Chapitre 1 - La Conscience - Livre Du Professeur
Chapitre 1 - La Conscience - Livre Du Professeur
Chapitre 1 - La Conscience - Livre Du Professeur
Chapitre 1 : La conscience
Introduction à la notion 2
Contours de la notion 3
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Introduction à la notion
Proposition d’activité
Il est possible de mettre les élèves en binômes et de leur demander de lister ou représenter dans un
autoportrait leurs caractéristiques mentales, goûts, caractéristiques physiques (blond, bavard,
amateur de mangas, etc.), et de le faire ensuite pour leur binôme sans qu’ils échangent. On peut
ensuite leur demander s’il était facile ou difficile de dire qui ils étaient et souligner :
● Si c’est difficile, l’effort que demande « se connaître »
● Si c’est facile, le fait qu’ils sont toujours avec eux-mêmes
Il peut être alors intéressant de leur demander si les représentations du binôme correspondent
parfaitement :
● Manque-t-il des choses ? Pourquoi ?
● Y a-t-il des choses en plus ? Pourquoi ?
L’idée est de montrer qu’il n’y a que moi qui peux accéder à une certaine identité intérieure et
qu’autrui permet d’accéder à un point de vue plus extérieur (et peut-être plus impartial).
Littérature : l'autoportrait.
En s’appuyant par exemple sur l’activité d’introduction proposée ci-dessus, il est possible d’aborder la
question de l’autoportrait dans la littérature : les artistes se représentent-ils de biais ? Quelle est leur
façon de se présenter ? Une biographie peut-elle être « objective » ?
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Contours de la notion
La notion de conscience a deux origines. Le premier est le « connais-toi toi-même » qui se trouve au
cœur de la sagesse platonicienne et grecque. Toutefois, cette injonction à la connaissance de soi
n’interrogeait pas de manière centrale la faculté de cette connaissance de soi ; il s’agissait plutôt de
reconnaître en soi une intelligibilité pure.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
C'est la modernité, avec Montaigne, et surtout Descartes, qui place la question de la conscience au
centre de la philosophie. Le sujet réfléchissant devient le principe à partir duquel il s'agit de
comprendre le monde. Cette faculté est étudiée et approfondie par les auteurs : conscience qui
permet l'identité, lien entre les différents instants, dépendance envers autrui, centre de toutes les
perceptions, sa compréhension s'affine au fil des siècles.
Néanmoins, les XIXe et XXe siècles modifieront de trois façons déterminantes la notion :
- la conscience se place dans la société, et la notion de conscience est alors décentrée vers la
compréhension des structures sociales qui la déterminent avec l'essor de la sociologie ;
- la psychologie tentera de comprendre les forces au cœur de la notion de conscience, qu'elle
distinguera de la notion d'âme, et de l'ancrer dans le corps et le cerveau, notamment en
interrogeant les pathologies mentales ;
- enfin, la théorie psychanalytique proposera une hypothèse selon laquelle une part
inconsciente influence la pensée consciente.
Dans la continuité de cette évolution, la philosophie de Husserl, puis celle de Sartre, donneront à la
conscience sa pleine dimension phénoménologique : la conscience est toujours conscience de
quelque chose, elle est intentionnalité.
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Le document 1 montre que ma conscience peut être douteuse car je peux me tromper sur mon corps.
Il introduit la nécessité de s’interroger sur qui et ce que je suis. On peut approfondir ce point en
appliquant l’expérience décrite en cours.
⇒ À consulter pour approfondir : L LS.fr/MembreFantome
Les documents 2, 3 et 4 continuent sur cette lignée du doute : la conscience que j’ai de moi, la
conscience des autres, la conscience de la conscience des autres, me change. Cette interaction au
travers de la question des regards suggère donc plusieurs réponses, et introduit divers obstacles à la
question « Qui suis-je ? ».
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L’intérêt est double : il permet d’engager un dialogue entre Descartes, Kant et Hegel sur l’enfance et
la prise de conscience ; il permet aussi de poser la thèse qui sera discutée. La conscience est liée à
notre âme, et par conséquent est tout le temps présente, malgré les oublis ou les ruptures
apparentes. Elle est donc innée.
