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Gestion Durable Des Déchets

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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti142 - Chimie verte

Gestion durable des déchets


et des polluants

Réf. Internet : 42495 | 3e édition

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III
Cet ouvrage fait par tie de
Chimie verte
(Réf. Internet ti142)
composé de  :

Chimie verte : principes, réglementations et outils Réf. Internet : 42490


d'évaluation

Voies de synthèse et solvants alternatifs Réf. Internet : 42492

Intensification des procédés et méthodes d'analyse durable Réf. Internet : 42493

Énergie durable et biocarburants Réf. Internet : 42494

Gestion durable des déchets et des polluants Réf. Internet : 42495

Chimie du végétal et produits biosourcés Réf. Internet : 42570

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Chimie verte
(Réf. Internet ti142)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jérémy PRUVOST
Professeur à l'université de Nantes, laboratoire Gepea - UMR 6144, plateforme
Algosolis - UMS 3722, Saint-Nazaire

Stéphane SARRADE
Directeur de recherche au CEA, administrateur du Club français des
membranes et de la Société française de génie des procédés, président d'IFS
(Innovation fluides supercritiques)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Gérard ANTONINI Laurent DUMERGUES Julien LEGROS


Pour les articles : G2050 – G2051 Pour les articles : G1816 – G1814 Pour l’article : J3950

Pierre-Marie BADOT Renaud ESCUDIÉ Antoine LEYBROS


Pour l’article : RE126 Pour l’article : BIO5100 Pour l’article : CHV6010

Rémy BAYARD Éric FAVRE Christophe LOMBARD


Pour l’article : G2060 Pour l’article : RE166 Pour l’article : CHV7005

Nicolas BERNET Jean-Henry FERRASSE Cuong PHAM-HUU


Pour l’article : J3943 Pour l’article : CHV6030 Pour l’article : RE86

Benoît BOULINGUIEZ Diana GARCIA-BERNET Jérémy PRUVOST


Pour l’article : BE8560 Pour l’article : J3943 Pour l’article : CHV7005

Jacques BOURGOIS Rémy GOURDON Association RECORD


Pour l’article : G2070 Pour l’article : G2060 Pour les articles : G1816 – G1814

Olivier BOUTIN Alain GRASMICK Hynd REMITA


Pour les articles : J7010 – Pour l’article : W4140 Pour l’article : NM3600
CHV6030
Chantal GUILLARD Denis ROIZARD
Stéphane BREDEAU Pour l’article : J1270 Pour l’article : RE166
Pour l’article : MED7700
Robert HAUSLER Jean-Christophe RUIZ
Corinne CABASSUD Pour l’article : G2070 Pour l’article : J7010
Pour l’article : W4140
Benoît KARTHEUSER Delphine SCHAMING
Julie CHAPELAIN Pour l’article : J1270 Pour l’article : NM3600
Pour l’article : MED7700
Sylvie LACOMBE Mathieu SPÉRANDIO
Christophe COLBEAU-JUSTIN Pour l’article : J1270 Pour l’article : W4140
Pour l’article : NM3600
Valérie LAFOREST Jean-Philippe STEYER
Jean-François CORNET Pour l’article : G2070 Pour l’article : J3943
Pour l’article : CHV7005
Pierre LE CLOIREC Hubert-Alexandre TURC
Romain CRESSON Pour les articles : BE8560 – Pour l’article : CHV6010
Pour l’article : BIO5100 J3921 – G1815
Gauthier WINE
Grégorio CRINI Sébastien LEFEVRE Pour l’article : RE86
Pour l’article : RE126 Pour l’article : CHV6030
Christelle WISNIEWSKI
Nadia CRINI Benjamin LEGOUIC Pour l’article : W4140
Pour l’article : RE126 Pour l’article : CHV7005

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VI
Gestion durable des déchets et des polluants
(Réf. Internet 42495)

SOMMAIRE

1– Déchets solides Réf. Internet page

Traitements thermiques des déchets. Processus thermochimiques G2050 11

Traitements thermiques des déchets. Procédés et technologies associées G2051 15

Traitement biologique des déchets G2060 19

Méthanisation de la biomasse BIO5100 25

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 31

2– Eluents liquides et gazeux Réf. Internet page

Bioréacteurs à membranes (BAM) et traitement des eaux usées W4140 37

Procédés d'oxydation en voie humide CHV6030 41

Traitements physico-chimiques des déchets industriels liquides G2070 45

Traitement anaérobie des eluents industriels liquides J3943 51

Oxydation hydrothermale de déchets organiques liquides CHV6010 57

Traitement des eaux par du chitosane : intérêts et méthodes RE126 61

La photocatalyse : dépollution de l'eau ou de l'air et matériaux autonettoyants J1270 65

Photocatalyse : des matériaux nanostructurés aux réacteurs photocatalytiques NM3600 69

Puriication de biogaz. Élimination des COV et des siloxanes BE8560 73

Procédés de dépollution des émissions gazeuses industrielles J3921 79

Procédés durables pour la décontamination d'agents chimiques de guerre J3950 83

3– Valorisation du CO2 Réf. Internet page

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 89

Conversion du CO2 en hydrocarbures par électroréduction en lux continu RE86 93

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VII
Valorisation du CO2. Partie 1 : voies directes et voies avec transformation biologique G1816 95

Valorisation du CO2. Partie 2 : voies par transformations chimiques G1814 101

Bioixation du CO2 par microalgues CHV7005 109

Conception et étude de contacteurs gaz/liquide à peau dense pour le captage du RE166 115
dioxyde de carbone
Nettoyage à sec des dispositifs médicaux par CO2 supercritique MED7700 117

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Gestion durable des déchets et des polluants
(Réf. Internet 42495)


1– Déchets solides Réf. Internet page

Traitements thermiques des déchets. Processus thermochimiques G2050 11

Traitements thermiques des déchets. Procédés et technologies associées G2051 15

Traitement biologique des déchets G2060 19

Méthanisation de la biomasse BIO5100 25

Gazéiication de biomasse en eau supercritique J7010 31

2– Eluents liquides et gazeux

3– Valorisation du CO2

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QP
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gRPUP

Traitements thermiques des déchets


Processus thermochimiques
par Gérard ANTONINI

Professeur, Directeur du laboratoire UMR 6067 CNRS : Génie des procédés industriels
à l’Université technologique de Compiègne
Directeur scientifique du GIE Procedis (UTC/Ineris)

1. Propriétés des déchets et leurs modifications


par prétraitement..................................................................................... G 2 050 - 2
1.1 Propriétés physiques................................................................................... — 2
1.2 Propriétés thermochimiques ...................................................................... — 2
1.3 Modifications des caractéristiques par prétraitement.............................. — 3
2. Processus d’inflammation/combustibilité des déchets ................ — 4
3. Processus d’oxydation des déchets ................................................... — 5
3.1 Processus de combustion à l’air (incinération) ......................................... — 5
3.2 Processus d’oxycombustion....................................................................... — 8
3.3 Processus d’oxydation haute température par plasma............................ — 8
3.4 Processus d’oxydation par des oxydes métalliques................................. — 8
3.5 Processus d’OVH (oxydation en voie humide).......................................... — 8
4. Processus de pyrolyse des déchets .................................................... — 10
5. Processus de solvolyse des déchets .................................................. — 11
6. Processus de gazéification des déchets............................................ — 11
7. Produits de la transformation : résidus
solides, effluents/produits gazeux ...................................................... — 13
7.1 En combustion ............................................................................................. — 13
7.2 En oxydation en voie humide..................................................................... — 14
7.3 En pyrolyse................................................................................................... — 15
7.4 En gazéification............................................................................................ — 15
8. Processus de post-traitements thermiques...................................... — 15
8.1 Post-combustion des effluents gazeux ...................................................... — 15
8.2 Vitrification des résidus solides.................................................................. — 16
Pour en savoir plus........................................................................................... Doc. G 2 052

e traitement thermique des déchets et effluents industriels repose sur dif-


L férents processus de transformation thermochimique de la matière et de
l’énergie. Ces processus mettent en œuvre des transferts de masse et de
chaleur, associés à la réactivité de la matière à traiter dans les différents envi-
ronnements réactionnels créés soit pour l’oxydation, la pyrolyse ou la gazéifi-
cation de leur fraction organique, soit pour la fusion des résidus minéraux
formés. Ils sont à l’origine de divers produits de transformation, à traiter avant
rejet à l’atmosphère.
Ces processus thermochimiques sont mis en œuvre dans des procédés et
équipements visant à l’élimination et/ou la valorisation matière/énergie des
déchets ; ceux-ci seront décrits dans l’article Procédés [G 2 051].
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPS

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie est strictement interdite.
© Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement G 2 050 − 1

QQ
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
gRPUP

TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS ________________________________________________________________________________________________

1. Propriétés des déchets La variation d’enthalpie accompagnant la transformation peut


également être déterminée à partir de la différence entre les enthal-
et leurs modifications pies standard de formation des produits de la réaction et celles des
réactifs :
par prétraitement o o
∆H o = Σ∆H f ( produits ) – Σ∆H f ( réactifs )
o
L’enthalpie de formation ∆H f d’un composé est égale à la varia-
tion d’enthalpie accompagnant la réaction de formation, à pression

Q 1.1 Propriétés physiques


Il existe différentes classifications des déchets industriels selon
constante, d’une mole du composé à partir des corps simples le
constituant, pris dans leur état le plus stable dans les conditions de
la réaction, c’est-à-dire, ayant eux-mêmes une enthalpie de forma-
o
tion nulle. À titre d’exemple, on donne quelques valeurs des ∆H f
leur état matière, leur nature chimique ou leur caractère dange- de différents composés, à 298 K.
reux. La classification selon l’état matière vise à identifier l’état
physique du déchet, indispensable au dimensionnement des dis- (0)
positifs de manutention du déchet, ainsi qu’au choix des équipe- o
ments de traitement de ce déchet. Composé formé Formule État physique ⌬H f (kJ · mol –1)
Les déchets industriels se présentent en général sous forme de eau H 2O gaz – 241,6
mélanges hétérogènes complexes, dans divers états physiques eau H 2O liquide – 285,6
(solide, liquide, gazeux). En général, on considère comme solide
un déchet pelletable, et comme liquide, un déchet pompable monoxyde de carbone CO gaz – 110,4
(liquide, suspension, boue, pâte...). La distinction entre états est dioxyde de carbone CO2 gaz – 393,1
quelquefois malaisée du fait des évolutions possibles de ces carac-
téristiques en fonction du temps et de la température (ramollisse- méthane CH4 gaz – 74,8
ment, fusion, vaporisation...). éthylène C 2 H4 gaz + 52,2
Dans le cas de déchets solides, la masse volumique apparente et benzène C 6 H6 gaz + 48,9
la granulométrie moyenne conditionnent leurs propriétés de cou-
labilité/tassement (silos) ainsi que leur manœuvrabilité en trans-
port, et donc corrélativement les équipements de stockage et de Ce type de données est largement disponible dans la littérature
manutention adaptés à ces produits. [1] pour un grand nombre de composés.
Pour les produits liquides ou pâteux, la viscosité apparente est Exemple : ainsi, si l’on cherche à calculer la variation d’enthalpie
un facteur essentiel pour le dimensionnement des équipements de ∆H o correspondant à la réaction de combustion de l’urée solide :
pompage (relation perte de charge/débit) et/ou de pulvérisation (par
exemple au niveau d’un injecteur). CO(NH2)2 (s) + 3/2 O2 (g) → CO2 (g) + N2 (g) + 2 H2O (l)
La chaleur spécifique d’un mélange peut être calculée comme la o
on trouvera d’abord le ∆H f ( CO ( NH2 ) ) = – 326,4 kJ ⋅ mol –1 , puis en
moyenne pondérée des chaleurs spécifiques de chacun des écrivant :
2

constituants, de fraction massique connue dans le mélange. Par


o o o
contre, certaines propriétés, comme la conductivité thermique, la ∆H o = 2 ∆H f ( H2 O ) + ∆H f ( CO2 ) – ∆H f ( CO ( NH2 ) =
2)
viscosité ne sont pas des propriétés additives et celles-ci doivent
2 ( – 285,6 ) + ( – 393,1 ) – ( – 326,4 )
être estimées ou mesurées séparément.
D’une manière générale, pour des liquides chargés, l’augmenta- on en déduit :
tion de la fraction volumique φ v du mélange solide/liquide, o
∆H CO ( NH2 ) = – 637,9 kJ mol –1 réaction exothermique.
entraîne un accroissement de la viscosité dynamique µ du 2

mélange, qui peut être évaluée par la corrélation suivante : La même démarche conduirait, par exemple, pour la pyrolyse à
2
500 oC du 1,2-dichloroéthane :
µ = µ 0 [ 1 + 2,5 φ v + 10,05 φ v + 0,002 73 exp ( 16,6 φ v ) ]
CH2 Cl – CH2 Cl → CH2 = CHCl + HCl (chlorure de vinyle)
avec µ 0 viscosité dynamique de la phase continue. à ∆H o = + 73 kJ · mol–1, réaction endothermique.
Le craquage thermique des hydrocarbures est également endo-
thermique, avec des ∆H o dans la plage : 70-100 kJ · mol–1.
1.2 Propriétés thermochimiques La combustion stœchiométrique des hydrocarbures gazeux, de
type alcanes, peut être décrite par la réaction suivante :
Les déchets peuvent subir des opérations de transformation
thermochimique, soit de décomposition thermique (craquage, Cn H2n +2 + 1/2 (3n + 1) O2 → n CO2 + (n + 1) H2O
pyrolyse), soit de transformation réactionnelle (combustion, gazéi-
cette réaction est exothermique, avec ∆H o = – (609 n + 193)
fication, reformage...). Ces transformations sont associées à une
(kJ · mol –1).
variation de l’enthalpie standard du système ∆H o, positive (trans-
formation endothermique) ou négative (réaction exothermique). Concernant la réaction d’oxydation du carbone, si l’oxygène est
en excès, le produit de la réaction est le dioxyde de carbone CO2 :
Connaissant la nature chimique des espèces à traiter, on peut
calculer cette variation d’enthalpie à partir des énergies de liaison C + O2 → CO2 ∆H o = – 393,1 kJ · mol –1
des composés en présence. Par exemple, l’énergie de liaison de
l’éthane C2H6 pourra être calculée sous la forme : À haute température, cette réaction est limitée par la dissociation
réversible de CO2 :
E l = E (C—C) + 4 E (C—H) = – 347,3 + 4 (– 412,9) = – 1 998,9 kJ · mol –1
2 CO 2 £ 2 CO + O 2 ∆H o = + 283 kJ ⋅ mol –1
La variation d’enthalpie sera alors égale à la différence entre les
énergies de liaison des molécules de produits et celles des molé- Ce processus de dissociation devient significatif pour des tempé-
cules de réactifs. ratures supérieures à 2 000 oC. Le pourcentage de dissociation de

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G 2 050 − 2 © Techniques de l’Ingénieur, traité Environnement

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________________________________________________________________________________________________ TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS

CO2 n’est que de 0,04 % à 1 200 oC, alors qu’il atteint 4 % à les grandeurs C, H, O, S exprimant respectivement les teneurs
2 000 oC. massiques (%) en carbone, hydrogène, oxygène et soufre du
Si des limitations cinétiques interviennent, la réaction d’oxyda- déchet.
tion du carbone peut être partielle :
Exemple : ainsi, on peut donner quelques PCI de déchets indus-
1 triels :
C + ----- O 2 → CO ∆H o = – 110,4 kJ ⋅ mol –1
2 déchets caoutchoutiques : 21-39 MJ/kg


Si le carbone est en excès, ou l’oxygène en défaut, le dioxyde de déchets carton : 15-17 MJ/kg
carbone produit peut être réduit suivant la réaction d’équilibre : déchets plastiques : 10-45 MJ/kg.
CO 2 + C £ 2 CO ∆H o = + 173 kJ ⋅ mol –1
On peut également caractériser un déchet par son analyse immé-
Le produit de la réaction, à l’équilibre, est un mélange de CO et diate. Celle-ci fixe sa teneur en carbone fixe, en matières volatiles
CO2 , dans une proportion dépendant de la température et de la et en humidité.
pression. À pression atmosphérique, la fraction volumique de CO
est de 23 % à 600 oC, alors qu’elle passe à 97 % à 900 oC.
Dans le cas de la combustion d’un corps pur, la variation d’enthal-
pie ∆H o dans la réaction d’oxydation, changée de signe, est
1.3 Modifications des caractéristiques
désignée par chaleur de combustion. Elle représente alors la quan- par prétraitement
tité d’énergie calorifique (J/mol) libérée par la combustion
complète, sous la pression standard constante, d’une mole de ce L’état physique des déchets et leurs caractéristiques thermo-
corps, pris à 25 oC, les produits de la réaction étant ramenés à 25 oC. chimiques effectives peuvent être modifiés ou adaptés par des opé-
En divisant la chaleur de combustion par sa masse molaire, ou rations de préparation préalable du déchet selon sa forme initiale,
encore par le volume molaire normal (0,022 4 m3), on obtient le PCS par :
(pouvoir calorifique supérieur), à pression constante, du composé.
• criblage/séparation
L’énergie calorifique libérée par combustion complète d’un
• déchiquetage/broyage
déchet peut être mesurée (dispositif de type bombe calorimétrique,
Differential Scanning Calorimetry DSC...) ou estimée à partir de la • homogénéisation/mélange
composition élémentaire du déchet. • déshydratation mécanique/thermique
Dans le cas d’effluents gazeux, on utilise généralement la • mise en forme, pelletisation.
composition volumétrique centésimale (%) en espèces gazeuses — Le premier type d’opération vise à séparer, avant traitement
élémentaires. thermique, une fraction du déchet brut, soit parce qu’elle est indé-
Dans le cas d’un déchet solide ou liquide, on utilise la sirable vis-à-vis du procédé utilisé, soit parce que que l’on cherche,
composition massique centésimale en ses différents constituants par ce tri préalable, une valorisation matière séparée de ce
élémentaires (C % de carbone, H % d’hydrogène, O % d’oxygène, constituant.
N % d’azote , E % d’humidité et I % d’inertes), ainsi que ses teneurs — Les opérations préalables de déchiquetage/broyage visent à
en éléments polluants (chlore, soufre, sodium, potassium, métaux l’adaptation granulométrique des déchets aux procédés mis en
lourds...). œuvre.
Le PCI (pouvoir calorifique inférieur) d’un déchet gazeux, liquide
— Les opérations d’homogénéisation visent à conférer aux
ou solide, est la grandeur, en J/Nm3 ou en J/kg, qui correspond à
produits des propriétés physiques moyennes, dans le but de mini-
la quantité d’énergie thermique utilisable, libérée par l’oxydation
miser les fluctuations de composition, par exemple. Les opérations
complète de l’unité de volume (Nm3) et/ou de masse du déchet,
de mélange préalable ont pour but d’adapter une propriété du
l’eau formée, par la libération de l’humidité initiale du déchet et/ou
déchet, en général son pouvoir calorifique, aux conditions de post-
par la recombinaison de son hydrogène élémentaire, étant suppo-
traitement ou à la nécessité de réaliser un cotraitement de déchets.
sée vaporisée et non condensée ultérieurement (chaleur perdue).
Ces opérations de mélange ne peuvent être réalisées qu’à la
Pour un effluent gazeux, le pouvoir calorifique pourra être calculé condition de disposer d’une composition précise des déchets
comme la moyenne, pondérée à l’aide de la composition du entrant en mélange sous peine de provoquer des réactions
mélange, des pouvoirs calorifiques de chacun des constituants de chimiques indésirables entre constituants incompatibles (généra-
l’effluent, tels que fournit dans l’exemple ci-dessous : tion de chaleur par oxydation, décarboxylation, polymérisation,
hydrolyse..., production de gaz inflammables et/ou toxiques).
Gaz PCS (kJ/Nm3) PCI (kJ/Nm3) — Les opérations de déshydratation visent à l’élimination d’une
fraction de l’eau contenue dans le déchet brut afin, soit d’en réduire
monoxyde de carbone 12 705 – le volume, soit d’y restreindre les processus de fermentation en
stockage, soit encore d’en augmenter le pouvoir calorifique en vue
hydrogène 12 772 10 797 de son traitement thermique. Cette déshydratation peut être obte-
nue par voie mécanique (filtre-presse, centrifugation...) ou par voie
méthane 40 829 35 894 thermique (séchage) et, ce, quel que soit l’état initial du déchet
(solide, liquide, pâteux) en fonction de la technologie utilisée. Elle
Pour des déchets liquides ou solides, on a : permet, dans le cas d’un déchet liquide/pâteux, de le transformer
en produit solide, en général pulvérulent. Dans ce cas, le départ
PCI = PCS – (226 H + 25 E ) (kJ/kg) d’eau provoque tout d’abord une augmentation de la viscosité
où PCS est le pouvoir calorifique supérieur du déchet, donné, en apparente du produit, suivie d’un passage à l’état de solides divisés,
première approximation, par : PCS = 418 C – 1 672 (kJ/kg). régis par la coulabilité des milieux pulvérulents.
Une expression plus précise peut être utilisée pour l’évaluation — Des opérations de mise en forme préalable du déchet ou du
a priori du PCS (formule de Vondracek) : mélange de déchets, sous forme de granulés calibrés séchés, sont
également envisageables, en particulier pour la fourniture de
PCS = [328,9 + 11,7 (100 – C )0,25 ] C + 899,7 (H – 0,1 O ) combustibles dérivés, ou pour l’adaptation d’un déchet à une tech-
+ 104,6 S (kJ/kg) nologie de traitement donnée.

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QS
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TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS ________________________________________________________________________________________________

2. Processus d’inflammation/ Limites


Limites
combustibilité des déchets Gaz ou vapeur d’inflammabi-
d’inflammabilité
dans l’oxygène
lité dans l’air (%)
(%)
Des gaz ou des vapeurs peuvent être émis par :
— les liquides (pression de vapeur saturante à la température monoxyde de carbone 12,5–74 15–94


ambiante, ou bien vaporisation par chauffage) ;
— les solides (gaz émis lors de la dégradation thermique du méthane 5–15 5,1–61
solide par chauffage).
sulfure d’hydrogène 4–44 4–88,5
En présence d’air, ces gaz ou vapeurs peuvent conduire à l’appa-
rition de mélanges air/gaz inflammables [20]:
chlorure de vinyle 3,6–30 4–70
— soit en présence d’une source extérieure d’énergie (flamme
pilote, étincelle...) dans le mélange ;
— soit en l’absence d’apport d’énergie complémentaire : c’est le d’énergie (flamme pilote). Cette température est désignée par
processus d’auto-inflammation, qui nécessitera des températures température d’auto-inflammation Tai . Cette température dépend
plus élevées, afin de permettre un emballement réactionnel des relativement peu de la composition du mélange du composé dans
réactions d’oxydation. l’air, mais est caractéristique de la combustibilité de ce composé.

■ Lorsque des gaz sont émis par un processus de type évaporation,


vaporisation, ou par réaction chimique ou thermochimique, à partir Sulfure Chlo-
Gaz Monoxyde
d’un substrat liquide ou solide, ils peuvent former, au voisinage du Méthane d’hydro- rure de
ou vapeur de carbone
substrat, un mélange combustible avec l’air, c’est-à-dire un mélange gène vinyle
correspondant à au moins 50-55 % de la proportion stœchiométri-
que nécessaire à la combustion complète du composé gazeux, à Température
pression atmosphérique et, en présence d’une source localisée de d’auto-inflam- 650 600 212 470
chaleur. Un tel mélange, à sa concentration seuil minimale, est dit à mation (oC)
sa limite inférieure d’inflammabilité L i .
Si le processus d’enrichissement en gaz se poursuit, l’atmosphère La température d’auto-inflammation Tai semble être le meilleur
devient localement sous stœchiométrique et il y a arrêt des condi- critère intrinsèque pour caractériser la destructibilité d’un gaz ou
tions de propagation de la flamme. Ce seuil maximal de concentra- d’une vapeur par voie thermique. Plus la température d’auto-
tion est désigné par la limite supérieure d’inflammabilité L s . Il inflammation d’un composé est élevée, plus celui-ci sera récalci-
correspond à trois ou quatre fois la concentration stœchiométrique trant vis-à-vis d’une destruction thermique. Ce critère intrinsèque
dans l’air. permet ainsi une classification des différents composés à traiter
Ces deux concentrations de mélange dans l’air définissent l’inter- dans une échelle de récalcitrance. Il conduit à des résultats en bon
valle d’inflammabilité du mélange (L i –L s ). Elles sont, en général, accord avec une échelle basée sur les températures nécessaires à
exprimées en pourcentage volumique (%) du volume d’air dans des la destruction d’un composé à 99,9 %, pendant un temps de séjour
conditions normales. de deux secondes, soit son T99,99(2s), critère qui nécessite des
Une corrélation détaillée [2] entre la limite inférieure d’inflamma- caractérisations cinétiques préalable de la décomposition des pro-
bilité L i et la variation d’enthalpie standard de combustion ∆H c
o duits, et qui sera décrite au paragraphe 8.2. L’intérêt d’utiliser la
3 –1
(10 kJ · mol ) est disponible pour différents composés organiques température d’auto-inflammation en temps que critère de récalci-
(hydrocarbures, alcools, éthers, aldéhydes, esters, composés trance d’un composé est que cette donnée est largement disponible
azotés, composés soufrés). Elle s’écrit : dans la littérature [1].

o –1 o o 2 o ■ Dans le cas d’un déchet solide, si on chauffe celui-ci dans une


L i = – 3,42 ( ∆H c ) + 0,569 ∆H c + 0,053 8 ( ∆H c ) avec ∆H c < 0 enceinte de traitement, l’eau incluse est tout d’abord vaporisée
(phase de séchage), puis ses matières volatiles constitutives
Cette relation montre que, plus un composé gazeux ou une « distillent » dès 200-300 oC, en phase gazeuse. Ces matières vola-
vapeur a une chaleur de combustion élevée, plus sa limite tiles sont essentiellement des hydrocarbures gazeux.
d’inflammation est faible.
Dans l’hypothèse où l’atmosphère de traitement est oxydante,
Les limites d’inflammabilité dépendent de la température de trai- c’est-à-dire riche en oxygène, ces matières volatiles s’enflamment
tement. On peut, par exemple, donner l’expression de la limite spontanément en phase gazeuse, après un délai désigné par délai
inférieure d’inflammabilité dans l’air, à une température quelcon- d’inflammation [21]. Plus la teneur en matières volatiles d’un déchet
que T, en fonction de sa valeur à une température de référence T 0 : est élevée, plus l’inflammation de la matière sera rapide.
o Le délai d’inflammation d’un solide, initialement à la température
L i ( T ) = L i ( T 0 ) – 3 ( T – T 0 ) ⁄ ∆H c T 0 , peut être évalué en estimant le temps mis par la surface A de
ce solide pour atteindre une température critique d’ignition Tig ,
La limite inférieure d’inflammabilité décroît linéairement quand caractéristique du déchet, quand on le soumet à un flux calorifique
la température augmente. À l’inverse, la limite supérieure d’inflam- φ 0 imposé. À cette température Tig , les premiers gaz combustibles
mabilité croît linéairement quand la température augmente. L’inter- émis (matières volatiles) s’enflamment en atmosphère comburante,
valle d’inflammabilité augmente donc avec la température de l’énergie calorifique produite entretenant un processus de dégrada-
traitement. tion thermique du solide et donc la génération de gaz combustibles
Les limites d’inflammabilité (L i – L s ) d’un composé dépendent par pyrolyse, démarrant ainsi le processus de combustion entrete-
également du gaz comburant. En particulier, avec de l’oxygène, la nue du solide, jusqu’à la combustion de son carbone fixe.
limite supérieure d’inflammabilité d’un gaz ou d’une vapeur est La température d’inflammation Tig d’un déchet solide varie en
bien plus élevée que dans l’air, bien que sa limite inférieure reste sens inverse de son taux de matières volatiles. Par exemple, elle
pratiquement inchangée. est de 750-850 oC pour des cokes et charbons, elle tombe à
Des gaz ou vapeurs peuvent aussi subir un processus d’inflamma- 350-400 oC pour des déchets de type emballage (papiers, plasti-
tion spontané, par chauffage, en l’absence de source externe ques) et à 250 oC pour des écorces (pin). Dans le cas de produits

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Traitements thermiques des déchets


Procédés et technologies associées
par Gérard ANTONINI

Professeur, directeur du laboratoire UMR 6067 CNRS -Génie des procédés industriels
à l’Université de Technologie de Compiègne
Directeur scientifique du GIE Procedis (UTC/Ineris)

1. Technologies de préparation/alimentation des déchets................ G 2051 - 2


2. Procédés d’incinération ......................................................................... — 2
2.1 Fours à grilles............................................................................................... — 2
2.2 Fours tournants et/ou oscillants ................................................................. — 3
2.3 Fours à lit fluidisé ........................................................................................ — 3
2.4 Procédés de co-incinération ....................................................................... — 5
3. Procédés d’oxycombustion ................................................................... — 7
4. Procédés d’oxydation haute température par plasma .................. — 7
5. Procédés d’oxydation en voie humide (OVH) ................................... — 7
5.1 Procédés OVH sous-critiques...................................................................... — 8
5.2 Procédés OVH supercritiques ..................................................................... — 10
6. Procédés de pyrolyse .............................................................................. — 11
7. Procédés de gazéification ..................................................................... — 13
8. Dispositifs de récupération/valorisation d’énergie ........................ — 13
8.1 Valorisation énergétique en incinération................................................... — 13
8.2 Valorisation énergétique en pyrolyse/gazéification .................................. — 14
9. Dispositifs de traitement des fumées................................................ — 15
9.1 Dispositifs de dépoussiérage...................................................................... — 15
9.2 Dispositifs d’abattage/neutralisation des fumées..................................... — 16
9.3 Techniques complémentaires en épuration des fumées.......................... — 17
10. Procédés de traitement des résidus ultimes.................................... —
18
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. G 2052
Annexes sur les procédés ............................................................................... G 2053

es processus thermochimiques, intervenant dans les opérations visant au


L traitement thermique des déchets et effluents industriels, ont été décrits
dans l’article Processus [G 2 050]. Ces processus sont mis en œuvre dans
différents procédés et équipements, visant à l’élimination et/ou la valorisation
matière/énergie des déchets, décrits dans le présent article.
D’une façon générale, ces procédés et technologies associées imposent, avant
traitement, une préparation préalable des déchets à traiter plus ou moins pous-
sée. Les procédés mis en œuvre sont soit des procédés d’oxydation totale (inci-
nération ou oxydation en voie humide), soit des procédés de décomposition
et/ou de transformation thermochimique (pyrolyse ou gazéification), imposant
différents modes de récupération/valorisation de l’énergie calorifique libérée.
Les procédés visant au traitement des effluents gazeux et résidus ultimes sont
également décrits.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPPU

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TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS _________________________________________________________________________________________________

1. Technologies de
préparation/alimentation Évacuation
des déchets des fumées

Trémie
La mise en œuvre d’un processus de destruction thermique des


déchets nécessite, la plupart du temps, des opérations de prépara-
tion et/ou de mise en forme préalables des déchets. Celles-ci peuvent
être décomposées en plusieurs opérations élémentaires.
■ Réception et stockage des déchets
Four
Les déchets sont en général déchargés sur un quai par camions Vérin

Air secondaire
puis pesés, identifiés, analysés et entreposés sur une aire de
stockage ou en fosse ventilée (dépression), équipée ou non de
dispositifs d’abattage des poussières et vapeurs générées lors du Grille
déchargement.
■ Préparation des déchets
Les déchets nécessitent parfois un prétraitement avant intro-
duction dans le four, comme c’est particulièrement le cas en ali-
mentation de foyers à lit fluidisé, par exemple.
Ce prétraitement des déchets bruts vise à en éliminer les éléments
incombustibles massifs (matériaux inertes ou métalliques), par cri- Air primaire
blage/séparation (trommels rotatifs, par exemple) ainsi que les objets
ferreux, par extraction magnétique (over-band ). Ce type de séparation
permet, par ailleurs, la valorisation matière de certains constituants
des déchets bruts. Pour le cas des ferrailles, celles-ci peuvent être éga-
lement extraites, de la même manière, après incinération.
Un ajustement granulométrique par déchiquetage/broyage/cri-
blage des déchets (broyeurs à couteaux, broyeurs à marteaux,
Fosse à mâchefers
lents ou rapides), est souvent indispensable, et ce, en fonction du
procédé de traitement thermique utilisé.
Figure 1 – Schéma de principe d’un four à grille
Des opérations de mélange/homogénéisation peuvent être éga-
lement pratiquées, afin de minimiser les fluctuations de composi-
tion des déchets, ou de réaliser une co-incinération de déchets et/ou — utilisés en tant que combustible d’appoint ;
enfin, d’adapter leur pouvoir calorifique au procédé utilisé. Leur
— traités thermiquement en vue de leur élimination par
pouvoir calorifique peut également être ajusté par déshydrata-
combustion simultanée dans la charge d’un procédé industriel de
tion/séchage préalable du déchet brut, ou de l’effluent à traiter.
transformation matière et/ou énergie, de type cimentier par exemple.
■ Reprise des déchets et introduction dans le foyer
Pour les déchets solides, leur reprise est assurée par des dispo-
sitifs de grappins/ponts roulants, pour l’introduction dans les tré- 2.1 Fours à grilles
mies d’alimentation du four. L’alimentation des fours s’effectue via
une goulotte de descente vers le foyer. L’introduction dans le foyer Dans ce type de four (figure 1), la combustion des déchets a lieu
est réalisée par un dispositif à poussoir destiné à éviter les sur un support mobile, en général une grille, constituée soit de
remontées de feu vers la goulotte d’introduction, l’enceinte du four barreaux (mouvements de translation du déchet), soit de rouleaux
étant toujours maintenue en légère dépression (quelques millimè- (mouvements de rotation), et/ou de gradins. Les fumées produites
tres de colonne d’eau) par un extracteur disposé en aval. sont extraites, en partie haute, vers une enceinte verticale équipée
Pour les déchets liquides ou pâteux, ceux-ci sont transférés des de réfractaires, couplée ou non à une chaudière de récupération.
cuves de stockage vers le four par des pompes, puis injectés dans Les éléments de la grille (barreaux, rouleaux) forment un ensemble
le foyer à l’aide de cannes ou buses d’injection. Les liquides sont de pièces mobiles animées de mouvements alternatifs, permettant
en général pulvérisés mécaniquement ou avec une assistance par l’avancement des déchets, ainsi que leur brassage continuel. Cette
air ou vapeur, suivant leur viscosité. Les boues peuvent être soit grille est soit inclinée (type plan unique pour la grille Martin/CNIM,
pulvérisées en façade de four, soit introduites sous forme de ainsi que pour la grille Von Roll, et type à gradins pour la grille
paquets tombants (chipolatas ) dans la zone chaude du four. Volund), soit horizontale (type grille ABB), limitant ainsi les processus
de dévalement des déchets le long de la grille [27].
L’épaisseur de la couche de déchets est contrôlée (250-350 kg/m2
2. Procédés d’incinération de surface de grille/h), afin d’éviter le contact de la flamme avec les
barreaux.

Plusieurs technologies sont actuellement disponibles en ce qui L’air primaire de combustion, en excès, est soufflé sous la grille,
concerne les procédés d’incinération des déchets solides : les fours de façon uniforme ou étagée, via des caissons de distribution. Ce
à grilles, les fours tournants et/ou oscillants et les fours à lit fluidisé, mode d’aération permet non seulement le refroidissement de la
dense, rotatif ou circulant. grille, mais aussi une aération poussée des déchets en cours de
combustion. Cet air peut être préchauffé, afin d’améliorer le rende-
À ces procédés, il faut adjoindre les installations de co-incinéra- ment global de la combustion, et ce à l’aide d’un échangeur
tion, dans lesquelles les déchets sont essentiellement : (réchauffeur d’air) disposé en aval du foyer, sur les fumées issues
— brûlés en présence d’un co-déchet, par exemple boues/déchets de la combustion. Pour les déchets à forts PCI, on peut utiliser des
industriels solides ; grilles refroidies par circulation interne d’eau.

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_________________________________________________________________________________________________ TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS

La combustion est organisée le long de la grille de façon à réa-


liser :
Trémie
— en entrée, une zone de séchage des déchets par rayonnement
de la voûte ; Fumées
— suivie d’une zone de pyrolyse des déchets avec inflammation
des matières volatiles en phase gazeuse ; Chambre de post-combustion
— puis d’une zone de combustion du carbone fixe résiduel sur


grille ; Boîte d'entrée d'air
— et, enfin, une zone de refroidissement des mâchefers formés
par soufflage sous grille, avant leur évacuation en sortie de foyer,
où ils subissent une extinction dans une garde à eau, permettant
Zone de
également d’éviter toute pénétration d’air parasite. Ces mâchefers combust
ion
sont enfin criblés et déferraillés.
Les gaz produits par la combustion des déchets sont mélangés Poussoir
à de l’air secondaire, en général préchauffé, fourni au-dessus de la
grille, au travers des façades du four, pour permettre la post-
combustion complète des matières volatiles et imbrûlés formés au Mâchefers
niveau de la grille. La répartition uniforme de cet air secondaire
dans le flux gazeux principal est, en général, difficile à assurer,
compte tenu de la taille importante des installations. Des techniques Figure 2 – Schéma d’un four oscillant
basées sur l’introduction d’inserts refroidis peuvent s’avérer effica-
ces pour assurer un bon mélange des flux gazeux à ce niveau
(prisme refroidi de la société Seghers, par exemple). En four oscillant (procédé Cyclergie, figure 2), les fumées sont
Les temps de séjour couramment pratiqués pour obtenir une extraites au milieu du four, au niveau de l’enveloppe cylindrique,
combustion complète des déchets sur grille sont de l’ordre de les fumées progressant alors à co- puis à contre-courant de la
45 min à 1 h, à une température ne dépassant pas 1 100 oC, afin charge. Ces fumées sont ensuite dirigées vers une chambre de
d’éviter les processus de fusion des fractions minérales des déchets post- combustion, à l’aide d’un extracteur, disposé en aval, et per-
sur la grille. La température de combustion est contrôlée par addi- mettant de maintenir l’ensemble four/postcombustion en légère
tion d’air de dilution, l’excès d’air minimum étant, en général voisin dépression.
de 90 %, en fours à grille. Pour la phase gazeuse, dans la zone de Le temps de séjour moyen des déchets en four tournant peut
postcombustion, des temps de séjour de 2 à 4 s, à 850 oC et à au être estimé par :
moins 6 % d’oxygène sont nécessaires (imposition réglementaire 0,19L
légale). t = -----------------------
N⋅D⋅P
L’ensemble de la chambre de combustion est équipé de matériaux
réfractaires, permettant de supporter les températures typiques de avec t temps de séjour du déchet (min),
l’incinération, comprises entre 850 et 950 oC. D diamètre intérieur de la chambre (m),
Les capacités de traitement des fours à grilles, pour déchets N vitesse de rotation (tr/min),
industriels, sont élevées et ceux-ci peuvent traiter de 5-40 t/h, voire P pente du four (m/m).
plus.
Les valeurs moyennes des temps de séjour pour des déchets
Le type de déchets traités est varié, allant de déchets à faible solides varient entre 45 minutes et 1 h 30, suivant le type de déchet
pouvoir calorifique (environ 6-8 MJ/kg) jusqu’à des déchets à fort traité.
contenu énergétique (environ 30-35 MJ/kg), soit par exemple de
déchets agro-industriels aux DIB. Le tube cylindrique peut être prolongé par un cône en sortie (four
cylindro-conique) qui, en diminuant le pas d’avancement des pro-
La technologie des fours à grille est, de plus, bien adaptée à la duits, assure la combustion complète du carbone fixe des cendres
co-incinération de déchets, par alimentation séparée ou en mélange avant leur évacuation. Enfin, l’air peut être admis à l’intérieur du
en trémie, de déchets de PCI complémentaires (par exemple, boues four par l’intermédiaire de cheminées ménagées directement au
résiduaires/DIB). travers du réfractaire.
Les principaux constructeurs de fours à grille sont les suivants : Ce type de four est bien adapté à un grand nombre de déchets
ABB, Alstom Energy Systems, CNIM, Ferbeck, Inor Von Roll, Itisa industriels et couvre une gamme de capacité de traitement allant
Volund, Noell, Seghers BT, Stein, Triga... de 2 à 10 t/h.
Les constructeurs spécialisés dans ce type de four sont, entre
autres, les sociétés Maguin, Cyclergie...
2.2 Fours tournants et/ou oscillants
Ce type de four consiste essentiellement en une enceinte cylin- 2.3 Fours à lit fluidisé
drique réfractorisée, légèrement inclinée sur l’horizontale (1 à 4o),
mise en mouvement de rotation lente (moins de 2 tr/min), ou Cette technologie, couramment utilisée en combustion du
d’oscillation, pour permettre la mise en mouvement et le brassage charbon, est d’application relativement récente pour le traitement
des déchets. L’intérieur du four peut être lisse ou bien équipé thermique des déchets, compte tenu des difficultés liées à sa mise
d’inserts permettant le retournement des déchets en cours de traite- en œuvre pour des déchets bruts, hétérogènes et de granulométries
ment. Ce type de four est, en général, équipé d’une double enve- souvent grossières. En effet, la combustion en lit fluidisé impose
loppe, assurant le préchauffage de l’air de combustion, celui-ci étant des contraintes spécifiques aux caractéristiques des déchets
injecté sous les déchets. entrants, liées à l’aéraulique de la fluidisation [28].
En four tournant, les fumées sont extraites au niveau de l’intro- L’état fluidisé correspond à la mise en suspension de particules
duction des déchets, en face avant, les fumées progressant dans ce solides dans un courant gazeux ascendant, en général l’air de
cas à contre-courant de la charge. combustion, injecté en partie basse du lit de particules. Ce lit est

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TRAITEMENTS THERMIQUES DES DÉCHETS _________________________________________________________________________________________________

constitué d’un média de fluidisation inerte, finement divisé, sable


ou chamotte, préalablement préchauffé, dans lequel on disperse les
Gaz de combustion
déchets préalablement broyés. vers cyclone
Le mouvement engendré par l’écoulement gazeux permet un bon puis épuration
brassage du mélange des particules inertes (média de fluidisation),
du déchet solide divisé, et de l’air de fluidisation/combustion, per-
mettant ainsi d’améliorer les transferts internes de masse et de Brûleur de


chaleur. Ces mouvements particulaires internes permettent aussi préchauffage
d’assurer l’attrition continue des déchets, entraînant ainsi, par
réduction progressive de leur taille, leur consommation complète

revanche
Zone de
par combustion. Les rendements de combustion ainsi obtenus sont
alors élevés, même à faible excès d’air (30 à 40 %, contre 90 à 100 % Air secondaire
pour les fours à grilles).
Le média de fluidisation assure non seulement l’inertie thermique

fluidisation
du milieu support de combustion, ce qui permet d’accepter une Déchets

Zone de
Lit
certaine fluctuation de composition des déchets, mais il participe de
aussi à l’homogénéisation de la température interne du lit, celle-ci sable
restant limitée aux alentours de 850 oC, avec suppression des points
chauds. Ceci permet de limiter la formation des oxydes d’azote et
autorise la combustion de déchets à forts PCI, tels que les DIB. Mâchefers et
Air primaire cendres de lit
De plus, quand on ajoute au média de fluidisation un agent de fluidisation
sorbant, comme de la chaux, celui-ci permet un abattage in situ des
Gille de fluidisation
SOx générés par la combustion de déchets soufrés, le rendement
de transformation réactionnel CaO/SO2 en désulfuration étant opti-
mal à 850 oC. Figure 3 – Schéma de principe d’un four à lit fluidisé dense
Cependant, le taux de valorisation énergétique global de ce type
d’installation est pénalisé par une forte auto-consommation spéci-
fique, de l’ordre de 180-200 kW/t de déchets traités, du fait de interne (500-800 W/m2 · oC), permettant une bonne uniformité de la
l’importance des périphériques nécessaires (dispositifs de prépara- température au sein du lit (gradient de température de plus ou
tion poussée des déchets, soufflage de l’air de fluidisation...). moins 15 oC). La chaleur libérée par la combustion des déchets per-
Les principaux constructeurs de fours à lit fluidisé sont : ABB, Als- met de maintenir une température modérée, de l’ordre de 850 oC,
thom, CNIM, Ebara, FMI, Foster Wheeler, Inor Von Roll, Kvaerner, avec ou sans combustible d’appoint, pour des déchets de fort PCI
Lurgi, Seghers BT, Stein Industries, Thyssen SO, TMC. (de 6,2 à 21 MJ/kg), le rendement de combustion étant alors de
l’ordre de 95 %.
On distingue trois types de technologies concernant les fours à
lit fluidisé : dense, rotatif ou circulant. Les temps de séjour en LFD sont de 1 à 5 s pour la phase
gazeuse, de 12 à 15 s pour les déchets liquides, et de 1 à 2 min
pour les déchets solides divisés.
2.3.1 Lit fluidisé dense (LFD), ou lit bouillonnant Les densités de puissance engagées sont de l’ordre de 1 000 à
2 000 kW/m3, ce qui permet de travailler dans des foyers compacts.
Les fours LFD sont généralement des foyers verticaux, à section
cylindrique ou carrée, réfractorisés intérieurement (figure 3). Ils se Concernant l’air de combustion, celui-ci peut être étagé, l’air de
composent : fluidisation agissant en air primaire, l’air secondaire étant alimenté
— d’une zone d’admission, en partie basse, de l’air de fluidisa- en partie haute, au-dessus du lit. L’air secondaire permet de réaliser
tion, réchauffé ou non ; dans l’enceinte du lit les conditions 850 oC/2s, à 6 % d’oxygène,
— d’un distributeur d’air, composé généralement d’un jeu de imposées par les normes réglementaires, applicables aux unités de
tuyères en acier ou d’une grille (sole de fluidisation) ; combustion de déchet. Cette particularité des LFD permet de les
— d’un lit fluidisé de solides inertes divisés, dans lequel est utiliser sans chambre de postcombustion.
injecté le produit à incinérer, avec ou sans combustible d’appoint, Dans tous les cas, les combustions y sont réalisées en conditions
en mélange avec l’air ascendant ; sur-stœchiométriques, mais avec un faible excès d’air. En réalité,
— d’une chambre de combustion des gaz en partie supérieure. les lits fluidisés denses peuvent travailler à des excès d’air très
Un lit fluidisé dense se caractérise par l’existence d’une interface faibles, de l’ordre de 35 %, leur permettant d’atteindre, compte
nettement établie entre le lit lui-même et la phase gazeuse le sur- tenu de la réduction du débit de fumées en résultant, des rende-
montant, obtenue pour des vitesses d’air de fluidisation de l’ordre ments thermiques de récupération très élevés, de l’ordre de 90 %.
de 1 à 3 m/s. Cependant, à ces faibles excès d’air, le taux d’oxygène dans les
fumées est compris entre 4 et 5 %, inférieur à la prescription légale
Après préchauffage du lit à l’aide d’un brûleur d’appoint (gaz ou (arrêté du 15/12/95), et donc ne peuvent être pratiqués, en exploi-
fuel), le lit est alimenté en déchets broyés à une taille dépendante tation, sauf dérogation prévue dans la réglementation européenne.
du type de sole de fluidisation (< 20-30 cm), généralement à l’inté-
rieur ou à la surface du lit (overfeed ). La présence d’une fraction Les capacités de traitement des fours LFD vont de 2 à 30 t/h,
plus ou moins importante de fines dans l’alimentation peut avoir mais cette technologie est surtout envisagée pour des capacités
une influence défavorable, non seulement sur le rendement de supérieures à 5 t/h.
combustion, celle-ci pouvant être soufflée hors du lit sans brûler, La forte inertie thermique créée par le média de fluidisation,
mais également doit être prise en compte dans la conception des jointe aux effets d’uniformisation de la température interne du lit
équipements situés en aval, compte tenu des processus de dépôt/ dense, permet à cette technologie de couvrir une large gamme de
encrassement qu’elle peut entraîner. déchets, de PCI variés, avec cependant la contrainte d’une adapta-
Les déchets se mélangent au média chaud de fluidisation, agis- tion granulométrique poussée du déchet entrant.
sant en caloporteur, ce qui provoque son inflammation quasi- En effet, des processus de défluidisation trop fréquents peuvent
instantanée. Le milieu se comporte alors comme un « lit bouillon- entraîner des disponibilités faibles des installations d’incinération à
nant » (bubbling bed ), à forts coefficients de transfert thermique lit dense. En particulier, la présence de ferrailles, liées à des défauts

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Traitement biologique des déchets


par Rémy BAYARD
Maı̂tre de conférences à l’Institut national des sciences appliquées (INSA) de Lyon
Chercheur au laboratoire de génie civil et d’ingénierie environnementale (LGCIE)

et Rémy GOURDON
Professeur à l’INSA de Lyon

Chercheur au LGCIE

1. Principaux déchets concernés ..................................................... G 2 060v2 – 2


1.1 Déchets agricoles et agroalimentaires............................................... — 2
1.2 Déchets ménagers et assimilés.......................................................... — 3
2. Métabolismes énergétiques et leurs incidences ...................... — 3
2.1 Aspects théoriques ............................................................................. — 3
2.2 Respiration aérobie ............................................................................ — 4
2.3 Respiration anaérobie et fermentations ............................................ — 4
2.4 Incidences pratiques .......................................................................... — 4
3. Compostage ..................................................................................... — 4
3.1 Objectifs et principe ........................................................................... — 4
3.2 Aspects microbiologiquess ................................................................ — 5
3.3 Paramètres importants et mise en œuvre du compostage............... — 5
3.4 Quelques exemples de compostage de déchets ............................... — 7
3.5 Évaluation de la qualité des produits ................................................ — 12
3.6 Prétraitement mécanique et biologique des ordures ménagères
résiduelles avant stockage ................................................................. — 12
3.7 État de développement actuel ........................................................... — 14
4. Méthanisation .................................................................................. — 14
4.1 Objectifs et principe ........................................................................... — 14
4.2 Aspects biochimiques et microbiologiques ...................................... — 14
4.3 Paramètres importants et mise en œuvre de la méthanisation........ — 15
4.4 Procédés pour déchets solides ou boueux........................................ — 16
4.5 Caractérisation et utilisation des produits......................................... — 16
4.6 État de développement actuel ........................................................... — 17
4.7 Digestion anaérobie de déchets ménagers ....................................... — 18
4.8 Valorisation du biogaz de décharge................................................... — 20
5. Autres traitements ......................................................................... — 21
5.1 Fermentations alcooliques ................................................................. — 21
5.2 Traitement de déchets industriels non agroalimentaires.................. — 21
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 2 060v2

e principe général des traitements biologiques est d’exploiter certaines acti-


L vités microbiennes en les stimulant de manière contrôlée afin soit de
réduire les nuisances potentielles des déchets (odeurs, risques sanitaires, carac-
tère polluant au sens large du terme), soit de les valoriser sous forme énergé-
tique ou sous forme matière. De ce fait, les procédés biologiques sont en pra-
tique généralement utilisés pour le traitement de déchets essentiellement
organiques présentant un caractère biodégradable [1], à savoir notamment les
déchets associés à l’exploitation ou à la consommation de la biomasse (sous-
produits d’élevage, de cultures, d’industries agroalimentaires ; fraction orga-
nique des ordures ménagères). Cependant, la versatilité et la diversité des
micro-organismes sont telles que ce domaine d’application principal n’est pas
exclusif d’autres applications à des déchets industriels organiques, voire miné-
raux (boues d’hydrocarbures, résidus miniers, etc.), bien que le recours à des
techniques physico-chimiques ou thermiques soit alors complémentaire ou
concurrent d’un traitement biologique éventuel.
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TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Cet article aborde uniquement le traitement des déchets solides ou boueux,


que nous définirons ici comme possédant un taux de matières sèches respecti-
vement supérieur à 15 % de la masse brute pour les déchets dits « solides », et
compris entre environ 3 et 15 % en masse pour les déchets dits « boueux ». Le
cas des effluents liquides (eaux usées, effluents de procédés) ou gazeux, dont
les traitements sont présentés par ailleurs dans ce volume, n’est donc pas dis-
cuté ici.


