunisie
2
Or, dans le cas de la stérilisation volontaire, ne prive-t- ?

459
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement


assistée »1. Le législateur veille de deux parents en union. Le
le décède.
2
post mortem sont formellement
interdits. Le Code de la santé publique exige que les membres du couple soient vivants à
toutes les étapes du processus et pas seulement au moment de la conception de
502. formalisme consensuel,
responsable. En ta projet parental suppose un
engagement responsable de deux individus qui souhaitent devenir parents. Ce seul
engagement de
une place non négligeable à s ssaires. Dans le cas
iers donneur, le consentement doit être donné écrit3 au
juge ou au notaire4, dans des conditions garantissant le secret5. Pour que le consentement
soit éclairé, le couple doit recevoir une information complète sur toutes les conséquences
acte, que le Code de la santé publique précise. En vertu de la loi, le consentement doit
processus et, pour le vérifier, « les deux membres du couple dont
des embryons sont conservés, sont consultés chaque année par écrit sur le point de savoir
»6. De la même manière, la loi exige que le couple à
7
, qui équivaut
8
consentement à une adoption prénatale que le juge recueille par écrit . Cette exigence
traduit êt actuel aussi bien que
celui des parents originaires qui doivent expressément manifester leur volonté de retrait.

1
Art. 311-20 al. 3 C. civ.
2
Parpalaix
er
août 1984, JCP,
G, II, 1984, 20321, note S. CORONE. À la suite de cette affaire, le TGI de Toulouse, le 26 mars 1991, a refusé la
post mortem V. RTD civ., 1991, 310, obs. J. HAUSER; JCP, G,
II, 1992, 807, note P. PEDROT.
3
Article L. 2141-10 CSP.
4
Art. L. 2141- -20 al. 1er du Code civil.
5
V. DEPADT-SEBAG, « ec donneur : un secret
», D., 2011, chron. 350.
6
Art. L. 2141-3 al. 2 et 3 du CSP.
7
Art. L. 2141-5 du CSP.
8
Art. L. 2141-5 al. 2 du CSP.

460
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

1
§2) La volonté dans la naissance de

503. nié au stade . Selon un avis du Conseil consultatif


2
-rendu en 1989 -,
« », constitue une solution temporaire de conservation des embryons
fécondés. Il était prévu, une fois les prouesses scientifiques au point, que le stock
serait supprimé. La réforme des lois bioéthiques en 2011 ayant
consacré la pratique de la congélation ovocytaire, la disparition progressive du nombre
surnuméraires re à moyen et long terme.
Pourtant, il coexiste toujours , aux côtés du stock de congélation ovocytaire, un
Paradoxale, une telle situation révèle toute la complexité
fant lorsque les intérêts des adultes sont en

3
. À sa manipulation au stade
embryonnaire (A) fait écho son instrumentalisation
des adultes (B).

A)

504. La rupture de plus ?


-ci
doit
4
à cette question, la Cour européenne,

éciation leur permettant de déterminer eux-mêmes son commencement5


pas davantage de perspectives, le droit français se contente de protéger la vie humaine,

1
J.-L. BAUDOIN, C. LABRUSSE-RIOU, ?, PUF, 1987 ; X. LACROIX, « Un droit à
? », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., pp. 125-131 ; M. LEVINET, « La Convention
? Observations sur la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., pp. 133-142 ; P. RAYNAUD, « L »enfant
peut-il être objet de droit ? », D., 1988, chron. 109 ; M.-T. MEULDERS-KLEIN, «
», RTD civ., 1988, n° 4, p. 663.
2
CCNE, avis n°
décembre 1989.
3
V. en ce sens A. BERTRAND-MIRKOVIC,
naître, Aix-Marseille, PUAM, 2003.
4
L Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la
loi, celle-
recherche est interdite ».
5
CEDH, 8 juil. 2004, Vo c/ France, D., 2004, chron. E. SERVERIN, note J. PRADEL, p. 2801 ; JCP, G, II, 2004,
note M. LEVINET, p. 10158 ; RTD civ., 2004, note J.-P. MARGUENAUD, p. 799.

461
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

techniques médicales de procréation assistée, que le droit français semble encourager (1)
en dehors de toute réflexion globale sur les s soulèvent. Les pays du
Maghreb ne se montrent pas moins friands de telles techniques, mais les législateurs
subordonnent 2).

1- En droit français

505. Variété des techniques favorisant la procréation. Parmi les techniques


édicalement
1
contourner une infertilité
médicalement constatée ( ), qui peut justifier le recours à un don anonyme de gamète si
besoin est ( ). Moralement discutable, cette possibilité permet à un couple de concrétiser
son projet parental malgré
2
origine . La gestation pour autrui constitue une alternative
autorisée dans certains pays, dont les effets en France favorisent une remise en cause de
).

)Le pré de gamètes

506. erronée en termes de don. don » pour

corporelle est hautement symbolique3. Si le donneur4


couple composé

établie à leur égard viendra corroborer. Loin de satisfaire un simple désir, le don intervient
en substitution à une contrariété biologique empêchant le processus naturel de procréation
t qui le dicte mais

1
A. MIRKOVIC, « : quelles modalités ? », Arch. philo. dr., 2014,
t. 57, pp. 445-463, spec. n° 2.
2
V. infra, n° 542 et 543.
3
ANDORNO, « Les droits nationaux européens face à la procréation
médicalement assistée : la primauté de la technique ou primauté de la personne ? », RIDC, 1994, n° 1, p. 141; J.
HAUSER, « ? Éloge du compromis », LPA, 7 août 1995,
n° 94, p. 7. C. LABRUSSE-RIOU, « : étude critique du droit positif français », in Le droit,
Aix-en-provence, PUAM, 1996, pp. 81-108 ; H. GAUMONT-PRAT, « Le principe de
», Rev. dr. fam., 2001,
n° 1, chron. n° 2, pp. 11-16 ;V. DEPADT-SEBAG, « Le don de gamètes dans les procréations médicalement
assistées », D., 2004, chron. p. 891-897; C.-M. MAZZONI,
« , RTD civ., 2004, pp. 701-712.
4
C. NEIRINCK, « assistance médicale à la procréation », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 273-283.

462
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

1
apport ou le spermatozoïde
étant dépersonnalisé pour ne constituer que ce « matériau biologique » à destination du
don » afin de lui

-à-

»2, car la vraisemblance et la crédibilité sont le fondement de la filiation. Cet


apport est ensuite anonyme et g
sa réception. Bien

507. dépersonnalisation du don3. Le don de gamètes4 consiste en


assistance médicale à
la procréation (AMP)5.
Code civil. Initialement pratiquée clandestinement -
tiers donneur était social et moral- son insertion
dans le circuit médical dès 1973 lui permit acquérir une certaine légitimité. De la même
manière, le secret médical entourant et ont
favorisé son appréhension comme « matériau biologique »
sexuel hors-mariage. consécutif du donneur constituerait un gage de la
paix des familles et assurerait au la parentalité souhaitée. Bien que

1
Encore convient-il de souligner que le don
davantage dans une démarche relationnelle et affective (en France où il est gratuit en tous cas) en raison du

secondaires. Dans un premier temps, la donneuse doit se soumettre à un traitement afin de bloquer ses ovaires.
vocytes que la

ovarienne dont les conséquences sont graves, ce don


et porte directem

informée des « conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des
contraintes liés à cette technique ».
2
C. FLAVIGNY, « Don de gamètes et psychologie », in Le don de gamètes, Actes du colloque organisé par le
Centre Léon DUGUIT tualisés au 1er décembre 2014, Bruxelles,
Bruylant, 2014, p. 47.
3
V. sur la question : C. LABRUSSE-RIOU, « : étude critique du droit positif français », in
Aix-en-provence, PUAM, 1996, pp. 81-108 ; H. GAUMONT-PRAT, « Le
», Rev. dr.
fam., 2001, n° 1, chron. n° 2, pp. 11-16; V. DEPADT-SEBAG, « Le don de gamètes dans les procréations
médicalement assistées », D., 2004, chron. p. 891-897; C.-
M. MAZZONI, « RTD civ., 2004, pp. 701-712.
4
Aux articles L. 1244- -9 du CSP.
5
Art. L. 1244-1 CSP.

463
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

anodin. « »1 a
p
enfant et constitue à ce titre « un tiers invasif, de par sa seule existence. Il existe comme
e et sa place peut se
2 3
révéler problématique » , bien que le droit veille à son effacement .
508. Le maintien controversé de La question relative au maintien ou

depuis sa légalisation4 5
continue de réfléchir sur la
6
. Pour
Madame Aude MIRKOVIC, le maître mot dans un tel contexte est la prudence, car les enjeux

chercher à savoir qui est son parent biologique 7. Si le projet de loi initial -
8
débats en 2011- et sous réserve
9 10
du consentement exprès du ou des donneurs , son maintien en deuxième lecture est
apparu tel ce « mal nécessaire »11 qui entraînerait plus de difficultés12

1
A. MIRKOVIC, « Repenser le don de gamètes », in Le don de gamètes, Actes du colloque organisé par le Centre
er
Léon DUGUIT décembre 2014, Bruxelles,
Bruylant, 2014, p. 8.
2
Ibidem., pp. 19-20.
3
A. MIRKOVIC, « La part de la biologie dans la filiation », in Le don de gamète, op. cit., pp. 121-132, spec.
p.
définissent -delà.

».
4
Dans un premier temps par la loi n° 91-
social, puis par les lois bioéthiques du 29 juillet 1994.
5

justice. En effet, « le public et les juristes ont été conditionnés à penser que la légitimité, et par conséquent la
licé -
au droit pour obtenir de lui des modèles processuels de gestion. En focalisant le débat sur le comment
ainsi véritablement oublié le pourquoi . La science a agi comme si les seules véritables difficultés étaient de
nature technique ». Cf. J.-L. BAUDOIN, C. LABRUSSSE-RIOU, ? Étude juridique
et éthique des procréations artificielles, Paris, PUF, 1987, p. 195.
6
A. MIRKOVIC, « Repenser le don de gamètes », art. precit., pp. 7-20.
7
A. BATTEUR, « »,
Philippe MALAURIE, Liber amicorum, Paris, Defrénois, 2005, pp. 15-50.
8
Ce qui aurait créé une discrimination entre enfants entre ceux ayant accès à leurs origines et ceux qui ne le
pouvaient pas en raison du refus opposé par leur donneur. En ce sens : C. BRUNETTI-PONS, « Existe-t-il un droit
de connaître ses origines ? », art. precit., pp. 85-112.
9
Art. 14 du texte n° 2911, 20 oct. 2010.
10
Après nombre de navettes
commission spéciale le 26 janvier 2011 (Texte n° 3111). Rétablie au Sénat par la commission des affaires
sociales (Texte n° 389, 30 mars 2011), elle fut à nouveau supprimée (Texte n° 95, 8 avr. 2011).
11
B. RENAUD, « Anonymat, un mal nécessaire », JCP, N, 2000, p. 919.
12
Quid ? Mais surtout de la
donneur

464
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Le rapport remis par Madame le professeur Irène THERY préconise néanmoins de «

embryons), tance médicale à la procréation qui en fait la


demande, majorité ; pour cela, (il
convient) -19, alinéa 3 : La personne majeure issue de la

CNAOP est seul habilité à obtenir celle- me chargé de la préserver. -


»1. La
rencontre à proprement dite avec le donneur serait en revanche subordon
géniteur. Il apparaît bien que la controverse liée au don se trouve rapidement rattrapée par
la problématique identitaire2, elle-
origines3. Pour autant de raisons, la signification de cet apport
profondément réfléchie, car elle revient à priver délibérément un enfant du fondement
biologique de sa filiation4, aussi bonnes soient les intentions5.
509. La généralisation contestable de la possibilité du don. La révision des lois
6
préalable du donneur pour

1
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de
responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre délégué chargé de la Famille,
p. 236.
2
V. infra, n° 542.
3

ons le concernant. CE, 10ème et 9ème sect., 12 nov. 2015,


n° 372121; Rev. dr. fam., 2016, étude 1, J.-R. BINET.
4
A. MIRKOVIC, « »,
professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 597-612.
5
plus
avancés
altruiste. Monsieur Jacques TESTART dans son ouvrage Faire des enfants demain explique comment cette
pratique, aux États-Unis notamment, passe par des accords privés avec les patients, peut prendre des allures
ines cliniques proposent de concevoir des embryons à
partir de gamètes « donnés
accepteraient, telle une promotion, un enfant qui leur sera totalement étranger. Dans certaines cliniques, il est
en recrutant des donneuses volontaires parmi les femmes devant subir une

ovaires, dûment stimulés pour délivrer de nombreux ovules... ».

ité du corps de la femme. J. TESTART, Faire des enfants


demain, éd. du Seuil, 2014, pp. 42-43.
6
Art. L. 1244-2 al. 3 CSP. e cette mesure n° 2015-1281 du 13 oct. 2015, complété
. 2015 pris en application d art. L. 2141- arrêté du 3 août 2010, lui-
arrêté du 11 avr. 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques
assistance médicale à la procréation
des gamètes, qui demeurent tributaires du don. Au terme de celui-ci, les cinq premiers ovocytes matures prélevés
doivent néces au-delà de ci
édant pas la moitié peut être conservée au profit de la donneuse. Concernant le don de sperme, un
recueil au profit du donneur est possible au-delà de trois recueils destinés au don.

465
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

favoriser le don par des personnes plus jeunes1


depuis
oyen de conception du premier enfant se
situant à la trentaine en France, ce donné
gamètes. La généralisation de la possibilité du don 2 demeure néanmoins critiquable car elle
incite à la compassion envers les couples non procréateurs, abstraction faite des
conséquences humaines qui pourront en découler sur les enfants à naître et peu important

sistance médicale à la procréation, qui transpose les directives


européennes en la matière et complète les règles déjà existantes 4. Outre la prise en compte
3

accrue de la situation médicale des donneurs, les dispositions européennes facilitent la


traçabili
cette fin un identifiant appelé « code européen unique », et le décret prévoit que

interne. Le critère de sécurité des informations établissant un lien entre le couple à

étant conservées pour une durée minimale de quatre ans.


510. La conventionnalité du don de gamète tributaire du consensus européen.
Saisie de la question relative à la conventionnalité de de gamètes
5
, la Cour considère que
du recours au don de gamète hétérologue ne viole p
applicable aux question
pour de telles questions
sensibles, releva permet aux États
6
signataires de la Convention de conserver , tout en

1
la conservation des ovocytes est pro

2
Apple et Facebook qui proposent à leurs salariées la prise en charge des frais
-
ci ne constitue pas un frein à leur carrière : C. DUNAND, « Apple et Facebook veulent aider leurs salariées à
vitrifier leurs ovocytes », Les Échos, 14 oct. 2014.
3
Directive (UE) 2015/565 de la commission du 8 avril 2015 modifiant la directive 2006/86/CE en ce qui
concerne certaines exigences techniques relatives à la codifi
4
D. n° 2016-
155 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, J.O, 6 mars 2016.
5
CEDH, 3 nov. 2011, S. H. et autres c/ Autriche, n° 57813/00, AJ fam., 2011, obs. A. MIRKOVIC, p. 608 ; D.,
2011, p. 2870 ; D., 2012, obs. H. GAUDEMET-TALLON, F. JAULT-SESEKE, p. 1228.
6
V. néanmoins dans un premier temps, ayant jugé le refus du don hétérologue discriminatoire : CEDH, 1ère sect.,
er
1 avr. 2010, S. H. et autres c/ Autriche, RTD civ., 2010, J.-P. MARGUENAUD, p. 292 ; même revue, J. HAUSER,
p. 774.

466
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

insistant sur le fait que « les préoccupations fondées sur des considérations morales ou sur
elles-mêmes des raisons suffisantes pour une
interdiction to » . La Cour procède à une appréciation
de la proportionnalité de la restriction au regard des pratiques médicales admises, pour
relever que la législation autrichienne « marque le soin et la circonspection avec lesquels
le législateur autrichien a cherché à concilier les réalités sociales avec les positions de
principe en la matière »1
L donc pas constitutive
onvention,
consensus européen suffisamment solide sur la question. La Cour souligne toutefois
2
que doivent périodiquement réaliser
les États sur des questions auxquelles la science apporte régulièrement un éclairage
nouveau3. À cet égard, le législateur français, ayant

)La procréation médicalement assistée (AMP)

511. e Que ce soit en 19944


législateur a
insisté sur le caractère pathologique du reco inscrit son intervention
dans une logique de compromis «
respect de la personne et la nécessité de ne pas faire obstacle aux progrès scientifiques
susceptibles de faire reculer la maladie et la souffrance »5. L est en
conséquence tourné vers -mais pour
6
combien de temps ?- par définition procréateur . Or, la finalité thérapeutique ainsi que
té sexuelle présente dans une
société où le droit doit «

1
§ 114.
2
Sur ce point, cf. X. BIOY, «
? », NEIRINCK, Paris,
LexisNexis, 2015, pp. 429-442, spec. pp. 437-442.
3
§ 115.
4
L. n° 1994-653 et 1994-654 du 29 juillet 1994 relative a
(J.O, 30 juillet 1994), modifiés par la loi n° 2004-
800 du 6 août 2004 puis par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011. Cf. Lois bioéthiques : réexamen, enjeux et
débats, La Documentation française, 2009 ; , la
Documentation française, 2009 ; J. LEONETTi,
bioéthiques, Rapport Ass. nat. n° 2235, 2010.
5
H. GAUMONT-PRAT, «
procréation », in Mots de science LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011,
p. 41.
6
Ibid., p. 41.

467
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

techniques biomédicales »1
personnes de même sexe et compte tenu du dynamisme interprétatif de la Cour
européenne.
512. Le projet parental protégé par le CEDH au titre de la vie privée et
familiale. Sur cette question, la Cour européenne privilégie davantage une approche
civiliste que médicale des techniques médicales de procréation2. La Cour européenne
3
relève
4
.
techniques médicales favorisant la procréation peuvent, dans certains cas, conduire à une

Dickson c/ Royaume-Uni
e se faire inséminer artificiellement, consacrant ainsi le droit au respect de la
décision de devenir parent5. La même année, elle reconnaît également le droit au respect de
la décision de ne pas devenir parent6 faire

de droits, la possibilité de concevoir un enfant par le recours à la PMA 7.


513. en termes de droits fondamentaux8 par la CEDH. Élargissant
encore plus le champ de cet article en usant de son dynamisme interprétatif, la Cour
européenne i ouvrirait le droit au couple
de recourir aux procréations médicalement assistées, mais que pour procréer un enfant
sain, ceux-ci devraient pouvoir bénéficier du diagnostic pré-implantatoire9. L
-
implantatoire constitue dès lors une ingérence injustifiée dans le droit au respect de la vie

1
Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, Paris,
Sirey, 17ème éd., 2011, p. 753.
2
En ce sens: X. BIOY, «
ù ne pas aller trop loin ? », , Paris, LexisNexis,
2015, pp. 429-442.
3
X. BIOY, «
pas aller trop loin ? », art. precit., spec. p. 433.
4
CEDH, 1er avr. 2010, 1ère sect., n° 57813/00 S. H. et a. c/ Autriche, RTD civ., 2010, obs. J.-P. MARGUENAUD,
même revue J. HAUSER, p. 774.
5
CEDH, 4 déc. 2007, Dickson c/ Royaume-Uni, n° 44362/04, D., 2008, obs. J.-C. GALLOUX, H. GAUMONT-
PRAT, RTD civ., 2008, obs. J. HAUSER, p. 272.
6
CEDH, 10 avr. 2007, Evans c/ Royaume-Uni, n° 6339/05, D., 2007, obs. C. DELAPORTE-CARRE, même revue,
2008, obs. J.-C. GALLOUX, H. GAUMONT-PRAT ; RTD civ., 2007, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 295 ; même revue,
obs. J. HAUSER, p. 545.
7
CEDH, 1ère sect., 1er avr. 2010, S. H. et autres c/ Autriche, RTD civ., 2010, J.-P. MARGUENAUD, p. 292 ; même
revue, J. HAUSER, p. 774 .
8
P. MURAT, « Enjeu de structures sociales ou logique de droits fondamentaux ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57,
pp. 285-300.
9
CEDH, 28 août 2012, Costa et Pavan c/ Italie, n° 54270/10, AJ fam., 2012, note A. DIONISI-PEYRUSSE, p. 552.

468
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

se posait néanmoins la question de sa nécessité au sein


la question de sa
proportionnalité à la lumière de ce que permet la législation italienne en matière
autorisent le
diagnostic pré-implantatoire f
2
incurable révèlent une incohérence aux yeux de la Cour . Knecht c/ Roumanie3 a
confirmé la du droit de constituer une famille, complément
indispensable du droit de mener une vie familiale normale, support du droit de nouer des

e par les juges strasbourgeois.