Ce texte pose un problème éthique : celui du patient atteint d’Alzheimer, ou dans le coma, qui n’est
plus capable d’exprimer une pensée – peut-on admettre qu’il n’est plus un être humain et le traiter
comme une chose ? Peut-on tuer un être conscient ? Cette question peut être mise en parallèle du
texte de Searle (texte 10).
La distinction entre l’âme et le corps est importante ; Descartes pose un dualisme entre l’esprit, la
conscience. Il nous caractérise comme des choses pensantes, qu’il distingue de notre dimension
matérielle et physique.
Si la pensée désigne une activité cérébrale, un homme ne cesse pas de penser tant qu’il est vivant.
Mais si la pensée désigne une activité psychique organisée et consciente, un homme ne cesse pas
d’exister quand il cesse de penser : on peut citer le cas où on ne contrôle plus nos pensées, mais
elles existent encore (rêve), ou le cas dans lequel on ne pense plus (évanouissement). Cependant,
l’activité mentale est toujours présente, au sens où l’encéphalogramme n’est pas plat tant que nous
vivons. C’est donc que nous sommes des choses pensantes avant tout. Ce qui permet de valider la
thèse de Descartes, la conscience est donc innée en nous, elle nous caractérise en tant qu’être
humain depuis notre conception jusqu’à notre mort. Ainsi, on peut envisager de considérer un
nourrisson qui n’est pas encore capable d’exprimer ses pensées comme un animal, mais l’animal, lui,
n’en sera jamais capable !
Kant présente l’idée que la conscience est un processus qui unifie nos diverses pensées, idées,
sensations. Ce texte marque l’empreinte de la subjectivité dans son rapport au monde. Il permet de
souligner le passage entre une approche perceptive de la conscience et une approche réfléchie qui
pose un « soi », conçu comme une unité de sensations.
L’exemple de l’enfant proposé par Kant fonctionne bien pour comprendre le passage d’une
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conscience éclatée dans diverses sensations à une conscience qui est capable de faire un retour sur
soi. Je sens les bruits que je fais ; je relis ces bruits à un individu qui en est l’auteur : moi. Il en va de
même pour le schéma corporel de l’enfant. Il ne perçoit initialement que les membres de son propre
corps sans les relier dans un schéma organisateur global, qui viendra plus tardivement. On peut
reprendre ici le schéma de l’activité introductive proposée : les « branches » de l’autoportrait seraient
les sensations ; tandis que le tronc serait la capacité à les réunir en un soi grâce à la conscience.
Une distinction est à faire entre conscience perceptive – sensations, perceptions dont j’ai la
conscience – aussi appelée conscience immédiate, et conscience réfléchie – conscience de soi,
acquise par le fait de prendre conscience de ses sensations et les relier à un individu : moi.
Le concept de personne, c’est l’idée qu’il y a un individu conscient de lui-même, capable de réfléchir
et de relier les différentes sensations au même être. On retrouve ici une dimension juridique et morale
de responsabilité : une personne, c’est quelqu’un qui est responsable, car c’est quelqu’un qui est
capable de mettre en lien ce qui a été fait et l’auteur de ces actes.
L’objectif est ici de montrer que les deux aspects – donnée et processus – donc les deux textes
précédents ne s’opposent pas nécessairement. La conscience est à la fois immédiate, car elle donne
accès à des données ; à la fois réfléchie et produite par un retour sur soi. La notion de dialogue
permet aussi de souligner l’écart entre moi qui pense (processus) et moi regardé (donnée).
On ne cesse de se parler à soi-même dans sa tête, de dire « oh mais que je suis bête, j’ai oublié de
faire ça », parfois à la troisième personne, « qu’est-ce que tu es nul, Romain ! ». On passe notre
temps à un dialogue presque schizophrène – dédoublement pathologique de la personnalité – du fait
de notre conscience. Le cas de Narcisse qui tombe amoureux de son reflet peut servir d’exemple
d’écart que l’on peut avoir entre nous-même et nous. Le test du miroir proposé dans le focus est aussi
une bonne manière de faire saisir le caractère réflexif de la conscience à partir d’une expérience
perceptive.