Le document propose, dans un premier temps, un rapide tour d’horizon des
principaux types de déchets ou sous-produits susceptibles d’être traités par
voie biologique, puis présente les différentes activités microbiennes (métabolis-
mes) qu’il est envisageable de stimuler pour traiter ces déchets, c’est-à-dire
pour réduire leur caractère polluant ou les valoriser. La présentation des diffé-
rents types de métabolismes microbiens permet de mieux comprendre les inci-
dences pratiques de ces aspects fondamentaux et, notamment, les intérêts et
inconvénients respectifs des traitements biologiques aérobies et anaérobies,
ainsi que les paramètres généraux de fonctionnement. Ainsi, le compostage
(traitement aérobie) est un traitement relativement rapide visant à une stabili-
sation du déchet et à sa valorisation matière, alors que les traitements anaéro-
bies (méthanisation ou fermentations alcooliques), souvent plus longs, permet-
tent une valorisation énergétique.
Les procédés de traitement biologique des déchets organiques sont des tech-
niques robustes bien éprouvées en pratique dans leurs domaines d’application
privilégiés. Ils n’exigent pas de technologies sophistiquées et sont donc relati-
vement peu onéreux à mettre en œuvre. Cependant, un certain savoir-faire est
nécessaire pour une mise en œuvre efficace et pérenne, notamment concernant
la bonne adéquation entre les matériels techniques utilisés, les conditions opé-
ratoires, le ou les déchets traités, le contexte socio-économique et technique, et
les objectifs fixés au traitement.

1. Principaux déchets Tableau 1 – Chiffres clés sur les déchets organiques


concernés concernés par les traitements biologiques (d’après [1])

Déchets
Déchets des de l’agriculture
Le recours à des micro-organismes pour traiter un matériau quel- Déchets des ménages
collectivités et de
conque implique que ce matériau soit transformable par les micro-
la sylviculture
organismes considérés, c’est-à-dire que la matière qu’il contient
puisse être utilisée par les micro-organismes pour leur permettre 14 Mt 28 Mt 370 Mt
de vivre à ses dépens. On parle généralement de « biodégradabi-
lité » pour qualifier cette caractéristique. Les déchets organiques, Voierie Ordures
(Encombrants) Élevage
issus de l’exploitation ou de la consommation notamment alimen- Marchés ménagères
et déchets verts Culture
taire de la biomasse (constituée par la masse des organismes Boues (sens strict)
6 Mt Forêt...
vivants et de leurs déchets associés), sont généralement biodégra- Déchets verts 22 Mt
dables puisqu’ils sont constitués de molécules d’origine naturelle
susceptibles de s’insérer dans les cycles biogéochimiques de la
matière. À ce titre, ces déchets sont ceux qui se prêtent le mieux à tonnages estimés varient suivant les sources d’information en rai-
des traitements biologiques. son de la définition variable de certains déchets et de leur origine
sectorielle.
Ce sont des déchets essentiellement organiques (teneur en car-
bone de l’ordre de 40 à 50 % de la masse sèche) d’origine végétale
ou animale. Les déchets d’origine animale sont, en général, plus 1.1 Déchets agricoles et agroalimentaires
riches en azote (quelques pour-cent de la masse sèche) que ceux
d’origine végétale (généralement moins de 1 % de la masse Ils sont générés au niveau soit de la production agricole (éleva-
sèche), et souvent plus humides (souvent plus de 70 % de la ges et cultures), soit du stockage, du conditionnement et de la
masse fraı̂che). transformation des produits agricoles (industries agroalimentaires
Le tableau 1 présente les principaux déchets concernés par les de 1re et 2e transformations).
traitements biologiques et leurs tonnages respectifs, sur la base On estime qu’environ 275 Mt de déjections animales sont pro-
des données de l’ADEME [1]. Signalons néanmoins que les duites annuellement par les élevages en France, la majorité en

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS

pâturages extérieurs. Les déjections produites en étables sont récu- 1.2.2 Déchets verts
pérées essentiellement sous forme de fumiers en mélange avec les
litières pailleuses (ce qui les rend pelletables, avec un taux de Principalement constitués de tontes de gazon, tailles d’arbustes,
matières sèches MS supérieur à 15 % de la masse fraı̂che) ou de branchages et feuilles mortes, les déchets verts sont issus des acti-
lisiers (taux de MS inférieur à 10 % en masse, donc pompables). vités collectives de l’entretien des espaces verts publics et de l’acti-
vité domestique de l’entretien des jardins, avec collecte par apport
Les déchets de culture sont l’ensemble des parties végétales qui volontaire en déchetteries. Collectés séparément des autres DMA,
ne constituent pas la production végétale. On estime la production ils sont uniquement constitués de biomasse et sont donc parfaite-
annuelle à environ 55 Mt en France, dont plus de la moitié est ment adaptés à un traitement biologique, bien que leur teneur par-


constituée de pailles de céréales. Ces déchets relativement secs fois élevée en lignine peut limiter leur biodégradabilité. Ils repré-
(taux de MS de l’ordre de 80 % en masse, voire supérieur) et pau- sentent un gisement de 2,1 Mt/an. Depuis le milieu des années
vres en azote (0,5 à 0,8 % des MS) se prêtent mal à un traitement 1990, le compostage de déchets verts s’est très fortement déve-
biologique tels qu’ils sont, mais peuvent être traités en mélange loppé. En 2002, 96 % des déchets verts traités le sont par compos-
avec des déchets plus humides, notamment d’origine animale (cas tage [2].
typique des fumiers).
De l’ordre de 40 Mt de déchets des industries agroalimentaires 1.2.3 Boues de station d’épuration des eaux usées
sont générées annuellement en France dans un contexte technique
Les stations d’épuration des eaux résiduaires assurent le traite-
et socio-économique fort différent du contexte agricole, ce qui n’est
ment des eaux usées urbaines et d’autres activités commerciales
pas sans influence dans le choix des traitements et les moyens sus-
et industrielles [3]. Elles produisent des boues obtenues par décan-
ceptibles d’être mis en œuvre : technicité plus importante, produc-
tation soit des eaux usées avant épuration (boues primaires), soit
tion plus concentrée des déchets créant des contraintes environne-
des eaux traitées (boues secondaires). La production annuelle de
mentales et techniques plus sévères, besoins énergétiques sur le
boues est estimée, en France, à 1,9 Mt [4]. La caractérisation des
lieu de production des déchets, moyens financiers, techniques et
boues fait l’objet de l’article Lutte contre la pollution des eaux
humains plus importants que dans le secteur agricole. On retrouve
[G 1 450] des Techniques de l’Ingénieur. Les boues peuvent être
notamment les abattoirs et les industries laitières et fromagères
traitées par voie biologique, seules (digestion anaérobie) ou en
pour les déchets d’origine animale, et les industries vitivinicoles, mélange avec d’autres sous-produits tels que des résidus ligneux
les conserveries, les brasseries et l’industrie sucrière pour les (copeaux de bois par exemple permettant une meilleure aération
déchets d’origine végétale. Notons que les industries qui exploitent pour le compostage). La valorisation des boues (brutes ou après
la biomasse à des fins non alimentaires (filières du bois d’œuvre ou traitement biologique) par épandage sur les sols est le principal
de chauffe, industries textiles et papetières, industries du cuir, etc.) mode de valorisation des boues, mais il soulève un certain nombre
génèrent, du fait de l’utilisation de nombreux réactifs chimiques ou de questionnements relatifs au devenir des micropolluants (notam-
de la nature même de la biomasse exploitée, des déchets dont le ment les métaux) qui leurs sont associés. Cette pratique est régle-
traitement biologique est plus difficile et pour lesquels le recours mentée par le décret du 8 décembre 1997 et l’arrêté du 8 janvier
à des techniques concurrentes est souvent envisagé (incinération, 1998 qui interdisent l’épandage de boues n’ayant pas d’« intérêt
mise en décharge, valorisation de la matière après traitements pour les sols ou la nutrition des cultures et des plantations » et
chimiques). fixent des concentrations limites en éléments traces métalliques et
en composés traces organiques à la fois dans la boue devant être
épandue et dans le sol recevant l’épandage.
1.2 Déchets ménagers et assimilés
Sur les 46 millions de tonnes de déchets ménagers et assimilés
(DMA) produits en France en 2002, les ordures ménagères (OM)
représentent 24,3 Mt/an, les déchets encombrants 1,3 Mt/an, les 2. Métabolismes énergétiques
refus de traitement 3,6 Mt/an, les déchets verts 2,1 Mt/an et les
boues de station d’épuration 1,9 Mt/an. Les déchets d’entreprises
et leurs incidences
collectés avec les OM représentent 4,5 Mt/an [1].
Parmi ces gisements de déchets, certains sont issus de la bio-
masse et sont ainsi susceptibles d’être traités par voie biologique. 2.1 Aspects théoriques
Le métabolisme énergétique de tous les êtres vivants repose sur
1.2.1 Ordures ménagères des réactions d’oxydoréduction. Cela signifie que les organismes
vivants retirent l’énergie nécessaire à leur vie en oxydant des subs-
Les ordures ménagères (OM) sont issues de l’activité domestique
trats (qualifiés de donneurs d’électrons et de protons) et en rédui-
des populations et des activités municipales et commerciales. La
sant un ou des accepteurs. L’énergie qu’ils retirent est proportion-
fraction des OM susceptible d’être traitée par voie biologique cor-
nelle à la différence de potentiel entre le couple « donneur » et le
respond à : couple « accepteur ». Du fait des conditions d’environnement très
– la fraction organique (hors plastiques) fermentescible des OM variées des différents biotopes de la planète, le monde microbien
(fraction fermentescible des ordures ménagères, FFOM, également est très diversifié et ses capacités métaboliques très vastes. De
dénommée « biodéchets », constituée des déchets de cuisine dits nombreuses substances peuvent ainsi être utilisées par les micro-
« déchets putrescibles », mais aussi des papiers/cartons, soit envi- organismes comme substrats donneurs d’électrons et comme
ron 60 % de la masse des OM) ; accepteurs finals de ces électrons [5] [6].
– certains déchets des espaces verts et des marchés. Lorsque les réactions d’oxydoréduction peuvent se dérouler en
Le traitement biologique de ces déchets est possible, mais se l’absence de lumière, les organismes compétents sont qualifiés de
heurte à des problèmes de tris, de débouchés des produits traités chimiotrophes. Ces micro-organismes, très nombreux et très
et de viabilité technico-économique par rapport aux techniques divers, sont à la base des principales agressions (biodégradations)
concurrentes notamment dans les grandes villes. À l’heure actuelle microbiennes possibles sur un déchet, dès lors que sa fraction
en France, 1,6 Mt/an d’OM sont traitées par voie biologique, majo- organique est suffisante, biodisponible et biodégradable, ce qui
ritairement par compostage (seulement 0,2 Mt/an traités par est le cas des déchets de biomasse décrits précédemment (§ 1).
méthanisation dans deux unités), avec un recul du compostage Une substance quelconque (substrat ou donneur) ne peut être
sur OM brutes au profit du compostage sur biodéchets [2]. oxydée que si une autre substance (accepteur) peut, en se

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TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

réduisant, accepter les électrons arrachés à la première. Cela est nécessaire de chauffer un déchet en cours de compostage, alors
thermodynamiquement possible si, dans les conditions du milieu, que cela est indispensable pour une méthanisation ou une fermen-
le potentiel du couple donneur est inférieur à celui du couple tation alcoolique qui s’accompagne d’un dégagement de chaleur
accepteur. quasi nul. Les processus de biodégradation anaérobie s’accompa-
gnent en effet d’une faible libération de chaleur. L’énergie présente
dans le substrat initial se retrouve stockée dans l’un des produits
2.2 Respiration aérobie formés.
Un accepteur très courant chez les organismes chimiotrophes est Exemple : dans le cas de la méthanisation du glucose (relation (2)),


l’oxygène moléculaire O2. Le potentiel normal du couple O2/2H2O on observe que plus de 85 % ([160-23]/160) de l’énergie chimique
est de + 810 mV par rapport à l’électrode normale à hydrogène, ce potentielle du glucose se retrouve dans le méthane formé.
qui rend possible l’oxydation de très nombreux substrats. Les orga-
nismes compétents sont qualifiés d’« aérobies ». Les organismes De ce fait, les traitements biologiques anaérobies permettent
aérobies stricts ne peuvent se passer d’oxygène, alors que les orga- d’envisager la valorisation énergétique d’un déchet organique en
nismes aérobies facultatifs peuvent utiliser, en l’absence d’oxy- transformant une partie de sa matière en un produit plus facile
gène, d’autres accepteurs de remplacement. Par extension, les trai- d’emploi tel que le méthane ou l’éthanol.
tements biologiques qui utilisent des micro-organismes aérobies
sont eux-mêmes appelés des « traitements aérobies ».

2.3 Respiration anaérobie 3. Compostage


et fermentations
D’autres substances minérales que l’oxygène ou des substances 3.1 Objectifs et principe
organiques peuvent être utilisées comme accepteurs finals d’élec-
trons. On parle respectivement de « respiration anaérobie » et de
« fermentations ». Le compostage est un traitement biologique de déchets orga-
niques permettant de poursuivre un ou plusieurs des objectifs
Exemple : l’ion hydrogénocarbonate HCO3− peut être réduit en suivants :
– stabilisation du déchet pour réduire les pollutions ou nuisan-
CH4, l’ion sulfate SO42− peut être réduit en H2S et l’acétate ces associées à son évolution biologique ;
CH3COO- peut être réduit en éthanol CH3CH2OH. – réduction de la masse du déchet ;
– production d’un compost valorisable comme amendement
Les micro-organismes compétents sont dits « anaérobies stricts » organique des sols.
s’ils sont incapables d’utiliser l’oxygène ou « anaérobies faculta-
tifs » s’ils peuvent utiliser l’oxygène lorsqu’il est présent. Notons La mise en œuvre du compostage comporte généralement deux
que, pour ces derniers, l’utilisation de l’oxygène est préférée (lors- étapes biologiques (figure 1), auxquelles s’ajoutent des prétraite-
qu’il est présent), car l’énergie récupérée est plus grande qu’avec ments et posttraitements éventuellement nécessaires (broyages,
les autres accepteurs à cause du potentiel élevé du couple O2/ mélange avec d’autres produits, tris, etc.).
2H2O. Par extension, les traitements biologiques, qui utilisent des
La première étape biologique, dite de « fermentation chaude »,
micro-organismes anaérobies, sont eux-mêmes appelés des « traite-
répond aux deux premiers objectifs de stabilisation du déchet et
ments anaérobies ».
de réduction de sa masse. Sa dénomination est en fait un abus de
langage puisque le terme « fermentation » désigne en toute rigueur
un processus microbiologique anaérobie comme indiqué au para-
2.4 Incidences pratiques graphe 2.3. Au cours de cette étape, la matière organique la plus
Des considérations thermodynamiques simples montrent que les
micro-organismes aérobies peuvent retirer, à partir d’un substrat
donné, beaucoup plus d’énergie pour leur croissance que les
micro-organismes anaérobies. Ainsi, si l’on considère comme
substrat modèle le glucose (sucre constitutif de nombreux glucides
de la biomasse), on peut écrire les réactions globales suivantes
pour le métabolisme aérobie (1) ou anaérobie (2) de cette molécule,
où DG′0 est la variation d’enthalpie libre standard à pH = 7 :

C6H12O6 + 6O2 → 6CO2 + 6H2O ( ΔG′0 = − 160 kJ/ mol) (1)

C6H12O6 → 3CH4 + 3CO2 ( ΔG ′0 = − 23 kJ/ mol) (2)

De ce fait, la croissance des micro-organismes aérobies est géné-


ralement plus rapide que celle des micro-organismes anaérobies,
et les traitements biologiques aérobies sont donc eux-mêmes plus
rapides que leurs concurrents anaérobies (il s’agit, bien évidem-
ment, d’une considération très générale qui peut ne pas toujours
être vérifiée en fonction des procédés mis en œuvre). D’autre part,
du fait des grandes quantités d’énergie libérées par les métabolis-
mes oxydatifs aérobies, l’activité microbienne aérobie est suscep- Figure 1 – Étapes biologiques du compostage, pouvant être
tible de céder de la chaleur au milieu traité qui peut ainsi s’échauf- précédées et suivies de traitements mécaniques et/ou physico-
fer comme c’est le cas lors du compostage. Il n’est donc pas chimiques divers

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENT BIOLOGIQUE DES DÉCHETS

facilement biodégradable du déchet est oxydée par des micro-orga- de température a éventuellement entraı̂né un certain assèchement
nismes aérobies qui consomment de l’oxygène et libèrent de la du déchet, les moisissures et les actinomycètes deviennent prépon-
chaleur. On assiste donc, si le déchet est suffisamment biodégra- dérants. Le développement de certains champignons peut éven-
dable et aéré et que les pertes thermiques sont réduites (§ 3.3.1.3), tuellement présenter des risques sanitaires, notamment pour les
à une élévation de la température qui peut atteindre 70  C, voire travailleurs directement exposés, lors de la production ou de la
davantage. Pour de nombreux déchets de biomasse, on enregistre manutention du compost, aux spores fongiques ou bactériennes
une dégradation d’environ 30 à 40 % de la masse qui s’accom- qui peuvent être véhiculées localement par envol de poussières
pagne d’une réduction d’environ 50 % du volume. La durée de lors de la manutention ou de l’aération du déchet ou du
cette première étape varie de quelques jours à quelques semaines compost [7] [8].
en fonction de la nature du déchet, des conditions opératoires
(aération, etc.) et de contraintes diverses (dimensionnement de
l’installation, objectifs fixés…). 3.3 Paramètres importants et mise Q
À l’issue de cette étape, le déchet est beaucoup moins bioévolutif en œuvre du compostage
qu’avant traitement puisque sa fraction la plus biodégradable a été
éliminée, et, en outre, les cellules indésirables (micro-organismes Les paramètres du compostage sont ceux pouvant influencer
pathogènes, graines végétales) ont pu être détruites par effet ther- l’activité microbienne [9]. On peut distinguer deux catégories de
mique si la température a dépassé 60  C pendant au moins 5 à paramètres, à savoir les paramètres de conduite du procédé et les
24 heures. On obtient donc un déchet relativement stabilisé pou- paramètres caractéristiques du déchet.
vant être stocké ou valorisé dans des conditions plus acceptables Les paramètres de conduite du procédé sont ceux qui, pour un
que le déchet de départ. Cependant, si l’objectif de production cas de figure donné (un déchet donné dans une configuration don-
d’un amendement organique (compost, voir § 3.5) est poursuivi, il née traité dans une installation donnée), permettent de contrôler ou
est nécessaire de modifier les caractéristiques de la matière orga- de suivre l’avancement du processus. Il s’agit essentiellement de
nique résiduelle pour lui conférer des propriétés proches de celles l’aération, de la température et de la teneur en eau. Ces trois para-
de la matière humique. C’est l’objectif de la seconde étape du trai- mètres sont interdépendants, c’est-à-dire qu’il n’est pas possible de
tement (figure 1). Celle-ci ne s’accompagne que d’une faible dégra- contrôler l’un d’entre eux sans affecter plus ou moins significative-
dation de matière et, de ce fait, les besoins en oxygène sont faibles ment au moins l’un des deux autres.
(moins de 0,1 m3 d’air par minute et par tonne de matière sèche) et Les paramètres caractéristiques du déchet à traiter ne peuvent,
l’échauffement limité. La température en cours de maturation est en revanche, pas être modifiés en cours de traitement et ne permet-
donc de l’ordre de 20 à 30  C. tent donc pas de piloter le procédé. Il s’agit notamment de la bio-
Selon l’origine et la nature du déchet, des pré- et posttraitements dégradabilité et de la granulométrie du déchet, de son pH et de son
peuvent être nécessaires. C’est le cas des opérations d’affinage rapport C/N/P (ratios des masses de carbone, azote et phosphore
pour la préparation du produit maturé en vue de sa commercialisa- dans le déchet).
tion. Ces traitements visent principalement à éliminer par tri densi-
métrique et/ou granulométrique les fractions grossières et les élé- 3.3.1 Paramètres de conduite et techniques
ments indésirables tels que les cailloux mais aussi les métaux, les de mise en œuvre
morceaux de verre et les matériaux plastiques.
3.3.1.1 Teneur en dioxygène
3.2 Aspects microbiologiques Le contrôle des paramètres de conduite est surtout important
pour l’étape de fermentation chaude du compostage. Cette étape
Le compostage se caractérise par la grande diversité des micro- reposant sur des réactions de biodégradation aérobie, la teneur en
organismes impliqués, constitués à la fois de bactéries (dont des oxygène est le premier paramètre à contrôler. Dans le cas de
actinomycètes) aérobies strictes et facultatives et de champignons déchets organiques solides ou boueux concernés par cet article, le
(notamment des moisissures). Dans l’immense majorité des cas processus de biodégradation consiste en la dégradation micro-
pour les déchets de biomasse, les micro-organismes nécessaires à bienne d’un matériau granulaire poreux. Les micro-organismes
la biodégradation sont déjà présents dans le déchet lui-même et il dégradent les grains de déchet à partir de leurs surfaces externes
n’est donc pas nécessaire d’envisager une inoculation par des sur lesquelles ils se fixent (figure 2). Ces surfaces sont recouvertes
micro-organismes exogènes. Cependant, pour accélérer le démar- d’une pellicule d’eau liée, plus ou moins épaisse et plus ou moins
rage de la biodégradation en réduisant le temps de latence éven- continue (en fonction de la teneur en eau du déchet), indispensable
tuellement nécessaire à l’adaptation des micro-organismes indigè- à l’activité microbienne. Les micro-organismes dégradant la
nes aux conditions opératoires du traitement, il peut être utile matière organique des grains solides du déchet utilisent l’oxygène
d’incorporer au déchet à traiter une certaine quantité (souvent 5 à
10 % de la masse entrante) de compost mûr ou de matière orga-
nique ayant déjà subi la première étape de fermentation chaude Grain de déchet
afin de doper le déchet en biomasse active.
Eau liée
Contrairement au cas de la digestion anaérobie, la connaissance
des aspects microbiologiques ou biochimiques du traitement ne
sont pas indispensables à une bonne maı̂trise du compostage. La CO2 + H2O
plupart des micro-organismes impliqués sont en effet robustes et
ne s’organisent pas en une chaı̂ne trophique relativement fragile Espace lacunaire parcouru
comme c’est le cas en anaérobiose (voir § 4.1). d’un flux gazeux
eux (aération)
(aération
Durant la première étape dite de « fermentation chaude », on
assiste à une modification progressive de la population micro- O2
bienne qui s’adapte à l’évolution des conditions de milieu. Ainsi,
l’évolution de la température conduit au développement d’une Cellule
population de micro-organismes thermophiles dominants si la tem- microbienne
pérature atteint puis dépasse 45  C. Au début du traitement, les
bactéries mésophiles puis thermophiles sont prédominantes pour Figure 2 – Représentation schématique des processus
la dégradation des composés facilement biodégradables du déchet. de biodégradation aérobie d’un déchet organique granulaire lors
Puis, lorsque ces composés ont été consommés et que l’élévation du compostage

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Méthanisation
de la biomasse
par Renaud ESCUDIE

Directeur de Recherches
Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement
Institut National de la Recherche Agronomique, Narbonne, France
et Romain CRESSON
Directeur d’INRA Transfert Environnement
Laboratoire de Biotechnologie de l’Environnement
Institut National de la Recherche Agronomique, Narbonne, France
Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article BIO 5 100 intitulé « Méthanisation de la bio-
masse » paru en 2008, rédigé par Réné Moletta.

1. Processus biologique de digestion anaérobie de la matière organique BIO 5 100v2 - 2


1.1 Hydrolyse et acidogenèse .......................................................................... — 2
1.2 Acétogenèse ................................................................................................ — 3
1.3 Méthanogenèse........................................................................................... — 3
1.4 La sulfato-réduction en condition méthanogène ..................................... — 4
1.5 La minéralisation de l’azote en condition méthanogène......................... — 4
2. Ressources et substrats ............................................................................. — 5
2.1 Typologie ..................................................................................................... — 5
2.2 Co-digestion ................................................................................................ — 7
2.3 Caractérisation des biomasses .................................................................. — 7
3. Procédés ...................................................................................................... — 9
3.1 Stratégies de démarrage et de montée en charge................................... — 9
3.2 Critères de performances des digesteurs ................................................. — 9
3.3 Suivi et optimisation................................................................................... — 10
3.4 Les technologies ......................................................................................... — 13
4. Valorisation du biogaz ............................................................................... — 15
4.1 Voies de valorisation .................................................................................. — 16
4.2 Purification du biogaz ................................................................................. — 16
5. Valorisation du digestat............................................................................. — 16
6. Exemples d’application — 17
6.1 Méthanisation d’ordures ménagères par technologie voie sèche :
unité AMÉTYST ........................................................................................... — 17
6.2 Méthanisation agricole : unité Clottes Biogaz .......................................... — 19
6.3 Méthanisation de boues biologiques : STEP de Limoges Métropole..... — 20
7. Conclusion ................................................................................................... — 20
8. Glossaire ...................................................................................................... — 21
9. Sigles, notations et symboles ................................................................... — 21
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. BIO 5 100v2
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQW

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés


BIO 5 100v2 – 1

RU
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MÉTHANISATION DE LA BIOMASSE ____________________________________________________________________________________________________

a méthanisation est aujourd’hui considérée comme le procédé de réfé-


L rence permettant la conversion des produits résiduaires organiques en
énergie renouvelable ou en biocarburant. Portées par un contexte réglemen-
taire et économique favorable, lié notamment à la prise en compte à l’échelle
des pays industrialisés, de l’épuisement des ressources fossiles et de la néces-
saire protection de l’environnement, les filières de traitement des produits
résiduaires organiques intégrant la méthanisation connaissent un essor impor-

Q tant. Outre la production d’énergie renouvelable, et selon la nature du produit


traité, la méthanisation permet également d’atteindre deux objectifs supplé-
mentaires : réduire la charge polluante des déchets ou des effluents
organiques, et produire un digestat stabilisé utilisable comme fertilisant ou
amendement organique en agriculture. La méthanisation constitue ainsi une
brique technologique essentielle au développement de la bioéconomie, en lien
étroit avec les territoires et leurs agrosystèmes.
Dans le contexte français de la méthanisation des produits résiduaires orga-
niques liés à l’activité humaine, l’objectif de cet article est tout d’abord de
dresser les bases fondamentales du processus de digestion anaérobie pour
permettre de proposer des guides d’optimisation des digesteurs. La valorisa-
tion des produits issus de la méthanisation (biogaz et digestat) est également
abordée.

1. Processus biologique d’espèces microbiennes en interaction est important. Le modèle


simplifié développé par Zeikus (1980) [23] pour décrire le proces-
de digestion anaérobie sus de méthanisation fait consensus ; il comprend quatre étapes,
réalisées par différents groupes microbiens (figure 1). Chaque
de la matière organique étape mène à la formation de composés intermédiaires, servant à
leur tour de substrats lors de l’étape suivante.

Lors du processus de digestion anaérobie, la conversion de


composés organiques complexes en méthane et en dioxyde de 1.1 Hydrolyse et acidogenèse
carbone est réalisée par l’action complémentaire de micro-orga-
nismes appartenant à une communauté microbienne complexe, Lors de l’hydrolyse, les macromolécules comme les polysaccha-
tant d’un point de vue taxonomique que fonctionnel. Plus les rides, les lipides, les protéines et les acides nucléiques sont cli-
substances chimiques à dégrader sont complexes, plus le nombre vées, généralement par des enzymes spécifiques extracellulaires,

Hydrolyse Acidogenèse Acétogenèse Méthanogenèse

H2
CO2
NH3
H2S

Matière Molécules Produits
organique organiques de fermentation
complexe solubles Alcools CH4
Acides gras volatils CO2
Carbohydrates Sucres
Protéines Acides aminés (propionate, butyrate,
Lipides Glycérols valérate…)

Acides gras à Acétate


longues chaînes
B-oxydation

Bactéries hydrolytiques Bactéries fermentaires Bactéries syntrophiques Archaea méthanogènes

Figure 1 – Représentation schématique de la digestion anaérobie de la matière organique (d’après [23] [8])

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jusqu’à l’obtention de monomères (oses simples, acides gras,


acides aminés et bases azotées) qui sont transportés à l’intérieur Tableau 1 – Équation et énergie libre
de la cellule où ils sont fermentés. Les bactéries participant à cette de la réaction de formation de l’acétate
étape ont un métabolisme de type anaérobie strict ou facultatif et à partir de l’hydrogène du dioxyde de carbone
forment un ensemble phylogénétique hétérogène regroupant de
nombreux groupes bactériens. Équation ΔG0 [kJ]
Au cours de l’acidogenèse, ces monomères sont métabolisés


par des micro-organismes fermentaires pour produire principale- – 104,6
ment des acides gras volatils (AGV) (acétate, propionate, butyrate,
isobutyrate, valérate et isovalérate), mais aussi des alcools, du ΔG0 sont calculées à partir des enthalpies libres de formation
sulfure d’hydrogène (H2S), du dioxyde de carbone (CO2) et de des composés données [22].
l’hydrogène (H2). Cette étape mène ainsi à des produits de fer-
mentation simplifiés. Les bactéries qui participent à cette étape
peuvent être anaérobies strictes ou facultatives avec un temps de Un premier groupe est formé des bactéries qui produisent de
duplication très court (de 30 minutes à quelques heures). Les bac- l’acétate, du butyrate et d’autres composés à partir de sucres
téries anaérobies strictes du genre Clostridium sp. constituent simples : les bactéries de ce groupe sont classées en plusieurs
souvent une fraction importante de la population anaérobie qui genres tels que Acetobacterium, Acetogenium, Clostridium, Spo-
participe à l’étape d’acidogenèse, bien que d’autres groupes bac- romusa, etc. Les bactéries « homo-acétogènes » constituent le
tériens comme la famille des Enterobacteriaceae ou encore les second groupe. Elles utilisent l’hydrogène et le dioxyde de car-
genres Bacteroides, Bacillus, Pelobacter, Acetobacterium et Ulyo- bone pour produire de l’acétate selon la réaction décrite dans le
bacter puissent être impliqués. La vitesse de cette étape est très tableau 1. Les bactéries de ce second groupe appartiennent
élevée par rapport aux étapes suivantes où les micro-organismes essentiellement au genre Clostridium. Elles ne semblent pas
ont un temps de duplication plus long. En conditions de surcharge entrer en compétition pour l’hydrogène avec les archées métha-
organique (apport massif de composés rapidement biodégra- nogènes hydrogénotrophes et sont présentes en quantité beau-
dables), le métabolisme plus rapide de ce groupe trophique peut coup plus faible dans les biotopes anaérobies. Elles ont pu
entraîner une accumulation d’intermédiaires en particulier
toutefois être identifiées comme partenaires hydrogénotrophes de
d’hydrogène et d’acétate. Ces métabolites ont une action inhibi-
syntrophes.
trice sur les micro-organismes acétogènes et méthanogènes et
peuvent être responsables de disfonctionnements, voire de l’arrêt
de la digestion anaérobie.
1.3 Méthanogenèse
Au cours de cette dernière étape, les produits de l’acétogenèse
1.2 Acétogenèse sont convertis en méthane par des micro-organismes anaérobies
stricts qui appartiennent au domaine des archées. Ils utilisent
L’étape d’acétogenèse permet la transformation des divers
composés issus de la phase précédente en précurseurs directs du essentiellement comme substrat l’acétate, le formate, le dioxyde
méthane : l’acétate, le dioxyde de carbone et l’hydrogène. On dis- de carbone et l’hydrogène pour produire du méthane. Leur temps
tingue deux groupes de bactéries acétogènes : les bacteries pro- de doublement compris entre 3,4 heures (Methanogenium ther-
ductrices obligées, d’hydrogène et les bacteries acétugènes non mophilicum) et 7 jours (Methanosaeta soehngenii) est globale-
syntrophes. ment plus court que celui des bactéries acidogènes. La production
de méthane dans un digesteur est classiquement décrite comme
étant réalisée par deux grandes catégories d’archées (ou Archaea)
1.2.1 Les bactéries productrices obligées méthanogènes.
d’hydrogène
Ce sont des bactéries anaérobies strictes, également appelées 1.3.1 Les méthanogènes hydrogénophiles (ou
OHPA (Obligate Hydrogen Producing Acetogens). Elles sont hydrogénotrophes)
capables de produire de l’acétate et de l’hydrogène à partir des
métabolites réduits issus de l’acidogenèse tels que le propionate Ces micro-organismes tirent leur énergie de la production de
et le butyrate. méthane par réduction du dioxyde de carbone ou de l’acide for-
mique par l’hydrogène selon les réactions présentées dans le
La thermodynamique des réactions catalysées par ces bactéries tableau 2.
acétogènes est défavorable (ΔG0 > 0) dans les conditions stan-
dards (concentration des réactifs égale à 1 M ; pression des gaz Comme nous l’avons précédemment mentionné, les archées
égale à 1 atm). Ces réactions biologiques ne deviennent possibles méthanogènes hydrogénophiles vivent en associations syntro-
qu’à des pressions partielles en hydrogène très faibles, de l’ordre phiques avec les bactéries fermentaires qui leur fournissent en
de 10-4 à 10-6 atm. L’accumulation d’hydrogène traduit un dys- continu le dioxyde de carbone et l’hydrogène. Elles jouent ainsi
fonctionnement et conduit inévitablement à l’arrêt de l’acétoge- un rôle important dans le maintien d’une faible pression en hydro-
nèse. Ceci implique la nécessité d’une élimination constante de gène, favorisant la croissance des bactéries acétogènes. Pour per-
l’hydrogène produit. Cette élimination peut être réalisée grâce à mettre la formation de méthane, la pression partielle en
l’association syntrophique de ces bactéries avec des micro-orga- hydrogène ne doit toutefois pas être inférieure à 10-6 atm. Comme
nismes hydrogénotrophes, idéalement les archées méthanogènes, le montre la figure 2, il existe donc une niche énergétique corres-
qui vont consommer l’hydrogène produit. pondant à une association de ces micro-organismes. Elle est déli-
mitée par les valeurs de l’énergie libre de plusieurs réactions en
fonction de la pression partielle en hydrogène.
1.2.2 Les bactéries acétogènes non syntrophes
Les genres les plus représentés sont Methanobacterium, Metha-
Le métabolisme de ces bactéries est majoritairement orienté nobrevibacter, Methanospirillum, Methanogenium, Methanocors-
vers la production d’acétate. Elles se développent dans les milieux pusculum. La réduction du dioxyde de carbone par l’hydrogène
riches en CO2, ce qui est très souvent le cas des niches anaéro- met en œuvre nombre d’intermédiaires, d’enzymes et de
bies. Elles sont pour la plupart autotrophes. On divise classique- coenzymes, en particulier le facteur F430 contenant un atome de
ment les bactéries acétogènes non syntrophes en deux groupes. nickel, le facteur F420 (fluorescent à 420 nm), le facteur III qui pos-

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dioxyde de carbone, l’hydrogène, le méthanol et les méthyla-


Tableau 2 – Équation et énergie libre des réactions mines pour former le méthane. Ces réactions de méthanogenèse
de formation de méthane à partir de l’hydrogène acétoclaste sont lentes et peu exothermiques ; elles génèrent
du dioxyde de carbone et du formate néanmoins plus de 70 % du méthane produit.

ppH2 [atm]
ΔG0 à partir 1.4 La sulfato-réduction en condition
Équations
méthanogène

[kJ] de laquelle
ΔG* < 0
En conditions anaérobies, la principale voie de conversion des
– 135,60 > 10–6 composés soufrés contenus dans les substrats méthanisés, sous
formes organiques ou minérales, est la sulfato-réduction. Les bac-
– 134,06 > 10–6 téries sulfato-réductrices (BSR), dégradeurs terminaux de la
matière organique comme les méthanogènes, utilisent comme
Les valeurs de ΔG0 sont calculées à partir des enthalpies libres accepteur terminal d’électrons le sulfate , le sulfite et le
de formation des composés [22]. ΔG* est calculée en modifiant thiosulfate , qu’elles réduisent en sulfure. Majoritaire à pH
seulement la pression partielle en H2 par rapport à ΔG0. alcalin, l’ion sulfure S2– se combine, lorsque le pH augmente, aux
ions H+, pour former l’ion sulfhydryle HS– et le sulfure d’hydro-
gène H2S, espèces largement prédominantes dans les milieux de
fermentation anaérobies. En présence d’une concentration non
limitante en sulfate, les bactéries sulfato-réductrices (BSR) entrent
∆G0 à pH 7, 25 °C [KJ/réaction] en compétition avec les archées méthanogènes et les bactéries
60 40 20 0 –20 –40 –60 –80 –100 –120
acétogènes pour leurs substrats communs : hydrogène, dioxyde
100 de carbone et acétate d’une part, et propionate, butyrate, ou étha-
nol d’autre part. L’avantage compétitif est en faveur des BSR qui
1 2
Pression partielle en H2 [atm]

présentent des taux de croissance plus élevés et une meilleure


10–2 3 4
affinité pour ces substrats. En présence de sulfate, le flux de car-
bone et d’énergie est donc dévié vers la sulfato-réduction aux
10–4 dépens de la méthanogenèse et de l’acétogenèse. Les sulfures
sont à l’origine d’importants problèmes de corrosion dans les
digesteurs, résultant de leur conversion en acide sulfurique. Ils
10–6
ont un effet négatif sur les organismes méthanogènes, soit par
inhibition directe (perméabilisation de la membrane cellulaire et
10–8 dénaturation des protéines), soit par précipitation des métaux
Niche méthanogène 5
essentiels à leur croissance. Des inhibitions modérées à com-
10–10 plètes sont observées pour des concentrations en sulfures variant
de 50 mg.l–1 à 1 000 mg.l–1.

Figure 2 – Évolution de l’énergie libre de Gibbs (ΔG0) des réactions


de conversion de l’éthanol, du propionate, du butyrate en acétate et
de la production de méthane à partir de H2/CO2 en fonction de la 1.5 La minéralisation de l’azote
pression partielle en hydrogène (d’après [12], adapté de [14]) en condition méthanogène
L’azote ammoniacal est indispensable aux métabolismes micro-
sède un noyau corrinique au centre duquel se trouve un atome de biens et stimule l’activité méthanogène. Les besoins métaboliques
cobalt, et le coenzyme M spécifique de la méthanogenèse. en azote des micro-organismes anaérobies sont relativement
modérés (0,5 à 1 kg d’azote pour 60 m3 de méthane produit). La
1.3.2 Les méthanogènes acétoclastes majeure partie de l’azote organique présent dans les substrats
(ou acétotrophes) méthanisés (principalement sous forme protéique) est convertie
par les processus de désamination ou d’ammonification en un
Les deux genres les plus fréquemment rencontrés dans un mélange d’ammoniac libre NH3 et d’ions ammoniums , dont
digesteur sont Methanosarcina et Methanosæta (ou Methano- l’équilibre est fonction du pH et de la température (figure 3). Un
thrix). Les archées du genre Methanosœta utilisent l’acétate pH acide et une température basse ont tendance à déplacer cet
comme unique source de carbone pour produire le méthane selon équilibre vers la formation d’ions ammonium tandis qu’un pH
la réaction décrite dans le tableau 3. basique et une température élevée favorisent la formation
d’ammoniac libre (figure 3), qui est pour la majorité des auteurs,
Les archées du genre Methanosarcina présentent un plus large
la forme la plus toxique pour la flore méthanogène.
spectre de substrats : elles peuvent utiliser en plus de l’acétate, le
L’étude d’archées méthanogènes en cultures pures met en évi-
dence des seuils d’inhibition de 50 % de la méthanogenèse pour
des concentrations en ammonium variant 4,2 gN.l–1 à 19,8 gN.l–1
Tableau 3 – Équation et énergie libre en fonction des espèces alors que des inhibitions peuvent surve-
de la réaction de méthanogenèse acétoclaste nir à partir de concentrations en ammoniac libre égale à 100 mg.l–1.
L’acclimatation joue également un rôle fondamental dans la tolé-
Équation ΔG0 [kJ] rance de l’écosystème aux fortes concentrations en ammoniaque.
La digestion anaérobie de certains substrats riches en azote (lisier,
– 35,83 ordures ménagères…) a lieu en présence de fortes concentrations
en azote ammoniacal, parfois supérieures à 5 gN.l–1. Des concen-
0
Les valeurs de ΔG sont calculées à partir des enthalpies de trations trop élevées ou une augmentation brutale de la concen-
formation des composés [22]. tration en azote ammoniacal peuvent entraîner d’importantes
inhibitions de la méthanisation. À l’échelle industrielle, l’ammo-

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– les co-produits ou les sous-produits issus de la transformation


de matières animales et végétales par les industries agroalimen-
100 taires ;
– les résidus solides produits lors de l’assainissement collectif ou
N-NH3 [% ammoniac en solution]

90
non collectif comme les boues de station d’épuration des eaux
80 usées (STEP), les graisses ou les matières de vidange.
70 L’estimation du gisement de biomasse mobilisable sur le terri-


60 toire français et utilisable en méthanisation a fait l’objet d’une
étude récente de l’ADEME [2]. En n’intégrant uniquement que les
50
déchets cités ci-dessus, ce potentiel a été évalué à 130 Mt/an de
40 55 °C matières brutes à l’horizon 2030, pour une production de 56 TWh.
35 °C La disponibilité de ces ressources est fortement touchée par le
30 20 °C
contexte règlementaire et technique régissant la gestion des
20 déchets fermentescibles. De plus, l’évolution de la règlementation,
10 du comportement des acteurs (professionnels et citoyens) pour
réduire la production de déchets et s’impliquer dans leur tri, et le
0
développement d’autres alternatives de valorisation peuvent
6,0 6,5 7,0 7,5 8,0 8,5 9,0 9,5 10,0 10,5 11,0 engendrer des modifications des flux et de la composition du
pH gisement mobilisable pour la méthanisation.

Figure 3 – Pourcentage d’ammoniac libre en solution en fonction du


pH à 20 °C, 35 °C et 55 °C (d’après [21]) 2.1 Typologie

2.1.1 Familles de matières organiques utilisables


niac est un des principaux facteurs de perturbation des installa- en méthanisation
tions de méthanisation traitant des substrats à fort contenu azoté.
Une inhibition de la méthanogenèse par l’ammoniac peut causer Les différentes ressources constituées par les déchets de l’acti-
une accumulation d’AGV et donc une chute du pH qui, si elle n’est vité humaine peuvent être classées en 3 catégories : les déchets
pas corrigée, peut aboutir à une faillite totale du digesteur. Dans des ménages et des gros producteurs, les ressources des activités
certains cas, la baisse de pH due à l’accumulation d’AGV peut agricoles, les ressources de l’assainissement.
entraîner une diminution de la concentration en NH3 en faveur du
, et donc une diminution de l’inhibition. L’interaction entre 2.1.1.1 Les déchets des ménages et des gros producteurs
l’ammoniaque, le pH et les AGV peut donc conduire à un « état
La composition des ordures ménagères (OM) collectées mais
d’équilibre inhibé », pour lequel le procédé fonctionne dans des également la quantité générée par habitant dépend du pays, des
conditions stables, mais avec un rendement en méthane amoin- saisons et de l’organisation de la collecte et du tri dans le terri-
dri. Des procédés de stripping de l’azote ammoniacal peuvent être toire considéré. Sur certains territoires, une collecte sélective est
mis en œuvre sur les substrats riches en azote, en amont de la mise en place auprès des particuliers mais également auprès des
méthanisation ou sur la fraction liquide du digestat avant réintro- gros producteurs (marchés, petits commerces, distribution de
duction dans le méthaniseur, afin de réguler la concentration en détail et de gros, restauration collective et commerciale) afin de
azote ammoniacal dans le milieu réactionnel. recueillir des biodéchets (matières organiques) présentant des
caractéristiques plus adéquates en vue d’une valorisation biolo-
gique (compostage ou méthanisation). En 2007, à partir d’une
étude spécifique sur 100 communes représentatives du niveau
2. Ressources et substrats national, le gisement d’ordures ménagères résiduelles a été
estimé à 316 kg/habitant/an. Ces déchets sont constitués des
ordures ménagères résiduelles et des déchets issus des collectes
Les substrats organiques utilisables dans les filières de métha- sélectives des matériaux secs, produits par les ménages et les
nisation peuvent être d’origines diverses. Ils peuvent être classés activités économiques et collectés par le service public d’élimina-
en deux grandes familles. La première ressource mobilisable est tion des déchets. Une analyse de type MODECOMTM (méthode de
constituée par les déchets issus de l’activité humaine au sens caractérisation des ordures ménagères) a permis d’identifier les
large qui peuvent être définis par de « la matière meuble que son grandes catégories qui la composent (tableau 4). Parmi ces caté-
producteur destine à l’abandon ». La seconde famille est consti- gories, les déchets organiques (matières putrescibles et papiers-
tuée par des productions dédiées à la valorisation énergétique cartons) potentiellement utilisables en méthanisation corres-
telles que des productions végétales ou microalgales. pondent à 46,4 % des ordures ménagères résiduelles, soit environ
Sur un territoire, la production des déchets peut provenir de dif- 150 kg/habitant/an. Cependant, l’utilisation de cette ressource
dans une unité de méthanisation industrielle nécessite la mise en
férents secteurs :
place de prétraitements ciblés (broyage, criblage…) afin d’extraire
– les déchets liés aux activités domestiques comme les ordures les fractions fermentescibles des fractions indésirables.
ménagères résiduelles ;
En 2013, le gisement des biodéchets, hors huiles alimentaires
– les biodéchets issus d’une collecte sélective auprès des parti- usagées, était estimé à 22,1 Mt/an sur le territoire français [2].
culiers ou produits par les gros producteurs liés à la distribution Même si les biodéchets produits par les ménages représentent la
des denrées alimentaires (marché forains, marchés de gros, détail- plus grande proportion, 21 % (soit 47 Mt/an) proviennent des bio-
lants…) et à la restauration (restauration commerciale et collec- déchets des gros producteurs. Parmi ces derniers, environ 1,5 Mt/an
tive) ; sont liés aux activités productrices de déchets alimentaires. Le
– les déchets verts recueillis principalement dans des centres de tableau 5 présente la répartition des gisements de cette catégorie
tri sélectif ; en fonction des secteurs d’activités concernés. L’obligation de tri à
– les déchets produits par les activités agricoles comme les rési- la source et de valorisation organique des biodéchets des « gros
dus de culture et les déchets organiques issus des déjections de producteurs » a été instaurée par l’article 204 de la loi du 12 juillet
l’élevage (lisiers, fumiers) ; 2010, dite loi Grenelle 2. Ainsi, depuis 2016, les gros producteurs

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Gazéification de biomasse en eau


supercritique
par Olivier BOUTIN

Ingénieur École nationale supérieure des Industries chimiques,
Docteur en Génie des procédés
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Jean-Christophe RUIZ
Ingénieur-chercheur au Commissariat à l’Énergie Atomique
et aux Énergies Alternatives (CEA Marcoule)
Responsable du projet Eau supercritique au sein du laboratoire
des Procédés supercritiques et de Décontamination.

1. Procédés de valorisation thermochimique de la biomasse......... J 7 010 - 2


2. L’eau supercritique ................................................................................. — 2
2.1 Propriétés de l’eau supercritique.............................................................. — 2
2.2 Solubilité des liquides, des sels et des gaz dans l’eau supercritique ..... — 4
2.3 Contraintes imposées par les procédés en eau supercritique ................ — 5
3. Généralités sur la gazéification en eau supercritique .................. — 5
3.1 Les différentes biomasses concernées ..................................................... — 5
3.2 Principe de la gazéification en eau supercritique..................................... — 6
3.3 Premières réactions de décomposition..................................................... — 6
3.4 Réactions entre les gaz formés .................................................................. — 7
3.5 Influence des paramètres opératoires....................................................... — 7
3.6 Influence des catalyseurs ........................................................................... — 8
4. Technologies de gazéification en eau supercritique .................... — 8
4.1 Matériaux et problèmes de corrosion ....................................................... — 8
4.2 Spécificités des conditions de pression et de température..................... — 9
4.3 Exemples de réacteurs développés........................................................... — 10
4.4 Exemples d’applications............................................................................. — 12
5. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 7 010

a valorisation de la biomasse est au cœur des interrogations sur les res-


L sources énergétiques au cours du XXIe siècle. Elle en est un des enjeux
majeurs. Le terme biomasse regroupe des significations très diverses, depuis
une biomasse noble destinée à l’alimentation, comme les céréales, jusqu’à des
biomasses assimilables à des déchets comme les vinasses issues de la fabrica-
tion de betterave ou les boues biologiques de station d’épuration. Dans le cas
des biomasses humides un procédé de valorisation d’intérêt est la gazéifica-
tion en eau supercritique. Ce procédé permet d’éviter une étape de séchage et,
moyennant des conditions de pression et de température adéquates, la pro-
duction d’un gaz énergétique pouvant contenir de l’hydrogène, du méthane,
du monoxyde de carbone et/ou des hydrocarbures légers. L’intérêt suscité par
ce procédé est donc à situer dans la problématique globale de l’accès à une
énergie d’origine non fossile ainsi que dans la problématique des gaz à effet
de serre, l’utilisation de biomasse s’insérant dans un cycle court du carbone.
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQS

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. J 7 010 – 1

SQ
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GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE ____________________________________________________________________________________

La gazéification en eau supercritique s’adresse plus particulièrement à des bio-


masses très humides (plus de 70 % d’humidité) qu’il n’est donc pas nécessaire
de sécher au préalable. Les températures de réaction sont relativement basses
(maximum de 700 °C), comparées aux procédés de gazéification en voie clas-
sique ou sèche (typiquement 900 °C). Cela limite la production de gaz
polluants, type dioxines ou NOx. De même, le milieu aqueux de solvatation
permet de limiter la formation de solides et de goudrons. Les gaz visés sont

Q l’hydrogène principalement, mais également un mélange hydrogène et


monoxyde de carbone (mélange pour la synthèse Fisher Tropsch), ou la pro-
duction de méthane. L’influence des conditions opératoires principales sur la
nature et les rendements de conversion sera détaillée dans cet article (pression,
température, concentration initiale de la biomasse, présence ou non de cataly-
seurs). Le développement industriel de ce procédé n’étant pas réalisé à ce jour,
les pilotes de laboratoire les plus importants (jusqu’à 100 kg.h-1) seront
présentés.

