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Enfant Atypique

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Alexandra Reynaud

L’enfant

Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger…


faire de sa différence une force

collection
PARENTS AU TOP
L’enfant

Hypersensible, haut potentiel, Dys, Asperger…


Votre enfant est atypique.
Il a des difficultés à trouver sa place à l’école, dans la fratrie, ou bien à se socialiser
et à intégrer un groupe de son âge ? Alors qu’il est perçu comme « trop » sérieux,
« trop » intelligent, « trop » différent, comment l’aider à développer ses qualités et
une saine estime de lui-même ?
Alexandra Reynaud éclaire les parents d’enfants atypiques, et les guide dans une
approche éducative résolument bienveillante. Au-delà de la question du diagnostic, cette
maman d’un atypique « de compète » nous donne les clés pour qu’ils s’épanouissent
à la maison, à l’école, et tout au long de leurs apprentissages. Ce livre propose :
• Des outils pour aider les atypiques à développer leur estime de soi, à se faire
des amis…
• Des réponses aux questions de parents
• Des exercices et activités pour gérer les émotions, les conflits à l’école,
les apprentissages…
• Des témoignages d’enfants atypiques et de leurs parents
• Des pages détachables pour poursuivre les activités
L’enfant atypique
Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger…
faire de sa différence une force
À Elijah, mon atypique de compétition grâce à qui tout est arrivé.

Groupe Eyrolles
61, boulevard Saint-Germain
75240 Paris Cedex 05
www.editions-eyrolles.com

Avec la collaboration d'Anne Bazaugour


Illustrations originales Leslie Plée : Couverture et personnage du père dubitatif
Illustrations originales de Flora Czternasty [Pomkipik.com]
Mise en pages et maquette : Flora Czternasty [Pomkipik.com]

En application de la loi du 11 mars 1957, il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement


le présent ouvrage, sur quelque support que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du Centre
français d’exploitation du droit de copie, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris.

© Groupe Eyrolles, 2018


ISBN : 978-2-212-56916-2
Alexandra Reynaud

L’enfant atypique
Hyperactif, haut potentiel, Dys, Asperger…
faire de sa différence une force
Sommaire
Introduction................................................................................................................. 7

1. La normalité, c’est surfait

Tant de manières d’être atypique.......................................................................... 10


La norme est une construction............................................................................... 16
Parents d’un atypique.............................................................................................. 20
Des parents souvent démunis................................................................................ 24

2. L’enfant atypique à l’école

Ne pas aller au rythme des autres......................................................................... 30


Quand l’autorité est contestée............................................................................... 35
Difficultés spécifiques.............................................................................................. 40
Créativité et pensée divergente.............................................................................. 47
Des profils d’atypiques panachés........................................................................... 52
Les pièges dans le cadre scolaire.................................................................................... 58

3. L’atypie en famille

Les sorties.................................................................................................................. 66
Les relations dans la fratrie..................................................................................... 73
Les sens en émoi....................................................................................................... 79
Ça coince à la maison............................................................................................... 86
Les devoirs à la maison............................................................................................ 90
Les relations intrafamiliales.................................................................................... 95
© Groupe Eyrolles

4
4. Les relations des enfants atypiques

Un sentiment de solitude pesant......................................................................... 102


Des difficultés à se mettre au niveau des autres............................................... 109
Des goûts et des intérêts hors norme................................................................. 114
Des difficultés à communiquer............................................................................. 119
L’atypique, un asocial ? ......................................................................................... 123
Des habiletés sociales perfectibles....................................................................... 130

5. Être atypique et le rester, tout en vivant heureux

Dompter le sentiment d’étrangeté...................................................................... 138


Être une fille atypique............................................................................................ 143
Mettre à profit les qualités des atypiques........................................................... 149
Ne pas se croire inapte au bonheur..................................................................... 154

Conclusion............................................................................................................... 160
Table des outils pratiques...................................................................................... 161
Table des activités................................................................................................... 162
Ressources............................................................................................................... 163
Fiches détachables................................................................................................. 165
© Groupe Eyrolles

5
Introduction

C
haque enfant est unique, chacun a bien évidemment sa personnalité, son histoire et
ses spécificités. Il est cependant des enfants qui ne sont objectivement pas comme
les autres. Ils sont nés ainsi, ils n’ont pas demandé à être différents ni à présenter ce
profil particulier. Leurs familles n’en portent pas non plus la responsabilité et elles sont
la plupart du temps soucieuses de les aider.

Le comportement, les réactions, le fonctionnement de ces enfants exceptionnels


déroutent et interrogent leur entourage. Cet atypisme peut également les faire souffrir
s’il n’est pas compris, accepté et convenablement accompagné durant l’enfance et
l’adolescence.

L’objectif de ce livre est d’éclairer les parents ayant un ou des enfants hors norme, et de
les guider dans une approche résolument bienveillante en répondant à leurs questions.
Je vous propose un dialogue d’égal à égal, entre parents, et une dynamique tournée
vers une éducation positive, dans le respect de l’enfant en tant qu’individu singulier.

Oublions les querelles de mots, abandonnons le jargon psy, laissons de côté les critères
diagnostiques froids et aseptisés. Détachons-nous l’espace d’un instant des petites
cases et des étiquettes réductrices pour redonner à l’humain toute sa dimension.

Dans ces pages, il ne sera pas question de prises en charge, de thérapies ou de bilans,
pas plus que de culpabilisation ou de moralisation du caregiver1.

Nous allons nous concentrer sur l’essentiel, en apportant une considération holistique
de l’enfant, une attention globale qui ne se heurte à aucune définition fermée.

Nous nous laisserons guider par une aspiration : transformer ce qui peut s’apparenter à
des défauts en qualités, y voir des singularités positives.

Ayez confiance en votre pouvoir d’écoute et d’accompagnement.

« Le mot progrès n’aura aucun sens tant qu’il y aura


des enfants malheureux. » (Albert Einstein)
© Groupe Eyrolles

1 Celui ou celle qui va prendre soin de l’enfant et lui permettre de grandir, en confiance.

7
Dans la lune

Geek
Bizarre

1
La normalité,
c’est surfait

Hyperactif
Précoce

Électron lib
re

Dys
© Groupe Eyrolles

Aspie

Zèbre Original
TANT DE MANIÈRES
D’ÊTRE ATYPIQUE
On a beau être tous singuliers, il existe une définition du normal. Ce terme désigne ce qui
se voit, ce qui se fait dans la majorité des cas. La plupart des enfants sont normaux : leur
développement correspond à ce que l’on peut trouver dans les ouvrages pédiatriques,
en termes de croissance ou d’acquisitions. En parallèle, certains enfants s’éloignent
de ces moyennes, dans un ou plusieurs domaines. On les taxe d’intellos, d’asociaux,
de geeks, d’anormaux, de zèbres, de bizarres, d’électrons libres, d’hypersensibles,
de fous. On les dit rêveurs, dans la lune, inattentifs, câblés différemment, originaux,
secoués, artistes ou bien réfractaires à l’autorité. Cependant tous ont un point commun :
ce sont eux les atypiques2 !

« Atypique », OK… mais


qui sont ces enfants ? Des enfants diff rents
Et surtout, sont-ils tous
les mêmes, tout droit
Il y a mille manières d’être atypique ! Chaque individu
sortis d’un même moule ?
est unique et ne ressemblera jamais à aucun autre.
Il est donc vain de chercher à comparer les enfants
entre eux, chacun ayant naturellement des forces
et des faiblesses. Chacun manifeste sa propre façon
de grandir, chacun fait état de besoins spécifiques,
chacun connaît un rythme d’évolution sans pareil.

Pourtant on le ressent instinctivement lorsqu’un


enfant sort de la norme. Il étonne, il surprend, il
exaspère ou il met mal à l’aise, car on ne sait pas quelle
attitude adopter face à lui. Une chose est certaine : il
ne laisse jamais personne indifférent.
© Groupe Eyrolles

2 « Atypique » par opposition aux « neurotypiques » terme crée à l’origine par des autistes pour
désigner la population de personnes non-autistes, il a été récupéré par d’autres communautés. Il
renvoie aujourd’hui plus généreusement aux personnes ne présentant aucune des particularités
qui définissent les atypiques (pas de TDA/H, pas de Dys, pas de haut potentiel ni d’autisme).

10
Identifiés, diagnostiqués…
ou non estampillés
Ces enfants sont quelquefois étiquetés intellectuellement précoces, hyperactifs,
autistes dits de haut niveau ou aspies, présentant des troubles des apprentissages
(les célèbres Dys) ou un peu de tout ça à la fois. Certains ne sont tout bonnement pas
labellisés : il est des parents qui refusent que leur enfant subisse des séances chez le psy
et des batteries de tests. Dans d’autres cas, les familles sont financièrement limitées. Ou
encore, il s’agit d’enfants qui se retrouvent dans certains comportements sans en cocher
toutes les cases. Le chemin vers certains diagnostics peut s’avérer tortueux, et dans les
faits s’étaler sur des années avant que toutes les réponses espérées ne tombent.

Petit lexique
Le TDA/H (pour trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité). Il est souvent
confusément réduit à la notion d’hyperactivité, alors qu’il recouvre des symptômes bien
plus étendus en termes d’inattention, d’impulsivité et/ou d’hyperactivité.

Le surdouement (aussi appelé précocité intellectuelle, haut potentiel ou encore


douance). Il témoigne d’un fonctionnement cognitif performant.

Les Dys regroupent les troubles des apprentissages qui se déclinent sous six formes :

●●  Dyslexie, trouble du langage écrit touchant les activités de lecture, mais aussi de
l’acquisition du langage écrit ;
●●  Dysorthographie, trouble de l’acquisition du langage écrit qui se manifeste
par une altération de la production d’écrits et de grandes difficultés en termes
d’apprentissage de l’orthographe ;
●●  Dysgraphie, trouble de l’écriture qui se traduit par des lettres mal formées et des
espaces non respectés, ainsi que par de grandes difficultés dans l’acquisition de la
syntaxe des phrases ;
© Groupe Eyrolles

●●  Dysphasie, trouble du développement du langage oral pouvant toucher les


aspects réceptifs et/ou expressifs ;

11
●●  Dyspraxie (aussi appelée TAC, pour trouble de l’acquisition de la coordination),
trouble du développement moteur et/ou des fonctions visuo-spatiales se manifestant
par une grande maladresse dans toutes les activités, y compris les plus banales ;
●●  Dyscalculie, trouble des activités numériques qui se manifeste par de grandes
difficultés dans tout ce qui a trait à la manipulation des chiffres et des nombres.
L’autisme Asperger (aussi appelé Asperger, ou syndrome d’Asperger) est une forme
autistique qui s’accompagne toujours d’une double condition :

●●  aucun retard de parole : les aspies se construisent véritablement avec la parole,
qu’ils maîtrisent particulièrement bien ;
●●  aucun retard mental : jamais un autiste Asperger ne présente de déficience
intellectuelle. Son quotient intellectuel (le QI) peut aller de la norme basse (70), au
maximum du très haut potentiel (160).

QUELQUES CHIFFRES

On parle de prévalences d’environ 10 


% des enfants entrant dans les critères
diagnostiques de la dyslexie, de 7 % pour le TDA/H, de 5 % pour la dyspraxie, de 2 %
pour le surdouement et de 1 % pour l’ensemble des TSA. Avec des profils aux frontières
poreuses et aux multiples facettes, ces spécificités peuvent se cumuler les unes aux
autres.

Un enfant n’est jamais un code-barres.

Toujours est-il que ces enfants ne sont pas dans les clous. Ils ont tous une manière d’être
au monde radicalement décalée, et souffrent lorsqu’on tente de les normaliser. Cela
arrive classiquement à l’école, le système français étant adapté au plus grand nombre
et peu ouvert à ceux qui s’en éloignent un peu trop.
© Groupe Eyrolles

La vie de ces enfants câblés différemment peut devenir un vrai cauchemar. Quel drame
de gâcher ainsi les merveilles qu’ils ont à offrir, en les reléguant au rang d’inadaptés !

12
QUIZ
MON ENFANT EST-IL ATYPIQUE ?
Sans être nécessairement identifié surdoué, TDA/H,
quelque part sur le spectre de l’autisme ou avec Dys,
votre enfant vous semble différent. Voici un question-
naire d’identification comptant 25 items simples
auxquels vous répondrez par cette cotation, selon le
degré de cohérence avec ce que vous percevez :

Absolument pas Pas vraiment Plutôt d’accord C’est tout à fait ça

1 2 3 4

1 8 15 22

2 9 16 23

3 10 17 24

4 11 18 25

RÉSULTATS
5 12 19

6 13 20
© Groupe Eyrolles

7 14 21
1. Dès qu’il a commencé à parler, mon enfant l’a fait avec une syntaxe impeccable et un
vocabulaire très riche, sans passer par le « parler bébé ».

2. Il a une sensibilité à fleur de peau. Très émotif, il est au bord des larmes à la moindre
émotion, la vivant frontalement, sans filtre.

3. Il s’interroge depuis qu’il a 3 ou 4 ans sur le sens de la vie, l’univers, la mort et autres
questions existentielles.

4. Il est en perpétuelle ébullition intellectuelle, il a besoin de comprendre le pourquoi


des choses et va toujours plus loin dans ses questionnements.

5. Il aime rester avec les adultes et prend part à toutes les conversations, même lorsqu’il
n’y est pas convié.

6. Il a des passions, des centres d’intérêts peu conventionnels pour son âge, qui sont
très poussés (voire obsessionnels), jusqu’à en être un spécialiste.

7. Il est maladroit dans sa gestuelle, fait tomber les choses, renverse les verres et se
cogne dans les meubles, n’arrive pas à faire ses lacets.

8. Il a appris à lire seul ou presque, avant l’entrée au CP, et adore les livres.

9. Il a depuis tout petit un sens de l’humour particulier, que ses pairs ne comprennent
pas. Il est sensible à l’humour noir, aux jeux de mots, à l’ironie.

10. Il ne tolère pas certaines matières qui piquent ou qui grattent, il fait la chasse
aux étiquettes et aux coutures. Il a une ouïe de chauve-souris, mais il peut aussi être
hypersensible ou a contrario hyposensible aux stimuli sensoriels tels que la lumière vive,
les odeurs, les goûts, le toucher.

11. Il s’est rapidement ennuyé à l’école, alors qu’il était enthousiaste à l’idée d’y entrer
au départ (peu importe de quelle manière s’exprime cet ennui). Il peut aussi être
incapable de faire un choix, y compris pour son orientation.

12. Il est extrêmement sensible à l’injustice, même dans les situations qui ne le touchent
pas directement, et ne peut pas laisser faire en silence.

13. Il va plus volontiers vers UN ami que des amis. Il est peu à son aise au milieu d’un
groupe ou d’un trio.
© Groupe Eyrolles

14. Il aime tout ce qui touche aux savoirs, comme les encyclopédies, les tutoriels mais est
plutôt du genre autodidacte et préfère travailler seul, apprendre par lui-même.
15. Il a tendance à se réfugier et s’enfermer durant des heures dans des jeux vidéo, des
univers fantastiques et virtuels.

16. Il peine à écrire proprement et à un rythme soutenu, ses cahiers sont mal tenus.

17. Il éprouve beaucoup de mal à s’endormir et se plaint d’avoir une machine à penser
dans la tête qui ne s’arrête jamais.

18. Il ne possède pas les codes sociaux dont on a besoin pour vivre en communauté, il
faut lui expliquer les situations sociales une par une pour qu’il sache y faire face.

19. Il est ultra perfectionniste et peut aller jusqu’à refuser de faire quelque chose s’il ne
croit pas être en mesure de réussir ou s’il ne se sent pas à la hauteur.

20. Il remue continuellement, ne tient pas en place, n’arrive pas à se taire lorsqu’on le lui
demande, que ce soit en famille ou à l’école.

21. Il peut sembler arrogant ou malpoli dans ses remarques, dans son attitude, en
soulignant par exemple les erreurs commises par les autres, y compris les enseignants.

22. Il nourrit une anxiété, une inquiétude, un sentiment d’insécurité découlant de ses
questionnements métaphysiques.

23. Il est étonnamment performant sans effort dans certaines sphères (généralement
complexes), et tout aussi étonnamment mauvais dans d’autres (pourtant plus basiques).

24. Il somatise, en particulier les matins où il a cours (maux de ventre intenses, nausées,
eczéma uniquement en période scolaire).

25. Il se sent profondément différent, sans pouvoir l’expliquer. Il a le sentiment d’être un


extraterrestre perdu sur Terre, allant parfois jusqu’à se penser fou.

RÉSULTATS

Entre 25 et 50 points, votre enfant semble avoir un profil tout à fait dans la norme.

Au delà de 50 points, il présente un ensemble de signes qui laissent penser qu’il fait
bien partie de la population des atypiques.

Entre 75 et 100 points, wow, il crève le plafond ! Vous tenez un atypique de compétition.
© Groupe Eyrolles
LA NORME EST UNE
CONSTRUCTION
On utilise tous dans le langage courant le concept de normalité. « Suis-je normal ? »,
« Est-ce anormal de ressentir cela ? ». Ce type de questionnements tenaille nos esprits.

J’ai toujours peur que


ma famille sorte du rang
La norme ?
et soit regardée comme
« anormale ». Quelle norme ?
Tout d’abord, il n’y a pas lieu de culpabiliser à
propos d’un besoin humain naturel : se situer par
comparaison, en se référant à un point d’ancrage
solidement attaché.

Mais il ne faut surtout pas perdre de vue que ce qui


compose notre norme, notre point de référence, à
nous, n’est qu’une série d’informations relatives et
partielles. L’erreur habituellement commise consiste à
considérer cette norme comme absolue, alors qu’elle
fluctue selon notre parti pris, notre histoire, notre
parcours, notre éducation, notre milieu ou encore
notre époque. La norme n’est jamais consensuelle,
elle est fonction d’une attente.

Ce que l’on désigne comme la norme n’a en réalité aucune existence en soi : elle est une
construction humaine. Je propose de la diviser en trois versants.
© Groupe Eyrolles

16
Une construction statistique
Elle est hors de portée de tout jugement de valeur et d’idées reçues, elle n’est qu’un
simple constat. Objectivement définie par rapport à une fréquence de représentation,
cette approche ne s’attarde que sur la valeur moyenne dans une population donnée. Ce
qui va être considéré comme normal (au sens premier du terme, à savoir dans la norme)
se retrouvera tout simplement chez une très grande majorité des sujets observés (soit
à peu près 95 %). Tout ce qui va s’éloigner de manière significative de ce plus grand
nombre3, au-dessus ou en dessous, sera en dehors de la norme au sens statistique.
C’est à partir de ces données que l’on arrive à généraliser et à objectiver pour définir ce
qui est le plus fréquent et à l’inverse, le plus rare.

Une construction collective


et sociale
On trouve dans cette dimension nettement plus de subjectivité, puisqu’il est question
ici du regard porté par un ensemble (cela peut être par exemple une communauté,
un quartier, une institution, un établissement scolaire, un média, etc.) sur un individu
en particulier. Ce qui entrera dans la norme, telle que définie par cet ensemble, sera
purement arbitraire et fonction de critères plus ou moins justes.

Il s’agit de critères retenus par la majorité numérique, celle ayant le pouvoir déterminant
de décider si les sujets sur lesquels elle se penche appartiennent ou non à cette norme.
Les paramètres sociétaux, religieux, historiques, culturels évoluent constamment et
viennent façonner cette idée de conformité à la norme.
© Groupe Eyrolles

3 En règle générale, on considère que deux écarts-types constituent une différence significative
par rapport à la moyenne.

17
Une construction familiale
Tout en arborant une trame aussi arbitraire que la norme sociale, elle ne doit pas être
confondue avec cette dernière. Il y a dans cette dimension familiale une part idéologique
très importante qui implique celui qui est estimé, mais aussi ses proches par ricochet,
qui seront tenus comme responsables du résultat. Elle est à la fois fonction de valeurs –
propres à la famille – et d’ambitions nourries pour les enfants qu’elle voit naître en son
sein. Elle se définit par ce qu’il faut faire (ou pas), penser ou laisser transparaître dans
une situation donnée, en prenant en compte une notion de respectabilité vis-à-vis des
personnes extérieures à la cellule familiale.

Ces trois types de normes s’entrelacent inévitablement et s’appuient l’une sur l’autre
au quotidien, lorsque nous évaluons une personne ou une situation par rapport à un
ensemble de valeurs repères. Le normal nous aide à désigner un état habituel ou une
situation aussi régulière que banale. Cet état, en fin de compte, n’a rien d’extraordinaire
parce qu’il nous apparaît être connu et vécu de tous. Tout ce que n’est pas l’atypisme !

Sans verser dans l’anormalité, qui laisse planer l’ombre du pathologique (pour ne pas
dire du dangereux), les atypiques n’ont clairement pas leur place dans ce qui borne la
norme, et empruntent des sentiers plus confidentiels. Pourtant ils existent et n’ont pas
à être mis au ban de la société.

Le point de vue de…


Iris, maman de Pierre, 9 ans

Un soir, la maîtresse de Pierre a voulu me rencontrer pour me suggérer de le faire tester


par un psychologue. Je ne comprenais pas pourquoi, puisqu’il allait bien. Elle l’avait surpris
en train de lire, alors qu’il était encore en maternelle, et cela lui avait indiqué qu’il était
probablement surdoué. Mais moi, ça me semblait normal ! Il avait toujours aimé les livres, et
© Groupe Eyrolles

puis, il faut dire que nous en avons beaucoup à la maison. Sans compter que moi aussi j’avais
appris à lire avant d’entrer au CP, sans que jamais mes parents trouvent ça bizarre. Il m’a
fallu un électrochoc pour comprendre.

18
EXERCICE
QUEL TYPE DE NORME ?
Identifiez ce qui, selon vous, relève de la norme
statistique, de la norme collective ou de la norme
familiale parmi les exemples suivants.

A. Un enfant de 2 ans mesurant 80 cm sera qualifié de normal, quand un autre du


même âge, mesurant 95 cm, sera anormalement grand.
□ Statistique □ Collective □ Familiale
B. Un enfant posant une avalanche de questions sera perçu comme normal et
encouragé à persister dans cette curiosité, quand ce même comportement pourra
être reçu comme inconvenant ailleurs.
□ Statistique □ Collective □ Familiale
C. Une personne présentant un QI de 105 points sera dans la norme. Une autre,
avec un QI estimé à 65, sera exclue de cette norme.
□ Statistique □ Collective □ Familiale
D. Un enfant scolarisé depuis ses 3 ans sera considéré comme normal, quand un
autre n’ayant jamais mis les pieds de sa vie dans une salle de classe sera vu comme
marginal.
□ Statistique □ Collective □ Familiale
E. De nos jours, un enfant né dans une fratrie de deux est considéré comme une
situation ordinaire, contrairement à une fratrie de huit.
□ Statistique □ Collective □ Familiale
F. Un adolescent affichant des préférences homosexuelles sera accepté sans
sourciller là où, à situation égale, un autre ado sera rejeté.
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□ Statistique □ Collective □ Familiale

RÉPONSES :

A. statistique ; B. familiale ; C. statistique ; D. collective ; E. collective : F. familiale.


PARENTS D’UN ATYPIQUE
Jamais l’injonction d’être des « parents qui déchirent » n’a été aussi forte. C’est sans doute
ce qui rend la parentalité si compliquée de nos jours : il faut trouver un juste équilibre.
Arriver à satisfaire ces impératifs, ressemblant à s’y méprendre à des combinaisons
improbables, est un tour de force. Il faudrait être présent mais pas trop pour ne pas
passer pour un parent-hélicoptère4, être cool sans risquer de jouer au parent-copain,
encourager sans pousser, représenter l’autorité sans castrer, respecter la personnalité
de l’enfant sans tout excuser, protéger sans étouffer.

Le tout, bien entendu, en étant épanoui, en vivant un rêve au travail et en ayant une
conscience écolo-responsable à toute épreuve.

Je suis super crevée. C’est comme être crevée


tout court mais avec une cape et un collant rose.
(Mathou)

Soyons réalistes et remisons au placard ces oripeaux de supers parents. Il n’est ici
surtout pas question d’essayer d’être des parents parfaits, mais de tâcher d’accueillir,
d’écouter et de comprendre l’enfant, dans la bienveillance et sans se flageller.

© Groupe Eyrolles

4 Aussi appelé parent-drone : désigne un parent qui plane au-dessus de son enfant pour veiller en
toutes circonstances, mais aussi un parent qui vole à son secours dès qu’un problème se présente.

20
Je me demande s’il n’est
pas mieux de lui cacher On a le droit
de se tromper
qu’il est différent ? À force
de lui montrer qu’il est
normal, il le deviendra
peut-être ?
Tout le monde commet des erreurs, même les parents
les mieux intentionnés. Être humain implique d’être
faillible. On ne naît pas parent, on le devient ; et si
éduquer un enfant n’est jamais simple, éduquer un
enfant atypique l’est encore moins !

Il arrive que l’on croie bien faire et que cela se révèle in


fine être contre-productif. Nier ou minimiser la nature
atypique d’un enfant fait partie de ces situations où il
est malaisé de savoir de quel côté de la route se tenir.
On sait que ce qui différencie peut aussi exclure. Tout parent tremble ainsi devant le
simple fait d’imaginer son enfant repoussé, écarté. On peut dès lors être sincèrement
tenté de croire que l’enfant sera plus heureux s’il est considéré comme un parmi d’autres.
Mais cela n’aide pas de faire semblant d’être comme tout le monde, en travestissant ce
que l’on est, sans pouvoir être soi. Il ne s’agit que d’une duperie qui ne trompe pas notre
ressenti intérieur profond.

Sans automatiquement être dans la négation, bien des parents n’ont pas su identifier
les particularités de leur enfant dans ses jeunes années. Ils n’arrivent pas à mettre
de mots ou ne le font que tardivement. Dès lors ils ne voient plus que ça, et ont le
sentiment d’avoir contribué au malheur de leur tête blonde par ce retard à l’allumage.
C’est pourtant humain. Pour preuve, cela concerne même les plus connaisseurs : en
septembre 2017, le quotidien The Guardian consacrait un article à un père ayant mis
plus de trente ans à comprendre que son fils, Will, était autiste Asperger. Ce père était
pourtant Tony Attwood, l’un des plus grands spécialistes de cette forme autistique.
© Groupe Eyrolles

21
Les pré-requis pour identifier une atypie
Pour être capable d’identifier une forme d’atypie, il faut deux
éléments conjugués :

●● connaître les signes caractéristiques et suffisamment


parlants qui peuvent alerter ;
●● être capable de prendre le recul indispensable pour déceler ces indices sur son
enfant.

Parfois, en dépit de signaux gros comme le nez au milieu de la figure, l’illumination


ne vient pas.

La pomme ne tombe jamais loin


de l’arbre
Pourquoi certains parents ne disposent-ils pas de la bonne grille de lecture, qui leur
aurait permis de rassembler les différents symptômes (ou a minima, les plus éclatants)
et de comprendre immédiatement ? La raison la plus fréquente est aussi la plus
surprenante pour ces parents qui se découvrent sous un nouveau jour : eux-mêmes ne
sont pas comme tout le monde. Derrière un enfant hors norme, d’autres membres de
la famille présentent souvent les mêmes particularités. À noter que cela peut tout à fait
sauter une génération et s’observer de manière transversale.

Les dangers du déni


La négation de l’atypisme d’un enfant, que ce soit par déni, par volonté de le considérer
comme normal ou encore par pure méconnaissance, présente un risque accru. Il faut se
connaître pour pouvoir avancer dans la vie. C’est pourquoi ignorer ses particularités peut
conduire l’enfant à ne pas pouvoir se faire une image juste de lui-même en grandissant.
© Groupe Eyrolles

À l’inverse, mieux comprendre et reconnaître l’atypique qui est dans votre enfant
contribuera à le prémunir des dangers qui peuvent planer sur lui, dans un monde qui
n’est pas fait à sa mesure.

22
Le point de vue de…
Estelle, 29 ans

J’ai toujours senti que j’étais différente. Je n’avais pas encore 4 ans et je me voyais déjà à côté
des autres, comme séparée par une cloison de verre, incapable de partager leurs intérêts, de
comprendre leurs rires. C’était une certitude, un fait établi qui ne faisait aucun doute pour
moi. Mes parents, eux, voulaient à tout prix se convaincre que le fossé qui me séparait des
autres finirait par se combler, qu’ils me rattraperaient en quelque sorte. Qu’un beau jour
je serais devenue une adulte normale et que tout rentrerait dans l’ordre. Si je n’avais pas
été bercée par cette fausse croyance, je pense que je me serais épargnée nombre de crises
identitaires.

Lorsque l’atypie n’est pas reconnue les conséquences de cette négation peuvent être :

●●  l’apparition d’épisodes dépressifs, pouvant aller jusqu’à des idées suicidaires ;
●●  la construction d’un faux-self5 dont il sera difficile de s’extirper ;
●●  l’apparition d’une inhibition intellectuelle pour se brider ;
●●  la manifestation d’une anxiété grandissante, de TOCs, de phobies ;
●●  des conduites d’addictions (drogue, alcool, jeux vidéo, comportements à risque) ;
●●  l’apparition d’une phobie scolaire et/ou sociale, compliquant à l’excès le quotidien ;
●●  un dégoût des apprentissages, avec une sortie prématurée du circuit scolaire.

Savoir qui l’on est pour savoir où l’on va.


© Groupe Eyrolles

5 Une personnalité de façade dont l’individu s’habille pour se noyer dans la masse, c’est-à-dire
une construction visant à se conformer à ce qu’il suppose être les attentes de son environnement,
qu’il soit familial, amical ou professionnel.

23
DES PARENTS SOUVENT
DÉMUNIS
Dans la société, lorsqu’un enfant adopte un comportement jugé non-conforme, ce sont
les parents qui sont pointés du doigt. Ils sont d’emblée suspectés d’être, d’une façon ou
d’une autre, à l’origine des excentricités de l’enfant, perçus comme de mauvais parents,
tout autant incapables de faire preuve d’autorité que de forcer l’intéressé à rentrer dans
le rang.

Les gens ne comprennent


pas que mon enfant n’est Avec un enfant
diff rent, on doit Etre
pas comme le leur. Ils me
regardent comme si j’étais
un parent défaillant.
un parent diff rent !
Bien sûr, les parents d’un enfant atypique ne sont
pas fautifs, ils n’ont pas choisi d’accueilir un enfant
qui pense trop et qui a du mal à fonctionner là où les
autres le font sans accroc. Mais il faut bien se dire que
ce n’est pas non plus la faute ou la volonté de l’enfant
lui-même s’il est hors norme !

Aucun enfant ne fait exprès d’être différent. Aucun ne fait en sorte de ne pas saisir les
implicites ou d’être au bord du malaise à cause d’une odeur incommodante ou d’une
lumière crue. Aucun ne prend plaisir à être décalé ou à être regardé bizarrement au
milieu de ceux qui l’entourent, à être marginalisé ou même à mettre mal à l’aise ses
parents.

Certains insinuent que le qualificatif d’atypique n’est qu’un mot fourre-tout, entretenant
la vanité de parents dépassés par des enfants tyrans. Pourtant, ce qui va s’appliquer et
© Groupe Eyrolles

fonctionner sur un enfant standard ne marchera pas sur un atypique.

24
La fatigue parentale
Être parent d’un enfant singulier est indubitablement une aventure fantastique, mais
c’est aussi une réalité quotidienne épuisante ! Il n’y a jamais de moment de répit avec
ce type de bambins. Ils sont en permanence avides d’activités et d’échanges, parlent
constamment, ont perpétuellement besoin d’être rassurés, exigent de sans cesse régler
des problèmes avec les enseignants et ne permettent pas à leurs parents de reprendre
leur souffle.

