Le Voyage Au Pays Basque
Le Voyage Au Pays Basque
Le Voyage Au Pays Basque
royaume de France par les possessions des Habsbourg tel qu’il apparaît à
partir de Charles Quint,
- (1) héritier du royaume d’Espagne et de ses dépendances italiennes et
américaines par sa mère Jeanne (la Folle), fille d’Isabelle la Catholique et de
Ferdinand d’Aragon,
- (2) héritier aussi par son père Philippe le Beau lui-même fils de Marie de
Bourgogne et de Maximilien de Habsbourg, des anciennes possessions des
ducs de Bourgogne hors du royaume de France au nord et à l’est, des Pays-
Bas à la Franche-Comté,
- (3) et toujours par son père, héritier des domaines patrimoniaux des
Habsbourgs dont l’Autriche et d’une prédisposition de fait au choix des 7
électeurs du Saint-Empire romain germanique qui l’élirent au trône
impérial en 1519 contre le roi de France, François Ier.
L’abdication de Charles Quint en 1556 et le partage de ses Etats entre
son fils, Philippe qui reçut les Espagnes, les possessions italiennes,
l’héritage bourguignon et l’empire colonial et son frère Ferdinand qui reçut
l’héritage autrichien et impérial n’atténua guère la menace parce que les
possessions espagnoles enserraient toujours le royaume de France et parce
que les Habsbourg d’Espagne et les Habsbourg d’Autriche entretenaient
une forte solidarité.
Les luttes entre Français et Espagnols sur terre et sur mer aux XVIe
et XVIIe siècle concernèrent directement les provinces basques qui durent
renforcer les fortifications des ports et des villes de l’intérieur.
Après les guerres des règnes de François Ier et Henri II, puis
l’intervention espagnole dans les dernières phases des guerres de religion,
l’épisode majeur fut la « Guerre de Trente ans » qui se termina par la
victoire de la France, le traité des Pyrénées de 1659, et le mariage à
Saint-Jean-de-Luz du jeune roi Louis XIV avec l’infante Marie-Thérèse.
(voir le développement sur l’île des Faisans)
Mais les guerres reprirent vite, jusqu’à la montée d’un petit-fils de
Louis XIV sur le trône d’Espagne au prix de la plus dure des guerres du
règne personnel du « Grand Roi », la « Guerre de Succession d’Espagne »
(1701-1713/14) qui opposait désormais la France et l’Espagne au royaume
d’Angleterre, aux Habsbourg d’Autriche, aux Provinces-Unies… Les
meilleurs rapports entre les deux pays sous la souveraineté des deux
branches des Bourbons (« il n’y a plus de Pyrénées » aurait dit
l’ambassadeur d’Espagne lors de l’acceptation par Louis XIV de la couronne
d’Espagne pour son petit-fils) amenèrent la paix entre eux au XVIIIe siècle
(sauf un épisode de 1719) jusqu’aux derniers grands conflits après la
première chute des Bourbons de France, au cœur de la Révolution et de
l’Empire.
Introduction à l’histoire du Pays Basque par Jean-Claude Narcisse 8
Espagne Parme
Deux-Siciles
Charles IV
1788-1808 (abdication)
Guerres carlistes
Régence Isabelle II 1833-1840
1833-1868 (détrônée) 1846-1849 Prétendants
Epouse son cousin François d’Assise 1872-1876 carliste
Hiatus 1868-1874
dont première Alphonse XII postérité de
République 1875-1885 don Carlos
1873-1874
Régence
Alphonse XIII (fils posthume)
1886-1931 (exil sans abdication) jusqu’en
1936
Proclamation de la Jean comte de Barcelone
République 1931
Guerre civile 1936-39
Franco 1936-1975
Juan Carlos Prétendants
1975-2014 (abdication) Bourbons-Parme
Felipe VI + autres
2014-
Introduction à l’histoire du Pays Basque par Jean-Claude Narcisse 14
entre les deux parties. Un logement double y avait été aménagé avec deux
ponts de chaque côté.