1. Procédés de valorisation d’épuration. Dans ce dernier cas, la teneur en eau est supérieure à
90 %, voire 95 % en masse. Ainsi, dans le cadre du procédé de
thermochimique gazéification en eau supercritique, tous les types de biomasse peu-
vent être traités en théorie, il suffit de rajouter de l’eau pour obtenir
de la biomasse des concentrations en matière organique qui permettent le traite-
ment. En opposition, la gazéification classique peut nécessiter un
séchage qui a un cout énergétique important. Il serait cependant
La valorisation thermochimique de la biomasse consiste à porter hasardeux de donner une teneur en eau limite pour ségréger les
à de hautes températures une biomasse dans une atmosphère non différents procédés, même si des teneurs de 70 à 80 % sont souvent
oxydante (ou en sous stœchiométrie dans le cas d’une oxydation proposées dans la littérature. C’est en général une étude technico-
partielle). Schématiquement, trois types de procédé de valorisation économique de chaque procédé, voire plutôt de chaque filière plus
thermochimique de la biomasse sont développés à des pressions globalement, qui permet de déterminer la voie de valorisation la
proches de l’ambiante. Pour un chauffage lent, une pyrolyse lente plus intéressante. En termes d’objectifs, très souvent, la gazéifica-
est obtenue, qui conduit principalement à la formation de charbon. tion en eau supercritique vise la production d’hydrogène. Mais il est
Pour des vitesses de chauffage plus rapides, une pyrolyse rapide également possible de produire des mélanges de monoxyde de car-
est effectuée, qui conduit principalement à la formation d’une bone et d’hydrogène, ou du méthane. Cela dépend des conditions
biohuile [G1455] [BE8535]. Notons que dans tous les cas, trois pha- de pression, de température, et de la durée du traitement.
ses sont obtenues (solide, liquide et gaz), les phases solide et
liquide étant minoritaires. La pyrolyse est faite en atmosphère Cet article présente le procédé de gazéification en eau supercriti-
inerte, azote par exemple. Pour des températures plus élevées, au- que, à savoir les points clés nécessaires à la compréhension du
delà de 1 000 °C parfois, la dégradation se poursuit jusqu’à l’obten- fonctionnement de ce procédé, les différentes réactions mises en
tion de gaz. Ce procédé est une gazéification, qui peut se faire en jeu, des exemples de biomasses dont la potentialité a été testée et
présence d’un gaz oxydant doux comme le dioxyde de carbone ou les différents réacteurs en cours de développement.
la vapeur d’eau [BE8565] [BE8535] [RE110] [J5200] ou par oxyda-
tion partielle à l’oxygène [G1455].
Il est également possible de transposer ces procédés en milieux
aqueux hautes pressions, pour des températures en général infé- 2. L’eau supercritique
rieures aux procédés classiques. La limite qui est faite dans ces
procédés correspond à la température critique de l’eau pure qui
est de 374 °C. Ainsi, pour des températures inférieures à 350 °C et 2.1 Propriétés de l’eau supercritique
des pressions allant jusqu’à 20 MPa, dans de l’eau sans oxydant,
on s’intéresse à un procédé dit de liquéfaction de biomasse, qui Dans le diagramme (pression, température) d’un corps pur, la
produit principalement une biohuile et peu de solides et de gaz ligne de coexistence des phases gaz et liquide se termine par le
(principalement du CO2). Pour des températures supérieures à point critique du corps considéré. Pour des valeurs supérieures à
400 °C et des pressions de 30 à 40 MPa, on parle de procédés de cette pression et à cette température critiques, une seule phase
gazéification en eau supercritique. existe, appelée phase supercritique, pour laquelle il n’y a pas de dis-
Dans le cas de l’utilisation de l’eau supercritique, la biomasse continuité lors du passage à l’état liquide ou gazeux par variation de
cible est plutôt une biomasse humide, à distinguer de la biomasse pression ou de température. De façon générale, les fluides supercri-
sèche. Il est cependant important de nuancer la signification de ces tiques ont des propriétés particulières, communes et d’intérêt,
termes. On entend en général par biomasse sèche les divers comme une masse volumique assez élevée, parfois proche de celle
déchets et résidus de la transformation du bois, la paille, le des liquides, une faible viscosité proche des gaz et de bons coeffi-
papier… Il est couramment admis qu’une biomasse est dite sèche cients de transfert. Cela leur confère de bonnes propriétés de sol-
si elle comprend moins de 20 % en masse d’humidité. La biomasse vant et justifie l’intérêt pour la mise en œuvre de réactions
humide est définie comme une biomasse comportant au moins chimiques ou de diverses opérations unitaires. Les deux composés
50 % d’humidité, par exemple certains déchets verts, agricoles, rési- les plus utilisés dans leur domaine supercritique sont le CO2 (extrac-
dus de l’industrie agroalimentaire… Une dernière catégorie impor- tion, fractionnement, imprégnation, cristallisation…) [CHV4010] et
tante à rajouter pour cette application sont des biomasses dites l’eau (oxydation hydrothermale de déchets, synthèse matériaux…)
liquides, de type liqueurs noires de papeteries ou boues de station [J4950]. Les premières utilisations de l’eau supercritique sont décri-

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____________________________________________________________________________________ GAZÉIFICATION DE BIOMASSE EN EAU SUPERCRITIQUE

tes, par exemple, après la Seconde Guerre mondiale, dans des turbi-
nes pour des conditions de température et de pression de 550 °C et
25 MPa. Dans cet article, nous nous intéressons aux propriétés par-

Constante diélectrique
ticulières de l’eau supercritique en tant que solvant particulier d’une 30
réaction de gazéification de biomasse.
Dans les conditions ambiantes, l’eau est une molécule polaire 25
(moment dipolaire de 1,85 D), chaque liaison O-H formant un dipôle.


La dissymétrie de la molécule conduit à une polarisation négative
des atomes d’oxygène et positive des atomes d’hydrogène. Ainsi, 20
les molécules forment entre elles des liaisons hydrogène qui font la
particularité de l’eau dans les conditions ambiantes. Elles condui- 15
sent en particulier à une très bonne solvatation des ions. Le passage
du point critique de l’eau (TC = 374 °C et PC = 22,1 MPa) change
10 22,1 MPa
drastiquement la configuration des molécules d’eau. Les liaisons 30 MPa
hydrogène diminuent de façon très importante avec la température, 40 MPa
l’eau restant confinée par augmentation de pression (ce phénomène 5
a été observé par spectroscopie Raman sur de l’eau deutérée). Cela
se traduit en particulier par une chute de la constante diélectrique de
l’eau, qui passe de 80 environ dans les conditions ambiantes à des 0
valeurs proches de l’unité dans les conditions supercritiques. Ces 250 300 350 400 450 500 550 600 650 700
évolutions sont représentées sur la figure 1, qui montre également Température (°C)
que la valeur de la constante diélectrique est à peu près invariante,
quelle que soit la pression, pour des températures supérieures à
500 °C. Ainsi, la diminution du nombre et de l’intensité des liaisons Figure 1 – Variations de la constante diélectrique de l’eau en fonc-
tion de la température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
hydrogène fait de l’eau supercritique un solvant très peu polaire.
Cela implique également une diminution très importante de la solu-
bilité des sels, ce qui a des conséquences en terme de conduite des
procédés. Ces variations s’observent également sur le produit ioni-
que de l’eau Ke, retranscrites sur la figure 2 par l’intermédiaire du
Produit ionique pKe

pKe. Le produit ionique de l’eau est la constante liée à la dissociation


de l’eau, représentée par l’équation (1). 22 22,1 MPa

(1) 20
La figure 2 montre que le pKe augmente de façon très significative 30 MPa
au passage du point critique, indiquant une diminution de la concen- 18
tration en ions H3O+ et OH–. Au contraire de la constante diélectri-
que, la figure 2 indique également que la valeur de ce produit 40 MPa
16
dépend de façon significative des valeurs de la pression et de la
valeur de la température. Il est également intéressant de noter que
cette constante augmente, de façon identique quelle que soit la pres- 14
sion, pour des températures inférieures au point critique, avec un
maximum aux environs de 250 °C. Dans ces conditions, les concen-
12
trations en ions H3O+ et OH– sont plus importantes que dans les
conditions ambiantes. D’un point de vue procédé, une accélération
des phénomènes de corrosion au passage de ce point peut être ren- 10
contrée lors du chauffage en amont du réacteur ou lors du refroidis- 150 250 350 450 550 650
sement en aval du réacteur. Le phénomène est particulièrement Température (°C)
marqué en aval du réacteur, car l’effluent peut alors contenir par
exemple des acides à chaîne courte qui vont eux aussi contribuer Figure 2 – Variations du produit ionique de l’eau en fonction de la
aux phénomènes de corrosion. Au niveau moléculaire, le passage température pour des pressions entre 22,1 et 40 MPa
du point critique a également une influence très significative sur la
masse volumique. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
figure 3. Une diminution de la masse volumique jusqu’à des valeurs
comprises entre 50 et 150 kg.m–3 dans les gammes de pression et de Le dernier facteur concernant les propriétés d’écoulement est la
température représentées peut être observée sur la figure 3. Notons
viscosité. Les variations de celle-ci sont représentées sur la
que cette valeur dépend assez peu de la température et un peu de la
figure 5. On observe une diminution importante de sa valeur,
pression. Même si la diminution est importante, les valeurs restent
jusqu’à 3.10–5 Pa.s–1 pour une température de 550 °C, quelle que
dans l’ordre de grandeur de la masse volumique d’un liquide et plus
soit la pression, celle-ci ayant une influence assez faible, excepté
importante que celles d’un gaz. Pour toutes ces raisons on appelle
autour de la température critique. Par contre, la valeur de la visco-
souvent l’eau supercritique un « gaz dense non polaire ».
sité augmente avec la température au delà de point critique. Les
On définit la compressibilité isotherme d’un corps pur selon viscosités dans le domaine supercritique sont ainsi de l’ordre de
l’équation (2). Ce coefficient permet de connaître la variation rela- celles des gaz (par exemple 1,85.10–5 Pa.s–1 pour l’air à 20 °C et
tive de volume sous l’effet d’une variation de pression, à tempéra- pression atmosphérique). Cette faible viscosité, combinée par
ture constante. exemple avec un bon pouvoir solvant, confère aux fluides super-
critiques en général et à l’eau en particulier de bonnes propriétés
de transport des espèces. Cela se traduit également par des
(2)
valeurs sigificatives de diffusivité, par exemple 6.10–8 m2.s–1 pour
l’eau à 30 MPa et 450 °C, contre 10–9 m2.s–1 pour l’eau à 0,1 MPa et
Les variations de ce terme sont indiquées sur la figure 4. 20 °C.

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SS

ST
Gestion durable des déchets et des polluants
(Réf. Internet 42495)

1– Déchets solides R
2– Eluents liquides et gazeux Réf. Internet page

Bioréacteurs à membranes (BAM) et traitement des eaux usées W4140 37

Procédés d'oxydation en voie humide CHV6030 41

Traitements physico-chimiques des déchets industriels liquides G2070 45

Traitement anaérobie des eluents industriels liquides J3943 51

Oxydation hydrothermale de déchets organiques liquides CHV6010 57

Traitement des eaux par du chitosane : intérêts et méthodes RE126 61

La photocatalyse : dépollution de l'eau ou de l'air et matériaux autonettoyants J1270 65

Photocatalyse : des matériaux nanostructurés aux réacteurs photocatalytiques NM3600 69

Puriication de biogaz. Élimination des COV et des siloxanes BE8560 73

Procédés de dépollution des émissions gazeuses industrielles J3921 79

Procédés durables pour la décontamination d'agents chimiques de guerre J3950 83

3– Valorisation du CO2

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Bioréacteurs à membranes (BAM)


et traitement des eaux usées
par Alain GRASMICK
École polytechnique universitaire de Montpellier, Université Montpellier II
Corinne CABASSUD
Institut national des Sciences appliquées deToulouse (INSA) R
Mathieu SPÉRANDIO
Institut national des Sciences appliquées deToulouse (INSA)
et Christelle WISNIEWSKI
École polytechnique universitaire de Montpellier, Université Montpellier II

1. Contexte ..................................................................................................... W 4 140 - 2


2. Spécificité du bioréacteur à membranes –
Présentation générale............................................................................. — 2
3. Paramètres de dimensionnement et de contrôle............................ — 3
3.1 Étape de séparation sur membranes poreuses en BAM.......................... — 3
3.2 Système biologique..................................................................................... — 8
4. Exemple simplifié de dimensionnement d’un BAM
pour le traitement d’un effluent urbain............................................. — 10
4.1 Calcul du volume des réacteurs biologiques
et de la production de boues ...................................................................... — 10
4.2 Calcul des besoins en oxygène de la biomasse
dans les quatre réacteurs............................................................................ — 11
4.3 Calcul de l’unité de séparation membranaire ........................................... — 11
4.4 Comparaison des procédés ........................................................................ — 12
5. Conclusion ................................................................................................. — 12
6. Exemples industriels ............................................................................... — 13
6.1 Exemple de BAM en traitement d’effluents industriels............................ — 13
6.2 Exemple de BAM en traitement d’effluents urbains................................. — 14
Bibliographie ...................................................................................................... — 15

e traitement des eaux résiduaires urbaines (ERU) ou industrielles (ERI) est


L régi, soit par une réglementation basée sur la plus ou moins grande fragi-
lité du milieu récepteur en cas de rejet direct, soit par une q ualité d’usage
requise en cas de volonté de réutilisation des eaux traitées.
Pour les rejets en milieu naturel des effluents domestiques, il a ainsi été
défini des zones dites « normales » pour lesquelles le traitement est principa-
lement axé sur l’élimination des fractions particulaires et des pollutions carbo-
nées et des zones dites « sensibles », où une élimination complémentaire des
fractions azotées et phosphatées est nécessaire.
Pour les effluents domestiques, les procédés dits « conventionnels », qu’ils
soient intensifs (boues activées ou lits bactériens, biofiltres par exemple),
extensifs (lagunage, système d’infiltration notamment) ou combinés, peuvent
répondre aux exigences de rejet en présentant chacun des performances plus
ou moins fiables du fait de leur sensibilité à des variations brutales de flux à
traiter (cas des systèmes à cultures libres), de l’état de floculation des popu-
lations épuratives (cas des boues activées) ou de défauts de maîtrise de la
répartition de la biomasse et des écoulements au sein de garnissages poreux
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPPW

(systèmes à cultures fixées dans des lits à ruissellement, voire biofiltres).

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BIORÉACTEURS À MEMBRANES ET TRAITEMENT DES EAUX USÉES (BAM) ________________________________________________________________________

Pour les effluents industriels, une réglementation précise également les


conditions de rejet en milieu naturel, voire en réseau urbain, mais on observe
un intérêt croissant pour des systèmes permettant une réutilisation partielle ou
totale des eaux traitées.
Le présent article a pour objet de présenter les bioréacteurs à membranes uti-
lisés en traitement des eaux usées, de mettre en avant l’originalité de ce pro-
cédé multifonctionnel, en terme de qualité et de fiabilité du traitement, et de
donner quelques outils pour la maîtrise des processus physiques et biologi-
ques spécifiques au procédé.
Le bioréacteur à membranes étant l’association d’un réacteur biologique et


d’une séparation physique par des membranes poreuses, le document intègre
la présentation générale du système, les caractéristiques propres à chaque
étape unitaire et à leur couplage, des exemples de dimensionnement et d’appli-
cations, ainsi que des perspectives de développement.

1. Contexte La fiabilité de cette étape est donc déterminante pour la qualité de


l’eau traitée mais aussi pour la maîtrise des processus biologiques
en empêchant tout « lessivage » du réacteur biologique (diminution
Cette réutilisation des eaux traitées devient en effet particulière- progressive de la concentration en biomasse et donc de l’activité
ment intéressante pour les raisons suivantes : dans le réacteur due à une vitesse de croissance des espèces épura-
— permet de préserver les milieux naturels en minimisant les tives inférieure au flux spécifique d’extraction du bioréacteur).
prélèvements en eau (quel qu’en soit l’usage) et les rejets ;
— peut se justifier économiquement par rapport au traitement Il est ainsi primordial de maîtriser la bonne décantabilité des
d’une eau de surface, ou souterraine, de qualité dégradée qui boues ce qui, malheureusement, peut échapper ponctuellement
oblige à faire appel à des systèmes de traitement de plus en plus aux opérateurs du fait de variabilité de la composition de
complexes. l’intrant, ou de l’apparition de conditions de réaction non opti-
Ce type de décision doit toujours être réalisé dans l’objectif de males (introduction accidentelle de toxiques, faible tempéra-
fournir une eau présentant continûment une qualité spécifique liée ture, teneur en oxygène insuffisante, écart de pH, concentration
à l’usage attendu (eau de production, eau de lavage, eau de refroi- en biomasse excessive...) entraînant une défloculation ou bien
dissement, eau d’irrigation...). l’apparition de flocs à faible décantabilité de type bulking fila-
Les procédés conventionnels peuvent alors s’avérer non adaptés, menteux, par exemple.
notamment par leur manque de fiabilité dans la qualité des eaux Il n’est donc pas rare d’observer sur de tels systèmes des dys-
traitées et le risque encouru de contamination microbiologique, fonctionnements préjudiciables pour l’environnement ou pour
sauf à utiliser des étapes supplémentaires de traitement tertiaire un objectif de réutilisation.
incluant une désinfection.
Vis-à-vis de ces systèmes conventionnels, le c h al
lenged ud év e- ■Pour pallierla fr é de l’ét
agilit ape de décant ation, l’étape de sépa-
lop pe m entd esbi oré act eur sà membrane en traitement des eaux ration doit être composée d’une barrière infranchissable par les
usées est alors double : espèces épuratives, quel que soit leur état de floculation, voire par
des fines particules non retenues habituellement par décantation.
— assurer une cl arification ex trême etfiable desefflu ents, quelle
que soit leur qualité initiale. L’enjeu essentiel est la décontamination Le choix de cette barrière s’est porté sur une opération de tami-
microbiologique (arrêt des bactéries, algues, parasites divers, voire sage très fin obtenu par la mis e en place de membr anespor euses
virus) permettant d’envisager une réutilisation partielle ou totale dont la sélectivité est imposée par le seuil de coupure choisi (micro
des eaux traitées ; ceci est rendu possible par la mise en œuvre ou ultra-filtration) [22] [23] [24].
d’une filtration sélective associée aux processus biologiques ; Cette association d’un système biologique et de l’étape de sépa-
— garantir un t raitementdeseau xdans des conditions intensi- ration sur membranes poreuses a donné naissance au procédé
ves en minimisant la taille de l’installation ou la masse de co-pro- appelé « bior éacteu rà membr anes» (BAM). La sélectivité remar-
duits générés (boues en excès notamment), tout en facilitant une quable de la barrière filtrante a alors pour conséquences :
conduite totalement automatisable.
— une grande qualité de l’eau filtrée en terme de particules
(absence totale de MES (matières en suspension) et de matières
colloïdales) ;
2. Spécificité du bioréacteur à — une désinfection poussée dont l’intensité dépend du seuil de
coupure et de la distribution des diamètres des pores des
membranes – Présentation membranes ;
— une rétention totale des espèces biologiques, même peu flo-
générale culées, qui peut favoriser le développement d’espèces et d’activités
spécifiques au sein du réacteur ;
■Dans le cas du pr océdé conv entionnel parbou esact ivées(BAC), — une retenue, par la membrane, des matières en suspension
l’étape de séparation biomasse/eau traitée repose sur une décanta- non décantables dont le temps de séjour dans le système devient
tion gravitaire placée en aval du bioréacteur. Cette étape de sépara- égal au temps de rétention de la phase solide (âge des boues), faci-
tion a deux rôles essentiels, minimiser la teneur en matières en litant ainsi leur assimilation ;
suspension dans l’eau traitée, et permettre un recyclage des boues — le maintien dans le réacteur d’une teneur contrôlée et élevée
concentrées vers le bioréacteur pour y maintenir une concentration en biomasse qui permet une intensification des processus biolo-
en biomasse adaptée à l’épuration attendue. giques.

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________________________________________________________________________ BIORÉACTEURS À MEMBRANES ET TRAITEMENT DES EAUX USÉES (BAM)

installer est plus importante du fait d’une filtration effectuée avec


de plus faibles flux de perméat (entre 10 et 40 l · h · m–2 pour un
Alimentation BAMI contre 50 à 120 l · h · m–2 pour le BAME).
Perméat C’est donc un système extensif sur le plan de la filtration dont
l’utilisation s’est accrue grâce au développement de membranes
organiques dont le coût est plus modéré que celui des membranes
minérales largement utilisées dans les systèmes à boucle externe.

Extraction de boues Il est à noter que, dans cette configuration, aucune ligne de
excédentaires recyclage de boues n’est indispensable et la conception du
a module membranaire est simplifiée car ne nécessitant pas la


présence de carter.

Dans les deux cas, l’extraction de boues excédentaires se fait


Alimentation directement à partir du bioréacteur.
Perméat

3. Paramètres
de dimensionnement
Extraction de boues
excédentaires et de contrôle
b

Les grandeurs caractéristiques du fonctionnement d’un bioréac-


Figure 1 – Représentation de bioréacteur à membranes « à boucle teur à membranes sont donc celles gouvernant le dimensionnement
externe » (BAME (a )) ou à « membranes immergées » (BAMI (b )) et le contrôle de chaque opération unitaire, mais les valeurs des
paramètres de dimensionnement, pour chacune d’elles, ne sont pas
indépendantes des conditions de travail imposées dans l’opération
■ Le développement des bioréacteurs à membranes a fait apparaî- associée.
tre deux configurations. Pour mieux intégrer cette relative complexité du BAM, un bref
En analogie avec le positionnement aval de l’étape de décan- rappel des grandeurs déterminantes de chaque opération unitaire
tation dans le procédé par boues activées (BAC), la première géné- est donné ci-après conformément aux spécificités du bioréacteur à
ration a été conçue en intégrant un positionnement externe du membranes.
système membranaire par rapport au bioréacteur (figure 1a ).
Pour cette configuration, dite « à boucle externe » et notée
BAME, le maintien de la perméabilité membranaire à un niveau 3.1 Étape de séparation sur membranes
économiquement intéressant est obtenu en pratiquant une filtra- poreuses en BAM
tion « tangentielle », imposant une circulation de la suspension
dans le module membranaire à grandes vitesses (0,5 à 4 m/s), Pour se rappeler les principes mêmes de la séparation sur mem-
éventuellement combinée à une circulation gazeuse. Si cette branes, on pourra se reporter, par exemple, aux textes publiés [21]
configuration induit des coûts de fonctionnement élevés, peu [22] [23] [24].
compatibles avec le traitement de flux d’eaux importants et peu
concentrés comme le sont les eaux résiduaires urbaines, elle peut Nous allons ici mettre en évidence les particularités de la sépa-
être tout à fait adaptée au traitement d’effluents industriels ration membranaire dans un bioréacteur à membranes.
concentrés car elle autorise, dans certains cas, des compacités
importantes. 3.1.1 Rappel des notions de sélectivité
Pour diminuer les coûts de fonctionnement dus à cette circulation et de perméabilité
intense de la suspension dans les modules externes, une seconde
génération a été développée (figure 1b ). Elle repose sur l’immer- Les performances associées à une séparation sur membranes
sion des membranes, ou des modules membranaires, directement poreuses sont estimées au travers des deux critères suivants :
dans les boues activées, soit dans le réacteur principal, soit dans — la sélectivité du milieu filtrant qui assure la qualité de l’eau
une cuve annexe en liaison directe avec celui-ci. Ce système appelé traitée et doit toujours conduire à une clarification parfaite, mais
« bioréacteur à membranes immergées », noté BAMI, est largement aussi une désinfection poussée. Cette sélectivité repose sur une
utilisé pour traiter les effluents domestiques. différence de taille entre l’ouverture des pores de la membrane et
la taille des composés à retenir. En cours d’opération, elle peut tou-
La maîtrise de la perméabilité membranaire en cours d’opération
tefois dépendre des conditions opératoires, déformation de parti-
est obtenue par simple aération, mais aussi par des conceptions
cules sous la pression de filtration, voire mise en place d’une
spécifiques des modules membranaires.
membrane dynamique ;
La turbulence engendrée peut s’avérer très efficace pour des — la perméabilité membranaire associée à la valeur du flux
besoins limités en énergie. Il est certain que, dans le domaine du volumique de perméat pouvant traverser une surface unitaire de
traitement des eaux usées urbaines, ce second système présente membrane dans les conditions imposées. (0)
des avantages sur le plan technico-économique, d’autant que les
En pratique, compte tenu de la structure complexe des maté-
procédés biologiques mis en œuvre intègrent toujours une étape
riaux membranaires et de la difficulté d’obtenir des mesures préci-
en aérobiose où les besoins d’aération sont importants.
ses de la porosité et de la distribution de la taille de pores, la loi
Les coûts de fonctionnement sont moins élevés que dans le cas de DARCY est souvent utilisée sous forme simplifiée (tableau 1).
du système avec boucle externe mais la surface de membranes à On peut ainsi faire apparaître deux paramètres globaux utilisés

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BIORÉACTEURS À MEMBRANES ET TRAITEMENT DES EAUX USÉES (BAM) ________________________________________________________________________

Ainsi en bioréacteur à membranes, deux types principaux de


Tableau 1 – Formulations associées modules vont être rencontrés :
à la filtration membranaire — ceux reposant sur une filtration en mode interne-externe,
Flux, résistance et perméabilité en eau propre essentiellement mis en œuvre dans la configuration BAME ;
(ou fluide de référence) — ceux basés sur une filtration en mode externe-interne équi-
pant, majoritairement à ce jour, les systèmes à membranes immer-
PTM gées BAMI.
J= = Lp0 × PTM (1)
µ × Rm Ces deux modes de filtration imposent des caractéristiques par-
ticulières de travail pour les systèmes industriels.
Flux, résistance et perméabilité en cours d’opération
■ Dans le premier cas, les membranes, souvent tubulaires, sont
PTM insérées dans un carter (figure 2a ). La suspension biologique
J= = Lp PTM


(2) épurative issue du bioréacteur circule à l’intérieur des tubes et le
µ (Rm + Rc )
perméat traverse, sous l’action de la pression de travail, appelée
« pression trans-membranaire » (PTM), la paroi membranaire pour
être évacué à l’extérieur du carter.
pour caractériser la facilité, ou non, de transfert d’un fluide de réfé-
rence au travers de la membrane, la perméabilité Lp0 du matériau
ou sa résistance hydraulique Rm. Les avantages de ce mode de filtration sont :
— la maîtrise parfaite des contraintes pariétales en surface
Ces formulations font aussi remarquer l’importance potentielle,
de la paroi membranaire ;
sur la valeur du flux spécifique J, de la pression transmembranaire
— la circulation de la suspension à filtrer se faisant dans un
PTM et de la viscosité dynamique µ du fluide considéré.
espace géométrique défini ;
Nota : Rc apparaît comme une résistance additionnelle due à la rétention de composés — le développement dans le carter d’un réseau dense de
sur/dans la membrane.
membranes (tubes jointifs) car seul le perméat (eau traitée par-
faitement clarifiée) circule à l’extérieur des tubes.
3.1.2 Nature des membranes et caractéristiques
Les inconvénients sont, par contre, liés à l’obligation :
Les membranes polymères ou minérales (céramique, carbone)
— de placer les membranes dans un carter pour récupérer le
utilisées en BAM ont une structure asymétrique permettant
perméat ;
d’atteindre des perméabilités compatibles avec les flux souvent
— de choisir des canaux de circulation de diamètre hydraulique
importants d’eau à traiter. On pourra se référer à l’article [22] pour
important (au minimum 6 mm) pour éviter tout blocage interne de
les aspects relatifs à la caractérisation des membranes.
circulation par accumulation locale de biomasse.
Vis-à-vis de la demande de rétention totale des espèces épura- L’intégrité des membranes et des systèmes d’étanchéité est aussi
tives et des germes divers présents au sein du réacteur, ou dans essentielle pour la qualité de la filtration.
l’eau à traiter, le seuil de coupure des membranes est choisi dans
le domaine de la microfiltration (valeur moyenne du diamètre des ■ Dans le cas des systèmes immergés, la conception du module est
pores de 0,05 à 0,4 µm), voire de l’ultra filtration (10 à 50 nm) pour simplifiée (figure 2b ). La suspension biologique circule simplement
assurer, notamment, une rétention virale. entre les tubes, ou plaques membranaires, reliés à un système spé-
cifique d’extraction du perméat.
Les résistances hydrauliques initiales R m des membranes utili-
sées en BAM sont généralement comprises entre 2 et 20 1011 m–1.
La qualité de la désinfection, voire la possibilité d’un contrôle Les avantages de ce mode de filtration sont :
plus maîtrisé de la perméabilité membranaire en cours d’opéra- — ne pas nécessiter de carter enveloppant tout le réseau
tion, reste néanmoins très liée à la distribution de la taille des membranaire, lequel peut alors être immergé facilement dans
pores autour des valeurs moyennes indiquées ; des distributions des ouvrages conventionnels existants ;
serrées devant être préférées. — pouvoir choisir des tubes très fins et obtenir ainsi des sur-
faces spécifiques de filtration, théoriquement très grandes (la
valeur du diamètre des fibres doit néanmoins être compatible
Notons que la constitution d’un dépôt, voire d’un biofilm, sur avec les contraintes mécaniques imposées en BAM, soit des
et dans les pores en cours d’opération, peut contribuer signifi- diamètres externes compris entre 1,4 à 2,5 mm selon la struc-
cativement à la rétention de composés spécifiques solubles, au ture et la longueur des fibres).
détriment du flux spécifique.

Les critères essentiels à respecter sont alors :


3.1.3 Modules membranaires. Configuration — la densité locale de membranes et leur arrangement (il est
et mode de filtration important que la suspension biologique puisse circuler facilement
entre les fibres ou plaques, celles-ci sont donc suffisamment espa-
■ La géométrie de la membrane, la configuration et le nombre ins- cées pour n’occuper qu’entre 10 et 40 % de l’espace dans le
tallé de modules de filtration permettent de connaître l’espace module) ;
nécessaire à l’opération de séparation ; la surface filtrante dévelop- — la maîtrise de la turbulence locale (aération, circulation de la
pée devant correspondre au rapport du flux volumique à traiter par suspension, mobilité possible des membranes) ;
le flux spécifique J. — la conduite de la filtration (filtration continue ou associée à
des régénérations ponctuelles).
Outre les conditions de filtration, le choix des caractéristiques du
système de filtration doit aussi intégrer la nature spécifique des ■ Même si la surface filtrante à développer apparaît plus importante
suspensions présentes dans le bioréacteur à membranes et, en BAMI qu’en BAME (la PTM étant plus faible en BAMI, moins de
notamment, leur concentration importante en biomasse cellulaire 0,3 bar contre 1 à 3 bar en BAME), le volume occupé par les modules
(8 à 20 kg/m3), mais aussi leur caractère évolutif en fonction des peut toutefois être comparable du fait du développement de plus
contraintes hydrodynamiques et biologiques imposées. grandes surfaces spécifiques en système immergé (tableau 2).

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Procédés d’oxydation en voie humide

par Olivier BOUTIN


Docteur en génie des procédés


Ingénieur de l’École nationale supérieure des industries chimiques
Maître de conférences, université Paul Cézanne d’Aix Marseille
Directeur du master professionnel Écotechnologies et Procédés Propres
Chercheur au laboratoire Modélisation, Mécanique et Procédés Propres, UMR CNRS 6181.
et Jean-Henry FERRASSE
Docteur en systèmes énergétiques
Maître de conférences, université Paul Cézanne d’Aix Marseille
Chercheur au laboratoire Modélisation, Mécanique et Procédés Propres, UMR CNRS 6181.

1. Positionnement du procédé d’oxydation en voie humide ........... CHV 6 030 - 2


1.1 Propriétés particulières de l’eau sous-critique ......................................... — 2
1.2 Principe de fonctionnement du procédé................................................... — 3
1.3 Aspects thermodynamiques liés au procédé ........................................... — 4
1.4 Cinétiques de transfert gaz/liquide ............................................................ — 4
1.5 Cinétiques chimiques ................................................................................. — 5
2. Technologies des réacteurs.................................................................. — 5
2.1 Différentes possibilités et contraintes ....................................................... — 5
2.2 Colonne à bulles.......................................................................................... — 6
3. Aspects énergétiques............................................................................. — 8
3.1 Calcul de la chaleur de réaction................................................................. — 8
3.2 Influence des paramètres opératoires....................................................... — 9
3.2.1 Influence de la pression..................................................................... — 9
3.2.2 Influence de la température .............................................................. — 9
3.2.3 Influence de l’oxydant choisi et de son débit .................................. — 9
3.3 Rendement énergétique ............................................................................. — 9
3.3.1 Application motrice............................................................................ — 9
3.3.2 Application chaudière........................................................................ — 9
3.4 Rendement exergétique ............................................................................. — 10
4. Exemple de réalisations industrielles................................................ — 10
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. CHV 6 030
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQQ@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQU

es réglementations sur les effluents aqueux, imposés par les diverses


L réglementations (ICPE, lois européennes sur l’eau et sur l’air), obligent à
respecter des seuils de plus en plus drastiques sur la composition des rejets.
Les procédés de dépollution des effluents se doivent donc d’être plus
performants.
Les effluents aqueux industriels sont principalement constitués de molécules
organiques synthétisées par l’industrie chimique et les boues de stations de trai-
tement d’eau-déchet. Outre la simplicité et le faible coût du traitement, qui
représentent des critères économiques majeurs pour les industriels, les enjeux
environnementaux et sociétaux actuels mettent l’accent sur la nécessité de déve-
lopper des procédés « verts », c’est-à-dire respectueux de l’environnement. Un
procédé s’inscrit dans cette démarche, utilisant l’eau sous pression dans des

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PROCÉDÉS D’OXYDATION EN VOIE HUMIDE ______________________________________________________________________________________________

c onditions sous-critiques : il s’agit de l’oxydation en voie humide (OVH). Les


effluents visés à terme sont des effluents spécifiques possédant un faible taux de
biodégradabilité et posant souvent des problèmes de traitement. Considérons
les différents procédés de traitement de l’eau-déchet : pour des concentrations
inférieures à 1 % massique, le procédé le plus utilisé est biologique (si la biodé-
gradabilité le permet). Pour des teneurs supérieures à 20 %, l’incinération ou la
co-incinération peuvent être envisagées. Pour des effluents de teneur intermé-
diaire, particulièrement pour les eaux contenant une demande chimique en
oxygène dure (entre 20 et 200 g.L-1), le procédé OVH est envisageable. Ce
procédé est une oxydation à une température comprise entre 150 et 325 °C pour
une large gamme de pression totale (d’air ou d’oxygène) de 2 à 30 MPa. Dans


tous les cas, le procédé fonctionne en eau sous-critique sur les conditions de
températures. Les faibles températures, comparées à d’autres procédés thermo-
chimiques, limitent la formation de composés toxiques dans la phase gazeuse
(dioxines, NOx…). Le temps de séjour dans le réacteur est compris entre quel-
ques minutes et plusieurs heures. Le rendement d’oxydation est de l’ordre de 70
à 95 %. La réaction peut être catalysée ou non.
Le procédé OVH utilise l’eau sous pression et les propriétés de celles-ci
seront présentées. Le principe de fonctionnement du procédé sera expliqué, en
particulier avec des développements sur les aspects thermodynamiques et
cinétiques (transfert gaz/liquide et chimie). Les différents types de réacteurs
ainsi que les contraintes inhérentes au procédé seront exposés. Compte tenu
des conditions de pression et de température mises en jeu, les aspects de valo-
risation et d’optimisation énergétiques seront également évoqués. Enfin, un
certain nombre de réalisations industrielles seront détaillées.

1. Positionnement considérés, certaines propriétés de l’eau varient de façon significa-


tive et cela a une influence sur la mise en œuvre du procédé. Ainsi,
du procédé d’oxydation les figures 1 à 4 présentent les évolutions de différentes propriétés
en fonction de la température, cela pour différentes pressions,
en voie humide inférieures, égales ou supérieures à la pression critique. Sur ces
figures apparaît très nettement le franchissement de la tempéra-
ture critique de l’eau à 374 °C. Pour les courbes à 10 MPa, il y a
changement d’état de liquide à vapeur à 310 °C et donc une dis-
1.1 Propriétés particulières de l’eau continuité, alors que pour les pressions supérieures il y a conti-
sous-critique nuité du passage de l’eau liquide à l’eau supercritique. Certaines
propriétés évoluent de façon significative avant le passage du
L’eau, à l’état liquide dans les conditions ambiantes de pression point critique, en fonction de la température. Les propriétés dépen-
et de température, peut être utilisée pour réaliser des réactions dent peu de la pression. Ainsi, la figure 1 montre que la masse
d’oxydation avancée de la matière organique dans ces conditions volumique de l’eau varie avec la température de 900 à 500 kg.m-3.
(différents agents oxydants sont alors utilisés : oxygène, peroxyde Cependant, ces variations ne sont pas suffisantes pour avoir une
d’hydrogène, réactif de Fenton, rayonnement ultraviolet…), mais influence importante et significative dans le cas des procédés OVH.
également à plus hautes températures, pour améliorer l’efficacité De façon identique, sur la figure 2, les évolutions de la conducti-
de dégradation du procédé. Dans ce cas, afin de ne pas avoir rapi- vité thermique sont entre 0,7 et 0,5 W.m-1.K-1, passant par un
dement une vaporisation totale de la phase aqueuse qui conduirait maximum en fonction de la température. En ce qui concerne les
à une chute drastique des cinétiques de réaction, une augmenta- variations de la viscosité (figure 3), elles sont plus importantes
tion de la pression est nécessaire, et le fonctionnement se situe avec la température, de 500 à 50 µPa.s. Ce paramètre est important
alors dans une zone avec un équilibre entre une phase gazeuse et car il jouera sur les écoulements diphasiques gaz/liquide du pro-
une phase liquide. Dans le diagramme (pression / température) de cédé OVH. Notons finalement que ces trois propriétés évoluent
l’eau pure, la ligne de coexistence des phases liquide et vapeur se suffisamment pour en tenir compte dans le calcul de nombres adi-
termine par une discontinuité, un point appelé « point critique ». mensionnels et des corrélations nécessaires au dimensionnement
Dans le cas de l’eau, il correspond à une température de 374 °C et et qui seront présentés par la suite. Sur la figure 4 sont reportées
une pression de 22,1 MPa. Les procédés d’oxydation en voie les variations de la constante diélectrique en fonction de la tempé-
humide se positionnent toujours à une température inférieure à la rature, qui sont significatives même avant le passage au point cri-
température critique de l’eau. Pour des raisons de limitation de la tique. Cela aura une influence sur la solubilité des espèces
quantité d’eau vaporisée, il est possible de se positionner à des chargées, en particulier des sels, dont il faut tenir compte le cas
pressions supérieures à la pression critique. Dans les domaines échéant.

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______________________________________________________________________________________________ PROCÉDÉS D’OXYDATION EN VOIE HUMIDE

Constante diélectrique
Masse volumique (kg · m–3)

1 000 60
900
50
800
700 10 MPa 40 30 MPa
600
22,1 MPa
500 30
20 MPa
400 30 MPa
20 10 MPa
300 22,1 MPa


200 20 MPa 10
100
0 0
100 150 200 250 300 350 400 100 200 300 400
Température (°C) Température (°C)

Figure 1 – Évolution de la masse volumique de l’eau en fonction de Figure 4 – Évolution de la constante diélectrique de l’eau en fonc-
la pression et de la température tion de la pression et de la température

1.2 Principe de fonctionnement


Conductivité thermique (mW · m–1 · K–1)

du procédé
800
Le procédé OVH est un procédé qui s’applique aux effluents trop
700
dilués pour être incinérés avec un bon rendement énergétique
600 (intéressant pour des concentrations en matière organique supérieu-
10 MPa res à 200 g.L-1) et trop concentrés pour subir un traitement biologi-
500 que de type boues activées (en général ces procédés fonctionnent
400 pour des charges en matière organique inférieures à 20 g.L-1).
30 MPa
300
22,1 MPa
200
Le principe du procédé OVH est de dégrader la matière orga-
20 MPa
nique carbonée et azotée par une réaction d’oxydation. En
100 général, un oxydant sous forme de gaz (air ou oxygène) est
injecté dans le liquide contenant le déchet à dégrader. Le pro-
0
cessus est alors constitué de deux étapes successives : le trans-
50 150 250 350
Température (°C) fert de l’oxydant de la phase gazeuse vers la phase liquide, puis
la réaction de dégradation en phase liquide. Les réactions en
Figure 2 – Évolution de la conductivité thermique de l’eau en fonc- phase gazeuse sont beaucoup plus lentes et négligeables dans
tion de la pression et de la température l’approche procédé.

Dans les conditions utilisées, un processus radicalaire est mis en


jeu avec la formation d’intermédiaires réactionnels très réactifs
comme les hydroperoxydes, conduisant à la formation de radicaux
Viscosité (µPa ·s)

HOO•, très réactifs vis-à-vis des molécules organiques. Les pre-


500 miers radicaux sont formés par réaction de l’eau avec l’oxygène, et
ensuite ont lieu les réactions de propagation. Certains composés
400 intermédiaires stables et parfois très réfractaires à l’oxydation peu-
vent être formés. Le tableau 1 présente, selon les molécules consi-
dérées, les composés de dégradation obtenus. L’équation 1 donne
300 l’équation globale d’une réaction totale :
30 MPa

200 22,1 MPa


(1)
20 MPa

100 10 MPa
Les principaux facteurs influençant les rendements de dégrada-
tion sont les suivants : température, pression, oxydant et pH.
0
0 100 200 300 400 ■ La température est sans aucun doute un facteur déterminant
Température (°C) dans les procédés d’OVH. Classiquement, une augmentation de
température permet, d’une part, de dégrader plus de composés
Figure 3 – Évolution de la viscosité de l’eau en fonction de la pres- (effet thermodynamique) et, d’autre part, d’améliorer les vitesses
sion et de la température de dégradation (effet cinétique).

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Traitements physico-chimiques
des déchets industriels liquides
par Valérie LAFOREST
HDR, Docteur
Chargée de recherche à l’École nationale supérieure des mines de Saint-Étienne

Jacques BOURGOIS
Docteur ès sciences
Professeur à l’École nationale supérieure de mines de Saint-Étienne R
et Robert HAUSLER
Docteur
Professeur à l’École des technologies supérieures de Montréal

1. Considérations préalables............................................................. G 2 070v2 – 2


1.1 Objectifs.............................................................................................. — 2
1.2 Gisement des déchets concernés ...................................................... — 2
1.3 Choix et mise en œuvre d’un procédé de traitement ....................... — 2
2. Traitements chimiques ................................................................... — 3
2.1 Oxydo-réduction ................................................................................. — 3
2.2 Mise à pH. Précipitation ..................................................................... — 8
3. Traitements physico-chimiques.................................................... — 8
3.1 Procédés à membrane........................................................................ — 8
3.2 Résines échangeuses d’ions .............................................................. — 11
3.3 Adsorption .......................................................................................... — 14
3.4 Méthodes électrochimiques ............................................................... — 15
3.5 Extraction par solvant ........................................................................ — 16
3.6 Évaporation sous vide........................................................................ — 17
3.7 Distillation........................................................................................... — 19
4. Conclusion........................................................................................ — 19
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. G 2 070v2

a production de déchets non ultimes, issus pour l’essentiel du secteur


L industriel, semble pour l’instant inévitable. Les filières de traitement des
centres spécialisés visent alors différents objectifs :
– permettre le recyclage total ou partiel de ces déchets ;
– faciliter leur valorisation sous forme de matière ou d’énergie ;
– permettre leur retour « écocompatible » dans l’environnement après détoxi-
cation ou stabilisation-solidification ;
– enfin, les décomposer, plus ou moins complètement, en espèces chimiques
plus « inoffensives ».
Ces filières nécessitent la mise en œuvre de techniques très variées qui relè-
vent de différentes disciplines scientifiques : thermique, mécanique, physique,
chimie, physico-chimie ou biologie.
Le présent dossier est relatif aux techniques chimiques et physico-chimiques.
Nous développerons, plus particulièrement ici, le cas des déchets dangereux
liquides issus de l’industrie.
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQP

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TRAITEMENTS PHYSICO-CHIMIQUES DES DÉCHETS INDUSTRIELS LIQUIDES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

1. Considérations préalables 1.2 Gisement des déchets concernés


Les traitements chimiques et physico-chimiques concernent une
grande variété de déchets, pour l’essentiel issus du secteur indus-
triel. Ces déchets sont le plus souvent liquides, boueux ou pâteux :
1.1 Objectifs – bains de traitement de surface ;
– solvants « usés » ;
& Dans le cas d’une stratégie d’élimination, on cherchera à trans-
– effluents de procédés de l’industrie de synthèse ;
former un déchet de composition complexe en deux flux séparés : – boues de traitement physico-chimique des effluents
– un effluent dépollué qui pourra être rejeté dans l’environnement ; industriels ;
– une fraction minérale de préférence, très peu soluble, qui – fluides de coupe, etc.
pourra être acceptée en centre de stockage de déchets.
1.3 Choix et mise en œuvre d’un procédé

Exemple : pour un déchet aqueux, la fraction organique étant oxy-
dée, il est possible de séparer la fraction minérale sous forme d’un de traitement
solide concentré et de le stabiliser avec un liant hydraulique avant
de l’entreposer dans une décharge de déchets dangereux. Tous ces Le choix d’un procédé de traitement chimique ou physico-chi-
traitements font appel à des réactions chimiques d’oxydation, de mique répond à une démarche rationnelle dont les principales éta-
réduction, de précipitation, de neutralisation et de stabilisation pes sont décrites figure 1. Ce choix passe, au préalable, par la
chimique. détermination des objectifs applicables au déchet : valorisation ou
élimination. Après avoir déterminé les contraintes liées au milieu
récepteur et les caractéristiques du déchet étudié, le choix du ou
& Dans le cas d’une stratégie de valorisation, différents objectifs
des procédés se fera après une étude technico-économique et des
peuvent être visés : risques.
– obtenir un produit ayant les mêmes caractéristiques que le pro- Les traitements physico-chimiques trouvent leur application
duit neuf (régénération) ; aussi bien au sein de l’entreprise productrice du déchet que dans
– extraire une ou plusieurs matières premières minérales ou des centres collectifs. Dans le cas de l’élimination en centre collec-
organiques ; tif, des chaı̂nes polyvalentes sont prévues pour pouvoir s’adapter à
– aboutir à des matériaux plus complexes mais valorisables. des déchets de nature et de composition variées. Les désignations
des filières correspondantes sont données dans le tableau 1. Ces
La diversité des techniques chimiques envisageables va de pair filières concernent trois grandes catégories de traitement :
avec l’extrême diversité des déchets concernés. Contrairement aux
procédés d’élimination, dont le champ d’application est large et la – le traitement de mélanges aqueux contenant des composés
mise en œuvre peu contraignante, les opérations de valorisation minéraux toxiques ;
sont beaucoup plus sensibles aux variations de composition des – le traitement des boues et solides minéraux permettant leur
déchets et doivent être adaptées au cas par cas. admission en centre de stockage ;
– le traitement des mélanges eau/hydrocarbures.
La mise en œuvre de ces traitements relève de stratégies très
diverses. On peut les intégrer à une unité de production au sein Passons en revue ces filières.
même de l’établissement industriel. On peut également constituer & La déchromatation (filière 01) consiste en la réduction du
des centres collectifs de traitement qui reçoivent les déchets d’ori-
chrome hexavalent, très toxique, en chrome trivalent peu toxique
gines diverses et au sein desquels un ensemble d’opérations com- et peu soluble. Les déchets concernés sont des déchets exempts
plémentaires assure la valorisation ou l’élimination de tout ou par- de cyanures dont le taux de chrome VI dépasse la limite de rejet
tie de ces déchets. autorisée. Les solutions contenant des cyanures et du chrome VI
Les procédés existants sont souvent très proches, voire identi- devront subir une décyanuration (filière 02) avant la
ques, à ceux qui sont généralement décrits dans les filières de trai- déchromatation.
tements physico-chimique et chimique des eaux usées [C 5 520].
& La décyanuration (filière 02) permet d’oxyder les cyanures très
S’agissant des déchets industriels, la différence principale tient à
la nature du gisement (le plus souvent des « lots » de déchets et toxiques en cyanates, voire en azote.
non pas des effluents), à sa variabilité de composition et à de plus & La neutralisation ou mise à pH avant rejet des effluents
fortes concentrations en éléments « dangereux » dans les déchets. (filière 04) consiste à ajuster le pH des solutions à traiter dans une
Il faut enfin noter que, dans ce dossier, nous n’aborderons pas : gamme de 6,5 à 9, en ajoutant un acide minéral ou une base miné-
– la conception et le fonctionnement des centres collectifs de trai- rale suivant que le mélange initial est alcalin ou acide.
tement des déchets industriels ; & Les résines échangeuses d’ions constituées de polymères gref-
– les techniques de stabilisation-solidification des déchets. Ces fés ont la propriété de pouvoir fixer spécifiquement les ions pour
techniques, issues pour l’essentiel du savoir-faire acquis en matière lesquels elles ont une affinité particulière. Il existe deux types
de déchets nucléaires, connaissent un fort développement et ne se d’échangeurs d’ions : les échangeurs d’anions et les échangeurs
limitent pas au seul aspect chimique et physico-chimique, puis- de cations. Une fois saturées, ces résines doivent être régénérées
qu’elles englobent les traitements thermiques (vitrification) ou l’en- par élution (filière 06) ; les éluats produits sont ensuite traités par
robage (matières plastiques et bitumes). Notons enfin que, si les les filières physico-chimiques de détoxication habituelles (filiè-
principes chimiques ou physico-chimiques mis en œuvre couvrent res 01, 02, 04).
très largement le champ des connaissances actuelles dans ces dis-
ciplines, les procédés industriels sont en constante évolution. Ces & La déshydratation (filière 07), obligatoire lorsque la siccité des
évolutions concernent principalement les matériaux comme les déchets industriels est inférieure à 35 % (seuil d’acceptation en cen-
membranes, les résines ou les réactifs, ainsi que les assemblages tre de stockage des déchets dangereux ou pour certaines filières de
de procédés intégrés à une chaı̂ne de traitement. valorisation). Elle est précédée d’une étape de floculation et de
décantation faisant partie de la filière. Elle s’effectue par filtration
Ce constat nous a incité à privilégier l’exposé des principes au (filtre-presse, filtre continu), par centrifugation à vis d’Archimède
détriment, parfois, de la description exhaustive des procédés ou par traitement thermique. Les boues produites sont admissibles
existants. en centre de stockage après stabilisation éventuelle (filière 08).

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENTS PHYSICO-CHIMIQUES DES DÉCHETS INDUSTRIELS LIQUIDES

Valorisation
Objectifs envisageables

Élimination
Réglementation (arrêté d'exploitation)

Liste des polluants


Milieu naturel (effluent) Seuils de rejet
Détermination des contraintes Caractéristiques des déchets admissibles
des milieux récepteurs Centre de stockage (déchet ultime)
Seuils de lixiviation
Unité fonctionnelle (matière valorisable) Liste des contaminants
Teneurs limites en contaminants
Caractéristiques des matières valorisables


Cahier des charges
Caractéristiques physico-chimiques Matière valorisable
Situation des composants
Caractérisation du déchet Composition par rapport à la destination Composants « neutres »
finale
État physique Contaminants/polluants

Transformation du contaminant Composé admissible dans l'environnement


Identification des opérations Composé admissible en décharge
de base Composé utilisable dans
Séparation des composés formés une unité fonctionnelle de production

Coût, facilité de mise en œuvre, maintenance

Procédé de transformation Chimiques : oxydo-réduction, précipitation


Électrochimiques
Choix du procédé

Procédé de séparation
Procédés à membranes
Résines
Distillation
Adsorption
Extraction par solvant

Figure 1 – Démarche en vue du choix d’un procédé de traitement d’un déchet

& Les solutions organiques sont en général oxydées chimique-


Tableau 1 – Filières physico-chimiques proposées ment à l’aide d’oxydants forts (filière 12).
par les centres collectifs de traitement Les centres de traitement agréés proposent également des filières
de valorisation concernant des déchets plus spécifiques telles que :
Coût plafond – régénération d’huiles usagées claires ;
Codes (1) Libellé de la filière
€/t (2) – régénération d’huiles usagées noires ;
01 Déchromatation 240 – régénération de solvants usagés ;
– récupération de métal dissous pour valorisation.
02 Décyanuration 280
La suite de ce dossier passe en revue, de façon non exhaustive,
04 Neutralisation 200 des procédés aussi bien applicables au sein de l’outil de production
que dans les centres de traitement collectifs.
06 Régénération de résines 430
07 Déshydratation mécanique 150
08 Solidification 140 2. Traitements chimiques
10 Séparation de phase des émulsions 110
(1) Les numéros de code sont ceux adoptés par les agences de l’Eau pour
les aides aux traitements des déchets industriels ; figurent dans ce
2.1 Oxydo-réduction
tableau uniquement les filières physico-chimiques.
(2) Coût 2004.
L’objectif poursuivi lors du traitement des déchets par oxydo-
réduction est la transformation des polluants :
& La stabilisation/solidification (filière 08) permet de répondre aux – soit en une forme moins nocive pour l’environnement et qui
normes sur la lixiviation des déchets entrant en centre de stockage. peut être rejetée dans le milieu naturel ; c’est le cas, par exemple :
Le procédé consiste en un mélange intime des déchets, après  lorsque l’on oxyde des cyanures ou des molécules organi-
broyage éventuel, avec un liant hydraulique ou organique. ques ; les ions cyanure CN- sont ainsi oxydés en ions cyanate
CNO-, moins dangereux selon la réaction :
& Les émulsions eau/huile doivent être « cassées » avant traite-
ment. Ce cassage (filière 10) se fait par centrifugation, ajout de CN− + ClO− → Cl− + CNO−
sels ou d’acides ou encore aéroflottation.

