Mémoire Original
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MASTER DE MÉMOIRE
MENTION : LANGUE, THÉORIES ET DISCOURS LITTÉRAIRES
SPÉCIALITÉ : STYLISTIQUE
Sujet :
I
REMERCIEMENTS
II
SOMMAIRE
INTRODUCTION...................................................................................................1
CONCLUSION......................................................................................................103
BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................107
III
INTRODUCTION
1
Les sciences du langage visent à décrire et à expliquer le fonctionnement
du langage humain dans toutes ses dimensions. Bien que le langage ait été étudié
dans l’Antiquité par Aristote et Platon, la plupart des chercheurs considèrent le
célèbre linguiste suisse Ferdinand de Saussure comme fondateur des sciences du
langage. Elles regroupent donc un ensemble de spécialités. La stylistique faisant
partie de ce macrocosme étudie pour l’essentiel le caractère littéraire d’un texte.
Le mot « stylistique » apparait d’abord dans la langue française en 1872. Il est
emprunté à l’allemand ‘’STILISTIK’’, au sens de « théorie du style » d’où le style
comme objet d’étude. Le terme « style », anciennement ‘’Stile’’ venant du latin
‘’stilus’’ qui a donné plus tard « Stylus » par faux rapprochement avec le grec
ancien reste le point focal de la discipline stylistique à ses débuts. Camille
Laurens dit à propos du style :
En d’autres termes, la manière, la forme de la construction d’une phrase
constituaient le point d’achoppement du style. La stylistique est une partie de la
linguistique, entendue au sens de science du langage. On l’étend également à une
science à cause de son investigation technique et systématique dans le domaine du
langage. La stylistique est à la fois une méthode et une pratique d’où une
discipline. L’histoire du mot vient à l’appui de cette conception du style. Le style
est ce qui permet la distinction, la différenciation. Il est ce qui marque, ce qui
caractérise une personne, une œuvre, qu’elle soit littéraire, musicale ou filmique.
Il relève aussi bien du particulier que du général. Ce détour fait par l’histoire du
mot style permet de saisir le lien étroit que la stylistique tisse avec la singularité.
En tant que discipline linguistique, la Stylistique a conquis son autonomie dans les
débuts du XIXe siècle. Devenue une discipline essentiellement littéraire, la
stylistique s’est construite à partir de concepts fondamentaux tels que la littérarité
et/ou la littérarisation. L’analyse stylistique consiste prioritairement à dégager la
singularité, la qualité singulière de littérarité d’une ou de plusieurs œuvres.
S’agissant de son objet, Georges Molinié en résume dans La Stylistique :
2
littéraire. Plus exactement c’est le caractère spécifique de littérarité du
discours, de la praxis langagière telle qu’elle est développée, réalisée à
travers un régime bien particulier de fonctionnement du langage, la
littérature1.
1
Georges Molinié, la stylistique, Paris, PUF, 2ème Ed., 1997, p.1.
2
Charles Bally, Traité de stylistique française, Paris, Klincksieck, 3èéditions, 1909, p.18.
3
marque l’ancrage de la stylistique en tant qu’une discipline linguistique. Si la
stylistique de Bally fut axée sur le langage, il convient de souligner que ceci n’a
pas été le cas pour ses successeurs.
Ainsi, les disciples de Bally, Jules Marouzeau et Marcel Cressot vont à leur
tour opter pour une stylistique littéraire dont l’objet est le texte littéraire. Ils
s’intéressent aux particularités du style de l’auteur. Ils prennent en compte pour
cela les catégories syntaxiques, le rythme de la langue parlée et de l’écriture. Avec
Jules Marouzeau par exemple, la stylistique devient une science décrivant la mise
en œuvre dans le texte des moyens de grammaire. Quant à Marcel Cressot révèle
une stylistique sous une forme herméneutique. Pour lui, le stylisticien doit
interpréter le choix fait par l’usager dans les contours de la langue. Marouzeau,
quant à lui, mobilise les données de la sémantique et de la grammaire. L’étude
stylistique proposée par ces derniers consiste à chercher, à expliquer, à juger tous
les moyens que l’auteur met en relief pour véhiculer son message. Cette méthode
s’accorde avec celle de Léo Spitzer dite méthode intuitive qui, par la suite,
continuera les études de la stylistique littéraire. La stylistique s’adossant au style,
c’est la mise en œuvre méthodique des éléments fournis par la langue qui est
recherchée ici. Il s’agit d’une hypothèse d’interprétation dans le cadre d’un
mouvement d’aller et retour pour une bonne compréhension et une vue cohérente
du texte. Léo Spitzer souligne que la critique doit être interne et s’installer au
centre de l’œuvre et non dans ses alentours.
Le principe de l’œuvre est dans l’esprit de l’auteur et non dans les
circonstances matérielles. Aussi que l’œuvre doit-elle fournir ses propres critères
d’analyse. L’œuvre étant inaccessible que par intuition, la langue est le reflet de la
personnalité de l’auteur et reste inséparable de tous les autres moyens
d’expressions dont il dispose. La stylistique de Leo Spitzer est alors dite idéaliste.
Si avec Charles Bally, la stylistique est restée longtemps la sphère de la
linguistique, celle entreprise par Jules Marouzeau et Marcel Cressot a su donner
au texte littéraire un statut de stylistique expérimental. On note que ces méthodes
d’analyses ont été empruntées à d’autres disciplines telles que la linguistique, la
rhétorique. Disciple de Charles Bally, Marcel Cressot mentionne la tâche du
4
stylisticien. Pour lui, la tâche du stylisticien est d’interpréter le choix fait par
l’usager dans tous les compartiments de la langue. Jules Marouzeau et Marcel
Cressot vont à leur tour opter pour une stylistique littéraire tout en considérant les
données de la sémantique. Ils considèrent les catégories syntaxiques, la
construction, le rythme de la langue parlée et l’écriture. Ils n’excluent pas les
méthodes d’analyse de Bally. Ils proposent une stylistique fondée sur l’étude de la
langue écrite et la littérature. Chacun développe le fondement d’une stylistique
vis-à-vis de sa conception.
Avec Marouzeau, on assiste à l’exclusion de la langue parlée. Il propose une étude
stylistique fondée sur la langue écrite et la littérature. Essayant de distinguer la
langue du style, Jules Marouzeau définit la langue comme « La somme des
moyens d’expression dont nous disposons pour mettre en forme l’énoncé, le style
comme l’aspect et la qualité qui résultent du choix entre ces moyens d’expression
». La langue parait pour l’énonciateur une profusion d’outils pour élaborer son
énoncé. Ainsi, l’aspect stylistique s’appréhende comme l’attitude que prend
l’usager face aux matériels que lui fournit la langue. Marcel Cressot manifeste une
stylistique qui établit l’étude des choix des formes d’expression tirées dans la
langue. L’énonciateur doit opérer un choix parmi les possibilités que la langue
laisse entrevoir, destinées aux différents contours linguistiques. La méthode
Marouzeau et Cressot chevauchent dans la même optique qui est de fournir à
l’analyse stylistique des unités linguistique propres à faire apparaitre le style.
Leur étude consiste à chercher, expliquer tous les moyens que l’auteur a mis en
œuvre pour traduire son discours afin d’en donner un sens. Ils laissent comprendre
que le principe fondamental de la stylistique est d’interpréter le choix pratiqué par
l’auteur. Cressot dans la même veine que Marouzeau montre que l’œuvre littéraire
met à la disposition du stylisticien des matériaux pour l’analyse relevant des faits
de style.
La naissance de la stylistique demeure du reste au déclin de la rhétorique. Elle
est donc l’héritière de la rhétorique.
Par l’élocution latine « rhetoricus », dérivé du grec ancien ; du latin
« rhetoricia » par substantivation de l’adjectif précédent, la rhétorique est d’abord
5
l’art de l’éloquence. Elle a d’abord concerné la communication orale. L’objet de
la rhétorique est la pratique de la parole publique. Dans un article3, l’on démontre
l’histoire de la rhétorique. La rhétorique est née en Sicile, vers 465 avant Jésus
Christ. Selon une légende, Hiéron, tyran de Syracuse, aurait interdit à ses sujets
l’usage de la parole. La naissance de la rhétorique est liée à l’établissement des
institutions démocratiques à Athènes. Le fondateur de la rhétorique est Corax. On
lui doit le premier texte sur la rhétorique. La première définition qu’il donne de la
rhétorique est la création de persuasion. On en souligne avec Olivier Reboul dans
Introduction à la rhétorique :
3
http//e-classroom.over-blog.com
4
Olivier Reboul, Introduction à la rhétorique, Paris, PUF, 4è éditions, p.4.
6
Protagoras, sophiste aurait modifié les règles de la dialectique, l’art d’opposé deux
thèses.
Il aurait été expulsé d’Athènes après un discours où il aurait mentionné
l’impossibilité de démontrer l’existence des dieux. On comprend dès lors qu’elle a
pour origine judiciaire. Vers 427 avant JC, en Grèce, Gorgias (485-374) introduit
la source esthétique littéraire. La rhétorique est ensuite assimilée par les sophistes.
La rhétorique grecque, telle qu’elle fut pratiquée par les sophistes se préoccupait
seulement de persuader. Elle se rapporte à l’action du discours sur les esprits. Au
sens Antique, elle est une théorie de l’argumentation, à la pratique langagière, qui
vise à la justification et à la persuasion dans le discours. L’objet de la rhétorique
grecque était avant tout de parler en public de façon à persuader importe quel
auditoire. Elle s’articulait sur le langage parlé, le discours devant une foule réunie,
sur une place publique. La rhétorique dans ses débuts était perçue comme un
instrument ornemental.
Au Moyen Age, la rhétorique fut attribuée à Cicéron avec des techniques
mnémoniques. Cicéron, Homme d’Etat romain, il fut un grand orateur en matière
de l’éloquence. Il établit les cinq étapes par lesquelles doit passer un bon orateur
selon lui. Il s’agit de l’inventio, la dispositio, l’elocutio, l’actio, la memoria.
L’inventio est la capacité à trouver des idées en fonction d’un sujet donné. Elle
désigne l’étape consistant à rechercher des arguments permettent de convaincre.
La dispositio est l’organisation cohérente des arguments pour en sortir une
argumentation convaincante. Concernant l’elocutio, elle est la mise en mots.
L’actio désigne la façon de rendre le discours, la gestuelle et le langage corporel.
La memoria c’est le souvenir de ce que l’on veut dire.
A la renaissance, la rhétorique fut un accroissement et s’articulait aux
textes d’Aristote. A l’Age classique, elle avait au cœur de sa problématique la
question du style et était centrée sur la question des figures. Le père fondateur de
l’initiative classique est Aristote. Avec Aristote, la rhétorique devient une
technique à part entière parce qu’elle est appuyée sur une éthique qui ne place pas
l’efficacité au premier rang. Elle fut dès son origine une forme, une forme
esthétisante faisant du langage, un langage de persuasion. Elle était un art qui ne
7
cherchait pas à convaincre non pas en s’appuyant sur la raison, mais en « faisant
sensation ». Il l’a perçu comme la faculté de considérer, pour chaque question ce
qui peut être propre à persuader. Sa modernité est historiquement liée à la
Sophistique. Elle a été codifiée par Aristote. Il distingue trois genres de discours
oratoires : le discours délibératif, le discours judiciaire et le démonstratif. La
délibération comprend l’exhortation et la dissuasion. En effet, soit que l’on
délibère en particulier, ou que l’on harangue en public, on emploie l’un ou l’autre
de ces moyens. Le discours délibératif a pour but de persuader ou dissuader, il
s’appuie sur un système de valeurs qui est celui de l’utile et de l’inutile.
Il réfléchit sur des faits futurs puisqu’il persuade ou dissuade de prendre
des décisions. Il relève que la judiciaire comprend l’accusation et la défense : ceux
qui sont en contestation pratiquent, nécessairement, l’un ou l’autre. La cause
judiciaire a pour but de défendre ou d’accuser, elle s’appuie sur le système de
valeurs de ce qui est celui du juste ou de l’injuste. Elle fait référence au passé
puisqu’il s’agit de juger des faits qui se sont accomplis. Le démonstratif ou
épidictique concerne l’éloge ou le blâme. Il a pour but de louer, instruire, blâmer.
Il s’appuie sur un système de celui du noble et du vil, il réfléchit sur des faits
passés ou présents suivant l’objet à blâmer ou à louer. La rhétorique d’Aristote
relève trois espèces à considérer dans un discours : l’orateur, ce dont il parle,
l’auditoire d’où l’éthos, le logos et le pathos. L’éthos vient de la Grèce antique
désigne l’image de soi que l’orateur construit dans son discours pour contribuer à
l’efficacité de son dire. Cela signifie moral, montrer la personnalité morale. Selon
la rhétorique d’Aristote, l’éthos est particulièrement important pour susciter
l’intérêt du public. Ainsi, tout ce que l’orateur utilise comme arguments pour
inspirer la confiance de l’auditoire en se montrant sensé, sincère, c’est la
crédibilité et la similitude avec le public qui constitue l’éthos. Le logos dans la
rhétorique d’Aristote signifie mot, discours, raison. En matière de la persuasion,
le logos est le raisonnement logique derrière les déclarations du locuteur. Le logos
se préfère à toute tentative d’appel à l’intellect, à des arguments logiques. Le
logos est la technique argumentative. Le pathos est mis en exergue dans la
rhétorique d’Aristote par la capacité du locuteur ou de l’écrivain à évoquer des
8
émotions et des sentiments chez son public. Le pathos est associé à l’émotion. Il
appelle à sympathiser avec le public, à stimuler son imagination, le pathos cherche
donc à faire preuve d’empathie avec le public.
Pour Aristote, l’éthos, le logos et le pathos forment la trilogie des moyens
de preuves ou de persuasion, les techniques qui rendent le discours persuasif.
L’origine littéraire de la rhétorique se perçoit chez Olivier Reboul dans son
Introduction à la rhétorique :
9
esprits aux thèses qu’on présente à leur assentiment »6. La définition que laisse
entrevoir le dictionnaire sur l’argumentation, est l’action, l’art d’argumenter, c’est
un ensemble d’arguments tendant à une même conclusion. Dans un article intitulé
Argumentation et analyse du discours de Ruth Amossy et Roselyne Koren, l’on
mentionne la perception de Ducrot. Il dévoile qu’il y’a argumentation lorsqu’un
locuteur présente un énoncé A comme destiné à en faire admettre un autre B. Il
perçoit l’argumentation comme un fait de langue et non de discours, qui intervient
dans la construction d’un sens de l’énoncé. Ducrot désigne l’argumentation
rhétorique étant tout ce qui relève de l’art de raisonner et de persuader par la
parole. Dans la conception rhétorique argumentative, l’argumentation s’articule à
des moyens de persuasion permettant d’amener un auditoire à adopter une ligne
d’action donnée. On distingue 4 stratégies argumentatives : la démonstrative, la
convaincante, la persuasive, la délibérative. Perelman postule que l’objet de la
théorie de l’argumentation est « l’étude des techniques discursives permettant de
provoquer ou d’accroitre l’adhésion des esprits aux thèses qu’on présente à leur
assentiment »7
Toutes ces représentations qui chevauchent, traduisent en effet un des
objets d’étude rationnelle de la rhétorique, d’où le logos. Le logos, tel développe
Michel Meyer dans Que sais-je la rhétorique ? Au chapitre I, page 7, en se
référant à Aristote :
6
Chaim perelman et Lucie olbrechts-Tyteca, Traité de l’argumentation la nouvelle
rhétorique,Bruxelles, Editions de l’université de Bruxelles, 6è editions, 2008, p 13
7
Chaïm Perelman et Lucie Obrechts-Tyteca, Idem, p. 59.