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La conscience est introspective : elle se regarde elle-même. Or, pour dialoguer, il faut avoir un avis
extérieur ; là, la conscience qui se parle est une conscience sans extériorité. C’est pourquoi il est
difficile de se mentir à soi-même, au fond on connaît la vérité.
1- Si la conscience est immédiate et constante, il y a des périodes d’oubli qui ne sont pas des
périodes d’inconscience, mais des périodes desquelles on a perdu la trace. La conscience est innée,
caractérise l’être humain. Nous sommes des choses pensantes, on sent, rêve, imagine, raisonne
constamment. Cependant, la conscience peut être élaborée : elle n’apparaît qu’à un certain âge et
donc demande un développement. Le stade du miroir semble le confirmer – la conscience est le
passage de sensations variées et éclatées à une unité de ressentis : c’est toujours moi qui ressens
puisque je tisse le lien entre les différentes sensations.
2- On peut tenter un dépassement en notant qu’il n’y a pas de division, mais continuité entre les deux
formes de conscience. En effet, il faut bien supposer l’existence de la conscience pour qu’elle ait
quelque chose à ressaisir. Mais ce premier niveau de conscience, immédiat, ne prend son sens que
par rapport à une saisie réflexive que je suis capable d’en faire. Certes, je sens, j’imagine, ou je
raisonne : mais c’est me rendre compte que je suis en train de le faire qui permet de dire que c’est
bien « je » l’auteur de ces différentes actions.
Ce texte est une réponse à la position de Kant par le rôle de l’enfant mais aussi une réponse à la
position théorique sur la conscience. Prendre conscience de soi est moins une réflexion qu’une
activité. Ainsi l’humanité prend conscience d’elle-même par ses actions ; comme les enfants
comprennent qu’ils sont les auteurs de leurs gestes en s’y essayant et, peu à peu, admettant leur rôle
d’auteurs de leurs mouvements, en refusant d’être simplement passifs mais en devenant actifs.
Le plaisir que prend l’enfant à modeler, dessiner, faire du bruit, s’entendre babiller : il semble relier
l’acte qu’il fait à lui-même. Peu à peu, il va dire « non » pour affirmer sa volonté et donc son contrôle
sur ce qu’il fait. Pour se connaître, une simple réflexion ne suffit pas : il faut l’expérimenter à travers
des actions. Le sportif a besoin de s’exercer pour prendre conscience de son geste et l’améliorer : ce
n’est pas qu’un travail théorique, c’est un travail pratique. L’autobiographie est un moyen de faire un
point sur sa vie, d’évaluer ce qui a été fait – c’est le passage à l’acte qui nous fait découvrir notre
façon d’être.
La pratique artistique est une manière de se confronter à l’extérieur et de réaliser ce que je suis
capable de faire, mais aussi ce que j’aime, ce qui me marque, mes thèmes de prédilection.
L’autoportrait en peinture est un thème classique qui permet à l’artiste de faire une mise au point sur
son identité. Par exemple, on peut comparer l’évolution de Yo Picasso autoportrait du jeune artiste
fier et triomphant, à L’autoportrait face à la mort de 1972.
De façon contemporaine, on retrouve dans le rap « l’égotrip », une façon de s’affirmer et de se dire,
de s’assumer et de se défendre contre les critiques. Le rappeur doit prendre conscience de ses failles
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
et s’en défendre ; il doit affirmer ses forces. C’est dans l’exercice artistique qu’il doit se confronter à
lui-même, comme par exemple dans l’extrait ci-dessous d’Écrire de Nekfeu :
J'dis qu'ça va, mais là j'mens, j'ai juste envie d'dire « Lâche-moi »
Parfois j'ai peur d'blesser les gens, alors j'réagis lâchement
J'aime pas trop m'étendre quand on m'déçoit, comprends mes doutes
Et mes erreurs compromettantes, quand mon cœur fait battre mes tempes
Moi, j'suis le même qu'au premier temps, un putain d'grec
Soit on trace, soit on crève, cœur de glace, mes larmes se voient pas sous la grêle
J'sais pas trop c'qu'on m'destine après, mais je ne crains plus, ces maquerelles
J'laisse une empreinte éphémère comme le tracé que dessine ma craie
La distinction entre « être en-soi » et « être pour-soi » est une manière d’aborder ce qui caractérise la
langue philosophique : s’exprimer en concepts. Être en-soi, c’est être sans conscience, on est tel
qu’on apparaît : il n’y a rien de plus. On retrouve ce sens, dans l’expression « en soi ». Par exemple,
on dira : « en soi, c’est assez simple ». Ici, le « en soi » souligne qu’il n’y a rien de plus, rien de caché,
presque un caractère d’évidence.
