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Lorganisation de Lenseignement Au Togo Indépendant

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L'ORGANISATION DE L'ENSEIGNEMENT
,
AU TOGO INDEPENDANT
(1960-1992)

Essoham ASSIMA-KPATCHA
Université de Lomé- Togo

RÉSUMÉ
L'avènement de l'indépendance imposa aux nouvelles autorités togohiises la nécessité de réorganiser
l'enseignement issu de la colonisation. Elles s'y attelèrent en plusieurs étapes. De 1960 à 1975, elles
essayèrent de résoudre les problèmes qui se posaient. Elles tentèrent de réaliser plus d'infrastructures et
de faciliter l'accès à l'école. Pareillement, elles essayèrent de décoloniser l'enseignement en ancrant
l'école dans les réalités locales. Malgré les efforts faits, biens de disfonctionnements persistaient. Cette
situation poussa à la grande réforme de l'enseignement de 1975 qui réorganisa tout le système scolaire
de fond en comble et définit les conditions dans lesquelles elle devait être appliquée. Cette réorganisation,
très bonne en principe, ne fut que très peu appliquée. Elle fut quasiment abandonnée au début de la
décennie 1980, alors que le Togo était empêtré dans des difficultés économiques. Au début des années
1990, le résultat de cet abandon fut la persistance des maux qui avaient été diagnostiqués en 1975.
Mots-clés: Enseignement, réorganisation, réforme,

ABSTRACT
The independence advent imposed to new Togolese government the need to reorganize teaching from
colonization. They took several steps. From 1960 to 1975, they tried to solve problems which arose.
They tried to achieve more infrastructures and make easier to school. Likewise, they tried to decolonize
teaching, deeply rooted school in local realities. Despite efforts done, many dysfunctions continued to
exist. This situation pushed to great reform of 1975, which reorganized aIls school system from top to
bottom and specified the conditions in which it ought to be applied. This reorganization, in principle
very good, was few applied. It was almost abandoned in the beginning of 1980 decade, where as Togo
was economical troubles. In the beginning of 1990 years, the result ofthis abandon was the persistence
of troubles which has been diagnosed in 1975.
Key words: Teaching, reorganization, reform.

INTRODUCTION l'analphabétisme et le manque d'instruction sont,


entre autres, des causes majeures du sous-
De nos jours, l'organisation de l'enseignement pose développement de l'Afrique. Par rapport à ce
problème dans les pays en voie de développement. constat, des mesures ont été prises pour réorganiser
En effet, on a souvent affirmé, à raison, que l'enseignemeht dès le lendemain des indépendances
et permettre ainsi aux pays africains de disposer des

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Sciences sociales et humaines _

cadres compétents et de se développer. Mais c'est présencefrançaise au Togo, et surtout dans le Nord,
un fait que ces mesures n'ont donné que des résultats est bien nécessaire. Si nos compatriotes sudistes
mitigés, non seulement par rapport à la disponibilité demandent à lafois l'unification et l'indépendance
de ces cadres, mais aussi par rapport à l'adéquation du Togo, nous autres nordistes, nous sollicitons le
des formations qu'ils ont reçues avec les besoins maintien de la France dans le Nord, car nous
réels de ces pays. sommes loin de la civilisation. » (Yagla 1992)

Cette réalité montre la gravité du problème. Dans Cette déclaration constitue en elle-même un
la mesure où, entre l'éducation traditionnelle et celle programme et souligne la nette fracture entre les
européenne venue en Afrique avec la traite négrière deux régions. Elle montre aussi que les problèmes
ou la colonisation, on ne sait quel type d'instruction de formation, par ricochet ceux de l'école, étaient
dispenser, quel dosage appliquer pour aboutir à des aussi au cœur du débat politique durant toute la
résultats optimaux. période de la décolonisation du Togo. D'une
question sociale, la thématique de l'enseignement
Au Togo, de la veille de la conquête coloniale à devint en plus un problème politique et une donnée
1960, on assista progressivement à la montée d'une structurelle qui marquera à tout jamais le Togo.
instruction à l'occidentale qui devint prépondérante
à la fin de la colonisation. L'éducation traditionnelle, La fin de la colonisation en 1960 mit ainsi les
bien qu'encore très largement répandue, perdit son nouvelles autorités togolaises à la prise avec la
prestige. L'enseignement colonial devint
l'instrument de promotion professionnelle et
.
nécessité de repenser l'enseignement. En effet, tel
qu'il a été conçu auparavant, il était destiné à
sociale, qui forma de nombreuses générations de satisfaire prioritairement les objectifs coloniaux.
cames et de travailleurs qualifiés. Ainsi, l'école Cette situation ne pouvait plus perdurer d'autant
coloniale, sans l'avoir vraiment voulu, a favorisé plus que ses effets pervers étaient manifestes.
l'émergence d'une élite de scolarisés togolais. Celle- Quelles ont été alors les mesures prises pour
ci joua un rôle décisif dans la lutte pour réorganiser l'enseignement et résoudre ainsi les
l'indépendance. problèmes qui se posaient?

Mais le processus de scolarisation, tel qu'il fut mené, y répondre nécessite d'affirmer que l'éducation au
a conduit aux disparités régionales. Le Togo lendemain de l'indépendance s'inséra dans le
septentrional n'a eu accès à l'école que tardivement contexte global de l'époque où la tendance était
et d'une façon limitée. La question de la d'œuvrer pour le développement du pays.
scolarisation devint donc un enjeu politique au Cependant les premiers moments de l'après
moment de l'indépendance, à une période où indépendance se caractérisèrent d'abord par une
nationalistes et partisans de l'administration certaine continuité dans les faits. Mais dans les
française s'opposaient au sujet de l'émancipation discours officiels, on commença à affirmer l'urgence
immédiate ou non du Territoire (Assima-Kpatcha qu'il y avait de réformer l'état d'esprit dans lequel
2000 & Sanda 2006). elle était donnée et de mettre tous les moyens
nécessaires pour qu'elle puisse répondre aux
Pour preuve, le 8 juin 1954, le secrétaire général de impératifs de développement économique et social.
l'UCPN, Derman Ayéva, déclarait à la jeunesse du
Nord réunie en congrès à Lama-Kara: « 11 est temps 1. Une certaine amélioration dans la
que vous compreniez les problèmes que nous continuité (1960-1975)
sommes en train de résoudre pour le bien de nos
régions (.. .). Mais combien avons-nous de médecins Les nouvelles autorités restèrent d'abord dans la
qfricains, d'ingénieurs, d'avocats, de commissaires logique antérieure, notamment la recherche de
de police, de juges dans le Nord? Leur nombre est l'appui du priv~. En ce sens, on peut lire dans un
insignifiant. Vous voyez donc que la document officiel: « ... le Togo n'est point demeuré

