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2016 These Dyaa SFENDLA

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Couple et Famille : Étude comparative des systèmes

juridiques français et marocain


Dyaa Sfendla

To cite this version:


Dyaa Sfendla. Couple et Famille : Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain.
Droit. Université de Toulon, 2016. Français. �NNT : 2016TOUL0110�. �tel-02485193�

HAL Id: tel-02485193


https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02485193
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abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
École doctorale n° 509 Civilisations et Sociétés euro-méditerranéennes et
comparées

FACULTE DE DROIT DE TOULON

Centre de Droit et Politique Comparés


Jean-Claude Escarras (UMR-CNRS 7318 DICE)

Couple et Famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et
marocain

Thèse pour le Doctorat en droit privé


présentée et soutenue publiquement le 20 mai 2016 par

Dyaâ SFENDLA

JURY

Monsieur Hubert BOSSE-PLATIERE, Professeur à l’Université de Dijon (Rapporteur)

Madame Mélina DOUCHY-OUDOT, Professeur à l’Université de Toulon (Directeur)

Monsieur Vincent ÉGEA, Professeur à l’Université d’Aix-Marseille

Madame Dominique FENOUILLET, Professeur à l’Université de Paris II, Panthéon-Assas

Monsieur Abdallah OUNNIR, Professeur à l’Université de Tanger (Rapporteur)


Je tiens à adresser mes plus vifs remerciements à mon directeur de
thèse, Madame le professeur Mélina Douchy-Oudot. Un grand merci
pour avoir accepté de diriger cette thèse et pour m’avoir soutenue tout
au long de ces années.

Je tiens également à remercier le doyen Pierre Sanz de Alba pour sa


disponibilité et ses précieux conseils durant les premières années de ce
travail.

Je remercie Madame le professeur Dominique Fenouillet et Messieurs


les professeurs Vincent Égéa, Hubert Bosse-Platière et Abdallah Ounnir
de m’avoir fait l’honneur de participer au jury de soutenance de cette
thèse.

Mes remerciements s’adressent enfin à toutes les personnes qui, de près


ou de loin ont permis l’aboutissement de ce long travail. Merci aux
membres du Centre de droit et de politique comparés Jean-Claude
Escarras pour leur aide et leur soutien. Un grand merci à toi Catherine.
À mes parents,
À ma famille,
À mes amis,
La Faculté n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions
émises dans cette thèse qui demeurent propres à leur auteur.
TABLE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

APIE Proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant


AJ. fam. Actualité juridique famille
al. Alinéa
A.N. Assemblée nationale
Arch. philo. dr. Archives de philosophie du droit
art. Article
Bull. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation
Bull. civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles de la Cour de cassation
CA Cour d’appel
C.E. Conseil d’Etat
C.G.I. Code général des impôts
CPC Code de procédure civile
Cass. plén. Cour de cassation, assemblée plénière
ch. mixte Cour de cassation, chambre mixte
ch. réunies Cour de cassation, chambres réunies
chr. Chronique
circ. Circulaire
C. civ. Code civil
C. com. Code du commerce
CEDH Convention européenne des droits de l’homme
CJCE Cour de justice des communautés européennes
CJUE Cour de justice de l’Union européenne
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Civ. 1ère Cour de cassation, première chambre civile
Civ. 2ème Cour de cassation, deuxième chambre civile
Civ. 3ème Cour de cassation, troisième chambre civile
CMF Code marocain de la famille
Com. Cour de cassation, chambre commerciale
Comm. EDH Commission européenne des droits de l’homme
coll. Collection
concl. Conclusions
Cour EDH Cour européenne des droits de l’homme
C. cass. maroc. Cour de cassation marocaine (après 2010)
C. cass. tun. Cour de cassation tunisienne
C. pén. Code pénal
Cour supr. Cour suprême (marocaine, avant 2010)
Comp. comparez
Cons. constit. Conseil constitutionnel
contra solution contraire
Crim. Cour de cassation, chambre criminelle
CSP Code du statut personnel
CSS Code de la sécurité sociale
D. Décret
D. Recueil Dalloz
DCC Dahir sur la condition civile des français et étrangers au Maroc
Defrénois Répertoire du Notariat Defrénois
Doc. A.N. Document parlementaire Assemblée nationale
Doc. Sénat Document parlementaire Sénat
GACEDH Les grands arrêts de la Cour européenne des
droits de l’homme
Gaz. pal. La gazette du palais
gde ch. Grande chambre de la Cour européenne des
droits de l’homme
ibid ibidem
infra voir ci-dessous
JAF Juge des affaires familiales
J.-Cl. civ. Jurisclasseur de droit civil
JCP, éd. E Jurisclasseur périodique - édition entreprise
JCP, éd. G Jurisclasseur périodique - édition générale
JCP, éd. N Jurisclasseur périodique - édition notariale
JDI Journal de droit international (Clunet)
J.O Journal officiel
NCPC Nouveau Code de procédure civile
n° numéro
op. cit. opere citato
p. page
pan. panorama
LPA Les petites affiches
précit. précité
PUF Éditions des Presses universitaires de France
Rapp. Cass Rapport annuel de la Cour de cassation
RCADIP Recueil des cours de l’Académie de droit
international privé La Haye
Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé
Rép. civ. Dalloz Dalloz (encyclopédie) – civil
Rép. min. Réponse ministérielle
Rap. Rapport
Rev. dr. fam Revue droit de la famille
Rev. dr. éco. Revue marocaine de droit et d’économie
Rev. dr. soc. Revue de droit social
Rev. tun. dr. Revue tunisienne de droit
RIDC Revue internationale de droit comparé
RJPF Revue juridique Personnes et Famille
Rev. Lamy dr. civ. Revue Lamy droit civil
RRJ Revue de la recherche juridique
RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil
RTD eur. Revue trimestrielle de droit européen
RTDH Revue trimestrielle des droits de l’homme
Rev. dr. sanit. soc. Revue trimestrielle de droit sanitaire et social
saw Salutations et paix sur lui
s. Et pages suivantes
S. Recueil Sirey
Soc. Cour de cassation, chambre sociale
spéc. spécialement
supra voir ci-dessus
t. Tome
TGI Tribunal de grande instance
TI Tribunal d’instance
TPI Tribunal de première instance
V. voir
V° verbo au mot
GLOSSAIRE

Adoul Notaire traditionnel chargé de la célébration des mariages


au Maroc

Charia Il s’agit de la loi islamique constituée par l’ensemble des


sources scripturaires sacrées auxquelles adhèrent les
musulmans : le Coran et la sunna. La charia désigne aussi
le corpus de textes juridiques élaborés par la doctrine
islamique et sur lequel se fonde le juriste musulman.

Dahir Décret royal.

Fatwa Avis juridique circonstancié rendu en l’absence d’un texte


précis par un savant du droit musulman de rang élevé, soit
du même pays soit du rite auquel il se rattache.

Fiqh Il s’agit de la loi islamique (Droit et jurisprudence) telle que


comprise par les hommes et traduite juridiquement par eux.

Firach C’est la présomption de paternité découlant du mariage,


littéralement « le lit conjugal ».

Hadana Garde de l’enfant mineur.

Hadith Propos ou récit attribué au Prophète Mohamed (saw) et


recueilli par un témoin auditif qui l’aurait transmis à un
autre auditeur jusqu’à ce qu’il soit consigné dans un livre.
Toutes les traditions rapportées ne sont pas acceptées par la
Science des hadiths. Seules les traditions dites authentiques
(confirmées par la transmission) constituent des sources
principales.

Ijtihad Effort de compréhension du message divin qui consiste


également à renouveler l’interprétation des préceptes de
l’Islam et leur nécessaire adaptation à l’évolution du monde.

Nikah Désigne à la fois le mariage légal et l’acte sexuel.

Ouléma Ou imam, il s’agit d’un théologien ou érudit versé dans la


connaissance du Coran et apte à l’interpréter.

Umma Communauté des musulmans au-delà de leur nationalité.

Ssolh Processus visant à remettre en fonction ce qui ne fonctionne


plus.
Sunna Tradition du Prophète (saw), c’est-à-dire l’ensemble des
faits et gestes, des approbations implicites ou explicites qui
lui sont attribués et rapportés dans les hadiths.

Talaq Dissolution unilatérale du mariage par le mari traduite dans


une décision de justice, ou par décision de l’épouse si le
mari lui en a consenti l’initiative dans le contrat de mariage.

Tatliq Divorce judiciaire à l’initiative de la femme (ou l’homme).


Ne peut avoir lieu que devant un tribunal et dans des cas
bien définis et limités.

Waliy Tuteur matrimonial.


SOMMAIRE

Introduction

PREMIERE PARTIE

LA PRIVATISATION DES LIENS DE FAMILLE

TITRE 1- LE LIEN MATRIMONIAL FONDEMENT DU LIEN FAMILIAL


Chapitre 1- Une conception de la famille commune aux deux rives de la Méditerranée
Chapitre 2- Une conception de la famille renouvelée

TITRE 2- LE LIEN FAMILIAL DETACHE DU LIEN MATRIMONIAL


Chapitre 1- Du lien familial au lien parental
Chapitre 2- Du lien familial aux liens familiaux

SECONDE PARTIE

LA DEMATRIMONIALISATION DES LIENS DE FAMILLE

TITRE 1- LA CONSECRATION JURIDIQUE DE NOUVELLES CONJUGALITES


Chapitre 1- L’insertion des unions hors-mariage dans le Code civil
Chapitre 2- Une exportation du modèle familial français outre-méditerranée

TITRE 2- LA METAMORPHOSE JURIDIQUE DE LA PARENTE


Chapitre 1- L’unité de la filiation inhérente à la procréation
Chapitre 2- L’unité de la filiation construite sur l’engendrement

Conclusion générale
INTRODUCTION

« Le droit de la famille est un droit original car il se nourrit de données humaines (il
régit les comportements humains les plus intimes), de données scientifiques
(sociologiques, démographiques, méthodologiques, biologiques…) et d’idéologie (le
droit de la famille est construit sur de valeurs : valeurs morales hier, étroitement
liées à la religion, valeurs que l’on croit “universelles” aujourd’hui, attachées aux
droits et libertés fondamentaux). Il est également original par sa dimension
symbolique : le droit de la famille est le miroir de la société qui le produit (…). C’est
sans oublier que l’une des fonctions du droit est d’offrir un cadre de référence. Il est
une boussole pour les individus : il est facteur d’équilibre individuel et de cohésion
sociale »1.

1. Couple et famille, une histoire d’amour. Peut-on réellement imaginer parler du


couple2 sans parler d’amour ? Toutes les histoires conjugales ne sont-elles pas des histoires
d’amour ou de désamour ? À l’inverse, peut-on encore sérieusement parler de famille
lorsque l’amour s’étiole dans le couple ? Le couple ne serait alors que le corollaire d’une
réalité mouvante, tandis que la stabilité serait de l’essence même de la famille. Le mystère
qui entoure le couple est tel qu’un auteur estimait qu’en parler « est une entreprise tout
aussi risquée que de sauter en parachute lorsqu’on a le vertige »3, et que « le thème
conjugal évoque trop de choses pour chacun, et chacun le voit à travers un regard trop
personnel pour qu’on puisse prétendre à l’objectivité »4. À l’occasion de propos
impertinents sur l’amour conjugal, un auteur remarque qu’ « il y a dans le fait de s’engager
l’un envers l’autre cette chose toute particulière à chaque couple qui a conduit au don de

1
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 5ème éd., 2016, p. 42, spec.
n° 54, et p. 66, n° 97.
2
Il semblerait que la première utilisation du mot « couple » au sens qui nous intéresse dans cette étude l’ait été
vers les années 1150. Cf. A. WALCH, Histoire du couple en France, Rennes, éd. Ouest-France, 2003.
3
A. WALCH, Histoire du couple en France, op. cit., p. 10.
4
Ibid., p.10.

1
Introduction

leur personne et qui n’est réductible à aucune analyse »1. Le droit laisse de côté la question
relative aux sentiments2 pour traiter avec objectivité celle des liens3.
2. Couple et famille, une histoire de liens. Le couple et la famille sont une réalité
vécue par tous. Elle renvoie à la structure familiale propre à chaque individu et dans
laquelle la plupart se projette. Le terme « couple » se distingue cependant du terme
« famille ». Le sens étymologique du mot « couple » renvoie au latin copula au sens de
« lien, liaison, groupe de deux personnes liées par l’amitié, l’amour ». Au féminin, le terme
correspond au « lien servant à attacher deux ou plusieurs animaux de même espèce ».
Enfin, l’acception commune du terme est de désigner l’ « homme et la femme unis par des
relations affectives, physiques ». Depuis peu, et par extension, le couple peut également
être constitué de « deux personnes du même sexe vivant ensemble, et unies par des liens
affectifs, physiques »4. L’idée générale est donc que le couple lie volontairement deux
individus, de sexe différent ou de même sexe, soit par l’amitié ou par l’amour.
Appréhender une définition de ce qu’est la famille n’est, en revanche, pas chose aisée. Le
même dictionnaire de référence décline sous diverses occurrences ce terme, selon le temps
et le lieu. Il s’agirait de « l’ensemble des personnes (enfants, serviteurs, esclaves, parents)
vivant sous le même toit, sous la puissance du pater familias », comme il peut également
s’agir des personnes « unies par le sang ou par l’alliance » par « le mariage, la filiation ou,
exceptionnellement, par l’adoption ». Enfin, la famille peut désigner la « succession des
individus qui descendent les uns des autres, de génération en génération ». Le terme est
pluriel, mais il renvoie, à l’instar du couple, à cette idée de groupe (plus de deux
personnes) dont les individus semblent être liés entre eux de façon pérenne.
3. Couple et famille, des notions pluridisciplinaires. Bien qu’intuitives, les notions
de couple et de famille font également l’objet de nombreuses études scientifiques et se
retrouvent au carrefour de plusieurs disciplines dont les objectifs varient. Les historiens5
ont remonté le temps afin de rendre compte de l’origine mais aussi de l’évolution des
systèmes familiaux. La psychanalyse se concentre sur l’étude de l’individu afin d’expliquer
son psychisme à partir du couple et de sa famille. L’analyse économique rend compte de
1
M. DOUCHY-OUDOT, « Propos impertinents sur l’amour conjugal », in Mélanges en l’honneur du professeur
Jean HAUSER, Dalloz, 2012, p. 81.
2
Monsieur le professeur Jean HAUSER affirmait, à juste raison, que « le Droit n’a, à notre époque, aucune raison
de s’intéresser à l’amour et, dans ce domaine, laisse largement la place à la liberté ». Cf. J. HAUSER, « Amour et
liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 73. V. aussi l’article de Monsieur
le professeur TERRE « Fait-on du bon droit avec de bons sentiments », in L’amour selon la loi. Exercices
d’écriture, C. PUIGELIER, F. TERRE (dir. de), éd. Mare&Martin, 2015, pp. 19-20. Pour Madame le professeur
FENOUILLET, le droit semble pourtant aujourd’hui s’être laissé embarquer dans la logique de l’amour, alors
qu’une dissociation de l’ordre du sentimental et de l’ordre du droit est vivement souhaitable. Cf. D. FENOUILLET,
Droit de la famille, Paris, Dalloz, 2013, p. 44.
3
É. PAILLET, « Liens personnels, liens de famille », in Des liens et des droits, Mélanges en l’honneur de Jean-
Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 433-443.
4
P. ROBERT, Le grand Robert de la langue française : dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, par A. REY, éd. Le Robert, 2008, V° Couple.
5
A. BURGUIERE, C.F. KLAPISCH, M. SEGALEN et alii (dir. de), Histoire de la famille, Paris, Armand Colin, 1986.

2
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cette cellule comme unité de production pour peremttre la mise en place de politiques
familiales adaptées1. La psychologie n’est pas en reste puisqu’elle tente d’expliquer le rôle
de la famille dans la construction de l’identité de la personne2. Si la sociologie observe la
famille comme source de création d’un lien social entre individus 3, l’anthropologie
interroge directement l’humain à sa source, tandis que le droit, dans la vocation de
réglementation des rapports sociaux qui lui est dévolue, se propose d’établir un lien
juridique entre les membres d’une même famille. En dehors de ce lien que lui seul peut
instituer, point de famille ni de couple au sens juridique du terme et, par conséquent, point
de droits ni d’obligations. Neurobiologistes4, sociologues5, anthropologues6, démographes7
et juristes se sont également intéressés au phénomène familial de la manière la plus large
qui soit.
Après quelques précisions liminaires nécessaires au cadre général de cette recherche (I), il
sera rendu compte de l’évolution du couple et de la famille en droit (II). Le recours au
droit comparé permettra de révéler les différences et points communs de deux traditions
juridiques différentes et constituera la méthode de recherche privilégiée dans cette étude
(III).

I. CADRE GENERAL DE L’ETUDE

4. Le cadre spatial de l’étude. Le Maghreb constitue le premier ensemble


francophone au monde, dont les pays8 présentent un nombre important de similitudes. Tant
du point de vue religieux, historique, culturel ou encore linguistique, les trois pays qui le
forment se retrouvent au carrefour de la mer Méditerranée. Cette position stratégique est, à
bien des égards, déterminante dans la perspective comparée tant de leurs droits entre eux,
que de leur droit avec celui d’un autre système juridique. Dans ce contexte, le système
français, de tradition juridique civiliste faisant partie de la famille des droits romano-
germaniques, offre d’importantes opportunités de comparaison avec le système juridique
maghrébin. Bien que ces pays fassent partie de ce qu’on appelle communément en droit

1
En ce sens, V. le dossier dans la Revue droit de la famille « Analyse économique du droit de la famille », 2015,
n° 10.
2
C. HALPERN, J.-C. RUANO-BORBALAN, Identité(s). L’individu, le groupe, la société, éd. Sciences humaines,
2004.
3
F. DE SINGLY, Les uns avec les autres. Quand l’individualisme crée du lien, éd. Arman Colin, 2003 ; P.-Y.
CUSSET, Le lien social, Armand Colin, 2007.
4
J.-D. VINCENT, La biologie du couple, éd. Robert Laffont, 2015.
5
C. CICCHELLI-PUGEAULT, V. CICCHELLI, Les théories sociologiques de la famille, éd. La Découverte, 1998.
6
C. LEVI-STRAUSS, Les structures élémentaires de la parenté, PUF, 1949.
7
L. ROUSSEL, La Famille incertaine, éd. Odile Jacob, 1989.
8
Le cadre de l’étude se limitera au « petit » Maghreb, en opposition au « grand Maghreb arabe » lequel inclut la
Libye et la Mauritanie.

3
Introduction

comparé « le système islamique »1 que tout semble éloigner du droit français, force est de
constater que la structure du système juridique français n’est pas totalement étrangère aux
pays du Maghreb2. Les trois pays ont été, au début du siècle dernier, soit sous protectorat
français (le Maroc et la Tunisie), soit purement et simplement un département français
(l’Algérie). Surtout, au lendemain des indépendances, les structures juridiques françaises
mises en place y ont, pour la plupart, été conservées3 malgré quelques réticences dues au
sentiment nationaliste4. Il est vrai que le domaine des relations familiales n’a pas, à cette
époque, fait l’objet de changements substantiels du fait de son attachement étroit à la
religion musulmane. Pourtant, le simple contact entre un droit d’inspiration religieuse et un
droit totalement laïcisé n’est pas sans conséquences5. Pour toutes ces raisons, l’aire
géographique privilégiée dans cette étude est celle du Maghreb, le choix ayant été fait de
privilégier le droit marocain dans le processus même de comparaison. En effet, le Maroc
s’est doté en 2004 d’un Code modernisé de la famille qui promeut l’égalité conjugale,
chose jusque là inédite dans le droit des pays arabes. Bien que l’Algérie ait suivi son
homologue marocain en 2005, les modifications apportées ne semblent pas comparables à
l’audace dont a fait preuve le législateur marocain.
5. L’intitulé « Couple et Famille ». Le parti a été pris d’attacher une grande
importance aux deux termes du sujet que sont le couple et la famille. Conscients de la
tendance contemporaine de perte de vigilance sur l’importance du sens des mots, le
langage demeure aujourd’hui plus que jamais l’outil permettant l’identification claire de ce
qui est étudié. C’est pourquoi le souci de produire un matériau permettant de garantir au
mieux la fiabilité de la compréhension des mots est au centre de cette étude. Comme le
remarquait Gérard CORNU, « l’immense majorité des termes de droit possède de multiples
sens juridiques. Le phénomène est irréductible. En droit aussi, le nombre des signifiés est
infiniment plus élevé que celui des signifiants, les notions juridiques, beaucoup plus
nombreuses que les mots pour les nommer. Même la néologie ne compense pas la

1
A. GAMBARO, R. SACCO, L. VOGEL, Le droit de l’Occident et d’ailleurs, Paris, LGDJ-Lextenso, 2011 ;
G. CUNIBERTI, Grands systèmes de droit contemporains, Paris, LGDJ, 2ème éd., 2011. D’autres ouvrages parlent
également de « droit musulman » : R. DAVID, C. JAUFFRET-SPINOSI, Les grands systèmes de droit
contemporains, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2002.
2
Pour tout ce qui concerne le droit des obligations notamment, le fond du droit y est similaire, et la
jurisprudence n’hésite pas à interpréter les textes locaux à la lumière des décisions de la Cour de cassation
française. R. LEGEAIS, Grands systèmes de droit contemporain, Approche comparative, Litec LexisNexis, 2ème
éd., 2008, p. 244.
3
V. M.J. ESSAID, Introduction à l’étude du droit, Rabat, Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le
développement Socio-Économique, avec le concours de la Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque
Populaire, 4ème éd., 2010.
4
Notamment le processus d’arabisation de la justice au Maroc.
5
V. infra, n° 90.

4
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

disproportion car la puissance analytique est un trait accentué de la pensée juridique qui
divise, subtilise, distingue sans fin »1.
6. Un intitulé au singulier. Le choix au singulier de l’intitulé Couple et
Famille n’est pas indifférent. Il est vrai qu’à l’heure où ces deux notions sont appréhendées
dans toute leur factualité2, il n’aurait pas été injustifié de traiter des « Couples et des
Familles ». Pourtant, face à la pluralité des formes de vie en couple3 et de familles, le souci
d’agréger au mieux la variété des composantes des deux notions par le recours à
l’abstraction a été privilégié. Ce parti pris ne nie pas l’approche plurielle aujourd’hui
consacrée des familles et des couples conjugaux tout au long de l’étude. Une autre raison a
justifié ce choix vers un intitulé au singulier : la perspective comparative. Si l’approche de
droit interne pure, voire de droit européen et communautaire avait été privilégiée dans cette
étude, il aurait été possible de saisir le couple et la famille dans leur réalité plurielle et
factuelle conformément à la tendance législative contemporaine. Or, loin de n’être qu’une
simple attention de courtoisie à l’égard du système juridique de comparaison, le souci de
cohérence scientifique imposait d’y considérer le couple et la famille conformément à la
conception qui y a cours. Or, le couple maghrébin ne saurait être autre chose que marié, la
famille étant légitime ou n’étant tout simplement pas. Le singulier ou le pluriel prend alors
un sens qui n’est plus résiduel, mais est scientifiquement important.
7. Le refus d’une approche exclusivement notionnelle. Aborder l’étude du sujet
« Couple et Famille » pourrait paraître indéterminée car elle n’est pas accompagnée de
l’occurrence « la notion de… ». Il ressort de la littérature juridique relative aux études
portant sur une « notion de… » que, très souvent, « l’expression n’est qu’une redondance
inutile qui ne recèle aucune orientation vers la recherche conceptuelle annoncée »4. Couple
et famille ne sont pas que notionnels. La véracité scientifique supposait le choix d’un
intitulé ouvert sur des réalités étudiées particulièrement larges, favorisant l’approche
comparative.
8. Un contenu substantiel déterminé. Si la plupart des branches du droit privé font
référence à la notion de couple5, le cadre d’analyse retenu pour cette étude est cependant
restreint au droit civil, particulièrement aux relations personnelles du couple. La
démonstration proposée concerne essentiellement le droit extrapatrimonial de la famille

1
D. ALLAND, S. RIALS (dir. de), Entrée « linguistique juridique », in Dictionnaire de la culture juridique, sous
Les rapports des mots et du droit, Lamy-Puf, 2003, p. 954.
2
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012.
3
J.-J. LEMOULAND, « Le pluralisme et le droit de la famille, post-modernité ou pré-déclin ? », D., 1997, chr.
133 ; « Le couple en droit civil », Rev. dr. fam., 2003, chr. n° 22, pp. 11-16 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À
propos du pluralisme des couples et des familles », LPA., 28 avril 1999, n° 84, p. 29.
4
C. JARROSSON, La notion d’arbitrage, Paris, 1987, LGDJ, p. 25.
5
A.-M. GILLES, Le couple en droit social, Paris, Economica, 1997.

5
Introduction

sous l’angle des liens familiaux1. Le droit patrimonial, notamment le domaine des
successions ou encore des régimes matrimoniaux ne sera abordé qu’incidemment afin
d’illustrer les propos qui s’y rapportent. Par exemple, évoquer le régime primaire des
époux sans aborder la question des charges du ménage ou celle touchant à la solidarité du
couple à l’égard des dettes pècherait par son incomplétude. De même, prétendre expliquer
l’évolution contemporaine du droit marocain sans revenir sur les raisons de l’immobilisme
du droit successoral présenterait le même écueil. Bien que cette seconde dimension ne
constitue pas l’objet principal de l’étude, un recours ponctuel aux éléments du droit
patrimonial a été nécessaire par souci de pertinence et de clarté du propos.
9. Une approche simultanée du couple et de la famille. Traiter en droit du couple
et de la famille n’est pas redondant. L’impossibilité de définir2 ce que cette dernière est –de
moins en moins ce qu’elle n’est pas-, conjuguée aux spécificités qui y sont attachées selon
les traditions juridiques en font un objet d’étude devant être mis en contemplation de
l’autonomie revendiquée par la conjugalité. L’admission du mariage homosexuel par la loi
du 17 mai 2013 en France illustre ce face à face nécessaire du couple et de la famille. Cet
épiphénomène rend compte de toute une (r)évolution familiale.
10. Un jeu de miroirs entre les deux rives de la méditerranée. L’approche du droit
français de la famille lorsque le droit comparé s’en empare3 révèle les contradictions autant
que les atouts des conceptions renouvelées du couple et de la famille. La comparaison avec
les pays européens voisins a un intérêt indiscutable d’amélioration de la législation
française, de connaissance du droit étranger, voire de rapprochement des législations
européennes. Mais la confrontation du droit de la famille de l’Occident avec une législation
familiale issue d’un système reposant sur le droit musulman suggère une tout autre
fonction du droit comparé. Plus que d’amélioration ou de rapprochement, il s’agit de
construire un pont pour favoriser une communicabilité4 entre deux systèmes juridiques5
différents. Inhabituelles, les raisons d’une telle approche comparée sont nombreuses. Dans
un premier temps, les études privilégiant une approche comparée droit occidental/droit
musulman de la famille sont encore peu nombreuses. Lorsqu’elles font état de la rencontre
des deux systèmes, c’est essentiellement du point de vue du droit international privé,
particulièrement sous l’angle de la réception des institutions de droit islamique par le

1
A.-M. LEROYER, « Les nouveaux liens de famille : entre idéalisme et réalisme », in Les nouveaux rapports de
droit, E. JEULAND, S. MESSAÏ-BAHRI, Paris, RJS éd., t. 39, pp. 129-142.
2
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Dalloz Action, Paris, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.12, p. 3.
3
J.-J. LEMOULAND, « Quel apport du droit comparé au droit français des personnes et de la famille ? », in
Mélanges en l’honneur du professeur Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 329-349.
4
V. en ce sens : La communicabilité entre les systèmes juridiques, Liber amicorum, Jean-Claude ESCARRAS,
Bruxelles, Bruylant, 2005.
5
En ce sens, V. les actes du colloque « La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb »
dans la Revue de droit de la famille, 2015, sept., n° 38, spec. B. AZZEMOU, « Difficultés de connaissance des
institutions familiales étrangères : les difficultés liées à la diversité des sources du droit algérien ».

6
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

système juridique français1. Porter l’attention sur les seules divergences des deux systèmes
sans s’intéresser à leurs causes profondes, ni rechercher d’éventuels points communs
éloigne de la démarche comparative. Cette attitude favorise une réception à sens unique
d’un système juridique par l’autre. Dans un contexte de « consommation culturelle »2, la
plupart des études menées tant au Nord qu’au Sud de la méditerranée se bornent à étudier
le droit français de la famille à la lumière du droit des pays européens voisins 3, de la même
manière que le droit de la famille marocain constitue, depuis la dernière réforme
législative, le pays avant-gardiste du sud de la méditerranée qu’il convient de comparer aux
autres législations moins avancées4 de la même tradition juridique. Cette sclérose de deux
modèles si proches géographiquement mais que tout condamne à éloigner a été un élément
décisif dans la volonté de comparer ce qui, pour l’entendement général est difficilement
comparable, afin de dégeler une conception des relations familiales ici et là, largement
gouvernées par la méconnaissance et les préjugés.
11. Une connaissance mutuelle à parfaire. Le processus même de connaissance de
la culture juridique d’un autre système a tendance à être mené à travers les catégories
analytiques occidentales. C’est pourquoi l’objet de cette étude est d’ « installer un jeu de
miroirs, un jeu d’interprétations mutuelles, où les rapports entre les acteurs du transplant –
les porteurs des modèles juridiques occidentaux- et les acteurs du retour -ceux qui
revendiquent leurs différences culturelles- se contaminent »5. Comme l’écrit Monsieur le
professeur Jean HAUSER, « quand deux pays veulent se pencher sur la réception réciproque
des institutions avec un autre pays, c’est vers eux-mêmes qu’ils doivent se tourner. Ils sont
naturellement et inévitablement invités à se regarder pour savoir ce qu’ils peuvent recevoir
et pour indiquer ce qu’ils souhaitent être reçu par l’autre. C’est donc, d’abord, à une séance
d’introspection, voire de psychanalyse du système national, qu’il faut se livrer (…)

1
V. en ce sens : R. EL HUSSEINI-BEGDACHE, Le droit international privé et la répudiation islamique, Paris,
LGDJ, 2002 ; H. BOUCHAREB-CASSAR, Conséquences des ruptures conjugales entre Nord et Sud de la
Méditerranée, Paris, l’Harmattan, 2012. Voir néanmoins la thèse de Monsieur K. ZAHER, qui a envisagé tant la
réception des institutions islamiques dans les pays non-musulmans, que la situation des non-musulmans dans les
pays de tradition islamique. Cf. K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé, Paris,
l’Harmattan, 2009.
2
W. CAPELLER, « Droits infligés et “chantiers de survivances : de quel lieu parle –ton ?” », in Une introduction
aux cultures juridiques non occidentales : Autour de Masaji CHIBA, W. CAPELLER, T. KITAMURA (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 1998, p. 15.
3
À titre d’exemple : A.-C. REGLIER, L’appréhension de la famille européenne, Thèse, Aix-Marseille, 2013 ;
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, Paris, LGDJ, 2013 ; L. MONTILLET
DE SAINT PERN, La notion de filiation en droit comparé, Thèse, Paris II, 2013.
4
Entre autres : F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : de l’éclatement à l’harmonisation,
Marseille, PUAM, 2008 ; S. PAPI, L’influence juridique islamique au Maghreb, Paris, l’Harmattan, 2009 ;
M. MONJID, L’islam et la modernité dans le droit de la famille au Maghreb, Étude comparative : Maroc,
Algérie, Tunisie, Paris, l’Harmattan, 2013. V. Pourtant l’étude comparative du professeur M. CHAFI, Les
rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français et du droit marocain, Thèse, Paris II, 1989.
5
W. CAPELLER, « Droits infligés et “chantiers de survivances : de quel lieu parle –ton ?” », art. precit., p. 17.

7
Introduction

Ensuite, mais ensuite seulement, et à supposer que l’autre ait fait de même, c’est à un
véritable exercice de droit comparé que l’on peut se livrer »1.
12. L’espérance d’une théorie commune. La perspective comparatiste apporte une
contribution fondamentale à la formation d’une théorie générale du droit, étant entendu que
celle-ci doit être comprise non comme une théorie générale du droit national mais
davantage comme une théorie commune à différents droits, ou au droit d’une civilisation,
la civilisation humaine, sans qu’elle ait la prétention d’être universelle. Cet apport
fournirait les éléments communs à différents droits, pour mettre en évidence l’unité
juridique par l’examen comparé de la diversité des institutions et servir de base à une
compréhension mutuelle.

II. ÉVOLUTION DU COUPLE ET DE LA FAMILLE EN DROIT


13. Existence de mutations profondes. Les processus et les problèmes élémentaires
du droit et de la vie sont généralement similaires d’un système juridique à un autre. À cet
égard, le professeur Del VECCHIO a pu écrire que « (…) l’unité fondamentale de l’esprit
humain (qui) rend possible et fructueuses les communications de peuple à peuple »2 car le
droit, avant d’être un phénomène national, est d’abord un phénomène humain. L’idée se
vérifie particulièrement en droit de la famille. Le problème de son instabilité, bien qu’il se
pose en des termes différents selon le degré d’industrialisation d’une société donnée, se
pose aussi, bien que de manière différente, au Maroc et dans les pays de tradition
islamique. Monsieur le professeur Mohamed CHAFI, lorsqu’il soutenait sa thèse de
Doctorat en 1989 -portant sur Les rapports juridiques entre époux3- faisait remarquer que
la famille marocaine avait subi, depuis plus d’un quart de siècle, de profondes mutations
dans sa structure et sa fonction en raison des transformations que subit la société 4.
L’affirmation semble relever de la banalité face à tant d’évidence. Et pourtant, les tenants
d’une conception antique et patriarcale de la famille arabo-musulmane ne cessent de
réduire cette structure à ses institutions les plus controversées telles la polygamie ou encore
la répudiation. L’évolution contemporaine du droit de la famille est telle que ces
institutions se réduisent aujourd’hui –au Maroc en tous cas- à des vestiges d’un autre siècle
et seul le respect dû à la source religieuse du droit en empêche la suppression. C’est dire
que de telles institutions ont, à leur tour aussi, nécessairement subi les transformations
d’une société aspirant à davantage d’égalité et de liberté. L’évolution du droit marocain de

1
J. HAUSER, « La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb », Rev. dr., fam., 2015, sept.,
n° 51.
2
G. DEL VECCHIO, « « Les bases du droit comparé et les principes généraux du droit », in Humanité et Unité du
droit. Essais de philosophie juridique, par G. DEL VECCHIO, Paris, LGDJ, 1963, p. 16.
3
M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français et du droit marocain, op.
cit.
4
Ibid., p. 14.

8
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la famille mérite une attention globale qui ne se limite pas à ces institutions. Les mutations
en question sont au demeurant perceptibles en droit français (1) et en droit marocain (2).

1. En droit français

14. L’émergence de la notion de couple. Réalité initialement sociale, l’émergence


de la notion de couple1 est récente en droit de la famille. Les travaux universitaires
portaient, avant la consécration de cette notion en 1999, sur le mariage et la famille de
façon plus large, voire sur les concubinages. L’apparition tardive du couple réside à bien
des égards, au fait que celui-ci n’a jamais été, en droit civil2, dissociable de la famille qu’il
fondait. Celui-ci était le préalable nécessaire à la fondation de la famille 3 et non une fin en
soi. Ce modèle dominant a longtemps retenu l’attention du législateur et était exclusif de
toute autre configuration.
À la fin du siècle dernier, la loi du 15 novembre 19994 reconnaissant le concubinage et
portant création du Pacte civil de solidarité introduit dans le Code civil un article 515-8
disposant que « Le concubinage est une union de fait, caractérisée par une vie commune
présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux personnes, de sexe différent
ou de même sexe, qui vivent en couple ». Avec cette loi, le législateur hisse au rang
législatif une forme d’union qui a, pendant des siècles, était ignorée au profit du seul
mariage et dans le même temps reconnaît que le couple, en droit français, peut être formé
de deux personnes de même sexe. La rupture qui s’ensuit en droit de la famille classique
sera conséquente. À la famille légitime autrefois valorisée par le Code napoléon a succédé
une famille constituée d’un couple, marié ou non, de sexe différent ou de même sexe. Ce
changement de perspective du droit de la famille5 fait suite au développement de la vie en
couple en dehors du cadre marital. Il a eu pour prémisse les concubinages6 et a coexisté
avec les unions conjugales.

1
C. BRUNETTI-PONS, La notion juridique de couple, Paris, Economica, 1998 ; H. LECUYER, « La notion
juridique de couple », Rev. dr. et patrim., 1997, n° 53, p. 62-65; J.-J. LEMOULAND, « Le couple en droit civil »,
Rev. dr. fam., 2003, chron. 22.
2
V. néanmoins : Le droit non civil de la famille, Préf. J. CARBONNIER, PUF, Publications de la Faculté de droit
et des sciences sociales de Poitiers, 1993.
3
Sur cet aspect, V. D. FENOUILLET, « De la vertu familiale naturelle du mariage », in Le discours et le Code,
Portalis, deux siècles après le Code Napoléon, Paris, LexisNexis Litec, 2004, pp. 127-137 ; V. aussi J. HAUSER,
« Une république familiale », in Le discours et le Code, op. cit., pp. 139-149.
4
L. n° 99-944 du 15 novembre 1999 relative au Pacte civil de solidarité, J.O, 16 nov. 1999, p. 16959.
5
C. BRUNETTI-PONS, « Réflexions autour de l’évolution du droit de la famille », Rev. dr. fam., 2003, n° 5, chr.
n° 15, pp. 10-17 ; 2ème partie, même revue, n° 6, chron. n° 17, pp. 4-8.
6
J. RUBBELIN-DEVICHI (dir. de), Des concubinages dans le monde, Paris, éd. du C.N.R.S., 1990.

9
Introduction

La reconnaissance d’une notion autonome du couple par rapport à la famille émane d’une
volonté d’adaptation du droit aux faits et valeurs nouvelles que la société1 véhicule. Entre
autres faits et valeurs contemporaines, émergeait plus précisément l’idée que les personnes
de même sexe pouvaient également former un couple. Si la jurisprudence2 dans les années
90 affirmait vigoureusement que le couple ne saurait être autre chose que l’association
d’un homme et d’une femme, l’idée faisait peu à peu son chemin que les personnes de
même sexe pouvaient être heureuses ensemble et vivre une relation parentale. Le recours à
des « droits venus d’ailleurs »3 permettait aux associations LGBT d’illustrer le phénomène
en provenance des pays scandinaves4 et d’imposer progressivement leurs idées dans la
société afin que le droit en constitue le réceptacle. La démarche implique donc une mise en
valeur du couple et de sa volonté au détriment de la famille. Il résulte de ces nouvelles
valeurs un « éclatement du consensus social sur des valeurs communes »5, aboutissant à
une philosophie nouvelle au fondement d’une idéologie du bonheur, qui relègue la
conception millénaire du mariage à un ordre social révolu qu’il convient de supplanter. À
cet égard, un auteur a même pu décréter la fin des bonnes mœurs 6 -corollaire de l’ordre
public- qui permettaient, sous l’effet combiné de la norme sociale de conduite 7 et de la
morale8, d’assurer une certaine stabilité à l’institution familiale. L’influence des nouvelles
mœurs, privilégiant une approche plus subjective du mariage et la prise en compte par le
droit de cette tendance générale ont favorisé la mutation du droit contemporain de la
famille9. C’est pourquoi le couple tel qu’appréhendé dans cette étude vise tant le couple
hétérosexuel que le couple homosexuel.
On le voit d’emblée, les conséquences de la définition du couple adoptée en 1999
promettait nombre de transmutations en droit de la famille. À cet égard, si l’admission du
couple homosexuel n’imposait pas l’ouverture du mariage à son profit, elle ne l’excluait

1
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la justice, La Documentation française,
Paris, 1999.
2
Cass. soc., 11 juillet 1989, J.C.P., G, 1990, II, 21553, note M. MEUNIER; Cass. civ. 3ème, 17 décembre 1997,
J.C.P., 1998, G, 10093, note A. DJIGO.
3
Pour reprendre l’expression du doyen CARBONNIER dans Droit et passion du droit sous la Vème République,
Paris, éd. Flammarion, 1996, p. 44.
4
J. POUSSON-PETIT, « Couples conjugaux et pluralismes culturels et juridiques en Europe », in Mélanges en
l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 385-410.
5
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Famille et justice : à la recherche d’un modèle de justice », in Familles et justice,
Justice civile et évolution du contentieux familial en droit comparé, M.-T. MEULDERS-KLEIN (dir. de), Bruxelles-
Paris, éd. Bruylant-LGDJ, 1997, p. 603, spec. p. 606.
6
D. FENOUILLET, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique », in Le droit privé
français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Paris, éd. Litec, 2000, p. 487-528.
7
S. BENISTY, La norme sociale de conduite saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des
Thèses », 2014.
8
M. PICHARD, « Droit et morale en droit extrapatrimonial », in Droit et morale, D. BUREAU, F. DRUMMOND,
D. FENOUILLET (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2011, p. 135-153.
9
Sur les tensions générées par cette mutation, V. P. DEUMIER, « Le droit de la famille vu par ses sources », in
Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 229-243.

10
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

pas pour autant. La reconnaissance du couple homosexuel ne constituait qu’une première


fondation jetée en vue de permettre, à plus ou moins long terme, de franchir le cap du
mariage. Mais ce n’était là sans doute qu’un cheval de Troie destiné à ouvrir le droit
matrimonial au pluralisme. Nombreux furent en effet les couples de sexe différent qui
délaissèrent le mariage pour le Pacs.
15. Un pluralisme conjugal. La consécration de la diversité des modes de
conjugalité1 a conduit la doctrine à mener une riche réflexion sur ce qu’elle a pu désigner
comme le droit commun du couple2. De nombreuses études s’attachent à mettre en exergue
les analogies entre les différents couples, afin de démontrer que le pluralisme hiérarchisé3 a
laissé entrevoir une concurrence entre les formes juridiques de la vie en couple 4, avant que
ce dernier ne cède la place à un monisme5 conjugal. La tendance à l’uniformisation
aujourd’hui constatée6 invite à réfléchir sur la portée de la diversité initialement mise en
place. Ne serait-ce, au demeurant, qu’un trompe-l’œil qui cacherait une tentation de
modèle unique7 ? Les écrits doctrinaux relèvent des lignes de convergences assez marquées
entre les couples, qui sont autant d’indices de l’émergence d’un modèle familial unique.
S’il est vrai que l’idée d’un droit commun trouve une limite dans le respect de la diversité
des couples, une partie de la doctrine défend pourtant farouchement les particularités liées
à chaque type de conjugalité8. Si, comme l’avance Madame le professeur Anne LEBORGNE
« le mariage semble avoir perdu de sa superbe »9, celle-ci n’hésite pourtant pas à défendre
avec force l’idée que ce dernier est un engagement qui intéresse la société tout entière car il
est l’acte fondateur de la famille, devant être nécessairement maintenu comme mode
spécifique de conjugalité. Comme en écho à ce vœu, Madame Aude MIRKOVIC

1
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », in La diversité du droit. Mélanges en
l’honneur de Jerry SAINTE-ROSE, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 675-697 ; Y. LEQUETTE, « Quelques remarques
sur le pluralisme en droit de la famille », in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard Champenois. Liber
amicorum, Paris, Defrénois, 2012, pp. 523-550.
2
En ce sens : X. LABBEE, Le droit commun du couple, Presses universitaires du Septentrion, 3ème éd., 2012 ;
M. SAULIER, Le droit commun des couples. Essai critique et prospectif, Thèse, Paris 2, 2014.
3
V. C. BRUNETTI-PONS, « Couple, concubinage et PACS, De l’émergence d’une hiérarchie des couples », in
Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte civil de solidarité, LGDJ,
2002, pp. 37-47.
4
J. HAUSER, « La concurrence des formes juridiques de la vie en couple », Rev. dr. fam., 2000, n° 12, pp. 20-24.
5
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », art. precit., spec. n° 16 et s.,
p. 538. V. aussi, D. FENOUILLET, Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, pp. 28-29.
6
Particulièrement depuis la réforme du Pacs en 2006.
7
J.-J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe-l’œil », in La diversité du
droit. Mélanges en l’honneur de Jerry SAINTE-ROSE, Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 729-750.
8
Interrogée sur la question de savoir si la notion de vie maritale pouvait être élargie aux concubins pour le
paiement de l’impôt, le Ministère de la justice a répondu que s’ « il peut être souhaitable, qu’au sein de chaque
mode de conjugalité, une cohérence des notions soit assurée selon le domaine du droit, cette exigence ne doit pas
conduire nécessairement à une harmonisation totale des règles applicables à ces différents modes de
conjugalité ». En effet, « le pluralisme juridique lié aux différents types d’union répond (…) à la diversité des
projets des couples, chacun pouvant exprimer des demandes de protection ou d’indépendance patrimoniale
différentes ». Rép. min. n° 13605, J.O, Sénat, Q° 24 déc. 2015.
9
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », art. precit., p. 675.

11
Introduction

encourageait l’idée que le mariage rend un véritable service public et qu’il convient, par
conséquent, de lui restituer sa spécificité et ses avantages 1. Dans le même temps, d’autres
auteurs plus réalistes quant au devenir du mariage étaient déjà prompts à une réflexion sur
une éventuelle suppression de celui-ci sous prétexte qu’il aurait déjà « plus ou moins
disparu », voire serait « devenu une sorte de partenariat renforcé »2. Il est vrai qu’affirmer
la singularité du mariage aurait été chose louable avant l’entrée en vigueur du mariage
entre personnes de même sexe or, aujourd’hui, celui-ci est irrémédiablement coupé de ses
racines familiales pour être relégué à un simple statut de couple3, sauf à modifier le droit
de la filiation lui-même. Cet ultime chantier de réforme a donc été ouvert comme cela était
prévisible.
16. Vers un régime impératif conjugal. Dans ce contexte, réinventer la singularité
des statuts de la vie commune a été une des pistes proposées4 afin de respecter la liberté
individuelle de ceux qui souhaitent rester en dehors du droit, tout en offrant une protection
optimale à ceux qui continuent de voir le mariage comme l’acte fondateur de leur vie à
deux. Dans cette entreprise, le droit commun du couple qui semble se dessiner est de
nature protectrice5. Qu’il s’agisse de la dimension patrimoniale du couple6 ou de sa
dimension personnelle7, le juge est appelé à jouer un rôle premier dans la protection des
intérêts de ses membres que ce soit pendant la vie de couple, ou lors de la rupture. Comme
l’affirme Monsieur le professeur LEMOULAND, le contrôle du juge8 « s’étend peu à peu à
des domaines qui lui échappaient auparavant, celui des couples non mariés en particulier.
Et l’ordre public qui s’exprime alors est loin d’être toujours de simple protection (…) la loi
impose aux partenaires des devoirs qui sont considérés comme participant du régime
primaire des gens mariés : communauté de vie, secours, assistance, solidarité vis-à-vis des
tiers »9. L’effort doctrinal mérite donc d’être poursuivi, et une telle protection
jurisprudentielle invite à réfléchir à l’élaboration d’un régime primaire impératif conjugal
au profit des couples. L’intérêt immédiat d’une telle entreprise réside dans le besoin de

1
A. MIRKOVIC, « Le mariage, un service public à redécouvrir », Rev. Lamy dr. civ., 2012, n° 94, pp. 55-58.
2
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », in Mélanges en
l’honneur du professeur Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 128.
3
S. FULLI-LEMAIRE, « La raison d’être du mariage au début du XXIème siècle », in Les piliers du droit civil,
Famille, Propriété, Contrat, Actes du colloque tenu à l’Université Panthéon-Assas (Paris II), les 6 et 7 juin 2013,
N. LAUENT-BONNE, N. POSE, V. SIMON (dir. de), éd. Mare&Martin, 2014, pp. 61-76.
4
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », art. precit.
5
Sur la force normative de la nouvelle éthique familiale, cf. R. OUEDRAOGO, La notion de devoir en droit de la
famille, Bruylant, Bruxelles, 2014.
6
A.-S. BRUN, Contribution à la découverte d’un droit patrimonial du couple, Thèse, Grenoble, 2003 : W. BABY,
Les effets patrimoniaux du Pacs, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2013.
7
L. PIZARRO, Le traitement juridique de la rupture du couple, Réflexion sur l’émergence d’un droit commun de
la rupture du couple, Thèse, Aix-Marseille, 2014.
8
V. en ce sens : V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
9
J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe-l’œil », art. precit., p. 748.

12
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

structuration du droit contemporain de la famille, lequel pèche par « une absence totale de
réflexion et de cohérence »1. Dégager un tel statut aurait l’avantage de privilégier les
exigences de cohérence et de prévisibilité juridique que n’offrent pas, pour l’heure, les
interventions jurisprudentielles ponctuelles. Dans la mesure où loin de s’être éclipsé, le
retour en force de l’ordre public2 témoigne que son contenu s’est déplacé « d’une part vers
la défense de nouvelles valeurs, d’autre part vers un ordre public que l’on pourrait qualifier
davantage de protection que de direction »3, il ne serait pas inutile de sérieusement y
songer. Dans cette perspective, l’idée se répand au sein de la doctrine non pas d’un
désengagement total du législateur vis-à-vis de la norme juridique, mais d’un
désengagement relatif4. Pour Monsieur le professeur Marc PICHARD, « en formulant son
intervention morale dans des mots dont la portée est particulièrement discutée ou dont il
adopte une approche discutable » le législateur rend « incertain le sens de son message
moral » à tel point qu’il serait légitime de se demander si celui-ci ne se désengagerait pas à
son insu5. Moins optimiste mais pourtant plus tranchée est l’approche de Monsieur le
professeur Yves LEQUETTE pour qui « le droit se devrait d’assumer les responsabilités qui
sont les siennes et devrait marquer nettement ses préférences en portant des jugements de
valeur substantiels dictés par les intérêts de la société dont il a la charge, afin de servir de
guide aux citoyens »6, car lorsque « le droit met sur un pied d’égalité des comportements,
on ne saurait tabler sur le sentiment que les individus se font du “bien”, à travers d’autres
systèmes normatifs, pour escompter qu’ils effectueront les choix les plus favorables au
“maintien de la société” »7.
17. La rupture du lien couple-mariage-parenté : quel fondement pour quelle
famille ? À l’heure où la notion de couple est totalement détachée du mariage, le devenir
de la famille est des plus incertains. Quels rapports existe-t-il entre couple et famille ? Le
couple aujourd’hui est-il exclusif de la famille, ou nécessairement lié à celle-ci ? Le
recours à une définition de ce qu’est la famille n’est d’aucune aide8 à en croire Monsieur le

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 78.
2
Il s’agit d’un retour car l’ordre public imposant une certaine conception de la famille a incontestablement subi
un net recul face à la contractualisation des relations familiales. V. en ce sens : D. FENOUILLET, B. DE
VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), La contractualisation de la famille, Paris, éd. Economica, 2001.
3
J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe-l’œil », art. precit., pp. 747-748.
V. aussi : D. FENOUILLET, Droit de la famille, op. cit., pp. 29-30.
4
M. PICHARD, « Droit et morale en droit extra patrimonial », in Droit et morale, op. cit. pp. 146-147.
5
Ibid., p. 153.
6
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », art. precit., p. 542, spec. n° 20.
7
Ibid., n° 19. Dans le même sens, V. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5ème éd.,
2016, n° 45, p. 39. Ceux-ci n’hésitent pas à affirmer, sur le caractère exemplaire de la loi, que celle-ci « exerce
dans le droit familial des fonctions essentielles. Même inefficace, elle crée un sentiment de sécurité et de
responsabilité. Elle accomplit un rôle éducatif et exemplaire : elle dit ce qui est mal et ce qui est bien. Surtout, si
elle cesse de condamner ce qui est immoral, beaucoup d’individus pensent que l’activité immorale est désormais
innocente : la permission légale accélère la liberté des mœurs (…) ».
8
Selon les termes mêmes de Monsieur le professeur HAUSER et de Madame le professeur HUET-WEILLER, « la
famille est d’abord un groupe de personnes, et de tout cela tout le monde est d’accord. Il n’est pas sûr que l’on

13
Introduction

professeur MURAT pour qui « il faut renoncer à une définition simpliste et unique de la
famille (…) » qui « consiste à (la) définir de manière générale comme un groupe de
personnes unies par des rapports de parenté ou d’alliance (…) » lesquels ne permettent
« pas d’inclure certaines formes de vie familiale contemporaines simplement fondées sur la
communauté de vie »1. Si la complexité et la diversité de la notion de famille empêchent
d’en fixer une définition2, il est des constantes qui soulignent la permanence de cette
institution à l’heure où le renouvellement des valeurs morales assure la persistance de
l’ordre public. Monsieur le professeur FULCHIRON ne manque pas de le souligner : « que
l’individu soit marié ou non n’a plus aucune importance. On préfère cependant qu’il vive
en couple, car il semble que ce soit là un cadre plus favorable pour l’enfant (…) un couple,
un berceau : l’image familiale la plus traditionnelle, la sainte famille, continue à modeler
l’inconscient collectif, quitte à ce qu’on floute un peu la photo »3. Le même point de vue
est partagé par Monsieur le professeur MURAT pour qui, en dépit du renouvellement des
valeurs de la société, « (…) les familles continuent tout de même très largement à assumer
leurs fonctions traditionnelles et que la législation familiale ne s’est pas non plus dissoute
dans un tout contractuel »4. Bien qu’il s’agisse désormais d’une « Légo-cité »5 ou d’une
« famille Légo »6, l’affirmation est heureuse pour ceux qui voyaient dans la transformation
des institutions la fin de la famille et des fonctions qui lui sont traditionnellement dévolues.
Et pourtant, l’incertitude et le flou qui l’entourent n’ont jamais été aussi brûlants, car la
question demeure de savoir ce qui fonde aujourd’hui la famille.
Il semblerait en tous cas qu’en s’autonomisant, le couple se soit progressivement détaché
de l’idée de procréation, pourtant centrale dans la fondation de la famille7. Plus

puisse aller plus loin sans discussion ». Cf. La famille : Fondation et vie de la famille, Traité de droit civil, 2ème
éd., n° 1.
1
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Dalloz Action, Paris, Dalloz, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.12, p. 3.
2
V., a contrario, la thèse de Mme REGLIER, qui met l’accent sur la pluridisciplinarité de la notion même de
famille, et de la pluralité des angles d’analyse de cette dernière, tant sur le plan national qu’européen. L’auteur,
forte d’une analyse européenne, estime que « les objectifs poursuivis par les différents auteurs qui ont la maîtrise
du contenu des notions que ce soit la Cour EDH ou le législateur au sein de l’Union européenne ne sont pas
identiques car ils n’ont pas les mêmes intérêts à protéger ». Pour autant, cette complexité ne devrait pas, selon
l’auteur, suffire à justifier le refus d’essayer de la définir. A.-C. REGLIER, L’appréhension de la famille
européenne, Thèse, Aix-en-provence, 2013, pp. 1-3.
3
H. FULCHIRON, « Le partenariat est-il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », art. precit., p. 132.
4
P. MURAT, op. cit., n° 01.21, p. 5.
5
Pour reprendre l’expression de Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, « Les filiations électives à l’épreuve du
droit, vingt ans après », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, spec.
p. 506.
6
Pour reprendre l’expression de Messieurs les professeurs MALAURIE et FULCHIRON, Droit de la famille, Paris,
Defrénois, 5ème éd., 2016, n° 92, p. 63.
7
F. PAYEN, « La famille organisatrice du sexuel et de la parenté est-elle en voie de disparition ? », in L’évolution
du concept de famille en Europe depuis trente ans : étude pluridisciplinaire, P. BOUCAUD (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2009, pp. 139-156.

14
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

précisément, « dès lors qu’il s’ouvre aux personnes de même sexe, le mariage se détache
de la parenté »1. Encore faut-il s’accorder sur la parenté.
18. L’enfant, symbole de la famille. Ce mouvement perceptible dans l’évolution du
droit de la famille a été rendu possible par l’entrée sur la scène juridique d’une figure
familiale clé qu’est l’enfant. Comme l’affirme Messieurs les professeurs MALAURIE et
FULCHIRON, « (…) dans les sociétés contemporaines, ce serait l’enfant qui “fait famille” »2.
Le même constat a été souligné il y a un peu plus d’une décennie déjà : « Il est
remarquable d’observer qu’un droit commun du couple ait été découvert par le prisme de
l’enfant, de la même façon que les relations de couple hors mariage ont d’abord été
appréhendées par leurs conséquences, c’est-à-dire précisément par l’enfant, à travers le
statut de la filiation naturelle »3. Le droit contemporain de la famille serait donc centré sur
la personne de l’enfant4, mythe fondateur5 du droit contemporain de la famille.
L’enfant est au cœur de la dimension familiale, et avec lui la procréation6. S’observe
depuis quelques années maintenant un mouvement de mutation de la sexualité7 dans le
couple, qui ne remplirait plus sa fonction procréative mais se voit valorisée dans sa
dimension récréative8. Face à ce mouvement de « contraction »9 du couple sur lui-même,
l’idée est aujourd’hui communément admise que la famille existe par la venue de l’enfant,
indépendamment du statut conjugal des parents. Or, dans les couples de même sexe, la
potentialité d’un enfant à deux est, par procréation charnelle, nulle.
19. Procréation et couples de même sexe. Les revendications homoparentales
initiales privilégiaient la dimension éducative de l’enfant afin de faire aboutir les demandes
tendant à établir un lien de droit entre l’enfant du (de la) partenaire du (de la) père (mère).
Le débat portait donc sur la capacité du couple homosexuel à élever et éduquer un enfant
ensemble. Depuis l’entrée en vigueur du mariage entre personnes de même sexe, la
tendance s’est généralisée de recourir, par les couples de même sexe, aux techniques
d’assistance médicale à la procréation hétérologue en vue de satisfaire leur désir d’enfant.

1
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 49.
2
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, op. cit., pp. 24-25, n° 17.
3
A.-S. BRUN, Contribution à la découverte d’un droit commun patrimonial du couple, Thèse, Grenoble, 2003.
4
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, op. cit., p. 62, spec. n° 76.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, p. 249-270.
6
M. MESNIL, Repenser le droit de la reproduction au prisme du projet parental, Thèse, Paris IV, 2015.
7
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, N. GALLUS (dir. de), Paris, LGDJ, Centre de droit privé-Unité de droit familial, 2012, pp. 25-
33 ; X. LABBEE, « Le pacte civil de solidarité et la sexualité », in Du Pacs aux nouvelles conjugalités, où en est
l’Europe ?, J. FLAUS-DIEM, G. FAURE (dir. de), Paris, PUF, 2005, pp. 11-19.
8
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », in Être parent aujourd’hui,
P. JACQUES (dir. de), Dalloz, coll. « Thèmes&commentaires », 2010, pp. 9-25.
9
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Hugues FULCHIRON : « Mariage, conjugalité ; parenté,
parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON
(dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009, p. XI.

15
Introduction

Outre que le procédé est controversé, que l’on soit de même sexe ou de sexe différent, car
il conduit à la fabrication d’enfants en vue de satisfaire un désir, il aboutit à nombres
d’interrogations relatives à la réception par le droit français de situations illégalement
réalisées à l’étranger. Les figures familiales qui en résultent sont inédites1, et les
transformations qui affectent les conditions de la reproduction subissent une mutation sans
précédent. La doctrine n’a d’ailleurs pas manqué de se demander si la logique volontariste
irriguant le droit du couple était transposable à la parenté ?2 En effet, la remise en cause
consécutive du système de parenté conduit à la transformation des notions les plus
élémentaires : que l’acte d’engendrement humain repose sur la réunion de deux personnes
de sexe différent.
20. Une mise en cause de l’unité du droit de la famille. Tel est l’état du droit
contemporain de la famille3. Sa construction sur des valeurs nouvelles, remettant en cause
l’ordre de la nature est en cours. La mutation de la parenté qui s’ensuit remet en cause la
pérennité du système actuel. À la diversité actée des couples en droit de la famille fait écho
l’unité de la parenté. La doctrine ne manque de relever ces « contradictions qui s’avèrent
de plus en plus difficiles à surmonter »4 et qui sont dues au « manque d’harmonie qui avait
caractérisé la première vague de réformes dans les années 1960. Désormais, les réformes
se succèdent dans la précipitation et le désordre (...) il peut même arriver que deux lois
promulguées le même jour reposent sur des logiques différentes »5. L’incohérence qui en
résulte ne semble plus pouvoir être contenue6, et l’interaction entre conjugalité et parenté
rend nécessaire une intervention législative définissant les nouvelles valeurs au fondement
du système de parenté.

2. En droit marocain

21. Précisions terminologiques. Si en langue française le terme couple porte en son


germe l’idée de lien, la langue arabe renvoie également à l’idée unitaire de paire à l’instar
de la définition française, en désignant le couple par le vocable zawj, qui constitue
également une racine de mot. Celle-ci, lorsqu’elle est accompagnée du suffixe (ane)

1
F. BELLIVIER, « La possibilité d’être parent en dépit de la nature et l’impossibilité d’être parent à raison du
droit », in Être parent aujourd’hui, op. cit., 2010, pp. 39-47.
2
D. FENOUILLET, « Du mythe de l’engendrement au mythe de la volonté. Adoption, procréation et parenté à
l’épreuve de la toute-puissance du sujet », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 37-71, spec. n° 49.
3
C. BRUNETTI-PONS, « Après la loi du 17 mai 2013, quel état des lieux et quelles perspectives pour le droit de la
famille ? », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 25-44.
4
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 73.
5
Ibid., n° 82, pp. 72-73.
6
M. DOURIS, « La diversité des couples et l’unicité de la parenté : une évolution contenue en droit français de la
famille ? », in L’évolution du concept de famille en Europe depuis trente ans : étude pluridisciplinaire,
P. BOUCAUD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2009, 13-58.

16
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

zawjane, désigne les deux époux pris dans leur individualité en insistant sur leur dualisme.
Par conséquent, la racine zawj peut désigner tant la paire de couple que l’état d’époux, et le
féminin zawja réfère à l’épouse. Tandis qu’un seul terme en langue française désigne la
famille, celle-ci est, en langue arabe, appréhendée soit sous le vocable oussra, ou encore
‘â’ila, à cette différence près que la première correspond davantage à l’idée de famille
nucléaire, formée par le couple conjugal et ses enfants, tandis que la seconde englobe le
cercle plus large de la parenté par les mâles en y incluant les grands-parents, oncles, tantes,
petits-enfants…mais aussi la parenté par l’alliance. Face à ce dualisme linguistique, sera
retenu dans le cadre de cette étude le vocable oussra, car il correspond davantage à l’idée
de la famille occidentale nucléarisée ayant fait disparaître la famille lignage 1. La famille,
bien qu’elle s’étende encore aux grands-parents2, ne sera étudiée ici que sous l’angle
restreint du couple et de ses enfants. Un tel parti pris présente l’avantage de raffermir la
démonstration, en circonscrivant l’objet d’étude. Les rapports juridiques impliquant les
grands-parents ne révèlent d’ailleurs pas en droit français la figure traditionnelle de la
famille -dont la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 20153 sur le vieillissement marque
l’étiolement- mais plutôt l’individualisation à outrance des rapports familiaux et de leur
appréhension par le droit.
22. Enjeux du « droit de la famille » au Maroc. Il n’existait pas, dans le droit des
pays musulmans, de droit de la famille au sens occidental. Celui-ci fait partie de ce qui est
communément appelé le « statut personnel »4 englobant tant le droit des personnes, le droit
de la famille et le droit des successions. Ces trois disciplines constituent le cœur même du
droit musulman, car leur réglementation provient de la source première constituée par le
Coran. On comprend dès lors la difficulté qu’a le législateur à modifier ou compléter la loi,
celle-ci étant réputée d’une part, parfaite, d’autre part valable en tout temps et en tous
lieux. L’importance du changement lorsqu’une réforme intervient en ce domaine est de

1
Le recul, voire la disparition de cette dernière depuis le XVIII ème siècle a été favorisé par l’industrialisation et le
mouvement de modernisation. Il en résulte un transfert progressif à l’État de la plupart des fonctions qui
incombaient autrefois à la famille. L’érosion corrélative de ses pouvoirs et de ses rôles sociaux a permis
l’émergence d’une éthique de l’individu à l’autonomie, afin que ce dernier puisse lui-même choisir les rapports
sociaux exigés par l’économie de marché. Une telle évolution se retrouve en Afrique, à cette différence près que
les systèmes familiaux contemporains sont le fruit d’un compromis. Si la période coloniale a tenté d’abolir les
systèmes lignagers afin d’assurer le développement économique, les indépendances ont au contraire favorisé la
famille comme l’ultime refuge de l’individu et comme matrice incontournable de l’État. Toute la force des
systèmes familiaux africains repose sur le maintien et l’attachement aux valeurs traditionnelles, en réinterprétant
la modernité occidentale conformément aux valeurs locales. Cf. J. COMMAILLE, F. DE SINGLY (dir. de), La
question familiale en Europe, Paris, L’Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1997, pp. 144-146 ; M. SEGALEN,
Sociologie de la famille, Paris, Armand Colin, 4ème éd., 1996, p. 283.
2
V. notamment : M. BOURASSIN, C. COUTANT-LAPALUS (dir. de), Les droits des grands-parents, une autre
dépendance, Paris, Dalloz, 2012.
3
L. n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement, J.O, 16 janv.
2016, p. 24268.
4
V. en ce sens : M. AOUN (dir. de), Les statuts personnels en droit comparé, évolutions récentes et implications
pratiques, Leuven-Paris-Dudley, Peeters, 2009, particulièrement M. AOUN, « Origines et fondements historiques
des statuts personnels », pp. 11-22.

17
Introduction

taille et permet de mieux saisir la constance de la pratique judiciaire1. Un autre repère, et


non des moindres, permet d’apprécier l’importance de la famille en contexte marocain. Il
s’agit du critère historique. Durant le protectorat au Maroc, la famille « est devenue un
rempart, un refuge, un symbole de l’authenticité, une gardienne des valeurs, des modèles,
des traditions ancestrales considérées comme sacrées »2. Par conséquent, il s’agissait au
lendemain de l’indépendance d’en assurer la protection et de la restaurer comme modèle
juridique3. La promulgation de la moudawana, transcription fidèle des règles coraniques
issues du rite malékite auquel appartient le Maroc, poursuit un tel objectif4.
23. Un double défi. Aujourd’hui pourtant, le défi est double pour le législateur :
comment, tout en conservant une approche respectueuse de la religion, base du système
social5 (et politique au Maroc), nouer avec la modernité en adaptant le droit aux évolutions
de la société6 ? Nier purement et simplement le donné religieux conduirait à violer le
domaine du sacré, alors que les marocains musulmans sont plus que tout autre chose
attachés aux fondements de leur religion. Il ne saurait non plus être question de passer
outre le processus de modernité qu’imposent la globalisation et les nécessités de la vie
urbaine. La complexification de la vie sociale qui en résulte impose d’adapter le droit aux
nouvelles réalités familiales. Particulièrement sous l’angle de la condition féminine7,
l’amélioration de la place de la femme dans la sphère publique au Maghreb a transformé le
paysage des relations familiales. Le salariat féminin a favorisé une évolution vers le libre
choix du conjoint en milieu urbain, et révélé l’aspiration à davantage de liberté. La
sociologie a été le révélateur du changement8 des structures et des fonctions familiales.
C’est précisément le même mouvement connu lors de l’après-guerre en France, avec les
transformations sociales qui ont suivi, qui a conduit aux réformes portées par le doyen
CARBONNIER. La nécessité commune d’adapter le droit aux transformations sociales
constitue donc le plus petit dénominateur commun entre les deux systèmes. Bien
1
À tempérer néanmoins au sujet de la jurisprudence tunisienne, V. infra, n° 478-479.
2
A. MOULAY R’CHID, « Le droit de la famille entre la politique et le changement social », in Droit et
environnement social au Maghreb, Paris-Casablanca, éd. CNRS&Fondation du Roi Abd-El-Aziz pour les études
islamiques et les sciences humaines, 1989, p. 237.
3
Il s’agit d’une restauration de ce modèle car on estimait « les richesses premières du droit musulman altérées
par de mauvaises pratiques, de mauvais usages, de mauvaises coutumes, et qu’il était temps de restaurer le
modèle juridique de la famille, en revenant aux richesses premières, à savoir la Charia ». A. MOULAY R’CHID,
« Le droit de la famille entre la politique et le changement social », art. precit., p. 238.
4
Sur l’intérêt et les objectifs de la codification, V. infra, n° 91-92.
5
Sur le système de valeurs de la société marocaine et son évolution, V. l’étude de Madame Rahma BOURQIA :
Les valeurs : changements et perspectives, réalisée dans le cadre du rapport 50 ans de développement humain,
Perspectives 2025.
6
Y. BEN ACHOUR, « Mutations culturelles et juridiques, vers un seuil minimum de modernité ? », Rev. tun. dr.,
1990, pp. 55-73.
7
Pour une approche prospective de cette question, V. le Rapport préparé par Madame M. BENRADI pour le Haut-
Commissariat au Plan, Dynamique sociale et évolution des statuts des femmes au Maroc. « Prospective Maroc
2030 », Royaume du Maroc, 2006, disponible en ligne.
8
A. ADAM, Une enquête auprès de la jeunesse musulmane du Maroc, Aix-en-provence, éd. La pensée
universitaire, 1963.

18
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

évidemment, les réponses apportées sont loin d’être les mêmes, car les enjeux sont autres
ici et là. Pour autant, l’individu demeure au cœur de la réflexion, et le droit est appelé à
assurer sa fonction classique d’organisation de la société.
24. Le resserrement de la famille autour du couple. Le 3 février 2004 a
incontestablement marqué le début d’une ère nouvelle dans l’histoire du droit de la famille
au Maroc. Cette date, outre qu’elle signe la fin d’une longue histoire teintée d’un patriarcat
exacerbé, place désormais la famille marocaine sous la direction conjointe de l’homme et
de la femme. Finie l’approche de la famille sous l’angle d’un homme « chef de la
famille »1, et d’une épouse « lui devant obéissance ». Le législateur décide d’opter pour un
nouvel équilibre et des relations égalitaires au sein de la cellule familiale, afin de protéger
et garantir les droits de l’épouse et ceux de l’enfant. De manière plus globale, l’objectif est
d’assurer « la préservation de la famille en tant qu’entité qui comprend à la fois l’homme,
la femme et l’enfant »2. Contrairement à son homologue français, le législateur marocain
n’a pas choisi de mettre en place une égalité entre époux à partir du volet patrimonial, au
risque de créer une situation concurrentielle entre eux, mais celui-ci a privilégié une
intervention à partir des relations personnelles du couple3. Il a ainsi pris la peine de donner
une définition4 du mariage empreinte de symbolisme. En droit marocain, le mariage est
« un pacte fondé sur le consentement mutuel en vue d’établir une union légale et durable,
entre un homme et une femme. Il a pour but la vie dans la fidélité réciproque, la pureté et
la fondation d’une famille stable sous la direction des deux époux »5. Désormais « membre
de l’organe directionnel du foyer »6, l’épouse assure conjointement avec son époux la
direction des affaires familiales et devient juridiquement responsable des actes de gestion
accomplis pour la famille. Enfin, cette définition insiste sur le fait que le mariage est
synonyme de stabilité et d’entente mutuelle dans la fondation d’une famille7. La rupture
avec l’ordre patriarcal ancien bouleverse la représentation de la société, et le législateur
accepte enfin de tenir compte « de la réalité à savoir le rôle croissant de la femme dans la
société notamment dans la famille. La femme actuellement travaille, occupe des postes
remarquables, elle jouit d’un statut social, il serait donc injuste de ne pas lui accorder un

1
F. BELKNANI, « Le mari chef de famille », Rev. tun. dr., 2000, pp. 49-93.
2
M. MONJID « Les apports de la réforme du droit marocain de la famille », in Les droits maghrébins des
personnes et de la famille à l’épreuve du droit français, J. POUSSON-PETIT (dir. de), Paris, L’Harmattan, 2009,
p. 49.
3
V. infra, nos développements n° 99 et s.
4
Contrairement aux Codes algérien et tunisien.
5
Art. 4 Code marocain de la famille (çi-après CMF).
6
Pour reprendre l’expression de Monsieur MOUNIR in Le nouveau droit de la famille au Maroc. Essai
analytique, le sort des mariages mixtes, les marocains à l’étranger, éd. Cheminements, 2005, p. 22.
7
Sur l’importance de la famille au sein de ce système, cf. la récente création d’un Conseil consultatif de la
Famille et de l’Enfance dont les missions consistent à « assurer le suivi de la situation de la famille et de
l’enfance, d’émettre son avis sur les plans nationaux relatifs à ces domaines, d’animer le débat public et
d’assurer le suivi de la réalisation des programmes nationaux, initiés par les différents départements, structures et
organismes compétents » (art. 169 de la Constitution).

19
Introduction

statut dans la famille »1. Cette adaptation du droit aux faits sociaux, bien connue du
législateur français, a donc permis à la règle de droit musulman de montrer sa capacité à
nouer avec la modernité tout en servant de matériau incontournable dans cette évolution.
Pour preuve, chaque nouveauté introduite au sein du code a été appuyée du verset
coranique correspondant. L’égalité telle qu’introduite est donc recherchée dans le donné
religieux qui ne s’y oppose pas, et sert de fondement légitimant la réforme. C’est dire les
précautions prises dans la modification de la loi en vue de sa légitimation et son
appropriation par la société civile. En faisant évoluer la législation familiale vers davantage
d’égalité entre les sexes, le législateur aspire non seulement à modifier la règle de droit,
mais surtout à inculquer les valeurs égalitaires aux individus. La doctrine en France n’a pas
manqué de le souligner lorsqu’elle a observé que « (...) le législateur marocain
contemporain, en imposant dans son nouveau droit de la famille les principes d’égalité
entre homme et femme entend, au-delà du symbole faire évoluer les comportements par le
modèle désormais proposé (...) »2. Ce nouveau modèle de la famille moderne et égalitaire,
s’il fait suite à une longue tradition patriarcale, constitue aujourd’hui un défi car il doit
imprégner les mentalités individuelles, particulièrement masculines qui se voient détrônées
de leur place de « chefs de famille » au profit d’une codirection du foyer à égalité avec
l’épouse. C’est pourquoi la réussite de la réforme ne saurait être complète sans un profond
changement de mentalités auquel il ne peut être parvenu que sur le temps long. Le débat
doctrinal au Maroc porte donc sur l’appropriation des nouvelles dispositions tant par les
acteurs judiciaires3 que par la société civile, mais aussi sur la nécessité (ou pas ?) de revoir
certaines dispositions dont les lacunes ont été révélées (plus de dix ans maintenant) après
l’entrée en vigueur du Code.
25. Le rôle du juge dans l’application des nouvelles dispositions. Si l’application
de la loi ne peut faire abstraction des dispositions culturelles en vigueur dans un État
donné, l’étude du système juridique marocain offre l’occasion d’évaluer le degré
d’affranchissement du juge de son déterminant culturel. En partie de type positiviste, le
système judiciaire marocain est fondé sur un système normatif sacralisé issu tant du droit
musulman fiqh que d’une culture qui fait la place large à l’autorité religieuse des hommes4.
À ce système normatif s’ajoute une « logique politique de fonctionnement »5 qui ne postule

1
M. MONJID « Les apports de la réforme du droit marocain de la famille », art. precit., p. 54.
2
P. MALAURIE, H. FULCHIRON (dir. de), Droit de la famille, op. cit., n° 53, p. 42.
3
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath Annajah
Al jadida, 2015, p. 154 (en langue arabe).
4
M. MOUAQIT, « Dispositions culturelles/axiologique du juge et interprétation du nouveau code de la famille »,
in Le code de la famille. Perceptions et pratique judiciaire, M. BENRADI, H. ALAMI M’CHICHI, A. OUNNIR et
aliii (dir. de), Fès, éd. Friedrich Ebert Stiftung, p. 147.
5
Ibidem., p. 148.

20
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

ni l’indépendance du juge ni son autonomie1, accentuée par l’existence d’un ensemble de


convictions sociales dont « le trait principal est la patriarcalité (...) système de valeurs
fondé sur un modèle général de relation autoritaire et vertical, dont la manifestation
principale est la relation d’inégalité et de discrimination à l’encontre des femmes ».
L’imbrication de ces facteurs conduit à la mise en place d’un système complexe et hybride
dans lequel le rôle du juge ne saurait être surdimensionné2. En outre, dans la conception
positiviste du droit, une bonne application de la loi suppose que l’opinion subjective du
juge n’influence pas la décision qu’il rend. La tentation serait grande, lorsqu’il est en
désaccord avec son contenu substantiel, que le juge applique la loi conformément à ce que
lui dicterait son système de valeurs. Une telle attitude -lorsque l’énoncé de la loi pèche par
son imprécision et ses lacunes- empêcherait la concrétisation du changement voulu par le
législateur, bien qu’elle ne s’exprime pas directement mais se trouve enrobée « dans la
neutralité du langage juridique (…) et l’impersonnalité de la règle de droit »3. Autant de
déterminants sont à même de renseigner sur les orientations possibles de la jurisprudence.

III. LE DROIT COMPARE COMME METHODE DE RECHERCHE

26. Détermination du comparé et du comparant. La législation marocaine n’a pas


été le point de départ du processus de comparaison, mais davantage le comparandum,
c’est-à-dire le comparant. Par conséquent, c’est bien le couple et la famille en droit français
(comparatum) qui détermineront le mode même selon lequel la comparaison aura lieu.
Cette approche imprimera au processus même de comparaison une tournure particulière et
un intérêt spécifique. Particulièrement, elle permettra de mettre en relief que la manière de
concevoir un ordre social n’est pas universellement admise, que le droit tel que conçu au
sein d’un système donné n’est pas la seule technique utilisable, enfin, que les frontières
mêmes du droit sont variables dans l’espace et dans le temps. Cette approche explique
aussi que l’accent n’ait pas été mis sur certaines institutions controversées du droit
musulman telles la polygamie ou la répudiation qui n’ont pas d’équivalent en droit français
(bien que la tentation de l’analogie soit forte entre la répudiation de droit islamique et le
divorce français pour altération du lien conjugal).
La présente démonstration se veut duale dans le traitement de l’objet d’étude (2), ce qui
explique le recours au droit comparé (1) comme méthode de travail.

1
Cette réalité est parfaitement bien exprimée par Monsieur le professeur MOUAQIT qui insiste sur
l’interventionnisme du pouvoir exécutif ou administratif dans le fonctionnement judiciaire afin d’imprimer sa
propre orientation, particulièrement en droit de la famille, cf. spec. pp. 157-159.
2
Ibidem., p. 159.
3
Ibid., p. 143.

21
Introduction

1. Opportunité du recours au droit comparé

27. La comparabilité des deux systèmes juridiques. Au Maroc comme partout


ailleurs, les réformes législatives sont accompagnées d’études comparatives de droits. La
valeur de ces études est grande pour les pays qui souhaitent réformer leur législation, car
elle permet de se tourner vers l’expérience juridique des pays qui ont connu les mêmes
problématiques plus tôt au regard du développement socio-économique. Une certaine
communicabilité est donc inéluctable entre systèmes juridiques1. Même indirecte, elle est
bien la preuve de l’existence de concordances entre les systèmes juridiques quant à la
finalité du droit2. Or, l’attention n’a que trop été portée sur les discordances entre le
système juridique islamique et le système juridique occidental par des examens superficiels
et trop hâtifs, qui ont bien souvent favorisé le primat de la théorie et l’idéologie, faussant le
donné pris comme acquis. Il peut y avoir des ressemblances très grandes en réalité. Dans
ce contexte, DEL VECCHIO a démontré comment3 des ressemblances et des identités –qu’il
qualifie de natives- se vérifient dans les droits des différents peuples en dehors de toute
communication entre eux. Pour l’auteur, c’est bien la preuve de notre commune condition
humaine « que la philosophie avait depuis longtemps entrevu : à savoir l’unité de l’esprit
d’où naît le droit »4. Bien que les phases du développement des systèmes juridiques ne
soient pas similaires -en raison notamment des circonstances particulières de la vie de
chaque peuple- il n’en demeure pas moins que « “la commune nature” et “l’esprit
commun” des nations se manifeste (..) par l’étonnante apparition d’institutions
identiques »5. Et tel est le cas du couple et de la famille. C’est pourquoi l’auteur considère
confirmée cette « unité fondamentale de l’esprit humain »6. Tant le développement des
exigences et des nécessités communes imposent au droit la création de nouvelles catégories
juridiques, même différentes des schémas et des catégories traditionnels. C’est pourquoi il
est parfaitement possible d’utiliser les expériences des pays ayant des régimes socio-
politiques et économiques différents, à condition de mener ce processus dans le respect des
conceptions culturelles en vigueur dans le pays en question. De l’aveu même de l’auteur,
les emprunts d’un système à un autre sont beaucoup plus faciles lorsqu’ils ont lieu entre
États de la même tradition juridique. Pour autant, cette différence ne constitue en soi, ni un
obstacle à la communicabilité, ni à la comparaison entre les systèmes.

1
Pour preuve, cf. G. KADIGE, D. DEROUSSIN, S. JAHEL et alii (dir. de) Le Code civil français et le dialogue des
cultures juridiques, Colloque de Beyrouth, 3, 4 et 5 mai 2004, Centre d’études des droits du monde arabe,
Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, Bruxelles, Bruylant, 2007.
2
G. DEL VECCHIO, Humanité et unité du droit, Paris, LGDJ, 1963.
3
G. DEL VECCHIO, « Les bases du droit comparé et les principes généraux du droit », in Humanité et Unité du
droit. Essais de philosophie juridique, Paris, LGDJ, 1963, pp. 11-19.
4
Ibidem, p. 13.
5
Ibid., p. 14.
6
Pour reprendre l’expression de Monsieur DEL VECCHIO.

22
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Il n’est néanmoins pas rare de lire au sein des traités de droit comparé que la comparaison
suppose un degré minimum d’homogénéité. À notre sens, il serait dérisoire de renoncer à
comparer le droit français de la famille au droit marocain sous prétexte que le premier
trouverait sa source dans la volonté d’un législateur humain tandis que le second est lié par
une source supra humaine. Outre que ce raisonnement aboutirait à limiter de façon
inadmissible le domaine du droit comparé en présentant le droit musulman tel un droit
immobile, incapable de s’adapter aux réalités sociales, il présenterait également
l’inconvénient d’être anti-scientifique. Nombre de sociétés dépourvues de similarités
structurelles adhèrent à des normes qu’elles n’ont pas préalablement formulées, pourvu que
le processus d’acculturation opère efficacement au moment de la greffe. C’est pourquoi le
danger contre lequel le comparatiste doit être vigilant est celui du décalage entre la règle
opérationnelle qu’il formule et le modèle cognitif qu’il étudie. Cette vigilance a tout au
long de l’étude accompagné nos développements car la conception que l’on se fait du
couple et de la famille est étroitement liée au système politique et juridique de chacune des
aires d’étude. Toute règle de droit potentiellement exportable devait être passée au crible
de sa compatibilité tant au droit qu’aux mœurs locales.
28. Le recours à la méthode comparative. En s’intéressant à la structure du
système juridique marocain, il est remarquable de constater que celui-ci ne s’éloigne guère
de la structure du système français1 car le premier a suivi, après le protectorat, le modèle
français2 dans nombre de domaines. Pour autant, ceci ne signifie pas que les mécanismes
juridiques qui y ont cours sont mis en œuvre de la même manière qu’en France, ne serait ce
que du point de vue culturel. En effet, la pratique du droit y est faite par des hommes dont
la mentalité est déterminée par les conditions culturelles de leur propre pays. La mentalité
arabo-musulmane est formée par une longue tradition qui est, quoi que l’on puisse en dire,
différente de celle de l’Occident. Même après s’être familiarisé avec la manière de penser
européenne, il reste dans la profondeur de l’esprit arabo-musulman la mentalité originaire
qui détermine, en fin de compte, la manière de penser. C’est ce que Monsieur le professeur
Rodolfo SACCO désigne par formants implicites ou « cryptotypes » qui sont des facteurs
non formulés et qui modèlent le droit. Cet auteur explique que toute communauté juridique
obéit à des formants non écrits sans en être consciente ou sans qu’elle soit en mesure de les
exprimer3. Il s’agit tout simplement de la mentalité. Pour l’auteur, le juriste comparatiste
lui-même appartenant à un système juridique donné aura autant de mal à se libérer de
l’asservissement de ces cryptotypes dont la permanence permettra de retrouver le contenu
des règles intemporelles d’un système juridique donné4. À cette fin, le domaine du droit

1
Bien entendu, le système politique joue un rôle. Il rend inconcevable, dans certains pays, des expériences qui
ont été faites dans d’autres pays.
2
En ce sens, V. La circulation du modèle juridique français, Travaux de l’Association Henri CAPITANT, Paris,
Litec, 1993.
3
R. SACCO, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Paris, Economica, 1991, p. 105.
4
Ibid., p. 107.

23
Introduction

pur doit être dépassé afin de privilégier une approche portant sur l’ensemble des facteurs
sociaux en vue d’appréhender tout formant utile à la démonstration. À cet égard,
l’approche fonctionnelle présente l’avantage de mieux saisir l’influence du milieu sur la
création et la transformation du droit. Elle élargit sensiblement les perspectives de la
comparaison juridique et empêche d’isoler artificiellement le fait juridique de son
environnement social et culturel. Elle est également le gage que les résultats récoltés
répondront au mieux à l’exigence de fiabilité scientifique, en appréhendant utilement le
fonctionnement du système juridique étranger. C’est pourquoi les différentes sources
d’influence du droit constituent des données fondamentales dont il convient de tenir
compte.
Bien que la tâche du comparatiste consiste surtout à s’intéresser aux dissemblances de
l’objet comparé afin de les expliquer, le choix a été fait, en vue de rendre utile et fécond le
travail de comparaison, de privilégier l’approche à partir des ressemblances afin
d’expliquer les raisons d’être des divergences ayant définitivement permis de consacrer la
contrariété des deux systèmes. Le droit comparé « ainsi entendu devient une meilleure
approche, en vue d’une connaissance plus complète des phénomènes juridiques ; c’est, dit-
on même parfois, une science des problèmes plus qu’une science des règles de droit,
s’attachant moins à la solution juridique prise en soi qu’au pourquoi et au comment de
cette solution »1.
Plutôt que de se contenter d’approximations insatisfaisantes et indignes du caractère
scientifique de l’entreprise comparative, il nous a semblé plus opportun, à l’instar de ce
que préconisait Monsieur le professeur Rodolfo SACCO, de préserver l’intégrité
conceptuelle de la langue juridique étrangère lors de nos développements. Nous avons
néanmoins cédé à la tentation de rendre disponible le concept en question dans la langue de
rédaction chaque fois qu’il était possible de le faire, afin de ne pas tenir en otage une
tradition juridique par la langue, et en essayant -avec la plus grande précaution- autant que
possible d’éclairer l’esprit ayant animé l’institution étrangère, en la replaçant dans son
contexte d’origine.

2. La dualité de la recherche

29. But de la perspective comparée des droits. La présente recherche se veut un


cas de comparaison objective dans un but de recherche scientifique, son objet s’attachant
moins à établir la supériorité d’une législation sur une autre, aux fins de modification ou de
remplacement. La recherche a davantage pour objet de mettre en lumière les tendances
d’évolution (de révolution ?) des législations étudiées. Ce qui a particulièrement été

1
M. ANCEL, « Situation et problèmes actuels du droit comparé », in Livre du centenaire de la société de
législation comparée. Évolution internationale et problèmes actuels du droit comparé, Paris, 1971, p. 13.

24
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

stimulant du point de vue du droit comparé, c’est de déterminer les différents problèmes
d’une société donnée –qui sont, dans une large mesure, similaires- et les réponses qui leur
sont apportées par différents droits. Dans ce contexte, l’étude comparée d’institutions
socio-juridiques de différentes législations ne répond pas uniquement à une préoccupation
académique ou à la satisfaction d’un esprit de recherche 1, mais elle s’impose davantage
comme une nécessité pratique du fait de la multiplication des rapports entre les États que
ce soit dans l’ordre économique, politique, juridique ou encore moral 2. Ainsi que le
souligne un auteur, « ce qui intéresse aujourd’hui à une époque d’interpénétration
réciproque entre États, c’est de comparer les institutions, de s’informer de leurs
caractéristiques, de leur évolution, pour arriver à se mieux comprendre, et plus encore à
s’en inspirer pour l’amélioration de son propre système juridico-social »3. Conscients que
le législateur français ne recourra pas à des emprunts législatifs dans un système juridique
confessionnel comme l’est le Maroc, l’inverse pourrait être envisageable à condition de
respecter la nature sexuée de la structure familiale. À défaut d’empreints, un des objectifs
de cette étude est d’éclairer le législateur étranger sur ce qu’il souhaite importer et ce qu’il
ne souhaite pas -en dehors de tout jugement de valeur- tout en lui offrant un état des lieux
de l’évolution de l’institution familiale au sein d’un système dont les récentes évolutions
ont radicalement bouleversé les structures familiales. Les objectifs pratiques de l’analyse
comparative que sont l’amélioration du droit national ou encore leur harmonisation
n’occuperont donc qu’une position secondaire, le recours à la méthode comparative
permettant de contribuer à la connaissance scientifique afin de mesurer les différences
entre modèles juridiques4. En effet, nous n’adhérons pas à l’idée que le droit comparé doit
avoir pour objectif l’établissement d’un droit universel, car les droits varient
fondamentalement avec les cultures. C’est pourquoi loin d’avoir en vue un objectif
d’unification des droits, le but recherché consiste davantage à préciser ce dont nous
voulons aussi bien que ce dont nous ne voulons pas. Au surplus, un des buts recherchés par
cette étude a été de projeter un éclairage sur la portée éducative du droit comparé, dont
l’objet consiste à connaître la manière dont les hommes, ici et là, ordonnent leurs rapports
et conçoivent la justice afin de mieux se connaître, pour mieux se comprendre. Ainsi, le
droit comparé se mue en instrument privilégié de coopération humaine dans la vocation
universaliste qui lui revient.
30. But de la perspective positive. La présente étude se veut également positive et
prospective. La perspective positive de rationalisation du droit des couples (et du droit de
la famille globalement) est aujourd’hui en marche au sein de la doctrine5. Bien qu’il

1
En ce sens : H.P. GLENN, « Vers un droit comparé intégré », RIDC, 1999, pp. 841-852.
2
Surtout, les problèmes ici et là sont, dans une très large mesure, les mêmes.
3
V. CADERE, « Quelques réflexions sur les études de science juridique comparative », RIDC, 1971, p. 849.
4
P. LEGRAND, « À propos d’une réflexion sur la comparaison juridique », RIDC, 1993, p. 879.
5
En ce sens : P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », in Mélanges en
l’honneur du professeur Raymond LE GUIDEC, LexisNexis, 2014, pp. 777-794. V. aussi, du même auteur :

25
Introduction

n’existe pas, en droit civil, de « droit commun » du couple, entendu comme un ensemble
de règles uniformes régissant tant ses relations personnelles que patrimoniales, il est
notable de relever que les rapprochements entre couples mariés et couples non mariés
constituent aujourd’hui autant de lignes de convergence permettant de dessiner les
contours d’un potentiel droit commun, applicable indifféremment aux couples conjugaux
durant leur vie commune. Pour cela, il convient en premier lieu de vérifier si la diversité
des règles, juridiques soient-elles ou jurisprudentielles, répond à un objectif donné1 ou si
l’absence d’unité est plutôt révélatrice de désordre et d’imprévisibilité. Si tel était le cas,
rien ne s’opposerait à ce que la notion juridique de couple soit accompagnée d’un statut
légal qui en fixe les principes élémentaires tels que reconnus par le législateur en faveur
des partenaires pacsés, ou par la jurisprudence ponctuellement, au profit des concubins. À
cette fin, un régime impératif conjugal (RIP) « qui se réduirait au strict minimum »2,
permettrait de consacrer l’ordre public de protection imposé aujourd’hui aux couples,
indépendamment de leur statut. Cette démarche permettrait de fusionner les règles
élémentaires du Pacs et du mariage, dont la quasi-similitude de régime juridique brouille
aujourd’hui les frontières. Maintenant que le mariage est admis au profit des couples de
même sexe, il semble inutile dans les mots de la loi de distinguer là où celle-ci a renoncé à
le faire. La vigilance est pourtant de mise, car la spécificité de chaque type de
conjugalité doit être maintenue : le mariage demeure incontestablement le mode de
conjugalité dont l’essence est la durée. Cette inscription dans le temps fait naître une
solidarité incontournable qui n’a aucun autre équivalent au sein des nouvelles conjugalités.
Pour autant de raisons, sa spécificité doit être mise en avant.
Cette démarche conduit donc à inventorier les droits et obligations liés à la notion de
couple, en distinguant les éléments juridiques qui s’y rapportent et leur commune
évolution. Selon Monsieur le professeur Jean HAUSER, « la société a le droit de trier ce
qu’elle accorde au seul fait de la vie en commun, jugé comme socialement utile parce que
remède à la solitude, et ce qu’elle accorde à l’engagement à finalité sociale : un statut de
base de la vie en commun, des régimes différents selon l’utilité sociale du couple
considéré »3. Mais pour cela, une esquisse doit impérativement être brossée des grandes
lignes qui doivent gouverner l’ensemble4. Sans cela, « le résultat sera médiocre, car il
n’offrira ni la cohérence (qui est la base de l’activité interprétative des juristes), ni la force

« Prolégomènes à une hypothétique restructuration du droit des filiations », in Mélanges en l’honneur du


professeur J. HAUSER, LexisNexis-Dalloz, 2012, p. 405-426.
1
Pour Monsieur le professeur MURAT, « le pluralisme des formes de conjugalité repose sur une gradation dans
l’intensité des effets juridiques découlant de chaque forme de couple qui reste assez lisible ». Cependant, ce
dernier reconnaît que « toutes les formes de conjugalité présentent des points communs ». P. MURAT, « Pour une
vraie réflexion prospective en droit de la famille », art. precit., p. 786.
2
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur MURAT : « Pour une vraie réflexion prospective en droit
de la famille », art. precit., p. 787.
3
J. HAUSER, « Couple et différence de sexe », in La notion juridique de couple, C. BRUNETTI-PONS
(dir. de), Economica, 1998, p. 111.
4
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », art. precit., p. 785.

26
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du sens (qui est socialement attendue d’un droit de la famille) »1. C’est pourquoi l’effort
doctrinal amorcé doit être poursuivi. Dans ce cadre, la recherche positive d’un régime
impératif conjugal permettrait de fournir de sérieuses pistes de réflexion pour une tentative
de construction d’ensemble du droit des couples.
31. Plan. La présente étude prend le parti, au plan de la comparaison juridique, de
démontrer que les deux systèmes étudiés ne présentaient pas de contrariété de principe
portant sur la physionomie de leurs relations familiales. Jusqu’à une date récente, la nature
sexuée du mariage en France reposait sur l’union d’un homme et d’une femme pour la
fondation de la famille. Aujourd’hui, la rupture est définitivement consommée par l’entrée
en vigueur du mariage entre personnes de même sexe. L’éclairage a ainsi été porté sur ce
qui pouvait fonder une communauté de valeurs entre les deux systèmes juridiques étudiés.
Leur évolution simultanée offre néanmoins une grille de lecture inédite sur le point de non
retour consommé, et permet d’apprécier les raisons ayant poussé chacun des systèmes à
opter pour telle ou telle conception de la famille. À cet égard, la présente recherche entend
apporter une contribution à la détermination du couple et de la famille contemporains en
droit comparé. Les divers visages du couple en droit français attestent d’une libéralisation
nouvelle du droit de la famille, rendue possible tant par un processus de privatisation qu’un
processus –toujours en cours- de dématrimonialisation. Cette libéralisation contraste
fortement, tant par ses objectifs que par ses fondements, avec l’entreprise de modernisation
raisonnée du droit de la famille dans les pays du Maghreb, à tout le moins du Maroc.
Il faut bien reconnaître que, depuis les réformes engagées par le doyen CARBONNIER et
jusqu’à l’aube du XXIème siècle, le mouvement de privatisation, point de départ de notre
analyse (Partie I), a conduit à valoriser l’autodétermination des individus dans leur sphère
familiale et l’égalité entre eux, en vue de leur assurer une sorte de droit au bonheur
individuel. La nouvelle famille contractualisée2 ou plutôt « le droit de la personne unie par
un lien familial »3 répondait, semble-t-il, à une aspiration sociale privilégiant les désirs
individuels au détriment d’une législation imposée. Cette approche individualiste du droit
favorise l’émergence d’une législation fragmentée et sans cohérence d’ensemble, reposant
essentiellement sur la satisfaction des revendications de certains4. Comme cela a
parfaitement pu être affirmé, « l’individu devient l’objet d’une sorte de religion »5. Alors
que l’évolution pouvait sembler uniforme, la trajectoire prise dans l’évolution du couple et
de la famille aujourd’hui se détache en tous points de l’évolution amorcée sous l’égide du
1
Ibid., p. 785.
2
Sur ce processus, V. X. LABBEE, « La contractualisation du droit de la famille : et après ? », in Mélanges en
l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 261-277.
3
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Vincent ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit
contemporain de la famille, op. cit., p. 25.
4
A.-C. AUNE, Le phénomène de multiplication des droits subjectifs en droit des personnes et de la famille,
Marseille, PUAM, 2007.
5
A. GARAPON, « Rapport français », in Aspects de l’évolution récente du droit de la famille, Paris, Economica,
travaux de l’association Henri CAPITANT, t. XXXIX, 1988, p. 707, spec. p. 713.

27
Introduction

doyen CARBONNIER. Au début du XXIème siècle, le législateur, loin de procéder à la


reconstruction du droit de la famille désormais modernisé et conforme aux aspirations de la
société, poursuit le chantier législatif en anticipant les aspirations de celle-ci et en se
conformant aux revendications d’une faible minorité. Le processus de
dématrimonialisation prend le relais de l’objectif affiché de simple adaptation du droit aux
faits, et conduit à un véritable mouvement de transformation des bases familiales auquel
rien n’obligeait ni socialement, ni juridiquement, à en croire les décisions de la Cour
européenne des droits de l’homme intervenues en la matière. Cette dématrimonialisation
s’impose donc comme le second temps de l’analyse (Partie II). La question du mariage
entre personnes de même sexe, nouvel entrant sur la scène juridique, complique d’autant la
mission du législateur qui doit impérativement tirer les conséquences de la transformation
de la définition du mariage. À cette religion des droits de l’homme, le droit maghrébin se
situe à contre courant en assurant, à partir d’une législation fondée sur le donné révélé, une
farouche protection de la structure familiale qui demeure marquée du sceau de
l’indisponibilité, malgré quelques assouplissements. Pour autant, l’indisponibilité et le
fondement révélé du droit de la famille ne sont pas synonymes d’immobilisme bien au
contraire, ces constantes du droit maghrébin témoignent de leur capacité à s’adapter aux
nouvelles exigences d’une société qui aspire aussi à la liberté et à l’égalité.
Afin de mener à bien cette démonstration, les fondements mêmes du lien familial doivent
être revisités au sein des deux systèmes afin de saisir avec justesse les raisons ayant poussé
à son évolution ici et là. Cette démarche permettra d’apporter des éléments de réponse à la
question portant sur la manière dont a été résolu le paradoxe entre deux aspirations
foncièrement contradictoires : d’une part le couple porteur d’amour et de liberté1, d’autre
part la famille, structure en quête de stabilité. Il apparaîtra très rapidement que les liens
complexes entretenus entre couple et famille dépendront largement des représentations
culturelles propres à chacune des aires d’étude, ainsi qu’aux objectifs poursuivis par
chacune d’elles : stabilité et organisation de l’ordre social selon des valeurs objectives ou
organisation de l’ordre social selon des aspirations individuelles. En somme, comment le
droit peut assurer la permanence du lien familial entre individus déliés2.

PARTIE 1. La privatisation des liens de famille.


PARTIE 2. La dématrimonialisation des liens de famille.

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 73-80.
2
F. DE SINGLY, Les uns avec les autres, Quand l’individualisme crée du lien, éd. Armand Colin, 2003. V. aussi,
P. PEDROT, « Lier, délier, relier », in Identités, filiations, appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de),
Grenoble, PUG, 2005, pp. 71-83.

28
Première partie

LA PRIVATISATION DES LIENS DE


FAMILLE

32. Privatisation des liens et principe de liberté1. Selon le Grand Robert de la


langue française, le verbe privatiser consiste à confier au secteur privé une activité relevant
jusqu’alors du secteur public2. La privatisation, action en cours correspond dans cette
étude au processus par lequel la famille, structure par essence institutionnelle, quitte le
domaine étatique pour ne relever que de l’ordre strictement personnel des individus. Ce
mouvement de privatisation correspond en réalité à un des traits contemporains du droit de
la famille, qui considère la famille comme une structure résolument tournée vers
l’épanouissement de ses membres, en vue de garantir leur bonheur. Cette tendance a trouvé
un terreau fertile dans la pensée du doyen CARBONNIER, pour lequel la vie des familles
constitue par excellence le domaine du non-droit3. À cet égard, les réformes entreprises
sous son égide traduisent le désengagement étatique au profit d’une régulation privée de la
famille, dans laquelle la morale (religieuse) permettrait aux individus de s’autodéterminer.
Dans ce contexte, la liberté est de mise afin que chacun puisse atteindre le présupposé
bonheur selon ce qu’exige cette morale. Or, la permission légale accélère la liberté des
mœurs, et le souci permanent d’adaptation du droit aux faits conduit au suivisme législatif.
L’effet domino qui en ressort est l’affaiblissement du rôle éducatif et exemplaire de la loi
au profit d’une régulation des comportements sociaux4, incompatible avec la fonction
dévolue à la règle de droit.
33. Privatisation des liens et contractualisation. En toile de fond à ce mouvement,
la contractualisation est l’autre trait contemporain du droit de la famille. L’action dirigiste

1
Sur les principes de liberté et d’égalité en droit civil, cf. : V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réception des
principes de liberté et d’égalité en droit civil, du code civil à aujourd’hui : un tableau impressionniste », in Le
droit privé français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, pp. 83-107.
2
P. ROBERT, Le Grand Robert de la langue française, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, Paris, 2ème éd., entièrement revue et enrichie par A. REY, t. III, 1992, V° Privatiser.
3
J. CARBONNIER, Flexible droit (Pour une sociologie du droit sans rigueur), Paris, LGDJ, 10ème éd., 2014, spec.
pp. 9-103.
4
Comme l’indique Monsieur le professeur MURAT, « (…) les individus ne veulent plus être enfermés dans des
rôles prescrits et des statuts traditionnels ; ils privilégient des liens affinitaires et égalitaires qui sont négociés et
valorisent leur expérience personnelle ». P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd.,
2016-2017, n° 01.21, p. 5.

29
du législateur en faveur d’une famille institutionnelle « imposée d’en haut » cède la place à
une action négative en vue de promouvoir un nouveau type de famille : la famille
« consensuelle »1. Dans cette dernière, les mots d’ordre privilégiés sont ceux de liberté et
d’égalité, véritables principes directeurs du droit de la famille. La triade liberté-égalité-
contractualisation accélère à n’en pas douter le processus de privatisation afin de faire
émerger une nouvelle famille démocratisée. Dans ce contexte, l’architecture des relations
familiales fondées sur le lien du mariage (Titre I) est davantage perçue comme une
contrainte incompatible avec l’idéal de liberté, si bien que la venue du premier enfant se
fait en dehors de ce cadre. L’approche factuelle de la famille qui en découle place celle-ci
davantage comme une structure qui permet d’élever un enfant par le couple, et non plus
l’institution qui permet l’accueil de celui-ci. La logique matrimoniale, renversée, cède la
place à une appréhension parentale du couple (Titre II).

1
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Vincent ÉGEA dans son travail de thèse.

30
Titre premier. Le lien matrimonial
fondement du lien familial
34. Le passage d’un ordre social à un autre. Au lendemain de la Révolution
française, le mariage est un lien civil que permet la rencontre de deux volontés libres. La
rupture qui s’ensuit dans la conception du lien matrimonial ayant cours en Occident jusque
là est conséquente. Selon la nouvelle philosophie, l’affirmation au profit des hommes de
l’égalité des droits permet de leur garantir une égalité absolue. Dans ce contexte, la volonté
libre et toute puissante de l’individu prévaut sur le groupe social. Le nouvel idéal qui en
ressort fait la part large à l’exaltation et la protection de la liberté individuelle, rompant
radicalement avec l’ordre du cosmos dans lequel le mariage constituait une réalité
objective indépendante de la volonté. Tout ne procède désormais plus d’un ordre supérieur
et harmonieux qui dépasse les individus, mais cet ordre place l’homme au coeur même de
sa philosophie. Si ces nouvelles règles ont d’abord inspiré les domaines politique et
économique, elles ne tarderont pas à imprégner la sphère sociale et juridique.
35. Une approche non exclusivement juridique de la famille. Une des spécificités
de la famille1 dans les sociétés traditionnelles est d’échapper, en principe, à la volonté des
individus, la mission du législateur étant de réglementer et diriger les rapports familiaux en
vue d’imposer un modèle. À cette fin, il tient nécessairement compte « de l’existence du
groupement familial tel que l’ont formé la religion, les mœurs, les conditions du travail et
que l’a conservé la tradition »2. C’est pourquoi l’étude du droit de la famille ne saurait être
menée sans son arrière-plan religieux, fondement premier du lien matrimonial. Dans ce
contexte, la rupture opérée par les valeurs nouvelles interroge, de manière renouvelée, le
fondement moral du lien matrimonial. Selon un auteur, lorsque la loi civile « (…) veut
innover, elle fait le plus souvent une œuvre inutile ou mauvaise »3. Jusqu’à quel degré ces
propos se vérifient-ils aujourd’hui dans la législation, dans un contexte d’affranchissement
du donné religieux ?

1
Étymologiquement, la « famille » est la familia romaine, constituée par toutes les personnes vivant dans la
même maison (domus) et se trouvant sous l’autorité d’un même paterfamilias, également maître (dominus). Se
trouvent inclus dans cette famille toute personne ne présentant pas nécessairement un lien de parenté direct avec
le paterfamilias, tel que les serviteurs et les esclaves. Est donc privilégiée la dimension domestique de la famille
sous la puissance d’un chef, qui en crée l’unité. Dans un second sens, la famille constitue un groupe très large,
formé de l’ensemble des personnes liées entre elles par un lien de filiation et d’alliance. Enfin, le sens le plus
courant aujourd’hui est celui qui la considère comme une entité nucléaire, appelée aussi famille conjugale, c’est-
à-dire composée du couple qui la constitue et ses enfants. Ayant profondément évolué, celle-ci ne repose plus
nécessairement sur les liens du sang.
2
G. RIPERT, J. BOULANGER, Traité de droit civil d’après le Traité de Planiol, Paris, t. 1 « Introduction générale,
les personnes », Paris, LGDJ, 1956, p. 206.
3
Ibid., p. 207.

31
36. Le temps du renouveau en France. Fondé sur le préalable du mariage dans la
quasi-totalité des sociétés, ce pilier du droit selon les mots du Doyen CARBONNIER1
reposait entièrement sur une construction législative et jurisprudentielle dont le but était
d’en assurer la pérennité, en trouvant le juste équilibre entre les intérêts individuels de ses
membres. Cet « intérêt familial »2 consacrait l’inégalité entre époux et enfants, leurs
natures respectives justifiant la promotion de ce seul modèle familial. Pourtant, le XXème
siècle en Occident sera le théâtre de l’entrée en droit de nouveaux principes modifiant
sensiblement les rapports entre les membres de la famille. Après la famille traditionnelle et
patriarcale, remplacée par le modèle3 de la famille moderne, il s’agit de l’émergence d’une
famille post-moderne4 dont le fondement ne relève plus de l’institution, mais procède de la
volonté individuelle elle-même5.
37. Le renouveau au Maghreb. Parallèlement à l’évolution occidentale, les rapports
familiaux dans les pays du Maghreb semblent suivre la même trajectoire – toutes
proportions gardées- que les pays européens. Le désir d’égalité dans les rapports familiaux
devient une revendication de la société civile. Il correspond à un engagement de ces pays
au respect des principes universels inscrits dans les déclarations de droits et traités qu’ils
ont acceptés de ratifier. Pourtant, une réserve est permise s’agissant de la teneur de
l’égalité dans ces pays. Le droit des pays du Maghreb, particulièrement la matière du
« statut personnel »6, trouve sa source dans les prescriptions religieuses issues du Coran.
Droit révélé, celui-ci ne tolère que l’on y touche que d’une main tremblante car il suppose
immuable la part de donné, qui s’y confond avec la foi de ses fidèles. Répondre aux
revendications d’égalité au sein des rapports familiaux, sans contrevenir à la part du
« révélé » dans la Loi relève de l’équilibre.
38. Méthodologie adoptée. Pour mener à bien l’analyse comparative du mariage
dans l’une et l’autre aire d’étude, il importe de replacer l’objet de comparaison au sein de
l’ensemble des rapports qui le relie à son ordre juridique 7 de référence. Pour cela, il sera
nécessaire de tenir compte des « éléments déterminants »8, c’est-à-dire des facteurs extra-

1
J. CARBONNIER, « Les trois piliers du droit », in Flexible droit, Paris, LGDJ, 2001.
2
S. GAUDEMET, « “L’intérêt de la famille”, élément d’un ordre public familial », in Mélanges en l’honneur du
professeur Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, 2012, pp. 287-302.
3
A. TERRASSON DE FOUGERES, Le modèle dans le droit de la famille : Notion et fonction (essai de droit
comparé interne), Thèse, Paris II, 1994.
4
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, Marseille,
PUAM, 2006.
5
D. FENOUILLET, P. VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), La contractualisation de la famille, Paris, Economica,
2001.
6
M. AOUN (dir. de), Les statuts personnels en droit comparé, Évolutions récentes et implications pratiques,
Leuven-Paris, Peeters, coll. « Law and religion studies », 2009.
7
E. BULYGIN, « Système juridique et ordre juridique », in L’architecture du droit, Mélanges en l’honneur de
Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 223-229.
8
L.-J. CONSTANTINESCO, « La comparabilité des ordres juridiques ayant une idéologie et une structure politico-
économique différente et la théorie des éléments déterminants », RIDC, 1973, pp. 5-16.

32
juridiques ayant pu avoir une influence directe ou indirecte sur l’objet à comparer. Une
prise en compte des différences fondamentales inhérentes à chaque système juridique
s’imposera afin d’éviter les conclusions erronées et hâtives qui seront uniquement fondées
sur des ressemblances formelles. Élément essentiel de la comparaison, cette première
phase donnera la matière première nécessaire au travail même de comparaison. Cela
amènera, ensuite, au processus même de comparaison. Ainsi que l’a souligné le professeur
NIBOYET : « Il y a deux étapes : une première étape, étape descriptive dans laquelle il faut
connaître le droit étranger, puis une deuxième étape qui consiste à l’exploiter comme une
matière première que l’on a retiré du sol et qu’il faut ensuite pouvoir traiter »1.
À une conception commune de la famille fondée sur le seul mariage sur les deux rives de
la méditerranée (Chapitre 1) se substituera une conception marquée par les
transformations notables de la famille opérant distinctement sur les deux rives
méditerranéennes (Chapitre 2).

1
NIBOYET, Montesquieu et le droit comparé. La pensée politique et constitutionnelle de Montesquieu.
Bicentenaire de l’Esprit des Lois. 1748-1948, Paris, 1952, p. 256.

33
Chapitre premier. Une conception de la famille
commune aux deux rives de la Méditerranée

39. L’intemporalité du mariage. Bien qu’il ne fasse pas l’objet d’une définition
précise1 dans le Code civil français, le mariage a toujours été perçu comme l’institution qui
permet la fondation d’une famille2. La superbe de cette union est donc d’ouvrir
naturellement sur la famille, en permettant l’accueil des enfants du couple. Cette spécificité
mérite donc que le droit y accorde la plus haute importance, et qu’il ait voulu la favoriser
comme mode exclusif de fondation d’une famille. Outre les liens étroits que le mariage
entretient avec la morale, il est au-delà un lien sacré empreint d’un symbolisme profond
qu’il convient de protéger.
40. Le temps de la mise à l’épreuve. En remontant le temps, l’histoire du mariage
occidental révèle une évolution caractérisée par son manque de linéarité (Section 1),
caractéristique qui semble avoir transcendé les siècles car le mariage continue, aujourd’hui
encore, à susciter des controverses. C’est bien la preuve que celui-ci est insaisissable et que
son évolution est couplée aux transformations de la société. Jusqu’à un présent
relativement récent, les législations familiales dans leur quasi-totalité poursuivaient le
même objectif de protection de la famille fondée sur le mariage. Dans les pays de tradition
islamique, depuis l’avènement de l’Islam, cet attachement reste indéfectible, le mariage est
cellule de base de la société (Section 2).
La comparabilité3 du mariage dans les deux ordres juridiques établira les rapports de
ressemblance – aux fins de rapprochement - et de dissemblance – de l’évolution sociétale.
Seront mis en perspective l’évolution d’une société aujourd’hui sécularisée, où la foi et
l’idéologie religieuse se sont retirées de la plupart des domaines de la vie civile4, à une

1
V. s’agissant de l’opération même de définition, l’article de R. THERY « Approche sociologique de la “vie
familiale” : la question des définitions », in Le droit au respect de la vie familiale au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, F. SUDRE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 61-105. L’auteur distingue
entre la définition usuelle d’un mot (qui se constate par l’usage), la définition conventionnelle (définition posée a
priori au sein d’un langage spécialisé et à laquelle elle confère une dimension normative) pour enfin dégager la
définition hypothétique (qui constitue une proposition de classement au sein d’une démarche scientifique).
2
Dans ses travaux préparatoires du Code civil, -PORTALIS (Jean Étienne Marie PORTALIS, (1745-1807), l’un des
rédacteurs du Code civil aux côtés de TRONCHET, MALEVILLE et BIGOT DE PREAMENEU - y voyait « la société de
l’homme et de la femme qui s’unissent pour perpétuer leur espèce, pour s’aider par des secours mutuels à porter
le poids de la vie et pour partager leur commune destinée ». Cf. Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-
TERNEYRE, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, Paris, Dalloz Sirey, 18ème éd., 2013, p. 599.
3
Sur cette notion de comparabilité, voir L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode
comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974.
4
C. LE TERTRE, La religion et le droit civil du mariage, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat», 2004.

34
société d’imprégnation religieuse et encore inégalitaire 1. Une lumière plus vive éclairera la
façon de concevoir le droit2, ainsi que le système de valeurs qui y préside, ce qui permettra
une meilleure compréhension des évolutions propres à l’un et à l’autre de ces ordres
juridiques.

1
I. FADLALLAH, « Lien conjugal et rencontre de civilisations », in Le statut personnel des musulmans, Droit
comparé et Droit international privé, J.-Y. CARLIER, M. VERWILGHEN (dir. de), Bruxelles Bruylant, 1992,
p. 344.
2
Il faut garder à l’esprit tout au long de ce travail que le droit français, comme toutes les législations modernes,
est purement humain. Il est l’œuvre perfectible des hommes, basée sur l’expérience et la raison, pour ne
s’appliquer qu’aux conflits matériels des particuliers. À l’inverse, le droit musulman repose sur une logique de
révélation divine. Plus encore que le droit français, il est attaché aux notions originelles qui l’ont constitué. Aux
yeux de ses fidèles, il a atteint sa complète perfection le jour même où il a été promulgué. Le Coran, les
enseignements du prophète transmis et complétés par ses compagnons -puis par les disciples de ces derniers- ont
été codifiés par les quatre fondateurs des écoles orthodoxes puis commentés par les jurisconsultes. Telle est la
source du droit islamique. Cf. M.-M. SALAMA, Le mariage en droit musulman, Thèse, Montpellier, 1923, pp. 14-
15.

35
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

Section 1. Le mariage occidental

41. Une interpénétration de trois systèmes. La conception occidentale du mariage 1


résulte de l’interpénétration de trois systèmes aux origines distinctes : le droit romain, la
doctrine chrétienne et enfin, les coutumes germaniques2. Dénué de dimension religieuse, le
mariage romain consensuel n’attachait pas de valeur particulière à la dimension sexuelle de
l’union. C’est pourquoi le mariage occidental tel que connu aujourd’hui est une jonction
entre le consensualisme caractérisant le mariage romain et l’importance liée à la
consommation du mariage dans les coutumes germaniques3. Il épouse enfin la conception
chrétienne du mariage. La dissolution de l’union répond de la même manière à des règles
différentes dans chacun des trois systèmes. La grande liberté dont bénéficiaient les couples
germaniques de se séparer et de choisir un nouveau conjoint rejoint la conception du
divorce en vigueur chez les romains. Si la morale sociale se montrait favorable à la stabilité
des unions, la rupture du mariage était toutefois admise, et les romains l’utilisaient
abondamment. La doctrine chrétienne du mariage devait, dans un tel contexte de
permissivité, se situer par rapport au droit existant. Sur le fondement des textes
scripturaires, les Épîtres de saint Paul4 et trois passages des Évangiles5, l’Église chrétienne
affirmera son attachement à la stabilité du mariage et cherchera à imposer sa nouvelle loi.
Néanmoins, un certain réalisme commandait de ne pas faire abstraction des habitudes en
vigueur, quitte pour cela à tolérer quelques exceptions au principe d’indissolubilité en vue
de faire triompher le principe évangélique.
42. Un mariage « institution ». Évoquer le mariage sous son angle institutionnel
suppose de définir l’ « institution » en tant que catégorie juridique6. Trouvant sa racine
dans les mots instituere, institutor et institutio -qui signifient à la fois « l’action de
création, l’action de fondation et l’action d’établir une personne dans une fonction
préexistante »- la notion porte en son germe l’idée que, « lorsqu’on fonde, on établit en
même temps une règle, un cadre imposé de fonctionnement de l’objet créé »7. Instituer

1
J. GAUDEMET, Le mariage en Occident, Paris, éd. du Cerf, 1987.
2
B. BASDEVANT-GAUDEMET, Églises et autorités, Études de l’histoire de droit canonique médiéval, Limoges,
PUL, coll. « Cahiers de l’Institut d’Anthropologie Juridique », n° 14, 2006.
3
Dit « par étapes », car la phase finale du mariage de ce type de mariage est la consommation à proprement dite.
Rapprocher avec la conception musulmane du mariage, cf. infra, n° 37, note n° 2.
4
« Que la femme ne se sépare pas de son mari, -en cas de séparation, qu’elle ne se remarie pas, ou qu’elle se
réconcilie avec son mari – et que le mari ne répudie pas sa femme », Première épître aux Corinthiens (7, 10).
5
Dans l’Évangile selon Saint-Marc : « Ce que Dieu a unit, que l’homme ne le sépare pas » (10, 9). Saint-
Matthieu l’évoque à deux reprises : « Tout homme qui répudie sa femme – hormis le cas de fornication – la
contraint à l’adultère et celui qui épouse une répudiée commet l’adultère » (5, 32 et 19, 9-10).
6
J.-P. BRAS (dir. de), L’institution, Passé et devenir d’une catégorie juridique, Actes du colloque organisé le 22
et 23 juin 2006 par le Centre d’Étude des Systèmes Juridiques de la Faculté de Droit, de Sciences économiques
et de Gestion de l’Université de Rouen, Paris, l’Harmattan, 2008.
7
Y. SASSIER, « Réflexion autour du sens d’instituere, institutio, instituta », in L’institution, Passé et devenir
d’une catégorie juridique, op. cit., p. 27.

36
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

consiste donc à émettre une règle et imposer un cadre servant de modèle. Imprégné de
l’idée de permanence, ce sens est celui adopté depuis l’Antiquité romaine, puis repris au
Moyen âge par les théologiens dans le domaine de la divinité, perçue comme institutor de
toutes choses. La théorie de l’institution de Maurice HAURIOU reprend cette même idée de
fondation -acte éminemment objectif- en y ajoutant la nécessité d’organisation autour
d’une puissance dont la fonction est la représentation du concept fondateur. L’idée sous-
jacente est qu’une communauté ne saurait être efficacement gouvernée que via un pouvoir
représentant. Maurice HAURIOU apporta un troisième élément de définition de l’institution
qu’est la « communion ». Celle-ci permet, selon l’auteur, de dégager une certaine unité
dans la collaboration du pouvoir central avec les organes collaborateurs. Cette unité doit
passer par l’adhésion de chacun des membres du groupe à l’idée fondatrice, l’assimilant et
la faisant sienne. L’exercice du pouvoir ne se justifierait que par cette soumission de tous à
l’idée fondatrice1. Si cette théorie se vérifie au sujet des formes d’organisation de la vie en
société, elle reçoit une parfaite application en matière familiale. Ainsi perçue, la cellule
famille serait constituée du pouvoir central représenté par la figure du pater familias,
l’organe collaborateur constitué du conjoint adhérant à l’idée fondatrice : l’établissement
d’une famille.
43. Méthode de travail. Afin de percevoir avec justesse la nature et la portée des
évolutions ayant affecté le groupe familial, il convient avant toute chose de resituer ces
évolutions dans leur contexte historique, en les mettant en rapport avec les transformations
des courants d’idées, mais aussi les évènements de tous ordres qui ont provoqué la
modification des textes. Ce n’est qu’à partir de là qu’il sera possible d’appréhender la
transformation contemporaine du lien matrimonial et plus largement, du lien familial. À
cette fin, l’économie d’une étude chronologique ne peut être faite. Deux phases seront
alors à distinguer : celle précédant la Révolution française -pendant laquelle la dimension
morale du mariage était mise en avant (§1)- puis celle qui y est consécutive (§ 2).

§1) La dimension morale du mariage chrétien

44. Valeur de la loi morale et/ou religieuse par rapport à la loi civile. « Par-
dessus le lien juridique, il y a un autre lien, religieux ou moral selon les cas, plus solide,
plus étroit, plus exigeant (…). Un droit matrimonial ne tient pas seulement son importance
de la réglementation propre qu’il édicte, mais aussi des normes de conflits par lesquelles
(…) il concède ou dénie une sphère d’application à d’autres règles, venues de plus haut »2.
Ces propos du doyen CARBONNIER renvoient à la morale et/ou à la religion jugées
« supérieures » à la règle de droit, et attestent bien que l’approche strictement juridique du

1
E. MILLARD, « Hauriou et la théorie de l’institution », Rev. droit et société, n° 30-31, 1995.
2
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du XXème
siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. I, 1950, p. 337.

37
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

mariage ne saurait en refléter une fidèle vision. Tronquée et incomplète, la démonstration


souffrirait du défaut de sincérité intellectuelle. La double incursion en terrain
philosophique et religieux est nécessaire pour mener à bien une telle étude, car
« historiquement, la conception juridique du lien conjugal ne s’est quasiment jamais
élaborée sans prendre en compte une certaine transcendance, dont les racines, tout en
dépassant très largement la sphère du droit, n’en constituent pas moins l’un des principaux
fondements »1. À ce titre, l’interférence entre le droit romain et le droit canonique 2 n’est
pas sans avoir une incidence sur les règles présidant au mariage occidental. Son caractère
moral découle tant de l’approche philosophique dont il a fait l’objet (A) que de la sphère
religieuse qui s’en est approprié le monopole législatif (B). Nul besoin cependant de
brosser un tableau exhaustif retraçant en détail l’évolution de la conception du mariage au
cours des siècles. Cette entreprise a déjà fait l’objet de nombreux brillants travaux 3. Plus
modestement, l’accent sera mis sur les principaux courants doctrinaux ayant conduit à la
fixation d’une doctrine du mariage, objet de transformation progressive.

A) Le point de vue philosophique

45. Le fondement du droit. S’intéresser à la dimension religieuse du droit en


Occident suppose de délimiter la période durant laquelle les normes juridiques des pays
occidentaux ont pu trouver leur source dans les normes révélées par Dieu 4. Ayant fait le
choix de laisser de côté le droit de la Grèce ou la Rome antiques, le propos s’attachera
principalement à examiner cette question à l’époque du Moyen-âge chrétien, période à
laquelle la question semble avoir atteint sa forme la plus aboutie. L’apport de saint
THOMAS D’AQUIN est, à ce titre, capital car, reprenant l’apport des sciences profanes et
notamment des écrits d’Aristote, il y introduira le rapport avec Dieu selon la pensée
chrétienne. La Somme théologique est une œuvre majeure où est notamment étudié le droit.

1
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVIème-
XXIème), Paris, LGDJ, 2011, p. 1.
2
A. LEFEBVRE-TEILLARD, Introduction historique au droit des personnes et de la famille, Paris, PUF, 1ère éd.,
1996 ; J. CHELINI, Histoire religieuse de l’Occident médiéval, Paris, éd. Hachette Littératures, 1991 ; J.-
L. HALPERIN, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 2ème éd., 2012 ; J.-P. LEVY,
A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Paris, Dalloz, 1ère éd., 2002. Cf. aussi J.-P. DURAND, « Code civil et droit
canonique », Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, pp. 59-79.
3
J. BASDEVANT, Des rapports de l’Église et de l’État dans la législation du mariage du Concile de Trente au
Code civil, Paris, 1900 ; O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation intermédiaire (1789-1804), Paris,
éd. Arthur Rousseau, 1901 ; G. DUMAS, Histoire de l’indissolubilité du mariage en droit français, Paris II, éd.
Arthur Rousseau, 1902 ; E. STOCQUARD, Aperçu de l’évolution juridique du mariage, Bruxelles, éd.
O. Lamberty, 1905 ; P. BERNARD ALVES PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint augustin, Paris, éd.
Gabriel Beauchesne, 1930 ; P. FONTEZ, Les diverses étapes de la laïcisation du mariage en France, Perpignan,
Pontifica universitas gregoriana, 1972. Plus récemment, v. A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le
lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVIème-XXIème), op. cit.
4
La réflexion philosophique, notamment sur la nature humaine, ne peut occulter la question du rapport au divin
et donc Dieu, que ce soit pour l’écarter ou l’admettre.

38
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Faisant la distinction entre la loi positive humaine et la loi positive divine, le docteur
angélique dégage une catégorie intermédiaire qui permettra d’éclairer le contenu de la
seconde, par l’usage de la première1 : la loi naturelle. En effet, la combinaison entre
philosophie et théologie enrichit la réflexion relative à la loi naturelle. Celle-ci, selon le
philosophe, est inscrite dans la nature même de l’homme, et repose sur des jugements
normatifs évidents tels que « l’homme doit faire le bien » ou encore « être juste, ne pas
voler… ». Présentant la caractéristique d’être vagues et surtout incomplets, ces principes
généraux demandent à être précisés dans leur contenu, leurs limites, les modalités de leur
exécution et répression en cas de non respect. La tâche est d’autant plus ardue que se
développe et se complexifie la vie sociale. C’est à la réalisation de cette tâche que
s’emploie la loi positive humaine, qui doit dériver de la loi naturelle, première règle de la
raison. Si la loi positive humaine s’en éloigne et ne s’harmonise pas pleinement avec la loi
naturelle, elle n’est plus « loi » au sens de juste, mais « corruption de la loi ».
46. La loi naturelle. Utilisant une expression imagée, un auteur définissait la « loi
naturelle » comme « la face humaine de la loi éternelle »2. Loi naturelle et loi éternelle
semblent ainsi être les deux aspects d’une seule et même réalité : Dieu, qui est « non
seulement l’être par excellence, mais encore la loi par excellence parce qu’il est la source
de tous les êtres en dehors de lui, de l’homme en particulier »3. Selon la célèbre formule de
saint THOMAS D’AQUIN, « la loi naturelle est la participation de la loi éternelle dans la
créature raisonnable ». Le fondement ultime de la loi humaine est par conséquent la loi
éternelle, laquelle n’est autre chose que Dieu lui-même. Et c’est en vertu d’une délégation
du pouvoir législatif, conférée par la loi naturelle, que l’homme détermine le juste 4 en
promulguant sa propre loi humaine. Néanmoins, le législateur humain ne peut, de façon
totalement libre, décider de ce qui est juste et de ce qui ne l’est pas. Saint THOMAS
D’AQUIN précise très justement qu’ « il convient de souligner que la volonté humaine, par
une entente commune, peut rendre juste ce qui ne répugne pas en soi à la justice naturelle.
C’est le cas du juste positif. C’est pourquoi le Philosophe, dans le livre V de l’Éthique à
Nicomaque exprime l’idée qu’est juste légal ce qui est indifférent antérieurement à la
prescription légale : l’accomplissement d’une telle action ne diffère en rien de son non-
accomplissement. Mais si quelque chose répugne en soi au juste naturel, la volonté
humaine ne peut pas le rendre juste. Il en serait ainsi si le législateur permettait de voler ou

1
Pour une approche philosophique de la personne, cf. infra, n° 19.
2
G. KALINOWSKI, « Le fondement objectif du droit d’après la “Somme théologique” de saint Thomas d’Aquin »,
Arch. philo dr., 1973, t. 18, p. 69.
3
Ibidem., p. 69.
4
Pour saint Thomas D’AQUIN ou ARISTOTE, le juste est le but auquel tend le travail du juriste, qui est « le prêtre
de la justice ». C’est la conception du juste du dikaion et du jus qui est « harmonie, équilibre, bonne proportion
arithmétique ou géométrique entre les choses ou les personnes », dont le but est « le juste rapport objectif, la
juste proportion découverte entre les pouvoirs dévolus au roi, aux gardiens, aux autres classes de citoyens (…).
Appliqué à l’individu, le mot droit désignera la part qui lui revient dans ce juste partage, puisque la justice a pour
objet d’attribuer à chacun son droit ». V. M. VILLEY, « La genèse du droit subjectif chez Guillaume d’Occam »,
Arch. philo droit, 1964, t. 9, p. 103.

39
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

de commettre l’adultère. Voilà pourquoi Isaïe dit : « Malheur aux auteurs de lois
iniques ! »1. C’est donc par l’existence de la loi naturelle2 que se justifie le pouvoir qu’a
l’homme de dire le droit, de légiférer3 ce juste positif conformément aux limites de la
morale issue du christianisme4. Ici encore, la loi naturelle telle qu’appréhendée par saint
THOMAS donne une explication objective du problème de justice à partir du réel
observable, en distinguant selon un subtil équilibre entre la loi (lex) d’un côté, et le juste
(ius) de l’autre. La doctrine du droit naturel qui naîtra avec GROTIUS et PUFFENDORF
s’acheminera davantage vers une philosophie du droit, assimilant lex et ius dans un
système exclusivement rationnel5, dans lequel « la nature de l’homme » est
individuellement considérée6. Le mot « nature » sera de plus en plus compris en fonction
de l’expérience scientifique et finira par prendre, après NEWTON notamment, une
signification purement phénoménale7. On sera déjà bien loin du droit naturel tel qu’étudié
par ARISTOTE ou Saint THOMAS D’AQUIN. Malgré cet excès de rationalisme, le principal
avantage de lier le droit à la « nature humaine » en tant qu’exigence rationnelle commune à
tous les hommes, permet de ne pas l’intégrer à une conception – religieuse ou idéologique–
particulière, et présente l’avantage de ne pas l’en couper totalement car la religion
reconnaît à tous les hommes quelque chose en commun.
47. Perception du lien conjugal à l’aune de cette conception du droit.
S’inscrivant dans un ordre qui dépasse l’homme, le lien conjugal selon cette pensée
juridique est une réalité naturelle qui transcende l’homme8 afin de « répondre à des critères
de justice et s’insérer dans un ordre supérieur à l’individu (…) à la fois moral et politique,
s’approchant ainsi le plus possible du vrai et du bien »9. Cette vision objective du lien
conjugal correspond à une harmonie du monde dont la finalité est de mener l’individu qui

1
La Somme théologique, II a, II æ, q. 57, art. 2.
2
« La loi naturelle selon Aristote et Saint Thomas d’Aquin », in Jalons d’une recherche émérite, Écrits de Pierre
KAYSER parus de 1981 à 2001, Marseille, PUAM, 2003, pp. 145-161. ARISTOTE et PLATON, s’ils s’accordent à
objectiver le lien conjugal, ont une approche totalement opposée du réel qui nous entoure et auquel l’on doit
pouvoir se référer. Alors que pour l’un – Platon -, le réel s’assimile à l’idée « en soi », qui est immuable et à
laquelle l’homme ne peut participer que de manière imparfaite, l’autre privilégie le mouvement, ce qui est en vie.
Pour Aristote, être, c’est être en acte. Or, pour Platon, les choses soumises au changement ne peuvent « être », et
n’ont pas d’identité propre. Partant de là, ce n’est pas réalité. Aristote, tout en essayant de démontrer que les
choses ne sont que « nécessité », leur associe une finalité, ce qui le pousse à observer la nature des choses, et le
conduit à admettre l’existence d’un ordre au sein de la nature, distinct de la volonté humaine. En matière
conjugale, c’est cette finalité là qu’il va s’agir de trouver.
3
À l’inverse du système juridique musulman qui n’utilise pas la nature comme fondement de sa médiation du
rapport entre Dieu et l’homme.
4
G. AMBROSETTI, « Y a-t-il un Droit naturel chrétien ? », Arch. philo. dr., 1973, t. 18, p. 77.
5
Sur l’approche cartésienne, cf. infra, n° 19.
6
Cf. infra, n° 20.
7
M. HALBECQ, « Le Divin et les conceptions du droit naturel », Arch. philo. dr., 1973, t. 18, p. 171.
8
Cette réalité de l’ordre du cosmos vient directement de l’héritage gréco-latin transmis à l’Occident médiéval,
repris ensuite par le christianisme.
9
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème-
XXIème), op. cit., p. 14.

40
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s’y conforme au vrai, en lui permettant d’accéder au bonheur1. Cette conception d’un
« tout harmonieux » dérive directement de la notion de cosmos propre à la civilisation
grecque, dans laquelle chaque élément ne se distingue qu’en vue de favoriser l’accord
déterminé du tout. C’est le règne de l’objectivité pure, où le sens du mot « droit » est
compris telle une qualité, une chose qu’il sous-tend : le Bien, entendu dans sa dimension
incorporelle et immatérielle. Il en découle que les droits sont « dans les choses », et non
« sur les choses »2. Par conséquent, le lien conjugal -découlant de la nature3 même des
choses- ne nécessite pas de faire l’objet d’une construction intellectuelle 4. Perçu comme
l’expression de la justice5 et du droit, il ouvre sur l’harmonie et l’amour6. La justice est
entendue ici comme le « sentiment qui détermine une pratique, et cette pratique est une
vertu, la vertu de l’homme juste »7. La force du lien conjugal dépend alors étroitement de
l’idée que l’on se fait du juste et du droit. Une fois la conception même du droit
renouvelée, elle se répercutera nécessairement sur le lien conjugal et la façon dont il est
conçu à une époque donnée.

1
C. DESPOTOPOULOS, « Sur la famille d’après Aristote », Arch. philo. dr., 1975, t. 20, pp. 71-87.
2
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 23.
3
M. THOMANN, « Christian Wolff et le droit subjectif », Arch. philo. dr., Dossier « Le droit subjectif en
question », 1964, t. 9, p. 153.
4
Pour le doyen CARBONNIER, les tenants de ce courant de pensée croient en l’existence « d’un patrimoine
transmissible de notions et de sentiments, de mythes et de complexes, patrimoine très ancien, ancien au point de
se retrouver dans un très grand nombre de peuples, de telle sorte que nous avons en sa présence l’impression,
l’illusion de l’éternel et de l’universel ». L’auteur ne reconnaît pas l’existence d’un droit naturel à la matière
familiale, droit naturel qu’il qualifie de « fonds non pas originel, mais très archaïque de la psyché humaine »
auquel il ne semble reconnaître que son utilité pratique, « plus exactement un droit naturel par myopie
irrémédiable de l’observateur » : J. CARBONNIER, « V° Famille, Législation et quelques autres », in Mélanges
offerts à René SAVATIER, Paris, Dalloz, 1965, p. 147-148. Toutefois, celui-ci déclare pouvoir admettre l’existence
d’un éventuel droit naturel, qui ressortirait des contraintes de la biologie, or dit-il « nous avons changé tout cela.
Au temps de l’analyse des sangs, de l’insémination artificielle, de la pilule contraceptive… les droits positifs
entendent se soumettre la nature, et non plus s’y soumettre », Préface au dossier de droit de la famille, Arch.
philo. dr., 1975, t. 20, p. 2.
5
La justice consiste à accorder à chaque chose sa place dans un monde harmonieux où règne un juste universel
donné par la nature, voir en ce sens : « La justice selon Aristote », in Jalons d’une recherche émérite, Écrits de
Pierre KAYSER parus de 1981 à 2001, op. cit., pp. 133-144 ; « Essais de contribution aux notions de droit, de
justice et d’équité », in Jalons d’une recherche émérite, op. cit., pp. 311-369.
6
Cet amour que Platon définit comme « la possession éternelle du bien ». Il sera l’élément qui va unir deux
personnes différentes dans un seul et même souffle, en en dégageant leur caractère identique.
7
J. CARBONNIER, Droit civil, Introduction, Paris, PUF, 27ème éd. refondue, 2002, p. 102.

41
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

B) Le point de vue religieux

48. Compétence de principe du droit canonique1. Dans le prolongement de cette


vision objective, les théologiens et canonistes ont longuement œuvré afin de fixer la
doctrine du mariage2. Perçu telle une morale, le mariage chrétien constitue un état inférieur
au célibat. La virginité est préférée à la chasteté conjugale et le célibat au mariage. Les
époux ont l’obligation de progresser dans toutes les vertus car le mariage est indépendant
de leur vie personnelle. Leur perfection morale est d’autant plus élevée qu’ils observent la
fidélité et la chasteté conjugales, et qu’ils recherchent la formation spirituelle de leurs
enfants3. Célibat et mariage constituent donc des états de vie compatibles avec la sainteté,
avec cette différence que le premier la favorise plus que le second selon l’approche
augustinienne.
Le référentiel à l’époque étant Dieu, il s’agira pour l’Église chrétienne de promouvoir un
cadre matrimonial dans lequel s’exerce une hétérosexualité ouverte à la procréation. La
société familiale est organisée selon un principe hiérarchique de complémentarité, en vertu
duquel le mari dirige et protège sa famille en qualité de chef. Le respect de cette hiérarchie

1
Le droit canon est un droit confessionnel chrétien qui est né près de deux millénaires avant le Code napoléon.
Par opposition au droit laïc, il n’a pas pour but d’imposer des règles destinées à prévenir les désordres dans la
société, mais de poser des jalons permettant au chrétien de gagner son salut. Il s’agit d’un droit pour une large
part coutumier, car composé de décisions ponctuelles de nature différentes : conciliaires, épiscopales, abbatiales
ou pontificales. Aussi, chaque église à l’époque disposait de son propre droit canonique. Aux débuts du
Christianisme, l’enseignement juridique qu’il était possible de tirer de l’Evangile, des Actes ou des Epîtres était
extrêmement réduit. Ce n’est que lorsqu’un comportement éthique ou religieux -à la suite d’une assez longue
durée- était jugé conforme à l’Evangile qu’il faisait l’objet de codification. À partir de l’an mille, la nécessité
s’est faite sentir de compiler en des recueils les multiples décrétales pontificales. Le plus célèbre de ceux-ci eut
pour auteur un moine de Bologne prénommé GRATIEN qui publia la Concordantia discordantium canonum,
connue sous le nom de Décrêt de Gratien. La complétude et le caractère synthétique de l’ouvrage lui ont vite
permis d’acquérir une valeur quasi officielle, et l’habitude a été prise à Rome d’ordonner, dès leur naissance, les
textes juridico-religieux. La compilation du droit canonique ne date que du début du 20ème siècle avec le premier
Codex iuris canonici promulgué par BENOIT XV le 27 mai 1917. Il s’agit du premier code de l’histoire du droit
canonique catholique romain dont la refonte fut ordonnée par le pape JEAN XXIII le 25 janvier 1959. Bien qu’il
existait déjà en 1804 un Corpus iuris canonici qui s’inspirait largement de l’œuvre privée de GRATIEN, ce droit
n’avait pas autorité sur tout le monde chrétien en raison des schismes existants avec les communautés orientales
chrétiennes. Le nouveau Codex Juris Canonici a été promulgué par le pape Jean Paul II le 25 janvier 1983 et a
fait l’objet de modifications substantielles -notamment en matière de mariage- afin de lui conférer plus de
spiritualité et moins de technicité.
2
L’union conjugale en Occident est perçue comme un mystère chrétien par lequel les époux ne forment qu’une
seule chair, à l’image de l’Église qui n’existe que par son union avec le Christ. Dans l’existence de la vie du
couple, les deux grandes vertus que sont la fidélité et la solidarité -qui régissent également les rapports avec le
Seigneur- gouvernent également la vie conjugale. Une morale intègre s’acquiert dans le mariage, le couple ayant
pour rôle de transmettre la morale et la foi. L’Église catholique y voit (le nouvel apport du Codex est ici capital
puisque dans la nouvelle conception, on ne se marie plus uniquement pour se donner mutuellement le droit
d’avoir des relations sexuelles en vue de la procréation, mais pour former une intimité de vie et une communauté
d’amour) l’un des sept sacrements qu’elle reconnaît. La différence capitale avec les autres Églises se situe dans
le fait que ce sont les époux eux-mêmes qui se le confèrent. Les Églises protestantes ont des vues très
divergentes sur ce point car les anglicans y voient un sacrement mineur, tandis que les luthériens eux n’y voient
qu’un simple contrat.
3
B. ALVES PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint augustin, Paris, éd. Gabriel Beauchesne, 1930, pp. 66-
67.

42
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

permet de faire observer l’ordre et l’harmonie au sein du foyer, en favorisant


l’établissement de liens d’ordre naturel, moral et spirituel dont la fin ultime est d’atteindre
l’état de perfection1. Il semblait dès lors naturel que l’Église disposa du monopole2 de la
réglementation de principe en la matière3, seuls les effets civils étant réglementés par le
pouvoir royal. La lutte entre la puissance temporelle et le pouvoir spirituel remettra en
cause cette répartition4 -notamment au XVIème siècle- avec la réforme protestante et
l’avènement du pouvoir absolu5.
Fixées entre l’an mille et le XIIIème siècle, les règles du mariage chrétien ont permis à
l’Église, dès le haut Moyen-âge, de bénéficier d’une influence grandissante et d’une force
politique considérable6 sur les règles du droit de la famille. Tout en s’inspirant des
enseignements de la Bible et de l’Évangile, elle parvient à élaborer une doctrine du
mariage7 en imposant sa conception de l’institution matrimoniale. Elle emprunte au droit
romain ce qui ne heurte pas la morale chrétienne, notamment les éléments nécessaires à la
formation du mariage tels son caractère monogame et l’âge minimal requis8. Le mariage à
l’Église était la condition nécessaire de toute famille légitime et cet acte religieux valait
acte civil. Tous les auteurs de l’époque définissaient le mariage comme un sacrement9
indissoluble dont les finalités sont la perpétuation de l’espèce, l’éducation des enfants, la
vie commune dans la paix et l’amour mutuel, en présence d’obligations et de devoirs
propres à chacun des conjoints10.

1
M.-C. BARBAZZA, « L’épouse chrétienne et les moralistes espagnols des XVIème et XVIIème siècles », Mélanges
de la CASA DE VELAZQUEZ, t. 24, 1988. pp. 99-137.
2
CHENON, Le rôle social de l’Église, Paris, 1921.
3
Cette compétence exclusive remonte au Xème siècle.
4
À la différence d’autres pays, tel l’Italie où le mariage catholique, et plus généralement religieux a été intégré à
côté du mariage laïc dans le Code civil italien : article 82.
5
Sur cette remise en cause, v. infra, n° 53.
6
P. DAUDET, Études sur l’histoire de la juridiction matrimoniale, I. Les origines carolingiennes de la
compétence exclusive de l’Église, Thèse, Paris, 1933 ; II. L’établissement de la compétence de l’Église en
matière de divorce et de consanguinité, Paris, 1941.
7
La doctrine canonique du mariage chrétien est fixée, dans ses débuts, sous le règne des Carolingiens qui y
introduisent une spiritualité conjugale. La société de l’époque, encore largement germanisée, laissait l’homme
libre de ses pulsions sexuelles. L’élaboration d’une doctrine du mariage avait pour objet de freiner la pratique
des mariages entre proches ou éloignés, celle de la répudiation, de la polygamie et de l’infanticide, malgré
quelques résistances des mœurs traditionnelles. Tout mariage contracté sans respect des formes religieuses -
notamment sans bénédiction- ne pouvait être valable. Cf. J. CHELINI, Histoire religieuse de l’Occident médiéval,
Paris, éd. Hachette littératures, 2002, pp. 196-200.
8
Le domaine des prohibitions à mariage étant très libéral dans le droit romain. Celui-ci ne sera pas repris par le
droit canon, de même que le consentement des titulaires de la puissance paternelle dont l’absence n’aura aucune
incidence sur la validité du lien. De façon similaire, le statut social des époux est sans incidence sur sa validité,
contrairement à ce qui avait cours à Rome.
9
Ce n’est qu’au XIIème siècle, en 1184 que le mariage prend place parmi les sept sacrements : « ce que Dieu a
uni, l’homme ne doit pas le séparer », Cf. Évangile selon Saint Matthieu, XIX, 6. Le deuxième Concile de Lyon
en 1267 l’affirmera, puis le Concile de Florence en 1439.
10
E. ROGUIN, Traité de droit civil comparé. Le mariage, Paris, éd. Picho&Successeur, 1904, spec. n° 124 et s.

43
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

49. La théorie du mariage-contrat-sacrement. Dans ce contexte, trois éléments


concourent à la bonté de l’union conjugale (tria bona) selon SAINT AUGUSTIN. À côté de
proles, fides, se trouve ce que l’on appelle le sacramentum1. Ce dernier élément, aussi
appelé par SAINT AUGUSTIN2 « lien minimum » -en comparaison au lien « magnum » qui
unit le Christ à l’Église- est ainsi qualifié du fait qu’un époux retrouve sa liberté par la
mort de l’autre -tandis que le Christ et l’Église demeurent éternellement unis-. Si proles
(élément originaire du mariage et le seul dont Dieu ait parlé au moment de la création du
monde : « croissez, multipliez et remplissez la terre ») et fides (la foi) constituent des
éléments volontaires et humains dont le but est de faire naître entre les époux le vinculum
conjugale -source de droits et d’obligations- le sacramentum imprime au mariage certaines
propriétés qui en font une union indissoluble. Il s’agit de l’élément spirituel qui s’introduit
lors du mariage indépendamment de la volonté des époux, pour en faire le symbole de
l’union du Christ et de son Église3. La supériorité du mariage qui en résulte permet de
maintenir le mariage même non procréateur4.
Toute la difficulté pourtant résidait dans le fait que les protestants5 refusaient de voir le
mariage comme un sacrement produisant la grâce. Lorsqu’ils souhaitaient faire constater
leurs mariages, ceux-ci devaient demander au ministre du culte catholique un concours que
leur foi repoussait6. À cela s’ajoutait la problématique des mariages clandestins célébrés
sans bénédiction nuptiale, et la question était de savoir s’il fallait considérer ces unions
comme valides ou non. Si l’on admettait que le mariage était un sacrement, les mariages
célébrés dans de telles conditions ne pouvaient valablement être reconnus. À l’inverse, les

1
Le terme sacramentum est employé par Saint AUGUSTIN de façon très large et lui donne même plusieurs
significations littérales, notamment celle de symbole, de signe ou encore de lien indissoluble. Or, un sens
fondamental a essentiellement été retenu dans ses écrits, l’empêchant de remplacer ce mot par un autre. Ce sens
semble être le rapport du mariage vis-à-vis de l’union spirituelle entre le Christ et l’Église. Cette propriété
d’ordre surnaturel a imprimé au mariage le caractère mystérieux et religieux. Pour VASQUEZ, Saint AUGUSTIN
n’a jamais appelé le mariage « sacrement » au sens stricte et théologique du terme. Pour MAUSBACH, il désignait
l’indissolubilité du lien conjugal et pour POURRAT, il s’agissait du lien matrimonial indissoluble car il est la
figure de l’union du Christ avec son Église.
2
Saint AUGUSTIN sera le premier à établir une relation logique entre le sacrement et l’indissolubilité du mariage
en formulant précisément et harmonieusement la doctrine des biens du mariage.
3
G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement de la
doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928.
4
Néanmoins, si on laissait la possibilité à un époux de dissoudre le lien et de se remarier, ce dernier pourrait
atteindre un des grands biens du mariage. Pour autant, la doctrine du mariage ne le lui permet pas, car « si le lien
conjugal n’est pas renforcé par le sacramentum d’une chose supérieure à la condition mortelle des hommes, on
ne comprend pas comment il puisse établir une union si strictement indissoluble ». Cf. P. BERNARD ALVES
PEREIRA, La doctrine du mariage selon Saint Augustin, Paris, éd. Gabriel Beauchesne, 1930, p.183.
5
Pour les protestants, il n’existe que trois sacrements : le baptême, l’eucharistie et l’ordre. Ceux-ci considèrent
bien le mariage comme une chose sainte instituée par Dieu. Néanmoins, il ne s’agit pas d’un sacrement et il
revient donc à l’autorité publique de le réglementer parce qu’il intéresse avant tout la société. C’est pourquoi la
thèse de CALVIN et LUTHER admettait le divorce pour disparité de culte, l’incompatibilité d’humeur, la longue
absence et l’adultère.
6
Bien que l’édit de Nantes ait accordé aux protestants le droit de faire constater leurs mariages par leurs
ministres, celui-ci fut révoqué en 1685. Ce ne sera qu’en 1787 qu’ils obtiendront l’autorisation de faire célébrer
leurs mariages par le juge à leur domicile.

44
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

reconnaître rendait la bénédiction nuptiale comme simple accessoire. Si l’idée d’un


mariage-contrat ne fait pas l’objet de discussions en son principe1, était en revanche
discutée la question de savoir quels rapports existaient entre le contrat et le sacrement.
Étaient-ils indépendants ou indivisibles ?
50. Les thèses débattues. Plusieurs thèses étaient soutenues. Pour VIGOR, le contrat
conférait au mariage son caractère indissoluble alors que le sacrement permettait d’y
ajouter la grâce. AURIENSIS et GEBENNENSIS procédaient à la même distinction, tout en
reconnaissant la possibilité de déclarer nul le contrat de mariage sans remettre en cause le
sacrement. Cette thèse ne revenait pas moins à admettre l’indépendance des deux éléments,
alors que la grande majorité des théologiens soutenaient l’idée que contrat et sacrement ne
faisaient qu’un. Pour Petrus FERNANDEZ, « le contrat de mariage est de droit naturel, mais
le Christ y a ajouté quelque chose de plus, quae facit illud sacramentum »2. C’est pourquoi
le contrat ne pouvait être sans le consentement, ni le sacrement sans le contrat.
Inséparables, ces éléments justifiaient le pouvoir que l’Église s’est toujours reconnue
d’annuler le contrat en constatant la nullité du sacrement. Dans le prolongement de cette
idée, le ministre du sacrement étaient les contractants eux-mêmes et non le prêtre. La
volonté des époux réaliserait donc à la fois le contrat et le sacrement. Mais le problème
subsistait de savoir si elle pouvait réaliser l’un à l’exclusion de l’autre ? La question a une
fois de plus mobilisé ceux pour qui le mariage constituait un contrat élevé au rang de
sacrement par le Christ et ceux qui voyaient en l’intention des époux la condition de
validité du sacrement. Si une telle intention faisait défaut, les époux pouvaient valablement
contracter sans recevoir le sacrement3. Dans le premier cas, la compétence exclusive de
l’Église serait maintenue, dans le second se profilait le spectre d’une sécularisation du
mariage. À ce dilemme, le Pape PIE IX a tranché en faveur des prérogatives de l’Église4 et
condamné l’apport des nouvelles doctrines. Son successeur LEON XIII se chargea de
promulguer le 10 février 1880 la doctrine du contrat-sacrement dans l’importante
encyclique Arcanum divinæ sapientiæ sur le mariage chrétien, réfutant la théorie du
mariage-contrat purement civil, considérée comme erreur-base du rationalisme5. Telles

1
Du fait que le mariage constitue le premier contrat de droit naturel valable par le consentement des deux parties
à l’union. Cf. A. COSTE-FLORETO, La nature juridique du mariage. Ce qu’elle est dans le Code civil ; ce qu’elle
devrait être, Paris, Librairie du recueil Sirey, 1935, p. 14.
2
Cité par G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement
de la doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse, Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928, p. 218.
3
A. COSTE-FLORETO, La nature juridique du mariage. Ce qu’elle est dans le Code civil ; ce qu’elle devrait être,
op. cit., 1935, p. 15.
4
La doctrine de l’indivisibilité est exprimée de façon claire par PIE IX, notamment dans l’allocution Acerbissium
vobiscum du 27 septembre 1852 : « Entre fidèles, il ne peut y avoir de mariage qui ne soit en même temps
sacrement, et dès lors entre chrétiens toute autre union de l’homme et de la femme en dehors de l’union
sacramentelle, même contractée en vertu de la loi civile, n’est autre chose qu’un honteux et pernicieux
concubinage, le sacrement ne peut jamais être séparé du contrat matrimonial, et c’est à l’Église seule
qu’appartient le pouvoir de régler tout ce qui, d’une manière ou de l’autre, peut toucher au mariage ».
5
A. COSTE-FLORETO, La nature juridique du mariage. Ce qu’elle est dans le Code civil ; ce qu’elle devrait être,
op.cit., p. 27.

45
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

étaient donc les opinions soumises au Concile de Trente en vue de la consécration d’une
doctrine officielle promouvant le mariage. Lors de la 24ème session du Concile, la Haute
assemblée adopta l’idée qu’elle se faisait du mariage, sans effort de conciliation entre les
différentes opinions. Elle a estimé qu’ « instituée par Dieu, l’union conjugale apparaît
originairement comme un contrat perpétuel et indissoluble, formé sous l’inspiration divine
au moment où Adam laisse échapper ces paroles : “Voici vraiment l’os de mes os et la
chair de ma chair”. Et tel, le mariage devait demeurer jusqu’à la venue du Christ. Celui-ci,
en permettant qu’il sanctifiât les conjoints par une grâce spéciale, l’éleva vraiment au
dessus de sa condition d’origine, et sans modifier cependant la nature du contrat, il fit de
celui-ci un sacrement »1. Insistant sur l’origine primitive divine de l’union conjugale, la
théorie du mariage contrat-sacrement telle qu’adoptée, ne fit pas « table rase » de la
doctrine augustinienne, mais la relégua au second plan. Le sacrement est donc le contrat
élevé en dignité, devenu signe et cause de la grâce. Les deux ne font qu’un tout indivisible.
Plus tard, l’expression moderne de la doctrine du mariage contrat-sacrement formulera le
mariage ainsi : « le mariage est un contrat élevé par Notre-Seigneur-Jésus-Christ à la
dignité de sacrement »2. Pendant longtemps, les canonistes n’ont pas traduit en une forme
spéciale la doctrine telle qu’émise par le Concile de Trente. Il faudra attendre le XVIIIème
siècle pour la voir traduite en une formule consacrée.
51. Les difficultés posées par la fixation de la législation canonique du mariage.
Quatre éléments sont au fondement de l’élaboration de la législation canonique du
mariage. Il s’agit du consentement des époux, de la copula carnalis, des fiançailles et de la
bénédiction nuptiale. Si les deux derniers éléments que sont les fiançailles -simple
préliminaires- et la bénédiction nuptiale -élément non indispensable à l’administration du
sacrement- n’ont pas soulevé de difficultés particulières, ce sont surtout les deux premiers
éléments qui ont cristallisé les tensions. Pas de mariage sans le consentement des époux,
mais pas de mariage complètement indissoluble sans la copula carnalis3. Le débat entre
Pierre LOMBARD et GRATIEN -partisans pour l’un de l’élément consensuel, l’autre de
l’élément charnel- paraît à plusieurs égards désuet et la doctrine actuelle ne manque de le
rappeler. Le consentement nécessaire au mariage ne pouvant souffrir d’entorse, ce serait
l’élément déterminant dans la conclusion de l’union. Mais la consommation du mariage
n’en est pas moins dépourvue d’importance car l’impuissance constituait bien un
empêchement dirimant, et la non consommation de l’union cause de dissolubilité. Les deux
éléments sont donc prépondérants dans la conception canonique du mariage.

1
Cité par G. SERRIER, op. cit., p. 220.
2
Ibidem., p. 221. Cf. le catéchisme du Diocèse de Toul, 1788 : « Dieu a institué le mariage dès le
commencement du monde, mais il n’a été élevé à la dignité de sacrement que par Notre-Seigneur-Jésus-Christ ».
« Avant d’être sacrement, le mariage n’était qu’un contrat par lequel l’homme et la femme se faisaient un don
mutuel de leur corps et s’obligeaient à demeurer ensemble ». Cité par G. SERRIER, op. cit., p. 242.
3
R. VANHEMS, Le mariage civil, sa formation, ses effets, sa dissolution. Étude critique de l’idée de contrat,
Paris, éd. Arthur Rousseau, 1904, p. 8.

46
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Les différentes réformes entreprises ultérieurement à la controverse ne toucheront plus à la


nature du mariage1, mais concerneront la forme de sa publicité -en raison d’un grand
nombre d’unions clandestines. Après l’échec du quatrième Concile de Latran en 1215, le
Concile de Trente permettra de fixer l’exigence de publicité du mariage. Désormais, aux
côtés du mode d’expression du consentement est ajoutée l’incise : le recueil du
consentement devant le parochus en présence de deux témoins2. Tout ministre du culte ne
saurait désormais procéder au mariage en dehors des règles édictées, élevées au rang
d’empêchement dirimant par le Concile. À partir de cette date, la doctrine du mariage
canonique trouvera une réelle cohérence dans sa formulation, autour des deux premiers
éléments que sont la copula carnalis et le consentement, la publicité y constituant un
accessoire. La doctrine canonique du mariage-contrat-sacrement était désormais immuable
quant au fond.
Telle est la théorie officielle qui régit pendant de longs siècles le mariage des Français. La
doctrine du mariage canonique s’articulera ensuite autour de la notion de contrat, formulée
par les pontifes puis précisée dans ses contours par les maîtres de l’époque :
BONAVENTURE ou encore saint THOMAS D’AQUIN. L’École allemande du droit naturel
moderne3, d’une importance centrale et dont les thèses seront reprises par les philosophes
des Lumières, nourrira notamment les débats relatifs au sort de la famille en contexte
révolutionnaire.

§2) Vers une approche contractuelle du mariage

52. La soustraction progressive de la compétence religieuse en matière


matrimoniale. Bien que l’autorité religieuse eût le monopole en matière matrimoniale, les
effets de l’union demeuraient régis par le pouvoir civil. Insatiables, les besoins de la
couronne ont peu à peu conduit à l’empiètement du domaine réservé de l’Église –
notamment par de nombreux moyens doctrinaux4-, affaiblissant le caractère religieux du

1
Il est désormais acquis que celui-ci est un sacrement, source de grâces spirituelles, et le Concile de Trente ne
fera que le rappeler. Toute discussion est donc close quant à la nature de l’union.
2
R. VANHEMS, Le mariage civil, sa formation, ses effets, sa dissolution. Étude critique de l’idée de contrat, op.
cit., p. 13.
3
Dans son développement historique, la doctrine du droit naturel revient aux jurisconsultes du Digeste puis aux
théologiens du Moyen Âge, dont Saint Thomas D’AQUIN est le plus représentatif. Dans nos développements, la
doctrine du droit naturel réfère à l’École du droit de la nature et des gens, en raison de son importance quant à
l’élaboration des textes français au lendemain de la Révolution. Cette école est née vers les XVII ème et XVIIIème
siècles, dont les juristes les plus représentatifs sont notamment l’allemand PUFENDORF (1632-1694), traduit en
français par Huguenot Jean BARBEYRAC, et le hollandais GROTIUS (1583-1645).
4
Ainsi en est-il de la thèse de MELCHIOR CANO (XVIème s.) qui, tout en utilisant les divergences d’opinions des
théologiens, fera du contrat-sacrement, ce tout indivisible, deux éléments distincts et séparables. LERIDANT
(XVIIIème siècle) relève une expression maladroitement employée par l’Église pour désigner le mariage, celle de
« contrat élevé par Jésus-Christ à la dignité de sacrement ». Selon lui, le Christ n’a pas entendu bouleverser ni
modifier les institutions existantes, mais seulement ajouter la bénédiction nuptiale destinée à répandre la grâce
sur les époux, sans toucher à l’état primitif de l’union conjugale. Or, cette approche mettra en évidence deux

47
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

mariage (A). La proclamation du caractère civil du mariage en sera la conséquence directe


(B).

A) L’affaiblissement du caractère religieux du mariage

53. Le sacramentum revu par les gallicans. Afin de soustraire le monopole de la


réglementation des affaires matrimoniales à l’Église, le pouvoir royal -aidé par les laïcs-
s’attaqua tout particulièrement au sacramentum. Loin de réfuter l’idée que le mariage est
un sacrement, les gallicans -particulièrement TABARAUD- s’emploieront à démontrer que le
raisonnement théologique est erroné. Selon TABARAUD, le sacrement de la loi nouvelle ne
constitue pas le sacrement du mariage, car celui-ci existerait déjà avant même la venue du
Christ. Par ailleurs, les époux le reçoivent à leur insu, quand bien même ils n’auraient pas
eu recours à l’intermédiaire du prêtre1. Pour parvenir à un tel raisonnement, une définition
élargie du sacrement a été retenue. Étayant leur argumentation sur les textes mêmes des
Pères2, les tenants de cette doctrine se limiteront à la seule bénédiction nuptiale, dont ils
veulent faire l’élément essentiel et constitutif du sacrement. Cette approche rejoint celle de
MELCHIOR CANO pour qui tout sacrement nécessite, pour produire son effet spirituel, une
manifestation extérieure -via un rite sacré-. Une telle approche explique que les tenants du
gallicanisme n’aient voulu voir le rite extérieur que dans la bénédiction du prêtre. Leur
analyse les conduira à percevoir le mariage-sacrement comme totalement indépendant du
mariage-contrat, suite logique de la dissociation du contrat et du sacrement. Une fois
l’objectif atteint, l’étape suivante consistait à affaiblir le monopole du pouvoir spirituel en
matière matrimoniale en vue de leur soustraire. Ce même objectif jouira du XVIème au
XIXème siècle d’un crédit considérable.
54. L’émergence d’un nouveau cadre philosophique. Une controverse religieuse,
dont l’ampleur était insoupçonnée au départ, semble avoir permis la fixation d’un nouveau
cadre philosophique en Occident. Celle-ci opposa les partisans de l’ordre franciscain et la
papauté. Selon la prescription de saint FRANÇOIS aux frères de son Ordre, il fallait, à
l’instar du Christ, ne pas manifester de signes de richesse et faire vœu de pauvreté. Les
franciscains se limitaient à revendiquer un simple usage sur les choses ou les actes qu’ils

sortes de contrat dans le mariage, un contrat civil, relevant du pouvoir temporel, et un contrat naturel.
TABARAUD (XVIIIème siècle), défenseur du pouvoir civil, relève que le contrat de droit naturel qui ressortit de la
volonté des contractants et sur lequel l’Église a pleine autorité, se confond avec le contrat civil dès lors que c’est
le défaut de loi qui rend le contrat purement naturel. De sorte qu’à partir du moment où existe une société
policée, le contrat naturel disparaît au profit du contrat civil, voire forment un tout indivisible constitué du
consentement des parties -essence du mariage- dans les formes établies par la loi. Cette doctrine gallicane
rencontrera, dès sa naissance, des partisans convaincus car elle était en harmonie avec certaines idées qui avaient
cours à cette époque. Le pouvoir royal s’empressera de la reproduire dans les documents officiels, en affirmant
son pouvoir de juger les affaires matrimoniales. Le but étant de permettre au pouvoir temporel de légiférer en
matière matrimoniale, les différentes thèses s’emploieront à démontrer la séparabilité du contrat et du sacrement.
1
LERIDANT, Traité sur le mariage, Paris, 1753, p. 4.
2
Notamment St Ignace, St Polycarpe, Tertullien, Sirice…

48
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

effectuaient, sans jamais en détenir la propriété. La papauté –dont l’avis était autre quant à
la valeur à accorder à la pauvreté- s’employa à démontrer que cette thèse n’était pas
fondée, notamment du fait de l’usage qu’il est possible de faire de son « pain » dont on a
assurément la propriété en le mangeant. Il reviendra particulièrement à JEAN XXII de
condamner cette thèse1, notamment en obligeant les franciscains à « devenir
propriétaires », ce que le général de l’ordre Michel DE CESENE et Guillaume d’OCCAM
s’efforceront de réfuter. Ceux-ci démontreront, selon une philosophie dont le fondement
est le refus du droit, qu’ils ont l’usage sans le droit2. Une telle réflexion s’affranchit du
savoir que Monsieur le professeur TRIGEAUD qualifie de « mythique (…) primitivement
acquis de l’expérience du droit »3 au profit d’un savoir théologique qu’elle affirme
indépendant. Outre qu’elle conduit à mettre entre parenthèses les exigences de sémantique
et de droit, une telle philosophie procède à la dénaturation de la réflexion du philosophe du
droit. Particulièrement, l’idée de justice en ressort entièrement dépendante du rapport établi
entre les personnes et les biens (ou les choses plus largement), et entre la nature de
l’homme et la nature des choses. Une telle distinction remonte à ARISTOTE, grâce à
laquelle il procède à la distinction entre une « justice générale » liée au droit extra-
patrimonial et une « justice particulière » attachée au droit patrimonial. Or, dans cette
controverse, Guillaume d’OCCAM n’est pas juriste mais dialecticien. Il excelle dans la
science de distinguer le sens des mots et leur définition. C’est cette liberté « qu’il prend à
l’égard du langage, persuadé que les mots ne sont que des signes, que leur usage est
conventionnel, que les sens des mots sont relatifs, qu’ils “connotent” des réalités diverses,
selon le point de vue de l’usager »4, qui facilitera le glissement du sens du mot « droit »,
vers le sens de « pouvoir ». Par ailleurs, Guillaume d’OCCAM sert une cause, celle des
franciscains, pour qui la vie la plus sainte est la vie exclusive de droit. Ceci explique qu’il
s’emploiera à démontrer que ceux-ci n’ont qu’un usage de fait et non un droit sur les biens.
Selon la conception romaine du droit pourtant, les franciscains ne pouvaient valablement
affirmer ne pas en disposer. C’est pourquoi il était nécessaire, pour la cause, de modifier
cette conception romaine trop générale du sens du mot « droit » pour en adopter une plus
restreinte, correspondant à leur théorie. Or, tout concept est signifié par un mot. Dans le
langage juridique5 encore plus qu’en tout autre domaine, il convient de tenir compte du

1
Particulièrement en raison de la distorsion entre la théorie qui considère les franciscains comme non
propriétaires et la pratique qui -du fait de l’extension de l’ordre et de son prestige- a révélé le contraire
(possession de nombreux biens : églises, couvents, livres et provisions). Bien que quelque peu fictif, un
compromis -trouvé par la papauté- a permis de conserver les biens des communautés franciscaines à leur
disposition, en leur permettant un simple usage dessus, la propriété en revenant au Saint-Siège. Ce régime s’est
maintenu jusqu’à l’arrivée du pape JEAN XXII qui le dénoncera.
2
M. VILLEY, « La genèse du droit subjectif chez Guillaume d’Occam », Arch. philo. droit, 1964, t. 9, p. 116.
3
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 19.
4
Ibid. p. 116-117.
5
R. PERROT, De l’influence de la technique sur le but des institutions juridique, Thèse, Paris, Sirey, 1947.

49
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

sens que le concept exprime, en rapport inévitable avec un élément auquel il renvoie 1. Si la
règle juridique ne peut être portée que par des mots, elle représente aussi la traduction d’un
fait concret en termes de droit. C’est ce qu’on appelle le « référent sémantique » ou
« référent ontologique »2, dont le sens va permettre de désigner une chose que le mot
traduit. C’est pourquoi le professeur Jean-Marc TRIGEAUD souligne qu’ « il n’est guère
possible de considérer juridiquement le langage autrement, ce qui relativise d’emblée
diverses approches, légitimes certes, mais latérales, en ce qu’elles ne découvrent aucun
aspect susceptible d’intéresser le sens recherché ».
55. Le renversement sémantique de la définition de la « personne ». Facilité par
le désordre du Haut Moyen Âge -mais aussi par le peu d’initiation des hommes de
l’époque à l’abstraction3-, la pensée de Guillaume D’OCCAM élèvera au niveau de science
un mode de pensée qui était informel. La question de l’individualité de la personne apporte
un éclairage supplémentaire à notre propos et nécessite de mobiliser la notion de
« personne ». La perspective philosophique, dans sa dimension ontologique, s’attache à
déterminer la personne dans son acte d’existence en s’attachant à « discerner l’être, en
déterminer le siège, la consistance, le sens, en lui reconnaissant à la fois l’immutabilité
derrière les fluctuations du changement, la nécessité derrière les contingences (…) ». Or, le
sens que prend le mot personne dans la spéculation métaphysico-religieuse de Guillaume
4
D’OCCAM est différent de celui que s’en faisait la conception gréco-romaine . Dans un
contexte où émerge un « langage parallèle », celui-ci emploiera le mot « sujet »5, plus
facilement personnalisable. Or, le sens de ce mot n’a jamais été assimilable à celui de
personne, plus qu’il ne constitue l’être dans son substrat, distinct de la personne qu’il
désigne. L’identité de la personne ne peut être réductible à son apparence. Son essence
même est sous-jacente à l’extériorité qui se matérialise dans l’objet ou la chose apparente.
Pour autant, cette extériorité ne peut se manifester que dans la transcendance (par
opposition à l’immanence) pour toujours être en lien avec l’objet dont elle provient : l’être.
L’identité s’oppose alors à la simple apparence, dont elle peut manifester l’extériorité. Or,
le sens juridique de la personne tel que posé aujourd’hui s’est laissé enfermer dans le seul
paraître en en occultant l’identité. Le nouveau sens du mot « personne » ne traduirait plus

1
M. DOUCHY-OUDOT, « La notion de non-droit », RRJ, 1992, p. 434.
2
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », in Personne, Droit, Existence, éd. Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie
comparée », 2009, p. 17.
3
Ceux-ci pensent spontanément à partir de leur individualité, la tendance étant à l’époque la libération des
entraves de l’ordre objectif.
4
Le mot « personne » chez les grecs est prosopon, persona en latin. Il désigne « un rôle joué dont la trame est
fixée selon un livret constitué d’avance à partir d’un élément objectif relié à un “bien” dont on se dispute la
propriété ». Cf. J.-M. TRIGUEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept
occidental de personne. Une histoire de la liberté », art. precit., p. 20.
5
Le mot personne en grec signifie prosopon, persona en latin. Dans ce contexte de spéculation, ce mot sera
associé à d’autres vocables grecs ou latins comme « hypostasis » et « substantia » dont le trait commun est de
faire référence à des choses extérieurs à l’homme, particulièrement d’ordre économico-social.

50
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

que la dimension liée au « paraître », désormais synonyme d’ « être ». Un tel glissement


sémantique1 opère par le dédoublement du sens du mot personne en un bien extérieur -
rattaché juridiquement à un patrimoine2-, reflet d’un bien intérieur. Le mot « personne »
désignerait, suivant ce raisonnement, tant l’être que l’apparence. C’est ce que Monsieur le
professeur TRIGEAUD résume par l’idée que « la personne s’ontologisera en quittant l’aire
des apparences, et l’être ou la réalité ontologique se personnalisera »3. Le sens du mot
« personne » sera réduit à l’idée d’un bien propre, entraînant dans le sillage de ce langage
parallèle la notion de droit. Or, et nous rejoignons Monsieur le professeur TRIGEAUD dans
son analyse, il ne convient pas de « projeter sur la personne ce langage récent issu de
l’idéalisme moderne. Celle-ci ne possède pas de droits dits subjectifs, puisque de tels droits
n’existent pas dans le langage des sources gréco-romaines »4.
56. Un raisonnement fondé sur l’individu libre. Le même contresens ayant conduit
à considérer l’apparence comme être personnel rejaillit sur la notion d’acte. Par
contamination de langage, le même contresens a permis de présenter le sujet comme
« l’auteur d’une action à laquelle celle-ci est imputée », qui entraînerait sa responsabilité.
Théologisant ce langage, le sujet est « considéré comme étant en relation de communauté
intersubjective avec les autres sujets d’action »5. Autrement dit, le sujet renverrait à une
action engageant une responsabilité libre et individuelle. Or, le terme communitas ne
renvoie pas aux sujets actifs comme societas, mais à des sujets ontologiques ne dépendant
pas les uns des autres, dont l’action n’est pas réductible à l’acte. Le sujet en question ne
constitue pas ce « sujet en action » au sein d’une communauté perçue tel « un réseau
intersubjectif projetable sur le “vivre ensemble” social »6. Le concept de liberté
individuelle caractéristique de la philosophie franciscaine permettra à Guillaume D’OCCAM
de défendre la thèse qu’ « il existe une infinité d’actes moralement indifférents, c’est-à-dire
libres, que l’individu n’est point tenu rationnellement d’accomplir, mais qu’il accomplit
par amour, ce en quoi tient la vertu chrétienne »7. Chaque individu serait en l’occurrence
un « foyer de conduite libre, donc un centre de pouvoir absolu »8. La morale classique de
l’ordre naturel se trouve vite mise à l’écart, la liberté individuelle telle que comprise par
Guillaume D’OCCAM trouvant à s’appliquer dans un « secteur de la vie dans lequel nos
actes sont soumis à l’ordre naturel, où nul acte n’est « indifférent » pour la morale

1
Sur la transformation de la définition de la nature de l’être, cf. G. BERNARD, « Vers des droits de
l’homme…sans l’homme », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016,
pp. 101-109.
2
T. REVET, « L’argent et la personne », in Mélanges Christian Mouly, Paris, Litec, 1998, pp. 141-154.
3
J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne.
Une histoire de la liberté », art. precit., p. 21.
4
Ibid., p. 21.
5
Ibidem., p. 22.
6
Ibidem., p. 38.
7
M. VILLEY, « La genèse du droit subjectif chez Guillaume d’Occam », art. precit., p. 122.
8
Ibidem., p. 122.

51
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

naturelle, et c’est dans cette zone que se situent la justice et le droit »1. C’est pourquoi cette
liberté radicale ne peut jouer que dans une sphère supérieure, celle de la vertu. Guillaume
d’OCCAM a confondu les deux sphères que saint THOMAS D’AQUIN avait su distinguer : le
domaine de la vie surnaturelle d’un côté, le domaine du droit et de l’ordre social temporel
de l’autre2. Il ne s’agit plus seulement de détourner de leur sens premier les notions, mais
bel et bien de mettre au centre de cette philosophie la volonté individuelle, en mettant la
liberté comme pierre angulaire du droit. C’est ce que Madame le professeur DOUCHY-
OUDOT relève comme étant « la victoire du nominalisme juridique (…) les concepts ne
sont pas faits pour désigner des réalités tirées de l’observation objective de la nature des
choses, ils sont le résultat de conventions sociales qui s’accordent à donner tel sens, tel
contenu à tel concept, indépendamment de toute réalité car celle-ci est niée en soi »3.
57. La redéfinition du rapport à la transcendance. Dans ce contexte, mieux situer
l’homme dans sa dimension extérieure de « personne » conduit à considérer au plan
théologique4 Dieu dans sa structure propre, ontologisé comme accomplissement d’un être
extérieur abstrait et transcendant. Le postulat de la singularité, étendu à la transcendance,
conduit à lui nier sa toute-puissance. Au-dessus de la raison humaine, il y a désormais la
Raison divine, -et non plus la Raison immuable- dont dépend l’idée de justice. Le
fondement de celle-ci changeant, le sens du mot droit suit le mouvement. Il se décline
désormais sous la forme d’une liberté ou d’un droit, loin de l’idée de justice, expression de

1
Ibidem. p. 122-123.
2
M. VILLEY explique très justement que « du personnalisme chrétien valable au plan surnaturel, il (G. d’OCCAM)
tire toute une philosophie, refusant de quitter lorsqu’il traite de l’ordre naturel les lunettes nominalistes,
individualistes du mystique. Et la merveilleuse notion chrétienne de la liberté, valable pour le moine détaché du
monde, mais peut être moins pour les hommes enfoncés dans le temporel, propriétaires, négociants, escrocs et
voleurs auxquels les juristes ont affaire – il la transpose précisément dans le monde du droit ». Cf. M. VILLEY,
« La genèse du droit subjectif chez Guillaume d’Occam », art. precit., p. 123.
3
M. DOUCHY-OUDOT, « Propos impertinents sur l’amour conjugal », in Mélanges en l’honneur du professeur
Jean HAUSER, Paris, Dalloz, LGDJ, 2012, pp. 82-94.
4
Si la personne au sens gréco-romain constitue un masque en vu d’exercer un rôle, l’évolution métaphysique a
conduit à considérer la personne en vertu de ce seul aspect extérieur, en la personnalisant dans son être et
l’ontologisant dans son paraître. La réflexion théologique sur la « personne » -transmise notamment par
CICERON-a donc conduit les Pères grecs entre le II ème et le IVème siècle à substituer le point de vue du sujet à
celui de « bien propre patrimonial » afin de lui conférer une identité interne. À cette fin, l’homme est considéré
comme conçu à l’image de Dieu. Or, cette idée conduit l’œuvre théologique à définir Dieu comme une
« personne ». Se pose alors la question de savoir comment l’interpréter. Dans ce contexte, l’élaboration
théologique s’attacha au concept de personne au sens originel, en privilégiant l’idée de masque. Or, l’évolution
métaphysique l’a ensuite attaché à la réalité sous le masque. Afin de faire admettre qu’il s’agit de nommer la
personne unique et non le personnage configurable en un rôle générique, l’œuvre théologique s’est donc attachée
à dégager trois dimensions du masque : le masque à proprement parler, la réalité sous le masque, enfin l’être
derrière le masque, l’identité qu’il recouvre. Il s’agit de l’approche de la Trinité selon laquelle Dieu est une
« Personne », mais n’en est pas moins « trois personnes », c’est-à-dire trois manifestations ou apparences d’un
Dieu unique, avec trois rôles distincts et ontologiquement autonomes. Cf. J.-M. TRIGEAUD, « Sur les origines
juridiques et mythiques gréco-romaines du concept occidental de personne. Une histoire de la liberté », art.
precit., p. 35-36.

52
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la Raison immuable1. L’universalité de l’ordre transcendant se transforme en immanence,


dont la multiplicité d’éléments empêche de relier.
58. L’émergence de la pensée cartésienne. Si Guillaume D’OCCAM a pu être
considéré comme le père du nominalisme, René DESCARTES pourrait bien être le père du
rationalisme. Établissant une méthode de connaissance totalement subjective et rationnelle
-dite méthode déductive-, celui-ci soumet la réalité -en vue de parvenir à la vérité- à une
sorte de grille de lecture totalement rationnelle. Or, n’étant, par définition, pas
rationalisables, certains domaines ne peuvent être étudiés sous l’angle d’une telle méthode
de connaissance2, dont l’unité de mesure retenue est le « sujet pensant ». En procédant à
l’acte même de penser, l’individu découvre son existence. Totalement rationalisé, le
concept de personne est définitivement coupé de l’être et de la transcendance. La Raison et
l’esprit sont complètement désolidarisés. Entraînant une mutation profonde de la pensée, la
démarche cartésienne touche de très près la sphère juridique. Comme le souligne André-
Jean ARNAUD, « lorsque le mot “droit” au sens de droit subjectif a fini par supplanter la
définition antique de “rapport juste entre les choses”, et lorsque ce nouveau concept fut
définitivement lié à celui de “liberté”, la voie était ouverte à une conception radicalement
nouvelle du droit dont les critères les plus manifestes sont la conceptualisation
systématique, un développement idolâtre pour le subjectivisme 3, la prétention à
l’universalité, l’affirmation de l’unité de la raison, la séparation de la société civile et de
l’État, l’organisation axiomatique des principes juridiques. En particulier, la mise en ordre
du droit autour de quelques concepts accessibles à l’entendement de chacun -parce
qu’inscrits dans la raison de chacun– a constitué l’aboutissement d’un cheminement de
pensée propre à ce que les philosophes entendent par “époque moderne” »4. Est déjà très
loin l’ère des idées platoniciennes ou de la philosophie d’Aristote qui privilégiaient
l’abstraction, et attribuaient à la nature un ordre distinct de celui existant entre individus,
pouvant être observé dans la cité comme au sein de la famille.
59. La mutation corrélative de la conception objective du mariage Cette
révolution méthodologique va affecter la notion même de mariage qui, d’une réalité
objective naturelle est remise en cause par le jeu de la singularité des choses. Au sujet de la
1
Telle que comprise dans la vision aristotélicienne.
2
Un auteur a d’ailleurs soulevé cette problématique en se demandant « dans quelle mesure les méthodes
scientifiques de raisonnement peuvent être utilisées dans les sciences dites sociales ? » avant d’ajouter que « le
droit est une science normative. Or, à la différence des sciences descriptives, pour les sciences normatives il n’y
va pas seulement de connaître mais d’obliger ; les principes de la science, les postulats de la géométrie, les
vérités expérimentales ne peuvent être qu’à l’indicatif ; le droit, lui, a pour objet propre de nous fournir des
règles d’action, il use du mode impératif ». Cf. R. NERSON, « Progrès scientifiques et droit familial », in Le droit
privé français au milieu du XXème siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, 1950, pp. 405-406.
3
P. MAYER, « Existe-t-il des normes individuelles ? », in L’architecture du droit, Mélanges en l’honneur de
Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 679-691.
4
A.-J. ARNAUD, « Philosophie des droits de l’Homme et droit de la famille », in Internationalisation des Droits
de l’homme et évolution du droit de la famille, Actes des Journées d’Études des 15 et 16 décembre 1994,
organisé par le Laboratoire d’Études et de Recherches Appliquées au droit privé (LERADP) de l’Université de
Lille II, Paris, LGDJ, 1996, p. 4-5.

53
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

famille, il s’agit purement et simplement de sa négation comme essence universelle. « Par


extension, dit Michel VILLEY, le nominalisme, au nom de l’individualité, ici des hommes,
est négation des communautés : la cité, mais aussi la famille dans leur consistance
ontologique : la famille n’est plus qu’un rassemblement artificiel et contingent, procédant
d’une organisation abandonnée aux soins des seules volontés »1. Par suite, « (…) le
mouvement des idées descend dans le droit et la politique, impliquant une nouvelle
conception de l’État »2 car, « toute conception d’ensemble du monde, lorsqu’elle vient à
triompher dans un groupe social, se répercute sur les juristes »3.
Au XIVème siècle, au lieu d’être conçu en fonction d’un ordre objectif, le lien conjugal sera
appréhendé à partir de l’individu, sujet omnipotent « absolument libre et détenteur de tous
les droits »4. Tout un référentiel en ressort bouleversé. En matière conjugale, l’ancienne
approche de droit naturel s’est très vite trouvée mise à l’écart, entraînant une profonde
mutation de la conception du mariage, réduit à un simple accord individuel5. Cette
transformation affecte corrélativement la notion d’amour conjugal. Le lien existant
autrefois entre amour et justice6 sera tout naturellement métamorphosé. La réalité, qui dans
l’ancienne science juridique pouvait trouver le droit dans les choses extérieures, est
désormais tributaire de la pensée -d’où la distinction que Descartes opère entre l’âme
humaine et le corps-. Cet isolement de la pensée et du corps se répercutera en matière
conjugale, dissociant de ce fait l’union charnelle de l’union spirituelle. Ainsi que le
souligne Monsieur BETHERY DE LA BROSSE « à vouloir soumettre toute la réalité dans une
grille rationnelle de type géométrique, on exclut nécessairement les aspects irrationnels de
cette même réalité -comme l’amour, que l’on place de ce fait hors de la raison et de la
science (…)- impensables par manque de logique adaptée pour les appréhender »7.
DESCARTES marque à cet égard un pas décisif dans le processus de subjectivisation de la
pensée, en contribuant à poser les principes de la science moderne indépendamment de
toute réalité spirituelle.

1
P. MOREAU, « Penser le droit de la famille avec Michel Villey », Arch. philo. dr., 2006, p. 335.
2
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème-
XXIème), op. cit., p. 35.
3
M. VILLEY, La formation de la pensée juridique moderne, Paris, PUF, « coll. Léviathan », 2003, p. 278.
4
A.-J. ARNAUD, « Philosophie des droits de l’Homme et droit de la famille », in Internationalisation des Droits
de l’homme et évolution du droit de la famille, op.cit., p. 5.
5
Voir en ce sens : J.-P. AGRESTI, « Le mariage et le contrat à la fin de l’Ancien Régime : éléments de réflexion
tirés de l’histoire du droit », in Lien familial, lien obligationnel, lien social. Livre I « Lien familial et lien
obligationnel », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, coll. « Inter-
normes », 2013, pp. 53-92.
6
J. JIANG, « Droit et amour, variations sur la moralité », in Études en l’honneur du Professeur J. ARNAUD-
MAZERES, Paris, Litec, 2009, pp. 395-414 ;V. aussi J.-M. TRIGEAUD, « Le politique et le droit entre amitié et
amour. Une redéfinition de la personne », in Personne, Droit, Existence, op. cit., pp. 57-66.
7
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne, op. cit.,
p. 129.

54
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Une fois ce nouveau cadre philosophique étendu à tous les domaines1, le processus voit
son couronnement achevé par un inversement total de la fonction du droit, qui d’ « un
rapport supra, interindividuel »2, se retrouve exclusivement relié au sujet3 dont il procède.
Le droit n’est plus perçu comme objet de la Révélation, mais « il devient possible
d’affirmer qu’il est des droits inhérents à l’individu, des droits universels inscrits dans la
raison humaine »4. Le lien conjugal n’est plus appréhendé comme une réalité qui dépasse
le couple5, mais rationalisable car se rapportant à chacun de ses membres. À cet égard, la
Révolution n’a fait que tirer les conséquences de la nouvelle conception du droit.

B) La consécration du mariage civil républicain

60. Le sacre de l’individu libre. La Révolution française « fait entrer dans le champ
de la relativité, du changement perpétuel, ce qui relevait en principe du transcendant, de
l’immuable, de l’ordre naturel et éternel approuvé par Dieu »6. Surtout, elle marque le
triomphe de l’individu libre, le Code civil promulgué consacrant « les droits subjectifs de
l’individu, son droit à la liberté, son droit à la propriété individuelle, son droit à la liberté

1
Monsieur le professeur Hugues FULCHIRON relève que la liberté individuelle constitue désormais une valeur
essentielle dans un grand nombre de systèmes. Il revient au système le plus libéral d’imposer naturellement son
idéologie aux autres, par un phénomène de contagion. Il s’agit de ce que l’auteur appelle « le triomphe du
système le plus libéral ». P. ARNAUD dénonce pour sa part « un trait particulièrement choquant de la “maladie
occidentale” qui, en même temps qu’elle favorise la propagation du délire démo-libéral, bloque l’application de
l’esprit positif aux secteurs les plus sensibles de l’existence humaine, (…) une seule loi, une seule norme :
l’arbitraire individuel. Lorsqu’il s’agit de brider la fantaisie individuelle, de rappeler l’égoïsme à la réalité de
l’existence sociale, alors on ne veut plus entendre parler de nature, ni évidemment non plus de science (…) la
vérité est mise aux voix, c’est-à-dire qu’il n’y a plus de vérité ». Cf. P. ARNAUD, « Essai d’approche positive du
problème de la famille d’après Auguste Comte », Arch. philo. dr., t. 20, p. 138-139.
2
M. VILLEY, « La genèse du droit subjectif chez Guillaume D’OCCAM », in Le droit subjectif en question, Arch.
philo dr., 1964, t. 9, p. 104.
3
D’ailleurs, un propos du doyen CARBONNIER reflète bien cette philosophie : « La conception française du
mariage, c’est, en dernière instance, que chaque être humain a la responsabilité, non seulement de son propre
bonheur, mais de sa propre moralité. La liberté est pour les autres, le devoir moral n’est que pour moi ». Cf.
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du
XXème siècle, Études offerts à Georges RIPERT, op. cit., p. 345.
4
A.-J. ARNAUD, « Philosophie des droits de l’Homme et droit de la famille », art. precit., p. 4.
5
Le doyen CARBONNIER soulignait de façon profonde que « Le mariage français est une union perpétuelle.
Certes, notre droit reconnaît pleinement, aux divorcés comme aux veufs, le droit de se marier. C’est la règle
juridique. Mais la règle morale, c’est la perpétuité du lien, et elle affleure, par instants, à la lumière du droit ». Il
continue, en ajoutant cette pénétrante remarque : « Ainsi, en faux bourdon, à travers le droit, la voix grave de la
règle morale ne cesse pas de se faire entendre. L’harmonie, dira-t-on, est impossible : d’un côté rien que la
liberté, d’un autre, rien que des limitations ; ou il faut se dresser contre le droit, ou votre morale est vaine. Mais
la réponse, c’est la liberté : la suprématie de la liberté, loin d’être pour le devoir moral une défaite, lui assure le
véritable règne auquel il ait vocation ». Cf. J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit français du mariage »,
art. precit., pp. 343-344.
6
J. BOUVERESSE, « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », in Le droit
entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p. 53.

55
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

contractuelle »1. Ayant pendant longtemps structuré l’Ancien Régime et servi de relais
indispensable au pouvoir royal, les corps intermédiaires sont affaiblis2 voire anéantis car
« nul corps, nulle communauté ne doit s’interposer entre la base, les citoyens, et l’État qui
les représente (…). Entre la base et le sommet, entre le sommet et la base, la volonté qui
remonte se transforme en pouvoir et redescend ; cet incessant mouvement de va-et-vient
doit toujours être parfaitement fluide »3. La phase libérale de la Révolution va pourtant
rapidement changer à la veille de la promulgation du Code civil. Fondant la société issue
de la Révolution sur la propriété et la famille, les rédacteurs du Code demeurent
paradoxalement convaincus de la nécessité d’une famille forte, où la conservation des
biens est centrale4.
61. L’affaiblissement de la famille. La Révolution consacre le contrat comme
fondement de toute chose, car « la volonté individuelle possède une véritable puissance
créatrice » 5 qui permet à la volonté de chacun de s’exprimer. Cette conception de la liberté
individuelle, héritage direct d’OCCAM, se manifeste avec force dans l’idée que le mariage
n’est plus qu’un contrat civil que la volonté fait et défait. Le second projet de codification
de CAMBACERES prévoyait que le droit de la famille reposerait sur la liberté, et que tout
individu est « maître de sa personne », tout en reconnaissant la place centrale du mariage
qu’il qualifie de « nature en action (…) formé pour le bonheur de deux individus »6. Le
sacrement de mariage devient une « cérémonie » à caractère privé s’ajoutant au
consentement matrimonial7. La suppression des corps intermédiaires permet la
consécration de l’individu comme fondement du politique 8. À cet égard, la puissance
paternelle ne constitue plus qu’une fonction, dont le but est la protection du mineur.
Humanisée, elle est soumise au contrôle des nouveaux tribunaux de famille. La
reconnaissance des liens de filiation naturelle par la loi du 17 nivôse an II, puis le décret du
12 brumaire an II sur les successions mettent à quasi égalité les droits de succession des
1
A. COLIN, H. CAPITANT, Traité de droit civil, Introduction générale, institutions civiles et judiciaires,
Personnes et Famille, t.1, Paris, Dalloz, 1957, p. 129.
2
Ibid., p. 125.
3
J. BOUVERESSE, « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », art. precit.,
p. 79.
4
Cf. R. LE GUIDEC, « Regards sur les fonctions économiques de la famille », in Mélanges en l’honneur du
professeur Jean Hauser, Paris, Dalloz, 2012, pp. 299-307.
5
J. BOUVERESSE, « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », art. precit.,
p. 77.
6
Cité par O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation intermédiaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd.
Arthur Rousseau, 1901, pp. 112-113.
7
P. FONTEZ, Les diverses étapes de la laïcisation du mariage en France, Perpignan, Pontifica universitas
gregoriana, 1972.
8
Ceci explique que la famille dans le Code civil n’ait pas une partie qui lui soit dédiée. Les rédacteurs du Code
en traitent, mais d’un point de vue purement individualiste, réglant les rapports de ses membres entre eux, « sans
prendre conscience, ou au moins sans prendre pleinement conscience que toutes les règles ont trait à une
institution unique : la famille, dont elles fixent la constitution, l’organisation et la dissolution ». Cf. H. et L.
MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS, Leçons de droit civil, la Famille, t. 1, 3ème vol., 7ème éd. revue par
L. LEVENEUR, Montchrestien, 1995, p. 4, n° 685.

56
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

enfants naturels et des enfants légitimes. La capacité de la femme mariée est reconnue et la
puissance maritale est remise en cause. Autant d’éléments ont incontestablement affaibli la
famille en tant que corps intermédiaire.
62. Le mariage, un contrat civil. En raison d’une conception bourgeoise du
mariage, la réforme de la famille n’était pas la priorité des révolutionnaires. La
proclamation des droits de l’homme et du citoyen sera l’occasion de porter au grand jour
les revendications égalitaires1 permettant de libérer l’Homme dans sa vie privée2. La
Constitution de 1791 et le décret du 20 septembre 1792 font du mariage un contrat libre
sécularisé : « La loi ne considère le mariage que comme contrat civil »3 proclame l’article
7 de la Constitution. C’est la première fois dans l’histoire de France que le sacrement de
mariage cesse d’être nécessaire pour fonder la famille légitime4. D’abord civilement conclu
devant l’officier d’état civil, la célébration religieuse du mariage ne peut intervenir
qu’après, au nom du respect de la liberté de conscience. Ce bouleversement met fin à des
siècles de mariage uniquement religieux. Les officiers publics reçoivent désormais les
déclarations de naissances, de mariage et de décès. La rupture est ainsi consommée avec
l’ancienne époque où il revenait aux prêtres et curés, depuis l’ordonnance de Villers-
Cotterêts (1539) de constater et enregistrer tout évènement familial. L’admission d’une
liberté individuelle propre à chacun et la sécularisation consécutive du mariage conduisent
à admettre le divorce. Bien que les nouvelles dispositions portent en leur germe le
caractère révolutionnaire et individualiste, nombre d’entre elles demeurent marquées par
l’ancien droit : l’autorité paternelle, le statut d’incapable de l’épouse -considérée au même
titre que les fous et les enfants comme une « perpétuelle mineure »- devant obéissance à
son époux ou encore l’autorisation du père5 au mariage de son fils. La nouvelle législation
s’inscrit dans une perspective de compromis entre d’une part, l’esprit libertaire et
individualiste porté par la phase révolutionnaire, d’autre part le respect de l’ordre familial
issu de la tradition catholique depuis des siècles6. La philosophie individualiste imprègnera
pourtant la conception du mariage : « Il n’y a pas de mariage lorsqu’il n’y a point de

1
Cf. notamment J.-P. DURAND, « Code civil et droit canonique », Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, p. 59-79.
2
Deux conceptions s’opposaient lors des débats précédant la promulgation du Code civil en 1804. Une première
considérait que rien ne pouvait empêcher l’irruption des droits de l’homme dans la sphère familiale (et donc du
privé) et, partant de là, celle-ci ne présentait pas de spécificité particulière. C’est ce qu’I. THERY appelle droit du
principe. Une deuxième conception voyait en la famille une « société irréductiblement spécifique » dont
l’organisation devait se faire conformément à la nature et des rapports existants entre membres d’une même
cellule, il s’agira du droit du modèle. Cf. I. THERY, Le démariage, Paris, Éd. O. Jacob, 1993, p. 23.
3
Lors de la promulgation du Code civil en 1804, PORTALIS avait fait remarquer que le mariage n’est ni un acte
civil, ni un acte religieux. Il est un acte naturel, commun à toutes les personnes humaines et donc un acte devant
être organisé par la loi civile.
4
Y. BRULEY, « Mariage et famille sous Napoléon : le droit entre religion et laïcité », Napoleonica. La revue,
2012, n° 2, pp. 111-126.
5
A. DESRAYAUD, « Le père dans le Code civil, un magistrat domestique », Napoleonica. La Revue, n° 2, 2012,
pp. 3-24.
6
S. BLOQUET, « Le mariage, un “contrat perpétuel par sa destination” (Portalis) », Napoleonica. La Revue, n° 2,
2012, pp. 74-110.

57
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

consentement ». La prise en compte de la liberté dans le mariage -venue directement de la


pensée anglaise dont LOCKE est représentatif- ouvre la porte à l’accueil des sentiments et
de l’amour au sein du mariage.
63. La consécration du mariage d’amour. À l’inverse de la conception dominante
jusqu’au XVIIIème siècle, bonheur et mariage ne sont plus antagonistes. Le bonheur tel que
perçu repose sur l’expérience des sentiments et la sensibilité. Après avoir été l’apanage des
hommes d’Église, des philosophes, des juristes et des moralistes, c’est au tour des
romanciers de s’intéresser au mariage. La littérature de l’époque1 promeut une conception
du mariage fondé sur les sentiments humains, délaissant son côté obligationnel. L’idée
dominante à l’époque s’attachait à démontrer qu’ « une contradiction irréductible oppose
les pulsions individuelles et l’ordre établi, le besoin intime de liberté et les contraintes de la
collectivité, le sentiment amoureux et l’institution »2. C’est notamment l’idée que
MONTESQUIEU défend. Démontrant comment l’ordre de la société permet de parvenir à un
équilibre, il met en relief le sacrifice du bonheur individuel qui en résulte. Comparant le
mariage tel que vécu en France avec le harem dans ses Lettres persanes, il mettra en
lumière les conditions, selon lui, favorables au plaisir amoureux. Le harem favoriserait un
amour sensuel et raffiné, où les relations charnelles seraient plus difficiles à obtenir, en
raison de la pudeur inculquée aux filles dès leur plus jeune âge. Un tel amour serait
d’autant plus stimulé par la concurrence des femmes entre elles, rivalisant de sensualité
pour être préférées3. Or, MONTESQUIEU valorise un sentiment amoureux à partir des
individualités qui le ressentent. Détaché de la morale, il se trouve réduit à la seule
dimension charnelle et sentimentale : c’est le règne du mariage subjectif. Pour appréhender
les relations humaines, VOLTAIRE raisonne lui aussi en termes de sensibilité et d’intérêt
individuel. S’appuyant sur la philosophie anglaise lockienne, il développe une pensée dont
le fondement est la passion et l’intérêt individuel, moteurs des actions humaines. Pour ce
dernier, le mariage serait la consécration d’un « désir mutuel de vie commune et de relation
charnelle »4. La question du désir physique –fondement naturel du mariage- sera
développée par ROUSSEAU. Sa théorie du contrat social favorise l’émergence d’une
conception juridique du mariage qui repose sur trois idées. La première considère que
l’homme est guidé par le plaisir sensible, « l’amour du bien-être, seul mobile des actions
humaines »5. Cette approche est probablement la plus déterminante dans la mutation
contemporaine du mariage. La seconde procède à une nette distinction entre la possession
des choses et celle des personnes, « le droit de propriété n’étant que de convention et

1
C. PHILIPPE, « Maupassant, précurseur du mariage moderne », in Mélanges à la mémoire de Danièle Huet-
Weiller, Liber amicorum, Strasbourg, PUS, LGDJ, 1994, pp. 367-377.
2
S. MELCHIOR-BONNET, C. SALLES (dir. de), Histoire du mariage, Paris, 2009, p. 604-605.
3
MONTESQUIEU, Lettres persanes, lettre III.
4
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit : le lien conjugal dans la pensée juridique moderne, op. cit.,
p. 182.
5
ROUSSEAU, Le contrat social, Paris, GF Flammarion, 1992.

58
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’institution humaine, tout homme peut à son gré disposer de ce qu’il possède : mais il
n’en est pas de même des dons essentiels de la nature, tels que la vie et la liberté, dont il est
permis à chacun de jouir et dont il est moins douteux qu’on ait droit de se dépouiller »1.
Sans doute est-ce cette idée sur laquelle repose la liberté du consentement au mariage.
Enfin, ROUSSEAU distingue le pouvoir gouvernemental du pouvoir paternel, en mettant
l’accent sur ce dernier, qui seul justifie l’état de nécessité inhérent à l’enfance.
64. L’admission du divorce. Cette question a donné lieu à de virulents débats au
XVIIIème siècle entre canonistes et jurisconsultes2. En admettant le divorce de façon très
large3, la Révolution a généré nombre d’excès4. SEDILLEZ proposait une théorie très
proche de la nature, laissant au juge la possibilité d’apprécier, en toute conscience, les faits
d’espèce qui lui seraient soumis. Le mariage étant un pur contrat civil, il est désormais
possible de le rompre de la même manière qu’il a été formé, sans que la société ne dispose
d’un droit de regard. Si cette théorie n’a pas eu à l’époque un réel succès, elle semble
aujourd’hui très proche de notre conception du divorce. Pour PORTALIS, « le véritable
motif qui oblige les lois civiles à admettre le divorce, c’est la liberté des cultes (…) je
rendis tout indépendant de la religion : les tribunaux, les mariages…Mon intention était de
rendre purement civil tout ce qui appartenait à l’État et à la Constitution, sans égard pour
aucune religion. Je ne voulais accorder aux prêtres aucune influence et aucun pouvoir sur
les affaires civiles »5. Le divorce résulte ainsi directement de la Déclaration des droits de
l’homme qui a proclamé la neutralité religieuse et la sécularisation stricte du mariage.

1
ROUSSEAU, Discours sur l’origine de l’inégalité, Paris, GF Flammarion, 1992, p. 246.
2
Pour les premiers, le mariage était un contrat-sacrement relevant exclusivement du pouvoir spirituel, alors que
pour les seconds (notamment les gallicans) le contrat-civil relevait du pouvoir temporel, donc des prérogatives
étatiques. Dans la continuité de l’édit de 1787, la laïcisation progressive de l’état civil a été favorable à la main
mise de l’État sur le mariage, l’échange des consentements devant un ministre de culte ne suffisant plus.
L’Église est contrainte de renoncer à son rôle d’inspiratrice du droit, et la liberté conquise s’introduit au plus
profond de l’intimité des individus. Elle s’accordait désormais mal avec l’engagement perpétuel du mariage-
sacrement. Une hiérarchie s’installait entre les pouvoirs civil et religieux, faisant du second l’ « accessoire » du
premier.
3
Décret du 20 septembre 1792. L’admission du divorce a été justifiée au cours des discussions par des
considérations sentimentales et juridiques sans jamais évoquer son utilité sociale ni le principe même de son
admission. Les assemblées délibérantes maintenaient un contact avec le peuple duquel elles étaient issues, en
permettant à chaque citoyen de communiquer à l’Assemblée ses réflexions écrites ou orales. Lues en séance par
des secrétaires ou par les pétitionnaires eux-mêmes, ces pétitions pouvaient faire l’objet d’abus. En ce sens, la loi
relative au divorce était essentiellement une loi de liberté : O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation
intermédiaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd. Arthur Rousseau, 1901, pp. 68-75.
4
Certains divorces avaient été constatés authentiquement avant le 20 septembre 1792, que le décret des 4-9
floréal an II (23-28 avril 1794), facilitant le divorce, régularisa par suite ; en cas de séparation de fait pendant six
mois, ou d’abandon pendant la même durée, le divorce pouvait être prononcé sans délai. Des pénalités étaient
prévues pour certaines municipalités réfractaires au prononcé du divorce dans de telles conditions.
Cf. O. MARTIN, La crise du mariage dans la législation révolutionnaire (1789-1804), Thèse, Paris, éd. Arthur
Rousseau, 1901, pp. 88-89.
5
Cité par J. BASDEVANT, Des rapports de l’Église et de l’État dans la législation du mariage du Concile de
Trente au Code civil, Paris, 1900, p. 201 ; B.-E. O’MEARA, Napoléon en exil à Sainte-Hélène, t. 1, p. 150, cité
par E. STOCQUARD, Aperçu de l’évolution juridique du mariage, Bruxelles O. Lamberty, 1905, p. 247.

59
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

65. Les abus générés par une pratique excessive du divorce. Le principe de liberté
individuelle promu par la religion s’opposait à l’idée d’une union indissoluble. Trois types
de divorce ont été retenus par le Comité de législation : le divorce par consentement
mutuel, le divorce pour motifs déterminés et le divorce sur allégation unilatérale
d’incompatibilité d’humeur1. Il s’agit de l’application littérale de la théorie du mariage-
contrat car c’est bien celle-ci qui justifie les deux premières formes de divorce. Un délai de
deux mois était nécessaire pour dissoudre le mariage en cas de consentement mutuel, sans
condition de délai et sans connaissance de cause lorsqu’existait un motif, enfin un délai
minimum de six mois en cas d’allégation d’incompatibilité d’humeur. L’intervention de
l’autorité publique était limitée à l’enregistrement de la volonté des parties. Or, les
pétitions s’étaient multipliées en faveur d’une révision des nouvelles règles du divorce,
particulièrement du divorce pour incompatibilité d’humeur dont les conséquences se sont
avérées désastreuses. Un mouvement de réaction face aux abus perpétrés par l’admission
du divorce poussa les rédacteurs du Code2 à en modifier la physionomie3. Les causes
d’admission sont finalement restreintes et déterminées4, les conditions de sa mise en
œuvre5 durcies, voire rendues impossibles. Tout en rappelant que le mariage devait être
contracté dans un esprit de perpétuité, le principe de la liberté de conscience commandait
l’admission du divorce « qu’il faut éviter le plus possible et qui ne doit être mis à la
disposition de l’individu que dans des cas graves et nettement déterminés »6. Ainsi
consacré, le divorce subsista jusqu’à la Restauration, la loi du 8 mai 1816 l’ayant aboli, en
même temps que le catholicisme fut déclarée religion d’État. Il ne réapparaîtra qu’avec la
loi du 27 juillet 1884.
66. Le recours modéré au principe d’égalité. La cellule familiale est un lieu où le
principe d’égalité doit être harmonieusement combiné avec celui de différenciation des
places et des rôles de chacun. L’état d’incapacité de la femme mariée, perçu comme
assujettissement de celle-ci à l’homme, permettait paradoxalement de maintenir la

1
§1er de la loi, art. 2 et 3.
2
La commission chargée de rédiger un projet de Code civil était composée de TRONCHET, de BIGOT-
PREAMENEU, de MALLEVILLE et de PORTALIS. C’est à ce dernier qu’est revenue la tâche de présenter au Conseil
d’État le titre du « Divorce ».
3
La loi votée par le Corps législatif fut promulguée le 10 germinal an XI.
4
Le divorce pour incompatibilité d’humeur sera abandonné au profit du divorce par consentement mutuel dans
des conditions draconiennes, notamment des conditions d’âge : le mari doit avoir plus de 25 ans, la femme entre
21 et 45 ans (articles 275, 277 du code de 1804) ; des conditions de durée du mariage : plus de deux ans et moins
de 20 ans (art. 276 et 277). Les époux devaient également obtenir le consentement de tous leurs ascendants
vivants (art. 278), se mettre d’accord par écrit sur la garde des enfants, le domicile de l’épouse et la pension
alimentaire qui lui sera versée si elle est dans le besoin (art. 280), enfin donner immédiatement la moitié de leurs
biens aux enfants (art. 305). Enfin, il était interdit à l’épouse de se remarier avant l’écoulement d’un délai de
trois ans (art. 297), cf. J.-Ch. LAURENT, « Quelques réflexions sur les causes du divorce », D. 1949, 13ème Cahier,
pp. 61-64.
5
La procédure était longue car il y avait pas moins de quatre tentatives de conciliation (art. 285 et 286).
6
G. DUMAS, Histoire de l’indissolubilité du mariage en droit français, Thèse, Paris II, éd. Arthur Rousseau,
1902, pp. 77-78.

60
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cohésion de la cellule familiale dans le respect des différences entre l’homme et la femme.
Loin de nous l’idée que la nature de la femme commanderait une quelconque soumission,
notre propos est de démontrer qu’une gestion familiale en terme d’égalité de pouvoirs peut
conduire à une situation concurrentielle1 qui s’accommode mal de l’harmonie et de la
paisibilité requises dans le cadre familial. Bien souvent, derrière l’apparente incapacité
consacrée par les dispositions légales, la réalité était tout autre : les épouses gagnaient la
protection avec la dépendance, et un certain pouvoir domestique avec leur incapacité
juridique. Bien souvent, elles étaient « le véritable gouvernement et toujours l’intendante.
L’éducation des enfants leur revenait, et la famille est souvent une pensée sur leur avenir,
un projet commun et une association de partenaires égaux, par-delà les faux-semblants de
la norme juridique. C’est aussi le lieu où « s’éprouvent les valeurs “féminines” de
prévoyance, d’économie, de conservation attentive de la vie et de mobilisation des moyens
de la protéger »2. Comme le souligne Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, « il
paraissait alors impossible qu’une dualité de pouvoirs décisionnels ne conduise pas à
l’anarchie, et donc à la ruine de la famille »3. Le législateur, s’il consacrait l’égalité en
certains domaines, n’en faisait pourtant pas un principe directeur, encore moins l’objectif
du droit de la famille. À titre d’exemple, le Code civil proclamait l’égalité successorale
entre les enfants des deux sexes, sans distinction aucune. La loi du 9 avril 1881 autorisait la
femme mariée à ouvrir un livret de caisse d’épargne sans autorisation de son époux, tandis
que la loi du 13 juillet 1907 portait sur la libre disposition des gains et salaires. Autant
d’initiatives du législateur permettaient d’atteindre l’égalité dans l’harmonie, en ne créant
aucun conflit d’intérêts entre les membres de la famille. Bien au contraire, l’égalité
conférait une certaine autonomie à l’épouse qui pouvait gérer les affaires du ménage tout
en disposant de son salaire lorsqu’elle exerçait une activité salariée.
Une fois appréhendés les éléments déterminants dans la fixation des règles qui président au
mariage occidental, il convient de s’intéresser maintenant à ceux qui président à la fixation
des règles régissant le mariage musulman.

1
V. infra, n° 140.
2
J. BOUVERESSE, « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », art. précit.,
p. 55.
3
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Droit des personnes et de la famille : de 1804 au PACS (et au-delà…) »,
Rev. Pouvoirs, 2003, n° 107, p. 37-52.

61
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

Section 2. Le mariage musulman

67. Une intégration nécessaire au sein de l’ordre juridique de référence. S’il


« est rare qu’on puisse renseigner de façon exacte sur une théorie grâce à un seul arrêt de
jurisprudence ou sur l’état d’une institution juridique au moyen d’un article de code »1,
étudier le mariage musulman nécessite un examen approfondi de sa genèse afin de
comprendre la portée des règles positives en vigueur aujourd’hui dans les pays de tradition
islamique. Une telle entreprise nous amènera à remonter le temps à l’époque de l’Arabie
préislamique2. L’arrivée de l’Islam en ces terres constitue un tournant, car l’organisation
actuelle de la famille demeure aujourd’hui encore fondée selon les prescriptions religieuses
consacrées. L’analyse du mariage3, loin de faire l’objet d’une étude isolée, s’intègrera dans
un ensemble cohérent d’institutions et de règles juridiques4. Ce n’est qu’en fonction de cet
ordre juridique, dont il fait partie intégrante, que la structure et le rôle du mariage seront
mieux appréhendés.
68. Un mariage en apparence religieux. Parce que nombre de règles relatives au
mariage sont puisées dans le Coran, celui-ci est, dit-on, religieux. Il est sans doute encore
ainsi perçu en raison de la forte prégnance religieuse de la communauté dans laquelle il
s’insère, dans laquelle le religieux se confond le plus souvent avec les pratiques sociales5.
Pourtant, celui-ci est profondément consensuel et ne devient valide que par le
consentement des époux6. La genèse de l’Islam au VIIème siècle de notre ère est, à cet
égard, d’un apport capital (§2). Cependant, l’ampleur des transformations apportées par
cette religion ne peut être appréhendée sans un examen des grands traits de l’organisation

1
L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974, p. 26.
2
Hervé BLEUCHOT affirme que « l’étude de la société pré-islamique est indispensable à l’étude du droit
musulman. Elle est en effet le berceau de l’Islam et de l’État islamique ». H. BLEUCHOT, Droit musulman, t. I :
Histoire, Marseille, PUAM, 2000, p. 41.
3
V. en ce sens : M.-M. SALAMA, Le mariage en droit musulman, Thèse, Montpellier,
Imprim. Firmin&Montaine, 1923.
4
S. A. ALDEEB ABU-SAHLIEH, Introduction à la société musulmane. Fondements, sources et principes, Paris, éd.
Eyrolles, 2006. Pour des développements plus poussés, v. la thèse de I. TOUALBI, Le droit musulman : de
« l’interdiction de la jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, spec. p. 191. Dans son
étude, M. TOUALBI explique que la compréhension réelle du droit musulman ne peut être complète en se référant
uniquement au contenu du récit coranique. En effet, sur les six mille versets que compte le Coran, seuls cent
cinquante traitent du droit stricto sensu. Afin de réellement saisir la portée de ces versets normatifs, aussi
convient-il de disposer d’un ensemble de connaissances annexes permettant de connaître précisément les
circonstances historiques et linguistiques de leur apparition, ce qui exige bien évidemment un savoir théologique
qui n’est pas à la portée de tout juriste non préparé. C’est très justement cet ensemble que l’auteur se propose
d’étudier.
5
I. FADLALLAH, « Lien conjugal et rencontre de civilisations », in Le statut personnel des musulmans, Droit
comparé et Droit international privé, J.-Y. CARLIER, M. VERWILGHEN (dir. de), Bruxelles Bruylant, 1992,
p. 344. Si dans les usages et les coutumes, des prières sont récitées à l’occasion du mariage, elles n’ont rien de
sacramentel et ne constituent pas un élément du contrat de mariage.
6
N. GAFSIA, L’invention coloniale du mariage musulman : le cas tunisien, Paris, LGDJ, coll. « Droit et
Société », 2008.

62
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

familiale anté-islamique (§1). Ce rapide tour d’horizon permettra une meilleure


compréhension des règles juridiques contemporaines et leur évolution dans les pays du
Maghreb (§3).
69. Méthode de travail. Il convient, afin de ne pas dénaturer la portée du donné
étranger, de s’affranchir de l’esprit et de la mentalité propres à l’espace occidental, car
« interprétant des institutions appartenant aux peuples primitifs dans l’esprit et avec la
mentalité d’hommes civilisés, les comparatistes faisant de l’ethnologie juridique, ont abouti
à des résultats erronés. Inconsciemment, ces comparatistes leur ont prêté des raisons, des
objectifs, et des réactions juridiques conformes à leur propre esprit et mentalité et non à la
mentalité du monde spirituel dans lequel vivaient ces peuples »1. L’organisation familiale
doit être interprétée avec la méthode et conformément à l’esprit spécifique de l’espace et
de l’époque juridique considérés2. Cette exigence est de la plus haute importance, l’Islam
ne séparant pas disposition juridique, règle morale et prescription religieuse. Il est, à l’aune
de cet éclairage, plus aisé de comprendre les résultats auxquels ont pu aboutir certains
juristes européens lorsqu’ils ont interprété ce droit avec leur esprit habitué à un droit
laïcisé.

§1) L’organisation familiale anté-islamique : une structure désorganisée

70. Une pluralité de types de mariage 3. L’arrivée de l’Islam dans la péninsule


arabique n’a pas radicalement bouleversé la vie juridique de la société arabe. Afin
d’assurer une adhésion massive des fidèles au nouveau dogme 4 -unité et toute puissance de
Dieu5, vie future avec ses peines et ses récompenses-, revenir sur l’ensemble des pratiques
et coutumes locales ayant cours dans la région se révélait inadapté au but poursuivi6. Tout
au plus était-il possible de les encadrer, voire de les limiter. Néanmoins, l’institution du
mariage telle que la connaît le droit musulman aujourd’hui découle directement de la

1
L.-J. CONSTANTINESCO, Traité de droit comparé, la méthode comparative, Paris, LGDJ, t. 2, 1974, p. 186.
2
V. en ce sens : J.-P. CHARNAY, Esprit du droit musulman, Paris, Dalloz, 2008.
3
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath Annajah
Al jadida, 2015, pp. 1176-182 (en langue arabe).
4
Le dogme musulman se caractérise par une grande simplicité : les musulmans sont appelés à croire en un Dieu
unique, Allah, à ses anges, à son apôtre, au Livre, aux Écritures révélées avant lui et au jugement dernier.
5
Ceci s’explique par le fait que l’Arabie, terre où l’Islam est apparu, avait pour « religion » dominante le
polythéisme. Malgré l’admission de l’existence d’un Dieu unique, les arabes païens de l’époque lui associaient
diverses divinités secondaires, ce qui constitue pour l’Islam un grave péché. Par extension, bien que l’Islam
reconnaisse la religion chrétienne et Jésus, ce dernier n’est, pour les musulmans, pas le fils de Dieu mais un
prophète connu sous le nom d’Issa. Par conséquent la notion de Trinité y demeure inconnue. Cf. J. ROMMIER,
« Religion », in Encyclopaedia Universalis, Dictionnaire de l’Islam, religion et civilisation, Albin Michel, 1997,
pp. 710-730.
6
Le souci d’adaptation aux pratiques en vigueur a également pu être relevé au sujet de la doctrine chrétienne du
mariage dans ses débuts, cf. supra, n°.

63
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

conception islamique. Avant son arrivée, la pratique de l’union libre1 rendait incertaine la
frontière entre mariage et prostitution. Parmi les unions prohibées figuraient notamment :
le mariage « à durée limitée » nikah al mot’a, dans lequel la femme était louée pour un prix
et pour un laps de temps déterminés. En guise de don de mariage, la femme offrait à
l’homme une lance et une tente. Une autre sorte de mariage, proche de l’échangisme nikah
al istibdaâ -mais dont le but était procréatif- permettait à l’homme désireux d’avoir un
enfant doté de qualités jugées supérieures, d’ordonner à son épouse de cohabiter avec un
homme connu pour son courage, son intelligence ou tout autre qualité. Le mari ne touchait
plus sa femme tant qu’elle ne montrait pas de signe de grossesse provenant de la
cohabitation avec cet homme. Le mariage « hérité » appelé aussi mariage « détestable »
nikah al makt permettait au fils aîné du défunt d’hériter de l’épouse de son père. Achetée
avec les biens du mari, la femme faisait partie de l’héritage selon l’organisation patriarcale
de la famille chez les Arabes de l’époque. Nikah al-seby permettait aux guerriers de se
partager les femmes de la tribu vaincue, les enfants nés d’une telle union devenant
esclaves. Enfin, le mariage « compensatoire » (nikah al chighar) permet à deux hommes de
s’engager mutuellement à donner, pour chacun d’eux, leur fille en mariage à l’autre en
compensation, sans dot aucune. La cohabitation d’autant d’unions empêchait la fondation
de la famille au sens que nous lui connaissons aujourd’hui, le mariage variant d’une tribu à
une autre.
71. Une polygamie illimitée. À son arrivée, l’Islam limite la pratique de la
polygamie. Solidement ancrée dans les mœurs mais surtout illimitée, cette institution y
jouait un rôle social important en épargnant à la femme non mariée de tomber dans la
pauvreté et la prostitution. L’Islam l’ayant réduite à quatre femmes, un statut juridique
garantissant les droits des femmes s’imposait.
72. L’absence de personnalité juridique de la femme. L’infanticide2 était une
pratique fréquente dans l’Arabie préislamique. La venue d’une fille au monde était
pénalisante pour la productivité du groupe 3. Une telle pratique humiliante envers les
femmes a été condamnée avec rigueur.

1
I. KHILLO, « Conjugalité et concubinage dans le monde musulman : de la loi religieuse à la réalité sociale »,
Annuaire Droit et religions, PUAM, 2010-2011, vol. 5, p. 277.
2
Relaté d’ailleurs par le verset coranique 58 de la Sourate Al-Nahl (l’abeille) : « Lorsqu’on annonce à l’un d’eux
la naissance d’une fille, son visage s’assombrit ; il suffoque ; il se tint à l’écart, loin des gens, à cause du malheur
qui lui a été annoncé. Va-t-il conserver cette enfant, malgré sa honte, ou bien l’enfouira-t-il dans la poussière ?
Leur jugement n’est-il pas détestable ».
3
À l’époque de la jahiliya (période pré-islamique), la valeur de l’individu était appréciable au vu de ses
capacités productives mais surtout physiques, afin de participer aux guerres. La femme, sexe faible, était de ce
point de vue davantage assimilée à une charge qu’à un individu actif et utile à une société bédouine. Objet de
plaisir, elle n’avait pas la personnalité juridique et n’avait aucun droit à la propriété. Elle faisait partie de
l’héritage légué du défunt au titre de sa succession. En matière matrimoniale, aucune loi ne déterminait
l’organisation de la famille. L’homme pouvait être polygame de façon illimitée, échanger son épouse telle une
transaction commerciale et la reprendre autant de fois qu’il le souhaitait.

64
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

À l’issue de ce bref retour historique, il se dégage une volonté de ne pas mettre en place
une structure radicalement différente de celle préexistante. L’apport de l’Islam a
essentiellement eu pour objet l’amélioration de la condition féminine et la réglementation
des mœurs, objectifs inspirés d’une logique d’adaptation sociale des usages coutumiers 1
des Arabes de l’époque2.

§2) L’organisation familiale islamique : le mariage fondateur de la famille

73. Un arrière-fond politique, social et religieux déterminants. L’étude du


fonctionnement de la famille musulmane ne saurait être entier s’il ne tient pas compte du
cadre politique, social et religieux (A). Son étude révèlera qu’il se situe aux antipodes du
cadre philosophique et religieux occidental. Une fois ce donné posé, il rejaillira une
meilleure lisibilité sur la famille comme institution (B).

A) Détermination du cadre politico-religieux

74. Une imbrication de facteurs complexes. Dans le monde islamique, aborder la


question d’un individu libre et « pensant » bute sur plusieurs obstacles. La compréhension
dénaturée du message divin (1), conjuguée à une forte intériorisation sociale d’un être-en-
relation-avec-Dieu (2) et une excessive politisation de la vie sociale (3) en empêchent
l’émergence.

1- Un message divin imparfaitement compris ?

75. Une possible anthropologie de l’Homme. L’Homme dans le texte sacré est
désigné sous le vocable insân3, dérivé du radicale ins qui exprime, selon IBN MANDHOUR
et FAYROUZABADI, l’opposé de la wih’sha « solitude sauvage »4. Le vocable ins5 est

1
D’autant plus que, la Révélation s’étant réalisée sur vingt-trois années, ce laps de temps était insuffisant pour
remettre radicalement en question les coutumes socio-culturelles.
2
I. TOUALBI, Le droit musulman : de « l’interdiction de la jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse,
Paris I, 2011, p. 100.
3
La langue arabe est en effet caractérisée par une surprenante richesse afin de désigner l’homme. Tout d’abord,
‘nass, pluriel de insân, ensuite le vocable rijal, lequel désigne les hommes par opposition aux femmes,‘ibad
désigne la masse des serviteurs de Dieu sans précision de sexe, et bachar l’humanité entière. Cette richesse
positionne l’homme en tant qu’objet d’étude et de réflexion tant dans son environnement terrestre que dans sa
relation avec Dieu. C’est pourquoi la connaissance de Dieu passe, en Islam, par la connaissance de l’homme.
4
A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? », in Droit, Éthique et Religion, de l’âge théologique à
l’âge bioéthique, B. FEUILLET-LIGER, P. PORTIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 160.
5
Du radical ins découle également ce que recouvre en langue française le terme « humanisme », insania, « lien
social fait d’amour et de solidarité qui permet aux hommes de nouer entre eux des relations affectives
privilégiées ». A. BOUHDIBA, art. precit., p. 160.

65
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

généralement couplé au vocable djin « être d’ombre et du souterrain »1. Parler de l’ins wal
jin permet d’opposer l’être de terre, parfait car de lumière, visible et doté de raison, à l’être
invisible et imparfait qu’est le djin. La consonance en forme de if’âl sur laquelle est
construit le vocable insân Homme –à l’instar de imân (la foi) ou islam (la religion)- « met
en avant le caractère intrinsèque, intérieur, volontariste même, ferme et permanent mais
ouvert et heureux d’une valeur en pleine réactivation psychique »2. Le texte sacré ferait
donc une large place à une sorte d’anthropologie, faisant partie intégrante du projet
islamique3.
76. Consistance du message divin islamique. Le message authentique de l’Islam
considère l’Homme comme un individu libre. Aussi surprenante soit-elle, cette affirmation
est à mettre en parallèle avec le mythe de la Création. La place occupée par Dieu en Islam
est infinie et illimitée, il est considéré comme créateur de toutes choses, humaine soit-elle,
animale ou végétale. Dans cette création, l’homme occupe une place de choix car c’est à
lui que Dieu a délégué des pouvoirs infinis en vue d’accomplir le projet humain, en le
dotant d’une raison4. Cette supériorité5 découle de l’idée que dans l’ordre de l’existence,
l’Homme se situe directement après Dieu, dont il est l’émanation. Il a pour tâche de
s’investir dans le monde pour lequel il a été créé et, « pour se tirer d’affaire tout seul il doit
“s’é-puiser” (puiser en lui-même) aller jusqu’au bout, conjuguer les atouts de sa liberté, les
ressources de sa raison, sa capacité énorme d’entreprendre, d’acquérir la connaissance et
de la constituer en une science, transmissible, “capitalisable” de génération en génération.
Malgré les aléas du quotidien, liberté, raison, sagesse, savoir et savoir-faire demeurent
finalement l’essentiel de l’homme, et en disent la grandeur »6. C’est pourquoi la
compréhension de la tradition instituée par le prophète MOHAMED (saw) est une obligation
pour tout croyant, loin de l’idée de monopole religieux.

1
Ibidem., p. 160.
2
Ibid., p. 160.
3
Outre l’existence dans le Coran de deux sourates entièrement dédiées à l’Homme (sourate Al-insân, et sourate
Al-nâs), quelques versets permettent d’appréhender l’homme dans sa relation avec Dieu : dans sourate Al-nâs,
composée de six verstes, l’homme est évoqué pas moins de cinq reprises dans ses relations avec son créateur
Rabb, dans ses relations avec lui en tant que Maître Mâlik, enfin dans sa relation à Dieu, Ilâh. Pas moins de
cinquante-trois autres occurrences évoquent l’insân, auxquelles s’ajoutent quatorze où l’ins est opposé au djin ou
chaytane, tandis que trente-deux évoquent le genre humain bachar.
4
A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? », art. precit., pp. 157-185.
5
Dieu ayant créé Adam, il demande aux anges de reconnaître son éminente dignité en se prosternant devant lui,
geste éminemment grave et plein de sens qui reconnaît l’avènement de l’homme. Cette « intronisation » est
pourtant contestée par IBLIS, essence du mal en Islam. Celui-ci argue du fait que lui, plus puissant, est fait de feu,
et l’Homme seulement de terre. Par conséquent, il refuse de reconnaître l’éminente dignité de l’Homme et se
dresse en ennemi du projet divin confiant à l’homme la gestion du monde et de la nature. C’est cette
désobéissance même d’IBLIS qui « introduit le désordre dans l’avènement de l’Homme », car « il installe
d’emblée le refus et la négation au cœur même du devenir humain ». A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des
Lumières ? », art. precit., p. 163.
6
Ibid., spec. pp. 166-167.

66
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

77. La dénaturation du message divin. Dès la clôture de la prophétie –par le décès


du prophète de l’Islam- la Raison a été mise à contribution de manière tout à fait
autonome. Comme l’explique de façon très éclairante Monsieur BOUHDIBA, « Si Dieu
s’abstient dorénavant de communiquer directement avec l’homme, c’est que celui-ci a
atteint la pleine maturité ; la pleine conscience de soi qui rend superflue toute nouvelle
prophétie (…) Le progrès réalisé par l’histoire humaine restitue à l’homme sa
responsabilité historique. Elle l’émancipe et le dispense de tout nouveau recours direct à
l’invisible. L’Islam déroule devant lui le tapis flamboyant de la raison »1. Or, l’acte de
comprendre a été abusivement limité aux seules élites religieuses2, à tel point que le sens
même de la prophétie semble avoir été altéré par « les conséquences des inévitables
blocages historiques, culturels, économiques ou politiques dont toute société fait
l’expérience et qui n’ont été que trop souvent mortels »3. Madame Asma LAMRABET
déplore à cet égard « la fragmentation » ainsi que l’approche conventionnelle de la lecture
du donné religieux. Pour l’auteur, le texte sacré doit être appréhendé de manière globale
afin de comprendre la teneur des valeurs éthiques qu’il véhicule. D’autres déplorent que
l’islam historique « centré sur le dogme de la servitude » n’ait jamais permis de s’élever à
« la hauteur de son texte sacré »4. Une telle approche globale est pratiquement inexistante
dans la pensé musulmane contemporaine et dans la réalité des musulmans et leur
conception pratique du religieux5. L’approche contemporaine consistant à tirer des
solutions éphémères pour les problèmes de la société actuelle génère une « confusion
idéologique » autour de l’essence même de ce qu’il est6. Une telle approche conduit à
occulter les finalités de l’éthique coranique et favorise un décalage entre les normes
coraniques et les normes sociales7. Là où l’Islam a contribué à libérer l’homme, celui-ci
contribuerait lui-même à se prendre en otage du fait d’une méconnaissance du sens
profond du message divin.