4
514. Vers la remise en cause de la . Il est fort
probable que la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe contribue à
« »5 de des lois bioéthiques. Une proposition de loi6
déposée concomitamment le 7 mai 2014
accès égalitaire pour toute assistance médicale à la procréation, y

hétérosexuel ayant recours à de telles techniques de procréation médicalement assistée y a


recours en raison de son incapacité à avoir des enfants. À

Si la proposition de loi aboutit, le sens profond de


serait bouleversé. La finalité curative originelle cèderait devant la possibilité
simple volonté7.
agit pas ici de questions éthiques ou morales comme celles que peut
soulever agit uniquem égalité
entre tous les couples et de prot ». Or, la portée de cette égalité
femmes aurait désormais la possibilité

1
Dans le même sens : CEDH, 24 juin 2014, A.K c/ Lettonie, n° 33011/08.
2
V. néanmoins M. DOUCHY-OUDOT, « Le recours à la procréation médicalement assistée et le sort des embryons
humains, une partition à quatre mains », , 2015, n° 6, pp. 14-

ntiel de viabilité demeure tributaire

3
CEDH, 2 oct. 2012, n° 10048/10.
4
. infra, n° 518.
5
MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit
de la famille », LE GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, p. 780.
6
Prop. loi Ass. nat., n° 1979 et Sénat n° accès égalitai assistance
médicale à la procréation.
7
C. NEIRINCK, « Question civile ou enjeu médical ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 301-314.

469
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

gestation pour autrui1. être uniquement


réservée aux seules femmes homosexuelles mariées, mais permettrait à toutes les femmes,
2
seules ou non, de devenir mère . Or, une telle libéralisation
la question du don. Convient-
il de rappeler à cet égard que le législateur a déjà balisé le chemin en vue de permettre à
toute pers de faire don de ses gamètes en toute gratuité, en
ceux-ci
fécondation. Autant de mesures ne peuvent être dues à une simple coïncidence des textes,

) La gestation pour autrui

515. dmission minoritaire3 de la pratique des mères porteuses 4. Lorsque la


maternité de substitution est pr
ainsi né peut indiquer le nom des époux comme père et mère. Tel
est notamment le cas, sur le continent européen, des législations grecque5 et britannique6.
Dès 1985, tout contrat conclu à titre privé et moyennant finance est interdit. Le Royaume-
Uni encadre très rigoureusement ce procédé ouvert aux seules personnes mariées. La
particularité anglaise prévoit néanmoins la possibilité pour la mère porteuse -aussi mère
légale7-

1
V. ÉGEA, « Vers une ouverture de la PMA aux couples de femmes ? », Rev. dr. fam., juil. 2014, alerte 32.
2
Cf. la proposition de loi n° 517
procréation
n° 1979, renvoyée à la commission des affaires sociales.
3
Que ce soit en France (art. 16-7), en Allemagne (art. 1, alinéa 7 Embryonenschutzgesezt), en Espagne (art. 10,
loi n° 35/1998) en Suède
femme et que le sperme doit être celui du mari ou du compagnon vivant sous le même toit : art. 2, alinéa 3 de la
loi n° 711/1988), en Suisse (art. 31, loi du 18 déc. 1998) ou en Italie (art. 12, alinéa 6), la gestation pour autrui
est prohibée. Les lois anglaise et grecque demeurent des exceptions européennes. Cf. F. GRANET-LAMBRECHTS,
« Maternités de substitution, filiation et état civil. Panorama de droit européen », Rev. dr. fam., 2007, étude 34.
4
ATIAS, « Le contrat de substitution de mère porteuse »,
D., 1986, p. 67; J. RUBELLIN-DEVICHI, « », RTD civ., 1985, p. 147. Sur les
problématiques soulevées par la gestation pour autrui, V. notamment : M. FABRE-MAGNAN, La gestation pour
autrui, Fictions et réalité, Paris, Fayard, 2013 ; A. MIRKOVIC, PMA, GPA, La controverse juridique, Paris, éd.
Téqui, 2014.
5
L. n° 3089 du 19 déc. 2002 qui a ajouté dans le Code civil les articles 1455 à 1460 et modifié les articles 1461 à
1484 concernant la parenté. Cette loi a été complétée par L. n° 3305-2005 du 27 janv. 2005 sur la mise en oeuvre
des méthodes de reproduction médicalement assistée, entrée en vigueur le 27 février 2005.
6
L. du 16 juil. 1985 relative à la maternité de substitution (Surrogacy Arrangements Act, 1985) et la loi du 1er
nov. 1990 relative à la féconda (Human Fertilisation and Embryology
Act, 1990).
7

accouche. Un parental order

470
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

législation grecque admet la pratique des mères porteuses par un couple non marié 1. Elle
suppose néanmoins une autorisation judiciaire qui permet de vérifier
contrepartie financière et le consentement des -portée
à cinquante ans- est requise tant pour la mère porteuse que pour
un
membre du couple est exigée Malgré ces nombreuses
2
garanties, la majorité des États européens ne semblent pas .
516. Le choix de la retenue (défaveur ?) Saisie par voie de
question préjudicielle par deux juridictions -britannique et irlandaise-, la Cour de justice de
3
la question de savoir si le refus accorder un
congé payé équivale adoption l
une mère porteuse était conforme à la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre
19924 à la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet
5
2006 . À cette question, la Cour e lui appartenait pas de se substituer au
Union européenne engageant dans une interprétation constructive des
6
directives en cause . Les États membres ne sont accorder un tel congé à la
7
mère . Dans sa résolution du 17 décembre 2015 , le Parlement européen a
condamné cette pratique comme allant « encontre de la dignité humaine de la femme,
dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises ) ».
Exploitant « les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes
vulnérables dans les pays en développement, à autres
gains », elle doit être non seulement interdite et « examinée en priorité dans le cadre des
instruments de défense »8.

MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, Thèse, Paris


II, 2013.
1

médicale à la procréation réalisée grâce à une mère porteuse, ce qui vaut reconnaissance volontaire de paternité.
2

ANDRE, MM. Alain MILON, H. DE RICHEMONT fait au nom de la commission des lois et de la commission des
affaires sociales, Contribution à la réflexion sur la maternité pour autrui, n° 421, 2007-2008.
3
CJUE, gde ch., 18 mars 2014, aff. C-363/12, Z., et aff. C-167/12, C. D.
4
Cette directive concerne la mise en oeuvre d amélioration de la sécurité et de la
santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.
5
Directive relative à la égalité de traitement entre
emploi et de travail.
6
F.-X. BRECHOT, « La CJUE face à la gestation pour autrui : le choix de la retenue », Rev. dr. fam., 2014, n° 7,
comm. 112.
7
Résolution portant sur le rapport annuel
).
8
§115.

471
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

517. Le refus initial des juges français. Bien que le phénomène ait commencé à se
développer à partir des années 19801 et que la Haute juridiction ait dans un arrêt célèbre2
condamné une telle pratique comme porta dre public3 ponibilité du

de « »4. La condamnation de
principe par la Haute juridiction5 reiner cette pratique, rendue possible
et outre Atlantique. La Haute juridiction française est donc
6
. Malgré quelques divergences des juridictions du
fond tendant à se soumettre au principe du « fait accompli »7, elle demeure interdite et

ouverture.
8
518. . Le droit français refuse juridiquement toute
division du concept de maternité. mariage pour tous » et

1
Cass. civ. 1ère, 13 déc. 1989 Alma mater, D., 1990, p. 273, J. MASSIP; JCP, G, II,
1990, 21526, note A. SERIAUX; RTD civ.,1990, p. 254, obs. J. RUBELLIN-DEVICHI.
2
Cass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105; D., 1991, D. THOUVENIN, p. 417; JCP, G, II, 1991, 21752, F. TERRE;
Defrénois, 1991, obs. J.-L. AUBERT, p. 1267; RTD civ., 1991, obs. D. HUET-WEILLER, p. 517; LPA, 23 oct. 1991,
n° 127, note M. GOBERT, p. 4; même auteur, « Réflexions sur les sources du droit et les principes
i état des personnes », RTD civ., 1992, p. 489 ; même auteur, « La maternité de
substitution », LPA, 23 oct. 1991, n° 127.
3
Art. 16-9 du C. civ.
4
J.-R. BINET, « », Rev. dr. fam., 2015, n° 1,
repère 1.
5
refusé la légalisation de la gestation pour autrui. Plusieurs rapports et avis ont été émis à
: États généraux de la
bioéthique (Rapp. final, 1er juill. 2009), mission parlementaire (Rapp. Ass. nat. n° 2235, Révision des lois de
bioéthique. Favoriser le progrès médical, respecter la dignité humaine, janv. 2010, pp. 121-173), Office
technologiques (Rapp. Ass. nat. n° 1325, Sénat n° 107, sur
), Académie nationale de médecine (Rapp. 10
mars 2009), Conseil d'État (La révision des lois de bioéthique, 9 avr. 2009), Agence de la biomédecine (Avis du
consei orientation, Délib. ABM n° 2009-CO-38, 18 sept. 2009), Ordre des médecins (Position du Conseil
Ordre des médecins sur la gestation pour autrui, 4 févr. 2010), Collège national des sages-femmes
(Gestation pour autrui, une fausse bonne idée pour faire progresser le droit des femmes, communiqué, 8 mars
2010) (CCNE, avis n° 110 sur les problèmes éthiques soulevés
par la gestation pour autrui (GPA)).
6

(Cass. civ. 1ère, 9 déc. 2003, n° 01-03.927),


(CA Rennes, 4 juill. 2002, n° 01/02471; D., 2002, p. 2902, note F. GRANET; JCP, G, 2003,
I, 101, obs. J. RUBELLIN-DEVICHI; Rev. dr. fam., 2002, comm. 142, obs. P. MURAT)
(Cass. civ. 1ère, 6 avr. 2011, n° 09-17.130 ; Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 83, p.
43, note A. MIRKOVIC).
(Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2008, n° 07-20.468; JCP, G, 2009, II, 10020, note A. MIRKOVIC; Procédures,
2009, comm. 52, obs. M. DOUCHY-OUDOT; Rev. dr. fam., 2009, comm. 15, obs. P. MURAT; D., 2009, p. 332,
concl. J.-D. SARCELET), car le « le refus de transcription ne prive pas les enfants de leur filiation, reconnue par le
t des enfants et, notamment, à leur droit de
vivre avec leurs parents » (CA Ren
de deux arrêts en sa 6ème ch. A, le 28 sept. 2015, n° 14/07321, et n° 14/05537).
7
G. KESSLER, « La consolidation de situations illicites dans l'intérêt de l'enfant », Rev. dr. fam., 2005, étude 16.
8
V. en ce sens F. CHENEDE, « : reconnaissance ? »,
Rev. Lamy dr. civ., 2015, juil., n° 128.

472
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

examen ultérieur1. Il est alor la


2
« procréation amicalement assistée » au profit des couples de femmes ne serait pas suivie
une ouverture de la gestation pour autrui 3. Une proposition de loi visant à sanctionner
pénalement4 les parents ayant recours à des contrats de gestation pour autrui a été déposée
par Monsieur le député Jean LEONETTI le 14 octobre 20145.
accès égalitaire pour toutes aux techniques
assistance médicale à la procréation est en examen6
approche, outre parcellaire et fragmentée, également contradictoire de la problématique.
Si cette proposition de loi pénalisant les contrats de gestation pour autrui semble avoir peu
7
de

commença en réalité avec une circulaire8 et est de


permettre es conditions de reconnaissance de la nationalité française aux
enfants n étranger. Sa légalité ayant été reconnue9
une série de décisions des juges du fond reconnaissant tant la PMA10 que la gestation pour

1
Sur la technique de dissociation législative des questions, V. supra, n° 374.
2
BOSSE-PLATIERE : « Premières réflexions pour une
», in Méla LE
GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, p. 592.
3
A. DIONISI-PEYRUSSE, « Brèves ouvert AMP aux couples de même
sexe », AJ. fam., 2013, p. 127.
4
En ce sens : M. LOBE LOBAS, « La rép
», NEIREINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 581-596.
5
J. COUARD, Rev. dr. fam., déc. 2014, alerte 59. Un nouvel article 511-14 intègrerait le Code pénal. Au terme de
celui-ci, « e organismes, français ou étrangers, permettant
ou facilitant, contre un paiement, la pratique d autrui, est puni de six mois
d onnement et de 7 500 amende ». obtenir ou de tenter
un enfant par la pratique d autrui, sur le sol français ou à
étranger, contre un paiement, quelle 000
amende ».
6
Proposition de loi n° 517 ,
enregistrée à la présidence du Sénat le 7 mai 2014, et à l 1979, renvoyée
à la commission des affaires sociales.
7
Une autre proposition de loi (n°
afin de lutter contre le recours à une mère
8
Circulaire du 25 janvier 2013 (Min. Justice, circ. n° NOR JUSC1301528C. V. aussi N. MATHEY, « Circulaire
TAUBIRA. Entre illusions et contradictions », JCP, G, 2013, act. 162, Libres propos.
9
CE, 12 déc. 2014, n° 365779; Rev. dr. fam., 2015, n° 2, alerte 13, J. COUARD ; Rev. dr. fam., 2015, n° 2,
comm. 30, C. NEIRINCK, D., 2015, obs. M. DOUCHY-OUDOT, p. 649.
10

15/00850 ; AJ fam., 2016, 102 ; CA Toulouse, 10 fév.


2015, n° 14/02830, AJ fam., 2015, obs. P. SALVAGE-GEREST, p. 220; CA Limoges, ch. civ., 2 mars 2015, n° RG
« obligation ou nécessité de rechercher les
c enfant, il est néanmoins d assurer une seule
filiation ici maternelle éta adoption plénière ne fera pas obstacle aux effets de

473
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

autrui1, pourtant toutes deux réalisées en fraude aux dispositions de la loi française. La
2
Cour de cassation , à la demande
oitiers, un avis dans lequel elle
un couple de femmes à la procréation médicalement assistée
avec tiers donneur anonyme, étranger, ne fait
épouse de la mère3. Cet avis faisait directement suite à la
4
pour sa position
5
.
Particulièrement attendue était donc la position de la Cour de cassation sur la question.
Sans grande surprise6, celle-ci ordonne,

autre filiation ici paternelle si celle- : «À


supposer non conforme à la réalité la conception p une
filiation pa adoption plénière » ; CA Aix-en-
provence, 14 avr. 2015, n° 1413/137, AJ fam., 2015, obs. F. BERDEAUX-GACOGNE, enfin CA Versailles, 16 avr.
2015, n° 14/04253, 14/07327, 14/04245, 14/04244, 14/04243, 14/05356, 14/05360.
1
: TGI Nantes, 1ère ch., 13 mai
2015, n° 14/07497, Rev. Lamy dr. civ., 2015, n° 128. Le tribunal considère que « intérêt des enfants qui ne

-7 du Code civil ne peut faire obstacle à la reconnaissance


en France du lien de filiation qui en résulte. Les demandes de transcription de leurs actes de naissance doivent
donc être accueillies » «
droit positif, est justifié le refus d

-elle
re public selon les termes des articles 16-7, 16-9 du Code civil ».
Cf. Cass. civ. 1ère, 13 sept. 2013, n° 12-18.315 et n° 12-30.138, Bull. civ., I, n° 176; D., 2014, obs. M. DOUCHY-
OUDOT, p. 689; même revue, p. 2382, obs. I. GALLMEISTER ; AJ fam., 2013, obs. F. CHÉNÉDÉ, p. 579; RTD civ.,
2013, obs. J. HAUSER, p. 816. Dans le même sens auparavant : Cass. civ. 1ère, 19 mars 2014, n° 13-50.005, Bull.
civ., I, n° 45 ; déjà, V. Cass. civ. 1ère, 6 avr. 2011, n° 10-19.053, 09-66.486 et 09-17.130.
2
Cass., avis, 22 sept. 2014, n° 1470006; C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2014, n° 11, comm. 160 ; AJ fam., 2014,
obs. F. CHENEDE, p. 555; même revue, obs. A. DIONISI-PEYRUSSE, p. 523; RTD civ., 2014, obs. J. HAUSER,
p. 872.
3
C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., nov., 2014, comm. 160.
4
CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, n° 65192/11 et 65941/11, Mennesson et Labassée c/ France ; C. NEIRINCK,
Rev. dr. fam., 2014, n° 9, comm. 128 ; D., 2014, chron. H. FULCHIRON et C. BIDAUD-GARON, p. 1773; D., 2014,
note F. CHENEDE, p. 1797; D., 2014, note L. D AVOUT, p. 1806, D., 2014, obs. P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE, p. 1787; AJDA, 2014, chron. L. BURGORGUE-LARSEN, p. 1763; RTD civ., 2014, obs. J. HAUSER,
p. 616. La CEDH condamne en réalité la France de manière « mesurée

le droit au respect de la vie familiale des pa

privée.
5
V. en ce sens : TGI Versailles, 29 avr. 2014, 3 espèces, n° 13/00013; n° 13/00113; n° 13/00168. Les trois

ologique. Cf.
P. REIGNE, Rev. dr. fam., juil. 2014, comm. 113.
6
F. CHENEDE, «
», D., 2015, pp. 1172-1177 ; I. CORPART, « La gestation pour autrui
- Entre droit français et réalités étrangères », Rev. dr. fam., 2015, n° 11, étude 14 ; M.-C.
LE BOURISCOT, « », RJPF,
2016, n° 2.

474
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

1
. Pour la Cour de cassation, dès
pouvoir être

519. européenne. Dans ce mouvement, il


la France avec celui -intervenu
quelques mois plus tard- qui . atteinte au
droit au respect de la vie privée et familiale, qui résultait selon les requérants « de
enfant, ajouté au refus de transcrire son certificat de naissance dans les
regis état civil italien, empêchant ainsi la reconnaissance de la filiation établie à
2
étranger » du fait du
de la vie privée et familiale, la Cour

constitutive injustifiée,
jug -
pas-
les intérêts en présence, fussent-ils liés à des considér ic telles
fin de préserver cet la
au couple commanditaire, compte tenu du fait
liens avec sa nouvelle famille a a pas pris une
décision déraisonnable en refusant la tr état civil du certificat
délivré par arrêt rappelle en revanche manière indirecte le primat de
la vérité biologique, à mettre en parallèle a où la Cour européenne
avait concentré sa motivation sur la paternité biologique incontestable des pères dans les
appréciation des États
ingérence
dans la vie privée et familiale des requérants du fait du refus de transcrire en France les
actes de naissance étrangers3 prendre une
validation indirecte de cette pratique par la reconnaissance en France du lien qui rattache
les enfants à leur père

au «

1
Cass. plén., 3 juil. 2015, n° 14-21.323 et n° 15-50.002; D., 2015, p. 1438, obs. I. GALLMEISTER ; Rev. Lamy dr.
civ., 2015, n° 129, M.-C. LE BOURISCOT ; Rev. dr. fam., 2015, n° 9, repère 8, J.-R. BINET ; ibid., comm. 166, C.
NEIRINCK, JCP, G, n° 38, 965, A. GOUTTENOIRE
indication du père biologique et de la mère porteuse. Désormais, le père biologique
sur son acte de naissance, indépendamment de la convention de GPA
.
2
CEDH, 2ème sect., 27 janv. 2015, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie; J.-B. WALTER, Rev. dr. fam.,
mai 2011, étude 11 ; D., 2015, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, p. 702, même revue, p. 755, obs. J.-C. GALLOUX ;
AJ fam., 2015, p. 165, obs. E. VIGANOTTI, même revue, p. 77, obs. A. DIONISI-PEYRUSSE.
3
CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France, precit., n° 62 et Labassée c/ France, n° 54.

475
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

enfant on procède à la balance des intérêts en présence »1 est, entre


autres considérations, déterminé par les liens biologiques qui peuvent le lier à ses parents.
Le fondement de la décision, tiré du respect de la vie privée et familiale, sera susceptible
de variation2 selon que le lien biologique est, ou non
parents. C préhendé par la Cour témoigne bien de
sa plasticité, son contenu variant au gré des intérêts des adultes mais surtout,
appréhension essentiellement biologisante de la filiation3.
européenne des procréations artificielles ne contribue-t-elle pas à saper, au nom des droits
»4, en
?5
520. Quel avenir pour la procréation artificielle ? La tolérance actuelle envers les
effets de la procréation médicalement assistée effectuée en fraude à la loi française à

entre personnes de même sexe et la gestation pour autrui sont totalement vidés de leur sens.
6
P -et qui
pas, si un consensus se formait, à - le droit français

forum shopping là ou la loi française ne leur


7
permet pas . À cet égard, la circulaire TAUBIRA a sans conteste contribué à encourager le
tourisme procréatif. réécriture des textes, l MP se
8
mue n qui ouvre de nouvelles
9
perspectives .

1
1ère esp., n° 101 et 2ème esp., n° 80.
2

au respect de la vie privée et familiale. Cf. B. WALTER, Rev. dr. fam., 2011, n° 5, étude 11.
3
Cf. supra, n° 426.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
», Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 486.
5
G. BERNARD, « ? » in Le Mariage&La Loi. Protéger , Institut
Famille&République, 2016, pp. 101-109.
6
V. en ce sens : TGI Nantes, 13 mai 2015, n° 14/07497: dans cette espèce, le TGI de Nantes ordonne la
trans état civil français des actes de naissance de deux soeurs jumelles nées en
Ukraine e gestation pour autrui. Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 145, C. NEIRINCK.
7
J.-J. LEMOULAND, « Le tourisme procréatif », LPA, 2002, n° 62, p. 24 ; J.-R. BINET, « Circulaire TAUBIRA -
Ne pas se plaindre des conséquences dont on chérit les causes », JCP, G, 2013, n° 7, 161.
8
H. GAUMONT-PRAT, «
procréation », in Mots de science, op. cit., pp. 37-53.
9
V. infra, concernant 534.