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en reste de progrès,. au contraire. il garde. en cette Progressivement, le nombre des institutions


matière, une cote appréciable. {.. .} Le souci de d'enseignement secondaire s'éleva. En 1954, il y
vérité oblige à reconnaître que ces missions, par avait 5 établissements de ce genre dont deux publics
leur œuvre sociale se trouvent à l'avant-garde du (en plus du lycée ci-dessus mentionné, il fut créé le
progrès intellectuel des populations africaines. »1 collège moderne et techniqu.. de Sokodé) et trois
autres de type confessionnel (le cours
Cette citation montre le rôle non négligeable que complémentaire évangélique, le collège Saint-
les missions chrétiennes ont continué à jouer en Joseph pour les garçons et l'Institut Notre-Dame
matière de scolarisation au lendemain de des Apôtres, pour les filles). On pouvait passer le
l'indépendance. Cette donne est ancienne au Togo Brevet d'Etudes du Premier Cycle (BEPC) dont
et remonte d'ailleurs à la période précoloniale (cf. l'organisation incombait en partie aux autorités
Dravie-houenassou-houangbe 1988 ; Isert 1793, académiques de l'Université de Paris, et le
reed. 1989; Ali 1982; Occansey 1972 ; Lange Baccalauréat (première et deuxième partie) qui
1991 ; Agbobly-Atayi 1980). La toute première relevait de la compétence de l'Université de
école construite au Togo, à Aného, datait de la Bordeaux. Des bourses d'études étaient octroyées
période précoloniale et était celle de la famille aux étudiants togolais sensés être les plus méritants
Lawson. Durant la colonisation, les missions pour se former dans les universités métropolitaines
chrétiennes ont largement œuvré à la diffusion de (Gayibor 1997 b: 175-176).
l'instruction, surtout au temps des Allemands où la
quasi-totalité des écoles étaient de type En fait, la réforme de l'enseignement durant la
confessionnel parce que les missionnaires pensaient période tutélaire ne se limitait pas seulement au
que cela favorisait l'accès aux Saintes Ecritures. Togo. Elle se situait dans la logique d'un
Sous les Français, quand bien même réaménagement du régime colonial, décision prise
l'administration s'est beaucoup plus investie, la à Brazzaville depuis 1944. Dans cette logique, les
donne n'a que très peu changé pendant longtemps. autorités françaises avaient commencé par créer ou
Cela a fait du Togo l'un des pays africains les plus par transformer les structures pré-existentes en
scolarisés au moment des indépendances (Gayibor institutions de niveau universitaire. Ce fut d'ailleurs
1997 a & Gayibor 1997 b ; Gayibor 2005). Ainsi, le dans ce cadre que fut créé, entre autres, l'institut
système scolaire colonial, surtout l'organisation universitaire des Hautes Etudes de Dakar en 1950,
mise en place pendant la période tutélaire (en gros transformé en Université par un décret du 29 juillet
de 1946' à 1960), resta en l'état. 1957 (Capelle 1990 : 189-204).

En effet, l'après seconde guerre mondiale se Capelle, ancien recteur d'Académie d' AOF qui
caractérisa par l'alignement du système scolaire assuma les fonctions de directeur général de
togolais sur le modèle métropolitain. Dans ce l'enseignement en AOF, à Dakar, analyse et décrit
nouveau système, l'école primaire durait six ans dans les détails cette évolution et on pourrait se
dont deux au cours préparatoire, deux au cours référer à son livre pour plus d'informations. Il a
élémentaire et deux au cours moyen. On en sortait d'ailleurs contribué grandement à la mise en place
nanti du certificat d'études primaire. De même, ce de la réforme de l'enseignement (Capelle 1990). Ces
système comprenait un enseignement secondaire réaménagements à l'échelle de l'AûF ont d'ailleurs
composé de collèges modernes et classiques. Le permis aux Togolais de continuer, après
premier à être ouvert fut le cours complémentaire l'indépendance, à aller se former à Dakar comme
de Lomé, anciennement école primaire supérieure auparavant.
depuis la rentrée 1941-1942, qui devint d'abord un
collège moderne et classique à la rentrée 1947-1948, Au Togo, après l'indépendance, le souci souvent
avant d'être ensuite trans formé en Lycée affiché par les nouvelles autorités fut de conduire
Gouverneur Bonnecarrère en 1953. le maximum de jeunes vers le plus haut niveau
possible d'instruction. Dans le cadre de cette

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éducation, il fut créé beaucoup d'autres Un certain effort fut fait pour accroître la
établissements. Dans le primaire, au cours de scolarisation des jeunes filles. On entreprit, entre
l'année scolaire 1961-1962, il Yavait 58971 écoliers autres, de promouvoir et de faciliter leur accès à
dans l'enseignement public et 108 346 écoliers dans l'école. On créa à cet effet des écoles pour jeunes
le privé de tous ordres. Au secondaire, il continua filles dans lesquelles le cours d'enseignement
d'exister les cours complémentaires, les collèges ménager était dispensé ... (Awalé 2004).
modernes et les collèges techniques. Ces institutions
du privé comme du public dispensaient un Les caractéristiques du système éducatif du Togo à
enseignement aussi bien à l'intention des garçons cette période ont été clairement analysées par les
que des filles. Il y avait au total 6 110 élèves dans autorités administratives de l'époque et, beaucoup
tous les établissements du secondaire du Togo en plus tard, en) 990 par la « Commission éducation,
1961-19622 • recherche scientifique, affaires culturelles» de la
" Conférence nationale souveraine. Les conclusions
De même, le système de bourse perdurait. Il y avait qui en ont été présentées sont similaires dans les
des bourses locales (entières et demies destinées aux deux cas. Ce sont précisément ces caractéristiques
élèves méritants mais déshérités) et les bourses à qui poussèrent à réformer le système dans les années
l'étranger octroyées pour les études supérieures. 1970. Il n'est pas superflu de présenter le diagnostic
qui fut posé par la conférence de 1990.
Dans le cadre de la « Togolisation des cadres »,
l'Ecole nationale d'administration (ENA), créée le Elle dressa le constat selon lequel au lendemain de
17 janvier 1959, continua aussi à fonctionner et à l'indépendance, l'école comportait l'empreinte des
former des fonctionnaires conformément aux intérêts économiques et politiques coloniaux et se
besoins de la jeune République Togolaise 3 • caractérisait par une incompatibilité fondamentale
de ses objectifs avec ceux du développement réel
L'éduëation de masse reçut aussi une attention du pays; un sous-développement de ses structures;
convenable. En effet, la nouvelle administration une inadéquation de ses contenus et de ses méthodes
considérait l'analphabétisme comme « un mal aux réalités et aux besoins nationaux; une faiblesse
social habilement cultivépar lefait colonial »4 . Elle des effectifs scolarisés, notamment au secondaire.
décida de le combattre avec vigueur. Elle chargea
le Ministère des Affaires Sociales de cette tâche. Malgré tout, il a été constaté que dès l'indépendance,
Celui-ci créa un service spécial d'éducation de un effort réel fut entrepris pour accroître les effectifs.
masse. Ainsi, il fut recruté des moniteurs formés Les autorités politiques du Togo indépendant ont
qui avaient pour mission d'instruire les masses essayé d'améliorer la situation qu'elles ont héritée
-rurales. En trois mois, les apprenants s'efforçaient de la colonisation. Leurs actions ont été orientées
de maîtriser la lecture et l'écriture dans leur langue dans le sens du perfectionnement de la formation
maternelle ou « véhiculaire officielle ». Cela professionnelle des enseignants.
marquait une nette évolution par rapport à la période
coloniale où les cours d'adultes étaient donnés en Ce fut d'abord Martin Sankarédja, Ministère de
français et où les langues nationales étaient l'Enseignement depuis la victoire des nationalistes
interdites dans les établissements. togolais aux élections de 1958, qui oeuvra pour
réformer le système (plus précisément du 6 juin
Dans ce cadre, on initiait les auditeurs composés 1958 au 13 janvier 1963).
de paysans et de mères de famille, aux notions
d'hygiène sociale et de puériculture. Une autre Lorsque les nationalistes furent renversés par le
amélioration concernait les clos d'enfants, coup d'Etat de 1963, Barthélemy Lamboni dirigea
institutions qui furent pendant longtemps aux mains ce Ministère dans le gouvernement de Nicolas
des seules religieuses. Des mesures visant à leur Grunitzky qui, en matière d'éducation, commença
généralisation furent édictées 5 • à recourir à la France. Dans le cadre des accords

