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PROCÉDÉS CHIMIE - BIO - AGRO

Ti142 - Chimie verte

Chimie du végétal
et produits biosourcés

Réf. Internet : 42570 | 4e édition

Actualisation permanente sur


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III
Cet ouvrage fait par tie de
Chimie verte
(Réf. Internet ti142)
composé de  :

Chimie verte : principes, réglementations et outils Réf. Internet : 42490


d'évaluation

Voies de synthèse et solvants alternatifs Réf. Internet : 42492

Intensification des procédés et méthodes d'analyse durable Réf. Internet : 42493

Énergie durable et biocarburants Réf. Internet : 42494

Gestion durable des déchets et des polluants Réf. Internet : 42495

Chimie du végétal et produits biosourcés Réf. Internet : 42570

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IV
Cet ouvrage fait par tie de
Chimie verte
(Réf. Internet ti142)

dont les exper ts scientifiques sont  :

Jérémy PRUVOST
Professeur à l'université de Nantes, laboratoire Gepea - UMR 6144, plateforme
Algosolis - UMS 3722, Saint-Nazaire

Stéphane SARRADE
Directeur de recherche au CEA, administrateur du Club français des
membranes et de la Société française de génie des procédés, président d'IFS
(Innovation fluides supercritiques)

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V
Les auteurs ayant contribué à cet ouvrage sont :

Florent ALLAIS Gilles DEFREL-PETIT Christophe LOMBARD


Pour l’article : IN233 Pour l’article : RE276 Pour l’article : CHV7005

Anne AUBERT-POUËSSEL Jean-Paul DOULIEZ Kévin MAGNIEN


Pour l’article : CHV4024 Pour l’article : IN156 Pour l’article : IN233

Véronique BOSC Philippe DRENO Lydiane MATTIO


Pour l’article : J2220 Pour l’article : IN201 Pour l’article : BIO9040

Céline BOULARD Anne-Laure FAMEAU Camille MICHON


Pour l’article : RE209 Pour l’article : IN156 Pour l’article : J2220

Michel BOURGEOIS Jean-Loup FAULON Louis MOUTERDE


Pour l’article : N2520 Pour les articles : BIO800 – BIO801 Pour l’article : IN233

Grégoire BURGÉ Marine FROISSARD Cyrille PAUTHENIER


Pour l’article : IN233 Pour l’article : RE209 Pour les articles : BIO800 – BIO801

Sylvain CAILLOL Emmanuelle GASTALDI Frédéric PERUCH


Pour les articles : IN136 – CHV4022 – Pour l’article : BIO4150 Pour l’article : IN235
CHV4023
Sophie GIROD FULLANA Antonio PIZZI
Guy CÉSAR Pour l’article : CHV4024 Pour l’article : N4208
Pour l’article : BIO4150
Stéphane GRELLIER Jérémy PRUVOST
Christine CHIRAT Pour l’article : IN235 Pour les articles : CHV4030 – CHV7005
Pour l’article : RE279
Dominique GRIZEAU Alex RAKOTOVELO
Paul COLONNA Pour l’article : IN201 Pour l’article : IN235
Pour les articles : CHV600 – CHV602
Nathalie JARROUX Arnaud SAINT-JALMES
Jean-François CORNET Pour l’article : AM3580 Pour l’article : IN156
Pour les articles : CHV4030 – CHV7005
Jean JENCK Stéphane SARRADE
Fabrice COUSIN Pour les articles : CHV4030 – IN201 Pour l’article : CHV4022
Pour l’article : IN156
François LE BORGNE Sophie THIEBAUD ROUX
Gérard CUVELIER Pour l’article : CHV4030 Pour l’article : CHV4020
Pour l’article : J2220
Thibaut LECOMPTE Mathias WOYDT
Fayza DABOUSSI Pour l’article : C8124 Pour l’article : TRI1800
Pour l’article : RE276
Benjamin LEGOUIC Mayalen ZUBIA
Pascale DE CARO Pour l’article : CHV7005 Pour l’article : BIO9040
Pour l’article : CHV4020
Jack LEGRAND
Pour l’article : IN201

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VI
Chimie du végétal et produits biosourcés
(Réf. Internet 42570)

SOMMAIRE

1– Approches méthodologiques et concepts Réf. Internet page

Ingénierie métabolique et biologie de synthèse pour la chimie verte BIO800 11

Composés produits par ingénierie métabolique BIO801 15

2– Biopolymères et matériaux biosourcés Réf. Internet page

Les biopolymères : diférentes familles, propriétés et applications AM3580 21

Fibres agrosourcées N2520 25

Polymères rapidement biodégradables BIO4150 29

Gels de biopolymères naturels pour formulation agroalimentaire J2220 37

Les résines époxy biosourcées IN136 41

Lignine : structure, production et valorisation chimique IN235 45

Bioraineries lignocellulosiques : extraction et valorisation des hémicelluloses RE279 51

Matériaux bio-sourcés pour le bâtiment et stockage temporaire de carbone C8124 53

3– Molécules biosourcées d'intérêt Réf. Internet page

Acides gras : tensioactifs verts et propriétés moussantes originales IN156 63

Biolubriiants. Réglementations, familles d'huiles de base, propriétés "éco" et TRI1800 67


applications
Biosolvants. Conception, propriétés et aspects environnementaux CHV4020 71

La vanilline : intermédiaire clé de la lignine à la synthèse de polymères biosourcés CHV4022 75

Le cardanol : de l'huile de coque de noix de cajou à la chimie verte CHV4023 81

Excipients verts en émergence pour l'industrie pharmaceutique CHV4024 87

Production d’arômes biosourcés. Exemple de la dairy lactone IN233 93

Valorisation industrielle des tanins N4208 97

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VII
4– Production de ressources par voies Réf. Internet page

biotechnologiques
Produits biosourcés issus des ressources végétales CHV600 105

Bioraineries CHV602 111

Macroalgues tropicales : une ressource durable d’avenir BIO9040 117

Production industrielle de microalgues et de cyanobactéries CHV4030 121

Bioixation du CO2 par microalgues CHV7005 127

Valorisation industrielle des microalgues photosynthétiques IN201 133

Modiication du génome de microalgues pour la production de molécules d’intérêt RE276 137

Optimisation de la production de lipides d'intérêt chez la levure par génie génétique RE209 141

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Chimie du végétal et produits biosourcés
(Réf. Internet 42570)


1– Approches méthodologiques et concepts Réf. Internet page

Ingénierie métabolique et biologie de synthèse pour la chimie verte BIO800 11

Composés produits par ingénierie métabolique BIO801 15

2– Biopolymères et matériaux biosourcés

3– Molécules biosourcées d'intérêt

4– Production de ressources par voies


biotechnologiques

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QP
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bioXPP

Ingénierie métabolique et biologie


de synthèse pour la chimie verte
par Cyrille PAUTHENIER

Président et directeur scientifique
Abolis Biotechnologies, SAS, Évry, France
et Jean-Loup FAULON
Directeur de recherche INRA
Micalis, Jouy-en-Josas, France

1. Concepts et enjeux de l’ingénierie métabolique et de la biologie


de synthèse ................................................................................................. BIO 800V2 - 2
1.1 Enjeux industriels du XXIe siècle et chimie .............................................. — 2
1.2 Utilisation du vivant pour faire de la chimie............................................. — 2
1.3 Sources de carbone et différentes générations de procédés .................. — 4
2. Grands succès de l’ingénierie métabolique ............................................. — 6
2.1 Ingénierie métabolique et biocarburants.................................................. — 6
2.2 Ingénierie métabolique et produits pharmaceutiques............................. — 6
2.3 Ingénierie métabolique et substitution des commodités fossiles .......... — 6
3. Conception rationnelle et biologie de synthèse ...................................... — 7
3.1 Apport de l’informatique en ingénierie du vivant .................................... — 7
3.2 Conception rationnelle de voies métaboliques ........................................ — 7
3.3 Modélisation de flux et optimisation des souches................................... — 8
4. De l’éprouvette au fermenteur industriel ................................................. — 8
4.1 Substitution de produits pétrochimiques par des alternatives
renouvelables .............................................................................................. — 8
4.2 Quelques concepts permettant de faciliter le changement d’échelle..... — 8
4.3 Quelques astuces de conception pour des rendements optimaux ........ — 9
4.4 Passage au fermenteur industriel.............................................................. — 9
4.5 Confinement et sécurité génétique ........................................................... — 9
5. Conclusion ................................................................................................... — 10
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. BIO 800v2

epuis le XIXe siècle, nos sociétés se sont développées sur la base d’une


D industrie florissante et sont devenues dépendantes de produits et d’éner-
gies en provenance de sources non renouvelables. Du fait de la dégradation de
l’environnement et de l’épuisement prochain d’un grand nombre de ressources
naturelles, il est nécessaire de repenser nos modes de production et de
consommation, à l’économie d’abord, puis de substituer aux besoins indispen-
sables une production alternative propre et durable.
L’identification de souches naturelles a permis le développement des premiers
procédés de fermentation industrielle au milieu du XXe siècle avec la production
d’antibiotiques, d’acides aminés et de quelques acides organiques. Mais, depuis
les années 1980, les progrès de l’ingénierie du vivant ont permis de franchir une
étape supplémentaire avec l’ambition de construire des organismes « à la carte »,
capables de produire par fermentation le composé voulu à partir de ressources
issues de la biomasse végétale. C’est l’objectif d’un champ de recherche appelé
« ingénierie métabolique ». À ce jour, la fermentation de plus de 130 composés
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQX

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BIO 800v2 – 1

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bioXPP

INGÉNIERIE MÉTABOLIQUE ET BIOLOGIE DE SYNTHÈSE POUR LA CHIMIE VERTE ________________________________________________________________

différents a été étudiée dans de multiples organismes afin de couvrir les besoins
en carburants, plastiques et autres molécules de l’agriculture, de la chimie et de la
médecine (voir l’article [BIO801] des Techniques de l’ingénieur).
Contraindre un micro-organisme à fabriquer un composé chimique est loin
d’être une tâche aisée. Il est possible d’en produire de faibles quantités, mais
obtenir un rendement économiquement viable est très dépendant de la source
de carbone choisie, de l’échelle de production et de la méthode de séparation
Q utilisée. Dans cet article, nous présentons un panel d’outils et de méthodes uti-
lisables pour concevoir un organisme et augmenter de manière significative
ses rendements en utilisant des approches de biologie de synthèse.
Nous pensons que les technologies issues de l’ingénierie métabolique et de la
biologie de synthèse sont bientôt prêtes à sortir du monde académique et à être
expérimentées plus largement à l’échelle industrielle, comme le montrent un
certain nombre de succès industriels récents. Nous discuterons aussi du rôle des
acteurs académiques et des entreprises, ainsi que des phases de développement
et des astuces pour passer du laboratoire au fermenteur de production.

Si la « chimie verte » encourage l’utilisation de sources d’atomes


1. Concepts et enjeux de renouvelables lorsque cela « est possible ou économiquement prati-
l’ingénierie métabolique et cable », elle n’en fait pas son objectif principal. Et pour cause : les
sources de carbone d’origine végétale sont très souvent d’une com-
de la biologie de synthèse plexité déconcertante pour la chimie. En effet, la chimie de transfor-
mation du pétrole s’est construite autour de la fonctionnalisation de
molécules hydrocarbonées ; à l’inverse, les molécules de carbone
issues du vivant sont oxygénées et azotées, et souvent bien trop fonc-
1.1 Enjeux industriels du XXIe siècle tionnalisées pour pouvoir être transformées par de la chimie orga-
et chimie nique conventionnelle. Afin de simplifier les biomolécules et les
rendre utilisables par les technologies industrielles actuelles, les
chimistes sont obligés de procéder à des hydrolyses, de la défonc-
1.1.1 Dépendance de l’industrie du XXe siècle tionnalisation ou encore de la pyrolyse suivies de longues phases de
pour les ressources non renouvelables séparation qui consomment une quantité importante d’énergie, pour
un rendement environnemental parfois discutable.
Les grands progrès économiques et industriels du XXe siècle
ont engendré une multiplication sans précédent de la variété des
molécules et matériaux utilisés par l’homme pour la fabrication et
les besoins énergétiques des objets qu’il construit. De ce fait, les
1.2 Utilisation du vivant pour faire
progrès industriels ont induit une dépendance accrue de nos de la chimie
sociétés vis-à-vis des ressources naturelles de la planète.
Les deux sciences motrices de ce progrès furent d’abord l’ingé- 1.2.1 Bioproduction de composés
nierie puis la chimie, venue sous-tendre les besoins technolo- par fermentation
giques de la première. Utilisant les progrès de la physique, ces
deux disciplines ont su s’imposer comme des sciences à part Depuis plusieurs millénaires, l’homme sélectionne des souches
entière dont les développements fondamentaux trouvent généra- de bactéries, de levures, de plantes et d’animaux pour ses besoins
lement des applications rapides. Ainsi, les carburants liquides, les agricoles, de production de nourriture et de boissons. De nou-
plastiques et fibres textiles synthétiques ont peu à peu remplacé velles fermentations ont été découvertes dans la seconde moitié
le charbon, les métaux et les fibres naturelles à moindre coût ; les du XIXe siècle (comme celle du butanol par Louis Pasteur en 1861)
tandis que les premières applications industrielles sont apparues
matériaux avancés comme les semi-conducteurs ont soutenu le
au cours de la première moitié du XXe siècle.
développement de l’informatique et enfin les progrès dans la
chimie des phosphates et de l’azote ainsi que la chimie organique
ont révolutionné l’agriculture et la médecine. Le rôle crucial de la fermentation acétone-butanol-
éthanol (ABE)
1.1.2 Difficultés de la chimie verte
Le procédé de fermentation ABE mise au point par Chaïm
Avec la prise de conscience de l’épuisement des ressources Weizmann [2], permettant de produire de l’acétone, de l’étha-
naturelles et en particulier du pétrole, ainsi que les conséquences nol et du butanol grâce à une fermentation de la souche Clos-
environnementales de la chimie traditionnelle, la communauté tridium acetobutilicum, a joué un rôle capital pendant la
scientifique a tenté de redéfinir les objectifs de la chimie au début première guerre mondiale. Il a permis aux Britanniques de
des années 2000. Les principes d’économie d’atomes, d’économie continuer à produire de la cordite (propulseur des cartouches)
d’énergie et de la minimisation des substances toxiques dans les malgré la coupure de leur approvisionnement en acétone.
procédés et le devenir des déchets sont entrés progressivement Cette invention a donné à Mr. Weizmann une grande influence
dans les esprits, créant ainsi la « chimie verte », dont les 12 prin- politique qui lui a permis de pousser la Grande-Bretagne à
cipes ont été finalement en-actés par Paul Anastas et John accepter la création d’une communauté juive en Palestine en
C. Warner auprès de l’Agence de protection environnementale des 1917, ce qui a abouti à la création de l’État d’Israël en 1948 et
États-Unis en 2005 [1]. dont le premier président a été Mr. Weizmann lui-même.

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BIO 800v2 – 2

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bioXPP

_________________________________________________________________ INGÉNIERIE MÉTABOLIQUE ET BIOLOGIE DE SYNTHÈSE POUR LA CHIMIE VERTE

Tableau 1 – Parts de marché mondial des produits chimiques issus de la bioproduction


(en excluant les produits pharmaceutiques, en milliards de dollars USD, chiffres de 2005) [3]
Secteur 2005 2010 2025

Substances de base 0,9 (0,2 %) 5 à 11 (1 à 2 %) 50 à 86 (6 à 10 %)


Chimie de spécialité 5 (1,3 %) 87 à 110 (20 à 25 %) 300 à 340 (44 à 50 %)

Chimie fine 15 (15 %) 25 à 32 (20 à 26 %) 88 à 98 (45 à 50 %)

Polymères 0,3 (0,1 %) 15 à 30 (5 à 10 %) 45 à 90 (10 à 20 %)

Total 21,2 (1,8 %) 132 à 183 (9 à 13 %) 483 à 614 (22 à 28 %)

Substances de base : carburants, solvants, produits à usage industriel


Chimie de spécialité : médicaments, vitamines, phytosanitaires
Chimie fine : acides aminés, compléments alimentaires, précurseurs organiques
Polymères : plastiques, monomères, fibres textiles

La bioproduction a pris un nouveau tournant avec la mise au – le premier est la disponibilité ou la fabrication de souches
point de la technologie de l’ADN « recombinant », fait de plusieurs conduisant au produit voulu. Dans le cas où il existe une souche
inventions successives au cours des années 1970, qui ont ouvert naturelle, celle-ci n’est pas nécessairement adaptée à la fermenta-
la voie à une ingénierie des organismes vivants. Parmi les diffé- tion industrielle. Le coût du milieu de culture, le temps de généra-
rentes formes de biotechnologies qui en découlent, l’ingénierie tion et la robustesse du processus sont les principaux obstacles à
métabolique s’est définie comme une discipline dont l’objectif est sa mise à l’échelle. Dans le cas où la souche n’existe pas et qu’il
de modifier le métabolisme d’un organisme vivant pour lui per- faille la construire par ingénierie génétique, il est difficile de fabri-
mettre de produire des composés chimiques naturels et non natu- quer un organisme bien optimisé produisant des rendements inté-
rels présentant un intérêt pour l’homme. ressants économiquement ;
– le second problème est celui de la source de carbone. L’utilisa-
À ce jour, les composés produits par fermentation représentent tion de sucres rentre en compétition avec l’alimentation humaine et
une part croissante et significative de la production industrielle surtout animale ; cette dernière utilisant en Europe et aux États-Unis
(voir tableau 1). La majeure partie de ces produits sont des molé- plus des deux tiers des céréales produites. Ce problème est soute-
cules hautement fonctionnalisées (acides aminés, antibiotiques, nable pour la production en faible ou moyenne quantité de molé-
acides organiques), ils sont produits par des organismes naturels cules de spécialité et de molécules fines, mais devient une limitation
sélectionnés, aléatoirement mutés ou sélectionnés ou avec un fondamentale pour la fermentation à grande échelle, comme pour la
faible nombre de gènes ajoutés. Le nombre de procédés fonction- production de biocarburants. Dans ce cas, il est nécessaire d’utiliser
nant à une échelle industrielle basés sur des organismes généti- la biomasse ligno-cellulosique ou bien directement le CO2 comme
quement modifiés produisant des composés très différents de ses source de carbone et donc de concevoir et d’utiliser des organismes
métabolites naturels est de l’ordre de la dizaine. La technologie bien spécifiques dégradant le bois et les pailles ou encore capables
est cependant encore jeune et son potentiel de progression est de photosynthèse ou de réduction du gaz carbonique ;
important, comme nous allons le voir par la suite. – le ratio entre la quantité de produit formé par rapport au
volume de fermentation requis est une autre limitation. Ce rapport
est très variable (entre quelques milligrammes jusqu’à quelques
En 2010, le Forum mondial de l’économie a estimé que le centaines de grammes par litre [5]), ce qui nécessite un procédé de
marché international des biocarburants, bioplastiques et des séparation efficace qui peut se révéler coûteux en énergie. La fer-
bioprocédés atteindra 95 milliards de dollars (USD) en revenus mentation industrielle manipule aussi de grandes quantités d’eau
directs et 135 milliards de revenus indirects en 2020 [4]. qu’il faut recycler et retraiter avant relargage. De nombreuses
approches avec des mélanges eau/solvant, évaporation ou de dis-
tillation fractionnée peuvent être mises en œuvre au cas par cas
1.2.2 Problématiques de la fermentation selon le produit et la souche ;
industrielle – la fermentation industrielle possède elle aussi ses propres
limites. Les paramètres physiques comme la pression, la tempéra-
La fermentation de micro-organismes naturels ou génétique- ture et les échanges gazeux peuvent être difficiles à contrôler sur
ment modifiés présente de nombreux avantages par rapport à la des fermenteurs de grandes tailles. De plus, la contamination des
chimie traditionnelle. Tout d’abord, la production du produit final cultures, la formation de biofilms ou l’oxygénation de la cuve lors
est réalisée en une seule étape, sans utiliser de hautes tempéra- d’utilisation de procédés aérobies peuvent se révéler des
tures, de solvants et autres produits polluants. Par ailleurs, la fer- contraintes dont les coûts énergétiques peuvent s’avérer consé-
mentation utilise comme source de carbone des sucres issus d’une quents [BIO1600].
biomasse renouvelable. De plus, il existe très souvent la possibilité
de limiter considérablement le nombre de produits secondaires
par rapport à la chimie traditionnelle, et les sous-produits de fer- 1.2.3 Apports de la biologie de synthèse
mentation comme l’éthanol ou l’acétate sont valorisables. Pour à l’ingénierie métabolique
finir, il est possible de tuer efficacement les micro-organismes
La biologie de synthèse est un domaine scientifique dont l’ori-
contenus dans le réacteur une fois la fermentation terminée, ce qui
gine remonte sous sa forme moderne aux années 1970 et à la
permet de relâcher un déchet relativement anodin, composé d’eau,
découverte des enzymes de restriction. Si les premières manipula-
de sels et de matière organique biodégradable.
tions de l’ADN et la fabrication des premiers ADN recombinants
Cependant, la fermentation industrielle d’un composé chimique sont plutôt connus sous la dénomination de « génie génétique »
pose plusieurs problèmes d’ordre pratique : ou encore de « biologie moléculaire », la biologie de synthèse se

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BIO 800v2 – 3

QS

QT
r←ヲ←イ・ョ」・@iョエ・イョ・エ
bioXPQ

Composés produits par ingénierie


métabolique

par Cyrille PAUTHENIER
Doctorant
Institut de Biologie systémique et synthétique, université d’Évry-val-d’Essonne, CNRS
FRE3571, Génopole, Évry, France
et Jean-Loup FAULON
Professeur à l’université d’Évry-val-d’Essonne
Directeur de l’institut de Biologie systémique et synthétique
Institut de Biologie systémique et synthétique, université d’Évry-val-d’Essonne, CNRS
FRE3571, Génopole, Évry, France

1. Répartition des efforts de recherche par famille Form. BIO 801 - 2


de composés ......................................................................................
2. Liste des composés produits par fermentation et ingénierie
métabolique ....................................................................................... — 2
Pour en savoir plus ................................................................................... Doc. BIO 801

epuis les années 1980, les progrès de l’ingénierie des êtres vivants
D permettent de franchir une étape supplémentaire avec l’ambition de
construire des organismes « à la carte » produisant par fermentation le
composé dont l’industrie ou la médecine aurait besoin, à partir de ressources
renouvelables. C’est l’objectif d’un champ de recherche appelé « ingénierie
métabolique ». À ce jour, la fermentation de plus de 130 composés différents a
été étudiée dans de multiples organismes. Dans cet article, nous avons
compilé la liste de ces composés, des organismes utilisés et des références
bibliographiques associées. À notre connaissance, cet article constitue l’inven-
taire le plus complet jamais publié jusqu’à présent. Ce tableau rassemble des
exemples dans le domaine des carburants, des plastiques, de l’agriculture, de
la chimie et de la médecine. Comme nous pouvons le constater, la majorité
des efforts ont été dirigés vers la production d’une grande variété de produits
pharmaceutiques. Cependant, peu d’entre eux ont été réellement développés
pour être produits à l’échelle industrielle, contrairement aux biocarburants et
bioplastiques pour lesquels les différentes molécules d’intérêt ont été étudiées
en profondeur dans de nombreux organismes hôtes.
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQS

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QU
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bioXPQ

COMPOSÉS PRODUITS PAR INGÉNIERIE MÉTABOLIQUE ____________________________________________________________________________________

1. Répartition des efforts facilement réalisable que pour les composés n'ayant pas déjà un
producteur naturel.
de recherche par famille Il est possible d’utiliser des molécules naturelles comme carbu-
de composés rants (éthanol, butanol) ou plastiques (PLA, chitine). Cependant, de
par l’industrie existante, les procédés déjà établis et les chaînes de
recyclage en place, l’un des objectifs majeurs du domaine est de
produire les mêmes composés que ceux issus de la pétrochimie
L’ingénierie métabolique est un champ de recherche qui vise à pour faciliter la transition industrielle. Il existe moins d’exemples
produire un composé à usage industriel en utilisant la fermenta- de telles réalisations, cependant c’est sur ces produits qu’est


tion des sources de carbone renouvelables. Une revue détaillée concentrée une grande partie des investissements privés.
des concepts et des outils de ce domaine est disponible par les
mêmes auteurs dans l’article [BIO 800] Ingénierie métabolique et En ce qui concerne les bioplastiques, on notera que cet article
biologie de synthèse. L’objectif du travail de synthèse présenté s’intéresse uniquement à la formation du polymère carboné et non
dans cet article est de faire un point sur les grands accomplisse- aux adjuvants, pour lesquels il existe de nombreuses alternatives
ments de ce domaine, pour les différentes familles de composés ne reposant pas nécessairement sur de la fermentation. On peut
chimiques. aussi observer qu’il n’existe que très peu d’exemples de produits
phytosanitaires fermentés, malgré l’importance économique de
Le nombre de molécules distinctes répertoriées dans cet article l’agriculture et le fait que la technologie de fermentation est très
par champ d'application est représenté dans la figure 1. On adaptée à cette problématique industrielle.
observe que près des deux tiers des efforts se portent sur des
molécules d’intérêt pharmaceutique et un peu plus d’un tiers sur Malgré le nombre d’exemples de molécules représentés ici, on
les autres molécules d’intérêt industriel, plastiques et carburants. peut cependant remarquer d’une part que le spectre des molécules
produites par fermentation ne couvre pas encore l’ensemble des
Sur les 130 exemples compilés ici, on observe que la grande molécules d’intérêt industriel et que, d’autre part, la grande majo-
majorité des travaux sont orientés vers la production de molécules rité des voies métaboliques proposées dans ces articles ne le sont
pour lesquelles il existe déjà des voies métaboliques naturelles qu’à titre de preuve de principe. Ce domaine de recherche pré-
identifiées les produisant. C’est pourquoi un grand nombre de ces sente encore de vastes horizons inexplorés à la fois pour couvrir le
exemples sont des molécules d'intérêt pharmaceutique ou com- plus de molécules d’intérêt possible, pour développer des organis-
pléments alimentaires, car ce sont des produits à haute valeur mes de productions aux rendements quantitatifs et des procédés
ajoutée et que leur production par ingénierie métabolique est plus industriels rentables et écologiques.

Agriculture

Antibiotiques
11
Caroténoïdes
4 Flavonoïdes
11
7 Autres molécules pharmaceutiques
7
Vitamines
19 11
Additifs alimentaires

Acides aminés

Carburants définis
5 31 Carburants non définis

6 Monomères
8
9 4 Polymères

Autres molécules pour l’industrie

Figure 1 – Représentation du nombre de molécules distinctes produites par ingénierie métabolique par champ d’application dans les exemples
répertoriés dans cet article

2. Liste des composés Remerciements


produits par fermentation
et ingénierie métabolique Les auteurs remercient Genopole®, ANR Chaire d’Excellence
et AXA Research Fund®.
La liste des composés est présentée tableau 1.

Form. BIO 801form – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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bioXPQ

_____________________________________________________________________________________ COMPOSÉS PRODUITS PAR INGÉNIERIE MÉTABOLIQUE

Tableau 1 – Liste des composés ayant été produits par ingénierie métabolique,
organismes producteurs et références bibliographiques
Famille Nom du composé Organisme producteur Références
B. thuringiensis [1]
Bioinsecticides
Agriculture P. fuliginosa densovirus [2]
Glycine bétaïne Graines de tomate [3]
L-lysine
L-phénylalanine
C. glutamicum
E. coli
[4] [5] [6] [7] [8]
[9] [10]

L-sérine C. glutamicum [11] [12]
Acides aminés C. glutamicum [13]
L-thréonine
E. coli [14]
L-tyrosine E. coli [15] [16]
L-valine E. coli [17] [18]
6-deoxyerythronolide (précurseur de l’érythromycine A) E. coli [19]
Aminodéoxyhexose Streptomyces fradiae [20]
Céphalosporine A. chrysogenum [21]
Daptomycine S. roseosporus [22]
E. coli [23]
Érythromicine A
S. erythraea [24]
Héparosane (précurseur de l’héparine) E. coli [25] [26]
Antibiotiques
Nargénicine A Nocardia sp. [27]
Nystatine S. nourseii [28]
Aspergillus oryzae [29]
Pénicilline P. chrysogenum [30]
S. cerevisiae [31]
Rifamycine S. mediterranei [32]
Viomycine S. lividans [33]
4-keto-gamma-carotène Rhodococcus [34]
4,4′-diapolycopène
B. subtilis [35]
4,4′-diaponeurosporène
Astaxanthine E. coli [36] [37] [38]
Cétocaroténoïdes C. reinhardtii [39]
Caroténoïdes
E. coli [40] [41] [42]
Lycopène (antioxidant)
Tomate (fruit) [43]
E. coli [44]
β-carotène S. cerevisiae [45] [46]
Tomate (fruit) [43]
Allosyl E. coli [47]
Anthocyanine E. coli [48]
Flavanone S. venezuelae [49]
Flavonoïdes
Flavonoïdes S. cerevisiae [50] [51] [52]
Isoflavone Arabidopsis thaliana [53]
Naringénine E. coli [54]

Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés Form. BIO 801form – 3

QW

QX
Chimie du végétal et produits biosourcés
(Réf. Internet 42570)

1– Approches méthodologiques et concepts R


2– Biopolymères et matériaux biosourcés Réf. Internet page

Les biopolymères : diférentes familles, propriétés et applications AM3580 21

Fibres agrosourcées N2520 25

Polymères rapidement biodégradables BIO4150 29

Gels de biopolymères naturels pour formulation agroalimentaire J2220 37

Les résines époxy biosourcées IN136 41

Lignine : structure, production et valorisation chimique IN235 45

Bioraineries lignocellulosiques : extraction et valorisation des hémicelluloses RE279 51

Matériaux bio-sourcés pour le bâtiment et stockage temporaire de carbone C8124 53

3– Molécules biosourcées d'intérêt

4– Production de ressources par voies


biotechnologiques

 Sur www.techniques-ingenieur.fr
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• Retrouvez la liste complète des ressources documentaires

QY

RP
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amSUXP

Les biopolymères : différentes


familles, propriétés et applications
Par Nathalie JARROUX
Maı̂tre de Conférences à l’Université d’Evry Val d’Essonne

1.
1.1
Différentes familles de biopolymères et leurs propriétés ......
Polysaccharides ..................................................................................
1.1.1 Amidon.....................................................................................
AM 3580 – 2


2
3

1.1.2 Cellulose................................................................................... — 4
1.1.3 Chitine et chitosan ................................................................... — 5
1.2 Protéines ............................................................................................. — 5
1.2.1 Caséine ..................................................................................... — 6
1.2.2 Gluten de blé ........................................................................... — 6
1.2.3 Protéine de soja ....................................................................... — 6
1.2.4 Kératine .................................................................................... — 6
1.2.5 Collagène ................................................................................. — 6
1.3 Polynucléotides .................................................................................. — 7
1.4 Polyesters de bactéries ...................................................................... — 8
1.5 Biopolymères synthétisés à partir de monomères issus
de ressources renouvelables ............................................................. — 9
1.5.1 Polyesters synthétisés à partir d’huiles naturelles ................. — 9
1.5.2 Polymères microbiens ............................................................. — 10
1.5.3 Polymères obtenus par voie transgénique ............................. — 12
2. Principales applications de ces biopolymères .......................... — 12
2.1 Applications médicales ...................................................................... — 13
2.1.1 Sutures chirurgicales ............................................................... — 14
2.1.2 Atèles ....................................................................................... — 14
2.1.3 Greffage vasculaire .................................................................. — 14
2.1.4 Prévention d’adhésion ............................................................. — 14
2.1.5 Peau artificielle......................................................................... — 14
2.1.6 Système de libération contrôlée de médicaments ................. — 14
2.2 Applications agricoles ........................................................................ — 15
2.2.1 Films de paillage agricoles...................................................... — 15
2.2.2 Libération contrôlée de produits chimiques
pour l’agriculture ..................................................................... — 15
2.2.3 Godets pour plants .................................................................. — 15
2.3 Emballage ........................................................................................... — 15
2.3.1 Emballage alimentaire ............................................................. — 15
2.3.2 Emballages industriels ............................................................ — 16
3. Conclusion........................................................................................ — 16
p。イオエゥッョ@Z@ッ」エッ「イ・@RPPX@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQX

Pour en savoir plus.................................................................................. Doc. AM 3 580

C es dernières années, la fabrication de plastiques à partir de ressources


renouvelables s’est avérée être un nouvel enjeu économique. Celui-ci est
lié à la prise de conscience de l’impact des matériaux plastiques qui connais-
sent un réel essor mais dont le caractère polluant dû à un mauvais recyclage
présente un risque pour notre planète. La chimie des polymères est née de la
connaissance d’un biopolymère courant : la cellulose plus connue sous le nom
de bois. En effet, la cellulose appartient à la famille des polysaccharides qui est
une des familles de biopolymère. Les biopolymères sont donc des polymères
issus exclusivement d’organismes vivants ou de polymères synthétisés à partir
de ressources renouvelables. Ces polymères connaissent depuis quelques
années un réel essor du fait de leurs origines biologiques et surtout de leur

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LES BIOPOLYMÈRES : DIFFÉRENTES FAMILLES, PROPRIÉTÉS ET APPLICATIONS –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

caractère biodégradable. Leurs utilisations en substitution ou même en


mélange à d’autres polymères synthétisés à partir d’hydrocarbures offrent
donc des applications intéressantes. En effet, dans un monde où les matériaux
recyclables ou biodégradables prennent peu à peu plus de place, les biopoly-
mères sont de plus en plus valorisés.

un biopolymère [1]. Cependant, celui-ci présente une dégradation


1. Différentes familles meilleure que celle de son équivalent synthétique, mais comme
de biopolymères et leurs

défini dans le paragraphe 2, le terme biodégradable ne peut lui
être attribué. Cependant, ces derniers peuvent laisser place à une
propriétés large classe de biopolymères qui concerne les polyesters naturels
dont les applications sont aussi vastes que variées. De plus, une
dernière famille de biopolymère peut être prise en compte, c’est
bien sûr, celle qui englobe l’ADN (acide désoxyribonucléique) à
Les biopolymères d’origine biologique peuvent se classer en savoir, les polynucléotides. En effet, ces derniers possèdent des
quatre grandes familles : propriétés qui soulèvent un certain engouement et qui pourrait lais-
– les polysaccharides ; ser envisager de futures applications car, à ce jour, leurs applica-
– les protéines ou polypeptides ; tions en tant que matériaux sont inexistantes.
– les polyesters synthétisés par des bactéries ; La figure 1 représente bien les différentes voies d’obtention des
– les polynucléotides. polymères d’origine biologique.
Selon l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maı̂trise de
l’énergie), les biopolymères sont des polymères naturels issus de
ressources renouvelables de plantes, d’algues ou d’animaux. 1.1 Polysaccharides
Selon cette définition trois grandes classes sont alors répertoriées :
les polysaccharides, les protéines et la lignine. Et, comme précisé Les polysaccharides [2] simples ou complexes synthétisés par
en introduction, les biopolymères peuvent aussi être obtenus par des organismes vivants entrent dans la composition de la plupart
polymérisation de monomères naturels ou identiques aux naturels. des cellules (microbiennes, animales et végétales). Parmi les plus
Seulement, très souvent (ces dernières années voir dossier Les connus, on peut citer la cellulose, l’amidon, la chitine, le chitosan
polymères biodégradables, [AM 3 579]), on assimile aux biopoly- représentés figure 2. Ces polysaccharides sont constitués de 100 à
mères leur caractère dégradable. Avec ce point de vue, la lignine 1 000 motifs D-glucopyranose reliés entre eux par des liaisons acé-
d’origine naturelle (mais pourtant un polyphénol), non biodégra- tal. Une description détaillée de l’amidon, de la cellulose, de la chi-
dable ne peut donc apparaı̂tre comme un biopolymère. Dans la tine et du chitosan ayant déjà été présentée dans le dossier Les
même idée, le caoutchouc naturel issu de l’Hévéa (le polyisoprène polymères biodégradables [AM 3 579], ceux-ci ne seront que suc-
cis 1,4) est un polymère naturel qui devrait être considéré comme cinctement abordés.

Polymères microbiens : Polyuréthanes


Polyesters PLA PHA, xanthane, pullulane Polyamides

Polycondensation des biomonomères Fementation à partir Réaction chimique à


issus de la biomasse de la biomasse partir de la biomasse

Biomonomères

Voie 2 : hydrolyse et/ou fermentation

Ressources renouvelables

Voie 1 : extraction directe

Cellulose et Fibres Amidon Autres Huiles Protéines Caoutchouc


lignocellulose naturelles polysaccharides

Figure 1 – Voies d’obtention des biopolymères végétaux

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RR
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–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– LES BIOPOLYMÈRES : DIFFÉRENTES FAMILLES, PROPRIÉTÉS ET APPLICATIONS

1.1.1 Amidon L’amylose et l’amylopectine ne sont que deux des nombreux


polysaccharides pouvant former des structures hélicoı̈dales. L’amy-
L’amidon est un polymère que l’on rencontre dans des végétaux. lose est hydrosoluble dans l’eau bouillante alors que l’amylopec-
Les principales sources de production sont les pommes de terre, les tine ne l’est pas. La principale propriété lorsque l’amidon est condi-
céréales et le riz. Le motif principal de répétition de l’amidon est pré- tionné sous forme de film est sa faible perméabilité et sa
senté figure 2. Celui-ci est composé de deux a-D-glucanes : l’amylose dégradation aisée en présence de microorganismes. Un traitement
et l’amylopectine dont la proportion massique dans la plupart des
chimique permet de rendre l’amidon résistant à un cisaillement
amidons est de 20 à 30 % d’amylose contre 70 à 80 % d’amylopectine.
thermomécanique, car la stabilité de ce polymère sous contrainte
L’amylose est le polymère linéaire d’un degré de polymérisation n’est pas très élevée. A partir de 150  C, les liaisons glucosyle com-
moyen en nombre supérieur à 100 dont les résidus glucosyles sont mencent à se rompre et à environ 250  C, les grains d’amidon col-
liés en a (1-4) comme présenté figure 3. lapsent endothermiquement. A faible température, un phénomène
L’amylopectine est le polymère ramifié d’un degré de polymérisa- connu sous le nom de rétrogradation est observé pouvant conduire
tion moyen en nombre de 104 à 105 et donc dans ce cas, les résidus à la précipitation sous 10  C. C’est ces dernières caractéristiques


glucosyles sont liés en a (1-4) et en a (1-6) comme présenté figure 4. qui sont utilisées pour la fabrication de films.

H OH H OH
H H
O O
Amidon Chitine
* *
HO H HO O
H H n
OH NH
H O H O C H

n CH3
H OH H OH
H H
O O
Cellulose Chitosan
* *
HO O HO O
H n H n
OH NH2
H H H H

Figure 2 – Différents motifs de répétition des polysaccharides

CH2OH CH2OH CH2OH


O O O
H H H H H H
4
H 1 4
H 1 4
H 1
OH H α OH H α OH H α
O O O O

H OH H OH H OH

Figure 3 – Formule de l’amylose

CH2OH CH2OH
O O
H H H H
4
H 1 4
H 1
α OH H α OH H α
O O O

H OH H OH
6 CH2
CH2OH CH2OH CH2OH
O O O O
H H H H H H H H
4
H 1 4
H 1 4
H 1 4
H 1
α OH H α OH H α OH H α OH H
O O O O O

H OH H OH H OH H OH

Figure 4 – Formule de l’amylopectine

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RS
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LES BIOPOLYMÈRES : DIFFÉRENTES FAMILLES, PROPRIÉTÉS ET APPLICATIONS –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Cellobiose

OH OH OH
O 6 OH
O 4
5 O
HO HO O HO O
HO O HO
2 OH
O HO
O 3 1 O O
OH O OH
OH OH n

R Extrémité non réductrice Anhydroglucopyranose Extrémité réductrice

Figure 5 – Formule de la cellulobiose

Planche

Structure
anatomique

Cellule

Paroi
cellulaire
L
S3

Microfibrilles S2

S1
P
LM
Molécule

L : lumen
S1+S2+S3 : paroi secondaire
P : paroi primaire
LM : lamelle mitoyenne

Figure 6 – Représentation schématique de la localisation de la cellulose [3]

Quand l’amidon est extrudé c’est-à-dire soumis à de l’énergie 1.1.2 Cellulose


thermique et mécanique, le matériau est transformé en thermo-
plastique. L’utilisation de plastifiants est recommandée pour dimi- La cellulose est un homopolymère cristallin qui ne diffère des
nuer les liaisons hydrogène intermoléculaires et stabiliser les pro- autres polysaccharides que par sa très longue chaı̂ne, d’un degré
priétés du produit. En raison du caractère hydrophile de l’amidon, de polymérisation moyen en nombre pouvant varier de 200 à
les performances des matériaux extrudés varient pendant et après 15 000 voir au-delà, constituée que d’unités D-anhydroglucopyra-
la transformation en fonction des proportions d’eau. Pour éviter nose (AGU). Le motif de répétition est le dimère : cellulobiose
cette fluctuation, différents dérivés de l’amidon ont été synthétisés. (voir figure 5) alors que de nombreux polysaccharides contiennent
Les mélanges avec des polymères hydrophobes produisent des for- un motif disaccharidique et plus occasionnellement des motifs
mulations acceptables pour la mise en œuvre de pièces, par mou- tétra, penta ou héxasaccharidiques.
lage ou sous forme de films. Des additifs ont été ajoutés pour faci- Le motif principal est présenté figure 2, et l’on constate que la
liter les mélanges ou le laminage. composition chimique est semblable à celle de l’amidon à

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Fibres agrosourcées

par Michel BOURGEOIS


Institut français du textile et de l’habillement (IFTH)

1. Contexte...................................................................................................... N 2 520 - 2 R
2. Fibres agrosourcées................................................................................. — 2
2.1 Fibres végétales ........................................................................................... — 2
2.1.1 Classification des fibres végétales..................................................... — 2
2.1.1.1 Fibres provenant des poils séminaux de graines ................ — 2
2.1.1.2 Fibres libériennes extraites de tiges de plantes................... — 3
2.1.1.3 Fibres dures extraites de feuilles........................................... — 3
2.1.1.4 Fibres dures extraites d’enveloppes de fruits ...................... — 4
2.1.2 Avantages et inconvénients des fibres végétales ............................ — 4
2.2 Fibres artificielles agrosourcées ................................................................. — 4
2.3 Fibres synthétiques agrosourcées .............................................................. — 5
2.3.1 Généralités sur les plastiques ............................................................ — 5
2.3.2 Généralités sur les plastiques agrosourcés ou bioplastiques ......... — 5
2.3.2.1 Fibres synthétiques entièrement agrosourcées................... — 5
2.3.2.2 Fibres synthétiques particulièrement agrosourcées ........... — 6
3. Propriétés mécaniques et physiques .................................................. — 7
4. Tri et recyclage ......................................................................................... — 8
5. Biodégradabilité........................................................................................ — 8
6. Analyse du cycle de vie – Bilan Carbone ........................................... — 10
7. Conclusion.................................................................................................. — 10
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. N 2 520

es difficultés d’approvisionnement en pétrole ou encore la volonté


L d’utiliser des produits moins polluants (rejet de CO2) poussent les indus-
triels à trouver une alternative aux produits d’origine pétrochimique. Les fibres
dites « agrosourcées » sont issues d’agroressources, autrement dit, de végé-
taux (matières renouvelables), lesquels fournissent les composés de base
nécessaires à l’énergie, à la chimie et aux matériaux (définition Ademe).
Ces fibres, qui peuvent être d’origines diverses (naturelle, artificielle ou syn-
thétique et particulièrement les bioplastiques), constituent une solution très
prometteuse.

Un glossaire est présenté en fin d’article.


p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPQQ

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RU
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FIBRES AGROSOURCÉES _____________________________________________________________________________________________________________

Tableau des abréviations 2. Fibres agrosourcées


PA Polyamide
PBT Polybutylène téréphtalate 2.1 Fibres végétales
PCL Polycaprolactone
Les fibres végétales, grâce à leurs avantages, présentent de plus
PE Polyéthylène en plus d’intérêt : matières premières renouvelables chaque
PET Polyester téréphtalate année, biodégradabilité et recyclabilité, et un Bilan Carbone®
(cf. § 6) neutre lors de l’incinération.
PHA Polyhydroxyalkanoates
Les limites de ces fibres sont les suivantes : les surfaces culti-
PLA Acide polylactique vables dédiées à ce type de culture restent limitées. Le coton,


grand consommateur d’eau et d’énergie, dispose d’une analyse du
PP Polypropylène
cycle de vie (cf. § 6) défavorable. Le jute, le lin et le chanvre sont
PTT Polytriméthylène téréphtalate moins exigeants en intrants (pesticides, engrais), mais des freins
techniques existent au niveau de la constance de la qualité des
PU Polyuréthane
fibres selon les zones de production ou les années de récoltes.
PVC Chlorure de polyvinyle Aujourd’hui, les principaux axes de développement technique des
fibres et des matériaux associés résident dans l’amélioration des
propriétés des fibres par la sélection, l’optimisation des cultures et
des procédés de transformation.
1. Contexte Il existe plusieurs autres fibres naturelles sur le marché ayant
auprès des consommateurs un caractère écologique bien établi.
Les produits naturels issus de la biomasse, en particulier les Pour autant, elles représentent encore des marchés confidentiels.
fibres naturelles comme le coton, ont toujours été exploités.
Suivant leur finesse et leur résistance, ces fibres sont utilisées
pour la production de vêtements, de tissus, de tapis, de cordes, de 2.1.1 Classification des fibres végétales
sacs. Les industriels et les consommateurs leur trouvent toujours
un grand intérêt, grâce à leur côté écologique et rustique, malgré 2.1.1.1 Fibres provenant des poils séminaux de graines
leurs limites, leurs contraintes et leurs prix. Elles représentent un ■ Le coton
axe de recherche important chez les acteurs industriels de l’auto-
mobile, du bâtiment ou de l’industrie papetière. En plus de leur Le cotonnier est un petit arbuste annuel de 1 à 1,50 m de haut. Il
origine agrosourcée, ces fibres sont dégradables, compostables est cultivé dans les zones chaudes d’Amérique, d’Afrique, d’Asie et
et/ou recyclables. Malgré cet avantage, la demande en fibres végé- d’Europe (Espagne). Les fibres de coton proviennent des graines.
tales reste quasiment constante. En effet, deux autres familles de Le rendement en fibres est seulement de 0,05 t/ha/an. Cette fibre
fibres concurrencent les fibres naturelles : les fibres artificielles est utilisée depuis longtemps pour ses bonnes caractéristiques
cellulosiques comme la rayonne, la viscose et l’acétate de physiques et mécaniques. Les fibres de coton mesurent 25 à
cellulose, et les fibres synthétiques (polyester, polyamide, 32 mm et ont une largeur de 40 à 50 µm.
acrylique) issues du pétrole. Ces deux familles de fibres chimiques La fibre est utilisée dans le domaine du textile mais aussi pour
représentent actuellement environ 50 % des fibres utilisées. les papiers de luxe et les papiers de sécurité (papiers fiduciaires,
billets de banques) qui nécessitent une grande résistance au
Nota : le lecteur pourra consulter les chiffres présentés en fiche documentaire,
rubrique « Données statistiques et économiques ». pliage.
En 2008, la production mondiale est d’environ 24 millions de
L’augmentation constante des prix des fibres synthétiques (via tonnes, soit cinq fois plus que la production de toutes les autres
celui du pétrole), la volonté générale de respecter l’environnement fibres naturelles réunies. Les principaux pays producteurs sont la
ainsi que d’utiliser des matières premières locales (chanvre de Chine, les États-Unis, l’Inde, le Pakistan, l’Ouzbékistan et le Brésil.
l’Isère ou de l’Aube, lin de Normandie...) encouragent la R&D Une grande partie de la production est exportée vers des pays où
universitaire et industrielle qui s’est intensifiée depuis 10 ans sur la elle est manufacturée (vêtements), puis exportée.
recherche de bioplastiques performants et bon marché. Ces
bioplastiques sont issus totalement ou partiellement de la Le coton a conservé ses parts de marché en dépit de la forte
biomasse. Certains d’entre eux sont transformables en fibres texti- concurrence des tissus synthétiques, car il bénéficie, de la part du
les et commencent progressivement à concurrencer, malgré leur grand public, d’une image écologique discutable : en réalité, le
prix, les fibres synthétiques non agrosourcées sur quelques mar- coton est grand consommateur d’eau et de pesticides et les fibres
chés spécifiques (sous-vêtements, lingettes). synthétiques sont aussi performantes. La part de marché des
vêtements et des articles de maison en coton devrait rester stable,
mais l’avenir de la fibre dépendra des progrès technologiques,
Les fibres textiles sont classées selon leur procédé notamment d’une meilleure gestion des maladies et des ravageurs
d’obtention et leur origine : du cotonnier.
– les fibres naturelles :
• issues du règne végétal (exemple : le coton), ■ Le coton naturellement coloré
• issues du règne animal (exemple : la laine), Des fibres de couleur chocolat, caractéristiques de l’espèce
• issues du règne minéral (exemple : l’amiante) ; Gossypium barbadense ont été trouvées au Pérou sur un site
– les fibres artificielles : occupé vers 3 000 ans avant notre ère. Ce petit arbuste de 3 m de
• agrosourcées (exemple : la viscose), haut vit en moyenne 6 ans. Il pousse dans son biotope, sans
• issues du règne minéral (exemple : la fibre de verre) ; engrais, sans pesticide, sans produit chimique, dans un milieu
– les fibres synthétiques : complètement préservé.
• partiellement agrosourcées (exemple : polytétraméthy- Ces cotons sont cultivés au Brésil. Du blanc écru aux teintes
lène téréphtalate vert), chocolat en passant par le vert amande, le marron et le mauve, ils
• totalement agrosourcées (exemple : polyéthylène vert), ne nécessitent pas de postteintures. La récolte du coton est faite à
• non agrosourcées (exemple : polyéthylène). la main. Le tri est fait en fonction de la couleur et de la qualité.

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RV
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______________________________________________________________________________________________________________ FIBRES AGROSOURCÉES

Le coton naturellement coloré est utilisé pour les linges de bain, Pour le marché des vêtements de qualité supérieure, les fibres et
les jouets d’enfants et les accessoires pour bébé. La limite de ce les fils de chanvre doivent répondre aux cahiers des charges des
coton se situe dans l’étroite gamme de couleur et la pauvreté et la industriels de l’habillement. Grâce aux progrès réalisés en matière
tristesse des nuances. de cotonisation de la fibre de chanvre (procédé d’affinage de la
fibre), le chanvre pourrait figurer en bonne place dans la chaîne de
■ Le coton biologique production des textiles traditionnels.
Il est cultivé sans engrais, sans pesticide ni produit chimique,
dans un milieu préservé. La demande reste confidentielle mais la ■ Le kénaf
croissance et l’intérêt du consommateur sont forts. La difficulté se Le kénaf est une plante herbacée dont la tige peut atteindre 3 m
trouve au niveau du manque de traçabilité des fibres sur de haut. Il se trouve principalement dans les régions tropicales
l’ensemble de la filière, avec des risques de mélange entre cotons (Inde, Chine, Afrique) et en Amérique du Sud. La production de
biologique et traditionnel. kénaf en Europe est rare. Cette fibre est destinée uniquement au


domaine papetier. Le rendement en fibre atteint près de 10 t/an/ha.
■ Le kapok La longueur moyenne des fibres (1,5 mm) est comprise entre celle
L’arbre est le kapokier et pousse aux Indes, à Java, en Afrique et des fibres de feuillus et celle des fibres de résineux.
en Amérique du Sud. La capsule de la plante de kapok fournit un
duvet léger autour des graines. Les capsules sont ouvertes à la ■ Le jute
main et égrenées. La fibre est légère, imputrescible et absorbante ; Le jute est une plante buissonnante originaire du Sud-Est
elle est utilisée pour le rembourrage du matériel de sauvetage asiatique. Le rendement en fibres est de 2 t/ha/an. Les fibres
(ceintures, gilets, bouées), de vêtements (en Chine), des coussins utilisées en papeterie sont les déchets de culture et de filature. La
ou de la literie, pour l’emballage ou mélangée à du coton pour la tige atteint une hauteur de 4 à 6 m avec un diamètre d’environ
fabrication des entre-doublures (ouatine). 3 cm. La longueur moyenne des fibres est de 30 mm, avec un
diamètre de 50 µm. La fibre ultime est très courte et très lignifiée.
2.1.1.2 Fibres libériennes extraites de tiges de plantes La production de jute s’échelonne entre 2,3 et 2,8 millions de
■ Le lin tonnes. L’Inde fournit 60 % de la production mondiale et le
Bangladesh la presque totalité du reste. Ce dernier exporte près de
Le lin est une plante annuelle dont la tige atteint 0,60 à 1,20 m la moitié de sa production annuelle sous forme de fibres brutes et
de hauteur pour un diamètre de 1 à 3 mm. Le lin pousse en Europe le restant en produits manufacturés. L’Inde exporte seulement
et en Égypte. La fibre provient des tiges de la plante. L’avantage de 200 000 tonnes d’articles en jute, le reste étant utilisé sur place.
cette fibre réside dans sa longueur élevée (en moyenne 33 mm) et
sa bonne résistance mécanique. Le lin est utilisé dans le domaine ■ La ramie
de l’habillement et des composites. Le rendement de production La ramie est une plante arbustive à fleurs appartenant à la
de lin est supérieur à la production de coton (jusqu’à 2 t/an/ha). famille de l’ortie (ou ortie de Chine). Originaire d’Asie de l’Est, la
Cette fibre est utilisée en papeterie pour des papiers fins ramie est produite principalement en Chine, au Japon, aux
(papiers à cigarette, papier Bible). Sa bonne résistance et sa Philippines et en Équateur.
longueur leur confèrent des bonnes caractéristiques mécaniques. Le rendement en fibres est d’environ 2 t/ha/an. Elle se présente
Les fibres très raffinées pour les papiers fins ont des longueurs sous la forme de tiges de 1,5 à 3 m de haut. La cellule élémentaire
inférieures à 4 mm. peut atteindre 17 cm de longueur. Elle donne une fibre blanche à
La production mondiale est de 1 million de tonnes (estimation l’aspect soyeux, très résistante. Comme elle manque d’élasticité et
de la FAO). En 2008, l’Europe de l’Ouest et la République de de résilience, elle est mélangée au coton et à la laine. Elle donne
Bélarus ont récolté 250 000 tonnes de fibres de lin. C’est l’Europe plus d’éclat et de résistance au coton et empêche la laine de
de l’Ouest qui produit le lin de meilleure qualité. Les lins prove- rétrécir.
nant de la Belgique, de l’Irlande et de l’Italie sont considérés Elle présente une concentration cellulosique importante et une
comme les plus fins. forte cristallinité. La longueur moyenne des fibres est comprise
Si les vêtements en lin sont toujours appréciés des entre 40 et 250 mm, pour un diamètre moyen de 45 µm. L’écorce
consommateurs, les autres utilisations (fabrication de papier et est utilisée depuis des millénaires pour la fabrication de ficelles, de
renfort de composites) sont en augmentation. En Europe, la cul- fils et d’un tissu nommé « lin de Chine ».
ture du lin demeure tributaire des aides accordées à l’agriculture. La FAO estime la production mondiale de ramie à
■ Le chanvre 280 000 tonnes (chiffres 2006), provenant essentiellement de la
Chine.
C’est une plante annuelle dont la hauteur varie de 1 à 3 m. La
fibre élémentaire est moins régulière, plus aplatie et légèrement 2.1.1.3 Fibres dures extraites de feuilles
plus lignifiée que celle du lin. Le chanvre est cultivé dans les pays
à climat tempéré, dans l’Est de l’Europe, en France, en Italie et en ■ Le sisal
Chine. La France est le premier producteur en Europe, avec Le sisal est une plante vivace constituée d’une rosette de
environ 9 100 ha cultivés en 2005. grandes feuilles à section triangulaire, allant jusqu’à 2 m de long. Il
Grâce à leurs bonnes propriétés mécaniques et la longueur des s’agit d’une plante tropicale, cultivée en Amérique du Sud, en
fibres élevée (en moyenne 20 à 50 mm), les fibres de chanvre sont Afrique, aux Antilles et en Extrême-Orient. Les fibres sont extraites
généralement utilisées dans les domaines du textile (tapis et des feuilles de la plante. La feuille contient 1 000 à 1 200 paquets
vêtements), des agrotextiles (toile anti-érosion), de l’automobile de fibres. Un plant produit environ 250 feuilles. La longueur
(composite pour panneaux intérieurs), du papier (fibres de renfort) moyenne de la fibre élémentaire est de 3 mm, 20 à 50 cm pour la
et du bâtiment (isolation thermique). La tendance de l’offre est à la fibre textile.
hausse et des expériences de réimplantation du chanvre en France La production mondiale de sisal est estimée à 300 000 tonnes,
sont tentées avec succès (en Isère par exemple). soit une valeur de 75 millions de dollars. Les principaux produc-
La FAO estime que la production mondiale de chanvre est teurs sont le Brésil (120 000 tonnes), la Tanzanie (30 000 tonnes) et
passée de 50 000 tonnes en 2000 à près de 90 000 tonnes en 2005. le Kenya (25 000 tonnes). Le Brésil exporte près de 100 000 tonnes
La fibre représente moins de 0,5 % de la production mondiale de de fibres brutes et de produits manufacturés, le Kenya
fibres végétales. 20 000 tonnes et la Tanzanie 15 000 tonnes.

Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie


est strictement interdite. – © Editions T.I. N 2 520 – 3

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Polymères rapidement biodégradables


par Guy CÉSAR
Président du SERPBIO
Labo IRDL – UBS Lorient, France

et Emmanuelle GASTALDI
Maı̂tre de Conférences
UMR Agro-polymers Enginering and Emerging Technologies – IATE Montpellier, France
Cet article est la réédition actualisée de l’article [BIO 4 150] intitulé « Polymères
biodégradables », paru en 2010 et rédigé par Guy CASTELAN. R
1. Biodégradation. Biodégradabilité................................................ BIO 4 150v2 – 4
1.1 Quelques définitions .......................................................................... — 4
1.2 Étapes de la biodégradation .............................................................. — 4
1.2.1 Fragmentation du matériau ..................................................... — 4
1.2.2 Dégradation du matériau ........................................................ — 4
1.2.3 Bio-assimilation du matériau .................................................. — 6
1.3 Facteurs influençant la biodégradation ............................................. — 8
1.3.1 Facteurs biotiques ................................................................... — 8
1.3.2 Facteurs abiotiques ................................................................. — 8
1.3.3 Moyens de mesure de la biodégradabilité ............................. — 8
1.3.4 Cas particulier de la (bio) dégradation des polyoléfines (PE
essentiellement) additivées de prooxydants .......................... — 14
1.3.5 Normes utilisées pour évaluer la biodégradabilité ................ — 14
2. Polymères facilement biodégradables ....................................... — 15
2.1 Polymères issus de ressources renouvelables .................................. — 16
2.1.1 Biopolymères ........................................................................... — 16
2.1.2 Polyesters issus de biomonomères ........................................ — 21
2.2 Polymères issus de ressources fossiles ............................................ — 22
2.2.1 Poly(alcool vinylique) PVA ...................................................... — 22
2.2.2 Polycaprolactone PCL .............................................................. — 23
2.2.3 Autres polyesters aliphatiques et copolyesters aliphatiques-
aromatiques ............................................................................. — 23
2.3 Mélanges de polymères ..................................................................... — 25
2.3.1 Mélange de polymères à base d’amidon................................ — 25
2.3.2 PLA et copolyesters aliphatiques-aromatiques ...................... — 26
2.3.3 PLA et PHA ............................................................................... — 26
2.4 Composites ......................................................................................... — 26
3. Applications des polymères biodégradables............................. — 26
3.1 Emballage alimentaire ....................................................................... — 27
3.2 Agriculture .......................................................................................... — 27
3.3 Médical ............................................................................................... — 28
3.4 Autres applications ............................................................................ — 28
4. Conclusion........................................................................................ — 28
5. Glossaire ........................................................................................... — 29
Pour en savoir plus..................................................................................Doc. BIO 4 150v2

e succès des matières plastiques dans des secteurs aussi diversifiés que
L l’emballage, la construction, l’automobile, l’électronique, le médical, les
énergies nouvelles s’explique par leur capacité à offrir une palette considé-
rable de propriétés, ajustables en variant notamment la chimie et l’organisa-
tion moléculaire des polymères. Leur optimisation technico-économique pour
p。イオエゥッョ@Z@ェ。ョカゥ・イ@RPQX

chaque application impose de satisfaire les exigences associées à toutes les

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POLYMÈRES RAPIDEMENT BIODÉGRADABLES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

étapes de leur fabrication : mise en forme, distribution, usage et fin de vie.


La résistance dans le temps et l’inertie par rapport à l’environnement sont
parmi les qualités les plus souvent requises.
La propriété de biodégradabilité est une fonctionnalité qui concerne l’étape
de fin de vie des produits. Sensu stricto, il n’existe pas de polymère qui ne soit
pas biodégradable… tout dépend de l’échelle de temps considérée. Toutes
les matières organiques (basées sur la chimie du carbone organique (liaisons –
C-C- et -C-H)) sont susceptibles d’être progressivement dégradées par des
voies diverses (physiques, chimiques, biologiques) pour conduire in fine à
des molécules aussi simples que l’eau, le dioxyde de carbone, le méthane, et
des minéraux divers (azote, phosphore, soufre etc.) constituants initiaux des


matières organiques comme l’illustre le Cycle du Carbone.
Un polyéthylène par exemple, considéré par tous comme non biodégra-
dable, l’est en fait parfaitement bien à la condition que l’on attende au moins
600 ans ! Les durées d’utilisation de ce polymère étant très largement inférieu-
res aux temps nécessaires à sa biodégradation, on assiste aujourd’hui à des
phénomènes d’accumulation qui conduisent inévitablement à des pollutions
visuelles et physico-(bio) chimiques susceptibles d’être à l’origine d’écotoxici-
tés diverses. Nombre de polymères disposent d’une longue durée de résis-
tance à la biodégradation (sac de caisse en polyéthylène par exemple) alors
que leur temps d’utilisation est extrêmement court (de l’ordre de 20 minutes
dans le cas du sac en PE).
Devant l’ampleur des phénomènes cumulatifs engendrés, les chercheurs
travaillent inlassablement à la mise au point de nouveaux polymères dont
le temps de résistance à la biodégradation serait équivalent au temps d’uti-
lisation. En effet, pour certaines applications spécifiques, cette alternative au
mode de valorisation par recyclage ou par incinération et récupération
d’énergie, peut se révéler avantageuse. C’est le cas notamment lorsqu’une
filière de valorisation par compostage peut être organisée autour des sacs à
déchets verts, ou lorsqu’il est préférable d’un point de vue technique, écono-
mique et environnemental de laisser le matériau se dégrader dans le sol
comme dans le cas des films de paillage agricole par exemple. La cinétique
de biodégradation doit alors être optimisée/ajustée de façon à être en adé-
quation à la fois avec les exigences fonctionnelles et les conditions de fin de
vie attendues pour le matériau.
L’utilisation des matières plastiques est aujourd’hui très répandue, princi-
palement dans le secteur de l’emballage. Ces matières étant utilisées sur
une période de temps très limitée, voire extrêmement courte à l’échelle
du cycle de vie du matériau, il est donc nécessaire d’améliorer la biodégra-
dabilité de ces polymères et d’anticiper le mieux possible leur fin de vie.
Pour cela, on s’appuie sur le fait que certains matériaux ont la possibilité
de subir une décomposition naturelle rapide en étant « consommés » par
des bactéries, des champignons, des algues, des insectes, etc. Il s’agit donc
ici d’une alternative aux modes de valorisation par recyclage et par récupé-
ration d’énergie qui peut se révéler très pertinente dans le cas de certaines
applications. Cet article présente à la fois les différents matériaux biodégra-
dables (polymères naturels ou artificiels), les méthodes de mesure de la bio-
dégradabilité et également les applications industrielles de ces matériaux
biodégradables.
Quelle que soit leur vitesse de biodégradation, les polymères peuvent être
issus de ressources fossiles (utilisation de carbone à cycle très long
6
≥ 10 ans) ou de ressources biomassiques (utilisation de carbone à cycle
court à moyen, la plupart du temps ≤ 5 ans).
Cet article ne traite que des polymères (très) rapidement biodégradables,
indépendamment de leur origine.
Un glossaire en fin d’article regroupe les définitions importantes et celles
nécessaires à la compréhension de l’article.

BIO 4 150v2 – 2 Copyright © - Techniques de l’Ingénieur - Tous droits réservés

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– POLYMÈRES RAPIDEMENT BIODÉGRADABLES

Sigle Définition

ADN Acide désoxyrybonucléique

ADP Adénosine diphosphate

ASTM American Standard Method

ATP Adénosine triphosphate

BDO Butanediol

Comité Européen de Normalisation/Technical


CEN/TR
Report

CF3

CH4
Fluorure de carbone

Méthane

CNEP Centre National d’Évaluation de Photoprotection

Centre Technique Interprofessionnel


CTIFL
Fruits Légumes et Champignons

DA Degré d’acétylation

DD Degré de désacétylation

FCDA 2,5-Furandicarboxylic-acid

ISO International Standard Organisation

Nicotinamide adénine dinucléotide


NAD(P)
(agent d’oxydation)

Nicotinamide adénine dinucléotide


NAD(P)H
(agent de réduction)

PBAT Polybutylène adipate téréphtalate

PBL = PHV Polybutrolactone

PBS Polybutylène succinate

PBSA Polybutylène succinate adipate

Copolymère des acides (L) – lactique et (D) –


PD LLA
lactique

PCL Polycaprolactone

Polyéthylène (ou perturbateur endocrinien selon le


PE
contexte)

PGA Polyglycolic acid

PHA Polyhydroxyalcanoate

PHB Polyhydroxybutyrate

PHBV Polyhydroxybutyrate-valérate

PHP Polyhydroxypropionate

PHV = PBL Polyhydroxyvalérate

PLA Polylactic acid (acide polylactique)

PTT Polytriméthylène téréphtalate

PVA Polyninyl alcool

Station d’Expérimentations Rhônes-Alpes


SERAIL
Informations Légumes

UV Ultra-violet

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1. Biodégradation. plus ou moins grands (de quelques décimètres à quelques millimè-


tres), sans perte importante de qualités physico-chimiques.
Biodégradabilité
1.2.2 Dégradation du matériau

1.1 Quelques définitions Selon PD CEN/TR 15351:2006, la dégradation correspond à la


modification indésirable des propriétés originelles, due à un cli-
vage chimique des macromolécules formant un système poly-
La biodégradation d’un matériau résulte d’un ensemble de mère, quel que soit le mécanisme de clivage de la chaı̂ne.
phénomènes physiques, chimiques et biologiques successifs
ou concomitants aboutissant dans tous les cas à une réorgani-
sation de la biomasse et à un dégagement de CO2 (et/ou de Six facteurs essentiels interviennent au cours de cette étape,
CH4), d’H2O, d’énergie (sous forme de chaleur), d’une éventuelle l’humidité et le pH au sein du milieu de dégradation, la lumière

R production de nouvelles molécules organiques et de possibles


résidus minéraux.
(essentiellement les UV), la température (la dégradation est
d’autant plus rapide que la température est élevée), l’oxygénation
(meilleure est l’oxygénation, meilleure est la dégradation) et la pré-
sence d’enzymes exogènes.
Tous les polymères étant biodégradables par nature, le terme
« biodégradable » utilisé isolément n’a pas de sens. Il doit tou- La dégradation peut être abiotique (si elle est purement physico-
jours faire référence à la manière dont cette biodégradabilité a chimique) ou biotique (si à un moment quelconque elle fait interve-
été déterminée, par exemple en faisant référence à une norme de nir des organismes vivants (bactéries, champignons, algues etc.).
spécification. Très généralement, en conditions naturelles, les deux types de
Au sens de la NFU 52-001 de 2005 « Matériaux biodégradables dégradations vont de concert.
pour l’agriculture et l’horticulture – Produits de paillage », la biodé-
gradation est définie en 2 étapes : 1.2.2.1 Dégradation par hydrolyse
1ère étape : bio-assimilation d’un matériau Un des principaux modes de dégradation est l’hydrolyse qui
Phénomène par lequel la (micro) faune et (ou) la (micro) flore, consiste en la décomposition d’une substance par l’eau grâce aux
constituants élémentaires de la biomasse, utilise(nt) un matériau ions H+ et OH- provenant de la dissociation de l’eau, d’où l’impor-
comme nutriment tance du pH. L’hydrolyse d’un polymère est en général assez rapide
(de l’ordre de quelques jours à quelques semaines ou quel-
La bio-assimilation se traduit par une série de phénomènes ques mois) et s’opère à température ordinaire. Dans quelques cas
observables et quantifiables qui sont principalement : (PLA par exemple), les réactions d’hydrolyse sont très lentes (voire
– le concours au développement d’une biomasse réorganisée ; quasiment nulles) à température ordinaire et ne peuvent être
– le dégagement d’H2O, de CO2 et (ou) de CH4 ainsi que la enclenchées correctement qu’au-delà de 50  C (entre 50  C et 80  C
production éventuelle d’autres molécules organiques et (ou) par exemple, comme dans les composts industriels).
minérales ;
– le dégagement d’énergie sous forme de chaleur. & Dégradation par hydrolyse abiotique

Il en découle qu’un matériau est bio-assimilable s’il peut subir Quelques exemples simples sont donnés ci-après.
une bio-assimilation. L’hydrolyse acide du saccharose donne du glucose et du fructose
2e étape : biodégradation d’un matériau
Ensemble de phénomènes physiques, chimiques et biologiques C12 H22 O11 + H2O → C6H12O6 (glucose) + C6H12O6 ( fructose)
concomitants et (ou) successifs aboutissant sans aucune exception
à sa bio-assimilation. Il en découle qu’un matériau est biodégra- L’hydrolyse acide d’un ester donne un alcool et un acide (la réac-
dable s’il peut subir une bio-assimilation. tion est réversible et dans ce cas on l’appelle « estérification »)

Le « Guide pour le vocabulaire dans le domaine des polymères R1-COO-R2 + H2O ↔ R2-OH (alcool) + R1-COOH (acide)
et des produits plastiques dégradables et biodégradables -
CEN/TR 15351:2006 » propose plusieurs définitions qu’il est L’hydrolyse d’une protéine (schématisée ci-dessous par 2 acides
possible de trouver en fin d’article, dans le « glossaire ». aminés) permet la coupure des liaisons peptidiques, libérant ainsi
les divers acides aminés qui la constituent…
1.2 Étapes de la biodégradation
OH OH
Pour une meilleure compréhension des phénomènes, on consi- NH2 NH2
dère les étapes successivement bien que la plupart du temps ces H C C NH C R2 H2O H C C OH H2N C R2
étapes soient concomitantes. R1 O R1 O
O O
1.2.1 Fragmentation du matériau
L’hydrolyse alcaline, qui est un cas particulier de l’hydrolyse clas-
sique se faisant plutôt en milieu acide, est illustrée par les réactions
Selon PD CEN/TR 15351:2006, le terme fragmentation fait de saponification réalisées en milieu basique à partir d’un corps
référence à la dissociation d’un objet polymère en petites parti- gras comme un triglycéride (triester de glycérol et d’acides gras).
cules quel que soit le mécanisme mis en jeu. La réaction est irréversible car l’ion carboxylate est sans action sur
l’alcool formé. La précipitation par le Na ou le K présent dans le
milieu forme des savons.
Sous l’action de phénomènes érosifs plus ou moins sévères
(action humaine, eau, vent, passage d’animaux, croissances raci-
naires, érosion sableuse, alternance de gels et de dégels etc.), les R1-COO-R2 + H2O → R2-OH (alcool) + R1-COO− (ion carboxylate)
matériaux en voie de biodégradation sont déchirés en lambeaux

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––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– POLYMÈRES RAPIDEMENT BIODÉGRADABLES

& Dégradation par hydrolyse biotique exo-enzymatique (figure 3). Dès lors, il n’est pas étonnant d’attendre plusieurs centaines
Les micro-organismes présents dans notre environnement (moi- d’années pour espérer voir se dégrader totalement de tels matériaux.
sissures, levures, bactéries, algues unicellulaires, etc.) disposent
d’un important arsenal exo-enzymatique permettant la dégradation Exemple : il faut 600 ans pour dégrader un polyéthylène.
de macromolécules organiques. Ces macromolécules de masse
molaire élevée ne peuvent pas être bio-assimilées de manière Le rayonnement UV, la température et la teneur en oxygène
directe par les micro-organismes sans être d’abord réduites en modifient très significativement les cinétiques de dégradation.
éléments de plus faible masse molaire. Nombre de ces actions
exo-enzymatiques catalysent en fait des hydrolyses : c’est le cas, L’oxydation consiste généralement en une réaction chimique au
par exemple de l’action des amylases, des protéases, des nucléa- sein de laquelle un atome ou une molécule perd un électron.
ses, des cellulases, des estérases… et autres hydrolases. Elle peut être réalisée du fait d’une combinaison directe avec l’oxy-
Les protéases (acides, neutres et alcalines) sont généralement gène de l’air ou via un agent oxydant capteur d’électrons. Pour les
produites par des bactéries du genre Bacillus telles que B. subtilis, molécules organiques, l’oxydation se traduit par l’addition d’ato-


B. licheniformis, B. amyloliquefaciens et B. pumilis ou du genre mes oxygène ou par l’élimination d’atomes hydrogène.
Streptomyces telles que S. fradiae, S. griseus et S. rectis.
Exemple : un alcool peut être oxydé en aldéhyde (pour un alcool
Les cellulases, aussi appelées polysaccharases sont plutôt produi-
primaire) ou en cétone (pour un alcool secondaire), puis en acide
tes par des champignons de la classe des Basidiomycètes
carboxylique.
ou appartenant aux genres Aspergillus, Fusarium, Myrothecium, Peni-
cillium, Polyporus, Rhizopus, Sclerotinia, Sporotrichum et Trichoderma. CH3CH2OH (éthanol) + agent oxydant Æ CH3CHO (acétaldéhyde)
CH3CHO (acétaldéhyde) + agent oxydant Æ CH3COOH (acide
Exemple : le complexe enzymatique cellulolytique permet une acétique)
dégradation complète de la cellulose en glucose (figure 1) et met CH3CHOHCH3 (alcool isopropylique) + agent oxy-
en jeu trois types d’enzymes : dant Æ CH3COCH3 (acétone)
– l’endo-b-1,4-D-glucanase EBG ou cellulase qui hydrolyse la cellu- CH3COCH3 (acétone) + agent oxydant Æ CH3COOH (acide
lose en glucane, soit les liaisons 1,4-b-D-glucosidiques ; acétique) + CO2
– la cellulose b-1,4-cellobiosidase CBH qui hydrolyse le glucane en
cellobioses, soit les liaisons b-1,4-D-glucosidiques également ; En pratique, l’oxydation d’un polymère se traduit :
– le glucosidase ou cellobiase qui hydrolyse le cellobiose en glu-
cose. – par la diminution des masses molaires (mesurées en chromato-
graphie d’exclusion stérique à haute température ou par
viscosimétrie) ;
1.2.2.2 Dégradation par oxydation
– par la diminution des valeurs de tractions à la rupture ;
Le second mode de dégradation est l’oxydation. Sauf dans le
– par une augmentation des absorbances (en spectrométrie infra-
cas d’une oxydation destructive par combustion, à température
rouge avec transformée de Fourier) à 1 713 cm-1, caractéristi-
ambiante, elle est souvent plus lente que l’hydrolyse.
ques des quantités de groupements carbonyles formés (-CO ), et
Exemple : dans le cas d’un polymère de type polyoléfine additivée à 3500cm-1, caractéristiques des quantités de groupement hydro-
d’antioxydants, en conditions naturelles, ce mode de dégradation ne xyles (-OH ) et hydroperoxyls (-OOH ).
dépasse pas 0,30 % en masse par année.
Les polymères oxydés deviennent cassants et friables.

Cellulose : chaînes β-1,4 de 3 000 à 10 000 glucoses

Cellulose

CBH EBG EBG EBG


Endo β-1,4-glucanase

Cellulose β-1,4-cellobiosidase
etc.

Cellobiose Cellotriose et autres chaînes courtes

CH2OH
O
Cellobiose
O
CH2OH

Glucosidase
CH2OH
O
Glucose
O
CH2OH

Figure 1 – Dégradation enzymatique de la cellulose

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POLYMÈRES RAPIDEMENT BIODÉGRADABLES –––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

& Dégradation oxydative abiotique par effet radiatif (photo et/ou & Dégradation oxydative biotique exo-enzymatique par la voie des
thermodégradation) oxydoréductases
Un polymère peut être irradié par des photons (surtout des UV), Les oxydoréductases catalysent des réactions d’oxydo-réduction.
des électrons et des ions. Ces radiations provoquent des ruptures On en distingue quatre types.
de chaı̂nes, aboutissant à la création de radicaux libres. Les oxygénases qui permettent, en présence éventuellement
Exemple : pour les PE, ce sont les liaisons C-H et C-C qui peuvent d’une coenzyme, l’oxygénation des liaisons C-H, C-C ou C=C.
être rompues.
Exemples
Avec la méthyloxygénase :
Une fois formés, les radicaux vont réagir soit entre eux par réti-
culation (macroradicaux P restant proches les uns des autres), soit +
CH4 + O2 + NAD (P)H + H+ −> CH3OH + NAD (P) + H2O
ils vont propager des réactions chimiques dans des zones éloi-
gnées (microradicaux tels que H , très mobiles).
Avec la catéchol 1,2 dioxygénase : dégradation du catéchol.


Soit R1 et R2 , 2 radicaux formés après irradiation et rupture de
chaı̂nes.
Soit X et Y des groupements latéraux d’une chaı̂ne OH
OH
macromoléculaire O
O2
R1° + R2° → R1-R2 (réticulation) catechol O
OH 1,2-dioxygenase HO
R1X ⇔ R1° + X ° (cas ou X ° est un microradical mobile)
catechol cis,cis-muconic acid
R2Y + X ° → R2° + XY (cas ou X ° est un microradical mobile)
Les déshydrogénases fonctionnent toujours avec un cofacteur
La majorité du temps ces réactions de dégradation sont expli- (NAD(P)H) et assurent l’élimination ou l’addition d’un atome
quées par les réactions de Norrish I et II (cf. glossaire, § 5). d’hydrogène sur les liaisons C-H, C-C ou C=C.
Au-delà de la dégradation radiative et en présence d’oxygène,
des réactions en chaı̂ne sont observées, selon le schéma général Exemple :
suivant : CH3-CHOH-CH3 (alcool isopropylique) + NAD(P)+
⇔ CH3-CO-CH3 (acétone) + NAD(P)H + H+
PH → P ° + H° (initiation)
Les peroxydases sont des enzymes possédant un atome métal-
Sous l’effet d’une exposition radiative, la chaı̂ne macromolécu-
lique en leur centre catalytique. Cet atome joue un rôle d’accepteur
laire PH se décompose en un macroradical P et un microradical
 ou de donneur d’électrons (Fe3+/Fe2+ ; Mn3+/Mn2+…). Les peroxyda-
H qui lui peut réagir avec une chaı̂ne latérale de la macromolécule
ses catalysent des réactions d’oxydoréduction entre H2O2 ou un
P ° + O2 → PO2° (la réaction en chaîne se propage) peroxyde organique d’une part et des phénols, amines aromati-
ques, et autres composé d’autre part. Ces réactions engendrent
Le macroradical P est oxydé par O2 pour former un radical pero- des radicaux très réactifs.
xyl PO2 Les phénoloxydases contiennent du cuivre et sont produites par
des micro-organismes lignolytiques. Certaines d’entre elles sont
PO2 ° + PH → PO2H + P ° (la réaction en chaîne se propage) spécialisées dans l’addition d’OH- sur le noyau aromatique,
d’autres oxydent des -COH en -CO, d’autres encore (laccases) sub-
stituent un électron du noyau aromatique pour conduire à un radi-
Le radical peroxyl PO2 réagit avec la chaı̂ne macromoléculaire PH cal phénoxy très réactif qui peut évoluer de façon non enzymatique
pour former un hydroperoxyde PO2H et un nouveau macroradi- vers des cascades d’oxydations ou des voie de polymérisation (for-
cal P qui à son tour peut réagir avec un nouvel O2. Les hydropero- mation de substances humiques par exemple).
xydes sont très instables et peuvent se scinder en de nouveaux
radicaux libres (PO2 et OH ou P et H2O) qui eux aussi propagent & Autres modes de dégradations biotiques
les réactions de dégradation.
La (micro) flore et la (micro) faune sont capables de synthétiser
P ° + P ° → P-P (la réaction en chaîne s’arrête) et de sécréter des acides minéraux (acide sulfurique pour Thiobacil-
lus, acide nitrique pour Nitrobacter), des acides organiques (acé-
Deux macro-radicaux proches peuvent réagir et réticuler tique, citrique, glucuronique, oxalique…) qui corrodent les ciments
et les roches et participent à la biodégradation des polymères.
P ° + PO2 ° → formations des produits inactifs (la réaction en chaîne s’arrête)
Exemple
PO2 ° + PO2 ° → formation de produit inactifs (la réaction s’arrête)
L’acide sulfurique résultant de la sécrétion par Thiobacillus peut
permettre l’hydrolyse de la cellulose pour produire de la dextrine et
& Autres modes de dégradations abiotiques du glucose qui peut être très facilement bio-assimilé.
Les sols naturels peuvent être considérés comme des sortes de
vastes réacteurs chimiques où se produisent en permanence de (C6H10O5 )n + n H2SO4 + n H2O → n C6H12O6 + n H2SO4
nombreuses réactions chimiques acido-basiques qui participent
aussi bien à la dégradation de la roche mère qu’à celle des divers
polymères présents au sein de ceux-ci. 1.2.3 Bio-assimilation du matériau
Exemple : réaction de dissolution d’un carbonate comme une Selon PD CEN/TR 15351:2006, la bio-assimilation est la conver-
roche, ou comme une charge présente dans un polymère. sion d’un système polymère en biomasse. C’est la dernière étape
du processus de biodégradation. Les macromolécules ont été
+
CaCO3 + CO2 + H2O ⇔ Ca2 + 2HCO3− cassées en molécules suffisamment petites pour pénétrer dans les
cellules vivantes et être intégrées aux cycles physiologiques pour
servir d’une part de matériaux constructeurs (maintien et

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bioTQUP

––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––– POLYMÈRES RAPIDEMENT BIODÉGRADABLES

réorganisation de la biomasse=anabolisme) et de sources d’éner- Soit au bilan (quand la réaction est totale… ce qui n’est pas la
gie (catabolisme=minéralisation). généralité) :
Le catabolisme (que l’on peut considérer comme stade ultime de C6H12O6 + 3 H2O + 12 H2 → 6 CH4 + 9 H2O
la bio-assimilation) consiste en un ensemble de réactions enzyma-
tiques de dégradation de macromolécules en molécules de faible En pratique, la réaction n’est quasiment jamais complète et le
taille. Ces réactions s’effectuent avec une libération d’énergie libre résultat d’une bio-assimilation en milieu anaérobie se traduit pres-
dont une partie est stockée sous forme d’ATP et de transporteurs que toujours par une production de CH4 et de CO2… le rendement
d’électrons réduits (NAD(P)H et FADH2). Les voies cataboliques en CH4 étant plus ou moins élevé selon les circonstances.
aboutissent, après oxydation complète, à des produits terminaux
communs (CO2 et H2O) et conduisent à la synthèse d’ATP. En absence d’oxygène il se constitue de véritables chaı̂nes de
minéralisation anaérobie au cours desquelles divers groupes de
On voit souvent dans les publications, aussi bien scientifiques bactéries se relayent pour transformer les polymères organiques
que vulgarisatrices, que la biodégradation se traduit (entre jusqu’aux stades CO2, H2, H2O, CH4, etc.


autre) par une génération de « nouvelle biomasse ». Cette On peut schématiquement distinguer trois étapes au cours de
manière de dire les choses n’est pas exacte. En effet, durant la cette vie associative sans oxygène, chaque étape étant réalisée par
phase vivante et tant que la source nutritive est suffisante, le un type de bactéries différent en l’absence d’oxygène : les fermen-
bilan anabiotique est assez largement supérieur au catabo- tants, les acétogènes et les méthanogènes. Fréquemment associés
lisme (anabolisme ª 2fois catabolisme) et on peut observer et complémentaires d’un point de vue métabolique, ces trois types
une augmentation très momentanée de la biomasse. Cepen- bactériens forment de véritables communautés symbiotiques
dant, dès que la source nutritive se tarit, beaucoup d’organis- (figure 2).
mes vivants meurent et sont consommés soit par leurs congé-
nères (qui restent momentanément en vie), soit par d’autres Dans un premier temps, les matières organiques complexes
organismes vivants. En conséquence, la biomasse reste relati- polysaccharidiques comme la cellulose, la pectine, la chitine et les
vement stable tout en étant constamment réorganisée. polymères synthétiques subissent une fermentation. Ces fermenta-
tions libèrent une grande variété d’acides organiques et d’alcools,
mais aussi CO2 et H2.
Les équations simplifiées de bio-assimilation (ou en l’occurrence
de catabolisme) s’écrivant différemment en présence ou en Les métabolites organiques dérivés peuvent être convertis à leur
absence d’oxygène. tour dans un deuxième temps par le groupe des bactéries acétogè-
nes. L’acide acétique est le principal produit de cette fermentation.
En présence d’oxygène (milieu aérobie), on peut écrire :
Les acétogènes occupent un créneau intermédiaire dans les peu-
plements anaérobies entre les fermentants qui les précèdent et les
C6H12O6 + 6 O2 → 6 CO2 + 6 H2O + énergie
méthanogènes, qui constituent le troisième groupe d’anaérobies
strictes qui leur succèdent.
Les molécules nutritives sont classées en trois groupes :
Les bactéries méthanogènes, strictement anaérobies, conduisent
– les protéines qui sont hydrolysées en peptides, puis en acides à la production de méthane à partir d’un mélange de gaz carbo-
aminés à l’aide de protéases ;
nique et d’hydrogène. Ces bactéries réduisent le CO2 (ou HCO3-)
– les lipides qui sont transformés en glycérol et en acides gras
en méthane. Cette voie est génératrice d’énergie et elle est couplée
par voie enzymatique (lipases, estérases). Ces longues chaı̂nes de
à la synthèse d’ATP. Ce métabolisme peut être considéré, de ce fait,
carbones sont ensuite dégradées par la b-oxydation ;
comme un exemple d’autotrophie. Le schéma le plus simple de
– les oses qui, après des réactions d’hydrolyse et/ou d’inter
production de méthane est le suivant :
conversion si nécessaire, intègrent la glycolyse et fournissent le
pyruvate, qui, après avoir subi une décarboxylation oxydative, CO2 + 4 H2 → CH4 + 2 H2O ( ΔG0′ = −135 kJ/mol)
entre dans le cycle de Krebs pour y être ainsi transformé en CO2.
En absence d’oxygène (milieu anaérobie), on peut écrire : L’énergie et le pouvoir réducteur proviennent d’une réaction chi-
mique réalisée à partir de substances minérales. On parle de chi-
C6H12O6 + 3 H2O → 3 CH4 + 3 H2O + 3 CO2 + énergie miolithotrophie. Le passage du CO2 au CH4 s’effectue par quatre
réductions successives mais peut aussi partir du méthanol ou de
(production de méthane et de CO2 ) l’acide formique. Les électrons peuvent provenir de H2 ou même
3 H2CO3 + 12 H2 → 3 CH4 + 9 H2O + énergie du fer (FeO). La production de méthane peut également se faire à
(production de méthane) partir de la réduction d’autres molécules que le dioxyde de carbone.
Les intermédiaires d’oxydation, comme le méthanol ou l’acide

Métabolites Métabolites
Matières
organiques organiques Méthane
végétales
dérivés dérivés
I - FERMENTANTS II - ACÉTOGÈNES III - MÉTHANOGÈNES

Cellulose Propionate Acétate


Pectine Lactate Formiate
Purine H2, CO2 H2
Amidon Butanol CO2
Glucose Éthanol
Propanol

Figure 2 – Mécanisme de dégradation de la matière organique végétale par voie anaérobie

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Gels de biopolymères naturels


pour formulation agroalimentaire

par Camille MICHON


Professeur
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement
Véronique BOSC
Maître de Conférence
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement
et Gérard CUVELIER
Professeur
AgroParisTech – Institut des Sciences et Industries du Vivant et de l’Environnement

1. Gérer la structuration de systèmes complexes ............................... J 2 220 - 2


1.1 Texture comme premier objectif intimement lié
à la structure du produit .............................................................................. — 2
1.2 Systèmes multiphasiques structurés ......................................................... — 3
1.3 Une définition du gel ? ................................................................................ — 4
1.4 Typologie des applications ou des fonctionnalités recherchées ............. — 5
2. Origines et pricipaux types de polymères......................................... — 5
2.1 Origine et structure ...................................................................................... — 5
2.2 Variabilité...................................................................................................... — 8
3. Mise en œuvre ........................................................................................... — 8
4. Physicochimie des milieux gélifiés ..................................................... — 9
4.1 Gels modèle simple ..................................................................................... — 9
4.2 Produits formulés réels ............................................................................... — 11
5. Propriétés fonctionnelles des gels de caractérisation .................. — 12
5.1 Rhéologie...................................................................................................... — 12
5.2 Gels cisaillés et réversibilité mécanique .................................................... — 13
5.3 Réversibilité thermique ............................................................................... — 13
5.4 Gonflement/synérèse................................................................................... — 14
5.5 Adhésion....................................................................................................... — 14
6. Formulation produit/procédé ................................................................ — 14
7. Conclusion/perspectives ........................................................................ — 15
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. J 2 220

a texture est souvent l’une des caractéristiques premières de la qualité


L d’un produit appréciée par le consommateur et une source d’innovation.
Elle est la résultante de sa structure. L’usage des polymères offre au formula-
teur de multiples possibilités de construire et de gérer la structure des produits
par la création des réseaux gélifiés qu’ils permettent de mettre en place en
milieu aqueux. Cela ne va pas sans une maîtrise conjointe des conditions de
mise en œuvre, que ce soit :
– de l’environnement constitué par les autres éléments de la formulation
(solvant, éléments dispersés...) ;
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQP

– des paramètres de procédés mis en œuvre pour la fabrication ;


– des conditions de conservation et d’usage.

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est strictement interdite. – © Editions T.I. J 2 220 – 1

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GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE _________________________________________________________________

Dans ce dossier, on expose tout d’abord la problématique générale liée à la


texture et à la structure des produits, ainsi que le rôle que peuvent jouer les
polymères dans l’organisation de structures gélifiées en fonction des finalités
recherchées. Les différentes classes de polymères et leur origine sont ensuite
présentées de façon non exhaustive et en insistant sur les biopolymères uti-
lisés dans les formulations alimentaires, mais qui trouvent de plus en plus
d’application dans d’autres secteurs en particulier dans les produits cosméti-
ques et pharmaceutiques.
Les phénomènes physicochimiques à l’origine des mécanismes de gélifica-
tion sont ensuite développés à la fois pour les systèmes simples – un polymère
gélifiant dans l’eau –, pour les mélanges de biopolymères et pour les systèmes
R dispersés au sein desquels la dynamique des interactions entre éléments de la
formule est déterminante.
Les principales propriétés des gels, ainsi que des méthodes expérimentales
de mesures permettent de revenir sur l’importance d’une démarche de formu-
lation qui part des propriétés recherchées pour construire la structure du
produit adaptée en intégrant les possibilités offertes par les interactions
produit/procédé.
Les auteurs s’appuient principalement sur leur expérience des produits ali-
mentaires pour donner une démarche généralisable aux systèmes de même
nature, rencontrés dans d’autres secteurs, en particulier celui des produits cos-
métiques où les problématiques sont comparables aussi bien en termes de
propriétés recherchées qu’au niveau des phénomènes physicochimiques mis
en jeu.

1. Gérer la structuration qualité d’un produit, en particulier pour les produits alimentaires
ou cosmétiques. Créer de nouvelles textures est identifié comme
de systèmes complexes l’un des facteurs d’innovation au plan industriel. Dans certains cas
au contraire, il s’agit de modifier la formulation d’un produit (pour
en réduire les coûts ou la teneur d’un ingrédient par exemple) ou
bien de changer une étape du procédé de fabrication sans modifier
1.1 Texture comme premier objectif de façon sensible la texture. Celle-ci est donc souvent un objectif
intimement lié à la structure premier du formulateur.
du produit La définition de la texture met en avant les propriétés rhéolo-
giques du produit en tant que stimulus premier de la texture per-
çue. Dans le cas des gels, sont sollicitées les propriétés
La texture est habituellement définie comme l’ensemble des rhéologiques liées à la résistance à la déformation en deçà des
propriétés mécaniques, géométriques et de surface d’un pro- limites de rupture du milieu (petites déformations). Cela inclut par
duit perceptibles par les récepteurs sensoriels (norme exemple l’observation d’un gel démoulé s’affaissant sous son
NF ISO 5492). propre poids. Dans un test de compression, les gels sont comparés
du point de vue de leur rigidité, ou module, qui peut être évaluée
à partir de la pente initiale de la courbe force-déformation
Il s’agit bien d’un ensemble de propriétés rhéologiques et de (figure 1). Les propriétés liées à la rupture (force et déformation
structure qui vont être perçues par nos différents sens : correspondantes) sont également intéressantes à caractériser.
– le toucher est principalement impliqué aussi bien par la per- Elles traduisent une plus ou moins grande fragilité du produit,
ception des forces nécessaires à la manipulation globale du pro- ainsi que la manière dont il va se rompre, en morceaux de plus ou
duit (somesthésie) et liées à la résistance de celui-ci lors de sa moins grande taille visibles ou perceptibles au toucher.
mastication ou de son étalement par exemple, que par les sensa-
tions liées au contact du produit avec la peau ou la cavité buccale Sur la figure 1, les produits a et c ont ainsi des forces à la rupture
(kinesthésie) ; équivalentes mais le produit c se déforme deux fois plus avant de se
– la vue est également impliquée dans la perception immédiate rompre que le produit a. Le produit b résiste beaucoup plus que le
de la texture, ce qui est particulièrement vrai pour les produits produit c avant de se rompre mais il « lâche » après s’être déformé
« gélifiés » dont l’aspect est le premier facteur d’identification ; jusqu’au même point.
– enfin, l’ouïe peut être sollicitée, plus rarement dans le cas des
gels. Néanmoins, si ceux-ci contiennent des bulles prisonnières Les gels peuvent ainsi être comparés du point de vue de leurs
d’un réseau gélifié – cas d’une mousse par exemple – le bruit propriétés à la rupture, par exemple, à l’aide d’une cartographie
engendré par l’éclatement de celles-ci lors de la manipulation (figure 2) qui permet de les situer du point de vue de leurs proprié-
constitue un élément identifiant de sa texture. tés aux grandes déformations mais également de définir des cibles
La texture, en tant que propriété sensorielle perçue par le de comportement à obtenir pour le formulateur. Les propriétés à la
consommateur, est ainsi l’une des composantes majeures de la rupture peuvent aussi être reliées à la perception sensorielle de la

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_________________________________________________________________ GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE

À ces deux niveaux et aux différentes échelles impliquées, la


structure détermine la texture :
Frupt,b
Produit b
– au niveau très local – macromoléculaire pour les interactions
entre chaînes polymères ou supramoléculaire pour les interactions
entre éléments dispersés – ;
– au niveau macroscopique par les éléments dispersés en
eux-mêmes, initialement présents ou formés par la rupture du gel.
Force (N)

Les propriétés de surface au contact sont sur ce dernier point


déterminantes.

Exemple de la complexité de la perception sensorielle


de la texture

Frupt,a&c
Produit a Produit c
Les sensations de « crémeux » ou d’« onctueux » sont recher-
chées pour de nombreux produits formulés de type partiellement géli-
fié. Ces sensations mettent en jeu, d’une part, des perceptions liées

à la texture du produit dans ses différentes composantes :
– consistance globale ; propriétés au contact produit/surface buc-
cale ou de la peau ;
Pa&b – présence de particules ;
– mais on peut montrer d’autre part, que la flaveur du produit inter-
vient également, les notes aromatiques perçues engendrant la per-
Pc
ception de crémeux par association avec la mémoire de produits
crémeux de flaveur similaire.
∆Hrupt,a ∆Hrupt,b&c Ainsi, les propriétés rhéologiques du « gel », les propriétés interfa-
Variation de hauteur du produit (mm) ciales et la flaveur du produit liée à la libération des composés aroma-
tiques, elle-même dépendante de la structure et de son évolution lors
Les gels a et b ont le même module (proportionnel à la pente Pa&b).
de la manipulation du produit, vont jouer un rôle sur l’onctuosité
Le gel c a un module plus faible (proportionnel à la pente Pc). Les gels
perçue.
a et c ont la même force à la rupture. Les gels b et c ont les mêmes
variations de hauteur donc déformation à la rupture.
On voit bien à travers cet exemple que la corrélation entre tex-
Figure 1 – Évolution de la force lors d’un essai de compression ture perçue et propriétés rhéologiques peut se révéler difficile.
en conditions lubrifiées de trois gels de même géométrie L’ensemble des composantes de la structure joue un rôle aux diffé-
rents niveaux [1].
La texture des produits est donc indissociable de leur structure
et la suite présente la structuration des réseaux gélifiés par les
polymères et les propriétés physiques qui en résultent.
Produit b
+

Les propriétés d’usage peuvent être rapprochées des propriétés


de texture. Elles sont la plupart du temps associées à la manipula-
– Résistant avant de rompre

Force à la rupture (N)

(Ex : bonbon gélifié)


tion du produit, telles la versabilité, la facilité d’étalement, l’adhé-
sion au support, la reprise de texture au repos, et résultent de la
même manière de la structure du milieu.
On verra plus loin (§ 6) que d’autres finalités, liées à la fabrica-
Produit a Produit c tion elle-même du produit et à sa conservation (stabilité), mettent
en jeu le rôle des polymères présents dans la formulation.

(Ex : flan) (Ex : gel coiffant)


1.2 Systèmes multiphasiques structurés
Déformation à la rupture Les produits alimentaires ou cosmétiques sont la plupart du
temps des systèmes structurés complexes.
– Déformable avant de rompre +

On qualifie de « systèmes colloïdaux » des milieux constitués


Figure 2 – Cartographie des produits réalisée à partir d’éléments dont la taille est grande (quelques nm à quelques
de leurs propriétés à la rupture
centaines de nanomètres) par rapport au milieu dispersant
(quelques 10–1 nm, ici le plus souvent l’eau) et pour lesquels
texture des produits moyennant l’établissement de corrélation l’agitation thermique suffit à maintenir les éléments en suspen-
entre les deux types de mesure (instrumentale et sensorielle). sion. Il est habituel d’y inclure les polymères en solution ou les
gels.
Ces propriétés rhéologiques macroscopiques trouvent leur ori-
Les milieux dispersés dont la taille des éléments est supé-
gine dans la structure du produit, en particulier dans l’organisation
rieure au micromètre (en fait de très nombreuses émulsions ali-
du réseau gélifié formé par les chaînes de polymères et, le cas
mentaires où cosmétiques) répondent pour une large part à la
échéant, comme nous le verrons ci-après (§ 1.2) dans l’agence-
même logique d’organisation. Au plan pratique, s’ajoutent
ment des différents éléments ou phases dispersées et dans les for-
dans ce cas les phénomènes d’instabilité de type sédimentation
ces de cohésion de l’ensemble. Certains éléments constitutifs de la
ou crémage auxquels peuvent être soumises les dispersions du
structure du produit comme des gouttelettes de phase grasse ou
fait de la taille des éléments et de leur différence de densité
des particules solides, s’ils sont de taille suffisante vont pouvoir
avec le milieu dispersant.
être perçus au toucher.

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GELS DE BIOPOLYMÈRES NATURELS POUR FORMULATION AGROALIMENTAIRE _________________________________________________________________

Une classification habituelle des systèmes colloïdaux et milieux – d’autre part de l’organisation des éléments dispersés ou des
dispersés à phase continue liquide distingue : chaînes polymères entre elles et des interactions et connections
qui s’établissent.
– les solutions macromoléculaires et les gels ;
– les émulsions ;
– les dispersions de particules solides ;
1.3 Une définition du gel ?
– les mousses.
Un gel se définit d’abord par la nature de son comportement
Mais de fait, les produits réels sont le plus souvent une physique macroscopique : il s’agit d’un solide élastique (viscoé-
combinaison de ces différents types de systèmes et les polymères lastique) de faible module (quelque 102 Pa environ pour un
sont le plus souvent présents, jouant un rôle déterminant dans la yaourt, par exemple), donc facilement déformable (mou) et plus
structuration de la phase continue ou dans l’organisation des élé- ou moins fragile. Au-delà d’un certain seuil de contrainte, sui-


ments dispersés. vant sa rigidité et sa nature, le gel peut se rompre grossièrement
Dans cette perspective, la figure 3 donne une classification sim- ou s’écouler de façon plus homogène comme un fluide épais.
plifiée des différents types de gels et de leur organisation, dont le
paragraphe 1.3 détaille certains points. Comme nous l’avons déjà vu, du point de vue physicochimique
un gel se définit par sa structure microscopique comme un réseau
Ainsi, la structuration du milieu et la texture qui en découle tridimensionnel de matière retenant une grande quantité d’eau
résultent en première approche de deux facteurs principaux : (jusqu’à plus de 95 % en masse le plus souvent). Classiquement,
– d’une part du volume de solvant mobilisé par le polymère mis on distingue :
en œuvre ou de la fraction volumique occupée par les éléments – les gels de polymères à chaîne étendue ;
(ou phases) dispersés ; – les gels particulaires.

A1

(A1) (A2) (A3) (A4)

a gels de polymères à chaîne étendue

(B1) (B2) (B3a) (B3b)

b gels articulaires

A1) réseau de polymère. Les chaînes étendues sont connectées par des zones de jonction dont la nature dépend des espèces macromoléculaires mises en jeu.
A2) deux polymères en solution mais n'ayant pas la même affinité pour le solvant et peu d’affinité l’un pour l’autre, peuvent former un système à phases
séparées. Chacun d’eux pouvant être en lui-même gélifiant ou non. Dans l’exemple représenté ici, le polymère dans les gouttelettes est gélifiant mais ce n’est
pas toujours le cas.
A3) gel mixte pouvant se former avec deux polymères associés. Dans l’exemple représenté ici, les deux polymères gélifient par eux-mêmes mais ce n’est pas
toujours le cas.
A4) éléments dispersés (sphériques ou non, polydispersés) figurant des gouttelettes, des bulles ou particules solides dispersées dans un réseau gélifié. Les
éléments dispersés peuvent être connectés (« actifs ») ou non (non actifs) à la matrice dispersante.
B1) réseau formé par agrégation ou entassement de particules (gel particulaire). Chaque particule elle-même peut être constituée de polymère plus ou moins
organisé en structure complexe (cas des micelles de caséines du lait, d’agrégats de protéines globulaires…). Le « remplissage » de l’espace peut être très
important jusqu’au close-packing (non représenté ici) des particules qui peuvent se déformer sous l’effet de l’entassement (grains d’amidon natifs ou réticulés,
microgels acryliques…).
B2) réseau formé par floculation des éléments dispersés par déplétion en présence de chaînes étendues dans le milieu solvant.
B3) système dispersé de particules connectées par pontage par polymère à chaîne étendue (a) ou par protéines agrégées (b).

Figure 3 – Représentation schématique des différents types d’organisation des gels de polymères (échelles pas forcément respectées)

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inQSV

INNOVATION

Les résines époxy biosourcées

par Sylvain CAILLOL



Dr université Bordeaux, ingénieur ENSCM
Chef de projets CNRS, délégué général Chaire ChemSuD

Résumé : Les résines époxy sont des polymères thermodurcissables utilisés dans
des applications variées comme les peintures et les revêtements, les adhésifs, les pro-
duits pour la marine et les structures off-shore, les composants électroniques et les
matériaux composites. La technologie actuellement employée pour la synthèse des
résines époxy met en jeu des produits dangereux pour l’homme et l’environnement tels
que le bisphénol A. De nombreux travaux ont été menés par les industriels et les labo-
ratoires de recherche afin de remplacer ces produits dangereux par des composés
moins nocifs pour les utilisateurs et l’environnement. De nombreuses études ont égale-
ment été menées sur l’utilisation de produits d’origine renouvelable afin de synthétiser
des résines époxy partiellement ou totalement biosourcées.

Abstract : Epoxy resins are thermoset polymers used in various applications such as
paints, coatings, binders, marine and off-shore products, electronic and composites.
The technology currently used is based on hazardous chemicals such as bisphenol A.
Several studies were carried out by industry and public research in order to replace
hazardous compounds by less harmful ones. The use of renewable resources was also
largely studied in order to elaborate partially or totally biobased epoxy resins.

Mots-clés : résines époxy ; DGEBA ; BPA ; époxydation ; développement durable ;


matériaux biosourcés

Keywords : epoxy resins ; BADGE ; BPA ; epoxidation ; sustainable developmentþ; bio-


based materials

Points clés
Domaine : Chimie des matériaux
Degré de diffusion de la technologie : Émergence | Croissance | Maturité
Technologies impliquées : chimie organique et macromoléculaire
Domaines d’application : peintures, revêtements, liants, composites
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : Industrie et Agroressources, Axelera
Centres de compétence : Laboratoire des matériaux macromoléculaires de
l’INSA-Lyon ; Équipe Ingénierie et Architecture Macromoléculaire de l’Institut Char-
les Gerhardt de Montpellier ; Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques de
Bordeaux
Industriels : pas de fabricants d’époxy en France
Autres acteurs dans le monde : Momentive, Dow, Huntsman, Cytec, Leuna-
Harze, Spolchemie…
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1. Résines époxy : éléments avec les résines époxy les ont particulièrement rendues utiles
dans des applications électroniques, comme l’isolation des
de contexte transformateurs, des interrupteurs, des coupe-circuits. Au-
delà de leurs propriétés isolantes, les résines époxy possèdent
1.1 Résine époxy dans l’industrie d’excellentes propriétés mécaniques et électriques, de stabilité
en température et à la friction, de résistance aux produits chi-
À l’heure actuelle, les industriels de la chimie doivent réagir miques. D’une façon générale les résines époxy ont de bonnes
à plusieurs contraintes pour la pérennité de leurs activités. caractéristiques d’adhérence et de résistance aux produits chi-


Ainsi, ils doivent assurer la disponibilité de leurs matières pre- miques, et sont bien connues comme revêtements protecteurs
mières à des prix utilisables pour leurs applications, anticipant sur des surfaces métalliques. Les résines époxy sont adaptées
l’épuisement des matières premières issues de ressources fos- tant aux articles ménagers qu’aux grands travaux de
siles qui s’accompagne d’une forte volatilité des prix. Un des construction, tant aux ordinateurs qu’aux satellites, tant aux
enjeux pour l’industrie est donc de trouver de nouvelles boîtes de boissons qu’aux cloisons des navires…
matières premières renouvelables, non pétrolières, utilisables
Ces résines sont traditionnellement obtenues par réaction
dans l’industrie chimique. De plus, une des contraintes de
d’un composé diépoxydique avec un durcisseur diamine. Les
l’industrie est liée à l’ensemble des pressions exercées par la
résines époxy actuelles sont fabriquées industriellement par
société civile et la sphère réglementaire. En effet, les clients
mélange de deux éléments : un précurseur époxy qui est le
de l’industrie chimique sont à la recherche de produits plus
diglycidyle éther de bisphénol A (DGEBA), produit à partir du
respectueux de l’environnement, d’origine renouvelable afin
BPA, et un durcisseur choisi parmi principalement des ami-
de répondre aux attentes des clients finaux et de se confor-
nes de synthèse issues de l’industrie pétrolière. La récente
mer à une réglementation accrue dans le domaine (l’industrie
prise de conscience sur la toxicité du BPA combinée aux
chimique, à travers l’Union des industries chimiques (UIC),
enjeux de valorisation de la biomasse laisse envisager des
s’est fixé des objectifs ambitieux de substitution : d’ici 2017,
changements dans le monde des résines époxy. Le principal
15 % des matières premières utilisées par la chimie seront
enjeu est de trouver des voies alternatives d’accès à des rési-
d’origine renouvelable, contre 5 % à l’heure actuelle). Ainsi,
nes époxy biosourcées sans bisphénol A.
orienter une chimie sur l’utilisation des ressources renouvela-
bles c’est lui donner deux grandes missions : remplacer des Les résines époxydiques sont des composés thermodurcissa-
ressources fossiles par des ressources renouvelables bles comportant au moins deux fonctions époxydiques. Ces
afin de limiter la contrainte qui pèse sur le pétrole et rempla- résines conduisent à des systèmes tridimensionnels par
cer des substances toxiques, préoccupantes pour l’homme. homopolymérisation ou par polyaddition avec d’autres
Cet objectif est particulièrement pertinent pour les polymères composés appelés « durcisseurs ». Leur champ d’application
issus du pétrole qui représentent une production annuelle de est très vaste car il comprend les peintures et les revête-
près de 300 millions de tonnes dans le monde en 2010. ments, les adhésifs, les produits pour la marine et les structu-
res off-shore, les composants électroniques.
Or il existe trois voies d’accès aux polymères biosourcés :
– l’utilisation de polymères naturels tels que l’amidon, la Ces résines ont été décrites pour la première fois à la fin
cellulose, le chitosan… Ces polymères peuvent être utilisés des années 1930 dans des brevets proposant la synthèse et la
seuls ou en mélange, directement ou après modification chi- réticulation de composés éthers glycidyliques [1][2][3]. Ciba
mique ou physique ; et Shell furent les premières entreprises à commercialiser res-
pectivement en Europe et aux États-Unis des résines époxy
– la production directe de polymères à partir de micro-orga-
[4].
nismes ou de végétaux génétiquement modifiés (polyhy-
droxyalkanoates par exemple) ; Un point de vocabulaire est maintenant nécessaire car le
– la synthèse d’intermédiaires biosourcés qui sont utilisés terme « résine époxy » peut faire double emploi. En effet, il
directement pour la synthèse de polymères ou de précurseurs peut être utilisé pour désigner à la fois la résine époxy de
de polymères. Ces intermédiaires peuvent être produits chimi- départ (prépolymère) et la résine qui s’est durcie lors de sa
quement, enzymatiquement ou par voie bactérienne à partir réticulation. Il faut donc distinguer ces deux cas en utilisant
de ressources renouvelables (huiles végétales, mono–, di- et les termes « prépolymère époxy » ou « composé
oligosaccharides…). (poly)époxydique » pour le prépolymère et les termes
« résine », « résine époxy », « résine époxy réticulée » ou
Par ailleurs, les premiers intermédiaires biosourcés actuelle-
« résine époxy durcie » pour le matériau résultant de la poly-
ment produits (glycérol, acide acrylique, épichlorhydrine…)
mérisation du prépolymère.
sont des molécules identiques à des molécules précédemment
produites à partir du pétrole. Or il ne suffit pas de se conten-
ter de synthétiser des molécules biosourcées à l’identique – on 1.2 Formation des résines époxy
conserve en effet l’éventuelle toxicité. Il faut également envi-
sager de substituer des propriétés d’un matériau classique par 1.2.1 Formation du réseau tridimensionnel
des propriétés identiques (voire améliorées) en utilisant de Comme nous l’avons dit précédemment, il existe deux
nouveaux matériaux issus de nouveaux intermédiaires bio- mécanismes permettant d’obtenir le réseau tridimensionnel,
sourcés, non dangereux, provenant de ressources renouvela- caractéristique de ces résines : l’homopolymérisation du pré-
bles. Pour cela, de nouveaux synthons biosourcés sont polymère qui consiste en une polymérisation entre les
nécessaires. Ce qui est précisément le cas des résines époxy. groupes 1-2 époxydiques ou bien l’addition du composé
Depuis leur création, dans les années 50, les résines époxy époxydique avec des composés durcisseurs (voie la plus cou-
sont devenues l’un des grands succès de l’industrie des matiè- ramment utilisée). Nous décrivons ci-après chacune de ces
res plastiques et sont largement répandues, avec une deux méthodes.
consommation mondiale d’environ 2 Mt en 2010. Elles sont
d’application universelle grâce à leur polyvalence et à leur 1.2.1.1 Polymérisation par homopolymérisation
facilité d’utilisation. Les résines époxy incluent une grande Le durcissement des composés polyépoxydiques par homo-
variété de matériaux possédant une gamme étendue de pro- polymérisation nécessite la présence d’un catalyseur qui va
priétés physiques. Le large spectre des propriétés accessibles permettre l’ouverture du groupe époxydique (figure 1). Les

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RO– + R RO CH2 CH O–
O
R
RO CH2 CH O– + R RO CH2 CH O CH CH2 O–
O


R R R

Figure 1 – Mécanisme de durcissement d’un prépolymère époxydique par catalyse basique

catalyseurs généralement utilisés sont les suivants : amine Les amines primaires et secondaires sont les agents réticu-
tertiaire, acide ou base de Lewis, dicyandiamide. lants les plus largement utilisés. La réaction entre un prépoly-
mère époxy et un durcisseur de type amine va entraîner
Par cette voie, la structure de la résine époxy est alors
plusieurs réactions possibles [6] :
constituée uniquement des prépolymères époxydiques liés
entre eux par leurs propres sites réactifs. Ainsi, les propriétés – réaction de l’amine durcisseur avec un groupement époxy
des résines relèvent essentiellement de la nature des prépoly- (figure 2a) ;
mères. Cette voie conduit en général à des résines époxy – réaction de l’amine secondaire venant d’être formée avec
ayant des résistances à la chaleur et à l’environnement supé- un autre groupement époxy (figure 2b) ;
rieures à celles obtenues par polyadditions. La durée de vie en – réaction des hydroxyles venant des réactions précédentes
pot est par ailleurs plus importante, de l’ordre de plusieurs avec un groupement époxy (cinétique plus lente) (figure 2c).
mois. L’homopolymérisation nécessite en contrepartie l’utilisa- Le durcissement du prépolymère avec les acides ou les
tion de températures élevées pour mener la réaction de dur- anhydrides d’acides est semblable à celui observé avec les
cissement et conduit à des systèmes très rigides avec des amines. Dans le cas des acides, trois types de réactions peu-
propriétés mécaniques faibles en termes de résistance à vent intervenir entre le composé époxydique et le durcisseur
l’impact et au pelage [5]. [7] :
– réaction de la fonction acide du durcisseur avec un grou-
1.2.1.2 Polymérisation par addition avec un composé pement époxy (figure 3a) ;
durcisseur – réaction de la fonction acide du durcisseur avec
Cette voie chimique se fait par réaction avec des agents l’hydroxyle secondaire formé lors de la réaction précédente
réticulants appelés « durcisseurs » qui possèdent au moins (figure 3b) ;
deux fonctions chimiques réactives vis-à-vis des groupements – réaction du groupement époxy avec l’hydroxyle secondaire
époxydes. Les durcisseurs les plus connus sont les amines pri- formé lors de la réaction précédente (figure 3c).
maires et secondaires, les acides carboxyliques et les anhydri- Dans le cas des anhydrides, la présence d’un composé
des d’acides. hydroxyle, d’un sel ou de traces d’eau est nécessaire pour

H OH

R' NH2 + R R' N CH2 CH R


O

OH

H OH
CH2 CH R

R' N CH2 CH R + R R' N


O CH2 CH R

OH

HC OH + R HC O CH2 CH R
O
OH
c

Figure 2 – Différentes étapes du mécanisme de durcissement d’un prépolymère époxy en présence d’une amine