2- Une relecture possible de la tradition religieuse

78. Le référentiel en Islam : la umma8. Un verset coranique hautement symbolique


informe sur l’importance de la umma en Islam : « Vous êtes la communauté la meilleure

1
Ibid., p. 172.
2
Ibid., p. 158.
3
Ibid., p. 159.
4
A. BIDAR, L’islam sans soumission, Pour un existentialisme musulman, éd. Albin Michel, 2ème éd., 2012, p. 17.
5
Ibid., p. 187.
6
A. LMARABET, « Une autre approche du Coran », in Femmes et Hommes dans le Coran, quelle égalité, éd.
Albouraq, 2012, p. 29 et s.
7
M. EL SHAKANKIRI, « Loi divine, loi humaine et droit dans l’histoire juridique de l’Islam », RIDC, 1981, pp.
767-786.
8
Le mot umma vient de la racine umm, qui signifie « mère ». Au sens strict, la umma symbolise la mère patrie,
sans référence à un territoire. Il s’agit de la Communauté musulmane, la Communauté des croyants,
indépendamment de leur lieu de naissance. Elle symbolise la fraternité universelle de tous les adeptes de la

67
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

qui ait surgi parmi les hommes : vous commandez le bien, vous interdisez le mal, vous
croyez en Dieu »1. La notion de bien est centrale dans la pensée islamique. Elle constitue
un devoir collectif où chaque citoyen est appelé à prendre partie. Un hadith rapporté
dispose que « quiconque pour vous voit quelque chose de répréhensible doit le changer
avec la main ; s’il n’est point capable de le faire ainsi, qu’il le fasse par la langue, si cela
encore lui est impossible, qu’il le fasse par le cœur, c’est le minimum de la religion ».
Cette obligation collective relève de la responsabilité de chaque musulman dans la
Communauté, dont il lui en sera demandé de rendre compte devant Dieu2.
79. La place de l’individu au sein de ce système. L’importance accordée à la
collectivité explique que la réflexion sur l’individu3 en tant que sujet dans les pays de
tradition musulmane présente une relative pauvreté, car la umma fonctionne comme un
corps opaque et contraignant. La réponse apportée par l’Islam lui-même à la problématique
de l’individuation est la suivante : pourquoi faudrait-il des sujets, lorsque la communauté
les inclut, les englobe et précède, autant qu’elle leur succède et survit 4 ? L’individu se
trouve déclassé par rapport à la collectivité5 et, si ce dernier arrive à se percevoir en tant
que tel, c’est uniquement parce qu’il sait que son salut ne pourra advenir que dans un
contexte collectif et commun. L’identité du sujet ne peut dès lors exister pour elle-même,
mais se conçoit uniquement dans le cadre de cette umma, l’individu acceptant de manière
tacite de se dessaisir d’une partie de lui-même au profit de la collectivité au nom d’un bien-
être amplifié et cumulatif. La différence d’approche est saisissante lorsque l’on repense à la
réflexion sur la personne dans la tradition chrétienne6. Ici, l’être de la personne, s’il est
ontologisé, n’a pas pour fin l’individu, au risque de ne pouvoir exister en tant que tel, mais
s’insère au sein de cette umma dans laquelle l’individualité singulière de chaque sujet se
confond nécessairement avec toutes les autres individualités.
80. Un individu en relation avec Dieu. Se dégage alors ce que l’anthropologue et
psychanalyste Monsieur CHEBEL désigne sous l’appellation d’ « êtres de croyance »7 ou

religion musulmane, un corps uni et solidaire depuis l’avènement de l’Islam. On voit donc bien la fonction qui
lui a été dévolue dès l’avènement de la nouvelle religion : rassembler le maximum de minorités autour d’une
même religion, vénérer un même Dieu et communier dans une même langue. La force de cette structure supra-
ethnique réside dans son aspect englobant. Sur la umma comme concept de base d’un modèle islamique étatique,
V. S. PAPI, L’influence juridique islamique au Maghreb, Algérie-Lybie- Maroc-Mauritanie-Tunisie, Paris,
l’Harmattan, 2009, p. 261 et s.
1
Sourate 3, La famille d’Imrân, verset 110.
2
R. SANTUCCI, « Le regard de l’Islam », in Islam et droits de l’Homme, M. AGI (dir. de), éd. Des idées&Des
hommes, 2007, p. 158.
3
Cet individu se présente d’abord comme le symbole du croyant. Cf. en ce sens : Y. BEN ACHOUR, « Les droits
de l’homme et du croyant entre l’Islam traditionnel et l’Islam moderne », in Les Droits de l’homme en évolution.
Mélanges Petros J. PARARAS, Bruxelles, Bruylant, 2009, pp. 1-16.
4
Ibidem, p. 16.
5
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, Paris, éd. du Seuil, 2002, p. 148.
6
Cf. supra n° 19.
7
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 149.

68
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sujets de Dieu, réunis autour d’un sentiment de solidarité et de « fraternité en Dieu » dont
la force permet de les relier au-delà des frontières. Il en découle que la umma, disposant de
la norme sociale1 et sa validation constitue l’instance de référence. L’individu n’y est pris
ni comme finalité du système ni comme son axiome. L’auteur souligne d’ailleurs que la
plupart des versets, parce qu’ils commencent « par un ordre divin transmis aux hommes
par le biais du prophète MOHAMED » (saw) traduisent « l’espace réduit réservé à
l’expressivité humaine, qui n’existe que parce que « soumise à la dimension supra-
humaine ». Dans son ouvrage Le sujet en Islam, Monsieur CHEBEL met en évidence
l’opposition entre l’ « individu-hors-du-monde » et l’ « individu-dans-le-monde ». Cette
distinction est particulièrement éclairante dans notre démonstration. L’idée trouve son
origine dans l’ouvrage du sociologue allemand Monsieur Ernst TROELTSCH à propos des
doctrines sociales des Églises et des groupes chrétiens2, reprise par Monsieur Louis
DUMONT à l’occasion de ses Essais sur l’individualisme3. Pour Monsieur TROELTSCH
comme pour Monsieur DUMONT, les chrétiens étaient primitivement des individus-en-
relation-avec-Dieu. À l’inverse, l’individu-dans-le-monde ne serait pas tributaire, dans son
vécu quotidien, de cette vision supra humaine et transcendante mais est attaché aux
contraintes et transformations matérielles de sa vie. Pour extraire l’individu-en-relation-
avec-Dieu de sa dimension supra humaine, l’expérience occidentale éclaire sur la place qui
a été faite au développement des formes rationnelles de la société. Monsieur CHEBEL le
met parfaitement en évidence lorsqu’il relève que l’Islam est né porteur de cette opposition
entre les deux sortes d’individus : « d’un côté (…) le caractère pesant du rituel de la prière
et du mois de jeûne pousse le musulman à une pratique qui l’exclut rapidement du monde
physique pour le cantonner dans une préoccupation céleste ou, dans le pire des cas, dans un
état de dépendance immédiate. D’un autre côté, ce même musulman est appelé à embrasser
le monde, à le pratiquer, le sillonner, le maîtriser. La sunna propose des fins concordantes,
les moyens d’y parvenir sont nombreux : chaque profil peut disposer de tel ou tel hadith,
qui lui permettra de ne jamais se contredire lui-même, sans contredire le projet
d’ensemble »4. Le musulman constituerait donc à la fois cet individu-en-relation-avec-Dieu
et l’individu-dans-le-monde. C’est pourquoi le raisonnement de Monsieur HUNTINGTON,
pour qui la umma est une masse virtuelle condamnant l’homme à l’enfermement5 est
contestable. Un tel raisonnement méconnaît l’étude de la tradition prophétique,
complément indissociable à la compréhension de la religion musulmane. Surtout, la
négation qui en découle des diversités nationales et culturelles propres aux pays

1
Sur cette notion, V. infra, n° 399. Pour un essai de théorisation, cf. S. BENISTY, La norme sociale de conduite
saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des Thèses », 2014.
2
E. TROELTSCH, Les doctrines sociales des Églises et des groupes chrétiens, 1912, Camille FROIDEVAUX (trad.),
Paris, PUF, coll. « Sociologie », 1999.
3
L. DUMONT, Essais sur l’individualisme. Une perspective anthropologique sur l’idéologie moderne, Paris, éd.
du Seuil, 1983.
4
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 154.
5
S. HUNTINGTON, Le choc des civilisations, trad. française, Paris, éd. O. Jacob, 2000.

69
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

musulmans conduit Monsieur HUNTINGTON à occulter la réalité complexe de ces pays 1


lesquels « ne sauraient être réduits à une seule entité immobile et univoque déshumanisant
chaque personne pour l’engloutir dans une masse virtuelle »2. Cette méconnaissance
profonde de l’esprit de l’Islam en tant que civilisation et religion ouverte à l’évolution ne
saurait emporter l’adhésion.
81. La place incontournable du donné religieux. S’il est vrai que le raisonnement
simpliste et littérale du donné religieux par Monsieur HUNTINGTON est contestable, il ne
nous semble pas que le critère tiré de la place de la religion dans les pays islamiques ne
constitue qu’un élément parmi d’autres dans le dialogue des civilisations entre elles,
comme a pu l’énoncer un auteur3. La place large que ce dernier accorde à la notion de
jugement de valeur mériterait d’être atténuée. La religion constitue l’élément
incontournable dans la définition de l’identité de l’individu 4 et occupe, à ce titre, une place
de choix au sein du système islamique. Le réel malentendu résiderait dans le désintérêt
progressif de l’Occident vis-à-vis des affaires touchant la sphère religieuse et qui
empêcherait une meilleure compréhension de l’autre5 et du donné religieux au fondement
de son identité. Convient-il de préciser que le malentendu allégué semble être nourri par la
notion d’individu-en-relation-avec-Dieu, qui constitue de plus en plus le modèle
prédominant et auquel se rallie l’immense majorité des musulmans car « rien n’est plus
gratifiant pour un musulman que de s’assimiler au modèle proposé, de se fondre en lui
intégralement, car plus le croyant se fond dans la masse des fidèles, plus il a l’impression
de plaire à Dieu et à son prophète » 6 (saw). Dans cette configuration, l’individu-dans-le-
monde se trouve rapidement évincé alors même que cette dimension de l’être est appelée à
faire partie intégrante du projet divin. Comme le souligne Monsieur CHEBEL, « les figures
et thématiques du sujet distordent la ressemblance du croire, en préférant parfois le
mimétisme à la critique ou l’autocritique »7. À l’instar de l’Occident qui a utilisé la nature
comme médiation entre Dieu et l’homme, celle-ci n’a pas non plus été reprise en Islam.
82. Pour un Islam de l’autodétermination. Pourtant, un certain nombre de
philosophes s’attachent aujourd’hui à démontrer le processus de déconstruction du rapport

1
K. ZAHER, Conflits de civilisations et droit international privé, Paris, l’Harmattan, 2009, p. 18.
2
Ibidem., p. 18.
3
K. ZAHER, Conflits de civilisations et droit international privé, op. cit., spec. n° 8, p. 19.
4
En atteste la prévalence toujours d’actualité du privilège de religion dans les litiges internationaux en matière
de statut personnel, V. infra, n° 425 et s.
5
Monsieur HUNTINGTON le souligne d’ailleurs parfaitement bien lorsqu’il explique que « les musulmans
critiquent non le fait que l’Occident adhère à une religion imparfaite, erronée (…), mais le fait qu’il n’adhère
plus à aucune religion ». Cf. S. HUNTINGTON, op. cit., p. 313.
6
Ibidem., p. 168. Dans le second cas, le système démocratique favorisera l’émergence d’un choix populaire.
7
Ibid., p. 168.

70
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

à l’Islam dans les sociétés européennes multiculturelles1. Un tel processus prendrait forme
« au fur et à mesure de l’éloignement vis-à-vis de la société islamique d’origine ».
Particulièrement sous la plume d’Abdennour BIDAR, le philosophe utilise le concept de self
islam2 (ou Islam du choix personnel) afin de mettre en valeur l’effort d’auto-construction
de l’identité individuelle éloigné de « la tradition religieuse et la coutume sociale (…) à
travers une prise de distance critique de l’héritage reçu ». Il s’agit d’une sorte de mise à
distance de la religion comme fait social pour se la réapproprier librement et par ses
propres moyens3. Une telle approche, bien souvent méconnue, l’est également vis-à-vis
d’elle-même et ne semble pas « avoir pris une réelle conscience de soi, à la mesure de son
évolution ». L’auteur souligne qu’il y aurait, pour l’heure, une sorte de « retard entre
l’adaptation des actes (déjà en cours) et leur représentation (encore liée à un islam du
passé). Entre la réalité d’un changement et l’image toujours figée d’une identité mythifiée.
Entre la prise en main par l’individu de sa religion et la référence ou la déférence au
discours de la “religiosité” ambiante »4. Se gardant de promouvoir un islam individualiste
ou « à la carte », Monsieur BIDARD insiste sur l’authenticité de cet islam, nourri d’une
véritable liberté au sens d’autonomie et de responsabilité personnelle dans le cadre d’une
umma dédoublée d’une identité propre des membres qui la compose. C’est l’idée
d’appartenance à un groupe culturel, sans cesser de s’appartenir à soi-même par l’exigence
permanente de critique. Ce n’est qu’à cette condition que peut émerger une culture de la
liberté, éloignée de toute idée de jugement et de censure5.

3- Une contestable politisation de la vie sociale

83. La perception du sujet par le droit et le politique6. La vie sociale du sujet telle
qu’abordée par le droit et le politique pose la question liée à la justice comme valeur. Si la

1
Un tel processus constitue le mode de vie majoritaire des musulmans européens selon les études sociologiques.
Cf. J. CESARI, « De l’Islam en France à l’Islam de France » in Immigration et intégration, l’état des savoirs,
P. DEWITTE (dir. de), Paris, La Découverte, 1999, pp. 229-231.
2
L’auteur définit ainsi le self islam : il s’agit de « l’adhésion de l’individu au principe fondamental de la liberté
personnelle de pensée et de conscience, pour soi et pour autrui ». A. BIDAR, L’islam sans soumission, Pour un
existentialisme musulman, op. cit., p. 18.
3
Ibid., p. 17.
4
Ibid., p. 20.
5
Ibid., p. 21.
6
Dans son acception juridico-politique, l’homme apparaît tant sous sa dimension subjective que collective.
Considérant le second cas, il peut être considéré comme bénéficiaire de droits et débiteur d’obligations, ou
comme sujet citoyen. La frontière entre les deux champs tiendra pour l’essentiel aux rapports qui caractérisent la
société. C’est pourquoi il convient de mettre en relief deux perspectives du comportement social : sous l’angle
du droit et de la politique, le comportement de l’individu sera d’une part déterminé par la référence à un modèle
implicite tenu d’une conception donnée du monde6, mais il pourra aussi, d’autre part, prendre son sens en
référence à un principe (culturel ou individuel) qui en est indépendant. C’est ce qu’exprime le professeur
TRIGEAUD lorsqu’il souligne que « si je suis socialement, d’emblée semble-t-il, tantôt je tombe sous le contrôle
du droit et de l’État pour assurer ma conformité aux statuts qu’il m’accorde ; tantôt je me soustrait totalement à
leur prise, et mon être relationnel et social, qui traduit celui d’un personnage ou d’un acteur, ne se profile plus
dès lors sous un archétype fixé par le droit et l’État, mais il suppose une culture qui les dépasse et une liberté

71
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

vie sociale se décline en une « vie juridique » dans laquelle l’homme est une personne
juridique apte à être titulaire de droits, elle est aussi une « vie sociale » constitutive de la
vie citoyenne. Entre les deux pourtant existerait une vie « culturellement parlant »1, qui
appréhende l’individu du point de vue subjectif. Éminemment personnelle, cette dimension
de la vie se présente sous l’aspect d’une aventure humaine et existentielle, que ni le droit ni
la politique ne sauraient ignorer.
84. Instrumentalisation du droit par le politique. Il peut arriver que le droit,
employé abusivement, ait vocation à régir ce qu’il pense lui échapper. Une telle dérive ne
manifeste ni plus ni moins qu’une « pathologie (du droit) placé sous l’emprise d’un
politique qui l’instrumentalise et le coupe de ses principes et de ses fins en jouant de divers
amalgames »2. Si les solutions qu’il adopte à cette fin peuvent être légales, il s’agit
juridiquement de la négation de l’instance de droit et de l’extension du pouvoir politique.
Les situations les plus illustratives de ce phénomène s’expriment particulièrement à travers
la création de comités, de commissions, hautes autorités ou observatoires qui marquent leur
prééminence sur les instances de droit -qu’elles mettent en marge et neutralisent-. Le
processus de confiscation indirecte du pouvoir qui en résulte nie le troisième aspect de la
vie3 en réduisant la vie juridique à la vie sociale. La politisation consécutive de la vie
sociale aboutit à la négation des singularités, en englobant la vie entière des individus4.
Dans les États de droit et sociétés dites démocratiques, les considérations d’opportunité ou
de valeur des consciences selon des références mises en place par le politique ne sauraient
exister, car « le droit est lié par sa propre règle dont il ne décide pas, qui est reçue de la
science, à la différence d’une politique qui habitue les esprits à la possibilité singulière de
“décider” de tout »5. Ce phénomène est particulièrement présent dans le cadre de la sphère
culturelle ou religieuse. Toutes les fois où l’État, sur des incitations diverses, impose à la
société un invariant religieux et politique en méconnaissance de la distinction entre droit et
mœurs, loi et coutume, le droit régit la vie sociale des individus en la soustrayant de

existentielle qui en montre ses limites ». Dans le premier cas, le système le plus représentatif de cette situation
est celui dans lequel il existe une hiérarchie marquée, dont l’objet est d’imposer une ligne directrice à la conduite
des sujets. Dans le second cas, le système démocratique favorisera l’émergence d’un choix populaire. J.-M.
TRIGEAUD, « Le dédoublement du sujet : entre sujet juridique et sujet social », in Personne, Droit, Existence, éd.
Bière, coll. « Bibliothèque de philosophie comparée », 2009, p. 159.
1
J.-M. TRIGEAUD, « Le dédoublement du sujet : entre sujet juridique et sujet social », art. precit., p. 161.
2
Ibidem., p. 162.
3
En ce sens, v. la thèse du professeur D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, LGDJ, 1993, spec. n° 21,
p. 11. S’agissant des rapports entre normes juridiques de contrainte et conscience, l’auteur relève que lorsque le
système juridique prescrit une interdiction ou une obligation, « il impose catégoriquement sa norme, et celle-ci
est indépendante des commandements du for interne », c’est-à-dire la conscience.
4
Nous rejoignons en cela l’analyse de M. CHEBEL lorsqu’il souligne que, si au sens philosophique, le sujet
n’existe pas en Islam, « c’est aussi parce que, dans le domaine politique, il n’y a pas de sujet qui fasse
véritablement sens. L’instance politique, de par sa capacité à promouvoir les choix, la prise de conscience,
parfois le combat, est en effet la seule à pouvoir conduire le sujet vers son autonomie et son identification
comme tel. Car il n’est de sujet à proprement parler que libre et conscient de cette liberté ». Cf. Le sujet en
Islam, op. cit., p. 166.
5
Ibidem. p. 163.

72
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’exigence de juridicisation. L’État, auteur du droit en sa forme légale et son contenu1, use
d’« incitations (…) artificiellement attribuées à une société manipulée, dressée et domptée,
ici ou là, par des méthodes de propagande à peine masquées qui se répercutent
grossièrement dans des modes caractéristiques du processus législatif lui-même »2. Dans
cette configuration, si le politique occulte le droit -pour mieux l’instrumentaliser- de telles
défaillances ne sauraient valablement être imputées aux dysfonctionnements du droit. Si
l’interprétation du droit relève d’actes juridictionnels, la décision de pouvoir engager cette
interprétation lui échappe pour ne relever que du politique3. C’est pourquoi il convient de
distinguer le droit et son application.
85. L’impératif d’individuation du sujet. La complexité de la personnalité du sujet
musulman ne fait plus de doute. Son individuation4 dans la sphère politico-juridique est
aujourd’hui un impératif qui ne peut être atteint que par une nette dissociation entre la
sphère psycho-religieuse et juridico-politique. L’émergence d’un sujet citoyen ne saurait
être effective que si l’idée d’un sujet collectif défini par son assujettissement au pouvoir est
remise en cause. Ce processus de redéfinition doit être mené à la lumière de la
prééminence tout au long de l’histoire du divin sur l’humain, où l’obéissance conditionne
la foi des fidèles5. Il en va de l’identité de la personne humaine, a fortiori sa dignité. À titre
d’exemple, les Conventions internationales ratifiées par nombre de pays musulmans
reconnaissent des droits à toute personne humaine, dans son individualité propre. Or, la
personne visée par ces textes ne correspond nullement à la conception de la personne
humaine retenue par les pays musulmans, appréhendée exclusivement sous l’angle de l’être
de croyance. C’est pourquoi de telles conventions demeurent lettre morte en pratique6 pour
ne relever que de l’ordre du symbole. La sphère psycho-religieuse gagnerait donc à être
reléguée à une question de conscience individuelle7, afin de pouvoir faire émerger la
dimension juridique et citoyenne de la personne humaine.

1
Ibid. p. 170.
2
Ibid. p. 164.
3
Ibid., p. 166.
4
V. aussi : R. CHENNOUFI, « Sujet ou citoyen », Rev. tun. dr., 2000, pp. 205-220.
5
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 167.
6
C. FAURE, Ce que déclarer des droits veut dire : histoires, Paris, PUF, 1ère éd., 1997.
7
Nombre de tentatives, du vivant même du prophète, se sont employées à asseoir une conception du sujet dans la
sphère politique. Mais ces mouvements politiques, à coloration religieuse, ont échoué. Ainsi que l’affirme
M. CHEBEL : « les laïcs musulmans, les non-pratiquants, les infidèles et les athées continuent à subir le sarcasme
de la majorité des musulmans. Ils constituent toujours la part indicible de l’Islam, son point aveugle. En réalité,
le refoulement de l’hérésie en Islam et la persécution des croyants tièdes sont le meilleur indice de la puissance
dont dispose encore le corps des théologiens, à travers ses différentes chapelles: juridique, légale, politique,
liturgique et morale, notamment à travers la vocation à contrôler la vertu que ceux-ci se sont arrogés ». Le sujet
en Islam, op. cit., p. 168.

73
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

B) La conception islamique du mariage

86. Absence de dimension transcendante du mariage en Islam. Dans la


conception arabe, reprise puis encadrée à l’arrivée de l’Islam, la famille n’est pas
seulement un cadre dans lequel s’exercent et s’épanouissent des liens émotionnels entre ses
membres. La structure familiale est également l’unité politique de base et le lieu de la
transmission des valeurs communes. L’importance de cette structure -comparable à la
umma à un échelon moindre- ne favorise guère l’émergence d’une individualité propre. Le
poids du sentiment religieux au sein de la famille empêche l’apparition d’une véritable
conception de l’individu en tant que personne, avec des droits et des responsabilités
personnelles1. Dans ce contexte, le lien conjugal ne présente pas la même richesse qu’en
pays occidental, ni la même aura sacramentelle. Le mariage constitue un contrat de droit
privé dénué de tout caractère transcendant. Pour autant, celui-ci présente une importance
telle au sein de la société, qu’il demeure de nos jours encore le seul mode officiel d’accès à
la conjugalité. C’est particulièrement l’approche philosophique du lien conjugal en
Occident qui n’a pas connu le même retentissement en terres d’Islam pour la simple et
bonne raison mise en évidence Monsieur le professeur Rémi BRAGUE2, que « jamais la
philosophie n’a connu en Islam ce phénomène propre à l’Europe : l’institutionnalisation de
son enseignement dans les universités (…). En Europe, la pensée des géants fut répercutée
par une armée “de petits profs” (...) ; elle a pu imprégner théologiens, juristes et médecins
et donner à la pensée des grands maîtres un relais social qui a manqué à leurs confrères
musulmans »3. Si l’Occident a réussi la lecture critique des textes sacrés –en les
rationalisant- tel n’a pas été le cas outre méditerranée. IBN RUSHD4 l’a d’ailleurs
parfaitement souligné lorsqu’il relève qu’ « interdire l’étude des ouvrages de philosophie à
ceux qui y sont aptes (...) ne revient à rien de moins qu’à interdire à une personne assoiffée
de boire de l’eau fraîche et agréable au goût »5.
87. Le mariage est un pacte. La portée symbolique et la signification profonde de la
relation conjugale parfaite en Islam sont exprimées par le verset suivant : « D’ailleurs,
comment oseriez-vous leur reprendre quoique ce soit, après l’union intime qui vous a liés
afdâ ba’dukum ila ba’d et l’engagement solennel que vous avez pris l’un envers
l’autre mithaq ghalizh ? ». Deux conceptions ressortent de ce verset : la première relative à
la relation intime afdâ ba’dukum ila ba’d qui unit les époux, acte intime et amoureux qui
lie les époux à un point tel que leurs âmes se dévoilent l’une à l’autre, leur faisant partager

1
M. CHEBEL, Le sujet en Islam, op. cit., p. 152.
2
Rémi BRAGUE est professeur de philosophie arabe et médiévale à Paris I, et de philosophie des religions à
l’Université de Munich.
3
R. BRAGUE, « Penser en Islam », Le point, Hors-série n° 5, nov.-déc., 2005, p. 11.
4
Connu en Europe sous le nom d’Averroès.
5
AVERROES, Discours décisif, traduction inédite de Marc Geoffroy, Paris, GF-Flammarion, 1996, pp. 115-116.

74
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

une proximité intense du corps et du cœur. La seconde notion mithaq ghalizh1 renvoie au
contrat de mariage ’aqd. Littéralement, il s’agit du pacte lourd de conséquences et pour
cette raison, le mariage est un lien solide et un engagement ferme qui unissent intimement
les deux époux. Il s’agit donc d’un contrat moral important qui traduit l’engagement de
deux partenaires à respecter leurs responsabilités communes. Son importance est encore
confirmée par le vocable mithaq ghalizh, seul terme désignant dans le Coran à la fois
l’engagement des Messagers envers leur Créateur2 et le pacte conjugal. L’intérêt profond
que porte l’éthique coranique à la relation conjugale permet de mieux comprendre la
faveur qui est sienne. Cadre conjugal de la générosité réciproque, le mariage doit
néanmoins pouvoir être rompu lorsque la relation intime -l’ifda- s’est défaite avec le
temps. Là où la conception occidentale du mariage chrétien n’admet pas la dissolubilité du
lien conjugal, l’Islam considère le divorce comme étant « la chose licite la plus détestable à
Dieu ».
88. L’éthique coranique conjugale. D’autres concepts dans le Coran décrivent la
relation conjugale parfaite. Le Coran évoque le tarâdi3, qui est la capacité à la satisfaction
partagée et à l’entente mutuelle des deux époux. Le tachâwur4 correspond à la concertation
mutuelle dans les affaires du couple. L’entente et la concertation constituent la pierre
angulaire des relations conjugales. Le Coran fait également référence à plusieurs reprises à
la sakîna5, traduisible par sérénité. L’exégète IBN ‘ACHUR compare ce principe coranique
au « bonheur de l’âme », car c’est dans la sérénité que doit s’accomplir l’union de deux
êtres qui s’aiment. C’est la représentation de la vie à deux dans la dignité et la noblesse des
sentiments afin de dépasser toutes les épreuves de la vie à deux. Un « amour fou » ne
saurait résister à de telles exigences car il ne dure que le temps d’une romance. La
mawadda wa rahma (amour profond et bonté infinie) sont deux autres principes établis par
le Coran comme fondements du mariage. L’amour conjugal est naturellement accompagné
de tendresse et de compassion. D’une haute valeur morale, ces sentiments fondent la
relation conjugale parfaite qui devient avec le temps une fusion spirituelle et physique que
le Coran traduit par la métaphore du libas (vêtement) : « vos épouses sont un vêtement
pour vous autant que vous l’êtes pour elles »6. Chaque partenaire s’habille de l’autre. Le
fadl exprime la générosité7, que ce soit dans l’amour, dans le don de soi, dans le

1
Dans son exégèse, IBN KATHIR explique que ce mithaq est un lien qui n’est comparable à aucun autre lien ; « il
n’y a pas plus grandiose et plus sublime que ce lien qui unit les deux époux » dit-il. Il signale aussi que ce
principe a été reconnu par les savants de l’époque comme étant à la base même du contrat de mariage, dont la
première clause est définie par un autre verset coranique : « vivre en bonne entente ou se séparer décemment
avec bienveillance » (Sourate 4, verset 19).
2
Sourate 7, verset 33.
3
Sourate 2, versets 232-233.
4
Sourate 2, verset 233.
5
Sourate 7, verset 189 ; Sourate 30, verset 21.
6
Sourate 2, verset 187.
7
Sourate 2, verset 237 : « N’oubliez pas la générosité qui vous unit ».

75
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

comportement ou la séparation. Telle est l’apport de l’éthique coranique à la relation


conjugale de la société arabe pré-islamique1. De cette éthique découle une conception du
mariage orientée vers la recherche du bien commun.
89. La poursuite d’un objectif : le bien commun. En Islam, le mariage est un
contrat synallagmatique qui institue entre l’homme et la femme des droits et des devoirs
réciproques2. Cette union demeure profondément liée à la conduite que doit adopter le
musulman à l’égard de la religion en assurant la procréation dans la moralité et la pureté.
La morale et l’éthique imprègnent fortement les règles juridiques relatives à la famille car
l’ordre moral et l’ordre juridique se confondent en Islam dans la charia (loi de Dieu), code
de conduite destiné à assurer la perfectibilité de l’homme en vue de sa fin 3. Le regard
coranique porté sur la femme est tout à fait autre que celui ancré dans la tradition judéo-
chrétienne, l’égalité y étant assurée dans le livre sacré de manière inconditionnelle4. Le
Coran édicte les grandes lignes de l’union conjugale, mais l’accent est également mis sur
les hadiths5 quant aux responsabilités incombant aux époux : « Chacun de vous est comme
un berger et responsable de son troupeau. L’émir (le prince) est responsable de sa
communauté ; l’homme est responsable de sa famille ; la femme est responsable de son
foyer. Ainsi, chacun d’entre vous est comme un berger et responsable de son troupeau »6.
Un autre hadith nous livre qu’« il n’est pas une institution établie en Islam, qui soit plus
aimée d’Allah que le mariage », celui-ci y est perçu comme « la conséquence d’une grâce
admirable de Dieu qui a imposé à ses créatures un désir sexuel qui les oblige par là, malgré
leur volonté, à assurer la continuité de leur descendance ; il est un auxiliaire de la
religion »7. Se marier est un acte de foi en Islam, le célibat étant perçu comme contre
nature8. Un hadith du prophète en atteste : « qui se marie a préservé la moitié de sa

1
Une des caractéristiques majeures de la péninsule arabique au cours des VI ème et VIIème siècles était l’absence
totale de morale sexuelle. L’arrivée de l’Islam avait donc, entre autres buts, de mettre fin à une vie sociale
libertine et désordonnée.
2
Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité de droit musulman comparé, Paris-La Haye, éd. Mouton, 1965, p. 23.
3
S. JAHEL, « Les concubinages en terres d’Islam », in La place de la Chari’a dans les systèmes juridiques des
pays arabes, Paris, LGDJ, éd. Panthéon Assas, 2012, p. 155.
4
Cf. Sourate 33, verset 35 : « Les musulmans et musulmanes, croyants et croyantes, obéissants et obéissantes,
loyaux et loyales, endurants et endurantes, craignants et craignantes, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants
et jeûnantes, gardiens de leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allah et invocatrices : Allah a
préparé pour eux un pardon et une énorme récompense », et la sourate 2, verset 228, de corroborer cette égalité :
« Quant à elles, elles ont des droits équivalents à leurs obligations, conformément à la bienséance ». Le message
spirituel de l’Islam est non équivoque, hommes et femmes sont égaux devant Dieu.
5
Les hadiths reposent sur la sunna du prophète, qui constitue un modèle de conduite pour tout musulman, bien
que les textes de référence en la matière diffèrent selon les sunnites et les chiites.
6
Rapporté par Al-Boukhari et Mouslim.
7
GHAZALI, Le livre des bons usages en matière de mariage, traduction de L. BERCHER et G.-H. BOUSQUET,
Paris, Librairie d’Amérique et d’Orient, Maisonneuve, 1989, p. 6.
8
La pensée musulmane perçoit l’acte sexuel comme une nécessité physique et morale qu’il importe d’encadrer
(par le mariage) pour permettre aux croyants de satisfaire leur sensualité dans des conditions approuvées par la
volonté divine. V. en ce sens : G.-H. BOUSQUET, L’éthique sexuelle de l’Islam, Paris, éd. Maisonneuve et Larose,
1966 ; B. ALAYLI, La réglementation des rapports sexuels en droit musulman comparé, Thèse, Paris II, 1980.
Cette perception des relations sexuelles en Islam contraste avec la vision chrétienne qui élève l’acte matrimonial

76
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

religion ». Alliance sacrée et solennelle, elle est conclue pour durer « dans l’affection et la
mansuétude »1. Le Coran souligne cette complémentarité du couple dans deux versets :
« Et de toute chose nous avons créé deux éléments de couple » ; « Louange à celui qui a
créé d’eux-mêmes tous les couples de ce que la terre fait pousser, et de ce qu’ils ne savent
pas ».
Le fondement de la vie à deux est symbolisé par le concept de ma’rûf (bien commun) qui
réitéré plus de vingt fois dans le Coran2 tel un rappel à l’attention des hommes. Interprété
comme signifiant le Bien, le convenable et ce qui est moralement acceptable par tous, il
correspond à « tout ce que l’on peut reconnaître comme étant source de bienfaits pour les
êtres humains, et le terme désigne aussi tout ce que la raison reconnaît comme étant juste et
dans l’intérêt de tous »3. Ce concept -au cœur de l’éthique conjugale coranique- paraît très
proche, voire équivalent à celui du bien commun inhérent à la pensée platonicienne et
aristotélicienne. Il a en général été compris comme l’expression d’un intérêt supérieur de
caractère à la fois rationnel et divin.

§3) Le mariage dans les droits positifs des pays musulmans

90. La rencontre du droit musulman et du droit occidental. Avant sa codification,


il n’existait pas de droit positif de la famille à proprement dire, seules les prescriptions
coraniques réglementant les relations familiales. Dans le silence du Coran, il était fait appel
à la technique de l’ijtihad (effort jurisprudentiel) des spécialistes de l’Islam. Cette situation
dura jusqu’à la première moitié du XXème siècle. Au contact de la législation française, le
droit local s’est trouvé modifié de façon considérable. Ainsi que le soulignait le doyen
CARBONNIER, « quand deux systèmes juridiques se rencontrent, ce n’est jamais
impunément. Des effets vont en résulter, aussi bien sur les institutions que sur les individus

à un sacrement, afin de lui conférer une dimension spirituelle, tout en estimant que le mariage pourrait être
meilleur encore lorsque les époux échangent la promesse de vivre selon un état de continence. Il s’agit, selon
Saint AUGUSTIN, de la plus haute perfection que puisse atteindre les chrétiens. Cf. POTHIER, Traité du contrat de
mariage, Paris, Thomine et fortic, 1821, p. 3 : le mariage est une « union dans laquelle les parties, par le contrat
de mariage, s’engagent mutuellement de vivre, est principalement l’union de leurs esprits et de leurs volontés. Le
commerce charnel n’est point de l’essence du mariage ». Selon Saint AUGUSTIN, « l’union de l’homme et de la
femme est légitime et bonne lorsqu’elle est faite en vue d’atteindre cette fin (la procréation) ». « Et en effet : ce
n’est pas pour assouvir les passions de la chair que la femme est soumise à l’homme ; c’est pour assurer la
perpétuité de la race humaine et pour fonder la société de la famille par l’obéissance chaste et fidèle ». Cité par
G. SERRIER, De quelques recherches concernant le mariage contrat-sacrement, et plus particulièrement de la
doctrine augustinienne des biens du mariage, Thèse Nancy, Paris, éd. De Boccard, 1928, p. 83.
1
Sourate 30, verset 20 : (…) « il vous a créés des épouses formées de vous-mêmes, pour que vous habitiez avec
elles. Il a établi entre vous l’amour et la compassion (…) », in La Bible et le Coran, de Moïse à Jésus et
Mahomet, les plus grands textes, Paris, Le nouvel Observateur, CNRS éditions, 2010, p. 731.
2
Le verset 19 de la sourate 4 semble résumer à lui seul l’ensemble de l’éthique coranique relative aux relations
conjugales en ce qu’il nous dit ceci : « Entretenez avec vos épouses des rapports qui soient fondés sur le bien
commun ».
3
A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?, Paris, éd. Dar Al Bouraq, coll. « La croisée
des chemins », 2012, p. 76.

77
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

(étant entendu que c’est toujours à travers une modification des hommes que s’opère une
modification des institutions). Ainsi, toute acculturation du droit se traduit, dans les
institutions et dans les individus par des phénomènes multiples de psychologie sociale, qui
sont des phénomènes juridiques1 (…) chez les peuples colonisés, puis décolonisés, un peu
partout dans le monde, la colonisation économique et politique s’étant accompagnée d’une
colonisation législative, non point forcément symétrique d’ailleurs, et la décolonisation
n’ayant pas toujours remporté dans son reflux l’acculturation du droit »2. Bien que la
matière du « statut personnel »3 soit demeurée en dehors de l’influence européenne4, le
contact entre les deux systèmes juridiques a permis dans un premier temps la codification
des règles religieuses en un corpus que le législateur marocain a intitulé moudawana5
(littéralement compilation, recueil). Le rayonnement du Code civil à l’étranger 6 y est sans
doute pour beaucoup, et les autres domaines du droit -ne relevant pas directement du
domaine révélé- ont facilement pu être codifiés selon les conceptions empruntées au

1
J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994, p. 240.
2
Ibidem., p. 236 et 240.
3
Le domaine du « statut personnel » recouvre ce que l’on désigne en Occident par « le droit des personnes et de
la famille », à cette différence près que les statuts personnels concernent également le droit des successions et
demeurent régis par le principe de la personnalité des lois. V. M. AOUN (dir.), Les statuts personnels en droit
comparé, évolutions récentes et implications pratiques, Leuven-Paris-Dudley, Peeters, 2009, particulièrement
M. AOUN, « Origines et fondements historiques des statuts personnels », pp. 11-22.
4
V. néanmoins la thèse de N. GAFSIA, L’invention coloniale du mariage musulman, le cas tunisien, Paris, LGDJ,
coll. « Droit et Société », 2008. Reprenant la grille de lecture proposée par C. BONTEMS et J. GAUDEMET -selon
laquelle il existerait deux manières de concevoir socialement et juridiquement la formation du lien matrimonial-
l’auteur relève que le mariage tunisien « par étapes » (par opposition au mariage occidental dit « ponctuel ») a
fait l’objet d’une transformation radicale en 1956 à l’indépendance du pays. Avec l’adoption du Code du statut
personnel a pu être observée la coexistence d’une pluralité de représentations juridiques, les unes découlant d’un
nouvel ordre étatique issu de la colonisation, les autres demeurant liées aux pratiques juridiques et sociétales
anciennes. Le contrôle de la formation du lien matrimonial a été permis tant par l’encadrement institutionnel de
la fonction notariale, que par l’instauration de l’état civil obligatoire afin de favoriser la pratique de l’écriture du
contrat de mariage. La prévalence des tribunaux français dans le cadre des mariages mixtes dans lesquels le
conjoint tunisien a été naturalisé dépossède en conséquent le juge musulman (cadi) de ses attributions habituelles
et permet au magistrat de la juridiction française d’apporter son appréciation sur les faits concernant des
musulmans en interprétant la « loi musulmane ». À cette occasion, ce dernier met en avant les représentations
juridiques de la formation ponctuelle du lien matrimonial, entraînant des conséquences au niveau de la
redéfinition des pratiques sociales mais aussi du fiqh (droit musulman). Ainsi, les modes de lecture du fiqh
s’imbriquent avec les catégories juridiques et les concepts du droit français, favorisant une imbrication du
modèle ponctuel et du mariage par étapes dans le champ juridique tunisien. Cette situation « travestit » le modèle
musulman et conduit à des « enchevêtrements » théoriques et pratiques. V. spec. p. 121.
5
Le choix même de cette appellation était symbolique, car il reprend le titre de la compilation par laquelle
l’Imam SUHNUN avait codifié les dires et sentences de Malik IBN ANAS, fondateur de l’école malékite à laquelle
appartiennent le Maroc, l’Algérie et la Tunisie.
6
L’empire ottoman, dès 1839, constitue un bel exemple du mouvement de codification : en 1840 déjà, il adopte
un code pénal de type moderne, rédigé sur le modèle du code pénal français de 1810. En 1850 fut introduit un
Code du commerce totalement calqué sur le code du commerce français. Dans le domaine judiciaire et
procédural, un système complet de tribunaux d’État fut organisé en 1860, suivi en 1861 d’un code d’instruction
criminelle. L’aboutissement de ce processus se matérialisera par l’adoption du Code civil suisse en 1926, lorsque
Moustapha Kémal ATATÜRK imposera par décret à la Turquie le code civil suisse, le code pénal italien et le code
de procédure du canton de Neuchâtel.

78
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

système juridique français1. La plupart des pays musulmans relevaient donc d’un système
de droit mixte, combinant règles religieuses et règles de droit positif « venues d’ailleurs »,
avec parfois certaines règles issues de la coutume, étrangères en tant que telles à l’Islam2.
Dans un second temps, la codification a permis la réunification des fractions nationales
berbères et arabes -divisées pendant la période coloniale3. La codification du droit de la
famille aura donc principalement une fonction unificatrice de l’identité culturelle du pays.
91. La codification de la matière du statut personnel. Le droit de la famille trouve
sa source exclusive dans le Coran. Il est, avec le droit des successions, l’un des trois grands
ensembles formés par le « droit musulman »4. Le mouvement de codification des règles du
droit de la famille s’est particulièrement accéléré à l’indépendance des pays soumis à
tutelle européenne : en 19565 pour la Tunisie6, en 1957-1958 pour le Maroc7 et en 19848
pour l’Algérie9. Le fait même de procéder à la codification de la charia ne semble a priori
pas emporter de changements substantiels puisqu’il s’agit -pour le Maroc10 notamment-, de
procéder à une compilation des règles de droit musulman dans la moudawana. En réalité,
les conséquences de la codification sont bien plus importantes car les règles du droit de la
famille recevront désormais application non plus en vertu d’une autorité religieuse mais au
titre de la loi civile. L’avantage d’une telle entreprise est de favoriser une véritable unité
juridique, permettant une accessibilité simplifiée, complète et précise aux règles désormais
disponibles dans un seul corpus. L’imprécision des règles issues des traités du fiqh11 tient

1
Tel est le cas du droit public, administratif, fiscal, droit commercial, droit pénal, procédure pénale, et de
l’organisation judiciaire.
2
Notamment dans certaines régions berbères du Maroc ou de la Kabylie.
3
Notamment le dahir berbère de 1930 au Maroc qui avait soustrait une partie de la population marocaine au rite
malékite.
4
H. DE WAEL, Le droit musulman, nature et évolution, Paris, 2ème éd., 1993, pp. 56-57. Le second ensemble étant
constitué par le droit des contrats et des obligations, puis le troisième représenté par les différentes règles qui
intéressent le domaine public et administratif.
5
Le 13 août 1956, quelques mois seulement après son indépendance. V. S. BEN HALIMA, « Religion et statut
personnel en Tunisie », Rev. tun. dr., 2000, pp. 107-138.
6
V. en ce sens, pour une approche du lien matrimonial, particulièrement pendant, et après le protectorat en
Tunisie : M. LESCURE, Le lien matrimonial en Tunisie, Thèse, Paris, 1958.
7
La moudawana marocaine a été promulguée entre 1957 et 1958 par cinq dahirs (décret royal) successifs, puis
modifiée en 1993 par la loi n° 1-93-347 du 10 septembre 1993, B.O, 1er déc. 1993, p. 664.
8
Loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant Code la famille. V. s’agissant de la promulgation de cette loi : L. HAMDAN,
« Les difficultés de codification du droit de la famille algérien », RIDC, 1985, pp. 1001-1015. Sur sa réforme en
2005 : W. LTAIEF, « La réforme du Code algérien de la famille », in Les statuts personnels en droit comparé,
évolutions récentes et implications pratiques, M. AOUN (dir. de), Leuven-Paris, Peeters, coll. « Law and religion
studies », 2009, pp. 83-101 ; K. SAÏDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et rénovation »,
RIDC, 2006, pp. 119-152.
9
G. BENMELHA, Éléments du droit algérien de la famille, le mariage et sa dissolution, t. 1, Paris, éd. Publisud,
1985.
10
V. en ce sens la thèse de M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux. Étude comparative du droit français
et du droit marocain, Thèse, Paris II, 1987.
11
Le fiqh est à distinguer de la charia. Cette dernière signifie d’abord « la voie » à suivre, qui correspond à la loi
divine, donc l’ensemble des règles révélées par Dieu au Prophète MOHAMED que l’on retrouve dans le livre saint
des musulmans : le Coran. Le fiqh lui correspond à la science juridique qui suppose la connaissance du donné

79
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

notamment aux divergences qui peuvent exister entre les différents auteurs, fut-ce à
l’intérieur d’une même école juridique. Pourtant, cette « transformation par l’extérieur »1
dénature le système originel car « la codification, en soi, par soi, réalise déjà, la
modification ; disons, sans jeu de mots aucun, que codifier, c’est modifier. Car le droit
musulman est, par nature, un droit oral2 et non un droit écrit ; il est un droit traditionnel et
jurisprudentiel ; le transformer en droit écrit, par rédaction, par fixation, c’est l’altérer »3.
Cette même opinion est également partagée par Monsieur le professeur G. TIMSIT, pour qui
« toute opération de codification, de quelque manière qu’elle “touche” à la norme, et
malgré toutes les précautions que l’on ait pu prendre, comporte en elle-même des
occasions de transgression ». Cette transgression est manifeste lorsque la norme est en
contradiction avec le code culturel en vigueur du fait du non-respect par l’auteur de la loi
des valeurs et croyances du système en vigueur4.
92. Les enjeux de la codification. Le mouvement de codification revêt une
importance cruciale5 car c’est la première fois que la question du statut personnel est
soulevée6 dans les pays du Maghreb. Elle fait notamment suite au mouvement idéologique
de Renaissance Nahda qui émergea au XIXème siècle afin de « redonner naissance » à
l’Islam, la fermeture des portes de l’ijtihad (effort jurisprudentiel) au XIIème siècle ayant
définitivement acté son déclin. Cette pensée réformiste musulmane s’articula autour de
deux courants principaux : le premier, rigoriste, rejette l’influence européenne et la
multiplicité des innovations -qui seraient la cause de la déchéance du monde musulman-.

révélé, mais dont le domaine est beaucoup plus restreint que celui de la charia qui déborde le simple domaine
juridique pour s’étendre à l’ensemble des obligations du croyant. Cf. H DE WAEL, Le droit musulman, nature et
évolution, Paris, 2ème éd., 1993, p. 56.
1
R. MAUNIER, Loi française et coutume indigène en Algérie, Paris, Montchrestien, 1912, pp. 65-76.
2
M. TOUALBI dans sa thèse de doctorat met en évidence que les premiers jurisconsultes musulmans répugnaient
à voir leurs avis juridiques transcrits. La raison, de leur point de vue, résidait dans la suprématie des sources
principales constituées par le Coran et la Sunna, qui elles méritaient une compilation. Cette position se justifiait
également par la crainte de voir leurs avis élevés par leurs disciples au rang de textes sacrés. Durant la période
abbasside (750-900), les nouveaux cadis (magistrats) eurent rapidement besoin de manuels mettant en évidence
les modalités d’application de la charia. Un certain nombre de traités juridiques voient alors le jour, et leur
rédaction donna naissance à une nouvelle terminologie juridique. Corrélativement, la fonction des juristes
musulmans s’en trouvait considérablement réduite car, ne tirant plus profit des multiples interprétations
auxquelles les Saintes Écritures pouvaient donner lieu, ceux-ci se contentaient désormais des manuels juridiques
exposant le patrimoine jurisprudentiel élaboré par les anciens jurisconsultes. Cf. I. TOUALBI, Le droit
musulman : de « l’interdiction de la jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, p. 289-290.
3
R. MAUNIER, Loi française et coutume indigène en Algérie, op. cit., p. 65-76.
4
G. TIMSIT, Archipel de la norme, Paris, PUF, coll. « Les voies du droit », 1ère éd., 1997, p. 151-152.
L’illustration topique de cette situation concerne sans aucun doute l’exemple tunisien, lequel dès 1956 a
supprimé la polygamie et interdit la répudiation dans une société encore largement « islamisée ».
5
Sur cette rencontre des textes juridiques islamiques avec les textes français, cf. L. BUSKENS, « Commentaires
islamiques et Codes français. Confrontation et accommodation de deux formes de rédaction du droit de la famille
au Maroc », in Droits et sociétés dans le monde arabe. Perspectives socio-anthropologiques, G. BOËTSCH,
B. DUPRET, J.-N. FERRIE (dir. de), Marseille, PUAM, 1997, pp. 61-86.
6
Auparavant, quelques réflexions timides s’agissant du rôle des femmes dans la construction de la société et
l’importance de la participation féminine dans le processus de libération avaient été soulevées par certains
nationalistes, indépendamment de la question de leurs droits dans le cadre des lois relevant du statut personnel.

80
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Le second courant1 est favorable à une relecture des institutions en tenant compte des
transformations conjoncturelles, mettant en avant la nécessité de promouvoir le statut
juridique de la femme musulmane2. Il est regrettable que ce mouvement idéologique n’ait
pas eu la portée effective escomptée sur le plan juridique. Il aura tout au plus, selon
Monsieur J. SCHACHT3, apporté une pensée originale dans l’histoire de l’intelligence
islamique.
93. Des codifications en décalage avec l’éthique coranique du mariage.
L’occasion a été offerte lors des codifications d’infléchir certaines solutions
traditionnelles4. Celles-ci variaient, pouvant aller des choix les plus traditionnels -tels que
l’illustraient la moudawana marocaine et le Code du statut personnel algérien- aux options
les plus modernistes dont la Tunisie est représentative 5. Les droits positifs des pays
musulmans diffèrent sensiblement, bien qu’ils aient pour base commune le même texte.
L’état social, les pratiques de ces pays ainsi que leurs traditions sont autant de causes de
leurs différences. Ces différences sont encore plus marquées lorsque les États
appartiennent à des écoles juridiques différentes6 -bien qu’il soit possible de trouver, au
sein de la même école juridique, des divergences d’interprétation.
Désormais doté d’un système juridique moderne intégrant l’Islam comme religion d’État7,
le droit musulman appliqué dans les pays maghrébins représente purement et simplement
le droit positif, ou fait partie de ce même droit, de manière explicite ou implicite. Les
règles relatives au droit de la famille relèvent de la première catégorie, c’est-à-dire qu’ils
représentent le droit positif. Il s’agissait donc, pour la majorité des États, de mettre un fond
traditionnel dans une enveloppe moderne 8. Or, s’agissant d’un droit dont les sources
reposent exclusivement sur l’autorité du donné révélé, la coïncidence n’a pu être totale
entre ce qui était religieusement souhaitable et ce qui était légalement prescrit, « la force
1
Parmi ces réformistes, il convient de citer les noms des égyptiens Qasim AMIN (1865-1908), Mohammed
ABDOU (1849-1905), Rachid RIDHA (1865-1935), le tunisien Tahar HADDAD (1899-1935) qui ont marqué dans
le monde arabo-musulman l’histoire idéologique des questions relatives à l’émancipation de la femme et à
l’égalité de son statut avec celui de l’homme.
2
Cf. en ce sens l’ouvrage de T. HADDAD, Notre femme dans la loi et la société, Dar al-Gharb al-Islami, 1985.
3
J. SCHACHT, Introduction à l’étude du droit musulman, Paris, Maisonneuve&Larose, 1999, spec. pp. 64-65.
4
C’est notamment le cas tunisien.
5
La situation de ces trois pays est différente à l’heure des indépendances. Par conséquent, les solutions ne
pouvaient qu’être différentes. La Tunisie, urbanisée et ouverte sur l’extérieur, a été influencée par les courants
réformistes anciens, et son président, H. BOURGUIBA, était un fervent défenseur des droits des femmes.
L’Algérie, indépendante en 1962, a été plus marquée par la tutelle française, et souhaite affirmer son identité.
Quant au Maroc rural et féodal, l’Islam y joue un rôle capital dans l’assise politique du régime.
6
L’Islam est bien souvent envisagé comme étant monolithique, or ce point de vue est inexact car il existe une
richesse d’opinions dans les quatre écoles doctrinales qui se sont formées à la suite du décès du Prophète. En ce
sens : M. DAOUALIBI, « L’influence juridique réciproque des écoles », in Travaux de la semaine internationale
de droit musulman, Paris, 2-7 juillet 1951, Recueil Sirey, 1953, pp. 101-115.
7
La plupart des Constitutions des pays musulmans font référence à l’islam, et cette référence demeure une règle
intangible.
8
F. TOBICH, Les statuts personnels dans les pays arabes : de l’éclatement à l’harmonisation, Marseille,
PUAM, 2008, p. 58.

81
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien familial

inhérente à la parole de Dieu ayant bien souvent été revendiquée au bénéfice de celle de
ses interprètes »1. Les codifications musulmanes ne reflètent pas2, dans la majorité des cas,
l’éthique coranique de l’union conjugale et accordent une primauté à l’homme, qui jouit
dans les textes d’une autorité absolue sur son épouse3. À la veille de sa révision en 1993, la
moudawana marocaine pouvait être présentée comme un simple code de conduite morale
faute de sanction civile ou pénale en cas de violation d’une disposition. La prééminence de
l’époux était le principe fondateur de ce texte, que ce soit au stade de la conclusion du
mariage, du déroulement de la vie conjugale ou de la dissolution du mariage. Le corpus
reproduisait fidèlement le modèle de la famille traditionnelle, très marquée par le droit
musulman classique et les interprétations traditionnelles conformément au rite malékite 4.
Le lien matrimonial, fortement précaire, reflétait l’usage abusif d’une répudiation très
largement admise. Le même cas de figure se retrouve en Algérie, dont les règles ne
diffèrent guère. La révision marocaine de 1993 demeura lettre morte5 du fait de l’existence
d’un fossé entre la norme juridique et la réalité sociale6 qu’elle est censée régir. Détournée
de son objectif, cette révision n’a pas répondu aux revendications de l’époque : permettre
aux femmes qui le souhaitaient de mettre un terme à leur union sans chantage aucun de

1
H. DE WAEL, Le droit musulman, nature et évolution, op. cit., 1993, p. 55.
2
En 1923 déjà, M.-M. SALAMA, dans sa thèse de doctorat, relevait cette idée, en l’exprimant ainsi : « Nous
pouvons affirmer que la législation coranique, si vieille qu’elle puisse paraître, est en harmonie avec les
principes d’égalité les plus élevés que le monde ait connu jusqu’ici. Ceci vient d’ailleurs du fait que le droit
musulman contenu dans le Coran est une révélation divine, destinée à être conservée à travers les âges (…) la
législation musulmane, si elle était sagement interprétée et équitablement appliquée, pourrait, sans innovation,
donner satisfaction à toutes les exigences modernes. Il suffirait pour cela que nos législateurs aient le courage
d’écarter de leur chemin toutes ces traditions, aujourd’hui tombées en désuétude, et qu’ils comprennent que la
vie continue son évolution créatrice et que des idées nouvelles apparaissent tous les jours. L’époque actuelle
n’est pas une époque de cristallisation et de stabilité ». Cf. M.-M. SALAMA, Le mariage musulman, op. cit., pp.
173-174.
3
M. BENRADI exprime parfaitement cette situation : « Dans la sphère culturelle musulmane, les droits familiaux
étant énoncés sur la base du référent religieux, leur évolution demeure soumise aux lectures faites par les
différentes écoles des préceptes coraniques de la Sunna. De ce fait, la capacité pour le droit de la famille de
prendre en considération les mutations sociales reste hypothéquée par les lectures restrictives qui ont dominé
l’histoire du droit de la famille dans le monde musulman et les droits des femmes s’en trouvent par conséquent
limités ». Cf. M. BENRADI, H. ALAOUI M’CHICHI, A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et
pratique judiciaire, Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007, p. 14.
4
Sur cet aspect, cf. M. L. MESSAOUDI, « Grandeurs et limites du droit musulman au Maroc », RIDC, 1995,
pp. 146-154.
5
La tutelle matrimoniale permettant à l’épouse d’être représentée lors de la conclusion de son mariage était
toujours nécessaire à la jeune femme non orpheline, quel que soit son âge. La polygamie était maintenue, et la
future épouse devait être avertie de l’existence d’un précédent mariage de son futur époux. L’épouse dont le mari
viole l’engagement de monogamie est libre de décider de son sort : demander le divorce ou demeurer dans les
liens du mariage. Un important pouvoir a été accordé au juge, de s’opposer à la polygamie si une injustice est à
craindre.
6
Le mariage de plus en plus tardif des hommes et des femmes ne s’accommodait qu’imparfaitement avec
l’institution du tuteur matrimonial (wali). La poursuite des études pour les jeunes filles, leur indépendance
financière et leur implication grandissante dans le choix de leurs futurs conjoints sont autant de facteurs
révélateurs de l’inutilité d’une telle représentation, dont nulle trace n’existe dans le Coran lui-même. Certains se
prévalaient du fait que le Code de la fonction publique permet aux femmes d’accéder à des postes de haute
responsabilité dans l’administration publique, alors que la moudawana ne leur reconnaît pas le droit de
contracter leur propre mariage.

82
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’époux. À cet égard, le divorce par khol’ ou compensation permettait à l’épouse un rachat
de sa liberté moyennant le versement d’une somme d’argent à l’époux, transformant ainsi
le divorce en véritable occasion d’enrichissement. Nous sommes loin du hadith du
prophète qui préconisait de dissoudre le pacte, lorsque cela s’avérait nécessaire, dans la
décence, la générosité et la pudeur. Le droit du mariage et de la famille restait
profondément inégalitaire et demeurait marqué du sceau de l’inéquité, contraire à l’esprit
même de la charia.

83
Conclusion du chapitre premier

94. À l’issue de ce premier chapitre, l’étude des éléments déterminants tant en


Occident que dans les pays de tradition islamique a mis en évidence l’existence d’une
conception unitaire commune du mariage et de la famille. D’un côté et de l’autre des deux
rives méditerranéennes, le lien familial repose exclusivement sur le préalable du mariage.
Point de famille en dehors de celui-ci. Il s’agissait dans un premier temps de démontrer la
commune conception du lien matrimonial, considéré comme le cadre naturel le plus à
même d’assurer l’accueil des enfants et l’épanouissement des membres du groupe familial.
Les raisons d’une telle faveur se sont, tout au long de l’étude, révélées indiscutables tant la
naturalité du modèle proposé emportait une adhésion massive. Tant le paramètre religieux
que la volonté politique s’inscrivaient dans le cadre de la promotion de ce modèle. Il a
donc semblé important de mettre en lumière les raisons ayant conduit à cette concordance
dans la conception du mariage. La communauté de valeurs religieuses présidant à la
conception du mariage dans les deux droits a incontestablement constitué un véritable trait
d’union entre les deux rives méditerranéennes. C’est pourquoi la prise en compte de ce
donné a constitué un élément clé incontournable dans l’objet de notre étude. Une telle
concordance de l’esprit des législations est bienvenue, car elle est révélatrice de l’existence
d’un minimum de cohésion entre les systèmes juridiques.
Malgré l’émergence d’un courant de pensée philosophique et religieux ayant permis de
dégager l’homme de l’emprise englobante du donné religieux en Occident, -et
corrélativement l’affaiblissement progressif de l’influence de l’Église- l’extraction sans
précédent du mariage de son ancrage religieux n’a pas influé sur le fondement du lien
familial, toujours assuré par le préalable du mariage. Désormais simple lien civil reposant
sur le contrat et la libre rencontre des volontés, la sécularisation du mariage assurait
toujours au lien familial son fondement matrimonial. La précision est de la plus haute
importance pour les développements à suivre.
Une telle rupture dans l’ordre cosmique n’a pu être menée dans les pays de tradition
islamique où le législateur a fait le choix de maintenir un lien étroit entre religion et
mariage. Aujourd’hui encore, cette institution revêt le caractère d’une obligation sociale et
religieuse. Bien qu’il n’existe pas à proprement parler de conception religieuse du mariage
en terre islamique, l’intériorisation de la conscience religieuse de cette communauté aboutit
à une conception du mariage profondément liée à la conduite que doit adopter le croyant à
l’égard de la religion. La nature du mariage dans chacune des législations permet ainsi de
déterminer le degré de religiosité des règles qui y préside. Lien purement civil d’un côté, à
forte connotation communautaire et religieuse de l’autre, la conception unitaire du mariage
ici et là repose, en définitive, sur deux visions du monde : l’une sécularisée, l’autre
religieuse. Ne convient-il pas alors de rechercher le juste milieu pour l’homme entre une
philosophie privilégiant l’individu pris comme référence d’un système, et une philosophie

84
englobant celui-ci au sein d’un groupe donné ? L’équilibre de la notion de mariage est sans
doute dans cette difficile équation.

85
Chapitre second. Une conception de la famille
renouvelée sur les deux rives de la Méditerranée

95. Les transformations socio-économiques. Les grandes réformes du Code civil


des années 60-701 interviennent dans un contexte particulier de libération des contraintes
sociales2, dont les mots d’ordre sont les principes de liberté et d’égalité 3. Grâce ou à cause
de ces principes, la naturalité du modèle familial conçu comme cellule monarchique et
catholique sera très progressivement remise en cause. Le facteur économique, déterminant
dans cette remise en cause, a permis l’arrivée des femmes sur le marché du travail en
favorisant leur passage du statut de « ménagère » au statut de « consommatrice ». Le
mariage est désormais un handicap dans le parcours professionnel de la femme qui aspire à
exister en dehors de la sphère privée. Émancipée de l’univers domestique, elle ne se définit
plus seulement comme épouse. Tant le désir d’autonomie personnelle que
d’épanouissement des individus participent à la transformation profonde des rôles des deux
sexes au sein de la famille4. Autant de facteurs ne pouvaient laisser intact le modèle
familial initialement conçu : la durée des mariages qui participait autrefois de leur stabilité
est désormais fragilisée ; l’augmentation des unions hors-mariage et du nombre d’enfants
qui en naissent conduisent à l’avènement de la famille naturelle. Le mariage n’est plus
perçu comme un devoir social mais relève d’un choix personnel5. Le concept de famille
traditionnelle éclate et nécessite une adaptation aux nouvelles configurations.
96. Le rôle de la sociologie juridique6. Nouvelle discipline qui connait un essor
important, la sociologie juridique est la nouvelle donnée prise en compte par le législateur
à l’occasion des réformes menées. Le besoin d’adaptation du droit aux faits a conduit à
l’essor de nombreux travaux sociologiques, utilisant les enquêtes de terrain. Le droit a en

1
J. FOYER, « Le Code civil de 1945 à nos jours », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir, Paris,
Dalloz, 2004, pp. 275-296.
2
Cf. M. BONINCHI, Vichy et l’ordre moral, Paris, PUF, 1ère éd., 2005.
3
J.-L. RENCHON, « La prégnance de l’idéologie individualiste et libérale dans les récentes réformes du droit de la
personne et de la famille », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz,
2009, pp. 209-236 ; P. JESTAZ, « L’égalité et l’avenir du droit de la famille », in Autour du droit civil, Écrits
dispersés, Idées convergentes, Paris, Dalloz, 2005, pp. 289-304.
4
Sur ces transformations, V. M. SEGALEN, Sociologie de la famille, Paris, éd. Armand Colin, 1996 ;
E. SULLEROT, La crise de la famille, Paris, éd. Fayard, 2000.
5
Le doyen CARBONNIER l’a d’ailleurs parfaitement souligné : « l’histoire de notre droit du mariage, depuis
cinquante ans, est l’histoire d’une libération continue, et l’aboutissement n’est pas loin : pour se lier comme pour
se délier, l’homme n’aura plus d’autre clé que sa responsabilité envers lui-même ». Cf. J. CARBONNIER, « Terre
et ciel dans le droit français du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle. Études offertes à
Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, p. 328.
6
En ce sens, V. : J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Paris, PUF, 1994 ; plus récemment cf. : L’argument
sociologique en droit. Pluriel et singularité, D. FENOUILLET (dir. de), Paris, Dalloz, coll.
« Thèmes&Commentaires », 2015.

86
conséquence pris acte de ce qui constituait la « maladie du mariage et de la famille »1 et a
fait le choix d’accompagner ces évolutions. La transformation de la conception juridique
du mariage qui en découle (Section 1) repose sur l’expérience vécue des individus et leurs
aspirations, vers lesquelles le droit tend à se rapprocher.
97. En droit comparé. Les mêmes évolutions socio-économiques peuvent être
constatées dans les pays du Maghreb. La transformation des rapports au sein du couple n’a
toutefois pas conduit à des évolutions aussi spectaculaires en matière conjugale. En effet,
s’il est une chose qui unit l’ensemble des pays musulmans, c’est leur attitude commune
face à la règle de droit. Son adaptation doit s’effectuer sans donner l’impression d’y
contrevenir frontalement ou de la remplacer, d’où l’effort d’ijtihad (effort de
jurisprudence). De cet effort découle la pratique qui consiste à « tourner la loi », trouver
des hiyal astuces pour en faciliter l’adaptation aux réalités actuelles2. C’est pourquoi le
mariage n’échappe pas au mouvement de modernisation (Section 2) de la législation
familiale. Les rapports entre conjoints sont désormais rééquilibrés, et les droits de l’enfant
garantis.

1
J. BOUVERESSE, « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », in Le droit
entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p. 56.
2
En Occident, cette technique serait perçue comme une fraude à la loi, et peut être sanctionné. Ce qui est bien
perçu dans un système ne l’est pas dans l’autre. Ceci résulte de la conception différente de la loi dans l’une et
l’autre conception. En Occident, la fraude à la loi est synonyme de refus de soumission à celle-ci, légitime du
seul fait qu’elle a été régulièrement élaborée par une institution dont la fonction est de produire des normes. Il en
va différemment dans un système de sources anciennes et religieuses, dans lequel l’astuce vise à respecter la loi
en l’adaptant à des situations évolutives, en l’absence de pouvoir législatif temporel susceptible de la changer.
Ceci contribue à la pérennité de la norme religieuse en remédiant à son inadaptation éventuelle. V. en ce sens
L. MILLIOT, « L’idée de la loi dans l’Islam », Travaux de la semaine internationale de droit musulman, Paris, 2-
7 juillet 1951, Recueil Sirey, 1953, pp. 17-33.

87
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La transformation de la conception juridique du


mariage occidental

98. L’égalité et la liberté comme fondements. Si à la veille des réformes menées par
le doyen CARBONNIER le droit de la famille a bénéficié d’une relative stabilité, ce dernier trait
disparaîtra de la législation familiale depuis que l’exigence d’égalité s’impose comme
l’objectif des interventions législatives. Parce qu’elle est sous-tendues par cette logique
égalitaire, la vague de réformes intervenues sous son égide modifie en profondeur la
physionomie des relations conjugales. La famille inégalitaire cède du terrain au profit d’un
modèle de famille qui promeut une gestion bilatérale des affaires du couple et des enfants. À
cette fin, les époux sont investis de pouvoirs réciproques1 au plan patrimonial (§1). Aux côtés
de l’égalité, la liberté est l’autre principe directeur des réformes menées. La poursuite du droit
au bonheur commande de pouvoir dissoudre un mariage qui n’a plus de tel que le nom.
Conscient du climat de libération des contraintes sociales et soucieux d’adapter le droit au
fait, le législateur institue donc la possibilité de rompre librement le mariage (§2).

§1) La situation concurrentielle des époux pendant le mariage

99. L’égalité des sexes par le patrimoine. Les premières réformes entreprises au
début du XXème siècle avaient pour objet d’atténuer les effets de la puissance maritale sur
l’épouse en l’associant aux prises de décisions que nécessite la vie familiale. La recherche
d’égalité poursuivie par le législateur s’est donc naturellement portée sur le volet
patrimonial de la vie conjugale, avec le préalable d’émancipation de l’épouse de la tutelle
maritale lorsqu’elle exerce une activité professionnelle.
100. Les premières lois ponctuelles en droit patrimonial. Le centenaire du Code
civil a été marqué par un évènement inédit. Celui-ci a conduit la militante féministe
Hubertine AUCLAIR à brûler un exemplaire du Code civil place Vendôme. Cet incident a
suscité des attaques virulentes quant à la subordination de l’épouse à son mari. C’est sans
doute à la suite de ce geste hautement symbolique qu’est adoptée le 13 juillet 1907 la loi
sur le libre salaire de la femme mariée. Consacrant l’accès d’un certain nombre de femmes
à l’emploi –alors que leurs gains et salaires demeuraient à la libre disposition de l’époux-
le législateur a souhaité adoucir le statut de la femme active en consacrant son autonomie

1
Selon Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT, la recherche de cette égalité entre les époux repose sur
une « conception déviante du début du XXème siècle, où les commentateurs du Code civil développent l’idée que
la différence entre l’homme et la femme repose sur une inégalité entendue en termes d’infériorité ou de
supériorité de “nature” ». Or, selon l’auteur, cette « conception dégénérée de la différence des sexes ne pouvait
conduire qu’à la révolte de l’un contre l’autre ». M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche
critique sur les mutations familiales, Poitiers, éd. DMM, 2013, p. 16.

88
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

professionnelle. À la suite de ce texte, la loi du 18 février 1938 supprime la puissance


maritale ainsi que l’incapacité de la femme mariée. Néanmoins, les retombées de ces textes
relevaient davantage de l’ordre du symbole, en raison notamment de l’inadaptation des
règles techniques des régimes matrimoniaux.
101. La grande réforme du droit des régimes matrimoniaux1. S’infiltrant par
petites doses au sein de la triade mari-femme-enfant, l’égalité est désormais l’objectif
premier du législateur. Que ce soit dans le domaine du droit patrimonial de la famille2 ou
au plan des relations personnelles, la métamorphose du droit de la famille est à l’oeuvre 3.
La réforme du droit des régimes matrimoniaux par la loi du 13 juillet 19654 est à n’en pas
douter, guidée par le principe de l’égalité des époux5. Si les conjoints sont en théorie
égaux, le mari est toujours, juridiquement, le chef de famille6. L’approche globale qui a fait
défaut au début du siècle est rattrapée par l’adoption de la loi du 13 juillet 1965 qui permet
à la femme mariée d’avoir l’administration, la jouissance et la disposition de ses biens
propres. À travers l’obtention de son indépendance financière, la femme mariée acquit une
liberté qu’elle n’avait pas auparavant. En consacrant sa liberté professionnelle et son
autonomie bancaire, la nouvelle loi organise une association plus étroite des conjoints dans
la gestion des intérêts pécuniaires du ménage 7. À ce dessein, la mise en place du régime de
la communauté légale réduite aux acquêts est organisée en lieu et place de l’ancien régime
de la communauté de meubles et acquêts.
102. Les modifications ultérieures. Le droit des régimes matrimoniaux n’atteindra
une cohérence qu’avec la loi du 23 décembre 19858. Celle-ci parachève l’évolution
amorcée en mettant en place le principe de gestion concurrente de la communauté 9 qui
permet d’atteindre une égalité parfaite. Sont ainsi balayées les dernières inégalités
dont étaient victimes les épouses dans la gestion des biens de la famille. Si la loi de 1965
avait abandonné le principe de l’immutabilité absolue du régime matrimonial 10, la loi

1
V. P. SPITERI, L’égalité des époux dans le régime matrimonial légal (Étude de réforme législative), Paris,
LGDJ, 1965.
2
Cf. à ce sujet les actes du Colloque organisé par le Centre Pierre KAYSER de la Faculté de Droit d’Aix-en-
provence : E. PUTMANN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir.), Le droit patrimonial, miroir des mutations
familiales, Marseille, PUAM, coll. « Inter-normes », 2012.
3
P. CATALA, « La métamorphose du droit de la famille », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir,
Paris, Dalloz, 2004, pp. 341-358.
4
L. n° 65-570 du 13 juil. 1965, J.O, 14 juil. 1965, p. 6044.
5
R. CABRILLAC, « Genre et droit patrimonial de la famille », in Bioéthique et genre, A.-F. ZATTARA-GROS (dir.
de), Paris, LGDJ, 2013, pp. 265-273.
6
H. MAZEAUD, « Une famille sans chef », D., 1951, chron. p. 141.
7
J. PATARIN, « Rapport France », in Le régime matrimonial légal dans les législations contemporaines,
J. PATARIN, I. ZAJATY (dir. de), Paris, éd. A. Pedone, 1974, p. 441-4475.
8
L. n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents
dans la gestion des biens des enfants mineurs, J.O, 26 déc. 1985, p. 15111.
9
A. COLOMER, « La loi du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux »,
Defrénois, 1986, art. 33711.
10
M. GOBERT, « Mutabilité ou immutabilité des régimes matrimoniaux », JCP, G, 1969, I, 2281.

89
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

n° 2006-728 du 23 juin 20061 supprime le dernier verrou de l’homologation judiciaire2,


jugé contraire à la liberté des époux. Le changement de régime matrimonial est désormais
libre3, bien qu’encadré par le juge qui peut le refuser si l’intérêt de la famille le
commande4.
103. La progressive promotion des droits du conjoint survivant. La vocation
successorale du conjoint survivant5 dépend étroitement de la conception que l’on se fait de
la famille. Si autrefois celui-ci n’héritait qu’exceptionnellement6, la nouvelle approche du
lien familial privilégie la valorisation des liens affectifs7. À l’heure où l’essentiel de la
fortune du couple se constitue lors de la vie à deux, il semblait équitable de promouvoir la
situation juridique du conjoint survivant, notamment lorsque celui-ci a activement participé
à la constitution du patrimoine conjugal8. À cet égard, la loi du 3 décembre 20019 a
effectué au début de XXIème siècle, « la réforme la plus importante qu’aient connue les
droits successoraux du conjoint dans leur histoire depuis Justinien »10. Non seulement
celle-ci améliore le sort du conjoint survivant en en faisant, dans certains cas, un héritier
réservataire, mais elle reconnaît les droits successoraux des enfants adultérins. Supprimant

1
L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, J.O, 24 juin 2006, p. 9513.
2
R. CABRILLAC, Droit des régimes matrimoniaux, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 2013, p. 95.
3
V. ÉGEA, « Les régimes matrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, international et européen,
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Paris, éd. Lextenso, pp. 218-228, spec. n° 535.
4
Art. 1397 C. civ.
5
L’évolution des droits du conjoint survivant est l’histoire d’une continuelle ascension. À l’origine, le conjoint
était un étranger dans la dévolution de la succession, le souci de conservation des biens dans la famille étant
centrale. Le Code civil de 1804 n’améliora pas sa situation. Il n’était appelé à la succession qu’en l’absence de
parents jusqu’au douzième degré dans l’une et l’autre ligne. Seule une créance alimentaire contre les héritiers lui
était due s’il se retrouvait dans le besoin. Le passage de la famille patriarcale à la famille nucléaire ayant rétréci
la successibilité au 6ème degré, une place plus importante lui a alors était réservée. C’est une loi du 9 mars 1891
qui va l’intégrer à la dévolution légale et depuis, l’assiette de ses droits ne cessera d’augmenter. Sa qualité
d’héritier à part entière ne sera réellement acquise qu’avec une ordonnance du 23 décembre 1958 qui abandonne
son statut de « successeur irrégulier ». Une loi du 3 décembre 1930 lui permettra de recueillir des droits en pleine
propriété pour la première fois, ainsi que la moitié de la succession à défaut d’ascendants dans l’une des deux
branches. La loi du 26 mai 1957 lui permettra de recueillir la totalité de la succession par préférence aux
collatéraux ordinaires et, en 1972, il se retrouve en concours avec l’enfant adultérin mais la part qui lui est
dévolue est toujours augmentée sur celle à laquelle pouvait prétendre l’enfant adultérin.
6
G. RIPERT, J. BOULANGER, Traité élémentaire de droit civil de Planiol, Paris, LGDJ, 4ème éd., t. III, 1951,
p. 474-475.
7
Sur le rôle grandissant de l’affection dans les relations familiales, cf. notre chapitre 2 sur les recompositions
familiales et la diversité des liens, n° et s.
8
A. SERIAUX, Successions et libéralités, Paris, Ellipses, 2013, p. 38.
9
L. n° 2001-1135 du 3 déc. 2001 « relative aux droits du conjoint survivant », cf. pour les commentaires de cette
loi : B. BEIGNIER, « La loi du 3 décembre 2001 : achèvement du statut du logement familial », Rev. dr. fam.,
2002, chron. 5, p. 4, et « La loi du 3 décembre 2001 : le conjoint héritier », Rev. dr. fam., 2002, chron. 8 ;
J. CASEY, « Droit des successions : commentaire de la loi du 3 décembre 2001 », RJPF, 2002, nov., n° 11 ;
G. GRILLON, « Les nouveaux droits successoraux du conjoint survivant », JCP, G, 2002, I, 133 ; M. MATTHIEU,
« La vocation légale du conjoint survivant en présence d’enfants ou de descendants », JCP, N, 2002, n° 1163,
p. 353 ; A.-D. MERVILLE, « La réforme du statut du conjoint survivant par la loi n° 2001-1135 du 3 décembre
2001. Le conjoint est-il un membre à part entière de la famille ? », JCP, G, 2002, I, 185.
10
P. MALAURIE, C. BRENNER, Les successions, les libéralités, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 6ème éd., 2015,
n° 89, spec. p. 64.

90
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

la réserve héréditaire des ascendants, la place de choix qu’occupe désormais le conjoint


survivant dans la hiérarchie lui permet de bénéficier de droits successoraux plus
importants. Lorsqu’il est en concours avec les descendants ou avec les ascendants
privilégiés, ses droits sont augmentés. La conception familiale se resserre donc autour du
couple et des enfants qui en sont issus, accentuant le phénomène de nucléarisation de la
famille. Pour Monsieur le professeur Jean HAUSER, cette loi constitue « une victoire de
l’amour (…), au-delà de la mort, pour le mariage qui a “réussi” »1.
Les nouvelles dispositions ont également développé ses droits spéciaux relatifs au
logement familial2, en lui permettant le maintien temporaire (d’un an) dans le logement
familial et la jouissance des biens meubles le garnissant3. À ce droit issu des effets du
mariage vient s’ajouter le droit viager au logement -de nature successorale- lui permettant
un droit d’usage et d’habitation dans le bien immeuble occupé jusqu’à son décès4.
Toujours en matière successorale, la loi du 23 juin 20065 a permis la mise en place de
nouveaux outils d’organisation de la transmission des patrimoines6, « décrispant » l’ordre
public touchant le droit des libéralités7. Elle offre ainsi plus de souplesse et de liberté au de
cujus dans la gestion de son patrimoine8. Substantiellement, cette loi supprime la réserve
des ascendants privilégiés qui ne bénéficient plus que d’un simple droit de retour légal 9,
renforçant les droits du conjoint survivant.

§2) Le droit de libre rupture du mariage

104. La consécration de la liberté de rompre. Faisant suite à une longue tradition


d’indissolubilité du mariage, la liberté de la rupture est la nouveauté en droit de la famille.
Davantage constitutive du concubinage, cette liberté de rompre devrait, en principe, être
encadrée en mariage afin de permettre au couple d’œuvrer au maintien du lien, le mariage
traduisant un engagement solennel d’inscrire une relation dans la durée. Or, étant une
simple adaptation du droit au fait, la reconnaissance du droit au divorce10 répondait à ce

1
J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., t. 57, 2014, p. 80.
2
F. VAUVILLE, « Les droits au logement du conjoint survivant », Defrénois, 2002, art. 37608.
3
Art. 763 al. 1 code civil.
4
Article 764 code civil.
5
L. n° 2006-728 du 23 juin 2006 « réformant le droit des successions et des libéralités », cf. pour les
commentaires de cette loi : N. PETERKA, « Les retouches à la dévolution successorale, à propos de la loi du 23
juin 2006 », Rev. dr. fam., 2007, étude 52 ; P. CATALA, « Le droit successoral, entre son passé et son avenir », in
Le monde du droit. Écrits rédigés en l’honneur de Jacques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 229-240.
6
Sur cet aspect, V. infra, n° 278.
7
C. JUBAULT, Droit civil, les successions, les libéralités, Paris, Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 2ème
éd., 2010, p. 11.
8
Sur ces divers instruments, cf. infra, n° 166 et s.
9
Art. 738-2 du code civil.
10
V. le dossier « Divorce » dans l’AJ fam., 2015, n° 3, pp. 128-160.

91
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

moment à une attente sociale que le législateur a satisfaite. Son étude est donc
particulièrement révélatrice du processus de valorisation de la volonté libre, et permet de
saisir le mouvement de contractualisation du mariage1. La consécration contemporaine du
droit au divorce (B) fait directement suite à une première phase de libéralisation (A).

A) La première phase : la libéralisation du droit du divorce

105. Admission du divorce et rôle de la volonté. Depuis l’admission du divorce par


la loi NAQUET le 27 juillet 1884, le seul cas de divorce possible était le divorce pour faute.
En dehors de ce cas particulier, la rupture du lien conjugal n’était guère possible. Cette
tendance mettait d’une part en avant l’idée que le mariage est indissoluble, mais
qu’exceptionnellement, il pouvait l’être –particulièrement lorsqu’un des conjoints a
commis une faute rendant le maintien de la vie commune impossible. D’autre part, la faute
justifiant la rupture du lien matrimonial assurait une effectivité aux obligations
matrimoniales2 en permettant de punir celui qui les avait transgressées 3 (divorce-sanction).
Ce système reflétait la persistance d’un ordre moral et social dans lequel le divorce n’est
pas une affaire privée, mais sur lequel la société a un droit de regard. Si l’on souhaite
donner au mariage toute la place qui doit être sienne, les devoirs et obligations qui en
découlent gagneraient à être raffermis par la sanction stricte de leur violation. Ce n’est qu’à
cette condition que leur effectivité peut être garantie. Or, accorder aux époux la liberté de
rompre le lien matrimonial en diversifiant les causes de rupture n’y contribue pas. La
volonté4, ainsi que le souligne Monsieur GARRIGUE dans son travail de thèse, est
antinomique des obligations matrimoniales, « les devoirs conjugaux ayant vocation à
limiter la liberté des personnes mariées, on ne peut laisser s’affirmer l’indépendance des
conjoints sans les mettre en péril. En accroissant la liberté des époux, on limite
mécaniquement l’influence des obligations matrimoniales ; lorsque la volonté part en
conquête, la contrainte bat nécessairement en retraite »5. C’est pourquoi l’importance des
devoirs conjugaux dépend du degré d’autonomie reconnu aux époux. Plus celle-ci est
grande, moins raffermis sont les effets du mariage. L’idée d’un mariage « à effets
limités »6 a pourtant été suggérée par un auteur. L’union légale serait ainsi dépouillée de
ses effets personnels (fidélité, secours et assistance) et n’engagerait que du point de vue
1
V. en ce sens : C. NEIRINCK, « Le couple et la contractualisation de la rupture », RRJ, 2009, pp. 107-119.
2
Sur le devoir de fidélité, V. par ex M.-T. MEULDERS-KLEIN, « L’évolution du mariage : de l’institution au
contrat, et au-delà », in La personne, La famille et le droit 1968-1998, Trois décennies de mutations en Occident,
Bruxelles-Paris, Bruylant-LGDJ, 1999, spec. pp. 41-47.
3
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux. Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, LGDJ, éd.
Panthéon-Assas, 2012, spec. n° 415, p. 345.
4
V. sur les accords de volonté en droit du divorce, notamment : C. LESBATS, Les accord de volontés entre époux
dans le divorce, Thèse, Nantes, 1999.
5
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux. Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, op. cit., n° 415.
6
M.T. CALAIS-AULOY, « Pour un mariage aux effets limités », RTD. civ., 1988, p. 255 et s.

92
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

parental. Si la proposition n’a recueilli que très peu de suffrages, il semblerait que le droit
de la famille aujourd’hui s’en rapproche grandement.
106. Raisons présidant à la réforme. En 1975, à la veille de la réforme du droit du
divorce, l’augmentation des « faux-divorces » pour faute1 et la désaffection des jeunes
couples vis-à-vis du mariage ont contribué à le fragiliser. L’adoption de la loi du 11 juillet
19752 accentuera cette tendance en libéralisant le divorce3. Dans un contexte où les
aspirations des individus tendaient vers plus de liberté4, il semblait nécessaire d’adapter le
droit aux nouvelles réalités de la société française5. Cette adaptation avait déjà été prise en
compte par le droit en maints domaines, particulièrement en matière de tutelle et
d’émancipation6, de régimes matrimoniaux7, d’adoption8, d’incapacités9, d’autorité
parentale10 et de filiation11. C’est pourquoi le droit du divorce ne pouvait demeurer en
dehors du mouvement de libéralisation qui touchait tous les pays européens12.
107. La mise en place d’un pluralisme des formes de divorce. L’instauration d’un
divorce à la carte13 permet de consacrer la volonté comme fondement de la relation
familiale. La rupture est désormais une affaire privée14. Si le divorce sur requête conjointe
constitue l’illustration la plus aboutie du pouvoir de la volonté, le divorce pour rupture de
la vie commune permet de mettre fin au mariage par décision unilatérale. Cette

1
Lesquels étaient simulés par les couples souhaitant d’un commun accord mettre un terme à leur union mais ne
le pouvant pas.
2
Loi n° 75-617 du 11 juil. 1975 portant réforme du divorce, J.O, 12 juil. 1975, p. 7171. F. TERRE, « Terre à terre
dans le droit du divorce », in Droit des personnes et de la famille. Mélanges à la mémoire de Danièle HUET-
WEILLER, Strasbourg, PUS-LGDJ, 1994, p. 495; A. BENABENT, « Plaidoyer pour quelques réformes du
divorce », D., 1999, 27ème Cahier, p. 225; V. DEMARS-SION, « Libéralisation du divorce : l’apport véritable de la
loi du 11 juillet 1975 à la lumière de celle du 20 septembre 1792 », RTD civ., 1980, pp. 232.
3
P. RAYNAUD, « Les divers visages du divorce 1976 », D., 1976, chron. XXVII, p. 141.
4
V. l’étude de M. A. BENABENT, « La liberté individuelle et le mariage », RTD civ., 1973, 440.
5
En ce sens, V. l’étude de L. ROUSSEL, O. BOURGUIGNON, « Générations nouvelles et mariage traditionnel »,
Population, 1979, p. 141 et s.
6
L. n° 64-1230 du 14 déc. 1964, J.O du 15 déc. 1964, p. 11140.
7
L. n° 65-570 du 13 juil. 1965, J.O du 14 juil. 1965, p. 6044.
8
L. n° 66-500 du 11 juil. 1966, J.O du 12 juil. 1966, p. 5966.
9
L. n° 68-5 du 3 janv. 1968, J.O du 4 janv. 1968, p. 114.
10
L. n° 70-459 du 4 juin 1970, J.O du 5 juin 1970, p. 5227.
11
Loi n° 72-3 du 3 janvier 1972, J.O du 5 janv. 1972, p. 145.
12
En ce sens : M.-T. MEULDERS-KLEIN, « La problématique du divorce dans les législations d’Europe
occidentale », in La personne, La famille et le Droit 1968-1998, Trois décennies de mutations en Occident, op.
cit., p. 53 et s. ; Plus récemment, F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé,
Rapport final pour la mission de recherche Droit et Justice, Centre de Droit de la Famille et Institut de droit
comparé Edouard Lambert (IDCEL), oct. 2013.
13
J.-J. LEMOULAND, « Le pluralisme et le droit de la famille, postmodernité ou pré-déclin », D., 1997, chron.
p. 134.
14
V. en ce sens : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation de la famille,
D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica, 2001, pp. 67-79.

93
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

« innovation marquante »1 permet d’imposer la rupture à un époux en entérinant la


séparation de fait2 ou l’altération des facultés mentales du conjoint. Le divorce peut alors
être demandé à l’issue d’une période de six années de séparation. Il débouche sur le constat
objectif de l’échec du mariage, en permettant la prononciation d’un « divorce faillite » ou
« divorce échec »3. Le mouvement de contractualisation est à l’œuvre, et semble aller de
pair avec le mouvement de libéralisation du divorce qui accroît le degré d’autonomie des
époux4.
108. L’encadrement de la liberté de rompre. Le mouvement de contractualisation
n’est pour autant pas absolu. Si le divorce par consentement mutuel est admis, il demeure
« l’association d’un élément conventionnel et d’un élément judiciaire »5. La convention de
divorce est judiciairement homologuée lorsque chacun de ses éléments -la volonté réelle et
sérieuse et le règlement global des conséquences qui en découlent- a été apprécié par le
juge. L’homologation constitue l’aboutissement de ce processus et permet de donner à la
convention des époux l’autorité de la chose jugée. Tout dans le divorce est encore l’œuvre
conjointe des époux et du juge6. Les causes du divorce pèsent toujours de tout leur poids
sur ses effets7 : si le juge n’a pas à s’immiscer dans les affaires privées du couple, son
contrôle de la réalité et du sérieux du consentement relève de plus en plus de l’ordre du
strictement formel. Le contrôle judiciaire fonctionne finalement « mal, parce qu’il est en
porte-à-faux, le juge n’ayant aucun moyen de l’effectuer correctement et rendant dès lors
une décision de pure forme. Or, c’est particulièrement fâcheux dans la mesure où c’est ce
contrôle judiciaire qui justifie, ensuite, la soumission du divorce sur requête conjointe à un
régime juridique qui n’a plus rien ou presque de contractuel »8.
La liberté de demander le divorce pour rupture de la vie commune n’est pas non plus,
absolue, car elle répond à certaines conditions. Conscient des conséquences extrêmement
lourdes d’un tel divorce sur le conjoint qui le subit9, le législateur n’a pas hésité à
l’entourer d’une multitude de garanties au profit du conjoint délaissé. L’époux demandeur
doit donc « payer le prix fort », tant psychologiquement que financièrement. Si une durée
de séparation du couple d’au moins six ans est exigée, ce long délai empêchait l’époux
désireux de refaire sa vie d’immédiatement divorcer. De la même manière, l’époux à

1
G. CORNU, Droit civil, La famille, Paris, Montchrestien, coll. « Domat Droit privé », 9ème éd., 2006, n° 356,
p. 542.
2
Ancien article 237 du Code civil.
3
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., n° 312, p. 490.
4
S. CHASSAGNARD-PINET, D. HIEZ, Approche renouvelée de la contractualisation, Marseille, PUAM, 2007,
p. 11.
5
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., p. 449.
6
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « La problématique du divorce dans les législations d’Europe occidentale »,
art. precit., p. 87.
7
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation de la famille, op. cit., p. 75.
8
Ibidem., p. 75.
9
H. MAZEAUD, « Le divorce par consentement forcé », D., 1963, chron. XXIII.

94
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

l’initiative de la séparation demeure tenu des frais afférents à la séparation en devant


compensation au conjoint abandonné, sans jamais pouvoir prétendre à aucun avantage
découlant de la rupture. Enfin, la clause dite d’exceptionnelle dureté empêchait le prononcé
du divorce dès lors que ses conséquences pouvaient aggraver l’état de santé du conjoint qui
subit la rupture. Autant de garanties procédurales1 entravaient la pleine expression de la
volonté et pouvaient s’avérer dissuasives2. Tout se passait comme si le divorce était
prononcé aux torts exclusifs, en en faisant une sorte de « divorce à charge » à l’encontre de
l’époux initiateur de la procédure, et un « divorce protection » à l’égard du conjoint
abandonné3. Ceci dénote bien de la persistance de l’idée d’un conjoint fautif et d’un
conjoint innocent.
109. Les faiblesses du système. Les statistiques fournies par le Ministère de la
justice4 ont révélé que sur une période allant de 1975 à 1993, le nombre de divorces a
doublé, passant de 63889 divorces à 112605, et demeure en constante progression jusqu’à
la veille de l’entrée en vigueur de la nouvelle réforme -134601-. Cette hausse du nombre
de demandes en divorce –essentiellement pour faute-, la lenteur des délais procéduraux, les
difficultés liées à la liquidation du régime matrimonial et les demandes de prestation
compensatoire5 génèrent un important contentieux de l’après divorce qui révèle les failles
du système et peine à donner satisfaction, d’où la nécessité d’une réforme.

B) La consécration du droit au divorce : un aboutissement

110. Une nouvelle conception du divorce. Afin de dédramatiser6 la rupture, l’idée


d’un divorce-sanction poussa le législateur à dissocier les torts d’un conjoint des
conséquences financières qui en découlent. Cette nouvelle approche du droit du divorce

1
Le devoir de secours est maintenu sous la forme d’une pension alimentaire révisable jusqu’au décès de l’ex
époux créancier, les donations consenties par l’époux abandonné pouvaient être révoquées, enfin l’usage du nom
de l’ex époux pouvait être conservé de plein droit. L’époux à l’initiative du divorce ne pouvait prétendre à la
prestation compensatoire et supportait la totalité des dépens. Cf. ancien art. 239 du Code civil : « L’époux qui
demande le divorce pour rupture de la vie commune en supporte toutes les charges. Dans sa demande il doit
préciser les moyens par lesquels il exécutera ses obligations à l’égard de son conjoint et des enfants ».
2
En témoigne la marginalité statistique de ce cas de divorce, cf. L. CHAUSSEBOURG, V. CARRASCO,
A. LERMENIER, Le divorce, Études et statistiques, Ministère de la Justice, juin 2009, p. 13. En 1978, ce cas de
divorce ne représentait que 2% des divorces prononcés, contre 3 à 4% entre 1996 et 1999.
3
G. CORNU, Droit civil, La famille, op. cit., n° 356, p. 543.
4
Site internet du Ministère de la Justice, Les divorces et ruptures d’union.
5
Bien qu’elle ait fait l’objet d’une réforme par la loi n° 2000-596 du 30 juin 2000.
6
Ainsi que l’exprime Monsieur le professeur Xavier LABBEE, « le divorce était un véritable drame, aux enjeux
importants. Une telle procédure impliquait nécessairement des enquêtes, des comparutions de témoins, des
déclarations sous serments, des incidents de procédure…Faire évoluer un mauvais dossier vers un divorce aux
torts partagés pouvait constituer une réelle victoire, pour celui qui cherchait avant tout à échapper à toute
condamnation. Il y avait en tout cas un intérêt véritable à “gagner” son divorce, intérêt qui pouvait d’ailleurs
avoir des répercussions sociologiques ». Cf. X. LABBEE (dir. de), Les rapports juridiques dans le couple sont-ils
contractuels ?, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 1996, pp. 103-104.

95
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

amène le législateur à faire une place de plus en plus importante à la volonté des époux en
vue de parvenir à un règlement pacifié et amiable de leur différend, cet objectif répondant
lui-même à une préoccupation majeure : l’intérêt de l’enfant1. S’il est désormais acté que le
couple conjugal est précaire, tout est fait pour en faciliter la dissolution d’une commune
volonté, et aucune raison ne justifie plus d’entraver la décision de rompre.
111. Le divorce, une affaire privée. Si avec l’adoption de la loi de 1975 « la société
reconnaît qu’il appartient désormais au couple lui-même de décider de sa réussite ou de
son échec »2, le divorce continue de présenter un caractère dérogatoire, un accident de
parcours, une charte de prudence3. La loi du 26 mai 20044 consacre tout naturellement en
faveur des individus un réel droit au divorce, en offrant dans la continuité de la loi de 1975
aux couples un choix de divorce à la carte5, simplifiant et réaménageant les règles
existantes6. La société se borne désormais à prendre acte de la volonté des époux de
rompre le lien matrimonial, sans tenter d’y opposer la moindre politique de dissuasion7. Le
passage de l’institution à l’individu est consacré.
112. Le divorce dédramatisé. Le changement opéré est tel qu’il touche la
terminologie même. Les quatre cas8 de divorce prévus en 1975 sont maintenus, mais leur

1
Sur cette notion, V. infra, n° 195 et s.
2
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,
Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, éd. Odile Jacob, La Documentation
française, Paris, juin 1998, p. 31.
3
G. CORNU, « Le phénomène du divorce », in Sociologie judiciaire du divorce, J. HAUSER (dir. de), Paris,
Economica, coll. « Études juridiques », 1999, p. 10.
4
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, J.O, 27 mai 2004, p. 9319 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, J.-J.
LEMOULAND (coord.), La réforme du divorce, entre rupture et continuité, Litec, coll. « Carré droit », 2005 ;
H. FULCHIRON, « Les métamorphoses des cas de divorce », Defrénois, 2004, p. 1103 ; T. GARE, « La réforme du
divorce, entre innovations et droit constant (1ère partie) », RJPF, 2004, juin, n° 6, p. 6 ; 2ème partie, même revue,
« Les moyens du changement », 2004, n° 7-8, p. 6 ; J.-J. LEMOULAND, « La loi du 26 mai 2004 relative au
divorce », D., 2004, p. 1825 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, « Le nouveau droit du divorce, Loi n° 2004-439 du 26 mai
2004 », JCP, G, act. 251.
5
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce atteindra t-elle ses objectifs ? », 1ère partie, « Variations sur
les intentions du législateur », Rev. dr. fam., juin, 2004, pp. 5-7 ; 2ème partie, juil.-août 2004, p. 6-11 ; 3ème partie,
sept., 2004, p. 7-11 ; J.-J. LEMOULAND, S. DEL ARCO, « Séparation et divorce dans la loi du 26 mai 2004 », Rev.
dr. fam., mars, 2005, étude n° 5, p. 7 ; J. RUBELLIN-DEVICHI, « Le nouveau droit du divorce, aperçu rapide »,
JCP, G, 2004, act. 251.
6
LIENHARD, « La nouvelle procédure de divorce ; l’approche procédurale des ententes », AJ fam., 2004, p. 208 ;
H. POIVEY-LECLERCQ, « Pratique de la nouvelle procédure de divorce », RJPF, 2004, n° 12, p. 6 ; L. MINIATO,
« La réforme des procédures de divorce par la loi du 26 mai 2004 et le décret du 29 octobre 2004 : le
changement dans la continuité », Rev. dr. fam., 2004, p. 13.
7
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, Rapport final pour la mission
de recherche Droit et Justice, Centre de Droit de la Famille et Institut de droit comparé Edouard Lambert
(IDCEL), oct. 2013, p. 39.
8
On ne parle d’ailleurs plus de « causes » du divorce mais de cas de divorces. Ceci traduit le souci de n’imputer
le divorce à aucun des conjoints. V. J.M. JAQUET, « Le rôle de la cause dans le nouveau droit français du
divorce », RTD civ., 1984, pp. 616 et s.

96
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

appellation est modernisée1. Une terminologie neutre est substituée à l’ancienne, dont la
connotation péjorative favorisait la culpabilité et faisait rejaillir les mauvais sentiments. Le
divorce pour faute demeure néanmoins inchangé 2. Pour permettre à la volonté des époux
de déployer ses pleins effets, le divorce est normalisé et n’est plus présenté comme un
accident de parcours. Un triple objectif est poursuivi par le législateur : simplification,
pacification et accélération de la procédure de divorce. Si l’objectif de simplification passe
par la mise en place de mécanismes procéduraux simplifiés, l’accord des époux lors du
divorce est bienvenu car il accélère d’autant le cours de la procédure. La mise en œuvre de
ces accords permet au système des passerelles de privilégier un divorce pacifique3 et
rapidement prononcé. Les derniers verrous qui bridaient la liberté de divorcer des époux
sont supprimés, particulièrement ceux existants dans le cadre du divorce pour rupture de la
vie commune. D’un délai de séparation de six ans, le législateur n’exige plus qu’un délai
de séparation de deux ans. La clause d’exceptionnelle dureté est abandonnée et l’époux à
l’initiative de la rupture ne supporte plus nécessairement les frais inhérents au divorce.
Une véritable souplesse permet à l’époux souhaitant divorcer de le faire sans dissuasion
aucune.
113. La consécration d’un droit au divorce ? De la même manière qu’il n’existe
pas un droit au mariage mais une liberté de se marier ou non, il n’existe pas de droit au
divorce4. La loi du 26 mai 2004 ne mentionne d’ailleurs nullement l’existence d’un tel
droit au profit des individus. Néanmoins, nombreux sont ceux pour qui la loi du 26 mai
2004 met en place un véritable droit au divorce5. Ce qui est difficilement réfutable. Si la
réforme de 1975 a offert une pluralité des cas de divorce à ceux qui souhaitaient y recourir
en consacrant la possibilité de divorcer de manière unilatérale, la nouvelle loi a pour
objectif la simplification du divorce, en accélérant la procédure. On est bien loin de l’idée
d’un divorce exceptionnel, mal nécessaire en certaines circonstances. Le principe de la

1
Le divorce sur requête conjointe est rénové et devient l’actuel divorce par consentement mutuel, celui sur
demande acceptée se transforme en divorce pour acceptation du principe de la rupture, et le divorce pour rupture
de la vie commune devient divorce pour altération définitive du lien conjugal.
2
Bien que cette forme de divorce décline, et ce partout en Europe fin de favoriser une rupture pacifique et un
dialogue entre les époux, afin de trouver un accord. V. sur ce point l’émergence du processus de médiation, en
particulier la médiation familiale, infra n° 91 et s.
3
Cependant, aussi louable puisse être la volonté de pacifier les divorces, un rapport sur la justice familiale
faisant état de la proportion des divorces par consentement mutuel revenant devant le juge démontre bien que cet
objectif est encore loin d’être atteint, le conflit familial n’ayant pas été résolu dans sa globalité. Cf. Rapp.
d’information sénat n° 404, C. TASCA, M. MERCIER, Justice aux affaires familiales : pour un règlement pacifié
des litiges, 26 fév. 2014.
4
En ce sens, cf. la thèse de Monsieur M. PICHARD, Le droit à, Étude de législation française, Paris, Economica,
coll. « Recherches juridiques », 2006, pp. 129-133, spec. n° 101 et s.
5
V. par ex. J.-J. LEMOULAND, qui estime « la consécration d’un véritable droit subjectif au divorce semble
difficilement contestable », cf. « La loi du 26 mai 2004 relative au divorce », art. precit., p. 1828. Madame
V. LARRIBAU-TERNEYRE est plus nuancée : « Le mariage, toute institution soit-il, ne saurait être une prison à vie,
et l’on doit avoir droit à l’erreur. Le droit au divorce reste par ailleurs un droit sous condition, contrôlé par le
juge ». Cf. « La réforme du divorce atteindra-t-elle ses objectifs ? », 2ème partie, « Les moyens du changement »,
art. precit., p. 7.

97
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

liberté de rupture à l’initiative d’un seul époux est confirmé et facilité par la nouvelle
réforme. Cette liberté n’est certes pas absolue, mais grandement déterminante de l’issue du
mariage. En témoigne la disparition de tous les garde-fous qui encadraient autrefois le
divorce pour rupture de la vie commune 1, ce qui permet à un des époux d’imposer la
rupture à l’autre2. À tous ces égards, la loi du 26 mai 2004 constitue un aboutissement de
l’entreprise modernisante et libérale de la faculté de divorcer amorcée en 1975. Elle traduit
une rupture idéologique dans la manière de percevoir le mariage, appréhendé aujourd’hui à
travers l’éclairage individualiste3. Pour autant de raisons, la position d’un certain nombre
d’auteurs ayant évoqué l’idée d’un véritable droit au divorce, d’un « démantèlement de
l’institution du mariage »4, mené « sans grand bruit » et modifiant « en profondeur notre
droit du divorce »5 est à approuver. Monsieur le professeur Bernard BEIGNIER soulignait à
juste titre que « la nouvelle loi est, indubitablement, la continuation de celle de 1975, mais
on le sait, les vraies réformes, profondes, sont celles qui prétendent être des achèvements
(…). En apparence tout demeure, en pratique tout change »6. Monsieur le professeur
Xavier LABBEE partage ce même point de vue lorsqu’il souligne que « le passage à la
contractualisation ne peut se faire brutalement (…) », et telle une prophétie, il
poursuit : « nous ne serions pas étonnés vingt ans après la réforme (et à moins qu’un retour
à un nouvel ordre moral, toujours possible, ne survienne) qu’un nouveau texte intervienne,
qui parachève la contractualisation (…) Ce texte pourrait s’inspirer de l’idée suivante : on
laisse aux époux, seuls, la question du principe du divorce, qui se règle devant l’officier
d’état civil (…) cette solution aurait sans aucun doute pour effet de retirer des tribunaux
une grande partie du contentieux. Elle constituerait pour l’État une économie certaine »7.
114. La transformation de la fonction du juge. La faveur pour les accords
librement négociés entre les époux divorçant conduit à transformer la place du juge dans le
contentieux du divorce. Après avoir été l’ « homme-orchestre du divorce »8, ses décisions
étant marquées par le sceau de l’autorité, le mouvement de privatisation des relations
familiales « s’accompagne d’un mouvement de délégitimation » de son rôle dans la sphère

1
L’article 266 du Code civil a néanmoins été conservé, et permet de condamner le demandeur à un divorce
contentieux au paiement de dommages-intérêts à l’autre époux afin d’indemniser le préjudice lié à la dissolution
du mariage, et dont les conséquences sont d’une particulière gravité.
2
En ce sens, cf. Cass. civ. 1 ère, 15 avr. 2015, n° 13-27.898, Rev. dr. fam., n° 6, 2015, comm. 114, J.-R. BINET ;
même revue, n° 9, 2015, chron. V. ÉGEA.
3
F. NIBOYET, L’ordre public matrimonial, Paris, LGDJ, 2008, spec. n° 301, p. 166.
4
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La réforme du divorce atteindra t-elle ses objectifs ? », Rev. dr. fam., 1ère partie,
juin, 2004, p. 5.
5
J.-J. LEMOULAND, « La loi du 26 mai 2004 relative au divorce », D., 2004, p. 1825.
6
B. BEIGNIER, « L’autre paix des familles », Repère, Dossier spécial « Réforme du divorce », Rev. dr. fam.,
2005, p. 1.
7
X. LABBEE, Les rapports juridiques dans le couple sont-ils contractuels ?, Presses universitaires du
Septentrion, 1ère éd., 1996, p. 108.
8
J.C. GROSLIERE, « Le juge aux affaires matrimoniales ou l’homme-orchestre du divorce », D., 1976, chron. 73.

98
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

privée1. De plus en plus, sa fonction se limite à valider ou refuser les accords négociés en
vue de leur homologation. Cette nouvelle mission fait la part belle au consensualisme, en
associant plus fréquemment le justiciable à la prise de décision2. L’idée défendue est que la
décision négociée et comprise par les justiciables est beaucoup plus acceptée lorsqu’elle
émane des parties elles-mêmes. Elle favoriserait l’apaisement du conflit familial et la
responsabilisation de ses acteurs. Certains ont pu voir dans cette transformation de la
fonction de juger un appauvrissement du rôle joué par le juge, « la fonction arbitrale qui lui
était traditionnellement dévolue se mue peu à peu en une fonction d’autorisation »3.
115. La déjudiciarisation discutée du divorce par consentement mutuel. Bien
que la liberté individuelle ne soit pas absolue, les débats4 autour de la possibilité d’une
déjudiciarisation du divorce pourraient y conduire. Dans le droit fil de l’objectif de
pacification des ruptures5, une « résolution thérapeutique des contentieux familiaux »6 a été
mise en place à la suite de la proposition n° 47 des travaux de la commission de Monsieur
le professeur GUINCHARD. La convention de procédure participative7 permettrait
d’atteindre l’objectif visé car un tel instrument offre non seulement un « cadre structuré et
sécurisé de négociations des conditions futures du divorce »8 en renforçant la mission
d’assistance et de conseil de l’avocat, tout en permettant au juge d’exercer sa fonction
d’homologateur des accords préalablement négociés.
Afin de satisfaire au même objectif, les rapports de MM. DELMAS-GOYON9 et
MARSHALL10, l’un consacré au « juge du XXIème siècle », l’autre aux « juridictions du
XXIème siècle », préconisent de confier aux seul greffe le divorce par consentement mutuel,

1
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, rapp. precit., p. 40.
2
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois, coll.
« Lextenso éditions », 2010.
3
F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du mariage en droit comparé, rapp. precit., p. 41.
4
C. PHILIPPE, « Pour une réforme du divorce ? (1) », AJ fam., 2013, p. 408.
5
Sur l’émergence du consensualisme et des modes alternatifs de résolution des conflits, V. infra, n° 165 et s.
6
N. FRICERO, « Le décret du 20 janvier 2012 : vers une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la
procédure participative assistée par avocat », AJ fam., 2012, p. 66. Pour une vision d’ensemble, rapp. de
M. HERZOG-EVANS, « Révolutionner la pratique judiciaire. S’inspirer de l’inventivité américaine », D., 2011,
n° 44.
7
La loi n° 2010-1609 du 22 déc. 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice
de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires (dite loi « Béteille ») introduit dans le Code civil
un nouveau titre relatif à la convention de procédure participative assistée par avocat aux articles 2062 à 2067.
En ce sens : S. AMRANI-MEKKI, « La convention de procédure participative », D., 2011, p. 3007. V. infra, sur
l’articulation de ce nouveau mode amiable de résolution des conflits avec le processus de médiation notamment,
n° 184.
8
N. FRICERO, « Le décret du 20 janvier 2012 : vers une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la
procédure participative assistée par avocat », art. precit., pp. 66-67.
9
P. DELMAS-GOYON, « Le juge du XXIème siècle », Un citoyen acteur, une équipe de justice, La Documentation
française, 2013.
10
D. MARSHALL, Les juridictions du XXIème siècle : une institution qui, en améliorant qualité et proximité,
s’adapte à l’attente des citoyens, et aux métiers de la justice, La Documentation française, 2013.

99
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

délocalisant ainsi le traitement de la rupture en présence ou non d’enfants issus du couple1.


Dans un contexte de difficultés fonctionnelles de la justice, la refonte de l’organisation
judiciaire commande une modernisation selon les besoins du XXIème siècle. Cela passerait
par la déjudiciarisation du divorce par consentement mutuel, les données statistiques2
faisant état d’un net recul du divorce pour faute en faveur de cette forme de divorce. Cela
allègerait d’autant la charge de travail qui incombe aux magistrats afin d’en réaliser le
transfert vers un « greffier juridictionnel doté de compétences propres, notamment celle de
prononcer le divorce par consentement mutuel »3. Si le but poursuivi par cette proposition
s’explique par des considérations d’ordre budgétaires4, nécessitant l’optimisation des délais
et la modernisation de l’institution judiciaire, il ne s’accommode qu’imparfaitement de
l’éviction du juge de la procédure de divorce. En l’absence d’intervention judiciaire, le
risque est de voir le mariage s’inspirer du modèle du Pacs en en renforçant la dimension
contractuelle. La logique de la privatisation du mariage aboutirait à ce que l’État
abandonne définitivement la dimension institutionnelle du mariage. Si le mode de rupture
traduit la conception que l’on a de l’union5, il va sans dire que la déjudiciarisation du
divorce enlève au mariage de sa superbe, le reléguant à un simple contrat à l’instar du Pacs.
Monsieur le professeur Jean HAUSER voit dans l’admission d’un divorce sans juge 6 « le
lieu symbolique de la discussion » et non dans le débat relatif à « l’admission du Pacs, ni
même dans l’ouverture du mariage aux couples de même sexe qui n’ont fait que traduire
une vision du contenu du couple ». Pour l’auteur, l’intervention du juge est l’élément
déterminant qui permet encore d’affirmer que le mariage n’est pas seulement l’union
contractuelle entre deux personnes, mais l’organisation des rapports individuels ayant une
dimension sociale inégalée7. Admettre un divorce sans le juge signerait « la vraie mort du
mariage » car cela signifierait que « l’État se contre-fiche du mariage, homosexuel ou
hétérosexuel »8, et que la société renonce à organiser les rapports familiaux entre individus.
Dans un tel contexte, les droits de la partie la plus faible seront assurément mis à mal par
l’éviction du rôle protecteur aujourd’hui par lui assumé9. L’avocat se retrouvera au coeur

1
H. FULCHIRON, « Vers un divorce sans juge ? », D., 2008, p. 365.
2
Site du Ministère de la Justice, Évolution statistique des mariages et des divorces.
3
Rap. precit., DELMAS-GOYON, p. 33.
4
M. DOUCHY-OUDOT, « Le divorce ne serait-il que question d’argent ? », Arch. philo. dr., n° 57, 2014, pp. 81-
93.
5
J.-R. BINET, « Divorce sans juge : nouvelle tentative, nouveau débat », Rev. dr. fam., n° 2, 2013, repère 2.
6
Mais aussi dans l’admission d’une rupture sur volonté unilatérale et la décadence de la prestation
compensatoire, V. J. HAUSER, « Amour et liberté : la devise contemporaine du couple ? », Arch. philo. dr., t. 57,
2014, p. 79.
7
C. BRENNER, « Table ronde, Les débats sur la réforme », in L’ouverture du mariage aux personnes de même
sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 114, spec. n° 16.
8
J. HAUSER, « Table ronde, Les débats sur la réforme », art. precit., p. 116, spec. n° 22.
9
Encore que, pour une partie de la doctrine, un divorce par consentement mutuel sans l’intervention du juge ne
ferait que traduire une réalité, selon laquelle le magistrat en charge d’apprécier la réalité du consentement des
parties ne peut objectivement le faire, ce dernier n’ayant pas à connaître la cause de la rupture. Quid alors de
l’appréciation objective et effective de la réalité des consentements des époux divorçant, qui se trouve réduit à

100
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

de ce divorce, et de lui dépendra la qualité des dossiers de désunion. C’est aussi la


convention de procédure participative qui prendra probablement toute sa force et son sens1.
Pour l’heure en tous cas, l’action législative ne semble pas aller dans le sens d’une
déjudiciarisation. La proposition de la commission GUINCHARD visant la suppression de la
comparution unique des époux consentant au divorce2 a fait l’objet d’un rejet par la
Commission des lois du Sénat3. Étant une décision grave, le divorce doit être « marqué par
la solennité que la présence des époux dans un palais de justice, face à un magistrat,
confère à la décision judiciaire »4. Le juge reste donc pour le moment, le garant de la
réalité et de la liberté du consentement au divorce.
En droit comparé5, la question d’un divorce sans juge ne convainc guère, d’autant qu’elle
ne concerne qu’une minorité d’Etats européens6. Seule la Roumanie a procédé au transfert
du prononcé des divorces du juge vers l’officier d’état civil et les notaires. Lorsque le
couple n’a pas d’enfants mineurs, l’officier d’état civil peut constater le divorce. En
revanche, lorsque le couple a des enfants mineurs, les époux ont l’obligation de formuler
leur demande devant le notaire7.

son aspect le plus formel. En ce sens : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Divorce et contrat », in La contractualisation


de la famille, D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica, 2001, p. 75.
1
M. DOUCHY-OUDOT, Rev. procédures, 2011, comm. 99.
2
Lorsque ceux-ci n’ont pas d’enfants.
3
Rapp. Sénat, n° 394, fait au nom de la commission des lois, déposé le 30 mars 2011, p. 72.
4
Rap. précit., p. 73.
5
Sur « Le divorce dans le monde », V. le dossier à l’AJ famille, 2015, n° 11, pp. 570-597, et n° 12, pp. 642-671.
6
Il s’agit de la Norvège, du Danemark, de l’Estonie et de la Lituanie, qui ont décidé de confier le prononcé du
divorce à une autorité non juridictionnelle. L’Espagne leur a récemment emboîté le pas, cf. G. CERDEIRA BRAVO
DE MANSILLA, « Le projet de divorce notarial en Espagne », Rev. dr. fam., n° 2, fév. 2015, étude 8.
7
Pour une approche comparée des droits européens, cf. F. FERRAND, H. FULCHIRON (dir. de), La rupture du
mariage en droit comparé, rapp. precit., spec. p. 44 et s., 69 et s.

101
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

Section 2. La lente progression vers l’égalité dans les


rapports familiaux au Maroc

116. Des réformes substantielles. Depuis sa codification en 1957, la moudawana


marocaine n’a fait l’objet d’aucune réforme. Simple compilation de droit musulman de la
famille, le texte s’accommodait déjà pourtant mal des transformations de la place de la
femme dans la sphère publique. Celle-ci accède désormais au salariat et aspire, lorsqu’elle
travaille à l’instar de son conjoint, à une législation qui reconnaît et protège son
investissement financier et moral au sein de sa famille. La valorisation démesurée de
l’époux comme chef de famille, pourvoyeur aux besoins de sa femme, aboutissait bien
souvent à des injustices. C’est donc le besoin de reconnaissance d’une égalité, entendue en
termes d’équité qui est recherché, particulièrement lors de la dissolution du couple. C’est
pourquoi le législateur marocain a tenté une réforme du droit de la famille en 1993.
Extrêmement timide1, -il s’agissait pour la première fois de toucher au domaine religieux-
elle resta lettre morte. Plus conséquentes en revanche sont les réformes intervenues en ce
début de siècle tant au Maroc2 qu’en Algérie3. La législation tunisienne4 présente la
particularité d’avoir opté pour une interprétation progressiste5 du droit dès la codification
du droit de la famille en 1956. Particulièrement émancipée du donné religieux, elle interdit
la polygamie et la répudiation6, alors que les deux autres voisins n’ont pas osé franchir les

1
Décret royal (dahir) portant loi n° 1-93-347 du 1er déc. 1993. Cette réforme a légèrement modifié le
contentieux de la répudiation, en en transférant une partie devant l’autorité judiciaire, qui exigeait désormais une
tentative de réconciliation du couple. À défaut de comparution de l’épouse, la répudiation était tout de même
prononcée (art. 48 ancien) et le juge ne disposait d’aucun pouvoir pour s’y opposer.
2
Promulguée par la loi n° 70/03 le 3 février 2004, B.O, n° 5184 du 5 fév. 2004, p. 418. Ce Code comporte 400
articles répartis en sept livres relatifs à la famille : l’homme, la femme et l’enfant. Pour une analyse complète du
nouveau texte, cf. M.-C. FOBLETS, J.-Y. CARLIER, Le Code marocain de la famille. Incidences au regard du
droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2005. V. aussi : F. SAREHANE, « Le nouveau code de la
famille », Gaz. Pal., 4 sept. 2004, pp. 2-17 ; L. BUSKENS, « Le droit de la famille au Maroc », in Ordre public et
droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 97-125.
3
Jusqu’en 1959, l’Algérie ne disposait pas à proprement parler de texte de droit positif régissant les relations de
mariage et de divorce, la doctrine de l’époque se basant uniquement sur les règles du droit musulman. Depuis
cette date là, une ordonnance relative au mariage sera adoptée n° 59-274 (J.O.R.F du 11 fév. 1959, p. 1860) en
prévoyant que « hors le cas de décès, le mariage ne peut être dissous que par décision de justice ». Ce ne sera
qu’en 1984 que l’Algérie se dotera d’un Code de la famille, dont la révision fut opérée par l’ordonnance n° 05-
02 du 27 fév. 2005 (J.O n°15 du 27 fév. 2005, p. 17), voir en ce sens : F. LALAMI, « Les amendements au Code
algérien de la famille, une réforme en trompe l’œil », Confluences Méditerranée, 2006, n° 59, pp. 23-30;
K. SAÏDI, « La réforme du droit algérien de la famille : pérennité et innovation », RIDC, 2006, n° 1, p. 140.
4
V. M. BENJEMIA, S. BEN ACHOUR, M. BELLAMINE, « Le droit tunisien de la famille entre modernité et
tradition », in Ordre public et droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-
MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 162-196.
5
Si la Tunisie a été le premier pays musulman à avoir partiellement sécularisé son droit de la famille, la
référence au droit musulman n’était pour autant pas écartée. La pratique tant administrative que judiciaire a
permis la réintroduction du phénomène religieux.
6
La polygamie est interdite et est érigée en infraction pénale, le tuteur matrimonial a pareillement été supprimé :
la femme consent elle-même à son mariage. La répudiation est par ailleurs prohibée et le divorce ne peut être que

102
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

limites posées par les textes sacrés. Les réformes intervenues au Maroc et en Algérie
permettent donc une sorte de « mise à niveau » de leur législation avec celle de leur voisin.
117. L’objectif poursuivi : l’équité. Si le législateur français a été guidé lors des
réformes intervenues par le principe d’égalité, ce donné n’est pas un objectif en soi pour
les législateurs maghrébins. Les modifications réclamées pas la société civile et portées par
le législateur sont nourries par le souci de rééquilibrer les relations familiales au profit de
la femme1 tout en protégeant l’enfant. C’est pourquoi le choix du législateur s’est
naturellement porté non pas sur la sphère des relations patrimoniales, à l’instar du
législateur français, mais a privilégié le domaine des droits personnels (§1). Les droits
patrimoniaux (§2) ont également été revisités par le législateur marocain, mais ils n’ont pas
été le fer de lance de la modernisation du Code. Outre qu’inédite, cette initiative témoigne
de la volonté du législateur marocain d’opter pour une nouvelle architecture des liens
familiaux, équitable et moderne.

§1) Les droits interpersonnels conjugaux

118. La fin des discriminations ? La formation du mariage (A) et sa dissolution (B)


étaient les deux terreaux propices aux discriminations les plus criantes entre hommes et
femmes que le législateur a atténuées2.

A) L’accès au mariage

119. La promotion de la femme en tant qu’épouse. Le mariage étant un acte


éminemment sérieux3, le législateur marocain le place désormais sous la responsabilité
conjointe des deux époux4. Supprimant la notion d’ « homme chef de famille » auquel la
femme doit « obéissance », le nouveau Code traduit sa nouvelle vision de la famille dans le
texte même de la loi. Outre qu’elle renforce les droits et les obligations incombant aux
femmes en valorisant leur rôle dans la cellule familiale, cette disposition met fin à l’esprit

judiciaire, donc en principe, égalitaire. La loi du 4 mars 1958 autorise l’adoption, interdite en droit musulman.
Seul le droit successoral demeure inspiré du droit musulman classique.
1
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath Annajah
Al jadida, 2015, p. 153 (en langue arabe).
2
Il s’agit d’une atténuation car le Maroc a émis une réserve expresse à l’article 16 de la CEDAW, mettant en
place une égalité parfaite entre l’homme et la femme à tous les stades du mariage, de sa rupture, et des relations
parentales. Une égalité stricte et abstraite entre l’homme et la femme, non respectueuse de la spécificité et la
complémentarité des deux sexes (particulièrement dans la relation parentale) méconnaît les règles marocaines du
droit de la famille reposant sur le texte religieux. Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le
mariage, op. cit., pp. 158-159.
3
A. KOUMDADJI, « Une approche théologique, l’Islam et la répudiation : un mode de rupture empreint de
réflexion et de formalisme », Rev. dr. fam., mars, 2012, pp. 18-20.
4
Art. 4, Code marocain de la famille (ci après CMF).

103
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

archaïque et patriarcal de l’ancienne moudawana. Le rôle pédagogique de la loi contribue


dans ce contexte à éduquer les mentalités en vue de faire émerger un nouveau modèle de
famille, dans lequel le couple œuvre conjointement dans l’intérêt de la famille.
120. L’élévation de l’âge au mariage. Si le mariage pouvait auparavant être conclu
par la jeune femme dès l’âge de 15 ans, l’évolution de la condition féminine a conduit le
législateur marocain, à élever l’âge au mariage1. Il est désormais fixé pour les deux sexes à
dix-huit années révolues2. En revanche, cette disposition souffre d’une exception : les
parents d’un(e) mineur(e) peuvent obtenir une dérogation judiciaire afin de procéder à la
célébration du mariage avant l’âge légal 3 lorsque l’intérêt de l’enfant le commande. Cette
entorse au principe permet le maintien de pratiques qui ont libre cours dans certaines
régions rurales, et dépend étroitement du pouvoir d’appréciation des juges4.
121. Les insuffisances de l’encadrement du mariage du mineur. Afin d’autoriser
le mariage du mineur, le juge doit procéder à une expertise médicale ou à une enquête
sociale afin de préserver au mieux l’intérêt de l'enfant. Ce dernier critère est le seul qui
puisse justifier la dérogation légale, et doit par conséquent être appréhendé restrictivement.
Or, le mutisme du code sur les circonstances pouvant conduire le juge à autoriser de tels
mariages et l’absence d’âge minimal en dessous duquel il peut les consentir rendent
incertaine l’effectivité de l’article 19. Le texte précise qu’aucun recours n’est possible
contre la décision du juge, ce qui a pour conséquence, en cas de généralisation de ces
autorisations, de porter atteinte à l’esprit de la règle de droit dont l’objet est de lutter contre
la pratique des mariages précoces. Dans ce contexte, tant la pratique judiciaire que
l’évaluation des statistiques révèlent que l’exception est en pratique devenue la règle5. Les
statistiques données par la Ligue démocratique des droits des femmes, dans le rapport
annuel sur l’application du droit de la famille en 2005 indiquent que sur 3730 demandes de
dérogations, 3603 ont été autorisées, et 127 rejetées seulement. Dans une conférence tenue
à l’occasion des dix ans du nouveau Code, Monsieur le ministre de la justice Mustapha
RAMID a souligné qu’en 2004, seules 7,75% des mineurs étaient mariées, ce chiffre étant
en 2013 passé à 11,47% soit une hausse de 18.341 cas en 2004 à 35.152 en 20136. Le
nombre de mariage des mineures a donc doublé en une décennie. La limite de l’article 16
est encore plus manifeste lorsqu’on s’intéresse à la pratique de la reconnaissance du

1
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., pp. 262-265.
2
Art. 19 CMF.
3
Art. 20 CMF.
4
Lequel repose outre sur l’examen médical, pourra être déterminé par les allégations des parents, l’entretien du
juge avec le (ou les) mineur(s), voire tout autre enquête sociale. Au titre des éléments pouvant être pris en
compte par le juge, l’existence d’une grossesse (suite à une relation sexuelle par erreur ou viol) constitue
généralement un motif d’autorisation. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit.,
p. 262.
5
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », RIDC, 2015, n° 1, pp. 207-224.
6
Les statistiques sont fournies par le Ministère de la Justice.

104
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

mariage1. En pratique, il peut être recouru de manière frauduleuse à cette reconnaissance.


L’association des initiatives pour la promotion des droits des femmes (IPDF-Meknès)
souligne que cet article a non seulement favorisé le mariage des mineurs, mais aussi la
polygamie. En effet, à l’occasion d’une action en reconnaissance de mariage, le juge n’est
pas tenu d’interroger sur sa situation familiale la personne introduisant une telle demande.
Le certificat de célibat2 n’est pas non plus exigé, et nombre de mariages auraient été
contractés durant la minorité des époux. Selon la présidente de cette association, cette
situation a permis à nombre d’individus de contourner la loi et à des mineurs de contracter
mariage sans autorisation, en se prévalant par la suite de l’action en reconnaissance de
mariage. Selon le représentant du ministère3, les enquêtes menées ne révèleraient pas de
tels cas de mariage, tandis que le récent rapport 4 du Conseil national des droits de l’homme
(CNDH) portant sur l’État de l’égalité et de la parité au Maroc relève expressément
« qu’en dépit de l’utilisation frauduleuse des dispositions sur la période transitoire de
recevabilité de l’action en reconnaissance de mariage (art. 16 du Code de la famille) visant
à contourner la loi sur l’autorisation du mariage polygame et celui des mineures, le
gouvernement persiste à vouloir procéder à une nouvelle prolongation de la période
transitoire »5.
122. Quelles alternatives ? Face à un tel laxisme, une partie de la doctrine attire
l’attention sur l’urgence d’un amendement législatif6 afin de fixer un âge minimal en
dessous duquel la dérogation légale n’aurait pas vocation à s’appliquer. De la même
manière, il est préconisé que tout représentant légal ou juge qui méconnaîtrait cette
limitation verrait sa responsabilité –particulièrement pénale- engagée, et le mariage annulé.
Or, un obstacle non des moindres se dresse quant à la possibilité de faire annuler le
mariage. La capacité matrimoniale ne figure pas au nombre des règles de validité du
mariage en droit musulman, lequel distingue la conclusion même du mariage de sa
consommation7. C’est pourquoi un tel mariage, lorsqu’il est conclu, ne saurait valablement
être nul ou vicié. Par conséquent, aucune sanction civile ne saurait être mise en place ce
qui, selon Madame le professeur MONJID « neutralise la portée des articles 19 et 20 en les
vidant de leur sens »8. La fidélité au droit musulman classique est ici patente et constitue
une limite considérable à la pleine effectivité de la disposition. En tout état de cause, il

1
V. infra, n° 395-396.
2
Rapp. de TGI Lille, 16 déc. 2014, n° 13/00575, note X. LABBEE, AJ fam., 2015 n° 3, p. 174.
3
Le matin du 5 fév. 2015, S. BENCHERKI « Des parlementaires et des ONG appellent à l’amendement de l’article
16 du Code de la famille ».
4
CNDH, État de l’égalité et parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs
constitutionnels, 2015, disponible sur www.cndh.ma.
5
V. infra, n° 396.
6
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », art. precit.
7
Rapp. avec le mariage par étapes, cf. N. GAFSIA, L’invention coloniale du mariage musulman : le cas tunisien,
Paris, LGDJ, coll. « Droit&Société », 2008.
8
M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain », art. precit., p. 215.

105
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

incombe au juge, en dernier ressort, d’appliquer rigoureusement la loi. Qu’il s’agisse du


mariage du mineur dans lequel l’intérêt de l’enfant doit être le seul critère de décision, ou
de l’action en reconnaissance du mariage que seules des raisons impérieuses doivent avoir
empêché de célébrer, le juge doit faire preuve de la plus grande prudence en privilégiant
dans l’un et l’autre cas la fermeté et la rigueur dans l’application de la loi. Ce n’est qu’à
cette condition que la réforme atteindra ses objectifs.
123. La représentation de la femme par son waliy1. Lors de sa réforme en 2005,
l’Algérie n’a pas supprimé la représentation de la future épouse2. Si le législateur marocain
en a fait une simple option3, laissant le choix à la femme de se faire ou non représenter4, le
législateur algérien s’est montré inaudible aux mouvements féministes laïques qui
considèrent la présence du waliy comme signe d’infériorité de la femme musulmane. Le
droit algérien exige donc toujours sa présence5 lors de la conclusion du mariage. La
position marocaine, qui en fait une option, témoigne bien d’une volonté politique de
satisfaire tant les revendications du courant laïc que celles du courant traditionnel. Il est
vrai que l’esprit occidental non éclairé sur les finalités et l’esprit même de cette institution
la percevra davantage comme la manifestation éclatante d’une discrimination fondée sur le
sexe, expressément prohibée par différents traités internationaux auxquels l’Algérie et le
Maroc ont adhéré6. De plus, l’article 28 de la Constitution algérienne pose une égalité entre
les citoyens devant la loi, sans discrimination aucune du fait de la naissance, de la race ou
du sexe. En définitive, si l’adoption par les pays du Maghreb de principes universels visant
l’égalité des citoyens émane d’une volonté non équivoque d’y adhérer, ce n’est que dans le
respect de l’esprit et des objectifs qui animent les institutions familiales. À cet égard,
n’étant pas une condition de validité du mariage au Maroc, la présence d’un waliy ne sera
pas exigée lors de la conclusion du mariage. Les femmes les plus indépendantes pourront
faire le choix de s’en affranchir, tandis que les plus conservatrices pourront y recourir. Ni
imposé, ni supprimé, la solution médiane consiste à maintenir sa présence de façon
symbolique afin de faire rejaillir l’aura profonde de la figure paternelle lors de la
conclusion du mariage qui demeure, au sein de ces sociétés, une affaire de famille et non

1
La représentation de la future épouse par le waliy ne trouve pas de fondement scripturaire mais constitue un
concept juridique élaboré par le fiqh. En réalité, cette institution s’éloigne de la conception autoritaire et
patriarcale qui lui a été assignée au moment de la fermeture des portes de l’ijtihad. Loin de se résumer à une
tutelle contraignante sur la personne de la femme, l’institution du waliy symbolise un soutien moral et familial
pour la future épouse, dont l’objectif consiste en la protection des intérêts de celle-ci, généralement par un
proche familial lequel l’accompagnera et la soutiendra dans son choix. Le sens négatif qui lui est aujourd’hui
assigné et combattu par les mouvements féministes laïques considère la présence du waliy à la conclusion du
mariage comme étant un signe d’infériorité de la femme musulmane qu’il convient d’abolir.
22
Art. 33 CAF : « Le mariage est déclaré nul s’il est contracté (…) sans la présence du “waliy” ».
3
Art. 24 CMF.
4
Sur la wilaya, cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., pp. 341-353.
5
La Tunisie a purement et simplement aboli cette pratique dès la codification du statut personnel en 1956.
6
CEDAW notamment.

106
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

un simple engagement entre deux individus. Le compromis marocain en est


l’illustration topique.

B) L’accès au divorce

124. L’encadrement judiciaire de la répudiation. Au risque de ne pas aboutir, la


réforme marocaine a opté pour un changement dans la continuité. Pour cela, elle s’inscrit
dans un cadre strictement religieux1 et chaque point de la réforme repose sur le verset
coranique le justifiant. Il est dès lors plus aisé -regrettable ?- de comprendre que des
institutions telles que la polygamie et la répudiation 2 n’aient pas été supprimées à
l’occasion d’une réforme si importante3. Les modifications opérées par le Code marocain
vont dans une seule et même orientation : la limitation et l’encadrement de ces pratiques.
L’usage abusif et capricieux de la répudiation4 comme mode de dissolution du mariage
contrevient tant à la source scripturaire laquelle recommande de n’y recourir qu’avec
parcimonie, qu’à la cohésion du lien familial. Afin de mettre fin aux abus perpétrés par la
répudiation, la réforme procède à sa judiciarisation. Désormais, le prononcé de la
répudiation n’est plus du ressort de l’époux (lequel pouvait répudier verbalement son
épouse et faire consigner cette décision auprès du juge) mais du juge, chargé d’apprécier le
respect des droits de l’épouse à l’occasion de la rupture. Ce dernier constitue donc le
dernier rempart face aux injustices qui peuvent résulter de l’exercice abusif de cette
institution. La répudiation de droit marocain n’a donc plus le même impact qu’autrefois 5.
Bien que son esprit demeure, celle-ci change de visage en se modernisant tant par le

1
En Islam, le divorce est « l’acte licite le plus abhorré d’Allah ».
2
Une précision sémantique s’impose lorsque l’on parle de répudiation. Le Code marocain de la famille a opéré
un changement terminologique, préférant le terme « divorce sous contrôle judiciaire » à la traditionnelle
répudiation. Si le vocable rappelant cette institution a été supprimé, son esprit même subsiste puisque le terme en
langue arabe désignant la répudiation est demeuré inchangée : talaq. Le « divorce sous contrôle judiciaire »
suggère l’idée d’une désunion, soumise au contrôle de l’autorité judiciaire. Bien qu’elle puisse également être
exercée par l’épouse - à la condition que l’époux le lui consente lors de la conclusion du mariage (article 89) -,
un futur époux consent rarement voire quasiment jamais à l’épouse ce qui constitue pour lui un privilège : le
droit de rompre discrétionnairement le lien. Autre changement terminologique, signe d’une nouvelle ère :
anciennement appelé Code du statut personnel (moudouwana) la réforme l’intitule désormais « Code de la
famille ». Celui-ci est pour la première fois dans l’histoire du Maroc soumis à la délibération d’une assemblée
parlementaire et adopté par les deux chambres.
3
Lors de son discours, le Roi MOHAMED VI a déclaré qu’il ne peut, en sa qualité de Commandeur des croyants
autoriser ce que Dieu a prohibé, ni interdire ce qu’il a autorisé.
4
Cf. M. BORRMANS, Statut personnel et famille au Maghreb de 1940 à nos jours, Mouton, Paris-La Haye, 1977.
Pour aller plus loin, N.-M. MAHIEDDIN, « La dissolution du mariage par la volonté unilatérale de l’un des époux
en droit musulman et en droit algérien », RIDC, 2006, n 1, pp. 75-95 ; Y. LINANT DE BELLEFONDS, « La
répudiation dans l’Islam d’aujourd’hui », RIDC, 1962, n° 3, pp. 521-548.
5
Le législateur algérien n’a pas modifié son dispositif en matière de dissolution du mariage. La répudiation peut
encore intervenir par la volonté de l’époux », alors que l’épouse ne peut demander le divorce que dans des cas
énumérés par la loi. Ce cas de figure corrobore la thèse selon laquelle le législateur algérien n’est toujours pas
résigné à établir une égalité entre les époux, que ce soit au stade de la formation du mariage, que celui de sa
dissolution.

107
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

processus de judiciarisation que par le changement terminologique. En effet, le vocable


« répudiation » a été abandonné au profit de la nouvelle appellation « divorce sous contrôle
judiciaire ».
125. Le changement dans la continuité. L’article 400 du Code marocain dispose
qu’ « il y aura lieu de se référer aux prescriptions du rite malékite et/ou aux conclusions de
l’effort jurisprudentiel » en cas de silence ou d’insuffisance de la loi1. Cette disposition,
bien qu’elle incite le juge à recourir à l’effort d’interprétation, l’oblige « à avoir un système
de référence qui est le droit musulman classique »2. Convient-il à cet égard de rappeler que
la quasi-totalité des magistrats, de sexe masculin, semblent épouser la vision patriarcale
diffuse au sein de la société et qu’ils procèdent, pour la plupart, à une interprétation
conforme à la lettre et non à l’esprit de la réforme3. Aussi, le véritable impact de ce
nouveau mode de dissolution ne pourra être atteint qu’à la condition, ainsi que l’a souligné
le roi du Maroc lui-même, à l’aune de sa mise en œuvre. La rupture avec le passé ne pourra
donc être totale en pratique. Anciennes dispositions cohabitent avec les nouvelles, une
sorte de justice à double vitesse, qui n’est en réalité que le reflet de la société. Pour les plus
instruits et les esprits les plus rationnels, les dispositions nouvelles sont là pour servir le
justiciable qui saura s’en saisir, les anciennes dispositions étant toujours en vigueur pour
les autres. Par cette technique, le législateur essaie de satisfaire toutes les franges de la
société en recourant à une sorte de compromis, quitte à scinder la société en deux en créant
un fossé entre les classes sociales. Le maintien de la présence du waliy lors de la
conclusion du mariage en atteste. Malgré les différentes options, le changement est réel, et
se traduit par la consécration en faveur de l’épouse d’un réel droit au divorce4.
126. L’introduction d’une nouvelle forme de divorce : le chiqaq ou divorce pour
discorde. Le droit marocain admet, à côté du talaq, divorce « sous contrôle judiciaire »,
l’existence du tatliq, divorce judiciaire. Celui-ci existait déjà sous l’ancienne moudawana,
mais son usage était exclusivement destiné à l’épouse pour certains motifs, dès lors que
l’homme pouvait facilement rompre le lien conjugal sans avoir à passer par un tribunal.

1
Cette même disposition se retrouve dans le Code algérien, l’article 222 disposant qu’ « en l’absence d’une
disposition dans la présente loi, il est fait référence aux dispositions de la charia ». Rien de tel dans la législation
tunisienne, qui ne fait référence au droit musulman ni pour interpréter, ni pour combler les lacunes de la loi. Pour
autant, la question de savoir si le droit musulman constitue une source du droit tunisien fait toujours débat.
2
A. MOULAY R’CHID, « Le droit de la famille entre la politique de l’Etat et le changement social », in Droit et
environnement social au Maghreb, éd. du CNRS, Paris, 1989, p. 243.
3
En matière de polygamie par exemple, le juge est tenu d’examiner la demande porté par le mari afin de
convoler en secondes noces, celles-ci devant revêtir un caractère exceptionnel. Or, à l’issue de la conférence
donnée par le ministre de la justice à l’occasion des dix ans du Code, il ressort des statistiques relatives à la
polygamie que si celle-ci est passée de 0,34% entre 2004 et 2011 à 0,26% entre 2012 et 2013, l’acceptation des
demandes par les juges a néanmoins augmenté de 25%.
4
Le divorce judiciaire constitue une nouveauté introduite dans les droits positifs des pays arabes lors du
mouvement de codification qui a suivi les indépendances. L’usage en était toutefois limité du fait de la large
utilisation de la répudiation par les époux.

108
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

Les nouvelles dispositions1 en élargissent donc le domaine. Le divorce judiciaire peut


aujourd’hui être demandé aussi bien par l’épouse que par l’époux. Parmi les différentes
causes que compte le divorce, le législateur introduit lors de la réforme la notion de chiqaq,
traduisible par discorde. L’épouse qui a recours à cette cause de divorce2 obtiendra quasi-
automatiquement la dissolution de son union en apportant la preuve du caractère
intolérable de la vie commune.
127. La consécration d’un droit au divorce. L’esprit de ce nouveau cas de divorce
est de remédier à une crise au sein du couple. C’est pourquoi le législateur a mis en place
une tentative de conciliation3. La rupture étant un mal devant demeurer exceptionnel, le
tribunal prononce en tout état de cause le divorce, lorsque la tentative de conciliation
n’aboutit pas et que la discorde persiste. La jurisprudence est fermement établie en ce
sens4. À l’instar du droit français qui exige une rupture de la vie commune pendant deux
ans pour recourir au divorce pour altération du lien conjugal, il suffit en droit marocain à
l’époux(se) souhaitant mettre un terme à son union de rejeter la conciliation, en persistant
sur sa position de chiqaq. C’est bien la consécration du droit au divorce5 en droit marocain,
plus rien n’obligeant l’épouse qui souhaite mettre un terme à son union de le faire6. Sa

1
Le Code marocain consacre tout un chapitre IV - Titre premier (art. 94 à 97) - à cette nouvelle forme de divorce
alors que le droit algérien ne lui consacre qu’un article 53 alinéa 8.
2
L’introduction de cette nouvelle forme de divorce qui permet aussi bien à l’époux qu’à l’épouse de se délier
d’une union qu’ils ne souhaitent plus trouve son fondement dans la sourate 4 « les femmes », au verset 35 : « Si
vous craigniez qu’il y ait discorde entre les époux, faites alors appel à deux arbitres issus l’un de la famille du
mari, l’autre de la famille de l’épouse. Si les deux arbitres veulent vraiment les réconcilier, Allah les aidera dans
leur tâche et fera aboutir leurs tentatives. Allah est Tout-savant et parfaitement informé ».
3
Deux en présence d’enfants.
4
CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006, in Morceaux choisis de la jurisprudence en matière
d'application du Code de la famille, Ministère de la Justice, publications de l’association de diffusion de
l’information juridique et judiciaire, série relative aux explications et preuves, n° 10,éd. Matba’ath Elite, Rabat,
2009, vol. I, p. 119 ; Trib. 1ère inst. Semara, sect. just. fam, 23 janvier 2007, dossier n° 129/2006, in Morceaux
choisis de la jurisprudence en matière d’application du Code de la famille, op. cit., p. 128.
5
Contra, V. X. LABBEE, note ss CA Douai, 7ème chb., sect. 1, 19 janv. 2012, n° 11/00923, Rev. dr. fam., 2012,
n° 7, pp. 40-41. Pour l’auteur, le droit marocain ne consacrerait pas un droit au divorce à l’instar du droit
français, en raison de l’office du juge dans l’un et l’autre cas. Pour l’auteur, le juge en droit marocain a pour
mission, avant de prononcer le divorce pour discorde, de réconcilier le couple, chose que ne fait aujourd’hui plus
le juge français. Son rôle ne serait plus « d’essayer de raccommoder le couple déchiré ou comme on disait
autrefois, de “défendre le lien”. Il est (...) “de concilier les époux tant sur le principe que sur les conséquences” ».
Nous ne partageons pas ce point de vue. Un droit au divorce est bel et bien consacré en droit marocain au profit
de l’épouse qui ne souhaite plus rester dans les liens du mariage, l’office du juge au sein des deux systèmes
n’étant que le reflet de l’importance portée au mariage : cellule de base de la société dans un cas, simple statut de
vie de couple dans l’autre. La Cour de cassation a même rappelé, sur le fondement de l’article 252 du Code civil,
que les dispositions relatives à la procédure de divorce sont d’ordre public. Partant, la conciliation constitue une
formalité substantielle qui ne saurait être implicite, ainsi que l’a considéré la Cour d’appel censurée. Cf. Cass.
civ. 1ère, 16 déc. 2015, n° 14-28.296, Rev. Lamy dr. civ., 2016, n° 135.
6
F. SAREHANE, « Le nouveau Code marocain de la famille », Gaz. pal., sept-oct 2004, pp 2792-2805 ;
K. ZAHER, « Plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains. À propos de l’arrêt de la première
chambre civile du 4 novembre 2009 », Rev. crit. DIP, 2010, p. 313. Dans le cas d’une épouse persistant à rompre
le lien conjugal -malgré les multiples tentatives du juge à la réconciliation et un attachement de l’époux envers
son épouse- les juges ont admis à bon droit que la dislocation de la famille étant de son fait, celle-ci ne pouvait
prétendre à aucune compensation du fait de la rupture, cf. Trib. 1 ère inst. Tétouan, 27 nov. 2006, dossier
n° 858/2006/13, n° 1487.

109
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

seule insistance pour divorcer suffit à rompre le lien1, en l’absence de faute du mari2 ou de
la démonstration d’un préjudice quelconque 3. Néanmoins, le juge conserve un pouvoir
souverain dans l’appréciation du montant devant être alloué à l’épouse en cas de rupture du
mariage par le chiqaq. Celui-ci n’hésite pas, lorsque la rupture est de son fait, de
rechercher sa responsabilité dans la dissolution du mariage afin de refuser toute
compensation financière à son profit, ce que la Cour de cassation approuve4.
Certains auteurs n’ont pas manqué de souligner le recours fréquent à la procédure du
chiqaq, fortement nuisible à l’esprit du Code. Les chiffres officiels témoignent de
l’augmentation vertigineuse des demandes de divorces émanant de femmes en
comparaison avec les demandes formulées par les époux5. À l’issue d’une conférence
tenue à l’occasion des dix ans du nouveau Code, Monsieur le ministre de la justice
Mustapha RAMID a souligné, notamment au sujet des dissolutions de mariages conclus par
des mineurs, que ceux-ci sont passés de 7213 cas en 2004 à 40850 en 2013, le divorce pour
discorde représentant 97% des cas, soit une hausse de 500%6. Si cette procédure visait
initialement à mettre fin à une discorde persistante entre les époux7, il ressort de la pratique
judiciaire8 qu’elle « se trouve transformée en simple procédure de divorce rapide et facile
encourageant le recours excessif des citoyennes et citoyens à cette procédure. La société
civile s’enorgueillit des résultats égalitaires réalisés en matière de dislocation des foyers et
se soucie très peu du devenir des divorcées (particulièrement sans revenus) et de leurs
enfants après cette dislocation expéditive mais très coûteuse sur tous les niveaux : social,
économique, égalitaire, éducationnel, sécuritaire… ! »9.
128. Imprécision du contenu de la discorde. L’article 94 CMF visant le différend
ne donne pas de précision sur le caractère que doit revêtir la discorde pour justifier le

1
Trib. 1ère inst. Nador, sect. just. fam., 8 février 2006, jugement n° 187, dossier n° 719/2005 ; Trib. 1 ère inst.
Marrakech, sect. just. fam, 25 novembre 2004, jugement n° 3475, dossier n° 2114/8/2004, inédit.
2
Trib. 1ère inst. Oujda, sect. just. fam., 15 mars 2005, jugement n° 974, dossier n° 1362/04.
3
Il a ainsi été jugé que le défaut de preuve du préjudice ne rend pas irrecevable la demande de divorce car « sans
fondement légal, un tel argument est de nature à vider le nouveau Code de la famille de sa substance et de sa
philosophie visant à faciliter l’accès à la dissolution du lien conjugal aux épouses se trouvant dans l’incapacité de
prouver le préjudice en raison de la gêne qu’elles éprouvent à exposer l’intimité de leurs vies privées devant les
institutions judiciaires ». Trib. 1ère inst. Marrakech, sect. just. fam., 3 mars 2005, jugement n° 418, dossier
n° 04/8/2005; Trib. 1ère inst. Larache, sect. just. fam., 9 janvier 2007, dossier n° 90/06/5.
4
Cour supr., 24 sept. 2008, dossier n° 198/2/1/2007, n° 440 ; Cour supr., 4 oct. 2011, dossier n° 285/2/1/2010,
n° 534.
5
En 2008, le chiqaq représente un pourcentage de 74,68% des cas de divorce judiciaire, contre 56% en 2007.
6
Statistiques fournies par le ministère de la justice.
7
En permettant à l’épouse de ne pas se maintenir contre son gré dans les liens d’un mariage dont seul l’époux
décide de l’issue.
8
M. BENRADI, H. ALAOUI M’CHICHI, A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire,
Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007.
9
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, t. 3, De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, Rabat, 3ème éd., Bouregreg,
2009, p. 72.

110
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

prononcé du divorce. Par conséquent, il revient à la jurisprudence d’en dégager le contenu.


À l’occasion d’une décision du tribunal de première instance de Marrakech, les juges
considèrent que le chiqaq est « une situation de fait qui empêche la continuité de la relation
conjugale, chaque époux étant devenu très éloigné de l’autre du fait d’un climat d’hostilité,
de telle sorte que les liens d’affection en sont devenus distendus, empêchant les époux
d’accomplir leurs droits et obligations réciproques »1. La doctrine a également définit cette
notion comme l’ensemble des querelles et malentendus qui éloignent les époux l’un de
l’autre rendant impossible le maintien de la vie conjugale 2. Le caractère intolérable de la
vie commune entre les époux, peu important sa cause, permet donc de faire prononcer le
divorce. Une étude d’impact du Code de la famille3 a permis de dégager la tendance des
magistrats à retenir une conception assez large de la discorde, permettant aux couples
souhaitant mettre un terme à leur union de le faire4. De la même manière, toutes les fois où
l’épouse se heurte à des difficultés afin de faire prononcer son divorce sur d’autres
fondements -notamment lorsque l’époux s’y oppose ou l’oblige à reprendre la vie
conjugale5- celle-ci peut engager une demande de divorce pour chiqaq6.
129. Les innovations procédurales au service d’une justice plus efficace. Le Code
marocain de la famille innove également en matière procédurale. Outre la création de
sections spécialisées dans la « justice familiale » au sein des tribunaux de première
instance, des règles de procédure et de délais7 sont prévues pour le prononcé du divorce.
Les nouvelles dispositions viennent en réaction à la lenteur de la procédure, dont les
victimes premières sont les épouses qui souhaitent mettre fin à leur union8. Le législateur a
donc exigé la comparution de l’épouse9 avant la tentative de réconciliation, le jugement de

1
Trib. 1ère inst. Marrakech, sect. just. fam., dossier n° 3269/8/2004, 13 janvier 2005, inédit.
2
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, la dissolution du lien conjugal, t. II, Matba’ath al-najah
al-jadida, Casablanca, 2006, p. 102.
3
M. BENRADI, H. ALAOUI M’CHICHI, A. OUNNIR et alii, Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire,
op. cit.
4
En ce sens : TPI Rabat, 17 fév. 2005, dossier n° 32/277/04 ; TPI Rabat, 31 mars 2005, dossier n° 32/422/04 ;
TPI Rabat, 24 janv. 2005, dossier 32/433/04.
5
Pendant la période de continence en cas de divorce sous contrôle judiciaire révocable : article 124 CMF.
6
Les femmes n’utilisent quasiment plus les autres modes de dissolution du mariage. En 2005, le divorce pour
discorde représentait 56,25% des affaires en cours devant les tribunaux et 46,09% des affaires jugées.
Cf. Ministère de la justice, « Application des dispositions du code de la famille, les mesures prises, difficultés
d’application et perspectives », 2006.
7
Le délai afin que le juge statue ne doit pas dépasser six mois et cette nouvelle mesure est applicable à tous les
cas de divorce. Cf. art. 113 CMF : « À l’exception du cas d’absence, il est statué sur les actions en divorce
judiciaire fondées sur l’une des causes prévues à l’article 98 ci dessus, après tentative de conciliation, dans un
délai maximum de six mois, sauf circonstances particulières ».
8
Le plus souvent, elles doivent aussi faire face à l’esprit de vengeance de leurs maris qui, pour les empêcher de
refaire leur vie, entravent le cours de la procédure en ne comparaissant pas lors de la tentative de réconciliation,
en interjetant appel ou un pourvoi en cassation.
9
Art. 81 CMF.

111
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

divorce1 devenant définitif en premier ressort2 et tout recours contre celui-ci est
irrecevable. L’exigence de comparution s’inscrit dans une optique de protection des droits
de la défense. Alors que l’ancienne moudawana se contentait d’évoquer le rôle du juge, la
réforme de 2004 lui en détaille les prérogatives et lui indique la procédure judiciaire à
suivre. Il paraissait contraire à l’équité de se prononcer sur le sort d’une union à laquelle
l’épouse avait expressément consenti, en son absence. À défaut de comparution, le
ministère public met en demeure l’épouse qu’il sera statué sur le dossier. Le juge occupe
désormais la place de partie principale dans toutes les affaires familiales3. Il est chargé de
l’application de toutes les mesures coercitives prévues par la loi, et peut procéder à toute
enquête jugée utile à la demande du tribunal, notamment lorsqu’un mari prétend ignorer le
nouveau domicile de son épouse en vue de faire échec à sa comparution4.
130. Le juge conciliateur. Afin d’éviter la rupture, la recherche d’une conciliation5
entre les époux est l’objectif principal de l’intervention du juge. Avant de statuer, celui-ci
pourra entendre tout témoin6, désigner deux arbitres hakam et un conseil de famille7. Tout
est mis en œuvre afin d’éviter la rupture du couple, particulièrement en présence d’enfants.
Dans ce dernier cas, le juge doit entreprendre une deuxième tentative de réconciliation,
trente jours après la première.
131. La garantie d’un logement. La garantie d’un logement convenable8 pendant le
délai de viduité (de trois mois) est une nouveauté introduite dans les législations marocaine
et algérienne. En présence d’enfants, le texte prévoit l’obligation d’assurer un logement
pour la bénéficiaire du droit de garde des enfants (prioritairement la mère) jusqu’à la
majorité des enfants. La crise du logement, combinée au manque de ressources des classes
les plus défavorisées ne permet pas toujours à la famille de loger une autre famille éclatée.
Dans ces situations, un nombre important de femmes subissent violences et sévices. Les

1
Article 128 CMF : les décisions de divorce « ne sont susceptibles d’aucun recours dans leur partie mettant fin
aux liens conjugaux ».
2
CA Marrakech, 1er février 2005, dossier n° 3955/8/2004, inédit : « (…) est sans fondement juridique l’appel
interjeté contre le jugement ayant prononcé le divorce pour discorde ».
3
Y. SALHI, Le rôle du ministère public dans l’effectivité du Code de la famille, Publications de la revue Menara
pour les études juridiques et administratives, coll. « Études universitaires », 2015, n° 8 (en langue arabe).
4
Article 81 CMF. L’article 361 du Code pénal prévoit également des sanctions pénales en cas de fausse
déclaration du mari.
5
Le Coran mentionne la conciliation (ssolh) dans sept passages, dont le verset 130 de la sourate 128 : « Quand
une femme redoute l’abandon ou l’indifférence de son mari, nul grief ne leur sera fait s’ils se réconcilient, car la
réconciliation est un bien (…) » ; ou dans les versets 227-228 de la sourate 2 : « Si les maris décident de répudier
leurs femmes (…) les femmes répudiées attendront trois périodes avant de se remarier. Il ne leur est pas permis
de cacher ce que Dieu a crée dans leurs entrailles (…) Mais si leurs maris désirent la conciliation, ils ont le droit
de les reprendre durant ce temps ».
6
Art. 82 CMF.
7
Sur cette dernière institution, v. infra, n° 193.
8
À défaut, le tribunal fixe le montant des frais de logement, consigné au secrétariat-greffe du tribunal. Au TPI de
Rabat par exemple, ce montant est fixé à 3000 DHS (soit environ 300 euros). Quid des critères qui permettent
aux juges de retenir ce montant, mais surtout de la constance de ce quantum dans tout le Royaume ?

112
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

plus courageuses se retrouvent sans domicile suite à leur divorce. C’est pourquoi la
disposition ne peut qu’être saluée. Elle rencontre cependant des limites dues au délai de
trois mois –insuffisant- ainsi qu’aux moyens de l’ex époux qui doit être capable
financièrement d’assurer un second logement pour son ex-épouse et son (ses) enfant(s).
132. Limites de la protection. Plusieurs questions non encore résolues mettent à mal
une application effective du nouveau texte. Il en est ainsi du barème auquel doit se référer
le juge en matière de pensions alimentaires1, de l’exécution des jugements2 et des
nombreux cas de fraude des époux qui n’hésitent pas à dissimuler la majeure partie de
leurs ressources afin de minimiser le montant de la pension. Le manque de moyens
matériels3 et l’imprécision des textes conduisent à conférer au juge un large pouvoir
d’appréciation4 -notamment dans l’appréciation de l’abus perpétré par la répudiation dans
la fixation de la compensation financière- qui n’est pas toujours au service de l’esprit du
nouveau texte5. Pour autant, certaines décisions ont pu révéler que certains juges -lorsque

1
Difficulté néanmoins tempérée par la mise en place d’une Caisse d’entraide sociale par le dahir n° 191.10.1 du
13 décembre 2010, en application de l’article 16 bis de la loi de finances n° 09-48 pour l’année 2010. En cas de
retard pris dans l’exécution du jugement, d’absence ou d’incapacité de l’époux à honorer sa dette, et lorsque
l’état de besoin de la mère et des enfants est établi (art. 2 de la loi 10.41 en fixant les conditions et procédure),
une telle demande doit être adressée (à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la demande d’exécution)
auprès du président du tribunal de première instance (art. 4) qui statue dans les huit jours (art. 7), sans jamais
dépasser le plafond fixé (350 dhs par personne sans jamais aller au-delà de 1050 dhs par famille). Sur la mise en
place de cette Caisse d’entraide, cf. M. LACHKAR, « La Caisse d’entraide sociale », in Approche plurielle des
problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile,
t. 2, 2015, pp. 142-168 (en langue arabe).
2
Sur 48829 affaires en 2008, le nombre de jugement non exécutées était de 14287 contre 17600 en 2011 (sur
43903 affaires en cause). Cf. Statistiques du Ministère de la Justice et des libertés pour l’année 2011.
3
Sur cet aspect, V. Y. SALHI, Le rôle du ministère public dans l’effectivité du Code de la famille, op. cit., pp. 53-
56.
4
Ce large pouvoir d’appréciation conféré par le législateur au juge interroge sur le référentiel sur lequel ce
dernier s’appuie afin de rendre ses décisions. Si le rite malékite est l’école doctrinale à laquelle appartiennent les
pays du Maghreb et à laquelle ils se réfèrent en cas de silence de la loi, la réforme marocaine de 2004, par le
biais de l’article 400, élargit l’ijtihad du juge au cadre général de l’Islam - et non plus seulement de l’école
malékite -, afin de concrétiser « les valeurs de l’Islam en matière de justice, d’égalité et de bons rapports de la
vie commune ». Le juge pourra donc puiser dans les autres rites en cas de situation non prévue par la loi, mais il
doit le faire conformément aux critères de justice, d’égalité, et de bons rapports au sein du couple tels que
véhiculés par l’Islam. Cf. S. PAPI, L’influence juridique islamique au Maghreb, Algérie, Libye, Maroc,
Mauritanie, Tunisie, Paris, l’Harmattan, 2009. V. aussi : M. DAOUALIBI, « L’influence juridique réciproque des
écoles », in Travaux de la semaine internationale de droit musulman, Paris, 2-7 juillet 1951, Recueil Sirey,
1953, pp. 101-115. Aux côtés de cette incontestable influence islamique, il est permis de s’interroger sur la place
qu’occupent les autres sources dans le raisonnement des juges, notamment les conventions internationales
ratifiées ? Si la ratification est signe d’une volonté d’ouverture sur les principes universels, ceux-ci ne sauraient
avoir valeur supérieure sur les principes découlant de la morale et la religion islamiques. Si certains magistrats
font preuve d’ouverture d’esprit, d’autres se caractérisent par « une surabondance de motifs, donnant ainsi
l’impression que les juges ne se suffisent pas de la référence aux dispositions du Code pour asseoir leurs
décisions et qu’ils éprouvent le besoin d’y adjoindre d’autres références notamment à caractère religieux (…) Ce
besoin de remonter aux sources est révélateur de la place prépondérante que continue d’occuper le référentiel
religieux dans l’esprit de beaucoup de magistrats ». Cf. M. BENRADI, H. ALAOUI M’CHICHI, A. OUNNIR et alii,
Le Code de la famille, perceptions et pratique judiciaire, Fès, Friedrich Ebert Stiftung, 2007, p. 269.
5
Sur la variabilité et la modicité des sommes allouées au titre de la pension alimentaire, Cf. TPI Salé, 29 août
2012, n° 814, dossier n° 531/12/1606. Dans ce jugement, il a été alloué une somme de 500 dhs (l’équivalent d’un
peu moins de de 50 euros), tandis que dans une autre décision, le juge avait alloué à l’épouse une somme de 300

113
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

le montant de la pension alimentaire au profit de l’enfant n’était pas suffisante- n’hésitaient


pas à procéder à l’augmentation de la pension alimentaire1.
Si l’on a pu dénoncer le « suivisme » législatif occidental, celui-ci contraste à n’en pas
douter avec une législation marocaine qui « s’abstient » au profit d’une mission
considérable de protection incombant au juge. Ceci se vérifie aussi dans le domaine des
droits patrimoniaux.

§2) Les droits patrimoniaux

133. Relativité des réformes entreprises en matière patrimoniale. Si les réformes


entreprises ont permis de revoir les relations patrimoniales du couple par l’introduction du
contrat dans la gestion des biens acquis durant le mariage (A), le domaine successoral
continue de constituer une fidèle représentation du droit musulman classique (B).

A) L’introduction du contrat dans la gestion des acquêts

134. L’ignorance par le système juridique musulman du concept de régimes


matrimoniaux. Les systèmes juridiques issus du droit musulman ignorent le régime de
communauté des biens entre époux et les régimes matrimoniaux de façon générale2. Une
telle méconnaissance s’explique en premier lieu par le droit reconnu à l’épouse de gérer ses
biens en toute liberté3. En second lieu, cette méconnaissance s’explique par la
reconnaissance du mariage polygamique au profit de l’homme. Pour la loi islamique, le
souci de protection de la femme importait plus que l’organisation patrimoniale de la vie
conjugale. Plus tard, les jurisconsultes musulmans ne se sont pas intéressés à la question, et
qu’il aurait fallu doubler d’imagination pour envisager l’élaboration d’un système de
communauté des biens entre un époux et ses quatre femmes. Le maintien de la polygamie
au sein des Codes de la famille (exception faite de la Tunisie) ne permet pas toujours la
consécration d’un tel régime de communauté, et le régime légal applicable aux époux
demeure la séparation des biens4.
135. Sa compatibilité indiscutée avec le droit musulman. Aucune disposition
coranique ou hadith ne fait référence ni n’interdit les régimes matrimoniaux en Islam.

dhs au titre de la pension alimentaire due à la fille du couple, 400 dhs au profit du garçon et 150 dhs au titre du
loyer. Cf. TPI Salé, 18 juil. 2012, n° 1947, dossier n° 2262/11/1607.
1
Cour supr. maroc., 18 juil. 2007, dossier n° 667/2/1/2006, n° 411.
2
H. DANNOUNI, « Le régime des biens entre époux en droit algérien », Rev. tun. dr., 1986, pp. 157-177.
3
À moins qu’il n’ait reçu un mandat de son épouse afin d’administrer ses biens, cf. H. AHMED, Étude
comparative du mandat en droit romain et en droit musulman, Thèse, Paris II, 1981, p. 160.
4
Y. LINANT DE BELLEFONDS, Traité de droit musulman comparé, Paris, La Haye, t. 2, 1965, n° 790.

114
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

Cette indifférence est bien la preuve que la religion n’y est pas réfractaire. Le mariage en
droit musulman étant un contrat, il est parfaitement possible pour les époux d’organiser
leurs relations patrimoniales en insérant dans leur acte de mariage une clause relative aux
biens. L’évolution des configurations familiales par l’entrée des femmes sur le marché de
l’emploi a conduit à adapter le droit à cette réalité.
136. Un régime de séparation de biens atténué. Le Code marocain de la famille
consacre le principe de la séparation des biens : Les deux époux disposent chacun d’un
patrimoine propre1. En vue d’atténuer2 les méfaits de ce système, deux mesures sont
prévues par l’article 49. La première mesure ménage un cadre contractuel3, indépendant de
l’acte de mariage, permettant aux conjoints de convenir d’un commun accord du mode de
gestion, de répartition et de fructification des biens acquis pendant le mariage 4. Cet accord
doit être consigné dans un document séparé de l’acte de mariage. Pour donner plus de force

1
Art. 49 CMF. La loi tunisienne n° 98-91 du 9 novembre 1998 avait également introduit un régime de
communauté de biens entre époux. L’article premier de la loi précise qu’il s’agit d’ « un régime facultatif pour
lequel les époux peuvent opter (...) ». Le régime légal demeure ainsi celui de la séparation de biens, la loi
propose seulement un régime de communauté minimale réglementé dans ses différents aspects. Les époux
peuvent opter pour ce régime au moment de la conclusion du mariage ou à une date ultérieure, ce qui ouvre la
possibilité d’opter pour ce régime aux époux mariés avant la promulgation de la loi. Ils peuvent, d’un commun
accord, changer de régime matrimonial, en optant pour un régime de communauté, ou à l’inverse y mettre fin
d’un commun accord. La modification ne peut avoir lieu qu’après l’écoulement de deux ans au moins à partir de
son institution, et celle-ci doit être constaté par un acte authentique. V. en ce sens : S. BOUZIR, Le régime de la
communauté des biens entre époux : étude comparative du droit français et du droit tunisien, Thèse, Paris I,
Panthéon Sorbonne, 2003. L’auteur relève le caractère sommaire de la législation tunisienne en matière de
communauté (26 articles), probablement dans un souci de simplicité et d’attractivité par les nouveaux époux.
Néanmoins, cette brièveté met en balance les incohérences et lacunes d’une telle législation, dont la fonction et
la nature diffèrent sensiblement de la communauté de biens à la française. Si la première ressemble plus à une
« société d’acquêts », c’est parce qu’elle a été établie dans un souci de protection de l’épouse et donc d’intérêts
particuliers.
2
M. CHAFI relevait déjà, dans sa thèse de doctorat, que les époux en droit marocain pouvaient constituer une
société de personnes ou à responsabilité limitée. En effet, l’article 982 du Code des obligations et des contrats,
d’inspiration française, dispose que la société « est un contrat par lequel deux ou plusieurs personnes mettent en
commun leurs biens ou leur travail, ou les deux à la fois, en vue de partager le bénéfice qui pourra en résulter ».
Aucune disposition n’interdit par ailleurs aux époux de recourir à une telle pratique, l’article 984 du même Code
ne faisant pas allusion aux époux lorsqu’il énumère limitativement les personnes pouvant constituer une société
entre elles. Ainsi, malgré leur inégalité au sein de la structure conjugale, les époux jouissaient de droits égaux
qu’il leur était loisible de mettre en œuvre. Cf. M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux, Étude
comparative du droit français et du droit marocain, Thèse, Paris II, pp. 302-303.
3
Sur l’importance de ce cadre lorsqu’un mariage franco-marocain a été célébré en France, sous le régime de la
communauté légale, mais que la liquidation du régime matrimonial est entreprise au Maroc à la suite de
l’introduction par l’épouse d’une action en divorce, cf. : Cour cass. maroc., 31 mai 2011, arrêt n° 310, dossier
n° 210/1/2/431; Rev. dr. fam., 2016, n° 3, alerte 22. La Cour de cassation marocaine, en application du code de la
famille, rejette la demande en pourvoi de l’époux tendant au partage du patrimoine familial (commun selon les
règles matrimoniales françaises, mais ne l’étant pas selon la conception séparatiste marocaine), celui-ci ayant
versé à sa femme le fruit de ses économies que cette dernière avait utilisé pour acquérir des immeubles au Maroc
en son seul nom. Pour la Cour de cassation, « les deux époux disposent chacun d’un patrimoine propre, les deux
époux peuvent se mettre d’accord sur les conditions de fructification et de répartition des biens qu’ils auront
acquis pendant leur mariage. Cet accord fait l’objet d’un document distinct de l’acte de mariage ». Or, l’époux
est en l’espèce victime de son imprévoyance, en n’ayant pas envisagé contractuellement les modalités de la
fructification du patrimoine familial commun.
4
Art. 49-2° CMF. Cet acte ne saurait en revanche être qualifié de contrat de mariage, en l’absence de
dispositions claires régissant les droits et obligations de nature patrimoniale entre les époux ou vis-à-vis des tiers.

115
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

à cette mesure, le Code impose aux adouls d’en informer les époux lors de la conclusion
du mariage1. Cependant, l’impact des coutumes et du tabou2, conjugué à l’ignorance par
les femmes de leurs droits conduisent bien souvent à passer sous silence cet important
aspect de leur future vie conjugale. La deuxième mesure concerne le partage des biens
acquis pendant le mariage. Lorsque les parties n’ont pas fait de contrat sur les biens, le
Code prévoit le recours « aux règles générales de preuve, en prenant en considération le
travail de chacun des conjoints, les efforts fournis et les charges assumées pour fructifier
les biens de la famille »3. Cette dernière mesure a cependant été diversement appréciée par
les tribunaux. Les premières applications ont conduit les juges à attribuer à l’épouse une
somme forfaitaire au lieu d’un pourcentage sur la valeur des biens acquis pendant le
mariage. Certains juges ont même exclu le travail domestique de son champ d’application.
Or, la raison d’être de l’article 49 CMF réside dans la recherche de l’équité au profit des
femmes œuvrant au foyer4. Persister dans une pratique judiciaire conforme à la lettre de
l’ancienne moudouwana contrevient à l’esprit du nouveau texte en le privant des effets
qu’il est censé déployer.
137. La jouissance conjointe du logement familial. Le Code de la famille reconnaît
enfin que la jouissance du domicile conjugal appartient conjointement aux deux époux.
Cette disposition est bienvenue car le droit marocain n’instituait aucun régime juridique au
profit du logement conjugal après le décès d’un des époux ou à l’issue d’un divorce. Le
logement familial, composante de la nafaqa (obligation d’entretien) que le mari doit à son
épouse, n’était appréhendé par les jurisconsultes qu’à travers le décès du mari5 ou à
l’occasion d’une répudiation. Avec Monsieur le professeur CHAFI, il est
déplorable que « (…) la veuve ne jouisse d’aucune protection réelle et efficace après le
décès du prémourant. Elle est toujours menacée d’être expulsée du logement en deçà du
terme de la retraite légale sur laquelle insistent la législation coranique, la doctrine
islamique et le droit contemporain. C’est cette retraite ainsi que la grossesse qui justifient
en effet le droit de la veuve au logement »6. Aujourd’hui, le bien assurant la vie commune

1
Art. 49-3° CMF. En 2006, sur un échantillon de 272 989 actes de mariage, seuls 424 ont été accompagnés d’un
contrat de mariage. En 2007, 900 contrats ont été conclus pour 270 660 actes de mariage.
2
Madame le professeur NAJI EL MEKKAOUI explique ainsi la situation : « La conclusion du pacte matrimonial et
les discussions y afférentes se passent, d’habitude, dans des cérémonies solennelles et des festivités
majestueuses, en la présence et sous l’œil curieux et inquisiteur de large assistance, de manière à empêcher les
parties contractantes de mettre le point sur les différentes clauses du pacte et, d’autant moins, d’échanger
librement et sereinement leurs points de vue sur les détails et de prévenir les éventuels désaccords dans le
futur ! ». Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le
conventionnel en Harmonie. De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, t. 3, Rabat, 3ème
éd., Bouregreg, 2009, p. 66.
3
Art. 49 dernier alinéa.
4
Pour les difficultés d’application de l’article 49 par les tribunaux, V. Le Code de la famille, perception et
pratique judiciaire, op. cit., p. 260 s.
5
Afin que l’épouse observe au domicile conjugal le délai de viduité prévue de quatre mois et dix jours.
6
M. CHAFI, Les rapports juridiques entre époux, Étude comparative du droit français et du droit marocain, op.
cit., p. 430.

116
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

des époux est enfin érigé en logement familial, et sa disposition relève du pouvoir de
cogestion du couple. Une meilleure protection est assurée à l’épouse par la qualification de
logement familial du bien. Elle est renforcée par l’intervention du ministère public1 dans
les situations d’expulsion d’un époux par l’autre. Il permet, à ce titre, la réintégration au
domicile conjugal de l’époux expulsé sans raison valable et prend les mesures garantissant
sa protection.

B) L’immutabilité du droit successoral

138. La pérennité du droit musulman dans le domaine successoral. Les règles


relatives au droit des successions2 n’ont pas été revues3 à l’occasion des réformes
entreprises dans le domaine familial. La totalité des législateurs musulmans expriment leur
fidélité au droit musulman classique en la matière, les règles instaurant une inégalité
structurelle4 entre les deux sexes5. La règle successorale dispose qu’à égalité de degrés,
une femme reçoit la moitié de la part qui revient à l’homme6. Attachée à la règle coranique,
une partie de la doctrine7 rappelle la source scripturaire claire et précise au fondement de
cette disposition, qui empêcherait son adaptation aux exigences modernes. Pour Monsieur
le professeur KACHBOUR, la contrariété alléguée à la Constitution marocaine n’a pas lieu
d’être car la loi fondamentale elle-même exclue toute remise en cause du donné religieux8,
élément de l’identité du Royaume. Pourtant, dans son rapport sur l’État de l’égalité et de la
parité au Maroc, le Conseil national des droits de l’homme pointe du doigt l’inégalité

1
Article 53 CMF.
2
Pour une présentation, V. F. SAREHANE, « Successions et contrats au Maroc », in Les successions, Travaux de
l’association Henri Capitant, Bruylant, LB2V, 2012, pp. 383-388.
3
La principale justification est que la dévolution héréditaire est fixée par la loi coranique, donc ainsi voulue par
Dieu. Par conséquent la volonté humaine ne peut en modifier le régime.
4
Si les époux héritent l’un de l’autre, leur vocation successorale varie selon que le survivant est le mari ou
l’épouse. Relevant de la catégorie des héritiers fardh, c’est-à-dire à part fixe (en opposition avec les héritiers
aceb, à part variable), la quote-part du conjoint variera selon l’existence ou non de descendants issus du couple.
Ainsi, la moitié de l’héritage revient à l’époux si son épouse décède sans laisser de postérité. Cette part est
ramenée au quart s’il est en concours avec un descendant. L’épouse hérite du quart de la succession en pleine
propriété en l’absence de descendants du de cujus, et du huitième seulement si elle est en concours avec des
descendants.
5
En effet, l’inégalité des parts entre le fils et la fille du défunt serait en partie justifiée par la configuration
patriarcale de la famille arabe et musulmane et non pas par la nature propre de la femme. Plusieurs hadiths de
l’époque du prophète en attestent, v. en ce sens : I. TOUALBI, Le droit musulman : de « l’interdiction de la
jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, spec. pp. 100-103.
6
La législation islamique appelle la femme à la succession soit de sa propre famille, soit de celle de son mari.
L’avènement de l’Islam sur ce point est capital par rapport aux autres législations antérieures, car la femme ne
fait plus elle-même partie des biens à hériter. C’est ce que le professeur MILLIOT désigne comme étant « une
réforme hardie que l’on peut à bon droit considérer comme l’un des plus beaux titres de gloire de Mahomet ».
Cf. L. MILLIOT, Étude sur la condition de la femme musulmane au Maghreb, Paris, 1912, p. 167.
7
M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath Annajah
Al jadida, 2015, p. 155 (en langue arabe).
8
Ibidem., p. 155.

117
Couple et famille
Étude des systèmes juridiques français et marocain

successorale comme facteur de vulnérabilité des femmes à la pauvreté et préconise une


égalité successorale entre hommes et femmes. À quand donc un réel débat relatif à l’égalité
successorale au Maroc ?
139. Le « legs obligatoire ». Les législateurs maghrébins ont cependant tenté de
remédier à certaines situations d’iniquité favorisées par l’exclusion de la parenté par les
femmes1 et l’absence de « théorie de la représentation » en droit successoral musulman2.
Le Maroc introduit, à l’instar de l’Égypte en 1946, la technique dite du « legs
obligatoire »3. Mixte, cette institution relève du droit des successions car elle est
indépendante de la volonté du défunt et s’impose à lui. Elle présente néanmoins un
caractère testamentaire car elle se limite au tiers de la succession et ne bénéficie pas à un
héritier successible4. Son intérêt réside dans la possibilité de faire appeler une catégorie de
parents à une succession dont ils sont en principe, exclus, indépendamment de l’existence
d’un testament et à l’encontre même de la volonté du de cujus5. C’est notamment le cas du
petit-fils dont le père est prédécédé : en l’absence de représentation. En effet, le petit-fils
est en principe exclu de la succession en présence d’oncles paternels vivants au moment de
l’ouverture de la succession6. Le legs obligatoire permet de contourner le principe, « pour
remédier à certaines situations inéquitables auxquelles conduisent les règles des évictions
applicables dans la classe des descendants »7. Sa mise en œuvre n’est cependant possible
qu’au profit des petits-enfants qui se rattachent au défunt par leur père8, et non au profit
des petits-enfants d’une fille prédécédée -parents par la mère- qui ne peuvent être appelés à
la succession. Le Code marocain revient, à l’occasion de sa réforme en 2004 sur cette
inégalité fondée sur le sexe. Depuis, les petits-enfants d’une fille prédécédée peuvent venir
à la succession de leurs grand-père et grand-mère dans les mêmes conditions que les

1
Le principe agnatique est la base du système successoral musulman.
2
M.J. ESSAID, Introduction à l’étude du droit, Rabat, Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le
développement Socio-Économique, avec le concours de la Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque
Populaire, 4ème éd., 2010, pp. 120-122.
3
Le « legs obligatoire » est une technique basée sur le verset 180 de la sourate 2. Pour la plupart des écoles, cette
prescription coranique a été abrogée par des versets ultérieurs, sauf pour l’école zahirite qui en a toujours
reconnu l’existence. Les législateurs maghrébins, dans un souci d’assurer plus d’équité dans le droit successoral
tout en restant fidèle au droit musulman, adopteront cette technique juridique. V. en ce sens M. CHAFI, Les
rapports juridiques entre époux, Étude comparative du droit français et du droit marocain, op. cit., p. 353 et s.
4
F. SAREHANE, Jurisclasseur dr. comparé, fasc. 2, Maroc, n° 154.
5
C’est ce qui explique sans doute sa place parmi les règles de la dévolution successorale, du moins en
droit marocain.
6
Les descendants d’un fils ou d’une fille prédécédé ou décédé en même temps que le de cujus sont exclus de la
succession par leur oncle.
7
F. SAREHANE, Jurisclasseur dr. comparé, fasc. 2, Maroc, n° 155.
8
De même que pour y prétendre, le descendant ne doit pas participer à la succession du défunt (art. 371), c’est-à-
dire n’être appelé à la succession à aucun titre. Le de cujus ne doit pas non plus avoir gratifié le prétendant du
legs obligatoire d'une donation entre vifs ou d'un legs. S’il existe un testament, le montant de la libéralité ne
saurait dépasser la part qu’il aurait reçue au titre du legs obligatoire. Si le montant est inférieur, il doit être
complété ; s’il est supérieur, l’excédent est soumis au consentement des héritiers. Cette règle s’explique par le
souci de ne pas léser les héritiers.

118
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial, fondement du lien
familial

enfants d’un fils prédécédé1. La même disposition intitulée « héritage par substitution » se
retrouve dans les Code algérien et tunisien2. Le second limite néanmoins les bénéficiaires
du legs obligatoire à la première souche des descendants3, c’est-à-dire aux petits-enfants
du de cujus, alors que le legs obligatoire joue à l’infini et sans limitation de degré en droit
marocain.

1
Si le descendant prédécédé ne laisse qu’une seule fille, celle-ci n’a droit qu’à la moitié de la part de son auteur.
2
Art. 191 et 192.
3
Le legs obligatoire ne joue pas au profit des collatéraux.

119
Conclusion du chapitre second

140. Après avoir tenté de démontrer, dans un premier chapitre, qu’il existe une unité
dans la conception occidentale et musulmane du lien matrimonial, il convenait de vérifier
la réalité de cette concordance aujourd’hui. Au cours de l’étude, il est rapidement apparu
que l’équilibre qui garantissait autrefois au lien familial son harmonie et sa pérennité a été
rompu en Occident à partir des années 1960. La construction législative sur laquelle
reposait le mariage depuis des siècles est remise en cause au nom des nouvelles exigences
d’égalité, de liberté individuelle et de bonheur. La libéralisation des relations conjugales
qui s’ensuit repose désormais sur l’idée nouvelle qui consiste à gommer toute trace
d’inégalité entre les époux. La nouvelle architecture du lien matrimonial, consacrant une
famille moderne et égalitaire, fragilise corrélativement le lien familial. Le juste équilibre
entre les intérêts individuels des membres de la famille est abandonné au profit de la mise
en place d’une situation librement concurrentielle entre eux, appréhendée en termes
d’identité de droits. Dans ce contexte, l’admission de la pluralité des cas de divorce par la
loi de 1975 consacre l’instabilité du lien matrimonial au nom de la poursuite du droit au
bonheur. La volonté individuelle de chacun des époux, libre et autonome, suffit désormais
à faire et à défaire le lien matrimonial, conformément à la transformation de la nature du
mariage, désormais simple lien civil.
Plus tardivement dans les pays du Maghreb, une évolution similaire poussera le législateur,
également épris d’égalité, à procéder à un rééquilibrage des relations conjugales au profit
de l’épouse. Loin d’ouvrir une situation de libre concurrence entre les conjoints, le
législateur marocain substitue au régime familial patriarcal un régime de patriarcat libéral.
Le recours à la technique de l’effort jurisprudentiel de l’ijtihad constitue la preuve
incontestable que le droit musulman est un droit vivant, reflétant les besoins de la société
arabe moderne1. À cette fin, le législateur n’a pas hésité à s’ouvrir à d’autres écoles
doctrinales afin d’y puiser des solutions plus souples, sans jamais contredire les textes

1
À ce sujet, M. TOUALBI a brillamment démontré dans sa thèse, selon la méthode historique, l’aptitude de la
charia à évoluer pour s’adapter aux enjeux sociaux et politiques du monde contemporain 1. Son caractère flexible
permet sans conteste « son aptitude naturelle à épouser les variations du temps historique »1 administrant ainsi la
preuve de son caractère pluriculturel et proprement universaliste tant au temps de la Révélation comme en celui
des premiers califes de l’Islam. Celui-ci conteste l’invariance normative de la charia, telle qu’avancée par la
CEDH le 31 juillet 2001, dans un arrêté rendu public en réponse à une requête qui lui était adressée par le parti
turc Refah dissous le 16 janvier 1998 par la Cour constitutionnelle d’Ankara. Cette invariance normative sous
tend, selon l’auteur, un discours récurrent présentant l’Islam comme une antithèse de la modernité sociale et du
progrès. Comme le souligne A. GRESH, il semble désormais évident que « la situation de la femme musulmane
ne découle pas du Coran, mais son oppression peut trouver alibi dans tel ou tel verset, ou dans la manière dont la
tradition l’a interprété. Pour comprendre cette interaction, il faut faire un long détour par l’histoire, mais aussi
par la façon dont s’est élaboré le dogme et se sont propagées les croyances ». V. I. TOUALBI, Le droit
musulman : de « l’interdiction de la jurisprudence » aux tentatives de réforme, Thèse, Paris I, 2011, pp. 636-37.

120
fondamentaux1. Dans le même sens que l’entreprise égalitaire française, le législateur
marocain facilite l’accès au divorce au profit des femmes, sans toutefois aller jusqu’à la
reconnaissance d’un droit absolu au divorce. La nouvelle physionomie du lien matrimonial
issue de la réforme permet donc de s’éloigner de l’idée d’un droit musulman rigide et
primitif tel que perçu par nombre de législations étrangères. C’est bien la preuve qu’au
delà d’un présupposé caractère immuable de la loi religieuse, les évolutions en la matière
sont tributaires de la volonté politique.
En somme, l’évolution du droit de la famille est la même d’une part et d’autre de la
Méditerranée, bien qu’elle demeure distincte sur les fondements et les objectifs qui y
président.

1
Ce qui est en parfaite conformité avec l’esprit même de l’Islam dès ses débuts. En effet, les trois premiers
siècles de l’Islam témoignent d’une abondante et riche réflexion, débutée par le prophète MOHAMMED (saw),
ainsi que la grande liberté accordée aux Califes qui lui succédèrent et premiers jurisconsultes afin de légiférer
selon la réalité de la société arabe, à l’époque encore très changeante.

121
Conclusion du titre premier

141. Ce premier titre a permis de mettre en relief que le relâchement du lien familial
constitue la conséquence directe d’une approche du mariage comme simple lien civil entre
les conjoints. Le raisonnement du législateur en termes d’équivalence des droits a permis
de souligner en premier lieu que le droit contemporain exprime une faveur de principe pour
la famille égalitaire. Il convenait donc d’évaluer l’ampleur de cette tendance, et le constat
est sans appel. Il est possible aujourd’hui de parler d’un véritable principe fondateur du
droit de la famille, tant l’exigence d’égalité dans la famille a été le principe directeur de la
réécriture des textes. À partir de l’épicentre constitué par le volet patrimonial de la famille,
la tendance égalitaire se développe en faveur d’une association patrimoniale conjugale, qui
contamine assez rapidement la dimension personnelle, particulièrement le droit du divorce.
La vitesse de propagation des vertus du principe d’égalité témoigne bien d’une volonté
législative déterminée de remodeler les relations interindividuelles sur une base
parfaitement égalitaire. Or, les présents développements ont permis de révéler que la
recherche d’une stricte égalité entre les conjoints ne s’adapte qu’imparfaitement au cadre
familial. Celui-ci suppose une inégalité structurelle des rapports conjugaux, inhérente à la
nature même de l’homme et de la femme qui assurent, chacun pour leur part, des fonctions
différentes. Cette inégalité structurelle ne doit nullement s’analyser en une infériorité de la
femme par rapport à l’homme, mais elle permet d’atteindre une complémentarité
harmonieuse des deux sexes. La mise en place d’une égalité (qui passe par l’identité des
droits) là où elle n’a pas lieu d’être1 ne peut conduire qu’à la révolte de l’un contre l’autre 2
au sein de la structure familiale. C’est pourquoi nous ne pensons pas que la famille
constitue le terrain privilégié à une telle entreprise. Jusque là, et malgré la généralisation de
la tendance égalitaire, lien matrimonial et lien familial forment encore une seule et même
paire, l’un demeurant le préalable de l’autre. Bien que des signes de distension
commencent à se faire jour, le mariage et la famille ne formant plus ce « tout » unitaire et
harmonieux tel que décrit, au moins dans les textes, dans notre premier chapitre, ils
n’affectent pas le fondement matrimonial du lien familial.
En second lieu, a été mise en lumière une tendance grandissante pour l’autodétermination
dans les relations familiales. Ce second principe directeur gouverne aujourd’hui tant le

1
C. LABRUSSE-RIOU, « Droits de l’homme et institution des liens familiaux : une relation explosive ou
pervertie ? », in La famille, le lien et la norme, Actes du colloque de l’Institut des Sciences de la Famille,
Université Catholique de Lyon, les 10 et 11 mai 1996, Paris, l’Harmattan, 1997.
2
M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers,
DMM, 2013, p. 16.

122
droit substantiel que le droit processuel1 de la famille, et la volonté individuelle décide
désormais seule du maintien et de la dissolution du lien matrimonial au nom du droit au
bonheur2. L’idée phare présidant aux nouveaux rapports familiaux ne repose plus sur la
nécessité de maintenir le lien matrimonial en vue de pérenniser le lien familial, mais
davantage sur l’idée de bonheur individuel au fondement de l’épanouissement familial. Ce
changement de philosophie sur lequel repose désormais le droit de la famille a, sans
conteste, contribué à fragiliser le lien familial.
Au Maghreb, la nécessité de modifier une législation désuète au regard de l’évolution de la
société a été pensée par un législateur soucieux d’inscrire le changement dans la continuité.
Une telle orientation permet une meilleure appropriation des nouvelles dispositions par la
société civile et les acteurs judiciaires, en s’inscrivant dans la tradition juridique islamique.
L’utilisation raisonnée du principe d’égalité dans les relations familiales doit donc être
approuvée. Elle contribue à pérenniser l’idée d’un lien matrimonial, fondement du lien
familial. Néanmoins, la place large qui a été faite en pratique au principe de libre rupture
au profit de l’épouse fragilise le lien matrimonial. Loin d’inciter à un divorce « à tout-va »,
le principe d’égalité devant la rupture instauré par le législateur atteste bien, au demeurant,
du fragile équilibre en matière matrimoniale. À la fragilité consubstantielle de celui-ci du
fait d’une pratique autrefois excessive de la répudiation (privilège masculin), le lien
matrimonial pâtirait aujourd’hui d’une libéralisation du divorce au profit des femmes, dans
un contexte d’émancipation professionnelle de ces dernières. Or, c’est très justement à ce
stade qu’un équilibre devrait pouvoir être trouvé, et l’indépendance financière et
professionnelle de la femme ne doit pas être acquise au prix d’une instabilité du lien
familial. La liberté acquise ne doit pas être comprise comme une liberté au sens
individualiste du terme, mais une liberté comprise en termes de responsabilité.
Dans ce contexte, la commune évolution constatée du droit de la famille dans les deux
législations soulève la question du fondement du lien familial. À l’heure où la stabilité du
lien matrimonial fait défaut, un nouveau fondement doit être pensé afin d’assurer la
stabilité du lien familial.

1
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
2
E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur », in Mélanges en l’honneur de Pierre VOIRIN, Paris,
LGDJ, 1967, pp. 678-709.

123
Titre second. Le lien familial détaché du
lien matrimonial
142. L’émergence de la coparentalité post divorce. L’idée fédératrice du droit de la
famille depuis la loi du 4 mars 2002 est celle de coparentalité 1. Ce principe suggère l’idée
exprimée dans le vocabulaire juridique CORNU d’une « organisation idéale de l’autorité
parentale fondée sur le respect, en chacun des parents, de sa vocation parentale et la faveur
de leur collaboration, qui se réalise plus ou moins parfaitement selon les cas, par l’exercice
conjoint de l’autorité parentale chaque fois que possible »2. Ce vœu, s’il poursuit un
objectif louable, semble trouver une limite dans la fréquence des séparations conjugales.
Or, pour être exercée en commun, l’autorité parentale commande l’union du couple
conjugal. L’instabilité constatée du lien matrimonial s’accommode mal de la stabilité
requise pour l’éducation d’un enfant. Le processus de déconnexion entre mariage et famille
a renversé la logique d’une famille censée accueillir un enfant. Désormais, la famille
permet d’élever l’enfant à deux.
143. L’enfant fondement de la famille. La nécessité de régénérer un lien aussi
spécial que le lien familial a conduit à rechercher en la personne de l’enfant la stabilité
requise des individus, quitte à faire de celui-ci le nouveau mythe fondateur du droit
contemporain de la famille3 (Chapitre 1). Le mouvement qui se dessine conduit à porter
l’indissolubilité initiale du mariage4 vers les liens qu’entretient l’enfant avec ses deux
parents5. Dans ce contexte, l’intérêt de ce dernier devrait constituer le critère unique de
prise de décision. Lorsqu’un des parents décide de « refaire sa vie », sa place doit
doublement être réfléchie. Balloté entre le principe de coparentalité lors de la rupture et
d’une recomposition familiale de plus en plus fréquente, l’enfant est amené à partager son
quotidien avec un adulte -voire plusieurs adultes successifs - qu’il ne connaît pas mais qui

1
C. NEIRINCK, « Parenté et parentalités, aspects juridiques », in Lien familial, lien social, M. DELAGE,
P. PEDROT (dir. de), Grenoble, PUG, 2003, pp. 59-74.
2
G. CORNU (dir. de), Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, Paris, 10ème éd., Quadrige, 2014,
p. 273.
3
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, pp. 249-270.
4
De même que les sanctions qui y étaient liées se sont déplacées de la sphère conjugale pour recouvrir leur
pleine effectivité sur le terrain parental, notamment dans les relations familiales verticales. En ce sens :
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses »,
2014, spec. la deuxième partie du travail de thèse.
5
Ce qu’Irène THERY qualifie comme étant « une contrepartie très forte à la liberté accrue du couple : l’obligation
corrélative pour chacun des deux parents de maintenir sa responsabilité à l’égard de l’enfant, et de respecter et
encourager celle de l’autre ». I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de
la famille et de la vie privée, Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux,
ministre de la Justice, Paris, éd. Odile Jacob&La Documentation française, 1998, p. 194.

124
sera appelé à participer, même occasionnellement, à sa prise en charge quotidienne et à son
éducation. Ces nouvelles configurations alimentent la diversité des situations familiales et
justifient l’attention du législateur (Chapitre 2). Surtout, elles corroborent l’idée que
l’enfant fait la famille. Bien plus que cela, le lien de parenté qui découle en principe du
rattachement de l’enfant à ses parents est, de plus en plus, valorisé dans sa dimension
éducative. Cette nouvelle dimension du lien de parenté traduit l’engagement libre et
volontaire d’un adulte de prendre en charge un enfant qui n’est pas sien mais avec lequel il
est amené à vivre du fait de leur vie commune. À la place centrale que prend l’enfant dans
l’écriture des nouveaux textes fait écho le rôle éducatif grandissant d’adultes auprès
d’enfants dont ils ne sont pas parents. Il en découle un mouvement ascensionnel de la place
occupée par l’enfant en droit de la famille, à tel point que la parenté -dans sa seule
dimension éducative- est aujourd’hui appelée au secours d’un lien familial qui pèche par
son instabilité.

125
Chapitre premier. Du lien familial au lien parental

144. L’objectif de maintien du lien. En instaurant le principe de coparentalité


applicable à tous les enfants et dans toutes les situations, le législateur a non souhaité
remédier à l’effritement du lien parental après la séparation, mais il a également veillé à
mettre en place une stricte égalité parentale entre les père et la mère. Fidèle à la
Recommandation (REC 2006) 19 du comité des ministres du Conseil de l’Union
européenne relative aux politiques visant à soutenir une parentalité positive, il met en place
un dispositif favorisant un exercice renforcé de la coparentalité1 au profit des parents
(Section 1). Aussi efficace puisse être ce dispositif, il ne peut pourtant pas nier les effets de
la rupture. Conscient de cette réalité, le législateur a prévu des mesures permettant de
pacifier le conflit post-conjugal. En cours d’édifice, la médiation familiale peut constituer
un cadre extra judiciaire ouvert au dialogue et propice au rétablissement des liens. Lorsque
l’objectif d’apaisement du conflit est atteint, une meilleure coopération peut être mise en
place afin d’exercer une coparentalité réfléchie dans l’intérêt de l’enfant (Section 2).

1
V. en ce sens le dossier Coparentalité à l’AJ famille, 2009, n° 4, pp. 148-169.

126
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La coparentalité renforcée au profit des parents

145. La parentalité, une situation de fait ? L’intérêt doctrinal pour la parentalité1


empêche de la voir comme un simple synonyme de l’« autorité parentale ». Bien que la
confusion ait été favorisée par l’identité de leur radical, les deux situations sont bien
distinctes. La parentalité2 renvoie à des situations factuelles calquées sur la relation
parentale3 qui n’en relèvent pourtant pas, tandis que l’autorité parentale engage l’idée de
parenté que le droit reconnaît. L’indétermination juridique de son contenu met en relief un
aspect fuyant4 et protéiforme5, dont les contours se dessinent au gré des objectifs
poursuivis. Si l’on a pu y voir l’ensemble des prérogatives parentales exercées par des tiers
sur l’enfant6, la parentalité n’embrasse qu’un domaine étroit en comparaison avec l’autorité
parentale. Ni la dimension liée à la parenté, ni celle concernant les biens ou l’intérêt de
l’enfant n’y sont considérés car le tiers exerce des prérogatives de facto. Faute de lien
juridique, le tiers et l’enfant sont des étrangers l’un à l’autre. La parentalité s’en trouve
réduite à une sorte d’autorité parentale limitée à sa dimension éducative.
146. Distinction avec l’autorité parentale. L’emploi du terme parentalité pour
désigner l’exercice conjoint de l’autorité parentale accentue la confusion entre les deux
notions7 et permet de penser qu’elle constitue aujourd’hui le réel « serpent de mer » du
droit civil de la famille8. Telle qu’abordée, cette chose non identifiée9 fait sienne la
dimension personnelle mais aussi patrimoniale de la relation parentale. Or, le droit civil a

1
D. FENOUILLET, « La parentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », Arch. philo. dr., Dossier
« La famille en mutation », t. 57, 2014, pp. 95-122. Sur la dimension sociologique de cette notion et les dangers
de son usage en droit, cf. : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexions critiques d’une juriste sur la “parentalité” », in
Mélanges en l’honneur du professeur Jean HAUSER, Dalloz-LexisNexis, 2012, pp. 41-58.
2
S. BALIAN, « Néologismes législatifs pour la forme ? », in Droit civil, procédure, linguistique juridique, Écrits
en hommage à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, pp. 1-7.
3
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, Quadrige, 2014, p. 733.
4
I. THERY, Couple, filiation, parenté, rapp. precit., p. 195.
5
Cette situation contraste avec la définition plus riche et plus large adoptée par le comité national de soutien à la
parentalité lors de sa séance du 20 novembre 2011. La parentalité est ainsi définie : il s’agit de « l’ensemble des
façons d’être et de vivre le fait d’être parent. C’est un processus qui conjugue les différentes dimensions de la
fonction parentale, matérielle, psychologique, morale, culturelle, sociale. Elle qualifie le lien entre un adulte et
un enfant, quelle que soit la structure familiale dans laquelle il s’inscrit, dans le but d’assurer le soin,
le développement et l’éducation de l'enfant. Cette relation adulte/enfant suppose un ensemble de fonctions, de
droits et d’obligations (morales, matérielles, juridiques, éducatives, culturelles) exercés dans l’intérêt supérieur
de l’enfant en vertu d’un lien prévu par le droit (autorité parentale). Elle s’inscrit dans l’environnement
géographique, social et éducatif où vivent la famille et l’enfant ».
6
Ibidem., p. 733.
7
Madame le professeur FENOUILLET doute de l’existence d’une notion juridique s’agissant de la parentalité, tant
il est malaisé d’en déterminer les éléments constitutifs fixes et un régime juridique précis. D. FENOUILLET, « La
parentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », art. precit., pp. 112-113, spec. n° 34.
8
Pour emprunter l’expression de M.-L. CICILE-DELFOSSE, « Le beau-parent, serpent de mer du droit civil de la
famille », in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard Champenois, Paris, LGDJ, 2012.
9
Pour reprendre l’expression utilisée par le professeur FENOUILLET, art. precit., p. 98, spec. n° 7.

127
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

toujours distingué le devoir d’entretien de l’enfant de l’autorité parentale, le premier étant


un effet de la seconde. C’est pourquoi le raisonnement en termes de parentalité est
contestable, car il conduit à emprunter un raccourci en court-circuitant l’autorité parentale
telle que juridiquement construite, associant l’effet au pouvoir en vue de revendiquer le
statut. Cette mise à l’épreuve de la parenté aboutit à une sorte de parentalité remontante
qui à terme, favorise la revendication d’un lien de filiation à l’égard de l’enfant1.
Perturbant le droit de la famille dans sa dimension relative aux rapports parentaux, elle se
décline désormais sous toutes les occurrences : pluriparentalité, monoparentalité,
homoparentalité et coparentalité.
147. Le maintien du lien parental au-delà de la séparation. Le prononcé du
divorce est sans incidence sur la relation parentale2. Au couple conjugal, le législateur
décide de substituer le couple parental comme assise de sa politique familiale. Vœu
louable, la mise en œuvre de cette politique peut buter sur plusieurs obstacles. La
coparentalité au sein d’un couple vivant une rupture pacifiée n’est pas vécue de la même
manière qu’un couple vivant un état de conflit grave 3. Dans cette dernière situation,
l’intervention du juge est nécessaire pour faire respecter la coparentalité. Tout en
l’aménageant selon les besoins du couple et ce qu’exige l’intérêt de l’enfant, le juge veille
à sa réalisation matérielle (§1). À l’inverse, celui-ci pourra favoriser l’entente post
conjugale afin d’amener le couple à trouver lui-même la meilleure solution pour son
enfant. Dès 1993, le législateur offre les moyens favorisant un traitement pacifié du conflit
familial. Il instaure un cadre juridique à la médiation judiciaire en général, familiale en
particulier (§2). Dans ce cas de figure, la coparentalité fait l’objet d’un processus réfléchi.

§1) La coparentalité imposée

148. La coparentalité imposée d’en haut. Divers instruments juridiques


internationaux et régionaux rappellent le droit de l’enfant d’entretenir des relations
personnelles avec ses parents. La Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989
mentionne expressément le droit de l’enfant « d'entretenir régulièrement des relations
personnelles et des contacts directs avec ses deux parents ». Ce droit fondamental est
protégé par la Convention européenne des droits de l’homme sous l’angle de l’article 8 :
« Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ». Cette
disposition garantit le droit des parents de maintenir des contacts réguliers avec leurs

1
Ibidem., p. 107, spec. n° 25.
2
Et l’article 373-2 al. 1 dispose que : « La séparation des parents est sans incidence sur les règles de dévolution
de l’exercice de l’autorité parentale ».
3
C’est pourquoi il convient de s’interroger sur la portée, en droit, de l’affirmation selon laquelle la séparation
des parents ne modifie pas les conditions d’exercice de l’autorité parentale. Le but est-il de promouvoir une
égalité à tout prix entre les parents ? Ou est-ce l’intérêt de l’enfant et de la famille plus globalement qui
justifierait la nécessité de la mesure ?

128
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

enfants. Il ne peut être restreint ou exclu que pour de sérieuses raisons et lorsque l’intérêt
de l’enfant le commande. En encourageant les États à adopter des principes communs en
matière de droits parentaux (A), les textes leur proposent un modèle de coparentalité
commun qu’ils ont la charge de promouvoir (B).

A) Les normes internationales et régionales incitant à la coparentalité

149. La promotion du principe de coparentalité en droit international et


européen. En énonçant que « les père et mère exercent en commun l’autorité parentale »,
l’article 372 alinéa 1 du Code civil consacre la coparentalité1. L’exercice à égalité par les
père et mère de leur autorité parentale satisfait à l’exigence posée à l’article 7 de la
Convention de New York. En vertu de ce texte, l’enfant a le droit d’être élevé par ses deux
parents2. Lorsque l’enfant est séparé de ses deux parents ou de l’un d’eux, les États parties
doivent respecter l’obligation « d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des
contacts directs (…) sauf si cela est contraire à l’intérêt supérieur de l’enfant »3. En dépit
de cette affirmation, la séparation des parents ne favorise pas l’exercice de ce droit.
Consciente de cette limite, la Convention prévoit la possibilité de conserver des contacts et
des relations personnelles avec le parent chez qui l’enfant ne réside pas habituellement.
Elle exhorte à cette fin les États parties « à assurer la reconnaissance du principe selon
lequel les parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever l’enfant et
d’assurer son développement »4. Autant de dispositions constituent une déclinaison du
droit au respect de la vie familiale5 au profit du mineur, érigé en droit fondamental que les
États parties à ladite Convention doivent faire respecter.
150. Réception en droit interne. Après avoir refusé douze années6 durant de
reconnaître un effet direct7 à la Convention internationale des droits de l’enfant (ci-après
CIDE), la Cour de cassation8 affirme en 2005 l’application directe de deux de ses

1
A. GOUTTENOIRE-CORNUT, « La consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars 2002 », Rev. dr. fam.,
2002, étude 11 ; F. VAUVILLE, « Du principe de coparentalité », LPA, 18 oct. 2002, n° 209, pp. 4-11.
2
G. MEUNIER, L’application de la convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant dans le droit
interne des États parties, Paris, l’Harmattan, 2002.
3
Art. 9 de la CIDE.
4
Art. 18 de la convention.
5
A. KIMMEL-ALCOVER, « Le droit à la vie familiale à l’épreuve de la séparation », in La convention
internationale des droits de l’enfant, une convention particulière, C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de), Paris,
Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2014, pp. 43-54.
6
Cf. arrêt Lejeune, cass. civ. 1ère, 10 mars 1993 ; M.-CL. RONDEAU-RIVIER, « La Convention des Nations Unies
devant la Cour de cassation : un traité mis hors jeu », D., 1993, chron. LIV, p. 203 et s.
7
W. MASTOR, « À propos de son caractère self executing », in La convention internationale relative aux droits
de l’enfant, une convention particulière, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2014, pp. 7-13.
8
Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Rev. dr. fam., 2005, comm. 156, obs. A. GOUTTENOIRE ; RJPF,
2005, n° 9, 31, note F. EUDIER.

129
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

dispositions : le premier se rapporte à l’intérêt supérieur de l’enfant devant constituer une


considération primordiale dans toute décision le concernant (article 3-1 CIDE) ; le second
lui confère le droit d’être entendu par le juge dans toute procédure qui le concerne (art. 12-
2 CIDE). Malgré la reconnaissance de nombreux droits au profit des enfants, cette
Convention semble toujours insuffisante1. Le relais pris par d’autres instruments régionaux
permet une meilleure protection des droits de l’enfant, tant dans l’exercice effectif des
droits proclamés que l’octroi de droits procéduraux.
151. L’évolution de la CEDH vers la coparentalité. L’article 5 du Protocole n° 7
de la CEDH énonce que les époux jouissent entre eux de l’égalité des droits et des
responsabilités de caractère civil. La même exigence d’égalité est de mise dans leurs
relations avec leurs enfants au regard du mariage et à sa dissolution. Dans ce contexte, la
coparentalité en cas de séparation ou de divorce du couple ne suscite que peu de
controverse dans les législations des États membres, qui ne distinguent ni selon le sexe des
parents, ni selon les conditions de naissance de l’enfant. Pendant de nombreuses années
pourtant, l’exercice conjoint de l’autorité parentale n’était pas de mise au sein des familles
naturelles. Deux affaires portées devant la Commission européenne en attestent. L’une
concernait le droit allemand qui ne permettait pas un tel exercice lorsque les parents
n’étaient pas mariés, l’autre mettait en cause le droit danois qui n’admettait pas la
coparentalité lorsque la mère s’y opposait2. Dans les deux cas, la Commission a admis
qu’une législation différente pouvait régir la famille légitime et la famille naturelle en
prévoyant une attribution préférentielle de l’autorité parentale à la mère au regard de « la
nature particulière de la famille naturelle », jugée plus précaire et moins conforme à
l’intérêt de l’enfant que la famille légitime3. Le raisonnement reposait sur une sorte de
présomption de capacité à être titulaire de l’autorité parentale dans le cadre du mariage,
faisant défaut lorsque le couple ne l’était pas. En 2003, la Cour EDH4 avait se prononcer
sur la conformité du droit allemand qui accordait au père légitime un droit de garde et de
visite5 sans reconnaître le même droit au profit du père naturel6. La Cour conclut à la
violation des articles 8 et 14 de la Convention, combinés au motif que seules de très fortes
raisons -absentes en l’espèce- pouvaient conduire à une différence de traitement fondée sur

1
V. C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de), La convention internationale relative aux droits de l’enfant, une
convention particulière, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2014, spec. la seconde partie.
2
Comm. eur. dr. h., 15 mars 1984, B.R. et J. c/ Allemagne ; Comm. eur. dr. h., 9 oct. 1989, N. c/ Danemark.
3
V. COUSSIRAT-COUSTERE, « La notion de famille dans les jurisprudences de la Commission et de la Cour
européenne des droits de l’Homme », in Internationalisation des droits de l’homme et évolution du droit de la
famille, Paris, LGDJ, 1996, pp. 45-74.
4
CEDH, 8 juil. 2003, Sommerfeld c/ Allemagne ; CEDH, 8 juil. 2003, Sahi c/ Allemagne.
5
Sur ce point, la Cour européenne a estimé, à l’occasion d’un arrêt de condamnation en 2015, que les autorités
allemandes n’ont pas réalisé les efforts adéquats et efficaces aux fins d’exécution d’une ordonnance fixant un
droit de visite au profit du père. Il en découle la violation de l’article 8 de la CEDH, combiné à l’article 13, car le
père n’a pu, en sus, bénéficier d’un recours effectif qui aurait permis d’accélérer la procédure. CEDH, 5 ème sect.,
15 janv. 2015, n° 62198/11, AJ fam., 2015, p. 101, E. VIGANOTTI.
6
Le père naturel avait l’obligation d’établir que sa demande servait l’intérêt de l’enfant.

130
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la naissance hors mariage. La lourde charge probatoire imposée au père naturel révélait,
selon la Cour, une présomption qui lui était défavorable. Surtout, elle conférait à
l’influence exercée par la mère sur l’enfant un poids décisif. Le revirement est notable
depuis l’avis de la commission en 1984.
152. Le contrôle de l’effectivité de la relation parentale par la CEDH. La
question relative à la coparentalité ne s’est plus vraiment posée dès lors que la plupart des
pays signataires de la Convention ont réformé leur législation sous l’influence des articles
5 et 18 de la CIDE1, conjugués à l’article 5 du protocole n° 7 de la Convention européenne.
Aujourd’hui, la Cour européenne des droits de l’homme estime que le fait pour un parent et
son enfant d’être ensemble constitue un élément fondamental de la vie familiale 2 qui
implique le droit de maintenir les liens en cas de séparation3. Plus controversées sont les
questions de l’effectivité de la coparentalité suite à la rupture du couple ainsi que du droit
plus général de l’enfant au maintien de ses liens personnels 4. Si la Cour reconnaît de
manière souple5 et évolutive le droit au respect de la vie familiale, particulièrement à
l’égard des tiers entretenant des liens de parenté avec l’enfant6 -et ceux qui ont tissé une
relation familiale de fait7 avec lui- la Cour veille spécialement à apprécier l’effectivité du
lien familial entre les enfants et leurs parents. Une obligation positive –de moyens8- du
respect effectif de la vie familiale9 est mise à la charge des États. Une jurisprudence
constante permet la sanction du non-respect de cette obligation10. C’est notamment le cas

1
Lesquels reconnaissent l’égalité parentale entre familles naturelle et légitime.
2
CEDH, 24 mars 1988, Olssen c/ Suède, Les grands arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, Paris,
PUF, coll. « Thémis Droit », 2005, n° 43; JDI, 1989, 789, obs. P. TAVERNIER.
3
C’est pourquoi la décision d’éloignement d’un étranger en situation irrégulière, dans la mesure où elle entraîne
une séparation des membres de la famille, porte atteinte au droit au respect à la vie familiale tel que prévu à
l’article 8 de la convention, et est contraire à l’intérêt de l’enfant. En ce sens : CEDH, 31 janv. 2006, Rodriguez
Da Silva et Hoogkamer; CEDH, 28 janv. 2011, Nunez c/ Norvège, Rev. dr. fam., 2012, étude n° 10, obs.
A. GOUTTENOIRE.
4
En ce sens : S. GRATALOUP, L’enfant et sa famille dans les normes européennes, Paris, LGDJ, 1998.
5
La Cour se montre néanmoins moins exigeante quant au critère d’effectivité. V. notamment CEDH, 26 mai
1994, Keegan c/ Irlande, dans lequel elle reconnaît l’effectivité d’une vie familiale entre un père et son enfant
dont les relations étaient limitées à une visite de ce dernier à la maternité. L’exigence d’effectivité est tempérée
lorsqu’existe une volonté projetée d’avoir des relations familiales, laquelle se trouve contrariée en raison de la
législation relative aux droits des étrangers : CEDH, 28 mars 1985, Abdulaziz, Cabales et Balkandali c/
Royaume-Uni.
6
Lorsqu’il s’agit des grands-parents : CEDH, 13 juil. 2004, Pla et Puncernau c/ Andorre. Lorsqu’il s’agit des
frères et sœur de l’enfant : CEDH, 24 avr. 1996, Boughanemi c/ France ; CEDH, 21 oct. 2004, I. et U. c/
Norvège. Lorsqu’il s’agit de l’oncle de l’enfant : CEDH, 8 fév. 1994, Boyle c/ Royaume-Uni.
7
Voir notamment l’arrêt X, Y et Z c. Royaume-Uni du 22 avril 1997, n° 21830/93, JCP, G, I, 107, obs. F. SUDRE.
Plus récemment, cf. CEDH, 15 mars 2012, Gas et Dubois c/ France. Au bénéfice d’une famille d’accueil :
CEDH, 27 avr. 2010, Moretti et Benedetti c/ Italie.
8
CEDH, 15 avr. 2014, Krasicki c/ Pologne, n° 17254/11; AJ fam., 2014, p. 373, E. VIGANOTTI.
9
CEDH, Zhou c/ Italie, 21 janv. 2014, n° 33773/11.
10
CEDH, 30 juin 2005, Bove c/ Italie ; CEDH, 22 nov. 2005, Reigado Ramos; CEDH, 29 juin 2004, Volesky c/
République tchèque ; CEDH, 26 avr. 2007, Patera c/ République tchèque ; CEDH, 22 juil. 2006, Lafargue c/
Roumanie ; CEDH, 18 janv. 2007, Zavrel c/ République tchèque. Lorsque les parents vivent à l’étranger :
CEDH, 28 sept. 2005, Fourchon c/ France. Plus récemment : CEDH, 17 déc. 2013, aff. 51930/10, Nicolò

131
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

lorsque la Cour condamne l’État Croate à l’occasion de l’arrêt Ribic1. Le défaut


d’effectivité du droit de visite du requérant avait abouti à ce que ce dernier ne voit son fils
que trois fois en dix-huit ans, ce qui est constitutif d’une violation de son droit au respect
de sa vie familiale. La Cour, loin de ne sanctionner que l’atteinte à la vie familiale,
condamne également le défaut d’exécution 2 d’une décision fixant la résidence de l’enfant
auprès de l’un de ses parents, ainsi que le manque de diligence des autorités lorsqu’elles
n’émettent qu’une simple recommandation de traiter en priorité des procédures relatives au
droit de visite. Une telle recommandation est considérée comme insuffisante à offrir au
père un recours effectif en vue d’obtenir une réparation pécuniaire, mais aussi pour
accélérer la procédure relative à son droit de visite3. De telles obligations positives, mises à
la charge des États, favorisent la convergence des législations européennes et permettent de
dessiner un modèle parental européen.
153. La Convention sur les relations personnelles de l’enfant et la notion de liens
de famille. Dans le cadre de sa politique sociale et familiale, le Conseil de
l’Europe développe des conventions et des recommandations émanant de l’Assemblée
Parlementaire ou du Comité des Ministres. Ces recommandations incitent, elles aussi, les
États membres à adopter des principes communs. Parmi les travaux touchant
spécifiquement aux relations familiales, deux sont significatifs de l’attention portée à la
protection des liens personnels de l’enfant4 et des nouvelles formes de parentalité. La
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants5 (de moins de 18 ans)

Santilli c/ Italie, Rev. Lamy dr. civ., 2014, n° 3. Pour la Cour, « méconnaît le droit au respect de la vie familiale
l’État qui n’a pas déployé les efforts adéquats et suffisants pour faire respecter le droit de visite d’un père, alors
que l’inexécution des décisions judiciaires, principalement imputable à l’attitude de la mère, a perduré plus de
six ans » ; CEDH, 4ème sect., 17 nov. 2015, n° 35532/12 ; AJ fam., 2016, E. VIGANOTTI, p. 50. Concernant le
refus de l’État suisse d’accorder l’autorisation de séjour qui aurait permis de rendre effectif le droit de visite
d’une mère originaire des Philippines : CEDH, 30 juillet 2013, Polidario c/ Suisse, n° 33169/10.
1
CEDH, 2 avr. 2015, n° 27148/12, Ribic c/ Croatie, Rev. dr. fam., 2015, J. COUARD, alerte 43. Dans le même
sens : CEDH, 11 juin 2013, Prizzia c/ Hongrie, n° 20255/12.
2
CEDH, 16 oct. 2014, Vorzhba c/ Russie, n° 57960/11 ; AJ fam., 2014, E. ROUILLARD, p. 696.
3
CEDH, 15 janv. 2015, Kuppinger c/ Allemagne, n° 62198/11 ; AJ fam., 2015, E. VIGANOTTI, p. 101.
4
En 1984, le Comité des ministres a adopté la Recommandation n° R (84) 4 sur les responsabilités parentales.
Deux idées sont sous-jacentes à cette recommandation. La première repose sur « une conception moderne selon
laquelle les parents, sur un pied d’égalité entre eux et en concertation avec leurs enfants, sont investis d’une
mission d’éducation, de représentation légale, d’entretien, d’administration des biens des enfants ». La seconde
exprime l’idée selon laquelle il convient d’ « encourager les parents à remplir leurs tâches en harmonie tout en
consultant leurs enfants chaque fois que cela semble indiqué ».
5
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants, 15 mai 2003, STE n° 192. Le Comité
d’experts sur le droit de la famille (CJ-FA), sous l’autorité du Comité européen de coopération juridique (CDCJ)
a crée en 1996 le groupe de travail sur la garde et le droit de visite (CJ-FA-GT1) afin d’améliorer le droit des
enfants d’entretenir des relations personnelles et des contacts directs avec les deux parents de façon régulière.
L’internationalisation constante des relations familiales en Europe a nécessité l’amélioration des mécanismes de
coopération internationale en matière de droit de visite transfrontalier. C’est pourquoi, à l’issue de la troisième
Conférence européenne sur le droit de la famille, tenue à Cadix du 20-22 avril 1995, celle-ci recommande au
Conseil de l’Europe de procéder à un examen plus approfondi de la question. Approuvée successivement par le
Comité d’experts puis le Comité européen de coopération juridique, avant d’être adoptée par le Conseil des
Ministres lors de sa 110ème session, la Convention élaborée par le groupe de travail est ouverte à signature le 15
mai 2003 à Strasbourg, à l’occasion de la 112ème session du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe.

132
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

constitue le texte le plus abouti en matière de protection des liens de l’enfant, notamment
avec un tiers. L’objet de cette Convention répond à la « nécessité d’adopter de
nouvelles dispositions pour préserver les relations personnelles entre les enfants et leurs
parents, et les autres personnes ayant des liens de famille avec les enfants »1 en raison de
« la nécessité de promouvoir dans les États l’adoption de principes communs au sujet des
relations personnelles concernant les enfants, notamment pour faciliter l’application des
instruments internationaux dans ce domaine ». C’est pourquoi « un instrument
international supplémentaire est nécessaire pour fournir des solutions, notamment en
matière de relations personnelles transfrontières concernant les enfants ». La notion de
« liens de famille », venue remplacer celle de « droit de visite à l’égard des enfants » est au
coeur de la Convention. Le texte prévoit que les États sont libres d’étendre cette possibilité
de préserver des relations personnelles avec l’enfant à « d’autres personnes »2, c’est-à-dire
à des tiers ayant avec l’enfant des liens personnels étroits sans qu’un lien de famille3 ne les
lie. La notion de lien de famille est donc entendue de manière très extensive. Ces relations
personnelles peuvent se matérialiser par toutes formes de communication entre l’enfant et le tiers : un
simple séjour ou quelques rencontres, voire même la correspondance4. Ces relations personnelles
doivent pouvoir faire l’objet de protection dès lors qu’elles sont dans l’intérêt de l’enfant et
que les droits des parents sont respectés. Le souci de garantir un équilibre entre les droits
des parents et des tiers conduit la Convention à reconnaître un « droit de demander à
entretenir des relations personnelles » et non « un droit d’obtenir et d’entretenir des
relations personnelles ». L’autorité judiciaire a l’obligation de s’assurer que l’enfant est
consulté d’une manière appropriée à son discernement et qu’il a l’opportunité d’exprimer
ses opinions5. Le rapport explicatif joint à la Convention précise que « les législations
nationales pourraient envisager que les relations personnelles avec une personne ayant des
liens de famille doivent être subordonnées au consentement de l’enfant qui possède un
discernement suffisant ». Dans ce cas et si l’enfant refuse d’entretenir des relations
personnelles, il est préconisé de prendre en considération ses souhaits6. Le
rapport encourage les États à inscrire ces dispositions dans leur législation nationale,
particulièrement les États dont les tribunaux ne peuvent prononcer ou exécuter une
décision se rapportant aux relations personnelles de l’enfant de plus de 16 ans ou, étant
plus jeune, celui-ci s’y opposerait.

1
Préambule de la Convention, disponible sur le site du conseil de l’Europe.
2
Art. 5, 2°.
3
L’idée est ainsi formulée par le préambule de ce texte : « S’accordant à reconnaître le besoin pour les enfants
d’entretenir des relations personnelles non seulement avec leurs deux parents, mais aussi avec certaines autres
personnes ayant des liens de famille avec les enfants, et l’importance pour les parents et ces autres personnes de
rester en contact avec les enfants, sous réserve de préserver l’intérêt supérieur des enfants ».
4
Art. 2, a.
5
Art. 6.
6
Non seulement au moment du prononcé de la décision relative au maintien des liens personnels, mais aussi
ultérieurement, au stade de l’exécution.

133
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

154. L’effectivité des dispositions. Le rapport explicatif joint à la Convention


encourage les États à ne pas établir de « système de filtrage » afin de permettre aux tiers
d’obtenir l’autorisation du tribunal de demander à établir des relations personnelles avec
l’enfant. Pour en garantir l’effectivité, il est prévu que chaque État partie s’engage
à assurer la conformité de sa législation avec les principes de la Convention et adopte les
mesures nécessaires à cette fin. Enfin, il est rappelé que les États doivent encourager les
parents et les tiers à privilégier les accords amiables1 en recourant notamment à la
médiation familiale2 car il s’agit des bonnes pratiques généralement admises et appliquées
à l’heure actuelle par la majorité des États, qu’un élément international soit ou non établi.
Si cette Convention n’a pas été ratifiée par la France3, la législation interne est déjà en
harmonie avec la plupart des principes généraux recommandés. Le paragraphe 3 de
l’article 20 de la Convention contient une référence spécifique aux règles de la
Communauté et dispose que les États parties, membres de la Communauté européenne,
n’appliquent dans leurs relations mutuelles la Convention que dans la mesure où il
n’existerait aucune règle communautaire qui le permette4. Sans doute là est la raison du
défaut de ratification par la France, ladite Convention n’ayant pas d’effets sur les
instruments existants ou futurs en la matière5.
155. Les autres travaux en faveur de la coparentalité. À coté de cette Convention,
ème
la 28 Conférence des Ministres européens chargés des Affaires familiales tenue à
Lisbonne le 16-17 mai 2006 portait sur le thème de l’ « Évolution de la parentalité :
enfants aujourd’hui, parents demain ». Cette Conférence a insisté sur l’importance de la
parentalité et sur la nécessité de « s’assurer que les droits et intérêts de l’enfant soient
protégés et promus quels que soient les liens conjugaux et les types de cohabitation ». Il y a
un accord sur le fait que « la place et le rôle des beaux-parents (…) devraient être étudiés
de manière plus approfondie, tant du point de vue éthique que juridique, en tenant compte
des droits et obligations des parents biologiques ». Une Déclaration a été adoptée à la suite
de cette conférence par les Ministres européens chargés des affaires familiales6.

1
Art. 7, b de la Convention.
2
Au cours des travaux préparatoires de la Convention, le Comité d’experts sur le droit de la famille (CJ-FA) et
son Groupe de travail sur la garde et le droit de visite (CJ-FA-GT1) ont souligné à quel point il est important de
favoriser les accords entre les parties, notamment sur les questions qui concernent les enfants. À cet effet, ils
ont encouragé les États à recourir davantage à la médiation familiale, conformément aux dispositions de la
Recommandation (98) 1 du Comité des Ministres aux États membres sur la médiation familiale. Les accords
conclus dans le cadre d’une médiation homologués par l’autorité judiciaire compétente sont donc inclus dans la
notion de « décision relative aux relations personnelles ».
3
La Convention est actuellement ratifiée par l’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, le Portugal, la
République Tchèque, la Roumanie, la Turquie, Saint Marin et l’Ukraine. Elle a été signée par 17 États sur 46
États membres du Conseil de l’Europe. La France n’a pas encore procédé à sa signature.
4
Art. 20, 3°.
5
Art. 20, 1°.
6
Conférence des ministres européens chargés des affaires familiales, Évolution de la parentalité : enfants
aujourd’hui, parents demain, Communiqué final et déclaration politique, 28ème session, 16-17 mai 2006,

134
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Le comité d’experts sur l’enfance et la famille (CS-EF)1 a également publié un rapport2 sur
la parentalité positive3, dont l’objet est de définir des principes généraux en matière
de parentalité conçus « comme un cadre général applicable à l’exercice de la parentalité,
cadre qui indique clairement les types de comportement souhaitables tout en laissant une
très large latitude aux parents quant à la manière de transposer ces généralités dans la
pratique »4. Le rapport passe en revue et analyse les principaux changements touchant la
parentalité afin de repérer et développer les bonnes pratiques à suivre en matière de
politique publique la favorisant. Le rapport précise que le terme de parentalité désigne
« non seulement les activités des parents biologiques, mais aussi celles des personnes qui
ne sont pas les parents de l’enfant mais participent à sa prise en charge et à son
éducation. En un sens, les mots « parentalité » et « parents » y sont utilisés comme une
sorte de raccourci englobant toutes les activités et l’ensemble des personnes liées à la prise
en charge d’un enfant.
À la suite de ce travail, une Recommandation (REC 2006) 19 du Comité des ministres aux
États membres relative aux Politiques visant à soutenir une parentalité positive a été
adoptée le 13 décembre 2006. Après avoir rappelé les travaux du Conseil de l’Europe en

Lisbonne. Selon cette déclaration, « Rappelons le rôle crucial de la famille pour le maintien de la cohésion
sociale, l’importance de la vie de famille et de la sauvegarde des droits au soutien des familles sous leurs
différentes formes (…); Suggérons que les gouvernements répondent à leurs propres changements
sociodémographiques en adaptant la législation afin de tenir compte des différents modes de vie familiaux.
Malgré le fait que plusieurs mesures concrètes ont été prises dans les Etats membres, il semble encore exister un
vide politique et juridique, particulièrement en raison de la progression des nouvelles formes familiales
(par exemple pour ce qui est des familles monoparentales ou des obligations envers les enfants dans les familles
recomposées) ; (…) Pensons que la parentalité, tout en restant liée à l’intimité familiale, devrait être considérée
comme un domaine relevant aussi de politiques publiques et que toutes les mesures nécessaires devraient être
adoptées pour soutenir la parentalité et créer les conditions nécessaires à l’exercice d’une parentalité
positive/épanouie. Cette dernière est définie comme un comportement parental qui élève, renforce et fournit une
structure ou un ensemble de limites permettant un développement épanoui de l’enfant (…) ; Soulignons le fait
que ces mesures devraient se fonder sur la Convention des droits de l´enfant ainsi que sur les instruments
juridiques du Conseil de l'Europe, reconnaître et respecter les parents, ou toute personne dépositaire de
l’autorité parentale, comme ayant en premier lieu la garde et la charge de l’enfant, en tenant compte de l’intérêt
supérieur de ce dernier, et refléter la diversité de dispositions reconnaissant que les parents, les enfants et les
familles sont hétérogènes. Les mesures visant une parentalité positive devraient faire partie d’un ensemble de
mesures intégrées; Considérons que ces mesures devraient avoir comme finalité des conditions de vie
adéquates, notamment en matière de revenus et d’accès aux services, pour l’exercice d’une parentalité
positive ».
1
Ce comite a été établit en 2004 avec pour mission de soutenir les parents dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
2
Conseil de l’Europe, La parentalité positive dans l’Europe contemporaine : une approche positive, éd. du
Conseil de l’Europe, 2007.
3
Le rapport la définit comme suit : il s’agit des « ensembles actuels de relations et activités dans lesquelles les
parents sont impliqués pour soigner et éduquer les enfants. La parentalité implique alors un ensemble de
réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de jouer leur rôle de parents, c’est-a-dire
de répondre aux besoins de leurs enfants sur les plans physique, affectif, intellectuel et social ». Celle-ci est
qualifiée de positive car « elle s’exerce pour le bénéfice mutuel de chacun », une parentalité « qui respecte et
soutient les droits de l’enfant tels qu’énoncés dans la CNUDE. A ce titre, elle est fidèle aux principes de la non-
discrimination, de la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant dans toutes les actions le concernant, du droit de
l’enfant à la survie et au développement dans toute la mesure du possible et du respect des opinions de l’enfant ».
Cf. La parentalité positive dans l’Europe contemporaine : une approche positive, op. cit., pp. 9-11.
4
La parentalité positive dans l’Europe contemporaine, op. cit.

135
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

matière d’enfance et de famille, les textes juridiques, les recommandations1 et sommets2, le


Comité des ministres recommande aux gouvernements des États membres du conseil « de
reconnaître le caractère essentiel des familles et de la fonction parentale, de créer les
conditions nécessaires à une parentalité positive 3 qui tienne compte des droits et de
l’intérêt supérieur de l’enfant ; de prendre toutes les mesures appropriées, législatives,
administratives, financières et autres, conformes aux principes énoncés dans l’annexe à la
présente recommandation »4.
Face à autant d’incitations aussi bien politiques, juridiques que judiciaires, il devient plus
aisé de saisir l’ampleur du mouvement en faveur d’une coparentalité positive. Ce tour
d’horizon hors du droit interne français permet de donner un éclairage aux règles mises en
place en droit interne afin de promouvoir, autant que faire se peut, la parentalité.

B) L’incitation au respect d’un modèle de coparentalité

156. La convergence des deux systèmes vers une coparentalité renforcée durant
l’union. Si le modèle français de coparentalité impose aux parents de remplir leur fonction
parentale conjointement et à égalité durant la vie du couple comme à sa dissolution (1), la
conception maghrébine de l’autorité parentale maintient un lien étroit entre coparentalité et
état de mariage. Bien que la coparentalité soit encouragée durant la vie commune, les
droits maghrébins de la famille témoignent d’une réelle prise en compte de la séparation
parentale sur l’exercice même de la coparentalité (2).

1
Sur les recommandations de l’assemblée parlementaire : REC 751 (1975) relative à la situation et aux
responsabilités des parents dans la famille moderne et au rôle de la société à cet égard ; REC 1074 (1988)
relative à la politique de la famille ; REC 1121 (1990) relative aux droits des enfants ; REC 1443 (2000) pour un
respect des droits de l’enfant dans l’adoption internationale ; REC 1501 (2001) sur la responsabilité des parents
et des enseignants dans l’éducation des enfants ; REC 1551 (2002) Construire au XXIème siècle une société avec
et pour les enfants, (suivi de la Stratégie européenne pour les enfants (Recommandation 1286 (1996))) ; REC
1639 (2003) relative à la médiation familiale et à l’égalité des sexes ; REC 1666 (2004) Interdire le châtiment
corporel des enfants en Europe ; REC 1698 (2005) relative aux droits des enfants en institution (suivi à la
Recommandation 1601 (2003)) de l’Assemblée parlementaire.
2
Cf. le Troisième Sommet des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe, tenu à Varsovie, en
mai 2005, et l’engagement pris par ces derniers à se conformer pleinement aux obligations de la Convention des
Nations Unies relative aux droits de l’enfant, à promouvoir de manière effective ces droits et à prendre des
mesures spéciales pour éradiquer toutes les formes de violence à l’égard des enfants, ainsi que le programme
« Construire une Europe pour et avec les enfants », lancé à Monaco, les 4 et 5 avril 2006.
3
La Recommandation définit en ces termes la parentalité positive : « celle-ci se réfère à un comportement
parental fondé sur l’intérêt supérieur de l’enfant qui vise à l’élever et à le responsabiliser, qui est non violent et
lui fournit reconnaissance et assistance, en établissant un ensemble de repères favorisant son plein
développement ».
4
Recommandation REC (2006) 19 du Comité des Ministres au États membres relative aux politiques visant à
soutenir une parentalité positive, adoptée par le Comité des Ministres le 13 décembre 2006 lors de la 983 ème
réunion des Délégués des Ministres.