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qui furent signés en ce sens, le Togo pouvait dépassaient de loin les capacités d'accueil du
solliciter l'appui de la coopération technique de ce système scolaire dans un contexte où l'éducation
pays. Ainsi se renforcèrent les liens de coopération de masse était le credo des Etats africains
franco-togolaise. Dans ce cadre, le système scolaire indépendants, la disparité régionale persistait et le
fut planifié au moyen des plans quinquennaux. Le Togo septentrional, quoique ayant fait des progrès,
premier, celui de 1965-1970, a prévu le était largement sous scolarisé... (Tchakpala 2005 :
développement des structures de l'Ecole Normale 26-29). Benoît Yaya Malou parvint rapidement à
Supérieure (ENS) d'Atakpamé, la création de la la conclus'ion
conclusion qu'il convenait de réformer totalement
direction de la planification de l'éducation, le le système éducatif togolais.
développement de l'enseignement secondaire grâce
à la création des collèges d'enseignement général En fait, les nouvelles autorités politiques togolaises
et technique en nombre suffisant. n'ont pas totalement rompu avec la tendance que
nous avons déjà décrite, notamment leur désir
En 1967, Grunitzky perdit le pouvoir et d'autres d'élever le niveau des études. Elles optèrent pour
personnes furent appelées à gérer le secteur de une autonomie en matière de formation de niveau
l'enseignement. Mais cela ne mit pas fin à la supérieur. Elles cherchèrent à former sur place leurs
planification, puisque le second plan quinquennal, propres médecins, ingénieurs, vétérinaires,
celui qui allait de 1971 à 1975 se préoccupa de pharmaciens et autres cadres qui l'étaient jusque-là
l'accélération de la scolarisation et de la formation dans les universités étrangères.
des cadres en vue de faire face aux besoins de
l'économie, alors en pleine croissance grâce au Le Togo et le Dahomey entrèrent dans une logique
boom de la vente du phosphate, l'une des principales de coopération afin d'atteindre leurs objectifs
richesses du Togo (Tchakpala 2005 : 24-25 & communs d'autosuffisance en matière de formation
Doamekpor 2005). de leurs cadres supérieurs. Cette volonté d'œuvrer
ensemble résultait des ressources humaines
Avec la prise du pouvoir par les militaires à partir compétentes insuffisantes qui ne permettaient pas
de 1967, ce fut le tour de Benoît Yaya Malou de à chacun des deux pays, pris individuellement,
s'occuper de l'Education. Celui-ci fut le véritable d'être autosuffisant en la matière. En plus, à
artisan de la réforme de l'enseignement au Togo. l'époque, il y avait un état d'esprit panafricaniste
Ses actions déterminèrent grandement l'orientation favorable à ce genre de projet. En outre, on peut
donnée au système scolaire togolais (M' gboouna évoquer l'histoire commune de ces deux territoires
2002 : 75-76). Cet homme, né en 1932, neveu du qui ont été réunis en une union personnelle
chef de l'Etat d'alors, le général Gnassingbé Dahomey-Togo dans l'entre-deux-guerres, au temps
Eyadema (dont il était d'ailleurs le confident), était de la crise économique des années 1930. A l'époque,
membre du Rassemblement du Peuple Togolais dès les deux pays avaient disposé de structures de
sa création en 1969. Il disposait donc d'une grande formation communes. Ils 'avaient aussi eu à être
marge de manœuvre et des coudées franches pour ,représentés par un délégué commun et unique à
appliquer. sa vision de ce que devait être l'assemblée nationale. française après la seconde
l'enseignement au Togo (Decalo 1976 : 113). guerre mondiale (Comevin 1987 ; Sossou 1994).
D'ailleurs d'ethnie kabyè, donc sensible à la
situation de la sous-scolarisation du Togo Toute cette donne rendait cette coopération possibl~.
septentrional, il était désireux de remédier à cette Elle aboutit à la création d'un centre embryonnaire
situation et aux disfonctionnements issus de l'école
coloniale qui subsistaient dans l'enseignement post-
1 Service de )'infonnation du Gouvernement du Togo, Annuaire du Togo
colonial. 1962, édition du Service de l'infonnation du Gouvernement du Togo
1962, p.60.
'Idem, pp. 60-61.
En effet, la formation des enseignants n'était pas J Ibidem, pp. 62-66.
4 Ibidem, p. 68.
convenablement planifiée. les effectifs à scolariser , Ibidem, pp. 68-70.