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Lignine : structure, production


et valorisation chimique
par Alex RAKOTOVELO

Docteur en chimie des polymères de l’université de Bordeaux
Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques, UMR CNRS 5629
École Nationale Supérieure de Chimie, de Biologie et de Physique de Bordeaux (ENSCBP),
Pessac, France
Frédéric PERUCH
Docteur en chimie des polymères de l’université de Bordeaux
Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques, UMR CNRS 5629
École Nationale Supérieure de Chimie, de Biologie et de Physique de Bordeaux (ENSCBP),
Pessac, France
et Stéphane GRELIER
Professeur des universités
Docteur en chimie des polymères de l’université de Bordeaux
Laboratoire de Chimie des Polymères Organiques, UMR CNRS 5629
École Nationale Supérieure de Chimie, de Biologie et de Physique de Bordeaux (ENSCBP),
Pessac, France

e tous les polymères naturels, la lignine est sûrement le plus emblé-


D matique du règne végétal. Sa biosynthèse ainsi que sa structure
sont restées longtemps mal connues en raison de sa résistance aux
agents chimiques et biologiques. Néanmoins, une intensification des
recherches la concernant s’est opérée depuis le début du troisième millé-
naire afin d’améliorer les procédés papetiers et surtout de préparer la
bioraffinerie qui devrait prendre l’ascendant sur la pétrochimie avant la fin du
e
XXI siècle. En effet, la conversion de la cellulose et des hémicelluloses en
sucres simples (C5 et C6) pour la production de carburants ou de précur-
seurs pour la chimie est désormais maîtrisée et le déploiement industriel a
commencé. Ainsi, alors que plusieurs millions de tonnes de lignine prove-
nant de l’industrie papetière et des usines de bioéthanol pourraient être
obtenues et exploitées chaque année (10 à 20 % de la lignine générée),
seule une infime partie est actuellement valorisée. La meilleure connais-
sance de sa structure chimique a permis de proposer des procédés
performants pour la séparer des polysaccharides. En parallèle, une adapta-
tion de sa biosynthèse par les outils de la biotechnologie permettra
également de proposer des végétaux mieux adaptés aux procédés indus-
triels utilisés par la bioraffinerie et en accord avec les principes de la chimie
durable. Cet article présente tout d’abord les principales caractéristiques de
la lignine puis les différents procédés d’extraction à partir de la biomasse
végétale. Les différentes voies de valorisation de la lignine sont décrites et
discutées avec un focus particulier sur la voie enzymatique car cette der-
nière a l’avantage de répondre pleinement aux principes de la chimie verte.
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Points clés
Domaine. Chimie de la biomasse
Degré de diffusion de la technologie. Croissance
Domaines d’application. Bioraffinerie. Polymères biosourcés
Principaux acteurs français :


– pôles de compétitivité : Xylofutur, IAR, AXELERA
– centres de compétences : Université de Bordeaux, INP Grenoble, Université de
Lorraine, FCBA
– industriels : Rayonier AM, SMURFIT-KAPPA, TEMBEC
Autres acteurs dans le monde :
Tous les pays industrialisés ont plusieurs centres de compétences et le listing
risque d’être long et incomplet. La chimie de la lignine qui est une partie de la
chimie de la biomasse est déclinée à différents degrés dans un grand nombre de
département de chimie et en particulier de chimie organique.
Pour les autres acteurs industriels on peut citer Solvay, Rayonier Advanced Mate-
rials.
Contact :
http://www.solvay.fr
http://rayonieram.com/fr/
http://fibre-excellence.fr

1. Origine de la lignine
La lignine est le deuxième biopolymère renouvelable le plus W
abondant sur Terre, après la cellulose. Très tôt, ce polymère a S3
intrigué les chimistes et il a fallu attendre les travaux du bota-
niste A. P. Candolle en 1819 pour voir apparaître l’appellation
lignine [1]. Il est vite apparu que ce polymère jouait un rôle
fondamental dans l’émergence des végétaux à la surface du
globe car il confère aux parois cellulaires des propriétés méca-
S2
niques, comme la résistance à la compression et à la traction
mais également la souplesse. Son hydrophobicité permet éga-
lement aux parois cellulaires de réguler les échanges d’eau
avec le milieu extérieur et de limiter la biodégradation des
autres constituants comme la cellulose. S1

P
1.1 Structure fine
À l’échelle microscopique, la paroi cellulaire est constituée
de plusieurs couches, comme le montre la figure 1 [2]. De
l’extérieur vers l’intérieur, on retrouve tout d’abord la lamelle
moyenne (ML) ou couche intercellulaire. Il s’agit d’une matrice
principalement composée de substances pectiques et de
lignine. La ML fait la jonction entre les parois primaires de plu- Figure 1 – Structure simplifiée d’une cellule de bois (d’après [2])
sieurs cellules. Elle mesure entre 0,5 et 1,5 μm.
Directement en contact avec la lamelle moyenne, la paroi couches successives qui diffèrent par l’orientation des microfi-
primaire (P) est une fiche couche élastique qui délimite la cel- brilles de cellulose et par leur épaisseur :
lule végétale. Elle est constituée de microfibrilles de cellulose – la couche externe S1 présente des microfibrilles structu-
éparses disposées en spirale autour de l’axe de la cellule au rées en hélices autour de l’axe de la cellule, alternativement
sein d’une matrice amorphe principalement constituée de orientées vers la gauche et vers la droite. L’orientation des
lignine. La paroi primaire est par ailleurs riche en eau. Ne microfibrilles rend cette couche très résistante au gonflement.
mesurant que 0,1 μm, elle est souvent indissociable de la Elle mesure entre 0,2 et 0,3 μm (5 à 10 % de l’épaisseur de la
lamelle moyenne lorsque l’on observe la paroi au microscope paroi secondaire) ;
optique. – la couche centrale S2 est la couche la plus épaisse, elle
Finalement, la paroi secondaire est la couche la plus épaisse représente 75 à 85 % de l’épaisseur totale de la paroi. La
de la paroi cellulaire (de 2 à 10 μm). Majoritairement compo- couche S2 dicte le comportement mécanique de la cellule. Les
sée de cellulose (figure 2), elle apporte sa résistance méca- microfibrilles y sont disposées de façon parallèle dans une
nique à la cellule. La paroi secondaire est composée de trois direction proche de l’axe de la paroi cellulaire ;

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100
Lignine

Cellulose

% R
Hémicelluloses

Cellulose
Lignine
Hémicelluloses

0 Figure 3 – Structure de la paroi cellulaire végétale

CI P S1 S2 S3
Dans la nature, la lignine représente 20 à 30 % de la bio-
masse lignocellulosique et 40 % des réserves d’énergie conte-
Figure 2 – Répartition des principaux constituants de la paroi nues dans le bois. Elle est ainsi, et de loin, le biopolymère
cellulaire en fonction de la couche considérée (d’après [3])
aromatique naturel le plus abondant sur terre. Principalement
située dans la lamelle mitoyenne de la paroi cellulaire, la
lignine joue un rôle de matrice intimement liée aux poly-
– la couche interne S3 mesure entre 0,5 μm et 1 μm. Elle
saccharides afin d’assurer la cohésion de la structure. Par ail-
est constituée de microfibrilles orientées perpendiculaire-
leurs, elle protège la cellule des attaques enzymatiques et
ment à l’axe de la paroi cellulaire. Chez certaines espèces, permet par la cohésion qu’elle apporte aux cellules, le trans-
on y observe des protubérances qui forment la paroi verru- port de l’eau dans le végétal [2].
queuse (W).
Actuellement, l’industrie papetière génère 70 millions de
tonnes de lignine comme co-produit de son activité, en parti-
1.2 Composition chimique du bois culier dans les liqueurs de cuisson kraft. Environ 95 % de
On distingue quatre types d’éléments constitutifs de la paroi cette lignine est brulée comme source de chaleur et d’énergie,
procédé nécessaire à la régénération des réactifs de cuisson.
cellulaire du végétal : la cellulose (40-50 % de la masse
La lignine restante est destinée à des applications de faible
totale), les hémicelluloses (20-35 %), la lignine (15-35 %) et
valeur ajoutée notamment comme agent dispersant dans les
les extractibles (3-10 %).
ciments [7]. La forte complexité de la lignine, son hétérogé-
La figure 3 montre la structure supramoléculaire de la paroi néité, ou encore son caractère insoluble découragent les
cellulaire. La cellulose – un polymère linéaire de forte masse industriels de tout investissement pour sa valorisation. Pour-
molaire – est l’élément majoritaire du bois. Elle s’arrange en tant sa structure aromatique, sa haute fonctionnalité, et son
microfibrilles généralement constituées d’environ 1 500 molé- abondance en font un candidat idéal pour la synthèse de pro-
cules parallèles entre elles. La lignine forme une matrice duits chimiques à haute valeur ajoutée d’origine naturelle [8]
autour des fibres de celluloses pour assurer le renfort de la [9]. Les efforts de la communauté scientifique pour trouver
structure. Les hémicelluloses font le lien entre la lignine et la des solutions aux problèmes liés à la lignine ont ouvert des
cellulose par des liaisons covalentes ou de type van der Waals. voies prometteuses vers sa conversion en produits d’intérêt.
Les extractibles sont des molécules de plus faibles masses Cependant leur application à l’échelle industrielle nécessite
molaires dont le rôle principal est de prévenir l’arbre de la encore plusieurs années de développement.
décomposition. La section suivante décrit plus en détails les caractéristiques
de la lignine ainsi que ses différentes voies de valorisation
La composition du bois est dépendante de nombreux fac-
actuelles et futures.
teurs. L’espèce du végétal, son environnement, son âge ou
encore la partie de l’arbre étudiée influent considérablement
sur la constitution du bois. Les données évoquées ci-après 2. La lignine : caractéristiques
sont donc des généralités applicables à la majorité des situa-
tions, mais certaines exceptions peuvent exister.
et modes d’extraction
La lignine est un polymère aromatique composé d’unités 2.1 Biosynthèse et structure chimique
phénylpropane méthoxylées branchées de façon aléatoire
(figure 4). Elle forme un réseau tridimensionnel très com- Malgré plus de cinquante années d’étude, la structure
plexe, de forte masse molaire, dont l’analyse structurale pré- exacte de la lignine native (protolignine) est toujours incon-
sente de nombreux challenges et a été l’objet de multiples nue. De nombreuses structures ont été proposées notamment
études [4] [5]. Comme pour les hémicelluloses, la lignine pré- grâce à l’identification des produits de dégradation et de ses
sente une grande diversité de structures et de fonctions composés modèles, parfois couplée à des études de marquage
dépendant notamment de l’origine de la plante considérée. radioactif [10] [11] [12].
Ainsi, la lignine forme une classe de composés hétérogènes et Aujourd’hui, les progrès effectués en spectroscopie RMN
il serait plus juste de parler de « lignines » bien que le terme (HSQC) permettent la détermination rapide de la composition
soit peu employé. des motifs ainsi que celle de la distribution des liaisons de la

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OH
HO OCH3 OH
H3CO
OH
OH OH
O


O
HO O O OH
lignine
H3CO
H3CO OH CH3
H3CO
OH O OH
OH O HO OCH3
OCH3 O
H3CO
OH
O O HO O O OH
H3CO
HO OCH3 CH3 O HO H3CO OH
O
OH OH OH OCH3 O
H
H3CO OH HO HO
HO O HO
OH OCH3
O
OH O OH
OCH3 lignin
OCH3
H3CO O OH
O O HO

HO O OCH3 O

O OH
OH OH H3CO
OH
OH OH
H3CO
OH
H3CO OCH3
HO
O
O OH O
O
OCH3 OCH3
HO
O
OH OH
H3CO O
O
H lignine

Figure 4 – Motifs structuraux d’une lignine de conifère (d’après [6])

lignine [13] [14]. Afin de mieux appréhender cet aspect, il est par une cascade de réactions enzymatiques. Chacun de ces
crucial de comprendre le procédé de biosynthèse à l’origine de monolignols diffère par le nombre de groupements méthoxyle
ses caractéristiques structurales. C’est l’objet du paragraphe présents en position 3 et 5 de leur noyau aromatique. La pro-
suivant. portion de chacun de ces précurseurs dépend de l’origine de la
plante et influe directement sur les motifs et liaisons présents
2.2 Biosynthèse dans la lignine native.
La polymérisation de la lignine débute par l’oxydation radi-
La biosynthèse de la lignine est normalement programmée calaire (déshydrogénation) des monolignols. Cette étape est
pour le développement du végétal, mais elle peut aussi être gouvernée par des enzymes oxydantes de type peroxydases
déclenchée par des événements précis comme une attaque et/ou laccases. Les espèces radicalaires formées sont stabili-
fongique ou bactérienne, une blessure ou d’autres perturba- sées par la délocalisation de l’électron libre au sein d’un sys-
tions de l’arbre [15]. tème conjugué (figure 5b). Lors de la deuxième étape, deux
Trois monomères phénoliques servent de précurseurs pour motifs radicalaires peuvent se coupler et former un dimère. La
la polymérisation de la lignine (figure 5a). Il s’agit des alcools figure 5b illustre les différentes positions où ces couplages
p-coumarylique (dont découlent les unités hydroxyphényle H), peuvent avoir lieu. Les possibilités de liaisons sont multiples et
coniférylique (unités guaïacyle G), et sinapylique (unités les réactions radicalaires ne sont pas contrôlées ; c’est pour-
syringyle S), tous biosynthétisés à partir de la phénylalanine quoi on retrouve une grande variété de liaisons dans la struc-

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HO HO γ HO

β α
1
6 2


5
3 OCH3 H3CO OCH3
4
OH OH OH

Alcool p-coumarylique Alcool coniférylique Alcool sinapylique

a trois précurseurs de la lignine

HO HO HO HO HO

OCH3 OCH3 OCH3 OCH3 OCH3

O O O O O

b exemple de formes radicalaires à l’origine de la lignification

Figure 5 – Les trois précurseurs de la lignine et un exemple de formes radicalaires à l’origine de la lignification

ture de la lignine [16]. Le dimère formé peut à nouveau être Les liaisons -O-4 (aryl-éther) sont les liaisons les plus
déshydrogéné en une espèce radicalaire (soit directement par répandues (environ 50 %). Ce sont les liaisons principalement
l’enzyme, soit par transfert radicalaire) capable de se coupler ciblées dans les procédés industriels de délignification. Les
à un nouveau phénol radicalaire. Le procédé se répète jusqu’à autres liaisons ( -O-5, - , etc.) sont bien plus difficiles à cli-
l’obtention d’un polymère de lignine (généralement jusqu’à un ver. Trouver des méthodes afin de rompre ces liaisons sélecti-
degré de polymérisation (DP) allant de 13 à 20). Les intermé- vement tout en préservant la nature aromatique de la lignine
diaires radicalaires les plus stables sont ceux où le radical est représente un des enjeux majeurs pour la valorisation de la
porté par l’oxygène phénolique et par le carbone en position lignine. De plus, la composition des motifs et la distribution
. Ainsi, la liaison entre ces deux intermédiaires ( -O-4, des liaisons sont hautement dépendantes de la nature de la
cf. 2.3) est prépondérante dans la lignine. lignine. Il est donc indispensable de cibler un type de lignine
précis selon les applications visées.
En 1965, Freudenberg a été le premier à reproduire cette
biosynthèse in vitro en faisant réagir l’alcool coniférylique avec
la laccase [17]. La lignine de synthèse ainsi obtenue fut quali- 2.4 Source et variétés des lignines
fiée de DHP (polymère de déshydrogénation) et présentait des La grande hétérogénéité des lignines est un des freins les plus
caractéristiques proches de celles d’une lignine moulue issue importants pour leur valorisation industrielle. En effet, les carac-
du pin. téristiques d’une lignine varient considérablement selon l’origine
de la plante, son âge, son environnement ou encore la zone de
2.3 Structure la paroi considérée. Il est tout simplement impossible d’évaluer
la quantité de lignines différentes présentes dans le monde.
Une convention a été mise en place afin de classifier les dif-
férents types de liaisons que l’on peut retrouver chez la Par convention, les lignines sont classées en trois grandes
lignine. Les carbones du noyau aromatique sont numérotés de familles : les lignines de résineux (gymnospermes), les
1 à 6, et les carbones présents sur la chaîne aliphatique sont lignines de feuillus (angiosperme) et les lignines d’herbacées.
dénommés α, et (figure 6). Ainsi une liaison de type -O- Ces lignines diffèrent notamment par leur composition en uni-
4 fait référence à une liaison entre le carbone aliphatique en tés répétitives. Comme le montre le tableau 1, les lignines de
bois résineux sont principalement composées de motifs guaïa-
position d’un monolignol et un oxygène lié à un carbone en
cyle (G), celles issues de feuillus comportent des unités G et
position 4 sur le noyau aromatique d’un autre motif.
S, et trois motifs différents (S, G et H) sont présents dans les
On considère communément deux familles de liaisons : lignines d’herbacées. Il est important de noter que de grandes
d’une part les liaisons éthers, potentiellement hydrolysables, diversités peuvent aussi exister dans une même famille de
composées des liaisons -O-4, α-O-4, et 4-O-5 ; d’autre part lignine, notamment chez les feuillus où la quantité de motifs G
les liaisons carbone-carbone, dites « condensées », beaucoup peut varier du simple au double. La figure 7 montre comment
plus récalcitrantes à la dégradation. La figure 6 présente les la spectroscopie RMN 2D permet de distinguer les motifs pré-
principales liaisons inter-unités de la lignine. sents au sein de différentes lignines [18].

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HO OH
γ
OCH3
β O
RO
α O O
1 H3CO H3CO
2 6 OCH3
O O


O
5 OCH3 O
H3CO 3 H3CO
4
O O O

OCH3

β-O-4 β-1 β-β 4-O-5

OH O
OCH3
OCH3
HO
O
O
OCH3
H3CO
H3CO
O
H3CO O
O

α-O-4, β-O-5 (…) 5’-5 (…) β-5

Figure 6 – Principales liaisons inter-motifs de la lignine

Tableau 1 – Abondance de chaque motif dans les différents types de lignine (d’après [14])
Précurseur Herbacée Conifère Feuillu
Alcool sinapylique (S) 25 – 50 % 0 – 1% 50 – 75 %
Alcool coniférylique (G) 25 – 50 % 90 – 95 % 25 – 50 %
Alcool p-coumarylique (H) 10 – 25 % 0,5 – 3,4 % Trace

La différence entre les motifs constitutifs des différentes des végétaux. Sa forte masse molaire et son caractère tridi-
lignines entraîne des variations importantes en termes de mensionnel la rendent insoluble dans la plupart des solvants
fonctionnalité et de distribution des types de liaisons usuels. Aussi, l’isolation de la lignine nécessite des traitements
(tableau 2). Ainsi, les lignines de feuillus (aussi appelées visant à rompre les liaisons entre les différents constituants
lignines S/G) comportent un taux de fonctions méthoxyle plus lignocellulosiques et à fonctionnaliser et dépolymériser la
important que les autres lignines. Les lignines de conifères lignine afin d’améliorer sa solubilité.
sont essentiellement composées de motifs G dans lesquels le La séparation des différents composés de la lignocellulose est
carbone en position 5 est libre. Ces lignines sont ainsi plus un enjeu majeur pour l’industrie papetière, principalement pour
prédisposées aux réactions de couplage, ce qui explique leur l’obtention de fibres de cellulose de haute qualité. C’est ainsi
proportion plus importante de liaisons 5-5 et leur masse que les procédés de cuisson kraft et bisulfite acide ont été déve-
molaire généralement plus élevée que celle des lignines S/G. loppés [19]. À l’heure actuelle, ce sont les deux seuls procédés
Les considérations précédentes sont valables pour les utilisés à l’échelle industrielle, ils génèrent près de 70 millions de
lignines dites « natives » ou protolignine. Cependant, il n’est tonnes de lignine chaque année. Récemment, la société cana-
pas possible d’isoler directement ces lignines sans altérer leur dienne Lignol Innovation a lancé la commercialisation d’une
structure. Ainsi, le procédé d’extraction est un élément clé lignine de haute pureté obtenue selon un procédé organosolv
dans l’étude des lignines. Celui-ci va influer sur la structure, (extraction de la lignine par les solvants organiques) [AF 6 821].
les fonctions et la masse molaire de la lignine extraite. De nombreuses autres méthodes de traitements (enzyma-
tiques, mécaniques, chimiques) sont en cours de développe-
2.5 Procédés d’extraction ment. Chaque méthode utilisée pour isoler la lignine a un fort
impact sur la structure et les propriétés du produit obtenu. Il
Comme évoqué précédemment, la lignine est intimement est alors clair que le procédé d’extraction et l’application visée
liée aux hémicelluloses et à la cellulose dans la paroi cellulaire sont directement liés. Par exemple, le procédé bisulfite génère

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RECHERCHE

Bioraffineries lignocellulosiques :
extraction et valorisation
des hémicelluloses

par Christine CHIRAT
Professeur
Université Grenoble Alpes, CNRS, Grenoble INP, LGP2, Grenoble, France

L es activités papetières représentent aujourd’hui les plus importantes


transformations chimiques du bois. À l’échelle mondiale l’industrie
papetière génère annuellement près de 135 millions de tonnes de fibres de
cellulose de pureté comprise entre 80 % et 97 % à partir de procédés dits
chimiques. Ces pâtes sont principalement produites à partir de bois. Les
fibres de cellulose sont obtenues majoritairement par le procédé kraft qui
est un traitement alcalin réalisé à haute température (160 °C en moyenne)
sur des copeaux de bois. La quantité de cellulose dans le bois n’étant que
de l’ordre de 40 %, des quantités encore plus importantes de sous-produits
sont obtenues. Ces sous-produits sont aujourd’hui concentrés et brûlés, ce
qui permet aux usines d’être autonomes, voire excédentaires en énergie.
Les hémicelluloses étant dégradées pendant le procédé kraft, un moyen de
les valoriser serait de les extraire en amont du procédé kraft, par un
procédé d’autohydrolyse ou d’hydrolyse acide. Les sucres obtenus peuvent
permettre de produire une multitude de produits et de matériaux, comme
des alcools par fermentation, des tensioactifs verts (pour la production de
savons, shampoings, détergents, cosmétiques), des bioplastiques.
Les objectifs de cet article sont de comparer l’extraction des hémicelluloses
de bois feuillus et résineux par autohydrolyse, d’étudier l’effet des para-
mètres du procédé d’autohydrolyse sur les quantités de sucres extraites, et
de donner deux exemples de valorisation des hémicelluloses ainsi
extraites : l’un pour la production d’alcool et le second pour la production
de tensioactifs. La caractérisation et la valorisation des oligosaccharides
extraits sont discutés dans une dernière section.

Points clés
Domaine : Bioraffineries intégrées à la production de cellulose
Degré de diffusion de la technologie : Émergence
Technologies impliquées : Hydrolyse et solubilisation des hémicelluloses ;
dépolymérisation des hémicelluloses
Domaines d’application : Utilisation de sucres issus de ressources non alimen-
taires
Principaux acteurs français :
– Pôles de compétitivité : Axelera, IAR, Xylofutur
– Centres de compétence : laboratoires de recherche dans le domaine de la
chimie du bois, de la bioraffinerie, des glycosciences
– Industriels : industriels papetiers, industriels de la chimie
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥャャ・エ@RPQY

Autres acteurs dans le monde : même types que décrits plus haut
Contact : christine.chirat@grenoble-inp.fr

6-2019 © Editions T.I. RE 279 - 1

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RECHERCHE

1. Contexte des hémicelluloses résiduelles, à comparer à 80-85 % de


pureté dans le cas où il n’y a pas d’autohydrolyse). Cette
L’industrie papetière produit des fibres de cellulose depuis technique permet d’envisager des applications diverses de la
plus de cent ans en utilisant un procédé que l’on peut qualifier fibre de cellulose, pour des usages dans les secteurs du textile
de bioraffinerie. En effet ils utilisent une matière première ou de la chimie (éther et esters de cellulose).
renouvelable (le bois), souvent issue de forêts gérées durable- Durant l’autohydrolyse, les groupements acétyles portés par
ment et leur logistique d’approvisionnement est en place les hémicelluloses sont hydrolysés en acide acétique, ce qui
depuis longtemps. Ils produisent un matériau (pâte à papier


fait chuter naturellement le pH du milieu et conduit à une
ou cellulose), des produits chimiques (provenant des extrac- hydrolyse acide d’une partie des hémicelluloses. Celles-ci se
tibles du bois) et de l’énergie. retrouvent en solution sous forme d’oligomères ou de mono-
Cette bioraffinerie pourrait être améliorée en valorisant mères, dont les proportions varient en fonction des conditions
encore davantage les différents constituants du bois. C’est ce appliquées. Lorsque les conditions de l’autohydrolyse sont trop
qui est fait dans les usines qui utilisent le procédé au bisulphite fortes, les sucres monomères solubilisés peuvent subir des
acide, l’usine qui est allée le plus loin dans le concept de bio- réactions de dégradation dues au milieu acide, pour donner du
raffinerie étant l’usine de Borregaard à Sarpsborg en Norvège : furfural dans le cas des pentoses (sucres en C5 comme le
cette usine produit, entre autres, de la cellulose de haute xylose et l’arabinose) et de l’hydroxyméthylfurfural (HMF)
pureté pour des applications dans le domaine des éthers et dans le cas des hexoses (sucres en C6, comme le glucose, le
esters de cellulose, des lignosulfonates, de l’éthanol de mannose et le galactose). La formation de ces produits traduit
deuxième génération obtenu par fermentation de la liqueur ainsi la perte d’une partie des sucres, mais peut également
noire, et de la vanilline fabriquée à partir des lignosulfonates. poser des problèmes lors de la valorisation ultérieure de
Dans le cas du procédé kraft, qui représente environ 97 % l’hydrolysat, notamment si l’on envisage de fermenter ces
de la production de cellulose à partir de bois, une stratégie sucres [6].
intéressante serait d’extraire au moins une partie des hémicel- Deux types de matières premières ont été utilisés dans
luloses, qui représentent entre 20 et 30 % du bois, avant de cette étude, fournis par des usines de production de pâte à
réaliser l’extraction des fibres de cellulose. En effet la plupart papier :
des usines modernes utilisant le procédé kraft sont excéden- – un mélange de bois résineux (provenance France, Fibre
taires en énergie, et les hémicelluloses ont une capacité calo- Excellence Tarascon) composé de pin sylvestre, de pin noir, de
rifique bien inférieure à celle de la lignine. On peut donc pin d’Alep, d’épicéa et de sapin de Douglas ;
envisager de valoriser une partie des hémicelluloses autre- – de l’eucalyptus globulus (provenance Portugal, RAIZ).
ment qu’en les brûlant.
La composition saccharidique de ces deux types de bois est
Les hémicelluloses du bois sont des petits polymères consti- donnée dans le tableau 1.
tués des cinq sucres principaux suivants : le glucose, le man-
nose, le galactose, le xylose, l’arabinose. Ces polymères Une autohydrolyse effectuée à 160 °C pendant deux heures
comportent des groupements acétyles, et les xylanes com- a été appliquée à ces deux matières premières. Le ratio
portent en outre des groupements acides 4-O-méthylglucuro- liqueur sur bois (L/B) était de 4, et la durée de montée en
nique. Les hémicelluloses majoritaires dans les bois feuillus température de 30 minutes. Les figures 2 et 3 donnent res-
sont les xylanes, alors que les bois résineux contiennent sur- pectivement les pourcentages en monomères et oligomères,
tout des galactoglucomannanes. et les concentrations en grammes par litre pour chacun des
sucres, dans les hydrolysats obtenus. La figure 4 donne les
La valorisation de ces sucres s’ajoutant à la commercialisa-
concentrations en acide acétique et en produits de dégrada-
tion de la cellulose améliorerait la rentabilité des usines de
tion des sucres en C5 et C6 : le furfural et l’hydroxyméthylfu-
cellulose de taille moyenne, qui ne sont pas de taille à lutter
rfural (HMF).
contre des usines produisant plus de 1 million de tonnes de
fibres de cellulose chaque année. Les usines qui possèdent les Les résultats de la figure 2 montrent que, dans le cas du
capacités de production les plus importantes se trouvent dans bois d’eucalyptus, la proportion de monomères est plus impor-
des pays où la biomasse végétale pousse beaucoup plus vite tante quel que soit le type de sucre. Une explication pourrait
qu’en Europe ou en Amérique du Nord, comme l’Amérique du être que la concentration en acide acétique est significative-
Sud ou l’Asie du Sud- Est. ment plus élevée dans le cas du bois feuillus (figure 4), ce qui
Transformer les usines de cellulose en bioraffineries inté- s’explique par une teneur plus élevée en groupements
grées valorisant les hémicelluloses, mais aussi une partie de la acétyles dans ce bois (tableau 1). L’autohydrolysat de bois
lignine, devrait améliorer le modèle économique de cette d’eucalyptus est très riche en sucres en C5, et en particulier
industrie, ainsi que leur pérennité et encourager la création en xylose, alors que le mannose prédomine dans le cas du
d’emplois. bois résineux. Selon le type de sucre recherché on favorisera
ainsi telle ou telle espèce de bois. Les résultats de la figure 4
montrent que les conditions utilisées sont suffisantes pour
2. Extraction des hémicelluloses dégrader une partie des sucres extraits en furfural dans le cas
de bois résineux et feuillus des pentoses et en hydroxyméthylfurfural dans le cas des
hexoses. Lorsque les conditions sont très dures, ces composés
par autohydrolyse peuvent eux-mêmes être dégradés en acide lévulinique et
Une des voies les plus étudiées pour extraire les hémicellu- acide formique.
loses du bois est l’autohydrolyse. Ce traitement consiste à Les quantités totales de sucres présents dans les autohy-
traiter des copeaux de bois par de l’eau ou de la vapeur à une drolysats sont proches dans les deux cas : 34,6 g/L pour le
température comprise entre 150 et 180 °C, pendant 30 bois d’eucalyptus et 35,1 g/L pour le bois de résineux, ce qui
minutes à deux heures [1][2][3][4][5]. Ce traitement étant équivaut respectivement à 8,6 % et 8,8 % de sucres extraits
installé en amont du procédé de production de cellulose (exprimés en monomères) par rapport au bois de départ, en
(figure 1), il peut s’intégrer dans une usine de production de faisant l’hypothèse que la concentration en sucres mesurée
cellulose existante. Dans ce cas la cellulose produite est plus dans l’hydrolysat récupéré par filtration est la même que celle
pure (plus de 94 % de pureté, les 6 autres pourcents étant de la phase liquide restant dans les copeaux.

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Matériaux bio-sourcés
pour le bâtiment et stockage
temporaire de carbone
par Thibaut LECOMPTE
Maître de conférences – HDR


Université Bretagne Sud, UMR CNRS 6027, IRDL, Lorient, France

1. Gaz à effet de serre et réchauffement climatique.................................... C 8 124 - 3


1.1 Cinétique de dissolution des GES* et potentiel de réchauffement global (PRG*) — 3
1.2 Les GES* de la construction....................................................................................... — 5
1.3 Limiter les émissions de GES anthropiques ............................................................ — 5
1.4 Séquestrer du carbone issu de la basse atmosphère ............................................. — 6
1.5 La nécessaire notion d’équilibre ................................................................................ — 7
1.5.1 L’équilibre de la basse atmosphère ................................................................. — 7
1.5.2 L’équilibre de l’usage des terres....................................................................... — 8
1.5.3 L’équilibre du marché de la construction........................................................ — 9
2. Croissance des plantes : impact « réchauffement climatique »
et séquestration du carbone .............................................................................. — 10
2.1 GES émis par l’agriculture .......................................................................................... — 10
2.2 GES émis par la sylviculture....................................................................................... — 10
2.3 Photosynthèse, croissance des plantes, contenu carbone..................................... — 13
2.3.1 Photosynthèse et chimie des plantes .............................................................. — 13
2.3.2 Contenu carbone des plantes ........................................................................... — 14
3. Principes de l’ACV dynamique ......................................................... — 14
3.1 « Le CO2 n’a pas d’odeur », et l’importance du temps ........................................... — 14
3.2 Analyse séquentielle : séquestration, stockage, émission ..................................... — 16
3.2.1 Effet d’une émission retardée........................................................................... — 17
3.2.2 Effet du séquencement entre séquestration et émission.............................. — 17
3.2.3 Le bois d’arbre : dans le poêle ou dans l’enveloppe du bâtiment ? ............ — 18
3.2.4 Application à la croissance d’un arbre et importance du modèle choisi.... — 18
3.2.5 Fin de vie des matériaux bio-sourcés .............................................................. — 20
4. Durée de vie des bâtiments, durée de vie des produits ......................... — 22
4.1 Notion de couches de durabilité, concevoir des couches récupérables .............. — 23
4.2 Durée de vie des produits bio-sourcés...................................................................... — 23
4.2.1 Bois d’arbre ......................................................................................................... — 23
4.2.2 Bois de plantes annuelles.................................................................................. — 24
4.3 Durée de vie des bâtiments d’habitation dans le contexte français...................... — 24
5. Exemple d’application .......................................................................................... — 25
5.1 Unité fonctionnelle....................................................................................................... — 25
5.2 Inventaire de cycle de vie et taux de renouvellement des couches
de durabilité .................................................................................................................. — 25
5.2.1 Solution conventionnelle .................................................................................. — 25
5.2.2 Solution bio-sourcée.......................................................................................... — 25
5.3 Base de données, bilan des GES produits et séquestrés, temporalité ................. — 25
5.4 Résultats ........................................................................................................................ — 27
6. Conclusion ................................................................................................................. — 29
7. Glossaire ..................................................................................................................... — 30
Pour en savoir plus Doc. C 8 124
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQY

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MATÉRIAUX BIO-SOURCÉS POUR LE BÂTIMENT ET STOCKAGE TEMPORAIRE DE CARBONE _______________________________________________________

e réchauffement climatique est un phénomène devenu incontestable, grâce


L aux mesures précises de températures réalisées à la surface du globe et
aux nombreuses études scientifiques, notamment rassemblées par les experts
du GIEC* (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat)
depuis 1988. La prise de conscience de ce réchauffement climatique par les
pouvoirs publics a mené à une première conférence internationale à Rio en
1992, suivie par des rendez-vous annuels, les COP (Conference Of the Parties)
depuis 1995, afin de réfléchir et d’engager les pays vers une limitation de la
température moyenne de la surface du globe. Le COP3 à Kyoto (1997) a notam-
ment mené au « Protocole de Kyoto », signé et ratifié par plus de 190 États,
dont l’ensemble des pays d’Europe. La COP 21 à Paris en 2016 a mené à de


nouveaux engagements sur la limitation du réchauffement global (les accords
de Paris).
Le secteur du bâtiment en Europe représente une part non négligeable des
émissions de gaz à effet de serre (GES*) de source anthropique : de l’ordre
de 40 à 45 % selon les études [1]. Ces GES sont liés à la fois à la construc-
tion des bâtiments (extraction des matières premières, transports,
transformation, mise en œuvre sur le chantier, maintenance, fin de vie) et à
l’usage des bâtiments (chauffage, éclairage, refroidissement, ventilation, eau
chaude sanitaire, électroménager). Actuellement, l’usage représenterait
environ trois quarts des émissions et la construction un quart [1]. C’est pour-
quoi les Pouvoirs publics, depuis les années 1990, ont principalement axé
les règlementations sur la maîtrise de l’énergie d’usage, via les règlementa-
tions thermiques. L’objectif étant de viser la construction de bâtiments à
énergie positive dès 2020 : des bâtiment passifs, équipés de systèmes de
production d’énergie. Atteindre cet objectif signifie augmenter la quantité de
matériaux isolants dans l’enveloppe des bâtiments. La diminution de
l’énergie d’usage accompagnée de l’augmentation de la quantité de maté-
riaux dans les parois oriente logiquement de plus en plus l’attention sur les
matériaux, leur contenu énergétique et leurs impacts environnementaux. En
France, ceci fait l’objet de l’expérimentation E+C– (Bâtiments à Énergie Posi-
tive et Réduction Carbone), débutée en novembre 2016.
Les matériaux du bâtiment sont souvent vus comme des « émetteurs de
GES », à l’image des matériaux cimentaires et des produits de la sidérurgie.
Pour ces secteurs, l’effort écologique consiste à limiter la production de GES
liée à leurs produits : optimisation des procédés, filières de combustibles alter-
natifs, utilisation d’énergies renouvelables, économie circulaire, filières de
matières premières à faible impact environnemental.
Les matériaux bio-sourcés*, au contraire, captent du CO2 au cours de leur
croissance via la photosynthèse. L’usage de ces matériaux pour la construction
pourrait compenser les émissions des autres matériaux à l’échelle d’un bâti-
ment, voire permettre de considérer les bâtiments comme des puits de
carbone. La condition pour cela est que leur gisement soit géré de manière
durable, notamment dans le cas du bois d’œuvre ou des matériaux d’isolation
issus de bois d’arbre : en terme de bilan carbone, une forêt exploitée est dite
durable si la biomasse extraite durant une année est compensée par la bio-
masse créée durant cette même année. Ceci nécessite de prendre en compte
plusieurs facteurs tel que la croissance d’un arbre et donc la période de révolu-
tion au sein d’une exploitation forestière qui dure entre quelques dizaines
d’années (minimum 20 ans pour certains résineux) et quelques centaines
d’années (jusqu’à 300 ans pour certains feuillus). Cependant, la période de
croissance d’un arbre doit être mise en vis-à-vis de la durée de vie du bâti-
ment. Compte-tenu de cette problématique, les matériaux agro-sourcés, qui
sont des plantes annuelles, pourraient être considérés comme de meilleurs
candidats pour répondre à la demande croissante de matériaux de construc-
tion tout en stockant temporairement du carbone. Les principaux matériaux
issus de plantes annuelles actuellement utilisés en Europe comme matériaux
d’isolation sont les fibres de chanvre et de lin, la chènevotte de chanvre et la
paille de blé. Mais d’autres sont actuellement étudiés, parmi lesquels les anas
de lin, la moelle et l’écorce de tournesol, le miscanthus, la balle de riz ou le

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roseau phragmite. Le bois d’arbre quant à lui se destine principalement à


quatre types de produits : le bois de structure (poteaux, poutres et ossatures),
les revêtements de sols et de parois (parquets, lambris, bardages), les pan-
neaux de particules (sols, contreventements) et la laine de bois (isolation).
L’ensemble de ces produits bio-sourcés* pourrait représenter à moyen terme
un volume conséquent de stockage de carbone. Mais ce potentiel de stockage
doit être calculé et validé scientifiquement, en réalisant une analyse de cycle
de vie complète et en répondant à plusieurs questions importantes :
– quels sont les principaux gaz à effet de serre liés aux matériaux bio-
sourcés, quel est leur effet sur le réchauffement climatique et comment est-il
calculé et pris en compte actuellement ?
– comment croissent les plantes, quelle est leur constitution, quel est
l’ordre de grandeur de leur contenu carbone en fonction de l’espèce et quelles R
sont les émissions de GES liées à leur cycle de vie ?
– la durée de vie des bâtiments et des produits va directement conditionner
le temps de stockage du carbone : quelle durée de vie choisir et quelle est la
durée de vie standard actuelle ?
– comment prendre en compte le temps, la cinétique de dissolution des gaz
à effet de serre à l’échelle de la planète et le stockage temporaire du carbone
dans une analyse de cycle de vie (ACV) ?
– quelle est la contribution potentielle des matériaux de construction bio-
sourcés à la réduction des gaz à effet de serre dans l’atmosphère ?

1. Gaz à effet de serre sont engagés à mettre en place des politiques pour limiter ce
réchauffement à moins de 2 °C.
et réchauffement Compte tenu des échanges thermiques décrits Figure 1, les
climatique pistes principales pour lutter contre le réchauffement climatique
sont les suivantes [2] [3] :
– limiter l’absorption de la surface du globe en travaillant sur
L’effet de serre est créé par une différence de comportement de l’absorptivité/ l’émissivité. Par exemple, on pourrait définir des
l’atmosphère terrestre vis-à-vis des ondes électromagnétiques de couleurs plus claires, donc moins émissives pour les routes, les
chaleur. En effet, il faut distinguer les rayonnements de courte parkings et les toitures ;
longueur d’onde (CLO), qui sont les ultra-violets et les ondes du – limiter la proportion de rayonnement solaire traversant
domaine du visible, et les rayonnements de grande longueur l’atmosphère, par exemple en injectant des particules dans la
d’onde (GLO) qui sont principalement les infrarouges. Les corps basse atmosphère, qui limiteraient les radiations solaires à la sur-
opaques émettent des ondes de chaleurs de type GLO, et face du globe ;
absorbent généralement une grande partie des ondes CLO et – réduire les émissions de GES* anthropiques ;
GLO. En revanche certains gaz et les solides transparents laissent – séquestrer du carbone pour limiter l’absorptivité atmosphérique.
passer une grande partie des ondes CLO sans les absorber, mais
absorbent les ondes GLO. Les deux dernières pistes sont les plus crédibles.

Le soleil émet principalement des ondes CLO dont une grande


partie traverse l’atmosphère terrestre et est absorbée par la sur- 1.1 Cinétique de dissolution des GES*
face du globe (absorptivité de l’ordre de 90 %). La terre émet pour
sa part des ondes de chaleur infra-rouges, dépendamment de sa et potentiel de réchauffement
température, qui sont en grande partie absorbées par l’atmos- global (PRG*)
phère terrestre, laquelle émet elle aussi des ondes GLO vers la
terre (Figure 1), selon la loi de Kirchhoff (1859) : « l’énergie d’une Deux paramètres distinguent un GES* d’un autre : son efficacité
certaine longueur d’onde absorbée par un corps est totalement radiative instantanée et sa cinétique de dissolution. L’efficacité
restituée par ce corps, avec la même longueur d’onde ». Ce phé- radiative instantanée « aGES » correspond au forçage radiatif,
nomène d’effet de serre est essentiel pour le maintien de la vie c’est-à-dire la puissance de chauffage supplémentaire à la surface
sur terre. Actuellement, la température moyenne de la terre est de terrestre créée par une augmentation d’un kg du GES considéré
l’ordre de 15 °C. Cette température serait de l’ordre de –19 °C sans dans l’atmosphère [W. m–2.kg–1]. Elle dépend à la fois de l’absorp-
l’effet de serre. Mais ce phénomène tend à s’accroître depuis la fin tivité du gaz, c’est-à-dire sa capacité à absorber les ondes de cha-
du XIXe siècle. Les experts du GIEC* [2] considèrent que la sur- leur et à les réémettre vers la surface terrestre, et de sa
face du globe (terres et océans) a subi une hausse de température concentration dans l’atmosphère. La cinétique de dissolution est,
de 0,65 à 1,1 °C entre 1880 et 2012. Suivant les scénarios de déve- quant à elle, caractérisée par l’évolution de la fraction massique
loppements industriels, ils prédisent une hausse de cette tempéra- atmosphérique résiduelle C à un instant t, suivant une émission
ture de l’ordre de 1,5 °C à plus de 4 °C entre les années 1990 de gaz au temps zéro (impulsion). En effet, chaque gaz émis dans
et 2100. Une part significative de ce réchauffement climatique est l’atmosphère va interagir avec l’ensemble de l’écosystème plané-
de manière avérée liée à l’activité humaine, et à l’accroissement taire (arbres, plantes annuelles, sols, océans, glaces, haute atmos-
de la proportion de gaz à effet de serre (GES*) dans la basse phère) et se dissoudre, totalement ou partiellement, avec une
atmosphère terrestre [2]. Lors de la COP21 de Paris, les états se cinétique qui lui est propre. La figure 2 présente la cinétique de

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MATÉRIAUX BIO-SOURCÉS POUR LE BÂTIMENT ET STOCKAGE TEMPORAIRE DE CARBONE _______________________________________________________

Ondes émises par le soleil Ondes émises par l’atmosphère


(CLO : visibles et ultra-violets) et la surface terrestre (GLO : infra-rouges)


Atmosphère (GES)

Terre

Les ondes de chaleur du soleil traversent l’atmosphère et les ondes émises par la surface de la Terre sont absorbées
par les GES* de l’atmosphère, qui émet elle-même des ondes de chaleur.

Figure 1 – Principe de régulation thermique par l’effet de serre sur terre

dissolution de trois gaz à effet de serre sur une période de 200 ans Ce que l’on appelle « potentiel de réchauffement global »
après l’impulsion, d’après les travaux du GIEC* [4]. (PRG*) est le paramètre conventionnellement utilisé pour l’impact
de réchauffement climatique dans les démarches d’analyse de
cycle de vie (ACV*). C’est un paramètre qui exprime la valeur de
Il est à noter que ces cinétiques dépendent de la nature du forçage radiatif cumulé dû à l’émission d’une unité de masse de
gaz, mais aussi de l’état d’équilibre de l’écosystème terrestre. GES* au temps zéro, pour un horizon de temps donné, HT. Le for-
C’est pourquoi le GIEC révise régulièrement les lois cinétiques çage radiatif cumulé pour un horizon de temps donné correspond
et les valeurs de forçage radiatif de l’ensemble des GES connus, à l’intégrale du forçage radiatif instantané :
en fonction de leur concentration mesurée dans l’atmosphère.
Dans la présente étude, les calculs sont réalisés sur la base des
préconisations de 2013, en cours de révision [4].
On remarque aussi que certains gaz, comme par exemple le
dichloroéthane, ont une vitesse de dissolution très élevée et Il représente l’énergie calorifique supplémentaire due à l’émis-
que le CO2 émis ne se dissout jamais totalement. sion dans l’atmosphère d’un kg de GES supplémentaire à l’instant
0 [J. m–2.kg–1]
Part résiduelle de l’émission de GES

1
CH4
0,8 CO2

CH2ClCH2Cl
0,6

0,4

0,2

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

Années suivant l’émission

Figure 2 – Cinétique de dissolution de trois gaz à effet de serre (CH4 : méthane ; CO2 : dioxyde de carbone ; CH2ClCH2Cl : dichloroéthane)

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Le PRG* d’un gaz est donc dépendant de son efficacité radiative sés. Le Tableau 1 ([2], [4], [5], [6] et [7]) reprend les données de
instantanée aGES et de sa charge atmosphérique CGES(t), mais aussi Berje [5] et du GIEC* ([2] [4]), et propose un inventaire des princi-
de l’horizon de temps HT choisi pour le calculer. Le GIEC* distingue paux gaz à effet de serre émis dans le cycle de vie des matériaux
le PRG absolu (AGWP en anglais) du PRG relatif (GWP en anglais). du BTP.
Généralement, lorsque l’on parle de PRG* d’un GES*, il est calculé Dans le cas des matériaux agro-sourcés, les trois GES exclusi-
en relatif par rapport à une valeur équivalente de CO2. L’équation (1) vement étudiés sont :
donne l’expression mathématique de ce PRG* :
– le dioxyde de carbone ;
– le méthane ;
– le protoxyde d’azote [6].
(1)
Les matériaux polymères synthétiques (matières plastiques,
caoutchoucs, mousses isolantes, peintures) vont, quant à eux, pro-
duire des gaz fluorés et chlorés à très fort pouvoir de réchauffement


On voit donc que le temps et le choix de l’horizon d’étude sont climatique. Les liant minéraux (ciment, chaux) et les aciers émettent
importants dans la démarche d’estimation du réchauffement cli- principalement du dioxyde de carbone pour leur fabrication, du fait
matique induit. Le GIEC* présente des résultats avec des horizons de leur cuisson ou de leur fusion (combustion de coke, gaz, pétrole
de temps de 20, 100 et 500 ans. La convention actuelle est l’utilisa- et combustibles alternatifs) et des réactions dans le creuset ou le
tion d’un horizon de temps de 100 ans. Ainsi, l’impact « réchauffe-
four ( lors de la cuisson du ciment et par
ment climatique » dans la majorité des ACV est mesuré en
kgCO2eq, correspondant au PRG* relatif à 100 ans d’une masse exemple lors de la fabrication de
donnée de gaz à effet de serre : l’acier). Le cas de l’aluminium est encore plus critique puisque sa
fabrication primaire nécessite une électrolyse à chaud dans un bain
(2) de cryolithe, produit fluoré qui va émettre des GES à forte efficacité
radiative et à très grande durée de vie.
Avec MGES la masse de gaz émise, en kg, au temps zéro. L’hori-
zon de temps de 100 ans est arbitraire, et rien n’empêcherait de
calculer l’impact réchauffement climatique sur un horizon de
temps différent, ou via un autre critère que le PRG. La figure 3 1.3 Limiter les émissions de GES
présente par exemple l’évolution du kg de CO2 équivalent en fonc- anthropiques
tion de l’horizon de temps choisi, pour les trois gaz de la figure 2.
On voit que, pour des gaz à vitesse de dissolution très forte, La figure 4, produite à partir du rapport de synthèse du GIEC*
comme le dichloroéthane (CH2ClCH2Cl) le PRG, et donc l’équiva- de 2014 [2], démontre la corrélation entre les émissions de CO2
lence en kg de CO2 chute très vite. liées à l’activité humaine, notamment aux combustibles fossiles et
à l’industrie du ciment, et l’évolution de la concentration moyenne
Pour l’exemple du méthane (CH4), on voit que le PRG à 20 ans est de CO2 mesurée dans la basse atmosphère. Réduire les émissions
très élevé  alors qu’il est divisé par trois à 100 ans de gaz à effet de serre liées à l’activité humaine est indispensable
si nous souhaitons limiter l’augmentation de la température à la
. Ceci est directement lié au fait qu’il ne crée quasi- surface du globe.
ment plus de forçage radiatif 50 ans après l’impulsion (Figure 2). C’est pourquoi, par exemple, les cimentiers travaillent sur le
rendement de leurs fours, ainsi que sur l’utilisation de combus-
tibles alternatifs (traitement des déchets d’autres industries) et
1.2 Les GES* de la construction d’énergies alternatives (énergie électrique renouvelable). De
plus, les produits cimentaires sont mélangés à la fois à des
Les principaux gaz à effet de serre émis dans le milieu de la coproduits de l’industrie sidérurgique (laitiers de haut fourneaux,
construction dépendent du type de matériau et des procédés utili- cendres volantes) et à des poudres naturelles (pouzzolanes, fil-

5
PRG (HT) # kg CO2 eq pour un kg de GES

120 4
CH4
3
100 CO2 2
CH2ClCH2Cl 1
80
0
émis

0 50 100 150 200


60

40

20

0
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180 200

HT : Horizon de temps considéré [années]

Figure 3 – Évolution d’un kg CO2eq, en fonction de l’horizon de temps choisi

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Tableau 1 – Les principaux GES* rencontrés dans le bâtiment :


pouvoir de réchauffement climatique et kgCO2eq

totale d’une impulsion


Temps de dissolution
(aGES) W. m–2.ppb–1

Conversion usuelle
de GES (années)
Efficacité radiative

PRG* à 100 ans
PRG* à 20 ans

en kg CO2 eq
GES* (nom) Produits et processus concernés

R Ne se dissout
Utilisation d’énergies fossiles
(transports, transformation, extraction)
CO2 (Dioxyde de carbone) 1,37 10–5 jamais 1 1 Liants minéraux (ciment, chaux)
totalement [7] Acier
Traitement des déchets (incinération)

Matériaux agro-sourcés
Combustion du coke et du charbon
CH4 (Méthane) 3,63 10–4 12,4 84 28 (Liants minéraux et Acier)
Traitement des déchets
(Mise en décharge et incinération)
Matériaux agro-sourcés
N2O (Protoxyde d’azote) 3 10–3 121 265 265
Traitement des déchets (incinération)
CHClF2 (HCFC-22) 0,21 11,9 5 280 1 760

CH3CCl2F (HCFC-141b) 0,16 9,2 2 550 782


CH3CClF2 (HCFC-142b) 0,19 17,2 5 020 1 980

(Hydro chlorofluorocarbures)
CH2FCF3 (HFC-134a) 0,16 13,4 3 710 1 300 Mousses synthétiques isolantes
CH3CHF2 (HFC-152a) 0,1 1,5 506 138 (polystyrène, polyuréthane)

CHF2CH2CF3 (HFC-245fa) 0,24 7,7 2 920 858


CH3CF2CH2CF3 (HFC-365mfc) 0,22 8,7 2 660 804
(Hydro fluorocarbures)
C5H12 (Pentane) 11[5]

Mousses synthétiques isolantes


CH3Cl (Chlorométhane) 0,01 1 45 12
Polymères synthétiques

Mousses synthétiques isolantes


CH2Cl2 (Dichlorométhane) 0,03 0,4 33 9
Peintures
CF4 (Perfluorométhane) 0,09 50 000 4 880 6 630
Aluminium
C2F6 (Perfluoroéthane) 0,25 10 000 8 210 11 100

lers calcaires) afin de diminuer leur impact carbone. Une autre carbone capté pour leur croissance lors de la photosynthèse. C’est
piste est de travailler sur la performance des produits, en optimi- pourquoi utiliser des matériaux bio-sourcés dans le bâtiment peut
sant les formulations, afin de limiter leur quantité d’usage ([8], présenter le double avantage de stocker du carbone et d’éviter
[9]). Concernant les métaux, on comprend l’intérêt d’augmenter l’émission qui aurait été produite par les matériaux synthétiques
la part de recyclage dans leur fabrication : la fusion des ferrailles auxquels ils se substituent.
et de l’aluminium de récupération est beaucoup moins éner-
givore et beaucoup moins productrice de GES que la fabrication
primaire. 1.4 Séquestrer du carbone issu
D’un point de vue GES*, quelle que soit la stratégie adoptée, les de la basse atmosphère
matériaux synthétiques (liants minéraux, plastiques, laines miné-
rales, métaux) seront toujours des émetteurs, à la différence des L’EASAC [3] évoque plusieurs pistes pour la séquestration du
matériaux bio-sourcés*, qui peuvent compenser les émissions carbone. Certaines de ces pistes sont très artificielles, comme
liées à leur production (culture, transport, transformation) par le envisager la captation et le stockage de carbone sur les sites de

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40

anthropiques liées aux combustibles fossiles,


Émissions annuelles anthropiques de CO2 100
35

à l’industrie cimentiaire et au torchage


Émissions annuelles globales de CO2
Évolution de la concentration de C02
dans la basse atmosphère (ppm) Différence de concentration de CO2 dans
30 l’atmosphère / 1845 80

25

(GtCO2/an)
60
20

15

10
40

20
5

0 0
1840 1890 1940 1990
Années

Figure 4 – Évolution de l’émission annuelle de CO2 liée à l’activité humaine et évolution de la concentration moyenne de CO2 mesurée dans la
basse atmosphère terrestre entre 1845 et 2014, (d’après les travaux du GIEC*)

production d’énergie (BECCS) ou directement dans l’air (DACCS). L’exploitation forestière durable permet d’entretenir les forêts
D’autres solutions sont plus naturelles, en utilisant le contenu et d’optimiser la croissance des arbres. C’est un paramètre
organique des plantes et des sols : reforestation, aménagement important à considérer lorsque nous questionnons la pertinence
des sols cultivables ou fertilisation des océans. de l’utilisation du bois d’œuvre pour la séquestration du carbone
dans le bâtiment : le développement de ce marché permet poten-
Les forêts, avec les océans, sont les principaux régulateurs tiellement d’éviter le changement d’affectation des sols, très
dans le cycle mondial du carbone. Dans les zones tempérées du néfaste en terme d’émissions de GES, et incite à reboiser des sols
globe, les stocks de carbone dans les forêts sont globalement agricoles peu productifs. Il faut néanmoins s’assurer que l’exploi-
en croissance, alors qu’ils baissent dans les zones tropicales, du tation est effectivement durable, c’est-à-dire respecte la biodiver-
fait de leur dégradation et de la déforestation. Réduire la défo- sité, évite les plantations massives d’arbres d’une même espèce,
restation des zones tropicales apparaît comme l’un des moyens évite l’utilisation d’intrants et de pesticides, maintient la sous
les plus économiques et efficaces pour limiter l’émission de couche forestière et minimise les coupes claires, notamment en
GES : la déforestation serait responsable de l’émission de plus terrains accidentés afin d’éviter l’érosion et de maintenir le
de 3 milliards de tonnes de CO2 par an (chiffres de 2010), soit contenu carbone du sous-sol. Ceci n’est pas toujours le cas
10 % des émissions anthropiques mondiales ([10] [11]). Ainsi, actuellement en Europe. La connaissance de la provenance et des
travailler sur la limitation de la déforestation et sur la reforesta- pratiques sylvicoles est donc indispensable, et va dans le sens de
tion pourrait permettre de stocker au moins 1,5 milliards de l’approvisionnement local.
tonnes de carbone (i.e. capter 5,5 milliards de tonnes de CO2)
par an pendant 60 ans [12]. Les filières agricoles ont elles aussi un rôle important à jouer
en terme de bilan carbone. Certaines pratiques culturales et
d’élevage peuvent permettre de limiter les émissions liées à la
Il est important de noter que l’exploitation forestière n’est fermentation, à la minéralisation ou à la nitrification et dénitrifi-
pas directement responsable de la déforestation : en France cation des matières organiques, par exemple en réduisant le
et en Europe, la surface de forêt et le stockage de carbone recours aux engrais minéraux de synthèse, en les utilisant
sont en croissance depuis plusieurs dizaines d’années, alors mieux et en valorisant plus les ressources organiques [16]. Il est
qu’une grande part de ces forêts sont exploitées pour le aussi possible de stocker plus de carbone dans les sols agri-
bois d’œuvre, le papier, l’ameublement et le bois-énergie coles, par exemple en développant des techniques culturales
([12] [13]). sans labour, en introduisant plus de cultures intermédiaires ou
en développant l’agroforesterie et en replantant des haies
autour des champs.

D’après l’EASAC [13], les forêts européennes stockent environ


100 millions de tonnes de carbone par an, ce qui compense 10 %
des émissions annuelles dues aux combustibles fossiles dans
1.5 La nécessaire notion d’équilibre
cette zone du globe. Actuellement, seulement 5 millions de tonnes
de carbone seraient contenues dans les produits du bois existants 1.5.1 L’équilibre de la basse atmosphère
en Europe : meubles, objets, bois d’œuvre et bois de parement,
panneaux de particules… Il y a donc une marge de progression Le pouvoir de réchauffement global des GES* présents dans
conséquente en terme de stockage de carbone dans les bâtiments. l’atmosphère dépend de leur concentration. L’efficacité radiative
Selon l’IFN [14], le volume sur pied de la forêt française augmente d’une émission supplémentaire de GES* (impulsion) décroît
en moyenne de 25 millions de mètres cubes par an alors que, lorsque sa concentration dans l’atmosphère augmente. Donc si la
d’après l’agreste, 38,3 millions de tonnes de bois ont été récoltées concentration réelle d’un GES est supérieure à celle qui est
en France en 2017 [15]. admise dans le calcul du PRG*, le PRG calculé sera supérieur au

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VP
Chimie du végétal et produits biosourcés
(Réf. Internet 42570)

1– Approches méthodologiques et concepts

2– Biopolymères et matériaux biosourcés



3– Molécules biosourcées d'intérêt Réf. Internet page

Acides gras : tensioactifs verts et propriétés moussantes originales IN156 63

Biolubriiants. Réglementations, familles d'huiles de base, propriétés "éco" et TRI1800 67


applications
Biosolvants. Conception, propriétés et aspects environnementaux CHV4020 71

La vanilline : intermédiaire clé de la lignine à la synthèse de polymères biosourcés CHV4022 75

Le cardanol : de l'huile de coque de noix de cajou à la chimie verte CHV4023 81

Excipients verts en émergence pour l'industrie pharmaceutique CHV4024 87

Production d’arômes biosourcés. Exemple de la dairy lactone IN233 93

Valorisation industrielle des tanins N4208 97

4– Production de ressources par voies


biotechnologiques

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INNOVATION

Acides gras : tensioactifs verts


et propriétés moussantes
originales
par Anne-Laure FAMEAU
Docteur
Chargée de recherche INRA Nantes, unité Biopolymères Interactions et Assemblages
Arnaud SAINT-JALMES

Docteur
Directeur de recherche au CNRS,
Institut de Physique de Rennes, université Rennes 1-CNRS-UMR 6251
Fabrice COUSIN
Docteur
Chercheur au CEA,
Laboratoire Léon Brillouin, CEA Saclay
et Jean-Paul DOULIEZ
Docteur
Directeur de recherche INRA Bordeaux-Aquitaine

Résumé : Les tensioactifs sont largement utilisés du fait de leurs propriétés mous-
santes. Dans les mousses, ils se placent à l’interface entre l’eau et l’air et stabilisent les
films d’eau autour des bulles d’air. Beaucoup de tensioactifs utilisés actuellement sont
issus de dérivés pétroliers, leur remplacement par des biomolécules est un enjeu
majeur pour la chimie verte. Par exemple, l’acide gras 12-hydroxystéarique issu de
l’huile de ricin a des propriétés moussantes très avantageuses et originales.