Le « pour-soi » quant à lui montre qu’il y a une manière d’être vers nous : une manière de nous
représenter donc une prise de conscience. Cette distinction montre incidemment l’opacité qu’introduit
la conscience : de l’extérieur, comment connaître le « pour soi » de quelqu’un. Et comment connaître
ma manière d’apparaître si ce n’est pas par un effort ? On retrouve alors l’activité de la pensée
comme prise de conscience : c’est une manière de m’apparaître à moi-même (que le pour-soi se
regarde comme un en-soi).
Nous taguons, nous signons, nous gravons nos noms partout où il y a un espace laissé blanc pour
affirmer notre existence. C’est une manière de crier au monde « je suis là ». On retrouve des graffitis
originaux sur les monuments de Pompéi : il existe donc un besoin humain d’exprimer son existence
dans un signe extérieur. On marque le monde comme étant son territoire. C’est une action de
transformation de l’environnement à notre image : il ne nous est plus étranger et nous n’y sommes
pas étrangers, car nous avons marqué un certain contrôle.
Surmonter l’interdiction est une manière d’affirmer notre conscience et notre liberté : je ne suis pas
contrôlé, je peux refuser de faire ce qu’on me demande, je suis donc le maître de ma propre vie. C’est
donc une manière de s’individualiser : je ne suis pas le groupe, la loi, la société – au contraire, je
m'affirme comme individu avec ses propres idées, son autonomie.
Compléments
Anthologie complémentaire
Les textes de Marx, de Merleau-Ponty de l’anthologie numérique permettent d'établir d’autres pistes
de réflexion sur l’origine de la conscience : le travail, la société, ou le langage comme conditions
nécessaires ou comme conditions d’émergence de la conscience.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
La notion d’identité a été posée simultanément à celle de la conscience par Locke, qui la définit
d’ailleurs comme une réflexion sur soi dans le concept de « consciousness ». La particularité de la
conscience, c’est la connaissance de soi, ce qui interroge le concept d’identité, à savoir ce qui nous
fait rester nous-mêmes. La position de Locke selon laquelle l’identité humaine est maintenue par la
capacité à relier des souvenirs entre eux par la conscience est le point de départ d’une réflexion sur
l’identité et la mémoire.
- Le cas du criminel : qu’est-ce qui le rend responsable de son crime ? Continuer à pouvoir lier son
acte à lui-même. On se pose la question de s’il était « en pleine possession de ses moyens » au
moment où il a commis son acte.
- Le cas du patient d’Alzheimer : il ne peut se souvenir de lui-même, à mesure qu’il perd la capacité à
se souvenir, il perd ce qui le rend « lui ».
Illustration
L’évolution des autoportraits peints par William Utermolhen souffrant de la maladie d’Alzheimer est
intéressante à analyser :
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Le « je » est une mémoire pour Locke : c’est la capacité à se souvenir et à relier les expériences
entre elles qui font de nous qui nous sommes. Si on compare avec la position de Kant (texte 2), c’est
l’unité des représentations donc un processus de réflexion ; mais on peut envisager que le « je »
émane aussi du regard que portent les autres sur nous.
Ricœur propose ici une réponse à la difficulté de la position de Locke : rester soi-même malgré le
changement. Pour Locke, la conscience reste la même et est le socle de l’identité. Ricœur envisage
une mémoire partielle et partiale : ce qui fait qu’on est nous-même est l’acte de nous raconter, de
raconter une histoire dont nous sommes continuellement l’acteur, la personne-personnage. Alors la
diversité des « moi » dans le temps, entre moi à 7 et à 77 ans, est explicable : je suis toujours moi car
je raconte la même histoire mais le moi à 7 et à 77 ans a bel et bien changé.