8
Michel Meyer, Que sais-je la rhétorique, Paris, éditions presse universitaire de France,
3èéditions, 2011, p .7.
10
″rhétorique″. La stylistique étant l’étude des conditions verbales et formelles de
littérarité et la rhétorique argumentative tel définit par Ducrot est l’art de
raisonnement et de persuader. Autrement dit, l’étude des conditions formelles,
verbales de la littérarité et l’art de raisonner, de persuader dans ces deux corpus.
Au regard de tout cela, ne serait-il pas idoine de rechercher le lien entre la
stylistique et la rhétorique argumentative dans le décryptage d’un texte littéraire
précisément dans les œuvres susmentionnées ?
Comment la parenté stylistique et rhétorique argumentative contribue-t-elle à la
littérarité de ces romans ?
La résolution de ces interrogations s’organisera à travers la pratique de
certaines théories stylistique et argumentative. La théorie est un principe ou une
règle qui fonde la connaissance rationnelle, elle est peu opposée à la pratique. Son
application s’oriente à la pratique. Les différentes théories sollicitées pour le
travail sont : la théorie structurale de Leo Spitzer, la théorie de l’affectivité de
Charles Bally, la théorie structurale de Michael Riffaterre. La théorie de Leo
Spitzer est une méthode intuitive. Il s’agit d’une méthode d’interprétation. Il a
conçu une critique sur l’œuvre fondée sur l’étude des caractères stylistiques de
l’œuvre. Ses activités sont exercées dans plusieurs domaines, en particulier la
sémantique. Cette théorie s’appréhende à celle de Marcel Cressot. La théorie de
Riffaterre est une méthode objective. Riffaterre rejette en partie la stylistique de
Charles Bally et de Léo Spitzer. Sa stylistique relève d’une stylistique de la
Réception des textes. L’analyse selon Riffaterre est purement linguistique, elle ne
met pas en valeur les unités stylistiques. Ainsi, la démarche consiste à ramener la
description au plan stylistique, d’étudier le langage en effectuant un décodage. La
théorie de Charles Bally étudie les faits d’expression du langage du point de vue
de leur contenu affectif c’est-à-dire « L’expression des faits de la sensibilité par le
langage et l’action des faits du langage sur la sensibilité ».9
En stylistique, les théories et méthodes d’analyses sont nombreuses.
Etant donné que le sujet traite de la stylistique en général donc toutes les théories
stylistiques sont sollicitées. Tout comme en rhétorique argumentative, le
9
Charles Bally, Op.cit., p.40.
11
traitement s’effectuera en se penchant sur Perelman qui en est l’un des piliers de
cette néo rhétorique et par d’autres théories. Ces différentes théories, méthodes
stylistique et rhétorique argumentative nous permettront d’analyser l’ancrage
stylistique et rhétorique, d’établir le lien entre ces deux disciplines. Ces théories
participent à la résolution de notre problématique et au traitement de notre sujet
car elles permettront de mieux cerner les contours de la stylistique et la rhétorique
argumentative, aussi pour un décryptage littéraire. On suppose qu’établir le
rapport entre la stylistique et la rhétorique argumentative permettra de dégager la
littérarité de ces deux corpus, Le Paradis français et L’état z’héros de Maurice
Bandaman.
12
PREMIÈRE PARTIE :
13
Cette première partie vise à faire un éclaircissement théorique de la
stylistique et de la rhétorique argumentative. Il s’agit pour nous de présenter ces
deux modèles de compétence textuelle en mettant en relief leurs histoires et leurs
démarches méthodologiques. Ainsi, le chapitre dédié à la stylistique servira à
dégager les grandes théories stylistiques. Ce chapitre est une lucarne quant à la
perception de la stylistique du point de ses théories, de sa démarche et de son
objet d’étude. Pour ce qui sera de la rhétorique argumentative, elle se subdivisera
en deux points nodaux : d’abord son histoire et sa démarche méthodologique et
enfin son investissement pragmatique.
14
CHAPITRE 1 : LES GRANDES THÉORIES STYLISTIQUES
Les théories stylistiques de l’émission sont celles qui ont pour point focal
d’investigation l’émetteur- locuteur. On relève deux grandes théories à savoir : la
théorie stylistique de l’affectivité chez Charles Bally et la stylistique
herméneutique de Léo Spitzer.
10
184901248-An3-4-stylistique-II-Muraret-1-1.
15
La nouvelle stylistique telle pensée vise à propos à décrire tous les moyens
d’expression de l’affectivité dans le système de la langue excluant ainsi toute
référence à la littérature. Elève et successeur du linguiste Ferdinand de Saussure à
la chaire linguistique générale de l’université de Genève, Charles Bally érige
l’objet stylistique au recensement des ressources stylistiques et des moyens divers
que dispose la langue pour exprimer une idée ou une émotion. Considéré comme
le père fondateur de la stylistique moderne et initiateur de la stylistique de
l’expression, Charles Bally présuppose un degré zéro d’expression par rapport
auquel les segments affectifs constituent un écart. Il définit l’étude stylistique à la
description des faits d’expression du langage du point de vue de leur contenu
affectif et la manière dont la langue exprime l’affectivité d’où l’élimination du
littéraire. Charles Bally considère à cet effet le langage comme un système de
moyen d’expression dont chaque procédé est censé produire un effet sur le
récepteur. L’une des préoccupations de Charles Bally était d’éliminer l’aspect
littéraire dans l’analyse stylistique. Cela se comprend mieux avec Karl Cogard
dans son ouvrage Introduction à la stylistique :
11
Karl Cogard, Introduction à la stylistique, Paris, Flammarion, 2001, p.27.
12
Charles Bally, Traité de stylistique française, Paris, Klincksieck, 3èéditions, 1909, p. 53.
16
Fixer les rapports qui s’établissent entre la parole et la pensée chez le sujet
parlant en entendant : la stylistique étudie la langue dans ses rapports avec la vie
réelle, c’est-à-dire la pensée qu’elle y trouve exprimée est presque toujours
affective de quelques manière 13
Il met en lumière les facettes que dégage le langage dans l’étude des faits de
sensibilité. Il en résume par ces propos :
Ces deux faces que sont la face intellectuelle et la face affective sont les
composants du langage que relève Charles Bally. L’une des faces ne peut être
détachée de l’autre, elles sont consubstantielles. La stylistique linguistique de
Charles Bally permettrait donc à partir de ces facettes d’éclaircir les éléments
affectifs et d’analyser leur valeur. Ce pourquoi elle reposait sur les deux principes
que sont : la mise à l’écart des tendances normatives et la mise à l’écart de l’art de
l’écrivain, de la littérature et du texte littéraire.
On assiste alors à une division de la stylistique avec Bally, une stylistique
interne et une stylistique externe ou comparative. Ces deux unités stylistiques
permettent à dégager les caractères expressifs d’une langue. La stylistique interne
cherche pour sa part à fixer les rapports qui s’établissent entre la parole et la
pensée chez le sujet parlant ou entendant. Il la définit comme l’étude la langue
dans ses rapports avec la vie réelle, c’est-à-dire que la pensée qu’elle trouve
exprimé est presque toujours affectée de quelques manières. Charles Bally
accorde une place importante à la stylistique interne. L’une des tâches importantes
de cette stylistique est de découvrir les germes du style qui se trouvent cachés
dans la langue parlée dans les formes courantes du langage. Elle met ainsi en
lumière tous les contours de la linguistique. Quant à la stylistique externe ou
13
Karl Cogard, Idem, p.28.
14
Ibidem
17
comparée, elle est fondée sur la confrontation des systèmes expressifs de deux ou
plusieurs langues. Il s’agit d’identifier le système et les différentes ressources. Elle
correspond à trois plans. Le premier plan s’actualise sur l’ensemble des signes à
première vue dans leur sens dénoté ; le deuxième relève les unités, les indices
soumis à la confrontation. Le troisième plan enfin correspond au message qui ne
relève pas de la langue mais à un caractère individuel. Celui – ci relève de la
parole.
Par ailleurs, la théorie de l’affectivité de Charles Bally diffère de celle de Léo
Spitzer. C’est pourquoi, il serait judicieux de voir les contours cette théorie.
18
Les théories stylistiques de la réception ont pour point d’ancrage les
travaux de Jules Marouzeau et de Marcel Cressot. Ces théoriciens ont fondé une
stylistique littéraire où l’analyse s’oriente sur tous les compartiments de la langue.
Ce qui s’actualise sur la réception. Ils sont considérés comme les pionniers des
théories stylistiques littéraires. A leur suite, plusieurs stylisticiens vont s’y mettre
afin de la renchérir. La théorie de la réception s’oppose à celle de Bally. Elle
incorpore de nouvelles méthodes d’analyse dans les champs d’étude stylistiques.
À la suite de la stylistique de la langue de Charles Bally, Marcel Cressot, Jules
Marouzeau et Leo Spitzer ont œuvré à la réhabilitation du texte et de la littérature
au milieu du XIXè siècle comme seul domaine d’étude de la stylistique.
19
fonctions du langage : la fonction référentielle, la fonction phatique, la fonction
métalinguistique, la fonction expressive, la fonction expressive, la fonction
conative, la fonction poétique. Parmi ces fonctions, l’on observe une influence de
la fonction poétique dans la perceptive de Riffaterre qui, quant à elle, s’actualise
sur le message. Il ressort que l’analyse littéraire chez Riffaterre s’appréhende à la
poétique qui laisse entrevoir pour objet d’étude les éléments de fonctionnalité
d’un texte à caractère littéraire, c’est-à-dire la littérarité. La démarche de Michael
Riffaterre est objective. Sa méthode obéit à certaines règles structuralistes telles
que ces structures répondent à des fonctions définies par la nature de
communication et de variables telles que l’émetteur, le récepteur, le véhicule, le
code et la référence ; la nature de chacune, dans ses rapports avec les autres,
commande des emplois dans chaque cas spécifique et dont la spécificité engendre
l’effet de style. Que les effets de style ont une double source : la structure
(pragmatique) du système d’où ils tirent leurs valeurs potentielles et la structure
(syntagmatique) du texte qui s’actualise telle ou telle de ces valeurs. Il s’agit
d’une analyse fondée sur les éléments du texte pour constituer une structure du
texte.
20
A la différence des autres théoriciens de la stylistique littéraire, Georges Molinié
considère le texte expérimental comme une unité de discours littéraire et
repositionne sa littérarité non plus du côté de sa structure interne mais du côté de
sa réception en termes de régime plus ou moins fort, plus ou moins haut de
littérarité. Selon Georges Molinié, « il n’est pas d’objet littéraire, il n’y a donc pas
de littérarité mais qu’il y a littérarisation, dans des conditions particulières de
réception.15» Cette théorie devrait aboutir à une pensée de la jouissance esthétique
ressentie à réception comme un modèle de pensée du littéraire comme littéraire.
Georges Molinié propose pour cela trois formes générales de littérarité. Il s’agit de
la littérarité générale, de la littérarité générique et de la littérarité singulière. Pour
pouvoir construire une typologie des textes littéraires selon ces trois types de
littérarité, Georges Molinié conçoit des combinaisons stylématiques mise en jeu.
Selon lui, il existe des faisceaux de prévisibilités déterminatives nommés
« stylèmes » pour chacune des masses de production littéraire réalisées.
15
Georges Molinié, Sémiostylistique, effets de l’art, Paris, PUF, 1èédition, 1991, p.91.
21
CHAPITRE 2 : HISTOIRE ET DÉMARCHE MÉTHODOLOGIQUE DE
LA RHÉTORIQUE ARGUMENTATIVE
I. LA RHÉTORIQUE ANTIQUE
1. La rhétorique grecque
22
de la rhétorique était d’être un art oratoire, celui de la manipulation des esprits. La
rhétorique s’appréhende à un art d’ornement au service du beau. Ils s’intéressaient
à l’analyse rationnelle des situations des caractères, des lieux, des évènements,
l’analyse du langage en tant moyen de persuasion. Le sophiste a pour but de
donner délibérément à l’erreur l’apparence de la vérité partant dédaigné et
méprisable et serve à designer les raisonnements faux. Il désigne une personne
utilisant des sophismes, des arguments ou des raisonnements spécieux pour
tromper ou faire illusion. Dans la Grèce Antique, le sophiste apparaissait à
l’origine comme un orateur ou un professeur de l’éloquence prestigieux par la
maitrise du discours. Platon s’opposait à leur démarche. Il estime que n’ayant en
vue que la persuasion d’un auditoire, que ce soit dans les lieux publics, les
sophistes développent des raisonnements dont le but est uniquement l’efficacité
persuasive et non la vérité.
Ces raisonnements contiennent par ailleurs des imperfections à première
vue. Le sophisme, dans sa démarche, met en lumière les types de discours et les
modes d’expression les plus à mêmes de convaincre l’auditoire. Le Sophiste
s’intéressait plus à l’analyse rationnelle des situations, des caractères, des lieux,
des évènements. Mais aussi à l’analyse du langage en tant que moyen de
persuasion. Dans son processus d’analyse, il n’avait pas de limites, il touchait à
tout ce que lui parait favorable pour mettre en exergue leur talent. C’est ainsi,
Protagoras, l’une des grandes figures du sophisme développera l’art de l’éristique
ou de la controverse. On note que les sophistes ont fait reposer la rhétorique en
tant qu’art du discours persuasif. Les sophistes ont utilisé la rhétorique dans le
sens de la persuasion certes, mais :
16
Olivier Reboul, Op.cit., p.21.
23
Si les sophistes ont toutefois loué la rhétorique au vu de son pouvoir,
Aristote l’apprécie pour son utilité. Avec lui, la rhétorique n’est plus cette science
de la persuasion, elle devient plutôt ce moyen d’argumenter à l’aide de notions
communes et d’éléments de preuve rationnels afin de faire admettre des idées à un
auditoire. Aristote la redéfinit relativement à sa capacité qu’elle a de
communiquer les idées. Selon la définition donnée par Aristote « La rhétorique
est la faculté de considérer pour chaque question, ce qui peut être à persuader17 .»
Ainsi la rhétorique se laisse –t-elle adapter au flou des échanges humains dont la
plupart reposent sur des bases incertaines. Il fonda par ailleurs une rhétorique
codifiée basée sur la logique des valeurs. Cette « nouvelle rhétorique » ne
recherche que le vraisemblable et se définit dans le cadre des possibilités
argumentatives entre les parties.
2. La Rhétorique romaine
17
remacle.Org/bloodwof/philosophes/rheto.htm.
24
choix compétents, delibérés et apppropriés.18 » Aussi, il faut reconnaitre à Cicéron
d’avoir faire l’examen complet des parties de la rhétorique. Son ouvrage La
Rhétorique à Herennicus fut à l’époque utilisé comme le manuel de base de la
rhétorique parce qu’il présentait en détail et de manière formelle le système
rhétorique. Son authenticité réside dans ses réflexions sur le goût et le style.
Quintilien, l’une des figures emblématiques de l’histoire de la rhétorique romaine,
commença sa carrière comme plaideur dans un tribunal avant de devenir
professeur. Il est reconnu comme ayant placé la rhétorique en tant qu’une science
fondamentale. Les études de Quintilien tentaient de décrire non seulement l’art
rhétorique mais aussi la formation de l’orateur parfait comme un citoyen
politiquement actif et soucieux de la chose publique. Dans son ouvrage Institutio
Oratoria, Quintilien montre en effet à partir de XII livres l’organisation nécessaire
des études rhétoriques qu’un futur orateur doit suivre. Quintilien retrace la
formation pédagogique de l’orateur depuis son enfance jusqu’à son ascension
sociale.