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d'enseignement supérieur qui devint en 1965-1966, Le décret 70-141 du 13 juillet 1970 créa le conseil
Institut d'Enseignement Supérieur du Bénin dont supérieur de l'éducation qui avait pour mission
les structures se répartissaient entre les deux pays. d'émettre les avis et les recommandations sur toutes
Un accord signé entre la France, l'ex-puissance les questions d'intérêt national concernant
colonisatrice, le Togo et le Dahomey permit l'éducation et l'enseignement et la réorganisation
l'ouverture à Lomé, dans ce cadre, d'un Centre des du système d'enseignement ét de l'éducation. Les
Lettres modernes alors qu'un Institut des Sciences actions de cet organe composé de civils et de
a été installé au Dahomey. militaires aboutirent, en 1975, à la réorganisation
tant attendue du système scolaire togolais
Cette organisation permit aux étudiants de suivre (Tchakpala 2005 : 29-30).
les cours dans l'un ou l'autre des pays en fonction
des filières choisies. Progressivement cependant, les 2. La grande réforme de l'enseignement
structures établies évoluèrent pour devenir de 1975
l'Université du Bénin (grâce au décret n070-156 du
14 septembre 1970), dépendant totalement du Togo Dans le document final de la grande réforme de
et disposant de tous les établissements 1975, on trouve inscrit, cet extrait du programme
d'enseignement supérieur, afin de lutter contre le du Rassemblement du Peuple Togolais, devenu
manque de cadres compétents considéré comme entre temps le parti unique: « Si l'on veut éviter
l'une des causes du sous-développement que l'enseignement soit unfrein au développement
(M'gboouna 2002 : 75-79). économique et social, un énorme gaspillage, et que
l'école devienne une fabrique de chômeurs, il
Il est un fait qu'à l'époque, l'approche importe qu'une réforme fondamentale et profonde
« développementiste» était la pensée soit opérée )).
communément admise et les experts de tout poil
miroitaient le fait que pour les pays africains, la Ce bout de phrase résume l'idée qui sous-tendait la
sortie du sous-développement passait par la voie réforme de 1975~ Il s'agissait donc pour les auteurs
de l'industrialisation, sur le modèle européen. Cela de cette réorganisation de faire de l'école un
n'était possible que si ces pays disposaient instrument de développement économique et social
suffisamment de cadres qualifiés et compétents. On et éviter qu'elle ne conduise les scolarisés au
sait que l'évolution dont nous avons fait état avait chômage.
un précédent en AOF, notamment à Dakar où la
tendance fut de lutter pour la transformation de Dans la logique de cette vision, le système éducatif
l'institut supérieur qui y était créé en une vraie fut réorganisé autour de cinq points principaux: les
université (Capelle 1990). objectifs, la structure, les programmes et les
méthodes, les installations scolaires et le
Une autre donne est le fait que les autorités financement et, enfin, les conditions de réussite de
togolaises avaient aussi perçue l'interaction entre la réforme. Il s'agissait d'installer « l'école
les enseignements secondaires et supérieurs. La nouvelle ))2 •
création d'une université nécessitait du coup la
réorganisation du système scolaire qui était jusque- A la base des objectifs de l'école nouvelle, il fut
là mcohérent dans son organisation. Les problèmes établi des principes dont le premier fut de créer une
d'adaptation qualitative, quantitative et structurelle école démocratique. Selon ce premier principe,
de l'école aux besoins du pays restaient entiers. Des l'école était gratuite et, en principe, obligatoire pour
tentatives pour améliorer le système furent tous les enfants des deux sexes de deux ans à 15
enclenchées à partir de 1969, année où une réforme ans. Il devait exister des possibilités permettant à
fondamentale de l'enseignement fut annoncée dans ceux qui le pouvaient, de continuer à peu de frais
le programme du RPTI . leur propre formation. La réforme réaffirma que les
élèves soient orientés selon les critères objectifs et

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les aptitudes « vocationelles » vers les carrières La structure mise en place divisa l'école en quatre
prévues dans les plans de développement. degrés. L'enseignement du premier degré comporta
deux niveaux: les Jardins d'enfants qui
Le second principe fut d'instituer une école rentable accueillaient les enfants de deux ans pour une
qui dépend de plusieurs facteurs comme la période de trois ans et l'école primaire où on entrait
qualification des enseignants, le matériel didactique, à l'âge de cinq ans pour une scolarité de six ans.
les rapports démocratiques entre les enseignants et L'enseignement du deuxième degré était scindé en
les apprenants fondés sur les méthodes actives, deux cycles: le cycle d'observation et celui
l'institution de l'éducation post-scolaire et d'orientation. Le premier devait donner un
permanente pour tous, l'éducation des parents, les enseignement général et durait deux ans. Dans le
meilleures prestations sanitaires faites aux acteurs second, les élèves devaient être orientés dans les
du monde de l'éducation. On préconisa la lutte divers établissements selon leurs goûts et aptitudes.
contre les redoublements par des moyens L'enseignement du deuxième degré était dispensé
pédagogiques et didactiques appropriés. Il fut dans les Collèges d'Enseignement Général (CEG),
également retenu la création des institutions les Collèges d'enseignement Technique (CET), les
spécialisées adaptées aux enfants handicapés ou Collèges d'Enseignement Agricole (CEA) et les
inadaptés. Collèges d'Enseignement Artistique et Artisanal
(CEAA). Ils étaient accessibles à tous les élèves
L'un des axes les plus importants fut la décision ayant terminé le cours primaire.
d'adapter l'école au milieu en développement. Cela
passait par les langues nationales, les valeurs La fin des études au CEG ouvrait la voie aux écoles
culturelles locales adaptées aux exigences du troisième degré (Lycée d'enseignement général),
modernes. Il fut décidé d'enseigner l'expression aux écoles spécialisées ou professionnelles (Ecoles
orale, plastique, musicale, technologique, etc. Normales des Instituteurs, Ecole Nationale des
Auxiliaires Médicaux, Ecoles des Sages-Femmes
Il était reconnu que le privé pouvait concourir à la d'Etat, etc.). A la fin des CET, CEA, CEAA, on
réalisation des objectifs de la réforme 3 • La réforme pouvait accéder aux lycées techniques, aux lycées
a défini le profil que l'école nouvelle devait agricoles, aux écoles nationaies des arts et métiers,
former: « L'Ecole doitformer des individus saints, aux autres écoles spécialisées ou entrer dans la vie
équilibrés et épanouis dans toutes les dimensions.» active. Il était prévu un stage de perfectionnement
Elle insista sur la formation de l'esprit critique, dans un Centre de Formation Permanente pour les
scientifique et logique, la liberté d'expression. Bref, élèves trop jeunes qui ne pouvaient entrer dans la
« Le citoyen ainsi formé sera équilibré, ouvert vie active aux termes de la législation du travail en
d'esprit, capable de s'adapter aisément à toutes les VIgueur.
situations nouvelles, plein d'initiative et apte à agir
sur le milieu pour le transformer. »4 Les institutions auxquelles on pouvait accéder à la
fin de l'enseignement du deuxième degré,
Concernant l'insertion du citoyen scolarisé dans la établissements que nous avons déjà cités ci-des~s,
vie active, la réforme affirma sans ambages: « Il constituaient l'enseignement du troisième degré. Il
faut adapter les structures scolaires aux besoins en faut simplement ajouter qu'au nombre- de ceux-ci,
main-d'œuvre. » Pour réaliser cet obj ectif, elle prévit il y avait en plus l'Institut National de la Jeunesse
des centres d'apprentissage, des établissements et des Sports et le Centre National de Formation
professionnels, des possibilités d'orientation Sociale. Il était prévu que l'enseignement de
scolaire et professionnelle. Cette rubrique se conclut quatrième degré comportât de grandes écoles et
ainsi: « Une fois lesjeunes scolarisés intégrés dans facultés.
la vie active, l'école doit intervenir à une troisième
étape pour assurer l'éducation permanente et offrir
1 Conférence Nationale Souveraine, Rapport général de la conférence
à chaque citoyen la possibilité d'assurer sa propre nationale souveraine, commission 5 : éducation-recherche scientifique-
promotion dans la vie active selon ses propres affaires socio-culture//es, Lomé, 1991. p 6.
2 Ministère de J'Education Nationale, La réforme de l'enseignement au
forces. »5 Togo (forme condensée), Lomé, 1975.
J Idem, pp. 7-9.
4 Ibidem, p. 9.
, Ibidem, pp. 9-10.

