Elections 2016 PR
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et Gouvernance démocratique »
RAPPORT
RECOMMANDATIONS ......................................................................................................................... 35
1. A l’attention des autorités gabonaises ......................................................................................... 37
2. A l’attention de l’Organisation internationale de la Francophonie. ............................................... 38
ANNEXES ............................................................................................................................................. 39
A l’occasion d’une audience que la Secrétaire générale de la Francophonie, Son Excellence Madame
Michaëlle JEAN, lui a accordée le 28 janvier 2015, Son Excellence Monsieur Emmanuel ISSOZE-
NGONDET, Ministre des Affaires Etrangères, de la Francophonie et de l’intégration régionale du
Gabon, a exprimé le souhait de voir l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) contribuer
à accompagner, aux plans politique et technique, le Gabon dans l’organisation des élections
présidentielle et législatives prévues dans ce pays durant l’année 2016. Cette demande a été réitérée
lors de la visite officielle que Mme Jean a effectuée du 26 au 29 août 2015 à Libreville, ainsi que par le
Représentant personnel du Président de la République gabonaise, Son Excellence Monsieur Ali
BONGO ONDIMBA au Conseil permanent de la Francophonie (CPF).
Les autorités gabonaises ont souhaité, en effet, voir l’OIF user de son expérience et de son autorité
morale pour, d’une part, contribuer à favoriser la construction d’un consensus politique autour des
conditions d’organisation d’élections libres, fiables et transparentes au Gabon, conformément à la
Déclaration de Bamako (2000) en la matière ; et d’autre part, d’envisager un concours technique
qu’elle pourrait apporter aux organes de gestion du processus électoral.
Sur le plan politique, l’OIF a œuvré au renforcement de la confiance entre acteurs politiques gabonais
(majorité présentielle comme opposition), de manière à contribuer à créer les conditions d’un
environnement propice à la tenue d’un scrutin libre, fiable, démocratique et pacifique, conformément à
la Déclaration de Bamako (2000).
4
Dans le domaine technique, l’Organisation a mis en œuvre plusieurs actions en soutien aux
institutions, organes et acteurs impliqués dans la gestion du processus électoral. Elle a ainsi mobilisé
une expertise et un soutien financier déterminant en appui à la tenue de la conférence organisée, en
janvier 2016, conjointement avec l’UNITAR, l’UNESCO, les Nations unies, le PNUD et le Centre pour
les Droits de l’Homme et la démocratie en Afrique Centrale (CNUDHD-AC) à l’intention des
journalistes, acteurs des médias et forces de sécurité du Gabon. Cette initiative était destinée à
renforcer les capacités de ces acteurs dans le processus électoral, notamment en termes de liberté
d’expression et de sécurité des journalistes.
Par ailleurs, en avril 2016, la Francophonie a également apporté un concours financier à la Cour
constitutionnelle dans le cadre de ses activités de formation et de sensibilisation des populations sur
ses attributions en matière électorale, ainsi qu’à plusieurs organisations de la société civile en vue de
l’observation nationale du processus électoral.
Elle était appelée à œuvrer conformément aux dispositions du Chapitre IV-B de la Déclaration de
Bamako du 03 novembre 2000 relative aux élections. Cette Déclaration pose le principe de la « tenue,
à intervalles réguliers, d’élections libres, fiables et transparentes, fondées sur le respect et l’exercice,
sans aucun empêchement ni aucune discrimination, du droit à la liberté et à l’intégrité physique de
tout électeur et de tout candidat, du droit à la liberté d’opinion et d’expression, notamment par voie de
presse et autre moyen de communication, de la liberté de réunion et de manifestation, et de la liberté
d’association ». Elle dispose, dans son paragraphe B, que « Pour la tenue d’élections libres, fiables et
transparentes, les Etats membres doivent :
L’esprit de cette Déclaration est d’encourager les Etats membres à développer une culture de
solidarité en faveur de la paix, de la démocratie et des droits de l’Homme.
Sur cette base, le mandat de la mission a consisté à évaluer les efforts déployés par les acteurs
gabonais en vue d’organiser des élections libres, fiables et transparentes, ainsi que les éventuelles
difficultés rencontrées. Il s’agissait essentiellement de vérifier que le processus électoral gabonais
répondait aux normes et exigences internationales en matière de démocratie, à savoir notamment :
- La compétence, l’impartialité et la crédibilité de l'ensemble des acteurs et organes impliqués dans
l’organisation et le contrôle du processus électoral ;
- La pleine participation des citoyens aux scrutins et le traitement égal des candidats ;
- Le respect effectif de la liberté de la presse et de l'accès équitable des différentes forces politiques
aux médias publics et privés ;
- L’acceptation des résultats.