136
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1- En droit français

157. L’importance du lien dans la construction de la personnalité de l’enfant. Le


besoin primordial du jeune enfant d’établir un lien stable et sécurisant a été démontré par
plusieurs études au cours des dernières décennies. Cette stabilité et le sentiment de sécurité
se retrouvent au premier chef auprès de la mère, mais cette place peut être tenue par le père
ou un membre de la famille. La recherche en sciences humaines nous apprend que « (…) le
petit enfant a besoin d’établir un lien stable de qualité et sécurisant à l’autre. C’est à partir
de l’intériorisation de ces premières images d’assurance et de réassurance intérieure qu’il
pourra trouver des points d’appui pour nouer avec les autres des relations intimes et
sociales de qualité, dans une continuité d’être qui permet l’inscription de ces différentes
personnes dans sa propre histoire »1. En d’autres termes, l’enfant ne parviendra à
construire de nouveaux liens que par un travail psychique préalable auprès de ses parents.
Les liens de référence qu’il aura noué auprès d’eux lui permettront, par un processus de
remaniement, de nouer des liens nouveaux2. Les chercheurs en sciences humaines insistent
sur cette capacité d’attachement des enfants dès les premières semaines de leur vie, car
celle-ci se trouve diminuée après les années pré-scolaires. Ces premiers liens sont donc
déterminants dans la construction de la personnalité tout au long de la vie, mais aussi dans
les relations avec autrui. C’est ce que le droit traduit -maladroitement ?- juridiquement par
« coparentalité » lorsqu’il prend en compte ces rapports humains. Ainsi, lorsque Madame
le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ évoque « la force symbolique des structures
juridiques », la « fonction symbolique et structurante » du droit civil de la famille ou « la
force expressive du Code civil », ce sont les liens d’attachement qui structurent la
personnalité de l’enfant qu’elle tente d’exprimer en termes juridiques.
158. La coparentalité, symbole ou réalité ? Le principe de coparentalité « innerve
aujourd’hui le droit de l’autorité parentale »3. Présente dans le rapport remis par Madame
le professeur Irène THERY en 19984, la coparentalité constituait également un des fils
conducteurs du rapport remis par Madame le professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ.
Celle-ci définit la coparentalité comme « l’idée selon laquelle il est de l’intérêt de l’enfant
d’être élevé par ses deux parents, dans la famille fondée sur le mariage comme dans la
famille créée hors mariage, que le couple parental soit uni ou qu’il soit désuni »5. Cette

1
D. VERSINI, L’enfant au cœur des nouvelles parentalités. Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé
la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, Rapport annuel de la défenseure des enfants, la
Documentation française, 2006, p. 14.
2
B. CYRULNIK, « Attachements et interdits à l’adolescence », in Lien familial, lien social, M. DELAGE,
P. PEDROT (dir. de), Grenoble, PUG, 2003, pp. 51-58.
3
F. VAUVILLE, « Du principe de coparentalité », LPA, 18 oct. 2002, n° 209, p. 4.
4
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,
rapp. precit.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Paris, La Documentation
française, Coll. des « rapports officiels », 1999, p. 71.

137
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

définition traduit l’idée que l’« on est parent pour toujours » quel que soit le mode
d’exercice de l’autorité parentale. L’affirmation a de quoi surprendre tant elle relève de
l’évidence. À partir du moment où un parent est titulaire de l’autorité parentale, il bénéficie
de toutes les prérogatives liées à la fonction, peu important que celui-ci l’exerce ou pas. Si
l’on ne cherche pas à vérifier la réalité de la coparentalité, pourrait-on admettre qu’elle ne
relèverait que de l’ordre du symbole ? Si certains ont pu y voir un mythe davantage que la
réalité1, c’est sans doute en raison de ses limites dans nombre de situations.
159. Le rôle pédagogique de la loi. Plus intéressante est l’affirmation que la
« coresponsabilité parentale est pédagogique »2. Si l’on songe à une grande partie des
propositions du rapport de Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, la tentation est
grande d’opter pour ce même point de vue 3. Elle y évoque notamment la « fonction
symbolique et structurante » du droit civil de la famille4 ainsi que « la force expressive et
symbolique »5 du Code civil. Les propos introductifs au rapport s’attachent à cette
dimension symbolique, exprimée en ces termes : « Il existe une forte attente de repères qui
fassent sens pour les individus, et il est nécessaire que les structures juridiques aient la
force symbolique qui correspond à cette demande »6. Il en ressort le besoin « d’assurer la
permanence des repères à travers l’énoncé d’un droit qui institue et qui ordonne la
symbolique des liens et des places »7. Si l’énoncé symbolique8 du principe de coparentalité
a pour but le maintien des relations personnelles de l’enfant avec chacun de ses parents, cet
énoncé dans les mots de la loi vise, encore une fois, une finalité non traduisible en termes
juridiques : les liens d’attachement qui structurent la personnalité de l’enfant.
160. Le renforcement du symbole dans la proposition de loi relative à l’autorité
parentale. La proposition de loi relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant9 (ci-

1
C. BRIERE, « La coparentalité : mythe ou réalité ? », Rev. dr. san. soc., 2002, p. 567 ; V. aussi : F. BOULANGER,
« Modernisation ou utopie ? : la réforme de l’autorité parentale par la loi du 4 mars 2002 », D., 2002, p. 1571.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexions sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », Rev.
trim. dr. civ., 1995, p. 249. Sur la loi pédagogue, cf. J. CARBONNIER, Flexible droit, Pour une sociologie du droit
sans rigueur, Paris, 10ème éd., LGDJ, 2001, spec. p. 155 et s.
3
Entre autres propositions, « valoriser l’autorité parentale, passe, symboliquement, par la réaffirmation de
l’importance de la fonction parentale », p. 73, ou que nul ne peut faire obstacle à l’exercice par les parents de
leurs droits et devoirs, à inscrire de façon symbolique en tête des dispositions relatives à l’autorité parentale.
4
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, rapp. precit., p. 13-15.
5
Ibidem., p. 13.
6
Ibidem., p. 12.
7
Ibidem., p. 15.
8
G. DE GEOUFFRE DE LA PRADELLE, « De l’emploi symbolique du droit », in L’architecture du droit, Mélanges
en l’honneur du Professeur Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 441-451.
9
Proposition de loi n° 1856 déposée par plusieurs députés de la majorité à l’assemblée nationale, adoptée en
première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014, puis transmise le même jour au Sénat. Cette
proposition de loi n’a toujours pas été adoptée, en raison tant de la multiplication des projets en matière familiale
que de leur inaboutissement. La proposition de loi APIE prendra néanmoins une place significative dans les
développements à suivre.

138
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

après APIE) prévoit, en vue de renforcer le symbole, de compléter l’article 372 du Code
civil1 par le rappel que les parents « s’informent réciproquement de l’organisation de la vie
de l’enfant et prennent ensemble les décisions qui le concernent ». Le rapport fait au nom
de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration
générale de la république sur la proposition de loi précise que « cette règle correspond à
l’état actuel du droit en vigueur, mais constitue une clarification nécessaire (…) ». Le
groupe de travail présidé par Monsieur le président JUSTON préconisait déjà dans son
rapport Médiation familiale et contrats de coparentalité de définir dans le Code civil
l’exercice conjoint par les parents de leur autorité parentale2. La modification projetée de
l’article 372 du Code civil découle donc directement de cette proposition. Une partie de la
doctrine émet des réserves quant à l’opportunité de clarification3 d’une disposition qui l’est
suffisamment déjà. De l’avis de Monsieur le professeur ÉGEA, celle-ci ne soulève guère de
difficultés sur son fondement ni sur les modalités de sa mise en œuvre. Si la modification
projetée de l’article 372 relève de l’évidence -l’organisation de la vie de l’enfant supposant
une communication des parents entre eux- son inscription même dans la loi lui confère une
valeur hautement symbolique et la force pédagogique nécessaire à l’éducation des esprits.
Madame le professeur FENOUILLET corrobore cette idée lorsqu’elle affirme que « le droit
assure une fonction symbolique en agissant dans l’ordre psychologique individuel et dans
l’ordre sociologique.
161. Légiférer « à mots ouverts ». Les normes juridiques « ont une fonction
normative (« orienter les comportements humains ») qui s’appuie sur une fonction
expressive (« dire les choses “bonnes” dans l’ordre social) »4. À cet égard, Gérard CORNU
considérait le langage du législateur comme déterminant du choix de la législation. Ce
choix permet l’expression de la règle de droit et correspond à un « parti législatif fondé sur
un parti linguistique »5 pour lequel le législateur manifeste sa préférence. Favoriser
l’abstraction en privilégiant les « mots ouverts (…) paraît essentiel (afin) de ne pas figer
l’application de la règle de droit, en bloquant par avance une évolution que le législateur
d’une époque a pu ne pas prévoir ou ne pas appréhender : intérêt de l’enfant, intérêt de la
famille (…) »6. La souplesse et le caractère évolutif de la norme correspondent néanmoins
à une façon de légiférer qui n’est pas neutre. Ce procédé traduit une conception de la loi

1
L’article 372 du Code civil pose le principe général de l’exercice de l’autorité parentale par les père et mère.
2
La proposition n° 18 du rapport définit en ces termes l’exercice conjoint de l’autorité parentale : « Les père et
mère exercent en commun l’autorité parentale. Les parents prennent donc ensemble les décisions concernant
l’enfant, notamment les décisions importantes relatives à sa santé, sa scolarité, son éducation religieuse et
culturelle et son changement de résidence, Ils s’informent réciproquement, dans le souci d’une indispensable
communication entre parents sur l’organisation de la vie de l’enfant ».
3
V. ÉGEA, « L’autorité parentale, bientôt réformée ? », Rev. dr. fam., 2014, n° 5, alerte 20.
4
D. FENOUILLET, « La parentalité, nouveau paradigme du droit de la famille », art. precit., p. 113, spec. n° 35.
5
G. CORNU, « Le langage du législateur », in L’art du droit en quête de sagesse, Paris, 1ère éd., PUF, coll.
« Doctrine juridique », 1998, p. 290.
6
Ibidem., p. 290.

139
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

reposant sur le concours du juge1. À ce dernier revient la charge de déterminer les


circonstances de faits spécifiques à chaque situation en vue de favoriser la meilleure
solution. Pour l’auteur, « ce parti linguistique est typiquement l’instrument d’une politique
législative de délégation au juge, le législateur ayant résolu de créer un vide dans son texte
(une lacune intra legem) pour laisser au juge et à l’avenir le soin de la remplir »2. Cette
manière de légiférer n’est pas à l’abri de critiques 3. La précision juridique classique laisse
la place à un effritement de la qualité normative de la loi 4, l’excès de symbolisme pouvant
générer des « effets pervers »5 qu’il importe de signaler.
162. Les variations de l’énoncé législatif. Après l’art législatif « ouvert à
l’évolution », le législateur peut capter la puissance d’un mot6 pour en faire une directive
législative. Ce pouvoir de nommer les choses est particulièrement puissant lorsqu’un
changement se profile et qu’il constitue le support nécessaire de l’évolution législative7. Il
suffit de songer à la transmutation8 de la puissance paternelle par le concept plus moderne
d’autorité parentale, devenue autorité parentale « conjointe », puis « responsabilité
parentale » avant d’aboutir au concept post moderne de « coparentalité »9. L’évolution
linguistique traduit un changement dans la conception que se fait le législateur de l’autorité
parentale. Le nominalisme législatif10 permet à l’idée exprimée d’être portée par le
changement terminologique. On compte plusieurs formes de nominalismes : humanitaire, il
intervient pour civiliser le droit et rejeter les éléments humiliants ou irritants11 dans les
mots de la loi, évitant de mettre « la tache d’un mot sur le front d’un innocent »12 (cas de

1
V. infra, sur l’utilisation de la notion de l’intérêt de l’enfant comme outil judiciaire, n° 212 et s.
2
G. CORNU, « Le langage du législateur », art. precit., p. 291.
3
V. notamment : P. PEDROT, « Les jeux de mots en droit des personnes et de la famille », in Mélanges en
l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 15-21. V. aussi C. LABRUSSE-RIOU, qui
considère les termes de « direction et signification » liés en droit, bien que la prétention positiviste à la neutralité
soit en partie aujourd’hui refoulée. Cf. C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement
assistées, lieu de confrontation du réel et de l’imaginaire », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 489.
4
Cf. O. DUFOUR, « Il faut combattre l’intempérance législative », LPA, 22 mars 2006, p. 4.
5
P. MALAURIE, « L’effet pervers des lois », in Droit civil, procédure, linguistique juridique, Écrits en hommage
à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, pp. 309-316.
6
L. LEVENEUR, « Le choix des mots en droit des personnes et de la famille », in Les mots de la loi,
N. MOLFESSIS (dir. de), Paris, Economica, coll. « Études juridiques », 1999, pp. 11-29.
7
Selon Gérard CORNU, « si la fonction législative est matrice d’un langage, si le langage porte si fort l’empreinte
de la fonction, c’est sans doute parce que, dans la création de l’ordre juridique, la fonction est éminente, la
source sublime. Du point où est le législateur, sa voix porte haut et vient de loin », art. precit., pp. 284-285.
8
L’expression est empruntée au professeur Y. LEQUETTE, « Observations sur le nominalisme législatif en
matière de filiation », in Études offertes à Geneviève VINEY, Liber amicorum, Paris, LGDJ, 2008, p. 647,
spec. n° 1.
9
Or, lorsque l’« on sait, dans l’interprétation de la loi, l’importance capitale que revêt, pour le développement
d’une règle, le travail sur un mot clé, il devient essentiel de choisir le mot qui, dans l’esprit de l’interprète, fera
naître fidèlement l’idée de sa vraie nature ».
10
Y. LEQUETTE, « Observations sur le nominalisme législatif en matière de filiation », art. precit., pp. 647-668.
11
Ibidem., p. 648.
12
G. CORNU, art. precit., p. 292.

140
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’enfant adultérin). Lorsqu’il est animé par une attention de bienveillance1 bénigne, le
nominalisme « diplomatique » ou antinominalisme dénoncé par Monsieur le professeur
LEQUETTE renonce à nommer. La tendance a gagné du terrain à tel point que la
déconstruction des modèles2 s’ensuit, et c’est au juge que revient la mission d’en rappeler
la supériorité3. Ce militantisme législatif repose sur une neutralité à l’égard des jugements
de valeur. Un tel procédé relègue le droit au rang d’instrument4 mis à la disposition
d’actions militantes. Dénoncé en doctrine, ce processus est le propre d’une politique
purement idéologique5 qui use du langage pour modeler les esprits et les mentalités. Dans
ce contexte, la coparentalité constitue aujourd’hui le modèle que le législateur impose aux
familles.
163. Les moyens juridiques permettant une coparentalité effective. La séparation
conjugale perturbe les relations familiales. Il est vain d’inscrire dans les textes que celle-ci
ne modifie en rien l’exercice de l’autorité parentale, aussi symbolique puisse être
l’affirmation. La réorganisation des relations familiales s’impose en vue de réaménager les
modalités d’exercice de l’autorité parentale. Lorsque son intérêt l’exige, la résidence de
l’enfant6 est fixée au domicile d’un des parents. Le second parent dispose d’un simple droit
de visite et d’hébergement. Cette situation peut néanmoins s’avérer être la cause de conflits
aigus. Selon leur intensité, les juges adaptent la coparentalité à chaque cas d’espèce et par
plusieurs procédés7. Si la situation se révèle très conflictuelle, le juge peut permettre au
parent de maintenir le lien parental grâce à des retrouvailles dans un point de rencontre8.
Cet espace transitoire peut aider à la reconstruction familiale et redonner une chance à
1
Ibidem., p. 292.
2
Sur la supériorité du mariage par rapport aux autres modes de conjugalité, le professeur Y. LEQUETTE souligne
« Alors même qu’il résulte des études réalisées que l’union libre est un modèle moins favorable à la satisfaction
des exigences sociales, en ce qu’il conduit à une plus grande instabilité des couples, génératrice de troubles dans
l’éducation des enfants, il n’est plus question de promouvoir, même symboliquement, son concurrent le mariage.
Mieux, c’est le modèle le moins performant socialement qui doit être “légitimé” ». Cf. Y. LEQUETTE, « Le droit
est la semence des mœurs », in Le discours et le Code, Portalis, deux siècles après le Code napoléon, Paris,
Litec, 2004, p. 396 et s.
3
Cons. Constit., 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 10, comm. 143, V. LARRIBAU TERNEYRE.
4
Et nous rejoignons l’idée du professeur LEQUETTE pour qui la renonciation à l’idée de modèle a entraîné un
scepticisme du législateur, et corrélativement une transformation de la conception du droit dont le but premier
n’est plus la recherche de la cohésion sociale mais de trouver des réponses aux besoins et aspirations les plus
divers aux membres de la société afin d’assurer leur bonheur. Y. LEQUETTE, « Le droit est la semence des
mœurs », art. precit., pp. 395-396.
5
L. JAUME, « Questions d’interprétation : le texte comme producteur d’idéologie », in L’architecture du droit,
Mélanges en l’honneur du Professeur Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 519-526. L’auteur définit
l’idéologie comme étant une élaboration restreinte d’une vision du monde, qui trouve l’une de ses applications
dans la politique. Au-delà de l’individu auteur (ou groupe agissant comme laboratoire diffuseur) de cette
idéologie, l’auteur invite à une analyse du texte (tant dans sa dimension sémantique, stylistique et stratégies
discursives) support de l’idéologie afin de mieux comprendre comment celle-ci se rend banale et acceptée.
6
Sur la réforme projetée (abandonnée ?) de l’autorité parentale, cf. infra, n°
7
V. récemment pour l’utilisation de Skype en cas de séparation des parents : CA Chambéry, 6 oct. 2015,
n° 13/02187; Rev. dr. fam., n° 12, déc. 2015, comm. 218, A.-C. REGLIER.
8
M. JUSTON, « Le lien entre la justice et le dispositif espace rencontre : qu’attend le juge aux affaires familiales
quand il désigne un espace rencontre, le point de vue du praticien », Rev. dr. fam., 2012, n° 11, étude 19.

141
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

la coparentalité1. Ne pas envisager un tel palliatif risque de générer une rupture


irrémédiable des liens, contraire au principe encouragé. Dans certaines situations graves, le
droit de visite accordé à l’un des parents peut être suspendu voire temporairement
supprimé2. L’intérêt de l’enfant peut également commander son éloignement du parent
violent ou coupable sur la personne de l’enfant du délit de manipulations psychologiques 3.
Prérogative d’ordre public4, la suspension du lien parental ne peut être totale, mais tolère
certaines atteintes dans des cas exceptionnels5. Autant de mesures permettent au juge
d’assurer dans les situations conflictuelles des palliatifs favorisant le maintien des liens.

2- En droit maghrébin

164. La promotion d’une responsabilité parentale conjointe pendant le mariage.


En matière de garde de l’enfant, le Code marocain de la famille rééquilibre les droits de la
femme en tant que mère. L’article 164 du CMF confirme l’égalité de position des deux
parents : « la garde de l’enfant incombe au père et à la mère tant que les liens conjugaux
subsistent ». L’affirmation est on ne peut plus claire. Les parents sont tous deux investis de
la mission d’éduquer et de veiller aux intérêts de leur(s) enfant(s) tant personnels que
patrimoniaux. Le législateur impose donc un modèle de coparentalité dans lequel les
parents œuvrent conjointement dans l’intérêt de l’enfant. En pratique, les parents sont déjà
conscients de l’investiture qui leur incombe, mais son rappel dans les mots de la loi
corrobore l’émergence d’un modèle de couple collaboratif. En outre, le droit marocain se
montre extrêmement prudent dans la consécration de l’égalité parentale ainsi que dans la

1
I. CORPART, « Les dysfonctionnements de la coparentalité », AJ fam., 2009, p. 155.
2
Cass. civ. 1ère, 25 sept. 2013, n° 12-21.118. Cet arrêt réitère la condition de motifs graves tenant à l’intérêt de
l’enfant, pouvant justifier la suppression du droit de visite. Les juges du fond, n’ayant en l’espèce pas relevé de
motifs graves, mais faisant uniquement état d’un retard du père lié à un problème de transport sont censurés par
la Cour de cassation. La Cour rappelle qu’ « il importe que soit conservé un lien, si ténu soit-il, entre l’enfant et
ses parents, hormis si cela doit nuire aux intérêts de l’enfant, ce qui n’est pas démontré ».
3
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2000, n° 98-14386, RTD civ., 2001, note J. HAUSER, p. 126.
4
Sur la transformation de cet ordre public, cf. CA Paris, pôle 3, ch. 3, 18 juin 2015, n° 15/00864 ; Rev. dr. fam.,
2015, n° 12, comm. 216, J.-R. BINET. Par le biais d’un site de rencontres, un homme et une femme (ne formant
pas un couple) décident de concevoir ensemble un enfant qu’ils n’élèveront pas ensemble mais dont le partage de
l’autorité parentale était projeté. Faute d’accord entre les parents à la naissance de l’enfant, la mère saisit le JAF
aux fins de fixation de la résidence de l’enfant à son domicile avec un droit de visite et d’hébergement au profit
du père. À cette occasion, les juges parisiens organisent les modalités d’exercice de l’autorité parentale et
rappellent que « le partage de l’autorité parentale entre les parents n’est pas un concept déconnecté de toute
réalité, imaginé pour satisfaire les revendications égalitaires des adultes, mais la traduction juridique de l’intérêt
pour les enfants d’être élevés par leurs deux parents ». Pour la Cour, « la difficulté en l’espèce tient à l’absence
d’échanges préalables à la conception de l’enfant sur l’éducation envisagée ». Ceci signifie implicitement qu’en
présence d’un accord parental établi, l’organisation tant des modalités de sa naissance que de sa résidence
peuvent faire l’objet d’une convention entre ses parents.
5
Ce qu’a récemment rappelé la Cour de cassation s’agissant d’un père disposant d’un titre de séjour temporaire :
« en cas de séparation, les père et mère continuent d’exercer en commun l’autorité parentale. Ce n’est qu’à titre
exceptionnel, si l’intérêt de l’enfant le commande, que le juge peut confier cet exercice à son père ou à sa mère.
L’exercice unilatéral de l’autorité parentale doit cependant être justifié et motivé, en particulier lorsque les juges
relèvent que le père ne se désintéresse pas de sa fille », Cass. civ. 1ère, 4 déc. 2013, n° 13-10.618.

142
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

conception de la coparentalité qu’il promeut. Celle-ci ne dure et ne se justifie que par


l’existence du mariage. À l’inverse du législateur français pour qui la rupture ne modifie en
rien l’exercice de l’autorité parentale, le législateur maghrébin, et marocain
particulièrement, est réaliste quant aux effets qu’emporte la dislocation de la famille. C’est
pourquoi l’aménagement de l’autorité parentale post rupture1 diffère sensiblement de la
conception française de la coparentalité.

§2) La coparentalité réfléchie

165. L’objectif : déconflictualiser la séparation. La dimension affective et


psychologique du contentieux familial appelle un traitement particulier. Encore plus lors de
la rupture -synonyme de la fin d’un projet de vie commune- le sentiment de culpabilité et
de rancœur peut naître à l’égard de l’autre. Dans un tel contexte émotionnel, la fragilité
sentimentale prend une grande place et peut empêcher la mise sur pied d’un accord
commun. Techniquement, la fixation de la pension alimentaire au profit de l’enfant et
l’organisation de ses relations personnelles avec ses parents n’est pas chose difficile. L’est
à l’inverse l’absence de maîtrise par les parties de leurs émotions, qui les empêchera de
mener à bien l’entreprise de reconstruction2. À défaut pour les parties de parvenir à un tel
accord, le juge pourra décider de ce qui est le mieux dans l’intérêt de l’enfant.
166. L’incitation à la médiation comme moyen de pacifier le conflit. La
promotion judiciaire du consensus en droit de la famille ces dernières années a permis de
revisiter la fonction de juger3. Mise en évidence sous la plume de Monsieur le professeur
ÉGEA, la tendance est au partage de cette fonction entre le justiciable et l’autorité
judiciaire. La faveur pour la recherche d’une solution comprise et acceptée par le couple
participe de ce mouvement et permet de déconflictualiser la séparation4. La
« décontamination des sentiments négatifs »5 par le recours à la médiation contribue à un
tel objectif car elle favorise la pacification des relations humaines et permet de retisser « le

1
Pour de plus amples développements, V. infra, n° 481 et s.
2
Selon Madame Danièle GANANCIA, juge aux affaires familiales et vice-présidente du TGI de Paris, « le
litige n’est que la partie émergée de l’iceberg, bien plus profond, du conflit, tissé de passions, de rancœur, de
blessures et de non-dits. Une décision de justice imposée ne suffit pas forcément à ramener la paix entre les
parties. La médiation familiale propose une autre logique, celle du dialogue, de la co-construction, plus
appropriée à un grand nombre de situations familiales ». Cf. C. TASCA, M. MERCIER, Rapport d’information fait
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d’administration générale sur la justice familiale, enregistré à la présidence du Sénat le 24 février 2014.
3
En ce sens : V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois,
coll. « Droit&Notariat », 2010.
4
A. LEBORGNE, « La médiation familiale : une voie d’apaisement des conflits familiaux », Rev. Lamy dr. civ.,
2015, supp. n° 132.
5
L. GENET, Conflit conjugal et médiation, Transformer le conflit conjugal de la justice à la médiation, Liège,
éd. Jeunesse et droit, 1998, p. 60.

143
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

lien social rompu par un individualisme effréné »1. Plusieurs rapports officiels relatifs à la
procédure ont été remis au gouvernement et la médiation y est présentée comme un modèle
à promouvoir2. Le groupe de travail présidé par Monsieur le recteur Serge GUINCHARD3
propose de généraliser la médiation familiale à travers la pratique de la « double
convocation ». On compte également le groupe de travail présidé par Monsieur le président
MAGENDIE4. Le 26 février 2014, Madame la sénatrice Catherine TASCA et Monsieur le
sénateur Michel MERCIER ont présenté au Sénat un rapport d’information au nom de la
Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement
et d’administration générale sur la justice familiale. Il a été suivi en avril de la même année
par le rapport présenté par Monsieur le président Marc JUSTON intitulé Médiation familiale
et contrats de co-parentalité. Selon le rapport Magendie III, « le temps n’est plus à
discourir sur les mérites de la médiation ni à en expliquer la technique. C’est désormais
vers l’action concrète que nous devons tendre nos efforts afin que la médiation judiciaire
devienne un mode habituel de règlement des conflits »5. Cette incitation à la médiation
s’inscrit dans un mouvement général de « désengorgement » judiciaire6 et de faveur pour le
dialogue afin de généraliser le processus et en faire un mode « thérapeutique »7 de
règlement des différends. Sa promotion dans les textes connaît une amplification sans
précédent. Pour répondre à ces objectifs, la proposition de loi (APIE) déposée le 1er avril
2014 à l’Assemblée nationale par Monsieur Bruno LE ROUX comporte des dispositions
relatives à la médiation familiale. De l’avis de la doctrine pourtant, la médiation
nécessiterait une réflexion en soi pour en améliorer l’effectivité (B). Outre que celle-ci
« (…) ne dépend pas uniquement de l’état du droit », elle demeure intimement liée à
« notre capacité à la faire connaître, à la faire vivre, à assurer le respect de l’identité
professionnelle de chacun de ces acteurs. La médiation est plus un esprit que des textes.

1
J.-C. MAGENDIE, « Loyauté, dialogue, célérité. Trois principes à inscrire en lettres d’or aux frontons des palais
de justice », in Justices et droit du procès, Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Mélanges en
l’honneur de Serge GUINCHARD, Paris, Dalloz, 2010, p. 336.
2
Le système français de médiation est très largement inspiré du système canadien pionnier en la matière. Dès
1974, Monsieur O. J. COOGLER, avocat et conseiller matrimonial met en place le premier centre de médiation
familiale à Atlanta. Par la suite, l’État de Californie adopte en 1980 une loi obligeant les parents à rencontrer un
médiateur familial avant d’être entendu par le tribunal sur un conflit portant sur la garde des enfants ou le droit
de visite. Ce sera au Québec qu’un projet pilote en médiation familiale voit le jour. Le service de médiation à la
famille est crée le 1er avril 1984. Un rapport a récemment été publié par le Comité d’action sur l’accès à la
justice en matière civile et familiale, Ottawa, Canada, rendu public en octobre 2013.
3
S. GUINCHARD, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, la Documentation française, 2008.
4
J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, Rapport issu du groupe de
travail sur la médiation, 2008.
5
Ibid., p. 4.
6
L. CADIET, J. NORMAND, S. AMRANI MEKKI, Théorie générale du procès, PUF, coll. Thémis, 2010, n° 50.
7
Pour reprendre l’expression de Madame le professeur N. FRICERO. Cf. « Le décret du 20 janvier 2012 : vers
une résolution thérapeutique des contentieux familiaux par la procédure participative assistée par avocat »,
AJ fam., 2012, n° 2, p. 66.

144
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

C’est surtout l’esprit de médiation que nous avons à porter haut. Sans ce moteur, les textes
resteront lettres mortes, comme des coquilles vides »1 (A).

A) Un préalable : le changement de culture judiciaire

167. Médiation et justice : un rapport de complémentarité. Le processus de


médiation seul est insuffisant à résoudre définitivement le différend familial. Un rapport de
complémentarité avec la justice doit permettre une articulation harmonieuse des deux
exigences. C’est pourquoi les accords passés en médiation doivent pouvoir être appréciés
par le JAF aux fins d’homologation2 lorsqu’ils préservent les intérêts de l’ensemble des
membres de la famille. À défaut, l’admission du consensus comme fondement autonome
des relations familiales -tel que mis en évidence par Monsieur le professeur ÉGEA3-
pourrait constituer un réel danger. La complémentarité du contrôle du juge sur l’accord des
parties permet d’assurer la survivance d’un ordre public familial dans le cadre du dispositif
législatif. Bien que le mouvement de contractualisation soit présent en droit de la famille,
l’homologation par le juge de l’accord trouvé entre les parties permet de le limiter.
168. La constante faveur pour les accords parentaux. L’article 373-2-7 du Code
civil prévoit la possibilité pour les parents de conclure des accords dans lesquels ils règlent
certaines questions touchant leur relation parentale. Lorsqu’il préserve suffisamment les
droits de l’enfant4, l’accord convenu par le couple est homologué par le juge. L’association
des parties –et des autres acteurs : juges, avocats et médiateurs- à la recherche d’une
solution au conflit permet non seulement au couple de prendre conscience de la
responsabilité qui pèse sur lui, mais surtout que la fonction parentale dont il a la charge est
orientée dans l’intérêt de l’enfant5, indépendamment du conflit conjugal. Ardu en contexte
de séparation -il est parfois très malaisé de préserver l’enfant à l’abri du conflit- le respect
commande que chacun des parents se comporte à l’égard de l’autre avec bienveillance.
Cette notion essentielle, qui présidait à la vie du couple en union, ne doit pas être ignorée
lorsque le lien n’est plus.

1
J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, rapp. precit., p. 23.
2
B. MELIN-SOUCRAMANIEN, « L’homologation judiciaire en droit de la famille », in Mélanges en l’honneur du
professeur Jean HAUSER, Paris, Dalloz, pp. 373-383.
3
V. ÉGEA, La fonction de juger dans le droit contemporain de la famille, op. cit., p. 442, spec. n° 691.
4
En ce sens, une décision de la Cour d’appel de Paris du 10 novembre 2004 (Juris-Data n° 2004-263748) a
refusé, nonobstant l’accord des parties sur ce point, la dévolution de l’exercice de l’autorité parentale à la mère
seule. Quel que soit l’accord du couple, la décision du juge ne saurait exclusivement reposer sur cet accord, sans
prendre en considération l’intérêt de l’enfant. Cf. P. MURAT, « La méfiance des juges face aux accords attribuant
exclusivement à un des parents l’exercice de l’autorité parentale », Rev. dr. fam., 2005, n° 5, comm. 101.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille : proposition pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, La Documentation française, 1999.

145
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

169. L’incitation judiciaire au dialogue en vue de changer de culture


judiciaire. Introduite expressis verbis1 dans le Code civil2, la médiation familiale peut être
proposée par le juge dans les litiges portant sur l’autorité parentale. Celui-ci désigne un
médiateur une fois l’accord des parties recueilli. À défaut, le juge leur enjoint de rencontrer
un médiateur qui les informera sur le processus de médiation. Les instances destinées à
modifier les décisions rendues par le JAF représentant une part importante du contentieux
devant le JAF, les juges privilégient autant que possible le processus de médiation
judiciaire3 afin d’éviter les multiples retours devant lui. Dès sa consécration en 20024, le
pouvoir de proposer ou d’enjoindre le recours à la médiation a permis au juge de la
promouvoir comme moyen de restaurer la communication parentale. Quelques mois
seulement après le vote de la loi, la Cour d’appel de Paris a rendu une décision permettant
de conclure à une volonté de généralisation de cette mesure. Les juges parisiens ont précisé
qu’ « afin d’atteindre les objectifs ainsi définis, les responsabilités de chacun des parents
leur imposent de se respecter mutuellement et d’accomplir chacun des efforts pour
traduire leurs responsabilités de façon positive dans la vie de leur enfant (…) en cas de
difficultés (…) à mettre en œuvre toutes les mesures de nature à restaurer la
communication parentale, notamment par le moyen de la médiation familiale »5. Dans la
même logique, les juges aixois ont pu refuser une demande de résidence alternée formulée
par un père, notamment en raison de son attitude. Ce dernier refusait « par avance toute
possibilité d’entente à l’amiable dans le cadre d’une médiation familiale »6. La
« philosophie consensuelle »7 au fondement du principe de coparentalité a poussé un juge à
considérer « qu’il est regrettable qu’un dialogue serein n’ait pu encore être rétabli entre
les parents (…) il est certain que l’un et l’autre parent doivent faire des efforts aux fins
d’améliorer le dialogue entre eux, dans l’intérêt des deux enfants auxquels ils sont
attachés et qui indéniablement leur rendent leur affection ; qu’une mesure de médiation
qui pourrait être utile est refusée par le mari ce qui empêche la cour de l’ordonner »8.
L’effectivité même de la tentative de médiation est l’objet du contrôle des juges. La Cour
d’appel de Bordeaux a pu décider qu’une mère, poursuivie du chef de non représentation

1
M. DOUCHY-OUDOT, Procédure civile, Gualino, 6ème éd., 2014, p. 78, spec. n° 105.
2
Article 373-2-10 du Code civil introduit par la loi du 4 mars 2002.
3
Pour l’incitation des parents à rencontrer un médiateur familial, cf. : CA Paris, 2° ch. D., 30 sept. 2004,
JurisData n° 2004-263714. Les juges peuvent aussi enjoindre au couple de procéder à un tel processus avec
obligation de lui en rendre compte : CA Nîmes, ch. civ. 2ème C, 2 mars 2005, JurisData n° 2005-278555.
4
Il est intéressant de noter que dès avant l’institutionnalisation de la médiation judiciaire en 1995, certains juges
aux affaires matrimoniales (devenus juges aux affaires familiales depuis 1993) n’hésitaient pas à conseiller aux
parties le recours à la médiation relativement aux litiges portant sur l’autorité parentale. En ce sens : TGI
d’Argentan, ordonnance du JAM, 23 juin 1988, TGI La Rochelle, 17 fév. 1988, D., 1989, p. 411, note
C. LIENHARD; Trib. Enfants Toulouse, 13 sept. 1988 et 2 fév. 1989, D., 1990, 395, note T. GARE.
5
CA Paris, 1ère ch. A., 11 sept. 2002, D., 2002, IR, p. 3241.
6
CA Aix-en-provence, 6° ch. A., 24 juin 2003, JurisData n° 2003-222521.
7
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, op. cit., p. 95, spec. n° 137.
8
CA Dijon, ch. civ. C., 27 juil. 2006, JurisData n° 2006-330565.

146
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’enfant « ne devait pas se contenter de conseiller à (l’enfant) d’aller voir son père, mais
devait au moment même où le père était présent et où l’enfant refusait de le rencontrer,
tenter la remise de l’enfant en organisant un rapprochement, sous la forme par exemple,
d’une médiation informelle entre le père et la fille, afin que l’un et l’autre, aient la
possibilité, de vive voix, au moins de commenter le contenu de leurs lettres respectives »1.
Chaque parent est donc érigé en « responsable et garant de l’éthique de la communication
qui gouverne le droit contemporain de l’autorité parentale »2. De telles incitations
judiciaires peuvent répandre la culture du dialogue afin de modifier la nature contentieuse
de la conception de la justice. Par ricochet, les parents privilégieront la recherche d’accords
en abandonnant, au moment de la saisine du juge, l’idée d’un parent « vainqueur » et d’un
parent « perdant ».
170. La CEDH et la médiation. La Cour européenne des droits de l’homme se joint
aussi au mouvement de promotion de la médiation. Dans un arrêt du 6 décembre 20113,
elle fait expressément référence à la recommandation du Comité des ministres du Conseil
de l’Europe (REC (98) 1) sur la médiation familiale. La Cour préconise le recours à ce
mode amiable parce qu’il peut « améliorer la communication entre les membres de la
famille, réduire le conflit entre les parties en présence, produire des accords à l’amiable,
assurer la continuité des liens personnels entre les parents et les enfants, réduire les coûts
financiers et sociaux de la séparation et du divorce pour les parties elles-mêmes et pour
les États ». Dans l’affaire Lombardo c/ Italie du 29 janvier 2013, l’inexécution -sur une
longue période- d’une décision accordant le droit de visite à un des parents est condamnée
par la Cour européenne. Les juges strasbourgeois estiment, compte tenu des circonstances
que, « face à de pareilles situations, les autorités auraient du prendre des mesures plus
directes et plus spécifiques visant à établir du contact entre le requérant et sa fille. En
particulier, la médiation des services sociaux aurait du être utilisée pour encourager les
parties à coopérer et celle-ci aurait dû, conformément aux décisions du tribunal, organiser
toutes les rencontres entre le requérant et sa fille, y compris celles qui auraient dû se
dérouler à Rome. Or les juridictions internes n’ont pris aucune mesure appropriée pour
créer pour l’avenir les conditions nécessaires à l’exercice effectif du droit effectif de visite
du requérant »4. Le constat est donc à une forte volonté de généraliser les accords
parentaux. Une obligation positive est mise à la charge des États dans l’organisation d’une
médiation familiale effective. Par ricochet émerge une volonté politique, législative et
juridictionnelle y incitant autant que possible.
171. En droit comparé. En Grande-Bretagne, l’incitation à la médiation est
tributaire de l’octroi de l’assistance judiciaire en matière familiale. Lorsque les parties

1
CA Bordeaux, 17 déc. 2004, 3ème ch. correc., JurisData n° 2004-281844.
2
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, op. cit., p. 95, spec. n° 137.
3
CEDH, 6 déc. 2011, CengizKilic c/ Turquie.
4
CEDH, 29 janv. 2013, Lombardo c/ Italie, § 93.

147
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

refusent la médiation, leur droit à une telle aide peut être refusé. Les juges peuvent
condamner aux dépens la partie -même gagnante- qui a refusé « de manière
déraisonnable » de recourir à la médiation. Aux Pays-Bas, une véritable procédure de
médiation existe. Un conseiller est désigné dans chaque Cour d’appel afin de piloter la
médiation dans le ressort de la Cour, en assurant des déplacements auprès des TGI. Une
véritable structure est mise en place, avec des médiateurs formés et des fonctionnaires
attitrés à la médiation. La loi canadienne oblige les avocats à informer leurs clients sur la
possibilité du recours à la médiation. Le rapport relatif à l’accès à la justice en matière
civile et familiale1 fait pourtant état d’une proportion importante de personnes (50%) qui
tente de régler ses problèmes sans représentation juridique. Cette situation constitue un réel
obstacle à l’effectivité du droit à être informé de la médiation. Ce pourcentage serait
encore plus important en matière familiale, et refléterait la perception du point de vue du
justiciable du système. Les abus des plus fortunés, aggravés par la méconnaissance des
procédures juridiques constituent autant d’entraves à un accès effectif au système de
justice. Selon le rapport, il convient de mettre en place une feuille de route en vue
d’associer et donner la priorité au public en concentrant les efforts vers le justiciable,
particulièrement « les immigrants, les autochtones, les populations rurales et les autres
groupes vulnérables (…) raison pour laquelle le système existe ».

B) La médiation familiale : un cadre juridique en cours d’élaboration

172. Un développement variable de la médiation familiale. Le droit français


offrant une place de choix au processus de médiation, il convient désormais, compte tenu
de la particularité du contentieux familial, de lui imprimer une spécificité propre (1).
Encore embryonnaire, le processus outre méditerranée peine encore à se développer (2).

1- En droit français

173. Le droit de l’union européenne et la médiation. Le Conseil national


consultatif de la Médiation familiale définit la médiation comme « un processus de
construction ou de reconstruction du lien familial axé sur l’autonomie et la responsabilité
des personnes concernées par des situations de rupture ou de séparation, dans lesquelles un
tiers impartial, indépendant, qualifié et sans pouvoir de décision -le médiateur familial-
favorise, à travers l’organisation d’entretiens confidentiels, leur communication, la gestion
de leur conflit dans le domaine familial entendu dans sa diversité et dans son évolution »2.

1
Comité d’action sur l’accès à la justice en matière civile et familiale, L’accès à la justice civile en matière civile
et familiale. Une feuille de route pour le changement, Ottawa, Canada, oct. 2013.
2
Travaux et Recommandations du Conseil consultatif national de la médiation familiale, déc. 2004, p. 7.

148
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

La directive européenne du 21 mai 2008 (2008/52) 1 en matière civile et commerciale


prévoit que la médiation « peut apporter une solution extrajudiciaire économique et rapide
aux litiges en matière civile et commerciale au moyen de processus adaptés aux besoins
des parties ». Elle détermine son champ d’application, en précisant qu’elle s’applique
« aux processus dans lesquels deux parties ou plus à un litige transfrontalier tentent d’elles-
mêmes, volontairement, de parvenir à un accord à l’amiable sur la résolution de leur litige
avec l’aide d’un médiateur. Elle devrait s’appliquer aux matières civiles et commerciales,
sans pouvoir néanmoins s’appliquer aux droits et obligations dont les parties ne peuvent
disposer par elles-mêmes en vertu de la législation pertinente applicable. De tels droits et
obligations sont particulièrement fréquents en droit de la famille et en droit du travail ». Le
texte insiste sur le fondement qui préside à un tel processus, qui doit être « volontaire, en
ce sens que les parties elles-mêmes sont responsables du processus et peuvent l’organiser
comme elles l’entendent et y mettre un terme à tout moment ». Les juridictions nationales
sont appelées à « attirer l’attention des parties sur la possibilité d’une médiation chaque
fois qu’elle est appropriée », et à définir les mécanismes visant à « préserver la souplesse
du processus de médiation et l’autonomie des parties et veiller à ce que la médiation soit
menée avec efficacité, impartialité et compétence ». Pour la directive européenne, « la
médiation ne devrait pas être considérée comme une solution secondaire par rapport aux
procédures judiciaires au motif que le respect des accords issus de la médiation dépendrait
de la bonne volonté des parties. Les États membres devraient donc veiller à ce que les
parties à un accord écrit issu de la médiation puissent obtenir que son contenu soit rendu
exécutoire. Un État membre ne devrait pouvoir refuser de rendre un accord exécutoire que
si le contenu de l’accord est contraire à son droit, y compris son droit international privé,
ou si son droit ne prévoit pas la possibilité de rendre le contenu de l’accord en question
exécutoire »2.
174. Définition retenue en droit français. Le législateur se réfère à la définition
plus complète du Conseil national consultatif. La médiation est un « processus structuré,
quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à
un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le
médiateur, choisi par elles ou désigné avec leur accord par le juge saisi du litige ». La
proposition de loi (APIE) projette de modifier cette définition, et l’article 16 de la
proposition est ainsi libellé : « La médiation familiale, qui a pour finalité d’apaiser le
conflit et de préserver les relations au sein de la famille, est un processus structuré et
confidentiel de résolution amiable des différends familiaux. Avec l’aide du médiateur
familial, tiers qualifié, impartial et indépendant, les personnes tentent de parvenir à une

1
La directive européenne a adopté une conception large de la médiation. Ce cadre général s’étend également aux
conciliations menées par les conciliateurs de justice, à l’exclusion de celles menées par les juges. L’ordonnance
de 2011 reprend cette même conception européenne.
2
Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation
en matière civile et commerciale, J.O.U.E, 24 mai 2008.

149
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

solution mutuellement acceptable, qui tient compte de l’intérêt de l’une et de l’autre et de


celui de leurs enfants éventuels, et qui peut prendre la forme d’accords susceptibles d’être
homologués par le juge ». Le texte a le mérite de rappeler la définition de la médiation
familiale, mais l’aspect volontaire du processus est passé sous silence. Selon la doctrine1,
la difficulté ne tient pas tant au travail de définition qu’à la manière de promouvoir
spécifiquement la médiation familiale (α) et d’en faire un outil efficace parmi d’autres (β)
en matière de résolution amiable des différends familiaux.

α) La recherche d’une spécificité de la médiation familiale

175. Transposition de la directive communautaire en droit interne.


L’ordonnance du 16 novembre 20112 transpose la directive européenne du 21 mai 2008
(2008/52) sur la médiation en matière civile et commerciale3, dont le décret d’application
le 20 janvier 2012 institue un livre 5 au Titre I du Code de procédure civile. La mise en
place d’un cadre commun de la médiation sur le plan européen4 en matière civile et
commerciale s’inscrit dans le but de promouvoir une culture du dialogue, de la pacification
des conflits, et du renforcement de l’encadrement juridique du processus5.
176. Détermination du cadre juridique de la médiation. Jusqu’à l’ordonnance
transposant la directive communautaire, la loi du 8 février 1995 réglementait la seule
médiation judiciaire6. Autorisant le gouvernement à procéder par voie d’ordonnance1, la loi

1
A. LEBORGNE, « Le rapport “Médiation familiale et contrat de coparentalité”, et après ? », Rev. dr. fam., 2014,
n° 9, dossier n° 9.
2
Ord. n° 2011-1540 du 16 novembre 2011, J.O, 17 nov. 2011, p. 19286.
3
La directive européenne a adopté une conception large de la médiation. Ce cadre général s’étend également aux
conciliations menées par les conciliateurs de justice, à l’exclusion de celles menées par des juges. L’ordonnance
de 2011 reprend cette même conception européenne.
4
Plus récemment ont été adoptées la directive UE n° 2013/11 du 21 mai 2013 relative au règlement
extrajudiciaire des litiges de la consommation et le règlement UE n° 524/2013 du 21 mai 2013 relatif au
règlement en ligne des litiges de consommation. L’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 puis le décret du
30 octobre 2015, pris en application de cette même ordonnance, transposent la directive du 21 mai 2013. Cf.
D. n° 2015-1378, 30 oct. 2015, J.O, 31 octobre 2015, p. 20399.
5
V. ÉGEA, « La médiation familiale : un modèle pour les modes alternatifs de règlement des conflits ? », Rev.
Lamy dr. civ., 2011, p. 4476. Cf. également la journée d’études tenue par le Centre d’Études et de Recherche en
Droit des Procédures (C.E.R.D.P.) à la faculté de droit de Nice, le 5 avril 2013, La résolution amiable des
différends dans le contentieux familial, L. ANTONINI-COCHIN (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014.
6
Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et
administrative. L’institutionnalisation de la médiation en 1995 faisait suite à une décision de la deuxième
chambre civile de la Cour de cassation qui avait jugé que la médiation avait « pour objet de procéder à la
confrontation respective des parties en vue de parvenir à un accord proposé par le médiateur », ce qui constituait
« une modalité d’application de l’article 21 du Code de procédure civile ». Cass. civ. 2ème, 16 juin 1993, Bull.
civ., II, n° 211. En raison de son caractère indisponible, le droit de la famille avait été exclu du champ de la
médiation prévue par cette loi. Néanmoins, des mesures de médiation familiale étaient proposées par certaines
juridictions sur le fondement de l’article 21 du Code de procédure civile relatif à la conciliation. La loi du 4 mars
2002 atténuera largement cette indisponibilité en permettant au juge de proposer, voire enjoindre, la rencontre
d’un médiateur familial en cas de désaccord du couple. La loi relative au divorce du 26 mai 2004 adoptera ce
mode amiable de résolution des conflits avant d’être généralisé à toutes les actions dont le juge aux affaires
familiales pourra connaître (art. 1071 du CPC).

150
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit


étend le champ d’application de la directive communautaire aux médiations intervenant en
dehors de tout contexte transfrontalier. Elle complète la loi du 8 février 1995 en posant un
cadre général à la médiation judiciaire et conventionnelle2 au sein du chapitre 1, titre II du
Code de procédure civile consacré à la conciliation et à la médiation judiciaire. À cet
égard, la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et
à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles s’inscrit dans la perspective
actuelle de développement de la médiation. Par dérogation à l’article 373-2-10, elle
introduit une expérience de médiation obligatoire3 préalable à la saisine du juge concernant
les litiges relatifs à l’autorité parentale, à la contribution à l’entretien des enfants ou
comme préalable à une modification des dispositions contenues dans une convention
homologuée. Le juge pourra soulever d’office l’irrecevabilité de la demande si l’exigence
de recours préalable à la médiation n’est pas satisfaite. Cette loi s’inscrit donc directement
dans la politique de développement des modes alternatifs de règlement des conflits
familiaux, en particulier de la médiation familiale.
177. Le renforcement législatif de la spécificité de la médiation familiale. La
médiation familiale en France ne dispose pas d’un cadre propre. Elle représente un aspect
particulier de la médiation fixée pour tous les modes de règlement amiable des différends
issus de l’ordonnance de 2011. L’attention qui est aujourd’hui sienne témoigne d’une
volonté législative de lui imprimer une spécificité propre. Lorsque l’instance est déjà en
cours, l’incitation à la médiation familiale peut prendre deux formes. Si le juge la propose
et que les parties acceptent, un médiateur4 peut être désigné. Cette modalité n’est pas
spécifique à la médiation familiale mais elle est prévue de manière générale par la loi du 8
février 19955. Si les parties ne l’acceptent pas, le juge peut leur enjoindre de rencontrer un
médiateur à titre informatif. Le décret n° 2010-1395 du 12 novembre 2010 précise à titre
expérimental6 les modalités de mise en œuvre de l’injonction en cas de conflit concernant
l’exercice de l’autorité parentale et la contribution à l’entretien de l’enfant. Les
dispositions contenues dans la convention homologuée sont également précisées sur le
modèle de la double convocation. Cette expérimentation découle directement du rapport

1
Art. 198 de la loi.
2
Les textes antérieurs ne concernaient que la médiation judiciaire. Désormais, un certain nombre de règles
s’appliquent indifféremment aux deux types de médiation.
3
Sur cette expérience, cf. L. WEILLER, « La médiation familiale », in Les transformations du contentieux
familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 59-71 ; V. aussi : M. JUSTON, « Une médiation
familiale peut-elle être imposée au titre du principe de précaution ? », Gaz. Pal., 27 et 28 juil. 2007. Le rapport
dit « Magendie III » excluait un tel pouvoir d’injonction du juge de recourir à la médiation. Pour ce dernier, « il
serait contraire à la nature même de la médiation fondée sur la liberté et responsabilisation de ses acteurs, de
l’instaurer comme un préalable obligatoire à toute saisine du juge du fond. En revanche, il serait parfaitement
envisageable de généraliser la faculté pour le juge d’enjoindre aux parties de s’informer de la médiation ».
4
Art. 1071 CPC.
5
Art. 2.
6
Pour une durée de trois ans et jusqu’au 31 décembre 2013.

151
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

GUINCHARD qui préconisait la mise en place d’une médiation familiale préalable


obligatoire pour les actions tendant à modifier les modalités de l’exercice de l’autorité
parentale précédemment fixées par une décision de justice 1. Cette modalité permet aux
parties d’être informées de l’existence du processus de médiation. Lorsque l’affaire est
examinée, le juge homologue l’accord des parties ou tranche le litige à défaut. L’article 15
de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 20112 de répartition du contentieux et d’allégement
de certaines procédures prévoit, à peine d’irrecevabilité et à titre expérimental3, que « la
saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d’une tentative de médiation
familiale ». Cette tentative aurait lieu dans le cadre des décisions « fixant les modalités de
l’exercice de l’autorité parentale ou la contribution à l’entretien et à l’éducation de l’enfant
ainsi que les dispositions contenues dans la convention homologuée » pouvant être
modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du (des) parent(s) voire
du ministère public. Passer outre cette tentative interdirait le dépôt de la requête et
constituerait une véritable fin de non recevoir 4. Aujourd’hui facultatif, le dispositif pourrait
devenir obligatoire avant toute saisine du juge aux affaires familiales aux fins de
modification des modalités d’exercice de l’autorité parentale ou de la contribution à
l’entretien et à l’éducation de l’enfant. Cette recherche d’une spécificité propre à la
médiation familiale a également été au cœur du rapport de Madame la sénatrice TASCA et
Monsieur le sénateur MERCIER qui préconisent une voie médiane à celle adoptée par le
recteur GUINCHARD. Lorsque le magistrat propose la médiation aux parties, une
convocation à une séance d’information sur la médiation pourrait avoir lieu avant
l’audience. Si à l’issue de cette séance les parties décident de poursuivre la médiation, le
juge pourra homologuer l’accord ainsi trouvé sans avoir à attendre le délai de trois mois
fixé dans le cadre de l’expérimentation de la double convocation. Dans le même ordre
d’idées, le rapport de Monsieur le président JUSTON suggère également « une séance
préalable à la médiation familiale » ou « un entretien préalable à la médiation familiale »
afin de favoriser l’adhésion des parents au processus. En vue de mettre rapidement fin au
différend, le rapport indique que le juge pourrait homologuer les accords obtenus selon une
procédure gracieuse, sans audience et sans comparution des parties sauf nécessité.
178. Le décret n° 2015-282 du 11 mars 2015. Dans le sillage de ces propositions, la
proposition de loi (APIE) prévoit d’ajouter -à l’article 373-2-10, la faculté pour le juge

1
S. GUINCHARD, L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, Paris, La Documentation française, 2008, p. 167.
2
L. MAUGER-VIELPAU, « Aspects familiaux de la loi du 13 décembre 2011 », Rev. dr. fam., 2012, étude 7.
3
Les Tribunaux de grande instance de Bordeaux et d’Arras ont été désignés comme juridictions expérimentales
par arrêté du 16 mai 2013. Cette phase devrait s’achever au 31 décembre 2014. Cf. V. ÉGEA, « Médiation
familiale préalable : désignation des juridictions expérimentales », Rev. dr. fam, 2013, n° 7, alerte 42.
4
À moins qu’il n’y ait un risque de porter atteinte au droit des intéressés d’avoir accès au juge dans un délai
raisonnable. Cependant, deux autres exceptions sont prévues par le texte et qui permettent de douter d’une réelle
efficacité du dispositif : le motif légitime justifiant la dispense de recourir à la médiation obligatoire, ce qui
donne au juge une latitude importante dans sa détermination, puis la demande conjointe des deux parents de faire
homologuer une convention selon les modalités fixées à l’article 373-2-7 du Code civil.

152
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’enjoindre aux parents « de prendre part à des séances de médiation familiale »1. Si cette
proposition de loi semble être abandonnée2, le décret du 11 mars 2015 relatif à la
simplification de la procédure civile, à la communication électronique et à la résolution
amiable des différends3 a pour objet la construction d’une « une étape supplémentaire de la
modernisation de la justice au service des citoyens inscrite dans le programme de la justice
du XXIème siècle, (en vue d’) assurer une justice plus proche et plus efficace »4. À cette fin,
le décret impose aux justiciables, à l’occasion de la saisine de la juridiction par voie
d’assignation, requête ou déclaration, de faire état des « diligences entreprises en vue de
parvenir à une résolution amiable du litige sauf à justifier d’un motif légitime tenant à
l’urgence ou à la matière considérée, en particulier lorsqu’elle intéresse l’ordre public »5.
Le recours au juge en dernier recours sous-tend la logique de ce texte en vue de faire de la
résolution amiable le mode privilégié de règlement des différends. Si une partie de la
doctrine a pu exprimer son scepticisme6 quant à la réelle promotion par ce texte des modes
alternatifs de règlement des différends, la circulaire de présentation du décret reste muette
tant sur la manière de caractériser les diligences entreprises que sur la sanction du défaut
de précision7. Plus optimiste, une autre partie de la doctrine considère que « plutôt que de
chercher à savoir comment échapper à la sanction, les praticiens du droit doivent s’emparer
plus que jamais des modes de règlement amiable des différends » 8 car leur « véritable
efficacité dépendra de l’aptitude des professionnels du droit à s’en saisir »9. Or, la
circulaire précise qu’ « il ne s’agit là que d’une faculté pour le juge, qui appréciera de
l’opportunité de proposer de telles mesures, en particulier au vue de la nature du litige ».
L’occasion a été donnée aux juges de s’exprimer sur les conséquences du non respect de la
tentative de résolution amiable préalable du litige telle qu’imposée par le décret depuis le
1er avril 2015. À l’occasion d’un jugement rendu par le TGI de Paris au sujet d’un conflit
opposant le père et la mère sur la contribution à l’entretien et à l’éducation de leur enfant,

1
Art. 17 de la proposition de loi.
2
Après avoir été votée en première lecture à l’Assemblée nationale puis transmise au Sénat le 27 juin 2014.
3
D. n° 2015-282 du 11 mars 2015, J.O, 14 mars 2015, p. 4851. V. les commentaires : S. THOURET, « Résolution
amiable des différends : entrée dans une nouvelle ère », AJ fam., 2015, p. 212 ; Y. STRICKLER, « Le décret
n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la procédure civile à la communication électronique et
à la résolution amiable des différends », Rev. Procédures, 2015, étude 6 ; V. ÉGEA, « Un semestre de droit
procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
4
Circ. 20 mars 2015 de présentation du décret n° 2015-282 du 11 mars 2015 relatif à la simplification de la
procédure civile, à la communication électronique et à la résolution amiable des différends
NOR : JUSC1505620C.
5
Art. 56 et 58 du CPC.
6
Pour Monsieur le professeur ÉGEA, la circulaire de présentation du ministère de la justice procède à une
véritable neutralisation de la portée du décret. Dès lors, son succès dépendra tant de la capacité des praticiens du
droit à s’en saisir que de l’attitude des juges du fond quant à la sanction susceptible d’être retenue faute de
tentative amiable de résolution du conflit. V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier
2015/juin 2015), Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3, spec. n° 4.
7
V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), art. precit, spec. n° 2 et 3.
8
S. THOURET, « Résolution amiable des différends : entrée dans une nouvelle ère », AJ fam., 2015, p. 212.
9
V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la famille (janvier 2015/juin 2015), art. precit., spec. n° 4.

153
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

les juges parisiens affirment que « si le recours aux modes alternatifs de résolution des
litiges est favorisé, en particulier en obligeant les parties à indiquer, dans l’acte de saisine
de la juridiction, les démarches de résolution amiable précédemment effectuées, le
législateur n’ayant prévu aucune sanction assortissant l’obligation de préciser les
diligences entreprises en ce sens, aucune nullité ne saurait être excipée de l’éventuelle
absence de démarche amiable préalable si tant est qu’elle soit démontrée au vu des faits
de l’espèce »1. Conforme à la lettre de l’article 21 du décret2 qui ne prévoit qu’une simple
faculté pour le juge de proposer une conciliation ou une médiation, cette solution n’est
guère surprenante. Elle atteste cependant de la principale difficulté de la médiation, tirée de
son caractère non contraignant. En tout état de cause, il n’est pas exclu que certains juges,
sous réserve de leur pouvoir d’appréciation, fassent respecter l’exigence posée par le décret
tenant aux « diligences entreprises » pour trouver un accord amiable, faute de quoi l’affaire
en question pourrait être renvoyée à une audience ultérieure tant que ne sont pas justifiées
les démarches en vue de la médiation. Il est à craindre, dans ces conditions, que les
objectifs de simplification et de célérité de la procédure ne demeurent des vœux pieux.
179. Faiblesses de la médiation. Si le bilan de l’expérimentation de la double
convocation permet de douter de l’efficacité du dispositif due à sa « une faible efficience
(...) en termes d’engagement des personnes (...) »3, l’injonction d’y recourir permettrait
d’emblée aux parties après une ou deux séances de révéler la persistance de leur désaccord
ou leur adhésion au processus. Dans le premier cas, le juge trancherait le différend. Dans le
second, les séances de médiation suivraient leur cours. Selon le rapport de l’inspection
générale des services judiciaires, « même lorsque les parties refusent de poursuivre la
médiation à l’issue de l’entretien d’information, l’audience se déroule dans un climat plus
apaisé difficilement mesurable toutefois »4. Si l’efficacité de la médiation dépend tant de la
force de persuasion du JAF qui enjoint à la médiation que d’un partenariat

1
TGI Paris, 5 fév. 2016, n° 15/38132, AJ fam., 2016 p. 156.
2
Cet article dispose que « s’il n’est pas justifié, lors de l’introduction de l’instance et conformément aux
dispositions des art. 56 et 58, des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable de leur
litige, le juge peut proposer aux parties une mesure de conciliation ou de médiation ».
3
Cf. le Rapport de l’inspection générale des services judiciaires, Le développement des modes amiables de
règlement des différends, avr. 2015, n° 22, spec. pp. 18-21. Selon la mission tout d’abord, « en l’absence de
communication de chiffres consolidés sur tout la durée de l’expérimentation, l’impact financier n’a pu être
mesuré ». En effet, au TGI de Bordeaux « la charge supplémentaire des agents d’accueil dédiés à l’information
des personnes concernées n’a pas été évaluée. De même, l’impact sur le travail des magistrats n’a pas été
mesuré, étant précisé qu’ils ont sélectionné les dossiers devant faire l’objet d’une double convocation et ont
examiné la recevabilité de la requête préalablement à la demande ». Au TGI d’Arras, le bilan du premier
semestre de l’année 2014 a mis en évidence que les dossiers orientés vers un processus de médiation
représentaient moins de 10% des saisines du JAF. De plus, les deux parties ne se rendaient ensemble à l’entretien
d’information que dans 60% des cas. Au demeurant, la médiation n’est acceptée que dans 30% des cas, et le taux
d’aboutissement à un accord (total ou partiel) en cas d’acceptation de celle-ci est de l’ordre de 15%. Outre
qu’elles sont difficilement évaluables, ces données révèlent « la faible part des accords de médiation au regard
du volume du contentieux ».
4
Ibidem, p. 44.

154
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

interdisciplinaire au niveau local entre tous les acteurs1, le passage d’une politique
d’incitation à une politique d’obligation à la médiation n’est pas à l’abri des critiques. Il a
notamment été avancé que cette expérience porterait atteinte au droit au recours de manière
disproportionnée si elle était l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité2. La
doctrine et de nombreux rapports dénoncent la possibilité de faire de la médiation un
préalable systématique à la saisine du juge. Si la séance d’information obligatoire constitue
une alternative intéressante, les parties n’en seraient guère convaincues faute d’un bilan
personnalisé et adapté à leur situation. En pratique, celles-ci souhaitent trouver le plus
rapidement possible une solution à leur désaccord, que la généralité de cette séance
d’information ne permet pas. À l’inverse, imposer une tentative de médiation préalable
contrevient à la libre adhésion au processus et porte atteinte au droit d’accès au juge.
L’exemple offert par la Grande-Bretagne peut s’avérer intéressant si l’on songe à sceller le
sort de l’aide juridictionnelle au recours préalable à la tentative de médiation. Les parties,
si elles souhaitent bénéficier d’une telle aide, doivent accepter la médiation comme mode
de règlement de leur conflit. Bien qu’elle ne règle pas toute les dimensions du problème -
l’aide juridictionnelle dépendant des ressources des parties- cette alternative incite à
réfléchir à la question de l’efficacité du dispositif.
180. Disponibilité des droits et médiation familiale. L’inscription de la médiation
familiale au sein d’un cadre général lui permet de prendre place parmi les modes de
résolution amiables des conflits. Malgré la généralité de ce cadre, elle ne semble pas y
trouver une spécificité propre. Largement tributaire de la conception de l’ordre public, la
médiation n’est concevable que si l’accord des parties ne porte pas atteinte aux droits dont
elles n’ont pas la libre disposition et l’ordonnance le rappelle bien3. Aussi, les deux textes
ayant introduit la médiation familiale au sein du Code civil4 délimitent de façon impérative
son domaine d’application.
181. La possible extension du domaine de la médiation familiale. À la lecture de
l’article 21-1 de l’ordonnance du 16 novembre 2011, on apprend qu’il ne saurait être
dérogé au cadre impératif imposé « sans préjudice des règles complémentaires applicables
à certains types de médiation ». Selon le texte, d’éventuels particularismes tenant à un type
de médiation pourraient constituer des règles complémentaires au cadre général posé. Ces
règles pourraient être dégagées en abordant la question de la spécificité de la médiation
familiale de façon « inversée », c’est-à-dire sous l’angle de la plus-value apportée par le

1
Ibid., p. 44.
2
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Nouvel essor pour les modes alternatifs et collaboratifs de règlement des litiges en
matière familiale ? (À propos de la médiation obligatoire et de la convention de procédure participative), Rev. dr.
fam., n° 5, mai, 2012, étude 12.
3
Art. 21-4 de l’ordonnance.
4
Article 373-2-10 relatif aux conflits entre parents concernant les modalités d’exercice de l’autorité parentale et
la contribution à l’entretien de l’enfant, puis l’article 255 relatif au divorce.

155
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

contentieux familial à la médiation au sens large1. Suggérée par Monsieur le professeur


ÉGEA, cette perspective éclaire d’emblée le rôle joué par le contentieux familial, domaine
où l’institution est la plus utilisée. Lorsqu’elle est acceptée par les parties, la médiation a
joué un rôle de choix dans des domaines particulièrement lourds en conflits. Loin de se
limiter aux seules questions relevant du domaine de l’autorité parentale, des obligations
alimentaires ou du divorce, la médiation pourrait se révéler un instrument tout aussi
efficace dans la résolution des « conflits transgénérationnels (...) : par exemple pour
désamorcer des conflits avec les grands-parents d’un enfant mineur ; mais aussi au-delà
des questions relatives aux enfants pour des différends relatifs à l’obligation entre parents
et alliés, ou bien pour des difficultés concernant les régimes de protection des majeurs ou
la tutelle et l’administration légale des mineurs, pour les conflits entre partenaires ou
concubins… »2. On songe également à la liquidation et au partage des intérêts
patrimoniaux du couple. Pendant l’instance, les époux peuvent passer toutes conventions
pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial 3 et ce n’est qu’à « défaut de
règlement conventionnel par les époux » que le juge, en prononçant le divorce, ordonne la
liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux4. Le processus de médiation pourrait
amener le couple à s’accorder sur un tel partage que le juge appréciera avant
l’homologation. Bienvenue serait une telle mesure dans le règlement des intérêts
patrimoniaux des partenaires notamment. La seule limite à un tel développement de la
médiation porterait sur un accord dont l’objet serait de soustraire au juge une question qui
relève directement de son office5. C’est notamment le cas lorsqu’il s’agit du prononcé d’un
divorce ou de l’abandon de la titularité de l’autorité parentale. La spécificité de la
médiation familiale tiendrait davantage à sa pratique qu’au cadre juridique la garantissant.
De surcroit, l’expression de ce particularisme se manifeste par l’attention qui lui est
aujourd’hui portée, notamment par la création d’institutions spécifiques tel le Comité
national consultatif de la médiation familiale6 et la profession de médiateur familial7. Sur le
plan procédural, Madame le professeur DOUCHY-OUDOT met en lumière8 un mouvement
général d’adaptation du droit procédural à l’exigence de simplicité du contentieux familial.
1
V. ÉGEA, « L’essor de la médiation familiale, un modèle pour les MARC ? », Rev. Lamy dr. civ., 2011, déc.,
n° 88, 4476.
2
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le cadre juridique de la médiation familiale », in La résolution amiable des
différends dans le contentieux familial, L. ANTONINI-COCHIN (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 24.
3
Art. 265 al. 2 du Code civil.
4
Art. 267 du Code civil. Sur les difficultés posées par ce règlement amiable, V. infra, spec. n° 185 et s.
5
En vertu de l’article 22-1 de l’ordonnance, les accords de médiation sont impossibles afin de désigner un
médiateur pour lui déléguer les tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et
de séparation de corps.
6
Mis en place par l’arrêté du 8 octobre 2001.
7
Dont le décret du 2 décembre 2003, puis l’arrêté du 12 février 2004 créent un diplôme d’État de médiateur
familial, en structurant la profession et en donnant les garanties de formation.
8
M. DOUCHY-OUDOT, « Le lien familial en dehors du droit civil de la famille – la procédure civile », in Le lien
familial hors du droit civil de la famille, I. MARIA, M. FARGE (dir. de), Institut Universitaire Varenne, coll.
« Colloques&Essais », 2014, pp. 131-147.

156
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Conjugué au développement du consensualisme, ce mouvement conduit le législateur à


instituer une procédure familiale commune 1. Autant de spécificités ne peuvent qu’enrichir
les modes alternatifs de règlement des conflits en leur imprimant une spécificité à partir du
modèle de la médiation familiale2.
182. La prise en charge du coût de la médiation. La prise en charge du coût de la
médiation est déterminante de sa promotion comme mode habituel de règlement des
conflits. Lorsque la partie bénéficie de l’aide juridictionnelle, l’État prend en charge les
frais de médiation familiale. L’article 90 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991
détermine les coefficients affectés aux différentes procédures et ne prévoit pas
d’indemnisation spécifique pour une telle mesure, judiciaire soit-elle ou conventionnelle3.
En revanche, le barème prévoit une majoration de la rétribution de l’avocat limitée à deux
unités de valeur toutes les fois qu’une mesure de médiation a été ordonnée par le juge, (ce
qui correspond à 45 euros supplémentaires s’ajoutant aux 30 unités prévues notamment
pour le divorce par consentement mutuel). Le rapport de Madame la sénatrice TASCA et
Monsieur le sénateur MERCIER préconise de valoriser la participation des avocats
intervenant au titre de l’aide juridictionnelle à l’entretien d’information préalable, à la
médiation et à l’élaboration d’accords de médiation. Dans le même ordre d’idées, le
rapport de Monsieur le président JUSTON privilégie la mise en place d’un barème national
par séance et par partie, tout en prévoyant une majoration de la participation de l’avocat.
La dimension financière relative à la prise en charge est déterminante de l’efficacité du
dispositif. Pour preuve, le rapport canadien publié par le Comité d’action relatif à l’accès à
la justice en matière civile et familiale rendu public en octobre 2013 fait état du bon
fonctionnement de son système de justice, mais déplore le fossé existant « entre le coût des
services juridiques et ce que la grande majorité des canadiens peuvent se permettre »,
l’aide juridictionnelle ne concernant que ceux dont les moyens sont extrêmement
modestes. L’analyse en termes de prise en charge est plus éclairante lorsqu’elle est menée
de concert avec le coût engendré par la fréquence des retours devant le juge. C’est bien la
preuve que les parties parviennent difficilement à une solution globale et apaisée du conflit
sans la médiation. Le rapport de la Direction générale des politiques internes du Parlement
européen, particulièrement « Droits des citoyens et affaires constitutionnelles » relatif à la
qualification du coût de situations conflictuelles mal réglées révèle que le coût moyen
d’une action en justice au sein de l’Union européenne est de 10449 euros, contre un coût
de 2497 euros pour une médiation4. L’économie d’argent, de temps et de surcharge de
travail des tribunaux pourraient à terme, être considérablement réduits et favoriser une

1
Cf. les articles 1137 et suivants du décret n° 2004-1158.
2
V. ÉGEA, « L’essor de la médiation familiale, un modèle pour les MARC ? », art. precit., 4476.
3
N. FRICERO, C. BUTRUILLE- CARDEW, L. BENRAÏS et alii, Le guide des modes amiables de résolution des
différends (MARD), Paris, Dalloz, 2014-2015, p. 214, spec. 233-25.
4
Ibidem., p. 215, spec. 233.31.

157
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

meilleure qualité du système de justice. Toute la mesure du problème de prise en charge est
à sérieusement considérer pour un meilleur développement du dispositif.
Malgré ces données et un engouement certain pour le processus, la médiation ne constitue
qu’un volet de la résolution des conflits qu’il convient de considérer à la lumière
d’autres mécanismes de règlement amiable des différends familiaux.

β) Médiation familiale et convention de procédure participative

183. La convention de procédure participative de négociation assistée par


avocat. Dans le même esprit d’incitation aux modes amiables de résolution des différends,
l’introduction de la convention de procédure participative 1 (articles 2062-2068 du Code
civil) tend à faciliter le règlement amiable des litiges sous l’impulsion des avocats2.
Traduction de la 47ème proposition du rapport de Monsieur le professeur GUINCHARD, cet
instrument suppose que les parties elles-mêmes aient la volonté de rechercher une solution
au différend qui les oppose avant toute saisine du juge 3, avec l’assistance de leur(s)
avocat(s). À l’instar de la médiation, « ces procédés de règlement amiable des différends
ont pour point commun, en France, d’être laissés à l’initiative des parties, qui, si elles sont
parfois contraintes de rencontrer un tiers à cet effet, pourront décider de ne pas se
soumettre à une telle mesure »4. En cas de refus, le litige est tranché par le juge bien que la
tendance soit à la résolution par les parties elles-mêmes du différend qui les oppose. Pacte
de non agression à durée déterminée, la convention permettra aux parties pendant le laps
de temps convenu avec leur(s) avocat(s) d’œuvrer conjointement et de bonne foi à la
résolution de leur différend. Elles s’engagent à ne pas saisir le juge5 sauf cas des mesures
urgentes, conservatoires, ou de non-respect de la convention. L’objectif de simplification et

1
L. n° 2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à « l’exécution des décisions de justice, aux conditions
d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires ». Sur ce nouveau mode de résolution
des différends, V. : N. FRICERO, « Qui a peur de la procédure participative ? Pour une justice,
autrement... », in Justices et droit du procès, Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Mélanges en
l’honneur du professeur Serge GUINCHARD, 2010, Dalloz, pp. 145-154 ; F. G’SELL-MACREZ, « Vers la justice
participative ? Pour une négociation « à l’ombre du droit », D., 2010. Chron. 2450 ; S. AMRANI-MEKKI, « La
convention de procédure participative », D., 2011. chron., 3007; C. BUTRUILLE-CARDEW, « La place du droit
collaboratif dans les MARC », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 12, n° 69 ; M. DOUCHY-OUDOT, « La convention de
procédure participative, commentaire de la loi du 20 décembre 2010 », Rev. procédures, 2011, n° 3, mars,
comm. 99; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Nouvel essor pour les modes alternatifs et collaboratifs de règlement des
litiges en matière familiale ? (À propos de la médiation obligatoire et de la convention de procédure
participative), art. precit.
2
S. GUINCHARD, rapp. precit., p. 22.
3
Cette restriction a néanmoins été quelque peu atténuée par le décret du 15 mars 2015 qui modifie l’article 757
du Code de procédure civile. Désormais, l’alinéa 2 de ce texte dispose que la remise au greffe d’une copie de
l’assignation doit être faite dans les quatre mois, « faute de quoi celle-ci sera caduque, à moins qu’une
convention de procédure participative ne soit conclue avant l’expiration de ce délai. Dans ce cas, le délai de
quatre mois est suspendu jusqu’à l’extinction d la procédure conventionnelle ».
4
M. DOUCHY-OUDOT, Pan. contentieux familial, D., 2013, 798.
5
Art. 2062 du NCPC.

158
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’allègement de certaines procédures1 y est perçu en termes de gain de temps, de moyens


et de prévisibilité2. Construite autour de l’idée d’association du justiciable au processus
judiciaire, cette justice alternative permet « de rechercher une véritable justice de proximité
(qui) passe légitimement par une plus grande participation des intéressés à la solution de
leur litige »3. Réservée aux matières mettant en cause les droits disponibles4 de l’individu,
elle a été étendue au divorce et à la séparation de corps 5, la phase contractuelle cédant
ensuite la place à une procédure « formée et jugée suivant les règles du titre VI du livre 1 er
du Code civil »6. À défaut d’accord trouvé, la procédure de droit commun reprend son
cours devant le juge -l’instauration d’une passerelle simplifiée a été prévu- sans que les
parties soient soumises au préalable de conciliation ou de médiation judiciaires7.
184. L’articulation de la médiation avec la convention de procédure
participative. La convention de procédure participative se démarque de manière
significative de la médiation, qu’elle n’exclut pas. À l’inverse de la seconde, la convention
de procédure participative repose sur un processus structuré établit sur le mode judiciaire -
que le Code de procédure civile distingue nettement8. Sécurisant par la présence
obligatoire d’un avocat lors de la phase contractuelle, l’accord des parties est rendu
exécutoire par le juge en fin de processus. Alors que la médiation9 est le plus souvent
abandonnée à la volonté des parties et ne constitue pas toujours le tremplin efficace à la
recherche d’accords, le recours nécessaire aux services d’un avocat afin de conclure une
convention de procédure participative témoigne d’une volonté réelle et sérieuse des parties
de trouver un accord à leur conflit. C’est pourquoi les parties, bien qu’ayant conclu
une telle convention, devraient pouvoir soumettre un point de leur conflit au processus de
médiation. Elles pourraient notamment décider d’y avoir recours concernant les modalités
de l’exercice de l’autorité parentale, une fois le conflit conjugal désamorcé grâce à la
convention de procédure participative. La distinction entre le conflit conjugal et le
désaccord parental favoriserait l’association de l’enfant à la médiation en fin de processus.
Une telle combinaison serait même encouragée, l’avocat ne remplissant pas les mêmes
fonctions qu’un médiateur. Formé à une fonction d’assistance et de conseil, l’avocat ne

1
Cf. L. n° 2009-526 du 12 mai 2009, J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
2
Madame le professeur FRICERO exprime ainsi cette prévisibilité, « qui suppose la définition de principes de
nature à éviter que la stratégie contractuelle soit fondée sur la déloyauté, l’inégalité des armes, et l’exploitation
de la faiblesse ou du manque d’information de l’un des contractants », « Qui a peur de la procédure
participative ? Pour une justice, autrement... », art. precit., p. 149.
3
Ibidem., p. 148.
4
Art. 2064, al. 1 C. civ.
5
Art. 2067 C. civ.
6
Art. 2066 CPC.
7
Art. 2066 C. civ.
8
Art. 1544 à 1555 pour ce qui concerne la phase contractuelle, et art. 1555 à 1564 pour ce qui concerne la
procédure aux fins de jugement.
9
Cf. supra, spec. n° 101.

159
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

l’est pas pour les outils de la communication, notamment pour le recueil de la parole de
l’enfant. Une telle alternative, combinant harmonieusement les deux modes de règlement
amiable n’a pas toujours été privilégiée par la Cour de cassation. Deux décisions de la
Cour de cassation en ont limité, pendant un certain temps, la portée.
185. La question de l’étendue des compétences du JAF en matière de
liquidation. L’objectif du législateur à l’occasion de la réforme du divorce en 2004 était de
favoriser un continuum entre la procédure de divorce et la procédure en liquidation et en
partage des intérêts patrimoniaux du couple1, afin de faire une sorte de divorce « tout-en-
un »2. Tout en maintenant la compétence du JAF pour statuer sur les demandes de maintien
de l’indivision ou d’attribution préférentielle, la loi du 26 mai 2004 élargit ses pouvoirs à
l’octroi à chacun des époux d’une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis 3.
Exceptionnellement toutefois, le juge du divorce se muait en juge de la liquidation, la
même loi lui ayant confié le pouvoir de statuer sur les désaccords persistants entre époux4
lorsqu’ un notaire a été désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil.
Hormis cette exception, et faute de règlement conventionnel par les époux de leur régime
matrimonial, le juge continuait, conformément à l’esprit qui animait le législateur en 2004,
à ordonner la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux5. Or, cet
équilibre sera rompu par la loi de simplification du droit –inspirée des travaux de la
commission GUINCHARD- du 12 mai 20096 qui fait du JAF le juge de la liquidation et du
partage7 des intérêts patrimoniaux en lieu et place du tribunal de grande instance
normalement compétent8 . L’idée portée par cette loi –aux antipodes de ce qui avait été fait

1
Avant 2004, le juge du divorce statuait sur les éventuelles demandes de maintien de l’indivision ou
d’attribution préférentielle et ordonnait la liquidation et le partage des intérêts patrimoniaux des époux (C. civ.,
art. 264-1 dans sa version antérieure à la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004). Il n’avait aucune compétence sur la
détermination du régime matrimonial ni pour sa liquidation. Au mieux, celui-ci désignait un notaire pour
procéder aux opérations de liquidation et de partage. En cas de désaccord, ce dernier établissait un procès-verbal
des difficultés qu’il transmettait au tribunal de grande instance, seul compétent pour trancher ces difficultés.
2
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Pierre MURAT. Cf. la chronique droit de la famille,
J. RUBELLIN-DEVICHI (dir. de), JCP, G, 2016, n° 1-2, 35, spec. n° 4.
3
La dualité de l’instance en divorce et de l’instance en partage a été maintenue au lendemain de la réforme du
divorce en 2004, bien que les effets patrimoniaux qui en découlent soient aujourd’hui indépendants du prononcé
des torts. Cf. l’article 267-1 du Code civil, issu de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 lequel désignait « le
tribunal » chargé de procéder au partage. L’article 1115 du Code de procédure civile issu du décret n° 2004-1158
du 29 octobre 2004 prévoit que la proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux au
sens de l’article 257-2 du Code civil devant accompagner l’assignation en divorce, ne « constitue pas une
prétention au sens de l'article 4 ».
4
En vertu de ce texte, « si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le
fondement de l'article 255, 10° contient les informations suffisantes, le juge, à la demande de l’un ou l’autre des
époux, statue sur les désaccords persistants entre eux ».
5
Art. 267-1 C. civ.
6
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009, precitée.
7
L’article L. 213-3 du Code de l’organisation judiciaire dispose que « le juge aux affaires familiales (...) connaît
de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux (...) sauf en cas de décès ou de déclaration
d’absence ».
8
Visée à l’article 267-1 du Code civil.

160
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

en 2004- est de permettre au juge de vider sa saisine en prononçant le divorce 1. Se posait


alors la question technique relative à l’articulation de la procédure de divorce et la
procédure de partage, les deux relevant désormais du même juge, avec cette nuance que,
pour statuer sur les opérations de liquidation et de partage, une nouvelle assignation devait
être effectuée. La dualité de l’instance permettait ainsi au couple, lorsqu’il le souhaitait, de
procéder au partage amiable de ses intérêts patrimoniaux sans avoir recours au juge. Pour
autant, la dualité de l’instance s’accommodait mal avec l’objectif du législateur en 2004,
qui souhaitait mettre en place un continuum entre le prononcé du divorce et les opérations
de partage et de liquidation.
Dans ce contexte, une partie de la doctrine a légitimement pu croire à l’émergence d’une
nouvelle conception de l’instance en divorce par laquelle le JAF disposerait d’un bloc de
compétences élargi2, regroupant les compétences jusque-là dévolues au juge des tutelles,
au tribunal d’instance et au tribunal de grande instance 3. Or, une circulaire du ministère de
la Justice4 maintient la conception dualiste de l’instance5. Bien qu’elle soit source de
confusions en pratique6, elle avait l’avantage de permettre aux parties de trouver un accord
amiable avant toute saisine du juge. À défaut, une nouvelle assignation leur permettait de
demander le partage judiciaire de leurs intérêts patrimoniaux. Or, l’ambigüité des textes7
conduira la Cour de cassation8, à l’occasion d’un arrêt non publié, à considérer que le juge
du divorce peut désigner le notaire chargé de la liquidation et du partage des intérêts
patrimoniaux.
186. La mise en péril corrélative de la convention de procédure participative.
Dans le droit chemin de l’arrêt rendu en avril, la Cour de cassation9 censure par trois arrêts
rendus le même jour la Cour d’appel toulousaine dans un attendu de principe : « en
refusant ainsi de désigner un notaire, ce qui rendait impossible la mise en oeuvre des
opérations de liquidation et de partage des intérêts patrimoniaux du couple, la cour

1
Or, l’article 267 alinéa 1er du Code civil affirmait toujours que « le juge, en prononçant le divorce, ordonne la
liquidation et le partage ».
2
En ce sens : V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La centralisation des contentieux : le nouveau bloc de compétence du
JAF », in Les transformations du contentieux familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 19-34.
3
C. BRENNER, D., 2012, 2011. Pour l’auteur, les difficultés actuelles sont étroitement liées à l’état des différents
textes, mal coordonnés les uns par rapport aux autres.
4
Circ. CIV10/10, 16 juin 2010 de présentation de l’article 14 de la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009.
5
La circulaire précise qu’à défaut d’accord des parties, le juge n’a pas, au stade du prononcé du divorce, la
faculté « de désigner un notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation et de partage des intérêts
patrimoniaux ou de commettre un juge ».
6
J. COMBRET, N. BAILLON-WIRITZ, « Liquidation et partage après divorce : une réforme urgente s’impose »,
Rev. dr. fam., 2013, étude 6; C. BRENNER, D., 2012, 2011, contra, E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, p 607.
7
En effet, l’adoption de la loi du 12 mai 2009 commandait une harmonisation du régime procédural du partage
spécifique au divorce, cf. J. COMBRET, N. BAILLON-WIRITZ, « Rupture du couple : partage amiable et partage
judiciaire des intérêts patrimoniaux », JCP, N, 2013, n° 17, 1105, spec. n° 60-62.
8
Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, 11-20.195 ; D., 2012, 2011, note C. BRENNER ; AJ fam., 2012, 403, obs. S. DAVID;
RTD civ., 2012, 519, obs. J. HAUSER.
9
Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, n° 12-17.394, n° 11-17.377 et n° 11-10.449.

161
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

d’appel a méconnu l’étendue de ses pouvoirs en violation des articles 267 et 267-1 du
Code civil ». Pour la Haute juridiction, le juge a la charge de désigner un notaire aux fins
de liquidation1 et peut, lorsqu’il l’a fait lors de l’audience de conciliation, se fonder sur le
projet de liquidation pour fixer en cas de désaccord des époux le montant de l’indemnité
d’occupation du logement2.
Si le glissement vers une approche unitaire de l’instance s’inscrit dans l’esprit de
simplification, d’accélération et de pacification de la procédure de divorce, une partie de la
doctrine a pu y voir une « fronde » à la circulaire confirmant le maintien de la solution
dualiste3. En définissant l’étendue des pouvoirs du juge, la décision de la Cour de cassation
aboutit paradoxalement à évincer la convention de procédure participative 4. En effet,
l’incitation actuelle au règlement amiable du différend avant toute saisine juge ne
s’accommode qu’imparfaitement avec l’obligation de désigner un notaire -en vue d’un
partage judiciaire- lorsqu’une partie le sollicite. À considérer que le juge aux affaires
familiales vide sa saisine par le prononcé du divorce, il est toujours loisible aux ex-époux
de conclure une convention de procédure participative pour le partage de leurs intérêts
patrimoniaux. À l’inverse, si le prononcé du divorce ne le dessaisit pas, les époux ne
peuvent conclure -lorsqu’ils en conviennent- une convention de procédure participative
ayant pour objet le partage amiable, celle-ci ne pouvant être conclue qu’avant toute saisine
du juge. Pour Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, la désignation par le juge aux
affaires familiales du notaire ferait de lui « le juge du partage, tant et si bien que tout
partage amiable disparaîtrait au profit du seul partage judiciaire, sans que l’on sache
comment le juge du partage aura été saisi ». Ce paradoxe reflète, pour Monsieur le
professeur ÉGEA, la diversité des modalités d’exercice de la fonction de juger5 et appelle
une clarification nécessaire dont dépendra l’avenir de la convention de procédure
participative. Pour un autre auteur, la systématisation projetée du partage judiciaire aboutit
plus « à allonger la durée moyenne des liquidations après divorce qu’à la réduire », et sera
source de « (…) navettes interminables opérées entre notaire et juridiction »6. De plus, la
nature de l’intervention du notaire reposerait sur un fondement incertain. Judiciaire, le
partage effectué par le notaire le sera-t-il au titre d’une commission judiciaire ou d’un
partage amiable ? Pour Monsieur le professeur HAUSER, « il s’agirait de faire, pour l’après-

1
Spec. n° 11-10.449.
2
Particulièrement, n° 11-17.377.
3
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « La fronde à la circulaire confirmée concernant les pouvoirs liquidatifs du JAF »,
Rev. dr. fam., 2012, comm. 179.
4
L. JUNOD-FANGET, « La convention de procédure participative mise en danger par la Cour de cassation ? »,
AJ fam., 2013, 105; E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, 607; même revue, 2013, 55, obs. P. HILT; D., 2013, 798,
pan. M. DOUCHY-OUDOT ; du même auteur, Procédures, 2013, comm. 19 ; V. ÉGEA, « Un an de droit procédural
de la famille », Rev. dr. fam., 2013, n° 11, n° 1.
5
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois, 2010 ;
Particulièrement, « Un an de droit procédural de la famille », art. precit.
6
E. BUAT-MENARD, AJ fam., 2012, p. 607.

162
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

divorce, ce qui a été fait depuis 1975 pour les causes de divorce en aménageant des
passerelles. Pour avoir réformé, comme d’habitude par confettis, on a créé un imbroglio
dont la Cour de cassation cherche heureusement et courageusement à sortir. Au delà c’est,
globalement, le rôle du juge en matière familiale qui est en cause, entre l’ordre public du
temps passé et rêves “softs” et participatifs d’aujourd’hui »1. Réitérant la solution
consacrée en 2012, la Cour de cassation2 maintient à l’occasion d’espèces rendues depuis,
sa conception d’un divorce « tout-en-un ».
187. L’ordonnance du 15 octobre 2015 : le compromis trouvé. Une nette
dissociation des deux procédures de divorce et de partage devait en conséquence être
opérée afin de permettre une meilleure articulation des deux procédures entre elles, et
permettre à la convention de procédure participative de trouver à s’appliquer. Pourtant,
l’ordonnance du 15 octobre 20153 -la loi du 16 février 20154 ayant habilité le
gouvernement à légiférer5 - ne consacre qu’implicitement cette séparation. Loin de faire
œuvre de création et respectant scrupuleusement les termes de l’habilitation, l’ordonnance
prévoit également un net accroissement des pouvoirs du juge. Ce dernier, en prononçant le
divorce et à défaut de règlement conventionnel par les époux, statue -comme avant- sur les
demandes de maintien dans l’indivision, d’attribution préférentielle et d’avance sur part de
communauté ou de biens indivis6. Il peut également statuer sur les demandes de liquidation
et de partage des intérêts patrimoniaux dans les conditions fixées aux articles 1361 à 1378
du Code de procédure civile7, et le faire d’office lorsqu’il s’agit de la détermination du
régime matrimonial entre époux8. Si autrefois le juge était exceptionnellement compétent

1
J. HAUSER, RTD civ., 2013, p. 96.
2
Cass. civ. 1ère, 11 sept. 2013, n° 12-18.512; Bull. civ., I, 2013, n° 164 ; AJ fam., 2013, obs. P. HILT, p. 585; D.,
2014, obs. M. DOUCHY-OUDOT, p. 689. Après la publication de la loi du 16 février 2015: Cass. civ. 1ère, 4 mars
2015, n° 13-19.847.
3
Ordonnance n° 2015-1288 du 15 oct. 2015, portant simplification et modernisation du droit de la famille, J.O,
16 octobre 2015, p. 19304. Pour les commentaires, V. : M. DOUCHY-OUDOT, « La simplification et la
modernisation de la famille par l’ordonnance n° 2015-1288 du 15 octobre 2015 », Rev. procédures, 2016, n° 1,
étude 2 ; S. THOURET, « Réforme du droit de la famille : le juge du divorce et la liquidation », AJ fam., 2015, pp.
598-600 ; E. BUAT-MENARD, « Réforme du droit de la famille : Accords et désaccords », AJ fam., 2015, pp. 600-
601 ; N. BAILLON-WIRITZ, « Liquidation et partage après-divorce : l’appel à une clarification a-t-il été
entendu ? », Rev. dr. fam., 2016, n° 1, dossier 2 ; Y. PUYO, « Le nouvel article 267 du Code civil : un compromis
entre tradition et innovation », Rev. dr. fam., 2016, n° 1, dossier 3.
4
L. n° 2015-177 du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures
dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, J.O, 17 février 2016, p. 2961. Le décret d’application
de l’ordonnance du 15 octobre 2015 a été adopté le 23 février 2016 : D. n° 2016-185, 23 févr. 2016, J.O, 25 févr.
2016.
5
Sur le recours aux ordonnances en droit de la famille, cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille,
Paris, LGDJ, 5ème éd., 2016, n° 938, pp. 423-424. Pour les auteurs, un tel recours est contestable,
particulièrement en droit de la famille. Il fait fi du débat de société, « de discussions et d’amendements », et met
à mal la représentation populaire.
6
Nouvel art. 267 al. 1er du Code civil.
7
Nouvel art. 267 alinéa 2.
8
Nouvel art. 267 al. 3, consacrant ainsi ce qu’avait déjà admis la Cour de cassation : Cass. civ. 1ère, 20 mars
2013, n° 11-27.845; D., 2013, note S. LE GAC-PECH, p. 1451; AJ fam., 2013, p. 388, obs. A. BOICHE.

163
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

pour trancher les désaccords entre les ex-époux au sujet de la liquidation et du partage,
l’ordonnance innove en inversant la nature de la compétence du juge 1 lequel peut
désormais procéder à la liquidation sans projet d’état liquidatif. Celui-ci se voit donc
investi de pouvoirs liquidatifs largement étendus2. Cependant, cette compétence est
tributaire du désaccord subsistant entre les parties, qu’elles doivent pouvoir justifier par
tous moyens, notamment en produisant une déclaration commune d’acceptation d’un
partage judiciaire indiquant les points de désaccord, ou un projet d’état liquidatif et de
partage établi par un notaire désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil3.
L’idée de favoriser un partage amiable avant toute saisine du juge aux fins de partage
judiciaire permettrait à la convention de procédure participative de satisfaire à un tel
objectif4. Néanmoins, il a pu être reproché à l’ordonnance ses incertitudes tenant à la forme
de la déclaration commune d’acceptation du partage judiciaire ou le caractère non encore
systématique du recours au rapport du notaire désigné sur le fondement de l’article 255,
10°. À ces difficultés, le décret d’application de l’ordonnance en date du 23 février 2016
ébauche le régime procédural des demandes liquidatives présentées sur le fondement de
l’article 267 alinéa 2 du Code civil. Il rétablit au Code de procédure civile un article 1116
qui impose aux parties de justifier par tous les moyens leurs désaccords « au moment de
l’introduction de l’instance ». N’étant plus une condition de la compétence du JAF mais un
simple moyen de preuve, le projet d’état liquidatif et de partage, lorsqu’il a été établi par
un notaire désigné sur le fondement de l’article 255, 10° du Code civil, « peut être annexé
ultérieurement aux conclusions dans lesquelles la demande de liquidation et de partage est
formulée ». Concernant la forme de la déclaration commune, le texte précise que celle-ci
doit être « formulée par écrit et signée par les deux époux et leurs avocats respectifs », ce
qui exclut l’ouverture des opérations de partage par de simples conclusions concordantes.
Un véritable acte procédural conjonctif est donc nécessaire. Or, le risque, tel que souligné
par la doctrine, serait de « limiter considérablement en pratique l’ouverture “sèche” des
opérations de partage judiciaire, simultanément au prononcé du divorce »5. Enfin, l’article
1116 alinéa 2 précise que « les points de désaccord mentionnés dans la déclaration
commune d’acceptation d’un partage judiciaire ne constituent pas des prétentions au sens

1
Y. PUYO, « Le nouvel article 267 du Code civil : un compromis entre tradition et innovation », art. precit.,
spec. n° 17.
2
Cf. récemment pourtant, avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance, Cass. civ. 1 ère, 25 sept. 2015, n° 14-21.525 ;
Rev. dr. fam., 2015, n° 12, Y. PUYO, comm. 21. La Cour de cassation procède à une stricte application de
l’article 267 en considérant que seule une expertise judiciaire peut fonder la compétence du juge du divorce pour
trancher le contentieux de la liquidation et du partage. Or, cette solution « appartient peut-être déjà à l’histoire du
contentieux familial » comme l’a souligné un auteur : cf. V. ÉGEA, « Un semestre de droit procédural de la
famille », Rev. dr. fam., 2016, n° 2, chron. 1, spec. n° 19. Dans le même sens, rendu en application de l’article
267 dans sa rédaction antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance : Cass. civ. 1ère, 10 fév. 2016, n° 15-
14.757; D., 2016, p. 424.
3
Nouvel art. 267, al. 2.
4
THOURET, « Réforme du droit de la famille : le juge du divorce et la liquidation », AJ fam., 2015, pp. 598-600.
5
D. FILOSA, P. SALVAGE-GEREST, V. AVENA-ROBARDET, « Réforme du droit de la famille », AJ fam., 2016,
p. 126.

164
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de l’article 4 du présent code », ce qui signifie que la déclaration commune ne détermine


pas l’objet du litige liquidatif mais les parties devraient pouvoir conclure ultérieurement
quant aux conséquences liquidatives du divorce.

2- En droit maghrébin

188. La difficile émergence d’un cadre structuré. Il n’existe pour l’heure pas de
réel cadre structuré en faveur de la médiation familiale au Maroc (α). Pourtant, les
multiples initiatives témoignent d’une prise en compte croissante de ce mode de résolution
des conflits, dont l’objectif à long terme est de permettre une meilleure effectivité des
dispositions du Code de la famille (β).

α) Inexistence d’un cadre propre à la médiation familiale

189. L’absence de cadre juridique propre. Bien que le Maroc dispose depuis 2004
d’un nouveau Code de la famille, celui-ci ne traite pas expressément de la médiation
familiale comme mode indépendant de résolution des conflits familiaux1. Madame le
professeur NAJI EL MEKKAOUI déplorait déjà, cinq ans après l’entrée en vigueur du
nouveau Code, l’absence de stratégie ou de conceptualisation portant sur ce mode de
règlement des conflits2. L’auteur souligne l’insistance des textes à rappeler que « le recours
à la dissolution du mariage ne doit avoir lieu qu’exceptionnellement …du fait qu’elle
entraîne la dislocation de la famille et porte préjudice aux enfants »3, mais sans que ne
soient donnés les moyens d’y remédier4. Il est vrai que le Code prévoit lors de la procédure

1
Il convient de préciser qu’une loi 08-05 relative à l’arbitrage et à la médiation conventionnelle a été publiée au
Journal Officiel n° 5584 du jeudi 6 décembre 2007. Celle-ci abroge les dispositions du Code de procédure civile
relatives à l’arbitrage et pose un nouveau dispositif régissant l’arbitrage et la médiation conventionnelle. Le texte
de loi précise que n’entrent pas dans son champ les litiges relatifs au droit des personnes. L’article 180 du Code
de procédure civile dispose que : « Lorsque le juge est saisi d’une procédure, il convoque immédiatement les
parties à une audience. À cette première audience, les parties doivent comparaître en personne ou par leur
représentant légal et il est toujours procédé à une tentative de conciliation. Si cette conciliation intervient, le juge
rend immédiatement un jugement constatant l'accord, qui met fin au litige, a force exécutoire et n’est susceptible
d'aucun recours ». L’alinéa 1 de l’article 81 du Code de la famille, relatif au divorce sous contrôle judiciaire,
dispose que « le tribunal convoque les époux pour une tentative de conciliation ». L’article 82 alinéa 2 poursuit :
« En vue de concilier les conjoints, le tribunal peut prendre toutes les mesures utiles, y compris le mandatement
de deux arbitres ou du conseil de famille ou de toute personne qu’il estime qualifiée. En cas d’existence
d’enfants, le tribunal entreprend deux tentatives de conciliation, espacées d’une période minimale de trente jours.
Si la conciliation entre les époux aboutit, un procès-verbal est établi à cet effet et la conciliation est constatée par
le tribunal ». L’article 94 du même Code relatif au divorce judiciaire renvoie à l’article 82 afin de souligner qu’il
incombe au tribunal de procéder à la conciliation.
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, t. 3, De la Réforme de la Moudawana à la concrétisation de son âme, Rabat, 3ème éd., Bouregreg,
2009, p. 70.
3
Ibidem., p. 70.
4
Dans le même sens : K. ALLAOUI, « Vers l’établissement de la médiation familiale au Maroc », in Approche
plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la
justice civile, t. 2, 2015, pp. 169-175 (en langue arabe).

165
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

de divorce une phase de réconciliation ssolh indispensable dans la gestion du conflit du


couple, mais celle-ci ne constitue qu’une étape obligatoire lors de la procédure de divorce.
Un couple demandeur de séances de médiation ne peut en faire la demande faute d’un
dispositif indépendant, structuré et encadré de médiation. La seule alternative possible pour
ce dernier est de saisir la justice d’une demande de divorce ou de trouver lui-même une
solution, voire de recourir à ses frais aux services d’un thérapeute conjugal. Le plus
souvent, un des membres de la famille de l’épouse ou de l’époux peuvent jouer de façon
informelle le rôle de conciliateur1. Lorsque le couple saisit la justice pour mettre fin à son
union, le juge convoque obligatoirement le couple pour une tentative de conciliation, une
seconde étant obligatoire lorsque le couple a des enfants. Or, le juge n’est pas un médiateur
mais s’improvise en tant que tel face aux époux. Cette tentative de médiation n’offre pas au
couple l’occasion de rétablir la communication, souvent rompue. Simple phase de
réconciliation, elle ne permet pas non plus d’extérioriser le sentiment d’échec et de
souffrance de l’un ou l’autre époux, afin d’apaiser l’animosité envers l’autre. De la même
manière, le juge n’est pas ce professionnel formé aux techniques et modalités de la
communication, en permettant au couple de librement s’exprimer dans un cadre
confidentiel et extra judiciaire, sans peur d’être jugé. Les statistiques du Ministère de la
Justice au cours des années 2010-2011 témoignent du faible taux de conciliation réussies
lorsque celles-ci sont entreprises par le juge. Le même constat peut être effectué au sujet de
la conciliation informelle intervenant à l’initiative de l’entourage. Celui-ci, bien qu’étant
souvent une précieuse alternative à la dislocation de la famille, se limite bien souvent « à la
situation extérieure sans se soucier de l’impact des mésententes exprimées sur
l’inconscient et les sentiments profonds »2 de chacun des conjoints.
190. Une conception de la médiation familiale, reflet de la conception des liens
familiaux. Éminemment volontaire, la médiation devrait être mise à la disposition des
époux afin que ceux-ci prennent conscience de l’ampleur de leur conflit –première étape de
la « thérapie » conjugale-, en leur permettant d’y recourir en toute liberté. Telle que perçue
outre méditerranée, la médiation familiale –abordée sous le seul angle de la conciliation-
n’est au demeurant, que le reflet de la conception que l’on se fait de la famille. Si la
matière familiale succombe de plus en plus au principe de disponibilité en France, celle-ci
s’accompagne d’une transformation de la mission du juge qui, loin de renoncer à trancher
le litige, fait largement la place au consensus en acceptant de partager sa fonction de juger

1
Le professeur NAJI EL MEKAOUI souligne que la médiation « a toujours eu place dans la société Islamique à
travers les âges. Au demeurant, le douar, le quartier, la famille étendue, les amis, les Imams, les prédicateurs, les
personnes dotées d’autorité morale et d’expériences…et généralement l’entourage des époux, furent tous
habilités à faire appel aux arbitres ou se positionner eux-mêmes en tant que médiateur et prévenir la discorde et
non uniquement la désunion). L’efficacité de ces coutumes est confirmé par le taux insignifiant du divorce dans
les sociétés ancestrales ». Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le
référentiel et le conventionnel en Harmonie, op. cit., p. 324.
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. 329.

166
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

avec le justiciable1. En droit maghrébin, le droit de la famille plus que tout autre domaine
est considérablement empreint d’ordre public, lui-même teinté d’une forte connotation
religieuse2. À ce titre, la fonction du juge laisse une place très minime au consensus 3 car
son objet est moins d’y associer le justiciable que de maintenir une certaine conception de
l’ordre public. Dans ce contexte pourtant, la mise en place d’une médiation familiale ne
contreviendrait en rien à l’ordre public, car son objectif est de maintenir la durabilité de
l’union en assainissant la relation conjugale. Le référent islamique lui-même préconise le
ssolh à plusieurs reprises, peu important la personne qui en est l’initiatrice. Permettre au
couple de recourir à des séances de médiation aurait pour vertu de le responsabiliser, en lui
permettant d’extérioriser les sentiments négatifs et de prendre conscience du rôle qui
incombe à chacun de ses membres dans la construction d’une famille. La société y
gagnerait en termes de coût financier mais surtout d’allègement des procédures et de
modernisation de l’appareil judiciaire.
191. La nécessité de promouvoir une culture judiciaire pacifiée. La place de la
conciliation et de la médiation dans la politique familiale marocaine constitue pourtant le
sixième grand fondement de la politique familiale islamique4 préconisé par Madame le
professeur NAJI EL MEKKAOUI. Si la tentative de réconciliation vise à mettre un terme au
différend qui oppose le couple, le moyen utilisé n’est pas adapté à une recherche de la
pacification du conflit. Une fois entre les mains du juge, celui-ci a plus de chances d’être
judiciairement tranché. C’est pourquoi il convient de promouvoir une culture de la
médiation familiale en dehors du champ judiciaire en y incitant, à l’instar de la politique
familiale française, tous les couples qui souhaitent saisir le juge aux fins de divorce. À titre
d’exemple, toute saisine du juge ne serait permise qu’après avoir été informé et redirigé
vers des séances de médiation familiale. Le médiateur mettra alors tout en œuvre afin de
réconcilier les conjoints. Si à l’issue de deux séances la volonté du couple ne permet pas de

1
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois,
coll. « Droit&Notariat », 2010.
2
V. infra, n° 421 et s.
3
Dans ce même ordre d’idées, V. P. GANNAGE, « Aperçu comparatif : les pays du pourtour méditerranéen », in
La contractualisation de la famille, D. FENOUILLET, P. DE VAREILLES-SOMMIERES (dir. de), Paris, Economica,
2001, pp. 247-256. L’auteur, tout en soulignant l’importance du pouvoir de la volonté des époux dans les droits
religieux, notamment par la possibilité d’adjonction de clauses à l’acte de mariage, relève que la liberté « a un
domaine plus restreint dans les droits religieux internes et peut seulement (comme on l’a observé) se déployer à
l’intérieur de la réglementation du mariage , suivant les règles qui s’y trouvent édictés. Elle ne saurait se
soustraire à cette réglementation et faire reconnaître juridiquement d’autres modes de formation des liens
familiaux ». Cf. spec. p. 249.
4
Cf. R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. 323 et s. L’auteur insiste sur l’ « appel divin d’anticiper la mésentente et de recourir aux
arbitres ou médiateurs toutes les fois où la discorde entre les époux est à craindre » en vertu du verset coranique
35 de la sourate Les Femmes : « Si vous craignez le désaccord entre les deux (époux), envoyez alors un arbitre
de sa famille à lui, et un arbitre de sa famille à elle. Si les deux veulent la réconciliation, Allah rétablira l’entente
entre eux. Allah est certes, Omniscient et parfaitement Connaisseur ». Le même appel divin se retrouve dans un
autre verset (234) de la sourate La Vache : « Et si, après s’être consultés, tous deux tombent d’accord pour
décider ».

167
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

parvenir à accord, la rupture est inévitable. La médiation est question de culture judiciaire1,
et tout le défi dans les pays du Maghreb est de promouvoir cette culture de la pacification
dans des sociétés caractérisées par « l’inflation vertigineuse de la divortialité et le
surnombre des litiges judiciaires »2. La médiation familiale constitue aujourd’hui l’élément
incontournable d’une justice familiale saine, efficace et apaisée. Les expériences
étrangères, notamment canadienne, peuvent à ce titre être une véritable source
d’inspiration. Pour l’heure, cette mise en place bute sur les moyens matériels -
modernisation du système judiciaire- et humains –formation et réglementation du métier de
médiateur-. Madame le professeur NAJI EL MEKKAOUI suggère de confier la médiation aux
institutions déjà existantes ayant prouvé leur utilité par le passé, telles « le Conseil de la
famille3, les arbitres, la mosquée avec ses différentes composantes, les Conseils des
Oulémas (savants de l’Islam), bénévoles, retraités du secteur judiciaire et parajudiciaire, les
personnes jouissant d’une autorité morale, la société civile, notamment les centres d’écoute
(…) »4. Si le juge demeure l’acteur incontournable d’une justice familiale efficace, il ne
peut, à lui seul, assurer des missions d’enquête sociale relatives notamment aux
autorisations de mariage des mineurs, la véracité des prétentions qu’il recueille ou
l’identification des intérêts des parties vulnérables (essentiellement les enfants). Une
meilleure structuration des différentes institutions et mécanismes nécessaires permettraient
une meilleure effectivité du Code.

β) Un cadre en cours d’élaboration

192. Une promotion timide de la médiation au plan régional. Malgré ces


difficultés, la société civile et certains mouvements associatifs œuvrent en faveur d’une
meilleure connaissance et une plus large diffusion de la culture de la médiation.
L’Association Chaml pour la Famille et la Femme a organisé les 20 et 21 novembre 2009 à
Rabat, en partenariat avec l’UNIFEM (United Nations Development Fund for Women),
l’Ambassade de Belgique et le Ministère de la Justice un colloque international autour du
thème « Le conflit familial entre l’approche juridique et la médiation ». Cette
manifestation a connu la participation d’experts internationaux de Belgique, de France, de

1
V. en ce sens la thèse de A. KERMOUCHE, La nouvelle pratique judiciaire dans le Code marocain de la famille,
Rabat, Publications Al-ma’arif, 2013 (en langue arabe).
2
R. NAJI EL MEKKAOUI, La Moudawana (Code marocain de la famille), Le référentiel et le conventionnel en
Harmonie, op. cit., p. 324.
3
Cette dernière instance, créée par le décret n° 2-94-31 du 26 décembre 1994 à l’occasion de la réforme de la
moudawana en 1993, n’a jamais fonctionné, notamment pour des raisons organisationnelles. Relancée par le
décret n° 2-04-88 du 6 octobre 2005 relatif à la composition et aux attributions du Conseil de famille, cette
instance à laquelle les tribunaux peuvent recourir afin d’assister la Justice dans les affaires familiales (art. 25 al.
2 du CMF) ne connaît que très peu de succès. Selon le professeur NAJI E L MEKKAOUI, celle-ci n’a pas joui de
l’intérêt des militants dont l’exigence de recherche de la conciliation n’est pas omniprésente, ainsi qu’en raison
d’un trop grand retard accusé dans la mise en route du nouveau Code et de ses dispositions auprès des citoyens.
4
Ibidem., p. 330.

168
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la Suisse, d’Egypte, de la Tunisie, de la Mauritanie et du Maroc. À cette occasion,


Monsieur Ayssar IBRAHIM, directeur des affaires civiles au ministère de la Justice a mis
l’accent sur l'importance du rôle de la médiation dans le règlement des conflits familiaux,
soulignant que ce type de médiation existe dans la vie quotidienne et permet le règlement
de nombreux conflits. C’est pourquoi il convient de conjuguer tous les efforts en vue de sa
promotion. Un autre colloque international a également été organisé les 10 et 11 octobre
2010, et le Centre de recherche juridique et judiciaire (CRJJ) a réuni le 10 février 2011 à
Alger près de 140 médiateurs pour une assemblée générale constituante afin de créer
l’Association nationale des médiateurs judiciaires algériens (ANMJA). Pour l’heure, en
droit algérien, l’article 994 du Code de procédure civile et administrative prévoit qu’ « en
toute matière, le juge doit proposer aux parties la médiation à l’exception des affaires
familiales et prud’homales et des affaires susceptibles de porter atteinte à l’ordre public
(…) ». Ceci signifierait-il que le droit algérien considère la médiation comme un procédé
pouvant porter atteinte à une matière aussi teintée par l’ordre public que les affaires
familiales ? Il convient probablement de distinguer médiation et conciliation, cette dernière
demeurant tant en droit marocain qu’algérien une étape obligatoire de la procédure de
divorce. C’est pourquoi il n’est pas possible de parler de réel processus de médiation
autonome et structuré tel qu’il existerait en droit français.
Avec une longueur d’avance, le législateur tunisien adopte dès le 19 octobre 2010 un projet
de loi portant création de la fonction de conciliateur familial chargé de trancher les litiges.
Il modifie l’article 32 du Code du statut personnel qui permet désormais au « juge de la
famille, après l'accord des deux époux en conflit, de se faire assister par un conciliateur
familial désigné parmi les cadres relevant des structures de la promotion sociale, en vue de
les réconcilier et de les aider à parvenir à une solution mettant fin à leur différend, dans le
but de sauvegarder la cohésion familiale »1. La liste des conciliateurs familiaux est établie
sur la base d’un arrêté commun entre le ministre de la Justice et le ministre chargé des
Affaires sociales. Si l’adoption de cette loi satisfait à l’exigence de protection de la famille,
elle témoigne d’une avancée certaine en comparaison avec les voisins marocain et algérien.
Surtout, cette initiative intervient en concrétisation du programme présidentiel Ensemble
relevons les défis pour 2009-2014 et permet de considérer le juge de la famille autrement
qu’un simple juge du divorce. Elle en fait avant tout un conciliateur. Cependant, la
possibilité de recourir au conciliateur familial relève du pouvoir discrétionnaire du juge qui
peut, si les deux conjoints y consentent, recourir à ce mécanisme.
193. Le Conseil de famille, une institution à régénérer ? L’article 251 alinéa 2 du
Code de la famille institue un Conseil de famille « chargé d’assister la justice dans ses
attributions relatives aux affaires de la famille. Sa composition et ses attributions sont
fixées par voie réglementaire ». L’article 7 du décret fixant ses attributions2 précise que le

1
Art. 32 du CSP modifié par la loi n° 2010-50 du 1er novembre 2010.
2
D. n° 88.04.2 du 14 juin 2004.

169
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Conseil mène une mission d’arbitre et d’isslah (rendre fonctionnel ce qui ne l’est plus)
pour tout ce qui concerne les affaires familiales. Néanmoins, ses avis sont purement
consultatifs. Selon cet article, le Conseil jouit de prérogatives élargies et peut intervenir
tant en matière de divorce, de garde de l’enfant ou de pension alimentaire. Cependant, ce
Conseil a davantage brillé par son effacement des affaires familiales. Cette situation est
due au fait qu’il revient au juge en charge du litige de provoquer le Conseil à l’occasion
d’une affaire. Celui-ci désigne alors quatre arbitres de l’entourage du couple,
conformément au décret. Or, désigner des proches en vue de parvenir à un accord conjugal
ne satisfait pas à l’exigence d’impartialité devant être celle du tiers intervenant. Le plus
souvent, un des conjoints ne pourra exprimer en toute liberté ses sentiments, de peur d’être
jugé. L’association d’acteurs sociaux ou de psychologues favoriserait un tel objectif 1. Le
caractère purement consultatif de ce Conseil a également contribué à son effacement. Dès
lors que le juge n’était pas tenu de convoquer un tel Conseil en vue du règlement du litige
dont il était saisi, la pratique s’est développée de se passer des avis de ce Conseil. Cette
marginalisation est d’autant regrettable que le Conseil de famille pourrait jouer un rôle
déterminant dans le processus de conciliation. Une partie de la doctrine a même argué de la
nécessité pour le juge de motiver le non recours aux services de ce Conseil 2. D’autres
difficultés, tenant à l’absence de volonté des époux à constituer le Conseil, ou encore les
frais inhérents au déplacement des arbitres désignés sont autant d’obstacles à son
ineffectivité. Une régénération de ce Conseil dans les missions qui lui ont été dévolues
serait à n’en pas douter un premier levier efficace dans la promotion de la médiation
familiale. Cette régénération passerait par le caractère obligatoire de sa convocation par le
juge et par la prise en compte des avis qu’il émet, en ouvrant sa composition à des
professionnels neutres capables de recueillir la parole des époux dans un espace dédié à cet
effet.
194. La prise de conscience de la nécessité d’institutionnaliser la médiation
familiale. Sous l’égide du fonds de développement des Nations-Unies pour la femme et en
collaboration étroite avec le ministère de la justice et des libertés, un projet d’appui aux
sections de la famille pour la mise en œuvre du Code a été initié en 2011 par le Centre de
recherches et d’études appliquées en développement humain (CREADH) au Maroc. Le
projet s’inscrit dans le cadre du plan des Nations-Unies (2007-2011), dont un des
principaux objectifs est d’ « atteindre, en matière d’égalité de genre, des progrès
significatifs »3. Un des axes d’intervention du projet d’appui aux sections de la famille
repose sur la mise en place d’un mécanisme de médiation et de conciliation opérationnel.
À cette fin, les sections de la famille pilotes du projet ont été les tribunaux de Benslimane,

1
A. KECHBOUR, La nouvelle pratique judiciaire dans le Code marocain de la famille, Rabat, Publications Al-
ma’arif, 2013, p. 47 (en langue arabe).
2
Ibidem., p.47.
3
Mais aussi réduire la vulnérabilité des femmes et des enfants, lutter contre la discrimination et renforcer les
capacités des femmes.

170
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Casablanca, Inzegane et Tanger, où des cellules de médiation ont été mises en place afin
d’institutionnaliser un cadre de proximité adapté au traitement des conflits conjugaux 1.
À l’issue de l’évaluation de ce programme, il a été regretté que ce soient les juges et
procureurs eux-mêmes qui ont assuré la fonction de médiateur, créant une confusion tant
chez les acteurs eux-mêmes qu’auprès du public quant à la réelle signification du
processus. Bien qu’aient été mobilisées les enquêtes sociales et les centres d’écoute comme
acteurs supplémentaires pour alléger le travail du magistrat, celui-ci ne saurait être ce tiers
impartial œuvrant à rétablir la communication, ni apaiser le conflit existant. Le risque
d’une telle confusion est que les juges réduisent ces séances de médiation à une simple
phase de réconciliation, qu’ils assurent déjà dans le cadre de la procédure de divorce.
D’autres obstacles ont été pointé du doigt, particulièrement d’ordre organisationnel, sur le
plan des ressources humaines, de coût engendré par le processus de médiation et
d’infrastructures. En effet, l’inadéquation d’un processus de médiation mené au sein même
des sections de la famille -rattachées aux tribunaux de première instance- est patente.
L’absence d’un espace autonome, exclusivement dédié à la justice familiale et a fortiori à
la médiation témoigne d’un avortement prématuré de l’objectif d’apaisement du conflit
conjugal poursuivi par un tel processus. Pour autant de raisons sans doute, le ministère de
la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social a procédé à une visite
d’échanges avec l’Union nationale des associations familiales (UNAF) (du 28 au 30
janvier 2015), dont l’objet -outre de renforcer l’échange et le partenariat entre les deux
pays- est de permettre une meilleure connaissance de la médiation en France, tant du point
de vue de son dispositif institutionnel qu’associatif. À la fin de la même année (les 7 et 8
décembre 2015) a été organisé à Skhirate un Congrès international sur la médiation
familiale. La poursuite de l’objectif d’échange sur les bonnes pratiques à partir
d’expériences étrangères était naturellement au cœur des travaux. Gageons que le Maroc
puisse adopter, dans les années à venir, une loi promouvant la médiation familiale comme
processus autonome de résolution des conflits familiaux en phase avec les valeurs et
spécificités de la société. Une telle entreprise ne pourra néanmoins se concrétiser que par
un travail d’intériorisation de la culture de la pacification, mais aussi d’une profonde
réforme du système judiciaire déjà en cours2.

1
En ce sens : K. ALLAOUI, « Vers la mise en place de la médiation familiale au Maroc », in Approche plurielle
des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice
civile, t. 2, 2015, pp. 169-174 (en langue arabe).
2
En ce sens, une charte présentant six recommandations a été présentée par la Haute instance du dialogue
national en juillet 2013, disponible en ligne en langue arabe sur le site du ministère de la justice et des libertés.
Disponible en langue française sur le portail juridique et judiciaire du ministère adala.justice.gov.ma

171
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Section 2. La coparentalité dans l’intérêt de l’enfant

195. Intérêt de l’enfant et principe de coparentalité. Le droit commun de


l’autorité parentale est irrigué par le principe de coparentalité. Celui-ci exige que les père
et mère exercent à égalité leurs fonctions parentales dans l’intérêt de l’enfant 1. Durant le
mariage, il revient naturellement aux parents de veiller à la prise en charge et à l’éducation
de leurs enfants. Cette conception de l’autorité parentale est partagée tant par le droit
français que par le droit marocain (§1). Si l’intérêt de l’enfant2 fonde la coparentalité en
mariage, celle-ci devrait pouvoir se poursuivre même après la séparation du couple. Le
droit français se distingue sur ce point du droit marocain qui promeut une coparentalité liée
à l’état de mariage. Que celle-ci se poursuive après la séparation ou qu’elle soit
exclusivement liée à la situation matrimoniale des parents, la protection de l’intérêt de
l’enfant qui en découle se révèle, dans l’un et l’autre cas, insuffisante (§2).

§1) Une protection commune de l’intérêt de l’enfant

196. L’intérêt de l’enfant au cœur des deux systèmes. Les vertus humanistes du
droit ont conduit depuis plusieurs années maintenant à une protection accrue de l’enfant.
La prise en compte de son intérêt a permis de repenser son bien-être dans le cadre familial
et a largement nourri la réflexion doctrinale (A). La fréquence des séparations conjugales
met pourtant à mal cet intérêt, que la jurisprudence s’efforce de préserver au mieux (B).

A) Les fondements de la protection

197. Des fondements distincts. Au-delà de l’écart entre la conception française et


marocaine du droit de la famille, la réflexion portant sur les droits de l’enfant permet une
relative convergence des législations en la matière3. Au regard de l’importance de la
famille en tant que cellule de base de la société, la réflexion autour de l’enfant et son
intérêt n’est pas absente du droit musulman classique. Elle y répond néanmoins à d’autres
critères et à d’autres préoccupations qui ne sont pas ceux du droit français.
Particulièrement, l’approche occidentale en termes d’ « intérêt de l’enfant » (1) contraste
1
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014, n° 554, p. 348.
2
C. SANDRAS, L’intérêt de l’enfant en droit des personnes et de la famille, Thèse, Paris II, 2000, p. 442.
L’auteur, citant M. BORE (La cassation en matière civile, Paris, Dalloz, 1997), relève que l’absence même de
définition de l’intérêt de l’enfant rend malaisé le travail d’unité d’interprétation de cette notion par les juges.
Pour autant, l’intérêt de l’enfant fait en tant que tel l’objet d’un contrôle par la Cour de cassation et lui permet
d’accéder à la catégorie de notion juridique. V. aussi, C. BRUNETTI-PONS, « L’intérêt supérieur de l’enfant : une
définition possible ? », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 87, dossier supplément « Le statut de l’enfant depuis la
Convention Internationale relative aux droits de l’enfant ».
3
M. DOUCHY-OUDOT, « Les enfants et la séparation des parents », RIDC, 2010, pp. 623-651.

172
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

avec celle du droit musulman, qui privilégie une approche davantage orientée vers ses
droits (2).

1- L’approche occidentale en termes d’ « intérêt de l’enfant »

198. L’intérêt de l’enfant : un standard juridique. Pour Monsieur le professeur


RIALS, le standard juridique est une expression de la règle de droit qui « vise à permettre la
mesure de comportements et de situations en termes de normalité »1. Pour un autre auteur,
le standard (à la différence du concept indéterminé) « ne propose pas un cadre à l’intérieur
duquel cheminerait la pensée mais, au contraire, un centre autour duquel gravite le
raisonnement juridique, (tout en) offrant une normalité, une exemplarité (…) (à laquelle) se
conformer. Sans prétendre au strictement déterminé, le standard s’entend-il pour le moins
(…) d’une figure vers laquelle tendre suivant une fidélité commandée ou
recommandée »2. La définition donnée par Monsieur ROSCOE POUND du standard
juridique rejoint l’idée du standard de Monsieur le professeur RIALS, en lui conférant une
portée plus concrète. Il s’agit pour l’auteur d’« un procédé donnant la mesure moyenne de
conduite sociale servant à juger une série d’actes »3. La plasticité caractéristique de
l’ « intérêt de l’enfant » le rapproche également de la notion à contenu variable4, son
contenu pouvant varier dans le temps et d’un système juridique à un autre.
199. Les difficultés d’une définition. Pour Madame SANDRAS5, la définition de la
notion d’ « intérêt de l’enfant » doit être perçue telle « une directive, un ensemble de points
de repère, qui laisse une marge d’appréciation au juge. Elle ne doit pas anéantir
l’adaptation que permet l’intérêt de l’enfant (…). C’est la raison pour laquelle la définition
doit, sans être imprécise, être large pour être valable quel que soit le domaine concerné et
pour tenir compte de toutes les situations susceptibles de se présenter »6. Pour l’auteur,
« l’intérêt de l’enfant est de vivre, de s’épanouir pleinement et de s’intégrer dans un milieu
familial et un entourage sereins et matériellement convenables, de ne pas voir sa santé, son
équilibre psychologique et moral compromis, de recevoir une éducation appropriée, d’être
préparé à sa vie d’adulte et de voir son patrimoine préservé »7. Si la définition telle que
proposée semble être suffisamment large pour contenir tous les domaines où l’intérêt de

1
S. RIALS, Le juge administratif français et la technique du standard juridique, Paris, LGDJ, 1980.
2
A. PAPAUX, « Prolégomènes : paradigme pour une appréhension dynamique du droit », in Notions-cadre,
concepts indéterminés et standards juridiques en droits interne, international et comparé, E. CASHIN RITAINE,
E. MAITRE ARNAUD (dir. de), Genève-Zurich, Bruylant, 2008, pp. 3-4.
3
Cité par P. DELEBECQUE, « Standards in civil law systems », RRJ, 1988, p. 872.
4
J. CARBONNIER, « Les notions à contenu variable dans le droit français de la famille », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 99. V. aussi, S. FREMEAUX,
« Les notions indéterminées du droit de la famille », R.R.J., 1998, p. 865.
5
C. SANDRAS, L’intérêt de l’enfant dans le droit des personnes et de la famille, Thèse Paris II, 2000.
6
Ibidem., p. 433.
7
Ibid., p. 434.

173
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

l’enfant peut avoir à s’exprimer-en fournissant une ligne de conduite au juge lors de son
appréciation-, cette tentative de définition négligerait pourtant le critère de non-
exclusivité. Déjà de mise dans certains domaines1 révélant un conflit d’intérêts, il n’est
pourtant pas inutile de le rappeler dans un contexte où est largement répandue l’idée d’un
enfant-roi.
200. « Droits de l’enfant » et « intérêt de l’enfant ». La question portant sur les
droits de l’enfant et son intérêt pourrait maladroitement conduire à considérer que tout ce
qui est de son intérêt devrait être traduisible pour lui en termes de droits à. Or, tout droit
accordé à l’enfant ne correspond pas nécessairement à ce qu’exige son intérêt. À la
question portant sur la nature de cet intérêt, Monsieur le professeur OST2 relève quatre
caractéristiques pouvant lui être imprimées : l’imprécision, l’ubiquité, la souplesse et une
potentialité subversive. Madame TRIBES y ajoute volontiers la neutralité3. Ce dernier trait
de caractère confèrerait à l’ « intérêt » une permanence au regard de la diversité des
situations et des époques. La notion résisterait également à la classification, la
systématisation et la définition. Protéiforme, l’intérêt informe mais déforme aussi les
secteurs les plus divers du système juridique par son intense variabilité4. Pour Monsieur le
professeur DABIN, l’intérêt constitue une valeur économique ou morale appartenant à son
titulaire. Dans le débat relatif au droit subjectif, il met l’accent sur la jouissance davantage
que la possession du droit5. Pour Monsieur le professeur HAUSER, l’intérêt est une sphère
d’équilibre à contenu variable dans certaines limites, la synthèse d’une volonté et d’un
élément objectif6. Un début de réponse sur la question semble pouvoir être trouvé dans la
pensée d’IHERING qui a clairement distingué l’intérêt et le droit dans son étude du droit
romain7. L’auteur y a dégagé les deux éléments constitutifs du principe de droit : « l’un,
substantiel, dans lequel réside le but pratique du droit, et qui est l’utilité, l’avantage, le gain
assuré par le droit, l’autre, formel, qui se rapporte à ce but uniquement comme moyen, à
savoir la protection du droit, l’action en justice. Celui-là est le fruit dont celui-ci est
l’enveloppe protectrice »8. À partir de cette distinction, IHERING pose la définition selon
laquelle « les droits sont des intérêts juridiquement protégés ». Préalable à ses droits
subjectifs, l’intérêt de l’enfant constitue la finalité des droits subjectifs qui lui sont
1
C’est notamment le cas dans le contentieux relatif au changement de nom et de prénom, de droit de visite,
d’hébergement ou encore d’adoption.
2
P. GERARD, F. OST, M. VAN DE KERCHOVE (dir. de), Droit et intérêt, Entre droit et non-droit : l’intérêt. Essai
sur les fonctions qu’exerce la notion d’intérêt en droit privé, Bruxelles, Facultés universitaires Saint-Louis,
1990, p. 185.
3
A. TRIBES, Le rôle de la notion d’intérêt en matière civile, Thèse, Paris II, 1975, p. X.
4
P. GERARD, F. OST, M. VAN DE KERCHOVE (dir. de), Droit et intérêt, Entre droit et non-droit : l’intérêt. Essai
sur les fonctions qu’exerce la notion d’intérêt en droit privé, op. cit., p. 185.
5
V. DABIN, Le droit subjectif, Paris, 1952, p. 80.
6
J. HAUSER, Objectivisme et subjectivisme dans l’acte juridique, Thèse, Paris, LGDJ, 1971, spec. pp. 61-65.
7
R. VON IHERING, L’esprit du droit romain dans les diverses phases de son développement, t. IV, A. Marescq,
1878.
8
Ibidem., p. 326.

174
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

accordés. Pour les satisfaire, le droit fournit les moyens d’action pour y parvenir : bonnes
conditions de vie, construction et épanouissement personnel. En dépit de cet
éclaircissement, la problématique de l’intérêt demeure entière, IHERING associant l’intérêt à
la volonté. À considérer l’enfant titulaire de droits, celui-ci n’est pourtant pas apte à leur
exercice.
201. Exercice des droits et notion d’intérêt. Madame MONTILLET DE SAINT-PERN
met en lumière dans sa thèse1 les deux positions doctrinales qui se font jour en Angleterre
sur la question. Selon l’interest theory, les droits dérivent des intérêts de la personne. De ce
point de vue, une personne n’a de droits que si son intérêt est suffisant pour en justifier et
imposer un devoir à une autre personne. Cette théorie protègerait donc les intérêts de la
personne indépendamment de ses choix. HIERING s’inscrit dans ce courant de pensée du
fait de l’importance qu’il attache à l’intérêt et la finalité du droit, indépendamment de la
volonté. À l’opposé, la will theory met en avant l’idée que l’on ne peut parler de droit que
lorsqu’une personne est apte à l’exercer, le faire exécuter ou y renoncer. Cette position
établit un lien étroit entre la titularité d’un droit et son exercice, laquelle ferait défaut chez
les enfants mineurs faute de jouir d’une pleine capacité juridique. Cette théorie conteste
donc la possibilité pour les enfants mineurs d’être titulaires de droits.
202. Intérêt « concret » et intérêt « abstrait ». Fonctionnelle et extrêmement
malléable, l’intérêt de l’enfant peut viser plusieurs objectifs. Il n’existerait à cet égard pas
un intérêt de l’enfant mais différents intérêts qu’il convient de préserver au mieux. Des
considérations d’ordre moral, psychologique, affectif, physique, éducatif, matériel et
pécuniaire peuvent coexister2. Elles sont également évolutives avec l’âge de l’enfant, c’est
pourquoi chacune d’elles doit être appréciée concrètement par le juge, selon le domaine en
cause. À titre d’exemple, l’intérêt de l’enfant sera souvent pécuniaire et patrimonial
lorsque le juge est amené à apprécier sa vocation successorale ou son aptitude à recueillir
les bénéfices d’une législation favorable en matière d’accidents du travail 3. Le rôle du
magistrat revêt toute son importance car c’est à lui que revient la charge, en dernier lieu, de
décider de ce qui est le mieux dans son intérêt. Si la Cour de cassation ne veille qu’au
contrôle de la motivation des juges du fond sans se préoccuper de la qualification des faits
qu’elle leur abandonne, elle vérifie néanmoins que l’intérêt de l’enfant constitue le critère
décisionnel des juges. La difficulté est encore plus grande pour le juge qui doit combiner
l’appréciation in concreto à l’appréciation in abstracto, « puisque lorsqu’il est amené à
prendre sa décision, (il) met en parallèle la situation concrète de l’enfant avec une
représentation abstraite de ce que devrait être sa situation »4.

1
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, droit français et droit anglais, Thèse,
Paris II, 2013, pp. 265-266, spec. n° 467.
2
C. SANDRAS, L’intérêt de l’enfant dans le droit des personnes et de la famille, op. cit., pp. 351-365.
3
Chb. réunies, 8 mars 1939, D., 1941, p. 37, note L. JULLIOT DE LA MORANDIERE.
4
M.-P. ROSADO, « L’intérêt supérieur de l’enfant depuis le revirement sur l’applicabilité directe de la
Convention de New York », Rev. Lamy dr. civ., 2006, nov., p. 35, spec. p. 37.

175
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

2- L’approche islamique des « droits de l’enfant »

203. La protection des droits de l’enfant. La législation islamique se préoccupe de


l’enfant à tous les stades de sa vie1. À cet égard, celle-ci distingue cinq étapes dans son
développement, chacune d’elles devant répondre à son intérêt pendant une phase donnée
de sa vie2. Lorsqu’il évoque la création de l’enfant3, le Coran se réfère à une combinaison
de liquides, comportant les traits physiques et psychiques des parents dont dépendront les
caractéristiques de leur enfant. L’idée est de mettre l’accent sur le facteur de l’hérédité, le
prophète insistant sur la responsabilité incombant aux conjoints dans le choix du partenaire
de vie4. La première phase de la protection s’étend de la conception du fœtus jusqu’à sa
naissance. Sa qualité d’être humain pendant le développement fœtal lui confère le droit de
se développer et de naître. Naturellement, l’avortement est interdit pour permettre
l’effectivité de ce droit. Dès la naissance et jusqu’à l’âge de sept ans, les parents doivent
particulièrement faire preuve de tendresse à l’égard de l’enfant et le choyer.
L’établissement de sa filiation constitue un droit imprescriptible auquel il est en droit de
prétendre. De la même manière, l’enfant a droit à un prénom agréable. Pendant les deux
premières années de la naissance, l’allaitement maternel est un devoir de la mère à son
égard5. À partir de sept ans et jusqu’à l’âge de la puberté, l’enfant doit être préparé à
devenir une personne responsable. C’est à partir de ce moment que commence sa
socialisation et son éducation, pour lui inculquer les règles morales de conduite et les
valeurs de la société islamique. La sourate coranique qui concentre le plus de versets
relatifs à l’éducation des enfants est celle intitulée Loukmane, dans laquelle est rapporté
l’enseignement que ce Sage dispensait à son fils. Après le culte voué à Dieu et la
reconnaissance qui lui est due ainsi qu’à ses parents, cette sourate insiste sur le bon
comportement que doit avoir l’enfant en société. Tout en lui enseignant la modestie,
Loukmane y incite son fils à observer la nature autour de lui -car elle constitue « autant de
bienfaits de la part de Dieu »- et à avoir une attitude scientifique, en se fiant à ses propres
observations sans écouter ceux qui donnent leur opinion sur un sujet qu’ils ne maîtrisent
pas6. Pendant cette période aussi, l’enfant a droit à l’enseignement, aux activités sportives,
particulièrement la natation, le tir à l’arc et l’équitation 7. Il est préparé à accomplir ses
pratiques religieuses (prière et jeûne). La dernière étape court de la puberté à la majorité de

1
M. NOKKARI, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la sunna », in L’enfant en droit musulman (Afrique,
Moyen-Orient), L. KHAÏAT, C. MARCHAL (dir. de), Paris, Société de législation comparée, 2008, pp. 33-44 ;
Y. KASSEM, « Rapport égyptien », in La protection de l’enfant, Travaux de l’association Henri CAPITANT, Paris,
Economica, 1981, pp. 91-100.
2
M. NOKKARI, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la sunna », art. precit., p. 36.
3
Sourate L’homme, verset 2.
4
Le futur conjoint est choisi pour ses qualités morales et physiques. Il est idéalement exempt de toute maladie
contagieuse ou héréditaire grave afin d’en limiter la transmission à l’enfant.
5
Sourate La Vache, verset 232.
6
M. NOKKARI, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la sunna », art. precit., p. 42.
7
Ibid., p. 41.

176
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’enfant. Celui-ci est responsable de ses actes, il accomplit ses devoirs religieux, poursuit
ses études et agit de la meilleure façon avec ses parents. La législation islamique pose
également le principe général de préservation des biens de l’enfant, de les faire accroître et
fructifier jusqu’à sa majorité, où les biens doivent lui être versés. Cependant, les droits de
l’enfant ne sont pas seuls considérés, mais une importance capitale est accordée aux
obligations d’ordre moral, centrées autour du respect que doivent les enfants à leurs parents
et dont le Coran rend largement compte1.
204. L’adhésion à la protection régionale et internationale des droits de l’enfant.
Bien que le Maroc ait souscrit aux conventions internationales protégeant l’enfant2, les
règles juridiques internes3 s’inscrivent indiscutablement dans le cadre islamique. En effet,
le Maroc a adopté, lors du 7ème sommet de l’organisation de la Conférence islamique tenue
à Casablanca du 13 au 15 décembre 1994, la Déclaration sur les droits et la protection de
l’enfant dans le monde islamique. Celle-ci rassemble les droits de l’enfant jugés
primordiaux dans la conception islamique, au premier rang desquels les droits du fœtus.
Suite logique de cette Déclaration, la 32ème Conférence des ministres des affaires
étrangères réunies du 28 au 30 juin 2005 au Yémen adopte le Covenant des droits de
l’enfant en Islam4, dont l’objet est de guider les États parties dans la protection qu’ils
accordent à l’enfant, « par les valeurs et les principes de l’Islam, par le rôle tant historique
que civilisateur de l’umma islamique et par les règles de la Charia islamique », en
poursuivant les efforts de l’Organisation de la Conférence islamique et ceux de l’ONU 5.
L’attachement à ce référentiel et son affirmation vont de pair avec la protection
internationale dont l’enfant est l’objet. En droit marocain, la prise en compte de l’intérêt de
l’enfant6 tel qu’entendu dans les conventions internationales a permis l’ouverture de

1
Sourate 17 Al Israe, verset 23-24. Sourate 31 Loukmane, verset 14.
2
V. A. MOULAY R’CHID, « Les droits de l’enfants dans les conventions internationales et les solutions retenues
dans les pays arabo-musulmans », in Rec. Cours acad. dr. inter., 1997, t. 268, pp. 1-290.
3
Z. ALHORR, « Les droits de l’enfant en droit marocain », in L’enfant en droit musulman (Afrique, Moyen-
Orient), op. cit., pp. 229-251.
4
Cf. à propos de ce Covenant, M. A. AL-MIDANI, « La protection des droits de l’enfant au sein de l’Organisation
de la Conférence Islamique », in Vingt ans de l’IDHL. Parcours et réflexions, Cahier spécial, Institut de Droits
de l’Homme de Lyon, Lyon, 2006, pp. 121-135.
5
Le Royaume du Maroc a signé la Convention relative aux droits de l’enfant le 26 juin 1990 et l’a ratifiée le 12
juin 1993, B.O, 19 décembre 1996, n°4440, p. 2847.
6
L’article 32 de la constitution marocaine proclame que l’enseignement fondamental est un droit de l’enfant et
une obligation de la famille et de l’État. Le Code de la famille réserve une section entière aux droits de l’enfant.
L’article 54 y énumère les droits que celui-ci est en droit d’avoir. L’enfant a droit à la protection de sa vie et de
sa santé de la grossesse jusqu’à la majorité. Il a également droit à la préservation de son identité, notamment ses
nom, prénom, nationalité et le droit d’être inscrit à l’état civil. L’enfant a également droit à une filiation, au droit
de garde, à la pension alimentaire et, si possible, l’allaitement par sa mère.

177
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

plusieurs chantiers d’adaptation des lois1, et il est permis de croire que celui-ci constitue le
point de convergence des deux civilisations2.

B) Les moyens de la protection

205. La participation de l’enfant à la détermination de son intérêt. L’enfant se


voit reconnaître une autonomie croissante en droit français. La reconnaissance de ses droits
et son association aux décisions qui le concernent selon son âge et son degré de maturité
témoigne de cette tendance. Traduction de cette orientation, le droit d’être entendu par le
juge lui permet d’exprimer ses sentiments à l’occasion de toute procédure le concernant
(1). Bien qu’elle ne soit pas déterminante de l’issue du litige, la prise en compte de ses
sentiments n’exclut pas la protection judiciaire dont il est l’objet (2). L’examen de la
pratique judiciaire marocaine met en lumière une réappropriation de la notion d’intérêt de
l’enfant pour protéger les droits qui lui sont reconnus dans la sphère familiale, loin de
l’idée d’autonomie promue par le droit français (3).

1- La parole de l’enfant

206. La consécration juridique internationale et régionale de la parole de


l’enfant3. L’évolution contemporaine des droits de l’enfant met en exergue l’idée que ce
dernier ne peut subir les décisions des adultes4 fussent-ils ses parents ou un juge, sans
donner son avis5. Cette idée trouve son fondement dans les textes internationaux 6, en
particulier la Convention Internationale des droits de l’enfant (ci-après CIDE)7. Ce texte

1
Entre autres modifications, on compte la loi relative à l’état civil modifiée le 3 octobre 2002, la loi sur la kafala
et sur les enfants abandonnés modifiée par la loi du 13 juin 2002, le Code de la nationalité modifié par la loi du
23 mars 2007 et le Code du statut personnel modifié le 2 avril 2004.
2
M. DOUCHY-OUDOT, « Les enfants et la séparation des parents », art. precit., p. 634.
3
Sur le statut procédural de l’enfant, V. P. BONFILS, « Le statut procédural de l’enfant », in Les transformations
du contentieux familial, L. WEILLER (dir. de), Marseille, PUAM, 2012, pp. 35-40.
4
V. en ce sens : P. MURAT, « La participation de l’enfant aux procédures relatives à l’autorité parentale : bref
regard critique sur la diversité des situations », Rev. dr. fam., 2006, n° 7, étude 31. Pour Monsieur le professeur
MURAT, « l’examen du système de participation de l’enfant aux procédures relatives à l’autorité parentale laisse
le sentiment d’une évolution inachevée, de solutions en demi-teinte : bref d’un entre-deux manquant de
cohérence forte, comme si l’on avait renoncé à la conception ancienne sans pour autant se résoudre à en adopter
une nouvelle ».
5
A. GOUTTENOIRE, « Dessine moi une procédure ou le statut procédural de l’enfant eu Europe », in Le statut
juridique de l’enfant dans l’espace européen, D. GADBIN, F. KERNALEGUEN (dir. de), Bruxelles, Bruylant,
2004, p. 322 ; M. BRUGGEMAN, « Le droit d’être entendu », in La Convention internationale des droits de
l’enfant, une convention particulière, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2014, pp. 107-120.
6
J. DHOMMEAUX, « L’enfant dans l’ordre juridique international », in Le statut juridique de l’enfant dans
l’espace européen, op. cit., pp. 5-30.
7
Convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, ratifiée par la France par la loi
n° 90-548 du 2 juillet 1990, J.O, 5 juillet 1990, p. 7856. Pour les commentaires de cette loi, V. notamment :
G. RAYMOND, « La Convention des Nations-Unies sur les droits de l’enfant et le droit français de l’enfance

178
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

rassemble les droits qui paraissent essentiels et fondamentaux pour l’enfant en maints
domaines : civil, économique, social ou juridique, à travers le droit qui lui est accordé
« d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant ». L’article
12 de cette Convention prévoit que « les États garantissent à l’enfant qui est capable de
discernement le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant ; les
opinions de l’enfant étant dûment prises en considération eu égard à son âge et à son degré
de maturité ». D’applicabilité directe1 dans l’ordre juridique français depuis l’arrêt du 18
mai 20052, la Convention constitue une source d’inspiration du droit interne 3. À côté de la
CIDE4, la France a également signé le 4 juin 1996 la Convention européenne sur l’exercice
des droits de l’enfant5. Émanant du Conseil de l’Europe et intégrée au droit interne par la
loi n° 2007-1155 du 1er août 2007, elle permet à l’autorité judiciaire de se saisir d’office
dans les procédures6 intéressant l’enfant7. Lui sont désormais garantis le droit d’être
informé, d’exprimer son opinion8 et d’être assisté par une personne appropriée de son
choix dans les procédures l’intéressant9. L’article 6 de la Convention relative aux relations
personnelles concernant les enfants consacre « le droit de l’enfant à être informé, consulté

(Convention du 20 novembre 1989), JCP, G, I, 1990, 3451 ; M.-C. RIVIER, « Éléments de droit de la famille
dans la Convention sur les droits de l’enfant », in Internationalisation des droits de l’Homme et évolution du
droit de la famille, Colloque du Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droit privé, Université de
Lille II, LGDJ, 1996, p. 77 ; C. MEININGER BOTHOREL, « Les apports de la Convention internationale des droits
de l’enfant », Gaz. Pal., 18-20 novembre 2007, n° 322, p. 4.
1
La première chambre civile de la cour de cassation a affirmé à maintes reprises que la Convention s’appliquait
non pas aux particuliers mais aux États signataires (Arrêt Le Jeune, 10 mars 1993). La position du Conseil d’état
était tout autre puisqu’il considérait que la Convention était d’applicabilité directe aux particuliers (CE, 22
sept.1997, affaire Cinar, JCP, G, II, 1998, 10051, note A. GOUTTENOIRE).
2
Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Rev. dr. fam., 2005, n° 7, comm. 156, note A. GOUTTENOIRE.
3
Elle le sera probablement encore plus à l’avenir car la France a ratifié, le 20 novembre 2014, le protocole
facultatif additionnel à cette convention lequel organise une « procédure de présentation de communication ».
Cette procédure aurait pour objet de permettre aux particuliers de saisir le comité des droits de l’enfant afin
d’invoquer une mauvaise application de la Convention.
4
Parmi les journée d’étude sur cet instrument, cf. A. LEBORGNE, E. PUTMAN, V. ÉGEA (dir. de), La Convention
de New York sur les droits de l’enfant. Vingt ans d’incidences théoriques et pratiques, Actes du Colloque du 15
janvier 2010 organisé par le Centre de Recherches en Droit Privé Kayser, PUAM, 2012 ; plus récemment :
C. NEIRINCK, M. BRUGGEMAN (dir. de), La Convention internationale des droits de l’enfant, une convention
particulière, Colloque organisé par l’Institut de droit privé de Toulouse I Capitole, le 22 avr. 2011, Paris, Dalloz,
coll. « Thèmes&Commentaires », 2014.
5
La Convention a été adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 et signée par la France le 4 juin 1996. La loi
n° 2007-1155 a approuvé la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants : J.O, 2 août 2007,
p. 12986 ; Rev. dr. fam., 2007, n° 9, alerte n° 73. Cf. le décret portant publication de cette Convention n° 2008-
36 du 10 janvier, J.O, 12 janvier 2008, p. 674 ; Rev. dr. fam., 2008, n° 2, alerte n° 19. Pour une présentation de la
convention, V. : Y. BENHAMOU, « Aperçu critique du projet de Convention européenne sur l’exercice des droits
des enfants », Gaz. Pal., 1995, II, p. 880 ; L. PETTITI, « Le projet de Convention européenne sur l’exercice des
droits des enfants », LPA, 3 mai 1995, n° 53, p. 31 ; N. FRICERO, « Ratification de la Convention européenne sur
l’exercice des droits des enfants : une promotion des droits procéduraux des moins de 18 ans ! », RJPF, janv.,
2008, p. 8.
6
C. MARCHAL, « La place de l’enfant dans les procédures familiales », AJ fam., 2009, p. 472.
7
Art. 8.
8
F. ALT-MAES, « Le discernement et la parole du mineur en justice », JCP, G, I, 1996, n° 3913.
9
Art. 2, 3 et 5.

179
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

et à exprimer son opinion »1. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté


le 13 mars 2009 une recommandation n° 1864 intitulée « Promouvoir la participation des
enfants aux décisions qui les concernent », dans laquelle est encouragée leur participation
aux procédures judiciaires les impliquant « en tant que composante importante d’une
justice moderne et équitable », en invitant le « Comité des ministres, via ses organes
compétents, à préparer des lignes directrices européennes pour une justice adaptée aux
enfants »2. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne3 prévoit, outre la
protection et les soins auxquels l’enfant est en droit de prétendre, la libre expression de son
opinion pour les sujets le concernant en fonction de son âge et de son maturité4. Plus
contraignant, le règlement Bruxelles II bis5 -devenu le droit commun des états membres de
l’Union européenne- dispose que les décisions sur la responsabilité parentale ne peuvent
être reconnues que si l’enfant a eu la possibilité d’être entendu6, le juge étant le garant de
l’effectivité de ce droit7. L’audition de l’enfant est donc aujourd’hui une condition même
de la circulation des décisions dans l’Union européenne8.
207. Cadre législatif interne de l’exercice de ce droit. Consacré en droit positif par
la loi du 8 janvier 19939 et généralisé par la loi du 5 mars 200710, le droit à la parole11
constitue aujourd’hui un véritable droit subjectif de l’enfant12. Alors que le juge pouvait,
avant la loi du 5 mars 2007, refuser d’entendre l’enfant qui le souhaitait en motivant son
refus, le juge est désormais tenu d’entendre le mineur qui en fait la demande. Cette
possibilité a été généralisée à l’article 388-1 alinéa 2 du Code civil : « Cette audition est de
droit lorsque le mineur en fait la demande ». On est bien loin de la simple faculté laissée
aux juges telle que consacrée par la loi du 8 janvier 1993. Néanmoins, la portée de ce droit

1
Convention sur les relations personnelles concernant les enfants, 15 mai 2003, STE n° 192. Convention non
ratifiée par la France.
2
Conseil de l’Europe, (REC) 1864.
3
Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2000/C 364/01), JOCE, 18 déc. 2000.
4
Art. 24 de la Charte.
5
Regl. (CE) n° 2201/2003 du 23 nov. 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des
décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale. En ce sens : S. DJEMNI-WAGNER,
« L’évolution du droit communautaire de la famille : le règlement “Bruxelles II bis” sur la responsabilité
parentale », in Le statut juridique de l’enfant dans l’espace européen, D. GADBIN, F. KERNALEGUEN (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 191-201.
6
Art. 23, b, du règlement.
7
M. DOUCHY-OUDOT, « L’effectivité du droit de l’enfant d’être entendu en droit positif », in L’effectivité de la
CIDE, Colloque Lille 3 et 4 déc. 2009, LPA, 2010, n° 10, pp. 12-15.
8
Pour une étude, voir : A. RICHEZ-PONS, « La parole de l’enfant et la circulation des décisions judiciaires en
Europe », Rev. dr. fam., 2006, n° 7, étude 32.
9
L’audition de l’enfant, consacrée aux articles 388-1 et suivants du Code, ne constituait qu’une simple faculté
laissée à l’appréciation des juges. V. F. ALT-MAES, « Le discernement et la parole du mineur en justice », JCP,
G, I, 1996, 3913.
10
L. n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, J.O, 6 mars 2007, p. 4215.
11
V. Le dossier consacré à « La parole de l’enfant » dans l’AJ fam., 2014, n° 1.
12
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014, n° 1152, p. 692.

180
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

varie selon le texte sur lequel se fonde la demande d’audition1. Lorsqu’elle ne fait pas
l’objet d’une disposition spécifique, la demande d’audition a pour fondement l’article 388-
1 du Code civil. Le décret n° 2009-572 du 20 mai 20092 fixe les modalités procédurales
relatives à l’audition en complétant l’article 388-1 du Code civil. Le régime du recueil de
la parole de l’enfant est précisé aux articles 338-1 à 338-13 du CPC. Pour la première fois3
surtout, les modalités de la transmission du contenu de l’audition sont précisées.
Dorénavant, le mineur capable de discernement est informé de son droit à être entendu et
assisté d’un avocat4 à tous les stades d’une même procédure5. En cas d’appel, le conseiller
de la mise en état peut également l’entendre 6. Cette audition doit donner lieu à un compte
rendu d’audition. N’ayant pas la qualité juridique de prétention7, les propos tenus par
l’enfant ne sont pas nécessairement relatés dans le compte rendu, et le conseiller n’est pas
tenu de motiver sa décision sur leur fondement. Le décret clarifie également les demandes
d’audition de l’enfant lorsqu’elles émanent de ses parents. En effet, le juge peut rejeter la
demande d’audition s’il « ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui
paraît contraire à l’intérêt du mineur »8.
208. Le droit de l’enfant de ne pas s’exprimer. Selon l’article 371-1 alinéa 3 du
Code civil, « les parents associent l’enfant aux décisions qui le concernent, selon son âge et
son degré de maturité ». Le texte pose une nécessité de proportionnalité pour l’exercice de
ce droit dans le cadre des litiges relatifs à l’autorité parentale. Cependant, la loi du 5 mars
2007 a ajouté à l’article 388-1 consacrant le droit à la parole de l’enfant la formule selon

1
V. en ce sens la récente modification de l’article 353 du Code civil par la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016
relative à la protection de l’enfance, J.O, 15 mars 2016. Cet article est enrichi d’un alinéa supplémentaire et
dispose que « le mineur capable de discernement est entendu par le tribunal ou, lorsque son intérêt le commande,
par la personne désignée par le tribunal à cet effet. Il doit être entendu selon des modalités adaptées à son âge et
à son degré de maturité. Lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Le
mineur peut être entendu seul ou avec un avocat ou une personne de son choix. Si ce choix n’apparaît pas
conforme à l’intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation d’une autre personne ».
2
D. n° 2009-572, 20 mai 2009, J.O, 24 mai 2009, p. 8649. V. : M. DOUCHY-OUDOT, « L’audition de l’enfant en
justice », Procédures, 2009, n° 8, étude 7, pp. 6-9.
3
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op.cit., n° 1150, p. 691.
4
La Cour de cassation a précisé que cette information incombait à ses parents : Cass. civ. 1ère, 28 sept. 2011,
n° 10-23.502, comm. M. DOUCHY-OUDOT, Procédures, 2012, n° 1, comm. 12. Le juge n’est pas obligé de
convoquer systématiquement tout mineur qui ne fait pas une demande d’audition afin de vérifier qu’il en a bien
été informé. En ce sens : Cass. civ. 1ère, 26 juin 2013, n° 12-17.275, comm. C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2013,
n° 9, comm. 118.
5
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11.18-849, comm. M. DOUCHY-OUDOT, Procédures, 2012, n° 12, comm. 358;
C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2013, n° 1, comm. 9. Est censurée la Cour d’appel de Lyon qui refuse de faire droit à
la demande d’une mineure d’être entendue après la clôture des débats. Outre que l’enfant avait déjà été entendue,
l’article 388-1 du Code civil n’impose pas que le mineur soit auditionné à chaque fois qu’il en fait la demande.
Au-delà du non respect du principe du contradictoire, la censure de la Cour d’appel par la Haute juridiction
semble signifier que cette dernière procède à une lecture excessivement stricte de l’article 388-1 et s’accorde mal
avec l’utilité de la mesure dont le but est d’éclairer le juge dans sa décision. En faire à l’inverse un droit
procédural absolu au profit de l’enfant ne sert pas son intérêt.
6
Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, n° 13-27.603.
7
Cass. civ. 1ère, 22 oct. 2014, n° 13-24.945.
8
Art. 338-4 al. 2 CPC. En ce sens : CA Rennes, 18 déc. 2012, RG n° 11/05482.

181
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

laquelle « lorsque le mineur refuse d’être entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce


refus »1. Si l’objet de l’audition est de faire participer l’enfant au processus d’élaboration
de la décision qui le concerne en lui permettant d’exprimer ses sentiments, il est à craindre
que cette affirmation « signifie que le juge pourrait contraindre l’enfant à être entendu »2.
Utilisé à outrance, le droit à la parole peut conduire à diluer les prérogatives parentales, ce
qui n’est guère souhaitable. Une telle dérive va à l’encontre de l’objectif pour lequel ce
droit a été institué, en contrariant l’exercice des droits parentaux. Il revient donc à la
jurisprudence de faire preuve de prudence afin de ne pas systématiquement convoquer un
enfant pour le faire parler3, car ce sont moins les sentiments de l’enfant qui intéressent le
juge que ses conditions de vie, et la manière dont elles pourraient être modifiées par sa
décision. Lorsque la demande d’audition est l’initiative d’un des parents -notamment au
moment de la séparation- le juge donne un pouvoir à l’enfant qu’il ne peut assumer en
raison de la faiblesse et la vulnérabilité inhérente à sa personne. Un tel pouvoir donné à
l’enfant -au lieu de le structurer et l’aider- peut tout autant le fragiliser et l’affaiblir.
Lorsqu’elle est demandée, la demande d’audition n’est, comme en témoignent de
nombreuses décisions, que la traduction de l’instrumentalisation4 de l’enfant par des
adultes qui en font leur arme de combat. Témoin obligé, l’enfant peut subir reproches et
réprimandes de l’un ou l’autre de ses parents dès lors qu’il n’aura pas dit ce que le parent
concerné voulait entendre. Cette situation justifie que les parents puissent taire
l’information pour protéger leur enfant et le préserver du litige conjugal. Le décret du 20
mai 20095 précise à cet égard que le compte rendu doit être fait « dans le respect de
l’intérêt de l’enfant » ce qui implique, d’après la circulaire du 3 juillet 2009, qu’il n’y a pas
lieu de faire une restitution intégrale des propos du mineur. Le juge peut se contenter de
faire une synthèse de ce qui lui paraît utile pour la décision finale et passer sous silence ce
qui pourrait nuire à l’enfant dans ses relations parentales. Dans de nombreuses situations

1
En réalité, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation sur l’opportunité du refus dans la mesure où
l’article 338-4 du CPC dispose que « lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d’audition ne peut
être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le concerne pas ».
2
A. GOUTTENOIRE, « Audition du mineur », in Droit de la famille, op. cit., n° 236.181, p. 1059.
3
Ibid., n° 236.181, p. 1060.
4
La première chambre civile de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi d’une mère reprochant aux juges du fond
de ne pas s’être assurés que le mineur avait connaissance de son droit à être entendu dans la procédure le
concernant et, par conséquent, de violer l’article 388-1 du code civil. Le refus d’audition de l’enfant, tel que
souverainement apprécié par les juges du fond, a en l’espèce tenu compte d’une « dégradation de la situation, la
mesure éducative en milieu ouvert se révélant insuffisante à assurer la protection de l’enfant au regard de la
pathologie psychiatrique de madame Y... constatée par l’expert A..., la mère étant dans une quête maladive
d’éléments de preuves imaginaires d’infractions dont le père serait l’auteur à l’encontre de leur fille commune »
et de la personnalité paranoïaque de la mère. Ces éléments, selon la CA de Lyon, expliquent par conséquent le
refus de main levée du placement de l’enfant, l’emprise de la mère sur l’enfant en constituant la cause principale.
La Cour en conclue par conséquent à une absence de discernement de l’enfant qui entraîne le refus de son
audition, mais aussi de son droit à l’information de l’exercice de ce droit. Cf. Cass. 1 ère civ., 5 mars 2014, n° 13-
13.530.
5
D. n° 2009-572 du 20 mai 2009 relatif à l’audition de l’enfant en justice, precit.

182
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

aussi, l’enfant n’est pas seulement un enjeu mais également un arbitre 1. Le couple,
incapable de décider, s’en remet à la parle de l’enfant. Ce dernier est pris à partie dans un
conflit qui ne le concerne pas directement, à tel point qu’il en devient l’acteur principal qui
permettra la prise de décision. La démission des parents est ici patente. C’est pourquoi il
est souvent constaté une inversion des rôles, les parents hésitant à se mettre à dos les
enfants. Si l’absence d’autorité parentale ne favorise pas l’épanouissement de l’enfant, la
crainte de la réaction parentale peut conduire l’enfant à cacher le fond de sa pensée. Dans
ces conditions, et bien que le juge soit conscient de la pression familiale et du manque de
discernement, il ne peut refuser l’audition demandée2. Le rapport sur L’enfant et sa parole
en justice, déposé par le Défenseur des droits3 au Président de la république regrette une
certaine forme de sacralisation de la parole de l’enfant qui devrait être contextualisée en
fonction du développement du mineur et de son cadre de vie 4. C’est justement pour cette
raison que la proposition dudit rapport -à laquelle se rallie le rapport de Monsieur
ROSENCZVEIG5 pour qui l’enfant « doit pouvoir donner son avis »- de reconnaître une
présomption de discernement6 à tout enfant qui demanderait à être entendu7 devrait être
nuancée, et sa généralisation projetée par la proposition de loi relative à l’autorité parentale
et à l’intérêt de l’enfant (APIE) soulève la plus grande réserve 8.
209. Difficultés d’appréciation du discernement de l’enfant. Si la notion de
discernement visée par le texte n’est pas définie par la loi, celle-ci implique que l’enfant ait
acquis suffisamment de maturité pour comprendre une situation, penser par lui-même et
exprimer ses propres désirs. Centrale, cette condition relève du pouvoir souverain
d’appréciation des juges du fond 9. En pratique pourtant, il leur est difficile d’apprécier si
elle est satisfaite10. L’âge du mineur ne leur étant d’aucun secours11, les juges ne sont au

1
M. JUSTON, « Les enfants peuvent ils faire la loi ou dire leurs besoins ? », AJ fam., 2009, p. 320 ; M. JUSTON,
« La parole de l’enfant devant le juge aux affaires familiales : enfant-roi, enfant-proie ? », Gaz. Pal., 16 mars
2013, n° 75, p. 11.
2
J. BIGOT, « Les dangers de l’audition de l’enfant par le juge aux affaires familiales », AJ fam., 2009, p. 324.
3
F. EUDIER, « L’enfant et sa parole en justice dans le rapport 2013 du Défenseur des droits », RJPF, 2014, n° 1.
4
Rapport du Défenseur des droits, précit., p. 18 et s.
5
J.-P. ROSENCZVEIG, De nouveaux droits pour les enfants, rapport du groupe de travail remis à madame
Dominique BERTINOTTI le 29 janvier 2014, p. 126.
6
Cette présomption de discernement remédierait ainsi aux « déceptions et inégalités de traitement chez les
enfants qui demandent à être entendus ». Cf. Rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de la législation et de l’administration générale de la république sur la proposition de loi n° 1856, p. 123.
7
Proposition n° 1, rapp. precit., p. 7.
8
La proposition de loi envisage de supprimer -par souci de clarté allégué- la condition actuelle tenant à sa
capacité de discernement, en complétant l’article 388-1 « le mineur est entendu d’une manière adaptée à son
degré de maturité ».
9
Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, n° 11-20.357 ; D., 2012, obs. A. GOUTTENOIRE, P. BONFILS, p. 2267.
10
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., n° 1178, p. 705 ; F. ALT-MAES, « Le discernement
et la parole du mineur en justice », JCP, G, I, 1996, 3913.
11
En ce sens : Cass. civ. 1ère, 18 mars 2015, n° 14-11.392. La Cour de cassation censure la décision des juges du
fond ayant rejeté la demande d’audition de l’enfant âgé de 9 ans, et formulée par lui sous forme de lettre

183
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

surplus pas préparés aux modalités d’audition des enfants1 et manquent souvent de temps2.
Comment peuvent-ils, dans ces conditions, déterminer la capacité de discernement d’un
enfant qu’il ne connaissent pas, sachant qu’il faut y procéder avant l’audition ? Une étude
menée à partir de plus de 250 décisions de Cours d’appel a mis en évidence que 100% des
demandes de mineurs de plus de quatorze ans, dont l’audition était envisagée, ont été
reconnus capables de discernement. Cette proportion est de 86% pour les mineurs de treize
ans et tombe à 67% pour les mineurs de douze ans. Les enfants âgés de 11 ans ne
représentent, eux, que 38% et les enfants âgés de 6 ans ne sont pas jugés capables de
discernement3. Dans sa décision du 12 novembre 2012, le défenseur des droits attire
l’attention -lorsque la demande d’audition de l’enfant est refusée- sur le fait que la
motivation du refus ne repose pas, dans la plupart des cas, sur des développements détaillés
mais se fonde seulement sur le jeune âge du mineur, son intérêt ou l’absence de
discernement. Le refus d’audition de l’enfant doit faire l’objet d’une motivation explicite et
concrète, en expliquant en quoi l’âge, l’intérêt ou le défaut de discernement empêchent d’y
répondre favorablement (qu’elle provienne des parents ou de l’enfant)4.
La faculté consacrée par la Cour de cassation5 de permettre au juge la désignation d’un
professionnel qualifié pour recueillir la parole de l’enfant a été exclue par le décret du 20
mai 20096. Intéressante, cette alternative favorisait l’accroissement du coût et de la durée
de la procédure, incompatible avec le contexte de recherche de célérité du système de
justice7. Idéalement, la question relative au discernement de l’enfant devrait être laissée à
la libre appréciation des personnes tenues de l’en informer, en l’occurrence ses
parents, seuls juges de l’opportunité de communiquer cette information8. Ils connaissent

manuscrite. Pour la Haute juridiction, « en se bornant à se référer à l’âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-
ci n’était pas capable de discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d’audition, la cour d’appel a
privé sa décision de base légale ». AJ fam., 2015, note S. THOURET, p. 282; Rev. dr. fam., 2015, n° 6, comm. 123,
A.-C. REGLIER; même revue, 2015, n° 9, chron. V. ÉGEA ; D., 2015, obs. P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, p. 1919;
RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 352.
1
Décision du Défenseur des droits, 12 nov. 2012, n° 2012-158, RJPF, 2012, obs. F. EUDIER, p. 37.
2
V. AVENA-ROBARDET, « L’audition de l’enfant : un casse tête pour les juges », AJ fam., 2007, p. 371.
3
L. BRIAND, « L’audition du mineur devant le JAF : examen des arrêts d’appel », AJ fam., 2014, p. 22.
4
P. BONFILS, A. GOUTTENOIRE, Droit des mineurs, op. cit., n° 1180, p. 707.
5
Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, n° 03-17.912, D., 2006, note F. BOULANGER, p. 554 ; D., 2006, obs. DOUCHY-
OUDOT, pan. p. 2436 ; D., 2005, IR, 3036, obs. GALLMEISTER ; Rev. dr. sanit. soc., 2006, obs. BRUGGEMAN,
p. 349 ; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 101.
6
Art. 338-9, al. 2 du C. proc. civ.
7
Cf. J.-C. MAGENDIE, Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, Rapport issu du groupe de
travail sur la médiation, 2008.
8
V. cependant CEDH, 3 sept. 2015, M. et M. c/ Croatie, n° 10161/13 ; JCP, G, I, 2016, n° 3, 65, F. SUDRE. Dans
cette affaire, il semblerait que la Cour européenne étende à l’enfant le droit -jusque-là reconnu aux parents-
d’être partie au processus décisionnel débouchant sur le litige entre les parents. Rappelant le droit à l’autonomie
personnelle des adultes, dont le droit de « choisir comment mener sa propre vie », la Cour précise que l’enfant
dispose également d’une autonomie, quoique limitée, mais qui croît graduellement avec le développement de sa
maturité et qui s’exerce par le droit d’être consulté et entendu dans les procédures le concernant (§ 171). La Cour
conclut à la violation du droit au respect de la vie familiale de l’enfant, celle-ci ayant une maturité suffisante
pour exprimer son opinion, sans avoir pu faire connaître avec lequel de ses parents elle souhaitait vivre. La Cour

184
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’enfant mieux que n’importe quel autre tiers et sont bien placés pour apprécier l’existence
ou non de discernement.
210. Pour une reconsidération du droit de l’enfant à être entendu. La capacité de
l’enfant à évoluer et à construire sereinement sa personnalité se trouve ébranlée lorsque ses
deux parents, censés offrir la garantie inconditionnelle de leur soutien et présence, sont
démissionnaires. Ce « déni du réel »1 invite à reconsidérer le droit de l’enfant à être
entendu. Si l’on considère que l’audition de l’enfant est une simple mesure d’information
pour le juge, il convient de lui laisser un pouvoir d’appréciation quant à l’opportunité d’y
recourir2. Si on considère, à l’inverse, qu’il s’agit d’un droit subjectif et absolu de l’enfant
qui s’impose indépendamment des règles de procédure3, la question de l’utilité de la
mesure et son opportunité ne manquent de se poser. La plupart des juges reconnaissent que
l’audition est le plus souvent utile, la parole de l’enfant pouvant les aider à prendre une
décision. C’est à l’aune de cet éclairage que le juge aux affaires familiales devrait tenter de
réinvestir les parents de leur responsabilité dans le respect de l’enfant. Par ailleurs, si la
mesure a pour objet de permettre une réorganisation des relations familiales dans l’intérêt
premier de l’enfant, la vraie question est alors de savoir si le recueil de sa parole est aidant
pour lui. En effet, ce qui est très souvent oublié, c’est que cette audition n’est qu’une
modalité seconde de ce droit général. L’alinéa 2 de la CIDE dispose qu’« à cette fin, on
donnera notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire
ou administrative le concernant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant
ou d’un organisme approprié ». Or, l’article 388-1 du Code civil n’a été compris que
comme le droit pour le mineur de solliciter une audition, et s’est essentiellement traduit par
des garanties procédurales fixant au juge un certain nombre d’obligations dès lors que
l’enfant en fait la demande, sans possibilité de recours4. Le Comité des droits de l’enfant5 a
publié à l’issue de la 51ème session organisée du 25 mai au 12 juin 2009 à Genève, une
observation générale6 relative à l’article 12 garantissant le droit de l’enfant à être entendu.
Celle-ci précise que « la mise en œuvre intégrale de l’article 12 exige la reconnaissance et

intègre ensuite l’article 12 de la CIDE (§§ 171, 181) garantissant à l’enfant « capable de discernement le droit
d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant » (§ 1), notamment « la possibilité d’être
entendu dans toute procédure judiciaire ou administrative l’intéressant » (§ 2), aux exigences procédurales de
l’article 8 de la Convention européenne.
1
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur J.-L. RENCHON, « À propos du droit de droit de l’enfant
d’être entendu dans le litige entre ses parents », in Mélanges en l’honneur du professeur Jean HAUSER, Paris,
Dalloz, 2012, p. 616.
2
En ce sens, un juge a très justement refusé l’audition du mineur âgée de 7 ans, dont la demande émanait du
père. D’une part, le juge avait considéré qu’il disposait d’éléments suffisants pour statuer mais qu’âgée de
seulement 7 ans, l’enfant devait être le plus possible préservée du conflit parental. Cass. civ. 1ère, 16 déc. 2015,
n° 15-10.442 ; AJ fam., 2016, S. THOURET, p. 102.
3
Cf. Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, n° 11.18-849, comm. C. NEIRINCK, precit., n° 103.
4
Art. 338-5 al. 1 CPC.
5
Il s’agit du corps d’experts dont la mission est de veiller à la bonne application de la CIDE.
6
Comité des droits de l’enfant, Observation générale n° 12, 2009, Le droit de l’enfant d’être entendu, 51ème
session, 25 mai-12 juin 2009, Genève, disponible en ligne.

185
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

le respect des formes non verbales de communication, y compris le jeu, le langage


corporel, les mimiques, le dessin et la peinture, par lesquelles les enfants très jeunes
montrent leur compréhension, leurs choix et leurs préférences »1. La systématisation
constatée actuellement de l’audition de l’enfant ne paraît pas être, dans de nombreuses
situations, la meilleure des réponses pour lui. Faire du « sur mesure » paraît être
préférable2. Un enfant a besoin de parents adultes responsables, capables de réaménager
leurs rôles respectifs quand ils se séparent, et d’associer étroitement et intelligemment leur
enfant aux décisions à prendre.
211. La médiation, un espace adapté pour le recueil de la parole de l’enfant. La
reconnaissance d’une plus grande autonomie du mineur3 favorise l’essor des techniques
permettant son association au processus judiciaire. Ce qui est recherché actuellement pour
l’expression de sa parole, c’est un autre espace plus adapté et protecteur pour le recueil de
sa parole. La médiation pourrait constituer ce nouvel espace à ouvrir à l’expression des
sentiments de l’enfant devant un tiers neutre et qui ne juge pas. Elle serait non seulement
un rempart contre la judiciarisation de sa parole, mais également un tremplin propice à une
recherche d’accords par les parents. La réappropriation par les adultes de leurs
responsabilités serait plus conforme à l’intérêt de l’enfant4, en l’associant aux décisions qui
le concerne de manière réfléchie5. Une telle mesure s’inscrit parfaitement dans le
mouvement actuel visant à pacifier le conflit familial, tant dans sa dimension conjugale que
parentale.

2- La protection judiciaire de l’enfant en droit français

212. Lors de la séparation des parents. Le maintien des liens de l’enfant avec ses
deux parents est expressément érigé comme principe directeur de l’autorité parentale
depuis la loi du 4 mars 2002. La séparation n’a aucune incidence sur les règles de l’autorité
parentale à en croire l’article 373-2 du Code civil. L’égalité de traitement des père et mère
commande, dans l’intérêt de l’enfant, de leur attribuer conjointement l’autorité parentale
afin qu’ils puissent continuer, ensemble et de manière responsable, à prendre les décisions
qui le concerne. Le non respect par un parent du droit de l’autre de maintenir des liens avec
son enfant est régulièrement sanctionné par les juges du fond, qui veillent notamment à
sanctionner le parent qui dénigre l’autre aux yeux de l’enfant6. La circonstance tirée des
violences conjugales pour faire obstruction au droit de visite ne saurait, face à la ténacité

1
Observation générale n° 12, 2009, precit., p. 8.
2
Cf. Cass. civ. 1ère, 5 mars 2014, n° 13-13.530, precit., n° 105.
3
A. GOUTTENOIRE, « L’enfant dans les procédures judiciaires : un statut en devenir », AJ fam., 2003, p. 368.
4
M. JUSTON, « L’intérêt de la médiation familiale pour l’enfant », Rev. dr. fam., 2008, n° 3, étude 10.
5
D. GANANCIA, « L’audition de l’enfant et la médiation. Pour une place nouvelle de l’enfant dans le processus
de la médiation familiale », AJ fam., 2009, p. 333.
6
CA Paris, 10 fév. 2000, n° RG 98/25682 ; CA Rennes, 29 janv. 2001, n° RG 99/06856.

186
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du père ayant multiplié les démarches et procédures pour voir son enfant, prospérer pour
faire échec au maintien du lien entre le père et son enfant 1. La Cour de cassation opère un
contrôle rigoureux sur les décisions des juges du fond qui ne caractériseraient pas
suffisamment l’attitude du parent qui entraverait l’exercice du lien parental de l’autre2.
Surtout, la Haute juridiction n’hésite pas à censurer les juges du fond qui ne répondent pas
à toutes les conclusions soulevées par le parent qui allègue la violation de l’exercice de son
autorité parentale3. L’attitude des parents durant la procédure relative à l’autorité parentale
est également prise en compte par les juges. La Cour d’appel de Montpellier a pu
considérer que « l’utilisation pendant l’instance en appel d’un détective privé pour
surveiller de façon méticuleuse les allées et venues d’un parent afin de solliciter une
diminution du temps passé par celui-ci avec l’enfant, constitue une immixtion dans sa vie
privée et une détermination à exercer une extrême surveillance assez éloignée du respect
que chacun des père et mère doit observer à l’égard des liens de l’enfant avec l’autre
parent au sens de l’article 373-2 du Code civil »4. Autant d’éléments permettent aux juges
de dessiner les contours d’une protection judiciaire accrue de l’intérêt de l’enfant. Celle-ci
passe en premier lieu par l’obligation faite aux parents de respecter le lien parental qui lie
chacun d’eux à l’enfant, et permet ensuite de changer l’état d’esprit des parents réfractaires
à l’exercice conjoint de l’autorité parentale en mettant l’accent sur « les grands principes
éducatifs » inhérent à l’exercice de l’autorité parentale.
213. L’exercice unilatéral de l’autorité parentale. L’article 373-2-1 du Code civil
permet au juge d’écarter l’exercice en commun de l’autorité parentale lorsque l’intérêt de
l’enfant l’exige. Exceptionnelle, une telle mesure est réservée par les juges dans les cas les
plus graves5. Pour autant, le parent n’exerçant pas l’autorité parentale en conserve la
titularité et, même s’il ne vit pas avec l’enfant, il bénéficie d’un droit à entretenir des

1
TGI Bordeaux, 15 sept. 2009, cité par A. GOUTTENOIRE, « Autorité parentale : exercice », in Droit de la
famille, P. MURAT (dir. de), Paris, Dalloz-Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 234.63, spec. p. 984 ; Rapp. de CA
Douai, pour qui la violence du père ne suffit pas à justifier l’exercice unilatéral de l’autorité parentale par celle-
ci : CA Douai, 24 mars 2011, n° RG 10/05424. V. néanmoins, dans le cadre de violences conjugales allant
jusqu’à la tentative d’assassinat du père par la mère : CA Paris, 26 sept. 2013, n° RG12/02389, RJPF, 2013,
n° 12, p. 38.
2
Cass. civ. 1ère, 4 juil. 2006, n° 05-17.883, Bull. civ., I, n° 339; Rev. dr. fam., 2006, comm. 188, P. MURAT; Cass.
civ. 1ère, 8 juil. 2015, n° 14-22.101. Dans cette espèce, le père ayant incidemment appris le déménagement de la
mère de son enfant avec ce dernier, saisit le JAF pour en obtenir l’hébergement. La Cour d’appel infirme la
décision ayant accueilli sa demande. Censurant les juges du fond, la Cour de cassation rappelle que le non
respect des droits de l’autre parent constitue un critère que le juge doit impérativement prendre en considération.
Il doit dès lors justifier sa décision de ne pas en tirer les conséquences. À l’occasion d’une autre décision, dans
laquelle la mère avait élu domicile avec son enfant dans une autre région, la Cour d’appel est censurée pour ne
pas avoir répondu « aux conclusion de Mme X. (…) faisant valoir qu’elle continuait d’allaiter l’enfant qui n’était
pas âgé d’un an » : Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, n° 14-25.027.
3
Cass. civ. 1ère, 8 juil. 2015 précité ; Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015 précité.
4
CA Montpellier, 24 juin 2008, n° RG 07/06728.
5
A. GOUTTENOIRE, « Autorité parentale : exercice », in Droit de la famille, op. cit., n° 234.72, spec. p. 987.

187
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

relations personnelles avec lui, sauf motifs graves 1. Lorsque les juges considèrent que le
contact de l’enfant avec le parent constitue pour lui une menace, ils n’hésitent pas à
suspendre leurs relations personnelles. C’est notamment le cas d’un père ayant fait l’objet
d’une enquête pénale pour des faits d’agression sexuelle sur sa fillette de neuf ans. Celui-ci
faisait preuve d’un comportement agressif et injurieux et manifestait un désintérêt total
envers son enfant. Les juges du fond ont donc limité, dans de telles conditions, le droit de
visite du père jusqu’au terme de l’enquête pénale pour préserver l’enfant de tout danger2,
susceptible de nuire à son intérêt. Le désintérêt du père permet également de confier
l’exercice de l’autorité parentale à l’autre parent. Le risque de blocage qu’implique le
principe de codécision pour diverses démarches importantes de l’enfant3 peut justifier une
limitation de la coparentalité. Cette même solution est étendue au refus d’un parent de
collaborer avec l’autre4, à l’impossibilité du couple parental de se mettre d’accord sur le
plan éducatif5 ou à l’incarcération du parent, rendant difficile une prise de décision rapide6.
Mais l’exercice unilatéral peut aussi constituer une sanction lorsque le comportement du
parent viole délibérément l’exercice conjoint de l’autorité parentale. C’est particulièrement
le cas du père qui, de manière unilatérale, fait circoncire l’enfant en cachette de la mère 7. Il
ressort de l’examen de la jurisprudence relative à la question que les juges sont tenus à une
obligation particulière de motivation de la décision de confier l’exercice de l’autorité
parentale à un seul des parents, l’intérêt de l’enfant étant d’être élevé dans la coparentalité.
Hormis les motifs graves justifiant l’exercice unilatéral de l’autorité parentale, la
jurisprudence s’attache à favoriser autant que possible les liens de l’enfant avec ses
parents, conformément au vœu du législateur et des incitations internationales. L’évolution
des mœurs aidant, les « motifs graves » visés à l’article 373-1-1 sont eux aussi appréciés de
manière plus libérale8. Ainsi, ni l’homosexualité d’un des parents9 ou la prostitution de
l’un d’eux10 ne constituent aujourd’hui des motifs graves au sens de ce texte, susceptibles
de nuire à l’intérêt de l’enfant.

1
P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, coll. « Droit civil », 5ème éd., 2016, n° 1604,
p. 711.
2
CA Grenoble, 16 juil. 2014, n° RG 13/04267, RJPF, 2014, n° 10, p. 28.
3
CA Paris, 2 avr. 2015, n° RG 13/13891, RJPF, 2015, n° 4, p. 28.
4
CA Rouen, 19 oct. 2006, n° RG 05/03247.
5
CA Bordeaux, 21 mars 2001, n° RG 99/02805, JCP, G, I, obs. H. BOSSE-PLATIERE, p. 332. V. récemment, sur
l’existence de divergences profondes des parents sur la transmission à leur enfant des préceptes rastafaris, sur
laquelle ils étaient initialement d’accords (la mère ayant changé d’avis): CA Versailles, 26 juin 2014, n° RG,
13/06647.
6
CA Bourges, 16 janv. 2014, n° RG 13/00287.
7
CA Poitiers, 21 nov. 2010, n° RG 9902692.
8
V. néanmoins l’approche de droit marocain, infra, n°
9
CA Grenoble, 31 janv. 1996, JCP, G, IV, p. 2221.
10
CA Limoges, 13 juin 1991, JCP, G, IV, 1992, p. 1113.

188
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

214. La parole de l’enfant. Les modalités d’exercice de l’autorité parentale sont


toujours susceptibles d’être modifiées par une décision du juge, à la demande de l’un des
parents. En tête de liste des éléments que le JAF doit notamment prendre en compte en
vertu de l’article 373-2-11 du Code civil, figure la pratique antérieurement suivie par le
couple ou les accords dont ils ont pu convenir. Les sentiments de l’enfant, conformément à
l’alinéa 2 de l’article 373-2-11 du Code civil dont le juge doit tenir compte –dans les
conditions prévues à l’article 388-1- viennent après. Cet article, bien qu’il réaffirme le
droit à la parole du mineur en incitant le juge à « aller au-devant de l’enfant pour connaître
ses sentiments »1, ne l’oblige nullement à entendre l’enfant lorsque celui-ci n’en fait pas la
demande. Lorsque le juge a eu la possibilité de s’informer de l’opinion du mineur de
manière indirecte2, son audition n’est pas requise. Quand bien même elle aurait lieu, l’avis
de l’enfant ne lie pas le juge et la Cour de cassation réaffirme ce principe avec constance 3.
De la même manière, le juge ne peut soumettre l’exercice du droit de visite d’un parent au
bon vouloir de l’enfant4.

3- La protection judiciaire de l’enfant en droit marocain

215. L’intérêt de l’enfant au cœur de la pratique judiciaire. L’article 186 du


Code de la famille insiste sur la prise en compte de l’intérêt de l’enfant dans la mise en
œuvre des dispositions relatives au droit de visite de l’enfant soumis au droit de garde
après la rupture du mariage. La Haute juridiction, conformément au vœu du législateur,
semble avoir décidé de mettre au cœur de sa jurisprudence cette notion. Dans un arrêt du 9
mai 20075, la Cour suprême rejette la demande d’un père visant la déchéance du droit de
garde de la mère pour cause de remariage de celle-ci. Invoquant l’article 105 ancien du
Code du statut personnel, le requérant soutient que le remariage de la mère par une
personne non parent de l’enfant constitue une cause objective de déchéance du droit de
garde de la mère. La juridiction inférieure ayant consulté l’enfant conformément à l’article
102 ancien du même Code, après avoir mené une enquête sociale a à bon droit rejeté la
demande du père. La Cour fonde son raisonnement sur l’intérêt de l’enfant que les
juridictions du fond apprécient selon leur pouvoir souverain d’appréciation, cet intérêt
étant mieux satisfait par la vie commune de l’enfant avec sa mère, son beau-père et sa demi
sœur. Dans une autre espèce, l’intérêt de l’enfant visé à l’article 186 du Code de la famille
a été le point d’ancrage de la Haute Cour. Celle-ci censure la juridiction inférieure pour

1
A. GOUTTENOIRE, « Audition du mineur », in Droit de la famille, op. cit., n° 236.51, spec. p. 1046.
2
Par le biais d’une enquête sociale notamment : Cass. civ. 2ème, 14 janv. 1998, n° 96-15.327.
3
Cass. civ. 1ère, 7 oct. 1987, Bull. civ., II, n° 190; Cass. civ. 1ère, 6 mars 2013, n° 11-22.770; Rev. dr. fam., 2013,
comm. 70, obs. C. NEIRINCK; Cass. civ. 1 ère, 28 mai 2015, n° 14-16.511; Cass. civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-
12.592, RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 600.
4
Cass. civ. 1ère, 28 mai 2015, n° 14-16.511; D., 2015, 1207; AJ fam., 2015, obs. S. THOURET, p. 399; RTD civ.,
2015, obs. J. HAUSER, p. 600.
5
Cour supr. maroc., 9 mai 2007, n° 254, dossier n° 181/2/1/2005.

189
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

avoir remis l’enfant à sa mère, sans caractériser en quoi l’intérêt de l’enfant était de
retourner vivre avec sa mère. En effet, l’enfant âgé de sept ans vivait une vie stable et
harmonieuse auprès de son père depuis quatre ans, tandis que la mère, remariée à un non
parent de l’enfant, n’avait pas rendu visite à son enfant durant toute cette période. Au
surplus, l’enfant refuse d’aller vivre avec sa mère et se met à hurler et à crier selon les
constatations de l’enquête. La Cour reconnaît le transfert du droit de garde au père, sans
que celui-ci doive justifier d’un jugement de déchéance du droit de garde de la mère 1.
L’urgence a également permis de reconnaître que l’intérêt de l’enfant, dont le droit de
garde bénéficie au père, était d’être provisoirement auprès de sa mère toutes les fois que
son intérêt le commandait, du fait de son très jeune âge (deux ans), sans que cette situation
ne porte atteinte au droit de garde du père2. De la même manière, a suffisamment
caractérisé l’intérêt de l’enfant au sens de l’article 186, la Cour d’appel ayant attribué la
garde de l’enfant à la grand-mère maternelle, les deux enfants du couple vivant auprès
d’elle depuis leur naissance, bénéficient d’un soin particulier dans leur éducation et leur
scolarité. Le père remarié, ayant eu deux enfants de sa nouvelle épouse ne leur a jamais
rendu visite, à tel point que de l’aveu même des enfants, ceux-ci ne l’ont pas reconnu3.
216. La prise en compte de la parole de l’enfant. Le droit marocain ne consacre
pas, à l’instar du droit français, la parole de l’enfant comme un droit de ce dernier dans les
procédures le concernant. L’article 166 alinéa 2 du Code de la famille dispose qu’ « en cas
de rupture de la relation conjugale des parents, l’enfant peut, à l’âge de quinze ans révolus,
choisir lequel de son père ou de sa mère assumera sa garde ». Le choix est donc laissé,
lorsque l’enfant est doué de discernement, à ce dernier de choisir auprès de qui il souhaite
vivre. Néanmoins, la jurisprudence a admis, sur le fondement de l’article 102 ancien du
Code du statut personnel que dès l’âge de douze ans, l’enfant puisse choisir le lieu de sa
résidence. Tel était le cas d’une espèce dans laquelle le père de l’enfant faisait état du
remariage de la mère pour lui retirer la garde de l’enfant. Au terme d’une motivation claire,
la Haute juridiction affirme avec vigueur que la mère ne saurait être déchue de son droit de
garde après le remariage dès lors que l’enfant, âgé de douze ans révolus, a choisi de vivre
auprès de celle-ci conformément à son audition par le tribunal en vertu de l’article 102
ancien du Code du statut personnel4. La souhait de l’enfant de vivre auprès de sa mère a
également pu justifier de rétablir le droit de garde à son profit, suite à la rupture de son
remariage5 conformément à l’article 170 du Code de la famille qui prévoit que « le
dévolutaire de la garde recouvre son droit lorsque l’empêchement qui lui interdisait de
l’exercer est levé ».

1
Cour supr. maroc., 9 mai 2007, n° 263, dossier n° 299/2/1/2006.
2
Cour supr. maroc., 22 fév. 2006, n° 115, dossier n° 386/2/2/2005.
3
Cour supr. maroc., 29 nov. 2006, n° 679, dossier n° 326/2/1/2005.
4
Cour supr. maroc., 31 mai 2006, n° 348, dossier n° 627/2/1/2004.
5
Cour supr. maroc., 7 nov. 2007, n° 566, dossier n° 362/2/1/2007.

190
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

217. L’intérêt de l’enfant tributaire des critères de « rectitude et d’honnêteté »1


de la mère. Contrairement à la jurisprudence française qui exclut l’exercice unilatéral de
l’autorité parentale lorsque la mère s’adonne à des activités de prostitution ou en raison de
l’orientation sexuelle d’un des parents2, la jurisprudence marocaine déchoit la mère de son
droit à la garde de l’enfant lorsque celle-ci ne répond pas aux qualités énoncées à l’article
173 du Code de la famille. Parmi celles-ci, l’absence de la rectitude et de l’honnêteté
requises ont permis à la jurisprudence de retirer la garde de l’enfant à la mère, pour la
confier par ordre de priorité au père ou aux grands-parents maternels3. L’idée centrale
défendue est que le mauvais comportement de la mère constitue un motif grave pouvant
nuire à l’éducation et à la stabilité de l’enfant. La Haute juridiction offre régulièrement
l’occasion d’observer la persistance de ces critères4, et ne manque de rappeler que la
capacité d’élever l’enfant, d’assurer sa sauvegarde, sa protection et sa bonne éducation sont
le fondement du droit de garde. L’absence d’un élément entraîne la déchéance de ce droit5.

§2) Une protection insuffisante de l’intérêt de l’enfant

218. L’intérêt de l’enfant au milieu du gué. Que ce soit en droit marocain ou en


droit français, la coparentalité ne satisfait pas parfaitement l’intérêt de l’enfant. En droit
musulman, elle est purement et simplement interdite après la rupture des parents, ce qui ne
favorise pas le maintien d’un lien pérenne entre l’enfant et le parent auprès duquel il ne vit
pas (A). Malgré les nombreuses incitations du droit français et européen en sa faveur, la
coparentalité montre rapidement les limites inhérentes à la séparation (B).

A) La coparentalité interdite en droit musulman

219. Une conception de l’autorité parentale éloignée du droit français. L’article


19 de la Constitution marocaine dispose que « L’homme et la femme jouissent, à égalité,
des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et
environnemental énoncés dans le présent titre (…) ainsi que dans les Conventions et Pactes
internationaux dûment ratifiés par le Royaume, et ce, dans le respect des dispositions de la

1
Article 173 2°, CMF.
2
V. supra, n° 213.
3
Art. 171 CMF.
4
Cour supr. maroc., 20 janv. 2008, n° 34, dossier n° 20/2/2/2007 ; Cour supr. maroc., 20 fév. 2008, n° 94,
dossier n° 519/2/1/2007 ; Cour supr. maroc., 8 oct. 2008, n° 460, dossier n°509/2/2/2007. Pour un cas de
prostitution : Cour supr. maroc., 12 juil. 2006, n°456, dossier n° 99/2/2/2006 réitéré par Cour supr. maroc., 18
avr. 2007, n° 216, dossier n° 436/2/1/2006. Pour un cas d’adultère : Cour supr. maroc., 4 janv. 2006, n° 18,
dossier n° 485/2/12005, réitéré par Cour supr. maroc., 26 sept. 2007, n° 475, dossier n° 215/2/1/2007. Pour un
cas de vol : Cour supr. maroc., 4 oct. 2006, n° 561, dossier n° 142/2/1/2006.
5
Cour supr. maroc., 1er nov. 2006, n° 602, dossier n° 124/2/1/2006.

191
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

Constitution, des constantes et des lois du Royaume ». Si l’égalité entre les sexes est
consacrée en maints domaines, celle-ci est tributaire des constantes du Royaume, dont
l’Islam constitue un des éléments de l’identité nationale. Les droits parentaux en droit
marocain étant largement inspirés de la conception islamique 1, ceux-ci se composent d’une
part de la hadana (la garde), d’autre part de la wilaya (tutelle légale). Prérogative féminine,
la garde2 consiste, au terme de l’article 163 du Code marocain à préserver l’enfant « de
tout ce qui pourrait lui être préjudiciable, à l’éduquer et à veiller à ses intérêts ». La
personne qui en est chargée doit donc prendre toutes les dispositions nécessaires à la
préservation et à sa sécurité physique et morale, veiller à ses intérêts en cas d’absence de
son représentant légal. Cette fonction revient pendant le mariage aux deux parents 3. À la
dissolution de celui-ci, un ordre des personnes dévolutaires du droit de garde est prévu par
l’article 171 CMF, et c’est prioritairement à la mère4 que revient la garde de l’enfant
jusqu’à ce que celui-ci atteigne l’âge de la majorité légale5. L’article 166 prévoit qu’en cas
de séparation des parents, l’enfant peut, à l’âge de quinze ans, choisir lequel de son père ou
de sa mère assurera sa garde. Or, cette prérogative ne comprend que les soins relatifs à sa
personne. La protection des intérêts patrimoniaux de l’enfant constitue un attribut de la
wilaya qui revient de droit au père6 pendant le mariage, mais aussi à sa dissolution. La
mère ne peut être tutrice qu’en cas de décès ou d’incapacité constatée du père, et cette
situation se retrouve dans toutes les législations maghrébines et musulmanes en général.
Cette conception de l’autorité parentale contrevient aujourd’hui en France au principe
d’égalité entre hommes et femmes car l’autorité parentale revient conjointement aux deux
parents, tant sur la personne de l’enfant que sur ses biens.
220. La séparation des parents et la question de l’autorité parentale. La
séparation des parents en droit maghrébin ne modifie pas l’exercice de l’autorité parentale

1
M. NOKKARI, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la Sunna », in L’enfant en droit musulman (Afrique,
Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, société de législation
comparée, 2008, pp. 33-44.
2
F.-Z. ABDELLAOUI, « La garde de l’enfant dans le nouveau code de la famille marocain », in L’enfant en droit
musulman (Afrique, Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, Société
de législation comparée, 2008, pp. 345-358.
3
Article 164 CMF.
4
La garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, puis à la grand-mère maternelle de l’enfant. À
défaut, le tribunal décide, dans l’intérêt de l’enfant, « d’attribuer la garde à l’un des proches parents les plus
aptes à l’assumer ». La Tunisie a progressivement transformé le schéma classique de la garde par trois lois
successives. La loi n° 66-42 du 3 juin 1966 fait de l’intérêt de l’enfant l’unique critère pris en compte par le juge
afin d’attribuer sa garde à l’un de ses parents. Cette fonction n’est donc plus uniquement dévolue à la lignée
maternelle. La loi n° 81-7 du 18 février 1981 permettra à la mère gardienne de saisir le juge afin de se voir
attribuer certaines prérogatives tutélaires et prendre des décisions graves relatives à l’enfant. Enfin, la loi n° 93-
74 du 12 juillet 1993 fait de la mère une quasi tutrice légale en lui permettant la gestion des comptes financiers
de ses enfants, leurs voyages ou encore leurs études.
5
Article 166 CMF.
6
Art. 231 et 238 CMF. La mère titulaire du droit de garde ne peut se charger des intérêts patrimoniaux de
l’enfant qu’en cas d’absence du père et, « en cas de nécessité, si les intérêts de l’enfant risquent d’être
compromis », cf. art. 163.

192
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

si l’on considère que la hadana est de droit pour la mère, et que la wilaya l’est pour le père.
Attribut de la maternité pendant le mariage, la hadana survit à la séparation car l’enfant est
prioritairement confié à sa mère. De la même façon, la wilaya du père sur l’enfant pendant
le mariage lui revient au-delà de la rupture. Les droits maghrébins de la famille ignorent
donc le principe de coparentalité après la rupture dans leurs législations 1. Toutefois,
certaines situations peuvent amener un père à bénéficier de la garde de son enfant si la
mère se trouve dans l’impossibilité de l’assurer –ou ne remplit pas les qualités énoncées
par l’article 173- et, inversement, la mère peut se voir confier la tutelle légale en lieu et
place du père, lorsque celui-ci est décédé ou est incapable de l’assurer. Pour autant, le droit
ne consacre que le modèle jugé le plus à même de protéger la cellule familiale et le plus
bénéfique pour ses membres et pour la société. Lorsque le couple séparé maintient des
liens apaisés après la rupture, il lui est loisible d’organiser les relations entre l’enfant et le
parent avec lequel il ne vit pas. L’article 181 permet à ce titre aux parents de « convenir,
dans un accord, de l’organisation de la visite » et de le communiquer « au tribunal qui en
consigne le contenu dans la décision accordant la garde ».

B) La coparentalité déficiente en droit français

221. Les limites de la coparentalité. Il a déjà pu être souligné qu’ « il est utopique
et trop abstrait de prétendre à sa (le principe d’égalité) sauvegarde dans toutes les situations
de la vie familiale. C’est en surestimer les avantages dans des hypothèses de rupture où les
parents n’ont plus de volonté réelle de coopérer (…) »2. Plus que dans les situations où le
couple ne souhaite plus coopérer, certaines situations s’imposent d’elles-mêmes au couple,
empêchant l’exercice d’une coparentalité effective. Les situations d’incarcération d’un
parent sont, à ce titre, significatives de la limite du principe de coparentalité dans toutes les
situations (1). De la même manière, les déplacements d’enfants, bien qu’illicites,
constituent autant d’obstacles à un exercice effectif de la coparentalité (2).

1
Seul l’article 166 du CMF traite expressément de la rupture des parents, pour disposer à l’alinéa 2 qu’ « en cas
de rupture de la relation conjugale des parents, l’enfant peut, à l’âge de quinze ans révolus, choisir lequel de son
père ou de sa mère assurera sa garde ».
2
F. BOULANGER, « Réflexions sur la portée et les limites du principe d’égalité des deux membres du couple dans
l’attribution et l’exercice des droits parentaux », in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard CHAMPENOIS,
Paris, Defrénois, 2012, p. 70.

193
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

1- Coparentalité et incarcération

222. Incidence de la séparation sur la parentalité. L’incarcération d’un père ou


d’une mère constitue un obstacle matériel à l’exercice de ses droits parentaux 1. Sur le plan
psychologique, il est largement admis que la séparation forcée d’une mère de son enfant
est beaucoup plus douloureuse que celle d’un père, l’idée étant que l’identité féminine est
intimement liée à la notion de maternité. La séparation d’une mère de son enfant affecte
celle-ci au plus profond de son être, en la renvoyant particulièrement à une image de
« mauvaise mère ». L’état de monoparentalité de nombre d’entre elles expose directement
l’enfant à une mesure de placement, alors qu’un père peut, beaucoup plus fréquemment,
compter sur la présence de la mère de l’enfant. Un père incarcéré, s’il souffre tout autant
que la mère de la séparation de son enfant, ne l’exprimera pas de la même manière du fait
d’une « hyper masculinité » associée au monde de la délinquance et du milieu carcéral.
L’homme adoptera souvent une attitude distanciée avec le sentiment de souffrance qu’il
ressent, au risque d’abandonner son identité paternelle. Cette double identité ne favorise
pas le maintien du lien parental qui se trouve effacé lors de l’incarcération (α) et qui peine
à se reconstruire lors de la libération (β).

α) Le lien parental ignoré du droit pénitentiaire

223. Coparentalité et incarcération d’un des parents. L’article 373-2 alinéa 1 du


Code civil, disposant que « la séparation des parents est sans incidence sur les règles de
dévolution de l’autorité parentale » s’applique aussi aux relations familiales du détenu.
L’incarcération d’un parent ne modifie pas les règles de dévolution de l’autorité parentale 2.
La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après CEDH) opte pour la même solution et
écarte tout effet accessoire de l’incarcération ou de la condamnation sur l’autorité
parentale3. En pratique néanmoins, l’exercice de l’autorité parentale butera sur la réalité
carcérale4 du fait de la séparation physique entre l’enfant et l’un de ses parents, bien que

1
V. en ce sens le colloque organisé par l’Institut des sciences de la famille, sous la direction de M. DOURIS,
P. ROMAN, Liens familiaux et détention, Comment être parent en prison. Un défi aux institutions, Journée
d’étude organisée par l’Institut des sciences de la famille de Lyon, le 11 avril 2014. V. aussi : M. HERZOG-
EVANS, Droit pénitentiaire, Paris, Dalloz Action, 2012-2013, spec. Vie privée et familiale, n° 411-462.38 ;
V. aussi Le rapport d’activité du contrôleur général des lieux de privation de liberté, Dalloz, 2010.
2
Sauf le cas particulier de l’interdiction de l’exercice des droits parentaux qui peut être prononcé comme
accessoire au prononcé d’une peine privative de liberté. Néanmoins, la CEDH peut considérer qu’une
interdiction automatique et absolue, sans considération aucune pour l’intérêt de l’enfant ne poursuit pas un but
légitime. En ce sens : CEDH, 28 sept. 2004, Sabou et Pircalab c/ Roumanie, req. n° 46572/99.
3
CEDH, 24 fév. 1995, Mc Michael c/ Royaume-Uni, req. 16424/90.
4
Bien que l’article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 rappelle le droit des personnes détenues au
maintien des relations avec les membres de leur famille, et l’article D. 402 du Code de procédure pénale dispose
qu’ « en vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération, il doit être particulièrement veillé
au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches, pour autant que celles-ci paraissent
souhaitables dans l’intérêt des uns et des autres ».

194
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

les juges promeuvent autant que possible l’exercice effectif de la coparentalité. Lorsqu’un
accord existe, le couple parental peut oeuvrer conjointement, malgré l’incarcération, à la
prise de décisions qui concernent la vie de l’enfant, par l’entretien de visites régulières ou
de conversations téléphoniques. Dans ce contexte, la circulaire « Botton »1 est bienvenue
car elle a permis la communication du carnet de note, de correspondance et autres bulletins
et copies scolaires pour signature au parent incarcéré. Cette disposition a été confirmée par
l’article D. 431 du Code de procédure pénale. En revanche, lorsque le couple est en
désaccord, le parent à qui l’enfant est confié pourra prendre toutes les décisions
relativement à sa personne, l’article 373-22 du Code civil lui en laissant toute latitude. Ce
premier constat permet d’ores et déjà d’apprécier les limites du principe d’exercice
conjoint de l’autorité parentale tel que posé par le législateur.
224. Les restrictions des moyens de communication du détenu. Aucune norme
pénitentiaire ne traite spécifiquement des enfants du détenu. Ceux-ci sont assimilés à
n’importe quel membre de la famille. À l’heure où le principe de coparentalité atteint sa
forme la plus développée3, où l’intérêt de l’enfant constitue le critère central de prise de
décision, il est curieux que son intérêt n’ait pas été le fer de lance d’une réglementation en
ce domaine. Seuls un droit de correspondance et un droit de visite permettent de maintenir
le lien parental du détenu, nécessairement voué au relâchement selon la durée de la peine.
Alors que la situation du prévenu est d’être présumé innocent, il semblerait qu’il soit moins
bien loti que la personne condamnée pour ce qui touche au droit de correspondance. Une
personne condamnée jouit de la faveur des dispositions légales qui lui permettent de
maintenir un contact avec les membres de sa famille, y compris lorsqu’elle est sanctionnée
disciplinairement4 ou placée en isolement5. Une telle différence de traitement vient du fait
que le magistrat en charge de la phase préparatoire peut s’opposer en termes généraux à
toute correspondance du prévenu y compris avec ses proches, sans que cette interdiction
n’ait le moindre lien avec les besoins de l’instruction, et sans non plus que le moindre
recours soit aménagé6. Il peut ainsi être interdit au prévenu de communiquer durant dix
jours renouvelables avec un des membres de sa famille. Prévue de façon extrêmement
large, cette interdiction le prive de toute correspondance reçue ou envoyée7. À cet égard, le
rapport d’activité du contrôleur général des lieux de privation de liberté déplore

1
Circ. AP, 9 juin 2011 d’application des articles 4, 39 et 40 de la loi n° 2009-1436 du 24 nov. 2009 pénitentiaire,
relatifs à la correspondance téléphonique et à la correspondance écrite des personnes détenues, NOR :
JUSK1140028C.
2
Cet article dispose qu’« à l’égard des tiers de bonne foi, chacun des parents est réputé agir avec l’accord de
l’autre, quand il fait seul un acte usuel de l’autorité parentale relativement à la personne de l’enfant ».
3
Cf. D. FENOUILLET, « La coparentalité, nouveau paradigme de la famille contemporaine », Arch. philo. dr.,
Dossier « La famille en mutation », t. 57, 2014, pp. 95-122.
4
Art. R. 57-7-45 al. 2 C. pr. pén.
5
Art. R. 57-7-62 al. 3 C. pr. pén.
6
Art. R. 57-8-16 du C. pr. pén.
7
Art. 145-4 C. pr. pén.

195
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

l’insuffisance des possibilités de recours des détenus contre des décisions qui leur sont
applicables, ce qui conduit à « une situation manifestement contraire au respect du droit à
la correspondance (...) » et ce alors que « tout détenu a droit au recours hiérarchique,
comme le rappellent à leur manière les règles pénitentiaires européennes (règle 70.1) »1.
Un déséquilibre similaire entre la situation du condamné et celle du prévenu se retrouve
dans l’accès au téléphone. Tandis que le condamné bénéficie d’un droit d’accès au
téléphone2 -à ses frais- le prévenu ne bénéficie de cette faculté que depuis la loi
pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009. En dépit de la possibilité pour le
prévenu de maintenir un lien familial téléphoniquement, cette faculté est soumise à
l’autorisation du juge en charge de la phase préparatoire sans, une fois de plus, que le refus
puisse faire l’objet d’un recours. Cette faculté disparaît toutefois au profit de tous « pour
des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions
et, en ce qui concerne les prévenus, aux nécessités de l’information ». Par ailleurs, l’accès
à internet est formellement interdit par une circulaire du 13 octobre 20093.
225. Prééminence du droit pénitentiaire sur le droit de la famille. Une autre
illustration topique du traitement moins favorable du prévenu découle de la restriction de
ses droits de visite. Bien qu’il n’existe pas un droit « absolu » aux visites4, les dispositions
légales sont largement favorables au condamné, à moins que ne soient en cause des
considérations tenant au « maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des
infractions »5. L’article 35 de la loi pénitentiaire rappelle qu’il revient à l’autorité judiciaire
délivrant le permis de visite d’en refuser ou non l’octroi à un membre de la famille un mois
durant, sans aucune explication. Ce n’est qu’à l’issue de ce mois que l’autorité judiciaire
est dans l’obligation de motiver sa décision6, et qu’un recours est ouvert aux membres de la
famille. Ceux-ci peuvent saisir le président de la chambre de l’instruction, dont
l’ordonnance est insusceptible de recours. Lacunaire, le texte ne précise pas quelles
pourraient être les causes à l’origine d’une telle restriction, ce qui empêche la Cour de
cassation d’apporter des éclaircissements sur la question. À l’occasion d’un arrêt remarqué,
la première chambre civile a considéré qu’il appartient au JAF « lui-même de définir les
modalités d’exercice du droit de visite » du père, et qu’il n’était plus possible, comme
c’était le cas auparavant, d’énoncer par voie générale qu’un tel droit existait, ses modalités

1
Rapport d’activité 2010 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, precit., spec. pp. 141-142.
2
L. n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, J.O, 7 mars 2007, p. 4297.
3
Circ. AP, 13 oct. 2009 relative à l’accès à l’informatique pour les personnes placées sous main de justice,
NOR : JUSK0940021C.
4
Comm. EDH, 21 mai 1975, X. c/ Royaume-Uni. La limitation du droit de visite peut concerner la femme du
détenu lorsque cette limitation est nécessaire à la sécurité publique.
5
Art. 35 de la loi pénitentiaire.
6
Art. 145-4 C. pr. pén.

196
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

étant abandonnées à l’autorité pénitentiaire 1. Pour la Cour de cassation, il revient donc au


juge aux affaires familiales et non à l’administration pénitentiaire de fixer les modalités du
droit de visite du père détenu avec les membres de sa famille, et d’en déterminer la
périodicité2. Quoique remarqué, cet arrêt n’eut aucun effet sur les autorités pénitentiaires.
Le droit de visite du parent détenu, bien que fixé par décision de justice du JAF, n’en
demeure pas moins soumis dans ses modalités aux contraintes et réalités du milieu
carcéral.
226. Une alternative envisageable ? Madame le professeur HERZOG-EVANS3
s’interroge, à juste titre, sur l’âge à partir duquel un enfant pourrait se rendre seul au parloir
ou, à tout le moins, disposer de son propre permis de visite. Si une vieille circulaire du 6
septembre 1948 précise que l’enfant de treize peut être titulaire de ce permis et visiter seul
son parent détenu, les règlements intérieurs, s’ils retiennent encore cet âge, ne font plus
référence à ladite circulaire. Les décrets d’application de la nouvelle loi pénitentiaire sont
silencieux sur la question, pourtant centrale. Pour permettre à un mineur de rendre visite
seul à son parent, une récente circulaire, en date du 20 février 20124 précise que l’enfant,
quel que soit son âge, doit désormais disposer d’un permis de visite 5 et doit être, à
l’occasion de la visite, accompagné par une personne majeure 6, à l’exception des mineurs
de 16 ans. Plus délicate s’avère être la situation des parents séparés 7 lorsque l’enfant a
moins de seize ans. Imposer à l’ex-compagne ou à l’ex-épouse de passer des heures dans
un établissement pénitentiaire chaque semaine lorsque celle-ci a refait sa vie ou ne réside
plus dans la même ville n’est guère envisageable dans toutes les situations8. Certains juges

1
Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, n° 04-19.180, Bull. civ., I, n° 464 ; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 105;
Defrénois, 2006, obs. J. MASSIP, 1066; D., 2006, note M. HERZOG-EVANS, p. 2149; Rev. dr. fam., 2006, n° 27,
note P. MURAT.
2
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, n° 06-11.674, Rev. dr. fam., 2007, n° 5, comm. 105, note P. MURAT.
3
M. HERZOG-EVANS, « La stabilité de la relation parentale en cas de séparation forcée. Le cas du droit
pénitentiaire », in La complémentarité des sexes en droit de la famille, C. BRUNETTI-PONS (dir. de), éd.
Mare&Martin, 2014, p. 281.
4
Circ. AP, 20 fév. 2012, relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi
ou la réception d’objets, NOR : JUSK1140029C.
5
3°-2-1 de la circulaire. Il nous semble néanmoins que cette disposition relève plus du symbole que de
l’effectivité d’un droit du mineur.
6
Néanmoins, la circulaire précise (3°-2-2) que les mineurs peuvent être dispensés de venir accompagnés d’une
personne majeure aux parloirs sous trois conditions strictes et cumulatives : le mineur doit être au moins âgé de
16 ans, la visite ne peut être autorisée qu’au profit d’un titulaire de l’autorité parentale enfin, que les titulaires de
l’autorité parentale aient donné leur accord par écrit.
7
V. en ce sens : CA Rennes, 2 juin 2015, n° 14/00317. La demande d’un père (séparé de la mère) incarcéré à
bénéficier d’un droit d’accueil mensuel de son enfant au parloir de la maison d’arrêt non en présence d’un
membre de la famille maternelle de l’enfant qui lui voue « une véritable animosité », mais en présence d’un
membre d’une association est rejeté par la cour qui suspend le droit de visite du père en raison de sa « fragilité ».
AJ fam., 2015, note M. SAULIER, p. 401.
8
Outre les problèmes liés à l’accessibilité de l’établissement et la grande disponibilité requise pour s’y rendre
(entre une demi journée et une journée), le coût financier du déplacement peut aussi être un paramètre
déterminant (transport, restauration voire hébergement).

197
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

du fond ont parfois statué en ce sens1, mais la question demeure entière. Des associations,
notamment des Relais enfants-parents (REP) permettent d’accompagner de manière
bénévole des enfants au parloir, mais ce n’est là qu’une alternative ponctuelle lorsque le
parent en liberté n’est pas en mesure d’accompagner son enfant2.
227. Position de la Cour européenne des droits de l’homme. L’article 8 protégeant
la vie privée et familiale impose à l’État, selon une interprétation classique, de ne pas
interférer dans la sphère privée des individus. La situation particulière du détenu n’écarte
pas le bénéfice de la protection conventionnelle3. Or, dans le cadre de l’exercice du droit
de correspondance, la vie familiale du détenu n’est pas à l’abri d’une ingérence de l’État,
que la Cour européenne tolère4. Afin de minimiser l’ingérence, la CEDH exige que la
limitation du droit de correspondance soit textuellement prévue par la loi, en des termes
« suffisamment accessibles » et « prévisibles »5 pour permettre au détenu de recueillir les
informations nécessaires et adapter sa conduite aux exigences posées6. La limitation doit
également poursuivre un but légitime, c’est-à-dire reposer sur des motifs objectifs en
relation avec la « défense de l’ordre » ou « la prévention des infractions pénales ». La Cour
apprécie ce critère à l’aune de la nécessité, l’ingérence devant correspondre à un « besoin
social impérieux ». Ainsi, lorsque des considérations sérieuses laissent à penser qu’une
lettre menacerait la sécurité ou présenterait un caractère délictueux7, la violation de
l’article 8 de la Convention protégeant la vie privée et familiale n’est pas retenue à
l’occasion du contrôle mesuré et exceptionnel du droit de correspondance. La recherche
d’un équilibre entre les besoins particuliers des détenus et la défense de l’intérêt général est
donc l’objet du contrôle de la Cour8. La CEDH a néanmoins pu affirmer qu’une
suppression ou limitation trop importante des visites des enfants et du conjoint d’un détenu
est constitutive d’une atteinte au droit à la vie familiale9, qui ne saurait se justifier que dans

1
CA Paris, 12 juin 1987, Gaz. Pal., 1988, somm., p. 355.
2
Sur ces REP, V. le Rapport d’activité 2010 du contrôleur général des lieux de privation de liberté, precit.,
pp. 194-195.
3
CEDH, Golder c/ Royaume-Uni, 21 fév. 2008, Req. n° 4451/70 ; M. HERZOG-EVANS, Rép. dr. pén. et de proc.
pén., n° 461. Le droit au respect de la vie familiale du détenu a été posé pour la première fois en 2000 : CEDH,
28 sept. 2000, Messina c/ Italie, req. n° 25498/94, JCP, G, 2001, I, 291, obs. F. SUDRE.
4
La Cour européenne ne met pas à la charge des États une obligation positive, mais leur laisse une large marge
d’appréciation : CEDH, 29 avr. 2003, Aliev c/ Ukraine, n° 41220/98.
5
CEDH, 26 avr. 1979, Sunday Times c/ Royaume-Uni, Req. n° 6538/74. Ce qui n’est pas le cas d’instructions
internes non publiées et non accessibles au public : CEDH, 29 avr. 2003, Dankevich c/ Ukraine, req.
n° 40679/98.
6
M. HERZOG-EVANS, Rép. dr. pén. et proc. pén., spec. n° 464.
7
Ibidem., n° 464.
8
CEDH, 25 mars 1992, Campbell c/ Royaume-Uni, req. n° 13590/88.
9
En ce sens : CEDH, 9 juil. 2013, Varnas c/ Lituanie n° 42615/06. Ne repose sur aucune justification objective
et raisonnable l’interdiction faite au requérant de recevoir les visites de sa femme pendant toute la durée (plus de
deux ans) de sa détention provisoire, alors même que les détenus condamnés étaient autorisés à recevoir de telles
visites. Cf. JCP, G, 2014, n° 3, chron. 78, F. SUDRE.

198
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des circonstances exceptionnelles1. Dans un autre arrêt, la Cour rappelle l’obligation pesant
sur les autorités pénitentiaires d’aider les détenus au maintien des contacts effectifs avec
les membres de leur famille, bien qu’elle conclue au cas d’espèce qui lui était soumis que
le refus des visites conjugales était justifié2. Dans ce contexte, il est permis de croire que la
législation française porte sensiblement atteinte au droit du détenu de maintenir un lien
parental effectif. Pour autant, une condamnation de la Cour européenne n’interviendrait
que si l’entrave au maintien effectif du lien familial ne se trouve pas justifiée par des
considérations sécuritaires, la notion de « bon ordre interne » étant appréciée de façon
large. Plus récemment, mettant en cause l’État russe3, la Cour a rappelé que les détenus
condamnés à perpétuité ne devaient pas faire l’objet, s’agissant du droit de visite, d’un
traitement moins favorable que les autres. Ayant déjà reconnu l’importance du maintien
des liens familiaux des personnes détenues4, la Cour considère qu’un État partie ne peut
« avoir toute latitude pour introduire des restrictions générales sans prévoir une dose de
flexibilité permettant de déterminer si les limitations apportées dans chaque cas particulier
sont opportunes ou réellement nécessaires »5. Relevant que le régime des restrictions en
Russie est fondé sur la sévérité de la peine, celui-ci est disproportionné et par suite non
conforme avec les « les impératifs d’amendement et de réinsertion des détenus de longue
durée »6 à l’heure où se dessine une « tendance générale des politiques pénales en Europe
à accorder une importance croissante à l’objectif de réinsertion de la détention »7.
Relevant qu’une visite mensuelle est aujourd’hui la fréquence minimale commune8 aux
États membres, un tel consensus9 implique un « rétrécissement de la marge
d’appréciation » de l’État partie10.
228. Le lien parental, tributaire de la durée de la peine. Une dernière question
relative à la durée des parloirs permet en dernier lieu de saisir tant les limites du principe
de coparentalité que du traitement différencié entre prévenu et condamné. L’article 35 de la
loi pénitentiaire énonce que « les prévenus peuvent être visités par les membres de leur
famille ou d’autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins
une fois par semaine ». Une lecture rapide pourrait laisser penser que les prévenus sont
cette fois privilégiés. Il n’en est rien. Ils le sont seulement s’ils séjournent en maisons

1
CEDH, 28 sept. 2000, Messina c/ Italie, req. n° 25498/94, JCP, G, 2001, I, 291, obs. F. SUDRE; CEDH, 28 nov.
2002, Lavents c/ Lettonie, JCP, G, 2003, I, 109, chron. F. SUDRE; CEDH, 3 déc. 2002, Nowicka c/ Pologne.
2
CEDH, 18 sept. 2001, Kalachnikov c/ Russie, Req. n° 47095/99.
3
CEDH, 30 juin 2015, Khoroshenko c/ Russie, n° 41418/04 ; JCP, G, I, 2016, n° 3, 65, F. SUDRE.
4
CEDH, 28 juin 2001, Selmani c/ Suisse, n° 70258/01.
5
§ 126.
6
§ 148.
7
§ 121.
8
§ 135.
9
Sur cette notion de consensus, cf. F. SUDRE, « La mystification du “consensus” européen », JCP,G, 2015,
n° 50, 1369.
10
§ 136.

199
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

d’arrêt1, établissements où en effet, ces normes sont en vigueur. En revanche, tous ceux qui
purgent des peines supérieures à deux ans sont par conséquent affectés à des
établissements pour peine, où il leur est possible de bénéficier d’un temps de parloir plus
important2. Dans leur malheur, ceux-ci jouissent d’une sorte de « privilège » si l’on ose
dire, lorsque leur peine est supérieure à deux ans, alors que les plus chanceux dont la peine
est inférieure à cette durée sont moins bien lotis. Tout autre est la situation des condamnés
placés en maison centrale3. Il s’agit dans ce cas de figure des individus condamnés aux
peines les plus longues, certains ne bénéficiant pas de permis de sortie4. Pour eux, le droit
pénitentiaire a mis en place des Unités de Vie Familiales (UVF)5, véritables petits
appartements où les visites peuvent aller jusqu’à 72 heures, permettant le maintien du lien
familial dans des conditions d’intimité favorables. Madame la députée Sylvie ANDRIEUX, à
l’occasion d’une question écrite6, souligne « l’absence de réel intérêt porté par les pouvoirs
publiques sur l’institution pénitentiaire et les conditions de vie des détenus »,
particulièrement lorsque le détenu est incarcéré dans une prison géographiquement
éloignée de son lieu de résidence. Celle-ci attire également l’attention sur le fait que « la
réinsertion des détenus est très souvent liée au maintien des liens avec leur famille », mais
que les structures pénitentiaires « ne se prêtent pas à un échange humain et efficace », du
moins lorsque la famille parvient à se déplacer7. La réponse du Garde des Sceaux ministre
de la justice rappelle que « le développement de liens familiaux étant un vecteur
d’intégration et de réinsertion des personnes détenues », conclut à un bilan très positif de

1
Cf. Le rapport d’activité du contrôleur général des lieux de privation de liberté, precit., p. 164.
2
Selon ledit rapport, « dans la plupart des maisons d’arrêt, la durée des parloirs est fixée à 30 minutes, durée
jugée insuffisante par les détenus et leurs proches » tandis que « dans beaucoup d’établissements pour peine, les
détenus ne peuvent recevoir des visites que pendant le week-end ». Tel est notamment le cas au centre de
détention de Tarascon où « une seule visite est autorisée chaque week-end pendant une heure ».
3
Il semblerait que seulement 16% des personnes en centre de détention et 6% des personnes en maison centrale
sont incarcérés dans leur département d’origine. La proportion en maison d’arrêt étant de 65%. De plus,
l’éloignement des femmes incarcérées serait encore plus important du fait qu’il existe moins d’établissements
pour les accueillir. Cf. O. MILHAUD, Séparer et punir. Les prisons françaises : mise à distance et punition par
l’espace, Thèse en géographie, Bordeaux, 2009. Selon le rapport du contrôleur général, seuls quatre
établissements accueillent des femmes condamnées à de moyennes et longues peines : le centre pénitentiaire de
Rennes, les centres de détention de Roanne, Bapaume et Joux-la-Ville. Ainsi, le sud de la France et la région
parisienne ne disposent pas de tels établissements pour accueillir les femmes souhaitant demeurer à proximité de
leurs familles.
4
L’article 36 de la loi pénitentiaire prévoit que pour les prévenus, le droit aux UVF s’exerce sous réserve de
l’accord de l’autorité judiciaire compétente. Toute personne détenue a donc le droit aux UVF.
5
Ces unités de visite familiale ont été créées en 2003 à titre expérimental dans trois établissements pilotes :
maison centrale de Poissy, de Saint-Martin-de-Ré et Rennes. Elles offrent la possibilité aux personnes détenues
de recevoir les membres de leur famille de 6 à 48h, et jusqu’à 72 heures trimestriellement. Une circulaire de la
direction de l’administration pénitentiaire du 18 mars 2003 indiquait qu’à l’issue d’une période de
fonctionnement de 18 mois, l’évaluation de l’expérimentation donnerait lieu à la publication d’un bilan
permettant d’apprécier la pertinence d’une généralisation du dispositif. Or, jusqu’en mars 2005, aucun rapport
d’évaluation n’a été publié.
6
Question écrite n° 75616, Ass. Nat., 11 oct. 2005, J.O, Ass. nat., 17 oct. 2006.
7
Il faut en réalité prendre conscience du coût de la visite en termes de temps et d’argent, lorsque le détenu est
éloigné de sa famille. Amputée d’un second salaire, celle-ci est souvent confrontée à des difficultés financières
qui ne lui permettent pas des déplacements fréquents.

200
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’expérimentation de cette structure au sein des établissements pilotes 1. C’est pourquoi


l’extension du dispositif a été envisagée dès septembre 2006 à quatre autres
établissements : Toulon-La Farlède, Avignon-Le Pontet, Meaux-Chauconin et Liancourt.
Enfin, il est prévu que tout nouvel établissement pénitentiaire disposera d’une UVF
intégrée au programme de construction. Malgré leur succès, le rapport d’activité du
contrôleur général des lieux de privation de liberté fait état de difficultés des détenus dans
l’accès aux UVF en raison du nombre de demandes et du délai d’attente dépassant parfois
le trimestre. Particulièrement bienvenue, une disposition issue de la circulaire du 26 mars
20092 porte une attention particulière aux enfants de moins de trois ans. Celle-ci prévoit
que « dans l’instruction des demandes d’UVF, un soin particulier est porté à la situation
des enfants de moins de trois ans, qui ont particulièrement besoin de relations avec leur
parent incarcéré pour leur développement psychique ». Bien qu’importante, certains
auteurs regrettent néanmoins qu’une question aussi essentielle soit réglée par la voie de la
circulaire3.
Au demeurant, la coparentalité semble inévitablement pâtir de la mise en détention de l’un
des parents car les intérêts en présence, -le maintien du lien familial d’une part, la garantie
de la sécurité publique d’autre part- constituent des impératifs tout aussi importants au
maintien d’une société harmonieuse. Néanmoins, entre la nécessité d’une société sécurisée
et le maintien du lien parental, l’intérêt collectif l’emportera plus facilement sur l’intérêt
privé. Or, il ne nous semble pas judicieux de privilégier le premier au détriment du second,
ce dernier participant indirectement à la diminution de la délinquance lorsqu’une attention
particulière lui est portée4.

β- La nécessaire considération du lien parental par le droit


pénitentiaire

229. L’intérêt de favoriser le maintien du lien parental en milieu carcéral. Les


conséquences liées à l’incarcération d’un parent sur la famille sont considérables. Il est

1
Le rapport de visite du contrôleur général à la maison centrale de Saint-Martin-de-Ré conclut à un réel succès
tant du côté des détenus et de leurs familles que des personnels, lesquels y voient un véritable outil de réinsertion
dépassant le cadre de l’adoucissement de la détention. Il s’agit « d’aider à moins perdre pied avec la réalité ». Cf.
Le rapport d’activité 2010 du contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapp. precit., p. 188.
2
Circ. DAP du 26 mars 2009, relative aux Unités de Vie Familiale (UVF), NOR : JUSK0940004C.
3
M. HERZOG-EVANS, « La stabilité de la relation parentale en cas de séparation forcée. Le cas du droit
pénitentiaire », art. precit., p. 284.
4
Nous rejoignons de ce point vue l’opinion de Madame le professeur HERZOG-EVANS qui impute à la stricte
distinction du champ pénal et du droit civil les causes profondes du désintérêt du premier aux règles présidant au
second. Cf. M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus », Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 87, Dossier « Le statut
de l’enfant depuis la Convention internationale relative aux droits de l’enfant », pp. 32-35. Pour une perspective
comparée, V. aussi du même auteur : L’intimité du détenu et de ses proches en droit comparé, Paris,
L’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 2000.

201
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

d’ailleurs étonnant que peu de systèmes juridiques s’en soucient 1, à l’heure où l’intérêt de
l’enfant connaît son apogée. C’est dire que cet intérêt est si peu considéré en pratique, alors
qu’il est à l’inverse surestimé lorsqu’il s’agit pour l’enfant d’entretenir des liens avec des
tiers2. Drôle de droit est celui qui conduit à négliger les rapports de l’enfant avec ses
propres parents, alors que seraient à l’inverse privilégiés ses rapports à l’égard des tiers. Le
principe de coparentalité n’impose t-il pas prioritairement3 de prendre toutes les mesures
nécessaires pour favoriser l’intérêt de l’enfant et assurer l’effectivité du principe de
coparentalité, avant d’en permettre l’exercice, dans certains cas, par un tiers ? Il semblerait
que l’intérêt de l’enfant ait des mystères que le droit ne saisit pas4, ou du moins que
l’affection5 privilégie. Le droit pénitentiaire, avec la logique punitive qui le caractérise et
l’objectif de restauration de l’ordre, semble être « aveugle »6 quant aux conséquences sur
la société elle-même de telles séparations parentales. L’intérêt de la société est intimement
lié à la « bonne santé » des familles, de laquelle il est inséparable. C’est pourquoi il
importe aujourd’hui plus que jamais de mener une réflexion d’ensemble sur cette question.
Ainsi qu’un auteur a pu le relever, « l’intérêt de l’enfant ne se réduit notamment pas à un
concept juridique ; il doit être rapporté à des enjeux psychologiques et éthiques et, dans le
contexte pénal, à des enjeux criminologiques »7. Plusieurs études étrangères ont démontré
les conséquences à court, moyen et long terme de telles séparations8, dont les effets sont
d’une part l’impact négatif sur la société, d’autre part le coût supporté par cette dernière en
termes de déviance et de délinquance. Pour Madame le professeur HERZOG-EVANS,
« même si la causalité directe de l’emprisonnement est délicate à établir, en l’état actuel
des méthodologies employées (…) il se confirme que l’impact sur le devenir antisocial,
délinquant, déviant ainsi que sur les troubles mentaux ou du comportement est indéniable
et n’en demeure pas moins établi »9.
230. La faveur acquise du droit européen des droits de l’homme. La
recommandation R (94) 1410 « recommande aux gouvernements des États membres de

1
La réflexion semble fleurir notamment aux États-Unis où un vaste champ d’étude est ouvert s’agissant des
questions relatives à l’intégration du parent détenu après sa libération, ce que les américains appellent le
« reentry ». En effet, de nombreux programmes sont mis en œuvre afin d’accompagner au mieux cette période.
2
V. infra, notre Titre 2 de cette partie, Chapitre 2, section 2.
3
La recommandation R (94) 14 relative aux politiques familiales cohérentes et intégrées, adoptée par le Comité
des ministres le 22 novembre 1994 à l’issue de la 521ème réunion précise que « les parents sont prioritairement
responsables de l’éducation de leurs enfants ».
4
V. supra, sur l’intérêt de l’enfant en tant que notion à contenu variable, n° 198.
5
J. POUSSON-PETIT, L’affection et le droit, Paris, éd. du CNRS, 1990.
6
Pour reprendre l’expression utilisée par le professeur HERZOG-EVANS, in « Les enfants de détenus : The
orphans of justice », art. precit., p. 32.
7
Ibidem.
8
Cf. l’article précité de Madame le professeur HERZOG-EVANS.
9
Ibidem.
10
REC R (94) 14 relative aux politiques familiales cohérentes et intégrées, adoptée par le Comité des ministres
le 22 novembre 1994 à l’issue de la 521ème réunion.