Introduction à l’histoire du Pays Basque par Jean-Claude Narcisse 15
L’aspect le plus caractéristique des anciens usages portés par les fueros
était le fondement de la vie administrative, sociale et religieuse sur la
maison (= l’etxe, etche) plutôt que sur l’individu. La maison n’était pas
seulement une construction abritant ses habitants. Elle formait un
ensemble avec les terres, les biens divers, la place à l’église, la tombe ; elle
réunissait parents, enfants, aïeux, cadets éventuellement, en communion
avec l’âme des ancêtres ; elle exprimait et assurait la cohésion familiale et
sociale de génération en génération. Elle était inviolable et devait être
transmise intacte et indivise, le plus souvent à l’aîné (garçon ou fille en
Labourd)) qui devenait le maître de l’etxe. Elle fondait une sorte de
démocratie locale puisque les maîtres de maison participaient aux
assemblées de paroisse où se traitaient les questions locales et envoyaient
des délégués aux assemblées provinciales. L’égalité des chefs de maison
était la règle et les nobles et membres du clergé étaient exclus des
assemblées mais chaque province avait ses caractères propres, et surtout la
Navarre où existait une hiérarchie des maisons et de leurs droits. Le terme
de démocratie, largement repris par les nationalistes depuis la fin du XIX e
siècle ne doit pas masquer les limites du système qui n’accordait le droit de
participer à la vie publique et de gérer les biens de la famille qu’aux seuls
chefs de famille aux dépens des cadets. Certains pouvaient être tentés de
partir sur des terres en marge de la paroisse (origine de villages comme les
Aldudes ou Urepel) ou de chercher fortune ailleurs.
En France, la monarchie avait respecté les fors des provinces basques
mais la Révolution égalitariste et uniformisatrice leur porta des coups fatals
en supprimant tous les « privilèges » dont les « libertés » locales, en mettant
en place une législation égalitaire sur les successions et en réunissant les
trois « provinces du nord » au Béarn dans le département des Basses-
Pyrénées.
Dans l’Espagne du XIXe siècle, le carlisme combattit pour « Dieu et les
vieilles Lois » contre le libéralisme uniformisateur du pouvoir madrilène et
son échec signifia la suppression des fueros. Mais le thème des fueros
survécut et inspira les premiers courants régionalistes ou nationalistes
basques. Sabino Arana Goïri s’en inspira et en 1936 les Carlistes
rejoignirent le camp nationaliste au nom des traditions, alors qu’une partie
des Basques soutenaient une république qui leur avait consenti un statut
d’autonomie.
Introduction à l’histoire du Pays Basque par Jean-Claude Narcisse 18
Roncevaux
Roncevaux, un nom qui sonne clair dans nos mémoires d’anciens écoliers
d’une autre république (non, non, pas la deuxième tout de même !…) où
il évoque deux réalités bien différentes en apparence : d’une part le site
d’une embuscade meurtrière tendue le 15 août 778 par des « Vascons »,
ancêtres des Basques, à l’arrière-garde commandée par Roland, comte de la
marche de Bretagne, de l’armée du roi Charles, qui se retirait d’Espagne
sans avoir pu reprendre Saragosse aux musulmans mais après avoir détruit
la ville vasconne de Pampelune, et d’autre part le passage des principales
routes de pèlerinage en direction de Saint-Jacques de Compostelle où l’on
pensait avoir retrouvé, au IXe siècle sous le règne d’Alphonse II roi des
Asturies, les restes de l’apôtre saint Jacques le Majeur. Deux faits de grande
importance et fortement liés puisque des récits et des chants relatifs au
combat de Roncevaux, sans doute apparus très tôt et mêlant légendes et
faits réels, se sont largement diffusés, entres autres, sur les routes du
pèlerinage, dans les abbayes et autres hôtelleries visitées par les pèlerins,
avant ou après la version définitive de « la Chanson de Roland » élaborée
par un seul auteur vers la fin du XIe siècle ou le début du XIIe.
Le récit du combat de Roncevaux que donne la Chanson de
Roland, à plus de trois siècles de distance, ne prétend évidemment pas à la
vérité historique que nous connaissons par de courts passages de textes
contemporains, comme la « Vita Caroli » d’Eginhard. La Chanson de Roland
privilégie la lutte contre les Sarrasins et en fait faussement les acteurs de
l’embuscade à la place des Vascons en changeant la nature du conflit ; elle
fait de Charles dès 778 un « empereur à la barbe fleurie », au lieu d’un roi
trentenaire ; elle fait de Roland le neveu de Charles et elle crée des
personnages comme le sage Olivier près du fougueux Roland et le traître
Ganelon mû par la haine. Bien des mentions, comme le nombre des
combattants ne sont pas crédibles et le site de la bataille n’est pas plus
précisé que dans les textes historiques.