1. La rhétorique classique
18
Ruth Amossy, Argumentation dans le discours, Paris, Armand colin, 2006, p.85.
25
2. La rhétorique moderne
26
La rhétorique argumentative est fondée sur « le logos » et se donne comme une
sémantique. Tel développé par Michel Meyer dans Que sais-je la rhétorique ? au
chapitre 1. page 7, il s’appréhende au discours, une affaire de rationalité de
langage. Ainsi, il mentionne que « le logos subordonne à ses règles propres à
l’orateur et l’auditoire : il persuade un auditoire par la force de ses arguments ou
il plait à ce même auditoire par la beauté du style et émeut ceux auxquels il
s’adresse 19 »
Dans la rhétorique, l’histoire des genres a été évoquée par Aristote. Il situe ces
genres à trois niveaux. On distingue le genre démonstratif ou épidictique, le genre
judiciaire et le genre délibératif. Cette distinction de genre est mise en lumière à
travers les périodes de temps, aux classes d’auditeurs et aux objectifs. Ces
différents genres déterminent une catégorie de pratique définie par le niveau des
thèmes traités.
19
Michel Meyer, Que sais-je la rhétorique, Paris, éditions presse universitaire de France,
3èéditions, 2011, p.7.
27
Le genre démonstratif ou épidictique fait l’éloge ou le blâme d’une personne et
qui a pour fin le beau. Ce genre est un discours persuasif dont le motif se définit
par les lois du bien et du mal, du beau et du laid. Il porte sur une personne qu’il
vient à louer ou à blâmer par rapport à ses actions commises. L’objet et l’objectif
de l’éloge et du blâme sont de distinguer ce qui est vertueux et ce qui ne l’est pas,
ce qui est honorable et ne l’est pas, ce qui est beau et ne l’est pas. Le genre
démonstratif procède par une amplification ou atténuation selon les valeurs
présentées. Le démonstratif porte sur le présent puisque l’orateur se propose à
l’admiration des spectateurs ou des lecteurs tout en recherchant ses arguments du
passé et de l’avenir.
Le genre judiciaire s’adresse au juge et vise l’accusation et/ou la défense
et qui a pour fin le juste. C’est le genre du passé, puisque c’est sur des faits
accomplis que porte l’accusation ou la défense. L’on parle au passé en vue
d’accuser ou de défendre avec les valeurs du juste et de l’injuste. Le judiciaire a
pour instrument principal le syllogisme rhétorique.
Le genre délibératif vise au politique et son objectif est de pousser à la
décision et à l’action et qui a pour fin le bien. L’orateur délibératif vise à
conseiller son auditoire de ce qui est préférable ou à le dissuader de ce qui est pire.
Ce genre vise à solutionner toutes les questions préoccupantes qui touchent la vie
en société. Il est établi sur les règles de l’utile et du nuisible. Il évalue les
différentes propositions et en retenir celles qui sont nécessaires et faisables pour
les individus. Le genre délibératif porte sur le futur puisque l’orateur envisage les
enjeux et conséquences futures de la décision de l’objet et du débat. Le délibératif
part de l’exemplification à partir des faits passés. Ici, l’orateur s’adresse
généralement à un public plus mobile et moins cultivé d’où l’argumentation par
les exemples pour une meilleure compréhension.
Les types d’arguments sont les éléments qui répondent avec efficacité à
la dimension argumentative du discours ou du texte littéraire. Il s’agit de la triade
rhétorique qui est constituée de l’Ethos, du Pathos et du Logos.
28
Issue de la rhétorique grecque et exemplifié par Cicéron, l’éthos est lié à
l’argumentation littéraire et reste une technique discursive incontournable dans
l’art de persuader. Il désigne foncièrement l’image de soi plus ou moins
consciente que l’énonciateur construit dans son discours. Ruth Amossy souligne à
cet effet que l’éthos est « l’image de soi que le locuteur construit dans son
discours pour exercer une influence sur son allocutaire. 20 » L’éthos correspond
ainsi à la personne du locuteur imbibée dans la matérialité textuelle dans le but
d’exercer un acte persuasif sur le récepteur du discours. Il fait office des qualités,
des valeurs que l’orateur projette de lui dans son discours afin d’attirer la
confiance de son auditoire. Il désigne en cela la représentation de l’orateur censée
inauguralement garantir sa crédibilité, son authenticité, et sa sincérité chez son
auditoire. Dans une démarche littéraire argumentative, la perception de l’éthos se
lit à travers l’énonciateur, le destinataire et le discours lui-même du point de vue
de sa forme et de son contenu.
Si l’éthos est considéré comme une preuve rhétorique liée à l’orateur, le
pathos, quant à lui, est celle destinée à l’auditoire. Olivier Reboul écrit que le
pathos « c’est l’ensemble des émotions, des passions, et sentiments que l’orateur
doit susciter dans son auditoire grâce à son discours.21 » Ainsi, le pathos n’est rien
d’autre que l’ensemble de moyens verbaux qui visent à persuader l’auditoire en
faisant appel à ses émotions, à sa sympathie et à son imaginaire. Il est de cela une
persuasion qui consiste « à produire chez l’auditoire ou le destinataire des
sentiments qui le prédisposent à partager le point de vue de l’orateur. ». Le pathos
est consubstantiel à l’émotion facilitant ainsi l’acte de la persuasion dans une
argumentation. Il se lie aux sentiments que le locuteur suscite dans l’esprit de
l’auditoire.
Le logos correspond à la rationalité dans le discours. Il est une persuasion
qui se fait par le raisonnement. Dans ce type de preuve, l’orateur ou celui qui parle
ne cherche qu’à persuader à travers la clarté de son message et la logique de son
raisonnement. Ici, l’argumentation reste dépassionnée et est soumise au test de la
20
Ruth Amossy cite par Patrick Charaudeau et Dominique Maingueneau, Dictionnaire d’analyse
du discours, Paris, Edition seuil, 2002, p. 238.
21
Olivier Reboul, Op.cit., p.60.
29
logique. Il peut s’agir d’arguments de divers ordres. L’énonciateur peut s’appuyer
sur des arguments de vérité absolue. C’est l’exemple de l'enthymème rhétorique
dont les deux prémisses sont d’une logique indiscutable et la conclusion,
irréfutable. Parfois, il peut faire recours à des arguments de valeurs. Ce sont des
arguments qui se réfèrent à un système de valeurs communément admis dans une
communauté d’hommes raisonnables. Dans un autre cas, c’est l’expérience qui
constitue le moteur de la persuasion. Cette fois, l’argumentation est relative à
l’observation et l’expérience de certains faits sociaux. L’acte de persuasion
découlera de leur mise en valeur à travers l’exemplification. Ainsi, la persuasion
par le logos reste liée essentiellement à l’intellect de celui à qui est adressé le
discours.
Les topos ou les lieux perçus par Georges Molinié comme le concept le plus
important rhétorique relèvent la manière dont on découvre les arguments. C’est un
cliché que la linguistique moderne a structuré comme figures de style. Les lieux
traduisent les preuves techniques de l’argumentation, elles concernent la
recherche de l’orateur, de tous ses moyens qu’il met en relief pour la persuasion
de son discours. Leurs appartenances dans la rhétorique s’actualisent sur
l’ensemble du texte ou du discours et non sur une sentence. C’est aussi ce que
George Molinié a nommé les figures macrostructurales.
30
tortue et les serments. Quant aux preuves intrinsèques, elles sont créées par
l’orateur dans le cadre de l’amplification d’un détail biographique. Avec Jean-
Jacques Robrieux, on les classe en deux catégories, l’exemple au sens large
d’argument inductif et l’enthymème au sens de syllogisme.
31
CHAPITRE 3 : L’INVESTISSEMENT PRAGMATIQUE DE LA
RHÉTORIQUE ARGUMENTATIVE
1. Les présupposés
32
contenu présupposé s’opère sur le sens littéral de l’énoncé et a pour tâche
d’assigner des valeurs référentielles et argumentatives au contenu littéral. Les
propositions présupposées font partie de la structure linguistique de l’énoncé et
sont autant de conséquences automatiquement entrainées par leur énonciation. La
présupposition se comprend à partir de la loi selon laquelle parler d’un fait X à un
auditeur Y cela peut vouloir dire, dans certaines situations qu’il y a un intérêt à ce
que Y soit au courant de X. Elle implique donc des données antérieures comme
acquis dans le champ des consciences. Pour mieux la comprendre prenons
l’exemple-type d’Oswald Ducrot « Pierre a cessé de fumer ». Cet énoncé signifie
au sens littéral : un arrêt de consommation du tabac par Pierre, mais également
présuppose que pierre fumait. On dira donc qu’un énoncé en présuppose un autre
si la vérité de ce dernier est la précondition de la vérité du premier.
2. Les sous-entendus
Les sous- entendus concernent, quant à eux, « toutes les informations qui
sont susceptibles d’être véhiculées par un énoncé donné, mais dont l’actualisation
reste tributaire de certaines particularités du contexte énonciatif, selon les
circonstances de son énonciation. 25» Le contenu sous- entendu s’opère en effet
sur le sens littéral de l’énoncé combiné aux circonstances de l’énonciation. Il se
détermine à partir des effets de sens que laissent percevoir un énoncé. Ces effets
de sens sont déterminés par la combinaison des circonstances d’énonciation et des
lois du discours que le locuteur laisse ou donne à entendre. Les sous- entendus
font partie, à la différence des présupposés, de l’énonciation en tant qu’acte. Ils
sont dérivés par un processus interprétatif au cours duquel l’acte d’énonciation se
lit selon la formule « si elle ou il me dit (énoncé littéral X), X reçoit une
interprétation de type : c’est qu’elle ou il veut me dire quelque chose d’autre. » ils
résultent donc d’une combinaison d’informations internes (issues de l’énoncé) et
d’informations externes (issues du contexte avec ses diverses composantes). Si
l’on prend pour exemple une réponse évasive telle que :
25
Catherine Kerbrat, Idem,p.39.
33
Locuteur 1 : A quelle heure rentreras- tu ?
Le locuteur 2 laisse simplement entendre qu’il n’est pas en mesure de donner plus
de précisons. Par de là, il fait comprendre au locuteur 1 qu’il n’a pas de compte
précis à lui rendre.
34
« dire ». Cette théorie fut reprise et systématisée par John Ray Searle d’abord
Speech acts en 1969, traduit en français par Les actes de langage puis dans
Expression and Meaning en 1979, traduit en francais par Expression et Sens. John
Searle insiste dans ces ouvrages sur la nécessité de différencier les actes
illocutoires qui correspondent aux différentes actions que l’on peut réaliser par les
moyens langagiers, des forces ou valeurs illocutoires qui, quant à elles,
correspondent aux composantes d’un énoncé qui lui permettent de fonctionner
comme un acte particulier et des verbes illocutoires qui sont des unités lexicales
permettant dans une langue donnée de présenter les différents actes.
26
Claire Stolz, Initiation à la stylistique, Paris, Ellipses, p.45.
35
un autre de nature différente destiné directement à son allocutaire. John Austin a
proposé une classification pour les différentes valeurs illocutoires que peut relever
un énoncé. Il distingue cinq grandes classes. Les verdictifs, qui révèlent d’une
condamnation. Les comportatifs, qui expriment une attitude du locuteur à adopter
envers la conduite antérieure de quelqu’un. Les exercitifs, qui formulent un
jugement favorable ou non, une conduite préconisée. Les promissifs, qui visent à
obliger le locuteur à adopter une certaine conduite. La classe des expositifs, est
utilisée pour exposer une idée, de clarifier l’emploi de mot et conduire une
argumentation.
La troisième catégorie est l’acte perlocutoire. C’est l’acte d’effectuer par le fait de
dire quelque chose. Il renvoie à l’effet produit par l’illocution et est destiné à faire
agir le destinataire du monde. Ainsi, chaque énoncé dans un contexte
d’énonciation donné peut produire certains effets perlocutoires sur le destinataire
tels celui de le convaincre, de l’embarrasser, de l’influencer ou de lui plaire.
36
rhétorique argumentative. Au parcours détaillé de la stylistique, nous avons pu
relever, à partir des grandes théories stylistiques, une vision lucide des deux blocs
fondamentaux de l’étude stylistique. Il s’agit notamment de la stylistique de
l’émission et la stylistique de la réception.
Quant à l’étude rhétorique, elle a concerné tout d’abord à l’histoire de la
rhétorique puis à la démarche méthodologique de la rhétorique argumentative.
Pour ce qui a concerné l’histoire de la rhétorique, nous sommes allés, à partir une
courbe historiographique, de son apparition dans les agoras de Sicile à sa nouvelle
orientation argumentative à l’époque contemporaine. En ce qui a été de la
démarche méthodologique de la rhétorique argumentative, nous avons présenté en
premier lieu ses fondements à partir de ses grands genres, de sa trilogie
fondamentale ethos- pathos-logos et de ses preuves topiques. En second lieu,
l’étude s’est intéressée à l’investissement pragmatique de la rhétorique
argumentative en tant qu’un discours d’action visant à agir sur l’auditoire.
L’analyse a révélé un rapprochement entre les usages pragmatiques et la
rhétorique argumentative. Ce parcours a pu démontrer qu’argumenter c’est aussi
posé un acte, implicite ou explicite de persuasion.
37
DEUXIÈME PARTIE :
ANALYSE STYLISTIQUE DE « LE PARADIS FRANÇAIS ET DE L’ETAT
Z’HEROS DE MAURICE BANDAMAN.
La deuxième partie de notre rédaction porte sur l’analyse stylistique dans « le
Paradis Français et l’Etat Z’héros » de Maurice Bandaman. Elle concerne une
description stylistique à partir de certains postes d’analyse stylistiques. Elle vise à
faire ressortir tous les effets de style comme écart ou libération des contraintes
38
linguistiques et à les concilier à l’expression rhétorique dans sa dimension
argumentative. L’enjeu étant immense, nous porterons notre regard sur le choix de
certains paradigmes de signifiance afin de prouver la portée de ces textes- corpus.
L’étude s’appuie notamment sur les ressources stylistiques et certains outils
d’analyse stylistique. Elle s’organisera autour des postes d’analyse stylistiques.
L’analyse par les postes traduit en effet la démarche de la stylistique dans
l’optique d’en dégager la littérarité de ces corpus. Cette étude se subdivise en trois
chapitres. Chaque chapitre sera dédié à un poste d’analyse stylistique.
Ainsi, nous procèderons d’abord par l’analyse des manifestations langagières du
système figuré au chapitre 4, ensuite au chapitre 5, l’accent sera porté sur l’étude
du matériel lexical et enfin, quant au chapitre 6, il s’attèlera à l’évaluation des
différentes manifestations du système énonciatif dans ces deux romans.
39
expressivité particulière au propos. L’analyse que nous établissons vise à montrer
comment le locuteur aligne sa réflexion d’un niveau stylistique à sa visée
argumentative, celle d’un discours persuasif. C’est donc cette démarche dévoilée
qui permet au discours d’avoir une portée argumentative qui est recherchée. Cette
approche tend à limiter la portée de l’analyse à sa valeur qui est la littérarité. Les
figures de style constituent un champ varié, on assiste avec Georges Molinié à la
répartition des figures en deux grandes catégories, les figures dites
macrostructurales et les figures dites microstructurales. En nous appuyant sur le
système figuré proposer, nous exemplifierons ces corpus en mettant en relief
l’intentionnalité de l’auteur. Ainsi, l’analyse stylistique de ces figures à visée
argumentative s’organise autour des grilles des figures macrostructurales et les
figures microstructurales.