Le personnage central de Dallas Buyers Club, Ron Woodroof, est raciste et homophobe. Être
diagnostiqué séropositif et subir le rejet de ses pairs le conduit à reconstruire son identité : il y a bien
une différence entre son manque de tolérance du début et sa bienveillance à la fin du film, mais il y a
bien un fil qui permet au personnage de se reconnaître : il suit la même histoire. On trouvera cette
même écriture de soi en évolution dans les romans picaresques, dans le roman de Cronin Les
années d’illusion, ou dans le film de Tony Kaye American history X.
En nous racontant nous-mêmes, nous sommes les auteurs de nos propres histoires et de nos propres
identités : on choisit la manière d’être, mais aussi la manière d’évoluer. On a conscience du temps et
de soi et on en tire une vision de soi. « Est personnage celui qui fait l’action dans le récit » : je suis
celui qui agit dans ma vie. Mais de cette action, je tire aussi le récit de moi, par un retour réflexif, « le
personnage est lui-même mis en intrigue ». En effet, quand je me raconte, je me vois comme le
personnage dont je construis le récit après-coup. On peut mettre en parallèle le texte de Jankélévitch
(texte 3) sur le dialogue de soi vers soi qui distingue un rapport immédiat et un rapport réflexif à soi.
L’effet Mandela comme les faux souvenirs montre la faillibilité de notre mémoire et donc la faillibilité
du fondement de l’identité dans la mémoire. Comment savoir si je suis moi, si ce que je pense est
vrai, quand honnêtement, je peux avoir l’impression de me souvenir de quelque chose d’inventer ?
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Leibniz répond directement à la thèse de Locke – on peut montrer que les philosophes se répondent
pour se nuancer, s’enrichir. Leibniz aborde d’autres aspects de l’identité : l’identité par rapport aux
autres et « l’identité morale ». Il montre que l’identité ne suppose pas qu’un point de vue interne mais
aussi un point de vue collectif : le regard effectif joue un rôle sur la façon dont « je reste le même »
mais aussi sur la façon dont j’ai à assumer mes actions.
On estime que quelqu’un de saoul reste l’auteur de ses actions, même s’il les a oubliées parce qu’il a
choisi de consommer de l’alcool, mais aussi parce qu’il doit assumer le récit de ses actes sous
l’influence de l’alcool fait par les autres. Il a donc une responsabilité morale, car ses actions ont
touché les autres ; mais aussi parce que les autres portent un regard sur lui qui lui permet de se
connaître. Le film La moustache d’Emmanuel Carrère montre qu’un homme peut douter de son
identité quand, après s’être rasé la moustache, personne ne se souvient qu’il en portait une
habituellement : le regard des autres qui nous dit qui nous sommes peut perturber notre vision de
nous-mêmes.
Le récit qui est fait de moi manque de fiabilité : les autres sont aussi biaisés que moi. Ils peuvent
même influencer la vision que j’ai de moi, sans que je m’en aperçoive (effet des faux-souvenirs).
Cependant, je dois me fier à ce récit pour avoir un recul sur moi-même : c’est pourquoi le professeur
de sport, de chant, de musique, me permet d’avoir une meilleure appréhension de mon geste, il
m’apporte un certain recul. Le récit est donc d’autant plus fiable qu’il est fondé sur des faits et
construit par une personne ayant des compétences dans le domaine jugé.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
La photographie Brasserie Lipp, d’Henri Cartier-Bresson, met en scène ce jeu de regard. La jeunesse
se définit par rapport à la vieillesse. La jeune femme lit Le Monde, la femme âgée Le Figaro, le regard
de la femme âgée juge la tenue de sa cadette… on sent que chacune se définit par rapport au monde
de l’autre : on devient jeune, vieux, de gauche, de droite, par rapport à un regard social partagé,
imposé, refusé. Une lutte des consciences est perceptible.
Ce texte permet d’aborder la distinction entre Transcendance – ce qui dépasse, ce qui est au-delà –
et immanence – ce qui est ancré dans, ce qui vient de l’intérieur. Il y a une transcendance de la
conscience de l’autre à laquelle je n'accède pas et de son regard que je n’atteins pas ; et
inversement, mon identité reste en ma possession, car mes pensées sont inaccessibles de l’extérieur.