C’est pourtant un élément que peu osent évoquer lorsqu’ils sont à bout de force, de
peur de passer pour de mauvais parents ou d’être taxés d’égoïstes. Le tabou de ce
désarroi peut être si grand qu’ils cachent honteusement à tous ces crises de burn out et
se laissent envahir par des idées peu avouables. Certains songent à fuir et abandonner
leur famille, d’autres encore à mettre fin à leurs jours.

La « charge mentale », terme inventé en 1990 par Danièle Kergoat, sociologue et


directrice de recherche émérite au CNRS, est un concept qui désigne l’occupation
constante de l’esprit qui pèse ordinairement sur les femmes pour faire tourner le foyer.
En clair : planifier, anticiper, réguler tout ce qui a trait aux enfants, à la vie commune, au
quotidien. Le tout, en plus de leur travail et de leur propre vie. Un tel fonctionnement de
la maison et de ses habitants repose quasi exclusivement sur une répartition inégalitaire
qui, lorsque l’atypisme de la descendance s’en mêle, peut devenir irrespirable pour ces
mères épuisées.

D’un extrême à l’autre


L’antithèse du déni consiste à tout contempler par le prisme d’une atypie, tout ramener
à cela. Ce n’est pas la meilleure des solutions pour qu’un enfant grandisse bien. Comme
pour toute situation, il faut savoir raison garder, et ne pas tout excuser au prétexte que
l’enfant est hors norme. Il reste malgré tout un enfant, et a besoin d’un cadre pour
s’épanouir, avec des règles à la fois claires, justes et précises. Ces règles tiennent compte
© Groupe Eyrolles

de ses particularités de fonctionnement, c’est-à-dire qu’elles sont adaptées à qui il est,


mais ce sont des règles quand même !

25
RÉFLEXION
PERSONNELLE
CONVOQUEZ L’ENFANT QUE VOUS ÉTIEZ
Prenez le temps de vous installer au calme, allongé (e)
sur votre lit par exemple, loin des sollicitations ex-
térieures. Sentez la pression de tout votre corps au
contact du matelas moelleux, relaxez-vous en respirant calmement et faites le
vide autour de vous. Plus rien d’autre n’existe pendant ces quelques minutes.
Replongez-vous dans votre enfance par le souvenir le plus marquant que vous
ayez, qu’il soit heureux ou non. Vous êtes de retour à cette période où vous étiez
vulnérable et fragile, où vous étiez encore en construction.

Posez-vous les questions suivantes, puis, en ayant l’avantage d’avoir grandi depuis et en
sachant ce que la vie vous réserverait, répondez en quelques mots synthétiques.

1. Quel enfant étais-je ?

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© Groupe Eyrolles

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2. Quels parents ai-je eu ?

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3. Qu’auraient-ils pu faire pour que je sois plus heureux(se) ?

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....................................................................................................................................................................................................

4. Qu’est-ce qui, avec le recul, m’a le plus apporté pour grandir ?

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5. Si j’étais aujourd’hui le parent de cet enfant d’autrefois, que ferais-je ?

....................................................................................................................................................................................................

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6. Si j’avais su… Quels seraient les conseils ou explications qu’il m’aurait été utile
de recevoir pour traverser la période de l’enfance et de l’adolescence avec plus de
facilité ?
© Groupe Eyrolles

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En dehors des clous

Contestataire
Autodidacte

2
L’enfant
atypique
à l’école

Stress « Mais pourquoi ? »

Comprendre

Impulsivité Inventif
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Hyperréactivité
Bavard émotionnelle
NE PAS ALLER AU RYTHME
DES AUTRES
Dans de nombreuses familles, l’école concentre toutes les attentes. On le mesure
copieusement à cette question posée à tous les enfants, que ce soit lors d’une fête
familiale, lors de soins médicaux, à l’occasion d’un échange au hasard d’une rencontre
au supermarché : « Alors, est-ce que tu travailles bien ? » La réponse conditionne le
regard qui sera posé sur cet enfant, comme censée le définir, surtout pour celles et ceux
qui débordent du cadre, qui sont les exceptions, les « oui, mais… » de notre système
scolaire.

Ni freiner ni devancer, il faut respecter pleinement


les besoins de chacun sans présumer de leur évolution future.

À chaque enfant son rythme


Ne pas aller au rythme du plus grand nombre ne veut pas forcément dire aller vite,
mais au contraire aller à une allure qui n’est pas contrainte. Ni dans un sens, ni dans
un autre ! Nous vivons une époque effrénée où tout est accéléré dans notre quotidien,
et dans laquelle les enfants sont pressés de toutes parts. On en vient à tout brusquer,
dans l’espoir de vivre intensément ces instants qui nous filent entre les doigts. Et c’est
l’affolement général et la dramatisation si les enfants ne franchissent pas, quand cela
a été exigé, les étapes censées être à leur portée. Comme tous les enfants n’ont pas
la même manière d’aborder les apprentissages, ni les mêmes priorités, certains liront
couramment seuls à 4 ans et d’autres ne seront pas réceptifs au déchiffrage avant 8
ans. Cela peut être à cause d’une dyslexie non repérée qui œuvre dans l’ombre, forçant
l’enfant à fonctionner constamment en double tâche et à compenser comme il le peut,
ou à cause d’un banal manque d’intérêt pour ce qui lui est présenté, pour diverses
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raisons.

30
« C’est un peu comme si l’on décrétait que tous les enfants ont la même poin-
ture de pieds ! L’école considère que tous les enfants d’une même classe
d’âge ont les mêmes capacités d’évolution ; elle ne respecte pas la diversité. »
(Jean-Charles Terrassier)

Pour une école inclusive


L’école ne peut s’adresser à tous de la même manière, parce qu’aucun enfant ne
ressemble à un autre et que dans un monde idéal, chacun devrait être regardé comme
un individu singulier. Cela sous-tend l’idée que chaque enfant devrait avoir la possibilité
d’avancer selon son calendrier interne et non de dépendre du bon vouloir d’un système
normé. Être atypique, c’est en effet être en dehors des clous et avoir une évolution pas
tout à fait conforme à la masse, parfois plus rapide dans certains domaines, mais aussi
(bien) plus lente dans d’autres.

« Un professeur peut changer la vie de quelqu’un. Peu de gens ont ce pouvoir.
Il peut être un allumeur de réverbères. Comme il peut être un éteignoir. »
(Stéphane Laporte)

LA PLASTICITÉ CÉRÉBRALE AU CŒUR DES ACQUISITIONS

La plasticité cérébrale est la capacité de notre cerveau à remodeler et réorganiser


continuellement ses connexions synaptiques en fonction de l’environnement dans
lequel nous évoluons, et des expériences que nous vivons. Ainsi, chaque fois que
nous apprenons, des circuits nerveux sont modifiés dans notre cerveau. Cette refonte
passe par la création de nouvelles connexions, mais aussi par le renforcement ou la
suppression de certaines d’entre elles, selon leur fréquence d’utilisation. Sorte de tri
sélectif qui opère chez tout le monde et à tous âges, elle nous permet de devenir plus
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performants que la moyenne dans les domaines qui ponctuent notre quotidien.

31
S’ennuyer…
mais pas comme tout le monde
L’ennui est incontestablement ce qui grève le plus la scolarité de l’enfant atypique.
Cependant, comme il ne fait jamais rien comme tout le monde, il ne s’agit pas d’un
ennui usuel, vécu par absolument tous les élèves à un instant T. On parle ici d’un ennui
viscéral, profond, durable, qui s’installe et qui ronge sournoisement l’enfant. Cet ennui
insondable prend la forme d’une sensation dévastatrice de vide, d’inaction complète et
réitérée, chaque jour.

L’équité, c’est que chacun dispose


de ce qu’il faut pour réussir.
Pas que tout le monde ait la même chose,
au même moment !

Le rabâchage, principe fondateur


de l’apprentissage
L’apprentissage par la répétition est le modèle sur lequel s’appuient nos programmes.
Tout au long de la scolarité, on reprend les mêmes points d’année en année, en les
enrichissant au fur et à mesure. Cette répétition mécanique fonctionne sur une majorité
des élèves, mais pas sur tous…

Chez une bonne part des enfants hors norme, ça ne marche pas, parce qu’ils n’ont
pas besoin d’autant de répétitions que les enfants standard. Aidées par une substance
blanche cérébrale plus conséquente, les connexions neuronales des personnes dotées
d’un haut potentiel intellectuel sont plus étendues et donc le traitement de l’information
est bien plus rapide dans leur cerveau.
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32
L’ennui amène souvent à
une rupture
L’atypique qui s’ennuie alloue très peu d’attention aux activités trop répétitives pour
lui et il s’autostimule en ayant plusieurs idées qui tournent dans sa tête en arrière-
plan. Cela donne la plupart du temps des étourderies en pagaille, des fautes fréquentes
d’inattention et un niveau d’implication global loin d’être parfait aux yeux des
enseignants. Ces derniers ont, de fait, beaucoup de mal à accepter l’idée que l’enfant
dise s’ennuyer ! Quand un enfant atypique ne trouve pas de sens à l’école, il n’est
absolument plus concerné par ce qui s’y fait. S’il est présent physiquement, le cœur n’y
est plus.

Identifier les manifestations de l’ennui


Un enfant qui s’écarte de la norme, s’il sait déjà (ou s’il a le
sentiment de savoir… ce qui aura le même impact sur son attitude),
sera frustré. Et il va falloir que cela s’exprime d’une façon ou
d’une autre, ne pouvant rester bloqué à l’intérieur de cette petite
personne, notoirement hypersensible. Cela peut prendre plusieurs formes.
6

À l’école À la maison

Perte d’attention : l’enfant se perd dans Tristesse diffuse, changement


des songes, n’est pas concentré soudain de comportement

Démotivation : il ne comprend pas Somatisations le matin avant de partir


l’intérêt de ce qu’il apprend, ayant en cours, ou le soir en se couchant
l’impression de faire du surplace

Agressivité dirigée envers les autres ou Crises de colère : l’enfant se contient


les enseignants à l’école et explose à la maison

Tics liés aux périodes scolaires : Grande anxiété ou peurs


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pendant les vacances, ils disparaissent incontrôlables : phobies, pensée


magique5

6 Tendance à se croire détenteur du pouvoir d’accomplir des désirs et de provoquer ou d’éviter


certains événements, en les imaginant ou en y songeant.

33
Un ennui à dissocier des
performances scolaires
S’il y a une idée reçue à éradiquer à propos de l’ennui des enfants atypiques, c’est bien
celle-ci. Combien d’adultes imaginent, à tort, que ce sentiment d’ennui n’est réservé
qu’aux (très) bons élèves ? La raison est toute bête : ils font une terrible confusion entre
intelligence et connaissances.

Or, ce sont deux choses bien différentes. Un enfant atypique, possédant une intelligence
spéciale, n’est pas obligatoirement un enfant scolaire. Évidemment certains atypiques
le sont et travaillent bien (avec ou sans effort, avec ou sans angoisse de perfection…),
d’autres ont à l’opposé un tempérament autodidacte et n’ont pas la fibre académique.
Attention, ils peuvent néanmoins afficher d’honorables résultats ! Les enfants peu ou
pas scolaires ne sont pas à coup sûr mauvais élèves, mais ils ne trouvent simplement
pas leur place dans ce qui leur est offert. Pour ceux-là, l’école s’avère compliquée. Ils
seront aussi massivement concernés par le syndrome de l’imposteur quelques années
plus tard. Ce défaut d’estime de soi qui amène l’intéressé à se persuader qu’il est un
usurpateur et ne mérite pas ce qu’il a ou ce qu’il vit (situation, réussite, diplômes), et
qu’un jour viendra où il sera démasqué.

Les rois de l’illusion


Il est fréquent que les enfants décalés fassent illusion au primaire. Ils y parviennent en
s’appuyant instinctivement sur leurs acquis, leurs ressources intérieures. C’est ce que
le docteur Maria Montessori, célèbre médecin et pédagogue italien, avait conceptualisé
sous le nom « d’esprit absorbant ». Le cerveau de tous les enfants est capable
d’emmagasiner, de s’imprégner de tout ce qui l’entoure, sans effort, et de créer dans
chaque nouvelle situation des connexions neuronales en conséquence.

Cette capacité est manifestement plus importante chez les atypiques, et ils en font aussi
certainement meilleur usage, sans même y prêter attention. C’est aussi ce qui permet
© Groupe Eyrolles

aux enfants (multi)Dys de compenser, parfois vraiment très bien jusqu’à l’entrée au
collège. Et c’est à ce stade que tout bascule, parce qu’arrive un moment où cela ne suffit
plus.

34
LE POINT DE VUE DE…
Frédéric, 41 ans

Petit, j’étais perçu comme très intelligent, et tout le monde était certain que je m’en sortirai
toujours. J’ai entendu ça toute ma vie : « Je ne m’en fais pas pour Frédéric, il a des capacités. »
C’était le cas. Sans apprendre, j’avais d’excellents bulletins, et c’est tout ce que l’on me
demandait. Pourtant, j’étais plutôt malheureux en classe, et j’ai fini par quitter l’école à 16 ans.
J’ai bidouillé dans divers domaines, apprenant sur le tas. Mais j’affiche une vie professionnelle
dissolue qui fait fuir les recruteurs.

QUAND L’AUTORITÉ
EST CONTESTÉE
Chercher à redéfinir les limites
Les enfants atypiques passent souvent pour mal éduqués, car ils n’ont pas, d’office,
conscience des limites. Ou plus exactement, ils les comprennent, mais ressentent un
besoin pressant de les tester continuellement et de les repousser autant que faire se
peut. À l’école, cela sera considéré comme les suites d’un grave laxisme parental.

Un enfant qui remet en cause l’autorité de l’enseignant risque de s’attirer les foudres
de ce dernier. C’est pourquoi il est important d’arriver à pondérer cette nature
contestataire, comme d’expliquer aux professeurs les raisons de ce comportement
pouvant générer pas mal de stress dans un cadre institutionnel.
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35
Le point de vue de…
Martine et Hugo, parents de Sébastien, 21 ans

Sébastien était un petit garçon passionné et passionnant, mais aussi épuisant pour nous à
la maison, comme agaçant pour beaucoup de ses profs au fil des années. Il ergotait sur la
moindre consigne, pinaillait sur chaque détail, chaque point faisait l’objet d’une objection
détaillée. Pas une semaine ne s’est passée sans remarque dans le carnet de correspondance
pour nous signaler l’effronterie de notre fils, avec entre les lignes des reproches quant à notre
éducation permissive.

Son besoin vital de sens


logique le fait passer pour De la logique derri re
insolent.
chaque r gle
Le manque de sens des règlements qui leur sont
imposés passe mal. Il leur faut comprendre les
tenants et les aboutissants de chaque élément pour
l’accepter et parvenir à s’y plier. S’ils ne perçoivent
pas la logique d’une règle, ils ont beaucoup de mal à
la respecter. Or là encore, c’est expressément problématique à l’école où l’on n’attend
surtout pas que chaque élève se sente libre de discuter les règles de la classe. Encore
moins qu’il ne les respecte qu’à la condition qu’elles lui semblent justifiées. Cela fait
partie des choses sur lesquelles on ne peut pas transiger, comme la politesse ou le respect
d’autrui. Aussi, il faudra vous armer de patience pour contrer les « Mais pourquoi ? » de
votre jeune atypique qui veut qu’on lui explique tout, et lui faire toucher du doigt le
caractère incontournable des règlements qui doivent s’appliquer à tous, quand bien
même il les trouverait stupides ou infondés (ce qui est son droit le plus strict).
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Les enfants atypiques sont joueurs. Plus ils sentent de résistance chez un adulte, et plus
ils insistent en appuyant délibérément là où ça fait mal. Mais ce petit jeu peut tourner
vinaigre avec certains enseignants ou adultes encadrants pour qui cette remise en cause
de leur autorité est un affront impardonnable.

36
Des réactions impulsives
Dans la famille des atypiques, on trouve autant d’introvertis – plutôt flegmatiques
– que d’extravertis – à tendance hyperactive. Pourtant, contrairement à ce que l’on
pourrait penser, l’impulsivité peut survenir même chez des profils en apparence peu
exubérants, y compris chez les filles. Concrètement, cela donne des élèves qui prennent
ou coupent la parole sans autorisation, qui interrompent le cours pour ce qui sera vu
comme une broutille, qui crient, qui touchent à tout (et principalement aux affaires qui
ne leur appartiennent pas), qui se laissent distraire par n’importe quoi, qui n’écoutent
pas les réponses à leurs questions, qui se lèvent, qui font beaucoup de bruit, qui pleurent,
qui frappent.

L’impulsivité prend des visages différents. Cette hyperréactivité émotionnelle qui


rend l’impulsif irascible et le fait démarrer au quart de tour, peut ne pas s’exprimer
en continu chez certains. S’il est des impulsifs qui éclatent à tout bout de champ, chez
d’autres cela pourra tout à fait rester en sommeil pendant quelques heures, avant
d’exploser subitement comme une cocotte-minute qui serait montée en pression.

ATTENTION DANGER IMPULSIVITÉ !

Il faut être vigilant lorsqu’on a un enfant impulsif, car cette particularité est tristement
synonyme de mises en danger et de prises de risque inconsidérées. L’impulsivité
implique de grandes difficultés à anticiper. L’enfant ne considère que l’immédiat, le
temps présent, et pas les éventuelles conséquences de ses actes. Il agit ou il parle… et
il pense ensuite. Il n’est pas rare de voir apparaître chez l’ado ou le jeune adulte des
conduites ordaliques, des addictions et des actes pouvant entraîner des démêlés avec la
justice. Là où certains atypiques n’acceptent pas les consignes et les règles de la classe,
les impulsifs ne les intègrent pas. Le résultat est le même, me direz-vous, lorsqu’il s’agit
du travail à l’école, de la vie de la classe, des devoirs. Oui… et non. C’est en comprenant
le mécanisme de ce comportement que vous pourrez accompagner au mieux votre
© Groupe Eyrolles

enfant. Si l’élève atypique impulsif est facilement qualifié de colérique, d’incontrôlable,


de sale caractère, d’irréfléchi ou d’excité, ce n’est pas sa faute. En réalité, il n’est pas
capable de se contrôler. Tout se joue dans son cerveau.

37
La méthode STOP THINK and GO à la rescousse
Il s’agit ici d’interrompre le caractère impulsif avant qu’il ne
produise ses effets indésirables et permettre à l’enfant de
reprendre le contrôle dont cette impulsivité le prive.

Les trois petites icônes (stop, think, go) sont à insérer telles quelles ou à refaire si
techniquement elles ne sont pas assez bonnes

« Comment te sens-tu ? » Amenez votre atypique à faire


une pause pour le questionner sur ce qu’il ressent : je suis
heureux, je suis triste, je suis en colère, j’ai peur… Parvenir à
identifier cette empreinte émotionnelle est important, car elle
va conditionner ce qu’il aurait tendance à faire de manière
impulsive.

« 
Que faire de cette émotion 
? » Demandez à l’enfant
d’énumérer différentes réponses à cette émotion, et d’en
imaginer les conséquences possibles. Plein de solutions
s’offrent à lui, mais certaines sont positives, d’autres
négatives. D’où l’intérêt d’y réfléchir avant de foncer tête
baissée !

« Quelle solution est la plus sûre pour toi ? » Maintenant


que les suites envisagées sont listées, votre enfant doit se
questionner sur le choix qu’il doit faire, comment réagir sans
risquer d’enfreindre les règles de la classe ni se mettre en
danger.

Ne pas confondre avoir de l’autorité et avoir l’autorité.


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38
EXERCICE
COMMUNIQUER AVEC L’ÉCOLE,
ÇA S’APPREND !
Il est très tentant, face au mot ou à la remarque d’un
enseignant que l’on estime infondé, de répondre. Mais
les réponses précipitées perdent toute objectivité sans
rien apporter de constructif. Il faut donc garder en
tête que l’on doit tout faire pour avancer main dans
la main avec les enseignants et constituer un tandem
« famille / école » qui soit complémentaire.

Le mot d’ordre est de ne pas surréagir. « Avant de répondre, PENSE ! »


Demandez-vous si :

P - ce que j’envisage de répondre est POSITIF ?

E - ce que j’envisage de répondre est EXACT ?

N - ce que j’envisage de répondre est NÉCESSAIRE ?

S - ce que j’envisage de répondre est SAGE ?

E - ce que j’envisage de répondre est ENRICHISSANT ?

Entraînez-vous à présenter les choses de façon ouverte.

Évitez de vous montrer accusateur : plutôt que de condamner, soulignez que vous
espérez comprendre le malentendu.

Évitez d’énoncer des certitudes là où il n’y en a pas : plutôt que de reprocher de


manière tranchante, signifiez à l’enseignant que vous aimeriez connaître sa version des
faits. Il est indispensable d’avoir les deux sons de cloche ; partir au quart de tour en
ayant seulement entendu votre enfant est l’erreur à ne surtout pas commettre.
© Groupe Eyrolles

Évitez le vocabulaire belliqueux : plutôt que de chercher à vous imposer par la force,
échangez dans un respect mutuel. Même dans les dissensions, il faut laisser son
interlocuteur exprimer son point de vue, qu’il vous plaise ou non, et rester à l’écoute.
DIFFICULTÉS SPÉCIFIQUES
Que ce soit dans la parole – dans l’excès ou le silence – ou dans l’écriture, certains
comportements caractéristiques des atypiques peuvent poser problème, notablement
à l’école.

Combien de fois les


professeurs de mon fils Une hyperverbalisation
m’ont imploré de lui faire
entendre qu’il n’était pas
seul en classe… Même
probl matique
s’il est très bon élève, il
phagocyte l’énergie de tous. Bien des atypiques sont dans une oralisation sans
commune mesure avec les personnes dans la norme. Ils
tchatchent à longueur de temps, et cette verbalisation
croît à mesure que leur anxiété augmente. Parler, ça va
vite ! C’est presque aussi fulgurant que leurs pensées,
face à la lenteur qui leur semble imposée par leur stylo.

Cependant, cette irrépressible envie de s’exprimer est


un pan de leur personnalité qui pose invariablement
problème en classe. Ces élèves occupent tout l’espace
et ne savent pas réguler leurs comportements. Ils bavardent, lèvent constamment la
main en répétant « Moi je sais » et ne laissent pas les autres répondre. Ils monopolisent
l’enseignant avec des questions en cascade qui peuvent être pertinentes ou hors de
propos. Ils sont en demande incessante d’échanges avec l’adulte, d’approbation, de
précisions.
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40
Réguler le flux de paroles en classe
Pour aider votre atypique, sans risquer d’interférer dans la
façon qu’ont ses enseignants de gérer la classe, voici quelques
idées à tester.

●● Suggérer à votre enfant d’écrire ses réponses sur une feuille


du cahier de brouillon ou sur son ardoise. Lorsque le professeur interrogera,
les autres auront alors une plus grande latitude pour participer sans la fougue
du vôtre à parler en premier. De son côté, il ne sera pas privé de la satisfaction
d’avoir su et surtout, de pouvoir en faire état à la fin du cours à l’enseignant, en
lui montrant le cahier ou l’ardoise.

●● Convenir avec lui d’un quota de sollicitations par jour (attention, vous seuls
le saurez ; l’idée n’est pas que la classe soit au courant pour éviter que des
rappels extérieurs lui soient faits, cela serait humiliant et contre-productif. C’est
un challenge personnel). On peut fixer le seuil à dix interventions par jour au
départ (sauf urgence, évidemment) puis proposer de diminuer progressivement.
Voilà une manière de lui apprendre que tout ne se vaut pas, et qu’il est bien plus
gratifiant d’apporter des éléments probants et mesurés.

●● Expliquer qu’en classe, il n’est pas possible de tout développer, mais qu’il est
permis et même encouragé, pour les petits curieux dans son genre, de creuser
un thème plaisant et d’y réfléchir à la maison. Vous délimiterez un moment
dédié, chaque soir, à ses remarques et questions. Le but est aussi d’éliminer les
ruminations anxieuses qui s’installent lorsque l’enfant ne peut pas laisser libre
court à cette faconde intarissable.

Le mutisme sélectif
À l’inverse, il est un phénomène incompris, justement parce que peu connu. Il ne s’agit
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pas d’enfants timides mais d’enfants qui sont radicalement mutiques, uniquement dans
certaines circonstances. Ils ont besoin de se sentir suffisamment en confiance pour
parler, sans quoi ils ne décochent pas un mot.

41
QUAND L’ANXIÉTÉ INTERDIT DE PARLER

Le mutisme sélectif concerne des enfants sans le moindre problème physiologique


relatif à l’expression orale. De même, il ne s’applique pas aux enfants vivant en pays
étranger et dont la maîtrise de la nouvelle langue serait insuffisante.
Il se traduit par :
●●une incapacité complète à parler dans certaines situations vécues comme
anxiogènes ou faisant subir à l’enfant une hyperstimulation des sens (à l’école, en
présence d’inconnus, dans un endroit très fréquenté et/ou saturé en lumière, en
odeurs,  etc.) ;
●●une parole tout à fait normale et fluide (qui peut d’ailleurs être très abondante !)
dans les situations courantes de sa vie, dans un environnement rassurant (à la
maison, chez les grands-parents, parmi des amis très proches, etc.).

Être face à un élève-hérisson


C’est une position plutôt inconfortable pour un enseignant, que
d’être confronté à un silence drastique. Il va lui falloir accepter
le fait que ce mutisme sélectif n’est pas une fantaisie ou un
caprice de l’enfant, mais une difficulté réelle. Pour éviter toute
stigmatisation, les parents peuvent suggérer de communiquer différemment avec
cet enfant qui met mal à l’aise par son silence et ne participe pas. À noter que le
refus de tout contact verbal n’empêche pas l’élève de parfaitement comprendre
ce qui lui est demandé, et de travailler normalement.

Je conseille de ne surtout pas se focaliser sur cette atypie mais d’accepter l’enfant
tel qu’il est, en laissant faire le temps. Appuyer sur cette bizarrerie ne ferait
qu’augmenter ses préoccupations et lui donner l’impression d’être en milieu
hostile. Or, il faut qu’il se sente évoluer dans une ambiance conviviale, dans
laquelle il soit à l’aise, pour que la parole se libère.
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QUIZ
APPRENDRE À RECONNAÎTRE LE MUTISME
SÉLÉCTIF
Selon vous, chaque situation décrite ci-dessous est-elle
« vraie » ou « fausse » dans le cas d’un enfant atteint
de mutisme sélectif ?

1. L’enfant donne l’impression d’être impoli ou vexant. Il ne répond pas lorsqu’on


lui parle et/ou n’utilise pas les mots « Bonjour / Au revoir / S’il vous plaît / Merci ».

□ Vrai □ Faux

2. Il éprouve des difficultés à regarder la personne en face de lui et fuit même le


regard des autres.

□ Vrai □ Faux

3. Il peut parler s’il le veut vraiment, il lui suffit de faire un effort ! Mais ses
parents jouent le jeu et le confortent dans cette comédie.

□ Vrai □ Faux

4. Il a une démarche robotique ou maladroite s’il se sent observé.

□ Vrai □ Faux

5. Il n’est affecté par rien. Il est insensible au plan émotionnel.

□ Vrai □ Faux
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RÉPONSES

1. Vrai : mais il ne le fait pas exprès ! Il n’a pas pour intention de vous manquer de
respect ou d’être grossier, pas plus que de vous ignorer pour se payer votre tête. Il est
réellement incapable de parler ou de répondre à vos sollicitations, même si l’on insiste
ou que l’on se fâche.

2. Vrai : la grande anxiété responsable de ce mutisme sélectif rend difficiles les échanges
au niveau du regard, ce qui ici encore peut prendre l’apparence d’un comportement
insolent, alors qu’il n’en est rien.

3. Faux : une personne qui présente un mutisme sélectif ne simule pas, elle souffre
réellement et ne peut se faire violence. Il ne suffit pas de lui asséner « Secoue-toi » ou
« Fais un effort » pour que le blocage disparaisse comme par magie.

4. Vrai : il est fréquent d’observer une crispation physique (comme une raideur des
membres, un visage impassible, des mouvements saccadés) chez les enfants avec
mutisme sélectif. Leur démarche est bien plus naturelle lorsqu’ils sont dans un contexte
apaisant.

5. Faux : au contraire 
! Ces enfants sont des éponges émotionnelles. Ils sont
particulièrement sensibles à tout ce qui se dégage autour d’eux, et les tensions
relationnelles qu’ils peuvent capter nourrissent et aggravent leurs difficultés.

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Les problèmes graphiques des
atypiques
Ah, voilà un point récurrent ! Écrire exige une précision du geste que certains jeunes
atypiques n’ont pas. Mais écrire exige également de savoir apprivoiser ses pensées pour
suivre le rythme de la main. Or, ils trouvent que c’est trop lent. Ils sont en effervescence
dans leur tête, les idées fusent, se multiplient… et à leur grand regret, leur main les
ralentit. Ils n’aiment pas écrire, mais ils sont contraints de le faire. On leur reproche des
cahiers et des classeurs mal tenus, des copies illisibles, un faible rendement à l’écrit.

EN CAS DE DYSGRAPHIE OU DYSPRAXIE…

Certains atypiques ayant reçu un diagnostic de dysgraphie ou de dyspraxie peuvent


obtenir le droit d’utiliser en classe et aux examens un ordinateur portable, par
l’intermédiaire d’un PAP7 (plan d’accompagnement personnalisé) ou d’une saisine de
la MDPH (maison départementale des personnes handicapées). Cela leur permet de
compenser la situation de handicap qu’ils vivent.
Les autres peuvent être aidés (par un psychomotricien, un graphothérapeute ou un
ergothérapeute) pour remédier aux soucis de posture, de gestion de l’espace et autres,
grâce à des séances de rééducation de motricité fine.
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7 http://eduscol.education.fr/cid86144/plan-d-accompagnement-personnalise.html

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EXERCICE
IDENTIFIER LES SIGNES D’UN SOUCI
GRAPHIQUE
Observez votre atypique en train d’écrire et cochez la
réponse qui convient (en le situant non par rapport à
son âge biologique, mais par rapport au niveau dans
lequel il est scolarisé).

1. Sa vitesse d’écriture vous semble…


□ Lente □ Moyenne □ Convenable □ Adéquate
2. La manière dont il tient son crayon vous semble….
□ Inconfortable □ Tâtonnante □ Classique □ Confortable
3. La lisibilité des mots vous semble…
□ Mauvaise □ Pas toujours évidente □ Correcte □ Parfaite
4. À la lecture de ces quelques lignes manuscrites, diriez-vous que son travail est…
□ Négligé □ Pas des plus clean □ Correct □ Propre et net
5. Les efforts cognitif déployés pour cet exercice d’écriture vous semblent…
□ Démesurés □ Plutôt importants □ Convenables □ Peu importants

RÉSULTATS

S’il obtient une majorité de réponses jaunes et/ou vertes, il ne semble pas concerné.
Si votre enfant obtient une majorité de réponses rouges et/ou oranges, il est possible
qu’il connaisse des difficultés graphiques qui entravent ses apprentissages. S’il est
très gêné par celles-ci, prenez rendez-vous avec un spécialiste (psychomotricien,
graphothérapeute ou ergothérapeute) afin de faire le point et de l’accompagner si
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besoin. Tous les dysgraphiques ne sont pas lents, certains vont beaucoup trop vite.
Tous n’écrivent pas mal, certains sont spécialistes de la « dysgraphie lente et précise »
pour reprendre l’expression du neuropsychiatre Julian de Ajuriaguerra. Il définissait le
dysgraphique en ces termes : « Tout enfant dont la qualité de l’écriture est déficiente alors
qu’aucun déficit intellectuel ou neurologique important n’explique cette déficience. »
CRÉATIVITÉ ET PENSÉE
DIVERGENTE
La création passe infailliblement par l’imagination, et les atypiques n’en manquent
décidément pas ! La plupart d’entre eux sont très créatifs, au moins dans le sens inventif
du terme. S’ils ne le sont pas systématiquement dans le sens d’une création artistique,
l’inventivité des atypiques peut prendre des allures changeantes. Chez certains, elle va
rester tout à fait théorique, chez d’autres elle sera mise en application matériellement.
Mais s’il est un signe particulier commun à tous les atypiques, c’est bien le fait de penser
autrement. Ils perçoivent les choses de façon non conventionnelle et surtout, ils ont
une facilité désarmante pour entrevoir des solutions insolites aux problèmes que l’on
peut leur soumettre.