27
Georges Molinié, La stylistique, Paris, PUF, 1997, p.
40
véhiculer le locuteur. On souligne les figures telles l’hyperbole, la litote,
l’euphémisme, l’ironie.
La troisième catégorie concerne l’amplification. Cette catégorie relève la
périphrase, la paraphrase, l’exploition.
Quant à la quatrième catégorie, elle correspond aux figures d’opposition.
Elles jouent sur la contrariété sémantique de l’énoncé. On a la prétérition,
l’oxymore, l’antithèse, le paradoxe.
La cinquième catégorie englobe les figures de description. Ce sont des
figures dont l’effet et la finalité s’orientent à l’expression du pittoresque, du
naturel et de l’authentique. On a la personnification, l’allégorie, la description.
Les figures macrostructurales examinées dans ces deux œuvres
s’organisent pour l’essentiel autour de trois figures majeures : l’allocution, les
figures quantitatives et les figures descriptives.
1. La figure de l’allocution
L’allocution est une figure dans laquelle l’on établit une relation d’interlocution
fictive ou réelle.
« Peuple de Sossou
Voici ton roi !
Il t’est offert par Dieu,
Le père généreux,
Qui a vu ta souffrance,
Entendu tes lamentation,
Ecouté tes supplications
Il est donc venu,
Le fils roi,
Le roi de la liberté,
Le roi de la vérité
Suivons-le,
Il nous sauvera de notre longue misère !
Regardez-le !
Il nous est né, le sauveur de la nation !
Le voici !
Fier et glorieux !
A sa suite, marchons sans peur
Et sans crainte
41
Le bonheur est là !28
Les corpus d’étude sont appuyés sur une variété de figures de style pour
l’exposition des faits historiques. Cette exposition des différentes situations se
présente à travers certaines figures quantitatives. L’hyperbole est une figure de
style qui consiste à mettre en relief une idée au moyen d’une expression qui la
dépasse. Elle consiste en exagération des faits présentés ou décrits. Pierre
Fontanier en précise le rôle en ces termes :
L’hyperbole augmente ou diminue les choses avec excès, et les présentent bien
au-dessus ou en dessous de ce qu’elles sont, dans le but, non de tromper, mais
d’amener à la vérité même, et de fixer, parce qu’elle dit incroyable, ce qu’il faut
réellement croire29.
Il faut dire que l’hyperbole repose souvent sur une métaphore. Elle se lie en partie
à la volonté du narrateur d’exprimer le concret à travers le grossissement
d’éléments de son récit. Dans les corpus à étude, cette technique d’exagération, de
grossissement et d’amplification est courante. Comme en témoigne les passages
suivants :
28
Maurice Bandaman, L’Etat Z’Heros ou La guerre des gaous, Abidjan, Editions Michel Lafon,
2016, p.45.
29
Pierre Fontanier, Les figures du discours, Paris, Flammarion,1821,p .23
30
Maurice Bandaman, op.cit.,p .36.
42
Dans cet extrait, l’on aperçoit le processus hyperbolique à travers la phrase :
« Nanan Zeu, le président de la république, notre dieu sur terre, au pouvoir depuis
sept cent soixante-sept ans, pris la menace très au sérieux ». L’on remarque, en
effet, une exagération en ce qui concerne la durée du pouvoir de Nanan Zeu en
occurrence « sept cent soixante-sept ans ». Cela parait utopique quand on sait
qu’un homme ne pourra jamais atteindre une telle longévité. Par ailleurs, l’on
pourrait déduire que le narrateur, à travers cette allégation, fait la critique du règne
des dirigeants africains particulièrement ceux de l’Afrique de l’ouest qui s’arc-
boutent au pouvoir présidentiel. Le règne de Nanan Zeu s’assimile à cet effet, au
règne du premier président ivoirien qui a duré au pouvoir pendant des années et
seulement la mort qui mit fin à son règne.
Ce processus d’amplification du contenu informationnel se lit
éloquemment dans Le paradis français à travers :
J’ai
senti comme une flamme vive descendre le long de ma gorge,
me bruler la poitrine, répandre de mes entrailles des braises
ardentes 31
31
Maurice Bandaman, Le paradis français, Op.cit., p.7.
32
Maurice Bandaman, Idem, p.108.
43
La personnification porte ici sur le syntagme « sa robe taillée » attribué à la lexie
« Paris ». On sait pertinemment que le sémème de la lexie « Paris » ne comporte
que les sèmes allotropiques de /Ville// Capital de la France// Considérée par
certains touristes comme la belle ville du monde/ n’incorpore pas un sème
assimilateur à un être humain ou animalier. On déduit donc son association au
syntagme attributif « sa robe taillée » dont le champ sémantique est lié à l’homme
d’incompatible. A travers cette association illogique, l’énonciateur affecte
désormais le sème d’/une chose taillée sur mesure dont la splendeur ne laisse
personne indifférent/ à la lexie « Paris ». Mira traduit ainsi son admiration à
l’égard de cette ville enchanteresse.
La personnification reste visible dans le récit initiatique de Kanégnon
dans la forêt sacrée :
Elle porte dans l’énonciation sur le syntagme « le ventre de la nuit ». Le sémème
de la lexie « ventre » se compose des sèmes suivants : / Organe humain ou
animalier//situé au centre du corps//entre le nombril et la poitrine/. Quant à celui
de « nuit », il rassemble les sèmes : /durée//période//entre le coucher et le lever du
soleil//obscurité/. L’association des lexies « ventre » et « nuit » permet d’affecter
le sème de l’homme contenu dans « ventre » à « nuit » qui, lui, n’en contient pas
initialement. En d’autres termes, la lexie « nuit » relève désormais de l’isotopie de
l’homme. Cette association met en évidence le caractère mystique et mystérieux
de Kanégnon qui s’adonne à une partie de chasse en plein cœur de la forêt et tard
dans la nuit.
44
Elles sont isolables sur des éléments précis du discours, disparaissent ou se
modifient si l’on change les éléments formels. Pour la bonne démarche de
l’analyse nous nous abstiendrons de certaines d’entre elles et n’en retiendrons que
les figures de répétition fondées sur la continuité phonique, les figures de
construction impliquant la répétition lexicale et les figures de sens ou tropes.
Page 67 : « si je veux devenir écrivain, c’est pour lui rendre hommage »
L’allitération s’établit dans ces passages par la reprise des consonnes instantanées
et continues /c/, /p/, /t/ et de la consonne soutenue /v/. En employant les
consonnes brusques, Mira y exprime la dureté de ses afflictions. Quant à l’usage
de la consonne soutenue /v/, elle permet à Mira d’y exprimer son espérance.
Par ailleurs, l’assonance est descriptive comme on le voit dans : « l’avion atterrit
à l’aéroport de Léonard de Vinci de Rome ». Elle est fondée sur la répétition de la
45
voyelle orale /a/. Par l’usage de cette voyelle, Mira exprime la rapidité de son
voyage.
Page 69 : « et puis, moi, je suis communiste, vous savez, et je ne suis pas contre
la présence des Noirs en France. J’aime les Noirs, moi ! Je ne suis pas avec Le
Pen, moi ! Car il y a des communistes, des socialistes et des gaullistes qui sont
avec Le Pen.»
Page 145 : « il me conduit dans une chambre de la maison ou se trouve une
table basse, s’entreposent des ustensiles de cuisine, des cartons d’assiettes, des
serviettes, des fourchettes et des cuillers.»
34
Maurice Bandaman, Op.cit., p.50.
46
des armes blanches. Dans L’Etat Z’héros, l’homéotéleute est abordée au passage
suivant :
47
Cet énoncé met en relief le paradoxe. Le paradoxe nait de ce que Kanégnon en
présentant ses capacités de défense aux yeux de ses ennemies ne souhaite jamais à
s’en servir. Or, la logique (la doxa) veut que l’on utilise ses forces face à ses
ennemies. La violation d’une telle logique situe le discours de Kanégnon dans une
persuasion. Ses propos visent à dissuader ses ennemies de l’usage de la force pour
la résolution d’une situation de guerre.
Aussi, préfigurent les figures de la répétition qui permettent de construire
le discours sur une réitération partielle. On note dans ces textes- corpus la
présence de l’anaphore, de l’épiphore et du symploque. L’anaphore qui
s’appréhende à la répétition d’un mot ou groupe de mots en début de phrase, ou
d’un vers s’identifie à l’extrait suivant dans L’Etat Z’héros :
48
Y aaa un jour pour les rois
Les figures de sens ou les tropes sont des figures portent sur le sens des
mots. Dans l’argumentation, la présence des tropes apporte au discours sa valeur
pragmatique. Ces figures donnent au discours une dimension performative en lui
attribuant un caractère de transitivité et d’intransitivité à travers ses connotations
morales et de ses présupposés idéologiques. On distingue la synecdoque, la
métaphore, la métonymie. La synecdoque est centrée sur l’utilisation du tout pour
désigner la partie ou l’inverse. On a dans Le Paradis français :
« Tout, à Rome est beauté, mais tout en moi, voit laideur. Depuis ce maudit jour
où j’étais introduite dans cet enfer, je ne rêve que de m’enfuir. » p 26.PF
Dans cet extrait, la synecdoque porte sur l’emploi de l’adjectif indéfini « tout »
dans ses deux usages. Il désigne le tout pour la partie. Dans son premier usage,
c’est la ville de Rome avec ses lumières, ses rues chatoyantes, et son mode de vie
modeste qui y représentée. Par cette synecdoque, Mira y dévoile son admiration
vis-à-vis de cette ville aux multiples vertus. Quant à son second emploi, c’est le
38
Idem, p.38.
49
cœur de la jeune immigré qui y révélé. Mira, à travers « tout en moi » exprime la
douleur incommensurable qui l’anime depuis son arrivée à Rome.
Perçue comme la mère des figures, la métaphore rapproche un comparé
et un comparant. Elle évoque une comparaison sans terme comparatif. Dans
l’étude des corpus, on distingue plusieurs énoncés métaphoriques :
Une nuit, très tard, je fus convié à la réunion de stratégie militaire, au premier
conseil de guerre. Je recommandai qu’on ne laissât pas la gestion de la guerre aux
seuls militaires car ils sont attachés à la morale, aux règles et aux conventions
internationales qu’ils hésitent toujours à frapper. Or la guerre qui a été imposée à
Kanégnon est une sale guerre 40
L’on remarque que l’auteur fait une comparaison implicite des guerres.
Cela se perçoit à travers la phrase suivante : « or la guerre qui a été imposée à
Kanégnon est une sale guerre ». Ici, « sale guerre » voudrait dire une grande
guerre, une dangereuse, tout devrait donc se faire avec précaution et attention pour
39
Maurice Bandaman, le paradis français, idem, p. 16.
40
Maurice Bandaman, L’Etat Z’héros, idem, p.71
50
pouvoir vaincre le camp adverse. On a l’emploi d’une comparaison sous entendue
en ce sens que le narrateur qualifie la guerre d’une « sale guerre ».
D’un autre côté, on a :
Eh oui ! Je vous le dis, la guerre, c’est doux comme les corps brulants des jeunes
vierges mineures de douze, treize ans que le Président, les ministres et les chefs de
guerre dépucellent41
Ici, cette métaphore met en relief le plaisir que Kanégnon prend à faire la guerre.
Sa soif du pouvoir, son outrecuidance et son plaisir le poussent à mépriser les vies
humaines au point de les conduire à la mort. Cette figure témoigne du
comportement des dirigeants africains en général et particulièrement des ivoiriens.
Animés par la soif du pouvoir, et dans le but de protéger leurs propres intérêts, ces
dirigeants se donnent tous les moyens possibles pour combattre tous ceux qui
désirent s’opposer à leurs quêtes.
L’étude des figures de style nous a permis à travers l’hémistiche macro/
micro de comprendre comment se nourrissent les plaisirs textuels dans ces deux
corpus. Il ressort de cette analyse qu’ils sont assumés par une profusion d’effets
subjectifs auxquels l’allocution, la personnification, l’hyperbole, l’allitération,
l’assonance, l’homéotéleute, l’antithèse, le paradoxe, l’anaphore, l’épiphore, la
symploque, la synecdoque, la métonymie et la métaphore ont mis au jour. Ces
ressorts langagiers du système figuré étaient destinés principalement à montrer la
déception de Mira dans Le paradis français et la démesure politique de Kanégnon
dans L’Etat Z’héros.
41
Idem, p.170
51
sémantique, syntaxiques et morphologiques. Leurs traits littéraires et leur mise en
sens ne sont pas des paramètres entièrement extérieurs au texte lui-même mais des
paramètres dont la présence est attestée dans le texte sous les traces linguistiques
repérables dans les unités lexicales. Dans cette étude, l’énonciateur et le récepteur
évoquent à l’acte du discours une représentation d’un élément de sens qui permet
d’avoir une cohérence énonciative. La mise à lumière du matériel lexical relève
d’une étude stylistique qui s’élabore sous une relation phonétique-sémantique
entre le signifiant et le signifié. Mais pour la présente analyse, nous ne tiendrons
qu’à l’étude du signifié. Selon Georges Molinié, l’étude du signifié permet de
« décrire le réseau sémantique dans lequel s’inscrit un mot dans une œuvre
quelconque »42. A cet effet, elle prend en compte la totalité des liens qu’entretient
la lexie dans un énoncé. L’étude du signifié présente plusieurs entrées, notre étude
s’attardera sur trois entrées à savoir : la connotation, l’isotopie et sur la relation
sémantique.
I. LE SYSTÈME CONNOTATIF
42
Georges Molinié, Eléments de stylistique française, Paris, PUF, 1986, p.26.
43
Idem, p.21.
52
1. La connotation substantivale
Le syntagme nominal « les yeux de braise de Paolo » concentre à lui seul toute la
déception de la jeune Mira qui a nourri tout son espoir dans sa nouvelle vie de
française. En effet, « les yeux » relevant de l’isotopie de l’homme ou de l’animal
se voient ici être complété par la lexie « braise » qui, quant à elle, renferme toute
seule les informations d’appréhension du regard de Paolo. Les sèmes de « braise »
traduisent un pôle d’attraction de la métamorphose ressentie dans le
comportement de Paolo. Ces sèmes afférents, qui présentent le regard de Paolo
44
Maurice Bandaman, Le paradis français, Op.cit., p.11.
53
comme une puissance destructrice, donnent une valeur axiologique défavorable de
Mira vis-à-vis de Paolo.
- si les autres sont plus forts que nous, je veux dire ceux qui ne profitent pas de
guerre. Or, nous sommes les plus forts : les rebelles et moi. Nous sommes les
heros, les heros, dans un Etat zéro, sans opposition, sans contestation, un Etat en
guerre, mais un Etat tranquille.45
45
Maurice Bandaman, L’Etat Z’Heros ou La guerre des Gaous, Op.cit., p.270.
54
Port-Bouet, mon quartier, à Abidjan. Je vois se déployer l’envol des oiseaux
marins, j’entends leurs chants, je sens le vent souffler dans mon esprit, frais et
léger. (112).
La première dame m’a fait convoquer dans ses appartements. Elle était entourée de
tous les maitres sorciers, prêtres vaudous, prêtres catholiques et pasteurs
charismatiques, des voyants, des marabouts et des féticheurs les plus réputés. Elle
me fusilla de son regard de feu et d’aigle. Elle tendit vers moi ses doigts crochus et
menaçants, sa main tremblait de toutes les colères… (p.261)
55
rongée par un sentiment de violence ». A travers cette mise en évidence des
attitudes de la première dame qui se laisse enivrer par le pouvoir au point
d’accuser ses compagnons de lutte de traites, le romancier dépeint la mégalomanie
des pouvoirs politiques sur l’espace tropical.