Les corps masculins et féminins servent à distinguer de l’extérieur le garçon de la fille : c’est un point
de vue physiologique qu’ils n’ont pas choisi, il est transcendant car il leur fixe une place initiale dans
le monde, une valeur. Pourtant, être une femme, ce n’est pas « avoir un corps de femme », c’est
prendre une place socialement déterminée, adoptée des caractères et comportements socialement
déterminés puisque l’enfant n’est pas genré dans ses attitudes dès la naissance. Le genre est donc
une définition sociale intégrée, ou pas, par l’individu. Le corps a une définition biologique innée, qui
ne dépend pas de la volonté des individus, même s’ils peuvent modifier partiellement ce dernier en
ayant recours à la chirurgie. On peut aborder cette question avec les films Girl de Lukas Dhont, et
Tomboy de Céline Sciamma.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
1- « L’enfer c’est les autres » ne signifie pas, comme on le pense souvent, que les autres sont
méchants ou me font du mal. Cette citation souligne que, par le jeu des regards, les autres sont un
poids sur ma liberté et ma conscience : je dois me définir, lutter, m’extraire, par rapport à cette image
qu’ils me donnent. L’enfer, ce n’est pas leur méchanceté, c’est plutôt cette omniprésence du regard
qui me force à me redéfinir ou à m’affirmer face à l’autre.
Compléments
Le stigmate par Erving Goffman peut être rapproché de la position existentialiste du regard. Goffman
analyse la notion de stigmate : un caractère douloureux car nous mettant hors de la norme et qui est
activé par le regard de l’autre (passé, tare physique, genre, etc.). Mais ce stigmate peut aussi être
« retourné » : on peut s’en servir car c’est aussi une arme de subversion (la femme vue comme
« bête » peut s’autoriser des erreurs car on lui pardonnera), comme arme de lutte (refuser la
féminité), comme arme de pouvoir (utiliser la féminité pour gravir les échelons du pouvoir), etc.
Anthologie complémentaire
Il est possible de s’appuyer sur le texte de Sartre sur la honte qui aborde cette question des regards
et de l’intersubjectivité. Le texte de Zhuangzi pose un autre problème concernant l’identité : celui de
l’individuation. En étant part d’un ensemble, comment pouvons-nous être nous-même ? Ne
sommes-nous pas la somme des choses qui nous composent ? Le texte de Pascal, comme celui de
Hume, montrent la difficulté d’accéder à un substrat qui permettrait de penser une continuité de
l’identité. Le texte de Ricœur est l’approfondissement du texte présent dans le manuel.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Ce texte est pose un double problème : le problème du solipsisme – quel accès avons-nous à la
conscience de l’autre ? – et le problème de la conscience du vivant, des animaux – la conscience
est-elle le privilège de l’être humain ? À travers cette question, il permet aussi d’aborder la distinction
entre le corps et l’esprit.
Les élèves ont tendance à dire « ce qui se passe dans la tête ou dans le cerveau » à la place de « ce
qui se passe dans la conscience ou la pensée ». Ce texte permet de questionner le rôle du cerveau
dans la pensée. Le cerveau est un organe matériel, centre nerveux ; la conscience est un processus
abstrait de réflexion sur nos perceptions.
Les réponses suivantes peuvent être apportées : la conscience « endormie » des plantes, la
conscience « diffuse » à rapprocher de l’animal, la conscience réflexive de l’être humain. Il est
possible d’élargir la question en proposant une réflexion sur le rôle de la conscience : plus on a
d’actions à faire, plus notre conscience s’aiguise chez Bergson ; la conscience est avant tout liée à
une dimension pratique. Par exemple, la conscience perceptive ne perçoit que les choses dont on se
sert (on n’entend pas les bruits inutiles). Or, l’intelligence humaine portant sur un monde symbolique
et abstrait, elle crée la nécessité d’une conscience plus développée chez les êtres humains que chez
l’animal. Il y a là une différence de degrés et non de nature. On peut aussi établir une comparaison
avec les distinctions des « âmes » chez Aristote, où l’on trouve une distinction de nature entre l’âme
végétative, l’âme animale et l’âme intellective.