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TRAITEMENTS PHYSICO-CHIMIQUES DES DÉCHETS INDUSTRIELS LIQUIDES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

 lorsque l’on réduit les ions hypochlorite ClO- en ions chlorure


Cl- : Tableau 2 – Potentiels normaux Eo de différents couples
redox
ClO− + SO2 + H2O → H2SO4 + Cl−
Potentiel redox
 lorsque l’on réduit un excès d’oxydant : Couples redox
(V)

H2O2 + 2 Fe2+ + 2 H+ → 2 Fe3 + + 2H2O O3 + 2H+ + 2e−  O2 + H2O + 2,07

– soit en une forme dont l’extraction et la stabilisation sont facili-


H2O2 + 2H+ + 2e−  2H2O + 1,76
tées, comme lorsque l’on réduit le chrome hexavalent en chrome
trivalent, qui précipite ensuite facilement sous forme d’hydroxyde,
par exemple : + 1,36


Cl2 + 2e−  2Cl−
Cr2O27− + 3 HSO3− + 5 H+ → 2 Cr 3 + + 3 SO24− + 4 H2O
Br2 + 2e−  2 Br − + 1,09
2.1.1 Principe
Les réactions chimiques d’oxydo-réduction sont des réactions CIO− + H2O + 2e−  Cl− + 2 OH− + 0,90
d’échange d’électrons. Comme toutes les réactions chimiques, les
réactions d’oxydo-réduction sont équilibrées. Une constante
d’équilibre élevée conduit à une réaction quasi quantitative : I2 + 2e−  2 I − + 0,54

Réduction ox 1 + n1 e −  réd1 ) × n2 0,00


2H3O+ + 2e−  H2 + 2H2O
Oxydation réd 2  ox 2 + n2 e − ) × n1
Oxydo-rréduction n2 ox1 + n1 réd2  n2 réd1 + n1 ox 2 - 0,44
Fe2+ + 2e−  Fe
Le potentiel d’oxydo-réduction (POR), qui indique l’état d’avance-
ment de la réaction, est mesuré par un couple d’électrodes consti- Zn2+ + 2e−  Zn - 0,76
tué par une électrode indicatrice de type redox (fil de platine,
d’or…) et une électrode de référence (en général au calomel ou au
chlorure d’argent). On appelle E  le potentiel normal du couple
redox ([forme oxydée] = [forme réduite]). Les potentiels normaux sont Tableau 3 – Principaux oxydants
fournis par des tables. Le tableau 2 indique quelques valeurs de
potentiels normaux. Dérivés
Air ; O2 O3 H2O2 H2SO5 ; S2O2−
Plus la valeur de E o est importante et plus l’oxydant est fort et, oxygénés 8
inversement, plus la valeur de E o est faible, plus le réducteur est
fort. Les méthodes polarographiques, bien que peu utilisées, peu- Dérivés
Cl2 ClO2 NaClO NHmCln
vent s’avérer très utiles pour la détection des couples redox dans chlorés
les eaux. De même, les électrodes POR sont des outils intéressants
pour le pilotage des procédés d’oxydo-réduction. Toutefois, ce type
La réaction directe suit le mécanisme traditionnel de l’ozonolyse :
d’électrode n’est pas spécifique, et son utilisation nécessite des
une cycloaddition suivie par l’ouverture du cycle pour donner des
essais préalables en laboratoire ou sur le terrain avec les rejets à
composés carbonylés avec production de peroxyde en milieu
traiter.
acide. Ce type d’oxydation est très sélectif mais ne permet pas de
réduire la quantité de carbone organique total (COT) contenu dans
2.1.2 Principaux oxydants une eau (diminution de la demande chimique en oxygène sans
Les oxydants sont en général des composés oxygénés ou chlorés variation du COT).
(tableau 3). Par contre, l’oxydation par l’intermédiaire de radicaux OH peut
être initiée par la présence d’hydroxydes (OH-) et engendre une
2.1.2.1 Dérivés oxygénés succession de réactions en chaı̂ne (propagation) qui peut aller jus-
qu’à la minéralisation de la matière organique (diminution de la
& Air et oxygène gazeux (O2) demande chimique en oxygène (DCO), avec une diminution du
COT). Cette caractéristique des réactions avec le radical OH a
L’air est l’oxydant le plus courant. Il agit par simple dissolution
donné naissance au terme de « procédé d’oxydation avancée ».
dans la solution à traiter. Cette technique est efficace pour traiter
des solutions contenant des réducteurs forts comme les eaux char- Les oxydations par l’intermédiaire de radicaux OH sont donc peu
gées en fer II, par exemple. Elle a également l’avantage de chasser sélectives avec des constantes cinétiques élevées (réactions rapi-
les gaz dissous en excès tels que H2S ou CO2. Dans le cas où la des). Par exemple, il est possible d’oxyder l’ammoniac (NH3)
demande en oxygène serait plus importante, il convient de rempla- contenu dans de l’eau avec de l’ozone en milieu alcalin
cer l’air par de l’oxygène gazeux, technique bien plus onéreuse. (pH ø 10,5). Les autres précurseurs du processus radicalaire peu-
vent être des composés organiques tels que des acides humiques,
& Ozone (O3) des composés métalliques, comme le fer ou le cobalt, mais égale-
ment les rayons ultraviolets (longueur d’onde maximale :
– L’ozone est un oxydant très puissant qui peut réagir sur les
253,7 nm) ou gamma.
réducteurs selon deux mécanismes différents :
Les deux mécanismes coexistent dans l’eau. Seules les condi-
O3 + MO → MOox Réaction directe tions d’utilisation et les caractéristiques de l’eau à traiter vont favo-
riser l’une ou l’autre réaction. D’un point de vue pratique, le traite-
Précurseur OH°
O3 ⎯⎯⎯⎯⎯→ OH° + MO → MOox ⎯⎯
⎯ → CO2 Ré action indirecte ment d’une eau par la réaction directe aboutira à une plus grande
efficacité de l’utilisation de l’ozone mais des rendements en COT

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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– TRAITEMENTS PHYSICO-CHIMIQUES DES DÉCHETS INDUSTRIELS LIQUIDES

traité plus faible. À l’opposé, l’efficacité d’ozonation favorisant le produit utilisé, chlore gazeux ou eau de Javel, c’est le pH de l’eau
mécanisme radicalaire sera moins bonne (puisqu’il faut 2O3 dans qui détermine la nature des espèces présentes dans le milieu. Le
le processus de destruction de la matière organique par les OH ), couple redox HClO ou ClO-/Cl- varie entre Eo = 1,36 V à pH = 4,5,
mais les rendements en COT et en DCO seront meilleurs. environ, et Eo = 1,10 V à pH = 10.
– La chimie de l’ozone est donc complexe mais l’ozonation est Cependant, la forme acide est moins stable que l’ion hypochlo-
de plus en plus employée (potabilisation, eaux de procédés, eaux rite qui est, quant à lui, le plus stable des oxydants présentés ici.
usées domestiques ou industrielles, eaux de piscine, etc.), car elle Pour cette raison, l’hypochlorite reste le meilleur oxydant pour la
procure de nombreux avantages (enlèvement de la couleur, des- désinfection des eaux dans le cadre d’une infrastructure de potabi-
truction de complexe, désinfection ou détoxication des eaux, etc.). lisation. Son faible prix le rend attrayant et il peut toujours être uti-
En particulier, l’ozone a permis d’obtenir d’excellents rendements lisé en cas d’urgence. Cependant, il est de moins en moins
lors de la destruction, par exemple, de produits pharmaceutiques, employé pour le traitement des eaux chargées en matière orga-
de surfactants, de pesticides en éliminant ainsi la toxicité de l’eau. nique à cause de la formation de composés organochlorés, liés au
Il a été utilisé avec succès pour le traitement des eaux de lixiviation développement de différents cancers et toxiques pour l’environne-
(sols contaminés ou sites d’enfouissement contrôlé), car il est


ment dans son ensemble. Il est donc toujours approprié de prati-
capable d’oxyder les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycli- quer des analyses d’organochlorés et de faire des études écotoxico-
ques), les BTX (benzènes, toluènes, xylènes) ainsi que les dioxines logiques avant d’utiliser cet oxydant.
et les furanes. L’ozone est également performant employé à faibles
doses en préalable aux traitements biologiques, par exemple, pour L’hypochlorite réagit avec l’azote ammoniacal pour former suc-
améliorer la dégradation de la matière organique. cessivement des chloramines (NH2Cl, NHCl2 et NCl3) puis de l’azote.
De plus, l’amélioration de la performance énergétique des ozo- Les chloramines sont des oxydants très stables, avec un certain
neurs ( ª 10 kWh/kg O3), jumelée à l’utilisation d’oxygène comme pouvoir désinfectant. Quelques applications ont vu le jour, mais
gaz d’alimentation, rend cette technologie de plus en plus elles ont été abandonnées à cause des nombreux inconvénients
attrayante. Finalement, il est possible de réduire la taille des infra- que présentent ces oxydants (odeur et goût similaires à l’eau de
structures d’ozonation en utilisant une eau fortement chargée en Javel, irritant pour les yeux et résistance de certains micro-
ozone à moyenne pression. Cette technique est idéale lorsque le organismes).
gradient hydraulique de l’installation est faible ou que les surfaces & Dioxyde de chlore (ClO2)
ou encore les hauteurs sont limitatrices.
Le dioxyde de chlore ClO2 est un liquide à pouvoir oxydant rela-
& Peroxyde d’hydrogène (eau oxygénée H2O2) tivement élevé. Il est toujours produit sur le site d’utilisation, par
L’eau oxygénée (H2O2) est un oxydant fort (H2O2/H2O, Eo = 1,76 V). action du chlorite de sodium sur le chlore ou l’acide chlorhydrique.
Elle peut remplacer avantageusement les oxydants chlorés Il réagit selon la réaction :
(§ 2.1.2.2). Ses principaux inconvénients sont d’être relativement
instable (elle doit être conservée en cuve d’acier inoxydable) et ClO2 + e− → ClO2− (E ° = 0,95 V )
plus chère. Par contre, elle est beaucoup plus spécifique et efficace
que les oxydants chlorés et ne conduit pas à la formation de déri- Son potentiel d’oxydo-réduction lui permet d’oxyder des compo-
vés halogénés. Elle est également susceptible d’oxyder certains sés tels que Fe2+ ou Mn2+, à pH neutre, avec une précipitation d’hy-
complexes. droxyde métallique selon les réactions suivantes :
L’eau oxygénée est utilisée en combinaison avec l’ozone pour
générer les radicaux hydroxyles et augmenter ainsi le rendement ClO2 + Fe2+ + 3OH− → Fe (OH)3 + ClO2−
du traitement. Par conséquent, elle se retrouve dans un grand nom- MnSO4 + 2 ClO2 + 4 NaOH → MnO2 + 2 NaClO2 + Na2SO4 + 2 H2O
bre de procédés d’oxydation avancée tels que ceux utilisant des
ultraviolets ou du fer (réactif de Fenton) :
Les constantes de vitesse de ces réactions sont plus élevées que
celles avec le chlore. Les consommations théoriques de ClO2 sont
2 O3 + H2O2 → 2 OH° + 3 O2 respectivement de 1,2 mg par mg de Fe2+ et de 2,45 mg par mg
H2O2 + hυ → 2 OH° de Mn2+. Le dioxyde de chlore peut être utilisé également pour
l’oxydation de cyanure ainsi que de nombreux composés organi-
Fe2+ + H2O2 → OH° + Fe3 + + OH−
ques (composés phénoliques et organosoufrés, amines secondai-
res et tertiaires non protonées). Il présente l’avantage, comparative-
Bien que théoriquement calculable, le rapport optimal entre les ment à l’eau de Javel, de ne pas former de composés
concentrations des différents composés doit, la plupart du temps, organochlorés. Ce composé est surtout utilisé en préoxydation
être déterminé par expérimentation directe avec les eaux à traiter. lors de la production d’eau potable. Cependant, sa fabrication à
partir du chlore reste délicate et son coût de production limite son
2.1.2.2 Dérivés chlorés utilisation.
& Chlore gazeux (Cl2)
2.1.2.3 Efficacité des oxydants
Le chlore gazeux est le réactif le plus utilisé dans la destruction
par oxydation des micro-organismes vivants. Il réagit avec l’eau et Globalement, l’oxygène est l’oxydant le moins efficace. L’eau
conduit à une dismutation pour donner de l’acide hypochloreux oxygénée, malgré son potentiel d’oxydation élevé, est très sélec-
HClO, acide faible, en équilibre avec son anion hypochlorite : tive, ce qui réduit ses applications. Ces oxydants sont surtout utili-
sés dans des phases de préoxydation ou couplés avec d’autres oxy-
Cl2 + 2 H2O → 2 HClO (acide hypochloreux ) dants ou catalyseurs. Les composés chlorés ont une action efficace
en désinfection et sur les composés réducteurs. L’acide de Caro
HClO → ClO− + H+ pK a = 7,6 (ion hypochlorite) (H2SO5), bien qu’il soit très efficace, est d’une manipulation délicate
et son coût reste élevé. Finalement, l’ozone, un des plus puissants
En raison des contraintes concernant la santé et la sécurité au oxydants, peut être utilisé pratiquement dans tous les domaines.
travail, le chlore gazeux n’est utilisé que dans des installations qui Sa manipulation est simple et sa production sur demande sur son
exigent de grandes quantités d’oxydants. lieu d’utilisation est un avantage. Il est devenu abordable grâce à
l’amélioration du rendement énergétique des ozoneurs. Sa faible
& Hypochlorite de sodium (eau de Javel NaClO)
rémanence et sa transformation en oxygène fait de cet oxydant
L’hypochlorite de sodium se dissocie dans l’eau selon la réaction l’un des meilleurs outils de traitement des eaux usées. Dans tous
de dissociation mentionnée précédemment. Ainsi, quel que soit le les cas, il est toujours important de vérifier, expérimentalement en

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Traitement anaérobie des effluents


industriels liquides

par Diana GARCIA-BERNET


Ingénieur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France
Jean-Philippe STEYER
Directeur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France
et Nicolas BERNET
Directeur de recherche
Laboratoire de biotechnologie de l’environnement INRA, Narbonne, France

Cet article est la réédition actualisée de l’article [J 3 943] intitulé « Méthanisation des
effluents industriels liquides » paru en 2007, rédigé par Sylvain FRÉDÉRIC et Aurélien
LUGARDON

1. Principe de méthanisation : flux métabolique


et microbiologie.................................................................................... J 3 943v2 - 2
1.1 Hydrolyse et acidogenèse ....................................................................... — 3
1.2 Acétogenèse ............................................................................................. — 3
1.3 Méthanogenèse........................................................................................ — 3
1.4 Autres réactions ....................................................................................... — 3
2. Technologies de méthanisation des effluents industriels........ — 4
2.1 Contraintes de mise en œuvre de la méthanisation ............................. — 4
2.2 Différentes technologies de méthanisation ........................................... — 7
3. Mise en œuvre industrielle de la méthanisation
des effluents .......................................................................................... — 10
3.1 Dimensionnement d’une installation de méthanisation....................... — 10
3.2 Contrôle automatique d’une installation de méthanisation ................. — 12
3.3 Production et valorisation du biogaz...................................................... — 13
3.4 Coût d’investissement et de fonctionnement........................................ — 14
3.5 Intégration dans une filière de traitement ............................................. — 14
4. Exemples industriels ........................................................................... — 14
4.1 Digesteur infiniment mélangé ................................................................ — 14
4.2 Digesteur UASB ....................................................................................... — 16
4.3 Digesteur à lit fixe .................................................................................... — 18
5. Conclusion.............................................................................................. — 18
6. Glossaire ................................................................................................. — 18
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. J 3 943v2

a digestion anaérobie ou méthanisation est un processus biologique


L naturel qui, réalisé au sein de procédés maîtrisés, permet de traiter effica-
cement la pollution organique et de produire du biogaz dont le composé
majoritaire, le méthane, peut être valorisé énergétiquement sous forme
d’électricité, de chaleur, de GNV ou être injecté dans le réseau de gaz naturel.
Appliquée d’abord à la valorisation des sous-produits d’élevage, la méthanisa-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQW

tion est aujourd’hui largement utilisée pour l’épuration et la valorisation des


effluents industriels chargés en matière organique.

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TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES __________________________________________________________________________

La méthanisation transforme la matière organique, sous forme soluble ou


solide, conduisant à la formation de biogaz, mélange gazeux composé principa-
lement de méthane (CH4) et de dioxyde de carbone (CO2). Elle est réalisée en
absence d’oxygène par une communauté microbienne diverse dans des écosys-
tèmes naturels variés : les sédiments marins et d’eau douce, les tractus digestifs
d’animaux, les décharges, les sols, etc. Elle est notamment à l’origine de phéno-
mènes spontanés tels que les feux follets ou les émissions de gaz des marais.
Le biogaz issu de la méthanisation est un mélange inflammable qui peut
contenir, en plus du CH4 (50 à 70 % en volume) et du CO2 (25 à 45 % en
volume), des quantités variables de vapeur d’eau, de H2S et de traces d’H2 et
d’autres composés minoritaires.

R Valorisé, le biogaz est une source d’énergie renouvelable dans la mesure où


il est issu de matières organiques d’origine végétale ou animale, dont les
cycles de renouvellement sont courts. Utilisée au service de l’Homme, la
méthanisation s’avère être un outil efficace de réduction des pollutions orga-
niques et de production d’énergie.
Sa première application, qui reste à l’heure actuelle la plus importante en
nombre d’unités, a été la valorisation énergétique à la ferme des sous-produits
d’élevage et de l’agriculture. Des pays tels que l’Allemagne ou la Chine
comptent de très nombreuses sources délocalisées d’énergie sous forme de
biogaz agricole.
Depuis le début des années 1970, de nombreux travaux de recherche et de
développement dans le domaine de la méthanisation ont contribué à une
application toujours plus performante du processus à l’épuration et à la valori-
sation des effluents industriels chargés en matière organique. Le
succès de l’application de la méthanisation au traitement des eaux usées
industrielles tient particulièrement au fait qu’elle engendre une production
nette d’énergie, contrairement aux procédés d’épuration aérobies classiques
dont l’aération requiert de fortes dépenses électriques. Un autre avantage de la
méthanisation est la faible production de boues comparativement aux stations
aérobies. Enfin, le traitement anaérobie des effluents s’effectue généralement à
plus forte charge que les procédés aérobies, ce qui permet une réduction de
l’encombrement des ouvrages.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes et expressions
importants de l’article.

Symbole Développé 1. Principe de méthanisation :


AGV Acide gras volatil flux métabolique
BMP Biochemical Methane Potential et microbiologie
CMV Compression mécanique à la vapeur
CNTP/STP Conditions normales de température et pression La digestion anaérobie ou méthanisation est une réaction
(standard temperature and pressure) de dégradation de la pollution organique. Par matière polluante
organique, on entend matière constituée de molécules conte-
DBO Demande biochimique en oxygène nant des liaisons carbone-hydrogène (C—H). L’objectif de la
DCO Demande chimique en oxygène digestion anaérobie est de minéraliser le carbone provenant de
molécules complexes, en phase liquide ou solide, en méthane
EGSB Expanded Granular Sludge Blanket (CH4) et gaz carbonique (CO2) présents dans le biogaz [12].
GNV Gaz naturel véhicule
Le processus de digestion anaérobie est effectué en plusieurs
MES Matières en suspension étapes biochimiques correspondant à l’action de différents
groupes de micro-organismes. En réalité, ces groupes de micro-
MS Matière sèche organismes, présents dans le digesteur grâce à l’ensemencement
PCI Pouvoir calorifique inférieur réalisé lors du démarrage de l’installation, interagissent entre eux
pour leurs besoins physiologiques. Ils sont étroitement interdépen-
TAC Titre alcalimétrique complet dants les uns des autres, à des degrés divers, allant jusqu’à la
dépendance obligatoire, c’est-à-dire ne pouvant pas vivre l’un sans
UASB Upflow Anaerobic Sludge Blanket l’autre.

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que les AGV, en hydrogène et en dioxyde de carbone. Les bacté-


Polymères ries impliquées dans ces réactions d’acidogenèse ont des temps
(protéines, lipides, glucides…) de réplication très courts (de trente minutes à quelques heures). Les
Bactéries hydrolytiques bactéries du genre Clostridium constituent souvent une fraction
importante de la population anaérobie qui participe à l’étape
Hydrolyse et Monomères d’acidogenèse, bien que d’autres groupes bactériens comme les
acidogenèse (monosaccharides, acides aminés…) Enterobacteriaceae, Bacteroides, Bacillus soient également présents.
Bactéries acidogènes En condition dite de « surcharge organique », c’est-à-dire lorsque la
quantité de matière organique introduite dépasse la capacité de trai-
Acides gras volatils, tement de la biomasse microbienne présente dans le réacteur, le
acides organiques, alcools… métabolisme plus rapide de ce groupe de bactéries, en comparaison
Acétogenèse aux autres groupes de micro-organismes, entraîne une accumula-
tion d’intermédiaires de la réaction de méthanisation tels que les


Bactéries acétogènes
Acétate CO2 + H2 AGV et l’hydrogène. Ces métabolites, plus particulièrement les AGV,
Bactéries homoacétogènes ont un effet inhibiteur sur les micro-organismes acétogènes et
Archaea Archaea méthanogènes et peuvent être responsables de l’arrêt de la diges-
Méthanogenèse méthanogènes méthanogènes tion anaérobie. Ces deux premières étapes sont le fait de bactéries
acétoclastes hydrogénotrophes mixtes aérobies et anaérobies.
CH4 + CO2 CH4

Figure 1 – Schéma métabolique des composés organiques 1.2 Acétogenèse


lors de la digestion anaérobie
Les intermédiaires métaboliques produits lors de l’acidogenèse
(AGV, alcools, acides organiques, CO2, H2) sont transformés en
Selon un consensus général, les auteurs s’accordent pour acétate, H2 et CO2, par deux groupes de bactéries :
décrire la méthanisation en 3 ou 4 étapes majeures (figure 1) – les acétogènes productrices obligées d’hydrogène (APOH) qui
[27] : produisent de l’acétate, de l’hydrogène et du dioxyde de carbone ;
– hydrolyse des composés organiques complexes ; – les homoacétogènes du groupe 1, qui produisent de l’acétate
– acidogenèse des monomères en acides gras (majoritairement par la réduction de H2 et de CO2, ou du groupe 2, qui produisent
des acides gras volatils) en certains acides organiques (lactate, de l’acétate à partir d’AGV et d’alcool.
succinate), en alcools (éthanol), en hydrogène et dioxyde de Les vitesses réactionnelles d’acétogenèse sont généralement
carbone ; lentes et dépendantes de la concentration en H2 qui modifie l’équi-
– acétogenèse qui conduit, à partir des produits de l’hydrolyse libre thermodynamique des réactions impliquées dans cette étape.
ou de l’acidogenèse, à la formation d’acétate, de H2 et de CO2 ; L’association entre les bactéries productrices obligées d’H2 et les
– méthanogenèse stricto sensu qui, à partir de H2 et de CO2 ou méthanogènes est la clef de voûte de la réaction globale de méthani-
de l’acétate, conduit à la formation de méthane. sation. En effet, les réactions des APOH sont thermodynamiquement
défavorables dans les conditions habituelles de méthanisation (pH
Les deux premières étapes peuvent être regroupées en une
neutre, température mésophile et pression proche de la pression
seule car elles sont réalisées par les mêmes communautés micro-
atmosphérique) et les produits de la réaction doivent donc être en
biennes.
très faibles concentrations (H2 sous la pression partielle de 10–4 atm
Si nous nous basons sur la dégradation du glucose, cela soit 100 ppm volume en conditions mésophiles, 35 à 40 °C) pour per-
conduit à la réaction globale suivante : mettre la réaction. Cela est réalisé grâce à la présence de micro-orga-
nismes utilisateurs d’H2 comme les méthanogènes et
(1) homoacétogènes [26].

Contrairement aux réactions aérobies qui s’accompagnent d’un


fort dégagement de chaleur, les fermentations anaérobies ne sont 1.3 Méthanogenèse
que très faiblement exothermiques.
Lors de cette dernière étape, les produits de l’acétogenèse
(essentiellement acétate, formate, dioxyde de carbone et hydro-
1.1 Hydrolyse et acidogenèse gène) sont convertis en méthane. Les micro-organismes impli-
qués dans ces réactions appartiennent aux domaines des Archaea
Durant les premières étapes de la méthanisation, les bactéries et sont anaérobies strictes. Les méthanogènes utilisant l’acide
hydrolysent les substrats organiques (polysaccharides, protéines acétique pour former du méthane sont appelés acétoclastes ou
et lipides) en oligo ou monomères (monosaccharides, acides gras, acétotrophes (Methanosarcina, Methanosaeta) tandis que celles
acides aminés), généralement sous l’action des enzymes extracel- réduisant le CO2 par de l’hydrogène pour produire du méthane
lulaires et de l’eau. Cette transformation permet de rendre assimi- sont nommées hydrogénophiles. La voie acétoclaste peut utiliser
lable le substrat par les bactéries. Selon le substrat et la d’autres métabolites tels que le formate, le méthanol et les méthy-
température, les bactéries hydrolytiques intervenant dans ce lamines. On considère généralement que 70 % du méthane produit
processus sont différentes. L’étape d’hydrolyse est l’étape limi- provient de la voie acétoclaste.
tante dans le processus global de méthanisation par rapport aux
autres étapes, lorsque la matière organique présente est difficile-
ment hydrolysable (composés solides, substances de structure 1.4 Autres réactions
chimique particulière telles que les dérivés des industries Le seul impact de la méthanisation sur l’élimination de l’azote et
chimiques ou pharmaceutiques). Dans le cas de molécules du phosphore est lié à l’assimilation de ces éléments pour la crois-
solubles facilement hydrolysables, il faut contrôler cette étape pour sance des micro-organismes (boues) anaérobies. Étant donné les
éviter une acidification rapide. faibles rendements de croissance des micro-organismes anaéro-
Au cours de l’acidogenèse, les monomères issus de l’hydrolyse bies comparés à ceux des bactéries aérobies et les faibles propor-
sont métabolisés en acides gras volatils (AGV) (acétate, propionate, tions d’azote et de phosphore dans les boues, on estime l’impact
butyrate, isobutyrate, etc.), en alcools, en acides organiques autres dépolluant de la seule méthanisation sur ces pollutions comme

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TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES __________________________________________________________________________

étant inférieur à 5 % de la demande biologique en oxygène (DBO5)


éliminée. Cependant, il a été montré que les flores des digesteurs • Réduction dissimilatrice : réduction d’un composé inor-
présentent certaines capacités dénitrifiantes, ce qui peut permettre ganique sans incorporation dans la matière organique, par son
de réaliser des couplages réacteur anaérobie/station aérobie avan- utilisation comme accepteur final d’électrons (oxydant à la
tageux du point de vue du traitement de l’azote. Les réactions de place de l’oxygène) dans une respiration anaérobie [23].
nitrification et de déphosphatation conduisant à l’abattement de la
pollution azotée ou phosphorée n’ont en effet pas lieu dans les
réacteurs anaérobies et requièrent, pour s’effectuer, des milieux
aérés caractérisés par des potentiels d’oxydoréduction plus élevés.
D’autres réactions biochimiques peuvent se produire dans les
2. Technologies
conditions anaérobies et réductrices prévalant dans les digesteurs de méthanisation
anaérobies, certaines pouvant avoir des conséquences impor-
tantes sur les performances des méthaniseurs. des effluents industriels
R ■ Sulfato-réduction : en présence de sulfates, sulfites ou thiosul-
fates, une fraction de la matière organique sera transformée par 2.1 Contraintes de mise en œuvre
les bactéries sulfato-réductrices avec pour conséquence une de la méthanisation
production de H2S au détriment de la production de méthane :
2.1.1 Type d’effluents
(2)
Les applications principales de la méthanisation sur effluents sont
Étant donné qu’une molécule d’oxygène peut accepter 4 élec- liées au traitement des pollutions issues d’industries agroalimen-
trons, la capacité de 2 moles d’O2 équivaut à 1 mole de sulfate, soit taires, papetières, chimiques ou cosmétiques. En raison de leurs
0,67 g d’O2 par g de sulfate. La production de H2S au sein des caractéristiques, les effluents provenant de ces différentes industries
méthaniseurs, source de diverses complications dans la conduite peuvent présenter des difficultés de traitement particulières.
des installations, sera abordée dans la section suivante.
Exemple : effluents à haute teneur en sulfates, en azote, en
■ Réactions de transformation de l’azote : l’azote organique est
matières en suspension, en DCO (ou en DCO non biodégradable) ;
minéralisé en azote ammoniacal au cours de la digestion anaérobie.
effluents contenant des composés inhibiteurs pour les micro-orga-
La part d’azote assimilé par les micro-organismes est beaucoup plus
nismes ou bien effluents carencés en micro ou macronutriments.
faible que dans les procédés aérobies en raison des faibles rende-
ments de croissance observés en conditions anaérobies. Lorsque du
La majorité des effluents issus des industries agroalimentaires
nitrate est présent, il est généralement réduit en azote ammoniacal
sont considérés comme étant particulièrement aptes au traitement
par réduction dissimilatrice, la dénitrification en N2 ne pouvant se
anaérobie en raison de leurs caractéristiques : teneur en matière
produire que dans certains cas particuliers tels que des rapports
organique, rapport massique C/N équilibré, présence de macro et
massiques DCO/N-NO3 faibles ou de fortes concentrations en AGV.
micronutriments, absence de composés toxiques, etc.
Cette voie métabolique est à proscrire car elle restitue l’azote ammo-
niacal initial au lieu de l’éliminer sous forme de N2 [4]. Certaines molécules organiques synthétiques sont biodégra-
dables.
Par conséquent, dans les effluents contenant des accepteurs
d’électrons tels que le nitrate, le sulfite ou le sulfate, la production
Exemple : les effluents chargés en polyéthylène, en glycolate de
de méthane est diminuée car une partie de la DCO est déviée vers
sodium ou en acides organiques peuvent par exemple être traités effi-
ces réactions qui sont thermodynamiquement plus favorables que
cacement par méthanisation [9].
la méthanisation [5].

■ Réactions minoritaires : un certain nombre de molécules Des exemples d’industries et d’effluents sont donnés dans le
minoritaires, appelées également composés traces organiques, tableau 1 [28] ainsi que le nombre de méthaniseurs installés dans
peuvent être dégradés en conditions anaérobies par certains le monde par chaque type d’industrie.
groupes de micro-organismes. Ces réactions minoritaires peuvent
s’avérer importantes pour le traitement de certaines pollutions 2.1.2 Conditions physico-chimiques
(déhalogénation, hydrolyse de certains surfactants et HAP, etc.)
durant le processus de digestion anaérobie [2]. Les principaux facteurs physico-chimiques qui affectent le pro-
cédé de digestion anaérobie sont le pH, la température et le poten-
tiel d’oxydoréduction, mais d’autres conditions physico-chimiques
• Demande chimique en oxygène (DCO) : quantité d’O2 doivent être réunies pour que le processus de la méthanisation
nécessaire pour l’oxydation des substances organiques et puisse avoir lieu.
minérales (en présence d’un oxydant fort) présentes dans – pH : il peut affecter la croissance des micro-organismes et
l’effluent. La DCO s’exprime en mgO2 · L–1. La DCO est un bon l’activité enzymatique. Le pH optimal pour la digestion anaérobie
indicateur de la charge polluante d’un effluent et on l’utilise se situe entre 6,5 et 7,3.
par abus de langage pour quantifier la matière organique et
minérale d’un effluent. On parle de kgDCO · m–3 · j–1. – Potentiel d’oxydoréduction : la méthanisation se réalise en
anaérobiose stricte. Outre l’absence d’oxygène, le potentiel d’oxy-
• N-NO3 (azote nitrique) : azote dû aux nitrates (N-NO3 = doréduction doit être proche de – 330 mV vs ENH (électrode nor-
NO3 × 0,22). male à hydrogène).
• Demande biochimique en oxygène (DBO) : quantité
– Température : la méthanisation a lieu préférentiellement sur
d’O2 nécessaire pour oxyder par voie biologique les matières
les gammes de température mésophile (35 à 40 °C) ou thermophile
organiques biodégradables. Elle s’exprime en mgO2 · L–1 et est
(55 °C) (§ 3.1.2). Afin de maintenir ces températures dans l’enceinte
mesurée à 20 °C et à l’obscurité. En France, on parle de DBO5
du réacteur, une partie du biogaz produit par la réaction peut, le
car l’analyse standard est réalisée sur 5 jours. Pour être
cas échéant, être autoconsommée. Cette part d’autoconsommation
complète, l’analyse demande environ trois semaines à 20 °C.
du biogaz dépend directement de la température de l’effluent en
On obtient alors la DBO ultime ou DBO21. On parle aussi de
entrée du méthaniseur et de la concentration de l’effluent en pollu-
DCO biodégradable.
tion organique. En effet, plus l’effluent est concentré, plus la

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UT
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___________________________________________________________________________ TRAITEMENT ANAÉROBIE DES EFFLUENTS INDUSTRIELS LIQUIDES

Tableau 1 – Installations de méthanisation dans le monde par type d’industrie en 2015 [28]
Réacteurs installés
Secteur industriel Type d’effluent
en 2007 (% du total)
Industries sucrière, laitière et fromagère, de la transformation de la
Agro-alimentaire pomme de terre et de fruits et légumes, de la production de levure, 36
d’acide citrique, de la conserverie et confiserie, boulangerie
Boissons Brasserie, malterie, softdrinks, vin, jus de fruits, café 29
Mélasses de canne, mélasses de betterave, distillerie de vin, distillerie
Alcool-distillerie 10
de grain et de fruits
Industrie de la pulpe et du papier

Autres
Recyclage du papier, pulpe, NSSC, bagasse
Industries chimique, pharmaceutique, minière, boues résiduaires,
11

14

lixiviats de décharge, etc.

production de biogaz est importante par rapport au volume de


liquide à réchauffer. En revanche, plus l’effluent est dilué, plus la En général, on admet que la méthanisation présente un inté-
production de biogaz est faible et le volume à chauffer important. Il rêt pour les DCO supérieures à 2 000 mgO2 · L–1 en ce qui
est à noter que certains effluents d’industries agroalimentaires concerne les effluents à température ambiante dans les pays
étant chauds du fait du procédé primaire les produisant, cela est tempérés. Dans les pays chauds, certains effluents plus dilués
très bénéfique pour l’installation d’un méthaniseur d’un point de (par exemple, les eaux usées urbaines au Brésil et au Mexique)
vue énergétique. peuvent faire l’objet de traitements par méthanisation [7].

2.1.3 Concentration et composition de l’effluent Les variations dans la composition ou les volumes d’effluents
produits (par exemple productions hebdomadaires sur 5 jours,
productions saisonnières ou sujettes à des variations importantes
dans la journée) doivent être prises en compte dès la conception
Pour qualifier la charge polluante de matière organique des
de l’installation, pour adapter le dimensionnement et les condi-
effluents à traiter, on utilise traditionnellement le rapport
tions d’opération du méthaniseur (§ 3.1.1).
DCO/DBO (cf. glossaire du § 6) qui est un bon indicateur de la
biodégradabilité d’un effluent : plus il est faible, plus l’effluent
est biodégradable. 2.1.4 Matières en suspension
La présence de matières en suspension dans l’effluent d’entrée a
des conséquences directes sur le choix du procédé de méthanisation,
Dans les effluents issus de l’industrie agroalimentaire, ce rapport
ainsi que sur le dimensionnement du réacteur. Il est tout d’abord rap-
est généralement inférieur à 2, ce qui traduit une pollution carbonée
pelé que les matières en suspension (MES) inertes ou organiques non
particulièrement biodégradable. Dans les eaux résiduaires domes-
biodégradables ne sont pas abattues par le procédé de méthanisa-
tiques, il est compris entre 2 et 2,5 [13], tandis que les effluents issus
tion. Les MES biodégradables sont constituées de grosses molécules
des industries telles que la chimie, pétrochimie et la pharmacie ont
organiques insolubles. Afin d’être assimilables par les micro-orga-
des valeurs plus élevées.
nismes des étapes d’acidogenèse, d’acétogenèse et de méthanoge-
nèse, ces molécules doivent préalablement subir une hydrolyse.
Si dans un effluent, toutes les matières organiques étaient bio-
Cette hydrolyse se réalise sous l’action combinée de l’eau et
dégradables le ratio DCO/DBO21 (pour DBO21, cf. glossaire du § 6)
d’enzymes spécifiques sécrétées par des bactéries hydrolytiques qui
devrait être égal à 1, mais ce n’est pas le cas des effluents indus-
permettent la catalyse de la réaction. Pour les effluents très chargés
triels, pour lesquels une fraction de la pollution organique est
en MES, l’hydrolyse est l’étape cinétiquement limitante de la métha-
réfractaire à la dégradation par voie biologique. On parle alors de
nisation. On en déduit que le temps de séjour d’un effluent très
DCO dure ou récalcitrante et sa proportion par rapport à la
chargé en MES doit être significativement plus long que celui d’un
DCO biodégradable peut varier en fonction de la nature de
effluent dont la DCO se trouve principalement sous forme soluble.
l’effluent.
La seconde conséquence de la présence de MES dans l’effluent
alimenté est d’ordre physique. L’abondance de MES, conjuguée à
Les sels quaternaires d’ammonium comme la bétaïne ne un temps de séjour ne permettant pas leur hydrolyse, conduit à
sont pas oxydés dans les conditions de l’analyse de DCO utili- leur accumulation en régime stationnaire. Cette accumulation peut
sant le bichromate de potassium [27], ce qui peut conduire à induire des phénomènes de colmatage, particulièrement dans les
sous-estimer la quantité de biogaz qui sera produite par m3 procédés à boues granulaires et à biomasse fixée.
d’effluent traité. Des prétraitements physico-chimiques tels que la sédimentation,
la filtration ou la flottation peuvent être utilisés pour diminuer la
Pour les effluents froids qui présentent de faibles teneurs en teneur en MES des effluents [1].
DCO, la méthanisation présente un bilan énergétique défavorable,
c’est-à-dire que le biogaz produit par la réaction est intégralement 2.1.5 Composés inhibiteurs
autoconsommé, voire qu’un apport extérieur de combustible est
nécessaire. En revanche, lorsque les effluents à traiter sont chauds Certaines molécules, au-delà de seuils de concentration détermi-
ou très chargés, le maintien de la température de réaction ne nés, peuvent entraîner des inhibitions de l’activité des micro-orga-
nécessite aucun apport extérieur d’énergie et une partie du biogaz nismes impliqués dans la méthanisation. Ces molécules
peut être récupérée pour les besoins du site et le reste est valorisé inhibitrices peuvent être apportées dans l’effluent d’entrée ou
à l’extérieur (§ 3.3.3). générées par les réactions biochimiques au sein du méthaniseur.

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Oxydation hydrothermale
de déchets organiques liquides
par Hubert-Alexandre TURC
Ingénieur


Commissariat à l’Énergie Atomique, DEN/MAR/DTCD/SPDE
Centre de Marcoule, Bagnols-sur-Cèze, France
et Antoine LEYBROS
Ingénieur
Commissariat à l’Énergie Atomique, DEN/MAR/DTCD/SPDE/LPSD
Centre de Marcoule, Bagnols-sur-Cèze, France

1. Des propriétés de l’eau supercritique aux performances


de l’oxydation hydrothermale ................................................................... CHV 6 010 - 2
2. Mécanismes réactionnels de l’oxydation hydrothermale....................... — 3
3. Précipitation/dépôt des sels minéraux..................................................... — 3
4. Procédés d’oxydation hydrothermale (OHT)............................................ — 4
4.1 Principe de mise en œuvre......................................................................... — 5
4.2 Premiers développements ......................................................................... — 5
4.3 Contrôle de la température ........................................................................ — 6
4.4 Contrôle de la précipitation et du colmatage ........................................... — 6
4.5 Contrôle de la corrosion ............................................................................. — 7
5. Modélisation par mécanique des fluides numérique .............................. — 9
6. Développements industriels et commerciaux ......................................... — 10
7. Conclusion ................................................................................................... — 11
8. Glossaire ...................................................................................................... — 12
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 6 010

vec l’augmentation de la production annuelle de déchets et la raréfaction


A des options de mises en décharge, l’élimination et/ou le recyclage des
matériaux composant ces déchets sont devenus une impérieuse nécessité pour
nos sociétés industrielles. Le cas des déchets organiques passe généralement
par des traitements thermiques (voir par exemple [G2051]) lesquels permettent
notamment de valoriser l’énergie calorifique libérée par la minéralisation des
déchets.
Depuis quelques décennies, certains procédés innovants de traitement des
déchets organiques ont vu le jour et parmi eux, les procédés dits d’oxydation
hydrothermale, procédés extrêmement performants du point de vue de leur
polyvalence, de leur efficacité, et de leur compacité. Ces procédés permettent
la minéralisation dans l’eau supercritique, particulièrement adaptée pour le
traitement de substances réfractaires, pour le traitement de substances orga-
niques dangereuses ou toxiques présentes isolément, dans des effluents
industriels, ou des eaux usées urbaines.
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQW

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CHV 6 010 – 1

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OXYDATION HYDROTHERMALE DE DÉCHETS ORGANIQUES LIQUIDES _________________________________________________________________________

1. Des propriétés de l’eau Tableau 1 – Ordres de grandeur relatifs


supercritique de la masse volumique ρ, de la viscosité
dynamique η et du coefficient d’autodiffusion D
aux performances
ρ η D
de l’oxydation (kg.m−3) (Pa.s) (m2.s−1)
hydrothermale Gaz 1 10−5 10−5

Aux conditions normales de pression et de température, un Fluide 100-800 10−4 − 10−5 10−8
corps pur peut se trouver sous les trois états classiques : solide, supercritique


liquide ou gaz. L’étude du diagramme de phase (figure 1) met en
évidence, à l’extrémité de la courbe de coexistence liquide-gaz, la Liquide 1 000 10−3 10−9
présence d’un point singulier appelé « point critique ».

Un fluide est dit « supercritique » si la température et la pres-


sion sont simultanément supérieures à la température critique

Conductivité thermique (mW.m–1.K–1)


1 000 100
et à la pression critique. Les coordonnées du point critique de

Viscosité dynamique (10–6 Pa.s)


l’eau sont Pc = 22,1 MPa et Tc = 647 K (221 bar / 374 °C). 900 90

Capacité thermique massique (kJ.kg–1.K–1)


Masse volumique (kg.m–3)
800 80
L’eau voit ses propriétés thermodynamiques et de transport 700 70
modifiées lors du passage du point critique. Ces propriétés phy-

Constante diélectrique
600 60
siques de l’eau supercritique ont des caractéristiques intermé-
diaires entre celles de l’eau liquide et celles de la vapeur d’eau 500 50
(tableau 1). Le diagramme de phase donné figure 1 met égale- 400 40
ment en évidence quelques courbes d’isodensité dans le domaine
supercritique de l’eau. 300 30

L’article Gazéification de biomasse en eau supercritique 200 20


[J 7 010] de O. Boutin et J.C. Ruiz donne plus de détails sur les 100 10
propriétés physico-chimiques de l’eau supercritique.
0 0
Des études des diagrammes de phase des systèmes aqueux 273 373 473 573 673 773 873 973 1073
binaires ont été réalisées avec l’eau et les composés suivants :
CO2, N2, O2, dans des domaines allant jusqu’à 200 MPa et 450 °C Température (K)
[1]. Dans tous les cas, au-delà du point critique de l’eau, le
mélange est monophasique, indiquant une solubilité en toute pro- Figure 2 – Propriétés de l’eau supercritique en fonction de la tempé-
portion. Il en est de même pour tous les composés organiques. rature à 25 MPa
L’eau supercritique est ainsi un milieu réactionnel très favorable
au développement de réactions de combustion entre des compo-
sés organiques et un oxydant tel que l’oxygène, ce milieu permet- une réaction spontanée, quantitative, et non limitée notamment
tant un mélange intime et efficace de ces réactifs, et permettant par les transferts de masse aux interfaces. Ainsi, dès les premiers
développements dans ce domaine, on a pu établir des rende-
ments de minéralisation de matières organiques égaux ou supé-
rieurs à 99 %, pour la quasi-totalité des composés ou déchets
organiques étudiés, dans des temps de réaction extrêmement
Pression (MPa)

730 322 brefs (typiquement de l’ordre de la minute).


164
L’échauffement isobare fait également apparaître des évolu-
1 00 0 kg/m–3

tions rapides au voisinage de la température critique de l’eau.


100
40 Ces variations des principales caractéristiques de l’eau en fonc-
Domaine tion de la température à la pression de 25 MPa sont illustrées
Supercritique figure 2. Quand la température et la pression augmentent, la
constante diélectrique décroît fortement. Elle passe de la valeur
de 80, sous les conditions normales de pression et température, à
Point critique (PC) (Tc = 647 K Pc = 22 MPa) moins de 10 au-dessus du point critique [2]. L’eau présente alors
des propriétés de solvatation proches de celles d’un solvant orga-
20
nique. À 25 MPa, le produit ionique de l’eau passe quant à lui
d’une valeur d’environ 10–14 (mol/kg)2 à 25 °C, à une valeur maxi-
male de 10–11 (mol/kg)2 entre 200 et 300 °C, pour chuter à moins
Solide

40 kg/m–3
de 10–23 (mol/kg)2 à 550 °C. Les espèces ioniques dissociées dans
Liquide l’eau aux températures ambiantes deviennent insolubles dans
Gaz l’eau supercritique.
PT
0 Par exemple, CaCl2, qui a une solubilité maximum de 70 % mas-
273 473 673 873 973 sique dans l’eau à basse température, voit celle-ci diminuer à 3
(*0 °C = 273,15 K ; K = Kelvin = unité SI) Température (K)* ppm à 25 MPa et 550 °C.
Le développement de la technologie des procédés d’oxydation
Figure 1 – Diagramme de phase (pression, température) de l’eau hydrothermale (OHT) dans l’eau supercritique entrepris depuis
pure plusieurs décennies passe par une mise en œuvre de procédés

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_________________________________________________________________________ OXYDATION HYDROTHERMALE DE DÉCHETS ORGANIQUES LIQUIDES

sous pression endurants, valorisant l’efficacité et la polyvalence


de la combustion dans l’eau supercritique, tout en maîtrisant à la +O

fois les dégagements thermiques très intenses et localisés dans le


milieu réactionnel, et les implications de la précipitation des H• + •
+ OH
charges salines dans ce même milieu.
OH
+ H2O

2. Mécanismes réactionnels + O2 O
H•+O2 = HO2•
+ H• HO2•+HO2• = H2O2+O2
de l’oxydation H2+O2 = HO•+HO•

hydrothermale O O

Dans les conditions opératoires de l’oxydation en eau supercri-


H• +
O•
CO +
CO2
+

tique, l’eau se comporte comme un gaz dense apolaire de faible O +H O O •

constante diélectrique. Comme l’eau supercritique ne peut conte- O•


nir d’espèces chargées, les réactions entre les réactifs sont radica- + OH

laires et non ioniques comme à l’état ambiant. Les réactions


élémentaires sont similaires à celles qui se dérouleraient pour une
combustion, dans les conditions de pression et de température de
Mécanisme de réaction identique jusqu’à
l’oxydation hydrothermale [3]. L’eau sert à la fois de milieu réac-
formation de CO2 et H2O
tionnel mais participe également à l’oxydation comme réactif. Elle
réagit avec l’oxydant pour former des radicaux HO• et HOO• très
réactifs vis-à-vis des molécules organiques. Figure 3 – Schéma réactionnel de l’oxydation du benzène en condi-
tions hydrothermales

L’oxygène moléculaire peut également réagir directement avec le Ces réactions se poursuivent jusqu’à aboutir à la formation
composé organique pour former d’autres radicaux HOO•. d’intermédiaires réactionnels stables (acide acétique par exemple)
puis in fine à du CO2 et de l’eau.
Un exemple des principales étapes d’oxydation du benzène est
L’ensemble des radicaux formés vont, par un mécanisme de réac- donné à la figure 3. Cette approche a notamment été utilisée pour
tions en chaîne, aboutir à l’oxydation totale de ce composé, qui décrire aussi bien les mécanismes d’oxydation de composés
est recherchée dans la mise en œuvre des procédés d’oxydation simples (H2, CO, CH4, CH3OH, C2H5OH, phenol) [4] que le méca-
hydrothermale. Trois étapes sont généralement observées : initia- nisme de décomposition du squelette polystyrénique d’une résine
tion/formation des radicaux, propagation, puis terminaison/recom- échangeuse d’ions [5] lors de son oxydation hydrothermale.
binaison des radicaux. L’étape d’initiation, durant laquelle se Pour la quasi-totalité des composés organiques étudiés dans la
forment les radicaux, est l’étape cinétiquement limitante. littérature [6], une réaction quasi-totale de minéralisation peut être
La phase de propagation consiste en la réaction de radicaux obtenue pour un temps de séjour inférieur à 30 s si la température
hydroxy ( ), peroxy (ROO•) et hydroperoxy (HOO•) avec le com- du milieu réactionnel est supérieure à 550 °C. Cependant, pour
posé organique à traiter provoquant la formation d’intermédiaires quelques molécules moins labiles à l’oxydation (généralement
réactionnels de masse molaire de plus en plus faible pouvant se possédant un cycle aromatique tel que le phénol), des temps de
recombiner par la suite. À titre d’exemple, les réactions d’addition séjours plus importants peuvent être nécessaires. Un compromis
d’oxygène forment des radicaux peroxy ROO•. entre temps de séjour de l’ordre de la minute et température réac-
tionnelle entre 450-500 °C (moins contraignante pour le matériau
constitutif du réacteur) permet de conserver généralement des
rendements de conversion supérieurs à 99 %.
Ces radicaux peroxy peuvent :
– soit capturer un atome d’hydrogène pour former des
hydroperoxydes ;
3. Précipitation/dépôt
– soit attaquer les fonctions alcools, cétones, aldéhydes ou acide
des sels minéraux
carboxyliques ;
L’apparition de dépôts de sels dégrade le bon fonctionnement
des réacteurs d’oxydation hydrothermale, par la diminution des
– soit se recombiner. transferts de chaleurs aux parois, à cause de l’encrassement, par
l’apparition de corrosion entre la couche saline et la paroi interne,
néfaste à la tenue mécanique des équipements sous pression, et
par le colmatage, entraînant des difficultés de régulation de la
Des réactions de scission peuvent également se produire pour for- pression opératoire pour des réacteurs opérant en continu [7]. Le
mer d’autres intermédiaires réactionnels ou d’autres radicaux mécanisme de dépôt des sels issus de l’oxydation de déchets
pouvant réagir selon le mécanisme précédemment évoqué. contenant des hétéroatomes est une combinaison de l’effet des
conditions opératoires hostiles et de la nature desdits sels. La
solubilité, le diagramme de phase de chaque espèce (des
exemples de diagrammes de phase à 25 MPa se trouvent à la

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RECHERCHE

Traitement des eaux


par du chitosane : intérêts
et méthodes
par Grégorio CRINI

Ingénieur d’études, habilité à diriger des recherches
UMR 6249 Chrono-environnement, université Bourgogne Franche-Comté, Besançon,
France
Pierre-Marie BADOT
Professeur des universités
UMR 6249 Chrono-environnement, université Bourgogne Franche-Comté, Besançon,
France
et Nadia MORIN-CRINI
Ingénieure de recherches, habilitée à diriger des recherches
UMR 6249 Chrono-environnement, université Bourgogne Franche-Comté, Besançon,
France

Note de l’éditeur : Cet article est la version actualisée de l’article [RE 126] intitulé
« Traitement des eaux par du chitosane : intérêts, méthodes et perspectives » rédigé
par Grégorio CRINI, Pierre-Marie BADOT, Nadia MORIN-CRINI et paru en 2009.

es procédés physico-chimiques et biologiques de traitement des eaux


L usées utilisant des produits chimiques conventionnels tels que les for-
mulations métalliques à base d’aluminium ou de fer et les polymères or-
ganiques à base d’acrylamide sont certes efficaces et viables économique-
ment mais ils posent de sérieux problèmes environnementaux et de santé.
À l’heure où la demande du public en matière de produits renouvelables,
biodégradables et sans impact croît avec la sensibilisation à la protection
de l’environnement, les matériaux d’origine biologique comme le chito-
sane apparaissent porteurs de solutions alternatives et innovantes.
Cet aminopolysaccharide possède un fort potentiel dans le traitement
des eaux en raison de sa nature biologique, de sa provenance (obtenu
principalement à partir de déchets de l’industrie de la pêche), de sa non-
toxicité, de son caractère polycationique qui le distingue des autres poly-
saccharides et polymères naturels, et de sa versatilité technologique.
Ce biopolymère suscite en effet un intérêt croissant depuis les années
2000 pour récupérer et éliminer des contaminants présents dans les ef-
fluents industriels en raison de son large domaine d’applications. Cet arti-
cle fait le point sur l’utilisation du chitosane dans des procédés d’adsorp-
tion, de coagulation/floculation et d’ultrafiltration membranaire.
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQY

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RECHERCHE

Points clés
Domaine : Traitement et ingénierie des eaux usées
Degré de diffusion de la technologie : Émergence
Technologies impliquées : filtration, adsorption, échange d’ions
Domaines d’application : eaux industrielles, eaux papetières, eaux de station
d’épuration

R Principaux acteurs français :


— Pôles de compétitivité : écotechnologies, Aqua-valley, Dream, Hydreos
— Centres de compétence : Office international de l’eau
— Industriels : France chitine
Autres acteurs dans le monde :
European Chitin Society http://www.euchis.org
Neweaver https://lafabrique-france.aviva.com
SFly Greentech http://www.sflyproteins.fr
Chitosanlab Vegan https://chitosanlab.com

1. Contexte 2. Préparation, propriétés


-

et principales applications
Il existe, depuis le début des années 1990, une recherche très du chitosane
active dans le domaine de la « chimie verte », une chimie
durable et responsable, sans pétrole, qui utilise des matières
premières respectueuses de l’environnement et de notre santé Dans un contexte mondial de réduction globale du volume de
comme le bois, les coproduits végétaux, les fibres naturelles et déchets, la réutilisation de coproduits de fabrication ou de
déchets eux-mêmes fait partie aujourd’hui des priorités en
les ressources marines. Il est important de noter que cette chi-
matière de développement durable. Le marché mondial des
mie n’est pas nouvelle car l’agriculture, la forêt et la mer ont
produits de la mer, et en particulier celui des crustacés (crevet-
fourni produits et énergie aux civilisations préindustrielles, leur
tes, crabes, homards…), atteint une production de plusieurs
conférant un comportement respectueux de l’environnement.
millions de tonnes par an, dont la moitié représente des
Parmi les objectifs de cette chimie verte, on peut citer l’utilisa- déchets potentiellement valorisables. Les carapaces contien-
tion de ressources renouvelables comme les bioproduits (bio- nent essentiellement du carbonate de calcium (qui est égale-
polymères) à la place des ressources fossiles, la recherche d’al- ment valorisable) et un polymère naturel nommé « chitine »,
ternatives aux matériaux synthétiques d’origine pétrochimique, lequel, après extraction, peut être modifié chimiquement pour
la conception de produits innovants biodégradables ou encore produire le chitosane, son principal dérivé. La chitine est l’un
l’amélioration des procédés industriels existants. des polymères naturels, avec la cellulose, les plus abondants
On rencontre de nombreuses méthodes de décontamination des au monde [8] [9] [10]. Elle représente en effet une part impor-
eaux usées industrielles provenant, par exemple, des filières tex- tante de la biomasse produite annuellement, bien qu’elle n’ait
tile, agroalimentaire, traitement de surface ou papetière. Parmi pas l’importance commerciale présentée par la cellulose ou
ces méthodes, on peut citer trois traitements physico-chimiques encore l’amidon.
très utilisés par ces filières industrielles, à savoir la coagulation/ La contribution des scientifiques français à la découverte et à
floculation [1] [2], l’adsorption [3] [4] [5] [6] ou encore la filtra- la connaissance de la chitine et du chitosane a été considérable
tion membranaire [6] [7]. Parmi les matières premières bon mar- (tableau 1). La chitine a été découverte en 1811 par le chimiste
ché, renouvelables et non nocives pour l’environnement et la Henri Braconnot et le chitosane par le physiologiste Charles
santé, la chitine et le chitosane sont de plus en plus cités et Rouget en 1859. Bien que connus depuis 1811, ces polysaccha-
utilisés dans ces trois procédés d’épuration. Ces matériaux satis- rides n’ont pris véritablement leur essor qu’à partir des années
font, en effet, aux exigences de développement durable, car ils 1970 avec leur mise sur le marché et surtout avec les premiè-
diminuent la dépendance à l’égard des combustibles fossiles, tout res applications industrielles. Actuellement, chitines et chitosa-
en étant non toxiques, biodégradables et biocompatibles, chimi- nes, et leurs dérivés, suscitent toujours un intérêt de plus en
quement efficaces et écologiquement intéressants. plus grand car ces polysaccharides démontrent d’excellentes
propriétés physico-chimiques et biologiques intrinsèques, exploi-
tées dans de nombreux secteurs industriels ou de recherche,
Le concept de « chimie verte », green chemistry, a été aussi variés que la pharmacie, le médical et le biomédical, la cos-
développé aux États-Unis au début des années 1990 au sein métologie et l’hygiène, l’agroalimentaire, l’industrie des bois-
de l’Environmental Protection Agency. Cette chimie se doit de sons, l’agriculture, l’environnement, les biotechnologies, la pho-
trouver un équilibre entre développement économique et pro- tographie, la catalyse, le textile, les industries du papier,
tection de l’environnement dans lequel elle s’exerce. Douze etc. [11] [12] [13]. En recherche, l’intérêt soulevé par ces bio-
principes de base ont été énoncés, comme prévenir la pollu- polymères s’est traduit par un nombre croissant de publications
tion à la source, concevoir des produits plus sûrs ou encore scientifiques ces vingt dernières années comme en témoigne le
développer une chimie fondamentalement plus sûre pour pré- graphique de la figure 1. Depuis l’an 2000, la chitine et le chito-
venir les émissions de composés dangereux. sane ont fait l’objet de plus de 63 000 publications scientifiques
et 40 000 brevets.