A cette fin, la délégation s’est entretenue avec les autorités nationales, les candidats, les 5
responsables des institutions et organes impliqués dans la gestion du processus électoral, les
représentants de la société civile ainsi qu’avec les missions électorales partenaires internationaux sur
place.
Le présent rapport rend compte du contexte général de déroulement du processus électoral gabonais,
en particulier de l’élection présidentielle du 27 août 2016 et de la mise en œuvre du mandat de la
mission de la Francophonie. Il est assorti de recommandations destinées à contribuer au
renforcement du système électoral et de la démocratie au Gabon.
Situé sur une superficie de 267 667 km2 et situé sous l’équateur, le Gabon est limité au nord par le
Cameroun, au nord-ouest par la Guinée équatoriale, à l’est et au sud par la République du Congo. Il
possède une vaste côte de 885km sur l’océan Atlantique.
Le recensement de la population de 20134 indique une population de 1,8 millions d’habitants et une
2
densité de 5,7 hab. /km . Selon les chiffres de la Direction générale du Trésor français, la croissance
démographique s’établit à 1,8% (décembre 2013).
Le pays est divisé en 9 provinces, dirigées chacune par un gouverneur, elles-mêmes subdivisées en
départements dépendant d'un préfet et, parfois, en districts, dépendant d'un sous-préfet.
Le pays rassemble huit principaux groupes linguistiques. Il s’agit des Fang (32%), des Mpongwe
(15%), des Mbédé (14%), des Myéné (10%), des Shira-Punu (12%), des Kota, des Tsogo, des Njabi
et des Bété qui totalisent environ 90% de la population du pays. L’ethnie Batéké est l’une des plus
petites du pays.
La population gabonaise (87%) vit essentiellement en milieu urbain, en particulier dans la capitale
Libreville et les principales villes du pays (Port-Gentil, Franceville, Oyem et Lambaréné). L’indice de
développement humain, selon la Banque mondiale, est de 0,68 en 2014, ce qui le place au 112e rang
1
mondial sur 187 . L’indice Mo Ibrahim 2014 est de 52,2 (23e sur 54 pays africains notés) et le
e
classement 2014 de Reporters sans frontières place le Gabon en 98 position sur 180 pays classés.
1
Source PNUD 2014
Le Gabon est devenu une République indépendante en 1960. A cette période, le paysage politique
national était marqué par deux mouvances politiques, à savoir le Bloc démocratique gabonais (BDG),
dirigé par Léon Mba et l'Union démocratique et sociale gabonaise (UDSG) de Jean-Hilaire Aubame.
Dans le cadre du régime parlementaire que le Gabon initia après l’indépendance, M. Léon Mba
exerce les fonctions de Premier ministre avant de devenir le premier Président de la République, à la
faveur d’une coalition entre le BDG et l’UDSG aux élections de 1961. Un régime présidentiel est
instauré. Léon Mba sera renversé par un coup d'État militaire le 18 février 1964. Mais, en vertu d’un
Accord de défense qui lie le Gabon à l’ancienne puissance coloniale, les troupes françaises
interviennent pour rétablir le Président dans ses fonctions.
L’embryon de multipartisme né durant cette période demeurera en vigueur jusqu’en 1963, année de la
fissure de la coalition BDG /UDSG. Les élections législatives de 1964 remportées par le BDG
redessineront la configuration politique du pays en faveur du parti du Président Léon Mba. A la suite
du décès de ce dernier en 1967, Omar BONGO ONDIMBA, jusque-là Vice-Président, est désigné
Président de la République, en vertu d’une réforme constitutionnelle intervenue en 1966 et
introduisant cette modalité de succession en cas de vacances du pouvoir. L’arrivée du Président
Bongo au pouvoir marque un coup d’arrêt à l’expérience du multipartisme. En effet, sur les cendres du
BDG qu’il dissout en 1968, le Président Bongo crée le Parti démocratique gabonais (PDG), un parti
unique qui contingentera la vie politique nationale pendant plusieurs décennies.