476
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

2- En droit maghrébin

521. importance de la légitimation religieuse.


sur les techniques médicales favorisant la procréation. Si elles ne sont pas contraires à la
charia, elles doivent cependant être effectuées dans le respect du corps et de la dignité

et religieux. Si en France la première loi bioéthique1 voit le


jour en 1994, les techniques de procréation médicalement assistées2
essor tardif dans les pays du Maghreb3. Compte tenu de la place centrale de la parenté et
plus globalement de la famille dans les sociétés islamiques, une légitimation de ces
techniques a en premier lieu été recherchée auprès des autorités religieuses. Outre le Coran
et la sunna qui constituent les fondements principaux de la législation familiale, des fatwas
ont été émises par plusieurs instances théologiques4. La première Conférence
internationale de médecine islamique au Koweit et a conduit à la

internationale de médecine islamique. Deux comités éthiques permanents sont, depuis,


installés en Arabie saoudite. Créée
internationale de jurisprudence islamique
jurisprudence dépendante de la ligue islamique mondiale- siège à la Mecque. Un Comité
permanent de recherches islamiques -installé en Arabie saoudite- a pour mission de se

En 1985 tenu le premier Congrès de sciences


islamiques duquel droit de la Ligue islamique
5
mondiale a décidé que « l
est considéré comme une visée légitime »6 on du terme « besoin » est centrale

1
: J. RUBELLIN-DEVICHI, « Réflexions sur une proposition de loi
», in Mélanges dédiés à Jean VINCENT,
Paris, Dalloz, 1981, p. 371 ; G. RAYMOND, «
« lois bioéthiques »), JCP, G, I, 1994, 3796 ; C. BYK, « La loi relative au respect du corps humain », JCP, G, I,
1994, 3788 ; M. GOBERT, « Apocalypse ? Non, procréations médicalement assistées et droit de la famille », Gaz.
Pal., 1994, p. 489 ; H. CARVAIS-ROSENBLATT, «
à la procréation : les dispositions de la loi du 29 juillet 1994 », Gaz. Pal., 1994, p. 1182 ; J. MASSIP,
«
procréation médicalement assistée », Gaz. Pal., 6 avril 1995, p. 433.
2
G. RAYMOND, « La procréation artificielle et le droit français », JCP, G, I, 1983, 3114.
3
B. GAILLY, , Paris,

4
S. HOUOT, « La fatwa, un cadre pour la bioéthique contemporaine », in Islam et Révolutions médicales. Le
labyrinthe du corps, A.-M. Moulin (dir. de), éd. IRD Karthala, 2013, pp. 123-144.
5
nstance rattachée à la Ligue islamique mondiale, fondée en 1962 à la Mecque (Arabie Saoudite)
par le prince FAYSAL ainsi que les représentants de vingt-deux pays afin de du
président égyptien NASSER, et promouvoir le leadership islamique.
6
Cité par S. HOUOT, « Des usages éthiques du droit islamique : une réponse aux enjeux posés par la
reproduction médicalement assistée », Rev. Droit et Culture, 2010, n° 59, pp. 331-355.

477
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

raghba cessité. Est ainsi reconnu


au profit du couple infertile, pouvant être dépassé grâce aux nouvelles
techniques de procréation artificielle. AL AZHAR1 -
représentante du courant sunnite dans le monde musulman- également prononcée en
2
faveur
3
, de la FIV4 5
. structures, telles
à Rabat ou Islamic
organization for medical sciences
-delà de la péninsule arabique. L expresse du don de gamète
hétérologue et constituent les deux

ryon, la recherche est exceptionnellement tolérée sur les embryons surnuméraires


dont le diagnostic vital est engagé (cas de malformations mettant en cause les chances de
survie).
522. Le don de gamètes interdit. La procréation in vitro avec donneur6 ar de
la mère porteuse
sperme7 conçu comme principe vital de descendance dont le rôle est incontournable durant

2
-Azhar a rendu une fatwa (avis juridique) devenue consensuelle, qui autorise de telles
interventions.
3
-utérine avec le sperme du conjoint (IAC) consiste à injecter des spermatozoïdes
-ci
ait subi un traitement hormonal de stimulation ovarienne.
4
La fécondation in vitro (FIV) ou fécondation extra corporelle consiste à mettre en contact in vitro le sperme de

5
La

ation et une ponction ovarienne. La suite du processus est similaire


à celle de la FIV.
6
coranique suivant : «Il vous a donné
des partenaires tirés de vous-mêmes et similaires. Il a établi parmi vous ce de cette
ie ». (Coran, sourate 42, verset 11).
7

suivant : « idère de quoi il a été créé


lombes et les côtes : « Quand ton
dam » (sourate 7, verset 172), ou encore « Vous sont
interdites les épouses de vos fils issus de vos vertèbres
« aux vertèbres t en lien étroit avec la

horizontal) : « Leurs mères sont seulement celles qui les ont enfantés » (sourate 58, verset 2). Ainsi que le
souligne Madame FORTIER, on perçoit la place centrale faite à la lignée patrilinéaire, qui puise sa source dans la
substance même du sperme et se transmet à travers les générations, tandis que la lignée matrilinéaire est réduite à
FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté
de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité. De la nécessaire
conjonction du social et du biologique »,

478
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

les phases de conception et de gestation nt comme « le produit


du sperme de son père », lequel appartient à son groupe de filiation patrilinéaire -à

liens du sang1. ture des liens biologique et parental


introduit les germes du « désordre (fitna) » social et rappelle nikah al istibdaâ3 pratiqué
2

uniquement un donné biologique mais repose également sur une forte dimension sociale -
4
nécessité du mariage des parents-
comme détermination purement sociale de la filiation. Une dissociation entre paternité
sociale et paternité b
naturel ne soit pas reconnu du fait du mariage de ses parents- de la même
manière que le donneur de sperme . « Si le social
5
»
conjonction des deux données qui permet une stabilité des filiations.
523. estation pour autrui. La gestation pour autrui est
interdite par la charia. Le Complexe des Recherches Islamiques a opté pour ce choix en
20016 7
. De la même manière, le
-ci dispose que
« conçu dans le cadre de la médecine de la reproduction ne peut être placé, à
». En effet, les juristes

méditerranéennes, P. BONTE, E. PORQUERES I GENE, J. WILGAUX (dir. de), Marseille, éd. de la Maison des
s.
1

la filiation. C. FORTIER, « Le lait, le sperme, le dos. Et le sang ? », caines, 2001, n° 161,


pp. 97-138.
2
É. BARRAUD, « », Droit et cultures, 2010,
n°59, pp. 255-282.
3
supra, n° 71.
4

KHOMEYNI, le chef Ali Husayn KHAMENEI


ecours ne constituait pas un adultère. La simple mise en contact des gamètes
des donneurs relève davantage de « » (ijtihad). Dans ce cas de figure, il était
it des difficultés sur le plan successoral. Si

ion est révélatrice des


problèmes posés par la dissociation du lien biologique et du lien social. Cité par C. FORTIER, « Filiation versus
inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité.
De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 233.
5
C. FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions
et reconnaissance de paternité. De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 233.
6
Décision n° 1, séance tenue le 19 mars 2001.
7

post-mortem de la femme avec le sperme de son mari, en raison de la disparition du lien conjugal
(Fatwa n° 438, du 26 mars 2004).

479
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

d
juridique musulmane
, le recours gitimer

1
. Au
demeurant, cette pratique « nd législateur qui est

de les limiter dans la mesure du possible »2.


524. Une règlementation variable du sort des embryons inutilisés. Le projet de
loi préparé par l bis du
C techniques liées à la
3
PMA fixe à trois le nombre maximal
inutilisés, tranchée. Il est toutefois possible de

des interdits, sous peine de sanction pénale : le don


de ovocytes, même entre co-épouses4; le embryons
surnuméraires ou non à une mère porteuse ou adoptive, même entre soeurs ou mère et fille;
le prêt de cytoplasme e ovocytes », tout comme la congélation de
dits
embryons à la seule destruction. La même destinée est réservée aux embryons
sciences
médicales tenu les 4 et 5 avril 1997 à Kairouan, le professeur Béchir HAMZA considérait
que : «
largement entrée dans nos moeurs le problème de conscience posé dans d
socio-

1
un tel don entre co-
épouses en 1985. Le raisonnement serait le suivant
paternelle peut être établit sans confusion, la mère est considérée, conformément au principe coranique, comme
ar C. FORTIER, « Filiation versus
inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité.
De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 232.
2
H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le contexte de la culture juridique
égyptienne », art. precit., p. 193.
3
Art. 433 du projet. Au-delà de ce nombre, les raisons doivent être justifiées dans le dossier de la patiente.
4

un ou plusieurs ovules à une femme qui ne peut pas -ci peuvent être
fécondés in vitro avec le sperme de son mari. embryon ainsi obtenu est une
femme tierce au couple qui le restituera neuf mois après. Dans ce cas de fig ocation
ou utérus ». Il semblerait que cette alternative a pu être admise si le mari épousait la mère porteuse, et
devenait par là-même la deuxième épouse du conjoint qui aura donné son sperme pour la ovule
émanant de la première. Toutefois, une telle hypothèse est écartée par les pays du Maghreb, et le projet de loi
algérien, interdit ovocytes même entre co-épouses ».

480
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

issances »1. Certaines

différentes fatwas devant être


« réservée aux seules fins de réimplantation chez la mère génitrice et gestatrice légitime

de cause au-
après un certain délai fixé par la loi. Les juristes musulmans condamnent la congélation »2.
3
Au Maroc, la congélation est admise . Cependant, la
conservation des embryons surnuméraires pose la question de leur devenir, lor
sont pas réutilisés par le couple. Faute de recherches expérimentales autorisées sur
leur devenir sera sans nul doute la destruction.
525. Une réglementation à parfaire4. En suivant la ligne de conduite émise tant par
le Conseil mondiale, que la fatwa de
-AZHAR, les législateurs des pays du Maghreb ont librement réglementé
5

médecine6. En Tunisie7, -pays présenté comme étant le plus modernisé du monde arabe-

religieux en amont La dimension religieuse joue alors un rôle


8
consultatif légitimant certain et constitue une référence incontournable pour les juges dans

1
B. HAMZA, La procréation médicalement assistée. Problèmes médicaux actuels et éthique, Congrès de la
Société tunisienne des sciences médicales, VII ème Journées médicales Ibn El Jazzar, Kairouan, 4-5 avr. 1997.
2
Ibid.
3
Trois centres seulement dans tout le Royaume disposent du matériel nécessaire pour procéder à la congélation.
4
Cf. infra, rapp. avec n° 510.
5
Tel est le cas en Algérie qui a dans un premier temps
circulaire ministérielle n° 300 du 15 mai 2000, fixant les bonnes pratiques cliniques et biologiques en la matière.
Le
bis est ainsi libellé : «
mariage doit être légal,

le procédé de la mère porteuse ».


6
Tel est le cas de la loi tunisienne n° 2001-93du 7 août 2001 relative à la médecine de la reproduction, Cf. J.O,
n° 63 du 7 août 2001, et des deux lois marocaines. La première n° 10-94 est de la médecine
et la loi n° 12-02 régit le travail des biologistes. La Fédération marocaine de fertilité et de contraception, après
concertation avec les religieux, a
nouveau au gouverneme La PMA est donc pratiquée dans le cadre de la
loi n° 10-94.
7
A. AOUJI-MRAD, «
assistée », in Procréation médicalement assistée et anonymat, panorama international,
B. FEUILLET-LIGER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 275-282.
8

qui compte parmi ses membres un représentant du Conseil supérieur islamique. Ce comité avait rendu un avis du
12 décembre 1996 sur la question, dans lequel il précise que « le recours à des tiers donneurs est en contradiction
vec la législation tunisienne.
il brouille les règles successorales et il ouvre la porte au viol de nos règles en matière de choix du partenaire au
mariage ».

481
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

leur application. Sans grande


La première
1
.

interdits2 apport 3
. Cette restriction trouve son
fondement dans le principe religieux de pureté de la lignée, consacré tant par le texte
: « Ayez de vos généalogies
ang ».
Pareille orientation religieuse influence profondément la législation en vigueur et constitue
le vecteur de ses choix éthiques. Les différents praticiens du corps médical en appellent
matière est extrêmement

fonctions des praticiens. Il conviendrait de légiférer tant pour les questions liées au statut
sort des embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire au
4

-delà duquel il est impossible pour une femme de recourir à


e. Pour cela, le législateur est amené à puiser

choix éthiques opérés par la société musulmane5.


526. Bien que désormais répandue dans le monde
Les

pas prise en charge par le


6
système de couverture médicale , et pratiquée en général par des cliniques privées, ne
peuvent y accéder que les couches sociales les plus favorisées, voire moyennes (par
t de crédits à la consommation). Cet inégal accès aux soins contrevient pourtant
exp
établissements publics et des collectivités territoriales

1
La loi tunisienne du 7 août 2001 dispose à article 4 que « la médecine de la reproduction ne peut être
, vivants,
doivent être en âge de procréer ».
2
L tunisienne dispose que « le recours à un tiers donneur de gamètes dans le cadre de la

intervention
4
Cf. supra, n° 348.
5
Cf. infra, n° 510.
6

les femmes de moins de 40 ans. La CNAM ne rembourse plus au-delà de quatre tentatives infructueuses. Reste
donc à la charge du couple les consultations médicales, les échographies de suivi de la stimulation, les actes de

482
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

les moyens permettant un égal accès des citoyens tant aux soins de santé
sociale. Or, promouvant une politique anti-nataliste, la politique menée
imparfaitement dans le souci de prise en charge du coût des soins afférents aux
PMA. La question semble pourtant être de plus en plus prise au sérieux par les pouvoirs

1
.
2
rembourse de telles interventions que lorsque ,
que celle- Avec un tel

déontologie des médecins étant insuffisantes.

B)

527. L a recherche sur les embryons3. En 19944, la mise en

e reconnaissance aux fins de


-ci a été fermement interdite5, et
l
casion de la seconde révision des lois en 20116,
et bien que les débats aient potentielle levée de
7
, celui-ci demeura et a même été étendu aux embryons transgéniques ou
chimériques. Qualifiée de mesurée8 et de prudente9, une partie de la doctrine, victorieuse,
applaudit la réforme qui consolidait, en apparence,
embryons.

1
Selon le professeur Chafik CHRAÏBI, « pour une fécondation in vitro (FIV
entre 20 et 30 000 dirhams (2 à 3000 euros) en moyenne. Certains sont contraints de vendre des biens ou de
s un
centre public permettra de réduire de façon conséquente la facture supportée par les couples ». Cf. revue
doctinews, éd. du 4 avr. 2011, n° 32.
2

AOUIJ-MRAD, « Le corps de la femme et la biomédecine : le clair-obscur


tunisien », art. precit., p. 205.
3
J.-R. BINET, « », in Droit et Bioéthique,
MICHAUD, Bordeaux, éd. Les Études hospitalières, 2012, pp. 191-203.
4
Loi n° 94-654, du 29 juil. 1994, J.O, 30 juil., p. 11056.
5
Art. 2151-5 al. 1er du Code civil.
6
A. MIRKOVIC, « n : la question interdite », JCP, G, 2010, p. 177.
7
C. BYK, « Prévoir le changement pour que rien ne change », JCP, G, 2011, act. 844.
8
J.-R. BINET, « La loi du 7 juillet 2011 : une révision mesurée du droit de la bioéthique », Rev. dr. fam., 2011,
n° 10, étude 21, pp. 17-22.
9
D. VIGNEAU, « La nouvelle loi bioéthique : une réforme à la fois significative et prudente », Dict. perm.
bioeth., bull. n° 218-1, sept. 2011.

483
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

528. Deux ans plus tard, l a


pourtant été remis en cause. L L. 2151-5 du Code de la santé publique -interdisant
- prévoyait initialement une double obligation,
était de démontrer que la recherche était susceptible de permettre des progrès
médicaux majeurs en matière de prévention, de diagnostic ou de soins que le
résultat escompté ne pouvait autres moyens
1
connaissances. La loi du 6 août 2013 supprime cette double exigence. Pour autoriser de
telles recherche L. 2151-5, I, 2° finalité
médicale », qui permet au corps scientifique plus de liberté dans la manipulation
2
. La nouvelle loi procède également à la suppression des dispositions
spécifiques aux recherches assistance médicale à la
procréation, les soumettant au cadre général des recherches organisées et pratiquées sur
être humain, dans le but de développer les « recherches biomédicales »3. En ce sens est

dispositions4. Cette libéralisation de la recherche biomédicale se situe dans la droite ligne


ministre Geneviève FIORASO, elle déplorait
des équipes françaises passent à côté de contrats
européens ou ont du mal à attirer des investisseurs »5.
529. mie de marché libérale. La permissivité qui
de manière très éclairante, dénoncée par un des pionniers de la PMA,
Monsieur Jacques TESTART dans son ouvrage Faire des enfants demain. Au sujet de la
-ci commence par expliquer que si le procédé « vise, comme
ils le prétendent, à préciser les lois biologiques qui régissent le début du développement,

apprendre de la souris

! »6. e serai jectif


de la recherche alléguée but prometteur des
greffes thérapeutiques »7
du cordon ombilical Par conséquent, la recherche
sur herche avec Or, l c

1
L. n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique
en autorisant sous certaine embryon et les cellules souches embryonnaires.
2
D. VIGNEAU, « Quels garde- ? », in Mélanges en
Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 27-39.
3
J.-R. BINET, « : nouveau cadre réglementaire », Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm. 84.
4
D. n° 2015-155 du 11 févr. 2015 embryon et les cellules souches embryonnaires et à
la recherche biomédicale en assistance médicale à la procréation, J.O, 13 février 2015, p. 2745.
5
Cité par J. TESTART, Faire des enfants demain, éd. du Seuil, 2014, p. 138.
6
J. TESTART op. cit., p. 136.
7
Ibid., p. 137.

484
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

de cette voie ayant été démontré dès 1990 par le voisin britannique,
révèle une sorte de
tion puérile pour taquiner le
1
catho » . Dans un second temps, des considérations économiques perme
AVENTIN (économiste de la santé)
« oûte en moyenne 650 millions
de dollars et dure quinze ans, il serait alors possible de tester les nouvelles molécules sur

»2. Il est dès lors


plus aisé de saisir les réelles implications de ces mutations, débordant largement le strict
domaine juridique. Leur appréhension à travers une grille de lecture combinant à la fois
économie médicale3 et biomédecine . S sant
4
« » , le
carburant qui les ani art constitué des « pressions des praticiens et
défendant leur intérêt propre » et des « actions de lobbies industriels » lesquels
peuvent « rencontrer les préoccupations des assureurs, des responsables de la santé et des
partisan ». oncé une
partie de la doctrine un autre monde,
car il obéit à la « toute- lement est
-Unis
nous montrent en la matière la voie, qui considèrent que les riches peuvent louer le ventre
u moins si ceux-ci sont
parfaitement conformes à la commande. Un nouveau marché se met en place dont, selon
»5. Or, ce marché prend place et
se déploie particulièrement en contexte occidental, et concerne des préoccupations de pays

1
Ibidem., p. 137.
2
Cité par J. TESTART, op. cit., p. 137.
3
Sur ce point, V. spec. pp. 40-44, et pp. 102-107.
4
Ibidem., p. 10.
5
Yves LEQUETTE, « : clarification et réflexions », in
onnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2014, p. 21, spec. n° 21. V. aussi, du même auteur, sur cette nouvelle représentation du monde en
: « De la proximité au fait accompli »,
professeur Pierre MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 481-518. Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT parle
de « Légo-cité (...)
d ». M. DOUCHY-OUDOT, «
du droit, vingt ans après », NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, p.
506. V., pour une analyse économique de la gestation pour autrui : J. ICARD, « Une analyse économique du droit
de la famille. À propos de la gestation pour autrui », R.R.J, 2011, n° 1, pp. 131-152. Monsieur le professeur
Bertrand MATTHIEU à son tour mettait déjà en garde, en 2003 contre la
encore discrète MATTHIEU, «
transmutations du droit de la bioéthique », , Mélanges en
ur de Pierre PACTET, Paris, Dalloz, 2003, p. 307-317.