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RECHERCHE

Tableau 1 – Quelques dates importantes Les polysaccharides sont des polymères constitués de
plusieurs oses liés entre eux par des liaisons osidiques.
Le chimiste français Henri Braconnot découvre la Ce sont des substances d’intérêt dans le sens où elles
chitine (initialement nommée « fongine ») lors sont issues de ressources renouvelables et exploitables
1811 dans de nombreux pays, présentant de nombreuses pro-
d’expériences réalisées sur des parois cellulaires des
champignons priétés à la fois physiques, chimiques et biologiques.
Les polysaccharides font partie de la famille des biopoly-


Le chimiste français Auguste Odier extrait la chitine à mères (substances issues de la biomasse). Il existe plu-
1823 sieurs classes de polysaccharides selon leur origine
partir de l’exosquelette d’un insecte
(végétale, animale, bactérienne), leur composition (en
Le chimiste et zoologiste anglais John George monomères), leur structure (linéaire ou ramifiée), ou
1824 leur composition chimique. Les plus répandus dans le
Children révèle la nature aminée de la chitine
règne végétal sont la cellulose et l’amidon, et dans le
Le chimiste français Jean-Louis Lassaigne démontre règne animal la chitine.
1843
que la chitine n’est pas une cellulose

Le physiologiste français Charles Rouget découvre la 2.1 Origine du chitosane


1859
« chitine soluble » (le chitosane)
Le chitosane est un aminopolysaccharide d’origine biolo-
gique, obtenu par synthèse par désacétylation de la chitine,
Un jeune étudiant allemand, Georg Ledderhose,
de n CAS 9012-76-4 et de formule [C6H11NO4]n. D’un point de
1876 découvre la glucosamine (unité structurale de la
vue structural, c’est un copolymère linéaire composé d’unités
chitine) lors de l’hydrolyse de la chitine
monomériques de D-glucosamine et de N-acétyl-D-glucosamine
Le physiologiste et chimiste allemand Felix (figure 2). Chaque lot commercial est caractérisé par un degré
1894 d’acétylation (DA) du biopolymère chitosane ou, selon les
Hoppe-Seyler introduit le nom « chitosane »
auteurs, par un degré de désacétylation (DD) [10] [14].
1912 L’Allemand Emil Fischer synthétise la glucosamine
La désacétylation est une réaction chimique d’élimination
L’Allemand Kurt Heinrich Meyer décrit en détail la d’un groupe acétyle CH3CO-. Cette réaction a lieu en
1928 structure cristalline de la chitine par des mesures de milieu basique. Dans le cas de la chitine, elle permet de
diffraction de rayons X libérer des fonctions amine dans les chaînes macromolécu-
laires du chitosane (figure 2).
Les Allemands Paul Karrer et Albert Hofmann
1929 découvrent la 1re enzyme capable d’hydrolyser la
chitine Le chitosane est une substance peu répandue dans la nature.
Il est présent dans la paroi cellulaire de certains micro-organis-
Le biochimiste allemand Max Bergmann suggère la mes fongiques (champignons zygomycètes) et dans le mycélium
1931 de Mucor rouxii, Rhizopus oryzae et Absidia coerulea, et n’est
liaison b-glycosidique
signalé que dans les exosquelettes de certains insectes, par
George L. Clark et Albert F. Smith décrivent en détail la exemple dans la paroi abdominale des reines de termites. Il n’y
1936 a donc pas de source primaire de chitosane exploitable, la pro-
première analyse par diffraction de rayons X du chitosane
duction étant assurée par transformation des déchets
L’Américain George W. Rigby, Dupont de Nemours, issus de la pêche [8] [9] [10] [13].
1936
dépose de nombreux brevets La source majeure du chitosane vendu commercialement pro-
vient de la désacétylation de la chitine. Il existe deux grandes
Le chimiste anglais Norman Haworth démontre la voies pour obtenir le chitosane, la voie chimique à haute tempé-
1939
configuration de la chitosamine rature par une base concentrée et la voie enzymatique, avec par
exemple la chitine-désacétylase. Le procédé biotechnologique
Ouvrage The Integument of the Arthropods de Albert
1951 est intéressant car il permet de produire des produits plus
Glenn Richards
purs [13]. Cependant, il est toujours en cours de développement
1971 1re production industrielle de chitosane au Japon à l’échelle industrielle.
Nota : il existe également sur le marché des procédés d’extraction et de trans-
1re conférence internationale sur la chitine et le formation de chitine d’origine fongique (procédés dits « biotechnologiques »),
1977 notamment à partir d’Agaricus bisporus (champignon de Paris) ou de moisissures
chitosane (Boston) (Aspergillus niger).

1977 Ouvrage Chitin de Riccardo AA. Muzzarelli La chitine est un biopolymère constitué d’unités de N-acétyl-
D-glucosamine (n CAS 1398-61-4, formule [C8H13NO5]n).
1992 Ouvrage Chitin Chemistry de George AF. Roberts Cette substance naturellement synthétisée est le constituant
structural de l’exosquelette des arthropodes (crustacés, insec-
1992 Création de l’European Chitin Society tes) et des parois cellulaires de certains champignons, algues
et levures. Le tableau 2 regroupe les principales sources de chi-
1re conférence européenne organisée à Brest par tine. Ce polysaccharide est produit, par exemple, par les insec-
1995
l’European Chitin Society tes tels que les blattes, les coléoptères, les fourmis, les scor-
pions, les araignées, les langoustines ou encore les calamars.
1er ouvrage en français Chitine et Chitosane de La présence de chitine a aussi été retrouvée dans les chrysali-
2007
Grégorio Crini et al. des de ver à soie [10] [13].

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RECHERCHE

8 000

7 000

6 000


Nombre de publications

5 000

4 000

3 000

2 000

1 000

0
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018
Années

Figure 1 – Nombre de publications scientifiques publiées sur le chitosane (mot « chitosan » dans le sujet) au cours de la période 2000-2018
(source : Scopus, au 3 septembre 2018)

CH2OH NH2

OH
O O
OH

O
DA 1-DA

NHCOCH3 CH2OH

chitosane commercial

CH2OH CH2OH

O O

O O
OH OH

n n

NHCOCH3 NH2
chitine chitosane

Figure 2 – Structures chimiques du chitosane commercial (un copolymère caractérisé par son degré d’acétylation DA), de la chitine
parfaite et du chitosane parfait

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La photocatalyse : dépollution
de l’eau ou de l’air et matériaux
autonettoyants
par Chantal GUILLARD
Directrice de recherches CNRS


IRCELYON, UMR CNRS 5256, université de Lyon, France
Benoit KARTHEUSER
Chef de projet
CERTECH asbl, SENEFFE, Belgique
et Sylvie LACOMBE
Directrice de recherches CNRS
IPREM, UMR CNRS 5254, université de Pau et Pays de l’Adour, France

1. Principe de la photocatalyse................................................................ J 1 270 - 2


1.1 Définition ..................................................................................................... — 2
1.2 Fonctionnement .......................................................................................... — 2
1.3 Les semi-conducteurs pour la photocatalyse
et leurs domaines spectraux ...................................................................... — 3
2. Caractéristiques du photocatalyseur le plus utilisé :
le dioxyde de titane ................................................................................ — 4
2.1 Formes cristallines et photoactivité........................................................... — 4
2.2 Mise en forme des matériaux photocatalytiques à base de TiO2 ........... — 5
3. Applications pour le traitement de l’eau.......................................... — 5
3.1 Polluants inorganiques............................................................................... — 6
3.2 Polluants organiques .................................................................................. — 6
3.3 Applications industrielles ........................................................................... — 7
3.4 Désinfection par photocatalyse ................................................................. — 7
4. Applications pour le traitement de l’air ........................................... — 8
4.1 Pollution atmosphérique ............................................................................ — 8
4.2 Pollution de l’air intérieur........................................................................... — 8
4.3 Avantages de la photocatalyse par rapport à d’autres techniques ........ — 9
4.4 Quelques exemples de composés organiques volatils étudiés
dans le cadre de l’épuration de l’air intérieur........................................... — 9
4.5 Applications industrielles/commerciales .................................................. — 10
4.6 Désinfection de l’air par photocatalyse..................................................... — 10
5. Applications en matériaux autonettoyants ..................................... — 10
5.1 Principe des matériaux autonettoyants .................................................... — 10
5.2 Superhydrophilie ........................................................................................ — 10
5.3 Différents types de matériaux autonettoyants ......................................... — 11
5.4 Applications bactéricides et antivirales des matériaux autonettoyants...... — 11
6. Perspectives d’avenir ............................................................................. — 12
6.1 Modifications structurales ou morphologiques ....................................... — 12
6.2 État de l’art sur la recherche de matériaux photocatalytiques
plus performants......................................................................................... — 12
7. Conclusion................................................................................................. — 13
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. J 1 270
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQQ

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L A PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

a photocatalyse est une technologie d’oxydation avancée émergente qui


L trouve de nombreux domaines d’application, en particulier au Japon. La
plupart d’entre eux utilisent des matériaux à base de dioxyde de titane (TiO2).
Dans le présent article nous ne présentons que les applications environnemen-
tales de ces matériaux pour la purification de l’air ou de l’eau ou pour les
applications autonettoyantes. Les applications dans le domaine de l’énergie par
des systèmes capables de stocker l’énergie solaire, telles que les cellules
solaires (cellules photovoltaiques sensibilisées par des colorants pour la pro-
duction d’électricité ou DSSC [D 3935] [BE 8579] [BE 8578]) et la production
d’hydrogène par scission photocatalytique de l’eau (fuel cells [BE 8565]), ne
seront pas abordées, de même que les propriétés photo- ou électrochromes ou


de capteurs [P 4031] [R 2385].
Le principe de la photocatalyse repose sur l’activation d’un semi-conducteur
par la lumière, et les données énergétiques et thermodynamiques qui régissent
les réactions d’oxydo-réduction photo-induites sont précisées. Les propriétés de
différents semi-conducteurs susceptibles d’induire des réactions photocatalyti-
ques sont évoquées, avant de décrire de façon plus approfondie celles du
dioxyde de titane. Les applications pour le traitement de l’eau, bien que moins
développées que pour le traitement de l’air, couvrent les polluants inorganiques
et organiques. La désinfection (de l’eau ou de l’air) par photocatalyse (élimina-
tion de micro-organismes tels que bactéries, virus, champignons) est un
domaine très exploré dans de nombreux laboratoires de recherche, même si la
compréhension des mécanismes d’action contre les micro-organismes doit
encore être approfondie. Les principales applications pour le traitement de l’air
concernent l’élimination des oxydes d’azote NOx en extérieur par des matériaux
photocatalytiques de type béton, ciments, céramiques et peintures, et le traite-
ment des COV pour l’air intérieur avec des dispositifs actifs (ventilateurs
photocatalytiques, traitement de l’air conditionné) ou passifs (revêtements, pein-
tures, carrelages… photocatalytiques). Enfin, l’origine des propriétés
autonettoyantes de surface recouvertes de dioxyde de titane est rappelée, et les
différents domaines d’application de ces matériaux résumés.

1. Principe substances, organiques et inorganiques parfois nocives, présentes


dans divers milieux (air, eau, surfaces) en composés inoffensifs.
de la photocatalyse ■ Plus scientifiquement, la photocatalyse repose sur l’absorption,
par un photocatalyseur généralement semi-conducteur (Sc), d’une
radiation lumineuse d’énergie supérieure ou égale à l’énergie (Eg)
1.1 Définition de sa bande interdite (différence d’énergie entre la bande de
valence (BV ou dernière bande totalement ou partiellement occu-
Éthymologiquement, le terme photocatalyse est issu de trois pée par des électrons dans la théorie des bandes) et la bande de
mots grecs : p tos (lumière), kata (vers le bas ou l’arrière) et lysis conduction (BC ou première bande non occupée par des électrons)
(dissolution ou décomposition). [A 245]). Cette absorption d’énergie entraîne le passage d’électrons
de la bande de valence dans la bande de conduction (figure 1)
créant des lacunes électroniques, communément appelées
La photocatalyse est donc l’action d’une substance nommée « trous » (ou « holes », h+) dans la bande de valence.
« photocatalyseur » qui augmente, sous l’action de la lumière,
la vitesse d’une réaction chimique thermodynamiquement pos- Les paires électrons-trous (e–/h+) ainsi générées donnent au
sible sans intervenir dans l’équation bilan de la réaction. solide ses propriétés oxydo-réductrices. Ces paires (e–/h+) peuvent
se recombiner, soit directement, soit indirectement (via les défauts
de surface) par des processus radiatifs ou non, sans donner lieu à
De nos jours, le terme « photocatalyse » se réfère plus spécifique- une réaction chimique (recombinaison de charges). En revanche, si
ment à la « photocatalyse hétérogène » dans laquelle le photocataly- les charges photogénérées migrent en surface et rencontrent un
seur est un semi-conducteur (le plus souvent le dioxyde de titane, accepteur (A) et un donneur d’électron (D) adsorbés à la surface,
TiO2), et non une molécule ou un complexe métallique de transition. un transfert de charge se produit :

1.2 Fonctionnement
■ En quelques mots : en utilisant l’énergie lumineuse, l’eau et
l’oxygène de l’air, les photocatalyseurs engendrent, par oxydo- Dans un échantillon de TiO2 colloïdal, les temps de vie moyens
réduction photo-induite, la formation de molécules très réactives d’un électron et d’un trou positif sont d’environ 30 ps et 250 ns res-
(en général des radicaux libres), capables de décomposer certaines pectivement. Les transferts de charges interfaciales se produisent

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____________________________________________________ LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS

Irradiation

Bande de conduction (BC)


Énergie (eV)

Adsorption (O2)
e–
Réduction (HO2• , O2• –)
e–
Recombinaison Oxydation (P•+)
E g Dégradation
des charges


Polluant P
Potentiels (V)

Oxydation (HO•)

h+ Adsorption (H2O, HO–)


Bande de valence (BV)
Adsorption (polluant P)

Figure 1 – Schéma de principe de la photocatalyse

dans le domaine de la nanoseconde à la milliseconde et des réac- Les radicaux-cations peuvent ensuite réagir par exemple avec
tions d’oxydo-réduction peuvent alors avoir lieu. H2O, O2 et , pour conduire aux produits d’oxydation finaux.
D’un point de vue thermodynamique, lorsqu’un semi-conducteur
irradié est en contact avec des donneurs et accepteurs d’électrons Le mécanisme global de la photocatalyse hétérogène se
adsorbés en surface, une réaction redox pourra avoir lieu dans des découpe donc en cinq étapes :
conditions expérimentales données (température, solvant, pH, 1/ Migration diffusionnelle des réactifs de la phase fluide vers la
concentration en réactifs) à des potentiels redox situés entre E CB et surface du catalyseur.
E VB. Les réactions d’oxydation auront lieu à des potentiels infé- 2/ Adsorption d’au moins un réactif.
rieurs à celui de la bande de valence E VB, (E ox< E VB), tandis que les 3/ Réaction à la surface.
réactions de réduction auront lieu si E red> E CB (figure 1). Il faut 4/ Désorption des produits de réaction.
noter que les potentiels E CB et E VB sont fonction du pH et décrois- 5/ Migration diffusionnelle des produits de la surface du catalyseur
sent de 0,06 eV par unité de pH (loi de Nernst), ce qui aura une vers la phase fluide.
influence sur les réactions en milieu aqueux [1].
La réaction photocatalytique proprement dite correspond à
En présence de dioxygène et d’eau, l’accepteur d’électron est
l’étape 3. L’efficacité photocatalytique est donc une synergie entre
généralement l’oxygène. O2 est alors réduit en radical anion supe-
plusieurs paramètres : nombre et temps de vie des porteurs de
roxyde : charges, vitesses d’adsorption/désorption et vitesse des réactions
mises en jeu. La photocatalyse hétérogène intervient dans une
grande variété de réactions : oxydation totale (minéralisation) ou
ménagée, déshydrogénation, transferts d’hydrogène, échange iso-
Nota : électrode normale à hydrogène (ENH) topique, déposition de métaux, réduction des ions métalliques.
ou selon le pH, en sa forme protonée, le radical hydroperoxyle HO2•.

1.3 Les semi-conducteurs


Ces radicaux peuvent réagir entre eux pour former du peroxyde pour la photocatalyse
d’hydrogène, H2O2, ou encore le radical hydroxyle HO•, extrême- et leurs domaines spectraux
ment réactifs :
Le domaine spectral de la photocatalyse dépend évidemment
de la nature du photocatalyseur, entité qui absorbe la lumière
afin d’activer la réaction, et donc de l’énergie de sa bande inter-
dite, E g.
La voie la plus directe de formation du radical HO• est l’oxyda-
tion par un trou, h+, des donneurs H2O ou ions hydroxyle (OH–),
adsorbés en surface du Sc : Comment transformer le saut énergétique (en eV)
en longueur d’onde (en nm)
E = 1,8 à 2,7 V v s ENH en fonction du pH)
D’après la relation de Planck : E g = hν = h c /λ en J.photon-1
avec h constante de Planck (h = 6,626 × 10-34 J.s.photon-1),
Ces différents radicaux peuvent réagir avec les composés orga- c célérité de la lumière (c = 2,998 × 108 m.s-1)
niques pour conduire à la formation de CO2 et H2O (minéralisa- λ longueur d’onde (m)
tion). Cependant, beaucoup de composés organiques (P) sont ν fréquence de la radiation (s-1)
susceptibles d’être oxydés directement par les trous photogénérés
en formant le radical cation : et 1 J = 6,24 × 1018 eV
Ce qui se simplifie en :
E Eg(nm) = 1239,8/Eg (eV)

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LA PHOTOCATALYSE : DÉPOLLUTION DE L’EAU OU DE L’AIR ET MATÉRIAUX AUTONETTOYANTS ____________________________________________________

Exemple de TiO2 anatase : l’é n e r g i e d e l a b a n d e i n t e r d it e e s t d e


3,23 eV. Les longueurs d’onde qui pourront activer le photocatalyseur 2. Caractéristiques
doivent être inférieures ou égales à 384 nm. du photocatalyseur
Les différentes propriétés physiques de certains semi-conduc-
teurs sont rassemblées dans la figure 2.
le plus utilisé : le dioxyde
D’après les données de la figure 2, l’énergie de la bande inter-
de titane
dite Eg varie depuis le visible (pour CdSe, CdS, Fe2O3, WO3,ou le
TiO2 sous sa forme rutile), jusqu’à l’UV-A (ZnO, ZnS). À l’heure actuelle, la plupart des applications utilisent le dioxyde
de titane comme semi-conducteur et on peut considérer que le
La définition des différents domaines spectraux, ainsi que le
domaine spectral concerné par la photocatalyse est majoritaire-
spectre d’émission solaire sont rappelés dans la figure 3.
ment l’UV (λ < 384 nm) et une petite partie du visible (380 à


Le choix d’un semi-conducteur pour la photocatalyse est donc 400 nm) (figure 3) : le dioxyde de titane de structure anatase, cata-
imposé par la valeur énergétique Eg de la bande interdite et par lyseur le plus utilisé en photocatalyse, absorbe environ 4 % des
ses potentiels ECB et EVB, qui conditionnent la faisabilité des demi- photons solaires. Cependant, comme on le verra au § 6, les recher-
réactions d’oxydo-réduction. Certains de ces semi-conducteurs ches actuelles ont pour objectif de développer des catalyseurs
sont utilisés pour des applications dans le domaine de l’énergie actifs à des longueurs d’onde supérieures à 400 nm afin d’utiliser
(cellules photo-électrochimiques pour la dissociation de l’eau ou la un nombre plus important de photons situés dans le visible.
production d’électricité…).

2.1 Formes cristallines et photoactivité


Cependant pour les applications dans le domaine du traite-
ment de l’eau ou de l’air, ainsi que les films autonettoyants, le Deux des facteurs importants qui affectent l’activité photocataly-
dioxyde de titane (TiO2) est le plus utilisé, en raison de sa dis- tique de TiO2 sont sa surface spécifique et sa cristallinité. Le
ponibilité, de son faible coût, de son inertie chimique et biologi- dioxyde de titane existe sous trois formes cristallines ou
que et de sa photostabilité dans l’air et dans l’eau. polymorphes : rutile (R), anatase (A) et brookite (B). Chaque phase
présente des propriétés physiques et chimiques différentes. La
Les différentes espèces radicalaires très réactives, formées phase rutile est thermodynamiquement la plus stable en matériau
par oxydo-réduction vont conduire à l’oxydation et souvent à massique. Cependant les préparations en solution favorisent la for-
la minéralisation (transformation en eau, dioxyde de carbone mation de la forme anatase, la plus largement utilisée. La forme
(CO2) et autres produits oxydés issus des hétéroatomes
comme les sulfates à partir des produits soufrés, les halogé-
nures à partir des dérivés halogénés, les phosphates à partir
Visible
des dérivés phosphorés…) des produits adsorbés en surface.
Ondes radio
Ces réactions seront possibles dans l’eau, dans différents sol- Rayons X Micro-ondes
vants, mais également en phase gazeuse. Les réactions Infrarouge
photocatalytiques sur TiO2 permettront donc d’oxyder, dans
des conditions précises, toutes sortes de matériaux organi-
ques ou polymères, de détruire les microbes et bactéries et
de minéraliser certaines de ces substances en présence Radiation ultraviolet
d’oxygène et d’eau. UVC UVB UVA
Vacuum UV
100 200 280 315 380 nm

a domaines spectraux
TiO2 anatase

Intensité spectrale
TiO2 rutile

Spectre solaire extraterrestre


Fe2O3
CdSe

WO3
ZnO
CdS
Énergie par rapport au niveau du vide

– 2,5 –2
ZnS

Spectre solaire au niveau de la mer

– 3,5 –1 Effet thermique


3,6 O2/O2• –
– 4,5 0 H+/H2
2,5
1,7
– 5,5 1 2,3
3,0
O2/H2O
Potentiels (ENH)

3,2 2,8
– 6,5 2 3,2
200 700 1 000 1 400 1 800 2 000 2 500 3 000
– 7,5 3 280 555 Longueur d’onde (nm)
380

UV Visible Infrarouge A Infrarouge B

b spectre de l’émission solaire


Figure 2 – Positions des bandes de conduction et de valence de
certains semi-conducteurs en contact avec un électrolyte aqueux Figure 3 – Définition des domaines spectraux (a) et spectre de
à pH 1 (v s ENH) l’émission solaire (b)

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J 1 270 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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Photocatalyse : des matériaux


nanostructurés aux réacteurs
photocatalytiques
par Delphine SCHAMING


Maı̂tre de conférences
Laboratoire ITODYS, UMR 7086 CNRS, université Paris Diderot – université Sorbonne
Paris Cité, Paris, France

Christophe COLBEAU-JUSTIN
Professeur des universités
Laboratoire de Chimie Physique, UMR 8000 CNRS, université Paris-Sud, université
Paris-Saclay, Orsay, France

et Hynd REMITA
Directrice de recherche
Laboratoire de Chimie Physique, UMR 8000 CNRS, université Paris-Sud – université
Paris-Saclay, Orsay, France

1. Catalyse et photocatalyse............................................................. NM 3 600 – 2


2. Dioxyde de titane (TiO2)................................................................. — 2
2.1 Origine ................................................................................................ — 3
2.2 Synthèse ............................................................................................. — 3
2.2.1 Synthèse en phase liquide ...................................................... — 3
2.2.2 Synthèse en phase gaz ............................................................ — 4
2.2.3 Synthèses par pyrolyse laser .................................................. — 4
2.3 Applications ........................................................................................ — 4
2.3.1 À l’échelle micrométrique : un pigment blanc ....................... — 4
2.3.2 À l’échelle nanométrique : interaction avec les UV ............... — 4
2.4 Recherches actuelles autour de TiO2 ................................................. — 7
2.4.1 Différentes nanostructures ...................................................... — 7
2.4.2 Dopage du TiO2 ....................................................................... — 8
3. Quelques autres matériaux photocatalytiques ......................... — 10
3.1 D’autres semi-conducteurs photocatalytiques .................................. — 10
3.2 Photocatalyseurs organiques : une nouvelle génération
de photocatalyseurs ........................................................................... — 11
4. Une technique de choix pour l’étude des paires électron-trou
au sein des semi-conducteurs : Time Resolved Microwave
Conductivity..................................................................................... — 11
5. Nanomatériaux photocatalytiques et chimie
environnementale ........................................................................... — 13
6. Insertion des nanomatériaux dans les réacteurs
photocatalytiques............................................................................. — 14
7. Conclusion........................................................................................ — 16
8. Glossaire ........................................................................................... — 16
9. Sigles, notations et symboles ...................................................... — 17
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. NM 3 600

a catalyse est un domaine important en chimie, puisque 90 % des processus


L chimiques impliquent un procédé catalytique dans au moins une de leurs
étapes. Une étude aux États-Unis a ainsi permis de montrer que 60 % des
63 principaux produits chimiques industriels sont obtenus via un processus
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQW

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PHOTOCATALYSE : DES MATÉRIAUX NANOSTRUCTURÉS AUX RÉACTEURS PHOTOCATALYTIQUES ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

impliquant une étape de catalyse, et que 90 % des 34 principaux procédés


industriels impliquent un phénomène de catalyse.
De ce fait, la catalyse est actuellement source de nombreuses études. En par-
ticulier, les processus catalytiques induits par une activation lumineuse ont été
largement étudiés ces dernières décennies, car ils s’inscrivent dans une poli-
tique environnementale actuelle ayant la volonté d’employer des énergies pro-
pres, en l’occurrence l’énergie solaire.
Le développement de matériaux photocatalytiques efficaces sous irradiation
dans le domaine visible permettrait donc d’utiliser de manière plus rationnelle
l’énergie solaire et d’apporter ainsi des solutions à de nombreux problèmes
environnementaux. En effet, la partie visible du spectre solaire sur terre repré-


sente environ 50 % du rayonnement, alors que les ultraviolets (UV) n’en consti-
tuent que 3 à 4 % environ.
Le développement de photocatalyseurs stables et actifs sous irradiation dans
le domaine visible est donc un défi important. Il s’agit généralement de semi-
conducteurs, tel le dioxyde de titane (TiO2), dont l’activité photocatalytique peut
être étendue dans le visible par différentes modifications ou dopages. Nous
présenterons ici des nanostructures à base de dioxyde de titane et leurs princi-
pales techniques de synthèse. Nous verrons comment le dioxyde de titane peut
être dopé ou modifié en surface afin d’étendre son domaine d’activité dans le
domaine visible. La synthèse d’autres matériaux photocatalytiques nanostructu-
rés (semi-conducteurs inorganiques ou polymères conjugués) sera présentée.
La technique de conductivité micro-ondes résolue en temps permet d’étudier
la dynamique des porteurs de charge dans le matériau irradié, cette dynamique
est fortement liée à son activité photocatalytique. Les différentes applications
environnementales (dépollution de l’eau et de l’air, surfaces autonettoyantes,
production d’hydrogène) des matériaux photocatalytiques seront décrites.
Nous verrons enfin comment ces matériaux peuvent être insérés dans des réac-
teurs photocatalytiques.

Certains processus catalytiques nécessitent par ailleurs une acti-


1. Catalyse et photocatalyse vation extérieure qui va apporter de l’énergie au système. Selon le
principe d’activation du processus, il est possible de distinguer par
exemple :
 l’électrocatalyse : le catalyseur nécessite une activation
L’Union internationale de chimie pure et appliquée (IUPAC) électrique ;
définit la catalyse comme un procédé qui augmente la vitesse
d’une réaction sans que son enthalpie libre soit modifiée.  la photocatalyse : le catalyseur nécessite une activation
lumineuse.

Toute réaction catalytique nécessite l’emploi d’un catalyseur, Dans la suite de cet article, nous nous focaliserons uniquement
substance à l’origine du processus catalytique qui apparaı̂t à la sur les processus photocatalytiques, en particulier ceux dans les-
fois comme réactif et produit de la réaction, c’est-à-dire qu’il est quels le catalyseur est un semi-conducteur. Un semi-conducteur
restauré en fin de processus, et donc n’apparaı̂t pas dans le bilan est un matériau isolant qui peut devenir conducteur lorsque de
global de la réaction. En effet, le catalyseur intervient dans une l’énergie lui est fournie, par exemple sous forme de lumière. Des
(ou plusieurs) étapes de la réaction, expliquant son influence sur paires électron-trou très réactives se créent alors au sein de ce
la vitesse de la réaction, et est ensuite régénéré dans une étape sui- matériau et peuvent participer à des réactions de transfert électro-
vante. De ce fait, le catalyseur est utilisé en quantité beaucoup plus nique avec des composés en surface du matériau, entraı̂nant leur
faible que les autres réactifs. De plus, le catalyseur n’influe pas sur modification, leur dégradation, etc. Le semi-conducteur, quant à
la composition de l’équilibre thermodynamique en fin de réaction. lui, est resté intact au cours de ce processus, et peut donc servir
plusieurs fois.
Différents types de catalyse peuvent être distingués selon la
nature du catalyseur :
 la catalyse homogène : les réactifs et le catalyseur sont dans
la même phase (généralement phase liquide) ; 2. Dioxyde de titane (TiO2)
 la catalyse hétérogène : les réactifs et le catalyseur sont dans
deux phases distinctes (généralement des réactifs en phase
liquide et un catalyseur solide) ; Le dioxyde de titane (TiO2) est le photocatalyseur le plus couram-
 la catalyse enzymatique : le catalyseur est une enzyme. ment utilisé.

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PHOTOCATALYSE : DES MATÉRIAUX NANOSTRUCTURÉS AUX RÉACTEURS PHOTOCATALYTIQUES

2.1 Origine thermique est également nécessaire durant la réaction. Il s’agit


donc de méthodes hydrothermales ou solvothermales. Des sels
Le titane (symbole chimique : Ti) est le quatrième métal le plus d’oxyde de titane (TiOSO4, TiO(NO3)2, H2TiO(C2O4)2, etc.) sont sou-
abondant sur Terre (après l’aluminium, le fer et le magnésium) et vent utilisés comme précurseurs. Néanmoins, lorsqu’un un sel tita-
le neuvième élément chimique le plus abondant. Le titane repré- nique (TiCl4, Ti(SO4)2, etc.) ou titaneux (TiCl3, etc.) est utilisé
sente en effet 0,63 % en masse de la croûte terrestre. Il fut décou- comme précurseur, la formation de l’oxyde est également permise
vert en 1791 en Angleterre par le minéralogiste William Gregor, qui par hydrolyse en solution acide ou basique. Un ajustement de la
constata la présence d’un nouvel élément chimique dans un mine- durée de la réaction, de la concentration en précurseurs, de la tem-
rai du nom d’ilménite. Cet élément fut ensuite redécouvert plu- pérature et de la pression du milieu permet de contrôler la morpho-
sieurs années plus tard par un chimiste allemand, Heinrich Kla- logie des particules de TiO2 (nanoparticules, nanofils, nanobâton-
porth, dans un autre minerai, le rutile. Il donna à ce nouvel nets, nanotubes) ainsi que la phase cristalline (phases anatase ou
élément chimique le nom de titane, en référence aux Titans (divini- rutile pures, ou alors mélange des deux). Il existe également des
tés primordiales géantes qui ont précédé les dieux de l’Olympe variantes qui consistent à effectuer la synthèse en micro-émulsion,
dans la mythologie grecque), qui sont les fils de la déesse Gê


nécessitant la présence d’une phase organique, d’une phase
(signifiant « Terre » dans la Grèce antique), identifiée à la déesse
aqueuse et d’un tensioactif.
mère, ancêtre maternelle des races divines [1].
Le titane ne se trouve jamais à l’état pur dans la nature ; il est Un procédé sol-gel peut également être mis en œuvre pour obte-
toujours combiné à d’autres éléments au sein de roches ou sédi- nir du TiO2. Il s’agit d’une technique de chimie douce puisqu’elle
ments. Il se trouve principalement dans des minerais tels que le
rutile et l’ilménite, mais aussi le leucoxène, l’anatase, la brookite,
la pérovskite et le sphène.
Néanmoins, seulement 2 % de la production mondiale sert à
l’obtention de titane métallique. En effet, 98 % de la production
mondiale servent à la production d’un oxyde de titane, le dioxyde
de titane (TiO2, figure 1). Cet oxyde métallique est extrait principa-
lement du rutile (entre 93 et 96 % de TiO2), du leucoxène (jusqu’à
90 % de TiO2) et de l’ilménite (entre 44 et 70 % de TiO2).
Différentes structures cristallographiques de TiO2 sont obser-
vées. Les principales sont le rutile et l’anatase (figure 2). Toutes
deux cristallisent selon un système quadratique.

2.2 Synthèse
Si le TiO2 est présent à l’état naturel, il est également possible de
le synthétiser. Différents procédés permettent d’obtenir du dioxyde
de titane avec une très grande pureté [2].

2.2.1 Synthèse en phase liquide


Tout d’abord, plusieurs méthodes de synthèse s’appuient sur
l’hydrolyse ou la solvolyse d’un précurseur de titane. Un traitement Figure 1 – Poudre de TiO2 (©
© Delphine Schaming)

b a
a
c
a b

Figure 2 – Structures anatase (a) et rutile (b) du TiO2

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s’effectue à basse température. Le principe consiste en une hydro- sous forme d’anatase, peuvent être obtenues avec un taux de pro-
lyse d’un alcoxyde de titane (Ti(OR)4, avec R un groupement alkyl duction de 10 à 25 g/h [5].
de type méthyl, éthyl, iso-propyl ou tert-butyl), suivie d’une Le tétrachlorure de titane TiCl4 peut également être utilisé
condensation entraı̂nant la formation d’une solution colloı̈dale. comme précurseur en présence d’oxygène O2 ou le protoxyde
Un gel est alors obtenu après chauffage léger ou vieillissement. d’azote N2O comme oxydants. À partir de ce précurseur, des nano-
La réaction peut être accélérée par ajout de catalyseurs acides particules de TiO2 de 20 nm sont obtenues [6].
(HCl ou NH3) ou basiques (NH3OH ou NaOH). Cette méthode per-
met l’obtention de TiO2 avec une grande pureté et une grande Actuellement, de nouveaux matériaux composites sont synthéti-
homogénéité. Selon le pH, le solvant, l’alcoxyde utilisé, le cataly- sés par cette méthode, tels que le TiO2 dopé avec des nanotubes de
seur éventuel, il est possible de contrôler la taille, la forme et la carbone pour des applications en photovoltaı̈que [7].
phase cristalline (anatase, rutile ou brookite) des particules de TiO2.
Ces différents procédés de synthèse présentent l’avantage d’être 2.3 Applications
faciles à mettre en œuvre et peu coûteux.


Alors que le TiO2 est l’un des matériaux les plus abondamment
Des méthodes électrochimiques peuvent également être
utilisés dans le domaine de la photocatalyse, il possède également
employées, comme par exemple des techniques d’électrodéposi-
de nombreuses propriétés lui permettant des utilisations industriel-
tion où le substrat joue le rôle d’électrode qui est immergée dans
les dans bien d’autres domaines.
une solution contenant un sel de titane ou d’oxyde de titane utilisé
comme précurseur. La structure et la morphologie du dépôt peu-
vent alors être contrôlées en ajustant le potentiel appliqué, la den- 2.3.1 À l’échelle micrométrique : un pigment
sité de courant, la composition de la solution électrolytique, son pH, blanc
ou encore la température. Une oxydation chimique peut également Du fait de ses très bonnes propriétés opacifiantes, le TiO2 fut tout
être effectuée, par exemple en utilisant H2O2 comme oxydant. d’abord utilisé dans l’industrie comme pigment blanc. Les particu-
L’ajout de sels inorganiques de type NaX permet la synthèse de les ont une taille de l’ordre de 250 à 350 nm dans ce cas. Les
nanobâtonnets, X = F- ou SO42- favorisant la formation de la domaines d’applications sont très divers : peintures et encres, blan-
phase anatase et Cl- celle de la phase rutile. chiment de plastiques, de papiers, de fibres textiles, de caout-
choucs et de cuirs…
2.2.2 Synthèse en phase gaz À l’échelle macroscopique, le TiO2 est inerte chimiquement, et
Certaines voies de synthèse s’effectuent également en phase gaz. est biologiquement compatible. De ce fait, il est également utilisé
La méthode dite de dépôt chimique en phase vapeur (CVD) est un comme agent blanchissant dans de nombreux produits cosméti-
processus durant lequel un précurseur (généralement de l’isopro- ques et pharmaceutiques, la blancheur étant souvent souhaitée
poxyde de titane) est porté à l’état de vapeur ; il réagit alors pour pour des raisons marketing. Ainsi, nous pouvons par exemple en
conduire à la formation de TiO2 qui se condense à la surface d’un trouver dans des crèmes, des dentifrices, des savons, et des
substrat. En ajustant le débit du gaz porteur, la température et la comprimés.
pression, il est possible de contrôler la forme des particules de Le TiO2 est également couramment utilisé dans l’industrie ali-
TiO2 obtenues. mentaire et est notamment connu sous le nom de colorant E171.
Il est également possible d’effectuer une synthèse par combus- Nous le retrouvons ainsi notamment dans bon nombre de
tion au cours de laquelle un précurseur (isopropoxyde de titane confiseries.
ou TiCl4 généralement) est décomposé par effet thermique dans
une flamme résultant de la combustion d’un combustible 2.3.2 À l’échelle nanométrique : interaction
(méthane, éthylène ou acétylène) avec un comburant (oxygène ou avec les UV
air). L’agglomération des particules obtenues peut être contrôlée
Le TiO2 à l’échelle nanométrique (particules dont au moins une
par la température de la flamme, et peut être inhibée par l’emploi
dimension est inférieure à 100 nanomètres) n’est plus inerte et
de dioxygène pur au lieu de l’air. L’anatase est la phase la plus sou-
son interaction avec les rayonnements ultraviolets (UV) conduit à
vent obtenue par ce procédé.
différentes applications que l’on peut classer en deux catégories.
Des variantes à ces méthodes peuvent exister, comme par exem-
ple la spray-pyrolyse qui consiste à nébuliser un précurseur sous 2.3.2.1 Atténuation des rayonnements UV
forme d’un aérosol entraı̂né par des gaz porteurs vers la flamme.
Contrairement à la CVD, qui nécessite une température élevée et Le TiO2 absorbant les rayonnements UV, il trouve des applica-
une pression basse, cette méthode de synthèse est réalisée sous tions comme atténuateurs de lumière UV. Il est par exemple cou-
conditions normales de température et de pression. La technique ramment utilisé comme écran solaire dans de nombreuses crèmes
de pyrolyse laser peut également être employée. Elle consiste solaires, mais également comme filtre UV dans des plastiques ou
cette fois en l’utilisation d’un faisceau laser au CO2 émettant dans des textiles. Le TiO2 activé par les UV, réagissant par exemple faci-
l’infrarouge qui va interagir avec un flux de réactifs, entraı̂nant lement avec l’eau, conduisant à des radicaux qui pourraient être
néfastes pour la santé, son utilisation dans des crèmes, nécessite
leur dissociation et la formation des particules de TiO2.
un traitement surfacique préliminaire afin d’inhiber les propriétés
Dans ces différents procédés en phase gaz, c’est l’oxygène qui photocatalytiques sans bloquer l’absorption des UV.
joue le rôle d’oxydant.
2.3.2.2 Photocatalyse : dépollution, revêtements
2.2.3 Synthèses par pyrolyse laser auto-nettoyants, production d’hydrogène et
réduction du dioxyde de carbone
La première synthèse de poudres nanométriques par pyrolyse
laser a été développée en 1982 au Massachusetts Institute of Tech- & Principe
nology pour l’élaboration de céramique à base de silicium (Si, C’est au début du XXe siècle que la photocatalyse a été décou-
Si3N4, SiC) [3] à l’échelle nanométrique. La synthèse de nanoparti- verte par Eibner et al. qui ont mis en évidence en 1911 l’action de
cules de TiO2 par pyrolyse laser a été initiée en 1987 [4]. L’isopropo- l’oxyde de zinc ZnO sous irradiation sur les peintures et le bleu de
xyde de titane peut être utilisé comme précurseur : il est volatile et Prusse [8] [9]. En 1921, Renz et al. rapportent le bleuissement du
absorbe la radiation laser. L’éthylène peut être utilisé comme gaz dioxyde de titane TiO2 sous lumière solaire en présence de glycé-
sensibilisateur et porteur. Ainsi, des nanoparticules de TiO2 avec rol, suggérant la réduction partielle du semi-conducteur sous
une taille allant de 6 nm à 20 nm, et cristallisant majoritairement irradiation [10].

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Purification de biogaz
Élimination des COV et des siloxanes

par Benoît BOULINGUIEZ


Docteur, Ingénieur de l’École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)
Ingénieur Recherche en génie des procédés appliqués à l’environnement R
et Pierre LE CLOIREC
Professeur, Directeur
École nationale supérieure de chimie de Rennes (ENSCR)

1. Biogaz – Éléments de contexte............................................................. BE 8 560 - 2


1.1 Définition ...................................................................................................... — 2
1.2 Production en Europe .................................................................................. — 3
1.3 Flux et qualité des biogaz ............................................................................ — 4
1.4 Filières de purification selon les voies d’applications .............................. — 7
2. Problématique des COV et siloxanes dans les biogaz ................... — 11
2.1 Concentrations et flux spécifiques ............................................................. — 11
2.2 Impacts et nuisances des COV et siloxanes sur les équipements ........... — 13
3. Procédés unitaires de purification de biogaz .................................. — 14
3.1 Procédés de séparation ............................................................................... — 15
3.2 Procédés de transferts : absorption et adsorption .................................... — 16
3.3 Procédés destructifs – Transferts puis oxydation ..................................... — 18
3.4 Critères de choix d’un procédé ................................................................... — 19
4. Conclusions – perspectives ................................................................... — 19
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. BE 8 560

ans une période particulièrement propice au développement des énergies


D alternatives aux ressources fossiles, la perspective d’intégration des
biogaz dans le paysage énergétique français est d’un intérêt certain d’un point
de vue politique, économique et environnemental. En effet, la valorisation des
résidus organiques domestiques, industriels et agricoles ou le traitement des
eaux usées satisfont aux notions de développement durable et d’énergie
renouvelable, clairement explicitées dans les récents engagements et accords
internationaux. L’impact environnemental de la mise en œuvre de filières de
valorisation de biogaz résulte en une diminution conséquente des gaz à effet
de serre rejetés. L’impact sur l’effet de serre du méthane étant 20 à 25 fois plus
grand que celui du dioxyde de carbone, il est préférable de valoriser le premier
par combustion plutôt que de le rejeter à l’atmosphère. Les récentes fluctua-
tions des coûts liés à l’importation d’énergies fossiles ont également influencé
favorablement le regain d’intérêt économique pour la production d’énergie à
partir de biogaz, qu’elle soit directement sous la forme de gaz à haute pureté
en méthane ou sous forme d’électricité.
Néanmoins, l’intégration optimale de cette ressource dans les réseaux
d’énergie existants n’est pas sans défis techniques. La déshumidification du gaz
et l’abaissement de la teneur en sulfure d’hydrogène représentent deux étapes
clés de la filière de traitement de biogaz. Cependant, les recherches de ces dix
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPQQ

dernières années sur le sujet ont mis en exergue la pression exercée par les
composés organiques volatils COV, présents dans les biogaz, sur la conduite des

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PURIFICATION DE BIOGAZ ____________________________________________________________________________________________________________

installations d’exploitation énergétique. En effet, quelle que soit la filière de


—valorisation retenue, la présence de ces composés à des concentrations de
l’ordre du ppm constitue un risque de dégradation prématurée des installations,
ainsi qu’une dépréciation des rendements de valorisation énergétique du biogaz.
Dans ce dossier, sont abordés successivement :
– les notions clés liées aux biogaz, en définissant une classification des
biogaz, leur qualité et les voies d’application qui en découlent ;
– les composés organiques volatils et les siloxanes présents dans les biogaz,
de leur présence à leur conséquence sur la filière ;
– les divers procédés de traitement de gaz pouvant être mis en œuvre afin


de répondre aux demandes spécifiques de l’épuration d’un biogaz brut, les
—critères technologiques de choix du procédé en fonction des caractéristiques
du biogaz et des voies de valorisation possibles ;
– une discussion sur les perspectives en matière de filière de traitement de
biogaz.

organiques volatils COV [2] [J 3 928] [G 1 835] qui, pour certains


Acronymes pénalisent lourdement sa valorisation, paradoxalement à de faibles
concentrations inférieures à 1 % de la composition totale [3] [4] [5]
AGRO substrats agricoles et agro-industriels [6] [7] [8] [9]. En vue d’une valorisation énergétique, il est donc pré-
COV composés organiques volatils férable d’épurer un biogaz, bien que celui-ci soit inflammable à des
taux de méthane supérieurs à 45 %. La comparaison, dans le
CSDU centre de stockage de déchets ultimes
tableau 1, des propriétés calorifiques d’un biogaz brut, c’est-à-dire
MS matières sèches non épuré, avec le gaz naturel souligne l’intérêt de l’épuration d’un
MVS matières volatiles sèches biogaz. De plus, tout ou partie des composés traces est néfaste pour
l’équipement ou incompatible avec la valorisation ciblée.
PSA Pressure Swing Adsorption
STEP station d’épuration d’eaux usées
tep tonne équivalent pétrole Les résultats de la composition d’un biogaz brut, présentés
dans le tableau 1, mettent en avant les disparités de composition
TSA Thermal Swing Adsorption
qui existent d’un biogaz à l’autre. Celles-ci sont dues en majeure
partie à la variabilité entre les substrats organiques.

1. Biogaz – éléments
de contexte Tableau 1 – Comparatif et compositions
moyennes du gaz naturel et d’un biogaz type
1.1 Définition
Gaz Biogaz
Caractéristiques
naturel brut
Le biogaz est produit par la réaction dite de méthanisation
ou digestion anaérobie, d’un substrat organique (déchets CH4 ....................................... (%vol.) 81 à 97 47 à 75
ménagers ou industriels, boues de traitement des eaux, pro-
CO2 ....................................... (%vol.) 1 20 à 55
duits agricoles).
N2 ......................................... (%vol.) <1 <5
Celui-ci, constitué de protéines, lipides et glucides, est O2 ......................................... (%vol.) <3 <2
décomposé par un processus biologique segmenté en quatre
étapes réactionnelles en chaîne : NH3 ....................................... (%vol.) – <1
– l’hydrolyse ;
– l’acidogénèse ; H2S ...............................(mg · Nm–3) 5 200 à 10 000
– l’acétogénèse ;
Soufre total..................(mg · Nm–3) 30 200 à 10 000
– la méthanogénèse.
La production de méthane se déroule durant la dernière étape. COV ..............................(mg · Nm–3) < 300 1 000 à 3 000
Chacune d’entre elles fait appel à des populations microbiennes diffé-
rentes, agissant en symbiose au sein d’un consortium bactérien [1]. Indice calorifique ........ (kWh · m–3) 11,7 5à8

Nota : pour de plus amples informations sur les aspects microbiologiques et Indice de Wobbe......... (kWh · m–3) 14 6,5 à 7,5
réactionnels de la digestion anaérobie, se reporter au dossier Méthanisation de la
biomasse [BIO 5 100]. Équivalent pétrole.......... (L · Nm–3) 1,08 0,6 à 0,65
Les deux constituants largement majoritaires des biogaz sont Densité/air........................................ 0,57 0,95
le méthane CH4 (entre 45 et 75 % en volume) et le dioxyde de
carbone CO2 (entre 20 et 55 % en volume). D’autres constituants Humidité relative ...................... (%) 60 100
prennent part à la composition d’un biogaz, tels que le sulfure
d’hydrogène, la vapeur d’eau, l’ammoniac ou encore l’hydrogène. Le type de substrat organique influe sur les quantités produites de
Cependant, les biogaz contiennent également des composés composés.