Abstract: Surfactants are used in many products because of their foaming proper-
ties. In foams, they spread at the interface between air and water which stabilizes the
water films surrounding air bubbles. Currently, since most of the surfactants commer-
cially used are derivatives of petroleum-based products, their replacement by
biomolecules is a major issue for the green chemistry. For example, the 12-hydroxy
stearic acid coming from the castor oil has very advantageous and original foaming
properties.

Mots-clés : tensioactif, mousse, interface, thermosensible, acide gras, assemblage


supramoléculaire

Keywords: surfactant, foam, interface, thermoresponsive, fatty acid, supramolecular


assembly

Points clés
Domaine : Sciences fondamentales, physico-chimie, matière molle
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : Mousses thermosensibles, acides gras, tensioactifs
Domaines d’application : Cosmétique, détergent
Principaux acteurs français : Limité au domaine académique
p。イオエゥッョ@Z@。ッエ@RPQR

8-2012 © Editions T.I. IN 156 - 1

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INNOVATION

1. Contexte mie, puisqu’elles ont une stabilité exceptionnelle à


température ambiante et que ce sont les premières mousses
L’utilisation d’agroressources à des fins industrielles est thermosensibles.
l’un des grands défis de ce début de XXIe siècle. Ceci est
motivé, d’une part, par l’épuisement latent des ressources 2. Acides gras : molécules
d’origine pétrolière et, d’autre part, par la prise de cons-
cience collective de la nécessité de respecter l’environnement tensioactives naturelles
et des évolutions des réglementations françaises et euro-
péennes qui en découlent. L’enjeu, pour les industries chimi- 2.1 Définition d’un tensioactif
que, pharmaceutique et cosmétique, est de substituer les
dérivés pétroliers utilisés dans l’industrie chimique par de
nouvelles matières premières, renouvelables, non toxiques et
biodégradables, issues d’agroressources. Les agroproduits Le lecteur se reportera au dossier [K 342] Tensioactifs

S recherchés doivent donc présenter des spécificités au moins


équivalentes, voire améliorées, aux dérivés pétrochimiques
en termes de fonctionnalités, sans être dangereux d’un point
des Techniques de l’Ingénieur.

de vue environnemental.
Un tensioactif est une molécule amphiphile avec une
Dans le domaine des détergents, la part de ces produits dits
partie hydrophile (ayant une affinité pour l’eau) et une par-
« verts » occupant actuellement le marché reste encore faible,
tie hydrophobe (n’ayant pas d’affinité pour l’eau).
en dépit de l’augmentation croissante de la demande de la
part des consommateurs, sensibilisés à la notion de dévelop-
pement durable et à la recherche de produits d’origine renou- Un tensioactif est une molécule qui possède à la fois une
velable respectueux de l’environnement. Il faut donc chercher partie apolaire hydrophobe, constituée généralement d’une
à renforcer la part de ces produits biosourcés. Une voie envi- chaîne hydrocarbonée alkyle, et d’une partie polaire hydro-
sageable prometteuse est l’utilisation d’acides gras à lon- phile, ionique ou non. C’est l’antagonisme de cette structure
gue chaînes et hydroxylés. Ces acides gras à longue qui confère des propriétés remarquables aux tensioactifs :
chaînes sont à l’heure actuelle très peu valorisés alors qu’ils
pouvoir émulsionnant, pouvoir moussant ou pouvoir mouillant.
peuvent être extraits des plantes, notamment des téguments
Ils sont ainsi présents dans une quantité importante de pro-
des fruits et des légumes et qu’ils représentent une biomasse
duits de notre quotidien : produits d’hygiène, de la cosméti-
importante des industries de la conserverie. Les acides gras,
que, de la pharmacie, détergents ou agents de surface. Selon
lorsqu’ils sont à courtes chaînes, sont en effet utilisés comme
l’importance relative des parties polaire et apolaire, la molé-
substance lavante et nettoyante depuis plusieurs siècles et
cule est plus ou moins soluble dans l’eau. Lorsque l’on dis-
demeurent encore très utilisés de nos jours dans les secteurs
perse en solution aqueuse les molécules tensioactives, elles
de la détergence et de la cosmétique. L’exemple le plus connu
vont chercher à minimiser les contacts entre leur partie hydro-
est le fameux savon de Marseille, obtenu par saponification de
phobe et l’eau. Elles vont donc s’adsorber préférentiellement
l’huile d’olive. La limitation de l’utilisation d’acides gras à lon-
gues chaînes dans le domaine de la cosmétique et de la déter- aux interfaces, ce qui leur est énergétiquement favorable. Ceci
gence vient du fait que ces molécules sont insolubles dans entraîne une diminution de la tension interfaciale entre l’air et
l’eau à température ambiante [1]. Ce problème a cependant l’eau. C’est la raison pour laquelle ces molécules sont appelées
été récemment résolu par plusieurs groupes de recherche qui « tensioactives ».
ont montré que ces biomolécules peuvent être dispersées Lorsque l’interface du système est saturée en tensioactifs et
dans l’eau à température ambiante en utilisant des sels spéci- que l’on augmente la concentration en solution, les molécules
fiques [2]. Ces études ouvrent ainsi la voie à la valorisation de ont la faculté de se regrouper pour donner naissance à des
ces sels d’acides gras comme nouveaux tensioactifs assemblages dits « supramoléculaires ». Les monomères en
verts. excès étant contraints de rester dans le volume, ils s’auto-
Les acides gras à longues chaînes et hydroxylés utilisés en organisent en effet spontanément pour former des assembla-
tant que tensioactifs ont donc un fort potentiel économique ges supramoléculaires de formes variées leur permettant de
puisque, outre leur caractère de détergence intrinsèque, ils minimiser les contacts entre leurs parties hydrophobes et les
n’ont pas un impact défavorable sur l’environnement du fait molécules d’eau. Cette auto-organisation apparaît au-delà
de leur biodégradabilité, de leur faible écotoxicité et de leur d’une concentration seuil appelée « concentration d’agrégation
faible innocuité pour la santé humaine, à l’instar de la majorité critique » (CAC). Une des formes d’auto-organisation la plus
des produits d’origine végétale. En particulier, le caractère connue est la micellisation (figure 1). La concentration à
naturel de ces molécules est un atout de communication laquelle les monomères commencent à former des micelles
important pour faire leur promotion auprès du grand public. (assemblage sphérique) est définie comme la concentration
C’est ce potentiel qui a poussé les chercheurs de l’INRA à micellaire critique (CMC).
valoriser ces acides gras et donc à déterminer les conditions
optimales de dispersion de ces biomolécules dans l’eau. En Nota : le lecteur se reportera au dossier [IN 123] Conversion d’énergie lumi-
pratique, l’enjeu est de trouver, au sein des sels permettant la neuse en travail mécanique par chromocapillarité des Techniques de l’Ingénieur.
dispersion aqueuse des acides gras, celui conférant des pro-
priétés nouvelles originales à ces nouveaux tensioactifs en Les tensioactifs peuvent remplir différentes fonctions,
tant qu’agent moussant. C’est ce que nous allons illustrer comme le montrent les quelques exemples suivants :
dans cet article. Après une description générale des mécanis- – la présence de micelles de tensioactifs dans une solution
mes d’autoassemblage des tensioactifs et de formation d’une permet de solubiliser des molécules organiques a priori
mousse, nous allons montrer comment, à partir d’un acide insolubles dans l’eau telles que les graisses : les parties
gras hydroxylé à longue chaîne, il est possible d’obtenir des hydrophobes des tensioactifs regroupées au cœur de la
mousses aux propriétés nettement supérieures à celles for- micelle sont capables de jouer le rôle de petites gouttelettes
mées à partir de tensioactifs classiques issus de la pétrochi- d’huile dans lesquelles ces molécules se dissolvent. C’est cette

IN 156 - 2 © Editions T.I. 8-2012

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INNOVATION

Air Air

Partie hydrophile


Partie hydrophobe

Eau Eau

C < CMC C > CMC

Figure 1 – Positionnement des tensioactifs à l’interface air/eau et organisation des molécules tensioactives sous forme de micelles
lorsque la concentration en monomères C est supérieure à la CMC

propriété qui est exploitée dans les détergents (liquides vais- p=1, on observe des phases lamellaires et pour p > 1 des
selles, lessives) ; phases inversées (figure 2).
– les tensioactifs jouent également un rôle d’agent
mouillant dans les solutions destinées à recouvrir des surfa-
ces. Ils permettent de modifier le mouillage de ces solutions Le type d’assemblage formé par les tensioactifs en solu-
et de faciliter ainsi leur étalement ; tion varie en fonction de la structure intrinsèque du ten-
sioactif (nature de la partie hydrophile, nature de la partie
– pour stabiliser des mousses ou des émulsions,
hydrophobe), mais également en fonction de paramètres
qu’elles soient alimentaires, cosmétiques ou pharmaceutiques,
extrinsèques (solvant, température, salinité, concentration)
on utilise des tensioactifs qui stabilisent respectivement les qui influent sur l’intensité des interactions attractives et
interfaces air/eau dans le cas des mousses et huile/eau dans répulsives entre molécules tensioactives.
le cas des émulsions, et donc les bulles ou les gouttes au sein
de ces systèmes.
Nota : le lecteur se reportera au dossier [NM3220] Colloïdes et Nanosciences
Nota : le lecteur se reportera au dossier [J 2265] Tensioactifs non ioniques – des Techniques de l’Ingénieur.
Mise en œuvre industrielle des Techniques de l’Ingénieur.

2.3 Définition d’un acide gras


2.2 Agrégation des tensioactifs
en solution
En chimie, un acide gras est un acide carboxylique à
Les tensioactifs peuvent former différents assemblages dans chaîne aliphatique.
l’eau. Des considérations géométriques simples permettent de
déterminer a priori les organisations possibles, en solution
aqueuse, d’un tensioactif donné. Elles sont basées sur le lien Les acides gras sont des composants présents en abondance
qui a été établi en 1976 entre la géométrie du tensioactif et la dans les graisses animales (lard, beurre, etc.) et végétales
morphologie des assemblages obtenus [3] et dont le paramè- (huiles ou cires). Ces molécules possédant une tête hydrophile
tre clé est le paramètre d’empilement p (figure 2). Il corres- (groupement carboxylique) et une queue hydrophobe (chaîne
pond au rapport entre le volume de la tête polaire du alkyle), elles sont naturellement tensioactives. On classe les
tensioactif v et le volume correspondant à l’aire de cette der- acides gras en fonction de la nature de la chaîne aliphatique,
c’est-à-dire selon sa longueur, selon la présence ou l’absence
nière a0 multipliée par la longueur critique lc de la chaîne
de doubles liaisons, selon la position de ces doubles liaisons
hydrophobe :
éventuelles ou encore selon la présence de groupements
hydroxyles à des positions particulières. Les acides gras sont
ainsi classés comme étant à « longue chaîne » lorsque leur
longueur est de 14 à 24 carbones et à « très longue
Cette longueur représente la longueur maximale pour chaîne » lorsque leur longueur est supérieure à 24 carbones.
laquelle la chaîne alkyle peut être considérée comme fluide et Les acides gras ne possédant pas de doubles liaisons sont
non figée au sein de l’assemblage. À partir de ce paramètre qualifiés de saturés et ceux possédant des doubles liaisons
d’empilement, la structure des assemblages formés en solu- d’insaturés. Enfin les acides gras sont qualifiés d’hydroxylés
tion peut être facilement déduite de la géométrie du tensioac- lorsqu’ils possèdent un groupement hydroxyle (figure 3).
tif. Lorsque le volume de la tête hydrophile du tensioactif est La tête hydrophile des acides gras qui porte la fonction car-
prépondérant par rapport à la chaîne hydrophobe (p < 1/3), boxylique COOH est polaire dans l’eau à un pH supérieur à 5,5
on obtient des micelles. Lorsque le volume occupé par la par- à température ambiante lorsque la fonction est dissociée en
tie hydrophobe est égal ou supérieur à celui de la partie COO-. La chaîne carbonée étant par contre apolaire, la solubi-
hydrophile, des vésicules (1/3 < p < 1/2) sont obtenues. Pour lité des acides gras dans l’eau diminue avec l’augmentation du

8-2012 © Editions T.I. IN 156 - 3

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Biolubrifiants
Réglementations, familles d’huiles
de base, propriétés « éco » et applications

par Mathias WOYDT


Docteur en Sciences des Matériaux de l’Université Technique de Berlin
Directeur de la division « Tribologie et protection contre l’usure » à l’Institut fédéral pour la
recherche et l’essai des matériaux (BAM), Berlin
Associé gérant de MATRILUB – Matériaux, Tribologie, Lubrification, Berlin, Allemagne S
1. Réglementations...................................................................................... TRI 1 800v3 - 2
1.1 Réglementation européenne...................................................................... — 2
1.2 Normes applicables pour les essais .......................................................... — 3
2. Définition de « biolubrifiant »............................................................. — 5
2.1 « Biolubrifiants » — 5
2.2 Écolabel européen pour les lubrifiants ..................................................... — 5
2.3 Critères......................................................................................................... — 6
2.3.1 Écotoxicité .......................................................................................... — 7
2.3.2 Renouvelabilité................................................................................... — 7
2.4 Protection du milieu marin......................................................................... — 7
2.4.1 Vessel General Permit (VGP)............................................................. — 7
2.4.2 Navires exploités dans les eaux polaires......................................... — 8
2.5 Comparaisons des différentes réglementations ...................................... — 8
3. Propriétés des différentes classes d’huiles de base ..................... — 9
3.1 Biodégradation et formulation des lubrifiants
à base d’hydrocarbures .............................................................................. — 9
3.2 Huiles minérales.......................................................................................... — 9
3.3 Hydrocarbures synthétiques ...................................................................... — 10
3.4 Esters d’origine végétale ............................................................................ — 10
3.5 Esters synthétiques..................................................................................... — 11
3.6 Polyalkylène glycols.................................................................................... — 14
3.7 Stratégie de formulation ............................................................................ — 14
3.8 Biomasse et produits de recyclage............................................................ — 14
4. Applications.............................................................................................. — 16
4.1 Huiles hydrauliques .................................................................................... — 16
4.2 Automobile .................................................................................................. — 16
4.3 Fluides de travail ......................................................................................... — 16
4.4 Huiles lubrifiantes pour turbines ............................................................... — 16
5. Conclusion................................................................................................. — 17
6. Sigles, notations et symboles.............................................................. — 17
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. TRI 1 800v3

es huiles perdues, les fuites accidentelles et les lubrifiants perdus rejoi-


L gnant les sols et les eaux (comme ce fut le cas pour le lac de Constance par
exemple) sont l’un des points de départ de la mise en route des lubrifiants
« neutres pour l’environnement ». Ils se trouvent dorénavant dans le portfolio
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de tous les formulateurs et fabricants de lubrifiants.

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BIOLUBRIFIANTS ___________________________________________________________________________________________________________________

Malgré les voies du recyclage, la combustion dans les moteurs et les fuites
connues, environ 30 % (entre 20 % et 40 %, selon les études [1] [2] [3] [4]) du
volume des lubrifiants sont rejetés dans l’environnement par des voies non
maîtrisées ou sont probablement mis en décharge de manière illégale. Ces
rejets non contrôlés posent un problème majeur de suivi et de maîtrise de la
qualité des eaux potables ou non.
Avec de tels chiffres publics, les arguments des lobbyistes de l’industrie
pétrochimique, affirmant que, dans la plupart des applications, les fluides sont
enfermés dans des réservoirs clos et étanches, ne convainquent pas les poli-
tiques. C’est aussi peut-être parce qu’en Allemagne, environ 60 % des
particuliers changent leur huile moteur par eux-mêmes.
Dans une année d’économie normale, environ 4,1 millions de tonnes de
lubrifiants neufs sont consommés dans l’Europe des 27.
Au début des années 1990, un ensemble de lois et décrets sur l’environnement,
ainsi que des normes techniques, ont été imposés en Allemagne, Autriche, Suisse,
S Suède et ont trouvé entre-temps leurs homologues européennes. La tendance a
été, dans un premier temps, de réduire les risques pour l’environnement et de
protéger les ressources d’eau potable, les forêts et la nature contre des fluides
hasardeux émis en cas de fuites, d’avaries et de vidanges par les industries, les
particuliers et les chantiers de constructions. Le « scope » de la norme ISO 15380
pour huiles hydrauliques souligne au niveau international cette approche.
Les huiles non dommageables pour l’environnement avaient, dès le début,
retenu l’attention des ministères de l’Agriculture plus par la vision « agrolube/
agrilube », ou « biosourcés », que par le souci d’approvisionner le marché en
« biolubrifiants ». Il s’agissait de maintenir une activité économique en agriculture,
de créer et soutenir des emplois ainsi que d’assurer la gestion des territoires. En
conséquence, les esters à base de ressources végétales étaient favorisés, même si
les définitions de « biobasées » incluent les ressources végétales et animales,
ainsi que marines. Les huiles végétales se trouvent en abondance dans la nature
sous formes d’esters gras appelés triglycérides tels que :
– le colza et le tournesol (Europe) ;
– le colza, le tournesol, le soja, le coco, l’olive, la palme (Chine, Malaisie,
Thaïlande, Russie, Argentine, Philippines, Indonésie) ;
– le jatropha (régions semi-arides telles que l’Inde et l’Afrique) ;
– les algues ;
– les huiles alimentaires recyclées.
Les aspects scientifiques et technologiques, ainsi que les relations structure-
propriétés des huiles de base, répondant aux critères des « biolubrifiants »,
sont détaillés dans les références [5] [6] [7] pour les esters, [8] [9] pour les
polyglycols et plus généralement dans [10] [11].

1. Réglementations – la directive 2004/35/CE du 21 avril 2004 sur la responsabilité envi-


ronnementale en ce qui concerne la prévention et la réparation des
dommages environnementaux (principe du « pollueur payeur »).
Jusqu’à présent, la directive 67/548/CE a été modifiée dix fois
1.1 Réglementation européenne (10e amendement directive 2008/1272/CE) et adaptée vingt-huit
fois au progrès technique (28e adaptation au progrès technique –
La réglementation européenne recouvre aujourd’hui les régle- directive 2001/59/CE et 2009/2/CE). Elle a été remplacée le 1er juin
mentations nationales, en particulier : 2015 avec l’entrée en vigueur de la nouvelle directive 2008/1272/
– la directive 67/548/CE du 27 juin 1967 concernant le rapproche- CE (voir le système mondial général harmonisé de classification
ment des dispositions législatives, réglementaires et administra- et d’étiquetage des produits chimiques (SGH) de l’Organisation
tives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des des Nations unies). Un des changements concerne le remplace-
substances dangereuses (JOCE L196 du 16 août 1967) ; ment des « phrases de risques » Rxx (systèmes de classification,
– la directive 1999/45/CE du 31 mai 1999 concernant le rappro- d’étiquetage et d’emballage des produits chimiques) par des
chement des dispositions législatives, réglementaires et adminis- « mentions de danger » Hxxx (SGH).
tratives des États membres relatives à la classification, à La mise en œuvre de la directive européenne d’étiquetage de
l’emballage et à l’étiquetage des préparations dangereuses, modi- substances dangereuses entraînera le développement du marché
fiée par la directive 2006/8/CE du 23 janvier 2006 ; des lubrifiants bio-no-tox, si ceux-ci sont favorisés par les autorités

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___________________________________________________________________________________________________________________ BIOLUBRIFIANTS


67/548/CE SGH 09

Figure 1 – Pictogramme du symbole « N » (gauche : 67/548/CE ; à droite : nouveau pictogramme « SGH 09 » selon 2008/1272/CE)

nationales, car la législation européenne met l’accent sur les pro- L’effet positif et l’impact sur le marché du bouquet de régle-
priétés écotoxicologiques sans émettre de préconisations sur la mentations, et surtout d’aides financières pour promouvoir les
nature des huiles de base. Cela reste opposé aux intérêts natio- « biolubrifiants » sont fortement discutés. L’Office national des
naux, qui pour la plupart préconisent des esters. Le marquage forêts prescrit des huiles de chaînes biodégradables pour forêts
avec le symbole « N » distingue, lorsqu’il est correctement appli- publiques et zones sensibles (voir chapitre 1.1.5 du Règlement
qué, une formulation dangereuse pour l’environnement d’une national d’exploitation forestière, résolution n° 2007-11).
moins dangereuse (voir figure 1).
La ville hanséatique de Hambourg avait déjà en 1994 appliqué
Le symbole « N », « dangereux pour l’environnement », a été une solution simple en droit civil. Par arrêté du sénateur pour
introduit avec la directive européenne 1999/45/CE. Il a été rem- l’environnement, dès le 1er janvier 1995, les entreprises de
placé par le symbole « SGH 09 » (directive 2008/1272/CE). Les constructions étaient éligibles pour des contrats de la ville concer-
« biolubrifiants » et lubrifiants écolabellisés ne doivent pas être nant des constructions ou des institutions publiques, si toutes les
marqués avec ces symboles « N », ou plus récemment « SGH 09 » machines de constructions travaillant dans le cadre des contrats
(voir figure 1). utilisaient des fluides biodégradables, une liste de fluides recom-
La directive 2004/35/CE (modifiée par les directives 2006/21/CE, mandés étant fournie. L’impact suprarégional est clair.
2009-468 et 2013/30/CE sur la responsabilité environnementale, en Les directives européennes sur les huiles usagées (75/439/CE et
ce qui concerne la prévention et la réparation des dommages 87/101/CE) se concentrent sur les huiles minérales et à base
environnementaux) transfère (voir article 6) le régime des respon- d’hydrocarbures. Il serait souhaitable de bénéficier pour les biolu-
sabilités pour la prévention et la réparation des dommages envi- brifiants de numéros de décrets séparés. Les statistiques ne dis-
ronnementaux vers l’exploitant (principe du « pollueur payeur »), tinguent à ce jour pas encore suffisamment les biolubrifiants.
qui peut être toute personne physique ou morale, privée ou
publique, qui exerce ou contrôle une activité professionnelle.
L’exploitant doit engager toutes les mesures pratiques afin de
combattre, d’endiguer, d’éliminer ou de traiter immédiatement les 1.2 Normes applicables pour les essais
contaminants concernés et tout autre facteur de dommage. Ici, la
question de l’assurabilité des risques environnementaux se pose Dans le contexte de REACH (règlement de l’Union européenne
ainsi que la contribution des « biolubrifiants » pour réduire les 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisa-
risques et coûts d’assurance (décret n° 2009-468 du 23 avril 2009 tion des substances chimiques, ainsi que les restrictions appli-
relatif à la prévention et à la réparation de certains dommages cables à ces substances), la directive 440/2007CE clarifie les
causés à l’environnement). méthodes d’essais agréées pour fournir les propriétés écotoxico-
logiques demandées.
Principalement en France et à compter du 1er janvier 2008, la loi
d’orientation agricole (article 44, loi 2006-11 du 5 janvier 2006) Cela représente une garantie importante, y compris pour le
interdit, dans les zones naturelles sensibles (forêts, lacs, captages consommateur et/ou le client final, car par le passé et même
d’eau…), l’utilisation des lubrifiants qui sont substituables par des aujourd’hui, certains industriels sont tentés de choisir des
lubrifiants biodégradables ou satisfaisant aux critères de l’éco- méthodes qui garantissent à leurs produits des résultats favorables.
label européen. Cette prise de conscience environnementale est Les autorités s’adressent d’abord au consommateur ou au client
soutenue par la loi Grenelle 2 ou loi n° 2010-788 du 12 juin 2010, final, qui porte la responsabilité environnementale (voir directive
mais avec des modifications : européenne 2004/35/CE – responsabilité environnementale).
– l’année « 2008 » est remplacée par l’année « 2011 » ; Le tableau 1 résume les méthodes de caractérisation de la bio-
– les mots « biodégradables ou satisfaisant aux critères et exi- dégradation aérobie dans des milieux aqueux prescrites pour les
gences » sont remplacés par « répondant aux critères et exigences « biolubrifiants ». Les diverses méthodes couvrent les biodégrada-
de biodégradabilité et d’absence d’écotoxicité » (il reste à préciser tions biotique et aérobique, d’espèces d’eau douce et récemment
les méthodes et valeurs). aussi d’espèces marines. La « Nature » élimine rapidement de

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BIOLUBRIFIANTS ___________________________________________________________________________________________________________________

Tableau 1 – Équivalences des méthodes de biodégradation aérobie


dans des milieux aqueux prescrites pour « biolubrifiants »

Biolubrifiants Écolabel Écolabel Vessel


Méthodes pour déterminer la biodégradation (EN 16807) (2011/381/UE) (2018/1702/UE) General Permit
2016 2011-2018 2019-2024 (É.-U., 2013) Quantité
mesurée
Essai Essai Essai Essai
ISO OCDE ASTM
sur formulation sur substance sur substance sur substance

7827 301A* E1279 Non Oui Non Oui COD

9439 301B D5864, E1720 Oui Oui Oui Oui ThCO2

– 301C – Non Oui Oui Oui DOB/DThO

10707 301D – Non Oui Oui Oui DOB/DThO

S 7827 301E* – Non Oui Oui Oui COD

9408 301F D6731 Oui Oui Oui Oui DThO

16221 306 – Oui Oui Oui Oui COD

14593 310 E1720 Oui Oui Oui Oui ThCO2


(EN ISO)

ASTM D7373 Non Non Non Oui

CEC-L103-12 Non Non Non Non

CEC-L33-A-93 Non Non Non Non IR CH2-CH3

Contenu en matières renouvelables > 25 % > 50 % Supprimé Non


(ASTM D6866 ou DIN EN 15440)

COD : carbone organique dissous ; ThCO2 : quantité théorique de CO2 évaluée pour la minéralisation totale ; DOB/ThOD : une demande
d’oxygène biochimique liée à la demande théorique de l’oxygène de la minéralisation totale.
Niveaux de passage de 28 jours : > 70 % pour CCOD et > 60 % pour ThCO2 ou DOB/DThO.
D7373 correspond à l’ASTM D6731 (OCDE 301F).
* Les lignes directrices de l’OCDE 301 déterminent uniquement la biodégradation ultime. Par contre, on peut aussi déterminer
la biodégradation primaire avec les OCDE 301A et 301E en utilisant en supplément des méthodes d’analyses spécifiques. ASTM E1720
et E1279 ont été retirées.
Nota : OCDE 302 A-C détermine la biodégradation primaire ou inhérente.

l’environnement les substances, qui se dégradent rapidement. Les – Méthode basée sur le dégagement de CO2 » répond à la critique,
formulations et constituants non dégradables persistent dans que les essais OCDE (301A-F) étaient initialement développées pour
l’environnement et possèdent par conséquent un potentiel d’effets des substances et non pour des formulations.
néfastes à long terme sur le biotope. La biodégradation en milieu Finalement, seules les méthodes des lignes directrices (guide-
aqueux se classe selon deux niveaux : lines) OCDE (301 A-F) et les standards ISO (ISO 9439, ISO 9408, ISO
– la biodégradation dite facile (ou immédiate, voire rapide) par 10707 par exemple), excepté les méthodes ASTM D5864/D6731
des tests spécifiques de biodégradabilité ultime ; considérées homologues, sont agréées pour déterminer la biodé-
– la biodégradation potentielle, qui fait appel à des tests de bio- gradation des biolubrifiants par des eaux douces. La méthode
dégradabilité potentielle (ou inhérente, ou intrinsèque). OCDE 306 permet en outre de déterminer la biodégradabilité en
milieux marins, (voir aussi les tests homologues ISO 16221), car ils
La biodégradation facile peut être déterminée en utilisant les figurent également dans le SGH-2013 (voir tableau 1). Le docu-
essais de biodégradabilité (A-F) de la ligne directrice 301 de l’OCDE, ment SCHER [12] établit l’équivalence entre les méthodes OCDE et
qui se déroulent dans des eaux douces et les méthodes ISO qui sont ISO, puisqu’il existe des différences considérées comme plus ou
basées sur des principes équivalents. Les substances qui atteignent moins déterminantes entre celles-ci. Les méthodes ASTM D6731,
les niveaux de biodégradation requis par ces tests peuvent être D6139 et D5864 se focalisent formellement sur les lubrifiants, par
considérées comme capables de se dégrader rapidement dans la contre les méthodes OCDE visent toutes les substances. La
plupart des milieux, et ont donc peu de chances d’y persister. méthode VGP2013 (voir § 2.3.3) accepte aussi la ASTM D7373
Ces essais mesurent la biodégradation ultime de la substance, « bio-kinetic model ».
c’est-à-dire sa minéralisation complète. La norme européenne NF Même si elles sont jugées comparables ou équivalentes, il faut
EN 17181 « Bio-lubrifiants – Détermination de la biodégradabilité noter qu’il existe entre les méthodes ISO/OCDE/ASTM des différences
aérobie, en solution aqueuse, de lubrifiants complètement formulés dans les détails, les modes opératoires, et dans le résultat obtenu.

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Biosolvants
Conception, propriétés et aspects
environnementaux
par Pascale DE CARO
Maître de conférences
Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA), INRA, UMR 1010 CAI,
Université de Toulouse, INPT-ENSACIET, Toulouse, France
et Sophie THIEBAUD ROUX
Professeur
Laboratoire de Chimie Agro-industrielle (LCA), INRA, UMR 1010 CAI,
Université de Toulouse, INPT-ENSACIET, Toulouse, France

1. Contexte..................................................................................................... CHV 4 020 - 2


1.1 Marché des solvants industriels ................................................................ — 2
1.2 Solvants face aux nouvelles réglementations européennes................... — 2
2. Positionnement des biosolvants......................................................... — 4
2.1 Définition d’un biosolvant .......................................................................... — 4
2.2 Les principales familles de biosolvants .................................................... — 4
3. Sélection d’un biosolvant ..................................................................... — 6
3.1 Critères de sélection ................................................................................... — 6
3.2 Méthodologies de substitution .................................................................. — 10
4. Validation des solutions alternatives issues
des méthodologies de substitution.................................................... — 12
4.1 Vérification des propriétés prédites .......................................................... — 12
4.2 Évaluation du niveau de performance d’un biosolvant........................... — 12
4.3 Écocompatibilité du procédé de synthèse du biosolvant ........................ — 13
5. Conclusion – Prospective...................................................................... — 13
6. Glossaire .................................................................................................... — 14
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. CHV 4 020

es solvants occupent une place importante sur le marché des produits de


L spécialités et se retrouvent au cœur de nombreuses applications dans les
domaines des procédés d’extraction, de synthèse, de formulation et de net-
toyage. Plusieurs facteurs sont à l’origine de l’évolution de ce marché vers des
solvants plus propres et plus sûrs : un contexte marqué par les réglementa-
tions visant à réduire l’impact des produits sur l’homme et l’environnement,
l’épuisement des ressources fossiles, la diversification des matières premières,
un intérêt stratégique en termes de communication pour l’entreprise et une
demande croissante des utilisateurs pour des produits écologiques. Ce
contexte de mutation incite les laboratoires de recherche et les entreprises à
développer des solutions alternatives aux solvants pétrochimiques tels que les
biosolvants. Ces derniers ont récemment fait l’objet de nouvelles normes
AFNOR-CEN, dans lesquelles ils sont définis en faisant référence à leur origine
renouvelable (totale ou partielle), à leur mode de production et à leurs pro-
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQU

priétés fonctionnelles.

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CHV 4 020 – 1

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BIOSOLVANTS _____________________________________________________________________________________________________________________

Selon la matière première végétale dont ils sont issus, on trouve différentes
familles de biosolvants capables de répondre à de nombreuses applications.
L’évaluation de leurs performances est basée sur des critères techniques,
environnementaux et sanitaires, concernant leur production et leur utilisation
conformément à une démarche d’écoconception.
Pour identifier un biosolvant performant pour une application ciblée, de nou-
velles méthodologies de substitution faisant appel à des modèles de prédiction
de propriétés ont été développées pour faire face à la complexité de cette
tâche.
Cet article fait l’état des lieux du panomara actuel des biosolvants dispo-
nibles et propose des stratégies et des outils pour la conception et la sélection
de solvants biosourcés adaptés aux contraintes techniques, économiques,
sociétales et environnementales.


comme solvants d’extraction (parfums, médicaments) ou comme
1. Contexte solvants de synthèse ou de purification dans les industries
chimiques et pharmaceutiques (figure 1).
Les solvants constituent une classe de substances largement Parmi les principaux solvants industriels, on distingue les
utilisées dans de nombreux secteurs économiques où ils jouent hydrocarbures aromatiques (toluène, xylènes...) ou non aroma-
des rôles divers. Ce sont des liquides capables de dissoudre, de tiques (alcanes, alcènes...), les alcools (méthanol, éthanol, gly-
diluer ou d’extraire d’autres composés sans engendrer de modifi- cols...), les cétones (acétone, méthyléthylcétone...), les esters
cation chimique. Cependant, les solvants organiques traditionnels (acétates...), les éthers (éther éthylique, tétrahydrofurane,
sont généralement des composés organiques volatils (COV), dioxane, éthers de glycols...), les solvants halogénés (chlorés,
nocifs pour la santé et pour l’environnement. En effet, ils contri- bromés ou fluorés) et les solvants particuliers (amines, amides,
buent à la formation d’ozone troposphérique et à la contamination terpènes...).
des eaux et des sols. En France, ils sont responsables de 45 % des
Le marché des solvants est encore largement dominé par les
émissions de COV non méthaniques (COVNM) répertoriés par le
solvants d’origine pétrochimique. En France, l’ADEME fait état de
CITEPA [1]. C’est pourquoi les réglementations environnemen-
550 000 tonnes de solvants neufs consommés en 2005. D’après
tales incitent les entreprises à utiliser des solvants de substitution.
une étude réalisée en 2015 par ALCIMED pour le compte de
Tout l’enjeu réside dans la conception de produits sûrs « de la
l’ADEME, le taux de pénétration des biosolvants en France s’éle-
matière première au devenir du produit après utilisation ».
vait à 2,5 % en 2009, à 5,8 % en 2012 et est estimé à 19,2 % à
Par ailleurs, dans un contexte de tensions sur les matières pre- l’horizon 2020 [3].
mières, dû à une demande croissante, la diversification vers des
En Europe la consommation de solvants neufs, estimée à
ressources disponibles non fossiles devient indispensable. Ainsi,
3,8 millions de tonnes en 2007, a enregistré une diminution
l’utilisation de la biomasse comme matière première peut être
d’environ 15 % entre 1994 et 2007. Cette tendance s’explique,
préconisée dans le développement de solvants biosourcés répon-
d’une part, par un recours important au recyclage des solvants et,
dant au cadre réglementaire actuel.
d’autre part, par une utilisation plus modérée des solvants chlo-
Si les biosolvants présentent l’avantage d’offrir une alternative rés et hydrocarbonés, et par une diminution du marché des pein-
aux ressources fossiles, ils répondent également à des préoccupa- tures solvantées. On peut également supposer un effet
tions croissantes en matière de sécurité et de santé au travail, de d’anticipation de l’évolution des réglementations, de la part de
la part des acteurs industriels et des législateurs (source INRS l’industrie chimique.
fiche solvant ED 4230, 2012). Le marché des biosolvants en Europe est estimé à
De plus, le bilan environnemental visé par les biosolvants 630 000 tonnes en 2012, en incluant les volumes de bioéthanol uti-
repose sur la réduction des émissions en composés organiques lisé comme solvant ou comme matière première pour d’autres
volatils, sur l’amélioration des propriétés en termes de toxicité, solvants (source agence ERRMA). Les perspectives de développe-
d’écotoxicité et de biodégradabilité, mais aussi sur la prise en ment du marché des biosolvants dépendent de la compétitivité
compte de leur mode de production ; écotechnologies et procédés des procédés de production, des dispositifs incitatifs et de la stra-
propres contribuent positivement aux performances environne- tégie des entreprises en la matière [4]. Ce contexte s’accompagne
mentales calculées. de l’émergence d’une « biobased economy » pour évaluer la faisa-
bilité et la viabilité de ces nouvelles filières de production [5].
Pour adopter une stratégie favorable à la conception et à la
sélection de biosolvants adaptés à un type d’application, il est Les marchés pour lesquels les biosolvants ont percé sont
nécessaire de considérer différents critères (techniques, sanitaires, principalement dans le domaine du nettoyage de surface, de la
environnementaux, économiques) présentés dans cet article. détergence, des encres offset, des peintures et des produits
phytosanitaires.

1.1 Marché des solvants industriels


1.2 Solvants face aux nouvelles
En fonction de leurs propriétés, les solvants peuvent être utilisés réglementations européennes
comme diluants et adjuvants dans le domaine des revêtements
(peintures, vernis, encres), des produits phytosanitaires (pesticides) Au fil des ans, la pression réglementaire concernant les pro-
et des adhésifs. Ils trouvent également des applications comme duits chimiques est devenue de plus en plus forte. En 1981, a
agents de nettoyage (dégraissage, décapage, nettoyage à sec), été créé l'« inventaire européen des produits chimiques

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CHV 4 020 – 2

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______________________________________________________________________________________________________________________ BIOSOLVANTS

Nettoyage Autres : 8 %
à sec : 1 %
Produits
phytosanitaires : 2 %

Extraction
d’huiles : 2 %

Industrie
des polymères
et caoutchouc : 4 %

Nettoyage


Peintures/
industriel : 4 %
Revêtements : 46 %

Produits
ménagers : 6 %

Industrie
cosmétique : 6 %

Adhésifs : 6 %

Industrie pharmaceutique : 9 %
Encres d’imprimerie : 6 %

Figure 1 – Répartition du marché des solvants en Europe en 2009 (d’après [2])

commercialisés » EINECS (European INventory of Existing Com- préoccupants devront être remplacés rapidement et, si cela
mercial Substance). Il répertorie toutes les substances existantes s’avère impossible, seront soumis à une autorisation limitée dans
avant le 18 septembre 1981 au sein de l’Union européenne. Les le temps.
substances nouvelles, enregistrées au-delà de cette date et res-
En plus de REACH, les solvants sont la cible de quatre autres
pectueuses de contraintes toxicologiques et écotoxicologiques,
directives européennes (1999/13/CE, 2001/81/CE, 2004/42/CE, 2004/
ont été classées dans une liste appelée ELINCS (European List of
73/CE) car ils peuvent être classés comme substances dange-
Notified Chemicals Substances). Aujourd’hui, ces substances sont
considérées comme étant enregistrées au titre de REACH (Regis- reuses et/ou responsables d’émissions de COV (Composés Orga-
tration, Evaluation and Authorisation of CHemicals), substances niques Volatils). Il est important de souligner, à ce niveau, que la
pour lesquelles des informations complémentaires devront être définition européenne d’un COV est différente de la définition
fournies en fonction des quantités produites ou utilisées. Selon américaine. En Europe, un COV est défini comme un composé
REACH, ce nouveau règlement entré en vigueur depuis le 1er juin organique dont la pression de vapeur saturante à 20 °C est supé-
2007, il n’incombe plus aux pouvoirs publics mais désormais aux rieure à 10 Pa alors qu’aux États-Unis il est défini comme un com-
fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval, de prou- posé organique participant à des réactions photochimiques dans
ver l’absence d’effets nocifs pour la santé humaine et l’environ- l’atmosphère (à l’exception de certains composés présents sur
nement, des substances fabriquées, mises sur le marché ou une liste positive intitulée « Exempted VOC »). Si la définition
utilisées. De plus, les données de toxicité et d’écotoxicité [6] européenne est précise et ne soulève aucune ambiguïté, la défini-
devront également être exploitées pour évaluer les risques liés à tion américaine est beaucoup plus équivoque car elle ne fait pas
leur utilisation puis définir et recommander des mesures appro- intervenir de paramètre physico-chimique quantifiable. En effet,
priées de gestion des risques. Concrètement, REACH prévoit l’activité photochimique de chaque composé n’est pas nécessaire-
l’analyse et l’enregistrement, sur une période de onze ans, de ment connue et requiert des analyses poussées ou des simula-
30 000 substances produites ou importées dans l’Union et diffu- tions moléculaires avant de pouvoir déterminer s’il s’agit d’un
sées à plus d’une tonne par an. Les produits jugés extrêmement COV.

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CHV 4 020 – 3

WS
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BIOSOLVANTS _____________________________________________________________________________________________________________________

■ Directive 1999/13/CE
La directive COV de mars 1999 (1999/13/CE) fixe, d’une part, des
2. Positionnement
valeurs limites spécifiques à chaque composé présentant des des biosolvants
phases de risque, et d’autre part, des valeurs limites d’émission
(VLE) pour les émissions canalisées (rejetées dans l’atmosphère par
toute canalisation ou conduite, dans laquelle l’air contenant les
vapeurs est capté puis envoyé vers l’extérieur) et les émissions dif-
2.1 Définition d’un biosolvant
fuses (émissions fugitives dues aux fuites sur des équipements fixes
Depuis les années 1990, les préoccupations en matière de santé,
ou émissions durant certaines phases du procédé de fabrication).
de sécurité au travail et d’environnement ont conduit au dévelop-
Les entreprises qui consomment plus d’une tonne de solvant pement de biosolvants, définis d’abord comme solvants d’origine
par an doivent mettre en place un « plan de gestion des naturelle dérivés de la biomasse. Ils sont également respectueux
solvants », démontrant la conformité de leur installation indus- des critères sanitaires et environnementaux, car leur conception
trielle aux objectifs de rejets de COV visés. Pour être exemptée du s’inscrit dans une démarche de développement durable. La défini-
respect des valeurs limites d’émissions canalisées et diffuses (à tion de biosolvant répond à celle plus générale des
l’exception des solvants identifiés à phrase de risque R45, R46, « bioproduits » donnée par la Commission européenne et reprise
R49, R60, R61 et halogénés R40 ou listés en annexe III de l’arrêté par l’ADEME [8].
du 02/02/1998 modifié), l’entreprise doit concevoir, outre un « plan
L’appellation « agrosolvant » utilisée par l’ADEME vise à insister


de gestion des solvants » simplifié (consistant à réaliser un bilan
sur l’origine agricole de la matière première. Les agrosolvants
matière entrée/sortie des solvants de l’installation sans mesurer
sont donc inclus dans les biosolvants.
les rejets gazeux à l’atmosphère), un « schéma de maîtrise des
émissions » (SME). Ce document a pour objectif de démontrer Un biosolvant sera considéré comme d’origine naturelle dans la
que l’industriel s’efforce de réduire les émissions de COV, tout en mesure où la part du synthon naturel dans le produit fini est majori-
garantissant que le flux total annuel des émissions de COV ne taire (selon le référentiel Ecocert SAS). Ce synthon naturel peut être
dépasse pas celui qui serait atteint si les valeurs limites d’émis- issu de matières premières végétales, animales ou minérales, trans-
sions canalisées et diffuses étaient appliquées. formées ou non par des procédés chimiques et physiques autorisés
(en fonction de leur impact sur l’environnement et la santé). Les pro-
Pour aider les industriels, des guides d’estimation des émis-
cédés autorisés sont définis dans le référentiel d’Ecocert SAS [9],
sions de COV et de rédaction de SME ont été rédigés par les fédé-
référentiel validé par la DGCCRF (Direction générale de la concur-
rations et les centres techniques avec l’appui de l’ADEME (Agence
rence, de la consommation et de la répression des fraudes) et paru
de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Ils sont télé-
au Journal officiel d’avril 2003. Des exemples de réactions interdites
chargeables gratuitement sur le site de l’ADEME.
à ce jour sont l’éthoxylation, la sulfonation et les procédés utilisant
■ Directive 2001/81/CE le mercure ou l’oxyde d’éthylène ou l’irradiation. De nombreuses
transformations chimiques étant autorisées, le potentiel de création
La directive 2001/81/CE vise à limiter les émissions des pol- et d’innovation demeure suffisamment large.
luants acidifiants, eutrophisants et précurseurs de l’ozone tropos-
phérique. Elle fixe des plafonds nationaux d’émissions pour Par ailleurs, une commission de normalisation (AFNOR X85), pré-
quatre types de polluants atmosphériques : NOx, SO2, NH3 et sidée par l’Association chimie du végétal (ACDV), élabore plusieurs
COV. Les États membres doivent respecter ces plafonds dès 2010 normes AFNOR (parues ou à paraître) sur les produits biosourcés,
(1 050 kilotonnes pour les émissions de COV). en concertation avec le Comité européen de normalisation (CEN,
comité technique « biobased products »). Ces normes couvrent dif-
■ Directive 2004/42/CE férents aspects dont la détermination du contenu biosourcé et les
La directive 2004/42/CE est complémentaire de la directive 1999/ critères de durabilité. Une de ces normes concerne plus particulière-
13/CE car elle a comme objectif la réduction des émissions de ment les biosolvants [10].
COV pour des applications qui ne sont pas réalisées sur sites
industriels, comme la mise en peinture de bâtiments et la
retouche automobile. 2.2 Les principales familles
■ Directive 2004/73/CE
de biosolvants
Enfin, la directive 2004/73/CE fixe la liste des substances dange- Actuellement, les biosolvants sont utilisés essentiellement en
reuses et donne leur classification. Elle concerne donc également formulation et dans une moindre mesure comme solvant d’extrac-
les solvants. tion ou en synthèse organique (inerte chimiquement). En effet,
Par ailleurs, l’exposition des salariés aux solvants dans le cadre aujourd’hui les principaux critères de la chimie verte conduisent
de leur activité professionnelle peut provoquer des maladies les chimistes organiciens à mettre en œuvre des réactions de pré-
reconnues et indemnisées par l’assurance maladie (tableau n° 84 férence sans l’ajout d’un tiers solvant (un des réactifs jouant le
des maladies professionnelles du régime général) [7]. rôle de solvant) ou en utilisant un solvant vert [11].
Ce contexte réglementaire et sanitaire montre une réelle prise Décrivons maintenant les principaux biosolvants entrant en jeu
de conscience des risques liés à l’utilisation des solvants, entraî- dans des formulations de nettoyage, de produits phytosanitaires,
nant des efforts de recherche accrus depuis une dizaine d’années d’encres d’imprimerie, de peintures, de vernis ou de liants bitumi-
dans le monde (augmentation significative des publications dans neux.
ce domaine). Des alternatives à l’utilisation de solvants conven- Les biosolvants peuvent être classés selon les ressources
tionnels se sont en particulier développées pour obtenir des sol- renouvelables desquelles ils sont issus :
vants moins nocifs, dits solvants verts. Parmi ces nouveaux
• les dérivés des lipides ;
solvants, on peut citer le CO2 et l’eau supercritique, les « deep
eutectic solvents », les liquides ioniques, le dimethylcarbonate… • les dérivés des acides fermentaires ;
et les biosolvants, De nombreuses entreprises se sont d’ailleurs • les dérivés des polysaccharides (sucres, amidon) ;
déjà engagées dans le développement de molécules de substitu-
tion pour répondre à une demande croissante pour des produits • les dérivés de la biomasse lignocellulosique.
plus sûrs. La Commission européenne soutient notamment le Les solvants cités ci-dessous ont dans tous les cas fait l’objet
développement du marché des biosolvants par le biais du Lead d’un transfert à l’échelle industrielle. Seuls certains dérivés de la
Market Initiative (LMI). lignocellulose ne sont pas encore disponibles commercialement.

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CHV 4 020 – 4

WT
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La vanilline : intermédiaire clé


de la lignine à la synthèse
de polymères biosourcés
par Sylvain CAILLOL
Chercheur CNRS
Institut Charles Gerhardt Montpellier (ICGM) UMR 5253, Montpellier, France

1. Contexte ...................................................................................................... CHV 4 022 - 2



1.1 Description de la vanilline .......................................................................... — 3
1.2 Approvisionnements en vanilline.............................................................. — 3
2. La production de vanilline à partir de la lignine ...................................... — 4
2.1 Dépolymérisation de la lignine .................................................................. — 4
2.2 Paramètres qui influencent la réaction ..................................................... — 6
2.3 Produits de dépolymérisation.................................................................... — 7
2.4 Traitement aval ........................................................................................... — 10
3. Perspectives de l’utilisation de la vanilline .............................................. — 13
3.1 Les polyépoxydes ....................................................................................... — 13
3.2 Les résines phénoliques ............................................................................. — 15
3.3 Les polyesters.............................................................................................. — 16
4. Conclusion ................................................................................................... — 17
5. Glossaire ...................................................................................................... — 18
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 4 022

a synthèse de polymères aromatiques à partir de ressources renouvelables


L est un vrai enjeu. La vanilline est actuellement l’un des seuls composés
aromatiques biosourcés industriellement disponibles. La vanilline est majori-
tairement produite à partir du pétrole, mais une part des approvisionnements
est issue de la lignine. Actuellement les applications de cette vanilline
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQX@M@d・イョゥ│イ・@カ。ャゥ、。エゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQY

concernent quasi exclusivement l’industrie des arômes et des parfums pour


des applications alimentaires, de soin du corps ou ménagères.
Les procédés industriels utilisés génèrent tous des quantités d’effluents
importantes, mais de nombreuses voies d’amélioration existent, en particulier
pour produire une vanilline moins pure, non destinée à l’industrie alimentaire.
La vanilline a déjà démontré son intérêt dans de nombreux matériaux en rem-
placement de substances issues du pétrole. En effet, la vanilline est un
composé non dangereux et qui possède un cycle aromatique, structure recher-
chée dans beaucoup de matériaux pour les propriétés thermomécaniques
conférées. La possibilité d’obtenir la vanilline à partir de ressources renouve-
lables (lignine) présente un intérêt considérable car l’accès aux molécules
aromatiques biosourcées est un vrai enjeu industriel. La vanilline est ainsi une
substance aromatique prometteuse, disponible industriellement qui représente
un intérêt certain pour de nombreuses applications. L’enjeu actuel est d’amé-
liorer les procédés d’extraction pour réduire les coûts et les impacts et
conduire au développement de la vanilline comme molécule biosourcée aro-
matique plateforme.

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WU
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LA VANILLINE : INTERMÉDIAIRE CLÉ DE LA LIGNINE À LA SYNTHÈSE DE POLYMÈRES BIOSOURCÉS _________________________________________________

L’objectif de cet article est de présenter les procédés actuels de production


de la vanilline biosourcée et leurs impacts environnementaux générés ; de
recenser les travaux actuels sur l’utilisation de la vanilline biosourcée dans les
polymères et de montrer les enjeux futurs de cette molécule d’intérêt en
mettant en perspective les évolutions attendues des procédés de production.
De ce tour d’horizon, il est possible de mettre en évidence le potentiel de la
vanilline en tant que réactif chimique d’origine renouvelable, en particulier
dans le domaine de l’industrie des polymères tels que les polyépoxydes, les
polyuréthanes, les phénoliques… pour des applications en liants, revêtements,
composites.