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On insista sur l'obligation, la mixité et la organismes de sécurité sociale, les firmes


réintégration des jeunes filles mères dans le système. commerciales, les taxes sur les produits de luxe et
Il fut aussi réaffirmé la nécessité de généraliser tous l'aide extérieure bilatérale ou multilatérale
les ordres d'enseignement et de créer les structures pouvaient aussi être mobilisés à cette fin.
manquantes. On définit en plus le principe d'une
meilleure organisation des structures Les modalités d'application de la réforme étaient,
administratives centrales de « L'Ecole Nouvelle ». qu'au niveau primaire, l'Etat participe à la
La tendance fut également de rechercher un certain construction des infrastructures scolaires, en
équilibre dans l'organisation du temps scolaire. Une fournissant les matériaux. Les collectivités
nouvelle orientation fut donnée concernant les
secondaires et les villages devaient apporter leurs
programmes et les méthodes de l'enseignement dans
contributions en nature et en main-d' œuvre
le sens des objectifs.
bénévole. Pour les autres niveaux, la charge
Entre autres, la réforme affirme : « On supprimera incombait totalement à l'Etat qui devait aussi
dans les programmes tout ce qui n'est que livresque, prendre en charge le traitement de tout le personnel
tout ce qui ne constitue qu'un luxe de l'esprit et enseignant et administratif du privé comme du
tout ce qui n'est pas immédiatement efficace. Dans public dans l'enseignement. Il avait l'obligation de
ce sens, on supprimera dans le Deuxième Degré le fournir à chaque enseignant, tout le matériel
latin et le grec, dont l'utilité n'estpas évidente pour nécessaire et d'assurer l'entretien des locaux avec
la formation jusqu'à la fin de ce degré. Ces la contribution d~s parents d'élève et des
disciplines seront étudiées dans le Troisième Degré, collectivités.
dans les séries spécialisées. »
Au sujet des conditions matérielles, on prévoyait
Autre chose, on opta pour l'allègement des selon les niveaux, des cantines, des bourses, des
programmes en insistant sur l'enseignement des crédits, des foyers, des équipements pédagogiques
éléments relatifs au Togo et au milieu des et culturels, des restaurants des soins médicaux et
apprenants. Enfin, il fut décidé l'introduction de de la médecine curative, les frais pharmaceutiques,
l'enseignement des langues nationales, l' éwé et le le transport, des bourses d'études pour l'étranger,
kabyè. une assurance collective ...

La décision fut prise d'impliquer les parents Des conditions pour la réussite de la réforme furent
d'élèves dans la gestion des écoles. On définit les aussi clairement énumérées. D'abord, il fallait
principes d'installations scolaires (qui dépendaient donner la possibilité aux gens de s'exprimer sur
de la population scolarisable, de la distance entre toutes les questions concernant la réforme au moyen
l'école et les centres de peuplement, la configuration d'une politique d'animation de masse. De même,
géographique) et, pour les établissements une politique de financement appropriée et
spécialisés, intervient en outre la relation formation- suffisante devait aussi être ménée. Une politique
emploi. On voulait que l'école soit le plus proche culturelle valorisant la présence des langues
possible des élèves et qu'il y ait suffisamment nationales dans les examens et la production,
d'élèves pour que les structures mises en place l'édition et l'octroi de prix à des œuvres littéraires
soient rentables. dans ces langues était aussi nécessaire.

Concernant le financement des écoles, la réforme Ensuite, en matière politique et administrative, la


dispose que l'Etat, les organismes nationaux et condition d'une réussite de la réforme était que la
internationaux et les contributions de parents conception et la gestion de la réforme soient confiées
devaient en être les sources. On a aussi prévu que aux nationaux qui devaient résister à tout prix aux
les communes, les circonscriptions administratives, influences et pressions politiques extérieures,
les sociétés étatiques, les banques de la place, les susceptibles de freiner son application intégrale. En
outre, les conditions économiques étaient aussi très

84 Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2 eme Semestre)