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____________________________________________________________________________________________________________ PURIFICATION DE BIOGAZ

EU(27)

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36,7
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4,2
SE
DK LV


27,2
LT
UK 2,5
97,9 5 901,2
IE
NL
33,5 DE PL

174,0
1 624,2 BE 62,6

LU
78,6 CZ
10 78,5 SK
FR 2 383,1 AT 8,6 HU

139,1
1 20,2 RO
IT SI
S
309,2 11,9

BG
ES 406,2

PT GR
15,4 329,9
47,8

CY
0,2
MT

biogaz de décharges – centres d’enfouissement techniques


biogaz de stations d’épuration
autre biogaz (unités décentralisées de biogaz agricole).
Les chiffres soulignés indiquent la production totale en ktep

Figure 1 – Production d’énergie primaire de biogaz de l’Union européenne en 2007

1.2 Production en Europe concis de trois modèles technico-économiques en Europe est


présenté.
Le bilan de la production de biogaz est relativement contrasté en
Europe comme le montre la figure 1. Elle représente la cartogra- 1.2.1 Modèle allemand : diversité des installations
phie de la production d’énergie primaire de biogaz dans l’Union
européenne [10]. Les bases de la stratégie germanique reposent sur l’augmen-
À travers l’Europe, différents modèles technico-économiques ou tation, dans les années 1980, des prix de rachat de l’électricité pro-
stratégiques de production de biogaz sont mis en œuvre, en duite par combustion du biogaz pour les faire correspondre aux
fonction de la source de matière organique principalement exploi- coûts de production. Par conséquent, un grand nombre d’installa-
tée, mais également en fonction du procédé de valorisation majo- tions de petites dimensions en zone rurale se sont développées
ritairement employé. Le classement de la production d’énergie afin de faire face aux difficultés économiques rencontrées par
primaire biogaz ramenée au nombre d’habitants met en avant la l’agriculture à cette période [13]. À la fin des années 1990, un
position dominante des pays d’Europe du nord [10] [11] [12]. second volet de cette stratégie a conduit les producteurs de biogaz
à augmenter leur production en additionnant à leurs substrats des
Selon le classement présenté dans le tableau 2, la France est en déchets agroalimentaires, bénéficiant alors de revenus supplémen-
14e position. L’Allemagne et le Royaume-Uni occupent les premiè- taires par la redevance du traitement, facturée aux producteurs de
res places du classement. Néanmoins, la France présente le poten- déchets. La dernière mesure prise en faveur du développement du
tiel le plus important d’Europe en termes de ressources. biogaz date de 2004, avec l’autorisation d’adjonction de cultures
dédiées (maïs, céréales, colza...) dans les substrats.
De 2008 à 2010, 82 projets d’exploitation de biogaz ont été promus De ces différentes étapes, il résulte un paysage allemand regrou-
dans le cadre du Plan de Performance Énergétique en France. pant un grand nombre de petites exploitations agricoles vieillis-
santes et un faible nombre d’exploitations à forte puissance
Afin de mieux appréhender les disparités qui existent en termes d’environ 30 MW, alimentées pour tout ou partie de cultures
de production d’énergie primaire à partir du biogaz, un descriptif dédiées.

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PURIFICATION DE BIOGAZ ____________________________________________________________________________________________________________

basé sur un quota minimum obligatoire d’énergie renouvelable


Tableau 2 – Production d’énergie primaire biogaz dans le parc d’approvisionnement d’un fournisseur national.
en 2007 par habitant
Production En 2009, les fournisseurs d’énergie devaient justifier une part
Pays d’énergie renouvelable à hauteur de 9,1 % dans leur portefeuille
(tep)
d’approvisionnement [12]. Si ce ratio n’était pas atteint, une pénalité
Allemagne 29 000 équivalente à 41 € pour chaque mégawatt-heure manquant était
appliquée.
Royaume-Uni 26 000
Luxembourg 21 000 Ce système répressif a induit une réponse prompte de la part
des fournisseurs d’énergie, qui se sont tournés vers la source et
Danemark 18 000 les installations susceptibles de fournir le plus rapidement possible


des quantités de biogaz conséquentes : les déchetteries. En 2010,
Autriche 16 800
les modifications apportées aux « Renewable Obligation
Pays-Bas 10 600 Certificates » indiquent la volonté de soutenir le développement du
biogaz à partir des sources agricoles et des stations d’épuration.
Irlande 7 800
République Tchèque 7 600 1.2.4 Situation française
Belgique 7 400 Dans les années 1980, la France suit le mouvement de dévelop-
pement du biogaz mais stoppe brutalement ses recherches après
Espagne 7 400 le contre-choc pétrolier. Dès lors, un retard conséquent s’accu-
mule, en dépit du plus grand potentiel de ressource en
Finlande 6 900
Europe [10].
Italie 6 900 En 2006, la révision à la hausse des tarifs de rachat de l’électri-
cité ne génère pas la relance espérée par les autorités. Néanmoins,
Slovénie 5 900
il apparaît que les projets de biogaz se développent à partir des
France 4 900 sources agricoles et agroalimentaires [11]. En 2008, environ 200
projets de méthanisation (en fonctionnement ou en étude) sont
Grèce 4 300 recensés en France [20]. Tous les sites ont opté pour la cogéné-
ration d’électricité et de chaleur, sauf deux unités qui envisagent
l’injection du biogaz sur le réseau de gaz naturel. L’étude appro-
fondie sur un panel de 50 sites met en avant l’influence prépondé-
Selon le Ministère de l’Environnement Allemand, en 2007, rante du prix de rachat de l’électricité sur la viabilité économique
1 143 × 106 t de CO2 ont été économisées grâce aux systèmes de des projets.
génération d’énergies à partir de biogaz, lesquels assurent une capa-
cité de 1 100 MW en 2010 [14]. Exemple : sur ces 50 sites étudiés, une augmentation de 30 % du
prix de rachat de l’électricité multiplierait par quatre le nombre de pro-
jets rentables. Le doublement de la redevance sur le traitement des
1.2.2 Modèle danois : centralisation déchets aurait la même conséquence. Pour de plus ample informa-
de la production tion, le lecteur est invité à se reporter au rapport économique complet
de l’ADEME de 2010 [20].
A contrario du modèle allemand, le modèle danois initié à la
même période est qualifié de centralisé [15]. Les producteurs agri- La filière de production de biogaz en France et en Europe est
coles s’associent et regroupent leurs rejets afin d’optimiser les res- amenée à croître dans les années futures, quelle que soit la res-
sources digestives [16]. De cette tendance va naître le principe de source ou la valorisation considérée ; la croissance actuelle n’étant
codigestion : mélange de substrats d’origines différentes. Soute- pas assez soutenue pour atteindre les objectifs du Livre Blanc de la
nus par les autorités dans les années 1980, les projets collectifs de Commission européenne fixés à 15 Mtep pour 2010 [10].
grandes dimensions se multiplient. Les économies d’échelles réali-
sées selon ce modèle contrebalancent les frais logistiques liés à la
collecte des substrats.
1.3 Flux et qualité des biogaz
La valorisation majoritairement employée ne se limite pas uni-
quement à l’électricité mais également à la chaleur produite par
cogénération. L’énergie générée sous forme de chaleur est directe-
1.3.1 Aspects théoriques sur la composition
ment distribuée dans les réseaux de chaleur municipaux, très den- d’un biogaz
ses au Danemark, 60 % des habitations individuelles y sont Selon l’équation de Buswell (1930), le rendement théorique de
connectées [17]. production de méthane peut être estimé à partir de la composition
élémentaire de base d’un substrat, en supposant la réaction totale,
sans formation de sous-produits :
1.2.3 Modèle britannique : pression et répression
Alors que les deux modèles présentés précédemment se diffé- CcHhOoNnSs + y H2O → x CH4 + z CO2 + nNH3 + s H2S
rencient par leur organisation, le développement du modèle bri-
tannique se distingue dans les années 1980 par l’utilisation x = 1/ 8 (4c + h − 2o − 3n − 2s)
massive d’une seule source de substrat : la partie organique des
déchets solides ménagers et industriels, non exploitée par les y = 1/4 (4c − h − 2o + 3n + 3s)
autres modèles à cette époque. Cette production de biogaz est
soutenue par le système des certificats verts britanniques 1
z = (4c + h − 2o − 3n − 2s)
« Renewable Obligation Certificates » [18] [19]. Ce système est 8

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BE 8 560 – 4 est strictement interdite. – © Editions T.I.

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____________________________________________________________________________________________________________ PURIFICATION DE BIOGAZ

Dans la pratique, cette équation est rarement utilisée en Tableau 3 – Composition de biogaz
raison de la complexité à définir élémentairement et pertinem- en fonction du type de substrat
ment un substrat réel et de l’instabilité du procédé de métha-
nisation dans sa globalité (dissolution du dioxyde de carbone, Caractéristiques CSDU STEP AGRO
inhibition due au pH, mise en œuvre...).
CH4 ................................... (%vol.) 65 à 75 45 à 75 40 à 55

La complexité et le nombre de réactions mises en jeu dans le CO2 ................................... (%vol.) 20 à 35 20 à 55 25 à 30


procédé biologique de production de biogaz rendent difficile une
approche globale et une modélisation des phénomènes et donc N2 ..................................... (%vol.) 0à5 0à5 10
des bioréacteurs. Cela favorise l’accumulation de données expéri-
mentales et empiriques en fonction des types de substrats utilisés O2 ..................................... (%vol.) <1 <1 1à5


et des conditions de mise en œuvre.
NH3................................... (%vol.) traces <1 traces
La maîtrise de la conduite du procédé biologique reste délicate
en raison de l’intégration des divers paramètres : type de substrat, H2S ........................... (mg · Nm–3) < 4 000 < 10 000 < 3 000
pH, température, mise en œuvre et charge organique entrante.
COV .......................... (mg · Nm–3) < 2 500 < 1 500 < 2 500
Nota : pour de plus amples informations, se reporter au dossier Méthanisation de la
biomasse [BIO 5 100]. Indice calorifique .....(kWh · m–3) 6,6 5,5 5,0
à 8,2 à 8,2 à 6,1

1.3.2 Aspects pratiques sur la composition Indice de Wobbe......(kWh · m–3) 7,3 6,8 6,7
d’un biogaz Équivalent pétrole ......(L · Nm–3) 0,6 0,6 0,6
à 0,65 à 0,65 à 0,65
Les constituants présents dans un biogaz dépendent essentiel-
lement de la composition du substrat et non du procédé de pro- Densité/air ................................... 0,9 0,9 1,1
duction appliqué [6] [21]. Dès lors, il devient pertinent afin
d’appréhender la composition des biogaz de segmenter les subs- Humidité relative ...................(%) 100 100 100
trats en fonction de leur origine.

La classification suivante est habituellement utilisée :


Tableau 4 – Caractéristiques de déchets ménagers
– déchets ménagers et industriels provenant des centres de
stockage de déchets ultimes (CSDU) ; Ratio MS MVS
– boues issues du traitement des eaux urbaines domestiques Composés
(%) (%) (%)
et industrielles dans les stations d’épuration des eaux usées
(STEP) ; Assimilables
– produits agricoles et de l’industrie agroalimentaire (AGRO). (production de biomasse)

putrescibles 33,0 44 77
Cette segmentation arbitraire est utilisée pour dégager les ten-
dances entre les biogaz provenant de ces substrats. Un comparatif papiers 11,7 68 80
de la composition des biogaz en fonction des principaux types de
substrats est présenté dans le tableau 3. La production de biogaz cartons 12,0 70 80
en fonction de cette segmentation est discutée dans les
paragraphes suivants. complexes (briques alimentaires) 8,5 70 60

textiles 4,2 74 92
1.3.2.1 Centre de stockage de déchets ultimes – CSDU
déchets verts 4,5 50 79
L’enfouissement contrôlé des déchets ménagers et industriels
Non assimilables
banaux dans des centres de stockage des déchets ultimes (CSDU)
est une des voies de production possible de biogaz. Parmi ces rési- plastiques 4,9 85 90
dus sont présents des déchets qualifiés d’assimilables : le papier,
le carton, les matières organiques d’origine animale ou végétale et combustibles divers 1,6 85 75
les déchets verts. Une caractérisation typique de la composition
des résidus déposés dans des CSDU est listée dans le verres 5,4 98 2
tableau 4 [21] [22].
métaux 3,7 90 1

La part des déchets assimilables fermentescibles représente incombustibles divers 9,5 90 1


seulement 30 à 45 % des déchets solides totaux, soit une
masse comprise entre 50 et 100 kg · an–1 · hab–1 [21]. Les déchets spéciaux 2,0 90 1
valeurs indicatives de rendement de production de biogaz
Les ratios sont exprimés en masses.
pour les déchets alimentaires oscillent entre 40 et 320 m3 · t–1 MS taux massique de matière sèche obtenue après séchage de la matière
de déchets traités. Dans le cas de déchets non traités, ces à 105 °C.
valeurs sont abaissées à 20 et 220 m3 · t–1 de déchets MVS taux massique de matière sèche volatile obtenue par évaporation de
bruts [23]. la matière sèche sous traitement thermique à 550 °C.

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Procédés de dépollution des


émissions gazeuses industrielles

par Pierre LE CLOIREC


Professeur des Universités
Directeur de l’ENSCR, École nationale supérieure de chimie de Rennes, France R
Cet article est la réactulisation de l’article du même auteur paru en 2005

1. Polluants en présence ......................................................................... J 3 921v2 - 2


2. Réglementation ..................................................................................... — 3
2.1 Quelques textes réglementaires ............................................................. — 3
2.2 Plan de gestion des solvants ................................................................... — 4
3. Procédés de traitement....................................................................... — 3
3.1 Actions préventives.................................................................................. — 6
3.2 Procédés curatifs ..................................................................................... — 6
4. Quelques applications industrielles de traitements ................... — 6
4.1 Dépoussiérage .......................................................................................... — 6
4.2 Désulfuration et traitement des gaz acides ............................................ — 7
4.3 Traitement des NOx .................................................................................. — 9
4.4 Contrôle des rejets chargés en CO et CO2 .............................................. — 9
4.5 Traitement des composés organiques volatils ...................................... — 10
4.6 Désodorisation industrielle...................................................................... — 10
4.7 Ozone......................................................................................................... — 11
4.8 Dioxines et furannes ................................................................................ — 11
5. Technologies émergentes .................................................................. — 11
6. Glossaire.................................................................................................. — 11
Pour en savoir plus ........................................................................................ Doc. J 3 921v2

a préservation de la santé humaine et de l’environnement passe par un


L contrôle de la qualité de l’air. En effet, le réchauffement de la planète dû à
l’effet de serre ou encore plus précisément l’exemple récurrent des niveaux
d’ozone dans nos villes amènent à nous mobiliser pour une réduction de la
pollution atmosphérique générée par les activités humaines. Les conférences
mondiales des années 1990 ont permis aux pouvoirs publics de prendre
conscience des problèmes et de ratifier des traités internationaux pour une
diminution drastique des rejets polluants gazeux atmosphériques. En fin
d’année 2015, la 21e Conférence des Parties (COP21) à la Convention cadre des
Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) nous rappelle
l’importance d’une relation raisonnée entre les activités humaines et notre
environnement.
Différents engagements internationaux d’États ont été déclinés en directives
européennes qui ont été elles-mêmes retranscrites en droit français sous la
forme d’arrêtés. Ces obligations réglementaires ne doivent pas nous faire
oublier une démarche plus volontariste de réduction des pollutions atmosphé-
riques pour la préservation de la santé humaine et en particulier celle des
personnes les plus sensibles. Au-delà de la toxicité des rejets, il convient aussi
d’intégrer la notion de confort par une élimination des nuisances dues à la
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQV

pollution de l’air pour une meilleure qualité de vie.

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PROCÉDÉS DE DÉPOLLUTION DES ÉMISSIONS GAZEUSES INDUSTRIELLES _____________________________________________________________________

Cet article présente synthétiquement les procédés de traitement des émis-


sions gazeuses industrielles canalisées. Aussi, il est divisé en cinq paragraphes
présentant les polluants en présence, la réglementation, les principales techno-
logies disponibles de dépollution, des applications industrielles spécifiques
aux grandes classes de polluants et enfin quelques procédés émergents ou en
cours de développement.

R Symbole
Sigles, notations et symboles

Unité Description
1. Polluants en présence
Parmi l’ensemble des composés présents dans l’air, un classe-
ment simple peut être proposé comprenant :
C t/an Consommation de solvant – les polluants primaires issus de sources spécifiques (émissions
naturelles, trafic routier, rejets agricoles, industriels ou domes-
CCNUCC Convention cadre des nations unies tiques...) comme les particules, les oxydes de soufre, d’azote ou de
sur le changement climatique (voir carbone, les COV... ;
aussi COP21) – les polluants secondaires provenant de réactions de transfor-
mations naturelles des composés présents dans l’air (ozone,
CO Monoxyde de carbone dioxyde d’azote...).
Une autre classification des composés polluants atmosphé-
CO2 Dioxyde de carbone riques peut être aussi effectuée en fonction de leur impact sur
l’environnement [1] [2] (encadré 1).
COP21 21e Conférence des parties à la
convention cadre des nations unies
sur le changement climatique Encadré 1 – Classification des composés polluants
(CCNUCC) atmosphériques en fonction de leur impact
sur l’environnement
COV Composés organiques volatils
1. Substances relatives à l’acidification, l’eutrophisation et à
HAP Hydrocarbures aromatiques la pollution photochimique : oxydes de soufre SOx , oxydes
polycycliques d’azote NOx , ammoniac NH3 , composés organiques volatils
non méthaniques COVNM et monoxyde de carbone CO.
HCF hydrofluorocarbures
2. Composés relatifs à l’accroissement de l’effet de serre
(sans les polluants de la classe 1) : dioxyde de carbone CO2 ,
HCl Acide chlorhydrique méthane CH4 , protoxyde d’azote N2O, hexafluorure de soufre
SF6 , hydrofluorocarbures HFC, perfluorocarbures PFC.
HNO3 Acide nitrique
3. Métaux lourds et métalloïdes : arsenic As, cadmium Cd,
chrome Cr, cuivre Cu, mercure Hg, nickel Ni, plomb Pb, sélé-
H2SO4 Acide sulfurique nium Se, zinc Zn.
NO Monoxyde d’azote 4. Produits relatifs à la contamination par les produits orga-
niques persistants (POP) : dioxines et furannes, hydrocarbures
aromatiques polycycliques HAP, polychlorobiphényls PCB,
NO2 Dioxyde d’azote l’hexachlorobenzène.
N2 O Protoxyde d’azote 5. Particules en suspension (poussières, aérosols liquides et
solides). Il existe des classifications suivant les tailles du type
PM (Particule Matter) : PM10, PM2,5 et PM1,0 de tailles supé-
PCB Polychlorobiphenyls
rieures ou égales à 10, 2,5 et 1,0 µm.
PFC Perfluorocarbures
Dans cet article, on s’intéresse plus particulièrement aux familles
PM Particules en suspension (Particule de composés ou aux molécules spécifiques de polluants atmo-
Matter) sphériques suivantes :
– les poussières – aérosols (liquides ou solides) – pollens ;
POP Produits organiques persistants (dans – les métaux (Hg, Cd, Pb...) ;
l’environnement) – les oxydes de soufre (SO2 , SO3) ;
– les oxydes d’azote (NO, N2O, NO2) ;
SF6 Hexafluorure de soufre – les oxydes de carbone (CO, CO2) ;
– les gaz et/ou aérosols acides (HCl, HF, H2SO4 , HNO3) ;
SO2 Dioxyde de soufre – les composés organiques volatils (COV) ;
– les molécules odorantes ;
SO3 Trioxyde de soufre. Anhydride – l’ozone (O3) ;
sulfurique. Oléum – les produits organiques persistants dans l’environnement
(POP) et plus spécifiquement les dioxines et furannes.

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_____________________________________________________________________ PROCÉDÉS DE DÉPOLLUTION DES ÉMISSIONS GAZEUSES INDUSTRIELLES

Tableau 1 – Principales origines, effets sur la santé et impact sur l’environnement


de divers polluants gazeux émis dans l’air [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]
Nature Origine Effets sur la santé Impact sur l’environnement
Altération de la fonction respiratoire avec
Milieux naturels, sables, des effets variés : Transport et dispersion par les
embruns, pollens, – irritant (particules acides) ; particules de composés toxiques
Poussières – aérosols
poussières volcaniques, – fibrosant (amiante, silice) ; (métaux lourds, hydrocarbures,
– pollens
érosion – allergène (pollens et spores) ; bactéries...)
Procédés industriels – cancérigène ou mutagène (composés Impact visuel
organiques ou radioactifs)
Procédés industriels à


Toxicité et accumulation dans la chaîne
Métaux lourds haute température Toxicité reconnue
alimentaire
Incinération de déchets
Sources naturelles Acidification
Oxydes de soufre Combustion de produits Irritations pulmonaires Corrosion des métaux
fossiles à teneur en soufre Dégradation de la pierre
Irritation des muqueuses, des yeux et des Acidification
Monoxyde et dioxyde
Transports voies respiratoires Corrosion des métaux
d’azote
Combustion Altération de la fonction respiratoire (NO2 Dégradation de la pierre
(NO, NO2)
plus toxique que NO) Pollution photo-oxydante
Fabrication d’engrais
N2 O Procédés de nitrification – Contribution de N2O à l’effet de serre
dénitrification
Monoxyde de Combustion incomplète de
Formation de carboxyhémoglobine dans
carbone produits fossiles
le sang
(CO) Transports
Dioxyde de carbone Combustion Pas d’effet aux teneurs atmosphériques
Effet de serre
(CO2) Oxydation aérobie usuelles
Gaz acides et
Combustion Irritation des muqueuses, des yeux et des
aérosols acides (HCl, Acidification
Incinération voies respiratoires
HF, H2SO4 , HNO3)
Combustion incomplète de
produits pétroliers et des
Composés Dérègle le cycle de Chapman et produit
essences, émissions de Toxicité : certains composés sont
organiques volatils de l’ozone
solvants (dégraissage, cancérigènes et/ou mutagènes
(COV) Effet de serre
nettoyage peintures,
vernis...
Production due au Toxique Oxydation
Ozone (O3) dérèglement du cycle de Problèmes pour les voies respiratoires Acidification
Chapman par les COV Oxydant Corrosion
Fermentation
Nuisances olfactives
Oxydation anaérobie
Molécules odorantes Pas de toxicité avérée aux concentrations
Émissions industrielles
trouvées
Certains solvants
Combustion de produits
fossiles Effets variés Effet de serre
Polluants organiques Incinération Risques cancérigènes et/ou mutagènes Destruction de l’ozone stratosphérique
persistants (POP) Procédés industriels à Affections dermatologiques Accumulation dans la chaîne
hautes ou moyennes Effets immunologiques alimentaire
températures

Le tableau 1 regroupe les principales origines, quelques effets conférence de Rio de Janeiro en 1992, le protocole de Kyoto en
sur la santé et l’impact sur l’environnement de polluants gazeux 1997...). Ces textes ciblent, en particulier, les rejets industriels des
issus des émissions industrielles [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9]. installations classées.

2.1 Quelques textes réglementaires


2. Réglementation
Issus de directives européennes, les textes majeurs concernant
la réglementation française des rejets gazeux industriels sont :
L’évolution de la législation en matière de prévention de pollu-
tion atmosphérique a été d’importance ces dernières années du – l’arrêté du 2 février 1998, journal officiel du 3 mars 1998, relatif
fait de la mise en application de traités internationaux (la aux prélèvements et à la consommation d’eau ainsi qu’aux

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Procédés durables
pour la décontamination d’agents
chimiques de guerre

par Julien LEGROS


Directeur de recherches au CNRS

Laboratoire COBRA-CNRS, Université de Rouen-Normandie, Mont-Saint-Aignan, France

1. Armes chimiques et agents chimiques de guerre (CWA) ........ J 3 950 – 2


1.1 Définition ............................................................................................ — 2
1.2 Principaux CWA : vésicants et neurotoxiques organophosphorés .. — 3
2. Méthodes de neutralisation des CWA......................................... — 3
2.1 Hydrolyse ............................................................................................ — 3
2.2 Oxydation ........................................................................................... — 5
3. Procédés de neutralisation ........................................................... — 7
4. Conclusion........................................................................................ — 8
5. Glossaire ........................................................................................... — 8
Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. J 3 950

algré la signature de la Convention d’Interdiction des Armes Chimiques


M (CIAC) par la quasi-totalité des pays du monde (seuls la Corée du Nord,
l’Égypte et le Soudan du Sud n’ont pas signé la CIAC ; Israël l’ayant signé mais
pas ratifié), une effrayante résurgence des armes chimiques est récem-
ment apparue au cours de différents conflits (attaque au sarin à Khan Cheik-
houn en Syrie en avril 2017), ou encore d’attentats terroristes (assassinat de
Kim Jong-nam à Kuala Lumpur en février 2017, attentat dans le métro de
Tokyo en 1995). La CIAC proscrit la production d’armes chimiques à large
échelle mais les stocks mondiaux en armes chimiques anciennes restent égale-
ment importants ; la question de leur destruction et le développement de
méthodes plus sûres constituent donc un défi d’actualité. Si la plupart des
pays occidentaux signataires du CIAC se sont dotés au cours des dernières
années de sites de destruction sécurisés, le cas Syrien a soulevé de nouvelles
problématiques. En effet, compte tenu de la situation de conflit interne et du
refus de nombreux états d’accueillir le stock d’arme Syrien pour destruction
sur leur territoire (1 033 t de gaz moutarde et 300 t de sarin et de VX officielle-
ment), la décontamination a eu finalement lieu en mer, pendant 2 ans, à bord
du « Cape Ray » un bateau américain équipé d’une plateforme de traitement
chimique, le « Field Deployable Hydrolysis System » (FDHS). Malheureusement
les effluents résultants de ce traitement sont colossaux (plusieurs dizaines de
litres d’eau/litre d’agent traité) et doivent être retraités à un coût parfois plus
élevé que la neutralisation du toxique. La France, quant à elle, possède sur
son territoire environ 300 tonnes d’armes chimiques stockées datant de la pre-
mière Guerre mondiale. Le programme SECOIA (Site d’Élimination des Charge-
ments d’Objets Identifiés Anciens) a été initié en ce sens : la méthode de des-
truction utilisée repose sur une destruction automatisée par explosion dans une
enceinte blindée puis les déchets sont récupérés, conditionnés puis traités.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQX

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PROCÉDÉS DURABLES POUR LA DÉCONTAMINATION D’AGENTS CHIMIQUES DE GUERRE –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

L’efficacité opérationnelle de ce procédé dans le cadre d’obus fossiles est la


plus sécurisée car automatisée, et elle prendra plusieurs dizaines d’années
pour détruire les stocks actuels. La découverte de 10 à 20 tonnes supplémentai-
res chaque année aggrave d’autant plus le problème que toutes les armes chi-
miques découvertes ne sont pas éligibles pour SECOIA qui n’accepte que les
engins intègres (sans fuites de toxique). Le personnel de la Direction générale
de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC) doit alors pratiquer un
traitement de neutralisation dépendant du type de toxique. Il est donc essentiel
de disposer de méthodes efficaces et durables pour neutraliser efficacement les
agents chimiques de guerre sous différents conditionnements et sur différents
lieux. Cet article propose de décrire les dernières avancées dans le domaine de
la neutralisation des molécules toxiques présentes dans les armes chimiques.

R Il s’agit de l’utilisation de méthodes récentes (2000-2018) issues du monde aca-


démique (catalyse, réacteur en flux continu) permettant d’économiser les quan-
tités de réactifs et/ou de faciliter le traitement à large échelle de façon sûre.

Symbole Description

CIAC Convention d’interdiction des armes chimiques

CWA Chemical warfare agent

CWC Chemical weapons convention

MOF Metal Organic Framework (réseau métallo-organique)

NOP Neurotoxique organophosphoré

NRBC Nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques

OIAC Organisation pour l’interdiction des armes chimiques

OPCW Organization for the prohibition of chemical weapons

Residence time in a microreactor (temps de séjour


tR
dans un réacteur microstructuré)

2. On entend par « produit chimique toxique » tout produit chi-


1. Armes chimiques et agents mique qui, par son action chimique sur des processus biologiques,
chimiques de guerre (CWA) peut provoquer chez les êtres humains ou les animaux la mort, une
incapacité temporaire ou des dommages permanents. Cela comprend
tous les produits chimiques de ce type, quels qu’en soient l’origine ou
le mode de fabrication, qu’ils soient obtenus dans des installations,
1.1 Définition dans des munitions ou ailleurs (aux fins de l’application de la présente
Convention, des produits chimiques toxiques, qui ont été reconnus
La notion d’armes chimiques s’entend selon la définition établit comme devant faire l’objet de mesures de vérification, sont énumérés
dans l’article II de la Convention d’Interdiction des Armes chimi- aux tableaux figurant dans l’Annexe sur les produits chimiques).
ques (CIAC) entrée en vigueur en 1997 :
3. On entend par « précurseur » tout réactif chimique qui entre à
1. On entend par « armes chimiques » les éléments ci-après, pris un stade quelconque dans la fabrication d’un produit chimique
ensemble ou séparément : toxique, quel que soit le procédé utilisé. Cela comprend tout com-
a) les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs, à l’ex- posant clé d’un système chimique binaire ou à composants multi-
ception de ceux qui sont destinés à des fins non interdites par la ples (aux fins de l’application de la présente Convention, des pré-
présente Convention, aussi longtemps que les types et quantités curseurs qui ont été reconnus comme devant faire l’objet de
en jeu sont compatibles avec de telles fins ; mesures de vérification sont énumérés aux tableaux figurant dans
b) les munitions et dispositifs spécifiquement conçus pour pro- l’Annexe sur les produits chimiques).
voquer la mort ou d’autres dommages par l’action toxique des pro-
duits chimiques toxiques définis à l’alinéa a), qui seraient libérés
du fait de l’emploi de ces munitions et dispositifs ; Pour résumer, on parle d’agent chimique de guerre CWA (Chemi-
cal Warfare Agent) pour désigner la molécule toxique et d’arme
c) tout matériel spécifiquement conçu pour être utilisé en liaison chimique lorsque le CWA est couplé à un agent de vectorisation.
directe avec l’emploi des munitions et dispositifs définis à l’alinéa b).

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– PROCÉDÉS DURABLES POUR LA DÉCONTAMINATION D’AGENTS CHIMIQUES DE GUERRE

Les produits chimiques visés par la CIAC sont répartis dans trois 1.2 Principaux CWA : vésicants
tableaux. Les produits du tableau 1-subdivision A (tableau 1) sont
des agents de guerre chimique. Un État membre ne peut en possé-
et neurotoxiques organophosphorés
der qu’à des fins non interdites et en quantité toujours égale ou Parmi les composés du Tableau 1-Subdivision A de la CIAC, la
inférieure à une tonne à tout moment de l’année sur son territoire. principale menace actuelle concerne essentiellement les vésicants
de type moutardes au soufre, essentiellement l’ypérite : sulfure de
bis(2-chloroéthyle) et les NOP (neurotoxiques organophosphorés),
Tableau 1 – « Subdivision A : produits chimiques comme le soman, le sarin, le tabun et le VX. Les dérivés d’arsenic
toxiques » de la CIAC Lewisites appartiennent à l’histoire de la 1re Guerre Mondiale
désormais, et les composés saxitoxine et ricine sont des composés
Entrée Composé (N CAS) naturels synthétisés par des organismes animaux et végétaux, res-
pectivement, extraits en très faibles quantités et sont à la limite de
Alkyl(Me, Et, nPr ou iPr)phosphonofluoridates l’arme biologique, non considérée ici. Contrairement à l’idée reçue,


de O-alkyle les moutardes et les NOP ne sont pas gazeux mais liquides à pres-
sion atmosphérique (Tébullition d’environ 140-210  C) et transformés
Sarin : méthylphosphonofluoridate de en aérosols lorsqu’ils sont utilisés comme armes, d’où l’appellation
(1) 107-44-8
O-isopropyle fréquente de « gaz de combat ». Ces CWA sont toxiques aussi bien
par inhalation que par contact cutané [1].
Soman : méthylphosphonofluoridate de
96-64-0 L’ypérite est communément appelée « gaz moutarde », bien que
O-pinacolyle
ce surnom lui vienne de l’odeur émise par des impuretés provenant
N,N-dialkyl(Me, Et, nPr ou d’anciens procédés de synthèse. En contact avec la peau, les
iPr)phosphoramidocyanidates de O-alkyle agents moutarde provoquent la formation de cloques importantes
(2) et extrêmement douloureuses. Le mode d’action de formation des
Tabun : N,N-diméthylphosphoramidocyanidate cloques est mal connu. Ce sont essentiellement des incapacitants
77-81-6
de O-éthyle)… car ils ne provoquent que rarement la mort par forte inhalation et
asphyxie [2]. En revanche, ce sont des composés fortement électro-
Alkyl(Me, Et, nPr ou iPr)phosphonothioates
phile et donc vraisemblablement très cancérigènes à moyen/long
de O-alkyle
(3) terme. Les NOP constituent des CWA beaucoup plus toxiques.
VX : méthylphosphonothioate de O-éthyle et Ils agissent en inhibant de façon irréversible l’enzyme acétylcholi-
50782-69-9 nestérase (AChE), empêchant le retour au repos des systèmes ner-
de S-2-diisopropylaminoéthyle
veux et musculaires avec des conséquences cardiaques et respira-
Moutardes au soufre toires fatales [3] [4]. Les NOP passant facilement au travers de la
peau, un contact cutané avec une simple goutte de VX conduit à
Sulfure de 2-chloroéthyle et de une mort très rapide, comme cela a pu être observé dans l’assassi-
2625-76-5
chlorométhyle nat de Kim Jong-nam à l’aéroport de Kuala Lumpur en février 2017.
Gaz moutarde : sulfure de La législation sur l’utilisation des CWA étant très restrictive
505-60-2 (même pour des recherches académiques), et leur toxicité nécessi-
bis(2-chloroéthyle)
tant des équipements disponibles uniquement dans des locaux
Bis(2-chloroéthylthio)méthane 63869-13-6 militaires la plupart du temps, les études de neutralisation sont
généralement effectuées sur des simulants éprouvés. Une corres-
Sesquimoutarde : pondance entre les CWA et leurs principaux simulants est donnée
(4) 3563-36-8
1,2-Bis(2-chloroéthylthio)éthane dans la figure 1.
1,3-Bis(2-chloroéthylthio)-n-propane 63905-10-2 CEES = sulfure de chloroéthyle et d’éthyle
DMMP = méthylphosphonate de diméthyle
1,4-Bis(2-chloroéthylthio)-n-butane 142868-93-7
NIMP = méthylphosphonate de 4-nitrophényle et d’iso-propyle.
1,5-Bis(2-chloroéthylthio)-n-pentane 142868-94-8
Oxyde de bis(2-chloroéthylthiométhyle) 63918-90-1
Moutarde-O : oxyde de
63918-89-8
2. Méthodes de neutralisation
bis(2-chloroéthylthioéthyle)
des CWA
Lewisites
Lewisite 1 : 2-chlorovinyldichlorarsine 541-25-3 Dans le traitement de CWA, on distingue la destruction de la neu-
(5)
Lewisite 2 : bis(2-chlorovinyl)chlorarsine 40334-69-8 tralisation. Le premier procédé consiste en une étape irréversible
permettant l’élimination totale du CWA, généralement dans des
Lewisite 3 : tris(2-chlorovinyl)arsine 40334-70-1 conditions extrêmes, nécessitant un équipement spécifique lourd
(typiquement la pyrolyse). En revanche, la neutralisation est un trai-
Moutardes à l’azote tement chimique potentiellement réversible (conduisant à un pré-
curseur possible du CWA) mais dans des conditions moins drasti-
HN1 : bis(2-chloroéthyl)éthylamine 538-07-8 ques [5] [6] [7] [8] [K 1 200]. L’exemple typique de neutralisation est
(6) l’hydrolyse.
HN2 : bis(2-chloroéthyl)méthylamine 51-75-2
HN3 : tris(2-chloroéthyl)amine 555-77-1
2.1 Hydrolyse
(7) Saxitoxine 35523-89-8
De nombreux composés organiques sont sensibles à l’eau qui
(8) Ricine 9009-86-3 agit comme nucléophile sur certains substrats organiques, le phé-
nomène étant amplifié en présence de bases tels l’hydroxyde de

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XV
Gestion durable des déchets et des polluants
(Réf. Internet 42495)

1– Déchets solides

2– Eluents liquides et gazeux



3– Valorisation du CO2 Réf. Internet page

CO2 (dioxyde de carbone) G1815 89

Conversion du CO2 en hydrocarbures par électroréduction en lux continu RE86 93

Valorisation du CO2. Partie 1 : voies directes et voies avec transformation biologique G1816 95

Valorisation du CO2. Partie 2 : voies par transformations chimiques G1814 101

Bioixation du CO2 par microalgues CHV7005 109

Conception et étude de contacteurs gaz/liquide à peau dense pour le captage du RE166 115
dioxyde de carbone
Nettoyage à sec des dispositifs médicaux par CO2 supercritique MED7700 117

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CO2 (dioxyde de carbone)

par Pierre LE CLOIREC


Professeur, directeur de l’ENSCR
École nationale supérieure de chimie de Rennes, France

1. Structure et caractéristiques de la molécule ........................................... G 1 815v2 - 2


2. Sources et impacts ..................................................................................... — 3
2.1 Sources et puits........................................................................................... — 3
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée .................................. — 3
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse.................................... — 3
2.2 Émissions dans le monde par pays........................................................... — 4
2.3 Évolutions temporelles et sectorielles en France..................................... — 4
2.4 Effets sur la santé – Impacts sur l’environnement : effet de serre .......... — 6
3. Métrologie ................................................................................................... — 6
3.1 Échantillonnage – Prélèvement ................................................................. — 6
3.2 Séparation – Quantification........................................................................ — 6
3.2.1 Dosages directs ................................................................................. — 6
3.2.2 Séparation par chromatographie et quantification........................ — 7
4. Législation – Quotas ................................................................................... — 7
4.1 Protocole de Kyoto et ses conséquences.................................................. — 7
4.2 Application du protocole de Kyoto en France – Quotas .......................... — 7
4.3 Bilan des gaz à effet de serre (GES) – Base Carbone® –
Bilan carbone®............................................................................................ — 7
5. Séparation, concentration, stockage et valorisation .............................. — 8
5.1 Enrichissement, capture du CO2 dans les fumées ................................... — 9
5.2 Procédés de séparation .............................................................................. — 9
5.2.1 Transfert gaz-liquide : lavage de gaz, absorption .......................... — 9
5.2.2 Transfert gaz-solide : adsorption ..................................................... — 10
5.2.3 Changement de phase : cryocondensation .................................... — 10
5.2.4 Séparation membranaire ................................................................. — 11
5.2.5 Formation d’hydrates de gaz ........................................................... — 11
5.2.6 Quelques coûts comparés des différentes techniques
de séparation.............................................................................................. — 11
5.3 Compression, transport.............................................................................. — 11
5.4 Stockage ...................................................................................................... — 12
5.4.1 Stockage dans les formations géologiques.................................... — 12
5.4.2 Stockage au fond des océans .......................................................... — 13
5.5 Valorisation.................................................................................................. — 13
6. Conclusion ................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 815v2

ffet de serre, réchauffement de la planète, fonte de la banquise ou de tel


E glacier…, toutes ces expressions sont maintenant entrées dans le langage
du grand public du fait de propos plus ou moins alarmistes transmis par les
médias.
En décembre 2015, la COP21 (21e Conférence des parties), tenue à Paris, a
permis une discussion entre États et de générer un texte d’accord avec, en par-
ticulier, une limite à 2 °C de la hausse des températures. Ceci entraîne une
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQW

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CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

diminution drastique des gaz à effet de serre (GES) présents dans les émis-
sions dues à l’activité humaine.
Les principales molécules à effet de serre sont répertoriées et définies. On
trouve, avec leur valeur de contribution : la vapeur d’eau pour 55 %, le dioxyde
de carbone (CO2) pour 39 %, le méthane (CH4) 2 %, l’ozone (O3) 2 %, le pro-
toxyde d’azote (N2O) 2 % ainsi que, pour une moindre part, les halocarbones
(chlorofluorocarbones (CFC), fréon, perfluorométhanes) et l’hexafluorure de
soufre (SF6) [1]. Certains auteurs ne prennent pas en compte la vapeur d’eau et
dans ce cas, bien sûr, les valeurs de répartition sont différentes. Dans ce
présent article, nous nous intéresserons exclusivement au gaz carbonique.
Les conférences internationales de Rio et de Kyoto (COP3) marquent une
volonté de réduction des polluants atmosphériques. En 1997, le protocole de
Kyoto imposait aux 38 pays signataires de réduire de 5,2 % leurs émissions de
gaz à effet de serre d’ici la période 2008-2012. Dans ce contexte, l’Union euro-
péenne a émis une directive, adoptée le 13 octobre 2003, prévoyant des quotas

S de rejets et des pénalités en cas de dépassement des engagements. La France


a diminué ses émissions de CO2 d’environ 15 % et de 6 % respectivement par
rapport aux années 1990 et 2010.
Dans une approche écologique et/ou réglementaire, il est nécessaire de
réduire les émissions de gaz à effet de serre et en particulier les rejets de
dioxyde de carbone [2] [3] [4]. C’est dans ce contexte général que sera
abordée, dans cet article, la problématique du CO2.

1. Structure Tableau 1 – Caractéristiques physico-chimiques


et caractéristiques du dioxyde de carbone (voir [5] [J6280])

de la molécule Dioxyde de carbone


Gaz carbonique
CO2
O=C=O
Anhydride carbonique
Le dioxyde de carbone a été découvert, en 1638, par le
Numéro CAS 124-38-9
médecin belge Jan Baptist Van Helmont. Vers 1750, il est étu-
dié par Joseph Black, chimiste et physicien écossais. Joseph État à pression et à température Gaz incolore et
Priestley, pasteur anglais, isole le gaz carbonique en 1766 et ordinaires inodore
c’est en 1776 que le chimiste français Antoine Laurent de
Lavoisier met en évidence la production du CO2 lors de la Masse molaire (g · mol–1) 44,01
combustion du carbone en présence d’oxygène.
Dimension moléculaire (nm) 0,350 – 0,510
Masse volumique sous 1 atm à :
Le tableau 1 regroupe quelques caractéristiques physico- 0 °C (kg · m–3) 1,977
chimiques du dioxyde de carbone [5] [J6280].
–3
20 °C (kg · m ) 1,870
À partir de sa structure moléculaire, certaines propriétés
macroscopiques peuvent être énoncées : Viscosité à –78 °C (Pa · s) 7 · 10–5
– le CO2 représente le degré ultime d’oxydation du carbone.
Température de sublimation (°C) – 78,5
C’est une molécule assez stable et relativement inerte
chimiquement ; Température de fusion (°C) – 57
– c’est un gaz acide légèrement soluble dans l’eau. La variation –1
de la constante de Henry H (atm) avec la température T est donnée Chaleur latente de fusion (kJ · kg ) 196,33
par une équation classique [5] : Température critique (°C) 31,06
Pression critique (MPa) 7,4
Température au point triple (°C) – 56,6

avec ΔH = 8,65 J · mol –1 Pression au point triple (bar) 5,185


–1
B = 6,73 ; Solubilité dans l’eau à 25 °C (g · L ) 1,45
– il peut être corrosif en présence de vapeur d’eau ; Solubilité dans l’éthanol à 20 °C (g · L–1) 2,964
– en fonction du pH des solutions aqueuses, le dioxyde de car-
bone, après dissolution, forme des carbonates et bicarbonates plus Constante de Henry à 25 °C (atm) 1,51 · 102
ou moins solubles dans l’eau. Les équilibres calcocarboniques ont Saveur Piquante
été largement étudiés en particulier pour les eaux de surface et les

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__________________________________________________________________________________________________________ CO2 (DIOXYDE DE CARBONE)

eaux destinées à l’alimentation humaine [7] [8]. Les équations


d’équilibre peuvent être écrites de manière simplifiée :

Des calculs ou diagrammes des équilibres calcocarboniques


permettent d’obtenir les espèces en présence en fonction des
conditions opératoires telles que le pH, la température, la force
ionique… On se rappellera les équations et les graphes de
Legrand-Poirier ou encore de Hallopeau-Dubin permettant de
déterminer si une eau est agressive ou incrustante [9] [10] [11]
[12] en fonction de ses caractéristiques physico-chimiques et des
conditions opératoires ;
– suivant son état, le gaz carbonique présente différentes
applications : il sert, sous forme gazeuse, à carbonater les bois-


sons et à créer des couches isolantes dans l’agroalimentaire ou la
mécanique. Le CO2 liquide est utilisé comme réfrigérant, neige car-
bonique ou agent propulseur. À l’état solide, il est appelé
« carboglace » ou « glace sèche » et sert au décapage cryogénique,
à la conservation de denrées périssables… Depuis quelques
années, il est utilisé pour effectuer des extractions (cafés,
arômes…) solide-fluide supercritique.

2. Sources et impacts
2.1 Sources et puits
Figure 1 – Évolution de la concentration en CO2 (ppm) dans l’atmos-
2.1.1 Sources : oxydation de la matière carbonée phère au cours d’une longue période, lors de la Révolution indus-
trielle [1800-2007] et prédiction jusqu’en 2100 (source : International
Les principales sources de CO2 sont i) des émissions naturelles Panel on Climate Change, IPCC – Groupe d’experts intergouvernemental sur
(volcans par exemple) et ii) l’oxydation de la matière organique l’évolution du climat GIEC) [3] [4]
sous toutes ses formes ou de composés inorganiques (charbons).
C’est un produit fatal de cette transformation, c’est-à-dire que
thermodynamiquement il est le plus stable, il reste le produit d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
ultime de réaction. Cette oxydation peut être due à un effet ther- donne une évolution cyclique sur une très longue durée, et une
mique (combustion, incinération), chimique (réaction avec un oxy-
forte croissance ces dernières années, de la teneur en gaz carbo-
dant) ou biologique (biodégradation principalement par des
nique dans l’atmosphère. En 2013, la teneur moyenne en CO2
micro-organismes aérobies). En effet, toute matière organique,
atmosphérique était de 390 ppm (379 ppm en 2005 et 368,3 ppm
définie par une formule brute du type CmHnOp, réagit pour donner
en 1993), soit une augmentation de 5,9 % par rapport à 1993. Il
du dioxyde de carbone et de l’eau suivant une réaction générale
de la forme : convient de noter que certaines publications [4] [13] [14] [G8300]
annoncent la valeur de 400 ppm (en 2013) pour la concentration
moyenne de CO2 dans l’atmosphère.

Si la matière organique comprend des hétéroatomes (azote,


soufre, chlore…), les réactions (simplifiées dans les équations sui-
2.1.2 Puits de carbone : océans – photosynthèse
vantes) conduisent à la production de composés multiples à émis- Les grands réservoirs qui permettent de stocker le CO2 sont :
sions réglementées : l’atmosphère, les océans, la biosphère et le sous-sol.
En 2006, on estime qu’environ 25 millions de tonnes de gaz
carbonique sont transférées dans l’eau de mer par jour. Après dis-
solution et en fonction du pH, se forment alors des hydrogénocar-
bonates et des carbonates peu solubles (paragraphe 1). Cela
Dans le cas de la matière minérale carbonée, on obtient une représente environ 30 % du CO2 émis, tandis que 30 % sont absor-
réaction simple qui peut être symbolisée par : bés par la biosphère terrestre et 40 % demeurent dans l’atmos-
phère. Ces quelques chiffres globaux peuvent expliquer
l’augmentation continue des concentrations dans l’atmosphère,
comme cela est montré sur la figure 1. Le CO2 dissous rentre dans
Il est évident que des impuretés présentes dans des charbons les équilibres physico-chimiques calcocarboniques avec formation
ou des fuels, comme le soufre très présent sous la forme de So, des espèces carbonates et bicarbonates. Les micro-organismes
de mercaptans ou de sulfures, vont produire des oxydes de soufre (bactéries et algues) peuvent aussi avoir une part importante dans
(SOx). ce cycle du carbone avec formation et dégradation des carbonates
L’augmentation du CO2 dans l’atmosphère est due en grande [15] ; on peut citer notamment la précipitation bactérienne d’ara-
partie à l’activité humaine. La figure 1, proposée par le Groupe gonite et de calcite.

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G 1 815v2 – 3

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CO2 (DIOXYDE DE CARBONE) _________________________________________________________________________________________________________

Une conséquence problématique de la trop forte dissolution de


CO2 serait une acidification conséquente (paragraphe 1) des
océans dont le pH serait passé de 8,2 à 8,1 à la surface 18
Émission de CO2 (t/habitant)
(100 premiers mètres) et au rythme actuel de décroissance, le pH 16
de la mer en surface pourrait atteindre 7,9 en 2100. Toutefois,
aucune modification notable du pH n’a été observée dans les pro- 14
fondeurs. Cette chute entraîne, en surface, une diminution de la
12
concentration en carbonates par solubilisation. Certains micro-
organismes marins à coquille (ptéropodes, coccolithophoridés, 10
foraminifères…) ayant besoin de ces carbonates pour former leur
exosquelette d’aragonite pourraient rencontrer des problèmes, 8
voire disparaître à terme. 6
Un autre puits important pour le CO2 est la photosynthèse dont 4
le processus transforme l’eau et le gaz carbonique en molécules
biologiques élaborées, sous l’action de l’énergie lumineuse, par 2
des végétaux (plantes et algues) et certaines bactéries. Ces réac-
0
tions se déroulent dans les chloroplastes où se trouve la chloro-
États-Unis Canada Russie Allemagne Chine France Inde


phylle. Ce pigment est sensible aux rayonnements bleus et
rouges. Il capte l’énergie lumineuse et la transforme en énergie
chimique. Après fixation du carbone du CO2 atmosphérique, cette Figure 2 – Émission de CO2 en t/habitant (données 2013) [13]
énergie est utilisée pour la synthèse de molécules organiques
comme les sucres, acides aminés ou lipides et pour l’oxydation de
l’eau, produisant du dioxygène (O2). On estime ce puits dû à la
photosynthèse à environ 30 % du dioxyde de carbone émis par les Il existe aussi de fortes disparités d’émissions de CO2 par habi-
activités humaines. tant suivant le niveau de développement et la croissance des
pays ; cette répartition, présentée sur la figure 2, est directement
liée à la consommation d’énergie.
2.2 Émissions dans le monde par pays
L’Organisation des Nations unies a établi, pour l’année 2013, 2.3 Évolutions temporelles et sectorielles
une liste des quantités de CO2 rejetées dans l’atmosphère par en France
pays (tableau 2) : les deux tiers des émissions actuelles pro-
viennent de la Chine, des États-Unis, de l’Union européenne, de la En se reportant aux données présentées par le CITEPA [1], on
Russie et de l’Inde. Les fortes quantités rejetées sont souvent la peut dresser une liste, pour la France (tableaux 3 et 4), des princi-
conséquence des transports et de l’utilisation massive de cen- pales émissions de CO2 (en millions de tonnes).
trales thermiques à charbon ou à fuel pour la production d’électri-
cité. Des études prévisionnelles avaient montré que la Chine Une lecture rapide de valeurs de ces deux tableaux permet les
remplacerait les États-Unis au premier rang dès 2009. La France commentaires suivants :
du fait d’un parc de centrales nucléaires important (75 % environ – les valeurs de rejets hors UTCF (utilisations des terres, leurs
de l’électricité produite) participe à un niveau relativement faible, changements et la forêt) sont relativement stables, autour de
soit environ 0,96 % des rejets mondiaux en CO2. 350 Mt/an depuis les cinq dernières années ;

Tableau 2 – Évaluation des rejets de CO2 (en milliers de tonnes) dans l’atmosphère, en 2013, par pays
(sélection) (d’après l’ONU)
Émissions de CO2 Part des émissions Émissions de CO2 Part des émissions
Pays Pays
(milliers de tonnes) totales (%) (milliers de tonnes) totales (%)
Monde entier 35 499 100 Russie 1 657 4,7

Chine 9 761 27,5 Inde 2 088 4,7

États-Unis 5 995 16,9 Japon 1 343 3,8

Union européenne 3 740 10,5 Canada 621 1,7


(UE) :

– Allemagne 799 2,2 Corée du Sud 768 2,2


– Royaume-Uni 471 1,3 Mexique 500 1,4
– Italie 353 0,99 Iran 650 1,8

– France 344 0,96 Australie 356 342 1,5

– Espagne 240 0,67 Afrique du Sud 452 1,3


– Pologne 312 0,88 Arabe Saoudite 665 1,9

Indonésie 549 1,5 Brésil 582 1,6

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G 1 815v2 – 4

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RECHERCHE

Conversion du CO2 en hydrocarbures


par électroréduction en flux continu
par Cuong PHAM-HUU et Gauthier WINÉ

Le présent dossier démontre la possibilité de réduire de manière électro-


chimique et en une seule étape le dioxyde de carbone en hydrocarbures,
typiquement entre 1 et 9 atomes de carbone, et en éthanol. L’intérêt prin- S
cipal de ces travaux réside dans le mode de réaction, c’est-à-dire avec un flux
continu de CO2 , à température ambiante et à pression ordinaire, cela n’ayant
jamais été montré auparavant. De plus, ces conditions douces de réaction
permettent de limiter les apports en énergie, ce qui permettrait dans un futur
proche d’utiliser le rayonnement solaire pour, à terme, générer directement
les protons et les électrons nécessaires par dissociation de l’eau.