485
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

les émotions que soulèvent ces

dotés »1. que le réceptacle passif de tous


ces

us humanitaire.
530. tel un bien. La Cour

implantés2. La loi italienne n° 40/2004 portant « Normes sur la procréation médicalement


assistée »3, adoptée le 19 février et entrée en vigueur le 10 mars 2004 interdit
post-mortem s ainsi que le don pour la recherche
son
4
compagnon, se faire implanter les embryons, ni en faire don à un autre couple, ni les
donner au profit de la recherche scientifique5
la science,

respect de la vie privée ent de souligner


miliale de la requérante -le projet
familial de la requérante ayant été interrompu par le décès de son compagnon- mais

2015, la décision de la Cour européenne6 précise


relève pas du projet parental car celui-ci ne porte pas sur « un aspect particulièrement
». Tout en lui reconnaissant « la
7
qualité de victime » la Cour examine pour la première fois la requête portant sur la libre
in vitro
don à la recherche scientifique. Rappelant « est une notion
large qui ne se prête pas à une définition exhaustive et qui englobe notamment un droit à
»,8 la Cour

1
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », in Parenté,
, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2013, p. 228.
2
CEDH, 28 mai 2013, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.
3
Sur la constitutionnalité de cette loi, V. : J.-J. PARDINI, « Droit constitutionnel italien et bioéthique : questions
a procréation médicalement assistée », , n° 4, fév. 2014,
pp. 22-29.
4
Art. 4 al. 3 de la loi n°40/2004, déclaré inconstitutionnelle par une décision du Conseil constitutionnel italien
du 10 juin 2014, n° 162.
5
Art. 13 de la loi n° 40/2004.
6
CEDH, 27 août 2015, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.
7
CEDH, déc. precit., § 118.
8
§ 157.

486
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

décision du Conseil constitutionnel italien1 ayant déclaré inconstitutionnelle de la


fécondation hétérologue, le choix de devenir parent et de fonder une famille relevant de la
« ». Au
regard de ces éléments, la Cour reconnaît « un aspect intime de sa vie
personnelle inclut dans le champ
application 8 car « les embryons ainsi conçus renferment le patrimoine
génétique de la personne en question et représentent à ce titre une partie constitutive de
celle-ci et de son identité biologique »2. La protection de la potentialité de la vie dont
conduit néanmoins
gouvernement italien, à considérer légitime le but de protection de la morale et des droits et
3
. Rappelant nt les États membres
4

consensus européen sur la question, la Cour estime que le Gouvernement italien


incohérences de la législation
5
.
En refusant de ranger catégorie des « biens » dont la disposition
serait libre, la décision de la Cour contribue
question) au respect de la vie humaine dès la conception. Dès lors, un État peut
légitimement interdire la destruction des embryons au nom du respect des droits et libertés

531. Lorsque le projet

scientifique6, de les détruire7 ou tout simplement permettre leur accueil par un autre

mesure exceptionnelle8, cette alternative avantage de privilégier le don à la


9
d . Une telle alternative apparaît comme un moindre mal

1
Cons. constit. italien, 10 juin 2014, déc. precit., n° 162.
2
§ 159.
3
§ 167.
4
§ 175-176.
5
§ 197-198.
6

interdiction impliquait que les recherches permettant une telle amélioration soient exclusivement menées à
CHADELAT, magistrate au ministère de la justice, relève ainsi le paradoxe : « certaines des
recherches actuellement interdites sont indispensables pour la mise au point des procédés de cryoconservation
des gamètes féminins qui font actuellement défaut et qui, seuls, permettraient eux-mêmes une stricte limitation
du nombre des embryons fécondés in vitro ». Cité par J.-R.
BINET, « », art. precit., p. 200.
7
J. SAINTE-ROSE, « : un objet destructible sans destinée humaine ? », JCP, G, I, 2004, 194.
8
Art. L. 2146-6 CSP.
9

: « On peut espérer que les progrès des méthodes de


fécondation in vitro donneront un caractère temporaire aux problèmes soulevés par leur devenir en évitant la

487
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

«
autre couple suscite également des difficultés, qui ne permettent pas de voir dans cette
pr
sont tout à fait insuffisantes pour apporter une solution au problème du stock des 200.000
embryons conservés actuellement en France »1. Humainement sans issue pour Monsieur le
professeur BINET

commencement de sa vie. Convient-il de rappeler que la conception un nombre


taux de réussite des grossesses
Depuis 1998, la méthode de vitrification
2
ovocytaire permet une telle alternative en préservant certaines fonctions cellulaires
généralement détruites par la congélation classique. désormais possible de
conserver d à les féconder et, la conc
embryon suffit pour une implantation
cr pour mener à bien le
3
projet parental . Consacrée par la loi du 7 juillet 2011, cette technique de congélation ultra-
rapide semble donner des résultats très prometteurs 4 a réforme des lois
bioéthiques en 2011 constituait, en théorie, un premier pas vers la fin de la conservation
5
des embryons. Pourquoi dès lors persister à ? Si le Code de
6 7
la Santé publique et le Code pénal condamnent le processus même de congélation, quelle
est la destinée de tels stocks.

constitution de ces embryons surnuméraires qui sont, il faut le souligner, en nombre limité. Le fait même que
s

peuvent être envisagées, don de ce


». CCNE, avis n° 18,
État des études conduites par le Comité concernant les dons de gamètes
également la Résolution du Parlement européen pour qui «
les
États membres autorisent tous et qui ont déjà permis le traitement de patients avec succès », Parlement européen,
, 10 mars 2005, P6_TA(2005)0074.
1
J.-R. BINET, « », art. precit., p. 195.
2
Art. L. 2141-1 al. 4 CSP.
3
-1 al. 5 dispose que :
les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des
biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisés et des résultats obtenus ».
4

thérapeuti

5
-3 alinéa 2 du CSP issu de la loi de 1994 autorise, temporairement, une telle congélation.
6
Art. L. 2143-3 al. 1er, art. L. 2151-2.
7
Art. 511-17 et 511-18 du CP 00

488
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 2. pour tous

532. La transformation consécutive du lien de famille. Le XXème siècle a été le


théâtre mutation juridique sans précédent la
famille. Posé
mais une affaire privée. La dimension institutionnelle des structures de la parenté est
ème
remise en cause « parce que siècle ne veut plus de la réalité, il veut
pouvoir mettre dans les termes -dans ce terme somme toute assez simple de mariage-

»1 et, dans un avenir proche, la filiation pour tous. Bâti en

des décennies durant, à garantir une construction juridique fidèle au modèle de procréation

2
de la réalité de
3
la procréation . Après la dissociation de la sexualité de la
dissociation entre procréation et filiation4
expression la plus parfaite5.
533. Le mouvement conjugué de la parentalité, de

les fondements de la filiation s changements (§1). Appréhendée


a nouvelle conception de la filiation
qui en découlera ne prend pas en considération
professeur J. PARAIN-VIAL avait qualifié d égoïsme des parents malgré eux »6.

1
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème -
XXIème siècles), Paris, LGDJ, 2011, p. 376, n° 564.
2

filiation.
3
V. en ce sens : A. MARAIS (dir. de) La procréation pour tous, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires »,
2015. V. aussi le Dossier « : les tiraillements de la procréation
médicalement assistée entre nouveaux droits et principes fondamentaux », in Journal inter. de bioéthique et
, 2015, vol. 26, pp. 95-163.
4
Sur les incidences de ce détachement sur le lien de filiation, V. J.-J. LEMOULAND, « La filiation désexuée :
nouveau modèle pour la famille de demain ? », NEIRINCK, Paris,
LexisNexis, 2014, pp. 561-580.
5
En ce sens, cf. I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs
de responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre déléguée chargé de la
Famille. Les auteurs de ce rapport d

filiation, en procédant à une simple transcription de la mention du jugement dan


et, concernant la procréation avec tiers donneur, une déclaration commune anticipée de la filiation mentionnerait

6
J. PARAIN-VIAL, « Sur la paternité selon Gabriel Marcel », Arch. philo. dr., 1975, pp. 149-162. Cet égoïsme des
DOUCHY-OUDOT

489
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

Or, la pris à la vie humaine


lorsque celle-ci est vécue « avec un sentiment de révérence et de piété »1 ne peut avoir

« uvir une ambition. Il est alors

ou maternel »2. Dans ces conditions, se pose la problématique liée à la chosification de


comme objet de désir -ou de non désir-3 dont on célèbre pourtant la primauté des
droits (§2).

§1) La nécessité de repenser le lien de filiation

534. Les structures de la parenté malmenées par le pouvoir de la volonté.


L le problème de son utilisation
4
par les couples de même sexe . La fonction éducative du couple homosexuel, si elle est
revendiquée en vue de sa solubilité dans les mécanismes propres à la parenté (B), pèche
par son invraisemblance et ne permet pas de sécuriser la fili . La
survalorisation du rôle de la volonté contribue à « élargir la notion de filiation à des
» et favorise la « torsion de la notion de
filiation qui en est, certes, renouvelée, mais également déstabilisée »5. Ces filiations
électives6, particulièrement avec tiers donneur, cristallisent tout l
problématique à tel point que la volonté constituera probablement, dans un avenir proche,
le fondement (exclusif ?) de la filiation7 (A). Dans ce contexte, une adaptation du lien de
filiation que ce soit par

« orité de

».
mour que peuvent se porter deux personnes ne peut trouver sa plénitude que dans la
procréation. Cf. M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations
familiales, Poitiers, DMM, 2013, p. 27.
1
J. PARAIN-VIAL, « Sur la paternité selon Gabriel Marcel », art. precit., p. 152.
2
Ibid., p. 153.
3
M.-T. MEULDERS KLEIN, « », in Le droit
au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droi , F. SUDRE (dir. de),
Bruxelles, Coll. « Droit et Justice », Bruylant, 2005, p. 329.
4
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, droit français et droit anglais, Thèse,
Paris II, 2013, p. 116.
5
Ibidem., p. 116.
6
Sur les filiations électives, V. : M. DOUCHY-OUDOT, «
après », in Mélanges Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, pp. 502-511.
7
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, op. cit., p. 115-116, spec. n° 198-199. V. aussi : J. HAUSER, « Le projet de loi
», JCP, G, 2012, 1185;
H. FULCHIRON, « La reconnaissance de la famille homosexuelle », D., 2013, 100 ; A.-M.
LEROYER, « La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Au
passé, présent et futur », D., 2013, 1697.

490
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

propres au droit de la filiation ou


nouveau »1. Une nette césure distinguera alors les filiations biologiques des filiations
volontaires.

A) La volonté, fondement post-moderne exclusif du lien de filiation ?

535. Une contestable Le droit de la filiation a


2
directement bénéficié du « drement » , dont la force a directement permis
pouvoir
3
instituant de la Parole » engendrement par la
4
Parole » , car il a pour objet de relier symboliquement ce que la technique a
mécaniquement séparé.
dimension biologique bute sur la remise en cause de ce mythe 5 comme fondement de la
filiation6. Pour Monsieur le professeur Pierre MURAT, « tout se passe comme si nos

1
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et
t à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 259. Sur le mythe
de la représentation juridique, cf. aussi E. DOCKES, in Le corps et ses représentations, E. DOCKES, G. LHUILIER
(dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 163-187.
2
Pour Madame le professeur T HERY pourtant, «
acte naturel : il est toujours-déjà mis en signification au sein du système de parenté qui le précède logiquement
ique entre mâle et femelle serait bien incapable de créer par elle-même une
socialité de type humain évoquer une substance
purement physique et la nommer le ique est un mythe pur et simple ». Cf. I. THERY, Des humains
comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 206.
3
Que Monsieur le professeur PIERRON définit comme étant «
monde en soi par le langage ». J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole Nouvelles techniques de procréation et dit
du droit », , H. FULCHIRON, J. SOSSON
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 227.
4
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit., p. 232
et s.
5
Sur la distinction entre engendrer et procréer, Madame I. THERY explique que la volonté conjointe du couple
de donner naissance à un enfant permet
véritable procréateur, celui-
serait sur toute une dimension psychique

I. THERY, « Postface. Engendrement et filiation au temps du démariage », in Parenté, Filiation, Origines, op. cit.,
p. 353 ; I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010,
p.
on que ceux-

. : G. DE VRIES, « Une exigence sémantique : rétablir le sens


des mots », , Institut Famille&République, 2016, pp. 115-120.
6
MURAT résume comme étant le dilemme entre parenté ou
parentalité. Cf. P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation ? », in Parenté, Filiation, Origines, Le
, op.cit., pp. 259-271 ; du même auteur : « Enjeu de structures sociales ou
logique des droits fondamentaux ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 285-300.

491
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

) »1. Tournée vers la fonction assignée à la filiation,


une telle analyse en occulte pourtant le sens2, plus à même
portant sur L symbolique
des dimensions biologique et sociale de la filiation « donne à penser, à signifier et à vivre
un type de liens humains et familiaux, dont la signification attend, dans le temps long

monde de symbol our cela, ne peut être fait


temps. La famille est, de ce point de vue, au-delà des rapports contractuels qui formalisent

lignage »3 . Là réside
probablement la portée de la vérité symbolique attachée à la filiation, dont univers de
représentations4 le sujet
5
. détaché des valeurs qui
. Si le processus même de représentation de repraesentare-
consiste à « rendre présent »,

indépendante de la réalité, sans quoi il aboutit à nier la réalité concrète comme objet de la
pensée, pour bâtir un droit de la filiation sur un nouveau mythe, celui de la volonté 6.
probablement en réaction à la négation de ce que représente le lien de filiation que
Madame MIRKOVIC La filiation
7
indique à chacun de qui il est né, et le relie à ses père et mère » .
536. Les implications de la reconnaissance du droi
couples de même sexe.
sperme eurs maris, partenaires
ou concubins doivent accepter devant un juge ou un notaire un don de gamètes qui les
enfant8. Le consentement donné leur interdit
ultérieurement de contester leur paternité. Bien que la reproduction du modèle biologique
soit imparfaite, elle est néanmoins calquée

1
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation ? », art. precit., p. 268.
2
Ibidem., p. 265.
3
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit.,
p. 224. Monsieur le doyen CORNU, « ; la famille
». G. CORNU, « La filiation », Arch. philo dr.,
1975, t. 20, p. 36.
4
E. DOCKES, « Le mythe de la représentation juridique », in Le corps et ses représentations, op. cit., pp. 163-
187.
5
D. FENOUILLET, «
te puissance du sujet », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 37-71, spec. n° 49.
6
Ibid., spec. n° 43-51.
7
A. MIRKOVIC, « Refonder le droit de la filiation », , Institut
Famille&République, 2016, p. 307.
8
Art. 311-20 C. civ.

492
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

elle impose de revoir le fondement de

alors substitué aux règles de la filiation instituées au titre VII du Code civil, voire une sorte
de présomption de comaternité établie préalablement .
éviction de la filiation par procréation charnelle favoriserait
l ence de filiations par convenance personnelle1. Il en résulterait une unification du
droit de la filiation autour de la volonté,
.L fédératrice à un tel bouleversement serai endrement
ne repose pas uniquement sur une dimension procréative mais davantage sur une forte
« dimension psychique, mentale, affective, intentionnelle et surtout institutionnelle, qui va
lui accorder sens et valeur au sein de notre monde humain »2. Loin de renoncer

transformation du système de parenté prônent un simple abandon formel afin de valoriser


la filiation issue de la té est de mise, car le raisonnement
conduit à renoncer, dans les mots de la loi (et par la suite dans les mentalités individuelles),
à la promotion du modèle de filiation fondé sur la procréation charnelle afin de hisser, à ses
côtés, un modèle (imaginaire, impossible ?) nouveau genre, dont le fondement
reposerait sur toute une dimension psychique de devenir parents 3 !
clôturé
!4 Sans
profondeur aucune ni fondement juridique certain, le nouveau modèle de filiation proposé
a pu être dénoncé par un think thank de juristes, dont les travaux ont pour objet la
reconstruction du mariage et de la filiation, en mettant en évidence les conséquences mal
évaluées de la loi du 17 mai 2013 sur le droit de la famille. Pour remédier à ces difficultés,
5
la révision de la loi , en vue de refonder et rendre sa cohérence au
6
droit de la famille et du couple . Entre autre propositions ambitieuses des contributeurs, si
ouverte au profit
des couples de même sexe, nécessiterait

1
Cf. C. NEIRINCK, « », Rev. dr. fam., 2013, n° 4,
repère 4.
2
I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, op. cit., p. 130.
3
Comme le souligne Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, «
au-
». M. DOUCHY-OUDOT, «
droit : vingt ans après », art. precit., p. 505.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
», Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 485-499.
5
V. supra, n° 376.
6
V. particulièrement, C. BRUNETTI-PONS, « La nécessité de réformer la loi du 17 mai 2013 pour rendre sa
cohérence au droit de la famille et du couple » , op. cit., 2016, pp. 327-
337.

493
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

537. adoption à reconstruire. u lendemain de la


1
première Guerre mondiale, à prendre en charge un en lui
2
assignant une fonction « réparatrice »
l objectif. Utilisée par les familles recomposées3 puis les
couples homosexuels4, le modèle de la filiation biologique sur lequel elle a été construite
ne correspond plus aux réalités actuelles
couples de même sexe refonte globale. Une partie de la
doctrine pas manqué de souligner
en vue de créer une famille,
d autres situations permettant la consolidation de familles par
5
. Monsieur le professeur MURAT ne manque de
souligner que «
lir un enfant déjà né auquel il faut donner une famille de remplacement ou de

»6. qui
7
souffrirait le plus du « manque de lisibilité sur ses finalités » , tant elle a réussi, par sa
souplesse, à épouser la variété des intérêts individuels non sans un contorsionnisme
juridique8. rationalisation de ses finalités » constitue un impératif qui
perme nfant au sein
À cet égard, Madame MIRKOVIC propose
est censée satisfaire. Celle-ci serait
«
»9. Naturellement -dans la
-
10
en mesure de réparer .

1
Loi du 19 juin 1923
2
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation », art. precit., p. 262.
3
V. supra, n° 255.
4
V. supra, n° 368 et s.
5
H. BOSSE-PLATIERE, « », in
LE GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, pp. 589-606 ; J. HAUSER,
« adoption simple, joker de la crise de la parenté ! », Rev. dr. fam., 2010, n° 9, Alerte 55 ; V. aussi du même
auteur : « ? », NEIRINCK, Paris, LexisNexis,
2015, pp. 523-537.
6
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille »,
professeur Raymond LE GUIDEC, op. cit., pp. 787-788.
7
H. BOSSE-PLATIERE, « », art.
precit., p. 597.
8
Ibid., p. 591.
9
A. MIRKOVIC, « Refonder le droit de la filiation », , op. cit., p. 301.
10

gestion tutélaire.

494
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

refonder solidement le droit de la filiation u dispositif,


particulièrement le rapport Filiation, origines, parentalité
remis à Madame BERTINOTTI préconisent un tout autre chemin dans la refonte du droit de
abandon de la logique imitative de la procréation biologique au profit de tous
les couples est .

B) Vers la filiation monosexuée

538. Vers une déclaration commune anticipée de filiation 1 ? En plein essor dans
les pays ayant connu plus tôt des évolutions semblables, la comaternité est fondée -à
tar de celle des pères dans les couples hétérosexuels- AMP
donné devant un juge ou un notaire. Cette perspective favorise établissement automatique
du lien de filiation non par présomption, mais par
déclaration. Une comaternité posan cependant pas préconisée par le
rapport de Madame THERY. Pour celle-ci, la fili
artificielle avec un tiers donneur -procréatif2 et
serait limitée au seul mariage. Or le rapport souhaiterait bannir tout traitement différencié
reposant sur la nature du statut conjugal et, de ce fait, fonder la procréation sur le seul
engagement parental3. Cet engagement à engendrer devant être le même pour tous les
couples, plus rien ne justifierait la distinction entre les statuts conjugaux. Ce préalable étant
précisé, il convient de souligner que le consentement du
anonyme est maintenu secret, pour permettre à la présomption de paternité de
jouer pleinement, conformément au modèle biologique. homme qui
épouse une femme ayant un enfant ne peut en devenir le père que . Si la
4
présomption est limitée au sein des couples de femmes , le

l épouse de la mère ait eu recours à un don de sperme anonyme5. Le raisonnement en

1
J.-J. LEMOULAND, « La filiation désexuée: nouveau modèle pour la famille de demain ? », in Mélanges en
NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 562-580.
2

3
I. THERY, Filiation, Origines, Parentalité, rapp. precit., p. 170.
4
Madame le professeur Claire NEIRINCK : « Les présomptions sont des conséquences
que la loi tire d'un fait connu à un fait inconnu (C. civ., art. 1349). Ce mode de preuve repose sur des
déductions qui permettent

femme vive avec une autre femme et consente à son


». C. NEIRINCK, « La comaternité », Rev. dr. fam.,
2015, n° 3, repère 3.
5
V. DEPADT-SEBAG, « né par AMP avec donneur : un secret
», D., 2011, chron. 350 ; V. DEPADT-SEBAG, «
procréations médicalement assistées », D., 2004, p. 893.

