Luchaire. Innocent III. 1906-1908. Volume 3.
Luchaire. Innocent III. 1906-1908. Volume 3.
Luchaire. Innocent III. 1906-1908. Volume 3.
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INNOCENT III
LA PAPAUTE ET L'EMPIRE
OUVRAGES DU MEME AUTEUR
PUBLIES PAR LA LIBRAIRIE IIACHETTE ET C ie
INNOCENT III
LA PAPAUTE ET L'EMPIRE
>v'x
PARIS
LIBRAIRIE HAGHETTE ET G ie
79, BOULEVARD SAINT-GERMAIN, 79
1906
i
Droils de tiftductiou et do npradflrtio
,6?'
4-
INNOCENT III
CHAPITRE I
LE SGHISME IMPERIAL
ils
regardaient les autres rois comme leurs subor-
donnes et croyaient avoir le droit, sinon le devoir,
chimeres; la
papaute* elle-meme, deviant de sa
route normale et de son role legitime pour viser
sa lance terrible ,
on voit reparaitre le grand
Charles et son bras vengeur Salut au prince
de la terre, au Cesar Frederic! Quand ses trom-
pettes sonnent ,
les murs ennemis s'ecroulent.
autres rois : il
regne sur le
peuple de Dieu.... Le
monde entier est de nouveau gouverne par Auguste :
mais a
1'Allemagne, il
re"pete sa phrase en trois
1
de roitelet ,
ce que Salisbury appelle une
impudente bouffonnerie .
la
dignite imperiale comme le bie* propre de sa
dynastic, a
supprimer le droit electoral des princes
et des hauts prelats. L'Empire change en monarchic
unitaire, hereditaire, absolue, et dominant toute
trente-deux ans.
1. Regulus Francie.
LE SCHISMR IMPERIAL 9
On comprend 1'effet
que pro- extraordinaire
allemandes : De
1'Elbe jusqu'au Rhin et du Rhin
demasqua le
piege de ceux qui le tentaient, en les
engageant a laisser a I'Empereur les attributions
royales et a Dieu ce qui est a Dieu Et il ne con*- .
1'epoque oil
par Gerbert, un charlatan!
il 1'etait
desolation, et demandent au
Seigneur jusqu'a
(juand durera son sommeil. Get homme dejoue les
plans de Dieu et fausse ses paroles. Ce tresorier
de Dieu a de"robe le tresor celeste. Ce conciliateur
vole par-ci et assassine par-la. Le berger qu'a
choisi le maitre du ciel est devenu un loup pour
ses brebis. L'Allemand deteste ce pape jeune et
entreprenant, cause de trouble et de dissolution
morale pour son pays. La passion anticlericale qui
Fanime n'est qu'une forme de son patriotisme
intransigeant.
vint ,
destine*e a mettre d'accord les interets et
meme les principes. On imagina d'associer les
du radicalisme de Walther de la
Vogelweide,
consent a raettre le Sacerdoce sur le meme plan
que 1'Empire. Tous deux regissent le monde le :
gouvernement dumonde.
Sur ce terrain, Innocent pense ni
III n'a pas
la
gloire du peuple chretien. Ailleurs il fletrit
pontifical fut
celui d'une accalmie relative dans
1'ardente mele oil lutterent, a travers tout le
*
* *
quai centre
ma main mon menton et 1'une de mes
joues. Alors je
me demandai avec anxi^te" quelle
est la fin de notre vie sur la terre. Et il m'etait
s'affranchit et entame la
conquete du sol italien,
les villes d'ltalie se soulevent et
que rejettent les
officiers de 1'Empire, les nobles allemands se ruent
comme a la curee sur les domaines
imperiaux,
laisse"s sans defenseurs. Ce sont tous des bri-
gands ,
moine d'Ursberg, temoin de
ge"mit le
qu'il
ressentit dans sa fuite semble durer encore
huit ans apres, lorsqu'il ecrivit, en 1206, a Inno-
cent III Votre prudence n'ignore point a quel
:
le plus
grand nombre des nobles et presque tous
les fonctionnaires de 1'Empire, mais elle etait moins
et Philippe,
vingt-deux. Mais, d'ailleurs, ils ne se
ressemblaient pas Otton, grand, robuste, vrai
:
chevalier ,
et d'une bravoure meme excessive,
et en Sicile ,
mais il conserva toujours dans
i,i: SCIIISMK IMPERIAL 25
1'humeur ,
les manieres ,
le plaisir qu'il prenait
a chanter avec les prctres et les enfants de chceur,
lippe, dont la
personne tait certainement plus
redigee au nom
des princes et barons allemands,
clercs et lai'ques mais revetue seulement de
,
quelques signatures :
1'archeveque de Cologne, les
LE SCHISME IMPERIAL
la
royaute d'Otton, 1'approbation de son election
et de son couronnement. L'archeveque de Cologne
dignit^.