____________________________ Sciences sociales et humaines

importantes, dans la mesure où « Le développement du début des années 1970 permit la réalisation assez
de l'emploi est donc l'une des conditions louable de la réfonne dans un premier temps. Mais
indispensables de succès des écoles spécialisées. »6 alors que tout semblait évoluer normalement,
l'économie togolaise entra en récession. Bientôt, le
Enfin, quant aux modalités de la carrière des Togo tomba sous le joug d'un programme
enseignants, il était attendu que, « Pour que l'Ecole d'ajustement structurel et l'euphorie de la prospérité
nouvelle puisse porter les fruits attendus, il faut des années 70 ne fut plus qu'un souvenir lointain.
que le maître soit un individu sain, équilibré, On assista alors à la déscolarisation, c'est-à-dire à
discipliné, possédant une bonne maîtrise des la chute du taux de scolarisation, consécutive à la
méthodes et techniques pédagogiques modernes et réduction drastique des investissements dans
de solides connaissances scientifiques soutenues l'éducation. Le phénomène s'installa
par une conception dialectique du monde. Epris progressivement à partir de 1980, année où ce taux
de liberté et de justice, il doit connaître ses droits était de 72%. La première année de baisse fut 1981,
et ses devoirs et être animés de conscience avec un taux de 68,4%. Cette tendance baissière se
professionnelle.»7 Pour cela, il faudrait relever et poursuivit jusqu'en 1985 où il fut de 52,2%. Il
améliorer à la fois le niveau et les conditions de s'amorça un redressement jusqu'à 1990 où il
recrutement, notamment, assurer au personnel atteignait 62,9%.
enseignant une formation initiale, le matériel
approprié, le recyclage périodique et leur octroyer En 1990, le taux de scolarisation net était de 73,6%
des avantages matériels et financiers incitatifs. De dans la région maritime, 69,7% dans la région des
même, il devait être évalué et remis à niveau au plateaux, 61,5% dans la région centrale, de 53%
besoinS. dans la région de la Kara et de 29% dans la région
de la savane. On voit ainsi que la région
La réforme ainsi élaborée fut appliquée. Il est septentrionale continua à demeurer moins scolarisée
intéressant de voir son impact sur le fonctionnement que le Sud, malgré la remontée spectaculaire qui
du système scolaire togolais jusqu'en 1990, année eut lieu.
de la Conférence nationale souveraine qui marque
un nouveau départ pour le Togo. La déscolarisation toucha essentiellement le
secondaire et ses autres causes étaient la restriction
3. L'application de la réforme de 1975 et le d'accès à ces établissements par le contrôle plus
fonctionnement du système scolaire togolais rigoureux des admissions en classe de 6 ème , le
jusqu'à la conférence nationale souveraine concours d'entrée en seconde, les conditions de
(1975-1990) rétention plus strictes dans le système scolaire, le
rétablissement du baccalauréat première partie, etc.
Le lendemain de la réfonne semble être marqué par
de sérieux efforts pour améliorer le système éducatif Il fut aussi un fait vrai que les effectifs des étudiants
et pour réaliser la démocratisation de l'éducation. de l'Université du Bénin connurent une hausse
Le résultat en fut l'augmentation des effectifs de continue. La cause en est l'augmentation des
tous degrés d'enseignement qui passèrent de effectifs dans le secondaire et le niveau de
432 000 élèves en 1975 à 730 000 élèves en 1990, redoublement élevé à l'université. La tendance qui
soit un accroissement moyen annuel de 3,55%. voulait que la quasi-totalité des cadres fussent
fonnée surplace conduisit à confier plus que jamais
Plusieurs établissements de tous niveaux furent cette mission à l'université. Cela était d'autant plus
créés sur toute l'étendue du territoire et cela, avec vrai que les bourses d'études à l'étranger se
une progression constante. Le boom phosphatier raréfiaient et étaient octroyées à compte-gouttes,
surtout avec la crise sociopolitique des années 1990
6 Ibidem, p 33 qui vint aggraver la situation. Les effets d'une telle
7 Ibidem p 33 politique furent le nombre très restreint d'étudiants
• Ibidem, pp. 10-37.

Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2~Dl. Semestre) 85


Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

togolais poursuivant leurs études à l'étranger. sur l'alphabétisation des femmes avec un certain
Les difficultés de l'enseignement dans ce contexte succès. En 1989, il existait au Togo 662 centres
viennent d'un rapide accroissement de la population mixtes, 377 centres fémif.lJns et 113 centres
scolarisable dans un contexte économique traditionnels. Ceux-ci accueillaient respectivement
défavorable ne permettant pas les investissements 9634 ; 7 985 et 2 186 auditeurs (INRS 1991 : 48-
nécessaires dans l'éducation. La mauvaise gestion 49).
des ressources y est aussi pour quelque chose dans
cette donne (INRS 1991 : 50-51). Au sujet du personnel enseignant, il fut créé une
école de formation des jeunes enseignantes des
Concernant les infrastructures, un important effort jardins d'enfants en ce qui concerne le préscolaire.
fut également fait. En 1973-74, il y avait 1 128 Elles y sont admises après le BEPC et y sont formées
écoles primaires, nombre qui s'éleva à 2429 écoles trois ans durant en pédagogie. En 1988-1989, on y
en 1988-89. La même tendance haussière était de trouvait 352 enseignantes. La réforme a ainsi permis
mise dans le secondaire. En matière de matériel que s'organise un enseignement préscolaire
pédagogique, il se manifesta une certaine volonté indépendant de l'enseignement confessionnel.
d'améliorer la situation comme le démontre la
création de la Direction de la formation Permanente Pour le premier degré, on comptait 5 627
de l'action et de la recherche Pédagogique (DIFüP). enseignants de tous grades en 1975. Ces effectifs
Mais les actions étaient insuffisantes (INRS 1991 : s'accrurent de 7,91 % de 1975 à 1980. Ce taux fléchit
52). ensuite pour n'être que de 2,7% de 1980 à 1985.
Finalement, ce taux de croissance annuelle devint
La lutte contre l'analphabétisme se poursuivit négatif de 1985 à 1990, soit 0,18%. Cet
également avec deux objectifs. Il s'agissait de effondrement résultait, entre autres, de l'application
familiariser la population avec les projets de d'une politique restrictive en matière d'accès à
développement en lui donnant un complément de l'emploi dans la fonction publique, chose résultant
formation et de parvenir à créer, par ce biais, des du programme d'ajustement structurel auquel le
communautés responsables, capables de répondre Togo était soumis. Il apparaît que l'objectifd'assurer
aux exigences des nouvelles techniques un meilleur encadrement aux apprenants que la
d'exploitation agricole ou artisanale. La nécessité réforme a énoncé, n'a pas été réalisé.
de réaliser cet objectif entraîna la création des
centres d'alphabétisation fonctionnelle. Pour le deuxième degré, le nombre des enseignants
était de 3 302 pour l'année scolaire 1988-1989. Leur
L'enseignement qui y était donné se composait d'un niveau restait relativement faible, avec une forte
complément de formation professionnelle prédominance des brevetés. Cependant, la
permettant aux auditeurs de mieux accomplir leurs proportion des bacheliers était en progression
tâches quotidiennes, essentiellement les activités (26,7%), de même que celle des licenciés (3%).
àgricoles ; un complément de formation socio- Certaines catégories d'enseignants comme les
économique qui donne aux bénéficiaires un sens professeurs d'initiation agricole, d'arts plastiques
civique plus aigu et qui les pousse à participer plus et de musique manquaient.
activement à l'amélioration de leur niveau de vie;
une formation culturelle sur la façon dont les La formation pédagogique du personnel enseignant
connaissances acquises en lecture, l'écriture et le était insuffisante, ce qui influait négativement sur
calcul peuvent être utilisées pour résoudre les le rendement scolaire. Il est à constater d'une part
problèmes personnels et communautaires. que la volonté de relever le niveau des enseignants,
quand bien même elle a été ébauchée, n'a pas pu
Les programmes entrepris dans le cadre de la être réalisée. De l'autre, le manque de professeurs
réforme de 1975 insistèrent plus particulièrement dans les matières ci-dessus énumérées a tout
simplement empêché que celles-ci soient