1. Contexte

Tannins
90/10 – Condensés/hydrolysables
La grande majorité des matières premières des produits Lignine
chimiques et des polymères organiques sont issues de ressources 1 100 000 t/an
pétrolières. Cependant, une demande toujours croissante de res- Cashew Nutshell Liquid
sources et les enjeux de limitation des émissions de gaz à effet de (CNSL) Tannins
serre engendrent des tensions sur les approvisionnements, une Potentiel : 450 000 t/an 200 000 t/an
volatilité des prix ainsi que des évolutions difficilement prévi-
sibles. Ainsi, l’identification de solutions alternatives à partir de la
biomasse est donc une priorité absolue. Dans ce contexte, le
concept de bioraffinerie prend depuis le début des années 2000 de Lignine CNSL
plus en plus d’importance, tant dans la communauté scientifique, Potentiel : > 300 Mrd t/an 125 000 t/an
que dans l’industrie [1]. À l’instar de la raffinerie de pétrole brut, Extrait : 50 Mt/an
l’objectif est de transformer (bio-) chimiquement chaque compo- Commercialisé : 2 % de l’extrait
sant de la biomasse en une variété de produits utiles. Des molé- 90/10 Lignosufonates/Kraft
cules biosourcées sont déjà disponibles dans l’industrie, mais la Le reste est brûlé pour l’énergie.
plupart d’entre elles sont aliphatiques ou cycloaliphatiques, par
exemple dérivées de cellulose [2], d’amidon [2] ou de triglycérides Figure 1 – Disponibilité commerciale de la lignine, des tannins et du
[3]. Cependant, de nombreux réactifs clés de l’industrie sont des Cashew Nutshell Liquid (d’après [7] [8] [9] [10])
composés aromatiques, actuellement dérivés du pétrole. De plus,
la production de gaz de schiste a augmenté massivement ces der-
les propriétés mécaniques des polymères à partir de CNSL.
nières années. Le gaz de schiste contient des coupes bien plus
D’autre part, la lignine et les tanins sont disponibles en quantités
légères (C1-C2) que celles du pétrole, ce qui a contraint de nom-
potentielles colossale dans la biomasse. Cependant, ce sont des
breuses grandes sociétés pétrochimiques à s’adapter à cet afflux
(poly-) phénols très complexes. Leur nature polymère, la difficulté
de matières premières plus légères [4]. Ce changement a drasti-
du procédé d’extraction et la variabilité en fonction de la plante,
quement réduit le rendement des coproduits plus lourds tels que
de la méthode d’extraction, etc. les empêchent d’être une réalité
les hydrocarbures aromatiques (ainsi que le propylène et le buta-
industrielle en tant que matières premières. Pour le moment,
diène). Par conséquent, la disponibilité des composés aroma-
l’obtention de composés moléculaires isolés issus de la dépoly-
tiques a diminué et leur prix a augmenté [5]. C’est donc désormais
mérisation de ces ressources apparaît comme une option plus
un réel enjeu que de trouver des molécules aromatiques dérivées
viable. La dépolymérisation de la lignine a été particulièrement
de la biomasse. Dans la nature, les composés aromatiques sont
étudiée récemment [11] [12]. En effet, les grands volumes de
essentiellement des (poly-) phénols.
lignine produits annuellement ont conduit à un certain nombre de
Les trois principales classes de composés phénoliques issus de travaux traitant de sa dépolymérisation catalytique en espèces
ressources renouvelables sont la lignine, les tanins extraits du moléculaires.
bois et le Cashew NutShell Liquid (CNSL) [6]. Leur disponibilité
commerciale relative est présentée à la figure 1, ainsi que d’autres L’acide férulique, la vanilline et leurs dérivés présentent un inté-
informations générales sur leur approvisionnement. rêt tout particulier. L’acide férulique peut être obtenu par
hydrolyse alcaline ou enzymatique des lignines [13]. L’acide féru-
Il existe un paradoxe important entre l’énorme quantité de
lique est principalement produit à partir de son de riz, de bagasse
matière naturelle (poly-) phénolique dans la biomasse – en parti-
de canne à sucre et de pulpe de betterave sucrière. Près de 350
culier la lignine et les tanins – et son utilisation industrielle relati-
tonnes sont produites chaque année [14], ce qui en fait le deu-
vement sous-développée par rapport aux ressources aliphatiques
xième composé phénolique moléculaire le plus disponible à partir
comme les huiles végétales ou la cellulose.
de la lignine, loin derrière la vanilline. En effet, la vanilline est le
Cela peut s’expliquer par le fait que chacune de ces ressources phénol mono-aromatique isolé le plus disponible actuellement à
phénoliques présente des inconvénients limitant leur utilisation. l’échelle industrielle à partir de la lignine [15]. Environ 20 000
Plus précisément, le volume de CNSL disponible est de près de tonnes de vanilline sont produites par an [16], dont 15 % sont
150 000 tonnes par an (voir la rubrique Sites Internet du Pour en issues de lignine [17] (environ 3 000 tonnes/an). Ainsi, la vanilline
savoir plus). Cela en fait une ressource incontestablement intéres- présente un réel intérêt pour devenir un réactif biosourcé aroma-
sante pour des applications de niche, mais ce volume potentiel tique clé de la bioraffinerie. La vanilline est d’origine renouvelable
pourrait ne pas être suffisant pour en faire une ressource renouve- et ne concurrence pas les sources de nourriture. Elle est dispo-
lable de substitution. En outre, le CNSL est un mélange de compo- nible à l’échelle industrielle à partir de processus bien décrits et
sés phénoliques portant tous une chaîne alkyle de 15 carbones, ce en constante amélioration. Les limitations concernent pour l’ins-
qui conduit à réduire la densité des motifs aromatiques et réduire tant les procédés d’extraction qui, orientés vers la production de

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_________________________________________________ LA VANILLINE : INTERMÉDIAIRE CLÉ DE LA LIGNINE À LA SYNTHÈSE DE POLYMÈRES BIOSOURCÉS

vanilline de qualité alimentaire, comportent de nombreuses vanilline issue de lignine ont fermé à la fin des années 1990 en
étapes de purification qui ont un impact sur le coût et génèrent raison de préoccupations environnementales accrues envers les
des volumes d’effluents. Le but de cet article est donc d’examiner effluents caustiques du procédé, de la diminution de la disponibi-
en détail les informations disponibles dans la littérature sur les lité de la lignine due à l’utilisation accrue du procédé Kraft pour la
méthodes de production de la vanilline, en particulier sur les pro- production de pâte à papier et dans lequel la lignine est brûlée
cédés lignin-to-vanillin. pour produire de l’énergie, et aussi en raison de l’apparition de
produits chimiques à bas prix issus du pétrole. Depuis lors, la pro-
duction d’extrait naturel de vanille à partir de gousses de vanille
1.1 Description de la vanilline reste active puisque cet extrait contient, outre la vanilline, de
nombreux autres composants aromatisants mineurs qui rendent
l’extrait naturel unique et donc très apprécié sur certains marchés
La vanilline (4-hydroxy-3-méthoxybenzaldéhyde, point de fusion alimentaires où le coût n’est pas la principale préoccupation [20].
81-83 °C) est l’arôme chimique aromatique le plus produit dans le
monde [18]. Elle est produite à partir de diverses sources : le pétrole
(85 %), la biomasse ligneuse (15 %), les gousses d’orchidées (<1 %).
C’est le principal constituant de l’arôme naturel de vanille. En tant 1.2 Approvisionnements en vanilline
que tel, la vanilline est utilisée comme ingrédient aromatisant et de
La production mondiale d’extrait naturel de vanille n’est que de
parfum dans les industries alimentaires ou cosmétiques et le mar-
40 à 50 tonnes par an, ce qui représente moins de 1 % de la pro-


ché de la vanilline est principalement composé de grandes multina-
duction totale de vanilline [16]. Les graines de vanille sont récol-
tionales dans le domaine de la saveur et du parfum (IFF, Givaudan,
tées à partir de l’orchidée Vanilla planifolia, plante tropicale
Quest, Danisco, Symrise) [19]. La fabrication de chocolat et de
cultivée au Mexique, à Madagascar, Java, La Réunion, et Tahiti, et
crème glacée est particulièrement consommatrice de vanilline, car
qui doit être pollinisée manuellement pour atteindre des rende-
elle y est utilisée à des niveaux de 0,1 à 0,9 % en poids. Ainsi, les
ments raisonnables. La pollinisation manuelle est une tâche très
grands producteurs de crème glacée (comme Unilever) et de choco-
laborieuse qui décourage la culture de ces plantes à une très
lat (Nestlé, Cadbury, Suchard) sont des acteurs importants sur le
grande échelle [18]. La vanilline dans la gousse verte se trouve
marché de la vanilline [19]. En ce qui concerne les arômes et les par-
sous forme de glucoside de vanilline. Pendant le processus de dur-
fums, la vanilline produite à partir de lignine est économiquement
cissement, le glucoside de vanilline est hydrolysé par voie enzyma-
compétitive parce que, même si elle est plus chère, elle présente
tique en glucose et vanilline comme indiqué à la figure 2 [20].
une intensité aromatique 1,2 fois supérieure à celle de la vanilline à
base de pétrole en raison de la présence d’éthylvanilline (voir la Lorsque la vanilline est produite à partir de gousses de vanille par
rubrique Sites Internet du Pour en savoir plus). Fait intéressant, ce procédé, l’étiquetage sur le produit de consommation peut être
l’éthylvanilline est aussi utilisée commercialement comme arôme de indiqué comme « arôme naturel de vanille », ce qui constitue un puis-
vanille ayant 3,5 fois l’intensité aromatique de la vanilline. La vanil- sant argument marketing. Selon le règlement 1334/2008 de l’Union
line est également un intermédiaire important pour la synthèse de européenne, la vanilline peut être vendue comme « arôme naturel de
produits chimiques fins et de produits pharmaceutiques (par vanille » seulement si le matériau de base et le procédé sont naturels.
exemple la L-3,4-dihydroxyphénylalanine, L-DOPA) [21]. En dehors Ainsi, la vanilline synthétique ne peut pas être étiquetée en tant
de ces applications majeures, des exemples d’autres utilisations de que telle, mais plutôt comme arôme de vanille « synthétique » ou
la vanilline existent comme agent d’affinage pour augmenter la « artificielle » [24]. Actuellement, 85 % de l’approvisionnement
quantité de saccharose dans la canne à sucre, ou comme composé mondial est produit à partir d’intermédiaires pétrochimiques, en
de base pour la préparation d’écran solaire. particulier le guaiacol [21]. Il y a différents procédés de production
Gobley, en 1858, fut le premier à isoler et à identifier le com- de la vanilline à partir du guaiacol, mais le plus utilisé est le pro-
posé vanilline de la gousse de vanille et à confirmer qu’il s’agis- cédé de la société Rhône Poulenc (activité actuellement au sein du
sait du principal composant aromatique [20]. L’eugénol est le groupe Solvay après le rachat de Rhodia) [112] [113]. La première
composant principal (environ 90 %) de l’essence de girofle, l’huile étape de ce procédé implique la condensation de l’acide glyoxy-
essentielle extraite de la plante de clou de girofle. La production lique sur le guaiacol pour produire l’acide vanillylmandélique,
de vanilline à partir de la lignine issue de la liqueur résiduaire de comme indiqué à la figure 3 [25].
sulfite a commencé en Amérique du Nord en 1936-1937 sur la L’avantage de cette réaction est que la condensation de l’acide
base des travaux de Sandborn, Salvesen et Clemens [22] d’une glyoxylique est très sélective par rapport à la position para, ce qui
part et de ceux de Hibbert et Tomlinson d’autre part [23]. Cette évite les produits secondaires et donc les séparations coûteuses [26].
méthode s’est développée rapidement pour devenir le principal La préparation de l’acide vanillylmandélique a été étudiée en détail et
processus de production de la vanilline synthétique. Même dans des rendements de 74 % ont été décrits. La faible conversion de
les années 1970, lorsque l’utilisation de la vanilline est passée de l’acide glyoxylique est probablement due à une réaction secondaire,
l’arôme à l’intermédiaire chimique [20], ce processus est resté iné- la réaction de Canizzaro de l’acide glyoxylique en présence de base
galé. La production de vanilline de l’Ontario Pulp and Paper est qui conduit à la formation d’acide glycolique et d’acide oxalique [18].
devenue tellement rentable que la production a été graduellement Dans la seconde étape, l’acide vanillylmandélique est soumis à une
étendue à 3,4 millions de kilogrammes par an en 1981, ce qui était décarboxylation oxydative pour former de la vanilline. Cette réaction
suffisant pour approvisionner 60 % du marché mondial de est habituellement réalisée en utilisant un système d’hydroxyde de
l’époque [20]. Cependant, presque toutes les usines de lignine de cuivre (II)/oxygène dans un milieu alcalin aqueux à une température

OH O OH O
O O
O O
O HO OH + HO
HO enzyme
HO H HO H
OH OH

Figure 2 – Hydrolyse du glucoside de vanilline en vanilline et glucose

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LA VANILLINE : INTERMÉDIAIRE CLÉ DE LA LIGNINE À LA SYNTHÈSE DE POLYMÈRES BIOSOURCÉS _________________________________________________

Acide glyoxylique OH OH
O HO O O H
O O
OH
H
H2O2 Me2SO4
O2 – CO2
O
H+ HO O KOH O Cu(II) O O
OH OH OH OH OH OH
Acide Vanilline
Guaiacol Acide
vanilglycolique
vanillylmandelique

Figure 3 – Procédé industriel de la production de vanilline à partir du phénol


HO O H

H2O2 MeCl aq. CH2O 1/2 O2

TS – 1 HO O zéolite O cat. O
OH OH OH OH OH
Guaiacol Alcool vanillique Vanilline

Figure 4 – Procédé de production de la vanilline à partir du phénol

de 80 à 130 °C. La société Rhône Poulenc avait étudié l’optimisation autour de 10 dollars par kilogramme, alors que la vanilline fabri-
de ce procédé dans le but d’en améliorer l’efficacité (atom effi- quée d’une manière pouvant être étiquetée « naturelle » peut coû-
ciency) mais sans réalité industrielle [26] [114]. Leur processus est ter des centaines de dollars par kg [16]. Les voies biosourcées
décrit dans la figure 4. présentées ne conviennent donc pas pour une utilisation de la
La subtilité réglementaire de l’étiquetage entre la vanilline vanilline dans la synthèse des polymères, dans laquelle les prix
« artificielle » et « naturelle » et le prix élevé et la disponibilité bas et les grands volumes sont des exigences majeures. L’extrac-
limitée de la vanilline issue de la gousse de vanille ont conduit au tion de la vanilline de la bouse de vache dans l’eau sous-critique,
développement de bio-synthèses de la vanilline, qui pourraient une méthode qui a remporté le prix Ig Nobel 2007 pour la chimie,
être qualifiées de « naturelles ». Les stratégies les plus efficaces a également un intérêt [39]. Ainsi, pour les applications classiques
sont les approches fondées sur les micro-organismes. Elles ont d’arômes, la production de vanilline à partir de pétrole n’est plus
été largement décrits dans la littérature [16] [29] [30] et consistent recherchée, et ce sont de voies biosourcées qui sont devenues
à utiliser des réactions de biotransformation de champignons attractives, pour leur potentiel en termes de naturalité. C’est pour-
natifs ou modifiés génétiquement [30] [31], de levures [32] ou de quoi la production de vanilline à partir de lignine reprend tout son
bactéries [33] pour produire de la vanilline (ou un dérivé dans un intérêt et l’accès à la vanilline de lignine est prometteur.
état d’oxydation différent) à partir d’un substrat structurellement
proche. Le substrat le plus disponible et prometteur est l’acide
férulique [30] [34] [35]. D’autres substrats prometteurs com-
prennent le glucose [36] [37] et des fragments de lignine [29]. 2. La production de vanilline
La société belge de chimie de spécialité Solvay, leader mondial
de la production de vanilline synthétique, fabrique également de à partir de la lignine
la vanilline « naturelle » à partir d’acide férulique [16]. Le procédé
développé à l’origine par Givaudan et cédé sous licence exclusive
à Rhodia, implique la fermentation de ce substrat par des bacté- 2.1 Dépolymérisation de la lignine
ries [38]. Récemment, un nouveau procédé enzymatique pour la
synthèse de la vanilline utilisant le D-glucose comme source de Le procédé d’obtention de la vanilline à partir de la lignine
carbone a été décrit [36]. La société suisse de biotechnologie (lignin-to-vanillin) est un procédé qui date du début des années
Evolva commence également par le sucre pour produire de la 1930. De nos jours, comme mentionné ci-dessus, seulement 15 %
vanilline par fermentation de levures. Evolva et Solvay travaillent de la production totale de vanilline provient de la lignine [17]. Plus
toutes deux pour augmenter leur production de vanilline natu- précisément, elle provient des lignosulfonates, principalement de
relle. Evolva a conclu un partenariat avec International Fla- la société norvégienne Borregaard qui exploite une usine de
vors & Fragrances pour en achever le développement et préparer lignine pour vanilline à Sarpsborg, en Norvège, depuis plus de
la commercialisation du produit [16] [37]. Ce petit jeu de mots 50 ans. Au cours des 20 dernières années, ils ont été les seuls à
entre la vanilline « artificielle » et « naturelle » a fourni une impul- utiliser ce processus [16]. Le processus commence avec la prépara-
sion financière suffisante pour conduire à d’énormes investisse- tion de la pâte de bois au sulfite, qui donne la liqueur de sulfite,
ments dans les biotechnologies. Cependant, lorsqu’elle est riche en lignosulfonate, comme sous-produit. Cette liqueur est
fabriquée à partir de sources pétrochimiques, la vanilline coûte ensuite traitée comme indiqué à la figure 5 [40].

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_________________________________________________ LA VANILLINE : INTERMÉDIAIRE CLÉ DE LA LIGNINE À LA SYNTHÈSE DE POLYMÈRES BIOSOURCÉS

Sulfite ou
bisulfite
Ultrafiltration

Mise en pâte, Liqueur Lignosulfonates Production


Bois Évaporation
lavage de sulfite concentrés de vanilline

Précipitation
Pulpe

Figure 5 – Schéma bloc du procédé de production de la vanilline à partir du bois


Sur le plan industriel, seule la lignine issue de la préparation de la Le procédé de production de la vanilline lui-même consiste à
pâte de bois au sulfite est utilisée pour préparer la vanilline, bien que traiter une solution aqueuse de lignine avec des oxydants, à pH
ce type de lignine représente moins de 10 % du total des lignines alcalin, et à des températures et pressions élevées, pour dépoly-
extraites [21]. Ainsi, les lignines kraft, qui représentent la grande mériser la lignine et obtenir de la vanilline. Compte tenu de la
majorité des lignines extraites, sont généralement brûlées pour récu- complexité et de l’hétérogénéité des lignines, l’établissement d’un
pérer l’énergie et assurer la viabilité économique du processus de mécanisme de réaction est extrêmement difficile. De plus, de nom-
production de pâte à papier. Cependant, de plus en plus de travaux breux paramètres influencent le processus (tableau 1), ce qui
étudient la dépolymérisation de tous les types de lignines, y compris ajoute encore plus à la complexité des étapes élémentaires. Néan-
les lignines ligneuses broyées, les lignines organosolve (organosolv) moins, le mécanisme présenté à la figure 6 a été proposé dans la
et les lignines obtenues par des processus enzymatiques [11] [12]. littérature [42].
Cette approche est cohérente avec le concept de la bioraffinerie, dans
laquelle les lignines sont considérées comme une source de molé- Ce mécanisme d’oxydation de la lignine en vanilline a fait et fait
cules aromatiques à valeur ajoutée moyenne à élevée, au lieu d’être toujours l’objet de beaucoup de débats et de recherches [42] [43] [44]
brûlées [17] [41]. C’est aussi l’approche envisagée dans ce travail, qui [45] [46] [47] et n’est pas encore complètement compris, à l’instar
traite de la dépolymérisation de toutes sortes de lignines dans des d’autres processus oxydatifs du végétal. Les travaux récents de Pacek
conditions alcalines et oxydatives pour produire de la vanilline. et al. [47] ont montré que la vanilline peut se former en l’absence de

H H –H2O [ox.]
O C C CH2–OR2 O C C CH2–OR2 O C C CH2–OR2
H –e– H
OH R1 R1 R1
H3CO H3CO H3CO
[ox.]
–e–

O C C CH2–OR2 O C C CH2–OR2 O C C CH OR2


H H H
R1 R1
H3CO H3CO H3CO

O C C CH2 OR2
H
R1
–H+ [ox.]
H3CO O C C CH OR2 O C C CH OR2 O C C C OR2
H H –e– H H
R1 R1 R1
H3CO H3CO H3CO

O O O
HO– –R2OH HO–
O C C CH OR2 O C C CH OR2 O C C C O R1 CH2 C
H H H réaction
R1 OH R1 H H H
R1
rétro-aldol
H3CO H3CO H3CO H3CO

Figure 6 – Mécanisme proposé pour la dépolymérisation de la lignine en vanilline

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Le cardanol : de l’huile de coque


de noix de cajou à la chimie verte
par Sylvain CAILLOL
Ingénieur ENSCM, Docteur ès Sciences
Directeur de recherche CNRS
Institut Charles Gerhardt Montpellier, UMR 5253, Montpellier, France

1.
1.1
Huile de coque de noix de cajou .........................................................
Extraction du CNSL.....................................................................................
CHV 4 023 - 2
— 2 S
1.2 Raffinage du CNSL...................................................................................... — 3
1.3 Composition du CNSL ................................................................................ — 3
1.4 Fournisseurs de CNSL ................................................................................ — 3
1.5 Méthodes de purification et de séparation ............................................... — 3
2. Sites réactifs du cardanol..................................................................... — 4
3. Applications du cardanol dans la chimie ......................................... — 5
3.1 Polymères .................................................................................................... — 5
3.1.1 Oligomérisation thermique ............................................................... — 5
3.1.2 Oligomérisation enzymatique........................................................... — 6
3.1.3 Résines cardanol-formaldéhyde ....................................................... — 6
3.1.4 Résines époxy .................................................................................... — 8
3.1.5 Résines vinyl esters ........................................................................... — 8
3.1.6 Cyanate esters .................................................................................... — 8
3.1.7 Polybenzoxazines............................................................................... — 9
3.1.8 Polyols pour polyuréthanes .............................................................. — 9
3.1.9 Durcisseurs phénalkamines .............................................................. — 11
3.1.10 Monomères pour la polymérisation en chaîne ............................. — 11
3.1.11 Monomères difonctionnels pour la polymérisation par étapes ... — 11
3.1.12 Usages divers ................................................................................... — 12
3.2 Additifs......................................................................................................... — 13
3.2.1 Plastifiants .......................................................................................... — 13
3.2.2 Surfactants.......................................................................................... — 14
3.2.3 Agents dopants .................................................................................. — 15
3.2.4 Antioxydants ...................................................................................... — 15
3.2.5 Additifs pour caoutchouc .................................................................. — 16
4. Conclusions et perspectives ................................................................ — 16
5. Glossaire .................................................................................................... — 16
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. CHV 4 023

L’utilisation des ressources renouvelables pour l’élaboration de substances


chimiques et de matériaux représente un sujet actuel très important et a attiré
l’attention des chercheurs du monde entier, issus des secteurs académiques et
industriels. En effet, depuis le tout début des années 2000, la synthèse de
monomères et de polymères à partir de ressources renouvelables est l’objet
d’importants efforts de recherche en raison de la volatilité des prix des
produits pétroliers, associée à l’accroissement des préoccupations environne-
mentales. Les ressources renouvelables, appelées aussi biomasse, font
référence à tout matériau présentant une origine biologiques récente, y
compris les matières végétales, les matières animales, les cultures agricoles et
même les coproduits et les déchets fermentescibles. Les matières premières
p。イオエゥッョ@Z@。カイゥャ@RPRP

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LE CARDANOL : DE L’HUILE DE COQUE DE NOIX DE CAJOU À LA CHIMIE VERTE __________________________________________________________________

renouvelables les plus largement utilisées pour l’élaboration de substances


chimiques et de matériaux sont le bois, les protéines, la cellulose, la lignine,
les tanins, les amidons, les substances oléochimiques, telles que les huiles
végétales, et les ressources animales comme la chitine et le chitosan…
Une grande variété de substances chimiques ont déjà été préparées à partir
de ces matériaux dérivés de la biomasse et certaines d’entre elles sont indus-
trialisées et commercialisées. Les huiles végétales telles que les huiles de soja,
de tung, de lin, de colza, de ricin conduisent notamment depuis de longues
années à de nombreux produits pour une grande variété d’applications.
Parmi ces huiles, l’huile de coque de noix de cajou ou Cashew Nut Shell
Liquid (CNSL) est un co-produit agricole abondamment disponible dans de
nombreuses parties du monde dont la structure chimique est unique, car elle
contient un fragment phénolique avec une chaîne latérale non saturée à
15 carbones. Le CNSL n’est pas comestible, donc son utilisation en tant que


matière première pour la chimie n’exerce aucune compétition avec la chaîne
d’approvisionnement alimentaire, contrairement à d’autres matières pre-
mières renouvelables telles que les huiles alimentaires. Les trois principales
classes de composés phénoliques issus de ressources renouvelables sont la
lignine, les tanins extraits du bois et le CNSL. Si la lignine et les tanins sont
massivement disponibles dans la biomasse, leur disponibilité commerciale est
limitée au regard de celle du CNSL. Ainsi, le CNSL peut potentiellement rem-
placer le phénol dans de nombreuses applications avec des résultats équivalents
voire meilleurs. Une plus grande utilisation du CNSL comme matière première
pour la chimie et l’élaboration de polymères est envisageable, compte tenu de
sa production importante (> 900 kt. par an), de son faible coût et de sa struc-
ture chimique ouvrant la voie à de nombreuses réactions. Plusieurs revues ont
été publiées, décrivant notamment la composition, les réactions ou les applica-
tions du CNSL. Le présent article propose de présenter les divers aspects de
l’utilisation du CNSL pour la chimie en s’intéressant notamment à l’accès au
CNSL, aux différentes réactions envisageables et aux produits dérivés. Cet
article présente notamment le CNSL comme un précurseur pour la synthèse de
divers produits tels que des monomères, des polymères et des additifs.
Le lecteur trouvera en fin d’article un glossaire des termes utilisés.

hydrocarbonés à longue chaîne, qui sont des lipides phénoliques


1. Huile de coque de noix présents dans les plantes de ces familles, telles que les Anacardia-
de cajou ceae [10]. La plante peut atteindre 12 m de hauteur. Les noix de
cajou sont les cultures marchandes produites par l’arbre, mais il
produit également des pommes de cajou (comestibles), une
De nombreux travaux de recherche se sont focalisés sur l’élabo- gomme semblable à la gomme arabique et le bois est utilisé pour
ration de monomères, polymères, matériaux et additifs à partir de la construction de bateaux ou l’élaboration de charbon de bois. La
ressources renouvelables [1]. Ces travaux s’intéressent ainsi à la pomme de cajou est utilisée dans les boissons, les confitures et
valorisation de la biomasse, en particulier les huiles végétales, les gelées. Le jus de pomme de cajou possède des propriétés
dérivés ligno-cellulosiques et les polysaccharides issus de divers antitumorales et antimicrobiennes [28]. La noix de cajou est gris
procédés agricoles [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8]. Cependant, la valorisa- verdâtre et attachée à la pomme de cajou, qui, à maturité, devient
tion des co-produits issus de l’industrie de la noix de cajou occupe jaune vif ou rouge. Le péricarpe de la noix est constitué d’un épi-
une place à part [9] [10] [11] [12]. Le liquide contenu dans la coque carpe coriace, d’un mésocarpe spongieux et d’un endocarpe. Le
de noix de cajou est appelé « Huile de coque de noix de cajou » noyau est à l’intérieur de la coque et recouvert d’une peau brune
ou « Cashew Nut Shell Liquid » (CNSL) et est un sous-produit de appelée testa. La noix est en forme de rein et sa taille varie de
l’industrie du cajou. Le CNSL se présente sous la forme d’une 2,5 à 4 cm. Le CNSL constitue 18 à 27 % du poids total des noix
substance visqueuse jaune verdâtre liquide présente dans l’épais- brutes [28].
seur de la coque de la noix de cajou (figure 1). La noix de cajou
est un produit de l’arbre anacardier, Anacardium occidentale [25]
[26] [27], originaire du Brésil et abondamment disponible dans de 1.1 Extraction du CNSL
nombreuses régions du monde, telles que le Brésil, l’Inde, le
Bangladesh, la Tanzanie, le Kenya, le Mozambique, les régions Traditionnellement, un certain nombre de méthodes ont été uti-
tropicales de l’Afrique, de l’Asie du Sud-Est et l’Extrême-Orient. lisées pour extraire le CNSL des noix de cajou, deux procédés le
Dans certains de ces pays, la noix de cajou est un produit agricole sont principalement : le procédé à l’huile chaude et le procédé de
populaire, alors que d’autres importent des noix de cajou pour torréfaction dans lequel le CNSL suinte de la coque [29] [30].
leur transformation. Le CNSL appartient à la famille des phénols L’extraction de l’huile utilise des solvants tels que le benzène, le

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__________________________________________________________________ LE CARDANOL : DE L’HUILE DE COQUE DE NOIX DE CAJOU À LA CHIMIE VERTE

Anacardier Pomme et noix Noix de cajou Coque de noix


de cajou


Amande

Huile de noix de cajou

Figure 1 – De l’anacardier à l’huile de coque de noix de cajou

toluène, des hydrocarbures pétroliers ou des alcools [31]. D’autres paux : l’acide anacardique, le cardanol, le cardol et le 2-méthyl car-
techniques sont aussi envisagées comme l’utilisation d’un dol. Ce sont tous des mono-phénols ou des diphénols possédant
mélange de CO2 supercritique et d’alcool isopropylique [32]. une chaîne aliphatique en position méta. La figure 2 représente les
structures chimiques de ces composés. Le CNSL de qualité commer-
ciale ne contient pratiquement pas d’acide anacardique en raison de
1.2 Raffinage du CNSL la réaction de décarboxylation intervenant au cours du processus de
torréfaction, qui convertit l’acide anacardique en cardanol [36]. Les
La présence de sulfures, de matières azotées et de minéraux composants du CNSL sont eux-mêmes des mélanges de quatre
contenus dans le CNSL brut affecte directement la qualité de constituants différant par le nombre d’insaturations de la chaîne
l’huile. Le CNSL est donc souvent soumis à un traitement prélimi- latérale. En effet, cette chaîne peut être saturée (5 à 8 %), ou sous
naire avec des composés tels que des sulfates d’hydrocarbures et forme de monoène (48 à 49 %), diène (l6 à 17 %) ou triène (29 à
de l’acide sulfurique avant son utilisation industrielle. Des solu- 30 %) [37]. La composition des CNSL naturels et techniques a été
tions aqueuses d’acides comme l’acide chlorhydrique, l’acide étudiée par plusieurs chercheurs [38] [39] [40] [41] [42] [43]. En utili-
sulfurique, l’acide acétique, l’acide chloroacétique ou l’acide phos- sant principalement des techniques chromatographiques, Tyman et
phorique, ou des sulfates d’acide, tels que l’hydrogénosulfate de al. [36] [44] [45] ont rapporté la présence d’oligomères et de
sodium, sont utilisées à cet effet. Cela produit deux effets princi- polymères dans des CNSL naturels et techniques. La composition
paux : la précipitation des sels minéraux d’ammonium, de calcium du CNSL [14] naturel et technique est donnée dans le tableau 1.
et de potassium, ainsi que la réduction de la teneur en vésicant
cutané présent dans le CNSL comme l’urushiol. Le traitement
chimique s’accompagne du dégagement d’hydrogène sulfuré. On 1.4 Fournisseurs de CNSL
a constaté que la réduction de la teneur en sulfure correspond
grossièrement à l’élimination de l’agent responsable de l’irritation La société Cardolite Corporation (Bristol, PA, États-Unis) est le
de la peau. Un traitement avec des amines ou des hydroxydes de leader mondial du développement, de la fabrication et de la
métaux du groupe IA ou II a été identifé pour réduire la teneur en commercialisation de produits issus du CNSL. Palmer International
cardol. Le CNSL raffiné peut être facilement distillé sous pression est l’un des principaux fournisseurs de CNSL en Amérique du
réduite ou hydrogéné, les deux procédés conduisant à des pro- Nord. En Inde, plusieurs entreprises sont impliquées dans la pro-
duits avec une bonne stabilité de la couleur. On a constaté, que le duction du CNSL et de produits dérivés telles que Satya Cashew
traitement à la vapeur de CNSL avec H2SO4, suivi d’une distilla- Chemicals Ltd., Adarsh Industrial Chemicals, Akshar Cashew
tion, désodorisait l’huile dans une large mesure [10]. Au cours des Industries. Depuis le début des années 2010, de nouveaux acteurs
procédés d’extraction ou de raffinage, l’acide anacardique présent apparaissent tels que Senesel en Pologne ou Orpia en France.
dans le CNSL est décarboxylé en cardanol [33].

1.3 Composition du CNSL 1.5 Méthodes de purification


et de séparation
Les premiers travaux concernant la composition de l’huile de
coque de noix de cajou ont été publiés par Stadeler [34]. Depuis Différentes méthodes de distillation ont été utilisées en vue de
lors, de nombreux chercheurs ont étudié les composants du CNSL l’obtention du cardanol, mais ces méthodes de distillation ne
[16] [35]. À l’état naturel, le CNSL contient quatre composants princi- conviennent pas si le cardol doit en plus être récupéré, car ce

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LE CARDANOL : DE L’HUILE DE COQUE DE NOIX DE CAJOU À LA CHIMIE VERTE __________________________________________________________________

OH OH OH OH
COOH H3 C

C15H31–n C15H31–n HO C15H31–n HO C15H31–n


acide anacardique cardanol cardol 2-méthyl cardol
(74,1-77,4 %) (1,2-9,2 %) (15,0-20,1 %) (1,7-2,6 %)
a

2 4 6 8 10 12 14
1 3 5 7 9 11 13 15 n=0
8
n = 2 ; monoène

C15H31–n =


8 11
n = 4 ; diène

8 11 14
n = 6 ; triène
b

Figure 2 – Composition du CNSL

éluant [49]. L’éther de pétrole (C60 – C80), un mélange de pétrole


Tableau 1 – Composition phénolique du CNSL et d’éther diéthylique, du méthanol [46], un mélange d’hexane et
chloroforme [51] ou un mélange de toluène et de chloroforme
CNSL pourraient également être utilisés comme éluants [49] [50] [51]. La
Composant (en %) CNSL Naturel
grade technique chromatographie sur colonne est généralement effectuée sur de la
silice avec un éluant similaire à celui de la chromatographie en
Cardanol 1,2 62,9 couche mince [46]. Cependant, elle a également été réalisée avec
du chitosane comme phase stationnaire et de l’hexane comme
Cardol 11,3 11,3 éluant. La pureté du cardanol obtenu selon les techniques de
chromatographie atteint 98 % [52]. Des méthodes d’extraction au
2-méthyl cardol 2,1 2,1 solvant sont également utilisées pour obtenir du cardanol avec
une pureté de 93 % [52]. Dans ce cas, le CNSL est dissous dans le
Acide anacardique 64,9 – méthanol ou l’ammoniac ; le cardanol est extrait avec de l’hexane
et le cardol peut être extrait en utilisant un mélange d’acétate
Polymères 20,3 23,8 d’éthyle et d’hexane.

dernier a un point d’ébullition élevé et n’est pas stable au chauf-


fage. Ainsi, pour le cardol également qui présente des applica- 2. Sites réactifs du cardanol
tions prometteuses comme marqueur biologique, les méthodes
de chromatographie sont préférées [46]. La distillation permet de
récupérer le cardanol directement à partir du CNSL à une tempé- Le cardanol est très difficile à obtenir selon des voies convention-
rature comprise entre 210 et 280 °C, sous une pression de 2 à nelles de synthèse chimique dans la mesure où la chaîne latérale ali-
8 mm Hg [47]. Le produit obtenu est jaune pâle et noircit pendant phatique se trouve dans la position méta par rapport au groupe
le stockage [48]. Après une seconde distillation, il est possible phénol, qui oriente en général toutes les substitutions en positions
d’obtenir 90 % d’un mélange de cardanol mono- et di-ène. Enfin, ortho et/ou para. Le cardanol se prête à de nombreuses fonctionna-
après une série de distillations/ séparations chromatographiques, lisations pour conduire à des propriétés spécifiques d’intérêt pour
le mono-cardanol peut être isolé [23]. La séparation du cardanol et des polymères de haute valeur ajoutée. Les modifications structu-
des produits secondaires a été étudiée par diverses techniques de relles peuvent être réalisées au niveau du groupe hydroxyle, sur le
chromatographie (papier, couche, colonne, etc.) [49]. Pour séparer cycle aromatique et sur la chaîne latérale (figure 3).
les molécules de cardanol en fonction de leur degré d’insatura-
Au cours des processus d’extraction ou de raffinage, l’acide
tion, il est nécessaire d’utiliser des méthodes d’argentation [46],
anacardique se décarboxyle en cardanol par simple chauffage
[50]. La chromatographie sur papier utilise du papier comme
(figure 4d) [32]. L’hydrogénation (figure 4e) est généralement
phase stationnaire et du chloroforme comme éluant ; le produit
réalisée en utilisant de l’hydrogène et des catalyseurs tels que le
obtenu en bas est le cardol puisqu’il est le composant le plus
cuivre, le nickel, le palladium ou le platine [33]. Le cardanol
polaire ; le cardanol, quant à lui, migre le long du papier avec
hydrogéné peut être séparé par distillation, comme pour le CNSL
l’éluant, le cardanol tri-insaturé migre plus rapidement que le
brut (figure 4). Perdriau et al. [53] ont effectué une conversion
mono-insaturé.
intéressante des polyènes du CNSL en monènes par hydrogéna-
La séparation du cardanol pur et du cardol à partir de cardanol tion par transfert catalysée par RuCl3. Les dérivés du CNSL
technique par chromatographie en couche mince est effectuée en peuvent être également être sulfonés pour donner des acides alk-
utilisant un mélange de benzène et d’acétate d’éthyle comme ylarylsulfoniques ou leurs sels métalliques (figure 4c) [14] [54]. La

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__________________________________________________________________ LE CARDANOL : DE L’HUILE DE COQUE DE NOIX DE CAJOU À LA CHIMIE VERTE

Estérification, allylation,
3. Applications du cardanol
époxidation, alkylation,
éthoxylation, propoxylation,
dans la chimie
phosphorylation…
OH Le cardanol possède des propriétés intrinsèques antioxydantes
et antimicrobiennes. Il est ainsi utilisé pour ces propriétés, mais
également comme additif dans de nombreuses formulations (ten-
C15H31–n sioactifs…). Les polymères dérivés de CNSL ont certaines proprié-
Condensation, nitration, tés exceptionnelles, qui les rendent uniques pour de nombreuses
bromination, hydrogénation, applications [11] [19] [60]. Les polymères dérivés présentent une
amination, réaction de Mannich… flexibilité due à la « plastification interne » résultant de la pré-
Hydrogénation, hydrosilylation, sence d’une longue chaîne latérale, qui confère également un
époxidation, phénolation, caractère hydrophobe aux matériaux. Le cardanol est de plus
méthathèse… compatible en mélange avec une grande variété de polymères tels
que les alkydes, les mélamines, les polyesters permettant d’obte-
nir des formulations homogènes [14].
Figure 3 – Sites réactifs du cardanol

nitration directe du cardanol hydrogéné conduit à des dérivés


nitrés, qui sont des produits très utiles (figure 4d) [55]. L’halogé-
3.1 Polymères S
nation du CNSL peut être accomplie très facilement. Par exemple,
3.1.1 Oligomérisation thermique
on peut faire passer du chlore gazeux à travers une solution de
CNSL dans du kérosène pour obtenir 15 % (masse) de chloration Le cardanol peut être polymérisé soit par condensation avec
[56]. La réaction du cardanol avec des chlorures d’acide en pré- des aldéhydes ou par polymérisation en chaîne en utilisant direc-
sence d’une base peut conduire aux esters de cardanyl corres- tement les insaturations de la chaîne [61]. Le chauffage direct, à
pondants (figure 4e) [57]. L’époxydation du cardanol (figure 4f) partir de 200 °C, est la méthode de polymérisation directe la plus
peut être réalisée en utilisant l’épichlorohydrine en présence de simple du CNSL. Des agents cationiques, anioniques ou des oxy-
soude caustique comme catalyseur [58] [59]. Enfin, une éthérifica- dants peuvent être ajoutés pour accélérer le processus [14].
tion a également été rapportée avec divers halogénures d’alkyle Lorsque la polymérisation est amorcée directement par la chaleur,
(figure 4g) [14] [53]. Diverses techniques peuvent également être les sels présents dans le CNSL peuvent aussi la catalyser. Les
utilisées pour polymériser le CNSL et obtenir diverses résines. La bases peuvent également être utilisées comme catalyseurs pour la
présence de la chaîne aliphatique latérale donne à ces résines un polymérisation de CNSL. Dans ce cas, la première étape est géné-
caractère hydrophobe prononcé, qui est une propriété précieuse ralement la réaction de l’hydroxyle phénolique avec la base, et le
pour de nombreuses applications comme la résistance aux sol- composé ainsi obtenu joue le rôle de catalyseur pour la polyméri-
vants polaires. sation. Manjula et al. [62] ont ainsi étudié la cinétique et le méca-

OCOC6H5

OR C15H31–n
OH
Estérification xNO2
C15H31–n
e
C15H31–n
g Nitration x = 1, 2 or 3
Ethérification
d
OH OH OH

COOH Décarboxylation Hydrogénation

a C15H31–n b C15H31
C15H31–n
Cardanol
acide anacardique
Sulfonation Epoxidation
c
f
− O
OR
O−CH 2 −CH−CH 2
SO3
M+
C15H31
C15H31–n

Figure 4 – Réactions sur le cardanol

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Excipients verts en émergence


pour l’industrie pharmaceutique
par Sophie GIROD FULLANA
Professeur à l’université de Toulouse III Paul Sabatier
Faculté des Sciences Pharmaceutiques
CIRIMAT, Toulouse, France
et Anne AUBERT-POUESSEL
Maître de conférences de l’université de Montpellier


UFR des Sciences Pharmaceutiques et Biologiques,
Institut Charles Gerhardt Montpellier (ICGM), Montpellier, France

1. Excipients à base de lipides d’origine végétale dans les formes


pharmaceutiques CHV 4 024 - 2
1.1 Intérêts et limites......................................................................................... — 2
1.2 Lipides d’origine végétale, excipients
aux fonctions biopharmaceutiques ........................................................... — 5
1.3 Lipides d’origine végétale, excipients aux fonctions technologiques .... — 8
2. Protéines végétales et leurs potentialités dans le domaine
des excipients verts................................................................................ — 9
2.1 Principales sources de protéines et leur utilisation actuelle ................... — 9
2.2 Principales protéines végétales présentant un intérêt pour le domaine
pharmaceutique .......................................................................................... — 10
2.3 Intérêts et limites actuelles pour un développement en tant
qu’excipients verts ...................................................................................... — 11
2.4 Principaux domaines applicatifs des protéines végétales....................... — 12
3. Conclusion................................................................................................. — 16
4. Glossaire .................................................................................................... — 16
Pour en savoir plus Doc. CHV 4 024

es excipients sont des substances ou mélanges de substances utilisées


L dans la formulation d’un médicament. Définis comme inertes vis-à-vis du
principe actif, et n’induisant pas d’effet indésirable chez le patient (à l’excep-
tion des excipients à effet notoire), ils sont choisis pour des raisons
technologiques (stabiliser, faciliter l’écoulement, améliorer le goût…) ou bio-
pharmaceutiques (solubiliser, moduler la libération…). Ces matières premières,
essentielles pour le pharmacien formulateur, sont encadrées par une législa-
tion et recensées dans la Pharmacopée européenne.
Les excipients proviennent d’origines variées, minérale ou organique, syn-
thétique ou naturelle. Les excipients d’origine naturelle sont utilisés depuis les
prémices de la formulation au IIe siècle. Un certain nombre sont extraits des
plantes : les huiles végétales, les amidons… avec l’industrialisation au
XIXe siècle, ils ont été substitués pour certains par des excipients synthétiques
ou encore hémisynthétiques issus de la pétrochimie : huiles minérales, sili-
cones, celluloses modifiées… Mais les préoccupations environnementales
sont à l’origine d’un regain d’intérêt pour des matières premières d’origine
naturelle et plus respectueuses de l’environnement. Les domaines de l’agro-
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alimentaire et de la formulation cosmétique ont été les premiers secteurs tou-


chés, et les mutations qu’ils ont enclenchées ont permis l’émergence de
matières premières dont les potentialités dans le domaine pharmaceutique

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EXCIPIENTS VERTS EN ÉMERGENCE POUR L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ___________________________________________________________________

sont maintenant à évaluer et à faire évoluer pour répondre aux exigences


pharmaceutiques.
Les excipients d’origine végétale présentent de nombreux avantages : en
premier lieu, leur abondance sur terre ou dans les océans, et en second leur
sûreté. Ces produits sont dénués de virus, ils sont généralement biocompa-
tibles et biodégradables, assurant ainsi une absence d’accumulation dans
l’organisme et l’environnement. Leurs inconvénients sont leur pureté, leur
composition variable selon les lots, le risque de contamination bactérienne
pour les produits hydratés, et certains excipients d’origine végétale peuvent
être allergisants (gluten, arachide).
Les excipients d’origine végétale possèdent des fonctions chimiques diffé-
rentes liées à leur nature de type lipide, protéine ou polysaccharide. Leurs
fonctions sont multiples : gélifiant, émulsifiant, agent d’enrobage, liant, solubi-
lisant… Elles peuvent être classées en deux catégories : les fonctions
technologiques qui vont aider à la formulation ou à l’administration, à l’accep-
S tabilité par les patients, et les fonctions biopharmaceutiques qui vont
permettre d’améliorer l’absorption du principe actif dans l’organisme et/ou de
moduler sa vitesse de libération. Quel que soit leur rôle, les excipients souvent
multiples au sein d’une même formulation apparaissent donc dans toutes les
formes pharmaceutiques : les comprimés et gélules, les suppositoires, les solu-
tions, les émulsions, les suspensions, les aérosols, les patchs… Ces excipients
doivent être sûrs, facilement identifiables par des techniques analytiques clas-
siques, inertes chimiquement pour éviter les interactions avec les autres
excipients, les principes actifs et le conditionnement.
Si l’industrie pharmaceutique revendique peu l’utilisation d’excipients bio-
sourcés à base de polysaccharides, protéines et lipides, elle est pourtant
aujourd’hui en forte demande pour plusieurs raisons. D’une part ces molécules
naturelles offrent des propriétés variées qui peuvent être mises à profit pour
des excipients aux fonctions multiples, biopharmaceutiques ou technolo-
giques. Ces excipients peuvent être utilisés dans des nouveaux procédés de
préparation et des formulations innovantes. Enfin dans une démarche de refor-
mulation, ces excipients permettent aux industriels de breveter. Les
potentialités des polysaccharides sont déjà bien connues, aussi dans cet article
nous aborderons uniquement les excipients d’origine végétale de nature lipi-
dique ou protéique aux propriétés moins connues, mais néanmoins
prometteuses.

plante terrestre : les graines (tournesol, colza), les fruits (olivier,


1. Excipients à base palmier à huile) [3] (tableau 2). Ils sont présents dans les algues
de lipides d’origine (membranes, cytoplasme), celles-ci en sécrètent selon leur envi-
ronnement. Après extraction ils subissent un raffinage qui
végétale dans les formes consiste à éliminer des composés indésirables, à augmenter leur
transparence, à les désodoriser, et à les rendre plus stables
pharmaceutiques chimiquement [4].
Ce sont des excipients incontournables en formulation galé-
nique depuis le cérat de Galien (IIe siècle) composé à 50 % d’huile
1.1 Intérêts et limites végétale d’amande douce, et actuellement présents dans de nom-
breuses formes pharmaceutiques classiques (émulsions, compri-
Les lipides végétaux proviennent des plantes terrestres et més, capsules, suppositoires) ou élaborées (nanocapsules
aquatiques [1] [2], ils sont définis comme des corps gras, c’est-à- lipidiques, systèmes « self-emulsifying ») pour des voies d’admi-
dire des molécules hydrophobes ou amphiphiles possédant de nistration différentes (orale, parentérale, muqueuse, cutanée).
longues chaînes carbonées linéaires ou cycliques. Leur structure Liquides, semi-solides ou solides, ils sont utilisés tels quels ou
chimique est variée, ainsi les triglycérides, phospholipides, phy- après des modifications chimiques telles des hydrogénations,
tostérols (β-sitostérol, campestérol…) entrent dans la composi- estérifications, transestérifications, éthoxylations à l’aide d’alcools
tion des plantes terrestres, tandis que les algues sont constituées ou polymères (glycérol, polyéthylène glycol, noté PEG) pour leur
de glycérides (mono-, di- ou tri-), d’acides gras libres, de glycoli- conférer des propriétés tensioactives, épaississantes supplémen-
pides (monogalactosyldiacylglycérols, digalactosyldiacylglycérols taires. Les lipides d’origines terrestre et aquatique sont des
et sulfoquinovosyldiacylglycérols et de phospholipides, avec des matières premières majeures à l’origine de la synthèse des ten-
longueurs de chaînes plus longues et des insaturations plus nom- sioactifs (Dehyton®AO, BASF dérivé d’huiles de microalgues,
breuses que dans le cas des plantes terrestres (tableau 1). Les Brij®L4, Croda dérivé d’huile de palme), cette famille d’excipients
lipides végétaux sont présents dans différentes parties de la ne sera pas abordée dans cet article.

CHV 4 024 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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____________________________________________________________________ EXCIPIENTS VERTS EN ÉMERGENCE POUR L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Tableau 1 – Formules des principaux lipides présents dans les plantes terrestres et aquatiques
Acide oléique
(C18H34O2)

Acide gras Acide ricinoléique (C18H34O3)

Glycérides
monobehénate de glycérol
(C25H50O4)

Esters d’acides gras


Triglycérides végétaux et hémisynthétiques
Type oléique C18 : 1 (ricin)

(C57H105O9)

Sulfoquinovosyldiacylglycérol
(C42H75O12S)

Glycolipides

Phosphatidylcholine
(C42H76NO8P)
Phospholipides

β-sitostérol
(C29H50O)

Phytostérols Campestérol
(C28H48O)

α-tocophérol
(C29H50O2)
Vitamine E liposoluble

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EXCIPIENTS VERTS EN ÉMERGENCE POUR L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE ___________________________________________________________________

Tableau 2 – Espèces de plantes dont sont extraits des lipides utilisés en formulation pharmaceutique

Butyrospermum parkii (Vitellaria Noix Beurre de karité Producteur : Nigéria


paradoxa)

Copernicia prunifera Feuilles Cire de carnauba Comestible, E 903


Point de fusion : 78-85 °C
Esters d’acides gras (80-85 %)
Producteur : Brésil

Elaeis guineensis Noyau Huile de palmiste Comestible


Acide laurique : 44-51 %
Producteur : Indonésie, Malaisie

Euphorbia antisyphilitica Feuilles, tiges Cire de candelilla Comestible, E902


Point de fusion : 68-70°C
Producteur : Mexique

S Glycine max Graines Huile de soja Comestible


Acide linoléique : 50-62 %
Utilisée pour le biodiesel aux États-Unis
Producteur : États-Unis, Brésil

Gossypium hirsutum Graines Huile de coton Comestible


Acide linoléique : 34-60 %
Producteur : Chine

Moringa oleifera Graines Huile de moringa Comestible


Acide oléique : 71-73 %
Acide béhénique : 7-9 %
Producteur : Inde

Olea europaea Fruits Huile d’olive Comestible


Acide oléique : 55-83 %
Producteur : Espagne

Oriza sativa Enveloppe du grain Cire de son de riz Comestible, E 908


Point de fusion : 78-82 °C
Producteur : Chine

Prunus amygdalus dulcis Graines Huile d’amande douce Comestible


Acide oléique : 64-82 %
Producteur : États-Unis

Ricinus communis Graines Huile de ricin Huile non comestible


Acide ricinoléique : 90 %
Producteur : Inde

Sesamum indicum Graines Huile de sésame Comestible


Acide oléique : 37-42 %
Acide linoléique : 39-47 %
Producteur : Chine

Theobroma cacao Fèves Beurre de cacao Comestible


Point de fusion : 34-35 °C
Stable, ne rancit pas
Producteur : Côte d’Ivoire

Zea mays Grains Huile de maïs Comestible


Acide linoléique : 54 %
Producteur : États-Unis

Les intérêts des lipides végétaux sont ceux des lipides en géné- forment des composés facilement assimilables. Leurs propriétés
ral qui font l’objet d’un intérêt croissant avec des revues physico-chimiques dépendent du degré d’insaturation des acides
récentes [5] [6] [7]. Ils sont biocompatibles, non allergisants gras, de la longueur des chaînes, de leur polymorphisme et leur
(contrairement aux lipides d’origine animale), biodégradables, confèrent des rôles biopharmaceutiques ou technologiques
voire biorésorbables car certains sont digérés par des lipases et (tableau 3). Pour la voie orale, les acides gras à courtes chaînes et

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____________________________________________________________________ EXCIPIENTS VERTS EN ÉMERGENCE POUR L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

dépend classiquement de la température mais également de la


Tableau 3 – Principales fonctionnalités composition du mélange. La chimie des lipides accuse un retard
technologiques ou biopharmaceutiques considérable par rapport à celle d’autres substances biologiques
recherchées pour les excipients pharmaceutiques importantes, les principales raisons proviennent du fait que ce
sont des molécules peu réactives et difficiles à séparer. Lorsque
Stabilisation Épaississant les lipides végétaux sont modifiés chimiquement, la qualité de la
physico-chimique Tensioactifs réaction peut conduire à des impuretés à l’origine d’une plus
Antioxydants grande hydrophilie et d’une instabilité vis-à-vis de l’oxydation ou
Cryoprotecteurs d’une augmentation de leur réactivité chimique [4]. Leur inertie
n’est pas toujours démontrée, ainsi certains lipides peuvent inhi-
Ajustement Épaississant ber des cytochromes impliqués dans le métabolisme ou interagir
de texture avec des protéines d’efflux (P-glycoprotéine) [8]. Enfin, leur admi-
nistration par voie orale est contre-indiquée chez des patients
Ajustement de Diluants souffrant de pathologies hyperlipidémiques.
volume Solvants
Solubilisation
1.2 Lipides d’origine végétale, excipients
Granulation Solvants aux fonctions biopharmaceutiques
Technologiques
Écoulement,
Liants

Agents 1.2.1 Solubilisation



Lubrification d’écoulement
On estime à 75 % le pourcentage de principes actifs en déve-
Lubrifiants
loppement peu solubles dans l’eau et avec une faible perméabi-
lité, donc non biodisponibles [9]. La stratégie la plus simple pour
Coloration Colorants les solubiliser repose notamment sur l’utilisation d’excipients de
type lipides, parmi eux : les triglycérides à chaînes moyennes et
Modification Aromatisants longues, les di- et monoglycérides, les esters gras, les huiles
de goût, Édulcorants végétales pegylées tensioactives, les antioxydants lipophiles.
d’odeur Selon leur nature (longueur de chaîne, insaturations, fonctionnali-
Parfums sation, polarité), leurs propriétés (mécaniques, point de fusion,
biodégradabilité, solubilité…), ils permettent l’élaboration de
Proprieté Conservateurs formes pharmaceutiques différentes en adéquation avec des
microbiologique voies d’administration pertinentes. Par voie d’administration puis
par forme pharmaceutique, les lipides d’origine végétale partici-
Amélioration Solvants pant à la solubilisation des principes actifs (PA) sont décrits dans
de la pénétration Tensioactifs les prochains paragraphes. Pour caractériser les PA peu solubles
Promoteurs dans l’eau, la valeur de leur logP est précisée, il s’agit du loga-
d’absorption rithme du rapport des concentrations de la substance étudiée
dans l’octanol et dans l’eau (plus cette valeur est élevée, moins le
Modification Désintégrants PA est soluble dans l’eau).
Biopharmaceutiques libération Agents
d’enrobage 1.2.1.1 Voie orale
Agents matriciels
Les lipides permettent d’améliorer la biodisponibilité des prin-
Solubilisation Cyclodextrines cipes actifs peu solubles dans l’eau, en les maintenant en solu-
Solvants tion, préférentiellement à l’état sursaturé pour favoriser leur
Tensioactifs absorption. La présence de produits de la digestion (sels biliaires,
phospholipides) participe à cette solubilisation. Pour autant il est
nécessaire que le PA soit soluble à une concentration suffisante et
que le mélange soit stable sans risque de précipitation. Diffé-
à longues chaînes insaturées, liquides ou semi-solides sont utili- rentes formes à base de lipides végétaux existent pour la solubili-
sés traditionnellement pour assurer la solubilité, augmenter la sation des PA par voie orale : les solutions, self emulsifying drug
biodisponibilité de principes actifs peu solubles en milieux physio- delivery systems, et les nanocapsules.
logiques. Au contraire ceux à longues chaînes saturées solides, ■ Solutions
inertes et lipophiles ont été utilisés comme lubrifiants, agents fil-
mogènes, agents matriciels, agents stabilisants. Les limites à l’uti- Les solutions sont des systèmes homogènes dans lesquels le
lisation des lipides végétaux reposent sur différents facteurs : la PA est à l’état moléculaire. Pour favoriser la solubilisation de PA,
variabilité de leur composition, leurs propriétés mécaniques, leur des dérivés esters de la vitamine E (α-tocophérol), présente natu-
inertie, leurs effets secondaires (rares réactions cutanées). Ainsi la rellement dans les huiles végétales, ont été synthétisés à partir de
composition des lipides végétaux qui dépend de l’espèce végétale sa fonction hydroxyle : phosphate, acétate, succinate… Ces molé-
(huile de tournesol 62 à 70 % d’acide oléique) peut être sujette à cules sont capables de s’organiser en milieu aqueux et de solubi-
des manques de reproductibilité d’un lot à l’autre en fonction de liser des molécules hydrophobes. Pham et al. (2017) ont mené des
la variété cultivée, la géographie, les saisons, les variations de études sur le potentiel de ces dérivés du tocophérol comme
température, de pluviométrie. Les propriétés mécaniques des agents de solubilisation pour la voie orale [10]. Leur innocuité a
lipides végétaux solides utilisés pour la réalisation de comprimés été également prouvée au préalable pour cette voie, et mieux
à libération prolongée par exemple posent des difficultés lors des encore ils ont montré des propriétés de cardioprotection, de pré-
mélanges des poudres, en ne favorisant pas l’écoulement, et lors vention de l’athérosclérose.
de la compression en ne facilitant pas cette étape. Il est aussi Un principe actif modèle a été choisi, le coenzyme Q10 (CoQ10,
important lorsque l’on associe des lipides de vérifier si leurs pro- logP 9,9), et formulé dans une huile hémisynthétique (triglycé-
priétés n’évoluent pas, notamment leur polymorphisme : celui-ci rides C8-C10) additionnée de 10 % de dérivés de tocophérol

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INNOVATION

Production d’arômes biosourcés


Exemple de la dairy lactone

par Louis M.M. MOUTERDE


Chargé de Recherche

URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France
Kevin MAGNIEN
Chargé de la Valorisation
URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France
Grégoire BURGÉ
Chargé de la Valorisation de la Recherche,
Direction de la Recherche et de la Valorisation, AgroParisTech, Paris, France
URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB
et Florent ALLAIS
Directeur de l’URD Agro-Biotechnologies Industrielles (ABI), CEBB,
AgroParisTech, Pomacle, France

L es lactones sont des molécules qui font partie de la famille des


composés aromatiques, éléments omniprésents responsables des
goûts et des senteurs qui nous entourent. Leurs voies d’accès sont multi-
ples et des procédés ont été développés afin de pouvoir répondre aux
besoins des industries agroalimentaires, cosmétiques, pharmaceutiques et
de produits d’hygiène et d’entretien. Deux stratégies de production sont
généralement explorées, la voie biotechnologique et la voie de synthèse,
présentant chacune des avantages et des inconvénients.
La voie biotechnologique présente l’avantage d’être naturelle et biosourcée
de par la nature même de son procédé, cependant la productivité est
généralement un frein et une optimisation des milieux de cultures et/ou
des souches utilisées est nécessaire. De son côté, la voie de synthèse pré-
sente de très bons rendements, mais généralement, dépendante de
produits pétrosourcés. Cependant, des solutions sont développés pour
rendre la voie de synthèse biosourcée par exemple à partir de l’acide glu-
tamique ou de sciure de bois.
L’exemple de la dairy lactone illustre parfaitement cette réalité et ajoute
une nouvelle variable : l’énantiosélectivité. En effet, cet arôme possède un
centre chiral pouvant modifier les propriétés aromatiques du composé.
Dans ce cas précis, un des énantiomères donne le goût attendu et l’autre
procure un arrière-goût rance. L’optimisation de la voie biotechnologique a
malheureusement négativement impacté l’énantiosélectivité du procédé,
menant alors à un mélange racémique de dairy lactone. En réponse à ce
problème, une voie de synthèse énantiosélective a été développée et opti-
misée privilégiant l’utilisation de précurseurs biosourcés. L’exemple de
l’obtention de la dairy lactone biosourcée, qu’elle soit par voie biotechnolo-
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQY

gique ou de synthèse, illustre parfaitement la volonté des acteurs du


marché des arômes de développer des produits d’origine naturelle via des
procédés éco-conçus.

3-2019 © Editions T.I. IN 233 - 1

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Arômes
Degré de diffusion de la technologie : Croissance
Technologies impliquées : Biotechnologie/Chimie Verte/Biocatalyse
Domaines d’application : Agroalimentaire
Principaux acteurs français :
– Pôles de compétitivité : pôle Industries et Agro-Ressources, Cosmetic Valley
– SNIAA – Syndicat National des Ingrédients Aromatiques Alimentaires
– Industriels : Mane, Robertet


Autres acteurs dans le monde : Givaudan, Firmenich, IFF, Symrise
Contact : florent.allais@agroparistech.fr

1. Contexte molécule odorante, une cascade de signalisation est déclenchée


afin de transmettre le signal olfactif jusqu’au bulbe olfactif dans
la région préfrontale du cerveau, permettant ainsi de percevoir
1.1 Propriétés des arômes et de reconnaître une odeur particulière. Ce bulbe servira de
relai d’informations jusqu’au cortex olfactif qui comprend de
nombreuses zones du cerveau, et notamment celles permettant
Un composé aromatique est une molécule volatile de faible l’identification des odeurs et leur mémorisation.
masse molaire dont la pression partielle, dans les conditions
normales de température et de pression, est suffisamment éle- On peut distinguer cinq types de substances aromatiques :
vée pour que cette molécule soit partiellement à l’état gazeux et – naturelles : molécules obtenues par procédés d’extrac-
puisse provoquer un stimulus au contact de la muqueuse olfac- tion de produits naturels ou par voie biotechnologique ;
tive. Cette muqueuse olfactive est constituée de récepteurs – identiques aux naturelles : molécules obtenues par
olfactifs qui vont percevoir ces molécules aromatiques prove- voie de synthèse chimique mais qui existent dans la nature ;
nant du nez (voie orthonasale) et de la bouche (voie – artificielles : molécules intéressantes d’un point de vue
rétronasale) [1]. Il est important de distinguer l’odorat et le aromatique mais n’existant pas dans la nature ;
goût, l’odorat correspond à la distinction de molécules volatiles, – de transformation : molécules obtenues par une réac-
alors que le goût permet la détection de substances chimiques tion de Maillard et mimant des réactions se produisant natu-
en solution via des chémorécepteurs sur la langue (figure 1). rellement lors de la cuisson des aliments ;
– de fumée : molécules aromatiques obtenues par combus-
L’être humain possède environ 400 types de récepteurs olfac- tion du bois.
tifs différents présents sur l’épithélium olfactif au fond de la
cavité nasale. Lorsque ces récepteurs sont stimulés par une 1.2 Marché des arômes
Le marché des arômes implique de nombreux acteurs de la
ressource agricole jusqu’à l’assiette. En premier lieu, on
retrouve la première transformation agricole avec, par
exemple, des champs de lavande en Provence ou des gousses
de vanille de Madagascar. La filière de l’arôme s’intéresse donc
à l’optimisation de l’amont agricole qui est le premier fournis-
seur de matières premières aromatiques. Ensuite, l’industrie
Thalamus
aromatique transformera cette matière première en arômes ou
huiles essentielles en incorporant des molécules aromatiques
Bulbe olfactif
dans une matrice et en formulant des mélanges avec d’autres
Lame criblée
de l’ethmoïde molécules en fonction de leur besoin (figure 2).
Nerf olfactif Ces fabricants obtiendront donc des solutions aromatiques
Épithélium olfactif destinées aux industries agroalimentaires, cosmétiques, phar-
Fosse nasale maceutiques ou de produits d’hygiène et d’entretien avant de
passer par la distribution puis au consommateur final.
Aujourd’hui, 60 % du marché mondial des arômes est partagé
Olfaction directe entre cinq principaux industriels du secteur (Givaudan, Firme-
nich, IFF, Symrise et Mane SA) (figure 3).
Le chiffre d’affaires de l’arôme alimentaire en France est en
constante augmentation depuis 2011 avec 411 millions d’euros
en 2016 (figure 4). La même évolution est logiquement visible
Olfaction
rétro-nasale
sur le nombre de salariés, passé de 1 800 à 2 070 de 2012 à
2016. La tendance actuelle qui se dégage chez les consomma-
teurs est celle d’un retour au « manger sain » et à une préoccu-
Figure 1 – Schéma du système olfactif chez l’homme pation croissante pour l’environnement, qui se traduit par une

IN 233 - 2 © Editions T.I. 3-2019

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INNOVATION

Production agricole
Produit les matières
premières aromatiques
(poivre, algues, gousses
de vanille, etc.)