Il existe trois catégories de personnes :


ceux qui voient, ceux qui voient quand on leur montre,
et ceux qui ne voient pas.
(Léonard de Vinci)

Le point de vue de…


Xavier, papa de Renaud, 15 ans et Zélie, 13 ans

J’ai deux enfants à la fois particuliers et vraiment très éloignés l’un de l’autre. Renaud ne jure
que par le dessin, artiste dans l’âme. Mais il ne s’est jamais senti bien dans le cadre scolaire :
depuis ses 3 ans, les instit’ ont cherché par tous moyens à le faire entrer dans un moule qui
ne lui correspondait pas. Jamais sa créativité n’a été écoutée ou exploitée. Les seules choses
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qui ont toujours compté, c’étaient les notes et le carcan des matières jugées sérieuses. Quant
à Zélie, elle est cartésienne, éperdue de sciences et elle rêve de devenir chercheuse. Mais elle
n’en est pas moins créative dans sa manière d’envisager les problèmes qui la motivent.

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Éloge de la divergence
L’expression « pensée disruptive » est à la mode depuis quelques années et pourtant
ce concept de disruption n’a rien de nouveau : il nous vient du latin disrumpere qui veut
dire « briser en morceaux, faire éclater ». La pensée disruptive se veut donc en rupture
totale avec les schémas connus jusqu’alors, pas impérativement comme une innovation
qui implique un changement radical d’époque. Elle draine néanmoins une réussite aussi
éclatante qu’inattendue, qui bouscule les codes dans un domaine donné !

Citons un exemple récent d’innovation disruptive : Steve Jobs et son invention de 2010,
l’iPad. Le PDG d’Apple a su créer de toute pièce un besoin qui n’existait pas encore, et
auquel personne ne croyait… avant d’être imité de tous.

Cette capacité de disruption trouve sa source dans les points forts des atypiques : créativité
et pensée divergente. Ou comment imaginer un éventail le plus ample possible de
solutions à une même problématique. Les atypiques ne sont pas des individus envieux
de se démarquer par une posture artificielle ou un look vestimentaire provoquant.
C’est leur cerveau qui est foncièrement hors norme, et cela leur confère des stratégies
cognitives peu ordinaires. À ce titre, il est habituel que les élèves atypiques surprennent
leurs enseignants avec des méthodes de calcul mental tout à fait personnelles.

PENSÉE DIVERGENTE OU CONVERGENTE ?

La « pensée divergente » consiste à conceptualiser de manière pluridirectionnelle de


nombreuses idées, toutes issues d’un point de départ unique. Elle sollicite des aptitudes
à imaginer, à rechercher des liens, à penser des solutions inexplorées dans le but de
trouver un maximum de pistes originales. Aux antipodes, la « pensée convergente »
consiste à réduire l’ensemble des idées envisagées, vers une hypothèse finale unique
qui fasse office de réponse, à la manière d’un entonnoir. Elle sollicite des aptitudes à
synthétiser, à hiérarchiser, à faire des choix dans le but d’opter pour la meilleure des
solutions.
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Ma fille a mille idées à la
minute, elle n’arrête jamais.
Elle passe d’un sujet à
La pens e arborescente
l’autre, ricoche sur un mot,
rebondit sur une idée et Qu’est-ce que cette pensée en arborescence ? C’est
cela l’envoie très loin une sorte de super ramification mentale qui n’est pas
du point de départ. propre aux atypiques, mais qui est ultra développée
Mais en classe, elle est chez eux. Comparons cela à l’imagination : tous les
immanquablement hors-
êtres humains en ont, mais certains bien plus que
sujet, et ses notes restent
moyennes. d’autres. La pensée arborescente est donc cette
capacité à voir germer nombre d’idées à partir d’un
point de départ, sorte de torrent de pensées jaillissant
simultanément, qui vont elles-mêmes se diviser et
se subdiviser en de nouvelles cascades découlant
d’associations d’idées. Cet enchaînement hyperréactif
se fait ainsi selon une logique (personnelle, puisqu’elle
dépend de situations vécues, d’anecdotes, de traces
mnésiques propres à l’individu, mais bien réelle !), et
non de manière décousue.

Le souci pour l’enfant atypique est de ne pas toujours être en mesure de justifier un
résultat et d’expliquer comment il est allé de la question jusqu’à la solution. Il y est,
c’est tout. Il ne peut pas rebrousser chemin mentalement pour exposer l’itinéraire suivi
par sa pensée. Les idées naissent dans sa tête comme des geysers. Pour ces enfants
si prodigues verbalement, cette pensée en arborescence les rend avares à l’écrit.
Scolairement cela peut devenir fâcheux : à partir du collège, l’intuition ne suffit plus, la
réponse doit être démontrée sans quoi elle sera invalidée. La démarche méthodologique
devient presque plus importante que le résultat lui-même. Pour réussir, l’élève devra dès
lors argumenter et montrer au correcteur qu’il s’appuie autant sur ses connaissances
que sur une analyse appropriée.
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Quelques conseils pour l’écrit
●● Rien de grave ! Avant tout, dédramatisez la situation
par l’humour, auquel les atypiques sont généralement très
sensibles. Il n’y a rien de désespéré : votre enfant va apprendre.

●● Donner du sens. Le jeune atypique n’acceptera de faire


des efforts que s’il comprend pourquoi. Quels bénéfices tirera-t-il de ces
contraintes qu’on entend lui imposer ? Vous allez devoir lui expliquer en quoi être
capable d’exprimer avec clarté et d’une façon ordonnée le cheminement de ses
raisonnements est important.

●● Garder le cap. Il y a fort à parier qu’il objectera toutes sortes d’arguments, de


plus ou moins bonne foi, pour tester et mettre à mal vos explications… Il faudra
tenir bon !

●● Apprendre à faire des erreurs. Insistez sur le fait qu’il va lui falloir accepter
de se tromper, car cela fait partie de l’apprentissage. Les erreurs ne doivent pas
être regardées comme des échecs qui dévalorisent, mais comme des tremplins
qui servent à progresser et à aller vers son objectif. Il ne faut donc pas en avoir
peur, ou refuser de les vivre, elles sont aussi inévitables qu’utiles. Encouragez et
valorisez chaque petite réussite.

●● Prendre confiance. Dites-lui combien vous croyez en lui ! Montrez-lui que vous
ne doutez pas qu’il parvienne à apprivoiser cette pensée qui peut s’apparenter
à un cheval sauvage. Rappelez-vous l’époque où votre enfant a appris à parler
ou à marcher, jamais vous n’avez envisagé qu’il n’apprenne pas à le faire. Pas
une seconde vous ne vous êtes dit que les difficultés pourraient très bien le
décourager et que finalement, il pourrait baisser les bras et passer sa vie sans
maîtriser la parole ou se mettre debout. Malgré l’ampleur de la tâche, vous aviez
une confiance absolue, inconditionnelle en ses capacités à apprendre. Eh bien,
c’est cette confiance là qu’il faut lui manifester de nouveau.
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Les manifestations synesthésiques
La synesthésie est un état neurologique associant spontanément certaines perceptions
et modalités sensorielles. Ce phénomène peut apparaître entre n’importe quels sens, et
est à la fois involontaire, incontrôlable, subjectif et non-pathologique. Chaque synesthète
connaît depuis sa naissance ses propres manifestations.

Les enfants atypiques synesthètes peuvent tirer parti de cette condition s’ils en
perçoivent les avantages.

Certains remarquent très jeunes qu’elle leur offre sur un plateau d’argent les résultats
d’opérations mathématiques, prêts à être cueillis. Ou que les notes de musique se
matérialisent sous leurs yeux, sans effort ni apprentissage. D’autres encore que leur
esprit prend l’initiative de mémoriser en couleurs.

Le point de vue de…


Marie-Anne, maman de Martin, 10 ans

Quand Martin était petit, il me confiait des choses que je ne comprenais pas et qui me
faisaient rire. Honnêtement, je les prenais pour le fruit de son imagination très féconde.
Il n’aimait pas certains nombres par exemple, qu’il qualifiait de méchants, de gris, ou de
poilus. Le 11 était sa hantise, il le rendait très inconfortable ; tandis qu’il affirmait que le bleu
pastel du 6 le rassurait, et sentait délicieusement bon. Il se montrait rétif dès que certains
de ces nombres s’inscrivaient dans un projet, dans une activité ou sur un carton d’invitation.
L’apparence irraisonnée de ces loufoqueries me faisaient penser à de drôles de superstitions
enfantines, et ce n’est que des années plus tard que j’ai appris d’un psychologue que tout cela
portait un nom. C’était réel, et cela vivait dans sa tête, sans être le produit d’un imaginaire
foisonnant. Les chiffres et les lettres ont pour mon fils une couleur, une odeur, une saveur,
une personnalité à part entière ! Mais ne partageant pas ce mode de fonctionnement, je
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n’avais pas accès à ce qu’il essayait de me décrire. Pour lui, tout le monde pensait ainsi, moi y
compris. Et pour moi, il était impossible d’apporter du crédit à ses dires.

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DES PROFILS D’ATYPIQUES
PANACHÉS
Être atypique n’interdit pas d’être tous différents. Le spectre est large et disparate, d’une
particularité à l’autre, d’une personnalité à l’autre. Et rien n’est figé dans le temps.

Quand l’enfant se transforme


en pitre
C’est généralement la conséquence d’un ennui profond : l’attention de l’enfant n’est
pas canalisée par ce qui se dit ou se fait en classe, et son esprit déconnecte littéralement.
Il peut se replier sur lui-même et vagabonder (auquel cas, il faut avouer que cela passera
plutôt inaperçu, exception faite de remarques du style « Léa est dans la lune »), ou se
fixer dans une posture d’amuseur (qui très vite n’amuse plus du tout l’enseignant).

Cette attitude est d’autant plus risquée qu’elle va tirer le jeune atypique dans un
tourbillon dont il lui sera délicat de s’extraire. Le regard et les attentes des autres font
très vite office de public, plaçant l’enfant dans une position de « rigolo de service » qui
pimente un peu la journée avec ses bêtises et brave les interdits, en piquant au vif le
professeur. Chacun est alors assigné à un rôle strictement défini, et l’enfant ne sait plus
comment se débarrasser du sien sans risquer de perdre la face devant le reste de sa
classe qui, collectivement, met une pression sociale terrible.

Tout ce qui est personnel est universel.


(Charlie Chaplin)
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Passer un contrat
Avant que cela n’aille trop loin et que votre enfant ne soit
réellement prisonnier de ce titre de « pitre de la classe » qui lui a
été attribué, voici une manière de lui offrir une porte de sortie.
Le contrat doit être mis à l’écrit et signé par l’enfant et le parent
pour symboliser leur engagement mutuel. Il doit contenir :

●● un objectif principal, par exemple : « Se recentrer sur son travail scolaire »

●● des moyens à mettre en œuvre pour y arriver, comme « À la maison, faire
les devoirs en temps et en heure pour se remettre dans le tempo », « Relire tous
les soirs les leçons du jour pendant vingt minutes », « Réciter ces leçons à papa
ou maman », « En classe, participer activement au moins trois fois par jour en
respectant les règles (je lève le doigt pour demander la parole) », « Stop aux
bavardage en cours », etc.

●● un résultat visé, comme « 


Ne plus avoir de mot dans le carnet de
correspondance pendant un mois entier ».

Les atypiques sont très sensibles à ce type d’engagements, car ils ont le mérite :

•  d’être clairs : tout est écrit, rien n’est approximatif ;

•  de leur donner le sentiment d’être estimés : on leur accorde notre


confiance, c’est donc que l’on pense qu’ils en sont dignes et qu’ils ont
la maturité qui rend possible l’exercice !

•  de les placer dans une position proactive salutaire : ils deviennent
acteurs de ce virage pris dans leur vie, et non pas spectateurs.

Passer un contrat avec votre atypique peut sembler de prime abord un peu
austère, mais c’est en fait lui tendre une perche en lui donnant un cadre délimité
et précis. Un moyen pour lui de prendre des engagements qui vont valoriser les
efforts qu’il aura fourni pour tenir ses objectifs. Vous lui montrez par ce pacte que
vous souhaitez avancer main dans la main, tout en imposant des règles strictes,
gage de sa réussite.
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Et celui qui a la bougeotte ?
Parmi les enfants atypiques, beaucoup ont la bougeotte. À l’école, on les dit têtes en l’air
et incapables de tenir en place : ils s’agitent, ils courent, ils se balancent. Leur donner du
« Stop, concentre-toi » n’a aucun sens à leurs yeux. Ces esprits sans repos peinent à se
concentrer plus de quelques minutes d’affilée sur leurs leçons ou leurs devoirs, mais ils
peuvent passer chez eux des heures les yeux rivés devant leur écran, en oubliant tout
ce qui les entoure. D’aucuns les appellent les boules de flipper, pour rendre compte de
leur vélocité et de leur nature les incitant à filer d’un point à l’autre, en ne faisant que
le survoler en vitesse avant de repartir aussitôt vers le suivant. D’autres les qualifient
d’enfants zappeurs, parce qu’ils commencent plein de choses sans jamais aller au
bout de ce qui a été entrepris. Leur cerveau a besoin d’excitation, et quand l’ennui les
submerge, ils créent de la nouveauté comme ils le peuvent.

Les enseignants ont l’impression que ces élèves turbulents ne sont pas présents dans
ce qu’ils font, qu’ils ne sont pas calibrés pour les apprentissages. Pourtant, ce sont des
enfants qui s’intéressent à énormément de choses et qui sont ouverts sur le monde.
Mais le fait qu’ils oublient de noter la moitié des devoirs ou qu’ils laissent leurs livres à la
maison quand il fallait les ramener en classe ne plaide malheureusement pas en faveur
de cette qualité.

Petits bidules
Une chose toute simple peut grandement aider votre enfant à
calmer ses mouvements incontrôlés : acquérir de petits objets
appelés des fidgets. Ce sont de petits jouets très peu chers à
acheter en ligne, qui se présentent sous des formes variées. Ils
ont pour effet de déstresser par leur manipulation, qui reste discrète en classe
et non gênante pour les autres. Le principe est d’occuper le corps et de laisser
l’esprit se concentrer en satisfaisant certains impératifs. Rien de nouveau sous le
soleil : du temps d’Aristote, philosophe grec né en 384 avant J.-C., faire les cent pas
permettait déjà de réfléchir et d’apprendre, d’où le nom donné à un mouvement
philosophique « d’école péripatéticienne » (du grec « qui aime se promener en
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discutant »).

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J’ai une petite élève
atypique, curieuse de tout et
particulièrement appliquée,
Du refus la phobie
qui est passée dans le niveau
supérieur, avec l’accord Il arrive que l’enfant rejette soudainement les
unanime des parents, de la apprentissages. Mais en réalité, il s’agit d’un refus de
psy, du conseil des maîtres faire, de travailler, d’écrire, d’être présent, et non un
et de la fillette ravie. Mais refus d’accéder aux savoirs dont il reste assoiffé. En
depuis, elle refuse le travail
qualité de parent, il faut être attentif aux changements
donné. Toujours aussi sage,
elle écoute mais se braque comportementaux qui traduisent ce que le jeune
dès qu’il faut faire quelque atypique n’ose pas ou ne sait pas toujours exprimer
chose. avec des mots. Ce refus scolaire, en rupture avec
l’attitude habituelle de l’enfant, peut témoigner
d’un désir de perfection très poussé. C’est quelque
chose de fréquent chez ces élèves hors norme qui
vont parfois se mettre une énorme pression, au
point d’engendrer en eux un stress colossal. Le
perfectionnisme s’accompagne toujours d’une
importante autodépréciation. Ils s’auto-infligent des
punitions si leurs résultats ne sont pas excellents, alors
même que leurs parents n’ont jamais édicté une telle règle. Ils finissent quelquefois par
anticiper et se trouver paralysés devant leur copie.

Une peur panique de l’échec


Les atypiques qui connaissent une peur panique de l’échec ne se sentent pas capables
de réussir, ils n’ont pas confiance en eux et ont le sentiment d’échouer avant même
d’essayer. Ils se montrent affreusement susceptibles face à des remarques qu’ils
comprennent – à tort – comme des attaques gratuites. Leur redoutable esprit critique
s’embrouille quand il baigne trop longtemps dans une estime de soi insuffisante. Cela
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les conforte dans l’idée tenace qu’ils sont nuls et ratent tout.

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Leur objectivité n’est décidément plus au rendez-vous et ils s’observent avec sévérité, se
mettant dans tous leurs états quand la réussite telle qu’ils l’exigent n’est pas au rendez-
vous. Ils se persuadent de n’être pas à la hauteur des espérances de leurs parents et de
leurs enseignants : ils ont l’impression de les trahir.

L’EFFET « PYGMALION NÉGATIF »

Mis en évidence par le psychologue français Jean-Charles Terrassier, il touche les enfants
atypiques dont l’enseignant ne reconnaît pas ou ne connaît pas les particularités. Ces
enfants vont alors être ignorés dans leurs besoins, mais aussi dans leurs capacités
différentes. Le professeur les regardera comme il regarde un enfant standard, et
attendra évidemment d’eux la même chose que les autres enfants.
Ceci va pousser ces atypiques non reconnus comme tel à se conformer à l’image qui
est projetée sur eux. Ils vont ainsi inhiber leur intelligence hors norme et réfréner toute
marque d’originalité et toute forme de créativité.

Plutôt que de mal faire,


ne pas faire du tout
Les enfants atypiques qui présentent un ou des trouble(s) des apprentissages sont
également terriblement sujets à cette peur de l’échec. Ils se voient au gré des années
alourdis de handicap(s) qui ne sont plus intégralement compensé(s) par leur finesse
cognitive. Et ils peinent, ils se heurtent à des problèmes comme ils n’en avaient jamais
connus jusque-là. C’est désarçonnant, surtout pour des enfants qui ont une acuité
très développée. Ils remarquent très tôt les changements qui opèrent dans leur vie
d’élève, bien avant leurs parents ou leurs enseignants. Ils sentent que les rouages
qui fonctionnaient jusqu’alors se grippent, et cela leur fait perdre leurs moyens. La
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solution la plus sûre reste encore de ne plus bouger, dans l’espoir un peu fou d’une aide
providentielle.

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LE POINT DE VUE DE…
Chloé, maman de Lætitia, 15 ans

Ma fille a toujours eu du mal à se lancer. Ça a été le cas pour apprendre à marcher, apprendre
à parler, faire du vélo sans les petites roues, enlever les brassards. Chaque étape de sa vie
de petit enfant a été retardée, comme si elle redoutait de ne pas y arriver. Et à l’école, ça a
continué !

Face à un enfant qui a une peur panique de l’échec


Voici trois mesures simples qui éviteront de renforcer cette
tendance.

1) Ne félicitez surtout pas votre atypique pour ses bonnes notes,


mais félicitez ses louables efforts. Sans quoi l’enfant s’assimile
à cette note qui ne le résume pas, au point quelquefois de ne voir plus qu’elle.

2) Ne lui envoyez pas de signes d’un amour parental qui serait soumis à conditions :
rassurez-le aussi souvent que possible en réaffirmant que vous l’aimerez toujours
du plus profond de votre cœur.

3) Valorisez chaque point positif des évaluations qu’il ramène. Et mettez en avant
l’idée de progression, non de verdict noté qui balayerait tout le reste, le travail,
l’apprentissage des leçons, la mise en application des méthodes.

Le succès est une succession d’échecs.


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LES PIÈGES DANS LE CADRE
SCOLAIRE

L’hypersensibilité
La sensibilité exacerbée des atypiques peut créer la confusion chez les personnes qui
ne connaissent pas les particularités de ces enfants. Le fait que le jeune atypique ait la
larme facile lui donne l’apparence d’un pleurnicheur et sa délicatesse le place, à leurs
yeux, dans la catégorie des immatures, des faibles qui vivent leurs émotions en yo-yo et
ne savent pas les circonscrire. Pour finir, ça lui est reproché, comme un défaut.

Une hypersensibilit
L’ascenseur émotionnel
est fatigant à vivre pour
l’atypique, mais aussi pour
ceux qui l’entourent : une
joie est toujours un feu aiguE et envahissante
d’artifice, et une déception
un abysse qui s’ouvre sous
ses pieds. Bien des atypiques présentent ce que l’on appelle
une hypersensibilité. Les choses les plus anodines les
affectent de manière prodigieuse. Tous les atypiques
ne la possèdent pas, mais ce trait de personnalité
rend ceux qui vivent avec mirifiquement vulnérables
dans l’enceinte scolaire. Ils sont à fleur de peau : la
moindre remarque est ressentie comme abrupte, la
moindre tension les conduit au bord des larmes. La
psychologue Arielle Adda a coutume de dire que pour
ces enfants-là, « le monde s’effondre trois fois par
jour ». C’est cette alternance d’émotions positives et
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négatives, très hautes ou très basses, ce grand huit émotionnel qui est hors norme,
envahissant, presque handicapant.

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Des enfants immatures ?

Les atypiques sont des enfants d’une maturité intellectuelle hors du commun. Ils
s’intéressent à des sujets existentiels à l’âge où les autres collent des gommettes, ils
sont capables d’un degré d’abstraction que certains adultes peinent à atteindre ; on
ne peut donc décemment pas parler d’immaturité. En revanche, ils ont une affectivité
titanesque, qui, elle, n’est pas au même niveau que cette hypermaturité intellectuelle.
Et c’est cet écart entre la sphère intellectuelle et la sphère affective qui les rend fragiles,
pour ne pas dire aux yeux de certains, lunatiques. Ce qu’ils comprennent très bien du
point de vue cognitif, ils ne peuvent pas toujours l’affronter du point de vue affectif,
n’étant pas encore outillés émotionnellement parlant.

Une hypersensibilité parfois bien cachée

Un hypersensible n’est pas fatalement celui que l’on croit. Il peut aussi revêtir les
apparences d’un enfant détaché, presque insensible, qui ne laisse transparaître aucune
émotion en public, pour mieux se protéger. Cette grande réserve pourrait passer pour
de la froideur ou de l’indifférence, mais il s’agit communément chez un atypique d’une
manière de chercher à maîtriser ses émotions. Elles peuvent le faire chavirer, il le sait.
Aussi, les mettre à distance lui permet de cloisonner hermétiquement son monde
intérieur. Il fait en sorte de s’assurer de ne pas craquer quand il est entouré d’autres
personnes extérieures à son petit cercle familial.

Quand l’atypique ne déchiffre pas les émotions

Un atypique hypersensible peut également ne pas parvenir à décrypter avec facilité


les émotions et les intentions, qu’il s’agisse de celles des autres, ou des siennes. De
même, les expressions faciales peuvent lui être difficiles à cerner. Par conséquent,
l’enfant n’arrivera pas à juger du moment où il aurait tout intérêt à se faire plus discret,
semblant ainsi prendre un malin plaisir à pousser le bouchon toujours plus loin. On
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imagine qu’il est enfantin d’identifier un visage exprimant de la joie, de la colère, de la


peur, du dégoût, alors qu’il est des atypiques pour qui rien de cela ne coule de source.
Ceux-là ont besoin de prendre le temps de revenir sur une situation pour l’analyser.

59
EXERCICE
L’ÉMOTIOMÈTRE
Savoir reconnaître et dire ses émotions n’est pas
toujours simple pour les enfants atypiques. Il leur
faut parfois s’exercer à les accueillir, les analyser et
les nommer pour comprendre leurs propres réactions
et leurs besoins. Mais aussi pour mieux prévenir leurs
moments de crise.

Robert Plutchik, psychologue et universitaire américain, a étudié la théorie des émotions


et a ainsi imaginé un modèle de roue des émotions sous forme de fleur (en 2D) ou
de diamant (en 3D, en quelque sorte en repliant les pétales sous la fleur). Nous avons
simplifié ici son modèle pour qu’il puisse être utilisé en famille.

Pour commencer, rendez-vous à la fin du livre dans les feuilles détachables et découpez
les contours de la fleur. Vous pouvez coller les pétales ensemble et monter l’émotiomètre
sur une tige afin de le faire tourner.Que ressent-il ? Cette fleur va permettre à votre
enfant de se situer parmi les huit segments et de communiquer efficacement son
état émotionnel. Par exemple : une crise de larmes arrive, mais votre atypique ne sait
pas prendre le recul nécessaire pour expliquer
ce qui pèche. En lui proposant de pointer sur
l’émotiomètre ce qu’il ressent, il va pouvoir vous
donner la couleur de son émotion du moment.
Il pourra dire s’il est triste et a de la peine,
ou au rebours s’il est en colère à cause d’une
frustration. Et votre réponse sera bien entendu
fonction de cette mesure émotionnelle.

Vous pouvez utiliser cette fleur ponctuellement


quand vous sentez votre atypique submergé
par ses émotions, ou au contraire instituer un
© Groupe Eyrolles

rituel qui permettra de prendre la météo de ses


émotions, au quotidien par exemple.
Il ne demande jamais d’aide
C’est un comportement risqué pour les atypiques qui veulent tout faire par eux-
mêmes. Ils aiment la complexité et manifestent ce que la psychologue américaine Ellen
Winner a appelé la rage de maîtriser. Ils mettent toute leur énergie dans cette volonté
farouche de se débrouiller seuls. Cette hypermotivation intrinsèque les amène à refuser
rigoureusement toute aide extérieure, au point d’entrer dans des colères monstrueuses
si l’aide venait à leur être imposée. Or, les atypiques ne sont pas doués dans tous les
domaines ! Ils peuvent l’être dans une sphère ou une matière précise, qui les passionne,
mais être moyens (voire pas bons du tout) dans une autre qui les laisse de marbre.
Mais le piège de ce refus d’aide s’est refermé sur eux. Fidèles à leurs principes, ils se
persuadent qu’ils pourront s’en sortir, sans appeler au secours, même quand ils se
noient.

Le point de vue de…


Franck, papa de Rosemary, 7 ans

Lorsqu’elle ne réussit pas du premier coup ou craint de « ne pas faire bien », ma fille se cabre
comme un cheval qui s’arrête au pied d’une barrière et envoie valdinguer son cavalier. C’est
devenu un problème, spécialement à l’école comme pour les devoirs. Alors, on a fait un pacte
tous les deux : Rosemary a le droit d’essayer deux fois seule, et si ça ne marche pas, alors elle
demande à l’adulte un indice. Si ce troisième essai n’est pas probant, la règle du jeu impose
qu’elle passe à la suite en attendant la correction.

Tout est intense chez les atypiques. 


© Groupe Eyrolles

61
Ne pas avoir besoin d’apprendre ?
Il n’est pas rare que l’enfant atypique veuille se convaincre que sa mémoire lui permet
de tout retenir du premier coup, sans relecture ni travail supplémentaire. Il a pu en effet
s’appuyer sur ses facilités et il ne réalise pas toujours que cette méthode a ses limites.
D’autre part, si comprendre une notion aide à la mémoriser et à la rattacher à d’autres
éléments, c’est-à-dire à tisser une toile mentale, cela ne suffit pas à la fixer durablement.

Apprendre par la réactivation


Une information que l’on enregistre est stockée tempo-
rairement dans une région du cerveau appelée l’hippocampe.
C’est la réactivation de ce souvenir qui va jouer un rôle
primordial dans son transfert vers la zone de stockage
permanent, appelée le néocortex.

On peut visualiser ces circuits synaptiques à la manière de sentiers qui serpentent


dans une forêt de neurones. Ces chemins permettent à nos connaissances de
circuler ; plus ils sont empruntés, plus ils sont faciles d’accès et solidement ancrés
dans notre esprit. Ainsi, les jeunes atypiques ayant l’impression qu’écouter en
classe leur suffit amplement à connaître le cours, et qu’ils seront en mesure
de réussir les évaluations sans se replonger dans une relecture ou dans des
révisions régulières, font fausse route. Sans rappel, pas de transfert dans la zone
néocorticale, qui est ce que l’on pourrait qualifier de disque dur du cerveau.

Une étude menée par l’équipe allemande du professeur Bjorn Rasch, publiée
dans la revue Nature Neuroscience, montre que le transfert des souvenirs se fait
d’autant plus efficacement durant une petite sieste d’une trentaine de minutes.
De son côté, le chercheur en neurosciences argentin Fabricio Ballarini a découvert
que l’effet de surprise dynamise la mémoire. Créer un étonnement qui vienne
s’intercaler entre deux séquences de cours permettrait d’améliorer jusqu’à 70 %
la mémoire du précédent évènement, comme du suivant.
© Groupe Eyrolles

62
Ne plus être spécial ?
Ce n’est pas simple d’avoir un fonctionnement qui n’est pas celui de la plupart des
copains. Il faut réussir à trouver les procédés congruents pour soi, et accepter de
travailler différemment. La fenêtre de tir peut être étroite, et certains jeunes en viennent
à se convaincre – à tort – que leurs capacités cognitives sont rentrées dans la norme et
que leurs talents mnésiques ne sont plus ce qu’ils étaient dans leur enfance.

Selon le « modèle d’atypique » que vous avez, il peut être plus visuel ou plus auditif. Un
enfant qui a une pensée visuo-spatiale très marquée sera bien plus sensible à certaines
méthodes d’encodage très graphiques, comme :

●●  les cartes heuristiques (aussi appelées cartes mentales, ou mind-mapping8) qui
apportent une vision très synthétique et colorée des informations à mémoriser,
sous la forme d’une arborescence étoilée. Tous les atypiques n’y trouvent pas leur
compte : certains trouvent ça brouillon, d’autres sont gênés par l’aspect tentaculaire
des représentations, d’autres encore sont perdus par cette spatialisation ;
●●  plus récemment arrivée, la technique du sketchnoting9. Ce mode de prise de
notes se fait à l’aide de petits dessins, de bannières, de puces, de typographies, de
couleurs. Il se veut créatif, mais pour des enfants agités et/ou perfectionnistes, il
risque surtout d’être catastrophique. L’enfant s’attache beaucoup trop à la forme et
en perd le fond. Or, l’idée est d’être rapide et réactif, et pas de passer trois heures
sur un dessin de quelques éléments à peine.
On peut s’en inspirer et faire l’essai avec son enfant. Toutefois, ces méthodes ne
conviennent pas à tous, et c’est dans la variété des approches que se trouve la meilleure
solution pour chacun.
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8 Concept inventé par le psychologue britannique Tony Buzan.


