Prologue - Gargantua
Prologue - Gargantua
Prologue - Gargantua
Au 16ème siècle, un nouveau mouvement littéraire et culturel fait son apparition en France :
l'humanisme. Le prologue de Gargantua, ouvrage écrit entre 1534 et 1542, est destiné, comme
tout prologue, à inciter à la lecture. Mais il va beaucoup plus loin ; en effet, il donne les clés de
lecture de l'œuvre et pose les bases de l'humanisme tant sur le plan philosophique que littéraire.
Cependant, dans son prologue, Rabelais entend provoquer le rire, mais sa verve comique
dissimule des vérités plus sérieuses. L'auteur s'adresse directement à ses lecteurs afin de les
mettre en garde sur la nature véritable du texte qu'ils vont découvrir.
Ainsi, au fil de cette présentation, nous aurons pour objectif de répondre au projet de lecture
“Comment Rabelais, dans son prologue, parvient-il à concilier un discours explicatif portant des
idées humanistes, tout en fuyant les sanctions de l’Eglise ?”, tout en évoquant les mouvements
qui séparent ce texte en deux parties distinctes ; le premier montrant comment Rabelais
argumente sur la méthode de lecture qu’on doit appliquer, en faisant une analogie avec le chien,
allant de la l.1-16, et le second mouvement où la compréhension du lecteur devient plus confuse
quant aux explications du narrateur, de la l.17 à la fin du texte.
Mouvement 1 : Comment Rabelais argumente sur la méthode de lecture qu’on doit appliquer en
faisant une analogie avec le chien, allant de la l.1-16
→ Le prologue de Gargantua est précédé d'une apostrophe au lecteur dans laquelle
Rabelais place son œuvre sous le signe du rire "parce que le rire est le propre de l'homme". Dans ce premier
mouvement, Rabelais argumente sur le pourquoi faut-il regarder au-delà des apparences et
de ce qui est explicite en comparant la situation du lecteur à celle d’un chien. Le texte ici
présenté, à tonalité didactique, est énigmatique et nécessite déjà une réflexion du lecteur.
⧫ Dans une première partie, on remarque, dès le début de ce premier mouvement, une suite
de questions rhétoriques qui donnent un rythme particulier au texte pour but de maintenir
l'attention du lecteur. On assiste à une première interpellation comique de l’auteur à son
lecteur, à travers un juron “Nom d’une chienne !”. Par la suite, il associe son analogie avec le chien
avec une référence des plus sérieuses, celle du philosophe antique “Platon”, qui va servir
comme un argument d’autorité et conforter le côté sérieux à venir de l'œuvre.
Cependant, Rabelais réussit à faire un habile parallèle entre l’animal et l’homme. Ce lien est
étroit puisque l’on note une personnification du chien réputé “philosophe”, avec la tournure
superlative “la bête la plus philosophe", avant qu’il n’adopte des attitudes purement humaines avec
l’énumération des noms tels que “dévotion”, “prudence” “application”. Aussi, l’auteur offre une longue
digression à l’aide d’interrogations purement rhétoriques “Qui le pousse” “Qu’espère-t-il” “A quel bien”. Il capte
l'attention de son lecteur en devançant ses questions et crée ainsi artificiellement un dialogue
qui est bien fictif.
⧫ Dans une seconde partie, on remarque qu’au même titre que Platon, Rabelais se réfère à un
autre argument d'autorité, le fameux Claude Galien qui était un médecin grec de l'antiquité. En
outre, le futur de l'indicatif "vous devrez" montre combien Rabelais sollicite fortement le lecteur à
avoir un comportement exemplaire pour que sa lecture permette d'aller au cœur du texte ; il
l’invite d'ailleurs à une lecture savante nécessitant efforts et temps par “une lecture attentive et de fréquentes
méditations”.
Cependant, la fameuse expression célébrissime “rompre l’os et sucer la substantifique moelle” montre bien qu’il
s'agit d'une métaphore où l’os renvoie au livre (et donc au contenant), tandis que la
substantifique moelle renvoie au message délivré par l’oeuvre (et donc au contenu). Aussi, le
groupe ternaire “religion”,“politique”,"économique" annonce combien l'œuvre se voudra sérieuse, puisque
la promesse de Rabelais est d'aborder des sujets extrêmement importants afin de permettre
aux lecteurs de s'enrichir aussi bien moralement qu’intellectuellement.
→ Ainsi, tout au long de ce premier mouvement Rabelais use de multiples moyens pour
guider le lecteur dans la manière d'acquérir la connaissance tout en incluant de multiples
références à l’humanisme : des analogies et des exemples avec la nourriture et la boisson
ainsi que le chien et sa chasse à la moelle, mais également des arguments d'autorité par la
citation de certains savants.
Pour conclure et répondre à notre projet de lecture, on peut dire que, dans son prologue,
Rabelais a guidé le lecteur dans la manière d’acquérir la connaissance à travers multiples
analogies, tout en critiquant la méthode des moines en s’en moquant de manière dissimulée,
mais aussi en décrédibilisant certains savants. La “chicane” que Rabelais a créé au deuxième
mouvement “brouille les pistes” de ses critiques implicites, le protégeant ainsi des sanctions de
l’Eglise. Ce prologue de Gargantua permet ainsi au lecteur de comprendre le contenu de
l'ouvrage à venir.