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enseignées. la formation pédagogique dont ils devaient


La même année (1988-1989), dans l'enseignement bénéficier leur a été que rarement fourni. Cette
du troisième degré, on disposait seulement de 764 situation montre toute la difficulté qu'il y a eu à
enseignants relativement bien qualifiés. Mais on en appliquer la réforme de 1975.
trouvait encore qui n'avaient que le probatoire et le
baccalauréat. Nombre d'entre eux avaient le statut Cet état lamentable du système d'enseignement n'a
de vacataires et étaient employés parce que coûtant pas manqué de retenir l'attention de la conférence
moins chers à l'Etat. Il sévissait une grande pénurie nationale de 1990.
d'enseignants, surtout dans les matières
scientifiques, en dessin, en musique et en 4. De la conférence nationale souveraine aux états
enseignement ménager. généraux de l'éducation (1990 -1992)

Quant à l'Université du Bénin, toujours en 1988- Au début des années 1990, il soufflait dans le monde
1989, on dénombrait 276 enseignants dont 211 un vent de démocratisation qui n'épargna pas le
Togolais. Les effectifs des Assistants et des Maîtres- Togo. La contestation de l'ordre établi fut lancée,
Assistants étaient très élevés, au contraire de ceux dans ce pays, par les évènements du 5 octobre 1990
Jes Maîtres de Conférences, des chefs de travaux (Kadanga 1992). Le régime togolais d'alors ne prit
et des Professeurs titulaires qui étaient très restreints. pas la juste mesure des choses. Les manifestants
Il n'y avait pas de professeur de chaire. furent traités de désoeuvrés, de manipulés, de
chômeurs, etc.
Le manque d'enseignants qualifiés et le niveau très
moyen de certains d'entre eux à l'Université du Au regard de la réforme de 1975, le système éducatif
Bénin a conduit à recourir aux fonctionnaires ou à togolais n'était pas censé produire ces genres de
des jeunes diplômés, avec le statut de vacataires. marginaux. Comment en est-on arrivé à en trouver
Cela facilite l'accès à l'emploi aux jeunes et permet dans un pays régi par un système prétendu parfait
à l'Etat de faire des économies sur leurs salaires. et, de ce fait, incontestable? Cette interrogation ne
Mais le contrecoup est le rendement qui est préoccupa nullement le gouvernement d'alors qui
susceptible de souffrir de cette situation (INRS se situa dans la logique du tout répressif.
1991 : 54). Cependant il est indéniable que
l'Université du Bénin, à l'image de toutes les autres Pourtant, sa responsabilité est engagée car, sous le
de l'Afrique francophone, malgré tous les problèmes parti unique qui a sévi jusque-là, l'alternance n'était
auxquels elle fut confrontée, a quand même pas à l'ordre du jour. Les mêmes personnes furent
contribué à la formation de hauts cadres dont le pays au pouvoir de 1967 à cette date. Ces prétendus
avait besoin (Gonidec 1965). chômeurs, manipulés et désoeuvrés sont le produit
de leur gouvernance. Faute à eux d'avoir dressé des
En plus de tout ce qui a été dit plus haut, on voit constats objectifs par rapport à la situation de
que la disposition de la réforme qui visait à assurer l'enseignement et d'y remédier, ce fut à la
aux enseignants de bonnes conditions de vie, donc conférence nationale souveraine que le diagnostic
de bonnes rémunérations, n'a pas été appliquée. fut posé.
Au contraire, leur emploi a été précarisé et les
enseignants, victimes de bas salaires, se sont donc La conférence nationale souveraine posa le constat
retrouvés dans une situation d'indigence matérielle selon lequel la réforme de 1975 s'articulait autour
et financière. de trois objectifs principaux: la démocratisation,
la rentabilité et l'adaptation. Après analyse de la
En outre, les effectifs dans les classes sont demeurés situation, elle aboutit à la conclusion selon laquelle
souvent pléthoriques, dans un contexte où le la démocratisation n'a pu être réalisée.
matériel didactique n'existait quasiment pas et que
D'abord il y avait l'écart entre le taux de

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face aux difficultés financières que le Togo a
scolarisation des garçons et celui des filles qui est
très sensible en défaveur de ces dernières. Ensuite, connues entre temps.
l'accès des filles à un niveau élevé d'instruction était
En outre, l'absence de la liberté d'expression (qui
plus que marginal. Enfin, aucune mesure ne fut prise
pour réaliser l' 0 bligation et la gratuité scolaire. avait pourtant été présentée comme une condition
sine qua non à sa réussite par les auteurs de la
Concernant la rentabilité, on souligna qu'elle a réforme) qui a caractérisé les années d'application
baissé, de sorte que le taux de redoublement était à de la réforme, a grandement contribué à cette donne.
30%. Cette situation provenait des effectifs La conférence nationale souveraine préconisa la
pléthorj.ques des élèves, du manque d'enseignants tenue des états généraux de l'éducation qui furent
qualifiés, de l'insuffisance et de l'inadéquation du organisés du 4 au 13 mai 1992 à Lomé, au Palais
matériel didactique, de l'absence d'orientation des des congrès. Ceux-ci confirmèrent largement
élèves et des étudiants, du détournement du temps l'autopsie faite à la conférence nationale et même
scolaire par les autorités politiques aux fins approfondirent le diagnostic qui avait été
d'animation politique de haies « vives» des élèves. antérieurement dressé. Tous les points furent passés
au peigne fin : les enseignements des premier,
Quant à l'adaptation de l'école au milieu, elle n'a deuxième et troisième degrés, l'enseignement
pas été mise en œuvre, à part quelques mesures de supérieur, l'enseignement technique et la formation
saupoudrage comme l'introduction des langues professionnelle, l'éducation non formelle et la
nationales et les semaines scientifiques et recherche scientifique.
culturelles.
A l'issue des débats, le rapport général adressa des
Les programmes et les méthodes ont continué à recommandations qui semblaient marquer un
demeurer problématiques parce que les enseignants nouveau départ. D'une façon générale, il fut
n'ont pas été formés à appliquer les nouvelles demandé que les tâches des cabinets et secrétariats
méthodes d'enseignement et d'évaluation. Il y avait généraux chargés de coordonner les activités des
en plus les effectifs pléthoriques qui ne pennettaient services techniques soient plus clairement précisées,
pas une évolution dans le sens de ces méthodes. Le que des mesures soient prises pour faciliter la
financement était très largement insuffisant. circulation des informations au sein de ces services
pour une meilleure efficacité, que l\~ducation et la
Pour conclure, le constat suivant fut fonnation professionnelle soient en relation plus
fait: « L'objectif de démocratisation, sans être étroite.
atteint, se réalise au détriment de l'objectif de
rentabilité. L'objectif d'adaptation est loin d'être Ces mesures allaient en fait dans le sens d'une
atteint. En dépit des efforts consentis, on constate réorganisation du Ministère de l'Education
un écart important entre les principes de la réforme Nationale et de la Recherche Scientifique et du
el le fonctionnement réel de l'école. L'insuffisance renforcement de celui de l'enseignement technique.
de structures d'accueil et d'équipement adaptés aux La tendance fut même de proposer la création d'un
objectifs définis, jointe à l 'indi.~ponibilité et à la ministère spécifique à l'enseignement supérieur,
rareté des re,l'sources humaines quahli(;es ont chose qui fut réalisée plus tard, au début de la
paralysé (i maints égards toutes entreprzses. » 1 décennie 2000.