La fin de la décennie 1980 marquée par la chute du cours du pétrole plonge le pays dans une crise
économique. En échos aux revendications démocratiques en Afrique francophone consécutives, en
partie, au discours du Président Français, François Mitterrand, à la Baule au début des années 1990, 7
et en réaction aux politiques d’ajustements structurels « imposés » par les bailleurs de fonds
internationaux, des manifestations et des grèves violentes secouent profondément les fondamentaux
du système Bongo entre 1987 et 1989. Ce dernier concède des négociations qui aboutissent, entre
autres, à la tenue de la Conférence nationale en mars – avril 1990. D’importantes réformes politiques
ont été préconisées par cette Conférence en particulier, la création d'un sénat, la liberté de
rassemblement, de presse et d’association qui donne naissance à quelques 75 partis et associations
politiques, ainsi que la liberté de mouvement à travers l’abolition du visa de sortie obligatoire jusque-là
en vigueur pour les citoyens gabonais. Un gouvernement transitoire mené par un nouveau Premier
ministre, Casimir Oye-Mba, est mis en place, de même qu’une assemblée constituante qui,
conjointement avec l’assemblée nationale, élabore une nouvelle constitution qui entre en vigueur en
mars 1991.
Les premières élections législatives multipartites sont organisées en septembre – octobre 1990.
Partiellement boycottées par l’opposition, et loin de remettre en cause l’hégémonie du PDG sur le
paysage politique gabonais, ces scrutins confortent l’assise nationale du parti présidentiel qui
conserve la majorité des sièges au parlement (63 sièges sur 120). Mais, les sièges occupés par
l’opposition traduisent bien un tournant démocratique en rupture avec l’ancien système. Il convient de
rappeler qu’avant ces scrutins, les députés étaient désignés conformément à la Constitution du 15
avril 1975 (article 5).
Contestée par l’opposition, la réélection du Président Omar Bongo en décembre 1993 donne lieu à de
violentes émeutes qui contraignent le pouvoir à ouvrir des négociations. Celles-ci se concluent par la
signature des Accords de Paris en novembre 1994 qui prévoient l’instauration d’un gouvernement
d’union nationale comprenant plusieurs représentants de l'opposition. Nonobstant ce dégel, les
relations entre le Pouvoir et l’Opposition restent fortement empruntes d’un manque de confiance. Le
Président O. Bongo a, toutefois, su amortir les velléités contre son système politique et se maintenir à
la tête du Gabon en remportant toutes les élections présidentielles successives jusqu’en 2005, avant
sa mort en 2009.
Après le décès du président Omar BONGO ONDIMBA (2009), s’ouvre une période de transition
politique, qui se déroule pacifiquement et conformément aux prescriptions constitutionnelles. Cette
transition politique est sanctionnée par une élection présidentielle anticipée en août 2009, à l’issue de
laquelle Ali BONGO ONDIMBA est déclaré vainqueur avec 42% des suffrages, devant Pierre
MAMBOUNDOU (26%) et André MBA OBAME (25%). Sur 807.402 électeurs inscrits, les résultats
officiels mentionnent 357.621 votants dont 17.443 bulletins nuls et 340 178 suffrages valablement
exprimés, soit un taux de participation de 44.29%. Avant la proclamation officielle des résultats, André
MBA OBAME s’était auto-désigné vainqueur de l’élection présidentielle.
La victoire contestée d’Ali Bongo donne lieu à de violents heurts dans le pays, notamment à Libreville
et à Port-Gentil. Toutefois, le nouveau président se veut rassembleur et réformateur. Dès 2010, il fait
réviser la Constitution en vue de renforcer les libertés publiques et les institutions de l’Etat de droit.
Toutefois, cette constitution ne remet pas en cause les grandes orientations de la constitution modifiée
de 2003 qui stipule : « Le Président de la République est élu pour sept (7) ans, au suffrage universel
direct. Il est rééligible. L'élection est acquise au candidat qui a obtenu le plus grand nombre de
suffrages. » (Article 9)
Le 17 décembre 2011 eurent lieu des législatives. Elles seront boycottées par l’opposition qui conteste
toujours la légitimité du nouveau Président. Ces élections sont remportées par le PDG qui obtient 114
sièges sur les 120 que compte l’Assemblée nationale.
Les élections locales (municipales et départementales) de décembre 2013 à laquelle prend part
l’opposition enregistrent une forte participation (61%) et confirme « l’hégémonie » du PDG sur le
paysage politique national (45 départements remportés sur 48). Ces élections marquent l’introduction,
pour la première fois, de la biométrie dans le système électoral gabonais.
Les décès de Pierre MAMBOUNDOU (2011) et d’André Mba OBAME (2015), leader de l’Union
Nationale (UN), affaiblissent considérablement l’opposition qui se retrouve « orpheline » de figure
emblématique et fédératrice.
8
1.3.4. Contexte préélectoral de 2016 : une rupture manifeste de confiance
La Constitution gabonaise définit les pouvoirs et les devoirs des pouvoirs législatif, exécutif et
judiciaire qui sont indépendants les uns des autres.