9 De la combinaison des termes anglophones sketch qui signifie « griffonner » et note pour « prise
de notes ».

63
Hyperesthésie

ce
sibilité d e résonan
Hypersen Ca is s e

3
L’atypie
en famille

Tornade
Rivalité
cognitive s
Surcharge

Art de la négociation
Maladresse
© Groupe Eyrolles

Hypervigilence
nt
Soûla
LES SORTIES
Être parent d’un enfant qui ne réagit pas comme les autres implique de tenir compte
de nombreux paramètres qui passent au-dessus de la tête de la majorité des gens. Mais
cela force aussi à regarder le monde autrement !

Une perméabilité émotionnelle


L’hypersensibilité a trait à l’émotionnel et touche environ 20 % de la population. Ces
personnes hypersensibles, les « douillets affectifs » comme les surnomme malicieusement
le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, appréhendent tout ce qui se passe autour d’elles par
le prisme de l’émotion, et sont touchées de plein fouet. Leurs ressentis sont décuplés
et chaque événement de la vie, même le plus infime, trouve un écho exceptionnel. Cela
s’observe sur trois dimensions :

●●  une réceptivité bien plus importante que chez les individus classiques ;
●●  une émotivité constante, envahissante ;
●●  une expression de cette réponse émotionnelle puissante et incontrôlée.

Je suis doué d’une sensibilité absurde,


ce qui érafle les autres me déchire.
(Gustave Flaubert)
© Groupe Eyrolles

66
De l'hypersensibilit
Mon fils est incroyablement
indisposé par les lumières
blanches du type néon.
Ça l’agresse. Quand
on y ajoute le bruit,
les sons d’objets qui
l'hyperesth sie
s’entrechoquent :
le mélange est explosif. En plus de cette sensibilité hors norme, certains
atypiques connaissent également des distorsions
sensorielles10, que ce soit dans le sens d’hypo ou
d’hyperréactivités, d’hypo ou d’hyper fascinations qui
peuvent les déboussoler, ou les obséder. Parmi ces
distorsions perceptives se trouve l’hyperesthésie.
C’est une exacerbation de la perception sensitive et
sensorielle. « 
Sensitif 
» se rapporte aux sensations
transmises par les nerfs reliés au toucher et qui sont
de l’ordre du ressenti (relatif à la douleur, à la faim, au froid, aux sensations de pressions
exercées sur la peau), de la proprioception (relatif à la capacité à percevoir la position de
notre corps dans l’espace) et du vestibulaire (relatif à la coordination des mouvements
et à l’équilibre). « Sensoriel » se rapporte aux sensations transmises depuis nos organes
par les nerfs reliés aux quatre autres sens. Autrement dit, l’hyperesthésie est une
hypersensibilité, mais appliquée aux cinq sens, et non émotionnelle.
Cet apanage endémique de la population atypique altère bigrement la qualité de vie
des ceux qui en souffrent, en transformant certaines de leurs sensations en ressentis
douloureux. Cette idiosyncrasie s’exprime sur toute une palette de nuances, allant du
simple inconfort au sentiment de se retrouver au bord d’un abîme.
© Groupe Eyrolles

10 Se reporter à la thèse de doctorat en psychologie soutenue par le Dr Claire Degenne-Richard :


« Évaluation de la symptomatologie sensorielle des personnes adultes avec autisme et incidence
des particularités sensorielles sur l’émergence des troubles du comportement ».

67
Hypersensible au bruit,
à la lumière, aux odeurs
Quand il est dans une configuration qui le blesse, un enfant hyperesthésique se montre
prestement submergé par une saturation, un trop-plein d’informations sensorielles
dont il ne peut faire abstraction.

Il n’exagère pas, il n’invente pas : c’est bien son système nerveux qui perçoit les signaux
de manière beaucoup trop intense.

Il ressent trop de bruits diffus, trop d’odeurs qui se mélangent et qui l’agressent, des
lumières trop brillantes, des gens qui parlent trop vite, trop fort, qui sont trop proches
de lui. Dans ces conditions, on ne s’étonne plus que l’enfant veuille partir en courant, se
montre irritable, agressif, voire méchant dans ses propos, qu’il se replie sur lui-même
(comme s’il était déconnecté) ou qu’il pique des colères qu’on n’arrive pas à raisonner.

Devant un tel comportement toutefois, arriver à cibler cette cause-là n’est pas évident,
surtout si personne ne nous y fait penser et que l’on ne sait même pas où chercher, ni
par quel bout prendre le problème. D’autant que les plus jeunes ne formuleront pas
nécessairement la gêne avec des mots. Pour les parents, cela pourrait tout aussi bien
correspondre à mille autres raisons différentes !

Mais une fois que l’on comprend, on peut apprendre à l’enfant à « dealer » avec cette
hypersensorialité et à mettre en place des stratégies de coping11 pour partager les
sorties en famille.

L’encouragement est à l’enfant ce que l’eau est à la plante.


(Rudolf Dreikurs)
© Groupe Eyrolles

11 En psychologie le coping représente les efforts – au plan cognitif et comportemental – ayant


pour but d’appréhender un facteur de stress et d’en maîtriser les conséquences. Le terme est issu
de l’anglais to cope qui signifie « faire face ».

68
EXERCICE
APPRIVOISER SES HYPERESTHÉSIES
Même si les sorties sont plus compliquées avec un
enfant atypique manifestant des hyperesthésies, il n’y
a aucune raison de le priver de séances de cinéma,
de piscine, de journées dans les parcs d’attraction,
de visites de musées ou de zoos s’il en a envie. Il lui
sera bien plus profitable, à terme, de lui permettre de
parvenir à une situation d’autorégulation.

Pour réussir, il lui faut :

●● préalablement, se préparer mentalement à cette exposition


●● lui expliquer ce que sont ces surcharges sensorielles : mettre des mots sur
ses ressentis est capital ;
●● lui enseigner comment se préparer à une immersion en situations à
risques, et en sortir victorieux (c’est-à-dire en ayant pu faire ce qui était
envisagé, sans trop de fatigue par la suite) ; cela peut se faire en visualisant
les éléments susceptibles de générer une abondance d’émotions et/
ou de sensations, ou encore à l’aide de ruses de contournement, de
compensation, d’évitement ;
●● postérieurement, lui ménager du temps pour lui. Ce calme après un
moment de grandes sollicitations va l’aider à décrypter ce qui s’est passé, à tête
reposée, pour pouvoir le digérer.
C’est au contact régulier et répété de ce qui est difficile pour lui que l’atypique va
développer des tactiques aussi personnelles qu’essentielles pour se dégager de ces
agressions. On appelle cela « l’habituation », l’idée étant d’obtenir une diminution
progressive de l’intensité comme de la fréquence des réponses d’une personne à un
stimulus qui lui est présenté.
© Groupe Eyrolles

Il faut toutefois avoir conscience que ces particularités, que sont l’hypersensibilité et
l’hyperesthésie, font de l’enfant atypique une indiscutable caisse de résonance. Cette
grande acuité des émotions et des sens ne se met jamais en veille et l’épuise.
Astuces pour prévenir les trop-pleins sensoriels
Pour certaines gênes, il est possible de trouver des subterfuges
faisant office de béquille.

L’ouïe : le port d’un casque à technologie dite de « réduction de


bruit » est un habile escamotage de l’hypersensibilité auditive,
rendue qui plus est passe-partout de nos jours chez les (pré-) adolescents, grands
utilisateurs de casques audio. Toujours dans le domaine acoustique, l’utilisation
de bouchons d’oreilles dans les situations critiques peut changer la vie de votre
enfant. Cependant, il faut qu’il accepte de se familiariser avec, car leur port n’est
pas toujours des plus naturels au début. Il faut donc prendre le temps de s’y
accoutumer.

La vision : si votre enfant porte des lunettes correctrices, lui faire monter des
verres photochromiques (aussi appelés verres Transitions®) pourra le soulager.
Cela reste très discret et permet d’être moins affecté par la lumière blanche. Dans
le cas où il n’en porte pas, les lunettes de soleil sont également une solution en
extérieur, mais à déconseiller en intérieur. Il existe alors des verres teintés, pour
rendre la lumière artificielle moins agressive.

L’odorat : c’est plus opaque. Voici le truc que j’avais trouvé pour éviter à mon fils,
atypique de compète, de se sentir défaillir quand il était assailli d’odeurs ou quand
un effluve en particulier le mettait en position inconfortable. J’avais vaporisé une
fragrance qu’il aimait beaucoup et qui le rassurait sur-le-champ (en l’occurrence,
mon parfum) sur un mouchoir brodé. Il gardait en permanence sur lui, dans une
poche, le petit carré de tissu. Il le savait à portée de main, et au moindre incident, il
pouvait le renifler et si besoin, le garder serré contre son nez, le temps nécessaire,
pour faire oublier à son cerveau les émanations importunes.
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70
EXERCICE
ÉCHELLE DE LA DOULEUR OU DE LA GÊNE
S’il est délicat pour vous d’estimer le degré de souf-
france de votre enfant face à certaines situations, il lui
est en revanche possible, à lui, de vous le montrer. Sur
le principe de l’échelle de Wong-Baker, utilisée aux
urgences et en milieu hospitalier, cette autoévaluation
présente l’avantage d’être très graphique et à la portée
de tous (elle est à retrouver en fin d’ouvrage, dans les
feuilles détachables).

Votre enfant va ainsi pouvoir vous signifier


l’état intérieur dans lequel il se trouve et
pointer son seuil de douleur ou de gêne
sensitive/sensorielle sur cette grille, selon les
valeurs qui seront les plus accessibles pour
lui en s’appuyant, au choix, sur :

●● une ligne de notation allant de 0 à 10,


affichant une progression en termes de
couleurs,
●● six visages qui s’expriment de par leur
expression et leur gradation de couleurs,
●● six situations présentées avec des mots,
correspondant aux visages.
Gardez cette échelle à proximité, vous pouvez
l’utiliser dès que vous sentez que votre
enfant est en situation de douleur physique
ou de détresse psychologique.
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Les atypiques agités
Certains atypiques sont agités du bocal, et le monde extérieur est pour eux une
intarissable source d’excitation ! L’enfant n’écoute pas les rappels à l’ordre et n’en fait
qu’à sa tête. Il crie quand tout le monde chuchote, il court dans les allées des magasins,
il touche à tout au musée, il se tortille sur sa chaise au restaurant, il se mêle de tout et
coupe la parole ; pire qu’une tornade.

Ce qui n’est pas toujours drôle pour les parents ; d’autant que dans un couple, on n’a
pas la même manière de réagir face à des remarques d’amis ou de connaissances qui
nous sermonnent dès qu’ils en ont l’occasion : « Vous êtes bien trop laxistes », « Vous
n’avez aucune autorité. » Ni très agréable pour le reste de la fratrie qui subit et a honte
de se faire remarquer.

Le point de vue de…


Christian, papa de Stella, 16 ans et de Geoffrey,
14 ans

J’ai compris assez tôt que Geoffrey était différent. Plus proche de la pile électrique que du
petit garçon modèle, en dehors de la maison, c’était infernal. Dans les premières années,
notre cercle amical a fondu comme neige au soleil. C’est usant pour le moral, parce qu’on
ne sait plus quoi faire ni quelle attitude adopter. On se sent être de mauvais parents. Et un
jour le déclic s’est produit, il m’a paru injuste pour lui comme pour sa sœur de les priver de
sorties. J’ai choisi de ne plus lutter contre l’impératif moteur de Geoffrey, mais au contraire
de l’accepter et de l’intégrer complètement à nos activités. À chaque occasion, il est mis à
contribution.

Par exemple lors d’un pique-nique, il va être en charge de la distribution des plats, puis
du ravitaillement en boisson. On satisfait son besoin de bouger en le canalisant, et on le
© Groupe Eyrolles

responsabilise. Il est plus constructif de lui envoyer le message « J’ai besoin de ton aide et je te
fais confiance », que de lui faire les gros yeux et de le rendre responsable de sorties sacrifiées.

72
William supporte mal la
frustration et pique des De l'affect partout
colères insensées lorsqu’il
est contrarié. Mais il est
Les enfants atypiques fonctionnent à 300 % à l’affect,
aussi très vite impacté par
les remarques au sujet de et les remuants n’échappent pas à cette règle, même
son comportement. si leur tempérament peut donner l’impression
que ce n’est pas exactement le cas. Un enfant en
bouillonnement permanent ne peut rien faire contre
sa nature irritante pour bien des gens, mais il voit
les messes basses et entend les discussions et les
qualificatifs à son propos ! Sa grande sagacité va
tendre à lui laisser croire que, s’il est le nœud de toutes
les tensions à la maison, il est aussi responsable des
renoncements aux sorties et aux activités en famille.
Il faut donc veiller à le rassurer, et concrètement, à ne
pas tout organiser en fonction de lui, en positif comme en négatif. Lui montrer que tout
ne tourne pas autour de lui ni de son agitation, qui prend déjà tellement de place dans
la cellule familiale, est précieux pour son estime de soi.

LES RELATIONS
DANS LA FRATRIE
Dans une fratrie, rien n’est jamais tout noir ou tout blanc. Qu’il s’agisse de fratrie
classique ou recomposée ne change rien, chaque enfant qui la constitue est différent
et dispose d’une personnalité propre, mais aussi d’une position – à l’intérieur de cet
ensemble – qu’il n’a pas choisie. Les rivalités sont bien réelles, motivées par le désir de
chacun de rafler tout l’amour parental. Cette convoitise peut se résumer ainsi : éclipser
les frères et sœurs pour être numéro un dans le cœur des parents. Eux aimeraient que
© Groupe Eyrolles

les relations soient toujours au beau fixe, mais ce n’est bien sûr pas possible. Dans toutes
les familles, il y a des affinités, des hauts et des bas, des moments de grâce et des litiges.

73
« Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis. »
(Antoine de Saint-Exupéry)

Lorsque j’étais enfant,


ma grande sœur – très
douée pour le piano – était
Jalousies relatives
au centre de toutes les
conversations. Il n’y en
l'atypie
avait que pour elle. J’étais
partagé entre la fierté Quand l’annonce d’une forme d’atypie tombe dans
d’avoir une sœur comme
une famille, la fratrie entière doit composer avec ce
elle, et l’amertume d’être
transparent aux yeux nouveau paramètre. La manière dont la nouvelle
de mes parents avec la sera accueillie dépend bien évidemment de chaque
sensation d’être délaissé. situation : quelle particularité ? De quelle façon est-
elle connue ou comprise par les parents ? En quels
termes sera-t-elle expliquée aux enfants ? Sera-t-elle
valorisée à l’extrême ou présentée sobrement ? À
quels frères et sœurs (quel âge, quel état psychique) ?
Tout cela sera décisif dans l’acceptation que l’un d’eux
se démarque, officiellement.

Il n’y a aucune règle, seulement des cas particuliers.


Mais frères et sœurs vivront d’autant mieux la chose,
si les parents continuent de respecter une équité. Un enfant atypique est par essence
très accaparant, il exige beaucoup de temps et d’attention ; nonobstant, il convient de
veiller à ne pas surjouer cette dimension afin de ne pas attiser un ressentiment à son
égard. Cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu et risquerait d’asphyxier les autres
enfants de la famille.

Chaque enfant doit trouver sa place au sein de la famille,


© Groupe Eyrolles

mais il ne doit pas occuper toute la place.

74
Loin d’être négatives, ces jalousies entre frères et sœurs font partie intégrante de la vie,
avec leur lot de peines et de joies, de coups du sort et d’opportunités. Quelle que soit
la forme prise par son atypisme, un enfant hors cadre prendra plus de place dans une
fratrie et deviendra en quelque sorte plus menaçant. Mais ces petites jalousies ne sont
pas à sens unique. Il ne faut pas croire que les atypiques seraient des victimes, étant
pour beaucoup possessifs et exclusifs. C’est un système de vases communicants.

Éviter les étiquettes


Être à l’écoute de chaque enfant de la fratrie, pas seulement
quand ressortent des discordes, et faire valoir qu’il EST un être
unique, qu’il soit atypique ou standard, est très important pour
sa construction. Ça l’est aussi pour l’équilibre familial et la
bonne entente entre frères et sœurs.

À ce titre, gare aux formules pernicieuses qui enferment ! Certains adultes


s’empressent de coller une étiquette à l’enfant :

« C’est la sportive de la famille. »

« Notre petit intello ! »

« Elle n’est pas faite pour les études. »

« On en fera un scientifique. »

Attention à cet écueil qui peut entraver. Grandir c’est explorer, découvrir et
s’ouvrir au monde. Si on nous assigne dès le début une identité ou une place,
cette marque indélébile rendra l’exploration plus difficile, pour peu que l’enfant
ressente de la culpabilité à ne pas être ce que l’adulte lui indique attendre. Sera-
t-il encore aimé s’il ne correspond plus ? Par ailleurs, ces slogans péremptoires
provoquent aussi la gêne et le découragement des frères et sœurs quant à ce
domaine réservé qu’on leur signale comme un territoire interdit.
© Groupe Eyrolles

75
« Les enfants n’ont pas besoin d’être traités tous pareil
mais d’être traités chacun spécialement. »
(Adele Faber et Elaine Mazlish)

Le cas de l’enfant unique


De toutes les configurations familiales possibles, celle de l’enfant unique est sans la
moindre hésitation celle qui véhicule le plus de clichés. Qui n’a jamais entendu ces
terribles prophéties : il sera pourri gâté, il deviendra un enfant roi, avec une pointe de
mélodrame dans l’air ?

L’enfant unique atypique n’a pourtant pas ce profil, à bien y regarder. On arguë qu’il
n’aurait personne contre qui se mesurer, mais à moins d’être un enfant dont la famille
vit sur une île dépeuplée, n’avoir ni frère ni sœur ne signifie pas vivre coupé du monde
ou évoluer dans un huis clos.

Pour un enfant hors norme, grandir en étant le seul enfant de la famille peut booster
l’ego, à la manière d’un ferment de l’estime de soi. Ce sont, dans la plupart des cas, des
enfants qui se sentent bien parmi les adultes et qui aiment échanger d’égal à égal. Ils
ont inventé bien avant l’heure le concept d’égalité sociale !

Fratrie ou enfant unique, la règle d’or de l’éducation bienveillante


réside dans le respect de chacun.
© Groupe Eyrolles

76
EXERCICE
BANNIR LES MOTS QUI BLESSENT
L’enfant ne doit pas être confondu avec ses parti-
cularités. Il est né comme ça et il est lui-aussi une
victime de cette effervescence qu’il ne peut contrôler.
En tant que parent, il nous appartient de faire de notre
mieux pour ne pas le dévaloriser, même lorsque nous
sommes à bout, fatigués ou agacés. Ce qui n’est pas
toujours réussi, parce qu’être parent est difficile.

Ne nous leurrons pas, il est arrivé à chacun d’entre nous de déraper verbalement sous le
coup de la colère, de la peur ou de la fatigue. Mais il ne faut pas sous-estimer la violence
d’un « Mais qu’est-ce que j’ai fait pour mériter un enfant comme ça ? », qui peut faire
bien des ravages.

C’est pourquoi mieux vaut éviter de réagir à chaud, cela empêche de tomber dans les
mots qui blessent. Ces mots humilient et cassent l’enfant bien plus sûrement qu’ils ne
lui permettent de se construire une image positive et réelle de lui-même. Ce sont ceux
qui lui feront sentir qu’il est nul, et ne vaut rien.

Pour grandir, un enfant a besoin de recevoir de l’amour et de la bienveillance de la part


de ses parents, même dans les moments les plus durs ou les plus tendus.

Chaque phrase en rouge agit comme un poison insidieux, pourrissant lentement


l’enfant à qui elle a été balancée. En vous inspirant des phrases en vert, réfléchissez aux
conséquences de paroles de ce genre et exercez-vous à compléter le reste du tableau.
© Groupe Eyrolles
AU LIEU DE… PRÉFÉREZ…

Je vois que tu n’as pas très envie de le


Mais remue-toi !
faire, mais il faut essayer.

Dis-moi ce qui te met en colère ou te


Tu es méchant.
rend triste, et je ferai tout pour t’aider.

OK, tu as pu vérifier que ça ne marchait


C’qu’il est bête ! pas ainsi, maintenant c’est mon tour.
On essaie à ma manière si tu veux bien.

Tu obéis, un point c’est tout.

En quelle langue je dois le dire


pour que tu obéisses ?

Argh !
C’est pas possible d’être aussi empoté.

Toi qui es soi-disant si intelligent(e)…

Tu n’y mets aucune bonne volonté.


© Groupe Eyrolles
LES SENS EN ÉMOI

Les repas
La vie quotidienne n’est pas de tout repos avec un jeune atypique. Le temps des repas
arrive certainement en tête de liste des grands moments de solitude vécus par les
parents d’enfants hors norme. La première difficulté majeure consiste à faire décrocher
le jeune atypique de son occupation. Il y a de quoi s’arracher les cheveux, surtout quand
la mauvaise blague se répète jour après jour : arrive un moment où l’on craque, parce
qu’on aimerait bien ne pas avoir à s’égosiller et qui sait, une fois de temps en temps,
réussir à manger chaud sans fulminer.

Mon atypique de 6 ans


a toujours eu un rapport
assez étrange à la J'AIME PAS...
nourriture. Il y a des
couleurs d’aliments qu’il
Les spécificités alimentaires varient d’un enfant à un
refuse, des textures qu’il
ne tolère pas. Par exemple, autre, comme les raisons de ces originalités. Certains
il n’avale rien de rouge, ne ressentent pas la faim ou ne reconnaissent pas
et a tendance à manger la satiété, certains se montrent bien trop sélectifs,
toujours les mêmes choses, d’autres ne le seront pas assez. Parmi ces atypiques
de façon cyclique. dont les spécificités sensorielles ont des répercussions
sur leur alimentation, certains :

●● ont des rituels, comme manger séparément chaque


aliment sans qu’il touche l’autre dans l’assiette ; des
rigidités alimentaires qui leur font suivre un planning
précis ;

●● une conscience militante les amenant à être bios,


végétariens, végétaliens, d’autres ne mangent jamais de viande parce qu’ils n’aiment
© Groupe Eyrolles

pas tout ce qui a une texture caoutchouteuse ;

●● certains ont une aversion pour une couleur, une odeur, d’autres seront sélectifs sur la
forme, la consistance ou la manière de préparer un aliment.

79
EXERCICE
OPTER POUR UNE APPROCHE PARALLÈLE
« La légende raconte qu’un jour un enfant est venu à
table après avoir été appelé une seule fois. » @KwesMat
Vous ne supportez plus les « J’arriiiiiiiive » et les « Deux
secondes » qui durent quinze bonnes minutes, avec dix
rappels à vous faire devenir aphone pour la semaine
entière ? Vous êtes arrivé à saturation ? Croyez-bien
que je compatis !

1re étape : identifiez au fond de vous ce qui vous agace le plus dans cette affaire et notez-
le ci-dessous.

Raison n°1 ..........................................................................................................................................................................

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Raison n°2 ..........................................................................................................................................................................

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Raison n°3 ..........................................................................................................................................................................

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© Groupe Eyrolles

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2e étape : cassez les habitudes et soyez un parent inventif. Par exemple :

●● décalez les horaires ;


●● suggérez un repas pris dans une autre pièce (un plateau-repas devant la
télévision, un sandwich avec salade dans le jardin si la saison d’y prête) ;
●● proposez-lui en amont (le matin même par exemple) de participer à la
préparation.

3e étape : contournez ce qui fait obstacle afin qu’il vienne manger dans un délai qui vous
semble raisonnable.

À NE PLUS FAIRE / À ÉVITER À REMPLACER PAR


Ne hurlez plus à travers la maison ou Déplacez-vous, tapez à la porte de la
l’appartement, cela ne sert à rien de pièce dans laquelle il se trouve (même
toute évidence (sans quoi nous n’en si c’est un petit atypique) et allez le voir
serions pas là…). (on ne parle pas depuis le pas de la
porte ou le couloir, on va proprement
au-devant de lui).

Ne lui tapotez pas l’épaule, ou pire, Mettez-vous à sa hauteur pour lui parler
la tête 
! Certains atypiques sont en face à face (accroupissez-vous, ou
immensément perturbés par ce type prenez une chaise, un tabouret, posez-
d’entrée fracassante dans leur monde. vous sur un bout du lit s’il est allongé).
Ils sursautent et ressentent alors une
grande colère, ce qui n’aidera pas
pour la suite de votre manœuvre (si,
pour vous, le toucher est une mise en
relation, pour lui, cela peut être perçu
© Groupe Eyrolles

comme un acte violent et envahissant).


Ne l’appelez pas de but en blanc Préparez le terrain et fractionnez ce temps
pour venir manger, là, tout de suite, durant lequel il va devoir se mettre en
maintenant (parce que c’est prêt, que mouvement. Je vous conseille vivement
c’est chaud et que l’on attend plus d’utiliser les fonctions d’alarme de votre
que lui), avant d’être en colère qu’il ne smartphone (ou du sien), qui sont d’une
s’exécute pas. Exiger qu’il rapplique aide précieuse avec les atypiques de
dans la seconde est utopique (et perdu tout poil. Expliquez-lui le principe, de
d’avance avec un atypique, souvent façon à ce qu’il prévoie la chose dans sa
TRÈS absorbé par ce qu’il fait). tête : une première alarme à 19h55 par
exemple va lui indiquer qu’on mange
dans cinq minutes. Puis une autre à 19h58
lui rappelle qu’il est l’heure de fermer sa
session de jeu ou de suspendre son jeu, sa
lecture. Et enfin à 20h, il est parti.

Ne grognez pas, tout n’est peut-être Énoncez des règles simples. Faites
pas si clair pour lui. Il n’est pas dans court et soyez concret, ne vous perdez
votre tête, et n’a possiblement pas pas dans une discussion philosophique
conscience des attentes que vous sur les bienfaits de manger à peu près
nourrissez, de ce que vous jugez chaud, sur le respect que l’on doit à
acceptable ou non en matière de délai. ses parents, sur le temps qu’il vous fait
Et puis il n’a sans doute pas la notion perdre avec tout ça. Pas de chichis.
du temps qui passe.

Quand les questions relatives aux habitudes alimentaires du jeune occupent une place
centrale dans la famille et que chaque repas pris ensemble est l’occasion d’une rafale de
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remarques sur ses manies, il peut préférer s’y soustraire. Même dans la cellule familiale,
manger autour d’une table est un acte éminemment social et relationnel qui peut
éprouver certains atypiques.
Le point de vue de…
Flavie et Hippolyte, parents de Mélissa, 10 ans

Mélissa est extrêmement difficile. Elle nous dit ne prendre aucun plaisir à manger et ingurgiter
des aliments par stricte nécessité. Le risque de carences nous a rapidement inquiétés, c’est
pourquoi nous avons cherché à rendre le temps des repas moins irrespirable pour elle. Nous
lui avons confectionné un pare-vue de table, autant pour limiter les stimuli autour d’elle que
pour lui épargner de se sentir observée. Nous privilégions les repas avec très peu de convives,
dans une ambiance feutrée grâce à des patins placés sous les chaises. Et nous lui proposons
des choses, mais sans jamais insister ni presser.

Lâcher prise
Ce n’est pas tous les jours facile d’avoir un enfant qui se
démarque côté alimentation. Cela donne des repas compliqués,
avec des menus surmesure. Ces extravagances ont un impact
sur les relations sociales de l’enfant, comme de la famille
tout entière. Dans l’entourage, certains estimeront que les parents ont tort
d’encourager ces tocades. Pourtant, ça n’en est pas. Ces différences perceptives
sont réelles, et doivent être respectées. Plus les parents se polariseront sur ces
conduites, plus l’atypique le vivra mal. Ses particularités sensitives et sensorielles
ne lui permettent pas d’avaler tout ce qui odorant ou trop goûtu ? OK. Son palais
n’admet que des aliments neutres ? Très bien. Il ne se nourrit que de velouté
de quatre légumes, été comme hiver ? Soit. C’est embêtant pour vous, pour la
famille… mais l’est-ce tant que ça pour lui ? Évolution il y aura, c’est certain. Mais
elle se fera à pas de fourmi. Et secouer votre enfant ne le fera pas avancer plus
vite.
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83
L’habiller malgré une sensorialité
exacerbée
Côté vêtements, les cols-roulés sont trop mous et collants, et puis ils lui donnent
l’impression de l’étrangler, les pulls en laine (même les plus moelleux) le démangent,
les chemises sont accusées d’avoir une texture trop rêche, les jeans ont le défaut d’avoir
des zips qui crissent, et les pantalons de ville ont celui d’avoir des boutons qui dépassent
et qui appuient sur sa peau. Côté chaussures, il délaisse la paire rutilante que vous lui
avez achetée au profit de ses vieilles pompes usées jusqu’à la corde. Parce qu’elle est
trop étroite, ou trop anguleuse. L’odeur du neuf l’incommode, et ça le gêne au point de
ne plus penser qu’à ça.

Si jamais je ne coupe pas


les étiquettes de ses
vêtements, mon fils refuse
Vaincre les tiquettes
de les porter. Il dit que ça
le gratte et qu’il ne qui grattent
supporte pas ça.
Qui n’a jamais entendu cela ? Les atypiques ont une
obsession : les étiquettes des vêtements. Ils les ont en
horreur. Leur peau est excessivement sensible et tout
ce qui grattouille les rend dingues. La solution semble
toute trouvée : il n’y a qu’à couper. Si seulement… Il
est difficile de satisfaire un hypersensible sensitif !
Même coupé à ras, le plus minutieusement possible,
le riquiqui bout d’étiquette qui reste continue à irriter
sa peau.
On essaie donc, un peu naïvement, la technique du décousage au coupe-fil. Parce que
la dernière fois qu’il s’est mis en tête de virer lui-même, en cachette, les étiquettes
gênantes de ses T-shirts, votre atypique vous a laissé de jolis petits trous en lieu et place
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de ces saletés d’étiquettes. Ça ne change rien : il sent toujours l’étiquette, les restants, et
même les traces de fil, les plis de la couture et se tortille inlassablement.

84
Ça gratte, ça pique… et ça reste dans la penderie
Votre atypique vous fatigue avec ses exigences ? Il est casse-
pieds, c’est certain, mais dites-vous bien que si vous ne tenez
pas compte de ce qu’il ressent, il ne mettra pas les vêtements
qui l’indisposent. Voici quelques conseils à essayer !

●● Préférez le naturel au synthétique, comme du 100 % coton pour les T-shirts


(mais évitez la laine, qui pose toujours problème).

●● Choisissez des vêtements aux coupes amples et souples.

●● Préférez les tissus molletonnés aux aspects rugueux ou cartonnés.

●● Les coutures des sous-vêtements sont souvent problématiques aussi, mais il


en existe sans couture.

●● Le drame des coutures de chaussettes trouve lui aussi une solution : il suffit de
les retourner.

Chaque atypique a ses propres critères d’acceptabilité. Certains préfèreront un


pantalon en velours plutôt qu’un jean, quand d’autres auront une phobie du
velours et de tous les tissus peau de pêche.
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85
ÇA COINCE À LA MAISON

Patatras !
Dans la maisonnée, c’est un son que l’on entend plusieurs fois par jour. Votre atypique
renverse tout, il casse tout. Les assiettes, les verres et les téléphones lui filent entre les
doigts et ne lui résistent pas. Lorsqu’il se sert à boire, il y a en a partout. Boutonner
ses chemises lui prend dix minutes. Apprendre à nager fut une épreuve. De par sa
maladresse appuyée, il n’est pas rare qu’il perde l’équilibre ou se blesse. Il gère plutôt
mal l’espace et se fait des bleus en entrant en collision avec les angles des meubles.
Dans un contexte effrayant ou de souffrance sensorielle (lors de sorties, parmi une
foule), il tamponne les gens et semble paumé. Il faut savoir que chez certains atypiques,
les coordinations sensori-motrices sont à la traîne.