28 INNOCENT III
il veut
simplement completer le titre royal qu'il
tient de ses electeurs par la dignit imp^riale dont
le pape seul
peut 1'investir.
ne"gliger
Pour ne
aucune precaution, le Guelfe, dans la formule
d'adresse de sa lettre, n'appelle pas Innocent III
son seigneur tout court, mais son seigneur
dans 1'ordre spirituel 1 ce qui e"cartait toute ide"e
,
guelfe qu'au
bout d'un an, le 2 mai 1199. Et cette
le fond de sa
pensee. Ses sympathies secretes
devaient aller au Guelfe plutot qu'au Gibelin, et il
LE SCHISME IMPERIAL 33
I'lmpartialite*
absolue. Aux yeux des clercs de
le serment
croyait aussi, sans doute, que impose
a Philippe, sa promesse de faire amende hono-
rable et de r^parer ses torts, mettraient le parti
souabe a la discretion du Saint-Siege. II n'avait
passa-t-il
entre eux? A coup sur, 1'eveque se hata
d'absoudre le nouveau souverain, non pas, comme
le voulait Innocent, dans une solennite publique,
mais a huis clos, en faisant simplement jurer le
de ce>emonie, comme si
1'Eglise avait dcidment
et la reconciliation fut faite!
pardonne que
36 INNOCENT III
joue.
Sa diplomatic en Allemagne debutait mal. II lui
naissons) quand il
negocia, en 1206, avec le
pape
un rapprochement definitif. Le cas de ce Hohen-
staufen, se faisant aupres du chef de 1'Eglise 1'avocat
de sa propre cause, n'est pas banal. Le moyen age
ne nous a pas souvent transmis de plaidoyers aussi
curieux.
Des mon retour d'ltalie, j'ecrivis a tous les
et sommaient le
pape d'approuver leur choix.
Avant tout, il fallait montrer a Rome rimmense
majorite du corps germanique groupee autour de
Philippe de Souabe. La declaration debute par la
liste des chefs et des magnats de toutes les
Germanics accourus des quatre coins de 1'Em-
au nom
de vingt-quatre autres princes qui, par
leurs lettres et leurs envoyes, adheraient a la
manifestation : deux archeveques et dix eveques
convenable et necessaire .
pouvait-on la
reprendre, sinon sur lepape? C'est
clu
Saint-Siege. Nous vous avons deja dit que la
discorde dont vous souiTrez nous inspire une com-
proclame en termes
ici, chaleureux, son amour pour
la concorde et sa ferme intention de respecter la
1'encan.
Dans des palinodies lucratives, la maitrise
1'art
conseille
quelqu'un a les oreilles malades, je lui
de fuir la cour dc Thuringe. II
y fit
pourtant de
longs sejours, quoiqu'il regrettat
de voir le
discernement ses faveurs
landgrave repandre sans
sur les mauvais poetes comme sur les bons. Mais,
soutenir ce role de Mecene, il fallait de
pour
allant d'Otton a Philippe, et
1'argent, et c'est en
meilleur
de Philippe a Otton, qu'Hermann trouva le
nobles de ce temps se
guelfes et gibelins, tous les
ressemblent et se valent, et, dans la plupart des
incidents du schisme, si la politique est a la sur-
cour de Souabe la
largesse a depasse les
bornes. Mais il
rejette la fautesur les grands offi-
ciers du roi, ces cuisiniers qui decoupent un
empire ne 1'eut
jamais gagne. Si Philippe en
arrivait la, on juge de la detresse d'Otton! Elle
fut profonde surtout
quand mourut Richard Coeur
de Lion, son patron et son meilleur banquier (1199).