Le contexte de l’élection présidentiel de 2016 a été marqué par des tensions politiques, avec, en toile
de fond, la problématique de l’alternance politique au Gabon. Tirant leur source dans la victoire
contestée d’Ali Bongo Ondimba à l’élection présidentielle d’août 2009, ces tensions ont été largement
2
accentuées les révélations du journaliste français Pierre Péan remettant en cause la filiation du
Président Ali Bongo avec le Président Omar Bongo.
2
Dans son ouvrage « Nouvelles affaires africaines, mensonges et pillages au Gabon ».
3
Alexandre Barro Chambrier, ancien ministre, député du 1er siège du 4e arrondissement de la commune de Libreville, membre
du Comité permanent du Parti démocratique gabonais (PDG) a reconnu, dans le cadre des échanges du 24 janvier 2015 avec
ses militants, qu’il y a crise au Gabon et qu’il est urgent d’engager un dialogue au niveau national.
Ces mesures n’ont pas suffi à apaiser les tensions politiques, lesquelles se sont, du reste,
exacerbées, autour de la question de l’état civil du Chef de l’Etat et de revendications par l’opposition
de réformes institutionnelles tournant essentiellement autour des points suivants:
1. La transparence électorale par la « mise en place d’un fichier électoral biométrique fiable » ;
2. L’exclusion du Ministère de l’Intérieur de l’organisation, de la gestion et de la supervision du
processus électoral ;
3. La réduction de 7 à 5 ans de la durée du mandat présidentiel renouvelable une seule fois ;
4. L’instauration du mode de scrutin majoritaire à deux (2) tours pour toutes les élections, en lieu
et place d’un tour unique actuellement en vigueur ;
5. La révision de la loi 7/96 du 12 mars 1996 modifiée portant dispositions communes à toutes les
élections au Gabon ;
6. L’organisation des audiences foraines sur l’ensemble du territoire national pour assainir le
fichier d’état civil ;
7. La révision du code de la nationalité ;
8. La réforme de la Commission électorale nationale autonome et permanente (CENAP) en vue de
renforcer ses compétences en matière électorale ;
9. L’accès équitable aux médias d’Etat ;
10. La réforme de la Cour constitutionnelle ;
11. La systématisation de la révision biannuelle de la liste électorale, conformément à la loi : le
processus et la révision de cette liste a été conduit du 30 octobre au 13 novembre 2015 par le
Ministère de l’intérieur. Des commissions de révision composées de deux (2) représentants par
parti politique ont été mises en place. Cependant, certains membres de l’opposition avaient 9
conditionné leur participation à l’ouverture d’une discussion autour des points d’accord issus
des travaux de la Commission sur la biométrie tenus en 2012. Selon le Ministre, de nombreux
partis l’ont finalement saisi par écrit pour confirmer leur participation au processus.
L’opposition estime, en outre, que dans le contexte préélectoral en cours, et au regard des difficultés
structurelles de gouvernance politique et démocratique du pays, seul un « dialogue politique inclusif et
sans tabous » était de nature à permettre la construction d’un véritable consensus sur les règles de
garanties de la transparence et de la sincérité de l’élection présidentielle. Elle estimait que le refus du
camp présidentiel d’accéder à cette demande constituait une violation des acquis de la conférence
nationale de 1990 et de la conférence de Paris de 1994.
De son côté, la majorité présidentielle soulignait que la stratégie de l’opposition dans ce contexte
consistait à miser sur des voies d’actions violentes comme mode d’expression politique. Toutefois,
reconnaissait-elle, grâce à l’autorité et à l’influence des partenaires internationaux, ces velléités
avaient pu être contenues. Tout en réitérant sa disponibilité et son ouverture pour un dialogue, elle
proposait le Conseil national de la démocratie comme cadre de ce dialogue ; ce que rejetait
l’opposition.
Par ailleurs, les déchirures au sein du PDG ont contribué davantage à aggraver les tensions
politiques. En effet, sur décision n°005/PDG/CDPC/DAC du 09 mars 2016 prise, par le PDG, trois (3)
L’exclusion des trois anciens parlementaires a été suivie par la démission, le 31 mars 2016, du
Président de l'Assemblée nationale, M. Guy NZOUBA NDAMA, qui dirigeait l’institution depuis dix-
er
neuf (19) ans ainsi que de celle, intervenue le 1 avril, de neuf (9) autres députés issus du PDG.
Au demeurant, l’apparition du courant « Héritage et Modernité » sur la scène politique gabonaise a
élargi le cercle des adversaires du Président sortant.
C’est dans ce contexte de contestation de la légitimité du Président Bongo par une partie de
l’opposition et de défiance généralisée que s’est déroulée le scrutin présidentiel.