202
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

faciliter la mise en œuvre de politiques familiales cohérentes et intégrées », en incitant les


pouvoirs publics à « créer les conditions propices à l’épanouissement et à l’autonomie des
familles, en fournissant notamment des services d’accueil médicaux, sociaux, éducatifs et
culturels appropriés ». Le concept inhérent à cette recommandation met en avant
« l’importance d’une politique familiale préventive » devant être accentuée lorsqu’une
famille a besoin « de recevoir des conseils, des services et/ou d’être dirigée à différentes
étapes de sa vie, par des moyens qui permettent de pallier sa fragilité ». Ceci « implique
que le rôle des pouvoirs publics est de créer les conditions nécessaires pour le
développement d’une cellule familiale où l’individu puisse s’épanouir (…) les besoins
spécifiques des différents types de familles, selon les différentes étapes de cycles de vie
familiale, doivent y être pris en compte ». Plus spécifique, la recommandation REC (2006)
21 sur les règles pénitentiaires européennes met l’accent sur le fait que « la vie en prison est
alignée aussi étroitement que possible sur les aspects positifs de la vie à l’extérieur de la
prison », étant précisé que « chaque détention est gérée de manière à faciliter la
réintégration dans la société libre des personnes privées de liberté »2. L’effectivité de ces
dispositions semble toutefois douteuse au sein de notre système.
231. Pour une meilleure prise en compte du lien parental. Le sentiment
d’euphorie dû à la sortie cède rapidement la place à la difficulté de reprendre ses marques
dans la société et dans sa famille. Le parent réintégrant le quotidien familial doit retrouver
sa place auprès de son enfant, qui sera habitué à ne vivre et à ne compter que sur l’autre
parent. Le lien parental distendu du fait d’une longue absence doit faire l’objet d’une
reconstruction à laquelle il convient de procéder en amont de la libération, et se perpétuer
après la sortie. L’intérêt d’un accompagnement efficace du parent durant cette période, que
ce soit au plan personnel ou professionnel est encore plus déterminant du fait qu’il s’agit
d’une période à haut risque de récidive. Un lien parental renforcé responsabilisera l’adulte
et pourra lui permettre de cesser tout comportement délinquant. En droit comparé, de
nombreuses initiatives sont mises en œuvre afin d’accompagner le retour en famille du
détenu. La prise en compte de la spécificité du lien familial des personnes détenues a incité
B. CORSTON à remettre au gouvernement anglais et gallois le rapport dit « Corston » dans
lequel sont étudiés les besoins en termes de fragilité des mères détenues. Ce rapport a
ensuite donné lieu à « une politique réductionniste sur le plan pénal ainsi qu’à une
politique de genre quant à l’exécution des sentences et au fonctionnement des services en
cause »3. Cette réflexion n’est pas menée en France, sans doute en raison de la prégnance
d’un donné culturel qui en limite le développement4. Aucune mesure de soutien à la

1
REC (2006) 2 relative aux règles pénitentiaires, adoptée par le Comité des ministres le 11 janvier 2006 à l’issue
de la 952ème réunion des Délégués des Ministres.
2
Recommandation précit., 5°.
3
M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus : The orphans of justice », art. precit., p. 34.
4
Pour l’auteur, au nombre de ces données figure en premier lieu le faible impact du féminisme en France,
comparé à d’autres pays européens, et plus particulièrement de son inexistence en criminologie. En second lieu,
l’idée selon laquelle c’est par la protection de la mère que peut efficacement opérer la protection de l’enfant

203
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

coparentalité n’existe en milieu carcéral, si ce n’est le système des aménagements de peine,


non en corrélation directe avec le lien parental. À l’instar d’autres pays voisins, tels que
l’Espagne, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Finlande ou le Danemark, pourraient être mis en
place au profit des mères détenues des Unités de Vie mère-enfant dans lesquelles les
conditions de détention sont plus souples et mieux aménagées pour l’accueil d’un enfant.
Des programmes de soutien à la coparentalité au profit des pères détenus pourraient
notamment faire prendre conscience des conséquences de la délinquance sur l’enfant. Ces
actions peuvent avoir un impact direct en termes de prévention de la récidive.

2- Coparentalité et déplacements illicites

232. La détermination du cadre juridique. Dans un contexte de mobilité croissante


des personnes, la multiplication des unions mixtes pose la question récurrente lors du
divorce, de la résidence de l’enfant. Qu’advient-il du principe de coparentalité lorsqu’un
des parents décide de retourner dans son pays d’origine en compagnie de l’enfant, et quels
moyens s’offrent à lui en vue de maintenir le lien parental ? Si les instruments de droit
interne se sont révélés peu efficaces dans l’objectif de maintien du lien parental, l’adoption
de textes d’envergure internationale1 vise, outre à adopter des principes communs sur la
question des relations personnelles des enfants, à lutter contre leurs enlèvements2 dans le
cadre familial. Or, ce n’est pas sans opérer une véritable « tectonique des sources »3,
nécessitant l’articulation entre eux des différents instruments, qu’un tel objectif peut être
atteint. En encourageant les États à adopter des principes communs, les textes et la
jurisprudence européens renforcent corrélativement l’application des instruments
internationaux qui traitent de l’enlèvement, du droit de garde et du lieu de résidence
habituelle des enfants, en particulier la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les
aspects civils de l’enlèvement international d’enfants4, la Convention de La Haye du 19

serait moins répandue en France, bien qu’elle soit préconisée par les recommandations européennes. Par ailleurs,
la « tradition chevaleresque » française place la France au nombre des pays dont le taux d’incarcération féminine
est faible ; M. HERZOG-EVANS, « Les enfants de détenus : The orphans of justice », art. precit., pp. 33-34.
1
Il est possible de citer en premier lieu la Convention internationale des droits de l’enfant, la Convention de La
Haye du 25 octobre 1980 qui met en place des mécanismes de coopération internationale pour faciliter le retour
des enfants déplacés, complétée par le règlement Bruxelles II bis n° 2210/2003 du 27 novembre 2003 qui édicte
les normes en matière de compétence juridictionnelle et de circulation des décisions rendues en matière de
divorce et de responsabilité parentale. La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 est relative à la
compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et la coopération en matière de responsabilité
parentale et de mesures de protection des enfants. Enfin, le règlement 4/2009 est relatif aux obligations
alimentaires, second volet du contentieux de l’autorité parentale. V. I. BARRIERE-BROUSSE, « L’enfant et les
conventions internationales », JDI, 1996, 843-888.
2
H. FULCHIRON (dir. de), Les enlèvements d’enfants à travers les frontières, Bruxelles, Bruylant, 2004 ;
V. ÉGEA, « Le déplacement illicite d’enfants », in Actualité du droit international privé, A. LEBORGNE,
I. BARRIERE-BROUSSE (dir. de), Marseille, PUAM, 2009, pp. 125-141.
3
Pour reprendre l’expression de Monsieur A. DEVERS, cf. « Le divorce d’époux marocains ou franco-marocains.
Les conventions franco-marocaines face aux droits européen et communautaire », Rev. dr. fam., 2006, n° 3,
étude n° 15.
4
D. n° 83-1021, 29 nov. 1983, J.O, 1er déc. 1983, p. 3466.

204
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l’exécution et


la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des
enfants1. C’est dans ce contexte qu’a été adopté le Règlement (CE) n° 1347/2000 du
Conseil relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière
matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs le 29 mai
20002.
233. Notion de déplacement illicite. L’enlèvement d’un enfant par son parent
constitue une ingérence tant dans le respect de la vie familiale de l’autre parent, que de
celui de l’enfant lui-même. En vertu de l’article 3 de la Convention de La Haye du
25 octobre 1980, le déplacement d’un enfant est considéré comme illicite lorsqu’il a lieu en
violation d’un droit de garde3, attribué à l’autre parent par décision de justice de l’État dans
lequel l’enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement. La
Cour de cassation a eu l’occasion d’affiner les contours de la notion de « déplacement
illicite », en précisant que la Convention de La Haye est applicable à tout enfant déplacé
hors de son domicile familial, seul élément pris en compte, peu importe son lieu de
naissance4. De la même manière, ce droit doit avoir été exercé de manière effective au
moment du déplacement, ou qu’il ait été susceptible d’être exercé en l’absence
de déplacement5. Depuis que la Cour de cassation a décidé d’attribuer un effet direct à la
CIDE, la question de l’appréciation de l’intérêt de l’enfant tel que posé par la Convention
au regard des règles internes régissant le droit de l’autorité parentale (1) soulève nombre de
problématiques qui appellent une attention particulière lorsqu’est en cause une convention
bilatérale que la France a signé avec un autre État (2).

1
D. n° 2011-1572 du 18 novembre 2011, J.O, 20 novembre 2011, p. 19503.
2
Abrogé par le Règlement (UE) n° 650/2012 du Parlement européen, adopté en droit interne par le D. n° 2015-
1395 du 2 novembre 2015, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière
de successions transfrontalières, J.O, 4 novembre 2015, p. 20592.
3
Ne peut dès lors se prévaloir du caractère illicite du déplacement le père naturel qui, bien qu’élevant ses
enfants, n’est pas titulaire du droit de garde : CJUE, 3ème ch., 5 oct. 2010, aff. C-400/10, J. McB, Rev.
Procédures, 2010, comm. 405, obs. C. NOURISSAT ; AJ fam., 2010, A. BOICHE, p. 482 ; D., 2010, p. 2516, obs.
I. GALLMEISTER ; JCP, G, 2010, note F. BOULANGER, 1327; RTD civ., 2010, P. RÉMY-CORLAY, p. 748, Rev. dr.
fam., 2011, n° 3, comm. 50, M. FARGE. Sur le caractère autonome de la notion de droit de garde, cf. Cass. civ.
1ère, 24 juin 2015, n° 14-14.909 ; D., 2015, obs. I. GALLMEISTER, p. 1437. Au sens de la Convention, le droit de
garde ne s’entend pas du lieu de résidence de l’enfant, mais de la question portant sur la titularité de l’autorité
parentale.
4
Cass. civ. 1ère, 26 oct. 2011, n° 10-19.905.
5
Cass. civ. 1ère, 29 févr. 2012, n° 11-15.613 et Cass. civ. 1ère, 14 mars 2012, n° 11-17.011.

205
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

α) L’appréciation de l’intérêt de l’enfant au regard des règles


internes de l’autorité parentale

234. La dualité d’appréciation de l’intérêt de l’enfant. L’intérêt de l’enfant1


constitue un véritable labeur pour les juges du fond lorsqu’il s’agit de l’apprécier
indépendamment de l’intérêt individuel de ses parents2. Bien qu’étant une disposition
internationale, l’article 3-13 de la Convention de New York semble poursuivre le même
objectif de protection de l’enfant que l’article 373-2 du Code civil -qui exhorte le juge à
statuer selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant. Néanmoins, cette disposition concerne
spécifiquement les règles relevant du domaine de l’autorité parentale telle qu’exercée par
des parents séparés, alors que la référence à l’intérêt de l’enfant dans le texte de la
Convention semble devoir être appréciée indépendamment de la spécificité de chaque
litige. Appréciation in concreto dans un cas, in abstracto dans l’autre. C’est pourquoi la
combinaison entre les deux textes peut aboutir à des résultats contradictoires,
particulièrement lorsqu’il s’agit de statuer sur l’exercice de l’autorité parentale. Le recours
à la norme internationale visant l’intérêt « supérieur » et « primordial », lorsqu’il a pour
effet de combattre une norme matérielle précise, n’est pas souhaitable. Ne l’est pas non
plus la règle particulière qui édicterait un effet contraire à celui poursuivi par la
Convention internationale. Loin d’être déterminée par des fins de pure « coquetteries »4,
l’analyse de la jurisprudence rendue permet de révéler que le recours à la méthode
combinatoire peut s’avérer grandement utile. Lorsque la norme interne assure une mise en
œuvre concrète de l’intérêt de l’enfant, le risque, tel qu’il a été rappelé5, est qu’il serve
d’autres finalités implicites et aboutisse à être détourné de sa fonction. C’est
particulièrement le cas toutes les fois où l’égoïsme parental essaie d’instrumentaliser
l’intérêt de l’enfant à des fins individuelles. Une illustration particulièrement topique de
cette crainte peut être exprimée à propos de l’utilisation de l’article 3-1 de la Convention
de New York dans le cadre de la mise en oeuvre de la Convention de La Haye de 1980 sur
les déplacements illicites d’enfants. Dans ce cas de figure, la piqûre de rappel précisant que
l’intérêt de l’enfant constitue une considération primordiale et supérieure aux intérêts
individuels de ses parents est la bienvenue. Elle permet à l’intérêt de l’enfant d’être au

1
E. GALLANT, Responsabilité parentale et protection des enfants en droit international privé, Paris, Defrénois,
coll. « Doctorat&Notariat », 2004.
2
G. VIAL, « La mise en oeuvre jurisprudentielle du standard de l’intérêt de l’enfant : entre intérêt concret et
intérêt général », in Lien familial, lien obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social »,
E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, pp. 124-131.
3
Cet article dispose que dans toutes les décisions le concernant, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une
considération primordiale.
4
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2006, p. 603.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Réflexion sur les mythes fondateurs du droit contemporain de la famille », RTD
civ., 1995, 249, spec. p. 266.

206
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

coeur de toute décision prise, et aux adjectifs « supérieur » et « primordial » de remplir tout
leur office.
235. Appréciation judiciaire du retour de l’enfant déplacé. Si la Convention de
La Haye du 25 octobre 1980 organise une coopération1 des États d’ordre administratif en
exigeant un retour immédiat2 de l’enfant déplacé, le texte prévoit aussi une exception3 à ce
retour prévue à l’article 13-1 b4. Lorsque le parent qui s’y oppose établit « qu’il existe un
risque grave que ce retour n’expose l’enfant à un danger physique ou psychique, ou de tout
autre manière ne le place dans une situation intolérable », le juge peut ne pas ordonner le
retour de l’enfant dans l’État de sa résidence habituelle5. Les juges du fond apprécient
souverainement l’existence du risque grave. Cependant, ils doivent caractériser le danger
encouru par l’enfant en cas de retour immédiat, ou la situation intolérable que le retour
créerait6. À défaut, ils risquent de voir leur décision cassée pour manque de base légale.

1
Art. 7 de la convention.
2
L’article 12 de la convention de La Haye, dans un souci d’effectivité du retour immédiat, paralyse le pouvoir
d’appréciation et de décision du juge de l’État vers lequel l’enfant a été déplacé, notamment lorsque ce dernier
est saisi d’une demande de fixation des modalités d’exercice de l’autorité parentale. Le principe visé étant le
retour immédiat de l’enfant, une décision de justice ne saurait venir conforter la voie de fait constituée par le
comportement d’un des parents. D’ailleurs, parmi les mécanismes posés par le règlement Bruxelles II bis figure
une limitation des pouvoirs du juge de l’État de destination, en vue de faciliter le retour immédiat de l’enfant. De
plus, l’article 11§8 de ce même règlement précise que « nonobstant une décision de non retour rendue en
application de l’article 13 de la Convention de La Haye, toute décision ultérieure ordonnant le retour de l’enfant
rendue par une juridiction compétente en vertu du présent règlement est exécutoire conformément au chapitre
III, section 4, en vue d’assurer le retour de l’enfant ».
3
Voir en ce sens l’étude de Monsieur le professeur F. BOULANGER : « Les cas de non-retour par suite d’un
déplacement illicite de mineurs dans un cadre international », Rev. dr. fam., 2015, n° 11, étude 16.
4
Cet article indique que « nonobstant les dispositions de l’article précédent, l’autorité judiciaire ou
administrative de l’État requis n’est pas tenue d’ordonner le retour de l’enfant, lorsque la personne, l’institution
ou l’organisme qui s’oppose à son retour établit (…) qu’il existe un risque grave que le retour de l’enfant en
l’expose à un danger physique ou psychique, ou de toute autre manière, ne le place dans une situation
intolérable ».
5
Sur cette notion, cf. Cass. Civ. 1ère, 4 mars 2015, n° 14-19.015. Dans cette décision, la Cour de cassation
apporte d’utiles précisions sur la définition de la notion de « résidence habituelle ». Pour la Cour, la résidence
habituelle de l’enfant -au sens du droit européen- ne repose pas tant sur des considérations quantitatives que
qualitatives. Celle-ci est le lieu qui traduit une certaine intégration de l’enfant dans un environnement social et
familial. Elle doit donc être déterminée à la lumière de l’ensemble des circonstances de fait, dont la commune
intention des parents de transférer le lieu de ladite résidence. Il s’ensuit qu’encourent la censure les juges ayant
déduit le lieu de résidence de l’enfant à partir de la durée de son séjour. V. avant, sur cette définition telle que
posée par la Cour de justice de l’Union européenne : CJUE, 2 avr. 2009, n° C-523/07, RTD eur., 2010, 421,
chron. M. DOUCHY-OUDOT, E. GUINCHARD. Telle que posée, la définition a ensuite été reprise par cette même
Cour le 22 déc. 2010, n° C-497/10, RTD eur., 2011, 481, obs. M. DOUCHY-OUDOT, puis le 9 oct. 2014, n° C-
376/. Pour une récente étude, V. E. GALLANT, « Réflexions sur la résidence habituelle des enfants de couples
désunis », in Mélanges en l’honneur de Pierre MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 241-253.
6
En ce sens, V. CJUE, 23 déc. 2009, aff. C-403/09, Deticek c/ Sgueglia. Au terme de la saisine de la Cour,
celle-ci a considéré que l’auteur d’un enlèvement d’enfant ne peut se prévaloir de certaines dispositions du
règlement Bruxelles II bis (art. 20) afin d’entériner le déplacement illicite. L’article 20 de ce règlement doit «
doit être interprété en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, il ne permet
pas à une juridiction d’un État membre d’adopter une mesure provisoire en matière de responsabilité parentale
visant à octroyer la garde d’un enfant qui se trouve sur le territoire de cet État membre à l’un de ses parents
lorsqu’une juridiction d’un autre État membre, qui est compétente en vertu dudit règlement pour connaître du
fond du litige relatif à la garde de l’enfant, a déjà rendu une décision confiant provisoirement la garde de cet
enfant à l’autre parent et que cette décision a été déclarée exécutoire sur le territoire du premier État membre ».

207
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

S’il était à craindre que l’effectivité des mécanismes de retour demeure lettre morte -du fait
qu’elle soit tributaire de l’interprétation de l’exception de danger- la Cour de cassation a su
opérer une interprétation restrictive et donc conforme de cette exception1, préservant la
lettre et l’esprit du dispositif. À l’occasion de l’arrêt Ignacollo-Zénide c/ Roumanie2, la
CEDH consacre une obligation positive des États -à la lumière de la Convention de La
Haye- de prendre les mesures nécessaire au retour de l’enfant ayant fait l’objet d’un
déplacement illicite. Les États doivent donc œuvrer dans le sens du retour de l’enfant
déplacé. La position de la Cour de cassation est, dans la lignée de la jurisprudence
européenne, parfaitement conforme.
236. L’intérêt de l’enfant, un critère central. Dans une affaire née de l’initiative de
la mère de partir s’installer au Canada avec son enfant, la Haute juridiction3 a rappelé, au
double visa des articles 3-1 de la Convention de New-York et 373-2 du Code civil, que
l’intérêt de l’enfant devait être la considération primordiale dans toute décision le
concernant. Elle censure la Cour d’appel qui, pour autoriser la mère à quitter le territoire et
à partir s’installer au Canada avec son enfant, avait opposé les défauts du père aux qualités
de la mère. La Cour d’appel qui s’était déterminée par des motifs sans rapport avec
l’intérêt primordial de l’enfant est donc censurée. Pour ne pas encourir la cassation, les
juges du fond auraient dû, en l’espèce, vérifier si l’intérêt concret de l’enfant ne se trouvait
pas atteint négativement par l’éloignement géographique au regard du droit au maintien
des relations personnelles avec ses deux parents. La Cour censure le raisonnement
consistant à prendre parti pour ou contre un des parents, selon les qualités de l’un ou les
défauts de l’autre. Par conséquent les juges du fond doivent s’abstenir, dans leur
motivation, de recourir aux affirmations consistant à défendre leurs intérêts individuels
pour ne s’attacher à caractériser que le seul intérêt de l’enfant. Or, c’est précisément à ce
stade du raisonnement que s’opère le glissement vers une appréciation concrète. La
difficulté est d’autant plus grande que le contenu des règles internes matérielles relatives à
l’autorité parentale est intimement lié à l’intérêt de l’enfant concrètement compris.
Une espèce similaire a permis aux juges du fond de retenir, indépendamment des choix
religieux du père et de son appartenance à l’Église de Scientologie, que le retour de

Rev. Lamy dr. civ., 2010, n° 68; Rev. Procédures, 2010, comm. 73, note C. NOURISSAT ; D., 2010, note C.
BRIERE, p. 1055; même revue, obs. P. COURBE et F. JAULT-SESEKE, p. 1585; AJF, 2010, note A. BOICHE, p. 131.
1
V. note Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, n° 02-17.411, RJPF, 2005, n° 4, 36, note M.-C. MEYZEAUD-GARAUD ;
Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, n 04-16.942, RJPF, 2005, n° 10, 40, obs. F. EUDIER. Après une période où le risque
de danger grave occasionné par le retour de l’enfant a été caractérisé par les juridictions françaises : Cass. civ.
1ère, 12 juillet 1994, Rev. crit. DIP, 1995, 96, note H. MUIR WATT ; Defrénois, 1995, art. 36024, obs. J. MASSIP ;
JCP, G, I, 1995, 3903, obs. H. BOSSE-PLATIERE ; Cass. civ. 1ère, 21 novembre 1995, D., 1996, 468, note
J. MASSIP ; Cass. civ. 1ère, 22 juin 1999, RJPF, 1999, 20, note C. DESLANCES et S. VALORY ; Cass. civ. 1ère, 18
avril 2000, Rev. crit. DIP, 2001, 341, note E. GALLANT. V. plus récemment Cass. civ. 1ère, 19 nov. 2014, n° 14-
17.493, Rev. dr. fam., 2015, n° 2, comm. 31, C. NEIRINCK.
2
CEDH, Ignacollo-Zénide c/ Roumanie, 25 juin 2000, Rev. dr. fam., 2000, chron. n° 26, obs. H. FULCHIRON,
A. GOUTTENOIRE.
3
Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, D., 2007, obs. A. GOUTTENOIRE et L. BRUNET, p. 2192;
RTD. civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 330; Rev. crit. DIP, 2007, note E. GALLANT, p. 603.

208
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’enfant en Allemagne exposait celui-ci à un danger. Approuvés par la Cour de cassation1


qui rappelle l’appréciation souveraine des juges du fond des faits constitutifs du danger
physique ou psychique2, celle-ci laisse une marge de manœuvre importante aux juges du
fond dès lors que leur décision caractérise suffisamment le danger. Afin de mettre en
œuvre l’exception au retour, ceux-ci se fondent sur un certain nombre de témoignages,
dont l’ancienneté ne permettait a priori pas de caractériser le danger encouru par l’enfant
lorsqu’il sera, à l’avenir, sous la responsabilité de son père. Selon un auteur3, sans doute les
juges colmariens ont-ils eu le souci louable de protéger la santé physique et psychique de
l’enfant en le soustrayant à l’emprise d’un mouvement religieux très controversé. Ce n’est
d’ailleurs pas un hasard si la décision retenue coïncidait avec le dépôt le même jour, du
rapport de la commission d’enquête parlementaire relative à l’influence des mouvements
sectaires et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des
mineurs4. Il convient néanmoins de prendre garde aux dangers d’un contrôle
excessivement formel de la motivation des juges du fond, que ce soit dans le sens d’une
caractérisation trop laxiste du danger, ou au contraire trop sévère5.
Dans la lignée de ses précédents arrêts, la première chambre civile6 emploie la même
méthode de contrôle combinatoire à l’occasion d’une autre affaire, en s’affranchissant cette
fois de la référence à la Convention de New York afin de mettre à l’honneur le principe de
coparentalité tel que consacré par la loi du 4 mars 2002. La Cour d’appel ayant validé la
décision unilatérale d’une mère de s’installer avec son enfant en Nouvelle-Calédonie, la
Haute juridiction reproche aux juges du fond de ne pas avoir vérifié si le comportement de
la mère ne traduisait pas un refus de respecter le droit de l’enfant à entretenir des relations
régulières avec son père. Pour formuler sa solution en termes de droit de l’enfant à être
élevé par ses deux parents et d’entretenir des relations personnelles avec chacun d’eux, la
Cour de cassation insiste sur la réciprocité du lien parental devant être respecté par chacun
d’eux.
Dans un arrêt du 8 novembre 20057, la Cour de cassation a censuré les juges du fond de
n’avoir pas fait du critère de l’intérêt de l’enfant le point d’ancrage de leur motivation. Le
conflit qui opposait les parents portait sur la langue dans laquelle la scolarité des enfants
devait avoir lieu. Les juges du fond avaient décidé que les enfants, résidant au Luxembourg
avec leur mère et scolarisés dans une école de langue allemande, devraient désormais
intégrer une école francophone afin que le père, uniquement francophone, puisse assurer

1
Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2006, n° 05-22.119, RJPF, 2007, n° 3, note F. EUDIER.
2
Cf. aussi Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, D., 2005, p. 2790, note F. BOULANGER ; Rev. crit. DIP,
2006, P. 127, note E. GALLANT.
3
E. GALLANT, déc. precit.
4
Rapp. Ass. nat. n° 3507, 2006-2007.
5
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
6
Cass. Civ. 1ère, 4 juil. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 10, p. 25, obs. P. MURAT.
7
Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, RTD civ., 2006, note J. HAUSER, p. 101.

209
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

une coparentalité effective. La Cour de cassation censure pourtant la cour d’appel en lui
reprochant de ne s’être fondée que sur l’intérêt du père, sans caractériser ni prendre en
considération l’intérêt supérieur des enfants.
Cette attitude atteste que l’intérêt de l’enfant, loin d’être une notion vide de contenu et
abandonnée à l’appréciation des juges du fond, est l’objet d’une constante recherche entre
la coïncidence de son intérêt concret et son intérêt abstraitement perçu. Sur le terrain de
l’autorité parentale, elle conduit à un résultat relativement satisfaisant car il apparaît
difficile pour un parent d’emmener ses enfants loin de l’autre, sauf à démontrer qu’il est
dans leur intérêt d’en demeurer éloigné. La CEDH a d’ailleurs approuvé1 la méthode
combinatoire telle que mise en œuvre par les juridictions françaises à l’occasion de
l’affaire dite de la « petite Charlotte »2, ayant donné lieu à l’arrêt Maumousseau et
Washington c/ France. Pour la Cour, « les juridictions françaises avaient pris en compte
l’intérêt supérieur de l’enfant, entendu comme sa réintégration immédiate dans son milieu
de vie habituel. Ces juridictions s’étaient notamment livrées à un examen approfondi de
l’ensemble de la situation familiale et de toute une série d’éléments, et avaient procédé à
une appréciation équilibrée et raisonnable des intérêts respectifs de chacun avec le souci
constant de déterminer quelle était la meilleure solution pour l’enfant », à savoir son
retour aux États-Unis auprès de son père. Surtout, le critère de « réintégration immédiate
de l’enfant dans son milieu de vie habituel » a constitué le point d’ancrage des décisions en
la matière, car il semble caractériser une appréciation globale de l’intérêt de l’enfant eu
égard à la situation familiale prise dans son ensemble.
237. Les incertitudes de la jurisprudence européenne. Depuis quelques années, la
CEDH a été confrontée à la requête de l’auteur d’un enlèvement d’enfant qui prétend que
le retour forcé de ce dernier constitue une ingérence dans son droit au respect de sa vie
familiale3. Par l’effet de l’écoulement du temps4, dont l’effet est de permettre à l’enfant de

1
Cf. néanmoins la récente condamnation de la France par la CEDH, 5 nov. 2015, Henrioud c/ France,
n° 21444/11, JCP, G, I, 2015, n° 49, 1333, obs. A. GOUTTENOIRE. L’irrecevabilité du pourvoi du procureur
général près la CA Bordeaux contre une décision de non-retour, fondée sur l’article 979 du Code de procédure
civile imposant au ministère public de joindre l’acte de signification de la décision de la cour d’appel attaquée,
empêchait la recevabilité du pourvoi incident du requérant. À raison de ce particularisme, jugé dans ses
conséquences « très graves et délicates pour les personnes concernées », la CEDH considère l’irrecevabilité du
pourvoi, de nature à priver le requérant de toute possibilité d’examen des exceptions au non-retour immédiat de
l’enfant, contraire à l’article 6§1 de la Convention.
2
Ayant donné lieu à l’arrêt de la Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, n° 04-16.942, Bull. civ., I, n° 245 ; Rev. dr. fam.,
2006, comm. n° 157, obs. A. GOUTTENOIRE ; cette même revue, comm. 42, note M. FARGE ; D., 2005, 2790,
note F. BOULANGER ; JCP, G, II, 2005, 10115, note C. CHABERT ; Rev. dr. sanit. soc., 2005, étude C. NEIRINCK,
p. 814; Rev. crit. DIP, 2005, note D. BUREAU, p. 679; RTD civ., 2005, obs. R. ENCINAS DE MUNAGORRI, p. 556;
même revue, obs. P. REMY-CORLAY, p. 750; RJPF, 2005, n° 10, 40, note EUDIER, p. 24.
3
CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, req. n° 39388/05, AJ fam., 2008, obs.
A. BOICHE, p. 83; GAJCEDH, comm. 52. CEDH, 6 juin 2010, Neulinger et Shuruk c/ Suisse, JCP, G, 2011, obs.
F. SUDRE, p. 94.
4
V. en ce sens l’arrêt de condamnation de la Roumanie par la Cour européenne, en raison de son manquement à
la mise en œuvre rapide et effective de la décision de non-retour ayant conduit à une violation du droit au respect
de la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la convention : CEDH, 28 avr. 2015, 3ème sect., n° 1714/10,
AJ fam., 2015, p. 347, note E. VIGANOTTI.

210
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s’intégrer dans son nouveau milieu, il peut être jugé qu’il est de l’intérêt de celui-ci de ne
pas retourner dans le pays de sa résidence habituelle. En réalité, l’essor des droits
fondamentaux, particulièrement l’intérêt de l’enfant concrètement entendu, semble être de
nature à perturber le principe du retour immédiat de l’enfant illicitement déplacé en le
neutralisant au profit de son intérêt supérieur. Les réponses apportées par la Cour à cette
problématique rendent peu cohérente sa jurisprudence en la matière et se révèlent peu
compatibles avec les exigences qu’elle pose, notamment lorsqu’elle est saisie par le parent
victime de l’enlèvement. Alors que dans ce cas elle impose l’obligation de prendre toutes
les mesures nécessaires pour organiser le retour1, elle admet que le retour puisse être
subordonné à l’intérêt supérieur de l’enfant lorsqu’elle est saisie par l’auteur de
l’enlèvement2. Cette « dérive interprétative » a même pu rejaillir sur les décisions de
certains juges du fond, rappelés à l’ordre par la Haute juridiction3.
Dans l’affaire Neulinger et Churuck c/ Suisse4, c’est par le truchement de l’article 8 de la
Convention européenne que la Cour procède à la vérification des conditions dans
lesquelles le retour sera effectué. Elle conclut à la violation dudit article si la décision de
retour était exécutée5. Or, la Cour prend le contrepied de ce qu’elle avait pu décider à
l’occasion de l’arrêt Maumousseau et Washington c/ France, à savoir que l’intérêt
supérieur de l’enfant devait être entendu comme étant sa « réintégration immédiate dans
son milieu de vie habituel ». Ce « coup d’état interprétatif »6 imposait en réalité aux États
de se livrer à un examen de la situation au fond, en exigeant d’eux qu’ils apprécient le

1
V. CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, req. n° 10131/11, RJPF, 2013, n° 5, note M. DOUCET.
2
CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, Rev. dr. fam., 2013, étude n° 3, obs. A. GOUTTENOIRE ; AJ fam., 2012,
obs. E. VIGANOTTI, p. 562.
3
CA Grenoble, 24 août 2011, cassée par la Haute juridiction : Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, n° 11-28.424, AJ
fam., 2013, note A. BOICHE, p. 185; D., 2013, note I. GALLMEISTER, p. 498. En l’espèce, les juges grenoblois
motivent leur décision en faisant référence à l’intégration de l’enfant en France, âgé de trois ans et vivant sur le
territoire français depuis seulement quatre mois et demi. Ce raisonnement, directement inspiré de la
jurisprudence Neulinger est censuré par la Cour de cassation. En visant l’article 13 b de la Convention de La
Haye et l’article 3-1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989, la Haute juridiction rappelle aux
juges du fond qu’elles doivent apprécier l’intérêt supérieur de l’enfant au regard des objectifs de la Convention
de La Haye, et qu’en l’absence de danger couru par l’enfant en cas de retour, elles doivent mettre un terme à la
voie de fait que constitue le déplacement illicite et laisser aux juridictions de l’État de la résidence habituelle de
l’enfant le soin de statuer sur la question de l’exercice de l’autorité parentale.
4
CEDH, Neulinger et Churuck c/ Suisse, 6 juil. 2010, n° 41615/07, RJPF, 2011, n° 1, obs. F. EUDIER, p. 25;
RTD eur., 2010, p. 927, chron. M. DOUCHY-OUDOT et E. GUINCHARD; D., 2011, pan. p. 1374, obs. F. JAULT-
SESEKE; RTD civ., 2010, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 735.
5
Pour la Cour, le retour de l’enfant en Israël avec sa mère entraînerait un trouble considérable pour le droit au
respect de la vie privée et familiale de la mère, au regard des risques de poursuites pénales engagées à son
encontre. Elle en déduit ainsi que « le refus de la mère de retourner en Israël n’apparaît (…) pas entièrement
injustifié ». Cette position de la Cour, qui retient les conditions dans lesquelles le retour sera effectué tout en
privilégiant le principe de l’intérêt de l’enfant, limite l’automatisme des décisions de retour et donc l’efficacité
du dispositif de lutte contre les enlèvements. Cette position se vérifie également en droit interne lors de la mise
en œuvre par la Cour de cassation de conventions bilatérales, notamment franco-marocaine ou franco-algérienne.
En ce sens : Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12687, Bull. civ. I, n° 199 ; Rev. dr. fam., 2007, comm. 155, note
M. FARGE ; RJPF, 2007, n° 10, 26, note M.-C. MEYZAUD-GARAUD.
6
Pour reprendre l’expression utilisée par un auteur, RJPF, 2014, n° 10, note S. GODECHOT-PATRIS.

211
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

bien-fondé du retour. Cette dérive interprétative a vivement été critiquée, surtout qu’elle a
été confirmée dans trois décisions ultérieures1. À l’occasion d’une décision lettone, la Cour
semble toutefois tempérer sa position. Elle indique qu’en aucun cas le juge saisi d’une
procédure de retour ne doit se livrer à un examen complet et approfondi de l’ensemble de
la situation familiale. Elle estime « que l’on peut parvenir à une interprétation
harmonieuse de la Convention et de la Convention de La Haye sous réserve que les deux
conditions suivantes soient réunies. Premièrement (il faut que) les éléments susceptibles de
constituer une exception au retour immédiat de l’enfant en application des articles 12, 13
et 20 de ladite Convention, notamment lorsqu’ils sont invoqués par l’une des parties,
soient réellement pris en compte par le juge. Ce dernier doit dès lors rendre une décision
suffisamment motivée sur ce point afin de permettre à la Cour de s’assurer que ces
questions ont bien fait l’objet d’un examen effectif. Deuxièmement ces éléments doivent
être appréciés à la lumière de l’article 8 de la Convention ». Délimitant l’étendue de
l’office du juge saisi de la demande de retour, la Cour procède à un contrôle strictement
procédural. En définitive, ce rappel indique que l’objet même du contrôle a est déplacé : il
ne s’agit plus d’apprécier la décision de retour de l’enfant, plus qu’il ne faut s’attarder sur
les exceptions mêmes du supposé retour. L’appréciation de l’intérêt supérieur de l’enfant
est différente selon que le juge est appelé à statuer sur l’illicéité du déplacement ou qu’il
est appelé à statuer sur la question portant sur l’exercice de l’autorité parentale. Si le
premier doit examiner la prétention du parent « ravisseur » tenant à démontrer le risque
grave encouru par l’enfant, il doit y répondre par une décision suffisamment motivée en
interprétant strictement les exceptions au retour prévues par la Convention internationale.
Quant au second, appelé à se prononcer sur les modalités d’organisation de sa vie, il doit
statuer conformément à son intérêt supérieur et aux instruments internationaux. Pour
Madame le professeur GOUTTENOIRE, cette position « confirme la tendance de la Cour
européenne à conditionner le retour de l’enfant à son intérêt supérieur, ce qui rend ce retour
moins systématique et limite sans doute, l’efficacité du dispositif de lutte contre les
déplacements illicites d’enfants, même si c’est au nom d’une juste cause »2. Pour un autre
auteur, « l’article 13 de la Convention de La Haye a été conçu pour répondre à un objectif
particulier d’équilibre et intégré dans un système global destiné à résoudre les
déplacements illicites d’enfants. Faisant partie d’un tout, il doit être interprété au regard de
l’économie de l’ensemble auquel il appartient, et non isolément, même par le truchement
d’une disposition de la Convention de New York. Ainsi, l’ensemble du texte de la

1
CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, n° 14737/09. CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique,
n° 4320/11. La Cour dans cette espèce a estimé que les tribunaux belges n’avaient pas suffisamment cherché à
évaluer le risque que représentait pour l’enfant un retour auprès de son père, et qu’ils auraient dû prendre en
compte le passage du temps et l’intégration de l’enfant en Belgique. CEDH, grde chb., X. c/ Lettonie, 26 nov.
2013, n° 27853/09, AJ fam., 2014, note A. BOICHÉ, p. 58. La Cour a estimé que la Convention européenne des
droits de l’homme et la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 devaient faire l’objet d’une application
combinée et harmonieuse, l’intérêt supérieur de l’enfant devant constituer la principale considération.
2
A. GOUTTENOIRE, obs. sous CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, in « La famille dans la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme », Rev. dr. fam., 2012, études n° 6, n° 19.

212
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Convention de La Haye repose sur l’intérêt supérieur de l’enfant, et postule qu’il est dans
son intérêt d’être ramené immédiatement après son enlèvement, sauf exception strictement.
Il serait indéniablement contraire à la lettre de la Convention de La Haye que d’utiliser
l’intérêt de l’enfant, au nom de la Convention de New York, pour contrecarrer ses objectifs
de remise immédiate, eux-mêmes fondés sur l’intérêt de l’enfant »1.
Au demeurant, un auteur était bien en droit de se poser la question de savoir si l’intérêt
supérieur de l’enfant constituait une chance ou à l’inverse une menace pour le droit civil 2.
238. Le retour à une interprétation plus conforme à l’esprit de la Convention de
La Haye. Dans le prolongement de la décision rendue en grande chambre à l’occasion de
l’affaire lettonne, la CEDH a eu à se prononcer dans l’affaire Rouiller c/ Suisse3 sur
l’applicabilité de la Convention de La Haye. Avec cette décision, elle semble revenir sur
l’interprétation auparavant opérée du retour de l’enfant à travers le prisme de ses droits
fondamentaux, en recentrant son interprétation sur la convention de La Haye et
l’interprétation stricte des exceptions. La particularité de cette espèce tenait au fait que la
nouvelle résidence de la mère où l’enfant à été déplacé était à moins de sept kilomètres du
domicile du père. Concrètement, le changement de résidence n’affectait pas l’exercice par
le père de son droit de visite, ce dernier étant de nationalité française et exerçait un emploi
en Suisse. La question portait néanmoins sur l’applicabilité de la Convention. Si son esprit
permettait d’en douter, les conditions posées par le texte étaient pour le moins, satisfaites :
les enfants avaient initialement leur résidence dans un État contractant (la France), duquel
ils ont été déplacés vers la Suisse. Afin de s’opposer au retour, la mère fondait sa
prétention sur l’une des exceptions posées par le texte lorsque le déplacement a duré moins
d’un an. L’article 13 alinéa 2 de la Convention de La Haye prévoit que « l’autorité
judiciaire ou administrative peut aussi refuser d’ordonner le retour de l’enfant si elle
constate que celui-ci s’oppose à son retour et qu’il a atteint un âge et une maturité où il se
révèle approprié de tenir compte de son opinion ». Or, bien que la Cour ne reconnaisse pas
l’automaticité de cette disposition4, les modalités de sa mise en œuvre soulevaient quelques
difficultés. D’une part, il convenait d’apprécier l’âge et la maturité de l’enfant amené à
exprimer son opinion, d’autre part, se posait la question inédite où, au sein d’une fratrie,
seul un des enfants manifeste le souhait de ne pas retourner auprès de son parent. L’affaire
posait donc la question de la conformité de l’interprétation par le tribunal fédéral de
l’article 13 alinéa 2 de la Convention de La Haye. Mettant en œuvre les directives posées
dans l’arrêt X. contre Lettonie, la Cour parvient à trouver un équilibre entre le texte de la
Convention internationale et la Convention européenne. Afin de se ranger à l’opinion du

1
E. GALLANT, note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2007, p. 603.
2
Cf. V. ÉGEA, « L’intérêt supérieur de l’enfant : menace ou chance pour le droit civil ? », in La convention de
New York sur les droits de l’enfant : vingt ans d’incidences théoriques et pratiques, V. ÉGEA, A. LEBORGNE,
E. PUTMAN (dir. de), Marseille, PUAM, 2012.
3
CEDH, 22 juill. 2014, Rouiller c/ Suisse, aff. 3592/08, RJPF, 2014, n° 10, note S. GODECHOT-PATRIS.
4
CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, req. n° 10131/11, RJPF, 2013/5, note M. DOUCET.

213
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

tribunal fédéral, elle souscrit à la portée que ce dernier a conféré à l’audition de la fille
aînée de la requérante1 et qui mettait en avant la nécessité d’une interprétation stricte des
exceptions, afin d’ordonner le retour des enfants. Dans une décision mettant en cause la
France, et sous l’ange de la parole de l’enfant, la Cour a rappelé que la parole de l’enfant
ne peut faire obstacle au retour. Elle a également regretté le désinvestissement progressif
des autorités françaises n’ayant pas œuvré pour l’exécution de la décision du 16 avril 2009,
car « des mesures coercitives auraient pu être prises, l’inactivité des autorités a laissé
s’écouler un temps préjudiciable pour la relation entre les enfants et leur parent privé
d’eux, (…) la parole des enfants n’aurait pas dû faire obstacle à leur retour ». Elle rappelle,
conformément à sa ligne de conduite en la matière, que l’article 13 ne permet pas à l’enfant
de choisir le lieu où il souhaite vivre 2. La volonté équivoque des enfants ne pouvait donc
faire échec à une décision de retour.

β) L’appréciation de l’intérêt de l’enfant au regard des conventions


bilatérales : le cas de la convention franco-marocaine

239. Articulation de l’instrument international avec la convention bilatérale.


Particulièrement célèbre pour ses dispositions relatives à la dissolution du mariage par
répudiation, la Convention franco-marocaine portant sur le Statut des personnes et de la
famille et à la coopération judiciaire insiste en son Préambule « sur la nécessité de
conserver aux personnes les principes fondamentaux de leur identité nationale », raison
d’être de cet instrument. C’est pourquoi ce texte ne trouve pas seulement à s’appliquer aux
ressortissants marocains résidant en France, mais à tout justiciable d’un État partie à la
Convention3, dès lors qu’il possède la double nationalité de cet État et la nationalité
marocaine. Un champ d’application extrêmement large est retenu pour permettre une
indissociabilité des principes fondamentaux de l’identité nationale marocaine des individus
pouvant être rattachés à cet État. Le procédé est toutefois contestable lorsque la personne
n’a que très peu d’attaches avec le Maroc4. Quoi qu’il en soit, cette Convention trouve à

1
En l’espèce, les enfants avaient été entendus par la juridiction de première instance et le compte rendu de
l’audition faisait apparaître que si le second enfant n’avait indiqué comme seul souhait que celui de demeurer
chez sa mère, l’aînée avait déclaré préférer rester vivre en Suisse (§ 16). S’était ensuivi tout un débat sur la
valeur de ce compte rendu qui manquait de précision et sur la nécessité de procéder à une nouvelle audition des
enfants. Le tribunal fédéral, estimant que le compte rendu était suffisamment détaillé (§ 18). Ordonner une
nouvelle audition plus de dix-huit mois après le déplacement n’aurait pu que conduire à conforter le déplacement
illicite et consacrer un détournement du mécanisme du retour immédiat. De surcroît, seule l’audition de l’aînée
des enfants, née en 1993, a été considérée comme à même d’influer sur la décision de retour (§ 18). La solution
semble raisonnable : le second enfant âgé de seulement huit ans n’avait certainement pas la maturité suffisante
pour exprimer une volonté autonome. L’audition de l’aînée n’a néanmoins pas été considérée par le tribunal
fédéral, comme suffisamment éloquente.
2
CEDH, 22 juil. 2014, Rouiller c/ Suisse, aff. 3592/08, § 73.
3
E. GALLANT, note sous Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. crit. DIP, 2002, pp. 468-469.
4
Ce qui rappelle le concept de umma, vu plus haut, cf. supra n° 78 et s. Ce qui est également critiquable du point
de vue de la politique d’intégration française, v. notamment F. MONEGER, « La Convention franco-marocaine du

214
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s’appliquer en matière de déplacements illicites d’enfants. En l’absence de dispositions


expresses déterminant son champ d’application1, les règles visant le déplacement illicite ne
semblent reposer sur aucune condition de nationalité des parties au litige. Il suffit que le
déplacement de l’enfant ait été réalisé entre les deux États contractants et implique les
autorités marocaines. De la même manière, la notion de « déplacement illicite » n’est pas
définie. Seul l’article 20 prévoit que les autorités centrales coopèrent pour « la localisation
des enfants déplacés dont le droit de garde est contesté ou méconnu ». Malgré cette
formulation vague, l’esprit de l’instrument est de faire respecter le droit de garde des
parents, conformément à la philosophie de la Convention de La Haye. À y regarder de plus
près2, les lacunes de ce texte peuvent être expliquées par la date d’élaboration de la
Convention. Élaborée peu de temps après l’adoption de la Convention de La Haye, il est
fort à parier que ses rédacteurs avaient à l’esprit le modèle de la Convention internationale
mis en place quelques mois auparavant. Dès lors, tout silence de cet instrument pourra être
complété à l’aune de la Convention internationale3, à condition qu’il soit compatible avec
l’ordre public marocain. Or, cette question soulève le problème de l’articulation entre
l’instrument international et le texte conventionnel, qui doivent être combinés
harmonieusement. Privilégier la Convention de La Haye revient à écarter la Convention
bilatérale, ce qui n’est pas souhaitable. L’intérêt de conclure un traité bilatéral est d’en
faire un instrument vivant et efficace, au service de la cause qu’il sert. L’écarter revient
purement et simplement à en neutraliser l’efficacité et nier l’esprit. À l’inverse, privilégier
le texte de la convention bilatérale peut en révéler les insuffisances. C’est pourquoi une
application rigoureuse de l’instrument bilatéral à la lumière de la Convention de La Haye
semble être un compromis satisfaisant.
240. Une conception différente de l’autorité parentale. Les difficultés tenant à la
mise en œuvre de la Convention bilatérale ne tiennent pas tant à l’appréciation du
mécanisme du retour, qu’aux spécificités liées à la conception de l’autorité parentale telles
qu’elles découlent des règles du droit de la famille marocain. Celles-ci ne correspondent
pas en tous points à la conception retenue par le législateur français et européen plus
généralement. Alors que le droit français met tout en œuvre afin d’assurer une
coparentalité effective à la dissolution du couple, le droit marocain distingue la hadana
(garde) qui revient de droit à la mère, de la wilaya (tutelle) revenant de plein droit au père,

10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », Rev. crit. DIP, 1984,
pp. 2-69.
1
À l’inverse de la Convention franco-algérienne du 21 juin 1988 relative à la garde des enfants de couples
mixtes franco-algériens, dont le domaine d’application est limité aux enfants issus de couples mixtes franco-
algériens. Cf. P. MONIN HERSANT, B. STURLESE, « L’entrée en vigueur de la Convention franco-algérienne du 21
juin 1988 : un nouvel espoir pour des enfants déchirés », Gaz. Pal., 1988, doct. 523.
2
Pour une présentation complète de cette Convention, cf. F. MONEGER, « La Convention franco-marocaine du
10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », art. precit.; même
revue pp. 267-288 ; P. DECROUX, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des
personnes et de la famille et à la coopération judiciaire », JDI, 1985, pp. 49-99.
3
Qui n’est en outre entrée en vigueur au Maroc que depuis le 1er juin 2010.

215
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

qui conserve également un droit de regard sur l’éducation de son enfant. Selon la
conception égalitaire du droit européen de la famille, cette situation porte atteinte au
principe d’égalité qui commande que les deux parents soient traités de manière identique
dans l’exercice des prérogatives parentales, personnelles soient-elle ou patrimoniales. De la
même manière, la conception religieuse de l’ordre public1 amène le plus souvent le juge
marocain à retirer la hadana à la mère non musulmane, considérée comme inapte à assurer
l’éducation religieuse de l’enfant. C’est pourquoi il est à craindre, lorsqu’il est saisi, que le
juge français2 procède à une neutralisation de l’instrument bilatéral au profit des règles
découlant du droit international privé communautaire3, plus en phase avec le principe de
coparentalité. L’analyse de la jurisprudence permettra de corroborer ou à l’inverse, de
réfuter cette affirmation.
241. Une stricte appréciation du retour de l’enfant déplacé. Afin de faire
respecter le droit de garde des parents, l’article 25 de la Convention franco-marocaine
organise un mécanisme conventionnel de remise immédiate de l’enfant illicitement
déplacé, inspiré de celui instauré par la Convention de La Haye. Le juge de l’État où
l’enfant est déplacé doit donc ordonner, à titre conservatoire, la remise immédiate de celui-
ci. Seules deux exceptions peuvent être invoquées pour faire obstacle au retour de
l’enfant : l’exercice non effectif ou de mauvaise foi de la garde ou le risque grave pour la
santé ou la sécurité de l’enfant résultant de sa remise, en raison de la survenance d’un
événement d’une gravité exceptionnelle. L’article 24 de la Convention franco-marocaine
ajoute que la reconnaissance ou l’exécution d’une décision rendue dans l’un des deux États
ne peut être refusée par l’autre État lorsque le tribunal de l’État qui a rendu la décision est
celui de la résidence du parent avec lequel l’enfant vit habituellement. En d’autres termes,
cet article édicte des règles de compétence indirectes4, que la Cour cassation n’a pas
manqué de rappeler5.

1
F. CADET, L’ordre public en droit international de la famille, Étude comparée France/Espagne, Paris,
L’Harmattan, 2005.
2
A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions du droit musulman », JDI, 2003, n° 3, doct. 100022.
3
A. DEVERS, « L’articulation des règlements européens (Bruxelles II bis et Rome III) et des conventions franco-
marocaines (de 1957 et 1981) », Rev. dr. fam., 2012, n° 1, étude 1.
4
Une règle de compétence indirecte permet, au stade de la reconnaissance d’une décision étrangère, de vérifier
que le juge étranger ayant statué sur la demande était bien compétent. À l’inverse, cette règle de compétence est
qualifiée de directe lorsqu’elle permet de déterminer si le juge français est compétent pour statuer sur la
demande. V. P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 11ème
éd., 2014, pp. 25-26, spec. n° 17, 18.
5
Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, n° 01-02. 959, RJPF, 2003, n° 9, 39, obs. A.-M. BLANC ; Gaz. Pal., 18 nov. 2003,
note M.-L. NIBOYET, p. 20; LPA, 15 mars 2004, note J. MASSIP, p. 17. Mais aussi, Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007,
n° 06-12.687, RJPF, 2007, n° 10, 10, note M.-C. MEYZEAUD-GARAUD ; Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 188,
V. LARRIBAU-TERNEYRE ; même revue, 2007, n° 7, comm. 155, M. FARGE. Cette solution s’applique également
à l’article 11 de la Convention relatif à la dissolution du mariage depuis un revirement de jurisprudence :
Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, n° 04-20.362, RJPF, 2006, n° 6, 19, note T. GARE, JCP, G, II, 2006, 10133, note
A. DEVERS; Rev. dr. fam., 2006, n° 6, comm. 133, V. LARRIBAU-TERNEYRE.

216
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Il semblerait que de façon inédite, la première application positive de ce mécanisme


daterait d’un arrêt de la première chambre civile du 9 juillet 20021, à l’occasion duquel la
Haute juridiction a procédé à une rigoureuse application de la Convention bilatérale. Le
litige concernait un couple de nationalité française, marié et installé au Maroc. La mère,
venue s’installer en France avec ses deux enfants, saisit le juge français d’une demande de
divorce, à l’issue de laquelle une ordonnance de non conciliation a été rendue, fixant la
résidence des enfants en France auprès de leur mère. La Cour d’appel de Colmar croyait
alors à bon droit devoir rejeter la demande du procureur de la République tendant à faire
remettre les enfants à leur père au Maroc. Or, en raison du déplacement dont ils ont fait
l’objet, l’exercice de l’autorité parentale par le père s’en trouvait paralysé. Caractérisé, le
déplacement illicite de l’enfant a amené la Cour de cassation à censurer les juges du fond
au visa de l’article 25 de la Convention bilatérale, et à ordonner la remise immédiate des
enfants à leur père. En effet, la résidence des enfants ne pouvait valablement être située sur
le territoire de l’État vers lequel l’enfant a été déplacé, mais celle-ci se trouvait au dernier
domicile de l’enfant avant qu’il n’ait fait l’objet dudit déplacement. Cette rigoureuse
application ne peut qu’être applaudie car elle imprime d’emblée une effectivité certaine à
l’instrument bilatéral, et traduit son harmonieuse combinaison avec la Convention
internationale.
242. La neutralisation de la Convention au profit de l’appréciation du contenu
du droit marocain. Lorsqu’ils sont saisis d’une action en remise d’un mineur illicitement
déplacé, les tribunaux de l’État dans lequel l’enfant a été déplacé doivent se prononcer sur
le retour de l’enfant avant de pouvoir trancher la question relative au droit de garde2. Or, il
semblerait que cette rigueur ne soit pas toujours de mise. À l’occasion d’une décision3
ayant refusé le retour d’un enfant illicitement déplacé, le raisonnement de la Cour d’appel,
approuvé par la Cour de cassation, a conduit à écarter l’application de la Convention
bilatérale. Si certains ont pu y voir une contradiction de motifs aboutissant à la mise à
l’écart de la Convention bilatérale4, il semblerait que la décision des juges du fond ait
davantage été motivée par le souci de protection de l’épouse, condamnée par le tribunal de
Rabat à réintégrer le domicile conjugal. Dans cette espèce, le pourvoi du ministère public
faisait valoir qu’à l’époque de l’enlèvement, l’union initialement dissoute du couple avait
été rétablie par acte adoulaire5 et par conséquent, le tribunal compétent pour statuer sur le
litige relatif à l’autorité parentale n’était autre que le tribunal de Rabat. Il est selon toute

1
Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, n° 01-13.336 et 01-15.423 ; Rev. crit. DIP, 2002, note E. GALLANT, p. 466-471;
RJPF, 2002, n° 12, 38, note A.-M. BLANC, Rev. dr. patr., 2002, 109, note F. MONEGER, p. 113.
2
Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, n° 02-16.665, RJPF, 2004, n° 2, 39, obs. F. EUDIER ; LPA, 23 févr. 2005, n° 38, note
C. BRIERE, p. 5; Defr., 2004, note J. MASSIP, p. 159; Rev. Lamy dr. civ., 2004, janv., n° 30, obs. G. MARRAUD
DES GROTTES.
3
Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, n° 00-11.087, RJPF, 2002, n° 10, 35, obs. A.-M. BLANC.
4
A.-M. BLANC, dec. precit.
5
L’union initialement dissoute le 29 janvier 1990 est rétablie six mois plus tard et enregistrée le 25 octobre
1991. L’épouse a donc été condamnée par le tribunal de Rabat à reprendre la vie commune.

217
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

probabilité permis de croire que le divorce en question prenait la forme d’une répudiation
révocable qui permettait, avant la réforme opérée en 2004, la reprise à l’initiative de
l’époux de la vie conjugale. C’est pourquoi l’épouse, de nationalité française, décida de
rejoindre la France car il y est acquis que la réintégration forcée du domicile conjugal
constitue une atteinte intolérable aux droits fondamentaux de la personne. Ce souci de
protection de l’épouse a très probablement commandé la mise à l’écart de la Convention
bilatérale, la neutralisant au profit d’une motivation lapidaire, ne caractérisant pas en quoi
le retour serait de nature à mettre en péril la santé et la sécurité de l’enfant. La Cour de
cassation s’est bornée à indiquer qu’il suffisait de justifier légalement la décision et que le
critère tiré de l’exception au retour de l’enfant n’était pas contesté. Dès les débuts de
l’application de la Convention, les juges français ont procédé à la neutralisation des effets
indésirables induits par le retour de l’enfant avec sa mère sur le territoire marocain. Ce
souci de protection de l’enfant, par le truchement de la protection de la mère en amont peut
aussi directement être pris en compte, notamment par l’audition de l’enfant ultérieurement
à la décision intervenue au Maroc. Dans ce cas de figure, la législation marocaine
normalement applicable peut être évincée lorsqu’elle ne protège pas suffisamment cet
intérêt1.
Dans une autre affaire2, la décision d’un tribunal marocain ayant prononcé la déchéance du
droit de garde de la mère est jugée incompatible avec le jugement français rendu
ultérieurement à une décision d’exequatur. Un couple de nationalité française décide
d’élire domicile au Maroc. Le mariage dissout par répudiation a permis à la mère
bénéficiaire du droit de garde de revenir en France, les enfants demeurant au Maroc.
Assignée par son époux aux fins de déchéance du droit de garde sur ses trois enfants, la
mère saisit le juge français d’une demande en divorce, accueillie par ce dernier qui statue
aussi sur les modalités du droit de visite et d’hébergement. Dans le même temps,
l’exequatur de la décision du tribunal marocain ayant déchu la mère de son droit de garde
était sollicitée en France, et la Cour de Versailles y fait droit. Censurés pour avoir procédé
à l’exequatur, les juges versaillais ne pouvaient valablement y procéder sans rechercher si
le jugement étranger n’était pas incompatible avec des décisions irrévocables rendues en
France, bien que postérieurement à la décision dont l’exequatur était sollicité. Il est jugé de
façon classique que la chose jugée ultérieurement en France doit l’emporter sur la chose
jugée à l’étranger. La solution est parfaitement conforme au droit conventionnel puisque
l’article 16 de la Convention bilatérale prévoit qu’une décision rendue au Maroc a de plein
droit l’autorité de la chose jugée sur le territoire français si elle n’est pas contraire à une
décision judiciaire prononcée en France, même ultérieurement. Au-delà de son aspect
procédural, la décision retenue témoigne de la fermeté de l’ordre public français toutes les
fois où une conception inégalitaire des relations parentales cherchera à s’y déployer. Le

1
Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, n° 02-14.082.
2
Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, n° 02-13.490.

218
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

feuilleton épisodique lié à la dissolution du mariage d’époux marocains ou franco-


marocains par répudiation prononcée au Maroc offre à cet égard une illustration parfaite du
durcissement de l’ordre public français, dont l’exception tirée de l’ordre public de
proximité ne semble plus à même d’atténuer1.
Œuvrant sur la même ligne de conduite et devant se prononcer sur le caractère illicite du
déplacement, la Cour de cassation2 a ensuite décidé que « l’intérêt supérieur de l’enfant qui
impose de veiller à ce que celui-ci entretienne des relations personnelles avec chacun de
ses parents en application de l’article 9-3 de la Convention de New York sur les droits de
l’enfant, est, en l’état, mieux assuré par le maintien actuel de l’enfant en France que par
son retour immédiat au Maroc, qui aboutirait, au vu des éléments de l’espèce, à une rupture
totale et non préparée des liens entre la mère et une enfant de sept ans, rupture constitutive
d’un traumatisme psychique majeur contraire à l’intérêt et au bien-être de l’enfant »3.
L’affirmation de la Cour a de quoi surprendre. Le droit à entretenir des relations
personnelles avec chacun de ses parents est invoqué par la Cour afin de consolider un
enlèvement illicite, alors que le principe de coparentalité a pour objet, à l’inverse, le
maintien des relations de l’enfant avec ses deux parents. Au-delà de cette affirmation,
l’arrêt appelle quelques observations. L’action en remise immédiate de l’enfant illicitement
déplacé doit être traitée indépendamment des questions de fond relatives à l’aménagement
du droit de visite. Or, la Cour de cassation s’est considérée compétente pour se prononcer
sur la question. Ensuite, la motivation des juges du fond ne semble pas à même de
caractériser le risque grave que le retour de l’enfant aurait entraîné pour sa sécurité au sens
de l’article 25 de la Convention bilatérale. La Cour d’appel, approuvée par la Cour de
cassation, se borne à démontrer par des éléments passés l’impossibilité pour la mère de
faire respecter son droit de garde et d’entretenir des liens avec son enfant, ce qui n’établit
en rien la gravité du risque auquel il serait exposé. Selon la Cour, le danger pris en
considération pouvait résulter de la séparation de l’enfant avec l’auteur de l’enlèvement.
De manière tout aussi contestable, elle estime que le maintien de l’enfant en France
permettrait d’assurer une coparentalité effective. À pousser ce raisonnement plus loin, ne
pourrait-on pas, au demeurant, considérer que le maintien de l’enfant au Maroc permettrait
de la même façon un exercice effectif de la coparentalité ? Ainsi que le souligne Monsieur
Michel FARGE, « il y a là non seulement une approbation de raisonnements très éloignés de
l’esprit du système mais aussi un jugement très sévère sur la capacité du Maroc à assurer
l’effectivité de ses décisions de justice en matière de responsabilité parentale », ce qui le
conduit à établir un réel « constat de faillite de la coopération franco-marocaine »4. La
réalisation des principes directeurs à finalité internationale se trouve refoulée au profit des

1
V. l’article de M. D. SINDRES, « Vers la disparition de l’ordre public de proximité ? », JDI, 2012, n° 3, doct.
10.
2
Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12.687, Rev. dr. fam., 2007, n° 7, comm. 155, M. FARGE.
3
Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, n° 06-12.687.
4
M. FARGE, precit.

219
La privatisation des liens familiaux Le lien familial détaché du lien matrimonial

principes à finalité interne1 car la décision rendue, à n’en pas douter, témoigne de la
volonté de protéger les droits parentaux de la mère de nationalité française. Bien que
reconnus, ceux-ci sembleraient ne pas avoir été respectés2. Néanmoins, la décision retenue
est contestable du point de vue de l’économie des textes relatifs aux déplacements illicites.
Cette posture conduit à légitimer un déplacement illicite en méconnaissant le mécanisme
du retour automatique, et à s’attacher à l’opportunité du maintien de l’enfant auprès l’un ou
l’autre de ses parents. De façon plus générale, cet arrêt pose la question de l’efficacité de la
coopération des autorités tant marocaine que française, afin de sauvegarder au mieux
l’intérêt de l’enfant.
243. Pour une révision des conventions franco-marocaines à l’aune du droit
européen des droits de l’homme. L’idée fait son chemin en doctrine3 quant à
l’opportunité d’une révision des deux Conventions bilatérales4 liant la France au Maroc
non au niveau national mais à l’échelle de l’Union européenne. Cette idée semble
parfaitement bienvenue lorsqu’on pense à ce qu’avait pu souligner Monsieur le professeur
Yves LEQUETTE au sujet de l’utilitarisme en droit international privé de la famille. Pour
l’auteur, « l’opposition entre les systèmes est, au demeurant, parfois tellement profonde
que, même poussée à l’extrême, l’art du compromis ne suffit plus, à lui seul, à élaborer un
instrument acceptable par tous »5. La multiplication des normes supra nationales,
particulièrement l’européanisation du droit international privé de la famille 6 provoque un
durcissement de l’ordre public. Le droit communautaire7 et le droit européen des droits de
l’homme en sont pour une très large partie responsables. Nous souscrivons aux conclusions
de Monsieur FARGE lorsqu’il émet des incertitudes quant à l’avenir des Conventions

1
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflits de civilisations, Paris, Dalloz, coll.
« Nouvelle Bibliothèque de thèses », 2005.
2
Probablement en raison de l’éducation religieuse que celle-ci ne serait pas, selon la juridiction marocaine, en
mesure de lui procurer. V. P. MUZNY, « Pour que garde des enfants et pratique religieuse fassent bon ménage »,
in Mélanges en l’honneur du professeur Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, pp. 427-441.
3
En 2006 déjà : A. DEVERS, « Le divorce d’époux marocains ou franco-marocains. Les conventions franco-
marocaines face aux droits européen et communautaire », Rev. dr. fam., 2006, n° 3, étude 15, pp. 8-13. Puis en
2012, du même auteur : « L’articulation des règlements européens (Bruxelles II bis et Rome III) et des
Conventions franco-marocaines (de 1957 et 1981) », 2012, n° 1, étude 1.
4
Outre la convention de 1981, la Convention franco-marocaine du 5 octobre 1957 est relative à l’aide mutuelle
judiciaire, l’exequatur des jugements et l’extradition, entrée en vigueur le 16 décembre 1959, J.O, 14 janv. 1960;
D., 1960, p. 57; Rev. crit. DIP, 1960, p. 99.
5
Y. LEQUETTE, « De l’utilitarisme dans le droit international privé conventionnel de la famille », in
L’internationalisation du droit. Mélanges en l’honneur du professeur Yvon LOUSSOUARN, Paris, Dalloz, 1994,
p. 246, spec. n° 3.
6
H. BOSSE-PLATIERE, « Le statut de l’enfant et l’européanisation des sources en droit de la famille », in Le statut
juridique de l’enfant dans l’espace européen, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 67-95.
7
Entre autres règlements : R. (CE) n° 2210/2003, 27 nov. 2003, dit « Bruxelles II bis » relatif à la compétence,
la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale,
remplaçant le R. (CE) n° 1347/2000, 29 mai 2000 dit « Bruxelles II », J.O.U.E, 23 déc. 2003, n° L 338, p. 1. Plus
récemment le R. (UE) n° 1259/2010, 20 déc. 2010, mettant en œuvre une coopération renforcée dans le domaine
de la loi applicable au divorce et à la séparation de corps, applicable à compter du 21 juin 2012, J.O.U.E, 29 déc.
2010, n° L 343, p. 10.

220
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

bilatérales, alors même que l’importance des relations familiales franco-marocaines est
loin d’être négligeable. Afin d’assurer à l’avenir la permanence de l’état des personnes
dont leur statut matrimonial, le règlement (CE) n° 664/2009 du Conseil prévoit une
procédure aux fins de négociation et de conclusion d’accords entre les États membres de
l’Union et des États tiers pour ce qui concerne la compétence, la reconnaissance et
l’exécution des jugements et des décisions en matière matrimoniale, de responsabilité
parentale et d’obligations alimentaires1. Ce texte est applicable à une éventuelle révision
desdites conventions. Particulièrement lourde, la procédure de révision est soumise à une
autorisation de la Commission européenne quant à l’ouverture des négociations -
auxquelles elle prend part- entre l’État membre et le pays tiers, suite à une notification à la
Commission du projet de révision. C’est pourquoi l’auteur préconise des négociations à
l’échelle de l’Union européenne. Ceci serait d’autant plus aisé que le Maroc bénéficie
depuis 2008 du « statut avancé », signe de relations bilatérales privilégiées avec l’Union
européenne. Par ailleurs, celle-ci a conclu avec le Maroc un accord d’association dans le
cadre duquel un plan d’action a été adopté. Celui-ci établit des objectifs et des priorités à
court et moyen terme afin de mener des réformes sur les plans politique, économique et
institutionnelle. Naturellement, un programme de promotion de l’égalité hommes/femmes
est envisagé, dont l’« objectif global (est) : de contribuer à l’égalité entre les hommes et les
femmes, notamment par la promotion des droits des femmes et leur application effective,
et comme objectifs spécifiques : de contribuer à l’instauration d’un cadre juridique
cohérent et complet en matière de droits des femmes, de soutenir l’application effective des
droits des femmes par les différents opérateurs du système (y inclus aides sociales aux
femmes justiciables), de promouvoir la compréhension, l’acceptation et l’appropriation par
la société d’une culture de l’égalité selon un référent universaliste, et de promouvoir
l’égalité entre les hommes et les femmes dans l’emploi (y compris égalité salariale et accès
au travail décent) »2. Dans un tel contexte de coopération politique, pourquoi ne pas penser
à envisager une coopération judiciaire dans le domaine civil ?

1
Cons. UE, R. (CE), n° 664/2009, 7 juil. 2009, J.O.U.E, 31 juil. 2009, n° L 200, p. 46.
2
Mid-Term Review of the Country Strategy Paper Morocco 2007-2013 and National indicative Program 2011-
2013. Sur le plan culturel, il est prévu comme objectif ce qui suit : « face aux résistances des attitudes, normes et
valeurs de la société, connaissance, compréhension et intériorisation du concept de “droits (universels) des
femmes” dans ses diverses expressions (civiles, politiques, sociales, économiques et culturelles) par la diffusion
d’une culture de l’égalité », p. 25.

221
Conclusion du chapitre premier

244. A été mis en perspective dans ce chapitre l’affaiblissement du lien familial dans
sa conception traditionnelle, marqué par le recul du lien matrimonial et la prépondérance
d’une philosophie reposant sur le bonheur individuel. Afin de trouver un nouveau
fondement à la famille, susceptible de lui garantir la stabilité requise, le couple parental
parut être une solution. Il marque un déplacement de l’indissolubilité qui, du lien conjugal
se déporte vers la relation parentale. Les analyses menées ont permis de révéler l’existence
de deux notions clairement identifiées : le couple conjugal dissoluble au gré des volontés
individuelles et le couple parental indissoluble. Il y a fracture entre le lien matrimonial et le
lien familial. Les deux notions tendent à former deux entités distinctes et autonomes.
L’ampleur du mouvement est telle que l’enseignement même du droit s’en est trouvé
modifié. Désormais, au sein des ouvrages de droit de la famille1 ainsi que des chroniques
de jurisprudence2, le droit du couple est identifié et étudié distinctement du lien parental et
des droits de l’enfant, qui font l’objet de développements indépendants. Le droit du couple
d’une part, les droits parentaux d’autre part sont autant d’interrogations pour une
conception unitaire de la famille. La coparentalité a été l’instrument de mise en musique de
la nouvelle conception des relations familiales, laquelle permettait par la même occasion
aux parents d’atteindre l’objectif d’égalité poursuivi entre les sexes.
On note cependant la réticence de certains systèmes juridiques à promouvoir l’égalité au
sein de la structure familiale3, mais une forme de contrainte sociale au plan international
s’observe en sens contraire pour les inciter à valoriser l’égalité dans les relations familiales
ce qui, outre-méditerranée passe par la nécessité alléguée d’ « intérioriser le concept de
droits universels ». Le droit marocain ne connaît pas la même trajectoire que celle suivie
par le droit français. Malgré la consécration en pratique d’un droit à la libre rupture du lien
matrimonial, le réalisme du législateur maghrébin considère la rupture comme modifiant
nécessairement l’exercice de l’autorité parentale. Par conséquent, il ne peut y avoir de
coparentalité post-divorce, ni de couple parental distinct du couple conjugal.
L’anéantissement de l’un entraîne corrélativement la fin de l’autre. Lien matrimonial et
lien familial ne sont ni détachables ni autonomes en droit marocain. Les deux notions
demeurent consubstantielles. Toujours est-il que le divorce est consommé en droit
marocain et en droit français. Le pluriel ne s’emploie pas au Maroc s’agissant de la famille,

1
Cf. par exemple l’ouvrage de Madame le professeur A. BATTEUR, Droit des personnes, des familles et des
majeurs protégés, Paris, LGDJ, 8ème éd., 2015, celui de Madame I. DAURIAC, Droit des régimes matrimoniaux et
du Pacs, Paris, LGDJ, 4ème éd., 2015, ou encore les actes du colloque : N. GALLUS (dir. de), Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, Anthémis, 2012. Comp. avec H. et L. MAZEAUD, J. MAZEAUD, F. CHABAS,
Leçons de droit civil, La famille, t. 1, 3ème vol., 7ème éd. revue par L. LEVENEUR, Montchrestien, 1995.
2
Cf. notamment la chronique « Contentieux familial » de Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT dans
la revue Dalloz, ou celle de Messieurs les professeurs J.-J. LEMOULAND et B. BEIGNIER.
3
F. MONEGER, « Religion au regard du statut personnel et familial », RIDC, n° 3, pp. 697-706.

222
alors qu’en France, le droit ne pense plus au singulier mais raisonne en termes de
reconnaissance de la pluralité des liens familiaux, probablement en raison de la place
prépondérante pour le critère tiré de l’affection1, qui justifierait la prise en compte de
nouveaux liens de proximité.

1
J. POUSSON-PETIT, L’affection et le droit, Paris, éd. du CNRS, 1990.

223
Chapitre second. Du lien familial aux liens familiaux

245. Le compromis entre une coparentalité effective et la protection des


nouveaux liens formés. Lorsqu’une nouvelle famille se constitue -avec des enfants issus
de la première union- les modalités pratiques de la vie commune entre le beau-parent et
l’enfant1 soulève des questions d’ordre personnel mais aussi patrimonial. Le beau-parent
peut-il bénéficier des prérogatives d’autorité parentale sur l’enfant non commun ? Vient-il
se substituer au parent avec lequel l’enfant ne vit pas ? Surtout, comment préserver le
principe de coparentalité alors que les liens de l’enfant avec le parent chez qui il ne vit pas
peuvent se relâcher ? D’autres questions relevant de la dimension patrimoniale sont
inévitables. Il en est ainsi d’une éventuelle contribution par le beau-parent aux dépenses
inhérentes aux besoins de l’enfant né d’un premier lit, ou tout simplement de la manière
d’organiser son patrimoine au sein d’une telle recomposition. À autant de questions, la loi
n’offre pas toujours une réponse claire. C’est pourquoi les intéressés eux-mêmes essaient
de trouver des instruments juridiques qui leur permettent de consacrer juridiquement la
situation de fait qu’ils vivent au quotidien (Section 1). À la suite d’une réflexion nourrie
sur les parentalités -menée déjà depuis quelques années2- la proposition de loi n° 1856
relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, sans mettre en place un statut du
beau-parent, semble assouplir les règles de droit déjà existantes. En procédant au
réaménagement des règles afin de protéger juridiquement les familles recomposées
(Section 2), se pose pourtant la question de savoir si le cadre juridique proposé permet une
meilleure prise en charge des enfants et si elle ne contrevient pas aux droits des parents
biologiques. Le droit marocain, attaché à la préservation des liens parentaux de l’enfant, ne
prend pas en compte le phénomène des recompositions familiales car la garde de l’enfant
revient de droit à la mère après la rupture. Le remariage de celle-ci peut, dans certains, lui
faire perdre le bénéfice de ce droit3.

1
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et anglais, Paris, LGDJ, 2013.
2
En 2006 déjà, plusieurs rapports voient le jour : Assemblée nationale, Rapport n° 2838 fait au nom de la
mission d’information sur la famille et les droits de l’enfant, Président M. Patrick BLOCHE, Rapporteure Mme
Valérie PECRESSE, enregistré le 25 janvier 2006 ; Sénat, Rapport d’activité n° 388, fait pour l’année 2005-2006
au nom de la délégation aux droits des femmes sur les familles monoparentales et les familles recomposées, par
Mme Gisèle GAUTIER, déposé le 13 juin 2006 ; Sénat, Rapport d’information n° 392 fait au nom de la
commission des lois, sur les nouvelles formes de parentalité et le droit, par M. Jean-Jacques HYEST, n° 392,
déposé le 14 juin 2006. La réflexion a été poursuivie depuis, V. en ce sens les quatre rapports commandés à
l’automne 2013 par l’ancienne ministre de la famille Dominique BERTINOTTI, rendus publiques peu avant l’été
2014. Il s’agit du rapport du groupe de travail présidé par Madame I. THERY, Rapporteure Mme A.-M. LEROYER,
Filiation, origines, parentalité. Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle. Puis le
rapport présidé par Madame A. GOUTTENOIRE, Quarante propositions pour adapter la protection de l’enfance et
l’adaptation aux réalités d’aujourd’hui. Le rapport de M. JUSTON, Rapporteure Mme S. GARAGOULLAUD,
Médiation familiale et contrats de coparentalité. Enfin, le rapport présidé par M. J.-P. ROZENCZVEIG, De
nouveaux droits pour l’enfant.
3
Le père bénéficie du droit de surveillance sur l’éducation de son enfant après la rupture. Dès lors, la
reconnaissance d’un lien à l’égard du beau-parent buterait sur le veto du père de partager ses prérogatives avec
une personne totalement étrangère à l’enfant et n’existe pas en droit marocain. Dans la réalité toutefois, une mère

224
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. La contractualisation des rapports familiaux et


les stratégies patrimoniales

246. La nécessité d’une approche d’ensemble de la relation beau-parent-enfant.


La relation beau-parentale a fait l’objet ces dernières années d’un débat d’actualité dont
l’angle d’attaque principal a été la dimension personnelle. Plus précisément, le débat a
porté sur la question de savoir s’il est opportun d’investir le beau-parent de prérogatives
parentales sur la personne de l’enfant (§1). Si la question mérite l’intérêt, aborder en droit
la question sous le seul aspect personnel est à bien des égards, réducteur. La relation beau-
parentale nécessite une approche juridique d’ensemble, et Madame le professeur
Dominique FENOUILLET mettait déjà en garde de voir la question personnelle
« surinvestie » au détriment des questions patrimoniales1. De façon similaire, lorsque
Madame LESTIENNE-SAUVE analyse la question en droit anglais, elle relève que la question
y est aujourd’hui appréhendée sous l’angle du droit successoral2 et corrobore l’idée que
toute réflexion sur les familles recomposées doit être menée tant du point de vue des effets
personnels que patrimoniaux qu’elle génère. Or, la question patrimoniale semble être
reléguée en droit français au second plan, alors même que la dissolution de la famille
recomposée -par décès ou séparation- posera inévitablement la question du sort des biens
du couple.
247. La relation beau-parentale dans l’intérêt de l’enfant. Actuellement, la place
qui doit revenir au beau-parent est largement tributaire de la notion d’intérêt de l’enfant.
Cependant, la question de la transmission des biens nécessite une approche non plus axée
sur l’intérêt de l’enfant, devenu majeur, mais bien sur une approche conciliant une
multitude d’intérêts. Là se situe une des premières difficultés si l’on souhaite conférer au
beau-parent la place familiale qui lui revient. Notre propos ne s’attachera pas à développer
l’aspect lié à la disparition de la famille recomposée -celle-ci ayant fait l’objet de brillants
travaux3- mais à déterminer s’il existe des instruments juridiques mis à la disposition de

peut se remarier sans perdre automatiquement son droit à la garde, toutes les fois où l’intérêt de l’enfant
l’exigera. Une prise en charge de l’enfant par son beau-parent pourra avoir lieu de facto. La Cour suprême a pu
reconnaître que le remariage de la mère (vivant à l’étranger) par un parent proche de l’enfant ne peut prétendre à
la pension alimentaire à son profit : Cour supr. maroc., 20 juin 2007, n° 361, dossier n° 627/2/1/2006.
1
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : des fondements incertains », Actes du Colloque Faut-il réformer
le rôle des tiers en droit de la famille ?, LPA, 2010, n° 39, pp. 25-31.
2
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 24.
3
V. en ce sens : L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit. ;
L. MARTSAL, L’enfant et les secondes familles, Thèse, Paris II, 2013. V. antérieurement à ces deux études :
M. REBOURG, La prise en charge de l’enfant par son beau-parent, Paris, Defrénois, 2003 ; pour une approche
comparée, J. SOSSON, Beaux-parents, beaux-enfants, étude de droit comparé, Thèse, Louvain, 1995 ; P. DELMAS
SAINT HILAIRE, « Familles recomposées : quelle protection successorale pour le nouveau conjoint ? », in Des
liens et des droits. Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 299-309.

225
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

ces familles afin de gérer leur patrimoine (§2). Dans la positive, leur efficacité sera vérifiée.

§1) Le phénomène de recomposition familiale

248. Un phénomène sorti de l’ombre. Le phénomène des recompositions familiales


n’est pas nouveau. La banalisation du divorce et l’émergence du concubinage ont contribué
à lui donner une plus grande visibilité (A). Autant de paramètres ont justifié sa prise en
compte par le droit (B).

A) Le renouvellement de la famille recomposée

249. Une longue période de défiance à l’égard de la famille recomposée 1. La


famille issue d’un second mariage suscitait autrefois la méfiance2. Des considérations
d’ordre moral et patrimonial justifiaient cette attitude. La doctrine chrétienne de
l’indissolubilité du mariage ainsi que le souci de conservation des biens dans la famille
étaient au fondement de l’édiction de règles défavorables aux secondes noces 3. La mère qui
se remariait pouvait être privée de la tutelle sur son enfant mineur, de son droit de
correction ainsi que de la jouissance légale sur les revenus de son enfant. Avant son décès,
le premier époux pouvait prévoir qu’en cas de remariage de son épouse, un tuteur qu’il
désignerait serait responsable des enfants. C’est dire que le beau-parent autrefois
représentait ce qu’un auteur a qualifié aujourd’hui de « serpent de mer »4 du droit de la
famille. Tout était mis en œuvre afin d’éviter que les enfants d’un premier lit ne se
retrouvent sous l’autorité du nouveau conjoint de la mère avec lequel n’existe aucun lien
de parenté. Fréquemment, le beau-parent faisait son apparition suite à un veuvage, et venait
ainsi remplacer le parent disparu. Il s’agissait alors de préserver l’image d’une famille

1
Pour Madame RUBELLIN-DEVICHI, l’appellation de « famille recomposée » fait appel aux notions de
reconstitution, voire de recomposition, impliquant l’idée d’une décomposition et de substitution d’une famille à
une autre. Or, le plus souvent, l’enfant continue à entretenir des liens avec sa première famille. C’est pourquoi
l’auteur préfère l’utilisation du terme de « secondes familles », avec l’idée de superposition des liens, pour tenir
compte de tous les liens familiaux.
2
Le phénomène a toujours existé, sous l’angle bien connu de la marâtre et du parâtre, ou encore des secondes
noces. Ce que l’on appelle aujourd’hui les « recompositions familiales » ne prendra de la visibilité qu’à partir des
années 90, le droit ne s’y intéressant guère avant. Pour cela, deux ouvrages fondamentaux se rapportant à la
question doivent être cités : Les recompositions familiales aujourd’hui, M.-T. MEULDERS-KLEIN, I. THERY (dir.
de), Bruxelles, Bruylant, 1993 ; Quels repères pour les familles recomposées ? M.-T. MEULDERS-KLEIN,
I. THERY (dir. de), Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 1995.
3
Le droit canonique leur refusait la bénédiction nuptiale, la loi salique exigeait que le second mari paye trois
sous d’or et un denier aux parents de la veuve ou à ceux du mari prédécédé, tandis que les capitulaires
obligeaient la veuve à rendre à la famille de son premier mari une partie de la dot reçue de ce dernier. Pour de
plus amples développements, cf. J.-P. LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, Paris, 1ère éd., Dalloz, coll.
« Précis », 2001, n° 96.
4
M.-L. CICILE-DELFOSSE, « Le beau-parent, serpent de mer du droit civil de la famille », in Mélanges en
l’honneur du professeur Gérard CHAMPENOIS, Paris, LGDJ, 2012, p. 189.

226
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

unie, dans laquelle la famille traditionnelle représentait la norme, alors que les différences
étaient « systématiquement interprétées comme des déviances »1. Ainsi que l’a souligné un
auteur, « dans l’histoire des familles reconstituées, le remariage peut être perçu comme une
source de malheurs pour l’enfant du premier lit »2. Cette conception d’un beau-parent
menaçant perdurera jusqu’à la première moitié du XXème siècle. Elle changera tout
naturellement avec l’évolution de la famille, une plus large admission du divorce ainsi que
l’émergence de nouvelles formes de conjugalité. Selon le doyen Jean CARBONNIER,
l’image sombre qui constituait autrefois le corollaire de la seconde famille n’est plus, car
« le divorce, en se multipliant, a multiplié les chances de remariages précoces et par là-
même a donné à la recomposition familiale un air de jeunesse, de convivialité, de joie »3.
250. Une famille comme les autres. Aujourd’hui, le veuvage précoce n’est plus
aussi fréquent qu’autrefois. L’arrivée du beau-parent au sein de la famille n’est plus
synonyme de remplacement du parent biologique, en raison du lien indéfectible qui unit
l’enfant à son parent. Dans ce contexte, la multiplication des familles recomposées -voire
décomposées tel que l’a suggéré un auteur 4- s’est accompagnée de l’intervention dans
l’éducation de l’enfant d’autres personnes que celles de ses parents, à qui incombe la
charge de la fonction parentale5. L’investissement de ces tiers6 auprès de l’enfant varie
selon les circonstances7 et la volonté des adultes. Mais, à des degrés divers, le tiers vient
assister le parent qui a la charge éducative de l’enfant. Dans le cadre d’un veuvage, le
parent survivant souhaitera conserver auprès de son enfant le souvenir du parent défunt. Le
beau-parent jouera alors le rôle de parent « social » de l’enfant, sans prendre sa place. Plus

1
I. THERY, « Introduction générale : le temps des recompositions familiales », in Les recompositions familiales
aujourd’hui, Paris, éd. Nathan, coll. « Essai et recherches », 1993, p. 257.
2
F. LUCET, « Famille éclatée, famille reconstituée. Les aspects patrimoniaux », Defrénois, 1991, art. 35028,
spec. n° 5.
3
J. CARBONNIER, Droit civil : la famille, l’enfant et le couple, Paris, 21ème éd., t. II, PUF, coll. « Thémis », 2002,
p. 11.
4
I. CORPART, « Famille recomposée : Les familles recomposées décomposées », AJ fam., 2007, p. 299.
5
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité, parenté, parentalité : métaphore ou rupture ? », Paris, Dalloz, coll.
« Thèmes&Commentaires », 2009, p. XIV.
6
Pour Aude MIRKOVIC, « pour désigner le conjoint du père ou de la mère d’un enfant, les termes adéquats sont
ceux de parâtre et de marâtre. La personne qui vit avec un des parents de l’enfant n’est désignée par aucun terme
particulier, n’étant unie à l’enfant ni par la parenté, ni par l’alliance, et l’utilisation abusive du terme de beau-
parent ne peut qu’être source de confusion ». Cf. « Avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des
tiers », AJ fam., 2008, p. 428. Or, le changement terminologique reflète un changement de perception à l’égard
de la seconde famille.
7
Le rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants L’enfant d’abord, 100
propositions pour placer l’enfant au cœur du droit de la famille, présenté par P. BLOCHE et V. PECRESSE le 25
janvier 2006 met l’accent sur la grande diversité des situations ainsi que le rôle que peut jouer le beau-parent vis-
à-vis de l’enfant : « Le rôle du parent social, qu’il soit marié ou non avec le parent légal, du même sexe que lui
ou de l’autre sexe, diffère significativement selon que les deux parents de l’enfant sont vivants, ont reconnu
l’enfant et continuent d’exercer leurs responsabilités, de manière plus ou moins intense, ou que l’un des parents
est décédé, n’a pas reconnu l’enfant ou a complètement disparu de son horizon après la séparation du couple. Les
liens entre l’enfant et le beau-parent sont aussi très variables selon l’âge et l’attitude de l’enfant, le temps passé
avec lui, l’investissement personnel du beau-parent, la place que lui accorde le parent ».

227
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

problématique cependant est la situation de recomposition lorsqu’elle fait suite à une


séparation. Dans ce cas de figure, le parent qui a la charge quotidienne de l’enfant fait le
choix de refaire sa vie avec une autre personne qui partagera également le quotidien de
l’enfant. Il va donc s’agir de la constitution d’une deuxième famille1 et non de remplacer la
première. Juridiquement, cette nouvelle famille demeure composite car elle n’efface pas la
première2. Fréquemment, les deux ex-époux font « table rase » du passé et construisent
chacun une nouvelle famille, signe d’épanouissement et de « réalisation de soi »3. Or,
l’existence même de l’ex vient nécessairement rappeler le passé, et l’échec de la relation
dont l’enfant est le fruit. Dans cette configuration, le beau-parent peut avoir du mal à
trouver sa juste place, que ce soit en tant que nouveau compagnon ou en tant que parent
social de l’enfant, qui continue à entretenir des relations avec ses deux parents. C’est ce
que met en évidence Madame le professeur THERY lorsqu’elle évoque la « constellation
familiale recomposée dans laquelle circulent les enfants »4, c’est-à-dire l’ensemble des
relations entre les membres de la première famille et de la seconde famille. Les difficultés
seront dès lors moins liées au fonctionnement de la nouvelle famille qu’elles ne dépendront
des relations entre les différents foyers formant la constellation.
251. Diversité des familles recomposées. La grande diversité des familles
recomposées5 impose de déterminer les configurations familiales à prendre en compte dans
les développements à suivre. L’économie d’une définition ne peut donc être faite. La
famille recomposée est celle qui se reforme après une première désunion, de laquelle sont
issus un ou plusieurs enfants6. Cette recomposition peut faire suite à un décès, découler
d’un divorce, de la rupture d’un concubinage ou encore d’un état de monoparentalité. Dans
ces secondes familles, le(s) enfant(s) issus de la première union sont en principe toujours
sous l’autorité parentale du couple conjugal désuni, voire sous l’autorité parentale du
parent qui choisit de vivre une nouvelle expérience. C’est pourquoi la seconde famille

1
J. RUBELLIN DEVICHI, « L’enfant, sa première et ses secondes familles », LPA, 8 oct. 1997, n° 121. V. la thèse
de Madame L. MARSTAL, L’enfant et les secondes familles, Thèse, Paris II, 2013.
2
J. HAUSER, obs. RTD civ., 1996, p. 371, qui souligne qu’aucune famille n’est effacée mais de nouveaux liens
sont « superposés ».
3
V. en ce sens : E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur », in Mélanges offerts à M. le
professeur Pierre VOIRIN, Paris, LGDJ, 1967.
4
I. THERY, « Introduction générale : les constellations familiales recomposées et le rapport au temps : une
question de culture et de société », in Quels repères pour les familles recomposées, op. cit., p. 13-34, spec. p. 26.
5
Il semblerait que l’on compte à l’heure actuelle jusqu’à vingt-six variantes de familles recomposées, cité par L.
LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op.cit., p. 8, spec. n° 8.
6
Ne seront donc pas traitées dans cette partie les questions liées aux familles homoparentales au sein desquelles
un membre du couple a eu recours à la procréation médicalement assistée avec tiers donneur, à la maternité pour
autrui ou à l’adoption plénière, et où l’autre membre du couple n’a pu établir un lien de filiation à l’égard de
l’enfant. Ces situations relèvent de la revendication d’un droit à l’enfant qui sera traité plus loin, et que Monsieur
le professeur BEIGNIER désigne comme l’homoparentalité « volontaire ». Ces familles homoparentales ab initio
doivent être distinguées des familles dans lesquelles un couple homosexuel prend en charge l’enfant né d’une
précédente union du partenaire (homoparentalité accidentelle). En ce sens : B. BEIGNIER, « Note sur
l’homoparentalité », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 651-
656.

228
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

n’efface pas l’ancienne mais vient s’y ajouter. L’enfant devra cohabiter sous le même toit
avec le (la) nouveau partenaire de la mère (ou du père), avec lequel (laquelle) il n’a aucun
lien de parenté1. Initialement exclusivement attaché à la qualité de conjoint, le terme de
« beau-parent » est aujourd’hui indifféremment étendu aux couples de concubins et de
partenaires. Révélatrice de l’assimilation des couples, cette indifférence terminologique est
surtout source de confusion car la langue française ne dispose d’aucun terme afin de
désigner autant d’acteurs présents dans la vie de l’enfant. Il s’agit donc bel et bien de tiers
au profit desquels le droit est sollicité pour octroyer des prérogatives sur un enfant qui leur
est étranger. Cette lacune terminologique illustre bien la difficulté à laquelle se trouve
confronté le juriste lorsqu’il cherche à déterminer un contenu juridique précis à la situation
de fait2. C’est pourquoi une telle situation exige que la place de l’enfant soit clairement
définie, afin d’apprécier si ce tiers qui par la force des choses sera amené à s’occuper d’un
enfant qui n’est pas le sien, a des droits et des devoirs à son égard, et si ces liens peuvent
être juridiquement consacrés.

B) Les moyens juridiques en faveur de la famille recomposée

252. La possibilité d’un droit de visite et de correspondance au profit des tiers.


Le maintien des liens entre l’enfant et un tiers avec lequel il n’a aucun lien de parenté a
depuis longtemps été admis par les juges du fond 3. Afin d’éviter qu’une rupture brutale ne
nuise à l’équilibre de l’enfant, un droit de visite et d’hébergement était reconnu au profit du
tiers qui a noué des liens affectifs avec l’enfant. Un tel droit a été admis en faveur d’un
parrain et d’une marraine qui avaient élevé l’enfant pendant les cinq premières années de
sa vie4, et au profit d’une tante maternelle qui avait élevé l’enfant depuis sa naissance5.
Limité initialement au cadre familial, ce droit de visite a ensuite été étendu aux liens
affectifs de fait lorsqu’ils découlaient d’un rapport d’éducation dans le cadre des familles
recomposées6. Ainsi, l’ex-concubine hétérosexuelle a pu bénéficier d’un droit de visite7 en
raison du rôle de « seconde mère » qu’elle a pu assurer pendant la vie commune auprès de

1
Sauf cas d’adoption de l’enfant du conjoint.
2
En ce sens : L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990.
3
V. en ce sens déjà : CA Paris, 30 avril 1959, D., 1960, p. 673. S’agissant de familles d’accueil : Cass. civ. 1ère,
20 mars 1979, D., 1979, IR, p. 431 ; Cass. civ. 1ère, 4 juillet 1978, Bull. Civ., I, n° 249 ; Cass. civ. 1ère, 11
mai 1976, Bull. civ., I, n° 162, D., 1976, p. 521. De reconnaissances de paternité annulées : CA Rennes, 11 mai
2000, Juris-Data n° 120016 ; CA Reims, 8 juin 2000, Juris-Data n° 124379 ; CA Paris, 18 septembre 2003, Juris-
Data n° 2003-222869.
4 CA Riom, 7 mai 2002, Juris-Data n° 182363.
5
CA Reims, 8 juin 2000, Juris-Data n° 124382.
6
CA Pau, 5 juillet 2000, Juris-Data n° 122459. En cas de décès de la mère ayant déjà des enfants d’un premier
lit, le beau-père peut se voir attribuer un droit d’hébergement afin que les enfants de sa femme décédée puissent
périodiquement entretenir des relations avec leurs demi-frères et soeurs et lui-même, en vertu d’une application
combinée des articles 371-4 et 371-5 du Code civil.
7
CA Nîmes, 13 septembre 2000, Juris-Data n° 126870.

229
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

l’enfant. Déjà retenue dans l’hypothèse du concubinage homosexuel1, cette solution a


profité quelques années plus tard à une partenaire2 à l’égard des deux enfants de son ex
compagne, nées d’une procréation médicalement assistée avec tiers donneur. Le rôle
central joué par la compagne de la mère dans les premiers mois de la vie des enfants avait
permis de créer des liens privilégiés qu’il était essentiel de maintenir, dans l’intérêt des
enfants. La lecture de la jurisprudence permet de conclure que la loi ne fait pas de
distinction selon l’existence ou non d’un lien de parenté. Lorsqu’ils doivent se prononcer,
les juges statuent selon le critère unique de l’intérêt de l’enfant. Lorsque celui-ci le
commande, les juges permettent le maintien de ses liens personnels vis-à-vis d’une
catégorie variée de tiers.
253. Une famille élargie. Depuis la loi du 4 mars 2002, l’exigence légale de la
preuve d’une situation exceptionnelle dans laquelle le tiers bénéficierait d’un « droit de
correspondance ou de visite »3 rendait dérogatoire et limitée la possibilité de maintien des
liens par des tiers. Alors qu’il était de droit au profit des ascendants, le maintien des liens
ne constituait plus qu’une possibilité. L’évolution jurisprudentielle qui se dessinait était
celle d’une plus grande ouverture de la famille aux nouveaux liens de proximité. Plusieurs
éléments corroborent cette évolution. Le droit des ascendants à obtenir le maintien des
liens à l’égard de l’enfant « pour motifs graves » est tout d’abord limité jusqu’à ne plus
être de droit. Cette restriction a été rendue possible par une appréciation concrète de
l’intérêt de l’enfant. Utilisé comme instrument judiciaire4 dans l’évaluation de son degré
d’épanouissement, cette notion a constitué un indicateur de choix de la personne auprès de
laquelle cet épanouissement est optimal. Le resserrement de la famille conjugale aidant,
s’ensuivit un affaiblissement du droit des ascendants de maintenir leurs liens avec leurs
petits-enfants au profit de tiers qui ont partagé (ou partagent) la vie des parents. C’est
d’ailleurs en ce sens que se dessinent les contours de l’évolution législative actuelle. La
proposition de loi Autorité parentale et intérêt de l’enfant (APIE) propose plusieurs
mesures permettant au beau-parent (plus largement à tout tiers partageant la vie de
l’enfant) de devenir la figure centrale en matière d’autorité parentale au détriment des
ascendants5. Comme l’a souligné Monsieur Philippe GOSSELIN, il s’agit de la mise en place
d’un lien social en place et lieu du lien biologique. Pour ce dernier, les règles existantes
permettent déjà d’associer le tiers lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, d’où une
1
TGI Besançon, 6 janvier 2000, D., 2000, IR, 88.
2
TGI de Mont de Marsan, 13 mars 2006.
3
L’ancien article 371-4, modifié par la loi du 4 mars 2002, précisait : « En considération de situations
exceptionnelles, le juge aux affaires familiales peut accorder un droit de correspondance ou de visite à d’autres
personnes, parents ou non » L’alinéa 2 poursuivait : « Seuls des motifs graves peuvent faire obstacle à ce doit ».
4
La rédaction actuelle de l’article 371-4 alinéa 2 est issue de la rédaction de la loi du 5 mars 2007 : « Seul
l’intérêt de l’enfant peut faire obstacle à l’exercice de ce droit ».
5
Cf. l’article 11 de la proposition de loi qui modifie l’alinéa 2 de l’article 373-3 du Code civil. Jusqu’à présent,
la priorité familiale est de mise. Si la proposition de loi est adoptée, le juge pourra confier l’enfant, lorsqu’un des
parents est privé de l’exercice de l’autorité parentale, à titre exceptionnel et lorsque son intérêt l’exige, à un tiers
choisi dans sa parenté ou non. Le privilège tenant à la parenté serait abandonné.

230
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« volonté délibérée d’afficher un changement (…) toujours dans l’intérêt de l’enfant


comme l’affiche la proposition de loi, ou plus dans l’intérêt des adultes qui parfois sont
parents, parfois sont beaux-parents, parfois sont des tiers ?... »1. Pour l’heure, les règles
existantes permettent tantôt de créer un lien de parenté entre le beau-parent et l’enfant (1),
tantôt de fournir les outils juridiques nécessaires en vue d’aménager le quotidien de la
famille recomposée (2). Dans l’un et l’autre cas, l’enjeu ne sera pas le même.

1- La possibilité de créer un lien de parenté

254. La filiation de complaisance. Dans l’hypothèse où l’enfant n’a pas été reconnu
par son père, le conjoint2 de la mère peut établir un lien de filiation par une reconnaissance
de complaisance. De la même manière, l’enfant qui a été reconnu par un homme qui s’en
est par la suite désintéressé peut être reconnu par son beau-père par le jeu de la possession
d’état. L’absence de possession d’état du père légal fragilise alors le lien de filiation
et ouvre la voie à des actions, dans une application a contrario des articles 321 et 334 du
Code civil. C’est pour limiter ces pratiques, fragilisantes pour le statut de l’enfant et
contraires à son intérêt, que l’ordonnance du 4 juillet 2005 prévoit que l’existence d’une
possession d’état de cinq ans à compter de l’établissement de la filiation rend cette dernière
inattaquable3.
255. L’adoption simple. La question de l’adoption simple a retenu l’attention sous
l’angle de son ouverture aux couples de concubins, afin de leur permettre l’adoption de
l’enfant de leur partenaire. En l’état actuel du droit, une telle adoption est possible.
Néanmoins, elle conduit à transférer à l’adoptant tous les droits liés à l’exercice de
l’autorité parentale par le parent légal, ce qui est jugé contraire à l’intérêt de l’enfant.
Auditionnée à l’occasion du rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille
et les droits des enfants4, Madame WEISS-GOUT suggérait un élargissement de la
disposition de l’article 365 du Code civil au profit des personnes de sexe différent non
mariées. Du même avis, Madame le professeur GOUTTENOIRE propose de retenir comme
critère celui tiré de la vie commune du couple, laquelle doit avoir au minimum duré huit
ans. Par ailleurs, le consentement de l’enfant serait requis. De l’avis général de la doctrine5

1
Cf. les débats relatifs à cette proposition de loi : Rapport fait au nom de la commission des lois
constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république sur la proposition de loi n°
1856, Ass. nat., n° 1925.
2
En vertu de l’article 365 du Code civil, l’adoption par le concubin de la mère entraîne un transfert de l’exercice
de l’autorité parentale au profit de l’adoptant au détriment du parent légal.
3
Art. 333 al. 2 du Code civil.
4
P. BLOCHE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du droit de la famille, Rapport
fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, Assemblée nationale, Rapport
n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, la Documentation française, 2006.
5
Le rapport de Mme THERY Filiation, origines, parentalité n’évoque l’adoption au sein des familles
recomposées que sous l’angle fiscal, bien que l’auteur admette son utilité dans certains cas. La doctrine n’est
toutefois guère favorable à une telle possibilité lorsque l’enfant possède déjà un double lien de filiation, en ce

231
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

pourtant, faciliter l’adoption d’un enfant par le compagnon de l’un de ses


parents soulèverait des difficultés lorsque l’enfant a déjà deux parents. Il ne semble
pas opportun de favoriser l’établissement d’une filiation adoptive lorsqu’une double
filiation légale existe. Cela est contraire tant au principe de coparentalité porté par les
réformes des dernières années qu’à l’intérêt de l’enfant. De plus, l’ouverture d’une telle
brèche dans la disposition de l’article 365 du Code civil conduirait nécessairement à son
ouverture au profit des couples de même sexe non mariés 1. Cette situation leur permettrait
de contourner l’interdit du recours à la procréation médicalement assistée en favorisant
l’établissement d’un double lien de filiation monosexué à l’égard de l’enfant 2. La situation
est toutefois différente lorsque l’enfant n’a qu’un parent légal. Le second lien de filiation
permettrait à l’enfant d’avoir une double appartenance, pouvant être source de stabilité et
de richesse. Plus réservée, Madame MILLET s’inquiète de la difficulté tenant à la
multiplication des liens de filiation dans le temps. Au gré des ruptures conjugales, toute
personne dont l’adoption est révoquée peut faire l’objet d’une nouvelle adoption, ce qui
conduirait à une « multiplication incontrôlable des liens de filiation ». L’adoption pourrait
ainsi être « instituée au profit de l’un comme de l’autre nouveau concubin ou époux de
chaque parent »3. Outre qu’une telle alternative contrevient à l’état actuel du droit de la
filiation, le nombre de parents sociaux qui viendraient s’ajouter aux parents légaux
brouillerait les repères de l’enfant, qui serait légalement issu de deux hommes ou de deux
femmes. Au demeurant, la multiplication des fonctions assignées à l’adoption simple
soulève la question de son renouvellement mais aussi ses multiples détournements. Si
celle-ci est plébiscitée par les couples de même sexe, l’objectif poursuivi est d’établir un
lien de filiation entre l’enfant et le concubin homosexuel pour fonder une famille, en
accédant à l’enfant. Pour les couples de sexe différent, l’adoption s’est rapidement révélée
être l’instrument d’une transmission successorale avantageuse4. Dans ce contexte, le flou
entourant ses finalités selon les intérêts de chacun invite à repenser ses fondements et
suppose un choix clair du législateur sur le sens qu’il souhaite lui donner.

sens : Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du
droit de la famille, 2006.
1
Formulée par Mme Martine GROSS : « Dans les familles pluri-parentales, l’adoption simple permet l’addition
de parents adoptifs aux parents de naissance, mais actuellement l’autorité parentale est intégralement transférée
aux seuls parents adoptifs. Un aménagement de ce dispositif, avec autorité parentale partagée de manière
consensuelle entre parents légaux et sociaux, permettrait à l’enfant d’avoir une filiation cohérente avec
son environnement familial ». Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer
l’enfant au cœur du droit de la famille, op. cit., 2006, p. 258.
2
V. infra n° 268 et s.
3
Ibidem., p. 258.
4
Cf. à cet égard la modification de l’article 786 du Code général des impôts par l’article 36 de la loi n° 2016-297
relative à la protection de l’enfance, J.O, 15 mars 2016. Désormais, le lien de parenté résultant de l’adoption
simple est pris en compte dans les transmissions à titre gratuit, qui seront désormais imposées comme les
transmissions en ligne directe lorsque l’adoptant décède pendant la minorité de l’adopté, quel que soit son âge et
sans condition d’entretien.

232
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

256. L’adoption plénière. En principe, l’adoption plénière d’un enfant n’est


possible que lorsque tous ses liens avec sa famille d’origine sont rompus1. Cependant, une
adaptation de ses conditions est prévue, notamment pour permettre l’adoption plénière de
l’enfant du conjoint lorsque l’enfant n’a qu’un parent légal, que son autre parent s’est vu
totalement retirer l’autorité parentale, que son autre parent est décédé et n’a pas
laissé d’ascendants au premier degré ou que ceux-ci se sont manifestement désintéressés de
l’enfant. La seule possibilité ouverte par le droit pour qu’un beau-parent puisse adopter un
enfant est donc le mariage du couple. L’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 ouvrant
le mariage aux couples de même sexe a conduit à ajouter un 1° bis, disposant que
l’adoption plénière par le conjoint est encore possible « lorsque l’enfant a fait l’objet d’une
adoption plénière par ce seul conjoint et n’a de filiation établie qu’à son égard ». Le
conjoint de même sexe peut donc procéder, depuis cette date, à l’adoption plénière de
l’enfant au préalable adopté par le conjoint de même sexe2, à moins qu’il ne s’agisse d’un
détournement manifeste de la loi par le recours à une procréation médicalement assistée à
l’étranger. L’argument tiré de la fraude à la loi française empêche dès lors le prononcé de
l’adoption3. À la suite du prononcé de l’adoption, le parent adoptif partage l’exercice
de l’autorité parentale avec son conjoint, premier parent légal. Par exception aux effets
d’une adoption plénière, celle-ci laisse subsister la filiation d’origine à l’égard du parent
biologique et produit les effets d’une adoption par deux époux4. Madame le professeur
GRANET-LAMBRECHTS n’est pas favorable à une telle adoption de l’enfant du conjoint de
même sexe, même en présence d’un seul lien de filiation. Pour l’auteur, le projet de parenté
commune au sein d’un couple hétérosexuel non marié traduit une réelle volonté
d’adoption, préférable à une éventuelle reconnaissance de complaisance laquelle, si elle
venait à être révoquée, mettrait à mal l’intérêt de l’enfant. De surcroît, l’adoption plénière
est irrévocable. Le recours par un couple de même sexe à une telle adoption, en dehors de
toute volonté réelle et sérieuse de s’engager durablement mettrait à mal l’intérêt de
l’enfant. L’irrévocabilité caractéristique de l’adoption plénière conduit Madame le
professeur GOUTTENOIRE à émettre des réserves quant à son opportunité dans le cadre d’un
couple hétérosexuel non marié. Selon celle-ci, « il faut prendre en compte la combinaison
de la relation de couple et de la relation avec l’enfant, et se demander quel sera le sort de la

1
Art. 345-1 du Code civil.
2
Première illustration : TGI Lille, 14 oct. 2013, Rev. dr. fam., 2014, note C. NEIRINCK.
3
TGI Versailles, 30 avr. 2014, Dalloz actualité, 2014, obs. COUSTET, V. contra : CA Toulouse, 10 fév. 2015,
n° 14/02830, AJ fam., 2015, p. 220, obs. P. SALVAGE-GEREST ;CA Limoges, ch. civ., 2 mars 2015, n° RG
14/01060. Pour la Cour, s’il n’y a pas, au nom de l’intérêt de l’enfant d’ « obligation ou nécessité de rechercher
les conditions de la conception de l'enfant, il est néanmoins du devoir de la juridiction de s’assurer une seule
filiation ici maternelle étant établie que le prononcé de l’adoption plénière ne fera pas obstacle aux effets de
l’autre filiation ici paternelle si celle-ci venait à être établie (…) ». La Cour poursuit ainsi : « À supposer non
conforme à la réalité la conception prétendue par donneur anonyme, l’établissement tardif d’une filiation
paternelle se trouverait privée d’effet du fait du prononcé de l’adoption plénière ». CA Aix-en-provence, 14 avr.
2015, n° 1413/137, AJ fam., 2015, obs. F. BERDEAUX-GACOGNE, enfin CA Versailles, 16 avr. 2015,
n° 14/04253, 14/07327, 14/04245, 14/04244, 14/04243, 14/05356, 14/05360.
4
Article 356 du Code civil.

233
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

relation entre le beau-parent et l’enfant si le couple se dissout. Il serait donc plus opportun
de conserver la possibilité d’une révocation de l’adoption pour ne pas instaurer des liens
indestructibles qui pourraient gêner l’enfant par la suite »1. Nous approuvons cette
seconde analyse. L’adoption plénière de l’enfant du concubin hétérosexuel ne peut
réellement traduire sa volonté de s’engager durablement vis-à-vis de l’enfant, alors même
qu’il n’existe aucun engagement durable entre les concubins eux-mêmes. Comment dès
lors apprécier la nature de l’engagement à l’égard de l’enfant alors que celui-ci est
inexistant vis-à-vis du parent ?
257. Panorama de droit comparé. Nombre de législations2 européennes
reconnaissent un statut au beau-parent3. D’autres à l’instar de la France, ne le reconnaissent
pas. Celle-ci pourrait pourtant s’inspirer des solutions retenues par ses voisins européens,
sans renoncer à ses spécificités. Une étude de législation comparée réalisée par le service
des études juridiques du Sénat sur le statut du beau-parent4 atteste de l’intérêt porté à la
question de sa place familiale. Il en ressort l’absence de statut juridique de ce tiers en
Espagne et en Italie, tandis que la Belgique 5 réfléchit à la création d’un statut de « parent
social ». En Allemagne6 et en Suisse7, le beau-parent marié avec le parent de l’enfant
bénéficie d'une autorité parentale automatique. Pourtant, la récente réforme suisse8 de
l’autorité parentale -entrée en vigueur au 1er juillet 2014- met en place un exercice conjoint
de l’autorité parentale en cas de séparation. Le principe devient enfin dans cet État celui de
l’exercice conjoint tant pour les couples divorcés que pour les couples non mariés, ce qui
limitera probablement le recours à l’article 299, applicable toutes les fois où l’autorité

1
Rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du droit de
la famille, 2006, p. 256.
2
Aussi, les législations anglaise et néerlandaise apparaissent comme les plus favorables aux beaux-parents. La
première permet de partager l'autorité parentale avec les parents biologiques quels que soient le statut juridique
et l'orientation sexuelle du couple recomposé, alors que la seconde créé le concept d' « autorité commune », pour
désigner l'autorité conjointe exercée sur un enfant par l'un des parents biologiques et la personne avec laquelle ce
parent élève l'enfant, qui peut leur être accordé par un juge quel que soit leur statut juridique et leur orientation
sexuelle. Cf. « Statut du beau-parent : étude de législation comparée », JCP, G, n° 20, 13 mai 2009, act. 254.
3
V. en ce sens : J. SOSSON, Beaux-parents, beaux-enfants, étude de droit comparée, Thèse, Louvain, 1995.
4
Sénat, « Le statut du beau-parent », Étude de législation comparée, 2009, n° 196, disponible sur www.senat.fr.
5
De nombreuses propositions de lois ont néanmoins été déposées depuis 2001, dont la proposition de loi du 9
septembre 2010, modifiant la législation relative à la protection de l’enfance, ainsi que la proposition de loi du
13 octobre 2010 instaurant des dispositions en matière de parenté sociale.
6
Depuis la loi du 16 février 2001, la loi lui octroie une forme limitée d’autorité parentale, lui donnant la faculté
de prendre des décisions relatives à la vie quotidienne de l’enfant. Néanmoins, le parent de l’enfant doit être seul
titulaire de l’autorité parentale. Par conséquent, si l’enfant a deux parents qui, bien que séparés, exercent
l’autorité parentale conjointement, le beau-parent ne peut être titulaire de l’autorité parentale, même réduite. Cf.
§ 1687 b Paras. 1-3 du Code civil allemand et §9 de l’Acte sur le Partenariat enregistré.
7
L’article 299 du Code civil oblige le beau-parent à « assister son conjoint de façon appropriée dans l’exercice
de l’autorité parentale (…) et de le représenter lorsque les circonstances l’exigent ». La loi du 18 juin 2004
entrée en vigueur le 1er janvier 2007, relative au partenariat enregistré étend cette obligation aux couples de
partenaires de même sexe (art. 27).
8
Le Parlement fédéral a accepté la réforme le 21 juin 2013 (FF 2013, 4229) entrée en vigueur le 1er juillet 2014.

234
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

parentale est exercée par un seul parent1. En Suède2, la loi reconnaît le beau-parent dans les
cas d’enfants nés au sein de couples homosexuels. Depuis 1985 au Danemark, la loi
relative à l’autorité parentale prévoit que celle-ci peut être partagée entre un parent et un
beau-parent lorsqu’elle n’est pas exercée conjointement par les deux parents 3. En Finlande,
le beau-parent marié ou non, peut acquérir la responsabilité parentale grâce à une
ordonnance judiciaire. Au Royaume-Uni -depuis le Children Act de 1989- les beaux-
parents peuvent détenir l’autorité parentale par le biais d’une décision judiciaire4, nommée
« ordonnance de résidence », établissant que leur domicile est la résidence des enfants.
L’autorité parentale peut donc être partagée par trois personnes.
258. Absence de statut en droit français. Le droit positif est toujours marqué par
l’absence de règles juridiques particulières régissant les relations entre l’enfant et son beau-
parent5. Le législateur a montré sa réticence à créer des règles particulières à son profit, et
considère cette reconnaissance comme « une perturbation dans les représentations que
nous avons de la famille, notamment en raison des incertitudes sur la répartition entre les
“détenteurs de la parenté biologique” et ceux de la “parenté sociale” »6. Cette réticence
trouve aussi sa source dans la nature même du droit français de la famille. Celui-ci a
toujours perçu la famille comme une institution, entité qui prévaut au-delà même des
individus qui la composent. Par conséquent, il ne revient pas aux individus de décider de
ce que la famille est, mais c’est à l’État qu’est toujours revenu le pouvoir de la réglementer
en déterminant la politique familiale la plus à même de garantir la pérennité de cette
structure. Bien que le législateur ait renoncé à imposer un modèle unique de famille, les
relations familiales n’ont jamais été totalement abandonnées à la volonté individuelle.

1
En Suisse, l’exercice de l’autorité parentale dépend de la situation juridique des parents au moment de la
naissance de l’enfant. Lorsque la femme qui accouche n’est pas mariée, elle détient seule l’autorité parentale. Le
père, qui par hypothèse a reconnu l’enfant avant même sa naissance, ne peut selon la lettre du Code civil obtenir
le partage de l’autorité parentale que si la mère accepte de déposer une requête commune dans ce sens auprès de
l’autorité de protection de l’enfant. Désormais, les parents non mariés pourront, sur la base d’une déclaration
commune dans laquelle ils confirment simplement être disposés à assumer ensemble la responsabilité de l’enfant
et s’être entendus sur la garde, établir les relations personnelles ainsi que leur participation à la prise en charge et
à l’entretien de l’enfant (art. 298 a al. 1 et 2).
2
Loi du 1er fév. 2003.
3
Néanmoins, cette disposition est exclue s’agissant des couples de partenaires ; par extension, les couples
homosexuels ne peuvent exercer conjointement l’autorité parentale. En 1999, le législateur ouvre la voie de
l’adoption de l’enfant du partenaire, et ce même lorsque l’enfant à été adopté par ce dernier.
4
Le 30 décembre 2005, une nouvelle disposition de la loi de 1989 permet au conjoint ou au partenaire d’un
parent de partager l’autorité parentale avec ce dernier par le biais d’un accord ou par voie judiciaire (selon un
modèle prévu par voie réglementaire) avec le détenteur de l’autorité parentale. Cette disposition s’applique
également aux couples de même sexe pour lesquels le partenariat enregistré est réservé.
5
Malgré nombre de tentatives visant l’amélioration de la condition du beau-parent ; V. par. ex. D. VERSINI,
L’enfant au coeur des nouvelles parentalités. Pour un statut des tiers qui partagent ou ont partagé la vie d’un
enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, La Documentation française, 2006. L’avant-projet de réforme sur
l’autorité parentale et les droits des tiers porté par la secrétaire d’état à la famille Nadine MORANO en 2008,
auquel fait suite le rapport de J. LEONETTI, Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers, La
documentation française, 2009.
6
J. COMMAILLE, « Les aspects sociologiques », in L’enfant, sa première et ses secondes familles, Colloque des 7
et 8 février organisé par l’Association Louis CHATIN, LPA, 1er oct. 1997, n° 118, p. 9.

235
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

L’ordre public matrimonial, à défaut de ne plus être dirigiste et prescripteur, gère, encadre
et accompagne les relations familiales1. L’appel à une prise en compte des familles
recomposées par le législateur s’insère dans ce contexte de recherche du juste équilibre. Le
choix d’accompagner les évolutions de la société s’inscrit dans ce qu’on appelle le droit
« post-moderne (…) marqué par le relativisme, le pluralisme, la flexibilité et la mobilité »2.
Or, imprégné de la tradition romano-germanique, le droit français n’est que peu attaché
aux relations inter-individuelles dont il régit la conduite. C’est pourquoi aujourd’hui, la
question d’un éventuel statut du beau-parent remet profondément en question la manière
dont le droit organise les relations familiales. Madame LESTIENNE-SAUVE dans sa thèse
démontre comment le droit français, attaché aux principes généraux, « a pour but de
donner des solutions aux problèmes avant que ces derniers ne soient susceptibles de se
poser à une juridiction et confère donc aux justiciables un certain nombre de droits et
d’obligations »3. Mettant en lumière la spécificité française, sa quête des éléments de
solutions sur la question du beau-parent au sein du système de Common law révèle de
façon éclatante l’approche du droit anglais qui opte pour une « approche concrète, sa
finalité étant d’apporter des solutions à un problème particulier, au cas par cas. Il consiste
moins à énoncer des règles générales qu’à résoudre les difficultés concrètes qui surgissent.
Il s’attache aux circonstances particulières de l’espèce et laisse une place certaine à
l’improvisation. Le rôle du juge est donc primordial, ce qui explique que ce droit soit
essentiellement jurisprudentiel »4. En effet, du point de vue du droit anglais, l’ingérence du
législateur dans les relations familiales constitue une atteinte aux libertés individuelles,
alors que l’approche française considère qu’une réglementation minimale s’impose, au
nom de l’ordre public. La famille en tant qu’institution n’est appréhendée en droit anglais
qu’à travers le prisme des individus qui la compose, lorsqu’en France elle constitue une
entité qu’il convient de protéger.

2- Les instruments non créateurs d’un lien de parenté

259. Un dispositif de soutien à la parentalité. En l’état actuel du droit, un tiers peut


se voir attribuer la responsabilité parentale d’un enfant qui n’est pas sien. Il s’agit
d’entorses au principe de coparentalité, tolérées dans l’intérêt de l’enfant. Lorsque les
parents sont à des degrés divers défaillants, le recours à une délégation de l’autorité
parentale (volontaire ou forcée) ou un simple partage de celle-ci permet d’assurer la
continuité de la prise en charge. En cas de carence parentale durable, les parents peuvent
être déclarés inaptes à exercer leurs prérogatives parentales. Cette situation commande
alors la mise sous tutelle de l’enfant. Selon l’importance de la carence, le recours à un

1
F. NIBOYET, L’ordre public familial, Paris, LGDJ, 2008.
2
J. COMMAILLE, art. precit., p. 9.
3
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, Paris, LGDJ, 2013, p. 11.
4
Ibidem., p. 11.

236
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

dispositif d’aide à la parentalité peut être sollicité par les parents eux-mêmes (α) ou par les
tiers1 (β).

α) Le recours au dispositif d’aide à la parentalité par les parents

260. Le mécanisme de la délégation de l’autorité parentale. Les articles 376 à


377-3 tels qu’issus de la loi de 1970 présentaient la délégation de l’autorité parentale
comme une réponse à des situations exceptionnelles où un parent titulaire de l’autorité
parentale ne pouvait plus assurer ses prérogatives parentales. Lorsque tel était le cas,
l’intérêt de l’enfant exigeait de substituer au titulaire de l’autorité parentale une autre
personne. Dans ce contexte dérogatoire à l’indisponibilité de l’autorité parentale, l’article
376-1 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à 1970) disposait néanmoins qu’ « un
tribunal peut, quand il est appelé à statuer sur la garde ou l’éducation d’un enfant mineur,
avoir égard aux pactes que les père et mère ont pu librement conclure entre eux à ce sujet,
à moins que l’un d’eux ne justifie de motifs graves qui l’autoriseraient à révoquer son
consentement ». De tels pactes n’étaient pas rares en pratique et présentaient de nombreux
avantages2. Pour autant, la conception dominante de l’autorité parentale à l’époque voyait
l’autorité parentale comme un droit indisponible, ce que traduit la décision du Tribunal de
grande instance de Riom3 pour qui « la renonciation de la mère à l’exercice de son droit
de visite ne peut, en conséquence, être consacré par un tribunal, étant contraire à l’ordre
public et à l’intérêt de l’enfant ». Une conception restrictive de la délégation de l’autorité
parentale était de mise, cette rigueur jurisprudentielle conduisant les juges à refuser de tels
accords bien qu’ils soient, dans certains cas, conformes à l’intérêt de l’enfant. En réponse à
ces difficultés, la loi du 4 mars 2002 assouplit le régime juridique de la délégation
volontaire et atténue l’idée de renonciation des parents à l’exercice de leur autorité
parentale. Désormais perçue comme un droit-fonction tourné vers l’intérêt de l’enfant, le
changement d’idées aboutit à la mise en place de règles parentales modernisées.
261. La délégation assouplie. Si les circonstances doivent exiger la délégation, sa
mise en œuvre a été sensiblement assouplie par la loi du 4 mars 2002. Ainsi en est-il de la
condition tenant à la limite d’âge 4 au-delà de laquelle il ne peut être procédé à une
délégation. Celle-ci est désormais permise quel que soit l’âge du mineur. La remise
obligatoire de l’enfant au tiers délégataire figurant autrefois au nombre des conditions5,

1
V. en cas de carence entraînant l’adoptabilité de l’enfant : F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les chemins de
l’adoptabilité », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 483-502.
2
Notamment une meilleure acceptation de la décision du juge, dont le couple était l’acteur, ainsi qu’un climat de
rupture moins conflictuel.
3
TGI Riom, 27 sept. 1967.
4
La loi n° 74-631 du 5 juillet 1974 ayant abaissé l’âge de la majorité, elle modifia en conséquence l’article 377
du Code civil et permet la délégation pour les enfants âgés de seize ans au plus.
5
Au sein d’une famille recomposée par exemple, cette exigence de droit se trouvait en contradiction avec la
situation de fait caractérisée par la vie commune de l’enfant et de son beau-parent.

237
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

elle n’est plus obligatoire à partir du moment où « les circonstances l’exigent ». Désormais,
un parent peut continuer à élever son enfant tout en bénéficiant de l’aide d’un tiers à qui
sont déléguées certaines prérogatives parentales. Les termes de « particulier digne
de confiance » sont élargis au profit de « tiers, membre de la famille » et de « proche digne
de confiance ». L’ouverture de la délégation à des tiers non parents est un des traits de la
nouvelle physionomie de la délégation. Toutefois, le tiers évoqué à l’époque était
essentiellement un membre de la famille ; s’il ne l’était pas, il s’agissait d’un proche digne
de confiance. Particulièrement adaptée au profit d’un beau-parent ou d’un grand-parent, la
nouvelle rédaction issue de la loi de 2002 ouvre l’enfant à d’autres personnes que ses
parents. Afin de permettre la délégation, les deux parents étaient appelés à l’instance,
afin qu’ils aient tous les deux l’occasion de donner leur avis sur la mesure de délégation
pouvant être demandée par l’un d’eux seulement. Si la délégation procède au transfert de
l’exercice de l’autorité parentale au profit du délégataire, seuls certains droits1 sont
transférés lorsque celle-ci est partielle. À l’inverse, lorsqu’elle est totale, tous les droits
sont transmis, à l’exception de celui de consentir à l’adoption du mineur, qui ne peut
jamais être délégué2. En application de l’article 377-2, la délégation peut toujours prendre
fin ou être transférée « s’il est justifié de circonstances nouvelles ». Il revient dès lors au
juge de décider si « les circonstances exigent » la délégation, ce qui lui laisse une marge
d’appréciation non négligeable.
262. Le partage de l’exercice de l’autorité parentale. Le rapport de Madame
VERSINI préconisait dans sa 5ème proposition de consacrer un droit de l’enfant au maintien
des relations personnelles avec le tiers qui a partagé sa vie quotidienne et avec qui il a noué
des liens affectifs étroits. Dans le même ordre d’idée, le rapport Filiation, origines
parentalité présidé par Madame le professeur THERY propose un réaménagement des
règles relatives à la délégation vers plus de souplesse. La proposition de loi portant réforme
de l’Autorité parentale et l’intérêt de l’enfant (APIE), adoptée en première lecture par
l’assemblée nationale, prévoit aux articles 13 à 15 une nette distinction entre la délégation
et le partage de l’autorité parentale3, la rédaction actuelle des articles 376 à 377-3 du Code
civil ne les distinguant pas clairement. À cette fin, l’article 377-1 du Code civil promis à
révision4 par la proposition de loi ouvre la possibilité de partager entre les parents et le tiers
délégataire, tout ou partie de l’exercice de l’autorité parentale « pour les besoins

1
Comme celui de garde et de surveillance.
2
Article 377-3 du Code civil.
3
V. infra, n° 456.
4
Selon la proposition de loi, l’article 377-1 sera le premier article (377) issu du paragraphe 2 relatif au « partage
de l’exercice de l’autorité parentale ». Si la proposition de loi est adoptée, le partage de tout ou partie de
l’autorité parentale sera soumis à convention homologuée par le juge. Dans tous les cas le juge homologue la
convention, sauf si celle-ci ne préserve pas suffisamment l’intérêt de l’enfant. Le partage nécessite l’accord des
parents, mais un parent qui exerce seul l’autorité parentale peut saisir le juge. L’avis de l’autre parent est requis.
L’article 377-1 met fin au partage par l’homologation d’une nouvelle convention, par jugement en cas de
désaccord, à la demande du tiers ou d’un des parents. Si la demande émane d’un des parents, le juge y fait droit,
sauf circonstances exceptionnelles.

238
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’éducation de l’enfant ». La limitation de l’objet de la délégation a pour but d’éviter un


démembrement de l’autorité parentale selon la convenance des parents. Lorsque tous deux
exercent l’autorité parentale, ils doivent être d’accord avec le partage. Il aurait été
incohérent d’autoriser un partage de l’autorité parentale avec un tiers -beau-parent ou non-
sans l’accord de l’autre parent, alors même que l’un des objectifs de la loi de 2002 était
d’assurer une véritable coparentalité. Dans le cadre du partage de l’autorité parentale, les
actes usuels accomplis par les parents et le tiers délégataire sont présumés être
accomplis avec l’accord de chaque partie conformément à l’article 372-2 du Code civil. En
cas de difficulté, le juge aux affaires familiales peut être saisi par les parents, le tiers
délégataire ou le ministère public. La décision du juge tiendra compte de la
pratique antérieurement suivie, des sentiments de l’enfant, de la capacité des parties
à respecter les droits de l’autre, des résultats des expertises éventuellement effectuées
lesquelles doivent notamment tenir compte de l’âge de l’enfant et des renseignements
recueillis lors de l’enquête sociale1. Si l’application de l’article 377-1 du Code civil ne
permet qu’un partage de l’exercice de l’autorité parentale « pour les besoins d’éducation de
l’enfant », son application est plus aisée que celle de l’article 377 du même Code, lequel
permet une délégation de l’exercice de l’autorité parentale « lorsque les
circonstances l’exigent ». Le plus souvent, l’ouverture d’une délégation de l’autorité
parentale lorsque les circonstances l’exigent conduit les juges à apprécier l’opportunité de
cette mesure et en quoi les circonstances alléguées exigent cette ouverture. Toujours est-il
que le recours à la délégation d’autorité parentale semble relativement peu utilisé, sans
doute en raison de la lourdeur de la procédure, voire de sa méconnaissance.
263. L’admission de la délégation-partage au profit des familles
homoparentales. Bien que ce cas de figure ne concerne pas le beau-parent stricto sensu, le
contentieux relatif à la question homoparentale a largement contribué à façonner la
délégation-partage, ce qui ne peut être sans conséquences pour le beau-parent. Ce
mécanisme a largement permis la reconnaissance au profit du partenaire homosexuel d’un
rôle parental fondamental, ayant débouché sur une meilleure acceptation en droit de
l’homoparentalité. Ainsi, plusieurs demandes ont été formulées par des couples
homosexuels pour permettre au partenaire du parent d’obtenir l’exercice de l’autorité
parentale2. Un premier jugement du TGI de Paris3 a permis à un couple de femmes, dont
l’une d’elle avait eu recours à une insémination artificielle à l’étranger, d’adopter les
enfants de l’une par l’autre. Une fois l’adoption prononcée, celle-ci privait la mère

1
Art. 373-2-11 C. civ.
2
Pour une approche comparative, V. H. BOSSE-PLATIERE, « PACS et autorité parentale », in Des concubinages :
droit interne, droit international, droit comparé, Études offertes à Jacqueline RUBBELIN-DEVICHI, Paris, Litec,
2002, pp. 193-211.
3
TGI Paris, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361, obs. F. CHÉNÉDÉ ; RTD civ., 2005, p. 116, obs. J. HAUSER, Rev.
dr. fam., 2005, n° 4, obs. P. MURAT. V. avant : TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, somm. p. 655, obs.
C. DESNOYER, et p. 1941, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ., 2002, 84, obs. J. HAUSER ; Rev. dr. fam., 2001,
n° 116, obs. P. MURAT.

239
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

d’origine de tous les droits d’autorité parentale. C’est pourquoi une demande de délégation
parentale a été ensuite déposée par le couple afin que la mère d’origine puisse exercer de
nouveau les prérogatives parentales sur l’enfant. Le tribunal fait alors droit à la demande,
« considérant que le dessein n’a pas été de contourner l’esprit des textes pour légaliser une
situation de fait », et que « la demande est conforme à l’intérêt de l’enfant ». Une telle
solution a été consacrée par la Cour de cassation dans un arrêt du 24 février 20061. Dans
une autre espèce, un couple de femmes élevant deux fillettes dont la filiation paternelle
n’était pas établie souhaitait exercer ensemble l’autorité parentale. Les juges ont considéré
qu’il s’agissait là d’un « problème de société dépassant largement le cadre juridique et
intéressant les rapports entre le législateur et le juge : l’article 377 alinéa premier du Code
civil issu de la loi du 4 mars 2002, a en effet été conçu afin de favoriser une meilleure
gestion du quotidien de l’enfant, en offrant aux pères et mères divorcés ou séparés le
concours d’un tiers, soit dans le cas de difficultés passagères, soit dans celui d’une
recomposition de la famille, mais n’a pas été envisagé pour les couples homosexuels,
qu’ils se forment à la suite d’un divorce ou d’une séparation ou encore dès “l’origine” »2.
La Cour de cassation a donc décidé que « l’article 377 alinéa premier du Code civil ne
s’oppose pas à ce qu’une mère seule titulaire de l’autorité parentale en délègue tout ou
partie de l’exercice à la femme avec laquelle elle vit en union stable et continue, dès lors
que les circonstances l’exigent et que la mesure est conforme à l’intérêt supérieur de
l’enfant ». Elle a jugé que la Cour d’appel avait pu décider que cette délégation-partage
était dans l’intérêt des enfants, les juges du fond ayant relevé que « l’union des deux
femmes était stable et continue, que les enfants étaient décrites comme étant épanouies,
équilibrées et heureuses, et que l’absence de filiation paternelle laissait craindre qu’en cas
d’évènement accidentel plaçant la mère dans l’incapacité d’exprimer sa volonté, sa
compagne ne se heurtât à une impossibilité juridique de tenir le rôle éducatif qu’elle avait
toujours eu aux yeux des enfants ». La référence à ces éléments de fait semble constituer
un ensemble de critères à prendre en compte pour toutes les délégations de l’autorité
parentale, notamment émanant d’un beau-parent. Pour obtenir le partage de l’autorité
parentale avec le parent de l’enfant, il suffirait que ce dernier démontre l’effectivité du rôle
éducatif joué auprès de l’enfant et la nécessité de le consacrer juridiquement afin de
continuer à l’assurer en cas d’impossibilité pour l’autre parent d’assurer son propre rôle.
Dans ces conditions, la délégation-partage pourra être considérée conforme à l’intérêt de
l’enfant.
264. Une appréciation judiciaire variable des « circonstances exceptionnelles ».
Si la condition liée à l’existence de « circonstances exceptionnelles » demeurait le principe

1
Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, n° 04-17.090, Bull. civ., I, n° 101 ; D., 2006, juris. 897, note D. VIGNEAU; ibid.
pan. 1148, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, et 1421, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU ; ibid. IR. 670, obs.
GALLMEISTER ; ibid., Point de vue, 876, H. FULCHIRON ; RTD civ., 2006, 297, obs. J. HAUSER ; AJ fam., 2006,
159, obs. F. CHENEDE, Rev. dr. fam., 2006, n° 89, note P. MURAT ; RJPF, 2006, n° 4, 32, obs. MULON ; Rev. dr.
sanit. soc., 2006, 578, note C. NEIRINCK ; JCP, G, 2006, I, 199, obs. REBOURG.
2
Bull. civ., I, 2006, n° 101.

240
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

posé par l’arrêt de 2006, elle a depuis été reprise de façon largement favorable par les juges
du fond1. Bien qu’elle ait pu être appréciée de façon plus souple dans le cadre des
recompositions2, d’autres juges ont à l’inverse insisté sur cette exigence3. Ce manque
d’homogénéité de la jurisprudence est regrettable car elle limite l’usage de la délégation-
partage dans les familles recomposées et ne permet pas une lisibilité des solutions. Une
lecture trop rigide méconnaît l’esprit du texte et constitue une limitation importante pour
les familles recomposées. Une appréciation combinant à la fois l’intérêt de l’enfant ainsi
que le critère lié à la stabilité du couple permettrait au juge d’apprécier l’opportunité d’une
telle délégation.

β) Le recours au dispositif d’aide à la parentalité par les tiers

265. La possibilité de confier l’enfant à un tiers. Après la séparation des parents, le


juge aux affaires familiales peut « dans des circonstances exceptionnelles (…) décider, du
vivant même des parents, qu’en cas de décès de celui d’entre eux qui exerce cette autorité,
l’enfant n’est pas confié au survivant. Il peut, dans ce cas, désigner la personne à laquelle
l’enfant est provisoirement confié »4. Depuis la loi du 4 juin 1970, il s’agit d’une forme de
dérogation à l’article 373-1 du Code civil selon lequel « si l’un des père et mère décède ou
se trouve privé de l’exercice de l’autorité parentale, l’autre exerce seul cette autorité ». Si
la disposition semble malvenue lorsque le parent survivant a maintenu de réels liens avec
son enfant, elle peut se révéler appropriée lorsque dans les faits, les relations entre l’enfant
et son parent se sont relâchées. Il serait donc plus opportun de confier l’enfant à celui qui a
effectivement veillé à son éducation. Lorsque le conflit entre les parents est d’une gravité
particulière, il est préférable de confier l’enfant à un tiers pour le préserver. Forte du
principe de coparentalité, la loi du 4 mars 2002 prévoit que cette mesure ne peut être faite
que dans des « circonstances exceptionnelles ». Elle étend également les dispositions de cet
article à toutes les situations de parents séparés, alors qu’elles étaient auparavant réservées
aux enfants dont les parents avaient divorcé. La nouvelle lecture de l’article 373-3 en fait
alors un outil parfaitement adapté pour les familles recomposées, car l’intérêt de l’enfant

1
V. par ex. TGI Lille, ord. JAF, 11 déc. 2007, D., 2008, AJ. fam., 292.
2
Cf. C. MECARY, « Délégation-partage de l’autorité parentale au sein d’un couple homosexuel : évolution
jurisprudentielle », AJ fam., 2011, 604. Les juges ont pu estimer que la prise en charge quotidienne de l’enfant
par deux partenaires vivant ensemble révélait l’existence d’une vie de famille, caractérisant l’existence de
circonstances exceptionnelles. TGI Paris, 28 mars 2008, AJ fam., 2008, 249, obs. F. CHENEDE ; TGI Grenoble,
28 janv. 2008, AJ fam., 2008, 476, obs. F. CHENEDE ; D., 2009, 773, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS. L’absence
de filiation paternelle a également permis de caractériser ces circonstances : TGI Paris, 23 sept. 2011, RG
n° 11/35995 et n° 11/35997 ; TGI Paris, 20 oct. 2011, RG n° 11/11743 et n° 11/04042. Et il n’était plus
nécessaire de démontrer l’indisponibilité de la mère : TGI Paris, 21 sept. 2012, RG n° 11/44249.
3
Un tel partage pour les actes usuels entre la mère de l’enfant et sa compagne a pu être prononcé, la mère étant
« atteinte d’un diabète insulino-dépendant nécessitant parfois des hospitalisation longues » : CA Lyon, 2ème chb.
civ., 24 janv. 2006, JCP, G, IV, 2006, 2655, Y. REINHARD et R. BESNARD GOUDET. Il a en revanche été refusé
car les circonstances ne l’exigeaient pas : Cass. civ. 1ère, 8 juil. 2010, n° 09-12.623.
4
Art. 373-3 al. 3, C. civ.

241
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

qui a longtemps vécu avec le tiers beau-parent peut commander de le confier à ce dernier
plutôt qu’au parent survivant.
266. Appréciation judiciaire de la remise de l’enfant au tiers. En 1970, il n’était
nul besoin de démontrer l’existence de circonstances exceptionnelles. Le requérant
souhaitant confier l’enfant à un tiers sur le fondement de ce texte devait démontrer en quoi
la dévolution de l’exercice de l’autorité parentale au parent survivant était contraire à
l’intérêt de l’enfant. Il pouvait notamment être démontré le traumatisme lié au changement
de son cadre de vie, ce qui était favorablement accueilli par la jurisprudence1. Selon une
décision de la Cour d’appel de Bordeaux2, « le simple fait que les enfants disposeraient
avec le nouveau mari de leur mère d’un père de substitution disposé à se les voir confier et
que la fratrie se serait élargie par des enfants de ce nouveau lit constitue un cas de figure
désormais beaucoup trop courant pour constituer des circonstances exceptionnelles ».
Selon cet arrêt, la multiplication des familles recomposées ne constitue plus une
circonstance exceptionnelle permettant au décès du parent légal de confier l’enfant à son
beau-parent sur le fondement de ce texte. Dans un autre arrêt du 3 mai 2005, la Cour
d’appel de Riom confirme une ordonnance du juge aux affaires familiales ayant fixé la
résidence habituelle de deux enfants chez leur ancienne belle-mère3. Dans cette décision,
ce sont les « liens profonds » et non « les circonstances exceptionnelles » qui justifient de
confier les enfants à leur belle-mère. Un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2009 4
semble aller dans le même sens. L’ambivalence de la jurisprudence entre l’intérêt de
l’enfant d’une part à conserver son cadre de vie habituel et l’exigence de circonstances
exceptionnelles ne permettait pas, au demeurant, de savoir dans quelles situations le beau-
parent pouvait prendre en charge l’enfant. Il revenait au juge, selon les circonstances de
l’espèce, de déterminer s’il était de l’intérêt de l’enfant d’être confié ou non à son beau-
parent.
267. La révision projetée de l’article 373-3 du Code civil. Aujourd’hui, ce texte
pourrait faire l’objet d’une modification issue de la proposition de loi APIE. L’alinéa 2 de
cet article prévoit « à titre exceptionnel, et si l’intérêt de l’enfant l’exige, notamment
lorsqu’un des parents est privé de l’exercice de l’autorité parentale » que le juge confie
« l’enfant à un tiers, choisi de préférence dans sa parenté ». Or, la proposition de loi prévoit
de remplacer « dans sa parenté » par « parent ou non », conformément au vœu des
1
T. civ. Fontainebleau, 17 fév. 1933, RTD civ., 1933, 456, G. LAGARDE ; CA Paris, 15 mai 1991, Juris-Data
n° 022067 ; CA Nancy, 30 sept. 1991, Juris-Data n° 052441 ; Cass. civ. 1ère, 9 juil. 1975, Bull. civ., I, n° 231.
2
CA Bordeaux, 8 mars 2005, Juris-Data n° 2005-270231, JCP, IV, 2005, 3038.
3
À la séparation de la famille recomposée, la mère des enfants demande que la résidence des enfants soit fixée
chez elle. Cependant, celle-ci vivait au sein de la communauté des frères de Plymouth, la belle-mère et le père
s’opposant à cette demande. À la suite d’une enquête sociale, et au souhait profond des enfants de continuer à
vivre auprès de leur ex-belle mère et leurs demi-sœurs, la Cour confirme le jugement entrepris.
4
Cass. civ. 1ère, 25 fév. 2009, n° 07-14.849, AJ fam., 171, note I. GALLMEISTER: le principe du maintien des liens
justifie qu’un homme, croyant être le père de l’enfant et l’ayant reconnu, peut lui être confié une fois la
reconnaissance de paternité annulée. Il était de l’intérêt de l’enfant de demeurer auprès de celui qui l’avait élevé
et traité comme son propre enfant.

242
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

promoteurs du rapport Filiation, Origines, Parentalité1. Il sera donc plus aisé pour les
juges de décider de confier l’enfant à un tiers, notamment le beau-parent. Après la
séparation des parents, le juge pourrait décider du vivant de l’un d’eux que l’enfant, au lieu
d’être confié au survivant -selon la dévolution prévue à l’article 373-1 du Code civil- est
confié à un tiers. La proposition de loi élargit donc le cercle des personnes auxquelles
l’enfant peut être confié, en associant des tiers choisis en dehors de sa parenté si son intérêt
le commande2. La proposition de loi n’ayant pas été adoptée, l’association du tiers dans la
prise en charge de l’enfant semble s’opérer par d’autres voies. En effet, la loi relative à la
protection de l’enfance3 introduit un article L. 221-2-1 dans le Code de l’action sociale et
des familles qui prévoit, lorsque l’enfant est pris en charge par le service de l’aide sociale à
l’enfance sur un autre fondement que l’assistance éducative, « le président du conseil
départemental peut décider, si tel est l’intérêt de l’enfant et après évaluation de la situation,
de le confier à un tiers, dans le cadre d’un accueil durable et bénévole ». Cette nouvelle
disposition témoigne de la prise en compte du tiers dans la vie de l’enfant, et peut s’avérer
être une alternative lorsque le beau-parent a vécu auprès de l’enfant. Dans le prolongement
de cette mesure, il est prévu qu’au moins chaque année (ou tous les six mois pour les
enfants âgés de moins de deux ans), un rapport pluridisciplinaire du service de l’aide
sociale vérifiera la bonne mise en œuvre et l’adéquation du projet pour l’enfant, dont
l’objet est de faire le point sur sa « santé physique et psychique (…) son développement,
sa scolarité, sa vie sociale et ses relations avec sa famille »4, mais aussi les tiers intervenant
dans sa vie.
268. La désignation d’un tuteur testamentaire. Un parent qui exerce seul l’autorité
parentale (suite au décès de l’autre parent ou pour tout autre motif) a « le droit individuel
de choisir un tuteur, parent ou non » en application de l’article 403 du Code civil. Cette
nomination doit être faite par testament ou dans une déclaration spéciale devant notaire 5.
Le parent a donc la possibilité de désigner son conjoint ou son compagnon comme tuteur
de ses enfants, sans intervention de juge. Présentant de nombreux avantages, la tutelle
testamentaire est pourtant peu utilisée. Lorsque le dernier vivant des père et mère n’avait
pas procédé à un tel choix avant l’entrée en vigueur de la loi du 5 mars 2007, la tutelle de
l’enfant revenait « à celui des ascendants qui est du degré le plus rapproché »6, c’est-à-
dire le plus souvent, à un grand-parent7. Une partie de la doctrine préconisait déjà, lorsque

1
Rapp. precit., p. 299.
2
Art. 11 de la proposition de loi.
3
L. n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfance, J.O, 15 mars 2016.
4
Art. 223-5 al. 2 du Code de l’action sociale et des familles, modifié par l’article 28 de la loi.
5
Art. 403 al. 2 du Code civil.
6
Art. 402 ancien du Code.
7
La jurisprudence a néanmoins reconnu que l’application de la règle de désignation automatique du tuteur
n’empêchait pas de confier l’éducation de l’enfant à un tiers. Ainsi, en l’absence de choix d’un tuteur par le père
défunt, la Cour de cassation dans une décision du 17 janvier 1995 a annulé une décision qui partageait la
responsabilité d’un enfant entre son grand-père pour la tutelle aux biens et la compagne de son père (qui était le

243
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

l’intérêt de l’enfant le commandait, la désignation d’un tiers autre que les


ascendants1. Ainsi, Madame le professeur GOUTTENOIRE considère qu’« en cas de décès
brutal, il serait peut-être judicieux d’envisager le beau-parent comme tuteur privilégié et de
permettre au juge de le désigner comme dévolutaire de la tutelle légale de préférence aux
grands-parents ». Plus réservée, Madame Edwige ANTIER met en avant « l’importance pour
un enfant de connaître sa filiation et de cultiver ses acquis transgénérationnels ». Elle
considère que revenir sur l’automaticité de l’attribution de la tutelle aux grands-parents
reviendrait à « abolir ces efforts (...) à l’heure où tant de personnes âgées meurent isolées et
où tant d’enfants manquent de racines ». Le rapport présidé par Monsieur BLOCHE et
Madame PECRESSE privilégiait une solution médiane. Sans revenir sur le principe de
l’octroi de la tutelle à un ascendant, le Conseil de famille présidé par le juge des tutelles
pourrait déroger à cette désignation au profit d’un tiers qui aurait participé à son éducation.
Cette solution présenterait notamment l’avantage d’éviter la prise en charge par des
ascendants trop âgés d’un très jeune enfant, particulièrement lorsque ce dernier entretient
déjà des liens étroits avec son beau-parent. La solution serait même à privilégier lorsque
l’enfant a vécu pendant plusieurs années avec le beau-parent qui continue à élever les
demi-frères et demi-sœurs. La prise en charge matérielle de l’enfant coïnciderait aussi avec
la personne qui assure sa tutelle, en évitant la fragmentation de l’exercice de l’autorité
parentale. Entrée en vigueur le 1er janvier 2009, la loi du 5 mars 2007 prévoit désormais
que s’ « il n’y a pas de tuteur testamentaire ou si celui qui a été désigné en cette qualité
vient à cesser ses fonction, le conseil de famille désigne un tuteur au mineur ». La
nomination du tuteur par le conseil de famille permet ainsi une approche favorable au
beau-parent.
269. La délégation imposée aux parents. Les père et mère peuvent se voir
retirer totalement ou partiellement l’autorité parentale dans plusieurs cas de
figure : lorsqu’ils sont condamnés soit comme auteurs, coauteurs ou complices d’un
crime ou délit commis sur la personne de leur enfant, soit comme coauteurs ou complices
d’un crime ou délit commis par leur enfant 2. En dehors de toute condamnation pénale, ils
le sont encore lorsqu’ils mettent manifestement en danger la sécurité, la santé ou la
moralité de l’enfant, soit par de mauvais traitements, soit par une consommation habituelle

dernier mourant des parents) pour la tutelle à la personne, afin de confier l’intégralité de la tutelle à son grand-
père, mais a maintenu le choix de la juridiction inférieure consistant à confier son éducation à sa mère
sociale. Dans le même sens, la désignation d’un tuteur ne pouvant être faite que sous la forme d’un testament ou
d’une déclaration spéciale devant notaire, la Cour de cassation avait décidé qu’une personne désignée comme
tuteur par la mère sans le respect de ces formes ne pouvait être nommée tuteur et que cette mission devait être
confiée au grand-père de l’enfant. En revanche, elle a accepté que, conformément à la volonté de la mère et dans
l’intérêt de l’enfant, l’éducation de celui-ci soit confiée au tiers qu’elle avait désigné.
1
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui, rapp. precit., p. 218.
2
Art. 378 du Code civil. Depuis l’adoption de la loi relative à la protection de l’enfance le 14 janvier 2016, et en
application de l’article 379, la juridiction amenée à se prononcer sur le retrait de l’autorité parentale doit
également se prononcer sur le retrait de celle-ci à l’égard des autres enfants mineurs déjà nés au moment du
jugement (art. 379 al. 1).

244
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

et excessive de boissons alcooliques ou un usage de stupéfiants, soit par une inconduite


notoire ou des comportements délictueux1, soit encore par un défaut de soins ou un
manque de direction. Enfin, lorsqu’une mesure d’assistance éducative a été prise à l’égard
de l’enfant et que pendant plus de deux ans, les parents se sont volontairement abstenus
d’exercer les droits et de remplir les devoirs qu’ils avaient, le retrait de l’autorité parentale
peut être prononcé2. Les cas de délégation forcée ne constituent pas une sanction, mais ont
pour objet de conférer des prérogatives au tiers lorsque l’intérêt de l’enfant le commande,
voire lorsque le(s) parent(s) renonce(nt) ou sont incapables de s’en occuper. Il ne s’agit
nullement d’une délégation définitive, la place de l’enfant étant auprès de ses parents. En
prononçant le retrait total ou partiel de l’autorité parentale, le tribunal confie l’enfant à
l’assistance sociale éducative ou désigne un tiers auquel l’enfant est provisoirement
confié3. À cet égard, l’article 38 de la loi relative à la protection de l’enfance 4 a procédé à
la modification de l’article 377 du Code civil. En cas de désintérêt manifeste des parents à
l’égard de l’enfant, le nouvel alinéa 3 de ce texte dispose que « le juge peut également être
saisi par le ministère public, avec l’accord du tiers candidat à la délégation totale ou
partielle de l’exercice de l’autorité parentale, à l’effet de statuer sur ladite délégation. Le
cas échéant, le ministère public est informé par transmission de la copie du dossier par le
juge des enfants ou par avis de ce dernier ». C’est là incontestablement une disposition en
faveur du tiers qui souhaiterait se voire confier l’enfant. Dans le cadre d’une délégation
partielle, le tiers se voit transférer certains droits -tels le droit de garde, le droit à la
surveillance et l’accomplissement des actes usuels- tout en maintenant au profit des parents
les droits parentaux relatifs à l’éducation et à la santé de leur enfant. En revanche, lorsqu’il
s’agit d’une délégation totale, l’exercice de l’ensemble des droits de l’autorité parentale est
transféré au tiers, à l’exception du droit de consentir à l’adoption de l’enfant. Si les parents
justifient de circonstances nouvelles, ces derniers peuvent demander par voie de requête au
juge aux affaires familiales la restitution de leurs droits. L’ancien délégataire peut, lorsque
les parents sont réinvestis de l’intégralité de leur autorité parentale, se voir accorder un
droit de visite et d’hébergement.
Le tiers peut également requérir l’organisation d’une tutelle. Mais de la même manière, les
parents disposent d’une action en restitution de leurs droits en cas de circonstances
nouvelles5. Dans ce contexte, le rapport de Madame le professeur GOUTTENOIRE1 préconise

1
Art. 378-1 al. 1 du Code civil.
2
Art. 378-1 al. 2 du Code civil.
3
Cf. Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, n° 14-16.425. Dans cet arrêt, un enfant victime de violences de la part de ses
parents a été admis en qualité de pupille de l’état. Sa grand-mère maternelle forme un recours en annulation de
l’arrêté, demandant une délégation de l’autorité parentale et l’hébergement de l’enfant. Ses demandes ainsi que
son pourvoi en cassation ont été rejetées. Pour la Cour de cassation, la qualité de grand-mère maternelle, en
l’absence de l’existence de liens avec l’enfant dès la maissance, ne suffisait pas à justifier la délégation de
l’autorité parentale à son profit. Cf. M. DOUCHY-OUDOT, chron. contentieux fam., D., 2016, p. 674.
4
L. n° 2016-297 du 14 janvier 2016 relative à la protection de l’enfance, J.O, 15 mars 2016.
5
Article 381 du Code civil.

245
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

de prendre en compte le rôle du tiers lié à l’enfant protégé, notamment lorsque le retour de
l’enfant au sein de sa famille est improbable.
270. La mesure d’assistance éducative ordonnée par le juge. Dans le cadre d’une
mesure d’assistance éducative, s’il est nécessaire de retirer l’enfant de son milieu actuel 2,
le juge des enfants peut décider de confier l’enfant à l’autre parent, à un autre membre de
la famille ou à un tiers digne de confiance3. Il peut également le confier à un service ou
à un établissement sanitaire ou d’éducation ou au service de l’aide sociale à l’enfance4.
Le juge des enfants reste maître du choix du placement et peut rejeter la demande 5 d’un
tiers qui souhaite se voir confier l’enfant si cela ne semble pas conforme à son intérêt. La
catégorie du « tiers digne de confiance » visée par le texte s’entend très largement, ce
dernier ne devant justifier d’aucune qualité particulière dès lors que la mesure répond à
l’exigence de conformité à l’intérêt de l’enfant. Lorsqu’il est confié à un service, c’est à
celui-ci que revient la décision de déterminer le mode de placement de l’enfant (foyer ou
famille d’accueil) et le choix des parents nourriciers. Le juge des enfants peut cependant
donner des indications, notamment en demandant un placement proche du domicile des
parents ou l’absence de séparation de la fratrie. Lorsqu’il est confié à l’Aide sociale à
l’enfance, le juge des enfants peut imposer l’orientation du mineur en famille
d’accueil. Même en cas de placement de l’enfant par le juge, le principe demeure
l’exercice par les parents des prérogatives parentales non incompatibles avec la mesure.
Lorsque l’enfant est confié à un tiers, les parents ne disposent plus du droit de garde de
l’enfant, ni parfois de droit de contact ; ils conservent en revanche les autres prérogatives,
notamment celles liées aux actes graves. Le tiers peut accomplir les actes usuels
nécessaires relatifs à l’éducation ou à la surveillance de l’enfant.

1
A. GOUTTENOIRE, Quarante propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux réalités
d’aujourd’hui, rapp. precit. ; V. aussi A. GOUTTENOIRE, « Favoriser l’adoption simple de certains enfants
placés », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 514-522.
2
Art. 375-2 du Code civil.
3
Art. 375-3, 2° du Code civil. Voir les récentes recommandations du Défenseur des droits en faveur du tiers
digne de confiance, Lettre du Défenseur des Droits, décision MDE 2014-134 du 29 septembre 2014, n° 12, nov.
déc., pp. 13-14. Dans le cadre du placement d’un enfant en assistance éducative, le Défenseur des droits regrette
que la décision de confier celui-ci à un tiers digne de confiance -dans l’attente de sa réintégration au sein de sa
famille- est rarement envisagée en première solution, les JAF n’ayant recours à cette option que dans 6% des
placements. À l’occasion des évaluations de placement d’un enfant, le Défenseur des droits recommande qu’il
soit procédé, en amont du placement, à la recherche de « personnes dans l’entourage ou dans la famille,
susceptibles d’accueillir l’enfant et leurs capacités à en assumer sa protection et son éducation. Ces personnes
devraient être aidées, dès que nécessaire, dans les responsabilités éducatives qui leur sont confiées ». Ne faisant
actuellement l’objet d’aucun suivi, le Défenseur des droits recommande que ce placement fasse « l’objet d’un
suivi et d’un examen régulier afin de s’assurer du bon déroulement de la mesure, de l’évolution de la situation de
l’enfant et de la nécessité de la poursuite de la mesure d’assistance éducative ».
4
En ce sens, cf. la proposition de loi n° 2016-297 du 14 mars 2016, relative à la protection de l’enfant, J.O, 15
mars 2016.
5
Art. 375 du Code civil.

246
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

§2) La dimension patrimoniale liée à la recomposition familiale

271. La volonté individuelle au cœur de la relation beau-parentale. Centrale dans


la relation beau-parentale, la question de la transmission des biens n’est pourtant pas
légalement réglementée. Les dispositions du droit successoral concernent uniquement la
vocation successorale du conjoint survivant. Ni le partenaire, ni le concubin ne sont pris en
compte par le droit successoral. C’est dans ce contexte qu’est intervenue la loi du 23 juin
20061, dont l’objet est de proposer plusieurs procédés permettant la transmission des biens
au sein des familles recomposées (A). Le degré d’affection2 porté par le beau-parent pour
l’enfant constituera l’indicateur de choix dans la transmission patrimoniale. De la même
manière, l’absence légale d’une obligation alimentaire entre le beau-parent et l’enfant
reposera, une fois de plus, sur le pouvoir de la volonté du beau-parent (B).

A) La nécessité d’une stratégie patrimoniale adéquate

272. L’influence du choix de la structure conjugale. Lorsque la famille


recomposée est fondée sur le mariage, les mécanismes issus des règles du régime
matrimonial peuvent dans certains cas favoriser une transmission des biens du couple au
profit des enfants -communs ou non- (1). Lorsqu’elle n’est pas fondée sur le mariage, la
transmission des biens souffre de l’absence de règles successorales et d’une fiscalité des
donations peu avantageuses. C’est à ces difficultés que la loi du 23 juin 2006 tente de
remédier, par la mise en place d’outils favorisant la transmission patrimoniale au sein des
familles recomposées (2).

1- Le choix du régime matrimonial

273. Insuffisance des règles issues du droit successoral. En droit positif, le bel-
enfant ne constitue ni un héritier réservataire ni un héritier légal. L’article 735 du Code
civil3, bien qu’il prévoie l’égalité de tous les enfants pour venir à la succession de leurs
parents, vise expressément les enfants du défunt et non ses beaux-enfants. Pour qu’un bel-
enfant puisse prétendre à la succession de son beau-parent, un lien de sang entre eux est

1
Loi n° 2006-728 du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007, J.O, 26 juin 2006. Pour les
commentaires relatifs à cette loi, V. N. PETERKA, « Les retouches à la dévolution successorale, à propos de la loi
du 23 juin 2006 », Rev. dr. fam., 2007, étude 52 ; P. CATALA, « Le droit successoral, entre son passé et son
avenir », in Le monde du droit. Écrits rédigés en l’honneur de Jacques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 229-
240.
2
Il est d’ailleurs étonnant que l’on cherche à faire établir un lien vertical entre le beau-parent et l’enfant sur la
base du critère affectif alors que le lien horizontal unissant le beau-parent au parent est de plus en plus précaire et
sa dissolution facilitée par le législateur. Selon les statistiques, cette précarité touche encore plus les familles
recomposées ayant contracté mariage. Elle l’est davantage plus lorsque le couple n’est pas marié.
3
L’article dispose que « les enfants ou leurs descendants succèdent à leur père et mère ou autres ascendants, sans
distinction de sexe, ni de primogéniture, même s’ils sont issus d’unions différentes ».

247
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

nécessaire. Outre l’adoption simple1 qui permet de faire de l’adopté un successible au


même titre que les enfants de l’adoptant, la technique du testament, bien qu’envisageable,
présente l’inconvénient de ne permettre le legs qu’à concurrence de la quotité disponible
au profit des tiers non appelés à la succession2, et ne se révèle pas suffisamment
protectrice.
274. Les mécanismes issus du régime matrimonial : un choix déterminant. Il
semble toutefois que l’enfant non commun puisse hériter indirectement de son beau-parent.
Lorsqu’ils sont mariés, le beau-parent et son conjoint héritent l’un de l’autre. Si le conjoint
parent décède après le beau-parent, et toutes les fois où ce dernier aura de son vivant
gratifié son conjoint de libéralités -dans un régime séparatiste par exemple-, celles-ci
permettront à terme de venir enrichir la part successorale de l’enfant. Lorsque le couple est
soumis au régime de communauté légale, l’enfant hérite de son parent qui aura au
préalable hérité de son conjoint. Il peut alors trouver dans la succession de son auteur les
profits réalisés par son beau-parent, dès lors qu’ils auront enrichi la masse commune des
époux. Cet enrichissement sera d’autant plus important que la contribution du beau-parent
aura constitué la principale source de revenus de la famille, et que le régime matrimonial
ayant existé entre eux est celui de communauté universelle. Dans le cadre de ce régime, et
par « la stipulation d’une communauté universelle sans clause d’attribution intégrale au
survivant, un époux peut tenter de donner un substitut de vocation successorale aux enfants
de son conjoint, tout en évitant les obstacles civils et fiscaux liés aux libéralités »3. En
effet, au décès du premier des deux conjoints, les biens communs sont partagés par moitié
entre la succession du de cujus et le survivant d’entre eux. Si le beau-parent décède en
premier alors qu’il a contribué de façon importante à enrichir la communauté, le parent
survivant profite de cet enrichissement et peut choisir de le transmettre à ses enfants,
héritiers réservataires. L’enfant non commun peut alors recueillir la moitié des biens qui
composaient l’ancienne communauté. Si à l’inverse le parent décède en premier, l’absence
d’une clause d’attribution intégrale au profit du survivant permet à la moitié des biens de la
communauté de revenir à la succession du parent décédé afin que ses héritiers -enfants non

1
A. HOUIS, « L’adoption simple de l’enfant du conjoint. Comment l’avantager ? En le faisant sien ? », JCP, N,
1997, Prat. n° 4089, p. 919. Fiscalement, l’adoption simple de l’enfant du conjoint bénéficie d’un régime
particulier. Si l’article 786 du Code général des impôts dispose que « pour la perception des droits de mutation à
titre gratuit, il n’est pas tenu compte du lien de parenté résultant de l’adoption simple, l’article 786-1° de ce
même Code prévoit une exception à ce principe dans l’hypothèse où l’adoptant est le conjoint du parent de
l’enfant. L’enfant adopté est alors assimilé à l’enfant commun du couple, et bénéficie du régime fiscal des
mutations à titre gratuit en ligne directe (celui-ci peut varier de 5 à 45% en ligne directe). Cette situation exclut
donc l’hypothèse du beau-parent concubin qui adopte l’enfant de sa compagne. Le taux applicable aux droits de
mutation est celui prévu entre étrangers : 60%. Néanmoins, l’article 786-3° permet de façon restrictive à l’adopté
de bénéficier d’un tarif fiscal avantageux. Lorsque ce dernier a reçu des secours et des soins de l’adoptant
pendant cinq années durant sa minorité de façon ininterrompue, il peut parfois, bénéficier de la faveur d’un tel
régime.
2
Ajouté à cela que les legs ne s’exécutent qu’après les donations, dont celles consenties hors part successorale
ou à des tiers.
3
S. FERRE-ANDRE, « La communauté universelle et les enfants des époux », Defrénois, 1993, I, art. 35455,
p. 193.

248
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

communs- puissent les recueillir, l’autre moitié profitant au conjoint survivant, donc au
beau-parent. Dans l’un et l’autre cas, les enfants non communs ont vocation à recevoir une
part des biens de leur parent, ou bénéficier du profit généré grâce à leur beau-parent durant
la vie commune avec son conjoint. Encore faut-il que les époux aient opté pour un tel
régime, -ce qui est souvent le cas lorsque le beau-parent n’a pas de descendants-, et qu’il
soit expressément stipulé que la clause d’attribution intégrale n’opère pas de façon
bilatérale, en ne jouant que lorsque le conjoint survivant est le parent des enfants.
Lorsque le beau-parent a des enfants issus d’un premier lit, le régime de communauté
universelle peut encore favoriser une transmission égale au profit de chacun d’eux. Un
exemple en a été donné lors du Congrès des notaires de France 1 : deux époux veufs et
remariés sous le régime légal avaient des enfants communs et un enfant non commun issu
du premier mariage de l’épouse. Le mari disposait d’un patrimoine important -ce qui
n’était pas le cas de l’épouse- et la communauté n’était constituée que du logement
familial. Au décès de l’un d’eux, l’enfant non commun recueillait nécessairement une part
moindre que ses demi-frères et sœurs, ce que ni le couple ni les enfants ne souhaitaient.
L’adoption du régime de communauté universelle par le couple permit alors à l’enfant non
commun de profiter des biens de son beau-parent, en privilégiant un partage équitable des
biens du couple entre les enfants de la famille recomposée.
Bien qu’elles existent, ces solutions demeurent des procédés indirects d’enrichissement
effectués au profit du conjoint ayant partagé la vie du beau-parent. Elles ne permettent
pour autant pas de s’assurer de l’existence d’un patrimoine transmissible au profit des
enfants. Un enfant pourra espérer indirectement recueillir le profit réalisé par son beau-
parent lorsque celui-ci est décédé en premier, alors que cette possibilité lui sera fermée si
c’est son parent qui décède en premier2 et que le régime matrimonial des époux est le
régime légal. Outre qu’elle peut conduire à de fâcheux comportements, cette situation
créée de fortes inégalités dans la famille recomposée au sein de laquelle tous les enfants
auront été traités de manière égale du vivant du couple. Lorsque l’enfant commun du
couple a vocation à recueillir la part que la loi lui accorde en qualité d’héritier
réservataire3, l’enfant non commun ne pourra être appelé à la succession que lorsque son

1
Le statut matrimonial du Français, 75ème Congrès des Notaires de France, du 7 au 10 mai 1978, Paris,
Librairies techniques, 1978.
2
Sauf si le beau-parent survivant renonce à une partie des biens à laquelle il a droit afin qu’elle profite à l’enfant
non commun en vertu de l’article 1094-1 du Code civil. En vertu de cet article, « sauf stipulation contraire du
disposant, le conjoint survivant peut cantonner son émolument sur une partie des biens dont il a disposé en sa
faveur. Cette limitation ne peut être considérée comme une libéralité faite aux autres successibles ». Cette
possibilité constitue une dérogation au principe d’indivisibilité de l’option successorale, et présente l’avantage de
constituer une sorte de transmission du parent décédé par l’intermédiaire du conjoint survivant. Elle évite donc
de s’acquitter d’une imposition trop élevée au cas où elle serait considérée comme provenant directement du
beau-parent.
3
La part réservée à l’enfant commun issu du couple peut représenter la moitié des biens s’il est son seul
descendant, et le défunt ne peut l’en priver.

249
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

propre parent décède. Seul au demeurant, le régime de communauté universelle semble à


même de garantir une égalité entre les enfants issus de familles recomposées.
275. La transmission des biens du beau-parent par l’intermédiaire de son
conjoint. La transmission entre conjoints présente un intérêt certain. Non seulement ceux-
ci ont la faveur d’un régime fiscal leur permettant une transmission des biens dans des
conditions optimales, mais ils bénéficient aussi de la quotité disponible spéciale entre eux.
Lorsque le beau-parent n’a pas d’enfants, il peut décider de transmettre ses biens à son
conjoint qui les transmettra ensuite à ses enfants. L’absence de quotité disponible spéciale
entre les concubins ou partenaires exclut le recours à ce procédé, l’administration fiscale
les considérant comme des étrangers l’un à l’autre et leur applique le taux d’imposition
conséquent de 60%. Depuis 2007, la loi TEPA1 a accentué cette différence de régime. À
son décès, le beau-parent marié peut transmettre ses biens au conjoint survivant sans
jamais être imposé, alors que le beau-parent concubin sera toujours autant taxé par
l’administration fiscale. Le régime juridique du Pacs ayant peu à peu été aligné sur celui du
mariage, le beau-parent pacsé est fiscalement traité depuis 2007 de la même manière que le
beau-parent marié quant aux abattements et l’application des taux pour les donations entre
vifs2. De la même manière, la partenaire survivant est exonéré de droits de succession.
Lorsque le choix du régime matrimonial n’a pas été mûrement réfléchi, la volonté d’établir
une égalité entre les enfants du couple peut être contrariée. Il importe donc de remédier à
cette situation du vivant du couple. La transmission anticipée du patrimoine3 permettrait
d’atteindre un tel objectif.

2- La transmission anticipée du patrimoine

276. Les libéralités-partage avant 2006. Avant la loi du 23 juin 2006, les libéralités
partage permettaient aux parents de partager leurs biens de leur vivant entre les enfants.
L’article 1075 du Code civil4 ne visant que les « héritiers présomptifs », la disposition ne
s’adaptait pas aux familles recomposées. Les donations-partages conjonctives permettaient
aux parents de donner par acte unique leurs biens communs et leurs biens propres à leurs
enfants, sans distinction pour l’allotissement de chacun. Dans le contexte des
recompositions familiales, la question se posait de savoir si l’enfant non commun pouvait

1
Loi TEPA n° 2007-1223 du 21 août 2007, J.O, 22 août 2007, p. 13945.
2
Art. 796-0 bis du Code général des impôts pour la transmission par décès, 777 et 790 F pour les donations entre
vifs.
3
V. en ce sens : M. NICOD, « L’anticipation de la succession », JCP, N, 2006, n° 12, 1136 ; N. PETERKA, « Les
libéralités graduelles et résiduelles, entre rupture et continuité », D., 2006, 2580 ; S. OLIVIER, « La transmission
anticipée du patrimoine : aspects civils et fiscaux », JCP, N, 6 juil. 2012, n° 27, act. 691 ; F. LUZU, N. LE GALL,
« Transmettre dans les familles recomposées ou l’art du compromis », JCP, N, 29 juin 2012, n° 26, 1280 ;
V. ZALEWSKI-SICARD, « Familles recomposées et transmission », JCP, N, 10 mai 2013, n° 19, 1130.
4
« Toute personne peut faire, entre ses héritiers présomptifs, la distribution et le partage de ses biens et de ses
droits ».

250
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

se prévaloir de cette technique. Un arrêt du 14 octobre 19811 avait tenté de répondre à la


question, mais la solution posée par la Haute Cour avait néanmoins divisé la doctrine. Une
partie estimait que la Cour de cassation condamnait la donation-partage en présence
d’enfants de lits différents, les biens communs ne pouvant être transmis aux enfants non
communs. Pour d’autres à l’inverse, la donation-partage était possible à condition que
chaque enfant soit alloti des propres de son auteur ou des biens communs, mais jamais des
propres du conjoint. Les biens propres détenus par un époux ne pouvaient valablement être
transmis au profit de l’enfant non commun, au risque de porter atteinte aux règles du droit
de propriété. De plus, l’absence d’un lien de parenté entre le beau-parent et l’enfant ne
permettait pas de faire application de l’article 1075 du Code civil, l’enfant non commun
n’étant pas cet « héritier présomptif » exigé par le texte. C’est pourquoi l’acte de partage
ne pouvait, dans tous les cas, indistinctement porter sur l’ensemble des biens des deux
époux. L’exposé des motifs du projet de loi, préalable à son adoption en 2006, a d’ailleurs
insisté sur l’objectif de la réforme, à savoir « clarifier la situation en permettant à des
enfants issus d’unions différentes de participer à une même donation partage pour y
recevoir, de leur parent seulement, des biens personnels ou communs ». Favorable à cette
solution, la loi du 23 juin 2006 a été la traduction du principe de conservation des biens
dans la famille.
277. La donation-partage conjonctive2 issue de la loi de 2006. Instrument de
partage des biens du couple, cette forme particulière de donation n’a pas pour objet la
transmission directe des biens du beau-parent à l’enfant du conjoint. L’exposé des motifs
du projet de loi est sans ambiguïté sur ce point. Néanmoins, son but est de traduire sur le
plan patrimonial l’affection que chaque parent voue aux enfants de la famille recomposée.
La volonté individuelle est donc mise au cœur du dispositif de partage afin d’assurer
l’égalité des enfants. L’article 1076 du Code civil dispose qu’ « en cas de donation-partage
faite conjointement par deux époux, l’enfant non commun peut être alloti du chef de son
auteur en biens propres de celui-ci ou en biens communs, sans que le conjoint puisse
toutefois être co-donateur des biens communs ». L’article pose donc une double condition
pour procéder à une donation-partage conjonctive : chaque enfant doit être alloti du chef de
son auteur, et celui-ci ne peut l’être qu’en biens propres de son auteur ou en biens

1
Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, Juris-Data n° 1981-0003018; Bull. civ., I, 1981, n° 292; D., 1982, IR., 236, obs.
D. MARTIN; Defrénois, 1982, art. 32582, obs. G. CHAMPENOIS ; RTD civ., 1982, p. 646, obs. J. PATARIN; JCP, N,
II, 1983, p. 54, note P. RÉMY.
2
Prévue à l’art. 1076-1 du Code civil, la donation-partage conjonctive est un acte aux termes duquel les
donateurs confondent tout ou partie de leurs biens respectifs en une masse unique pour les partager entre leurs
présomptifs héritiers, censés être allotis par chacun des donateurs, sans égard pour l’origine des biens, en
proportion de la contribution de chacun d'eux dans la masse des biens partagés. Néanmoins, cette forme de
donation n’est offerte qu’à des époux mariés sous un régime communautaire, et chaque époux ne peut donner
qu’à ses enfants. Dès lors, les enfants qui ne seraient pas communs aux deux époux ne peuvent recevoir que des
biens communs ou propres de leur auteur. V. sur ces donations : M. KLAA, « Donation-partage conjonctive de
biens communs et enfants de lits différents », JCP, N, n° 6, 8 fév. 2008, 1068 ; M. GRIMALDI, « Des donations-
partages et des testaments partages au lendemain de la loi du 23 juin 2006 », JCP, N, 2006, I, 179 ;
R. LE GUIDEC, « Les libéralités-partages », D., 2006, 2584.

251
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

communs, mais jamais en biens propres de l’autre conjoint. L’enfant commun ne peut donc
rien recevoir du chef de son beau-parent, et les biens communs qu’il peut recevoir
nécessitent l’accord du conjoint1. Dans les familles recomposées, ce procédé est toutefois
soumis à de nombreuses conditions qui en limitent la portée. Pour être réalisable, la
donation-partage au profit de l’enfant non commun ne peut porter que sur les biens propres
de son auteur -sur lesquels il a déjà une vocation successorale-. Si elle a pour objet les
biens communs au couple, l’accord de l’autre conjoint est nécessaire. Dans ce cas de
figure, l’article 1437 du Code civil prévoit une récompense à la communauté toutes les fois
où l’un des époux en a tiré un profit personnel. Bien que le profit ne soit pas établi de façon
directe au bénéfice du parent donateur, il est admis en jurisprudence que le simple
prélèvement de biens ou de deniers sur la communauté suffit à fonder le droit à
récompense2. La donation est, au demeurant, supportée à titre définitif par le parent
donateur. Avec Madame LESTIENNE-SAUVE3, il ressort qu’une telle donation-partage ne
constitue pas une « faveur » concédée à la famille recomposée. Pour qu’elle le soit, une
partie de la doctrine préconise, lors de la donation de biens communs en la forme
conjonctive, de supprimer le compte de récompenses et la renonciation anticipée des
enfants réservataires à l’action en réduction4. Ce n’est que de cette façon que seront
favorisées les libéralités faites au conjoint, partenaire, ou concubin. Pour l’heure, si la
donation-partage conjonctive n’emporte pas tous les suffrages, le législateur propose
d’autres outils de transmission du patrimoine.
278. Les libéralités graduelles et les libéralités résiduelles. La pratique des
libéralités graduelles5 et résiduelles6 favorise la transmission patrimoniale au sein des
familles recomposées. Ces libéralités peuvent prendre la forme d’une donation ou celle
d’un legs. La principale différence entre ces deux types de libéralités réside dans la nature

1
L’article 1422 du Code civil dispose que « les époux ne peuvent, l’un sans l’autre, disposer entre vifs, à titre
gratuit, des biens de la communauté ».
2
Cass. civ. 1ère 8 fév. 2005 : Avec cet arrêt, la Cour de cassation a modifié la répartition de la charge de la
preuve du profit retiré par la communauté. Auparavant, une double condition tenant à l’exigence d’un
enrichissement et d’un appauvrissement corrélatif des patrimoines était nécessaire. Désormais, la preuve de
l’encaissement par la communauté suffit, et c’est à l’époux qui conteste la dette de récompense d’établir
l’absence de profit, ce qui suppose d’établir l’usage précis qui a été fait des sommes litigieuses. Cette décision a
par la suite été confortée par un autre arrêt du 22 novembre 2005. Il s’agit aujourd’hui d’une sorte de
présomption de profit, et c’est au conjoint qui réfute cette récompense d’administrer la preuve contraire.
3
Pour l’auteur, « le parent recomposant qui souhaite donner un bien commun à son enfant non commun doit en
prendre conscience : son époux ne sera jamais codonateur, c’est lui seul qui supportera de manière définitive le
poids de la dette. La loi de 2006 n’a certainement pas ici permis au beau-parent de faire une libéralité à son bel-
enfant. Elle n’a pas accordé de faveur à la famille recomposée : au mieux, elle a ouvert une simple commodité
d’allotissement ». L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 585,
spec. 974.
4
Art. 929 du Code civil.
5
Article 1048 du Code civil.
6
Ces libéralités existaient déjà sous l’ancien droit français, notamment au profit des secondes familles lorsque, à
son décès, l’époux souhaitait léguer ses biens à sa veuve afin que celle-ci les transmette à ses enfants. En ce
sens : J.-P. LEVY, A. CASTALDO, Histoire du droit civil, op. cit., §928-935.

252
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des pouvoirs accordés au survivant. Lorsqu’elle est graduelle, le premier bénéficiaire -dit
« grevé »- doit conserver le bien afin de le transmettre à son décès au second bénéficiaire –
l’ « appelé »-. L’obligation de conservation qui pèse sur le grevé lui impose de conserver le
bien en nature et pas seulement en valeur. Cette exigence permet au principe de
conservation des biens dans la famille d’être assuré en favorisant à la fois le beau-parent et
ses propres enfants. L’appelé doit accepter la libéralité sous forme d’acte authentique 1.
L’article 1049 du Code civil précise que la libéralité « ne peut produire son effet que sur
des biens ou des droits identifiables à la date de la transmission et subsistant en nature au
décès du grevé ». Néanmoins, une exception est posée par l’alinéa 2 du même article
lorsque la libéralité porte sur des valeurs mobilières. Afin de ne pas nuire à la gestion du
portefeuille de titres, le texte prévoit que « la libéralité produit son effet, en cas
d’aliénation, sur les valeurs mobilières qui y sont subrogés ». Bienvenue au sein des
familles recomposées, cette technique assure au décès du beau-parent des biens au profit
des enfants non communs, lorsque dans le même temps les enfants communs peuvent avoir
la qualité d’héritiers réservataires. Il peut donc être parvenu à une certaine égalité grâce à
cet instrument.
Lorsqu’elle est résiduelle2, la libéralité bénéficie successivement à deux bénéficiaires
désignés. Le premier a pour seule obligation de transmettre à son décès le reliquat des
biens qu’il a reçu au profit du second bénéficiaire. Il peut donc librement disposer du bien
et n’est obligé de le conserver ni en nature, ni en valeur3. Le second bénéficiaire désigné ne
reçoit que le residuum. Néanmoins, ses droits rétroagissent au jour où le disposant a
consenti la donation pour les tenir directement de ce dernier4. Lorsque le bien objet de la
libéralité a été vendu, les droits du second bénéficiaire ne se reportent ni sur le produit de
cette vente, ni sur le bien qui y serait subrogé 5. Le premier bénéficiaire dispose ainsi d’une
liberté accrue dans la gestion des biens reçus. Cette liberté est en réalité le corollaire d’une
confiance que le parent met en la personne du beau-parent. Afin de garantir l’intérêt de
l’enfant, ce dernier peut gérer les biens reçus en bon père de famille afin de les faire
fructifier pour qu’ils bénéficient à l’enfant lors de son décès. Ces techniques permettent de
conférer des droits au nouveau conjoint, partenaire ou concubin tout en ménageant un
retour des biens en faveur des enfants nés d’une précédente union. Si l’objectif est de
conserver un bien dans la famille, la donation pourra être graduelle. Si l’objectif est de
conserver le maximum de souplesse et de droits pour le conjoint tout en préservant les
droits des enfants, la donation gagnera à n’être que résiduelle.
1
Article 1055 du Code civil : « l’auteur d’une donation, graduelle peut la révoquer à l’égard du second gratifié
tant que celui-ci n’a pas notifié, dans les formes requises en matière de donation, son acceptation au donateur ».
2
Art. 1057 du Code civil : « Il peut être prévu dans une libéralité qu’une personne sera appelée à recueillir ce qui
subsistera du don ou legs fait à un premier gratifié à la mort de celui-ci ».
3
L’article 1060 précise à cet égard que « le premier gratifié n’est pas tenu de rendre compte de sa gestion au
disposant ou à ses héritiers ».
4
Art. 1051 et 1061 du Code civil.
5
Art. 1058 al. 2 du Code civil.

253
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

279. La fiscalité des libéralités graduelles et résiduelles. Lorsque la libéralité est


faite sous forme de legs, le beau-parent conjoint ou partenaire pacsé n’a pas depuis la loi
TEPA, de droits de succession à acquitter. L’article 790-0 bis du CGI dispose que « sont
exonérés de droits de mutation par décès le conjoint survivant et le partenaire lié au défunt
par un pacte civil de solidarité ». Lorsque la transmission prend la forme d’une donation
entre vifs, elle est soumise aux conditions fiscales propres aux donations entre époux ou
partenaires pacsés1. Dans l’une ou l’autre de ces situations, le régime fiscal est favorable en
raison de la taxation d’une seule transmission. L’article 784 du Code général des impôts
dispose que « Dans le cas de libéralités graduelles ou résiduelles (…), lors de la
transmission, le légataire ou le donataire institué en premier est redevable des droits de
mutation à titre gratuit sur l’actif transmis dans les conditions de droit commun. Le
légataire ou donataire institué en second n’est redevable d’aucun droit. Au décès du
premier légataire ou donataire, l’actif transmis est taxé d’après le degré de parenté existant
entre le testateur ou le donateur et le second légataire ou donataire. Le régime fiscal
applicable et la valeur imposable des biens transmis au second légataire ou donataire sont
déterminés en se plaçant à la date du décès du premier gratifié. Les droits acquittés par le
premier légataire ou donataire sont imputés sur les droits dus sur les mêmes biens par le
second légataire ou donataire ». L’idée centrale de ce mécanisme est qu’il s’agit d’un acte
unique -donc un seul transfert de propriété- comportant une condition résolutoire liée au
prédécès du premier gratifié, et une condition suspensive attachée à l’existence d’un
reliquat lors du décès. Le premier bénéficiaire demeure tenu des droits de mutation à titre
gratuit, mais le second n’a, à ce moment là, rien à payer. En revanche, au décès du premier
bénéficiaire, l’actif transmis au second est taxé selon le degré de parenté existant entre le
donateur initial et le second bénéficiaire. Le régime fiscal applicable et la valeur imposable
des biens transmis sont déterminés selon les règles et taux en vigueur à la date du décès du
premier gratifié, qui correspond à la date de la réalisation de la condition. Ainsi, un homme
souhaitant effectuer une donation de bien à son conjoint, lequel devra le transmettre par la
suite à son propre enfant sera soumis à l’abattement favorable prévu entre époux, le
dépassement restant à la charge du conjoint. Au décès du conjoint, l’enfant reçoit le bien -
ou ce qu’il en reste- et doit à son tour payer des droits de mutation. En vertu de la taxation
unique, les droits acquittés par le premier bénéficiaire sont retranchés des droits dus sur le
même bien par le second gratifié, et le taux de taxation applicable est celui applicable entre
parent et enfant2. En revanche, le recours tant à la libéralité graduelle que résiduelle ne
semble pas être avantageux lorsque le beau-parent souhaite transmettre ses propres biens à
son conjoint pour que celui-ci les transmette à son propre enfant. L’article 784 du CGI
prend en compte le lien de parenté existant entre le donateur et le second gratifié, non pas

1
L’article 790 E modifié par la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : « pour la perception des droits de mutation à
titre gratuit entre vifs, il est effectué un abattement de 80 724 € sur la part du conjoint du donateur », et l’article
777 prévoit un faible taux de taxation pour les droits applicables en ligne directe (5 à 45 %).
2
Au lieu des 60% applicables entre non parents.

254
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

le lien entre le premier bénéficiaire et le second. Le disposant n’étant pas le parent du


second gratifié, il s’agit d’étrangers l’un à l’autre et le taux d’imposition dans ce cas est de
60%.

B) L’obligation naturelle aux aliments

280. L’absence légale d’obligation alimentaire entre beau-parent et enfant.


« Qui fait l’enfant doit le nourrir ». L’adage de LOYSEL fait naître une obligation morale
d’entretien du fait de la parenté en ligne directe. L’article 203 du Code civil -relatif aux
obligations du mariage- reprend cette obligation pour la faire figurer parmi les effets de la
parenté. Ainsi, le lien de filiation établi entre l’enfant et son parent débouche sur un devoir
d’entretien réciproque qui s’étend aux ascendants. Le beau-parent ne peut être tenu
d’aucune obligation alimentaire1 sur le fondement des articles 206 et 207 du Code civil car
les termes de « gendre » et de « belle-fille » excluent l’hypothèse de l’enfant d’un premier
lit, et la jurisprudence l’a depuis longtemps affirmé2. Corrélativement, l’enfant devenu
majeur n’est pas tenu de fournir des aliments au conjoint, concubin ou partenaire de son
parent dans le besoin même si ce dernier l’a élevé durant plusieurs années, sauf devoir de
conscience3. L’un comme l’autre peuvent verser volontairement des subsides en exécution
d’une obligation naturelle.
281. L’existence d’une obligation naturelle. L’existence d’une « obligation
naturelle » permettant de faire reconnaître une prise en charge par le beau-parent de son
bel-enfant existe bel et bien dans les faits. Lorsqu’un beau-parent décide de subvenir aux
besoins de l’enfant de son(sa) concubin(e) en dehors de toute obligation légale, il peut être
jugé que celui-ci a accompli une obligation naturelle. Si elle est reconnue, l’obligation les
empêche ensuite de récupérer les sommes dépensées, de même qu’elle en rend l’exécution
forcée impossible. Seule la transformation de l’obligation naturelle en obligation civile en
rend l’exécution forcée possible. Pour qu’elle le soit, l’obligation naturelle doit accéder à la
juridicité, c’est-à-dire qu’elle doit être qualifiée d’obligation « civile » reconnue par le
droit positif. Georges RIPERT considérait qu’en tant que devoir de conscience, l’obligation
naturelle est « un devoir moral qui monte à la vie civile »4. La personne qui l’exécute doit
pouvoir le faire spontanément bien qu’elle n’y soit pas tenue légalement. Dès lors, la

1
Sur la notion, V. P. BERTHET, Les obligations alimentaires et les transformations de la famille, L’Harmattan,
coll. « Logiques juridiques, 2000.
2
En ce sens : CA Grenoble, 10 fév. 1903, Rev. dr. patrim., 1904, 2, 469 ; CA Paris, 31 juil. 1915, Rev. dr.
patrim., 1920, 2, 148 ; Cass. civ. 2ème, 16 nov. 1978, D., 1979, I.R., p. 148 ; CA Paris, 19 mai 1992, D., 1993,
somm. 47, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS.
3
Lorsqu’un beau-parent procède à l’adoption de l’enfant de son conjoint, ce devoir est vivifiée car l’adoption
permet de créer un lien de parenté et produit des effets sur le plan financier. Réciproquement, l’adopté est tenu
de verser des aliments à l’adoptant, sans que cette obligation ne soit étendue aux ascendants de l’adoptant.
4
G. RIPERT, La règle morale dans les obligations civiles, Paris, LDGJ, 1994, p. 375.

255
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

question se pose de savoir si le beau-parent, marié ou non, peut être tenu d’un devoir
moral1 de subvenir aux besoins de l’enfant de son conjoint/concubin ?
282. Le rôle joué par l’obligation naturelle. L’obligation naturelle trouve un
terrain particulièrement fertile en matière familiale, car elle est « l’un de ces “outils” du
droit (…) qui pourraient être amenés à jouer un rôle grandissant dans le jeu des solidarités
familiales, par sa vocation à faire pièce aux actions en répétition ou en remboursement »2.
La jurisprudence l’a d’ailleurs très tôt reconnu. Dès 1955, elle a pu admettre qu’un père
puisse être tenu d’une obligation naturelle d’entretien à l’égard de ses enfants adultérins,
malgré l’interdiction d’établir leur filiation 3. Dans le cadre du concubinage, le critère tiré
du lien indirect d’alliance ne peut jouer. Néanmoins, dans une appréciation in abstracto du
devoir moral, il ne serait pas inconcevable de reconnaître une telle obligation naturelle
dans le prolongement de l’obligation alimentaire4. Pour certains auteurs, le devoir moral
qui la fonde doit être de ceux « qui sont jugés, à un moment donné, par le législateur ou par
les tribunaux, à la fois comme les plus conformes à l’intérêt général et comme les plus
couramment reconnus dans l’opinion de la généralité des individus »5. Dans le même sens,
Madame le professeur FENOUILLET considère que « les prétendus devoirs juridiques de
conscience collective ne sont pas ceux imposés par la conscience du sujet de droit soumis à
la règle, mais ceux imposés par la “conscience collective”, la règle morale »6. À titre
d’exemple, la progression du nombre de familles vivant en union libre pourrait être
considérée comme étant « conforme à l’intérêt général », à se fier à son succès auprès des
couples. Il en découlerait cependant un abandon de la règle morale au profit du pouvoir de
la volonté qui déterminera, in concreto, la conduite des individus. Cette idée rejoint
l’approche de Monsieur le professeur MALAURIE pour qui « le fondement de l’obligation
naturelle ne serait pas tellement le devoir moral mais la conscience que chacun s’en fait »7.
Cette situation est symptomatique de la législation contemporaine, particulièrement en
droit de la famille. Elle soulève notamment le débat relatif à l’affranchissement de la
morale au profit de la loi civile, cher au doyen CARBONNIER. Toujours est-il qu’en

1
S. HOCQUET-BERG, « La transformation d’une obligation naturelle de reconnaissance en obligation civile »,
(note sous cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995), LPA, 23 août 1996, n° 102, p. 9.
2
M.-C. RONDEAU-RIVIER, « La situation de l’enfant dans le droit des obligations alimentaires », LPA, 1995,
n° 53, p. 12.
3
Cf. loi du 5 juil. 1955 qui ouvre au profit des enfants adultérins une action alimentaire.
4
M. REBOURG, « Les prolongements de l’obligation alimentaire : obligation d’entretien et obligation naturelle »,
in Obligation alimentaire et solidarités familiales, entre droit civil, protection sociale et réalités familiales, L.-
H. CHOQUET, I. SAYN (dir. de), Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 2000, p. 41.
5
M. PLANIOL, G. RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. 7, Obligations, 2ème éd., Paris, LGDJ, 1954,
n° 982, p. 317.
6
D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, LGDJ, 1993, n° 172, p. 112.
7
P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Droit civil. Les obligations, Paris, LGDJ, 7ème éd., 2015,
n° 1130.

256
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’absence d’obligation légale d’entretien1 de l’enfant par son beau-parent, le devoir


alimentaire constitue bel et bien un devoir moral. Il reviendrait donc au beau-parent de
décider ou non, de prendre en charge l’enfant de son concubin. Dans le cadre du mariage,
le rapport objectif2 découlant du lien d’alliance unissant l’enfant à son beau-parent semble
déjà favoriser une telle reconnaissance.
283. L’existence d’une contribution indirecte du fait de la vie commune. Les
règles du régime primaire des conjoints imposent indirectement au beau-parent marié une
contribution3 à l’entretien de l’enfant non commun. Sous cet angle, la résidence du beau-
parent avec l’enfant constitue le critère déterminant l’existence d’une telle contribution.
Entendue largement, la notion de charges du mariage4 comprend l’entretien d’un beau-
parent à l’égard de l’enfant non-commun5 lorsque le couple est marié sous le régime légal 6.
Au plan de la contribution à la dette, cet entretien est inclu dans les charges du mariage7.

1
Cf. néanmoins la législation allemande qui exclut expressément l’existence d’une telle obligation. Selon le
paragraphe 1360 du BGB, la contribution des époux aux charges de la famille comprend « ce qui est nécessaire
pour subvenir aux dépenses du ménage et satisfaire les besoins personnels des époux, ainsi que les besoins
courants de leurs enfants communs ayant droit à des aliments ». Cette position s’expliquerait notamment par
l’importance accordée au lien du sang dans la composition de la famille. À l’inverse, d’autres législations tel le
droit néerlandais impose à l’époux l’entretien des enfants du ménage, voire -en droit anglais- fournir des
aliments aux enfants qui font partie de la famille.
2
H. FERKH, « Le rapport des obligations naturelles à la morale ou la tendance objective de la jurisprudence »,
Gaz. Pal., 1997, 1, doct. 13.
3
V. en ce sens l’étude menée par la CNAF en 2002 dans l’agglomération toulousaine, qui conclut à l’existence
au sein de toutes les familles recomposées d’une contribution de fait, peu importe son importance : A. MARTIAL,
« L’argent dans les familles recomposées », Dossier d’étude n° 29, CNAF, Centre d’anthropologie, Université
Toulouse le Mirail, fév. 2002.
4
Cass. civ. 1ère, 20 mai 1981, Bull. civ., I, n° 176; JCP, G, IV,1981, 281. V. Plus récemment la réaffirmation
selon laquelle la résidence secondaire constitue une charge du mariage : Cass. civ. 1ère, 18 déc. 2013, n° 12-
17.420 ; RJPF, 2014, n° 2, comm. V. ÉGEA.
5
Bien qu’un arrêt de la Cour d’appel de Paris ait décidé que l’entretien de l’enfant n’entre dans les charges du
mariage que s’il s’agit d’un enfant commun aux deux époux. Néanmoins, il semblerait que cette décision se soit
particulièrement attachée aux faits de l’espèce et qu’il est difficilement admissible de l’ériger en principe
général. CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, 134, note D. MAYER et P. CALE. Sur cet arrêt, V. L. ESTIENNE-
SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 221-222. V. aussi M.-C. RONDEAU-
RIVIER, « La contribution spontanée dans les familles recomposées », in L’enfant, la famille et l’argent, Actes
des journées d’étude du 13 et 14 décembre 1990, LERADP, Université de Lille II, LGDJ, 1991. L’auteur
considère que l’entretien de l’enfant non commun ne relève pas de la contribution des époux aux charges du
mariage. Par conséquent, il ne s’agit pas d’une dette ménagère au sens de l’article 220 du Code civil mais d’une
simple dette d’aliments.
6
La contribution à l’entretien de l’enfant avec son beau-parent conduit à imprimer à la dette son caractère
ménager. Par l’effet de l’article 214 du Code civil, le beau-parent la supporte définitivement sur le plan de
l’obligation. Néanmoins, lorsque le beau-parent ne vit pas avec l’enfant, il n’est plus possible de parler de dette
ménagère mais de dette d’aliment. En application de l’article 1409 du Code civil, le beau-parent n’en est pas
tenu. À cet égard, l’article 1536 alinéa 2 du même code dispose que chacun des époux reste seul tenu des dettes
nées en sa personne, avant ou pendant le mariage. Par conséquent, le beau-parent qui ne réside pas avec l’enfant,
s’il a contribué à son entretien, pourrait demander un remboursement pour les dépenses dont il s’est acquitté. Là
où ce critère de résidence conduit à une différence de traitement injustifiée entre les enfants au sein du régime
légal, celle-ci existe dans le régime de séparation des biens. Pour aller plus loin, cf. L. LESTIENNE-SAUVE, Le
beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 294-295, spec. §485.
7
C.-M. AUBRY, C.-F. RAU, Droit civil français, par A. Ponsard, 7ème éd., LGDJ, tome 8, 1973, §508 ; COLOMER,
Rép. civ., V° Régimes matrimoniaux, p. 6 ; F. TERRE, P. SIMLER, Droit civil, Les régimes matrimoniaux, Paris,
Dalloz, coll. « Précis », 7ème éd., 2015, p. 44, spec. n° 53.

257
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

Le beau-parent marié participerait donc pour partie aux dépenses inhérentes à l’entretien de
l’enfant de son conjoint1. Une partie de la doctrine réfute pourtant cette analyse, en
considérant que les dettes ménagères au sens de l’article 220 du Code civil ne peuvent
viser que les dettes relatives aux enfants communs du couple2.
284. Charge définitive de la dette alimentaire. L’obligation d’entretien du bel-
enfant par son beau-parent est une dette ménagère supportée par les gains et salaires et les
biens propres du beau-parent lorsque l’enfant vit avec lui. À l’inverse, elle ne constitue
qu’une simple dette d’aliments lorsque l’enfant ne vit pas sous son toit, insusceptible
d’ouvrir un droit à saisie sur ses gains, salaires et biens propres 3. En pratique pourtant,
l’identification des dépenses occasionnées par les enfants non-communs bute sur la mise
en commun naturelle qu’implique la volonté de former une nouvelle famille. Comme le
souligne Monsieur le professeur GRIMALDI, « si l’enfant de l’un des époux vit au foyer
conjugal, rien ne justifie qu’il fasse l’objet d’un traitement à part », surtout que « la famille
recomposée est un phénomène d’une telle ampleur que l’esprit de la législation
contemporaine est à abolir les différences de traitement de l’enfant selon qu’il est issu ou
non des deux conjoints »4. Ainsi, les dépenses non alimentaires générées par la vie
commune de l’enfant avec son beau-parent sont supportées à titre définitif par la
communauté. Aucune récompense5 au profit de celle-ci n’est prévue. Réponse à l’adage de
LOYSEL « qui épouse le corps épouse les dettes », une partie de la doctrine approuve cette
solution. Pour Monsieur le professeur CHAMPENOIS, « la création d’une nouvelle famille
n’abolit pas forcément les solidarités antérieures et chacun des époux n’est pas étranger à
la famille de l’autre »6. Gérard CORNU considérait que « le mariage n’abolit pas les
solidarités familiales » et qu’il est dès lors « naturel que les charges alimentaires
respectives des époux pèsent, en toute réciprocité, sur le budget du ménage »7. Pour

1
Une décision de la Cour d’appel de Paris du 25 septembre 1986 a pourtant exclu les enfants nés d’une
précédente union, à défaut de vie commune. Les circonstances de l’espèce étaient néanmoins particulières car il
n’existait aucune communauté de vie entre les époux, et le mariage visait l’obtention de la nationalité française
par la mère. Cf. CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, note D. MAYER et P. CALE.
2
Lors de la réforme des régimes matrimoniaux discutée en 1979, l’adoption de l’article suivant avait été
proposée : « les gains et salaires d’un époux ne peuvent être saisis par les créanciers de son conjoint que si
l’obligation a été contractée pour l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants issus du mariage ». Si elle
avait été adoptée, la disposition excluait explicitement les dettes relatives à l’enfant non commun du champ
d’application de l’article 220. L’actuel article ne distinguant pas selon les enfants, il ne convient dès lors pas
d’opérer cette distinction.
3
L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 232, spec. n° 383.
4
M. GRIMALDI (dir. de) Droit patrimonial de la famille, Paris, Dalloz, coll. « Dalloz Action », 5ème éd., 2014,
p. 12, spec. n° 111.71-111.73.
5
Alors que l’article 1417 du Code civil dispose que : « Récompense est due à la communauté qui a acquitté la
dette personnelle d’un époux ». Cependant, les aliments dus par les époux sont définitivement supportées par la
communauté. En ce sens : Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, n° 03-14.831, Bull. civ., I, n° 403 ; D., 2005, IR, 2897 ;
Rev. dr. fam., 2005, n° 274, note B. BEIGNIER ; RJPF, 2006, n° 3, 53, note VALORY.
6
J. FLOUR, G. CHAMPENOIS, Les régimes matrimoniaux, Paris, Dalloz, coll. « Armand Colin », 2ème éd., 2001,
p. 455, spec. n° 484-485.
7
G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, Paris, PUF, 9ème éd., coll. « Thémis », 1997, p. 312.

258
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Madame le professeur REVEL, « le conjoint de l’époux débiteur, en épousant celui ou celle


qui avait déjà créé une famille, admet que les finances du mariage soient amputées de ces
sommes et accepte, indirectement, d’y contribuer sur sa part de communauté »1. Si l’on
rejoint aisément l’idée que les solidarités ne devraient pas s’éteindre du seul fait de la
dissolution de l’union et que chacun des époux n’est pas étranger à la famille de l’autre,
l’équité commanderait de ne pas imposer cette circonstance au beau-parent qui n’aurait pas
vécu avec l’enfant. Lorsque la communauté a acquitté une dette alimentaire (hypothèse du
parent qui n’a pas versé de pension alimentaire) en valeur, on pourrait valablement estimer
que celle-ci ait un droit à récompense. Ce sera notamment le cas lorsque le beau-parent ne
réside pas avec l’enfant, car sa dette ne serait pas justifiée par la vie commune. À l’inverse,
lorsqu’une vie commune existe entre eux, il n’y aurait pas lieu à récompense. Ces
différences de traitement fondées sur la résidence conduisent néanmoins à des solutions
critiquables du point de vue de la communauté qui n’aurait pas droit à récompense2. Avec
Madame LESTIENNE-SAUVE, cette situation « commande le rejet de la distinction de
traitement entre beau-parent résident et beau-parent non résident », car le risque serait
« d’inciter les beaux-parents non résidents à empêcher toute contribution à l’entretien du
bel-enfant “en nature”, c’est-à-dire à faire en sorte que les contacts du parent non résident
et de l’enfant soient le plus limités possible, voire à s’opposer à la mise en place d’une
résidence alternée »3. De l’avis majoritaire de la doctrine aujourd’hui, à partir du moment
où la communauté bénéficie des revenus des époux, elle doit corrélativement supporter
toutes leurs dettes, peu importe que celles-ci pèsent seulement sur l’un d’eux ou sur les
deux4.
285. L’absence d’obligation alimentaire en Pacs. L’« aide matérielle » et
l’ « assistance réciproque » prévues depuis la loi du 23 juin 2006 sont exclusives des
dépenses relatives aux enfants, faute de dimension familiale du Pacs. Si pour l’heure
l’assimilation de cette forme de conjugalité avec le mariage n’a pas lieu du chef de
l’enfant, le rapprochement opère davantage par la procédure. La loi n° 2009-526 du 12 mai
2009 confie au juge aux affaires familiales les demandes relatives à l’aide matérielle et
l’assistance réciproque entre partenaires, de la même manière qu’il connaît déjà des actions
relatives à la contribution aux charges du mariage. Il serait dès lors tout à fait imaginable
que le juge puisse un jour décider que l’aide matérielle et l’assistance réciproque

1
J. REVEL, « Les revenus des époux communs en biens et les tiers : mariage ou célibat », D., 1987, chron.
131, n° 18.
2
Un avant projet de loi datant de 1979 semblait vouloir mettre en place une telle récompense lorsque la
communauté avait acquitté des pensions alimentaires, rentes ou prestations résultant d’un devoir personnel à l’un
des époux. Mais ce texte n’a pas été adopté à l’issue de la réforme du droit des régimes matrimoniaux en 1985,
bien que certains, notamment le ministère des Droits de la femme, souhaitait que cette possibilité soit consacrée.
Sur ce texte, cf. M. REBOURG, La prise en charge de l’enfant par son beau-parent, op. cit., §280.
3
L. ESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en droit anglais, op. cit., p. 293.
4
G. CORNU, Les régimes matrimoniaux, op. cit., p. 315 ; A. COLOMER, Droit civil. Régimes matrimoniaux, Paris,
Litec, 12ème éd., 2004, p. 364, spec. n° 797 ; M. GRIMALDI (dir. de), Droit patrimonial de la famille, op. cit.,
n° 142.41 ; F. TERRE, P. SIMLER, Les régimes matrimoniaux, op. cit., p. 312, n° 408.

259
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

commandent d’y inclure les frais relatifs à l’entretien de l’enfant du partenaire. Pour
l’heure s’ils le souhaitent, les couples pacsés peuvent convenir de fixer dans leur
convention de Pacs les modalités d’une éventuelle prise en charge de l’enfant par son beau-
parent, ainsi que son étendue.
286. Une obligation naturelle pour le concubin. Dans le cadre d’un concubinage,
l’ensemble des règles issues du régime matrimonial des époux est inapplicable au beau-
parent. La jurisprudence rappelle régulièrement l’absence de contribution aux charges de la
vie commune1 entre concubins, et a fortiori de solidarité ménagère2 entre eux. Par
conséquent, la participation d’un beau-parent à l’entretien de l’enfant de son concubin
relève de son bon vouloir. La jurisprudence, bien que relativement pauvre en la matière,
offre néanmoins quelques illustrations permettant d’affirmer que le beau-parent concubin
pourrait être tenu d’une telle obligation3. Les juridictions du fond ont pu considérer que
celui qui entretient les enfants du premier lit a une obligation naturelle à leur égard. C’était
notamment le cas d’un homme qui entretenait l’enfant de sa maîtresse 4. Dans un autre
arrêt, la Cour de cassation semblait implicitement5 admettre l’existence d’une obligation
naturelle à l’égard des parents de l’ex concubine. Le concubin les ayant hébergés
gratuitement pendant un moment, celui-ci a demandé leur expulsion. Les parents de l’ex-
concubine invoquent alors l’existence d’une obligation alimentaire dont l’ancien concubin
de leur fille serait tenu de leur verser. Déboutés de leur demande, leur pourvoi est rejeté.
Néanmoins, l’analyse de l’arrêt révèle implicitement que les juges n’excluaient pas la
possibilité de faire appel à la notion d’obligation naturelle. Bien qu’elle n’ait pas été
retenue -les parents de l’ancienne concubine n’étant pas dans le besoin- la Cour semblait
reconnaître implicitement son existence à l’égard des parents de l’ex concubine ou à son
égard si l’état de santé ou les faibles ressources de ceux-ci le justifiait6. Il semblerait donc
que cette obligation puisse facilement être reconnue par les juges, qu’il s’agisse du couple
marié ou du couple non marié.

1
Cass. civ. 1ère, 19 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, comm. 217; Cass. civ. 1ère, 31 janv. 2006, Rev. dr. fam., 2006,
comm. 83, note V. LARRIBAU-TERNEYRE.
2
Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, n° 11-25.430.
3
CA Paris, 23 avr. 1986, 1ère chb., sect., Juris-Data, n° 23210.
4
Cf. Paris, 20 avr. 1944 ; Colmar, 20 déc. 1960, D., 1961, p. 207 ; Cass. civ. 1ère, 21 juil. 1987, cités par
M. REBOURG, « Les prolongements de l’obligation alimentaire : obligation d’entretien et obligation naturelle »,
art. precit.
5
Cass. civ. 1ère, 18 juil. 1995, LPA, n° 87, p. 13, note HAUKSSON-TRESCH.
6
Pour plus de développements sur cet arrêt, cf. L. LESTIENNE-SAUVE, Le beau-parent en droit français et en
droit anglais, op. cit., n° 494.

260
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 2. La protection juridique de la pluri-parenté

287. La reconnaissance juridique du beau-parent. Nombre de couples souhaitent


faire établir entre l’enfant et le tiers un lien de droit1 qui consacre la relation de fait qu’ils
vivent. En termes juridiques, il s’agit de définir le statut social du beau-parent au sein de la
nouvelle famille, en prenant en compte ses liens avec l’enfant. Du point de vue du beau-
parent, cela se traduira par la prise en compte de la participation personnelle et pécuniaire
pendant la vie commune, voire lors d’une séparation2. Du point de vue de l’enfant, il va
s’agir de faire cohabiter les multiples figures parentales que sont les parents, les beaux-
parents, les grands-parents et grands-beaux-parents, ainsi que les demi-frères et sœurs. La
liste pourrait se rallonger si l’on envisage qu’à un mariage peut en succéder un autre et
donc qu’un beau-parent en cacherait un autre3. En 1998, le rapport4 de Madame le
professeur THERY préconisait de reconnaître spécifiquement le rôle du beau-parent tandis
qu’en 1999, le rapport5 de Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ proposait
d’élaborer un statut du tiers. Se pose alors la question de l’opportunité de créer un tel statut
(§1). Un aménagement des solutions, à l’instar de ce qui existe déjà en droit positif, ne
serait-il pas préférable (§2) ?

§1) L’inutilité du statut de beau-parent

288. Difficultés d’appréhension de la relation beau-parentale. La nécessité de


protéger juridiquement la pluri-parenté commande en tout premier lieu de déterminer la
personne désignée par le terme « beau-parent » (A). Son utilisation indifférenciée au profit
de toutes les formes de conjugalité conduit à considérer que le droit prendra en compte
tous les tiers amenés à partager la vie de l’enfant, au gré des multiples unions des parents.
Une fois relevées les difficultés liées à l’identification du beau-parent, transparaîtront
naturellement celles liées au statut (B).

1
V. DEPADT-SEBAG, « La reconnaissance juridique des tiers beaux-parents : entre adoption simple et délégation
partage », D., 2011, p. 2494.
2
Cf. la thèse de M. REBOURG, La prise en charge de l’enfant par son beau-parent, Paris, Defrénois, 2003.
3
A. GOUTTENOIRE, « Un beau-parent peut en cacher un autre », Rev. dr. fam., 2006, n° 2, alerte 10.
4
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,
Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, éd. Odile Jacob, La Documentation
française, juin 1998.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille, propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, La Documentation française,
1999.

261
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

A) Difficultés liées à l’identification du beau-parent

289. Le beau-parent, un auxiliaire. En raison du lien privilégié qui unit le parent


recomposant à chacun de son enfant et de son nouveau partenaire, ces deux derniers sont
voués à vivre sous le même toit. Dès lors, deux possibilités s’offrent au beau-parent :
s’investir dans l’éducation de l’enfant qui n’est pas sien, ou laisser son parent seul s’en
occuper. Loin d’être aussi tranchée dans la réalité, la vie commune amène bien souvent
tout beau-parent à s’occuper de l’enfant, notamment lorsque le parent est absent. Ces
situations, bien que limitées dans le temps, justifient que le beau-parent ait une place
particulière au sein de cette nouvelle famille, dans laquelle il agirait tel un précieux
auxiliaire du parent. La vie commune pourrait donc justifier qu’on lui accorde cette
attention1.
290. Une confusion terminologique. Le rapport du groupe de travail Filiation,
origines, parentalité2 présenté par Mesdames les professeurs THERY et LEROYER désigne
comme « beau-parent » le « conjoint, le partenaire pacsé ou le concubin, de sexe différent
ou de même sexe de l’un des parents »3. Si le vocabulaire se doit d’être le reflet de la
prudence4, celle-ci n’a pas été de mise s’agissant de la désignation même du « beau-
parent » au sein du rapport. Le terme est appliqué indifféremment au conjoint, partenaire et
concubin. La proposition de loi APIE reprend l’utilisation extensive du terme de « beau-
parent » sans même réfléchir sur une notion aussi instable que celle de vie commune.
L’article 10 de la proposition de loi permet « au concubin, partenaire ou conjoint
d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale pour la durée de la vie commune ».
291. Le critère de la vie commune. Le critère de vie commune pourrait générer au
profit certaines prérogatives d’ordre parental au profit du beau-parent. La vie commune
découle-t-elle uniquement du mariage ou convient-il de prendre en compte la vie commune
des concubins et des partenaires ? Le mariage présume la communauté de vie et constitue
la forme la plus aboutie de l’engagement du couple tant envers lui-même que vis-à-vis des
enfants qui lui sont rattachés. Il paraît donc naturel que le beau-parent puisse bénéficier
d’un certain nombre de prérogatives au sein de la nouvelle famille lorsqu’elle est mariée. À
l’inverse, le concubinage ne présume pas la vie commune mais n’existe que par elle. Le

1
Pour prendre juridiquement en compte la relation beau-parentale, Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ
suggérait deux critères : l’existence d’un lien juridique avec l’un des parents ou la vie en commun avec l’enfant.
Le lien juridique découlerait naturellement du mariage et non pas des autres formes de conjugalité, dans
lesquelles le partenaire ou concubin n’a aucun devoir vis-à-vis de son compagnon, encore moins à l’égard de
l’enfant. Quand au critère de vie commune, celui-ci semble être indifférent à la nature des relations que pourrait
entretenir l’enfant avec le tiers.
2
I. THERY, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité générationnelle,
rapp. precit.
3
Rapp. precit., p. 285.
4
Cf. le rapport, p. 286, 3°.

262
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

nombre des recompositions familiales, sans engagement de durée, est-il un élément à


prendre en compte ? Pour Monsieur le professeur FULCHIRON, dès lors que la
recomposition fait très directement suite à l’échec d’un premier mariage, il ne semble pas
judicieux de fonder le statut du beau-parent sur son état matrimonial1. À l’opposé de cette
thèse, Madame le professeur FENOUILLET considère que « ni la résidence commune, ni
l’affection, ne semblent de nature à fonder directement, en eux-mêmes, un pouvoir sur un
enfant. En premier lieu, car ces deux critères ne sont pas assez sélectifs, et visent trop de
personnes pour être considérés comme signifiants. En deuxième lieu, car ils sont trop flous
et, surtout le second, très difficiles à saisir. Enfin et en dernier lieu, car ils ne garantissent
nullement l’intérêt de l’enfant, cet intérêt ne se résumant ni à sa sécurité affective ni à la
stabilité de son cadre de vie »2.
292. La durée de la vie commune. Le Children Act anglais prévoit un délai minimal
avant que le beau-parent concubin puisse jouir de prérogatives parentales. Une telle mesure
aurait ainsi été bienvenue dans notre législation, afin de marquer la supériorfité (au moins
symbolique) du mariage par rapport aux autres formes de conjugalité. Elle aurait
également permis de prémunir l’enfant contre des changements fréquents de tiers qui
partageraient la vie de son parent. Mettant l’accent sur cette difficulté, Madame le
professeur FENOUILLET se montre sceptique quant à une telle multiplication de droits et de
pouvoirs sur l’enfant et, à l’instar de Monsieur le professeur LEVENEUR3, met en garde
contre le risque « d’encombrement »4. En toute logique, elle relève ensuite que cette
situation ne présente « aucune stabilité temporelle : la volonté des adultes n’est
certainement pas intangible ; quant aux sentiments pour les enfants, ils dépendent souvent
des sentiments entre adultes, si bien que l’instabilité affective des adultes risque fort de
conduire à l’instabilité du statut de l’enfant ». C’est pourquoi un délai minimal de huit à
dix années5 a été suggéré avant de permettre au concubin de jouir de prérogatives
parentales, voire subordonner le mandat d’éducation quotidienne au recours préalable
devant le juge pour éviter qu’il ne soit conféré à des beaux-parents « de passage ». Or, il
est regrettable que les débats relatifs à la proposition de loi ne se soient pas préoccupés de
la question.

1
H. FULCHIRON, « Autorité parentale et famille recomposée » in Droit des personnes et de la famille, Liber
amicorum. Mélanges à la Mémoire de Danièle HUET-WEILLER, LGDJ, Presses universitaires de Strasbourg,
1994, pp. 141-164.
2
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : la parenté éprouvée », Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers
en droit de la famille ? », LPA, n° 59, 24 mars 2010, p. 9.
3
L. LEVENEUR, « Dans les familles recomposées », Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers en droit de la
famille ? », LPA, 24 fév. 2010, n° 39, p. 14.
4
D. FENOUILLET, « La parentalité en question : la parenté éprouvée », art. precit., p. 10.
5
Cf. en ce sens P. BLOCHE, V. PECRESSE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du
droit de la famille. Rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, Ass.
nat. n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, La Documentation française, 2006.

263
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

B) Difficultés liées à l’élaboration d’un statut

293. Du recyclage législatif. À la suite de divers travaux, un projet de loi1 intitulé


« avant-projet de loi sur l’autorité parentale et les droits des tiers » avait été rendu public
au début de l’année 2009. Ledit projet ne concernait pas uniquement le beau-parent qui,
par la force des choses, entretient une relation importante avec l’enfant, mais celui-ci
s’adressait à tous les tiers2 qui peuvent intervenir dans sa vie et à qui il était question de
conférer des droits. Ainsi qu’une partie de la doctrine l’avait souligné 3, le projet de loi tend
à faciliter le quotidien des adultes et non à considérer véritablement si l’intérêt de l’enfant
commande une telle reconnaissance. Inversement, il était question d’un droit de l’enfant à
entretenir des relations avec le tiers envers qui il a noué des sentiments d’affection, et non
d’un droit réciproque de l’un et de l’autre à entretenir cette relation. Le sort qui a été
réservé à l’avant-projet illustre bien les difficultés liées à la prise en compte par le droit des
situations de fait. Le Gouvernement a par la suite confié au député Jean LEONETTI une
mission d’information à l’issue de laquelle un rapport a été remis au premier Ministre le 7
octobre 20094, mais qui n’a guère emporté les suffrages5. Plus récemment, le rapport de
Mesdames les professeurs THERY et LEROYER6 abordait cette même problématique en
prenant en compte les critiques adressées au projet de loi de 2009. La proposition de loi
adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 27 juin 2014, en même temps
qu’elle reconnaît la place familiale des beaux-parents, prévoit à l’article 9 une extension de
la présomption d’accord pour les actes usuels au profit des tiers7. Si initialement l’idée
consistait à donner aux beaux-parents leur juste place au sein de la nouvelle famille
constituée, c’est précisément qu’il ne s’agit plus de tiers à proprement parler. Or,

1
Sur cette première version de l’avant-projet, V. A. MIRKOVIC, « Avant projet de loi sur l’autorité parentale et
les droits des tiers », AJ fam., 2008, nov., p. 428 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Du “statut du beau-parent” aux
“droits des tiers” : réflexions critiques sur un texte controversé », Rev. Lamy dr. civ., 2009, n° 60. Sur l’avant
projet, P. MALAURIE, « Autorité et droit des tiers : un projet patchwork », JCP, G, 1er avr. 2009, p. 167;
A. MIRKOVIC, « Statut du beau-parent : vivement le retrait d’un texte inutile et nuisible », Rev. dr. fam., 2009,
n° 28.
2
Très précisément comme le relève M. BRUGGEMAN, « Le tiers, c’est l’autre, celui qu’on ne peut désigner du
fait de l’absence d’élément qui le caractérise. En droit de la famille, il est celui qui, dépourvu de lien juridique
avec l’enfant, est extérieur au cercle familial (…) cette “catégorie” de personnes se fonde donc sur un critère de
fait, l’affection entre l’enfant et le tiers, que le droit ne prend qu’exceptionnellement en compte. Relevant du
domaine des faits, son intervention ne lui confère aucun statut et il demeure un « tiers » ; ni parent, ni tuteur de
l’enfant, il n’a en principe ni droit ni devoir à son égard ». Cf. « Les familles recomposées : les tiers et l’enfant »,
AJ fam., 2007, p. 294.
3
A. MIRKOVIC, « Statut du beau-parent : vivement le retrait d’un texte inutile et nuisible », art. precit.
4
J. LEONETTI, Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers, remis au premier ministre le 7 octobre
2009.
5
A. MIRKOVIC, « Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droit des tiers. À propos du rapport Léonetti », JCP, G,
2009, 345 ; Dossier « Faut-il réformer le rôle des tiers en droit de la famille ? », LPA, 24 fév. et 24 mars 2010.
6
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité
générationnelle, rapp. precit.
7
L’article 9 de la loi étend la présomption d’accord de l’autre parent à l’égard des tiers de bonne foi pour les
actes usuels qu’un parent accomplit seul aux actes usuels qu’un parent a autorisé un tiers à accomplir.

264
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’utilisation même de ce vocable sème le doute sur l’objectif affiché de la loi. Y aurait-il
une volonté implicite de reconnaître des droits à tous les tiers, ou serait-ce le beau-parent
qui peine à trouver sa juste place ? Ce dernier est clairement assimilé à un tiers dans la
proposition de loi, alors que le rapport de Mesdames les professeurs THERY et LEROYER
estiment qu’il est « délicat, symboliquement, de faire entrer les beaux-parents dans une
catégorie générique de “tiers” car précisément, ils ne sont plus vraiment des tiers compte
tenu du rôle qu’ils jouent auprès de l’enfant »1.
294. La solution insatisfaisante d’un statut. Compte tenu de la promotion inédite
du principe de coparentalité, la situation familiale dans laquelle interviendrait un tiers
auprès de l’enfant devrait demeurer exceptionnelle. Instituer une situation d’exception ne
conduit pas moins à inverser les termes du problème, en intégrant un tiers au lieu et place
de celui ou celle à qui incombe la fonction parentale. Une telle situation méconnaît le droit
fondamental de l’enfant à être éduqué par ses deux parents2, le tiers ne pouvant jouer un
rôle comparable à celui des parents. Si l’on envisage également la multiplicité des
intervenants dans l’éducation de l’enfant et les risques d’instabilité psychologique 3 et de
conflits, l’idée d’un statut du beau-parent ne semble au demeurant servir que les intérêts
des adultes. Monsieur le professeur BEIGNIER exprime parfaitement cette idée lorsqu’il
considère qu’ « Il ne faut jamais confondre en droit le principal et l’accessoire. (…)
L’accessoire, de l’ordre du nécessaire quotidien et du relatif, peut être délégué sans peine.
Le principal ne peut être partagé, sauf abandon de celui qui devrait s’en acquitter ; dans ce
dernier cas, le tiers n’usurpe rien, il prend le relais d’une filiation déficiente. Un tiers peut
être un auxiliaire précieux, utile et souvent généreux, des deux parents que la vie a séparés.
Il ne peut être un captateur de ce qui unit essentiellement l’enfant à celui qui lui a donné la
vie. La ligne de partage des eaux se situe là. À chacun sa place juste mais aussi sa juste
place ; et au centre de tout : l’enfant »4.
295. L’absence de statut, réponse à la variété des recompositions. L’idée d’un
statut du beau-parent est séduisante si l’on considère qu’il y va de l’intérêt de l’enfant6.
5

1
Rapp. precit., p. 285, 1°.
2
C. EOCHE-DUVAL, « Le droit d’un enfant à être nourri, entretenu et élevé par sa mère et par son père est-il un
principe à valeur constitutionnel ? », D., 2013, 786.
3
À cet égard, Madame Aude MIRKOVIC exprime très justement la situation en ces termes : « Il est vrai que
multiplier les tiers avec lesquels l’enfant aurait le droit de maintenir des liens deviendrait impraticable, mais cela
ne fait que manifester les limites de la loi qui ne peut, en dépit d’une accumulation des droits à ceci ou à cela,
compenser les préjudices subis par l’enfant soumis aux aléas des relations des adultes. Il est illusoire de penser
que la précarité affective dans laquelle les décompositions et recompositions des familles placent l’enfant puisse
être totalement compensée par le droit de maintenir les liens noués, qui ne peut certainement pas suffire à
reconstituer la stabilité dont l’enfant est privé ». Cf. A. MIRKOVIC, « Avant-projet de loi sur l’autorité parentale et
les droits des tiers », AJ fam., 2008, n° 11, p. 428.
4
B. BEIGNIER, « Beau-parent ou tiers ? », Rev. dr. fam. n° 6, 2009, repère 6.
5
Ce statut revendiqué par certains se construit sur la base d’un rôle, d’une fonction occupée par le tiers, car
celle-ci a été laissée vacante par l’absence ou la carence de l’autre parent biologique. C’est pourquoi le rapport
THERY insistait sur la lourdeur du dispositif, qui doit être perçu comme un dispositif d’aide à la parentalité.
6
Sur l’intemporalité de la notion d’ « intérêt de l’enfant », voir supra, n° 103.

265
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

Or, l’idée d’un statut applicable dans le cadre des recompositions ne semble être une
réponse adaptée, ni même voulue par les couples. L’extrême diversité des situations de
recomposition nécessiterait de mettre à leur disposition les outils juridiques permettant une
meilleure prise en charge de l’enfant au quotidien. En effet, la variété des instruments
juridiques permet déjà une prise en charge graduée selon l’investissement souhaité du
beau-parent. Le rapport de Mesdames les professeurs THERY et LEROYER insiste d’ailleurs
sur l’idée que le beau-parent peut remplir une fonction d’éducation et de prise en charge
sans pour autant revendiquer juridiquement un statut de parent au sens de corps de règles.
C’est pourquoi ses auteurs préconisent la souplesse, la réversibilité et la recherche de
consensus, « le juge devant rester, in fine, le gardien de l’intérêt de l’enfant »1. La place
des père et mère est donc réaffirmée conformément au principe de coparentalité. La
fonction d’éducation et de prise en charge étant librement assumée par le beau-parent, le
rapport insiste sur sa complémentarité au dispositif de coparentalité. Bienvenue, cette
perspicacité est conforme à la distinction entre le principal -les parents- et l’accessoire -les
situations particulières-.

§2) La reconnaissance du lien avec le beau-parent

296. L’abandon de l’idée de « statut » du beau-parent. La proposition de loi


portant réforme de l’autorité parentale et intérêt de l’enfant (APIE) procède à un
assouplissement des règles déjà en vigueur. Elle crée un nouvel instrument, le « mandat
d’éducation quotidienne » pour simplifier les démarches du beau-parent portant sur des
actes usuels qui concernent l’enfant (A). Pour les actes graves (B), le régime juridique de
la délégation est revisité afin de clairement distinguer la délégation de l’exercice de
l’autorité parentale et son partage.

A) Au profit du quotidien beau-parental

297. Une définition en creux de l’acte usuel. La catégorie des actes usuels
mentionnée à l’article 372-2 du Code civil n’est pas définie par la loi. Dans un souci de
clarification, la proposition de loi adopte une définition de ce qu’est l’acte important, afin
de définir en creux l’acte usuel. L’article 372-1 alinéa 2 promis à révision définit l’acte
important comme celui « qui rompt avec le passé et engage l’avenir de l’enfant ou qui
touche à ses droits fondamentaux »2. À contrario, tout acte n’engageant pas l’avenir de
l’enfant ou ne touchant pas à ses droits fondamentaux relèverait de la catégorie des actes
usuels. Généralement, sont considérés comme telle la réinscription dans un

1
Rapp. precit., p. 285.
2
Ibid., p. 289.

266
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

établissement scolaire, les récupérations à l’école, les soins courants ou habituels (contrôle
de santé de routine…), la demande d’inscription par un parent de son enfant mineur sur son
passeport1. En revanche, tout changement d’établissement scolaire, de
2
décision d’intervention chirurgicale -sauf celles totalement bénignes -, de choix d’une
éducation religieuse3 et ses modalités, voire le choix du nom d’usage de l’enfant4
constituent des actes graves nécessitant le consentement des deux parents titulaires de
l’autorité parentale.
298. Une présomption d’accord pour les actes usuels. L’idée d’instaurer une
présomption d’accord au profit du beau-parent n’est pas nouvelle. Madame le professeur
THERY proposait en 1999 déjà5 de s’inspirer du Children Act anglais qui permet au beau-
parent « d’accomplir tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à l’éducation
de l’enfant ». Elle recommandait ainsi l’insertion dans le Code civil de l’article suivant :
« Tout tiers ayant en charge de manière habituelle un enfant mineur peut accomplir
les actes usuels le concernant, sans préjudice des droits des titulaires de l’autorité
parentale ». Présentant un caractère général et systématique, cette autorisation péchait par
l’indétermination du contenu de la catégorie des actes usuels. Proposant une
solution contractuelle plus respectueuse des droits parentaux, les notaires entendus par la
Mission6 avaient suggéré7 la possibilité de conclure à l’amiable des délégations partielles
d’autorité parentale pour les actes de la vie courante8. Reposant sur l’accord des deux
parents titulaires de l’autorité parentale, cette proposition allégeait considérablement
la procédure9 par la mise de côté du contrôle judiciaire. L’avant-projet de loi de 2013
proposait également une modification de l’article 372-2 du Code civil, que l’actuelle
proposition de loi reprend. Une telle présomption bénéficierait à tout tiers de bonne foi
pour effectuer les actes usuels à l’égard de l’enfant du conjoint, partenaire ou concubin. Un

1
CE, 8 février 1999, n° 173126.
2
CA Versailles, 11 sept. 2003, n° 02/03372.
3
Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2000, n° 98-14.386.
4
Cass. civ. 1ère, 3 mars 2009, n° 05-17.163.
5
I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui. Le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée,
Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, éd. Odile Jacob, La Documentation
française, Paris, juin 1998.
6
P. BLOCHE, V. PECRESSE, L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du droit de la
famille, Rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des enfants, Ass. nat., rapport
n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, La documentation française, 2006.
7
Demain la famille, 95° Congrès des Notaires de France, Marseille, 9-12 mai 1999.
8
De tels mandats conventionnels présentaient aussi l’avantage de pouvoir être annulés, limités ou adaptés.
Établis en la forme authentique, ils seraient immédiatement exécutoires sans validation judiciaire et seraient
unilatéralement révocables.
9
Madame le professeur GOUTTENOIRE juge indispensable à la fois l’accord des deux parents et le contrôle du
juge. Mme MILLET est aussi très attachée à l’intervention du juge, dont le recours lui semble inéluctable car
l’intérêt de l’enfant s’apprécie in concreto et ne se présume pas. Elle s’inquiète aussi des « conflits qui
naîtraient immanquablement entre les différents adultes, une fois mis en position de revendiquer des droits sur
l’enfant. Cf. le rapport P. BLOCHE, V. PECRESSE, rapp. precit.

267
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

parent pourrait donc consentir, sans l’accord de l’autre parent, à l’accomplissement par le
tiers des actes usuels relatifs à la personne de l’enfant. Une telle présomption vaudrait alors
dispense de preuve de l’accord de l’autre parent et décharge de responsabilité pour les tiers
de bonne foi. La sécurisation du régime juridique des autorisations ponctuelles qui en
découle permet de faciliter le quotidien des adultes en charge de l’enfant.
299. Les limites de la présomption d’accord. Une telle prérogative accordée au
tiers, sur le seul fondement d’un acte privé dont il est impossible d’établir la preuve par
écrit, ni même d’en définir l’objet exact ou la manière dont il prend fin laisse perplexe. Le
beau-parent se verrait confier, du seul fait de la vie commune, des droits sur la personne de
l’enfant. Or, le principe de coparentalité commanderait que toute participation de ce tiers à
l’exercice de l’autorité parentale requiert l’accord des deux parents. Pour la Commission
des lois constitutionnelles, la nécessité préalable d’une concertation des parents est
indiscutable1. La présomption d’accord ne constitue qu’une présomption simple pouvant
tomber si l’autre parent a exprimé son désaccord. Le tiers ayant connaissance d’une
dissension manifeste entre les parents relativement à l’acte et qui n’en aura pas tenu
compte cesse d’être un tiers de bonne foi. Un amendement présenté par le rapporteur de la
Commission des lois constitutionnelles propose d’insérer un nouvel article 372-1 au sein
du Code civil. Ce nouvel article complèterait la définition de l’exercice conjoint de
l’autorité parentale en précisant que tout acte de l’autorité parentale, qu’il ait un caractère
usuel ou important, requiert l’accord des deux parents lorsqu’ils exercent en commun
l’autorité parentale. Or, cet accord affiché dans les mots de la loi relève de l’ordre du
symbole s’agissant des actes usuels. N’étant ni nécessaire, ni sanctionné en cas de non
respect, l’alinéa premier du nouvel article 372-1 précise que « cet accord est exprès pour
les actes importants ». À contrario, il serait implicite pour les actes usuels à l’égard des
tiers comme entre les parents.
300. Le mandat d’éducation quotidienne. L’idée de recourir à un mandat pour
permettre aux beaux-parents d’accomplir les actes usuels de l’autorité parentale n’est pas
non plus, nouvelle. En 2002, elle a été proposée par le Sénat lors de la discussion du texte,
sans être retenue2. Le mandat tel qu’envisagé pouvait aller de la simple déclaration par acte
sous seing privé à l’enregistrement au greffe du tribunal d’instance, voire aux services de
l’état civil3. Il pouvait également prendre la forme d’un acte notarié. L’abandon de cette
mesure tenait sans aucun doute à l’accord de l’autre parent, non requis pour la conclusion
du mandat. L’article 10 de la proposition de loi prévoit d’insérer dans le Code civil un

1
Ce qui, là encore, revient à surestimer l’entente pouvant exister au sein d’un couple séparé.
2
L’article 372-3 proposait notamment qu’ « un parent en tant qu’il exerce l’autorité parentale peut donner
mandat à un tiers pour accomplir certains actes usuels relatifs à la personne de l’enfant ». Cf. proposition de loi
relative à l’autorité parentale, § 3 bis de la loi.
3
Proposition du professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, V. Sénat, Familles monoparentales, familles recomposées :
un défi pour la société française, Rapport d’information n° 388 (2005-2006), G. GAUTIER, au nom de la
délégation aux droits des femmes, 13 juin 2006, p. 150.