Mais tout cela fait d’un simple combat d’arrière-garde notre
premier grand poème épique, reflétant les mentalités et les mœurs des
hommes de la fin du XIe siècle et du début du XIIe siècle. Un temps où
l’Europe connaît un grand renouveau, où la société achève sa
réorganisation dans le cadre féodal, où l’Eglise l’encadre solidement et
s’efforce de maîtriser et réorienter la brutalité et la violence du groupe des
chevaliers, où la lutte contre l’Islam ne vise plus seulement à mettre fin à la
menace mais s’emploie désormais à reconquérir une partie des terres
chrétiennes perdues, d’abord en Espagne puis au Levant. La Chanson de
Introduction à l’histoire du Pays Basque par Jean-Claude Narcisse 21
Roland exalte donc les valeurs des « preux » chevaliers mêlant piété forte et
simple, bravoure, quête de l’exploit, sens de l’honneur, attachement au
lignage, fidélité à son seigneur et déjà, amour de « la douce France », autant
de valeurs que l’on trouve réunies dans l’épisode de la mort du « gentil
comte Roland » cité ici dans la traduction de l’ancien français qu’en donnait
« le Lagarde et Michard » de nos jeunes années .(l’adjectif gentil au XIe siècle
met en valeur la noblesse du cœur, la bravoure et/ou la noblesse de la
naissance qui l’emportera ensuite dans le mot gentilhomme). Le dessin est
de Pierre Joubert.
« Roland frappe
Dessin de Pierre Joubert contre une pierre
bise, plus en abat
que je ne vous
sais dire. L’épée
grince, mais elle
n’éclate ni ne se
brise ; vers le ciel
elle rebondit.
Quand le comte
voit qu’il ne la brisera pas, très doucement, il la plaint en lui-même : « Ah !
Durendal, comme tu es belle et sainte ! Dans ton pommeau doré, il y a
beaucoup de reliques ; une dent de saint Pierre, du sang de saint Basile et
des cheveux de Monseigneur saint Denis, et du vêtement de sainte Marie. Il
n’est pas juste que des païens te possèdent ; c’est par des chrétiens que
vous devez être servie. Ne vous ait homme atteint de couardise ! Par vous,
j’aurai conquis tant de vastes terres, que Charles tient, qui a la barbe
fleurie ! Et l’empereur en est puissant et riche. »
Roland sent que la mort le pénètre : de la tête, elle lui descend vers le
cœur. Sous un pin il est allé en courant. Sur l’herbe verte, il s’est couché ;
face contre terre ; sous lui il place son épée et l’olifant. Il a tourné sa tête
vers la gent païenne : il veut que Charles dise, et toute son armée, qu’il est
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pioches »…et dressa une croix devant laquelle les pèlerins ne manquent pas
de prier. Mais il indique une route plus facile par le Val Carlos « dans
laquelle se réfugia Charlemagne avec ses armées après que les combattants
eussent été tués à Roncevaux ». Il n’est d’ailleurs pas très flatteur pour les
Navarro-Basques de cette contrée : « c’est un peuple barbare différent de
tous les peuples et par ses coutumes et par sa race, plein de méchanceté,
noir de couleur, laid de visage, débauché, pervers, perfide, déloyal,
corrompu, voluptueux, ivrogne, expert en toutes violences, féroce et
sauvage, malhonnête et faux, impie et rude, cruel et querelleur, inapte à tout
bon sentiment, dressé à tous les vices et iniquités etc. ». Manifestement, ce
bon moine avait eu quelque mauvaise expérience en ces lieux. Si le combat
de Roncevaux n’est illustré que par des sites légendaires ou des éléments
commémoratifs récents, l’ancienneté et la vitalité du pèlerinage s’inscrivent
dans un ensemble de bâtiments qui ont survécu à maintes péripéties.
le sable s’écroule sous vos talons, et tout à coup, on se trouve sur une grève
douce et unie au milieu d’un labyrinthe inextricable de rochers, de
chambres, d’arcades, de grottes et de cavernes, étrange architecture jetée
au milieu des flots, que le ciel remplit d’azur, le soleil de lumière et d’ombre,
la mer d’écume, le vent de bruit… Je n’ai qu’une peur, c’est qu’il (le village
de Biarritz) ne devienne à la mode. Déjà on y vient de Madrid, bientôt de
Paris. Alors Biarritz, ce village si agreste, si rustique et si honnête encore
sera pris du mauvais appétit de l’argent… Biarritz mettra des peupliers sur
ses mornes, des rampes à ses dunes, des escaliers à ses précipices, des
kiosques à ses rochers, des bancs à ses grottes, des pantalons à ses
baigneuses… Et puis il y aura cabinet de lecture et théâtre. On lira la gazette
à Biarritz ; on jouera le mélodrame et la tragédie à Biarritz… Le soir on ira
au concert, car il y aura concert tous les soirs, et un chanteur en i, un
rossignol pansu d’une cinquantaine d’années, chantera des cavatines de
soprano à quelques pas de ce vieil océan qui chante la musique éternelle
des marées, des ouragans et des tempêtes. » Déjà grincheux ce Victor… un
écolo avant la lettre ?…