C’est dans ce climat de vives tensions, et de rupture totale de confiance entre les acteurs politiques
que le calendrier électoral annoncé le 06 juin 2016 par la Commission Électorale Nationale Autonome
et Permanente (CENAP) et entériné par le ministère de l'Intérieur. Ce calendrier présentait les étapes
suivantes:
Les acteurs politiques de toutes obédiences tout comme la société civile et les confessions religieuses
présentaient sur cette question à la fois des convergences et des divergences de vues.
Les convergences se traduisaient par la reconnaissance par les uns et les autres de l’existence d’un
besoin réel et d’une nécessité pour la classe politique gabonaise d’entreprendre un dialogue ouvert
sur les questions autour desquelles se cristallisaient les tensions politiques préélectorales.
5
Il s’agit de Messieurs Michel Menga, Alexandre Barro Chambrier et Jonathan Ignoumba.
6
Cet article dispose, en effet, qu’en « (…) en cas de démission ou d'exclusion dans les conditions statutaires d'un membre du
Parlement du parti politique auquel il appartient au moment de son élection, et si ce parti a présenté sa candidature, son siège
devient vacant à la date de sa démission ou de son exclusion. »
7
La Mission a produit un rapport circonstancié qui a été remis à la Secrétaire générale et partagé avec les partenaires
gabonais, y compris la société civile et les confessions religieuses.
- Sur le contenu : L’opposition évoquait le concept de « dialogue inclusif sans tabous » qui impliquait
qu’outre les questions relatives aux réformes institutionnelles (modification de la constitution ;
limitation du nombre de mandats présidentiels ; réforme du mode de scrutin présidentiel ; etc.),
tous les sujets puissent être abordés ;
L’opposition, mais aussi une partie de la société civile, soulignait que la configuration institutionnelle
actuelle de l’Etat gabonais n’offrait pas de garantie à la tenue d’élections libres, fiables et
transparentes. Elle indiquait que toutes les institutions électorales sont une émanation du système de
l’ancien Président, Omar BONGO ONDIMBA. Elle estimait, par conséquent, qu’il fallait revoir le mode
de désignation des membres de la Cour constitutionnelle ; les neuf (9) membres de celle-ci étant
désignés par le Président de la République, le Président de l’Assemblée nationale et celui du Sénat.
La complexité de la situation politique actuelle au Gabon se lit sous le prisme de l’imbrication des
relations personnelles et familiales entre les acteurs en jeu. La particularité de la plupart de ces
derniers est d’avoir partagé pendant longtemps un même destin politique. Celui-ci a commencé à se
fissurer à la disparition du Président Omar Bongo et à la faveur de l’accession de son fils, Ali BONGO
ONDIMBA, au pouvoir. 11
Sur la société civile en quête d’une troisième voie
La société civile gabonaise se structure autour d'une jeunesse formée et de plus en plus nombreuse.
Face à sa difficulté à imposer ses idées en raison de son peu d’influence sur le débat politique, cette
société civile demeure, toutefois, un repli de la jeunesse qui aspire à une alternance démocratique.
Elle affiche une inexpérience certaine dans la prise en charge des questions politiques, d’où son
inaptitude à proposer une troisième voie face aux acteurs politiques en place.
1.2. La Constitution
La constitution gabonaise, en son article 1, alinéa 13 stipule : « La République gabonaise reconnaît et
garantit les droits inviolables et imprescriptibles de l’homme qui lient obligatoirement les pouvoirs
publics, le droit de former des associations, des partis ou formations politiques, des syndicats, des
sociétés, des établissements d’intérêt social, ainsi que des communautés religieuses. » L’article 6
quant à lui stipule que « les partis et groupements politiques concourent à l’expression du suffrage. Ils
2. Le cadre institutionnel
Au cours de la Conférence Nationale de 1990, les acteurs politiques gabonais ont proposé la création 13
d’une véritable juridiction constitutionnelle susceptible de gérer le contentieux des élections politiques
et d'exercer un véritable contrôle de conformité. Ainsi, la Constitution gabonaise du 26 mars 1991 a
créé une juridiction constitutionnelle sous la dénomination de Cour constitutionnelle.
Elle est, de par les articles 83 et 84 de la Constitution, la plus haute juridiction de l’Etat en matière
constitutionnelle et statue en premier et dernier ressort pour toutes les affaires dont elle est
compétente. Elle juge de la constitutionnalité des lois et garantit les droits fondamentaux de la
personne humaine et les libertés publiques. Elle est l’organe régulateur du fonctionnement des
institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Depuis sa création elle gère les élections politiques.
La Cour Constitutionnelle statue sur la régularité des élections présidentielles et parlementaires et des
opérations de référendum dont elle proclame les résultats définitifs.