1. Le lexique technique
Extrait 1 : grâce à un jeune cinéaste, j’ai pu reconstituer le film de notre aventure.
C’est donc ce film que je vais raconter à vos filles, Astou Diop et Rachel
Mukengue » p 5
46
Catherine Fromilhague et Anne Sancier-Château, Introduction à l’analyse stylistique, Paris, 3e
Editions, Armand Colin, 2004, p.61.
56
Ici, on a les lexies « cinéaste, film » qui renvoie au domaine cinématologique.
L’énonciateur, Mira, se révèle la narratrice de l’aventure qu’elle a vécue avec
Oumou et Mbonzi et qu’elle présentera à leurs enfants. A Astou et Rachel, les
filles de Oumou et de Mbonzi, Mira leur recommande « Astou et Rachel, ouvrez
bien les yeux et regarder le film de ma vie, vous y découvrirez aussi une partie de
la vie de vos mères, mes amies d’infortune. Astou et Rachel, mes filles, regardez,
regardez bien ce film » page 6. Mira, le narrataire procède par une invitation ou
elle est spectatrice à l’acte de lecture.
Extrait 2 : Astou, Rachel, la caméra ne peut pas traduire toutes ces émotions ; elle
ne peut pas toutes ces émotions ; elle ne peut pas scruter mon paysage intérieur
habité par le feu, et sur le visage de cette négresse marchant vers le poste de police,
vous ne pouvez lire son désarroi (…) la voiture roule, roule, roule et la caméra
balaie les lieux, alternant travellings, zooms, panoramique, selon que je vois
immeubles et les passants, hommes femmes, enfants, courir, danser, fuir, se
rapprocher de moi ou s’évanouir dans un vertigineux délire » p. 8 à 12.
57
L’Etat Z’héros adopte un style propre au conteur traditionnel. Le récit
s’ouvre par un chant d’ouverture « kètè, kètè, kètè (…) kètè, kètè, kètè) » qui
occupe 8 pages et se ferme par un chant de clôture et d’autres à l’intérieur du récit.
Cette préface fonctionne comme une formule introductive des contes au village.
Cette disposition permet de situer les personnages, la narration. Cette mise en
scène relève de la littérature orale d’où le conte. Il se signale aussi par le baroque.
Le baroque est une sorte d’écriture qui imprègne le désordre, la diversité,
l’exubérance. Dans le corpus, on assiste à un caractère anormal du français
classique « vous briller mlin, mlin » page 154, « Nanan Gnamien Kpli » page 93.
L’usage du registre familier et l’emploi de la langue locale illustre le baroque qui
est un aspect du postmodernisme.
On note l’intrusion de poème dans le récit :
Tous ces fragments identifiés démontrent que dans le récit, il y a une discontinuité
dans la narration. La linéarité est brisée. Elle déconstruit l’essence du roman.
Cette intrusion, viole et subvertit la narration classique. De ce fait, le roman
renvoie à un champ d’étude qui est le postmodernisme.
58
registres de langue ou niveau de langue permettent d’adapter la façon de
s’exprimer selon la situation dans laquelle on se trouve. C’est aussi un mode
d’expression adapté à une situation d’énonciation particulière, qui détermine
notamment certains choix lexicaux et syntaxiques. Ils participent à l’amélioration
de la qualité d’un texte et contribuent à la rendre plus crédible. Les registres se
distinguent par la qualité de l’expression, la richesse du vocabulaire et la
complexité de la syntaxe. L’intérêt de cette analyse porte sur le mélange des
vocabulaires, ou bien l’irruption d’une lexie d’un vocabulaire totalement
hétérogène à celui qu’utilise le phénomène de contremarquage (le cotexte), ou
bien en décalage avec le vocabulaire habituellement associé au référent,
phénomène de marquage. On distingue trois niveaux de langue : le niveau
familier, le niveau courant et le niveau soutenu.
Le niveau familier correspond au langage courant mais avec un grand
nombre de liberté. Ce niveau est employé entre proches, entre personnes
appartenant à la même communauté sociale dans laquelle tout formalisme peut -
être atténué. Le registre familier sur l’absence de tout de tout lien hiérarchique
rigide entre interlocuteur, membres d’une famille, amis, camarades. Le niveau
familier se perçoit tel :
« Bori nanan » page 41, en langue malinké signifie « l’heure du départ ou de la
fuite est arrivée. L’expression de la langue locale relève la qualité de de la relation
qu’entretiennent les filles. Les jeunes filles qui ne voient pas leur situation
s’améliorer décident alors de retourner chez elles par stratégie qu’elles ont mise
en exergue. Ce terme est pris comme un code.
« Il pose la main sur l’épaule de chacun de nous, nous tapote amicalement, puis
nous dit : on continue ! On a gagné une bataille, on n’a pas encore gagné la
guerre » page 63
59
Cette phrase traduit un caractère affectif. L’abréviation lexicalisé de
« maaaaman », ce trait manifeste le registre familier.
« Le papa de Jean-Yves est gendarme, me répondit maman, et les gendarmes ont
été tués, ou ont fui » page 211
« Eh ! Allah ! Nanan Gnamien Kpli ! Zeu ! Gnonsoa ! Ah ! » page 178
Ce qui relève du registre courant est l’emploi du pronom personnel sujet « vous »
qui marque une distance entre les interlocuteurs, Mira et Jean-Marc. Jean-Marc
ayant rencontré Mira par Corinne est fasciné par sa beauté, il lui fait des
compliments. Mais, Mira ne se laisse distraite ou ne s’étonne pas de ces
compliments puisqu’elle en reçoit toujours.
« Son premier Conseil des ministres ne dura que sept minutes, juste le temps de
récompenser ses vieux compagnons de lutte, par des portefeuilles juteux, des
grosses cylindrés et des millions de francs CFA » page 54.
Tout comme le registre l’indique, cet extrait ressort d’un contexte politique où
l’énonciateur, Akèdèwa relate les faits de Kanégnon. Kanégnon ayant pris le
pouvoir, devenu le Président de Boubounie, organise sa première réunion
gouvernementale qui a pour but de récompenser ses hommes de lutte.
Quant au registre soutenu, il est correct et bénéficie de toutes les règles
dans la constitution de la phrase avec un vocabulaire élevé, spécifique. Ce genre
60
est généralement utilisé dans la littérature. Cela se démontre par les énoncés
suivants :
« Je suis charmée par le décor, mais le nom de la rue vient troubler ce léger
moment d’oubli, puis je retombe dans mon angoisse lancinante :
maintenant, c’est clair, je ne sortirai pas vivante de cette aventure. Je me
sens transie par un froid indescriptible, je grelotte, un brusque sentiment de
la haine me traverse le cœur ». page 115.
Cet extrait illustre également le niveau soutenu qui appréhendé par l’utilisation de
l’imparfait, la figure de style métaphore implicite qui aborde ou décrit les
caractéristiques des filles et l’inversion du sujet par « toutes ». En effet, pour
gagner la guerre, Kanégnon s’adonne à des pratiques mystiques. Ces pratiques
s’avèrent aux sacrifices des filles vierges, albinos ou filles uniques. Ceux-ci lui
confèrent un pouvoir puissant et le titre de président de la république de la
Boubounie.
61
1. L’isotopie dans Le paradis français de Maurice Bandaman
« Il n’y a pas longtemps, juste avant nous prenions la route pour l’aéroport, nous
étions en fête, nous dansions encore le zoblazo, il était même la curiosité du
quartier parce qu’il dansait tellement bien, balançant le mouchoir blanc sur sa
tête » page 7.
L’emploi des termes « fête, danser » ainsi tout l’extrait traduit une période de
joie, de gaieté mettent en évidence l’idée de l’euphorie. Mira se souvient de la joie
qui régnait lors de son mariage traditionnel avec Paolo.
« Le public hurle, chante, danse. Jean-Marc me tient toujours par la main pour
fendre Champs-Elysées Clémenceau. Nous arrivons sur les Champs-Elysées
également en délire. Les trottoirs du boulevard sont envahis. On s’y bouscule, on
s’y piétine, on s’y embrasse. On fait péter le champagne en pleine rue ». page 109.
L’idée de joie est exprimée. Cette joie se dévoile par l’annonce de la nouvelle
année qui remonte à celle de 2000. Mira soutenu par Jean-Marc décrit l’ambiance
qui s’y déroule.
« J’étouffe de rire. Mais je réalise que notre condition est bien trop pitoyable pour
que j’en rie. Toutes les femmes ont cessé de pleurer. Il est dix-neuf heures, car
depuis ce matin, c’est maintenant que je vais me mettre quelque chose sous la dent.
Après le repas, je prends une douche bien chaude, une petite cabine de toilette est
au fond de la cellule. Je suis traversée par une sensation de bien-être. Je me
couche et m’endors aussitôt ». page 163-164.
62
« Oumou, Oumou, Oumou, comment écrire nos souffrances, décrire ta mort et dire
ma douleur ? Et toi Mbonzi Makelele ! Saurai-je rendre compte de la tristesse de
cette nuit ou tu as chanté et pleuré, pour te donner la mort quelques instants
après ? » page 5.
Cet extrait se déploie par Mira, qui est en fonction de narrateur intra diégétique.
Par ce qu’elle a vécu avec ses amis Oumou et Mbonzi en Europe, Mira se veut
pour relater cette mésaventure en vue de moraliser la jeunesse africaine. Cette
mésaventure a entrainé la mort de Mbonzi et laissé plusieurs séquelles. Dans
l’optique de raconter cette histoire, elle se pose plusieurs questions. Cet extrait
traduit la tristesse, l’inquiétude.
« Paolo peut-il m’avoir trompé ? Son humeur m’effraie. Enfin ! Les blancs sont
d’humeur si changeante ! Sous mes pas, le tarmac de l’aéroport de Rome brule du
feu de la géhenne. Et le vent froid de l’automne souffle dans mes narines une
chaleur infernale. Astou, Rachel, la caméra ne peut pas scruter mon paysage
intérieur habité par le feu, et sur le visage de cette négresse marchant vers le poste
de police, vous ne pouvez lire son désarroi » page 8.
Mira émet des émotions. Elle présente une inquiétude. Cette inquiétude est avérée
par la métamorphose du comportement de Paolo. Paolo qui était perçu comme un
homme affectueux à Abidjan, un homme remarquable lors de leur mariage
traditionnel se vit changé de caractère à leur arrivée à Rome. Ce changement
brusque pose un état d’inquiétude chez Mira.
« Je sens la colère s’agiter dans mon ventre, dans ma poitrine. J’ai envie de hurler,
de me frapper la tête contre le mur. Comment ma sœur ivoirienne peut-elle me
traiter ainsi ? On me l’a signalé, la solidarité entre ivoiriens n’existe pas au-delà
de la lagune Ebrié, contrairement aux Maliens, Sénégalais, Guinéens, Congolais
ou Camerounais qui se soutiennent dans toutes les épreuves, en France, dans la
clandestinité comme dans la légalité, dans la douleur comme dans la joie. Je me
mets à pleurer et entre deux sanglots je lâche » page 83.
63
Quant à l’isotopie de l’amour ou du sexe, elle a une forte récurrence. Elle
se manifeste par les expressions suivantes : « un baiser » p. 8
« Les rapports sont protégés, me répondit-elle. Mais comme il y a des clients qui
payent pour des rapports non protégés » p. 20 ; « pour le sexe » p. 21 ; « on baise
trop sur les lits d’en bas » p. 137 ; « écoutez-moi, j’ai fait l’amour tout à l’heure
et je me suis déjà lavée(…) me tripote le vagin p. 139. Ces termes remontrent à
l’idée du sexe. Le chapitre 9 et 10 où l’on assiste à une forte récurrence du sexe
illustrent cette isotopie. L’usage de ces expressions implique une autre facette du
récit qui est la liberté d’écrire. De ce fait, Maurice Bandaman s’inscrit dans le
courant du postmodernisme.
« En vrai fils sorti du ventre de sa mère avant sa naissance, en vrai guerrier et bon
tacticien, Kanégnon souleva Gbagla Dodo, la projeta sur le lit, la plaqua contre le
matelas, fit descendre son pantalon, étouffant les cris de la fille-terre, s’enfonça
entre ses cuisses rigides, raides, fermes, y pénétra avec violence, brutalité, cruauté,
et le sang gicla et Kanégnon cria(…) sa tactique avaient réussi » p 50-51.
Kanégnon commet un acte ignoble, le viol de Gbagla Dodo. Cet acte fait de lui un
personnage violent, qui aime le sang, il est sanguinaire.
« La nuit même de cette conversation, une armée de l’ombre fut constituée et
confiée à Tètèkpan et à Cafri. Et es premières actions furent de haut vol. Le
lendemain, des cadavres jonchèrent les rues. La consigne fut de ne pas dissimuler
les corps. Qu’ils soient étalés aux carrefours les plus passants et que les coups qui
64
les assomment soient les plus démonstratifs : têtes en bouillie, corps ensanglantés,
trainés sur des dizaines de mètres, la terre suffisamment gorgée de sang » P 72.
« Le chef m’invita à m’asseoir. Je posai un regard circulaire sur la foule de jeunes
soldats. La moitié n’avait pas plus de 15ans. Vêtus de tee-shirts, chemises
déchirées, de pantalons ou culottes, la plupart aux-pieds nus, ils me regardaient
avec attention et patriotisme leurs kalachnikovs ou calibres douze en bandoulière
ou sur les épaules (…) il a déjà tué trois hommes qui étaient venus nous attaquer »
page 186-187.
L’on perçoit que même les enfants y sont intégrés dans le mal, la violence dans un
contexte de belligérance. Ici, c’est le cas d’Arthur qui s’engage dans la rébellion et
devient un enfant soldat. Ils commettent des crimes dans ce déploiement du mal.
L’isotopie de la violence ou le mal retrace toutes formes de violence qui règnent
en Boubounie. Cette représentation que fait l’auteur met en relief nos sociétés
dans un contexte de belligérance.
65
sa marque à l’énoncé, s’inscrit dans le message et se situe par rapport à lui. 47»
On découvre dans cette analyse assez d’éléments énonciatifs sur lesquels agit le
discours persuasif. Ainsi, l’on attardera sur l’analyse des déictiques, des modalités
et des subjectivèmes.
Extrait 1 : l’avion atterrit à l’aéroport de Vinci de Rome, par un matin d’automne.
Paolo me tend un manteau mais il n’est plus l’homme que j’ai connu il y a
47
Catherine Kerbrat-Orrechioni, L’énonciation, De la subjectivité dans le langage, Paris, Armand
Colin, 1980, p.32.
66
quelques jours à Abidjan. D’ailleurs, depuis l’avion, il a cessé d’être affectueux.