Nœuds et doubles nœuds


Ne pas savoir faire ses lacets au collège ou au lycée n’est pas
indispensable pour grandir et s’épanouir. Mais cela peut être
mal vécu à cause de persiflages, et votre enfant pourra en
avoir honte et s’autodévaloriser. Pourtant, il ne faut pas faire
un drame de petites choses de ce genre, en décalage chez votre atypique. Au
contraire, affairez-vous à trouver des alternatives, en attendant que ça vienne.
Soyez sûr que votre enfant fera l’acquisition de cette « compétence » (toute
relative) quand, du côté praxique, il sera prêt et que le déclic se produira.

Dans l’immédiat, il existe dans le commerce des lacets tortillons ou encore des
clips autobloquants vraiment fabuleux qui règleront la question et permettront
à l’enfant d’avoir l’esprit tranquille, débarrassé de l’angoisse d’être démasqué.

Attention, ces difficultés peuvent à la longue plomber le moral du jeune atypique,


amené à se croire maudit ou poissard. Il faut être magnanime et surtout, ne pas
l’accabler. Rassurez-le, expliquez et dédramatisez. Méfiez-vous également des
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réactions et des remarques de l’entourage quand ce dernier n’intègre pas la


notion de handicap invisible. Des phrases telles que « Et alors ? Tu ne sais pas te
servir à boire tout seul ? » ou « Tu n’es pas dégourdi pour ton âge » constituent un
véritable travail de sape.

86
Il tourne en boucle
Les atypiques sont des êtres passionnés : l’affectif est partout. Ce qu’ils aiment, ils
l’aiment démesurément, ce qui les chagrine ou les inquiète les chamboule avec la force
d’une tempête, ce qui les questionne les empêche de tourner la page, et ce qui les émeut
les marque au fer rouge. Aussi lorsqu’on met cette nature en relation avec un autre
de leurs attributs qu’est l’hyperverbalisation (dont je vous parlais dans le deuxième
chapitre du livre), le résultat est détonnant !

Ma femme et moi, on n’en


peut parfois plus. On a le Un caract re
obsessionnel
sentiment d’être harcelés,
et de passer notre temps
en famille à marchander.

Le caractère obsessionnel des atypiques prend aussi


une tournure moins sympa pour les parents : l’art
de la négociation. Il faut être clair, l’enfant atypique
ne lâche jamais rien ! Quand il discute quelque chose
(l’assouplissement d’une règle, une faveur ou quoi
que ce puisse être), vous pourrez opposer ce que bon
vous semble, il trouvera la parade et reviendra à la
charge, sans jamais se décourager. Ses arguments
seront parfois tirés par les cheveux, mais ils exigent
malgré tout une réponse de votre part. Car c’est ça son objectif : vous obliger à entrer
dans ce jeu dont il sait très bien qu’il sortira vainqueur par KO. Cela peut prêter à sourire,
mais pour qui l’a déjà vécu, ces assauts répétés sont vraiment très durs à vivre au
quotidien. Le parent-cible est très vite horripilé par ces pourparlers perpétuels.

Ces manœuvres sont le revers de la médaille de l’éloquence. Dans ce domaine, les


petits atypiques excellent tous, sans exception, en mettant intuitivement à profit leurs
qualités. Les « Stop ! », « N’insiste pas », « On en reparlera dans quelques jours si tu veux
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bien » et autres « Là tu me fatigues » n’ont aucune prise sur eux. Et puis, on ne va pas se
mentir, ils savent qu’ils vous auront à l’usure…

87
Une crise d’adolescence
avant l’heure ?
On peut avoir le sentiment d’être face à un ado bien avant l’heure, alors que l’enfant
atypique n’a même pas 7 ans. Pourtant, cela n’a rien à voir avec une crise d’adolescence
qui va toucher (selon des degrés divers, mais toujours avec la même origine) tous
les jeunes entre grosso modo 12 et 20 ans. On parle ici d’une difficulté qui s’exprime
spécifiquement chez les atypiques, mêmes les plus jeunes, et surtout qui est sans lien
avec les changements hormonaux liés à la puberté.

C’est la raison pour laquelle il ne faut surtout pas agir comme si vous étiez en présence
d’un mini (pré-)ado, et toujours garder à l’esprit que c’est un enfant, aux besoins
affectifs de son âge en dépit d’une brillance particulière. De par cette atypie, il a un
sempiternel besoin de s’assurer que vous êtes fiable, et que vous savez poser des limites
sur lesquelles il peut s’appuyer.

ET LES ADOS, ALORS ?

Selon une étude américaine publiée en 2014, il est inutile de crier sur votre adolescent,
son cerveau ferme les écoutilles ! Des chercheurs en neurosciences des universités de
Harvard, Pittsburgh et Berkeley ont découvert qu’en situation de reproches émis par
un de leur parent, le cerveau des ados manifeste une plus forte activité dans les zones
cérébrales associées aux émotions négatives, mais aussi une activité réduite dans celles
associées à la régulation des émotions et à la compréhension du point de vue d’autrui.
Le résultat montre que le jeune devient incapable de retenir sa colère et ne perçoit plus
les raisons de la critique. En clair : la communication ne passe plus, c’est physiologique.
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88
L’endormissement délicat
« Maman, pourquoi on a des émotions ? » En voilà une chouette question posée juste au
moment où l’on éteint la lumière de la chambre. Votre atypique est supposé dormir, mais
il n’arrive pas à fermer l’œil. Alors tout est bon pour vous retenir : il veut une dernière
histoire (vous lui en avez déjà lu deux), il veut boire, puis demande à aller aux toilettes.
Et quand il a épuisé tous ces stratagèmes, il sort son arme secrète : les questions qui
ne peuvent pas attendre. Il n’existe pas d’interrupteur pour stopper les pensées. Cette
surcharge cognitive est le nœud du problème : il est impossible d’arrêter cette machine
à réfléchir, qui devient au moment d’aller se coucher vraiment trop envahissante. Les
idées abondent, mais aussi les angoisses. L’enfant voudrait pouvoir couper les vannes,
et n’y parvient pas. Ce qui fait naître encore plus de pensées. Par association d’idées,
en sautant de l’une à l’autre, il en arrive à s’inquiéter, à se faire peur avec des scénarios
catastrophes. Ne pas réussir à baisser la garde, à abandonner cette hypervigilance
l’empêche de trouver le sommeil (souvent très léger, et qui peut aussi être retardé par
le plus petit bruit, le moindre point lumineux).

Rituels du soir
Votre atypique a la sensation d’avoir dans la tête jour et nuit
un hamster qui s’affole dans sa roue ? Il pense tout le temps
et ça le consume, au point d’avoir du mal à fermer les yeux le
soir. Les petits rituels aident à prendre de bonnes habitudes.

●● Ne montrez pas d’impatience et prenez le temps de respecter cette routine


(l’idée est de sécuriser votre enfant, pas d’expédier le coucher).

●● Choisissez une heure adéquate (selon l’âge de votre loustic et ses besoins en
termes de temps de sommeil) et gardez-la.

●● Tous les soirs, lisez-lui une histoire. C’est un point important de la routine du
coucher, même s’il sait déjà lire. Profitez-en dans ce cas pour partager ce plaisir
et lire à tour de rôle un paragraphe ou une page de l’histoire.

●● Réservez du temps pour des moments parent/enfant, qui peuvent être


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l’occasion d’appliquer certains exercices du livre.

●● N’excédez pas vingt minutes avant l’extinction des feux. Prévenez votre enfant
de ce temps alloué au rituel afin qu’il puisse se le représenter intérieurement.

89
L’ENNEMI JURÉ DE L’ENDORMISSEMENT

La lumière bleue est la partie la plus énergétique de la lumière. Elle est générée par
nos écrans de smartphones, tablettes et ordinateurs qui fonctionnent aux LEDs, et elle
perturbe atrocement les capacités d’endormissement, notamment des plus jeunes dont
le cristallin n’est pas encore mature. En passant du temps devant un écran au coucher,
la lumière bleue va troubler le message envoyé au cerveau par la mélatonine, et reporter
le sommeil d’une heure, selon une étude menée des chercheurs britanniques du King’s
College de Londres et de l’université de Surrey.

LES DEVOIRS À LA MAISON


La routine des devoirs après l’école peut vite générer des frictions et devenir un enfer
pour les parents, certes, mais surtout pour votre atypique. Au menu : angoisses, disputes,
opposition, blocages… Mieux comprendre pourquoi une telle situation s’installe et
mettre en place quelques astuces vous aidera à y remédier.

Tous les soirs, c’est le


drame quand il faut passer
aux devoirs. Il n’en peut
plus et a besoin de
décompresser après l’école,
Un combat quotidien
pour ne pas dire
de décompenser. Il nous La journée scolaire d’un enfant atypique peut être
en fait voir de toutes longue et douloureuse, d’autant que les élèves ont
les couleurs. beaucoup de devoirs. Voilà qu’on lui demande de
s’y replonger, à peine rentré chez lui. Cette situation
conduit inexorablement à des crises, puisque les
parents insistent, et que l’enfant, en retour, s’enferme
© Groupe Eyrolles

dans son refus ou y met toute la mauvaise volonté


possible.

90
Check-list pour des devoirs au calme
Il suffit de petits ajustements pour changer du tout au tout une
situation qui semblait verrouillée.

●● Optez pour un modèle fixe sur le principe « retour à la


maison – goûter – devoirs ». S’y intercalent, selon les habitudes
de la famille, le repas, la douche, etc. Mais dans tous les cas, respectez ce tiercé
gagnant de départ, et ensuite seulement autorisez le jeu, les divertissements, les
loisirs, la détente.

●● Lâchez prise, pas d’hystérie face aux devoirs, et surtout pas de violence, ni
verbale, ni physique. Les pichenettes, les beignes, les fessées ou les insultes n’ont
JAMAIS aidé un enfant. Au mieux ça défoule les parents, mais dans ce cas, il est
alors bon de faire un peu d’introspection pour en comprendre l’origine.

●● Proposez de manière dirigée. Par exemple, au lieu de demander : « À quelle


heure vas-tu faire tes devoirs ? », formulez-le de manière plus fermée, de façon à
diriger votre atypique vers un choix limité : « Tu préfères faire tes devoirs avant
ou après la douche ? » ou encore : « Tu me récites tes leçons avant ou à la fin des
devoirs ? »

●● Restez ferme sur les points non négociables. Si le cours est su, pas de
problème, il n’y a pas à le « réapprendre ». En revanche, les devoirs écrits sont
incontournables. Qu’il s’agisse d’exercices, de préparations d’exposés, de devoirs
maison, ils n’ont rien de facultatifs. Le travail donné par les enseignants doit être
fait.

●● Ne fixez pas de temps réglementaire. Si votre atypique a fini en dix minutes
(en faisant vraiment ce qu’il avait à faire, pas en affirmant « C’est fait » alors que
ce n’est pas vrai, ou que le travail est bâclé), il ne sert à rien de lui imposer de
travailler une heure par principe. Certains atypiques sont très lents, d’autres plus
véloces.

●● S’il sait, n’insistez pas ! Le but des devoirs est de consolider ce qui a été vu en
classe, pas de faire de la vie de l’élève un enfer.
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91
Le mythe des facilités
qui s’estompent
Quand ce n’est pas le jeune qui a l’impression de ne plus être aussi doué qu’auparavant,
c’est l’un de ses parents qui se questionne. La croyance des facilités qui n’existent qu’un
temps est vivace. Pourtant ce n’est pas le cas, rien ne s’évapore en grandissant.

En revanche, il faut absolument apprendre tôt à l’enfant à se confronter à la difficulté.


Bien des atypiques ont de grandes facilités dans un ou plusieurs domaines ciblés. Dans
cette ou ces sphères-là, tout est facile pour eux : ils sont capables d’aller bien plus loin
que les enfants standard de leur âge. Le niveau est par conséquent placé plus bas que
le leur, en rapport avec la moyenne du plus grand nombre d’enfants. Si cette ou ces
sphères rencontrent des compétences scolaires, ils vont réussir à l’école sans effort.

Atypique un jour, atypique toujours !

Or ne triompher que dans ces conditions, sans livrer bataille ou buter, n’est pas un
cadeau à leur faire. Pas plus qu’accepter qu’ils prennent la poudre d’escampette dès que
les choses leur résistent un tant soit peu, car viendra un moment où il leur faudra aller
au-delà de ces facilités originelles. Dans leurs études, parce que les attentes scolaires
évoluent à mesure que l’on avance. Les autres élèves auront eu tout loisir d’apprendre
à travailler dur pendant les années d’aisance nonchalante des atypiques. Mais aussi
dans la vie de tous les jours, parce que sans avoir jamais été confrontés au besoin de
transcender l’adversité, ils risquent de rester à quai, sans comprendre ce qui bloque.
Mieux vaut donc avoir intégré que, si rien ne s’estompe, tout se travaille.

Prenez les musiciens ou les sportifs en exemple, et demandez à votre atypique s’il
pense qu’ils sont forts, dans leur discipline respective sans effort ? Ou s’ils s’entrainent,
apprennent longuement, trébuchent et perdent parfois, avant de s’améliorer ?
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92
QUIZ
LE GOÛT DE L’EFFORT
Saurez-vous reconnaître ce qui va renforcer ce fameux
goût de l’effort ?

1. Le goût de l’effort s’acquiert :

A. Face à un véritable défi, quelque chose qui va demander à s’accrocher

B. En aidant aux tâches ménagères

C. En faisant méticuleusement ses devoirs

2. Pour développer ce goût de l’effort, on peut proposer à l’enfant :

A. L’apprentissage d’un instrument de musique, ou d’un sport

B. Une récompense s’il ramène de bonnes notes

C. D’être serviable et sage en classe

3. Mais si l’enfant se décourage et dit qu’il en a marre ?

A. C’est tout l’intérêt de chercher à le stimuler : apprendre à persévérer

B. Tant pis pour lui, c’est son problème

C. Les autres enfants ne s’en préoccupent pas, ça ne doit pas être si important

4. Le but d’apprendre ce goût de l’effort, c’est quoi ?

A. Éviter l’ennui puis le décrochage scolaire en fixant des objectifs ambitieux dans un
cadre autre que l’école
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B. J’avoue que je n’en sais rien

C. Pouvoir choisir son orientation en fin de troisième


5. Le goût de l’effort peut-il se travailler dans la joie ?

A. Bien sûr ! Cet effort – quel que soit le domaine dans lequel il est éprouvé – doit
générer plaisir, satisfaction et fierté chez l’enfant pour porter ses fruits

B. Moi je ne veux pas le forcer, l’essentiel est qu’il s’amuse

C. Non, il faut que l’enfant en bave sinon il n’apprendra pas vraiment

RÉSULTATS

Vous obtenez une majorité de A : vous avez saisi, bravo ! Acquérir le goût de l’effort,
c’est apprendre à s’accrocher et donner du sens. Expérimenter là où il n’y a pas de
gros enjeu pour comprendre que tout ne tombera pas du ciel ni ne sera apporté sur un
plateau d’argent.

Vous obtenez une majorité de B : non, le goût de l’effort ne passe pas par des corvées.
L’enfant va devoir être mis en face d’un challenge personnel, selon ce qui l’attire, par
la musique, par le sport, par l’apprentissage d’une langue étrangère : tout ce qui va lui
demander de fournir de réels efforts pour progresser.

Vous obtenez une majorité de C : il y a encore un peu de travail. Faire ses devoirs, être
agréable et poli en classe sont des fondamentaux de l’élève. C’est très bien si votre
atypique le fait, mais ça n’a pas grand rapport avec le goût de l’effort dont je parle juste
au-dessus, pour les majoritaires des réponses B.

© Groupe Eyrolles
LES RELATIONS
INTRAFAMILIALES
Tous les enfants ont besoin d’être cajolés, mais les atypiques ont un gigantesque
besoin de s’assurer qu’ils sont effectivement aimés et reconnus dans leurs spécificités.
En Occident, nous sommes de plus en plus nombreux à privilégier une éducation
humaniste qui respecte les droits et la personnalité de l’enfant, dans une considération
empathique et non-jugeante. Les relations intrafamiliales ne sont pas toujours évidentes
quand on a un enfant qui sort du lot. Entre incompréhensions et jalousies, cela peut
quelquefois virer à l’affrontement quand tous ne partagent pas les mêmes concepts
éducatifs. Les mythes ont la peau dure : « elle veut se faire mousser », « ils vivent par
procuration ce qu’ils n’ont pas connu ». Quand les jugements hâtifs et les conseils au
doigt mouillé s’enchaînent, les parents d’enfant(s) atypique(s) passent un sale quart
d’heure : « Oh de nos jours tu sais, quand on écoute les parents, tous les enfants sont
hors norme. »

Alors rien de bien nouveau dans ces préjugés. On les ramasse déjà à la pelle parmi les
connaissances ou à l’école. Cependant ici, ça touche plus durement parce qu’on attend
tous instinctivement une bienveillance dans l’espace protégé qu’est la famille.

Le point de vue de…


Aure, maman de Côme, 12 ans, Isaac, 9 ans et
Fleur, 4 ans

Mes enfants posent des questions sans arrêt et interviennent librement dans les conversations,
ce qui a le don d’agacer prodigieusement ma sœur, fervente partisane d’une éduction rigoriste
dans laquelle l’enfant est un subordonné. Nous avons des points de vue diamétralement
opposés, et j’ai beaucoup de mal à supporter ses allusions à mon prétendu manque de
© Groupe Eyrolles

fermeté. C’est harassant de devoir se justifier à chaque fois, et plus encore de recevoir des
conseils jamais demandés. Je ne supporte plus les « Tu devrais leur serrer la vis ». Là où je vois
des enfants pleins de vie et d’enthousiasme, elle voit des gosses odieux à qui on n’a pas su
dire « non ».

95
J’ai créé un blog pour parler
des particularités de ma un vivier d'atypiques
fille, et un jour, j’ai reçu un
e-mail d’une cousine avec qui
Les relations dans la famille peuvent également
je n’avais plus de contact
depuis vingt bonnes années. représenter une bouffée d’air, un soutien, une
Elle avait atterri sur mes béquille pour les parents d’enfant(s) atypique(s).
pages en se renseignant Parce que la prise de conscience des particularités
pour son fils. Cela a été de son enfant est souvent vécue comme un choc,
l’occasion de constater
que nous vivions les mêmes qui bouleverse la plupart des certitudes que l’on
choses. avait jusqu’alors, le réconfort se trouve pour certains
du côté de leur famille. Ces différences désormais
repérées sur l’enfant rappellent parfois beaucoup aux
grands-parents ce qu’ils ont eux-mêmes traversé en
tant que parents, avec le papa ou la maman de leur
petit-fils atypique. C’est apaisant de savoir que dans la
famille d’autres sont comme ça, partagent les mêmes
facilités, les mêmes difficultés, les mêmes besoins.

L’ATYPIE SERAIT-ELLE HÉRÉDITAIRE ?

L’hérédité est la transmission de caractéristiques précises d’une génération à la


suivante, selon un déterminisme génétique ; l’héritabilité est une mesure statistique,
quantitative et toujours basée sur une population donnée. Il ne s’agit pas d’un cas
individuel, mais toujours d’un ensemble de personnes. Autrement dit, l’héritabilité
concerne un échantillon statistique qui définit la part de l’inné et de l’acquis. Une étude
menée sur plus de 78 000 personnes (22 mai 2017 Nature Genetics) a identifié cinquante-
deux gènes, dont quarante inconnus jusqu’à cette date, associés à l’intelligence. De
© Groupe Eyrolles

même que pour l’intelligence de façon générale, il y a bien une composante génétique
importante dans les formes d’atypie présentées dans ce livre (autant du côté des troubles,
que du haut potentiel intellectuel). Mais on parle bien de caractère d’héritabilité, et non
d’hérédité.

96
L’enfant qui soûle
Il est choupi, il est touchant et parfois même, impressionnant. Un vrai charmeur… mais
qu’est-ce qu’il parle ! C’est en substance que ce disent les personnes qui vivent auprès
de jeunes atypiques. C’est une constante : ils ne savent pas se taire et parlent non-stop.
Au cinéma, au théâtre ou au musée, ils expriment ce qu’ils ressentent, et rien ne leur
échappe. Ils remarquent le plus petit détail et veulent en faire part sur le champ. Ils
peuvent discourir sans jamais s’arrêter, au point d’oppresser leur interlocuteur et de
l’empêcher de réfléchir dans sa tête. Car même s’ils sont fabuleux, vifs, drôles, au bout
d’un moment, ils deviennent soûlants.

Même pour un parent bienveillant et positif, il est des moments où la logorrhée non
cadrée d’un atypique est invivable. Il faut être honnête et le lui dire, en expliquant que
c’est un instant où l’on a besoin de silence et de repos. Attention, ne lui donnez surtout
pas le sentiment que c’est sa présence qui énerve. Il est important qu’il fasse le distinguo
entre son comportement, qui peut se réguler en apprenant, et lui, que vous aimez dans
tous les cas.

Parler ne veut pas dire communiquer


Communiquer, ce n’est pas aligner des mots. Il y a certes
une composante langagière et linguistique (de ce côté-là, les
atypiques sont souvent au top), mais à laquelle s’ajoutent deux
autres dimensions, celles-ci couramment zappées par nos
chers petits : la dimension sociale (respect des règles, moment approprié) et la
dimension pragmatique (où va mon discours ? a-t-il un objectif réel ? intéresse-
t-il ?).

Avant toute chose, votre atypique doit comprendre et accepter que non, on ne
peut pas parler partout. Tout le monde doit respecter cela, autant les enfants que
les adultes. C’est un peu compliqué à expliquer, parce qu’il n’y a pas de règle. Lui
dire « On ne parle pas dans les lieux publics » serait insuffisant et imprécis. Mieux
vaut donner des exemples !
© Groupe Eyrolles

97
À la manière des exemples donnés, complétez ce tableau avec votre enfant.

Dans certains endroits,


il faut s’abstenir de parler
Alors que
(même chuchoter sera
tu peux parler 
perçu comme une
nuisance) 

Dans une bibliothèque Dans un parc

Dans une salle de cinéma À la récréation


pendant le film

En classe Dans un autocar

Voici cinq règles qui pourront aider votre enfant à avancer doucement vers une
capacité à parler, sans saturer, les gens autour de lui :

1. Je ne peux pas monologuer : communiquer, c’est dialoguer.

2. Je ne peux pas ignorer les petits signaux d’impatience chez l’autre.

3. Je ne peux pas interrompre quelqu’un qui a déjà la parole. Pour savoir si


c’est mon tour de parler, je peux compter deux secondes après le dernier mot
prononcé par la personne qui parlait jusqu’à présent. Avec la règle empirique
américaine, il me suffit de dire dans ma tête « Un Mississippi, Deux Mississippi » et
hop, les deux secondes seront passées !

4. Je ne peux pas parler à quelqu’un qui est déjà au téléphone, ou en tête à tête
avec un autre.
© Groupe Eyrolles

5. Je ne peux pas faire comme si de rien n’était quand quelqu’un me demande


de me taire.

98
Ange et démon
Tout le monde vous chante les louanges de cet enfant si accommodant, et vous vous
demandez si l’on parle bien de votre petit monstre adoré ! Vous vous mettez en quatre
pour lui et le petit ingrat se montre sous son plus beau jour à l’extérieur et vous réserve,
à vous, le mode « portes qui claquent et ronchonnements ». Incroyable ? Pas tant que ça :
vous êtes sa figure d’attachement primaire12, c’est-à-dire la personne qui va s’occuper
de l’enfant de manière privilégiée et lui permettre de grandir en toute sécurité. Vous
êtes celle qui sera, quoi qu’il arrive, un inépuisable réservoir de réconfort, celle vers
laquelle il reviendra en confiance, après ses explorations du monde.

Mais alors, s’il nous


..
aime, et si nous sommes
« primordial(e) à son
Le r flexe archaique
épanouissement »
(puisqu’on nous le dit), L’explication tient en deux mots : réflexe archaïque.
pourquoi est-il aussi
L’homme est un mammifère comme un autre ; à ce
pénible avec nous ?
Pourquoi ne nous réserve- titre, l’attachement est un réflexe, comme la succion
t-il pas le meilleur ? ou la préhension. À sa naissance, le petit humain est
entièrement dépendant de son entourage proche.
Son instinct va lui souffler de ne jamais exprimer sa
détresse en dehors de ce petit cercle de confiance,
car cela le rendrait vulnérable. Un enfant qui ne
bouge pas une oreille chez ses grands-parents ou sa
nourrice fait montre de ce réflexe archaïque. Il n’en a
pas conscience (c’est le principe du réflexe), mais en
dehors de sa figure d’attachement primaire, tout ce
qu’il va exprimer va être un peu contenu. Même vis-à-vis des figures secondaires, il y
aura des différences. Cela explique pourquoi votre atypique est aussi insistant auprès
de vous sur son insoutenable ennui en classe, avant de devenir muet comme une carpe
devant son instit’ qui vous répond : « Mais non, tout va bien pour Timothée, il m’a l’air
épanoui cette année. » Ne présenter aucune fragilité, aucune émotion qui risquerait de
© Groupe Eyrolles

le mettre en danger est inscrit dans son ADN. Et puis n’oubliez pas, c’est un authentique
témoignage d’amour envers vous, sa figure primaire.

12 Issue de la théorie de l’attachement, du psychiatre britannique John Bowlby.

99
Loyauté

Passionné
Idéaliste

4
Les relations
des enfants
atypiques

Solitude Naïf
Contemplatif

s
ssion
Susceptible Obse
© Groupe Eyrolles

e Empathie
Fantasqu
UN SENTIMENT DE SOLITUDE
PESANT
Les incompréhensions mutuelles qui existent entre les atypiques et la plupart des
enfants standard peuvent s’exprimer par une indifférence totale, ou par du harcèlement
aux conséquences potentiellement dramatiques. On a toutes les couleurs du spectre,
selon les situations et selon les personnalités en présence.

Qui est étrange ?


Des différences cognitives qui caractérisent les atypiques naissent des personnalités qui
peuvent sembler bizarres ou farfelues aux enfants ordinaires de leur âge. Leurs centres
d’intérêt très spéciaux inspirent même quelquefois de la méfiance chez les parents des
autres enfants : « Il est étrange ce petit. » Quand ce n’est pas leur comportement qui pose
question : « Pourquoi elle ne regarde pas dans les yeux quand on lui adresse la parole ? »
Et vice versa, les atypiques ne voient pas forcément d’attrait aux enfants autour d’eux, et
ne savent pas toujours comment les accoster. Pour eux, ce sont les neurotypiques qui
sont bizarroïdes. Et ils n’ont pas le mode d’emploi pour se faire accepter d’eux.

Le point de vue de…


Annie et Jacques, parents de Baptiste, 19 ans

Notre fils ne s’est jamais senti accueilli par les autres. Il était surnommé « l’intello qui se la
pète » depuis le CP ; autant vous dire que les relations n’étaient pas au beau fixe. On s’est
résolus à envisager les activités hors de l’école comme agents de socialisation, sans quoi il
© Groupe Eyrolles

serait resté dans son coin toute son enfance. Le point commun (musique, sport) permettait
de créer des accointances.

102
Différentes manières de faire face
Parmi les jeunes atypiques, il y a différents profils, mais aussi différentes manières de
gérer les relations, ou l’absence de relations. Il y a ceux qui vivent mal cette solitude
et qui aimeraient tisser des liens d’amitié avec d’autres enfants. Ils ressentent de la
tristesse face au rejet, aux moqueries et/ou aux incompréhensions qui leur sont
adressés en retour. Et puis il y a ceux que cela ne chagrine pas, soit parce qu’ils ne se
rendent pas véritablement compte qu’ils sont isolés, soit parce qu’ils n’en ont cure et se
trouvent bien tous seuls.

LES AMIS IMAGINAIRES

Il est fréquent que les enfants atypiques n’ayant pas d’amis s’en créent : un ou plusieurs
amis qui n’existent que dans leur imagination. Ce sont des amis invisibles à qui ils parlent,
qui les accompagnent et les rassurent. Leur durée de vie est variable, ils disparaissent
généralement assez vite et les parents n’ont alors même pas le temps de s’en apercevoir,
quand ce n’est pas l’enfant lui-même qui oublie jusqu’à leur existence. Ils peuvent être
humains ou non, classiques ou fantastiques. Ils n’ont pas d’allure précise ni de nom, ils
peuvent évoluer au fil du temps, selon les besoins des enfants qui les font vivre dans
leur tête.
Les parents s’en inquiètent parfois et se demandent s’il faut entrer dans le jeu de leur
enfant, ou a contrario lui rappeler fermement que rien de tout ça n’existe et qu’il devrait
se faire de vrais amis, en chair et en os. Il faut savoir qu’il n’y a rien de pathologique
dans ce processus de création, car les intéressés savent pertinemment que ces amis
n’existent que dans leur esprit.
D’après une étude conjointe des universités américaines de Washington et de l’Oregon,
près des deux tiers des enfants ont eu recours à ces amitiés chimériques, essentiellement
entre l’âge de 3 et 7 ans (mais cela peut aller bien au-delà et perdurer à l’adolescence).
Elles témoignent d’une créativité immense et ont vocation à protéger l’enfant. La
psychologue britannique Anna Roby constate, suite à une étude menée en 2005 à
© Groupe Eyrolles

l’université de Manchester, que « les enfants qui ont des compagnons imaginaires ont
des compétences de communication plus avancées ».

103
Quand le jeune atypique aimerait
nouer une relation
Pour une majorité d’atypiques, l’amitié et l’amour, lorsqu’ils sont plus grands, sont des
sujets avec lesquels on ne badine pas. D’une loyauté sans égal, ils ont la plupart du
temps une conception de l’engagement traditionnaliste et malheureusement décalée
par rapport aux autres enfants. Selon les critères actuels, leurs valeurs et leurs priorités
sont obsolètes. Mais ces attentions que d’aucuns peuvent qualifier de vieillottes ne
sont pas le fruit d’une éducation ciblée ou d’un contexte religieux particulier, elles sont
intrinsèquement liées à l’atypisme. Elles sont présentes mêmes chez les plus jeunes
d’entre eux. Pour l’atypique, l’amitié signifie beaucoup. D’ailleurs, la déception peut
être incommensurable lorsqu’il comprend que ce n’est pas réciproque et que l’autre
n’est pas sur la même longueur d’onde.

Un atypique ne donne pas son amitié à la légère.

Le point de vue de…


Adrien, papa de Sixtine, 14 ans

Dans sa petite enfance, ma fille était ignorée de ses camarades  : jamais invitée aux fêtes
d’anniversaire, toujours seule quand il fallait se mettre deux par deux. Ne supportant plus
cet isolement, elle a fait de son mieux pour aller vers les autres, malgré les disputes et petites
histoires qui sont monnaie courante entre filles, et qui restent nébuleuses pour elle. Il y a
quelques jours, elle est rentrée groggy du collège : « Moi je suis fidèle en amitié et mes amis
comptent pour moi. Je fais tout pour les aider et je ne les laisse jamais tomber. Eux ne font
© Groupe Eyrolles

que me blesser et se servir de moi. »

104
Attention à la dépendance affective
Parmi les atypiques, certains sont prêts à tout accepter pour
ne plus être seuls et connaître un sentiment de complicité. Dès
lors, ils deviennent la cible idéale d’individus malintentionnés
ou en recherche de pouvoir, qui pourront ne pas être de bon
conseil. Être isolé fait déjà d’eux une proie facile, et être ultra-sensible plus encore
car les dégâts pourront être bien plus grands qu’avec un autre enfant.