268
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

article 373-2-1-1 ainsi libellé : « Sans préjudice de l’article 372-2, le parent peut, avec
l’accord de l’autre parent, donner un mandat d’éducation quotidienne à son concubin,
partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou conjoint avec lequel il réside de façon
stable pour chacun des enfants vivant avec le couple. Le mandat, rédigé par acte sous seing
privé ou en la forme authentique1, permet au concubin, partenaire ou conjoint d’accomplir
les actes usuels de l’autorité parentale pour la durée de la vie commune. Le mandat peut
être révoqué à tout moment par le mandant. Il prend fin de plein droit en cas de rupture de
la vie commune, de décès du mandant ou du mandataire ou de renonciation de ce dernier à
son mandat ». La mesure a bien la portée symbolique recherchée ; en outre, il est permis de
douter de son efficacité2.
301. Limites du mandat. Le rapport de madame le professeur THERY proposait que
le mandat puisse être donné par le parent sans l’accord exprès de l’autre, car présumé. Une
telle atteinte au principe de coparentalité n’a pas été retenue par la proposition de loi3. Pour
l’auteur, une telle solution serait « d’une lourdeur inutile »4, car elle suppose l’entente
préalable des parents de l’enfant, « qui n’a rien d’évident dans une séparation ». Le risque
sur l’efficacité du mandat serait dès lors « de placer le parent et le beau-parent en situation
de conflit potentiel, et d’opposer finalement le principe d’une coparentalité qui continue
après séparation des parents à celle d’une beau-parentalité difficilement réalisable ». Or,
c’est justement en raison d’un accord difficilement trouvable entre les parents dans
certaines situations, qu’il n’est pas possible de le présumer. Il est erroné de poser une
présomption d’accord lorsque celle-ci est difficilement trouvable, ou à plus forte raison
n’existe pas. Si la « beau-parentalité » en devient difficilement réalisable, selon les propos
mêmes de Mme THERY, c’est que pour l’auteur du rapport, il convient de mettre en place
des règles au profit de ce tiers, et lui conférer une place familiale. Or, l’objet de la réforme,
ne l’oublions pas, demeure l’intérêt de l’enfant, dont l’exercice de l’autorité parentale
constitue la modalité principale. Fragiliser l’exercice de l’autorité parentale afin de
permettre à un tiers d’agir en dehors d’un accord préexistant entre les parents à ce sujet
contrevient à son intérêt ou, à tout le moins, révèle que la coparentalité est difficilement
conciliable avec les situations de recomposition familiale 5. Au cours des débats6 relatifs à
cette proposition de loi, Monsieur Jacques BOMPARD souligne la « parenté distributive » et

1
Rapp. precit., p. 292.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Coparentalité et famille recomposée : une conciliation impossible ? », Rev. Lamy
dr. civ., 2014, n° 116.
3
Article 14 de la proposition de loi.
4
Rapp. precit., p. 291.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Coparentalité et famille recomposée : une conciliation impossible ? », art. precit.
Pour l’auteur, on ne peut tout à la fois donner toute sa force au principe de coparentalité et préférer le beau-
parent au parent. Pour Madame le professeur Fenouillet, « le droit se perd entre tous les intérêts en cause, ceux
de l’enfant, ceux des parents biologiques, ceux des beaux-parents, ceux des adultes en charge de l’enfant (…) ».
Cf. Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, p. 36.
6
Rapport n° 1925 de l’assemblée nationale fait au nom de la commission des lois constitutionnelles relatif à
l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, p. 20.

269
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

sociale qui est de mise, comme substitut à la parenté biologique. Pour celui-ci, « cette
modification contribuerait à diluer encore plus l’autorité parentale du conjoint séparé », et
en tout état de cause, « le mandat n’est pas assez complexe pour prémunir l’enfant du
risque de la multiplication des intervenants, alors même qu’il conviendrait de lui éviter
d’autres traumatismes ». Plus inquiétante est la disposition de l’article 12 qui met sur un
même pied d’égalité le tiers et le mandant devant le juge en cas de conflit. Le juge
trancherait alors selon ce qu’exige l’intérêt de l’enfant et pourrait, si la disposition venait à
être adoptée, privilégier le tiers beau-parent au parent de l’enfant. Cette possibilité n’est, au
demeurant, que l’écho de la possibilité pour le tiers de saisir le juge en vue d’être autorisé à
effectuer un acte important pour l’enfant1 en lieu et place de son parent. Plus « surréaliste »
encore est la possibilité pour le tiers ayant été mandaté pour exercer l’autorité parentale de
conserver celle-ci alors que les parents voudraient la lui retirer2.

B) En vue d’un engagement durable

302. Le réaménagement des règles relatives au partage de l’exercice de


l’autorité parentale. En l’état du droit, les règles relatives à la délégation de l’autorité
parentale semblent ambigües. À l’article 377-1 du Code civil, il est tant question de
délégation « totale ou partielle », mais aussi de délégation partage. Outre que cet amalgame
rend malaisée une lecture claire du texte, la frontière entre les deux types de délégation y
est également difficile à établir. Souvent, lorsque les juges sont amenés à prononcer une
délégation partage « pour les besoins de l’éducation de l’enfant », ils le font aux conditions
de la délégation classique, qui suppose un transfert de pouvoir et nécessite de caractériser
des « circonstances exceptionnelles »3. Ensuite, le texte traite de manière confuse de la
« délégation de l’autorité parentale, alors que seul son exercice peut faire l’objet de la
délégation. Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre de ces deux mécanismes, il s’agit de remanier
les textes afin de les rendre plus clairs et plus lisibles pour les juges qui les utilisent.
Faisant suite aux recommandations du rapport THERY4, la proposition de loi réaménage
donc le régime juridique de la délégation. Il est prévu une modification de la section 3 du

1
Article 12 de la proposition de loi.
2
Rapp. de l’ass. nat. precité.
3
Avec le risque d’interprétations divergentes de cette notion par les juridictions du fond, souligné par le rapport
lui-même. En ce sens, rapprocher par exemple Civ 1ère, 8 juil. 2010, n° 09-12.623, avec TGI Bayonne, 26 oct.
2011, n°11/00950, s’agissant de couples de même sexe. La décision du JAF de Bayonne reposait uniquement sur
l’intérêt de l’enfant, ainsi que les éléments du dossier attestant « des qualités éducatives et affectives » du couple
à l’égard des deux enfants, faisant ainsi abstraction des circonstances exceptionnelles. Cette décision était en
totale opposition avec la jurisprudence de la Cour de cassation. Plus récemment, le TGI de Paris, dans une
décision du 22 fév. 2013, n° 12/35092, a admis la délégation partage demandée par les parents de l’enfant au
profit de la mère et sa compagne, et ce dans le cadre d'un projet parental à trois, dans lequel l’enfant vivait
depuis sa naissance avec sa mère et la compagne de celle-ci, et voyant son père un week-end sur deux et pendant
les vacances.
4
Rapp. precit., pp. 294-298.

270
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

chapitre premier du titre IX du livre premier du Code civil, dont l’intitulé est ainsi libellé :
« Du partage et de la délégation de l’exercice de l’autorité parentale ». Subdivisée en trois
paragraphes, le premier rappelle les principes généraux, le second a trait au partage de
l’exercice de l’autorité parentale et le troisième à la délégation, dont le recours devrait être
encore plus exceptionnel que celui de la délégation partage.
303. La souplesse recherchée. Si en l’état actuel des textes, le partage de l’autorité
parentale résulte d’un jugement du juge aux affaires familiales, la proposition de loi permet
le partage par simple convention homologuée 1. L’objectif de souplesse des règles
existantes est donc assuré, sous le contrôle du juge. Néanmoins, l’article 14 précise que
« dans tous les cas, le juge homologue la convention », à moins que celle-ci ne préserve
pas suffisamment les intérêts de l’enfant. L’obligation est donc faite au juge d’homologuer,
et l’intérêt de l’enfant constituera l’indicateur qui lui permettra d’y procéder. Le
changement proposé est notable. D’un jugement, le partage découlera désormais d’une
convention entre le parent et le tiers que le juge doit entériner, pouvant faire l’objet d’une
délégation partage croisée si les père et mère ont tous deux recomposé leur couple.
304. L’ambiguïté consacrée. Si le partage de l’exercice de l’autorité parentale
nécessite l’accord des deux parents, seul un d’entre eux pourra saisir le juge d’une telle
demande si l’accord de l’autre parent fait défaut2. La contradiction du texte est flagrante
car au moment où l’accord des deux parents est nécessaire, l’un d’eux peut saisir le juge
afin d’outrepasser le refus opposé. Le juge recueille l’avis de l’autre parent mais il peut
passer outre si l’intérêt de l’enfant le commande. Bien que prévu dans des situations
exceptionnelles, il est à craindre que ces situations ne soient pas en réalité le principe, faute
d’un accord systématique des parents entre eux. Il est regrettable qu’en posant comme
nécessaire l’accord des deux parents, le texte n’aille pas jusqu’au bout de la logique
parentale en fermant les demandes de partage aux parents en désaccord. De telles situations
auraient pu faire l’objet d’ateliers de coparentalité (proposés par Monsieur le président
JUSTON) afin de dépasser le blocage parental. Or, le texte préfère bâtir une relation beau-
parentale sur un désaccord que le juge est chargé de trancher.
305. La concurrence entre le parent et le tiers beau-parent. En cas de désaccord
sur la fin du partage, et lorsque la demande émane de l’un des parents, l’article 4 prévoit
que « le juge y fait droit, sauf circonstances exceptionnelles ». Il est permis de se demander
quelles pourraient être les raisons qui pousseraient le juge de ne pas y faire droit. Lien par
essence électif, le partage de l’exercice de l’autorité parentale avec le tiers beau-parent est
une manière de l’associer à la prise en charge de l’enfant du conjoint/concubin, en lui
réservant une place particulière. Cette attention qui lui est portée n’a nullement pour objet
d’empiéter sur les prérogatives d’autorité parentale, mais relève du simple accessoire dont

1
Cette hypothèse ne concernerait que le cas de délégation partage de l’autorité parentale dans laquelle les deux
parents sont en accord.
2
Rapp. precit., p. 295.

271
La privatisation des liens de famille Le lien matrimonial détaché du lien familial

on peut se passer. Les circonstances exceptionnelles de ne pas faire droit à la demande


d’un parent de mettre fin au partage de l’exercice de l’autorité parentale conduisent à
mettre sur un même pied d’égalité le tiers et le parent sur la question de savoir ce qui est le
mieux pour son enfant. Outre la dilution des prérogatives parentales, le parent est
concurrencé dans leur exercice et ne semble plus être le pivot de la relation parentale qui le
lie à son enfant. Pour autant de raisons, ainsi que les risque potentiels de litiges venant à
s’élever si de telles dispositions étaient adoptées, la réécriture projetée de l’article 377-1 du
Code civil ne convainc pas.
306. La création d’un nouveau cas de délégation. À côté de la délégation classique
telle que prévue par l’article 377 du Code civil, a été crée un nouveau cas de délégation
ouvert à la demande d’un tiers membre de la famille ou non, de l’établissement ou du
service départemental d’aide sociale à l’enfant (ASE). La mise en place de ce nouveau
mode de délégation vient trouver place aux côtés de situations mettant les parents dans
l’ « impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale », ou en cas de « désintérêt
manifeste ». Si l’impossibilité pour un parent d’exercer l’autorité parentale renvoie aux
situations d’absence ou d’incapacité prévues à l’article 373 du Code civil, ce nouveau cas
d’ouverture de la délégation suggère l’idée d’une délégation sanction car elle se fait à la
demande de tiers, « ou si les parents s’abstiennent ou refusent, de façon répétée, d’effectuer
des actes importants en application du deuxième alinéa de l’article 375-7 »1. La
jurisprudence a d’ailleurs déjà pu caractériser l’impossibilité d’exercer l’autorité parentale
à l’égard d’un parent dès lors qu’il était difficilement joignable et ne prenait pas en compte
les besoins de son enfant2. Le désintérêt a également pu être retenu dès lors qu’un parent
n’a pas exercé pendant plusieurs années son droit de visite3, ou que celui-ci ne s’est pas
acquitté de la pension alimentaire depuis le prononcé du divorce4. Cette troisième cause
d’ouverture de la délégation semble toutefois intrusive dans l’exercice de l’autorité
parentale et pourrait s’avérer être, à l’avenir, source de contentieux. Lorsque le(s) parent(s)
de l’enfant placé ne répond(ent) pas présents aux sollicitations des services sociaux -créant
des situations de blocage à même de mettre en péril l’intérêt de l’enfant- cette mesure
pourrait s’avérer opportune. Dans d’autres situations, elle risquerait d’entraver le droit à
une vie familiale au profit de l’enfant.

1
Article 15 de la proposition de loi.
2
Cass. civ. 1ère, 5 avril 2005, Bull. civ., I, n° 162.
3
CA Lyon, 7 mai 2002, JurisData n° 197869.
4
CA Rennes, 29 mai 2000, n° 98/03537.

272
Conclusion du chapitre second

307. Le recours à la parenté comme assise du lien familial a marqué la fin du XXème
siècle. L’étape suivante, entamée mais certainement pas achevée, a été la consécration
d’une approche renouvelée de la parenté. Selon une approche classique, qui n’est peut être
plus usuelle en France, la parenté est une réalité naturelle, appréhendée par le droit,
permettant aux géniteurs de l’enfant d’élever ce dernier et de l’éduquer jusqu’à sa majorité.
Les fonctions d’engendrement et d’éducation vont de paire, sauf le cas particulier de
l’adoption. La dissociation entre le fait de donner la vie, et le fait d’éduquer l’enfant
modifie substantiellement l’approche de la parenté, prenant quelques distances avec la
filiation. Dans les faits, un enfant peut être successivement élevé par les multiples
partenaires de son parent, l’idée est que son épanouissement commande pour lui d’être
élevé au sein d’un foyer constitué par un couple aimant, peu important qu’il s’agisse de ses
parents ou non. De la même manière, la rupture de ce couple commande de maintenir les
relations personnelles qui se sont nouées entre le tiers et l’enfant. Désormais détachée du
lien matrimonial, la parenté s’étend au-delà de l’acte fondateur de la famille, pour
s’exprimer au sein des recompositions familiales. La dimension éducative de la parenté y
est particulièrement plébiscitée, car elle repose sur un engagement ferme et une volonté
exprimée par le parent social de participer à l’éducation d’un enfant qu’il n’a pas engendré.
Mieux, ces configurations familiales inédites viennent se greffer au lien parental initial,
lequel est toujours juridiquement protégé. Elles reçoivent par conséquent un accueil
favorable du droit qui fait la place large aux nouveaux liens de proximité. Comment peut-
on valablement encourager et protéger la coparentalité des parents tout en y associant les
tiers (par définition intrusifs) qui ont pu vivre avec l’enfant, en leur reconnaissant un lien
avec celui-ci ? La déformation de la parenté qui s’ensuit, désormais multiparentalité1,
conduit corrélativement à affaiblir la place singulière et irremplaçable revenant
naturellement aux parents, à l’heure où le principe de coparentalité constitue le vecteur de
la relation parentale. Comment à la fois promouvoir le lien indéfectible des parents à
l’égard de leur enfant, tout en associant d’autres tiers à cette relation sans favoriser un
délitement de la relation parentale ? Il en va de la cohérence même du système qui, à
défaut, est voué au désordre juridique2. On peut donc sans ambages affirmer que le droit
doit relever le défi d’un nouvel ordonnancement des parentés, sachant que si la volonté
individuelle fait et défait le lien matrimonial, elle pourrait décider également de faire, ou
non, le parent3.

1
La multiparentalité vers laquelle se dirige le droit a pu être qualifiée par Madame T HERY de parentalité
domestique, dont le droit serait le vecteur principal de reconnaissance. Celle-ci, à raison, suggérait déjà en 1995
que, « pour penser une figure familiale aussi inédite, aussi diverse (que le beau-parent), pour énoncer les repères
juridiques qui en reconnaissent la spécificité, les sociétés occidentales seront dans l’avenir obligées de se
confronter à la plus déroutante des responsabilités : inventer ». Cf. M.-T. MEULDERS-KLEIN, I. THERY (dir. de),
Quels repères pour les familles recomposées ?, Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 1995, p. 34.
2
A. DECOCQ, « Le désordre juridique français », in Jean Foyer, auteur et législateur, Écrits en hommage à Jean
FOYER, Paris, PUF, 1997, pp. 147-163.
3
Cf. infra, notre Partie 2, Titre 2, Chapitre 2.

273
Conclusion du titre second

308. Il est apparu que ce qui n’était initialement que le résultat d’une privatisation
des liens de famille, ayant conduit à une adaptation du droit aux faits sociaux, est devenu le
principe fondateur d’un droit de la famille renouvelé. Initialement, le lien matrimonial est
l’institution fondatrice de la paternité et de la maternité. La présomption de paternité
permettait de donner un père aux enfants mis au monde par l’épouse, en vertu de l’adage
romain « le père est celui que les noces désignent ». Le doyen CARBONNIER, reprenant la
même idée, considérait à juste raison que « le cœur du mariage, ce n’est pas le couple, c’est
la présomption de paternité ». Si cette présomption ne se réduit pas au donné biologique,
elle est la jonction d’un fait naturel (avoir donné naissance à un enfant rattachable au mari
de la mère) et d’une vérité sociologique (prendre l’enfant en charge jusqu’à sa majorité),
car l’intérêt de l’enfant était d’être élevé au sein d’une famille unie. Or, le détachement
consommé du lien matrimonial et du lien familial transforme aussi bien le mariage qu’il
conduit à une approche renouvelée de la parenté. Lien matrimonial et lien familial sont
aujourd’hui deux réalités distinctes que le droit conçoit de façon exclusive. À l’issue de
cette fracture, il apparaît que seul l’intérêt de l’enfant est encore l’objet d’une protection
inédite, à l’exclusion du lien matrimonial que la volonté fait et défait au gré des envies. Si
la personne de l’enfant est le nouveau fondement sur lequel le droit français articule les
rapports familiaux, sans référence aucune à la logique matrimoniale, c’est bien que son
intérêt transcende le lien pouvant unir les parents entre eux. La protection de l’enfant est
une considération tout aussi importante en droit marocain -à tel point qu’il est permis de
croire que ce dernier constitue aujourd’hui le trait d’union entre les deux rives
méditerranéennes-, mais l’intérêt de celui-ci y demeure, contrairement à l’approche
française, lié à la nécessité de pouvoir vivre avec des parents unis par le mariage, à défaut
de demeurer auprès de la mère lorsque l’enfant est en bas âge. Point de coparentalité post
divorce en droit marocain, car le législateur considère la rupture comme modifiant
nécessairement l’exercice de l’autorité parentale. La modernisation des rapports entre les
époux ne rejaillit pas sur la conception islamique des prérogatives parentales, qui fait
l’objet d’une appréhension d’ensemble à la lumière de l’intérêt du groupe familial,
éloignée du raisonnement en termes d’identité des droits. La question liée à l’intérêt de
l’enfant est de plus en plus une considération primordiale dont il est tenu compte dans les
textes et la jurisprudence, conformément aux exigences internationales.
Le mariage n’étant plus appréhendé dans sa dimension familiale, c’est paradoxalement la
parenté qui s’étend au-delà de celui-ci. Il y a un mouvement de contraction du premier sur
le couple conjugal, et un mouvement d’absorption de la seconde par les nouveaux liens
parentaux. À la transformation de la place du lien matrimonial dans la société, c’est
corrélativement sa fonction d’organisation sociale qui subit les mutations les plus
importantes : d’institution fondatrice de la parenté (et donc de la famille), il est devenu

274
l’institution que permettent deux volontés libres et autonomes en vue de satisfaire une
certaine idée du bonheur et de l’épanouissement individuel. L’autodétermination semble
donc constituer l’un des traits marquants du droit contemporain de la famille, aux côtés de
l’exigence d’égalité. La valorisation de la volonté individuelle réduit la famille à n’être
qu’un instrument du bonheur individuel de chacun de ses membres. Dans ce contexte, la
tâche qui incombe au législateur n’est plus d’imposer un modèle familial, mais elle
consiste davantage en une mission de régulation des comportements familiaux qui passe
par l’articulation de l’exigence d’autodétermination des individus et celle consistant à
reconnaître au lien familial la juste place qui lui revient.

275
Conclusion de la première partie

309. La privatisation des liens de famille a conduit à l’évanescence du fondement


matrimonial. Cette nouvelle architecture des relations familiales, éclairée par les exigences
d’égalité et de liberté, trouve ses racines à l’aube de la Révolution française. Fruit d’une
longue évolution, les transformations constatées se nourrissent d’une volonté législative
indéfectible de valoriser la personne dans son individualité en lui assurant le droit au
bonheur. La volonté se trouve au cœur de la famille. Le consentement est consubstantiel à
l’essence de ce qui constitue le lien matrimonial que l’on nomme encore mariage. Mais la
place de la volonté au sens contemporain n’est pas celle de la conception originaire de la
famille. La discordance mise en lumière entre la conception du mariage aujourd’hui et
jadis en atteste, et il suffit pour s’en convaincre de songer au droit du divorce lequel s’est
transformé en un réel droit au divorce. Ce changement profond a été analysé par Madame
le professeur Irène THERY comme s’agissant d’un « démariage », entendu comme la
redéfinition majeure de la place et du rôle de l’institution matrimoniale dans la société.
Ainsi que le souligne l’auteur, « (…) le fait de se marier, de ne pas se marier ou de se
démarier, qui était autrefois une obligation sociale impérative et l’horizon indépassable des
relations sexuées, est devenu une question de conscience personnelle »1. La volonté n’est
plus la capacité de s’engager et de faire siens les impératifs d’une institution familiale
prédéfinie. Elle est le droit de se donner et de se reprendre au gré de sa conscience.
La fragilité consécutive du lien familial était, nul n’en doutait alors, un préjudice pour
l’enfant. Afin de neutraliser les méfaits des vicissitudes connues par les couples, le droit a
cherché à consolider le lien parental à défaut du lien matrimonial. L’enfant devait pouvoir
entretenir des relations avec ses deux parents, en dépit de leur séparation. À cet égard, la
force pédagogique de la loi2 a contribué de façon déterminante à faire évoluer les
mentalités même les plus éloignées. Le vœu du législateur n’en est pas moins, selon nous,
resté un vœu pieux pour de nombreuses familles. La séparation des parents, leur mobilité
géographique, les recompositions familiales rendent souvent difficiles un maintien effectif
du lien parental. Nous ne sommes pas loin de penser que le droit opère artificiellement la
fabrique d’un lien qui n’est plus. À ce titre, la position du droit marocain qui refuse une
coparentalité juridique après la séparation est plus conforme à la réalité factuelle. Le droit
de la famille ne doit pas être une sorte de « laboratoire expérimental » et si, dit-on en
général, il faut légiférer en tremblant, plus encore lorsque la personne de l’enfant est en
jeu. Les transformations observées du mariage et de la parenté conduisent toutes à la

1
I. THERY, « Postface. Engendrement et filiation au temps du démariage », in Parenté, Filiation, Origines, Le
droit de l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON, Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 346.
2
N. MOLFESSIS, « La langue et le droit », in Langue et droit, E. JAYME (dir. de), XVème Congrès International de
droit Comparé, Académie Internationale de droit Comparé, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 177-198.

276
question centrale de savoir ce qu’est aujourd’hui la famille1 ? Qu’est ce qui fait cette
dernière à l’heure où le mariage a perdu la place qui était sienne pendant des siècles ?
Qu’en est-il de son nouveau fondement, et celui-ci garantira-t-il réellement la stabilité du
lien familial tel que l’a assuré pendant des siècles le lien matrimonial ? À ces questions, le
droit positif a apporté des réponses successives au gré de l’évolution, semble-t-il des
comportements. La transformation de l’office du juge2 ne consistant plus à juste « dire » le
droit3, mais à réaliser effectivement les droits participe de ce mouvement. Mais le XXIème
siècle marque un tournant radical par rapport à son aîné. Il apparaît que la
dématrimonialisation des liens de famille entre dans la politique juridique menée en
France. Il n’est plus simplement suivisme législatif, mais bien une marche en avant de la
législation réformant à tout va une famille qui de naturelle, devient délibérément
construite.

1
A.-C. REGLIER, L’appréhension de la famille européenne, Thèse, Aix-en-provence, 2013.
2
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010.
3
H. CROZE, « Le juge doit-il dire le droit ?», in Justices et droit du procès, Du légalisme procédural à
l’humanisme processuel, Mélanges en l’honneur de Serge GUINCHARD, Paris, Dalloz, 2010, pp. 225-232.

277
Seconde partie

LA DÉMATRIMONIALISATION DES LIENS


DE FAMILLE

310. La métamorphose du droit de la famille 1. Selon le vocabulaire CORNU,


l’adjectif « matrimonial » se rapporte à tout ce qui a trait au mariage. Pour le Grand Robert
de la langue française, le préfixe –dé sert à former des mots éphémères, d’un usage souvent
individuel. Il indique aussi bien l’éloignement que la négation, en mettant l’accent sur une
valeur intensive dont l’objet est de renforcer, voire achever une action 2. Appliqué à la
dématrimonialisation, ce dernier terme serait le processus en vertu duquel est chassée toute
connotation matrimoniale des rapports familiaux. Si officiellement les premières vagues de
réformes des années 60-80 avaient pour objectif affiché « de démocratiser les rouages des
institutions classiques »3 sans porter atteinte ni remettre en cause le cadre familial
institutionnel, il ressort des réformes engagées à l’aube du XXIème siècle des mutations
beaucoup plus profondes ayant conduit à la métamorphose des institutions familiales. Bien
que les objectifs de ces réformes ne reposent pas sur les mêmes fondements, force est de
constater que celles-ci ne sont pas dénuées de tout lien. Le phénomène de privatisation
décrit en première partie a permis, en premier lieu, de revenir sur les bases traditionnelles
de la famille. Bien qu’en apparence minime, cette étape constitue le préalable
incontournable à la remise en cause de l’équilibre des institutions familiales. Il aurait été
impensable de procéder à un tel chambardement du droit de la famille alors que les
mentalités n’y étaient pas préparées. C’est pourquoi le droit de la famille ces dernières
décennies a été un chantier permanent de l’action législative. Particulièrement silencieux
mais extrêmement rapide, le phénomène de dématrimonialisation trouve sa genèse dans la
consécration juridique des nouvelles conjugalités (Titre 1), ayant mis fin à l’exclusivité du
mariage comme modèle de fondation de la famille d’une part, puis détaché celui-ci de la
parenté par l’admission du mariage au profit des personnes de même sexe d’autre part. Ce

1
P. CATALA, « La métamorphose du droit de la famille », 1804-2004, Le Code civil, Un passé, un présent, un
avenir, Dalloz, 2004, p. 342 et s.
2
P. ROBERT, Le Grand Robert de la langue française, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue
française, Paris, 2ème éd., entièrement revue et enrichie par A. REY, t. III, 1992, V° -dé.
3
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.43, p. 18.

279
bouleversement de la logique matrimoniale dans les relations familiales s’est poursuivi par
une définition de la parenté, dont la refondation est pensée à la lumière de la
dématrimonialisation des liens de famille (Titre 2).

280
Titre premier. La consécration
juridique de nouvelles conjugalités
311. Désengagement de l’État et égalité des couples. Le détachement progressif du
lien matrimonial et du lien familial a permis au mariage de s’autonomiser comme mode de
conjugalité distinct de l’objectif de fondation d’une famille. Dans le même temps émerge
l’idée d’une indissolubilité du lien parental, laquelle semble s’être déportée du mariage
vers la filiation. Telle que décrite dans notre première partie, la privatisation du lien de
famille relègue la question du mariage à une affaire de conscience sur laquelle la société
n’a plus de droit de regard. Ce démariage a été favorisé tant par l’évolution des moeurs et
la baisse de la nuptialité, que par le suivisme législatif. La valeur de l’engagement s’en est
trouvée affaiblie, et le lien institutionnel qui reliait autrefois horizontalement le couple
n’est plus. Il est remplacé par d’autres formes de vie à deux libres de tout engagement,
mais que le droit reconnaît (Chapitre 1). Le mariage ne fonde donc plus rien. Il est
désormais question de la conjugalité ayant conduit à l’absorption du mariage, en en faisant
un mode de conjugalité parmi les autres formes de vie à deux. Appréhendée dans toute sa
factualité, c’est la notion juridique de couple qui émerge1. Ainsi que l’a décrit Monsieur le
professeur Hugues FULCHIRON, « on assiste à un double mouvement de dilatation et de
contraction. Dilatation du mariage qui se dilue dans une conjugalité ouverte à toutes les
formes de vie en couple ; contraction de la conjugalité qui se referme sur le couple et sur
lui seul : le couple n’est plus transcendé par l’alliance »2. Or, la démarche est critiquable
car elle consiste, à partir d’une situation de fait commune aux couples de toute nature, de
leur ouvrir des droits individuels. C’est le passage de l’institution à l’individu3 qui entraîne
le modèle institutionnel dans son sillage en lui faisant perdre de sa substance. L’évolution
n’est pas propre à la France, mais touche le continent européen et bien au-delà, du fait d’un
libéralisme par désengagement de la norme4. C’est pourquoi la question qui se pose est de
savoir si le modèle de familles telle que proposé aujourd’hui par le législateur français
pourrait séduire outre-méditerranée et faire l’objet d’une exportation dans les législations
des pays du Maghreb (Chapitre 2).

1
V. en ce sens : C. BRUNETTI-PONS (dir. de), La notion juridique du couple, Paris, Economica, coll. « Études
juridiques », 1998.
2
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-
Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009,
p. XI.
3
Ibid., p. XII.
4
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur MURAT. Cf. P. MURAT, « Individualisme, libéralisme,
légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., p. 241.

281
Chapitre premier. L’insertion des unions hors-
mariage dans le Code civil

312. La consécration du pluralisme conjugal. Dans le prolongement des réformes


amorcées depuis les années 60, l’entreprise de modernisation du droit de la famille se
poursuit à l’aube du XXIème siècle. Après avoir imprimé sa spécificité au droit du divorce,
l’aspiration à une tendance pluraliste et diversifiée continue en matière de couple. Le
renoncement au modèle légal du mariage comme seul mode d’accès et de fondation de la
famille est consommé par la loi du 15 novembre 1999. L’affirmation « à chacun sa famille,
à chacun son droit » chère au doyen CARBONNIER avait permis à ce dernier d’introduire le
phénomène pluraliste en droit contemporain de la famille. Au nom de ce pluralisme et de la
liberté individuelle1, le législateur offre au couple trois modes de conjugalité correspondant
à trois degrés d’engagement différents : l’engagement perpétuel des conjoints fonde le
mariage, tandis que la liberté gouverne les rapports des partenaires et des concubins. Pour
autant, les trois formes de couples se retrouvent autour de leur volonté de mener une vie
commune. Si le concubinage se révèle dénué de tout devoir ou obligation réciproque, il
n’en va pas de même s’agissant des deux premiers. Calqué sur le mariage, le pacte civil de
solidarité (ci après Pacs) offre des droits et des devoirs comparables (voire équivalents ?) à
ceux du mariage tout au long de la vie commune. Or, si le but du législateur en 1999 était
d’offrir aux couples de même sexe un cadre juridique -distinct du mariage- afin d’organiser
leur vie commune, l’alignement des devoirs et obligations issus du Pacs sur ceux découlant
du mariage affaiblit corrélativement ce dernier2 qui se trouve désormais concurrencé
(Section 1). Loin de s’en tenir à une simple dynamique de concurrence, les revendications
en vue de l’accès au mariage et à la famille par les couples de même sexe finissent par
trouver un écho favorable auprès du législateur qui procède en 2013 à la dénaturation
même du modèle matrimonial par l’admission du mariage entre les couples de même sexe
(Section 2).

1
Sur ces notions, V. J.-L. RENCHON, « La prégnance de l’idéologie individualiste et libérale dans les récentes
réformes du droit de la personne et de la famille », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit.,
pp. 209-236 ; V. aussi, P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-
Parentalité, op. cit., pp. 237-243.
2
Sur cette idée, V. J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris,
éd. Panthéon-Assas, 2012.

282
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 1 : Le lien matrimonial concurrencé

313. Une idée nouvelle : le droit au bonheur pour tous. À la suite des Travaux des
journées d’études sur le droit de la famille 1, François RIGAUX constate une généralisation
de la neutralité de l’État à l’égard des modèles familiaux au sein des systèmes juridiques
occidentaux2. Justifiée par une prétendue poursuite du bonheur, cette tendance appelle un
arrêt sur la réelle teneur de ce qu’est le bonheur, afin d’en saisir le sens dans le cadre de la
vie de couple. Défini comme « l’état heureux, de pleine satisfaction et de jouissance de la
personne », le bonheur fait appel à l’état d’épanouissement et au sentiment de bien-être.
Appliqué à la sphère familiale, le bonheur3 suppose, en amont, de saisir le sens réel de sa
propre existence afin de parvenir à une connaissance de l’universel en tant qu’abstraction.
À cet égard, le mariage implique « un engagement de tout l’être (…) ; un don total de
soi »4 en tant qu’il constitue une expérience de l’amour5 portée par l’idée du don6. Nous
avons pu démontrer que si les individus ont une singularité ontologique, les êtres qu’ils
constituent doivent réaliser que chaque élément de leur existence est en connexion avec les
autres dans un tout harmonieux7. Or, le bonheur tel qu’appréhendé dans les sociétés
occidentales se détache en tous points du bonheur dont la notion de Bien commun serait la
finalité, son objet étant la satisfaction de la particularité et non de l’universel. Il se
cantonne à la recherche du bien-être de soi, au détriment du « Soi éthique » 8 du couple.
Madame le professeur DOUCHY-OUDOT exprime en ces termes la base sur laquelle se font
et se défont les unions aujourd’hui : « mais puisqu’ils s’aiment...mais puisqu’ils ne
s’aiment plus »9.

1
F. RIGAUX (préface de), Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, Travaux des
VIIIème Journées d’études juridiques Jean DABIN organisées par le Centre de Droit de la Famille les 25-26 mars
1976 à Woluwe-St-Lambert (Bruxelles), Paris, LGDJ, 1978.
2
M. A. GLENDON, « La transformation des rapports entre l’État et la famille dans l’évolution actuelle du droit
des Etats-Unis », in Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, op. cit., p. 14.
3
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle.
Études offertes à Georges RIPERT, t. 1, Paris, LGDJ, 1950, p. 335.
4
E. DU PONTAVICE, « Droit de la famille et droit au bonheur » in Mélanges offerts à Monsieur le professeur
Pierre VOIRIN, Paris, LGDJ, 1967, p. 688.
5
P. SOUAL, Le drame de la liberté, Introduction aux Principes de la philosophie du droit de Hegel, Paris,
Hermann éd., 2011, p. 82.
6
En ce sens : M. DOUCHY-OUDOT, « Propos impertinents sur l’amour conjugal », Mélanges en l’honneur du
professeur Jean Hauser, Paris, LexisNexis Dalloz, 2012, pp. 81-94.
7
V. supra, n° 55 à 58.
8
Sur cette notion du « Soi éthique du couple », cf. l’ouvrage de P. SOUAL, op. cit., p. 83. Pour l’auteur, « entrer
dans l’union demande donc d’abandonner sa personnalité séparée, isolée et égoïste, de renoncer à son être-pour-
soi exclusif et de s’enchaîner avec l’autre. Cette autolimitation est en vérité une libération à l’égard du caractère
indéfini du désir et de la passion, c’est le gain d’une nouvelle personnalité, déterminé et libre dans la communion
des cœurs. En perdant son moi égoïste, chacun gagne son Soi éthique dans le Soi du couple ».
9
M. DOUCHY-OUDOT, « Propos impertinents sur l’amour conjugal », in Mélanges en l’honneur du professeur
Jean HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, p. 81.

283
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Dans le prolongement de cette idée, la société considère aujourd’hui le fait d’être heureux
et de vivre ensemble comme fondement suffisant de la relation familiale. Le suivisme
législatif contemporain a consacré cet état des choses en reconnaissant l’existence de
couples conjugaux sur la seule base de leur volonté commune de vivre ensemble : à côté de
la reconnaissance du concubinage comme mode possible de fondation d’une famille, il a
aussi créé le Pacs.
314. Les signes avant-coureurs de la reconnaissance du concubinage. Depuis la
loi du 2 janvier 19781, les couples de concubins ont bénéficié –au regard des droits
sociaux- de la faveur constante du législateur2. Une telle démarche traduit la prise en
compte -par le droit non civil de la famille3- des couples non-mariés, et repose sur
l’impératif de neutralité qui consiste à ne pas porter de jugement de valeur sur le modèle4
familial choisi. C’est pourquoi la loi MALHURET5 leur permettra, sur simple déclaration
devant le juge des tutelles, d’exercer conjointement l’autorité parentale sur l’enfant issu du
couple. La faveur du législateur continue avec la loi du 6 juillet 19896 qui permet la
continuation du contrat de bail au profit du concubin en cas de décès ou d’abandon de son
partenaire. La même année, en refusant l’assimilation des couples homosexuels et des
couples hétérosexuels7, la Cour de cassation contribue à leur reconnaissance. Enfin, une
vie commune stable de deux ans leur ouvrira le droit en 1994 à l’assistance médicale à la
procréation8. Dès lors, c’est bien le fait de vivre ensemble et de se comporter tel un couple
marié qui permet de révéler le couple (§1). L’approche factuelle qui en découle ne doit
néanmoins pas occulter l’essence même du concubinage, qui demeure la liberté (§2). Or,
de plus en plus, le législateur tend à rapprocher voire confondre, les effets produits par la
conjugalité engageante et les conjugalités qui ne le sont pas, à tel point qu’une partie de la
doctrine, après avoir pressenti l’ébauche d’un droit commun familial 9, s’attache

1
Loi par laquelle le législateur permet au concubin qui ne travaille pas d’être l’ayant-droit de son compagnon
assuré social (Art. L. 161-14 du C. sécu. soc.). Avant cette date toutefois, la loi du 16 novembre 1912 introduit
l’article 340-4 au sein du Code civil ainsi libellé : « La paternité hors mariage peut être judiciairement déclarée
(…) », et le 4° de cet article poursuit ainsi : « Dans le cas où le père prétendu et la mère ont vécu en état de
concubinage notoire pendant la période légale de la conception ».
2
De la même manière, le concubin victime d’un accident du travail a droit au versement d’une rente viagère (art.
L. 434-8 C. sécu. soc.).
3
O. DEBAT, « Le droit social et le droit fiscal, des vecteurs de mutations familiales », in Lien familial, lien
obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-
BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, 2014, pp. 105-117.
4
Sur cette notion de modèle, V. Monsieur le professeur H. FULCHIRON, qui s’interroge sur l’existence d’un
modèle familial européen : « Un modèle familial européen ? », in Vers un statut européen de la famille,
H. FULCHIRON, C. BIDAUD-GARON (dir. de), Actes du colloque organisé par le Centre de droit de la famille de
l’Université Jean-Moulin Lyon 3, en association avec le CREDIP, Lyon, les 21 et 22 novembre 2013, Dalloz,
2014, pp. 171-185.
5
Sur cette loi, V. infra, n° 450.
6
L. n° 89-462 du 6 juil. 1989.
7
Pour de plus amples développements sur les couples de même sexe, V. notre Section 2 de ce chapitre.
8
Art. L. 2141-2 du C. santé pub.
9
J. HAUSER, « Vers un droit commun familial », D., 1991, p. 56.

284
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

aujourd’hui à la réflexion sur un possible droit commun du couple 1, voire la possible mise
en place d’un régime impératif conjugal (§3).

§1) Le couple non marié révélé par la vie commune

315. Une reconnaissance symbolique. L’entrée en vigueur de la loi du 15 novembre


1999 offre au législateur l’occasion de définir ce qu’est le concubinage3. Au sein du titre
2

XII (chapitre 2) du Code civil, celui-ci est défini comme l’« union de fait4, caractérisée par
une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité, entre deux
personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». La célèbre formule
attribuée à NAPOLEON, en vertu de laquelle si « les concubins se passent de la loi, la loi se
désintéresse d’eux », n’est plus que partiellement vraie, et explique pourquoi il n’a jamais
été à l’ordre du jour du législateur5 de doter les concubins d’un statut6. À l’occasion des
débats parlementaires portant sur la création du Pacs7, la question de la reconnaissance du
concubinage n’a été qu’incidemment abordée, ce qui explique que seule une définition de
ses éléments constitutifs est donnée. La possibilité d’une organisation juridique du
concubinage a néanmoins poussé certains auteurs à la réflexion. En 1986 déjà, un auteur
s’interrogeait sur la possibilité pour le législateur de reconnaître le concubinage en lui
conférant un statut harmonieux, à l’image du modèle8 du mariage. Considéré comme étant
un « faux-problème »9 par Madame le professeur RUBELLIN-DEVICHI, cette dernière
reconnaît qu’ « il est impossible de traiter de façon unitaire des situations de fait aussi
1
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012.
2
L. n° 99-944 du 15 novembre 1999, J.O, 16 nov. 1999, p. 16959.
3
Pour une étude comparée, sociologique et juridique des concubinages, cf. J. RUBELLIN-DEVICHI (dir. de), Les
concubinages, Approche sociologique, Paris, éd. du CNRS, 1986; Des concubinages dans le monde, Paris, éd.
du CNRS, 1990; du même auteur : « Les concubinages : mise à jour », in Mélanges HUET-WEILLER, Paris, LGDJ,
1994, p. 389 et s.
4
Monsieur le professeur J.-J. LEMOULAND considère que le maintien du terme « union de fait » dans cette
définition est une maladresse au vu de la place du concubinage aujourd’hui dans le droit civil et des effets qu’il
produit. Cf. J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, éd. Ellipses, 2014, p. 370.
5
J. RUBELLIN-DEVICHI, « L’attitude du législateur contemporain face au mariage de fait », RTD civ., 1983,
389 et s.
6
Cf. Rép. min. n° 25678 du 24 mars 1980, JCP, G, IV, 1980, 408 : « Il serait paradoxal d’enfermer dans un
cadre rigide une situation qui repose par définition sur le liberté des intéressés » ;V. aussi, A. SERIAUX, « De
l’opportunité d’un statut des concubins », in Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au
concubinage et au pacte civil de solidarité, Actes des Journées d’Études des 4 et 5 mai 2000, organisées par le
Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droit privé (LERADP), Université Lille II, Paris, LGDJ, pp.
29-36.
7
Sur la genèse du PACS, cf. H. BOSSE-PLATIERE, « Nature juridique et évolution du Pacs », in Droit de la
famille, P. MURAT (dir. de), Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, pp. 559-574.
8
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Modèles et normes en droit contemporain de la famille », in Mélanges Christian
MOULY, Paris, Litec, 1998, p. 281. Sur la notion de modèle, V. TERRASSON DE FOUGERES, Le modèle dans le
droit de la famille. Notion et fonction, Thèse, Paris II, 1994.
9
Pour reprendre l’expression employée par Madame le professeur RUBELLIN-DEVICHI, in Les concubinages,
Approche socio-juridique, Paris, éd. du CNRS, 1986, p. 18.

285
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

diverses »1, qui plus est dans des domaines différents (civil, social et fiscal). Pour Madame
le professeur Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ, le décloisonnement des disciplines conduit
nécessairement le droit civil, à partir de la notion de vie maritale, à tenir « compte des
formes de vie familiale auxquelles le droit social accorderait une reconnaissance seulement
pécuniaire »2. Le même constat trouve toute sa pertinence au regard de l’évolution du droit
européen et de ses répercussions sur le droit interne. La diversité des objectifs et des
méthodes employées par les différentes sources normatives conduisent à ce que l’auteur a
qualifié de « dévoiement des modèles familiaux ». Si aujourd’hui la définition du
concubinage se trouve en porte-à-faux des effets qu’il engendre, c’est très précisément en
raison des effets non négligeables qu’il produit et qui conduisent parfois à assimiler les
concubins aux personnes mariées. De la même manière, la rupture du concubinage génère
un important contentieux -entre les concubins eux-mêmes mais aussi à l’égard des tiers-
qui conduit Monsieur le professeur Jean-Jacques LEMOULAND à douter que « (…) cette
situation (ne peut être) soit tenable indéfiniment »3. L’étude de la jurisprudence en la
matière permet de « tracer un cadre », et la notion d’obligation naturelle permet parfois aux
juges de pallier l’absence de statut juridique. Il ne serait pas inconcevable, dans ce
contexte, de mener une réflexion quant à la possibilité d’un certain nombre de règles
primaires au profit des couples de concubins.
316. Un changement profond du droit de la famille. La place occupée par le
mariage durant des siècles a conduit le législateur, dès la promulgation du Code civil, à
ignorer les concubins. Union « de seconde zone », le concubinage était inférieur à l’état de
mariage et le législateur lui déniait tout effet juridique. Or, l’augmentation des divorces et
la désaffection des plus jeunes vis-à-vis du mariage dans la seconde moitié du XXème siècle
ont conduit à une remise en cause de cette idée. L’évolution de la société et des mœurs -
mise en évidence par la sociologie (notamment juridique) et les enquêtes d’opinion- a mis
en lumière la nécessité d’adapter le droit aux réalités de notre temps, et des propositions
ont été faites en ce sens4. Bien que le concubinage produisait déjà des effets -
essentiellement sociaux et en matière d’autorité parentale-, sa reconnaissance par le
législateur en 1999 a emporté nombre de conséquences. Il ne s’agit pas seulement de la
consécration légale d’un phénomène déjà existant ou de la simple adaptation du droit à la
réalité. Les conséquences qu’une telle reconnaissance ont radicalement bouleversé le
paysage du droit français de la famille. En premier lieu, la perception même du couple en

1
Ibid., p. 18.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Modèles et normes en droit contemporain de la famille », art. precit., p. 281.
3
J.-J. LEMOULAND, Droit de la famille, Paris, éd. Ellipses, 2014, p. 373, spec. 458.
4
V. en ce sens le rapport de Madame le professeur F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille.
Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux,
ministre de la Justice, Paris, La Documentation française, Coll. des « rapports officiels », 1999 ; I. THERY,
Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et de la vie privée, Rapport à
la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des Sceaux, ministre de la Justice, Paris, éd. Odile
Jacob&La Documentation française, 1998.

286
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

ressort profondément modifiée. Le mariage n’étant plus la seule forme légale d’union, tous
les couples sont égaux et se valent dans la société, qu’ils soient de même sexe ou de sexe
différent. Le couple hétérosexuel coexiste désormais avec le couple homosexuel, auquel la
jurisprudence1 a longtemps refusé la reconnaissance. En second lieu, cette loi signe
l’abandon de l’exclusivité du mariage en tant que modèle de fondation de la famille.
Peuvent désormais coexister à ses côtés, au sein du Code civil, des unions qui recouvrent
d’autres réalités2, caractérisées par la volonté de vivre ensemble et sans nécessairement
s’inscrire dans la durée. Il y a là un retrait du rôle « positif » du législateur, qui déterminait
autrefois ce qui était bon pour la société et le consacrait légalement. Avec cette loi, il fait
œuvre de neutralité en renonçant à privilégier une union au détriment d’une autre, alors
même qu’elle serait plus profitable pour la société3. En troisième lieu, il s’agit de la
consécration de l’engagement privé des individus qui se passe de la société pour exister. À
cet égard, Madame Clotilde BRUNETTI-PONS considère que « cette loi s’inscrit dans un
courant d’idées selon lequel : il n’existe pas de famille idéale ; la loi doit rester neutre et
tenir compte de la diversité des situations »4. Au demeurant, le législateur « refuse de
reconnaître à une forme d’union plus de qualités qu’aux autres », car « rien ne vient plus
justifier que le mariage conserve sa place traditionnelle de modèle »5. Enfin, cette loi
parachève la dissociation de la vie commune du couple conjugal, « envisagée sous son
aspect intimiste et personnel d’une part, et la relation parentale, envisagée sous l’angle de
l’intérêt de l’enfant, d’autre part »6. Après avoir permis aux enfants nés hors mariage
d’entrer dans la famille de leur auteur, la rupture consiste à reconnaître le couple non fondé
sur le mariage, de même sexe soit-il ou de sexe différent. Corrélativement, le couple est
valorisé et constitue la nouvelle matrice du droit de la famille.
317. Une situation de pur fait. Selon Monsieur le professeur ROUBIER, les
situations juridiques sont « des situations individuelles et concrètes, dans lesquelles
peuvent se trouver placées les personnes les unes vis-à-vis des autres, sur la base des règles
juridiques »7. À l’inverse, les situations de fait « (…) ont ce caractère particulier de
ressembler à des situations de droit bien précises, tout en s’en distinguant »8. Bien que les

1
Cass. soc., 11 juil. 1989, D., 1990, p. 582 ; Civ. 3ème, 17 déc. 1997, D., 1998, p. 111.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », art. precit., pp. 29-36.
3
Sur l’antinominalisme du législateur dénoncé par Monsieur le professeur Y. LEQUETTE, cf. supra, n° 83.
4
C. BRUNETTI-PONS, « Couple, concubinage et Pacs, de l’émergence d’une hiérarchie des couples ? », in
Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte civil de solidarité, Actes
des Journées d’Études des 4 et 5 mai 2000 organisées par le Laboratoire d’Études et de Recherche appliquées au
Droit Privé (LERADP) de l’Université de Lille II, F. DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir. de), Paris, LGDJ, 2002, p. 37.
5
Ibidem., p. 38.
6
C. BRUNETTI-PONS, « Couple, concubinage et Pacs, de l’émergence d’une hiérarchie des couples ? », art.
precit., p. 39.
7
P. ROUBIER, Droits subjectifs et situations juridiques, Paris, Dalloz, 1963.
8
L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990, p. 3 ; V. aussi L. JOSSERAND, « L’avènement
du concubinat, DH, 1932, chron. 45; P. ESMEIN, « Le problème de l’union libre », RTD civ., 1935, 747;

287
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« situations de fait soient également des situations concrètes, la structure matérielle de


chacune d’elles est très proche d’une situation de droit : (…) les concubins vivent en fait
comme des époux, les époux séparés de fait n’ont plus de vie commune comme ceux qui
sont séparés de corps ou divorcés, etc... La différence vient de ce que les situations de fait
ne sont pas établies conformément aux règles de droit (…) »1. Pourtant, il arrive que le
droit prenne en compte ces situations. Ce sont alors des situations irrégulières « auxquelles
sont attachées certains des effets des situations de droit correspondantes » 2. Cette analyse
se vérifie pleinement s’agissant du concubinage, pris en compte du fait de la vie commune
qui le révèle.
318. Une situation fondée sur la vie commune. Les articles 515-8 et 515-1 du Code
civil, issus de la loi du 15 novembre 1999 portant reconnaissance du concubinage et
création du Pacte civil de solidarité (ci-après Pacs) visent tous deux la vie commune
comme critère de reconnaissance des relations non fondées sur le mariage. Si la notion de
vie commune ne fait pas l’objet d’une définition, le Conseil constitutionnel, s’agissant du
PACS3, a érigé la vie de couple en condition d’application du statut 4. Celui-ci a eu
l’occasion de préciser que « la notion de vie commune ne couvre pas seulement une
communauté d’intérêts et ne se limite pas à l’exigence d’une simple cohabitation entre
deux personnes ; la vie commune mentionnée par la loi suppose, outre une résidence
commune, une vie de couple qui seule justifie que le législateur ait prévu des causes de
nullité du pacte qui, soit reprennent les empêchements à mariage visant à prévenir
l’inceste, soit évitent une violation de l’obligation de fidélité découlant du mariage ; qu’en
conséquence, sans définir expressément le contenu de la vie commune, le législateur en a
déterminé les composantes essentielles »5. Tandis que les partenaires s’engagent
contractuellement à organiser leur vie commune, l’article 515-8 relatif au concubinage
n’en dit mot. Pourtant, la jurisprudence n’hésitait pas auparavant à définir le concubinage
en contemplation du mariage6 chaque fois que la vie du couple de concubins s’en
rapprochait7. S’il n’existe pas plusieurs façons de vivre en couple, la vie commune des

M. NAST, « Vers l’union libre ou le crépuscule du mariage légal », DH, 1938, chron. 37; R. RODIERE, Le ménage
de fait devant la loi française, Travaux de l’Association Henri Capitant, t. XI, 1957.
1
L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, op. cit., p. 3.
2
Ibid., p. 4.
3
Sur celui-ci cf. W. BABY, Les effets patrimoniaux du Pacs. L’invention d’une nouvelle forme de conjugalité,
Paris, Defrénois, coll. « Droit&Notariat », 2013.
4
Au lendemain de la loi instaurant le PACS, certains ne voyaient en la communauté de vie que le simple partage
du logement commun. Ce point de vue éloignait dès lors le PACS de la sphère conjugale.
5
Cons. constit., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 novembre, V. N. MOLFESSIS, « Pacte civil de solidarité : la
réécriture de la loi relative au pacs par le Conseil constitutionnel », JCP, G, I, 2000, p. 210.
6
P. MALAURIE, « Mariage et concubinage en droit français contemporain », Arch. philo. dr., 1975, pp. 17-28,
spec. p. 23.
7
Or, la définition retenue du concubinage prend le soin de dissocier nettement le concubinage -union de pur fait-
du mariage.

288
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

concubins semble toujours être calquée sur celle des époux ou des partenaires1. Révélateur
de l’effectivité de la vie de couple, ce critère constitue aujourd’hui le dénominateur
commun aux trois formes de conjugalité. Purement factuel, il contribue également à leur
confusion2 du fait que le législateur en fait le critère exclusif permettant aux conjugalités
de produire leurs effets.
319. Appréciation jurisprudentielle de la durée de la vie commune. Pour produire
des effets, le concubinage doit s’inscrire dans la durée et la stabilité3. Le temps4 est à cet
égard d’une admirable vertu légitimante. Si en mariage la communauté de vie a déjà
quelque chose de présumé, en concubinage elle reste à prouver. Bien qu’elle ne découle
pas uniquement de la cohabitation, il semble difficile d’établir la communauté de vie en
dehors de toute vie commune matérielle. Il revient donc aux tribunaux d’apprécier, au cas
par cas la stabilité et la longévité de l’union5. La Cour de cassation a d’ailleurs rappelé que
la preuve du concubinage est libre et les juges du fond l’apprécient souverainement. Il leur
est par conséquent loisible de se retrancher derrière leur pouvoir souverain afin de refuser à
l’union le caractère de stabilité exigé par l’article 515-8 du Code civil, en l’absence de
domiciliation commune de l’intéressée et du défunt, et d’une domiciliation différente pour
le compte bancaire joint6. La solution peut sembler sévère si l’on repense à la conception
plus souple de la communauté de vie en mariage. C’est pourquoi la jurisprudence se
montre assez libérale, n’hésitant pas à retenir l’existence du concubinage même lorsqu’il
est établi que les individus ne partagent pas un domicile commun7. Néanmoins,
l’appréciation au cas par cas de la durée de la vie commune demeure problématique car si
ce critère est indispensable à l’établissement de l’intention concubinaire 8, il conditionnera
également l’octroi de certains droits sociaux au profit des concubins.

1
Bien qu’il se dessine nettement avec la loi de 1999 une hiérarchisation des nouvelles formes de conjugalité,
tributaire du degré d’engagement du couple : M. LAMARCHE, Les degrés du mariage, Marseille, PUAM, 1999.
2
Cette confusion se trouve accentuée par la décision du Conseil constitutionnel qui a posé la nécessité d’une vie
de couple, plus large que la simple cohabitation initialement retenue par le législateur dans le Pacs. Conseil
constit., DC n° 99-419 du 9 nov. 1999, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962.
3
Ces deux critères figuraient déjà dans la jurisprudence antérieure à la loi de 1999, et ont été consacrés par elle :
CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132, note H. LECUYER ; CA Toulouse, 6 mars 2000,
Rev. dr. fam., comm. 106, note H. LECUYER.
4
La jurisprudence examine au cas par cas la réalité de la stabilité du couple « de fait ». Ainsi, une simple
aventure, dénuée du caractère de stabilité, ne permet pas de retenir la qualification de concubinage au sens de
l’article 515-8, cf. CA Toulouse, 23 janvier 2001, JurisData, n° 2001-137248.
5
R.-M. ROLAND, Le couple et l’artifice. Droit des néo-conjugalités : mariages fictifs, concubinages, pacs, Lyon,
éd. L’Hermès, 2000, p. 362.
6
Cass. crim. 5 oct. 2010, n° 10-81.743, Rev. dr. fam., 2011, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 1.
7
CA Paris, 19 janv. 1989, D., 1989, p. 42 ; CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132,
H. LECUYER ; CA Douai, 12 déc. 2002, n° 01/03255, Rev. dr. fam., 2003, comm. 86, H. LECUYER. V. plus
récemment : CA Lyon, 2ème ch. A, 2 juill. 2013, n° 13/03189, Rev. dr. fam., n° 10, oct. 2013, comm. 132, J.-R.
BINET.
8
R.-M. ROLAND, Le couple et l’artifice, op. cit., p. 358.

289
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

320. La vie commune suppose une vie de couple. La prise en compte de la


communauté de vie comme critère de reconnaissance du concubinage conduit à considérer
le couple comme une entité autonome, perçue principalement sous l’angle de ses relations
intimes. À cet égard, la loi de 1999 reconnaît les concubins comme formant un couple,
tandis que jusqu’à cette date, ils ne représentaient qu’une situation de fait mettant en cause
deux individus pris isolément. C’est la consécration expresse du couple conjugal de sexe
différent ou de même sexe, distinct du couple parental. Pour la doctrine, il s’agit de la
consécration juridique de la notion de couple en droit civil1.
Bien que le texte ne formule pas expressément l’exigence de relations sexuelles, la vie de
couple telle que visée les implique. Or, mettre sous l’éclairage du droit un aspect aussi
intime de la relation témoigne d’une intrusion au sein d’une sphère considérée par le doyen
CARBONNIER comme étant une zone de non-droit. C’est pourquoi il ne semble pas
opportun de définir le concubinage comme étant une situation de pur fait, le droit s’étant
immiscé dans les moindres recoins de la vie privée du couple. Désormais, Monsieur le
professeur Francis CABALLERO souligne que le concubinage est « ouvert à toutes les
formes d’union sexuelle sans être borné par les empêchements au mariage (…) qui en
interdisent l’accès à certaines catégories de personnes », dont les fratries2. Néanmoins,
l’auteur relève une limite importante à cette liberté tenant au fait qu’il ne peut réunir que
deux personnes vivant ensemble, ce qui exclut le concubinage à plusieurs »3. Or, certains
auteurs ont pu élargir le champ de la réflexion quant à l’opportunité du maintien d’un
couple réduit à deux personnes, dès lors que les individus le composant bénéficient d’une
entière liberté pour l’organiser. Si l’aspect intime de la relation est davantage pris en
compte4, la vie commune en Pacs et en concubinage suppose des relations intimes.
Pourtant, « il n’est aucune conséquence juridique attachée à cet élément dit constitutif du
Pacs, ni fidélité pour les partenaires, ni lien avec des enfants potentiels. Rien
n’empêcherait, sous réserve du respect des interdictions de l’article 515-2 du Code civil,
d’utiliser le contrat de PACS en simple contrat d’organisation de la vie “communautaire”,
simplement fraternelle »5. Il est donc évident que seule une volonté de rapprocher le Pacs
du mariage a conduit le législateur à utiliser des termes similaires mais qui n’ont pas
vocation à recouvrir les mêmes notions dès lors que les sanctions ne sont pas les mêmes 6.

1
C. BRUNETTI-PONS (dir.), La notion juridique de couple, op. cit.
2
D’ailleurs, les propositions de loi de Messieurs Jean-Pierre MICHEL et Jean-Marc HAYRAULT prévoyaient
d’étendre à deux frères, deux sœurs, un frère et une sœur, la plupart des effets découlant de la conclusion du
Pacs, excepté aux conséquences relatives aux droits successoraux et aux donations, ceux-là étant jugés plus
favorables sur le plan fiscal au profit des collatéraux.
3
F. CABALLERO, Droit du sexe, Paris, LGDJ, Lextenso éd., 2010, p. 248, spec. n° 287.
4
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 25-33.
5
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, Paris, Lextenso éd., 2013, p. 50.
6
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié en droit belge
et français, Les statuts légaux des couples, Vol. 1, Bruxelles, éd. Larcier, 2012, p. 514.

290
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

En outre, Madame Clotilde BRUNETTI-PONS déplore que ce critère favorise la séparation


entre « couple conjugal » et « couple parental », en appauvrissant la référence familiale au
détriment de la relation parentale. Celle-ci souligne que « la référence à la notion de couple
peut sembler préférable en ce qu’elle permet de les associer (concubinage et mariage) par
la mise en évidence d’un autre dénominateur commun : l’union »1.

§2) Le couple non marié gouverné par le principe de liberté

321. Le recul du principe de liberté en concubinage. Les concubins ne sont tenus


entre eux à aucune obligation expressément prévue par la loi. Bien que réglementé, le Pacs
n’en demeure pas moins une forme de concubinage institué, dont l’essence est la liberté.
Pourtant, l’étendue de la liberté dans le cadre de ces deux formes de conjugalité mérite
l’attention à l’heure où leurs effets tant durant la vie de couple (A) que lors de la rupture
(B), se rapprochent de plus en plus de ceux du mariage2.

A) La liberté encadrée durant la vie de couple

322. Les conjugalités non engageantes : quel degré d’immixtion du législateur ?


Si le statut des couples mariés repose sur des règles juridiques protectrices, l’émergence de
nouvelles formes de conjugalités reconnues par le droit a conduit le législateur à élaborer
un certain nombre d’« obligations génériques »3 au profit des couples non mariés. La
démarche aboutit à l’assimilation des couples non mariés aux époux -ce qui n’est guère
souhaitable- ou à l’élaboration de règles propres prenant en compte la vocation des
concubins et partenaires à la liberté. Le respect de cet équilibre sera vérifié tant sur le plan
de la vie personnelle du couple (1) que sur le plan patrimonial (2).

1- Sur le plan personnel

323. Une seule façon de vivre en couple. Complet et protecteur, c’est en


contemplation des règles issues du statut du mariage que le législateur s’inspire pour
réglementer les autres formes de conjugalité. Néanmoins, la liberté constitutive du Pacs et
du concubinage commande que la règle de droit n’y interfère qu’avec parcimonie, ou
qu’elle soit à tout le moins respectueuse du degré d’engagement diminué du couple. Sans

1
C. BRUNETTI-PONS, « Couple, concubinage et Pacs, de l’émergence d’une hiérarchie des couples ? », art.
precit., p. 40, note 17.
2
J.-J. LEMOULAND, « La diversité du droit contemporain de la famille : un trompe l’œil », in Mélanges en
l’honneur de Jerry SAINTE-ROSE, C. PUIGELIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 729-750.
3
Pour reprendre l’expression utilisée par Madame Gaëlle RUFFIEUX in Les sanctions des obligations familiales,
Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2014.

291
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

cette précaution, le risque est d’aboutir à un monolithisme contraire au pluralisme institué.


La vie du couple marié ne diffère pas, au plan factuel, de celle des couples non mariés1, et
certains principes « moraux » commandent de traiter de manière identique les couples
mariés et les couples non mariés. C’est notamment le cas lorsque sont en cause les
exigences de respect (α), d’assistance (β) voire de fidélité (Γ).

α) L’exigence de respect

324. Indifférence quant à la nature du lien unissant le couple. L’obligation de


respect résulte du devoir général de ne pas nuire à autrui. Ce principe gouverne les rapports
entre les personnes et, au-delà des dispositions du Code pénal, trouve sa traduction
dans l’article 1382 du Code civil (article 1240 du Code civil à compter du 1er octobre
2016)2 condamnant à réparation celui dont la faute cause un dommage à autrui. Dans ce
cadre, le phénomène des violences, perpétré dans un cadre conjugal, suppose une
protection particulière et originale car il s’agit de s’immiscer dans l’intimité du couple afin
de sanctionner les débordements occasionnés, notamment en présence d’enfants3.
L’expulsion du conjoint violent du domicile conjugal a dans un premier temps été prévu
dans le cadre d’une procédure de divorce 4. En même temps qu’elle renforçait la prévention
et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs, la loi
n° 2006-399 du 4 avril 20065 introduisait le devoir de respect dans le Code civil en tête de
liste des obligations nées du mariage. Désormais, aux côtés de la fidélité, du secours et de
l’assistance, les époux se doivent aussi le respect6. Réservée aux seuls couples mariés, la
protection contre les violences conjugales ne pouvait valablement demeurer tributaire de la
qualité du lien qui unit la victime à son agresseur. L’atteinte à l’intégrité des personnes qui
en découle dépasse le cadre des relations conjugales et la Cour européenne ne manque de
le rappeler7. C’est dans ce contexte que la loi n° 2010-769 du 9 juillet 20101 relative aux

1
Pour Monsieur le professeur Xavier LABBEE, il n’y a pas « différentes manières de mener une vie commune
mais il n’y en a qu’une », c’est pourquoi ce dernier invite à une possible « définition unique de la vie de
couple », car les articles 215, 515-1 et 515-8 du Code civil disent au fond la même chose. En ce sens :
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012, pp. 99-100.
2
Cf. ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de
la preuve des obligations, J.O, 11 fév. 2016.
3
Cf. à ce sujet le dossier consacré par l’AJ fam., 2013, n° 5, « Enfant et conflit conjugal ».
4
L. n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce, ainsi que son décret d’application n° 2004-1158 du 29
octobre 2004 portant réforme de la procédure en matière familiale.
5
L. n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou
commises contre les mineurs, J.O, 5 avril 2006 p. 5097.
6
Article 212 du Code civil.
7
P. LAMBERT, « La violence conjugale et la Convention européenne des Droits de l’Homme », in Le droit de la
famille à l’épreuve de la CEDH, F. KRENC, M. PUECHAVY (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 47-53. V.
aussi la condamnation d’États dont la protection contre les violences conjugales fait défaut : CEDH, 12 juin
2008, n° 71127/01, Bevacqua c/ Bulgarie ; CEDH, 15 sept. 2009, n° 8227/04, E.S. c/ Slovaquie ; CEDH, 30 nov.
2010, n° 2660/03, Hajduovà c/ Slovaquie ; CEDH, 24 avr. 2012, n° 57693/10, Kalucza c/ Hongrie ; CEDH, 26

292
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants constitue la
traduction de l’intérêt porté par le législateur à cette problématique. Ainsi, la victime des
violences conjugales peut être la personne vivant en couple, peu importe le lien actuel ou
ancien l’unissant à l’autre membre du couple. L’originalité de la protection mise en place
consiste en l’instauration d’un dispositif généralisé et autonome de protection au profit de
tous les couples conjugaux.
325. La mise en place d’une protection judiciaire sur le plan civil. L’article 515-9
dispose que « lorsque les violences exercées au sein du couple ou par un ancien conjoint,
un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin mettant en
danger la personne qui en est victime, un ou plusieurs enfants, le juge aux affaires
familiales (JAF) peut délivrer en urgence à cette dernière une ordonnance de protection ».
Outre cette ordonnance de protection délivrée par le JAF, dont la durée de vie ne peut être
supérieure à 6 mois2 – sauf pour le conjoint qui peut demander la prorogation de ces
mesures si une requête en divorce est introduite-, les mesures civiles de protection
permettent au juge d’éloigner3 l’auteur des violences de la victime ou de ses proches,
d’attribuer au bénéfice de la victime le logement du couple 4, de statuer sur l’exercice de
l’autorité parentale5 lorsqu’existent des enfants, de se prononcer sur les sorties de territoire
du membre du couple ou des enfants6 et, depuis l’adoption de la loi relative à la protection
de l’enfance7, retirer l’autorité parentale « lorsque l’enfant est témoin de pressions ou de
violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la
personne de l’autre ». Le non respect de l’ordonnance de protection par l’auteur présumé
des violences peut donner lieu à deux ans d’emprisonnement et 15000 euros d’amende. De
façon similaire, le seul fait de ne pas communiquer son changement de domicile au
membre du couple créancier dans le cadre d’une mesure relative au paiement de subsides
ou de contribution expose l’auteur présumé des violences à 6 mois d’emprisonnement et
7500 euros d’amende. Autant de prérogatives permettent incontestablement au JAF de se
positionner comme étant l’acteur central de la défense des personnes et de la famille.
Récemment, une proposition de loi a été déposée devant l’Assemblée nationale8 en vue de

mars 2013, n° 33234/07, Valiuliené c/ Lituanie ; CEDH, 28 mai 2013, n° 3564/11, Eremia et a. c/ République de
Moldavie.
1
M. DOUCHY-OUDOT, « Quelle protection contre les violences au sein du couple ? », Rev. Procédures, 2010,
n° 10, 37 ; I. CORPART, « Intensification de la lutte contre les violences conjugales. Commentaire de la loi n°
2010-769 du 9 juillet 2010 », Rev. dr. fam., n° 11, nov. 2010, étude 28.
2
Art. 515-12 C. civ.
3
Art. 515-11, 3° C. civ.
4
Art. 515-11, 4° C. civ.
5
Art. 515-11, 5° C. civ.
6
Art. 375-2, 375-3, 375-5 C. civ.
7
Art. 25 de la L. n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l’enfant, J.O, 15 mars 2016, modifiant
l’article 378-1 du Code civil.
8
Proposition de loi n° 2686 visant à déchoir de leur bail les locataires sociaux auteurs de violences conjugales,
enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 25 mars 2015.

293
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déchoir de leur droit au maintien dans le logement le conjoint ou le concubin violent,


lorsque celui-ci est titulaire du bail du logement social occupé par le couple. L’objectif
étant de renforcer la protection des femmes victimes de violences, en leur transférant le
droit au maintien dans les lieux, afin de permettre à la victime, lorsqu’elle le décide,
d’engager une procédure d’expulsion à l’égard du conjoint ou concubin violent1.
La faiblesse du dispositif réside en outre dans le fait que la saisine du juge n’a lieu qu’à la
demande de la victime ou du ministère public. Or, le plus souvent, les victimes en état de
choc ne saisissent pas elles mêmes le JAF mais passent par l’intermédiaire du ministère
public qui, avec leur accord, le fera. Ainsi que l’a si justement souligné un auteur,
« l’ordonnance de protection, en tout état de cause, suppose que la victime soit apte à se
dégager de l’emprise de son conjoint, partenaire ou concubin et donc qu’elle adhère a
minima à la procédure déclenchée. Là sera sans doute l’un des grands obstacles au succès
de la nouvelle protection légale (…) »2. Cette situation prouve aussi que l’ordonnance de
protection se situe en dehors du champ de l’ordre public pour ne se situer que dans le
domaine de la protection privée des personnes.
326. Une protection renforcée par des mesures de répression pénale. Le lien de
proximité existant entre la victime et l’auteur des violences constitue, en matière
répressive, une circonstance aggravante de l’infraction commise3. Les violences4,
l’administration de substances nuisibles à la santé5, ainsi que les tortures et actes de
barbarie6 sont punis d’une peine plus élevée lorsqu’ils sont commis par un conjoint,
partenaire ou concubin7. Quant au viol, il a déjà été reconnu par la jurisprudence pénale
entre époux et figure, aujourd’hui, à l’article 222-24, 11° du Code8. De façon générale, les
mesures pénales relatives à la répression des violences au sein du couple entérinent et
renforcent les mesures existantes. Certaines d’entre elles, comme la téléprotection9, le

1
Un article L. 442-3-4 sera inséré dans le Code de la construction et de l’habitat, ainsi libellé : « Le droit au
maintien dans les lieux du locataire s’éteint lorsque le titulaire du bail est auteur de violences conjugales,
attestées par décision judiciaire, à l’encontre de son conjoint ou concubin cooccupant des lieux et également
domicilié dans ce logement; l’extinction du droit au maintien dans les lieux du conjoint violent est notifiée par
lettre recommandée avec accusé de réception ; elle prend effet immédiatement et le bail est transféré au conjoint
victime ».
2
I. BARRIERE BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Les contentieux familiaux. Droit interne, international, et
européen, op. cit., p. 102-103.
3
Ibid., p. 106.
4
Art. 222-8 6°, 222-10 6°, 222-12 6°, 222-13 6° du CP.
5
Art. 222-15, al. 1er CP.
6
Art. 222-3 6° du CP.
7
J. LEBLOIS-HAPPE, « L’appréhension par le droit pénal de la solidarité au sein du couple », AJ fam., 2004, p. 17.
8
Selon cet article, « le viol est puni de vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’il est commis par le conjoint ou le
concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ».
9
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le dispositif de télésurveillance destiné à la protection des victimes de violences au
sein du couple est opérationnel », Rev. dr. fam., 2010, n° 5, comm. 73.

294
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

bracelet électronique1 ou le fichier automatisé2 des auteurs de violences conjugales


constituent autant de moyens visant une répression efficace des violences commises au
sein du couple. Au titre des violences qu’un membre du couple peut exercer à l’encontre de
l’autre figure également le harcèlement moral. Se rapportant initialement au droit social3,
cette infraction est définie à l’article 222-33-2-1 du Code de procédure pénale et consiste
en « des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses
conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale », et peut
être imputable à un « ex »4. Autant de mesures permettent donc de faire cesser le conflit
conjugal et protéger la victime. Néanmoins, la présence d’enfants au conflit peut
rapidement faire basculer celui-ci et prendre une ampleur parentale. C’est pourquoi l’action
doit être efficace et rapide5, car la présence de l’enfant en tant que témoin6 contrevient à
son droit de bénéficier d’un environnement sain et équilibré auprès de ses deux parents.

β) Le devoir d’assistance

327. Une notion hors la sphère juridique. « Fondu dans l’intimité de la vie du
couple »7, le devoir d’assistance est par excellence l’apanage du non-droit. Celui-ci est
définit comme « l’aide personnelle que les époux doivent s’apporter d’un point de vue
moral, psychologique ou matériel »8. Concrètement, il consiste à s’aider mutuellement à
porter le poids de la vie9 tant que la communauté de vie dure. Madame le professeur
Mélina DOUCHY-OUDOT le qualifie ainsi : « le devoir d’assistance consiste pour un époux
à être présent auprès de l’autre pour l’aider à porter toutes les difficultés personnelles qu’il
pourrait rencontrer. Elle est fondée sur l’idée que dans le mariage, ce qui arrive à l’autre
arrive à soi-même et, pour cette raison, il n’est pas excessif de dire que le mariage est un

1
Cette mesure résulte de la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des
infractions pénales, et peut être étendue au membre du couple violent afin de protéger l’autre membre et les
enfants (CPP. art. 142-12-1).
2
Ce mécanisme permet de s’assurer de l’effectivité de l’interdiction faite à une personne condamnée ou mise en
examen de rentrer en contact avec une personne faisant l’objet d’une protection contre les violences de celle-ci.
Le décret n° 2012-268 du 24 février 2012 permet une expérimentation de ce dispositif dans le ressort de
tribunaux de grande instance d’Amiens, d’Aix-en-Provence et de Strasbourg jusqu’au 9 juillet 2013.
3
Art. 222-33-2 Code proc. pén.
4
Art. 222-33-2 al. 2 Code proc. pén.
5
Sur ce point, V. l’arrêt de condamnation de l’État hongrois par la Cour européenne faute pour les autorités
hongroises d’avoir pris les mesures nécessaires pour préserver la requérante des violences exercées contre elle
par son ex-compagnon : CEDH, 24 avr. 2012, n° 57/693/10, Kalucza c/ Hongrie, Rev. dr. fam., 2012, n° 6,
comm. 95, M. BRUGGEMAN.
6
Sur la question du témoignage de l’enfant (commun), la CA de Bordeaux a jugé que celui-ci était recevable en
l’instance qui ne tend qu’à la protection d’un conjoint victime de violence de la part de l’autre conjoint : CA
Bordeaux, ch. civ. 6, 16 janv. 2013, n° 11/06198; Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 62, comm. P. BONFILS.
7
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur MURAT in Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème
éd., 2016-2017, n° 116.111, p. 200.
8
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié, op. cit., p. 505.
9
G. CORNU, La famille, 9ème éd., Paris, Montchestien, 2006, n° 30.

295
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

joug, qui est cette pièce de bois où l’on est attelé, par hypothèse, à deux »1. Par conséquent,
ce devoir trouve davantage son origine dans l’affection qui cause et maintient la
communauté de vie entre les époux que dans la loi. De fait, chaque degré d’affection aura
pour corollaire un degré d’assistance, d’où un contenu « flou et plastique »2, ainsi que des
« contours fuyants »3. Pour cette raison, un certain nombre d’auteurs l’ont inclus, avec le
devoir de secours, au sein d’un devoir plus général d’entraide4, faute de pouvoir en donner
une définition uniforme.
328. Dilution du devoir d’assistance au sein d’un devoir général d’entraide. Le
devoir d’assistance prend tout son sens lorsque l’un des membres du couple a besoin de
l’autre, notamment en cas de maladie5. Il ne s’agit nullement d’obliger l’époux, le
partenaire ou le concubin à une quelconque exécution contre sa volonté car il en va de sa
liberté individuelle. Sous cet angle, le devoir d’assistance relève d’une sorte d’obligation
morale6, bien qu’il soit possible de réfléchir sur la portée d’une liberté7 qui permettrait à
une personne (mariée ou non) de laisser dans le besoin la personne avec laquelle elle a tout
(ou presque) partagé ?
En consacrant le devoir d’assistance à l’article 212 du Code civil, le droit en assure le
prolongement dans les articles 217 et 219, évitant ainsi au conjoint hors d’état d’exprimer
sa volonté de faire l’objet d’une mesure de protection. De façon similaire, les règles
relatives à la protection des majeurs désignent en priorité, en cas de placement sous tutelle
ou sous curatelle, le conjoint comme tuteur ou curateur8. Eu égard aux exigences modernes
de rapidité, d’individualisme mais surtout de manque de temps, ce devoir aura de plus en
plus tendance à être exécuté sous la forme patrimoniale. L’aide se confondra alors avec le
devoir de secours et la contribution aux charges du mariage 9. De plus, très peu de

1
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir.), Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, op. cit., 2013, p. 40.
2
A. BENABENT, « La liberté individuelle et le mariage », RTD civ., 1973, p. 440.
3
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012, p. 61, spec. n° 69 et s.
4
C. PHILIPPE, Le devoir de secours et d’assistance entre époux, Essai sur l’entraide conjugale, Paris, LGDJ,
1981; C. LEFRANC-HAMONIAUX, « L’entraide entre époux à l’épreuve du temps », Rev. dr. fam. 1999, chron.
p. 13.
5
M. CULIOLI, « La maladie d’un époux, entre idéalisme et réalisme en droit matrimonial français », RTD civ.,
1968, p. 253.
6
Madame PHILIPPE souligne que « l’assistance, obligation essentiellement morale et strictement personnelle,
symboliserait l’aspect affectif du mariage. Elle consisterait alors en une aide “intuitu personae”, c’est-à-dire
apportée par une personne déterminée, choisie (...) ». Cf. C. PHILIPPE, Le devoir de secours et d’assistance entre
époux. Essai sur l’entraide conjugale, Paris, LGDJ, 1981, p. 37.
7
Il suffit à ce titre de penser au divorce pour cause d’altération des facultés mentales qui a fait disparaître une
grande partie de la raison d’être du devoir d’assistance en 1975, puis en 2004 à l’occasion de divorce pour
altération du lien conjugal, et la diminution corrélative de la durée de la séparation afin que l’autre conjoint
refasse plus rapidement sa vie.
8
Art. 449 c. civ.
9
J. ROCHE-DAHAN, « Les devoirs nés du mariage. Obligations réciproques ou obligations mutuelles ? », RTD
civ., 2000, pp. 735-758.

296
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

décisions1 font état d’une violation du devoir d’assistance en tant que tel, mais elles se
situeront plus, dans le cadre d’un divorce, sous l’angle d’un reproche général d’abandon et
de rupture de vie commune.
329. Le devoir d’assistance des partenaires. En Pacs, la loi du 15 novembre 1999
avait initialement soumis les partenaires à un devoir d’ « aide mutuelle et matérielle »
maladroitement copié des devoirs issus du mariage. Dans un mouvement
d’institutionnalisation du Pacs et de rapprochement avec le mariage, la loi du 23 juin 20062
fait désormais clairement référence au devoir d’assistance entre partenaires3, créant ainsi
des devoirs d’ordre personnel4 entre partenaires. Or, purement contractuel5, le non-
engagement caractérise le PACS tandis que le devoir d’assistance suppose non seulement
une affection mais aussi l’engagement, qui ne saurait se matérialiser que sur du long terme.
Une décision de la Cour d’appel de Montpellier6 a offert aux juges du fond l’occasion
d’apprécier la portée de cette exigence en cas d’abandon de la partenaire malade. Contre
toute attente, les juges du fond affirment qu'il « est de principe constant que face à
l’absence d’obligation d’assistance entre personnes unies par un Pacs, l’abandon de la
compagne malade n’est pas constitutif de faute, en l’absence d’autre circonstance ». Si
cette position traduit la volonté non équivoque de ne pas assimiler le Pacs au mariage,
quitte pour cela à aller à l’encontre même de l’article 515-4 du Code civil, la Cour d’appel
relève néanmoins que le partenaire avait en l’espèce assumé ses responsabilités à l’égard
de la partenaire quittée, notamment sur le plan matériel.
330. Inexistence de ce devoir en concubinage ? S’il n’y a pas de devoir
d’assistance en concubinage faute d’un statut, le Code pénal de façon générale, réprime
« l’omission de porter assistance à personne en péril », et qui mieux que le concubin, du
fait de sa proximité avec son concubin en péril, peut lui porter assistance ? Par ailleurs, la

1
V. néanmoins CA Metz, ch. famille, 17 avr. 2007, K. Z. c/ Z., JurisData n° 2007-340692; Rev. dr. fam., n° 10,
oct. 2007, V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 187. Dans cette espèce, la Cour d’appel de Metz a jugé que le mari
qui prend le parti de leur fille commune, contre son épouse, dans le conflit qui oppose ces deux dernières,
commet un manquement au devoir d’assistance, constitutif d’une faute cause de divorce.
2
S’agissant de la réforme de 2006, cf. : H. FULCHIRON, « Le nouveau PACS est arrivé ! », Defrénois, 2006,
p. 1621; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « L’amélioration du PACS : un vrai contrat d’union civile », Rev. dr. fam.,
2007, étude 1; P. SIMLER, « Le nouveau visage du PACS : un quasi-mariage », JCP, G, I, 2006, p. 161 ;
J. ROCHEFELD, « Réforme du PACS », RTD civ., 2006, p. 624.
3
Art. 515-4 c. civ.
4
Le groupe de travail sur la réforme du Pacs a longuement débattu de la question de l’extension aux partenaires
d’un Pacs du devoir d’assistance entre époux (article 212 du Code civil), manifestation de l’entraide conjugale
extrapatrimoniale. Il a finalement été retenu que la solidarité entre partenaires et l’aide qu’ils s’apportaient
devaient aller au -delà de la simple contribution aux charges de la vie courante et revêtir un caractère à la fois
plus large sur le plan pécuniaire et extrapatrimonial.
5
Le Conseil constitutionnel a d’ailleurs récemment réaffirmé sa nature purement contractuelle : Cons. constit.,
21 oct. 2015, n° 2015-9 LOM, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 213, J.-R. BINET.
6
CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, n° 10/00781; Rev. dr. fam., 2011, n° 6, comm. 89, LARRIBAU-
TERNEYRE.

297
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

notion d’obligation naturelle peut permettre aux juges de sanctionner le manquement à


cette obligation.

Ω) Un devoir de fidélité ?

331. Une conception plus indulgente de l’adultère en mariage. En mariage,


l’article 212 du Code civil dispose expressément que « les époux se doivent
(…) fidélité (…) ». Par conséquent, constitue une faute cause de divorce toute forme
d’infidélité –même intellectuelle1- et la jurisprudence ne manque de le rappeler 2. En
théorie, les devoirs et obligations nées du mariage perdurent tant que celui-ci n’est pas
dissous. La jurisprudence rappelle d’ailleurs quasi-systématiquement que « l’introduction
d’une demande en divorce ne confère pas aux époux, encore dans les liens du mariage, une
immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre
coupables l’un envers l’autre »3. Pour autant, on constate une réelle atténuation de
l’intensité de ce devoir pendant la procédure de divorce4. Tout d’abord l’infidélité peut
trouver une excuse dans le comportement fautif de l’autre époux 5. Ensuite, les juges du
fond prennent de plus en plus en considération la date à laquelle l’infidélité a été commise.
Ainsi, certaines juridictions ont estimé que « l’adultère commis après l’ordonnance de non
conciliation ne peut généralement être considéré comme une cause de divorce, la fidélité
ne pouvant être imposée au-delà de ladite ordonnance »6, ou encore « le constat d’adultère
établit plus de deux années après l’ordonnance ayant autorisé les époux à vivre
séparément et alors que le devoir de fidélité est nécessairement moins contraignant du fait
de la longueur de la procédure », il n’y avait pas violation d’une obligation du mariage 7.

1
CA Paris, 13 fév. 1986, Gaz. Pal., 1986, p. 216, note JGM.
2
Cass. civ. 2ème, 23 avr. 1980, Gaz. Pal., 1981, 1, 89, note MASSIP ; CA Chambéry, 29 mai 1984, JCP, G, II,
1985, p. 347, note R.L ; CA Aix-en-provence, 7 nov. 2006, JCP, G, IV, 2007, p. 1494.
3
Cass. civ. 2ème, 14 déc. 1983, Bull. civ., II, n° 200, Gaz. Pal., 1984, 1, obs. M. GRIMALDI, pan. 201; Cass. civ.
2 , 12 juin 1987, D., 1987, IR, 160 ; Cass. civ. 2ème, 27 oct. 1993, JCP, G, II, 1994, note P. LEMASSON-
ème

BERNARD p. 22260 ; Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, RTD civ., 1994, p. 571, obs. J. HAUSER ; Cass. civ. 2ème, 3 mai
1995, Bull. civ., II, n° 130 ; Cass. civ. 2 ème, 6 mars 1996, Bull. civ., II, n° 60 ; Cass. civ. 2ème, 4 juin 1997, n° 95-
19401 (inédit), Rev. dr. fam., 1998, comm. 176, obs. H. LECUYER; Cass. civ. 2ème, 15 juin 2000, Rev. dr. fam.,
2000, comm. 111, obs. H. LECUYER; CA Paris, 4 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2001, comm. 28, obs. H. LECUYER.
4
V. BALESTRIERO, « Le devoir de fidélité pendant la procédure de divorce », LPA, 8 nov. 1995, p. 18;
C. CHABAULT, « De la relativité de l’adultère dans le divorce pour faute », Rev. dr. fam., 1998, chron. 11;
A. MIGNON-COLOMBET, « Que reste t-il du devoir de fidélité entre époux ? », LPA, 31 janv. 2005, p. 6.
5
Art. 245 al. 1er du c. civ.
6
CA Toulouse, 18 nov. 1991, RTD civ., 1993, obs. J. HAUSER, p. 104, contra Cass. civ. 1ère, 8 mars 2005, n° 03-
20.235; Cass. civ. 1ère, 9 juill. 2008. La Cour considère que « l’introduction de la demande en divorce ne confère
pas aux époux une immunité destituant de leurs effets normaux les offenses dont ils peuvent se rendre coupable
l’un envers l’autre ». Plus récemment : CA Pau, 2ème ch., 21ème sect., 29 mai 2012, n° 12/2366; Rev. dr. fam.,
2013, n° 3, comm. 36, V. LARRIBAU-TERNEYRE.
7
Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, Bull. civ., II, n° 123, RTD civ., 1994, obs. J. HAUSER, p. 571; LPA, 1995, n° 134,
note V. BALESTRIERO, p. 17; Gaz. Pal., 25-29 août 1995, obs. H. VRAY, p. 14 ; LPA, 1996, n° 2, obs. J. MASSIP,
p. 7. V. plus récemment un arrêt n’ayant pas retenu l’adultère : CA Douai, 14 mars 2013, n° 11/06457, pour une
durée de deux ans écoulée depuis l’ordonnance de non-conciliation. Dans une autre affaire, la courte durée entre

298
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Plus récemment, la Cour d’appel de Douai a considéré que le fait pour une femme d’avoir
un enfant avec un autre homme que son époux ne saurait être regardé comme fautif, dès
lors que le mari a reconnu avoir toujours refusé d’avoir un enfant avec sa femme 1, sans
démontrer qu’une telle décision ressortit d’un choix de couple. Une telle souplesse dans le
traitement des infidélités conjugales2 pose la question, pour les époux, de la possibilité de
s’affranchir conventionnellement de ce devoir par le biais d’un accord - exprès ou tacite-3.
Le tribunal de grande instance de Lille a reconnu que dans le cadre d’un divorce sur
demande conjointe des époux, il était possible d’attribuer force exécutoire à la convention
temporaire que ceux-ci ont présentée, les dispensant du devoir de fidélité4. Plus audacieuse
est toutefois la décision qui reconnaît que l’octroi d’une libéralité favorisant le maintien
d’une relation adultère n’est pas contraire aux bonnes mœurs 5. Dans le même ordre
d’idées, a été censurée la décision6 qui augmente le montant de la contribution d’un père à
l’entretien et à l’éducation de ses trois enfants, au motif que ce dernier a contracté de
nouvelles charges, notamment par la venue d’un enfant « conçu au mépris de l’obligation
de fidélité entre époux et dont les droits ne sauraient préjudicier à ceux des enfants
légitimes ». Au titre du préjudice moral, la Cour de cassation considère que l’épouse
victime d’adultère peut demander réparation au juge, qui appréciera in concreto le bien
fondé de la demande au regard de l’article 242 du Code civil, et lui allouer d’éventuels
dommages-intérêts. Plus récemment, la Cour d’appel de Douai a affirmé que « le fait pour
une femme d’avoir un enfant avec un autre homme ne saurait être regardé comme fautif »,
dès lors que le mari reconnaît avoir toujours refusé d’avoir un enfant avec sa femme, sans
démontrer que cela ressortait d’un choix commun du couple7. Le devenir de l’obligation de
fidélité en mariage semble avoir trouvé son épilogue avec une décision de la Cour de
cassation, dans laquelle elle a considéré que « l’évolution des moeurs comme celle des
conceptions morales ne permettaient plus de considérer que l’imputation d’une infidélité
conjugale serait à elle seule de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la

le constat de l’infidélité et l’ordonnance de non-conciliation a permis de la retenir : CA Douai, 7e ch., sect. 1, 28


févr. 2013, n° 12/02395.
1
CA Douai, 19 déc. 2013, n° 13/00009; Rev. dr. fam., 2014, n° 2, comm. 22, J.-R. BINET. Cf. également la
décision de la Cour d’appel de Rouen, retenant que l’adultère du mari, ayant souffert d’un réel isolement affectif
de la part de son épouse infidèle, et intervenu à une date nettement postérieure à la séparation du couple et à
l’ordonnance de non-conciliation, ne présente pas le caractère de gravité susceptible d’en faire une cause de
divorce. L’adultère du mari est donc excusé par la faute de l’épouse : CA Rouen, ch. fam., 22 oct. 2015,
n° 14/04627 ; Rev. dr. fam., 2016, n° 2, comm. 21, A.-C. REGLIER.
2
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des
thèses », 2014.
3
M.-T. CALAIS-AULOY, « Pour un mariage à effets conventionnellement limités », RTD civ., 1988, p. 255.
4
TGI Lille, 26 nov. 1999, D., 2000, note X. LABBÉE, p. 254.
5
M. LAMARCHE, « Sexe, bonnes mœurs et libéralités », Rev. Lamy dr. civ., 2004, p. 33. Cf. la jurisprudence :
Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, n° 03-11238; D., 2004, note D. VIGNEAU, p. 3175 ; RTD civ., 2005, obs.
J. HAUSER, p. 104 ; JCP, G, II, 2005, note F. CHABAS, p. 10011 ; Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, n° 96-19878,
Bull. civ., I, n° 35 ; Cass. civ. 1ère, 3 fev. 1999, n° 96-11946, Bull. civ., I, n° 43.
6
Cass. civ. 1ère, 16 avr. 2008, n° 07-17652, Bull. civ., I, n° 111.
7
CA Douai, 19 déc. 2013, n° 13/00009; Rev. dr. fam., n° 2, fév. 2014, J.-R. BINET, comm. 22.

299
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considération »1. Rappelant la dépénalisation de l’adultère intervenue plus tôt, la Cour de


cassation banalise –de manière contestable- l’obligation de fidélité en considérant comme
négligeable l’accusation publique d’adultère d’une personne, celle-ci ne portant plus
atteinte ni à son honneur2, ni à sa considération. Or, le devoir de fidélité figure encore
parmi les obligations du mariage telles qu’énoncées à l’article 212 du Code civil lequel,
rappelons le, constitue le régime primaire impératif des personnes mariées et relève, dès
lors, de l’ordre public3. Cette décision contribue à n’en pas douter à précipiter la chute du
mariage sous prétexte –très contestable- d’ « évolution des mœurs ». Comme l’exprime
prafaitement Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, « le moins que l’on puisse dire est
que le droit défend difficilement ce devoir entre époux et ne lui donne aucune assise
solide »4. Un véritable processus de privatisation de ce devoir s’opère dans les rapports au
sein du couple, et le juge ne saurait en être le garant. Il peut tout au plus suggérer et
avaliser des aménagements conventionnels.
332. Un devoir de fidélité5 en option s’agissant du PACS. Alors qu’en mariage
l’exigence de fidélité semble être en abandon, il est saisissant de constater que les
juridictions du fond s’emploient à dégager un devoir de fidélité 6 s’agissant des partenaires
pacsés. L’essence du Pacs est de demeurer libre, la possibilité de le rompre de façon
unilatérale en témoigne. Les partenaires peuvent cependant s’obliger mutuellement à
respecter ce devoir dans leur convention initiale, mais rien dans la loi ne les y astreint. En
dépit de cette liberté, certains juges ont pu laisser planer le doute quant à l’existence d’un
tel devoir. Une première décision retentissante du tribunal de grande instance de Lille 7
avait fait droit à la requête d’un homme pacsé de commettre un huissier de justice en vue
de faire constater l’adultère de son compagnon. Le président du TGI, afin d’autoriser ce
constat, se fonde sur l’article 1134 alinéa 3 du Code civil (article 1104 du Code civil à
compter du 1er octobre 2016) afin de retenir que « l’obligation de devoir exécuter
loyalement le devoir de communauté de vie commune commande de sanctionner toute
forme d’infidélité entre partenaires (…). Que le manquement à l’obligation de vie
commune justifie une procédure en résiliation de PACS aux torts du partenaire fautif ».
Probablement irréprochable sur le plan de la technique juridique, cette décision demeurait
isolée et n’a jamais été consolidée. Le législateur, à l’occasion de la création du Pacs en

1
Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2015, n° 14-29549 ; AJ fam., 2016, B. DE BOYSSON, p. 109.
2
B. BEIGNIER, L’honneur et le droit, Paris, LGDJ, 1995, spec. pp. 433-466. Si l’auteur considérait que le droit
protégeait le sentiment d’honneur en reconnaissant l’existence d’une « loi de l’honneur » dans les rapports
familiaux, cette décision semble aujourd’hui y mettre fin.
3
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 116.95, p. 197.
4
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux. Droit interne, international et
européen, op. cit., p. 39, spec. n° 67.
5
Sur cette notion, voir la thèse de Madame S. BEN HADJ YAHIA, La fidélité et le droit, Paris, LGDJ, 2013.
6
L. ANTONINI-COLIN, « Le paradoxe de la fidélité », D., 2005, p. 23.
7
TGI Lille, 5 juin 2002, D., 2003, note X. LABBEE, p. 514 ; RTD civ., 2003, obs. J. HAUSER, p. 270 ; Rev. dr.
fam., 2003, B. BEIGNIER, comm. 57.

300
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

1999, n’a pas entendu mettre en place un quelconque devoir de fidélité, et le Conseil
constitutionnel a fortement insisté sur la liberté au stade la rupture1. La Cour d’appel de
Montpellier2 a eu à statuer sur la même question en 2011. Celle-ci affirme qu’il n’existe
pas de devoir de fidélité, sauf à ce que les partenaires l’aient prévu eux-mêmes dans leur
convention. Plus récemment, la Cour d’appel de Rennes a rappelé la spécificité du devoir
de fidélité, lequel est propre au mariage, en qualifiant le concubinage même formalisé par
la conclusion d’un Pacs d’union précaire 3. Cette décision se situe donc dans le courant
lequel refuse d’étendre le devoir de fidélité aux nouvelles conjugalités, car il relève de
l’essence même du mariage et dénote sa singularité. Toutefois, une partie de la doctrine
évoque l’existence d’un devoir de fidélité implicite, « observant que la loi sur le Pacs qui
interdit la bigamie, ferait la promotion de la monogamie et donc de l’exclusivité
sexuelle »4. Pour d’autres, la nature contractuelle du Pacs implique la loyauté 5 dans
l’exécution du contrat, et donc une certaine forme de fidélité. En effet, Monsieur le
professeur Bernard BEIGNIER souligne que « rien n’est dit sur le devoir de fidélité. On
rétorquera que ce contrat est précisément inspiré du désir de “libérer” les conjoints de la
fidélité. C’est oublier que qui dit contrat dit nécessairement fidélité. Conclure un contrat
pour ne pas y être fidèle est une contre-vérité. Surtout, c’est passer sous silence que la
jurisprudence, dans son dernier état, tend tout à la fois à imposer une certaine fidélité aux
concubins et assouplir celle des époux (…) » 6. La confusion vient d’autant plus de la
décision du Conseil constitutionnel pour lequel la vie commune correspond bien à une vie
de couple, laquelle suppose une exclusivité sexuelle. Monsieur le professeur Xavier
LABBEE s’interrogeait à juste titre sur le sens de l’engagement conjugal, simple coquille
vide faute de fidélité7. Bien que la reconnaissance de ce devoir n’entraîne aucun lien avec
de potentiels enfants, l’exigence de loyauté, -prise au sens moral du terme- évoque le
devoir de fidélité qui existe en mariage et commande par conséquent sa prise en compte
dans le pacte.
333. L’essence du concubinage : la liberté. À l’inverse du mariage, engagement
durable de deux époux, le concubinage est un état inorganisé de deux personnes qui
décident de mener une vie commune en dehors de tout cadre juridique. Sa rupture tout
comme sa formation et son organisation étant libres, il n’y a par conséquent pas de devoir
de fidélité. Il semblerait d’ailleurs contraire à sa nature de l’imposer aux concubins.

1
Cons. constit. 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962.
2
CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, déc. precit., Rev. dr. fam., 2011, n° 6, juin 2011, V. LARRIBAU-
TERNEYRE, comm. 89.
3
CA Rennes, 5 mai 2015, n° 211, 14/01737, Rev. dr. fam., n° 7-8, comm. 140, note J.-R. BINET.
4
X. LABBEE, Le droit commun du couple, op. cit., p. 101. V. aussi : T. REVET, « La loi n° 99-944 du 15
novembre 1999, relative au pacte civil de solidarité », RTD civ., 2000, p. 173.
5
L. AYNES, « L’obligation de loyauté », Arch. philo. dr., 2000, t. 44, p. 195.
6
B. BEIGNIER, « Une nouvelle proposition de loi relative au contrat d’union sociale. Copie à revoir », Rev. dr.
fam., 1997, chron. p. 5.
7
X. LABBEE, op. cit., p. 102.

301
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Néanmoins, il est admis que la rupture abusive du concubinage peut ouvrir droit à
réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle. S’agissant d’un concubinage
stable, la Cour d’appel d’Aix-en-provence1 a pu relever l’atteinte à l’honneur de la
concubine par son concubin, ce dernier vivant à leur domicile avec une autre femme2. S’il
n’est en l’espèce pas question de fidélité, « fruit d’un engagement contractuel », il s’agit
néanmoins de la notion d’honneur, son « substitut subjectif individuel »3. C’est pourquoi la
vie à deux suppose, ainsi que le souligne Monsieur le professeur LABBEE, un minimum de
règles de savoir vivre à respecter4. Par conséquent, la présupposée liberté des couples non
mariés se heurte nécessairement à une organisation minimale dont le respect, l’assistance
et la loyauté sont les principes de base. Si les concubins se sont jadis désintéressés de la
loi, et continuent pour nombre d’eux à s’en détourner, la loi ne les ignore plus et considère
qu’un socle minimal de règles de vie doit exister.

2- Sur le plan patrimonial

334. La vie de couple suppose le partage. La vie à deux génère nécessairement une
confusion d’intérêts patrimoniaux. La contribution aux charges de la vie commune5 (α) et
la solidarité à l’égard des dettes (β) constituent les assises matérielles primaires de la vie du
couple qui permettent de suggérer un rapprochement des devoirs patrimoniaux dans les
nouvelles formes de conjugalité6.

α) La contribution aux charges de la vie commune

335. Inexistence en concubinage. L’essence du concubinage est d’être une union


libre de contraintes. Par conséquent, et en dépit de sa reconnaissance par le législateur,
aucun statut ne l’accompagne. La vie de couple des concubins est donc caractérisée par un
vide juridique, que la CEDH ne juge pas discriminatoire7. Il est acquis que quelle que soit
la durée de la vie commune, celle-ci n’est, en principe, jamais source d’obligation
alimentaire entre les concubins. Cette solution est classique 8 et la Cour de cassation la

1
CA Aix-en-provence, 22 juin 1978, D., 1978, p. 192, note PREVAULT.
2
Rapp. avec Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2015 precit., où la Cour de cassation considère, dans le cadre du mariage,
l’absence d’atteinte à l’honneur du fait de la divulgation d’un adultère.
3
X. LABBÉE, op. cit., p. 102-103.
4
Ibidem., p. 103.
5
V. en ce sens le dossier à l’AJ famille 2015 « Charges du ménage », pp. 316-336.
6
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012, p. 95, n° 119 et s.
7
CEDH, 3 avr. 2012, Van der Heijden c/ Pays-Bas, n° 42857/05.
8
La solution est fermement rappelée par la Cour de cassation : chacun des concubins supporte les dépenses de la
vie commune issues de son fait. Cass. civ. 1ère, 19 mars 1991, Bull. civ., I, 1991, n° 92 ; Defrénois, 1991, obs.
J. MASSIP, p. 942 ; Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2000, comm. 139, note B. BEIGNIER; D., 2001,
note R. CABRILLAC, p. 497, et D., 2002, p. 612, obs. J.-J. LEMOULAND ; JCP, N, 2001, note T. GARE, p. 1822;

302
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

réitère à chaque fois que celle-ci est saisie soit d’une demande relative soit à la
contribution aux charges de la vie commune, ou lorsque la solidarité du couple est
recherchée à l’égard des tiers en matière de dettes. Pour autant, la jurisprudence ne se
montre pas complètement indifférente. Certains juges du fond tentent de dégager un
véritable devoir pour les concubins de participer aux dépenses de la vie courante, en se
fondant notamment sur l’idée d’une obligation naturelle1 qui existerait entre eux du fait de
la vie commune. En effet, l’égalité entre les membres du couple commande que les deux
concubins participent ensemble, selon leurs facultés, aux charges inhérentes à leur vie
commune2. Sur le fondement de l’action de in rem verso, le concubin, s’il ne rapporte pas
la preuve d’une contribution « excédant une participation normale aux dépenses de la vie
passée ensemble »3, ne saurait obtenir gain de cause. Il y a donc là un minimum de
participation jugée nécessaire qui semble se dessiner en creux dans la jurisprudence4.
336. Légalement définie en Pacs. En tant que contrat, le Pacs devrait permettre aux
personnes qui le contractent la liberté dans l’organisation de leur vie de couple. Il n’en est
pourtant rien car le législateur a tenu à y attacher certains effets impératifs. Si lors de sa
création en 1999, le législateur a refusé d’employer la même terminologie que celle
inhérente au mariage, il a néanmoins qualifié l’aide que devaient s’apporter les partenaires
en une aide mutuelle et matérielle5, semant le trouble sur la nature même du contrat de
Pacs. En 2006, « toute pudeur législative a disparu »6 si bien que « les partenaires liés par
un pacte civil de solidarité s’engagent à une vie commune, ainsi qu’à une aide matérielle et
une assistance réciproque. Si les partenaires n’en disposent autrement, l’aide matérielle est
proportionnelle à leurs facultés respectives »7. La formulation de l’obligation rejoint dans

Defrénois, 2001, obs. J. MASSIP, p. 93; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER, p. 565. V. aussi, Cass. civ. 1ère, 19 avr.
2005, Rev. dr. fam., comm. 127, note V. LARRIBAU-TERNEYRE. Si l’un d’eux subvient aux besoins de l’autre,
c’est en principe de son plein gré et à titre totalement bénévole : CA Amiens, 2 fév. 1976, JCP, G, IV, 1978,
p. 324.
1
CA Bordeaux, 17 juin 1998, Rev. dr. fam., 1999, obs. H. LECUYER, n° 1 ; CA Pau, 4 avr. 2005, Rev. dr. fam.,
2005, comm. 152, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; CA Aix-en-Provence, 28 juin 2005 et 27 sept. 2005, Rev. dr.
fam., 2006, comm. 24, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; mais surtout CA Montpellier, 11 oct. 2004, Rev. dr. fam.,
2005, comm. 49, note V. LARRIBAU-TERNEYRE, dans laquelle un concubin a été rendu débiteur d’une obligation
alimentaire à l’égard de l’autre sur le fondement d’une obligation naturelle en constatant l’existence d’un
engagement unilatéral, librement consenti par celui-ci, de subvenir au coût du placement de sa concubine dans
une maison de retraite, après quarante ans de vie commune.
2
Contrairement à certains droits positifs (le droit marocain notamment) dans lesquels le mari doit entretenir son
épouse.
3
Cass. civ. 1ère, 18 janv. 2012, n° 10-23267.
4
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, Les contentieux familiaux, droit interne, international et
européen, op. cit., 2013, p. 53.
5
Selon le Conseil constitutionnel, l’aide matérielle prévue à l’article 515-4 du Code civil est d’ordre public.
Cons. constit., 9 nov. 1999, n° 99-419 DC, J.O, 16 nov. 1999, p. 16962, considérant n° 31. Cf. pour les
commentaires : J. HAUSER, « Aujourd’hui et demain le PACS », RJPF, 1999, nov.-déc., p. 6 ; H. LECUYER, « Le
PACS désormais sous toutes ses coutures », Rev. dr. fam., 2000, chron. p. 1; J. RUBELLIN-DEVICHI,
« Présentation de la loi adoptée le 13 octobre 1999 », JCP, G, 1999, actu. p. 1909.
6
I. BARRIÈRE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT, op. cit., p. 50.
7
Art. 515-4 c. civ.

303
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

son esprit l’obligation faite aux époux de contribuer aux charges de la vie commune. Pour
preuve, le rapport remis le 30 novembre 2004 1 au Garde des Sceaux de l’époque, visant à
formuler certaines propositions afin de réformer le Pacte civil de solidarité tel qu’issu de la
loi du 15 novembre 1999 insistait sur la nécessité de définir cette aide par référence à
l’article 214 du Code civil. Si le caractère alimentaire de l’aide a pu être mis en évidence
par certains auteurs2, le défaut de sanction de son inexécution empêche de le retenir. De la
même manière, la modification de l’article L. 212-3 du Code de l’organisation judiciaire
par la loi du 12 mai 20093 a offert au juge aux affaires familiales la compétence en matière
d’action visant « la contribution aux charges du mariage et du pacte »4. Or, la rupture étant
libre, celui-ci risque fort d’être rompu avant même qu’une demande d’aide matérielle ne
parvienne au juge, rendant toute procédure sans objet. En tout état de cause, la césure nette
qui existait auparavant entre les personnes mariées et les concubins s’en trouve perturbée5,
car la teneur des termes employés afin de définir l’obligation d’aide matérielle ne peut que
renvoyer à celle issue des textes applicables aux époux, bien qu’elle ne soit pas expresse.
La confusion ne doit pourtant pas exister car, si d’une part la contribution aux charges du
mariage s’insère dans la partie du Code civil relative au régime primaire impératif 6, celle-ci
trouve son prolongement dans le devoir de secours qui en constitue le pendant, mais
surtout l’expression la plus achevée de la solidarité qui doit exister entre les personnes
mariées. D’autre part, la contribution entre époux revêt une dimension collective, laquelle
s’étend à l’entretien et à l’éducation des enfants. Tel n’est pas le cas du PACS qui ne porte
pas en son germe cette vocation familiale. L’entraide matérielle mutuelle des partenaires se
referme par effet de « contraction » 7 sur les partenaires afin d’organiser leur seule vie de
couple.

1
Rapport remis au Garde des Sceaux le 30 nov. 2004, Le pacte civil de solidarité : réflexions et propositions de
réforme. Pour une présentation de ces propositions ; cf. également F. GRANET-LAMBRECHTS, « Trente deux
propositions pour une révision de la loi du 15 novembre 1999 », Rev. dr. fam., 2005, étude 9.
2
X. LABBEE, « L’aide matérielle a-t-elle un caractère alimentaire ? », JCP, G, I, n° 42, 15 oct. 2008, 197.
3
L. n° 2009-516 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, J.O, 13 mai 2009,
p. 7920.
4
Les expressions sont désormais confondues au sein du même article, qui permet l’exécution forcée de la
contribution aux charges du pacte, au même titre que la contribution aux charges du mariage.
5
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié, Les statuts
légaux des couples, Vol. 1, Bruxelles, éd. Larcier, 2012, p. 531.
6
Sur son caractère obligatoire même en cas de séparation de fait, alors que l’épouse la réclamant est mise en
examen du chef de tentative d’homicide sur son conjoint. Pour la CA, « le secret de l’instruction et la
présomption d’innocence s’opposent, tant que la culpabilité de l’épouse ne sera pas définitivement établie, à ce
que l’exception d’indignité soit retenue sur le fondement de l’infraction pour laquelle elle a été mise en
examen » : CA Nancy, 3ème ch. civ., 29 mai 2015, n° 15/01173 et n° 14/01854; Rev. dr. fam., 2015, n° 10, comm.
182, A.-C. REGLIER.
7
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage-
Conjugalité, Parenté-Parentalité, H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009,
p. XI.

304
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

β) La solidarité à l’égard des dettes

337. Absence de solidarité en concubinage. L’article 220 du Code civil pose le


principe selon lequel un acte passé par un des conjoints engage l’autre solidairement à
l’égard des tiers1. Le principe est donc que toute dette née pendant la durée du mariage,
lorsqu’elle a pour objet l’entretien du ménage ou l’éducation des enfants, obligera le
conjoint solidairement. Pour le professeur MIGNOT, cette solidarité a pour base « un
rapport interne d’appartenance à un groupe social, et plus spécifiquement pour les époux,
sur la communauté patrimoniale d’intérêts qui les unit »2. C’est pourquoi la vie en commun
suppose nécessairement des dépenses communes3, et implique inévitablement une
confusion d’intérêts patrimoniaux.
La solidarité des concubins à l’égard des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins
de la vie commune n’est pas retenue du fait de l’absence d’engagement. La solution est
toutefois ambigüe si l’on part du postulat que c’est bien la vie commune qui est à l’origine
de cette solidarité, ce qui a pu pousser certains juges du fond à raisonner par analogie. Il a
par exemple été jugé que « si l’union libre confère des droits de plus en plus nombreux qui
rapprochent cette situation du statut du mariage, il convient alors de faire application aux
concubins des mêmes obligations que celles des époux quant aux dépenses d’entretien »4.
La même attitude avait été adoptée afin de condamner un concubin au remboursement de
la moitié des dépenses effectuées par sa compagne sur son bien immeuble au titre du
paiement des loyers, des charges et des achats de mobilier5. Le sentiment de justice a sans
doute animé les juges du fond dans l’une et l’autre de ces décisions. Néanmoins,
l’orthodoxie juridique a conduit la Cour de cassation à censurer un tel raisonnement,
estimant qu’aucune disposition légale ne règle la contribution des concubins aux charges
de la vie commune6. En tant qu’obligation faisant partie du régime primaire impératif des
époux, d’ordre public pour les partenaires, son extension par analogie 7 aux couples de
concubins est donc sanctionnée par la Cour de cassation8. Un concubin qui effectue un

1
La Cour de cassation ne cesse en effet de rappeler que l’article 220 du Code civil n’est pas destiné à régler une
question de contribution à la dette entre les époux, mais une question d’obligation à la dette à l’égard des tiers.
Elle le rappelle ce faisant dans un arrêt inédit de cass. civ. 1ère, 26 sept. 2007, n° 05-17.076.
2
M. MIGNOT, Les obligations solidaires et les obligations in solidum en droit privé français, Paris, Dalloz, coll.
« Nouvelle bibliothèque des thèses », 2002, spec. n° 405.
3
I. DAURIAC, « Les couples à l’épreuve de la solidarité ménagère », Gaz. Pal., 11 déc. 2008, p. 18.
4
CA Bourges, 8 déc. 1997, JurisData n° 046157, Rev. dr. fam., 1998, n° 6, n° 89, note B. BEIGNIER. Il s’agissait
en l’espèce de factures de fourniture d’électricité.
5
CA Dijon, 20 mai 1998, cassé par Civ. 1ère, 17 oct. 2000, D. 2001, note R. CABRILLAC, p. 497.
6
Civ. 1ère, 17 oct. 2000, Bull. civ., I, n° 244; D., 2001, note R. CABRILLAC, p. 497; JCP, G, II, 2001, 10568, note
T. GARÉ.
7
A. GOGOS-GINTRAND, « Du raisonnement par analogie à la théorie de l’apparence : les résistances à la
solidarité ménagère entre concubins », Rev. dr. fam., 2012, n° 4, étude 10 ; V. aussi : G. CORNU, « Le règne
discret de l’analogie », in Mélanges offerts à André COLOMER, Litec, LexisNexis, 1993, p. 129.
8
Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Gaz. Pal., 1985, 1, note J. M., p. 133; Defrénois, 1984, p. 933, obs.
G. CHAMPENOIS et p. 1003, obs. J. MASSIP ; RTD civ., 1985, obs. J. MESTRE, p. 171. Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000,
JurisData n° 2000-006289; Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 79, note L. PERROUIN; D.,

305
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

achat est donc présumé le faire seul. Cette situation ne saurait pour autant signifier que
toute solidarité est à exclure en matière de dettes ménagères entre concubins.
338. Une absence de solidarité pouvant être tempérée par la jurisprudence. La
théorie de l’apparence a, dans certaines situations, permis d’étendre aux concubins
la solidarité ménagère bien qu’aucun texte ne la prévoie expressément, aux fins notamment
de protéger les tiers qui auraient en toute bonne foi cru contracter avec un couple marié1.
C’est pourquoi il convient de ne pas hâtivement conclure à une absence totale
d’obligations dans le cadre du concubinage. Il appartient en principe aux concubins qui le
souhaitent, de s’organiser en dehors de toute intervention législative, en optant pour les
mécanismes conventionnels qui leur permettront de mettre en place des contrats de
concubinage2 relatifs à leurs obligations alimentaires et, plus largement, leur vie
patrimoniale. À défaut, la jurisprudence peut, sur le fondement de l’obligation naturelle,
remédier à cette absence de règles en protégeant la partie la plus faible. La protection
jurisprudentielle s’effectue néanmoins au cas par cas, ce qui accentue l’idée de précarité
liée à cette forme de conjugalité.
339. Une solidarité en Pacs calquée sur celle des époux. Quasiment identique à
l’article 2203, la version actuelle de l’article 515-4 du Code civil a nécessité pas moins de
trois interventions législatives4. Sur cette question, le législateur n’a pas hésité à opérer une
analogie entre mariage et Pacs. Alors que le Pacs n’engendre qu’une simple solidarité
ménagère conçue en considération de l’intérêt des tiers, la solidarité en mariage voit son
champ d’application s’étendre aux dépenses relatives à l’éducation des enfants. La réforme
de 2006, bien qu’elle ait exclu la solidarité des partenaires pour les dépenses
manifestement excessives, a été suivie en 2010 par la loi du 1er juillet5 réformant la
législation sur le crédit. Cette loi a permis d’écarter les achats à tempérament ainsi que les
emprunts du champ de la solidarité conjugale, à moins qu’ils ne portent sur des sommes

2002, obs. J.-J. LEMOULAND, p. 612; Defrénois, 2001, obs. J. MASSIP, p. 1003; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER,
p. 565, et p. 556, obs. B. VAREILLE; Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, n° 02-16.291, Bull. civ., I, n° 113; Cass. civ.
1ère, 27 avr. 2004, JurisData n° 2004-023427, Bull. civ., I, 2004, n° 113; Rev. dr. fam., 2004, comm. 140, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE; D., 2004, p. 268, obs. D. VIGNEAU ; Defrénois, 2004, p. 1232, obs. J. MASSIP. Pour un
rappel plus récent : Cass. civ. 1ère, 23 mars 2011, inédit. V. aussi, M.-C. RIVIER, « La solidarité entre
concubins », in Des concubinages, Droit interne. Droit international. Droit comparé, Études offertes à
J. RUBELLIN-DEVICHI, Litec, p. 97.
1
F. DAHAN, « Le créancier d’un concubin », Gaz. Pal., 21 nov. 2000, p. 7.
2
Sur ces contrats de concubinage, cf. notamment : J. CHARLIN, « Le contrat de concubinage : formule », JCP, N,
I, 1991, p. 459.
3
Pour une étude comparée, cf. A. SOULEAU-TRAVERS, « Solidarité légale entre époux et entre partenaires d’un
PACS », Defrénois, 15 mai 2002, art. 37533.
4
La réforme du PACS en 2006 a supprimé la solidarité relative au seul logement commun, au profit d’une règle
plus générale. Bien qu’aujourd’hui calqué sur l’article 220 applicable aux époux, le législateur en 2006 avait
consacré une solidarité nettement plus réduite que celle applicable aux personnes mariées. Cette approche du
texte était d’autant plus logique que le régime de la séparation de biens devenait le régime commun du pacte
civil.
5
L. n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, entrée en vigueur le 1er mai
2011, J.O, 2 juil. 2010, p. 12001.

306
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

modestes nécessaires aux besoins de la vie courante. Dans le prolongement de cette


mesure, la loi HAMON du 17 mars 20141 a restreint la solidarité des époux et des
partenaires pour les emprunts de sommes modestes. Celle-ci ajoute à la fin du troisième
alinéa des articles 220 et 515-4 du Code civil : « et que le montant cumulé de ces sommes,
en cas de pluralité d’emprunts, ne soit pas manifestement excessif eu égard au train de vie
du ménage ». Le réalisme du législateur quant au surendettement des ménages a
directement inspiré cette mesure.
Bien que louable en soi, la mesure laisse néanmoins perplexe quant à son efficacité. En
effet, il semble assez malaisé pour les créanciers de connaître la situation exacte des
couples quant à leur taux d’endettement lorsqu’ils contractent avec eux. C’est davantage a
posteriori qu’ils pourront découvrir l’absence de solidarité qui protège désormais chacun
des époux et des partenaires2. Toujours est-il que les textes qui délimitent les contours de la
solidarité à l’égard des dettes sont aujourd’hui si proches entre couples mariés et couples
pacsés qu’il serait possible de les soumettre à un régime identique. On semble assister,
ainsi que le souligne depuis quelques années la doctrine, à l’émergence d’un véritable droit
patrimonial du couple. Seul le concubinage occupe aujourd’hui une place en retrait, et fait
l’objet d’une protection jurisprudentielle ponctuelle.
340. L’étendue de la solidarité des partenaires et des conjoints. La jurisprudence,
sur ce point, ne distingue pas selon que l’entretien du ménage est actuel ou futur. C’est
ainsi qu’elle a pu retenir que les dettes légales, telles les cotisations sociales obligatoires à
un régime d’assurance maladie3, ouvrant droit à diverses prestations -notamment au droit
de réversion en faveur des époux- entrent dans le champ d’application de l’article 220, car
elles ont vocation à entretenir le ménage, que ce soit de manière actuelle ou future. Dès
lors, la séparation de fait des époux -même prolongée- ne fait pas obstacle au principe de
solidarité. Les juges du fond ont également pu estimer que les dettes de cotisations
sociales, notamment de retraite, relèvent de la solidarité instituée à l’article 2204 car elles
ont pour objet d’assurer après la cessation de l’activité professionnelle de l’intéressé
l’entretien du ménage au moyen d’une pension, et que le régime institue en faveur du
conjoint survivant un droit à réversion. Pour autant, que ce soit en matière de pacte ou de
mariage, la solidarité n’est pas absolue. Tant l’alinéa 2 de l’article 220, que l’article 515-4
disposent que cette solidarité n’a pas lieu pour les dépenses excessives, eu égard au train de
vie du ménage. L’article 220 demeure néanmoins beaucoup plus précis5 quant aux

1
Loi n° 2014-344 relative à la consommation, 17 mars 2014, J.O, 18 mars 2014, art. 50.
2
M. LAMARCHE, « Couples, consommation, crédits : le ménage un peu (préservé) du surendettement. La loi
Hamon et la solidarité des dettes ménagères », Rev. dr. fam., 2014, n° 5, alerte 19.
3
Cass. civ. 1ère, 29 juin 2011, n° 10-16.925; JCP, G, II, 2011, n° 39, p. 1017.
4
Cass. civ. 1ère, 17 nov. 2010, n° 09-11.979, Rev. dr. fam., 2011, comm. 2, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE,. Voir
déjà, Cass. civ. 1ère, 4 juin 2009, n° 07-13.122, D., 2009, obs. J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU, p. 1610 ; AJ fam.,
2009, obs. F. CHENEDE, p. 303 ; RTD civ., 2010, obs. B. VAREILLE, p. 800
5
Les juges du fond pourront apprécier ces dépenses « eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à
l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant ».

307
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

dépenses jugées excessives, à l’inverse de l’article 515-4 qui ne dit mot dessus1. Il
reviendra par conséquent aux juges d’apprécier au cas par cas, en matière de pacte, ladite
dépense eu égard au train de vie du couple. Or, la rareté des décisions publiées en la
matière ne permet pas d’apprécier la manière dont les juridictions accueillent le
contentieux. Lorsqu’elles en sont saisies, c’est particulièrement dans le domaine
concernant la répétition de l’indu en matière d’aide personnalisée au logement (APL). Il a
en effet été jugé que, « compte tenu de la finalité de cette réglementation, lorsqu’une APL
est versée à tort, les concubins ou les pacsés qui en ont bénéficié sont solidairement tenus
à sa restitution, quand bien même elle n’aurait été attribuée qu’à un seul d’entre eux »2.

Ω) Le logement du couple

341. L’absence de protection autonome du logement des partenaires. Le


logement des partenaires a essentiellement été abordé sous l’angle du décès d’un des
partenaires. Or, le logement du couple3 est important à deux égards : il représente,
symboliquement, le lieu de l’exécution de la communauté de toit et de lit, élément
constitutif tant du Pacs que du concubinage, et représente un bien (voire le bien) du
patrimoine du couple4. Bien que les partenaires pacsés bénéficient d’un statut juridique,
celui-ci ne prévoit pas de protection autonome de leur logement lors de la séparation. Pour
preuve, les juges lillois ont pu affirmer que le logement commun ne pouvait être assimilé
au domicile conjugal5. Prévu au profit des couples mariés, le référé violence visé à l’article
220-1 alinéa 3 du Code civil a également été exclu par les magistrats à cette occasion au
motif que celui-ci ne s’appliquait pas par analogie au concubinage. Le refus des
juridictions d’étendre l’application de l’article 215 du Code civil aux partenaires s’explique
par la situation de cette disposition au sein du régime primaire impératif des époux. Elle ne
saurait donc s’appliquer aux simples concubins.
342. L’ébauche d’un statut du logement des partenaires. Pourtant, la vie
commune telle qu’exigée par le législateur entre partenaires ne peut s’exécuter que si la
communauté de toit est effective et protégée. Du fait de l’importance de ce bien tant pour
le couple qu’au regard de l’obligation de vie commune6, « on peut s’étonner que le
logement des partenaires ne fasse l’objet d’aucune mesure protectrice pendant la durée du
Pacs »7. Ce vide législatif signifie purement et simplement que « si le logement de la

1
L’alinéa 2 se contente d’exclure le principe de la solidarité lorsque la dépense est excessive.
2
CE 9 juil. 2003, n° 255110; D., 2004, somm. 2967, obs. J.-J. LEMOULAND; RTD civ., 2004, obs. J. HAUSER,
p. 69.
3
J. RUBBELIN-DEVICHI, « La famille et le droit au logement », RTD civ., 1991, p. 246.
4
V. J. LEPROVAUX, La protection du patrimoine familial, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2008.
5
TGI Lille, 21 fév. 2006, D., 2006, 1350, note X. LABBEE ; Rev. dr. fam., 2006, comm. 141, note I. CORPART.
6
En ce sens : J.-M BRIGANT, « Vers un bail conjugal d’habitation ? », Rev. dr. fam., 2011, n° 1, étude 3.
7
P. SIMLER, P. HILT, « Le nouveau visage du pacte civil de solidarité : un quasi-mariage », JCP, G, 2006, n° 30.

308
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

famille est la propriété de l’un d’entre eux, celui-ci peut le vendre, le léguer, le louer, le
prêter, l’échanger sans avoir à obtenir l’accord de l'autre »1. Si le législateur s’est -
accessoirement- intéressé à la protection du logement des couples non mariés, c’est
seulement à l’occasion de la loi relative aux violences conjugales2, tant et si bien que le
logement des partenaires aujourd’hui ne bénéficie pas, à l’instar du logement familial,
d’une protection spécifique propre. En 2014 pourtant, à l’occasion de la loi pour l’accès au
logement et à l’urbanisme rénové (ALUR) 3, le législateur a remédié à ce vide législatif en
permettant aux partenaires d’un Pacs de devenir de plein droit cotitulaires du bail lorsque
leur logement est assuré au moyen d’un bail d’habitation. Longtemps réservé aux seuls
couples mariés4, l’article 1751 du Code civil leur offre désormais le droit à la cotitularité
du bail dès lors qu’ils en font la demande. Si le Pacs est dissout, l’attribution judiciaire du
contrat de bail est également prévue par un nouvel article 1751-1 du Code civil. En cas de
dissolution du Pacs, l’un des partenaires pourra donc saisir le juge compétent afin de se
voir attribuer le droit au bail. En revanche, le partenaire non-signataire du contrat de bail
ne peut être qualifié de preneur et n’est pas titulaire du droit au bail à défaut d’en avoir fait
la demande. Ses droits à une jouissance paisible5, au renouvellement du bail6 ou encore de
préemption7 ne peuvent, dans ces conditions, être protégés. Simple occupant, il ne peut non
plus se prévaloir du droit au maintien dans les lieux. Comme cela a été souligné, « parce
qu’elle est conventionnelle, la cotitularité n’est ni automatique, ni obligatoire »8, par
conséquent seule une clause expresse du contrat de bail peut l’instituer.
343. Les droits sur le logement du partenaire survivant. Le logement des
partenaires a essentiellement été abordé, initialement, sous l’angle du décès d’un des
partenaires. Avant l’adoption de la loi du 23 juin 2006, le partenaire survivant ne
bénéficiait d’aucune protection particulière du logement qu’il partageait avec son
partenaire décédé. Plusieurs dispositions applicables au conjoint survivant ont, depuis,
permis d’étendre au partenaire survivant certains avantages matrimoniaux9. Désormais,

1
C. COUTANT-LAPALUS, « Pacs et logement, dix ans après », Rev. dr. fam., 2010, étude 9, spec. n° 21.
2
V. supra, n° 325.
3
Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, J.O, 26 mars 2014.
4
CA Versailles, 29 mai 1998, Gaz. Pal., 1998, 2, somm. p. 626 ; CA Versailles, 22 juin 2001, D., 2002, somm.
p. 1720 ; CA Besançon, 14 janv. 2003, Rev. Loyers et copr., 2003, comm. 124, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA
Paris, 5 janv. 2006, Rev. Loyers et copr., 2006, comm. 49, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA Toulouse, 3 juin 2008,
Rev. Loyers et copr., 2008, comm. 179, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; CA Aix-en-Provence, 9 avr. 2009, Rev.
Loyers et copr., 2009, comm. 231, obs. B. VIAL-PEDROLETTI ; Cass. civ. 3ème, 28 avr. 2009, n° 08-12.424, inédit.
5
Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, n° 08-15.929, JurisData n° 2009-047671, Rev. dr. fam., 2009, comm. 70, obs.
V. LARRIBAU-TERNEYRE.
6
Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, n° 08-15.929, Rev. Loyers et copro., 2009, comm. 140, obs. B. VIAL-PEDROLETTI;
D., 2009, p. 1090, obs. G. FOREST.
7
CA Paris, 20 mars 1996, Rev. dr. fam., 1996, comm. 1.
8
C. COUTANT-LAPALUS, « Pacs et logement, dix ans après », art. precit., spec. n° 22.
9
L’écriture de l’article 515-6 du Code civil en ressort grandement influencée, notamment par les dispositions des
articles 831, 831-2, 832-3, 832-4, et enfin les deux premiers alinéas de l’article 763 applicables aux époux.

309
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

celui-ci peut se prévaloir du bénéficie du droit temporaire au logement ou demander à


bénéficier de l’attribution préférentielle de ce dernier. Depuis le 1 er janvier 2007, que le
logement soit occupé en vertu d’un titre de propriété ou d’un contrat de bail, le partenaire
survivant bénéficie pendant l’année qui suit le décès de son partenaire d’un droit de
jouissance gratuit du logement ainsi que des meubles qui le garnissent. Pour cela, le
partenaire doit, à l’époque du décès, occuper de manière effective le logement à titre
d’habitation principale, le bien devant appartenir aux deux partenaires soit en indivision,
soit occupé par eux en vertu d’un contrat de bail. Pour autant, ces dispositions ne sont pas
d’ordre public et le partenaire survivant peut en être privé par testament. Quant au bénéfice
de l’attribution préférentielle du logement commun au partenaire survivant, celui-ci doit
avoir été expressément prévu par testament.

3- Hors du droit civil

344. L’octroi aux couples d’avantages sociaux. Si à l’égard du conjoint la qualité


d’ayant-droit est automatique, celle-ci demeure variable pour les couples non mariés.
L’existence du couple est certes déterminante, mais le bénéfice des droits sociaux s’est fait
par étapes, voire par des lois de circonstance1. Le plus souvent, les dispositions du Code de
la sécurité sociale profitent de façon égale à l’assuré qu’il soit marié, concubin ou pacsé 2. Il
en va de même s’agissant des dispositions du Code de l’Action sociale et des familles 3.
Néanmoins, si l’existence du couple n’ouvre pas droit automatiquement aux avantages
sociaux, de nombreux effets juridiques sont subordonnés à l’existence de la vie commune 4.
Le développement des couples hors mariage a conduit la loi à attribuer la qualité d’ayant-
droit à la personne (de même sexe ou de sexe différent) qui partage la vie d’un assuré
social. Aujourd’hui, au regard de la protection sociale5, la situation des concubins est
quasiment6 identique à celle des époux, mais sans que celle-ci relève du même texte. En

1
En 2004 par exemple, le législateur a élargi, suite à une explosion survenue dans une entreprise chimique, la
liste des ayants-droit pour les risques professionnels afin d’y inclure le concubin ainsi que le partenaire, pour
permettre aux personnes vivant en couple avec les victimes décédées de bénéficier de rentes de survivants.
2
Art. L. 434-8 et R. 434-10 (rente viagère en cas d’accident du travail), L. 815-4, L. 815-9, L. 815-13, R. 815-18
et R. 815-28 (allocation solidarité personnes âgées), L. 815-5 (avantages de vieillesse), L. 821-3 (allocation
adulte handicapé)…
3
Art. L. 232-7 (allocation personnalisée d’autonomie), L. 232-10 (ressources du couple)…
4
Y. FAVIER, « Les concubins et leurs droits sociaux », in Des concubinages, droit interne, droit international,
droit comparé. Mélanges J. RUBELLIN-DEVICHI, Litec, 2002, p. 241; G.VACHET, « Concubinage et vie maritale
dans le droit de la sécurité sociale », in Les concubinages, approche socio-juridique, t. II, CNRS, 1986, p. 185.
G. BUCHET, « Concubinage, vie maritale, vie commune », Rev. dr. soc., 1997, p. 288 ; A. BENOIT, « Protection
sociale et concubinage », Rev. dr. fam., 1997, chron. n° 8 ; X. PRETOT, « Quelle famille est prise en compte dans
notre système de protection sociale », Rev. dr. sanit. soc., 1991, n° 3 ; Y. SAINT-JOURS, « Le statut social
du concubinage », JCP, N, I, 1993, 138.
5
J.-F. LUSSEAU, « Vie maritale et droit de la Sécurité sociale », Rev. dr. soc., 1980, p. 203.
6
En effet, l’assimilation entre le mariage et le concubinage n’est pas absolue. Le versement de certaines
prestations reste subordonné à l’existence d’un lien de droit. Il en est ainsi en matière de rentes versées en cas
d’accidents du travail (CSS, art. L. 434-8), en matière d’assurance invalidité de veuf ou de veuve (CSS, art. L.

310
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

effet, les personnes mariées se voient appliquer l’article L. 313-3 visant les membres de la
famille, alors que les concubins doivent remplir l’exigence de vie maritale visée à l’article
L. 161-14 du Code de la sécurité sociale. Ensuite, toute personne qui vit en couple avec un
assuré social depuis 12 mois et se trouve à sa charge effective, totale et permanente, est
l’ayant-droit de cet assuré1. Elle peut prétendre aux prestations en nature de l’assurance
maladie-maternité, c’est-à-dire au remboursement des frais médicaux2. Tout récemment, la
Cour de cassation a jugé que « le concubin d’une victime d’un accident du travail ou d’une
maladie professionnelle a droit à une rente viagère égale à une fraction du salaire annuel de
cette dernière, lorsque le décès de la victime est survenu à compter du 1er septembre
2001 »3. Pour les décès survenus avant cette date, la théorie du mariage posthume permet
de faire remonter les effets du mariage à la date du jour précédant le décès de l’époux4 afin
d’accorder au concubin le statut de conjoint survivant, et lui ouvrir le bénéfice de certains
droits réservés aux seuls époux. C’est notamment le cas pour le droit à indemnisation du
préjudice5 prévu par les articles L. 437-7 et L. 434-8 du Code de la sécurité sociale dans
leur rédaction antérieure à la loi du 21 décembre 2001. Il en est de même du capital décès6
prévu à l'article L. 362-1 du Code de la sécurité social ainsi que de l’allocation veuvage7.
Un décret est récemment intervenu8 afin de tirer les conséquences réglementaires en
matière d’accidents du travail et de maladies professionnelles de trois lois de financement
de la sécurité sociale. Désormais, les droits des concubins et des partenaires pacsés sont
alignés sur ceux du conjoint pour ce qui est des conditions d’attribution, de calcul et de
retrait des rentes d’accidents du travail.
La loi portant création du PACS permet au partenaire de l’assuré social de devenir son
ayant-droit9, sans qu’aucune durée de vie commune ne soit requise, et lui permet de
bénéficier des assurances invalidité et décès, fermées aux concubins. Il bénéficie
également d’autres prestations spécifiques comme le capital décès10, dont le versement est
effectué suivant un ordre de priorité qui place le partenaire après le conjoint survivant,
mais avant les descendants et ascendants. La législation relative à l’assistance médicale à la

342-1 et s.), de pension de retraite ou de réversion (CSS, art. L. 353-1 et s.) ou encore d’assurance veuvage
(CSS, art. L. 356-1 et s.).
1
Art. L. 161-14, al. 2, cf. aussi: Cass. soc., 22 févr. 1978, Bull. civ., V, n° 142, p. 106.
2
Art. L. 161-14 CSS.
3
Cass. civ. 2ème, 4 avr. 2013, n° 10-19.233, AJ fam. 2013, note G. RAOUL-CORMEIL p. 300.
4
Art. 171 al. 2 C. civ.
5
Cass. civ. 2ème , 10 juill. 2008, n° 07-15.390; Rev. dr. fam., 2008, n° 10, comm. 137, V. LARRIBAU-TERNEYRE.
6
Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, n° 05-18.582; Rev. dr. fam., 2007, comm. 160, note A. DEVERS ; JCP, S, 2007,
1524, G. VACHET.
7
Cass. soc., 15 févr. 2001, n° 99-17.199 ; D., 2001, somm. 2449, obs. X. PRETOT; D., 2002, somm. p. 535,
obs. J.-J. LEMOULAND; RTD civ., 2001, obs. J. HAUSER, p. 563; Rev. dr. soc., 2001, note B. GAURIAU, p. 463.
8
D. n° 2015-653, du 10 juin 2015, J.O, 13 juin 2015, p. 9973.
9
Art. L. 161-14, al. 1er CSS.
10
Art. L. 361-4 CSS.

311
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

procréation, si elle exigeait auparavant une vie commune de deux ans afin de caractériser
l’infertilité du couple, est désormais supprimée.
L’évolution est donc caractérisée par une prise en charge des risques indépendamment du
choix de la structure conjugale. Bien qu’il n’y ait pas d’identité des droits sociaux, les
risques couverts par le régime général de la sécurité sociale ne promeuvent pas une
conception particulière de la famille, mais leur objet se réduit à la seule couverture des
risques, donné exclusif pris en considération1. Pourtant, ce dernier dépend étroitement des
structures familiales et sociales qui ne cessent de se renouveler. La diversité actuelle des
formes de conjugalité impose donc une prise en compte et une adaptation à ces nouvelles
configurations familiales, sans pour autant procéder à une transposition indifférenciée des
règles applicables aux uns et aux autres.
345. Le refus d’ouvrir la pension de réversion aux concubins. Il est revenu au
Conseil d’État de se prononcer en premier sur l’attribution d’une pension de réversion au
concubin survivant. Il a exclu, dans un arrêt du 6 décembre 2006 2, l’idée d’une
discrimination quant au bénéfice du droit à la pension de réversion visée aux articles 39 et
47 du Code des pensions civiles et militaires. Par un autre arrêt du 18 juin 2010 3, il a jugé
que les dispositions de l’article L. 45 du Code des pensions civiles et militaires de retraites
qui organisent le partage de la pension de réversion entre les ex-conjoints d’un
fonctionnaire ne sont pas applicables aux concubins car il existe une différence de situation
entre les personnes mariées et les personnes vivant en concubinage. La même solution a
été reprise au profit des personnes pacsées. Dans une question prioritaire de
constitutionnalité4, le juge constitutionnel a estimé que « réserver le bénéfice de la pension
de réversion aux couples mariés et ne pas reconnaître ce droit aux couples non mariés
n’est pas contraire aux droits et libertés protégés par la Constitution, et ne porte donc pas
atteinte au principe d’égalité ». Plus récemment encore, la Cour de cassation5 a estimé
qu’il n’y avait pas de discrimination sur le fondement de l’article 14 de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’agissant
de la différence de traitement entre le conjoint marié et le partenaire lié par un Pacte civil
de solidarité au regard de la pension de réversion. En droit de l’Union européenne, il a pu
être jugé qu’une réglementation nationale qui ne prévoit pas de prestation de survie
équivalente à celle octroyée à un époux après le décès du partenaire de vie viole le droit

1
J. HAUSER, J.-L. RENCHON (dir. de), Le statut juridique du couple marié et du couple non marié en droit belge
et français, Les statuts légaux des couples, op. cit., p. 561.
2
CE, 6 déc. 2006, n° 262096, D., 2007, p. 155 ; AJ fam., 2007, obs. F. CHENEDE, p. 34 ; RTD civ., 2007, obs.
J. HAUSER, p. 86 ; JCP, G, II, 2007, note A. DEVERS, p. 10096.
3
CE 18 juin 2010, n° 315076, AJDA, 2010, p. 1237 ; RTD civ., 2010, obs. J. HAUSER, p. 764 ; Rev. dr. fam.,
2010, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 123.
4
QPC n° 2011-155 du 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, note V. LARRIBAU-TERNEYRE, comm. 143.
5
Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2014, n° 13-11.362 ; Rev. dr. fam., 2014, n° 4, comm. 63 ; L. ANDREU, « Vers un
alignement du régime du Pacs sur celui du mariage ? À propos d’un arrêt étonnant relatif à la pension de
réversion », D., 2014, p. 968 ; T. TAURAN, Rev. dr. sanit. et soc., 2014, p. 392.

312
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

communautaire dérivé1. La question portant sur la durée de la résistance des juridictions


françaises ne manque d’être soulevée.
346. En procédure civile. La loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la
simplification du droit a permis aux parties de se faire assister ou représenter devant le
tribunal d’instance2, la juridiction de proximité ou en matière prud’homale3 par le concubin
ou la personne avec laquelle elles ont conclu un Pacs. La même faculté leur a été reconnue
devant le tribunal du contentieux de l’incapacité, le tribunal des affaires de la sécurité
sociale, la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance et des accidents
du travail4 ainsi que devant le juge de l’exécution5. Plus récemment, la loi n° 2009-526 du
12 mai 20096 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures a
transféré au juge aux affaires familiales la liquidation et le partage des intérêts
patrimoniaux de tous les couples conjugaux alors que, jusqu’à cette date, seuls les couples
mariés saisissaient le juge aux affaires familiales des difficultés nées de la liquidation de
leur régime matrimonial7. Faisant suite à la proposition doctrinale de Monsieur le Recteur
GUINCHARD dans le cadre du rapport L’ambition raisonnée d’une justice apaisée, cette
extension du bloc de compétences juridictionnelles du JAF lui permet de devenir l’acteur
central des intérêts patrimoniaux de l’ensemble des couples. Pour Monsieur le professeur
ÉGEA, hautement procédurale, la question de « la compétence matérielle des juridictions
reflète parfaitement le pluralisme des formes juridiques de couple et le mouvement de
rapprochement du pacte civil de solidarité du mariage »8, à tel point qu’il est permis de
penser que la convergence des formes de conjugalité opère par la procédure civile.

B) La liberté dans la rupture

347. Dénominateur commun des conjugalités non-engageantes. Un sentiment


d’injustice peut naître au stade de la rupture du couple de concubins. En effet, pas plus que
le Code ne réglemente l’entrée en concubinage, il n’en réglemente la sortie. Là où la
solidarité conjugale se montre efficace, le concubinage révèle sa précarité lorsqu’il prend

1
CJUE, 1er avr. 2008, Tadao Maruko c/ Versorgungswerk der deutschen Bühnen, affaire C 267-06. Il s’agissait
en l’occurrence de la violation de la directive 2007/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création
d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail ; CJUE, gde chb., 10 mai
2011, affaire C‐147/08, Jürgen Römer c/ Freie und Hansestadt Hamburg.
2
Art. 828 CPC.
3
Art. R. 1453-2 C. travail.
4
Art. L. 144-3 Code sécu. soc.
5
Art. 12 du décret n° 92-755 du 31 juil. 1992 modifié par le décret n° 2008-484 du 22 mai 2008.
6
L. n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures,
J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
7
V. ÉGÉA, precit., p. 248, n° 610.
8
Ibid., p. 249, n° 611.

313
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fin. C’est pourquoi au-delà de la supposée liberté, nombre de concubins n’hésitent pas à
recourir au juge au moment de la rupture. Dans ce contexte, la jurisprudence a envisagé
certains mécanismes inspirés du droit commun afin de compenser les aspects les plus bruts
de la rupture (1). L’identité des problématiques soulevées à ce stade a conduit le législateur
à ériger le droit à indemnisation, en cas de rupture fautive du Pacs, en un droit d’ordre
public, mettant ainsi en balance les impératifs de liberté de la rupture et de protection de la
partie la plus faible (2). Par conséquent, un processus de rapprochement des conséquences
de la rupture hors-mariage semble se dessiner au moment de la rupture en mariage.
Louable, cette approche est animée par la volonté de réduire au maximum les disparités
dues au statut juridique choisi.

1- La rupture du concubinage

348. Le recours à la responsabilité civile délictuelle. La liberté de rompre1


constitue l’essence du concubinage. Il n’entraîne aucun droit à indemnité en l’absence de
devoir d’un concubin à l’égard de l’autre2. En revanche, le droit admet, lorsque les
circonstances de la rupture révèlent une faute3 détachable de la rupture elle même4, que la
responsabilité de l’auteur de la rupture soit engagée sur le plan délictuel en application de
l’article 1382 du Code civil5 (article 1240 du Code civil à compter du 1er octobre 2016).
349. Le recours aux mécanismes de rééquilibrage patrimonial de droit commun.
Deux principales techniques permettent à l’imprévoyance du concubin ou de la concubine
qui estime avoir été abandonné, de contraindre son ancien compagnon (ou compagne) à lui
venir en aide. Il s’agit essentiellement de la société créée de fait, subsidiairement, la
technique de l’enrichissement sans cause 6. La première technique suppose l’existence
d’une société non statutaire7 créée entre les concubins. Elle est donc soumise à des

1
Le principe étant que la rupture du concubinage ne saurait, en elle-même, ouvrir droit à une quelconque
indemnisation. V. en ce sens R. SAVATIER, « Le droit, l’amour et la liberté », note sous Cass. civ. 1ère, 7 oct.
1957, D., 1958, 493.
2
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, européen et international,
I. BARRIERE-BROUSSE, M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), Paris, éd. Lextenso, 2013, p. 244, spec. n° 602.
3
V. récemment : CA Metz, 1ère ch., 8 janv. 2015, n° 13/01099 et n° 15/00007 ; Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm.
70, A.-C. REGLIER.
4
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », in Les contentieux familiaux. Droit interne, européen et international,
op. cit., n° 603.
5
En ce sens : CA Metz, 8 janv. 2015, n° 13/01099, D., 2015, pan., J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU, p. 1408.
6
V. notamment A. GOUTTENOIRE, « Collaboration familiale et enrichissement sans cause », Rev. dr. fam., 1999,
chron. n° 19.
7
Cass. civ. 1ère, 2 oct. 1974, Bull. civ., I, n° 249; Cass. civ. 1 ère, 20 mars 1989, Bull. civ., I, n° 130; JCP, IV,
1989, 193; Gaz. pal., 1989, 2, 765, note J. MASSIP; Cass. civ. 1ère, 11 fév. 1997, Bull. civ., I, n° 46; JCP, II, 1997,
22820, note T. GARÉ; JCP, 1997, I, obs. M. FARGE, p. 4045; même revue, 4074, n° 1, obs. VIANDIER et
CAUSSAIN ; Rev. dr. fam., 1997, n° 56, note H. LECUYER; Defrénois, 1997, 923 (2ème esp.), note MILHAC ; LPA,
7 juil. 1997, note GIBRILA ; Cass. civ. 1ère, 26 juin 2001, n° 98-16490, Rev. dr. fam., 2002, n° 28, note
H. LECUYER.

314
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

conditions très strictes. Les juges ne l’admettent que de manière très restrictive1 et la Cour
de cassation ne manque de le leur rappeler. Il faut, de manière séparée, établir l’existence
de chaque élément constitutif de la société 2 : des apports mutuels, en nature ou en travail,
un affectio societatis ou la volonté et l’intention de collaborer sur un pied d’égalité à la
réalisation d’un projet commun, et enfin, l’existence non équivoque d’une participation
effective aux bénéfices et aux pertes. Une fois ces trois éléments prouvés distinctement et
cumulativement, les juges peuvent souverainement admettre l’existence d’une telle société
entre les concubins, notamment pour permettre aux créanciers du couple, qui en
démontrent l’existence3, d’exercer une action en paiement à l’encontre du concubin du
débiteur. Elle constitue dès lors un véritable substitut, dans certains cas, à l’inapplicabilité
de l’article 220 du Code civil instituant une solidarité à l’égard des dettes entre époux 4. Ne
serait-il pas préférable, dans l’intérêt des créanciers, de consacrer une solidarité entre
concubins, dès lors que celle-ci se trouve aujourd’hui applicable aux partenaires ? En tout
état de cause, si c’est bien la vie commune du couple qui est à l’origine de certains droits et
obligations, il ne nous semble pas inconcevable d’harmoniser, ne serait ce que par souci de
cohérence, certains effets inhérents à la vie de couple. Une sorte de socle, de SMIC (statut
minimum inter-conjugal) tel que le suggérait un auteur5.

1
Cass. com., 30 juin 1970, Bull. civ., IV, n° 222.
2
Cass. com., 25 juil. 1949, n° 49-39306, Bull. com., n° 307; D., 1949, somm., p. 41; JCP, 1950, II, 5798; Cass.
civ. 1ère, 4 nov. 1976, Bull. civ., I, n° 328; Cass. com., 9 nov. 1981, n° 80-12477, Bull. civ., IV, n° 385; Cass. civ.
1ère, 5 mars 1985, Bull. civ., I, n° 85; Cass. civ. 1ère, 23 juin 1987, Bull. civ., I, n° 205; Cass. civ. 1ère, 18 juil.
1995, Bull. civ., I, n° 320; RTD civ., 1996, 133, obs. J. HAUSER; Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, Bull. civ., I, n° 357;
D., 1997, somm., 177, obs. R. LIBCHABER; RTD civ., 1997, obs. J. HAUSER, p. 102; Defrénois, 1997, (1ère esp.),
note MILHAC, p. 923; LPA, 5 sept. 1997, note ENAMA ; Cass. civ. 1ère, 1er juil. 1997, Rev. dr. fam., 1997, n° 153,
note H. LÉCUYER ; Cass. com., 9 oct. 2001, Bull. civ., IV, n° 165 ; Defrénois, 2002, obs. J. HONORAT, p. 620;
Rev. dr. fam., 2002, n° 18 et 55, note H. LECUYER ; RTD civ., 2002, obs. J. HAUSER, p. 489; Cass. civ. 1ère, 12
mai 2004, n° 01-03909, Bull. civ., I, n° 131; D., 2004, obs. E. LAMAZEROLLES, p. 2928; meme revue, obs.
D. VIGNEAU, p. 2969; JCP, E, 2004, n° 8, obs. CAUSSAIN, DEBOISSY et WICKER, p. 1510; RTD civ., 2004, obs.
J. HAUSER, p. 487; Rev. dr. fam., 2004, n° 168, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; RTD com., 2004, 743, obs.
C. CHAMPAUD et D. DANET ; Rev. sociétés, 2005, note F.-X. LUCAS, p. 131; Cass. com., 23 juin 2004, Bull. civ.,
IV, n° 135; D., 2004, obs. D. VIGNEAU, p. 2969; AJ fam., 2004, obs. F. BICHERON, p. 324; JCP, 2005, I, n° 3,
116, obs. Y. FAVIER ; JCP, E, 2004, n° 9, obs. CAUSSAIN, DEBOISSY et WICKER, p. 1510; Rev. dr. fam., 2004,
n° 168, note V. LARRIBAU-TERNEYRE ; RJPF, 2004, n° 10, p. 22, note F. VAUVILLE; Rev. dr. et patrim., 2004,
n° 12, p. 96, obs. D. PORACCHIA; RTD civ., 2004, 487, obs. J. HAUSER ; RTD com., 2004, 740, obs. C.-L.
CHAMPAUD et D. DANET ; Cass. civ. 1 ère, 4 juin 2007, n° 06-15.249 ; D., 2008, pan., obs. J.-J. LEMOULAND et D.
VIGNEAU, p. 1793; JCP, 2008, I, 102, n° 2, obs. C. COUTANT-LAPALUS ; Rev. dr. fam., 2007, n° 185, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE.
3
M. BRUGGEMAN, « La solidarité familiale », in Les États généraux du mariage : l’évolution de la conjugalité
C. NEIRINCK (dir. de), Marseille, PUAM, 2008, pp. 171-187.
4
Comme en matière de contribution aux charges du mariage, les concubins ne sont pas solidaires à l’égard des
dettes. Cf. civ. 1ère, 2 mai 2001, Bull. civ., I, n° 111; D., 2002, somm. 612, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ.,
2001, 565, obs. J. HAUSER ; mais aussi civ. 1ère, 27 avr. 2004, Bull. civ., I, n°113 ; D., 2004, 2968, obs.
D. VIGNEAU ; RTD civ., 2004, 487, obs. J. HAUSER; Rev. dr. fam., 2004, n° 140, obs. V. LARRIBAU-TERNEYRE.
En outre le Conseil d’Etat n’est pas si catégorique puisqu’en matière d’APL, celui-ci condamne solidairement les
concubins à restituer le trop perçu : CE, 9 juil. 2003, D., 2004, 2967, obs. J.-J. LEMOULAND ; RTD civ., 2004, 69,
obs. J. HAUSER.
5
X. LABBEE, Le droit commun du couple, PUS, Septentrion, 2ème éd., 2012.

315
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Il est assez fréquent, lorsque la société créée de fait n’a pu être démontrée, que l’action
fondée sur l’enrichissement sans cause prenne le relais. Cette alternative semble
intéressante si l’un des concubins a contribué à la bonne marche du ménage en s’occupant
du foyer, ou en travaillant dans l’entreprise de l’autre sans rémunération, en ayant
abandonné sa propre activité professionnelle. Lorsque l’union vient à cesser, le(a)
concubin(e) se rend compte que son concubin s’est enrichi, et qu’il (elle) s’est
corrélativement appauvri(e). Dans ce cas de figure, l’enrichissement sans cause peut être
un bon moyen de compenser des disparités trop flagrantes entre les ex-concubins.
Néanmoins, certaines conditions cumulatives sont requises par la jurisprudence. Il faut
prouver l’enrichissement du concubin, en apportant corrélativement la preuve de son
propre appauvrissement, tout en démontrant l’absence de lien de causalité. En d’autres
termes, le requérant doit pouvoir établir l’absence d’avantages pour lui, qui trouveraient
leur cause dans le travail qu’il aurait fourni. Or, les juges relèvent bien souvent une
contrepartie matérielle tel que l’hébergement1, la volonté d’améliorer son propre cadre de
vie2 ou l’intention libérale3. Les décisions ayant eu à se prononcer sur ce fondement
prennent soin de vérifier que l’activité déployée par la concubine est allée au-delà de la
simple entraide conjugale4 et, en général, les juges n’hésitent pas à rétablir l’équité
lorsqu’un déséquilibre trop prononcé est avéré lors de la rupture.
L’utilisation de ces mécanismes pourrait suggérer une protection proche de celle conférée
par l’état d’époux par le recours, en l’absence d’un statut spécifique, aux règles du droit
commun. Cependant, celles-ci n’ont rien d’automatique et ne satisfont pas, de surcroît, à
l’exigence de prévisibilité propre au statut des personnes mariées. Il ne s’agit bien souvent
que d’un « pis-aller »5. La jurisprudence, bien qu’elle s’avère aléatoire en la matière, a le
mérite de remédier, sur le fondement du droit commun et au cas par cas, à certaines
situations d’iniquité.

1
Cass. civ. 1ère, 12 nov. 1998, Rev. dr. fam., 1999, n° 12, obs. H. LÉCUYER.
2
Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, n° 06. 11924, Bull. civ., I, n° 212 ; D., 2008, A.J, 2430, obs. I. GALLMEISTER ;
LPA, 24 nov. 2008, note BOUSSARD; AJ fam., 2008, 431, obs. F. CHÉNEDÉ; RJPF, 2008-12/19, obs.
F. VAUVILLÉ; Defrénois, 2008, 2516, obs. E. SAVAUX; Rev. Lamy dr. civ., 2008/54, n° 3198, obs. JEANNE; RTD
civ., 2008, 660, obs. J. HAUSER; JCP, 2008, art. 597, obs. H. BOSSE-PLATIERE.
3
CA Aix-en-provence, 20 juin 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 202, note V. LARRIBAU-TERNEYRE. Plus
récemment : Cass. civ. 1ère, 2 avr. 2014, n° 13-11.025, D., 2015, pan. p.1408, J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU.
4
Cass. civ. 1ère, 20 janv. 2010 : dans cette espèce il a été jugé que l’assistance apportée sur le plan administratif
par la concubine à la bonne marche de l’entreprise artisanale constituée avec son concubin n’excédait pas une
simple entraide, et ne donnait donc pas lieu à indemnisation sur le fondement de l’enrichissement sans cause ; ou
encore le concubin qui, dans son intérêt personnel, a financé les travaux de rénovation avec l’intention de
s’installer dans l’immeuble avec sa concubine, cf. civ. 1 ère, 24 sept. 2008, Bull. civ., I, n° 212. V. néanmoins
contra, la Cour qui « a souverainement estimé que ces travaux qui excédaient sa nécessaire participation aux
charges de la vie commune, ne pouvaient être considérés comme une contrepartie de l’amélioration du cadre de
vie et de l’hébergement gratuit dont M. X. avait profité pendant la période du concubinage » : Cass. civ. 1ère,
23 janv. 2014, n° 12-27.180.
5
V. ÉGEA, « Les régimes patrimoniaux », op. cit., p. 251, n° 619.

316
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

2- La rupture du Pacs

350. Les dangers du principe de la libre rupture du Pacs. La possibilité de résilier


unilatéralement le Pacs, sans motivation ni préavis est, à côté des avantages fiscaux et
sociaux qu’il offre, la principale cause de son succès1. Or, la doctrine s’est fait l’écho -
depuis la création du Pacs- des dangers inhérents à la liberté de rupture2. En effet, aucune
autorité judiciaire n’assure ni le contrôle des motifs, ni les conséquences de la rupture. Les
acteurs saisis à l’occasion de la rupture -huissier, greffier du tribunal d’instance et officier
d’état civil- prennent uniquement acte de la décision de rompre, et de sa signification au
partenaire subissant la rupture3. À l’heure de la création du PACS, Madame le professeur
Françoise DEKEUWER-DEFOSSEZ soulignait qu’ « (...) une telle formule n’a de sens que si
l’on est persuadé que les personnes qui la choisiront le feront en connaissance de cause
(…) ; il faut espérer qu’à l’expérience, le choix de cette formule ne se révèle pas être la
source d’injustices. Certains auteurs ont déjà émis la crainte que ces ruptures
désinstitutionnalisées ne soient le siège d’une violence individuelle qui alimente la
violence sociale »4. Le partenaire, tout comme le concubin, est soumis au bon vouloir de
l’autre, à celui qui n’est pas assiégé par la force de ses sentiments, et la loi lui dénie tout
droit à l’instar de ce que prévoit le système de protection patrimoniale conféré par le
mariage. C’est pourquoi le Pacs -dans sa dimension factuelle- n’est qu’un simple
concubinage qui n’offre aucun avantage à sa dissolution. Il peut être résilié « du jour au
lendemain, sur simple caprice »5, de la même manière que, du jour au lendemain, le
partenaire abandonné peut se retrouver sans rien. La liberté constitutive du Pacs se paie
fort cher à la rupture, et cette situation a pu être qualifiée par la doctrine comme une
hypocrisie de la loi qui consacre des inégalités là où le droit est censé les supprimer ou, à
tout le moins, les atténuer. Comme l’ironise le même auteur, « j’ai le droit d’épouser une
autre personne que mon partenaire que je n’ai même pas besoin de prévenir et qui se
trouve, du fait de la loi, automatiquement destitué. Je peux donc avoir dans le même temps
une fiancée et une (ou un) partenaire de service, qui disparaîtra du fait du mariage » car
« c’est bien la loi qui considère mon partenaire comme un être inférieur à celui que
j’épouse »6. Qualifié comme étant une « défaite de la raison juridique »7, le Pacs est loin de
constituer ce pacte civil de solidarité car il est tout, sauf solidarité entre les partenaires. Il
se caractérise par la précarité, l’irresponsabilité et la loi du plus fort. Pour l’auteur, la

1
En 2007, 101992 PACS ont été conclus contre 173728 en 2014, dont 96% le sont entre personnes de sexe
différent. Cf. Statistiques du Ministère de la justice.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », LPA, 1999, n° 84, pp. 29-36 ;
X. LABBEE, « PACS : l’injustice de la dissolution conventionnelle », JCP, G, 2012, n° 1-2, pp. 6-7.
3
Cf. TI Lille, 7 sept. 2009, D., 2010, n° 1, pp. 6970, note, A. KOUMDADJI.
4
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « À propos du pluralisme des couples et des familles », art. precit, p. 35.
5
X. LABBEE, « PACS : l’injustice de la dissolution conventionnelle », art. precit.
6
Ibid., p. 7.
7
P. MURAT, « Chronique d’une défaite de la raison juridique », in Mélanges Pierre CATALA, Paris, Litec, 2001,
pp. 109-116.

317
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

défaite consiste à « légiférer à la légère (…), d’introduire le désordre là où avec quelques


efforts supplémentaires (…) l’harmonie et le sens pouvaient être mieux atteints. Car le
désordre aura ses victimes : ceux qui ne verront pas les pièges du pacte, ceux qui par attrait
du neuf ou de la mode auront trop vite cédé à l’engouement collectif, ceux qui auront mal
été conseillé (…) »1. Une autre partie de la doctrine y voit « une crise individuelle face aux
grands choix existentiels, et plus spécifiquement une crise du couple, marié ou non,
confronté à l’immense fragilité de l’amour comme soutien exclusif d’une union désormais
principalement destinée à l’épanouissement personnel »2. Face à autant de critiques, des
propositions ont été formulées par la commission présidée par Monsieur le recteur Serge
GUINCHARD, dont le rapport a été remis au Garde des sceaux le 30 juin 2008. Ce dernier
préconisait la judiciarisation du PACS, notamment par l’intervention du juge au stade de la
rupture3. Des efforts en ce sens ont été faits, notamment par l’adoption de la loi du 12 mai
20094 qui fait du juge aux affaires familiales le personnage incontournable de la séparation
de tous les couples quant à leurs effets patrimoniaux5.

§3) Vers un régime impératif conjugal

351. Une nette distinction du Pacs et du concubinage. Le groupe de travail chargé


de présenter des propositions de réforme en 2004 a estimé que l’encadrement juridique
renforcé du Pacs « était de nature à faire naître un mode de conjugalité nouveau, distinct du
concubinage. Dès lors, toute disposition applicable aux concubins ne pourrait à l’avenir
être d’office transposée aux pacsés. Il a donc été décidé de lever toute difficulté
d’interprétation et de rédiger un texte aussi lisible que possible en distinguant bien les deux
notions de “Pacs” et de “concubinage” ». Le concubinage « sauvage » prévu à l’article
515-8 du Code civil se distingue donc du concubinage « institué ». Par conséquent, le
concubinage tel que connu jusqu’à l’adoption de la loi du 15 novembre 1999 se voit
abaissé à un rang inférieur, en s’éloignant du mariage qui, jusque là, l’inspirait. Ceci
témoigne bien de l’existence et d’une volonté de hiérarchisation des conjugalités.
352. Vers une confusion du Pacs avec le mariage. Si le Pacs a initialement été créé
comme un instrument d’organisation de la vie commune de deux personnes, il tend
aujourd’hui de plus en plus à se « matrimonialiser ». D’un contrat organisant la vie

1
Ibidem.
2
M-T. MEULDERS-KLEIN, « Réflexions sur l’état des personnes et l’ordre public », in Droit civil, procédure,
linguistique juridique. Écrits en hommage à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, p. 317.
3
X. LABBEE, « Le PACS et le rapport GUINCHARD », D., 2008, Point de vue, pp. 2354-2355.
4
L. n° 2009-526, 12 mai 2009, J.O, 13 mai 2009, p. 7920.
5
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le juge aux affaires familiales devient le juge des intérêts patrimoniaux des
concubine et des partenaires », Rev. dr. fam., 2009, n° 6, pp. 20-21 ; X. LABBEE, « PACS, la dernière longueur »,
AJ. fam., 2009, n° 9, pp. 345-346 ; Dossier AJ. fam., mars, 2010, « Judiciarisation du PACS et du concubinage »,
pp. 106-125.

318
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

commune, l’évolution de celui-ci en a fait un partenariat enregistré à l’état civil 1, en en


renforçant la dimension personnelle. Dans le même mouvement, la loi du 17 mai 20112 a
complété l’article 79 du Code civil3 en faisant figurer dans l’acte de décès les nom et
prénom du partenaire. Il en découle une confusion, voire une uniformisation4 des effets
personnels et patrimoniaux du Pacs et du mariage. Le groupe de travail chargé de présenter
des propositions de réforme avait conclu à la « nécessité de renforcer le régime primaire
des pacsés en s’inspirant des dispositions du régime primaire des époux » 5. Cette volonté
affirmée du groupe de travail reposait sur la nécessité « de définir précisément les relations
pécuniaires entre partenaires ». C’est pourquoi il a été conclu « qu’un parallélisme avec les
dispositions applicables aux époux ne modifiait pas, en cette matière, la nature
contractuelle du Pacs et ne portait pas atteinte à la spécificité du mariage ». Si la nature
contractuelle du Pacs a bel et bien été soulignée et renforcée, la promesse tenant à la
préservation de la spécificité du mariage ne semble pas avoir été tenue, à tel point qu’un
auteur a pu inviter à en redécouvrir les avantages en tant que service public6, tandis qu’un
autre évoquait « le symbolisme » des sanctions et des obligations qui lui sont attachées7.
Il semblerait y avoir une réelle ambivalence entre la volonté législative de maintenir une
hiérarchisation entre les formes de conjugalité et l’attraction qu’opère
l’institutionnalisation du concubinage sur l’ensemble du droit de la famille.
Paradoxalement, la contrainte s’est emparée des unions hors mariage par le biais des
« obligations génériques qui défendent les valeurs sociales élémentaires »8. Le
raisonnement du législateur qui consiste à faire découler des droits et des obligations à
partir d’un élément de pur fait -la vie commune- empêche de raisonner en termes de statuts
particuliers. Il conduit à l’inverse à la confusion des statuts conjugaux, en abandonnant le
mariage à sa réalité factuelle9. Monsieur le professeur Yves LEQUETTE l’a parfaitement
exprimé dans son article sur le pluralisme en droit de la famille, lorsqu’il fait observer que,

1
Art. 515-3-1 du Code civil issu de la loi du 23 décembre 2006, en vertu duquel il est désormais fait mention en
marge de l’acte de naissance de chaque partenaire de la déclaration de Pacs avec indication de l’identité de
l’autre personne.
2
L. n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, J.O, 18 mai
2011, p. 8537.
3
Dans un alinéa 4° bis.
4
A. LEBORGNE, « Réflexion sur la diversité des modes de conjugalité », in Mélanges en l’honneur de JERRY
Sainte-Rose, C. PUIGELIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 676.
5
Le pacte civil de solidarité, Réflexions et propositions de réforme, Rapport remis à Monsieur Dominique
PERBEN, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, le 30 novembre 2004, p. 14.
6
A. MIRKOVIC, « Le mariage, un service public à redécouvrir », Rev. Lamy dr. civ., 2012, n° 94, pp. 55-58.
7
G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des
thèses », 2014, n° 337, p. 327
8
G. RUFFIEUX, op. cit., n° 337, p. 327.
9
Cf. J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2012.

319
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du point de vue de l’utilité sociale, « la “mauvaise” famille chasse la “bonne” »1. En fin de
compte, ce sont les trois formes de conjugalité qui s’influencent réciproquement. Ce
sentiment de confusion est davantage accentué lorsque l’on songe à la réponse de la Cour
de justice de l’Union européenne, saisie d’une question préjudicielle2 portant sur la
question de savoir si les avantages sociaux conventionnels ouverts aux seuls couples
mariés à l’exclusion des partenaires pacsés poursuivaient un objectif légitime au regard de
l’article 2 paragraphe 2 de la directive3 du Conseil, laquelle met en place un cadre général
en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail. Pour la Cour, « une
différence de traitement fondée sur l’état de mariage des travailleurs et non expressément
sur leur orientation sexuelle reste une discrimination directe, dès lors que, le mariage
étant réservé aux personnes de sexe différent, les travailleurs homosexuels sont dans
l’impossibilité de remplir la condition nécessaire pour obtenir l’avantage revendiqué »4.
Par conséquent, la convention collective instituant des primes salariales et des congés
spéciaux au profit des seuls couples mariés est contraire à ladite directive, et la Cour de
cassation n’a pas manqué de tirer les conséquences de cette contrariété dans sa
jurisprudence5.
353. Un traitement de la rupture orienté vers la protection du plus faible. Si le
couple est désormais abandonné à sa réalité factuelle6, le législateur a bien pris soin, à
l’occasion de la rupture, de ne pas procéder par assimilation de tous les couples conjugaux.
Bien que l’identité des problématiques posées à ce stade ait pu, en apparence, conduire à
une certaine confusion7, la question n’a pas lieu de se poser du point de vue du statut
juridique8. La distinction entre les trois formes de conjugalité perdure afin de distinguer le
processus encadré et protecteur du droit du divorce –bien que libéralisé-, des situations
plus précaires que sont le concubinage et le Pacs. Au demeurant, si la finalité de protection
et de prévisibilité est assurée dans le cadre du mariage, celle-ci est appréciée au cas par cas
1
Y. LEQUETTE, « Quelques remarques sur le pluralisme en droit de la famille », in Mélanges en l’honneur de
Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, pp. 523-550.
2
Cass. soc., 23 mai 2012, n° 10-18.341, Bull. civ., V, n° 161 ; D., 2012, p. 1765, obs. P. B. ; Rev. dr. fam., 2012,
comm. 114, note V. LARRIBAU-TERNEYRE; RJPF, 2012-07-08/11, obs. E. PUTMAN; JCP, S, 2012, p. 1383,
comm. A. DEVERS.
3
Directive n° 20000/78/CE du 27 novembre 2000, JOCE, 2 déc. 2000, n° L 303.
4
CJUE, 12 déc. 2013, aff. C-267/12, Frédéric Hay c/ Crédit agricole mutuel de Charente-Maritime et des Deux-
Sèvres, AJ fam., 2014, obs. H. ROBERGE, p. 127.
5
Cass. soc., 9 juill. 2014, n° 10-18.341 et n° 12-20.864, Rev. Lamy dr. civ., 2014, n° 119, note K. D.-P.
6
J. GARRIGUE, Les devoirs conjugaux, Réflexion sur la consistance du lien matrimonial, op. cit.
7
Madame RUFFIEUX relève que l’attrait des nouvelles conjugalités pour le modèle matrimonial est freiné tant en
raison « du souci de préservation du pluralisme conjugal et de la singularité matrimoniale (…) que dans la
faiblesse de la sanction, tantôt dans l’absence d’obligation ». L’auteur poursuit en relevant que « la rupture du
pacs ne présente pas de coloration punitive et que la responsabilité du fautif n’est que rarement retenue. Il en va
de même de l’aide matérielle, qui ne peut être contrainte qu’à l’aide des sanctions de droit commun, non
adaptées à la sphère familiale, alors qu’il s’agit d’un impératif impérieux ». Pour l’auteur, la précarité de l’union
hors mariage explique, pour partie, la faiblesse des sanctions. Thèse precit., n° 244.
8
L. PIZARRO, Le traitement juridique de la rupture du couple, Réflexion sur l’émergence d’un droit commun de
la rupture du couple, Thèse, Aix-Marseille, 2014.

320
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

dans les autres situations. Toujours est-il que la méthode employée par le législateur -dont
le raisonnement en termes de statuts spécifiques est abandonné 1 au profit d’une approche
factuelle du couple- ne favorise pas la lisibilité du droit de la rupture et accentue l’idée de
confusion des statuts. La question qu’il convient de se poser est celle de savoir s’il pourrait
en aller autrement aujourd’hui ? Autrement dit un changement de perspective du droit de la
famille serait-il pour l’heure envisageable ? Nous ne le pensons pas. Le droit de la famille
tire aujourd’hui les conséquences d’une longue évolution2, mais qui s’est particulièrement
accélérée à partir de 1999, et dont le cap a été franchi avec la loi du 17 mai 2013. Une
meilleure structuration du droit de la famille est aujourd’hui davantage souhaitable, et à
laquelle la doctrine appelle de ses vœux3.
354. Un socle commun de règles minimales pendant la vie commune. La doctrine
s’est attachée ces dernières années à dégager un SMIC (statut minimum inter-conjugal)4.
Tel que décrites5, certaines exigences morales, bien qu’initialement non reconnues par le
législateur, ont semblé suffisamment importantes à tel point que ni le statut du couple, ni le
privilège tiré de la qualité de conjoint ne pouvaient en limiter l’extension au concubin ou
au partenaire pacsé. C’est notamment le cas lorsque l’exigence de respect est en cause,
particulièrement dans le cadre conjugal, mais aussi lorsqu’il s’agit de porter assistance à
son partenaire de vie lorsque ce dernier se porte mal et que la vie commune les a un temps
rassemblés. L’humanité du législateur commandait, sous cet angle, de ne pas réserver un
traitement différencié aux couples selon leur statut juridique. De la même manière, s’il ne
convient pas d’imposer aux concubins et partenaires une obligation de fidélité, la loyauté
commande de ne pas tromper celui avec lequel nous lie le contrat de Pacs, le législateur
ayant insisté sur la dimension contractuelle de cet instrument d’organisation de la vie de
couple. Autant d’obligations tirent leur raison d’être du simple savoir-vivre ensemble,
indépendamment de la notion de fidélité. Il ne serait pas inconcevable d’imaginer un seul
et même article -à l’instar de l’actuel article 212 du Code civil- réunir ces devoirs
communs à toute vie en couple6. Une éventuelle éviction du devoir de secours ne

1
Cf. A. GOGOS-GINTRAND, Les statuts des personnes, étude de la différenciation des personnes en droit, Paris,
Bibliothèque de l’Institut de Recherche juridique de la Sorbonne - André TUNC, 2011, p. 429.
2
V. supra, notre Partie I, Titre I, Chapitre 1.
3
Notamment en cas de rapprochement des modes de conjugalité, Madame Gaëlle RUFFIEUX s’interroge dans son
travail de thèse sur la question de savoir si « les sanctions suivent le même courant que les obligations ». En
d’autres termes, les sanctions des obligations du modèle matrimonial seraient-elles étendues au pacs et au
concubinage ? Et en cas de réponse affirmative, celle-ci s’interroge sur le devenir du pluralisme ? G. RUFFIEUX,
Les sanctions des obligations familiales, thèse precit., spec. n° 171, p. 185.
4
Puisque la vie de couple ne se vit pas différemment selon les statuts, et se résume globalement à une
communauté de toit et de lit, pourquoi distinguer là où le fait est identique ? Tel est la résultante du raisonnement
en termes de prise en compte des situations de fait. Monsieur le professeur LEVENEUR l’a d’ailleurs clairement
exprimé lorsqu’il qualifie la prise en compte des situations de fait comme « irrégulières » et « perturbatrices » de
l’ordre juridique. Cf. L. LEVENEUR, Situations de fait et droit privé, Paris, LGDJ, 1990.
5
V. supra, n° 324-342.
6
Contra, cf. C. BRUNETTI-PONS, « Protéger l’enfant et satisfaire la justice en droit de la famille après la loi du 17
mai 2013 », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 281-298, spec.

321
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

constituerait que l’aboutissement de sa progressive éviction tout au long des réformes


relatives au divorce, à l’heure où les compensations patrimoniales prennent de plus en plus
le relais1.
355. La nécessaire restructuration du Code civil2. En préservant l’exigence de
neutralité du législateur mais aussi la finalité de protection du plus faible, il conviendrait
pourtant de raisonner en termes de spécificité des statuts3, en s’attachant à faire ressortir ce
qui les distingue. Cette idée satisfait à la diversité initialement établie des modes de
conjugalité, en offrant aux couples différents statuts juridiques selon l’intensité de leur
engagement. Cette hiérarchisation préserverait aussi les avantages liés à l’engagement
durable que constitue le mariage, et permettrait une meilleure structuration du
concubinage. Ceci est d’autant plus souhaitable que les termes mêmes de la loi s’attachent
toujours à distinguer le mariage, du Pacs et du concubinage, au sein de dispositions qui
leur sont spécifiques. La distance formelle qui les sépare au sein du Code civil permet sans
doute de mieux les distinguer, par dissociation textuelle. Néanmoins, ne serait-il pas
envisageable, par souci de lisibilité et de cohérence, d’envisager une refonte du titre V du
livre Ier du Code civil comme étant relatif au couple, en distinguant un sous-titre Ier relatif
au régime impératif conjugal, englobant l’ensemble des devoirs et obligations propres à la
vie de couple, tant dans sa dimension personnelle que patrimoniale ? Ceci serait d’autant
plus souhaitable qu’un certain nombre de travaux relèvent un net recul du rayonnement du
Code à l’étranger dû à son « vieillissement »4 et l’émergence de modèles régionaux
concurrents. La conséquence directe sur le Code en est son caractère « moins compétitif,
en retrait par rapport aux exigences contemporaines ». Il a été souligné que l’ « éclipse du

pp. 283-284. Entre autre propositions, l’auteur préconise une éviction du concubinage du Code civil, « la
définition d’une situation de fait ne trouv(ant) pas sa place dans le Code civil ». Le Pacs, « sorte de contrat de
fiançailles », serait exclusivement réservé aux couples de sexe différent, le renforcement des obligations et
avantages qui en découlent serait exclu, exception faite du volet patrimonial.
1
Cf. G. RUFFIEUX, Les sanctions des obligations familiales, op. cit., spec. n° 168 et 169. L’auteur affirme, à
juste titre, que la sanction du contenu obligationnel des devoirs statutaires du mariage devient « politiquement
incorrect ». Si les devoirs conjugaux subsistent toujours, leur sanction est, pour partie, reléguée à la sphère
individuelle. La contrainte a perdu de sa légitimité et la pression exercée sur les comportements conjugaux relève
davantage du non-droit. Au demeurant, la sanction est recentrée sur les devoirs patrimoniaux en cours d’union.
2
L. JULLIOT DE LA MORANDIERE, « La réforme du Code civil », D., 1948, chron. XXVIII, pp. 117-124.
3
Contra, V. E. MATUTANO, « Légalité et conjugalité : le législateur doit épuiser sa compétence », Rev. Lamy dr.
civ., 2016, n° 133. Pour l’auteur, « il ne paraît pas concevable, en effet, de laisser perdurer un régime législatif
incohérent et préférentiel, (…) à l’heure où tombent les barrières, en ce domaine, à propos de la parentalité. Il
n’est pas séant de conserver deux ou trois gradations, installant une hiérarchie entre les personnes, qui n’émane
ni de leurs mérites ni de leurs talents respectifs et qui forge des distinctions mal comprises et donc sources de
conflits et de contentieux ». Par conséquent, l’auteur considère, de manière contestable, que la seule solution qui
vaille serait « l’alignement des règles » du droit non civil de la famille, sans affecter la définition de chaque
régime dans le Code civil.
4
B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation
française, Ministère de la Justice, 2006, p. 51. V. aussi, R. CABRILLAC, « Recodifier », RTD civ., 2001, p. 833-
846.

322
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Code civil »1 de la scène internationale et l’éclatement dont il fait l’objet au plan interne ne
sont que la conséquence directe de l’inflation législative qu’a connue la France à partir de
la IIIème République2, et contre laquelle le doyen CARBONNIER avait déjà mis en garde.
Sur le plan interne, l’éclatement du droit civil, particulièrement le développement du droit
des obligations en dehors du Code nuit particulièrement à un des objectifs majeurs de la
codification : l’accessibilité du droit3. C’est pourquoi sa réhabilitation est vivement
souhaitée4. Monsieur le professeur Philippe REMY souligne, à juste titre, que le Code civil
devient de plus en plus « une collection de lois chaque jour moins complète »5. Le droit de
la famille semble pourtant être un des domaines les moins affectés par cet éclatement6.
Pour autant, le désordre et la similitude de la plupart des textes applicables aux couples
appellent un meilleur ordonnancement et un toilettage des règles applicables.
356. Le rôle du droit européen dans la restructuration. Ce qui est aujourd’hui
discuté est la question de la réhabilitation directe du Code, particulièrement sous
l’influence grandissante des sources supra-nationales que sont le droit européen et le droit
communautaire7. Si une des préoccupations des juges de Strasbourg est la prise en compte
des besoins individuels, le législateur national n’est pas en reste de cette tendance, et la loi
du 15 novembre 1999 en est un bel exemple. Loin d’être négligeable, l’influence directe de
la Cour européenne sur l’initiation de réformes à la suite d’une condamnation reste
néanmoins rare8. C’est pourquoi son impact devrait être circonscrit à une source
d’enrichissement du droit national9, sans en faire un « instrument complet de réécriture du
droit civil »10. Par ailleurs, la fonction stabilisatrice du droit inhérente à l’existence d’un
Code devrait à l’avenir, davantage être préservée. C’est pourquoi le législateur national est

1
Pour reprendre l’intitulé de la II ème partie du rapport precité, FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le
Code civil face à son destin, rap. precit.
2
Ibidem., p. 94.
3
En ce sens : J.-P. DUNAND, « Entre tradition et innovation. Analyse historique du concept de code », in Le Code
civil français dans le droit européen, J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Actes du colloque sur le bicentenaire
du Code civil français organisé à Genève les 26-28 février 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 3-43.
4
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rapp. precit., p. 93 et s.
5
P. REMY, « La recodification civile », Droits, 1997, n° 26, p. 3 et s.
6
En effet, entre autres exemples, la législation relative à l’assistance médicale à la procréation ou
l’accouchement sous X n’y sont pas intégrés.
7
À l’inverse de la réhabilitation indirecte -thèse peu probable et peu souhaitée- qui suggère l’élaboration d’un
Code européen, cf. M.-A. LATOURNERIE, « Regards croisés : le Code civil est-il un modèle adapté à l’état de la
société et du droit ? », in Journée d’étude à l’occasion du bicentenaire du Code civil. Le rayonnement du droit
codifié, Journée du 26 novembre 2004, vol. 2, éd. JO, p. 323, p. 337.
8
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 112.
9
V. J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Le Code civil français dans le droit européen, Actes du colloque sur le
bicentenaire du Code civil français organisé à Genève les 26-28 février 2004, Bruxelles, Bruylant, 2005.
10
Ibidem., p. 112.

323
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

appelé à adopter une « conception plus rigoureuse du droit, sans courir derrière les
moeurs »1.
357. Une restructuration globale ou partielle ? Au sein de la doctrine, les avis sont
mitigés quant à une refonte globale du Code civil ou une révision partielle. S’il est vrai que
les exemples étrangers de refonte globale révèlent que l’entreprise a pu, parfois, être menée
à bien (notamment au Québec), les résultats demeurent nuancés. Le cas de la recodification
en Louisiane permet de constater que le législateur, ayant préféré conserver « l’ossature
initiale et s’engager dans une recodification progressive »2 a abouti à un résultat dénué de
toute logique d’ensemble. Parmi les partisans d’une révision globale du Code civil
français, Monsieur le professeur Denis TALLON est d’avis que la reprise de l’ossature du
Code napoléon a succombé à l’usure du temps pour qu’elle puisse faire peau neuve.
L’alternative d’une refonte partielle constitue pour l’auteur le chemin vers un patchwork
juridique3. Dans le même ordre d’idées, constatant l’étendue de l’éclatement du droit civil
et le caractère vieillissant de l’ancien Code4, Monsieur le professeur Jean-Luc AUBERT
préconise également une refonte globale. Plus modestes5, les partisans d’une refonte
partielle du Code civil arguent du préalable de deux conditions devant être de mise dans
toute tentative de restructuration. L’existence en premier lieu d’une volonté politique
forte6, déterminante de toute entreprise de codification7. À cet égard, Monsieur Le
professeur Jean-Louis HALPERIN relève la spécificité du contexte présidant à l’adoption du
Code napoléon en 1804 : « La stabilisation monétaire et financière, le rétablissement du
culte avec le concordat de 1801, la pacification intérieure et pour quelques années (1802-
1804) extérieures, le retour en force et le ralliement au régime des juristes formés sous

1
Ibidem., p. 112.
2
Ibidem., p. 113.
3
D. TALLON, « L’avenir du Code civil en présence des projets d’unification européenne du droit civil », in 1804-
2004, Le Code civil un passé, un présent, un avenir, Livre du Bicentenaire, Paris, Dalloz-Litec, 2004, p. 997,
spec. 1003.
4
J.-L. AUBERT, « La recodification et l’éclatement du droit hors le Code civil », in Livre du Bicentenaire, op.
cit.., p. 123 et s.
5
Et pour lesquels une telle refonte partielle a le plus de chances de se solder par un succès. Au soutien d’une
telle thèse, le modèle allemand du droit des obligations est cité en exemple, à l’occasion de la transposition de la
directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et de la garantie des biens de consommation. La refonte
dans les années 70 du droit des personnes et de la famille est également citée car elle constitue un bel exemple de
refonte partielle réussie. En ce sens : J. FOYER, « Le Code civil est vivant. Il doit le demeurer ! », JCP, G, I,
2004, p. 120.
6
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rapp. precit., p. 114.
7
Aussi convient-il de rappeler l’échec des deux tentatives de recodification en France. La première, en 1904,
avait été demandée par le ministre de la justice à une commission extraparlementaire, afin de réfléchir à une
révision du Code, laquelle ne déboucha sur aucun projet concret (un des arguments avancés pour justifier cela
avait été le décès de SALEILLES en 1912, membre phare de la Commission). La seconde tentative intervient au
lendemain de la seconde Guerre mondiale. Le gouvernement provisoire de la République institue alors par décret
auprès du ministre de la justice une commission extraparlementaire présidée par le doyen JULLIOT DE LA
MORANDIERE, laquelle fut également un échec. Plusieurs raisons avaient été avancées : instabilité
gouvernementale de l’époque, manque d’homogénéité de la commission, absence de souffle novateur, défaut de
volonté politique. V. en ce sens : L. JULLIOT DE LA MORANDIERE, « La réforme du Code civil », D, 1948, p. 117.

324
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

l’Ancien Régime, enfin l’affaiblissement des assemblées et le déclin des querelles


idéologiques peuvent être considérées comme autant d’éléments propices à la réalisation
du Code civil »1. Rien de tel actuellement. Pour Monsieur le professeur Jean FOYER, « la
reprise et l’achèvement d’une codification véritable supposent une volonté à la tête de
l’État et une plume digne de toucher à la loi »2. En second lieu, la dimension symbolique3
du Code4 « représente pour les Français tout à la fois le ciment de l’unité nationale, le
repère de la citoyenneté, le moteur de l’intégration, l’âme de la cohésion sociale, la
protection contre les risques de la vie collective , le support de l’activité économique, la
référence de la pratique juridique… »5. C’est dire que le symbolisme attaché au Code civil
demeure fort et sa valeur inestimable. Pour autant, cette valeur hautement symbolique ne
doit pas conduire à creuser sa tombe6, et conduire à le figer : « le contenant doit être
conservé et le contenu modifié »7. Entre autres éléments dont le contenu a été grandement
modifié figure la notion d’ordre public familial.
358. La transformation de l’ordre public familial. Les mutations contemporaines 8
de la famille et du couple remettent profondément en cause les fonctions qui sont
traditionnellement dévolues à l’ordre public9. À ceci s’ajoute l’attachement du législateur à
la protection de la volonté individuelle, dont l’effet corrosif direct conduit à interroger sur
son contenu exact10. Dans ce contexte, l’immixtion d’un ordre public européen11 dans

1
J.-L. HALPERIN, Le Code civil, Paris, Dalloz, 1996, spec. p. 16.
2
J. FOYER, « Le Code civil après le Code : la réforme du Code civil sous la Vème République », in La
codification, B. BEIGNIER (dir. de), Paris, Dalloz, 1996, p. 63, spec. p. 67.
3
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 115.
4
R. CABRILLAC, « Le symbolisme des Codes », in L’avenir du droit, Mélanges en hommage à François TERRE,
Paris, Dalloz, 1999, p. 211 et s. V., pour une étude complète : F. EWALD (extraits choisis et présentés par)
Naissance du Code civil, travaux préparatoires du Code civil, Paris, éd. Flammarion, 2004.
5
G. CANIVET, à l’occasion de l’audience solennelle du début de l’année judiciaire, in JCP, G, 2995, p 69.
6
Pour reprendre une expression : FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin,
rap. precit., p. 105.
7
FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, rap. precit., p. 115.
8
Sur ces mutations, V. particulièrement : J.-L. RENCHON, « Les causes des mutations de l’ordre public », Rev.
dr. fam., 2015, n° 9, 46.
9
G. LEBRETON, « Critique républicaine des droits fondamentaux de la personne humaine », in Le droit entre
tradition et modernité, Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, p. 361. L’auteur souligne
que la théorie des droits fondamentaux issue de la Loi fondamentale allemande s’explique par le contexte
historique de leur naissance, c’est-à-dire en réaction au totalitarisme nazi. Par conséquent, ceux-ci reposent sur
« une anthropologie de l’individu qui s’inspire manifestement beaucoup de la pensée de John LOCKE.
Profondément marqués par l’expérience nazie, ils ont en effet pour priorité d’assurer la “propriété de soi”. La
personne humaine à laquelle ils se réfèrent n’est donc pas un sujet mixte, mais un individu dont l’autonomie est
volontairement surévaluée ». Or, le contexte historique français étant différent de son homologue allemand, les
droits fondamentaux aujourd’hui se caractérisent davantage par leur individualisme radical.
10
J. HAUSER, « Rapport français » in L’ordre public, Travaux de l’Association Henri CAPITANT des amis de la
culture juridique, Journées libanaises, 1998, LGDJ, 2001, p. 477.
11
V. en ce sens, J. FOYER, « L’ordre public international est-il toujours français ? », in Justices et droit du
procès. Du légalisme procédural à l’humanisme processuel, Mélanges en l’honneur de Serge GUINCHARD, Paris,
Dalloz, 2010, pp. 267-280.

325
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’ordre public interne à travers « l’armée conquérante »1 des droits fondamentaux participe
de ce mouvement. Si le rôle perturbateur qui en déteint sur l’ordre public est patent, force
est de constater que les droits fondamentaux de la personne en ont seulement déplacé
l’objet. Fortement présent autrefois dans la dimension personnelle du couple, l’ordre public
semble de plus en plus déployer ses effets dans la sphère des relations patrimoniales du
couple. Abandonnant sa vocation directive au nom de la liberté des individus à
s’autodéterminer, l’ordre public est davantage protecteur. Monsieur le professeur Jean
HAUSER le souligne parfaitement lorsqu’il explique que, « replié d’un modèle familial qu’il
maîtrise de plus en plus mal, l’ordre public familial pourrait bien être en train de refaire le
chemin séculaire en sens inverse. Parti de la famille définie préalablement pour y inclure
l’individu, il serait peut être en train de repartir de l’individu pour en redéfinir la famille. À
l’ordre public de la famille-État ou de l’État-famille, on opposerait l’ordre public de
l’humain, de la protection, de l’autre, en redéfinissant le cadre fondamental qui reste la
famille »2. Parmi les éléments de cette définition, la protection s’étend depuis la loi du 17
mai 2013, au nom de l’humain, à la famille homosexuelle.

1
B. FAUVARQUE-COSSON, « L’ordre public », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-2004),
Paris, Dalloz, 2004, p. 475.
2
J. HAUSER, « Rapport français », art. precit., p. 478.

326
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 2. Le lien matrimonial dénaturé

359. Une reconnaissance inachevée. La reconnaissance légale du concubinage


homosexuel en 1999 brise une jurisprudence constante de la Haute juridiction qui refusait
la reconnaissance des couples de même sexe. En effet, la Cour de cassation refusait de voir
le couple comme pouvant être l’association de deux personnes du même sexe. Malgré cette
reconnaissance légale, le concubinage, -même institué par un Pacs- ne répondait pas à la
revendication des personnes de même sexe d’accéder à une vie familiale, cette conjugalité
ne portant pas en son germe la vocation familiale (§1). À la suite d’une longue saga
jurisprudentielle, l’ouverture du mariage entre personnes de même sexe est décidée par le
législateur, seul à même à pouvoir trancher un tel débat de société (§2). Il en résulte, entre
autres conséquences, une indifférence du droit tenant au sexe dans la fondation de la
famille (§3).

§1) La revendication d’un droit à la vie familiale par les couples de même
sexe

360. La diversité des revendications. Face au refus réitéré des juridictions internes
de donner une suite favorable aux demandes portant sur l’accès au mariage des couples de
même sexe (A), l’homoparentalité -particulièrement l’adoption de l’enfant du concubin- a
constitué l’autre fer de lance des revendications homosexuelles en vue d’accéder à une vie
familiale (B).

A) Les revendications d’accès à la conjugalité

361. Une position jurisprudentielle constante. Saisies à plusieurs reprises de la


question de l’accès des couples de même sexe au mariage, les juridictions françaises ont
toujours suivi la même ligne jurisprudentielle. Le Conseil constitutionnel, saisi d’une QPC1
faisant valoir l’inconstitutionnalité2 des articles 75 et 144 du Code civil, a conclu à

1
Cons. const., 28 janv. 2011, n° 2010-92 QPC, D., 2011, 297, édito F. ROME, 1040, obs. J.-J. LEMOULAND et
D. VIGNEAU, et 1713, obs. V. BERNAUD ; D., Actualité, 7 février 2011, obs. C. SIFFREIN-BLANC ; D., 2011,
1793, obs. V. BERNAUD ; AJ fam., 2011, 157, obs. F. CHENEDE ; D., 2012, 1033, obs. M. DOUCHY-OUDOT; RTD
civ., 2011, obs. J. HAUSER, p. 326; AJ fam., 2011, obs. F. CHENEDE, p. 157; JCP, G, 2011, n° 29, obs.
A. GOUTTENOIRE, et n° 6, 250, Libres propos, obs. A. MIRKOVIC ; Voir aussi : A. LEBORGNE, « Les dispositions
du Code civil dont il résulte que le mariage est l’union d’un homme et d’une femme sont conformes à la
Constitution », RJPF, 2011, n° 3, pp. 20-23 ; Rev. dr. fam, 2011, comm. n° 32, note GUEDRAOGO.
2
L’article 66 de la Constitution de 1958 confie à l’autorité judiciaire la protection de la liberté individuelle, dont
la liberté du mariage constitue une composante (Cons. constit., 13 août 1993, n° 93-325 DC, § 107). Toutefois,
en 2003, le Conseil constitutionnel fait de la liberté du mariage une composante de la liberté personnelle,
protégée par les articles 2 et 4 de la Déclaration de 1789, et non plus uniquement une composante de la liberté

327
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

l’absence de contrariété à la Constitution des dispositions relatives à l’altérité sexuelle en


mariage et a rappelé, à cette occasion, les différences notables entre chaque forme de
conjugalité. De la même façon, la Cour européenne des droits de l’homme n’imposait pas
aux États parties à la convention d’établir une stricte équivalence entre les différents statuts
organisant la vie du couple1 (2). Au-delà du débat de société suscité, il s’agissait de se
prononcer sur la question de savoir si la condition tenant à la différenciation sexuelle au
sein du couple (1) constituait ou non un but légitime, justifiant de réserver le mariage aux
seuls couples de sexe opposé.

1- La problématique de la différenciation sexuelle au sein du


couple2

362. Le mariage des personnes de même sexe : un abus de langage. En tant que
liberté, le mariage est ouvert au profit de tous. Le droit ne nie cette liberté ni aux personnes
homosexuelles ni aux personnes hétérosexuelles, car celui-ci ne distingue pas les individus
selon leur orientation sexuelle dans le bénéfice des droits. Dès lors, la polémique autour
d’une présupposée discrimination n’a pas lieu d’être. Madame Aude MIRKOVIC nous livre
à ce sujet une réflexion nourrie. L’auteur considère le débat portant sur l’ouverture du
mariage au profit des couples de même sexe comme un « abus de langage » et de
« confusion »3. Dans le même sens, la philosophe Sylviane AGACINSKI4 souligne que « la
catégorie juridique des homosexuels n’existe pas, pas plus que celle des hétérosexuels (…)
la revendication du mariage homosexuel n’a pu se formuler qu’à partir de la construction
ou de la fiction de sujets de droit qui n’ont jamais existé : “les hétérosexuels”. C’est en
posant comme une donnée réelle cette classe illusoire de sujets que la question de l’égalité
des droits entre “homosexuels et hétérosexuels” a pu se poser »5. Monsieur le professeur
Yves LEQUETTE, en citant CAMUS au sujet du « nominalisme législatif », considère que
« mal nommer les choses, c’est introduire du désordre dans le monde », d’autant plus que
« lorsque le nom tombe d’en haut, il prend dans la loi souveraine une valeur singulière. Le
nom de la loi contribue à créer ou à recréer le droit. La forme donne à la chose son paraître

individuelle afin de soustraire au juge judiciaire l’exclusivité de la protection du droit au mariage (Cons. constit.,
20 nov. 2003, n° 2003-484 DC, § 94). V. à ce sujet : A. PENA-SOLER, « Le renouveau constitutionnel de la
liberté du mariage au regard de la liberté personnelle », in La liberté fondamentale du mariage, PUAM, 2009,
p. 49.
1
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Libres propos sur le jeu de rôle des juridictions suprêmes en droit de la famille »,
in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 279-308.
2
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », Annuaire droit et religions, vol. 4, 2009-2010, pp. 307-328.
3
A. MIRKOVIC, « Les revendications des personnes de même sexe en matière familiale », Rev. Lamy dr. civ.,
2011, n° 23, pp. 42-48; I. CORPART, « Les revendications parentales des couples homosexuels : de
l’homoparentalité à l’homoparenté », RJPF, 2012, n° 4, pp. 6-11.
4
V. en ce sens l’article de Madame AGACINSKI sur lemonde.fr du 21 juin 2007: « L’homoparentalité en
question ».
5
A. MIRKOVIC, « Les revendications des personnes de même sexe en matière familiale », art. precit., p. 42.

328
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

et son être »1. Ainsi en est-il au sujet de l’ouverture du mariage aux personnes de même
sexe, qui n’a pas lieu d’être sous cet angle et relève par conséquent du faux débat. Ses
implications semblent être beaucoup plus profondes, car elles touchent à la distinction
anthropologique des hommes et des femmes. C’est pourquoi le débat mériterait d’être posé
sous l’angle du bénéfice que la société pourrait tirer à reconnaître un mariage entre
personnes de même sexe.
363. Le rôle joué par la théorie du gender. Les études relatives à la théorie du
gender2 ont, dans ce contexte, beaucoup nourri le débat. Si l’objectif de cette théorie est
d’emblée idéologique, Madame Marguerite PEETERS n’hésite pas à affirmer que, « dès le
départ (…), le gender a été créé, non pas pour distinguer les différences anatomiques des
différences anthropologiques non anatomiques et constitutives de la féminité et de la
masculinité (…) mais au contraire pour casser l’unité ontologique de la personne en la
divorçant pour ainsi dire d’avec son propre corps, masculin ou féminin »3. Le postulat de
départ consiste donc à affirmer l’indifférence des sexes afin de parvenir à une égalité
parfaite. Notion purement subjective, « qui intègre des connotations psychologiques et
sociales » la théorie du gender reposerait sur « une construction personnelle, par essence
mouvante, qui prend en compte la manière dont la personne construit et vit son
appartenance sexuée »4. Selon ses tenants, son objet est d’expliquer culturellement la
différence des sexes –résultat au demeurant, d’une identité sociale construite
indépendamment du sexe biologique. À cette fin, il est procédé à une déconstruction de la
structure ontologique de la femme, sous prétexte affiché de l’existence d’une opposition à
partir de laquelle « l’homme domine et asservit la femme »5, d’où la nécessité de la libérer.
Madame Martine GROSS, en réponse à l’étude de Mme AGACINSKI6, avance l’idée que
« l’équilibre et la pérennité de notre société ne reposent pas sur la frontière surveillée qui
sépare les femmes des hommes », mais que cette dernière « n’est ni figée, ni fermée »7.

1
Y. LEQUETTE, « Observations sur le “nominalisme législatif » en matière de filiation”, in Études offertes à
Geneviève VINEY, Paris, LGDJ, 2008, p. 647.
2
Les études relatives au gender voient le jour la première fois aux USA avant d’arriver en Europe, en 1955. Les
français ne se saisiront de la question que tardivement, en 2001. Dans cette perspective, l’individu se retrouve au
cœur de la réflexion, et il s’agit d’expliquer la façon dont la société attribue à chacun de l’homme et de la femme
un sexe. De façon plus générale, il va s’agir de réfléchir à la conception de l’homme par rapport à la création.
Sur cette théorie, V. les Actes du Colloque des 17 et 18 septembre 2011 organisé par l’Observatoire socio-
politique du diocèse Fréjus-Toulon, La théorie du Gender. Vers une nouvelle identité sexuelle ?, Lethiellieux,
2012.
3
M. PEETERS, « La théorie du gender, une norme politique mondiale », in « La théorie du Gender ». Vers une
nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 25.
4
C. NEIRINCK, « Le sexe, le genre et l’état civil », Rev. dr. fam., 2012, n° 2, p. 1 ; V. aussi :
M. LAMARCHE, « “Gender studies”...Au-delà des manuels scolaires...Le droit des personnes et de la famille »,
Rev. dr. fam., 2011, Alerte 81.
5
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », in « La théorie du Gender ».
Vers une nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 34.
6
Étude precit.
7
Voir l’étude de Mme Martine GROSS et Gilles BON-MAURY « Homoparentalité : l’ignorance ne peut conduire
qu’à la violence », sur le monde.fr, 16 nov. 2009.

329
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Soutenir qu’il existerait un ordre social, culturel et moral postule, pour l’auteur, un certain
déterminisme et « conservatisme social par référence aux lois inexorables de la biologie »
qu’elle qualifie comme étant des « butoirs de la pensée ». Or, un tel raisonnement militant
conduit non seulement à nier la distinction existante entre hommes et femmes, mais il
aboutit au surplus à la négation de la spécificité de chacun d’eux. C’est donc toute une
construction millénaire qui est jugée erronée et qu’il va s’agir de déconstruire afin de
permettre aux individus, dès leur plus jeune âge 1, de choisir entre l’un des deux sexes2.
Comme le souligne Monsieur le professeur RENCHON, « faire droit à pareille revendication,
ce n’est effectivement pas banal, parce que c’est déconstruire radicalement, du jour au
lendemain, ce que l’homme avait patiemment et longuement, au fil des siècles,
élaboré... »3. S’ils sont anatomiquement différents, l’homme et la femme n’en sont pas
pour autant inégaux en tant que personnes humaines. Selon les opposants à cette idéologie,
l’objectif de déconstruction de la réalité « pour que l’individu puisse acquérir le pouvoir de
s’autodéterminer “librement” » et indépendamment « des contraintes que lui imposeraient
la réalité et la vérité au sujet de son être et sa destinée »4 repose sur une logique
existentialiste5 qui s’engage dans la négation de ce qui existe en dehors de soi et de ce qui
est posé comme donnée créée6. Pour Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT, cette
idéologie a pour « conséquence immédiate en droit la disparition des modèles comme
éléments culturels de contrainte empêchant chacun de devenir non pas ce qu’il est, mais ce
qu’il veut être. Ce faisant, derrière une politique présentée depuis les années soixante-dix
comme une politique de désengagement et de neutralité du droit, de tolérance et de
dialogue, de liberté d’opinion et de liberté de conscience se cache l’une des clés de
compréhension du gender, illustration d’un phénomène plus vaste, celui du libéralisme,
ayant pour noms associés le relativisme et le subjectivisme »7.
364. L’exemple tiré du changement de sexe 8. La proposition de loi n° 30849 est la
traduction, en droit, d’un des objectifs portés par la théorie du gender. La question du

1
Selon M. LAMARCHE, « cette indifférenciation sexuelle a son école en Suède (École Egalia à Stockolm) qui a
supprimé toute référence à la distinction garçon/fille tant dans le langage que dans les activités devenues
asexuées, l'objectif étant de supprimer toute influence biologique mais surtout sociale sur la construction du
genre des enfants (âgés de un à six ans) ».
2
J.-R. BINET, « Une mise en œuvre juridique de l’idéologie du gender ? », in La Loi&Le Mariage, Protéger
l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 97-100.
3
J.-L. RENCHON, « Une filiation monosexuée ? », art. precit., p. 250, spec. n° 24.
4
M. PEETERS, « La théorie du gender, une norme politique mondiale », in « La théorie du Gender ». Vers une
nouvelle identité sexuelle ?, op. cit., p. 27.
5
Particulièrement celle de Jean-Paul SARTRE ou de Simone DE BEAUVOIR.
6
Ibid., p. 27.
7
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », art. precit., pp. 34-35.
8
Sur le transsexualisme, V. D. SALAS, Sujet de chair et sujet de droit : la justice face au transsexualisme, Paris,
PUF, 1994. V. aussi : C. KUHN, « Droit et transsexualisme, la consécration d’une métamorphose », in Bioéthique
et genre, A.-F. ZATTARA-GROS (dir. de), Paris, LGDJ, 2013, pp. 201-212.
9
Après la proposition de loi n° 4127 portant simplification de la procédure de changement de la mention du sexe
à l’état civil, enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 22 décembre 2011, mais qui semble avoir

330
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

transsexualisme est particulièrement représentative car elle consiste, pour les intéressés, à
revendiquer un statut juridique en accord avec leur personnalité sexuelle 1. Considérée en
droit comme étant une entrave à leur vie privée sexuelle, de telles revendications
contreviennent pourtant au principe de l’indisponibilité2 de l’état des personnes, dont le
sexe n’est que le support objectif. Accéder à de telles revendications permet donc de
toucher à ce qui, par nature, est indisponible. C’est pourquoi la question se pose de savoir
s’il convient d’y répondre favorablement3 ? La proposition de loi actuelle prévoit d’insérer
une nouvelle section dans le Code civil facilitant « dans son principe comme dans sa mise
en oeuvre » la modification de la mention du sexe à l’état civil4. Il ne pèserait ainsi sur le
requérant qu’une obligation d’établir une sorte de « possession d’état allégée contredisant
son état biologique grâce à de simples attestations ou témoignages » attestant que son
comportement social est bien en adéquation avec le sexe revendiqué. Le procureur de la
république saisi de la demande de changement de sexe (éventuellement de prénom) ne
s’opposerait à une telle demande que s’il a la conviction qu’un « doute réel et sérieux sur la
bonne foi des éléments » produits existe. Il en résulte en tant que donnée biologique
objective que le sexe de la personne devient interchangeable au gré des volontés
individuelles sous couvert d’humanité et de tolérance. Cet excès de libéralisme 5 dans la
règle de droit nuit pourtant grandement aux droits familiaux.

été abandonnée depuis. S. PARICARD, « Le transsexualisme, à quand la loi ? », Rev. dr. fam., 2012, étude 2,
n° 22.
1
Selon le rapport présenté par le docteur KUSS devant l’Académie de médecine en 1982, le transsexualisme est
le « sentiment profond et inébranlable d’appartenir au sexe opposé, malgré une conformation sans ambigüité en
rapport avec le sexe chromosomique, et besoin intense et constant de changer de sexe et d’état civil ». Cf . Bull.
Acad. Nat. Méd., 1982, n° 6, p. 819.
2
Au processus d’adéquation de l’identité sexuelle de l’individu transsexuel devait correspondre son identité
juridique. C’est pourquoi la rectification de la mention relative au sexe de la personne et son prénom
s’imposaient comme traduction du respect de son droit à la vie privée. Initialement, la France refusait de
procéder à la rectification en vertu du principe de l’indisponibilité de l’état des personnes, ce qui lui a valu une
condamnation de la CEDH, le 25 mars 1992. Depuis l’arrêt de l’Assemblée plénière du 11 déc. 1992, le principe
de l’indisponibilité de l’état des personnes ne fait plus obstacle à la demande d’un transsexuel de faire rectifier
son état civil. Le principe tiré du droit au respect de sa vie privée (article 8 CEDH) imposait d’y procéder. V. en
ce sens : Cass. ass. plén., 11 déc. 1992, JCP, G, II, 1993, 21991, concl. JEOL, note G. MEMETEAU ; RTD civ.,
1993, p. 97 et 325, obs. J. HAUSER. D’ailleurs, un décret du 8 février 2010 (D. n° 2010-125, J.O, 10 fév. 2010,
p. 2398) a retiré le transsexualisme de la liste des syndromes. Désormais, le transsexualisme est un choix de vie
lié aux questions relatives au genre.
3
En ce sens : S. PARICARD, « Transsexualisme : maintenir ou assouplir les conditions du changement de
sexe ? », Rev. dr. de l’homme, 2015, dossier thématique « Corps, genre et droit », n° 8.
4
Le premier article 61-5 de la section serait ainsi libellé : « Toute personne majeure dont la mention relative à
son sexe à l’état civil ne correspond pas à l’expérience intime de son identité et au sexe dans lequel elle est
perçue par la société peut en demander la rectification ». Ass. nat., prop. de loi n° 3084, 29 sept. 2015.
5
En ce sens Monsieur le professeur P. MURAT distingue le libéralisme par désengagement de la norme juridique
et un libéralisme par concurrence de la norme juridique. Au premier, correspondent les réformes des années
soixante, diligentées par le doyen CARBONNIER : moins de droit, afin de renvoyer certains comportements
relevant de l’ordre du privé à d’autres sphères de régulation, telles la morale, les mœurs ou encore la religion.
Dès lors, chaque individu est responsable de lui-même. Or, et comme le souligne si bien l’auteur, « ce
désengagement est impitoyable aux petits, aux faibles, aux mal éduqués, à ceux qui se trompent, à ceux qui
souffrent et à ceux auxquels ni l’origine sociale ni la chance n’ont souri ». Quant au libéralisme par concurrence
des normes juridiques, son vecteur essentiel est l’idée de mondialisation, de progrès, ce que Monsieur le

331
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

365. L’appréciation judiciaire de l’irréversibilité. La proposition de loi n° 3084


fait directement suite à la décision du TGI de Tours 1 ayant admis de remplacer la mention
du sexe sur l’acte de naissance par l’indication d’un « sexe neutre ». Tandis que les juges
ont, dans un premier temps opposé une certaine résistance aux modifications de la mention
relative au sexe, il semblerait que la tendance soit aujourd’hui inversée. Une circulaire de
la Chancellerie2 avait donné -dès 2010- pour instruction aux parquets d’émettre un avis
favorable aux demandes des personnes transsexuelles lorsque le changement de sexe a été
irréversible par les traitements hormonaux et les opérations chirurgicales nécessaires, sans
pour autant exiger la preuve d’une ablation des organes génitaux 3. Il s’agissait par
conséquent pour les juges d’apprécier l’irréversibilité au sens de la circulaire. À l’occasion
de deux arrêts en date du 7 juin 20124, les juges maintiennent pourtant leur position,
laquelle se fonde sur la nécessité, pour justifier une demande de rectification de la mention
du sexe figurant sur un acte de naissance, que « la personne doit établir, au regard de ce
qui est communément admis par la communauté scientifique, la réalité du syndrome
transsexuel dont elle est atteinte, ainsi que le caractère irréversible 5 de la transformation
de son apparence ». Afin d’accéder à la demande de changement de sexe, la Cour exigeait
que les requérants se soumettent aux opérations chirurgicales consistant en l’ablation des
organes génitaux, voire procèdent à une réassignation totale que le certificat médical devait
constater et préciser6. Or, nombre de transsexuels ne souhaitent plus procéder à une
réassignation complète, particulièrement lourde et invasive, mais lui préfèrent des voies
médicales plus douces telles les traitements hormonaux. Malgré la position de la Cour de
cassation, un jugement du TGI d’Agen a néanmoins admis le changement de sexe suite à

professeur H. FULCHIRON a appelé la loi du libéralisme maximum, susceptible de se propager et de s’infiltrer


dans d’autres législations par la voie de la « contagion ».
1
TGI Tours, 20 août 2015, AJ fam., 2015, pp. 613-15, note S. LE GAC-PECH ; J. HAUSER, « Le mystère du
chevalier d’Éon », JCP, G, 2015, n° 44, 1157.
2
Circ. du 14 mai 2010 (JUSC1012994C) relative aux demandes de changement de sexe à l’état civil.
3
Cette circulaire venait soutenir une tendance des juges du fond à admettre le changement de sexe lorsqu’un
simple traitement hormonal avait été mené par les requérants. En ce sens : CA Nancy, 3 janvier 2011, Ph.
REIGNE, « La reconnaissance de l’identité de genre divise la jurisprudence », JCP, 2011, jurisp, 480 ; CA Nancy,
2 septembre 2011, n° 11/02099 ; CA Lyon, 2ème ch, 14 février 2011; CA Lyon, 13 mars 2008 ; CA Metz, 24 mars
2010, n° 09/01183.
4
Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 10-26.947 et n° 11-22.490; Rev. dr. fam., 2012, comm. 131, obs. Ph. REIGNIER ;
JCP, G, 2012, 753 ; F. VIALLA, « L’irréversibilité en question », D., 2012, p. 1648 ; Ph. REIGNE, JCP, G, 2012,
753; S. PARICARD, Rev. dr. sanit. soc., 2012, p. 880; J. HAUSER, RTD civ., 2012 p. 502.
5
Au sujet du « changement de sexe irréversible », le Garde des Sceaux, le 30 décembre 2010, avait fait savoir
que cette notion « fait référence à la recommandation n° 1117 du Conseil de l’Europe relative à la condition des
transsexuels, la notion relevant de l’ordre du médical et non du juridique ». V. également Rép. min. n° 14524,
J.O, déb. Sénat, 30 déc. 2010, p. 3373. Pour une étude complète, voir l’article de S. PARICARD, « Le
transsexualisme, à quand la loi ? », Rev. dr. fam., 2012, n° 1, pp.13-17.
6
La Cour de cassation s’est en réalité indirectement fondée sur un rapport de la Haute Autorité de la Santé, pour
qui l’irréversibilité s’apprécie davantage d’un point de vue médical que juridique, et qu’elle est dès lors une
question de fait que les juges apprécient souverainement. Cf. HAS, Situation actuelle et perspectives d’évolution
de la prise en charge médicale du transsexualisme en France, 2009, novembre, spec. p. 47.

332
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

un simple traitement hormonal. La résistance des juges du fond se poursuit 1, malgré une
décision qui semble s’être inspirée de la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle a
néanmoins été infirmée par la Cour d’appel2.
En 2013, à l’occasion de deux autres arrêts, la Haute juridiction affine les critères exigés en
matière de transsexualisme afin de donner une issue favorable aux demandes de
rectification à l’état civil. Celle-ci relève que « M. X ne rapportait pas la preuve, de nature
intrinsèque à sa personne, du caractère irréversible du processus de changement de sexe,
qui ne pouvait résulter du seul fait qu’il appartenait au sexe féminin aux yeux des tiers
(…) »3. Elle précise en outre, que doit être recherché « (...) un juste équilibre entre les
impératifs de sécurité juridique et d’indisponibilité de l’état des personnes, d’une part, de
protection de la vie privée, d’autre part ». En tout état de cause, l’absence d’homogénéité
de la jurisprudence rend la réponse à la question de la nécessité ou non d’une intervention
chirurgicale constatant le changement irréversible de sexe floue. L’appel à une intervention
législative mettra donc fin à un épisode jurisprudentiel caractérisé par ses « errements »4.
366. L’évolution de l’approche de la Cour européenne ? Si la Cour européenne
privilégie, depuis l’arrêt Goodwin5, une certaine prudence sur la question du
transsexualisme, elle a néanmoins pu considérer, sur la question des exigences préalables
au processus de conversion sexuelle, que le droit national (en l’espèce turque) qui se fonde
uniquement sur la capacité à procréer d’une personne pour lui refuser de changer de sexe
était contraire à l’article 8 de la Convention européenne 6. Le changement n’étant pas
irréversible –faute pour le requérant d’apporter la preuve de son incapacité à procréer
comme préalable à l’opération de changement de sexe-, la Cour considère le refus de
procéder au changement demandé comme contraire au droit au respect de la vie privée et
familiale7 du requérant. Il ressort ainsi implicitement de la décision de la Cour une volonté
de restreindre la marge d’appréciation des états membres pour renforcer son propre
contrôle en matière de transsexualisme, puisqu’elle considère désormais que ce qui importe
est moins « l’absence d’éléments indiquant un consensus européen (…) que l’existence

1
CA Paris, 25 mars 2014, pôle 1, ch 1, n° 13/17984.
2
CA Nîmes, 19 février 2014, ch. 2C, RG 13/03142.
3
Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013 (2 espèces) ; Ph. REIGNE, « Changement d’état civil des personnes
transidentitaires : l’injuste équilibre », JCP, G, 2013, 227.
4
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Transsexualisme et couple », Rev. dr. fam., 2013, n° 5, dossier 14, spec. n° 36 ;
Pour une approche de droit européen, cf. F. LYN, P. ROMUALD, J.-B. WALTER, « Transsexualisme et droit
européen », in Sexe, sexualité et droits européens : enjeux politiques et scientifiques des libertés individuelles,
O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD (dir. de), Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007, pp. 55-67.
5
CEDH, 11 juil. 2002, aff. 28957/95, Goodwin c/ Royaume‐Uni, RTD civ., 2002, note J.-P. MARGUENAUD,
p. 862.
6
CEDH, 10 mars 2015, aff. 14793/08, Y.Y. c/ Turquie, Rev. Lamy dr. civ., 2015, n° 129, comm. C. BERNARD-
XÉMARD ; Rev. dr. fam, 2015, 113, obs. F. MARCHADIER ; RJPF, 2015, mai, 13, obs. E. PUTMAN.
7
B. MORON-PUECH, « Conditions du changement de sexe à l’état civil : le droit français à l’épreuve de l’arrêt Y.
Y c/ Turquie du 10 mars 2015 », Rev. dr. l’homme, 2015, n° 3.

333
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

d’éléments clairs et incontestés montrant une tendance internationale 1 ». La position de la


Cour devrait conduire, ainsi que l’a relevé une partie de la doctrine 2, à abandonner
l’exigence d’irréversibilité dans les demandes de changement de sexe, pour davantage
s’attacher à la réalité de l’état transsexué, ce que prévoit la proposition de loi en cours 3.

2- La réponse apportée par le droit

367. La résistance des hautes juridictions. Confrontées à un vide législatif, les


juridictions saisies ont tenté de circonscrire une définition de ce qu’était la famille et ses
membres. En 2007 tout d’abord, la Cour de cassation a clairement exprimé l’idée que le
mariage est l’union d’un homme et d’une femme4. Classique, la solution était respectueuse
de la conception française du mariage. Amenée à se prononcer sur la question de savoir si
l’article 12 de la convention obligeait les États à autoriser le mariage entre personnes de
même sexe5, la Cour européenne considère que la question relève de l’appréciation de
chaque État et qu’il n’existe aucune obligation qui les y astreint. Consciente que le
mariage « a des connotations sociales et culturelles profondément ancrées qui diffèrent
largement d’une société à l’autre », la CEDH prend le parti de réserver aux États la marge
d’appréciation nécessaire afin de légiférer ou non sur la question. La Cour reconnaît
néanmoins la relation homosexuelle comme étant constitutive d’une vie familiale au sens
de l’article 8 de la Convention conformément à sa jurisprudence. C’est pourquoi un
minimum de protection doit être réservé aux couples de même sexe6. Le Conseil
constitutionnel a également eu à se prononcer sur la constitutionnalité des articles du Code
civil relatifs au mariage lorsqu’il a été saisi par la voie d’une QPC transmise par la Cour
de cassation7. Celui-ci, tout en rappelant qu’il n’a pas vocation à substituer son

1
Sur la notion de tendance, substituée au consensus dans certains cas par la Cour, cf. l’étude du professeur
SUDRE : « La mystification du “consensus” européen », JCP, G, 2015, n° 50, 1369.
2
B. MORON-PUECH, « Conditions du changement de sexe à l’état civil : le droit français à l’épreuve de l’arrêt Y.
Y c/ Turquie du 10 mars 2015 », art. precit., spec. n° 113.
3
Avec l’exigence de la seule démonstration par le requérant que son comportement social est bien en adéquation
avec le sexe revendiqué.
4
Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, n° 05-16.627, Bull . civ., I, 2007, n° 113 ; F. TERRE, Y. LEQUETTE, GAJC, n° 32;
AJ fam., 2007, p. 227, obs. F. CHENEDE ; GAJC, Dalloz, 12ème éd., 2007, n° 32 ; D., 2007, p. 1389, rapp.
G. PLUYETTE; D., 2007, p. 935, obs. I. GALLMEISTER; D., 2007, p. 1395, note E. AGOSTINI; D., 2007, p. 1561,
obs. J.-J. LEMOULAND, D. VIGNEAU; D., 2007, H. FULCHIRON, « Un homme, une femme : la Cour de cassation
rejette le mariage homosexuel », p. 1375; RTD civ., 2007, p. 287, obs. J.-P. MARGUENAUD; RTD civ., 2007, obs.
J. HAUSER, p. 315; RTD civ., 2008, obs. P. DEUMIER, p. 438; RJPF, 2007, n° 5, obs. A. LEBORGNE; Rev. dr.
fam., 2007, comm. n° 76, note M. AZAVANT.
5
CEDH, 24 juin 2010, aff. 30141/04, Shalk et Kopf c/ Autriche, D., 2011. pan., p. 1040, obs. J.-J. LEMOULAND,
D. VIGNEAU; CEDH, 7 nov. 2013, n° 29381/09 et n° 32684/09, Vallianatos et autres c/ Grèce, D., 2013, jur.
2888, note F. LAFFAILLE.
6
En ce sens, V. la récente condamnation de l’Italie, dont la loi actuelle ne permet pas aux couples de même sexe
de bénéficier d’un cadre juridique spécifique apte à reconnaître et protéger leur union : CEDH, 21 juil. 2015, 4ème
sect., n° 18766/11, D., 2015, p. 1646.
7
Cass. Civ 1ère, 16 nov. 2010, n° 10-40.042, D., 2010, p. 2773, obs. I. GALLMEINSTER; D., 2011, p. 209, note
J. ROUX; AJ fam., 2010, note F. CHENEDE, p. 545.

334
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

appréciation à celle du législateur1 quant à la prise en compte de la différence de situation


entre les couples conjugaux, a toutefois rappelé que les couples de même sexe
bénéficiaient d’alternatives au mariage, telles le Pacs ou le concubinage que le législateur
reconnaît. Il souligne ensuite que « la différence de traitement entre les couples de même
sexe composés d’un homme et d’une femme peut justifier une différence de traitement
quant aux règles du droit de la famille ». Conservant la même approche, et saisi d’une
autre QPC2, le Conseil a affirmé que le droit à la pension de réversion, prévu à l’article L.
39 du Code des pensions civiles et militaires de retraite ne bénéficiait qu’au couple marié,
« car le régime du mariage a pour objet non seulement d’organiser les obligations
personnelles, matérielles et patrimoniales des époux pendant la durée de leur union, mais
également d’assurer la protection de la famille ; que ce régime assure aussi une protection
en cas de dissolution du mariage ». Rappelant, au fondement de l’article 6 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, que « le principe d’égalité ne s’oppose ni
à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il
déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général pourvu que, dans l’un et l’autre cas,
la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui
l’établit », le Conseil constitutionnel procède à une analyse des trois formes de couples
reconnues par le droit français en prenant soin de rappeler que « le législateur a (…) défini
trois régimes de vie de couple qui soumettent les personnes à des droits et obligations
différents ;(…) », par conséquent, « la différence de traitement quant au bénéfice de la
pension de réversion entre les couples mariés et ceux qui vivent en concubinage ou sont
unis par un pacte civil de solidarité ne méconnaît pas le principe d’égalité ».
Quoi qu’il en soit, les décisions rendues rappellent toutes la spécificité même du mariage et
le statut protecteur qu’il offre eu égard aux nouvelles formes de vie en couple 3. L’accès des
personnes de même sexe au mariage ne constitue plus seulement une reconnaissance
sociale, mais il a pour objet une revendication juridique en vue d’accéder au caractère

1
L’Assemblée Nationale rejette le 14 juin 2011, - par 293 voix contre 222 -, une proposition de loi portée par le
socialiste Monsieur Patrick BLOCHE (un des initiateurs du PACS) visant à introduire dans le Code civil la
possibilité de contracter mariage entre personnes de même sexe (proposition de loi AN n° 586, 2007-2008,
visible sur le site de l’Assemblée). Un article 143 devait d’ailleurs préciser que « le mariage peut être contracté
par deux personnes de sexe différents ou de même sexe ».
2
Cons. const., 29 juillet 2011, QPC n° 2011-155 ; D., 2012, 971, spec. 983, obs. J.-J. LEMOULAND,
D. VIGNEAU, même revue, 1033, obs. M. DOUCHY-OUDOT ; AJ fam., 2011, 436, obs. W. JEAN-BAPTISTE; RTD
civ., 2011, 748, obs. J. HAUSER; JCP, S., 2011, 1458, n° 41, note A. DEVERS; Rev. dr. fam., 2011, comm. 143,
note V. LARRIBAU-TERNEYRE; JCP, G, 2012, n° 1, obs. Y. FAVIER.
3
Une autre QPC a également été transmise au Conseil constitutionnel le 16 sept. 2011 : cf. Cons. Const., 16 sept.
2011, n° 2011-163 QPC, D., 2011, 2823, obs. G. ROUJOU DE BOUBEE ; AJ pén., 2011, 588, obs. C. PORTERON ;
RTD civ., 2011, 752, obs. J. HAUSER; JCP, G, 2012, n° 1, obs. A. GOUTTENOIRE. L’objet de la question
prioritaire de constitutionnalité est le suivant : « ne définissant pas les liens familiaux qui conduisent à ce que
des atteintes sexuelles soient qualifiées d’incestueuses, ces dispositions portent atteinte au principe de légalité
des délits et des peines ». Le 17 février 2012 le Conseil relève que : « le législateur tient de l’article 34 de la
Constitution, ainsi que du principe de légalité des délits et des peines qui résulte de l’article 8 de la Déclaration
des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’obligation de fixer lui-même le champ d’application de la loi
pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis ».

335
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

familial de leur vie de couple. C’est pourquoi la potentialité de devenir parent nécessitait
l’aval du droit.

B) La revendication d’un droit à l’adoption

368. Adoption et intérêt de l’enfant. Acte éminemment altruiste, l’adoption a pour


but de conférer des parents à un enfant qui n’en a pas. Néanmoins, deux parents qui
souhaitent adopter un enfant en font la démarche le plus souvent en raison de leur
inaptitude à procréer. Il y a donc là une part minime d’égoïsme des adoptants. Pour autant,
ce n’est que lorsque la part d’égoïsme prend le dessus sur la part altruiste que le risque de
dérive vers l’instrumentalisation de l’enfant est à craindre1. C’est notamment le cas à
l’occasion des revendications des couples de même sexe sur la personne de l’enfant dont
ils s’occupent au quotidien, alors que celui-ci a déjà deux parents2. Abondant, le
contentieux suscité peut se transformer en une véritable appropriation d’enfant. Ceci
explique que le droit n’accède pas à de telles revendications dans l’intérêt de l’enfant, et
qu’il existe déjà une alternative juridique pour ce type de situations3. Pour une partie de la
doctrine, la revendication du droit à être parent par les couples homosexuels ne concerne
qu’une minorité, elle n’a donc « pas à être nécessairement entendue car le droit n’a pas
pour vocation de répondre à toutes les aspirations individuelles »4.
369. Une revendication légitime ? Pour caractériser la vie conjugale, le couple de
même sexe a besoin de s’apparenter au couple marié, par principe procréateur. C’est
pourquoi celui-ci ne s’accomplit réellement que lorsqu’il concrétise ce désir d’enfant5.
L’approche revisitée de la sexualité6 ces dernières années a conduit à la reconnaissance de
sexualités naturellement non-procréatrices. Cette nouvelle forme de sexualité, combinée au
désir de vivre une expérience parentale, a notamment permis l’apparition du vocable de
parentalité7, voire homoparentalité8, à côté de la parenté traditionnelle. Monsieur le

1
Voir notamment la thèse de C. NEIRINCK, La protection de la personne de l’enfant contre ses parents, Paris,
LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », t. 182, 1984.
2
La problématique posée par l’adoption au sein des couples de même sexe retient particulièrement l’attention
car ce qui est en jeu est la filiation même de l’enfant mais surtout, la question de la transmission générationnelle.
Un enfant, pour construire son identité, a besoin de se situer dans une lignée généalogique, dont le reflet
correspondrait à l’image féminine de sa mère, et masculine de son père. Construire son identité à partir d’une
généalogie non sexuée reviendrait à effacer soit cette partie masculine - dans le cadre d’un couple de lesbiennes -
soit féminine de son identité - si le couple est homosexuel -.
3
V. supra, n° 252 et s.
4
I. CORPART, « Les revendications parentales des couples homosexuels... », art. precit., p. 11.
5
A. LAMBOLEY, « L’enfant à tout prix. Le permis et l’interdit », in Mélanges Christian MOULY, Litec, 1998,
pp. 313-334.
6
V. infra, n° 377 et s.
7
Sur cette notion, v. supra, n° 145.
8
V. notamment à ce sujet : H. FULCHIRON, « Parenté, parentalité, homoparentalité », D., 2006, « Point de vue »,
p. 876-877; C. NEIRINCK, « Homoparentalité et adoption », in Le droit privé français à la fin du XXème siècle.

336
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

professeur Philippe MALAURIE fait remarquer à juste titre que la construction juridique
remplace la nature, et laisse libre cours à la fiction, « car quand on parle de mariage et de
conjugalité, de filiation et de parentalité, d’union sexuelle, de procréation, de
comportements parentaux, de rapports entre les sexes et entre les générations, on touche
aux attentes les plus profondes de l’être humain » car ce qui est en cause, c’est « le cœur de
notre civilisation, tenant au double fondement de la vie : le sexe, c’est-à-dire le don de la
vie, et la génération, c’est-à-dire la descendance, l’écoulement du temps dans la vie et
l’écoulement de la vie dans le temps »1.
370. La consécration légale en 1996 de la possibilité d’une filiation unilinéaire.
Une personne seule2 est autorisée, en droit français, à fonder une famille en adoptant de
façon plénière un enfant3 pour l’élever seule4. Au moment de l’adoption de cette loi, la
condition tenant à l’existence d’un couple n’est pas exigée au nom des milliers d’enfants à
adopter. Le droit s’adapte donc à cette réalité5 en consacrant la possibilité d’une filiation
unilinéaire maternelle ou paternelle6 –justifiée par l’intérêt de l’enfant à avoir une famille.
Plus tard, la diminution du nombre d’enfants adoptables en France -et le recours de plus en
plus fréquent à l’adoption internationale- révèlera l’inadéquation de cette forme d’adoption
aux attentes des adoptants. Dans ce contexte, le débat relatif à l’adoption par les couples de
même sexe renvoie en tout premier lieu à la nécessité d’une réforme. Comme le fait
remarquer Monsieur le professeur Jean HAUSER à l’occasion de ce débat, on « ne fait pas
un projet profondément novateur en renvoyant à une institution ruinée que l’on se contente
de plâtrer pour les besoins de la cause »7. Cette remarque est bienvenue lorsque l’on songe
à l’ouverture de la possibilité d’adopter au profit des couples de même sexe suite à
l’adoption du mariage homosexuel8.