Plusieurs fois, il a repoussé ma main, me tournant presque le dos pour m’empêcher
de poser ma tête sur son épaule. Plus d’une fois, il m’a parlé sèchement et son
regard m’a semblé désormais de feu. J’ai senti comme une flamme vive descendre
le long de ma gorge, me bruler la poitrine, répandre dans mes entrailles des braises
ardentes. Page 7
Extrait 2 : je ne sais plus quoi dire. La perspective d’être libéré dans un an fait
flotter devant moi une lueur d’espoir. Je suis même touchée à l’idée de devenir
millionnaire. Riche, je pourrai me faire épouser par un médecin, un avocat, un
magistrat ou un pharmacien. Page 19
Extrait 1 : mon ami et frère Kanégnon fut conçu par une nuit orageuse, ténébreuse
et volcanique. Vent et sable, pris d’une colère hystérique, se déchaînèrent,
couvrirent notre ville d’un nuage satanique, traversé par des éclairs effrayants, et
quand ils levèrent leur voile brumeux, l’enfant vin au monde, à la stupéfaction de
tous. J’étais là, moi-même, je dansais, « kètè, kètè, kètè », page 17
Extrait 2 : A peine ma valise déposée, me revoilà sur la route, en partance pour
l’ouest du pays, à la frontière, avec une autre valise, celle-ci pleine d’argent. Je n’ai
pas eu le temps de compter les liasses, mais elles doivent faire la bagatelle de cinq
cents millions, un bon pactole pour aller recruter des mercenaires dans des pays la
rébellion et la guerre. Ma mission a été précédée par plusieurs autres qui ont déjà
procédé au recrutement des mercenaires. Page 175
67
Dans ces extraits, la subjectivité du sujet parlant est traduite par la prolifération de
pronoms possessifs de la première personne. On assiste ici à la conception du
personnage de Kanégnon faite par Akèdèwa. Cette conception est mise en relief
par un certain lien d’attachement, d’intimité d’où l’emploi des lexies « mon ami et
frère ». L’usage du « je » et ses assimilés « mon, me, ma, notre… », Présentent les
traces énonciatrices.
Extrait 1 : j’ai peur pour mon pays, je crains qu’il soit ravagé par une guerre
sanglante, détruit comme au Liberia, le Rwanda, la République démocratique du
Congo, les coups d’Etat ont presque toujours des conséquences désastreuses sur
les nations, et l’Afrique souffre principalement à cause de l’absence de démocratie
et ces changements violents. Je pleure à chaudes larmes. Cela fait plusieurs mois
que je n’ai pas donné de signe de vie à mes parents, prisonnière que j’étais à
Rome, esclave, prostituée malgré moi, je n’ai pu leur écrire ou téléphoner. Page
57, 58
Extrait 2 : « la gorge nouée par la douleur, je dis à Jean Marc que je ne pourrai
pas vivre loin de lui dans une ville où je ne connais personne d’autre que lui » p
113
Extrait 3 : « je ne comprendrai le sens de ces mots que quelques heures plus tard »
p 40
68
On assiste à une forte dominance du présent de l’indicatif. Le présent est à la fois
le temps de base du discours. Dans les extraits susmentionnés, le narrateur avec
l’énonciateur évoque un état pathétique vu la situation qui traverse son pays.
L’emploi du temps présent dans les extraits ci-dessus montre comment Samira vit
son for intérieur les faits au moment même il les évoque. L’occurrence du temps
présent à travers les verbes conjugués au présent « ai, crains, détruit… », du passé
composé par « je n’ai pas donné, … » incluant le pronom personnel « je » et es
assimilés témoignent aussi la présence de l’énonciateur au sein de son énoncé. Le
présent marque l’actualité, traduit le moment où elle parle. Le passé composé, ici,
retrace des faits non achevés, d’un moment déterminé du passé avec le présent par
le personnage de Samira : « cela fait plusieurs mois je n’ai pas donné signe de vie
à mes parents ». Il exprime un fait en relation avec le présent où les conséquences
sont sensibles et sont encore d’actualité.
Les temps verbaux, par ces extraits, soulignent une souffrance relative à
la morale de ne pouvoir voir leur fille pour les parents et l’énonciateur. Il décrit
les faits qui le ronge de l’intérieur, expose sa condition de vie tout en se mettant à
la place des parents. L’étude des déictiques temporels dans Le paradis français se
manifeste aussi par des adverbes ou groupes adverbiaux :
Ces circonstants temporels sont assumés dans le corpus et font référer le moment
de l’énonciation. Ils précisent la durée ou la chronologie des actes posés dans
l’énoncé et de l’énoncé.
Dans notre deuxième corpus, L’Etat Z’héros ou La guerre des gaous,
l’étude du temps passe par les temps verbaux y compris d’autres circonstances
temporelles. Il s’agit notamment du présent, du passé simple et de l’imparfait.
Le présent part avec le moment de l’énonciation :
69
« Je ne veux pas ! Je ne voudrais pas ! Je ne t’aime pas » p 50
« Ma proposition fut adoptée. Et, pour que le corps soit découvert, nous initiâmes
une autre opération de salubrité, consistant à débroussailler le bas fond. Notre
plan réussit cinq sur cinq. Le corps fut découvert, incinéré, seuls les os trainait, et
la télévision et les journaux en firent leurs choux gras. Seulement, il fut difficile
d’identifier le corps. Ce fut après cela qu’une fille annonça dans un journal de
l’opposition que son copain avait été enlevé » P 113
L’énonciateur utilise le passé simple, pour marquer la succession des faits dans le
récit, il exprime une action dans le passé, une durée brève de l’action.
L’énonciateur expose ses stratégies face à son ennemi en vue d’un appât.
L’imparfait, quant à lui, marque une action passée, un fait en train de se dérouler
dans la durée au passé. Il permet aussi la description des évènements. Cet extrait
ci-dessous illustre bien la portée de l’imparfait :
« Je consolais le petit pendant que défilaient dans ma mémoire les premières
images de cette guerre. Je revoyais sur la chaine de télévision française et le
visage de ce jeune soldat qui revendiquait la rébellion. Il était flanqué d’une
longue kalachnikov » p 219
Dans La guerre des gaous, le temps est aussi mis en relief par des adverbes, des
groupes substantifs, des locutions adverbiales qui retracent le temps du récit. Nous
pouvons nous attarder parmi tant d’autres par :
70
Tout comme les temps verbaux, ces syntagmes réitèrent le moment de
l’énonciation. Ils renvoient au placement du procès sur l’axe temporel. Ils
établissent le rapport au moment où le locuteur parle.
« Moi j’ai galéré comme un crabe, je me suis fait sauter par je ne sais plus combien
de mecs pour avoir une fausse carte de séjour, avant d’obtenir une carte de
résidence, une vraie (…) si tu ne te mouilles pas ici, tu n’obtiens rien » page 83-84
Dans ces extraits, les déictiques démonstratifs « ici, ce, cette » renvoient aux
circonstances de l’énonciation, à la situation décrite. L’énonciateur, en les utilisant
dans l’énoncé se trouve dans l’espace communicationnel. Il joint l’acte à la parole
pour se faire comprendre. Ceux-ci s’interprètent grâce à une prise en compte de la
position du corps de l’énonciateur et de ses gestes. L’énonciateur, en employant
« ici », se trouve dans l’espace désigné par ce déictique adverbial à valeur
complément circonstanciel donnant des informations. Selon le contexte, l’espace
désigné est la France où selon l’énonciateur, il faut travailler durement et
quotidiennement pour espérer gouter au bonheur convoité. Nous pouvons dire
qu’en matière d’énonciation, le locuteur est au centre de la construction de sens,
du moment de sa prise de parole, il est inscrit dans l’énoncé qu’il produit lui-
même. Les déictiques traduisent les renseignements qui sont fournis par le
contexte. Dans L’Etat Z’héros, cela se révèle aux extraits suivants :
71
« Vous voyez que je suis seule ici » p.21
Également dans ce corpus, ces indices liés à la démonstration spatial montrent une
énonciation qui implique d’un espace communicatif, qui, dans un tant soit peu
joint l’acte à la parole. Dans ce corpus, l’énonciateur laisse entrevoir un espace
romanesque, un lieu de fiction. Il ne se localise par des termes proprement
géographiques.
72
de modalités d’énoncé dans les corpus qui s’organisera d’une part sur les
modalités épistémiques et les modalités intersubjectives.
Extrait 1 : « On croirait des morceaux de glace qui glissent le long de mes veines.
Les chansons sont belles, la voix de Naty suave, le lingala pénétrant. Le tremolo et
les vibrations de sa voix, ses joues noyées de larmes, ses yeux constellés de
détresse me remplissent d’émotion. Moi aussi, je fonds en larmes. La voix de Naty
devient plus grave, un contralto qui fait vibrer mon âme » PF. P 39
73
modalité appréciative par laquelle elles traduisent leurs aspirations. Ces énoncés
rendent visible l’aventure malheureuse que courent certaines jeunes filles
africaines à la recherche du bien-être.
Dans L’Etat Z’héros ou La guerre des gaous, la modalité épistémique est
mise en exergue à travers le passage suivant :
Enoncé 1 :« J’étais là, moi-même, je dansais, « kètè, kètè, kètè, », un pagne noué
autour de mes reins, quand Bla Nan, la mère de l’enfant, souffrait, sept jours et
sept nuits durant, subissant sans discontinuer les assauts de Goli Gloin, le père,
revenu de la chasse par une nuit précisément interdite de la chasse. Je l’ai vu, vu,
très bien vu, poursuivi par sept génies coléreux, gonglés de vengeance, et quand il
entra dans la chambre conjugale, couvert de sueur, de boue et de puanteur, les
génies pour le punir se joignirent à lui pendant qu’il s’accouplait avec sa femme »
P 17
Enoncé 2 :« Eh bien ! s’exclama le Président, je n’irai pas à New York ! de toutes
les façons, je sais ce qu’ils veulent me faire : me dépouiller de mes pouvoirs,
opérer un coup d’Etat, mais Dieu est vraiment grand ! Il fait coïncider leur
maudite réunion avec le jour où je dois dépuceler ma sept cent soixante-dix-
septième vierge ! Non ! Dieu est puissant ! je n’irai pas ! Je serai en chambre, bien
occupé à des choses plus sérieuses » p 80
74
Extrait 1 : l’Afrique de la pauvreté est en guerre contre l’Europe de l’opulence ! et
nous devons arracher à la France ce qu’elle a arraché à notre continent ! p 61
Extrait 2 : il est deux heures du mat. Il faut que nous arrivions à Briançon avant
cinq heures, sinon, les gardes-frontières peuvent nous pincer. La frontière est plus
surveillée du côté français. P 63
Extrait 3 : notre génération doit faire en sorte qu’il fasse bon vivre en Afrique,
pour que dans vingt, trente ans, d’autres africains ne viennent plus crécher en
Europe, dans le froid. Nous avons tout en Afrique pour être heureux. P 80 PF
Extrait 1 : je ne pourrai pas bander. Elle est trop petite. Et dire qu’elle va être
immolée après. Vraiment, pour une fois, j’ai envie de laisser tomber le pouvoir, de
tout abandonner, d’aller m’asseoir sur une ile et y finir tranquillement ma vie (…)
tu ne peux pas laisser le pouvoir. p. 80-81
Extrait 3 : il fallait que je dise au Président toutes les précautions à prendre avant
de se rendre à ce Conseil Fatidique. Le garde me laissa entrer, je parlai
longuement au Président à l’oreille, je n’eus pas besoin de lui parler évoquer mes
soucis d’argent. Il m’indiqua un sac posé dans le coin du bureau. P 122
La modalité intersubjective est aussi amenée dans ces extraits par les verbes
« pouvoir » à l’extrait 1 qui exprime dans un premier temps l’impossibilité par la
négation, le manque de courage de Kanégnon à ne pas agir, faire l’amour à
l’Albinos car celle-ci s’avère trop petite, dans un deuxième pan, l’emploi du verbe
75
révèle une valeur d’exhortation, Kanégon est poussé à entretenir des relations
sexuelles avec cette dernière au prix du pouvoir. Dans le second extrait la
modalité intersubjective s’exprime par « devoir » qui manifeste une nécessité pour
Akèdèwa dans l’optique de voir les agissements des rebelles face à la suspension
de son opération, qui est de rassembler les étudiants dans la lutte au pouvoir au
profit de Kanégnon. Pour l’extrait 3, la modalité est perceptible par « falloir ».
Face aux dangers que court le Président Kanégnon, son bras droit, Akèdèwa, se
doit de l’avertir, de toutes les précautions à prendre avant de se rendre au Conseil
fatidique. Il exprime une nécessité, de bienséance.
76
« L’avion atterrit à l’aéroport Léonard de Vinci de Rome, par un matin d’automne.
Paolo me tend un manteau mais il n’est plus l’homme que j’ai connu il y a
quelques jours à Abidjan. D’ailleurs, il a cessé d’être affectueux » page 7
« Astou, Rachel, la camera ne peut pas traduire toutes ces émotions, elle ne peut
pas scruter mon paysage intérieur habité par le feu, et sur le visage de cette
négresse marchant vers le poste de police, vous ne pouvez lire son désarroi » page
8.
Mira traduit ses émotions, par cet extrait, elle est affectée par la métamorphose de
Paolo. Ces émotions reflètent son for intérieur. Cela se relève par l’emploi du
terme « désarroi ». Dans l’Etat Z’héros, l’affectivité se traduit tel :
« Kanégnon logeait dans le ventre maternel, comme un roi dans son palais. Bla
Nan l’entendait chanter, et quand il chantait de sa voix d’Orphée, elle se sentait
inonder par des flots de bonheur, son ventre se laissait parcourir par des frissons
et des éclairs. Mais Kanégnon ne chantait pas longtemps. Ce qu’il aimait le plus,
c’était la danse » page 18
La subjectivité évaluative est ici caractérisée les états d’âme de Mira à l’égard de
ce qui l’environne. Les termes « torrents de feu », « puissance infernale » et
« l’enfer » manifestent du lien que Mira a désormais de son nouveau monde. Elle
l’évalue négativement par la profusion de termes axiologiques mal connotés. En
77
utilisant ces mots de valeur dépréciative, Mira fait transparaitre en filigrane sa
mélancolie et son regret d’être venue dans ce monde européen où elle se sent plus
en plus mal intérieurement.
Dans L’Etat Z’héros, les subjectivèmes évaluatifs s’énoncent tels
« Une belle jeune fille se tenait derrière Kanégnon, un corps rempli de chair
tendre et frais, au teint lumineux comme le soleil levant, aux lèvres de pomme. La
jeune fille tenait un éventail et, malgré l’air abondant, soufflé par les feuillages
touffus, des arbres centenaires, elle éventait le guerrier sortit de terre dont on sait
que le corps est un ruisseau intarissable de sueur. » p.46
78
matériel lexical, qui s’est axé sur le système connotatif et le champ lexical et le
champ isotopique. Pour l’analyse du système connotatif, nous l’avons regroupé
autour du noyau pivot de la connotation, le substantif et le verbe. Le champ
lexical fut abordé par le lexique technique et les niveaux de langues. Le système
connotatif ameublit et met en évidence des sens additionnels qui, découlent du
sens dénotatif de l’intention des locuteurs. La littérarité de ces corpus relève aussi
de l’étude du matériel lexical. La troisième partie porte sur le poste énonciatif.
Ce poste dans son analyse s’est organisé sur les déictiques qui marquent
la présence des énonciateurs dans le récit et traduit-les les temps utilisés ainsi les
différents espaces mis en relief, sur les modalités d’énoncés, qui quant à elles,
dessinent le processus par lequel le sujet de l’énonciation manifeste son attitude à
l’égard de son énoncé et sur les subjectivèmes qui traduisent dans le langage, les
signes qui permettent au locuteur de s’affirmer face à son énoncé.
Cette étude, portant sur les postes d’analyse stylistiques a permis de présenter les
différentes directives que l’argumentation peut empreinter dans sa persuasion.
Cette démarche vise aussi à relever le caractère littéraire des corpus.
Par ailleurs, comment la rhétorique argumentative s’invite à ce décryptage dans
les corpus ?