La Cour Constitutionnelle est composée de 09 membres :
- Trois désignés par le Président de la République dont le Président ;
- Trois par le Président du Sénat ;
- Trois par le Président de l’Assemblée Nationale.
La société civile n'y est pas représentée. Sa demande d’admission a été rejetée par l’opposition au
moment de l’examen de la nouvelle loi sur le CND, au motif que la société civile dispose déjà, à
travers sa présence au Conseil économique et social (CES), d’un cadre institutionnel d’expression
démocratique.
- l’établissement des listes électorales et la distribution des cartes d’électeurs, avec la participation
de la CENAP ;
- l’organisation et la gestion des opérations de révision des listes électorales : cette opération
débutée le 5 octobre se poursuit jusqu’au 13 novembre 2015. Le Ministre indique que ce délai
pourrait probablement être prorogé de 3 à 5 jours pour permettre la prise en compte de toutes les
personnes qui remplissent les conditions pour figurer sur le fichier électoral et qui le souhaitent. Le
processus d'enrôlement des électeurs commencera en janvier 2016 ;
- la commande du matériel électoral nécessaire à l’organisation du scrutin, en concertation avec la
CENAP ;
- la détermination des centres et bureaux de vote ;
- la transmission de la liste électorale et des tableaux d’addition, de la liste des centres et bureaux
de vote à la CENAP et à la Cour constitutionnelle, après leur établissement ;
- l’annonce des résultats électoraux à l’invitation du Président de la CENAP ;
- le contrôle du matériel électoral mis à la disposition de la CENAP ;
- la proclamation des résultats provisoires du scrutin, sur invitation de la CENAP.
Avec l’accord des autorités gabonaises, l’Union européenne a déployé une mission de long terme sur
le terrain, conduite par Mme Mariya Gabriel, Député européenne.
3.2. Par l’Union africaine et la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale
La distribution des cartes est réalisée exclusivement par le ministère de l'Intérieur. La CENAP, est
habilitée par la loi à participer à cette opération, mais n’y était pas impliquée.
La distribution des cartes s’est faite dans un centre de distribution par Commune ou Arrondissement.
Un faible taux de retrait des cartes d'électeur a été rapporté par quasiment tous les acteurs que la
délégation a eu à rencontrer, incluant des institutions nationales (ministère de l'Intérieur, CNDH), des
organisations de la société civile (ONG Brainforest, ONG Guronde Sene, AJSF), des représentations
diplomatiques (UE).
Les cartes d'électeur non distribuées ont été remises à la CENAP pour être mises à disposition de leur
titulaire respectif le jour du vote.
La personnalisation de la carte d'électeur est lisible, la photographie est d'une impression nette.
8. Le matériel électoral
Le matériel électoral a été mis à disposition de la CENAP par le Ministère de l’Intérieur. Le 10 août 19
2016, le Ministre de l’Intérieur, M. Pacôme MOUBELET BOUBEYA a remis au Président de la
9
CENAP, M. René ABOGHE ELLA, l’ensemble du matériel électoral .
La distribution des cartes d’électeur a eu lieu entre le 8 et le 25 août. Des écoles, collèges et lycées
ont été réquisitionnés pour l’opération. Hors du pays, ce sont les missions diplomatiques qui ont
assuré cette opération.
A la veille du scrutin, plus de 40% des cartes d’électeurs n’avaient pas été distribuées, selon certains
candidats et interlocuteurs rencontrés. Cependant, l’administration électorale avait pris des
dispositions pour permettre à l’électeur de pouvoir retirer sa carte d’électeur dans son centre de vote
le jour même du scrutin.
8
Ancien président de l’Assemblée rallié à l’opposition.
9
Comprenant 1700 urnes, des isoloirs, des cachets à voter, des dateurs, de l’encre indélébile, des cadenas, des câbles
rallonges, des rideaux pour isoloir, des batteries et des lampes électriques.
21
Une vue des membres de la commission spéciale chargée de l’accueil et de l’encadrement des observateurs. (Photo : Mariam Dembélé)
10
Ces quatre documents sont respectivement intitulés : 1) Ce qu’il faut savoir du rôle de la cour constitutionnelle en matière
électorale ; 2) Ce qu’il faut savoir des missions des commissaires électoraux et de la gestion des bureaux de vote ; 3) Ce qu’il
faut savoir de l’organisation des élections ; et 4) Ce qu’il faut savoir de la liste électorale.
25
26
La rencontre avec le Conseil National de la Démocratie (CND) a eu lieu le 25 août 2016, au siège de
l’institution. Son président, impliqué dans la campagne en soutien au candidat sortant, n’y avait pas
pris part.