Le roi d'Angleterre lui avait legue pourtant des
sommes considerables : mais son successeur, Jean
Sans Terre, refusa de delivrer le legs. Non content
quelques-uns !
puissant.
Le meilleur moyen d'avoir des allies est d'etre
1'autorite" de
1'Eglise romaine que j'invoque surtout
aujourd'hui. II serait plus utile pour moi que
votre piete agit d'avance en ma faveur. Cela vau-
drait mieux que de chercher le remede, une fois
1. In totum et in toto.
LE SCHISME IMPERIAL 61
laquelle il
appartient et des
persecutions que
1'Eglise et les nobles allemands ont subies du fait
de sa race.
Innocent
III qui a
longuement developpe les
arguments defavorables au Gibelin, consacre a
Philippe.
II declare d'ailleurs
qu'il ne veut attenter en
rien a 1'ind^pendance de 1'Empire. Seulement il
conseille aux princes, puisqu'ils ont eu 1'heureuse
64 INNOCENT III
28 juillet 1200
renvoye fut a une date ulterieure.
Et malheur voulut que 1'archeveque de Mayence
le
rieuses meditations.
GHAPITRE II
la
que son precede" ne valait rien, a degage* les
suite
qu'elle couvre
de sa protection soit prive par elle
de 1'Empire. Enfin le Saint-Siege a tout interet a
ne pas s'opposer a cette election, car 1'enfant,
royaume sicilien.
procuration : il
n'y a pas d'empereur provisoire;
1'Eglise ne peut et ne veut pas se passer d'un
qu'il est
notre pupille. Enfin 1'mteret de Rome
interdit tout aussi bien qu'on lui donne 1'Empire :
qui pourraient en
sortir la
dignite imperiale
,
1'empereur.
Reste a montrer que la royaute du Souabe est
inconciliable avec les interets de saint Pierre.
aujourd'hui encore la
papaute et vculent lui
enlever la Sicile.
S'il agit ainsi a 1'heure actuelle, que ne fera-
t-il
pas quand il sera empereur ? II faut done s'op-
droit.
pr
Presque aussitot, le l Janvier 1201, partaient
du Latran une lettre adressde aux archeveques
allemands et une autre aux clercs et aux lai'ques de
subventionner meme
Saint-Siege au
le cas ou
celui-ci ferait la guerre dans 1'interet du parti
1. L'original de la
promessc dc 1201 n'a pas et6, jusqu'ici,
relrouvc au Vatican. Nous n'en possedons
que dea copies, et
luii.iiumcntcelle qui figure dans un des
registres d'Innocent III.
2. In odium ecclcsie romane*
80 INNOCENT III
1'Eglise disposait.
Celle qui s'adresse a Otton lui-meme debute
avec solennite par la m^taphore bien connue du
soleil et de la lune, c'est-a-dire du pouvoir spiri-
du pouvoir temporel associes pour
tuel et le bien
du monde. Innocent rappelle au nouveau roi les
services que le
Saint-Siege lui a deja rendus et la
necessite d'en etre reconnaissant. Alors que ta
cause e"tait a peu pres desesperee, notre affection
pour toi n'a
pas tiedi elle ne t'a pas abandonne
:
l. in regem recipimus.
OTTON DE BRUNSWICK 83
engageait secretement le
pape a ne pas reconnaitre
un prince dont la famille etait habituee a perse- j
a ton neveu
rejaillit sur toi et sur
ton Etat. Tu
n'as pas de
plus proche parent tu dois done :
ne changera jamais.
Innocent n'avait pas grand espoir de ce cot6 :
mais, a tout prendre, il croyait difficile que 1'Alle-
resister.
*
* *
pas que la
verge des pecheurs sevisse sur les
poser ainsi la
question sur le terrain historique. Si
jamais eue!
Mais, avant tout, les nianifestanls condamnent
la procedure et les agissements du legat. De
1'avis unanime des princes qui ont sign6 le present
acte, 1'eveque de Palestrina a commis uu abus de
pouvoir et une illegality en se melant de 1'election
du roi des Remains. Et nous ne voyons pas de
1'absence de la
plupart de ceux a qui appartenait
1'election ? C'est ainsi que le mensonge s'est sub-
stitue a la verite et Tiniquite a la vertu. Comment
a-t-il
pu etre assez injuste pour ne pas tenir
compte du vote de la majorite des princes, majority
par le nombre, majorite aussi par 1'importance
des situations?
partie adverse?