Il s’agit de questionner ici la dimension morale et éthique de la conscience au travers d’un débat qui a
pris ces dernières années une forme plus politique. L’animal, s’il a une conscience, mérite une forme
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Compléments
Anthologie complémentaire
Le texte de Levinas permet d’envisager l’accès à la conscience de l’autre mais aussi la dimension
morale qu’il y a face à cette autre conscience ; il y a un accès non plus médiatisé par l’analogie ou la
ressemblance, mais un accès par une saisie immédiate de la profondeur de l’autre. Le texte de
Pascal montre la limite de l’analogie : on peut deviner la présence de pensées et de conscience sans
pour autant atteindre l’identité et le moi de la personne ; il y a une opacité radicale de l’autre. Un texte
envisageable est le texte de Husserl dans Les méditations cartésiennes portant sur cette analogie qui
permet la découverte de l’autre.
⇒ À consulter pour approfondir : LLS.fr/PHTAntho1
Corrigé de l'exercice 1
Corrigé du a)
I- On a conscience de soi seul.
a) Je suis le seul à avoir accès à mes propres idées.
b) Je me connais mieux que les autres.
c) Personne ne nous apprend à être conscient.
III- Les autres me permettent un retour sur moi donc une prise de conscience.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
a) Le cas Phineas Gage : ce sont ses amis et collègues qui ont remarqué la différence de
personnalité ?
b) C’est par la rencontre à l’autre que je me distingue et prend conscience de mes
caractéristiques (Hegel / Simone de Beauvoir).
c) Autrui nous permet de nous ressouvenir, de créer un lien entre différents événements
(Leibniz).
Corrigé du b)
I- La conscience de soi est trompeuse.
a) Mon point de vue est subjectif (limité et partial).
b) Mon point de vue est marqué par les faux souvenirs (effet Mandela).
c) La conscience de soi n’atteint qu’un moi déjà transformé par ce retour réflexif (Jankélévitch).
III- Si la conscience m’apporte des informations, comment savoir si ses informations sont fausses ?
a) Je peux me méprendre sur mon propre corps (expérience du membre fantôme) mais ma
conscience est le seul accès à la sensation de mon corps.
b) La conscience de soi est un récit de soi : ce récit est une construction pas un donné
(Ricœur).
c) Le regard de l’autre perturbe l’accès à mon identité, on ne peut trier entre le poids de
l’intersubjectivité et mes propres biais (Simone de Beauvoir).
Corrigé de l'exercice 2
Corrigé du a)
I- La conscience dépend de l’activité cérébrale.
a) Le cas Phineas Gage : une modification du cerveau modifie notre personnalité et donc notre
conscience.
b) La conscience humaine est liée au cerveau (Pinker).
Corrigé du b)
Voir c)
Corrigé du c)
Troisième partie d’un plan dialectique :
III- La conscience est liée à l’activité cérébrale sans s’y réduire.
a) Bergson défend qu’un lien existe entre matière et conscience, mais qu’elle ne s’y réduit pas.
b) La conscience est liée à un développement tant du cerveau que de processus immatériels de
pensées (Kant).
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Corrigé de l'exercice 3
Corrigé du a)
Le texte repose sur l’opposition entre l’idée d’une conscience (d’un Moi) qui serait liée à un esprit ; et
une conscience qui serait liée au corps (à l’organe du cerveau).
Corrigé du b)
I- La conscience est liée à un processus mental.
a) Descartes : Descartes lie la pensée à l’âme.
b) Kant : le processus de conscience est une affaire de pensée non de cerveau.
III- L’activité du cerveau permet la conscience, mais elle ne s’y réduit pas
a) Bergson : Bergson ne réduit pas la conscience à la matière, mais la lie au cerveau sans la
réduire.
b) Hegel : le processus de conscience a bien un caractère matériel (que ce soit cérébral ou
d'expression objective) mais aussi un caractère mental.
Corrigé de l'exercice 4
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Texte 8 : ce qui définit Il n’y a pas de cerveau Beauvoir prend Notre conscience ne
ma conscience en tant féminin ou masculin l’exemple de la petite se réduit pas aux
que garçon ou fille, ce mais une influence fille qui a les mêmes processus cérébraux,
n’est pas mon sociale, de l’éducation, comportements que la conscience qu’on a
cerveau. du regard des autres. les petits garçons de nous-même
jusqu'à une dépend de processus
intervention sociale sociaux.
des adultes.