1. Contexte Émission de gaz à effet de serre


en France [1]
Cuong PHAM-HUU est directeur de
recherches au CNRS Les émissions de gaz à effet de serre en France
sont composées à 69,6 % de dioxyde de car-
Gauthier WINÉ est post-doctorant
bone. Les quelque 31 % restants sont constitués
Ces deux auteurs travaillent au Laboratoire des de protoxyde d’azote N2O à 15,8 %, de méthane
matériaux, surfaces et procédés pour la catalyse à 12,4 % et de composés fluorés et chlorés
- ECPM - ULP - UMR 7515 du CNRS - Strasbourg (polyfluorocarbone PCF, hydrofluorocarbone HCF
et hexafluorure de soufre SF6) à 2,2 %. Ces gaz
La conversion directe du CO2 en produits hydro- proviennent de la production d’énergie à 13 %,
carbonés, comme les composés entrant dans la for- des transports à 27 %, de l’industrie à 21 %, des
mation de l’essence ou encore les alcools, présente habitations à 20 % et de l’agriculture à 16 %. Les
un grand nombre d’avantages qui rend le projet 4 % restants proviennent des déchets ménagers
possible et viable. En outre, d’un point de vue et industriels. Ces pourcentages ne tiennent pas
strictement environnemental, les lois votées sont de compte de la vapeur d’eau (figure 1).
plus en plus strictes et contraignantes vis-à-vis des
émissions de gaz à effet de serre. En effet, depuis le
16 février 2005, les pays signataires du protocole de
Kyoto (1997) sont obligés de réduire considé-
Déchets
rablement les émissions de ce type de gaz. Industries 3%
Cependant, même si le procédé d’électroréduction de l'énergie Transports
13 % 27 %
du CO2 n’a aucune influence directe sur la quantité
d’émission de ce gaz, il peut cependant réduire sa
concentration dans notre atmosphère. Bien que, à Autres
terme, de petites unités de dépollution pour les 18 %
effluents gazeux d’origine industrielle peuvent être
développées. Industries
20 %
De plus, les activités humaines comme les trans- Agriculture
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPPW

ports publics ou privés, les industries ou l’agriculture 19 %


génèrent une très grande quantité de dioxyde de car-
bone. Celui-ci peut alors être considéré comme une Le total représente 557 millions de tonnes
source infinie de carbone, alors que les ressources en
gaz et en pétrole ont tendance à s’amenuiser. Il est Figure 1 – Répartition des émissions de CO2
également à noter que les produits de réaction par activité en France en 2003 [2]

9 - 2007 © Editions T.I. RE 86 - 1

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RECHERCHE

obtenus lors de la réduction, à savoir hydrocarbures,


alcools (comme le méthanol), aldéhydes et acides
carboxyliques sont des composés produits et utilisés Photocatalyse e– Électrocatalyse
en très grande quantité par les industries chimiques
et pharmaceutiques. O2 Fuel
Exemple : la production mondiale de méthanol
à partir de gaz de synthèse était de plus de H+

30 millions de tonnes pour l’année 2005 [3].
La réaction de réduction du dioxyde de carbone
peut être effectuée via différents processus : voie H2O CO2
chimique, biochimique ou radiochimique. Cependant,
le procédé sur lequel la majorité des recherches est

S concentrée est le procédé photoélectrochimique :


en effet, il présente de nombreuses similarités avec
la photosynthèse, qui est la réaction la plus impor-
Photocatalyseur Électrocatalyseur
Membrane

tante dans la nature, et à la base de la vie. Figure 2 – Description d’un réacteur


Exemple de réactions : photoélectrocatalytique

photosynthèse 6CO2 + 6H2O → C6H12O6 + 6O2 (1)


Il faut préciser que, contrairement à ce que montre
photoélectrochimie CO2 + 2H2O → CH4 + 2O2 (2) l’équation (4), le méthane n’est pas l’unique produit
issu de ce type de réaction. La sélectivité en produits
Dans le cas de la photosynthèse, les plantes ont
dépend d’un certain nombre de paramètres, tels que
besoin d’eau et de dioxyde de carbone pour produire
le type d’électrode et d’électrolyte, la pression de
du sucre (C6H12O6) qui peut être considéré comme
CO2 et la température de réaction.
du carburant.
Dans la figure 3 sont résumés tous les procédés
Pour le procédé photoélectrochimique, CO2 et H2O
existants pour l’électroréduction du CO2 en phase
sont les réactifs nécessaires pour synthétiser du
liquide, classés par type de solution électrolytique,
carburant qui, dans ce cas-ci, n’est plus du sucre mais
aqueux ou non aqueux, ainsi que par type d’électron
principalement des hydrocarbures, des alcools et des
participant à la réaction, sp ou d. Bien entendu, la
acides carboxyliques. Cependant, l’équation (2) est
nature de ces électrons dépend de la nature même
hypothétique car, dans la cellule où se produit la
du métal constituant l’électrode.
réaction, le dioxyde de carbone ne rencontre jamais
l’eau. La figure 3 montre très clairement la grande
diversité des produits qui peuvent être obtenus lors
de la réduction du CO 2 : depuis l’ion carbonate
1.1 Réduction du CO2 dans un réacteur
2–
photoélectrocatalytique CO 3 , un produit minéral mais aussi l’espèce la
Un réacteur photoélectrocatalytique est constitué moins réduite, jusqu’aux hydrocarbures HC les espè-
de deux parties distinctes : une partie photochimique ces les plus réduites. « MeOH » désigne tous les
et une partie électrochimique (figure 2). Dans la alcools et « formique » tous les acides carboxyliques.
partie photochimique et grâce à un photocatalyseur, Plus le produit est réduit, plus le nombre d’électrons
généralement de l’oxyde de titane (TiO 2 ), les participant à la réaction est important et plus le
molécules d’eau sont dissociées par la lumière solaire système a besoin d’énergie, comme le montrent les
(hν ) en oxygène, protons et électrons (équation (3)). équations (5) (6) (7) (8) et (9) (tableau 1).
La seconde partie du réacteur est composée d’un De plus, pour chaque atome de carbone ajouté à la
électrocatalyseur et d’une membrane à diffusion de chaîne hydrocarbonée, des protons et des électrons
gaz (GDM) qui empêche les réactifs de se mélanger. supplémentaires sont nécessaires, ce qui rend la
Dans cette partie, le dioxyde de carbone est formation de produits lourds (masse molaire élevée)
adsorbé à la surface de l’électrocatalyseur et ensuite beaucoup moins favorable par rapport à la formation
réduit par les protons et les électrons produits dans de produits légers :
la partie photocatalyse, le tout pour former des CIVO2 → C–IVH4
hydrocarbures (équation (4)) :
→ H3C–III – C–IIIH3
Photocatalyse 2H2O → O2 + 4H+ + 4e– (3)
→ H3C–III – C–IIH2 – C–IIIH3
Électrocatalyse CO2 + 8H+ + 8e– → CH4 + 2H2O (4)

Les différents travaux déjà publiés sur le sujet


1.2 Positionnement des travaux
concernent essentiellement la partie électro- Ce travail est la continuité même d’une précédente
catalytique. Plus précisément, en omettant la partie étude effectuée au laboratoire de Messine concernant
photocatalytique, les protons et les électrons prenant la conversion électrocatalytique du CO2 en hydro-
part à la réduction du CO2 ne proviennent plus de la carbures sur des électrocatalyseurs constitués d’une
photodissociation de l’eau ; ils sont respectivement membrane à diffusion de gaz contenant des particules
fournis par un électrolyte dissous dans une solution de platine ou de palladium [6]. Ces réactions ont été
aqueuse ou non aqueuse (comme l’acétonitrile) et effectuées dans une cellule à deux parties séparées
par un générateur externe de courant. par une membrane à diffusion de gaz (figure 4).

RE 86 - 2 © Editions T.I. 9 - 2007

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Valorisation du CO2
Partie 1 : voies directes et voies
avec transformation biologique
par Association RECORD
et Laurent DUMERGUES

1. Émissions anthropiques de CO2................................................................ G 1 816 - 2



1.1 Origines........................................................................................................ — 2
1.2 Secteurs d’activités émetteurs................................................................... — 4
2. Voies de valorisation du CO2..................................................................... — 4
2.1 Valorisation sans transformation .............................................................. — 7
2.1.1 Utilisations industrielles .................................................................... — 7
2.1.2 Récupération assistée des hydrocarbures (RAH) ............................ — 9
2.1.3 Récupération en géothermie profonde ............................................ — 13
2.2 Valorisation avec transformation biologique ........................................... — 14
2.2.1 Culture de microalgues ..................................................................... — 14
2.2.2 Biocatalyse.......................................................................................... — 19
2.3 Valorisation avec transformation chimique et conclusions .................... — 22
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 816

a lutte contre le changement climatique est un enjeu majeur de nos


L sociétés contemporaines. Les excédents d’émissions de dioxyde de
carbone (CO2) dans l’atmosphère étant une des causes de ces modifications
climatiques, la maîtrise et la capture du CO2 lors des processus industriels sont
des sujets en fort développement. Par ailleurs, pour une entreprise ou une col-
lectivité, émettre de grandes quantités de CO2 est souvent synonyme d’une
forte dépendance aux ressources fossiles carbonées et à leur fluctuation tari-
faire. À cela s’ajoutent les risques réglementaires, de taxes, d’acceptabilité
sociale, etc.
Pour atténuer ces effets, des stratégies se mettent en place, principalement
centrées sur la diminution des émissions dans l’atmosphère : rationalisation
des ressources fossiles, captage et stockage géologique du CO2… jusqu’aux
réflexions sur la géo-ingénierie.
Une approche complémentaire suivant une logique d’économie circulaire,
celle de la valorisation du CO2, tient sa place dans cette stratégie. Elle consiste
à considérer le CO2 comme une ressource valorisable et non plus comme un
« déchet » à éliminer. Le CO2 constitue en effet un gaz d’intérêt industriel
pouvant servir comme source de carbone pour l’élaboration de composés
minéraux ou organiques, d’intérêt commercial.
Le CO2 peut être valorisé de différentes façons : directement sans transfor-
mation, par transformation chimique ou par transformation biologique.
Dans cet article seront présentées la valorisation sans transformation qui
utilise le CO2 directement pour ses propriétés physiques et la valorisation par
transformation biologique.
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQV

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G 1 816 – 1

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VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

La valorisation directe, sans transformation, trouve diverses applications


industrielles notamment comme agent réfrigérant ou solvant employé dans
l’industrie alimentaire ou la récupération assisté d’hydrocarbures.
La valorisation par transformation biologique utilise le CO2 comme nutri-
ment permettant de développer de la biomasse, source de produits d’intérêts
(lipides, glucides, composés cellulosiques…). Les technologies utilisées ont dif-
férents degrés de maturité technologique : du stade industriel (par exemple la
culture de microalgues en bassins ouverts), au stade pilote (par exemple la
culture de microalgues en photobioréacteurs pour usage énergétique) ou
encore au stade de recherche et développement (par exemple la biocatalyse).
Nota : les voies de valorisation par transformation chimique sont traitées dans l’article [G1814] « Valorisation du CO2 –
Voies par transformations chimiques ».


1. Émissions anthropiques Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du cli-
mat (GIEC) définit les flux de CO2 sur la base de son origine [1] :
de CO2 anthropique si le flux est le résultat d’une activité humaine ou
naturelle si le flux est généré hors du contrôle humain.
Cette distinction entre les flux, naturels et anthropiques, est une
1.1 Origines convention qui permet de mieux comprendre l’impact de l’homme
sur le cycle du carbone et plus généralement sur le réchauffement
Le CO2 (dioxyde de carbone) est une molécule stable et relative- climatique.
ment inerte chimiquement : elle représente le degré ultime d’oxy- L’homme exploite des ressources fossiles carbonées, dites
dation du carbone. « non renouvelables » (pétrole, gaz naturel, charbon…) dans des
L’oxydation de matière carbonée, d’origine organique ou inor- secteurs variés tels que l’énergie, le transport, la chimie… pour
ganique comme les charbons, peut être due à un effet thermique aboutir, en fin de cycle, à la production de CO2, principal gaz à
(combustion, incinération), biologique (biodégradation le plus effet de serre (GES) d’origine anthropique.
souvent par micro-organismes aérobies) ou chimique (réaction Avant l’ère industrielle, les émissions de CO2 étaient compen-
avec un oxydant) [G1815]. sées par les puits naturels de CO2. Ces derniers ont un potentiel
de stockage par voie terrestre ou marine annuel limité. Dans le
Les propriétés du CO2, dont les principales sont reprises dans le
bilan global, même si les émissions de CO2 anthropiques
tableau 1, sont listées dans l’article [G1815].
(33 GtCO2/an) sont faibles par rapport à celles provenant des
végétaux (392 GtCO2/an) ou des mers (220 GtCO2/an), elles désé-
quilibrent le système, avec pour conséquence une accumulation
Tableau 1 – Principales caractéristiques nette de carbone sous forme de CO2 dans l’atmosphère
physico-chimiques du CO2 (extrait de [G1815]) (28 GtCO2/an) (cf. figure 1). De 275 ppm avant la révolution indus-
trielle des années 1850, la concentration de CO2 dans l’atmos-
Gaz incolore phère a atteint autour de 400 ppm en 2013.
État à pression et température ordinaires
et inodore
Le cycle biogéochimique global du carbone implique de
grandes différences dans les échelles de temps. Pour le carbone
Masse molaire 44,01 g/mol
qui est émis via la respiration des plantes et des animaux, qui est
transporté par les rivières, ou bien dissous par les eaux de surface
Masse volumique à 1 atm et 0 °C 1,977 kg/m3
de l’océan, les cycles sont de l’ordre de quelques mois à plusieurs
décennies. À l’échelle du siècle, le carbone peut être éliminé de
Masse volumique à 1 atm et 20 °C 1,87 kg/m3
l’atmosphère par un arbre en croissance et relargué lorsque celui-
ci se décompose ou brûle. À l’échelle des temps géologiques, le
Viscosité à –78 °C 7.10–5 Pa.s carbone peut être émis par les volcans, par l’érosion des roches,
transformé ou déposé sous forme de sédiments dans les bassins
Température de sublimation –78,5 °C maritimes et terrestres [3][4]. Des cycles du carbone « longs »
sont aussi représentés par l’utilisation de ressources fossiles,
Température de fusion –57 °C stockées depuis plusieurs millions d’années dans des réservoirs
du sous-sol, et donc isolées du cycle actif du carbone (figure 2).
Température critique 31,06 °C
L’origine du carbone peut être caractérisée par une différence
Pression critique 7,4 MPa de proportion d’isotopes 14C/12C ou 13C/12C. En revanche, les pro-
priétés physiques du CO2 émis sont les mêmes quelle que soit
Solubilité dans l’eau à 25 °C 1,45 g/L son origine. Qu’il s’agisse de la combustion de végétaux ou de
ressources fossiles, le CO2 généré ne présentera pas de diffé-
Solubilité dans l’éthanol à 20 °C 2,964 g/L rences en termes de comportement de molécules dans l’atmos-
phère, de forçage radiatif, de réactivité chimique, ou de temps de
Constante de Henry à 25 °C 151 atm résidence dans l’atmosphère qui sera de l’ordre du siècle dans les
deux cas [5].

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______________________________________________________________________________________________________________ VALORISATION DU CO2

44
392

29
4

Photosynthèse

Puits végétaux supplémentaires


0,4 4
Changement utilisation des sols

Respiration/feux
220 73 28
Absorption rocheuse

Respiration/feux

Dégazage eau douce


Industrie

Absorption
Volcans

Émission atmosphérique
Émission atmosphérique

Accumulation nette
=

Absorption
– 400

– 51

– 1,1

– 224
– 62
VÉGÉTATION
Combustion SOL
Ressources OCÉANS
fossiles

GtCO2 par an Pré industrielle Changements récents

Figure 1 – Bilan annuel des flux atmosphériques de CO2 (source : [2])

Anthropique

Exemples de sources stationnaires : Exemples de sources stationnaires :


– Unité d’incinération de biomasse Unités utilisant du pétrole, gaz naturel ou charbon :
– Site de combustion d’agrocarburant – Centrale thermique au charbon
– Usine de pâte à papier – Turbine à gaz naturel
– Site de production d’énergie à partir de déchets – Four à ciment
municipaux – Unité de production de fer/acier
Biogénique : cycles du carbone « courts »

Fossile : cycles du carbone « longs »

Autres sources : Autres sources :


Émissions/séquestration dans les systèmes agricoles Combustion de carburants fossiles dans les moteurs
et les forêts aménagées (voiture, avion, bateaux, deux roues…)

Exemples : Exemples :
– Respiration des végétaux – Volcans
– Séquestration dans les forêts non gérées – Geysers
– Feux de forêts sur des terres non gérées – Décarbonatation dans les océans

Naturel

Figure 2 – Exemples d’émissions de gaz carbonique dans l’atmosphère selon les origines de l’émission (anthropique, naturelle) et la provenance
du carbone (biogénique, fossile)

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VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

Transformation et
utilisation non énergétique
0%
Extraction de fer et
Extraction de minerais non des métaux non ferreux
Transport routier Résidentiel métalliques 1%
13 % 4%
9%
Raffinerie (produits Transport terrestre
Combustion de pétroliers) Exploitation minière
non routier
la biomasse à grande 4% (émissions fugitives)
1%
échelle 0%
14 % Sols agricoles
Autre Transport aérien 0%
6% 2% Chimie
Combustion industrielle
1% Feux de
(non énergie)


combustibles
14 %
Transport fluvial et fossiles
maritime 0%
Énergie (production) 2%
34 %
Élimination des déchets
solides (incinération)
0%

Figure 3 – Répartition des émissions atmosphériques anthropiques de CO2 au niveau mondial (33 GtCO2 en 2010) (source : [7])

1.2 Secteurs d’activités émetteurs Il y a plusieurs approches interdépendantes visant à limiter


l’émission dans l’atmosphère de CO2 : mesures politiques, méca-
Les émissions mondiales de CO2 répertoriées d’origine anthro- nismes économiques et ruptures technologiques.
pique (de l’ordre de 36 GtCO2 en 2013 contre 20 GtCO2 en 1970) En amont de l’émission, les efforts de rationalisation de la
proviennent principalement de l’exploitation de ressources fos- consommation d’énergie fossile associés aux progrès technolo-
siles (cf. figure 3) : production d’énergie (35 %), construction et giques peuvent être efficaces mais non suffisants. En sidérurgie
fabrication manufacturière (25,8 %), transport (17,3 %), etc. [6][7]. par exemple, les réacteurs actuels ont atteint leurs limites, avec
des performances techniques voisines de celles prévues par la
Cette répartition, en accord avec les comptabilités du type
thermodynamique associées à une excellente efficacité ther-
« Nation unies », « GIEC », ou « protocole de Kyoto », exclut les
mique : en 50 ans la consommation de combustible est passée de
émissions de CO2 liées aux modifications de sols d’origine
1 050 kg à près de 420 kg pour une tonne de fonte [10].
humaine : déforestation, exploitation forestière, feux de tourbe et
de forêt, décomposition de la biomasse aérienne postcombustion, En aval, les techniques de captage et stockage (CCS) et de géo-
décomposition du carbone organique des tourbes asséchées. Ces ingénierie (Biochar, fertilisation des océans, capture directe du CO2
émissions augmenteraient les émissions annuelles de CO2 de et stockage en milieu non confiné, etc.) sont parfois difficiles à
l’ordre de 10 à 20 % [8]. mettre en œuvre techniquement, énergivores et, pour la plupart,
associées à des risques environnementaux et d’acceptabilité sociale.
Au niveau mondial, en 2013, les principaux pays émetteurs de
CO2 anthropiques liés à la combustion de ressources fossiles sont Elles considèrent le CO2 comme un « déchet » à éliminer.
la Chine (9,98 GtCO2), les États-Unis (5,2 GtCO2), l’Inde Ce n’est pas le cas des techniques de valorisation pour qui le
(2,4 GtCO2), la Russie (1,8 GtCO2) et le Japon (1,2 GtCO2) CO2 représente un gaz d’intérêt industriel et/ou une nouvelle
(figures 4 et 5). La France, avec 0,34 GtCO2, se situe au 17e rang source de carbone pour l’élaboration de composés minéraux ou
mondial. En tenant compte des émissions liées à la consomma- organiques, d’intérêt commercial.
tion nationale (CO2 provenant de l’énergie et des biens consom-
més dans le pays), l’émission pour la France se porte à 0,53 GtCO2
pour un 12e rang mondial. Celle de la Chine, pays exportateur de Utiliser le CO2 en le valorisant répond ainsi à une logique
biens, diminue de 16 % (8,4 GtCO2) [9]. d’économie circulaire.

Les voies de valorisation du CO2 peuvent être catégorisées en


trois groupes (cf. figure 7) :
2. Voies de valorisation – la valorisation sans transformation qui utilise le CO2 directe-
du CO2 ment pour ses propriétés physiques ;
– la valorisation par transformation chimique qui utilise le CO2
comme réactif chimique afin de générer un produit valorisable ou
Réduire les émissions de CO2 pour une activité a plusieurs à valeur énergétique ;
bénéfices. Au-delà de limiter l’impact sur le réchauffement clima- – la valorisation par transformation biologique qui utilise le CO2
tique, cela revient indirectement à être moins dépendant de la res- comme nutriment permettant de développer de la biomasse
source « énergie fossile » et à mieux maîtriser les risques associés source de produits d’intérêts (lipides, glucides, composés cellulo-
(cf. figure 6) [G8300]. siques…).

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______________________________________________________________________________________________________________ VALORISATION DU CO2

Figure 4 – EDGAR : modélisation des émissions anthropiques de CO2 (hors aviation) en 2009 (source : [7])

Les pays sont dimensionnés proportionnellement aux émissions nationales de CO2 liées à l’utilisation de ressources fossiles et
à la production de ciment. Cette carte n’inclut pas les importations et exportations d’énergie, de biens ou de services.

Figure 5 – Carte mondiale des émissions de CO2 en 2013 (source : [9])

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G 1 816 – 5

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VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

Management des émissions – Stratégie de lutte Vulnérabilité carbone


contre le réchauffement climatique d’une activité

Émission de gaz
Géo-ingénierie à effet de serre Impacts environnementaux

Captage
CO2 Risques :
– économique
– approvisionnement


– règlementaire
– image
Chimie –…
Stockage Valorisation
Autre Activité

Rationalisation

Énergie Consommation
Impact ressource
d’énergie fossile

Figure 6 – Schéma global des principales voies de réduction des émissions atmosphériques d’origine anthropique

Valorisation sans transformation Valorisation par transformation chimique Valorisation par transformation biologique

• Utilisation industrielle • Synthèse organique • Microalgues


– Traitement de l'eau – Urée et acide salicylique – Culture en bassin ouvert
– Utilisation alimentaire – Carbonates cycliques – Photobioréacteur
– CO2 supercritique – Polymères
– Utilisation hydrates de CO2 • Minéralisation (ex-situ) • Biocatalyse
• Récupération assistée d'hydrocarbures • Hydrogénation (méthanol),
– Pétrole méthanation
– Gaz naturel • Reformage
– Gaz naturel dans les veines de charbon – Sec (CO2)
– Hydrates de CO2 – Vaporeformage (CO2 + H2O)
• Géothermie profonde – Tri-reformage (CO2 + H2O + O2)
• Électrolyse (haute T et T ambiante),
Photoélectrolyse
• Thermochimie

Exemples de valorisation : alimentaire, Exemples de valorisation : chimie, énergie, Exemples de valorisation : alimentaire,
énergie… matériaux… chimie fine…

Figure 7 – Principales voies de valorisation du CO2

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G 1 816 – 6

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Valorisation du CO2
Partie 2 : voies par transformations
chimiques
par Association RECORD
et Laurent DUMERGUES


1. Voies de valorisation du CO2..................................................................... G 1 814 - 2
2. Valorisation avec transformation chimique............................................. — 2
2.1 Minéralisation ex-situ ................................................................................. — 2
2.1.1 Principe ............................................................................................... — 2
2.1.2 État des lieux ...................................................................................... — 4
2.1.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 4
2.1.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 4
2.1.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 5
2.2 Synthèse organique « carboxylation »...................................................... — 5
2.2.1 Principe ............................................................................................... — 5
2.2.2 État des lieux ...................................................................................... — 5
2.2.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 9
2.2.4 Impacts environnementaux, énergétiques ...................................... — 9
2.2.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 10
2.3 Hydrogénation/Méthanation ...................................................................... — 10
2.3.1 Principe ............................................................................................... — 10
2.3.2 État des lieux ...................................................................................... — 11
2.3.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 12
2.3.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 12
2.3.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 14
2.4 Reformage sec............................................................................................. — 16
2.4.1 Principe ............................................................................................... — 16
2.4.2 État des lieux ...................................................................................... — 16
2.4.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 16
2.4.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 17
2.4.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 17
2.5 Électrolyse ................................................................................................... — 19
2.5.1 Principe ............................................................................................... — 19
2.5.2 État des lieux ...................................................................................... — 20
2.5.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 23
2.5.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 23
2.5.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 23
2.6 Thermochimie ............................................................................................. — 23
2.6.1 Principe ............................................................................................... — 23
2.6.2 État des lieux ...................................................................................... — 24
2.6.3 Caractéristiques requises du CO2 ..................................................... — 25
2.6.4 Impacts environnementaux .............................................................. — 25
2.6.5 Retours d’expériences ....................................................................... — 25
3. Bilan et conclusions.................................................................................... — 26
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. G 1 814

a lutte contre le changement climatique est un enjeu majeur de nos


L sociétés contemporaines. De ce fait, la maîtrise des émissions atmosphé-
riques de CO2 est une priorité des politiques visant à limiter le réchauffement
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VALORISATION DU CO2 ______________________________________________________________________________________________________________

climatique. Considérer le CO2 comme une ressource qui peut être valorisée
ouvre de nouvelles perspectives, tant environnementales qu’économiques.
Diverses applications industrielles de valorisation de CO2 existent. Il s’agit par
exemple des voies de valorisation biologique ou directe sans transformation,
qui, à ce jour, ne permettent qu’une utilisation de CO2 limitée en volume. Une
autre voie de valorisation, par transformation chimique, utilise le CO2 comme
réactif afin de générer un produit valorisable ou à valeur énergétique.
Dans cet article seront présentées les principales techniques utilisées pour valo-
riser le CO2 par voie chimique comme la minéralisation, la synthèse organique,
l’hydrogénation, le reformage sec, l’électrolyse, la photocatalyse, la thermochimie…
Les développements de certaines techniques de valorisation sont particulière-
ment suivis par la communauté scientifique et industrielle. C’est le cas de la
méthanation qui permet potentiellement de transformer directement le CO2 en
sortie d’une installation de combustion en méthane « renouvelable ».
Malgré un potentiel d’utilisation de CO2 intéressant, les différentes voies de

S valorisation ne sont pas au même stade de maturité technologique. Elles


restent confrontées à des problèmes spécifiques d’ordre techniques, technolo-
giques, de savoir-faire, d’approvisionnement de ressources… et de rentabilité
économique dès lors que le CO2 est transformé en produit énergétique concur-
rencé par les ressources fossiles.
Nota : les voies de valorisation du CO2 directement sans transformation, ou après transformation biologique sont traitées
dans l’article [G1816] « Voies de valorisation du CO2 – Voies directes et voies avec transformation biologique ».

1. Voies de valorisation Les carbonates, qui constituent la forme thermodynamique


du CO2 la plus stable du CO2, sont des produits inertes et stables.
Leur formation permet donc le piégeage du CO2 pendant de
longues périodes de temps. La formation des carbonates est
Les principaux enjeux de valorisation du CO2, une présentation un procédé exothermique qui se produit naturellement mais
générale des voies de valorisation et un focus sur les voies sans lentement, et qui doit par conséquent être accéléré pour une
transformation ou avec transformation biologique sont décrits application à l’échelle industrielle.
dans l’article [G1816].
Le magnésium et le calcium sont rarement disponibles sous
forme d’oxydes purs dans la nature. Ils sont contenus dans cer-
2. Valorisation avec tains minéraux tels que les silicates (olivine, serpentine, wollasto-

transformation chimique nite) [1]. Ces silicates sont présents sur la terre en très grande
quantité (>1 000 000 Gt) [2]. Les réactions globales de carbonata-
tion des silicates sont, pour l’olivine et la serpentine [3] :
Les voies chimiques de valorisation du CO2 sont diverses. Elles – olivine :
consistent à soit insérer une molécule de CO2 dans une chaîne
carbonée (carboxylation) ou chaîne minérale (minéralisation), soit
au contraire à réduire ce CO2 en y ajoutant de l’hydrogène par
exemple. Ces dernières voies de réduction prennent différentes – serpentine :
formes selon les réactifs employés et les spécificités techniques :
utilisation de très haute température (thermochimie), d’électricité
(électrolyse), de méthane (reformage), d’hydrogène (hydrogéna-
tion)… (cf. figure 1).
Chacune de ces voies va être décrite dans les chapitres suivants. La première étape du mécanisme de réaction consiste en la lixi-
viation des silicates dans l’eau, entraînant l’extraction des cations
Ca2+, Mg2+ ou Fe2+ en solution. La seconde étape consiste en la
2.1 Minéralisation ex-situ précipitation de carbonates en présence de CO2 dissous [4].
La minéralisation se fait généralement de deux façons :
2.1.1 Principe – minéralisation in-situ : le CO2 est injecté dans des formations
géologiques riches en silicates ou dans des aquifères alcalins : la
minéralisation se produit alors dans le sous-sol. Il s’agit d’une
La minéralisation du CO2 consiste en une réaction entre le technique qui s’apparente au stockage souterrain de CO2 ;
CO2 et des oxydes de calcium ou de magnésium pour former – minéralisation ex-situ : la minéralisation se produit dans une
des carbonates (MCO3) : unité de carbonatation où le CO2 réagit avec la roche porteuse de
cations métalliques comme le Mg2+ ou le Ca2+. Il peut s’agir de
roches et minéraux issus de gisements naturels ou des déchets
industriels. Dans le cas d’utilisation de minéraux issus des gise-
avec M métal contenant du Mg, du Ca, du Fe, etc. ments naturels, la préparation des réactifs solides est nécessaire.

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Production « industrielle » Stade « pilote » ou « R&D »

CO2
+ Carbonates inorganiques (MCO3)
Oxyde MINÉRALISATION
métallique

Urée Esters et dérivés


Lactones
Amides
Carbamates
CO2 C
+ A Bicarbonate de sodium
Chaîne R


B
carbonée O Synthèse Carbonates organiques Carbonates organiques
et / ou X organique par
nucléophile Y
L carboxylation – Polycarbonates – Carbonates organiques linéaires
A de propylène, de bisphénol A – Carbonates organiques cycliques
T
I
O Acides carboxyliques Autres acides carboxyliques
N
– Acide salicylique – Acide acrylique
– Acide formique
– Acide acétique

Alcool : Méthanol Autres Alcools : éthanol


Hydrogénation Méthane (CH4)
CO2
+
Hydrogène
Gaz de synthèse
Électrolyse
CO + H2
R
É
CO2 D Reformage CH4
+
U
Méthane C
T Fischer-Tropsch
I
CO2 O Hydrocarbures
N
+ T > 1 200 °C – Alcanes (CnH2n+2)
+ H2O Thermochimie – Alcools…
– Acides carboxyliques
Monoxyde de carbone
+ T > 1 200 °C

Figure 1 – Principales voies de transformation chimique du CO2

Cette étape comprend l’extraction minière des roches, le transport magnésium. La minéralisation ex-situ présente différents avan-
et le broyage. En effet, afin d’accélérer la cinétique de la réaction tages tels que la pérennité du stockage du CO2, l’innocuité des car-
de minéralisation, il est nécessaire d’augmenter la surface de bonates produits et la possible valorisation des déchets industriels
contact entre la roche et la phase aqueuse. Le minerai est donc (production de ciment, d’acier et d’énergie) [3] [2]. Ces déchets ont
broyé finement malgré le coût induit. Une activation thermique souvent l’avantage d’être produits près de sources de CO2 et de
des roches peut s’avérer nécessaire selon les voies de minéralisa- nécessiter peu de traitements [5].
tion utilisées [3]. Les produits obtenus peuvent être valorisés : La minéralisation ex-situ peut s’effectuer en voie sèche ou
calcaire, ciment, matériaux de construction… La principale applica- aqueuse, et en une ou plusieurs étapes [2].
tion de la minéralisation ex-situ est la formation de calcaire obtenu
par réaction entre le CO2 et la chaux éteinte (Ca(OH)2) avec de – Minéralisation en voie sèche (solide – gaz) : la cinétique de la
l’eau comme coproduit. La chaux éteinte est un déchet de l’indus- réaction étant très lente, un apport de chaleur est nécessaire pour
trie cimentière. D’autres carbonates comme le MgCO3 sont poten- favoriser la réaction. Les températures sont alors comprises entre
tiellement utilisables comme matériaux de construction [7], mais 300 et 500 °C [6] :
des études demeurent nécessaires pour le développement et la • mono-étape : ce procédé, lent à température ambiante, est
validation de matériaux de construction à partir de carbonates de très efficace à de hautes températures [5],

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• multi-étapes : ce procédé, ayant une très faible vitesse de mettre en perspective avec le potentiel de 16 000 MtCO2/an qui
réaction, n’est pas considéré comme prometteur [5] ; pourraient être théoriquement utilisées par l’industrie du ciment
– minéralisation en voie aqueuse : elle se déroule en deux [11].
étapes ; la dissolution du minéral puis la précipitation du carbo-
nate. Ce procédé est plus efficace que la minéralisation en voie 2.1.3 Caractéristiques requises du CO2
sèche : cinétique de minéralisation plus rapide, températures
nécessaires moins élevées, de l’ordre de 180 °C, etc. [6] : ■ Qualité requise du CO2
• mono-réacteur : la minéralisation se produit dans un unique La minéralisation est adaptée aux émetteurs ponctuels de CO2
réacteur, au sein duquel les réactions de dissolution et de comme les émetteurs industriels.
précipitation se déroulent de manière concomitante. De nom- Normalement les fumées utilisées pour la minéralisation ex-situ
breux paramètres peuvent influer sur la performance du pro- sont concentrées en CO2 et correspondent aux conditions de sor-
cédé, qui se mesure en cinétique et en taux de carbonatation tie des unités de captage du CO2 [15].
des réactifs : qualité de broyage du réactif, température, pres-
sion partielle de CO2, l’ajout de certains additifs chimiques Cependant, il est envisagé que le CO2 utilisé pour la carbonata-
[7]. Le procédé peut se faire sans additif et en présence tion minérale puisse provenir directement de fumées industrielles,
d’additifs inorganiques (NaCl, NaHCO3) ou organiques ce qui permettrait dans les cas favorables de s’affranchir de
(agents complexants) [6]. Des procédés prometteurs se déve- l’étape amont de captage et de la pénalité énergétique induite [6].

S loppent : Toutefois le rendement du procédé est directement lié à la pres-


sion partielle en CO2 [15]. Des efforts de recherche et de dévelop-
Aux États-Unis, la réaction met en œuvre du silicate de calcium et pement actuels portent sur l’utilisation directe de CO2 issu de
de magnésium en présence d’additifs inorganiques à des tempéra- combustions industrielles avec une composition en CO2 de l’ordre
tures de 100-145 °C et des pressions de 40-150 bars [8]. de 10 à 15 % [16] [13]. Le verrou est essentiellement d’ordre ciné-
tique (temps de carbonatation très longs) [14]. Selon le CO2 uti-
En France, le procédé de minéralisation du projet CARMEX est lisé, le rendement du procédé et la qualité des produits finaux
capable d’opérer à une pression partielle inférieure à 20 bars de CO2. diffèrent [7]. Concernant les impuretés contenues dans les fumées
Le procédé nécessite néanmoins un traitement physique particulier et leur incidence possible sur la performance de la minéralisation
des réactifs [9]. ex-situ, aucune donnée n’existe à ce jour [15].
• multi-réacteur : la dissolution du minéral et la précipitation ■ Quantité nécessaire
ont lieu dans des réacteurs différents, caractérisés par des pH Il est requis entre 0,4 et 0,5 tCO2 et 1,6 à 2,5 tonnes de roches
différents, pour favoriser la dissolution des réactifs (pH [17] pour produire une tonne de produit [18] [19] [11].
acide), ou la précipitation de carbonates (pH alcalin). Il est
nécessaire d’ajuster le pH pour séparer les coproduits
gênants [7]. Généralement, des acides forts (HCl, H2SO4, 2.1.4 Impacts environnementaux
HNO3) ou faibles (acide acétique) sont utilisés pour l’extrac-
tion du Ca ou du Mg. L’olivine (Mg, Fe)2SiO4 et la serpentine ■ Principales pollutions
(Mg, Fe, Ni)3Si2O5(OH)4 sont solubles dans des solutions de Dans le cas de la minéralisation en voie aqueuse, différents
pH acide à neutre [6], mais l’ajout d’acide n’est pas néces- additifs corrosifs peuvent être utilisés (acide acétique ou HCl) [7].
saire dans la mesure où des pressions partielles élevées de Une attention doit être portée au chrysotile (ou amiante blanc),
CO2 induisent la formation d’acide carbonique par dissolution variété de serpentine amiantée pour laquelle la réglementation
du CO2 dans l’eau (comme dans les océans) [6]. interdit toute utilisation ou transformation (décret n° 96-1133 du
24 décembre 1996 relatif à l’interdiction de l’amiante, pris en
2.1.2 État des lieux application du code du travail et du code de la consommation).

■ Maturité technologique ■ Bilan Carbone


Cette technologie est encore au stade pilote [3] mais la minéra- Les émissions de CO2 liées au procédé de minéralisation sont
lisation du CO2 pourrait atteindre le stade commercial dans moins dépendantes des conditions et des facilités sur site (transport des
de cinq ans [10] [11]. C’est ce que prévoient les acteurs tels que le intrants, préparation, etc.).
GreenMag Group ou Calera. Dans le cas d’Alcoa (carbonatation des déchets de bauxite avec
Pour ce faire, la recherche focalise sur [12] : du CO2 purifié), 95 % des émissions de carbone liées à la minéra-
lisation correspondent au captage du CO2 et à sa compression
– l’accélération de la cinétique de la minéralisation ;
jusqu’à 200 bars.
– la rentabilité du procédé avec la diminution des coûts énergé-
tiques et la valorisation des produits ; Une étude d’analyse de cycle de vie estime que la mise en place
– le procédé en mode continu utilisant des fumées industrielles d’un procédé de minéralisation (incluant les activités d’extraction
diluées en CO2 [9] [13] ; des minéraux, de transport en bateau entre 4 000 et 7 000 km et
– la minéralisation des déchets ou de coproduits de l’industrie de captage du CO2) permet une baisse de 28 à 46 % du Bilan Car-
[7] comme les résidus sidérurgiques riches en chaux et/ou miné- bone initial d’une centrale électrique sans captage [20].
raux des ciments qui sont facilement carbonatables (laitiers, sco- Dans le cas du procédé de minéralisation Calera en « Eastern
ries, mâchefers) [9] ; Australia » qui utilise du CO2 provenant directement des fumées
– le choix de sites favorables, associant présence en grande industrielles, les émissions sont de l’ordre de 0,32 tCO2/tCO2 utili-
quantité de minéraux et de CO2 sur le même site [14] [9]. sée [11].
■ Potentiel ■ Efficacité énergétique
Bien que la capacité de stockage minérale du CO2 soit potentiel- L’énergie nécessaire pour la minéralisation dépend de la
lement très largement supérieure aux émissions anthropiques matière première à minéraliser. La minéralisation de minéraux
[15], la capacité de stockage réelle est limitée aux contraintes provenant de gisements naturels va être plus énergivore, notam-
logistiques (nécessité de disponibilité et de proximité entre les ment à cause de l’opération de broyage [3], que la minéralisation
minéraux et le CO2). L’utilisation potentielle de CO2 à moyen de déchets industriels, qui sont généralement finement broyés [5].
terme est estimée à environ 300 Mt par an [11]. Ce chiffre est à Dans les deux situations, de l’énergie est nécessaire pour les

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étapes de transformation chimique avec utilisation éventuelle


d’additifs (recyclage et pertes) ainsi que la séparation des carbo- Tableau 1 – Exemples de coûts relatifs
nates et des coproduits de réaction [3]. On note que ces copro- aux activités de minéralisation ex-situ de CO2
duits sont essentiellement de la silice qui peut, elle aussi, trouver
des voies de valorisation. Type de coût Remarques Source
Le choix de la pureté du CO2 a aussi un impact sur les besoins
énergétiques : utiliser directement le gaz de combustion avec une Coût d’investissement : L’usine de Calera en [11]
faible concentration du CO2 permettra de s’affranchir des entre 1 100 et 1 400 € Australie (capacité de
dépenses d’énergie pour le captage du CO2 et sa séparation/puri- (pour traiter le CO2 d’une 200 MWe) utilise le
fication. En revanche, cette option nécessitera d’amener de l’éner- centrale thermique au CO2 directement de
gie supplémentaire lors de la réaction de minéralisation afin charbon) par MWe installé fumées industrielles
d’améliorer le taux de conversion [6] [15]. sans aucun traitement
préalable
2.1.5 Retours d’expériences Coût de traitement d’une Différentes retours [15] [22]
La minéralisation est encore à un stade de développement non tonne de CO2 : variable d’expériences, hors [23] [24]
mature. selon les conditions de 20 captage du CO2


à 130 €/tCO2 traité
Le coût du procédé, même dans les cas favorables, reste élevé
puisqu’il faut considérer le prétraitement des réactifs solides et
l’énergie à apporter pour accélérer la réaction de minéralisation.
« Le principal facteur concernant la rentabilité économique de la apportant alors des propriétés renforcées au béton par une modifi-
minéralisation reste la valeur économique de la tonne de CO2 » cation de sa microstructure. Le Bilan Carbone de la filière pourrait
[15]. Pour que la minéralisation soit compétitive, il serait néces- ainsi diminuer de 70 % ;
saire d’éviter les étapes de captage et de transport du CO2, et pour – le projet d’écoconstruction SAPICO2 (France/Angleterre) vise à
cela utiliser directement les fumées industrielles comme intrant. créer des écomatériaux avec du ciment-carbonate pour réduire le
Le procédé doit donc être adapté pour de faibles concentrations volume des déchets et favoriser la réutilisation du CO2 émis par
de CO2 [21]. des petites et moyennes entreprises [30].
Parmi les autres freins au développement de la minéralisation,
on trouve notamment :
– la faible valeur ajoutée des produits obtenus, comme le prix du 2.2 Synthèse organique « carboxylation »
calcaire de 4 à 5 €/t [7] ;
– « la mauvaise connaissance de la composition finale et/ou la 2.2.1 Principe
qualité insuffisante du produit obtenu qui ne peut pas toujours être
réutilisé » [14] ; Le CO2 utilisé en tant que matière première dans les synthèses
– la stagnation mondiale du déploiement de la technique de de carboxylation en chimie organique peut remplacer les res-
« captage et stockage du CO2 ». sources fossiles et rentrer dans la composition de nouveaux maté-
Si le pessimisme est aujourd’hui de mise sur la minéralisation riaux à valeur ajoutée tels que certains polymères [31] [32] [33].
ex-situ, comme il l’est sur l’ensemble de la chaîne du captage et
du stockage du CO2, il n’en demeure pas moins que la minéralisa-
tion est la seule solution industrielle en mesure de suppléer le La réaction de carboxylation consiste à incorporer le CO2
stockage géologique, là où ce dernier ne pourrait pas être mis en dans un substrat organique selon deux voies de synthèse : la
œuvre [15]. formation d’un groupe carboxylique par l’attaque d’un nucléo-
phile (a dans la figure 2) ou la formation d’un métallacycle à
■ Coûts cinq éléments par cycloaddition oxydante (b dans la figure 2).
La gamme importante de coûts annoncés traduit l’état de déve-
loppement dans lequel se trouve la minéralisation à ce jour, cer-
Les réactions de carboxylation conduisent à la formation de liai-
taines solutions étant encore à l’étude au laboratoire, avec des
sons C-C (par exemple acide 2(ou 4)-hydroxybenzoïque, lactones,
coûts difficiles à appréhender, tandis que d’autres sont au stade
esters linéaires…), C-N (par exemple dérivés de l’acide carba-
de pilote, avec des coûts en baisse (tableau 1).
mique, carbamates…), O-C (carbonates linéaires et cycliques) [32].
■ Unités opérationnelles Dans ce type de réactions, il n’y a pas besoin de rompre les liai-
À l’heure actuelle, il n’existe pas encore d’unité d’échelle indus- sons C-O de la molécule stable qu’est le CO2. L’apport d’énergie
trielle. Cependant, le développement d’unités pilotes ou de nécessaire est globalement plus faible que pour les réactions de
démonstrateurs a commencé au cours des dernières années réduction et se traduit par des conditions de pression et de tempé-
notamment en Australie ou aux États-Unis en bénéficiant d’un rature requises « modérées ». Néanmoins, l’utilisation de cataly-
soutien financier au niveau de l’État. Les principaux acteurs impli- seurs permet de diminuer l’apport d’énergie d’activation
qués sont Alcoa, Calera, Skyonic et GreenMag (cf. tableau 2). nécessaire pour les réactions endothermiques et donc la tempéra-
En France, il existe des projets de recherche multipartenaires, ture de réaction de synthèses organiques à partir du CO2
par exemple (non exhaustifs) : (cf. figure 3).
– le projet ANR CARMEX a permis l’obtention de rendements
très prometteurs (70 à 90 % de conversion), à des conditions de 2.2.2 État des lieux
pression assez modérées, sans additif chimique avec le développe-
ment d’un procédé innovant de minéralisation en mono-étape de Les utilisations du CO2 par carboxylation sont nombreuses. La
roches naturelles d’origine diverse [29] [17] [9] ; maturité de ces réactions est diverse : certaines synthèses sont au
– le partenariat Solidia Technologies (États-Unis)-Lafarge vise à stade de recherche en laboratoire alors que d’autres, industriali-
industrialiser une technique innovante dans la production de béton sées, aboutissent à la commercialisation de produits tels que
préfabriqué. Elle consiste à injecter du CO2 dans le matériau, l’urée ou l’acide salicylique (figure 4).