79
TROISIÈME PARTIE :
80
CHAPITRE 7 : L’ETHOS
81
I. LES MANIFESTATIONS ETHOTIQUES PAR LE SYSTÈME
FIGURÉ ET LE LEXIQUE
Les postures éthotique désignent les images que les locuteurs mettent en
lumière face à leurs différents allocutaires. Ces postures sont centrées sur l’image
que locuteur construit pour exercer une influence sur son allocutaire. Elles
s’actualisent à travers les valeurs que l’énonciateur s’attribue pour plaire et pour
séduire ses allocutaires. S’agissant des valeurs, elles réfèrent à tout ce que
l’orateur utilise comme argument pour inspirer la confiance de l’auditoire en se
montrant sensé, sincère, sympathie, etc… pour le convaincre. Chez Aristote, la
stratégie éthique qui est consubstantielle à l’éthos consiste pour l’orateur à se
montrer sous un jour favorable ; il doit chercher à plaire à son auditoire et doit
chercher à transférer la confiance que l’auditoire lui accorde, sur le propos qu’il
défend. C’est l’existence de cette morale commune qui permet en réalité
d’incarner dans son discours les vertus qui inspirent la confiance publique.
Aristote dit à propos :
Lesdites valeurs incarnées dans le discours se révèlent dans ces deux corpus à
étude sous diverses manifestations langagières du système figuré et du lexique.
82
fermeture éclair. La chemise flotte sur les épaules et le pantalon pend sur mes
cuisses. D’une main, il m’ôte le vêtement puis il m’invite moi-même à enlever le
jean pendant qu’il me chatouille le cou avec le couteau. » page 145
Dans cette scène, l’image de la victime reste parlante. Samira fait vivre sa peur
par l’énumération des adjectifs subjectifs « tétanisée, paralysée ». Elle dévoile son
image de victime face à la menace du vietnamien armé d’un couteau à main.
L’énumération cristallise l’image de la vulnérabilité de Samira qui se trouve être
prise dans une situation pitoyable. Samira se voit être contrainte de faire l’amour
avec un homme qu’elle vient à peine de connaitre. A travers cette image, elle
exprime sa douleur et ses peines. Ainsi, l’image montrée de Samira prend à
contrepied les espoirs de la jeune Samira qui avait placé sa confiance à cette
aventure européenne.
Dans l’extrait ci-dessus, Akèdèwa nous présente une image ambigue de lui par
l’association des termes de sens contraires : « grand et petit », « bossu et nain » et
83
« mâle et femelle ». Ces associations illogiques renforcées par le procédé
anaphorique « je suis » avec quatre occurences attestent de l’image du sibyllin
accordée au personnage d’Akèdèwa dans ce roman. Elles renforcent son identité
d’homme d’ombre du président Kanégnon. A travers l’oxymore, Akèdèwa
incruste dans l’esprit de Sossou la peur et la méfiance à l’égard de sa personne.
Dans cet extrait, la peinture de la trahison d’Akèdèwa est modélisée par l’image
du menteur. Cette image est révélée par l’hyperbole contenue dans l’énoncé «
même pas en peinture !». Akèdèwa associe son mensonge des actes de répugnance
à travers la palette de négation « ni…ni », « ne…jamais » et « même pas ». Du
point de vue aléthique, ces marqueurs introduisent l’impossible d’Akèdèwa
d’avoir non seulement eu des liens d’avec le président Kanégnon mais aussi avoir
connu de près Kanégnon. Akèdèwa relève ici de sa mauvaise foi.
Avec Akèdèwa, l’on a relevé deux postures éthotiques dans ses
manifestations, la posture éthotique du sibyllin et l’image du traitre. Akèdèwa est
décrit comme un personnage mystique, qui a la faculté divine d’être présent
partout et la faculté de se transformer comme il veut. Il se transforme en étudiant
pour espionner et venger sa fille violée. Etant le bras droit du Président Kanégnon,
son homme de mission, il se transforme en espion pour infiltrer les forces terribles
qui ont livrés une rébellion sanglante au Président Kanégnon. Il a des pouvoirs
mystiques qui lui permettent d’officier des messes noires et des débauches de
toutes sortes pour nourrir et maintenir le règne du Président. Par ailleurs, il est le
Judas qui provoqua la chute du Président Kanégnon. On note que Akèdèwa est un
homme sans foi ni loi, pour lui la fin justifie les moyens.
S’agissant des postures éthotiques du couple présidentiel, la première
dame, Gbagla Dodo présente une posture éthotique de complicité criminelle. Cela
se démontre dans l’extrait suivant :
84
« Gbagla Dodo avait fait le tour de ses connaissances, avait visité des centaines de
familles et, avec un art consommé de la dissimulation, elle s’informait sur
l’existence d’une albinos ou d’une rouquine de 27 à 30 ans, mesurant entre 1,58
mètres et 1,68 mètres, portant une grossesse de sept mois, mère de faux jumeaux
âgés de 7 ans (…) Pour avoir accompli cet ultime sacrifice, Kanégnon jura sur
tous ses fétiches de consulter sa femme avant de prendre toute décision et il promit
de gouverner en son nom, par délégation et par procuration, car le pays n’était
pas toujours phallo et macho, c’était bien à elle que seraient revenus la fonction
présidentielle et le mérite de signer les décrets, et de présider les Conseils des
ministres. » page 61-66
85
mystiques et dans de fortes activités sexuelles. C’est un homme sans cœur pour
qui le bien-être du peuple est secondaire. Cela est justifié à ces passages suivants :
« Certes d’autres sacrifices avaient été faits, des enfants enterrés vivants, des
femmes enceintes enlevées, assassinées, leurs bébés extraits de leurs ventres,
égorgés, séchés, rendus en cendres, pour préparer des décoctions qui rendraient le
Président invulnérable (…) je parcourus la ville pour la lui trouver. Quand elle alla
mieux, je la fis revenir au palais et rejoindre sa chambre. Elle était paralysée, mais
cela n’avait aucune espèce d’importance ! Pour l’immolation, l’exigence était
qu’elle fut en vie » page 78-83
Kanégnon est dépourvu d’humanité. Il pose des actes qui vont à contresens de
l’éthique. C’est un personnage sans cœur. Pour parvenir à ses fins, il n’existe pas
à s’adonner à tout acte indésirable. Il est violent et impavide qui n’a pour seule
préoccupation, le pouvoir. On le voit à travers l’usage de l’énumération : « des
enfants enterrés vivants, des femmes enceintes enlevées, assassinées, leurs bébés
de leurs ventres, égorgés, séchés, rendus en cendres ». Cette énumération à fort
degré descriptif, intensifie l’image de Kanégnon en la rendant plus prégnante aux
yeux du récepteur. Ces éléments mettent en lumière le sadisme de Kanégnon.
86
sous les décibels de Wengue Musica, je ne sens plus l’éloignement, le dépaysement,
je suis chez moi, en Afrique, en Côte d’Ivoire, à Abidjan, à Yopougon, rue
princesse, et je danse, heureuse, animé d’une fièvre exquise, emportée sur les ailes
mystérieuses d’un oiseau mythique, je m’envole, je vole, je vogue, ivre, libre,
lyrique. Ensuite un mapouka. Alors, j’entre tout simplement en transe. Diable !
dommage que mes fesses soient corsetées par le pantalon jean ! Si elles avaient été
libres j’aurai dégagé un dédja méchant, « gaspillé le coin », fait une
démonstration à l’abidjanaise, pointé le doigt au sol, levé les fesses au ciel, tourné
et retourné le bodjo. » p.110
Le néologisme est percevable ici par le recours au parler ivoirien. L’emploi de ces
expressions ci-dessus en gras relèvent du langage populaire ivoirien. Par cette
démarcation linguistique, Mira peint son ivoirisme et son appartenance à ses
origines natales. Elle se reflète son pays, la Côte d’Ivoire. L’éthos d’ivoirisme
affiché par Mira lui donne un sentiment de nostalgie de son pays. Elle se
remémore ses bons moments vécus dans son pays d’origine, la Côte d’Ivoire.
87
vivre de son peuple. C’est cette posture- là qui fut d’ailleurs mise en avant dans sa
campagne présidentielle.
CHAPITRE 8 : LE PATHOS
88
discours. L’analyse du pathos se procèdera par les actes illocutoires et les
procédés pathétiques.
1. Les verdictifs
« Toi là ! Gare à toi ! Si cette affaire est ébruitée, si les journaux en parlent, c’est
que tu nous as dénoncés. Et tu subiras le même sort. » page 112.
Dans cet échange entre Akèdèwa et l’opposant rebelle, Akèdèwa use de son
autorité d’homme de confiance du président pour prononcer une sentence envers
de son allocutaire, en occurrence, le rebelle renégat qui s’opposait à la
consumation du corps d’un autre rebelle. A travers cet acte verdictif, Akèdèwa
crée chez ce rebelle la peur. L’intention d’Akèdèwa est bien de réduire au silence
de ce dernier. Il actualise une valeur de condamnation. Dans Le paradis français,
on l’aperçoit à travers l’extrait ci-dessous :
« C’est toi l’oiseau de mauvais augure. C’est toi qui as rappelé cette vieille
malédiction : « Traverser les Alpes ou mourir ». Tu es un Africain et tu sais la
portée des paroles, surtout quand elles sont de nature à attirer le malheur. Voilà,
la Malienne est morte, elle n’a pu traverser les Alpes ». page 65.
89
les Alpes ou mourir », Tim lui révèle un degré de condamnation face à son
ignorance sur la portée des paroles africaines. Par cet acte illocutoire, Tim
manifeste chez lui, un état de culpabilité.
Dans les exercitifs, les verbes actualisent une valeur exercitive, celle d’un
exercice de pouvoir de la part du locuteur et d’une soumission de son récepteur.
La valeur exercitive se déploie par les verbes, commander, dégrader, ordonner,
léguer, pardonner. Il est visible dans l’Etat Z’héros par les extraits suivants :
Dans cet extrait qui relève des exercitifs par l’emploi du verbe « ordonner » déduit
une valeur injonctive. Cela est suscité par la victoire que le parti d’Akèdèwa
remporte sur les journaux de l’opposition. Ces médias avaient pour intention de
nuire à la gouvernance de Kanégnon en relevons au grand jour les différents
crimes posés par son parti. Par stratégie, Akèdèwa fut détourné la condamnation.
Pour manifester cette victoire, Akèdèwa et ses compatissants procède par un
ordonnancement. L’effet ressorti, ici, est l’obéissance des allocutaires, des
collecteurs face à l’ordre donné.
« Le premier homme que Kanégnon démolit, ce fut celui qu‘on lui présenta
comme son père, l’homme qui vivait avec sa mère au moment de la
mystérieuse conception. » page 23
Ici, l’acte exercitif est percevable par le caractère de Kanégnon face à son père.
On assiste une dégradation de l’image du père, une dégradation de l’éthique qui
montre la démolition du père par le fils. On a une valeur de d’indignation.
Les expositifs, quant à eux, s’actualise par les verbes affirmer, conclure, nier,
postuler, remarquer. Ils sont visibles dans le Paradis français par les énoncés :
« Je marquerai ce jour d’une pierre blanche car c’est bien le tout premier
depuis mon arrivée en Italie que je vois le ciel d’un œil radieux » page 45.
90
L’acte expositif relève d’une affirmation et une postulation. L’affirmation est
donnée par le fait qu’un énoncé dise quelque chose. La postulation, est relevée par
l’emploi du verbe « marquer » au futur simple. Cette affirmation reste ainsi
dénotée, indiquée ou signalée par Mira. Elle lui permet de se projeter dans son
futur. Mira semble communiquée son espoir à travers l’expression « marquerai ce
jour d’une pierre blanche ». Cette postulation fait apparaitre en arrière fond la
tristesse de Mira qui ne rêve d’une seule chose que de revivre ce moment de joie
comme lui procure ce jour décrit.
Le second relevé met en lumière l’amertume de la jeune Mira. Cela est
révélé dans l’affirmation suivante :
91
Dans cet extrait, on relève des remerciements de Mira à la suite des compliments
faits par Jean-Marc. Elle fait une déploration de ces compliments assez caduques
et passe-partout. Elle critique ces propos mensongers des hommes fait aux
femmes et dénoncer ce caractère vil des hommes. Par cet acte, elle y dévoile son
mépris.
Dans cette introspection, Mira y dévoile sa thèse qui s’articule sur le retour de
tout acte posé, autrement dit, on récolte ce qu’on sème à travers l’amplification.
Cette amplification, dans la construction de sa thèse renforce l’idée véhiculée.
92
Mira fait transparaitre le sentiment de piété à travers l’idée d’avoir aimé
véritablement sans être aimée en retour.
Dans L’Etat Z’héros ou La guerre des gaous, la séduction pathétique se révèle au
passage suivant :
« Il faut montrer sa force pour ne pas avoir à s’en servir. Or, vous, vous cachez
vos grigris, précisément pour avoir à vous s’en servir de façon lâche. Si vous êtes
prêts à vous débarrasser de vos armes qui ont endeuillées la nation, pourquoi vous
ne ferez pas de même de vos grigris. » page 128.
93
Cet extrait met en lumière la colère de Kanégnon. Ce sentiment relevant du
pathos dramatique s’articule par la menace faite par Kanégnon à l’égard de Nanan
Zeu et se traduit aussi par la phrase hyperbolique qui relève la dureté de Nanan au
pouvoir : « Nanan Zeu, le président de la République, notre dieu sur terre au
pouvoir depuis sept cent soixante-dix-sept ans ». Ce pathos, exprimant la colère
de Kanégnon se voit effectivement par la considération de la menace chez Nanan
Zeu. Kanégnon suscite une réelle menace pour lui. Ce qui crée en lui une peur
morbide.
Extrait 2 : laisse ça, répondit l’enfant du pays qui, depuis le monde invisible, avait
pris fait et cause pour le peuple, la liberté et la justice. p.41
94
quasi-logiques, les arguments basés sur la structure du réel et les arguments
fondant la structure du réel. Tous ne fonctionnent pas selon les mêmes règles.
Chaque catégorie repose sur une technique particulière pour mieux convaincre.
1. La contradiction ou l’incompatibilité
« Ce n’est pas pour sauter les petites villageoises que nous avons coupé le pays en
quatre avec les forces loyalistes côté sud, les forces impartiales à l’ouest et au
centre, les mercenaires et les milices à l’ouest et enfin, nous, au nord ! » page 140
On relève l’antithèse comme figure de style dans les propos de Akèdèwa. En effet,
l’énonciateur ne démontre pas implicitement sa pensée principale qui est de
sensibiliser des forces armées à accomplir leur véritable devoir dans la gestion de
la rébellion. Cette première idée s’oppose à la deuxième qui s’appréhende à l’idée
exprimée dans cet énoncé « ce n’est pas pour sauter les petites villageoises que
nous avons coupé le pays en quatre ». On note une discordance dans les propos de
Akèdèwa. Cette disparité véhiculée renforce l’argumentation de celui-ci pour
montrer la nécessité des forces armées à agir dans le sens de la mission qui leur a
confié dans les différentes localités.
95
Les arguments quasi-mathématiques relèvent de la transitivité. La
transitivité présente le caractère de ce qui est transitif c’est-à-dire de permettre de
reporter une relation d’un élément vers le deuxième, et de ce deuxième vers un
troisième, entre le premier et le troisième. Ce point est démontré par l’extrait
suivant :
Cette relation est établie dans cette séquence à travers « si tu m’aimes, je t’aime.