Et comment le cardinal a-t-il pu
confirmer une election qui legalement n'existait
pas? Pour avoir suivi une procedure aussi
con-
traire a la justice, il est passible des peines que
infliger.
Les protestataires affectent, on le voit, de ne
habile :
gagner le due de Zahringen, diviser les
sienne, le et
qui cst la requisitoire habituel, il
car le
pape ne deviera pas, ni a present ni jamais,
de la
ligne de conduite qu'il s'esttracee. Le ser-
ment qu'on a prete au due de Souabe, dit-il en
terminant, ne compte pas, pas
puisqu'il n'est
reconnu comme roi
par 1'Eglise. autour C'est
d'Otton qu'il faut se grouper, pour Otton qu'il faut
lutter avec la plus constante energie. Ceux
qui se
rendront immediatement a son appel b^neficieront
ainsi les premiers de ses faveurs, etla bienveillance
germain.
On a pretenclu que, dans cette lutte tres vive,
Innocent III n'a
pas soutenu son candidat autant
qu'il aurait du et qu'il a paru le faire. II aurait
manage" certains ennemis d'Otton, retenu ses
legats au lieu de les exciter, bref, empeche le
toire finale.
Le legat,
a qui ses instructions commandaient
de ne pas exploiter jusqu'a 1'abus les pays oil il
faisait sejour, se plaint de n'avoir
pas de res-
sources. Emprunte une somme raisonnable, lui
prudence et de la discretion!
En Allemagne comme partout, le pape tempe-
rait le zele excessif de ses agents, quelquefois
108 INXOCKNT III
qu'il
est dangereux pour eux de rester attaches a
de Souabe. II ne
Philippe peut pas etre roi et
ne le sera jamais. Son parti decline tous les jours.
Qu'attendez-vous pour vous rallier a Otton dont
le succes devient irresistible? Son langage est
beaucoup plus vif avec les prelats rebelles. Aux
eveques de Passau et de Spire, aux archeveques
de Treves, de Besancon, de Tarentaise, de Mag-
gibelin,
se disputent chaque cite et, a la faveur de
ces querelles, les haines locales se donnent car-
riere. La guerre traditionnelle des nobles contre
les bourgeois, celle des vassaux de 1'evech^ contre
le chef du diocese, n'en deviennent que
plus apres.
Elles s'adaptent aux competitions partout dechai-
nees et les enveniment. On ne se bat pas seule-
ment pour ou contre un eveque, pour ou contre le
spirituelle de 1'archeveche.
A Liege, on voit aussi
Hugue de Pierrepont et Henri de Jacea se dis-
puter lamitre a coups de lance. Les memes divi-
sions ensanglantent 1'archeveche de Brenie. A
est
Magdeburg, 1'archeveque Lupold suspendu,
frappe d'anathemc; le doyen de la cathedrale,
pape, j'ai
renouvele mon voau de pelerinage entre
les mains dudit prieur, qui representait la puis-
sance apostolique. Or Innocent III n'a pas dit
un mot du moine de Salem et il nie avoir charge
le prieur Martin d'une mission a la cour de
Souabe.
Entre les assertions du pape et celles du roi, la
a
1'archeveque de Salzburg contredisent cette
spiritual ;
monasteres
reformer allemands, de
les
grecque a
1'Eglise romaine, dans le cas
ou Constan-
il se
prepare meme a tenter une expedition en
Souabe, au coeur du patrimoine de son concur-
rent. La joie debordante qu'il eprouve se mani-
festo dans la lettre qu'il e*crit, en de"cembre, a
Innocent III. Apres Dieu, saint Pere, c'est vous-
cation de la sainte
Vierge (fevrier 1204) les :
qu'il
faudra prendre dans cette diete prochaine.
I:T I'im.ii'i'i. in: SOUAUI: 129
paroles ;
autrement les occasions favorables t'echap-
prochain.
II avait bien raison de rabattre, en termes polis,
9
130 INNOCENT III
envers la
majeste royale. Mais, pour que je puisse
t'assister utilemcnt et completement, il est juste
I
ET PHILIPPE DE SOUABE 131
pouvoir.
L'c'tonnante versatilite des princes de 1'Alle-
gloire.