495
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

termes de déclaration commune anticipée au profit des couples de même sexe implique de

présomption de paternité. La mise à plat du droit des couples serait inéluctable en vue de
mettre en place une égalité tenant à un engagement identique que ce soit en mariage, en
Pacs ou en concubinage. Le rapport ne manque de la souligner
1
. Si la
déclaration de volonté commune anticipée pourrait être une alternative permettant
apparence pseudo-procréative
celle-ci ne serait pas censée traduire la vérité biologique-
tant pour les couples de même sexe que pour les couples non mariés (le conjoint étant
entendu au sens très large au sein du rapport) 2
de révéler que les pays ayant déj néanmoins
3
réservée aux couples non mariés , hétérosexuels soient-ils ou homosexuels, en la
Or, le consentement commun donné au
projet parental devrait -pour les promoteurs de ce modèle- pouvoir se suffire à lui-même,
-à-dire sans qu accord de la mère gestatrice à la déclaration de parentalité de la
conjointe ne soit nécessaire
mise en oeuvre4. Les deux membres du couple qui consentiraient en la forme authentique à

déclaration commune anticipée de filiation devant le juge ou le notaire. La condition de


secret serait même abandonnée au profit de la mention à -20 du Code civil
la vie privée des parents - et
permettre une meilleure association du au projet parental afin de
serait assurée une meilleure
responsabilisation des parents . Madame le professeur
Claire NEIRINCK mettait déjà en garde contre les dangers que soulèverait une telle
admission : « sous son inexacte nomination, elle (la comaternité) masque la légalisation
une nouvelle filiation qui engendrement et qui refuse la
dimension institutionnelle des structures de la parent un accord
privé passé entre deux personnes. À la conception artif enfant,
elle ajoute un partage conven autorité paren Admettre
la comaternité, est renoncer à ce qui fait la force du droit : son caractère extérieur
indispensable, qui, seul, lui permet de régir et de réguler les diverses relations qui
établissent entre ses membres »5.

1
I. THÉRY, rapp. precit., p. 171.
2
Ibid., p. 175.
3
Royaume-Uni et la Québec.
4
Ibidem., p. 174.
5
C. NEIRINCK « La comaternité », art. precit.

496
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

539. La particularité du droit anglais. Le support contractuel de telles filiations


fictives révèle le pouvoir de la volonté, fondée sur la toute puissance. tres législations,
Dans son travail de thèse, Madame Laure
MONTILLET DE SAINT-PERN explique de quelle manière le droit anglais fait une place à la
notion d intent model, filiation fondée sur la volonté et non sur le lien conjugal des parents.
La dissociation entre statut des parents et projet parental en droit anglais lui permet de
reposer sur l , appuyée par la mise en place un système de
présomption au profit des couples mariés et des couples ayant contracté un civil partner.
parental responsability au bénéfice de
la second female parent permet à la partenaire
1
« autre parent . Lorsque la dans un civil
partnership, la compagne de la mère peut néanmoins acquérir la parental responsability
suivant les mêmes modalités que le père non marié. Lorsque les conditions relatives à la
agreed female parenthood sont remplies, la compagne de la mère bénéficie de la parental
responsability du fait de sa déclaration de parenté concordante avec celle de la mère ou
solliciter du juge un parental responsability order en raison du rôle effectif exercé auprès
conclure un parental responsability agreement avec la mère. Si un tel
accueil de la parentalité a été rendu possible en droit anglais -ci
, sans chercher à lui
attribuer un statut spécifique. Une telle attitude contraste avec la logique juridique
française, habituée à raisonner en termes de statuts. La mise en place de catégories
juridiques, corollaires du principe de sécurité juridique en France pourtant
mal de la malléabilité faire endosser à la filiation. Si le statut est
clairement distingué du rôle en droit anglais source, au demeurant, de flexibilité-, cet
élément est la pièce manquante qui est discutée en France. Le renoncement au
statut au profit du rôle joué par le parent social ne va pas sans dénaturer les fondements du
système juridique, fortement attaché au raisonnement en termes de statuts.
renouveau qui est proposé, pas seulement de la notion de filiation mais des
fondements du système juridique.
540. Vers une contamination législative ? Le rapport Filiation origines et
parentalité semble pourtant avoir jeté les fondations de ce renouveau vers un droit post-
moderne de la filiation. De plus en plus appréhendé en termes de « modernité et
» -appréciée é de développement des sociétés- le droit de la
famille ne saurait résister à cette attraction pour modernes,
humaines et égalitaires des pays occidentaux. Convient-il de souligner que la Belgique a
adopté, le 1er janvier 2015, une loi instituant la comaternité, suivant le chemin balisé par le
Code civil québécois depuis 2002, et espagnol depuis 2007. Désormais, le voisin belge
admet que le consen insémination artificielle de sa

1
Children Act (c. 41) 1989, Section 2 (1A) (a).

497
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

conjointe désigne automatiquement celle- enfant. Il est


permis de croire que la contamination légis
prochaines stituer un tel modèle de filiation pour tous en droit français.

§2)

541. enfant. la Convention des Nations-Unies


enfant dispose que celui-ci a le droit de connaître ses parents et
être élevé par eux.
projet parental à plusieurs, son intérêt est purement et simplement nié. Monsieur le
professeur Jean HAUSER que « tout se

le fait naître et quand on établit sa filiation, la seule voix audible étant alors celle des
candidats parents, peu importe son intérêt à naître, puis, pendant le déroulement de la

-ce avec le secours de la médecine et du droit, deviendrait le roi de la

critères nourrit un opportunisme parfois surprenant »1. À pousser le raisonnement à son


extrême, Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT
« élection inversée »2 .
3
Cet « orphelinat provoqué » par ce que les psychologues appellent le meurtre symbolique
du père cond ment de ses repères généalogiques. Outre la
réification radicale que sup
réification de deuxième degré, dont la conséquence est de
4
port en procédant à une
rupture volontaire «
quelque sorte créé ex novo chose ait pas le
5
droit à compter sur une origine familiale précise » . Ce « »6 nie la
totalement

1
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit de
, op. cit., p. 326.
2
M. DOUCHY-OUDOT, « », art. precit., p. 510.
3
R. ANDORNO, La distinction juri
artificielles, Paris, LGDJ, 1996, p. 186, spec. n° 324.
4
Ibid., p. 186, spec. n° 323.
5
Ibid., p. 186, spec. n° 324.
6
ANDORNO, in La distinction juridique entre les personnes et les
, op. cit., p. 185.

498
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

désincarnés1, et ritablement en tant


que personne2. Paradoxalement, le rapport précité suggère
personnelles afin de « f
3
» - teur, un nouvel hommage au
4
modèle décrié ?
542. Dans le cadre de ces procréations

ou un arrangement croisé entre des couples gay et


; puis il
5
raconte ensuite (et surtout) la puissance de la volonté, la force du projet parental » . Le lien
de filiation ne relatera donc Une fois le voile levé

biologique, car le désir est son ascendance est un besoin


p Pourtant, Madame le professeur THERY dénonce une
conception essentialiste et dualiste de la personne, qui
un corps et un esprit. Pour celle-ci, cette conception « il y a en
6
réalité deux questions »
part, « identité narrative » de sa propre vie. Dans
le droit chemin de cette réflexion, le rapport réside préconise de « permettre à
toute personne

ité »7, la rencontre à proprement dite avec


le donneur demeurerait elle, . La révélation de

juridique distincte de
son droit à
construire.
filiation établit MURAT

1
Sur cette notion, V. I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche juridique de la personne humaine
juridique, Paris, LGDJ, 1997.
2
À cet égard, Messieurs les professeurs Malaurie et Fulchiron ont pu écrire
: il
assistée ». Cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris,
LGDJ, 5ème éd., 2015, n° 1024, spec. p. 466.
3
D. FENOUILLET, art. precit., n° 53, p. 68.
4
Ibid., n° 52, p. 68.
5
P. MURAT, art. precit., p. 270.
6
I. THERY, Des humains comme les autres, op. cit., p. 210.
7
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de
responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre déléguée chargé de la Famille,
p. 236.

499
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

concernées »1. Dès 2002 la loi créant le C Accès aux Origines


Personnelles (CNAOP) La découverte par
n géniteur ou de sa génitrice état civil et sur la filiation. Est
notion de filiation, que celle-ci

consacrée2.
543. La Cour européenne des
a développé une abondante jurisprudence .
3
D Gaskin c/ Royaume-Uni , la Cour européenne se prononce pour la première
fois su enfance dans la
À Jäggi c/ Suisse, elle admet
de la notion
de « vie privée » qui , dont
4
partie Mikulic c/ Croatie5, la
Cour considère même que le prélèvement ADN constitue une « ingérence relativement peu
intrusive » qui ne contrevient ni au droit du défunt de reposer en paix, ni au principe de
sécurité juridique, encore moins au principe du respect de la vie privée du défunt qui
6
. Il existerait pour la Cour un « intérêt vital » des individus à connaître
leur ascendance biologique7, devant t des tiers à

1
P. MURAT, « », Rev. dr. sanit. soc., 1991, n° 3, p. 388.
2
Cette nouvelle identité sociale devient « floue, modelable au grès des revendications et des besoins », conduit

« lieu de publicité comme un autre le seul et unique document (...) paraît absorber
». Cf. C. NEIRINCK (dir. de), tous ses états, Paris, LGDJ, coll.
« Droit&Société », 2008, p. 185-191, spec. 185-187.
3
CEDH, 1er juil. 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni.
4
CEDH, 13 juil. 2006, Jäggi c/ Suisse, n° 58757/00, § 48 ; RTD civ., 2006, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 727.
5
CEDH, 1ère sect., 7 fév. 2002, Mikulic c/ Croatie, RTD civ., 2002, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 866 ; JCP, G, I,
obs. F. SUDRE, p. 157.
6
CEDH, 15 mai 2006, Succession de Kresten Filtenborg Mortensen c/ Danemark.
7
Odièvre c/ France notamment, la requérante ne souhaitait pas remettre en cause son lien
de filiation adoptive, mais seulement connaître les circonstances de sa naissance et de son abandon et
de ses parents. La Cour, situant le débat autour du droit au respect de la vie privée t

informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle.
Mett
parents biologiques, la Cour conclut que la législation française telle que réformée par la loi du 22 janvier 2002
est compatible avec la Convention. L urait
afin de parvenir à un équilibre entre les intérêts divergents en cause. Cf. CEDH, gr. ch., 13 févr. 2003, Odièvre c/
France, n° 42326/98; D., 2003., B. MALLET-BRICOUT, p. 1240; Rev. dr. sanit. soc., 2003, F. MONEGER, p. 219;
RTD civ., 2003. J. HAUSER, p. 276; même revue., J.-P. MARGUENAUD, p. 375; Rev. dr. fam., 2003, comm. 53,
P. MURAT. En revanche, est hement
sous X, au motif que celle-

500
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

ne pas être soumis à une expertise génétique.


Pascaud1. Selon la Cour européenne, les juges internes
ont « donné plus de poids aux droits et intérêts du pèr
connaître ses origines ». Faisant suite à cette condamnation et
post-mortem2, la Cour de cassation semble désormais
selon la conception biologisante de la CEDH en se
fondant sur le texte européen relatif au respect de la vie privée et familiale. Or, que ce soit
Jäggi comme dans Pascaud, les requérants visaient à faire établir
une filiation patern à la Haute
juridiction témoignait et ne
nécessitait pas une appréhension via
démarche de la Cour de cassation conduit à soulever la problématique identitaire à travers
le prisme biologisant de la Cour européenne
544. distinction
entre la filiation et identité est de procéder à un démembrement de
, en procédant à un « »3, loin de répondre, comme le
prétend le rapport, à son unification.
« vient mordre sur la filiation en amont, en se substituant à elle dans sa fonction

va de pair avec celle de parentalité, qui vient mordre en aval, quant à elle, sur la filiation,
amputée ou concurrencée dans une de ses fonctions pratiques : la prise en charge de
»4. E , , des individus « venus de nulle
part rattachés à de purs étrangers, il est
abouti à des inégalités entre les enfants ce contre quoi le rapport a la prétention de
remédier- qui auraient la chance de pouvoir accéder à leurs origines du fait de l
donné par leur géniteur, et nt pas -en raison du refus qui leur
aura été opposé. enfant rejeté par son géniteur peut avoir du mal à dépasser sa
souffrance, car il est beaucoup plus simple de faire le deuil de quelque chose de « connu »,

identifiantes concernant sa mère la possibilité de solliciter la réversibilité du secret de


elle-
italienne, « qui ne tente de ménager aucun équilibre entre les droits et les intérêts concurrents », privilégiant ainsi
le droit de la mère à la conser
sence de toute tentative de conciliation qui serait sanctionnée par la Cour. Cf. CEDH, 25 sept.
2012, Godelli c/ Italie, n° 33783/09.
1
CEDH, 16 juin 2011, Pascaud c/ France, n° 19535/08, D. actu., 5 juil. 2011, note C. SIFFREIN-BLANC ; AJ
fam., 2011, obs. F. CHÉNEDÉ, p. 429 ; RTD civ., 2011, obs. J. HAUSER, p. 526 ; Rev. dr. fam., 2011, obs.
M. BRUGGEMAN, alerte 72.
2
Cass civ. 1ère, 23 novembre 2014, n° 13-21.018, Rev. dr. fam., 2015, comm. 9, obs. C. NEIRINCK ; JCP, G,
2015, n° 3, 49, M. DOUCHY-OUDOT.
3
D. FENOUILLET, art. precit., n° 54, p. 70.
4
Ibidem., n° 54, p. 70.

501
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

que de « rien »1. alors objet de connaissance médico-psycho-sociologique 2


la « vertu unificatrice » et
MURAT à considérer
que « passer par la filiation oblige à changer de discours

confirmait un tel tournant, il restera alors à définir le nouveau mythe unificateur au


fondement du lien de filiation.
mais « -intuitive du gène ou du
cellulaire, le risque est de fonctionnaliser et de techniciser, de faire disparaître ce qui est
relations humai
instrumentale de rapports (service corporel, transfert de gamètes, matériaux etc...) »3
la volonté indépendamment de
toute réalité génétique, au risque de désincarner totalement le lien de filiation. Les enjeux
sont de taille tant sur le plan éthique et
lusion
humaine, « il est impossible de le

cédé, exporté, importé, pour les besoins de la recherche et des espérances dans le progrès
de la science »4.
conduit irrémédiablement à une pluri-parenté, au demeurant impossible5. L
ne légitime pas tout comme le fait si bien remarquer Madame le professeur Mélina
DOUCHY-OUDOT, car «

dissociation organisée du don de la vie et de


ne seront que palliatives »6, la redéfinition de la parenté insaisissable7.

1
R. ANDORNO, op. cit., p. 189, spec. n° 330. Or, pour Madame le professeur Irène THERY, derrière ce « rien »,
constitué par le don de gamètes, il y aurait le geste du don, car les gamètes ne peuvent être perçus tel un matériau
interchangeable, mais seraient toujours-déjà investis de signification en tant que porteurs et transmetteurs de vie.
À
conséquent, bien que porteurs de vie, les gamètes donnés ne peuvent être considérés comme toujours-déjà
su. Cf. I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique,
anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 125.
2
LEQUETTE, «
personnes de même sexe : clarification et réflexions », ,
Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 20, spec. n° 20.
3
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit.,
p. 231.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Que peut dire le droit de ? », in Études, oct. 2010, p. 350.
5
D. FENOUILLET, art. precit., n° 55, p. 70.
6
M. DOUCHY-OUDOT, « », art. precit., p. 511.
7
D. FENOUILLET, art. precit., n° 55, p. 71.

502
Conclusion du chapitre second

545. La filiation juridique pour tous


de la reconnaissance mais du côté
des parents. L porté par un projet parental au sein des deux systèmes
juridiques est au fondement du recours aux sciences biomédicales. La valeur accordée à
constitue le trait marquant des deux législations. La volonté fonde la parenté avec
la possibilité offerte par le droit de recourir aux procréations médicalement assistées. Un
fossé sépare cependant né qui est
fait de la biomédecine par le recours aux inséminations artificielles hétérologues, les dons

tradition islamique condamnent avec rigueur. Si le recours à la biomédecine est possible,


de façon rigoureusement encadrée et dans le respect du modèle conjugal fondé
sur le mariage. attention particulière accordée à la procréation et à tout moyen médical la
favorisant ne saurait contrevenir aux valeurs islamiques qui subordonnent la science au
. ecine bute sur la finalité d un
donné théologique irréductible. Au Maghreb,
ssement du lien de filiation préserve les structures
élémentaires de la parenté. Ces sociétés ne seraient- ILLICH
a désignées comme « conviviales », sachant que sous sa plume «
service de la personne
»1.
À Jacques ELLUL, il est urgent de rappeler que « lorsque la technique entre
dans tous les domaines et dans -même qui devient pour elle un objet, la
-
»2. Il est à souhaiter que tel
devenir des sociétés occidentales avancées, sous couvert de progrès
scientifique et de modernité. Des doutes surgissent face à une biologisation du droit et un
législateur français allant au bout de
monosexuée.

1
I. ILLICH, La convivialité, éd. du Seuil, 1973, cité par J. TESTARD, Faire des enfants demain, éd. du Seuil, 2014,
p. 193.
2
J. ELLUL, , Economica, 2008, cité par J. TESTART, op. cit., p. 162.

503
Conclusion du titre second

546. Tous les couples conjugaux doivent pouvoir telle est la


la métamorphose juridique de la parenté. La réponse
judiciaire apportée à des situations factuelles telles que les GPA ou les PMA réalisées en
traduit un réel dynamisme jurisprudentiel qui tend à

compte par les juridictions tant du principe du fait accompli que du critère tiré de

professeur ÉGEA et de façon paradoxale, on aurait pu penser que «


décisionnelle »1 du juge aurait dû, en principe, maintenir éloignées les demandes les plus
2
, celui-ci
trée en vigueur du mariage au profit des personnes de même sexe. La
réponse judiciaire devrait néanmoins, à court ou moyen terme, être suivie de celle du
législateur
procréation ainsi que sur les nouveaux fondements artificiels du droit de la filiation. Si les
ont été mal évaluées,
d ire que
le couple est possible entre personnes de même sexe revenait nécessairement à laisser
également. Le mariage est dans ses propriétés naturellement
ordonné à la fécondité. Or, dans les deux hypothèses, mariage et filiation

français a opté pour un droit non plus en harmonie avec la nature, mais pour un droit
construit au fondement des valeurs républicaines de non discrimina
faisant, il a purement et simplement détruit la famille dans son acception notionnelle de
lien générationnel. La famille occidentale post-moderne reposerait donc en définitive sur la
toute puissance de la volonté individuelle et sur l libre des individus, qui
deviennent les maîtres- totalement détachée de sa base biologique.
Gageons que l , combiné aux exigences de sécurité juridique et de
cohérence, permettront de dépasser les instruments traditionnels du droit de la filiation
pour

1
V. ÉGEA, , Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010, p. 437, spec. n° 687.
2
Monsieur le professeur ÉGEA

ée en vigueur
du mariage entre personnes de même sexe. Cf. V. ÉGEA,
de la famille, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2010, p. 437, spec. n° 687.

504
néanmoins que recommander la plus grande prudence1 face aux défis et
dangers de la reconstruction du droit de la famille2 e clairement une
. Il était indispensable,
surtout pour les pays du Maghreb, de mettre en relief cette évolution des sociétés
occidentales.

1
Sur cette nécessité, cf. Le mariage&La Lo
2016.
2
En ce sens : J. HAUSER, « Le crépuscule de la loi en droit des personnes et de la famille », in Des liens et des
droits, -Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 711-725.