Si tu ne m’aimes pas, je ne t’aime pas. Si tu veux me tuer, je te tue. » ces
arguments fonctionnent bien ici sur des relations quasi logiques de cause à effet et
appellent des réactions quasi normales. Dans le premier et deuxième schème
argumentatif posant l’amour comme un sentiment de réciprocité présument des
réactions quasi- logiques de la relation : « si tu m’aimes, je t’aime » d’où + X + =
+, « si tu ne m’aimes pas, Je ne t’aime pas » d’où – X- = +. Il est logique d’aimer
celui qui t’aime et de haïr celui qui te haïr. Le troisième schème, étant le corollaire
des deuxièmes, pose une relation de cause à effet « Si tu veux me tuer, je te tue ».
On déduire que Kanégnon en utilisant ces arguments, montre sa ferme volonté de
ne pas céder aussi facilement que cela peut-être le fauteuil présidentiel à ses
opposants.
96
1. L’argument d’autorité
« Allons-y ! nous exhorte Tim ! Nous sommes presque arrivés au sommet ; allons-
y, encore un ou deux kilomètres, et nous sommes en France. Allez, courage ! Nos
ancêtres ont connu l’esclavage, ils ont survécu ; ils ont connu la colonisation et les
travaux forcés, ils ont survécu. Nos frères ont souffert et souffrent encore les geôles
des pouvoirs dictatoriaux en Afrique. Ils n’en meurent pas toujours. Nelson
Mandela a fait un quart de siècle en prison, il en est sorti, se portant comme un
charme. Allez, à la guerre comme à la guerre ! l’Afrique de la pauvreté est en
guerre contre l’Europe de l’opulence ! Et nous devons arracher à la France ce
qu’elle a arraché à notre continent ! » page 61
« Tous les guerriers africains tirent leur force et leur puissance de leur
exceptionnelle performance libidinale. Soundiata, Chaka, Samory, pour ne citer
que les célèbres, possédaient des harems qu’ils satisfaisaient avec un courage
historique, à la grande satisfaction de leurs centaines d’amantes, et au grand
étonnement de leurs lieutenants » page 77
Dans cet énoncé ci-dessus, l’argument d’autorité relève de la référence des grands
guerriers africains que sont Samory, Soundiata et Chaka. Par l’évocation de ses
braves personnes, l’énonciateur, au-delà des possessions des armes à feu, il existe
97
des autres forces extérieures qui permettent de rendre invulnérable l’autorité et de
faire gagner une guerre. Ainsi, ces références illustrent l’argument de
l’énonciateur, Kanégnon. Kanégnon illustre parfaitement à travers ces références
historiques les raisons de sa besogne sexuelle. Car cette pratique concoure à
renforcer de sa puissance.
La finalité, rejetée par la science, joue un rôle capital dans les actions
humaines, et l’on peut en tirer plusieurs arguments, tous fondés sur l’idée que la
valeur d’une chose dépend de la fin dont elle est le moyen, arguments exprimant
non plus un « parce que », mais un « pour que ». Ces arguments se démontrent
dans Le paradis français par :
« -Tu es une perle, tu sais, mais je suis comme ça. Pour aimer, il faut que je sois
loin. Ne t’en fais pas. Nous nous verrons très souvent. Je te cède le studio de la rue
Tombe Issoire, tu verras, tu y seras à l’aise. Je n’ai pas, je dois partir. Je prends
une douche triste, puis je range mes affaires dans une valise : deux pantalons
jeans, trois pulls, trois chemises, cinq slips, deux serviettes, deux paires de
chaussures » page 114
Dans ce passage met en exercice l’argument de finalité qui exprime « un pour que
» se perçoit dans la réaction de Mira après que Jean-Marc lui est fait part de son
éloignement et sa soumission à la proposition de cette dernière d’être logée dans
le studio de la rue Tombe Issoire. Jean-Marc étant la seule personne qu’elle
connait dans cette ville et la seule personne qui peut lui apporter de l’aide, Mira se
sent obligé de suivre les instructions de celui-ci afin d’avoir un toit et surtout
qu’elle est une immigrée sans papier sur le territoire français.
Dans l’Etat Z’héros, ils s’énoncent à travers cet extrait :
« Je m’en fous du sida ! est-ce que je suis en train de te faire l’amour ? Et puis, le
sida, il y a beaucoup d’argent à gagner là-dedans ! Quand je serai Président, ma
femme va s’occuper personnellement de tout ce qui touche au sida » page 62
Dans cet extrait de l’Etat Z’héros ou la guerre des gous, l’argument de finalité se
traduit par la soif du pouvoir de Kanégnon. En effet, dans l’optique de gagner les
élections, Kanégnon s’adonnent à des pratiques mystiques sous prescriptions de
98
ses maitres sorciers. Cette prescription se veut qu’il puisse dormir avec un cadavre
sans fermer l’œil de toute la nuit tout en le serrant dans les bras. Kanégnon, ayant
accepté le rituel, le cadavre l’annonce son statut sidéen, mais « pour que » celui-ci
parvint au pouvoir, il lui démontre son manque de considération face à cette
maladie en ces termes : « je m’en fou du sida ». Kanégnon démontre que la fin
justifie les moyens.
Les arguments du troisième type sont eux aussi empiriques, mais ils ne
s’appuient pas sur la structure du réel, ils la créent ; ou du moins la complètent,
faisant apparaitre entre les choses des liaisons qu’on ne voyait pas, qu’on ne
soupçonnait pas. Ces arguments portent sur l’exemple, l’illustration et la
métaphore.
« Tous les guerriers africains tirent leur force et leur puissance de leur
exceptionnelle performance libidinale. Soundiata, Chaka, Samory, pour ne citer
que les plus célèbres, possédaient des harems qu’ils satisfaisaient avec un courage
historique, à la grande satisfaction de leurs centaines d’amantes, et au grand
étonnement de leurs lieutenants. » page 77
99
Dans le paradis français, il se déploie par :
On assiste ici, à une illustration de joie. Par cette illustration, Mira affirme sa
nostalgie de son pays natal, la Côte d’Ivoire. Cette nostalgie est traduite par les
chansons ivoiriennes en France. L’illustration permet de comprendre la vraie joie
se trouve en Côte d’Ivoire.
« je suis malheureuse. Je suis sortie de l’enfer de Rome pour tomber dans un autre,
à Lyon. Je me mets à pleurer. Je maudis ce jour où j’ai répondu à cette annonce de
demande de correspondance, je maudis le web qui colporte ces fausses
informations. » page 81.
100
La métaphore apparait dans le syntagme « l’enfer de Rome ». La lexie « enfer »
fait office de métaphorisant. La lexie « enfer » qui se réfère à l’isotopie de lieu de
damnation transfert son sens au métaphorisé « Rome ». A travers cette métaphore,
Mira dévoile son regret et sa douleur.
101
contribution des actes illocutoires et des procédés pathétiques tels la séduction et
la dramatisation. Les éléments ont mis en avant la peur, la crainte, et la sympathie
comme effets ressentis chez les différents récepteurs du discours.
Le point portant sur le logos a démontré l’usage des différents arguments par les
énonciateurs. Ces arguments s’élèvent à trois niveaux à savoir les arguments
quasi- logiques, les arguments fondés sur la structure du réel et les arguments
fondant la structure du réel. L’usage de ces arguments renforce l’idée de
persuasion dans les énoncés.
102
CONCLUSION
103
rhétorique argumentative reste néanmoins littéraire et permet de mesurer la portée
des subjectivités langagières contenues dans ces romans.
La première partie de notre travail intitulée « stylistique et rhétorique :
théories et histoires » est portée essentiellement sur les théories, histoires et
méthodologiques de ces disciplines. Dans le premier chapitre intitulé « les
théories stylistiques », nous avons fait une mise au point des considérations
théoriques de la stylistique relativement à ses grands embranchements à savoir
celui de l’Émission et de la Réception. Nous sommes partis d’une élucidation des
grandes théories stylistiques de l’Émission et de la Réception avec leurs différents
animateurs. Les théories de l’émission ont eu pour animateurs Charles Bally avec
sa théorie stylistique de l’affectivité et Léo Spitzer avec sa théorie portant sur
l’herméneutique. Concernant la réception, elle a pour animateurs principaux
Michael Riffaterre avec sa théorie structuraliste et Georges Molinié avec la
sémiostylistique. A la suite, nous nous sommes intéressés à l’histoire de la
rhétorique et à la démarche méthodologique de la rhétorique argumentative dans
le deuxième chapitre. Ce chapitre a présenté l’évolution de la rhétorique, de ses
fondements antiques à sa nouvelle fusion d’avec l’argumentation. Ce chapitre a
traduit les différentes périodes de la rhétorique et relevé les animateurs qui les ont
marquées. On en substitue la rhétorique antique, classique et moderne.
L’historique de la rhétorique a permis de relever les fondements de la rhétorique
argumentative. Comme dernière articulation de cette partie, nous nous sommes
attardés sur l’investissement pragmatique de la rhétorique argumentative. Ce
chapitre a mis en lumière les concepts pragmatiques sur lesquels peut s’articuler la
rhétorique argumentative pour rendre plus efficace le discours. Ce point a été
étudié par l’apport des implicites qui est un pilier important dans la pragmatique
et permet une compréhensibilité dans la technique de persuasion. Aussi, par les
actes du langage qui ont permis d’examiner le transport entre le message véhiculé
et l’énonciateur et démontrés qu’argumenter c’est aussi posé un acte de
persuasion. Ce chapitre a transcrit un rapprochement entre ces outils pragmatiques
et la rhétorique argumentative.
104
La deuxième partie de notre travail « Analyse stylistique du Paradis
français et L’Etat Z’héros de Maurice Bandaman » s’est attelée à faire un examen
complet des procédés de lecture stylistique qui caractérisent les deux corpus. Cet
examen a vu la contribution du système figuré, du matériel lexical et du système
énonciatif. Le premier chapitre qui a pris en compte le système figuré a permis de
relever des écarts du code langagier des énonciateurs à travers les figures
macrostructurales et les figures microstructurales. Ces figures macrostructurales et
microstructurales mettent en évidence la désillusion de la jeune Mira et la
mauvaise gouvernance de Kanégnon. Quant au deuxième chapitre portant sur le
matériel lexical, cette étude s’est faite à partir des grilles du système connotatif, du
champ lexical technique et des isotopies. Ce chapitre nous a permis de relever
certaines manifestations discursives relatives à l’écriture postmoderne et à la
cinématographie. En ce qui concerne le dernier chapitre de cette partie portant sur
le système énonciatif, nous avons pu relever à travers les déictiques, les modalités
d’énoncé et les subjectivèmes, la mise en sens de la subjectivité langagière dans
ces deux romans. On note que, l’élaboration argumentative se démontre ici, par
les postes d’analyse stylistiques. Cette étude a permis de démontrer les différentes
démarches qu’un texte ou un énonciateur peut empreinter dans l’optique de rendre
persuasif son discours. Ainsi donc, cette démarche a relevé le caractère littéraire
des textes-corpus.
La dernière partie de notre travail s’intitule « Analyse de la rhétorique
argumentative du Paradis français et de L’Etat Z’héros ».
Cette partie a porté principalement sur la triade argumentative : l’éthos, le pathos
et le logos. Le premier chapitre sur « l’éthos » nous a permis de voir les postures
éthotiques à travers le système figuré et le lexique. Ce chapitre a démontré, par
ces procédés stylistiques, qu’il existe différentes formes d’image associées aux
personnages selon leur parcours narratif. Quant au deuxième chapitre portant sur
le pathos, nous nous sommes attardés à l’évaluation des sentiments éprouvés par
les récepteurs potentiels du discours par les actes illocutoires et certains procédés
pathétiques à savoir la séduction et la dramatisation. Ces énoncés ne recherchent
105
pour leurs parts qu’à mettre en relief la manière dont les énonciateurs arrivent à
faire réagir le ou les récepteurs potentiels du message.
Pour ce qui est du dernier chapitre intitulé « le logos » il nous a permis de
percevoir les non -dits dans les deux discours. Ce parcours a répondu à la
nécessité interprétative des énoncés à travers les trois principaux types
d’arguments que sont les arguments quasi-logiques, les arguments fondés sur la
structure du réel et les arguments fondants la structure du réel. Chaque type
d’argument a renforcé l’idée de la persuasion dans les énoncés et a permis de
connaitre les intentions des énonciateurs dans ces deux romans.
Il est à retenir à la suite de ces analyses que la stylistique est à la croisée des
sciences du langage. Pour son fonctionnement, elle a bien besoin de puiser les
compétences des autres disciplines telles que la rhétorique argumentative. En
conciliant les modèles rhétoriques à sa compétence de base, la stylistique ouvre
ainsi un potentiel analytique conséquent à l’approche des textes surtout ceux de
l’espace africain dont les programmes anecdotiques et structuraux sont destinés à
emporter la conviction du lecteur. Ainsi, en rapprochant les deux disciplines dans
l’analyse, nous avons pu montrer qu’il n’existe pas de barrières mais une
complémentarité. De même, l’approche de ces disciplines a permis de montrer que
la subjectivité des actants émetteurs demeure importante dans la détermination de
la littérarité des textes.
Comme on le voit, l’analyse stylistique et rhétorique argumentative
participe bien à la confirmation de l’hypothèse de base. C’est en alliant les deux
démarches de ces deux disciplines qu’elles ont permis d’imprimer à ces œuvres
d’être reçu en haut régime de littérarité. Cette jouissance esthétique est construite
sous les prismes d’une insouciance de l’Autre dans l’exercice du pouvoir étatique
comme le véritable problème vécu dans les sociétés africaines et l’apport des
nouvelles technologiques comme la base de la gangrène de la nouvelle société
africaine. On découvre en arrière fond de ces discours la dénonciation de ces
fléaux sociétaux comme l’élément catalyseur, la seule alternative au
bouleversement de l’ordre social.
106
BIBLIOGRAPHIE
I. CORPUS
107
BANDAMAN Maurice, L’Etat Z’héros ou la guerre des gaous, Edition Michel
Lafon, 1°Edition, 2016, 285 p.
108
MOLINIÉ (Georges), Éléments de stylistique française, Paris, 1986.
MEYER Michel, La rhétorique : Que sais-je ?, Paris, 3°Edition, PUF, 2011, 126
p.
KOFFI Loukou Fulbert, « la rhétorique des passions dans le livre biblique de Job
», Revue perspectives philosophiques, volume V, Numéro 9, Juin 2015.
109
V. DICTIONNAIRES SPÉCIALISÉS
VI. WEBOGRAPHIE
110
TABLE DES MATIÈRES
DÉDICACE...............................................................................................................I
REMERCIEMENTS.................................................................................................II
SOMMAIRE............................................................................................................III
INTRODUCTION...................................................................................................1
1. La rhétorique classique........................................................................................25
2. La rhétorique moderne........................................................................................26
111
3. Les topos ou les preuves......................................................................................30
1. Les présupposés...................................................................................................32
2. Les sous-entendus................................................................................................33
112
II. LE CHAMP ISOTOPIQUE.............................................................................62
1. L’isotopie dans Le paradis français....................................................................62
2. L’isotopie dans L’Etat Z’héros............................................................................64
113
I. LES ACTES ILLOCUTOIRES........................................................................89
1. Les verdictifs.......................................................................................................90
2. Les exercitifs et les expositifs..............................................................................90
3. Les comportatifs et les promissifs.......................................................................92
1. La contradiction ou l’incompatibilité..................................................................95
2. Les arguments quasi-mathématiques...................................................................96
1. L’argument d’autorité..........................................................................................97
2. L’argument de finalité, de gaspillage..................................................................98
CONCLUSION......................................................................................................103
BIBLIOGRAPHIE ...............................................................................................107
114
RÉSUMÉ
115