Voici quelques signes qui peuvent vous indiquer qu’il a croisé la route d’une
personnalité narcissique :

•  mon enfant est triste ou abattu dès que l’ami(e) n’est plus là ;

•  il délaisse ses passions et ses centres d’intérêt au profit de choses que
l’autre veut faire ;

•  j’ai le sentiment que l’ami(e) en question est intéressé(e). Il ou elle tire


avantage de cette amitié (au plan scolaire, au plan matériel, etc.) ;

•  mon enfant s’enferme dans une relation très exclusive avec cet(te)
ami(e) qui joue le rôle de « super-confident(e) » ;

•  l’ami(e) en question le rabaisse visiblement : il ou elle lui parle mal, le


dévalorise ou le discrédite ;

•  je ressens chez mon enfant un malaise qu’il n’exprime pas


directement ;

•  depuis qu’ils se côtoient, j’ai repéré chez mon enfant un changement


d’attitude envers nous, envers l’école ;

•  il me semble que son ami(e) joue avec ses sentiments, le fait marcher
(voire exerce une forme de chantage) ;

•  l’ami(e) en question ne vient vers mon enfant que lorsqu’il ou elle n’a
personne d’autre, façon bouche-trou.
© Groupe Eyrolles

105
Votre enfant ne voudra probablement pas se départir de l’ami(e), il ne verra pas
les traces de l’emprise affective dont il est victime. Le meilleur moyen de lui faire
prendre de la distance en douceur, afin qu’il puisse réaliser quelle mauvaise
influence cette personne a pu avoir sur lui, est de l’amener à diversifier ses
fréquentations.

Les relations toxiques sont toujours bâties sur le même principe : couper la
victime de son socle, l’éloigner du reste du monde pour solidement planter les
bases de cette dépendance. C’est donc en ouvrant le plus possible l’horizon de
votre enfant que vous parviendrez à fragiliser cette relation néfaste pour lui, et à
la faire tomber.

La propension exceptionnelle
à s’extasier
Les atypiques sont des contemplatifs, la beauté d’un paysage les foudroie, l’émotion
d’une situation les saisit, la splendeur d’un tableau leur mouille les yeux. Ils sont
naturellement enclins à partager ce qui les touche, sans honte ni fausse pudeur.
Seulement leur facilité à s’extasier devant la vie, les arts ou la nature n’est pas toujours
du goût de tous et bien des enfants standard vont bondir sur cette occasion en or pour
moquer une hyperémotivité et une sensibilité particulières qui dérangent.

« Ils sont dotés d’une intelligence métaphorique, comme s’ils étaient capables
de saisir la réalité, mais aussi la richesse symbolique du réel. »
(Monique de Kermadec)

Le sens aigu de l’observation des atypiques, ce penchant naturel à scanner tout ce qui
les entoure, s’exerce à tout moment de la journée. Mais quand leur bulle onirique entre
en collision avec la réalité telle que perçue par les autres enfants, c’est brutal. Et ils
apprennent alors à taire ces rêveries.
© Groupe Eyrolles

106
EXERCICE
ENTRETENEZ LA FLAMME
L’idée est d’éviter que la confrontation de votre
enfant avec l’âpreté du monde extérieur, dans lequel
s’émerveiller et faire montre d’émotions est interprété
comme une faiblesse, n’éteigne ce feu qui le rend unique.

Proposez-lui de partager avec vous chaque jour :

●● une chose qui l’a fasciné, qui l’a épaté, qui lui a apporté des questions plein la
tête, qui lui a donné envie de faire des recherches ;
●● une chose qui l’a ému : cela peut avoir fait poindre en lui une émotion positive
ou négative. Ce qui importe, c’est de l’exprimer.

Faites de même, (ré)apprenez à être attentif à ces petits moments suspendus et


partagez-les avec lui quotidiennement !

Si savoir voir la beauté en toutes choses est inné chez les atypiques, il faut cultiver à tout
âge cette aptitude qui peut se faner bien vite, fauchée à grands coups de railleries et de
mises en boîte.

Quand nous cessons de nous émerveiller,


nous arrêtons de croire en la vie.
(Michel Bouthot)
© Groupe Eyrolles
Être doublement hors norme
Quand l’atypique présente, en plus, une caractéristique physique très marquée qui ne
peut passer inaperçue (taille, surpoids, acné, sudation), cela fait office de surcouche et
ajoute aux soucis de communication et d’acceptation. En outre, certains ados atypiques
portent un écrasant secret : celui d’un cumul. Ils vivent depuis toujours avec leurs
caractéristiques neurologiques qui les distinguent de la majorité des autres enfants,
mais ils ont découvert au fil du temps, parfois dans une grande détresse, qu’une autre
forme d’atypie vit en eux. Et de celle-ci, ils n’osent pas toujours faire état à leurs parents.
Cela peut être du fait d’une homosexualité, d’une bisexualité, d’une asexualité ou encore
d’une dysphorie de genre13. De ces particularités, le caractère transgenre est sans doute
aujourd’hui le moins compris et entendu de certaines familles. « Le sexe c’est ce que
l’on voit, le genre c’est ce que l’on ressent », résume magnifiquement l’endocrinologue
américain Harry Benjamin.

Le point de vue de…


Ingrid, 21 ans

Je suis née dans un corps masculin, et j’ai réalisé à 5 ans que je me sentais appartenir à
l’autre sexe. J’étais une fille à l’intérieur de moi, aucun doute là-dessus ! J’ai caché tout ça à
mes parents jusqu’à l’âge de 11 ans puis, dans un grand mal-être à mon entrée au collège,
je me suis jetée à l’eau et j’ai voulu leur expliquer. Mais pendant des années, ils m’ont pensée
homosexuel (en mode garçon attiré par d’autres garçons). Ma dyspraxie ajoutait à cette drôle
d’allure que j’avais, et il leur était manifestement plus facile d’accepter que je sois un garçon
efféminé, et finalement gay, plutôt que de se dire qu’ils avaient une fille qui voulait exister
en tant que telle. Ils commencent tout juste à se faire à l’idée que je suis une femme, mais le
sujet reste sensible.
© Groupe Eyrolles

13 Une inadéquation entre l’assignation sexuelle d’une personne à la naissance et son identité de
genre. Par exemple, l’ado est née fille tout en se sentant en tous points être garçon.

108
DES DIFFICULTÉS À SE METTRE
AU NIVEAU DES AUTRES
Un atypique est hors de la norme, sur un ou plusieurs plans, depuis sa naissance et le
restera toute sa vie. Il ne sait donc pas intérieurement ce qu’est « être normal ». Aussi,
lorsqu’il cherche à se le figurer en imaginant qu’ainsi il sera accepté des autres, il ne
sait pas manier le curseur qui lui permettrait de se positionner pile poil ce qu’il faut sur
l’échelle de normalité. Il y a de grandes chances pour qu’il mette le doigt à côté et que
ce costume d’invisibilité, qu’il tente de revêtir à toute force, soit des plus voyants.

L’avantage d’être intelligent, c’est qu’on peut toujours


faire l’imbécile, alors que l’inverse
est totalement impossible.
(Woody Allen)

La faute aux repères différents…


L’enfant atypique peut aussi passer pour un toqué ou un cornichon aux yeux des enfants
ordinaires parce qu’il présente un déficit de repères générationnels lui permettant de le
reconnaître comme faisant partie des leurs.

Le vocable, les passe-temps, les relations avec les parents sont des indicateurs
d’appartenance à telle ou telle génération. Ainsi les gens nés dans les années 70 auront
certaines références, très différentes de celles revendiquées par la plupart des enfants
des années 90 par exemple. Or un atypique n’est pas toujours raccord avec les codes de
sa génération.
© Groupe Eyrolles

109
Le point de vue de…
Eilyn, 20 ans

Mes passions étaient le ballet et le chant lyrique. Alors, quand les filles dans le bus, dans
la cour ou à la cantine parlaient entre elles de rap et de téléréalité, je me sentais démunie.
Je n’avais strictement rien à dire sur ces sujets qui étaient tellement éloignés de moi qu’ils
me donnaient l’impression permanente d’être une poule venant de trouver un couteau. Et je
passais tantôt pour une snob, tantôt pour une gourde.

… Et à sa grande naïveté
Léo est désarmant.
Autant il est très lucide Bien des atypiques sont d’une naïveté inouïe, ce
pour certaines choses, qui est hautement paradoxal quand on connait leur
autant il est d’une
perspicacité. Cette ingénuité dans le relationnel
extraordinaire naïveté,
comme dans leur rapport au monde va donc à
avec une vision très
enfantine, pour d’autres. l’encontre de la sagacité qui les caractérise en
d’autres circonstances. Elle ne leur simplifie pas la vie
lorsqu’il s’agit d’interagir avec les autres enfants qui
eux usent sans complexe de toutes les ficelles pour
arriver à leurs fins, quitte à duper, tricher ou remanier
la réalité. Ce sont des choses que les atypiques dotés
d’une candeur hors du commun ont bien du mal à
détecter.

Mais il ne faut pas confondre naïveté et stupidité.


L’enfant atypique n’est jamais « neuneu » ! Il n’a aucune difficulté cognitive à comprendre
que le mal existe, seulement une personnalité idéaliste et gentille qui ne peut croire
que l’on prenne plaisir à salir ou à blesser sans raison.
© Groupe Eyrolles

110
Ne pas être tactile
C’est un point auquel peu de gens prêtent attention. Les contacts n’ont rien de naturel
pour certains atypiques qui fuient les mains posées sur l’épaule ou sur la tête, qui ont
horreur des hugs et pour qui une accolade n’est acceptable que venant de leurs très
proches, réservée aux grandes occasions. À une époque où les adolescentes s’enlacent
à tout va et où les garçons se font la bise, s’éloigner de ces conduites tactiles n’est pas
anecdotique. Ces atypiques pour qui une étreinte est comme être « étranglé (e) par un
boa constrictor », pour reprendre les mots de Sheldon Cooper14, sont franchement à
contre-courant.

LA PROXÉMIE : UN ESPACE PERSONNEL MODULABLE

L’anthropologue américain Edward Hall a décrit dans son livre La Dimension cachée la
subjectivité qui entoure ce qu’il a appelé la « proxémie », c’est-à-dire la distance physique
qui s’établit entre des personnes prises dans une interaction. Cet espace varie selon la
relation établie, selon la culture et en fonction de facteurs personnels.
Ainsi, en partant de la bulle de protection de l’individu et en s’en éloignant au fur et à
mesure, il a défini :
●●La distance intime est estimée à 40 cm. Laisser entrer quelqu’un dans cette bulle
signifie qu’il existe une relation privilégiée.
●●La distance personnelle est estimée entre 45 cm et 1,20 mètres. Elle est synonyme
d’une bonne entente entre les interlocuteurs.
●●La distance sociale est estimée entre 1,20 et 3,60 mètres. C’est l’espace propre à
une relation professionnelle ou commerciale, elle implique un certain détachement.
●●La distance publique estimée à 7 mètres en moyenne dans le cas d’une conférence
avec un grand nombre de personnes par exemple.
D’une façon générale, aux États-Unis, on apprécie une certaine distance, puisqu’on ne
serre la main que la première fois et que faire la bise n’existe tout simplement pas.
© Groupe Eyrolles

L’Espagne, au contraire, est un pays bien plus tactile et dans lequel on échange en proche
face à face. Au Japon, les contacts physiques ne sont pas appréciés et les distances très
importantes (il est très rare que l’on serre la main de quelqu’un par exemple).

14 Personnage fictif de la série The Big Bang Theory.


111
QUIZ
SA RELATION AUX CONTACTS
Pour chaque situation de la vie courante présentée,
laquelle de ces trois propositions est la plus parlante
pour votre enfant ?

1. Quand en classe on lui effleure l’épaule, qu’on lui tapote la tête…

A. Il continue son travail. C’est la routine, ça ne lui fait ni chaud, ni froid.

B. Damned ! Ses envies de meurtre le reprennent !

C. Cela crée un vrai lien entre les élèves et l’enseignant, c’est convivial.

2. À la maison, il tolère :

A. Les embrassades, les tapes dans le dos… Rien ne le gêne vraiment dès lors que ça
ne s’éternise pas.

B. Seulement les contacts très courts et du bout du doigt (non sans un agacement
intérieur, parce qu’on est déjà au-delà de son quota journalier).

C. Les bisous, les étreintes, les massages, les mains dans le cou. Il a besoin d’être en
contact avec ses proches.

3. Avec ses amis, il…

A. Ne prête aucune attention à la distance qui les sépare ou non.

B. Culpabilise quelquefois, mais c’est plus fort que lui : il ne peut s’empêcher d’avoir
un mouvement de recul et de se raidir s’ils l’approchent de trop près. C’est un
automatisme.
© Groupe Eyrolles

C. Chahute, dort dans le même lit quand ils font des pyjama party, est toujours en
contact rapproché avec eux quand ils jouent ensemble.
4. Pour lui,

A. Le toucher n’est rien de plus qu’un sens parmi d’autres.

B. « Tactile » ne se conçoit que sur les écrans ! Il vit ces contacts physiques comme des
agressions, des intrusions dans son périmètre vital.

C. La peau est un organe social : les contacts captent l’attention des autres et sont
synonymes d’apaisement.

5. Du coup, au fil du temps,

A. Il a appris à s’accommoder des contacts physiques, même s’il n’est pas du genre
expansif.

B. Il est passé maître dans l’art d’esquiver le moindre contact qui s’annonce, et il
assure en matière de « coucou de la main ».

C. Vous avez institué chaque jour des longs moments chaleureux et rassurants de
câlins à la maison.

RÉSULTATS

Avec une majorité de A : il n’a pas de difficulté particulière sur ce plan-là, et semble
adapté aux mœurs de notre société qui, par convention, fait la bise et serre la main.

Avec une majorité de B : il redoute et fuit comme la peste tout contact physique. S’il
le pouvait, il creuserait une galerie souterraine pour s’échapper à chaque fois que
quelqu’un viole son périmètre de sécurité. Mais comme il ne le peut pas, il se contente
de paniquer et de réfléchir à des feintes.

Avec une majorité de C : il adore le contact physique, et aime par-dessus tout qu’on le
serre fort dans les bras, qu’on lui témoigne de l’affection.
© Groupe Eyrolles
DES GOÛTS ET DES INTÉRÊTS
HORS NORME
La population atypique est passionnée. Selon les profils, certains s’intéressent à plein
de choses, sont boulimiques d’informations et touchent à tout ; d’autres sont des
spécialistes de sujets très spécifiques et s’en éloignent peu. Non seulement les thèmes
sur lesquels les atypiques jettent leur dévolu peuvent être particuliers, mais ce qui
devient rapidement des obsessions peut s’exprimer à un degré bien plus important que
chez les enfants dans la norme. Il y a une différence à la fois quantitative et qualitative
dans leurs attirances. Ces intérêts restreints peuvent viser les étoiles, les dinosaures,
les insectes, les avions, l’informatique, les mangas, la science-fiction,  etc. Ils peuvent
interdire de s’ouvrir aux autres, à moins que ces derniers acceptent de s’aventurer sur
le terrain choisi par l’atypique.

L’enfant atypique qui ne partage pas les centres d’intérêts supposés être assortis à son
genre, ou à son âge, va se sentir cruellement pénalisé : de par son atypie fondamentale,
qui le rend bizarre aux yeux des autres, mais aussi de par le rejet lié à ses attirances
jugées non-conformes aux attentes de ses pairs.

Le point de vue de…


Letty, maman de Zian, 17 ans

Zian est un fana de trains. Ce n’est pas un sujet qui passionne outre mesure les jeunes, passé
une dizaine d’années, mais lui n’aimerait parler que de cela aux gens qu’il aborde. Il est un
thésaurus ferroviaire à lui tout seul, et souffre de ne pouvoir partager cette adoration avec
d’autres au lycée. Depuis le début de l’adolescence, il s’est réfugié sur Internet, qui est le seul
endroit où il a trouvé d’autres personnes à son image, éprises de trains au point de ne penser
qu’à ça.
© Groupe Eyrolles

114
On les appelle les sentinelles parce qu’ils surveillent tout […]
Ils cherchent à comprendre et à mettre du sens
dans le monde très tôt.
(Olivier Revol)

De la difficulté à faire preuve de


légèreté
Petits professeurs ou petits philosophes, tout est fabuleusement sérieux dans leur
monde et tout est pris au pied de la lettre. Le second degré n’y a pas toujours sa place
au quotidien et ils ne s’amusent que lorsqu’ils font marcher leurs méninges. Ceux-là
ont souvent une allure un peu raide jusque dans leurs mouvements ; guindés et droits
comme un « i », ils renvoient une image d’enfants pas très fun à côtoyer.

Mais cette grandiloquence a une raison d’être : elle est le fruit d’un don de discernement
peu commun. Il est délicat de s’abandonner, d’être insouciant quand on a conscience de
tout le malheur de la planète. L’ignorance, c’est le bonheur.

Le point de vue de…


Anne-Elisabeth, maman d’Esteve, 17 ans

Lorsqu’il était petit, Esteve était la bête noire de ses camarades. Personne ne voulait être le
voisin de classe de « Monsieur Je-sais-tout ». Sa facilité à anticiper les problèmes le faisait
passer pour un donneur de leçons, et ils ont commencé à l’appeler C-3PO ou Mini-Sheldon.
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115
Un humour décalé
L’humour est un peu une seconde nature chez les atypiques. Même les plus jeunes font
preuve d’un grand sens de la dérision, et cela les aide d’ailleurs pas mal à supporter
l’exclusion qu’ils subissent parfois durement. Mais leur sens de l’humour est à leur
image : inhabituel et pas à la portée de tous. Contrairement à ce que l’on pourrait croire,
cela n’aide pas côté socialisation – encore un domaine où ils ne sont pas dans le bon
tempo par rapport à leur classe d’âge. D’un côté, ce qui les fait rire est théoriquement
destiné aux plus âgés, comme l’humour absurde ou l’humour noir ; de l’autre, ce qui
fait ricaner leurs camarades les laisse dubitatifs. Une fatalité de plus : ils vibrent sur une
fréquence difficilement accessible aux autres.

VOUS PRENDREZ BIEN UNE TRANCHE D’HUMOUR NOIR ?

Une étude menée par le Dr Ulrike Willinger, neurologue autrichienne de l’université


médicale de Vienne, publiée au début de l’année 2017 dans la revue Cognitive Processing,
a établi une corrélation entre intelligence et sensibilité à l’humour noir. En plus, elle
a contredit la croyance selon laquelle les personnes ayant un humour noir seraient
maussades ou sadiques.
Chez certains atypiques, en particulier à l’adolescence, on observe une utilisation
délibérée de l’humour dans ses formes les plus provocatrices ou tendancieuses pour
piquer au vif un entourage jugé trop timoré.

Ne pas avoir l’esprit d’équipe


Chez les enfants atypiques, le collectif n’est pas toujours ce qui fait le plus recette. Les
activités solos et les sports individuels sont ce qui fait naturellement écho en eux. Ils y sont
© Groupe Eyrolles

plus habitués, et c’est bien plus confortable que de se heurter aux incompréhensions et
aux lenteurs des autres quand il faut faire équipe.

116
L’intérêt de trouver sa place dans une chaîne
Comme toujours, le jeune atypique a besoin, pour aller vers
quelque chose qui n’est pas naturel pour lui, de comprendre
très exactement pourquoi on cherche à lui faire adopter cette
attitude. Il veut décortiquer la question, explorer toutes les
solutions possibles. Mais ici, il n’y en a qu’une : il n’est pas d’être humain qui
puisse vivre en dehors d’une forme de société, aussi réduite soit-elle.

Il aura besoin de collaborer avec d’autres individus. À moins de vivre en autarcie


au fin fond de la forêt amazonienne, votre enfant évoluera dans un monde pétri
d’interactions humaines ! D’où l’importance de lui inculquer le goût du travail
coopératif, en insistant sur le fait que chaque maillon de la chaîne a un rôle à
jouer. Même un travailleur indépendant qui ne connait pas de hiérarchie est
constamment soumis à des avis et des volontés extérieures.

Exemples : l’écrivain a besoin de sa maison d’édition, mais aussi de plaire à son


public ; le pilote d’avions de ligne a besoin de son copilote pour le seconder, mais
aussi d’une compagnie aérienne qui l’emploie ; le paléontologue a besoin de son
équipe, mais aussi d’être à l’écoute de ses supérieurs (université, musée).

Les batailles de la vie ne sont pas gagnées par les plus forts, 
ni par les plus rapides, mais par ceux qui n’abandonnent jamais.
© Groupe Eyrolles

117
EXERCICE
TRAVAILLER SA PERSÉVÉRANCE
Sans persévérance, toutes ses qualités et ses talents ne
servent pas à grand-chose. Voici un exercice à faire
avec votre atypique pour lui montrer que le secret de la
réussite, même des plus petites réussites du quotidien,
réside dans cette qualité universelle.

Chaque iceberg sera unique, composé à l’image de son illustrateur. Vous retrouverez le
dessin vierge dans les feuilles détachables.

Partie émergente : C’est la partie visible de l’iceberg, donc ce que les autres peuvent
voir. Choisissez avec votre enfant un succès dont il est fier, un projet qu’il a réussi à
mener à bien, un défi personnel qu’il a réussi à relever. Peu importe leur nombre et ce
que c’est (surmonter une peur, participer à un tournoi sportif, etc.), mais il faut que ce
soit des choses dans lesquelles il se soit investi et qui n’aient pas été « évidentes » pour
lui. Notez-les sur la partie émergente.

Partie immergée : Selon l’idée de l’iceberg, tout ce qui est sous l’eau représente ce
que les autres ne voient pas. Il s’agit maintenant de lister toutes les difficultés et les
obstacles auxquelles votre enfant a dû faire face, ainsi que les efforts qu’il a fourni pour
atteindre son objectif. Quelques exemples : soirs et week-ends à travailler, échecs, machine
à penser, sentiment d’être nul, impulsivité, sacrifices
(les détailler), hyperesthésie, peurs, etc. Soyez le
plus spécifique possible dans les mots que vous
sélectionnez. Reportez les mots choisis sur la
partie immergée de l’iceberg.

L’image de l’iceberg ainsi créée permet à l’enfant


de se rappeler la persévérance dont il a fait preuve
et ce qu’elle lui a permis d’accomplir.
© Groupe Eyrolles
DES DIFFICULTÉS
À COMMUNIQUER
Je rappelle que la population atypique est hétéroclite. Cette section est spécifiquement
consacrée aux atypiques qui présentent des difficultés de communication, ce qui n’est
pas le cas de tous, cela s’entend. Et chez ceux se retrouvant dans cette problématique,
ce sera à des degrés d’intensité variés, selon le profil de l’enfant.

Communiquer ne se limite pas


aux mots
Parmi les atypiques ayant des difficultés de communication, il y a ceux atteints de
mutisme sélectif (dont je parle au chapitre deux), mais aussi tous ceux – souvent oubliés
– qui communiquent autrement.

Ce sont des enfants qui ont du mal avec le langage oral ou qui sont plus portés sur
l’expression écrite ou sur la gestuelle. Il ne faut pas perdre de vue que communiquer ne
passe pas nécessairement par la parole : le regard, les mimiques et plein d’autres choses
comptent. Par exemple, certains enfants hors norme, pour faire comprendre ce qu’ils
veulent, vont prendre la main de l’adulte pour saisir l’objet convoité, au lieu de le pointer
de leur propre doigt ou de le demander. D’autres vont agiter des mots griffonnés sur
une ardoise à feutres en guise d’échanges, ou encore vont taper leur verre sur la table
pour manifester leur envie de boire.

De tels comportements peuvent sembler irrévérencieux à des adultes non rompus


aux différences d’enfants particuliers, et c’est souvent l’entrée à l’école qui marque un
tournant pour ces enfants-là.

Tout refus de communiquer est une tentative de communication ;


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tout geste d’indifférence ou d’hostilité est appel déguisé.


(Albert Camus)

119
LE RÔLE DES FONCTIONS EXÉCUTIVES

Les fonctions exécutives sont des processus cognitifs dits supérieurs qui assurent un
rôle de coordination, à la manière d’un chef d’orchestre, des processus dits inférieurs
permettant l’adaptation à des situations nouvelles, qui ne peut se faire par automatisme.
Ces habiletés exécutives nous permettent de réaliser ce que notre intelligence
commande.
Elles conditionnent :
●●notre mémoire de travail, qui permet de garder en mémoire des informations et de
les trier, de les organiser ;
●●notre flexibilité cognitive, qui permet d’être créatif et d’ajuster nos stratégies en
cas d’erreurs ;
●●notre contrôle inhibiteur, qui permet d’ignorer les distractions pour rester
concentré, de contrôler nos impulsions, nos émotions, ou les gestes inappropriés.

Ces fonctions exécutives sont fondamentales, or elles diffèrent chez les atypiques
(on parle parfois de « trouble des fonctions exécutives » ou encore de « syndrome
dysexécutif »).

Concrètement, cela donne par exemple, selon les individus et les profils : des difficultés
à accepter l’imprévu, à se souvenir d’une consigne, à contrôler ses émotions, à passer
d’une tâche à l’autre, à organiser ses actions, à apprendre de ses erreurs, à faire preuve
de persévérance, à ne pas être déconcentré par le moindre élément extérieur, à attendre
son tour pour prendre la parole, etc.
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120
Il ne sait pas temporiser
L’incapacité à temporiser touche un bon paquet d’atypiques. Différer, remettre à plus
tard, ça n’est pas inscrit dans leurs gènes ! S’il a un truc à dire, il voudra le faire tout de
suite, peu importe que l’on soit au téléphone avec un employeur ou la tata Suzanne. S’il
veut quelque chose, il le lui faut sans attendre ; et on aura toutes les peines du monde à
lui faire entendre que ça n’est pas le moment.

Cette impérieuse nécessité de dire ou de faire sans attendre peut sembler discordante
puisqu’elle va dans le sens inverse d’une certaine sagesse très présente chez les
atypiques. Mais comme souvent chez eux, les deux cohabitent.

« Il est besoin de temporiser,


nous ne pouvons pas toujours être les plus forts. »
(Etienne de La Boétie)

Atypique et soupe au lait


Les atypiques peuvent se révéler horriblement susceptibles et peu rieurs quand il
s’agit d’eux. Il n’est pas rare qu’ils alternent dans une journée des moments d’euphorie
incroyable et des pics de colère bruyante qui arrivent sans prévenir et disparaissent
aussitôt, en laissant leurs amis pantois. Quelle mouche les a piqués ? Tout le monde
comprend que c’était une taquinerie, tandis qu’eux se vexent. On les surnomme « Jean
qui pleure, Jean qui rit » parce qu’ils sont soupe au lait. Une petite contrariété peut
provoquer en eux un ouragan qui se lève aussi brusquement qu’il se dissipe.

Cette ardente susceptibilité leur donne la sensation de recevoir des coups de couteau
en plein cœur. Cet amour-propre leur commande de réagir à un sentiment absolu,
semblable à une plaie ouverte. Et c’est éreintant à supporter pour les copains et les
proches qui ne savent jamais sur quel pied danser, face à l’instabilité de ces jeunes.
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121
Je lis souvent que les
enfants hors norme sont
pleins d’humour, mais la
Un humour parfois
mienne se froisse pour un
rien. Ses amies lui disent sens unique
régulièrement : « T’as
pas le sens de l’humour », Si les jeunes atypiques sont effectivement dotés d’un
« Détends-toi,
sens de l’humour qui se développe et s’aiguise très
on blague ».
tôt, c’est à la condition expresse qu’ils ne soient pas
la cible. C’est un point non négociable ! Enclins à
plaisanter, ils raffolent des jeux d’esprit sur ce (ceux)
qui les entoure(nt), mais accepter avec la même
bonhomie cet humour lorsqu’il est dirigé vers eux,
hors de question. On observe qu’ils sont plutôt sans
pitié à leur encontre, exagérant leur plus petit défaut,
grossissant leur moindre trait de personnalité ou
détail physique, mais uniquement en petit comité.
Ils se montrent bien plus frileux, voire carrément récalcitrants, à conserver cet esprit
critique tourné vers eux-mêmes en présence d’autres personnes.

Le point de vue de…


Cory, papa d’Ambre, 11 ans

Ambre aime beaucoup asticoter ses amis ou sa famille. C’est vrai qu’elle fait preuve d’un
grand sens de l’humour et n’hésite jamais à relever un petit truc amusant ou une incongruité
sur ses proches. Elle n’a cependant pas le même point de vue quand les facéties sont faites
sur son dos.
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122
Calmer cette réaction au quart de tour
Lorsque votre enfant sent la moutarde lui monter au nez, il
peut s’exercer à canaliser et à modérer ce sentiment de colère
avant qu’il n’explose.

Proposez-lui de :
1) respirer profondément ;
2) s’éloigner, faire quelques pas ;
3) compter dans sa tête jusqu’à dix ;
4) chiffonner un Bon de colère (à retrouver dans les feuilles détachables15).

Cela va lui permettre de prendre un peu de recul et de relativiser. Un enfant


qui s’enflamme instantanément redescend tout aussi vite, mais encore faut-il
lui donner l’opportunité de le faire. Par ce rituel en quatre temps, on crée cette
chance de se calmer.

L’ATYPIQUE, UN ASOCIAL ?
Sa chambre, un territoire sacré
Cela peut paraître un peu tribal mais il est des atypiques territoriaux, qui défendent
bec et ongles leur espace, comme le ferait un animal. Leur chambre est sacrée, et il
ne faut pas (trop) l’envahir, ni la modifier. Ce comportement intrigue d’autant plus
qu’usuellement, c’est un terrain de détente et de jeux dans lesquels les enfants sont
heureux de convier des invités. Mais cela ne s’applique pas à une partie des atypiques
ayant un rapport particulier à la propriété. Eux n’entendent pas partager, de même
qu’ils ne savent pas jouer de manière conventionnelle avec des poupées, des LEGO, des
figurines. Ces enfants différents vont plutôt utiliser les vaisseaux spatiaux, les Playmobil,
les petites voitures, les feutres sur leur bureau en les alignant. C’est une façon de
© Groupe Eyrolles

contrôler leur environnement, un repère rassurant.

15 Vous pouvez photocopier cette page, découper les bons et les glisser dans les poches de votre
atypique, pour qu’il en ait toujours à portée de main si le besoin s’en fait sentir.

123
« Je ne suis capable de fantaisie que dans l’ordre. »
(Colette)

L’enfant qui dit tout ce qui lui


passe par la tête
Dans le top-five des comportements qui contribuent à rendre les atypiques fantasques,
celui-ci arrive en bonne position. Au premier coup, on pourrait croire – en lui accordant
le bénéfice du doute – qu’il réfléchissait à voix haute, qu’il n’a pas voulu prononcer ces
mots. Mais au deuxième, au troisième… puis au dixième coup, on est fixé.

Ce n’était donc pas une gaffe, encore moins une étourderie, mais bien un commentaire
lâché volontairement, et sans saisir la nécessité de l’enrober pour le rendre plus digeste :
une part de vérité, balancée sans filtre ni précaution. En débit de leur caractère brutal,
ces jugements catégoriques établis sur une réalité tangible, sont dénués d’arrière-
pensées ou d’intentions d’amocher.