505
Conclusion de la seconde partie

547. La dématrimonialisation programmée des liens de famille semble constituer une


invariante dans la réécriture des derniers textes. , il convenait
partir de s nouvelles conjugalités, supplantant la
traditionnelle opposition
a conduit à épuisement du mariage en tant
finalement . Il est

t
à tous les couples conjugaux pendant la vie commune. Il ne serait donc pas inoportun, par
. aboutissement du
processus de dématrimonialisation a été la reconnaissance du mariage homosexuel. Le
terme « mariage » est maintenu comme contenant, son contenu ayant été radicalement
transformé, plus précisémment
-à- ment sur
la famille. Il e même sexe, et bien que celles-ci
ne sauraient procréer ensemble, le mariage ouvre toujours sur la famille, mais une famille
quelle le droit semble reconnaître la même utilité sociale que le
mariage hétérosexuel, en principe procréateur. Si en droit français le mariage homosexuel
constitue désormais une donnée du droit positif, outre méditerranée . La
n homme et
sur une famille
.
étudiée.
À la dématrimonialisation actée de la conjugalité fait pourtant écho le silence du législateur
quant au nouveau fondement du système de parenté. Les intentions du législateur étant
parfois délicates à déterminer, il a semblé utile la représentation plurielle de la
parenté, réponse au pluralisme des modes de conjugalité. La volonté individuelle se révèle
en effet
qui décide de la manière de le concevoir . Au mythe de

« former famille » au-delà des limites imposées par la nature. Or, le principal reproche
inconstance.

générationnelle. Appuyée du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de


a jurisprudence offre à cet égard un tableau impressionniste tant l

506
conjugalité sur les structures de la parenté a révélé une nouvelle articulation entre couple et
filiation, enfant. Pendant ce temps de latence et dans
, la jurisprudence a pris le relais du législateur.
Ce choix politique a pu être critiqué car il transgresse la lettre de la loi
cohérence recherchée du droit substantiel de la famille, avant même que le législateur soit
intervenu. Il semblerait en tout état de cause que la jurisprudence ait un rôle incontournable

acquises
a
prochaine étape devrait donc être la réforme du système de filiation. Le point de rupture
entre les deux rives de la méditerranée sera alors irrémédiablement consommé

507
Conclusion générale

548. Un enrichissement mutuel. Le couple et la famille ont permis une immersion


entre deux systèmes juridiques distincts. La perspective comparatiste a cependant révélé
une évolution respective en France et au Maroc par rapport aux structures traditionnelles

grande surprise, que la rupture est consommée entre deux conceptions opposées du droit de
la famille. Pour autant, la nature religieuse du droit
maghrébin n constitué un obstacle insurmontable à
1
systèmes juridiques . Le statut personnel défendu en droit marocain

droit marocain était pendant de longues années en symbiose avec le droit français.
549. Des conceptions devenues distinctes de la famille. La double incursion en
sante car elle a ouvert sur une
autre manière de concevoir les rapports familiaux et a permis de mieux appréhender la
portée des évolutions de chaque système juridique. Cette entreprise, menée selon une
analyse systémique, a privilégié les éléments fondamentaux des deux systèmes, en en
révélant les conceptions philosophique et religieuse respectives. Il en ressort un
affaiblissement de la charge politique autrefois attachée au couple et à la famille comme
éléments de construction de la société, une philosophie privilégiant le bonheur
individuel. Cette approche du droit de la famille a tout au long de la démonstration
accompagné la réflexion, et a permis de mettre en perspective la conception sociale et
religieuse du droit maghrébin aux valeurs démocratiques de la société française.

les rôles et les statuts sont claire ordre


social y conçoit pas de manière exclusive et ne constitue pas
une finalité en soi. S besoin le besoin
politique, la structure familiale offre cependant à
son plein épanouissement. le contenu matériel des normes
individualisme patent au
détriment des valeurs sociales. lui permettent
de puiser en toute liberté les ingrédients concourant à la poursuite du bonheur selon ses
propres aspirations, sans dirigisme aucun.
société, censé présumer le bonheur des individus, le

1
J. HAUSER, «La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb », Rev. dr. fam., 2015,
n° 9, 38.

508
guère plus surprenante
mode fort aisément par le choix
es relations familiales, à défaut de les organiser1.
une conception du droit qui fait la part belle à la liberté individuelle, héritage direct de la
Révolution française. Or, une telle liberté ne se conçoit pas indépendamment de la réalité

satisfaction de tous ses


désirs.
550. La dématrimonialisation fer de lance du droit français. efforce
mouvement de privatisation des liens de famille succède un
processus plus profond qui tend, par des réformes successives, à assurer leur
dématrimonialisation. Si la reconnaissance de la vie commune du couple homosexuel ou

sens, de transformer la nature du mariage. Sans doute est-ce pas là


évolution. Le processus de dématrimonialisation est passé par la consécration des
nouvelles conjugalités et la désexualisation du mariage. Le pas a été franchi du couple à
déstructuration du lien entre conjugalité et filiation
être le simple lus générale vers une autre ère
post-moderne, dans laquelle « »s
2
douter vers une déconnexion de « sa genèse spirituelle » .
551. L
cette approche constitue la clé de compréhension anthropologique du processus3,
vers normatif bioéthique attestant
l ampleur du changement appelle une sérieuse réflexion sur la manière dont
définit. Le refus des cadres sociaux institutionnels permettant identification4 conduit ce-
dernier à se concevoir à partir de son propre horizon, en dehors de toute temporalité.
qui en découle empêche inscription dans la contrainte du
temps, en favorisant une sorte d »5. Cette

1
MALAURIE et FULCHIRON, « le droit de la famille est le miroir
de la société qui le produit : il devient une anthropologie ». Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5ème éd., 2015, n°
54, p. 42.
2
G. COQ, « Identités filiations appartenances : la société en quête de sens », in Identités, filiations,
appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de), Grenoble, PUG, 2005, p. 264.
3
É. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », in La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, M. DOUCHY-
OUDOT (dir. de), Poitiers, DMM, 2013, pp. 33-56.
4
G. AÏDAN, É. DEBATS (dir. de),
« Logiques juridiques », 2013.
5
Ibid., pp. 263-264.

509
transformation globale du rapport au temps1 et son éclatement au plan individuel rejaillit
sur la sphère collective, à commencer par le droit q .
552. Le sens de la temporalité. Il est nécessaire de réinvestir le sens de la
temporalité2 , car celle-
décision que nous prenons, individuellement et collectivement par rapport
3
au temps . La famille, long, offre une continuité
que permet la liaison des générations entre elles, et cette continuité est relatée par
inscription des individus
peut être . hui que le lien
sur le temps long, le rapport de
filiation le fondement intemporel chargé de créer du lien entre
4
individus . Or, ce lien doit être réfléchi à
L succombe à la
5
tendance réaliste du législateur, rend compte manence du lien familial en tant que
donnée que le droit a la charge de traduire. Face à cette quête de sens, lier, délier, relier,
demeure la mission du droit.
553. Épilogue. La thèse entreprend enfin de réhabiliter le donné tiré du droit

remise en cause de ses règles, les réformes relatives à la place de la femme dans la famille
. Sous cet aspect, les sociétés
ème
occidentales ont su, dès le début du XX siècle, lui accorder la place qui lui revenait dans
les sphères publique et privée, à tel point que la femme occidentale est devenue un
-femmes outre-méditerranée. Si la
France et les sociétés occidentales ont su, en leur temps, se positionner comme pionniers
de la protection des droits de la femme et ont pu inspirer leurs homologues du Sud, peut-

pour rappeler le donné naturel des institutions familiales, participant à la juste


recherche du bien commun.

1
Contre laquelle avait déjà mis en garde Monsieur Jean HAUSER, cf. « Retour sur le sens du temps en droit de la
famille », , H. FULCHIRON, J. SOSSON
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 321-328.
2
V. en ce sens le rapport annuel 2014 de la Cour de cassation : Le temps, La documentation française.
3
Cf. M. CRESP, , Marseille, PUAM, 2013.
4
D. MARCELLI, « : questions de tr », in Identités,
filiations, appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de), Grenoble, PUG, 2005, pp. 103-111.
5
A.-M. LEROYER, « Les nouveaux liens de famille : entre idéalisme et réalisme », in Les nouveaux rapports de
droit, E. JEULAND, S. MESSAÏ-BAHRI, Paris, RJS éd., t. 39, 2013, pp. 129-142.

510
Index Thématique

Les numéros renvoient aux paragraphes.

A - obligation naturelle entre


concubins: 281-282

Acte usuel : 297, 299 Ascendance génétique (droit de


connaître) v. État civil, origines
- : 298 personnelles
- Limites : 299 Assistance médicale à la
Adoption procréation
- - anonymat :508

- homosexuelle : 368-369, - assistance avec tiers


371, 536 donneur : 506-507, 509

refus jurisprudentiel : - conservation des gamètes :


372-373 509, 531

- mères porteuses v. - convention de gestation


Gestation pour autrui pour autrui v. Gestation pour
autrui
- personne seule (par) : 370
- demande parentale v. Projet
- plénière : 256 parental
- reconstruction : 537 - don de gamètes : 506-508
- simple : 255 généralisation : 509
Adultère interdit : 522
- cause de divorce : 109 - embryon
- : destruction : 524
331
solutions
alternatives :
- 531
éducative : 270
libéralisme : 529
Algérie v. Mariage coutumier
recherche : 527-528
Aliments
- f
- d donneur v. État civil, Origines
entre pacsés : 285 personnelles
- devoir de secours entre - finalité : 511
époux v. Régime impératif
conjugal remise en cause : 514

511
- formalisme : 501-502 B
Autodétermination
- famille : 141 Beau-parent : 246 et s.
- islam : 82, 85 - auxiliaire : 289
Autorité parentale - confusion terminologique :
290
- conception islamique : 481-
482 - statut (non) : 258, 287, 294-
295
- contenu : 219
Bioéthique v. Assistance
- droit de surveillance v.
médicale à la procréation
Tutelle de mineur
- droit de visite et
du tiers : 252- C
253
- exercice en commun : 446- Carbonnier : 23, 32-33, 36, 90,
447, 449-450 98, 249, 312, 320
généralisation : 451 CEDH
partage avec un tiers : - coparentalité : 151-152
302-305
- déplacements illicites : 237-
- exercice unilatéral : 450 238
- hadana v. Autorité - don de gamètes : 510
parentale, conception islamique
- embryon : 530
- homologation des
conventions parentales v. - filiation : 443
Médiation familiale - gestation pour autrui : 519
- inégalitaire v. Autorité - médiation : 170
parentale, conception
islamique - orientation sexuelle : 382

- intérêt de v. - projet parental : 512


Coparentalité approche en termes de
- notion (de), v. Coparentalité droits fondamentaux :
513
- pouvoir judiciaire v. Juge
- transsexualisme : 366
- relations personnelles avec
des tiers v. Beau-parent Civilisation

- r v. - conflit (de) : 412


Résidence alternée
- responsabilité : 477 Code civil
- séparation des parents : 220 - codification : 414-416
- restructuration : 355-357,
389

512
Code marocain de la famille - v. Médiation, parole de
- réforme : 116, 419
Convention sur les relations
Codification
: 153-154
- droit musulman : 90-93
Coparentalité : 142 et s.
Conciliation
- définition : 142
- divorce : 129-130
- droit musulman : 219-220
Concubinage
- en mariage : 156-158, 164
- v. Régime impératif
- : 195 et s.
conjugal
- enrichissement sans cause : appréciation
349 judiciaire : 212-217,
234, 236
- évolution : 315-316
approche occidentale :
- halal : 398, 402 198-202
- homosexuel : 359 approche islamique :
- rupture : 348, 353 203-204
- société de fait : 349 - incarcération v. Droit
pénitentiaire
Conflits de lois v. Droit
international privé - limites : 221-243
Conjugalité v. Couple - mesures : 458
Conseil de famille : 193 - parents v. Autorité parentale
Contractualisation v. - post-divorce : 163
Privatisation - sources internationales et
Convention de procédure régionales : 148-150, 155
participative : 183 et s. Couple
- articulation avec la - concubins : 312-358
médiation : 184
doits sociaux : 344
- définition : 183
reconnaissance : 314-
- mise en péril : 186
315
Convention franco-marocaine
rupture : 348-349
- articulation avec la
- concurrence (entre) : 389
Convention de La Haye : 239
- conjugal : 1-3, 6, 14-15
- applicabilité : 405-406
- non procréateur v. Pacs
- identité nationale : 403
- homosexuel
- neutralisation : 242, 410
- révision : 243 accès à la conjugalité :
360, 367
Convention internationale des
- parental v. Coparentalité
- pluralisme conjugal : 312
- v. Déplacements illicites
513
- zawj : 21 - secours v. Régime impératif
conjugal
Divorce
D
- admission : 64-65, 105, 110-
111, 113
- caractère judiciaire : 124
- conditions : 260-261
- chiqaq : 126-127
- imposée aux parents : 269,
- conciliation v. Conciliation
306
- dédramatisation du divorce :
Délégation partage
112
- au profit du tiers : 262
- discorde (notion de) : 128
- appréciation judiciaire des
- encadrement : 108
circonstances exceptionnelles :
264 - évolution v. Divorce,
admission
- homoparentale : 263-264
- logement familial
Démariage, v. Divorce
Dématrimonialisation : 310 et s. droit marocain : 137

- définition : 310 v. Régime impératif


conjugal
- programmée : 547, 550
- office du juge v. Juge
- système de parenté (du) v.
Filiation monosexuée - pluralisme législatif : 107

: Divorce par consentement


232-244 mutuel
- appréciation judiciaire du - contrôle du juge : 108
retour : 235, 241 - déjudiciarisation : 115
- cadre juridique : 232 Divorce pour altération
- notion (de) : 233 définitive du lien conjugal : 107

Dialogue entre systèmes Divorce pour faute


juridiques : 417 - pacification de la
Devoirs entre époux procédure : 110-112

- assistance : 327-328 Divorce pour rupture de la vie


commune
- communauté de vie : 318-
319 - pouvoir du juge : 107

- fidélité : 331 Droit au bonheur : 313, 433

- présomption de paternité du Droit comparé : 10-13, 26-29,


mari de la mère v. Présomption 40, 97, 432-433, 487, 504, 515, 539-
de paternité 540, 545, 548-549, 553

- respect : 324-326 - beau-parent : 257


- médiation : 171

514
- gestation pour autrui : 515 - :
387
Droit international privé
- origines personnelles : 543
- v. Déplacements illicites
Eugénisme : 529
- fraude v. Gestation pour Européanisation du droit de la
autrui famille : 409-411
- mariage homosexuel franco-
marocain : 390-412
admission : 407 F
- régime matrimonial : 136
Droit pénitentiaire : 222-231 Famille
Droit successoral - diversité v. Couple
- conjoint survivant : 103 - évolution : 98, 140, 532
- droit musulman : 138 - fondement : 17-18, 143
- indétermination : 17
E - intemporalité : 552
- lien familial
Égalité relâchement : 141
- des couples : 311, 546 - musulmane : 475
- des enfants : 440-442 - oussra : 21
- des époux : 99-104 - pluralisme : 389
- pendant la vie commune : - recomposée : 249-251
99-103
transmission des
- à la rupture : 125-127
biens par le conjoint :
- des parents v. Résidence 275
alternée
Femme
- des sexualités : 378-380
- épouse : 119
- famille : 141
- mère v. Autorité parentale,
- fondement : 309 hadana
Engendrement Filiation
- remise en cause : 535 - complaisance : 254
- déclaration commune
Équité anticipée : 538

- divorce : 130-136 - droit musulman

- réforme : 117 iqrar : 466-467

État civil contestation : 471-473


- : 542

515
paternelle légitime : - remise en cause de
461-463 : 518
sémantique : 459 - CEDH v. CEDH
- égalité : 442
- expertise biologique : 441, H
469-470, 473-474
- monosexuée : 538 Homoparentalité : 368-369,
- notion (de) : 435 371373
- pour tous : 532-545 Homoparenté : 536
- procréation médicalement
assistée : 511 I
- stabilité : 442, 444
- Tunisie : 478-479 : 542-543
- unification : 442 Ijtihad : 418
Filiation artificielle v. Adoption, Incarcération
Assistance médicale à la procréation
- v. Coparentalité
Filiation charnelle
Indissolubilité du mariage v.
- contestation par : 472 Mariage occidental
- distinction filiation légitime,
filiation naturelle : 438-441,
476-477 - durée de grossesse v.
Filiation charnelle
- durée de la grossesse : 464
- v. Filiation charnelle,
- évolution v. Parenté, fiançailles
mutation
- négation : 503, 533, 544
- fiançailles : 465
- réification : 541, 544
- identification génétique :
473-474 Islam
- preuve par témoins : 468 - assistance médicale à la
procréation : 521-525
- vérité : 440
limites : 526
- avortement : 499-500
G
- conception du corps v.
Valeurs islamiques
Gestation pour autrui : 515-520 - éthique conjugale : 88-89
- condamnation : 517 -
- appréciation
européenne : 516 judiciaire :
- interdit islamique : 523 215-217
- mariage musulman : 86-87

516
- message divin : 75-77 fiscalité : 279
réhabilitation : 430 Liberté v. Privatisation
méthode : 431 - individuelle : 433
- objectifs de la loi : 489 - liberté du concubinage
- période préislamique : 70- recul : 321-322
72
- rupture : 347-350
- réflexion éthique : 498
- des relations sexuelles v.
- science et procréation : 489 Sexe
- ssolh : 188-194 Loi
- umma v. Umma - APIE : 160, 456
- conflit (de) : 405-406, 411
J - droit comparé : 433
- du 4 mars 2002 : 451
Juge - Hamon : 339
- autorité parentale : 452 - Malhuret : 314, 450, 453
- conciliateur : 130 - mariage pour tous : 374-375
- concubinage : 346 Révision : 376
- devoirs du mariage v. - Naquet : 105
Régime impératif conjugal
- personnalité : 424
- divorce : 114
- rôle pédagogique : 159
- maroc : 25
- Tepa : 275
iqrar : 466-467
- vocation recognitive et
: 472 vocation intégrative : 411, 432
- ordonnance de protection : Logement familial
324-326 - conjoint survivant v. Régime
- pouvoirs liquidatifs : 185, impératif conjugal
187 - divorce : 131-132, 137
- tunisie : 478 - pacs v. Régime impératif
conjugal
L

Langage du législateur : 161-


162
M
Legs obligatoire : 139
Libéralités 276-279
Maghreb
- donation-partage : 276-277 - réforme : 116
- graduelle et résiduelle : 278
517
- assistance médicale à la conception religieuse :
procréation v. Islam 48-51, 53,
- solidarité des dettes à
quotidienne : 300-301 : 339-340
Mariage - violence v. Régime
- âge : 120 impératif conjugal

- amour : 1, 63 Maroc

- conception islamique v. - droit de la famille : 22-24


Islam - place du roi : 423
- consentement : 50-51, 61, Médecine
63
- v. Assistance médicale à la
- contrat : 49-50, 60, 62 procréation
- coutumier : 393-396 Médiation
admission : 393-394 - coût : 182
Algérie : 397 - disponibilité des droits : 180
encadrement : 396 -
européenne : 173, 175
exportation : 398
- faiblesse : 179
formalisme imposé :
394 - familiale : 174, 176-178,
181
- démariage : 309
- incitation judiciaire : 169
- évolution : 375, 433, 487
- juge aux affaires familiales
- filiation : 438-444, 462-465,
472 - maroc : 188-192, 194
- franco-marocain v. Droit - objectif : 164-167
international privé - parole de : 211
- homosexuel : 374-376, 389 Méthode législative : 374
contamination des Mineur
: 391, 432
- droit à être entendu : 206-
exportation : 390 211
- indépendance patrimoniale : consécration : 206-207
99, 141
discernement : 209
- mineur (du) v. Mineur
exercice : 208-210
- musulman : 67 et s.
- mariage : 121-122
- occidental : 41 et s.
- évolution du statut : 437
conception
philosophique : 45-47, Ministère public :
54-59 - divorce : 129, 137
- délégation : 269

518
Morale Parentalité
- droit (et) : 44-47 - dispositif de soutien aux
parents : 260-264
- dispositif au profit des tiers :
N
265-268
Norme sociale de conduite :
-
399, 421
parentale : 146
Notaire
- exercice par les parents v.
- désignation : 185-187 Coparentalité
- situation de fait : 145
O v. Projet
parental

Obligation alimentaire Patrimoine


- concubinage : 286 - égalité (par le) : 99-103

- pacs : 285 - recompositions familiales v.


Libéralités
Opposition à mariage v.
Mariage homosexuel franco- Pension de réversion
marocain - concubinage : 345
Ordre public Philosophie : 45-47, 54-57
- : 421 Pluralisme législatif
fin : 14 - couple : 15, 311-389
- international : 408-409 - divorce : 105-113
- marocain : 422 - filiation : 534-540
- religieux v. Privilège Présomption de paternité du
- transformation : 358, 389 mari de la mère
- contestation v. Filiation

P - déclin : 436
- preuve de la filiation : 463

Pacte civil de solidarité Privatisation : 32 et s.

- création : 315-316 - articulation avec la


dématrimonialisation : 310,
- effets v. Régime impératif 550
conjugal
- définition : 32
- rupture : 350, 353
Privilège : 420-427
Parenté
- nationalité : 425
- impact de la biologisation
du droit : 490 - religion : 426

- mutation : 434 Procédure civile

- volonté (et) : 534 - innovation : 129

519
- rapprochement (par la) : 346 - mariage chrétien v.
Mariage, occidental
Projet parental
- musulmane
- procréation v.
Engendrement réhabilitation : 430
couples hétérosexuels : - politique (et) : 428
501-502 - procréation artificielle (et) :
couples homosexuels : 521-526
19 Remariage
: - hadana (et) : 485
503
Répudiation
- encadrement judiciaire :
R 124-125
Résidence
Reconnaissance - alternée : 453-458
- complaisance (de) : 254 admission : 454
- Iqrar v. Filiation
:
Régime impératif conjugal : 457
16, 351-352, 354
objectif v. Égalité
assistance : 327-330
réforme : 456
contribution aux
refus : 453
charges de la vie
commune : 334-336 - changement : 486
fidélité : 331-333 - enfants v. Déplacements
illicites
logement du couple :
341-343
respect : 324-326 S

solidarité des dettes


ménagères : 337-340 Science : 488
Régime matrimonial Sent
- charge définitive de la dette - règle de droit (et) : 399, 401
alimentaire : 284
- umma islamique (et) : 400
- communauté universelle :
Sexe
274
- différence (de)
- droit marocain : 134-136
Religion concubinage : 14, 359

- droit international privé : mariage : 362, 367,


427 384-385

- hadana (et) : 484 - genre : v. Théorie du gender


- rapports sexuels : 320

520
- changement : 364-365 - concubinage : 317-318
Sexualité : 377 appréciation
Solidarité des dettes judiciaire : 319
ménagères v. Régime - famille recomposée : 283,
impératif conjugal 291-292
Sujet Vie privée
- instrumentalisation : 83-84 - liberté sexuelle : 380
- protection : 379
T Volonté individuelle
- :
Théorie du gender : 363, 388, 492-493, 501-502
429 - liberté de rompre : 104-115
Tiers v. Parentalité - stérilisation volontaire :
Tunisie 495-496

- : 478-479
Transsexualisme
- : 364-366
Tutelle de mineurs
- wilaya : 481-483
Tuteur matrimonial : 123
Tuteur testamentaire : 268

U
Umma : 78-80, 400

Valeurs
- islamiques : 432, 549
conception du corps et
de la vie humaine :
497-500
- occidentales : 549, 551
conception du corps :
494
Vie commune

521
522
Bibliographie

Cette bibliographie ne prétend pas être exhaustive. Certaines références citées dans
les notes de bas de page de cet Ces références sont
classées par ordre alphabétique. Pour un même auteur, le classement est réalisé par
ordre chronologique décroissant.