Emanation des accords de Paris signés en novembre 1994 entre le Pouvoir et l’opposition, le Conseil
national de la démocratie (CND) est un organe consultatif permanent créé par une loi du 15 avril 1996.
Inactif durant plusieurs années, il a été réhabilité le 4 février 2015 par le Président Ali Bongo.
Le CND était initialement composé de vingt-trois (23) membres constitués des anciens Président de la
République ; des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat et de leurs prédécesseurs ; du
Premier ministre et de ses prédécesseurs ainsi que des dirigeants des partis politiques légalement
reconnus et représentés au Parlement, dans les conseils locaux. En guise d’apaisement du climat
sociopolitique, le Chef de l’Etat en a étendu la composition à toutes les formations politiques
légalement reconnues et non représentées au parlement.
La société civile n'y est pas représentée. Sa demande d’admission a été rejetée par l’opposition au
moment de l’examen de la nouvelle loi sur le CND, au motif que la société civile dispose déjà, à
travers sa présence au Conseil économique et social (CES), d’un cadre institutionnel d’expression
démocratique.
Il ressort des échanges que l’institution n’a pas actuellement de rôle clair et compris des citoyens.
Toutefois, en dépit de compétences électorales précises prévues par la loi, à le CND s’est fortement
impliqué dans le processus électoral à travers notamment la rédaction d’un code de bonne conduite à
l’intention des partis politiques et des candidats.
Retenu par la loi électorale comme l’une des institutions destinataires d’une copie des procès-verbaux
des bureaux de vote, le CND avait prévu de déployer des observateurs sur le terrain. Toutefois, la
Mission n’a pu vérifier l’effectivité de ce déploiement.
1.6.2. « Association jeunesse sans frontière » (AJSF) et « Guronde Sene » (s’aimer les uns les
autres)
Les porte-parole de ces ONG ont remercié la Francophonie pour son accompagnement et la
confiance accordée à l’action de la société civile gabonaise dans le cadre du processus électoral.
Elles ont salué l’appui dont elles ont bénéficié de la part de l’OIF et qui leur a permis de développer
deux projets de sensibilisation et d’observation de l’élection présidentielle.
AJSF a déployé 300 observateurs sur le terrain le jour du scrutin. Les observateurs se sont rendus
dans toutes les capitales provinciales. Gurondo Sene a, quant à elle, mobilisé 54 observateurs
déployés dans les bureaux de vote, principalement dans les grandes localités urbaines (Libreville,
Franceville, Port-Gentil et Mouila).
Concernant l’accès aux médias
Les deux associations ont noté l’effort fourni par le CNC pour permettre à toutes les tendances
d’accéder aux médias publics. Néanmoins, relèvent-elles, les chaînes privées n’étaient pas
contrôlables, d’autant que certains promoteurs étaient également des acteurs politiques, du camp
présidentiel comme de l’opposition.
A propos de la campagne
Les deux organisations ont mis en exergue le respect de la liberté d’aller et venir des acteurs
politiques de tous bords pendant la campagne électorale.
Concernant les libertés fondamentales
Les associations ont fait observer la crispation de la situation politique et relever quelques
irrégularités, notamment l’arrestation et la détention de l’activiste de la société civile, le Professeur
Yama, lors d’une réunion le jour du dépôt de candidature du Président de la République à la CENAP.
Cette arrestation avait occasionné des manifestations violentes.
Une certaine affluence a été notée dès les premières heures du scrutin et celle-ci n’a pas faibli durant
toute la journée. Mais l’ajout au dernier moment par la Cour constitutionnelle de pièces d’identité
permettant de voter a entrainé des dysfonctionnements administratifs.
Les bureaux ont fonctionné normalement. La mission a néanmoins constaté que, dans la plupart des
cas, les agents ne vérifiaient pas, au préalable, la présence de l’encre indélébile sur les doigts des
électeurs. Le matériel électoral était de bonne qualité et en quantité suffisante. Les urnes étaient
partout transparentes, mais pas toujours scellées. Les agents électoraux ne maîtrisaient pas tout le
processus de vote de façon satisfaisante. Dans les bureaux de vote visités, les candidats Ali Bongo et
Jean Ping étaient régulièrement représentés par leurs délégués tandis que les candidats Ndong Sima 31
et Bruno Ben Moubamba ne l’étaient que dans quelques autres. Le reste des candidats n’étaient pas
représentés. La présence des contrôleurs de la CENAP a toujours été notée.
Le taux de participation à l’échelle nationale a été établi à 59,46%, soit 373.310 votants sur 627 805
inscrits. Le candidat Ali Bongo a été déclaré élu avec 5.594 voix d'avance sur son principal adversaire,
M. Jean Ping.
Déjà dès lundi 29 août, une bataille des chiffres avaient conduit chacun des deux candidats à
revendiquer la victoire.