Le point de vue de…


Ludivine, grand-mère d’Emmanuel, 12 ans

C’est toujours compliqué pour Emmanuel de nouer des liens d’amitié parce qu’il se montre
trop honnête. Pour vivre en société, il faut « mentir ». Ou tout du moins, se retenir de dire
tout ce que l’on observe, tout ce qui nous passe par la tête. Sans ces petites politesses, le
monde serait impraticable. Et c’est ce qu’il fait vivre aux gens qui croisent sa route, enfants
ou adultes.
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124
Réagir aux commentaires « sans filtre »
Lorsque votre aytpique lance une de ses remarques
spontanées et brutalement honnêtes dont il a le secret, que
faire ? Comment réagir et faire valoir qu’il n’est pas dans la
zone de l’acceptable ? Voici les six commandements du parent
valeureux qui garde la tête haute en toutes circonstances !

1. Surtout, n’ayez pas de réaction sur l’instant : pas de gros yeux, pas de cris,
encore moins de gifle. Pas de sourire non plus, adoptez un visage neutre.

2. Expliquez à voix basse à votre enfant que vous en parlerez tous les deux, plus
tard dans la journée.

3. Parler ne signifie pas gronder, punir ou exploser. Privilégiez le dialogue d’égal


à d’égal, dans un contexte apaisé et calme (pas avec le reste de la fratrie qui se
mêle à la conversation).

4. Faites valoir la diversité qui fait l’humanité et profitez-en pour faire le lien avec
les particularités de votre enfant, pour le connecter à cette personne.

5. Élargissez le sujet ! Oui, effectivement, les gens ne se ressemblent pas. Il y a


des petits, des gros, des qui sentent bon, des chauves, des boiteux, des qui ne
maîtrisent pas les codes sociaux, etc.

6. Demandez à l’enfant s’il aurait envie, lui, que l’on s’étonne de sa différence.
Comment son empathie va-t-elle lui faire réexaminer à froid une situation sociale
dans laquelle il s’est noyé ?

Tout s’apprend, avec de la patience. Il faut voir le côté positif de chaque épreuve
traversée. Si l’on ne se sert pas de ses erreurs pour avancer, non seulement elles
ne servent pas, mais rien de change.
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125
Ysis a toujours eu envie
d’avoir une amie, qui la
comprenne et qui soit
Ne pas savoir alimenter
complice avec elle. Mais en
situation d’interaction,
une conversation
c’est une catastrophe.
Les habiletés sociales sont un souci pour une bonne
partie des atypiques, et entretenir une conversation
est sans doute l’un des points les plus inconfortables
pour eux. Si cela se fait tout seul pour la plupart des
gens, cela va mobiliser d’énormes ressources pour
ces jeunes hors norme qui peinent dans ce domaine.

Devoir faire la conversation peut s’avérer


décourageant : il faut identifier les émotions de l’autre
pour interpréter convenablement le sens de son discours (est-il sérieux, est-il en mode
ironique, ne serait-il pas menaçant avec moi ?), séparer les mots importants des mots
phatiques16, le tout en essayant de regarder dans les yeux et d’avoir l’air normal…

À l’écrit, ce n’est pas plus glorieux. Les smartphones ne servent plus vraiment à
téléphoner, ce sont les messages Discord, Facebook Messenger, WhatsApp qui ont le
vent en poupe et envahissent nos écrans. Le caractère intrusif de ces notifications qui
pleuvent, qui font du bruit et qui s’invitent dans leurs occupations, importunent certains
jeunes atypiques.

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16 Expressions qui servent dans une conversation à établir et maintenir le contact avec son inter-
locuteur, tels que « Allô », « Tu vois », « Patientez un instant », « Vous comprenez. »

126
EXERCICE
S’ENTRAÎNER À JOUER DES SCÉNARIOS
SOCIAUX
Il ne suffit pas d’être au contact des autres pour
acquérir ou développer des compétences sociales. Quand
elles font défaut, il faut les apprendre spécifiquement,
et s’entraîner à les améliorer petit à petit.

Vous pouvez aider votre atypique en lui proposant des scénarios sociaux qui vont le
mettre dans les conditions d’un échange. Cela contribuera à faire diminuer le stress
découlant d’expériences sociales incomprises, et il pourra ainsi se préparer, passer en
revue ce qui peut se formuler à voix haute ou non, ce qui peut se faire ou non.

Fixez une situation de départ en étant précis dans certains détails, comme le lieu où cela
se passe et les personnes incluses dans l’histoire.

Par exemple : On va imaginer qu’au parc, un enfant que tu ne connais pas vienne vers toi et
te demande si tu veux jouer avec lui. Comment peux-tu lui répondre si tu as envie d’accepter ?
Et comment décliner son invitation ?

L’idée est d’aiguiller l’enfant sur une chronologie (comme le fait de regarder vers son
interlocuteur, de dire « bonjour » avant d’adresser la parole pour la première fois à
quelqu’un, ou encore de dire « s’il vous plait », « merci », « non merci », etc.), mais aussi
sur des réponses comportementales acceptables selon ce que la situation d’interaction
lui inspire.

Ces petits jeux sociaux favorisent une plus grande autonomie en rendant pragmatiques
des dimensions qui relèvent habituellement du subjectif. Autrement formulé : en
épluchant le déroulé d’interactions sociales non balisées pour les atypiques qui n’en
maitrisent pas les codes, ces scénarios sociaux leur permettent d’acquérir de nouvelles
habiletés relationnelles.
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L’enfant atypique violent
Dans la série des difficultés de communication, une frange d’atypiques se montrent
agressifs. Cela peut être le cas avec des agressions verbales (l’enfant crie, injurie,
parle mal), comme des agressions physiques (l’enfant frappe, s’en prend aux objets).
Dans tous les cas, on ne peut laisser passer : il faut aider votre enfant à trouver une
meilleure manière d’exprimer ce qui ne va pas. Car ce type de réactions n’est jamais
sans racines, il y a une raison à ce comportement violent. L’enfant peut par exemple se
sentir incompris lorsqu’il entre en communication, et la frustration de cette difficulté à
se faire comprendre se transformer en réaction violente. Il peut aussi réagir à ce qu’il
vit comme une injustice à son encontre, ou encore à une moquerie. Il peut interpréter
un propos comme une menace et se croire en danger, et donc, chercher à se défendre.

LE POINT DE VUE DE…


Abigail et Valentin, parents de Brice, 9 ans et de
Tatiana, 4 ans

Brice était un garçonnet extrêmement remuant et curieux, son appétit intellectuel était
insatiable. Tout petit déjà, il n’était pas facile, mais c’était notre premier alors on ne s’est
jamais attachés à ce qui nous semblait être des bricoles sans importance. L’année de
ses cinq ans, sa maîtresse a tiré la sonnette d’alarme : il tapait ses camarades, refusait
de respecter les règles de conduite en classe, tenait tête à l’enseignante. Sa mauvaise
humeur était également palpable en famille. Il ne nous parlait que très peu de ses
journées d’école et refusait de répondre à toute question directe. Nous étions face à un
mur de colère et de silence qui se transformait en hurlements si nous insistions. Il nous a
fallu l’aide d’une psychologue pour faire le lien avec deux difficultés qui se télescopaient
dans sa vie : la naissance de sa petite sœur, qui nous mobilisait pas mal ; et un ennui
scolaire qui l’avait amené au décrochage, lui faisant détester les insipides activités
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imposées en classe. Il était en souffrance, en manque d’émulation intellectuelle, et il


n’arrivait pas à l’exprimer autrement que par des agressions, des oppositions ou du
refus.

128
Ouvrir son horizon
Si votre enfant atypique se montre agressif, le premier conseil
est de ne pas prendre l’enfant à chaud. Cela ne servirait à rien
de surréagir.

●● Indiquez-lui que vous allez en discutez un peu plus tard,


entre vous, et lorsque le moment vous paraît propice. Expliquez-lui alors que
la violence n’est jamais la solution (pas de mots qui blessent, ils sont aussi une
forme de violence).

●● Faites la démonstration à votre enfant de solutions alternatives à cette réponse


agressive pour lui montrer que, contrairement à ce que lui dicte son instinct, il a
bien d’autres options quand il a envie d’agresser verbalement ou physiquement.

Ces itinéraires bis peuvent être par exemple :

●● Tourner les talons : il n’y a rien de honteux à ne pas entrer dans un conflit, à
faire en sorte de ne pas laisser un échange se dégrader. Laisser l’autre en plan
quand on sent que la réponse que l’on risque d’apporter pourrait être agressive
est encore le meilleur twist pour éviter de tomber dans une réponse violente.

●● Aller présenter la situation à un adulte qui jouera à la fois les arbitres et


les témoins (attention, cette option n’est pas la meilleure à l’école si l’enfant en
abuse ; les personnels éducatifs sont prompts à répondre quelque chose comme :
« Tu es grand / Il faut apprendre à gérer les disputes / Ne me mêle pas à ça »).

●● User d’une arme secrète : l’humour, si possible. Le facteur stress parasite


les capacités à désamorcer les tensions sous-jacentes. Souvent les atypiques –
grands émotifs – ne voient pas de réponses humoristiques apparaître dans leur
tête, ils sont comme paralysés par cette interaction. Ce n’est que quand tout est
déjà terminé depuis un moment que les répliques arrivent à grand renfort dans
leur esprit.

●● S’affirmer en répondant « Non » : cela peut passer pour une tautologie,


mais pas tant que ça. Il est en fait fréquent que les enfants atypiques agressent
parce qu’ils n’entrevoient pas d’autres manières de résoudre une situation
de communication anxiogène, sans avoir pensé une seconde à exprimer leur
© Groupe Eyrolles

désaccord avec ce seul petit mot, qui a le mérite de mettre un point final à
l’échange.

129
DES HABILETÉS SOCIALES
PERFECTIBLES
Les atypiques sont immodérément réceptifs aux chaudoudoux17, ces petites attentions,
ces gentillesses qui mettent du baume au cœur. Cependant ils sont parfois moins à
l’aise pour les distribuer que pour les recevoir. Aidons-les à comprendre que l’on ne doit
pas faire aux autres ce que l’on ne voudrait pas vivre soi-même.

L'atypique sait-il
Quand ma fille de 12 ans
reçoit des amis, elle est
surexcitée des heures avant.
Elle veut tout leur montrer,
saute partout, nous ce qu'il veut ?
inonde de paroles. Mais
étrangement, le moment
venu, elle semble bien vite Les enfants atypiques ne sont pas en reste de
s’ennuyer, ou se lasser. contradictions, et la sphère relationnelle et sociale
Et elle finit par les n’échappe pas à cette règle. Ils sont tiraillés entre des
abandonner et retourner envies élémentaires communes à tous les enfants
vaquer à ses occupations. (des rêves d’amitié, de jeu, de partage), et des
particularités neurologiques et comportementales
qui rendent l’exaucement sinueux. La volonté de se
faire des amis, de les recevoir, de faire des choses
avec eux peut sembler en complète opposition avec
le sentiment d’être étouffé par eux. Mais c’est ce que
ressentent certains atypiques. Ils ne trichent pas, et
prennent sincèrement plaisir à être avec du monde,
tout en faisant très vite une overdose jusqu’à ne plus
souhaiter qu’une chose : avoir la paix. Certains se formalisent de ce comportement qui
passe souvent pour un manque de savoir-vivre, mais sermonner votre enfant ne sera
d’aucun secours.
© Groupe Eyrolles

17 Néologisme du psychologue américain Claude Steiner, tiré de son livre pour enfants Le Conte
chaud et doux des chaudoudoux publié en 1984.

130
Apprendre à déjouer les petits couacs
Être atypique et ressentir ces émotions dissonantes ne doit
pas priver l’enfant du bonheur de partager des choses avec
d’autres. Pourtant, cela peut être un frein à la venue d’amis,
ces derniers se sentant « de trop ».

Pour améliorer la gestion de ces élans difficiles à cerner, voici deux astuces à
mettre en place.

●● Essayez de planifier le plus possible ce qui se prépare. En introduisant par


exemple une heure d’arrivée et une heure de départ, l’enfant peut ainsi avoir une
idée à l’avance du tronçon durant lequel il va fournir un effort. Cela lui permet de
se préparer mentalement, de se mobiliser en sachant où il met les pieds.

●● Convenez d’un code d’urgence avec votre enfant. Le but de la manœuvre


est de lui permettre d’avoir un plan B dans l’éventualité où la préparation mentale
n’a pas suffi. Cela peut être un geste (défini entre vous à l’avance), un mot glissé
à votre oreille, ou plus discrètement, si l’enfant a son propre téléphone, un texto.
L’idée est de prévoir cette possibilité de dernier recours : la verbaliser pour
dédramatiser.

De l’empathie à la clémence
L’empathie est la capacité à se mettre émotionnellement à la place des autres. Elle
est présente force douze chez les atypiques. Chez tous les atypiques, même ceux qui
ne l’expriment pas ouvertement ou qui semblent lointains ou indifférents. Cependant
cette capacité peut être trop présente et s’avérer handicapante quand elle consume
ces enfants hors norme de l’intérieur. Lorsqu’elle confine à la mansuétude, le danger
est pour eux de basculer dans un extrême qui les lèse et les fait passer pour une bonne
poire.
© Groupe Eyrolles

131
Le point de vue de…
Liliane et Hervé, parents de Marion, 14 ans

Notre fille de 14 ans est partie cette année en voyage scolaire en Angleterre. Elle nous a
appelés en pleurs le deuxième jour, expliquant que sa copine (avec qui elle était logée dans
une famille) l’avait prise en photo en petite tenue. Elle avait envoyé par texto la photo à des
camarades de classe. Paniquée, Marion refusait d’aller dénoncer sa compagne de chambrée
aux profs accompagnateurs. Plus que l’humiliation dont elle était victime, ce qui l’inquiétait
était que cette jeune fille risque le conseil de discipline ou l’exclusion.
Nous ne lui avons pas laissé le choix, l’affaire était grave et il était impensable de ne rien dire :
nous avons donc appelé le collège, puis Marion a informé les enseignants présents sur place.
Mais quelle souffrance cela a été pour elle ! L’impression de pénaliser cette fille supplantait la
colère qu’elle pouvait elle-même éprouver suite à ce geste tout à fait déplacé. Cette empathie
maladive la faisait passer dans sa tête du rang de victime à celui de bourreau.

Préférer la compagnie
des animaux
La souffrance suffocante de la solitude, quand elle n’est pas choisie ou bien supportée,
amène souvent les enfants hors norme à se tourner vers les animaux. Rien d’étonnant
à cela : ils se montrent amicaux, fiables et ne jugent jamais. Leurs règles sont limpides,
contrairement à celles, mouvantes et fluctuantes, régissant les rapports humains. Il est
par conséquent aisé de s’y retrouver. On peut tout confier à un animal, ou on peut se
taire sans qu’il ne nous en tienne rigueur. Son comportement sera toujours égal, il ne
distribuera ni bons points ni mauvais points, ne fera jamais la leçon en se posant en
censeur. Il ne conditionnera pas son amour à des notes, des résultats ou des choix. Et
c’est reposant quand on est sans cesse regardé comme un drôle d’oiseau. On peut faire
tomber le masque sans prendre le moindre risque, et être libre d’être soi, sans jugement
© Groupe Eyrolles

ni critique.

132
Quand plane l’ombre
du harcèlement
Autre problème sociétal de taille : le harcèlement. Savoir identifier une situation que l’on
imagine toujours rare n’est pas si commode. Cela l’est encore moins quand l’enfant
atypique fait tout pour le cacher soigneusement à ses parents, afin de ne pas leur
faire de peine et être source d’inquiétudes. Les autres enfants peuvent devenir des
tortionnaires ou des complices en un temps record. Ils sévissent en milieu scolaire, mais
franchissent désormais allègrement le seuil de la maison via les réseaux sociaux et les
voies numériques, poursuivant l’enfant jusque dans son intimité. Il est alors très difficile
pour un atypique de se relever et d’arriver à refaire confiance.

« Seul. Tout seul. Personne, non personne, ne peut s’en sortir tout seul. »
(Maya Angelou)

Cela peut sembler inconcevable pour certains parents, qui ont tendance à croire qu’un
enfant de 6 ou 7 ans ne peut pas avoir d’états d’âme ou broyer du noir, pourtant c’est
le cas. Les atypiques sont susceptibles, de par leur hypersensibilité très prégnante, leur
maturité hors du commun et leurs déphasages continuels, d’avoir plus fréquemment le
cœur sombre.

LE SUICIDE CHEZ LES PLUS JEUNES

Avoir envie de mourir n’est pas une preuve de lâcheté ou de désamour pour ses
parents, mais bien l’expression d’un appel à l’aide, avec cette conviction : aucune autre
échappatoire n’est envisageable. L’intention de mettre fin à ses jours correspond à une
volonté de mettre un terme à une déchirure si vive qu’elle ne trouve pas dans la tête
de l’intéressé d’autre solution. Cette douleur supposée indépassable dans l’esprit de
l’enfant doit impérativement être prise au sérieux, et surtout pas évacuée ou minimisée
au regard de son âge ou de la nature même du souci. Dans son rapport officiel remis
© Groupe Eyrolles

en 2011 à la secrétaire d’État à la jeunesse, « Quand un enfant se donne la mort », le


psychiatre Boris Cyrulnik estimait qu’il y avait chaque année en France une centaine de
cas de suicides d’enfants, âgés de 5 à 12 ans.

133
EXERCICE
TENDRE LA MAIN
Un enfant atypique qui va mal, qui souffre en silence
et qui ne voit aucune issue à sa solitude peut avoir des
réactions que nous, adultes, nous jugerions peut-être
excessives. Mais nous, adultes, nous avons l’avantage
de savoir que rien n’est joué, et qu’avoir du mal à créer
du lien étant enfant ou ado ne veut en aucun cas dire
passer l’entièreté de sa vie seul(e), sans amour, sans
affection. L’enfant, lui, ne le sait pas. N’ayez pas peur
des mots, il ne lira pas dans vos pensées ! Parlez avec
votre enfant, sans tabou, et écoutez-le vraiment.

Quand les choses sont dites, on se sent considéré et c’est la clé du problème. Un enfant
qui souffre de solitude ou d’abandon a la sensation d’être translucide, tel un fantôme
qui errerait sans que personne s’en émeuve. Il faut le reconnecter à vous.

Pour ce faire, nulle potion magique ou recette miracle, mais une écoute active qui tient
en trois temps :

●● Écoutez-le pleinement, pas pendant que vous consultez votre smartphone, ni


au moment où vous êtes absorbé(e) par d’autres soucis. Il vous faut manifester la
plus grande sollicitude : montrez-lui que vous êtes authentiquement présent(e)
pour accueillir sa parole.
●● Laissez-le parler et aller au bout de ce qu’il veut exprimer, sans l’interrompre,
sans orienter sa parole ou la détourner. Il ne s’agit pas d’un échange façon ping-
pong  ! Bâtissez un cercle de confiance à l’intérieur duquel votre enfant pourra
s’exprimer en toute liberté et sans aucune pression.
●● Ni jugement, ni remise en cause de ce qu’il ressent, ne cherchez pas à
minimiser sa douleur : c’est ainsi qu’il le vit, c’est ça qui importe et qui doit être
recueilli. Acceptez-le comme il est, sans recadrer, moraliser ni imposer votre point
© Groupe Eyrolles

de vue. C’est le sien qui doit être écouté, avec empathie.


Accepter
qui l’on est
o u v o i r
pourp
av a n c e r .
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135
Sens critique

nce Curiosit
é
Clairvoya

5
Être atypique
et le rester,
tout en vivant
heureux
Zorro
Concentration

on
e tati
Appartenanc Ada
p

Résilient
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Neurodiversité
Anxiété
DOMPTER LE SENTIMENT
D’ÉTRANGETÉ

La routine, angoissante ou
rassurante ?
Il y a des profils d’atypiques allergiques aux habitudes, et d’autres qui ne jurent que par
elles. La simple évocation d’un train-train quotidien suffit à donner aux premiers des
sueurs froides, quand les horaires fixes enchantent les seconds. Aucun affrontement
entre le côté lumineux et le côté obscur de la Force : aucun camp n’a raison ou tort ! Il y a
tout simplement des profils différents, aux besoins en rapport avec leurs particularités.

Au secours, la routine !
Dès qu’il s’encroûte, Damien
se raidit. Il faut sans cesse
innover, essayer de nouvelles
choses, même ses relations
sociales sont sanctionnées La monotonie panique certains atypiques. Ils
par cette intolérance à la présentent une réelle phobie relative à l’ennui sur
frustration. Il se fait des tous les plans, et si vous essayez de leur imposer des
copains qui l’enthousiasment
journées calquées les unes sur les autres, ça n’ira pas.
pendant dix jours, puis il
prend ses distances. Ils ont besoin d’être stimulés, d’être surpris pour se
sentir vivants et c’est ce qui explique qu’ils se lassent
très vite, y compris dans les interactions.

Il est important de faire valoir à votre enfant le fait


que chaque amitié est précieuse, et qu’il faut par
conséquent apprendre à cultiver chacune d’entre
elles. Cette tendance à zapper rapidement risque de lui
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faire perdre l’affection de personnes qui l’apprécient,


et qui s’éloigneront inexorablement.

138
Si vous pensez que l’aventure est dangereuse, essayez la routine…
Elle est mortelle !
(Paulo Coelho)

D’autres atypiques réagissent de manière diamétralement opposée. Les rituels les


rassurent et ils aiment :

●●  la routine, qui signifie l’absence de variété dans la vie de tous les jours. Le principe
des jours qui passent et se ressemblent ne les inquiète pas. Au contraire, ils se
sentent protégés par cette implacable prévisibilité ;
●●  les routines, qui visent le déroulement, toujours identique, et dans un ordre précis,
défini à l’avance, d’une activité. Ces habitudes peuvent par exemple s’appliquer aux
repas, aux devoirs, au moment du coucher, etc.
La combinaison de délimitations strictes (cloisonnements, segmentations) avec la
notion de reprises cycliques, qui interviennent à intervalles fixes et réguliers, parvient à
faire baisser leur taux d’anxiété.

Gérer le temps
Avec les enfants qui ont besoin de routine et de rituels, il faut
anticiper tout ce qu’il est possible d’organiser et de planifier.
On peut même s’appuyer sur des séquences en images, avec
des pictogrammes, pour les plus jeunes.

Il est important de prévoir le temps nécessaire pour faire les choses, sans
jamais bousculer l’enfant. Si on sait que s’habiller seul lui prend dix minutes, on
va en prévoir quinze dans le planning de la maison. Chaque routine aura son
estimation de temps, en comptant plus que nécessaire, pour donner à l’enfant
une autonomie.

L’idéal est d’offrir à votre enfant une visualisation claire du temps qui s’écoule.
Pour cela, vous pouvez acheter un petit appareil, du format d’un réveille-matin,
appelé « Time timer ». Vous trouverez sans difficulté sur Internet. Ou bien il existe
aussi de chouettes applications gratuites, tant sous iOS que sous Android, qui
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font la même chose sur l’écran de votre smartphone (à la différence près que ça
n’est pas un objet manipulable).

139
Je ne suis pas seul
La solitude de l’enfant atypique est la plupart du temps expliquée par le décalage
énorme avec les autres, non par une volonté de l’enfant lui-même de s’isoler. Je précise
la plupart du temps, car il en existe également d’intimement solitaires.

Mais être seul et se sentir seul sont deux choses bien différentes. On peut se sentir
résolument seul au milieu de trois cents personnes. D’où la nécessité pour votre
enfant de rencontrer des gens « comme lui », de savoir (d’expérimenter ! Pas juste
entendre dire…) que d’autres enfants, partageant les mêmes particularités, les mêmes
incompréhensions, existent un peu partout. Bref, qu’il n’est pas seul dans ce cas.

Votre atypique a besoin de se sentir appartenir à un ensemble, à un tout bien plus


grand que lui. C’est un besoin fondamental humain. Se retrouver parmi d’autres enfants
hors norme et pouvoir partager ses passions avec eux va lui permettre d’éprouver
ce sentiment d’appartenance, par effet miroir. Il ne sera plus l’insolite de service.
Un atypique est normal dans le monde des atypiques et il va même remarquer avec
stupéfaction qu’il y a plus étrange que lui.

Le point de vue de…


Romane, maman d’Apolline, 12 ans

Ma fille a toujours eu du mal à s’identifier aux autres. Je lui ai proposé de l’inscrire dans une
association d’enfants hors norme qui proposait tout un tas d’activités : sorties culturelles ou
sportives, ateliers créatifs ou scientifiques, café-rencontres, etc. Ce serait une occasion en or
pour qu’elle se retrouve entourée de jeunes ayant les mêmes besoins et les mêmes envies. La
réussite a été au-delà de mes espérances, ça l’a métamorphosée !
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140
La solitude existentielle
Ces rencontres ne sont pas toujours possibles, pour des raisons logistiques, parce que
l’enfant refuse, ou encore parce qu’il n’a pas d’étiquette pour montrer patte blanche
et rejoindre une association qui puisse lui permettre de passer du temps avec des
gens dans son style. Elles n’empêchent pas non plus un atypique de retourner, dans
sa vie quotidienne, à une certaine solitude qui peut continuer à lui peser. La solitude
existentielle est indéniablement celle qui fait le plus souffrir. Les questionnements
métaphysiques peuvent rendre infiniment tristes lorsque ces quêtes de sens sont
conjuguées au singulier.

Se connecter à un ensemble
Certains ont à proximité pléthore de structures et d’associations qui peuvent
représenter autant de matière pour contrer la solitude ressentie à l’école ou parmi les
pairs. D’autres n’ont pas cette chance, et vivent dans ce que l’on pourrait qualifier de
déserts à ce niveau-là. Mais à défaut de pouvoir fréquenter d’autres enfants atypiques
eux-mêmes en manque de copains, votre enfant peut se connecter à une humanité
qui lui corresponde au moins partiellement. Pratiquer un sport (physique, ou cérébral,
comme le sont les échecs), jouer d’un instrument de musique, s’adonner à une activité
artistique permettra de raccorder l’enfant à une population qui s’écarte elle aussi, peu
ou prou, de l’autoroute de la norme. Et je ne parle même pas des profits scientifiquement
démontrés au plan cognitif…

Se connecter à soi-même
La méditation dite de pleine conscience, le mindfulness en version anglophone, n’a rien à
voir avec des pratiques religieuses ou des divagations new age un peu glauques. Il s’agit
avant tout de se recentrer sur le moment présent. C’est un moyen gratuit et accessible
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à tous de cultiver une forme d’introspection et de gagner en sérénité. Il n’offre que des
avantages, et aucun inconvénient ni risque ; cela peut apaiser les atypiques qui y sont
réceptifs. Encore faut-il que l’enfant ou le jeune soit volontaire pour essayer, le forcer
serait ridicule.

141
EXERCICE
LA CÂLINOTHÉRAPIE MAISON
Pour réconforter, les parents ont à leur disposition un
arsenal imparable, qu’ils méconnaissent souvent. On
câline les tout-petits, et puis on oublie complètement les
bienfaits de ces liens dès que l’enfant grandit un peu.
On pense « respect de sa personne », et donc distance.

Pourtant un câlin de dix secondes réduit la tension artérielle et calme le rythme


cardiaque. Il apporte chaleur et confiance en soi, grâce à la sécrétion de quatre
substances chimiques endogènes (c’est-à-dire produites par notre organisme) :

●● des endorphines (les hormones du bien-être),


●● de la dopamine (l’hormone du plaisir et de l’action),
●● de la sérotonine (l’hormone régulatrice de notre humeur),
●● de l’ocytocine (l’hormone de l’attachement et du lien social).

Tout ce qu’il faut pour consoler, combattre une solitude existentielle et un sentiment de
vide émotionnel ! N’hésitez donc pas à prendre dans vos bras votre atypique, quand il a
le moral dans les chaussettes, ça lui fera le plus grand bien. Vous pouvez aussi instituer
des rituels câlins (si votre atypique n’est pas gêné par le contact physique), par exemple
le matin au lever ou le soir au coucher, ou à tout autre moment qui vous paraît opportun !

Voici trois idées reçues très répandues sur les câlins, à combattre formellement :

1) « Trop câliner un enfant va en faire une mauviette »


2) « Les câlins interdisent à l’enfant de mûrir et de devenir autonome »
3) « Passé l’âge de dix ans, l’enfant n’a plus besoin d’être enlacé »
© Groupe Eyrolles
ÊTRE UNE FILLE ATYPIQUE
Pourquoi parler spécifiquement de la gent féminine ? Deux raisons :

●●  le sex-ratio, dans toutes les sphères qui composent la population atypique, est
nettement en défaveur des filles ;
●●  cette surreprésentation masculine rend le fait d’être une fille atypique plus ardu.
Sans verser dans le cliché, il est manifeste que les attentes sociétales et familiales vis-à-vis
des filles et des femmes sont différentes de celles portées aux garçons et aux hommes.
De nos jours encore, les constructions autour de la féminité sont intransigeantes sur
certains points. Or les filles atypiques ne correspondent pas (toujours) aux « codes
féminins », tout en s’affichant largement plus en trompe-l’œil que les garçons.

UNE CONSTRUCTION IDENTITAIRE PROGRESSIVE

La neurobiologiste française Catherine Vidal souligne que les connexions cérébrales


des garçons et des filles sont strictement identiques à la naissance. Les différences
apparaissent au bout de plusieurs mois, avec l’environnement familial et social. Le
processus de construction de l’identité est progressif, et rendu possible par la plasticité
cérébrale (dont je parle au chapitre deux du livre).

Se fondre dans la foule


Gardons-nous de faire des généralités, chaque enfant est un cas d’espèce et dans tous
les domaines, il y aura toujours des exemples et des contre-exemples. Mais force est
pourtant d’admettre, et cela se remarque dans tous les profils d’atypiques, que les
filles ont une plus grande culture de l’adaptation et excellent au jeu du camouflage.
Elles font des efforts adaptatifs plus importants et plus durables pour dissimuler ces
© Groupe Eyrolles

différences. Elles ont aussi une plus grande tolérance à la souffrance, que l’on pourrait
plus précisément expliquer par une plus faible tendance à manifester leur gêne.

143
Elles taisent beaucoup de choses, les gardent pour elles de peur d’être jugées. Elles
sont plus flexibles et plus souples, là où les garçons atypiques sont plus tranchés dans
leurs singularités. Le côté « facile à vivre » des filles est en quelque sorte le coup de grâce
qu’elles s’auto-infligent. Elles s’enlisent dans des comportements qui les fragilisent, et
vient un moment où elles implosent. Elles ne peuvent plus donner le change, et leurs
proches n’en reviennent pas : ils découvrent du jour au lendemain que cette jeune fille si
intégrée, si épanouie ne va pas bien parce qu’elle se sent à l’étroit dans ce déguisement.

Attention au camouflage, il finira par épuiser…

Des filles atypiques moins visibles médiatiquement

Non seulement le sexe dit « fort » est bien plus diagnostiqué dans les particularités
qui forment la population dont il est question dans ce livre, plus représenté dans les
associations, plus présent dans les cabinets de psy comme dans les écoles qui se veulent
spécialisées dans la prise en charge de ces enfants hors norme, mais si on se montre
attentif, un constat s’impose : l’atypie est presque toujours illustrée publiquement par
des portraits masculins ! La raison est double : les filles sont moins repérées (elles-
mêmes ignorent qu’elles sont atypiques) et lorsqu’elles le sont, elles acceptent moins
de s’exposer, redoutant les regards critiques.

De même, les personnages atypiques apparaissant dans les romans, les séries ou les
films sont très rarement féminins. Ainsi, il est bien compliqué pour les petites et les
jeunes atypiques de s’identifier à des héroïnes qui arborent fièrement des différences
faisant écho à leur propre manière d’être… puisqu’elles n’existent quasiment pas. Elles
grandissent par conséquence avec un fort sentiment d’anormalité et d’usurpation
d’identité qu’elles garderont en elles.
© Groupe Eyrolles

144
Les filles, des grandes anxieuses
Les résultats des innombrables études menées sur ce thème sont constants : les
femmes sont en moyenne deux fois plus sujettes à l’anxiété que les hommes. Mais
alors sont-elles génétiquement programmées pour être plus nerveuses ou faut-il y voir
principalement un déterminisme social ?