Sur tous ies autres volets de l'èducatlon, le même La seconde proposition forte fut l'actualisation de
constat d'échec était dresse. Une lecture attentive certaines orientations de la réforme de 1975,
du texte de la réfonne et une observation minutieuse notamment la gratuité scolaire, la structure du
des réalisations montrent plutôt que la réforme n'a
pas été appliquée. En fait. au lieu de parler d'échec, ~ Rapport général de la conférence nationale souveraine, commission 5 .'
educatIOn, recherche scientifique. affaires socio-culturel/es. Lomé, ;]nOt
il est pius vraï de parler d'abandon rie la reforme \ 9',: rr (,,8
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____________________________ Sciences sociales et humaines

système articulé en quatre degrés, les langues et à mesure que le Togo sombrait dans les difficultés
nationales, les disciplines nouvelles, etc. économiques.

Par rapport à cette exigence, il fut demandé qu'un Mais les constats et les résolutions prises à la
effort particulier soit fait pour que le matériel conférence nationale souveraine se situèrent souvent
didactique et les bibliothèques soient disponibles, au stade de vœux pieux. En effet, la tendance
que les disparités au point de vue régional soient actuelle n'est nullement à la démocratisation de
réduites et même disparaissent. Il fut proposé l'éducation. Elle évolue dans le sens de
l'introduction de nouvelles disciplines l'instauration d'une « école des riches» au niveau
(informatique, initiative privée, la démocratie, les du supérieur, excluant du système, les couches les
droits de l'homme, etc.), la revalorisation de plus pauvres. En témoignent, les coûts de scolarité
certaines autres (dessin, musique, arts plastiques, prohibitifs dans les différents niveaux de
éducation physique et sportive, etc.), une autre l'enseignement et de l'apprentissage. Les
politique des langues nationales qui doivent être formations les plus professionnelles demeurent les
beaucoup plus promues et plus orientées vers plus chères, les mettant ainsi hors de portée de la
l'alphabétisation fonctionnelle, l'amélioration des grande masse des étudiants ou apprenants. Cette
conditions des apprentis, de la gestion de l'éducation situation rend impossible la professionnalisation de
(structures, financement, évaluations, orientations l'éducation que les autorités compétentes ne cessent
des apprenants, la gestion des bourses, etc.). de prôner.

Concernant l'enseignement professionnel, l'accent Finalement, l'enseignement, au lieu d'être le lieu


fut mis sur sa restructuration et sur le développement de nivellement social, le moyen de promotion
des ressources humaines. Au regard des différents sociale des gens de condition modeste, est en train
rapports dressés dans les commissions, on se rend de devenir une chasse gardée des couches les plus
compte que la réforme de 1975 est en fait une assez nanties.
bonne réforme.
Il faut cependant dire qu'il s'est amorcé une
Mais le problème vient du fait que ce sont les évolution vers la prise de conscience par les autorités
moyens, Ir sérieux dans la gestion et la volonté politiques du Togo qui, par exemple, ont fini par
politique qui manquent à son application. réduire les frais d'inscription à l'Université de
Lomé, frais qui sont passés de 50 000 frcs à 25 000
Quant aux recommandations des états généraux de frcs en 2004-2005. Mais il faudrait beaucoup plus
l'éducation, elles ne furent quasiment pas appliquées pour que l'enseignement soit à la portée des moins
car le Togo s'enlisa dans le chaotique processus de nantis.
démocratisation dont on n'est pas encore sorti de
nos jours. En effet, cette mesure est insignifiante car pour les
études de troisième cycle, la scolarité est toujours
CONCLUSION maintenue à 100 000 frcs. Il est évident que peu
d'étudiants, pourtant capables de réussir
Au lendemain de l'indépendance, les disparités brillamment àce niveau sont capables de s'acquitter
régionales en matière de scolarisation, problème très d'une telle somme.
épineux de l'époque, ne furent point résorbées et le
nouvel Etat togolais se retrouva rapidement Cette tendance appelle une réflexion. Il est un fait
confronté aux urgents et nombreux impératifs de que ceux qui ont pris ces mesures, sont de la
développement. L'éducation, bien qu'officiellement génération qui a le plus bénéficié des principes sur
érigée en priorité des priorités, ne fut pas moins lesquels sont fondés le système scolaire francophone
délaissée et végéta jusqu'aux années 1990, au fur d'Afrique, à savoir la gratuité, l'obligation et la
l:.l'·cité de l'école. Ils ont aussi été ceux qui ont le

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Sciences sociales et humaines - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

plus bénéficié de « l'Etat Providence» et qui, une


fois au pouvoir, ont mal géré les ressources du pays, § REFRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
le conduisant à la banqueroute.
1. AGBOBLY-ATAYI, (B.), 1980. L'enseignement
Il est curieux de constater que paradoxalement, ce français au Sud-Togo dans l'entre-deux-
sont les personnalités de cette génération qui guerres: Scolarisation et perspectives
décrètent la fin de « l'Etatprovidence ». Bref, c'est socio-politiques, 1919-1939, thèse de doctorat
une génération qui, après avoir joui des bienfaits 3ème cycle en histoire, Université de Paris l, 381 p.
des principes fondateurs du système scolaire
francophone et des mesures sociales qui vont avec, 2. ALI N, (P.), 1982. L'éducation collective au
demandent aux jeuneS générations de payer pour temps des Allemands, Lomé, 199 p. multigr.
des fautes et de supporter les inconvénients d'une
situation qu'elles n'ont pas créée. Une telle façon 3. ASSIMA-KPATCHA, (E.), 2000.
de concevoir les choses aboutit inéluctablement à « L'intégration du Togo-septentrional dans le
l'explosion sociale comme celle que le Togo a connu système
au début des années 1990. scolaire colonial» in TCHAM B. et
TCHAMIE K. (dir.), L'intégration de l'hinterland
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90 Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2 eme Semestre)


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Revue du CAMES - Nouvelle Série B, Vol. 009 N° 2-2007 (2 eme Semestre) 91

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