II
reproche done a Henri de Saxe, traitre a son
frere, d'avoir jete 1'infamie sur son nom et un
opprobre eternel sur toute leur race. Pour le
le
seigneur Brunon, est detenu dans les cachots
du due de Souabe! La ville de Cologne n'a plus
de vivres les ennemis la bloquent de toutes parts.
:
Cologne capitula.
La citadelle des Guelfes au pouvoir des Hohen-
staufen, Otton reTugie pour quelque temps en
memes la deraandaient a
grands cris. Fatigues
de cette guerre interminable, dit le moine d'Urs-
Innocent III ne
paix, pouvait se soustraire a 1'obli-
gation de la resoudre. Non qu'il fut tout d'abord
les droits et la
dignite de 1'Empire, 1'autorite
apostolique doit obtenir de son cote 1'abdication
de Siegfried. Bien que nous ayons contre lui,
ajoute-t-il, de legitimes griefs, pour vous plaire ,
reconciliation et de la paix.
la lutte et
que 1'accord avec les Hohenstaufen e"tait
fait ou allait se faire. Alors pourquoi le
pape
exiger des e"veques allemands, dans
s'obstinait-il a
teront pas.
II
parait que, dans la derniere partie de sa lettre,
Eberard s'etonnait que le pape ne 1'eut pas choisi,
II
y avait decidement quelque chose de change
en Allemagne. On s'en apercut mieux encore quand
arriverent deuxcardinaux, Hugolin, eveque d'Ostie
valable, si
1'archeveque n'e"tait pas relache. Le roi
dut elargir Brunon.
KT PHILIPPE DE SOUABE 155
avec II ne faudrait
agissez prudence. pas que cet
ange de Satan, transforme en ange de lumiere,
profitat de son absolution pour jouer quelque mau-
vais tour a 1'Eglise de Cologne.
Les legats, toujours aides dupatriarched'Aquilee
et de 1'archeveque de Salzburg, avaient execute la
guelfe.
Le rapport des legats nous renseigne mal
sur conferences qui eurent lieu, en aout-
les
pouvoir pour la
signer. Mais il est necessaire de
griefs d'Otton
contre les cardinaux, de 1'indigna-
tion qu'il avait ressentie en voyant qu'on lui pro-
11
162 INNOCENT III
un dernier espoir. II
acquiesca aux instances des
legats et envoya ses representants.
Les plenipotentiaires des deux rois arriverent
en Italic au commencement de 1208. L'ambassade
lettre oil il
Philippe declare a Inno-
les accredite,
accepterait le
mariage prepare par la cour de Rome
entre Frederic et une princesse d'Aragon.
On a nie la realite" de ce pacte de famille et
le
mariage avec la fille du Hohenstaufen et 1'even-
Le pape voulait qu'a leur
tualite de sa succession.
signaient
avcc Ic
pape 1'arrangement defmitif, il
Philippe en
notre personne et a 1'Empire, repond
gibelin.
Le 21 juin 1208, Philippe de Souabe venait de
celebrer le mariage de sa niece, Beatrix de Bour-
pour le
parti guelfe, accule a la defaite supreme,
jura de se venger.
Quel que fut le mobile du meurtrier, il avait
depenses
1
. Comme il fallait, par tous les moyens,
apaiser les defiances assez legitimes du Guelfe, le
pape se hate aussi de le rassurer sur 1'opposition
possible du jeune Frederic, le dernier des Hohen-
staufen. Voila ton adversaire disparu, mais nous
Et immediatement le
pape reprend, a 1'egard
1. II
s'agit ici de la revolte des Remains, de 1208, sur laquelle
1'liisloire n'a laisse presque aucun detail (voir notre premier
volume, Innocent III, Rome et ritalie, 2 edition, p. 69). En pre"-
scntant les emeutiers comme soudoyes par le parti souabe,
Innocent essaie de se creer un titre a la reconnaissance d'Otton,
en rdalite les assauts qu il cut a supporter de la part des
ni.iis
II
y cut ne'anmoins des hesitations, des velleites
de resistance. Tout le monde ne comprenait pas
tres bien qu'apres avoir ete* si
pres de couronner
Philippe, la cour de Rome se retournat ailleurs si
completement et si On demanda
vite. des explica-
tions. Somme de faire sa soumission au roi guelfe,
il
persistait a ne pas vouloir d'Otton. Ce n'etait
d'Allemagne. II
partit pour la diete de Francfort,
011 la royaute guelfe devait recevoir sa
consecra-
tion.
a
TEglise romaine. II
supplie le pape de s'em-
ployer activement au triomphe de sa cause, qui est
aussi la sienne, et lui fait part des adhesions qu'il
rtait fonder.