Certains travaux suggèrent que les différences hormonales entre les sexes peuvent
expliquer cette constatation. Une étude menée sur des rats par une équipe de la Florida
State University a révélé que les plus hauts niveaux de testostérone des mâles semblent
leur garantir de plus grandes facultés d’amortissement du stress que les femelles.

Dans la sphère de l’atypisme, je crois que l’on peut s’interroger sur les conséquences
d’une moindre identification, d’une plus faible reconnaissance de leurs différences.
Un garçon qui est reconnu dans ses besoins particuliers liés à ce fonctionnement
neurologique et/ou cognitif hors norme peut exprimer impunément qui il est.
Une fille qui n’a pas eu la chance d’obtenir cette validation est dans le doute, pareille
à un funambule qui avance délicatement en équilibre sur un fil tendu, redoutant de
basculer dans le vide à tout instant.

« À 5 ans, j’avais peur de mourir ; à 8 ans, j’avais peur de vieillir ; à 10 ans, j’avais
peur que les membres de ma famille meurent. J’étais une gamine très anxieuse,
j’avais peur des monstres, il fallait que je dorme avec ma grande sœur, avec ma
mère. Et ça ne m’a jamais quittée. »
(Florence Foresti)18
© Groupe Eyrolles

18 Extrait du documentaire La Folle Histoire de Florence Foresti.

145
QUIZ
MA FILLE ATYPIQUE EST-ELLE ANXIEUSE ?
Choisissez la réponse correspondant le plus à votre fille
pour chacune des situations suivantes.

1. Si elle n’a pas assez de temps pour tout terminer dans un contrôle :

A. Elle ne s’inquiète pas, tranquille Emile.

B. Bah tant pis. Elle est déjà passée à autre chose.

C. Son stress la submerge, elle en est malade.

2. Aussitôt qu’elle a achevé une tâche :

A. Elle se dit : « Cool, une bonne chose de faite. »

B. Elle se sentait déjà presque en vacances avant, alors…

C. Elle commence à penser dans les moindres détails à la suite de sa liste.

3. On peut dire qu’il lui est :

A. Facile de chasser des pensées inquiétantes.

B. Impossible de s’en faire tant que le Wifi est fonctionnel.

C. Impossible de trouver le sommeil si quelque chose l’inquiète.

4. Lorsqu’elle entend « Calme-toi » :

A. Elle se dit qu’elle a dû faire quelque chose… mais quoi ?

B. Elle regarde partout autour d’elle, en se demandant à qui ça s’adresse.


© Groupe Eyrolles

C. Sa réaction émotionnelle bondit comme Tigrou et elle perd tous ses moyens.
5. Quand se profile un exposé à faire en public :

A. Elle prépare juste ce qu’il faut.

B. Pas besoin de bosser, sa prestance fera tout le boulot !

C. Elle est sujette aux crampes et maux de ventre. C’est bien simple  : elle donne
l’impression de se désintégrer à mesure que l’échéance approche.

6. Dans l’intimité familiale :

A. Elle est du genre autonome et se confie peu.

B. Elle est joyeuse et aime surtout les distractions légères.

C. Elle a un éternel besoin d’être rassurée, sans quoi ses peurs envahissent son quotidien.

RÉSULTATS

Elle obtient une majorité de A : l’anxiété ne semble pas excessive chez elle. Votre fille
a l’air d’être consciencieuse sans virer obsessionnelle.

Elle obtient une majorité de B : elle n’a pas le profil d’une angoissée de la vie qu’elle
croque à pleines dents.

Elle obtient une majorité de C : votre fille a tout l’air d’une atypique anxieuse +++, mais
ne vous en faites pas, on peut vivre heureuse avec ça.
© Groupe Eyrolles
Des particularités plus discrètes
Les filles atypiques présentent bien souvent des particularités moins flagrantes que
leurs homologues garçons. Elles ont passé des années à masquer habilement les
manifestations de leur atypie, à prétexter d’autres causes à leurs originalités, à mettre
en sourdine leurs émotions.

Prendre sur elles devient leur quotidien à mesure qu’elles grandissent. Cela donne
des stéréotypies motrices (balancements, flapping, mordillements, tics, TOCs, tortillage
de cheveux) qui restent discrètes, ou qui sont réalisées en cachette, ainsi que des
stéréotypies verbales (tournures itératives, écholalies) très mesurées. Elles ont appris
à opter pour des intérêts spécifiques relativement communs ou bien acceptés venant
d’une fille, des obsessions qui ne les trahiront pas et qui ne seront d’ailleurs que
rarement identifiées comme telles par les gens qui les voient grandir.

Le point de vue de…


Jonas, papa de Cassandre, 14 ans

Avant d’arriver à comprendre ce qui se passait avec Cassandre, mon ex-femme et moi avons
été ballotés durant des années. La fameuse errance diagnostique, on l’a vécue de l’intérieur.
Personne ne voulait se mouiller : après chaque test, on nous sortait que c’était tendancieux.
Cela nourrissait en elle un sentiment de doute permanent, déjà préexistant, et qui l’amenait à
se sentir illégitime en tous lieux et tous domaines. Elle oscillait entre une volonté d’en mettre
plein la vue en étant la plus parfaite et la plus lisse possible, et une grosse tendance à se
torpiller toute seule. Quel soulagement cela a été pour elle comme pour nous quand nous
avons finalement obtenu les réponses tant attendues. C’était important pour elle que ça
aboutisse, et qu’elle ne reste pas un « cas mystère » inclassable. Ça lui a permis de s’apaiser et
de se pardonner, d’enfin vivre en adéquation avec elle-même.
© Groupe Eyrolles

148
Une rareté à l’intérieur
d’une minorité ?
C’est la question à un million d’euros : les filles atypiques sont-elles si peu nombreuses ?
Pour ma part, je dirais que ce n’est pas parce qu’on les met moins en évidence et qu’on
les remarque moins qu’elles n’existent pas ! Il faut souligner que dans certaines formes
d’atypies, les modèles pour les praticiens sont depuis des décennies très masculins. Cela
a inéluctablement une incidence sur les identifications.

Que l’on soit parent, enseignant, psychologue ou autre, lorsqu’on s’attend à voir un
garçon présentant des traits dépeints avec force au fil des années, et qu’on se retrouve
face à une fille ambivalente, on est mis en porte-à-faux. C’est tout aussi valable dans le
sens contraire : quand on pressent des comportements intrigants sur une fille mais que
partout où l’on se renseigne les descriptions font référence à des profils masculins, on
se dit qu’on est sur une mauvaise piste.

METTRE À PROFIT LES


QUALITÉS DES ATYPIQUES
Une soif de justice intense
D’un Z qui veut dire Zorro… Le sens aigu de la justice, tout comme la conscience
aiguisée et douloureuse de l’injustice, sont criants chez les enfants atypiques. Cela peut
les conduire à se mettre en situation indélicate pour voler au secours d’une victime, qui
quelquefois n’en demandait pas tant. Ces enfants ont parfois bien du mal à instaurer
une frontière entre eux et la malheureuse victime. Il s’agit par intermittence d’une
sympathie (qui implique une fusion avec l’état émotionnel de l’autre).

Mais que cela soit l’expression d’une empathie démentielle ou d’une sympathie
© Groupe Eyrolles

invraisemblable, il faut reconnaître à la plupart de ces enfants un talent inné pour


s’interposer et prendre la défense des autres. C’est une qualité précieuse. Ne pas
accepter de rester impuissant et silencieux face à la souffrance et au malheur d’autrui
est autant un atout pour l’enfant atypique que pour notre société de demain.

149
Il y a tout intérêt à développer ce sens
de la justice qui vibre au plus profond des atypiques.

Creuser un sujet à fond


Quand une question turlupine un jeune atypique, ça le remonte comme un coucou.
Ce sont des enfants qui ne peuvent se contenter d’une vague réponse, ils sont enclins
à tout lire, tout consulter, tout comparer et tout recouper pour se faire un avis éclairé
qui ne laissera pas de place à l’à-peu-près. Ils ont ainsi toutes les qualités requises pour
enquêter sérieusement sur un sujet : ils font preuve d’une clairvoyance sans égale,
d’un sens critique étonnant, d’une curiosité intellectuelle sans borne et d’une capacité
de concentration exceptionnelle – quand le thème les stimule et les titille. Ce sont
des qualités remarquables dans un monde où les informations sont de plus en plus
nombreuses, données pêle-mêle dans le tas de fake news et autres saletés à trier.

AVEZ-VOUS LE FLOW ?

Le flow est un état maximal de concentration mis en évidence par le psychologue


hongrois Mihály Csíkszentmihályi. Cette immersion absolue dans une activité qui capte
toute l’attention peut durer des heures, par une distorsion perceptive du temps.
Cet état mental d’hyperconcentration s’applique à toutes formes de choses, dès lors
qu’il y a une hyperfocalisation qui se met en branle : que ce soit faire une recherche, jouer
à un jeu vidéo, construire une maquette, pratiquer d’un sport,  etc. Il occasionne une
déconnexion complète de la réalité, faisant perdre l’envie de manger, de dormir, d’aller
aux toilettes, et ne conservant que la notion de dépassement de soi, de transcendance.
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150
EXERCICE
VOIR LE MONDE SOUS UN ANGLE DIFFÉRENT
Adultes comme enfants, les êtres humains ont du mal à
vivre au quotidien le principe de pluralité des opinions.
Voilà un exercice pratique qui va permettre à votre
atypique de mesurer combien tout est affaire de point
de vue.

Demandez à votre enfant de choisir une pièce dans laquelle pratiquer cet exercice.
Ensuite, donnez-lui les indications suivantes :

●● Installe-toi allongé sur le dos, face au plafond.


●● Renverse la tête de façon à avoir le menton qui pointe le plus possible vers le
plafond.
●● Imagine marcher tête en bas dans cette pièce, comme si tu tenais au plafond,
aidé de centaines de pelotes collantes faisant ventouses, comme en ont les
mouches.
●● Observe.
Lorsque la pièce est renversée (enfin, lorsque nous explorons la pièce en nous mettant
en position de la voir autrement), nous redécouvrons tout. Parce que notre cerveau n’a
plus les mêmes repères, il opère en quelque sorte une réinitialisation.

Cela peut se rapprocher de la sensation que nous avons tous connu étant élève de
se surprendre à trouver la salle de classe très différente en allant au tableau pour la
première fois. Le point de vue depuis notre place n’avait rien à voir avec celui que l’on a
eu depuis celle du professeur. Il s’agit pourtant de la même salle, disposée de la même
manière. Mais on ne la reconnaît plus, on la pense plus spacieuse, agencée autrement.

Cette technique pour se remémorer que tout est fonction de l’angle sous lequel on
aborde un problème pourra être très utile à votre atypique. Une piqûre de rappel
occasionnellement nécessaire pour appeler à la tempérance dans une dispute : à chacun
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sa vision des choses. Et toutes peuvent être valables.


Une capacité de résilience
phénoménale
En psychologie, le concept de résilience a été découvert en 1982 par la docteure en
psychologie de l’enfance Emmy Werner. Elle a mené une étude durant une quarantaine
d’années portant sur près de sept cents enfants de groupes ethniques variés et
provenant surtout de milieux défavorisés d’une île de l’archipel d’Hawaï.

Observant l’évolution de ces individus depuis leur naissance, elle s’était au départ
intéressée à ceux ayant une forme de handicap ou manifestant un comportement
atypique au plan social. Emmy Werner a remarqué que certains enfants étaient pourvus
d’une capacité particulière à surmonter les misères de la vie et à parvenir à s’en sortir, là
où l’on imaginait qu’ils sombreraient. La chercheuse fit deux constats :

●● la plupart des jeunes suivis étaient compétents à résoudre par eux-mêmes leurs
problèmes ;
●● 28 % d’entre eux sortaient indemnes d’expériences de vie particulièrement
traumatiques et développaient, contre toute attente des personnalités parfaitement
saines et stables, fondant une famille équilibrée et devenant un parent attentif.
Elle appela ces enfants des « résilients ». Les atypiques le sont tout particulièrement.

La résilience est la capacité d’une personne


à reprendre seule un bon développement en dépit d’événements
déstabilisants, de conditions de vie difficiles,
de traumatismes parfois sévères, sans retour à l’état initial.

Cette capacité de bien des atypiques à encaisser ce qui peut paraître insupportable
à d’autres, à se relever après un échec cuisant au lieu d’être terrassés, à rebondir et
avancer même quand tout semble perdu, épate et force l’admiration. Ils parviennent à
s’extirper seuls de situations horrifiques, à se tirer vers le haut sans aide extérieure là où
on s’attendrait à ce qu’ils s’effondrent, à conjurer le sort quand rien ne les prédestine
© Groupe Eyrolles

à étinceler.

152
Tout de même n’est-ce pas
antinomique d’avoir une
Une grande force
hypersensibilité et une
grande force de caractère ? de caract re
Non, ce n’est pas incompatible, au contraire 
! La
population qui fait les atypiques est habituée à « l’effet
cocktail 
». Leurs particularités propres, leurs points
forts comme ce qui pourrait être regardé comme leurs
faiblesses se mélangent et s’additionnent pour donner
un charisme du tonnerre. Car la somme des traits qui
composent ce cocktail est bien plus riche et savoureuse
que chaque élément pris de façon indépendante.

Je crois que dans la catégorie des superlatifs, beaucoup peuvent s’appliquer aux
atypiques. Ce qu’ils peuvent l’entendre cette rengaine « Tu es trop… », suivi d’un adjectif,
au choix. Trop sérieux, trop lucide, trop intuitif, trop sensible, trop immature, trop
intello, trop dissipé, trop compliqué, trop obsessionnel, trop agité, trop extrême, trop
méfiant, etc. Tout et son contraire, puisque souvent les mêmes personnes vont également
leur reprocher de n’être « Pas assez… ». Entre les trop et les pas assez, mon cœur tangue
et chavire. Ils vivent chaque petit moment du quotidien comme une expérience intense
et éprouvante de par la force exceptionnelle du signal qu’ils reçoivent. Ils perçoivent
trop, ressentent trop et se rappellent trop.
© Groupe Eyrolles

153
LA THÉORIE DU MONDE INTENSE

La « théorie du monde intense », née des travaux des neuroscientifiques Kamila et Henry
Markram, avance que, contrairement à ce qui a longtemps été envisagé, les personnes
autistes ont un cerveau hyperfonctionnel. La conséquence, chez ces atypiques, est
d’apporter un trop-plein d’informations qu’ils ne parviennent pas (ou mal) à gérer.

NE PAS SE CROIRE INAPTE


AU BONHEUR
Mais alors, les atypiques doivent être suivis toute leur vie pour aller bien ? Non, bien
sûr que non ! Dans une optique de neurodiversité, quel que soit le type de différence
qui est derrière, être atypique n’interdit rien et n’a pas à être vu comme une affection.
S’entendre dire qu’on est space ou que quelque chose ne tourne pas rond n’aide pas à
se sentir autorisé à vivre heureux. Même sur le ton de la plaisanterie, il en reste toujours
des traces. Parfois, les atypiques se pensent poursuivis par une terrible infortune qui les
empêche de voir leurs décalages comme une richesse.

Bizarroïde c’est ce qu’il y a de mieux ! […]


La vérité c’est qu’aucune personne normale n’a jamais rien
accompli de marquant dans ce monde.
(Jonathan Byers à son petit frère Will19)
© Groupe Eyrolles

19 Personnages fictifs de la série Stranger Things, saison deux.

154
EXERCICE
NON, TU N’ES PAS NUL
C’est un sentiment partagé par nombre d’enfants hors
norme, conscients de leurs différences, mais vécues
comme un déficit, une incapacité. Votre mission, si vous
l’acceptez : faire changer le regard de votre atypique sur
ses capacités à réussir.

Instaurez un temps d’échanges chaque soir, pendant le dîner par exemple (l’idéal étant
de jouer le jeu en famille), autour de trois axes mettant en valeur les activités qui se sont
déroulées au cours de la journée. Avec une règle simple : seules les choses positives
et qui apportent satisfaction peuvent être évoquées ! Ce n’est pas un temps pour se
plaindre ou pour pester.

À tour de rôle, chaque membre de la famille va :

●● rapporter une réussite (modeste, personnelle, scolaire, sociale, etc., du


moment que c’est positif et valorisant). N’hésitez pas à féliciter votre enfant quand
son tour vient et qu’il fait état de la réussite dont il a choisi de parler ;
●● résumer une envie, un projet à court terme (ici encore, cela peut être à tous
niveaux, mais en restant réaliste : on parle d’un vrai but, pas d’une chose pour
plaisanter). N’émettez aucune critique, aucun bémol… même dans l’hypothèse où
le projet ne vous enchante pas ! L’idée est de booster son désir d’entreprendre ;
●● parler d’un talent (celui de porter secours aux autres, de paramétrer
l’ordinateur de mamie, de déchiffrer rapidement une partition, etc.). Ne soyez pas
avare en encouragements, il n’en recevra jamais assez.
© Groupe Eyrolles
Bonheur et réussite…
Si on prend dix personnes au hasard, l’évocation de la réussite n’appellera jamais les
mêmes descriptions. Chacun se fait son idée de la réussite, selon son parcours, ses
aspirations, ses critères, selon le milieu d’où il vient et celui dans lequel il voudrait voir
évoluer son enfant. Cela contraste avec l’émergence d’une représentation académique
unique, très classique et impliquant une scolarité linéaire, sanctionnée par un diplôme.
On peut devenir un adulte atypique épanoui et heureux sans avoir fait de classe prépa
ou sortir de Sciences Po. Les lignes ont commencé à bouger avec la démocratisation
d’Internet, et la France se met peu à peu aux formations en ligne ouvertes à tous (les
MOOCs), aux cours universitaires à distance. Les jeunes atypiques qui ne sont pas très
heureux dans le circuit traditionnel ou veulent(ré) étudier seuls peuvent le faire.

Le bonheur et la réussite peuvent prendre des chemins de traverse.

Le point de vue de…


Amandine, 52 ans

J’ai compris sur le tard que j’étais atypique, au détour d’une lecture, j’ai eu une révélation. Si
j’ai mis un peu de temps à digérer tout ça, je me suis dit que la vie était trop courte pour ne
pas suivre les signes qui m’étaient envoyés. J’ai choisi de reprendre des études pour faire ce
que je n’avais pas osé à l’époque, par manque de confiance en moi.

Les autres chemins de l’école


© Groupe Eyrolles

On n’est pas forcé d’être scolarisé comme tout le monde pour être instruit. L’Instruction
en famille (l’IEF) peut représenter une alternative intéressante pour certains atypiques,
mais assurément pas pour tous. Il faut garder à l’esprit que chaque enfant fonctionne

156
différemment, plus encore quand on parle de population atypique qui s’écarte des
sentiers battus sur un ou plusieurs points. Ainsi, l’école à la maison pourra ravir certains
atypiques, et en écœurer d’autres.

De même, certaines écoles spécialisées proposent d’accueillir des enfants intellectuel-


lement précoces et des atypiques de tous poils. Sur la forme, ce n’est pas à la portée de
toutes les bourses, parce qu’il s’agit dans presque tous les cas d’établissements privés
hors contrat. Sur le fond, là non plus, aucune solution toute faite. Chaque situation
verra d’un côté un enfant avec sa famille, de l’autre une équipe avec ses enseignants.
Personne ne peut prévoir à l’avance comment se passera la rencontre entre ces deux
mondes.

Laissez-lui le temps !
Pour se réaliser, il faut que le jeune atypique ait trouvé sa voie, sa passion, le domaine qui
l’attire et dans lequel il veuille briller. Mais il faut aussi laisser du temps au temps ! Les
neurosciences nous apprennent que les connexions du cerveau ne sont pas achevées
avant 25 ans environ. Jusqu’à cet âge l’enfant standard, et ensuite le grand ado, est un
être en développement. Il faut par conséquent accepter les tâtonnements et ne pas
exiger d’un enfant atypique, qui plus est, qu’il soit terminé à 18 ans, ni lui en faire le
reproche quand ça n’est pas le cas. Si notre société a fixé arbitrairement cet âge comme
étant celui du début de la capacité et de la responsabilité (l’âge à partir duquel on
peut voter, passer son permis de conduire, boire de l’alcool diffère selon les pays et les
cultures), la réalité cérébrale est tout autre. Et ce n’est pas être un parent surprotecteur
ou une mère poule que d’en avoir conscience.

Je sais que tu peux !

Permettons à nos jeunes atypiques de grandir à leur rythme, même s’ils prennent un
peu plus leur temps que d’autres. Ne doutons jamais qu’ils y arrivent, et assurons-leur
que l’on a foi en eux. Ne les brusquons pas, ils n’auront qu’une enfance. Autant qu’elle
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soit douce.

157
ACTIVITÉ
LA PYRAMIDE DE MASLOW
Pour s’accomplir, en tant qu’individu singulier et fier de
l’être, il faut se connaître et comprendre pourquoi on
n’est pas toujours en position de tout réussir en toutes
circonstances.

Le psychologue américain Abraham Maslow a énormément travaillé sur les questions


liées aux motivations dites supérieures des êtres humains dans leur hiérarchie
d’accomplissement de soi. Il les a présentées sous forme de pyramide, composée de
cinq niveaux (à lire du bas vers le haut) :

●● à la base (niveau 1), les besoins physiologiques tels que manger, boire, dormir ;
●● en position deux, les besoins de sécurité tels que la sécurité de l’enfant, du
soutien, de la stabilité ;
●● en position trois, les besoins d’appartenance tels que les liens sociaux, l’amitié ;
●● en position quatre, les besoins d’estime de soi tels que la reconnaissance, le
respect, le sentiment d’utilité ;
●● au sommet de la hiérarchie (niveau 5), le besoin de réalisation de soi, qui permet
d’exprimer pleinement son potentiel.
On peut imaginer devoir verser un liquide par le haut dans cette pyramide, pour
constater que le niveau 5 ne sera rempli qu’en dernier lieu, quand les quatre divisions
précédentes seront comblées.

Munissez-vous de la pyramide vierge (située dans les feuilles détachables en fin


d’ouvrage) et complétez avec votre enfant les cinq étages par des exemples concrets et
précis qu’il connaît dans sa vie. Par exemple, pour le niveau 3, il peut citer les membres
de la famille proche ou ses amis les plus fidèles ; pour le niveau 4, il peut indiquer quelles
sont les activités dans lesquelles il se sent utile, etc.

Cette pyramide va permettre à votre enfant de relativiser un échec et de visualiser ce qui


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va concourir à la réussite. Elle permet également de prendre du recul sur les situations.
Par exemple, quand il a l’impression que plus rien ne va, il peut se raccrocher à ce qu’il
a indiqué dans le tableau.
5
Réalisation
de soi

4
Estime

3
Appartenance

2
Sécurité

1
Physiologique
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Conclusion

Les enfants ont tout, sauf ce qu’on leur enlève. 


(Jacques Prévert)

La plupart des atypiques, lorsqu’ils sont enfants, ne veulent pas se démarquer. S’ils
avaient le choix, beaucoup aimeraient passer inaperçus. Ils troqueraient bien volontiers
leur hypersensibilité, leur hyperréactivité, leur hypermaturité, leur hyperémotivité, leur
hyperesthésie, leur hyperactivité, leur hypervigilance, leur hyperfocalisation contre du
tout normal.

Mais la vie n’est pas un essayage de vêtements, on ne choisit pas ce que l’on va porter.
Et c’est tant mieux.

C’est toute la beauté du voyage : apprendre à s’aimer, à être heureux d’être soi et de ne
ressembler à aucun autre.

De la différence naît la richesse !

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160
Table des outils pratiques
Les pré-requis pour identifier une atypie.............................................................. 22
Identifier les manifestations de l’ennui................................................................. 33
La méthode STOP THINK and GO à la rescousse................................................. 38
Réguler le flux de paroles en classe....................................................................... 41
Être face à un élève-hérisson.................................................................................. 42
Quelques conseils pour l’écrit................................................................................. 50
Passer un contrat...................................................................................................... 53
Petits bidules............................................................................................................. 54
Face à un enfant qui a une peur panique de l’échec........................................... 57
Apprendre par la réactivation................................................................................. 62
Astuces pour prévenir les trop-pleins sensoriels.................................................. 70
Éviter les étiquettes.................................................................................................. 75
Lâcher prise............................................................................................................... 83
Ça gratte, ça pique… et ça reste dans la penderie............................................... 85
Nœuds et doubles nœuds....................................................................................... 86
Rituels du soir............................................................................................................ 89
Check-list pour des devoirs au calme..................................................................... 91
Parler ne veut pas dire communiquer................................................................... 97
Attention à la dépendance affective..................................................................... 105
L’intérêt de trouver sa place dans une chaîne.................................................... 117
Calmer cette réaction au quart de tour............................................................... 123
Réagir aux commentaires « sans filtre » .............................................................. 125
Ouvrir son horizon.................................................................................................. 129
Apprendre à déjouer les petits couacs................................................................. 131
Gérer le temps......................................................................................................... 139
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161
Table des activités
Mon enfant est-il atypique ? ................................................................................... 13
Quel type de norme ? .............................................................................................. 19
Convoquez l’enfant que vous étiez........................................................................ 26
Communiquer avec l’école, ça s’apprend ! .......................................................... 39
Apprendre à reconnaître le mutisme séléctif........................................................ 43
Identifier les signes d’un souci graphique............................................................ 46
L’émotiomètre.......................................................................................................... 60
Apprivoiser ses hyperesthésies.............................................................................. 69
Échelle de la douleur ou de la gêne....................................................................... 71
Bannir les mots qui blessent................................................................................... 77
Opter pour une approche parallèle........................................................................ 81
Le goût de l’effort..................................................................................................... 93
Entretenez la flamme............................................................................................. 107
Sa relation aux contacts......................................................................................... 112
Travailler sa persévérance..................................................................................... 118
S’entraîner à jouer des scénarios sociaux........................................................... 127
Tendre la main........................................................................................................ 134
La câlinothérapie maison....................................................................................... 142
Ma fille atypique est-elle anxieuse ? .................................................................... 146
Voir le monde sous un angle différent................................................................. 151
Non, tu n’es pas nul................................................................................................ 154
La pyramide de Maslow......................................................................................... 158
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162
Ressources

TDA/H
Hébert Ariane, Le TDA/H raconté aux enfants, Mortagne, 2016
Revol Olivier, On se calme ! Mieux vivre l’hyperactivité, J’ai lu, 2014

HAUT POTENTIEL INTELLECTUEL


Adda Arielle, Le Livre de l’enfant doué, Solar, 2008
De Kermadec Monique, L’Enfant précoce aujourd’hui, Albin Michel, 2015
Kieboom Tessa, Accompagner l’enfant surdoué, De Boeck, 2011
Parzyjagla Charlotte, Les enfants surdoués 100 questions/réponses, Ellipses, 2017
Poulin Roberta, Perrodin Doris et Revol Olivier, 100 idées pour accompagner les enfants à
haut potentiel, Tom Pousse, 2015
Régnier Sylvie et Courcy Nathalie, Zoé douée. Regards d’enfants sur le haut potentiel
intellectuel, 4 ½, 2016
Reynaud Alexandra, Les Tribulations d’un petit zèbre, Eyrolles, 2016
Sebire Gabrielle et Stanilewicz Cécile, Avec lui c’est compliqué !, Eyrolles, 2018
Terrassier Jean-Charles, Les Enfants surdoués ou La Précocité embarrassante, ESF, 2018
Wahl Gabriel, Que sais-je ? Les Enfants intellectuellement précoces, PUF, 2017

DYS
Pouhet Alain, Questions sur les Dys- : des réponses, Tom Pousse, 2016

SYNDROME D’ASPERGER
Grand Claire, Toi qu’on dit autiste. Le Syndrome d’Asperger expliqué aux enfants,
L’Harmattan, 2012
Reynaud Alexandra, Asperger et fière de l’être, Eyrolles, 2017

ÉMOTIONS ET COMMUNICATION
© Groupe Eyrolles

Couturier Stéphanie, Aidez votre enfant à gérer ses colères, Marabout, 2017
Faber Adele et Mazlish Elaine, Bastien et les Blipoux, Phare, 2014
Kleindienst Anne-Claire et Corazza Lynda, Petit décodeur illustré de l’enfant en crise,
Mango, 2017

163
RELAXATION
Choque Jacques, Concentration et relaxation pour les enfants, Albin Michel, 2016
Snel Eline, Calme et attentif comme une grenouille, Les Arènes, 2017

ÉDUCATION POSITIVE
Klein Christine, Mon p’tit cahier éducation positive, Solar, 2018
Maciejak Véronique, 1,2,3, je me mets à l’éducation positive, Eyrolles, 2017

CONFIANCE EN SOI
Camborde Mélanie, Oui, tu peux y arriver !, L’Harmattan, 2015
Collectif, Les cahiers Filliozat : la confiance en soi, Nathan, 2017

FILLES/GARÇONS
Perrodin Doris, Et si elle était surdouée ?, SZH/CSPS, 2015
Vidal Catherine, Nos Cerveaux, tous pareils tous différents !, Belin, 2015

À L’ÉCOLE
Alvarez Céline, Les Lois naturelles de l’enfant, Les Arènes, 2016
Autain-Pléros Elsa, Je suis précoce. Mes profs vont bien, Chronique sociale, 2013
Collectif, École, quand la phobie prend le dessus, Josette Lyon, 2016
Lachaux Jean-Philippe, Les Petites Bulles de l’attention, Odile Jacob, 2016
Pailleau Isabelle et Akoun Audrey, Apprendre autrement avec la pédagogie positive,
Eyrolles, 2013
Siaud-Facchin Jeanne, Mais qu’est-ce qui l’empêche de réussir ?, Odile Jacob, 2015

HARCÈLEMENT
Fraisse Nora, Stop au harcèlement. Le Guide pour combattre les violences à l’école et sur les
réseaux sociaux, Calmann-Lévy, 2015
Piquet Emmanuelle, Je me défends du harcèlement, Albin Michel, 2016

ROMANS JEUNESSE
© Groupe Eyrolles

Palacio RJ, Wonder, Pocket Jeunesse, 2014


Perrier Pascale, Q.I. 142 et alors ?, Oskar, 2016

164
© Groupe Eyrolles

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L’ÉMOTIOMÈTRE

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Pein de
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ÉCHELLE DE LA GÊNE OU DE LA DOULEUR

Douleur ou gêne
EXTRÈME 10

9
Douleur ou gêne
FORTE 8

7
Douleur ou gêne
MARQUÉE 6

5
Douleur ou gêne
MODÉRÉE 4

3
Douleur ou gêne
LÉGÈRE 2

1
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AUCUNE douleur,
AUCUNE gêne 0
LA PERSÉVÉRANCE

Ce que les gens voient


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Ce que les gens ne voient pas


BONS DE COLÈRES

Bon pour Bon pour


une colère une colère
Bon pour Bon pour une colère
une colEre
Bon pour Bon pour
une colère une colère
Bon pour Bon pour
une colEre une colère
Bon pour BON POUR
une colere UNE COLÈRE

Bon pour Bon pour


une colère une colere
BON POUR Bon pour
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UNE COLÈRE une colEre


PYRAMIDE DE MASLOW

1
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Les erreurs
sont la preuve
que tu essaies
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