Entreprise de
l’aromatique
Transforme les matières
premières aromatiques
afin d’obtenir des arômes


Industrie alimentaire
Ajoute l’arôme en très
faible dose (moins
Artisanat alimentaire de 2 %) dans ses
Introduit les arômes produits)
à très faible dose
dans ses créations
(arôme café dans Distribution
les éclairs, etc.) Distribue les
produits alimentaires
(grande distribution,
commerçants locaux,
etc.)

Consommateurs

Figure 2 – Schéma de la filière des arômes alimentaires

demande de produits naturels, produits localement ou en cir- Les lactones constituent des esters particuliers comportant
cuits courts, et dans une logique de développement durable. Le un cycle bi-oxygéné (cycle composé de cinq ou six atomes),
caractère biosourcé d’un arôme est donc devenu également un résultant de la cyclisation d’acides hydroxylés [2]. Ce sont éga-
argument marketing essentiel pour les industries d’arômes. De lement des composés volatiles dont le nombre de carbone est
nouveaux arômes naturels ont également été développés afin compris entre 4 (butyrolactone) et 12 (dodécalactone). Les
de compenser gustativement la teneur en sucres et en sels de qualités olfactives de ces lactones sont en relation avec leur
certains produits. structure et leur chiralité. En général, leur concentration dans
les aliments est faible, mais avec un potentiel aromatique élevé
et un seuil de perception faible (tableau 1).
1.3 Lactones
Parmi les différentes lactones citées précédemment, une en
Il existe deux principales familles de composés chimiques
particulier, la (6Z)-dairy lactone, intéresse fortement les indus-
dans le marché des arômes alimentaires : les aldéhydes et les
tries agroalimentaires qui l’incorporent dans de nombreuses
lactones. Chacune de ces familles est composée d’une multitude
matrices alimentaires telles que les glaces, les viennoiseries
de molécules donnant accès aux goûts et aux senteurs que nous
industrielles, la margarine, les sauces ou les snacks. À l’heure
connaissons. L’objet de cet article n’étant pas de traiter de
actuelle, cette molécule aromatique est produite par voie bio-
manière exhaustive tous ces composés, le focus sera fait sur la
technologique, conduisant à l’obtention d’un mélange racé-
famille des lactones, et plus particulièrement sur la dairy lac-
mique dans lequel les deux énantiomères sont obtenus en
tone.
proportion quasi équivalentes. Cependant, certains consomma-
Les lactones sont largement représentées dans les aliments teurs se sont plaints de l’arrière-goût rance des produits. Cet
et les boissons. Ce sont des molécules aromatiques donnant arrière-goût proviendrait de l’énantiomère (R) de la dairy
généralement des notes fruitées (pêche, abricot, noix de coco) lactone [4]. Pour résoudre cette problématique, des alterna-
ou grasses (lait, beurre). On les retrouve dans de nombreux ali- tives ont été développées pour obtenir exclusivement l’énantio-
ments d’origine animale (lait, viandes) ou végétale (vins, mère (S) qui, en outre, stimule trois fois plus la réponse
pêches, noix). olfactive chez l’homme que l’énantiomère (R) [5].

3-2019 © Editions T.I. IN 233 - 3

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inRSS

INNOVATION

Robertet SA : 2,20 % T. Hasegawa : 1,63 %


Sensient Flavors : 2,40 %

Takasago : 4,70 % Givaudan : 19,50 %

Frutarom : 4,80 %

S Mane SA : 5,00 %

Symrise : 10,20 %
Firmenich : 13,90 %

IFF : 12,90 %

Figure 3 – Parts de marché des 10 principales industries aromatiques dans le monde en 2017

500

480 471

454
460
435
440
418
420 406

400 391

380

360

340

320

300
2011 2011,5 2012 2012,5 2013 2013,5 2014 2014,5 2015 2015,5 2016

Figure 4 – Évolution du chiffre d’affaires de l’aromatique alimentaire en France (en millions d’euros)

1.4 Production de lactones biosourcées : ponsables de leurs biosynthèses et optimiser les conditions de
le cas de la dairy lactone culture. C’est le cas pour la bioconversion de la γ-décalactone à
partir de l’huile de ricin via des levures ou des champignons
Les lactones sont des métabolites de micro-organismes filamenteux [2], de la β-méthyl-γ-octalactone (whisky lactone)
utilisés lors des procédés de fermentation. Ainsi, pour à partir de fûts de chêne via des levures [6] [7] ou de la
obtenir ces lactones de manière biosourcée, la voie préféren- β-méthyl-γ-nonalactone (cognac lactone) à partir d’acides gras
tielle de production consiste à isoler les micro-organismes res- via la levure de boulanger. On retrouve aussi la bioconversion

IN 233 - 4 © Editions T.I. 3-2019

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Valorisation industrielle des tanins

par Antonio PIZZI


Professeur
Laboratoire d’étude et de recherche sur le matériau bas (LERMAB)
Université de Lorraine, Épinal, France

1.
1.1
Tanins : origine et propriétés...............................................................
Tanins hydrolysables..................................................................................
N 4 208 - 2
— 3 S
1.2 Tanins condensés ....................................................................................... — 3
2. Les principales techniques d’extraction industrielle des tanins
naturels ...................................................................................................... — 5
2.1 L’extraction des tanins dans l’histoire....................................................... — 5
2.2 L’extraction des tanins de 1900 à 2018 ..................................................... — 5
3. Technologies actuelles et passées de valorisation industrielle
des tanins .................................................................................................. — 7
3.1 Fabrication du cuir ...................................................................................... — 7
3.2 Adhésifs pour le bois .................................................................................. — 7
3.3 Applications pharmaceutiques et en médecine ....................................... — 8
3.4 Dépresseur de calcite dans la flottation des minéraux et autres
applications minières.................................................................................. — 8
3.5 Floculation, précipitation et complexation des métaux lourds ............... — 8
3.6 Floculation et précipitation de substances toxiques polluantes ............. — 9
3.7 Stabilisation de boues de forage ............................................................... — 9
3.8 Plastifiants et super-plastifiants pour ciment ........................................... — 10
3.9 Adhésifs pour sable de fonderie................................................................ — 10
3.10 Adhésifs pour carton ondulé...................................................................... — 11
3.11 Additifs pour vins, bières et jus de fruits, et antioxydants ...................... — 11
3.12 Encres au tannate de fer............................................................................. — 11
4. Technologies en voie de développement pour des applications
futures ........................................................................................................ — 12
4.1 Adhésifs pour le bois .................................................................................. — 12
4.2 Mousses ignifuges isolantes...................................................................... — 12
4.3 Inhibiteurs de corrosion de métaux .......................................................... — 14
4.4 Films plastiques flexibles ........................................................................... — 14
4.5 Résines thermodurcissables pour plastiques durs .................................. — 15
4.6 Applications pharmaceutiques et en médecine ....................................... — 15
4.7 Finitions de surface pour le bois................................................................ — 16
4.8 Colles et finitions pour téflon/métaux résistantes aux hautes
températures ............................................................................................... — 16
4.9 Résines pour plaquettes de frein de voitures ........................................... — 17
4.10 Résines pour disques de meuleuses ......................................................... — 17
4.11 Mousses florales pour cultures hydroponiques....................................... — 17
4.12 Polyuréthanes sans isocyanates................................................................ — 17
4.13 Polyuréthanes avec isocyanates................................................................ — 19
4.14 Résines époxydes et époxy-acryliques ..................................................... — 19
4.15 Panneaux de fibres imprégnées avec des tanins ..................................... — 21
5. Conclusion................................................................................................. — 22
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. N 4 208
p。イオエゥッョ@Z@ュ。イウ@RPQY

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VALORISATION INDUSTRIELLE DES TANINS _____________________________________________________________________________________________

es tanins sont des produits naturels que l’on retrouve dans la plupart des
L plantes supérieures. Le nom « tanin » provient de l’utilisation de cette classe
de composés utilisés dans le processus de tannage du cuir. Les tanins se pré-
sentent généralement sous diverses formes, allant de poudres amorphes blanches
aux poudres amorphes blanc cassé, de substances pâteuses brillantes, presque
incolores, aux poudres brun rougeâtre lorsqu’elles sont produites par séchage et
par pulvérisation. Ils sont connus pour leur goût astringent.
Les tanins sont produits dans presque toutes les parties de la plante, à savoir les
graines, les racines, l’écorce, le bois et les feuilles, en raison de leur rôle fonda-
mental dans la défense contre les insectes, les infections alimentaires, les
champignons ou les bactéries. Le mécanisme de défense repose sur la capacité
des tanins à complexer les protéines de façon irréversible. Ils sont également
considérés comme l’un des composants permettant de réduire efficacement les
maladies cardiovasculaires, voire de soulager certaines formes de cancer dans le
cadre de régimes alimentaires riches en fruits et légumes. En plus de leurs effets


sur la santé humaine, les tanins sont aussi importants pour le bien-être des rumi-
nants : les fourrages riches en protéines comme la luzerne peuvent déclencher la
production de méthane piégé sous forme de mousse protéique pouvant entraîner
la mort de l’animal. Les tanins empêchent la météorisation en interagissant avec
les protéines alimentaires, la salive et les cellules microbiennes du ruminant, ce
qui altère leur processus digestif et empêche les protéines solubles de la plante
d’interagir au même degré dans le rumen.
Ayant atteint une certaine maturité technologique pour de nouvelles applica-
tions industrielles, et plus seulement pour les applications traditionnelles pour
lesquelles ils sont utilisés depuis des siècles, les tanins, produits très réactifs,
présentent une très grande flexibilité pour un grand nombre d’applications très
variées dans des domaines très différents, depuis les résines aux plastiques en
passant par les produits pharmaceutiques. Le problème de leur utilisation ne
provient pas de leur applicabilité mais de leur approvisionnement. Bien que des
millions de tonnes puissent potentiellement être extraites de l’écorce d’arbres
relativement communs et d’autres sources telles que les déchets de raisins
après le pressurage du vin, le nombre d’usines existantes demeure relativement
limité et la production mondiale actuelle avoisine les 220 000 tonnes/an. Ainsi, le
goulot d’étranglement est la construction de nouvelles usines d’extraction pour
que les tanins soient exploités de manière extensive dans les nombreuses appli-
cations industrielles existantes ou en développement. Cela suscite toutefois un
intérêt, car ces dernières années, un petit nombre de nouvelles usines d’extrac-
tion ont été construites, comme à Sumatra, ou sont en construction, comme au
Chili. Après un rappel de l’origine et des propriétés des tanins, ainsi que de ses
différentes techniques d’extraction, l’article s’attache à les mettre en lien avec de
potentielles applications, en tenant compte de leur valeur ajoutée. Un aperçu est
alors donné du matériau candidat.

comme tannate de fer pour la coloration en noir de la soie destinée


1. Tanins : origine aux blouses féminines [1]. Après une dizaine d’années et la fin de
et propriétés la mode des blouses noires, de nombreuses faillites et regroupe-
ments d’usines, les fabricants de tanins ont été capables de
convaincre l’industrie du cuir d’utiliser le tanin à la place des
L’histoire de la chimie des tanins a commencé vers le milieu du copeaux de chêne avec une économie considérable du temps de
XVIIe siècle lorsque le chimiste italien Giovannetti a étudié les inte- tannage (passage de 12 mois à 28 jours en utilisant l’extrait de
ractions entre les solutions de fer et les substances appelées alors tanin) [1]. Le traitement du cuir a été la deuxième grande période
« astringents ». En 1772, les chercheurs de l’université de Dijon ont de la valorisation industrielle du tanin. Au début du XXe siècle, la
été les premiers à identifier la présence d’un acide dans ces com- France était le premier pays producteur de tanins en Europe. Cette
posés ; cet acide a ensuite été isolé par Scheele et s’est révélé être activité était directement liée à l’industrie du cuir. En 1913, la
de l’acide gallique. Sur la base des expériences de Deyeux et Bar- France produisait 146 000 tonnes de tanins de châtaignier dont
tholdi, poursuivies par Proust à la fin du XVIIIe et au début du 50 000 tonnes étaient destinées au marché français. 100 000 tonnes
XIXe siècle, les tanins ont été officiellement reconnus comme un étaient exportées en Europe, tout particulièrement en Angleterre et
groupe discret de molécules qui diffèrent suivant leur teneur en en Belgique. La production française s’est stabilisée aux environs
acide gallique. Le grand essor de l’industrie d’extraction de tanins de 100 000 tonnes jusqu’en 1954. La société la Tarnaise des Pan-
a commencé autour de 1850 à Lyon, ou le tanin a été utilisé neaux, sise à Labruguière dans le Tarn, fut la dernière entreprise

N 4 208 – 2 Copyright © – Techniques de l’Ingénieur – Tous droits réservés

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______________________________________________________________________________________________ VALORISATION INDUSTRIELLE DES TANINS

française à produire des tanins pour l’industrie du cuir. Cette acti- glucides de différentes longueurs sont aussi parfois liées à l’unité
vité s’est arrêtée au début des années 2000 pour reprendre très flavonoïde dans le tanin [7] (figure 1).
récemment (en 2018) avec la création d’une nouvelle unité de pro-
duction de tanin, pour l’industrie agroalimentaire. Celle-ci est Les monoflavonoïdes [2], également connus sous le nom de
capable de traiter 60 000 tonnes de copeaux de châtaignier par an. « non-tanins phénoliques » (auxquels appartiennent aussi les
dimères flavonoïdes), représentent le groupe le plus étudié dans
Après la Seconde Guerre mondiale, la substitution du cuir par les extraits de tanins commercialement importants, en raison de
des matériaux synthétique a réduit la demande et de nombreuses leur relative simplicité. Ils comprennent les flavane-3,4-diols, les
usines d’extraction de tanins ont été contraintes de fermer [2]. La flavane-3-ols, les dihydroflavonoïdes (flavonols), les flavanones,
troisième période d’utilisation des tanins a commencé à la fin des les chalcones et les coumaran-3-ols, ce qui représente la plupart
années 1970 avec leur développement comme adhésifs biosour- des classes connues d’analogues flavonoïdes. Les exemples
cés, et plus tard grâce à un nombre croissant d’applications en typiques sont ceux de l’extrait d’écorce de mimosa noir (Acacia
nouveaux matériaux biosourcés. Cette section sera majoritaire- mearnsii, anciennement Acacia mollissima De Wild) [2] où les
ment consacrée à cette dernière période. quatre combinaisons possibles de résorcinol et de phloroglucinol
De façon générale, on distingue les tanins hydrolysables (A-rings) avec le catéchol et le pyrogallol (B-rings) coexistent
comme les gallotanins et les ellagitanins et les tanins condensés, (figure 2). Ces monoflavonoïdes ont un pourcentage compris
à savoir les tanins polyflavonoïdes, qui sont stables et rarement entre 3 % et 5 % des composés phénoliques totaux de l’extrait de
sujets à hydrolyse [2]. tanin. Dans l’extrait de tanin de mimosa, seuls les flavane-3,4-


diols et certains flavane-3-ols participent à la formation de tanin.
Chez d’autres espèces végétales productrices de tanins, l’épica-
1.1 Tanins hydrolysables téchine, la delphinidine et le gallate de catéchine sont présents,
Les tanins hydrolysables, habituellement présents en faibles toujours en pourcentages mineurs mais avec quelques excep-
quantités dans les plantes, sont des dérivés de l’acide gallique. Ils tions. La principale exception est l’extrait de tanin de gambier
sont classés selon les produits obtenus après hydrolyse, en gallo- (Uncara gambir) où les monoflavonoïdes, principalement la caté-
tanins (composés d’acide gallique et de glucose) et en ellagitanins chine, peuvent constituer jusqu’à 50 % de l’extrait total. Dans
(composés de motifs biaryliques et de glucose). l’extrait de tanin d’écorce de mimosa, chacune des quatre combi-
naisons de résorcinol et de phloroglucinol (A-rings) avec le caté-
La plupart des gallotanins isolés à partir de plantes contiennent chol et le pyrogallol (B-rings) est présente [2]. Dans ces tanins, le
un résidu de polyol dérivé du D-glucose, bien que l’on puisse motif polyphénolique principal est représenté par des analogues
trouver principalement une grande variété de polyols. Deux autres flavonoïdes basés sur le robinetidinol, donc sur le cycle A du
catégories, les gallo-tanins de tara (composés d’acide gallique et résorcinol et le cycle B du pyrogallol. Ce motif est reproduit dans
quinique et de glucose) [3] [4] et les tanins de caféine (composés environ 70 % de la partie phénolique du tanin. Le schéma secon-
d’acide caféique et d’acide quinique plus le glucose) ont égale- daire mais parallèle est basé sur la fisétinidine, donc sur les cycles
ment été suggérés. A du résorcinol et les cycles B du catéchol. Cela représente envi-
ron 25 % de la fraction totale des extraits polyphénoliques de
1.1.1 Gallotanins l’écorce. Sur ces deux motifs prédominants sont superposés deux
groupes mineurs de combinaisons de cycles A et B. Ceux-ci sont
L’acide tannique est l’une des substances les plus importantes en basés sur le phloroglucinol (A-rings), le pyrogallol (B-rings) (gallo-
relation avec les tanins hydrolysables : l’acide tannique existe de facto catéchine/delphinidine) et sur les flavonoïdes de phloroglucinol (A-
sous la forme d’un mélange de substances très similaires, par rings) -catéchol (B-rings) (catéchine/épicatéchine). Ces quatre
exemple de penta-(digalloyl)-glucose et de tétra-(digalloyl)-glucose ou motifs constituent 65 % à 84 % de l’extrait commercial d’écorce de
tri-(digalloyl)-di-(galloyl)-glucose, etc. [4] [5] [6].

1.1.2 Ellagitanins
Contrairement aux gallotanins, les ellagitanins contiennent O
des motifs de liaison supplémentaires qui proviennent de réac-
tions de couplage oxydatif entre les fragments galloyl [6]. La
biosynthèse des ellagitanins est donc une progression enzyma- O
tique oxydative des gallotanins. La première étape est une
oxydation du 1,2,3,4,6-pentagalloylglucose dans l’ellagitanin O
monomère. La seconde étape consiste essentiellement en une
n
dimérisation après une seconde oxydation spécifique à média- OH
tion par une enzyme pour former un hexahydroxydiphénoyle. OH
HO O
HO
O OH

1.2 Tanins condensés O O

Les extraits de tanins condensés sont constitués d’unités flavo- O OH


OH O O
noïdes ayant subi divers degrés de condensation [2]. Ils sont inva- m
riablement associés à leurs précurseurs immédiats (flavane-3-ols, OH
flavane-3,4-diols), à d’autres analogues flavonoïdes, à des glu-
OH O
cides et à des traces d’acides aminés et d’iminoacides. Les
monoflavonoïdes et les acides azotés sont présents à des concen-
trations trop faibles pour influencer les caractéristiques chimiques
et physiques de l’extrait dans son ensemble. Cependant, les OH
hydrates de carbone simples (hexoses, pentoses et disaccharides)
et les glucuronates complexes (gommes hydrocolloïdes) ainsi que
les oligomères dérivés des hémicelluloses hydrolysées sont sou- Figure 1 – Exemple de carbohydrates polymériques attachés
vent présents en quantité suffisamment élevée. Des chaînes de à des sites d’un tanin flavonoïde

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VALORISATION INDUSTRIELLE DES TANINS _____________________________________________________________________________________________

OH
OH OH
8 B 8 B
HO 7 O OH 7 O
OH OH
A A
4 4
6 OH 6 OH
5 5

Profisetinidine Profisetinidine
Poids moléculaire = 272,3 Da Poids moléculaire = 288,3 Da

OH
OH OH

8 B 8 B


HO 7 O HO 7 O
OH OH
A A
6 4 6 4
OH OH
5 5
OH OH
Procyanidine Profisetinidine
Poids moléculaire = 288,3 Da Poids moléculaire = 304,3 Da

Figure 2 – Les quatre combinaisons possibles d’unités flavonoïdes dans les tanins condensés

mimosa [2]. Les parties restantes de l’extrait d’écorce de mimosa ou de fisétinidine (résorcinol) (A-rings) et catéchol (B-rings). Dans
sont appelées « non-tanins », cette appellation provient de l’indus- plusieurs tanins de type procyanidines tels que des tanins de pin
trie du cuir où l’on considère comme un « tanin » tout oligomère et de plusieurs essences africaines, le gallate de catéchine ou gal-
polyphénolique supérieur, comprenant un trimère. Il faut souli- late de gallocatéchine apparaît également comme une unité
gner que le pourcentage de non-tanins varie considérablement constitutive du tanin [2] [9].
d’un extrait à l’autre. Par exemple, l’extrait de tanin de noix de La condensation des unités flavonoïdes de la robinetinidine et
pécan, un tanin à prédominance composé de prodelphinidine, ne de la fisétinidine est basée sur une condensation formant une liai-
contient pas plus de 5 % de non-tanins non phénoliques [8]. Les son interflavonoïde 4,6, suite à une formation initiale de liaisons
pourcentages sont variables même pour différents tanins com- interflavonoïdes 4,8 entre une unité de type A-phloroglucinol,
merciaux. Les non-tanins non phénoliques peuvent être subdivi- comme la catéchine et des unités du type résorcinol (A-rings).
sés en hydrates de carbone, gommes hydrocolloïdes et certaines Pendant un certain temps, on a pensé que le positionnement de
fractions d’acides aminés et d’acides iminés. Par exemple, dans l’unité flavonoïde phloroglucinolique pouvait être considéré
les extraits commerciaux d’écorce de mimosa, les carbohydrates comme l’unité terminale « inférieure » d’une liaison interflavo-
1-pinitol et de saccharose prédominent, le glucose étant plus noïde 4,8. Si des extraits de ce type présentent des oligomères de
faible. Les gommes hydrocolloïdes contribuent entre 3 % et 8 % cette nature, la dernière découverte des tanins dits « angulaires »
au poids total de l’extrait commercial d’écorce de mimosa et indique que l’unité phloroglucinolique n’est pas seulement l’unité
contribuent largement à sa viscosité [2]. Des iminoacides tels que terminale inférieure d’un oligomère mais une unité centrale à
l’acide L-pipécolique, l’acide L-4-hydroxy-trans-pipécolique et la L- laquelle sont liées deux unités de type A-résorcine. De plus, une
proline et des traces d’aminoacides arginine, alanine, acide aspar- analyse plus tardive dérivée de résultats comparatifs appliqués
tique, acide glutamique et sérine ont également été rapportés. sur la réactivité des aldéhydes avec différents tanins a montré que
Des profils similaires de cycles A et B des flavonoïdes ont été les unités de type A-phloroglucinol, que ce soit la catéchine, l’épi-
trouvés dans l’extrait de bois de Quebracho (Schinopsis lorentzii catéchine ou la gallocatéchine (delphinidine), possèdent un point
et balansae), où une prédominance de la fisétinidine plutôt que de de ramification dans les oligomères de type tanin (mimosa)
la robinétinidine dans les unités flavonoïdes a été identifiée [2]. conduisant au concept de tanins fortement « ramifiés » plutôt que
Dans l’extrait de Quebracho, on observe une absence apparente simplement « linéaires » (figure 3).
de quercétine et de myrétrécine et une proportion beaucoup plus Ceci a été confirmé par le fait que les réactions avec le formal-
faible voire nulle de catéchine et de gallocatéchine (delphinidine). déhyde étaient homogènes et que les études d’augmentation de
Cette différence devient très importante d’un point de vue structu- la viscosité en fonction du temps montrent des courbes exponen-
rel, comme nous le verrons plus tard, car si le tanin de Quebracho tielles lisses indiquant qu’un seul type de site réactionnel est pré-
a principalement une structure linéaire, le tanin de mimosa pré- sent. Les sites réactifs du cycle A du phloroglucinol sont donc
sente une structure plus ramifiée, avec des effets très importants bloqués. Les différences pratiques particulières dans l’utilisation
sur leur viscosité et leur stabilité. Des accouplements similaires de des tanins de Quebracho et de mimosa sont les suivantes : le
types A et B se produisent également dans les tanins de sapin de tanin de Quebracho subit parfois une réaction de dépolymérisa-
Douglas (Pseudotsuga menziesii) et d’écorce d’Épicea (Picéa tion partielle contrairement au tanin de mimosa. Le tanin de
abiès). mimosa est fortement ramifié alors que le tanin de Quebracho ne
Cependant, différents couplages des cycles A et B se produisent l’est pas. Ce dernier est donc plus facilement sujet au clivage de la
chez quelques espèces dont les pins. Dans ceux-ci, seuls deux liaison interflavonoïde dans certaines conditions drastiques. Dans
modèles principaux se produisent, principalement une structure le cas des tanins de type procyanidine et prodelphinidine, ceux-ci
composée d’un cycle A de phloroglucinol avec le cycle B de caté- étant composés exclusivement d’unités de type phloroglucinol (A-
chol et deux modèles secondaires en beaucoup plus faible propor- rings), la liaison interflavonoïde est toujours de 4,8, et donc tous
tion de phloroglucinol (A-rings) avec phénol (B-rings) (afzéléchine) ces oligomères sont « linéaires ».

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______________________________________________________________________________________________ VALORISATION INDUSTRIELLE DES TANINS

jour connut un dramatique revers de fortune entraînant de nom-


breuses faillites et fermetures [1].
OH Les producteurs survivants, peu nombreux, réussirent à
convaincre les fabricants de cuir qu’en dissolvant l’extrait de tanin
HO O dans des fosses de fabrication, le cuir pouvait être fabriqué en un
OH mois seulement au lieu de la moyenne d’une année employée
avec la technologie traditionnelle du bain d’écorce. En consé-
OH quence, l’industrie de l’extraction du tanin a commencé sa deu-
OH xième vie pour une application très différente de l’originale. Les
avantages des extraits de tanins dans la fabrication du cuir étaient
HO O
HO 7
8 9
2 OH importants. Les économies de temps réalisées étaient telles que
6
l’industrie a connu une expansion rapide et a prospéré. La rareté
4
5 10 3
OH
des matières premières en Europe pour répondre à la demande
OH croissante d’extraits de tanins pour le cuir a provoqué l’ouverture
OH
O d’usines dans des pays lointains et l’utilisation de nouveaux types
OH HO O de tanins. Ainsi, au début des années 1900, des tanins de Que-
OH
bracho d’Amérique du Sud et des tanins de mimosa d’Afrique


australe et d’Afrique centrale ont commencé à être extraits en
OH quantités industrielles et exportés vers les principaux marchés de
OH l’hémisphère septentrional.
OH Les deux guerres mondiales du XXe siècle ont donné une
impulsion considérable à l’expansion de l’extraction de tanins, qui
étaient utilisés pour la fabrication du cuir employé par les armées
Figure 3 – Exemple d’un point de branchement/ramification dans un (et notamment la fabrication des chaussures des soldats). Ainsi,
tanin flavonoïde de mimosa en 1946, juste après la fin de la Seconde Guerre mondiale, un
grand producteur comme l’Afrique du Sud avait une capacité de
production d’environ 110 000 tonnes métriques d’extrait sec de
Les tanins sont sujets à de nombreuses réactions, les princi- tanins. Cette année, correspondait au zénith de l’utilisation des
pales sont : l’hydrolyse et les condensations acide et alcaline, la tanins végétaux pour la fabrication du cuir. La concurrence des
sulfitation (traitée plus loin dans cet article), le réarrangement à produits dérivés du pétrole et du caoutchouc a démarré durant
l’acide catéchinique, la formation de phlobaphenes, l’autoconden- cette période, avec l’apparition de semelles de caoutchouc et de
sation catalytique, la complexation des métaux, la substitution néoprène. Ces dernières étant moins chères et facilement dispo-
électrophile des anneaux phénoliques (l’intérêt principal de ceci nibles ont bénéficié pendant la Seconde Guerre mondiale de la
est la réaction avec les aldéhydes), l’influence du comportement difficulté d’approvisionnement de tanins dans certains pays. Au
colloïdal des tanins sur leurs réactions, et un nombre de réactions début des années 1970, la production sudafricaine de tanins est
découvertes récemment comme les aminations par l’ammoniaque tombée à 72 000 tonnes/an. En raison de la diminution et des dif-
et les réactions de réticulations avec les amines et les phosphates ficultés de l’élevage bovin dans les années 1960 et 1970 les
(principalement le phosphate de thiéthyle). Quelques-unes de ces besoins en tanins n’ont pas cessé de diminuer. Enfin, la concur-
réactions, parmi les plus importantes pour les produits dérivés rence née du changement considérable de goût des clients pour
des tanins, sont brièvement décrites dans les paragraphes dédiés des chaussures plus légères initié par le « boom » des chaussures
aux produits. Il existe également un nombre de revues détaillées synthétiques pour le sport et les loisirs, a marqué la toute dernière
sur tous ces sujets pour des lecteurs désireux de documentation impulsion négative à l’utilisation des tanins dans la fabrication du
complémentaire [2] [10]. cuir. Il est intéressant de noter qu’aujourd’hui, ce même pays qui
produisait 110 000 tonnes d’extrait de tanins en 1946 ne produit
plus que 42 000 tonnes d’extrait de tanins dont seulement la moi-
tié est encore utilisée pour la fabrication du cuir [2].
2. Les principales techniques
d’extraction industrielle 2.2 L’extraction des tanins de 1900
des tanins naturels à 2018
Les tanins flavonoïdes condensés sont généralement obtenus
par une extraction industrielle à contre-courant d’eau chaude à
2.1 L’extraction des tanins dans l’histoire laquelle on peut ajouter de faibles pourcentages de sulfite ou de
métabisulfite de sodium, parfois avec en plus des proportions
encore plus faibles de bicarbonate de sodium pour améliorer la
Le tannage de la peau pour la rendre imputrescible a été inventé
solubilité des oligomères de tanins de poids moléculaire élevé. En
dès le début des activités humaines. Les premières observations
général, l’écorce broyée ou les copeaux de bois sont chargés dans
remontent au paléolithique supérieur avec l’arrivée des Homo
des batteries de six ou huit réservoirs en acier inoxydable, appe-
Sapiens il y a 45 000 ans [152]. Les premiers cuirs ont été fabriqués
lés autoclaves, capables de résister à une certaine pression. De
en immergeant des peaux dans de l’eau dans laquelle avait été lais-
l’eau chaude, dont la température peut varier de 70 °C à 90 °C
sée de l’écorce d’arbre ou du bois riche en tanin. Cette méthode arti-
(mais généralement dans la gamme basse de ces températures),
sanale prenait jusqu’à une année complète pour produire du bon
est ensuite envoyée à travers ces autoclaves et une fine solution
cuir. Cependant, il fallut attendre le XIXe siècle pour que l’industrie
aqueuse de tanin, à très faible concentration, est ainsi obtenue
de l’extraction de tanins se mette en place. L’aventure industrielle a
[11] (figure 4). En général, la proportion d’eau extraite est
commencé à Lyon, en France et dans le nord de l’Italie dans les
comprise entre 4 et 5 fois son poids.
années 1850 pour satisfaire au besoin de colorants noirs pour les
vêtements en soie. Comme la mode des chemisiers en soie des La sulfitation des tanins pendant ou après leur extraction est
femmes s’arrêta une dizaine d’années plus tard, la multitude des l’une des réactions les plus anciennes et les plus utiles dans la
petites usines d’extraction de tanin de châtaignier qui avaient vu le chimie des tanins condensés. Elle permet la préparation de tanins

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Chimie du végétal et produits biosourcés
(Réf. Internet 42570)

1– Approches méthodologiques et concepts

2– Biopolymères et matériaux biosourcés

3– Molécules biosourcées d'intérêt



4– Production de ressources par voies Réf. Internet page

biotechnologiques
Produits biosourcés issus des ressources végétales CHV600 105

Bioraineries CHV602 111

Macroalgues tropicales : une ressource durable d’avenir BIO9040 117

Production industrielle de microalgues et de cyanobactéries CHV4030 121

Bioixation du CO2 par microalgues CHV7005 127

Valorisation industrielle des microalgues photosynthétiques IN201 133

Modiication du génome de microalgues pour la production de molécules d’intérêt RE276 137

Optimisation de la production de lipides d'intérêt chez la levure par génie génétique RE209 141

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Produits biosourcés issus


des ressources végétales
Par Paul COLONNA
Directeur de recherche
Institut national de la recherche agronomique (INRA), Paris, France

1. Les molécules et leurs assemblages.................................................. CHV 600 - 2


1.1 Oses et oligosaccharides (sucres) ............................................................. — 2
1.2 Amidon ........................................................................................................ — 2
1.3 Lipides.......................................................................................................... — 3
1.4 Protéines ...................................................................................................... — 5
1.5
1.6
1.7
Lignocelluloses............................................................................................
Caoutchouc..................................................................................................
Métabolites secondaires.............................................................................



5
7
7

1.8 Pigments et colorants végétaux ................................................................ — 7
1.9 Conclusions ................................................................................................. — 8
2. Plantes d’intérêt : exploration de la diversité des solutions
végétales.................................................................................................... — 9
2.1 Clés de choix des plantes ........................................................................... — 9
2.2 Céréales ....................................................................................................... — 10
2.3 Oléagineux................................................................................................... — 10
2.4 Légumineuses-protéagineuses.................................................................. — 12
2.5 Tubercules et racines.................................................................................. — 12
2.6 Sylviculture.................................................................................................. — 13
2.7 Plantes à fibres ............................................................................................ — 15
2.8 Hévéa (Hevea brasiliensis) ......................................................................... — 16
2.9 Plantes en cours de développement ......................................................... — 16
3. Insertion des plantes d’intérêt dans des systèmes de cultures
durables...................................................................................................... — 18
3.1 Systèmes de cultures.................................................................................. — 18
3.2 Méthodes pour raisonner la durabilité des cultures
dans les exploitations et les territoires ..................................................... — 19
4. Conclusion................................................................................................. — 19
5. Glossaire .................................................................................................... — 20
Pour en savoir plus ......................................................................................... Doc. CHV 600

e végétal fournit des applications d’usage en chimie, soit directement, soit


L après transformation biotechnologique et/ou chimique (hémisynthèse) des
matières agricoles et forestières. Les procédés traditionnels pour les colorants,
les fibres, les matériaux s’appuyaient sur des savoir-faire dont les connais-
sances scientifiques sous-jacentes n’ont été élucidées qu’avec l’émergence de
la chimie.
La stratégie pour l’identification d’un couple plante-usage(s) est de partir de
la propriété d’usage visée pour remonter l’ensemble de l’itinéraire technolo-
gique, jusqu’au choix de la plante productrice des structures d’intérêt. Deux
principales approches sont mises en œuvre pour identifier les structures
p。イオエゥッョ@Z@ウ・ーエ・ュ「イ・@RPQY

(fibres) et biomolécules d’intérêt dans les plantes. La première, l’approche


fonctionnelle, innovante consiste à explorer les molécules existantes dans le

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PRODUITS BIOSOURCÉS ISSUS DES RESSOURCES VÉGÉTALES ______________________________________________________________________________

domaine végétal et leurs dérivés pour y trouver des fonctions semblables à


celles recherchées, même si ces fonctions sont portées par des molécules de
structures différentes de celles actuellement utilisées. Cette approche peut
nécessiter une fonctionnalisation, qui est la modification d’assemblages de
macromolécules ou l’introduction de groupements chimiques (dans des molé-
cules ou macromolécules) pour conférer des propriétés à valeur d’usage. La
seconde, l’approche structurale, consiste à identifier des biomolécules iden-
tiques ou ressemblant à celles utilisées dans la chimie du carbone fossile, et à
adapter le procédé de transformation de la biomasse pour opérer la
substitution.
Les deux approches peuvent coexister pour une même propriété. Ainsi le
matériau caoutchouc peut être produit soit à partir du polymère constitutif du
latex de l’hévéa, soit polymérisé chimiquement à partir de butadiène obtenu
par fermentation des oses.
L’objectif de cet article est de dépasser la simple curiosité des usages
chimiques des plantes pour définir les clés de raisonnement permettant de
sélectionner une plante et son système de culture dans la perspective d’éla-
borer une ressource biosourcée pour satisfaire une fonction d’usage. Des
ressources alternatives comme les algues, microalgues et cyanobactéries sont

T possibles, souvent pour des marchés de niche. Le lecteur intéressé pourra se


référer aux articles dédiés des Techniques de l’Ingénieur [IN 201] [CHV 4 030]
[CHV 7 005].

(0,5-1,5 % MS) et les légumineuses (1,5-5 % MS) avec des valeurs


1. Les molécules extrêmes jusqu’à 6,8 % pour le haricot et 4,5 % pour l’avoine.
et leurs assemblages Le glucose et le fructose sont les seuls oses présents en quanti-
tés significatives dans les organes de réserves, à des concentra-
tions faibles (< 0,5 % MS), sauf pour le grain de blé qui peut
Trois familles de molécules [1] sont à considérer en chimie contenir jusqu’à 1,5 % de fructose.
verte [2] :
Deux familles d’oligosides accompagnent le saccharose dans de
– les oses et oligosaccharides (sucres), l’amidon, les lipides et nombreuses graines de mono- et dicotylédones : les α-galactosides
les protéines présents dans les tissus de réserve ; et les fructosanes, dont le composant le plus connu est l’inuline.
– la lignine et des polysaccharides correspondent aux tissus de L’inuline, présente chez les topinambours (16-20 % MS), la chicorée
soutien avec une place particulière pour la paroi secondaire ligni- (15-20 % MS), a un degré de polymérisation (DP) de 10 à 70.
fié, réductible à la lignocellulose ;
Les α-galactosides sont présents en quantités importantes (7-15 %
– les métabolites secondaires.
féverole, 9,5 % lupin, 13 % soja) ainsi que les α-galactosides du pini-
tol et du myo-inositol dans les graines de légumineuses. L’orge et le
blé contiennent les deux séries, α-galactosides et fructanes, dont les
1.1 Oses et oligosaccharides (sucres) propriétés prébiotiques sont reconnues. Bien que théoriquement
fermentiscibles industriellement, ces composés n’ont pas les
Le saccharose (D-glucopyranolsyl (α1 → α2) D-fructofuranoside) mêmes atouts que le saccharose pour constituer des milieux de fer-
occupe une place centrale en raison de sa forte teneur dans la mentation universels, car leur métabolisation nécessite plusieurs
racine de betterave (jusqu’à 75 % MS (matière sèche) racine) et la enzymes.
tige de canne à sucre (jusqu’à 50 % MS tige). Synthétisé dans les
feuilles, le saccharose est stocké dans les vacuoles des tiges
(canne) et de racines (betterave). Les avantages technologiques de 1.2 Amidon
cette molécule sont :
– la facilité d’extraction par diffusion suivie d’une purification par L’amidon [4] [F 4 690] est le polysaccharide de réserve majeur
cristallisation. des plantes supérieures (tableau 1). Il constitue une fraction
– C’est un composant majoritaire dans la canne et la betterave, importante des biomasses agricoles telles que les céréales (30 à
transformant les jus de sucreries et les mélasses en solutions com- 80 % de la matière sèche) et les tubercules (60 à 90 % de la
posés essentiellement d’un seul composant ; matière sèche).
– l’universalité de sa fermentiscibilité par les micro-organismes Ces grains résultent de l’agencement semi-cristallin (figure 1)
industriels [3] ; de deux homopolymères de glucose, l’amylose et l’amylopectine.
– l’existence d’un large corpus de connaissances pour la sucro- L’organisation native est semi-cristalline, ce qui rend l’amidon
chimie. insoluble dans l’eau froide, et est à la base de son extractabilité
La limite technologique du saccharose réside dans son stockage technologique.
dans des organes vivants (tige et racine) qui vont métaboliser le L’amylose est constituée de longues chaînes d’unités α-(1,4)-
saccharose dans l’intervalle entre la récolte et l’extraction, indui- glucosyl (DP 500 à 6 000). L’amylopectine est une molécule rami-
sant la saisonnalité de fonctionnement des sucreries. Il convient fiée, caractérisée par des DP très élevés (105 à 106, masse molécu-
de souligner que le saccharose est aussi présent dans les céréales laire 107-108), où les unités glucosyl sont principalement reliées

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des pistes d’amélioration génétique pour de meilleures propriétés


Tableau 1 – Composition des amidons d’usage [5] [BIO 560]). Les lipides modifient les propriétés de géla-
tinisation et de gélification par la formation de complexes amy-
Teneur dans lose-lipides. Seul l’amidon de pomme de terre contient des esters
Taille
l’organe Amylose Lipides phosphoriques lui conférant un comportement polyélectrolytique,
Source grains
de réserve [% amidon] [% amidon] justifiant son intérêt en papeterie.
[μm]
[% MS]
L’amidon peut être considéré de trois manières :
Blé 25-29 2-3 et 25 25-29 1,2 – un réservoir de particules granulaires, utilisées en cosmétique
et en charge dans les matériaux ;
Maïs 25-28 30 25-28 0,8-0,9
– un réservoir de polymères, qui peuvent servir directement ou
Maïs cireux <1 15 0,5 0,8-0,9 après modifications (estérification, étherification) dans diverses
applications de la chimie, tant pour un comportement thermoplas-
Maïs riche 60-73 5-25 60-73 0,8-0,9 tique que des propriétés épaississantes, gélifiantes et d’adsorp-
en amylose tion ;
– un réservoir de glucose, valorisable en chimie ou en fermenta-
Pomme de 73-82 60-100 18-21 0,4 tion, en concurrence avec le saccharose.
terre

Manioc 23 30 20-22 0,5 1.3 Lipides


Pois lisse 33-36 30 33-35 0,5-1
Les huiles [6] [P 3 325]) s’accumulent dans les oléosomes (0,5-


Pois ridé 55-60 50 50-65 0,5-1 5 μm) sous la forme de triglycérides, principalement dans les
graines (colza, tournesol, soja) et les fruits (palmier, cocotier, oli-
Féverole 33-35 30 32-34 0,5-1 vier). Les triglycérides sont constitués d’esters de glycérol et
d’acides gras (tableau 2).
Le premier attrait des lipides est la présence d’acides carboxy-
par des liaisons de type α-(1,4) et où 5 à 6 % des unités glucosyl liques (acides gras), dont les longueurs de chaînes sont définies
assurent les liaisons α-(1,6), c’est-à-dire les branchements. Le ratio (C18-C22 pour les produits d’origine tempérée ; C8 – C18 pour les
amylose/amylopectine, la taille des grains, leur morphologie, la dérivés des huiles de palme, palmiste et coprah d’origine tropi-
présence de lipides sont sous contrôle génétique, ce qui ouvre cale), et à nombre pair d’atomes de carbone.

1-100 μm

Anneau
semi-cristallin
(épaisseur Ø Ø
300-600 nm)

Cristalline
Amorphe
9-10 nm
Cristalline
Amorphe
Cristalline
Amorphe
Cristalline
Amorphe
Cristallite formé à partir de grappes
de l’amylopectine ( ) avec des chaînons
de degré de polymérisation 15 et 45,
organisés en doubles hélices (longueur 6-7 nm),
intercalés avec l’amylose ( )

Structure Structure
ramifiée en grappe linéaire
de l’amylopectine de l’amylose

Figure 1 – Organisation semi-cristalline de l’amidon

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Tableau 2 – Acides gras constitutifs de différentes huiles (% des acides gras totaux)
Teneur
C12 : 0 C14 : 0 C16 : 00 C18 : 00 C18 : 1 C18 : 2 C18 : 3 C20 : 1 C22 : 1
[% MS]

Arachide 45-49 – – 8 2 71 18 – –

Colza érucique 34-45 – – 3-5 1 15-20 12 7-8 9 52-55

Colza 00 classique 34-45 – – 4-6 1-2 60-63 20-21 9 – –

Colza 000 bas 34-45 – – 6 2 76 12-14 2-3 – –


linolénique

Soja 14-24 8-13 3-6 17-26 50-62 4-10

Tournesol classique 32-48 – – 6 3-4 26-28 62-64 – –

Tournesol oléique 40-48 – – 3 3 90 4 – –

Maïs 2 – – 11 traces 25 57 1 –

Lin 36-40 – – 4,5-5,5 3,5-4,5 17-19,5 15,5-17,5 51,5-56,6 – –

T Palme (graine)

Palmiste
20


47

16
42-44

8
4-9

3
36-38

16 3 – – –
(mésocarpe)

Coprah (coco) – 46 18 9 3 8 2 – – –

Pour les molécules plateformes, les acides gras recherchés Au-delà de ces structures basiques, les esters recouvrent une
(mono- et diacides) doivent contenir des groupes fonctionnels large diversité moléculaire (tableau 3).
réactifs : hydroxydes, époxydes, insaturations, etc. On les trouve La cutine et la subérine présentes chez la plupart des plantes
parmi certaines espèces domestiquées comme le ricin Ricinus sont des polyesters naturels. Cette biomasse potentielle pourrait
communis (90 % d’acide ricinoléique ou acide 12-hydroxy-9-cis- constituer une source d’acides poly-hydroxylés et d’acides gras
octadécénoïque), le lin (C18 : 3), le colza Brassica napus avec dicarboxyliques, utilisables en copolymérisation en complément
l’acide érucique (C22 : 1) majoritaire, Les graines de Vernonia et de l’acide décandedioïque issu de la graine de ricin. Une source
d’Euphorbia lagascae (60-75 %) sont des sources d’acide verno- intéressante pour ces derniers pourrait être l’écorce de chêne-
lique (C18 – epoxy). Les acides gras furaniques, caractérisés par la liège qui contient des acides dicarboxyliques à longues chaînes
présence d’un cycle furanique, sont présents dans les graminées (> C16).
et le soja.
Pour les biocarburants routiers, les huiles végétales possédant
Dans les applications en tensioactifs, des esters de l’acide lau- un indice de cétane acceptable, une bonne tenue au froid et une
rique (C12 : 0) sont généralement employés. Les huiles de coco bonne stabilité à l’oxydation sont celles qui présentent un fort
(fruit du cocotier, Cocos nucifera) et de palmiste (huile de pourcentage en acide oléique. Les plantes de grande culture pro-
l’amande de la drupe de palmier à huile, Elaeis guineensis Jacq.) duisant ce type d’huile dans les régions tempérées sont le colza,
restent à ce jour la meilleure ressource. Dans la série des chaînes le tournesol oléique et dans une moindre mesure le soja (22 %
longues, les crucifères sont de bons candidats pour l’obtention d’acide oléique). Dans les pays tropicaux, le Jatropha, après sélec-
des tensioactifs cationiques à partir de l’acide érucique et de son tion pour éliminer les phorbols (qui présentent un problème de
dérivé, l’acide béhénique (C22 : 0). toxicité chimique) est un bon candidat, de par la forte teneur en
huile de ses graines (entre 30 et 40 %) et sa résistance à un envi-
À coté des protéines de réserve, les graines d’oléoprotéagineux ronnement difficile. Avec la technologie de trans-estérification, les
peuvent contenir jusqu’à 10 % en masse de protéines émulsi- huiles provenant du palmier, l’arachide et la caméline devront
fiantes (oléosines), dont l’usage est limité par l’absence de pro- préalablement être hydrogénées. La production de kérosène [7]
cédé d’extraction efficace. nécessite des huiles riches en acides gras à chaîne moyenne

Tableau 3 – Lipides complexes


Classe

Type ester avec un alcool – Cires simples (monoesters d’acides gras et d’alcools simples) type jojoba, tournesol, crambe, canne à
sucre, herbacées.
– Cires complexes, esters de diols à longue chaîne de type acide mycolique,
– Polymères réticulés ou non, type cutine, suberine ; à usage direct (cf liège, tomate, peau de pomme de
terre) ou comme source de monomères, d’acides poly-hydroxylés,

Présence d’un hétéroatome – Phosphorés : sphingolipides et esters (céramides végétaux)


– Sulfonés (type glucolipides)

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(8 à 12 atomes de carbone) dont l’hydrogénation générerait des tage d’une stabilisation naturelle de la matière première due à la
alcanes pouvant être directement utilisés comme carburant pour dessiccation de l’organe de biosynthèse et de stockage.
les avions. Aucune huile correspondant à ces critères provenant
de plantes de grande culture n’existe. La solubilité [9] est une clé technologique pour extraire et puri-
fier les protéines et simultanément la base de la fonctionnalité en
Dans les applications en lubrifiants, les végétaux produisant des matériau (gluten blé, zéine maïs). Il existe une production indus-
cérides (esters d’alcool et d’acides gras) comme le Jojoba trielle de protéines végétales (concentrés, isolés, tourteaux,
Simmondsia chinensis et la famille des euphorbes sont des gluten) dont une fraction est déjà utilisée ou utilisable pour des
sources d’intérêt pour des biolubrifiants plus spécifiques, suppor- usages non alimentaires (notamment cosmétiques), soit directe-
tant des températures élevées. De même le colza ancestral (et les ment après extraction, soit après modification chimique ou
crucifères) dont l’acide érucique (C22 : 1) est l’acide gras majori- enzymatique.
taire de l’huile peut constituer une source alternative à des lubri-
fiants d’origine fossile, à condition que le taux d’acide érucique Les protéines peuvent être considérées de trois manières :
puisse être augmenté (> 66 %). Parmi d’autres crucifères candi-
– un réservoir de polymères assimilables à des polymères ther-
dats à fournir du C22 : 1, le Crambe Abyssinica présente une
moplastiques ou réticulables (prolamines et glutélines). Certaines
teneur de 58 % en acide érucique.
protéines de réserve des céréales (sous-unités de gluténines de
Les acides gras méthylés dont la chaîne est partiellement cycli- haut poids moléculaire du blé) possèdent du fait de leurs struc-
sée (cyclopropane/cyclopropéne, furane) présentent un intérêt tures à motifs répétés des propriétés proches des polymères, pour
industriel en molécule plateforme, mais ces composés ne sont les applications « matériaux » ;
produits naturellement qu’en très faible quantité par des plantes. – un réservoir de polymères, qui peuvent servir directement ou
après modifications essentiellement dans des milieux polypha-
siques hydratées (albumines et globulines), exploitées dans le
1.4 Protéines domaine des détergents et de la cosmétique, comme agents émul-

La production de masse de protéines pour des usages non ali-


mentaires est spécifique des plantes de grande culture. La fonc-
sifiants et moussants ;
– un réservoir de polypeptides après hydrolyse enzymatique. Les
hydrolysats de gluten sont utilisés pour faire des adhésifs,

tionnalité des protéines résulte des interactions moléculaires avec employés en cosmétique comme agents moussants, ajoutés à des
leur environnement (autres molécules, pH, température…). Trois détergents pour stabiliser les enzymes ou aux encres pour en
types de propriétés sont obtenues selon la nature des interac- réduire le temps de séchage. Enfin, ils peuvent être incorporés à la
tions : fabrication de matériaux (aération du béton, résistance au choc
– des propriétés d’hydratation régies par les relations protéine – des céramiques) ou utilisés comme produits biodégradables dans
eau (gonflement, épaississement…) ; le blanchiment du papier.
– des propriétés de structuration régies par les interactions pro-
téine-protéine (précipitation, coagulation, gélification, encapsula-
tion…) ; 1.5 Lignocelluloses
– des propriétés interfaciales par les interactions avec d’autres
structures polaires ou apolaires en phase liquide ou gazeuse (pro-
Les biomasses lignocellulosiques (tableau 5) sont constituées
priétés émulsifiante, moussante, adhésifs…).
de trois composants majeurs [10] [11] [P 3 326]. La variabilité qua-
Les protéines visées [8] sont de préférence celles qui sont pro- litative et quantitative et l’organisation de ces composants dans
duites en quantité par les plantes et concentrées dans un organe, les différentes biomasses justifient de parler de complexes ligno-
c’est-à-dire les protéines de réserve (tableau 4) sous la forme de cellulosiques (tableau 6) au pluriel ; les propriétés bio-physico-
corpuscules (0,5 à 2,5 μm). Les grains et graines présentent l’avan- chimiques différent d’une espèce végétale à l’autre.

Tableau 4 – Principales protéines de réserve végétale (d’après [6])


Teneur
Source Albumines Globulines Prolamines Glutélines
[% MS]

Soluble dans l’eau Solubles dans les solutions Solubles dans les mélanges Insolubles dans les solutions
salines hydro-alcooliques 60-70 % précédentes
Solubles à pH > 11

Soja 35-40 10 90

Lupin 36-40 10-20 80-90

Féverole 25-30 20 60 15

Pois 20-24 20 65 15

Tournesol 17-19 20 60 5 15

colza 19-21 50 25 5 10

Maïs 8-11 10,6 42,3 46,7

Blé 11-14 5 10 27,2 45 35,4 40 37,2

Orge 10-13 15,2 28,6 56 ; 2

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Bioraffineries

par Paul COLONNA


Directeur de recherche
Institut national de la recherche agronomique (INRA), Paris, France

1. Définition et frontières de la bioraffinerie ...................................... CHV 602 - 2


1.1 Concept de bioraffinerie ............................................................................. — 2
1.2 Entrées et sorties d’une bioraffinerie ........................................................ — 2
1.3 Interface de la bioraffinerie avec son environnement industriel ............ — 4


2. Technologies de la bioraffinerie ......................................................... — 4
2.1 Déconstruction/fractionnement de la biomasse....................................... — 5
2.1.1 Principes généraux ............................................................................ — 5
2.1.2 Exemples de procédés de fractionnement ...................................... — 6
2.1.3 Fractionnements humide et sec........................................................ — 7
2.1.4 Gazéification et prétraitements thermiques .................................... — 8
2.2 Séparation et extraction des molécules d’intérêt..................................... — 8
2.3 Obtention des propriétés fonctionnelles ou d’usage ............................... — 10
2.4 Place originale des biotechnologies.......................................................... — 12
2.4.1 Technologies enzymatiques.............................................................. — 12
2.4.2 Technologies fermentaires................................................................ — 13
3. Intégration et couplage avec les activités en amont
et aval de la bioraffinerie...................................................................... — 13
3.1 Aptitude de la biomasse à la bioraffinerie ................................................ — 14
3.2 Stabilité des approvisionnements de la bioraffinerie .............................. — 15
3.3 Gestion des effluents .................................................................................. — 15
4. Bioraffineries environnementales ...................................................... — 16
5. Bioraffinerie dans la bioéconomie au-delà des filières ................ — 17
5.1 Liens avec la chimie : les molécules plateformes .................................... — 17
5.2 Couplage à des filières traditionnelles ...................................................... — 17
5.3 Écologie agroindustrielle............................................................................ — 18
6. Durabilité et bilans environnementaux............................................. — 18
7. Conclusion................................................................................................. — 19
8. Glossaire .................................................................................................... — 20
Pour en savoir plus .......................................................................................... Doc. CHV 602

ormis pour les fruits et les fleurs qui sont consommables sans aucune
H transformation, le passage des biomasses agricoles et forestières à des
produits d’intérêt [CHV 600] a mené à la constitution d’un secteur des transfor-
mations, couvrant les finalités alimentaires, puis chimiques et énergétiques.
Les sources de biomasse correspondent à toute source de matière organique
carbonée produite par des organismes vivants ou par leur décomposition.
Cette biomasse est formée essentiellement de carbone, d’hydrogène et d’oxy-
gène, et à un moindre degré d’azote, provenant de divers types de ressources
[CHV 600] :
– les produits d’origine agricole, subdivisés d’une part entre les cultures tradi-
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPRP

tionnelles de plantes annuelles (céréales, oléagineux) recherchées principalement

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BIORAFFINERIES ___________________________________________________________________________________________________________________

pour leurs parties nobles (grains, graines et tubercules), et d’autre part les cultures
dédiées à la bioraffinerie lignocellulosique (Miscanthus, panic érigé, etc.), ainsi que
les résidus de cultures (pailles, tiges, feuilles) et d’élevages ;
– les produits d’origine forestière : bûches, granulés, plaquettes et résidus
de l’exploitation forestière ou de cultures sylvicoles spécifiques (taillis à courte
ou à très courte rotation de peuplier et d’eucalyptus) ;
– les produits d’origine aquatique : algues, résidus de la pêche et de la
pisciculture ;
– les coproduits et effluents des industries de transformation des matières bio-
logiques : scieries, papeteries, industries agroalimentaires, élevages industriels ;
– les autres déchets organiques : déchets urbains, boues issues des stations
d’épuration, ordures ménagères, déchets verts provenant de parcs et jardins.
L’obtention de la fonctionnalité recherchée dans la matière première ou dans
une fraction de cette dernière est évidemment l’un des déterminants du choix de
l’ensemble biomasse-procédé-produit. Deux logiques coexistent ; la préservation
de la fonctionnalité présente initialement et la création de la fonctionnalité par le
procédé à partir d’une fraction donnée.
L’objectif de cet article est d’identifier les logiques qui sous-tendent la
création et le fonctionnement des bioraffineries, dans le nexus ressources bio-

T logiques – bioraffineries – produits biosourcés pour les secteurs forestiers,


végétaux, animaux et leurs déchets. Les technologies mises en œuvre sont
positionnées dans des schémas intégrés en lien avec les territoires. Enfin les
bioraffineries environnementales permettent de boucler les cycles de la
matière organique et d’apporter ainsi la circularité dans la bioéconomie. L’éva-
luation de la durabilité est abordée en soulignant les spécificités dues aux
technologies et aux produits.