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- Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014.

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- Les sexualités : répression, tolérance, indifférence, Actes du colloque organisé par le
Centre de Droit et de Politique comparés Jean-Claude Escarras (CDPC-JCE) à la
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BRUNETTI-PONS (C.) (dir. de)


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Centre de Recherches sur le couple, Laboratoire CEJESCO le 8 avril 2013, à la faculté
de Reims Champagne Ardenne, éd. Mare&Martin, 2014.

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- La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb, Colloque
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- Famille(s) je vous aime !, Actes du Colloque du 9 mars 2013, organisé par
-politique du diocèse Fréjus-Toulon, publié à la revue Kephas,
n° 2, 2013.
- « La théorie du gender », vers une nouvelle identité sexuelle ? Actes du Colloque des
17 et 18 sept. 2011, organisé pa -politique du diocèse Fréjus-
Toulon, éd. Lethielleux, 2012.

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- Quelle « politique » religieuse en Europe et en Méditerranée ? Enjeux et perspectives,
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RIVIERE (P.-L.)
- « », D., 1947, pp. 99-104.
- « À propos du nouveau Code pénal du Maroc », D., 1951, pp. 173-175.
- « La législation sociale du Maroc », D., 1949, pp. 115-116.
- « Les nouveaux codes marocains », D., 1954, pp. 27-34.

RUDE-ANTOINE (E.)
- « Le mariage et le divorce dans le Code marocain de la famille. Le nouveau droit à
», Rev. Droit et cultures, 2010, n° 59, pp. 43-57.
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musulman (Afrique, Moyen-Orient), Société de législation comparée, 2008, pp. 45-60.

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- « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif
algérien », in Le droit de la santé : aspects nouveaux,
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SAÏDI (K.)
- « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et rénovation », RIDC, 2006,
pp. 119-152.

SAADOUNE (A.)
- « La raison impérieuse nasab
pendant les fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », in Justice
familiale. Appréhensions plurielles et problématiques contemporaines, ELAMARI (Z.)
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- « », in Approche
plurielle des problématiques familiales, ELAMARI (Z.) (réun. et coord. par), Rabat,
Publications de la revue de la justice civile, 2015, t. 2, pp. 203-212 (en langue arabe).
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SAREHANE (F.)
- « La répudiation, quels obstacles pour les marocains résidant en France ? », RIDC,
2006, pp. 47-59.
- « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz. pal., 2004, sept.oct., pp. 2792-
2805.

WAHCHI (A.)
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langue arabe).

ZAHER (K.)
- « Plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains », Rev. crit. DIP, 2010, pp.
313-332.

IV. NOTES, OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS


1. En droit français

AGOSTINI (E.)
- Note ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1395.

BALESTRIERO (V.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, LPA, 1995, n° 134, p. 17.

BEIGNIER (B.)
- Note ss CA Bourges, 8 déc. 1997, Rev. dr. fam., 1998, n° 6, comm. 89.
- Note ss TGI Lille, 5 juin 2002, Rev. dr. fam., 2003, comm. 57.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2000, comm. 139.

BERNAUD (V.)
- Obs. ss Cons. const., 28 janv. 2011, D., 2011, p. 1793.

BINET (J.-R.)
- Note ss Cons. constit., 21 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 213.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 1, comm. 5.
- Note ss CA Paris, pôle 3, ch. 3, 18 juin 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 216.
- Note ss CA Rennes, 5 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 140.
- Note ss CA Rennes, 5 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 140.
- Note sous Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2015, Rev. dr. fam., n° 6, 2015, comm. 114.

608
- Note ss CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 22 janv. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 5,
comm. 87.
- Note ss CEDH, gde ch., 16 juill. 2014, Hämäläinen c/ Finlande, Rev. dr. fam., 2015,
comm. 1.
- Note ss CA Douai, 19 déc. 2013, Rev. dr. fam., 2014, n° 2, comm. 22.
- Note ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, Rev. dr. fam., 2013, comm. 158.
- Note ss CA Lyon, 2ème ch. A, 2 juill. 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 10, comm. 132.

BLANC (A.-M.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, RJPF, 2003, n° 9, p. 39.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, RJPF, 2002, n° 10, p. 35.
- Note ss Cass. Civ. 1ère, 9 juil. 2002, RJPF, 2002, n° 12, p. 38.

BOICHE (A.)
- Note ss CEDH, grde chb., 26 nov. 2013, X. c/ Lettonie, AJ fam., 2014, p. 58.
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, AJ fam., 2013, p. 720.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, AJ fam., 2013, p. 185.
- Note ss CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, AJ fam., 2008,
p. 83.

BONFILS (P.)
- Note ss CA Bordeaux, ch. civ. 6, 16 janv. 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 62.

BOSSE-PLATIERE (H.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, JCP, G, I, 2008, art. 597.
- Obs. ss CA Bordeaux, 21 mars 2001, JCP, G, I, p. 332.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, JCP, G, I, 1995, p. 3903.

BOULANGER (F.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, JCP, G, I, 2013, p. 1233.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, D., 2006, p. 2790.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., 2006, p. 554.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, D., 2005, p. 2790.

BRENNER (C.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, D., 2012, p. 2011.

BRIERE (C.)
- Obs. ss CEDH, 10 juin 2010, Schwizgebel c/ Suisse, D., 2010, p. 2269.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, LPA, 23 févr. 2005, n° 38, p. 5.

609
BRUGGEMAN (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, Rev. dr. san. soc., 2006, p. 349.

CABRILLAC (R.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, D., 2001, p. 497.

CHABAS (F.)
- Note ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, JCP, G, II, 2005, p. 10011.

CHAMPENOIS (G.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Defrénois, 1984, p. 933.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, Defrénois, 1982, art. 32582.

CHENEDE (F.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, JCP, G, 2012, p. 857.
- Obs. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, AJ fam., 2011, p. 157.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère 4 juin 2009, AJ fam., 2009, p. 303.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, AJ fam., 2008, p. 431.
- Obs. ss TGI Paris, 28 mars 2008, AJ fam., 2008, p. 249.
- Obs. ss TGI Grenoble, 28 janv. 2008, AJ fam., 2008, p. 476.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, AJ fam., 2007, p. 227.
- Obs. ss CE, 6 déc. 2006, AJ fam., 2007, p. 34.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, AJ fam., 2006, p. 159.
- Obs. ss TGI Paris, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361.

CORPART (I.)
- Note ss TGI Lille, 21 fév. 2006, Rev. dr. fam., 2006, comm. 141.

COUARD (J.)
- Note ss CEDH, 2ème sect., 27 janv. 2015, Paradiso et Campanelli c/ Italie, Rev. dr.
fam., mars 2015, n° 27.

DAVID (S.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, AJ fam., 2012, p. 403.

DESNOYER (C.)
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, somm., p. 655.

DEUMIER (P.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2008, p. 438.

610
DEVERS (A.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, JCP, G, I, 2013, p. 1159.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, JCP, G, 2012, act. 728.
- Note ss Cass. soc., 23 mai 2012, JCP, S, 2012, p. 1383.
- Obs. ss Cons. Constit., 29 juil. 2011, JCP, S., 2011, 1458, n° 41.
- Note ss CE, 6 déc. 2006, JCP, G, II, 2007, 10096.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 160.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, JCP, G, II, 2006, p. 10133.

DOUCET (M.)
- Note ss CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, RJPF, 2013, n° 5.

DOUCHY-OUDOT (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, Procédures, 2013, comm. 19.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, Procédures, 2012, n° 12, comm. 358.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 sept. 2011, Procédures, 2012, n° 1, comm. 12.
- Obs. ss Cons. const., 29 juillet 2011, D., 2012, p. 1033.
- Obs. ss Cons. Constit., 28 janv. 2011, D., 2012, 1033.
- Note ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RTD eur., 2010, p. 927.
- Obs. ss CJUE, 22 déc. 2010, n° C-497/10, RTD eur., 2011, 481.
- Note ss CJUE, 2 avr. 2009, n° C-523/07, RTD eur., 2010, 421.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2008, Procédures, 2009, comm. 52.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., pan., p. 2436.

ÉGÉA (V.)
- Cass. civ. 1ère, 25 sept. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 2, chron. 1.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère , 18 mars 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 déc. 2013, RJPF, 2014, n° 2, p. 2.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, Rev. dr. fam., 2013, n° 11, p. 1.

EUDIER (F.)
- Obs. ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RJPF, 2011-1/25.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2006, RJPF, 2007, n° 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, RJPF, 2005, n° 10, p. 40.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, RJPF, 2004, n° 2, p. 39.

FARGE (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 155.

611
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, comm. 42.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 fév. 1997, JCP, G, I, 1997, p. 4045.

FAVIER (Y.)
- Obs. ss Cons. constit., 29 juil. 2011, JCP, G, I, 2012, n° 1.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, JCP, G, I, 2005, n° 3, p. 116.

FOREST (G.)
- Obs. ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, D., 2009, p. 1090.

FULCHIRON (H.)
- Note ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D., 2013, entret. p. 2576.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, D., p. 464.
- Note ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1375.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., Point de vue, 876.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 févr. 2004, JCP, G, II, 2004, 10128.

GALLANT (E.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2007, p. 603.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. crit. DIP, 2002, pp. 468-469.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 18 avril 2000, Rev. crit. DIP, 2001, p. 341.

GALLMEISTER (I.)
- Obs. ss Cass. plén., 3 juil. 2015, D., 2015, p. 1438.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, D., 2013, p. 498.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 fév. 2009, AJ fam., 2009, p. 171.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, AJ fam., 2008, 2430.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 935.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, IR, p. 670.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., 2005, p. 3036.

GANNAGE (L.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, JCP, G, I, 2015, n° 12, p. 318.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, RCDIP, 2013, p. 587.

GARE (T.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, RJPF, 2006, n° 6, p. 19.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, JCP, N, 2001, p. 1822.

612
- Note ss Cass.civ. 1ère, 11 fév. 1997, JCP, G, II, 1997, p. 22820.
- Note ss Trib. Enfants Toulouse, 13 sept. 1988 et 2 fév. 1989, D., 1990, p. 395.

GAUDEMET-TALLON (H.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D., 2014, p. 1059.

GAURIAU (B.)
- Note ss Cass. soc., 15 févr. 2001, Rev. dr. soc., 2001, p. 463.

GODECHOT-PATRIS (S.)
- Note ss CEDH, 22 juill. 2014, Rouiller c/ Suisse, RJPF, 2014, n° 10.

GOUTTENOIRE (A.)
- Obs. ss CEDH, 5 nov. 2015, Henrioud c/ France, JCP, G, I, 2015, n° 49, 1333.
- Note ss CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, Rev. dr. fam., 2013, étude n° 3.
- Note ss CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, Rev. dr. fam., 2012,
étude n° 6.
- Obs. ss CEDH, 28 janv. 2011, Nunez c/ Norvège, Rev. dr. fam., 2012, étude 10.
- Ob. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, JCP, G, 2011, n° 29.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, D., 2007, p. 2192.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, comm. 157.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Rev. dr. fam., 2005, comm. 156.
- Note sous CE, 22 sept.1997, affaire Cinar, JCP, G, II, 1998, 10051.

GRANET-LAMBRECHTS (F.)
- Obs. ss TGI Grenoble, 28 janv. 2008, D., 2009, p. 773.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, pan. 1148.
- Note ss CA Rennes, 4 juill. 2002, D., 2002, p. 2902.
- Obs. ss CA Paris, 19 mai 1992, D., 1993, somm. 47.

GRIMALDI (M.)
- Obs. ss Cass. Civ. 2ème, 14 déc. 1983, Gaz. Pal., 1984, p. 1.

HAUSER (J.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, RTD civ., 2014, p. 89.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, RTD civ., 2013, p. 96.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, RTD civ., 2012, p. 519.
- Obs. ss CA Lyon, 28 juin 2010, RTD civ., 2011, p. 118.
- Obs. ss CEDH, 31 août 2010, Gas et Dubois c/ France, RTD civ., 2011, p. 114.
- Obs. ss Cons. const., 29 juil. 2011, RTD civ., 2011, p. 748.

613
- Obs. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, RTD civ., 2011, p. 326.
- Obs. ss CE 18 juin 2010, RTD civ., 2010, p. 764.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, RTD civ., 2008, p. 660.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2007, p. 315.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, RTD civ., 2007, p. 330.
- Obs. ss CE, 6 déc. 2006, RTD civ., 2007, p. 86.
- Obs. ss Cass. Civ. 1ère, 24 fév. 2006, RTD civ., 2006, p. 297.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, RTD civ., 2006, p. 105.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, RTD civ., 2006, p. 101.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, RTD. civ., 2006, p. 101.
- Obs. ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, RTD civ., 2005, p. 104.
- Obs. ss TGI Paris, 2 juil. 2004, RTD civ., 2005, p. 116.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 mai 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss CE 9 juil. 2003, RTD civ., 2004, p. 69.
- Obs. ss TGI Lille, 5 juin 2002, RTD civ., 2003, p. 270.
- Obs. ss Cass. com., 9 oct. 2001, RTD civ., 2002, p. 489.
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, RTD civ., 2002, p. 84.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, RTD civ., 2001, p. 565.
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, RTD civ., 2001, p. 563.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, RTD civ., 2001, p. 565.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, RTD civ., 1997, p. 102.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 juil. 1995, RTD civ., 1996, p. 133.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, RTD civ., 1994, p. 571.
- Obs. ss cass. plén., 11 déc. 1992, RTD civ., 1993, p. 97.
- Obs. ss CA Toulouse, 18 nov. 1991, RTD civ., 1993, p. 104.

HILT (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, AJ fam., 2013, p. 55.

HOCQUET-BERG (S.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, LPA, 23 août 1996, n° 102, p. 9.

JULLIOT DE LA MORANDIERE (L.)


- Note ss Chb. réunies, 8 mars 1939, D., 1941, p. 37.

614
KOUMDADJI (A.)
- Note ss TI Lille, 7 sept. 2009, D., 2010, n° 1, p. 6970.

LABBEE (X.)
- Note ss TGI Lille, 16 déc. 2014, AJ fam., 2015, n° 3, p. 174
- Note ss CA Douai, 7ème chb., sect. 1, 19 janv. 2012, Rev. dr. fam., 2012, n° 7, p. 41.
- Note ss TGI Lille, 21 fév. 2006, D., 2006, p. 1350.
- Note ss TGI Lille, 5 juin 2002, D., 2003, p. 514.
- Note ss TGI Lille, 26 nov. 1999, D., 2000, p. 254.

LARRIBAU-TERNEYRE (V.)
- Note ss Cass. soc., 23 mai 2012, Rev. dr. fam., 2012, n° 7-8, comm. 114.
- Note ss Cons. constit., 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 10, comm. 143.
- Note ss CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 6, comm. 89.
- Note ss CE, 18 juin 2010, Rev. dr. fam., 2010, n° 9, comm. 123.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 nov. 2010, Rev. dr. fam., 2011, n° 1, comm. 2.
- Obs. ss Cass. crim., 5 oct. 2010, Rev. dr. fam., 2011, n° 1, comm. 1.
- Obs. ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, Rev. dr. fam., 2009, n° 5, comm. 70.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 10 juill. 2008, Rev. dr. fam., 2008, n° 10, comm. 137.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 185.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 188.
- Note ss CA Metz, ch. famille, 17 avr. 2007, K. Z. c/ Z., Rev. dr. fam., 2007, n° 10,
comm. 187.
- Note ss CA Aix-en-provence, 20 juin 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 12, comm. 202.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 31 janv. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 4, comm. 83.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 6, comm. 133.
- Note ss CA Aix-en-Provence, 28 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, n° 2, comm. 24.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 19 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, n° 6, comm. 127.
- Note ss CA Pau, 4 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, n°7-8, comm. 152.
- Note ss CA Montpellier, 11 oct. 2004, Rev. dr. fam., 2005, n° 3, comm. 49.
- Note ss Cass. com., 23 juin 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 10, comm. 168.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 9, comm. 140.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 mai 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 10, comm. 168.

LEBORGNE (A.)
- Note ss Cons. Constit., 28 janv. 2011, RJPF, 2011, n° 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RJPF, 2007, n° 5.

615
LECUYER (H.)
- Note ss CA Douai, 12 déc. 2002, Rev. dr. fam., 2003, comm. 86.
- Note ss Cass. com., 9 oct. 2001, Rev. dr. fam., 2002, n° 2, comm. 18.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 26 juin 2001, Rev. dr. fam., 2002, n° 3, comm. 28.
- Obs. ss CA Paris, 4 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2001, n° 3, comm. 28.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 15 juin 2000, Rev. dr. fam., 2000, n° 10, comm. 111.
- Note ss CA Toulouse, 6 mars 2000, Rev. dr. fam., 2000, n° 10, comm. 106.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 nov. 1998, Rev. dr. fam., 1999, comm. 12.
- Obs. ss CA Bordeaux, 17 juin 1998, Rev. dr. fam., 1999, comm. 1.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 1er juil. 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 153.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 4 juin 1997, Rev. dr. fam., 1998, comm. 176.
- Note ss CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132.
- Note ss Cass.civ. 1ère, 11 fév. 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 56.

LEMOULAND (J.-J.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D, 2013, p. 1342.
- Obs. ss Cons. const., 29 juillet 2011, D., 2012, 983.
- Note ss Civ. 1ère 4 juin, 2009, D., 2009, p. 1610.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, D., 2008, pan., 1793.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1561.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, p. 1421.
- Obs. ss CE, 9 juil. 2003, D., 2004, somm. 2967.
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, p. 1941.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, D., 2002, somm. 612.
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, D., 2002, somm. 535.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, D., 2002, p. 612.

LIBCHABER (R.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, D., 1997, somm. 177.

LIENHARD (C.)
- Note ss , 23 juin 1988, D., 1989, p. 411.

MARGUENAUD (J.-P.)
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2007, p. 287.
- Note ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RTD civ., 2010, p. 735.

MARRAUD DES GROTTES (G.)


- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, Rev. Lamy dr. civ., 2004, janv., n° 30.

616
MASSIP (J.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, Defr., 2006, p. 1066.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, Defr., 2004, p. 1232.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, Defr., 2004, p. 159.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, LPA, 15 mars 2004, p. 17.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Defr., 2001, p. 1003.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Defr., 2001, p. 93.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 21 novembre 1995, D., 1996, p. 468.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, Defr., 1995, art. 36024.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, LPA, 1996, n° 2, p. 7.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 19 mars 1991, Defr., 1991, p. 942.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Defr., 1984, p. 1003.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 23 avr. 1980, Gaz. Pal., 1981, 1, 89.

MAYER (D.)
- Note ss CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, p. 134

MESTRE (J.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, RTD civ., 1985, p. 171.

MEYZEAUD-GARAUD (M.-C.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, RJPF, 2007, n° 10, p. 26.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, RJPF, 2005, n° 4, p. 36.

MILHAC
- Note ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, Defrénois, 1997, p. 923.

MONEGER (F.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. dr. patr., 2002, 109, p. 113.

MUIR-WATT (H.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, Rev. crit. DIP, 1995, p. 96.

MURAT (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 5, comm. 105.
- Note ss Cass. Civ. 1ère, 4 juil. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 10, p. 25.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 4, comm. 89.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, Rev. dr. fam., 2006, n° 2, comm. 27.
- Note ss CA Paris, 10 nov. 2004, Rev. dr. fam., 2005, n° 5, comm. 101.
- Note ss TGI Paris, 2 juil. 2004, Rev. dr. fam., 2005, comm. 4.

617
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 116.

NEIRINCK (C.)
- Note ss TGI Nantes, 13 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 145.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 19 nov. 2014, Rev. dr. fam., 2015, n° 2, comm. 31.
- Note ss Cass., avis, 22 sept. 2014, Rev. dr. fam., 2014, n° 11, comm. 160.
- Note ss CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, Mennesson et Labassée c/ France, Rev. dr.
fam., 2014, comm. 128.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 26 juin 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 9, comm. 118.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, Rev. dr. fam., 2013, n° 1, comm. 9.
- Obs. ss CEDH, 22 janvier 2008, Mlle B c/ France, Rev. de droit sanit. et soc., 2008, p.
380.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, Rev. dr. sanit. soc., 2006, p. 578.

NIBOYET (M.-L.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, Gaz. Pal., 18 nov. 2003, p. 20.

PERROUIN (L.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 79.

PREVAULT
- Note ss CA Aix-en-provence, 22 juin 1978, D., 1978, p. 192.