186 INNOCENT III
propre main.
La diete eut a r^soudre une autre question,
celle du mariage d'Otton de Brunswick avec cette
finir.
Oblige de faire de son prolege" un empereur,
avail interet cependant,
il
pour reculer la crise
de lui.
de Marbach ,
nous eumes au plus haut degre
1'ordre et la securite, si bien que, pendant son
Vexaltaient comme un
justicier. Mais Dieu, qui
scrute les coeurs, connaissait les raisons de sa
conduite. C'est aux familiers saxons et anglais de
son entourage qu'il reservait les benefices vacants.
Nos souverains avaient 1'habitude de prodiguer
LA ROYAUTE GUELFE ET L'lTALIE 193
eglises
et les prebendes; il
rompit avec cette tra-
dition.
eu 1'habilete de le choisir
parmi les anciens amis
de Philippe de Souabe. C'etait le
patriarche
d'Aquilee, Wolfger, pret a servir les Guelfes en
Italic avec le meme zele qu'autrefois les Gibelins.
meme le
marquisat d'Istrie.
interet a
interrompre le cours inevitable des
choses. II fallait
que le pape couronnat cet
hnmme qu'il regardait comme sa creature, et qui
ne lui
inspirait, malgre tout, qu'une confiance
limitee. II fallait aussi que, pour avoir 1'Empire,
le roi se
resignat a subir la volonte de celui qui
seul pouvait le lui donner.
tissimi,
205
jour.
LA ROYAUTE GUELFE ET L*ITALIE 207
14
210 INNOCENT III
battaient et s'amusaient.
Un fouillis de villes fortifiees abritant des popu-
lations turbulentes, des ligues et des contre-ligues
et livre au feu ;
les douze cents hommes qui defen-
daient ce vont peupler les cachots de
chateau
Milan. Le 15 juin, Plaisance se mobilise a son
tour pour attaquer le chateau de Saint-Andre. Le
6 juillet, grande bataille entre Plaisance et Cre-
mone; le 6 aout, entre Plaisance et Pavie.
Et tous les ans, au printemps, les memes com-
bats, avec les memes Episodes, recommencent :
les
impots romains. Violences contre les clercs,
expulsions d'eveques, ripostes fulminantes du
pape, pluie d'excommunications et d'interdits!
pire : il
pourrait le faire, pourtant, avec plus de
reserve et de prudence; et c'est pourquoi nous
apparaitre le
seigneur de Ferrare, Salinguerra,
escorte" de cent chevaliers portant bannieres et cui-
rasses. Otton cessa aussitot la chasse et rentra
dans sa tente. Mais Salinguerra, au lieu d'aller le
siens.
raient.
|)
IK tra enfin en Toscane. Voyage triomphal mais :
15
226 INNOCENT III
part.
II ressort de cette lettre qu'Innocent III avait
les avoir
soigneusement ecoutes, nous leur avons
donne, selon notre habitude, une reponse bien-
veillante.Mais pour que tu sois edifie plus a fond
sur nos desirs, nous accreditons aupres de toi nos
chers fils Pierre de Vico, prefet de Rome, et
maitre Philippe, notre notaire. Tu pourras les en
croire sur tout ce qu'ils
*
te diront et nous avons
citations de 1'Kcriture,
que tout ce qu'il est, il le
a Innocent III.
II
prudent de rappeler sans cesse
n'etait pas tres
*
# #
d'oii
dependait la paix du monde, il
n'y cut place
(JIMpour 1'emotion, pour la lutte sou-
le souvenir de
tenue en commun et des liens d'amitie qui avaient
rattache le protege au protecteur. Innocent III, a
la vuc d'Otton, s'e"cria : Voici done mon fils cheri
entre tous, celui qui a joie de mon ame, et
fait la
digniti'"
do la nation allemande comme a la sienne.