Études offertes à Pierre CATALA, Litec, 2001, p. 353; F. MILLET, « L’homoparentalité : essai d’une approche
juridique », Defrénois, 2005, art. 38153, p. 743; H FULCHIRON, « Du couple homosexuel à la famille
monosexuée ? Réflexions sur l’homoparentalité », AJ fam., 2006, p. 392 ; G. KESSLER, « Homoparenté et
homoparentalité, les différents modes de constitution de la famille homosexuelle », Rev. Lamy dr. civ., 2008,
juin, pp. 35-39 ; G. WILEMS, « La vie familiale des homosexuels au prisme des articles 8, 12 et 14 de la
Convention européenne des droits de l’homme : mariage et conjugalité, parenté et parentalité », Rev. trim. dr. h.,
2013, n° 1, pp. 65-95.
1
P. MALAURIE, « Les nouveaux visages de la famille », in Mariage-conjugalité, Parenté-parentalité, Paris,
Dalloz, 2008, p. 262.
2
M.-L. CICILE, Le lien parental, LGDJ, Paris, éd. Panthéon Assas, 2003, p. 564.
3
Art. 343-1 du Code civil introduit par la loi n° 96-604 du 11 juillet 1996., J.O du 6 juil. 1996; Pour les
commentaires de cette loi, V. notamment : J. RUBELLIN-DEVICHI, JCP, G, 1996, I, 3979; S. DION-LOYE, LPA,
12 août 1996, p. 5; I. CORPART, LPA, 25 nov. 1996, p. 5; F. BOULANGER, D., 1996, chron. p. 307; C. PHILIPPE,
Rev. dr. et patrim., 1996, nov., p. 48; T. REVET, RTD civ., 1996, p. 999; F. MONEGER, « Regard critique sur le
réforme de l’adoption », Rev. dr. sanit. et soc., 1997, p. 1.
4
Sous conditions dont celle liée à l’âge qui ne doit pas être en deçà de 28 ans selon l’article 343-1 du Code civil.
5
C. ATIAS, D. LINOTTE, « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D., 1977, p. 251.
6
G. CORNU, Droit civil. La famille, éd. Montchrestien, coll. « Domat droit privé », 9ème éd., 2006, n° 279.
7
J. HAUSER, « Le projet de loi sur le mariage des personnes de même sexe. Le paradoxe de la tortue d’Achille »,
JCP, G, n° 44, 29 oct. 2012, doct. 1185.
8
Sur l’ouverture du mariage homosexuel, V. infra, n° 374 et s.

337
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

371. Les difficultés posées par l’adoption conjointe. Faute de trouver un enfant
adoptable, les couples de même sexe se tournent généralement vers l’adoption de l’enfant
de leur partenaire. Or, le problème se pose essentiellement lorsqu’un partenaire ou un
époux a un enfant dont la filiation est déjà établie, et qu’il souhaiterait voir son enfant
adopté par son nouveau conjoint ou concubin. Outre que l’adoption implique le
consentement du parent dont la filiation1 est déjà établie, il convient de se demander si l’ex
conjoint ou concubin est réellement enclin à donner son consentement alors que par
hypothèse, le parent de l’enfant l’a abandonné pour une autre personne de même sexe ?
Outre l’évolution des mentalités que cela implique, les récentes affaires portées tant devant
la CEDH2 que devant la Cour de cassation italienne3 ont bien révélé que le parent
biologique s’opposait catégoriquement à ce qu’un lien de filiation soit établi entre son
enfant et la partenaire de la mère. Si l’on songe également qu’une des caractéristiques
constantes du marché interne est la raréfaction des enfants adoptables, l’adoption de
l’enfant du conjoint/partenaire bénéficiant déjà de deux liens de filiations deviendra un
véritable labeur pour les couples de même sexe. Sur le plan international, les États qui
consentent à de telles adoptions le font en général dans l’espoir de les voir élevés au sein
d’une famille composée de deux parents de sexe différents. Certains d’entre eux,
confrontés à de multiples demandes de couples de même sexe, exigent désormais de
l’adoptant un certificat de non-homosexualité. À supposer que les prétendants à l’adoption
veuillent se tourner vers les pays de droit musulman, ceux-ci ne connaissent pas l’adoption
mais la kafala, simple recueil légal. Et il est aujourd’hui clairement établi que celle-ci ne
pourra être transformée en adoption une fois de retour en France. La CEDH a été saisie de
la question et en a refusé toute assimilation 4 sur le fondement du respect du pluralisme
culturel.
372. Le refus jurisprudentiel de l’adoption de l’enfant du concubin. Selon
l’article 365 du Code civil, l’adoption simple transfère à la personne adoptante tous les
droits d’autorité parentale. Mais très fréquemment, la mère biologique continue d’élever
l’enfant. Or, il n’est pas pertinent que celle-ci perde toute aptitude à exercer son autorité.
Dans ce cas de figure, l’adoption n’est ni justifiée ni dans l’intérêt de l’enfant. C’est
pourquoi la Cour de cassation refuse de se prononcer en faveur de telles adoptions, car
elles privent la mère biologique de son autorité parentale au profit de l’adoptante. La
solution est maintenant acquise depuis deux arrêts en date du 20 février 2007 5. La Cour de

1
S. PARICARD, « Mariage homosexuel et filiation. Quelques éléments de droit comparé », Rev. dr. fam., 2013,
n° 1, dossier 8.
2
Arrêt X. et autres c/ Autriche, CEDH gr. Chambre, req. n° 19010/07, D., 2013 p. 502, note I. GALLMEISTER ;
JCP, G, 2013, n° 11, 316, note H. SURREL; Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 53, note C. NEIRINCK.
3
Cour de cassation italienne, 11 janv. 2013, n° 601, D., 2013, note F. LAFAILLE, p. 177.
4
CEDH, 4 oct. 2012, n° 43631/09, Harroudj c/ France, D., 2012, p. 2947, note P. HAMMJE; AJ fam., 2012,
p. 546, obs. A. BOICHE; RTD civ., 2012, p. 705, J.-P. MARGUENAUD.
5
Cass. civ. 1ère , 20 fév. 2007, n° 04-15.676 et 04-15.647, D., 2007, obs. C. DELAPORTE-CARRE, p. 721; D.,
2007, note D. VIGNEAU, p. 1047; D., 2007, obs. P. CHAUVIN, p. 891; D., 2007, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS

338
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

cassation y voit un détournement1 de l’institution2 dont elle a rapidement tranché le sort 3.


Pour Madame le professeur C. NEIRINCK, « cette filiation réduite est frauduleusement
obtenue par les couples homosexuels. Le refus de leur appliquer l’article 365 ne sanctionne
par leur orientation sexuelle mais leur fraude initiale »4.
Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon 5 a néanmoins pu retenir l’attention de la doctrine.
Celui-ci censurait une décision d’un juge aux affaires familiales qui, pour admettre la
résidence alternée de l’enfant au domicile de chacun de ses géniteurs, tous deux vivant en
union homosexuelle –les deux couples s’étant rapprochés aux fins de mener à bien leur
projet parental -, met en avant la nécessité de respecter le projet parental établi sur une
coparentalité homosexuelle. Pour le juge, il revenait à l’enfant de se couler dans une
construction intellectuelle construite par les parents pour leur enfant, et non à ces derniers
de respecter la hiérarchie des principes en privilégiant l’image matriarcale durant les
premiers mois de la naissance. Le fait pour la mère d’avoir elle-même constaté le mal-être
de son enfant, et souhaité mettre un terme à la résidence en alternance ne dénote t-il pas de
lui-même de « l’incapacité objective des personnes de même sexe à offrir à l’enfant une
structure à même de le situer dans une généalogie cohérente, une double lignée paternelle
et maternelle (…) »6.

p. 1460; D., 2007, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU, p. 1561; AJ fam., 2007, obs. F. CHENEDE, p. 182; RTD
civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 325; Rev. dr. fam., 2007, n° 80, note P. MURAT; GAJC, 12ème éd., 2007, n° 53-55;
RJPF, 2007, n° 7, obs. C. MECARY; JCP, G, 2007, II, 10068, obs. C. NEIRINCK.
1
Le « détournement » selon le Vocabulaire CORNU a trois sens : il s’agit en premier lieu du défaut de restitution
par le détenteur précaire. Il peut ensuite consister en la soustraction d’une personne ou d’une chose au contrôle
légitime d’un tiers. Enfin, le détournement peut être l’utilisation hors sa destination, d’un bien, d’une voie de
droit ou encore d’un pouvoir. En ce qui nous concerne, c’est le troisième sens qu’il convient de retenir ici, c’est-
à-dire le procédé qui consiste à faire usage d’une institution à des fins autres que celles qui lui sont assignées.
Monsieur le professeur Boulanger l’exprime parfaitement en ces termes : « les intéressés font un usage correct
des possibilités légales (...) qui leur sont ouvertes. Mais pour parvenir à des fins accessoires ou tout à fait
extérieures à l’esprit de l’institution, ce sont donc les mobiles qui les animent qui sont suspects ». Cf.
F. BOULANGER, « Fraude, simulation ou détournement d’institution en droit de la famille ? », JCP, G, 1993,
I, 3665.
2
En général, les couples de même sexe ont recours, dans d’autres pays voisins, à l’insémination d’une femme
seule qui, de retour en France, élève l’enfant pour le faire ensuite adopter par sa compagne. D. FENOUILLET, « Le
détournement d’institution », in Liber Amicorum, Mélanges Philippe MALAURIE, Defrénois, 2005, pp. 237-282 ;
cf. également J. HAUSER, « Le droit de travers », in Mélanges E. ALFANDARI, 1993, pp. 83-95.
3
En réalité, la jurisprudence s’est dans un premier temps montrée favorable à de telles demandes d’adoption
simple : TGI Paris, ord. JAF, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361; RTD civ., 2005, p. 116, obs. J. HAUSER.
Cependant, la Haute juridiction a réalisé l’instrumentalisation de cette institution par les requérants : dans un
premier temps, l’adoption simple était demandée par la compagne de la mère biologique, destituant celle-ci de
son autorité parentale. Une fois l’adoption prononcée, cette même mère adoptive formulait une demande de
délégation partage en faveur d’une tierce personne, qui sera la mère biologique de l’enfant.
4
C. NEIRINCK, « L’adoption et les couples homosexuels devant le CEDH », Rev. dr. sanit.et soc., n° 1, 2011,
pp. 142-150.
5
CA Lyon, 28 juin 2010, n° RG : 10/03083, RTD civ., 2011, p. 118, note J. HAUSER ; AJ fam., 2010, obs. C.
SIFFREIN-BLANC, p. 490.
6
A. MIRKOVIK, « La revendication des personnes de même sexe en matière familiale », art. precit., p. 46.

339
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

373. La position des Hautes juridictions. Que ce soit devant le Conseil


constitutionnel via la question prioritaire de constitutionnalité1 ou à la suite d’un recours
devant le Cour européenne2, les revendications parentales des couples de même sexe
subissent le même sort que celles qui visaient leur accès au mariage. L’adoption en France
par le partenaire ou le concubin du parent de même sexe est jugée contraire à l’intérêt de
l’enfant et ne constitue ni une atteinte au principe d’égalité, ni un obstacle au droit de
mener une vie familiale normale. Les juges européens relèvent que le « mariage confère un
statut particulier à ceux qui s’y engagent » et qu’il « emporte des conséquences sociales,
personnelles et juridiques ». Dès lors, le couple de même sexe ne peut se trouver « dans
une situation juridique comparable à celle des couples mariés ».
L’adoption n’étant dès lors ni contraire au droit de mener une vie familiale, ni constitutive
d’une discrimination fondée sur l’orientation du couple, il ne restait plus aux couples de
même sexe qu’une seule possibilité que leur offre le droit français : la délégation partage
de l’autorité parentale ou l’intervention du législateur en vue de leur permettre tant l’accès
à la conjugalité qu’à la parenté.

§2) L’obtention du droit au mariage par les couples homosexuels

374. La méthode législative de dissociation des questions. La loi ouvrant le


mariage entre personnes de même sexe a essuyé nombre de critiques de la part de la
doctrine eu égard à sa « légistique générale »3. Promesse de campagne du Président de la
République Monsieur François HOLLANDE, le mariage entre personnes de même sexe a été
le premier engagement du président à avoir été mis en œuvre suite à son élection. Celui-ci
consacre au profit du couple homosexuel -après la reconnaissance du droit d’être
homosexuel et de ne pas être discriminé en raison de son orientation sexuelle- la possibilité
de bénéficier d’un réel statut matrimonial, à l’instar des couples hétérosexuels. Or, dans la
hâte4, la question de la méthode législative mise en œuvre s’est révélée être un désastre 1.

1
Cons. const., 6 oct. 2010, QPC n° 2010-39; M. DOURIS, « Homosexualité, couples non mariés, accès au
mariage et à la parenté : l’évolution du droit français de la famille devant le Conseil constitutionnel », LPA,
2011, n° 11, n° 4-6. V. aussi dans le même sens : P. KIPIANI, « Mariage homosexuel et adoption par un couple
homosexuel : d’une revendication en droit français à une reconnaissance en droit belge », Rev. dr. fam., 2012,
n° 1, pp. 18-24.
2
CEDH, Gas et Dubois c/ France, 15 mars 2012, n° 25951/07, D., 2012, 814, obs. I. GALLMEISTER; AJ fam.,
2012, p. 220, C. SIFFREIN-BLANC ; même revue, 163, point de vue F. CHENEDE ; RTD civ., 2011, obs. J. HAUSER,
p. 114; D., 2011, 1585, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS ; même revue, 1713, obs. V. BERNAUD; RJPF, 2010/12,
note C. LE BOURISCOT.
3
J. HAUSER, « Table ronde, Les débats sur la réforme », in L’ouverture du mariage aux personnes de même
sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 107.
4
D’ailleurs, Monsieur le professeur Jean HAUSER évoque aujourd’hui une « conception “instantanéiste” du
phénomène familial » en raison de l’investissement symbolique exagéré du droit de la famille. En ce sens :
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 321 et s.

340
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Un des premiers griefs d’ordre formel, exprimé par Monsieur le professeur Jean HAUSER,
met l’accent sur la rapide adoption du texte. Pourtant, l’élaboration d’un texte juridique
suppose un véritable travail de préparation2, au risque d’aboutir à ce qu’a appelé André
TUNC « le droit en miettes ». L’intitulé de la loi « mariage pour tous » n’a pas non plus
manqué de laisser perplexe la communauté des juristes, le mariage, en tant que liberté,
n’ayant jamais été nié pour qui que ce soit. Globalement, il est reproché à cette loi, de
cacher une certaine hypocrisie sous cet intitulé, ses implications se situant ailleurs.
L’ouverture de l’adoption au profit du conjoint homosexuel est représentative de cette
hypocrisie, à l’heure où les sondages révélaient comme minoritaires les partisans de
l’adoption homosexuelle. Bien au-delà du mariage -simple porte d’entrée– les couples de
même sexe recherchent -et la jurisprudence précédant le projet de loi en est un bel
exemple- un accès direct à l’enfant, que seul le mariage peut leur offrir. C’est pourquoi le
débat portant sur la seule ouverture de l’union ne satisfait pas. Pour Monsieur le professeur
Jean HAUSER, la technique de la dissociation des questions est sans doute à imputer « au
développement considérable de l’individualisme et d’un certain psychologisme, au
détriment de l’analyse des groupements, conduit à des contradictions difficilement
solubles, introduisant une sorte d’anachronisme permanent en droit de la famille. Celle-ci
est analysée comme une suite d’instants non reliés entre eux au détriment d’une succession
où chaque droit et chaque obligation se tiennent et se répondent »3.
375. L’aboutissement d’une longue évolution. Pour la sociologue Madame le
professeur Irène THERY, « l’ouverture du mariage et de la filiation aux couples de
personnes de même sexe participe d’un changement plus fondamental, plus général, qui a
des racines très profondes, et qui est déjà largement entamé. Ce changement est
indissociable de l’implosion du modèle matrimonial de couple et de filiation qui avait été
instauré après la Révolution française. Autant dire que la rupture ne se produit pas
aujourd’hui. Elle a démarré avec les grandes réformes du droit de la famille des années
soixante-dix, quand on a commencé à remettre profondément en question l’ordre
matrimonial –fondamentalement enraciné dans la hiérarchie des sexes- qu’avait instauré le
Code Napoléon en 1804 »4. Si une part de vrai ressort de cette affirmation, on ne peut que

1
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Jean HAUSER, art. precit., p. 107. Ainsi que le souligne
Monsieur le professeur Rémy CABRILLAC, « les controverses idéologiques sont souvent dépourvues de la
sérénité nécessaire à l’élaboration d’un droit efficient », pour preuve, les conditions d’adoption et de création du
Pacs en 1999. L’auteur poursuit en soulignant le rôle déterminant du droit patrimonial « celui de la machine à
calculer, de la sérénité des études notariales, du sort des achats en commun ou des dettes ménagères », en
comparaison avec « le droit extrapatrimonial, celui du symbole, du strass, des paillettes, des débats télévisés
(…) avant de conclure que cette analyse ne peut être que confortée par les débats récents sur le « mariage pour
tous ». R. CABRILLAC, « Genre et droit patrimonial de la famille », in Bioéthique et genre, A.-F. ZATTARA-GROS
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 270.
2
J. HAUSER, art. precit., p. 107.
3
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
l’engendrement à plusieurs, art. precit., p. 326.
4
I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche sociologique », in L’ouverture du mariage aux
personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 91.

341
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

constater le fossé qui sépare désormais la vague de réformes conduites par le doyen
CARBONNIER et les révisions plus récentes du Code civil. Innovantes quant au fond, les
premières « portaient en elles le renouvellement substantiel du droit français de la famille,
sans pour autant sombrer dans une certaine démagogie »1. Elles présentaient surtout
l’avantage d’être cohérentes, ce que la doctrine n’a manqué de relever 2. Le modèle familial
fondé sur le mariage demeurait affiché et la famille était toujours la clef de voûte du
système. Si « la sociologie se voulait informative ; elle n’avait pas de prétention normative.
On respectait ce faisant la finalité même du Code civil, en tant qu’il édictait un modèle
prévisible d’organisation de la vie sociale »3. Rien de tel concernant les révisions les plus
récentes du droit de la famille, qui procèdent à une véritable rupture anthropologique.
376. L’appel à une révision de la loi du 17 mai 2013. Au regard des conséquences
mal évaluées de cette loi, une partie de la doctrine appelle à son abrogation. Ce vœu repose
sur la nécessité de protéger l’enfant -grand oublié de la loi adoptée- mais a pour autre objet
l’espérance d’une véritable gouvernance familiale par la création d’un « ministre de la
Famille » ainsi que d’un Haut Conseil de la Famille4. S’il est à craindre que de telles
propositions, au regard de l’évolution du droit, demeurent des vœux pieux, l’urgence à plus
court terme consiste à remédier aux difficultés posées par l’articulation du droit interne de
la famille avec la loi du 17 mai 2013. Madame BRUNETTI-PONS propose, sans faire
l’impasse sur les revendications des personnes de même sexe, une abrogation de la loi du
17 mai 2013 afin de permettre une meilleure lisibilité du droit des couples. Une telle
entreprise nécessiterait au préalable la hiérarchisation des statuts de couples, en rendant au
mariage sa spécificité au regard de la notion d’intérêt de l’enfant. Dans un second temps, il
conviendrait de remédier à l’existence au sein de l’ordre juridique de « deux mariages sous
le même nom », et l’auteur défend avec force la nécessité de régénérer le mariage
hétérosexuel lequel institue la véritable parenté, entendue d’un lien de filiation indivisible
de l’enfant à l’égard de ses père et mère 5. La création d’une union civile6, voire une

1
B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT, Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation
française, Ministère de la Justice, 2006, p. 103.
2
Pour Gérard CORNU : « la méthode législative suivie atteste que les réformes successives sont les éléments d’un
ensemble, les pièces d’un nouveau Code de la famille incorporé au Code civil ». Cf. G. CORNU, « La refonte
dans le Code civil français du droit des personnes et de la famille », in L’art du droit en quête de sagesse, Paris,
PUF, 1998, p. 372.
3
Y. LEQUETTE, « Le droit est la semence des mœurs », in Le discours et le Code Portalis deux siècles après le
Code Napoléon, Litec, 2004, p. 391 et s., spec. p. 395, cité par B. FAUVARQUE-COSSON, S. PATRIS-GODECHOT,
Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation française, Ministère de la Justice, 2006, p. 110.
4
C. EOCHE-DUVAL, D. MARCILHACY, « Pour une véritable gouvernance familiale », in Le Mariage&La Loi,
Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 451-461.
5
C. BRUNETTI-PONS, « Après la loi du 17 mai 2013, quel état des lieux et quelles perspectives pour le droit de la
famille ? », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’Enfant, op. cit., p. 33.
6
Qui procèderait par renvoi aux règles propres au mariage, à l’inverse de l’alliance civile pour laquelle de
nouvelles règles, bien qu’inspirées du mariage, seraient créées. Le choix pour des règles de renvoi au mariage ou
l’élaboration de règles distinctes qui s’en inspirent dépendrait de l’importance des effets civils attachés à l’une et
l’autre de ces unions.

342
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

alliance civile au profit des personnes de même sexe, exclusive de la dimension parentale
(ni filiation, parenté ou autorité parentale)1 permettrait de faire une place à l’union entre
personnes de même sexe. Envisageant un autre cadre légal, favorisant « la contribution de
tous les foyers à la solidarité et à la stabilité sociale »2, Madame MIRKOVIC préconise la
création d’un partenariat de vie commune –contrat spécial relevant du droit commun des
obligations-, dont les ressorts sont à rechercher auprès de l’idée de couple non conjugal,
chère à Madame le professeur Jacqueline POUSSON-PETIT. Pour Madame MIRKOVIC, la vie
commune telle qu’appréhendée ces dernières années par le législateur n’a que trop porté
sur la dimension affective et sexuelle du couple. Or, la sexualité et le sentiment amoureux
n’ont pas vocation à faire l’objet d’un statut légal, c’est pourquoi une union reposant sur ce
seul critère constitue, pour l’auteur, une catégorie particulière parmi les diverses situations
de cohabitation, pouvant faire l’objet d’un tel partenariat3. Tel qu’envisagé, celui-ci
reposerait, en définitive, sur ce qui demeurerait « (…) commun hors de cet aspect-là : la
vie commune » et le consentement libre des personnes « de prendre soin les unes des autres
et, à cet effet, à mettre en commun des moyens »4. L’affection demeure, bien évidemment,
déterminante, mais en tant que « sentiment d’amitié, et non sentiment amoureux ». Pour
l’auteur, l’avantage d’une telle approche est d’évincer l’influence jouée par la théorie du
gender, en sauvegardant le champ de compétence du législateur. Naturellement, le contrat
de Pacs serait revu à la lumière de la proposition de l’auteur. Le droit français ne
compterait plus que le mariage civil hétérosexuel et le partenariat de vie commune. Bien
qu’intéressante, cette alternative au « mariage homosexuel » fait l’impasse sur la
revendication des couples de même sexe d’accès à la conjugalité 5. Surtout, elle ne semble
pas être en phase avec les orientations contemporaines du législateur, qui a résolument
décidé de mettre les sexualités au cœur de son intervention législative.

1
C. BRUNETTI-PONS, « Protéger l’enfant et satisfaire la justice en droit de la famille après la loi du 17 mai
2013 », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’Enfant, op. cit., spec. pp. 285-289.
2
J. THOMAS, A. MIRKOVIC, « Une proposition juste : le partenariat de vie commune », in Le Mariage&La Loi,
Protéger l’Enfant, op. cit., p. 349.
3
Ibidem., p. 348.
4
Ibidem., p. 349.
5
Pour les avantages et les inadaptations d’un tel partenariat, V. spec. pp. 352-360.

343
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

§3) L’indifférence consécutive des sexes

377. Les sexualités1 au cœur des conjugalités. Désormais déclinée au pluriel -à


l’instar des conjugalités- il n’y a aujourd’hui plus une seule manière de vivre sa sexualité.
L’ère est à la diversité et le pluralisme est devenu la référence. En témoigne la mention
relative au sexe dans les trois formes de conjugalité : le contrat de Pacs ainsi que le
concubinage présupposent la sexualité des partenaires, tandis que le mariage peut
aujourd’hui être conclu par des personnes de même sexe ou de sexe différent. La vie
commune, centrale dans les trois formes de conjugalité, est obligatoire et suppose
l’entretien de relations sexuelles. C’est ce qui permet d’ailleurs de qualifier un couple de
« conjugal »2. Particulièrement sensible à l’évolution des moeurs, le contentieux relatif à la
sexualité était encore, il y a quelques années, extrêmement rare, voire inexistant. Il se
manifestait essentiellement sous l’angle du contentieux relatif au transsexualisme. Le
respect de plus en plus envahissant du droit au respect de la vie privée a paradoxalement
été accompagné d’une projection sur la scène juridique de la sexualité 3. La libération des
mœurs n’y est probablement pas étrangère, ainsi que l’impulsion donnée au droit au
respect de la vie privée par la Cour européenne. Tant l’évolution jurisprudentielle
européenne (abondante mais surtout évolutive) qu’interne convergent vers une égalité de
traitement des vies privées sexuelles (A). Sans incidence sur la réalité du couple,
l’indifférenciation est même de mise (B), ce qui rend le mariage homosexuel possible. Ces
dernières années pourtant, la sexualité semble en phase d’être abandonnée au profit d’une
approche genre.

A) Un traitement égalitaire des sexualités conjugales

378. Fondement de la reconnaissance. Pour prospérer, la reconnaissance de la


diversité sexuelle s’est particulièrement nourrie du principe général d’égalité des êtres
humains, lequel exclut toute discrimination entre individus à raison du sexe, des mœurs ou
de l’orientation sexuelle. Principe fondateur de toute société démocratique, il figure dans
plusieurs textes constitutionnels -notamment l’article 6 de la DDHC-, européens et
internationaux. Le caractère extrêmement intime de la sexualité ressortit donc
naturellement de la vie privée –en ce qu’il touche au corps-, elle-même protégée par

1
Sur cette question, V. : O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD (dir. de), Sexe, sexualités et droits européens : enjeux
politiques et scientifiques des libertés individuelles, Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007.
2
J. POUSSON-PETIT, « Le droit de vivre en commun en dehors du couple sexuel conjugal », in Mélanges en
l’honneur du Professeur J. HAUSER, Paris, Dalloz, 2012, pp. 563-588.
3
C. ADAM, « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit des familles,
genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 25-33.

344
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

plusieurs textes. Afin de lui assurer une effectivité optimale, le principe de non-
discrimination -à raison spécifiquement de l’orientation sexuelle- permet d’éradiquer toute
différence de traitement lorsque celle-ci n’est pas justifiée par un but légitime.
379. La protection du droit au respect de la vie privée. Protégé en droit interne à
l’article 91, le droit au respect de la vie privée permet de sanctionner, de manière
autonome2, les atteintes illicites et les immixtions arbitraires dans la vie privée des
individus3. L’alinéa 2 du même article confère au juge le pouvoir de « prescrire toutes
mesures (…) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée ».
Le texte permet également au juge d’agir lorsqu’il y a urgence, en ordonnant des mesures
en référé. Tout est mis en œuvre afin de protéger autant que possible la vie privée des
individus, qui comprend outre leur vie familiale au premier plan, leur vie affective et
sentimentale4, patrimoniale5, leur domiciliation6, leur droit à l’image7 mais aussi leur
intimité corporelle8. Le seul constat de l’atteinte à la vie privée, indépendamment de
l’existence de tout préjudice, ouvre droit à réparation et peut caractériser l’urgence au sens
de l’article 9 alinéa 29. Ainsi que le souligne la Cour européenne en 1998, la sphère de la
vie privée couvre « l’intégrité physique et morale d’une personne (…) ; la garantie offerte
par l’article 8 de la convention est principalement destinée à assurer le développement,
sans ingérences extérieures, de la personnalité de chaque individu dans les relations avec

1
Introduit dans le Code civil par la loi du n° 70-643 du 17 juillet 1970.
2
Cass. civ. 1ère, 5 nov. 1996, Bull. Civ., I, n° 378; GAJC, 12ème éd., n° 20; JCP, G, I, 1997, obs. VINEY, p. 4025;
RTD civ., 1997, obs. J. HAUSER, p. 632.
3
Cass. civ. 2ème, 3 juin, 2004, Bull. civ., II, n° 273 ; D., 2004, note RAVANAS, p. 2069 ; Rev. dr. fam., 2004, note
V. LARRIBAU-TERNEYRE, n° 172 ; RTD civ., 2004, obs. J. HAUSER, p. 489.
4
TGI Paris, 2 juin 1976, D., 1977, note LINDON, p. 364 (2ème espèce); CA Paris, 26 mars 1987, JCP, G, II, 1987,
note AGOSTINI, p. 20904; Cass. civ. 1 ère, 6 oct. 1998, Bull. civ., I, n° 274; D., 1999, obs. J.-J. LEMOULAND,
somm. 376.
5
Sur la question des informations patrimoniales, la jurisprudence a dans un premier temps, admis que « le
respect dû à la vie privée de chacun n’est pas atteint pas la publication de renseignements d’ordre purement
patrimonial, ne comportant aucune allusion à la vie et à la personnalité de l’intéressé » : Cass. civ. 1ère, 28 mai
1991, GAJC, 12ème éd., n° 21 ; D., 1992, note P. KAYSER, p. 213 ; JCP, G, 1992, II, note RINGEL, p. 21845. Par
la suite, elle a estimé que « le salaire de celui qui n’est pas une personne publique et ne jouit d’aucune notoriété
particulière ressortit à sa vie privée » : Cass. civ. 1ère, 15 mars 2007, Bull. civ., I, n° 191 ; D., 2007, obs. BIGOT,
pan. 2773 ; RJPF, 2007, obs. E. PUTMANN, n° 9/14 ; LPA, 22 août 2007, note M. BRUSORIO-AILLAUD ; RTD
civ., 2007, obs. J. HAUSER, p. 546.
6
Cass. civ. 2ème, 5 juin 2003, Bull. civ., II, n° 175 ; D., 2003, note DREYER, p. 2461; Defrénois, 2003, obs.
AUBERT, p. 1577; Gaz. Pal., 2004, obs. VRAY, somm. 1387; Rev. dr. patrim., oct., 2003, obs. LOISEAU, p. 83;
RJPF, 2003, note E. PUTMAN, n° 11/13; RTD civ., 2003, obs. J. HAUSER, p. 681.
7
TGI Paris, 25 oct. 1982, D., 1983, note LINDON, p. 363. Cependant pour que l’atteinte au droit à l’image soit
constatée, la jurisprudence exige le critère d’identification de la personne : Cass. civ. 1ère, 21 mars 2006, Bull.
civ., I, n° 270 ; D., 2006, obs. A. LEPAGE, pan. 2702; RTD civ., 2006, obs. J. HAUSER, p. 535. Plus récemment,
Cass. civ. 1ère, 5 avr. 2012, D., 2012, 1062.
8
CA Paris, 9 juil. 1980, D., 1981, note LINDON, p. 72 (2ème espèce); TGI Paris, 6 juin 1988, Gaz. Pal., 1989,
n° 1, p. 30.
9
Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2000, Bull. civ., I, n° 321 ; D., 2001, note SAINT-PAU, p. 2434; LPA, 2 fév. 2001, note
DERIEUX.

345
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

ses semblables »1. La Déclaration universelle des droits de l’homme protège également la
vie privée des individus. Outre qu’elle prévoit que « nul ne sera l’objet d’immixtions
arbitraires dans sa vie privé », elle prévoit expressément que « toute personne a droit à la
protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes »2. La Cour
européenne des droits de l’homme reprend cette même protection à l’article 8 de la
Convention.
380. La liberté sexuelle, une composante de la vie privée. Il convient en tout
premier lieu de souligner que la notion de « liberté sexuelle » n’existerait pas en tant que
telle sans son préalable, l’égalité des sexes. La revendication d’une sexualité plus libre
constitue un prolongement de la conquête de l’égalité par les femmes3. Abordée sous
l’angle de l’égalité entre les sexes en droit communautaire, la liberté sexuelle relève, du
point de vue du droit européen des droits de l’homme, de l’article 8 relatif au respect du
droit à la vie privée et familiale. Dans une première affaire qui remonte aux années 1970,
la Commission européenne a éclairci la portée de ce principe. Elle a considéré que le droit
au respect de la vie privée assurait à l’individu un domaine dans lequel il peut poursuivre
librement le développement et l’accomplissement de sa personnalité. Pour cela, il doit
avoir la possibilité d’établir des relations de différentes sortes, y compris des relations
sexuelles avec d’autres personnes4. La Commission affirme donc de manière explicite que
les relations et activités sexuelles relèvent du domaine de la vie privée. La Cour
européenne reconnaît, dès 1999, que l’orientation sexuelle des individus est « un aspect
des plus intimes de la vie privée »5. Usant de son dynamisme interprétatif, elle va même
plus loin en considérant qu’il existerait un droit à l’autodétermination des individus,
composante de leur liberté individuelle qui leur permet « d’entretenir des relations
sexuelles (qui) découle du droit de disposer de son corps, partie intégrante de la notion
d’autonomie personnelle »6. Opérant une interprétation à la lumière des « temps
modernes », elle n’hésite pas à affirmer dans cette décision le droit à la liberté
sexuelle dans le cadre de relations sadomasochistes adultères, sous la seule condition du
respect de la liberté des participants. Le consentement à l’acte sexuel devient alors la pierre
angulaire présidant à l’acte sexuel7. Ainsi que l’a souligné un auteur, « les cuirs et latex

1
CEDH, 24 fév. 1998, Botta c/ Italie, §32.
2
Art. 12.
3
O. DUBOS, « Sexe, sexualité et droits européens », in Sexe, sexualités et droits européens : enjeux politiques et
scientifiques des libertés individuelles, op. cit., p. 6.
4
Brüggeman et Scheuten c/ Allemagne.
5
CEDH, 27 sept. 1999, Smith et Grady c/ Royaume-Uni, §89.
6
CEDH, 17 fév. 2005, K. A. et A. D. c/ Belgique, §82-83. Cf. F. SUDRE, JCP, G, 2005, I, 159, n° 12 ; J.-P.
MARGUENAUD, RTD civ., 2005, p. 341 ; M. LEVINET, Rev. dr. patrim., 2006, p. 806 ; P. MALAURIE, LPA, 1er
août 2006, p. 7.
7
La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi affirmé dans son arrêt M. C. c/ Bulgarie du 4 décembre 2003
que les Etats ont l’obligation d’établir et d’appliquer de manière effective un système de droit pénal réprimant
toutes les formes de viol et d’abus sexuels, et de garantir aux victimes de ces abus le droit d’obtenir réparation.
Cf. F. Sudre, JCP, G, I, 2004, 107.

346
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

s’invitent aux défilés de mode et la publicité exploite largement les fantasmes sexuels et les
visuels sadomasochistes »1. Il existe aujourd’hui, pour la Cour européenne, une véritable
« faculté pour chacun de mener sa vie comme il l’entend »2, et la vie sexuelle constitue
l’un des éléments de cet épanouissement de la personne3. On est là, déjà, très loin de l’idée
que la sexualité est intimement liée à la procréation selon l’ancienne morale chrétienne.
381. La banalisation de la relation homosexuelle. Relation « contre nature »4
longtemps réprimée par le droit pénal5, l’homosexualité est dépénalisée en France avec la
loi n° 82-683 du 4 août 1982. L’Organisation mondiale de la santé ne la considère plus,
depuis le 17 mai 19906, comme une maladie mentale. Depuis cette date, l’évolution
jurisprudentielle tant de la Cour européenne que des droits internes des différents États
occidentaux est marquée par la tolérance et la non-discrimination à l’égard des personnes
homosexuelles. Mais c’est particulièrement l’influence de la Cour de Strasbourg qui aura
permis une réelle attitude compassionnelle à leur égard7. Toute une série d’arrêts leur ont
ouvert la voie à une reconnaissance progressive à des droits divers et variés 8.
382. La garantie par la Cour EDH du principe de non-discrimination à raison
de l’orientation sexuelle. L’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme
proscrit toute distinction fondée sur le sexe, la naissance ou tout autre situation relevant de
la vie privée des individus. De façon similaire, l’article 21 de la Charte des droits
fondamentaux de l’Union européenne interdit toute discrimination fondée sur l’orientation
sexuelle. Lorsqu’il est en cause, l’État doit s’assurer que la distinction effectuée entre
plusieurs situations repose sur une justification objective et raisonnable. Lorsque tel n’est
pas le cas, la Cour européenne condamne l’État en cause et l’invite à adapter sa législation
au texte de la Convention. Une fois assurée du mouvement de dépénalisation des relations
homosexuelles dans la majorité des États européens, la Cour, à l’occasion de l’arrêt
Dudgeon9, considère que « l’accomplissement d’actes homosexuels par autrui et en privé

1
G. GONZALEZ, « La liberté sexuelle », in Le droit au respect de la vie privée au sens de la Convention
européenne des droits de l’homme, F. SUDRE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et justice », 2005,
p. 157.
2
CEDH, 29 avr. 2002, Pretty c/ Royaume-Uni, §62.
3
D. ROMAN, « Le corps a-t-il des droits que le droit ne connaît pas ? La liberté sexuelle et les juges : étude de
droit français et comparé », D., 2005, p. 1508.
4
Sur cette question : F. LEROY-FORGEOT, Histoire juridique de l’homosexualité en Europe, Paris, PUF, 1997.
5
C’est la loi n° 742 du 6 août 1942 qui pénalisait les relations homosexuelles consenties lorsque l’un des
partenaires était mineur. L’ordonnance n° 45-190 du 8 février 1945 maintient cette incrimination au titre des
attentats à la pudeur.
6
Cette date a également été retenue pour la commémoration de la journée internationale contre l’homophobie.
7
Y. ATTAL-GALY, Droits de l’homme et catégories d’individus, Paris, LGDJ, 2003.
8
M. LAMARCHE, « Les homosexuels devant la Cour européenne des droits de l’homme », in Sexe, sexualité et
droits européens : enjeux politiques et scientifiques des libertés individuelles, O. DUBOS, J.-P. MARGUENAUD
(dir. de), Paris, éd. A. Pedone, coll. « Droits européens », 2007, pp. 45-54.
9
CEDH, 22 oct. 1981, Dudgeon c/ Royaume-Uni, Série A, n° 45, §60 ; GACEDH, n° 37. Dans le même sens :
CEDH, 26 oct. 1988, Norris c/ Irlande, Série A, n° 152 et CEDH, 31 juillet 2000, A.D.T. c/ Royaume-Uni.

347
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

peut lui aussi heurter, choquer ou inquiéter des personnes qui trouvent l’homosexualité
immorale, mais cela seul ne saurait autoriser le recours à des sanctions pénales quand les
partenaires sont des adultes consentants ». Une fois acquis le retrait du droit pénal en la
matière, s’ouvre une autre phase consistant à condamner les discriminations motivées par
l’orientation sexuelle. Outre les discriminations directes, la Cour condamne les
discriminations indirectes qui se cachent derrière des dispositions en apparence neutres,
mais qui lors de leur application, désavantagent leurs titulaires1. Que ce soit dans le cadre
du travail2, ou pour bénéficier du transfert du droit au bail 3 ou encore dans l’exercice des
relations parentales4, la Cour européenne procède à une véritable protection des personnes
contre les discriminations liées à leur orientation sexuelle. Dans l’arrêt Salguiero, elle
affirme que le principe de non discrimination s’applique aux différences de traitement
fondées sur l’orientation sexuelle, ce qui englobe toutes les mesures prises contre les
homosexuels5. C’est pourquoi la protection consistera non plus à assurer la protection de la
personne homosexuelle seule, mais bien le couple homosexuel dans sa dimension familiale
en élargissant le champ d’application de l’article 14, combiné à l’article 8 ou à l’article 12.
À l’occasion de l’arrêt Fretté6, la Cour étend son contrôle au droit à l’adoption, alors même
que celui-ci n’est pas expressément protégé par le texte de la Convention. Qualifiée
d’ « intime », la vie privée se situe hors du domaine du droit, donc de l’intervention
étatique qui n’a plus le monopole de la régulation des pratiques sexuelles 7. En œuvrant
dans le sens de l’éradication des inégalités fondées sur l’orientation sexuelle des individus,
la Cour européenne contribue à traiter de façon égalitaire toutes les sexualités en imposant
aux États de faire preuve d’une plus grande tolérance en matière de sexe et de sexualité.
Autant de libéralisme trouve pourtant sa limite lorsque la question touche la vie familiale
du couple laquelle, rappelons le, n’est pas détachable d’une sexualité exclusivement
hétérosexuelle.
383. La consécration d’une conjugalité non-procréatrice. Si les débats précédant
l’adoption du Pacs ont permis à une partie de la doctrine de considérer que celui-ci
n’imposait pas une communauté de vie au sens de « communauté de toit et de lit », le
Conseil constitutionnel donna au Pacs une orientation résolument sexuelle 8. Il y affirme

1
CEDH, 20 juin 2006, Zarb Adami c/ Malte, Rev. dr. patrim., 2007, obs. SURREL, p. 871.
2
V. concernant l’exclusion des personnes homosexuelles de l’armée britannique : CEDH, 27 nov. 1999, Lusting-
Prean c/ Royaume-Uni et Smith et Grady c/ Royaume-Uni, Série A, 1999-IX ; RTD civ., 1999, chron. J.-P.
MARGUENAUD, p. 917.
3
CEDH, 24 juillet 2003, Karner c/ Autriche.
4
Pour la Cour, l’homosexualité d’un père ne peut valablement constituer un motif de retrait de son droit de
garde : CEDH, 21 déc. 1999, Salgueiro Da Silva Mouta c/ Portugal; RTD civ., 2000, note J.-P. MARGUENAUD,
p. 433.
5
CEDH, 9 janv. 2003, L. et V. c/ Autriche, JCP, G, I, 2003, chron. F. SUDRE, p. 160.
6
CEDH, 26 fév. 2002, Fretté c/ France, JCP, G, 2002, I, note A. GOUTTENOIRE et F. SUDRE, p. 10074.
7
J.-M. LARRALDE, « Libre disposition de son corps et préférences sexuelles », in La libre disposition de son
corps, J.-M. LARRALDE (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et justice », 2009, pp. 263-290.
8
M. GRIMALDI, « Réflexions sur le pacte civil de solidarité du droit français », Defrénois, 2003, 813.

348
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

que « la vie commune ne couvre pas seulement une communauté d’intérêts et ne se limite
pas à une cohabitation entre deux personnes », mais celle-ci suppose « outre une résidence
commune, une vie de couple »1. Appliqué aux couples homosexuels, la décision du Conseil
consacre une forme de « devoir pacsal »2 à connotation sexuelle, détaché de toute idée de
procréation. La sexualité devenant « récréative »3, toute pudeur législative est abandonnée
au profit d’une conjugalité non procréatrice.

B) Un traitement indifférencié des sexualités conjugales

384. L’indépassable inégalité physiologique. L’inégalité physionomique entre


hommes et femmes est indépassable car elle tient tout simplement à l’impossible
procréation4 des premiers entre eux, mais aussi des secondes sans les premiers. Le rapport
de complémentarité qui en découle est irréductible et ne s’entend ni en termes de
supériorité des uns, ni d’infériorité des autres. Il s’agit d’une réalité objective que ni les
revendications féministes, ni les interventions du législateur ou l’évolution des mœurs et
des techniques scientifiques ne sauraient dépasser. Il en va de l’identité même des
individus et de la complémentarité des sexes dans un monde en harmonie, où chacun
assume une fonction selon ses capacités physiologiques et psychologiques. Sans cela, le
risque est d’aboutir à une confusion des genres.
385. Une complémentarité des sexes mise à mal. Délaissant le terrain du « sexe »
pour ne s’intéresser qu’à un genre neutre5, plus malléable et subjectif6, le droit offre à
chaque personne la possibilité d’être ce qu’elle souhaite, indépendamment de son sexe
biologique. La désexualisation du mariage et de la filiation qui en découle relègue le droit à
n’être qu’un simple instrument garant de cette liberté individuelle. Or, la question se pose
de savoir quel intérêt y-a-t-il à vouloir nier le sexe biologique ? Au nom de quelle liberté
l’individu choisirait lui-même ce qu’il sera, homme, femme, ou peut être les deux à la
fois ? Nier juridiquement la spécificité de l’homme et de la femme -y compris sur le plan

1
Cons. const. 29 nov. 1999, déc. précit., cons. n° 26.
2
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur F. CABALLERO, Le droit du sexe, Paris, Lextenso éd.,
2010, p. 285.
3
L’expression est empruntée au chimiste Monsieur Carl DJERASSI, un des pères fondateurs de la pilule. Pour ce
dernier, disparu en janvier 2015, la pilule sera très certainement obsolète en 2050 au profit de la « stérilisation
pour tous », car la technologie reproductive sera pour le chimiste suffisamment pointue, banale et peu coûteuse.
C’est l’aboutissement de ce qu’il appelle « procréation sans sexe et sexe sans procréation ».
4
L. AYNES, « Le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe : trop ou trop peu »,
D., 2012, p. 2750.
5
TGI Tours, 20 août 2015, AJ fam., 2015, pp. 613-15, note S. LE GAC-PECH ; J. HAUSER, « Le mystère du
chevalier d’Éon », JCP, G, 2015, n° 44, 1157.
6
A. MIRKOVIC, « Le coût juridique. Les conséquences de la théorie du gender sur la filiation », in « La théorie
du gender », vers une nouvelle identité sexuée ?, op. cit., pp. 53-68.

349
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de l’engendrement d’un enfant1- aboutit à nier le lien entre la filiation de l’enfant et


l’engendrement.
386. Des rôles parentaux interchangeables. L’essor de la théorie du gender2, en
droit favorise l’idée que les rôles et places de chacun dans la société seraient
interchangeables. Bien qu’une partie de la doctrine ait formulé un plaidoyer pour une
théorie du droit des personnes et de la famille émancipée du genre 3, la loi de financement
de la sécurité sociale pour 20134 complète le congé de paternité dont bénéficie le père à la
naissance de son enfant par un « congé d’accueil de l’enfant » qui modifie l’article L.
1225-35 du Code du travail. Désormais, l’homme ou la femme vivant maritalement avec la
mère de l’enfant peut prétendre, tout comme le père mais sans forcément l’être, à un congé
de 11 jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs en cas de naissances multiples5.
Cette mesure vise, selon les propos de Monsieur CAVARD à l’Assemblée nationale le 26
octobre 2012, à « rétablir l’égalité des droits, et à donner à tous les parents, quelle que soit
la forme de leur sexualité, le temps d’accueillir leur enfant ». La vie commune avec la
mère ouvre désormais droit à ce congé sans même poser la question préalable de
l’investissement de cet adulte auprès de l’enfant. La Cour de cassation avait pourtant refusé
d’aménager le congé de paternité au profit d’un tiers, même investi auprès de l’enfant, pour
le réserver uniquement au père, mieux à même d’en bénéficier6. À cet égard, outre qu’elle
ne favorise pas l’engagement parental la mesure est peu respectueuse de l’intérêt de
l’enfant, et contrevient à plus forte raison au principe de coparentalité7.
387. La fin de l’approche binaire de l’état civil. L’acte de naissance indique, à
partir de l’identité biologique déclarée, l’identité sexuelle de l’individu et comporte le plus
souvent la mention d’un père et d’une mère. Ces éléments permettent la détermination de
la généalogie. À partir de cette identité sexuelle initiale, l’individu est reconnu comme
appartenant à la catégorie juridique des hommes ou celle des femmes. Si cet individu se
marie, il devient mari ou femme dans le cadre de l’union conjugale. Aujourd’hui, la
consécration du mariage pour tous consacre non pas l’égalité des sexes mais leur
indifférenciation, laquelle conduit à la « désexualisation » de la famille8. Sous l’habillage

1
Cf. infra, spec. n° 535.
2
V. en ce sens : S. HENNETTE-VAUCHEZ, M. PICHARD, D. ROMAN (dir. de), La Loi&Le Genre, Études critiques
de droit français, Paris, CNRS éd., 2014.
3
D. BORILLO, « Pour une théorie du droit des personnes et de la famille émancipée du genre », in Droit des
familles, genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 7-24.
4
L. n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013.
5
A. MIRKOVIC, « Congé de paternité : instauration d’un congé d’accueil de l’enfant », D., 2012, p. 2600.
6
Cass. civ. 2ème, 11 mars 2010, n° 09-65.853, D., 2010, note A. MIRKOVIC, juris. 1394; D., 2011. obs. J.-J.
LEMOULAND et D. VIGNEAU, pan. 1040; D., 2011, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, pan. 1585; AJ fam., 2010, obs.
F. CHÉNEDÉ, p. 184; RDSS, 2010, note M. BADEL, p. 534; RTD civ., 2010, obs. J. HAUSER, p. 315.
7
M. DROUCET, « Vers un nouveau statut parental ? », AJ fam., 2012, p. 542.
8
C. NEIRINCK, « Faut-il tenir compte du sexe des êtres humains ? », Rev. dr. fam., 2012, n° 12, repère 10 ; du
même auteur, « Homoparentalité et désexualisation de l’état civil », Rev. dr. fam., 2012, n° 7, repère 6.

350
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

d’un mariage pour tous, il s’agit de supprimer l’exigence, jusqu’à présent impérative, de
l’altérité sexuelle en lien direct avec la procréation. Pour assurer une égalité dans
l'indifférenciation sexuée, la désexualisation du vocabulaire de la famille a été
programmée1. Toutes les références sexuées sont remplacées par une terminologie neutre :
mari et femme par époux ou conjoints, père et mère par parents, terme générique qui
désigne tous ceux qui sont dans un rapport de parenté. À la parenté est substituée la
parentalité, qui conduit à distinguer les deux parents par un chiffre. Or, la filiation sociale
et juridique d’un enfant s’inscrit de manière plus globale dans une histoire que traduit l’état
civil2, laquelle conjugue tant la réalité de l’engendrement par les parents, que l’ordre
culturel symbolique qui entoure cette histoire à travers la connaissance de ses origines et de
sa généalogie. C’est de cette différence sexuée des générations que l’enfant occupe une
place et se définit à partir de sa représentation du monde en intégrant les repères
fondamentaux du vivre ensemble3.
388. La confusion des genres. « Il n’y a plus d’hommes et plus de femmes ! »
ironisait un auteur4. L’identité indifférenciée des droits des membres du couple a conduit à
une égalité abstraite et cette « évolution est sans limite »5. En mettant en cause la
différenciation sexuelle au sein du couple, il serait mis fin à l’ « homophobie ». Telle est
l’idée qui ressort de l’ouvrage de Madame le professeur Irène THERY, pour qui le besoin
des couples homosexuels d’ « être comme les autres » reposerait sur le sentiment d’être
relégués en dehors de la condition humaine commune6. Ceci expliquerait que toute
spécification de l’homosexualité soit bannie au profit d’une vision assimilationniste de
l’humanité -quitte à passer outre le réel observable. Pourtant, il y a là une forte confusion
entre les différences de fait et les inégalités. Si la réponse du droit consiste à effacer toute
différence de traitement reposant sur la différence des sexes, l’égalité ne s’entend ni d’un
universel abstrait, et postule encore moins l’indifférence. Surtout, faute de prendre en
compte les spécificités inhérentes à chaque situation, elle conduit à la négation de la dualité
originaire, somme toute universelle. Abandonnée, la différence de sexe n’est aujourd’hui
plus un impératif et la conjugalité ne repose plus que sur les sentiments. Initialement
limitation du politique, les droits de l’homme sont aujourd’hui un but en soi7. La

1
M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit » in « La théorie du gender »,
vers une nouvelle identité sexuée ?, op. cit., pp. 33-50.
2
V. nos développements, infra, n° 387.
3
J.-L. RENCHON, « Une filiation monosexuée ? », art. precit., pp. 249-250, spec. n° 22.
4
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », in Les sexualités : répression, tolérance, indifférence,
M. BAUDREZ, T. DI MANNO (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 75-108.
5
J. ROCHE-DAHAN, « La différenciation sexuelle au sein du couple, approche de droit comparé : droit canonique,
droit hébraïque, évolution du droit français », art. precit., p. 103.
6
I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 253.
7
M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Internationalisation des droits de l’homme et évolution du droit de la famille : un
voyage sans destination », in Internationalisation des droits de l’homme et évolution du droit de la famille,
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ (dir. de), Paris, LGDJ, 1996, pp. 179-213.

351
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

survalorisation de l’individu et la satisfaction de ses désirs individuels conduisent à la


transformation de l’office de l’ordre public en droit de la famille1, et ceci n’est que
symptomatique d’une philosophie d’autonomisation de l’individu par rapport au groupe
auquel il appartient.

1
F. NIBOYET, L’ordre public matrimonial, LGDJ, coll. « Bibliothèque de droit privé », 2008.

352
Conclusion du chapitre premier

389. L’étude du pluralisme familial consacré en 1999 par le législateur s’est avérée
être le tournant de la fin du XXème siècle, lequel a ouvert la voie à ce que Monsieur le
professeur Pierre MURAT a désigné comme le « libéralisme par concurrence entre les
normes juridiques »1. Le mariage homosexuel en constitue l’exemple topique, car il illustre
parfaitement le phénomène de « contagion par imitation législative »2. Au fond, c’est bien
l’idée telle que l’a décrite Monsieur le professeur Hugues FULCHIRON, lorsqu’il dénonçait
la loi du libéralisme maximum3 qui tend à s’imposer aux autres. Abordée sous l’angle de la
discrimination, la question du mariage homosexuel supposait au préalable de découpler le
mariage -institution sexuée- de la procréation. En désexualisant celui-ci, l’anéantissement
de la force de la présomption de paternité qui s’ensuit conduit à la rupture du lien vertical
qui lie l’enfant à ses parents. Plus rien ne justifie dès lors que le mariage soit l’apanage des
couples hétérosexuels, l’égalité en termes de libre exercice des droits étant atteinte au
profit des couples de même sexe. Dans ce processus de déconstruction4, l’indifférence
sexuelle dans le couple est le maître mot, et le mariage « perd une partie de sa substance : il
n’est plus l’acte fondateur d’une famille mais le simple cadre de relations entre deux
personnes qui forment un couple »5. Abaissé au niveau des nouvelles conjugalités, un
mouvement de concurrence juridique s’ouvre alors entre mariage, Pacs et concubinage,
lesquels constituent le nouveau droit du couple, totalement autonome du droit de la famille.
Dans ce contexte, l’affaiblissement du mariage « paraît irrémédiablement consommé »6, et
le rapprochement entre les trois formes de conjugalité est aujourd’hui indiscutable. C’est
pourquoi la sagesse commanderait désormais de trouver un point d’équilibre. Il serait en
effet périlleux d’envisager un statut unique aux trois formes de conjugalité que connaît
aujourd’hui le droit de la famille. Le pluralisme institué répond à une attente sociale, et
tout retour en arrière est impossible7. L’évolution engagée depuis plusieurs décennies
maintenant doit connaître une pause8, afin de procéder à une restructuration des règles

1
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage –Conjugalité, Parenté-Parentalité,
H. FULCHIRON (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires », 2009, p. 242.
2
Ibid., p. 242.
3
H. FULCHIRON, « Existe t-il un modèle familial européen ? », Defrénois, 2005, art. 38239.
4
M. DOUCHY-OUDOT, « Les étapes juridiques de la déconstruction familiale », in La réforme du mariage,
Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers, DMM, 2013, pp. 11-31.
5
H. FULCHIRON, « Mariage, conjugalité ; parenté, parentalité : métamorphose ou rupture ? », in Mariage –
Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., p. XII.
6
J.-J. LEMOULAND, « L’émergence d’un droit commun des couples », in Mariage –Conjugalité, Parenté-
Parentalité, op. cit., p. 43.
7
V. contra : Institut Famille&République, Le mariage&La Loi. Protéger l’enfant, Nancy, IFR, 2016.
8
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », in Mélanges en l’honneur du
professeur Raymond LE GUIDEC, LexisNexis, 2014, p. 787 ; P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille,
Paris, LGDJ, 5ème éd., 2016, n° 89, p. 62.

353
présidant à la vie de couple que la doctrine appelle de ses vœux. Cette restructuration
gagnerait en lisibilité et en cohérence si elle admettait l’existence d’un régime impératif
conjugal commun à toutes les formes de conjugalité. L’impératif de protection de la
personne au fondement de cette mesure constitue, à n’en pas douter, une valeur phare du
système français, qui trouve sa place aux côtés des principes d’égalité et de liberté. C’est
pourquoi le législateur gagnerait en humanité et en cohérence s’il consacrait expressément
une telle protection au profit de tous les couples conjugaux. Ainsi que le souligne
Monsieur le professeur Jean HAUSER, « si la stabilité comme l’indisponibilité ne sont plus,
de façon indiscutable, parmi les grands cadres de la société elle-même leur valeur
individuelle demeure sans doute. Mais alors c’est à travers l’individu que se reconstitue
l’ordre public familial et tout est très différent. D’un ordre public tourné vers
l’épanouissement de la société présumé assurer celui de l’individu, on passe à un ordre
public tourné vers l’épanouissement de l’individu présumé assurer celui de la société »1.
Dans ces conditions, et au vu de la complexité de la vie affective et de la plasticité du
psychisme humain, la question se pose de savoir si ce modèle de familles tel que consacré
par le législateur français a des chances de prospérer outre-méditerranée ? En d’autres
termes, osons poser la question de savoir quelles sont les formes d’union que la société se
doit d’instituer pour préserver la cohésion et la perpétuation du corps social ?

1
J. HAUSER, « Rapport français », in L’ordre public, Travaux de l’Association Henri CAPITANT des amis de la
culture juridique, Journées libanaises, 1998, LGDJ, 2001, p. 484.

354
Chapitre second. L’exportation du modèle familial
français outre-méditerranée

390. Un changement de mentalités. L’actualité jurisprudentielle récente du droit


international privé témoigne incontestablement d’une exportation du modèle familial
français outre-méditerranée, par l’admission du mariage homosexuel d’un couple franco-
marocain. Simple exportation indirecte, cette situation traduit la volonté du juge français
d’offrir une large diffusion à sa récente adoption du mariage entre personnes de même
sexe, à laquelle fait écho l’attitude du système juridique marocain, totalement opaque –
indifférent ?- à une telle décision. Cette indifférence se retrouve également à l’occasion de
la pratique du concubinage par les binationaux en France. Cette tolérance (?) des situations
irrégulièrement formées en France est bien la preuve de la contamination des (bi)nationaux
marocains par le mode de vie européen, et atteste bien au demeurant de leur intégration
(perçue positivement ou négativement), souvent mise à mal par le feu de l’actualité. La
rencontre des modèles familiaux en droit international privé semble donc bien constituer le
vecteur de cette exportation (Section 1) laquelle, loin de s’accomplir outre-méditerranée en
raison de l’incrimination pénale sous le coup de laquelle elle tomberait, relève davantage
de l’ordre du comportement des individus. Matériellement, elle continue à buter sur une
limite encore irréductible dans les pays de tradition musulmane, tenant à l’impératif de
protection de la famille fondée sur le mariage (Section 2).

355
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Section 1. Le droit international privé, vecteur d’une


exportation indirecte

391. La circulation des modèles familiaux. Si les comportements familiaux


constituent des marqueurs du degré d’intégration des étrangers dans un système donné, il
est notable de constater une pratique de plus en plus fréquente de l’union libre par les
ressortissants maghrébins (ou binationaux) de confession musulmane en France (§1). Au
contact du modèle familial français1, ceux-ci semblent s’être laissés séduire par la vague de
libéralisation ayant touché les mœurs occidentales. Inoffensive quant à ses effets sur le
système juridique français, cette adhésion constitue un révélateur du degré d’intégration
des individus au système local. Paradoxalement, la promotion judiciaire de l’union
homosexuelle au-delà des frontières françaises (§2) constitue une réelle menace pour le
modèle familial marocain.

§1) La pratique du concubinage par les français binationaux

392. La réadaptation du mariage coutumier. La pratique du concubinage par les


couples binationaux2 ou mixtes3 en France appelle un arrêt sur la pratique ancienne des
mariages coutumiers au Maghreb. Bien que cette pratique y soit relativement
combattue (A), sa reprise en contexte français permet une meilleure lisibilité de la pratique
du concubinage telle que vécue par ces couples (B).

A) Le mariage coutumier au Maghreb

393. Le consensualisme du mariage musulman. En sa forme traditionnelle, le


mariage musulman est un contrat purement consensuel qui se forme par le simple échange
des consentements, en présence des témoins. La présence de ces derniers est dépourvue de
tout caractère formel, et « confère à celui-ci l’aspect d’un mariage

1
B. BOURDELOIS, « La famille du XXIème siècle et problématiques de conflits de lois », in Mélanges en
l’honneur de Pierre MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 77-89.
2
Le couple binational est ici entendu comme disposant de la double nationalité, la nationalité française et celle
de son pays natal (ou, étant né sur le sol français, il bénéficie de la double nationalité à raison de la naissance de
ses parents dans un des pays du Maghreb).
3
On entend ici par couple mixte le couple composé d’un ressortissant binational marocain, algérien ou tunisien,
et du concubin qui ne l’est pas.

356
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

traditionnel relevant d’une affaire domestique »1. De la même manière qu’il se soucie peu
du formalisme, le mariage musulman n’exige pas d’écrit pour sa validité.
394. Les formalités imposées : la fin du mariage traditionnel. Depuis la
promulgation des trois Codes du statut personnel au Maghreb, les législateurs de ces pays
exigent la rédaction d’un acte authentique permettant d’apporter la preuve du mariage,
l’objectif étant de mettre fin à la pratique des mariages traditionnels. Des lois sur l’état
civil2 ont été mises en place, désignant l’autorité chargée de la célébration du mariage.
Pour satisfaire à l’exigence d’efficacité, l’article 22 de la loi marocaine3 a imposé aux
officiers de l’état civil de porter les mentions principales de l’acte de mariage en marge de
l’acte de naissance de chacun des époux. Lors de la réforme de la moudawana marocaine
en 2004, le législateur renforce le formalisme requis. Désormais, l’obligation est faite à
l’officier de l’état civil de transcrire l’acte de mariage en marge de l’acte de naissance de
chacun des époux4, la règle n’ayant pas eu un caractère obligatoire sous le règne de
l’ancienne moudawana laquelle n’exigeait qu’une simple « expédition de l’acte de mariage
aux services de l’état civil ». La même obligation de transcription est de mise par les
législateurs tunisien5 et algérien. Il existe donc une volonté commune des trois législateurs
de mettre fin à la célébration consensuelle des mariages traditionnels, par l’exigence de
l’écrit6. La législation tunisienne, particulièrement sévère, sanctionne de nullité toute union
qui ne serait pas conclue conformément au formalisme requis, et prévoit même une
sanction pénale de trois mois d’emprisonnement pouvant doubler si le couple en cause
persiste dans la vie commune malgré l’annulation de son union. Particulièrement soucieux
de faire respecter l’interdit de l’union polygamique, le législateur tunisien érige en
infraction pénale la conclusion de mariages traditionnels. Efficace, l’exigence du seul acte
authentique permet d’écarter tout autre moyen de preuve, en bénéficiant d’un système de
preuve du mariage unifié. Cette fermeté caractéristique du législateur tunisien ne se
retrouve pas chez les voisins algérien et marocain qui admettent une autre forme de preuve

1
M. MONJID, L’islam et la modernité dans le droit de la famille au Maghreb, Étude comparative : Maroc,
Algérie, Tunisie, Paris, l’Harmattan, 2013, p. 62.
2
Au Maroc, la célébration des mariages ressortit uniquement de la compétence des adouls -notaires traditionnels
(art. 13 CMF). En Tunisie, la loi n° 57-3 du 1er août 1957 institue une dualité des autorités compétentes en vue
de la célébration des mariages : au choix des futurs conjoints, le mariage peut être conclu soit devant deux
notaires, soit devant l’officier d’état civil. L’article 18 du Code algérien de la famille reprend cette dualité en
permettant la célébration devant un notaire ou un fonctionnaire légalement habilité ( juge ou officier d’état civil)
(cf. art. 71 de l’ordonnance relative à l’état civil n° 70-20 du 19 février 1970).
3
L. n° 37-99 relative à l’état civil, promulguée par le dahir n° 1-02-239 du 3 octobre 2002.
4
Art. 68 du CMF.
5
Art. 34 de la loi.
6
V. néanmoins, sur les mariages coutumiers tels que pratiqué en Égypte, S. A ALDEEBABU-SAHLIEH, Religion et
droit dans les pays arabes, Bordeaux, PUB, 2008, p. 192 et s.

357
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du mariage lorsque celui-ci n’a pu, pour des raisons impérieuses1, être formalisé par un
acte authentique.
395. La régularisation encadrée des mariages non authentifiés. Bien que l’acte
authentique soit exigé tant en droit marocain qu’algérien comme preuve de la conclusion
du mariage, les législateurs de ces pays n’ont pas, à l’instar de leur homologue tunisien,
mis en place un système de sanction civile ou pénale lorsque celui-ci fait défaut. L’article
16 alinéa 2 du Code marocain de la famille prévoit la possibilité d’une action en
reconnaissance du mariage2, dans laquelle tous les moyens de preuve sont admis3. La règle
concerne le cas de mariages ayant été conclus en la forme traditionnelle en dehors du
formalisme requis. La reconnaissance par un jugement de la réalité de la vie conjugale 4
permet une régularisation de l’union, initialement limitée à une période transitoire de cinq
ans à partir de l’entrée en vigueur de la moudawana. Cette période a été prolongée pour
une durée de cinq années supplémentaires par dahir du 16 juillet 20105 avant d’être, depuis
peu, prorogée pour la même durée6. Transparaît alors la volonté de régularisation des
unions contractées en la forme traditionnelle avant l’entrée en vigueur des nouvelles
dispositions par le législateur marocain. En effet, l’article 490 du Code pénal punit d’un
mois à un an d’emprisonnement « toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies
par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles ». Par conséquent, la
reconnaissance du mariage permet aux couples n’ayant pu formaliser leur mariage par
l’acte authentique de redresser une situation irrégulière tombant sous le coup des
dispositions pénales, car il est (haram) illicite et attentatoire aux bonnes mœurs
d’entretenir des relations sexuelles hors mariage. C’est pourquoi le couple a tout intérêt à

1
Sur le caractère exceptionnel de cette reconnaissance, cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille,
Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath Annajah Al jadida, 2015, p. 453-465.
2
Prévue à l’article 22 du Code algérien de la famille. Sur cette action, cf. A. WAHCHI, « L’action en
reconnaissance de mariage entre cadre juridique et pratique judiciaire », in Approche plurielle des
problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile,
t. 2, 2015, pp. 188-202 (en langue arabe).
3
À l’occasion d’un litige s’élevant entre une ressortissante marocaine et un ressortissant saoudien au sujet de la
preuve du mariage, la Cour suprême a appliqué (aux fins de protection de l’épouse) les règles plus souples de la
reconnaissance du mariage à l’époux qui invoquait que la relation avec son épouse marocaine n’était pas
considérée comme un mariage au sens de la loi saoudienne. Cf. Cour suprême, 3 sept. 2008, arrêt n° 415, dossier
n° 233/2/1/200.
4
Sur laquelle le couple doit expliquer quelles sont les raisons impérieuses qui l’ont empêché de matérialiser son
mariage par l’acte authentique. Bien que cette action était déjà admise par l’ancienne moudawana de manière
exceptionnelle (anc. art. 5 al. 4), le législateur gardait le silence quant aux raisons qui empêchaient le couple de
matérialiser le mariage par l’écrit, et n’était pas non plus enfermée dans des délais. La reconnaissance du
mariage était donc entièrement soumise à l’appréciation du juge « qui devait prendre en compte l’existence
d’enfants ou de la grossesse issue de la relation conjugale ». Cf. M. MONJID, L’islam et la modernité dans le
droit de la famille au Maghreb, op. cit., p. 65, spec. n° 112.
5
Dahir n° 1-10-103 du 16 juil. 2010, B.O, 5 août 2010, n° 5862, p. 1522.
6
Dahir n° 1-16-2 du 12 janv. 2016, portant promulgation de la loi n° 102-15 modifiant l’article 16 de la loi
n° 70-03 portant Code de la famille, B.O, 4 fév. 2016, n° 6436, p. 164.

358
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

démontrer les raisons impérieuses1 l’ayant empêché de procéder au mariage en bonne et


due forme, auquel cas son union est considéré comme un simple concubinage. C’est
pourquoi la notoriété ainsi que la durée de l’union, l’existence d’enfants ou de grossesse
sont autant d’indices2 permettant de prouver la bonne foi du couple et la réalité du mariage
religieux3.
396. La généralisation de la possibilité de régularisation. Outre la volonté de
régularisation de mariages non authentifiés, louable durant les premières années de l’entrée
en vigueur du Code de la famille, la portée de la prorogation de ce délai pour dix années
supplémentaires laisse perplexe. Si elle pouvait être justifiée en 2004, l’opportunité de sa
prorogation est discutable, ne serait-ce que du point de vue des dérives qu’elle a pu
occasionner et qui sont régulièrement dénoncées4. Alors que la preuve légale du mariage 5
cohabite sans grande peine aux côtés de l’action en reconnaissance de mariage6, elle ne
s’accommode qu’imparfaitement avec l’esprit du Code de la famille mais aussi des
nouvelles orientations au fondement de la réforme constitutionnelle de 2011 7. Un des
objectifs affichés du nouveau Code en son Préambule est d’ « adopter une formulation
moderne, en lieu et place des concepts qui portent atteinte à la dignité et à l’humanisme de

1
Au titre des raisons impérieuses, un jugement du tribunal d’instance de Larache a considéré que celles-ci
étaient constituées lorsque le décès du adoul chargé de délivrer l’acte de mariage aux conjoints, incessamment
reporté, a empêché ceux-ci d’en fournir la preuve. TI Larache, 20 oct. 2006, n° 458/06. A également pu être
considérée comme impérieuse l’impossibilité pour une ressortissante marocaine vivant de manière illégale aux
Pays-Bas de formaliser son union avec un ressortissant marocain engagé dans un mariage non encore dissout.
L’impossibilité de contracter leur union, du fait de l’existence du premier mariage non encore dissout, a pu être
considéré comme une raison impérieuse justifiant la demande d’établissement de la filiation de leur enfant
commun De retour au Maroc, le couple s’était d’ailleurs comporté au vu et au su de tous comme un couple
marié : CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171. Comme en écho à ce cas de figure, les articles 65 à 69 du Code de la
famille n’est pas applicable aux marocains résidant à l’étranger, qui ont désormais la possibilité, en vertu de
l’article 14, de conclure leur acte de mariage conformément aux procédures administratives locales du pays de
résidence. Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, op. cit., p. 455-456.
2
CA Settat, 1/11/2006, n° dossier 1960/02, n° 835/06.
3
Concernant la pratique judiciaire liée à la réception de cette action, cf. A. SALIM, « Le traitement judiciaire de
l’action en reconnaissance de mariage, in Approche plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun.
et coord. par), Rabat, Publications de la revue de la justice civile, t. 2, 2015, pp. 203-212 (en langue arabe).
4
D’une part, le défaut de protection de la femme si le couple venait à se dissoudre pose la question relative aux
potentiels enfants qui en sont nés et qui sont considérés, au regard du droit maghrébin, comme des enfants hors
mariage. Outre le souci de preuve du mariage, c’est la volonté de protection de la femme et des enfants qui
préside à l’authentification du mariage. D’autre part, sont dénoncés le contournement des mariages
polygamiques et des mineurs qui s’ensuit. V. en ce sens : M. MONJID, « Le mariage du mineur en droit marocain
», RIDC, 2015, n° 1, pp. 207-224 ; A. WAHCHI, « L’action en reconnaissance de mariage entre cadre juridique et
pratique judiciaire », in Approche plurielle des problématiques familiales, Z. ELAMARI (réun. et coord. par),
Rabat, Publications de la revue de la justice civile, t. 2, 2015, spec. p. 198 (en langue arabe) ; CNDH, État de
l’égalité et parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs constitutionnels, 2015,
disponible sur www.cndh.ma.
5
Art. 16 al. 1 du Code marocain de la famille.
6
Art. 16 al. 4 du Code marocain de la famille.
7
L’article 32 de la Constitution dispose que « la famille, fondée sur le lien légal du mariage, est la cellule de
base de la société. L’état œuvre à garantir, par la loi, la protection de la famille sur les plans juridique, social et
économique, de manière à garantir son unité, sa stabilité et sa préservation ».

359
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

la femme (…) », en abordant les dispositions de ce texte « avec réalisme et perspicacité »1.
S’il est regrettable que ces deux exigences n’aient pas été au cœur de la nouvelle
modification de l’article 16, la généralisation constatée de l’action en reconnaissance de
mariage nuit à la pleine effectivité des dispositions du Code et en dénature l’esprit 2. Le
primat donné à la tradition juridique islamique ne se trouve ici pas justifié du fait de
l’existence d’un service de l’état civil permettant de répertorier les principaux évènements
de la vie des individus. Si l’absence d’authentification du mariage au temps du prophète
s’accommodait fort bien du crédit attaché à la parole donnée, il n’en est rien aujourd’hui.
Dans un système étranger à plus forte raison, le mariage ne saurait exister sans sa
transcription auprès des services de l’état civil. À défaut de célébration en bonne et due
forme, il s’agit purement et simplement d’un concubinage.
397. L’admission implicite du mariage coutumier en Algérie. Le cas de la
législation algérienne présente une particularité importante en comparaison avec le voisin
marocain. Si l’article 18 du code algérien exige que l’acte de mariage soit conclu devant un
notaire ou un fonctionnaire légalement habilité, l’ambiguïté tient à la lettre de l’article 6 de
ce même code lequel dispose que « la fatiha3 simple concomitante aux fiançailles ne
constitue pas un mariage à proprement dit ». L’article poursuit en précisant que « toutefois,
la “fatiha” concomitante aux fiançailles, en séance contractuelle, constitue un mariage si le
consentement des deux parties et les conditions du mariage sont réunis, conformément aux
dispositions de l’article 9 bis de la présente loi ». Or, l’article 9 bis ne mentionne nullement
l’exigence de l’acte authentique parmi les éléments constitutifs du mariage 4. Étant en
contradiction avec l’article 18 qui exige l’intervention de l’autorité publique, l’article 9 bis
s’accommode également fort bien du silence du Code pénal au sujet des relations sexuelles
hors mariage5. La contradiction des textes laisse perplexe et appelle un éclaircissement
quant à leur portée. Pour l’heure, les mariages traditionnels continuent d’être admis en
droit algérien. Leur reconnaissance, admise par l’article 22 sans condition de délai ni de
caractère exceptionnel corrobore cette pratique en l’absence de disposition pénale express
incriminant les relations hors mariage. Sur le plan probatoire, une telle hétérogénéité
empêche l’unification du système de preuve et s’accommode mal de l’objectif de mise en
place d’un service de l’état civil efficace et fiable.

1
M. LAFROUJI, Code de la Famille, Rabat, 4ème éd., 2015, p. 19.
2
Dans le même sens, cf. A. WAHCHI, « L’action en reconnaissance de mariage entre cadre juridique et pratique
judiciaire », art. precit., spec. pp. 200-201 (en langue arabe) ; contra A. SALIM « Le traitement judiciaire de
l’action en reconnaissance de mariage », art. precit., spec. p. 212 (en langue arabe).
3
Il s’agit de la première sourate du Coran, laquelle est généralement lue à l’issue des fiançailles comme une
invocation à Dieu.
4
Lesquels sont au nombre de 5 : la capacité au mariage, la dot, le waliy, la présence des deux témoins et
l’exemption des empêchements légaux au mariage.
5
Le Code pénal algérien n’incrimine pas expressément les relations sexuelles hors mariage, mais l’article 333
dispose que la personne ayant commis « un outrage public à la pudeur est punie d’un emprisonnement de deux
mois à deux ans et d’une amende de 500 à deux mille DA ». Se situant dans la partie relative aux attentats aux
bonnes mœurs, cette disposition semble néanmoins bien devoir s’appliquer aux relations sexuelles hors mariage.

360
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

B) L’exportation du mariage coutumier en France

398. Une nouvelle forme d’union : le concubinage halal. En théorie combattu par
les pays du Maghreb1 (exception faite de l’Algérie), le mariage coutumier est pourtant
repris en contexte français. Nombre de binationaux, nostalgiques du retour à l’ère de la
sunna islamique, se prévalent de plus en plus de la licéité de ce type de mariage sur le plan
religieux afin de conclure des mariages traditionnels, lesquels constituent davantage une
forme de concubinage « à la française »2 non reconnu par le droit maghrébin. C’est
pourquoi la question se pose est celle de savoir si cette pratique traduit un réel retour à une
tradition prophétique, laquelle doit être contextualisée, ou davantage une adhésion
réfléchie au concubinage tel que réglementé par le législateur français. Afin de tenter
d’apporter des éléments de réponse, le recours à la sociologie, particulièrement à la notion
de groupe, se révèlera être un curseur incontournable dans une telle entreprise (1). La
pratique du mariage coutumier prendra davantage les allures d’un concubinage
accommodant pour le couple, nécessitant une légitimation du groupe de référence qui
passe par la dimension religieuse du mariage coutumier (2).

1- La dimension socio-juridique du sentiment


d’appartenance

399. Règle de droit et sentiment d’appartenance à un groupe. En principe, les


rapports entre l’appartenance d’un individu3 à un groupe donné et le droit ne sont pas
considérés par ce dernier. L’appartenance d’un individu à un groupe peut, tout au plus,
faire naître un sentiment d’appartenance, voire un sentiment d’identité. Les liens potentiels
entre droit et sentiment d’identité ont fait l’objet d’un travail de recherche que Monsieur
Daniel GUTMANN se propose d’élucider4. Si l’auteur convient aisément de « l’indifférence
du droit à la sphère psychologique », celui-ci relève, paradoxalement, que « l’évolution
récente (…) confie au droit une mission sans précédent : celle de constituer la dernière

1
Outre le défaut de protection de la femme si le couple venait à se dissoudre, les potentiels enfants qui en sont
nés sont considérés, au regard du droit maghrébin, comme des enfants hors mariage. C’est donc outre le souci de
preuve du mariage, la volonté de protection de la femme et des enfants qui préside à une telle authentification du
mariage.
2
Avec tous les avantages sociaux qui lui sont attachés.
3
Voir, dans le cas de l’enfant : M.-C. FOBLETS, « L’enfant d’une famille musulmane. Questions particulières
relatives à la gestion par le droit de l’appartenance », in L’enfant et les relations familiales internationales, J.-L.
RENCHON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Famille&Droit », 2003, pp. 235-263.
4
L’auteur définit ainsi le sentiment d’identité : celui-ci repose sur une double dimension. La première,
diachronique, « se définit comme le sentiment de la personne de demeurer la même à travers le temps ». La
seconde, synchronique, permet d’apparenter le sentiment d’identité « au sentiment de rester le même à travers la
pluralité des situations de confrontation avec autrui ». Cf. D. GUTMANN, Le sentiment d’identité, Étude de droit
des personnes et de la famille, Paris, LGDJ, 2000, p. 24.

361
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

instance normative légitime après le déclin de la morale traditionnelle, et de prendre en


charge la psychologie individuelle plus qu’il ne l’avait jamais fait »1. Si l’idée du déclin de
la morale traditionnelle est partagée à tel point que certains philosophes contemporains 2
ont pu en expliquer tant le processus que les causes, les juristes ne semblent pas être en
reste d’une telle tendance. Utilisant à cette fin la notion de « norme sociale de conduite »,
Monsieur Samuel BENISTY tente de faire de cet instrument « un concept mobilisable,
notamment pour mener une analyse critique du statut que lui a forgé la pensée privatiste »3.
Si le groupe constitue le cadre idéal d’émergence de la norme sociale4 -ses membres
présentant le plus souvent « des caractères objectifs communs particulièrement saillants »5,
la norme sociale de conduite qui s’y déploie « à raison du partage des normes personnelles
d’une part, et des interactions fréquentes et influences réciproques entre ses membres
d’autre part »6, procède d’une « norme de conscience partagée ». Cette intériorisation des
valeurs et des normes favorise le partage, la transmission et la pérennité de la norme
sociale de conduite. Mieux encore, ce résultat est particulièrement mieux atteint par
l’accueil de nouvelles personnes lesquelles, socialisées7, se verront enraciner « au plus
profond de (leurs) âme(s) les valeurs et normes du groupe »8 en vue de les considérer

1
D. GUTMANN, Le sentiment d’identité, op. cit., p. 23. Cette idée trouve son prolongement dans les analyses
menées par Monsieur David MARTEL. Pour l’auteur, le rapport d’obligation « définit comme un lien de droit
avec autrui, apparaît particulièrement sensible à la variation du degré d’altérité », et peut constituer un « puissant
perturbateur » du système juridique. Afin de parvenir à ce résultat, l’auteur part de l’hypothèse que « lorsque des
personnes forment une communauté, l’altérité entre elles diminue tant et si bien que le rapport de droit ne saurait
être appréhendé de la même manière qu’à l’égard d’un parfait étranger », toute communauté de personnes
constituant un ordre juridique particulier. Particulièrement au sein du groupe familial, le lien extrêmement intime
qui unit ses membres réduit grandement le critère d’altérité. C’est pourquoi l’auteur estime « nécessaire de
relever les liens existants entre les membres d’un même groupe pour en retirer tout le contenu normatif », sans
quoi le juge ignorerait la nature humaine elle-même alors que son rôle est décisif dans tous les actes de la vie.
L’auteur relève pourtant que cette prise en compte de la communauté d’appartenance, bien que se présentant
souvent sous la forme de règles informulées, serait déjà opérée par les juges qui « ne se limitent pas aux règles
générales et abstraites des codes. En fonction du degré d’intégration à une communauté, du degré d’altérité entre
ses membres, le rapport de droit sera plus ou moins transfiguré par la prise en considération d’un autre ordre
juridique ». Cf. D. MARTEL, Le rapport d’obligation dans une communauté de personnes, Paris, Bibliothèque de
l’Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne- André TUNC, t. 34, 2012, spec. p. 123 et s., n° 483 et s.
2
M. GAUCHET, Le désenchantement du monde : une histoire politique de la religion, Paris, Gallimard, 1985.
3
S. BENISTY, La norme sociale de conduite saisie par le droit, Paris, Institut universitaire Varenne, « coll. Des
Thèses », 2014, p. 306. En droit privé particulièrement, l’auteur relève que l’absence caractérisait la norme
sociale jusqu’aux années 60, le Droit n’étant mis en concurrence qu’avec la Morale et la Religion. Cependant,
celui-ci relève une simple concurrence de façade, les impératifs moraux relevant davantage de la liberté
individuelle. Ce n’est que depuis l’avènement des réformes du doyen CARBONNIER que le Droit à réellement été
mis à l’épreuve d’une nouvelle norme qu’est la règle de mœurs, derrière laquelle se profilait la norme sociale.
Pour autant, l’auteur croit en la nécessité d’un réel besoin de réhabilitation la « normativité sociale », car « la
pensée juridique cantonna son emprise à la régence de situations intéressant principalement bienséance et
politesse ». spec. p. 307.
4
Que l’auteur qualifie comme étant une « chose diffuse et fuyante, émanant d’un groupe personnifié », thèse
precit., p. 156.
5
S. BENISTY, op. cit., p. 153.
6
Ibid., 167.
7
Ibidem., p. 155.
8
Ibidem., p. 156.

362
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

comme siennes. L’individu « intègre ainsi pleinement l’entité et devient apte à y


développer des relations, s’adaptant avec succès à la vie sociale »1.
400. Sentiment d’appartenance et umma islamique. Cette analyse, combinée au
concept de umma islamique2, favorise l’émergence d’un tel groupe au-delà des frontières.
Rappelons que la umma fonctionne comme un corps opaque et contraignant, dans lequel
l’individualité singulière de chacun se confond nécessairement avec toutes les autres
individualités, car l’individu accepte tacitement de se dessaisir d’une partie de lui-même au
profit de la collectivité. Il en résulte que la umma, instance de référence, dispose de la
norme sociale et de sa validation. Aussi, « manquer aux impératifs partagés, c’est
s’exposer mécaniquement à la désapprobation de tous ceux qui les ont intériorisés, et qui
sont en mesure d’exprimer ce mécontentement », c’est pourquoi Monsieur BENISTY
souligne que le conformisme est de mise, car les membres du groupe qui ont permis
l’intériorisation de la norme disposent également de sa sanction3. La place même de
l’individu au sein de son groupe de référence est tributaire de son action, car le défaut de
conformisme est sanctionné d’exclusion. C’est donc un cadre relationnel parfait pour les
jugements individuels. Cette attitude, dénoncée par Madame le professeur Jacqueline
POUSSON-PETIT, présente un risque permanent de voir des maghrébins ou des Français
d’origine maghrébine vivre totalement ou partiellement sous l’emprise de normes
religieuses et culturelles relevant de la communauté musulmane 4 plutôt que sous les
normes juridiques. L’ambivalence qui résulte de l’application des normes religieuses et
culturelles d’un côté, principes européens de liberté, laïcité et égalité de l’autre, est
révélatrice de « l’écartèlement entre les normes juridiques françaises et les normes socio-
religieuses ». C’est d’autant plus regrettable que les pays du Maghreb eux-mêmes œuvrent
continuellement à la promotion du statut de la femme notamment, alors qu’il se constate en
France que certains « vivent encore en marge du droit et sous l’emprise de normes
traditionnelles pétrifiées et déformées (…) », car « il s’agit de pratiques sociales, rituelles
propres à telle ethnie ou à tel village… »5.
401. L’appartenance religieuse ignorée du droit français. Si l’ordre juridique
français peut reconnaître des effets juridiques au sentiment d’appartenance du fait de
l’existence d’une double nationalité6, celui-ci ne reconnaît pas l’appartenance religieuse

1
Ibidem., p. 156.
2
Cf. supra, spec. n° 57.
3
Monsieur BENISTY l’exprime parfaitement lorsqu’il explique qu’en « en se pliant aux règles sociales, chacun
des membres a l’impression de respecter sa propre idée du bien, tout en évitant les rétributions hostiles attachées
à la norme sociale. Réciproquement, l’hommage à cette norme provoque un jugement de valeur favorable dont
les conséquences relationnelles objectives, extrapolées à l’échelle du groupe, se traduisent par un renforcement
de la position statutaire ». S. BENISTY, op. cit., p. 167.
4
J. POUSSON-PETIT (dir. de), Les droits maghrébins des personnes et de la famille à l’épreuve du droit français,
Paris, l’Harmattan, 2009, p. 358 et s.
5
Ibid., pp. 358-359.
6
Par l’application notamment de la loi nationale de l’étranger.

363
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

des individus1 qui ressortit à leur vie privée. En effet, la loi du 9 décembre 1905 sur la
séparation des Églises et de l’État pose un système de reconnaissance négative des cultes,
qui cessent d’être un fait public pour se cantonner dans le seul domaine du privé.
L’actualité nous en offre d’ailleurs des illustrations récurrentes2. Cette neutralisation de la
religion explique qu’au sein du système français, celle-ci relève exclusivement du ressort
de la liberté individuelle et ne saurait en aucun cas interférer avec la conception citoyenne
de l’individu3. Cette idée traduit une conception de « la modernité politique (qui) consiste
précisément dans cette séparation entre l’État et la société, entre la sphère publique et le
domaine privé »4, de plus en plus intériorisée par les binationaux en France. C’est pourquoi
est aujourd’hui discutée la question d’un « Islam de France » qui emprunterait de plus en
plus à la tradition juridique et politique française les moyens permettant sa solubilité dans
l’espace public français. L’Islam véhicule une dimension sociale et collective que la
conception française de la laïcité « entend réduire (le fait religieux) à une simple
expression rituelle privatisée »5. Cette volonté d’articuler l’appartenance religieuse avec les
valeurs véhiculées par la République laïque atteste bien du souci d’adaptation des
binationaux, et traduit l’expression d’une double appartenance, condition d’équilibre
personnel et familial6.

2- Le concubinage « halalisé »

402. L’existence d’une pratique du concubinage par les binationaux en France.


La recherche du juste équilibre entre le sentiment d’identité du binational -notamment de
son statut personnel- et les exigences de la société française peut parfois, être délicate à
trouver7. L’effort d’adaptation à la société d’accueil suppose une permanente redéfinition

1
Sur cette question, V. F. FREGOSI, « Droit français et norme religieuse ou les limites d’une prise en compte
dans un État laïque : le cas de l’Islam », in L’étranger et le droit de la famille, pluralité ethnique, pluralisme
juridique, P. KAHN (dir. de), Paris, Mission de recherche « Droit et Justice », La Documentation française, 2001,
pp. 183-200.
2
Cf. le débat récurrent de retrait des crèches installées en mairie à l’occasion des fêtes chrétiennes de Noël, ou
plus récemment le retrait ordonné de la statue de Saint JEAN PAUL II dans la commune de Ploërmel (dans le
Morbihan) par le tribunal administratif, jugée ostentatoire sur la place publique : TA Rennes, 30 avr. 2015,
infirmé par la CAA (24 nov. 2015) Nantes à raison d’un vice de procédure.
3
D. GUTMANN, op. cit., p. 403. “La nation, a-t-on écrit, se définit par son ambition de transcender par la
citoyenneté des appartenances particulières, biologiques (telles du moins qu’elles sont perçues), historiques,
économiques, sociales, religieuses ou culturelles, de définir le citoyen comme un individu abstrait, sans
identification et sans qualification particulières, en deça et au-delà de toutes ses déterminations concrètes »,
D. SCHNAPPER, La communauté des citoyens, p. 49, cité par D. GUTMANN.
4
Ibidem., p. 416.
5
F. FREGOSI, « Droit français et norme religieuse ou les limites d’une prise en compte dans un État laïque : le
cas de l’Islam », art. precit., p. 185.
6
D. GUTMANN, op. cit., p. 405.
7
M. SIMONET, « L’étranger entre deux droits : les facteurs d’adhésion des populations étrangères aux systèmes
judiciaire et juridique français », in L’étranger et le droit de la famille, pluralité ethnique, pluralisme juridique,
op. cit., pp. 115-146.

364
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

de soi-même, que le contact entre des modèles familiaux différents peut renforcer. Cet
exercice de redéfinition en rend le sentiment d’identité d’autant mobile. C’est pourquoi
avec Monsieur GUTMANN, « il faut se garder de se laisser porter par la vague qui accentue
trop hâtivement la prétendue incompatibilité entre valeurs de l’Islam et valeurs judéo-
chrétiennes. L’incapacité prétendue de l’Islam à opérer, par exemple, une distinction entre
le temporel et le spirituel semble ainsi démentie, tant par l’approfondissement de la
doctrine musulmane, que par la vaste adhésion des musulmans vivant en France au
principe de la laïcité »1. À l’occasion d’une étude menée par une anthropologue2, l’auteur a
pu relever, à partir des enquêtes menées -particulièrement auprès de la population
féminine- que lorsque celle-ci ne pouvait -ou ne voulait- se marier, l’intériorisation
profonde des valeurs de la société islamo-maghrébine empêchait nombre de femmes de
vivre ouvertement en relation concubinaire. Le besoin de légitimation de l’union auprès du
groupe d’appartenance constitue une constante qui ne saurait être dépassée sans s’exposer
à la sanction d’exclusion du groupe et à son jugement. C’est pourquoi la lecture de la
première sourate du Coran (la fatiha3) en présence de la famille et de l’entourage proche4
permet de « cérémonialiser » l’union, la faisant rentrer dans le licite acceptable par le
groupe. Il n’en demeure pas moins que l’union conserve toutes les caractéristiques du
concubinage au regard du droit français, et tombe sous le coup de la loi pénale au Maroc et
en Tunisie. Ainsi que le souligne l’auteur, « la conduite de ces femmes (…) ne crée pas de
schizophrénie (…) mais les oblige à un comportement de convenance, c’est-à-dire à
habiller d’islam certaines de leurs conduites contraires à l’islam, mais qui ne peuvent
s’exprimer qu’au vu et au su de tous ».
403. Malgré une forte volonté des États maghrébins à préserver l’identité
nationale de leurs ressortissants. En droit international privé, la règle de conflit de lois
applicable au statut personnel des binationaux 5 a une incidence directe sur leur sentiment
d’identité. En France, l’alinéa 3 de l’article 3 du Code civil pose une règle de droit

1
D. GUTMANN, Le sentiment d’identité, op. cit., p. 372.
2
S. RADI, « Mariage religieux et concubinage chez les musulmans de Marseille », Anthropologie de
l’immigration, G. BOËTSCH, J.-N. FERRIE (dir. de), Marseille, Institut de recherches et d’études sur le monde
arabe et musulman, coll. « Les Cahiers de l’IREMAM », 1992, pp. 43-47.
3
Laquelle au demeurant sert davantage, ainsi que l’exprime Madame RADI, à « connecter le mode de vie
française aux obligations de la société arabo-musulmane, et permet aux femmes de mon enquête de vivre selon
le mode de vie qui leur plait sans perdre leur appartenance identitaire. Il exprime circonstanciellement leur statut
de musulmane (…) et ne fonctionne pas dans le sens de la pérennisation de l’identité religieuse puisqu’il limite,
de fait, le religieux à un comportement de convenance géré du point de vue de l’intérêt personnel de chacune des
femmes », en inscrivant, “en douceur” l’islam dans un processus de laïcisation. Il est une utilisation de la
tradition pour sortir de la tradition ».
4
Cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5 ème éd., 2016, n° 236, p. 160. Les auteurs
soulignent que de telles unions sont célébrées en violation du droit français et ne constituent pas des mariages.
Néanmoins, si une promesse de mariage y est jointe, la rupture entraîne la condamnation à des dommages-
intérêts.
5
V. en ce sens : M. CHARFI, L’influence de la religion dans le droit international privé des pays musulmans,
Rec. Cours La Haye, 1987, t. 203, p. 329 et s. ; J. DEPREZ, Droit international privé et conflits de civilisation,
Rec. Cours La Haye, 1988, IV, 19.

365
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

bilatérale qui permet de régler l’état et la capacité des personnes en matière de statut
personnel par la loi nationale de l’étranger. La vocation « recognitive » de la règle de
conflit de lois1 permet de préserver la spécificité de l’étranger sur le sol français. La
vocation « intégrative » de cette même règle traduit en revanche l’impératif d’intégration à
la société française. Difficiles à mettre en pratique, ces « vocations contradictoires »2 sont
amplifiées par la volonté des États d’origine 3 « de conserver aux personnes les principes
fondamentaux de leur identité nationale » compte tenu de « l’importance des relations
personnelles et familiales existant entre les ressortissants des deux États »4. Ainsi que le
souligne Monsieur le professeur Paul DECROUX au sujet de la convention franco-
marocaine, outre qu’elle ne concerne que les familles disloquées, « le texte ne donne
évidemment pas une définition de ce terme (famille), le contexte indique qu’il s’agit de la
famille fondée sur le mariage. Il ne s’agit pas de l’institution évolutive, laissée plus ou
moins à la fantaisie des partenaires, admise de nos jours dans le monde occidental, où le
terme concubins a presque disparu, remplacé par la formule “personnes vivant
maritalement”, c’est-à-dire comme des époux »5. L’affirmation qu’il faille conserver aux
personnes les principes fondamentaux de leur identité nationale est critiquable d’un double
point de vue. Sur le plan de la politique d’intégration par le pays d’accueil, il se crée « au
sein d’un État des entités nationales, repliées sur elles-mêmes, des îlots étrangers de même
nationalité soumis à leur loi d’origine »6. La fonction intégrative de la loi cède alors au
profit de sa fonction recognitive, davantage réceptive à la personnalité des statuts et aux
éléments de rattachement qui en découlent tels que la nationalité et, à plus forte raison, la
religion. L’appartenance de l’individu devient donc source d’effets juridiques que le droit
lui reconnaît, et empêche l’exigence d’assimilation au sein de son nouvel État d’accueil. Le
procédé est ensuite contestable lorsque la personne n’a que très peu d’attaches avec son
pays natal, particulièrement lorsqu’il s’agit des enfants de la deuxième, voire de la
troisième génération qui peuvent n’avoir que des liens distendus avec le pays de leurs
auteurs ou, lorsqu’un étranger réside depuis longtemps dans un pays dont la culture est très
différente de celle de ses origines et qu’il ne souhaite plus être soumis à des règles qui ne

1
D. GUTMANN, op. cit., p. 373 et s.
2
C’est pourquoi l’alternative de l’option de législation pourrait être envisagée, car elle reposerait sur une
acculturation volontaire de l’individu, dont les ressorts sont à chercher du côté de l’autonomie de la volonté.
V. infra, n° 411.
3
Dans le cas du Maroc, la volonté de feu sa Majesté le roi HASSAN II a été on ne peut plus claire d’exercer un
contrôle politique et religieux étroit sur l’émigration marocaine en Europe, outre ses déclarations à la télévision
française contre toute intégration des marocains en France.
4
P. DECROUX, « La Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la
famille et à la coopération judiciaire », JDI, 1985, p. 51.
5
P. DECROUX, art. precit., p. 50.
6
Ibid., p. 51.

366
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

reflètent pas son vécu1. Ainsi que le souligne Madame Georgette SALAME, « le droit à la
différence se transforme alors en obligation à la différence »2.
Force est de constater aujourd’hui que l’évolution du droit international privé de la famille
favorise de plus en plus la fonction intégrative de la loi et le principe de territorialité, qui
fait la place large au critère de rattachement au dernier domicile. L’entrée en vigueur du
mariage au profit des personnes de même sexe accentue cette dimension intégrative, et
constitue un exemple topique de rattachement forcé de l’étranger à une règle de conflit de
lois qui ne reflète en rien sa culture d’appartenance, et contrevient à plus forte raison à
l’harmonie entre les systèmes juridiques.

§2) L’exportation de l’union homosexuelle au-delà des frontières françaises

404. Une exportation indirecte. La récente affaire du mariage franco-marocain3 est


significative de l’exportation indirecte du nouveau modèle familial français (A). Son
admission soulève néanmoins certaines problématiques de fond qu’il convient de souligner
(B).

A) L’admission controversée du mariage homosexuel franco-marocain

405. Applicabilité de la loi personnelle marocaine. Si l’entrée en vigueur du


mariage entre personnes de même sexe a constitué l’aboutissement d’une longue bataille
sociétale et juridique, celle-ci n’a connu son épilogue qu’avec la décision, impatiemment
attendue de la Cour de cassation, relative au mariage entre un français et une personne de
même sexe étrangère dont la loi personnelle interdit un tel mariage. L’occasion est donc
donnée, pour la première fois depuis l’ouverture du « mariage pour tous » à la Cour de
cassation4, de se prononcer sur la conformité à l’ordre public international d’une loi
étrangère1 prohibant le mariage entre personnes de même sexe.

1
Monsieur GUTMANN préconise alors d’écarter la vocation exclusive de la règle de conflit, au profit d’une règle
de conflit de loi à vocation « pluraliste », dépassant ainsi « l’antagonisme entre vocation intégrative et vocation
recognitive » qui se révèle être une situation impossible pour le migrant, tantôt amené à renoncer à sa loi
nationale tout en restant attaché à sa culture d’origine, tantôt régi par un droit national qui ne correspond plus à la
réalité de sa vie. L’option de législation permettrait de reconnaître à l’individu une part non négligeable
d’autonomie de sa volonté dans le choix du droit qu’il souhaiterait se voir appliqué. Cf. D. GUTMANN, op. cit.,
p. 392-393.
2
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé de la famille, une perspective post-moderne,
Marseille, PUAM, 2006, p. 384, spec. n° 618.
3
Sur cette affaire, V. I. BARRIERE-BROUSSE, « Le mariage franco-marocain ou le choc des civilisations », in Le
Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 53-71.
4
A. MEZGHANI, « Le juge français et les institutions du droit musulman », JDI, 2003, pp. 721-765. V. aussi : M.-
C. FOBLETS, « Le statut personnel musulman devant les tribunaux en Europe. Une reconnaissance

367
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Lorsqu’il présente un caractère d’extranéité, les conditions de fond du mariage sont régies
par la loi nationale respective de chaque futur époux. Parce qu’était en cause un
ressortissant de nationalité marocaine, la convention franco-marocaine du 10 août 1981
avait vocation à s’appliquer. Son article 5 affirme que « les conditions de fond du mariage
telles que l’âge matrimonial et le consentement, de même que les empêchements,
notamment ceux résultant des liens de parenté ou d’alliance, sont régies pour chacun des
futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité ». Il en résulte que la
loi marocaine ne reconnaissant pas le mariage entre personnes de même sexe devait
s’appliquer. Cependant, l’article 202-1 du Code civil, issu de la rédaction de la loi du 17
mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe dispose que « deux personnes de
même sexe peuvent contracter mariage lorsque, pour au moins l’une d’elles, soit sa loi
personnelle, soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence
le permet ». Or, le futur époux marocain vivait en France. S’élevait alors un conflit relatif à
la loi applicable au litige. Serait-ce la disposition du Code civil qui permet à une personne
de nationalité étrangère, du seul fait de son rattachement résidentiel, de s’unir à une
personne du même sexe qu’elle ou est-ce la supériorité de la convention bilatérale, en vertu
de l’article 55 de la Constitution, qui devait primer ? La réponse à cette question appelle
une considération des intentions qui ont présidé tant à la mise en place de la convention
franco-marocaine que de la rédaction de l’article 202-1 Code civil.
406. Des intérêts contradictoires à trancher. La volonté exprimée par le législateur
à travers les dispositions de l’article 202-1 du Code civil est de faire bénéficier le plus
grand nombre d’individus des bienfaits du mariage homosexuel. En tant que liberté, le
mariage ne saurait être entravé par la puissance publique. Interdire la célébration d’un
mariage avec un étranger porte atteinte tant à la liberté au mariage du ressortissant étranger
qu’à la liberté matrimoniale du national. Intolérable, une telle atteinte ne saurait être et, si
la Cour européenne s’en saisissait, elle condamnerait l’État français à coup sûr.
Néanmoins, la France en 1981, a signé en accord avec le Maroc une convention afin « de
conserver aux personnes les principes fondamentaux de leur identité nationale » compte
tenu de « l’importance des relations personnelles et familiales existant entre les
ressortissants des deux États ». La convention bilatérale constitue donc un outil permettant
de déroger au droit commun applicable en France, en permettant à une loi étrangère de

conditionnelle », in L’identité de la personne humaine (Étude de droit français et de droit comparé),


J. POUSSON-PETIT (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2002, pp. 935-972.
1
H. FULCHIRON, « Le mariage pour tous est d’ordre public en matière internationale », D., 2015, p 464. V. aussi
même auteur, « Le “mariage pour tous” en droit international privé : le législateur à la peine... », JCP, G, 2012,
p. 1317 ; même auteur : « Le mariage entre personnes de même sexe en droit international privé au lendemain de
la reconnaissance du “mariage pour tous” », JDI, 2013, doctr. 9; A. BOICHE, « Aspects de droit international
privé », dossier « mariage : la réforme ! », AJ fam., 2013, p. 362 ; P. HAMMJE, « “Mariage pour tous” et droit
international privé », Rev. crit. DIP, 2013, p. 773; S. GODECHOT-PATRIS, J. GUILLAUME, « La loi n° 2013-404
du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux personnes de même sexe : perspective de droit international privé », D.,
2013, p. 1756; A. PANET, « Le mariage homosexuel international en France : célébration et reconnaissance »,
Rev. dr. fam., 2013, dossier 29; D. BUREAU, « Le mariage pour tous à l’aune de la diversité. Les relations privées
internationales », in Mélanges B. AUDIT, Paris, LGDJ, 2014, pp. 155-184.

368
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

trouver application en dehors des frontières de son État. Une fois mises en balance les
intentions des uns et des autres, quel était l’intérêt légitime à sauvegarder en l’espèce ? La
préservation de la liberté au mariage, et à plus forte raison la diffusion du mariage
homosexuel au-delà des frontières françaises constitue-t-elle un objectif légitime
permettant de passer outre l’exigence de préservation aux nationaux d’un État « les
principes fondamentaux de leur identité nationale » ?
407. L’admission du mariage homosexuel au profit d’un couple franco-
marocain. La décision rendue par la Cour d’appel de Chambéry, largement commentée 1,
confirme le jugement rendu par le Tribunal de grande instance2. Les premiers juges ont
notamment considéré qu’« en modifiant simultanément le droit matériel applicable au
mariage (C. civ., art. 143 nouveau) et la règle de conflit de lois applicable au mariage
comportant un élément d'extranéité (C. civ., art. 202-1, al. 2), la loi du 17 mai 2013 a
implicitement mais nécessairement modifié l’ordre public international français (...) ».
Arguant de la supériorité des conventions bilatérales sur la loi, le pourvoi formé par
l’avocat général est rejeté par la Cour de cassation3. Procédant par substitution de motifs, la
Haute juridiction considère « que si, selon l’article 5 de la convention franco-marocaine
du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération
judiciaire, les conditions de fond du mariage telles que les empêchements sont régies pour
chacun des futurs époux par la loi de celui des deux États dont il a la nationalité, son
article 4 précise que la loi de l’un des deux États désignés par la convention peut être
écartée par les juridictions de l’autre État si elle est manifestement incompatible avec
l’ordre public ; tel est le cas de la loi marocaine compétente qui s’oppose au mariage de
personnes de même sexe dès lors que, pour au moins l’une d’elles, soit la loi personnelle,
soit la loi de l’État sur le territoire duquel elle a son domicile ou sa résidence le permet ».
L’arrêt affirme donc que la loi marocaine est incompatible avec l’ordre public international
français car elle interdit à une personne qui devrait pouvoir se marier, de le faire, selon la
règle française de conflit. S’il est juste que l’article 4 de la convention franco-marocaine
prévoie expressément l’intervention de l’ordre public en cas d’incompatibilité manifeste de
la loi ainsi désignée avec l’ordre public du for4, la Cour de cassation adopte une
interprétation fort stricte de cette disposition. Pour Monsieur le professeur Pascal PUIG, le
1
CA Chambéry, 22 oct. 2013, n° 13/02258, D., 2013, 2464; même revue, 2576, entretien H. FULCHIRON; ibid.,
2014, 1059, obs. H. GAUDEMET-TALLON et F. JAULT-SESEKE; même revue, 1342, obs. J.-J. LEMOULAND et D.
VIGNEAU; AJ fam., 2013, obs. A. BOICHE, p. 720; RTD civ., 2014, 89, obs. J. HAUSER; JCP, G, 2013, 1159, obs.
A. DEVERS; même revue, 1233, obs. F. BOULANGER; Rev. dr. fam., 2013, comm. 158, obs. J.-R. BINET.
2
TGI Chambéry, ch. civ., 11 oct. 2013, n° 13/01631.
3
Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, n° 13-50.059, Dalloz Actu., 2015, obs. R. MESA; D., 2015, 464, obs. I.
GALLMEISTER ; AJ fam., 2015, point de vue B. HAFTEL, p. 71; Gaz. pal., 5 févr. 2015, n° 36, avis J.-D.
SARCELET, p. 11. Depuis, la position de la Cour de cassation a été reprise au sujet de l’accord franco-serbe qui
s’oppose au mariage entre personnes de même sexe : CA Reims, ch. civ., 2ème sect., 29 janv. 2016, n° 15/00088,
JCP, G, 2016, n° 9-10, J.-M. DESPAQUIS, 268.
4
Ca a notamment été le cas à l’occasion d’une décision par laquelle la cour d’appel de Paris a pu passer outre
l’interdiction faite à une musulmane d'épouser un non-musulman. En ce sens : CA Paris, 9 juin 1995,
n° 94.3204; JCP, G, I, 1996, 3946, n° 1, M. FARGE; D., 1996, somm. p. 171, B. AUDIT.

369
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

« tour de passe-passe » qui consiste à se prévaloir de l’article 4 de la convention afin de


neutraliser l’article 5 sans heurter la hiérarchie des normes « dissimule derrière un simple
rideau de fumée la ratio decidendi et la portée réelle de l’arrêt »1, lequel mériterait d’être
rendu à l’aune du préambule de la convention bilatérale. Il instrumentalise l’article 4 de la
convention, en accommodant les nouveaux choix du législateur français. Il est également
vrai que les conventions que la France conclut en matière de statut personnel s’appliquent
sous réserve de l’ordre public, et la jurisprudence française en matière de répudiation en
témoigne. Or, la décision de la Cour de cassation étonne d’un triple point de vue.
L’intervention de la Chancellerie2 peu de temps après l’entrée en vigueur du « mariage
pour tous » avait permis de croire que la règle issue de l’article 202 -1 du Code civil ne
jouait pas lorsque l’un des futurs conjoints a la nationalité d’un pays qui n’admet pas le
mariage homosexuel et, à plus forte raison, lorsque cet État a conclu avec la France une
convention en matière de statut personnel. L’affirmation de la Cour de cassation en vertu
de laquelle le mariage entre personnes de même sexe constitue désormais une composante
de l’ordre public international français étonne encore plus. Si l’ouverture du mariage entre
personnes de même sexe doit influer sur la mise en oeuvre de l’exception d’ordre public
international, la logique -conformément aux déclarations de la Chancellerie- aurait
commandé de se conformer à l’esprit de la convention bilatérale. Or, il semblerait que
l’attachement à cette réforme sociétale soit tellement fort que la Cour de cassation elle-
même semble faire fi d’une longue saga jurisprudentielle dans laquelle elle n’a cessé de
rappeler avec fermeté sa conception du mariage, afin de tirer toutes les conséquences que
le législateur français a attachées à la liberté du mariage en tant que droit fondamental.
Enfin, la publication d’un communiqué accompagnant la décision n’a manqué de laisser
perplexe la communauté des juristes. À l’issue de celui-ci, « la Cour de cassation rappelle
que le mariage entre personnes de même sexe n’est reconnu que par une minorité d’États.
Dès lors, elle considère que la loi du pays étranger ne peut être écartée que si l’une des
conditions suivantes est remplie : il existe un rattachement du futur époux étranger à la
France (dans cette affaire, le ressortissant marocain était domicilié en France) ; l’État
avec lequel a été conclue la convention, n’autorise pas le mariage entre personnes de
même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle. La solution de la Cour respecte
ainsi l’égalité entre les personnes de nationalité marocaine et les autres ressortissants
auxquels le code civil permet de se marier en France, avec un époux de même sexe ».
Censé éclairer, le communiqué3 jette davantage le trouble sur ce que la communauté
scientifique a pu considérer comme « un communiqué relatif à une autre décision ».

1
P. PUIG, « La loi d’ordre public international », RTD civ., 2015, p. 91.
2
Circulaire de présentation de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe,
n° JUSC1312445C, du 29 mai 2013, BOMJ n° 2013-05, 31 mai 2013, p. 4. V. sur cette circulaire : C. BIDAUD-
GARON, « Mariage pour tous : la circulaire ! », JCP, G, 2013, aperçu rapide, 729; H. FULCHIRON, « Le mariage
pour tous ou presque », D., 2013, p. 1969 ; JCP, G, 2013, act. 729.
3
P. DEUMIER, « Les communiqués de la Cour de cassation : d’une source d’information à une source
d’interprétation », RTD civ., 2006, 510.

370
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Abstraite et générale, la formulation de la Cour de cassation est on ne peut plus claire.


Pourtant, le communiqué semble ajouter une condition en exigeant un lien de proximité
avec la France. De la même manière, écarter la loi personnelle du futur époux lorsque
« l’État avec lequel a été conclue la convention, n’autorise pas le mariage entre personnes
de même sexe, mais ne le rejette pas de façon universelle » appelle une précision sur ce
qu’il convient d’entendre par « un rejet universel » du mariage homosexuel. La position de
la France, avant l’admission du « mariage pour tous », pourrait-elle être considérée comme
constitutive d’un rejet universel ?

B) Les conséquences en droit international privé

408. L’ordre public1, instrument de défense d’une politique législative. À


l’origine, l’ordre public « s’identifie à la paix sociale, au bien commun »2, et traduit « la
supériorité de l’intérêt général sur les intérêts particuliers »3. Il s’agit d’un instrument
permettant la défense d’un noyau dur de valeurs fondamentales4, textuel soit-il ou virtuel5.
Ceci dit, aussi louable puisse être sa fonction, la mise en oeuvre de l’exception d’ordre
public6 est perturbatrice du jeu normal de la règle de conflit. Notion à contenu variable7,
son usage devrait être strictement limité à la préservation des droits fondamentaux de la
personne8, car la notion porte en son germe un risque de totalitarisme1. Lorsqu’elle repose

1
V. sur cette notion le rapport annuel de la Cour de cassation, L’ordre public, 2013, La Documentation
française. V. aussi : M.-C. VINCENT-LEGOUX, L’ordre public, Étude de droit comparé interne, Paris, PUF, 2001.
2
P. CATALA, « À propos de l’ordre public », in Le juge entre deux millénaires, Mélanges offerts à Pierre DRAI,
Paris, Dalloz, 2000, p. 511, spec. n° 1.
3
P. MALAURIE, L. AYNES, P. STOFFEL-MUNCK, Les obligations, Paris, Defrénois, 7ème éd., 2015, p. 325, spec. n°
646 ; F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil, Les obligations, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2013, p. 418-419,
spec. n° 372-373.
4
H. BATIFFOL, P. LAGARDE, Droit international privé, Paris, LGDJ, 6ème éd., 1974, t. 1, p. 448; V. aussi
P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, Paris, LGDJ, coll. « Domat droit privé », 11ème éd., 2014,
p. 152, spec. n° 205-206.
5
Monsieur le professeur CATALA distingue l’ordre public textuel émanant du législateur par opposition à l’ordre
public virtuel qui procède du juge. P. CATALA, « À propos de l’ordre public », art. precit., p. 518-519, spec.
n° 12.
6
Sur cette question, V. J. FOYER, « Remarques sur l’évolution de l’exception d’ordre public international depuis
la thèse de Paul Lagarde », in Mélanges en l’honneur de Paul Lagarde, Paris, Dalloz, 2005, p. 285, spéc.
pp. 292-294.
7
J. GHESTIN, « L’ordre public, notion à contenu variable, en droit privé français », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 77-97.
8
C’est pourquoi l’idée d’une hiérarchie des droits de l’homme, bien que critiquée, peut paraître une alternative
au mouvement d’uniformisation qui se dessine. Cette hiérarchisation, qui serait propre au droit international
privé, tiendrait sa raison d’être de la nécessité d’un traitement différencié des droits fondamentaux, afin de
satisfaire à l’exigence de coordination et de communication des systèmes entre eux. Le contenu très hétérogène
de la catégorie des droits fondamentaux gagnerait en lisibilité et cohérence si, comme l’a soutenu Madame
Hélène GAUDEMET-TALLON, on distinguait les droits de l’homme à « valeur universelle » et à « l’impérativité
renforcée », et les droits « moins absolus » car dérivés des droits fondamentaux originaires, dont la protection
pourrait être atténuée.

371
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

sur des critères de proximité2 avec l’ordre juridique français, l’exception d’ordre public
répond parfaitement à l’exigence de sauvegarde des valeurs nationales. Témoigne de cette
ligne de conduite l’arrêt LATOUZ3 -notamment en matière de filiation- à l’occasion duquel
la Cour de cassation a apprécié la proximité4 avec l’ordre juridique français afin
d’appliquer ou à l’inverse, écarter la règle de conflit normalement applicable. La même
cohérence a permis de repousser les répudiations de droit islamique5, jugées contraire à
l’ordre public international lorsque l’un des époux est de nationalité française ou a sa
résidence habituelle en France6. Le raisonnement en termes d’ordre public de proximité
s’analyse donc en un mécanisme interne de protection des droits subjectifs des individus7.
409. Ordre public et cohérence des relations privées internationales. Le souci de
cohésion de l’ordre juridique semble avoir davantage guidé la Haute juridiction dans sa
décision que le souci de cohérence. Pourtant, bien que le souci de cohésion de l’ordre
juridique mérite l’attention, « le juge ne doit pas disposer d’un pouvoir arbitraire, sous
peine de nuire à l’esprit même du droit international privé »8. L’ordre public dans l’affaire
rapportée, loin de protéger un droit fondamental expression d’une valeur nationale, permet
au juge de protéger une politique législative en plaçant « les règles du droit international
privé dans la dépendance des règles du droit matériel. C’est donc l’interprétation de ces
dernières qui dicte le rattachement »9. Or, le mariage au profit des personnes de même sexe

1
B. FAUVARQUE-COSSON, « L’ordre public », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-2004),
Paris, Dalloz, 2004, p. 474.
2
La proximité étant, en l’espèce, le rattachement au domicile.
3
Cass. civ. 1ère, 10 févr. 1993, n° 89-21.997, D., 1994. 66, note J. MASSIP; même revue, 32, obs. E. KERCKHOVE;
Rev. crit. DIP, 1993, 620, note J. FOYER; JDI, 1994, 124, note I. BARRIERE-BROUSSE. Plus récemment, la
décision est toujours de mise : Cass. civ. 1ère, 10 mai 2006, n° 05-10.299 ; Bull. civ., I, 2006, n° 226; JCP, G, II,
2006, 10165, note T. AZZI.
4
En ce sens, V. J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de proximité : quelle
rationalité dans le choix du juge ? », in Le droit entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de
Patrick COURBE, Paris, Dalloz, 2012, pp. 295-310.
5
R. EL HUSSEINI-BEGDACHE, Le droit international privé français et la répudiation de droit islamique, Paris,
LGDJ, 2002.
6
Cass. civ. 1ère, 17 févr. 2004, n° 02-11.618; Bull. civ., 2004, I, n° 48; JCP, G, 2004, II, 10128, note
H. FULCHIRON.
7
En revanche, lorsque l’ordre public de proximité conduit à disqualifier une valeur fondamentale du for, sous
couvert de tolérance et de bienveillance, Monsieur ZAHER n’hésite pas à dénoncer le relativisme culturel qui en
découle et qui conduit à transiger avec les valeurs fondamentales du for. Pour l’auteur, un tel accommodement
cache davantage de « l’indifférence », voire du « mépris », car il « conduit à abandonner à un sort que le for lui-
même juge profondément inique ou dégradant tous ceux qui ne peuvent faire valoir aucun titre (la nationalité, le
domicile...) qui justifierait de les traiter comme des êtres civilisés ». Cf. K. ZAHER, Conflit de civilisations et
droit international privé, Paris, l’Harmattan, 2009, p. 7. De l’aveu même de l’auteur, si le procédé traduit de
bonnes intentions car il « refuse d’imposer le respect d’un principe lorsque l’ordre juridique français n’est pas
concerné (...) il n’en reste cependant pas moins que l’on discrédite la valeur en cause qui ne saurait
s’accommoder de telles variations ». Pour Monsieur ZAHER, « un principe est fondamental aux yeux du for ou ne
l’est pas ». Cf. p. 272, spec. n° 390 et 391.
8
J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de proximité : quelle rationalité dans le
choix du juge ? », art. precit., p. 298.
9
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisations, Relations entre
systèmes laïques et systèmes religieux, Paris, Dalloz, 2005, pp. 99-100, spec. n° 104.

372
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

« accède au rang de valeur intangible de la société française au moment même où il voit le


jour »1. Ainsi que le souligne Monsieur le professeur LIBCHABER, « encore faut-il que la
conception d’une union strictement hétérosexuelle nous soit devenue aussi détestable que
le mariage polygamique, par exemple »2. C’est pourquoi une partie de la doctrine explique
ce recours à l’ordre public international « précisément parce que le législateur a voulu
imposer une solution qui n’est pas acceptée sans résistance (et) que le juge doit oeuvrer
pour que son respect soit général »3. Or, ce « travestissement inopiné »4 cache mal son
artifice lorsque l’on songe au refus de la Cour de cassation de reconnaître des effets à
l’égard des adoptions entre personnes de même sexe conclus à l’étranger avant l’entrée en
vigueur du « mariage pour tous »5 au nom de l’ordre public international français et les
principes essentiels du droit français. C’est pourquoi « (…) une certaine maturation des
principes est généralement nécessaire avant qu’ils puissent se réclamer des fondements
politiques et sociaux de la civilisation française ». La présupposée maturation du mariage
entre personnes de même sexe, outre son caractère quelque peu artificiel, peine à
convaincre du point de vue juridique6, et laisse perplexe du point de vue du droit
international conventionnel.
410. L’avenir de la convention franco-marocaine. Il convient de rappeler qu’au
sujet du mariage entre personnes de même sexe, ni le Conseil constitutionnel7, ni la Cour
européenne des droits de l’homme8 ne se sont prononcés dans le sens de l’existence d’un
droit fondamental -faute de consensus au niveau européen sur cette question. C’est

1
L. GANNAGE, « L’ordre public militant : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane »,
JCP, G, 2015, mars, n° 12, p. 318.
2
R. LIBCHABER, « Le complexe de la Castafiore », D., 2015, p. 481. Non sans une pointe d’agacement, l’auteur
s’exprime ainsi : « n’y a-t-il pas une certaine déraison à vouloir imposer si violemment l’exemplarité de notre
droit ? Comment la solution que nous pratiquions jusqu’au 17 mai 2013 nous serait-elle devenue odieuse, alors
qu’elle continue d'avoir les faveurs d’une partie de la population ? Et puis, en sommes-nous si fiers que nous
puissions l’appliquer de vive force contre les conceptions des autres, comme si nous étions chargés d’une
mission sacrée de civilisation ? Et, en l’occurrence, fallait-il vraiment imposer notre loi à un pays avec lequel
nous avions signé une convention bilatérale, qui exprime un respect mutuel que nous bafouons aussitôt ? »,
tandis que pour Monsieur le professeur Pascal PUIG, il s’agit d’une forme d’impérialisme qui remet la parole de
la France en cause sur la scène internationale. P. PUIG, « La loi d’ordre public international », RTD civ., 2015,
p. 91.
3
P. MAYER, V. HEUZE, Droit international privé, op. cit., spec. n° 205.
4
Pour reprendre l’expression de Madame le professeur Léna GANNAGE in « L’ordre public militant : le mariage
pour tous face aux systèmes de tradition musulmane », art. precit.
5
Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, n° 11-30.261; Bull. civ., I, 2012, n° 125; JCP, G, 2012, act. 728, obs. A. DEVERS;
JCP, G, 2012, 857, F. CHENEDE; Rev. crit. DIP, 2013, note L. GANNAGE, p. 587 et s..
6
Madame GUILLAUME explique que « la prise en compte de la nature des intérêts soulève immanquablement la
question du conflit d’intérêts privés » et leur hiérarchisation (outre les difficultés liées à leur identification), ce
qui l’amène à se demander si « la source de l’ordre public ne constituerait pas le nouveau critère de choix entre
les mécanismes d’ordre public ». J. GUILLAUME, « Ordre public plein, ordre public atténué, ordre public de
proximité : quelle rationalité dans le choix du juge ? », art. precit., p. 305, spec. n° 23.
7
Cons. const., QPC, 28 janv. 2011, n° 2010-92.
8
CEDH, 24 juin 2010, req. n° 30141/04, Schalk, Kopf c/ Autriche. La Cour a récemment réitéré l’absence
d’obligation pour les États d’ouvrir le mariage entre personnes de même sexe : CEDH, gde ch., 16 juill. 2014,
n° 37359/09, Hämäläinen c/ Finlande, Rev. dr. fam., 2015, n° 1, comm. 1, J.-R. BINET.

373
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

pourquoi la neutralisation de la convention bilatérale, si elle était fondée au sujet des


répudiations islamiques, l’est beaucoup moins aujourd’hui. Le contexte dans lequel
intervient l’affaire du mariage homosexuel franco-marocain pourrait être de nature à
éclairer le propos. Les relations diplomatiques des deux pays connaissaient « certaines
difficultés dues à la conjonction de plusieurs incidents isolés »1. Néanmoins, trois jours
après l’arrêt rapporté et un an après la suspension par le Maroc de leur coopération
judiciaire, les deux pays annoncent son rétablissement2. La question se pose donc quant à
la raison d’être de cet instrument3, régulièrement neutralisé4, et que le Maroc lui-même
semblerait abandonner. Si toute révision de cette convention est tributaire d’une volonté
politique, celle-ci était bel et bien présente à l’issue des premières vagues d’immigration
sous le règne de feu sa majesté le roi HASSAN II. Or, il n’est pas certain aujourd’hui qu’elle
ait la même force5. Est-ce à dire qu’à défaut d’une volonté politique du Royaume du
Maroc, ce dernier renoncerait à son objectif de conservation à ses nationaux des principes
fondamentaux de leur identité nationale ? Ou convient-il alors de se demander si
l’intériorisation des valeurs arabo-musulmanes propres à la société marocaine aurait opéré
par la transmission au sein des familles du sentiment d’appartenance à une double culture,
au point qu’elle ne nécessiterait aujourd’hui plus d’être assurée par le biais d’un instrument
juridique ? Si tel était le cas, ne serait-il pas temps d’envisager un modèle volontaire
d’intégration qui reposerait sur l’autonomie de la volonté 6 ? Tant la multiplication des
relations familiales mixtes -dans un contexte de mondialisation et de mobilité7- que
l’évolution actuelle du droit international privé tendent à un rattachement fréquent à la loi
du dernier domicile8, ce qui corrobore l’idée d’une éviction -n’est ce pas déjà le cas ?1-
totale de ladite convention.

1
Rép. min. n° 07310, J.O, Sénat, 17 juill. 2014, p. 1719; Rép. min. n° 12372, J.O, Sénat, 31 juil. 2014, p. 1813.
2
Cf. lemonde.fr, 31 janv. 2015, « La France et le Maroc rétablissent leur coopération judiciaire ».
3
Il a pu être relevé que « le principe de bonne foi interdit (aux États) de paralyser l’application du traité par
l’élaboration -ou l’application- d’une loi qui le rendrait pratiquement inopérant. Il doit leur interdire pareillement
d’user de mécanismes correcteurs quand ceux-ci sont susceptibles de priver d’effet le traité ». Cf. M.-L.
NIBOYET-HOEGY, « La mise en oeuvre du droit international privé conventionnel », in Nouveaux juges,
nouveaux pouvoirs ? Mélanges en l’honneur de Roger PERROT, Dalloz, 1996, p. 313.
4
Cf. supra, en matière de déplacements illicites d’enfants, n° 170 et s.
5
Bien que l’article 16 de la Constitution telle que réformée en 2011 dispose que : « Le Royaume du Maroc
oeuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyennes et des citoyens marocains résidant à
l’étranger, dans le respect du droit international et des lois en vigueur dans les pays d’accueil. Il s’attache au
maintien et au développement de leurs liens humains, notamment culturels, avec le Royaume et à la préservation
de leur identité nationale. Il veille au renforcement de leur contribution au développement de leur patrie, le
Maroc, et au resserrement des liens d’amitié et de coopération avec les gouvernements et les sociétés des pays où
ils résident ou dont ils sont aussi citoyens ».
6
Cf. G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, Marseille,
PUAM, 2006, spec. pp. 380-385.
7
Sur l’impact de ce mouvement sur la famille, V. G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international
privé, une perspective post-moderne, op. cit., p. 381, spec. n° 611.
8
Monsieur le professeur Bernard AUDIT évoque à cet égard de « la loi du moment », forme nouvelle et dégradée
de la loi personnelle : B. AUDIT, « Les avatars de la loi personnelle en droit international privé contemporain »,

374
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

411. Option de législation ou clause d’exception dans le règlement du conflit de


lois ? Dans ce contexte, il conviendrait de réfléchir à un modèle de règlement du conflit de
lois qui soit le plus respectueux du sentiment d’appartenance de l’individu et prenne en
compte l’exigence d’intégration du pays d’accueil. Recognitive soit-elle ou intégrative, la
vocation de la règle de conflit ne semble pas donner satisfaction. Une double vocation de
cette dernière pourrait se révéler plus respectueuse des intérêts en présence. À l’appui de
cette thèse, Monsieur GUTMANN reconnaît qu’ aucune des deux « ne nie la valeur du
respect du sentiment d’appartenance, simplement, l’une considère que le sentiment
d’identité sera le mieux respecté par la reconnaissance d’une origine étrangère, tandis que
l’autre estime que l’immigré doit être prioritairement envisagé comme un être à définir en
référence prioritaire à son présent et à son insertion future dans une société d’accueil »2.
L’individu déterminerait lui-même le système dont il se sentirait le plus proche,
l’exception d’ordre public international ne jouant que comme limite au plein effet de sa
volonté individuelle. À défaut de volonté exprimée, le paramètre temps déterminera la loi
compétente au conflit. Plus le temps écoulé est important, plus l’intégration sera supposée
et justifiera l’application de la loi de la résidence habituelle. Réfutant cette thèse, Madame
SALAME opte pour une approche in abstracto3 en privilégiant le maintien, dans un premier
temps, des repères identitaires de l’immigré et de sa famille lors de son arrivée sur le
territoire français. Pour l’auteur, l’État d’accueil pourrait parvenir à une meilleure
intégration par l’acculturation volontaire et progressive. Anticipant « sur l’évolution du
sentiment d’appartenance »4, Madame SALAME le limite pourtant dans le temps5. Si elle
privilégie, à l’instar de Monsieur GUTMANN, la dimension volontaire dans le processus
d’intégration, ce n’est que parce que l’individu est « appelé à renoncer progressivement et

in Le monde du droit, Écrits rédigés en l’honneur de Jacques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 70. Cf. L. RASS,
Les fondements du droit international privé européen de la famille, Thèse, Paris 2, 2015.
1
V. dans le même sens, la position de Madame J. POUSSON-PETIT (dir. de), Les droits maghrébins des personnes
et de la famille à l’épreuve du droit français, Paris, l’Harmattan, 2009, p. 330 et s. L’auteur évoque l’idée d’une
neutralisation judiciaire de la convention par le jeu de l’ordre public international français, en défendant l’idée
d’un raidissement du droit français face à certaines institutions.
2
D. GUTMANN, Le sentiment d’identité, Étude de droit des personnes et de la famille, op. cit., p. 386, spec.
n° 463.
3
Ibid., p. 392, spec. n° 633.
4
Ibid., p. 392, spec. n° 633.
5
Pour l’auteur, l’avantage d’un tel cantonnement de la loi personnelle d’origine lui permet de gagner en
« honorabilité », la préservant le plus souvent d’une marginalisation fréquente et parfois délibérée par les juges.
Elle permettrait alors davantage d’œuvrer à l’acculturation, en transformant et diversifiant le paysage familial
interne « sans pour autant juxtaposer définitivement des modèles parfois antagonistes ». Cf. G. SALAME, Le
devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit., p. 393, spec. n° 637.
Madame Marie-Claude NAJM explique dans la même ligne de pensée que le mécanisme de l’adaptation de la
règle de conflit par le juge constitue un correctif de choix si l’on souhaite préserver le principe de cohérence de
la situation juridique. Une telle adaptation conduirait nécessairement à privilégier la loi du for qu’elle qualifie
d’« absorbante », au détriment de la lex fori, souvent exclue. C’est pourquoi la solution de compromis de
Madame SALAME laisse la possibilité -même temporairement- à la lex fori de s’appliquer en permettant une
intégration douce de l’étranger. Cf. M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de
civilisations. Relations entre systèmes laïques et systèmes religieux, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque
de thèses », 2005, p. 347, spec. 355 et s.

375
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

par lui-même à son identité d’origine pour, petit à petit, trouver sa place dans le milieu
d’accueil »1. De l’aveu de l’auteur, l’acculturation attendue nécessite néanmoins une
certaine « tolérance envers la culture d’origine », avant d’encourager petit à petit l’individu
à adhérer aux valeurs nationales. Cette démarche permet donc à l’individu d’inscrire son
identité dans une continuité -l’identité d’origine- appelée à évoluer au gré des incitations
intégratives2. Ici encore, le temps permettra d’ « adoucir le passage d’une loi vers une autre
lorsqu’un basculement s’impose »3. Pour autant, le règlement du conflit de lois ne saurait
être abandonné au libre choix -au risque de compromettre l’intérêt général-, mais doit être
apprécié à l’aune de la situation objective de l’individu4. De façon très éclairante, l’auteur
distingue l’individu de nationalité étrangère, résidant de manière continue et permanente
sur le territoire français, à qui l’application de la loi à vocation intégrative serait bienvenue.
À l’inverse, l’étranger non résidant ne pourrait en bénéficier au risque de procéder à une
« emprise illégitime », sans intérêt pour son bénéficiaire sauf à favoriser les situations de
fraude, en lui permettant de se soustraire à un statut personnel prohibitif5 en contrevenant à
l’exigence de coordination et d’intégrité des systèmes.
Si la double vocation de la règle de conflit de lois semble plébiscitée par les deux auteurs,
Monsieur GUTMANN est davantage attaché à un processus d’intégration multiculturel dont
la volonté individuelle déciderait, tandis que Madame SALAME propose une combinaison
obligatoire des deux vocations dans le temps. Cette combinaison ne pourrait cependant se
réaliser que « dans une formule dont la malléabilité et la souplesse exprimeraient la
dynamique qui caractérise le processus d’acculturation dont il s’agit de rendre compte »6,
et qui suppose une attention particulière à la psycho-sociologie de l’immigré7. La mise en
place suggérée d’une règle de conflit de lois dont le critère de rattachement serait la
nationalité, assortie d’une clause d’exception qui ferait place à la loi du domicile séduit -
notamment par la lisibilité de son objectif d’intégration assimilationniste expressément
affiché. Sa mise en œuvre demeure néanmoins tributaire des interventions de l’ordre public
international lequel, intempestivement utilisé, constitue l’obstacle principal à la réalisation
du processus d’intégration tel que proposé. D’un point de vue juridique, le réalisme
commande de se rallier à la politique assimilationniste telle que suggérée par Madame

1
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 380, spec. n° 609.
2
Il va sans dire que, « sauf à frôler la schizophrénie, il n’est pas possible de troquer sans cesse son identité pour
une identité nouvelle, au fur et à mesure d’établissements devenus de plus en plus précaires. Inversement, aucun
État ne peut se construire autour de la compartimentation de cultures par trop diverses. La réalité de l’intégration
est plus complexe et plus mouvante ». Cf. G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une
perspective post-moderne, op. cit., p. 381, spec. n° 611.
3
G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 389, spec. n° 625.
4
Ibid., p. 386, spec. n° 622.
5
Ibidem., spec. n° 623.
6
Ibidem., p. 392, spec. n° 634.
7
Ibidem., p. 392, spec. n° 634.

376
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

SALAME, la première ayant montré ses limites. Pour l’heure en tous cas, il semblerait bien
que l’ordre public international malmène la première phase de cette politique, en refusant
de manifester une tolérance quelconque au droit étranger incompatible avec les nouvelles
valeurs françaises.
412. La résurgence du conflit de civilisations1 ? La doctrine la plus optimiste
autrefois semble être résignée à accepter la réalité du fossé irréductible qui sépare les
systèmes européens de ceux de tradition islamique dans la conception même de ce qu’est le
mariage et la famille. Pour Madame le professeur Léna GANNAGE, « en décidant,
implicitement, que l’immense majorité des législations de la planète, relatives au mariage,
sont aujourd’hui potentiellement contraires aux principes essentiels du droit français, la
Cour de cassation aura eu au moins le mérite de ne pas céder à la tentation du relativisme
culturel »2. Surtout, cette décision constitue pour l’auteur « une source de tensions
nouvelles et insurmontables »3, révélatrice d’une divergence « édifiante » entre les
systèmes occidentaux et ceux de tradition musulmane. Pessimiste mais profondément
empreinte de réalisme, cette affirmation profile derrière elle le risque de cloisonnement des
ordres juridiques et de multiplication de situations boiteuses 4. S’il était légitime de penser
que les réformes entreprises dans les droits de la famille des pays du Maghreb pouvaient
conduire à fonder une communauté de valeurs5 et contribuer à favoriser un certain
rapprochement des systèmes au-delà des différences culturelles, cette décision creuse le
fossé qui sépare le système de tradition islamique et le système européen. Outre qu’elle
révèle une excessive plasticité de l’ordre public, lequel cesse d’assurer une fonction
défensive du système de valeurs nationales pour adopter une attitude offensive, elle met en
évidence une certaine forme de totalitarisme à l’égard des lois étrangères qui ne portent pas
les mêmes valeurs, et contre laquelle un auteur avait déjà pu mettre en garde6. Si ce

1
Sur la notion même de conflit, V. notamment : K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé,
Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 2009. L’auteur réfute la thèse de Monsieur S. P. HUNTINGTON
relative au choc des civilisations. Cf. S. P HUNTINGTON, Le choc des civilisations, trad. Française, Paris, éd. O.
Jacob, 2000. Pour Monsieur ZAHER, la thèse de Monsieur HUNTINGTON procède d’une logique de
« massification » laquelle « néglige les principes rudimentaires de la recherche scientifique et de l’honnêteté
intellectuelle » en réduisant « plus d’un milliard d’individus dans le monde à un seul mot : l’Islam. Comme si
l’humain ne saurait exister que par l’élément religieux. Toute vie en dehors de ce cercle extrêmement réduit
serait impossible ». Spec. n° 13, p. 21. J. DEPREZ, « Droit international privé et conflit de civilisations », Rec.
Cours Acad. La Haye, 1988, IV, 19.
2
L. GANNAGE, « L’ordre public militant : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane »,
JCP, G, 2015, mars, n° 12, p. 318 ; V. aussi, même auteur : « Le relativisme des droits de l’homme dans l’espace
méditerranéen », RIDC, 2006, n° 1, pp. 101-116.
3
L. GANNAGE, « L’ordre public militant : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition musulmane », art.
precit.
4
Sur les mariages boiteux, cf. I. FADLALLAH, La famille légitime en droit international privé (Le domaine de la
loi applicable aux effets du mariage), Paris, Dalloz, 1977, pp. 27-47.
5
V. sur cette idée l’étude de Monsieur K. ZAHER, « Plaidoyer pour la reconnaissance des divorces marocains »,
Rev. crit. DIP, 2010, p. 313 et s.
6
B. FAUVARQUE-COSSON, « L’ordre public », art. precit., p. 474. Monsieur le professeur A. MEZGHANI parle lui
de l’impérialisme culturel occidental qui apprécie les lois étrangères à l’aune des droits fondamentaux, tandis
que Madame Georgette SALAME évoque une « intégration oppressive » qui conduit à retenir la loi du domicile.

377
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déséquilibre de traitement entre la loi nationale et les lois étrangères ne semble pas
nouveau, Monsieur le professeur Bernard AUDIT souligne que celui-ci est « inhérent, d’une
part, à la situation particulière de chaque État au regard des migrations de population,
d’autre part, à la sensibilité particulière des questions personnelles à l’ordre public. Mais
ces facteurs ont été accentués au cours des dernières décennies, l’un par l’ampleur des
migrations internationales, l’autre par le rôle prêté en la matière aux “droits
fondamentaux” »1.

A. MEZGHANI, « Détermination de la loi applicable et conflit des civilisations en droit international privé de la
famille », in Le débat juridique au Maghreb, de l’étatisme à l’état de droit, Études en l’honneur de Ahmed
MAHIOU, Y. BENACHOUR, J.-R. HENRY, R. MEHDI (réun. par), Paris, éd. Publisud-IREMAM, 2009, p. 26 ;
V. aussi G. SALAME, Le devenir de la famille en droit international privé, une perspective post-moderne, op. cit.,
p. 384, spec. n° 618.
1
B. AUDIT, « Les avatars de la loi personnelle en droit international privé contemporain », in Le monde du droit,
Écrits en l’honneur de Jacques FOYER, Paris, Economica, 2008, p. 70.

378
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

Section 2. La protection du modèle familial islamique,


obstacle certain à l’exportation

413. Une exportation possible. Afin d’évaluer le degré d’exportabilité du modèle de


familles françaises dans les législations maghrébines, tant l’étude du contenant (§1) que du
contenu (§2) constitueront des variables révélatrices du degré de compatibilité ou
d’incompatibilité entre les deux systèmes étudiés.

§1) Une exportation du contenant

414. Le phénomène de codification. Sans reprendre les vertus liées au processus


même de codification1, rappelons qu’il s’agit d’un acte de souveraineté dont le but est
d’imposer des normes obligatoires2 (A). Si le Code civil français a été un instrument de
transformation et d’innovation radicale de l’ordre juridique, la réforme du Code marocain
de la famille se présente aujourd’hui dans le monde arabo-musulman tel un exemple de
réforme réussie, expression d’une culture juridique propre alliant harmonieusement
tradition et modernité (B).

A) Le Code civil français, modèle de codification imposé

415. L’exemple du droit des obligations. Les liens tissés par la France - de gré ou
de force- avec d’autres États ont permis la circulation du droit français vers d’autres
territoires. C’est notamment le cas des pays du Maghreb, où la réception parcellaire du
droit français a permis de transférer une partie seulement du système de droit français3. La
matière du statut personnel relevant exclusivement de la charia islamique au moment des
protectorats marocain et tunisien, cette partie du droit demeura à l’abri de l’influence

1
V. supra, n° 91-92.
2
J.-P. DUNAND, « Entre tradition et innovation. Analyse historique du concept de code », in Le Code civil
français dans le droit européen, J.-P. DUNAND, B. WINIGER (dir. de), Bruxelles, Bruyant, 2005, p. 23.
3
Ce qui est d’autant plus regrettable, notamment en droit international privé. Monsieur le professeur Ali
MEZGHANI explique que pendant la période coloniale, les droits religieux étaient maintenus selon le principe de
la personnalité des lois, seul connu du droit local. C’est pourquoi aucun conflit de lois « ne pouvait naître d’un
tel système puisqu’il ne faisait qu’organiser le cloisonnement des communautés ». Selon nous, le contact entre
les deux systèmes aurait gagné à privilégier leur rencontre afin d’introduire, aux côtés de la règle de la
personnalité des lois, les germes d’une possible territorialité. D’autres obstacles s’élevaient pourtant à une telle
entreprise, notamment la tardive émergence de l’État-nation, par laquelle l’État acquiert une meilleure visibilité
sur la scène internationale, permettant la prise en charge des relations internationales de droit privé. V. en ce
sens : A. MEZGHANI, « Détermination de la loi applicable et conflit des civilisations en droit international privé
de la famille », in Le débat juridique au Maghreb, de l’étatisme à l’état de droit, op.cit., pp. 23-38.

379
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

française1. Seul le droit des obligations constitua le terrain de prédilection à la réception


par le droit civil musulman du droit européen2.
416. L’expérience de codification du droit des obligations au Maghreb. Pour
Monsieur le professeur Joël MONEGER, « il ne suffit pas de milliers de cimetières ou de
fusils pour instaurer ou maintenir un droit, pour fonder une civilisation, il faut le
consentement des assujettis, il faut une conscience profonde de l’appartenance du droit. Il
faut des juristes »3. La rédaction du Code des obligations et des contrats en Tunisie4
révèlera l’actualité de cette affirmation. Fin connaisseur du droit musulman classique et
des droits continentaux européens, David SANTILLANA adopte une véritable démarche
comparative -des deux systèmes italien et tunisien- conjuguée à une approche consultative
des destinataires de la norme. Tout au long du processus, le rédacteur du code s’assurera de
la conformité des textes dont il a la charge aux principes du droit musulman classique
auquel il reprend certaines institutions, « tout en écrivant selon les modes français les
articles dont le contenu est a-islamique »5. La commission qu’il préside n’hésitera pas à
« faire appel au code allemand et au droit italien chaque fois que la norme paraît plus
moderne et plus adaptée »6. Extraordinaire aventure juridique7 de réappropriation, elle a su
allier « la faculté de symbiose des droits musulmans et européens. Cela explique qu’il (le
COC) va devenir le modèle juridique au Maghreb jusqu’à aujourd’hui ».
Cette démarche de réappropriation du droit européen trouvera un écho particulier après
l’indépendance de l’Algérie8. Bien que le Code civil français y perdurera une dizaine
d’années après l’indépendance, il sera remplacé –signe de rupture avec le passé juridique
de la période coloniale- par le Code des obligations et des contrats en 1975. Or,
l’acculturation est si forte9 que les fondements et les méthodes du nouveau Code

1
Comme le souligne Monsieur le professeur MONEGER, les français « ne sont cependant pas aveugles, ni
ignorants. Ils savent que la maîtrise des lieux ne peut se faire sans le respect des institutions locales
fondamentales ». Cf. J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des
droits civils musulman et européens des obligations », in Le Code civil français et le dialogue des cultures
juridiques, Colloque de Beyrouth, 3, 4 et 5 mai 2004, Centre d’études des droits du monde arabe, Faculté de
droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 177.
2
J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des droits civils musulman
et européens des obligations », in Le Code civil français et le dialogue des cultures juridiques, op. cit., pp. 173-
184.
3
Ibid., p. 176.
4
S. DEROUICHE-BEN ACHOUR, « Rapport Tunisie », in La circulation du modèle juridique français, Travaux de
l’Association Henri CAPITANT, Litec, 1993, pp. 283-300.
5
J. MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de la symbiose des droits civils musulman
et européens des obligations », art. precit., p. 178.
6
Ibidem., p.178.
7
Pour reprendre l’expression du professeur MONEGER, « Les codes des obligations et contrats du Maghreb ou de
la symbiose des droits civils musulman et européens des obligations », art. precit., p. 178.
8
M. ISSAD, N. SAADI, « Rapport Algérie », in La circulation du modèle juridique français, op. cit., pp. 221-234.
9
Probablement par commodité, la rupture n’a pu être totale avec le passé juridique de la période coloniale.

380
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

demeurent français, le tout islamisé par l’insertion de normes tirées de la tradition juridique
malékite.
Au Maroc1, le droit des obligations et des contrats (DOC) n’a pas été le fruit d’un réel
travail de comparaison2. Préparé dans la hâte à Rabat puis affiné à Paris en moins de deux
ans3, sa promulgation le 12 août 1913 n’a pas bénéficié de la ferveur de la population
locale. Le processus d’appropriation du DOC ne commencera qu’à l’indépendance, lorsque
les juges franco-marocaines s’apercevront de la qualité des normes qu’il édicte -
notamment en droit de la responsabilité civile- après avoir œuvré pendant la période du
Protectorat pour son éviction4. Or, coexistait parallèlement à ce nouveau système le droit
musulman local, avec la survivance des tribunaux charaiques (du terme charia) toujours
compétents pour trancher les litiges selon le droit musulman des contrats. Contesté, un tel
pluralisme cédera la place en 1965 à la décision de feu le roi HASSAN II d’appliquer le
DOC en matière de contrats et d’obligations, d’arabiser la justice et de supprimer les
tribunaux charaïques au profit d’une juridiction unique. La symbiose finit par faire place à
l’osmose, et « la conjonction des droits se dissimule dans l’unification du droit des
obligations et des contrats »5.
417. Le possible dialogue juridique. L’expérience du droit des obligations est
révélatrice de la possibilité d’un dialogue juridique qui soit respectueux des traditions
juridiques de systèmes différents. Avec Monsieur le professeur MONEGER, l’adhésion est
totale à l’idée que « par-delà les différences de langues, de croyances ou du moins de
l’expression de celles-ci dans l’ordre social, les similitudes survivent, les différences
s’estompent pour n’être bien que dissemblances. De celles-ci aux ressemblances il y a peu.
Il faut retrouver dans la langue des sédiments différents sécrétés par les arythmies des
évolutions sociales et économiques, ce qui est commun parce qu’invariant, ce qui est
unique parce que juridique. En adoptant une démarche qui semble faire prévaloir l’apport
exogène sur le corpus juridique endogène, les États du Maghreb se sont comportés comme
le prophète MUHAMMAD (saw) le recommande aux croyants. Garder ce qui est reçu
d’ailleurs pour le mettre au service de la Communauté. Prendre ou conserver dans le droit
ou dans la formulation juridique des autres, ce qui assure l’existence d’un droit adapté aux
besoins d’aujourd’hui. En simplifiant bien sûr et que l’on pardonne cet excès, il faut tenir
1
A. KETTANI, « Rapport Maroc », in La circulation du modèle juridique français, op. cit., pp. 263-273.
2
Il ne s’agissait pas, à l’instar de la Tunisie, de mettre en place un droit moderne pour les marocains mais de
créer un nouveau système juridique en parallèle du droit musulman malékite pour permettre aux investisseurs
Français et étrangers au Maroc de bénéficier d’un droit moderne offrant prévisibilité et sécurité.
3
La hâte dans laquelle le texte a été préparé a conduit le haut magistrat près la Cour d’appel de Paris, Serge
BERGE, à être appelé près du général LYAUTEY au Maroc -membre de la Commission SANTILLANA en Tunisie-
afin d’aboutir dans les plus brefs délais à constituer un Code des obligations et des contrats pour les Français et
étrangers au Maroc.
4
Celui-ci était, pour les marocains, un Code fait pour les non-musulmans, alors que pour les étrangers et français
vivant au Maroc, celui-ci était une copie conforme au COC tunisien, et donc considéré comme étant fait pour les
ressortissants musulmans.
5
Ibidem., p. 183.

381
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

grande ouverte “bab el ijtihad”, sans présomption positive ou négative. Il faut relire IBN
RUSCHD pour mesurer que l’unique vérité n’est pas dans la fermeture de la pensée. Cela est
vrai dans les pays du Maghreb comme dans les pays du nord de la méditerranée face aux
mutations du temps »1. Si cette phrase trouve une constante pertinence, elle relance le
débat récurrent dans le monde musulman, portant aujourd’hui plus que jamais, sur la
nécessité de valoriser l’effort d’ijtihad.
418. L’ijtihad est de l’essence de l’Islam2. Pour Monsieur Bensallem HIMMICH,
l’ijtihad est « l’instance par laquelle des pratiques cognitives (le jugement discrétionnaire,
le raisonnement analogique ou la décision collective) se manifestent dans l’organisation
religieuse des rapports socio-juridiques des musulmans », afin de « tempérer ou actualiser
l’existence en rapport à un savoir »3. Si pour l’auteur, il s’agit d’une ingérence humaine
dans la loi divine, il convient de rappeler que l’homme, dès l’origine même de la création,
a été appelé à user de son effort personnel4. Défini généralement comme l’effort personnel
d’exégèse des textes sacrés -en l’occurrence de la charia- l’ijtihad subit, lui aussi,
l’influence des mouvements rigoristes ou progressistes d’une société donnée. S’il
n’occupe, parmi les sources du droit en Islam, que la dernière place 5, l’ijtihad confère
pourtant à la règle de droit une extraordinaire plasticité qui la maintient ouverte à
l’évolution de la société. Cette « ajustabilité »6 pourrait être rapprochée de l’exigence
européenne d’adaptation du droit au fait, limitée néanmoins par le souci de conformité à la
finalité islamique. Dans ce contexte, le pouvoir du juriste en Islam n’est pas seulement
d’interpréter la règle de droit, mais bien de créer du droit là où la norme religieuse ne
s’exprime pas, en tenant compte de l’environnement social et culturel 7. C’est ce
qu’exprime un auteur lorsqu’il souligne que « le droit musulman est par définition
pluraliste : tourné vers l’homme, il lui fallait prendre en charge tous les problèmes, brûlants
ou non, des hommes. Les sociétés musulmanes sont pluralistes par nature. Elles se sont
développées en “grappe” tout en demeurant unifiées, quant au souffle et à l’esprit qui les
1
Ibidem., p. 184.
2
Sur ce point, cf. supra, sur la consistance du message divin islamique, n° .
3
Sur ce point, cf. B. HIMMICH, Ijtihad, la face voilée de l’Islam, Rabat, éd. Marsam, 2006, p. 21.
4
Cette idée est à mettre en parallèle avec la fin de la Révélation en Islam, qui coïncide avec le décès du prophète
Mohammed. Cet évènement, perçu comme une rupture dans le mode de communication de Dieu avec l’Homme,
ouvre justement une voie plus large à l’effort personnel, la créativité, l’innovation et l’inventivité. La fin de l’ère
des prophètes correspond donc à l’avènement de l’âge de la raison dans toutes ses acceptions. C’est pourquoi la
clôture de la prophétie constitue un élément important. En ce sens : A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des
Lumières ? », in Droit, Éthique et Religion, de l’âge théologique à l’âge bioéthique, B. FEUILLET-LIGER,
P. PORTIER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 170.
5
Après le Coran, la sunna (tradition du prophète), le qiyas (raisonnement par analogie) et enfin l’ijmaâ (le
consensus).
6
Pour reprendre l’expression de Monsieur A. BOUHDIBA, « Existe-t-il un Islam des Lumières ? », in Droit,
Éthique et Religion, de l’âge théologique à l’âge bioéthique, B. FEUILLET-LIGER, P. PORTIER (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2012, p. 180.
7
Sur la question de la diversité des Codes du statut personnel dans le monde arabe, cf. La thèse de Madame
F. TOBICH, Les statuts personnels dans les Pays Arabes : de l’éclatement à l’harmonisation, Marseille, PUAM,
2008.

382
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

animent »1. Et c’est justement ce souffle et l’esprit qui l’anime, tiré de « la prescription
sacrée (…) (qui) appelle un travail de compréhension en profondeur pour conclure au cas
précis (…). Aller de l’absolu au contingent implique d’emblée l’intelligence des principes,
et la saisie objective des choses (…) ». Dans ce contexte, le débat relatif à la fermeture des
portes de l’ijtihad2 ne peut valablement s’accommoder de l’esprit du droit musulman,
lequel est par nature adaptation et créativité. Le réduire à un mimétisme répétitif et fermé
sur lui-même ne conduit pas moins à en ignorer les finalités et le sens profond, dont le but
est « d’assurer au sein de la cité islamique les conditions juridiques optimales pour le plein
épanouissement de l’homme afin qu’il puisse vivre harmonieusement et exécuter les tâches
qu’il doit assumer en ce monde » Les prescriptions divines, contrairement à ce qui est
largement répandu, ne sont pas « des ordres à respecter mécaniquement, mais plutôt, et au
plein sens des mots, des normes de conduite proposées à l’homme pour qu’il puisse
s’accomplir »3. Dans ce contexte, l’usage de l’ijtihad par le législateur marocain en 2004
éclaire sur la portée de la réforme, car il valorise une démarche qui s’inscrit dans un
procédé propre au droit musulman, et non celui de la modernité occidentale. C’est bien
aussi la preuve que « le droit musulman de la famille auquel se rattachent les codes
maghrébins (...) n’est pas voué à rester hors du siècle », comme certains ont pu l’affirmer4.

B) Le Code marocain de la famille, reflet d’une culture juridique propre

419. L’impact de la réforme. Dès avant sa promulgation, le Code marocain de la


famille eut un écho retentissant à travers le monde. Les craintes exprimées par la société
civile dès l’annonce du projet de réforme tenaient d’une part au fait que le statut personnel,
intimement liée aux valeurs de la société arabo-musulmane, cristallise un certain nombre
de tabous dont la question récurrente du statut de la femme marocaine5. D’autre part, la
réforme entreprise intervenait cinq années seulement après l’intronisation de sa majesté le
roi MOHAMMED VI. Jeune monarque -commandeur des croyants- affichant des allures
modernistes, légiférer sur une question de l’ordre du religieux lui permettait de mettre en
place la conception de la famille qu’il souhaitait privilégier, en jetant les bases de sa
politique. C’est pourquoi la crainte d’une large frange conservatrice de la société n’a pas
manqué de s’exprimer sur le risque que la modernité ne l’emporte sur la tradition. Cette

1
A. BOUHDIBA, art. precit., p. 182.
2
Sur les facteurs historiques (d’ordre politique notamment) justifiant cette fermeture, cf. B. HIMMICH, Ijtihad, la
face voilée de l’Islam, op. cit., spec. p. 75 et s.
3
Ibid., p. 183.
4
S. JAHEL « La lente acculturation du droit maghrébin de la famille dans l’espace juridique français », in La
place de la Chari’a dans les systèmes juridiques des pays arabes, S. JAHEL, Paris, éd. Panthéon-Assas, 2012,
p. 181.
5
N. ZARZAR, « Le statut des femmes, un éternel recommencement », Confluences méditerranées, Hors-série,
l’Harmattan, 2000, p. 78.

383
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

même crainte a tout au long de la réforme, opposé les conservateurs -fervents défenseurs
de la traditionnelle famille arabo-musulmane- aux progressistes. Tout le défi était donc
d’allier harmonieusement tradition et modernité, en imprimant à la réforme son « label
d’islamité »1 dans la modernité. Les nombreux commentaires2 de la réforme témoignent de
l’importance du changement dans un pays où les dispositions relatives au statut personnel
se réduisaient à une simple compilation (moudawana) des règles issues du droit musulman
classique au sein d’un code. Légiférer en usant de l’ijtihad en matière familiale revêtait
donc une dimension symbolique qui désacralisait l’ancienne moudawana en acceptant de
l’adapter aux évolutions de la société3. Le succès de la réforme dans le monde musulman a
également été significatif, à tel enseigne que le Prix de la personnalité de l’année 2015, de
la cohésion familiale et du soutien social a été décerné, le 19 avril 2015 par l’Organisation
arabe de la famille au roi Mohamed VI, en signe de reconnaissance des efforts déployés
dans le domaine familial.

§2) Une exportation du contenu

420. L’ordre public4 comme limite à l’exportation. Si l’absence d’unité juridique


caractérise les législations familiales des pays arabo-musulmans, toute tentative
d’harmonisation bute tant sur des contraintes institutionnelles que juridiques relatives au
cadre régional du monde musulman5. Pour autant, les pays de tradition juridique islamique
se retrouvent incontestablement unis autour de la conception particulière des droits
fondamentaux, qui découle tant de la Charte arabe des droits de l’homme que de la
Déclaration du Caire sur les droits de l’homme en Islam, établie sous l’égide de la
Conférence islamique. Entre autres éléments caractéristiques de ce système, l’ordre public
y constitue une invariante commune (A) dont les contours religieux constituent autant

1
Pour reprendre l’expression de Madame le professeur Mariam MONJID, L’Islam et la modernité dans le droit de
la famille au Maghreb, Étude comparative : Maroc, Algérie, Tunisie, Paris, l’Harmattan, 2013.
2
Entre autres commentaires : F. SAREHANE, « Le Code marocain de la famille », Gaz. Pal., sept.-oct. 2004, pp.
2792-2805 ; F. MONEGER, « Le Code de la famille marocain de 2004 devant la Cour de cassation », Rev. crit.
DIP, 2004, p. 249 ; A. ROUSSILLON, « Réforme de la Moudawana : statut et citoyenneté des marocaines », rev.
Maghreb-Machrek, n° 179; L. BUSKENS, « Le droit de la famille au Maroc », in Ordre public et droit musulman
de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2012, pp. 97-125 ; F. LAROCHE-GISEROT, « Le nouveau Code marocain de la famille : innovation ou
archaïsme ? », Rev. dr. inter. et dr. comparé, 2005, vol. 82, n° 4, pp. 335-355. Sur les incidences de l’adoption
du nouveau Code sur les relations privées internationales, cf. : M.-C. FOBLETS, J.-Y. CARLIER, Le Code
marocain de la famille, incidences au regard du droit international privé en Europe, Bruxelles, Bruylant, 2005.
3
Ainsi que le souligne Madame TOBICH, « c’était la première fois qu’on osa interférer ouvertement et
publiquement dans le domaine réservé au statut personnel ». Cf. F. TOBICH, Les statuts personnels dans les Pays
Arabes : de l’éclatement à l’harmonisation, Marseille, PUAM, 2008, p. 66.
4
Sur l’ordre public : Travaux de l’Association Henri CAPITANT des amis de la culture juridique, Journées
libanaises, 1998, LGDJ, 2001 ; F. CADIET, L’ordre public en droit international de la famille, Étude comparée
France/Espagne, Paris, l’Harmattan, coll. « Logiques juridiques », 2005.
5
Pour de plus amples développements, cf. F. TOBICH, op. cit., pp. 215-235.

384
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

d’obstacles à une exportation, inenvisageable sans une réhabilitation de la place du donné


religieux (B).

A) L’ordre public religieux, obstacle à l’exportation

421. Les bonnes mœurs1, au fondement de l’ordre public. Au sein d’un système
juridique, les bonnes mœurs, combinées au concept d’ordre public, permettent de limiter -
selon la finalité du droit- l’espace de libertés que le droit reconnaît aux individus2. Outre
l’objectif d’organisation de la société, les systèmes juridiques occidental et islamique
veillent à offrir à l’individu les conditions juridiques optimales pour son plein
épanouissement, avec cette différence près que le second ne détache pas cette exigence de
la connaissance profonde de l’homme –préalable à la connaissance de Dieu. Dans ce
contexte, la détermination du contenu des bonnes mœurs se fait au gré de l’importance
hiérarchique de la norme. Si un auteur a pu décréter la fin des bonnes mœurs en France3,
celles-ci permettent encore, dans les pays du Maghreb et dans le monde musulman, de
dessiner les contours d’un ordre public en accord avec les finalités de la charia. II est vrai
que le substantif « mœurs » renvoie à un comportement social et l’adjectif « bonnes », qui
lui est accolé, à l’idée de « modèle de vie en société qui est proposé à tous, mais son
contenu imprécis en rend la définition délicate, d’autant que leur sens varie selon
l’évolution des mœurs. Ainsi s’opère un glissement insensible vers la morale »4, qui fait
dire à Monsieur le professeur GHESTIN que « les bonnes mœurs ne sont que l’aspect plus
spécialement moral de l’ordre public dont elles sont indissociables »5. L’importance du
concept de norme sociale de conduite6, encore très prégnant, se traduit par le respect d’une
conduite jugée conforme par le groupe, au risque de s’exposer à sa sanction. Si l’ordre
public ne sanctionne pas expressément le défaut de respect des bonnes mœurs mais le fait
en général via le mécanisme de l’ordre public, c’est que la désapprobation du groupe
constitue une sanction bien plus grave que la sanction juridique.

1
V. sur cette notion : J. FOYER, « Les bonnes mœurs », in Le Code civil, un passé, un présent, un avenir (1804-
2004), Paris, Dalloz, coll. « Université Panthéon-Assas, 2004, pp. 495-513. Cf. aussi E. FRAGU, Des bonnes
mœurs à l’autonomie personnelle. Essai critique sur le rôle de la dignité humaine, Thèse, Paris 2, 2015.
2
X. DIJON, La raison du corps, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et Religion », 2012, p. 31.
3
D. FENOUILLET, « Les bonnes mœurs sont mortes ! Vive l’ordre public philanthropique », in Le droit privé
français à la fin du XXème siècle. Études offertes à Pierre CATALA, Paris, éd. Litec, 2000, p. 487-528.
4
J. FOYER, « Les bonnes mœurs », art. precit., pp. 495-496.
5
J. GHESTIN, « L’ordre public, notion à contenu variable, en droit privé français », in Les notions à contenu
variable, C. PERELMAN, R. VANDER ELST (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 1984, p. 85.
6
Cf. supra, n° 257 et s.

385
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

1- La spécificité de l’ordre public en droit marocain

422. Méconnaissance de l’ordre public international. La controverse liée à la


dimension internationale de l’ordre public en Occident ne retrouve pas la même résonance
en droit marocain1. Afin d’écarter l’application d’une loi ou refuser l’exequatur d’une
décision contraire aux valeurs du système juridique marocain, le juge n’a pas recours -à
l’instar de ce que fait le juge français- à l’ordre public en tant que concept. Les juridictions
marocaines utilisent davantage ses composantes –privilège de nationalité et privilège de
religion2-, et ne mobilisent l’ordre public au sens où nous l’entendons que dans les rapports
internes. Selon qu’il s’agit de le faire jouer dans les relations internes ou d’en mobiliser les
composantes à l’échelle internationale, le contenu de l’ordre public sera donc différent.
Lorsqu’il s’agit de protéger les fondements politiques et religieux de la société marocaine
d’une contamination de l’esprit libéral des droits occidentaux, l’ordre public mobilisé
gagnera à être intransigeant s’il s’agissait, par exemple, de soumettre la volonté des
contractants à certaines restrictions relatives à l’objet ou à la cause d’une transaction 3.
C’est pourquoi il est rare, ainsi que le souligne Monsieur le professeur Mohamed LOUKILI,
« de rencontrer une décision qui utilise le terme “ordre public international” ou ordre
public au sens du droit international privé, dans les procès internationaux relevant du droit
de la famille. Les juges se contentent la plupart du temps de se référer à la notion d’ordre
public tout court, pour l’ériger en arme contre les lois ou décisions étrangères
incompatibles avec les principes ou les lois impératives du statut personnel musulman.
Ainsi, la distinction entre ordre public interne et ordre public international, c’est-à-dire au
sens du droit international privé, n’existe pas dans l’esprit du juge marocain »4. Pour
preuve, à l’occasion d’une affaire mettant en cause un testament rédigé par un ressortissant
français établit au Maroc au profit de sa concubine, la Cour suprême marocaine, afin de
sanctionner de nullité le testament ainsi établit, retient comme motif de nullité la
contrariété du legs à l’ordre public marocain5 en évoquant l’article 490 du Code pénal qui
incrimine les relations hors mariage. Une décision demeurée isolée de la chambre
administrative de la Cour suprême, mettant en cause un italien ayant effectué un legs au
profit de sa concubine au Maroc, avait permis aux juges de valider le legs en application du
droit italien, rendu applicable par la règle de conflit de lois. Perçue comme étant une
atteinte aux bonnes mœurs pour certains, cette décision rendue par des magistrats de

1
M. LOUKILI, « L’ordre public et les institutions familiales étrangères », Rev. dr. fam., 2015, sept., n° 38.
2
V. infra, n° 425 et 426.
3
Cf. art. 62 du DOC : « L’obligation sans cause ou fondée sur une cause illicite est non avenue. La cause est
illicite, quand elle est contraire aux bonnes mœurs, à l’ordre public ou à la loi ».
4
M. LOUKILI, art. precit., p. 147.
5
Cour suprême, chambre civile, 14 sept. 1977, arrêt n° 512.

386
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

formation moderne demeura isolée et n’a jamais reflété la position de la Cour suprême
marocaine1.
423. La place du roi dans le système de justice. Au Maroc2, la justice est rendue au
nom du roi, Commandeur des croyants. Son pouvoir repose sur une légitimité religieuse,
qui trouve dans la descendance prophétique de la famille alaouite son fondement. En tant
que descendant du prophète, une certaine obéissance -présentée comme une sorte de
bénédiction- lui est due3. Cette aura sacramentelle n’est pas neutre sur le plan de la justice.
Un arrêt célèbre rendu le 20 mars 1970 par la chambre administrative de la Cour suprême a
précisé que « la fonction judiciaire fait partie de l’ensemble des attributions qui relèvent
en premier lieu du chef des croyants », avant d’ajouter que « le Roi exerce ses pouvoirs
constitutionnels en qualité d’imam des croyants et à cet égard il ne saurait être considéré
comme une simple autorité administrative »4. Par conséquent le juge « doit tenir compte
dans ses décisions de certains principes et commandements de la loi religieuse (charia) qui
gouverne la vie de chaque Marocain musulman sur le plan du statut personnel et familial,
même quand il vit sur une terre étrangère ou quand il noue des relations avec un étranger
non musulman »5. La jurisprudence est parfois allée jusqu’à exiger que le juge prononçant
la dissolution du mariage entre deux marocains à l’étranger soit également musulman, et
qu’il applique les règles de droit marocain découlant de la charia6. Le nouveau Code de la
famille prévoyant un nouvel article 128 relatif à l’exequatur des décisions étrangères dont
l’objet est la dissolution du mariage a, fort heureusement, abandonné ce « dérapage
judiciaire »7.
424. L’hésitation jurisprudentielle entre le système de la personnalité des lois et
celui de territorialité. La jurisprudence rendue pendant le protectorat français répondait
aux exigences et au contexte propres à cette période. Pourtant, certains mécanismes issus
de cette période semblent être toujours ignorés par les juges ou, à tout le moins, leur
maîtrise ferait défaut8. À titre d’exemple, la question de la qualification est encore
l’occasion pour les juges marocains de se montrer hésitants9 quant au rattachement à la loi

1
M. LOUKILI, art. precit., p. 149.
2
A. BENJELLOUN, « La monarchie au Maroc : un régime entre tradition et modernité », in les nouvelles
constitutions africaines : la transition démocratique, H. ROUSSILLON (dir. de), Toulouse, Presses de l’Institut
d’études politiques, 1993, pp. 125-143.
3
S. PAPI, L’influence juridique islamique au Maghreb, op. cit., p. 307.
4
Cité par M. LOUKILI, « L’ordre public en droit international privé marocain de la famille », in Ordre public et
droit musulman de la famille en Europe et en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de),
Bruxelles, Bruylant, 2012, p. 127.
5
Ibid., p. 127.
6
Cour suprême, 24 janv. 2001, arrêt n° 90, cité par M. LOUKILI, art. precit., p. 141.
7
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur LOUKILI, art. precit., p. 152.
8
M. LOUKILI, « Le droit international privé marocain de la famille », art. precit., p. 130.
9
Malgré des indices qui laissaient à croire un éventuel abandon du système de la personnalité des lois. Statuant
sur la validité d’un testament (écrit conformément à la règle de conflit de loi locale relative aux conditions de
forme des actes juridiques (art. 10 DCC)) laissé par un anglais résidant au Maroc, les juges ont pu retenir que « si

387
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

du for ou la loi personnelle de l’étranger résidant au Maroc1. La Cour de cassation


manifeste clairement son attachement au principe de la personnalité des lois « hérité de la
tradition islamique et du régime des capitulations »2. De la même manière, le renvoi « n’a
jamais été suivi par la jurisprudence au Maroc, ni pendant la période du protectorat, ni
après l’indépendance du pays. Les tribunaux français du Maroc, pendant l’époque
coloniale, ont jugé le procédé du renvoi inapplicable pour le système marocain de 1913, en
raison du respect absolu dû à la loi étrangère et de l’inexistence d’une lex fori locale en
matière de droit familial du fait de la pluralité des statuts personnels et de leur nature
religieuse »3. Cette situation persiste encore aujourd’hui, notamment lorsque les juges se
bornent à appliquer le droit étranger sans même se soucier du système de conflit des lois,
alors même qu’un texte conventionnel les oblige à y procéder4.

2- Les composantes internationales de l’ordre public en droit


marocain

425. Le privilège de nationalité. À défaut de codification des mécanismes relatifs


aux conflits de lois, c’est le dahir sur la condition civile des Français et des étrangers 5 au
Maroc (DCC) qui contient l’essentiel des règles applicables6. Celle-ci fait la part belle au
système de personnalité des lois, dont le critère tiré de la nationalité. Le DCC trouve donc
à s’appliquer dès qu’un litige met en cause un étranger et un marocain, du fait de la règle
bilatérale de conflit qu’il met en place. Néanmoins, la portée de cette règle se trouve
considérablement atténuée. En effet, la Cour suprême7 procède à la limitation de son
application au seul cas où les deux parties en cause sont de nationalité étrangère, pour
permettre au droit local de déployer ses pleins effets lorsque le litige met en cause au
moins une partie de nationalité marocaine. C’est pourquoi on a pu écrire que « l’arrêt, qui

la loi nationale du testateur exige pour le testament une forme particulière à tel point qu’elle peut paraître comme
une condition de fond pour sa validité, il faut appliquer la règle de rattachement énoncée par l’article 18 du DCC
relatif aux conditions du fond du testament », par conséquent sa loi personnelle. Cour suprême, chambre civile,
23 fév. 1977, arrêt n° 139. Le même raisonnement a été adopté à l’occasion d’une décision annulant un contrat
de vente d’immeuble conclu par un étranger. L’état de maladie comme cause d’annulation du contrat n’a pas été
rattaché à la catégorie « conditions de forme » dont le consentement est une composante (afin de permettre le
rattachement à la loi du for (art. 13 DCC)), mais par référence à la règle de conflit en matière d’état et de
capacité des personnes permettant le rattachement à la loi personnelle (art. 3 DCC). Cour suprême, 20 janv.
1982, cité par M. LOUKILI, p. 132.
1
Cour suprême, chambre civile, arrêt n° 251, 5 juil. 1967, JDI, 1971, note P. DECROUX, p. 184.
2
M. LOUKILI, art. precit., p. 132.
3
Ibid., p. 132.
4
Cf. art. 3 de la convention franco-marocaine de 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la
coopération judiciaire.
5
Dahir du 12 sept. 1913, B.O, 12 sep. 1913, n° 46, p. 77. Celui-ci a connu plusieurs réformes dont la plus
importante est celle du 28 septembre 1974.
6
Cf. sur ce dahir P. DECROUX, « Le mariage des Français et des étrangers au Maroc », D., 1956, chron. XXI, pp.
109-116.
7
Cour suprême du Maroc, 7 fév. 1972, Rec. arrêts Cour suprême, nov. 1972, p. 46.

388
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

établit un privilège de nationalité, masque à peine le privilège de religion sous-jacent »1. La


décision rendue en 1972 par la Cour suprême sera confirmée par la Cour à l’occasion de
l’affaire Eugène Girel2. L’influence de ce critère3 permet au législateur et aux juges de
privilégier la nationalité marocaine au détriment de toute autre nationalité. Ce critère a été
repris à l’occasion de la détermination du champ d’application spatial du Code marocain
de la famille4. L’article 2 prévoit que les dispositions de la moudawana s’appliquent entre
deux personnes de nationalité marocaine, mais aussi entre un marocain (ou un individu
musulman non marocain) et un étranger (non musulman)5. À ce stade déjà se profile le
spectre du critère tiré du privilège de religion, lequel peine à être détaché de la nationalité 6.
Seules les relations entre deux étrangers non musulmans respectent l’esprit du système de
conflit des lois. La première apparition textuelle de ce privilège se retrouve dans le dahir
du 4 mars 19607 relatif à la célébration, suivant les formes déterminées par l’état civil, des
mariages entre Marocains et étrangers. En cas de mariages mixtes, la priorité est donc le
respect de la loi marocaine8. La jurisprudence permettra par la suite une diffusion de ce
privilège à tous les rapports familiaux impliquant une personne marocaine9.

1
M.-C. NAJM, Principes directeurs du droit international privé et conflit de civilisations, Relations entre
sysèmes laïques et systèmes religieux, op. cit., p. 190, spec. n° 203.
2
Cour suprême du Maroc, 5 juil. 1974, JDI, 1978, p. 681.
3
Lequel est, somme toute, d’apparition relativement récente. Pendant la période du protectorat, la situation
inverse prédominait, c’est-à-dire que le souci de préserver la loi étrangère conduisait fréquemment à retenir cette
dernière au détriment de la loi marocaine, même lorsqu’une partie marocaine était en cause. C’est ce
personnalisme excessif qui justifie sans doute, que la situation ait été ensuite inversée afin de favoriser une
application plus large de la loi marocaine lorsqu’un ressortissant marocain est en cause.
4
Contrairement à la moudawanna de 1958 qui ne se prononçait pas sur la question.
5
Le Code marocain de la famille ne s’applique pas aux juifs marocains qui demeurent soumis à leur statut
personnel. Cette situation révèle une inégalité car les personnes de confession juive, bien que marocaines, ne
peuvent se prévaloir d’un tel privilège de nationalité pour demander l’application de leur statut hébraïque à
l’encontre d’une personne de la même confession et d’une autre nationalité. V. au sujet d’un conflit d’héritage
entre deux personnes de confession juive, l’une de nationalité maroco-tunisienne, l’autre tunisienne, l’éviction de
la loi marocaine au profit de la loi tunisienne : Cour suprême, 24 janv. 2007, arrêt n° 69, cité par M. LOUKILI,
art. precit., p. 141.
6
Monsieur le professeur LOUKILI le souligne d’ailleurs parfaitement lorsqu’il explique qu’ « en réalité, l’arrière-
pensée des rédacteurs de la nouvelle moudawana était d’évincer les règles normales de conflits de lois en ce qui
concerne les rapports familiaux où l’une des parties est marocaine et de confession musulmane, de sorte que ce
genre de rapports ne soit pas soumis à une loi étrangère contraire aux préceptes de l’islam. Cela avait pour
raison, mais a aussi pour conséquence, une confusion entre le privilège de nationalité et le privilège de religion ».
art. precit., p. 140.
7
Dahir du 4 mars 1960 relatif à la célébration des mariages entre marocains et étrangères ou marocaines et
étrangers, B.O, 25 mars 1960, p. 689.
8
CA Rabat, 23 déc. 1969. Dans cette décision, la Cour a considéré qu’ « on ne peut appliquer au défendeur, le
mari marocain de confession musulmane, que sa loi naturelle, c’est-à-dire la moudawana ». Alors même que les
juridictions, lorsqu’elles étaient saisies d’une demande de divorce entre un marocain et un étranger, appliquaient
la loi des deux parties au procès. Cité par M. LOUKILI, art. precit., p. 140.
9
Cour suprême, 7 fév. 1972, arrêt n° 57, JDI, 1978, note P. DECROUX, p. 674.

389
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

426. Le privilège de religion1. La primauté du rattachement religieux au sein du


système de tradition islamique est le reflet de l’importance attachée à la norme religieuse.
Dans les litiges mettant en cause une personne de confession musulmane, la loi religieuse
est systématiquement appliquée, alors même que le litige s’élèverait entre un musulman et
un non-musulman2. La priorité est donc donnée à l’application du droit musulman
indépendamment de la loi personnelle, la nationalité –initialement inconnue du système
islamique- étant absorbée par l’appartenance religieuse 3. S’il n’est mentionné nulle part
dans le Code de la famille, le critère tiré du privilège de religion a, une fois de plus, été
introduit en jurisprudence dès 1974. À l’occasion d’une affaire relative au règlement de la
succession d’un ressortissant français converti à l’Islam -et décédé au Maroc en y laissant
des biens-, la Cour suprême a décidé que « la conversion à l’Islam implique
obligatoirement l’application des règles du droit musulman pour ce qui est des questions
relevant du statut personnel et des successions des intéressés, dès lors que cette conversion
est intervenue sans fraude et qu’elle est conforme aux règles de procédure légale (…) »4.
La loi nationale du défunt normalement applicable est donc expressément écartée au profit
de la nouvelle religion du de cujus. Dans l’affaire rapportée, la règle de conflit
normalement applicable -issue du dahir du 4 avril 1958 relatif à l’organisation et au
fonctionnement des juridictions de droit commun5- a été tacitement abrogée par le dahir du
24 avril 1959 qui attribue aux tribunaux charaiques (compétents en matière de charia)
« les contestations relatives au statut personnel et successoral des Marocains régis par le
Code du statut personnel et successoral et des étrangers musulmans établis dans le
royaume qui relèvent également des tribunaux du chraâ ». Ce dernier dahir constitue donc
la base légale qui permet d’écarter l’application de la règle de conflit normalement
applicable. Les magistrats siégeant dans ces tribunaux étant les cadis, la loi qu’ils
appliquent est exclusivement la loi musulmane. L’analyse conflictualiste de droit
international privé leur étant méconnue, ceux-ci ne jugeaient qu’à partir de la qualité de
musulman ou de personne convertie à l’islam. Le système de justice marocain ayant depuis
été unifié par la loi du 26 janvier 19656 et les tribunaux charaïques supprimés, il aurait été

1
M. CHARFI, « L’influence de la religion dans le droit international privé des pays musulmans », Rec. cours
Acad. La Haye, 1987, III, 329.
2
Sur l’existence d’un élément endogène dans les relations des non-musulmans dans les pays de tradition
islamique, V. spec. le Titre 2 de la Partie 2 de la thèse de Monsieur K. ZAHER, op. cit., p. 343 et s.
3
J. DEPREZ, « Environnement social et droit international privé. Le droit international privé marocain entre la
fidélité à l’Umma et l’appartenance à la communauté internationale », in Droit et environnement social au
Maghreb, Paris-Casablanca, éd. CNRS&Fondation du roi Abd-El-Aziz pour les études islamiques et les sciences
humaines, pp. 281-330 ; A. MOULAY R’CHID, « Les grandes lignes du droit international privé en matière de
statut personnel », Rev. dr. et éco., 1991, n° 7, pp. 7-42.
4
Cour suprême, 5 juil. 1974, arrêt n° 250.
5
Pour un aperçu avant, pendant et après le protectorat, cf. M.J. ESSAID, Introduction à l’étude du droit, Rabat,
Fondation M.J. ESSAID pour la Réforme du droit et le développement Socio-Économique, avec le concours de la
Fondation Éducation et Culture du Groupe Banque Populaire, 4ème éd., 2010, pp. 326-370.
6
L. du 26 janvier 1965 dite loi d’unification, de marocanisation et d’arabisation de la justice, B.O, 3 fév. 1965,
p. 105.

390
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

souhaitable, par souci de cohérence, d’écarter l’application du critère tiré de la religion des
individus. Celui-ci n’a, en l’état du droit positif –et à la date même du prononcé de la
décision- plus aucune assise légale, si ce n’est la jurisprudence qui continue de considérer
ce critère come étant un privilège au fondement même du système marocain.
427. Les dangers d’une telle approche. La prise en compte de la religion dans les
rapports de droit international privé des pays de tradition islamique empêche au système de
conflit de lois de jouer, en le neutralisant au profit du donné religieux. Or, ce système
révèle rapidement ses limites, une présomption de religiosité pesant sur tout justiciable. Si
ce dernier peut bien être musulman, car né de parents musulmans, il peut aussi ne pas
adhérer à la profession de foi de ces derniers. Droit fondamental, le principe de liberté de
conscience permet à l’individu de choisir sa religion voire, n’en adopter aucune. La
question du privilège de religion amène à évoquer la problématique de la liberté de
conscience, particulièrement celle de la liberté religieuse en droit musulman1. Bien que fort
intéressante, la problématique dépasserait le cadre de nos recherches. Il convient
néanmoins de souligner que le critère tiré du donné religieux est d’autant plus paradoxal
qu’il aboutit à la négation de l’égalité des personnes entre elles, à l’heure où la nouvelle
Constitution marocaine -bien qu’elle accorde une place de choix aux valeurs islamiques 2
dans son préambule- affirme que la prééminence « accordée à la religion musulmane dans
ce référentiel national va de pair avec l’attachement du peuple marocain aux valeurs
d’ouverture, de modération, de tolérance et de dialogue pour la compréhension mutuelle
entre toutes les cultures et les civilisations du monde », en s’engageant à « bannir et
combattre toute discrimination à l’encontre de quiconque, en raison du sexe, de la couleur,
des croyances, de la culture, de l’origine sociale ou régionale, de la langue, de l’handicap
ou de quelque circonstance personnelle que ce soit ». C’est bien l’adhésion purement
formelle à ces valeurs, lorsqu’elles se traduisent sous la forme de conventions
internationales que le Maroc ratifie, qui empêche leur pleine efficacité. Faut-il rappeler à
cet égard que le statut des conventions et des traités internationaux n’a acquis force
obligatoire3 dans le système juridique marocain qu’à l’occasion de la réforme de la

1
L’article 25 de la Constitution marocaine dispose toutefois que : « Sont garanties les libertés de pensée,
d’opinion et d’expression sous toutes ses formes (…) ». V. les développements de Monsieur le professeur
S. ALDEEB ABU SAHLIEH sur cette question : Religion et droit dans les pays arabes, Bordeaux, PUB, 2008,
p. 159 et s., V. aussi : B. PONT-CHELINI, Quelle politique religieuse en Europe et en méditerranée. Enjeux et
perspectives, Marseille, PUAM, 2004.
2
Selon l’article 3 de la Constitution : « L’islam est la religion de l’État, qui garantit à tous le libre exercice des
cultes ».
3
Seule la jurisprudence a eu à statuer sur la question relative à la nécessité de publier le texte conventionnel dans
le bulletin officiel, jugée comme l’unique garantie permettant de porter le texte juridique à la connaissance du
public. Cf. l’arrêt de la Cour suprême du 3 novembre 1972, dit affaire Zahra BENNANI c/ Air France, cité par H.
ALAMI M’CHICHI, Genre et politique au Maroc, Les enjeux de l’égalité hommes-femmes entre islamisme et
modernisme, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 54. Or, la question de la force juridique attachée au texte conventionnel
demeure attachée à la résolution du problème de la hiérarchie des normes pour lequel il n’existait, jusqu’à la
réforme de la Constitution en 2011, aucune règle impérative.

391
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

Constitution en 20111. À défaut de retenir le critère tiré du privilège de religion si l’une des
parties en contestait l’application, les juges pourraient toujours opérer le rattachement à la
nationalité marocaine du requérant, laquelle présume la religion de l’individu. Au
demeurant, à partir du moment où un musulman est partie au litige, le juge raisonne en
dehors de tout système conflictuel, avec pour seule considération « l’exclusivisme de
l’ordre public religieux »2 et en totale indifférence aux objectifs de l’ordre international.
Une telle approche du droit international privé limite considérablement le champ
d’application de la règle de conflit de lois, et constitue un réel butoir à toute tentative
d’ouverture des systèmes occidentaux à la réception du droit étranger.
428. La nécessaire refonte des rapports entre le politique et le religieux. Outre
l’atteinte portée à la stabilité et à la continuité des systèmes juridiques, particulièrement
lorsque sont en cause le système confessionnel et le système laïque, Monsieur le professeur
LOUKILI met l’accent sur la nécessité pour le juge d’analyser « la situation ou la relation
comportant un élément étranger et la recherche de l’État avec lequel elle présente les liens
les plus étroits pour la soumettre à son droit, selon des critères de rattachement objectifs »3.
Dans un contexte de mobilité croissante des ressortissants marocains à travers le monde, le
réalisme commanderait que les acteurs judiciaires renoncent à leur attitude conservatrice et
de réserve au profit d’un minimum de tolérance dans leurs décisions ainsi que dans la
réception du droit étranger4. Il en va de l’harmonie des décisions de justice ainsi que de la
continuité des situations juridiques au-delà des frontières. La persistance du législateur et
des juges à n’observer le monde qu’à travers le prisme religieux est aujourd’hui dépassée
dans un monde globalisé et multiculturel, dans lequel l’individu est de moins en moins
considéré à travers une religion donnée. À cet égard, Madame le professeur ALAMI
M’CHICHI dénonce à juste titre la prétexte tiré de la souveraineté des États afin de
continuer à masquer des discriminations flagrantes5. L’alliance conjuguée de la modernité
et de la tradition à l’occasion de la promulgation du Code marocain de la famille prouve
bien la possibilité de renouer avec le monde, en demeurant fidèle aux principes de base qui
définissent une société donnée. Si le droit international privé marocain a pu être qualifié
comme étant « à la croisée des chemins »6, celui-ci se laisse entraîner -malgré sa situation
géographique stratégique- par la vague de religiosité qui touche le monde arabo-musulman.

1
Au terme de l’article 19 al. 1, « l’homme et la femme jouissent, à égalité, des droits et libertés à caractère civil,
politique, économique, social, culturel et environnemental, énoncés dans le présent Titre et dans les autres
dispositions de la Constitution, ainsi que dans les conventions et pactes internationaux dûment ratifiés par le
Maroc et ce, dans le respect des dispositions de la Constitution, des constantes du Royaume et de ses lois (…) ».
2
Pour reprendre l’expression de Madame NAJM. Cf. Principes directeurs du droit international privé et conflit
de civilisations, op. cit., p. 551.
3
M. LOUKILI, art. precit., p. 146.
4
V. en ce sens M. LOUKILI, J. SAGOT-DUVAUROUX, « La neutralisation des obstacles à la réception des
institutions familiales », Rev. dr. fam., 2015, n° 9, 38.
5
H. ALAMI M’CHICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., p. 144.
6
M. LOUKILI, art. precit., p. 158.

392
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

De l’aveu du professeur LOUKILI, la résolution de cette question « ne se limite pas à


l’élaboration d’un nouveau Code de droit international privé mais passe nécessairement par
la refonte de l’État lui-même et l’introduction d’une sorte de laïcité, qui circonscrirait la
sphère du religieux au strict domaine personnel en faisant abstraction, dans les rapports qui
se nouent quotidiennement entre les hommes, de leur nationalité et de leur religion »1.
429. Une approche genre limitée à la déconstruction des inégalités sociales. Dans
la droite ligne de ce vœu, l’analyse proposée par Madame le professeur ALAMI M’CHICHI
repose sur le constat d’un monde « profondément affecté par des relations transcendant les
frontières des États et qui affectent les structures internes »2. C’est pourquoi l’économie
d’une projection de la politique interne vers l’international3 ne saurait être faite. L’auteur
suggère d’analyser le système politique marocain à l’aune de la perspective genre afin de
déconstruire les distorsions existantes dans les représentations sociales vécues par les
femmes4. Relevant l’existence de rapports socialement et historiquement construits autour
de nombreuses inégalités, l’auteur distingue la sphère publique dans laquelle l’égalité des
femmes est affirmée, pourtant immédiatement contredite par les inégalités au sein de la
sphère privée. Selon l’auteur, la complexité des interactions entre ces deux sphères
empêche l’émergence d’une réelle citoyenneté des femmes et nuit à l’effectivité de leur
contribution dans la redéfinition du politique, dans lequel elles sont pourtant déjà actrices.
C’est pourquoi une reconsidération des inégalités les plus flagrantes contenues dans le
Code de la famille ne doit pas être, en soi, perçue tel l’objectif ultime, mais un simple
tremplin à « l’émergence de conditions pour une re-définition complète de la politique »5.
Dans cette perspective, le défi lancé par l’auteur aux femmes marocaines est « de
réconcilier sphère privée et sphère publique en faisant la démonstration que “tout ce qui est
personnel est politique” »6. Cela passerait en premier lieu par la recherche de l’égalité au
sein de la famille7. Or, l’étude de l’évolution du droit français en ce sens a révélé que la
famille ne devait pas en être le lieu privilégié. Tendre à une égalité où les spécificités de
l’homme et de la femme seraient respectées est, bien entendu, bienvenu. La théorie du
gender pourrait, en contexte arabo-musulman8, contribuer à la déconstruction des

1
Ibidem., p. 159.
2
H. ALAMI M’CHICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., p. 144.
3
Pour reprendre une expression de Madame ALAMI M’CHICHI, op. cit., p. 144.
4
Dans le même ordre d’idées, V. M. BENRADI, « Nouvelle approche de la question féminine en sciences
sociales », in Les sciences humaines sociales au Maroc, Rabat, IURS, 1998, pp. 91-102. Plus récemment, V.
B. DUPRET, Z. RHANI, A. BOUTALEB et alii, Le Maroc au présent. D’une époque à l’autre, une société en
mutation, Casablanca, Publications du Centre Jacques BERQUE et de la fondation du roi Abdulaziz AL-SAOUD,
coll. « Dialogue des deux rives », 2016.
5
H. ALAMI M’CHICHI, Genre et politique au Maroc, op. cit., pp. 146-147.
6
Ibid., p. 146.
7
Ibidem., p. 146.
8
Simple effet de mode ou idéologie déjà à l’œuvre, la théorie du gender jouit au Maroc d’une véritable faveur,
particulièrement sous l’effet des études sociologiques. Il est à espérer que si une telle idéologie devait à l’avenir
déteindre sur la règle de droit, celle-ci ne se montre perméable qu’à la remise en cause des inégalités les plus

393
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

stéréotypes et inégalités les plus flagrantes. Or, les dynamique qui sous-tendent cette
idéologie vont bien plus loin et portent atteinte à l’essence même de la structure familiale1.
C’est pourquoi nous n’adhérons pas entièrement à l’alternative telle que proposée car elle
porte en son germe le risque d’égalitarisme, voire d’indifférenciation sexuelle. Pour
l’auteur enfin, l’économie d’une évolution du droit privé vers le sens d’une égalité est
inévitable du fait de l’interdépendance des droits politiques avec les droits privés. C’est
pourquoi la question se pose de savoir s’il peut en aller autrement de cette évolution et
surtout, de la méthode à privilégier si une telle évolution était inévitable ?

B) La nécessaire réhabilitation de la place du donné religieux

430. L’exploration du sens profond du Coran, source du droit musulman. Le


fiqh ou droit musulman tel que connu du système juridique occidental n’est pas un droit
d’origine divine. Il s’agit de la compréhension humaine de la charia telle qu’elle a été
comprise, en déformation des normes coraniques2. Le travail de tout comparatiste, lorsqu’il
s’intéresse à un système juridique donné, est de s’intéresser au sens profond des
institutions qu’il compare, à travers la finalité du droit qu’il étudie. Ce n’est que de cette
manière que son travail peut être paré de la vertu de loyauté intellectuelle. Concernant le
système juridique islamique, les diverses interprétations discriminatoires auquel il donne
l’occasion, tant dans le travail du législateur que dans la jurisprudence génère un
durcissement corrélatif du droit issu des systèmes occidentaux. Sans revenir sur l’évolution
post-moderne du droit en France et son détachement du référent religieux, le regain
contemporain de religiosité3 des sociétés islamiques –qui se répercute sur la manière de
concevoir le droit- empêche à n’en pas douter toute harmonie entre ces deux systèmes. Cet
antagonisme n’efface pourtant pas la réalité de la rencontre des deux systèmes du point de
vue du droit international privé. C’est pourquoi la solution serait à rechercher dans une
réhabilitation de la place faite au donné religieux dans le monde arabo-musulman4. Loin de

flagrantes, à l’exclusion de celles touchant les spécificités de l’homme et de la femme. Il n’est en revanche pas
certain qu’une fois en marche, il soit possible d’arrêter un tel processus. Rapp. notamment du programme mis en
place au Maroc -qui s’inscrit dans le cadre du plan des Nations-Unies au Maroc (2007-2011)- sous l’égide du
fonds de développement des Nations-Unies pour la femme, en collaboration étroite avec le ministère de la justice
et des libertés dont l’objet est, outre d’apporter un appui aux sections de la famille pour la mise en œuvre du
Code, de répondre aux résultats D du plan initié. Entre autre résultats de ce point D, établir que des progrès
significatifs ont été atteints en matière d’égalité de genre, de protection des droits de la femme et des filles et de
participation à la vie publique, politique, économique, sociale et culturelle.
1
En ce sens, M. DOUCHY-OUDOT, « Les expressions visibles de la théorie du gender en droit », in « La théorie
du Gender ». Vers une nouvelle identité sexuelle ?, Lethiellieux, 2012, pp. 33-50.
2
V. supra, n° 93.
3
Ce regain de religiosité est davantage vécu « comme un retour au formalisme rigoriste qu’à une spiritualité de
l’engagement et de la conscience de Dieu ». A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?,
éd. Albouraq, 2012, p. 196.
4
V. en ce sens : F. FREGOSI (dir. de), Lectures contemporaines du droit islamique (Europe et monde arabe),
PUS, 2004.

394
La dématrimonialisation des liens de famille La consécration juridique de nouvelles
conjugalités

s’en détacher, un certain nombre de propositions doctrinales très pertinentes prônent une
lecture actualisée des sources coraniques. À cette fin, Madame Asma LAMRABET insiste
sur la nécessaire valorisation de l’éthique islamique que véhicule le texte, en remettant
dans leur cadre normatif tous les versets supports des multiples discriminations. Une vision
d’ensemble de l’humanité serait ainsi dégagée du texte sacré.
431. La méthode à suivre. Pour l’auteur, une telle entreprise nécessite « de
distinguer trois niveaux de lecture de versets coraniques » : ceux à portée universelle -
majoritaires-, les versets conjecturels -liés à l’histoire- et les versets spécifiques -révélés
spécifiquement pour les hommes ou pour les femmes. Leur représentation permettrait de
distinguer les principes universels, valables selon l’approche holistique en tout temps et en
tout lieu, des principes relevant du particulier et du contingent1. Colossale, l’entreprise
nécessite de s’affranchir du poids de la transmission héréditaire, empreinte d’un savoir peu
conforme à la finalité du message divin. C’est pourquoi une réforme tant du fond que de la
forme de l’enseignement islamique2 s’impose car « aucune réforme sérieuse du champ
religieux ne peut être envisagée sans avoir initié en priorité et en urgence la réforme du
contenu de l’enseignement des sciences islamiques ». Des disciplines telles que l’histoire,
la philosophie, la sociologie, l’anthropologie, la pensée islamique3 mais aussi occidentale,
la science du hadith et le droit musulman en vigueur doivent être mises à l’honneur. Bien
que relégué à une simple compilation, passivement transmise de génération en génération,
toute réforme doit être appréhendée à la lumière du droit musulman afin de comprendre les
raisons ayant pu conduire à une interprétation décalée de la source religieuse. Son étude ne
doit plus se limiter à une transmission passive mais elle doit être en connexion avec la
raison et l’effort d’ijtihad. Concept de base, celui-ci doit recouvrer la place qui est sienne
car il n’est plus possible, comme le souligne l’auteur, « de continuer à appliquer les
solutions juridiques élaborées par les juristes du 8 ème siècle à des problèmes relevant du
21ème siècle. Nous avons besoin d’un fiqh réaliste, intelligent, cohérent et critique »4. Ce
n’est qu’en procédant à une réforme de l’intérieur, de ce qui constitue l’être le plus profond
de milliers de musulmans et non par reproduction mimétique d’une « modernité
dissolvante niant sa spécificité »5, que pourra être réhabilité le donné religieux, source
inconditionnelle du droit musulman de la famille.

1
A. LAMRABET, op. cit., p. 35.
2
Cette réforme semble être e cours au Maroc. Après les manuels d’éducation religieuse, le ministre de
l’éducation nationale Monsieur BELMOKHTAR a annoncé la révision projetée des contenus des programmes
d’histoire. Cf. « Après les manuels d’éducation religieuse, ceux d’histoire seront aussi réformés »,
panorapost.com du 17 mars 2016.
3
Notamment par l’étude des grands penseurs et philosophes de l’âge d’or islamique, lesquels prônaient les
valeurs d’ouverture et de tolérance propres au message spirituel.
4
A. LAMRABET, op. cit., p. 194.
5
Pour reprendre l’expression de Monsieur PAPI, L’influence juridique islamique au Maghreb, op. cit., p. 367.

395
Conclusion du chapitre second

432. Au Maroc, la question relative à l’évolution de la conjugalité ne connaît pas la


même évolution qu’en France, le mariage y étant toujours considéré comme l’institution
sexuée fondatrice du lien familial. Point de famille en dehors du mariage, et l’existence de
concubinages est purement et simplement ignorée. Tant le fondement religieux du droit
que l’existence d’un ordre public fortement directif empêchent de donner aux concubins
une visibilité qui les hisserait hors de leur zone de non-loi. C’est pourquoi l’évolution qui
ne connaît plus en France, de limites, est freinée au Maroc grâce aux valeurs religieuses de
la société. Le droit de la famille demeure fidèle à ses sources, formées par la religion et par
les mœurs. Ceci étant, le droit musulman a démontré sa capacité à évoluer au gré des
besoins de la société, bien que cette évolution ne soit pas sans limites. En effet, les sociétés
islamiques sont plus que tout attachées au seul modèle légal du mariage entre personnes de
sexe opposé.
Loin d’être à l’abri du phénomène de globalisation qui touche le village planétaire, la
mobilité croissante des ressortissants d’origine maghrébine dans l’espace européen offre
d’intéressantes opportunités de rencontre et de circulation des différents modèles
familiaux. À de telles occasions, les conflits de lois ne se réduisent pas uniquement à la
question technique relative à l’applicabilité de la loi du for ou plutôt de la loi nationale,
mais les conflits cristallisent de manière beaucoup plus profonde un conflit de valeurs entre
deux conceptions du droit. L’opposition entre le système juridique des pays de tradition
islamique et le système juridique français est porteuse de cet antagonisme. Alors que la
diffusion du modèle libéral de familles françaises s’étend, non pas territorialement outre-
méditerranée, mais indirectement par contamination des mœurs au mode de vie des
(bi)nationaux résidant en France, une telle propagation est rendue possible du fait de la
vocation « intégrative » de la règle de droit. Cette contamination est le reflet du degré
d’intégration d’une frange de la population au système juridique français, étant entendu
que c’est par la reproduction des comportements familiaux qu’un tel objectif est atteint.
Est-ce à dire qu’une telle intégration favorise corrélativement l’érosion du modèle familial
islamique au-delà des frontières ? Nous ne le pensons pas. Si l’objectif d’adhésion des
citoyens aux valeurs de l’État de résidence est une préoccupation majeure et légitime des
deux systèmes c’est, au demeurant, l’individu qui se retrouve au cœur d’une dualité de
valeurs. D’un côté, le système juridique français s’attache à la satisfaction des désirs
individuels dans une démarche générale tendant à assurer à tout citoyen les conditions
optimales garantissant son bonheur sur le fondement des droits fondamentaux. Une telle
entreprise traduit plus simplement l’importance accordée à l’individu en tant que tel, et cet
objectif, à première vue, semble louable. D’un autre côté, le système islamique poursuit le
même objectif, mais ne conçoit jamais l’individu comme un être isolé, mais bien au sein
d’une communauté dont l’intérêt se confond nécessairement avec l’intérêt de ses membres.

396
L’un et l’autre sont donc indissociables. Ce sont alors les moyens employés par l’un et par
l’autre de ces systèmes –droits fondamentaux pour le premier, charia islamique pour le
second- qui diffèrent, l’objectif commun étant le bien être de l’homme en ce monde. Par
conséquent, le conflit tel que posé constitue un abus de langage, car celui-ci ne porte pas
tant sur la finalité de la loi applicable que sur la méthode utilisée pour parvenir à cet
objectif.

397
Conclusion du titre premier

433. L’étude de la trajectoire qu’a connue le mariage entraîne incontestablement


celui-ci à ne plus être qu’un mode de conjugalité parmi les autres. Sa nature est changée,
ses obligations affaiblies et son sens affadi1. Pour Monsieur le professeur Hugues
FULCHIRON, il s’agit bien d’une « défamiliarisation »2 du mariage. Dans cette chute, ce
sont les autres formes de couples qui ont gagné la sympathie du législateur, qui a fait de
l’impératif de protection de la personne le principe directeur phare de sa politique.
L’incursion en droit étranger afin d’évaluer l’exportabilité de ce nouveau modèle à travers
le prisme du droit international privé a fait apparaître au grand jour la contrariété des
législations française et marocaine, mais surtout les obstacles à cette exportabilité.
L’interventionnisme du législateur dans les pays du Maghreb contraste fortement avec le
désengagement vis-à-vis de la norme juridique du législateur français. Dans ce contexte,
deux conceptions du droit font leur face à face : l’une interventionniste, l’autre libérale. La
première conception considère la loi comme devant être directive, afin de « ne pas
accréditer des systèmes dangereux »3. Surtout, d’essence religieuse en matière familiale,
elle ne saurait être écartée au profit d’une loi humaine, nécessairement imparfaite. L’effort
de création humaine ne saurait prospérer sans la base qui lui est préalable, qui est en
dernier ressort, le texte coranique. Ainsi que le souligne Louis MILLIOT, « (...) le donné
qui, chez nous, est recherché et découvert par la science, c’est-à-dire par la connaissance
de la nature des choses, (est), dans l’Islam, apporté par la croyance (...) »4. C’est pourquoi
l’atteinte alléguée à la liberté individuelle ne peut se concevoir dans ce système global, où
l’individu n’existe ni par lui-même ni pour lui-même, mais s’intègre au sein d’une
communauté dont l’intérêt passe par la préservation de la cellule familiale comme entité.
Dans ce contexte, la distribution des rôles selon des fonctions sociales expressément
édictées par les droits positifs au profit de l’homme et de la femme exclut une approche du
droit de la famille en termes d’égalité purement abstraite. Ainsi qu’a pu le souligner un
auteur, cette complémentarité naturelle de l’homme et de la femme n’est pas spécifique au
monde musulman, « (…) mais, de nos jours, c’est dans le monde musulman qu’elle est le
plus fortement explicitée et revendiquée »5. Par conséquent, la notion d’atteinte à la liberté

1
C’est ce que le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT appelle le « mariage triste ». Cf. M. DOUCHY-OUDOT (dir.
de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, Poitiers, DMM, 2013, p. 142.
2
H. FULCHIRON, « Le partenariat est il soluble dans le mariage (et réciproquement) ? », in Mélanges en
l’honneur du Professeur Jean Hauser, Paris, Dalloz, 2012, p. 128.
3
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit.,
p. 241.
4
L. MILLIOT, « L’idée de la loi dans l’Islam », in Travaux de la semaine internationale de droit musulman,
L. MILLIOT (dir. de), Paris, Recueil Sirey, Institut de droit comparé, 1953, p. 29.
5
H. ALAMI M’CHICHI, Genre et politique au Maroc, les enjeux de l’égalité hommes-femmes entre islamisme et
modernisme, Paris, l’Harmattan, 2002, p. 63.

398
individuelle telle que perçue du point de vue occidental n’en constitue pas réellement une
au sein de ce système. Face à la puissance de l’interventionnisme législatif, le laconisme de
la loi, loin d’être perçu telle une faiblesse, confère au juge un large pouvoir d’appréciation
des situations particulières.
Dans la seconde conception en revanche, le droit adopte une attitude de neutralité vis-à-vis
de la norme juridique, car celui-ci doute « qu’il puisse avoir une réelle emprise sur les
régulations familiales »1. Ainsi, le bonheur individuel ne saurait être sacrifié à la
prévention d’un éventuel danger pour la société2. Cette approche place en réalité chaque
individu sous sa propre responsabilité. Défendable en son principe, du fait de la marge de
liberté qu’elle accorde à l’individu, cette forme de désengagement a néanmoins pu être
critiquée. Elle a notamment été qualifiée d’une « dureté inflexible », car elle serait en
réalité impitoyable aux « petits, aux faibles, aux mal éduqués, à ceux qui se trompent, à
ceux qui souffrent et à ceux auxquels ni l’origine sociale ni la chance n’ont souri »3.
Particulièrement, elle porte la marque du doyen CARBONNIER qui pensait substituer
d’autres normes non-juridiques à la règle de droit afin de responsabiliser les individus.
Ainsi qu’il a pu l’exprimer, « en libérant certains comportements de la sanction juridique,
le législateur a entendu les renvoyer à d’autres systèmes normatifs, moeurs, morale,
religion. Plaçant ainsi chacun sous sa propre responsabilité, il a ouvert entre toutes les
familles une sorte de libre concurrence –l’arrière-pensée étant que l’emporteront à la
longueur les autres, en réussite sociale, celles qui se seront évertuées à être sinon les plus
vertueuses, du moins les plus sobres, les plus dures envers elles-mêmes »4. Or, en réalité, il
semblerait que le législateur lui-même ait surestimé la capacité des individus à se passer du
pouvoir directif de la loi lorsqu’il croyait légitimement que d’autres formes de régulation
pouvaient prendre le relais de la norme juridique5. Bien que non expressément garanti par
l’État, c’est bien le droit au bonheur qui sous-tend cette conception du droit, « philosophie
du bonheur qui a traversé la société des années 1960 »6. Si celle-ci a réussi à chasser le lien
matrimonial de la sphère familiale, la question relative à la parenté ne saurait, en
conséquence, demeurer attachée aux vestiges d’une institution qui n’est plus. À la
dématrimonialisation actée de la conjugalité fait suite un processus de
dématrimonialisation de la parenté.

1
P. MURAT, « Individualisme, libéralisme, légistique », art. precit., p. 241.
2
J. CARBONNIER, « Terre et ciel dans le droit du mariage », in Le droit privé français au milieu du XX ème siècle,
Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, p. 335.
3
P. MALAURIE, Cours de droit civil, La famille, 6ème éd., Cujas, 1998, n° 23, p. 32, cité par P. MURAT, art.
precit., p. 241.
4
J. CARBONNIR, Droit civil, La famille, Paris, PUF, 16ème éd., 1993, n° 6, p. 24, cité par P. MURAT, art. precit.,
p. 241.
5
« Toutefois, le législateur n’a t-il pas trop présumé de la capacité qu’aurait l’individu de se créer ses propres
normes familiales ? L’espace de liberté qui a été dégagé pourrait bien être occupé par des normes collectives, des
pouvoirs moraux, les médias, l’école, l’Église », J. CARBONNIER, Droit civil, La famille, op. cit., cité par
P. MURAT, art. precit., p. 242.
6
P. MURAT, art. precit., p. 242.

399
Titre second. La métamorphose
juridique de la parenté
434. Mutation de la parenté. Bien qu’elle n’ait jamais été exclusivement
biologique, la parenté1 semble aujourd’hui céder la place au concept moderne de
« parentalité »2 qui oriente davantage le débat vers la fonction éducative qui échoit aux
parents. Alors que le mariage s’est dilué dans la conjugalité, la parenté est aujourd’hui
débattue sous l’angle de la parentalité. Ce mouvement n’a d’ailleurs pas échappé aux
organisateurs du colloque3 porteur d’un tel intitulé, fins observateurs du virage conceptuel
vers lequel se dirigeait désormais le droit de la famille. Il serait tentant de croire à une
hasardeuse coïncidence si l’évolution ne correspondait pas précisément à l’entrée en
vigueur du mariage entre personnes de même sexe, dans lequel la potentialité d’un enfant
conçu à deux est nulle.
Bien plus fonctionnelle que la parenté, la parentalité permet de faire abstraction des
géniteurs de l’enfant au profit de ceux qui l’ont désiré et éduqué. Pourrait donc être parent
toute personne qui s’est, à un moment de la vie de l’enfant occupée de lui, voire toute
personne qui l’aurait désiré et permis sa conception. S’il ne suffit pas pour être parent de
donner la vie, l’inconvénient majeur de cette thèse est de favoriser l’émergence d’une
parenté intentionnelle totalement détachée de la notion de filiation. Après le mariage pour
tous, il s’agirait de mettre en place une filiation juridique pour tous (Chapitre 2). Autre
hasardeuse coïncidence, ce mouvement fait également écho à l’émergence de nouveaux
liens de proximité que l’enfant entretient avec son beau-parent, à l’occasion des
recompositions familiales4. Si ce premier mouvement ouvrait l’enfant vers d’autres liens
qui pourraient contribuer à son épanouissement, la situation est aujourd’hui autre. Ainsi
que cela a été exprimé par Monsieur le professeur MURAT, « ces réformes ont ouvert la
voie à d’autres, plus profondes, qui ont métamorphosé les structures mêmes du droit
familial (…) les réformes contemporaines nous ont donc emmenés loin des bases
traditionnelles et les bouleversements du Code ne sont sans doute pas encore finis si l’on
prend la mesure de la révolution que représente, pour l’ensemble du droit de la famille,
l’ouverture du mariage aux couples de même sexe »5.

1
En ce sens : C. SIFFREIN-BLANC, La parenté en droit civil français. Étude critique, Marseille, PUAM, 2009.
2
H. FULCHIRON, « Parenté, parentalité, homoparentalité », D., 2006, p. 876.
3
H. FULCHIRON (dir. de), Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, Paris, Dalloz, 2008.
4
V. supra, notre Partie 1, Titre 2, Chapitre 2.
5
P. MURAT (dir. de), Droit de la famille, Paris, Dalloz Action, 7ème éd., 2016-2017, n° 01.43, spec. pp. 18-19.

400
Cette parenté intentionnelle émergeante est d’autant plus renforcée par le progrès de la
science biomédicale, que le droit encourage. À l’unité traditionnelle de la filiation reposant
sur la procréation (Chapitre 1) se substitue la pluriparentalité. Dans un souci de cohérence
juridique, la parenté devrait -dans un contexte de bouleversement culturel et social- être
repensée à la lumière de son interaction avec la nouvelle vision de la conjugalité.

401
Chapitre premier. L’unité de la filiation inhérente à
la procréation

435. Le concept de filiation : une fonction et un sens. Outre la dimension


symbolique que le droit a en charge d’organiser afin de permettre le rattachement de
l’enfant à ses parents1, le concept désigne, sous l’angle juridique, un ensemble de devoirs
et d’obligations, support de la fonction parentale qui incombe aux adultes auxquels est
rattaché l’enfant. Au delà de son aspect fonctionnel, ce concept est également porteur d’un
sens, afin d’informer « sur un ordre, une représentation des choses, des constructions
intellectuelles, des places... »2 qui font prendre à tout individu une place qui l’inscrit dans
une généalogie indiquant son origine. Porteur d’une vérité symbolique, cet univers de
représentations relève d’une sorte de « mythe, d’un récit allégorique qui laisse voir le
fondement sans le réduire à une réalité de fait »3. Toute la construction du droit de la
filiation, notamment aujourd’hui encore dans les pays du Maghreb (Section 2), repose sur
ce mythe de l’engendrement qui structure le droit de la famille. Le droit de la filiation, en
France non plus, n’est guère en reste de ce mythe bien qu’il s’inscrive davantage dans une
perpétuelle quête d’égalité, qui passe en premier lieu par la recherche de l’égalité entre les
enfants en mariage et les enfants hors-mariage (Section 1). Or, c’est à cette même
évolution que le droit maghrébin de la famille refuse de procéder afin de préserver la place
du mariage dans son système.

1
P. MURAT, « Passer la filiation ou dépasser la filiation », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et
l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 260.
2
P. MURAT, art. precit., p. 265.
3
Ibid., p. 266.

402
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 1. L’évolution du concept de filiation en droit


français

436. Le déclin de la présomption de paternité. Mode privilégié par le législateur,


l’établissement du lien de filiation de l’enfant à l’égard de ses parents a longtemps
exclusivement reposé sur le mariage. Or, l’autonomisation de ce dernier à l’égard de la
filiation a conduit à l’affaiblissement du rôle de la présomption de paternité.
Principalement rendue possible par l’égalisation du statut de l’enfant naturel avec celui de
l’enfant légitime (§1), cette évolution n’a pas manqué de se répercuter sur les prérogatives
parentales (§2).

§1) L’égalité du statut de l’enfant naturel et de l’enfant légitime

437. L’émergence d’un statut privilégié de l’enfant. Jusqu’à la première moitié du


XX siècle en France, l’inégalité des enfants1 était un des principes directeurs du droit de
ème

la famille. Petit à petit, l’importance de son bien-être2 a permis de faire émerger l’idée que
toute décision conjugale doit être prise à l’aune de ce qu’exige son intérêt 3. Sous
l’influence d’une mondialisation des droits et des instruments internationaux 4 de
protection, les différents systèmes juridiques entendent donc promouvoir le statut de
l’enfant en lui conférant une place inédite dans leur législation. L’inégalité de naissance,
autrefois principe naturel du droit de la filiation laisse rapidement la place à l’égalité des

1
Absolue, la puissance paternelle se manifestait à l’égard de l’enfant par un droit de correction qui pouvait aller
jusqu’à son incarcération, et l’enfant était perçu tel un producteur. L’adoption du Code civil revient de façon
considérable sur les acquis de la Révolution, assimilant les enfants nés hors mariages à des « bâtards ». Au même
titre que les femmes ou les personnes aliénées, les enfants n’étaient pas considérées comme des personnes à part
entière et ne jouissaient pas de la personnalité juridique. Cf. H.-L. BRIN, Les innovations de décret-loi du 30
octobre 1935 en matière de droit de correction, Paris, Recueil Sirey, 1938 ; F. BOULANGER, Les rapports
juridiques entre parents et enfants, Perspectives comparatistes et internationales, Economica, Paris, 1998, pp. 4-
13.
2
Surtout que ce dernier « est devenu un bien rare et durable, un capital, un investissement, et l’impératif de
qualité se substitue à la valeur quantité », cf. I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui. Le droit face aux
mutations de la famille et de la vie privée, op. cit., p. 36, alors qu’auparavant, le droit ne s’intéressait au sort de
l’enfant que pour ce qui touchait à « l’établissement de la filiation, selon des règles relativement strictes et
inégalitaires, et la protection du patrimoine qui pouvait lui échoir lors des transmissions successorales ». Cf.
F. BOULANGER, Les rapports juridiques entre parents et enfants, Perspectives comparatistes et internationales,
Economica, Paris, 1998, p. 1.
3
J. RUBBELIN-DEVICHI, « Le principe de l’intérêt de l’enfant dans la loi et la jurisprudence françaises », JCP, G,
1994, I, 3739, n° 13 ; M. DONNIER, « L’intérêt de l’enfant », D., 1959, chron. p. 180. V. notamment les thèses de
Y. LEGUY, L’intérêt personnel de l’enfant et les relations familiales, Rennes, 1973 ; R. LEGUIDEC, La notion
d’intérêt de l’enfant en droit civil français, Nantes, 1973 ; J.-P. SERVEL, La notion d’intérêt de l’enfant. Essai
sur les fondements de l’autorité et des décisions parentales, Aix-Marseille, 1978.
4
J. HAUSER, « L’enfant supranational : mythe ou réalité ? », LPA, 1995, n° 53, p. 36-37.

403
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

statuts1. Par humanité, le législateur a lors de ses réformes, veillé à établir une parfaite
égalité entre les enfants dans l’établissement de leur lien de filiation (A). Telle qu’héritée
du Code Napoléon, la construction du droit de la filiation a nécessité une refonte radicale
pour refléter les nouvelles bases égalitaires au fondement du droit de la filiation (B).

A) L’humanité du législateur à l’égard de l’enfant né hors mariage

438. Une inégalité de naissance injustifiée2. La place qu’occupent les enfants


« naturels »3 au sein d’un ordre juridique dépend de la conception sociale que l’on se fait
de la famille hors mariage et du fondement du droit successoral. Selon la conception
traditionnelle du mariage et de la famille, le lien de mariage unissant les parents entre eux
permet de rattacher les enfants nés durant l’union au mari de la mère. Or, la distinction
faite par le Code civil entre enfants légitimes, enfants naturels simples, enfants adultérins
et enfants incestueux contrevenait à l’égalité civile proclamée deux siècles auparavant 4, et
créait entre les individus des inégalités fondées sur la naissance, à partir de la conduite de
leurs géniteurs5. C’est pourquoi le droit de la filiation s’accommodait mal des impératifs
internationaux de protection des enfants, peu importantes les circonstances de leur
naissance. Par ailleurs, s’inscrivant dans l’entreprise de modernisation du droit de la
famille, la promotion de l’enfant né hors mariage constituait également une des pièces
maîtresses dans l’avènement de la famille égalitaire moderne, et plus rien ne justifiait que
la filiation « en mariage » soit une filiation « de6 qualité » préférable à l’autre. Dans
l’attente de l’intervention du législateur, la jurisprudence faisait pourtant déjà preuve de
souplesse afin de statuer selon ce qu’exigeait l’intérêt de l’enfant.

1
P. RAYNAUD, « Les deux familles. Réflexions comparatives sur la famille légitime et la famille naturelle », in
Aspects du droit privé en fin du XXème siècle. Études réunies en l’honneur de Michel DE JUGLART, Paris, LGDJ,
1986, pp. 63-79.
2
V. en ce sens : V. VOITTO SAARIO, Étude des mesures discriminatoires contre les personnes nées hors
mariage, Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités,
publication des Nations Unies, 1968.
3
Pendant l’Ancien droit, les enfants naturels étaient écartés de la succession de leur père. La loi du 12 brumaire
an II (2 novembre 1793) leur accorda des droits successoraux identiques à ceux des enfants légitimes, à
condition qu’ils aient été reconnus. Le Code civil reviendra pourtant sur cet acquis, en leur concédant des droits
successoraux inférieurs à ceux des enfants légitimes. L’enfant adultérin demeure exclu de la succession et ne
peut prétendre qu’à des aliments. Cf. P. MALAURIE, L. AYNES, Les successions et les libéralités, Paris,
Defrénois, 6ème éd., 2014, p. 52, n° 60 ; C. PLESSIX-BUISSET, Ordre et désordre dans les familles, Études
d’Histoire du droit, Rennes, PUR, 2002 ; A. LEFEBVRE-TEILLARD, « L’enfant naturel dans l’ancien droit
français », Recueils de la société Jean Bodin, Bruxelles, T. XXXVI, 1976, pp. 256-269 ; J. POUMAREDE, « La
législation successorale de la Révolution entre l’idéologie et la pratique », in La famille, la loi, l’état. De la
Révolution au Code civil, Paris, 1989, pp. 167-182 ; Y. FLOUR, « De l’égalité des héritiers devant la loi », in Les
enjeux de la transmission entre générations, LERADP, éd. Septentrion, 2005, p. 100.
4
Art. 1er DDHC : « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit ».
5
V. en ce sens : M. FABRE, Étude de droit français et de droit comparé sur l’état de l’enfant naturel dans la
famille et la société, Avignon, éd. François Seguin, 1900.
6
D. FENOUILLET, Droit de la famille, Paris, Dalloz, 3ème éd., 2013, p. 343, spec. n° 383.

404
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

439. La souplesse de la jurisprudence. La jurisprudence de l’époque était écartelée


entre son respect du mariage et de la présomption pater is est d’un côté, et sa volonté
d’adoucir le statut de l’enfant illégitime. Lorsqu’elle devait statuer sur la date de la
conception (lorsque celle-ci était incertaine), elle le faisait souvent dans un sens favorable à
l’enfant (en vertu de la règle omni meliore momento). Une telle souplesse lui permettait de
choisir, à l’intérieur de la période légale, la date de la conception qui préservait au mieux
son intérêt. L’enfant pouvait donc, dans certains cas, choisir son père juridique ou la nature
de sa filiation en fonction de ce qu’exigeait son intérêt concret 1, sans que la preuve
contraire ne puisse être rapportée. Sur ce même raisonnement reposait un arrêt de la Cour
de cassation2 ayant autorisé un enfant à fixer sa date de conception pendant le mariage de
sa mère et non après. La qualité d’enfant adultérin lui permettait d’obtenir des aliments, la
preuve de la paternité de fait étant ensuite possible par tous les moyens, tandis que la
qualité d’enfant naturel simple l’aurait obligé à se situer dans le cadre des conditions de
recevabilité de l’action en recherche de paternité naturelle. L’intention de la Cour de
cassation était incontestablement de servir l’intérêt de l’enfant en minimisant les effets
d’une législation discriminatoire, en prenant en compte la réalité sociologique et affective,
pouvant se traduire au quotidien par la possession d’état.
440. La loi du 3 janvier 1972 et le principe de vérité biologique. La nouvelle loi
affichait comme objectif la nécessité de responsabiliser les parents, en offrant la possibilité
à tout enfant naturel d’établir sa filiation (à l’exception de la filiation incestueuse). Le
principe d’égalité constituait le nouveau vecteur du droit de la filiation et toute idée de
hiérarchie entre les filiations s’amenuisait. Le respect de l’identité personnelle de l’enfant
en tant qu’individu prenait le dessus sur la référence sociale. Toujours est-il que le nouveau
principe d’égalité était relatif et diverses différences demeuraient entre filiation légitime et
filiation naturelle. L’adoption de la loi du 3 janvier 1972 constitue à n’en pas douter
l’élément central de la rupture3 car elle signe « la fin de l’exclusivité de la filiation en
mariage »4. Surtout, le législateur entendait réconcilier le droit de la filiation et le principe

1
Affaire Brousson, Cass. civ., 23 sept. 1940, Sirey, 1941, 161, note ESMEIN. Pour la Cour, la présomption de
durée de grossesse doit être entendue dans un sens favorable à l’enfant. Elle en déduit que l’enfant né entre le
cent quatre-vingtième et le trois centième jour qui suivent une ordonnance en résidence séparée entre la mère et
son mari n’est pas couvert par la présomption pater is est. Il peut néanmoins prétendre à la qualité d’enfant
légitimé du second mari de la mère, en soutenant que sa conception se situe après cette ordonnance.
2
Cass. civ., 29 juin 1965, D., 1966, 2-120, note ESMEIN.
3
Au nom « de la garantie essentielle de la pureté du foyer domestique et du bon ordre des familles », il fallait
que « les crimes contre la morale demeurent ensevelis dans l’obscurité et le silence », C. SCALPEL, « Que reste t-
il de la “paix des familles” après la réforme du droit de la filiation ? », JCP, G, I, 1976, 2757.
4
I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche sociologique », in L’ouverture du mariage aux
personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 94, spec. n°
9-10. Madame THERY exprime ainsi la situation : « L’ordre matrimonial traditionnel ne divisait pas les hommes
mais il divisait fortement les femmes selon “la logique de l’honneur” : d’un côté les dignes épouses et mères de
famille, et de l’autre les filles perdues, les prostituées, les catins, les filles-mères, et on pourrait multiplier les
exemples. C’est donc avec tout cela que progressivement la société démocratique a rompu (...) ».

405
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fondamental de vérité1, souvent mis à l’écart au profit de la paix des familles. Outre les
maladresses techniques2 lors de la mise en œuvre des réclamations d’état et des
revendications d’enfants légitimes3 (avant l’adoption de la loi), le législateur introduisit à
l’occasion de la réforme4 des conceptions nouvelles permettant l’établissement de la
filiation des enfants5. Une règle en particulier permettait aux juges de privilégier la filiation
établie en premier. Ce n’était qu’en cas de conflit que ces derniers tranchaient selon la
filiation la plus vraisemblable. Subsidiairement, la possession d’état ne constituait plus
pour les juges qu’un élément permettant une meilleure appréciation à défaut d’autres
éléments de conviction. Or, au lieu de s’inscrire dans la continuité jurisprudentielle
préservant au mieux l’intérêt de l’enfant, la nouvelle loi, faisant la place large au critère
tiré de la vérité biologique6, inversa les données du problème en instaurant une législation
chaotique et contradictoire7. Une fois atteint, le critère de vérité biologique ne laissait place
à aucun autre élément d’appréciation, alors même qu’un juste équilibre pouvait être trouvé
en faisant un choix ou, à tout le moins, en privilégiant un au détriment de l’autre. Une telle
approche a eu pour conséquence de faire perdre aux présomptions relatives à la grossesse
leur caractère irréfragable, la preuve contraire pouvant désormais être administrée. Les
interventions législatives ultérieures, notamment la loi du 8 janvier 1993 8 puis l’adoption

1
A. CHEYNET DE BEAUPRE, « Les liens du sang (filiation et vérité biologique) », Mélanges en l’honneur du
professeur Claire NEIRINCK, Paris, LGDJ, 2015, pp. 443-459.
2
Cf. C. COLOMBET, J. FOYER, D. HUET-WEILLER et alii, La filiation légitime et naturelle. Étude de la loi du 3
janvier 1972, Paris, Dalloz, 1977, p. 324-344.
3
G. CHAMPENOIS, Réclamation d’état et revendication d’enfant légitime, Paris, LGDJ, 1971.
4
J. MASSIP, « La contestation de la filiation légitime depuis la loi du 3 janvier 1972 », D., 1977, chron. p. 237 ;
G. CHAMPENOIS, « La loi n° 72-3 du 3 janvier 1972 a-t-elle supprimé la présomption Pater is est quem nuptiae
demonstrant », JCP, G, I,1975, 2686 ; M. REMOND-GOUILLOUD, « La possession d’état d’enfant (À propos de la
loi du 3 janvier 1972 », RTD civ., 1975, p. 45 ; M.-L. RASSAT, « Propos critiques sur la loi du 3 janvier 1972
portant réforme du droit de la filiation », RTD civ., 1973, p. 207.
5
Il était reproché à l’ancien article 334-10 de « ruiner la logique d’un système qui prétend dissocier le sort de
l’enfant de la situation de ses auteurs ; on lui a également fait grief de traiter différemment l’union incestueuse,
toujours marquée du sceau de l’infamie, et l’union adultérine qui, elle, serait désormais tolérée », Cf.
C. COLOMBET, J. FOYER, D. HUET-WEILLER et alii, La filiation légitime et naturelle, étude de la loi du 3 janvier
1972, op.cit., p. 145, spec. n° 148.
6
Si la filiation ne repose pas exclusivement sur le critère biologique, ce fondement n’en demeure pas moins
important car il facilite la représentation du lien symbolique de filiation. Les deux critères sociologique et
biologique sont donc nécessaires afin de construire une filiation solide. Dans certaines situations, l’absence de
fondement biologique est palliée par la construction d’une filiation fictive en vue d’inscrire l’enfant dans cette
représentation symbolique. C’est notamment le cas de l’adoption lorsque l’enfant a été abandonné. La fiction
vient donc pallier un accident dû au hasard de la vie, et aider à mettre en place le schéma symbolique de la
filiation. À l’inverse, un lien biologique peut rester lettre morte s’il n’est pas reconnu juridiquement, ou n’a pas
été voulu.
7
Pour preuve, l’ancien article 311 alinéa 2 disposait que « la conception est présumée avoir eu lieu à un moment
quelconque de cette période, suivant ce qui est demandé dans l’intérêt de l’enfant ». Or, l’alinéa 3 poursuit « la
preuve contraire est recevable ». La règle omni meliore momento pouvait donc toujours être utilisée dans l’intérêt
de l’enfant, mais son rôle était beaucoup plus restreint car la recherche de la vérité permettait d’aller à l’encontre
de l’intérêt de l’enfant, que cette même règle est censée assurer.
8
Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le Code civil relative à l’état civil, à la famille et aux droits de
l’enfant et instituant le juge aux affaires familiales, J.O, 9 janvier 1993, p. 495 ; V. pour les commentaires de
cette loi : F. GRANET, « L’établissement judiciaire de la filiation depuis la loi du 8 janvier 1993 », D., 1994,

406
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

des lois bioéthiques en 1994 participeront à l’incohérence du droit de la filiation, la


première faisant largement la place à la vérité biologique, la seconde la niant au profit
d’une réalité sociologique et affective1 dont le fondement est le désir d’enfant. Le droit de
la filiation oscillera ainsi entre lien biologique et lien affectif2 pour favoriser l’adéquation
de la paternité juridique à la vérité biologique 3. Or, le principe de vérité conduira à
conférer aux tribunaux une responsabilité accrue dans l’appréciation souveraine des
preuves de la filiation.
441. La généralisation de l’expertise biologique. Un arrêt très remarqué de la
première chambre civile4 -dénotant selon un auteur « des médiocrités législatives de ces
dernières années »5, contribua au désordre du droit de la filiation. Son attendu de principe
est ainsi libellé : « en matière de filiation, l’expertise biologique6 est de droit, sauf motif
légitime de ne pas y recourir ». Antérieurement à cet arrêt, le juge n’était tenu d’ordonner
une expertise que lorsque celle-ci était de nature à établir une fin de non-recevoir7. Il
n’était jamais tenu de recourir à l’expertise lorsque, comme en l’espèce, elle ne constituait
qu’un moyen de preuve. De plus, le régime de l’action en recherche de paternité et de
l’action à fins de subsides avait été modifié par la loi du 8 janvier 19938, supprimant les

chron. p. 21; G. SUTTON, « La filiation au fil d’une loi en patchwork (loi n° 93-22 du 8 janvier 1993) », D., 1993,
chron. p. 163.
1
V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Le mythe du sang en droit de la filiation », LPA, 1994, n° 32, pp. 15-21.
2
C. LABROUSSE-RIOU, « La vérité dans le droit des personnes », in L’homme, la nature et le droit, B. EDELMAN
et M.-A. HERMITTE (dir. de), éd. Christian Bourgois, 1988, pp. 159-198.
3
J. MASSIP, « La contestation de la filiation légitime depuis la loi du 3 janvier 1972 », D., 1977, I, 237.
4
Cass. civ. 1ère, 28 mars 2000, n° 98-12.806; Cf. s’agissant des commentaires abondants de cet arrêt : T. GARE,
« L’expertise biologique est de droit en matière de filiation », D., 2000, p. 731 ; H. GAUMONT-PRAT,
« L’expertise biologique en droit de la filiation », D., 2001, p. 1427 ; C. DESNOYER , « L’expertise biologique est
de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder », D., 2001, p. 2868 ; S. LE
GAC-PECH, « De Louis XVII à Z... », D., 2001 p. 404 ; F. GRANET, « L’expertise biologique est de droit en
matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de ne pas y procéder », D., 2001 p. 976 ; J. HAUSER,
« Préliminaire : théorie générale des actions d’état, l’expertise génétique et le juge », RTD civ., 2000, p. 304 ;
LPA, 5 sept. 2000, p. 8, note N. NEVEJANS-BATAILLE et 27 nov. 2000, note C. DABURON p. 13; JCP, G, I, 2000,
n° 253, obs. C. BYK et II, n° 10409, concl. C. PETIT; Defrénois, 2000, art. 37194, obs. J. MASSIP, p. 769; RJPF,
2000, n° 5, obs. J. HAUSER, p. 23; Gaz. Pal., 10 au 12 sept. 2000, note J. MASSIP, p. 30; Rev. dr. fam., 2000,
comm. n° 72, note P. MURAT.
5
J. HAUSER, « Préliminaire : théorie générale des actions d’état, l’expertise génétique et le juge », art. precit., p.
304.
6
V. récemment l’arrêt de la première chambre civile, précisant que l’expertise biologique n’est de doit que pour
les actions relatives à la filiation, de sorte qu’ « elle ne saurait être une expertise génétique réglementée par
l’article 16-11 du Code civil », aux fins d’obtenir la copie intégrale d’un acte de naissance. Cass. civ. 1 ère, 27
janv. 2016, n° 14-25.559, JCP, G, I, 2016, n° 6, 148.
7
Cass. civ 1ère, 8 juin 1999, n° 97-13.199 : « attendu que la reconnaissance d’un enfant naturel est présumée être
l’expression de la vérité et qu’il incombe à celui qui la conteste d’apporter la preuve de son caractère mensonger
; que c’est dans l'exercice de son pouvoir souverain d’appréciation que la cour d’appel a refusé l’expertise, après
avoir relevé que M. L..., qui avait vécu pendant plusieurs années en concubinage avec Mme B..., ne fournissait
aucun élément de preuve sérieux permettant de mettre en doute sa paternité ; qu’elle a ainsi légalement justifié sa
décision... ».
8
Dès lors qu’il existait des indices graves ou présomptions (art. 340 al. 1 et 2 du Code civil), l’action était
librement exercée.