– l’amidonnerie qui développe des molécules de plus en plus


1. Définition et frontières nombreuses à partir de l’hydrolyse de l’amidon en glucose ;
de la bioraffinerie – les unités de biodiesel adossées aux huileries, qui fabriquent
des esters et du glycérol dont les dérivés et les applications sont
de plus en plus nombreuses ;
1.1 Concept de bioraffinerie – la sucrerie suit le même schéma de développement ;
– la papeterie avec de nouvelles cibles fonctionnelles.
Toute bioraffinerie est un système technologique global défini La canne à sucre illustre ce changement. La bagasse, composée
comme une combinaison de technologies physiques, chimiques de cellulose, d'hémicelluloses et de lignine, sert traditionnelle-
et/ou biologiques de déconstruction, séparation et fonctionnalisa- ment en tant que sous-produit pour alimenter les fours et à la pro-
tion (figure 1) visant à transformer de façon durable de la bio- duction d’électricité (production de vapeur par combustion dans
masse en produits commerciaux intermédiaires ou finis : les une chaudière reliée à un turbo-alternateur). Cette dernière sert à
aliments pour l’homme et les animaux, les produits chimiques, les l’alimentation énergétique de l’unité de transformation, qui fonc-
matériaux (dont les fibres) et l’énergie. tionne pratiquement en autosuffisance énergétique. Mais la
La bioraffinerie doit être appréhendée d’après une vision histo- bagasse peut également être un coproduit pour la fabrication de
rique, construite à partir des termes coproduits, sous-produits et papier, de panneaux de particules, ou de bioéthanol de deuxième
déchets (article L541-4-2 du code de l’Environnement et la directive- génération.
cadre sur les déchets CE 2009/28). Dans la logique historique initiale,
une biomasse pour un produit par un procédé [14], les sous-
produits sont par essence induits, c’est-à-dire indissociables des 1.2 Entrées et sorties d’une bioraffinerie
cycles de production du ou des produits commerciaux majeurs.
Après d’éventuelles modifications, les sous-produits évoluent en
Dans une bioraffinerie, l’entrée correspond à de la biomasse
coproduits pour des usages précis. En conséquence ils partagent
généralement d’origine végétale soit sous forme de plante entière,
avec le produit principal le besoin de répondre à des spécifications
de fractions anatomiques (tige, grain), soit en tant que coproduits,
de caractéristiques, et chacun est apte à être commercialisé directe-
notamment issus de la transformation de la matière première
ment pour un usage particulier. Ainsi la pulpe de betterave est pas-
pour l’alimentaire (tableau 1). L’intérêt du couplage alimentaire –
sée de sous-produit du saccharose à coproduit de la sucrerie de
non alimentaire est de bénéficier des flux quantitatifs importants
betterave. La valorisation économique repose sur l’ensemble pro-
de l’alimentaire pour y récupérer les fractions non valorisables.
duit – coproduit(s) et la minimisation des déchets par identification
Aucune culture nouvelle ne sera nécessaire pour produire ces der-
des usages spécifiques imaginés.
nières fractions dans leurs finalités non alimentaires, et ainsi créer
En 2019, quatre filières industrielles de valorisation de la bio- un besoin de nouvelles surfaces agricoles ou forestières complé-
masse agricole connaissent des évolutions profondes en raison des mentaires. La bioraffinerie concourt donc à une meilleure effi-
nouveaux produits ou molécules qu’elles cherchent à produire : cience de l’usage des sols. À noter que seules certaines filières ne

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____________________________________________________________________________________________________________________ BIORAFFINERIES

Tableau 1 – Typologie des bioraffineries


Entrée Technologie Sorties
Aliments Aliments
Produits
pour pour Matériaux Énergie
chimiques
l’homme les animaux
Blé Meunerie X X
Amidonnerie [F 4 690] X X X X X
Éthanolerie X X X X
Maïs Maïserie X X
Amidonnerie X X X X X
Tubercules Amidonnerie X X X X X
Graines oléagineuses Huilerie X X X X X
Bois d’industrie Papeterie X X X
Algues Bioraffinerie X X X X


Déchets ménagers Bioraffinerie environnemantale X X X
Produits animaux Abattoir X X X X X
Fruits et légumes Fractionnement et extraction X X X X
Plantes médicinales Fractionnement et extraction x X
Plantes aromatiques Fractionnement et extraction X x X

Les produits animaux entrent également dans cette logique.


Biomasse A contrario du lait dont toutes les fractions ont des usages alimen-
taires, les autres matières animales après fractionnement ont sou-
vent des finalités multiples, au-delà des produits alimentaires.
Enfin la matière première biologique entrante peut être consti-
Molécules tuée de déchets.
Fractionnement et assemblages Certaines des caractéristiques des matières premières entrantes
natifs porteurs ont un impact direct sur le concept de bioraffinerie :
de propriétés
Extraction
– la diversité des sous-éléments disponibles à partir d’une plante
à valeur d’usage
entière ou d’un sous-élément de cette plante (imbrication des
structures) et la possibilité de piloter, notamment via la génétique,
la conduite des cultures ou les différences inter-espèces, les répar-
Énergie titions/compositions/interactions de ses sous-éléments ;
– l’hétérogénéité d’un constituant ou d’un sous-élément (par
exemple les trois types de lignines [IN 235] ou les différentes pro-
Fonctionnalisation téines d’une couche structurale), qui est en général déterminée par
la programmation génétique, à la différence de la variabilité men-
tionnée ci-après. L’hétérogénéité à l’intérieur d’un sous-ensemble
d’une plante (trois types de lignines, deux molécules d’amidon
Molécules Molécules (amylose, amylopectine), x protéines dans une sous-couche d’aleu-
plateformes et réassemblages rone, etc.) est un facteur de complexité vis-à-vis des utilisations
porteuses porteurs industrielles de ce sous-ensemble que la génétique devrait s’effor-
de réactivité de propriétés cer de réduire ;
à valeur d’usage – la variabilité de la composition et/ou des propriétés dans le
temps et dans l’espace de la matière première, notamment en
fonction des conditions de milieu ou de culture. Cette caractéris-
Chimie
tique est renforcée par l’évolutivité par rapport aux phases de
stockage, et dans une moindre mesure par les opérations
de récolte, durant lesquelles des transformations microbiennes,
Formulation et mise en forme enzymatiques ou structurelles (maturation) peuvent avoir lieu.
Une fois que « la ligne de base » est fixée parmi les diverses
options proposées par la diversité génétique suite au choix
Figure 1 – Représentation schématique d’une bioraffinerie d’une espèce et d’une variété, la variabilité décrit les oscillations
par rapport à cette ligne de base. La variabilité est un défaut car
elle est préjudiciable au rendement global des procédés de
comportent pas d’usages alimentaires : bois, papeterie, caout- transformation. En effet, le produit final doit avoir une qualité
chouc, plantes médicinales. constante, dans une fourchette d’autant plus resserrée que son

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BIORAFFINERIES ___________________________________________________________________________________________________________________

usage sera plus technique. La variabilité de la matière première


entraîne donc des réglages et ajustements fréquents du procédé Grain de blé
de transformation qui conduisent celui-ci à fonctionner de
manière non optimale. Brisures
Nettoyage
Parmi ces caractéristiques, les deux premières, diversité et hété- Grains brisés
rogénéité des composants, sont intrinsèquement positives pour la
Sons Mouture Germes
bioraffinerie, la troisième est négative du point de vue de l’indus-
triel. Elle induit une zone d’optimisation dont les situations réelles
(par exemple séchage du bois, rouissage du lin, ensilage du maïs Empâtage
Tourteaux Huile
à biogaz, etc.) conduisent à la constitution de savoir-faire confi-
dentiels. Séparation
Les sorties de la bioraffinerie sont (i) des molécules (simples,
polymères ou complexes) ou des assemblages plus ou moins Amidon Solubles Gluten
natifs, à valeur d’usage, ou (ii) des synthons porteurs de réactivité
(doubles liaisons, électrons délocalisés, etc.). Ces sorties repré-
sentent soit des porteurs de propriétés à valeur d’usage, soit des Fermentation Concentration Séchage Hydrolysat
porteurs de réactivité, soit des porteurs d’énergie. Dans tous les Distillation de gluten
cas, pour aboutir à un réel intérêt économique, il faut obtenir un
Gluten vital
produit à forte valeur ajoutée si son volume de vente est faible, ou
obtenir un produit à faible marge sur un marché de volume impor- Éthanol Solubles
tant (éthanol, lysine, etc.), voire combiner ces deux aspects. concentrés
Une des originalités des bioraffineries est d’appréhender de Solubles

T façon similaire le produit principal et les coproduits, de minimiser


le nombre de sous-produits et de réduire au maximum la quantité
de déchets.
de distillerie

Figure 2 – Bioraffinerie de blé, articulant meunerie et amidonnerie-


glutennerie

1.3 Interface de la bioraffinerie


avec son environnement industriel Graines de colza
ou tournesol
Les frontières posées pour la bioraffinerie [13] incluent des inter-
ou soja
faces structurées avec des acteurs « utilisateurs » (alimentaires,
chimistes pour les synthons, et au cas par cas – cosmétique, phar-
macie, producteurs d’additifs, formulateurs – selon les propriétés Broyage
considérées), qui apportent des compétences en formulation et Aplatissage
mise en forme. En terme industriel, les sous-ensembles constituant
une bioraffinerie peuvent être disjoints et/ou opérés par des entités Flocons
différentes, mais ils sont généralement regroupés géographique-
ment (notion d’écologie industrielle). Cuisson

Finalement, par le biais de ses revendications d’optimisation des Pression


valorisations, la notion de bioraffinerie fait appel au concept de
« green chemistry », dans son sens « chimie propre et sobre » Concentrat
théorisé par les règles d’Anastas et Warner (1998) [1]. Huile brute Tourteau
et isolat
de pression Huile brute de pression
Le schéma générique de la bioraffinerie est décliné en fonction d’extraction
protéique
des différentes matières premières : les céréales (figure 2), les
oléagineux (figure 3), le bois (figure 4), les produits carnés Extraction
Huile brute Hydrolysat
(figure 5) et les déchets (figure 6). par solvant
Phospholipides (souvent enzymatique
Raffinage
l’hexane)
Cires
Huile raffinée Désolvatation Tannage
2. Technologies Pigments
de la bioraffinerie Volatils
Tourteau Alimentation
déshuilé ruminants

Toute bioraffinerie comporte trois groupes d’opérations uni-


taires [46], se succèdant en général dans cet ordre : Figure 3 – Bioraffinerie d’oléagineux, intégrant l’huilerie
– déconstruction ou déstructuration : opération qui correspond à
une dissociation physique des molécules (dont les polymères, par Les technologies de transformation de la matière (tableau 2)
exemple des fibres) pouvant aller jusqu’à la rupture des structures peuvent être classées en deux ensembles, en fonction de leur
chimiques. La déconstruction peut être analysée à différentes effet sur la matière :
échelles du végétal : les organes, les tissus ou les molécules. Cette
– les mécanismes physiques :
étape est absente dans la bioraffinerie de lait, en raison de sa
nature simple, solution et suspension aqueuse ; • mécaniques (réduction de taille, rupture de parois cellulaires),
– séparation : action permettant de trier les entités constitutives
• séparation/solide divisé (densité, taille) : turboséparation,
d’un mélange ;
tamisage,
– fonctionnalisation (y compris pour la notion d’« assemblage ») :
opération consistant à modifier une molécule ou un assemblage • séparation/milieux polyphasiques : liquide-solide (solubilisa-
pour lui conférer des propriétés à valeur d’usage, ou réactionnelles. tion des protéines (albumines, globulines), insolubilisation des

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Combustion
Lévoglucosane

Broyage Benzène,
Torréfaction Gazéification
toluène
Éthanol
Voie sèche
Cn H2n+2 Chimie
Éthanolerie
Recyclage
Énergie
Bois énergie
Papiers Cellulose microcristalline, nanocellulose

Méthyl, hydroxyméthyl, carboxyméthyl celluloses

Fibres Viscose

Acétates, nitrocellulose
Lignines kraft
Bois industrie Voies humides Fibres


de carbone
Ligno-suphonates
Agents dispersants
et agglomérants
Sylviculture Dérivés
terpéniques Vanilline

Bois d’œuvre Construction


bois
Voie sèche :
sciage et travail
du bois Menuiserie

Produits connexes

Figure 4 – Bioraffinerie de lignocellulose, à partir de la sylviculture

protéines (gliadines, glutélines), extraction des lipides) ; grande échelle, mais ne le sont pas pour des productions à
liquide-liquide, avec des micelles réverses, filtration frontale et moindre échelle. Explorer des procédés économiquement ren-
technologies membranaires, centrifugation ; liquide-vapeur, tables et implanter des solutions durables adaptées à chaque type
distillation, pervaporation ; extraction par pression, solubilisa- de production, en prenant en compte des critères de flexibilité
tion ; sont à intégrer dans le développement de nouveaux procédés.
– les mécanismes chimiques et biotechnologiques : La composition biochimique de la biomasse impose des limita-
• simple rupture de liaisons entre unités de base : hydrolyse, tions qui doivent être repoussées ou contournées, constituant
alcoolyse (méthanolyse), autant de verrous vis-à-vis de l’optimisation de chaque technolo-
gie, et de la bioraffinerie globalement. Voici quelques exemples
• introduction d’une fonction organique : par exemple redox (intro- de contraintes pouvant être rencontrées :
duction d’un atome d’oxygène, hydrogénation),
– la température de décomposition thermique de l’ordre de
• transformation complexe : fermentation, thermolyse. 180 °C ;
Chaque étape de transformation physique ou chimique peut – les températures de dénaturation : protéines, microconstituants ;
exercer soit un seul effet (déconstruction/fractionnement/fonction- – l’état d’oxydo-réduction pour les lipides et les protéines ;
nalisation), soit deux, voire les trois effets en même temps. Dans – les propriétés mécaniques pour les tissus lignocellulosiques ;
cette analyse les processus biotechnologiques ne se distinguent – l’adhésion intraparticulaire pour les grains et les tissus ligno-
pas nécessairement des autres types de transformations définis cellulosiques ;
ci-dessus, les premiers pouvant comme les autres exercer un effet – l’état physique : solide ou liquide pour les lipides.
aussi bien sur la déconstruction que sur la fonctionnalisation
(tableau 2).
La question du facteur d’échelle est aussi une question fonda- 2.1 Déconstruction/fractionnement
mentale, car bien que de nombreux procédés soient économique-
ment plus performants pour de gros volumes de production du
de la biomasse
fait des coûts énergétiques, des solutions locales à plus petite
échelle peuvent amener à l’avenir à repenser les procédés 2.1.1 Principes généraux
classiques de façon globale, notamment en considérant des
contraintes environnementales et les coûts logistiques. En effet, La logique de cette étape est le passage de l’échelle macrosco-
des procédés comme la distillation sont viables et rentables à pique initiale à des échelles inférieures jusqu’à l’échelle atomique

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Macroalgues tropicales :
une ressource durable d’avenir

par Mayalen ZUBIA


Maître de conférences
Université de Polynésie française, UMR-EIO, Faa’a, Tahiti, Polynésie française
et Lydiane MATTIO
Consultante, Brest, France
Honorary Research Associate
University of Cape Town, Afrique du Sud


1. Industrie des macroalgues................................................................. BIO 9 040 - 2
1.1 Marché et tendances................................................................................ — 2
1.2 Principales espèces valorisées................................................................ — 2
2. Techniques de production ................................................................. — 3
2.1 Récolte d’algues « sauvages » ................................................................ — 3
2.2 Algoculture ............................................................................................... — 5
3. Utilisations, propriétés et valorisation .......................................... — 5
3.1 Algues tropicales dans l’alimentation humaine .................................... — 5
3.2 Industrie des phycocolloïdes .................................................................. — 6
3.2.1 Agars............................................................................................... — 6
3.2.2 Carraghénanes ............................................................................... — 8
3.2.3 Alginates (ou acide alginique) ...................................................... — 8
3.3 Applications santé et bien-être ............................................................... — 8
3.3.1 Applications biomédicales et pharmaceutiques ......................... — 9
3.3.2 Applications cosmétiques ............................................................. — 9
3.3.3 Aliments fonctionnels et nutraceutiques ..................................... — 9
3.3.4 Santé et nutrition animale............................................................. — 9
3.4 Industries durables .................................................................................. — 10
3.4.1 Des algues pour une agriculture plus écologique ...................... — 10
3.4.2 Bioremédiation par les algues ...................................................... — 10
3.4.3 Bioénergies..................................................................................... — 10
3.4.4 Bioplastiques et emballages alternatifs ....................................... — 11
4. Conclusion.............................................................................................. — 11
5. Glossaire ................................................................................................. — 12
Pour en savoir plus ....................................................................................... Doc. BIO 9 040

es algues représentent aujourd’hui une industrie en plein essor, pratiquée


L dans une cinquantaine de pays et représentant près de 50 % des produc-
tions maricoles, avec un marché en croissance contribuant significativement à
l’économie bleue. Le plus grand marché des produits à base d’algues est celui
de l’alimentation humaine et des phycocolloïdes destinés aux industries agroa-
limentaire, pharmaceutique et cosmétique, mais les propriétés des algues sont
très diversifiées et les potentialités de valorisation sont remarquables, allant
des molécules anticancéreuses et nutraceutiques aux engrais et biocarburants
en passant par l’assainissement de l’environnement et les bioplastiques.
Bien que l’aquaculture et l’industrie des algues marines à grande échelle
soient une pratique courante et une source de revenu précieuse en Asie, elle
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en est encore à ses débuts dans d’autres parties du monde, et en particulier

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MACROALGUES TROPICALES : UNE RESSOURCE DURABLE D’AVENIR _________________________________________________________________________

dans de nombreux pays tropicaux qui recensent une diversité d’algues encore
largement inexploitées. Cette diversité représente d’importantes opportunités
économiques, d’innovation et de développement durable, notamment pour
l’amélioration des moyens d’existence des communautés côtières tropicales.
Cet article présente un aperçu de l’industrie actuelle des macroalgues tropi-
cales et explore les tendances, les défis et les possibilités de développement
de cette industrie.

gros producteur était l’Indonésie (11 672 194 tonnes), suivie de la


1. Industrie des macroalgues Chine (2 982 930 tonnes), des Philippines (1 404 782 tonnes), de la
Malaisie (205 989 t) et de la République-Unie de Tanzanie et de
1.1 Marché et tendances Zanzibar (111 141 t) [2] (figure 2).
Le reste de la production tropicale enregistrée par la FAO [2]
Le marché mondial des macroalgues marines est en pleine (environ 206 000 tonnes) est réparti entre une vingtaine d’autres
expansion et a été évalué à plus de 10 milliards de dollars US pays dont (par ordre décroissant de production) l’Inde, Madagas-
(environ 28 millions de tonnes de poids frais par an en 2016) [1] car, le Mexique, les îles Salomon, le Vietnam et la Papouasie Nou-

T [2]. La culture des algues marines en mer s’est développée rapide-


ment au cours des 50 dernières années et l’algoculture est mainte-
nant un secteur clé de l’industrie mondiale de l’aquaculture. Au
velle-Guinée. D’autres pays présentent des productions plus
faibles ou en cours de développement par exemple à l’île Maurice
et Mayotte avec des essais de culture de Hypnea spp. [5] et en
niveau mondial, 93 % de la production totale des algues provient Polynésie française avec des essais de culture de Caulerpa race-
de l’aquaculture [2] [3]. La Chine est actuellement le plus grand mosa (M. Zubia, pers. com.).
producteur (48,7 %), suivie de l’Indonésie (36,6 %) et des Philip-
pines (5,7 %), avec une production estimée à plus de 90 % des La production mondiale des algues marines (algoculture) pré-
algues comestibles dans le monde [2]. sente un taux de croissance de 5,5 % entre 2010 et 2016 [2]. En
outre, la Commission européenne a reconnu que les algues
(macroalgues et microalgues) sont une option prometteuse pour la
Qu’est-ce qu’une macroalgue ? sécurité alimentaire et que d’ici 2054 la culture collective d’algues
pourrait atteindre la production de 56 millions de tonnes de proté-
Les macroalgues sont les algues visibles à l’œil nu par oppo- ines (18 % du marché des protéines).
sition aux microalgues (par exemple diatomées, phytoplancton,
zooxanthelles) qui ne peuvent être observées qu’au micros-
cope. Les macroalgues représentent environ 11 000 espèces [6] 1.2 Principales espèces valorisées
réparties en trois groupes phylogénétiques différents : les
rouges (Rhodophyta ), les vertes (Chlorophyta ) et les brunes
Sur les 11 000 espèces de macroalgues répertoriées dans le
(Phaeophyceae ) (figure 1). Leur morphologie est très diversi-
monde [6], au moins 221 espèces sont utilisées, dont 152 pour l’ali-
fiée, du plus simple filament à des formes très complexes, qui
mentation et 101 pour la production de colloïdes [7]. Seulement
peuvent être calcifiées et articulées, avec des structures spécia-
une centaine de taxons sont cultivés, le reste est récolté à l’état sau-
lisées pour la capture de la lumière, la reproduction, la flottai-
vage ou échoué sur la plage. Une synthèse des principales espèces
son et la fixation au substrat.
utilisées est présentée dans le tableau 1. Environ 98 % de la pro-
duction annuelle totale est due à seulement cinq de ces espèces
La production (collecte sauvage et algoculture) de macroalgues (Eucheuma, Gracilaria, Laminaria, Porphyra, Undaria) qui sont prin-
tropicales est plus importante que celle des macroalgues tempé- cipalement cultivées pour les colloïdes ou l’alimentation humaine.
rées et atteint 55 % de ce marché mondial en 2016 [2] [4]. Le plus La plus grande partie de la production est constituée d’algues

Figure 1 – Exemples de macroalgues tropicales appartenant aux trois groupes : les algues rouges (Trichogloea sp., à gauche), les algues vertes
(Caulerpa racemosa, au centre) et les algues brunes (Padina boryana, à droite) (crédit photo : M. Zubia)

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__________________________________________________________________________ MACROALGUES TROPICALES : UNE RESSOURCE DURABLE D’AVENIR

Tempérée -
2. Techniques de production
sauvage
2,4 %
Tropicale - 2.1 Récolte d’algues « sauvages »
Tropicale -
algoculture sauvage
51,0 % 4,3 % Si la collecte de grandes algues brunes des régions tempérées
est une activité bien développée à l’échelle industrielle en Europe,
comme en Bretagne, dans les régions tropicales, la collecte
d’algues « sauvages » est une activité souvent traditionnelle et de
Tempérée -
algoculture
subsistance. C’est le cas en particulier dans le Pacifique, notam-
42,3 % ment à Hawaii [8] ou à Fidji [9]. La collecte de ces algues y est une
tradition familiale plutôt réservée aux femmes [10] et dédiée princi-
palement à la consommation humaine. Les genres les plus cou-
ramment collectés sont Caulerpa, Gracilaria, Hypnea, Sargassum
et Ulva [11]. À Hawaii, les algues sont associées à des légendes et
a production globale tempérée vs tropicale des mythes et sont encore aujourd’hui utilisées lors de cérémonies
traditionnelles.
Les préoccupations et les défis concernant l’impact environne-
mental de la récolte sauvage (risque de surexploitation) et le déclin
Malaisie
des populations naturelles en raison du changement climatique, la
1,3 %
saisonnalité des espèces, les problèmes de permis de collecte


Philippines dans certains pays ou de disponibilité de sites d’exploitation
8,5 % côtiers peuvent représenter un frein à l’intensification de l’activité
et conduisent à considérer la culture des algues marines comme
une option plus durable et plus rentable pour les industries.
Chine Néanmoins, la prolifération de certaines espèces offre de nou-
18,1 % velles perspectives de valorisation pour la collecte d’espèces sau-
Indonésie
70,9 % vages et en laisse de mer. C’est le cas des échouages massifs de
Sargassum depuis plusieurs années dans les Caraïbes [12], à
Fidji [13] ou encore en Polynésie française [14] [15] (figure 3).
De nombreuses autres espèces d’algues sont mises en cause dans
des phénomènes de prolifération (Boodlea, Caulerpa, Dictyosphaeria,
Dictyota, Lobophora...) [16] et d’invasion (Asparagopsis ) [17]. Ces
b production tropicale par pays proliférations se multiplient, du fait des bouleversements climatiques
et des pressions anthropiques croissantes [16]. Certains pays sont
confrontés à des proliférations d’ampleur considérable (exemple :
Sargassum en Guadeloupe, Gracilaria à Fidji), ce qui génère des
troubles d’ordre économique mais aussi sanitaire (dégagement de
Autres H2S) [12] [13]. Ces algues deviennent des déchets encombrants dont
0,5 %
la gestion est souvent coûteuse et difficile. Une des solutions envisa-
gées est alors la valorisation industrielle qui consiste à les transfor-
Kappaphycus mer pour leur conférer une valeur économique.
alvarezii
9,3 %

Gracilaria spp.
Eucheuma spp. 25,1 %
65,2 %

c production tropicale par espèce

Figure 2 – Comparaison de la production (tonnage) de macroalgues


marines (collecte sauvage et algoculture) d’après les données de la
FAO pour 2016 [2]

rouges (60 %), suivies d’algues brunes (39,5 %). La production


d’algues vertes est relativement limitée (< 0,5 %) (tableau 1).
Les espèces cultivées en zones tropicales ou subtropicales sont
principalement les algues rouges Eucheuma spp. (35 %), Gracilaria
spp. (14 %) et Kappaphycus alvarezii (6 %) pour la production de
colloïdes (agar et carraghénanes). Ensuite, ce sont les genres Cau-
lerpa et Cladosiphon qui présentent les productions les plus impor-
tantes en zones tropicales (culture et récolte) (tableau 1). Ces Figure 3 – Radeau d’algues brunes dans le lagon de Moorea
genres sont utilisés principalement pour l’alimentation. en Polynésie française (crédit photo : M. Zubia)

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Production industrielle
de microalgues et de cyanobactéries
par Jérémy PRUVOST
Professeur à l’université de Nantes
GEPEA – UMR 6144 CNRS/Université de Nantes
École des Mines de Nantes/ONIRIS, Saint-Nazaire, France
Jean-François CORNET
Professeur à SIGMA Clermont
Institut Pascal – UMR CNRS 6602, Campus Universitaire des Cézeaux
Bâtiment Polytech, Aubière, France
François LE BORGNE
Docteur
Chef de Projets et Ingénieur de Recherche, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France
et Jean JENCK
Docteur
Directeur Innovation, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France

Note de l’éditeur
Cet article est la réédition actualisée de l’article IN200 intitulé « Production industrielle de
microalgues et cyanobactéries » paru en 2011, rédigé par Jérémy Pruvost, Jean-François
Cornet, François Le Borgne et Jean Jenck.

1. Culture des micro-organismes photosynthétiques ................................. CHV 4 030 - 3


1.1 Potentiel applicatif ...................................................................................... — 3
1.2 Croissance ................................................................................................... — 3
1.3 Énergie lumineuse ...................................................................................... — 3
1.4 Minéraux et source de carbone ................................................................. — 3
1.5 Paramètres physico-chimiques de croissance ......................................... — 3
1.6 Mélange hydrodynamique ......................................................................... — 3
2. Principes de conception des systèmes de culture................................... — 4
2.1 Facteurs limitants........................................................................................ — 4
2.2 Apport de carbone et de minéraux............................................................ — 4
2.3 Apport d’énergie lumineuse ...................................................................... — 4
2.4 Agitation ...................................................................................................... — 4
2.5 Matériaux de construction ......................................................................... — 5
3. Modélisation et outils théoriques d’ingénierie ........................................ — 5
3.1 Bases de rayonnement ............................................................................... — 5
3.2 Aspects stœchiométriques......................................................................... — 6
3.3 Limitation physique par le transfert de photons et fonctionnement
optimal ......................................................................................................... — 6
3.4 Aspects cinétiques et énergétiques........................................................... — 7
3.5 Performances maximales des photobioréacteurs – règles
d’ingénierie.................................................................................................. — 8
4. Technologies de production ...................................................................... — 10
4.1 Diversité technologique.............................................................................. — 10
4.2 Technologies solaires ................................................................................. — 10
4.3 Photobioréacteurs à lumière artificielle .................................................... — 18
4.4 Plateformes françaises de recherche et développement......................... — 19
5. Conclusion et perspectives ........................................................................ — 21
6. Glossaire ...................................................................................................... — 21
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 4 030
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQW

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PRODUCTION INDUSTRIELLE DE MICROALGUES ET DE CYANOBACTÉRIES _____________________________________________________________________

es micro-organismes photosynthétiques de type microalgues et cyanobac-


L téries tendent à s’imposer dans de nombreux secteurs applicatifs. Du fait
de la spécificité du métabolisme photosynthétique par rapport aux micro-orga-
nismes hétérotrophes (bactéries, levures), et d’une biodiversité importante, le
potentiel d’applications est large. Les micro-organismes photosynthétiques
sont ainsi utilisés pour (i) la production solaire de bioénergies (lipides pour uti-
lisation en tant que biodiesel ou biokérosène, sucres en tant que source de
bioéthanol ou biométhane, hydrogène par biophotolyse de l’eau, etc.), (ii) la
production de molécules naturelles d’intérêt (pigments et polysaccharides pour
la cosmétique et la nutraceutique, protéines et lipides de type oméga-3 pour
l’alimentaire, synthons pour la chimie verte, etc.) ou bien encore (iii) la dépol-
lution d’effluents gazeux (CO2 issus de fumées) ou liquides (nitrates,
phosphates, métaux d’eaux usées) avec la production associée d’une bio-
masse végétale aux débouchés multiples.
Du fait des besoins particuliers de la croissance photosynthétique, la produc-
tion industrielle de microalgues et cyanobactéries requiert cependant des
technologies dédiées radicalement différentes des bioréacteurs utilisés
conventionnellement dans l’industrie fermentaire. Ces photo-procédés doivent
permettre la croissance photosynthétique basée sur l’assimilation, grâce à la


lumière captée, de nutriments inorganiques (CO2 ou hydrogénocarbonates) et
minéraux (nitrates, phosphates, etc.). Selon les contraintes et objectifs
d’exploitation, le procédé de culture est à sélectionner parmi un large panel de
solutions technologiques allant des systèmes ouverts extensifs (type lagunage)
aux systèmes intensifiés et clos (type photobioréacteurs) et utilisant soit
l’énergie solaire, soit une source artificielle de lumière.
De cette diversité technologique résulte une très grande variabilité de perfor-
mances selon le niveau de contrôle et d’optimisation apporté. Ces
technologies répondent cependant à un ensemble de règles particulières
aujourd’hui bien éprouvées. Ces règles permettent de proposer des démarches
rationnelles pour les missions d’ingénierie consistant à prévoir les perfor-
mances d’une technologie donnée, à concevoir des technologies intensifiées à
très fortes productivités, et à optimiser le fonctionnement d’unités données de
production pour en maximiser les performances.
Cet article se propose de présenter les éléments essentiels à cette démarche
d’ingénierie ainsi que les principaux concepts qui en découlent. Dans une pre-
mière partie, les principes généraux de la culture de microalgues et
cyanobactéries seront abordés. Les différents facteurs ayant un impact sur la
croissance photosynthétique seront ainsi présentés. Cela permettra de dresser
dans une deuxième partie les principes fondamentaux de conception des pro-
cédés de culture. La troisième partie introduira alors l’ensemble des éléments
théoriques de base utiles à l’ingénieur pour concevoir et optimiser les pro-
cédés de culture de microalgues et cyanobactéries, avec un focus spécifique
sur l’aspect lumière, facteur essentiel et spécifique à ces systèmes. L’intérêt de
ces outils d’ingénierie sera en particulier illustré en donnant les gammes et
limites de performances des différentes catégories rencontrées de procédés de
culture. La dernière partie sera finalement consacrée à une revue des technolo-
gies existantes de culture pour les différents usages allant de l’étude en
laboratoire à la production industrielle à très grande échelle. Les avantages et
inconvénients intrinsèques à chaque système seront ainsi discutés afin d’illus-
trer la nature très particulière de ce photo-procédé qui à la fin ne peut proposer
une solution unique pour la grande variété d’usages industriels visés. Cepen-
dant, l’usage approprié des notions et règles telles que décrites dans cet article
permettent aujourd’hui de proposer et développer des solutions adaptées aux
nombreux débouchés possibles et attendus des microalgues.

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______________________________________________________________________ PRODUCTION INDUSTRIELLE DE MICROALGUES ET DE CYANOBACTÉRIES

1. Culture
des micro-organismes

on
Lumière

iti
(PFD q)

ib
photosynthétiques

>
n)

nh
io

oi
o
J
t
ra

ot
pi

Ph
es
(R
AC AS
1.1 Potentiel applicatif
Lumière absorbée
Capables de synthétiser la plupart des éléments organiques par les cellules

Profondeur
de culture
essentiels comme les protéines, les glucides et les lipides, les (Vitesse d’absorption
microalgues et cyanobactéries présentent une biochimie très de photons, A)
variée en comparaison d’autres micro-organismes. C’est d’ailleurs
l’identification de métabolites particuliers qui a fortement encou-
Profondeur
ragé la recherche, et notamment sur les molécules prisées des
de culture
industries, comme les pigments, les polysaccharides ou divers
composés biologiquement actifs [IN201]. La diversité taxono-
mique des micro-organismes photosynthétiques étant énorme, les
applications possibles se sont alors révélées dans des domaines
Activité
aussi variés que l’alimentation, la pharmacologie ou la cosmétolo-
photosynthétique
gie. Le choix de souches adaptées, et leur mise en culture dans
(P)
des systèmes adéquats permet et permettra de répondre à de


grands enjeux de notre planète en termes de production de molé-
cules renouvelables : agroalimentaire (source de protéines, de
lipides d’intérêts type oméga-3), production propre d’énergies,
dépollution d’effluents et recyclage de l’eau (fixation de nitrates, AC AS Lumière absorbée
de phosphates, de CO2). par les cellules
(Vitesse d’absorption
de photons, A)
1.2 Croissance
Figure 1 – Atténuation de la lumière dans une culture de microalgues
La dénomination « micro-organismes photosynthétiques » et réponse photosynthétique associée
regroupe les organismes microscopiques dont la croissance
s’effectue par photosynthèse. Cela regroupe les microalgues et les
cyanobactéries (cellules végétales, globalement nommées ici non-linéarité de l’atténuation lumineuse conjuguée à la réponse
« microalgues ») ainsi que certaines bactéries (règne animal). La biologique rendent complexes les outils d’ingénierie pour dimen-
croissance des microalgues est basée sur le même principe que sionner et contrôler les systèmes de culture. L’atténuation mène
celle des plantes supérieures. En milieu aqueux, la lumière leur ainsi à distinguer une zone éclairée (vitesse spécifique d’absorp-
permet de croître par absorption des minéraux nécessaires et du tion reçue A > Ac), une zone sombre (A < Ac) et une zone poten-
carbone inorganique. Les systèmes de culture nécessitent un tiellement photoinhibée (A > As) (la photoinhibition étant
maintien de conditions physico-chimiques adéquates (pH, tempé- également fonction du temps d’exposition, donc du mélange
rature, force ionique…) et les apports suivants : hydrodynamique).
– lumière solaire ou artificielle, dans la gamme de longueurs
d’onde actives pour la photosynthèse : 0,4–0,7 μm,
– carbone dissous (inorganique en mode de production 1.4 Minéraux et source de carbone
autotrophe),
– nutriments minéraux : azote sous forme nitrate ou ammonium, La croissance photosynthétique est dépendante des nutriments
sulfate, phosphate, traces métalliques (Mg, Ca, Mn, Cu, Fe, etc.). (carbone inorganique dissous et minéraux) dont la nature varie
selon la souche cultivée (sachant qu’il y a une grande biodiversité).

1.3 Énergie lumineuse


1.5 Paramètres physico-chimiques
Du fait des besoins importants des microalgues en énergie
lumineuse, un flux élevé de photons doit être transféré au sein du de croissance
milieu de culture, où il sera absorbé (figure 1). La forte pigmenta-
tion des cellules a pour conséquence une rapide atténuation de la La croissance dépend fortement des paramètres température et
lumière disponible dans le milieu, problème accentué lorsque la pH (éventuellement la force ionique), avec des valeurs critiques et
concentration augmente. La fourniture de lumière fait donc inter- des optima de croissance dépendants de l’espèce. Il faut noter que
venir deux notions antagonistes : éclairer suffisamment les le pH, fonction de la composition chimique du milieu, peut évoluer
microalgues, et obtenir des concentrations élevées pour en facili- fortement avec la consommation des espèces carbonatées.
ter la récolte. De plus, l’activité photosynthétique n’a pas une
réponse linéaire à la lumière reçue (caractérisée par la vitesse spé-
cifique d’absorption de photons A), mais présente une saturation 1.6 Mélange hydrodynamique
progressive jusqu’à une valeur limite (vitesse spécifique d’absorp-
tion dite de saturation As) au-delà de laquelle l’excès de lumière La culture peut être réalisée en cellules libres ou immobilisées.
peut mener à des effets de photoinhibition. Il existe également Pour les cultures en cellules libres (majeure partie des cas), d’une
une valeur minimale Ac (vitesse spécifique d’absorption dite de façon générale, augmenter le mélange hydrodynamique a un effet
compensation pour laquelle la production d’oxygène par photo- bénéfique en évitant la sédimentation, limitant les dépôts de paroi
synthèse est compensée par la consommation d’oxygène par res- (biofilms), améliorant les transferts de matière et l’accès aux nutri-
piration) pour laquelle la croissance devient nulle. Finalement, la ments. L’hydrodynamique génère également le déplacement des

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PRODUCTION INDUSTRIELLE DE MICROALGUES ET DE CYANOBACTÉRIES _____________________________________________________________________

cellules suivant la profondeur de culture, amenant à des cycles


d’éclairement (light/dark cycles) pouvant modifier la conversion
Éclairage
photosynthétique [1] [2]. Une bonne circulation est ainsi primor-
diale sous éclairement intense afin d’éviter des expositions trop
longues lors de passages en surface (photoinhibition). Éclairage

2. Principes de conception Épaisseur Épaisseur R


des systèmes de culture de
culture e
de culture e = 2R

Figure 2 – Géométries type de photobioréacteurs (planes et tubulaires)


2.1 Facteurs limitants
Les facteurs limitants sont en ordre décroissant : la lumière, la
source de carbone, les nutriments minéraux (en supposant la tem- mis en jeu. Cela mène à des géométries particulières (planes,
pérature et le pH maintenus dans des gammes acceptables, et une tubulaires…) à surfaces spécifiques élevées et épaisseurs de
culture bactériologiquement saine). Les limitations minérales et culture faibles radicalement différentes des cuves agitées utilisées
carbonées peuvent être évitées mais l’apport de lumière apparaî- en fermentation où le volume est la principale donnée de concep-
tra très souvent limitant (il contrôle toujours les cinétiques et tion (figure 2). Du fait de la forte absorption par la suspension,
l’énergétique du procédé). Cela conduit à l’élaboration de réac- des épaisseurs de quelques centimètres à dizaines de centimètres

T teurs à géométries spécifiques, où la captation et l’exploitation de sont usuellement employées. À noter qu’une forte absorption per-
la lumière deviennent des points clés. Cela sera à concilier avec met des flux incidents très élevés, bien supérieurs aux valeurs de
les contraintes d’exploitation (niveau de contrôle, production saturation As [6] [7]. Ainsi, en énergie solaire, une insolation maxi-
visée, ressources disponibles en eau, CO2…), les besoins de la male sera recherchée, même en régions à fort ensoleillement, et
souche et son comportement (sédimentation, biofilms). l’orientation et l’inclinaison par rapport à la course du soleil seront
alors des paramètres importants [8]. En lumière artificielle, une
plus grande latitude sera permise, à la fois en intensité et en
spectre.
2.2 Apport de carbone et de minéraux
Idéalement, l’apport doit maintenir une concentration non limi-
tante, sauf cas particulier où une carence volontaire induit une 2.4 Agitation
réponse biologique répondant à un objectif de production, comme
par exemple la suraccumulation d’un métabolite comme les Si le mélange est favorable pour limiter sédimentation et dépôts
lipides [3] [4]. Cet apport est calculé sur la base des besoins de de parois, et améliorer les transferts de matière et d’accès à la
l’algue (voir les équations stœchiométriques 1 ou 2) ou par lumière, la fragilité cellulaire de certaines espèces conduit à éviter
mesure de la concentration résiduelle dans le milieu. L’apport des cisaillements hydrodynamiques néfastes [9]. La mise en circu-
peut se faire en début de culture (mode batch), en continu ou lation des microalgues est donc un problème délicat, mais qui se
semi-continu. À noter que la limitation minérale est facile à éviter gère très souvent de façon empirique.
par surdosage, ce qui toutefois génère un surcoût de traitement D’un point de vue technique, le choix des modes d’agitation se
des rejets. rétrécit avec l’augmentation des volumes. Pour les réacteurs
Éviter une limitation par le carbone dissous (l’élément C consti- solaires de grande surface, on utilise par exemple des systèmes
tue ~ 50 % de la biomasse) nécessite un apport important afin que types « roues à aubes » dans les bassins en boucle (raceway). Le
la teneur reste suffisante pour ne pas générer de limitation. Cet mélange est alors relativement faible mais suffisant. Pour les
apport qui idéalement s’effectue tout au long de la culture est réa- tailles plus réduites, on utilise le gazosiphon (airlift) où la remon-
lisé soit sous forme de CO2 gazeux (pur ou en mélange) transféré tée du gaz injecté en bas de colonne met la culture en circulation.
au liquide puis dissocié en formes carbonatées, soit sous forme Ce système peu cher répond au double besoin de circulation et
de carbonate liquide. Dans le cas d’un bullage, le transfert au d’échange gazeux, évacuant O2 et apportant CO2. Un bon dimen-
milieu dépend des performances du système employé d’injection sionnement (débit de gaz, type d’injecteur) est cependant impor-
et de la concentration en phase gazeuse. pH et teneur en (hydro- tant pour limiter la puissance de l’airlift et les cisaillements
géno-) carbonate sont liés et la consommation biologique de CO2 induits. Il est également possible d’utiliser des pompes mais les
alcalinise le milieu : l’asservissement du pH à l’injection de CO2 cellules fragiles requièrent des pompes à faibles sollicitations
est donc un moyen d’apporter du carbone en cours de croissance mécaniques (volumétriques). Pour les faibles volumes (< 100 l) la
[5]. À noter que le CO2 atmosphérique est en concentration insuf- mise en circulation peut se réaliser par agitation mécanique
fisante (400 ppm) pour éviter une limitation. (hélice marine, turbine…). Une nouvelle fois, l’utilisation de
À noter également que l’oxygène coproduit peut se révéler mobiles adéquats diminue les contraintes de cisaillement.
néfaste à la croissance. Toutefois, les effets sont moins directs De nombreuses espèces ont tendance à former un biofilm, en
que pour la limitation en carbone dissous. Ce type de limitation réponse souvent à de mauvaises conditions de culture ou à un
concerne essentiellement les systèmes de culture clos où des mélange insuffisant dans la zone de dépôt (zone morte). Cela peut
« ciels » d’O2 quasi pur se créent. mener à une dégénérescence de la culture. Lors de la conception
du réacteur, il faut donc éviter les zones mortes, privilégier les
surfaces planes et lisses et éviter l’emploi d’inserts. Les biofilms
2.3 Apport d’énergie lumineuse se retrouvent surtout dans les géométries closes, du fait du confi-
nement important, et sont accentués aux concentrations élevées.
En tant que limitation principale, l’apport en lumière doit être On observe également l’apparition de mousse dans certains cas
maximisé. D’un point de vue conception, il est donc essentiel éga- (lyse de protéines ou excrétion de polysaccharides). Au besoin, on
lement de maximiser les surfaces éclairées au regard des volumes ajoute des produits anti-mousse biocompatibles.

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2.5 Matériaux de construction


z u’
Le matériau doit être biocompatible, permettre un échange de u
chaleur et être transparent pour les faces optiques. Polycarbonate, dω
plexiglass ou verre sont employés pour les systèmes de taille dϕ n Θ
modeste. Pour les installations plus grandes, le bassin de culture
peut être maçonné ou enterré dans le sol, avec une étanchéité
dS
alors réalisée sur des principes analogues aux piscines (liner). Le Iλ (x,y,z)
polyéthylène haute densité (PEHD) est également utilisé pour sa
bonne tenue mécanique pour des systèmes hors sol. Pour tous les dθ
polymères, l’exposition aux UV du soleil réduit leur durée de vie
(dégradation photochimique, génération de chlore) et augmente
leur fragilité. Si le système doit être stérilisé, les matériaux (y com-
θ
pris les joints) devront supporter soit la vapeur, soit le stérilisant
chimique (javel ou acide par exemple). Une attention particulière
devra être portée à la corrosion, notamment dans le cas d’utilisa- 0 y
tion d’eau de mer. y
ϕ
x

Repère fixe r (x,y,z)


3. Modélisation et outils x ou r (r,θ,ϕ)
Repère mobile (u,u’)
théoriques d’ingénierie ou (θ,Φ)
Luminance Iλ (x,y,z,θ,Φ)
Angle solide dω

En toute rigueur, le développement de modèles de connais-
sances pour les systèmes de culture d’algues repose sur une Figure 3 – Schéma de définition d’un repère fixe associé au repère
méthodologie complexe. En ce qui concerne les systèmes de type mobile définissant l’angle solide et la luminance (ou intensité) à
photobioréacteurs dont le niveau élevé de contrôle facilite la partir desquels on peut bâtir toutes les définitions du rayonnement
utiles à la description des systèmes de production de microalgues
modélisation, les grandes lignes ont été publiées par les auteurs
sous la forme d’un schéma représentant la « route royale » vers
un modèle prédictif [10] [11] [12]. Les développements qui suivent de cette surface par l’aire de la projection orthogonale de cet élé-
n’ont pour ambition que d’en résumer, de façon très simplifiée, ment, sur un plan perpendiculaire à la direction donnée :
les principaux aspects et de proposer sur la base des connais-
sances actuelles des relations simples et utiles à l’ingénieur (rela-
tions valables dans un cadre restreint qui sera précisé).

Cette grandeur scalaire directionnelle est souvent abusivement


3.1 Bases de rayonnement appelée intensité dans de nombreux domaines du rayonnement et
notée I ; nous adopterons également dans la suite cette notation
Dans le cas où les limitations autres que la lumière sont évitées pour ne pas perdre le lecteur. Cette grandeur peut être intégrée
(ce qui est possible avec les photobioréacteurs), le comportement sur l’angle solide considéré pour conduire à la densité de flux
du système de culture est alors contrôlé par la lumière, que ce soit d’énergie rayonnante :
par les conditions aux limites appliquées (densités de flux inci-
dentes) ou par le champ de radiation à l’intérieur du milieu. Il est
donc fondamental, pour appréhender convenablement son fonc-
tionnement, de connaître un minimum de grandeurs et définitions
où cos Θ est l’angle entre la normale à la surface de référence et
du rayonnement (et leur conversion en différents systèmes d’uni-
la direction considérée, ce qui confère un caractère vectoriel à
tés d’intérêt). La grande confusion qui règne aujourd’hui dans ce
cette grandeur. Dans une direction donnée x, la projection de
domaine (nous entendons au sein de la communauté s’intéressant
est donc :
à la production de micro-organismes photosynthétiques) est à
l’origine de très nombreuses erreurs d’interprétation, voire de
contresens, qui brouillent la rationalité du discours qui devrait
présider au maniement et à la mise en œuvre de ces grandeurs.
Quelques rappels sont donc donnés ci-après. À noter que
l’absence d’indice λ signifie que les définitions qui suivent sont Cette grandeur, très importante, a son importance dans la défini-
tion de la quantité d’énergie lumineuse moyenne (ainsi que sa
intégrées sur le domaine spectral d’intérêt Δλ : . Ce nature angulaire) qui pénètre à travers les surfaces optiques du
système de culture. Cette quantité d’énergie concerne une surface
domaine Δλ est souvent appelé le PAR (pour Photosynthetically
complète, définie perpendiculairement à une normale , à partir
Active Radiation) et correspond aux longueurs d’ondes utiles pour
de laquelle on calculera la densité de flux hémisphérique inci-
la photosynthèse comprises entre 400 et 700 nm. dente par :
La première grandeur pratique (et que l’on sait mesurer car elle
est définie par rapport à un élément de surface de référence orien-
tée dS), sur laquelle toutes les autres définitions sont basées, est
la luminance énergétique Le (figure 3). En un point d’une surface,
et dans une direction donnée de l’angle solide dω, la luminance Cette grandeur est souvent appelée PFD (pour Photon Flux
énergétique est le quotient de l’intensité énergétique d’un élément Density) et caractérise la quantité d’énergie lumineuse reçue en

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CHV 4 030 – 5

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Biofixation du CO2 par microalgues


par Jérémy PRUVOST
Professeur à l’université de Nantes
GEPEA – UMR 6144 CNRS/Université de Nantes/IMTA/ONIRIS
École des Mines de Nantes/ENITIAA, Saint-Nazaire, France
Benjamin LEGOUIC
Docteur
Ingénieur de recherche à l’université de Nantes
ALGOSOLIS – UMS 3722 CNRS/Université de Nantes, Saint-Nazaire, France
Jean-François CORNET
Professeur à SIGMA Clermont
Institut Pascal – UMR CNRS 6602, Aubière, France
et Christophe LOMBARD
Docteur


Chef de projets et ingénieur de recherche, AlgoSource Technologies, Saint-Nazaire, France

1. Culture de microalgues et cyanobactéries : interactions avec la source


de carbone ................................................................................................... CHV 7 005 - 2
1.1 Croissance des micro-organismes photosynthétiques............................ — 2
1.2 Systèmes de culture des micro-organismes photosynthétiques............ — 3
1.3 Apport du carbone au sein des systèmes de culture............................... — 4
2. Transfert gaz-liquide du CO2, équilibres chimiques en phase liquide,
bilans matière.............................................................................................. — 5
2.1 Équilibres entre phases et équilibres chimiques en solutions — 5
2.2 Modélisation du transfert gaz-liquide de CO2 et des bilans matière
associés........................................................................................................ — 7
3. Optimisation de l’apport de carbone en culture de microalgues........... — 9
3.1 Effet d’une limitation de la croissance par l’apport de CO2
en photobioréacteur ................................................................................... — 9
3.2 Développement de stratégies contrôlées d’admission de la source
de carbone — 9
3.3 Utilisation de la modélisation pour la mise en place de stratégies
optimisées ................................................................................................... — 11
4. Application de la biofixation de CO2 par les microalgues aux fumées
industrielles ................................................................................................. — 13
4.1 Contexte général ......................................................................................... — 13
4.2 Démarche d’intégration et problématiques associées ............................ — 14
4.3 Exemples d’intégration – retour d’expériences........................................ — 17
5. Conclusion et perspectives ........................................................................ — 20
6. Glossaire ...................................................................................................... — 22
Pour en savoir plus .............................................................................................. Doc. CHV 7 005

es micro-organismes photosynthétiques de type microalgues et cyanobac-


L téries tendent à s’imposer dans de nombreux secteurs applicatifs. De par
leur croissance photosynthétique rapide en milieu aqueux, ces micro-
organismes offrent également la possibilité d’associer à leur croissance la fixa-
tion de CO2 d’origine industrielle. Cependant, les micro-organismes
photosynthétiques n’ont pas la capacité d’assimiler le carbone sous forme
p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQW

gazeuse (CO2,g). Le CO2,g doit préalablement être transféré dans la phase

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CHV 7 005 – 1

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BIOFIXATION DU CO2 PAR MICROALGUES _______________________________________________________________________________________________

liquide sous forme de carbone inorganique dissous (CID) pour ensuite être
assimilé et ainsi biofixé. Ceci constitue une différence majeure par rapport aux
plantes supérieures, et induit de multiples conséquences qui seront décrites
dans cet article.
Cela concerne en particulier la physico-chimie de dissolution du CO2,g, étroi-
tement liée au pH et à la physico-chimie du milieu de culture en général. Le
transfert gaz-liquide dans le système de culture est également important, la
faible dissolution du CO2,g rendant difficile la mise en œuvre d’une épuration
importante du CO2,g injecté. Il en résulte un impact important sur la stratégie
de mise en œuvre, mais également d’intégration industrielle. Ainsi, la biofixa-
tion du carbone, l’abattement de la phase gazeuse et la production de
biomasse microalgale sont étroitement liés.
Cet article se propose de présenter les éléments essentiels impliqués dans ce
procédé, ainsi que les principales conclusions de mises en œuvre pratiques qui
en découlent. Dans une première partie, les principes généraux de la crois-
sance photosynthétique et de son lien au carbone sont présentés. Les
mécanismes biologiques d’assimilation et de conversion sont ainsi introduits,
montrant la nécessité de maintenir des concentrations en carbone dissous suf-


fisantes dans le milieu de culture pour éviter l’apparition de mécanismes
biologiques menant à une perte de performance cinétique. Dans une deuxième
partie, les différents éléments théoriques nécessaires à la compréhension et
modélisation des phénomènes impliqués dans la physico-chimie de dissolu-
tion du carbone, ainsi que le transfert gaz-liquide en réacteur sont présentés.
Ces éléments mettent en avant les particularités du CO2, comme le couplage
étroit de la chimie du carbone dissous au pH de culture, lui-même ayant un
impact sur les réactions biologiques de croissance. Il en ressort un couplage
étroit entre différentes grandeurs majeures du procédé biologique. Ceci est
illustré dans une troisième partie pour différents cas, amenant à détailler les
principales stratégies d’alimentation en carbone utilisées en pratique, avec
leurs avantages et inconvénients respectifs selon l’objectif visé, comme opti-
miser la biofixation, ou l’abattement du CO2 de la phase gazeuse. La dernière
partie est finalement consacrée à l’usage industriel de tels procédés. L’impact
de composés comme les métaux contenus dans les fumées, ainsi que les
contraintes d’intégration aux sites d’émissions, sont discutés, avec leurs consé-
quences pratiques à la fois sur le procédé (intégration sur le circuit
d’émissions, prétraitements des gaz) et la biomasse produite. Une revue de
quelques projets menés de par le monde vient clore l’article, montrant l’intérêt
croissant des microalgues pour développer des procédés de valorisation du
CO2 d’origine industrielle.

1. Culture de microalgues dont la croissance s’effectue par photosynthèse. À la différence


des plantes supérieures utilisant le même processus, les micro-
et cyanobactéries : algues se développent en milieu aqueux, la lumière leur permet-
tant de croître par absorption des minéraux nécessaires et du
interactions avec la source carbone inorganique en phase liquide. Les systèmes de culture
nécessitent un maintien de conditions physico-chimiques adé-
de carbone quates (pH, température, force ionique…) et les apports suivants :
– lumière solaire ou artificielle, dans la gamme de longueurs
d’onde actives pour la photosynthèse : 0,4-0,7 μm ;
– carbone inorganique dissous (en mode de production
1.1 Croissance des micro-organismes autotrophe) ;
photosynthétiques – nutriments minéraux : azote sous forme nitrate ou ammonium,
sulfate, phosphate, éléments métalliques à l’état de traces (Mg, Ca,
Mn, Fe, etc.).
1.1.1 Besoins généraux des micro-organismes
photosynthétiques On notera que les micro-organismes photosynthétiques
peuvent dans certains cas être cultivés en hétérotrophie. La
La dénomination « micro-organismes photosynthétiques », source inorganique est alors remplacée par une source organique
regroupant microalgues, cyanobactéries (cellules végétales, glo- (i.e. sucres). Son assimilation mène toutefois à une production
balement nommées ici « microalgues ») ainsi que certaines bacté- simultanée de CO2. Ce mode de production ne peut donc être
ries (règne animal), caractérise les organismes microscopiques considéré pour valoriser du CO2. Nous nous intéresserons donc

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uniquement à la croissance en autotrophie des micro-organismes transféré à la phase liquide sous forme de carbone inorganique
photosynthétiques. dissous pouvant être assimilé (voir § 2). Or, le coefficient de diffu-
sion du CO2 dans l’eau est 10 000 fois inférieur à celui observé
dans l’air (à 20 °C : 1,73.10–9m2.s–1 contre 1,59.10–5m2.s–1 [2]). Les
1.1.2 Assimilation du CO2 par la photosynthèse micro-organismes photosynthétiques ont par conséquent déve-
loppé des mécanismes de concentration du carbone (MCC) basés
D’une façon générale, la photosynthèse se déroule en deux
notamment sur le transport actif de bicarbonate [3] pour complé-
phases. La première (phase lumineuse) consiste en une succes-
ter la diffusion naturelle du CO2 à travers la cellule. Dans le cas où
sion de réactions photochimiques et d’oxydoréduction (« schéma
l’apport est insuffisant, comme cela est usuellement rencontré
en Z »,) génératrice d’ATP et de NADPH+H+ utilisés par la suite
dans la nature [4] [5] [6], les MCC rentrent en jeu pour maintenir
dans le cycle de Calvin pour la fixation du carbone (phase
une croissance, même diminuée, malgré ce défaut d’approvision-
sombre) respectivement en tant que source d’énergie et de poten-
nement en carbone. Ces mécanismes sont complexes et inter-
tiel réducteur (figure 1).
viennent graduellement à différents niveaux, génétique et
Le mécanisme général de la photosynthèse, bien que complexe, métabolique. Il en résulte différents temps caractéristiques de
est largement documenté dans la littérature (voir notamment [1]). réponse [5]. D’une façon générale, plus la limitation en carbone se
Pour l’usage visé dans cet article, il peut être résumé par une col- durcit, plus les cellules sont capables d’augmenter leur affinité au
lecte de l’énergie lumineuse dans la chaîne de transport d’élec- carbone inorganique dissous (CID) pour limiter les effets de la
trons pour scinder la molécule d’eau en molécule d’oxygène, en limitation carbone. Il en résulte que la cellule utilise de l’énergie
protons et en électrons. Le CO2 est alors l’ultime accepteur d’élec- au détriment de la croissance pour « pomper » le CID du milieu
trons pour la carboxylation du ribulose-1,5-diphosphate (RuDP) en sous forme de bicarbonate contre le gradient de concentration.
sucres 3C, éléments constitutifs de la biomasse. Chez les cyanobactéries, il est accumulé dans le cytosol dont le pH
La réaction de carboxylation qui permet de fixer le CO2 lors du basique permet d’atteindre une teneur 100 à 1 000 fois supérieure
à celle observée hors de la cellule, soit quelques dizaines de


cycle de Calvin se fait en présence d’une enzyme, appelée Rubisco
(ribulose-1,5-diphosphate carboxylase/oxygénase), possédant une mmol/L alors que la concentration à l’extérieur de la cellule
double fonction carboxylase/oxygénase. Elle permet de catalyser n’atteint pas 0,02 mmol/L [7].
les réactions de carboxylation/oxydation du RuDP. La fonction car-
boxylase possède une catalyse lente, l’enzyme ayant peu d’affinité 1.1.4 Cas particulier des fortes teneurs
avec le CO2. Il existe par conséquent des mécanismes spécifiques en carbone dissous
afin d’assurer un apport suffisant en carbone dissous au sein de la
cellule et d’éviter ainsi l’activation de la fonction oxygénase (pho- Certains cas d’exploitation peuvent amener à obtenir des fortes
torespiration). teneurs en carbone dissous dans le milieu, pouvant alors affecter
les réactions biologiques. C’est notamment le cas lorsqu’un gaz
riche en CO2 est utilisé. Il est cependant important de rappeler ici
1.1.3 Mécanismes spécifiques impliqués que cette teneur n’influencera qu’indirectement la croissance (via
chez les micro-organismes le transfert gaz-liquide notamment), car seul le carbone dissous
photosynthétiques sera assimilé par les micro-organismes (une confusion encore fré-
quente dans la littérature où la croissance d’espèce est donnée
L’assimilation du carbone est souvent considérée comme ana- pour différents enrichissements en CO2 dans la phase gazeuse,
logue à celle des plantes supérieures. Cette confusion, encore fré- sans tenir compte du transfert réel à la fraction liquide, et de
quente, mène à des erreurs de conception des systèmes de l’effet sur le pH, lui aussi fortement touché ; voir § 2).
culture qui seront reprises plus loin dans cet article. Il est donc
important de comprendre ici quelques-unes de ces particularités. D’une façon générale, les micro-organismes photosynthétiques
Contrairement aux plantes supérieures, les micro-organismes présentent une large plage de tolérance au carbone dissous (voir
photosynthétiques sont dans l’incapacité d’utiliser le dioxyde de ci-après pour l’exemple concret de Chlorella vulgaris), avec donc
carbone sous forme gazeuse. Celui-ci doit être préalablement finalement l’obtention d’aucun effet notable, se traduisant par une
vitesse de croissance non limitée par la source de carbone (et
donc seulement contrôlée par la lumière). Cependant, bien que
cela soit rare, une concentration extrême en substrat carboné peut
cependant inhiber la photosynthèse et par conséquent la crois-
sance [8]. Ces considérations sont cependant souche-dépendantes
hv H2O CO2 et pH-dépendants (la teneur en CO2 et la concentration en carbone
dissous étant très liées), et il est difficile ici d’en tirer des recom-
mandations claires.