Lf pape dut se contenter d'une promesse, concne
en termes vagues. Otton s'engagea a satisfaire,
question de territoires, le
pape refusat ('Empire a
i
qu'il avail choisi et pour qui il avait si long-
dissait.
obligerent ii
repasser le pont au plusvite. Et quand
IVvrque d'Augsburg, Siegfried, voulut, lui aussi,
avcc ses vassaux en armes, tenter la meme aven-
ture, il se trouva
enveloppe tout a coup d'un flot
de population furieuse. A grand'peine put-il se
liter d'aflTaire; beaucoup de ses soldats n'en revin-
rciit
pas; la plupart des autres n'echapperent que
cril>le*s de blessures.
Kt cependant le roi des Allemands etait la,
ontoim' de ses six inille chevaliers, sans compter
1
lance; ils
degagent ainsi leur souverain qui, sou-
tenu par deux archeveques allemands, peut gravir
enfin les marches. En haut, il est recu par les
1'Eglise romaine,
dans toutes les circonstances ou
Ton aurait besoin de mon aide. Je garderai les
basilique.
Arrive au portail du milieu ,
la porte
d'argent ou porte royale y
il est accueilli par
pape 1'attendait.
merchants .
Apres, il lui pose sur la tete la cou-
ronne imperiale Au nom du Pere, du Fils et
:
fuyant la
contagion du vice, tu recherches la jus-
tice et la piete, et vives de facon a meriter la cou-
ronne du sejour eternel, dans la conversation des
justes.
Cela dit, il 1'embrasse de nouveau, aux accla-
mations de tous les assistants, et monte dans la
pres tel
qu'il est represente sur le sceau imperial.
Le chceur des sous-diacres, des chapelains et des
demain de I'evenement, la
place de 1'histoire.
Guilaume le Breton affirme que, le
jour meme du
sacre, Otton viola toutes ses promesses et declara
plutot que de
renoncer a un projet d'oii peut sortir
1'avantage et
le salutde 1'Eglise universelle, nous
ne craindrions pas d'exposer notre propre vie.
Nous avons resolu, s'il le faut, de venir vous
trouver jusque dans Rome. Mais que Votre Sain-
tete reflechisse neanmoins au grave danger que
courir a toute 1'Eglise notre entree
pourrait faire
dans cette ville.
sation directe :
pourquoi la recommencer? Des
aussi delicates ne pouvaient etre trai-
negociations
t^es que dans les formes et a loisir par des diplo-
mates autorises. II oppose done a 1'empereur un
refus tres net, mais enveloppe de formules cour-
toises. Certes, si nous pouvions nous voir com-
modement, une conference entre nous aurait de
nous la desirons aussi vivement
grands avantages
:
Ainsi, meme
apres le sacre, les negociations
continuaient entre les deux puissances, mais tou-
gager a conclure la
paix avec Tarcheveque de Can-
torbery. Mais si les relations officielles entre le
politique construit si
peniblement s'ecroulait, a
248 INNOCENT III
ail
depourvu un homme d'Etat comme Innocent III.
Les diplomates du pays qui produira Machiavel
n'etaient pas, meme au moyen age, assez naifs pour
compter absolument sur la reconnaissance des
Se proclamer le
seigneur des sujets du jeune
LA ROYAUTE GUELFK ET L ITALIE 251
et la
Romagne. On dirait qu'il a renonce a son
dessein ou qu'il cherche a endorrair 1'ennemi. II
semble s'absorber dans cette promenade triom-
frapper.
En meme temps que le pape lancait cet ulti-
a 1'esprit monte a un
degre d'orgueil qu'il dit a
tel
d'ordre seculier.
The"orie audacieuse pour 1'epoque : mais Otton
ne se contente pas de raisonner, il
agit. En octobre-
1
LA GUERRE DU SAGERDOGE
ET DE L'EMPIRE
A Philippe-Auguste, le
puissant vainqueur des
Plantagenets, il demande son appui efTectif, de
INNOCENT III
archeveques ,
les eveques ,
les abbes ,
les moines
noirs et blancs, et tous les clercs de 1'Eglise de ;
les
obliger a donner le tiers de leurs revenus.
Dans 1'art de ne pas trop
s'engager, tout en faisant
que partenaire s'engage a fond, et de promettre
le
Mais, s'il
esperait gagner les nobles, les com-
munes restaient insensibles a ses arguments.