407
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

fins de non-recevoir, ce qui avait entraîné un recul significatif de l’expertise comme moyen
de preuve au fond. En d’autres termes, il convenait de démontrer l’existence des
présomptions ou indices graves justifiant l’action en recherche de paternité autrement
qu’au moyen de l’expertise génétique. Or, c’est bien sur cela que revient la Cour de
cassation. Rendu au visa de l’article 311-12 du Code civil, l’arrêt consacre un « droit à
l’expertise »1 au détriment de la vérité sociologique. C’est également à la sécurité et la
prévisibilité de la filiation qu’il est renoncé, en en faisant un outil de construction et de
déconstruction des liens. Avec cet arrêt, il a été avancé que « le père a le droit de détruire
le lien de filiation paternelle mensonger qu’il a lui-même établi en connaissance de cause,
de même que la mère infidèle de l’enfant a le droit de remettre en cause la paternité de son
compagnon ; en revanche, l’enfant ainsi privé de toute filiation paternelle ne se voit pas
reconnaître les mêmes facilités probatoires s’il désire retrouver son véritable père (…) ». Il
semblerait que le droit de la filiation charnelle ait été « beaucoup plus sensible à l’intérêt
de l’adulte (ne pas avoir à répondre des conséquences de son acte) qu’à l’intérêt de l’enfant
(avoir une filiation stable) » première victime de cette instabilité selon un auteur2.
Tiraillées entre le respect dû au mariage, et la volonté de rendre moins injuste le statut de
l’enfant né hors mariage, tant la législation –par ses maladresses techniques– que la
jurisprudence – que ce soit par sa rigidité ou sa souplesse – ont contribué à la confusion en
matière filiale. Cette situation révélait l’urgence d’une réforme, que l’ordonnance du 4
juillet 20053 opéra.

1
Droit à l’expertise biologique que la CEDH ne considère pas attentatoire au droit au respect de la vie privée
d’un individu, dont la paternité a été déclarée par les juridictions internes en raison du refus du requérant de se
soumettre à l’expertise. CEDH, 25 juin 2015, Canonne c/ France, n° 22037/13 ; AJ fam., 2015, S. LE GAC-PECH,
p. 499.
2
C. DESNOYER, « L’expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s’il existe un motif légitime de
ne pas y procéder », art. precit., p. 2868.
3
Ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 (J.O, 6 juillet 2005, p. 11159) « portant réforme de la filiation »
ratifiée par la loi n° 2009-61du 16 janvier 2009. V. les nombreux commentaires : P. MURAT, « Dossier spécial
filiation : avant lecture », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 4 ; A. DIONISI-PEYRUSSE, « La sécurisation de la filiation
paternelle par l’ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 », D., 2006, p. 612 ; F. MILLET, « La vérité affective
ou le nouveau dogme de la filiation », JCP, G, I, 2006, 112 ; A. GOUTTENOIRE, « Les réformes du droit de la
famille », Rev. dr. fam., 2006, n° 3, p. 12 ; J. MASSIP, « Le nouveau droit de la filiation », Defrénois, 2006, p. 6 ;
C. NEIRINCK, « La maternité », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 14 ; A. GOUTTENOIRE, « Les actions relatives à la
filiation après la réforme du 4 juillet 2005 », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 15 ; J. HAUSER, « La réforme de la
filiation et les principes fondamentaux », Rev. dr. fam., 2006, n° 1, p. 6 ; J. HAUSER, « Des filiations à la
filiation », RJPF, 2005, n° 9, p. 6 ; P. MURAT, « La filiation simplifiée », Rev. dr. fam., 2005, n° 9, p. 4 ;
G. KESSLER, « La consolidation de situations illicites dans l’intérêt de l’enfant », Rev. dr. fam., 2005, n° 7-8,
p. 11 ; V. LARRIBAU-TERNEYRE, « Feu les enfants légitimes et naturels ! Vive la présomption de
paternité...légitime !, Rev. dr. fam., 2005, n° 10, repère n° 9, p. 3 ; A. BATTEUR, « Recherche sur les fondements
de la filiation depuis l’ordonnance du 4 juillet 2005 », LPA, 19 juin 2007, n° 122, p. 6 ; F. DEKEUWER-
DEFOSSEZ, « La loi du 16 janvier 2009 sur la filiation : bien plus qu’une simple ratification ! », Rev. Lamy dr.
civ., 2009, n° 58, p. 37 ; F. GRANET-LAMBRECHTS, « Ratification de l’ordonnance du 4 juillet 2005 réformant le
droit de la filiation : les modifications », AJ fam., 2009, p. 76.

408
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

B) La refonte du droit français de la filiation

442. L’unification des filiations. L’ordonnance du 4 juillet 2005 consacre l’égalité


dans l’établissement du lien de filiation. Elle procède à son unification et supprime les
termes de filiation « légitime » et « naturelle »1. Un principe simple est posé : « la loi ne
distingue pas selon les modes d’établissement de la filiation »2. Afin de sécuriser3 les
filiations et ses modes d’établissement, l’ordonnance simplifie les règles concernant la
prescription. Afin de favoriser au maximum l’impératif de protection de la famille fondée
sur le mariage, et bien que la loi de 1972 ait égalisé le statuts des enfants nés hors mariage
avec celui des enfants nés en mariage, celle-ci maintenait des délais très différents4 selon la
nature de la filiation., Jugés trop restrictifs et défavorables à la poursuite du principe de
vérité biologique, ces délais avaient été remis en cause par les juges, dont le libéralisme
devenait source d’insécurité juridique. À cet égard, l’ordonnance tire les conséquences de
l’égalité entre enfants posée dès 19725 en consacrant deux délais de prescription : un délai
restreint de cinq ans, et un autre de droit commun de dix ans. L’équilibre ainsi trouvé par la
conciliation entre un délai de droit commun plus court qu’avant et un délai plus large que
les brefs délais du régime antérieur traduit les impératifs du nouveau régime : rapidité,
efficacité et sécurité.
443. La conception biologisante de la Cour européenne. L’équilibre enfin trouvé
par le législateur français -entre réalité génétique et stabilité de la filiation- contraste avec
la tendance contemporaine de la Cour européenne à privilégier la filiation génétique,
particulièrement l’intérêt de l’enfant à connaître ses ascendants6. Si la Cour procède à un
contrôle de proportionnalité afin d’apprécier si les droits nationaux des États membres7
préservent suffisamment un équilibre entre ces trois impératifs, l’issue des quelques
décisions rendues semble être de moins en moins favorables au principe de stabilité de la

1
J. HAUSER, « Des filiations à la filiation », art. precit., p. 6.
2
Art. 733 al. 1.
3
En ce sens, V. C. SIFFREIN-BLANC, « Le lien de filiation à l’épreuve de la sécurité juridique », in Lien familial,
lien obligationnel, lien social, Livre II « Lien familial et lien social », E. PUTMAN, J.-P. AGRESTI, C. SIFFREIN-
BLANC (dir. de), Marseille, PUAM, pp. 133-168.
4
Il était possible de procéder à un désaveu de paternité dans les six mois de la naissance de l’enfant ou de sa
connaissance de la fraude. Ce court délai favorisait la présomption de paternité qui, au-delà des six mois,
déployait ses pleins effets. Poursuivant le même objectif de protection de la famille légitime, l’action en
recherche de paternité de l’ancien article 340-4 du code civil devait être exercée dans les deux années suivant la
naissance ou dans les deux années suivant la majorité.
5
I. CORPART, « La filiation sur ordonnance, ou l’abolition des inégalités », Gaz. Pal., 24-25 août 2005.
6
Déc. precit. : CEDH, 25 juin 2015, Canonne c/ France.
7
J. POUSSON-PETIT, « Les volontés individuelles et le droit de la filiation charnelle dans les droits européens »,
in De la volonté individuelle, M. NICOD (dir. de), Toulouse, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2009,
pp. 57-76.

409
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

filiation. Dans l’arrêt Mizzi c/ Malte1, la CEDH a considéré qu’une législation qui ne
permettait pas au mari de contester sa paternité n’a pas ménagé un juste équilibre « entre
l’intérêt général de la protection de la sécurité juridique des liens familiaux et le droit du
requérant à obtenir un réexamen de la présomption légale de paternité à la lumière des
preuves biologiques ». Bien que le requérant disposât d’un délai de six mois après l’entrée
en vigueur de la loi permettant le désaveu de paternité, celui-ci n’ayant pas agi dans ce
délai, s’est trouvé forclos. Prévue par la loi maltaise au profit des pères d’enfants nés avant
l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, cette possibilité d’action n’avait pourtant pas permis
à l’État maltais d’échapper à la condamnation.
Dans une autre affaire l’opposant à la Russie2, la Cour européenne a condamné la brièveté
et la rigidité du délai d’action en contestation de la paternité. Bien que la Russie ait
également prévu la possibilité de contester la paternité sans délai, la loi de 1996 ne recevait
pas application en l’espèce en raison des dispositions transitoires. En effet, le droit russe
permet l’inscription du nom du père dans le registre des naissances. Mais le père peut y
avoir été inscrit sans en avoir eu connaissance. À compter du jour où celui-ci découvre sa
paternité, la loi lui permet, dans un délai d’un an, de la contester. Ayant eu connaissance de
l’inscription de son nom sur ces registres, ce n’est qu’après l’expiration du délai d’un an
qu’il découvre ne pas être le père biologique de l’enfant. La Cour a donc considéré que
l’impossibilité pour le père d’agir en contestation de sa paternité après l’expiration de ce
délai légal n’était pas proportionnée au but de sécurité des liens familiaux poursuivi. Elle
relève en conséquence l’absence de juste équilibre « entre l’intérêt général de la protection
de la sécurité juridique des liens familiaux et le droit du requérant à obtenir un réexamen
de la présomption légale de paternité à la lumière des preuves biologiques », avant de
conclure à la violation de l’article 8 de la Convention protégeant le droit au respect de la
vie privée. Allant plus loin, la Cour européenne considèrera dans l’arrêt Paulik c/
Slovaquie3 que l’autorité de la chose jugée ne peut être opposée à la contestation d’une
paternité dont il a été démontré la non conformité à la réalité biologique. Les tests
génétiques ayant été faits à l’amiable, la requérante ne s’opposait pas à ce que sa filiation
paternelle, déclarée par décision judiciaire à l’époque, soit remise en cause, d’autant plus
que cette dernière était mariée et ne dépendait plus de son père. La Cour condamne la
Slovaquie tant sur le fondement de l’article 8 que de l’article 14 de la Convention, car la loi
slovaque n’a pas suffisamment tenu compte de la variété concrète des situations, en
opposant l’autorité de la chose jugée au père souhaitant remettre en cause sa paternité. Il y

1
CEDH, 12 janv. 2006, sect. I, Mizzi c/ Malte, n° 26111/02; contra CEDH, 18 février 2014, A.L. c/ Pologne,
n° 28609/08; AJ fam., 2014, obs. M. ROUILLARD, p. 186; Rev. dr. fam., 2014, n° 7-8, étude 12, A. GOUTTENOIRE.
2
CEDH, 24 nov. 2005, Shofman c. Russie, n° 74826/01.
3
CEDH, Paulik c. Slovaquie, 10 oct. 2006, n° 10699/05. Dans le même sens plus récemment : CEDH, 25 févr.
2014, Ostace c/ Roumanie, n° 12547/06, JCP, G, 2014, n° 28, doct. 832, F. SUDRE ; Rev. dr. fam., 2014, n° 7-8,
étude 12, A. GOUTTENOIRE.

410
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

avait donc disproportion1 entre le but légitime poursuivi et les moyens employés pour
l’atteindre. Il semblerait que la Cour n’admette pas l’impossibilité de contester le lien de
filiation lorsque l’enfant y est favorable. Si la découverte du défaut de filiation biologique
ne doit pas pouvoir priver l’enfant de celui qui l’a élevé comme un père 2, le consentement
de l’enfant, combiné à la preuve génétique que la filiation n’est pas conforme à celle
indiquée sur son acte de naissance, devrait pouvoir être contestée3.
Dans ce contexte, la condamnation de la France par la Cour européenne 4 était des plus
prévisibles. Le requérant, qui ne disposait plus de filiation juridique, n’avait pu procéder à
une expertise post-mortem afin de faire établir sa filiation à l’égard de son géniteur5. Cette
solution s’inscrit dans le droit chemin de celle adoptée quelques années plus tôt par la
Cour, lorsqu’elle a considéré qu’en vertu de l’article 8 relatif au respect de la vie privée et
familiale, les personnes souhaitant « établir leur ascendance ont un intérêt vital, protégé
par la Convention, à obtenir les informations qui leur sont indispensables pour découvrir
la vérité sur un aspect important de leur identité personnelle »6, bien qu’au mépris de
l’opposition des ayants-droit du défunt.
Dans tous les cas, il semblerait que l’intérêt particulier du requérant puisse justifier de
passer outre le délai de prescription, au détriment du principe de sécurité juridique. De
plus, la lecture extrêmement biologisante de la Cour européenne des droits de l’homme ne

1
Ce qui, selon Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ est révélateur d’une manière autre d’appréhender ce
critère de proportionnalité, non plus utilisé afin d’apprécier les intérêts privés à la lumière de l’intérêt général,
mais seulement entre les différents intérêts privés en présence. Une telle utilisation est révélatrice de la
conception individualiste dominante face à la généralité de la loi et l’intérêt que celle-ci est censée servir. Cf.
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les empreintes génétiques devant la CEDH : avis de coup de vent sur l’ordonnance
du 4 juillet 2005 », Rev. Lamy dr. civ., 2007, n° 5, p. 42.
2
CEDH, 1ère sect., 16 juil. 2015, Nazarenko c/ Russie, n° 39438/13, AJ fam., 2015, E. VIGANOTTI, p. 490.
3
Or, cette analyse semble être remise en cause par l’arrêt de la CEDH Mandet c/ France, 14 janv. 2016, req.
n° 30955/12. La Cour européenne approuve le raisonnement des juridictions françaises ayant placé l’intérêt
supérieur de l’enfant au cœur de leurs considérations, et conclut à la non violation de l’article 8. La requête de
l’enfant et de ses parents légaux visant la contestation de la remise en cause de la filiation de l’enfant par son
père biologique, à l’égard du mari de sa mère (qu’il considérait comme son vrai père) est rejetée par la Cour. La
particularité de cette espèce est que ni l’enfant, ni les parents légaux ne souhaitaient remettre en cause le lien de
filiation établi, mais la CEDH semble dégager un véritable principe général en considérant que l’intérêt supérieur
de l’enfant et celui du père biologique se rejoignaient. Dès lors, l’intérêt supérieur de l’enfant serait d’établir ses
origines, quitte à les lui imposer.
4
CEDH, Pascaud c/ France, 16 juin 2011, aff. 19535/08, F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rev. Lamy dr. civ., 2011,
oct., n° 4399.
5
En vertu de l’article 16-11 al. 2 du Code civil, l’identification par empreintes génétiques n’est possible que si la
finalité poursuivie est l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation. Une QPC a été formulée devant la
Cour de cassation pour vérifier la constitutionnalité de cet article, mais elle n’a pas été transmise, au motif « que
la question posée (...) n’est pas nouvelle et qu’elle ne présente pas de caractère sérieux dès lors que la disposition
contestée ne prive pas une personne de son droit d’établir un lien de filiation avec un enfant ni de contester une
paternité qui pourrait lui être imputée ». Cass. civ. 1ère, 16 déc. 2015, n° 15-16.696, RJPF, 2016, n° 2.
6
CEDH, Jäggi c/ Suisse, 13 juill. 2006, n° 58757/00, Rev. dr. fam., 2008, étude n° 14; RTD civ., 2007, 99, obs.
J. HAUSER ; RTD civ., 2006, obs. MARGUENAUD, 727; Defrénois, 2008, n° 5, obs. J. MASSIP, 573.

411
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

s’accommode qu’imparfaitement avec l’anonymat du don de sperme 1 et l’accouchement


sous X.
444. Vers une remise en cause de l’ordonnance de 2005 ? Un arrêt récent de la
Cour de cassation2 semble toutefois enclin à accepter l’application de l’article 8 de la
Convention européenne. Loin de donner satisfaction au requérant3, la Cour de cassation
procède par substitution de motifs en statuant au visa de l’article 8 de la Convention
combiné aux articles 14 et 125 du Code de procédure civile. La Cour de cassation reproche
aux juges du fond de ne pas avoir relevé d’office la fin de non-recevoir tiré de « l’absence
d’ayants droit du défunt », celle-ci étant d’ordre public en matière d’état des personnes4.
Est-ce à dire qu’en cas d’accord des ayants-droit du défunt, une action en connaissance de
ses géniteurs aurait été possible ? Permise, l’interrogation est de la plus haute importance si
l’on songe à la lettre même de l’article 147-7 du Code de l’Action sociale et des familles
qui permet « l’accès d’une personne à ses origines (...) », bien qu’elle soit « sans effet sur
l’état civil et la filiation ». Poussant davantage le raisonnement, un auteur envisageait la
possibilité -une fois la connaissance de ses origines acquise- d’un établissement d’une
filiation en adéquation avec ses origines génétiques 5. Il est vrai que l’ordonnance du 4
juillet 2005 a clairement entendu verrouiller, dans de brefs délais, toute contestation des
filiations pour privilégier le principe de sécurité juridique. Or, tant la jurisprudence
européenne qu’un récent arrêt de la Cour de cassation6 sèment le trouble quant à la
cohérence du droit de la filiation tel qu’issu de l’ordonnance. Se fondant sur l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme, la Cour de cassation considère que
l’arrêt d’appel qui rejette la recevabilité de l’action en contestation d’une filiation sur le
fondement de l’article 333 du Code civil ne ménage pas un juste équilibre entre les intérêts
du demandeur -à voir sa filiation contestée à l’égard de son père légal- et ceux des deux
filles –du nouveau mari décédé de sa mère- à l’égard duquel il souhaiterait faire établir sa
filiation (et qui a, peu avant son décès, expressément consenti à l’expertise génétique qui
allait sans doute établir sa paternité). La difficulté tenait en l’espèce au fait que les
conditions d’action du ministère public en contestation de la filiation de l’intéressé
n’étaient pas remplies. Or, curieusement, la Cour de cassation glisse sur le terrain du juste
équilibre en application de la jurisprudence européenne, adoptant ainsi une lecture

1
Cf. infra, n°
2
Cass civ. 1ère, 13 novembre 2014, n° 13-21.018, Rev. dr. fam., 2015, comm. 9, obs. C. NEIRINCK ; JCP, G,
2015, n° 3, 49, M. DOUCHY-OUDOT.
3
Celui-ci souhaitait procéder à l’exhumation de son géniteur, décédé il y a plus de soixante ans afin de procéder
à l’analyse ADN et lever tout doute sur son lien de filiation régulièrement établi.
4
Cass. civ. 1ère, 6 mai 2009, n° 07-21.826; Bull. civ., I, 2009, n° 89 ; RTD civ., 2009, p. 509, obs. J. HAUSER ; D.,
2010, p. 728, obs. J.-J. LEMOULAND et D. VIGNEAU; D., 2010, M. DOUCHY-OUDOT, p. 989.
5
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les droits de l’enfant face aux prérogatives parentales », Rev. Lamy dr. civ., 2015,
supp. n° 132.
6
Cass. civ. 1ère, 10 juin 2015, n° 14-20.790; Rev. dr. fam., 2015, n° 9, comm. 163, C. NEIRINCK; D., 2015, note
H. FULCHIRON, p. 2365; RTD civ., 2015, obs. J. HAUSER, p. 596.

412
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

extrêmement européaniste de l’espèce, bien que l’affaire ne s’y prêtait pas. La Cour
d’appel de renvoi aura en tous cas la charge de répondre à ce moyen, et devra apprécier
l’économie générale de la loi française au regard du critère de juste équilibre. De l’aveu de
Madame le professeur DEKEUWER-DEFOSSEZ, « c’est tout le droit de la filiation
subtilement construit et dosé entre vérité biologique, possession d’état et stabilité de l’état
qui sera mis à mal. Et il sera de plus en plus difficile de s’opposer à la demande de ceux
qui, ayant la connaissance de leurs origines par la voie de l’action découverte par l’arrêt du
13 novembre 2014, voudront s’en servir pour fonder un nouveau lien de filiation, malgré
les garde-fous que l’ordonnance de 2005 avait cru poser »1.

§2) L’égalité en matière de droits parentaux

445. Une relation parentale fondée sur l’égalité. Principe structurant du droit de la
filiation, l’égalité a également permis de consacrer un exercice identique de l’autorité
parentale entre l’homme et la femme (A). À travers le prisme de l’intérêt de l’enfant,
l’égalité parentale commande de maintenir les liens de ce dernier à l’égard de ses deux
parents, qui se traduit au quotidien par la mise en place d’une résidence alternée à la
rupture (B).

A) L’ascension de l’exercice conjoint de l’autorité parentale

446. La promotion de l’exercice conjoint de l’autorité parentale2. L’autorité


parentale qu’exercent ensemble les parents3 durant le mariage est un ensemble de droits et
de devoirs indissociables, qui donne consistance à une charge de famille tant sur les biens
de l’enfant que sur sa personne4. Tournée vers sa protection5, cette autorité constitue
également un pouvoir qui découle naturellement de la paternité et la maternité. En
substituant l’autorité parentale à la puissance paternelle 6, la forte connotation idéologique 7

1
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, « Les droits de l’enfant face aux prérogatives parentales », art. precit.
2
Deux origines latines sont prêtées au terme « autorité ». D’une part le terme latin auctoritas, dérivé du mot
auctor qui signifie auteur ; d’autre part l’autorité est parfois rattaché au verbe augere qui signifie accroître,
augmenter. Il y a donc dans l’expression « autorité parentale » l’idée d’être l’auteur de quelqu’un, et de l’élever,
l’adjectif « parentale » mettant l’accent sur les parents à qui incombe cette charge.
3
L. GAREIL, L’exercice de l’autorité parentale, Paris, LGDJ, 2004 ; P. MURAT, « L’état des devoirs légaux des
parents envers leurs enfants », in Être parent aujourd’hui, P. JACQUES (dir. de), Paris, Dalloz, 2010, pp. 49-63.
4
G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri CAPITANT, 10ème éd., Quadrige, 2014, p. 108.
5
F. TERRE, D. FENOUILLET, Droit civil, la famille, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 8ème éd., 2011, p. 886, n° 915.
6
Sur la force des mots de la loi, V. supra, n° 161 et 162.
7
Dès 1979, le Conseil de l’Europe, (via la Recommandation 874 (1979) relative à une Charte européenne des
droits de l’enfant de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adoptée le 4 octobre 1979) a affirmé
« qu’il faut substituer à la notion “d’autorité parentale” celle de “responsabilité parentale”, en précisant les droits
de l’enfant en tant que membre distinct de la famille ». L’expression est depuis lors utilisée dans les différents

413
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de la loi du 4 juin 19701 brise la hiérarchie traditionnelle père-enfant dans la famille. La


commission DEKEUWER-DEFOSSEZ n’a d’ailleurs pas manqué de mettre en relief l’idée que
« pour responsabiliser les père et mère, il ne suffit pas de mettre l’accent sur leur
responsabilité, il convient aussi d’insister sur les pouvoirs qui leur appartiennent pour
mener à bien leur mission : il y a responsabilité parce qu’il y a autorité »2. Les termes
mêmes de la loi sont très révélateurs3, et le passage de la puissance exclusivement
masculine à une autorité parentale dénote cet adoucissement d’attitude à l’égard de
l’enfance. Davantage personnel, le lien père-enfant repose désormais sur le respect et le
dialogue.
447. Le préalable d’entente. La collaboration et l’entente au sein de la famille
légitime -ou famille close4- sont présumées. Les articles 213 et 372 du Code civil y servent
d’assise. Sur la base de ces deux textes -et bien d’autres- l’exercice de l’autorité parentale
est donc commun aux deux parents. La consécration juridique du principe de codirection et
sa traduction jettent les bases d’une collaboration familiale et permettent de dessiner la
physionomie des relations parentales idéales. Un tel modèle parental bute néanmoins sur
les multiples cas de désaccord des couples.
448. L’absence d’entente et l’exercice de l’autorité parentale. À l’origine, le
recours au juge dans l’exercice en commun de l’autorité parentale était exceptionnel car il
s’inscrivait dans un contexte où les situations de désunion ne se soldaient pas
impérativement par un divorce. Impossible à obtenir avant 1975, celui-ci n’était prononcé
que sur le fondement de la faute. C’est bien la preuve que la collaboration familiale et la
codirection ne survivaient pas à la rupture du lien conjugal. La conscience profonde de
cette réalité a néanmoins été passée sous silence en 1970 lors des débats parlementaires.
Afin de remédier à la mésentente –et non la prévenir-, seule l’intervention judiciaire a été
jugée utile. Pourtant, l’ingérence qui en découle dans les relations familiales avait fait, dans
le temps, l’objet de nombreuses critiques. L’article 372-1 du Code civil issu de la loi du 4

textes du Conseil de l’Europe. Cf. la Convention du Conseil de l’Europe sur les relations personnelles
concernant les enfants du 15 mai 2003. De son côté, le Parlement européen a adopté une Résolution A3-0172/92
le 8 juillet 1992 qui va dans le même sens, et l’expression est aujourd’hui utilisée dans tous les textes
communautaires.
1
L. n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, J.O, 5 juin 1970, p. 5227. Parmi les commentaires de
cette loi, V. notamment C. COLOMBET, « Commentaire de la loi du 4 juin 1970 sur l’autorité parentale »,
D., 1971, chron. p. 1; G. DESMOTTES, « La loi sur l’autorité parentale », Rev. dr. sanit. soc., 1970, p. 229;
F. TERRE, « A propos de l’autorité parentale », Arch. philo. dr., 1975, n° 20, p. 45.
2
F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au garde des Sceaux, ministre de la justice, La documentation française, nov.
1999, p. 74.
3
À la notion traditionnelle de « garde » est substituée celle de « résidence habituelle », car l’idée de « garde »
porte en son germe l’idée de « la chose gardée », incompatible avec l’esprit de l’autorité parentale perçue comme
fonction.
4
La famille close renvoie au modèle de la famille légitime fondée sur le mariage, fermée à l’intervention
judiciaire et par conséquent, close sur elle-même contrairement à la famille naturelle. Cf. J. CARBONNIER, Droit
civil, La famille, l’enfant, le couple, Paris, PUF, t. 2, coll. « Thémis droit privé », 21ème éd. refondue, 2002,
p. 102.

414
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

juin 1970 prévoyait qu’en cas de désaccord des père et mère sur ce qu’exige l’intérêt de
l’enfant -et à défaut d’une pratique antérieure du couple- l’époux le plus diligent pourrait
saisir le juge pour enfants qui statuera, après avoir tenté de concilier les époux. Initialement
conçu dans des cas marginaux de simple mésentente, cet article a rapidement été utilisé par
la jurisprudence dans le cadre de séparations de fait1, voire de conflits plus persistants entre
époux aboutissant au divorce. En cas d’échec de la procédure de conciliation, les époux
étaient toujours unis par les liens du mariage et, au mieux, pouvaient-ils obtenir une
résidence séparée sur le fondement de l’article 215 ancien du Code civil, voire faire
prononcer une séparation de fait, sans incidence sur l’exercice de l’autorité parentale 2. Seul
ce dernier cas justifiait le recours au juge des tutelles afin de fixer les modalités de la garde
des enfants sur le fondement de l’article 372-1 du Code civil.
449. L’admission de l’exercice conjoint de l’autorité parentale dans la famille
légitime. La jurisprudence a pourtant eu à connaître de nombreux litiges3 dans lesquels les
pères se sentaient exclus de la vie de l’enfant4. Sans doute était-ce, dans le temps, la
situation de la famille naturelle qui a servi de matrice aux revendications des pères
divorcés5. C’est donc par les grâces d’un régime jurisprudentiel favorable à un tel exercice
au-delà de la rupture6 que l’élargissement de l’exercice en commun de l’autorité parentale
a été rendu possible. La condition préalable d’accord n’étant pas expressément prévue par
les textes, il a été facile de passer outre. Néanmoins, cette condition constitue la condition
sine qua non pour un exercice conjoint de l’autorité parentale, particulièrement par les
couples séparés. Si le juge conservait une faculté d’appréciation de l’opportunité de
l’exercice conjoint par les ex époux7, c’est bien que le conflit conjugal continuait d’être un
élément central dans l’appréciation de son opportunité. Pourtant, les travaux préparatoires
à la loi de 1993 ont fait fi de la nécessité de s’accorder sur le choix d’un exercice en
1
T. FOSSIER, « L’intervention du juge des tutelles dans la séparation de fait de parents légitimes », JCP, G, I,
1987, 3291.
2
Le juge pouvait uniquement fixer la résidence des enfants en vertu de l’article 215 alinéa 3, faute d’équivalent à
l’époque de l’article 258 qui permettait, à partir de 1975 en cas d’échec de la procédure de divorce, de demander
au juge d’organiser la séparation de fait et de fixer les modalités d’exercice de l’autorité parentale.
3
Particulièrement après la réforme du divorce en 1975.
4
L’article 373 alinéa 1er, dans sa version antérieure à la réforme du 4 juin 1970 disposait que « Durant le
mariage, l’autorité parentale est exercée par le père en sa qualité de chef de famille ».
5
Cf. l’arrêt remarqué de la Cass. civ. 2ème, 21 mars 1983, D., 1983, 583, note MOUSSA. Selon cet arrêt, « l’article
287 n’interdit pas d’accorder la garde conjointe à des parents divorcés ». Celui-ci a particulièrement marqué les
débats parlementaires à l’occasion de la loi MALHURET. V. en ce sens les interventions de M. PIERRE MAZEAUD,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la
République (J.O.A.N., séance du 7 mai 1987, p. 948, 949, et 969 ; séance du 3 juillet 1987, p. 3662).
6
Au profit notamment des couples non mariés. L’article 374 alinéa 2 du Code civil dispose que (en sa rédaction
issue de la loi du 22 juillet 1987) « l’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux parents s’ils en
font la déclaration conjointe devant le juge des tutelles ». C’est donc la volonté exprimée du couple d’assurer
ensemble la fonction parentale qui justifia son exercice conjoint, le juge ne disposant que d’un contrôle de la
volonté ainsi exprimée, dénué de toute appréciation de la mesure.
7
Particulièrement sur l’existence d’un minimum d’entente des parents, ce que traduisait bien l’article 287 issu de
la loi MALHURET. Au terme de cet article, « Selon l’intérêt des enfants mineurs, l’autorité parentale est exercée
soit en commun par les deux parents (…), soit par l’un d’eux ».

415
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

commun, en ne retenant pas la condition préalable d’entente. L’exercice en commun


devenait alors le principe et ne pouvait être écarté que si l’intérêt de l’enfant le
commandait. De la même manière, il n’était plus nécessaire de recueillir l’avis des parents
sur la question de savoir s’ils préféraient mettre en place un exercice conjoint ou non. Ainsi
que le souligne Madame GAREIL dans sa thèse, « de même que le législateur n’envisageait
l’exercice en commun de l’autorité parentale dans la famille naturelle qu’en cas d’entente
entre les parents, la désunion des époux excluait cette modalité : l’un seul des parent
exercerait l’autorité parentale. Le législateur paraissait alors convaincu que le désaccord
des époux faisait obstacle à l’exercice en commun de l’autorité parentale, modalité fondée
sur un accord renouvelé des parents »1. Si l’exercice conjoint de l’autorité parentale a été
étendu aux couples non mariés présentant de fortes similitudes avec les personnes mariées,
ce n’était que dans des cas restreints, et relevait surtout de la sagesse des juges. « Modalité
dangereuse »2 dans les familles désunies, elle l’était d’autant plus lorsque les juges la
préconisait comme remède à la mésentente au sein du couple 3. D’une mesure permettant à
l’enfant de maintenir le lien avec ses deux parents, les juges en inversent la fonction pour
en faire un remède au profit des parents4, au mépris de l’intérêt de l’enfant.
450. L’extension de l’exercice en commun de l’autorité parentale à la famille
naturelle. L’article 374 alinéa 2 du Code civil5 permettait aux parents naturels d’obtenir du
juge l’exercice en commun de l’autorité parentale6. Cette situation trouvait néanmoins de
cas rares d’application, du fait de la méfiance manifestée à l’égard de la famille hors
mariage. Tant les travaux préparatoires7 à la loi de 1970, que la jurisprudence8 et les
commentaires de doctrine9 insistaient sur la nécessité que seuls des parents unis par des
liens semblables à ceux des époux et ayant un mode de vie semblable à ceux-ci pouvaient
se voir reconnaître un tel exercice en commun. Reposant sur des conditions strictes, la mise

1
L. GAREIL, L’exercice de l’autorité parentale, Paris, LGDJ, 2004, p. 170.
2
Ibidem., p. 170.
3
CA Paris, 3 juil. 1996, Rev. dr. fam., 1997, n° 3, note H. LECUYER, p. 13. La Cour s’exprimait en ces termes : il
convient « de maintenir (…) l’autorité parentale conjointe, cette mesure devant inciter les parents à renouer un
dialogue constructif dans l’intérêt de leurs deux enfants qui souffrent de leurs dissensions ». V. aussi,
H. FULCHIRON, « La généralisation de l’exercice en commun de l’autorité parentale par les parents divorcés à
l’épreuve des pratiques judiciaires », in Sociologie judiciaire du divorce, J. HAUSER (dir. de), Paris, Economica,
coll. « Études juridiques », 1999, pp. 69-83.
4
Ou encore un instrument permettant aujourd’hui d’établir une stricte égalité entre eux.
5
Issu de la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 relative à l’autorité parentale, precit.
6
Avant la loi du 4 juin 1970, seul exerçait la « puissance paternelle » le parent qui avait reconnu l’enfant.
Lorsque les deux liens de filiation étaient établis, était privilégié celui établit en premier, généralement le lien de
filiation à l’égard de la mère. En cas d’établissement simultané, le père l’emportait.
7
Cf. le discours du rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de
l’administration générale de la République, M. ANDRE TISSERAND (J.O.A.N., séance du 8 avr. 1970, p. 865).
8
TGI Montauban, 14 janv. 1976, JCP, G, IV, 1976, p. 317; D., 1977, I.R., p. 41. TGI Grenoble, 12 juin 1978, D.,
1978, I.R., p. 399. Cass. civ. 1ère, 25 nov. 1981, Bull. civ., n° 348.
9
E.S. DE LA MARNIERRE, « Exercice en commun de l’autorité parentale sur les enfants dont les parents sont
divorcés ou célibataires », Gaz. Pal., 1987, doct., p. 638.

416
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

en œuvre de l’exercice en commun de l’autorité parentale hors mariage était tributaire


d’une reconnaissance de l’enfant par ses deux parents avant qu’il n’atteigne l’âge d’un an,
et que les parents vivent en commun au moment de la reconnaissance concomitante ou de
la seconde reconnaissance1. L’entrée en vigueur de la loi MALHURET2 leur offre néanmoins
la possibilité, sur simple déclaration devant le juge des tutelles, d’un exercice en commun
de l’autorité parentale sur la personne de l’enfant né hors mariage 3. La loi étendait ainsi à
l’enfant naturel une solution similaire à celle qui avait été admise par la jurisprudence en
cas de divorce. Une telle possibilité avait déjà été envisagée lors des débats parlementaires
relatifs à la loi de 1970, mais elle avait été abandonnée en raison de vives oppositions 4.
L’accord entre les parents devenait alors un élément clé. Celui-ci permettait désormais
l’exercice conjoint de l’autorité parentale, indépendamment de toute appréciation par le
juge de son opportunité5. Devenu la règle en pratique, il était largement admis par les
juges, et la loi du 8 janvier 19936 en étend la portée tant dans la famille divorcée que dans
la famille naturelle7. Le juge, relégué à une fonction d’enregistrement de la déclaration
conjointe des parents, ne disposait plus du pouvoir de contrôle. Or, si la mesure pouvait
était naturelle pour les couples mariés, en raison de la direction de la famille que les époux
assurent ensemble elle l’était moins au sein de la famille naturelle8, caractérisée par
l’absence de devoirs et d’obligations à charge du couple, et de tout engagement réel et
durable.

1
Art. 372 du Code civil issu de la loi du 4 juin 1970.
2
L. n° 87-570 du 22 juil. 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale, J.O, 24 juil. 1987, p. 8253. Cf. pour les
commentaires de cette loi : R. LEGEAIS, « Les ajustements égalitaires de l’autorité parentale », Defrénois, 1988,
art. 34243 ; F. MONEGER, « L’exercice conjoint de l’autorité parentale : aperçu d’une réforme », Rev. dr. sanit.
soc. 1987, p. 668 ; F. RUELLAN, « A propos de l’exercice en commun de l’autorité parentale en cas de divorce ou
de séparation de corps (loi du 22 juillet 1987) », D., 1990, chron.81 ; F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, F. VAUVILLE,
« Droits de l’Homme et droits de l’Enfant (Commentaire de la loi « Malhuret du 22 juin 1987)», D., 1988, chron.
p. 147 ; F. BASTIEN-RABNER, « Le charme discret de la loi MALHURET. (Une reconnaissance imparfaite du droit
de l’enfant à l’égalité parentale) », JCP, G, I, 1992, 3613, n° 18 ; M.-L. MORANÇAIS-DEMEESTER, « Vers
l’égalité parentale. Loi n° 876570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale », D., 1988, chron.
n° 9, p. 10 ; H. FULCHIRON (dir. de), L’exercice de l’autorité parentale après-divorce et dans la famille
naturelle, bilan d’application de la loi n° 87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale,
Rapport pour le ministère de la justice, 1993.
3
L’alinéa 2 de l’article 374 était ainsi libellé : « L’autorité parentale peut être exercée en commun par les deux
parents s’ils en font la déclaration conjointe devant le juge des tutelles ».
4
J.O.A.N., séance du 8 avril 1970, p. 865.
5
Cass. civ. 1ère, 26 juin 1990, JCP, G, II, 1991, note F. VAUVILLE.
6
L. n° 93-22 du 8 janv. 1993, J.O, 9 janv. 1993. Parmi les nombreux commentaires de cette loi, cf. notamment,
C. BOULLEZ, « Les relations parents-enfants dans la loi du 8 janvier 1993 : l’autorité parentale », Gaz. Pal.,
1993, doctr. p. 828 ; H. FULCHIRON, « Une nouvelle réforme de l’autorité parentale », D., 1993, chron. p. 117 ;
J. MASSIP, « Les modifications apportées au droit de la famille par la loi du 8 janvier 1993 », Defrénois, 1993,
art. 35559 ; F. MONEGER, « La loi du 8 janvier 1993 et les droits de l’enfant », Rev. dr. sanit. soc., 1993, p. 223 ;
J. RUBELLIN-DEVICHI, « Une réforme importante en droit de la famille : la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 », JCP,
G, I,1993, 3659 ; H. FULCHIRON, D., 1993, p. 117.
7
H. FULCHIRON, « L’autorité parentale à l’épreuve du pluralisme familial », Rev. dr. fam., 2000, n° 12, hors
série, p. 45.
8
S. VITSE, « Regards judiciaires sur l’enfant des concubins », Rev. dr. fam., 1997, chron. n° 3, p. 7.

417
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

451. La généralisation de l’autorité parentale conjointe par la loi du 4 mars


2002. L’idée centrale portée par la réforme de 2002 est d’assurer la pérennité d’un lien
parental qui a tendance à se distendre, voire disparaître après la rupture à l’égard du parent
dont l’enfant n’est pas à la charge effective et permanente. Le besoin d’adapter le droit aux
« réalités et aux aspirations de notre temps » était également avancé afin de justifier la
nécessité d’améliorer la législation1. Après le renforcement de l’exercice en commun de
l’autorité parentale des parents non mariés, Madame le professeur THERY préconisait déjà
dans son rapport un renforcement du principe de coparentalité en cas de séparation.
L’article 372 du Code civil issu de la loi du 4 mars 2002 affirme donc avec vigueur que :
« les père et mère exercent en commun l’autorité parentale »2. La formulation très générale
imprime au principe une dimension intemporelle, indépendante de la nature du lien qui unit
les parents, et au-delà de la rupture du couple. Or, nier la réalité de la séparation à l’égard
des enfants revient, une fois de plus, à surestimer l’entente d’un couple à l’heure de la
séparation. Réaliste quant à l’existence systématique d’une telle entente, le législateur
reconnaît3 la compétence du juge dans l’aménagement des modalités de l’exercice de
l’autorité parentale après la rupture.
452. L’aménagement de l’exercice de l’autorité parentale par le juge aux
affaires familiales (JAF). Les modalités de l’exercice conjoint de l’autorité parentale ne
sont laissées à l’appréciation du JAF qu’à défaut d’accord entre les parents.
L’aménagement conventionnel étant privilégié, le juge aux affaires familiales homologue4
l’accord parental dès lors lorsqu’il respecte les droits des parties. Garant de ce double lien
parental, le juge est appelé à « prendre les mesures permettant de garantir la continuité et
l’effectivité du maintien des liens de l’enfant avec chacun de ses parents »5, en exhortant
chacun des père et mère à respecter le lien de l’autre parent avec l’enfant. Une décision de
la Cour d’appel de Paris a très justement rappelé que le juge, appelé à se prononcer sur les

1
Cf. I. THERY, Couple, filiation et parenté aujourd’hui, Rapport à la ministre de l’Emploi et de la solidarité et au
garde des Sceaux, ministre de la justice, éd. O. Jacob, La documentation française, juin 1998 ; F. DEKEUWER-
DEFOSSEZ, Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux aspirations de
notre temps, Rapport au garde des Sceaux, ministre de la justice, La documentation française, nov. 1999.
2
De même que pour en assurer l’effectivité, l’article 373-2 alinéa 2 les appelle à « maintenir des relations
personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent ».
3
Admettre autant d’égalité au sein du couple supposait de recourir à une tierce personne en cas de différend, qui
ne pouvait être que le juge aux affaires familiales. Or, admettre l’intervention du juge au sein de la sphère
familiale est éminemment symbolique : il atteste en premier lieu du rôle de l’État à l’égard de l’autorité
parentale, qui n’est pas un lieu clos et fermé aux regards extérieurs (F. TERRE, D. FENOUILLET, Droit civil. La
famille, op. cit., n° 957, p. 957). En second lieu, l’intervention judiciaire permet aux situations familiales
particulières d’accéder aux prétoires et d’acquérir une plus grande visibilité. La compétence du juge passe ainsi
d’un contentieux essentiellement lié au divorce, point d’ancrage de la famille fondée sur le mariage, à un
contentieux relatif à la parentalité, signe du déplacement du cœur même du droit de la famille. La loi du 12 mai
2009 contribua à modifier cette compétence en attribuant au JAF l’exercice des fonctions du juge des tutelles des
mineurs. SALVAGE-GEREST, « Le juge des affaires familiales (De l’homme orchestre du divorce à l’homme
orchestre de l’autorité parentale) », Rev. dr. fam., 2003, avr., n° 12.
4
Art. 373-2-7 du Code civil.
5
Art. 373-2-6 al. 2 du Code civil.

418
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

modalités de l’exercice de l’autorité parentale peut notamment prendre en considération les


sentiments exprimés par l’enfant mineur et l’aptitude de chacun des parents à exercer les
droits de l’autre. Influencée par son mari actuel, une mère n’ayant respecté ni le droit de
l’enfant à l’éducation en le déscolarisant sans l’accord de son père1, ni l’exercice en
commun de l’autorité parentale, a pu voir la fixation de la résidence de l’enfant auprès de
son autre parent. La mère avait fait preuve de son inaptitude à respecter les droits de l’autre
parent.
Si le juge est appelé à favoriser le double lien parental, cette mesure trouve sa traduction
concrète par la mise en place de la résidence alternée.

B) La résidence alternée en quête d’égalité

453. Les hésitations jurisprudentielles initiales. Au départ, la jurisprudence


française n’était guère favorable, à l’admission d’une résidence alternée dans les relations
parentales. Condamnée à plusieurs reprises -dans des cas favorables de proximité de
résidence2- les juges du fond y voyaient une source de fatigue et de scolarité décousue pour
l’enfant3. Avant l’adoption de la loi MALHURET, la deuxième chambre civile de la Cour de
cassation l’a exclu au motif qu’une telle mesure comportait un risque d’instabilité pour
l’enfant4. L’adoption de la loi du 8 janvier 1993 a permis de relancer le débat, mais le
choix du législateur était de maintenir l’obligation incombant au juge de déterminer le lieu
de la résidence habituelle de l’enfant5.
454. L’objectif affiché de maintien des liens au cœur de la nouvelle mesure. Le
modèle parental français actuel repose sur le principe affirmé du maintien d’une
coparentalité dans toutes les situations6, que les parents soient ou non mariés, divorcés ou

1
CA Paris, 13 déc. 2012, n° 12-129.26, Rev. dr. fam., 2013, n° 3, comm. C. NEIRINCK.
2
CA Paris, 10 févr. 1999, JCP, G, II, 1999, n° 10170, note T. GARE ; mais contra, CA Toulouse, 2 mai 2000,
JCP, 2001, IV, n° 1128 ; CA Rennes, 3 juil. 2000, JCP, G, IV, 2001, n° 2650.
3
La doctrine s’est soulevée, et continue de dénoncer cette pratique qui a prouvé, dans sa mise en œuvre, de
multiples difficultés. Des études ont démontré que la résidence alternée ne pouvait constituer pour l’enfant le
cadre de vie idéal qui puisse lui procurer la stabilité et l’épanouissement nécessaires, surtout en bas âge. Aussi, a-
t-on tenté d’inverser la donne et de mettre en place une résidence alternée à l’égard des parents. L’enfant
demeurerait à un domicile fixe, et ce sont les parents qui, à tour de rôle, se déplaceraient régulièrement au
domicile de l’enfant. Les résultats ont révélé que les parents n’ont pu supporter sur le long terme les multiples
déplacements. Comment dès lors, pourrait-on imaginer qu’un enfant supporte les multiples va et vient sans en
subir un préjudice quelconque ?
4
Cass. civ. 2ème, 21 mars 1983, Bull. civ., II, n° 78 ; Cass. civ. 2ème, 2 mai 1984, Bull. civ., II, n° 78, p. 56 ; Cass.
civ. 2ème, 20 nov. 1985, Bull. civ., II, n° 174.
5
Au terme d’une réponse ministérielle, il a été considéré que « si le législateur a souhaité en 2002 élargir
l’éventail des modalités d’organisation de la vie de l’enfant pour une meilleure adaptation des décisions à la
diversité des réalités familiales, il n’a pas pour autant, entendu introduire une quelconque préférence pour telle
ou telle modalité de résidence (…) et le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, estime qu’il est nécessaire de
laisser aux magistrats un large pouvoir d’appréciation ». Rép. min. n° 4313, JOANQ, 23 oct. 2007, p. 6574.
6
La lutte contre la « monoparentalité maternelle » a été un objectif majeur du nouveau texte.

419
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

séparés1. Après plusieurs tâtonnements législatifs, le dispositif existant trouve son


aboutissement avec la loi du 4 mars 2002 2. Celle-ci introduit la possibilité pour le juge
d’ordonner une résidence en alternance, au moins à titre provisoire, pour favoriser le
maintien des liens de l’enfant avec ses deux parents. Le rôle prépondérant du père s’étant
progressivement effacé à partir des années 1970, la nouvelle loi tente de revaloriser son
rôle3 dans l’éducation de l’enfant. La généralisation de la mesure trouve son fondement
dans la CIDE4 qui proclame le droit de l’enfant d’être élevé par ses deux parents5, les États
parties étant exhortés à respecter ce droit sauf si « (…) cela est contraire à l’intérêt
supérieur de l’enfant »6, en s’engageant de leur mieux « à assurer la reconnaissance du
principe selon lequel les parents ont une responsabilité commune pour ce qui est d’élever
l’enfant et d’assurer son développement »7.
455. Les objectifs visés. Si la réforme des prérogatives parentales en 1970 était
commandée par le souci de mettre en place une autorité parentale conjointe aux deux
parents en lieu et place de la notion de puissance paternelle, la loi du 4 mars 2002 renforce
cette égalité en la rendant parfaite et applicable à tous les couples et à tous les enfants. Il
était alors possible de croire que l’égalité poursuivie était atteinte, et que tant les mères que
les pères jouissaient de prérogatives identiques. Or, le principe de coparentalité n’a jamais
été autant discuté qu’aujourd’hui. Les statistiques ont révélé que plus de 85 % des mères
obtenaient la garde de leur enfant, et la jurisprudence considère toujours –fort
heureusement- que l’exercice conjoint de l’autorité parentale n’implique nullement un

1
En 1884, l’article 302 du Code civil issu de la loi des 27/29 juillet 1884 disposait que « les enfants seront
confiés à l’époux qui a obtenu le divorce », c’est-à-dire à l’époux « innocent ». Le divorce était alors perçu
comme le moyen de maintenir la famille sous l’autorité du parent n’ayant pas failli à ses devoirs.
2
F. BOULANGER, «Modernisation ou utopie ? La réforme de l’autorité parentale par la loi du 4 mars 2002 », D.,
2002, p. 1571 ; C. BRIERE, « La coparentalité : mythe ou réalité ? (Commentaire de la loi n° 2002-305 du 4 mars
2002 relative à l’autorité parentale) », Rev. dr. sanit. soc., 2002 p. 567 ; J. ROCHFELD, « Loi n° 2002-305 du 4
mars 2002 relative à l’autorité parentale », RTD civ., 2002, p. 377 ; H. FULCHIRON, « L’autorité parentale
rénovée. Commentaire de la loi du 4 mars 2002 », Defrénois, 2002, p. 959 ; A. GOUTTENOIRE-CORNUT, « La
consécration de la coparentalité par la loi du 4 mars 2002 », Rev. dr. fam., 2002, chron. p. 27 ; S. THOURET, « La
loi du 4 mars 2002 relative à l’autorité parentale ou la recherche d’une véritable coparentalité », Rev.
Procédures, 2002, n° 5, p. 8 ; S. BEN HADJ YAHIA, « La résidence de l’enfant », in Mélanges en l’honneur du
professeur Raymond LE GUIDEC, Paris, Dalloz, 2014, pp. 547-571 ; F. BOULANGER, « Réflexions sur la portée et
les limites du principe d’égalité des deux membres du couple dans l’attribution et l’exercice des droits
parentaux », in Mélanges en l’honneur du professeur Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, 2012, p. 59-71.
3
Or, aussi louable puisse être cet objectif, il est en contradiction flagrante avec la nouvelle loi relative au nom et
dont l’objet est de procéder à un rééquilibrage égalitaire en faveur de la mère. Reposant sur deux philosophies
contradictoires, l’une cherche à satisfaire les revendications féministes et libérales d’un côté, l’autre à établir une
égalité de la fonction parentale entre les deux parents de l’enfant. Cf. J. ROCHFELD, « Loi n° 2002-305 du 4 mars
2002 relative à l’autorité parentale », RTD civ., 2002, p. 377.
4
Texte de la convention publié par décret du 8 octobre 1990, J.O, 12 oct. 1990, p. 12363. G. RAYMOND, « La
Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant et le droit français de l’enfance (Convention du 20
novembre 1989) », JCP, G, I, 1990, 3451.
5
Art. 7.
6
Art. 9.
7
Art. 18.

420
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

partage égalitaire de l’hébergement de l’enfant1. L’articulation de la logique paritaire


abstraitement posée par le texte contraste avec la réalité du vécu parental. Le rapport de
Monsieur le président JUSTON le relève très justement lorsqu’il préconise l’inscription dans
le Code civil de ce partage inégalitaire du temps passé par chacun des parents auprès de
l’enfant2. La coparentalité instituée par la loi du 4 mars 2002 n’a pas été à même d’assurer
l’effectivité3 de la parité parentale4, bien qu’elle ait voulu occulter la réalité de la
séparation. Si la première loi avait pour objectif de procéder à un rééquilibrage des
prérogatives parentales au profit de la mère, les projets de réforme actuels dénoncent une
mise à l’écart des pères5 dans le cadre des séparations parentales. La réalité démontre que
l’enfant est le plus souvent confié à sa mère. Les contraintes d’ordre matériel et la
reconstitution de nouvelles familles6 ne favorisent pas le maintien des liens entre le père et
l’enfant.
456. Une énième tentative d’égalité parentale. La proposition de loi adoptée en
première lecture7 propose une réforme des règles applicables à la détermination de la
résidence de l’enfant en cas de séparation. L’objectif symbolique d’établir une
coparentalité positive en cas de séparation n’étant qu’imparfaitement atteint8, le texte
souhaite dépasser le débat relatif aux bienfaits et inconvénients de la résidence alternée en

1
Même dans le cas de la résidence alternée, la Cour de cassation n’a pas jugé bon d’imposer un partage
égalitaire du temps passé auprès de l’enfant. Si son intérêt le commande, le partage du temps peut être inégal :
Cass. civ. 1ère, 25 avr. 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 143, note P. MURAT. Dès lors, la finalité posée par
l’article 373-2-9 du Code civil commande une interprétation mesurée, éloignée de toute idée d’un partage
abstrait du temps passé par l’enfant auprès de chacun de ses parents pour satisfaire les désirs de l’adulte.
2
Proposition n° 26 du rapport.
3
Surtout que « la règle de droit est d’abord la traduction – nécessairement plus pauvre et incomplète – d’une
réalité humaine et sociale beaucoup plus riche : le comportement des générations plus âgées vis-à-vis des plus
jeunes et réciproquement ». V. F. BOULANGER, Les rapports juridiques entre parents et enfants, Perspectives
comparatistes et internationales, Economica, Paris, 1998, p. 1.
4
Malgré l’égalité formelle posée par les textes, la pratique ne reflète pas une réelle égalité des père et mère.
L’exploitation de 6042 décisions rendues par les juges aux affaires familiales sur une période de 15 jours sur tout
le territoire français a permis de révéler qu’en 2012, la résidence habituelle est fixée au profit de 71 % des
enfants chez la mère (ils étaient plus de 80 % en 2003 et 73,5 % en 2010), 17 % en alternance chez chacun de
leurs parents (9,9 % en 2004 et 16,5 % en 2010) et environ 12 % chez leur père (10 % en 2010). En cas d’accord,
trouvé dans plus de 80 % des cas, la proportion de résidences chez la mère demeure identique. Cf. M.
GUILLONNEAU, C. MOREAU, La résidence des enfants de parents séparés. De la demande des parents à la
décision du juge, Ministère de la justice, nov. 2013, p. 5 ;V. AVENA-ROBARDET, « La résidence des enfants : les
chiffres », AJ fam., 2013, p. 666.
5
« Autorité parentale entre parents désunis : des propositions pour améliorer les prérogatives du père », Rev. dr.
fam., 2012, n° 12, alerte 64.
6
V. supra, notre chapitre relatif aux recompositions familiales.
7
Proposition de loi n° 1856 relative à l’autorité parentale et à l’intérêt de l’enfant, enregistrée à la présidence de
l’Assemblée nationale le 1er avril 2014, adoptée en première lecture le 27 juin 2014, puis transmise au Sénat.
8
Cf. récemment, le refus d’un juge de mettre en place une résidence alternée « en raison de l’absence de
disponibilité d’un père, gérant d’un commerce de proximité, qui n’accorde qu’un investissement réduit à ses
enfants. Ses bonnes qualités de père ne sont pas suffisantes pour appuyer sa demande de résidence alternée ». V.
CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 6 févr. 2014, n° RG 13/07811.

421
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

procédant à une clarification1. Le projet de réforme évoque -une fois de plus- l’idée de
renforcer la coparentalité, ce qui était soutenu déjà lors des précédentes réformes. Face au
renouvellement constant des modalités de l’exercice de l’autorité parentale, il semblerait
que ce soit l’intérêt de l’enfant qui peine à trouver pleinement son expression, malgré toute
l’attention qui lui est accordée. C’est pourquoi il est proposé, avec cette proposition, de
recentrer le débat sur ce qui est le plus conforme à l’intérêt de l’enfant. Le changement
législatif proposé est d’ordre terminologique2 mais aussi légal, donnant une impression de
travail d’expérimentation alors même que la personne de l’enfant est en jeu. Au titre des
mesures proposées, la principale nouveauté consiste à fixer la résidence de l’enfant
conjointement au domicile de chacun des parents3. Cette nouvelle modalité deviendrait
donc le principe en matière d’exercice conjoint de l’autorité parentale, et ce n’est qu’à titre
exceptionnel que le juge pourrait fixer la résidence de l’enfant au domicile de l’un des
parents. Le texte met fin à l’alternative binaire qui a longuement été débattu lors de
l’adoption de la loi du 4 mars 2002. L’observateur non avisé ne peut qu’être troublé par la
fréquence du changement de la règle de droit qui, d’une mesure possible mais généralisée
en 2002 accède aujourd’hui au rang de mesure principale, dans un domaine aussi sensible
que celui de l’organisation de la vie de l’enfant. Au plan terminologique il est prévu de
mettre fin à ce qui est considéré être une terminologie péjorative. La résidence alternée,
parce qu’elle met l’accent sur la dimension temporaire de l’hébergement, est considérée
stigmatisante4 à l’égard du parent n’hébergeant pas régulièrement l’enfant (nominalisme
humanitaire). L’enfant n’étant plus hébergé par l’un de ses parents mais disposant de

1
D’ailleurs, une partie de la doctrine a très justement relevé qu’ « on peut singulièrement douter de la nécessité
de clarifier les règles existantes, comme le premier chapitre a pour objet de le faire. Depuis la loi n° 2002-305 du
4 mars 2002, le principe de coparentalité qui domine cette matière s’avère déjà relativement clair (…) Les
dispositions actuelles du Code civil ne suscitent pas, en elles-mêmes, des difficultés nécessitant une prétendue
clarification. C’est la mise en œuvre des règles qui s’avère problématique ». Cf. Rev. dr. fam., 2014, n° 5,
alerte 20.
2
M. JUSTON était favorable à une adaptation de l’ancienne terminologie au nouvel esprit de l’autorité parentale,
en remplaçant notamment le « droit de visite et d’hébergement », par des mots plus doux et plus neutres comme
« temps d’accueil, temps de résidence ou période de résidence ».
3
Article 7 de la proposition, découlant de la proposition n° 27 du rapport de M. JUSTON. Le rapport de Monsieur
le président JUSTON proposait en réalité le principe de la double domiciliation de l’enfant quel que soit le mode
de résidence, tout en insérant dans le Code civil la mention que la résidence alternée ne correspond pas à un
mode paritaire de partage du temps de l’enfant. Toute proposition de résidence alternée paritaire ou non,
notamment celle imposée par le JAF -ce qui veut dire que celle-ci n’était pas imposée par le juge-, pouvait aussi
être accompagnée d’une mesure de médiation familiale, de manière à ce que les parents vérifient par eux-mêmes
l’adéquation de ce type de résidence à la personnalité de l’enfant. L’idée de Monsieur JUSTON étant de tirer les
conséquences sur les actes de l’état civil de la réalité de cette double domiciliation (que ce soit dans le cadre
d’une résidence en alternance ou pas), en maintenant la résidence alternée comme mode possible d’organisation
de l’autorité parentale, et non d’en faire le principe (propositions n° 19 et 26).
4
Le rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles souligne l’importance de la terminologie
employée à l’égard du parent auprès de qui la résidence de l’enfant n’est pas fixée, les notions de « droit
d’hébergement » et de « droit de visite » étant le plus souvent mal ressenties par les parents concernés, qui
considèrent que le droit d’héberger et de visiter son enfant ne reflète pas véritablement leurs responsabilités
parentales.

422
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

« deux chez lui »1, le « droit d’hébergement » est vouée à la disparition. Dans le cas
particulier où l’exercice de l’autorité parentale est confié à l’un des parents, un droit de
visite, exceptionnel, pourrait être mis en place.
457. Une proposition de loi contraire à l’intérêt de l’enfant. Si l’intérêt de l’enfant
constitue la finalité d’une telle mesure, la réponse législative apportée pour favoriser cet
intérêt ne convainc guère. Unifier l’exercice de l’autorité parentale en instrumentalisant la
résidence de l’enfant -loin d’être un foyer pour unifier - « peut créer des désordres car
l’enfant est aux confins de droits partagés : ses propres droits, ceux de ses parents, ceux des
tiers »2. De surcroît, elle atteste que l’objectif recherché après l’exercice conjoint de
l’autorité parentale est bien l’égalité des deux parents. Or, du « sur-mesure » est
particulièrement souhaitable lors de la détermination des modalités de l’exercice de
l’autorité parentale. De la même façon, l’investissement respectif des père et mère dans la
sphère professionnelle est largement déterminant de la mise en place d’une telle mesure. Si
de plus en plus de femmes aspirent aujourd’hui à l’autonomie financière et à
l’épanouissement professionnel, nombre d’entre elles privilégient encore l’investissement
domestique. Dans ce cas de figure, le temps passé par l’enfant auprès de sa mère est
naturellement plus important que celui passé aux côtés du père. Dès lors, le modèle de
parentalité suggéré trouve sa limite dans la réalité sociale. La règle de droit se trouve ainsi
« en avance » par rapport à la réalité sociale qu’elle a vocation à réglementer. Cette
situation pose le problème d’un droit qui intervient -excessivement ?- à l’inverse d’un droit
qui s’abstient. Le suivisme législatif caractéristique de la législation contemporaine tend à
satisfaire les revendications de chacun des membres du couple. Ceci est bien la preuve que
la famille ne constitue pas plus l’objectif du législateur que ne l’est l’égalité en droit de ses
membres. Il est regrettable que la famille ait à servir les ambitions égalitaires du politique
alors que celle-ci, par essence inégalitaire, est aux antipodes de cette mission qui lui est
aujourd’hui assignée. Oeuvre purement humaine, la règle de droit ne peut tendre à la
perfection malgré les efforts déployés en ce sens. L’instabilité de celle-ci, du fait des
nombreuses interventions législatives, rend instable le statut même de l’enfant. Or, il a été
démontré par les études de sciences humaines que la stabilité est le fondement qui préside
au bon développement de l’enfant et à son bien être. Pourquoi dès lors ne pas chercher la
perfection auprès des personnes qui en sont responsables, ou en tout cas les y inciter 3.

1
Cette mesure rappelle la suppression du « droit de visite et d’hébergement » par la Convention sur les relations
personnelles concernant l’enfant, en faveur de la formulation de « lien de famille ». V. supra, n° 153.
2
S. BEN HADJ YAHIA, « La résidence de l’enfant », art. precit., p. 570.
3
Madame Aude MIRKOVIC exprime très justement la situation en ces termes : « si cet énième essai sur l’autorité
parentale ne convainc pas, n’est-ce pas tout simplement que, si la vie des enfants vivant avec des couples
décomposés et recomposés est compliquée, ce n’est pas à cause du droit mais parce qu’il est délicat pour un
enfant de vivre avec des adultes qui ne sont pas ses parents, et vice versa ? Les législateurs successifs tentent de
réparer les effets dévastateurs de la séparation parentale. Que ne cherchent-ils, aussi, des moyens d’éviter ces
séparations destructrices ? Les récents débats sur le mariage ont montré que celui-ci est recherché comme la
structure la plus sécurisante en raison de l’engagement sur lequel il repose et du cadre protecteur qu’il offre.
Chacun est libre de se marier ou non, mais une seule mesure (fiscale par exemple) encourageant la stabilité du

423
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

458. La force des mesures privilégiant l’effectivité de la coparentalité. Les


mesures proposées par le texte en vue d’améliorer l’effectivité de l’exercice conjoint de
l’autorité parentale retiennent l’attention. En effet, la proposition de loi crée un certain
nombre de mesures permettant de faire respecter la décision du juge ou la convention
homologuée. Une amende civile1 est proposée, dont le montant peur s’élever à
10.000 euros afin de sanctionner le parent faisant délibérément obstacle, de façon grave ou
renouvelée, aux règles de l’exercice conjoint de l’autorité parentale, ou lorsqu’un parent ne
respecte pas une décision ou la convention homologuée fixant les modalités de l’exercice
de l’autorité parentale. La mesure est satisfaisante, le recours à la voie pénale étant
inopportun dans un tel contexte. L’atteinte à ces règles, en particulier aux décisions des
juges n’est à présent pas systématiquement sanctionnée. Bien qu’elle existe, l’astreinte
n’est pas utilisée en pratique. C’est pourquoi l’article 5 de la proposition de loi prévoit
d’assortir la décision du juge d’une telle mesure, pouvant être un instrument efficace entre
les mains des praticiens dans certaines situations. Dans le prolongement de l’amende
civile, Monsieur BINET propose, lorsque l’exercice de l’autorité parentale est entravé par
l’un des parents, un ajustement du montant de la pension alimentaire versée pour les
besoins de l’enfant, qui tiendrait compte de la modification de la répartition de la charge
effective de son entretien et son éducation. Loin d’être une réelle sanction, cette mesure
permettrait « de tirer les conséquences financières du non-exercice du droit de visite et
d’hébergement ou du non-respect des périodes de résidence au domicile de chacun des
parents fixées par la décision du juge ou la convention homologuée ». Adoptée par la
Commission des lois constitutionnelles2, cette mesure mérite d’être approuvée. En
revanche, l’exécution forcée des décisions de justice rendues en matière civile3 ne semble
pas être adaptée à la nature du litige. En effet, le procureur de la République est invité à
user de la force publique afin de veiller à l’exécution des décisions de justice. Si elles sont
combinées à celles déjà existantes, les mesures mises en place permettent de faire respecter
la décision du juge. Le recours à la force publique n’est ni souhaitable en la matière, ni
gage d’un meilleur exercice de la coparentalité. Pour cela, la proposition n° 23 du rapport
de Monsieur JUSTON4 est fort intéressante car elle préconise en cas de difficultés graves,
des mesures d’accompagnement privilégiant la restauration des liens lorsque le dialogue
est rompu. Cette mesure se matérialiserait par l’instauration d’ateliers à la coparentalité
dans lesquels le dialogue serait de mise. Il est regrettable que l’actuelle proposition de loi
n’ait pas repris cette mesure en vue de privilégier la culture du dialogue à celle de la force.

mariage serait certainement mieux venue que toutes ces mesures sur l’autorité parentale et le prétendu intérêt de
l’enfant », Rev. dr. fam., 2014, sept., n° 9.
1
Article 5 de la proposition de loi.
2
Art. 6 bis.
3
Art. 8 bis.
4
M. JUSTON, Médiation et contrats de coparentalité, rapp. precit.

424
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 2. La fidélité du droit maghrébin de la filiation au


modèle familial islamique

459. Précisions sémantiques. En droit musulman, la parenté recouvre des


acceptions multiples. Le sens le plus courant qui lui est assigné est celui qui permet
l’inscription de l’enfant dans une généalogie ascendante, tandis que la parenté entendue en
termes de filiation inscrit davantage celui-ci dans un ordre descendant, en le rattachant à
ses auteurs. La filiation1, patrilinéaire en droit musulman, consiste essentiellement dans
« le fait de porter le nom de son père et de pouvoir hériter de lui, cette dernière disposition
découlant juridiquement de la première dans le droit musulman classique »2. Dans tous les
pays de tradition musulmane, le droit de la filiation demeure une fidèle transcription des
préceptes religieux tant le système de parenté est fortement empreint de morale islamique,
et l’organisation sociale construite autour du modèle de filiation patrilinéaire. Parmi les
fins supérieures auxquelles le croyant doit aspirer en vue de préserver l’objectif de
sauvegarde de la vie humaine sur terre, une place de choix est faite à la procréation et aux
biens3, d’où l’importance du mariage et de l’héritage en droit musulman. Si les législations
positives des pays du Maghreb se réfèrent davantage à la notion de nasab -la parenté au
sens généalogique- plutôt qu’à la bounoua -filiation au sens strict- c’est précisément en
raison d’une conception de la parenté irréductible au simple donné biologique, mais qui
nécessite une inscription au sein d’un groupe de parenté. Le nasab est de ce fait « éloigné
des représentations de la parenté mises en rapport avec des données scientifiques. C’est
avant tout une représentation sociale, indépendante parfois de toute réalité historique »4.
Un tel choix repose également sur une conception différente de la procréation qui, à
l’inverse de la conception occidentale, ne passe pas par le sang, mais par le sperme. En
effet, celui-ci joue un rôle incontournable dans la doctrine juridique islamique qui le

1
La filiation en droit musulman est constituée de deux éléments : la bounoua et le nasab. Le second, selon
Madame le professeur BEN HALIMA, « est le lien qui unit les membres de la même famille. C’est donc le lien de
parenté (…). Dans son sens le plus courant, le nasab est le lien légitime qui unit l’enfant à son père. C’est en
d’autres termes la filiation paternelle légitime. » qui détermine le statut de la personne dans la société. Si la
relation entre la mère et l’enfant s’établit du fait de l’accouchement, celle liant le père à son enfant trouve son
fondement dans le nasab, qui permet de rattacher l’enfant à son père, en lui attribuant son nom. À cet égard, le
nasab détermine l’ « origine » de l’enfant dans une société où son inexistence est source de stigmatisation.
S. BEN HALIMA, La filiation paternelle légitime en droit tunisien, Thèse, Tunis, 1976, p. 10. V. K. MEZIOU, « La
filiation », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, 2009, n° 345, pp. 238-260.
2
C. FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions
et reconnaissance de paternité. De la nécessaire conjonction du social et du biologique », in L’argument de
filiation. Aux fondements des sociétés européennes et méditerranéennes, P. BONTE, E. PORQUERES I GENE,
J. WILGAUX (dir. de), Marseille, éd. de la Maison des sciences de l’homme, 2011, p. 233.
3
V. infra, n° 489.
4
A. AOUIJ-MRAD, « Le faible impact des pratiques biomédicales sur la vision de la parenté en Tunisie », in Les
incidences de la biomédecine sur la parenté. Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, M.-C. CRESPO-
BRAUNER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 193.

425
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considère comme le principe vital de descendance1. Le sang n’est utilisé que comme
simple métaphore des relations de parenté 2. C’est pourquoi le biologique, bien qu’il soit
central dans l’établissement du lien de filiation, ne se conçoit pas sans le nasab, dont le
rôle est la représentation sociale et symbolique de la parenté en vue de l’inscription de
l’enfant dans une généalogie.
460. Les moyens de preuves biologiques : une évolution du droit de la filiation ?
La consécration des moyens biologiques de preuves –tests ADN- au Maroc à l’occasion de
la réforme de 2004 pose la question, à l’instar de l’évolution française, du renouveau du
concept de filiation. La consécration de l’expertise biologique a-t-elle permis de faire
basculer la filiation dans un « tout biologique » au détriment du modèle de parenté légitime
fondée sur le mariage ( §1), ou celle-ci demeure t-elle fidèle à sa fonction de maintien
d’une certaine conception de la famille et des relations parentales (§2) ?

§1) La parenté légitime, mode privilégié d’établissement de la filiation

461. Exclusivité de la filiation paternelle. Le droit musulman de la famille accorde


une place de choix à l’établissement de la parenté légitime paternelle. Celui-ci ne reconnaît
d’effets qu’à ce lien de filiation à l’exclusion du lien maternel 3, inapte à permettre
l’inscription de l’enfant dans une lignée ascendante en vue de prétendre au nasab. Le
mariage, condition sine qua non peut seul faire jouer pleinement la présomption de
paternité à l’égard de l’enfant (A). Point de mariage, point de nasab dirait le dicton. La
force de ce mécanisme réside dans le lien étroit qu’il entretient avec le mariage des parents.
Simple présomption, il peut également être écarté lorsque la probabilité que l’enfant ne soit
pas le fils de celui que le mariage désigne est forte (B).

A) La force de la présomption de paternité

462. Une force tirée de l’état de mariage. En mariage, la présomption de paternité


est un mode automatique de rattachement de l’enfant au lit conjugal. Mode non volontaire
d’établissement de la filiation (1), il ne nécessite nullement une manifestation de volonté et
c’est bien là sa force. L’étude des modes volontaires d’établissement de la filiation révèlera

1
Sur cette question, cf. C. FORTIER, « Le lait, le sperme, le dos. Et le sang ? », Cahiers d’études africaines,
2001, n° 161, pp. 97-138.
2
Sur ce point, cf. infra, n° 357.
3
Sur le rattachement unilatéral (contestable) de l’enfant naturel à sa seule mère et son défaut de source
scripturaire, V. les développements de Monsieur K. ZAHER, Conflit de civilisations et droit international privé,
Paris, l’Harmattan, 2009, pp. 62-68, spec. n° 69 et s. Cf. aussi la décision de la Cour de cassation ayant refusé,
par le biais de l’expertise génétique, de remettre en cause la bounoua de la mère, le recours à l’expertise
génétique étant sans effet à son égard : Cass. maroc., 20 janv. 2015, dossier n°192/2/1/2014, n° 2/25.

426
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

que ceux-ci sont tributaires, dans leur mise en œuvre, de la volonté paternelle (2) ce qui
peut mettre à mal l’intérêt de l’enfant à avoir une filiation.

1- Un mode non volontaire d’établissement de la filiation

463. « L’enfant appartient au lit conjugal ». En droit musulman, l’enfant d’une


femme mariée est légitimement rattaché au mari en vertu de l’adage al waladou lil firach
(l’enfant appartient au lit). Simple présomption, elle permet de conférer la légitimité à
l’enfant né pendant le mariage du couple, dans une société qui ne reconnaît aucune place à
l’enfant né en dehors du cadre légal. Les rapports conjugaux permettent ainsi de présumer
les relations charnelles du couple dont l’enfant serait issu, alors même que la vérité
biologique pourrait être contraire à cette réalité. Présomption qui repose sur un fait connu -
le mariage- elle aboutit à un fait inconnu, bénéficiant pourtant du cadre protecteur de la loi.
Le mariage jouit au sein d’un tel système de toute sa force et constitue bien, l’acte
fondateur de la famille. La présomption joue au profit d’enfants nés d’un mariage valide,
mais aussi au profit de ceux issus d’un mariage vicié ou nul. Les législations des trois pays
du Maghreb sont une fidèle traduction de ces règles1. Bien que répugnant à la
reconnaissance d’une filiation issue de relations illégitimes, le droit musulman,
paradoxalement, bénit de sa légitimité toute situation pouvant être régularisée.
464. Des délais de grossesse favorables à l’enfant. Pour que la présomption joue
encore, la grossesse de la mère doit s’insérer dans les délais fixés par le droit musulman
classique. Le délai minimal de la grossesse a unanimement été fixé par les jurisconsultes
des différentes écoles doctrinales à six mois. Si l’enfant naît six mois suivant la conclusion
de l’acte de mariage, celui-ci est considéré comme issu du couple. Cette solution a été
reprise par les différentes législations maghrébines2. Simple en apparence, la question n’est
pas sans soulever des difficultés quant à l’appréciation du délai à partir duquel il convient
de faire courir les six mois, car le droit musulman distingue la date de la conclusion de
l’acte de mariage, du moment où celui-ci a pu être consommé. Les législations marocaine
et tunisienne font courir ce délai dès la conclusion de l’acte de mariage, ce qui simplifie
considérablement la question de la preuve des relations charnelles. Néanmoins, le Code
marocain exige que les rapports sexuels soient plausibles entre les époux. La difficulté
initiale est donc entière. Outre que le législateur ne définit pas ce qu’il convient d’entendre
par « la possibilité des rapports » visé à l’article 154 1° du Code de la famille, se pose la
difficulté liée à son appréciation. L’existence de rapports sexuels s’entend-t-elle d’une
communauté de vie effective sans laquelle le couple serait suspecté de ne pas satisfaire à
cette obligation, ou serait-ce notamment les situations d’impuissance de l’époux ou de
refus de l’épouse d’entretenir des relations avec son époux ? Le tribunal de première

1
Ar. 152 du CMF, art. 40 du Code algérien et 68 du Code tunisien.
2
Art. 154-1 CMF, 42 du Code algérien et 71 du Code tunisien.

427
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

instance de Marrakech a notamment pu constater l’impossibilité des relations conjugales


d’un couple du fait de l’abandon par l’épouse du domicile conjugal depuis 1998, alors que
la naissance de l’enfant dont la filiation était en cause intervenait le 20 mai 2003. Dans ces
conditions, la filiation légitime de l’enfant n’a pu être établie faute de relations conjugales
plausibles au sens de l’article 154 1°1. La même difficulté se retrouve tant dans les
législations algérienne que tunisienne. S’il est vrai que cette condition tenant à la
possibilité des relations conjugales du couple permet de renforcer la présomption de
paternité, elle traduit incontestablement le regard (intrusif ?) du droit au sein de la sphère
d’intimité du couple, et témoigne du faible espace de liberté qui y est réservé. Le délai
maximal de la grossesse2 est en revanche ramené à un an dans la législation marocaine et
tunisienne3, sauf par la législation algérienne 4 qui le ramène à dix mois. La terminologie et
la conception du droit musulman classique sont patentes et génèrent une certaine
confusion, car le droit musulman distingue en matière de rupture du mariage le divorce
révocable et le divorce irrévocable, d’où la difficulté de déterminer le moment à partir
duquel le délai d’un an ou de dix mois commence à courir. La difficulté est
particulièrement présente en droit marocain qui maintient la distinction classique du droit
musulman entre le divorce révocable et le divorce irrévocable, lorsque les voisins algérien
et tunisien ne le font pas. Pour autant, un laps de temps considérable peut courir entre la
cessation de la cohabitation et le prononcé définitif du divorce. Les trois codes s’accordent
toutefois pour dire que seul le jugement définitif de divorce fait courir le délai.
465. Le cas particulier des fiançailles en droit marocain. Les législations
marocaine et algérienne considèrent -depuis leurs dernières réformes - l’enfant issu des
rapports illégitimes préalables au mariage, rattachable à son géniteur. Le droit marocain
exige que le mariage ait ensuite été conclu en toute bonne foi5, sans quoi l’enfant est
considéré comme naturel. Ni la doctrine malékite, ni le droit algérien n’exigent pourtant
cette condition, preuve que le droit marocain ne souhaite ouvrir aucune brèche et manifeste
une tolérance « zéro » à l’égard de toute tentative de reconnaissance d’un enfant issu de
relations illégitimes. Malgré cette rigidité, le législateur marocain n’a pas hésité à prendre

1
TPI Marrakech, 6 mai 2004, n° 1307, dossier n° 04/8/192.
2
Celui-ci génère des divergences entre les jurisconsultes, faute de donné religieux. C’est pourquoi le délai
maximal varie de deux à cinq ans, selon l’école doctrinale. Comme le souligne Madame MONJID, « les délais
sont fixés d’une manière tellement large qu’ils ont un caractère extravagant. En effet, considérer que la grossesse
peut durer de multiples années après la séparation de la femme de son époux semble pour le moins
invraisemblable », et les jurisconsultes en étaient bien conscients. En réalité, cette situation traduit le souci
permanent de prendre en compte l’intérêt de l’enfant à avoir une filiation, même dans les cas où l’irrégularité
pouvait être apparente. Les jurisconsultes œuvraient donc vers un rattachement fréquent des enfants à leur
géniteur. Dans ces conditions, l’existence d’enfants naturels devait rester minoritaire, c’est pourquoi elle n’a pas
fait l’objet de développement dans les traités de droit musulman classique. L’autre objectif des jurisconsultes
était de permettre à la femme d’échapper à l’accusation et à la sanction de fornication. M. MONJID, L’Islam et la
modernité dans le droit de la famille au Maghreb, Paris, l’Harmattan, 2013, p. 121-122, spec., n° 227.
3
Art. 154 CMF et 69 du Code tunisien.
4
Art. 42 du Code algérien.
5
Art. 58 du CMF.

428
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

en compte l’intérêt de l’enfant à avoir une filiation paternelle. Ayant eu lieu par choubha
« par erreur », les rapports sexuels du couple s’étant comporté comme mari et femme
permettent de protéger l’enfant. L’article 156 du Code dispose que la grossesse de la
fiancée sera imputable au fiancé lorsque la conception de l’enfant a bien eu lieu pendant la
période des fiançailles1. La conception hors mariage d’un enfant peut être régularisée si
celle-ci rentre dans le cadre d’un projet de mariage. Le texte exige toutefois certaines
conditions : la notoriété des fiançailles doit pouvoir être prouvée -notamment par
l’approbation des deux familles2-, par tous moyens (photos, témoignages...), le
consentement des futurs mariés établi, enfin que la reconnaissance de la grossesse soit bien
du fait du couple3 et que des circonstances impérieuses aient empêché de dresser l’acte de
mariage. En cas de contestation de la grossesse par le fiancé, il est fait appel à tous les
moyens de preuve légaux pour établir la filiation paternelle. Ayant pour fondement
l’intérêt de l’enfant, cette disposition s’inscrit dans une société où l’enfant hors mariage
fait encore l’objet de toutes les stigmatisations. Un minimum d’humanité a donc animé le
législateur, bien qu’il ne se soit pas laissé emporter par la tendance humaniste
caractéristique du législateur français. Fidèle à cet objectif, le juge veille à une stricte
application de la nouvelle disposition qui ne joue que dans des cas limités4. Il a pu être
considéré que la filiation légitime de l’enfant né des fiancés ne peut être établie que si les
fiançailles sont connues des deux familles et après aveu des deux fiancés 5. Dans une autre
affaire, la filiation de l’enfant n’a pu être établie faute pour les juges de pouvoir s’être
assurés de la réalité du consentement des supposés fiancés6.

2- Les modes volontaires d’établissement de la filiation

466. L’aveu de paternité iqrar, tributaire de l’appréciation des juges. Repris du


droit musulman classique, l’aveu est admis par les trois législations maghrébines comme
mode d’établissement de la filiation légitime7. Néanmoins, les trois codes sont laconiques
sur plusieurs points importants, signe d’un certain malaise des législateurs avec un tel

1
Cour de cassation, 28 juin 2011, n° dossier 361/2/1/2010, n° 390.
2
Cette condition à elle seule témoigne bien de la dimension institutionnelle et publique du mariage dans les
sociétés islamiques contrairement à la conception ayant cours en occident. L’importance accordée à la famille est
telle que sa bénédiction est nécessaire afin de mener une vie de famille harmonieuse et épanouie.
3
Cf., sur le désaccord du couple quant à la date de célébration des fiançailles, une Cour d’appel a pu être
censurée pour avoir rattaché l’enfant à naître au fiancé, sans s’assurer au préalable si la grossesse avait eu lieu
avant les fiançailles ou après. Cour. cass. maroc., 28 juin 2011, dossier n° 361/2/1/2010, n° 390.
4
A. SAADOUNE, « La “raison impérieuse” requise dans l’établissement du nasab de l’enfant conçu pendant les
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », in Justice familiale. Appréhensions plurielles et
problématiques contemporaines, Z. ELAMARI (dir. de), Rabat, Publications de la revue de justice civile, t. 1,
2013, pp. 49-78 (en langue arabe).
5
C. cass., 18 avr. 2006, dossier n° 282/2/1/2006.
6
C. cass., 16 janv. 2008, dossier n° 34/2/1/2007.
7
Art. 152 du CMF, 68 du Code tunisien et 40 du Code algérien.

429
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

procédé. À titre d’exemple, rien n’est mentionné sur la nature d’une telle reconnaissance.
Constitue-t-elle un mode autonome de reconnaissance de la filiation ou est-elle tributaire
de l’exigence préalable d’un mariage ?1 Si le droit musulman fait preuve de souplesse en
n’exigeant pas qu’un mariage soit établi, les droits maghrébins –bien qu’inspirés de l’esprit
qui anime le droit musulman, à savoir le rattachement de l’enfant à son géniteur autant que
possible- font preuve de méfiance lorsqu’il s’agit de reconnaître la filiation légitime d’un
enfant né de relations illicites. Les juges marocains considéraient autrefois que la
reconnaissance de l’enfant après la célébration du mariage était inopérante 2, faute d’un
mariage. Un arrêté ministériel3 avait en effet conditionné la reconnaissance à l’exigence
préalable d’un lien matrimonial. Pourtant, cet arrêté n’a aucune valeur probante et la loi
relative à l’état civil ne la mentionne pas4. Après l’entrée en vigueur du nouveau Code, la
jurisprudence révèle deux orientations opposées5 : l’une en faveur de l’autonomie de
l’action en reconnaissance du nasab, l’autre considérant qu’une telle action ne saurait
constituer une action indépendante de celle visant la reconnaissance du mariage du couple
ni de celle visant la reconnaissance de l’enfant issu de relations « par erreur » durant la
période des fiançailles6. La Cour de cassation a néanmoins tranché en faveur de la
première. Pour la Haute juridiction, l’établissement du nasab constitue une action
indépendante de celle visant la reconnaissance du mariage. À l’occasion d’une décision
remarquée, elle a considéré que « la filiation est établie par l’aveu sans qu’il ne soit
nécessaire d’établir le mariage ou la choubha, à condition que le père ne précise pas que
l’enfant est le fruit d’un zina »7. Dans la même lignée jurisprudentielle, la Cour d’appel de
Rabat a admis une action en reconnaissance du nasab d’un enfant indépendamment de
l’action en reconnaissance de mariage, au motif que le nasab est établi, dans le cadre des
fiançailles, sur le fondement de l’erreur et des premiers signes de grossesse de la fiancée,
corroborés en l’espèce par le recours à une expertise génétique8. Dans le même sens, la
Cour d’appel de Tétouan a censuré un jugement ayant refusé d’établir le nasab de l’enfant
au motif que celle-ci serait née avant la conclusion du mariage de ses parents. Pour

1
Y. SAADOUNE, « La “raison impérieuse” requise dans l’établissement du nasab de l’enfant conçu pendant les
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », in Justice familiale. Appréhensions plurielles et
problématiques contemporaines, Z. ELAMARI (dir. de), Rabat, Publications de la revue de justice civile, t. 1,
2013, pp. 49-78 (en langue arabe).
2
Cour suprême, 30 mars 1983, dossier n° 54758.
3
Arrêté ministériel n° 159, 1er juillet 1983.
4
M. MONJID, op. cit., p. 131-132, spec. n° 247.
5
Y. SAADOUNE, « La “raison impérieuse” requise dans l’établissement du nasab de l’enfant conçu pendant les
fiançailles. Étude à la lumière de la pratique judiciaire », art. precit., spec. pp. 63-68.
6
Un couple vivant de façon maritale -dont sont issus deux enfants- depuis 1994 n’a conclu mariage que le 19
août 2004. L’action en établissement du nasab des deux enfants est admise par les juges de la section familiale
au motif que le couple, de 1994 à 2004 était fiançé et qu’une relation de mariage les liait désormais. Sect. fam.
Meknès, 22 août 2006, dossier n° 2808/5/06.
7
Cour suprême, 8 juin 2005, dossier n° 713/2/1/2003, et n° 439 du 28 sept. 2005, cités par M. LOUKILI. Dans le
même sens : CA Agadir, 4 dec. 2007, dossier n° 154/07.
8
CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171.

430
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

infirmer la décision rendue en première instance, les juges en appel ont relevé l’existence
d’un aveu conjoint des parents que la naissance de l’enfant était bien de leur fait,
conformément aux exigences de l’article 145 1. Depuis, ce libéralisme semble avoir été
abandonné par la Cour de cassation qui s’attacherait à la démonstration de la « raison
impérieuse » ayant empêché la conclusion de l’acte de mariage. Dans une décision du 14
juin 20112, elle a censuré la Cour d’appel qui a reconnu l’union maritale ayant lié la
requérante à son défunt époux (celui-ci étant décédé au jour de l’introduction de l’instance)
dans le cadre d’une action en reconnaissance de mariage. Pour justifier la cassation, la
Cour retient le défaut de base légale tiré du défaut de caractérisation de la raison
impérieuse ayant empêché la conclusion de l’acte de mariage du vivant de défunt. De la
même manière, le témoignage de deux personnes n’est pas suffisant pour la Cour, à moins
qu’il s’agisse de deux adouls.
Le droit algérien soumet également la légitimation de l’enfant à l’existence préalable d’un
acte de mariage. Ce procédé, fréquemment exigé en pratique, méconnaît la portée de la
reconnaissance de paternité telle que posée par les textes. La Cour de cassation tunisienne
semble avoir opté, à l’occasion d’une décision où il apparaissait que le secret entourant la
naissance de l’enfant n’était plus préservé 3, en faveur de la préservation des bonnes
moeurs. Si la filiation d’un enfant adultérin a pu être établie sur le fondement de l’aveu par
un tribunal de première instance4, celle-ci a eu l’occasion de revenir sur cette jurisprudence
en affirmant que « l’aveu ne permet pas d’établir la filiation légitime d’un enfant né d’une
relation adultérine »5. Inconstante, la jurisprudence tunisienne souffre de son manque
d’uniformité et de ses revirements permanents. Pour l’heure, la tendance de la
jurisprudence est à la tolérance, les juges ayant pu reconnaître la filiation d’un enfant né
hors mariage en faisant référence à la Convention de New York6.
467. Méconnaissance de l’intérêt de l’enfant ou protection excessive du mariage.
Le scepticisme est permis quant à la portée de la pratique consistant à subordonner la
reconnaissance de mariage à son existence préalable. Bien que la reconnaissance
apparaisse dans les textes comme un procédé autonome permettant l’établissement de la
filiation légitime, la reconnaissance de paternité dépend en pratique de l’existence du
mariage des parents. Or, conformément à l’esprit qui anime le droit musulman, elle ne
devrait pas en être tributaire au risque de demeurer lettre morte. Elle contreviendrait
également au droit d’un certain nombre d’enfants à disposer d’une filiation, ce qui revient
à les priver du droit au nom nasab, ainsi que de la vocation successorale qui pourrait leur

1
CA Tétouan, 29 mai 2007, dossier n° 6/06/266.
2
Cass. maroc., 14 juin 2011, dossier n° 364/2/1/2010, n° 346.
3
Cass. civ., 23 avr. 1975, n° 9853. Dans le même sens: Cass. civ., 15 mai 1984, n° 9976.
4
TPI Gafsa, 21 fév. 1994, n° 43979.
5
Cass. civ., 13 mai 1997, n° 56315.
6
TPI Manouba, 28 oct. 2003, n° 16198 ; TPI Manouba, 2 déc. 2003, n° 16189/53.

431
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

échoir. Admettre ensuite que la filiation légitime puisse être établie du seul aveu du père
révèle la suprématie de la branche paternelle en droit maghrébin, en conditionnant son
établissement au bon gré du géniteur. La loi, par souci de protection de ces enfants,
pourrait réserver un accueil plus favorable aux pères désireux de reconnaître leur enfant.
Ceci permettrait de responsabiliser les pères qui n’assumeraient pas leurs responsabilités,
la loi pouvant à cet égard revêtir la fonction pédagogique qui lui revient en satisfaisant à
l’exigence de protection de l’enfant. Pour l’heure, la reconnaissance de paternité continue
de buter sur la révélation de l’illicéité de la relation qui a pu unir les parents de l’enfant.
Tant que le requérant n’avoue pas la relation illégitime, la reconnaissance de paternité
pourra légitimer l’enfant. Comme le souligne Madame le professeur MONJID, « cette
condition qui n’est citée expressément ni par les codes de la famille ni par le droit
musulman est simplement sous-entendue et déductible des conditions de l’aveu. Il va sans
dire qu’elle est fortement paradoxale et énigmatique voire dissimulant une certaine
hypocrisie »1. Pour autant, il est indéniable qu’elle contribue dans le même temps à la
sauvegarde de la spécificité du mariage, par la recherche d’un certain équilibre.
468. Le maintien renforcé de la preuve par témoins. Énumérée parmi les modes
d’établissement de la filiation, la preuve par témoins constitue le deuxième procédé de
droit musulman classique repris par les législations familiales des pays maghrébins.
Survivance de l’ancienne moudouwana marocaine2, toujours présente dans les codes
algérien3 et tunisien4, celle-ci n’est, à l’instar du li’an5 (serment d’anathème), réglementé
que de façon très laconique. C’est dire une fois de plus que ce procédé n’est plus adapté à
la société actuelle –bien qu’il ait survécu aux réformes opérées- mais témoigne de
l’attachement du droit maghrébin de la famille aux règles du droit musulman classique6.
Indéterminé dans ses modalités, ce mode de preuve dépend pour sa mise en oeuvre de
l’appréciation des juges, dont le référentiel est constitué par les règles du rite malékite. La
Cour de cassation tunisienne n’admet le témoignage qu’à la condition de l’existence
préalable d’un mariage7. À peine plus souple, la Cour de cassation marocaine a pu établir
la filiation d’un enfant sur la base de la renommée commune8, sorte de possession d’état
reposant sur la vraisemblance du mariage et la notoriété du rattachement en fait de l’enfant
à son père. En l’état de la jurisprudence, la Cour de cassation en fait un mode privilégié de

1
M. MONJID, op. cit., p. 133.
2
Ancien article 89 et nouvel article 168 du CMF.
3
Art. 40 du Code algérien.
4
Art. du Code tunisien.
5
Sur ce moyen de contestation de la paternité, V. infra, n° 472.
6
R. GRANGER, « La tradition en tant que limite aux réformes du droit », RIDC, 1979, n° 1, pp. 37-125.
7
En ce sens : Cass. civ., 6 mars 1973, n° 9210 ; Cass. civ., 11 déc. 1987 ; Cass. civ., 2 juin 1991, n° 26431 ;
Cass. civ., 18 nov. 1996, n° 43-354. Cités par M. MONJID, op. cit., p. 136.
8
Cour suprême, 22 nov. 2006, dossier n° 118/2/2/2006.

432
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

preuve, par l’exigence pour les actions en reconnaissance du nasab du témoignage de deux
adouls à défaut, d’un lafif (témoignage de 12 personnes).
469. L’admission encadrée de l’empreinte génétique. Les Codes marocain et
algérien1 ont introduit lors de leurs réformes la possibilité d’établir le lien de filiation
paternel par l’expertise judiciaire2. Le droit tunisien ne mentionne pas une telle possibilité
dans le Code du statut personnel, mais la loi relative à l’attribution d’un nom patronymique
au profit des enfants abandonnés ou de filiation inconnue permet d’y recourir3.
L’inscription d’une telle alternative dans la loi est hautement symbolique. Elle témoigne de
l’ouverture des droits maghrébins aux nouveaux moyens offerts par la science et la
médecine en vue de sauvegarder et renforcer le lien de filiation de l’enfant4. L’adoption de
l’expertise dans l’établissement du lien de filiation reflète également la compatibilité entre
ces nouveaux moyens de preuve et les principes tirés du droit musulman. Dans les trois
législations, la réglementation de la preuve génétique pèche par son laconisme,
particulièrement en ce qui concerne les cas dans lesquels le juge pourrait y avoir recours et,
au demeurant, si celle-ci est de droit ? Il convient de préciser que ni le droit marocain, ni le
droit algérien n’admettent l’action en recherche de paternité5. La solidité de la structure
familiale fondée sur le mariage ne favorise l’ouverture d’aucune brèche. En suivant cette
logique, il est peu probable que les juges fassent une interprétation extensive de l’expertise,
qui ne permettra pas, à l’instar de l’évolution qu’a connue la France, d’établir toutes les
filiations de tous les enfants qui en feraient la demande. Celle-ci permettra, plus
modestement, d’établir la filiation légitime de l’enfant conformément au cadre déterminé
par la loi et dans lequel le mariage constitue une forteresse inattaquable. La conception de
l’enfant pendant la période des fiançailles semble être propice à la mise en œuvre de
l’expertise lorsque le supposé géniteur conteste ce fait6. Il était tentant de croire qu’une
filiation paternelle illégitime puisse désormais accéder à la légitimité par la seule
reconnaissance, ce qu’expriment pourtant bien les nouveaux textes7.

1
Bien que le législateur algérien refuse toujours l’empreinte génétique comme mode de désaveu de la paternité.
2
Art. 158 du CMF et 40 du Code algérien.
3
Art. 3 bis de la loi du 7 juillet 2003, modifiant et complétant la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à
l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue, J.O.R.T, 8 juil. 2003.
4
La Cour suprême marocaine a considéré que l’expertise génétique était un moyen d’établissement de la filiation
et de désaveu de paternité : Cour suprême, 18 janv. 2006, n° 2005/1/2/108.
5
Seul le droit tunisien le permet.
6
La Cour de cassation a pu juger que si le fiancé refuse de se soumettre au test ADN en ne comparaissant pas, la
non-comparution n’est pas considérée comme un aveu de ce dernier permettant l’établissement de son lien de
filiation à l’égard de l’enfant : Cour de cassation, 31 août 2010, dossier n° 173/1/2/2009, n° 388.
7
V. en ce sens R. ALUFFI, « Droit de la filiation dans les Codes de statut personnel », Annuaire dr. et religion,
2009-2010, vol. 4, pp. 61-67, spec. p. 62, lorsque l’auteur affirme, quant au caractère concis et laconique des
dispositions relatives à la filiation, que « la concision de ces dispositions est parfois extrême : elle suppose une
précompréhension enracinée dans la tradition juridique islamique, sans laquelle l’interprétation du texte de loi
pourrait être aberrante. Par exemple, en l’absence de toute référence au caractère nécessairement légitime de la
filiation paternelle, on pourrait lire dans la reconnaissance (iqrar) la prévision expresse de la possibilité de
légitimer l’enfant naturel. Ce qui ne correspond nullement à l’expérience interprétative courante ».

433
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

470. Le choix de la préservation d’un équilibre. Si les droits occidentaux


accordent à la volonté une place inédite en matière d’établissement du lien de filiation -à
tel point que celle-ci est en phase de constituer le seul et unique mode d’établissement de la
filiation1- l’analyse des modes d’établissement de la filiation en droit maghrébin révèlent
que ceux-ci ne constituent pas des procédés autonomes et indépendants au service des
intérêts individuels, bien que les différents codes de la famille au Maghreb laissent croire à
une possible équivalence entre les moyens d’établissement de la filiation. Ceux-ci
s’inscrivent au sein d’une construction solide dont la forteresse est constituée par le
mariage. Alors que le droit français, sur la base du principe d’égalité entre enfants, a fait de
l’expertise judiciaire un droit en matière d’établissement de la filiation, elle n’est en droit
maghrébin, qu’un moyen au service de l’établissement de la filiation légitime de l’enfant,
qui n’a aucun droit acquis à la voir établie. Bien qu’injuste à son égard –l’enfant n’a pas à
payer le prix fort de l’insouciance, voire de l’erreur de ses parents- une admission
excessive de la preuve génétique ou la déconnexion du mariage des modes d’établissement
de la filiation reposant sur la volonté ne revient pas moins à rompre l’équilibre trouvé, en
déstabilisant le mariage. N’est ce pas de cette manière, et à partir de l’égalisation entre
enfants naturels et enfants légitimes, que la mésaventure du mariage en Occident a
commencé2 ?

B) La présomption de paternité écartée

471. Une présomption contestable. Bien qu’elle soit toujours la pierre angulaire du
mariage et du droit de la filiation en droit maghrébin, la présomption de paternité ne saurait
être absolue pour deux raisons. En mariage celle-ci ne pose qu’une simple présomption
pouvant ne pas correspondre à la réalité biologique. Par conséquent, le père désigné doit
pouvoir contester sa paternité (1). Hors mariage, celle-ci est tout simplement inopérante
faute de lien légal entre les parents (2).

1- En mariage

472. Le maintien d’un moyen traditionnel de contestation de la paternité : le


li’an. Le mécanisme du serment d’anathème permet, outre la contestation de la paternité de
l’enfant, d’établir l’adultère de l’épouse. Mode de dissolution judiciaire du mariage qui
trouve sa source tant dans le Coran3 que dans la sunna du prophète, le mécanisme a été

1
V. infra, notre Chapitre 2, section 2 .
2
Pour Madame le professeur Irène THERY, « la véritable rupture s’est faite autour de la fin de l’exclusivité de la
filiation en mariage : on change de monde ». Cf. I. THERY, « Mariage et filiation de même sexe : une approche
sociologique », in L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de),
Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 94, spec. n° 10.
3
Sourate la Lumière, verset 6-9.

434
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

repris par les législations des pays du Maghreb. C’est dire combien le droit maghrébin de
la filiation calque -malgré les réformes opérées- certains mécanismes traditionnels issus du
contexte propre à l’arrivée de l’Islam à l’époque moderne. Il est permis de penser que c’est
là une volonté de maintenir la spécificité islamique du système en référence aux
institutions de l’époque, preuve de leur intemporalité. La procédure, telle que décrite dans
le Coran, permet à l’époux d’accuser sa femme sans que cette accusation ne vaille
automatiquement désaveu de paternité. Pour qu’elle le soit, une décision judiciaire est
nécessaire. Si l’épouse nie l’accusation, l’époux doit prêter serment cinq fois afin de
confirmer son accusation. Si l’épouse nie toujours l’accusation, elle doit à son tour riposter
cinq fois en niant les faits reprochés lesquels, malgré la riposte, n’effacent pas la suspicion
qui l’entoure. La riposte permet au mieux, de lui épargner la peine réservée aux
fornicateurs. Outre la priorité accordée à la parole de l’époux -qui doit avoir la certitude de
la tromperie de son épouse- qui n’a rien de comparable à l’époque et aujourd’hui, combien
s’en serviraient réellement pour désavouer une paternité ? Le laconisme1 des codes en dit
long sur la question, qui ne saurait valablement être tranchée avec certitude en cas de
déclaration mensongère. Relevant davantage du vestige et de la préhistoire juridique, les
législateurs demeurent pourtant attachés au li’an sur le plan formel. N’ayant pas été
réglementé à l’occasion des réformes, il est revenu une fois de plus à la jurisprudence, de
déterminer notamment le délai pendant lequel l’époux pouvait agir. La jurisprudence
tunisienne a considéré que tout retard dans le désaveu de paternité permet implicitement de
consolider le lien paternel2. Le juge algérien, de la même manière qu’il prévoit un délai
maximal de grossesse plus strict, fixe le délai en désaveu de paternité à huit jours à partir
de la connaissance de la grossesse par le mari, ou de la connaissance de l’enfant3. Alliant
comme à son accoutumée tradition et modernité, le Code marocain de la famille mentionne
expressément le serment d’anathème issu des préceptes coraniques aux côtés de la preuve
génétique4 laquelle ne laisse pourtant plus de doute quant au véritable géniteur de l’enfant.
La persistance de concepts de droit musulman classique propres à une époque donnée
peine à convaincre du point de vue juridique. Le li’an ne s’accommode qu’assez mal de
l’environnement social et juridique contemporain, à l’heure où l’appel à une adaptation au
contexte actuel permettrait de tenir l’aveu et le témoignage pour des procédés distincts
d’établissement de la filiation5. S’ils se justifiaient dans un système où le mariage pouvait

1
Ni la procédure du serment, si son mode de fonctionnement ou ses conditions ne sont précisés.
2
C’est notamment le cas dont a été saisi le tribunal de première instance de Tadla au Maroc qui a jugé l’action
de l’époux forclose, celui-ci ayant agi six mois après la naissance de l’enfant. TPI Tadla, 5 déc. 2006, dossier
n° 06/9/214, n° 489.
3
Cour suprême, 28 oct. 1997. Cité par M. MONJID, L’Islam et la modernité dans le droit de la famille au
Maghreb, op. cit., p. 125, spec. n° 235.
4
Art. 153 CMF.
5
K. MEZIOU, « Migrations et relations familiales », in Rec. cours acad. La Haye, 2009, n° 345, p. 250.

435
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

être célébré sans un écrit l’attestant, où la polygamie était courante et la répudiation facile,
ils se justifient beaucoup moins de nos jours1.
473. La paternité contestée par la preuve génétique. L’accueil de la preuve
génétique par les pays du Maghreb a été contrasté. Si la Tunisie l’a adopté plus tôt2 -que
ses voisins marocain3 et algérien- en tant que mode autonome de désaveu, une décision de
la Cour suprême d’Algérie en 1999 a écarté ce mode de preuve de contestation car
contraire aux règles d’établissement de la filiation prévues aux articles 40 et 41 du Code de
la famille. L’empreinte génétique comme mode de désaveu de la paternité n’est toujours
pas consacrée en droit positif, le seul moyen de le faire étant le serment d’anathème.
La situation au Maroc révèle que la modernité se fait lentement. Au terme de l’article 91 de
l’ancienne moudawana, le recours à l’expertise génétique n’était permis que dans le cadre
de l’ancien article 76, lorsque subsistait un doute sur la grossesse d’une femme ayant
dépassé le délai maximal prévu. Plusieurs arrêts rendus témoignent de la position
restrictive4 de la jurisprudence, révélatrice du « blocage du législateur marocain et
l’immuabilité de la loi sous le prétexte infondé de l’incompatibilité des moyens
scientifiques avec la tradition islamique »5. Si cette ligne jurisprudentielle conduisait à des
situations absurdes6 -tel le mari stérile souhaitant contester sa paternité mais en vain- elle
permettait paradoxalement à l’enfant d’échapper au spectre du statut d’enfant illégitime en
imposant une paternité à l’individu. Il n’est pas dit que le lien de paternité ainsi établi
favorise le lien père-enfant, plus qu’il ne satisfaira à l’exigence de légitimité nécessaire
dans la société par la transmission du nom du père. L’avènement du nouveau Code de la
famille en 2004 a permis aux juges de dépasser leur réserve en matière de preuve

1
J-Cl. Droit comparé, fasc. 70, Tunisie.
2
Sousse, 17 janv. 1974, n° 3411 ; 27 juil. 1976, n° 11005, Tunis, 2 juin 1992, n° 93620, cités par M. MONJID,
op. cit., p. 127.
3
Tout comme il permet désormais la contestation à tout moment d’une filiation paternelle par la voie de
l’expertise ordonné par le tribunal (art. 153). Or ceci est contraire à l’intérêt de l’enfant, d’autant plus que le droit
musulman classique permet une telle contestation mais en l’entourant de lourdes conditions. L’esprit du droit
musulman classique est de faire réfléchir aux conséquences d’un tel acte et non d’en faciliter l’exercice. Or,
l’expertise génétique en tant que moyen de contestation de la filiation peut surprendre. Saisie de tels cas, la Cour
de cassation marocaine, dans un arrêt du 30 décembre 2004, a pu déclarer que l’enfant est rattaché légalement à
son père s’il est né dans le délai d’un an à compter du prononcé du divorce, bien que l’expertise conclut que
l’enfant n’est pas biologiquement rattaché à l’ex-époux. La Cour accorde ici au principe d’al firache
(présomption pater is est) ses pleins effets. Cette solution a été confirmée par un autre arrêt du 23 juillet 2007.
Cette position de la Cour de cassation marocaine est à rapprocher de la récente décision de la CEDH, 18 février
2014, ayant jugé que l’intérêt supérieur de l’enfant peut justifier le maintien du lien de filiation paternel malgré
des preuves génétiques : CEDH, 18 fév. 2014, n° 28609/08.
4
Cour suprême, 15 sept. 1991, n° 527, dossier n° 91/217 ; Cour suprême, 8 sept. 1992, n° 966, dossier
n° 87/5457 ; Cour suprême, 25 janv. 1994, n° 16, dossier n° 87/5556. Cités par M. MONJID, op. cit., p. 127.
5
M. MONJID, op. cit., p. 127, spec. n° 238.
6
Cour suprême, 9 fév. 1982 ; Cour suprême, 15 sept. 1981, n° 527, cités par M. MONJID, op. cit., p. 127 ; Cour
suprême, 26 oct. 2005, dossier n° 293/2/1/2005, n° 492.

436
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

génétique1, qui doit être ordonnée par le tribunal lorsque l’époux concerné produit des
preuves probantes à l’appui de ses allégations2.
474. L’admission restrictive de la preuve par expertise. Un arrêt remarqué de la
Cour suprême marocaine3 (affaire Bellakhdim), intervenu les premières années de la
promulgation de la moudawana, a permis de rattacher à un couple séparé un enfant né dans
l’année de la dissolution du mariage de ses parents. Le délai maximal retenu par le droit
marocain étant d’un an, la présomption de paternité jouait encore au moment de la
dissolution. Or, la filiation de l’enfant ayant été rejetée par le tribunal de grande instance
de Mulhouse -au motif que la preuve génétique excluait la paternité du père- la Cour
suprême marocaine avait, dans les circonstances propres à l’affaire, exclu le recours à la
preuve génétique4, assurant à l’enfant un nasab. La sagacité des juges leur a permis
d’exclure le recours à la preuve génétique lorsque l’intérêt de l’enfant ne le commandait
pas, en lui appliquant les délais de grossesse extensifs prévus par le droit musulman
classique. Une telle attitude est à féliciter car elle combine harmonieusement un usage
réfléchi de la preuve scientifique tout en satisfaisant à l’intérêt de l’enfant de bénéficier
d’une filiation paternelle. À l’occasion d’une autre affaire5, la Cour de cassation semble
faire davantage preuve de rigorisme ou, à tout le moins, affine les contours du recours à
l’expertise. Alors que le présupposé père biologique de l’enfant ne vivait déjà plus avec
son épouse au moment de la naissance de celui-ci (intervenue plus d’un an après le divorce
révocable prononcé), le refus du père de se soumettre à l’expertise génétique n’a pas été
considéré –à l’instar de ce qu’a jugé la Cour d’appel- par la Cour de cassation comme un
indice probant permettant d’établir sa paternité. Affinant son raisonnement, la Cour de
cassation considère que l’établissement du nasab doit répondre aux conditions posées par
l’article 154 du Code de la famille. Au terme de ce texte, la filiation de l’enfant est établie
par al firach (le lit) s’il est « né dans les six mois suivant la date de conclusion de l’acte de
mariage au minimum et qu’il y ait eu possibilité de rapports conjugaux entre les époux, que
l’acte de mariage soit valide ou vicié », ou encore « si l’enfant est né durant l’année qui
suit la date de la séparation ». Constatant au surplus que la demanderesse n’apporte -en
l’absence de l’aveu du père- ni le témoignage de deux adouls6, ni de preuve fondée sur le
ouï-dire, ni a fortiori la « raison impérieuse » ayant empêché la conclusion d’un acte de

1
Cour supr., 9 mars 2005, n° 150.
2
Art. 153 CMF. Dans ce sens : Cour suprême, 10 janv. 2007, dossier n° 101/2/1/2006. La Cour a refusé de
prononcer le désaveu de paternité, l’époux ne disposant pas de preuves suffisantes pour appuyer ses allégations,
l’enfant étant né pendant le délai maximal admis. Dans le même sens : Cass. maroc., 24 mai 2011, dossier
n° 622/2/1/2009, n° 286 ; Cour. Cass. maroc., 25 mars 2014, dossier n° 35/2/1/2013, n° 230.
3
Cour suprême, 30 déc. 2004, n° 658, dossier n° 2003 :1/2/556. Dans le même sens : Cour suprême, 21 juil.
1992, n° 859 ; Cour suprême, 7 sept. 2000, n° 821 ; Cour suprême, 18 janv. 2001, n° 79.
4
Pour faire application des dispositions de l’ancienne moudawana.
5
Cour cass. maroc., 17 août 2010, dossier n° 116/2/1/2009, n° 370 ; dans le même sens, quelques jours après :
Cour cass. maroc., 31 août 2010, dossier n° 173/2/1/2009, n° 388.
6
V., pour la nécessité de preuve par deux témoins dans l’action en reconnaissance de mariage : CA Settat,
1/11/2006, dossier n° 1960/02, n° 835/06.

437
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

mariage, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel ayant déduit du refus du père de se
soumettre à la preuve par expertise génétique, sa paternité. Pour la Cour, la cohabitation
alléguée (du fait du divorce révocable que l’époux n’aurait jamais régularisé) de l’épouse
avec son ex constitue, faute de preuves, une relation illicite dont est issu un enfant de la
fornication. Outre cette notion de « raison impérieuse », désormais centrale dans la
jurisprudence de la Cour, l’appréciation souveraine des juges du fond semble être l’autre
élément déterminant retenu par la Haute juridiction. À l’occasion d’une affaire dont l’objet,
outre le divorce des époux, était la contestation de la paternité du père légal, la Cour
suprême a approuvé le raisonnement des juges du fond –en vertu de leur pouvoir souverain
d’appréciation- ayant considéré que le versement de la pension alimentaire au profit de
l’enfant –dont la paternité était contestée-, dûment versée à la caisse de dépôt prévue à cet
effet au sein du tribunal, constituait un aveu du père de sa paternité à l’égard de son
enfant1. Si le recours à l’expertise génétique repose sur la nécessité pour le demandeur
d’établir de forts éléments probants à l’appui de la demande de contestation de sa paternité,
la simple allégation d’une paternité non conforme ne suffit pas à remettre celle-ci en cause
lorsqu’elle a été établie par al firach. À la force d’attractivité de la présomption découlant
du lit fait écho la nécessaire caractérisation de la raison impérieuse permettant d’établir la
filiation de l’enfant né hors mariage. Un tel équilibre –qui ne peut, au demeurant, satisfaire
les intérêts de tous- permet d’assurer la suprématie du mariage par une forte présomption
de paternité, tout en permettant à la filiation des enfants nés en dehors de ce cadre d’être -
toutes les fois où les conditions sont remplies- établie. Or, si un tel raisonnement peut
convaincre du point de vue du droit marocain, il est constitutif, en droit français, d’une
discrimination fondée sur la naissance.

2- Hors mariage

475. Une reconnaissance conditionnée par le respect d’une certaine conception


de la famille. Le droit musulman classique ignore la filiation paternelle naturelle. Il ne
reconnaît pas l’enfant né de relations sexuelles hors mariage 2. La légitimation d’enfant
naturel n’est pas plus permise car elle aurait pour effet de lever le voile sur des rapports
conjugaux illicites3, à moins de les taire. Seule la Tunisie consacre une solution différente
en permettant à un enfant naturel d’être reconnu et adopté. Bien que les trois pays du
Maghreb se soient joints au mouvement de promotion du statut de l’enfant dans leur
législation, la discrimination du fait de la naissance est persistante dans les législations

1
Cour supr. maroc., 12 nov. 2008, dossier n° 298/2/1/2008, n° 527.
2
N. AIT ZAI, « L’enfant illégitime dans la société musulmane », Rev. Femmes et pouvoir, Peuples
méditerranéens, 1989, n° 48-49, p. 113.
3
Rapp. de la notion de bonnes mœurs, V. supra, n° 421.

438
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

marocaine et algérienne. Paradoxalement, les jurisconsultes 1 manifestent une réelle faveur


pour la légitimité en favorisant les possibilités de rattachement de l’enfant à ses deux
parents. Sans doute conscients de la stigmatisation dont fait l’objet l’enfant privé de
filiation paternelle, la doctrine essaie d’élaborer un système de présomptions qui lui soit
favorable. Si les enjeux posés par l’établissement de la filiation de l’enfant né de relations
hors mariage sont cruciaux -car mettant en cause la conception même de la famille- les
pays de tradition musulmane n’hésitent pas à adhérer aux déclarations de droit assurant son
éducation et son intégrité physique2.
476. La persistance de discriminations du fait de la naissance. Si l’irrégularité de
la naissance empêche de révéler une filiation non fondée sur le mariage 3, il va de soi
qu’une action en recherche de paternité n’aurait aucune chance d’aboutir, en tant qu’elle
lèverait le voile sur l’irrégularité des rapports entre les père et mère de l’enfant. Dans leurs
versions initiales, les trois codes maghrébins reprenaient respectivement les solutions du
droit musulman, en faisant preuve de laconisme et d’ambiguïté. Pour compléter et clarifier
les textes, il était fait recours aux règles du droit musulman classique, or celles-ci ignorent
l’enfant naturel. La réforme du Code algérien le 27 février 2005 n’a pas réellement modifié
sa législation sur ce point, mais s’est seulement contentée d’un alinéa second à l’article 40
qui consacre le recours par le juge aux moyens de preuve scientifique en matière de
filiation dans l’établissement de la paternité. Les législations de ces trois pays s’opposent
toujours à toute action tendant à l’établissement d’une filiation paternelle hors mariage4,
bien que ce soit contraire à l’article 2 de la convention de New York prohibant
expressément les discriminations fondées sur le statut juridique des parents, que les trois
pays ont ratifié. Au Maroc, l’enfant issu de relations illégitimes n’a aucun droit à l’égard
de l’homme qui a entretenu des rapports sexuels avec sa mère. Il ne peut prétendre ni à un
lien de filiation ni au droit à la succession 5. L’article 32 de la Constitution réformée en
2011 dispose pourtant que « (…) l’État œuvre à garantir par la loi la protection de la
famille sur les plans juridique, social et économique (…). Il assure une protection juridique
et une égale considération sociale et morale à tous les enfants, abstraction faite de leur
situation familiale ». Cela signifie-t-il que le droit aurait vocation à protéger les enfants nés
de relations hors mariage ? Si l’État œuvre à assurer une protection juridique et une égale

1
Les rapports sexuels par erreur semblent parfaitement illustrer le cas d’une astuce doctrinale utilisée par le
législateur afin de permettre la reconnaissance d’un enfant conçu durant la période de fiançailles. Le droit
s’emploie donc à élargir la catégorie des enfants légitimes, et l’enfant né après la promesse de mariage en fait
partie sous réserve des trois conditions suivantes : les fiançailles doivent être de notoriété publique, le tuteur
matrimonial doit avoir donné son consentement au mariage et les fiancés doivent reconnaître que la grossesse est
de leur fait. Si le fiancé nie être à l’origine de la grossesse, il est fait recours à tous les moyens légaux de preuve
pour établir la filiation paternelle (art. 156).
2
Cf. supra, sur l’intérêt de l’enfant en droit musulman, n°
3
Cour suprême, 8 juin 2005, et n° 439 du 28 sept. 2005, déc. precit.
4
M. CHERIF SALAH-BEY, Jurisclasseur de droit comparé, V. « Algérie ».
5
Art. 148 du CMF : « La filiation illégitime ne produit aucun des effets de la filiation parentale légitime vis-à-vis
du père ».

439
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

considération sociale et morale à tous les enfants, cela passerait, en principe, par la
possibilité de leur permettre d’établir leur lien de filiation à l’égard du père, ou à effectuer
une action en recherche de paternité. Ce vœu a pourtant été fermement balayé par une
décision de la Cour de cassation qui a précisé qu’ « il n’est pas possible d’imposer au père
une filiation hors mariage »1, et que « l’expertise ayant établi la filiation biologique ne
prouve pas la filiation légale dès lors que les conditions requises pour l’établissement du
nasab ne sont pas réunies »2.
477. L’appel à une responsabilisation accrue des pères. Au demeurant, la loi ne
peut imposer au père biologique d’établir un lien de filiation à l’égard d’un enfant qu’il
aurait conçu hors mariage. La possibilité introduite en 2004 par le nouveau Code de
reconnaître un enfant né hors mariage se heurte à la volonté du père qui décide, ou non, de
reconnaître l’enfant. La faveur pour la famille légitime est ici frappante, puisque le droit
marocain ne prend pas le risque de voir s’infiltrer au sein de la famille fondée sur le
mariage un enfant naturel, et laisse au bon vouloir de l’auteur de l’enfant cette démarche.
Ne reste alors plus que l’individu lui-même face à sa conscience3, qui décide ou pas de
faire établir un lien de filiation à l’égard de l’enfant né de relations illégitimes. Quelle est
la portée d’une loi qui permet à un homme de se soustraire, en toute impunité, d’un acte
pour lequel il devrait assumer toutes les conséquences, particulièrement dans un pays où la
stigmatisation sociale qui pèse sur un enfant ne disposant pas de sa filiation paternelle est
lourde ? Est-ce là l’esprit de l’Islam ? Nous approuvons dans ce cas de figure la fonction
pédagogique de la loi telle que retenue par le législateur français, car elle conduit à
dompter les consciences individuelles les plus réfractaires à leurs responsabilités. Lorsqu’il
s’agit d’une affaire aussi sérieuse que celle de l’avenir de l’enfant, le droit ne devrait pas se
dérober à sa fonction tant symbolique que pédagogique afin d’assurer la protection des
plus faibles.
478. Le contexte législatif tunisien. Le droit de la filiation en droit tunisien trouve
sa source dans les articles 68 à 76 du Code du statut personnel (CSP) et dans la loi du 28
octobre 19984, non intégrée au CSP5. En vertu de cette loi, la filiation naturelle de l’enfant
peut être établie en dehors de tout lien conjugal. L’aveu du père devrait donc être suffisant
pour établir la filiation de l’enfant à son égard avec tous les droits qui y sont attachés6. Si la

1
Cour suprême, arrêt n° 323, 11 juin 2008, cité par M. LOUKILI.
2
Cour suprême, arrêt n° 327, 11 juin 2008.
3
D. LASZLO-FENOUILLET, La conscience, Paris, Dalloz, 1993.
4
Loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés et de
filiation inconnue, modifiée par la loi n° 2003-0051 du 7 juillet 2003.
5
Les questions pouvant embarrasser le législateur ne sont pas directement intégrées au corpus juridique
réglementant les rapports de familles mais font l’objet de lois distinctes. Le même procédé a été adopté pour
l’adoption avec la loi du 4 mars 1958, et pour les régimes matrimoniaux par la loi n° 98-91.
6
La question de la vocation successorale de l’enfant reconnu se pose toujours, la loi ne l’ayant pas expressément
prévu au titre des droits dont l’enfant pourrait bénéficier. Celle-ci, en tant qu’effet de la filiation, devrait
automatiquement jouer. Or, le silence du législateur traduit implicitement son refus d’intégrer l’enfant reconnu à

440
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

législation tunisienne fait figure de pionnière dans le monde arabe par des interprétations
audacieuses de la charia, elle demeure ancrée dans la tradition islamique qu’elle n’a jamais
totalement ignorée., Bien qu’il ait lors de sa promulgation supprimé la polygamie, la
répudiation et admis l’adoption1, le CSP promulgué en 1956 par Habib BOURGUIBA avait
laissé sans réponse la question des enfants naturels mais aussi tout le pan constitué par le
droit des successions. Ce vide législatif sera l’occasion pour le juge de faire œuvre
réformatrice ou à l’inverse, se montrer conservateur. La jurisprudence oscillera donc entre
ces deux tendances.
479. La jurisprudence, frein à l’établissement de la filiation paternelle naturelle.
En matière d’établissement de la filiation, les solutions rendues péchaient par leur manque
d’homogénéité, reproche fréquemment adressé aux juges tunisiens. Les solutions retenues
pouvaient aller d’une indifférence quant à l’existence d’un mariage 2, à un durcissement de
position à l’égard de cette exigence3. Aux côtés de l’article 68 du CSP4 permettant
l’établissement d’une filiation paternelle légitime, la loi de 1998 permet l’établissement
d’une filiation paternelle illégitime. L’article 3 bis de cette loi -modifié en 20035- permet la
recherche et l’établissement de la filiation paternelle hors mariage 6, malgré l’attitude -pour
le moins incertaine- des magistrats. Pour les uns, cette loi avait vocation à permettre la
seule attribution du nom de famille à l’enfant tandis que pour d’autres, cette attribution ne
pouvait être effectuée sans l’établissement préalable du lien de filiation. Or, l’attribution du
nom ne constitue qu’un effet de la filiation, qui doit être au préalable établie7. La position

la succession de son père, lui assurant ainsi une intégration sociale sans pour autant le mettre sur le même pied
d’égalité que l’enfant légitime.
1
L. n° 58-27 du 4 mars 1958 relative à la tutelle publique, à la tutelle officieuse et à l’adoption, Journal officiel
de la république tunisienne (J.O.R.T), 1958, n° 19, p. 236.
2
Le concubinage étant néanmoins exclusif de l’aveu. Cass. civ., 15 mai 1984, Bull. Cour cass., 1984, 1, p. 198.
3
Pendant les années 60, une partie du problème a été réglée par la référence au terme de firach (littéralement le
lit, afin de désigner les rapports conjugaux), que le CSP a compté parmi les causes d’établissement de la filiation
aux côtés de l’iqrar (aveu du père) et du témoignage. La jurisprudence a fait preuve durant cette période d’une
souplesse sans précédent car elle a pu assimiler des cas de simple cohabitation entre deux personnes, au mariage.
Le nasab de l’enfant était alors établi comme s’il avait été issu d’une relation légitime. Mais cette interprétation a
été abandonnée à partir des années 70, à la suite des modifications du CSP qui renforçaient les conditions
obligatoires fixées par la loi pour la conclusion du mariage. Désormais, en l’absence d’acte de mariage rédigé et
transcrit à l’état civil, il n’est plus possible d’établir le nasab de l’enfant né de telles relations.
4
Selon l’article 68 du CSP tunisien, « la filiation est établie par la cohabitation, l’aveu du père ou le témoignage
de deux ou plusieurs personnes honorables ». La question récurrente se posait de savoir si ces procédés
d’établissement de la filiation étaient, ou non, autonomes par rapport au mariage ? Deux tendances prévalaient,
l’une -libérale- estimant que l’article 68 instituait trois modes distincts d’établissement de la filiation, alors que
l’autre considérait les trois procédés ne pouvant servir qu’à prouver une filiation légitime.
5
Loi n° 2003-51du 7 juillet 2003 qui élargit l’établissement de la filiation à la filiation maternelle, et ouvre
expressément l’action à la personne qui cherche à établir sa filiation.
6
A. MEZGHANI, « Le droit tunisien reconnaît ses enfants naturels. À propos de la loi n° 98-75 du 28 octobre
1998 relative à l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou de filiation inconnue », in
Mélanges BEN HALIMA, p. 651.
7
L’article 3 bis de la loi, modifié par la loi n° 51 du 7 juillet 2003 précise que « la personne concernée, le père,
la mère ou le ministère public peut saisir le tribunal de première instance compétent pour demander l’attribution
du nom patronymique du père à l’enfant de filiation inconnue, dont la paternité est prouvée par l’aveu, le

441
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

de la Cour de cassation1 est symptomatique de l’esprit conservateur des magistrats qui,


dans l’ambiguïté de la loi, n’hésitent pas à se rallier aux solutions du droit musulman
classique2. Certaines décisions ont permis l’établissement du lien de filiation3, bien que la
Cour de cassation semble suivre le premier mouvement. Pour la Cour, « la loi du 28
octobre 1998 permet d’attribuer le nom patronymique du père à l’enfant dont la filiation
est prouvée par aveu, témoignage ou test d’empreintes génétiques. Cette question
n’intéresse point l’établissement de la filiation ou la preuve de la paternité »4. La Cour de
cassation freine donc les entreprises audacieuses du législateur et circonscrit le champ
d’application de la loi qui a voulu faire place à la filiation paternelle naturelle.
Présenté comme étant le pays plus progressiste du monde arabe, le poids de la tradition en
Tunisie ne permet pas l’affranchissement total du donné religieux. Cette situation est
d’autant plus regrettable que le législateur a œuvré pour garantir une filiation à tout enfant,
que la jurisprudence refuse de reconnaître en l’absence de mariage. Une telle attitude
atteste bien, au demeurant, que toute réforme dont le référent s’inscrit en dehors d’un
ijtihad propre à la culture islamique, ne favorise pas une réceptivité positive de la règle de
droit.

§2) Une conception particulière de l’autorité parentale

480. Des prérogatives tournées vers le bien de l’enfant. La physionomie des


relations parentales5 dans le droit des pays du Maghreb révèle que le principe d’égalité
n’est pas l’objectif du législateur. L’inégalité tenant à l’exercice des prérogatives
parentales (B) repose sur une logique islamique de complémentarité des sexes (A).

témoignage ou l’analyse génétique ». S’agissant du recours au test ADN, V. notamment, M. BEN TARDIET
GHAMERSA, « La preuve génétique de la paternité à travers la loi n° 98-75 du 28 octobre 1998 relative à
l’attribution d’un nom patronymique aux enfants abandonnés ou d’une filiation inconnue telle que modifiée par
la loi n° 2003-51du 7 juillet 2003 », Rev. tun. dr., 2004, p. 157.
1
Cass. civ., 1er mars 2001, Code de droit international privé annoté, p. 239. Le nasab, parce qu’il constitue
l’ancrage de l’enfant dans une généalogie paternelle, le sens de la distinction interpelle puisque, sur la base de la
loi, l’enfant portera bien le nom de son père. La seule distinction qui sera faite concerne le droit des successions.
2
TPI Sfax, 11 juin 1999, n° 41164; TPI Tunis, 21 juin 1999, n° 29840; TPI Tunis, 6 déc. 1999, n° 31968; TPI
Sousse, 29 fév. 2000, n° 40376.
3
TPI Tunis, 10 mai 1999, n° 29308; TPI Tunis, 22 nov. 1999, n° 31846.
4
Cass. civ., 11 mai 2001, Bull. Cour cass., 2001, p. 331.
5
Cf. M. KACHBOUR, Commentaire du Code de la famille, Le mariage, t. 1, Casablanca, 3ème éd., Matba’ath
Annajah Al jadida, 2015, (en langue arabe), pp. 496-503.

442
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

A) Des prérogatives parentales sexuées

481. La conception islamique des droits parentaux. Dans la conception


islamique1, les droits parentaux se composent d’une part de la hadana (la garde), d’autre
part de la niyaba shar’iya (tutelle légale). Prérogative féminine, la garde2 consiste, d’après
l’article 163 du Code marocain de la famille à préserver l’enfant « dans la mesure du
possible, de tout ce qui pourrait lui être préjudiciable, à l’élever et à veiller à ses intérêts ».
Cette fonction revient pendant le mariage, aux deux parents, bien qu’elle soit davantage
présentée comme un attribut de la maternité. À la dissolution du mariage, c’est
prioritairement à la mère3 que revient la garde de l’enfant, dont l’objet est la préservation
de sa personne physique et morale. C’est sans doute pourquoi les droits positifs exigent un
certain nombre de qualités devant exister en la personne du gardien de l’enfant4. La
protection de ses intérêts patrimoniaux relève en outre du privilège du chef de famille
jusqu’à sa majorité. Il s’agit d’un attribut de la tutelle5 qui lui revient de droit6 pendant et
après le mariage. Il ne s’agit pas -contrairement à l’idée de puissance paternelle ou de celle
qui avait cours pendant la période pré-islamique- d’un droit absolu sur l’enfant, mais d’un
droit-fonction. Lorsque la mère exerce son droit de garde à la dissolution de l’union, elle le
fait sous le contrôle du père qui a un droit de regard sur l’éducation de son enfant. Dans
toutes les législations maghrébines et musulmanes en général, la mère ne peut être tutrice
légale de son enfant qu’en cas de décès ou d’incapacité constatée du père, en général

1
M. NOKKARI, « Le statut de l’enfant dans le Coran et dans la Sunna », in L’enfant en droit musulman (Afrique,
Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, société de législation
comparée, 2008, pp. 33-44.
2
F.-Z. ABDELLAOUI, « La garde de l’enfant dans le nouveau code de la famille marocain », in L’enfant en droit
musulman (Afrique, Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier 2008 à la Cour de cassation, Paris, Société
de législation comparée, 2008, pp. 345-358.
3
La garde est confiée en premier lieu à la mère, puis au père, puis à la grand-mère maternelle de l’enfant. À
défaut, le tribunal décide dans l’intérêt de l’enfant, « d’attribuer la garde à l’un des proches parents les plus aptes
à l’assumer ». La Tunisie a progressivement transformé le schéma classique de la garde en droit musulman, par
trois lois successives. La loi n° 66-42 du 3 juin 1966 fait de l’intérêt de l’enfant l’unique critère pris en compte
par le juge afin d’attribuer sa garde à l’un de ses parents. Cette fonction n’est plus uniquement dévolue à la
lignée maternelle. Une autre loi n° 81-7 du 18 février 1981 permettra à la mère gardienne de saisir le juge afin de
se voir attribuer certaines prérogatives tutélaires et prendre des décisions graves relatives à l’enfant. C’est enfin
la loi n° 93-74 du 12 juillet 1993 fait de la mère une quasi tutrice légale en lui permettant la gestion des comptes
financiers de ses enfants, leurs voyages ou encore leurs études.
4
Entre autres qualités : la majorité légale pour les personnes autres que le père et la mère de l’enfant, la rectitude
et l’honnêteté, la capacité d’élever l’enfant sous sa garde, d’assurer sa sauvegarde et sa protection sur les plans
religieux, physique et moral, veiller à sa scolarité et enfin, le non-mariage de la candidate à la dévolution de la
garde.
5
La tutelle entendue ici consiste en une tutelle de protection de l’enfant par son père, tant sur sa personne que
sur ses biens, et doit être orientée vers l’intérêt de celui-ci. Il s’agit de ce qu’un auteur a qualifié de « tutelle
affectueuse ». Cf. F. DULOUT, « La hadana, tutelle affectueuse dans le droit musulman et les coutumes », Rev.
algérienne, 1946, p. 2.
6
Art. 231 et 238 CMF. La mère gardienne ne peut se charger des intérêts patrimoniaux de l’enfant qu’en cas
d’absence du père et, « en cas de nécessité, si les intérêts de l’enfant risquent d’être compromis », cf. art. 163.

443
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

tuteur. La conception patriarcale de la famille arabo-musulmane explique que le père soit


considéré comme le plus à même à protéger l’enfant. Il convient néanmoins de la tempérer.
482. Une conception patriarcale à atténuer. Lorsque le père se trouve dans
l’impossibilité d’exercer la tutelle légale sur son enfant, une personne de sexe masculin en
est toujours chargée. Or, exclure la mère d’une telle prérogative afin de la cantonner à son
seul aspect affectif peut être critiquable1, car une femme est tout aussi apte à assurer cette
mission du fait du lien naturel et affectif qui la lie à son enfant. Convient-il de rappeler que
l’article 19 de la Constitution marocaine dispose que « l’homme et la femme jouissent, à
égalité, des droits et libertés à caractère civil, politique, économique, social, culturel et
environnemental énoncés dans le présent titre (…) ainsi que dans les conventions et pactes
internationaux dûment ratifiés par le Royaume, et ce, dans le respect des dispositions de la
Constitution, des constantes et des lois du Royaume ». Il semblerait que ce soit de cette
même critique que le législateur marocain se soit fait l’écho en 2004, en atténuant l’aspect
patriarcal de la tutelle légale lorsque le père n’est pas en mesure de l’exercer. Pourtant, à
l’occasion de son rapport portant sur l’État de l’égalité et la parité au Maroc2, le président
du Conseil national des droits de l’homme (CNDH) souligne que les finalités et objectifs
de la nouvelle Constitution se sont progressivement évaporés. Au nombre des
recommandations énoncées dans ledit rapport, l’attention a été portée sur les conditions
restrictives permettant à une mère d’exercer la tutelle légale sur ses enfants, alors même
que le Code de la famille l’oblige à subvenir aux besoins de la famille lorsqu’elle a des
ressources confortables. La responsabilité matérielle qui lui incombe au titre de l’article
199 du Code de la famille ne trouve donc pas de contrepartie dans la possibilité qui lui
serait automatiquement accordée d’être la tutrice légale de ses enfants.
483. L’association inachevée de la mère à l’exercice de la tutelle légale. Sur la
question de la tutelle légale, les Codes marocain et tunisien dans leurs versions initiales
étaient une copie conforme au droit issu du rite malékite qui considère la tutelle de droit au
profit du père. En son absence, un tuteur testamentaire désigné par lui de son vivant
assurait la protection des intérêts patrimoniaux et personnels de l’enfant. Si celui-ci n’a pas
été désigné du vivant du père, le juge assurait la tutelle sur le mineur. De plus en plus
aujourd’hui, un tuteur datif est désigné par le juge parmi les proches parents de l’enfant.
C’est dire que la dévolution de la tutelle à la mère n’était nullement prévue par le rite
malékite, qui n’excluait pourtant pas la possibilité pour le père de désigner la mère comme
tutrice de son enfant, notamment avant son décès3. Au Maroc, c’est au bénéfice de la
première réforme de la moudawana en 1993 que la mère accède au rang des dévolutaires
de la tutelle légale, et en Tunisie, avec la loi du 18 février 1981. Les réformes algérienne et

1
M. MONJID, L’Islam et la modernité dans le droit de la famille au Maghreb, op. cit., p. 154.
2
CNDH, État de l’égalité et parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et objectifs
constitutionnels, 2015, disponible sur www.cndh.ma.
3
Ce n’était en pratique, pas chose courante.

444
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

marocaine manifestent le souci de prendre davantage en compte l’intérêt de l’enfant. Une


telle tendance se manifeste par l’amendement consistant à permettre à la mère d’accomplir
tous les actes urgents concernant ses enfants en cas d’empêchement ou d’absence du père 1.
L’idée étant que l’intérêt de l’enfant commande de ne pas créer une situation de blocage
lorsque le tuteur légal n’est pas en mesure de remplir sa mission, particulièrement lorsqu’il
y a urgence et que le couple est séparé. L’inégalité entre les parents participe donc
davantage de l’idée que le couple est complémentaire et que l’un ne peut rien sans l’autre.
Loin de chercher à assurer une parfaite égalité entre les conjoints, le législateur dans les
pays du Maghreb procède davantage au rééquilibrage d’une situation profondément injuste
à l’égard de la mère, en l’associant subsidiairement à cet exercice2. L’objectif de justice
peut être louable car loin de poser une stricte égalité entre les parents -pouvant aboutir à un
conflit d’intérêts sur la personne ou les biens de l’enfant- le juge satisfait à une exigence
objective d’équité.

B) Des prérogatives parentales inégalitaires

484. La condition tenant à la religion dans la dévolution de la hadana. Le rite


malékite auquel appartiennent les trois pays du Maghreb n’exige pas la condition
d’islamité de la mère dans le bénéfice du droit de garde. La mère non-musulmane peut, si
elle n’exerce aucune influence d’ordre religieuse sur l’enfant (automatiquement musulman
car né d’un père musulman), en bénéficier. Une telle condition n’est pas non plus exigée
par les Codes algérien et marocain3. Néanmoins, l’article 400 du Code marocain renvoyant
au rite malékite en cas de silence de la loi, il est fort probable que les juges adoptent sur
cette question une lecture restrictive et réductrice du droit musulman classique4, en
accordant à la condition d’islamité de la mère une place centrale5.
485. La condition tenant au remariage de la personne titulaire de la hadana. En
droit musulman, le remariage de la mère titulaire du droit de garde est une cause de

1
Art. 87 du Code algérien et 236 du Code marocain.
2
Art. 154 du Code tunisien, 238-2 du Code marocain et 87 du Code algérien.
3
L’ancienne moudouwana marocaine disposait explicitement à l’article 108 que la mère non-musulmane avait le
droit d’exercer la garde sur son enfant, à condition de ne pas éduquer l’enfant dans une religion différente de
celle de son père. Or, le Code de 2004 a supprimé cette disposition.
4
L’exequatur de décisions étrangères attribuant la garde d’un enfant à la mère non musulmane est encore
difficile à exécuter dans les pays musulmans. Même en Tunisie où la reconnaissance des jugements étrangers ne
pose pas de grandes difficultés, la jurisprudence s’est longtemps montrée réticente à reconnaître des décisions
étrangères attribuant la garde à la mère non musulmane, au motif qu’elle ne pourrait assurer à l’enfant une
éducation musulmane. En ce sens : J. DEPREZ, « Droit international privé et conflits de civilisation. Aspects
méthodologiques. Les relations entre systèmes d’Europe occidentale et systèmes islamiques en matière de statut
personnel », RCADI, La Haye, IV, 1988, p. 129 ; M. BENJEMIA, S. BEN ACHOUR, M. BELLAMINE, « Le droit
tunisien de la famille entre modernité et tradition », in Ordre public et droit musulman de la famille en Europe et
en Afrique du Nord, N. BERNARD-MAUGIRON, B. DUPRET (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2012, pp. 161-196.
5
Rapp. du privilège de religion, cf. supra, n° 410.

445
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

déchéance de son droit de garde lorsque l’époux n’est pas un proche parent de l’enfant à un
degré prohibé au mariage. Cette règle est en général rigoureusement reprise par les
législations des pays de tradition islamique. Le postulat de départ est que le mariage de la
mère titulaire du droit de garde porte atteinte au droit de l’enfant d’être élevé dans un
entourage affectueux, le spectre du parâtre se profilant derrière cette idée. Or, il est admis
que c’est bien l’affection de la marâtre qui est beaucoup plus douteuse1. Toujours est-il que
cette présomption peut, dans la réalité, être renversée. Au vu de l’atteinte qu’elle porte aux
droits fondamentaux de la mère, tant les droits marocain que tunisien ont procédé à son
aménagement au profit de la mère2. Le remariage de la mère dans le nouveau Code
marocain ne constitue plus un empêchement automatique à mariage. Le texte fait la
distinction selon que la personne titulaire de la hadana est, ou non, la mère de l’enfant.
Dans le premier cas, et lorsque l’enfant n’a pas dépassé l’âge de sept ans3, le droit de garde
ne saurait être retiré à la mère si celle-ci se remarie. De la même manière, le législateur a
considéré que si la séparation avec la mère cause à l’enfant un préjudice -notamment
lorsque celui-ci est atteint d’une maladie ou d’un handicap rendant sa garde difficile à
assumer par une autre personne- celle-ci peut la conserver. De façon identique, si le nouvel
époux de la mère est un parent de l’enfant avec lequel il a un empêchement à mariage ou
s’il est son représentant légal4, la déchéance de la garde n’a pas lieu. Enfin, la mère ne peut
dans tous les cas être déchue de ce droit lorsqu’elle est tutrice légale de l’enfant5. Le
législateur, dans l’intérêt de l’enfant, n’a pas souhaité instituer une règle qui
contreviendrait au maintien du lien mère-enfant, primordial lors des premières années de
naissance6. Par ailleurs, la notion de « préjudice » causé à l’enfant est suffisamment large
afin d’être appréciée par le juge conformément à ce que commande son intérêt7. Il
reviendra donc à la jurisprudence d’opérer une lecture conforme à l’esprit du texte tel
qu’élaboré par le législateur. Dans la seconde hypothèse, lorsque la personne exerçant la
hadana n’est pas la mère de l’enfant et qu’elle se remarie avec un homme qui n’est pas un
parent prohibé de l’enfant, celle-ci est déchue de son droit de garde.
En droit tunisien, l’article 58 du CSP exige toujours que la personne titulaire de la hadana
soit célibataire. Néanmoins, la loi du 18 février 1981 complète ce texte en précisant que le

1
V. en ce sens, pour attribuer la garde de l’enfant à sa mère en raison du traitement peu conforme à l’intérêt de
l’enfant par la nouvelle épouse du père : Cass. mar., 4 mars 2014, dossier n° 291/2/1/2012, n° 175.
2
L’article 66 du Code algérien de la famille dispose que la titulaire du droit de garde qui se remarie est
automatiquement déchue de son droit à moins que l’époux ne soit lié à l’enfant par un degré de parenté prohibé.
3
Art. 175 CMF. Cf. CA Rabat, 19 avr. 2004, n° 904 du dossier n° 1214/03/10, inédit.
4
Art. 175 du CMF.
5
Art. 175 al. 4 CMF.
6
S’agissant du maintien provisoire d’un enfant âgé de deux ans auprès de sa mère, non titulaire du droit de
garde : Cour supr. maroc., 22 fév. 2006, n° 115, dossier n° 386/2/2/2005.
7
Sur les conséquences psychologiques déplorables de la séparation d’un enfant de sa mère, attestées par un
certificat médical, l’intérêt de l’enfant (au dessus de tout autre considération) conformément à l’article 186 du
Code de la famille a empêché la déchéance du droit de garde de la mère, remariée à un étranger non parent de
l’enfant : Cour supr. maroc., 31 déc. 2008, n° 598, dossier n° 371/2/1/2008.

446
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

titulaire de la garde n’est pas déchu de ce droit « sauf si le juge estime le contraire dans
l’intérêt de l’enfant ». Cet aménagement permet donc au juge d’apprécier si l’intérêt de
l’enfant commande ou non la déchéance du droit de garde pour cause de remariage, et lui
confère une marge de manœuvre non négligeable.
486. Le changement de résidence. Dans les trois législations maghrébines, le
changement de résidence de la mère constitue une cause de déchéance du droit de garde.
Rappelons que la garde de l’enfant par sa mère après le divorce s’effectue sous le contrôle
du père. Par conséquent la distance qui sépare l’enfant de ce dernier ne doit pas empêcher
l’exercice de ce droit de regard ni de son droit de visite. La législation marocaine a pu
apporter quelques correctifs à cette contrainte à l’occasion de la réforme en 2004, tandis
que les deux autres législations maghrébines1 n’ont pas fait évoluer leur droit sur cette
question. En droit marocain, le changement de résidence de la mère n’est plus un motif de
déchéance lorsqu’il est fait à l’intérieur du Maroc « sauf en cas de motifs avérés pour le
tribunal, compte tenu de l’intérêt de l’enfant, des conditions particulières du père ou du
représentant légal et de la distance séparant l’enfant de son représentant légal »2. La
déchéance du droit de garde pour cause de changement de résidence devient ainsi
exceptionnelle afin de maintenir le lien mère-enfant, et ce n’est que si l’intérêt de l’enfant
commande cet éloignement au regard des critères posés par la loi que le changement de
résidence est prononcé. L’appréciation faite par les juges de l’intérêt de l’enfant au regard
du droit du père d’exercer un droit de regard sur son éducation dépend entièrement de leur
pouvoir souverain3. Si ceux-ci considèrent que le tuteur légal est empêché d’exercer son
contrôle, ils peuvent considérer que l’intérêt de l’enfant commande son maintien auprès de
son tuteur légal. Ce pourra être le cas d’une mère qui change de résidence4 pour cause de
mutation professionnelle. Si la distance qui la sépare de la résidence du père est trop
importante, elle pourrait être déchue de sa hadana. C’est pourquoi cette disposition donne
l’illusion d’une avancée non négligeable, mais demeure tributaire de l’appréciation
judiciaire qui en sera faite. Loin de trancher entre une réforme qui embrasse de manière

1
L’article 69 du Code algérien ne fait pas de l’éloignement du titulaire de la garde une cause automatique de
déchéance. Le texte évoque « l’éloignement en pays étranger », pouvant être cause de déchéance. Ceci signifie
que le changement de résidence à l’intérieur même du pays ne saurait être une cause de déchéance selon
l’approche qui est faite de l’intérêt de l’enfant. La jurisprudence a pu considérer l’éloignement de la mère
titulaire du droit de garde comme étant une cause de déchéance car il empêche le père d’exercer ses droits vis-à-
vis de l’enfant : Cour suprême, 19 fév. 1990, dossier n° 59013, cité par M. MONJID, op. cit., p. 172, spec. n° 339.
D’autres fois, c’est le retrait même de la hadana qui est contraire à l’intérêt de l’enfant, même lorsque celle-ci est
installée à l’étranger : Cour suprême, 18 mai 1999, dossier n° 222638, cité par M. MONJID, op. cit., p. 172, spec.
n° 339.
2
Art. 178 CMF.
3
Une Cour d’appel a décidé que le seul fait pour la mère, titulaire du droit de garde, de retourner vivre à
l’étranger (en France) où elle vivait avec son ex mari et leurs deux enfants ne permettait pas de prononcer la
déchéance de son droit à la garde, en l’absence d’éléments mettant en cause ses qualités de gardienne : Cour
d’appel d’Agadir, 4 déc. 2007, dossier n° 40/2007.
4
Dans le cas d’une mère ayant élu domicile à l’étranger en abandonnant la garde de l’enfant à sa famille, la Cour
suprême a considéré que le père était, par ordre de priorité, plus à même d’assurer la hadana de son enfant : Cour
cass. maroc., 8 fév. 2011, dossier n° 148/2/1/2009, n° 51.

447
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridiques français et marocain

non équivoque la modernité, l’imprécision, voire le laconisme du texte permet au juge


d’être l’acteur phare du changement.

448
Conclusion du chapitre premier

487. Une similitude est apparue entre la conception originaire du lien de filiation en
France et au Maghreb. Dans les deux législations, la filiation s’inscrit naturellement dans le
mariage, et la présomption de paternité rattache l’enfant au mari de la mère. Favorable à la
famille légitime, ce système protégeait l’enfant qui en était issu et l’emportait sur toute
autre considération. Il présentait l’avantage de verrouiller toute contestation de la filiation
de l’enfant et d’assurer la stabilité du lien établi. Cette préférence incitait les individus à
rentrer dans les rangs du mariage, un statut défavorable étant réservé aux enfants nés en
dehors du modèle établi. L’état de mariage et le lien de filiation légitime étaient considérés
comme les mieux à même d’offrir le cadre sécurisant, nécessaire à l’éducation de l’enfant.
La rupture se situe néanmoins en France au moment où l’enfant naturel a pu accéder à la
famille de son auteur. L’humanité du législateur a conduit ce dernier à considérer que le
lien existant entre l’enfant et ses auteurs est indépendant du lien existant entre ces derniers.
Surtout, comment valablement défendre l’idée, en droit, que le non établissement du lien
de filiation de l’enfant pourrait constituer une sanction à même de dissuader ses auteurs
d’avoir des relations sexuelles hors mariage (dans le cas du Maroc), voire, de commettre
l’adultère ? Telle est pourtant l’interrogation qui subsiste, aujourd’hui encore, en droit
marocain qui ne reconnaît d’effets qu’au seul établissement de la filiation légitime
paternelle. L’établissement de la filiation maternelle est sans effet quant à l’inscription de
l’enfant au sein d’une généalogie, la parenté se transmettant par les mâles.
Paradoxalement, la mésaventure du mariage en droit français a bel et bien commencé par
l’égalisation progressive de la filiation naturelle et de la filiation légitime, entraînant dans
son sillage l’égalité des couples dans l’exercice des prérogatives parentales. Au demeurant,
l’humanité à l’égard de l’enfant conçu hors mariage constituerait-elle le véritable cheval de
Troie du mariage ? Pour l’heure en droit marocain, la jurisprudence s’efforce de trouver un
équilibre en établissant autant que possible la filiation des enfants dont les parents ne sont
pas liés par le mariage, dès lors qu’ils établissent la « raison impérieuse » qui les a
empêchés de le conclure. L’intérêt de l’enfant étant de bénéficier d’une filiation légalement
établie à l’égard de parents unis, gageons que la jurisprudence maintienne le juste équilibre
entre l’intérêt de l’enfant et la préservation de la superbe du mariage. Tel constitue le défi
de la pratique judiciaire.
En définitive, la France et le Maroc se retrouvaient non seulement sur la notion de mariage,
mais aussi sur la notion de filiation. L’époque contemporaine pourrait changer cette
convergence de points de vue entre les deux pays. Un processus de transformation de la
parenté est en cours et la France pourrait à terme, détacher la filiation de la procréation.
Après le mariage pour tous, le slogan pourrait devenir « une filiation pour tous ».

449
Chapitre second. L’unité de la filiation construite sur
l’engendrement

488. Une biologisation1 du droit ? Parmi les données sociales contemporaines qui
concourent à la formation du droit, une place non négligeable doit aujourd’hui être faite à
la « science »2. Outre les conceptions morales, idéologiques et économiques qui
influencent la formation de la règle de droit, l’importance pratique des progrès et
découvertes scientifiques ont vite pris du terrain, et « le désir est né d’user de l’invention
en vue de perfectionner les conditions de la vie »3. L’alliage des faits et des valeurs qui en
résulte4 invite tantôt à « biologiser le social, c’est-à-dire à fonder les valeurs sur des faits
biologiques », tantôt à « socialiser le biologique, en soulignant la part irréductible des
valeurs contenues dans les faits »5. Cependant, perfectionner les conditions de la vie n’a
pas été le seul usage fait des découvertes scientifiques. Le génie humain est allé jusqu’à
vouloir donner et retirer la vie 6, cloner7 des semblables, humains soient-ils ou animaux.
Aucune limite n’a su arrêter les nouveaux artisans de la vie qui œuvrent à repousser les
limites imposées par la corporalité. Le cas des couples en mal d’enfants est symptomatique
de cette situation8, tant il est possible aujourd’hui de « commander » un bébé, choisir la
couleur de ses yeux et divers autres attributs. Si le couple souhaite s’affranchir de son
donné biologique, il peut même faire appel à une tierce personne qui interviendra de façon
passive dans le processus de création de l’enfant. Dans les sociétés laïques prétendument
avancées, les interrogations portent donc sur la limite du techniquement faisable, et du
moralement admissible9. Le débat, outre qu’il met en cause des problématiques

1
En ce sens, V. C. LABRUSSE-RIOU (dir. de), Le droit saisi par la biologie, Des juristes au laboratoire, Paris,
LGDJ, 1996; A.-M. HO DINH, Les frontières de la science et du droit. Essai sur la dynamique juridique, Thèse,
Paris 2, 2015.
2
B. FEUILLET, « La biomédecine, nouvelle branche du droit ? », in Normativité et biomédecine, B. FEUILLET-LE
MINTILLER (dir. de)Economica, 2003, pp. 1-11.V. également C. PUIGELIER (textes rass. par), Mots de science,
Mélanges en l’honneur de Nicole M. LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011.
3
Cité par R. NERSON, « Les progrès scientifiques et l’évolution du droit familial », in Le droit privé français au
milieu du XXème siècle. Études offertes à Georges RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, pp. 403-431.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
et de l’imaginaire », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 485-499.
5
R.E DE MUNAGORRI, « La politique juridique des corps humains », in Le corps et ses représentations, E.
DOCKES, G. LHUILIER (dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 55-56.
6
A. BELAUD-GUILLET, « Le statut du fœtus ex utero : du droit à la vie au droit sur la vie », LPA, 1998,
n° 111, p. 8.
7
A. DORSNER-DOLIVET, « De l’interdiction du clonage à la réification de l’être humain. Loi n° 2004-800 du 6
août 2004 », JCP, G, I, 2004, 172.
8
F. LAROCHE-GISEROT, « L’acharnement procréatif en cause », D., 1998, p. 530.
9
Ainsi que le souligne à juste titre Monsieur le professeur Bertrand MATTHIEU, « traiter des questions relatives à
la bioéthique, c’est aborder la conjonction, les oppositions, existantes ou potentielles, entre deux des piliers
fondamentaux sur lesquels reposent les sociétés occidentales, à savoir la science comme moteur du

450
fondamentalement éthiques, porte également sur la liberté de la personne à disposer de son
corps1, dans un contexte revendicatif d’un droit à l’enfant. Si le corps humain est en
principe indisponible, les entorses qui y sont portées sont de plus en plus grandes,
notamment face aux nouvelles prouesses que permet l’évolution de la biomédecine.
489. Science et procréation en Islam. L’approche islamique de la science dans le
monde musulman est quelque peu différente. La connaissance et la recherche du savoir
sont de l’essence de cette religion, dont l’objet est la compréhension de la Création. Le
premier verset du Coran est un appel, sous la forme d’une injonction au savoir : « lis ! ».
Ce savoir passe non seulement par la lecture du livre sacré, mais aussi « le Livre de
l’Univers et la Création ; “lire”, ce premier mot du Coran qui symbolise toute l’importance
portée au discernement, à la prise de conscience, à la quête du savoir‘ilm »2. C’est
pourquoi la recherche du savoir constitue une obligation, notamment lorsqu’elle a pour but
de répondre à l’objectif de procréation3. Malgré une incitation ferme au savoir, la science
dans le système islamique ne saurait être supérieure aux lois divines. Aussi encouragée
soit-elle, elle ne peut avoir pour rôle de changer la Création. La préservation, la protection
et la continuité de la vie humaine sur terre -objectifs de la loi divine- passent par le respect
du croyant à des fins supérieures appelées maqasid que sont la croyance, l’âme, la raison,
la procréation et les biens. Si ces cinq maqasid sont malmenés, les objectifs de la loi divine
sont mis en péril. La place dévolue à la procréation au sein de ce système est donc centrale,
et l’esprit éclairé comprend aisément que la science médicale ne saurait être supérieure aux
objectifs de la Loi4 au point de bouleverser l’ordre social et moral. Si la science déstabilise
les relations familiales et sociales telles qu’établies par la Loi de Dieu, elle devient
perversion. C’est pourquoi cette hiérarchie des objectifs conduit à limiter les évolutions
scientifiques, ou du moins les utilise conformément aux objectifs assignés5. Cependant, le
développement des techniques médicales d’aide à la procréation 6 mettent à l’épreuve ces

développement, justifiée par l’idée de progrès, et les droits de l’homme comme système de valeurs déterminant
l’ordre politique et social. Le troisième pilier, représenté par la mondialisation des forces économiques, comme
système de pouvoir. Or les frontières bougent, les lignes se déplacent s’agissant de l’articulation entre ces
différents pôles et de la conception que l’on se fait de chacun d’eux ». Cf. B. MATTHIEU, « Sur quelques lignes
de force du “débat bioéthique”, en France, à la fin du XXIème siècle », in Mots de science, Mélanges en l’honneur
de Nicole M. LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011, p. 99-100.
1
V. en ce sens : X. DIJON, La raison du corps, Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit et religion », 2012.
2
A. LAMRABET, Femmes et hommes dans le Coran : quelle égalité ?, éd. Albouraq, 2012, p. 23.
3
Selon un verset coranique, « les enfants sont la parure de la vie en ce bas monde » sourate 18, verset 46.
4
La science du droit en Islam comprend deux volets : d’une part la science des « racines », d’autre part les
différentes branches du droit. Ainsi, les traités de droit musulman exposent généralement le droit dans ses
différentes branches, c’est-à-dire droit de la famille, droit des contrats…C’est ce qui est d’usage appelé le fiqh,
alors que les principes généraux présidant aux règles pratiques se retrouvent dans les ouvrages de « la science
des racines » ouçoul al fiqh, lesquels exposent la méthode suivant laquelle le droit s’élabore et à quelle fin.
5
A. YOUSRY, « L’État de droit en droit musulman », in L’État de droit, Mélanges en l’honneur de Guy
BRAIBANT, Paris, Dalloz, 1996, pp. 793-796.
6
Une étude menée en 1992 a montré que dans les pays émergents, on constate chez les musulmans dix à quinze
pour cent de cas de stérilité. En Algérie par exemple, l’infertilité toucherait environ 8 à 10 % des couples,
selon le professeur BOUZEKRINI. Cf. la Tribune de la santé, 5-6 décembre 2008, pp. 9-11.

451
principes en offrant à nombre de couples ne pouvant procréer une alternative, voire un
remède à l’état de stérilité en leur permettant de compléter -ou remplacer- l’union
charnelle. Dans les sociétés musulmanes, « un enfant qui tarde à arriver déclenche les
angoisses, des tensions et des conflits au sein de la vie d’un couple et d’une famille. Le
temps est compté pour la femme dans une société qui associe la virilité à la puissance
masculine et la fécondité à la féminité. La femme « non mère » subit une forte
stigmatisation et est confrontée à une souffrance double : celle d’un corps ressenti comme
imparfait et celle de ne pouvoir enfanter, ne répondant pas ainsi aux normes de la
reproduction humaine et sociale »1.
490. L’impact de la biologisation du droit sur le système de parenté. Convient-il
alors de considérer que le désir d’enfant, matérialisé par un projet parental porté par le
couple2 (Section 1) constitue un objectif légitime permettant de passer outre les règles
éthiques et morales sur lesquelles se fonde une société ? La mise en perspective du droit
français avec le droit des pays de tradition islamique révèlera deux réponses différentes au
problème des procréations médicalement assistées. À l’aune de celles-ci, le degré de
biologisation du droit dans les deux aires d’étude pourra être déterminé. Lorsqu’elle se
servira des prouesses scientifiques tel un instrument au service du modèle familial à
promouvoir, la réponse du législateur aura un faible impact sur la vision sociale de la
parenté3. Si au contraire le droit se révèle inféodé aux évolutions de la biomédecine ou
adopte, a fortiori, une attitude d’encouragement, le risque est de favoriser un accès à
l’enfant pour tous (Section 2). Dans cette hypothèse, le lien de filiation4 qui permet de
rattacher juridiquement l’enfant à ses deux parents doit être repensé, afin de traduire la
réalité des nouveaux fondements artificiels de la procréation.

1
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le
droit de la santé : aspects nouveaux, Travaux de l’Association Henri CAPITANT, Bruylant-LB2V, 2012, pp. 39-
63, spec. p. 43.
2
Luc BOLTANSKI a également qualifié le projet parental d’engendrement par la parole, par opposition à
l’engendrement par la chair. V. L. BOLTANSKI, La condition fœtale, une sociologie de l’engendrement et de
l’avortement, Gallimard, coll. « Essai », Paris, 2004.
3
A. AOUIJ-MRAD, « Le faible impact des pratiques biomédicales sur la vision de la parenté en Tunisie », in Les
incidences de la biomédecine sur la parenté. Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, M.-C. CRESPO-
BRAUNER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 189-198.
4
V. en ce sens : Les filiations par greffe, Adoption et Procréation Médicalement Assistée, Acte des Journées
d’Étude des 5 et 6 décembre 1996, organisées par le Laboratoire d’études et de recherches appliquées au droit
privé (LERADP), Université Lille II, LGDJ, 1997.

452
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 1. Le projet parental, socle de la famille

491. Le rôle joué par la volonté. La volonté à elle seule n’est pas toute puissante,
car c’est le droit qui lui attribue une valeur juridique, en y associant des effets 1. C’est
pourquoi le désir de devenir parent est traduit en droit par la possibilité offerte au couple -
couple d’intention- de commanditer un projet tant au stade de la conception de l’enfant
(§1) que de sa naissance (§2).

§1) La volonté dans la conception de l’enfant

492. Le pouvoir de la volonté individuelle. Si le droit admet que le couple puisse


avoir une liberté dans la conception de l’enfant, celui-ci lui reconnaît également la
possibilité de ne pas donner la vie (A). Or, un individu peut-il nier sa capacité à procréer2
et, de façon plus globale, le droit doit-il céder à ces revendications, ou davantage imposer
un formalisme dissuasif (B) ?

A) Le droit de ne pas donner la vie

493. Une question de choix ? Pour nombre de croyances ou de philosophies, dès


lors que la vie constitue un don et non une chose construite, il n’est possible ni d’en choisir
la naissance, ni a fortiori l’empêcher alors que ses éléments sont déjà réunis3 (2). Pourtant,
dans la majorité des sociétés occidentales où le principe de libre disposition par la femme
de son corps4 est signe d’indépendance5, la question se pose sous l’angle du choix et de la
liberté individuelle (1).

1
F. TERRE, P. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit civil. Les obligations, Paris, Dalloz, 11ème éd., 2013, p. 35, n° 28 :
« La force obligatoire ne vient donc pas de la promesse, mais de la valeur que le droit attribue à la promesse ».
2
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », in Être parent aujourd’hui,
P. JACQUES (dir. de), Paris, Dalloz, coll. « Thèmes &Commentaires », 2010, pp. 9-25. En ce sens, voir aussi
S. PARICARD, La convenance personnelle, Paris, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque des thèses », 2003, spec.
n° 664, qui donne une définition de la convenance personnelle. Il s’agit pour l’auteur d’une « technique
législative permettant au sujet de droit d’adopter par sa seule volonté un comportement différent de celui proposé
en modèle par la norme ». Or, par un inversement de la fonction du droit, celui-ci cède aux « comportements
différents », en laissant de côté le modèle, se calquant de plus en plus sur les volontés individuelles, d’où un
phénomène de multiplication des droits subjectifs en droit de la famille. En ce sens : A.-C. AUNE, Le phénomène
de multiplication des droits subjectifs en droit des personnes et de la famille, Marseille, PUAM, 2007.
3
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », in Être parent aujourd’hui,
op. cit., p. 11.
4
Sur cette question, V. S. PRIEUR, La libre disposition par l’individu de son corps, Les Études hospitalières,
coll. « Thèses », 1999.
5
Quid alors de la combinaison de ce principe avec celui tiré de l’article 16-3 qui conditionne l’atteinte au corps
humain au cas de « nécessité médicale ».

453
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

1- Corollaire du principe de libre disposition du corps

494. Le corps appréhendé comme support. L’idée de maîtrise de sa fécondité pose


la question de savoir si un individu est ou non titulaire de son corps1, et par conséquent de
sa capacité à procréer. À supposer que l’individu ait une entière maîtrise sur son corps, la
chosification2 conséquente qui en découlerait conduirait à ne l’appréhender que comme
simple support, dénué de toute subjectivité humaine. Si l’on admet à l’inverse une
conception objectivée du corps humain, dans le sens où ce dernier constituerait ce que
Monsieur le professeur Éric DE RUS désigne comme « le corps de l’Esprit », celui-ci pourra
être porteur d’une « signification objective qui nous renseigne indissolublement sur le sens
de la personne humaine »3. L’omniprésence contemporaine du corps sur la scène publique
témoigne pourtant d’une perception essentiellement matérielle au détriment de ce qu’il est :
support de la subjectivité humaine. Le corps se retrouve dépouillé de toute profondeur
inhérente à l’être, pour être ramené « à une étendue de chair, une masse de tissus et
d’organes, qu’une parole force de l’extérieur et non pas habite de l’intérieur »4. Un
détachement de la dualité intrinsèque dont il est porteur s’observe, favorisant le passage
d’un « corps que l’on “a” et un corps que l’on “est” »5, au profit du seul corps que l’on a,
dont la volonté individuelle dispose « comme d’un objet en s’affirmant comme sa propre
origine »6. Particulièrement éclairante est à cet égard la politique législative dans le
domaine de la bioéthique, car elle permet de traduire le passage de la science à la norme,
alors que rien n’est encore stabilisé dans son champ7.
495. L’exemple de la stérilisation volontaire. Le droit français, bien qu’il protège
le corps humain8 et n’y voit pas une « chose » ordinaire, considère que celui-ci entretient
une relation privilégiée avec la personnalité9. Néanmoins, la loi du 4 juillet 20011 est

1
Sur cette question, cf. I. ARNOUX, Les droits de l’être humain sur son corps, Bordeaux, PUB, 1994 ; V. aussi :
B. EDELMAN, Ni chose ni personne, le corps humain en question, Hermann éditeurs, 2005. Pour une approche
prospective portant sur une potentielle commercialité du corps : D. FENOUILLET, « La personne humaine dans le
commerce juridique », in Un ordre juridique nouveau. Dialogues avec Louis Josserand, éd. Mare&Martin, 2014,
pp. 43-73.
2
Sur cette notion, V. : I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche de la personne humaine juridique,
Paris, LGDJ, 1997 ; J. HAUSER, « La vie humaine est-elle hors du commerce ? », LPA, 5 déc. 2000, p. 19.
3
E. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », in La réforme du mariage, Une approche critique des mutations familiales, Poitiers, DMM,
2013, pp. 33-56. V. aussi : S. AGACINSKI, Corps en miettes, Flammarion, 2008.
4
É. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », art. precit., p. 37, spec. n° 73.
5
Ibidem., p. 34, spec. n° 63.
6
Ibidem., p. 43, spec. n° 88.
7
R.E DE MUNAGORRI, « La politique juridique des corps humains », in Le corps et ses représentations,
E. DOCKES, G. LHUILIER (dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 51-68.
8
Art. 16-1. C. civ.
9
I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche de la personne humaine juridique, Paris, LGDJ, 1997,
p. 221.

454
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

profondément révélatrice de l’orientation du législateur français, qui consacre la pratique


de la stérilisation volontaire définitive 2. L’article L. 2123-1 du Code de la santé publique
vise à cet effet « la ligature des trompes ou des canaux déférents à visée contraceptive ».
L’intervention ne peut être pratiquée que si la personne majeure intéressée a exprimé une
volonté libre, motivée et délibérée, en considération d’une information claire et complète
sur ses conséquences3. Or, le rapport de Monsieur le professeur NISAND avait très
justement signalé que « les femmes ignorent, quand elles se font stériliser, que cela est
irréversible et que cela peut changer toute leur vie »4. La volonté devient l’élément
justificatif de l’acte, le médecin devant apporter un simple devoir d’assistance et de
conseil5. Aucune nécessité thérapeutique n’est exigée, quitte à contrevenir au principe
d’intégrité du corps humain visé à l’article 16-3 du Code civil. Pour Monsieur le professeur
Jean HAUSER, le texte « est rédigé comme s’il se trouvait dans le Code de la
consommation ! »6, ce qui est profondément révélateur de la matérialité suggérée du corps
humain. Bien que l’exigence de motivation soit centrale, elle se confond fréquemment avec
l’exigence du consentement éclairé, sans qu’aucune instance de contrôle n’intervienne
pour saisir les causes pouvant pousser une personne à vouloir se faire stériliser7.
496. Le choix de la stérilisation volontaire par un membre du couple. Plus
problématique est la volonté de stérilisation lorsqu’elle procède d’une personne vivant en

1
Cf. la loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001, J.O, 7 juillet 2001, relative à l’IVG et à la contraception, modifiant
celle du 13 décembre 2000 relative à la contraception d’urgence. La nouvelle loi insiste sur la nécessité de
faciliter l’accès des adolescents à la contraception, et fait suite au rapport du professeur UZAN-COHEN, Rapport
relatif à la contraception et à la grossesse chez les adolescents, Ministère de l’emploi et de la solidarité,
novembre 1998, JCP, G, I, 165 ; D. BOURGAULT-COUDVYLLE, « Commentaire de la loi IVG-contraception (2ème
partie) », RJPF, 2001, n° 10, p. 6 ; F. TAQUET, « Les nouvelles dispositions relatives à l’interruption volontaire
de grossesse et à la contraception », Gaz. Pal., fév. 2002, p. 10 ; ASSIA BOUMAZA, « La stérilisation
contraceptive et le « handicap mental » après la loi du 4 juillet 2001 », Rev. dr. sanit. soc. 2002, p. 233. Cette loi
constitue l’aboutissement d’un processus tendant à la maîtrise par les femmes de leur fécondité. En effet, la loi
du 27 juillet 1999 modifie l’article 16-3 du Code civil en prévoyant la possibilité d’atteintes à l’intégrité
corporelle pour nécessité médicale et non plus seulement thérapeutique, ce qui ouvrait la voie à la stérilisation
contraceptive.
2
La nécessité thérapeutique de la stérilisation a depuis longtemps été affirmée par la chambre criminelle de la
Cour de cassation dans un arrêt dit Des stérilisateurs de Bordeaux (Cass. crim., 1er juillet 1937, Sirey, 1938, p.
193, note TORTAT ; Gaz. Pal., 1937, p. 358). Les stérilisations volontaires demeuraient elles, illicites et, selon
une jurisprudence constante de la Cour de cassation, il s’agissait d’un mode de mutilation volontaire (cf. Cass.
crim., 5 sept. 1988, n° 87-82.866). L’article 222-9 et suivants du Code pénal exposaient les médecins qui la
pratiqueraient à des poursuites pénales et, depuis 1994, à des sanctions civiles sur le fondement de l’article 16-3
du Code civil.
3
Tous les travaux préalables, notamment les deux avis n° 49 et 50 du 3 avril 1996 du Comité consultatif national
d’éthique ainsi que les travaux parlementaires avaient insisté sur la qualité de l’information, particulièrement sur
les conséquences l’irréversibilité de l’intervention.
4
I. NISAND, Rapport relatif à l’interruption volontaire de grossesse en France, Ministère de l’emploi et de la
solidarité, 1998, JCP, G, I, 165.
5
D. BOURGAULT-COUDEVYLLE, art. precit., p. 8.
6
J. HAUSER, « Le choix de ne pas donner la vie : un droit de ne pas donner la vie ? », art. precit., p. 12.
7
V. aussi sur le délai de réflexion de quatre mois -peu suivi en pratique- la décision de la Cour administrative
d’appel de Bordeaux ayant entériné l’affranchissement, pour des raisons médicales, de ce délai : CAA Bordeaux,
2ème chb., 6 oct. 2015, n° 13BX03265, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, alerte 75.

455
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

couple, ou lorsqu’elle est mariée. Outre que la loi ne donne aucune indication sur le rôle
que peut avoir le conjoint, les notions de maternité et de paternité sont ici directement en
cause, et plus largement le concept même de famille. En effet, le conjoint n’est pas pris en
compte dans la décision de stérilisation de son épouse (concubine), alors même que celle-ci
concerne le couple et son avenir familial. À l’occasion de l’affaire Lahache1, le Conseil
d’état a jugé la consultation du mari, quant à la décision de son épouse de mettre un terme
à sa grossesse facultative, la responsabilité de l’établissement hospitalier ne pouvant dès
lors être mise en cause. La portée d’une telle décision interroge sur le dispositif législatif
qui ne semble ni encourager la procréation2, ni prendre en compte le conjoint. Aux
conséquences familiales graves, cette décision doit être réfléchie à deux, car le projet de
non parentalité souhaité par l’un implique de priver l’autre époux d’enfants3 et interroge
sur la finalité du couple. En vivant à deux, accepte-t-on implicitement la procréation ou
peut-on considérer la vie de couple exclusive de toute procréation ? Sous l’angle des
devoirs du mariage –particulièrement l’article 203 du Code civil-, les juges versaillais ont
implicitement reproché à une épouse d’avoir poursuivi sa grossesse alors qu’elle
connaissait le refus de son mari d’envisager une nouvelle naissance4. Si la jurisprudence
insiste sur la nécessité d’une codécision 5, les circonstances de l’espèce semblent bien
révéler que l’épouse a agi ainsi dans le but de préserver sa liberté de ne pas interrompre sa
grossesse. La faute ainsi retenue à son encontre aurait peut être dû être recherchée du côté
de l’époux, les faits de l’espèce ayant révélé que la femme avait quitté le domicile
conjugal, craignant d’éventuelles violences de l’époux.

2- La conception islamique du corps et de la vie humaine

497. Le corps est un don. L’Islam considère que le corps humain a été confié par
Dieu à l’homme avec obligation pour lui de l’entretenir. Cette obligation faite à l’individu
correspond à l’exigence de préservation de l’intégrité de son corps, et interdit tout acte qui
désacraliserait ce don. C’est la consécration d’une inviolabilité absolue et de
l’indisponibilité du corps humain fondée sur l’inaliénabilité de la personne. Si en Occident

1
CE, 31 oct. 1980, n° 13028, Affaire Lahache, Recueil Lebon, 1980.
2
Notamment par la généralisation et le remboursement de la contraception. L’article L. 321-1 du Code de la
sécurité sociale prend en charge au titre de l’assurance maladie « la couverture des médicaments, produits et
objets contraceptifs et des frais d’examen de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions
contraceptives ».
3
Encore que la jurisprudence ait pu admettre que le refus de procréer, par l’un ou l’autre des époux, pouvait être
constitutif d’une faute cause de divorce : CA Bordeaux, 1er oct. 1991, RTD civ., 1992, 56, obs. J. HAUSER et
D. HUET-WEILLER. La solution a également été reprise dans le cadre d’un refus de recourir à des soins
gynécologiques : CA Bordeaux, 7 juin 1994, JCP, G, II, 1995, 22590, note J. VASSEAUX ; RTD civ., 1994, 836,
obs. J. HAUSER. Il n’est en revanche pas certain que la jurisprudence adopte, aujourd’hui encore, le même
raisonnement.
4
CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 22 janv. 2015, n° 13/09492, Rev. dr. fam., 2015, n° 5, comm. 87, J.-R. BINET.
5
CA Bordeaux, 6ème ch., 10 déc. 1998, n° 97/001925 ; CA Nîmes, 2ème ch., sect. C, 21 mars 2007, n° 05/03638 ;
CA Paris, pôle 3, ch. 3, 10 janv. 2013, n° 12/09158.

456
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

René DESCARTES a réduit la personne à sa pensée –je pense donc je suis-, en reléguant la
perception que l’individu a de son corps au champ de la matérialité, l’Islam ne considère
l’individu ni comme un « centre spirituel isolé du corps, ni une manifestation du monde
des idées, mais la totalité humaine, animée par un principe spirituel »1. Ceci signifie que
« chaque personne est un “moi spirituel” qui subsiste dans la matière, un “moi
partiellement corporel”. Elle est un corps au même titre qu’elle est esprit, tout entière corps
et tout entière esprit. L’homme = corps + esprit. Si on supprime un élément, l’homme
n’existe plus »2. Par conséquent, l’homme n’a pas une maîtrise absolue sur son corps et ne
peut en disposer librement car il n’en est qu’un simple « gestionnaire ». Attenter à sa vie
par la pratique de l’euthanasie, ou procéder à sa stérilisation volontaire 3 participent de
l’atteinte au corps que l’Islam ne saurait tolérer. De la même manière, l’individu a
l’obligation de se soigner en cas de maladie afin de préserver son corps et sa vie.
498. L’émergence d’une réflexion éthique islamique. Deux tendances semblent se
dessiner dans la culture juridique islamique au sujet des nouvelles pratiques de procréation
artificielle : le premier courant, défendu par les oulémas des universités théologiques -
particulièrement ceux de l’Université d’ AL-AZHAR- considère que tout comportement
humain doit pouvoir s’analyser conformément au prisme du licite et de l’illicite. Rigide,
cette grille de lecture privilégie une interprétation littérale du Coran et de la sunna, en
s’opposant à toute interprétation allant à l’encontre d’une disposition expressément prévue.
Selon un idéal réformiste, le second courant tente de dégager des notions telles que la
maslaha (l’intérêt général) ou la daroura (nécessité). Ces notions s’attachent à préciser les
voies à suivre afin de concilier progrès scientifique et valeurs propres à la société
islamique, par l’usage de la raison et l’effort d’ijtihad.
499. Le début de la vie humaine en droit musulman. L’Islam légitime certaines
atteintes au corps humain sur le fondement de la daroura (nécessité) et la maslaha
(l’intérêt général), principes cardinaux de droit musulman. Ces deux notions, combinées à
l’effort d’ijtihad, permettent de répondre aux nouveaux besoins de la société musulmane
en matière d’avancées médicales. C’est pourquoi les atteintes à l’intégrité du corps humain
ne peuvent être tolérables « que lorsqu’elles procèdent d’une intention généreuse de bien
être, élevée et tendant à des fins positives »4. Le Coran ne se prononce pas ouvertement sur

1
H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le contexte de la culture juridique
égyptienne », in Corps de la femme et biomédecine, Approche internationale, B. FEUILLET-LIGER, A. AOUIJ-
MRAD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et société », 2013, p. 188.
2
Ibid., p. 188.
3
Fatwa n° 804 du 22 mai 2005. Selon le Conseil de la Fatwa, la stérilisation permanente est interdite sauf dans
le cas où une future grossesse mettrait en péril la vie de la mère et si le Conseil des médecins indique que la
stérilité permanente est la seule solution. La stérilisation temporaire est elle, permise.
4
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le
droit de la santé : aspects nouveaux, Travaux de l’Association Henri CAPITANT, Bruylant-LB2V, 2012, pp. 39-
63, spec. p. 42.

457
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

la question de l’avortement. Une tradition prophétique1 constitue néanmoins le socle


commun2 des pays de tradition islamique. Il s’agit d’un hadith concernant l’animation du
fœtus et reconnaissant le statut de personne humaine à l’embryon à partir du cent-
vingtième jour de la conception3. Dieu est réputé avoir insufflé la vie au fœtus au cent-
vingtième jour de la conception, moment où il acquiert sa dimension sacrée. À l’occasion
d’une fatwa en date du 4 décembre 1981, le mufti de l’Université théologique d’AL-AZHAR
-Cheikh Djad EL HAK ALI- a considéré que l’avortement est autorisé durant les 120 jours
de la grossesse à condition qu’il soit motivé par l’existence de risques certains et
médicalement établis encourus par la mère ou l’enfant.
500. L’admission restrictive de l’avortement au Maroc. La question relative à la
contraception ne pose pas de difficultés en Islam, le Conseil de la Fatwa en Égypte ayant
considéré le contrôle de la procréation permis par la charia, de la même manière que le
coït interrompu pratiqué au temps du prophète ne contrevenait pas aux principes
islamiques4. En revanche, l’interdit général de l’avortement non thérapeutique dans les
pays musulmans interroge, de façon récurrente, sur la valeur de la vie humaine et le
pouvoir de la femme de disposer de son corps. Dès le 11 mars 20155, le nombre alarmant
d’avortements clandestins6 a permis à la société civile, en collaboration avec l’Association
Marocaine de Lutte contre l’Avortement Clandestin (AMLAC), en partenariat avec
l’association Droit et Justice et le Collectif national Droit à la santé, de lancer le débat
quant à la possible légalisation -sous conditions- de cette pratique7. À cette fin, le Roi

1
Une description du développement de l’embryon en quatre phases peut être trouvée dans le Coran, sourate Les
croyants, versets 12-14 : « Certes, nous avons créé l’homme d’un extrait d’argile dont Nous avons fait ensuite
une goutte de sperme déposée en un réceptacle bien protégé, puis Nous avons transformé cette goutte en un
caillot de sang dont Nous avons fait un embryon où s’est dessiné le squelette que Nous avons recouvert de chair,
pour en faire, en fin de compte, un nouvel être, bien différencié ».
2
Deux courants théologiques existent sur la question. Le premier considère que le fœtus acquière une vie
humaine dès la fusion des gamètes, et évoluera selon les quatre étapes décrites par le hadith. Pour le second
courant, seul le souffle de l’âme permet de réellement parler de vie humaine. Les partisans de ce courant
avancent le concept de maslaha (intérêt général) de la mère, qui repose sur le devoir d’assistance qui lui est dû
car, il est « plus facile de sacrifier la vie de l’embryon que nous ne connaissons pas et auquel nous ne sommes
pas attachés, en sachant toutefois que cet élément demeure le critère minimal de la justice absolue ». Cité par
N. SAADI, « Le corps humain : interpénétration du sacré et du profane dans le droit positif algérien », in Le droit
de la santé : aspects nouveaux, op. cit., p. 44.
3
Hadith rapporté par Abd Allah BEN MASUD : « Chacun de vous est créé dans le ventre de sa mère. Il est une
goutte de sperme pour quarante jours, puis il est un caillot de sang pour la même période, puis il est une masse
flasque pour la même période, puis l’ange vient pour souffler l’âme (processus d’animation) », Sahih EL
BOUKHARI et EL ASHQAR (S), « la vie humaine: son début et sa fin dans la conception de l’Islam », In Congrès
de l’Organisation Islamique pour les Sciences médicales, 1985, p. 137.
4
Fatwa n° 376 du 15 mai 2005, citée par H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le
contexte de la culture juridique égyptienne », art. precit.
5
Le 27 janvier 2015, le chef de service de la maternité des Orangers à Rabat Chafik CHRAÏBI a été suspendu de
ses fonctions pendant une semaine pour avoir témoigné, au profit de la chaîne de télévision française France 2 à
l’issue d’un reportage diffusé, sur le phénomène des avortements clandestins.
6
Environ 800 par jour.
7
Rapp. du cas tunisien, qui figure parmi les pays les plus avancés en la matière. Dès juillet 1965, l’avortement
pratiqué dans les trois premiers mois par les femmes ayant plus de cinq enfants est permis au profit des
tunisiennes. En septembre 1973, la pratique est généralisée au profit de toutes les femmes peu importe le nombre

458
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

MOHAMED VI a exhorté le ministre de la Justice et des libertés, le ministre des Habous et


des affaires islamiques, ainsi que le président du Conseil national des droits de l’Homme
de faire les propositions nécessaires à l’élaboration d’un texte de loi en conformité avec les
préceptes de la société marocaine. À l’instar de la réforme du droit de la famille, le label
d’islamité1 constituait la pierre angulaire de l’intervention du législateur. Le 15 mai 2015,
un communiqué du Palais royal a annoncé la légalisation de l’avortement, la commission
désignée n’ayant recensé que trois cas permettant de tolérer la pratique de l’avortement : la
malformation du fœtus, le viol et l’inceste. En deçà des prétentions d’une partie de la
société civile, l’objectif de prise en compte de la situation des mères célibataires –en
particulier les mineures- par la possibilité d’un avortement dans des conditions décentes et
sans risque n’a pas été atteint. Or, une telle loi a minima est à rapprocher de la réforme
projetée du Code pénal, lequel n’envisage pas la dépénalisation des relations sexuelles hors
mariage. Faire de l’avortement un droit de la femme en dehors de toute nécessité
thérapeutique ne revient pas moins à ouvrir une brèche à l’interdit des relations sexuelles
hors mariage, maintenu dans le Code pénal promis à révision. Dans une société aspirant de
plus en plus aux libertés individuelles et au droit à l’autodétermination, combien de temps
résisteront les verrous garantissant au mariage sa force ?

B) L’encadrement procédural lié au choix de la conception

501. Le projet parental : une demande conjointe du couple. La demande d’un


couple d’accéder à l’enfant par le biais des techniques médicales suppose un projet
parental émanant de deux personnes de sexe différent -jusqu’à quand ?-, de sorte que
l’enfant puisse bénéficier d’une double filiation maternelle et paternelle. Une personne
seule ne saurait concrétiser son désir d’enfant en recourant unilatéralement à l’assistance
médicale à la procréation. Ouvrir une telle possibilité reviendrait à priver 2 volontairement
l’enfant à naître de sa deuxième filiation. Pour éviter de telles situations, le législateur a
privé d’effet le consentement donné à la procréation médicalement assistée en cas « de
dépôt d’une requête en divorce ou en séparation de corps ou de cessation de la

d’enfants dès lors qu’il est pratiqué par un établissement hospitalier exerçant légalement. Les interruptions
médicales de grossesse (IMG) sont ensuite légalisées au-delà de douze semaines de grossesse. Outre qu’elle a
contribué à libérer la femme tunisienne dans son corps, cette avancée traduit le souci de modernisation de son
statut. La législation relative aux procréations médicalement assistées révèlera, malgré la volonté affichée de se
détacher du référent religieux, que le droit tunisien souffre de son « tiraillement » entre une législation parfois
laïque, parfois « non totalement détachée de ses soubassements religieux ». Cf. A. AOUIJ-MRAD, « Le corps de la
femme et la biomédecine : le clair-obscur tunisien », in Coprs de la femme et biomédecine. Approche
internationale, B. FEUILLET-LIGER, A. AOUIJ-MRAD (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et
société », 2013, pp. 201-212, spec. 203-204.
1
Pour reprendre l’expression de Madame le professeur Miriam MONJID dans son travail de thèse,
particulièrement la deuxième partie : L’islam et la modernité dans le droit de la famille au Maghreb, Étude
comparative : Maroc, Algérie, Tunisie, Paris, L’Harmattan, 2013.
2
Or, dans le cas de la stérilisation volontaire, ne prive-t-on pas, en amont, l’enfant de la potentialité de naître ?

459
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

communauté de vie, survenant avant la réalisation de la procréation médicalement


assistée »1. Le législateur veille de la sorte à assurer à l’enfant deux parents en union. Le
consentement donné est encore privé d’effets lorsqu’un des membres du couple décède.
L’insémination artificielle et le transfert d’embryons post mortem2 sont formellement
interdits. Le Code de la santé publique exige que les membres du couple soient vivants à
toutes les étapes du processus et pas seulement au moment de la conception de l’embryon.
502. L’exigence d’un formalisme consensuel, gage d’un engagement parental
responsable. En tant qu’acte éminemment grave, le projet parental suppose un
engagement responsable de deux individus qui souhaitent devenir parents. Ce seul
engagement permettra à l’enfant d’être rattaché au couple. C’est pourquoi la loi accorde
une place non négligeable à sa qualité en l’entourant des garanties nécessaires. Dans le cas
d’une procréation assistée avec tiers donneur, le consentement doit être donné à l’écrit3 au
juge ou au notaire4, dans des conditions garantissant le secret5. Pour que le consentement
soit éclairé, le couple doit recevoir une information complète sur toutes les conséquences
de l’acte, que le Code de la santé publique précise. En vertu de la loi, le consentement doit
exister jusqu’à l’issue du processus et, pour le vérifier, « les deux membres du couple dont
des embryons sont conservés, sont consultés chaque année par écrit sur le point de savoir
s’ils maintiennent leur projet parental »6. De la même manière, la loi exige que le couple à
l’origine du don d’embryon exprime clairement son consentement7, qui équivaut
consentement à une adoption prénatale que le juge recueille par écrit8. Cette exigence
traduit le souci de protection de l’intérêt actuel aussi bien que futur de l’enfant, mais aussi
celui des parents originaires qui doivent expressément manifester leur volonté de retrait.

1
Art. 311-20 al. 3 C. civ.
2
Cf. l’affaire Parpalaix à l’occasion de laquelle les juges ont admis la remise des paillettes de sperme du mari
décédé d’un cancer à sa veuve, qui n’a pour autant pas pu concevoir l’enfant. V. TGI Créteil, 1 er août 1984, JCP,
G, II, 1984, 20321, note S. CORONE. À la suite de cette affaire, le TGI de Toulouse, le 26 mars 1991, a refusé la
possibilité d’insémination artificielle post mortem d’une veuve. V. RTD civ., 1991, 310, obs. J. HAUSER; JCP, G,
II, 1992, 807, note P. PEDROT.
3
Article L. 2141-10 CSP.
4
Art. L. 2141-10 CSP, qui renvoie à l’article 311-20 al. 1er du Code civil.
5
V. DEPADT-SEBAG, « La place des tiers dans la conception d’un enfant né par AMP avec donneur : un secret
d’ordre public », D., 2011, chron. 350.
6
Art. L. 2141-3 al. 2 et 3 du CSP.
7
Art. L. 2141-5 du CSP.
8
Art. L. 2141-5 al. 2 du CSP.

460
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

§2) La volonté dans la naissance de l’enfant1

503. L’intérêt de l’enfant nié au stade fœtal. Selon un avis du Conseil consultatif
national d’éthique -rendu en 19892-, la congélation d’embryons, rendue nécessaire au vu de
« l’état de la science », constitue une solution temporaire de conservation des embryons
fécondés. Il était prévu, une fois les prouesses scientifiques au point, que le stock
d’embryons congelés serait supprimé. La réforme des lois bioéthiques en 2011 ayant
consacré la pratique de la congélation ovocytaire, la disparition progressive du nombre
d’embryons surnuméraires devait être l’objectif à poursuivre à moyen et long terme.
Pourtant, il coexiste toujours aujourd’hui, aux côtés du stock de congélation ovocytaire, un
stock d’embryons surnuméraires. Paradoxale, une telle situation révèle toute la complexité
liée à la prise en compte de l’intérêt de l’enfant lorsque les intérêts des adultes sont en
cause. Si l’enfant né est l’objet d’une protection internationale inédite, son
instrumentalisation demeure patente au stade fœtal3. À sa manipulation au stade
embryonnaire (A) fait écho son instrumentalisation voire, sa négation au profit de l’intérêt
des adultes (B).

A) L’enfant manipulé

504. La rupture de plus ? L’incertitude philosophique et biologique sur la question


du statut de l’embryon a nécessité une prise de position du droit pour déterminer si celui-ci
doit, ou non, être considéré comme une personne humaine. Si la convention d’Oviedo
n’apporte pas de réponse4 à cette question, la Cour européenne, en l’absence de consensus
juridique et scientifique, considère que les États parties disposent d’une marge
d’appréciation leur permettant de déterminer eux-mêmes son commencement5. N’ouvrant
pas davantage de perspectives, le droit français se contente de protéger la vie humaine,

1
J.-L. BAUDOIN, C. LABRUSSE-RIOU, Produire l’homme. De quel droit ?, PUF, 1987 ; X. LACROIX, « Un droit à
l’enfant ? », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., pp. 125-131 ; M. LEVINET, « La Convention
européenne des droits de l’homme et le droit d’avoir un enfant ? Observations sur la jurisprudence de la Cour de
Strasbourg », in Mariage-Conjugalité, Parenté-Parentalité, op. cit., pp. 133-142 ; P. RAYNAUD, « L »enfant
peut-il être objet de droit ? », D., 1988, chron. 109 ; M.-T. MEULDERS-KLEIN, « Le droit de l’enfant face au droit
à l’enfant », RTD civ., 1988, n° 4, p. 663.
2
CCNE, avis n° 18, État des études conduites par le Comité concernant les dons de gamètes et d’embryons, 15
décembre 1989.
3
V. en ce sens A. BERTRAND-MIRKOVIC, La notion de personne. Étude visant à clarifier le statut de l’enfant à
naître, Aix-Marseille, PUAM, 2003.
4
L’article 18 de cette Convention dispose que « Lorsque la recherche sur les embryons in vitro est admise par la
loi, celle-ci assure une protection adéquate de l’embryon. La constitution d’embryons humains aux fins de
recherche est interdite ».
5
CEDH, 8 juil. 2004, Vo c/ France, D., 2004, chron. E. SERVERIN, note J. PRADEL, p. 2801 ; JCP, G, II, 2004,
note M. LEVINET, p. 10158 ; RTD civ., 2004, note J.-P. MARGUENAUD, p. 799.

461
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

laissant entière la question de son commencement. Un tel mutisme a favorisé l’essor des
techniques médicales de procréation assistée, que le droit français semble encourager (1)
en dehors de toute réflexion globale sur les enjeux qu’elles soulèvent. Les pays du
Maghreb ne se montrent pas moins friands de telles techniques, mais les législateurs
subordonnent la science médicale au respect de l’ordre social et moral tel qu’établi (2).

1- En droit français

505. Variété des techniques favorisant la procréation. Parmi les techniques


aujourd’hui admises et réglementées par le législateur, la procréation médicalement
assistée (AMP) permet à un couple en mal d’enfants de contourner1 une infertilité
médicalement constatée (α), qui peut justifier le recours à un don anonyme de gamète si
besoin est (β). Moralement discutable, cette possibilité permet à un couple de concrétiser
son projet parental malgré le débat qui mériterait d’être posé du point de vue de l’accès aux
origines de l’enfant ainsi conçu2. La gestation pour autrui constitue une alternative
autorisée dans certains pays, dont les effets en France favorisent une remise en cause de
l’interdit posé (Ω).

α)Le préalable à l’insémination : l’apport de gamètes

506. L’approche erronée en termes de don. L’utilisation du terme « don » pour


qualifier l’acte accompli par un individu au profit d’un autre pour pallier à une défaillance
corporelle est hautement symbolique3. Si le donneur4 accomplit le don au profit d’un
couple composé d’un homme et une femme qui partagent un désir d’enfant, c’est bien en
raison d’une défaillance corporelle. Le recours au donneur permet au couple de concrétiser
un projet en l’entourant d’une vraisemblance, que la filiation de l’enfant ultérieurement
établie à leur égard viendra corroborer. Loin de satisfaire un simple désir, le don intervient
en substitution à une contrariété biologique empêchant le processus naturel de procréation
d’être correctement mené. Ce n’est donc pas l’intérêt supérieur de l’enfant qui le dicte mais

1
A. MIRKOVIC, « L’accès à l’assistance médicale à la procréation : quelles modalités ? », Arch. philo. dr., 2014,
t. 57, pp. 445-463, spec. n° 2.
2
V. infra, n° 542 et 543.
3
Sur l’ensemble de la question, V. : A. ANDORNO, « Les droits nationaux européens face à la procréation
médicalement assistée : la primauté de la technique ou primauté de la personne ? », RIDC, 1994, n° 1, p. 141; J.
HAUSER, « L’enfant et la famille : de l’hexagone à l’ensemble vide ? Éloge du compromis », LPA, 7 août 1995,
n° 94, p. 7. C. LABRUSSE-RIOU, « L’anonymat du donneur : étude critique du droit positif français », in Le droit,
la médecine et l’être humain, Aix-en-provence, PUAM, 1996, pp. 81-108 ; H. GAUMONT-PRAT, « Le principe de
l’anonymat dans l’assistance médicale à la procréation et la révision des lois bioéthiques », Rev. dr. fam., 2001,
n° 1, chron. n° 2, pp. 11-16 ;V. DEPADT-SEBAG, « Le don de gamètes dans les procréations médicalement
assistées : d’un anonymat imposé à une transparence autorisée », D., 2004, chron. p. 891-897; C.-M. MAZZONI,
« Le don, c’est le drame (Le don anonyme, le don despotique), RTD civ., 2004, pp. 701-712.
4
C. NEIRINCK, « L’assistance médicale à la procréation », in Parenté, filiation, origines. Le droit et
l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 273-283.

462
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

bel et bien le désir du couple de devenir parent. C’est pourquoi la question mériterait
davantage d’être posée sous l’angle de l’apport de gamètes, l’ovocyte1 ou le spermatozoïde
étant dépersonnalisé pour ne constituer que ce « matériau biologique » à destination du
couple. Pour autant, le choix du législateur s’est porté sur le terme de « don » afin de lui
permettre une meilleure intégration « dans cette relation qui porte le désir de l’enfant,
c’est-à-dire d’une certaine manière à se faire oublier. Il a été conçu comme s’intégrant
d’une manière vraisemblable dans une cohérence de ce désir, dans une cohérence de
l’enfantement »2, car la vraisemblance et la crédibilité sont le fondement de la filiation. Cet
apport est ensuite anonyme et gratuit. Or, seul le don est en réalité gratuit, à l’exclusion de
sa réception. Bien qu’admis aujourd’hui en droit, l’opportunité de l’apport de gamètes est
toujours discutée car les conséquences qu’il emporte sont considérables.
507. L’impossible dépersonnalisation du don3. Le don de gamètes4 consiste en
l’apport par un tiers de spermatozoïdes ou d’ovocytes en vue d’une assistance médicale à
la procréation (AMP)5. Il s’agit d’une entorse au principe de l’indisponibilité du corps
humain prévue à l’article 16 du Code civil. Initialement pratiquée clandestinement -
l’insémination avec tiers donneur était contraire à l’ordre social et moral- son insertion
dans le circuit médical dès 1973 lui permit d’acquérir une certaine légitimité. De la même
manière, le secret médical l’entourant et l’anonymat du don à la banque de sperme ont
favorisé son appréhension comme « matériau biologique », rompant avec l’idée d’acte
sexuel hors-mariage. L’effacement social consécutif du donneur constituerait un gage de la
paix des familles et assurerait au couple d’intention la parentalité souhaitée. Bien que
présenté comme étant un acte généreux et altruiste, l’apport de gamètes n’est pourtant pas

1
Encore convient-il de souligner que le don d’ovocytes s’inscrit rarement dans une démarche altruiste, mais
davantage dans une démarche relationnelle et affective (en France où il est gratuit en tous cas) en raison du
prélèvement des ovocytes sur la donneuse à l’issue d’un processus médical lourd, non dénué d’effets
secondaires. Dans un premier temps, la donneuse doit se soumettre à un traitement afin de bloquer ses ovaires.
Ce traitement est suivi d’injections quotidiennes destinées à les stimuler afin de produire plus d’ovocytes que la
nature ne le permet en une seule fois. Outre que ce traitement peut provoquer le syndrome de l’hyperstimulation
ovarienne dont les conséquences sont graves, ce don d’ovocytes nécessite toujours une intervention chirurgicale
et porte directement atteinte au capital ovocytaire, lequel est prédéfini. L’information des femmes sur le
processus même du prélèvement d’ovocyte n’a été rendu obligatoire qu’à partir de 2004, la femme devant être
informée des « conditions de la stimulation ovarienne et du prélèvement ovocytaire, des risques et des
contraintes liés à cette technique ».
2
C. FLAVIGNY, « Don de gamètes et psychologie », in Le don de gamètes, Actes du colloque organisé par le
Centre Léon DUGUIT de l’Université d’Évry le 13 décembre 2012 et actualisés au 1er décembre 2014, Bruxelles,
Bruylant, 2014, p. 47.
3
V. sur la question : C. LABRUSSE-RIOU, « L’anonymat du donneur : étude critique du droit positif français », in
Le droit, la médecine et l’être humain, Aix-en-provence, PUAM, 1996, pp. 81-108 ; H. GAUMONT-PRAT, « Le
principe de l’anonymat dans l’assistance médicale à la procréation et la révision des lois bioéthiques », Rev. dr.
fam., 2001, n° 1, chron. n° 2, pp. 11-16; V. DEPADT-SEBAG, « Le don de gamètes dans les procréations
médicalement assistées : d’un anonymat imposé à une transparence autorisée », D., 2004, chron. p. 891-897; C.-
M. MAZZONI, « Le don, c’est le drame (Le don anonyme, le don despotique), RTD civ., 2004, pp. 701-712.
4
Aux articles L. 1244-1 à l’article L. 1244-9 du CSP.
5
Art. L. 1244-1 CSP.

463
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

anodin. « Donner ses gamètes n’est pas équivalent à donner son sang ou ses plaquettes » 1 a
pu rétorquer un auteur. Le donneur prend une place incontournable dans la conception d’un
enfant et constitue à ce titre « un tiers invasif, de par sa seule existence. Il existe comme
tel, donneur, en marge de la filiation qu’il a contribué à rendre possible et sa place peut se
révéler problématique »2, bien que le droit veille à son effacement3.
508. Le maintien controversé de l’anonymat. La question relative au maintien ou
non de l’anonymat du donneur de gamètes n’a, à aucun moment, été remise en cause
depuis sa légalisation4. C’est pourquoi une partie de la doctrine5 continue de réfléchir sur la
légitimité même de cet acte, le débat n’ayant tout simplement jamais eu lieu 6. Pour
Madame Aude MIRKOVIC, le maître mot dans un tel contexte est la prudence, car les enjeux
humains en cause sont de taille. L’enfant sachant qu’il est issu d’un don de gamète peut
chercher à savoir qui est son parent biologique 7. Si le projet de loi initial -à l’occasion des
débats en 2011- prévoyait la levée de l’anonymat à la demande de l’enfant8 et sous réserve
du consentement exprès du ou des donneurs9, son maintien10 en deuxième lecture est
apparu tel ce « mal nécessaire »11 qui entraînerait plus de difficultés12 qu’il n’en résoudrait.

1
A. MIRKOVIC, « Repenser le don de gamètes », in Le don de gamètes, Actes du colloque organisé par le Centre
Léon DUGUIT de l’Université d’Évry le 13 décembre 2012 et actualisés au 1 er décembre 2014, Bruxelles,
Bruylant, 2014, p. 8.
2
Ibidem., pp. 19-20.
3
A. MIRKOVIC, « La part de la biologie dans la filiation », in Le don de gamète, op. cit., pp. 121-132, spec.
p. 121. Ainsi que le souligne l’auteur, « (…) si la biologie est partie prenante de la filiation, ses exigences
définissent un cadre à l’intérieur duquel la volonté, individuelle ou collective, peut s’exercer, mais non au-delà.
Au contraire, si la biologie ne joue en matière de filiation qu’un rôle résiduel voire inexistant, il est possible de
s’affranchir de ses exigences et même d’aller à leur encontre pour définir la filiation et, concrètement, désigner
les parents d’un enfant ».
4
Dans un premier temps par la loi n° 91-1406 du 31 décembre 1991 (art. 3) portant diverses dispositions d’ordre
social, puis par les lois bioéthiques du 29 juillet 1994.
5
Une analyse de l’opportunité de légaliser un tel acte aurait dû être effectuée à la lumière des impératifs de
justice. En effet, « le public et les juristes ont été conditionnés à penser que la légitimité, et par conséquent la
licéité du don de gamètes, n’était plus ouverte à un questionnement éthico-juridique. Restait dès lors à s’adresser
au droit pour obtenir de lui des modèles processuels de gestion. En focalisant le débat sur le “comment”, on a
ainsi véritablement oublié le “pourquoi”. La science a agi comme si les seules véritables difficultés étaient de
nature technique ». Cf. J.-L. BAUDOIN, C. LABRUSSSE-RIOU, Produire l’homme, de quel droit ? Étude juridique
et éthique des procréations artificielles, Paris, PUF, 1987, p. 195.
6
A. MIRKOVIC, « Repenser le don de gamètes », art. precit., pp. 7-20.
7
A. BATTEUR, « Secrets autour de la conception de l’enfant (Étude de droit civil) », in Mélanges en l’honneur de
Philippe MALAURIE, Liber amicorum, Paris, Defrénois, 2005, pp. 15-50.
8
Ce qui aurait créé une discrimination entre enfants entre ceux ayant accès à leurs origines et ceux qui ne le
pouvaient pas en raison du refus opposé par leur donneur. En ce sens : C. BRUNETTI-PONS, « Existe-t-il un droit
de connaître ses origines ? », art. precit., pp. 85-112.
9
Art. 14 du texte n° 2911, 20 oct. 2010.
10
Après nombre de navettes : la mesure a été supprimée à l’Assemblée nationale dès l’examen par la
commission spéciale le 26 janvier 2011 (Texte n° 3111). Rétablie au Sénat par la commission des affaires
sociales (Texte n° 389, 30 mars 2011), elle fut à nouveau supprimée (Texte n° 95, 8 avr. 2011).
11
B. RENAUD, « Anonymat, un mal nécessaire », JCP, N, 2000, p. 919.
12
Quid de la nature du lien entre le donneur et l’enfant ? Mais surtout de la place de l’enfant dans la famille du
donneur que de la place de ce dernier dans la famille de l’enfant ?

464
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Le rapport remis par Madame le professeur Irène THERY préconise néanmoins de «


permettre à toute personne issue d’un engendrement avec tiers donneur (gamètes,
embryons), réalisé dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation qui en fait la
demande, de se voir délivrer l’identité de son donneur à sa majorité ; pour cela, (il
convient) de modifier l’article 311-19, alinéa 3 : La personne majeure issue de la
procréation peut se voir délivrer à sa demande l’identité de son ou ses donneurs. Le
CNAOP est seul habilité à obtenir celle-ci auprès de l’organisme chargé de la préserver. -
Une telle demande étant de plein droit, elle n’aura pas à être assortie de justifications »1. La
rencontre à proprement dite avec le donneur serait en revanche subordonnée à l’accord du
géniteur. Il apparaît bien que la controverse liée au don se trouve rapidement rattrapée par
la problématique identitaire2, elle-même alimentée par la question du droit d’accès aux
origines3. Pour autant de raisons, la signification de cet apport mériterait d’être
profondément réfléchie, car elle revient à priver délibérément un enfant du fondement
biologique de sa filiation4, aussi bonnes soient les intentions5.
509. La généralisation contestable de la possibilité du don. La révision des lois
bioéthiques en 2011 abandonne l’exigence de procréation6 préalable du donneur pour

1
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de
responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre délégué chargé de la Famille,
p. 236.
2
V. infra, n° 542.
3
Sur ce point, cf. l’arrêt rendu par le Conseil d’État, lequel refusait au profit d’un enfant né d’une insémination
avec tiers donneur d’accéder à diverses informations le concernant. CE, 10ème et 9ème sect., 12 nov. 2015,
n° 372121; Rev. dr. fam., 2016, étude 1, J.-R. BINET.
4
A. MIRKOVIC, « Le préjudice résultant pour l’enfant du don de gamètes », in Mélanges en l’honneur du
professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 597-612.
5
Par ailleurs, si l’on songe aux dérives auxquelles peut mener le don de gamète dans certains États « plus
avancés », la finalité de l’acte s’en trouve profondément altérée lorsqu’il est animé par une finalité purement
altruiste. Monsieur Jacques TESTART dans son ouvrage Faire des enfants demain explique comment cette
pratique, aux États-Unis notamment, passe par des accords privés avec les patients, peut prendre des allures
d’exploitation de la souffrance féminine. En effet, certaines cliniques proposent de concevoir des embryons à
partir de gamètes « donnés », lesquels seront transférés à moindre coût dans l’utérus de patientes qui
accepteraient, telle une promotion, un enfant qui leur sera totalement étranger. Dans certaines cliniques, il est
remédié à la rareté d’ovules « en recrutant des donneuses volontaires parmi les femmes devant subir une
hystérectomie (ablation de l’utérus), cette intervention étant alors offerte gracieusement en échange du don des
ovaires, dûment stimulés pour délivrer de nombreux ovules... ». Lorsque l’on songe à la place faite à la volonté
individuelle, il n’est pas certain que dans de telles conditions, ce fondement soit à même de permettre l’accès au
bonheur, davantage qu’il ne fait la place à la servilité du corps de la femme. J. TESTART, Faire des enfants
demain, éd. du Seuil, 2014, pp. 42-43.
6
Art. L. 1244-2 al. 3 CSP. Cf. le décret d’application de cette mesure n° 2015-1281 du 13 oct. 2015, complété
par l’arrêté du 24 déc. 2015 pris en application de l’art. L. 2141-1 CSP et modifiant l’arrêté du 3 août 2010, lui-
même modifiant l’arrêté du 11 avr. 2008 relatif aux règles de bonnes pratiques cliniques et biologiques
d’assistance médicale à la procréation. L’arrêté du 24 décembre 2015 pose des restrictions à l’autoconservation
des gamètes, qui demeurent tributaires du don. Au terme de celui-ci, les cinq premiers ovocytes matures prélevés
doivent nécessairement être destinés au don. Ce n’est qu’au-delà de cinq ovocytes matures prélevés qu’une
partie n’excédant pas la moitié peut être conservée au profit de la donneuse. Concernant le don de sperme, un
recueil au profit du donneur est possible au-delà de trois recueils destinés au don.

465
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

favoriser le don par des personnes plus jeunes1. Si la condition liée à l’âge a été maintenue
jusqu’à cette date, il a depuis été argué que plus l’âge du donneur d’ovocytes était élevé,
moins bonne était la qualité du don. L’âge moyen de conception du premier enfant se
situant à la trentaine en France, ce donné élevait d’autant l’âge des donneurs potentiels de
gamètes. La généralisation de la possibilité du don 2 demeure néanmoins critiquable car elle
incite à la compassion envers les couples non procréateurs, abstraction faite des
conséquences humaines qui pourront en découler sur les enfants à naître et peu important
qu’ils aient procréés ou pas. Il convient à cet égard de signaler l’adoption du décret du 4
mars 2016 relatif à l’assistance médicale à la procréation, qui transpose les directives
européennes3 en la matière et complète les règles déjà existantes 4. Outre la prise en compte
accrue de la situation médicale des donneurs, les dispositions européennes facilitent la
traçabilité des prélèvements de tissus et cellules distribuées dans l’Union. Il est établi à
cette fin un identifiant appelé « code européen unique », et le décret prévoit que
l’attribution de ce code sera réalisée par les centres agréés qui procèderont également à
l’anonymisation des dossiers du couple à l’origine de la conception. Cette notion
d’anonymisation s’ajoute à l’exigence de confidentialité préalable, déjà de mise en droit
interne. Le critère de sécurité des informations établissant un lien entre le couple à
l’origine de la conception des embryons et les enfants à naître est renforcé, les données
étant conservées pour une durée minimale de quatre ans.
510. La conventionnalité du don de gamète tributaire du consensus européen.
Saisie de la question relative à la conventionnalité de l’apport de gamètes à l’occasion
d’une affaire mettant en cause l’Autriche5, la Cour considère que l’interdit posé par un État
du recours au don de gamète hétérologue ne viole pas l’article 8 de la Convention,
applicable aux questions relevant du droit d’accès aux procréations médicalement
assistées. Le raisonnement de la Cour repose sur l’idée que pour de telles questions
sensibles, relevant de l’éthique et de la morale, l’absence de consensus permet aux États
signataires de la Convention de conserver une marge d’appréciation nationale6, tout en

1
À l’occasion d’un don d’ovocytes, la conservation des ovocytes est proposée aux femmes n’ayant pas encore
procréé (en dehors de toute prise en charge thérapeutique). Cette mesure s’inscrit donc bien dans un mouvement
d’incitation au don, dans un contexte de déficit de gamètes.
2
V. en ce sens l’initiative prise par Apple et Facebook qui proposent à leurs salariées la prise en charge des frais
inhérents au prélèvement et à la conservation de leurs ovocytes en vue d’une grossesse ultérieure, afin que celle-
ci ne constitue pas un frein à leur carrière : C. DUNAND, « Apple et Facebook veulent aider leurs salariées à
vitrifier leurs ovocytes », Les Échos, 14 oct. 2014.
3
Directive (UE) 2015/565 de la commission du 8 avril 2015 modifiant la directive 2006/86/CE en ce qui
concerne certaines exigences techniques relatives à la codification des tissus et cellules d’origine humaine.
4
D. n° 2016-273 du 4 mars 2016 relatif à l’assistance médical à la procréation, pris en application de l’article
155 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé, J.O, 6 mars 2016.
5
CEDH, 3 nov. 2011, S. H. et autres c/ Autriche, n° 57813/00, AJ fam., 2011, obs. A. MIRKOVIC, p. 608 ; D.,
2011, p. 2870 ; D., 2012, obs. H. GAUDEMET-TALLON, F. JAULT-SESEKE, p. 1228.
6
V. néanmoins dans un premier temps, ayant jugé le refus du don hétérologue discriminatoire : CEDH, 1ère sect.,
er
1 avr. 2010, S. H. et autres c/ Autriche, RTD civ., 2010, J.-P. MARGUENAUD, p. 292 ; même revue, J. HAUSER,
p. 774.

466
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

insistant sur le fait que « les préoccupations fondées sur des considérations morales ou sur
l’acceptabilité sociale ne sont pas en elles-mêmes des raisons suffisantes pour une
interdiction totale d’une technique spécifique (…) » . La Cour procède à une appréciation
de la proportionnalité de la restriction au regard des pratiques médicales admises, pour
relever que la législation autrichienne « marque le soin et la circonspection avec lesquels
le législateur autrichien a cherché à concilier les réalités sociales avec les positions de
principe en la matière »1, et qu’elle ne viole ni l’article 8 ni l’article 14 de la Convention.
La prohibition par l’Autriche du don de gamète hétérologue n’est donc pas constitutive
d’une discrimination au sens de l’article 14 de la Convention, compte tenu de l’absence de
consensus européen suffisamment solide sur la question. La Cour souligne toutefois
l’importance qu’elle accorde au réexamen approfondi2 que doivent périodiquement réaliser
les États sur des questions auxquelles la science apporte régulièrement un éclairage
nouveau3. À cet égard, le législateur français, ayant fait le choix d’un réexamen
automatique des lois bioéthiques s’inscrit dans cette volonté d’assurer au mieux la
concordance entre la législation en cours et l’évolution de la science.

β)La procréation médicalement assistée (AMP)

511. L’AMP envisagée sous l’angle médical. Que ce soit en 19944 à l’occasion de
l’adoption des lois bioéthiques ou à l’occasion de leur révision en 2011, le législateur a
insisté sur le caractère pathologique du recours à l’AMP. Il a donc inscrit son intervention
dans une logique de compromis « entre l’affirmation de règles éthiques visant à garantir le
respect de la personne et la nécessité de ne pas faire obstacle aux progrès scientifiques
susceptibles de faire reculer la maladie et la souffrance »5. L’encadrement est en
conséquence tourné vers l’infertilité pathologique d’un couple hétérosexuel -mais pour
combien de temps ?- par définition procréateur6. Or, la finalité thérapeutique ainsi que
l’exigence d’une altérité sexuelle présentent l’inconvénient d’être évolutifs dans une
société où le droit doit « s’adapter sans cesse à l’évolution et aux progrès des sciences et

1
§ 114.
2
Sur ce point, cf. X. BIOY, « La Cour européenne des droits de l’homme et l’assistance médicale à la
procréation. Jusqu’où ne pas aller trop loin ? », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris,
LexisNexis, 2015, pp. 429-442, spec. pp. 437-442.
3
§ 115.
4
L. n° 1994-653 et 1994-654 du 29 juillet 1994 relative au don et à l’utilisation des produits du corps humain, à
l’assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal (J.O, 30 juillet 1994), modifiés par la loi n° 2004-
800 du 6 août 2004 puis par la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011. Cf. Lois bioéthiques : réexamen, enjeux et
débats, La Documentation française, 2009 ; La révision des lois bioéthiques, Étude du Conseil d’État, la
Documentation française, 2009 ; J. LEONETTi, Rapport de la mission d’information et de révision des lois
bioéthiques, Rapport Ass. nat. n° 2235, 2010.
5
H. GAUMONT-PRAT, « Les enjeux éthiques et juridiques de l’évolution de l’assistance médicale à la
procréation », in Mots de science, Mélanges en l’honneur de Nicole M. LE DOUARIN, Bruxelles, Bruylant, 2011,
p. 41.
6
Ibid., p. 41.

467
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

techniques biomédicales »1, particulièrement à l’entrée en vigueur du mariage entre


personnes de même sexe et compte tenu du dynamisme interprétatif de la Cour
européenne.
512. Le projet parental protégé par le CEDH au titre de la vie privée et
familiale. Sur cette question, la Cour européenne privilégie davantage une approche
civiliste que médicale des techniques médicales de procréation2. La Cour européenne
reconnaît que le droit pour un couple de concevoir un enfant par le recours à l’AMP 3 relève
du champ d’application de l’article 8 de la Convention 4. Les restrictions d’accès aux
techniques médicales favorisant la procréation peuvent, dans certains cas, conduire à une
violation de l’article 8. Usant de son dynamisme interprétatif, la Cour européenne a pu
reconnaître, à l’occasion de l’arrêt Dickson c/ Royaume-Uni, la possibilité pour l’épouse
d’un détenu de se faire inséminer artificiellement, consacrant ainsi le droit au respect de la
décision de devenir parent5. La même année, elle reconnaît également le droit au respect de
la décision de ne pas devenir parent6, avant de reconnaître, à l’occasion d’une affaire
mettant en cause l’Autriche, un véritable droit au profit du couple en tant que destinataire
de droits, la possibilité de concevoir un enfant par le recours à la PMA 7.
513. L’approche en termes de droits fondamentaux8 par la CEDH. Élargissant
encore plus le champ de cet article en usant de son dynamisme interprétatif, la Cour
européenne ira même jusqu’à considérer que l’accès à l’enfant ouvrirait le droit au couple
de recourir aux procréations médicalement assistées, mais que pour procréer un enfant
sain, ceux-ci devraient pouvoir bénéficier du diagnostic pré-implantatoire9. L’interdiction
faite par l’État italien aux requérants de bénéficier d’une AMP et d’un diagnostic pré-
implantatoire constitue dès lors une ingérence injustifiée dans le droit au respect de la vie

1
Y. BUFFELAN-LANORE, V. LARRIBAU-TERNEYRE, Droit civil, Introduction, Biens, Personnes, Famille, Paris,
Sirey, 17ème éd., 2011, p. 753.
2
En ce sens: X. BIOY, « La Cour européenne des droits de l’homme et l’assistance médicale à la procréation.
Jusqu’où ne pas aller trop loin ? », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire Neirinck, Paris, LexisNexis,
2015, pp. 429-442.
3
X. BIOY, « La Cour européenne des droits de l’homme et l’assistance médicale à la procréation. Jusqu’où ne
pas aller trop loin ? », art. precit., spec. p. 433.
4
CEDH, 1er avr. 2010, 1ère sect., n° 57813/00 S. H. et a. c/ Autriche, RTD civ., 2010, obs. J.-P. MARGUENAUD,
même revue J. HAUSER, p. 774.
5
CEDH, 4 déc. 2007, Dickson c/ Royaume-Uni, n° 44362/04, D., 2008, obs. J.-C. GALLOUX, H. GAUMONT-
PRAT, RTD civ., 2008, obs. J. HAUSER, p. 272.
6
CEDH, 10 avr. 2007, Evans c/ Royaume-Uni, n° 6339/05, D., 2007, obs. C. DELAPORTE-CARRE, même revue,
2008, obs. J.-C. GALLOUX, H. GAUMONT-PRAT ; RTD civ., 2007, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 295 ; même revue,
obs. J. HAUSER, p. 545.
7
CEDH, 1ère sect., 1er avr. 2010, S. H. et autres c/ Autriche, RTD civ., 2010, J.-P. MARGUENAUD, p. 292 ; même
revue, J. HAUSER, p. 774 .
8
P. MURAT, « Enjeu de structures sociales ou logique de droits fondamentaux ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57,
pp. 285-300.
9
CEDH, 28 août 2012, Costa et Pavan c/ Italie, n° 54270/10, AJ fam., 2012, note A. DIONISI-PEYRUSSE, p. 552.

468
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

privée tel que protégé à l’article 8 de la Convention 1. Bien qu’elle soit prévue par la loi et
qu’elle poursuive un but légitime, se posait néanmoins la question de sa nécessité au sein
d’une société démocratique, particulièrement au regard de la question de sa
proportionnalité à la lumière de ce que permet la législation italienne en matière
d’interruption médicale de grossesse. Les règles italiennes, parce qu’elles autorisent le
diagnostic pré-implantatoire tout en autorisant l’avortement du fœtus atteint d’une maladie
incurable révèlent une incohérence aux yeux de la Cour2. L’arrêt Knecht c/ Roumanie3 a
confirmé la conception qu’a la Cour du droit de constituer une famille, complément
indispensable du droit de mener une vie familiale normale, support du droit de nouer des
relations personnelles et élément indissociable de l’autonomie personnelle telle
qu’appréhendée par les juges strasbourgeois.
514. Vers la remise en cause de la logique médicale de l’AMP4. Il est fort
probable que la loi autorisant le mariage entre personnes de même sexe contribue à
« l’effondrement »5 de l’économie générale des lois bioéthiques. Une proposition de loi6
déposée concomitamment le 7 mai 2014 à l’Assemblée nationale et au Sénat, dont l’objet
est l’accès égalitaire pour toutes aux techniques d’assistance médicale à la procréation, y
œuvre déjà. Les parlementaires à l’origine de la proposition arguent de ce qu’un couple
hétérosexuel ayant recours à de telles techniques de procréation médicalement assistée y a
recours en raison de son incapacité à avoir des enfants. À partir de la finalité qu’est l’accès
à l’enfant, le raccourci est opéré au profit des couples de lesbiennes qui n’auraient pas à
établir la pathologie d’origine médicale. Si la proposition de loi aboutit, le sens profond de
l’AMP serait bouleversé. La finalité curative originelle cèderait devant la possibilité
d’obtenir un enfant sur simple volonté7. L’exposé des motifs de la proposition de loi
affirme qu’ « il ne s’agit pas ici de questions éthiques ou morales comme celles que peut
soulever la gestation pour autrui, il s’agit uniquement de réaffirmer le principe d’égalité
entre tous les couples et de protéger les intérêts de l’enfant ». Or, la portée de cette égalité
est douteuse si l’on songe qu’un couple de femmes aurait désormais la possibilité
d’accéder à l’enfant, tandis que les couples d’hommes ne pourront pas recourir à la

1
Dans le même sens : CEDH, 24 juin 2014, A.K c/ Lettonie, n° 33011/08.
2
V. néanmoins M. DOUCHY-OUDOT, « Le recours à la procréation médicalement assistée et le sort des embryons
humains, une partition à quatre mains », La lettre d’Italie, 2015, n° 6, pp. 14-17. Pour l’auteur, si l’interdit du
don d’embryons aux fins de recherches est justifié au plan moral, le critère tiré de l’incohérence de la législation
italienne qui autorise l’importation de cellules staminales au profit de la recherche scientifique en Italie, n’est
pour autant pas contradictoire si l’on admet, au plan scientifique, que le potentiel de viabilité demeure tributaire
de l’implantation.
3
CEDH, 2 oct. 2012, n° 10048/10.
4
Rapp. d’une éventuelle levée de l’interdit de la GPA, V. infra, n° 518.
5
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit
de la famille », in Mélanges en l’honneur du professeur Raymond LE GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, p. 780.
6
Prop. loi Ass. nat., n° 1979 et Sénat n° 517 relative à l’accès égalitaire pour toutes aux techniques d’assistance
médicale à la procréation.
7
C. NEIRINCK, « Question civile ou enjeu médical ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 301-314.

469
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

gestation pour autrui1. Avec cette loi surtout, l’AMP ne pourrait plus être uniquement
réservée aux seules femmes homosexuelles mariées, mais permettrait à toutes les femmes,
seules ou non, de devenir mères dès qu’elles le souhaiteraient2. Or, une telle libéralisation
n’est pas sans soulever de nombreuses problématiques, dont la question du don. Convient-
il de rappeler à cet égard que le législateur a déjà balisé le chemin en vue de permettre à
toute personne n’ayant pas encore procréé de faire don de ses gamètes en toute gratuité, en
contrepartie de quoi elle bénéficie d’une conservation de ceux-ci en vue d’une ultérieure
fécondation. Autant de mesures ne peuvent être dues à une simple coïncidence des textes,
mais témoigne bien d’un processus d’ensemble.

Ω) La gestation pour autrui

515. L’admission minoritaire3 de la pratique des mères porteuses 4. Lorsque la


maternité de substitution est pratiquée dans un pays qui l’autorise ou la réglemente, l’acte
de l’état civil de l’enfant ainsi né peut indiquer le nom des époux comme père et mère. Tel
est notamment le cas, sur le continent européen, des législations grecque5 et britannique6.
Dès 1985, tout contrat conclu à titre privé et moyennant finance est interdit. Le Royaume-
Uni encadre très rigoureusement ce procédé ouvert aux seules personnes mariées. La
particularité anglaise prévoit néanmoins la possibilité pour la mère porteuse -aussi mère
légale7- de garder l’enfant initialement conçu avec les gamètes du couple d’intention. La

1
V. ÉGEA, « Vers une ouverture de la PMA aux couples de femmes ? », Rev. dr. fam., juil. 2014, alerte 32.
2
Cf. la proposition de loi n° 517 relative à l’accès égalitaire pour touts aux techniques d’assistance à la
procréation, enregistrée à la présidence du Sénat le 7 mai 2014, et à l’Assemblée nationale le 28 mai 2014,
n° 1979, renvoyée à la commission des affaires sociales.
3
Que ce soit en France (art. 16-7), en Allemagne (art. 1, alinéa 7 Embryonenschutzgesezt), en Espagne (art. 10,
loi n° 35/1998) en Suède (interdiction indirecte dans la mesure où il est prévu que l’ovocyte doit appartenir à la
femme et que le sperme doit être celui du mari ou du compagnon vivant sous le même toit : art. 2, alinéa 3 de la
loi n° 711/1988), en Suisse (art. 31, loi du 18 déc. 1998) ou en Italie (art. 12, alinéa 6), la gestation pour autrui
est prohibée. Les lois anglaise et grecque demeurent des exceptions européennes. Cf. F. GRANET-LAMBRECHTS,
« Maternités de substitution, filiation et état civil. Panorama de droit européen », Rev. dr. fam., 2007, étude 34.
4
Concernant la mise en œuvre de cette pratique, cf. C. ATIAS, « Le contrat de substitution de mère porteuse »,
D., 1986, p. 67; J. RUBELLIN-DEVICHI, « La gestation pour le compte d’autrui », RTD civ., 1985, p. 147. Sur les
problématiques soulevées par la gestation pour autrui, V. notamment : M. FABRE-MAGNAN, La gestation pour
autrui, Fictions et réalité, Paris, Fayard, 2013 ; A. MIRKOVIC, PMA, GPA, La controverse juridique, Paris, éd.
Téqui, 2014.
5
L. n° 3089 du 19 déc. 2002 qui a ajouté dans le Code civil les articles 1455 à 1460 et modifié les articles 1461 à
1484 concernant la parenté. Cette loi a été complétée par L. n° 3305-2005 du 27 janv. 2005 sur la mise en oeuvre
des méthodes de reproduction médicalement assistée, entrée en vigueur le 27 février 2005.
6
L. du 16 juil. 1985 relative à la maternité de substitution (Surrogacy Arrangements Act, 1985) et la loi du 1er
nov. 1990 relative à la fécondation et à l’embryologie humaine (Human Fertilisation and Embryology
Act, 1990).
7
En droit anglais, il est tenu compte de la réalité de l’engendrement, c’est pourquoi la mère légale est celle qui
accouche. Un parental order (décision judiciaire) permettra au couple commanditaire le rattachement de l’enfant
à leur profit afin d’être les parents juridiques. Néanmoins, l’acte de naissance de l’enfant indiquera toujours le
nom de la mère porteuse l’ayant mis au monde. Le droit anglais dissocie donc l’accouchement de la mère et
l’établissement de la filiation à son égard, des effets parentaux qui sont totalement transférés au couple

470
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

législation grecque admet la pratique des mères porteuses par un couple non marié 1. Elle
suppose néanmoins une autorisation judiciaire qui permet de vérifier l’absence de
contrepartie financière et le consentement des parents d’intention. Une limite d’âge -portée
à cinquante ans- est requise tant pour la mère porteuse que pour la mère d’intention. Que
ce soit pour l’une ou l’autre des législations, la condition de résidence d’au moins un
membre du couple est exigée afin d’éviter le tourisme procréatif. Malgré ces nombreuses
garanties, la majorité des États européens ne semblent pour l’heure, pas l’admettre2.
516. Le choix de la retenue (défaveur ?) du droit de l’Union. Saisie par voie de
question préjudicielle par deux juridictions -britannique et irlandaise-, la Cour de justice de
l’Union européenne3 s’est prononcée sur la question de savoir si le refus d’accorder un
congé payé équivalent à un congé de maternité ou d’adoption lorsqu’il a été fait recours à
une mère porteuse était conforme à la directive 92/85/CEE du Conseil du 19 octobre
19924, ainsi qu’à la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet
20065. À cette question, la Cour a considéré qu’il ne lui appartenait pas de se substituer au
législateur de l’Union européenne en s’engageant dans une interprétation constructive des
directives en cause6. Les États membres ne sont donc pas tenus d’accorder un tel congé à la
mère d’intention. Dans sa résolution du 17 décembre 20157, le Parlement européen a
condamné cette pratique comme allant « à l’encontre de la dignité humaine de la femme,
dont le corps et les fonctions reproductives sont utilisés comme des marchandises (…) ».
Exploitant « les fonctions reproductives et le corps des femmes, notamment des femmes
vulnérables dans les pays en développement, (…) à des fins financières ou pour d’autres
gains », elle doit être non seulement interdite et « examinée en priorité dans le cadre des
instruments de défense des droits de l’homme »8.

d’intention. En ce sens, cf. L. MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, Thèse, Paris
II, 2013.
1
En vertu de l’article 1456 § 1, b, le concubin doit exprimer par acte notarié son consentement à l’assistance
médicale à la procréation réalisée grâce à une mère porteuse, ce qui vaut reconnaissance volontaire de paternité.
2
Cf. toutefois le rapport d’information du Sénat n° 421, favorable à une ouverture (strictement encadrée) de la
maternité pour autrui, disponible sur le site internet du Sénat, V. le rapport d’information de Mme Michèle
ANDRE, MM. Alain MILON, H. DE RICHEMONT fait au nom de la commission des lois et de la commission des
affaires sociales, Contribution à la réflexion sur la maternité pour autrui, n° 421, 2007-2008.
3
CJUE, gde ch., 18 mars 2014, aff. C-363/12, Z., et aff. C-167/12, C. D.
4
Cette directive concerne la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la
santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail.
5
Directive relative à la mise en oeuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre
hommes et femmes en matière d’emploi et de travail.
6
F.-X. BRECHOT, « La CJUE face à la gestation pour autrui : le choix de la retenue », Rev. dr. fam., 2014, n° 7,
comm. 112.
7
Résolution portant sur le rapport annuel de 2014 sur les droits de l’homme et la démocratie dans le monde et
sur la politique de l’Union européenne en la matière (2015/2229(INI)).
8
§115.