Plan aporétique :
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Plan aporétique :
I- Réductible : texte 11
II- Irréductible : texte 8, texte 9
III- Aporie : texte 10, texte 2
Plan progressif :
I- Irréductible : texte 8, texte 9
II- Réductible : texte 10
III- Critique / progressif : texte 11
Plan dialectique :
I- Réductible : texte 11, texte 10
II- Conscience et cerveau, deux notions opposées : texte 8
III- Liés mais pas réductible : texte 2, texte 9
Corrigé de l'exercice 5
Texte 2
La conscience réfléchie n’apparaît pas avec l’apparition du cerveau de l’enfant, elle demande un
temps pour apparaître. On peut expliquer ce temps de deux manières : soit une expérience
suffisamment longue de soi pour relier différentes idées ; soit un développement du cerveau et de ses
connexions nerveuses. Le cerveau ne suffit pas pour créer la conscience : il a besoin d’un certain
nombre de stimuli, d’expériences et d’abstractions. C’est un argument qui fonctionne bien en
antithèse : il permet de montrer qu’une thèse qui repose entièrement sur le cerveau pose des
problèmes.
Texte 4
On prend conscience de soi soit de façon théorique soit de façon pratique. On a besoin d’agir sur le
monde pour s’y reconnaître, reconnaître qu’on a été maître et décideur de l’action. L’art est
l’aboutissement de cette réflexion : il permet de prendre son « soi », de l’exposer à l’extérieur et par là
de s’y reconnaître et d’agir dessus. C’est un texte dialectique qui va mêler les deux approches qui
semblent d’abord opposer : la théorie et la pratique.
Texte 8
La conscience n’est pas déterminée par un destin biologique pour Simone de Beauvoir car ce n’est
pas notre corps ni notre cerveau qui dictent avant tout notre comportement. C’est l’interaction sociale
qui détermine avant tout notre manière d’être : dans d’autres cultures et sociétés, ou à d’autres
moments historiques, on voit des comportements qu’on considère genrés changés, être intervertis, ou
plus répandus. Les descriptions grecques des pleurs des héros sont étonnantes pour nous, car les
pleurs ne sont pas considérés comme un comportement viril, contrairement à l’image que s’en faisait
la Grèce antique. On peut utiliser ce genre d’arguments dans un plan progressif, car il permet de faire
évoluer l’approche de la conscience de manière nuancée et critique.
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
La planète des singes, roman de Pierre Boulle, permet d’aborder plusieurs questions : qu’est-ce qui
différencie l’être humain de l’animal ? D’où vient la conscience ? Quel rapport avons-nous aux autres
consciences ?
Le livre lancera une saga phare de la science-fiction au cinéma et c’est aussi l’occasion pour l’élève
de réfléchir aux concepts philosophiques sous une forme plus narrative.
Extraits tirés de l’édition : La planète des singes, Pierre Boulle, édition Pocket, 1963.
Extrait 1 : PAGE 19 — PARTIE 1 CHAP. V
Extrait 2 : PAGE 34 — PARTIE 1 CHAP. VIII
Extrait 3 : PAGE 45 — PARTIE 1 CHAP. X
Extrait 4 : PAGE 122 — PARTIE 3 CHAP. I
Extrait 5 : PAGE 170 — PARTIE 3 CHAP. XI
Extrait 6 : PAGE 171 — PARTIE 3 CHAP. XII
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
N’est-ce que par orgueil que nous n’attribuons pas à l’animal une pleine conscience ?
Après avoir lutté pour être reconnu comme être conscient, Ulysse a le droit à un traitement différent.
Les singes reconnaissent en lui une conscience et humblement l’acceptent, tout en l’éloignant
d’autres individus de la même espèce qu’ils exploitent. On peut alors penser que l’attribution d’une
conscience dépend non seulement de l'orgueil de se penser supérieur ; mais aussi de nos intérêts et
même de notre affection. Ne trouvons-nous pas nos chiens et nos chats dignes d’une forme de
conscience ?
Bibliographie indicative
Sitographie
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Livre du professeur - Philosophie Tle - Chapitre 1 : La conscience
Filmographie
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