PRETOT (X.)
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, D., 2001, somm. 2249.

PUTMAN (E.)
- Note ss cass. soc., 23 mai 2012, RJPF, 2012-07-08/11.

RAOUL-CORNEIL (G.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 4 avr. 2013, AJ fam., 2013, p. 300.

REBOURG (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, JCP, G, I, 2006, 199.

RÉGLIER (A.-C.)
- Obs. ss CA Rouen, ch. fam., 22 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 2, comm. 21.
- Obs. ss CA Chambéry, 6 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 218.
- Obs. ss CA Nancy, 3ème ch. civ., 29 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 10, comm. 182.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 mars 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 6, comm. 123.
- Obs. ss CA Metz, 1ère ch., 8 janv. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm. 70.

618
RUBBELIN-DEVICHI (J.)
- Obs. ss CA Rennes, 4 juill. 2002, JCP, G, I, 2003, p. 101.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 déc. 1989, RTD civ., 1990, p. 254.

REMY (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, JCP, N, 1983, II, p. 54.

SALVAGE-GEREST (P.)
- Obs. ss CA Toulouse, 10 fév. 2015, AJ fam., 2015, p. 220.

SAULIER (M.)
- Note ss CA Rennes, 2 juin 2015, AJ fam., 2015, p. 401.

SIFFREIN-BLANC (C.)
- Obs. ss CEDH, 16 juin 2011, Pascaud c/ France, D. actu., 5 juil. 2011.
- Obs. ss Cons. const., 28 janv. 2011, D. actu., 7 février 2011.
- Obs. ss CEDH, 31 août 2010, AJ fam., 2010, p. 433.
- Obs. ss CA Lyon, 28 juin 2010, AJ fam., 2010, p. 490.

SUDRE (F.)
- Obs. ss CEDH, 3 sept. 2015, M. et M. c/ Croatie, JCP,G, I, 2016, n° 3, 65.
- Obs. ss CEDH, 30 juin 2015, Khoroshenko c/ Russie, JCP, G, I, 2016, n° 3, 65.
- Note ss CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, JCP, G, 2011,
p. 94.
- Note ss CEDH, 28 nov. 2002, Lavents c/ Lettonie, JCP, G, I, 2003, p. 109.
- Obs. ss CEDH, 28 sept. 2000, Messina c/ Italie, JCP, G, I, 2001, p. 291.
- Obs. ss CEDH, 22 avril 1997, X, Y et Z c/ Royaume-Uni, JCP, G, I, p. 107.

TAVERNIER (P.)
- Obs. ss CEDH, 24 mars 1988, Olssen c/ Suède, JDI, 1989, p. 789.

TORICELLI-CHRIFI (S.)
- Note ss Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2014, Rev. dr. fam., 2014, n° 4, comm. 63.

VACHET (G.)
- Note ss Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, JCP, S, 2007, p. 1524.

VAREILLES (B.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2009, RTD civ., 2010, p. 800.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, RTD civ., 2001, p. 556.

619
VAUVILLE (F.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, RJPF, 2008-12/19.
- Note ss Cass. com., 23 juin 2004, RJPF, 2004-10/22.

VIAL-PEDROLETTI (B.)
- Note ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, Rev. Loyers et copro., 2009, comm. 140.

VIGANOTTI (E.)
- Note ss CEDH, 3ème sect., 28 avr. 2015, AJ fam., 2015, p. 347.
- Note ss CEDH, 5ème sect., 15 janv. 2015, AJ fam., 2015, p. 101.
- Note ss CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, AJ fam., 2012, p. 562.

VIGNEAU (D.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère , 20 fév. 2007, D., 2007, p. 1047.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, juris. 897.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, D., 2004, somm. 2969.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, D., 2004, 2968.
- Note ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, D., 2004, p. 3175.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 mai, AJ fam., 2004, p. 2969.
- Obs ss Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, D., 2004, p. 268.

VRAY (H.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, Gaz. Pal., 25-29 août 1995, p. 14.

2. En droit maghrébin

a) Décisions des Cours suprêmes

- Cour cass. maroc., 20 janv. 2015, dossier n° 192/2/1/2014, n°2/25.


- Cour. cass. maroc., 25 mars 2014, dossier n° 35/2/1/2013, n° 230.
- Cour cass. maroc, 4 mars 2014, dossier n° 291/2/1/2012, n° 175.
- Cour cass. maroc., 4 oct. 2011, dossier n° 285/2/1/2010, n° 534.
- Cour cass. maroc., 28 juin 2011, n° dossier 361/2/1/2010, n° 390.
- Cour cass. maroc., 14 juin 2011, dossier n° 364/2/1/2010, n° 346.
- Cour cass. maroc., 31 mai 2011, dossier n° 210/1/2/431, n° 310.
- Cour cass. maroc., 24 mai 2011, dossier n° 622/2/1/2009, n° 286.
- Cour cass. maroc., 8 fév. 2011, dossier n° 148/2/1/2009, n° 51.

620
- Cour cass. maroc., 31 août 2010, dossier n° 173/1/2/2009, n° 388.
- Cour cass. maroc., 17 août 2010, dossier n° 116/2/1/2009, n° 370.
- Cass. civ. tun., 30 juin 2009, n° 26905/2008.
- Cour suprême, 11 juin 2008, dossier n° 562/2/1/2007, n° 326.
- Cour supr. maroc., 31 déc. 2008, dossier n° 371/2/1/2008, n° 598.
- Cour suprême, 12 nov. 2008, dossier n° 298/2/1/2008, n° 527.
- Cour suprême, 24 sept. 2008, dossier n° 198/2/1/2007, n° 440.
- Cour suprême, 3 sept. 2008, dossier n° 233/2/1/2007, n° 415.
- Cour suprême, 16 janv. 2008, dossier n° 34/2/1/2007.
- Cour suprême, 7 nov. 2007, dossier n° 362/2/1/2007, n° 566.
- Cour suprême, 18 juil. 2007, dossier n° 667/2/1/2006, n° 411.
- Cour suprême, 9 mai 2007, dossier n° 181/2/1/2005, n° 254.
- Cass. civ. tun., 16 janv. 2007, n° 2006/4487.
- Cour suprême, 10 janv. 2007, dossier n° 101/2/1/2006.
- Cour suprême, 29 nov. 2006, dossier n° 326/2/1/2005, n° 679.
- Cour suprême, 22 nov. 2006, dossier n° 118/2/2/2006.
- Cour suprême, 31 mai 2006, dossier n° 627/2/1/2004, n° 348.
- Cour suprême, 18 avr. 2006, dossier n° 282/2/1/2006.
- Cour suprême, 22 fév. 2006, dossier n° 386/2/2/2005, n° 115.
- Cour suprême, 18 janv. 2006, n° 2005/1/2/108.
- Cour suprême, 26 oct. 2005, dossier n° 293/2/1/2005, n° 492.
- Cour suprême, 30 déc. 2004, dossier n° 2003, n° 658.
- Cour suprême, 24 janv. 2001, arrêt n° 90.
- Cour suprême, 18 janv. 2001, n° 79.
- Cour suprême, 7 sept. 2000, n° 821.
- Cass. civ. tun., 13 mai 1997, n° 56315.
- Cass. civ., 18 nov. 1996, n° 43-354.
- Cour suprême, 25 janv. 1994, dossier n° 87/5556, n° 16.
- Cour suprême, 8 sept. 1992, dossier n° 87/5457, n° 966.
- Cour suprême, 15 sept. 1991, dossier n° 91/217, n° 527.
- Cass. civ. tun., 2 juin 1991, n° 26431.
- Cour suprême, 19 fév. 1990, dossier n° 59013.
- Cass. civ. tun., 15 mai 1984, n° 9976.
- Cour suprême, 30 mars 1983, dossier n° 54758.
- Cour suprême, 15 sept. 1981, n° 527.

621
- Cour suprême, chambre civile, 23 fév. 1977, arrêt n° 139.
- Cass. civ. tun., 23 avr. 1975, n° 9853.
- Cour suprême, 5 juil. 1974, arrêt n° 250.
- Cass. civ. tun., 6 mars 1973, n° 9210.
- Cass. civ. tun., 27 juin 1973, n° 7795.

b) Décisions des juridictions inférieures

- TPI Salé, 29 août 2012, dossier n° 531/12/1606, n° 814.


- TPI Salé, 18 juil. 2012, dossier n° 2262/11/1607, n° 1947.
- TPI Tadla, 5 déc. 2006, dossier n° 06/9/214, n° 489.
- TPI Tétouan, 27 nov. 2006, dossier n° 858/2006/13, n° 1487.
- CA Settat, 1er nov. 2006, n° dossier 1960/02, n° 835/06.
- TI Larache, 20 oct. 2006, n° 458/06.
- CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171.
- TPI Tunis, 6 mai 2006, n° 59121.
- CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006.
- TPI Marrakech, 13 janvier 2005, dossier n° 3269/8/2004.
- TPI Marrakech, 6 mai 2004, dossier n° 04/8/192, n° 1307.
- CA Rabat, 19 avr. 2004, dossier n° 1214/03/10, n° 904.
- TPI Manouba, 2 déc. 2003, n° 16189/53.
- TPI Manouba, 28 oct. 2003, n° 16198.
- TPI Sousse, 29 fév. 2000, n° 40376.
- TPI Tunis, 6 déc. 1999, n° 31968.
- TPI Tunis, 22 nov. 1999, n° 31846.
- TPI Tunis, 29 juin 1999, affaire n° 26-855.
- TPI Tunis, 21 juin 1999, n° 29840.
- TPI Sfax, 11 juin 1999, n° 41164.
- TPI Tunis, 10 mai 1999, n° 29308.
- TPI Gafsa, 21 fév. 1994, n° 43979.
- TPI Tunis, 2 juin 1992, n° 93620.
- TPI Sousse, 27 juil. 1976, n° 11005.
- TPI Sousse, 17 janv. 1974, n° 3411.

622
V. AUTRES ELEMENTS
1. Presse généraliste française et marocaine

- Le Matin du 20 octobre 2015, « Rapport analytique du CNDH sur la parité. Le

constitutionnelles », par J. GATTIOUI.


- Le Monde du 2 juillet 2015, « GPA : la France doit prendre la maternité au sérieux »,
par I. THERY.
- Le Monde du 1er juillet 2015, « Un droit de la filiation à géométrie variable », par
J. COURDURIES, M. GROSS, M. GOURARIER.
- Le Matin du 20 avril 2015, « Organisation arabe de la famille, Le prix de la
».
- Jeune Afrique du 17 mars 2015, « Avortement au Maroc : Mohamed VI veut des
», par E. BLUM.
- Le Matin du 10 juillet 2014, « Code de la famille, le mariage des mineurs gagne du
terrain », par A.L.
- Jeune Afrique du 11 février 2014, « Homosexualité : au Maroc, on se cache pour
», par Y. AÏT AKDIM.
- Le Matin du 8 février 2014, « Le Code de la famille, dix ans après », par P. MAINGRE,
H. EL HAITI, Y. MOUTMAÏNE.

2. Liens internet

- Site du Ministère français de la justice : www.justice.gouv.fr


- Site du Ministère marocain de la justice et des libertés : www.justice.gov.ma
- Secrétariat Général du Gouvernement marocain : www.sgg.gov.ma
- Site de la Cour de cassation : www.coursupreme.ma
- Portail juridique et judiciaire du Ministère de la Justice et des Libertés du Maroc :
www.adala.justice.gov.ma
- Site du Ministère tunisien de la justice -justice.tn
- Site du Ministère algérien de la justice : www.mjustice.dz

623
TABLES DES MATIERES

TABLE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

GLOSSAIRE

SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE : LA PRIVATISATION DES LIENS DE FAMILLE ..........................................29

TITRE PREMIER. LE LIEN MATRIMONIAL FONDEMENT DU LIEN FAMILIAL ................................................31


Chapitre premier. Une conception de la famille commune aux deux rives de la Méditerranée ..................... 34
Section 1. Le mariage occidental ............................................................................................................. 36
§1) La dimension morale du mariage chrétien..................................................................................... 37
A) Le point de vue philosophique............................................................................................... 38
B) Le point de vue religieux ....................................................................................................... 42
§2) Vers une approche contractuelle du mariage ................................................................................ 47
A) .............................................................. 48
B) La consécration du mariage civil républicain ......................................................................... 55
Section 2. Le mariage musulman ............................................................................................................. 62
-islamique : une structure désorganisée ............................................ 63
: le mariage fondateur de la famille .......................................... 65
A) Détermination du cadre politico-religieux ............................................................................. 65
1- Un message divin imparfaitement compris ? .................................................................... 65
2- Une relecture possible de la tradition religieuse ............................................................... 67
3- Une contestable politisation de la vie sociale .................................................................... 71
B) La conception islamique du mariage ..................................................................................... 74
§3) Le mariage dans les droits positifs des pays musulmans ................................................................ 77
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................... 84

Chapitre second. Une conception de la famille renouvelée sur les deux rives de la Méditerranée ................ 86
Section 1. La transformation de la conception juridique du mariage occidental ....................................... 88
§1) La situation concurrentielle des époux pendant le mariage ........................................................... 88
§2) Le droit de libre rupture du mariage .............................................................................................. 91
A) La première phase : la libéralisation du droit du divorce ....................................................... 92
B) La consécration du droit au divorce : un aboutissement ........................................................ 95
Section 2. ts familiaux au Maroc ............................... 102
§1) Les droits interpersonnels conjugaux .......................................................................................... 103
A) u mariage .............................................................................................................. 103
B) ............................................................................................................... 107
§2) Les droits patrimoniaux ............................................................................................................... 114
A) ......................................................... 114
B) ..................................................................................... 117
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 120
Conclusion du titre premier ........................................................................................................................ 122

625
TITRE SECOND. LE LIEN FAMILIAL DETACHE DU LIEN MATRIMONIAL .................................................... 124
Chapitre premier. Du lien familial au lien parental...................................................................................... 126
Section 1. La coparentalité renforcée au profit des parents ................................................................... 127
§1) La coparentalité imposée ............................................................................................................ 128
A) Les normes internationales et régionales incitant à la coparentalité ................................... 129
B) .......................................................... 136
1- En droit français.............................................................................................................. 137
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 142
§2) La coparentalité réfléchie ............................................................................................................ 143
A) Un préalable : le changement de culture judiciaire .............................................................. 145
B) La médiation familiale ...................................... 148
1- En droit français.............................................................................................................. 148
.........................................................150
...............................................158
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 165
...........................................................165
...............................................................................................168
............................................................................. 172
....................................................................... 172
A) Les fondements de la protection ......................................................................................... 172
1- » ........................................... 173
2- « » .............................................................. 176
B) Les moyens de la protection ................................................................................................ 178
1- ....................................................................................................... 178
2- ....................................................... 186
3- .................................................... 189
..................................................................... 191
A) La coparentalité interdite en droit musulman ..................................................................... 191
B) La coparentalité déficiente en droit français........................................................................ 193
1- Coparentalité et incarcération ........................................................................................ 194
..........................................................................194
- La nécessaire considération du lien parental par le droit pénitentiaire ..................................201
2- Coparentalité et déplacements illicites ........................................................................... 204
206

convention franco-marocaine .......................................................................................................214


Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 222

Chapitre second. Du lien familial aux liens familiaux ................................................................................... 224


Section 1. La contractualisation des rapports familiaux et les stratégies patrimoniales .......................... 225
§1) Le phénomène de recomposition familiale .................................................................................. 226
A) Le renouvellement de la famille recomposée ...................................................................... 226
B) Les moyens juridiques en faveur de la famille recomposée ................................................. 229
1- La possibilité de créer un lien de parenté........................................................................ 231
2- ....................................................... 236
...............................................237
.....................................................241
§2) La dimension patrimoniale liée à la recomposition familiale ....................................................... 247
A) ............................................................ 247
1- Le choix du régime matrimonial ...................................................................................... 247
2- La transmission anticipée du patrimoine ........................................................................ 250
B) ...................................................................................... 255
Section 2. La protection juridique de la pluri-parenté ............................................................................ 261
-parent ............................................................................................. 261
A) -parent................................................................. 262
B) .......................................................................... 264
§2) La reconnaissance du lien avec le beau-parent ............................................................................ 266

626
A) Au profit du quotidien beau-parental .................................................................................. 266
B) ........................................................................................ 270
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 273
Conclusion du titre second ......................................................................................................................... 274
Conclusion de la première partie ................................................................................................................ 276

SECONDE PARTIE : LA DÉMATRIMONIALISATION DES LIENS DE FAMILLE ......................... 279

TITRE PREMIER. LA CONSECRATION JURIDIQUE DE NOUVELLES CONJUGALITES ...................................... 281


-mariage dans le Code civil ................................................... 282
Section 1 : Le lien matrimonial concurrencé .......................................................................................... 283
§1) Le couple non marié révélé par la vie commune.......................................................................... 285
§2) Le couple non marié gouverné par le principe de liberté ............................................................. 291
A) La liberté encadrée durant la vie de couple ......................................................................... 291
1- Sur le plan personnel ...................................................................................................... 291
................................................................................................................292
................................................................................................................295
? ...............................................................................................................298
2- Sur le plan patrimonial .................................................................................................... 302
......................................................................302
...............................................................................................305
..............................................................................................................308
3- Hors du droit civil............................................................................................................ 310
B) La liberté dans la rupture .................................................................................................... 313
1- La rupture du concubinage ............................................................................................. 314
2- La rupture du Pacs .......................................................................................................... 317
§3) Vers un régime impératif conjugal ............................................................................................... 318
Section 2. Le lien matrimonial dénaturé................................................................................................. 327
................................ 327
A) .......................................................................... 327
1- La problématique de la différenciation sexuelle au sein du couple ................................. 328
2- La réponse apportée par le droit..................................................................................... 334
B) La .............................................................................. 336
.................................................... 340
cutive des sexes ........................................................................................... 344
A) Un traitement égalitaire des sexualités conjugales .............................................................. 344
B) Un traitement indifférencié des sexualités conjugales ......................................................... 349
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 353

-méditerranée ....................................... 355


........................................... 356
§1) La pratique du concubinage par les français binationaux............................................................. 356
A) Le mariage coutumier au Maghreb ...................................................................................... 356
B) ................................................................... 361
1- La dimension socio- ........................................... 361
2- Le concubinage « halalisé » ............................................................................................ 364
-delà des frontières françaises .................................... 367
A) -marocain ................................... 367
B) Les conséquences en droit international privé .................................................................... 371
......................... 379
§1) Une exportation du contenant .................................................................................................... 379
A) Le Code civil français, modèle de codification imposé ......................................................... 379
B) Le Code marocain de la ................................. 383
§2) Une exportation du contenu ....................................................................................................... 384
A) tation ................................................................. 385
1- ............................................................ 386

627
2- ocain ............................ 388
B) La nécessaire réhabilitation de la place du donné religieux ................................................. 394
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 396
Conclusion du titre premier ........................................................................................................................ 398

TITRE SECOND. LA METAMORPHOSE JURIDIQUE DE LA PARENTE........................................................ 400


Chapit ............................................................. 402
.............................................................. 403
...................................................... 403
A) .......................................... 404
B) La refonte du droit français de la filiation ............................................................................ 409
..................................................................................... 413
A) .................................................... 413
B) ............................................................................. 419
Section 2. La fidélité du droit maghrébin de la filiation au modèle familial islamique ............................. 425
............................................ 426
A) La force de la présomption de paternité .............................................................................. 426
1- .................................................. 427
2- ssement de la filiation ..................................................... 429
B) La présomption de paternité écartée .................................................................................. 434
1- En mariage...................................................................................................................... 434
2- Hors mariage .................................................................................................................. 438
.................................................................... 442
A) Des prérogatives parentales sexuées................................................................................... 443
B) Des prérogatives parentales inégalitaires ............................................................................ 445
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 449

....................................................... 450
Section 1. Le projet parental, socle de la famille .................................................................................... 453
................................................................................... 453
A) Le droit de ne pas donner la vie ........................................................................................... 453
1- Corollaire du principe de libre disposition du corps ........................................................ 454
2- La conception islamique du corps et de la vie humaine .................................................. 456
B) la conception ..................................................... 459
...................................................................................... 461
A) ............................................................................................................... 461
1- En droit français.............................................................................................................. 462
.................................................................462
sistée (AMP) ...........................................................................467
............................................................................................................470
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 477
B) ......................................................................................................................... 483
pour tous ................................................................................................... 489
§1) La nécessité de repenser le lien de filiation ................................................................................. 490
A) La volonté, fondement post-moderne exclusif du lien de filiation ? ..................................... 491
B) Vers la filiation monosexuée ............................................................................................... 495
............................................................................................................ 498
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 503
Conclusion du titre second ......................................................................................................................... 504
Conclusion de la seconde partie ................................................................................................................. 506
Conclusion générale ................................................................................................................................... 508

INDEX THEMATIQUE ................................................................................................................ 511

628
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 523

I. OUVRAGES GENERAUX .523

II. OUVRAGES SPECIAUX 532

III. ÉTUDES DOCTRINALES ET ARTICLES . 560

IV. NOTES, OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS . 608

V. AUTRES ELEMENTS 623

TABLE DES MATIERES .625

629
630

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