471
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

517. Le refus initial des juges français. Bien que le phénomène ait commencé à se
développer à partir des années 19801 et que la Haute juridiction ait dans un arrêt célèbre2
condamné une telle pratique comme portant atteinte à l’ordre public3, à l’indisponibilité du
corps humain et à l’état des personnes, l’actualité jurisprudentielle témoigne
de « l’impuissance des lois face au mouvement continu de la vie »4. La condamnation de
principe par la Haute juridiction5 n’a pas permis de freiner cette pratique, rendue possible
par d’autres États européens et outre Atlantique. La Haute juridiction française est donc
régulièrement invitée à réitérer l’interdit6. Malgré quelques divergences des juridictions du
fond tendant à se soumettre au principe du « fait accompli »7, elle demeure interdite et
l’entrée en vigueur du mariage entre personnes de même sexe n’a pas permis son
ouverture.
518. Vers la levée de l’interdit8. Le droit français refuse juridiquement toute
division du concept de maternité. Pourtant, l’admission du « mariage pour tous » et

1
Cass. civ. 1ère, 13 déc. 1989 : illicéité de l’association Alma mater, D., 1990, p. 273, J. MASSIP; JCP, G, II,
1990, 21526, note A. SERIAUX; RTD civ.,1990, p. 254, obs. J. RUBELLIN-DEVICHI.
2
Cass. plén., 31 mai 1991, n° 90-20.105; D., 1991, D. THOUVENIN, p. 417; JCP, G, II, 1991, 21752, F. TERRE;
Defrénois, 1991, obs. J.-L. AUBERT, p. 1267; RTD civ., 1991, obs. D. HUET-WEILLER, p. 517; LPA, 23 oct. 1991,
n° 127, note M. GOBERT, p. 4; même auteur, « Réflexions sur les sources du droit et les principes
d’indisponibilité du corps et de l’état des personnes », RTD civ., 1992, p. 489 ; même auteur, « La maternité de
substitution : réflexions à propos d’une décision rassurante », LPA, 23 oct. 1991, n° 127.
3
Art. 16-9 du C. civ.
4
J.-R. BINET, « L’impuissance des lois face au mouvement continu de la vie », Rev. dr. fam., 2015, n° 1,
repère 1.
5
D’autres instances ont refusé la légalisation de la gestation pour autrui. Plusieurs rapports et avis ont été émis à
la veille de l’ouverture des débats au Parlement à l’occasion de la loi du 7 juillet 2011 : États généraux de la
bioéthique (Rapp. final, 1er juill. 2009), mission parlementaire (Rapp. Ass. nat. n° 2235, Révision des lois de
bioéthique. Favoriser le progrès médical, respecter la dignité humaine, janv. 2010, pp. 121-173), Office
parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Rapp. Ass. nat. n° 1325, Sénat n° 107, sur
l’évaluation de l’application de la loi du 6 août 2004, 20 nov. 2008), Académie nationale de médecine (Rapp. 10
mars 2009), Conseil d'État (La révision des lois de bioéthique, 9 avr. 2009), Agence de la biomédecine (Avis du
conseil d’orientation, Délib. ABM n° 2009-CO-38, 18 sept. 2009), Ordre des médecins (Position du Conseil
national de l’Ordre des médecins sur la gestation pour autrui, 4 févr. 2010), Collège national des sages-femmes
(Gestation pour autrui, une fausse bonne idée pour faire progresser le droit des femmes, communiqué, 8 mars
2010) et enfin, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE, avis n° 110 sur les problèmes éthiques soulevés
par la gestation pour autrui (GPA)).
6
Cette position vaut pour l’établissement du lien de filiation entre l’enfant conçu au mépris de la prohibition
légale et la femme commanditaire, qu’il s’agisse d’une adoption (Cass. civ. 1ère, 9 déc. 2003, n° 01-03.927),
d’une reconnaissance (CA Rennes, 4 juill. 2002, n° 01/02471; D., 2002, p. 2902, note F. GRANET; JCP, G, 2003,
I, 101, obs. J. RUBELLIN-DEVICHI; Rev. dr. fam., 2002, comm. 142, obs. P. MURAT) ou de l’établissement de la
filiation par la possession d’état (Cass. civ. 1ère, 6 avr. 2011, n° 09-17.130 ; Rev. Lamy dr. civ., 2011, n° 83, p.
43, note A. MIRKOVIC). La jurisprudence refuse également la transcription d’un acte de naissance établit à
l’étranger (Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2008, n° 07-20.468; JCP, G, 2009, II, 10020, note A. MIRKOVIC; Procédures,
2009, comm. 52, obs. M. DOUCHY-OUDOT; Rev. dr. fam., 2009, comm. 15, obs. P. MURAT; D., 2009, p. 332,
concl. J.-D. SARCELET), car le « le refus de transcription ne prive pas les enfants de leur filiation, reconnue par le
droit ukrainien, et ne porte pas atteinte, en conséquence, à l’intérêt des enfants et, notamment, à leur droit de
vivre avec leurs parents » (CA Rennes, 8 janv. 2013, n° 12/01538, réitéré par cette même juridiction à l’occasion
de deux arrêts en sa 6ème ch. A, le 28 sept. 2015, n° 14/07321, et n° 14/05537).
7
G. KESSLER, « La consolidation de situations illicites dans l'intérêt de l'enfant », Rev. dr. fam., 2005, étude 16.
8
V. en ce sens F. CHENEDE, « État civil des enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger : reconnaissance ? »,
Rev. Lamy dr. civ., 2015, juil., n° 128.

472
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

l’ouverture de l’adoption aux couples de même sexe pose la question de l’admission de la


maternité de substitution pour les couples d’hommes, reportée par le gouvernement à un
examen ultérieur1. Il est alors difficile d’imaginer qu’une probable admission de la
« procréation amicalement assistée »2 au profit des couples de femmes ne serait pas suivie
d’une ouverture de la gestation pour autrui 3. Une proposition de loi visant à sanctionner
pénalement4 les parents ayant recours à des contrats de gestation pour autrui a été déposée
par Monsieur le député Jean LEONETTI le 14 octobre 20145. Ceci est d’autant plus
paradoxal que la proposition de loi pour l’accès égalitaire pour toutes aux techniques
d’assistance médicale à la procréation est en examen6, ce qui corrobore l’idée d’une
approche, outre parcellaire et fragmentée, également contradictoire de la problématique.
Si cette proposition de loi pénalisant les contrats de gestation pour autrui semble avoir peu
de chances d’aboutir7, c’est aussi en raison des récentes décisions rendues qui consacrent
un véritable droit à l’enfant et une grande tolérance à l’égard de cette pratique. Tout
commença en réalité avec une circulaire8 publiée par la Chancellerie, dont l’objet est de
permettre l’aménagement des conditions de reconnaissance de la nationalité française aux
enfants nés de gestation pour autrui à l’étranger. Sa légalité ayant été reconnue9, s’ensuivit
une série de décisions des juges du fond reconnaissant tant la PMA10 que la gestation pour

1
Sur la technique de dissociation législative des questions, V. supra, n° 374.
2
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur H. BOSSE-PLATIERE : « Premières réflexions pour une
indispensable restructuration du droit de l’adoption », in Mélanges en l’honneur du professeur Raymond LE
GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, p. 592.
3
A. DIONISI-PEYRUSSE, « Brèves remarques sur la question de l’ouverture de l’AMP aux couples de même
sexe », AJ. fam., 2013, p. 127.
4
En ce sens : M. LOBE LOBAS, « La répression pénale de la gestation pour autrui dans l’étau de l’intérêt de
l’enfant », in Mélanges en l’honneur de Claire NEIREINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 581-596.
5
J. COUARD, Rev. dr. fam., déc. 2014, alerte 59. Un nouvel article 511-14 intègrerait le Code pénal. Au terme de
celui-ci, « le fait d’effectuer des démarches auprès d’agences ou d’organismes, français ou étrangers, permettant
ou facilitant, contre un paiement, la pratique de la gestation pour le compte d’autrui, est puni de six mois
d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende ». L’alinéa second disposerait que « le fait d’obtenir ou de tenter
d’obtenir la naissance d’un enfant par la pratique de la gestation pour le compte d’autrui, sur le sol français ou à
l’étranger, contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 €
d’amende ».
6
Proposition de loi n° 517 relative à l’accès égalitaire pour touts aux techniques d’assistance à la procréation,
enregistrée à la présidence du Sénat le 7 mai 2014, et à l’Assemblée nationale le 28 mai 2014, n° 1979, renvoyée
à la commission des affaires sociales.
7
Une autre proposition de loi (n° 2706) a été enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 8 avril 2015
afin de lutter contre le recours à une mère porteuse que ce soit en France ou à l’étranger.
8
Circulaire du 25 janvier 2013 (Min. Justice, circ. n° NOR JUSC1301528C. V. aussi N. MATHEY, « Circulaire
TAUBIRA. Entre illusions et contradictions », JCP, G, 2013, act. 162, Libres propos.
9
CE, 12 déc. 2014, n° 365779; Rev. dr. fam., 2015, n° 2, alerte 13, J. COUARD ; Rev. dr. fam., 2015, n° 2,
comm. 30, C. NEIRINCK, D., 2015, obs. M. DOUCHY-OUDOT, p. 649.
10
Pour un cas d’admission de l’adoption plénière par la conjointe de la mère biologique d’un enfant issu d’une
PMA réalisée à l’étranger, cf. CA Agen, 18 janv. 2016, n° 15/00850 ; AJ fam., 2016, 102 ; CA Toulouse, 10 fév.
2015, n° 14/02830, AJ fam., 2015, obs. P. SALVAGE-GEREST, p. 220; CA Limoges, ch. civ., 2 mars 2015, n° RG
14/01060. Pour la Cour, s’il n’y a pas, au nom de son intérêt, d’ « obligation ou nécessité de rechercher les
conditions de la conception de l’enfant, il est néanmoins du devoir de la juridiction de s’assurer une seule
filiation ici maternelle étant établie que le prononcé de l’adoption plénière ne fera pas obstacle aux effets de

473
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

autrui1, pourtant toutes deux réalisées en fraude aux dispositions de la loi française. La
Cour de cassation n’est pas en reste de ce mouvement puisqu’elle a émis 2, à la demande
des tribunaux de grande instance d’Avignon et de Poitiers, un avis dans lequel elle
considère que le recours d’un couple de femmes à la procréation médicalement assistée
avec tiers donneur anonyme, pratiquée à l’étranger, ne fait pas obstacle à l’adoption de
l’enfant qui en est né par l’épouse de la mère3. Cet avis faisait directement suite à la
condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme4 pour sa position
de refus de reconnaître la situation créée à l’étranger en fraude aux dispositions françaises 5.
Particulièrement attendue était donc la position de la Cour de cassation sur la question.
Sans grande surprise6, celle-ci ordonne, à l’occasion de deux arrêts rendus le même jour, la

l’autre filiation ici paternelle si celle-ci venait à être établie (…) ». La Cour poursuit en estimant qu’ : « À
supposer non conforme à la réalité la conception prétendue par donneur anonyme, l’établissement tardif d’une
filiation paternelle se trouverait privée d’effet du fait du prononcé de l’adoption plénière » ; CA Aix-en-
provence, 14 avr. 2015, n° 1413/137, AJ fam., 2015, obs. F. BERDEAUX-GACOGNE, enfin CA Versailles, 16 avr.
2015, n° 14/04253, 14/07327, 14/04245, 14/04244, 14/04243, 14/05356, 14/05360.
1
Pour la transcription de l’acte de naissance de l’enfant né d’une GPA à l’étranger : TGI Nantes, 1ère ch., 13 mai
2015, n° 14/07497, Rev. Lamy dr. civ., 2015, n° 128. Le tribunal considère que « dans l’intérêt des enfants qui ne
sauraient se voir opposer les conditions de leur naissance, le fait de naître à la suite d’une convention de
gestation pour autrui prohibée au sens de l’article 16-7 du Code civil ne peut faire obstacle à la reconnaissance
en France du lien de filiation qui en résulte. Les demandes de transcription de leurs actes de naissance doivent
donc être accueillies », tandis que quelques mois auparavant, la Cour de cassation estimait qu’ « en l’état du
droit positif, est justifié le refus de transcription d’un acte de naissance fait en pays étranger et rédigé dans les
formes usitées dans ce pays lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un
processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui, convention qui, fût-elle
licite à l’étranger, est nulle d’une nullité d’ordre public selon les termes des articles 16-7, 16-9 du Code civil ».
Cf. Cass. civ. 1ère, 13 sept. 2013, n° 12-18.315 et n° 12-30.138, Bull. civ., I, n° 176; D., 2014, obs. M. DOUCHY-
OUDOT, p. 689; même revue, p. 2382, obs. I. GALLMEISTER ; AJ fam., 2013, obs. F. CHÉNÉDÉ, p. 579; RTD civ.,
2013, obs. J. HAUSER, p. 816. Dans le même sens auparavant : Cass. civ. 1ère, 19 mars 2014, n° 13-50.005, Bull.
civ., I, n° 45 ; déjà, V. Cass. civ. 1ère, 6 avr. 2011, n° 10-19.053, 09-66.486 et 09-17.130.
2
Cass., avis, 22 sept. 2014, n° 1470006; C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., 2014, n° 11, comm. 160 ; AJ fam., 2014,
obs. F. CHENEDE, p. 555; même revue, obs. A. DIONISI-PEYRUSSE, p. 523; RTD civ., 2014, obs. J. HAUSER,
p. 872.
3
C. NEIRINCK, Rev. dr. fam., nov., 2014, comm. 160.
4
CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, n° 65192/11 et 65941/11, Mennesson et Labassée c/ France ; C. NEIRINCK,
Rev. dr. fam., 2014, n° 9, comm. 128 ; D., 2014, chron. H. FULCHIRON et C. BIDAUD-GARON, p. 1773; D., 2014,
note F. CHENEDE, p. 1797; D., 2014, note L. D’AVOUT, p. 1806, D., 2014, obs. P. BONFILS et A.
GOUTTENOIRE, p. 1787; AJDA, 2014, chron. L. BURGORGUE-LARSEN, p. 1763; RTD civ., 2014, obs. J. HAUSER,
p. 616. La CEDH condamne en réalité la France de manière « mesurée », puisqu’elle considère que la GPA ne
fait pas l’objet de consensus en Europe et continue de soulever des questions d’ordre éthique. Pour cette raison,
le droit au respect de la vie familiale des parents d’intention n’a pas été méconnu par les juridictions nationales.
En revanche, la CEDH conclut à la violation de l’article 8 sous l’angle du droit des enfants au respect de leur vie
privée.
5
V. en ce sens : TGI Versailles, 29 avr. 2014, 3 espèces, n° 13/00013; n° 13/00113; n° 13/00168. Les trois
décisions ont fermement refusé de reconnaître les effets d’une PMA réalisée à l’étranger, en fraude à la loi
française, laquelle la permet uniquement entre un homme et une femme atteint d’une infertilité pathologique. Cf.
P. REIGNE, Rev. dr. fam., juil. 2014, comm. 113.
6
F. CHENEDE, « L’établissement de la filiation des enfants nés de GPA à l’étranger. Liberté et responsabilité de
l’assemblée plénière de la Cour de cassation », D., 2015, pp. 1172-1177 ; I. CORPART, « La gestation pour autrui
de l’ombre à la lumière- Entre droit français et réalités étrangères », Rev. dr. fam., 2015, n° 11, étude 14 ; M.-C.
LE BOURISCOT, « Saga judiciaire de la gestation pour le compte d’autrui : retour à la transcription… », RJPF,
2016, n° 2.

474
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

transcription de l’état civil des enfants ainsi commandités1. Pour la Cour de cassation, dès
lors qu’il est biologique, le lien de filiation qui lie l’enfant à son parent doit pouvoir être
transcrit à l’état civil français.
519. L’influence certaine de la jurisprudence européenne. Dans ce mouvement, il
convient de mettre en parallèle l’arrêt de condamnation de la France avec celui -intervenu
quelques mois plus tard- qui condamne l’État italien. Est retenue dans cet arrêt l’atteinte au
droit au respect de la vie privée et familiale, qui résultait selon les requérants « de
l’éloignement de l’enfant, ajouté au refus de transcrire son certificat de naissance dans les
registres de l’état civil italien, empêchant ainsi la reconnaissance de la filiation établie à
l’étranger » 2 du fait du recours à une gestation pour autrui. Sous l’angle combiné de la
notion de l’intérêt de l’enfant et du droit au respect de la vie privée et familiale, la Cour
européenne considère les mesures d’éloignement de l’enfant de ses parents d’intention
constitutive d’une ingérence extrême injustifiée, en l’absence de danger établi. Pour les
juges strasbourgeois, même né d’une gestation pour autrui -que le droit italien n’admet
pas-, l’intérêt de l’enfant à ne pas être éloigné de ses parents doit être mis en balance avec
les intérêts en présence, fussent-ils liés à des considérations d’ordre public telles
qu’invoquées par l’État italien. Afin de préserver cet équilibre, la Cour n’oblige pas la
remise de l’enfant au couple commanditaire, compte tenu du fait qu’il ait développé des
liens avec sa nouvelle famille adoptive. En reconnaissant que l’Italie n’a pas pris une
décision déraisonnable en refusant la transcription sur ses registres d’état civil du certificat
délivré par les autorités russes, l’arrêt rappelle en revanche manière indirecte le primat de
la vérité biologique, à mettre en parallèle avec l’affaire française où la Cour européenne
avait concentré sa motivation sur la paternité biologique incontestable des pères dans les
deux affaires. Bien que la Cour ait admis l’existence d’une marge d’appréciation des États
dans l’admission de la gestation pour autrui, et qu’elle ait admis l’absence d’ingérence
dans la vie privée et familiale des requérants du fait du refus de transcrire en France les
actes de naissance étrangers3, la Cour n’hésite pas à prendre parti en faveur d’une
validation indirecte de cette pratique par la reconnaissance en France du lien qui rattache
les enfants à leur père. C’est donc ce lien biologique incontesté qui faisait défaut dans
l’affaire italienne, les analyses ADN ayant révélé que l’enfant ne pouvait être rattaché à
aucun de ses parents d’intention. C’est pourquoi « le poids qu’il y a lieu d’accorder à

1
Cass. plén., 3 juil. 2015, n° 14-21.323 et n° 15-50.002; D., 2015, p. 1438, obs. I. GALLMEISTER ; Rev. Lamy dr.
civ., 2015, n° 129, M.-C. LE BOURISCOT ; Rev. dr. fam., 2015, n° 9, repère 8, J.-R. BINET ; ibid., comm. 166, C.
NEIRINCK, JCP, G, n° 38, 965, A. GOUTTENOIRE. En l’espèce, l’acte à transcrire était régulier puisqu’il portait
indication du père biologique et de la mère porteuse. Désormais, le père biologique ayant reconnu l’enfant issu
d’une GPA peut être désigné comme tel sur son acte de naissance, indépendamment de la convention de GPA
qu’il a pu passer avec la mère.
2
CEDH, 2ème sect., 27 janv. 2015, n° 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie; J.-B. WALTER, Rev. dr. fam.,
mai 2011, étude 11 ; D., 2015, obs. F. GRANET-LAMBRECHTS, p. 702, même revue, p. 755, obs. J.-C. GALLOUX ;
AJ fam., 2015, p. 165, obs. E. VIGANOTTI, même revue, p. 77, obs. A. DIONISI-PEYRUSSE.
3
CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, n° 65192/11, Mennesson c/ France, precit., n° 62 et Labassée c/ France, n° 54.

475
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

l’intérêt de l’enfant lorsqu’on procède à la balance des intérêts en présence »1 est, entre
autres considérations, déterminé par les liens biologiques qui peuvent le lier à ses parents.
Le fondement de la décision, tiré du respect de la vie privée et familiale, sera susceptible
de variation2 selon que le lien biologique est, ou non, indiscutablement établi à l’égard des
parents. Contestable, l’intérêt de l’enfant tel qu’appréhendé par la Cour témoigne bien de
sa plasticité, son contenu variant au gré des intérêts des adultes mais surtout, d’une
appréhension essentiellement biologisante de la filiation3. Au demeurant, l’approche
européenne des procréations artificielles ne contribue-t-elle pas à saper, au nom des droits
de l’homme, « toute idée d’ordonnancement légal de la transmission de la vie »4, en
aboutissant à des droits de l’homme, sans l’homme ?5
520. Quel avenir pour la procréation artificielle ? La tolérance actuelle envers les
effets de la procréation médicalement assistée effectuée en fraude à la loi française à
l’étranger entraînera nécessairement dans son sillage l’ouverture de la gestation pour autrui
au profit des couples d’hommes. Les textes actuels posant l’interdit du recours à l’AMP
entre personnes de même sexe et la gestation pour autrui sont totalement vidés de leur sens.
Par l’évolution de son droit interne6 -et l’évolution de la Cour européenne qui n’hésitera
pas, si un consensus se formait, à l’imposer- le droit français se dirige à n’en pas douter
vers une légalisation de la gestation pour autrui, puisqu’il permet aujourd’hui à deux
personnes de même sexe de bénéficier d’un forum shopping là ou la loi française ne leur
permet pas7. À cet égard, la circulaire TAUBIRA a sans conteste contribué à encourager le
tourisme procréatif. C’est pourquoi dans l’attente d’une réécriture des textes, l’AMP se
mue aujourd’hui en technique d’accès à la parentalité8 qui ouvre de nouvelles
perspectives9.

1
1ère esp., n° 101 et 2ème esp., n° 80.
2
Ce qui a pu être qualifié comme révélateur d’une logique absolutiste de la Cour dans la mise en oeuvre du droit
au respect de la vie privée et familiale. Cf. B. WALTER, Rev. dr. fam., 2011, n° 5, étude 11.
3
Cf. supra, n° 426.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
et de l’imaginaire », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, p. 486.
5
G. BERNARD, « Des droits de l’homme…sans l’homme ? » in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut
Famille&République, 2016, pp. 101-109.
6
V. en ce sens : TGI Nantes, 13 mai 2015, n° 14/07497: dans cette espèce, le TGI de Nantes ordonne la
transcription sur les registres de l’état civil français des actes de naissance de deux soeurs jumelles nées en
Ukraine d’un processus de gestation pour autrui. Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 145, C. NEIRINCK.
7
J.-J. LEMOULAND, « Le tourisme procréatif », LPA, 2002, n° 62, p. 24 ; J.-R. BINET, « Circulaire TAUBIRA -
Ne pas se plaindre des conséquences dont on chérit les causes », JCP, G, 2013, n° 7, 161.
8
H. GAUMONT-PRAT, « Les enjeux éthiques et juridiques de l’évolution de l’assistance médicale à la
procréation », in Mots de science, op. cit., pp. 37-53.
9
V. infra, concernant la place de l’adoption dans ce contexte, n° 534.

476
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

2- En droit maghrébin

521. L’importance de la légitimation religieuse. L’Islam est une religion ouverte


sur les techniques médicales favorisant la procréation. Si elles ne sont pas contraires à la
charia, elles doivent cependant être effectuées dans le respect du corps et de la dignité
humaine. Tout ce qui est techniquement réalisable n’est donc pas forcément permis.
L’insémination artificielle, au vu des enjeux qu’elle engage, a dès le départ suscité des
interrogations d’ordre éthique et religieux. Si en France la première loi bioéthique1 voit le
jour en 1994, les techniques de procréation médicalement assistées2 n’ont connu qu’un
essor tardif dans les pays du Maghreb3. Compte tenu de la place centrale de la parenté et
plus globalement de la famille dans les sociétés islamiques, une légitimation de ces
techniques a en premier lieu été recherchée auprès des autorités religieuses. Outre le Coran
et la sunna qui constituent les fondements principaux de la législation familiale, des fatwas
ont été émises par plusieurs instances théologiques4. La première Conférence
internationale de médecine islamique s’est tenue en 1981 au Koweit et a conduit à la
rédaction d’un Code islamique d’éthique médicale ainsi qu’à la création de l’Organisation
internationale de médecine islamique. Deux comités éthiques permanents sont, depuis,
installés en Arabie saoudite. Créée en 1983 par la ligue islamique mondiale, l’Académie
internationale de jurisprudence islamique siège à Jeddah alors que l’Académie de
jurisprudence –dépendante de la ligue islamique mondiale- siège à la Mecque. Un Comité
permanent de recherches islamiques -installé en Arabie saoudite- a pour mission de se
prononcer annuellement en matière médicale, afin d’établir une ligne directrice suivie par
l’ensemble du monde musulman. En 1985 s’est tenu le premier Congrès de sciences
islamiques à l’issue duquel le Conseil de l’Académie de droit de la Ligue islamique
mondiale5 a décidé que « le besoin d’enfant chez une femme mariée qui ne peut procréer
est considéré comme une visée légitime »6. L’utilisation du terme « besoin » est centrale

1
Cf. sur l’opportunité d’une réglementation : J. RUBELLIN-DEVICHI, « Réflexions sur une proposition de loi
tendant à faire de l’insémination artificielle un moyen de procréation », in Mélanges dédiés à Jean VINCENT,
Paris, Dalloz, 1981, p. 371 ; G. RAYMOND, « L’assistance médicale à la procréation (Après la promulgation des
« lois bioéthiques »), JCP, G, I, 1994, 3796 ; C. BYK, « La loi relative au respect du corps humain », JCP, G, I,
1994, 3788 ; M. GOBERT, « Apocalypse ? Non, procréations médicalement assistées et droit de la famille », Gaz.
Pal., 1994, p. 489 ; H. CARVAIS-ROSENBLATT, « De la procréation médicalement assistée à l’assistance médicale
à la procréation : les dispositions de la loi du 29 juillet 1994 », Gaz. Pal., 1994, p. 1182 ; J. MASSIP,
« L’insertion dans le Code civil de dispositions relatives au corps humain à l’identification génétique et la
procréation médicalement assistée », Gaz. Pal., 6 avril 1995, p. 433.
2
G. RAYMOND, « La procréation artificielle et le droit français », JCP, G, I, 1983, 3114.
3
B. GAILLY, L’influence des religions sur le droit laïc, l’exemple du statut juridique de l’embryon, Paris,
l’Harmattan, 2013.
4
S. HOUOT, « La fatwa, un cadre pour la bioéthique contemporaine », in Islam et Révolutions médicales. Le
labyrinthe du corps, A.-M. Moulin (dir. de), éd. IRD Karthala, 2013, pp. 123-144.
5
Il s’agit d’une instance rattachée à la Ligue islamique mondiale, fondée en 1962 à la Mecque (Arabie Saoudite)
par le prince FAYSAL ainsi que les représentants de vingt-deux pays afin de s’opposer au panarabisme du
président égyptien NASSER, et promouvoir le leadership islamique.
6
Cité par S. HOUOT, « Des usages éthiques du droit islamique : une réponse aux enjeux posés par la
reproduction médicalement assistée », Rev. Droit et Culture, 2010, n° 59, pp. 331-355.

477
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

car elle s’oppose au simple désir raghba en évoquant l’idée de nécessité. Est ainsi reconnu
un besoin d’enfant au profit du couple infertile, pouvant être dépassé grâce aux nouvelles
techniques de procréation artificielle. La prestigieuse Université islamique d’AL AZHAR1 -
représentante du courant sunnite dans le monde musulman- s’est également prononcée en
faveur2 de toute technique médicale favorisant la procréation intraconjugale, qu’il s’agisse
de l’insémination3, de la FIV4, ou de l’ICSI5. D’autres structures, telles l’Organisation
islamique pour l’éducation, les sciences et la Culture (ISESCO) à Rabat ou l’Islamic
organization for medical sciences (IOMS) ont permis l’émergence d’une doctrine éthique
de l’embryon au-delà de la péninsule arabique. L’interdiction expresse du don de gamète
hétérologue et l’utilisation de l’embryon comme moyen de recherche constituent les deux
axes de l’éthique bioéthique islamique. Lorsqu’elle est directement bénéfique à la mère ou
à l’embryon, la recherche est exceptionnellement tolérée sur les embryons surnuméraires
dont le diagnostic vital est engagé (cas de malformations mettant en cause les chances de
survie).
522. Le don de gamètes interdit. La procréation in vitro avec donneur6, à l’instar de
la mère porteuse, interroge sous une forme renouvelée l’interdit de l’adoption en Islam. Le
sperme7 conçu comme principe vital de descendance dont le rôle est incontournable durant

1
Centre de réflexion et de formation qui jouit d’une autorité morale et d’un rayonnement religieux très
important, dont l’enseignement est fondé sur les textes classiques de l’Islam sunnite.
2
L’Université d’al-Azhar a rendu une fatwa (avis juridique) devenue consensuelle, qui autorise de telles
interventions.
3
L’insémination artificielle intra-utérine avec le sperme du conjoint (IAC) consiste à injecter des spermatozoïdes
sélectionnés pour leur qualité et leur mobilité dans l’utérus de l’épouse le jour de l’ovulation, après que celle-ci
ait subi un traitement hormonal de stimulation ovarienne.
4
La fécondation in vitro (FIV) ou fécondation extra corporelle consiste à mettre en contact in vitro le sperme de
l’homme avec les ovocytes de l’épouse qui ont été prélevées après qu’elle ait subi un traitement hormonal de
stimulation ovarienne. Sont ainsi obtenus des embryons dont un certain nombre est transféré dans l’utérus.
5
La technique de l’ICSI (injection intracytoplasmique de spermatozoïde) consiste à injecter à l’aide d’une
pipette un spermatozoïde sélectionné pour sa qualité et sa mobilité dans le cytoplasme d’un des ovocytes de
l’épouse qui a préalablement subi une stimulation et une ponction ovarienne. La suite du processus est similaire
à celle de la FIV.
6
L’interdiction du tiers donneur trouve ses origines dans le verset coranique suivant : «Il vous a donné
des partenaires tirés de vous-mêmes et similaires. Il a établi parmi vous ces troupeaux des couples ; c’est de cette
façon qu’il vous multiplie ». (Coran, sourate 42, verset 11).
7
Et le texte coranique ne manque d’évoquer ce principe vital de descendance lorsqu’il est dit dans le verset
suivant : « Que l’Homme considère de quoi il a été créé ! Il a été créé d’un liquide éjaculé qui sort d’entre les
lombes et les côtes » (sourate 86, verset 5 à 6). D’autres versets expriment également cette idée : « Quand ton
Seigneur tirera une descendance des vertèbres des fils d’Adam » (sourate 7, verset 172), ou encore « Vous sont
interdites les épouses de vos fils issus de vos vertèbres » (sourate 4, verset 23). C’est pourquoi la référence
« aux vertèbres » et à plus forte raison à la colonne vertébrale d’où provient le sperme est en lien étroit avec la
conception d’une filiation patrilinéaire, pérenne (référence à l’os) et se transmettant verticalement. À l’inverse, la
maternité (référence à la chair) est uniquement liée au fait de porter l’enfant et de lui donner naissance (lien
horizontal) : « Leurs mères sont seulement celles qui les ont enfantés » (sourate 58, verset 2). Ainsi que le
souligne Madame FORTIER, on perçoit la place centrale faite à la lignée patrilinéaire, qui puise sa source dans la
substance même du sperme et se transmet à travers les générations, tandis que la lignée matrilinéaire est réduite à
la gestation et l’accouchement. Pour plus de détails, cf. C. FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté
de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité. De la nécessaire
conjonction du social et du biologique », in L’argument de filiation. Aux fondements des sociétés européennes et

478
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

les phases de conception et de gestation, permet de considérer l’enfant comme « le produit


du sperme de son père », lequel appartient à son groupe de filiation patrilinéaire -à
l’inverse de la conception occidentale qui aborde cette question sous l’angle privilégie des
liens du sang1. Toute technique dont l’objet est la rupture des liens biologique et parental
introduit les germes du « désordre (fitna) » social2 et rappelle nikah al istibdaâ3 pratiqué
avant l’arrivée de l’islam. Bien que l’établissement juridique de filiation ne nécessite pas
uniquement un donné biologique mais repose également sur une forte dimension sociale -
nécessité du mariage des parents-, le don de sperme n’est pas accepté4 pour ce qu’il induit
comme détermination purement sociale de la filiation. Une dissociation entre paternité
sociale et paternité biologique est purement et simplement refusée et explique que l’enfant
naturel ne soit pas reconnu –du fait de l’inexistence du mariage de ses parents- de la même
manière que le donneur de sperme ne peut prétendre à la paternité de l’enfant. « Si le social
ne suffit pas à créer de la filiation, le biologique ne suffit pas non plus (…) »5, mais c’est la
conjonction des deux données qui permet une stabilité des filiations.
523. L’interdiction de la gestation pour autrui. La gestation pour autrui est
interdite par la charia. Le Complexe des Recherches Islamiques a opté pour ce choix en
20016, et l’a réitéré à l’issue de sa séance du 29 mars 2003 7. De la même manière, le
législateur tunisien l’interdit à l’article 15 de la loi de 2001. Celui-ci dispose que
« l’embryon conçu dans le cadre de la médecine de la reproduction ne peut être placé, à
quelque titre que ce soit, dans l’utérus d’une autre femme ». En effet, les juristes
contemporains considèrent qu’il n’est pas possible d’identifier la vraie mère en présence de

méditerranéennes, P. BONTE, E. PORQUERES I GENE, J. WILGAUX (dir. de), Marseille, éd. de la Maison des
sciences de l’homme, 2011, p. 225 et s.
1
Ainsi que le souligne l’auteur, le sang constitue davantage une substance vitale qu’une substance transmettant
la filiation. C. FORTIER, « Le lait, le sperme, le dos. Et le sang ? », Cahiers d’études africaines, 2001, n° 161,
pp. 97-138.
2
É. BARRAUD, « La filiation légitime à l’épreuve des mutations sociales au Maghreb », Droit et cultures, 2010,
n°59, pp. 255-282.
3
V. sur les différents types de mariage pratiqués avant l’arrivée de l’Islam, supra, n° 71.
4
L’interdiction couvre tout l’Islam sunnite ainsi qu’une majorité de l’Islam chiite. En Iran, le successeur de
l’ayatollah KHOMEYNI, le chef Ali Husayn KHAMENEI, a estimé au sujet du don de sperme et à l’occasion d’un
avis juridique en 1999, qu’un tel recours ne constituait pas un adultère. La simple mise en contact des gamètes
des donneurs relève davantage de « l’effort d’interprétation raisonné » (ijtihad). Dans ce cas de figure, il était
intéressant de relever que le don de sperme, bien qu’admis, posait des difficultés sur le plan successoral. Si
l’enfant né d’un tel don pourrait porter le nom de son parent social, il ne pourrait en hériter car ces deux éléments
sont en droit musulman intimement liés et rappellent l’interdit de l’adoption. Cette situation est révélatrice des
problèmes posés par la dissociation du lien biologique et du lien social. Cité par C. FORTIER, « Filiation versus
inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité.
De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 233.
5
C. FORTIER, « Filiation versus inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions
et reconnaissance de paternité. De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 233.
6
Décision n° 1, séance tenue le 19 mars 2001.
7
L’Académie de la recherche islamique a également émis une résolution dans laquelle elle interdit expressément
l’insémination post-mortem de la femme avec le sperme de son mari, en raison de la disparition du lien conjugal
(Fatwa n° 438, du 26 mars 2004).

479
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

deux femmes, l’une ayant porté l’enfant, l’autre ayant fourni son ovocyte. L’ingénierie
juridique musulmane a été jusqu’à envisager la possibilité, lorsque l’épouse ne pouvait
porter l’enfant, le recours à une mère porteuse que l’homme épouserait afin de légitimer
une telle pratique. Or, aussi poussé puisse être le désir d’enfant, la question demeure
entière de savoir si la mère est celle qui porte l’enfant ou celle qui fournit son ovocyte 1. Au
demeurant, cette pratique « va à l’encontre de l’objectif du Grand législateur qui est
d’établir l’ordre, d’assurer la stabilité des situations, d’éliminer les conflits ou, au moins,
de les limiter dans la mesure du possible »2.
524. Une règlementation variable du sort des embryons inutilisés. Le projet de
loi préparé par le Ministère de la Santé algérien, destiné à compléter l’article 45 bis du
Code de la famille en réservant une section entière à l’ensemble des techniques liées à la
PMA fixe à trois le nombre maximal3 d’embryons à utiliser. Dans l’hypothèse d’embryons
inutilisés, la question de leur destination n’a pas été tranchée. Il est toutefois possible de
trouver un début de réponse à l’article 434 du projet de loi, au sujet des dons de gamètes et
des transferts d’embryons. Sont « interdits, sous peine de sanction pénale : le don
de spermatozoïdes, le don d’ovocytes, même entre co-épouses4; le don d’embryons
surnuméraires ou non à une mère porteuse ou adoptive, même entre soeurs ou mère et fille;
le prêt de cytoplasme est assimilé au don d’ovocytes », tout comme la congélation de
gamètes ou d’embryons n’est pas admise. Ces interdictions cantonnent l’usage fait desdits
embryons à la seule destruction. La même destinée est réservée aux embryons
surnuméraires en Tunisie. À l’issue d’un Congrès de la société tunisienne des sciences
médicales tenu les 4 et 5 avril 1997 à Kairouan, le professeur Béchir HAMZA considérait
que : « (…) dans la mesure où l’I.V.G. est juridiquement admise et même qu’elle est très
largement entrée dans nos moeurs le problème de conscience posé dans d’autres contextes
socio-culturels n’a pas de raison d’être soulevé ici. On ne saurait appliquer à l’embryon
congelé des règles plus restrictives que celles qui sont appliquées à l’embryon dont

1
Le Conseil de l’Académie de droit musulman de la Ligue islamique a néanmoins admis un tel don entre co-
épouses en 1985. Le raisonnement serait le suivant : dans la mesure où il n’y a pas d’adultère et que la filiation
paternelle peut être établit sans confusion, la mère est considérée, conformément au principe coranique, comme
celle qui a porté l’enfant et en a accouché, non celle à l’origine du don. Cité par C. FORTIER, « Filiation versus
inceste en Islam, parenté de lait, procréations médicalement assistées, adoptions et reconnaissance de paternité.
De la nécessaire conjonction du social et du biologique », art. precit., p. 232.
2
H. ABDELHAMID, « Le corps de la femme et la biomédecine dans le contexte de la culture juridique
égyptienne », art. precit., p. 193.
3
Art. 433 du projet. Au-delà de ce nombre, les raisons doivent être justifiées dans le dossier de la patiente.
4
Du fait de l’existence, même minoritairement, d’unions polygamiques dans les pays musulmans (exception
faite de la Tunisie), et dans l’hypothèse d’un éventuel recours à la pratique de la mère porteuse, il a été admis
qu’après prélèvement d’un ou plusieurs ovules à une femme qui ne peut pas porter d’enfant, ceux-ci peuvent être
fécondés in vitro avec le sperme de son mari. L’embryon ainsi obtenu est déposé dans la cavité utérine d’une
femme tierce au couple qui le restituera neuf mois après. Dans ce cas de figure, il s’agira d'une simple « location
ou prêt d’utérus ». Il semblerait que cette alternative a pu être admise si le mari épousait la mère porteuse, et
devenait par là-même la deuxième épouse du conjoint qui aura donné son sperme pour la fécondation de l’ovule
émanant de la première. Toutefois, une telle hypothèse est écartée par les pays du Maghreb, et le projet de loi
algérien, interdit en son article 434 « tout don d’ovocytes même entre co-épouses ».

480
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

l’avortement est admis dans le cadre de la planification des naissances »1. Certaines
recommandations rejoignent toutefois les lignes directrices émises à l’occasion des
différentes fatwas, particulièrement au sujet de la congélation d’embryons, devant être
« réservée aux seules fins de réimplantation chez la mère génitrice et gestatrice légitime
après un délai fixé par la loi. L’embryon congelé ne devrait guère être conservé en tout état
de cause au-delà de la période de fécondité du couple ou de la mort de l’un de ses membres
après un certain délai fixé par la loi. Les juristes musulmans condamnent la congélation »2.
Au Maroc, la congélation est admise avec l’accord écrit des deux conjoints3. Cependant, la
conservation des embryons surnuméraires pose la question de leur devenir, lorsqu’ils ne
sont pas réutilisés par le couple. Faute de recherches expérimentales autorisées sur
l’embryon, leur devenir sera sans nul doute la destruction.
525. Une réglementation à parfaire4. En suivant la ligne de conduite émise tant par
le Conseil de l’Académie de droit de la ligue islamique mondiale, que la fatwa de
l’Université d’Al-AZHAR, les législateurs des pays du Maghreb ont librement réglementé
l’AMP qui a tantôt fait l’objet d’une circulaire5, tantôt de loi relative à l’exercice de la
médecine6. En Tunisie7, -pays présenté comme étant le plus modernisé du monde arabe-
l’encadrement des nouvelles techniques médicales s’est accompagné d’un encadrement
religieux en amont de l’élaboration de la loi. La dimension religieuse joue alors un rôle
consultatif8 légitimant certain et constitue une référence incontournable pour les juges dans

1
B. HAMZA, La procréation médicalement assistée. Problèmes médicaux actuels et éthique, Congrès de la
Société tunisienne des sciences médicales, VII ème Journées médicales Ibn El Jazzar, Kairouan, 4-5 avr. 1997.
2
Ibid.
3
Trois centres seulement dans tout le Royaume disposent du matériel nécessaire pour procéder à la congélation.
4
Cf. infra, rapp. avec n° 510.
5
Tel est le cas en Algérie qui a dans un premier temps autorisé la pratique de l’insémination artificielle par
circulaire ministérielle n° 300 du 15 mai 2000, fixant les bonnes pratiques cliniques et biologiques en la matière.
Le législateur, à l’occasion de la dernière réforme du droit de la famille en 2005, ne l’intègre cependant pas dans
le code. L’article 45 bis est ainsi libellé : « Les deux conjoints peuvent recourir à l’insémination artificielle. Le
mariage doit être légal, l’insémination doit se faire avec le consentement des deux époux et de leur vivant, il doit
être recouru aux spermatozoïdes de l’époux et à l’ovule de l’épouse à l’exclusion de toute autre personne. Il ne
peut être recouru à l’insémination artificielle par le procédé de la mère porteuse ».
6
Tel est le cas de la loi tunisienne n° 2001-93du 7 août 2001 relative à la médecine de la reproduction, Cf. J.O,
n° 63 du 7 août 2001, et des deux lois marocaines. La première n° 10-94 est relative à l’exercice de la médecine
et la loi n° 12-02 régit le travail des biologistes. La Fédération marocaine de fertilité et de contraception, après
concertation avec les religieux, a tenté de déposer les grandes lignes d’un projet de loi dès 1999, présenté à
nouveau au gouvernement en avril 2010, mais il n’a pas abouti. La PMA est donc pratiquée dans le cadre de la
loi n° 10-94.
7
A. AOUJI-MRAD, « L’ancrage religieux de la législation tunisienne relative à la procréation médicalement
assistée : l’interdiction du don », in Procréation médicalement assistée et anonymat, panorama international,
B. FEUILLET-LIGER (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2008, pp. 275-282.
8
L’élaboration du texte en Tunisie s’est accompagnée de la consultation du Comité national d’éthique médicale
qui compte parmi ses membres un représentant du Conseil supérieur islamique. Ce comité avait rendu un avis du
12 décembre 1996 sur la question, dans lequel il précise que « le recours à des tiers donneurs est en contradiction
totale avec l’Islam, avec nos usages et avec la législation tunisienne. Juridiquement il est assimilable à l’adultère,
il brouille les règles successorales et il ouvre la porte au viol de nos règles en matière de choix du partenaire au
mariage ».

481
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

leur application. Sans grande surprise, les conditions d’accès à la PMA répondent toutes à
l’exigence de conformité au modèle légal de la famille fondée sur le mariage. La première
condition est d’être un couple marié, vivant, en âge de procréer et souffrant d’infertilité 1.
Naturellement, les procédés impliquant l’intervention d’un tiers donneur sont expressément
interdits2, qu’il s’agisse d’un apport de gamètes ou d’embryon3. Cette restriction trouve son
fondement dans le principe religieux de pureté de la lignée, consacré tant par le texte
religieux (interdisant l’adultère) que la tradition prophétique : « Ayez de vos généalogies
une connaissance qui vous permettra d’être attentifs aux liens de parenté par le sang ».
Pareille orientation religieuse influence profondément la législation en vigueur et constitue
le vecteur de ses choix éthiques. Les différents praticiens du corps médical en appellent
toutefois à davantage d’encadrement légal, car l’évolution en la matière est extrêmement
rapide et la nécessité d’un arsenal juridique complet permettrait de délimiter l’exercice des
fonctions des praticiens. Il conviendrait de légiférer tant pour les questions liées au statut
de l’embryon qu’au sort des embryons surnuméraires et la réduction embryonnaire au
cours de la grossesse, qui rejoint l’interdit général de l’avortement 4. D’autres
problématiques liées à l’âge au-delà duquel il est impossible pour une femme de recourir à
l’AMP doivent également être prises en compte. Pour cela, le législateur est amené à puiser
ses règles tant dans le droit international que le droit comparé, en gardant à l’esprit les
choix éthiques opérés par la société musulmane5.
526. Limites à l’accès à la PMA. Bien que désormais répandue dans le monde
musulman, il ne faudrait toutefois pas exagérer l’utilisation de l’AMP par les couples. Les
problèmes liés à l’incapacité de procréer ne constituent pas une priorité des législateurs
dans des pays où la natalité n’est pas encouragée. N’étant pas prise en charge par le
système de couverture médicale6, et pratiquée en général par des cliniques privées, ne
peuvent y accéder que les couches sociales les plus favorisées, voire moyennes (par
l’emprunt de crédits à la consommation). Cet inégal accès aux soins contrevient pourtant
expressément à l’article 31 de la Constitution marocaine mettant à la charge de l’État, des
établissements publics et des collectivités territoriales l’obligation de mettre en œuvre tous

1
La loi tunisienne du 7 août 2001 dispose à l’article 4 que « la médecine de la reproduction ne peut être
pratiquée qu’entre membres d’un couple, mariés, vivants, avec uniquement des gamètes provenant d’eux et
doivent être en âge de procréer ».
2
L’article 14 de la loi tunisienne dispose que « le recours à un tiers donneur de gamètes dans le cadre de la
médecine de la reproduction ainsi que le don d’embryons sont strictement interdits ».
3
L’article 10 de la loi tunisienne dispose que la recherche sur l’embryon est strictement interdite, les
interventions n’ayant qu’un but thérapeutique (article 15).
4
Bien que l’avortement soit autorisé en Tunisie dès 1965. Cf. supra, n° 348.
5
Cf. infra, n° 510.
6
Ce qui pourrait aisément se comprendre au regard du taux de réussite incertain et faible de l’intervention.
Lorsque le remboursement est admis, comme c’est le cas en Tunisie, il ne l’est que pour les médicaments chez
les femmes de moins de 40 ans. La CNAM ne rembourse plus au-delà de quatre tentatives infructueuses. Reste
donc à la charge du couple les consultations médicales, les échographies de suivi de la stimulation, les actes de
laboratoire, la consultation de l’anesthésiste, l’hospitalisation de jour et enfin le transfert d’embryon.

482
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

les moyens permettant un égal accès des citoyens tant aux soins de santé qu’à la protection
sociale. Or, promouvant une politique anti-nataliste, la politique menée par l’État ne
s’insère qu’imparfaitement dans le souci de prise en charge du coût des soins afférents aux
PMA. La question semble pourtant être de plus en plus prise au sérieux par les pouvoirs
publics, qui ont décidé de prendre en charge ces soins par l’ouverture du premier centre
public d’AMP1. En Tunisie, la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) ne
rembourse de telles interventions que lorsque la femme n’a pas dépassé l’âge de 40 ans2,
que celle-ci est mariée depuis trois ans et qu’elle n’a toujours pas d’enfants. Avec un tel
vide législatif, la porte est ouverte à toutes sortes d’abus, la seule conscience et la
déontologie des médecins étant insuffisantes.

B) L’enfant nié

527. L’interdit initial de la recherche sur les embryons3. En 19944, la mise en


place d’un droit subjectif de la personnalité consistant en la protection du corps humain dès
le commencement de la vie s’accommodait mal d’une reconnaissance aux fins de
recherche scientifique sur l’embryon. C’est pourquoi celle-ci a été fermement interdite5, et
la seule hypothèse de création d’embryon s’inscrit nécessairement dans le cadre d’un projet
parental en vue d’une implantation. À l’occasion de la seconde révision des lois en 20116,
et bien que les débats aient été particulièrement virulents au sujet d’une potentielle levée de
l’interdit, celui-ci demeura7 et a même été étendu aux embryons transgéniques ou
chimériques. Qualifiée de mesurée8 et de prudente9, une partie de la doctrine, victorieuse,
applaudit la réforme qui consolidait, en apparence, l’interdit de la recherche sur les
embryons.

1
Selon le professeur Chafik CHRAÏBI, « pour une fécondation in vitro (FIV), les couples dépensent aujourd’hui
entre 20 et 30 000 dirhams (2 à 3000 euros) en moyenne. Certains sont contraints de vendre des biens ou de
contracter un crédit sur deux ou trois ans pour espérer avoir un enfant. La prise en charge de l’infertilité dans un
centre public permettra de réduire de façon conséquente la facture supportée par les couples ». Cf. revue
d’information médicale doctinews, éd. du 4 avr. 2011, n° 32.
2
Aucun âge limite n’est pourtant précisé par la loi. Le cliniques privées pratiquent toutefois les AMP jusqu’à
l’âge de 42, voire 43 ans. Cf. A. AOUIJ-MRAD, « Le corps de la femme et la biomédecine : le clair-obscur
tunisien », art. precit., p. 205.
3
J.-R. BINET, « L’embryon surnuméraire : l’impossible avenir d’une solution dépassée », in Droit et Bioéthique,
Mélanges en l’honneur de Jean MICHAUD, Bordeaux, éd. Les Études hospitalières, 2012, pp. 191-203.
4
Loi n° 94-654, du 29 juil. 1994, J.O, 30 juil., p. 11056.
5
Art. 2151-5 al. 1er du Code civil.
6
A. MIRKOVIC, « Statut de l’embryon : la question interdite », JCP, G, 2010, p. 177.
7
C. BYK, « Prévoir le changement pour que rien ne change », JCP, G, 2011, act. 844.
8
J.-R. BINET, « La loi du 7 juillet 2011 : une révision mesurée du droit de la bioéthique », Rev. dr. fam., 2011,
n° 10, étude 21, pp. 17-22.
9
D. VIGNEAU, « La nouvelle loi “bioéthique” : une réforme à la fois significative et prudente », Dict. perm.
bioeth., bull. n° 218-1, sept. 2011.

483
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

528. L’admission de la recherche sur les embryons. Deux ans plus tard, l’interdit a
pourtant été remis en cause. L’article L. 2151-5 du Code de la santé publique -interdisant
expressément la recherche sur l’embryon- prévoyait initialement une double obligation,
dont l’objet était de démontrer que la recherche était susceptible de permettre des progrès
médicaux majeurs en matière de prévention, de diagnostic ou de soins, et d’établir que le
résultat escompté ne pouvait être obtenu par d’autres moyens, au regard de l’état des
connaissances. La loi du 6 août 20131 supprime cette double exigence. Pour autoriser de
telles recherches, l’article L. 2151-5, I, 2° modifié n’évoque plus que la simple « finalité
médicale », qui permet au corps scientifique plus de liberté dans la manipulation
d’embryons2. La nouvelle loi procède également à la suppression des dispositions
spécifiques aux recherches entreprises dans le cadre de l’assistance médicale à la
procréation, les soumettant au cadre général des recherches organisées et pratiquées sur
l’être humain, dans le but de développer les « recherches biomédicales »3. En ce sens est
adopté le décret fixant le nouveau cadre réglementaire d’application des nouvelles
dispositions4. Cette libéralisation de la recherche biomédicale se situe dans la droite ligne
de ce qu’avait exprimé Madame le ministre Geneviève FIORASO, lorsqu’elle déplorait
qu’en raison du régime de l’interdiction, « des équipes françaises passent à côté de contrats
européens ou ont du mal à attirer des investisseurs »5.
529. Une logique inspirée de l’économie de marché libérale. La permissivité qui
s’ensuit à été de manière très éclairante, dénoncée par un des pionniers de la PMA,
Monsieur Jacques TESTART dans son ouvrage Faire des enfants demain. Au sujet de la
recherche sur l’embryon, celui-ci commence par expliquer que si le procédé « vise, comme
ils le prétendent, à préciser les lois biologiques qui régissent le début du développement,
l’embryon animal devrait constituer un cobaye préliminaire. Car il reste beaucoup à
apprendre de la souris ! Si c’est pour acquérir des améliorations utiles à l’AMP, alors ce
n’est pas l’embryon qu’il faudrait étudier mais plutôt les gamètes souvent imparfaits qui
l’ont engendré et aussi l’utérus qui le portera ! »6. L’embryon ne serait pas tant l’objectif
de la recherche alléguée qu’il n’est le moyen permettant d’atteindre le « but prometteur des
greffes thérapeutiques »7. Or, d’autres cellules souches, à l’instar des cellules de l’adulte ou
du cordon ombilical permettraient d’atteindre un tel résultat. Par conséquent, la recherche
sur l’embryon est à comprendre comme étant une recherche avec l’embryon. Or, l’échec

1
L. n° 2013-715 du 6 août 2013 tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique
en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires.
2
D. VIGNEAU, « La recherche sur l’embryon humain. Quels garde-fous aujourd’hui ? », in Mélanges en
l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 27-39.
3
J.-R. BINET, « Recherches sur l’embryon : nouveau cadre réglementaire », Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm. 84.
4
D. n° 2015-155 du 11 févr. 2015 relatif à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires et à
la recherche biomédicale en assistance médicale à la procréation, J.O, 13 février 2015, p. 2745.
5
Cité par J. TESTART, Faire des enfants demain, éd. du Seuil, 2014, p. 138.
6
J. TESTART op. cit., p. 136.
7
Ibid., p. 137.

484
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

de cette voie ayant été démontré dès 1990 par le voisin britannique, l’entêtement des
laboratoires à une telle consommation d’embryons révèle, pour l’auteur, « une sorte de
pulsion cannibale en même temps qu’une détermination puérile pour “taquiner le
catho” »1. Dans un second temps, des considérations économiques permettent d’expliquer
un tel acharnement sur l’embryon. Selon Monsieur AVENTIN (économiste de la santé)
« sachant que le développement d’une nouvelle molécule coûte en moyenne 650 millions
de dollars et dure quinze ans, il serait alors possible de tester les nouvelles molécules sur
les cellules souches embryonnaires et d’éviter l’étape coûteuse et longue du test sur le
modèle animal qui précède l’essai sur l’homme. Ce gain de temps et d’argent permettrait à
l’industrie pharmaceutique mondiale d’économiser 8 milliards de dollars »2. Il est dès lors
plus aisé de saisir les réelles implications de ces mutations, débordant largement le strict
domaine juridique. Leur appréhension à travers une grille de lecture combinant à la fois
économie médicale3 et biomédecine permet d’en saisir la véritable teneur. S’imposant
« sans violence, bien qu’à l’encontre du discours majoritaire qui les condamne »4, le
carburant qui les anime est d’une part constitué des « pressions des praticiens et
d’individus défendant leur intérêt propre » et des « actions de lobbies industriels » lesquels
peuvent « rencontrer les préoccupations des assureurs, des responsables de la santé et des
partisans de l’économie compétitive ». C’est aussi ce qu’a très justement dénoncé une
partie de la doctrine lorsqu’elle prévient qu’il s’agit de la construction d’un autre monde,
car il obéit à la « toute-puissance de l’argent, où la seule loi qui vaille universellement est
la loi de l’offre et de la demande, la loi du marché. Comme à l’accoutumée, les États-Unis
nous montrent en la matière la voie, qui considèrent que les riches peuvent louer le ventre
des femmes pauvres et s’approprier les enfants ainsi conçus, du moins si ceux-ci sont
parfaitement conformes à la commande. Un nouveau marché se met en place dont, selon
certains, il serait malheureux que la France restât à l’écart »5. Or, ce marché prend place et
se déploie particulièrement en contexte occidental, et concerne des préoccupations de pays

1
Ibidem., p. 137.
2
Cité par J. TESTART, op. cit., p. 137.
3
Sur ce point, V. spec. pp. 40-44, et pp. 102-107.
4
Ibidem., p. 10.
5
Yves LEQUETTE, « L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe : clarification et réflexions », in
L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe, Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-
Assas, 2014, p. 21, spec. n° 21. V. aussi, du même auteur, sur cette nouvelle représentation du monde vu d’ « en
haut (par la CEDH et l’Union européenne) : « De la proximité au fait accompli », Mélanges en l’honneur du
professeur Pierre MAYER, Paris, LGDJ, 2015, pp. 481-518. Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT parle
de « l’avènement d’une véritable “Légo-cité” (...) construite par la volonté de l’homme, libérée des contraintes
d’une nature à présent dominée par le génie humain ». M. DOUCHY-OUDOT, « Les filiations électives à l’épreuve
du droit, vingt ans après », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, p.
506. V., pour une analyse économique de la gestation pour autrui : J. ICARD, « Une analyse économique du droit
de la famille. À propos de la gestation pour autrui », R.R.J, 2011, n° 1, pp. 131-152. Monsieur le professeur
Bertrand MATTHIEU à son tour mettait déjà en garde, en 2003 contre la mise en place d’une logique eugéniste,
encore discrète à l’époque : B. MATTHIEU, « Des droits de l’homme aux droits sur l’homme, ou les
transmutations du droit de la bioéthique », in L’esprit des institutions, l’équilibre des pouvoirs, Mélanges en
l’honneur de Pierre PACTET, Paris, Dalloz, 2003, p. 307-317.

485
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

riches. C’est pourquoi le contraste est saisissant entre « les émotions que soulèvent ces
questions chez les Occidentaux et les enjeux sanitaires d’autres peuples moins richement
dotés »1. C’est dire combien le droit n’est plus aujourd’hui que le réceptacle passif de tous
ces conflits d’intérêts et ne peut, à lui seul, figer le cours d’une telle évolution à l’heure où
il a abandonné sa fonction normative d’orientation des comportements humains au profit
d’une mission plus humanitaire.
530. Le refus de la CEDH de considérer l’embryon tel un bien. La Cour
européenne a été saisie le 26 juillet 2011 de la question relative au sort d’embryons non
implantés2. La loi italienne n° 40/2004 portant « Normes sur la procréation médicalement
assistée »3, adoptée le 19 février et entrée en vigueur le 10 mars 2004 interdit
l’implantation post-mortem, le don d’embryons ainsi que le don pour la recherche
scientifique. Or, la requérante arguait de ce qu’elle ne pouvait plus, du fait du décès de son
compagnon, se faire implanter les embryons, ni en faire don à un autre couple, 4 ni les
donner au profit de la recherche scientifique5. Il s’agissait donc pour la Cour de se
prononcer sur l’interdit du don d’embryons humains non implantés au profit de la science,
notamment sur le caractère proportionné ou non d’une telle ingérence au regard du droit au
respect de la vie privée et familiale de la requérante. Tout d’abord, il convient de souligner
qu’en l’espèce n’était pas en cause un aspect de la vie familiale de la requérante -le projet
familial de la requérante ayant été interrompu par le décès de son compagnon- mais
davantage le respect de l’intimité de sa vie privée. Rendue en grande chambre le 27 août
2015, la décision de la Cour européenne6 précise d’emblée que l’affaire en question ne
relève pas du projet parental car celui-ci ne porte pas sur « un aspect particulièrement
important de l’existence et de l’identité de l’intéressée ». Tout en lui reconnaissant « la
qualité de victime »7 la Cour examine pour la première fois la requête portant sur la libre
disposition par un individu d’embryons issus d’une fécondation in vitro en vue d’en faire
don à la recherche scientifique. Rappelant que l’article 8 de la Convention « est une notion
large qui ne se prête pas à une définition exhaustive et qui englobe notamment un droit à
l’autodétermination (...) de devenir ou de ne pas devenir parent »,8 la Cour s’appuie sur la

1
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole –Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », in Parenté,
Filiation, Origines, Le droit et l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles,
Bruylant, 2013, p. 228.
2
CEDH, 28 mai 2013, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.
3
Sur la constitutionnalité de cette loi, V. : J.-J. PARDINI, « Droit constitutionnel italien et bioéthique : questions
de constitutionnalité (et d’actualité) sur la procréation médicalement assistée », La lettre d’Italie, n° 4, fév. 2014,
pp. 22-29.
4
Art. 4 al. 3 de la loi n°40/2004, déclaré inconstitutionnelle par une décision du Conseil constitutionnel italien
du 10 juin 2014, n° 162.
5
Art. 13 de la loi n° 40/2004.
6
CEDH, 27 août 2015, Parillo c/ Italie, n° 46470/11.
7
CEDH, déc. precit., § 118.
8
§ 157.

486
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

décision du Conseil constitutionnel italien1 ayant déclaré inconstitutionnelle l’interdit de la


fécondation hétérologue, le choix de devenir parent et de fonder une famille relevant de la
« liberté d’autodétermination concernant la sphère de la vie privée et familiale ». Au
regard de ces éléments, la Cour reconnaît qu’est en cause « un aspect intime de sa vie
personnelle et relève à ce titre de son droit à l’autodétermination » inclut dans le champ
d’application de l’article 8 car « les embryons ainsi conçus renferment le patrimoine
génétique de la personne en question et représentent à ce titre une partie constitutive de
celle-ci et de son identité biologique »2. La protection de la potentialité de la vie dont
l’embryon est porteur conduit néanmoins la Cour, à l’instar de ce que préconisait le
gouvernement italien, à considérer légitime le but de protection de la morale et des droits et
libertés d’autrui3. Rappelant la marge d’appréciation dont disposent les États membres
s’agissant des interrogations délicates d’ordre moral et éthique4, et relevant l’absence de
consensus européen sur la question, la Cour estime que le Gouvernement italien n’a pas
excédé la marge d’appréciation qui lui revenait, et que les incohérences de la législation
alléguées ne sont pas de nature à affecter directement le droit qu’invoque la requérante 5.
En refusant de ranger l’embryon humain dans la catégorie des « biens » dont la disposition
serait libre, la décision de la Cour contribue (bien qu’elle ne se prononce pas sur la
question) au respect de la vie humaine dès la conception. Dès lors, un État peut
légitimement interdire la destruction des embryons au nom du respect des droits et libertés
d’autrui.
531. Solutions alternatives à la destruction d’embryons. Lorsque le projet
parental n’est plus, le couple peut choisir d’affecter les embryons inutilisés à la recherche
scientifique6, de les détruire7 ou tout simplement permettre leur accueil par un autre
couple. Si le don d’embryon au profit d’un autre couple n’est plus considéré comme une
mesure exceptionnelle8, cette alternative présente l’avantage de privilégier le don à la
destruction de l’embryon 9. Une telle alternative apparaît comme un moindre mal

1
Cons. constit. italien, 10 juin 2014, déc. precit., n° 162.
2
§ 159.
3
§ 167.
4
§ 175-176.
5
§ 197-198.
6
Provisoire, cette solution permettait d’améliorer les conditions dans lesquelles l’AMP pouvait être réalisée. Son
interdiction impliquait que les recherches permettant une telle amélioration soient exclusivement menées à
l’étranger. Madame CHADELAT, magistrate au ministère de la justice, relève ainsi le paradoxe : « certaines des
recherches actuellement interdites sont indispensables pour la mise au point des procédés de cryoconservation
des gamètes féminins qui font actuellement défaut et qui, seuls, permettraient eux-mêmes une stricte limitation
du nombre des embryons fécondés in vitro en vue de l’assistance médicale à la procréation ». Cité par J.-R.
BINET, « L’embryon surnuméraire : l’impossible avenir d’une solution dépassée », art. precit., p. 200.
7
J. SAINTE-ROSE, « L’enfant à naître : un objet destructible sans destinée humaine ? », JCP, G, I, 2004, 194.
8
Art. L. 2146-6 CSP.
9
Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) avait déclaré en 1989 déjà que tout devait être fait afin
d’éviter leur existence. Son avis était ainsi libellé : « On peut espérer que les progrès des méthodes de
fécondation in vitro donneront un caractère temporaire aux problèmes soulevés par leur devenir en évitant la

487
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

« puisqu’elle permet au moins à l’embryon de vivre. Mais l’accueil de l’embryon par un


autre couple suscite également des difficultés, qui ne permettent pas de voir dans cette
pratique une issue satisfaisante à la conservation (…) les capacités d’accueil d’embryons
sont tout à fait insuffisantes pour apporter une solution au problème du stock des 200.000
embryons conservés actuellement en France »1. Humainement sans issue pour Monsieur le
professeur BINET, aucune de ces solutions ne semble satisfaisante si l’on songe à l’article
16 du Code civil et au principe primordial de respect de l’être humain dès le
commencement de sa vie. Convient-il de rappeler que la conception d’un nombre
d’embryons plus important répondait au faible taux de réussite des grossesses ainsi qu’à
l’impossibilité de congeler les ovocytes. Depuis 1998, la méthode de vitrification
ovocytaire2 permet une telle alternative en préservant certaines fonctions cellulaires
généralement détruites par la congélation classique. S’il est désormais possible de
conserver des ovocytes, rien n’obligerait à les féconder et, la conception d’un seul
embryon suffit pour une implantation. En cas d’échec, l’utilisation des ovocytes
cryoconservés par vitrification permet d’obtenir d’autres embryons pour mener à bien le
projet parental3. Consacrée par la loi du 7 juillet 2011, cette technique de congélation ultra-
rapide semble donner des résultats très prometteurs 4. C’est pourquoi la réforme des lois
bioéthiques en 2011 constituait, en théorie, un premier pas vers la fin de la conservation
des embryons. Pourquoi dès lors persister à conserver un stock d’embryons5? Si le Code de
la Santé publique6 et le Code pénal7 condamnent le processus même de congélation, quelle
est la destinée de tels stocks.

constitution de ces embryons surnuméraires qui sont, il faut le souligner, en nombre limité. Le fait même que
subsistent ainsi des embryons humains dans une situation d’excédent pose des problèmes graves sur lesquels le
Comité national a voulu attirer l’attention dans les réflexions éthiques qui précèdent. Aucune des décisions qui
peuvent être envisagées, don de ces embryons pour l’accomplissement du projet parental d’autrui, don pour la
recherche ou destruction, n’est jugée satisfaisante par l’ensemble des membres du Comité ». CCNE, avis n° 18,
État des études conduites par le Comité concernant les dons de gamètes et d’embryons, 15 décembre 1989. Cf.
également la Résolution du Parlement européen pour qui « l’Union devrait se concentrer sur des recherches
relatives à d’autres solutions telles que celles portant sur les cellules souches somatiques ou ombilicales, que les
États membres autorisent tous et qui ont déjà permis le traitement de patients avec succès », Parlement européen,
Résolution sur le commerce d’ovules humains, 10 mars 2005, P6_TA(2005)0074.
1
J.-R. BINET, « L’embryon surnuméraire : l’impossible avenir d’une solution dépassée », art. precit., p. 195.
2
Art. L. 2141-1 al. 4 CSP.
3
L’article L. 2141-1 al. 5 dispose que : « La mise en œuvre de l’assistance médicale à la procréation privilégie
les pratiques et procédés qui permettent de limiter le nombre des embryons conservés. L’Agence de la
biomédecine rend compte, dans son rapport annuel, des méthodes utilisés et des résultats obtenus ».
4
À la condition de ne pas créer un stock d’ovocytes par convenance personnelle en dehors de toute nécessité
thérapeutique, ce qui ne semble pas certain au regard de l’offre de conservation des ovocytes proposée aux
femmes à l’occasion d’un don.
5
L’article L. 2141-3 alinéa 2 du CSP issu de la loi de 1994 autorise, temporairement, une telle congélation.
6
Art. L. 2143-3 al. 1er, art. L. 2151-2.
7
Art. 511-17 et 511-18 du CP : sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende.

488
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

Section 2. L’accès à l’enfant pour tous

532. La transformation consécutive du lien de famille. Le XXème siècle a été le


théâtre d’une mutation juridique sans précédent dans l’approche du mariage et de la
famille. Posé en termes de droits subjectifs, le mariage n’est plus une institution juridique
mais une affaire privée. La dimension institutionnelle des structures de la parenté est
remise en cause « parce que l’homme du XXIème siècle ne veut plus de la réalité, il veut
pouvoir mettre dans les termes -dans ce terme somme toute assez simple de mariage-
seulement ce qu’il désire. Ainsi, “tout duo se veut mariage”, c’est “le mariage pour tous
(concubins, homosexuels)” »1 et, dans un avenir proche, la filiation pour tous. Bâti en
référence à la réalité biologique, le droit de la filiation souffre aujourd’hui d’une
inadaptation patente par rapport à la réalité qu’il est censé régir. Si le législateur a veillé,
des décennies durant, à garantir une construction juridique fidèle au modèle de procréation
biologique, l’entrée en vigueur de la loi du 17 mai 2013 rompt brutalement avec ce modèle
en consacrant la possibilité d’une filiation détachée de manière apparente 2 de la réalité de
la procréation3. Après la dissociation de la sexualité et de la procréation, il s’agit de la
dissociation entre procréation et filiation4. L’engagement parental trouverait dès lors son
expression la plus parfaite5.
533. L’intérêt de l’enfant nié. Le mouvement conjugué de la parentalité, de
l’homoparentalité et de la place accordée par le droit à la volonté humaine invite à repenser
les fondements de la filiation à l’aune de ces changements (§1). Appréhendée
exclusivement du point de vue de l’intérêt du couple, la nouvelle conception de la filiation
qui en découlera ne prend pas en considération celui de l’enfant. C’est ce que Monsieur le
professeur J. PARAIN-VIAL avait qualifié de sorte d’« égoïsme des parents malgré eux »6.

1
A. BETHERY DE LA BROSSE, Entre amour et droit, le lien conjugal dans la pensée juridique moderne (XVI ème -
XXIème siècles), Paris, LGDJ, 2011, p. 376, n° 564.
2
Le modèle de procréation médicalement assistée maintient aujourd’hui encore le lien entre procréation et
filiation.
3
V. en ce sens : A. MARAIS (dir. de) La procréation pour tous, Paris, Dalloz, coll. « Thèmes&Commentaires »,
2015. V. aussi le Dossier « La construction d’une nouvelle identité familiale : les tiraillements de la procréation
médicalement assistée entre nouveaux droits et principes fondamentaux », in Journal inter. de bioéthique et
d’éthique des sciences, 2015, vol. 26, pp. 95-163.
4
Sur les incidences de ce détachement sur le lien de filiation, V. J.-J. LEMOULAND, « La filiation désexuée :
nouveau modèle pour la famille de demain ? », in Mélanges en l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris,
LexisNexis, 2014, pp. 561-580.
5
En ce sens, cf. I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs
de responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre déléguée chargé de la
Famille. Les auteurs de ce rapport défendent l’idée d’une parenté exclusivement intentionnelle, car elle
reposerait sur un engagement volontaire. L’adoption plénière cesserait d’imiter le modèle biologique de la
filiation, en procédant à une simple transcription de la mention du jugement dans l’acte de naissance de l’enfant
et, concernant la procréation avec tiers donneur, une déclaration commune anticipée de la filiation mentionnerait
l’identité des parents de l’enfant.
6
J. PARAIN-VIAL, « Sur la paternité selon Gabriel Marcel », Arch. philo. dr., 1975, pp. 149-162. Cet égoïsme des
parents malgré rejoint l’idée de Madame le professeur DOUCHY-OUDOT lorsqu’elle met l’accent sur le fait que

489
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

Or, la prise de conscience d’être au monde et l’importance attachée à la vie humaine


lorsque celle-ci est vécue « avec un sentiment de révérence et de piété »1 ne peut avoir
pour but unique le plaisir individuel. Cet égoïsme nie l’intérêt de l’enfant car ce dernier
« peut devenir un moyen de distraire ses parents ou d’assouvir une ambition. Il est alors
objet d’idolâtrie et objet d’amertume pour peu qu’il déçoive l’attente de l’égoïsme paternel
ou maternel »2. Dans ces conditions, se pose la problématique liée à la chosification de
l’enfant comme objet de désir -ou de non désir-3 dont on célèbre pourtant la primauté des
droits (§2).

§1) La nécessité de repenser le lien de filiation

534. Les structures de la parenté malmenées par le pouvoir de la volonté.


L’établissement volontaire de la filiation soulève aujourd’hui le problème de son utilisation
par les couples de même sexe4. La fonction éducative du couple homosexuel, si elle est
revendiquée en vue de sa solubilité dans les mécanismes propres à la parenté (B), pèche
par son invraisemblance et ne permet pas de sécuriser la filiation de l’enfant. La
survalorisation du rôle de la volonté contribue à « élargir la notion de filiation à des
situations qui n’en relevaient pas jusqu’alors » et favorise la « torsion de la notion de
filiation qui en est, certes, renouvelée, mais également déstabilisée »5. Ces filiations
électives6, particulièrement avec tiers donneur, cristallisent tout l’enjeu de cette
problématique à tel point que la volonté constituera probablement, dans un avenir proche,
le fondement (exclusif ?) de la filiation7 (A). Dans ce contexte, une adaptation du lien de
filiation aux nouvelles configurations s’impose, que ce soit par l’usage des mécanismes

« dans le couple, la potentialité de l’enfant exprime la fécondité de l’amour. Le décalage entre l’intériorité de
l’amour, le don, et l’expression du corps conduit à réduire la réalité de l’acte en soi. Cette affirmation suppose
d’avoir accepté de définir ontologiquement la personne, corps animé qui a une liberté conditionnée et orientée ».
C’est dire que l’amour que peuvent se porter deux personnes ne peut trouver sa plénitude que dans la
procréation. Cf. M. DOUCHY-OUDOT (dir. de), La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations
familiales, Poitiers, DMM, 2013, p. 27.
1
J. PARAIN-VIAL, « Sur la paternité selon Gabriel Marcel », art. precit., p. 152.
2
Ibid., p. 153.
3
M.-T. MEULDERS KLEIN, « L’irrésistible ascension de la vie privée au sein des droits de l’homme », in Le droit
au respect de la vie privée au sens de la Convention européenne des droits de l’homme, F. SUDRE (dir. de),
Bruxelles, Coll. « Droit et Justice », Bruylant, 2005, p. 329.
4
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, La notion de filiation en droit comparé, droit français et droit anglais, Thèse,
Paris II, 2013, p. 116.
5
Ibidem., p. 116.
6
Sur les filiations électives, V. : M. DOUCHY-OUDOT, « Les filiations électives à l’épreuve du droit, vingt ans
après », in Mélanges Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, pp. 502-511.
7
L. MONTILLET DE SAINT-PERN, op. cit., p. 115-116, spec. n° 198-199. V. aussi : J. HAUSER, « Le projet de loi
sur le mariage des personnes de même sexe. Le paradoxe de la tortue d’Achille », JCP, G, 2012, 1185;
H. FULCHIRON, « La reconnaissance de la famille homosexuelle : étude d’impact », D., 2013, 100 ; A.-M.
LEROYER, « La loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. Au
passé, présent et futur », D., 2013, 1697.

490
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

propres au droit de la filiation ou par l’invention d’ « un rapport familial d’un genre


nouveau »1. Une nette césure distinguera alors les filiations biologiques des filiations
volontaires.

A) La volonté, fondement post-moderne exclusif du lien de filiation ?

535. Une contestable remise en cause de l’engendrement. Le droit de la filiation a


directement bénéficié du « mythe de l’engendrement » 2, dont la force a directement permis
de fonder la construction du droit de la filiation. L’appel actuel au droit comme « pouvoir
instituant de la Parole »3 a très justement pu être qualifié d’« engendrement par la
Parole »4, car il a pour objet de relier symboliquement ce que la technique a
mécaniquement séparé. Or, toute tentative d’extraction du système de parenté de sa
dimension biologique bute sur la remise en cause de ce mythe 5 comme fondement de la
filiation6. Pour Monsieur le professeur Pierre MURAT, « tout se passe comme si nos
institutions refusaient d’assumer ouvertement l’autonomie des constructions de filiations

1
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et
l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON (dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 259. Sur le mythe
de la représentation juridique, cf. aussi E. DOCKES, in Le corps et ses représentations, E. DOCKES, G. LHUILIER
(dir. de), Litec, vol. 1, 2001, pp. 163-187.
2
Pour Madame le professeur T HERY pourtant, « toujours et partout, l’engendrement est un acte social, non un
acte naturel : il est toujours-déjà mis en signification au sein du système de parenté qui le précède logiquement
(…) La simple complémentarité physique entre mâle et femelle serait bien incapable de créer par elle-même une
socialité de type humain ». C’est pourquoi l’auteur conclut purement et simplement qu’ « évoquer une substance
purement physique et la nommer le “biologique” est un mythe pur et simple ». Cf. I. THERY, Des humains
comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 206.
3
Que Monsieur le professeur PIERRON définit comme étant « la rétrojection et l’intériorisation des effets du
monde en soi par le langage ». J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole –Nouvelles techniques de procréation et dit
du droit », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, p. 227.
4
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole –Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit., p. 232
et s.
5
Sur la distinction entre engendrer et procréer, Madame I. THERY explique que la volonté conjointe du couple
de donner naissance à un enfant permet au père d’engendrer malgré son état de stérilité. Bien que n’étant pas le
véritable procréateur, celui-ci participe directement au processus par lequel l’enfant vient au monde. Outre la
dimension physique liée à la procréation, l’engendrement humain reposerait sur toute une dimension psychique
et affective qui permet de dire que l’homme stérile participe aussi de l’acte d’engendrement, sans procréer. Cf.
I. THERY, « Postface. Engendrement et filiation au temps du démariage », in Parenté, Filiation, Origines, op. cit.,
p. 353 ; I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010,
p. 125. Le danger d’un tel raisonnement conduit en revanche, par compassion envers les individus ne pouvant
procréer, à se donner l’illusion que ceux-ci seraient procréateurs du seul fait de l’intention, ce qui revient à nier
la réalité de leur infertilité. L’on se retrouve donc bien en présence de l’idée d’un engendrement par la Parole. En
faveur d’un rétablissement du sens réel des mots, V. : G. DE VRIES, « Une exigence sémantique : rétablir le sens
des mots », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 115-120.
6
C’est ce que Monsieur le professeur Pierre MURAT résume comme étant le dilemme entre parenté ou
parentalité. Cf. P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation ? », in Parenté, Filiation, Origines, Le
droit et l’engendrement à plusieurs, op.cit., pp. 259-271 ; du même auteur : « Enjeu de structures sociales ou
logique des droits fondamentaux ? », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 285-300.

491
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

non fondées sur l’engendrement (... ) »1. Tournée vers la fonction assignée à la filiation,
une telle analyse en occulte pourtant le sens2, plus à même d’éclairer sur les hésitations
portant sur l’extension de la filiation aux couples de même sexe. L’articulation symbolique
des dimensions biologique et sociale de la filiation « donne à penser, à signifier et à vivre
un type de liens humains et familiaux, dont la signification attend, dans le temps long
d’une vie de famille, d’être interprétée. Car on apprend à se comprendre devant et dans ce
monde de symboles qu’est l’ordre familial. Pour cela, ne peut être faite l’économie du
temps. La famille est, de ce point de vue, au-delà des rapports contractuels qui formalisent
des liens, une modalité du temps traversé ensemble sur fond d’appartenance à un même
lignage »3, favorisant l’inscription de l’enfant dans des relations humaines. Là réside
probablement la portée de la vérité symbolique attachée à la filiation, dont l’univers de
représentations4 qui y est attaché repose sur ce mythe de l’engendrement et insère le sujet
dans l’humanité5. Cet univers de représentation n’est pourtant pas détaché des valeurs qui
l’inspire et qu’il inspire. Si le processus même de représentation –de repraesentare-
consiste à « rendre présent », il ne s’agit pas tant de l’objet à représenter que du lien
existant entre l’objet et la représentation. Ce lien ne relève nullement d’une perception
indépendante de la réalité, sans quoi il aboutit à nier la réalité concrète comme objet de la
pensée, pour bâtir un droit de la filiation sur un nouveau mythe, celui de la volonté 6. C’est
probablement en réaction à la négation de ce que représente le lien de filiation que
Madame MIRKOVIC propose d’insérer expressément, en tête du titre VII, que « La filiation
indique à chacun de qui il est né, et le relie à ses père et mère »7.
536. Les implications de la reconnaissance du droit à l’enfant au profit des
couples de même sexe. En l’état actuel du droit, les femmes qui ont recours à un don de
sperme s’inscrivent dans le cadre d’un projet parental dans lequel leurs maris, partenaires
ou concubins doivent accepter devant un juge ou un notaire un don de gamètes qui les
engage comme s’ils étaient les géniteurs de l’enfant8. Le consentement donné leur interdit
ultérieurement de contester leur paternité. Bien que la reproduction du modèle biologique
soit imparfaite, elle est néanmoins calquée sur le modèle biologique. L’ouverture projetée

1
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation ? », art. precit., p. 268.
2
Ibidem., p. 265.
3
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole –Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit.,
p. 224. Comme l’écrivait Monsieur le doyen CORNU, « la filiation n’est pas seulement la naissance ; la famille
n’est pas seulement le sang, mais grandir, vivre, vieillir ensemble ». G. CORNU, « La filiation », Arch. philo dr.,
1975, t. 20, p. 36.
4
E. DOCKES, « Le mythe de la représentation juridique », in Le corps et ses représentations, op. cit., pp. 163-
187.
5
D. FENOUILLET, « Du mythe de l’engendrement au mythe de la volonté. Adoption, procréation et parenté à
l’épreuve de la toute puissance du sujet », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 37-71, spec. n° 49.
6
Ibid., spec. n° 43-51.
7
A. MIRKOVIC, « Refonder le droit de la filiation », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’enfant, Institut
Famille&République, 2016, p. 307.
8
Art. 311-20 C. civ.

492
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

de l’AMP au profit des couples de femmes, outre qu’elle impose de revoir le fondement de
la filiation, nécessite une transformation de l’adoption. Un fondement volontaire serait
alors substitué aux règles de la filiation instituées au titre VII du Code civil, voire une sorte
de présomption de comaternité établie préalablement à la venue au monde de l’enfant.
Dans l’un et l’autre cas, l’éviction de la filiation par procréation charnelle favoriserait
l’émergence de filiations par convenance personnelle1. Il en résulterait une unification du
droit de la filiation autour de la volonté, avec trois modes d’établissement placés sur un
même pied d’égalité. L’idée fédératrice à un tel bouleversement serait que l’engendrement
ne repose pas uniquement sur une dimension procréative mais davantage sur une forte
« dimension psychique, mentale, affective, intentionnelle et surtout institutionnelle, qui va
lui accorder sens et valeur au sein de notre monde humain »2. Loin de renoncer
définitivement au modèle de procréation biologique, les partisans d’une telle
transformation du système de parenté prônent un simple abandon formel afin de valoriser
la filiation issue de la parenté intentionnelle. L’ambiguïté est de mise, car le raisonnement
conduit à renoncer, dans les mots de la loi (et par la suite dans les mentalités individuelles),
à la promotion du modèle de filiation fondé sur la procréation charnelle afin de hisser, à ses
côtés, un modèle (imaginaire, impossible ?) d’un nouveau genre, dont le fondement
reposerait sur toute une dimension psychique de devenir parents 3 ! Il n’est pas étonnant
qu’un éminent professeur ait clôturé les travaux d’une journée d’étude en soulignant le
caractère artificiel de l’entreprise qui consiste à délier le réel de l’imaginaire !4 Sans
profondeur aucune ni fondement juridique certain, le nouveau modèle de filiation proposé
a pu être dénoncé par un think thank de juristes, dont les travaux ont pour objet la
reconstruction du mariage et de la filiation, en mettant en évidence les conséquences mal
évaluées de la loi du 17 mai 2013 sur le droit de la famille. Pour remédier à ces difficultés,
la révision de la loi est au cœur des travaux5, en vue de refonder et rendre sa cohérence au
droit de la famille et du couple6. Entre autre propositions ambitieuses des contributeurs, si
la loi en 2013 n’a pas touché à la filiation de droit commun, l’adoption ouverte au profit
des couples de même sexe, nécessiterait d’être refondée.

1
Cf. C. NEIRINCK, « Filiation par convenance personnelle et droits de l’enfant », Rev. dr. fam., 2013, n° 4,
repère 4.
2
I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique, anonymat et genre du don, op. cit., p. 130.
3
Comme le souligne Madame le professeur DOUCHY-OUDOT, « L’évolution du droit de la filiation pourrait aller
au-delà en rendant accidentel ce qui est essentiel, reléguant la procréation charnelle à n’être qu’un mode parmi
d’autres dans l’établissement du lien de filiation ». M. DOUCHY-OUDOT, « Les filiations électives à l’épreuve du
droit : vingt ans après », art. precit., p. 505.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Propos conclusifs. Les procréations médicalement assistées, lieu de confrontation du réel
et de l’imaginaire », Arch. philo. dr., 2014, t. 57, pp. 485-499.
5
V. supra, n° 376.
6
V. particulièrement, C. BRUNETTI-PONS, « La nécessité de réformer la loi du 17 mai 2013 pour rendre sa
cohérence au droit de la famille et du couple » in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, op. cit., 2016, pp. 327-
337.

493
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

537. L’adoption à reconstruire. Alors que l’adoption visait, au lendemain de la


première Guerre mondiale, à prendre en charge un nombre élevé d’enfants orphelins1 en lui
assignant une fonction « réparatrice »2, l’état de cette institution est loin de répondre,
aujourd’hui encore, à un tel objectif. Utilisée par les familles recomposées3 puis les
couples homosexuels4, le modèle de la filiation biologique sur lequel elle a été construite
ne correspond plus aux réalités actuelles. C’est pourquoi son ouverture au profit des
couples de même sexe laisse perplexe, faute d’une refonte globale. Une partie de la
doctrine n’a pas manqué de souligner la nécessité d’une reconstruction de l’adoption en
distinguant les situations d’adoption d’un enfant abandonné en vue de créer une famille,
d’autres situations permettant la consolidation de familles par l’adoption de l’enfant du
conjoint voire, la création d’un enfant5. Monsieur le professeur MURAT ne manque de
souligner que « le rattachement ne peut être fondé sur la même cause lorsqu’il s’agit
d’accueillir un enfant déjà né auquel il faut donner une famille de remplacement ou de
s’engager dans des processus médicaux qui permettent de faire naître un enfant désiré dès
l’origine »6. À l’issue des premières réflexions menées, l’adoption simple serait celle qui
souffrirait le plus du « manque de lisibilité sur ses finalités »7, tant elle a réussi, par sa
souplesse, à épouser la variété des intérêts individuels –non sans un contorsionnisme
juridique8. L’objectif de « rationalisation de ses finalités » constitue un impératif qui
permettrait de mettre l’accent sur sa finalité, qui demeure l’inscription d’un enfant au sein
d’une généalogie. À cet égard, Madame MIRKOVIC propose une définition de ce qu’est
l’adoption, en référence à l’objectif qu’elle est censée satisfaire. Celle-ci serait
« l’institution au service de l’enfant, qui a pour objet d’offrir à l’enfant privé de ses père et
mère d’origine, ou de l’un d’eux, des pères et mères adoptifs »9. Naturellement -dans la
logique de l’auteur- l’adoption par une personne seule serait supprimée, car elle n’est pas
en mesure de réparer la privation de l’enfant de ses deux parents10. Si l’objectif est de

1
Loi du 19 juin 1923 qui a permis l’adoption des mineurs dans l’intérêt des orphelins de guerre.
2
P. MURAT, « Passer par la filiation ou dépasser la filiation », art. precit., p. 262.
3
V. supra, n° 255.
4
V. supra, n° 368 et s.
5
H. BOSSE-PLATIERE, « Premières réflexions pour une indispensable reconstruction du droit de l’adoption », in
Mélanges en l’honneur du professeur Raymond LE GUIDEC, Paris, LexisNexis, 2014, pp. 589-606 ; J. HAUSER,
« L’adoption simple, joker de la crise de la parenté ! », Rev. dr. fam., 2010, n° 9, Alerte 55 ; V. aussi du même
auteur : « Que faire de l’adoption simple ? », Mélanges en l’honneur du professeur NEIRINCK, Paris, LexisNexis,
2015, pp. 523-537.
6
P. MURAT, « Pour une vraie réflexion prospective en droit de la famille », in Mélanges en l’honneur du
professeur Raymond LE GUIDEC, op. cit., pp. 787-788.
7
H. BOSSE-PLATIERE, « Premières réflexions pour une indispensable reconstruction du droit de l’adoption », art.
precit., p. 597.
8
Ibid., p. 591.
9
A. MIRKOVIC, « Refonder le droit de la filiation », in Le Mariage&La Loi, Protéger l’enfant, op. cit., p. 301.
10
L’auteur réserve le cas de l’adoption de l’enfant du conjoint qui permet de compléter le schéma familial, voire
l’adoption d’un enfant orphelin par un oncle ou autre membre de la famille afin d’échapper à la lourdeur de la
gestion tutélaire.

494
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

refonder solidement le droit de la filiation en remettant l’enfant au cœur du dispositif,


d’autres travaux doctrinaux, particulièrement le rapport Filiation, origines, parentalité
remis à Madame BERTINOTTI préconisent un tout autre chemin dans la refonte du droit de
la famille. L’abandon de la logique imitative de la procréation biologique au profit de tous
les couples est au cœur des propositions de ce texte.

B) Vers la filiation monosexuée

538. Vers une déclaration commune anticipée de filiation 1 ? En plein essor dans
les pays ayant connu plus tôt des évolutions semblables, la comaternité est fondée -à
l’instar de celle des pères dans les couples hétérosexuels- sur le consentement à l’AMP
donné devant un juge ou un notaire. Cette perspective favorise l’établissement automatique
du lien de filiation à l’égard du couple de même sexe non par présomption, mais par
déclaration. Une comaternité posant une présomption n’est cependant pas préconisée par le
rapport de Madame THERY. Pour celle-ci, la filiation d’un enfant issu d’une insémination
artificielle avec un tiers donneur n’a pas à s’inscrire dans un modèle pseudo-procréatif2 et
serait limitée au seul mariage. Or le rapport souhaiterait bannir tout traitement différencié
reposant sur la nature du statut conjugal et, de ce fait, fonder la procréation sur le seul
engagement parental3. Cet engagement à engendrer devant être le même pour tous les
couples, plus rien ne justifierait la distinction entre les statuts conjugaux. Ce préalable étant
précisé, il convient de souligner que le consentement du père dans le cadre d’un don
anonyme est pour l’heure maintenu secret, pour permettre à la présomption de paternité de
jouer pleinement, conformément au modèle biologique. De la même manière, l’homme qui
épouse une femme ayant un enfant ne peut en devenir le père que s’il l’adopte. Si la
présomption est limitée au sein des couples de femmes4, leur permettre d’établir un lien de
filiation à l’égard de l’enfant créerait une inégalité entre les couples, du seul fait que
l’épouse de la mère ait eu recours à un don de sperme anonyme5. Le raisonnement en

1
J.-J. LEMOULAND, « La filiation désexuée: nouveau modèle pour la famille de demain ? », in Mélanges en
l’honneur du professeur Claire NEIRINCK, Paris, LexisNexis, 2015, pp. 562-580.
2
En effet, la logique clairement affichée du rapport est de s’éloigner de la procréation charnelle comme modèle,
afin de reconnaître le rôle entier du donneur de gamète dans l’engendrement.
3
I. THERY, Filiation, Origines, Parentalité, rapp. precit., p. 170.
4
Madame le professeur Claire NEIRINCK l’explique parfaitement : « Les présomptions sont “des conséquences
que la loi tire d'un fait connu à un fait inconnu” (C. civ., art. 1349). Ce mode de preuve repose sur des
déductions qui permettent d’affirmer comme vrai ce qui n’est que vraisemblable. S’il est vraisemblable que
l’homme qui vit avec la mère peut être le géniteur de l’enfant, ce qui permet sur le terrain du droit d’imposer sa
paternité, on ne peut absolument pas déduire du fait qu’une femme vive avec une autre femme et consente à son
insémination artificielle qu’elles ont conçu ensemble l’enfant ». C. NEIRINCK, « La comaternité », Rev. dr. fam.,
2015, n° 3, repère 3.
5
V. DEPADT-SEBAG, « La place des tiers dans la conception d’un enfant né par AMP avec donneur : un secret
d’ordre public », D., 2011, chron. 350 ; V. DEPADT-SEBAG, « Le don de gamètes ou d’embryon dans les
procréations médicalement assistées : d’un anonymat imposé à une transparence autorisée », D., 2004, p. 893.

495
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

termes de déclaration commune anticipée au profit des couples de même sexe implique de
revoir l’adoption de l’enfant du conjoint mais aussi l’avenir que l’on souhaite réserver à la
présomption de paternité. La mise à plat du droit des couples serait inéluctable en vue de
mettre en place une égalité tenant à un engagement identique que ce soit en mariage, en
Pacs ou en concubinage. Le rapport ne manque de la souligner lorsqu’il envisage la
conception de l’enfant de manière parfaitement autonome du statut des parents 1. Si la
déclaration de volonté commune anticipée pourrait être une alternative permettant
l’établissement de la filiation de l’enfant en dehors de toute apparence pseudo-procréative
–celle-ci ne serait pas censée traduire la vérité biologique- le rapport s’y montre favorable
tant pour les couples de même sexe que pour les couples non mariés (le conjoint étant
entendu au sens très large au sein du rapport) 2. Un tour d’horizon en droit comparé permet
de révéler que les pays ayant déjà adopté cette déclaration commune l’auraient néanmoins
réservée aux couples non mariés3, hétérosexuels soient-ils ou homosexuels, en la
subordonnant à l’accord de la mère de l’enfant. Or, le consentement commun donné au
projet parental devrait -pour les promoteurs de ce modèle- pouvoir se suffire à lui-même,
c’est-à-dire sans qu’un accord de la mère gestatrice à la déclaration de parentalité de la
conjointe ne soit nécessaire, au risque de se muer en une sorte d’adoption au moment de sa
mise en oeuvre4. Les deux membres du couple qui consentiraient en la forme authentique à
l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur feraient concomitamment une
déclaration commune anticipée de filiation devant le juge ou le notaire. La condition de
secret serait même abandonnée au profit de la mention à l’article 311-20 du Code civil
d’un droit au respect de la vie privée des parents –dont relève la conception de l’enfant- et
permettre une meilleure association du donneur d’engendrement au projet parental afin de
le sortir de sa zone d’ombre. De cette manière serait assurée une meilleure
responsabilisation des parents et la fin de l’effacement du donneur. Madame le professeur
Claire NEIRINCK mettait déjà en garde contre les dangers que soulèverait une telle
admission : « sous son inexacte nomination, elle (la comaternité) masque la légalisation
d’une nouvelle filiation qui nie la réalité biologique de l’engendrement et qui refuse la
dimension institutionnelle des structures de la parenté. Elle est le fruit exclusif d’un accord
privé passé entre deux personnes. À la conception artificielle et contractualisée de l’enfant,
elle ajoute un partage conventionnel de la filiation et de l’autorité parentale (…) Admettre
la comaternité, (…) c’est renoncer à ce qui fait la force du droit : son caractère extérieur
indispensable, qui, seul, lui permet de régir et de réguler les diverses relations qui
s’établissent entre ses membres »5.

1
I. THÉRY, rapp. precit., p. 171.
2
Ibid., p. 175.
3
Notamment, l’Espagne, le Royaume-Uni et la Québec.
4
Ibidem., p. 174.
5
C. NEIRINCK « La comaternité », art. precit.

496
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

539. La particularité du droit anglais. Le support contractuel de telles filiations


fictives révèle le pouvoir de la volonté, fondée sur la toute puissance. D’autres législations,
notamment anglaise, s’y rallient déjà. Dans son travail de thèse, Madame Laure
MONTILLET DE SAINT-PERN explique de quelle manière le droit anglais fait une place à la
notion d’intent model, filiation fondée sur la volonté et non sur le lien conjugal des parents.
La dissociation entre statut des parents et projet parental en droit anglais lui permet de
reposer sur l’unique volonté d’être parent, appuyée par la mise en place d’un système de
présomption au profit des couples mariés et des couples ayant contracté un civil partner.
Au sein d’un couple de femmes, l’attribution de la parental responsability au bénéfice de
la second female parent permet à la partenaire de la mère d’être considérée comme
l’ « autre parent » de l’enfant1. Lorsque la mère n’est pas engagée dans un civil
partnership, la compagne de la mère peut néanmoins acquérir la parental responsability
suivant les mêmes modalités que le père non marié. Lorsque les conditions relatives à la
agreed female parenthood sont remplies, la compagne de la mère bénéficie de la parental
responsability du fait de sa déclaration de parenté concordante avec celle de la mère ou
solliciter du juge un parental responsability order en raison du rôle effectif exercé auprès
de l’enfant, voire conclure un parental responsability agreement avec la mère. Si un tel
accueil de la parentalité a été rendu possible en droit anglais, c’est que celui-ci s’attache
davantage à l’appréciation du rôle parental effectif du parent social, sans chercher à lui
attribuer un statut spécifique. Une telle attitude contraste avec la logique juridique
française, habituée à raisonner en termes de statuts. La mise en place de catégories
juridiques, corollaires du principe de sécurité juridique en France, s’accommode pourtant
mal de la malléabilité que l’on souhaite faire endosser à la filiation. Si le statut est
clairement distingué du rôle en droit anglais –source, au demeurant, de flexibilité-, cet
élément est la pièce manquante qui est aujourd’hui discutée en France. Le renoncement au
statut au profit du rôle joué par le parent social ne va pas sans dénaturer les fondements du
système juridique, fortement attaché au raisonnement en termes de statuts. Il s’agit donc
bien d’un renouveau qui est proposé, pas seulement de la notion de filiation mais des
fondements du système juridique.
540. Vers une contamination législative ? Le rapport Filiation origines et
parentalité semble pourtant avoir jeté les fondations de ce renouveau vers un droit post-
moderne de la filiation. De plus en plus appréhendé en termes de « modernité et
d’évolution » -appréciées à l’aune du degré de développement des sociétés- le droit de la
famille ne saurait résister à cette attraction pour s’aligner sur les législations modernes,
humaines et égalitaires des pays occidentaux. Convient-il de souligner que la Belgique a
adopté, le 1er janvier 2015, une loi instituant la comaternité, suivant le chemin balisé par le
Code civil québécois depuis 2002, et espagnol depuis 2007. Désormais, le voisin belge
admet que le consentement donné par une femme à l’insémination artificielle de sa

1
Children Act (c. 41) 1989, Section 2 (1A) (a).

497
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

conjointe désigne automatiquement celle-ci comme deuxième parent de l’enfant. Il est


permis de croire que la contamination législative qui s’ensuivra permettra, dans les
prochaines années, d’instituer un tel modèle de filiation pour tous en droit français.

§2) Quel avenir pour l’enfant

541. La réification de l’enfant. L’article 7 de la Convention des Nations-Unies


relative aux droits de l’enfant dispose que celui-ci a le droit de connaître ses parents et
d’être élevé par eux. Or, lorsque la conception de l’enfant s’inscrit dans le cadre d’un
projet parental à plusieurs, son intérêt est purement et simplement nié. Monsieur le
professeur Jean HAUSER l’exprime d’ailleurs bien lorsqu’il fait remarquer que « tout se
passe comme si l’intérêt supérieur de l’enfant était absent quand on le fabrique, quand on
le fait naître et quand on établit sa filiation, la seule voix audible étant alors celle des
candidats parents, peu importe son intérêt à naître, puis, pendant le déroulement de la
famille, on verrait s’inverser les choses, et cet enfant, dont l’intérêt n’a rien pesé quand on
l’a fabriqué, serait-ce avec le secours de la médecine et du droit, deviendrait le roi de la
situation au prix d’excès et de contradictions nombreux…, son existence devenant parfois
l’alibi des illégalités commises par ses parents pour le fabriquer. Le flou entretenu des
critères nourrit un opportunisme parfois surprenant »1. À pousser le raisonnement à son
extrême, Madame le professeur Mélina DOUCHY-OUDOT n’exclut pas la possibilité d’une
« élection inversée »2 dans laquelle la volonté de l’enfant serait opposée à celle des parents.
Cet « orphelinat provoqué »3 par ce que les psychologues appellent le meurtre symbolique
du père conduit à priver l’enfant délibérément de ses repères généalogiques. Outre la
réification radicale que suppose la fabrication, la congélation et l’expérimentation sur
l’embryon, il s’agit ici d’une réification de deuxième degré, dont la conséquence est de
porter atteinte à la représentation que se fait de lui l’être humain 4 en procédant à une
rupture volontaire « de ses liens généalogiques, qui font partie de son être, l’enfant est en
quelque sorte créé ex novo comme s’il n’était qu’une “chose”, comme s’il n’avait pas le
droit à compter sur une origine familiale précise »5. Ce « vide d’ascendance »6 nie la
parenté biologique pour ne rattacher l’enfant qu’à des critères sociaux totalement

1
J. HAUSER, « Retour sur le sens du temps en droit de la famille », in Parenté, filiation, origines. Le droit de
l’engendrement à plusieurs, op. cit., p. 326.
2
M. DOUCHY-OUDOT, « Les filiation électives à l’épreuve du droit, vingt ans après », art. precit., p. 510.
3
R. ANDORNO, La distinction juridique entre les personnes et les choses à l’épreuve des procréations
artificielles, Paris, LGDJ, 1996, p. 186, spec. n° 324.
4
Ibid., p. 186, spec. n° 323.
5
Ibid., p. 186, spec. n° 324.
6
Pour reprendre l’expression de Monsieur ANDORNO, in La distinction juridique entre les personnes et les
choses à l’épreuve des procréations artificielles, op. cit., p. 185.

498
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

désincarnés1, et peut conduire l’être humain à ne plus savoir qui il est véritablement en tant
que personne2. Paradoxalement, le rapport précité suggère de renforcer l’accès aux origines
personnelles afin de « compenser l’insuffisance d’une parenté d’intention détachée de
l’engendrement »3. N’est-ce pas, de l’aveu d’un éminent auteur, un nouvel hommage au
modèle décrié ?4
542. Le droit à l’identité distinct de la filiation. Dans le cadre de ces procréations
artificielles, le lien de filiation fera d’abord état de « l’intervention scientifique ou
l’existence d’une relation de passage ou un arrangement croisé entre des couples gay et
lesbien (donc également l’effacement plus ou moins important d’un protagoniste) ; puis il
raconte ensuite (et surtout) la puissance de la volonté, la force du projet parental »5. Le lien
de filiation ne relatera donc pas le même récit sur l’origine de la vie. Une fois le voile levé
sur sa conception, l’enfant ressentira le besoin de connaître le nom de son donneur
biologique, car le désir de savoir d’où l’on vient et quelle est son ascendance est un besoin
profondément enraciné en l’homme. Pourtant, Madame le professeur THERY dénonce une
conception essentialiste et dualiste de la personne, qui consiste à définir l’individu comme
un corps et un esprit. Pour celle-ci, cette conception « empêche d’apercevoir qu’il y a en
réalité deux questions “qui ?” et donc deux sens à la notion même d’identité »6. D’une
part, l’identité au sens de l’identification, et l’ « identité narrative » de sa propre vie. Dans
le droit chemin de cette réflexion, le rapport que l’auteur préside préconise de « permettre à
toute personne issue d’un engendrement avec tiers donneur (gamètes, embryons) réalisé
dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation, qui en fait la demande de se voir
délivrer l’identité de son donneur à sa majorité (…) »7, la rencontre à proprement dite avec
le donneur demeurerait elle, tributaire de l’accord donné par le géniteur. La révélation de
l’identité du donneur semble actuellement une alternative qui séduit, tant du point de vue
juridique qui l’admet comme une composante de la personnalité de l’enfant, distincte de
son droit à la filiation, que du point de vue psychologique afin d’aider l’enfant à se
construire. D’ailleurs, en aucun cas cette révélation ne remettrait en cause le lien de
filiation établit à l’égard des parents sociaux, et Monsieur le professeur Pierre MURAT
l’avait déjà bien exprimé il y a quelque temps : « En permettant la révélation de l’identité

1
Sur cette notion, V. I. MOINE, Les choses hors commerce. Une approche juridique de la personne humaine
juridique, Paris, LGDJ, 1997.
2
À cet égard, Messieurs les professeurs Malaurie et Fulchiron ont pu écrire, à juste raison, qu’ « il ne s’agit pas
seulement de faire un enfant, il faut l’élever et en faire un homme –et les artifices sont ici plus qu’impuissants : il
n’y a pas d’éducation médicalement assistée ». Cf. P. MALAURIE, H. FULCHIRON, Droit de la famille, Paris,
LGDJ, 5ème éd., 2015, n° 1024, spec. p. 466.
3
D. FENOUILLET, art. precit., n° 53, p. 68.
4
Ibid., n° 52, p. 68.
5
P. MURAT, art. precit., p. 270.
6
I. THERY, Des humains comme les autres, op. cit., p. 210.
7
I. THERY, A.-M. LEROYER, Filiation, origines, parentalité, Le droit face aux nouvelles valeurs de
responsabilité générationnelle, Rapport du groupe de travail remis à la ministre déléguée chargé de la Famille,
p. 236.

499
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

du donneur, il ne s’agit nullement de remettre en cause le lien de filiation à l’endroit du


couple stérile mais de reconnaître que la satisfaction du besoin que ressent parfois l’enfant
d’éclaircir l’identité de ses géniteurs prime sur les intérêts des autres personnes
concernées »1. Dès 2002 la loi créant le Conseil National d’Accès aux Origines
Personnelles (CNAOP) isole la notion d’origine de celle de filiation. La découverte par
l’enfant de son géniteur ou de sa génitrice est sans effet sur l’état civil et sur la filiation. Est
donc clairement distinguée ici l’origine biologique de la notion de filiation, que celle-ci
n’englobe plus. L’autonomie de l’identité psychologique et sociale de la personne est
consacrée2.
543. L’intérêt vital d’accéder à ses origines personnelles. La Cour européenne des
droits de l’homme a développé une abondante jurisprudence sur la question de l’identité.
Dans l’arrêt Gaskin c/ Royaume-Uni3, la Cour européenne se prononce pour la première
fois sur l’importance que peut revêtir l’accès aux informations relatives à l’enfance dans la
construction identitaire de l’individu. À l’occasion de l’arrêt Jäggi c/ Suisse, elle admet
que le droit de connaître son ascendance se trouve dans le champ d’application de la notion
de « vie privée » qui englobe des aspects importants de l’identité personnelle, dont
l’identité des géniteurs fait partie4. Faisant directement suite à l’arrêt Mikulic c/ Croatie5, la
Cour considère même que le prélèvement ADN constitue une « ingérence relativement peu
intrusive » qui ne contrevient ni au droit du défunt de reposer en paix, ni au principe de
sécurité juridique, encore moins au principe du respect de la vie privée du défunt qui
s’éteint avec la mort6. Il existerait pour la Cour un « intérêt vital » des individus à connaître
leur ascendance biologique7, devant faire l’objet d’une pondération avec le droit des tiers à

1
P. MURAT, « Procréation assistée et droits de l’enfant », Rev. dr. sanit. soc., 1991, n° 3, p. 388.
2
Cette nouvelle identité sociale devient « floue, modelable au grès des revendications et des besoins », conduit
au délitement de la notion d’état de la personne. Elle a pour conséquence que le service de l’état civil devient un
« lieu de publicité comme un autre », et l’acte de naissance « le seul et unique document (...) paraît absorber
l’intégralité de l’institution ». Cf. C. NEIRINCK (dir. de), L’état civil dans tous ses états, Paris, LGDJ, coll.
« Droit&Société », 2008, p. 185-191, spec. 185-187.
3
CEDH, 1er juil. 1989, Gaskin c/ Royaume-Uni.
4
CEDH, 13 juil. 2006, Jäggi c/ Suisse, n° 58757/00, § 48 ; RTD civ., 2006, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 727.
5
CEDH, 1ère sect., 7 fév. 2002, Mikulic c/ Croatie, RTD civ., 2002, obs. J.-P. MARGUENAUD, p. 866 ; JCP, G, I,
obs. F. SUDRE, p. 157.
6
CEDH, 15 mai 2006, Succession de Kresten Filtenborg Mortensen c/ Danemark.
7
À l’occasion de l’arrêt Odièvre c/ France notamment, la requérante ne souhaitait pas remettre en cause son lien
de filiation adoptive, mais seulement connaître les circonstances de sa naissance et de son abandon et l’identité
de ses parents. La Cour, situant le débat autour du droit au respect de la vie privée tel que protégé à l’article 8 de
la Convention, considère que le droit à l’identité et à l’épanouissement personnel commande d’obtenir les
informations nécessaires à la découverte de la vérité concernant un aspect important de son identité personnelle.
Mettant en balance le droit de l’enfant à connaître ses origines avec le droit au respect de la vie privée des
parents biologiques, la Cour conclut que la législation française telle que réformée par la loi du 22 janvier 2002
est compatible avec la Convention. L’État français n’aurait pas excédé la marge de manœuvre dont il disposait
afin de parvenir à un équilibre entre les intérêts divergents en cause. Cf. CEDH, gr. ch., 13 févr. 2003, Odièvre c/
France, n° 42326/98; D., 2003., B. MALLET-BRICOUT, p. 1240; Rev. dr. sanit. soc., 2003, F. MONEGER, p. 219;
RTD civ., 2003. J. HAUSER, p. 276; même revue., J.-P. MARGUENAUD, p. 375; Rev. dr. fam., 2003, comm. 53,
P. MURAT. En revanche, est jugée incompatible à la Convention la législation italienne relative à l’accouchement
sous X, au motif que celle-ci ne garantit pas à l’individu en quête de ses origines l’accès à des informations non

500
La dématrimonialisation des liens de famille La métamorphose juridique de la parenté

ne pas être soumis à une expertise génétique. Or, c’est bien cet équilibre là qui a fait défaut
à la France à l’occasion de l’arrêt Pascaud1. Selon la Cour européenne, les juges internes
ont « donné plus de poids aux droits et intérêts du père présumé qu’au droit du requérant à
connaître ses origines ». Faisant suite à cette condamnation et à l’occasion d’une demande
portant sur un prélèvement d’ADN post-mortem2, la Cour de cassation semble désormais
résignée à protéger le droit à l’identité selon la conception biologisante de la CEDH en se
fondant sur le texte européen relatif au respect de la vie privée et familiale. Or, que ce soit
dans l’affaire Jäggi comme dans l’affaire Pascaud, les requérants visaient à faire établir
une filiation paternelle qu’ils n’avaient pas (ou plus), alors que le cas soumis à la Haute
juridiction témoignait d’une simple curiosité dénuée de toute prétention successorale, et ne
nécessitait pas une appréhension via l’éclairage de l’article 8 de la Convention. La
démarche de la Cour de cassation conduit à soulever la problématique identitaire à travers
le prisme biologisant de la Cour européenne dont elle semble désormais s’inspirer.
544. Les méfaits d’une telle distinction sur l’enfant. Le risque d’une distinction
entre la filiation et l’identité est de procéder à un démembrement de l’identité de
l’individu, en procédant à un « dépeçage de l’institution »3, loin de répondre, comme le
prétend le rapport, à son unification. Le raisonnement en termes d’origines personnelles
« vient mordre sur la filiation en amont, en se substituant à elle dans sa fonction
symbolique d’ancrage dans l’humanité. C’est d’autant plus signifiant que leur promotion
va de pair avec celle de parentalité, qui vient mordre en aval, quant à elle, sur la filiation,
amputée ou concurrencée dans une de ses fonctions pratiques : la prise en charge de
l’enfant »4. En admettant qu’il puisse exister, d’une part, des individus « venus de nulle
part », sans ascendance, et d’autres qui puissent être rattachés à de purs étrangers, il est
abouti à des inégalités entre les enfants –ce contre quoi le rapport a la prétention de
remédier- qui auraient la chance de pouvoir accéder à leurs origines du fait de l’accord
donné par leur géniteur, et d’autres qui ne le pourraient pas -en raison du refus qui leur
aura été opposé. L’enfant rejeté par son géniteur peut avoir du mal à dépasser sa
souffrance, car il est beaucoup plus simple de faire le deuil de quelque chose de « connu »,

identifiantes concernant sa mère d’origine, ni ne lui donne la possibilité de solliciter la réversibilité du secret de
l’identité de celle-ci. C’est donc tant la garantie substantielle que procédurale qui ferait défaut dans la législation
italienne, « qui ne tente de ménager aucun équilibre entre les droits et les intérêts concurrents », privilégiant ainsi
le droit de la mère à la conservation de son anonymat au mépris du droit de l’enfant à connaître ses origines.
C’est donc l’absence de toute tentative de conciliation qui serait sanctionnée par la Cour. Cf. CEDH, 25 sept.
2012, Godelli c/ Italie, n° 33783/09.
1
CEDH, 16 juin 2011, Pascaud c/ France, n° 19535/08, D. actu., 5 juil. 2011, note C. SIFFREIN-BLANC ; AJ
fam., 2011, obs. F. CHÉNEDÉ, p. 429 ; RTD civ., 2011, obs. J. HAUSER, p. 526 ; Rev. dr. fam., 2011, obs.
M. BRUGGEMAN, alerte 72.
2
Cass civ. 1ère, 23 novembre 2014, n° 13-21.018, Rev. dr. fam., 2015, comm. 9, obs. C. NEIRINCK ; JCP, G,
2015, n° 3, 49, M. DOUCHY-OUDOT.
3
D. FENOUILLET, art. precit., n° 54, p. 70.
4
Ibidem., n° 54, p. 70.

501
Couple et famille
Étude comparative des systèmes juridique français et marocain

que de « rien »1. L’enfant se mue alors objet de connaissance médico-psycho-sociologique 2


que l’on essaiera d’analyser. C’est pourquoi l’abandon de la « vertu unificatrice » et
naturelle du mythe de l’engendrement pousse Monsieur le professeur MURAT à considérer
que « passer par la filiation oblige à changer de discours », car l’utilisation des mécanismes
propres à la filiation en dénaturera nécessairement le sens. Si l’évolution législative
confirmait un tel tournant, il restera alors à définir le nouveau mythe unificateur au
fondement du lien de filiation. Si l’être humain n’est plus appréhendé dans sa globalité,
mais « par la description physiologique à l’échelle contre-intuitive du gène ou du
cellulaire, le risque est de fonctionnaliser et de techniciser, de faire disparaître ce qui est
relations humaines (désir d’enfant, don, soutien, accompagnement) sous la logique
instrumentale de rapports (service corporel, transfert de gamètes, matériaux etc...) »3. D’où
l’inconvénient d’une approche reposant exclusivement sur la volonté indépendamment de
toute réalité génétique, au risque de désincarner totalement le lien de filiation. Les enjeux
sont de taille tant sur le plan éthique et symbolique. À partir du moment où l’être humain
n’est appréhendé qu’au travers de sa composante cellulaire et génétique, à l’exclusion
d’une approche sur l’individu en tant que personne humaine, « il est impossible de le
penser autrement qu’en termes de chose, un bien spécial certes, mais un bien quand même,
cédé, exporté, importé, pour les besoins de la recherche et des espérances dans le progrès
de la science »4. Le besoin affectif des adultes et l’égalité formelle entre les couples
conduit irrémédiablement à une pluri-parenté, au demeurant impossible5. Le désir d’enfant
ne légitime pas tout comme le fait si bien remarquer Madame le professeur Mélina
DOUCHY-OUDOT, car « il est des désirs qu’il faut savoir ne pas assouvir, surtout lorsque la
personne de l’enfant est en cause. Le droit à l’identité ne saurait suffire à rétablir ce que la
dissociation organisée du don de la vie et de l’éducation aura brisé. Les réponses du droit
ne seront que palliatives »6, la redéfinition de la parenté insaisissable7.

1
R. ANDORNO, op. cit., p. 189, spec. n° 330. Or, pour Madame le professeur Irène THERY, derrière ce « rien »,
constitué par le don de gamètes, il y aurait le geste du don, car les gamètes ne peuvent être perçus tel un matériau
interchangeable, mais seraient toujours-déjà investis de signification en tant que porteurs et transmetteurs de vie.
À notre sens ce raisonnement ne peut tenir du fait même de l’anonymat qui dépersonnalise le don. Par
conséquent, bien que porteurs de vie, les gamètes donnés ne peuvent être considérés comme toujours-déjà
investis de signification pour l’enfant qui est en issu. Cf. I. THERY, Des humains comme les autres, Bioéthique,
anonymat et genre du don, éd. EHESS, 2010, p. 125.
2
Pour reprendre l’expression de Monsieur le professeur Yves LEQUETTE, « L’ouverture du mariage aux
personnes de même sexe : clarification et réflexions », in L’ouverture du mariage aux personnes de même sexe,
Y. LEQUETTE, D. MAZEAUD (dir. de), Paris, éd. Panthéon-Assas, 2014, p. 20, spec. n° 20.
3
J.-P. PIERRON, « Le Geste et la Parole –Nouvelles techniques de procréation et dit du droit », art. precit.,
p. 231.
4
C. LABRUSSE-RIOU, « Que peut dire le droit de “l’humain” ? », in Études, oct. 2010, p. 350.
5
D. FENOUILLET, art. precit., n° 55, p. 70.
6
M. DOUCHY-OUDOT, « Les filiation électives à l’épreuve du droit, vingt ans après », art. precit., p. 511.
7
D. FENOUILLET, art. precit., n° 55, p. 71.

502
Conclusion du chapitre second

545. La filiation juridique pour tous est une façon provocatrice d’aborder la question
de la reconnaissance d’un droit subjectif à la filiation, non du côté de l’enfant mais du côté
des parents. Le désir d’enfant, porté par un projet parental au sein des deux systèmes
juridiques est au fondement du recours aux sciences biomédicales. La valeur accordée à
l’enfant constitue le trait marquant des deux législations. La volonté fonde la parenté avec
la possibilité offerte par le droit de recourir aux procréations médicalement assistées. Un
fossé sépare cependant le droit français des systèmes maghrébins. L’usage effréné qui est
fait de la biomédecine par le recours aux inséminations artificielles hétérologues, les dons
d’embryons ainsi que la recherche sur ce dernier sont autant de pratiques que les pays de
tradition islamique condamnent avec rigueur. Si le recours à la biomédecine est possible,
ce n’est que de façon rigoureusement encadrée et dans le respect du modèle conjugal fondé
sur le mariage. L’attention particulière accordée à la procréation et à tout moyen médical la
favorisant ne saurait contrevenir aux valeurs islamiques qui subordonnent la science au
respect d’un ordre objectif harmonieux. D’emblée, la biomédecine bute sur la finalité d’un
donné théologique irréductible. Au Maghreb, l’articulation du donné biologique naturel
avec le donné social dans l’établissement du lien de filiation préserve les structures
élémentaires de la parenté. Ces sociétés ne seraient-elles pas celles que l’auteur Ivan ILLICH
a désignées comme « conviviales », sachant que sous sa plume « l’outil moderne est au
service de la personne intégrée à la collectivité, et non au service d’un corps de
spécialistes. Conviviale est la société où l’homme contrôle l’outil »1.
À l’opposé et avec Jacques ELLUL, il est urgent de rappeler que « lorsque la technique entre
dans tous les domaines et dans l’homme lui-même qui devient pour elle un objet, la
technique cesse d’être elle-même l’objet pour l’homme, elle n’est plus posée en face de
l’homme, mais s’intègre en lui et progressivement l’absorbe »2. Il est à souhaiter que tel
n’est pas le devenir des sociétés occidentales avancées, sous couvert de progrès
scientifique et de modernité. Des doutes surgissent face à une biologisation du droit et un
législateur français allant au bout de l’évolution initiée avec l’avènement d’une filiation
monosexuée.

1
I. ILLICH, La convivialité, éd. du Seuil, 1973, cité par J. TESTARD, Faire des enfants demain, éd. du Seuil, 2014,
p. 193.
2
J. ELLUL, La technique ou l’Enjeu du siècle, Economica, 2008, cité par J. TESTART, op. cit., p. 162.

503
Conclusion du titre second

546. Tous les couples conjugaux doivent pouvoir accéder à l’enfant, telle est la
devise de l’État français et avec elle, la métamorphose juridique de la parenté. La réponse
judiciaire apportée à des situations factuelles telles que les GPA ou les PMA réalisées en
fraude au droit national à l’étranger traduit un réel dynamisme jurisprudentiel qui tend à
faire définitivement basculer le système de parenté d’une ère vers une autre. La prise en
compte par les juridictions tant du principe du fait accompli que du critère tiré de
l’affection sont les bases de cette conception individualiste d’appropriation de l’enfant où,
manifestement, l’intérêt de ce dernier n’est plus le critère d’évaluation premier. Avec le
professeur ÉGEA et de façon paradoxale, on aurait pu penser que « l’exclusivité
décisionnelle »1 du juge aurait dû, en principe, maintenir éloignées les demandes les plus
diverses tendant à l’instrumentalisation de l’enfant. Or, si tel a pu être l’équilibre 2, celui-ci
n’est plus avec l’entrée en vigueur du mariage au profit des personnes de même sexe. La
réponse judiciaire devrait néanmoins, à court ou moyen terme, être suivie de celle du
législateur qui devra clairement se prononcer sur les finalités de l’assistance médicale à la
procréation ainsi que sur les nouveaux fondements artificiels du droit de la filiation. Si les
conséquences de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe ont été mal évaluées,
donner accès au mariage, c’était naturellement donner accès à l’enfant. Laisser croire que
le couple est possible entre personnes de même sexe revenait nécessairement à laisser
croire que l’enfant l’était également. Le mariage est dans ses propriétés naturellement
ordonné à la fécondité. Or, dans les deux hypothèses, mariage et filiation, l’absence
d’altérité sexuelle est une négation des institutions dont l’accès a été autorisé. Le droit
français a opté pour un droit non plus en harmonie avec la nature, mais pour un droit
construit au fondement des valeurs républicaines de non discrimination et d’égalité. Ce
faisant, il a purement et simplement détruit la famille dans son acception notionnelle de
lien générationnel. La famille occidentale post-moderne reposerait donc en définitive sur la
toute puissance de la volonté individuelle et sur l’engagement libre des individus, qui
deviennent les maîtres-mots d’une parenté totalement détachée de sa base biologique.
Gageons que l’effort d’inventivité, combiné aux exigences de sécurité juridique et de
cohérence, permettront de dépasser les instruments traditionnels du droit de la filiation
pour s’adapter aux nouvelles configurations familiales.

1
V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain de la famille, Paris, Defrénois, coll.
« Doctorat&Notariat », 2010, p. 437, spec. n° 687.
2
Monsieur le professeur ÉGEA écrit ainsi dans son travail de thèse qu’ « (…) un équilibre semble cependant se
dégager entre le respect de la parenté, d’un ordre généalogique sexué et indérogeable d’une part, et une prise en
compte de l’effectivité de la relation interpersonnelle, d’autre part ». Or, c’était sans compter l’entrée en vigueur
du mariage entre personnes de même sexe. Cf. V. ÉGEA, La fonction de juger à l’épreuve du droit contemporain
de la famille, Paris, Defrénois, coll. « Doctorat&Notariat », 2010, p. 437, spec. n° 687.

504
L’on ne peut néanmoins que recommander la plus grande prudence1 face aux défis et
dangers de la reconstruction du droit de la famille2, bien qu’il ressorte clairement une
faveur pour l’entière dématrimonialisation des relations familiales. Il était indispensable,
surtout pour les pays du Maghreb, de mettre en relief cette évolution des sociétés
occidentales.

1
Sur cette nécessité, cf. Le mariage&La Loi. Protéger l’enfant, Publication de l’Institut Famille&République,
2016.
2
En ce sens : J. HAUSER, « Le crépuscule de la loi en droit des personnes et de la famille », in Des liens et des
droits, Mélanges en l’honneur de Jean-Pierre LABORDE, Paris, Dalloz, 2015, pp. 711-725.

505
Conclusion de la seconde partie

547. La dématrimonialisation programmée des liens de famille semble constituer une


invariante dans la réécriture des derniers textes. Afin d’en vérifier la réalité, il convenait
tout d’abord de partir de l’émergence des nouvelles conjugalités, supplantant la
traditionnelle opposition mariage d’un côté et unions hors mariage de l’autre. La
concurrence du lien matrimonial qui s’ensuit a conduit à l’épuisement du mariage en tant
qu’institution, pour n’être finalement qu’une forme de vie de couple parmi d’autres. Il est
d’ailleurs apparu qu’un régime impératif conjugal pouvait être dégagé à l’issue de l’étude
du rapprochement des différentes formes de conjugalité. L’action du juge est à cet égard
déterminante car elle aboutit à dessiner les contours d’une protection minimale bénéficiant
à tous les couples conjugaux pendant la vie commune. Il ne serait donc pas inoportun, par
souci de cohérence, d’envisager l’élaboration d’un tel régime. L’aboutissement du
processus de dématrimonialisation a été la reconnaissance du mariage homosexuel. Le
terme « mariage » est maintenu comme contenant, son contenu ayant été radicalement
transformé, plus précisémment dénaturé. Il ne désigne plus la même réalité qu’autrefois,
c’est-à-dire l’union durable de deux personnes de sexe différent ouvrant naturellement sur
la famille. Il est aujourd’hui l’union de deux personnes de même sexe, et bien que celles-ci
ne sauraient procréer ensemble, le mariage ouvre toujours sur la famille, mais une famille
d’un nouveau genre à laquelle le droit semble reconnaître la même utilité sociale que le
mariage hétérosexuel, en principe procréateur. Si en droit français le mariage homosexuel
constitue désormais une donnée du droit positif, outre méditerranée, il n’en est rien. La
superbe du mariage est d’être toujours l’union d’un homme et d’une femme afin d’ouvrir
sur une famille dans laquelle la complémentarité naturelle de l’homme et de la femme est
l’horizon indépassable des relations sociales. C’est pourquoi l’étendue du phénomène a été
étudiée.
À la dématrimonialisation actée de la conjugalité fait pourtant écho le silence du législateur
quant au nouveau fondement du système de parenté. Les intentions du législateur étant
parfois délicates à déterminer, il a semblé utile d’étudier la représentation plurielle de la
parenté, réponse au pluralisme des modes de conjugalité. La volonté individuelle se révèle
être au cœur de la nouvelle parenté en construction. C’est en effet elle qui fait l’enfant et
qui décide de la manière de le concevoir, avec l’aide ou non d’un tiers. Au mythe de
l’engendrement serait substitué celui de la volonté qui permettrait aux individus de
« former famille » au-delà des limites imposées par la nature. Or, le principal reproche
formé à l’endroit de ce nouveau fondement est son défaut d’objectivité et son inconstance.
Particulièrement lorsque la personne de l’enfant est en cause, il ne semble pas à même
d’assurer la stabilité nécessaire pour son épanouissement dans la chaîne de la transmission
générationnelle. Appuyée du dynamisme interprétatif de la Cour européenne des droits de
l’homme, la jurisprudence offre à cet égard un tableau impressionniste tant l’impact de la

506
conjugalité sur les structures de la parenté a révélé une nouvelle articulation entre couple et
filiation, désir des adultes et intérêt de l’enfant. Pendant ce temps de latence et dans
l’attente de nouvelles réformes législatives, la jurisprudence a pris le relais du législateur.
Ce choix politique a pu être critiqué car il transgresse la lettre de la loi au profit d’une
cohérence recherchée du droit substantiel de la famille, avant même que le législateur soit
intervenu. Il semblerait en tout état de cause que la jurisprudence ait un rôle incontournable
en la matière, son changement de cap dans l’appréciation des situations légalement
acquises à l’étranger en fraude au droit national en témoigne. Elle amorce désormais les
contours d’une évolution que le législateur se contentera ultérieurement de consacrer. La
prochaine étape devrait donc être la réforme du système de filiation. Le point de rupture
entre les deux rives de la méditerranée sera alors irrémédiablement consommé

507
Conclusion générale

548. Un enrichissement mutuel. Le couple et la famille ont permis une immersion


entre deux systèmes juridiques distincts. La perspective comparatiste a cependant révélé
une évolution respective en France et au Maroc par rapport aux structures traditionnelles
de la famille. L’aboutissement de l’étude menée en parallèle a également montré, sans
grande surprise, que la rupture est consommée entre deux conceptions opposées du droit de
la famille. Pour autant, et l’affirmation est heureuse, la nature religieuse du droit
maghrébin n’a pas constitué un obstacle insurmontable à l’étude conjuguée des deux
systèmes juridiques1. Le statut personnel défendu en droit marocain par la religion n’est
autre, si l’on excepte la polygamie sur laquelle il n’a pas été polémiqué, que l’ordre naturel
des choses. Il n’est pas nécessaire d’être musulman pour défendre une famille issue de
l’union sexuée d’un homme et d’une femme avec pour fruit l’enfant. De ce point de vue, le
droit marocain était pendant de longues années en symbiose avec le droit français.
549. Des conceptions devenues distinctes de la famille. La double incursion en
droit français et en droit maghrébin s’est révélée enrichissante car elle a ouvert sur une
autre manière de concevoir les rapports familiaux et a permis de mieux appréhender la
portée des évolutions de chaque système juridique. Cette entreprise, menée selon une
analyse systémique, a privilégié les éléments fondamentaux des deux systèmes, en en
révélant les conceptions philosophique et religieuse respectives. Il en ressort un
affaiblissement de la charge politique autrefois attachée au couple et à la famille comme
éléments de construction de la société, au profit d’une philosophie privilégiant le bonheur
individuel. Cette approche du droit de la famille a tout au long de la démonstration
accompagné la réflexion, et a permis de mettre en perspective la conception sociale et
religieuse du droit maghrébin aux valeurs démocratiques de la société française.
L’attachement de ce système juridique à la préservation d’une famille forte dans laquelle
les rôles et les statuts sont clairement déterminés rend compte de l’architecture de l’ordre
social : le bonheur individuel ne s’y conçoit pas de manière exclusive et ne constitue pas
une finalité en soi. Sorte d’interface entre le besoin d’ordre et le besoin d’organisation
politique, la structure familiale offre cependant à l’individu les ingrédients nécessaires à
son plein épanouissement. À l’inverse de cette conception, le contenu matériel des normes
françaises s’est révélé tout au long de l’étude empreint d’un individualisme patent au
détriment des valeurs sociales. La pluralité des normes offertes à l’individu lui permettent
de puiser en toute liberté les ingrédients concourant à la poursuite du bonheur selon ses
propres aspirations, sans dirigisme aucun. Au besoin d’ordre et d’organisation de la
société, censé présumer le bonheur des individus, se substitue désormais l’idée que le
bonheur de l’individu est censé assurer celui de la société. Cette inversion de l’échelle des

1
J. HAUSER, «La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb », Rev. dr. fam., 2015,
n° 9, 38.

508
valeurs déteint sur la sphère juridique, dont l’évolution n’est guère plus surprenante
aujourd’hui. Pour preuve, le droit de la famille s’en accommode fort aisément par le choix
d’une régulation des relations familiales, à défaut de les organiser1. C’est, au demeurant,
une conception du droit qui fait la part belle à la liberté individuelle, héritage direct de la
Révolution française. Or, une telle liberté ne se conçoit pas indépendamment de la réalité
et des impératifs d’une société harmonieuse. Il s’agit d’une liberté responsable et en
connaissance de cause, exclusive d’une liberté entendue au sens de satisfaction de tous ses
désirs.
550. La dématrimonialisation fer de lance du droit français. La thèse s’efforce
ensuite de montrer qu’à ce mouvement de privatisation des liens de famille succède un
processus plus profond qui tend, par des réformes successives, à assurer leur
dématrimonialisation. Si la reconnaissance de la vie commune du couple homosexuel ou
hétérosexuel permet de préserver le libre choix des individus, il n’est pas pertinent, à notre
sens, de transformer la nature du mariage. Sans doute n’est-ce pas là l’épilogue de cette
évolution. Le processus de dématrimonialisation est passé par la consécration des
nouvelles conjugalités et la désexualisation du mariage. Le pas a été franchi du couple à
l’enfant, du mariage à la filiation. Cette déstructuration du lien entre conjugalité et filiation
s’est révélée être le simple aboutissement d’une évolution plus générale vers une autre ère
post-moderne, dans laquelle « l’aventure biologique de l’homme » se dirige à n’en pas
douter vers une déconnexion de « sa genèse spirituelle »2.
551. Une philosophie de l’individu. L’instrumentalisation du corps qui sous tend
cette approche constitue la clé de compréhension anthropologique du processus3, l’examen
de l’univers normatif bioéthique attestant de l’étendue du phénomène. C’est pourquoi
l’ampleur du changement appelle une sérieuse réflexion sur la manière dont l’individu se
définit. Le refus des cadres sociaux institutionnels permettant l’identification4 conduit ce-
dernier à se concevoir à partir de son propre horizon, en dehors de toute temporalité.
L’instantanéité qui en découle empêche l’inscription de l’individu dans la contrainte du
temps, en favorisant une sorte d’« absolutisation de l’instant du maintenant »5. Cette

1
Ainsi que l’explique Messieurs les professeurs MALAURIE et FULCHIRON, « le droit de la famille est le miroir
de la société qui le produit : il devient une anthropologie ». Droit de la famille, Paris, LGDJ, 5ème éd., 2015, n°
54, p. 42.
2
G. COQ, « Identités filiations appartenances : la société en quête de sens », in Identités, filiations,
appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de), Grenoble, PUG, 2005, p. 264.
3
É. DE RUS, « Une alternative à la déconstruction de la personne humaine : un éclairage anthropologique sur la
crise de la famille », in La réforme du mariage. Approche critique sur les mutations familiales, M. DOUCHY-
OUDOT (dir. de), Poitiers, DMM, 2013, pp. 33-56.
4
G. AÏDAN, É. DEBATS (dir. de), L’identité juridique de la personne humaine, Paris, L’Harmattan, coll.
« Logiques juridiques », 2013.
5
Ibid., pp. 263-264.

509
transformation globale du rapport au temps1 et son éclatement au plan individuel rejaillit
sur la sphère collective, à commencer par le droit qu’elle déstructure profondément.
552. Le sens de la temporalité. Il est nécessaire de réinvestir le sens de la
temporalité2 (en favorisant l’émergence d’une liberté dont l’essence est la durée), car celle-
ci découle d’une décision que nous prenons, individuellement et collectivement par rapport
au temps3. La famille, groupement qui s’inscrit dans le temps long, offre une continuité
que permet la liaison des générations entre elles, et cette continuité est relatée par
l’inscription des individus au sein d’un système de parenté. Ce n’est que de la sorte que
peut être assurée la continuité de l’espèce humaine. Aujourd’hui que le lien d’alliance
n’assure plus sa fonction de liaison des individus entre eux sur le temps long, le rapport de
filiation à l’enfant s’impose comme le fondement intemporel chargé de créer du lien entre
individus4. Or, ce lien doit être réfléchi à l’aune de son déroulement dans le temps dont
l’origine répond de l’avenir. L’idéalisme du lien familial, s’il succombe aujourd’hui à la
tendance réaliste5 du législateur, rend compte de l’immanence du lien familial en tant que
donnée que le droit a la charge de traduire. Face à cette quête de sens, lier, délier, relier,
demeure la mission du droit.
553. Épilogue. La thèse entreprend enfin de réhabiliter le donné tiré du droit
musulman afin de l’extraire de sa zone d’ombre tendant à en faire un droit réfractaire à
l’évolution et à la modernité. À cet égard, le droit marocain n’a pas été hermétique à une
remise en cause de ses règles, les réformes relatives à la place de la femme dans la famille
et aux droits devant lui être reconnus l’ont montré. Sous cet aspect, les sociétés
occidentales ont su, dès le début du XXème siècle, lui accorder la place qui lui revenait dans
les sphères publique et privée, à tel point que la femme occidentale est devenue un
emblème auprès des partisans de l’égalité hommes-femmes outre-méditerranée. Si la
France et les sociétés occidentales ont su, en leur temps, se positionner comme pionniers
de la protection des droits de la femme et ont pu inspirer leurs homologues du Sud, peut-
être qu’aujourd’hui, le Maroc et les pays du Maghreb ont un rôle à jouer auprès de leurs
consœurs pour rappeler le donné naturel des institutions familiales, participant à la juste
recherche du bien commun.

1
Contre laquelle avait déjà mis en garde Monsieur Jean HAUSER, cf. « Retour sur le sens du temps en droit de la
famille », in Parenté, Filiation, Origines, Le droit et l’engendrement à plusieurs, H. FULCHIRON, J. SOSSON
(dir. de), Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 321-328.
2
V. en ce sens le rapport annuel 2014 de la Cour de cassation : Le temps, La documentation française.
3
Cf. M. CRESP, Le temps juridique en droit privé, essai d’une théorie générale, Marseille, PUAM, 2013.
4
D. MARCELLI, « Lien d’engendrement, lien de filiation : questions de transmission et d’autorité », in Identités,
filiations, appartenances, P. PEDROT, M. DELAGE (dir. de), Grenoble, PUG, 2005, pp. 103-111.
5
A.-M. LEROYER, « Les nouveaux liens de famille : entre idéalisme et réalisme », in Les nouveaux rapports de
droit, E. JEULAND, S. MESSAÏ-BAHRI, Paris, RJS éd., t. 39, 2013, pp. 129-142.

510
Index Thématique

Les numéros renvoient aux paragraphes.

A - obligation naturelle entre


concubins: 281-282

Acte usuel : 297, 299 Ascendance génétique (droit de


connaître) v. État civil, origines
- Présomption d’accord : 298 personnelles
- Limites : 299 Assistance médicale à la
Adoption procréation
- désintérêt de l’enfant - anonymat :508

- homosexuelle : 368-369, - assistance avec tiers


371, 536 donneur : 506-507, 509

 refus jurisprudentiel : - conservation des gamètes :


372-373 509, 531

- mères porteuses v. - convention de gestation


Gestation pour autrui pour autrui v. Gestation pour
autrui
- personne seule (par) : 370
- demande parentale v. Projet
- plénière : 256 parental
- reconstruction : 537 - don de gamètes : 506-508
- simple : 255  généralisation : 509
Adultère  interdit : 522
- cause de divorce : 109 - embryon
- atteinte à l’honneur (non) :  destruction : 524
331
 solutions
Aide sociale à l’enfance alternatives :
- mesure d’assistance 531
éducative : 270
 libéralisme : 529
Algérie v. Mariage coutumier
 recherche : 527-528
Aliments
- filiation à l’égard du tiers
- devoir d’aide matérielle donneur v. État civil, Origines
entre pacsés : 285 personnelles
- devoir de secours entre - finalité : 511
époux v. Régime impératif
conjugal  remise en cause : 514

511
- formalisme : 501-502 B
Autodétermination
- famille : 141 Beau-parent : 246 et s.
- islam : 82, 85 - auxiliaire : 289
Autorité parentale - confusion terminologique :
290
- conception islamique : 481-
482 - statut (non) : 258, 287, 294-
295
- contenu : 219
Bioéthique v. Assistance
- droit de surveillance v.
médicale à la procréation
Tutelle de mineur
- droit de visite et
d’hébergement du tiers : 252- C
253
- exercice en commun : 446- Carbonnier : 23, 32-33, 36, 90,
447, 449-450 98, 249, 312, 320
 généralisation : 451 CEDH
 partage avec un tiers : - coparentalité : 151-152
302-305
- déplacements illicites : 237-
- exercice unilatéral : 450 238
- hadana v. Autorité - don de gamètes : 510
parentale, conception islamique
- embryon : 530
- homologation des
conventions parentales v. - filiation : 443
Médiation familiale - gestation pour autrui : 519
- inégalitaire v. Autorité - médiation : 170
parentale, conception
islamique - orientation sexuelle : 382

- intérêt de l’enfant v. - projet parental : 512


Coparentalité  approche en termes de
- notion (de), v. Coparentalité droits fondamentaux :
513
- pouvoir judiciaire v. Juge
- transsexualisme : 366
- relations personnelles avec
des tiers v. Beau-parent Civilisation

- résidence de l’enfant v. - conflit (de) : 412


Résidence alternée
- responsabilité : 477 Code civil
- séparation des parents : 220 - codification : 414-416
- restructuration : 355-357,
389

512
Code marocain de la famille - v. Médiation, parole de
l’enfant
- réforme : 116, 419
Convention sur les relations
Codification
personnelles de l’enfant : 153-154
- droit musulman : 90-93
Coparentalité : 142 et s.
Conciliation
- définition : 142
- divorce : 129-130
- droit musulman : 219-220
Concubinage
- en mariage : 156-158, 164
- v. Régime impératif
- intérêt de l’enfant : 195 et s.
conjugal
- enrichissement sans cause :  appréciation
349 judiciaire : 212-217,
234, 236
- évolution : 315-316
 approche occidentale :
- halal : 398, 402 198-202
- homosexuel : 359  approche islamique :
- rupture : 348, 353 203-204
- société de fait : 349 - incarcération v. Droit
pénitentiaire
Conflits de lois v. Droit
international privé - limites : 221-243
Conjugalité v. Couple - mesures : 458
Conseil de famille : 193 - parents v. Autorité parentale
Contractualisation v. - post-divorce : 163
Privatisation - sources internationales et
Convention de procédure régionales : 148-150, 155
participative : 183 et s. Couple
- articulation avec la - concubins : 312-358
médiation : 184
 doits sociaux : 344
- définition : 183
 reconnaissance : 314-
- mise en péril : 186
315
Convention franco-marocaine
 rupture : 348-349
- articulation avec la
- concurrence (entre) : 389
Convention de La Haye : 239
- conjugal : 1-3, 6, 14-15
- applicabilité : 405-406
- non procréateur v. Pacs
- identité nationale : 403
- homosexuel
- neutralisation : 242, 410
- révision : 243  accès à la conjugalité :
360, 367
Convention internationale des
- parental v. Coparentalité
droits de l’enfant
- pluralisme conjugal : 312
- v. Déplacements illicites
513
- zawj : 21 - secours v. Régime impératif
conjugal
Divorce
D
- admission : 64-65, 105, 110-
111, 113
Délégation d’autorité parentale
- caractère judiciaire : 124
- conditions : 260-261
- chiqaq : 126-127
- imposée aux parents : 269,
- conciliation v. Conciliation
306
- dédramatisation du divorce :
Délégation partage
112
- au profit du tiers : 262
- discorde (notion de) : 128
- appréciation judiciaire des
- encadrement : 108
circonstances exceptionnelles :
264 - évolution v. Divorce,
admission
- homoparentale : 263-264
- logement familial
Démariage, v. Divorce
Dématrimonialisation : 310 et s.  droit marocain : 137

- définition : 310  v. Régime impératif


conjugal
- programmée : 547, 550
- office du juge v. Juge
- système de parenté (du) v.
Filiation monosexuée - pluralisme législatif : 107

Déplacement illicite d’enfant : Divorce par consentement


232-244 mutuel
- appréciation judiciaire du - contrôle du juge : 108
retour : 235, 241 - déjudiciarisation : 115
- cadre juridique : 232 Divorce pour altération
- notion (de) : 233 définitive du lien conjugal : 107

Dialogue entre systèmes Divorce pour faute


juridiques : 417 - pacification de la
Devoirs entre époux procédure : 110-112

- assistance : 327-328 Divorce pour rupture de la vie


commune
- communauté de vie : 318-
319 - pouvoir du juge : 107

- fidélité : 331 Droit au bonheur : 313, 433

- présomption de paternité du Droit comparé : 10-13, 26-29,


mari de la mère v. Présomption 40, 97, 432-433, 487, 504, 515, 539-
de paternité 540, 545, 548-549, 553

- respect : 324-326 - beau-parent : 257


- médiation : 171

514
- gestation pour autrui : 515 - fin de l’approche binaire :
387
Droit international privé
- origines personnelles : 543
- v. Déplacements illicites
d’enfants Eugénisme : 529
- fraude v. Gestation pour Européanisation du droit de la
autrui famille : 409-411
- mariage homosexuel franco-
marocain : 390-412
 admission : 407 F
- régime matrimonial : 136
Droit pénitentiaire : 222-231 Famille
Droit successoral - diversité v. Couple
- conjoint survivant : 103 - évolution : 98, 140, 532
- droit musulman : 138 - fondement : 17-18, 143
- indétermination : 17
E - intemporalité : 552
- lien familial
Égalité  relâchement : 141
- des couples : 311, 546 - musulmane : 475
- des enfants : 440-442 - oussra : 21
- des époux : 99-104 - pluralisme : 389
- pendant la vie commune : - recomposée : 249-251
99-103
 transmission des
- à la rupture : 125-127
biens par le conjoint :
- des parents v. Résidence 275
alternée
Femme
- des sexualités : 378-380
- épouse : 119
- famille : 141
- mère v. Autorité parentale,
- fondement : 309 hadana
Engendrement Filiation
- remise en cause : 535 - complaisance : 254
- déclaration commune
Équité anticipée : 538

- divorce : 130-136 - droit musulman

- réforme : 117  iqrar : 466-467

État civil  contestation : 471-473


- droit à l’identité : 542

515
 paternelle légitime : - remise en cause de
461-463 l’interdit : 518
 sémantique : 459 - CEDH v. CEDH
- égalité : 442
- expertise biologique : 441, H
469-470, 473-474
- monosexuée : 538 Homoparentalité : 368-369,
- notion (de) : 435 371373
- pour tous : 532-545 Homoparenté : 536
- procréation médicalement
assistée : 511 I
- stabilité : 442, 444
- Tunisie : 478-479 Identité (droit à l’) : 542-543
- unification : 442 Ijtihad : 418
Filiation artificielle v. Adoption, Incarcération
Assistance médicale à la procréation
- v. Coparentalité
Filiation charnelle
Indissolubilité du mariage v.
- contestation par li’an : 472 Mariage occidental
- distinction filiation légitime, Intérêt de l’enfant
filiation naturelle : 438-441,
476-477 - durée de grossesse v.
Filiation charnelle
- durée de la grossesse : 464
- v. Filiation charnelle,
- évolution v. Parenté, fiançailles
mutation
- négation : 503, 533, 544
- fiançailles : 465
- réification : 541, 544
- identification génétique :
473-474 Islam
- preuve par témoins : 468 - assistance médicale à la
procréation : 521-525
- vérité : 440
 limites : 526
- avortement : 499-500
G
- conception du corps v.
Valeurs islamiques
Gestation pour autrui : 515-520 - éthique conjugale : 88-89
- condamnation : 517 - intérêt de l’enfant
- droit de l’union  appréciation
européenne : 516 judiciaire :
- interdit islamique : 523 215-217
- mariage musulman : 86-87

516
- message divin : 75-77  fiscalité : 279
 réhabilitation : 430 Liberté v. Privatisation
 méthode : 431 - individuelle : 433
- objectifs de la loi : 489 - liberté du concubinage
- période préislamique : 70-  recul : 321-322
72
- rupture : 347-350
- réflexion éthique : 498
- des relations sexuelles v.
- science et procréation : 489 Sexe
- ssolh : 188-194 Loi
- umma v. Umma - APIE : 160, 456
- conflit (de) : 405-406, 411
J - droit comparé : 433
- du 4 mars 2002 : 451
Juge - Hamon : 339
- autorité parentale : 452 - Malhuret : 314, 450, 453
- conciliateur : 130 - mariage pour tous : 374-375
- concubinage : 346  Révision : 376
- devoirs du mariage v. - Naquet : 105
Régime impératif conjugal
- personnalité : 424
- divorce : 114
- rôle pédagogique : 159
- maroc : 25
- Tepa : 275
 iqrar : 466-467
- vocation recognitive et
 li’an : 472 vocation intégrative : 411, 432
- ordonnance de protection : Logement familial
324-326 - conjoint survivant v. Régime
- pouvoirs liquidatifs : 185, impératif conjugal
187 - divorce : 131-132, 137
- tunisie : 478 - pacs v. Régime impératif
conjugal
L

Langage du législateur : 161-


162
M
Legs obligatoire : 139
Libéralités 276-279
Maghreb
- donation-partage : 276-277 - réforme : 116
- graduelle et résiduelle : 278
517
- assistance médicale à la  conception religieuse :
procréation v. Islam 48-51, 53,
Mandat d’éducation - solidarité des dettes à
quotidienne : 300-301 l’égard des tiers : 339-340
Mariage - violence v. Régime
- âge : 120 impératif conjugal

- amour : 1, 63 Maroc

- conception islamique v. - droit de la famille : 22-24


Islam - place du roi : 423
- consentement : 50-51, 61, Médecine
63
- v. Assistance médicale à la
- contrat : 49-50, 60, 62 procréation
- coutumier : 393-396 Médiation
 admission : 393-394 - coût : 182
 Algérie : 397 - disponibilité des droits : 180
 encadrement : 396 - droit de l’union
européenne : 173, 175
 exportation : 398
- faiblesse : 179
 formalisme imposé :
394 - familiale : 174, 176-178,
181
- démariage : 309
- incitation judiciaire : 169
- évolution : 375, 433, 487
- juge aux affaires familiales
- filiation : 438-444, 462-465,
472 - maroc : 188-192, 194
- franco-marocain v. Droit - objectif : 164-167
international privé - parole de l’enfant : 211
- homosexuel : 374-376, 389 Méthode législative : 374
 contamination des Mineur
mœurs : 391, 432
- droit à être entendu : 206-
 exportation : 390 211
- indépendance patrimoniale :  consécration : 206-207
99, 141
 discernement : 209
- mineur (du) v. Mineur
 exercice : 208-210
- musulman : 67 et s.
- mariage : 121-122
- occidental : 41 et s.
- évolution du statut : 437
 conception
philosophique : 45-47, Ministère public :
54-59 - divorce : 129, 137
- délégation : 269

518
Morale Parentalité
- droit (et) : 44-47 - dispositif de soutien aux
parents : 260-264
- dispositif au profit des tiers :
N
265-268
Norme sociale de conduite :
- distinction avec l’autorité
399, 421
parentale : 146
Notaire
- exercice par les parents v.
- désignation : 185-187 Coparentalité
- situation de fait : 145
O Parenté d’intention v. Projet
parental

Obligation alimentaire Patrimoine


- concubinage : 286 - égalité (par le) : 99-103

- pacs : 285 - recompositions familiales v.


Libéralités
Opposition à mariage v.
Mariage homosexuel franco- Pension de réversion
marocain - concubinage : 345
Ordre public Philosophie : 45-47, 54-57
- bonnes mœurs : 421 Pluralisme législatif
 fin : 14 - couple : 15, 311-389
- international : 408-409 - divorce : 105-113
- marocain : 422 - filiation : 534-540
- religieux v. Privilège Présomption de paternité du
- transformation : 358, 389 mari de la mère
- contestation v. Filiation

P - déclin : 436
- preuve de la filiation : 463

Pacte civil de solidarité Privatisation : 32 et s.

- création : 315-316 - articulation avec la


dématrimonialisation : 310,
- effets v. Régime impératif 550
conjugal
- définition : 32
- rupture : 350, 353
Privilège : 420-427
Parenté
- nationalité : 425
- impact de la biologisation
du droit : 490 - religion : 426

- mutation : 434 Procédure civile

- volonté (et) : 534 - innovation : 129

519
- rapprochement (par la) : 346 - mariage chrétien v.
Mariage, occidental
Projet parental
- musulmane
- procréation v.
Engendrement  réhabilitation : 430
 couples hétérosexuels : - politique (et) : 428
501-502 - procréation artificielle (et) :
 couples homosexuels : 521-526
19 Remariage
 intérêt de l’enfant : - hadana (et) : 485
503
Répudiation
- encadrement judiciaire :
R 124-125
Résidence
Reconnaissance - alternée : 453-458
- complaisance (de) : 254  admission : 454
- Iqrar v. Filiation
 intérêt de l’enfant (et) :
Régime impératif conjugal : 457
16, 351-352, 354
 objectif v. Égalité
 assistance : 327-330
 réforme : 456
 contribution aux
 refus : 453
charges de la vie
commune : 334-336 - changement : 486
 fidélité : 331-333 - enfants v. Déplacements
illicites
 logement du couple :
341-343
 respect : 324-326 S

 solidarité des dettes


ménagères : 337-340 Science : 488
Régime matrimonial Sentiment d’appartenance
- charge définitive de la dette - règle de droit (et) : 399, 401
alimentaire : 284
- umma islamique (et) : 400
- communauté universelle :
Sexe
274
- différence (de)
- droit marocain : 134-136
Religion  concubinage : 14, 359

- droit international privé :  mariage : 362, 367,


427 384-385

- hadana (et) : 484 - genre : v. Théorie du gender


- rapports sexuels : 320

520
- changement : 364-365 - concubinage : 317-318
Sexualité : 377  appréciation
Solidarité des dettes judiciaire : 319
ménagères v. Régime - famille recomposée : 283,
impératif conjugal 291-292
Sujet Vie privée
- instrumentalisation : 83-84 - liberté sexuelle : 380
- protection : 379
T Volonté individuelle
- conception de l’enfant :
Théorie du gender : 363, 388, 492-493, 501-502
429 - liberté de rompre : 104-115
Tiers v. Parentalité - stérilisation volontaire :
Tunisie 495-496

- nom de l’enfant : 478-479


Transsexualisme
- changement d’état : 364-366
Tutelle de mineurs
- wilaya : 481-483
Tuteur matrimonial : 123
Tuteur testamentaire : 268

U
Umma : 78-80, 400

Valeurs
- islamiques : 432, 549
 conception du corps et
de la vie humaine :
497-500
- occidentales : 549, 551
 conception du corps :
494
Vie commune

521
522
Bibliographie

Cette bibliographie ne prétend pas être exhaustive. Certaines références citées dans
les notes de bas de page de cette étude n’y sont pas reprises. Ces références sont
classées par ordre alphabétique. Pour un même auteur, le classement est réalisé par
ordre chronologique décroissant.

I. OUVRAGES GENERAUX :
1. Traités et manuels de droit français des personnes et de la famille

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6ème éd., 2016.

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- Les grandes décisions du droit des personnes et de la famille, Paris, LGDJ, 2ème éd.,
2016.

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- Droit des mineurs, Paris, Dalloz, coll. « Précis », 2014.

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- Droit civil, introduction, biens, personnes, famille, Paris, Sirey, 18ème éd., 2013.

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- Droit des régimes matrimoniaux, Paris, Montchrestien, coll. « Domat droit privé »,
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- Introduction à l’étude du droit comparé, Le droit comparé comme science juridique
moderne, le droit comparé comme science internationale moderne, Recueil d’études
en l’honneur d’Edouard LAMBERT, Paris, LGDJ, 3ème et 4ème parties,1938.
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Recueil d’études en l’honneur d’Edouard LAMBERT, Paris, LGDJ, 5ème partie, 1938.

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(C.E.R.D.P.) à la faculté de droit de Nice, le 5 avril 2013, Bruxelles, Bruylant, 2014.

BAUDREZ (M.), DI MANNO (T.) (dir. de)


- Les sexualités : répression, tolérance, indifférence, Actes du colloque organisé par le
Centre de Droit et de Politique comparés Jean-Claude Escarras (CDPC-JCE) à la
faculté de Droit de Toulon, les 13, 14 et 15 novembre 2008, Bruxelles, Bruylant, 2012.

BONTEMS (C.) (dir. de)


- Mariage-Mariages, Actes du second colloque international organisé par l’Association
française d’anthropologie du droit en collaboration avec l’Université Paris-Sud XI
Paris-Sceaux, 9 et 10 mai 1997, Paris, PUF, 1ère éd., 2001.

BRAS (J.-P.) (dir. de)


- L’institution, Passé et devenir d’une catégorie juridique, Actes du colloque organisé le
22 et 23 juin 2006 par le Centre d’Étude des Systèmes Juridiques de la Faculté de
Droit, de Sciences économiques et de Gestion de l’Université de Rouen, Paris,
l’Harmattan, 2008.

BRUNETTI-PONS (C.) (dir. de)


- La complémentarité des sexes en droit de la famille, Actes du Colloque organisé par le
Centre de Recherches sur le couple, Laboratoire CEJESCO le 8 avril 2013, à la faculté
de Reims Champagne Ardenne, éd. Mare&Martin, 2014.

CERFAP (organ. par)


- La réception réciproque des institutions familiales Europe-Maghreb, Colloque
international organisé par le Centre européen d’Études et de Recherches en droit de la
Famille et des Personnes, les 23-24 avril 2015, Bordeaux.

DEKEUWER-DÉFOSSEZ (F.) (dir. de)


- Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte
civil de solidarité, Acte des Journées d’Études organisées par le Laboratoire d’études
et de recherches appliquées au droit privé (LERADP) les 4 et 5 mai 2000, Université
de Lille, LGDJ, 2002.
- Les filiations par greffe, Adoption et Procréation Médicalement Assistée, Acte des
Journées d’Études des 5 et 6 décembre 1996, organisées par le Laboratoire d’études et
de recherches appliquées au droit privé (LERADP), Université Lille II, LGDJ, 1997.

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- Internationalisation des droits de l’Homme et évolution du droit de la famille, Actes
des Journées d’Études des 15 et 16 décembre 1994, organisées par le Laboratoire
d’Études et de Recherches Appliquées au droit privé (LERADP) de l’Université de
Lille II, Paris, LGDJ, 1996.

DI MANNO (T.) (dir. de)


- Le recours au droit comparé par le juge, Actes de la 5ème Journée d’études de l’UMR
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de Droit et de Politique Comparés Jean-Claude Escarras (CDPC-JCE) à la faculté de
droit de Toulon, Bruxelles, Bruylant, coll. « À la croisée des droits », 2014.

DOURIS (M.), ROMAN (P.)


- Liens familiaux et détention, Comment être parent en prison. Un défi aux institutions,
Journée d’étude organisée par l’Institut des sciences de la famille de Lyon, le 11 avril
2014.

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- Le Code civil français dans le droit européen, Actes du colloque sur le bicentenaire du
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- La famille, le lien et la norme, Actes du colloque de l’Institut des Sciences de la
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- Mariage-conjugalité, parenté-parentalité, Actes du Colloque organisé par le Centre de
Droit de la famille, le 6 mars 2008 à la Faculté de Droit Lyon 3, Dalloz, 2009.
- Les enlèvements d’enfants à travers les frontières, Actes du colloque organisé par le
Centre de droit de la famille, 20 et 21 novembre 2003 à la faculté de Droit Lyon 3,
Bruylant, 2005.

FULCHIRON (H.), BIDAUD-GARON (C.) (dir. de)


- Vers un statut européen de la famille, Actes du colloque organisé par le Centre de
droit de la famille de l’Université Jean-Moulin Lyon 3, en association avec le
CREDIP, tenu à Lyon, les 21 et 22 novembre 2013, Dalloz, 2014.

KADIGE (G.), DEROUSSIN (D.), JAHEL (S.) et alii (dir. de)


- Le Code civil français et le dialogue des cultures juridiques, Colloque de Beyrouth,
organisé les 3, 4 et 5 mai 2004 par le Centre d’études des droits du monde arabe à la
Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université Saint-Joseph, paru aux
éditions Bruylant, 2007.

KHAÏAT (L.), MARCHAL (C.) (dir. de)


- L’enfant en droit musulman (Afrique, Moyen-Orient), Actes du colloque du 14 janvier
2008 tenu à la Cour de cassation, Paris, société de législation comparée, 2008.

556
LAUENT-BONNE (N.), POSE (N.), SIMON (V.) (dir. de)
- Les piliers du droit civil, Famille, Propriété, Contrat, Actes du colloque tenu à
l’Université Panthéon-Assas (Paris II), les 6 et 7 juin 2013, parus aux éditions
Mare&Martin, 2014.

MARIA (I.), FARGE (M.) (dir. de)


- Le lien familial hors du droit civil de la famille, Actes du colloque organisé sous
l’égide du groupe de recherches en droit de la famille (GRDF) le 28 juin 2013, à la
Maison de l’Avocat à Grenoble, Institut universitaire Varenne, coll.
« Colloque&Essais », 2014.

MILLIOT (L.) (dir. de)


- Travaux de la semaine internationale de droit musulman, organisée à l’Institut de droit
comparé du 2 au 7 juillet 1951, Paris, Recueil Sirey, 1953.

MIRKOVIC (A.) (dir. de)


- Le don de gamètes, Actes du colloque organisé par le Centre Léon Duguit de
l’Université d’Évry le 13 décembre 2012 et actualisés au 1 er décembre 2014,
Bruxelles, Bruylant, 2014.

NEIRINCK (C.) (dir.de)


- Les États généraux du mariage : l’évolution de la conjugalité, Actes du Colloque
organisé par le Centre de Droit Privé, le 21 juin 2007 à la faculté de Droit de
Toulouse, PUAM, 2008.

OBSERVATOIRE SOCIO-POLITIQUE
- Famille(s) je vous aime !, Actes du Colloque du 9 mars 2013, organisé par
l’Observatoire socio-politique du diocèse Fréjus-Toulon, publié à la revue Kephas,
n° 2, 2013.
- « La théorie du gender », vers une nouvelle identité sexuelle ? Actes du Colloque des
17 et 18 sept. 2011, organisé par l’Observatoire socio-politique du diocèse Fréjus-
Toulon, éd. Lethielleux, 2012.

PONT-CHELINI (B.)
- Quelle « politique » religieuse en Europe et en Méditerranée ? Enjeux et perspectives,
Actes du XVIIème colloque de l’Institut de Droit et d’Histoire Religieux (IDHR) de la
Faculté de Droit d’Aix-Marseille et de l’Observatoire du Religieux de l’Institut
d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence (Mai 2003), PUAM, 2004.

PUTMAN (E.), AGRESTI (J.-P.), SIFFREIN-BLANC (C.) (dir. de)


- Lien familial, lien obligationnel, lien social, Actes de la Journée d’Études organisée
par le Laboratoire Interdisciplinaire de Droit des Médias et des Mutations sociales
(LID2MS) le 5 avril 2012 à la faculté de Droit d’Aix-en provence, PUAM, coll.
« Inter-normes », 2013.
- Le droit patrimonial, miroir des mutations familiales, Actes du Colloque organisé par
le Laboratoire Interdisciplinaire de Droit des Médias et des Mutations sociales

557
(LID2MS) les 11 et 12 avril 2011 à la faculté de Droit d’Aix-en provence, PUAM,
coll. « Inter-normes », 2012.

RENCHON (J.-L.) (dir. de)


- L’enfant et les relations familiales internationales, Actes du VIIème Colloque de
l’Association « Famille & Droit » tenu à l’Université catholique de Louvain-la-Neuve,
les 19 et 20 octobre 2001, Bruxelles, Bruylant, 2003.

RIGAUX (F.)
- Famille, Droit et changement social dans les sociétés contemporaines, Travaux des
VIIIème Journées d’études juridiques Jean DABIN organisées par le Centre de Droit de
la Famille les 25 et 26 mars 1976 à Woluwe-St-Lambert (Bruxelles), Paris, LGDJ,
1978.

4. Rapports et documents officiels

a) Rapports français

BEIGNIER (B.)
- Le pacte civil de solidarité : réflexions et propositions de réforme, Rapport remis à
Monsieur Dominique PERBEN, Garde des Sceaux Ministre de la justice, le 30 nov.
2004.

BLOCHE (P.)
- L’enfant d’abord, 100 propositions pour placer l’enfant au cœur du droit de la
famille, Rapport fait au nom de la mission d’information sur la famille et les droits des
enfants, Assemblée nationale, rapport n° 2832, déposé le 25 janvier 2006, La
documentation française, 2006.

CONTRÔLEUR GENERAL DES LIEUX DE PRIVATION DE LIBERTÉ


- Rapport d’activité 2010, Paris, Dalloz, 2011.

COUR DE CASSATION
- L’ordre public, 2013, La Documentation française.

DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.)
- Rénover le droit de la famille. Propositions pour un droit adapté aux réalités et aux
aspirations de notre temps, Rapport au Garde des Sceaux, ministre de la justice, La
Documentation française, Paris, 1999.

FAUVARQUE-COSSON (B.), PATRIS-GODECHOT (S.)


- Le Code civil face à son destin, Paris, La Documentation française, Ministère de la
Justice, 2006.

558
FERRAND (F.), FULCHIRON (F.) (dir. de)
- La rupture du mariage en droit comparé, Rapport final pour la mission de recherche
Droit et Justice, Centre de Droit de la Famille et Institut de droit comparé Edouard
Lambert (IDCEL), oct. 2013.

GOUTTENOIRE (A.)
- Quarante propositions pour adapter la protection de l’enfance et l’adoption aux
réalités d’aujourd’hui, La Documentation française, Ministre délégué chargé de la
Famille, 2014.

GUINCHARD (S.)
- L’ambition d’une justice apaisée, Rapport remis au Garde des Sceaux le 30 juin 2008.

JUSTON (M.)
- Médiation familiale et contrats de coparentalité, La Documentation française,
Ministère des affaires sociales et de la santé, 2014.

LEONETTI (J.)
- Intérêt de l’enfant, autorité parentale et droits des tiers, Rapport remis au Premier
ministre le 7 octobre 2009.

MAGENDIE (J.-C.)
- Célérité et qualité de la justice, La médiation : une autre voie, Rapport issu du groupe
de travail sur la médiation, 2008.

ROZENCZVEIG (J.-P.)
- De nouveaux droits pour l’enfant, Rapport du groupe de travail remis à madame
Dominique BERTINOTTI le 29 janvier 2014.

TASCA (C.), MERCIER (M.),


- Justice aux affaires familiales : pour un règlement pacifié des litiges, fait au nom de la
Commission des lois, déposé le 26 février 2014.

THÉRY (I.)
- Couple, filiation et parenté aujourd’hui : le droit face aux mutations de la famille et
de la vie privée, Rapport à la ministre de l’Emploi et de la Solidarité et au Garde des
Sceaux, éd. Odile Jacob, La Documentation française, Paris, juin 1998.

THERY (I.), LEROYER (A.-M.) (dir. de)


- Filiation, origines, parentalité, le droit face aux nouvelles valeurs de responsabilité
générationnelle, éd. Odile Jacob, 2014.

VERSINI (D.)
- L’enfant au cœur des nouvelles parentalités. Pour un statut des tiers qui partagent ou
ont partagé la vie d’un enfant et ont des liens affectifs forts avec lui, Rapport annuel
de la défenseure des enfants, la Documentation française, 2006.

559
b) Rapports m arocains

ALAOUI-BENSALAH (A.), DANIEL (J.)


- Le dialogue entre les peuples et les cultures dans l’Espace euro-méditerranéen,
Rapport du groupe des Sages, créé à l’initiative du Président de la Commission
européenne, 2003.

BENRADI (M.)
- Genre et droit : les enjeux de la démocratie, éd. Le Fennec, Casablanca 2001.
- Féminin-Masculin, La marche vers l'égalité au Maroc, 1993-2003.

CONSEIL NATIONAL DES DROITS DE L’HOMME (CNDH)


- État de l’égalité et de la parité au Maroc. Préserver et rendre effectifs les finalités et
objectifs constitutionnels, disponible sur le site www.cndh.ma

FRIEDRICH (E.)
- Les droits des femmes des deux rives de la méditerranée. Le droit de la famille en
migration : le cas du Maroc. Genre, Droits et Migration, 23-24 mai 2008.

PROGRAMME EUROMED
- Promouvoir l’égalité entre les hommes et les femmes dans la région euro-
méditerranéenne. Analyse de la situation : Maroc, 2009-2010.

RACHIQ (H.), BOURQIA (R.), BENCHERIFA (A.) et alii


- Rapport de synthèse de l’enquête nationale sur les valeurs, 50 ans de développement
humain, Perspectives 2025.

RÉSEAU EUROMÉDITERRANÉEN DES DROITS DE L’HOMME


- L’indépendance et l’impartialité du système judiciaire - Le cas du Maroc, REMDH,
2008.

III. ÉTUDES DOCTRINALES ET ARTICLES


1. Droit français

ABITBOL (E.)
- « La contribution aux charges du ménage et son contentieux différé », in Mélanges
offerts à Pierre RAYNAUD, Dalloz Sirey, 1985, pp. 1-25.

ADAM (C.)
- « La sexualité comme puissance de démesure et de dérèglement du droit », in Droit
des familles, genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 25-33.

560
AGRESTI (J.-P.)
- « Le mariage et le contrat à la fin de l’Ancien Régime : éléments de réflexion tirés de
l’histoire du droit », in Lien familial, lien obligationnel, lien social, Livre I « Lien
familial et lien obligationnel », PUTMAN (E.), AGRESTI (J.-P.), SIFFREIN-BLANC (C.)
(dir. de), Marseille, PUAM, coll. « Inter-normes », 2013, pp. 53-92

ALLEAUME (C.)
- « Solidarité contre solidarité. Étude comparative des avantages respectifs du mariage
et du PACS au regard du droit du crédit », D., 2000, n° 29, pp. 450-454.

AMBROSETTI (G.)
- « Y a-t-il un Droit naturel chrétien ? », Arch. de philo. du droit, 1973, t. 18, p. 77-83.

AMRANI-MEKKI (S.)
- « La convention de procédure participative », D., 2011, pp. 3007-3015.

ANCEL (J.-P.)
- « La prise en compte du droit international et communautaire dans la jurisprudence de
la Cour de cassation », in L’internationalité dans les institutions et le droit.
Convergences et défis. Études offertes à Alain PLANTEY, éd. A. Pedone, 1995, pp. 59-
75.

ANCEL (M.)
- « Comment aborder le droit comparé ? », in Études offertes à René RODIERE, Dalloz,
1981, pp. 3-7.
- « Rapprochement, unification ou harmonisation des droits ? », in Mélanges dédiés à
Gabriel MARTY, Université des Sciences sociales de Toulouse, 1978, pp. 1-13.

ANTONINI-COCHIN (L.)
- « Le paradoxe de la fidélité », D., 2005, p. 23-25.

AOUN (M.)
- « Origines et fondements historiques des statuts personnels », in Les statuts personnels
en droit comparé, évolutions récentes et implications pratiques, AOUN (M.) (dir. de),
Leuven-Paris-Dudley, Peeters, 2009, pp. 11-22.

ARDANT (P.)
- « La famille et le juge administratif », in Mélanges offerts à René SAVATIER, Dalloz,
1965, pp. 23-44.

ARNAUD (A.-J.)
- « Philosophie des droits de l’Homme et droit de la famille », in Internationalisation
des Droits de l’homme et évolution du droit de la famille, Paris, LGDJ, 1996, pp. 4-5.

561
ARNAUD (P.)
- « Essai d’approche positive du problème de la famille d’après Auguste Comte », Arch.
philo. droit, 1975, pp. 137-147.

ATIAS (C.)
- « Le sort des dettes de ménage non solidaires en régime légal », D., 1976, pp. 191-
194.

ATIAS (C.), LINOTTE (D.)


- « Le mythe de l’adaptation du droit au fait », D., 1977, pp. 251-258.

AUDIT (B.)
- « Le droit international privé à la fin du XXème siècle : progrès ou recul », RIDC, 1998,
pp. 421-448.

AYNES (L.)
- « L’obligation de loyauté », Arch. philo. dr., 2000, t. 44, pp. 195-204.

BALESTRIERO (V.)
- « Le devoir de fidélité pendant la procédure de divorce », LPA, 8 nov. 1995, pp. 17-
23.

BALIAN (S.)
- « Néologismes législatifs pour la forme ? », in Droit civil, procédure, linguistique
juridique, Écrits en hommage à Gérard CORNU, Paris, PUF, 1994, pp. 1-7.

BANDRAC (M.)
- « Réflexions sur la maternité », in Mélanges offerts à Pierre RAYNAUD, Dalloz Sirey,
1985, pp. 27-39.

BARAT (C.)
- « Le conjoint survivant hier et aujourd’hui », in La Cour de cassation, l’Université et
le Droit. Études en l’honneur de A. PONSARD, Litec, 2003, pp. 51-57.

BÄRMANN (J.)
- « Les communautés européennes et le rapprochement des droits », RIDC, 1960, pp. 9-
60.

BARRERE (J.)
- « Le droit du mariage dans la loi du 3 janvier 1972 sur la filiation », in Mélanges
dédiés à Gabriel MARTY, Université des Sciences sociales de Toulouse, 1978, pp. 15-
34.

BARRIERE-BROUSSE (I.)
- « L’enfant et les conventions internationales », JDI, 1996, pp. 843-888.

562
- « Le mariage franco-marocain ou le choc des civilisations », in Le Mariage&La Loi.
Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 53-63.

BASDEVANT-GAUDEMET (B.)
- « Droit et religions en France », RIDC, 1998, pp. 335-366.

BATIFFOL (H.)
- « Existence et spécificité du droit de la famille », Arch. philo. dr., 1975, pp. 7- 15.
- « Droit comparé, droit international privé et théorie générale du droit (Le droit
international privé et le caractère systématique du droit) », RIDC, 1970, pp. 661-674.

BEGUIN (J.)
- « Réflexions sur la concurrence entre le mariage et le PACS », JCP, G, 2011, n° 1-2,
pp. 11-16.

BEHRENDT (C.)
- « Les notions de monisme et dualisme », in Liège, Strasbourg, Bruxelles : parcours
des droits de l’homme. Liber Amicorum Michel MELCHIOR, Anthémis, 2010, pp. 867-
880.

BEIGNIER (B.)
- « L’apparence du mariage », Rev dr. fam., 2010, n° 5, pp. 1-2.
- « La loi du 3 décembre 2001 : achèvement du statut du logement familial », Rev. dr.
fam., 2002, n° 3, chron. 5, pp. 4-7.
- « La loi du 3 décembre 2001 : le conjoint héritier », Rev. dr. fam., 2002, chron. 8,
pp. 4-7.
- « À propos du concubinage homosexuel », D, 1998, pp. 215-217.

BENABENT (A.)
- « Plaidoyer pour quelques réformes du divorce », D., 1997, pp. 225-228.
- « Bilan de cinq ans d’application de la réforme du divorce », D., 1981, pp. 33-40.
- « La liberté individuelle et le mariage », RTD civ., 1973, pp. 440-495.

BENOIT (A.)
- « Protection sociale et concubinage », Rev. dr. fam., 1997, chron. 8, pp. 4-7.

BERGERES (M.-C.)
- « Vers une égalité des conjoints en droit fiscal », D., 1980, pp. 25-30.

BINET (J.-R.)
- « Une mise en œuvre juridique de l’idéologie du gender ? », in Le Mariage&la Loi.
Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016, pp. 97-100.

563
- « L’embryon surnuméraire : l’impossible avenir d’une solution dépassée », in Droit et
Bioéthique. Mélanges en l’honneur de Jean MICHAUD, Bordeaux, éd. Les Études
hospitalières, 2012, pp. 191-203.
- « La loi du 7 juillet 2011 : une révision mesurée du droit de la bioéthique », Rev. dr.
fam., 2011, n° 10, étude 21, pp. 17-22.
- « La bioéthique à l’épreuve du temps », JCP, G, 2011, n° 29-34, pp. 1410-1411.
- « La loi du 7 juillet 2011 : une révision mesurée du droit de la bioéthique », Rev. dr.
fam., 2011, n° 10, pp. 17-22.

BLAGOJEVIC BORISLAV (T.)


- « Le droit comparé. Méthode ou science », RIDC, 1953, n° 4, pp. 649-657.

BOICHE (A.)
- « Aspects de droit international privé », dossier « mariage : la réforme ! », AJ fam.,
2013, pp. 362-365.

BOISDEFFRE (de) (M.)


- « La pensée humaniste en droit des personnes et de la famille », in Hommage à
Gérard CORNU, Droit et sagesse, Dalloz, 2009, pp. 29-34.

BORILLO (D.)
- « Pour une théorie du droit des personnes et de la famille émancipée du genre », in
Droit des familles, genre et sexualité, Paris, LGDJ, coll. « Anthémis », 2012, pp. 7-24.

BOSSE-PLATIÈRE (H.)
- « Premières réflexions pour une indispensable reconstruction du droit de l’adoption »,
in Mélanges en l’honneur du professeur Raymond LE GUIDEC, Paris, LexisNexis,
2014, pp. 589-606.
- « Le statut de l’enfant et l’européanisation des sources en droit de la famille », in Le
statut juridique de l’enfant dans l’espace européen, Bruxelles, Bruylant, 2004, pp. 67-
95.
- « PACS et autorité parentale », in Des concubinages : droit interne, droit
international, droit comparé, Études offertes à Jacqueline RUBBELIN-DEVICHI, Paris,
Litec, 2002, pp. 193-211.

BOUDON (R.)
- « Penser la relation entre le droit et les mœurs », in L’avenir du droit, Mélanges en
hommage à F. TERRE, Dalloz, Paris, 1999, pp. 11-24.

BOULANGER (F.)
- « Réflexions sur la portée et les limites du principe d’égalité des deux membres du
couple dans l’attribution et l’exercice des droits parentaux », in Mélanges en l’honneur
du professeur Gérard CHAMPENOIS, Paris, Defrénois, 2012, pp. 59-71.
- « Modernisation ou utopie ? : la réforme de l’autorité parentale par la loi du 4 mars
2002 », D., 2002, p. 1571-1577.

564
- « Fraude, simulation ou détournement d’institution en droit de la famille ? », JCP, G,
I, 1993, n° 3665, pp. 151-154.

BOURGEOIS (M.)
- « La faute du demandeur dans le divorce pour faute », D., 1986, pp. 89-95.

BOUVERESSE (J.)
- « Le couple et l’individu : la socialisation à l’épreuve de la liberté occidentale », in Le
droit entre tradition et modernité. Mélanges à la mémoire de Patrick COURBE, Paris,
Dalloz, 2012, pp. 39-60.

BRACONNIER (S.)
- « Faut-il avoir peur de la Cour européenne des droits de l’homme ? », in Mélanges en
hommage au Doyen Yves MADIOT, Bruylant, Bruxelles, 2000, pp. 223-244.

BREDIN (J.-D.)
- « La religion de l’enfant », D., 1961, pp. 73-78.

BRIERE (C.)
- « La coparentalité : mythe ou réalité ? », Rev. dr. san. soc., 2002, pp. 567-580.

BRIMO (A.)
- « Les principes généraux du droit et les droits de l’homme », Arch. philo. dr., 1983,
pp. 257-269.

BRUGGEMAN (M.)
- « Le droit d’être entendu », in La Convention internationale des droits de l’enfant
(CIDE), une convention particulière, NEIRINCK (C.), BRUGGEMAN (M.), Paris, Dalloz,
coll. « Thèmes&Commentaires », 2014, pp. 107-120.

BRUGUIERE (J.-M.)
- « Le devoir conjugal. Philosophie du code et morale du juge », D., 2000, pp. 10-14.

BRUNETTI-PONS (C.)
- « La nécessité de réformer la loi du 17 mai 2013 pour rendre sa cohérence au droit de
la famille et du couple », in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut
Famille&République, 2016, pp. 327-338.
- « Protéger l’enfant et satisfaire la justice en droit de la famille après la loi du 17 mai
2013 », in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016,
pp. 281-298.
- « Adoption avec éviction de l’homme, l’une des conséquences de la loi du 17 mai
2013 », in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut Famille&République, 2016,
pp. 45-52.
- « Après la loi du 17 mai 2013, quel état des lieux et quelles perspectives pour le droit
de la famille ? », in Le Mariage&La Loi. Protéger l’Enfant, Institut
Famille&République, 2016, pp. 25-44.

565
- « Existe-t-il un droit de connaître ses origines ? », in Le don de gamètes, MIRKOVIC
(A.) (dir. de), Bruxelles, Bruylant, coll. « Droit, bioéthique et société », 2014, pp. 85-
112.
- « L’intérêt supérieur de l’enfant : une définition possible ? », Rev. Lamy dr. civ., 2011,
supplément au n° 87 « Le statut de l’enfant depuis la Convention Internationale
relative aux droits de l’enfant », n° 4437, pp. 27-31.
- « Réflexions autour de l’évolution du droit de la famille (1 ère partie) », Rev. dr. fam.,
2003, n° 7, pp. 10-17.
- « Réflexions autour de l’évolution du droit de la famille (2 ème partie) », Rev. dr. fam.
2003, n° 6, pp. 4-8.
- « Couple, concubinage et Pacs, de l’émergence d’une hiérarchie des couples ? », in
Regards civilistes sur la loi du 15 novembre 1999 relative au concubinage et au pacte
civil de solidarité, Actes des Journées d’Études des 4 et 5 mai 2000 organisées par le
Laboratoire d’Études et de Recherche appliquées au Droit Privé (LERADP) de
l’Université de Lille II, DEKEUWER-DEFOSSEZ (F.) (dir. de), Paris, LGDJ, 2002, pp.
37-47.
- « L’émergence d’une notion de couple en droit civil », RTD civ., 1999, pp. 27-49.

BUCHET (G.)
- « Concubinage, vie maritale, vie commune », Rev. dr. soc., 1997, p. 288-297.

BULYGIN (E.)
- « Système juridique et ordre juridique », in L’architecture du droit, Mélanges en
l’honneur de Michel TROPER, Paris, Economica, 2006, pp. 223-229.

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- « Le mariage pour tous à l’aune de la diversité. Les relations privées internationales »,
in Mélanges B. AUDIT, Paris, LGDJ, 2014, pp. 155-184.

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- « La jurisprudence des Cours constitutionnelles européennes en droit des personnes et
de la famille », Les nouveaux cahiers du conseil constit., 2013, n° 30, pp. 229-250.

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- « Prévoir le changement pour que rien ne change ? », JCP, G, 18 juil. 2011, pp. 1406-
1407.

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- « Genre et droit patrimonial de la famille », in Bioéthique et genre, ZATTARA-GROS
(A.-F.) (dir. de), Paris, LGDJ, 2013, pp. 265-273.
- « Le symbolisme des Codes », in L’avenir du droit. Mélanges en hommage à François
TERRE, Paris, Dalloz, 1999, pp. 211-220.

CADERE (V.)
- « Quelques réflexions sur les études de science juridique comparative », RIDC, 1971,
n° 4, pp. 849-855.
566
CALAIS AULOY (M.-T.)
- « Le droit à l’occidentale », D., 1989, pp. 55-60.
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- « L’influence du droit communautaire sur le droit de la famille. Droit communautaire
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- « L’influence de la comparaison des droits dans l’élaboration de la jurisprudence », in
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- « La convergence des systèmes juridiques du point de vue du droit privé français »,
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CARBONNIER (J.)
- « Le mariage par les œuvres ou la légitimité remontante dans l’article 197 du Code
civil », in Mélanges dédiés à Gabriel MARTY, Université des Sciences sociales de
Toulouse, 1978, pp. 255-266.
- « Les notions à contenu variables dans le droit français de la famille », in Les notions
à contenu variable du droit, PERELMAN (C.), VANDER ELST (R.) (dir. de) Travaux du
Centre national de Logique, Bruylant, Bruxelles, 1984, pp. 99-112.
- « Terre et ciel dans le droit français du mariage », in Études offertes à Georges
RIPERT, Paris, LGDJ, t. 1, 1950, pp. 325-431.
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- « L’ordre public militant : le mariage pour tous face aux systèmes de tradition
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- « Droits fondamentaux et droit international privé de la famille : quelques remarques
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- « Droit immobile ou droit en mouvement ? Quelques remarques à propos du droit
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- « La Cour de cassation durcit sa jurisprudence à l’égard des répudiations », RJPF,
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IV. NOTES, OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS


1. En droit français

AGOSTINI (E.)
- Note ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1395.

BALESTRIERO (V.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, LPA, 1995, n° 134, p. 17.

BEIGNIER (B.)
- Note ss CA Bourges, 8 déc. 1997, Rev. dr. fam., 1998, n° 6, comm. 89.
- Note ss TGI Lille, 5 juin 2002, Rev. dr. fam., 2003, comm. 57.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2000, comm. 139.

BERNAUD (V.)
- Obs. ss Cons. const., 28 janv. 2011, D., 2011, p. 1793.

BINET (J.-R.)
- Note ss Cons. constit., 21 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 213.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 23 sept. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 1, comm. 5.
- Note ss CA Paris, pôle 3, ch. 3, 18 juin 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 216.
- Note ss CA Rennes, 5 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 140.
- Note ss CA Rennes, 5 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 140.
- Note sous Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2015, Rev. dr. fam., n° 6, 2015, comm. 114.

608
- Note ss CA Versailles, 2ème ch., sect. 1, 22 janv. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 5,
comm. 87.
- Note ss CEDH, gde ch., 16 juill. 2014, Hämäläinen c/ Finlande, Rev. dr. fam., 2015,
comm. 1.
- Note ss CA Douai, 19 déc. 2013, Rev. dr. fam., 2014, n° 2, comm. 22.
- Note ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, Rev. dr. fam., 2013, comm. 158.
- Note ss CA Lyon, 2ème ch. A, 2 juill. 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 10, comm. 132.

BLANC (A.-M.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, RJPF, 2003, n° 9, p. 39.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 15 mai 2002, RJPF, 2002, n° 10, p. 35.
- Note ss Cass. Civ. 1ère, 9 juil. 2002, RJPF, 2002, n° 12, p. 38.

BOICHE (A.)
- Note ss CEDH, grde chb., 26 nov. 2013, X. c/ Lettonie, AJ fam., 2014, p. 58.
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, AJ fam., 2013, p. 720.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, AJ fam., 2013, p. 185.
- Note ss CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, AJ fam., 2008,
p. 83.

BONFILS (P.)
- Note ss CA Bordeaux, ch. civ. 6, 16 janv. 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 4, comm. 62.

BOSSE-PLATIERE (H.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, JCP, G, I, 2008, art. 597.
- Obs. ss CA Bordeaux, 21 mars 2001, JCP, G, I, p. 332.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, JCP, G, I, 1995, p. 3903.

BOULANGER (F.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, JCP, G, I, 2013, p. 1233.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, D., 2006, p. 2790.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., 2006, p. 554.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, D., 2005, p. 2790.

BRENNER (C.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, D., 2012, p. 2011.

BRIERE (C.)
- Obs. ss CEDH, 10 juin 2010, Schwizgebel c/ Suisse, D., 2010, p. 2269.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, LPA, 23 févr. 2005, n° 38, p. 5.

609
BRUGGEMAN (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, Rev. dr. san. soc., 2006, p. 349.

CABRILLAC (R.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, D., 2001, p. 497.

CHABAS (F.)
- Note ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, JCP, G, II, 2005, p. 10011.

CHAMPENOIS (G.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Defrénois, 1984, p. 933.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, Defrénois, 1982, art. 32582.

CHENEDE (F.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, JCP, G, 2012, p. 857.
- Obs. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, AJ fam., 2011, p. 157.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère 4 juin 2009, AJ fam., 2009, p. 303.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, AJ fam., 2008, p. 431.
- Obs. ss TGI Paris, 28 mars 2008, AJ fam., 2008, p. 249.
- Obs. ss TGI Grenoble, 28 janv. 2008, AJ fam., 2008, p. 476.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, AJ fam., 2007, p. 227.
- Obs. ss CE, 6 déc. 2006, AJ fam., 2007, p. 34.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, AJ fam., 2006, p. 159.
- Obs. ss TGI Paris, 2 juil. 2004, AJ fam., 2004, p. 361.

CORPART (I.)
- Note ss TGI Lille, 21 fév. 2006, Rev. dr. fam., 2006, comm. 141.

COUARD (J.)
- Note ss CEDH, 2ème sect., 27 janv. 2015, Paradiso et Campanelli c/ Italie, Rev. dr.
fam., mars 2015, n° 27.

DAVID (S.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, AJ fam., 2012, p. 403.

DESNOYER (C.)
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, somm., p. 655.

DEUMIER (P.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2008, p. 438.

610
DEVERS (A.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, JCP, G, I, 2013, p. 1159.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, JCP, G, 2012, act. 728.
- Note ss Cass. soc., 23 mai 2012, JCP, S, 2012, p. 1383.
- Obs. ss Cons. Constit., 29 juil. 2011, JCP, S., 2011, 1458, n° 41.
- Note ss CE, 6 déc. 2006, JCP, G, II, 2007, 10096.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 160.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, JCP, G, II, 2006, p. 10133.

DOUCET (M.)
- Note ss CEDH, 7 mars 2013, Raw c/ France, RJPF, 2013, n° 5.

DOUCHY-OUDOT (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, Procédures, 2013, comm. 19.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, Procédures, 2012, n° 12, comm. 358.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 sept. 2011, Procédures, 2012, n° 1, comm. 12.
- Obs. ss Cons. const., 29 juillet 2011, D., 2012, p. 1033.
- Obs. ss Cons. Constit., 28 janv. 2011, D., 2012, 1033.
- Note ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RTD eur., 2010, p. 927.
- Obs. ss CJUE, 22 déc. 2010, n° C-497/10, RTD eur., 2011, 481.
- Note ss CJUE, 2 avr. 2009, n° C-523/07, RTD eur., 2010, 421.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 déc. 2008, Procédures, 2009, comm. 52.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., pan., p. 2436.

ÉGÉA (V.)
- Cass. civ. 1ère, 25 sept. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 2, chron. 1.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère , 18 mars 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 avr. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 9, chron. 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 déc. 2013, RJPF, 2014, n° 2, p. 2.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, Rev. dr. fam., 2013, n° 11, p. 1.

EUDIER (F.)
- Obs. ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RJPF, 2011-1/25.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 déc. 2006, RJPF, 2007, n° 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, RJPF, 2005, n° 10, p. 40.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, RJPF, 2004, n° 2, p. 39.

FARGE (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, comm. 155.

611
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, comm. 42.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 fév. 1997, JCP, G, I, 1997, p. 4045.

FAVIER (Y.)
- Obs. ss Cons. constit., 29 juil. 2011, JCP, G, I, 2012, n° 1.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, JCP, G, I, 2005, n° 3, p. 116.

FOREST (G.)
- Obs. ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, D., 2009, p. 1090.

FULCHIRON (H.)
- Note ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D., 2013, entret. p. 2576.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, D., p. 464.
- Note ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1375.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., Point de vue, 876.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 févr. 2004, JCP, G, II, 2004, 10128.

GALLANT (E.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, Rev. crit. DIP, 2007, p. 603.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2006, Enfant Lorenzo, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, Rev. crit. DIP, 2006, p. 127.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. crit. DIP, 2002, pp. 468-469.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 18 avril 2000, Rev. crit. DIP, 2001, p. 341.

GALLMEISTER (I.)
- Obs. ss Cass. plén., 3 juil. 2015, D., 2015, p. 1438.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 fév. 2013, D., 2013, p. 498.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 fév. 2009, AJ fam., 2009, p. 171.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, AJ fam., 2008, 2430.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 935.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, IR, p. 670.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, D., 2005, p. 3036.

GANNAGE (L.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 28 janv. 2015, JCP, G, I, 2015, n° 12, p. 318.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 juin 2012, RCDIP, 2013, p. 587.

GARE (T.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, RJPF, 2006, n° 6, p. 19.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, JCP, N, 2001, p. 1822.

612
- Note ss Cass.civ. 1ère, 11 fév. 1997, JCP, G, II, 1997, p. 22820.
- Note ss Trib. Enfants Toulouse, 13 sept. 1988 et 2 fév. 1989, D., 1990, p. 395.

GAUDEMET-TALLON (H.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D., 2014, p. 1059.

GAURIAU (B.)
- Note ss Cass. soc., 15 févr. 2001, Rev. dr. soc., 2001, p. 463.

GODECHOT-PATRIS (S.)
- Note ss CEDH, 22 juill. 2014, Rouiller c/ Suisse, RJPF, 2014, n° 10.

GOUTTENOIRE (A.)
- Obs. ss CEDH, 5 nov. 2015, Henrioud c/ France, JCP, G, I, 2015, n° 49, 1333.
- Note ss CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, Rev. dr. fam., 2013, étude n° 3.
- Note ss CEDH, 12 juil. 2011, Sneersone et Kampanella c/ Italie, Rev. dr. fam., 2012,
étude n° 6.
- Obs. ss CEDH, 28 janv. 2011, Nunez c/ Norvège, Rev. dr. fam., 2012, étude 10.
- Ob. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, JCP, G, 2011, n° 29.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, D., 2007, p. 2192.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, comm. 157.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 mai 2005, Rev. dr. fam., 2005, comm. 156.
- Note sous CE, 22 sept.1997, affaire Cinar, JCP, G, II, 1998, 10051.

GRANET-LAMBRECHTS (F.)
- Obs. ss TGI Grenoble, 28 janv. 2008, D., 2009, p. 773.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, pan. 1148.
- Note ss CA Rennes, 4 juill. 2002, D., 2002, p. 2902.
- Obs. ss CA Paris, 19 mai 1992, D., 1993, somm. 47.

GRIMALDI (M.)
- Obs. ss Cass. Civ. 2ème, 14 déc. 1983, Gaz. Pal., 1984, p. 1.

HAUSER (J.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, RTD civ., 2014, p. 89.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, RTD civ., 2013, p. 96.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 avr. 2012, RTD civ., 2012, p. 519.
- Obs. ss CA Lyon, 28 juin 2010, RTD civ., 2011, p. 118.
- Obs. ss CEDH, 31 août 2010, Gas et Dubois c/ France, RTD civ., 2011, p. 114.
- Obs. ss Cons. const., 29 juil. 2011, RTD civ., 2011, p. 748.

613
- Obs. ss Cons. constit., 28 janv. 2011, RTD civ., 2011, p. 326.
- Obs. ss CE 18 juin 2010, RTD civ., 2010, p. 764.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, RTD civ., 2008, p. 660.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2007, p. 315.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Enfant Laetitia, RTD civ., 2007, p. 330.
- Obs. ss CE, 6 déc. 2006, RTD civ., 2007, p. 86.
- Obs. ss Cass. Civ. 1ère, 24 fév. 2006, RTD civ., 2006, p. 297.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, RTD civ., 2006, p. 105.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 nov. 2005, RTD civ., 2006, p. 101.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 8 nov. 2005, RTD. civ., 2006, p. 101.
- Obs. ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, RTD civ., 2005, p. 104.
- Obs. ss TGI Paris, 2 juil. 2004, RTD civ., 2005, p. 116.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 mai 2004, RTD civ., 2004, p. 487.
- Obs. ss CE 9 juil. 2003, RTD civ., 2004, p. 69.
- Obs. ss TGI Lille, 5 juin 2002, RTD civ., 2003, p. 270.
- Obs. ss Cass. com., 9 oct. 2001, RTD civ., 2002, p. 489.
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, RTD civ., 2002, p. 84.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, RTD civ., 2001, p. 565.
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, RTD civ., 2001, p. 563.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, RTD civ., 2001, p. 565.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, RTD civ., 1997, p. 102.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 juil. 1995, RTD civ., 1996, p. 133.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, RTD civ., 1994, p. 571.
- Obs. ss cass. plén., 11 déc. 1992, RTD civ., 1993, p. 97.
- Obs. ss CA Toulouse, 18 nov. 1991, RTD civ., 1993, p. 104.

HILT (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 nov. 2012, AJ fam., 2013, p. 55.

HOCQUET-BERG (S.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 10 oct. 1995, LPA, 23 août 1996, n° 102, p. 9.

JULLIOT DE LA MORANDIERE (L.)


- Note ss Chb. réunies, 8 mars 1939, D., 1941, p. 37.

614
KOUMDADJI (A.)
- Note ss TI Lille, 7 sept. 2009, D., 2010, n° 1, p. 6970.

LABBEE (X.)
- Note ss TGI Lille, 16 déc. 2014, AJ fam., 2015, n° 3, p. 174
- Note ss CA Douai, 7ème chb., sect. 1, 19 janv. 2012, Rev. dr. fam., 2012, n° 7, p. 41.
- Note ss TGI Lille, 21 fév. 2006, D., 2006, p. 1350.
- Note ss TGI Lille, 5 juin 2002, D., 2003, p. 514.
- Note ss TGI Lille, 26 nov. 1999, D., 2000, p. 254.

LARRIBAU-TERNEYRE (V.)
- Note ss Cass. soc., 23 mai 2012, Rev. dr. fam., 2012, n° 7-8, comm. 114.
- Note ss Cons. constit., 29 juil. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 10, comm. 143.
- Note ss CA Montpellier, 1ère ch., 4 janv. 2011, Rev. dr. fam., 2011, n° 6, comm. 89.
- Note ss CE, 18 juin 2010, Rev. dr. fam., 2010, n° 9, comm. 123.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 17 nov. 2010, Rev. dr. fam., 2011, n° 1, comm. 2.
- Obs. ss Cass. crim., 5 oct. 2010, Rev. dr. fam., 2011, n° 1, comm. 1.
- Obs. ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, Rev. dr. fam., 2009, n° 5, comm. 70.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 10 juill. 2008, Rev. dr. fam., 2008, n° 10, comm. 137.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 185.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 10, comm. 188.
- Note ss CA Metz, ch. famille, 17 avr. 2007, K. Z. c/ Z., Rev. dr. fam., 2007, n° 10,
comm. 187.
- Note ss CA Aix-en-provence, 20 juin 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 12, comm. 202.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 31 janv. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 4, comm. 83.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 28 mars 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 6, comm. 133.
- Note ss CA Aix-en-Provence, 28 juin 2005, Rev. dr. fam., 2006, n° 2, comm. 24.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 19 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, n° 6, comm. 127.
- Note ss CA Pau, 4 avr. 2005, Rev. dr. fam., 2005, n°7-8, comm. 152.
- Note ss CA Montpellier, 11 oct. 2004, Rev. dr. fam., 2005, n° 3, comm. 49.
- Note ss Cass. com., 23 juin 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 10, comm. 168.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 9, comm. 140.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 mai 2004, Rev. dr. fam., 2004, n° 10, comm. 168.

LEBORGNE (A.)
- Note ss Cons. Constit., 28 janv. 2011, RJPF, 2011, n° 3.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, RJPF, 2007, n° 5.

615
LECUYER (H.)
- Note ss CA Douai, 12 déc. 2002, Rev. dr. fam., 2003, comm. 86.
- Note ss Cass. com., 9 oct. 2001, Rev. dr. fam., 2002, n° 2, comm. 18.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 26 juin 2001, Rev. dr. fam., 2002, n° 3, comm. 28.
- Obs. ss CA Paris, 4 oct. 2000, Rev. dr. fam., 2001, n° 3, comm. 28.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 15 juin 2000, Rev. dr. fam., 2000, n° 10, comm. 111.
- Note ss CA Toulouse, 6 mars 2000, Rev. dr. fam., 2000, n° 10, comm. 106.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 nov. 1998, Rev. dr. fam., 1999, comm. 12.
- Obs. ss CA Bordeaux, 17 juin 1998, Rev. dr. fam., 1999, comm. 1.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 1er juil. 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 153.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 4 juin 1997, Rev. dr. fam., 1998, comm. 176.
- Note ss CA Bordeaux, 25 mars 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 132.
- Note ss Cass.civ. 1ère, 11 fév. 1997, Rev. dr. fam., 1997, comm. 56.

LEMOULAND (J.-J.)
- Obs. ss CA Chambéry, 22 oct. 2013, D, 2013, p. 1342.
- Obs. ss Cons. const., 29 juillet 2011, D., 2012, 983.
- Note ss Civ. 1ère 4 juin, 2009, D., 2009, p. 1610.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2007, D., 2008, pan., 1793.
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, D., 2007, p. 1561.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, p. 1421.
- Obs. ss CE, 9 juil. 2003, D., 2004, somm. 2967.
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, D., 2003, p. 1941.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, D., 2002, somm. 612.
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, D., 2002, somm. 535.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, D., 2002, p. 612.

LIBCHABER (R.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, D., 1997, somm. 177.

LIENHARD (C.)
- Note ss TGI d’Argentan, 23 juin 1988, D., 1989, p. 411.

MARGUENAUD (J.-P.)
- Obs. ss Cass. civ 1ère, 13 mars 2007, RTD civ., 2007, p. 287.
- Note ss CEDH, 6 juil. 2010, Neulinger et Churuck c/ Suisse, RTD civ., 2010, p. 735.

MARRAUD DES GROTTES (G.)


- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, Rev. Lamy dr. civ., 2004, janv., n° 30.

616
MASSIP (J.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, Defr., 2006, p. 1066.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, Defr., 2004, p. 1232.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 7 oct. 2003, Defr., 2004, p. 159.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, LPA, 15 mars 2004, p. 17.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Defr., 2001, p. 1003.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 17 oct. 2000, Defr., 2001, p. 93.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 21 novembre 1995, D., 1996, p. 468.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, Defr., 1995, art. 36024.
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, LPA, 1996, n° 2, p. 7.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 19 mars 1991, Defr., 1991, p. 942.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, Defr., 1984, p. 1003.
- Note ss Cass. civ. 2ème, 23 avr. 1980, Gaz. Pal., 1981, 1, 89.

MAYER (D.)
- Note ss CA Paris, 25 sept. 1986, D., 1987, p. 134

MESTRE (J.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 11 janv. 1984, RTD civ., 1985, p. 171.

MEYZEAUD-GARAUD (M.-C.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 22 mai 2007, RJPF, 2007, n° 10, p. 26.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 25 janv. 2005, RJPF, 2005, n° 4, p. 36.

MILHAC
- Note ss Cass. civ. 1ère, 15 oct. 1996, Defrénois, 1997, p. 923.

MONEGER (F.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 9 juil. 2002, Rev. dr. patr., 2002, 109, p. 113.

MUIR-WATT (H.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 12 juillet 1994, Rev. crit. DIP, 1995, p. 96.

MURAT (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 13 mars 2007, Rev. dr. fam., 2007, n° 5, comm. 105.
- Note ss Cass. Civ. 1ère, 4 juil. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 10, p. 25.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, Rev. dr. fam., 2006, n° 4, comm. 89.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 6 déc. 2005, Rev. dr. fam., 2006, n° 2, comm. 27.
- Note ss CA Paris, 10 nov. 2004, Rev. dr. fam., 2005, n° 5, comm. 101.
- Note ss TGI Paris, 2 juil. 2004, Rev. dr. fam., 2005, comm. 4.

617
- Obs. ss TGI Paris, 27 juin 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 116.

NEIRINCK (C.)
- Note ss TGI Nantes, 13 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 7-8, comm. 145.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 19 nov. 2014, Rev. dr. fam., 2015, n° 2, comm. 31.
- Note ss Cass., avis, 22 sept. 2014, Rev. dr. fam., 2014, n° 11, comm. 160.
- Note ss CEDH, 5ème sect., 26 juin 2014, Mennesson et Labassée c/ France, Rev. dr.
fam., 2014, comm. 128.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 26 juin 2013, Rev. dr. fam., 2013, n° 9, comm. 118.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 oct. 2012, Rev. dr. fam., 2013, n° 1, comm. 9.
- Obs. ss CEDH, 22 janvier 2008, Mlle B c/ France, Rev. de droit sanit. et soc., 2008, p.
380.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, Rev. dr. sanit. soc., 2006, p. 578.

NIBOYET (M.-L.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 20 mai 2003, Gaz. Pal., 18 nov. 2003, p. 20.

PERROUIN (L.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, Rev. dr. fam., 2001, comm. 79.

PREVAULT
- Note ss CA Aix-en-provence, 22 juin 1978, D., 1978, p. 192.

PRETOT (X.)
- Obs. ss Cass. soc., 15 févr. 2001, D., 2001, somm. 2249.

PUTMAN (E.)
- Note ss cass. soc., 23 mai 2012, RJPF, 2012-07-08/11.

RAOUL-CORNEIL (G.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 4 avr. 2013, AJ fam., 2013, p. 300.

REBOURG (M.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, JCP, G, I, 2006, 199.

RÉGLIER (A.-C.)
- Obs. ss CA Rouen, ch. fam., 22 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2016, n° 2, comm. 21.
- Obs. ss CA Chambéry, 6 oct. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 12, comm. 218.
- Obs. ss CA Nancy, 3ème ch. civ., 29 mai 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 10, comm. 182.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 18 mars 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 6, comm. 123.
- Obs. ss CA Metz, 1ère ch., 8 janv. 2015, Rev. dr. fam., 2015, n° 4, comm. 70.

618
RUBBELIN-DEVICHI (J.)
- Obs. ss CA Rennes, 4 juill. 2002, JCP, G, I, 2003, p. 101.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 13 déc. 1989, RTD civ., 1990, p. 254.

REMY (P.)
- Note ss Cass. civ. 1ère, 14 oct. 1981, JCP, N, 1983, II, p. 54.

SALVAGE-GEREST (P.)
- Obs. ss CA Toulouse, 10 fév. 2015, AJ fam., 2015, p. 220.

SAULIER (M.)
- Note ss CA Rennes, 2 juin 2015, AJ fam., 2015, p. 401.

SIFFREIN-BLANC (C.)
- Obs. ss CEDH, 16 juin 2011, Pascaud c/ France, D. actu., 5 juil. 2011.
- Obs. ss Cons. const., 28 janv. 2011, D. actu., 7 février 2011.
- Obs. ss CEDH, 31 août 2010, AJ fam., 2010, p. 433.
- Obs. ss CA Lyon, 28 juin 2010, AJ fam., 2010, p. 490.

SUDRE (F.)
- Obs. ss CEDH, 3 sept. 2015, M. et M. c/ Croatie, JCP,G, I, 2016, n° 3, 65.
- Obs. ss CEDH, 30 juin 2015, Khoroshenko c/ Russie, JCP, G, I, 2016, n° 3, 65.
- Note ss CEDH, 6 déc. 2007, Maumousseau et Washington c/ France, JCP, G, 2011,
p. 94.
- Note ss CEDH, 28 nov. 2002, Lavents c/ Lettonie, JCP, G, I, 2003, p. 109.
- Obs. ss CEDH, 28 sept. 2000, Messina c/ Italie, JCP, G, I, 2001, p. 291.
- Obs. ss CEDH, 22 avril 1997, X, Y et Z c/ Royaume-Uni, JCP, G, I, p. 107.

TAVERNIER (P.)
- Obs. ss CEDH, 24 mars 1988, Olssen c/ Suède, JDI, 1989, p. 789.

TORICELLI-CHRIFI (S.)
- Note ss Cass. civ. 2ème, 23 janv. 2014, Rev. dr. fam., 2014, n° 4, comm. 63.

VACHET (G.)
- Note ss Cass. civ. 2ème, 22 mai 2007, JCP, S, 2007, p. 1524.

VAREILLES (B.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 4 juin 2009, RTD civ., 2010, p. 800.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 2 mai 2001, RTD civ., 2001, p. 556.

619
VAUVILLE (F.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 24 sept. 2008, RJPF, 2008-12/19.
- Note ss Cass. com., 23 juin 2004, RJPF, 2004-10/22.

VIAL-PEDROLETTI (B.)
- Note ss Cass. civ. 3ème, 1er avr. 2009, Rev. Loyers et copro., 2009, comm. 140.

VIGANOTTI (E.)
- Note ss CEDH, 3ème sect., 28 avr. 2015, AJ fam., 2015, p. 347.
- Note ss CEDH, 5ème sect., 15 janv. 2015, AJ fam., 2015, p. 101.
- Note ss CEDH, 10 juil. 2012, B. c/ Belgique, AJ fam., 2012, p. 562.

VIGNEAU (D.)
- Obs. ss Cass. civ. 1ère , 20 fév. 2007, D., 2007, p. 1047.
- Note ss Cass. civ. 1ère, 24 fév. 2006, D., 2006, juris. 897.
- Obs. ss Cass. com., 23 juin 2004, D., 2004, somm. 2969.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 27 avr. 2004, D., 2004, 2968.
- Note ss Cass. ass. plén., 29 oct. 2004, D., 2004, p. 3175.
- Obs. ss Cass. civ. 1ère, 12 mai, AJ fam., 2004, p. 2969.
- Obs ss Cass. civ. 1ère, 27 janv. 2004, D., 2004, p. 268.

VRAY (H.)
- Obs. ss Cass. civ. 2ème, 29 avr. 1994, Gaz. Pal., 25-29 août 1995, p. 14.

2. En droit maghrébin

a) Décisions des Cours suprêmes

- Cour cass. maroc., 20 janv. 2015, dossier n° 192/2/1/2014, n°2/25.


- Cour. cass. maroc., 25 mars 2014, dossier n° 35/2/1/2013, n° 230.
- Cour cass. maroc, 4 mars 2014, dossier n° 291/2/1/2012, n° 175.
- Cour cass. maroc., 4 oct. 2011, dossier n° 285/2/1/2010, n° 534.
- Cour cass. maroc., 28 juin 2011, n° dossier 361/2/1/2010, n° 390.
- Cour cass. maroc., 14 juin 2011, dossier n° 364/2/1/2010, n° 346.
- Cour cass. maroc., 31 mai 2011, dossier n° 210/1/2/431, n° 310.
- Cour cass. maroc., 24 mai 2011, dossier n° 622/2/1/2009, n° 286.
- Cour cass. maroc., 8 fév. 2011, dossier n° 148/2/1/2009, n° 51.

620
- Cour cass. maroc., 31 août 2010, dossier n° 173/1/2/2009, n° 388.
- Cour cass. maroc., 17 août 2010, dossier n° 116/2/1/2009, n° 370.
- Cass. civ. tun., 30 juin 2009, n° 26905/2008.
- Cour suprême, 11 juin 2008, dossier n° 562/2/1/2007, n° 326.
- Cour supr. maroc., 31 déc. 2008, dossier n° 371/2/1/2008, n° 598.
- Cour suprême, 12 nov. 2008, dossier n° 298/2/1/2008, n° 527.
- Cour suprême, 24 sept. 2008, dossier n° 198/2/1/2007, n° 440.
- Cour suprême, 3 sept. 2008, dossier n° 233/2/1/2007, n° 415.
- Cour suprême, 16 janv. 2008, dossier n° 34/2/1/2007.
- Cour suprême, 7 nov. 2007, dossier n° 362/2/1/2007, n° 566.
- Cour suprême, 18 juil. 2007, dossier n° 667/2/1/2006, n° 411.
- Cour suprême, 9 mai 2007, dossier n° 181/2/1/2005, n° 254.
- Cass. civ. tun., 16 janv. 2007, n° 2006/4487.
- Cour suprême, 10 janv. 2007, dossier n° 101/2/1/2006.
- Cour suprême, 29 nov. 2006, dossier n° 326/2/1/2005, n° 679.
- Cour suprême, 22 nov. 2006, dossier n° 118/2/2/2006.
- Cour suprême, 31 mai 2006, dossier n° 627/2/1/2004, n° 348.
- Cour suprême, 18 avr. 2006, dossier n° 282/2/1/2006.
- Cour suprême, 22 fév. 2006, dossier n° 386/2/2/2005, n° 115.
- Cour suprême, 18 janv. 2006, n° 2005/1/2/108.
- Cour suprême, 26 oct. 2005, dossier n° 293/2/1/2005, n° 492.
- Cour suprême, 30 déc. 2004, dossier n° 2003, n° 658.
- Cour suprême, 24 janv. 2001, arrêt n° 90.
- Cour suprême, 18 janv. 2001, n° 79.
- Cour suprême, 7 sept. 2000, n° 821.
- Cass. civ. tun., 13 mai 1997, n° 56315.
- Cass. civ., 18 nov. 1996, n° 43-354.
- Cour suprême, 25 janv. 1994, dossier n° 87/5556, n° 16.
- Cour suprême, 8 sept. 1992, dossier n° 87/5457, n° 966.
- Cour suprême, 15 sept. 1991, dossier n° 91/217, n° 527.
- Cass. civ. tun., 2 juin 1991, n° 26431.
- Cour suprême, 19 fév. 1990, dossier n° 59013.
- Cass. civ. tun., 15 mai 1984, n° 9976.
- Cour suprême, 30 mars 1983, dossier n° 54758.
- Cour suprême, 15 sept. 1981, n° 527.

621
- Cour suprême, chambre civile, 23 fév. 1977, arrêt n° 139.
- Cass. civ. tun., 23 avr. 1975, n° 9853.
- Cour suprême, 5 juil. 1974, arrêt n° 250.
- Cass. civ. tun., 6 mars 1973, n° 9210.
- Cass. civ. tun., 27 juin 1973, n° 7795.

b) Décisions des juridictions inférieures

- TPI Salé, 29 août 2012, dossier n° 531/12/1606, n° 814.


- TPI Salé, 18 juil. 2012, dossier n° 2262/11/1607, n° 1947.
- TPI Tadla, 5 déc. 2006, dossier n° 06/9/214, n° 489.
- TPI Tétouan, 27 nov. 2006, dossier n° 858/2006/13, n° 1487.
- CA Settat, 1er nov. 2006, n° dossier 1960/02, n° 835/06.
- TI Larache, 20 oct. 2006, n° 458/06.
- CA Rabat, 12 juin 2006, n° 171.
- TPI Tunis, 6 mai 2006, n° 59121.
- CA Laâyoune, 21 mars 2006, dossier n° 02/2006.
- TPI Marrakech, 13 janvier 2005, dossier n° 3269/8/2004.
- TPI Marrakech, 6 mai 2004, dossier n° 04/8/192, n° 1307.
- CA Rabat, 19 avr. 2004, dossier n° 1214/03/10, n° 904.
- TPI Manouba, 2 déc. 2003, n° 16189/53.
- TPI Manouba, 28 oct. 2003, n° 16198.
- TPI Sousse, 29 fév. 2000, n° 40376.
- TPI Tunis, 6 déc. 1999, n° 31968.
- TPI Tunis, 22 nov. 1999, n° 31846.
- TPI Tunis, 29 juin 1999, affaire n° 26-855.
- TPI Tunis, 21 juin 1999, n° 29840.
- TPI Sfax, 11 juin 1999, n° 41164.
- TPI Tunis, 10 mai 1999, n° 29308.
- TPI Gafsa, 21 fév. 1994, n° 43979.
- TPI Tunis, 2 juin 1992, n° 93620.
- TPI Sousse, 27 juil. 1976, n° 11005.
- TPI Sousse, 17 janv. 1974, n° 3411.

622
V. AUTRES ELEMENTS
1. Presse généraliste française et marocaine

- Le Matin du 20 octobre 2015, « Rapport analytique du CNDH sur la parité. Le


gouvernement appelé à accélérer la mise en œuvre des dispositions
constitutionnelles », par J. GATTIOUI.
- Le Monde du 2 juillet 2015, « GPA : la France doit prendre la maternité au sérieux »,
par I. THERY.
- Le Monde du 1er juillet 2015, « Un droit de la filiation à géométrie variable », par
J. COURDURIES, M. GROSS, M. GOURARIER.
- Le Matin du 20 avril 2015, « Organisation arabe de la famille, Le prix de la
personnalité de l’année 2015 décerné à S.M. le Roi ».
- Jeune Afrique du 17 mars 2015, « Avortement au Maroc : Mohamed VI veut des
propositions de réforme d’ici à un mois », par E. BLUM.
- Le Matin du 10 juillet 2014, « Code de la famille, le mariage des mineurs gagne du
terrain », par A.L.
- Jeune Afrique du 11 février 2014, « Homosexualité : au Maroc, on se cache pour
s’aimer », par Y. AÏT AKDIM.
- Le Matin du 8 février 2014, « Le Code de la famille, dix ans après », par P. MAINGRE,
H. EL HAITI, Y. MOUTMAÏNE.

2. Liens internet

- Site du Ministère français de la justice : www.justice.gouv.fr


- Site du Ministère marocain de la justice et des libertés : www.justice.gov.ma
- Secrétariat Général du Gouvernement marocain : www.sgg.gov.ma
- Site de la Cour de cassation : www.coursupreme.ma
- Portail juridique et judiciaire du Ministère de la Justice et des Libertés du Maroc :
www.adala.justice.gov.ma
- Site du Ministère tunisien de la justice et des droits de l’homme : www.e-justice.tn
- Site du Ministère algérien de la justice : www.mjustice.dz

623
TABLES DES MATIERES

TABLE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

GLOSSAIRE

SOMMAIRE

INTRODUCTION ............................................................................................................................... 1

PREMIERE PARTIE : LA PRIVATISATION DES LIENS DE FAMILLE ..........................................29

TITRE PREMIER. LE LIEN MATRIMONIAL FONDEMENT DU LIEN FAMILIAL ................................................31


Chapitre premier. Une conception de la famille commune aux deux rives de la Méditerranée ..................... 34
Section 1. Le mariage occidental ............................................................................................................. 36
§1) La dimension morale du mariage chrétien..................................................................................... 37
A) Le point de vue philosophique............................................................................................... 38
B) Le point de vue religieux ....................................................................................................... 42
§2) Vers une approche contractuelle du mariage ................................................................................ 47
A) L’affaiblissement du caractère religieux du mariage .............................................................. 48
B) La consécration du mariage civil républicain ......................................................................... 55
Section 2. Le mariage musulman ............................................................................................................. 62
§1) L’organisation familiale anté-islamique : une structure désorganisée ............................................ 63
§2) L’organisation familiale islamique : le mariage fondateur de la famille .......................................... 65
A) Détermination du cadre politico-religieux ............................................................................. 65
1- Un message divin imparfaitement compris ? .................................................................... 65
2- Une relecture possible de la tradition religieuse ............................................................... 67
3- Une contestable politisation de la vie sociale .................................................................... 71
B) La conception islamique du mariage ..................................................................................... 74
§3) Le mariage dans les droits positifs des pays musulmans ................................................................ 77
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................... 84

Chapitre second. Une conception de la famille renouvelée sur les deux rives de la Méditerranée ................ 86
Section 1. La transformation de la conception juridique du mariage occidental ....................................... 88
§1) La situation concurrentielle des époux pendant le mariage ........................................................... 88
§2) Le droit de libre rupture du mariage .............................................................................................. 91
A) La première phase : la libéralisation du droit du divorce ....................................................... 92
B) La consécration du droit au divorce : un aboutissement ........................................................ 95
Section 2. La lente progression vers l’égalité dans les rapports familiaux au Maroc ............................... 102
§1) Les droits interpersonnels conjugaux .......................................................................................... 103
A) L’accès au mariage .............................................................................................................. 103
B) L’accès au divorce ............................................................................................................... 107
§2) Les droits patrimoniaux ............................................................................................................... 114
A) L’introduction du contrat dans la gestion des acquêts ......................................................... 114
B) L’immutabilité du droit successoral ..................................................................................... 117
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 120
Conclusion du titre premier ........................................................................................................................ 122

625
TITRE SECOND. LE LIEN FAMILIAL DETACHE DU LIEN MATRIMONIAL .................................................... 124
Chapitre premier. Du lien familial au lien parental...................................................................................... 126
Section 1. La coparentalité renforcée au profit des parents ................................................................... 127
§1) La coparentalité imposée ............................................................................................................ 128
A) Les normes internationales et régionales incitant à la coparentalité ................................... 129
B) L’incitation au respect d’un modèle de coparentalité .......................................................... 136
1- En droit français.............................................................................................................. 137
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 142
§2) La coparentalité réfléchie ............................................................................................................ 143
A) Un préalable : le changement de culture judiciaire .............................................................. 145
B) La médiation familiale : un cadre juridique en cours d’élaboration ...................................... 148
1- En droit français.............................................................................................................. 148
α) La recherche d’une spécificité de la médiation familiale .........................................................150
β) Médiation familiale et convention de procédure participative ...............................................158
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 165
α) Inexistence d’un cadre propre à la médiation familiale ...........................................................165
β) Un cadre en cours d’élaboration...............................................................................................168
Section 2. La coparentalité dans l’intérêt de l’enfant ............................................................................. 172
§1) Une protection commune de l’intérêt de l’enfant ....................................................................... 172
A) Les fondements de la protection ......................................................................................... 172
1- L’approche occidentale en termes d’ « intérêt de l’enfant » ........................................... 173
2- L’approche islamique des « droits de l’enfant » .............................................................. 176
B) Les moyens de la protection ................................................................................................ 178
1- La parole de l’enfant ....................................................................................................... 178
2- La protection judiciaire de l’enfant en droit français ....................................................... 186
3- La protection judiciaire de l’enfant en droit marocain .................................................... 189
§2) Une protection insuffisante de l’intérêt de l’enfant ..................................................................... 191
A) La coparentalité interdite en droit musulman ..................................................................... 191
B) La coparentalité déficiente en droit français........................................................................ 193
1- Coparentalité et incarcération ........................................................................................ 194
α) Le lien parental ignoré du droit pénitentiaire ..........................................................................194
β- La nécessaire considération du lien parental par le droit pénitentiaire ..................................201
2- Coparentalité et déplacements illicites ........................................................................... 204
α) L’appréciation de l’intérêt de l’enfant au regard des règles internes de l’autorité parentale206
β) L’appréciation de l’intérêt de l’enfant au regard des conventions bilatérales : le cas de la
convention franco-marocaine .......................................................................................................214
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 222

Chapitre second. Du lien familial aux liens familiaux ................................................................................... 224


Section 1. La contractualisation des rapports familiaux et les stratégies patrimoniales .......................... 225
§1) Le phénomène de recomposition familiale .................................................................................. 226
A) Le renouvellement de la famille recomposée ...................................................................... 226
B) Les moyens juridiques en faveur de la famille recomposée ................................................. 229
1- La possibilité de créer un lien de parenté........................................................................ 231
2- Les instruments non créateurs d’un lien de parenté ....................................................... 236
α) Le recours au dispositif d’aide à la parentalité par les parents ...............................................237
β) Le recours au dispositif d’aide à la parentalité par les tiers .....................................................241
§2) La dimension patrimoniale liée à la recomposition familiale ....................................................... 247
A) La nécessité d’une stratégie patrimoniale adéquate ............................................................ 247
1- Le choix du régime matrimonial ...................................................................................... 247
2- La transmission anticipée du patrimoine ........................................................................ 250
B) L’obligation naturelle aux aliments ...................................................................................... 255
Section 2. La protection juridique de la pluri-parenté ............................................................................ 261
§1) L’inutilité du statut de beau-parent ............................................................................................. 261
A) Difficultés liées à l’identification du beau-parent................................................................. 262
B) Difficultés liées à l’élaboration d’un statut .......................................................................... 264
§2) La reconnaissance du lien avec le beau-parent ............................................................................ 266

626
A) Au profit du quotidien beau-parental .................................................................................. 266
B) En vue d’un engagement durable ........................................................................................ 270
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 273
Conclusion du titre second ......................................................................................................................... 274
Conclusion de la première partie ................................................................................................................ 276

SECONDE PARTIE : LA DÉMATRIMONIALISATION DES LIENS DE FAMILLE ......................... 279

TITRE PREMIER. LA CONSECRATION JURIDIQUE DE NOUVELLES CONJUGALITES ...................................... 281


Chapitre premier. L’insertion des unions hors-mariage dans le Code civil ................................................... 282
Section 1 : Le lien matrimonial concurrencé .......................................................................................... 283
§1) Le couple non marié révélé par la vie commune.......................................................................... 285
§2) Le couple non marié gouverné par le principe de liberté ............................................................. 291
A) La liberté encadrée durant la vie de couple ......................................................................... 291
1- Sur le plan personnel ...................................................................................................... 291
α) L’exigence de respect ................................................................................................................292
β) Le devoir d’assistance ................................................................................................................295
Ω) Un devoir de fidélité ? ...............................................................................................................298
2- Sur le plan patrimonial .................................................................................................... 302
α) La contribution aux charges de la vie commune ......................................................................302
β) La solidarité à l’égard des dettes ...............................................................................................305
Ω) Le logement du couple..............................................................................................................308
3- Hors du droit civil............................................................................................................ 310
B) La liberté dans la rupture .................................................................................................... 313
1- La rupture du concubinage ............................................................................................. 314
2- La rupture du Pacs .......................................................................................................... 317
§3) Vers un régime impératif conjugal ............................................................................................... 318
Section 2. Le lien matrimonial dénaturé................................................................................................. 327
§1) La revendication d’un droit à la vie familiale par les couples de même sexe ................................ 327
A) Les revendications d’accès à la conjugalité .......................................................................... 327
1- La problématique de la différenciation sexuelle au sein du couple ................................. 328
2- La réponse apportée par le droit..................................................................................... 334
B) La revendication d’un droit à l’adoption .............................................................................. 336
§2) L’obtention du droit au mariage par les couples homosexuels .................................................... 340
§3) L’indifférence consécutive des sexes ........................................................................................... 344
A) Un traitement égalitaire des sexualités conjugales .............................................................. 344
B) Un traitement indifférencié des sexualités conjugales ......................................................... 349
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 353

Chapitre second. L’exportation du modèle familial français outre-méditerranée ....................................... 355


Section 1. Le droit international privé, vecteur d’une exportation indirecte ........................................... 356
§1) La pratique du concubinage par les français binationaux............................................................. 356
A) Le mariage coutumier au Maghreb ...................................................................................... 356
B) L’exportation du mariage coutumier en France ................................................................... 361
1- La dimension socio-juridique du sentiment d’appartenance ........................................... 361
2- Le concubinage « halalisé » ............................................................................................ 364
§2) L’exportation de l’union homosexuelle au-delà des frontières françaises .................................... 367
A) L’admission controversée du mariage homosexuel franco-marocain ................................... 367
B) Les conséquences en droit international privé .................................................................... 371
Section 2. La protection du modèle familial islamique, obstacle certain à l’exportation ......................... 379
§1) Une exportation du contenant .................................................................................................... 379
A) Le Code civil français, modèle de codification imposé ......................................................... 379
B) Le Code marocain de la famille, reflet d’une culture juridique propre ................................. 383
§2) Une exportation du contenu ....................................................................................................... 384
A) L’ordre public religieux, obstacle à l’exportation ................................................................. 385
1- La spécificité de l’ordre public en droit marocain ............................................................ 386

627
2- Les composantes internationales de l’ordre public en droit marocain ............................ 388
B) La nécessaire réhabilitation de la place du donné religieux ................................................. 394
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 396
Conclusion du titre premier ........................................................................................................................ 398

TITRE SECOND. LA METAMORPHOSE JURIDIQUE DE LA PARENTE........................................................ 400


Chapitre premier. L’unité de la filiation inhérente à la procréation ............................................................. 402
Section 1. L’évolution du concept de filiation en droit français .............................................................. 403
§1) L’égalité du statut de l’enfant naturel et de l’enfant légitime ...................................................... 403
A) L’humanité du législateur à l’égard de l’enfant né hors mariage .......................................... 404
B) La refonte du droit français de la filiation ............................................................................ 409
§2) L’égalité en matière de droits parentaux ..................................................................................... 413
A) L’ascension de l’exercice conjoint de l’autorité parentale.................................................... 413
B) La résidence alternée en quête d’égalité ............................................................................. 419
Section 2. La fidélité du droit maghrébin de la filiation au modèle familial islamique ............................. 425
§1) La parenté légitime, mode privilégié d’établissement de la filiation ............................................ 426
A) La force de la présomption de paternité .............................................................................. 426
1- Un mode non volontaire d’établissement de la filiation .................................................. 427
2- Les modes volontaires d’établissement de la filiation ..................................................... 429
B) La présomption de paternité écartée .................................................................................. 434
1- En mariage...................................................................................................................... 434
2- Hors mariage .................................................................................................................. 438
§2) Une conception particulière de l’autorité parentale .................................................................... 442
A) Des prérogatives parentales sexuées................................................................................... 443
B) Des prérogatives parentales inégalitaires ............................................................................ 445
Conclusion du chapitre premier.................................................................................................................. 449

Chapitre second. L’unité de la filiation construite sur l’engendrement ....................................................... 450


Section 1. Le projet parental, socle de la famille .................................................................................... 453
§1) La volonté dans la conception de l’enfant ................................................................................... 453
A) Le droit de ne pas donner la vie ........................................................................................... 453
1- Corollaire du principe de libre disposition du corps ........................................................ 454
2- La conception islamique du corps et de la vie humaine .................................................. 456
B) L’encadrement procédural lié au choix de la conception ..................................................... 459
§2) La volonté dans la naissance de l’enfant ...................................................................................... 461
A) L’enfant manipulé ............................................................................................................... 461
1- En droit français.............................................................................................................. 462
α)Le préalable à l’insémination : l’apport de gamètes .................................................................462
β)La procréation médicalement assistée (AMP) ...........................................................................467
Ω) La gestation pour autrui............................................................................................................470
2- En droit maghrébin ......................................................................................................... 477
B) L’enfant nié ......................................................................................................................... 483
Section 2. L’accès à l’enfant pour tous ................................................................................................... 489
§1) La nécessité de repenser le lien de filiation ................................................................................. 490
A) La volonté, fondement post-moderne exclusif du lien de filiation ? ..................................... 491
B) Vers la filiation monosexuée ............................................................................................... 495
§2) Quel avenir pour l’enfant ............................................................................................................ 498
Conclusion du chapitre second ................................................................................................................... 503
Conclusion du titre second ......................................................................................................................... 504
Conclusion de la seconde partie ................................................................................................................. 506
Conclusion générale ................................................................................................................................... 508

INDEX THEMATIQUE ................................................................................................................ 511

628
BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................................................... 523

I. OUVRAGES GENERAUX……………………………………………………………………………………………….523

II. OUVRAGES SPECIAUX………………………………………………………………………………………………..532

III. ÉTUDES DOCTRINALES ET ARTICLES………..…………………………………………….………………….560

IV. NOTES, OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS…………………………………………….………………….608

V. AUTRES ELEMENTS…………………………………………………………………………………………………….623

TABLE DES MATIERES…………………………………………………………………………………………………….625

629
630

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