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Tableau 2 – Exemples de projets de minéralisation

Projet/unité Caractéristiques Résultats/prévisions

Procédé d’Alcoa pour la carbonata- Alcoa a mis en place en 2007 un procédé de car- La consommation de CO2 est seulement de
tion de déchets industriels (États- bonatation des déchets industriels dans une raffi- 30 à 35 kg/t de déchets, ce qui permet d’utiliser
Unis/Australie) [11] nerie d’aluminium à Kwinana (Australie). Il s’agit à l’année un total de 70 ktCO2 [25]. Le produit
d’un procédé de carbonatation des déchets de obtenu n’est pas d’une grande utilité mais est
bauxite. Le CO2 de haute pureté (85 %), capté peu toxique et plus facile à stocker que les
depuis l’usine d’ammoniac CSBP, réagit avec déchets de bauxite. Le coût supplémentaire
les composants alcalins des déchets pour de l’opération de carbonatation (transport par
produire les carbonates pipeline pendant 8 km du CO2) incluant le coût
d’investissement, d’exploitation et de mainte-
nance est estimé à 7 €/teqCO2

Projet Calera (États-Unis) [26] Le procédé développé par Calera permet de Une unité de démonstration en Californie a été


minéraliser directement le CO2 contenu dans installée, afin de capturer 30 ktCO2/an (équiva-
le gaz de combustion en carbonate. Ce dernier lent à une centrale de gaz de 10 MWe), pour
peut, dans certaines limites, rentrer dans un investissement de 13 millions d’euros
la composition de certains ciments par le DOE [11] [19]

Les propriétés du ciment composé, obtenu avec 500 kg de CO2 sont utilisés par tonne
ce carbonate, restent à démontrer, tout comme de ciment produit [7] [11]
son intérêt économique par rapport au ciment
obtenu avec le calcaire moulu de carrière, actuel-
lement utilisé et bien moins cher [14]

Projet Calera (Australie) [26] [11] En 2010, Calera a démarré un autre démonstra- Il est envisagé d’utiliser 300 000 tCO2/an, issu
teur à Victoria en Australie. L’investissement d’une centrale à charbon pour produire environ 1
pour cette usine est de 82 millions d’euros Mt de matériaux de construction [19]. La quantité
d’eau nécessaire au procédé de minéralisation
aqueuse est de 7,5 tonnes d’eau par tCO2 utilisé
et l’énergie requise est de 0,176 MWh

Projet de Skyonic (États-Unis) [18] Ce projet de 125 millions de dollars (dont 25 mil- Cette usine devrait capturer 75 ktCO2/an pour
lions de dollars par le DOE et 35 millions par BP, produire 157 kt de bicarbonate [18]. Il est aussi
Conoco Philips et PVS Chemicals) [27] [18] a envisagé d’utiliser 150 ktCO2 pour produire
pour but de développer une unité industrielle au d’autres produits chimiques tels que l’acide
Texas pour capter le CO2 de la cimenterie Capitol chlorhydrique [27]
Granulats Inc. à San Antonio, et de l’utiliser pour
produire du bicarbonate de sodium ou de soude Le coût envisagé du captage de CO2 et
grâce au procédé de minéralisation de la transformation en bicarbonate est
d’environ 35 €/tCO2 [18]
Nota : d’après une parité $/€ de 0,778

Carbon 8 (Angleterre) Carbon 8 utilise une solution brevetée appelée En Angleterre, au moins deux usines de carbo-
« Accelerated Carbonation Technology (ACT) » natation utilisant les résidus de déchets
qui permet d’accélérer le processus naturel de urbains traités par incinération fonctionnent
carbonatation de sols et de déchets. D’après les déjà et fabriquent des granulats. Elles sont
concepteurs, la technologie permet d’utiliser opérées par la société Carbon 8 dirigée par
les émissions de CO2 issues des déchets à partir Mme Paula Carey, adossée à l’université
de sources locales, de capturer d’importants de Greenwich [14]
volumes de CO2, et de valoriser le produit final
obtenu [28]

■ Synthèses industrialisées carboxylation du phénol via la réaction de Kolbe-Schmitt (figure 6)


– Urée : la production d’urée (figure 5) à partir de CO2 et sous une pression de 10 bars et à une température de 150 °C envi-
d’ammoniac est un procédé déjà industrialisé depuis près de ron [7]. L’acide salicylique est un intermédiaire dans la formation
40 ans. Le CO2 réagit avec l’ammoniac (0,77 t d’ammoniac par t de de l’acide acétylsalicylique (plus connu sous la marque déposée
CO2 traité) pour former le carbamate d’ammonium, qui, déshy- « aspirine »).
draté, permettra l’obtention d’urée. Le procédé est réalisé sans – Carbonates cycliques : Il s’agit du carbonate d’éthylène (EC),
catalyseur et sous forte pression (100 à 400 bars) et à des tempéra- du carbonate de propylène (PC), du carbonate de cyclohéxène (CC)
tures relativement hautes (160 à 200 °C) [35] [36] [J6660]. Les appli- et du carbonate de styrène (SC). Ils sont obtenus principalement
cations de l’urée sont la production de fertilisants à base d’azote et par réaction catalytique du CO2 avec des époxydes [32] mais
la production de matières plastiques. peuvent aussi être obtenus par réaction du CO2 avec des alcools,
– Acide salicylique et acide 4-hydroxybenzoïque : ces acides car- des oléfines ou un cétal cyclique [34]. Les conditions de réaction
boxyliques, déjà industrialisés à partir du CO2, sont produits par peuvent être extrêmement douces, voisines de la température

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O O
Alcools, alcanes,
alcènes… … C C
R OH RO OR

O O Acides carboxyliques Carbonates linéaires


Hydrogénation
– O
C Xδ C
O X O
O Yδ
+ R1 C
Y C N OR
Réduction
a X, Y : nucléophiles H2N NH2
CO2 R2
Urée et dérivés Carbamates
(H2O, R2NH, ROM, RMgX…)
O
Carboxylation

b O O O ( )n O

LnM
A
B
LnM
A
B
R R
Carbonates cycliques
R

Polycarbonate
O n

O C O O C O
O

A, B : alcène, alcyne, HN O N
H
( )n O

diène, allène, O2… R O n


R R
Carbamates cycliques Polycarbamate

Figure 2 – Principales transformations du CO2 par synthèse organique

Énergie

Catalyseur
Énergie d’activation
sans catalyseur

Énergie d’activation
avec catalyseur

Époxydes Carbonates
Hydrogène Carbamates Énergie nette
Acétylène Acides carboxyliques dégagée par
CO2 + Diène Esters la réaction
Allène Lactones
Organométalliques
Amines

Réactifs Produits

Figure 3 – Synthèses organiques catalytiques à partir du CO2 [34]

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R&D Pilote Industrialisé

Urée
Acides carboxyliques Carbonates linéaires
Acide salicylique
Esters Polycarbonates
Acide 4-hydroxybenzoïque
Lactones Carbamates
Carbonates cycliques

S Figure 4 – Maturité des synthèses organiques catalytiques à partir du CO2 (Compilation RECORD/APESA)

– Polycarbonates : les carbonates cycliques peuvent être ouverts


pour donner un acide hydroxy carboxylique qui ensuite est poly-
O
O mérisé pour produire des polycarbonates. La synthèse de
rapide + lent
2 NH3 + CO2 H2N C – NH4 C + H2O polymères tels que le PPC (carbonate de polypropylène) et le PEC
H2N NH2 (carbonate de polyéthylène) en utilisant un catalyseur à base de
O Urée
160 à 200 °C
zinc peut être réalisée avec un bon rendement à de faibles pres-
100 à 400 bars
sions et températures (faible quantité d’énergie consommée) [11].
Les polycarbonates sont largement utilisés comme matériaux de
construction, produits de sécurité et de protection personnelle
Figure 5 – Mécanisme de synthèse de l’urée grâce à leurs propriétés de haute résistance et de légèreté [39].
D’autres propriétés de ces matériaux sont la transparence, la résis-
tance à la lumière, l’isolation électrique, etc. [7].
– Carbamates (uréthanes) [39] : la réaction entre certains N-
nucléophiles comme les amines et le CO2 a comme résultat la for-
O ONa O OH mation des composés N-carbonylés, y compris les carbamates ou
uréthanes. Les carbamates ont plusieurs applications, par exemple
OH CO2 ONa H2SO4 OH comme pesticides en agriculture ou comme précurseurs de la syn-
thèse d’isocyanates qui sont utilisés pour produire des polyuré-
NaOH thanes. L’ester carbamique peut remplacer le phosgène comme
réactif en synthèse organique.
Figure 6 – Réaction de Kolbe-Schmitt
■ Synthèses en recherche
– Acides carboxyliques (autres que l’acide salicylique et l’acide
ambiante et d’une pression de 10 bars [37] [38]. Ces carbonates 4-hydroxybenzoïque déjà industrialisés) : les nucléophiles carbo-
sont utilisés comme monomères (pour l’obtention de polymères, nés tels que les réactifs de Grignard, les organolithiens, les compo-
pour la synthèse des hydroxyesters et hydroxylamines), comme sés à méthylène actifs ou les énolates métalliques sont capables
composants de matériaux spéciaux et comme solvants [32]. Les d’attaquer le CO2 pour produire les acides carboxyliques sous des
carbonates cycliques sont déjà sur le marché car les réactions sont conditions de réaction modérées. Les réactions pour produire les
bien connues, et les besoins existants. Ce marché est en expan- acides carboxyliques tels que l’acide acrylique à partir du CO2 sont
sion, grâce notamment aux batteries lithium-ion [37]. multiples : à partir d’éthylène, par complexation métallique (com-
plexe du molybdène), à partir d’allènes sur des catalyseurs à base
■ Synthèses en développement de Ni et à partir de composés aromatiques [34].
– Carbonates linéaires : la voie la plus intéressante pour pro- – Acrylates : les acrylates sont des esters et des sels dérivés de
duire des carbonates linéaires est celle de la carboxylation directe l’acide acrylique [13]. Leur obtention à partir de la réaction cataly-
d’alcools selon la réaction suivante [32] : tique du CO2 et de l’éthylène (en remplacement à la synthèse com-
merciale actuelle par chauffage du propylène) suscite l’intérêt de
chercheurs dans le but de trouver des catalyseurs performants [13]
[40].
– Les carbonates linéaires sont le diméthyle carbonate (DMC), le – Esters et lactones : la combinaison catalytique du CO2 avec
dialkyle carbonate (DAC), le diéthyle carbonate (DEC) et le diphé- divers composés insaturés conduit à la formation d’esters et de
nyle carbonate (DPC). Dans la synthèse du carbonate de diméthyle lactones. Ces composés insaturés sont les diènes (par exemple
(DMC), la température optimale est voisine de 150 °C et la pression 1,3-butadiène) et les allènes en présence de palladium comme
autour de 200 bars [37]. catalyseur, l’acétylène en utilisant un catalyseur à base de nickel et
– Les applications des carbonates linéaires sont multiples, les arynes entre autres [34]. Les lactones peuvent être les précur-
comme solvants, comme réactifs pour les réactions d’alkylation ou seurs de plusieurs produits tels que des acides, alcools ou diols,
acylation et comme additifs pour l’essence ou le diesel [32]. Le amino acides, amines… [41] et peuvent être utilisés pour leurs pro-
DMC peut être utilisé comme réactif en remplacement du phos- priétés organoleptiques.
gène (COCl2) pour la production de polycarbonates et polyuré- Pour les voies de synthèse non industrialisées, l’enjeu principal
thanes. est le développement et l’amélioration des catalyseurs [7] [37] [42]

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Biofixation du CO2 par microalgues


par Jérémy PRUVOST
Professeur à l’université de Nantes
GEPEA – UMR 6144 CNRS/Université de Nantes/IMTA/ONIRIS
École des Mines de Nantes/ENITIAA, Saint-Nazaire, France
Benjamin LEGOUIC
Docteur
Ingénieur de recherche à l’université de Nantes
ALGOSOLIS – UMS 3722 CNRS/Université de Nantes, Saint-Nazaire, France
Jean-François CORNET


Professeur à SIGMA Clermont
Institut Pascal – UMR CNRS 6602, Aubière, France
et Christophe LOMBARD
Docteur
Chef de projets et ingénieur de recherche, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France

1. Culture de microalgues et cyanobactéries : interactions avec la source


de carbone ................................................................................................... CHV 7 005 - 2
1.1 Croissance des micro-organismes photosynthétiques............................ — 2
1.2 Systèmes de culture des micro-organismes photosynthétiques............ — 3
1.3 Apport du carbone au sein des systèmes de culture............................... — 4
2. Transfert gaz-liquide du CO2, équilibres chimiques en phase liquide,
bilans matière.............................................................................................. — 5
2.1 Équilibres entre phases et équilibres chimiques en solutions — 5
2.2 Modélisation du transfert gaz-liquide de CO2 et des bilans matière
associés........................................................................................................ — 7
3. Optimisation de l’apport de carbone en culture de microalgues........... — 9
3.1 Effet d’une limitation de la croissance par l’apport de CO2
en photobioréacteur ................................................................................... — 9
3.2 Développement de stratégies contrôlées d’admission de la source
de carbone — 9
3.3 Utilisation de la modélisation pour la mise en place de stratégies
optimisées ................................................................................................... — 11
4. Application de la biofixation de CO2 par les microalgues aux fumées
industrielles ................................................................................................. — 13
4.1 Contexte général ......................................................................................... — 13
4.2 Démarche d’intégration et problématiques associées ............................ — 14
4.3 Exemples d’intégration – retour d’expériences........................................ — 17
5. Conclusion et perspectives ........................................................................ — 20
6. Glossaire ...................................................................................................... — 22
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 7 005

es micro-organismes photosynthétiques de type microalgues et cyanobac-


L téries tendent à s’imposer dans de nombreux secteurs applicatifs. De par
leur croissance photosynthétique rapide en milieu aqueux, ces micro-
organismes offrent également la possibilité d’associer à leur croissance la fixa-
tion de CO2 d’origine industrielle. Cependant, les micro-organismes
photosynthétiques n’ont pas la capacité d’assimiler le carbone sous forme
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQW

gazeuse (CO2,g). Le CO2,g doit préalablement être transféré dans la phase

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BIOFIXATION DU CO2 PAR MICROALGUES _______________________________________________________________________________________________

liquide sous forme de carbone inorganique dissous (CID) pour ensuite être
assimilé et ainsi biofixé. Ceci constitue une différence majeure par rapport aux
plantes supérieures, et induit de multiples conséquences qui seront décrites
dans cet article.
Cela concerne en particulier la physico-chimie de dissolution du CO2,g, étroi-
tement liée au pH et à la physico-chimie du milieu de culture en général. Le
transfert gaz-liquide dans le système de culture est également important, la
faible dissolution du CO2,g rendant difficile la mise en œuvre d’une épuration
importante du CO2,g injecté. Il en résulte un impact important sur la stratégie
de mise en œuvre, mais également d’intégration industrielle. Ainsi, la biofixa-
tion du carbone, l’abattement de la phase gazeuse et la production de
biomasse microalgale sont étroitement liés.
Cet article se propose de présenter les éléments essentiels impliqués dans ce
procédé, ainsi que les principales conclusions de mises en œuvre pratiques qui


en découlent. Dans une première partie, les principes généraux de la crois-
sance photosynthétique et de son lien au carbone sont présentés. Les
mécanismes biologiques d’assimilation et de conversion sont ainsi introduits,
montrant la nécessité de maintenir des concentrations en carbone dissous suf-
fisantes dans le milieu de culture pour éviter l’apparition de mécanismes
biologiques menant à une perte de performance cinétique. Dans une deuxième
partie, les différents éléments théoriques nécessaires à la compréhension et
modélisation des phénomènes impliqués dans la physico-chimie de dissolu-
tion du carbone, ainsi que le transfert gaz-liquide en réacteur sont présentés.
Ces éléments mettent en avant les particularités du CO2, comme le couplage
étroit de la chimie du carbone dissous au pH de culture, lui-même ayant un
impact sur les réactions biologiques de croissance. Il en ressort un couplage
étroit entre différentes grandeurs majeures du procédé biologique. Ceci est
illustré dans une troisième partie pour différents cas, amenant à détailler les
principales stratégies d’alimentation en carbone utilisées en pratique, avec
leurs avantages et inconvénients respectifs selon l’objectif visé, comme opti-
miser la biofixation, ou l’abattement du CO2 de la phase gazeuse. La dernière
partie est finalement consacrée à l’usage industriel de tels procédés. L’impact
de composés comme les métaux contenus dans les fumées, ainsi que les
contraintes d’intégration aux sites d’émissions, sont discutés, avec leurs consé-
quences pratiques à la fois sur le procédé (intégration sur le circuit
d’émissions, prétraitements des gaz) et la biomasse produite. Une revue de
quelques projets menés de par le monde vient clore l’article, montrant l’intérêt
croissant des microalgues pour développer des procédés de valorisation du
CO2 d’origine industrielle.

1. Culture de microalgues dont la croissance s’effectue par photosynthèse. À la différence


des plantes supérieures utilisant le même processus, les micro-
et cyanobactéries : algues se développent en milieu aqueux, la lumière leur permet-
tant de croître par absorption des minéraux nécessaires et du
interactions avec la source carbone inorganique en phase liquide. Les systèmes de culture
nécessitent un maintien de conditions physico-chimiques adé-
de carbone quates (pH, température, force ionique…) et les apports suivants :
– lumière solaire ou artificielle, dans la gamme de longueurs
d’onde actives pour la photosynthèse : 0,4-0,7 μm ;
– carbone inorganique dissous (en mode de production
1.1 Croissance des micro-organismes autotrophe) ;
photosynthétiques – nutriments minéraux : azote sous forme nitrate ou ammonium,
sulfate, phosphate, éléments métalliques à l’état de traces (Mg, Ca,
Mn, Fe, etc.).
1.1.1 Besoins généraux des micro-organismes
photosynthétiques On notera que les micro-organismes photosynthétiques
peuvent dans certains cas être cultivés en hétérotrophie. La
La dénomination « micro-organismes photosynthétiques », source inorganique est alors remplacée par une source organique
regroupant microalgues, cyanobactéries (cellules végétales, glo- (i.e. sucres). Son assimilation mène toutefois à une production
balement nommées ici « microalgues ») ainsi que certaines bacté- simultanée de CO2. Ce mode de production ne peut donc être
ries (règne animal), caractérise les organismes microscopiques considéré pour valoriser du CO2. Nous nous intéresserons donc

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_______________________________________________________________________________________________ BIOFIXATION DU CO2 PAR MICROALGUES

uniquement à la croissance en autotrophie des micro-organismes transféré à la phase liquide sous forme de carbone inorganique
photosynthétiques. dissous pouvant être assimilé (voir § 2). Or, le coefficient de diffu-
sion du CO2 dans l’eau est 10 000 fois inférieur à celui observé
dans l’air (à 20 °C : 1,73.10–9m2.s–1 contre 1,59.10–5m2.s–1 [2]). Les
1.1.2 Assimilation du CO2 par la photosynthèse micro-organismes photosynthétiques ont par conséquent déve-
loppé des mécanismes de concentration du carbone (MCC) basés
D’une façon générale, la photosynthèse se déroule en deux
notamment sur le transport actif de bicarbonate [3] pour complé-
phases. La première (phase lumineuse) consiste en une succes-
ter la diffusion naturelle du CO2 à travers la cellule. Dans le cas où
sion de réactions photochimiques et d’oxydoréduction (« schéma
l’apport est insuffisant, comme cela est usuellement rencontré
en Z »,) génératrice d’ATP et de NADPH+H+ utilisés par la suite
dans la nature [4] [5] [6], les MCC rentrent en jeu pour maintenir
dans le cycle de Calvin pour la fixation du carbone (phase
une croissance, même diminuée, malgré ce défaut d’approvision-
sombre) respectivement en tant que source d’énergie et de poten-
nement en carbone. Ces mécanismes sont complexes et inter-
tiel réducteur (figure 1).
viennent graduellement à différents niveaux, génétique et
Le mécanisme général de la photosynthèse, bien que complexe, métabolique. Il en résulte différents temps caractéristiques de
est largement documenté dans la littérature (voir notamment [1]). réponse [5]. D’une façon générale, plus la limitation en carbone se
Pour l’usage visé dans cet article, il peut être résumé par une col- durcit, plus les cellules sont capables d’augmenter leur affinité au
lecte de l’énergie lumineuse dans la chaîne de transport d’élec- carbone inorganique dissous (CID) pour limiter les effets de la
trons pour scinder la molécule d’eau en molécule d’oxygène, en limitation carbone. Il en résulte que la cellule utilise de l’énergie
protons et en électrons. Le CO2 est alors l’ultime accepteur d’élec-
trons pour la carboxylation du ribulose-1,5-diphosphate (RuDP) en
sucres 3C, éléments constitutifs de la biomasse.
au détriment de la croissance pour « pomper » le CID du milieu
sous forme de bicarbonate contre le gradient de concentration.
Chez les cyanobactéries, il est accumulé dans le cytosol dont le pH

La réaction de carboxylation qui permet de fixer le CO2 lors du basique permet d’atteindre une teneur 100 à 1 000 fois supérieure
cycle de Calvin se fait en présence d’une enzyme, appelée Rubisco à celle observée hors de la cellule, soit quelques dizaines de
(ribulose-1,5-diphosphate carboxylase/oxygénase), possédant une mmol/L alors que la concentration à l’extérieur de la cellule
double fonction carboxylase/oxygénase. Elle permet de catalyser n’atteint pas 0,02 mmol/L [7].
les réactions de carboxylation/oxydation du RuDP. La fonction car-
boxylase possède une catalyse lente, l’enzyme ayant peu d’affinité 1.1.4 Cas particulier des fortes teneurs
avec le CO2. Il existe par conséquent des mécanismes spécifiques en carbone dissous
afin d’assurer un apport suffisant en carbone dissous au sein de la
cellule et d’éviter ainsi l’activation de la fonction oxygénase (pho- Certains cas d’exploitation peuvent amener à obtenir des fortes
torespiration). teneurs en carbone dissous dans le milieu, pouvant alors affecter
les réactions biologiques. C’est notamment le cas lorsqu’un gaz
riche en CO2 est utilisé. Il est cependant important de rappeler ici
1.1.3 Mécanismes spécifiques impliqués que cette teneur n’influencera qu’indirectement la croissance (via
chez les micro-organismes le transfert gaz-liquide notamment), car seul le carbone dissous
photosynthétiques sera assimilé par les micro-organismes (une confusion encore fré-
quente dans la littérature où la croissance d’espèce est donnée
L’assimilation du carbone est souvent considérée comme ana- pour différents enrichissements en CO2 dans la phase gazeuse,
logue à celle des plantes supérieures. Cette confusion, encore fré- sans tenir compte du transfert réel à la fraction liquide, et de
quente, mène à des erreurs de conception des systèmes de l’effet sur le pH, lui aussi fortement touché ; voir § 2).
culture qui seront reprises plus loin dans cet article. Il est donc
important de comprendre ici quelques-unes de ces particularités. D’une façon générale, les micro-organismes photosynthétiques
Contrairement aux plantes supérieures, les micro-organismes présentent une large plage de tolérance au carbone dissous (voir
photosynthétiques sont dans l’incapacité d’utiliser le dioxyde de ci-après pour l’exemple concret de Chlorella vulgaris), avec donc
carbone sous forme gazeuse. Celui-ci doit être préalablement finalement l’obtention d’aucun effet notable, se traduisant par une
vitesse de croissance non limitée par la source de carbone (et
donc seulement contrôlée par la lumière). Cependant, bien que
cela soit rare, une concentration extrême en substrat carboné peut
cependant inhiber la photosynthèse et par conséquent la crois-
sance [8]. Ces considérations sont cependant souche-dépendantes
hv H2O CO2 et pH-dépendants (la teneur en CO2 et la concentration en carbone
dissous étant très liées), et il est difficile ici d’en tirer des recom-
mandations claires.

NADP+
ADP 1.2 Systèmes de culture
Réactions Cycle des micro-organismes
photo- de Calvin photosynthétiques
chimiques (stroma)
(thylakoïde) La culture autotrophique de micro-organismes photosynthé-
ATP tiques fait l’objet d’un article à part entière dans la même collec-
NADPH tion [CHV4030]. Seuls les éléments principaux sont résumés ici.
Chloroplaste D’une façon générale, les systèmes de production chercheront à
apporter les conditions les plus favorables possibles à la crois-
O2 CH2O sance. Les besoins physiologiques décrits dans le para-
graphe 1.1.1 devront donc être respectés, sous peine de faire
apparaître des limitations de croissance et donc les performances
en biomasse (productivités).
Figure 1 – Représentation schématique de la photosynthèse
dont le principe mène à la création de biomasse par assimilation En pratique, il s’avère toutefois que la culture doit satisfaire à
de CO2 grâce à l’énergie lumineuse captée diverses contraintes, qui peuvent avoir finalement un fort impact

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sur le système à mettre en œuvre. C’est le cas en particulier de 1.3 Apport du carbone au sein
l’échelle de production, la culture de micro-organismes photosyn-
thétiques pouvant aller de quelques litres (en laboratoire notam-
des systèmes de culture
ment) à plusieurs dizaines ou centaines de mètres cubes. Ceci,
L’analyse élémentaire de différents micro-organismes photo-
combiné avec le besoin d’apport en lumière, amène à distinguer synthétiques (tableau 1) permet de mettre en évidence la prépon-
les systèmes utilisant le rayonnement solaire des systèmes basés dérance du carbone dans la biomasse (45 à 50 %). En autotrophie,
sur une source de lumière artificielle (tubes fluorescents, lampes à la synthèse d’un gramme de biomasse nécessite ainsi théorique-
décharge, LED) que l’on rencontre plus particulièrement dans les ment entre 1,8 à 1,9 g de CO2. Si l’utilisation d’un milieu de
productions à petite échelle (jusqu’à quelques centaines de litres culture correctement défini permet de s’affranchir des risques de
en général). carence/limitation minérale par ajout de sels spécifiques (principa-
Un second choix majeur consiste en l’utilisation de systèmes lement source de sulfate, de phosphate et d’azote et éléments
ouverts à l’ambiant ou clos (photobioréacteurs). Les systèmes traces), l’apport de lumière et de carbone nécessaire à la photo-
ouverts (raceways, lagunes) apportent par principe un niveau synthèse peut s’avérer plus problématique du fait des besoins
réduit de contrôle, en particulier au niveau bactériologique. Les importants des micro-organismes photosynthétiques.
cultures ainsi exposées peuvent en effet être contaminées par L’apport en lumière sera étroitement lié à la source lumineuse
d’autres micro-organismes, d’origine bactérienne, fongique, voire utilisée et à la géométrie du système de culture. En tant que fac-
par d’autres micro-organismes photosynthétiques. Cela peut ame- teur limitant principal aux performances, ce point est largement

S ner à une dérive biologique, ou une baisse de performances par


prédation directe. Les systèmes clos possèdent deux avantages
majeurs face aux systèmes ouverts ; ils permettent de réduire les
débattu dans [CHV4030]. Le milieu, établi sur la base de milieux
de culture de la littérature, sera ajusté en concentration pour cor-
respondre à l’objectif de production en termes de biomasse visée.
risques de contamination mais aussi de mieux contrôler tous les Idéalement, l’apport en nutriments doit en effet maintenir une
paramètres de culture à savoir le pH, la température et l’apport de concentration non limitante, sauf cas particulier où une carence
nutriments au sens large. Ils limitent également fortement l’éva- volontaire induit une réponse biologique répondant à un objectif
poration. Cependant, ces avantages nécessitent la mise en place de production, comme par exemple la suraccumulation d’un
de nombreux appareils de contrôle engendrant un coût supplé- métabolite comme les lipides [9] [10]. Cet ajustement est calculé
mentaire non négligeable ainsi que des compétences et une sur la base des besoins de l’algue (en se basant par exemple sur
demande en maintenance plus importantes. la stœchiométrie de réaction photosynthétique) ou par mesure de
la concentration résiduelle des ions consommés dans le milieu.
Quels que soient les systèmes de culture, l’agitation apparaît L’apport peut se faire en début de culture (mode batch), en
souvent comme un point clé pour éviter les zones mortes, le continu ou semi-continu.
dépôt de biofilm et permettre une bonne accessibilité des nutri-
ments aux micro-organismes photosynthétiques. L’agitation des Pour gérer l’apport de carbone, plusieurs solutions sont pos-
photobioréacteurs est donc généralement assurée de façon méca- sibles. Le carbone inorganique peut être apporté sous forme de
nique (hélices marines, pales) ou par un bullage de gaz (colonne à sels carbonatés (NaHCO3, Na2CO3) ou sous forme gazeuse via du
bulles, gazosiphon). Le choix de l’agitation devra avant tout CO2 qu’il faudra transférer à la phase liquide. L’ajout direct de sels
prendre en compte le micro-organisme photosynthétique étudié, carbonatés est moins répandue, mais simple de mise en œuvre
et en particulier sa fragilité aux cisaillements hydrodynamiques. (simple dissolution). Une alternative consiste à carbonater une
solution par bullage préalable de CO2 gazeux dans une cuve
Outre ces effets, nous verrons, par la suite, que l’agitation s’avére
dédiée (utile notamment quand de grandes quantités de CO2 sont
également importante dans la gestion du carbone au sein du sys-
disponibles, ou pour créer une réserve de carbone). Cette cuve
tème de culture du fait de son rôle sur le transfert gaz-liquide.
dite de « précarbonatation » sert alors à alimenter le système de
Le choix entre systèmes ouvert et fermé est donc à la fin le culture en carbone dissous. Pour l’ensemble de ces opérations, la
résultat de différentes contraintes, englobant la résistance de la problématique se résume à une gestion cohérente de la physico-
souche à ce mode de culture, l’échelle de production (les sys- chimie de la solution carbonatée (voir les éléments théoriques
tèmes de culture ouverts étant plus facile à extrapoler), et le coût fournis à cet effet plus loin dans l’article).
global (la technologie photobioréacteur étant usuellement plus L’apport de carbone sous forme gazeuse est de loin le mode le
chère à l’investissement). De manière générale, le choix du sys- plus répandu en pratique. Il s’effectue idéalement tout au long de
tème de culture dépend donc principalement des contraintes la culture sous forme de CO2 pur ou en mélange à l’air. Le trans-
d’exploitation (niveau de contrôle, production visée, ressources fert au milieu dépend alors des performances du système d’injec-
disponibles en eau, gestion du CO2…), et des caractéristiques du tion et de la concentration du CO2 en phase gazeuse. pH et teneur
micro-organisme photosynthétique étudié/produit en termes de en carbone inorganique dissous (CID) sont liés et la consomma-
besoins physiologiques de la souche (milieu, température, pH, tion biologique de CO2 alcalinise le milieu : l’asservissement du
robustesse) et son comportement (sédimentation, biofilms). Il en pH à l’injection de CO2 est donc un moyen d’apporter du carbone
résulte donc que différentes technologies existent, sans qu’une ne en cours de croissance. À noter que le CO2 atmosphérique est en
puisse prétendre détenir la solution unique à toute production. Le concentration insuffisante (400 ppm) pour éviter une limitation de
lecteur intéressé est encouragé à consulter [CHV4030], afin de dis- croissance après dissolution dans l’eau. Il s’en suit donc que la
poser des éléments nécessaires à ce choix essentiel dans la mise plupart des systèmes ouverts de culture non supplémentés en
en place de toute installation de production. CO2 ou en sels carbonatés souffrent de limitation par la source de

Tableau 1 – Composition massique (%) de différentes souches de micro-organismes photosynthétiques

C H O N P S Total

Chlorella vulgaris 47,98 % 7,03 % 29,39 % 8,87 % 0,94 % 0,82 % 96,15 %

Arthrospira platensis 48,6 % 6,35 % 29,72 % 9,80 % 0,75 % 0,78 % 96 %


(Spirulina)

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carbone, engendrant une chute de leur performance de produc- relation (2) dans laquelle il faudra disposer d’un modèle thermo-
tion et donc de la vitesse d’assimilation du CO2. dynamique pour le calcul de la constante de Henry dans une solu-
À noter également que l’oxygène coproduit peut se révéler tion non idéale d’électrolytes . Cette donnée d’équilibre peut
néfaste à la croissance. Toutefois, les effets sont moins directs
que pour la limitation en carbone dissous. Ce type de limitation être théoriquement décomposée sous la forme
concerne essentiellement les systèmes de culture clos où des [11] [12], mais une approche plus pertinente a été proposée par
« ciels » d’O2 quasi pur se créent. Shumpe (1993) qui a développé un modèle pour calculer la
constante de Henry corrigée à partir de sa valeur à dilution
infinie via la relation (3). L’utilisation d’une valeur corrigée
2. Transfert gaz-liquide pour tenir compte de la diminution de solubilité des gaz

du CO2, équilibres dans les solutions d’électrolytes sera d’autant plus importante à
considérer que la force ionique du milieu de culture est élevée ; la
chimiques en phase déviation peut aller de quelques pourcents jusqu’à 30 % dans
l’eau de mer. En tout état de cause, il est toujours possible d’utili-
liquide, bilans matière ser en première approximation la constante de Henry dans l’eau


pure telle que donnée par exemple sous forme de corréla-
La modélisation (permettant la quantification et la compréhen- tion [11] en fonction de la température dans l’encadré 2. Ce calcul
sion) des échanges de CO2 entre les phases gaz et liquide d’une sera de toute façon nécessaire pour déduire la valeur corrigée de
unité de production de microalgues où il est consommé par des la relation (3) proposée par [13] qui permet d’accéder au rapport
micro-organismes photosynthétiques nécessite la prise en compte .
de plusieurs phénomènes. En effet, avant de pouvoir écrire les
bilans matière sur le CO2 (ou toute forme de carbone inorga-
nique), il faut être capable de décrire et formuler l’équilibre gaz-
liquide, les équilibres entre les différentes formes du carbone
inorganique dissous (CID) en phase aqueuse ainsi que le terme Encadré 1
traduisant le transfert de masse entre phases. Nous avons vu pré-
cédemment que la forme préférentielle de carbone inorganique
pénétrant dans les cellules par transport actif pour y être métabo- ■ Équilibre physique gaz-liquide
lisée par la photosynthèse est l’ion hydrogénocarbonate (1)
(même si c’est bien le CO2 dissous qui est intégré dans le cycle de
Calvin par la Rubisco, suite à une transformation catalysée par
l’anhydrase carbonique), ce qui nécessitera d’avoir de bons (2)
modèles d’équilibres en solution pour estimer correctement sa
concentration.
(3)

2.1 Équilibres entre phases et équilibres ■ Carbone inorganique dissous et équilibres chimiques en
chimiques en solutions solution d’électrolytes

(4)
Toutes les équations nécessaires à la compréhension de
cette partie sont regroupées dans l’encadré 1. Toutes les don- (5)
nées d’équilibre nécessaires sont regroupées dans l’encadré 2 ;
elles sont issues de [11] dans lequel les espèces en solutions (6)
sont exprimées en molalités. Néanmoins, dans tout cet article,
on considèrera des cas pratiques suffisamment dilués pour
(7)
assimiler les molalités (mol/kg) à des concentrations molaires
(mol/m3), plus généralement utilisées. (8)

2.1.1 Équilibre thermodynamique entre une phase (9)


liquide et une phase gazeuse, solubilité
du CO2
Pour un état de référence à dilution infinie et en utilisant une
convention dissymétrique représentative des solutions d’électro- (10)
lytes qui composent les milieux de culture minéraux pour les
microalgues, on peut écrire l’équilibre entre phases pour le CO2 à
partir de la relation (1) faisant intervenir le coefficient de fugacité Produit ionique de l’eau :
coté gaz et, côté liquide, le coefficient de Henry non idéal
qui peut être considéré comme une fonction seule de la tem- (11)
pérature [11] [12].
Néanmoins, il est classique de faire l’hypothèse d’une phase Électroneutralité :
gaz parfaite ( , on ne retient que la pression partielle
coté gaz dans la relation d’équilibre) conduisant à la (12)

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INNOVATION

Conception et étude
de contacteurs gaz/liquide à peau
dense pour le captage du dioxyde
de carbone
Une étape importante pour l’intensification S
du captage en postcombustion
par Denis ROIZARD
Directeur de recherche CNRS au laboratoire Réactions et Génie des Procédés à l’École
nationale supérieure des industries chimiques de Nancy, université de Lorraine
et Eric FAVRE
Enseignant-chercheur au laboratoire Réactions et Génie des Procédés, professeur à l’École
nationale supérieure des industries chimiques de Nancy, université de Lorraine

Résumé : La conception d’un nouveau type de contacteur membranaire et la caractéri-


sation de son efficacité pour le captage du CO2 de fumées de postcombustion ont été
effectuées dans le cadre d’un projet de recherche ANR. Il s’agit d’un contacteur gaz/
liquide à fibres creuses ayant comme interface une peau dense polymère, supportée par
une structure microporeuse. Testés sous forme de modules contenant un faisceau de
fibres creuses, l’efficacité de captage a été caractérisée avec un mélange modèle CO2/N2
en présence d’une solution aqueuse absorbante de monoéthanolamine circulant côté
calandre. Le transfert de matière des contacteurs a été modélisé en utilisant l’approche
des résistances en série. La simulation dans des conditions proches de la réalité indus-
trielle montre qu’il est possible d’atteindre un facteur d’intensification en mole de CO2
captée par m-3.s-1 d’au moins quatre par rapport aux colonnes garnies tout en ayant une
plus grande souplesse d’utilisation.

Abstract: The design of a new type of membrane contactor and characterization of its
efficiency in CO2 capture from post combustion flue gas was carried out in the frame of
an ANR research project. An innovative gas/liquid contactor having a dense polymer skin
supported by a microporous structure as interface was set up. Assembled as hollow
fibers bundles inserted into a module, the capture efficiency of this system was characte-
rized using a CO2/N2 mixture model in the presence of an absorbing aqueous solution of
monoethanolamine in the shell side. The mass transfer of these dense membrane contac-
tors was mathematically modeled using the resistance-in-series approach ; through
simulations close to industrial cases, the results showed that it is possible to achieve an
intensification factor of the CO2 absorption in mol. m-3.s-1 of at least four compared to
conventional column absorbers while having greater operating flexibility.

Mots-clés : contacteur gaz/liquide, membrane polymère, modélisation-simulation,


captage du CO2, mouillage, intensification

Keywords: gas/liquid contactor, polymeric membrane, modeling-simulation, CO2 cap-


ture, wetting, intensification
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02-2012 © Editions T.I. RE 166 - 1

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INNOVATION

Points clés
Domaine : procédés d’absorption gaz-liquide
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : contacteur membranaire
Domaines d’application : lavage de gaz, captage CO2, centrales à charbon, indus-
tries pharmaceutique et alimentaire
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : Trimatec, Club français des membranes (CFM)
Centres de compétence : laboratoire Réactions et Génie des Procédés (CNRS, uni-
versité de Lorraine), le laboratoire de Génie Chimique (Toulouse), INRA centre de

S Versailles-Grignon
Industriels : Polymem (Toulouse)
Autres acteurs dans le monde : TNO, Membrana (Liqui cell), Kvaerner, GKSS

1. Contacteurs membranaires d’échangeur en s’intéressant aux nombreuses facettes des


contacteurs membranaires, comme la préparation de membra-
L’intérêt porté aux contacteurs membranaires remonte aux nes et de fibres creuses, l’influence de l’hydrodynamique des
années 1985 avec les travaux pionniers de Qi et Cussler [1] ; il modules sur leurs performances, le choix de la circulation des
correspond au fait que ce dispositif permet des transferts phases à l’intérieur ou à l’extérieur des fibres, la dispersion
de matière entre deux phases sans dispersion de l’une hydrodynamique et la modélisation des contacteurs pour opti-
dans l’autre, à l’inverse de tous les autres contacteurs connus, miser les grandeurs caractéristiques des fibres (longueur, dia-
en service dans les procédés industriels, c’est-à-dire les colon- mètre intérieur/extérieur) et la compacité des modules en
nes à garnissage, les mélangeurs-décanteurs et les réacteurs à fonction des applications envisagées.
pulvérisation [G 1750]. De plus, lorsque la membrane est mise
sous forme de fibres creuses, des surfaces d’échange 1.1 Contacteurs membranaires microporeux
bien plus grandes que celles possibles avec les contacteurs
classiques gaz/liquide (G/L) ou liquide/liquide (L/L) peuvent être ■ Les contacteurs classiquement utilisés actuellement font
atteintes (figure 1). appel à des membranes microporeuses pour réaliser des
transferts de matière rapides entre une phase gazeuse et
Ces deux éléments expliquent à eux seuls pourquoi de nom- une phase aqueuse ; pour cette raison, les matériaux mem-
breuses équipes de recherche étudient ce nouveau type branaires de référence sont hydrophobes, comme le polypro-
pylène (PP) ou le Téflon®, afin d’éviter le mouillage des
pores [2]. En effet, l’efficacité des contacteurs membranaires
est liée au premier ordre au fait que les pores de la membrane
sont remplis par la phase gazeuse, ceci afin que le lieu du
transfert de matière soit situé à l’ouverture des pores du côté
de la phase liquide (cf. figure 2a) ; cette configuration permet
Gaz de limiter la résistance au transfert de matière induite par la
membrane. Pour maintenir cette configuration, il faut que les
conditions de non-mouillage définies par la loi de Laplace
Liquide soient strictement respectées :

(1)
a contacteur membranaire de géométrie plane

avec ∆p pression de percée,


γL tension de surface du liquide,
Circulation θ angle de contact du liquide avec le polymère,
à l’extérieur
des fibres dmax plus grand diamètre de pore.
À titre indicatif, cela correspond théoriquement pour l’eau
Circulation
à l’intérieur pure (γL = 72,8 mN.m–1 à 20 °C) et un matériau microporeux
des fibres hydrophobe (dmax = 1 micron et θ =115°, cas du PP), à une
surpression de 1,23 bar. Dans la réalité, la valeur mesurée est
Membranes fibres creuses souvent bien inférieure en raison de la présence d’impuretés
b contacteur membranaire à fibres creuses dans l’eau ou de l’état de surface du polymère (rugosité, alté-
ration chimique, dépôt hydrophile…) [3].
Figure 1 – Schéma de contacteurs membranaires (a) de géométrie À noter également qu’une légère surpression doit aussi être
plane, (b) à fibres creuses fonctionnant avec des phases maintenue côté liquide pour éviter le bullage de la phase
à contre-courant gazeuse côté liquide (figure 2).

RE 166 - 2 © Editions T.I. 02-2012

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Nettoyage à sec des dispositifs


médicaux par CO2 supercritique

par Stéphane BREDEAU


Ingénieur-docteur en chimie des matériaux
Dense Fluid Degreasing SA (DFD), Clermont-Ferrand, France
et Julie CHAPELAIN
Ingénieur-docteur en chimie-génie des procédés


Dense Fluid Degreasing SA (DFD), Clermont-Ferrand, France

1. Enjeux réglementaires liés aux dispositifs médicaux ................ MED 7 700 - 3


1.1 Dispositifs médicaux................................................................................ — 3
1.2 Salles blanches......................................................................................... — 3
1.3 Propreté des dispositifs médicaux ......................................................... — 3
2. Principe du nettoyage par CO2 supercritique — 3
2.1 Définition du domaine supercritique...................................................... — 3
2.2 Propriétés physico-chimiques................................................................. — 4
2.3 Avantages et inconvénients liés aux spécificités des dispositifs
médicaux .................................................................................................. — 5
3. Mise en œuvre du procédé de nettoyage ...................................... — 8
3.1 Schéma de principe d’une installation................................................... — 8
3.2 Enlèvement des particules ...................................................................... — 8
3.3 Conformité à l’univers salle blanche ...................................................... — 8
3.4 Bilan technico-économique..................................................................... — 10
4. Exemples d’applications sur des dispositifs médicaux ............. — 11
4.1 Désensimage des tissus implantables ................................................... — 11
4.2 Dégraissage/départiculage de pièces mécaniques implantables ........ — 12
4.3 Traitement de tissus ou polymères biologiques implantables ............ — 13
5. Conclusion.............................................................................................. — 14
6. Glossaire ................................................................................................. — 14
7. Sigles, notations et symboles........................................................... — 14
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. MED 7 700

Le CO2 supercritique (SC) : un solvant vert pour l’extraction


tilisé à l’échelle industrielle depuis la fin des années 1970 pour l’extrac-
U tion de produits naturels dans la cosmétique, la nutraceutique et
l’agroalimentaire, le CO2 SC s’est imposé comme un procédé alternatif à
l’extraction classique à base de solvants issus de l’industrie pétrolière. Le
premier exemple d’industrialisation à grande échelle de ce procédé concerne
la décaféination du café. Le CO2 de par ses propriétés physico-chimiques (inco-
lore, inodore, non toxique, non inflammable) est en effet le fluide supercritique
le plus utilisé d’un point de vue industriel. Par ailleurs, du fait de ses conditions
critiques modérées (Tc = 31 °C, Pc = 73,8 bar), le CO2 SC est très rapidement
apparu comme un candidat particulièrement approprié à l’extraction végétale,
et notamment comme alternative aux solvants organochlorés. Il est aussi
dense qu’un liquide, avec des propriétés de transport proches de celles d’un
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQX

gaz. Il peut ainsi être utilisé comme un solvant apolaire pour remplacer des
produits chimiques beaucoup moins inoffensifs (exemple : chloroforme,

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NETTOYAGE À SEC DES DISPOSITIFS MÉDICAUX PAR CO2 SUPERCRITIQUE _____________________________________________________________________

trichloréthylène, perchloroéthylène...). Depuis, de nouvelles applications du


CO2 SC dans le domaine du nettoyage de pièces mécaniques et médicales ont
permis de confirmer les potentialités de ce fluide comme solvant alternatif de
choix, non seulement pour l’élimination de résidus hydrophobes de type
huiles, lubrifiants, monomères mais aussi pour son action bactéricide et
désinfectante.
Respect de l’environnement et réglementation (enjeux)
L’intérêt grandissant porté ces dernières années aux questions environne-
mentales a conduit à l’émergence de solutions innovantes s’engageant
définitivement dans le développement durable afin de satisfaire les exigences
pour la protection de l’environnement, la santé publique et, qui plus est, de
minimiser la consommation énergétique des procédés développés. Et surtout,
au-delà de l’aspect environnemental et sociétal, ces procédés doivent être éco-
nomiquement rentables pour être durables. Par exemple, l’utilisation des
solvants organiques pour le nettoyage de pièces mécaniques ou de dispositifs
S médicaux est soumise à des restrictions de plus en plus fortes, en particulier
depuis la mise en œuvre de la directive REACH (interdiction de l’utilisation du
trichloréthylène depuis mars 2016), afin d’assurer un niveau élevé de protec-
tion de la santé humaine et de l’environnement, contre les risques que peuvent
engendrer ces produits chimiques. Ces contraintes sont particulièrement
importantes dans le domaine de l’industrie médicale, il est donc essentiel de
proposer des substances alternatives aux solvants organiques classiquement
utilisés dans les procédés de nettoyage. Le traitement par le CO2 supercritique
a été récemment introduit avec succès comme alternative à ces procédés de
nettoyage par solvants.
Les fluides supercritiques et le nettoyage (procédé écologique/
économique)
Le CO2 est le fluide supercritique le plus utilisé car il est largement dispo-
nible (c’est en fait un sous-produit de l’industrie pétrolière) et a des coûts
modérés (de l’ordre de 120 €/tonne). De plus ses paramètres critiques sont
faibles, ce qui en fait un solvant « vert » avec des applications industrielles tout
à fait innovantes. Le premier atout de ce procédé innovant repose sur la forte
variation du pouvoir solvant du CO2 en fonction des conditions opératoires
(température et pression), ce qui permet de solubiliser les nombreuses molé-
cules entrant dans la composition des lubrifiants ou autres composés
hydrophobes suivant leur nature chimique. Très faiblement polaire, le CO2 se
révèle en effet être un excellent solvant des molécules apolaires ou peu
polaires dans les conditions supercritiques. Le second atout réside dans un
mode de nettoyage 100 % « à sec », gazeux après dépressurisation, le CO2 SC
permet de mettre en œuvre des procédés sans séchage, aboutissant à des pro-
duits exempts de tout résidu d’extraction, les lubrifiants solubilisés dans la
phase supercritique ayant été préalablement éliminés et récupérés sous forme
liquide. De plus, les faibles températures mises en œuvre (en général de 35 à
50 °C) permettent de respecter l’intégrité chimique des molécules thermo-
sensibles traitées (textiles synthétiques et naturels) et de minimiser les coûts
opératoires. Ces propriétés font du nettoyage par CO2 SC une alternative, éco-
logiquement et économiquement viable, aux procédés classiques répandus
jusqu’à maintenant dans l’industrie (lessiviel, hydrocarbures, alcool modifié).

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1. Enjeux réglementaires liés 1.2 Salles blanches


aux dispositifs médicaux Les salles blanches, aussi appelées salles propres dans la norme
NF EN ISO 14644-1, sont des salles dans lesquelles la concentra-
tion des particules en suspension dans l’air est maîtrisée et qui
sont construites et utilisées de façon à minimiser l’introduction, la
1.1 Dispositifs médicaux production et la rétention de particules à l’intérieur de la pièce, et
dans lesquelles d’autres paramètres pertinents, tels que la tempé-
1.1.1 Définition rature, l’humidité et la pression sont maîtrisés comme il convient
(définition extraite de la norme NF EN ISO 14644).
Il existe différents niveaux de propreté définis par un numéro
Les dispositifs médicaux sont définis par l’ANSM (Agence ISO allant de 1 à 9. Plus le numéro ISO est faible, plus le nombre
Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) maximal de particules admises dans l’air est faible.
comme des instruments, appareils, équipements ou logiciels
destinés, par leur fabricant, à être utilisé chez l’homme à des Exemple : pour une classe ISO 1, le nombre maximal de parti-
fins de diagnostic, de prévention, de contrôle, de traitement cules de taille supérieure à 0,1 µm admises dans l’air est 101 et de
d’atténuation d’une maladie ou d’une blessure. 2 pour les particules de taille supérieure à 0,2 µm.

Ils sont donc de nature très variée : thermomètres, défibrilla-


teurs, pansements... allant jusqu’aux produits injectables
Ces salles sont des outils indispensables à la production d’une
grande partie des dispositifs médicaux dans le respect des Bonnes

Pratiques de Fabrication (BPF), elles-mêmes issues de la norme sur
(exemple : acide hyaluronique pour articulation) ou implantables le système qualité ISO 13485 des dispositifs médicaux. Les BPF
(exemple : pacemaker). imposent en effet de veiller au respect de niveaux très faibles de
Les directives européennes 90/385/CEE et 93/42/CEE relatives contamination chimique, biologique et particulaire en surface des
respectivement aux dispositifs médicaux implantables actifs et aux dispositifs médicaux. Les salles blanches permettent de limiter une
dispositifs médicaux sont les premières à avoir établi un cadre juri- contamination liée à l’environnement ou aux opérateurs.
dique permettant de garantir la performance et la sécurité des pro- Tout instrument ou appareil tel qu’une machine de nettoyage
duits mis sur le marché européen. destiné à être introduit dans une salle blanche doit répondre à un
Après différentes modifications de ces directives pendant les cahier des charges précis pour ne pas avoir d’impact sur le niveau
années 1990 et 2000, le règlement européen 2017/745/UE relatif de contamination particulaire de la salle. Cet aspect sera détaillé
aux dispositifs médicaux élargit la notion de dispositif médical à au § 3.3.
des produits à visée non médicale (exemple : laser de dé-
tatouage). Il vise aussi à faire fusionner dans un même règlement
tous les dispositifs médicaux autres que les dispositifs médicaux 1.3 Propreté des dispositifs médicaux
de diagnostic in vitro.
Ce règlement apporte aussi, entre autres, de nouvelles exi- La nature et la complexité variée des dispositifs médicaux font
gences en matière d’évaluation clinique et de traçabilité (création qu’ils sont parfois produits dans des ateliers (exemple : ateliers
d’un système unique d’identification). d’usinage mécanique) dont l’environnement n’est pas contrôlé. À
mesure que l’assemblage du produit fini progresse, le niveau de
propreté doit augmenter afin que le produit ait un très faible
1.1.2 Classes de dispositifs médicaux niveau de contamination particulaire et/ou chimique et/ou biolo-
gique lors de son entrée en salle blanche.
Le règlement européen 2017/745/UE a redéfini la classification
de dispositifs médicaux en quatre classes (figure 1). Souvent, les constituants du dispositif médical sont, pour ce
faire, nettoyés à plusieurs reprises via différentes techniques
Les règles de classification sont basées sur la vulnérabilité du
(exemple : nettoyage lessiviel, par solvant organique, CO2 super-
corps humain et prennent en compte les risques potentiels encou-
critique, vapeur sèche...).
rus associés au design technique et à la fabrication des dispositifs
médicaux. L’environnement salle blanche évoqué ci-après est très La technologie présentée dans cet article a le double avantage
souvent indispensable à la fabrication des dispositifs médicaux. de pouvoir être employée non seulement dans un atelier de méca-
nique classique (en interopérations par exemple ou en nettoyage
final), mais aussi en salle blanche afin d’effectuer les étapes finales
de nettoyage des dispositifs médicaux avant emballage. Elle peut
Classe I Classe IIa aussi être employée lorsque les dispositifs médicaux sont produits
directement en salle blanche. Les familles de contaminants les
Pansements Tensiomètre à bras plus sensibles à ce type de nettoyage seront détaillées.
Gants d’examen Seringue
Instruments chirurgicaux Implants dentaires
réutilisables Tubes centrifugation
2. Principe du nettoyage
Classe IIb Classe III par CO2 supercritique
Préservatifs Poudre hémostatique
Poches de sang résorbable
Logiciel (risque de sévère
2.1 Définition du domaine supercritique
Système de pose de stent
détérioration de l’état du patient
si dysfonctionnement) Implants mammaires Comme tout corps pur, le CO2 peut se rencontrer sous trois états
de la matière différents : l’état liquide, solide ou gazeux en fonction
des paramètres thermodynamiques de pression P, de température T
Figure 1 – Classes de dispositifs médicaux et exemples et de volume V et de quantité de matière n (mole). Ces paramètres,

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CO2 SC : dans des conditions


proches de l’état liquide CO2 SC : dans des conditions
CO2 SC : conditions proches de l’état gazeux
entre gaz et liquide
200

SOLIDE
150
Pression (bar)

LIQUIDE
SUPER
100 CRITIQUE

S Point critique :
31,0 °C / 73,85 bar
50

Point triple :
– 56,6 °C / 5,18 bar
GAZ

0
– 80 – 60 – 40 20 40 60 80
Température (°C)

Figure 2 – Diagramme de phase du CO2

appelés variables d’état, ne sont pas indépendants et sont reliés par critique. Le CO2 a l’avantage d’avoir un point critique à une pres-
une équation d’état. Une expression simple de cette équation d’état sion/température bien plus faibles que d’autres molécules telles
est celle bien connue des gaz parfaits. que l’eau (Tc = 374 °C/Pc = 219,87 bar), l’éthanol (Tc = 243 °C/
En figure 2 est donné le diagramme de phase P = f (T ) du CO2 . Pc = 63 bar) ou le méthanol (Tc = 240 °C/Pc = 80 bar). Le CO2 est un
Les lignes représentées sur ce diagramme correspondent, à une solvant apolaire car la molécule de CO2 a une géométrie linéaire
pression donnée, aux températures de fusion, d’ébullition et de qui fait que les moments dipolaires des deux liaisons
sublimation du CO2 . s’annulent [1] [2].
Le point triple du CO2 pour lequel il y a coexistence des phases Le CO2 supercritique est généralement employé dans l’industrie
solides, liquides et gaz est à une température de – 56,6 °C et une à des températures proches du point critique (35 à 50 °C) mais à
pression de 5,18 bar. des pressions bien au-delà des 73,85 bar (exemple : 100 à 300 bar)
afin de garantir une bonne stabilité du domaine supercritique et
Un autre point remarquable est situé à 31,0 °C et 73,85 bar. Il d’augmenter la densité du fluide [3].
s’agit du point critique à partir duquel se produit un phénomène
particulier : l’entrée dans le domaine supercritique. Lorsque l’on
chauffe un liquide dans une enceinte fermée, il génère une vapeur
(ou gaz) de plus en plus dense et la pression augmente. Il arrive
2.2 Propriétés physico-chimiques
alors un moment où la vapeur et le liquide ont la même densité :
l’interface entre les deux phases disparaît et l’on obtient alors un
2.2.1 Comparaison des propriétés du CO2
fluide homogène. sous différents états
Lorsque la température et la pression sont au-dessus du point Le CO2 supercritique a l’avantage de présenter un comporte-
critique, on considère que le système est dans le domaine super- ment intermédiaire entre un gaz et un liquide (tableau 1).

Tableau 1 – Comparatif des propriétés du CO2 sous différents états [4] [5]
Gaz Supercritique Liquide
(22 °C/60 bar) (40 °C/100 bar) (22 °C/60 bar)
Masse volumique (g/cm3) 0,21 0,62 0,75
Viscosité (cP) 19,3 × 10–3 48,5 × 10–3 63,7 × 10–3
Conductivité thermique (10–5 cal · cm–1 · s–1 · K–1) 7,67 17,63 20,9
Ordre de grandeur du coefficient d’autodiffusion D11 (m2/s) [6] ~ 10–5 ~ 10–7 ~ 10–9

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