Lasses de la domination des legats remains et
*
* *
pape et le
priver dc la reconnaissance qu'il a
le
pape se moque chretiennement de nous, quand
il raconte a ses Italiens comment il
s'y est pris.
Ce qu'il dit maintenant, il n'aurait jamais du le
femme, le
supplia de ne pas la
quitter, elle et 1'en-
18
274 INNOCENT III
riale ,
le mal hereditaire des Hohenstaufen, il
qualite de roi
de Sicile, le serment du vassal,
cent III
(Paques, 1212).
Mais
le Cesar proscrit et depos6 n'avait
pas
attendu, en Italic, Tapotheose de son rival. Quand
il
apprit par ses allies de Milan et de Plaisance
1'election de Nuremberg et le revirement de 1'Alle-
il s'etait hat6 de rebrousser chemin et de
magne,
se rapprocher des Alpes. A Montefiascone (no-
vembre 1211), il avait tente", mais sans succes, de
villes
ecclesiastiques de cette region, sauf Cologne,
etaient pour lui, et c'est la
que prevalait 1'influence
de Philippe-Auguste avec qui il allait bientot se
rencontrer. L'apparition du courageux enfant qui
les
bourgeois 1'insulterent et lui fermerent leurs
lites sous le
joug du Pharaon. Enfin, vous n'avez
pas craint de vous jeter a 1'improviste sur les
citoyens de Pavie parce que, se conformant a nos
ordres, ils avaient protege la marche de notre tres
nemi dii
pape, devint un objet d'horreur pour les
?
croyants
Neanmoins, Guelfe n'avait eu a repousser
si le
que de
les attaquesson jeune concurrent, il aurait
pu se defendre et faire durer longtemps sa resis-
tance. Pendant toute 1'annee 1213 et la premiere
moitie" de
1214, Frederic, reduit a ses propres
forces, ne remporta pas un seul succes militaire
un peu marquant. Retranche a Brunswick et
p^rees. II
ravagea les territoires du
envahit et
siens. En realite, le
Capetien n'etait rien moins
que tendre pour son clerge. Quand 1'argent lui
il le ranconnait sans le moindre scru-
manquait,
pulc; mais ici, il importait de se concilier Topi-
par lequel le
clerge ne devait plus poss^der en
propre que les dimes et les offrandes. Les vilies
et les terres du domaine eccl^siastique etaient
attribuees a notre tresor. Elles devaient servir a
et del'Eglise?
Otton fit bravement d'abord, com me on devait
*
* *
ritoriales il
ajoute meme des complements : le
publique .
nouveau et
grave, c'est que Frederic
ne se bornait
au pape. II
exigea que chacun des princes, en par-
ticulier, confirmat par une lettre spe"ciale le fait
de son elu.
D'autres mesures, tout aussi favorables a 1'Eglise
er
odieux au clerge. Le l juillet, a Strasbourg, le
Refugie dans
son patrimoine, a Brunswick,
II en faisait cadeau a
1'eglise de Saint-Jean et de
Saint-Blaise de Brunswick, sauf un bras de saint
beaucoup. Un
pretre, un diacre et un sous-diacre
de 1'eglise de Brunswick e"taient
charges de dire
des prieres perpetuelles pour le salut de son ame.
Les ennemis du clerge, au moyen age, ne meurent
jamais impenitents.
Celui-ci eut du moins la satisfaction de voir
ii
lui, par une transaction. Ce n'etaient pas les
theories absolues et exclusives qui 1'emportaient.
La papaute se voyait obligee de laisser 1'Empire
Rome et
par meriter cette appellation de roi
I. LE SCHISME IMPERIAL
LES
J. J. JUSSEBAND.
LIBRAIRIE HACHETTE ET G 1
LES
(Juin 1906).
do 1'Academie francaise.
BERNARDIN DE SAINT-PIERRE,
par M. ARVEDE BARINE.
MADAME DE LAFAYETTE,
par M. le comte D'HAUSSONVILLE
de 1'Acade'mie francaise.
ALFRED DE VIGNY,
par M. MAURICE PALEOLOGUE.
GUIZOT,par M. A. BARDOUX
membre de I'lnstitut.
professeur de Faculte .
LA ROCHEFOUCAULD,/)ar M. BOURDEAU. J.
de TAcade'mie fran?aise.
lv
fsJ
V"'.