NADP+
ADP 1.2 Systèmes de culture
Réactions Cycle des micro-organismes
photo- de Calvin photosynthétiques
chimiques (stroma)
(thylakoïde) La culture autotrophique de micro-organismes photosynthé-
ATP tiques fait l’objet d’un article à part entière dans la même collec-
NADPH tion [CHV4030]. Seuls les éléments principaux sont résumés ici.
Chloroplaste D’une façon générale, les systèmes de production chercheront à
apporter les conditions les plus favorables possibles à la crois-
O2 CH2O sance. Les besoins physiologiques décrits dans le para-
graphe 1.1.1 devront donc être respectés, sous peine de faire
apparaître des limitations de croissance et donc les performances
en biomasse (productivités).
Figure 1 – Représentation schématique de la photosynthèse
dont le principe mène à la création de biomasse par assimilation En pratique, il s’avère toutefois que la culture doit satisfaire à
de CO2 grâce à l’énergie lumineuse captée diverses contraintes, qui peuvent avoir finalement un fort impact

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sur le système à mettre en œuvre. C’est le cas en particulier de 1.3 Apport du carbone au sein
l’échelle de production, la culture de micro-organismes photosyn-
thétiques pouvant aller de quelques litres (en laboratoire notam-
des systèmes de culture
ment) à plusieurs dizaines ou centaines de mètres cubes. Ceci,
L’analyse élémentaire de différents micro-organismes photo-
combiné avec le besoin d’apport en lumière, amène à distinguer synthétiques (tableau 1) permet de mettre en évidence la prépon-
les systèmes utilisant le rayonnement solaire des systèmes basés dérance du carbone dans la biomasse (45 à 50 %). En autotrophie,
sur une source de lumière artificielle (tubes fluorescents, lampes à la synthèse d’un gramme de biomasse nécessite ainsi théorique-
décharge, LED) que l’on rencontre plus particulièrement dans les ment entre 1,8 à 1,9 g de CO2. Si l’utilisation d’un milieu de
productions à petite échelle (jusqu’à quelques centaines de litres culture correctement défini permet de s’affranchir des risques de
en général). carence/limitation minérale par ajout de sels spécifiques (principa-
Un second choix majeur consiste en l’utilisation de systèmes lement source de sulfate, de phosphate et d’azote et éléments
ouverts à l’ambiant ou clos (photobioréacteurs). Les systèmes traces), l’apport de lumière et de carbone nécessaire à la photo-
ouverts (raceways, lagunes) apportent par principe un niveau synthèse peut s’avérer plus problématique du fait des besoins
réduit de contrôle, en particulier au niveau bactériologique. Les importants des micro-organismes photosynthétiques.
cultures ainsi exposées peuvent en effet être contaminées par L’apport en lumière sera étroitement lié à la source lumineuse
d’autres micro-organismes, d’origine bactérienne, fongique, voire utilisée et à la géométrie du système de culture. En tant que fac-
par d’autres micro-organismes photosynthétiques. Cela peut ame- teur limitant principal aux performances, ce point est largement
ner à une dérive biologique, ou une baisse de performances par débattu dans [CHV4030]. Le milieu, établi sur la base de milieux
prédation directe. Les systèmes clos possèdent deux avantages de culture de la littérature, sera ajusté en concentration pour cor-
majeurs face aux systèmes ouverts ; ils permettent de réduire les respondre à l’objectif de production en termes de biomasse visée.
risques de contamination mais aussi de mieux contrôler tous les Idéalement, l’apport en nutriments doit en effet maintenir une
paramètres de culture à savoir le pH, la température et l’apport de concentration non limitante, sauf cas particulier où une carence

T nutriments au sens large. Ils limitent également fortement l’éva-


poration. Cependant, ces avantages nécessitent la mise en place
de nombreux appareils de contrôle engendrant un coût supplé-
volontaire induit une réponse biologique répondant à un objectif
de production, comme par exemple la suraccumulation d’un
métabolite comme les lipides [9] [10]. Cet ajustement est calculé
mentaire non négligeable ainsi que des compétences et une sur la base des besoins de l’algue (en se basant par exemple sur
demande en maintenance plus importantes. la stœchiométrie de réaction photosynthétique) ou par mesure de
la concentration résiduelle des ions consommés dans le milieu.
Quels que soient les systèmes de culture, l’agitation apparaît L’apport peut se faire en début de culture (mode batch), en
souvent comme un point clé pour éviter les zones mortes, le continu ou semi-continu.
dépôt de biofilm et permettre une bonne accessibilité des nutri-
ments aux micro-organismes photosynthétiques. L’agitation des Pour gérer l’apport de carbone, plusieurs solutions sont pos-
photobioréacteurs est donc généralement assurée de façon méca- sibles. Le carbone inorganique peut être apporté sous forme de
nique (hélices marines, pales) ou par un bullage de gaz (colonne à sels carbonatés (NaHCO3, Na2CO3) ou sous forme gazeuse via du
bulles, gazosiphon). Le choix de l’agitation devra avant tout CO2 qu’il faudra transférer à la phase liquide. L’ajout direct de sels
prendre en compte le micro-organisme photosynthétique étudié, carbonatés est moins répandue, mais simple de mise en œuvre
et en particulier sa fragilité aux cisaillements hydrodynamiques. (simple dissolution). Une alternative consiste à carbonater une
solution par bullage préalable de CO2 gazeux dans une cuve
Outre ces effets, nous verrons, par la suite, que l’agitation s’avére
dédiée (utile notamment quand de grandes quantités de CO2 sont
également importante dans la gestion du carbone au sein du sys-
disponibles, ou pour créer une réserve de carbone). Cette cuve
tème de culture du fait de son rôle sur le transfert gaz-liquide.
dite de « précarbonatation » sert alors à alimenter le système de
Le choix entre systèmes ouvert et fermé est donc à la fin le culture en carbone dissous. Pour l’ensemble de ces opérations, la
résultat de différentes contraintes, englobant la résistance de la problématique se résume à une gestion cohérente de la physico-
souche à ce mode de culture, l’échelle de production (les sys- chimie de la solution carbonatée (voir les éléments théoriques
tèmes de culture ouverts étant plus facile à extrapoler), et le coût fournis à cet effet plus loin dans l’article).
global (la technologie photobioréacteur étant usuellement plus L’apport de carbone sous forme gazeuse est de loin le mode le
chère à l’investissement). De manière générale, le choix du sys- plus répandu en pratique. Il s’effectue idéalement tout au long de
tème de culture dépend donc principalement des contraintes la culture sous forme de CO2 pur ou en mélange à l’air. Le trans-
d’exploitation (niveau de contrôle, production visée, ressources fert au milieu dépend alors des performances du système d’injec-
disponibles en eau, gestion du CO2…), et des caractéristiques du tion et de la concentration du CO2 en phase gazeuse. pH et teneur
micro-organisme photosynthétique étudié/produit en termes de en carbone inorganique dissous (CID) sont liés et la consomma-
besoins physiologiques de la souche (milieu, température, pH, tion biologique de CO2 alcalinise le milieu : l’asservissement du
robustesse) et son comportement (sédimentation, biofilms). Il en pH à l’injection de CO2 est donc un moyen d’apporter du carbone
résulte donc que différentes technologies existent, sans qu’une ne en cours de croissance. À noter que le CO2 atmosphérique est en
puisse prétendre détenir la solution unique à toute production. Le concentration insuffisante (400 ppm) pour éviter une limitation de
lecteur intéressé est encouragé à consulter [CHV4030], afin de dis- croissance après dissolution dans l’eau. Il s’en suit donc que la
poser des éléments nécessaires à ce choix essentiel dans la mise plupart des systèmes ouverts de culture non supplémentés en
en place de toute installation de production. CO2 ou en sels carbonatés souffrent de limitation par la source de

Tableau 1 – Composition massique (%) de différentes souches de micro-organismes photosynthétiques

C H O N P S Total

Chlorella vulgaris 47,98 % 7,03 % 29,39 % 8,87 % 0,94 % 0,82 % 96,15 %

Arthrospira platensis 48,6 % 6,35 % 29,72 % 9,80 % 0,75 % 0,78 % 96 %


(Spirulina)

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carbone, engendrant une chute de leur performance de produc- relation (2) dans laquelle il faudra disposer d’un modèle thermo-
tion et donc de la vitesse d’assimilation du CO2. dynamique pour le calcul de la constante de Henry dans une solu-
À noter également que l’oxygène coproduit peut se révéler tion non idéale d’électrolytes . Cette donnée d’équilibre peut
néfaste à la croissance. Toutefois, les effets sont moins directs
que pour la limitation en carbone dissous. Ce type de limitation être théoriquement décomposée sous la forme
concerne essentiellement les systèmes de culture clos où des [11] [12], mais une approche plus pertinente a été proposée par
« ciels » d’O2 quasi pur se créent. Shumpe (1993) qui a développé un modèle pour calculer la
constante de Henry corrigée à partir de sa valeur à dilution
infinie via la relation (3). L’utilisation d’une valeur corrigée
2. Transfert gaz-liquide pour tenir compte de la diminution de solubilité des gaz

du CO2, équilibres dans les solutions d’électrolytes sera d’autant plus importante à
considérer que la force ionique du milieu de culture est élevée ; la
chimiques en phase déviation peut aller de quelques pourcents jusqu’à 30 % dans
l’eau de mer. En tout état de cause, il est toujours possible d’utili-
liquide, bilans matière ser en première approximation la constante de Henry dans l’eau
pure telle que donnée par exemple sous forme de corréla-
La modélisation (permettant la quantification et la compréhen- tion [11] en fonction de la température dans l’encadré 2. Ce calcul
sion) des échanges de CO2 entre les phases gaz et liquide d’une sera de toute façon nécessaire pour déduire la valeur corrigée de
unité de production de microalgues où il est consommé par des la relation (3) proposée par [13] qui permet d’accéder au rapport
micro-organismes photosynthétiques nécessite la prise en compte .
de plusieurs phénomènes. En effet, avant de pouvoir écrire les
bilans matière sur le CO2 (ou toute forme de carbone inorga-
nique), il faut être capable de décrire et formuler l’équilibre gaz-

liquide, les équilibres entre les différentes formes du carbone
inorganique dissous (CID) en phase aqueuse ainsi que le terme Encadré 1
traduisant le transfert de masse entre phases. Nous avons vu pré-
cédemment que la forme préférentielle de carbone inorganique
pénétrant dans les cellules par transport actif pour y être métabo- ■ Équilibre physique gaz-liquide
lisée par la photosynthèse est l’ion hydrogénocarbonate (1)
(même si c’est bien le CO2 dissous qui est intégré dans le cycle de
Calvin par la Rubisco, suite à une transformation catalysée par
l’anhydrase carbonique), ce qui nécessitera d’avoir de bons (2)
modèles d’équilibres en solution pour estimer correctement sa
concentration.
(3)

2.1 Équilibres entre phases et équilibres ■ Carbone inorganique dissous et équilibres chimiques en
chimiques en solutions solution d’électrolytes

(4)
Toutes les équations nécessaires à la compréhension de
cette partie sont regroupées dans l’encadré 1. Toutes les don- (5)
nées d’équilibre nécessaires sont regroupées dans l’encadré 2 ;
elles sont issues de [11] dans lequel les espèces en solutions (6)
sont exprimées en molalités. Néanmoins, dans tout cet article,
on considèrera des cas pratiques suffisamment dilués pour
(7)
assimiler les molalités (mol/kg) à des concentrations molaires
(mol/m3), plus généralement utilisées. (8)

2.1.1 Équilibre thermodynamique entre une phase (9)


liquide et une phase gazeuse, solubilité
du CO2
Pour un état de référence à dilution infinie et en utilisant une
convention dissymétrique représentative des solutions d’électro- (10)
lytes qui composent les milieux de culture minéraux pour les
microalgues, on peut écrire l’équilibre entre phases pour le CO2 à
partir de la relation (1) faisant intervenir le coefficient de fugacité Produit ionique de l’eau :
coté gaz et, côté liquide, le coefficient de Henry non idéal
qui peut être considéré comme une fonction seule de la tem- (11)
pérature [11] [12].
Néanmoins, il est classique de faire l’hypothèse d’une phase Électroneutralité :
gaz parfaite ( , on ne retient que la pression partielle
coté gaz dans la relation d’équilibre) conduisant à la (12)

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INNOVATION

Valorisation industrielle
des microalgues photosynthétiques
par Jean JENCK
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Olivier LÉPINE
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Alpha Biotech (Assérac)
Jack LEGRAND
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire) T
Philippe DRENO
AlgoSource Technologies (Saint-Nazaire)
Dominique GRIZEAU
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire)
et Catherine DUPRÉ
Université de Nantes, CNRS, GEPEA UMR 6144 (Saint-Nazaire)

Résumé : Avec quelques milliers de tonnes par an, la filière des microalgues est
focalisée sur la biomasse sèche et sur des produits à haute valeur obtenus par une
simple extraction. Actuellement, l’attention se porte sur les microalgues photosynthéti-
ques dans une stratégie de valorisation de déchets (« waste-to-value ») : le CO2 de
diverses sources industrielles, ainsi que des effluents nitrates, phosphates, etc. peuvent
être convertis en produits valorisables par raffinage de la biomasse en huiles, pro-
téines, carbohydrates, engrais, biopolymères, biogaz, biocarburants, oxygène, etc.

Abstract: With a few thousand tons per year, the microalgae sector is focused today
on the dry biomass and on high-value products obtained by a simple extraction. A lot of
attention currently goes to photosynthetic microalgae in a ’waste-to-value’ strategy: the
CO2 of various industrial sources, as well as waste nitrates, phosphates, etc. can be
converted into valuable products. The key technology is the biorefining of the algae
biomass to oils, proteins, carbohydrates, fertilizers, biopolymers, biogas, biofuels,
oxygen, etc.

Mots-clés : microalgues, cyanobactéries, actifs, ingrédients, biomasse

Keywords: microalgae, cyanobacteria, metabolites, ingredients, biomass


p。イオエゥッョ@Z@ョッカ・ュ「イ・@RPQQ

11-2011 © Editions T.I. IN 201 - 1

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INNOVATION

Points clés
Domaine : Valorisation de biomasse végétale
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : production en photobioréacteurs, récolte de biomasse
aquatique, bioraffinage
Domaines d’application : nutrition, santé, environnement, chimie « bleue »,
bioénergie
Principaux acteurs français :
Pôles de compétitivité : –
Centres de compétence : GEPEA, LCA, LGCB (projet ANR Algoraffinerie)
Industriels : Alpha Biotech, Innovalg, Roquette, Microphyt, AlgoSource
Autres acteurs dans le monde :
Projets européens : FP7 Suprabio, FP7 Biofat


Industriels : une centaine de start-ups très « volatiles » aux USA ; une compé-
tence stable en Israël, Australie, Taïwan, Chine, et en construction au Portugal,
Pays-Bas et Belgique

1. Aspects scientifiques sur substrats solides par glissement via la production d’exopo-
lysaccharides, d’autres se déplacent dans la colonne d’eau en
et technologiques modifiant leur flottabilité grâce à des vacuoles gazeuses ou en
modifiant leur densité par synthèse de lipides.
1.1 Aspects biologiques La reproduction du thalle correspond généralement à une
simple division cellulaire, dont la durée peut aller de quelques
1.1.1 Espèces, souches, croissance heures (Synechococcus sp.) à quelques dizaines d’heures
Les microalgues constituent un groupe fonctionnel polyphy- (Botryococcus sp.), temps de génération compris entre ceux
logénétique de micro-organismes caractérisés par leur capa- des bactéries et ceux des cellules de plantes supérieures. Des
cité à produire de l’oxygène photosynthétique. Au sens processus de sporulation ou d’enkystement peuvent être
industriel, la dénomination « microalgue » (abrégée par com- déclenchés par des conditions environnementales défavora-
modité en : µA) inclut des cellules eucaryotes et des procaryo- bles, comme pour la formation de kystes d’Haematococcus
tes, les cyanobactéries. La diversité de ce groupe est estimée pluvialis enrichis en astaxanthine. Des cycles de reproduction
à quelques centaines de milliers d’espèces dont quelques sexuée sont élucidés chez un nombre restreint de microal-
dizaines de milliers ont été décrites et dont seuls quelques gues, telles que Chlamydomonas sp. Par exemple, des travaux
milliers sont conservés dans des collections de culture de sou- relativement récents ont caractérisé des relations entre µA et
ches nationales et internationales [11]. Ces « microplantes » bactéries se traduisant par une interférence de molécules
sont isolées d’environnements variés incluant des milieux microalgales avec le quorum sensing bactérien, et entre
aquatiques (eaux douces, marines, saumâtres et hypersalées) microalgues et virus se traduisant par un contrôle du dévelop-
et des milieux solides (sols et concrétions telles que stromato- pement de certains blooms phytoplanctoniques en milieu
lithes, tissus animaux, végétaux ou fongiques). Certaines naturel.
espèces extrêmophiles colonisent des milieux alcalins ou aci-
des, des sources hydrothermales ou des glaciers. La classifica- 1.1.2 Photosynthèse, respiration, voies métaboliques
tion des microalgues (µA) repose sur des caractères Les activités photosynthétiques des microalgues dépendent
morphologiques, biochimiques (par exemple suivant leur en partie de leur aptitude à capter les photons, grâce à leurs
pigmentation : verte, rouge, bleue) et plus récemment sur des antennes pigmentaires, pour provoquer la photolyse de l’eau
critères génétiques (ribotypage). et un transfert d’électrons entre photosystèmes, pour produire
L’appareil végétatif des µA est appelé un « thalle », il peut de l’ATP et du potentiel redox, utilisable pour fixer et réduire
être unicellulaire, colonial ou multicellulaire sous forme de fila- le CO2. L’agencement de ces antennes peut présenter des
ments sans lien cytoplasmique entre cellules, sauf pour les particularités chez certains groupes. Les différentes chloro-
cyanobactéries hétérocystées. La taille peut être inférieure au phylles sont associées à des pigments accessoires plus ou
micromètre (Ostreococcus sp.) ou dépasser le millimètre, avec moins originaux, tels que des caroténoïdes ou des phycobili-
des formes coccoïdes (Chlorella sp.) ou plus complexes (Dino- protéines. Ces dernières sont contenues dans des structures
physis sp.), qui les rendent plus facilement identifiables, mais hémisphériques, les phycobilisomes, qui permettent de
également plus sensibles aux contraintes de cisaillement pré- compléter le spectre d’action de la lumière chez les cyano-
valant dans les cuves de culture. Quelques espèces ou sou- bactéries et les rhodophycées unicellulaires. Selon les enzy-
ches appartenant par exemple aux genres Dunaliella ou mes disponibles, les microalgues capturent le carbone
Chlamydomonas sont assimilées à des protoplastes naturels inorganique préférentiellement sous forme de CO2 ou de
du fait de l’absence de paroi. D’autres ont des parois déforma- HCO3–. Ceci peut conduire à une accumulation intracellulaire
bles, telles que Euglena. De nombreuses µA, les diatomées et du carbone inorganique, dont certains processus ne sont pas
cyanobactéries en particulier, sont dépourvues d’un système encore élucidés. Par ailleurs, les cyanobactéries partagent cer-
flagellaire pour se déplacer. Certaines espèces se déplacent tains de leurs transporteurs d’électrons liés aux réactions pho-

IN 201 - 2 © Editions T.I. 11-2011

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INNOVATION

tochimiques de la photosynthèse avec la chaîne de transport antitumorale de la curacine A [14]. Il est possible d’utiliser des
d’électrons respiratoire, soit un processus de régulation diffé- microalgues pour produire des protéines recombinantes [15].
rent de ceux des microalgues eucaryotes, impliquant une On verra en § 2 les applications commerciales.
communication entre mitochondries et plastes. Des voies
métaboliques caractérisent certains groupes :
1.2 Aspects technologiques
– celles impliquées dans des processus de biominéralisation
tels ceux de la formation des écailles calcaires des coccolitho- 1.2.1 Production
phoridés ou des frustules des diatomées ;
– celles associées au mode de nutrition carboné, de nom- Les µA sont cultivées en photobioréacteurs (PBR), où elles
breuses microalgues, dont Arthrospira (Spirulina) platensis, sont exposées à la lumière et nourries avec du CO2 et des
sont capables de passer d’un mode photoautotrophe à un nutriments, et dont on retire l’O2 coproduit.
mode photo-hétérotrophe (voir § 1.2.2) utilisant des sources Cette production massive se trouve face à de nombreux
de carbone organique telles que le glucose, le fructose ou le défis d’industrialisation, détaillés également dans l’article Pro-
glycérol, voire des coproduits de l’industrie alimentaire, telles duction industrielle de microalgues et cyanobactéries [IN200].
que mélasses ou lactosérums [12]. Les conditions mettant en Les PBR sont divisés en deux classes : les systèmes
évidence des capacités à l’hétérotrophie en absence de ouverts (étangs, lagunes, bassins agités) et les bioréacteurs
lumière ne portent encore que sur quelques espèces, telles clos (tubes, panneaux). Avantages et inconvénients font


que Crypthecodinium cohnii, Chlorella sorokiniana ou Euglena l’objet d’un intense débat ; les futurs systèmes de production
gracilis. Quelques-unes disposent de voies originales de syn- seront-ils des hybrides ? Aujourd’hui, les systèmes ouverts
thèse telles que celle de la polyketide synthase (PKS) pour la sont industriels : le plus grand raceway (bassin à recirculation
biosynthèse d’acide docosahexaènoïque en anaérobiose [13] ; par roues à aubes) connu a une surface de 3 500 m2 en
– celles permettant à des cyanobactéries de fixer l’azote Israël. La production massive est cependant encore un rêve.
moléculaire, soit en anaérobiose (Synechococcus sp.) soit via Bien que des projets imposants existent, telle la ferme de
des cellules spécialisées, les hétérocystes (Nostoc sp). Ce pro- 5 000 ha proposée aux États-Unis par PetroAlgae, d’autres ont
cessus est impliqué dans des relations symbiotiques entre ces tourné au cauchemar : un échec retentissant est celui de
cyanobactéries et des végétaux (Gunera) ou des champignons GreenFuel, dont la faillite en 2009 a volatilisé un investisse-
(lichens) ; ment de 70 M$.
– celles donnant la capacité à des µA comme Chlamydomo-
nas cultivées en mixotrophie de produire de l’H2 en anaéro- 1.2.2 Modes de croissance
biose grâce à une hydrogénase à fer chloroplastique. Cette
■ Photoautotrophie : elle utilise le mécanisme de photosyn-
microalgue, ainsi que Synechocystis, fait l’objet d’analyses de
thèse pour réduire le CO2. Remplacer le soleil gratuit par un
flux métabolique pour déterminer des nouveaux niveaux de
éclairage artificiel [16] coûte environ 50 €/kg (en France).
régulation des voies de biosynthèse en vue de provoquer une
suraccumulation de métabolites en cultures pures ou mixtes. L’article précédemment cité [IN200] donne des détails sur
les sources de :
1.1.3 Composition et structure des cellules, métabolites • CO2 : de 380 ppm dans l’air jusqu’à de très hautes
d’intérêt concentrations [17][18] ;
L’intérêt des microalgues se manifeste par la diversité de • azote : NOx, urée, nitrate d’ammonium ;
leurs compositions biochimiques, mais également par des par-
ticularités qui justifient l’utilisation de certains procédés de • phosphore : besoin de P/N ≈ 1/10 (mol), ce qui est un
production. Ainsi l’absence de paroi autour des cellules de réel défi : le tarissement des sources de phosphates pro-
Dunaliella et l’existence de globules de β-carotène extraplasti- voque leur renchérissement et oblige à rechercher à tout
diaux permettent l’extraction de ce métabolite par des procé- prix des sources de phosphore dans des eaux de rejets
dés utilisant des chocs osmotiques, ou des réacteurs industriels, domestiques, agricoles ;
biphasiques utilisant la diffusion du pigment à l’aide de sol- • soufre : SOx gaz, sulfates ;
vants (dodécane), sans perte de viabilité. Certaines cellules • autres : oligoéléments ; silicium pour squelette des dia-
ont des constituants pariétaux particuliers tels que des poly- tomées [19].
saccharides sulfatés, pouvant donner des oligosaccharides, du
β-glucane ou des glycoprotéines impliqués dans des proces- ■ Hétérotrophie : fonctionnant sur une source de carbone
sus d’agrégation cellulaire, utilisables comme biofloculants. organique (§ 1.1.2), c’est une fermentation « sombre » où les
Des espèces comme Porphyridium cruentum produisent des microalgues remplacent bactéries ou levures, ce qui n’a d’inté-
exopolysaccharides sulfatés (EPS) viscosifiants et rêt que pour des métabolites de haute valeur (§ 2.3.6). Cette
thermorésistants ; le spirulan est un EPS produit par Arthros- technologie indépendante de la lumière obtient en volume une
pira à propriétés antivirales. Les réserves glucidiques sont densité cellulaire élevée [20] mais à des coûts majorés. Limi-
également variées avec des polysaccharides tels que paramy- tation majeure : seules certaines souches fonctionnent ainsi
lon, rhodamylon et chrysolaminarine. Les µA à capacité osmo- (Chlorella, Galderia, Crypthecodinium).
régulatrice accumulent des concentrations intracellulaires
pouvant dépasser plusieurs mol/L de glycérol, glucosyl-glycé- ■ Mixotrophie : combinant les deux modes, l’intérêt est une
rol, tréhalose mais aussi d’acides aminés tels que la proline ou moindre perte en phase obscure de respiration, des producti-
la glycine-bétaïne. Diverses microalgues marines produisent vités plus élevées qu’en autotrophie [21], l’alternance de
naturellement des acides gras polyinsaturés (AGPI) à longues cycles jour/nuit [22], la possibilité de covalorisation de CO2 et
chaînes de 16 à 22 carbones, en relation avec des processus d’effluents chargés en carbone organique.
d’adaptation à des variations de température, d’activité hydri-
que ou certaines carences nutritionnelles. Certaines espèces 1.2.3 Récolte et traitement aval
produisent des métabolites secondaires : cires, PHB, sulfolipi- Le milieu de production est très dilué (densité de 0,3 à
des, oxylipines, terpénoïdes, dont les activités biologiques 5 kg/m3) avec des cellules de petite taille (2 à 50 µm). Le défi
commencent à être relativement bien élucidées, telle l’activité industriel est un recyclage des eaux au moindre coût. Les sys-

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RECHERCHE

Modification du génome
de microalgues pour la production
de molécules d’intérêt

par Gilles DEFREL


Doctorant INSA
Laboratoire d’ingénierie des systèmes biologiques et des procédés (LISBP), Toulouse,

et
France
Fayza DABOUSSI T
Directrice de recherches INRA
Laboratoire d’ingénierie des systèmes biologiques et des procédés (LISBP), Toulouse,
France

es microalgues représentent le premier poumon de notre planète,


L capables de produire à elles seules les deux tiers de l’oxygène atmos-
phérique. Le second poumon, composé des forêts terrestres, produit le
tiers restant. Premier maillon de la chaîne alimentaire des milieux aqua-
tiques et impliquées dans les cycles biogéochimiques, les microalgues
jouent un rôle fondamental dans la biosphère. Nous traiterons dans cet
article des microalgues que nous désignons comme des micro-organismes
eucaryotes photosynthétiques unicellulaires ou pluricellulaires indifféren-
ciés, en excluant les cyanobactéries qui sont des organismes procaryotes
photosynthétiques.
Les microalgues constituent un groupe très diversifié tant par leur évolu-
tion (endosymbiose primaire et/ou secondaire), leur mode trophique
(autotrophe et mixotrophe) que par leur métabolisme. Ce sont de véri-
tables usines cellulaires capables de produire des molécules complexes
telles que des lipides, des protéines, des polysaccharides, des vitamines
et des pigments via la photosynthèse, une réaction d’oxydoréduction
catalysée par l’énergie lumineuse permettant de convertir le dioxyde de
carbone en sucres simples et en oxygène. Malgré ces propriétés physiolo-
giques et métaboliques exceptionnelles, les microalgues restent peu
exploitées par l’industrie, en raison de verrous technologiques qui
empêchent leur utilisation fiable, performante et compétitive. Augmenter
leur productivité constitue donc un challenge de premier ordre. Alors que
les ingénieurs en procédés optimisent les conditions de culture en vue
d’augmenter la production d’un composé spécifique, les généticiens pro-
posent de modifier leur patrimoine génétique pour permettre la
production de composés naturels et/ou artificiels. L’ingénierie génétique
apparaît comme une composante incontournable de la biotechnologie
industrielle. Bien qu’ayant connu un développement tardif comparé aux
châssis industriels conventionnels (levures, bactéries), l’effort investi pour
développer des outils et méthodes d’ingénierie chez les microalgues les
amène désormais à rivaliser avec ces derniers.
Nous décrivons dans cet article l’évolution de l’ingénierie génétique des
microalgues depuis 1988 et son utilisation pour modifier tant quantitati-
vement que qualitativement le contenu en composés naturels (lipides,
p。イオエゥッョ@Z@ェオゥョ@RPQY

caroténoïdes). Nous soulignerons aussi leur capacité à produire des molé-


cules à forte valeur ajoutée (vaccins, hormones, terpènes, etc.).

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RECHERCHE

Points clés
Domaine : Ingénierie génétique des microalgues
Degré de diffusion de la technologie : Croissance
Technologies impliquées : Surexpression, extinction de gènes, édition de
génome
Domaines d’application : Pharmaceutique, cosmétique, alimentation, énergie,
chimie verte
Principaux acteurs français :
CEA Cadarache, Institute of Physo-chemical Biology (IBPC), Laboratoire
d’Ingénierie des Systèmes Biologiques et des Procédés (LISBP), Alganelle, Ifremer,
Commissariat à l’énergie atomique (CEA, Grenoble Cadarache), École normale
supérieure (ENS)
Autres acteurs dans le monde : Synthetic Genomics, Solazyme, Algenuity,
Sapphire Energy


Contact : fayza.daboussi@insa-toulouse.fr

1. Microalgues : les diamants bruts 1.1.1 Caroténoïdes


des biotechnologies Ces molécules, appartenant à la famille chimique des ter-
pènes, sont des pigments de couleur orange et jaune produits
par les organismes photosynthétiques au niveau de leurs chlo-
1.1 Une richesse métabolique exceptionnelle roplastes pour collecter la lumière et les protéger des radicaux
Les microalgues sont capables de synthétiser un grand libres [3] [4]. Deux principaux caroténoïdes sont extraits des
nombre de composés leur permettant d’évoluer dans leur envi- microalgues : le premier est le β-carotène fortement produit
ronnement. Ainsi, elles produisent une grande variété de pig- chez Dunaliella salina, une microalgue halophile, et le second
ments (0,5 à 1,5 % de la masse sèche (MS)), comme les l’astaxanthine produit par Haematococcus pluvialis, une
caroténoïdes qui leur permettent de capter des photons de dif- microalgue d’eau douce [5]. Dunaliella salina est l’organisme
férentes longueurs d’onde et ainsi de protéger les cellules des qui a la plus haute teneur en β-carotène [6] avec une produc-
radicaux libres, de lipides (5 à 40 % MS) assurant une source tion de 34,60 mg par gramme de masse sèche (MS). Cette pro-
d’énergie métabolique ainsi que la flottaison de la cellule et la ductivité est obtenue en culture de faible intensité lumineuse et
maintenance de leurs membranes. Les protéines (15 à 65 % haute salinité peuvent atteindre 70 mg/g MS en milieu
MS) remplissent un grand nombre de fonctions telles que la dépourvu d’azote et fortement éclairé [7]. D. salina présente
catalyse des réactions chimiques, la signalisation, la régulation aussi la particularité de synthétiser et d’accumuler une forte
et la structure cellulaire. En dernier lieu, les carbohydrates quantité de β-carotène sous la forme isomérique 9-cis alors que
(10 à 50 % MS) qui, comme les lipides, sont une source d’éner- la synthèse chimique ne permet que la production d’isomères
gie utilisée notamment dans les réactions métaboliques [1]. de type trans qui ont montré un effet négatif sur les niveaux de
Ces valeurs fluctuent évidemment selon les espèces choisies et cholestérol et l’athérogénèse chez les souris [8] [11].
leurs conditions de cultures. L’astaxanthine a été le second caroténoïde dérivé des microal-
gues à être commercialisé et Haematococcus pluvialis, dont il
Nous les considérons comme les diamants bruts des biotech- est issu, est la source naturelle la plus riche [9]. Elle produit et
nologies (figure 1). Leurs composés sont exploités dans le sec- accumule une forte quantité en conditions de stress telles que la
teur de l’alimentation qu’elle soit humaine, animale ou carence en azote, la forte intensité lumineuse et la salinité [10].
aquacole, dans le secteur cosmétique en tant qu’actif ou encore Le contenu en astaxanthine représente 81,2 % du total des
dans le secteur de l’énergie pour la production de caroténoïdes de la cellule soit environ 20 mg/g MS [7].
biocarburant [IN 201].
Les microalgues sont aussi des sources potentielles d’autres
Il faut aussi noter leur capacité à consommer et/ou à stocker
caroténoïdes tels que la lutéine produite chez les espèces du
la matière organique, des métaux lourds et une large variété de
genre Muriellopsis ainsi que chez Scenedesmus almeriensis. On
composants organiques toxiques, des atouts très prisés dans le
retrouve l’astaxanthine, la canthaxanthine et la lutéine chez la
secteur de l’environnement. De plus, la très grande diversité à
microalgue Chlorella zofingiensis, la fucoxanthine chez Phaeo-
peine explorée de ces organismes laisse entrevoir une richesse
dactylum tricornutum ou le phytoène et le phytofluène, des
de biomolécules de hautes valeurs possiblement exploitables,
caroténoïdes incolores, provenant de la culture de D. salina
un énorme potentiel pour le secteur pharmaceutique qui
avec des inhibiteurs métaboliques spécifiques. Cependant,
compte pour l’instant peu de molécules issues de microalgues
contrairement à D. salina et H. pluvialis chez lesquelles le β-
et qui devrait connaître un essor dans les années qui viennent.
carotène et l’astaxanthine constituent plus de 90 % des caroté-
Nous avons choisi de présenter deux familles de composés : noïdes présents, dans la majorité des microalgues le caroté-
les caroténoïdes et les lipides car ces molécules particulière- noïde dominant représente au mieux 70 % du total des
ment abondantes chez les microalgues et exploitées à l’échelle caroténoïdes [9]. De ce fait, l’extrait de la molécule désirée est
industrielle, ont été la cible de travaux d’ingénierie métabolique un mélange de plusieurs caroténoïdes, ce qui est limitant pour
visant à modifier quantitativement et qualitativement leur plusieurs marchés et nécessite un traitement spécifique pour la
contenu. commercialisation.

RE 276 - 2 © Editions T.I. 5-2019

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RECHERCHE

CO2
Lumière
(photosynthèse)

Production
Oxygène Biomasse microalgale Bio-hydrogène
d’énergie

Pigments Lipides Protéines Polysaccharides Composés bioactifs Biopolyesters

Chlorophylle Acides gras B-1,3-glucane, Composés antibactériens, Poly(hydroalkanoates)


Caroténoïdes polyinsaturés carraghénane, anti-viraux, anti-fongiques,
Phycobilines Hydrocarbures amidon, agar, anti-protozoaires et anti-algues
alginates, cellulose

■ Antibiotiques ■ Bioplastiques
■ Cosmétique ■ Applications ■ Nutrition humaine ■ Nutrition humaine
■ Nutrition humaine pharmaceutiques et ■ Technologie ■ Technologie
■ Technologie thérapeutiques alimentaire alimentaire
alimentaire ■ Nutrition humaine ■ Aliments ■ Aliments
■ Aliments fonctionnels ■ Technologie fonctionnels fonctionnels
■ Alimentation alimentaire ■ Alimentation ■ Applications
■ Applications ■ Aliments fonctionnels pharmaceutiques et
pharmaceutiques et ■ Production d’énergie thérapeutiques
thérapeutiques ■ Biodiesel, bioessence ■ Production d’énergie
■ Alimentation Bioéthanol

Figure 1 – Produits synthétisés par les microalgues et leurs domaines d’application [2]

1.1.2 Lipides
Tableau 1 – Richesse lipidique
Ces micro-organismes photosynthétiques sont convoités par des microalgues [11]
plusieurs secteurs industriels (alimentation, nutraceutique,
cosmétique et énergie) en raison de leur forte teneur en Microalgues Lipides (% de masse sèche)
lipides. Des contenus moyens en acides gras compris entre 20
et 50 % de masse sèche sont choses communes chez les Botryococcus braunii 25 à 75
espèces du genre Nannochloropsis, Chlorella ou la diatomée P.
tricornutum qui sont parmi les plus exploitées. On retrouve Chlorella sp. 28 à 32
même chez Botryococcus braunii, une espèce encore non
exploitée industriellement, des niveaux de lipides allant Crypthecodinium cohnii 20
jusqu’à 75 % de sa masse sèche [11] (tableau 1). En plus de
Cylindrotheca sp. 16 à 37
leur forte teneur en lipides, la diversité de ceux-ci permet
d’envisager différentes applications. Ainsi on distingue, chez Dunaliella primolecta 23
les microalgues, des acides gras à chaînes longues (oméga 3)
convoités pour le secteur nutraceutique et l’alimentation, et Isochrysis sp. 25 à 33
des acides gras à chaînes intermédiaires type C14, C16 visés
par le secteur de l’énergie pour la production de biocarburants. Monallanthus salina > 20
En 1998, le « Aquatic Species Program » a examiné 3 000
souches de microalgues dans cette optique et plus de la moitié Nannochloris sp. 20 à 35
des 50 souches les plus prometteuses étaient des Nannochloropsis sp. 31 à 68
diatomées [12]. Elles représentent des candidats de choix
pour la production de biocarburants car elles produisent 30 % Neochloris oleoabundans 35 à 54
de TAG (triglycérides) et jusqu’à 46 % en milieu dépourvu
d’azote ou silicium. De plus, elles sont riches (50 %) en acides Nitzschia sp. 45 à 47
gras de types C16/C16:1.
Phaeodactylum tricornutum 20 à 30
Les acides gras polyinsaturés à longues chaînes (PUFA) tels
que l’acide alpha-linolénique (ALA), l’acide eicosapentaénoïque Schizochytrium sp. 50 à 77
(EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA) sont naturellement
synthétisés chez plusieurs espèces de microalgues (Rhodomonas Tetraselmis suecica 15 à 23

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RECHERCHE

salina, Tetraselmis suecica, Phaeodactylum tricornutum, Nan- homologues synthétiques, la demande en caroténoïdes naturels
nochloropsis gaditana, Nannochloropsis oculata, Pavlova augmente au fil des années (croissance de 3,9 % de leur part
lutheri) [5]. Ces acides gras oméga 3 sont indispensables au de marché d’ici 2020) [16]. En effet, les caroténoïdes synthé-
développement et au fonctionnement de la rétine, du cerveau et tiques sont vendus entre 250 et 2 000 USD le kilogramme tan-
du système nerveux [13]. Néanmoins le corps humain étant dis que les prix oscillent entre 350 et 7 500 USD le kilogramme
incapable de synthétiser l’ALA, précurseur de l’EPA et du DHA, il pour les caroténoïdes naturels. Cette large fourchette de prix
est nécessaire d’apporter la première molécule pour produire les pour les caroténoïdes d’origine naturelle s’explique par une pro-
deux autres mais avec un taux de conversion trop faible pour ductivité plus basse et la forte valeur ajoutée de certains
couvrir nos besoins journaliers. Ainsi tous trois proviennent de composés tels que le lycopène et ses analogues [16].
notre alimentation (noix, huile de colza, lin, etc.) et des poissons Ainsi, l’astaxanthine est majoritairement utilisée dans les sec-
gras comme le saumon, le thon, la sardine qui ne le produisent teurs nutraceutique et cosmétique, malgré un coût de revient
pas mais qui en sont riches de par leur alimentation en microal- non négligeable (15 000 USD/kg en 2014) ou en aquaculture
gues. Ces acides gras à longues chaînes sont incorporés dans le pour donner aux saumons et aux crevettes cette couleur rose
lait maternisé pour enfants et les produits dits caractéristique (2 000 USD/kg) [20]. Ces deux derniers mar-
« nutraceutiques ». Le problème de surpêche, la sévère pollution chés étaient estimés respectivement à 40 et 200 millions USD
des milieux marins et l’argument « oméga 3 d’origine végétale » en 2018.
font des huiles algales une alternative sérieuse au modèle
actuel [5] [13]. L’ingénierie génétique d’espèces riches en caroténoïdes tels


que D. salina et H. pluvialis, déjà largement exploitées indus-
triellement, pourraient augmenter ces rendements afin de
1.2 Un fort potentiel économique répondre à ce marché florissant tout en assurant des prix de
plus en plus compétitifs.
1.2.1 Exploitation des microalgues à l’échelle
industrielle
1.2.3 Production et exploitation des lipides
Actuellement, la production industrielle de microalgues est pour les biocarburants
une économie de niche qui représente de l’ordre de Les biocarburants sont des carburants de substitution obte-
10 000 tonnes de biomasse par an, essentiellement pour des nus à partir de biomasse, généralement incorporés aux carbu-
marchés à moyenne et à haute valeur ajoutée tels que les com- rants d’origine fossile. Leur utilisation et production sont toutes
pléments alimentaires, les acides gras polyinsaturés, les deux marquées d’une forte croissance depuis 2013 qui
antioxydants et la biomasse pour l’aquaculture [1] [14]. Une s’explique par une volonté de réduire les émissions de gaz à
étude récente estime que le marché de produits provenant de effet de serre et ainsi limiter le réchauffement climatique. La
microalgues devrait atteindre 44,6 milliards de dollars améri- production de bioéthanol et de biodiesel dans le monde repré-
cains (USD) d’ici 2023. Cette forte croissance est notamment sentait respectivement 111,5 et 31,1 millions de litres en 2013
portée par le marché nutraceutique qui était de 182,60 milliards et avec une projection en 2025 de respectivement 128,4 et 41,4
USD en 2015 et passera à 278,96 milliards USD d’ici 2021 [15]. millions de litres [21]. De plus, les sources d’énergie pour le
Cependant, cette étude de marché prend également en compte transport dépendant à 97 % du pétrole qui est une ressource
les chiffres du marché de la spiruline. limitée, diversifier les sources d’énergie permettrait non seule-
ment de réduire cette forte dépendance au pétrole, dont le prix
1.2.2 Production et exploitation des caroténoïdes
du baril n’a cessé d’osciller ces dernières années, mais égale-
Les caroténoïdes sont exploités par l’industrie en tant ment d’anticiper l’épuisement des énergies fossiles.
qu’additifs dans l’alimentation humaine et animale pour leurs
Les microalgues représentent une solution porteuse d’avenir
propriétés colorantes, antioxydantes et photoprotectrices [16].
car elles permettent de répondre de manière pérenne et encou-
Les caroténoïdes font aussi l’objet d’un intérêt grandissant
rageante aux problématiques des deux premières générations
notamment dans le secteur de la santé pour leurs rôles dans la
de biocarburants. En effet, ces micro-organismes ne rentrent
prévention de certaines maladies cardiovasculaires et cancers
pas en compétition avec les terres arables, ont une croissance
mais aussi pour leurs effets bénéfiques sur le système immuni-
plus rapide et donc un rendement en huile à l’hectare nettement
taire, la protection de la vision et la préservation de la
supérieur à celui des plantes oléagineuses (jusqu’à 20 fois
mémoire [17]. Présents naturellement dans le lait maternel, les
plus) [11] [22] [23] (tableau 2).
caroténoïdes sont ajoutés dans les laits infantiles afin d’assurer
la maturation visuelle et le développement cérébral chez les
nouveau-nés [18]. Ils entrent aussi dans la composition des Exemple : pour le palmier à huile, une culture oléagi-
produits cosmétiques tels que les soins du visage (anti-âge) et neuse à haut rendement, il sera nécessaire de consacrer
de la peau (agent blanchissant et protection solaire) [16]. Leurs 24 % de la superficie totale des terres cultivées dédiées à sa
produits de dégradation aux propriétés odorantes tels que culture pour couvrir 50 % des besoins en carburant de trans-
l’ionone et le damascone (senteurs florales et boisées) sont pri- port des États-Unis.
sés des parfumeurs. Le marché mondial de caroténoïdes devrait
atteindre 1,7 milliard USD en 2022 soit une croissance de 3,5 % La production de ces biocarburants, qualifiés de troisième
en quatre ans, avec une production d’astaxanthine autour de génération, se fait en quatre étapes : sélection d’une
670 t et évaluée à 1,1 milliard USD d’ici 2020 [15] [16]. microalgue riche en lipides, culture en bassins ouverts ou pho-
En 2014, les caroténoïdes synthétiques issus de la chimie tobioréacteurs, récolte et extraction (centrifugation, lyse, etc.)
représentaient 76 % de la production totale contre 24 % pour et conversion de l’huile en biocarburant. La conversion est pos-
les caroténoïdes naturels [16]. Les caroténoïdes naturels pro- sible via deux procédés donnant tous deux du biodiesel : la
viennent essentiellement des microalgues et ces dernières sont transestérification et l’hydrogénation catalytique [22] [24].
exploitées depuis plus de trente ans pour cet usage [19]. Dans Malgré l’engouement important, on estime aujourd’hui le prix
les années 1980, on dénombrait quatre entreprises commercia- du baril de biocarburant algal à environ 300 $ contre 59,93 $
lisant du β-carotène algal ; aujourd’hui elles sont une vingtaine pour le pétrole [24] [25]. La production d’un biocarburant algal
à se partager le marché des caroténoïdes des microalgues [14]. à prix compétitif ne pourra voir le jour qu’au travers de la créa-
Malgré des prix de vente nettement supérieurs à ceux de leurs tion de souches capables de produire de plus forts taux de

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INNOVATION

Optimisation de la production
de lipides d’intérêt chez la levure
par génie génétique
par Céline BOULARD
Institut national de la recherche agronomique (INRA)
Équipe dynamique et structure des corps lipidiques de l’institut Jean-Pierre Bourgin (UMR
1318 INRA/AgroParisTech), Versailles
et Marine FROISSARD


Institut national de la recherche agronomique (INRA)
Équipe dynamique et structure des corps lipidiques de l’institut Jean-Pierre Bourgin (UMR
1318 INRA/AgroParisTech), Versailles

Résumé : la réduction de l’utilisation des produits issus du pétrole dans le contexte éco-
nomique et écologique actuel conduit à se tourner vers des matières premières durables et
biosourcées. Les lipides sont des molécules clés pour la production de biodiesel et de pro-
duits issus de la chimie verte. Les levures sont des cellules de choix pour la production de
lipides à façon. La combinaison d’approches d’ingénierie métabolique et de génie génétique
permet d’optimiser la production de ces molécules d’intérêt. L’utilisation de connaissances
acquises sur le stockage des lipides chez les plantes et chez S. cerevisiae amène à déve-
lopper des systèmes cellulaires innovants de production d’énergie renouvelable.

Abstract: the decrease of petroleum product usage due to economic and ecologic
present context leads to find renewable and durable raw material. Lipids are key mole-
cules for the production of biofuel and green chemistry products. Yeasts are of interest
for designed lipid production. The association of metabolic and genetic approaches
allows to optimize production of useful molecules. The use of knowledge on lipid
storage in plants and in S. cerevisiae leads to develop innovative cell systems for
renewable energy production.

Mots-clés : corps lipidiques, chimie verte, biocarburants, lipides, biotechnologies,


Saccharomyces cerevisiae, Arabidopsis thaliana

Keywords: lipid bodies, green chemistry, biofuel, lipids, biotechnology, Saccharo-


myces cerevisiae, Arabidopsis thaliana

Points clés
Domaine : énergies, biotechnologies, biologie et biochimie des lipides
Degré de diffusion de la technologie : Émergence / Croissance / Maturité
Technologies impliquées : microscopies, analyse de particules, chimie analyti-
que des lipides
Domaines d’application : chimie verte et biocarburants
Principaux acteurs français : –
Pôles de compétitivité : –
Centres de compétence : –
Industriels : –
p。イオエゥッョ@Z@ヲ←カイゥ・イ@RPQR

Autres acteurs dans le monde : –

02-2012 © Editions T.I. RE 209 - 1

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INNOVATION

1. Contexte personnes souffrent de malnutrition, ont rendu la production


des biocarburants de première génération peu attractive.
Avec l’augmentation de la population mondiale, les deman- D’autres alternatives sont à présent développées afin de
des en énergies s’accroissent alors que les énergies fossiles se produire des biocarburants de seconde génération (bioéthanol
raréfient. Les aspects (i) économiques, l’augmentation du prix et biogaz). Cette nouvelle filière n’utilise plus les ressources
du pétrole, l’indépendance énergétique et (ii) écologiques, la végétales ayant une valorisation alimentaire (sucres et huile)
lutte contre les gaz à effet de serre responsables des change- mais plutôt des plantes dédiées (Miscanthus, Jatropha) ou des
ments climatiques, la diminution des pollutions environnemen- résidus végétaux (paille de blé, raffles de maïs, taillis à courte
tales, amènent au remplacement du pétrole par d’autres rotation, résidus ligno-cellulosiques divers). Les carburants de
sources d’énergies ayant un impact environnemental moins troisième génération (bioéthanol, biodiesel et biogaz) sont
important [1][2]. De plus, on observe depuis la seconde moi- également en émergence. Des procédés biotechnologiques
tié du XXe siècle l’explosion de l’utilisation de produits issus de sont à ce jour développés afin d’utiliser des micro-organis-
la pétrochimie (plastiques, textiles, résines synthétiques, mes (levures, bactéries, algues) [18]. En effet, la production
détergents et engrais). Ces productions font du pétrole la pre- d’huile (précurseur du biodiesel) n’est pas une spécificité des
mière matière première minérale. La nature non renouvelable eucaryotes pluricellulaires comme les plantes ou les animaux
de cette ressource, ainsi que les considérations écologiques car le métabolisme lipidique est présent chez tous les organis-
évoquées plus haut, font qu’il est indispensable de préparer mes. La production des micro-organismes peut être orientée


l’après pétrole pour les industries chimiques. plus facilement vers la biosynthèse de « lipides à façon »
Les industriels se tournent alors vers des procédés dits « de répondant à un cahier des charges précis que ce soit pour des
chimie verte ». biocarburants spécifiques ou des précurseurs de synthèse
(synthons) pour la chimie verte. En ce qui concerne le biodie-
sel, sa qualité dépend de la composition chimique des huiles
La chimie verte se réfère à l’ensemble des principes et utilisées (impuretés, composition en acides gras et teneur en
des techniques employant si possible des ressources eau) et de ses propriétés physiques (titre, teneur calorifique).
renouvelables et permettant de réduire ou d’éliminer La composition en acides gras (libre, longue chaîne, insaturé)
l’emploi de produits toxiques pour l’homme ou d’utiliser est déterminante dans la caractérisation des paramètres phy-
des produits ayant une empreinte écologique plus faible sique des biodiesels : l’indice de cétane est le révélateur
[16]. de la qualité de combustion. Cet indice dépend de la quan-
tité d’acides gras à longue chaîne et insaturés présents dans
l’huile [1]
Il en découle des réglementations européennes (par exem-
ple la réglementation REACH adoptée le 18 décembre 2006 au
Parlement européen) dont les objectifs sont la diminution de 3. Corps lipidique : organite
l’utilisation industrielle des produits chimiques toxi- cellulaire de stockage des huiles
ques, la gestion des déchets par des systèmes de recy-
clages et l’incorporation des biocarburants à hauteur de
10 % en 2020. Les huiles nécessaires à la production de dérivés pour la
chimie verte (biodiesel, détergents, lubrifiants…) sont conte-
nues dans des structures cellulaires appelées « corps
2. Chimie verte du carbone lipidiques » (CL). Ils sont présents chez la plupart des orga-
renouvelable et biocarburants nismes, de la bactérie aux mammifères et plantes (figure 1).
Les corps lipidiques sont constitués d’un cœur de lipides
L’utilisation de la biomasse comme source de matière pre- neutres (triglycérides et esters de stérols), entourés par
mière de substitution aux produits pétroliers est actuellement une monocouche de phospholipides dans laquelle est inséré
la filière majeure pour la production : un nombre variable de protéines [3][4].
– des matériaux biosourcés tels que les panneaux d’isolation
thermique en laine de chanvre ou de lin, les flocons d’amidon Ces inclusions lipidiques peuvent en effet être purifiées et
de maïs ; leurs contenus analysés grâce à une combinaison de métho-
– des énergies renouvelables et biocarburants (bioéthanol, des biophysiques et biochimiques (figure 2). Ainsi, des appro-
biodiesel, biogaz). ches de protéomique ont permis l’identification des protéines
Ces produits, répondant au concept de développement dura- associées aux corps lipidiques de différents organismes ou
ble, sont plus respectueux de l’environnement car recyclables types cellulaires. Les résultats montrent une grande variabilité
ou biodégradables [17]. allant de trois protéines identifiées chez le ricin à plusieurs
centaines chez les mammifères. Le corps lipidique apparaît
La première génération de biocarburants était issue :
comme un organite complexe et dynamique, présentant des
– de la biomasse végétale entrant aussi dans la filière ali- statuts métaboliques variés, et non comme un dépôt inerte de
mentaire (betterave, canne à sucre) pour produire du graisse.
bioéthanol ;
On distingue deux grandes formes de corps lipidiques. Pre-
– des huiles végétales provenant des graines de plantes mièrement, des formes actives et dynamiques qui sont le
oléagineuses (colza, tournesol) pour obtenir du biodiesel après siège de nombreuses réactions métaboliques (synthèse et
transestérification des huiles. Cette réaction chimique est une dégradation de lipides) et qui sont porteuses d’un panel de
action des alcools sur les huiles pour former les composants protéines très varié (enzymes, protéines du trafic intracellu-
combustibles du biodiesel : les esters méthyliques d’acide gras laire…). Deuxièmement, des formes inertes et métaboli-
ou FAME (Fatty Acid Methyl Esters) [1] (voir plus loin). quement inactives, qui sont l’aboutissement d’un stockage
Le manque de compétitivité, les difficultés d’extraction, les de lipides accru au sein de cellules dédiées (cellules de graines
rendements énergétiques défavorables et la compétition avec oléagineuses chez les plantes ou d’adipocytes chez les mam-
les filières alimentaires dans un contexte ou un milliard de mifères). Ces corps lipidiques spécialisés dans le stockage

RE 209 - 2 © Editions T.I. 02-2012

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INNOVATION

Corps lipidique

a mammifères
(Homo sapiens) b bactéries
(Streptomyces lividans)

Protéines associées
à la surface ou ancrées Monocouche de
dans les lipides phospholipides

Cœur de lipides neutres


triglycérides et esters de stérols

c eucaryotes unicellulaires
(Sacharomyces cerevisiae) d plantes
(Arabidopsis thaliana)

Figure 1 – Le corps lipidique, organite de stockage des lipides de réserves (Photos : a) équipe Dynamique et structure des corps lipidiques ;
b) mycélium de Streptomyces lividans observé au microscope optique objectif x100 en lumière visible ; c) levures Saccharomyces cerevisiae
observées au microscope optique objectif x100 en lumière visible ; d) Arabidopsis thaliana en culture sous serre.)

Fraction flottante
corps lipidiques purifiés
0M
F1
Graine ou
levures 0,135 M

0,27 M
Cassage Dépôt du Constitution Centrifugation
des cellules broyat 0,54 M du gradient 0,54 M
cellulaire de
saccharose F7

a méthode de purification

Morphologie Composition
Microscopie à Diffusion dynamique Lipides Protéines
épifluorescence de la lumière - CCM - SDS PAGE
- CPG - Immunoblot
- protéomique

Axiolmager M1, HPPS, Malvern CPG-FID, 7890A, LC-MS/MS, IcQ DECA,


Zeiss Agilent Thermo

Observation de Diamètre des corps Identification et Identification et


la fluorescence lipidiques quantification quantification
associée aux Distribution de des acides gras des protéines
corps lipidiques population
b méthodes d’analyse des corps lipidiques purifiés

Figure 2 – Méthodes de purification et d’analyse des corps lipidiques

02-2012 © Editions T.I. RE 209 - 3

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