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Manifestation à Libreville le 31 août 2016 après la proclamation des résultats. (Crédit AFP)
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Déclaration relevée à l’adresse URL suivante : https://gaboninfoslive.wordpress.com/2016/08/28/politique-election-
presidentielle-de-2016-declaration-dalain-claude-bilie-by-nze-porte-parole-du-candidat-du-pdg/ (disponible en septembre
2016)
Tout au long de la crise postélectorale qui a suivi l’annonce des résultats, la Francophonie, en lien
avec ses partenaires internationaux, a poursuivi ses initiatives en vue d’apaiser les tensions. La
Secrétaire générale et l’Administrateur de l’OIF ont maintenu des contacts avec les autorités
gabonaises, ainsi qu’avec celles de la sous-région dans une optique de recherche concertée d’un
dénouement par des voies pacifiques. L’Envoyé spécial de la Secrétaire générale, M. Ould
Abdallah, est immédiatement retourné à Libreville où il a séjourné du 06 au 16 septembre 2016 pour
adjoindre ses efforts à ceux des partenaires bilatéraux et multilatéraux œuvrant sur place à concilier
les deux camps en conflit. Il a pu rencontrer à nouveaux les protagonistes gabonais, ainsi qu’avec les
représentants des partenaires multilatéraux, en l’occurrence des Nations unies, de l’Union africaine et
de l’Union européenne.
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23) Apporter un appui technique à l’amélioration des instruments techniques des élections au
Gabon (listes électorales, cartes d’électeurs, gestion des résultats ;
24) Mobiliser une expertise technique chargée d’accompagner, en amont, le Gabon dans la
préparation des prochaines échéances électorales, notamment en vue d’améliorer le cadre
légal et normatif des élections ;
25) Organiser des séminaires d’appropriation des textes par les acteurs du processus électoral ;
26) Promouvoir un audit du fichier électoral et la validation du système informatique de transfert et
de centralisation des résultats.
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1. S.E.M. Ahmedou OULD ABDALLAH, ancien Ministre mauritanien des affaires étrangères et
de la coopération;
2. M. Dominique DELPUECH, Directeur-adjoint des Affaires politiques et de la Gouvernance
démocratique (OIF) ;
3. M. Christophe André FRASSA, Sénateur, membre du bureau de l’Assemblée parlementaire
de la Francophonie (APF) ;
4. Mme Alima Deborah TRAORÉ, Médiatrice de la République du Burkina Faso ;
5. M. Mamadou DIAMOUTANI, Président de la Commission électorale nationale indépendante
(CENI) du Mali ;
6. Me Yves Herinirina Raoel RAKOTOMANANA, Président de la CENI de Madagascar ;
7. M. Raymond Ebénézer EPOTÉ, Expert électoral (Cameroun) ;
8. M. Alassane M. NDIAYE, Spécialiste de programme (OIF) ;
9. Mme Mariam DEMBÉLÉ, Experte électorale (France), rapporteure générale de la Mission ;
10. M. Richard GUERET-GBAGBA, membre de l’Autorité nationale des élections (République
Centrafricaine) ;
11. M. Samba KONÉ, Expert média (Côte d’Ivoire) ;
12. M. Sylvain LUMU MBAYA, Secrétaire technique adjoint de la Commission nationale des
droits de l’Homme (République Démocratique du Congo) ;
13. Mme Sokhna MBAYE, Experte électorale (Sénégal) ;
14. M. Inoussa OUÉDRAOGO, Expert fichier électoral (Burkina Faso) ;
15. Mme Yatta SALL, Experte électorale (France) ;
16. M. Gilles OLAKOUNLÉ YABI, Consultant, Analyste politique (Bénin).
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Déclaration à la presse
SG/JT/16
J’appelle instamment tous les acteurs à rejeter la violence, à faire preuve de responsabilité et à
privilégier, en toutes circonstances, les voies du dialogue.
Les électeurs gabonais se sont massivement mobilisés pour accomplir leur devoir de citoyen, en
présence de représentants de la Communauté internationale, dont l’Organisation internationale de la
Francophonie.
Il est urgent de tout mettre en œuvre pour préserver l’intégrité du vote du peuple gabonais, et à ce
titre, de n’écarter aucune des voies qui permettraient de répondre à l’exigence de transparence afin
de rétablir la confiance dans le processus électoral et de sortir de la crise actuelle.
La Francophonie réaffirme sa détermination à soutenir les actions menées en faveur de la paix et de
la stabilité au Gabon, en étroite collaboration avec ses partenaires. »