Compil Retranscriptions DO
Compil Retranscriptions DO
Compil Retranscriptions DO
INTRO
Commençons par quelques propos introductifs pour comprendre ce qu'il faut entendre par droit des
obligations, et ce que couvre cette matière. Ils seront l'occasion de préciser
A titre préliminaire il convient donc sur l'objet de la matière. Précisions dès maintenant que le droit
des obligations ne se limite pas au seul droit des contrats. La notion d'obligation est en effet plus
large que celle de contrat, qui n'est finalement qu'une source d'obligation parmi d'autres. Le contrat
est sans doute la principale source d'obligation, mais elle n'est pas l'unique.
A. LA NOTION D'OBLIGATION
= droit personnel
En droit privé, l'obligation est le lien juridique qui unit un créancier à son débiteur.
Ce lien peut être de différentes natures, il peut avoir différentes sources : un contrat par exemple,
mais aussi une créance qui pourrait être issue par exemple d'un jugement.
Quelle que soit sa source ce lien de droit est juridiquement sanctionnée. Le créancier doit pouvoir
obtenir ce celui qui est engagé à son égard, l'exécution de son engagement.
=> le droit des obligations couvre l'ensemble des règles qui régissent les liens par lesquels les
membres de la société sont tenus les uns envers les autres. On comprend donc que le droit des
obligations ne se limite pas au droit des contrats.
En effet, le lien unissant un créancier et un débiteur peut être comme on l'a dit de différentes
natures : il peut résulter d’un accident par exemple, qui fera naître une obligation de réparation pour
le fautif.
Au sens large, il faut donc comprendre que le droit des obligations concerne toutes les obligations
civiles, quelques soient leurs sources et leur nature.
Avant de préciser les sources d'obligations, il faut toutefois circonscrire cette notion d’obligation
civile, laquelle doit être distinguée de notions voisines.
2/ obligation dite naturelle : à nouveau, ce type d'obligation n'est pas à proprement parler juridique
et elle ne peut donc pas faire l’objet d'une exécution forcée. L'obligation naturelle c'est par exemple
l'obligation dictée par la conscience (ex : le débiteur dont la dette est prescrite mais qui tient à
rembourser son créancier, parce qu’il s’estime tenu, ou un père qui accepte de verser
mensuellement une certaine somme à ses enfants majeurs jusqu’à la fin de leurs études)
En principe, ces obligations naturelles qui se rapprochent fortement des obligations morales, ne
peuvent donc pas faire l'objet d'une exécution forcée. (Le fils à qui son père ne verse plus la somme
promise par son père, ne pourra pas exiger son versement en justice).
Mais cette affirmation, selon laquelle les obligations naturelles ne peuvent pas faire l’objet d’une
exécution forcée, doit être nuancée pour 2 raisons :
- première raison : lorsque l’obligation naturelle est volontairement exécutée par le débiteur, ce
dernier ne peut revenir dessus. En d'autres termes, il ne pourra pas invoquer le fait que la somme
versée était en réalité un du, pour en obtenir la restitution.
- deuxième raison : le fait qu'une personne s'engage volontairement à exécuter une obligation
naturelle va permettre, pour ainsi dire, de transformer cette obligation naturelle en obligation civile.
En s'engageant, en promettant l'exécution de l’obligation naturelle, le débiteur donne à cette
obligation tous les attributs de l’obligation civile, de sorte que le créancier va alors pouvoir agir
contre son débiteur. La solution est ancienne, elle a été admise par la jurisprudence et elle est
aujourd’hui consacrée à l’article 1100 alinéa 2 du Code civil.
Les obligations naissent d'actes juridiques, de faits juridiques ou de l'autorité seule de la loi.
Cet article précise que l'obligation civile naît, entre autres, de la promesse d’exécution d’un devoir de
conscience envers autrui. Il faut ici toutefois que le débiteur ait promis l'exécution.
Outre ce cas particulier de transformation de l'obligation naturelle en obligation civile, les obligations
civiles peuvent naitre de différentes manières.
2. Les différentes sources d’obligation.
On l'a vu, l'obligation est un lien de droit qui unit un créancier à un débiteur, mais ce lien peut avoir
des sources variées. Il peut résulter d’un contrat, ou de l'effet de la loi par exemple.
L'article 1100 du Code civil, dans sa nouvelle rédaction, précise à ce titre que les obligations naissent :
- d'actes juridiques
- de faits juridiques
- ou de l'autorité de la seule loi = ne sont pas traitées traditionnellement de la même manière que les
deux autres. En effet, la loi est en réalité à l'origine de toutes les obligations. Finalement, si un
contrat est obligatoire, c'est bien par l'effet de la loi. Quant aux textes qui créent des obligations
spécifiques (ex : contribution aux charges du mariage ou à l’éducation des enfants), => ces textes qui
sont très divers vont relever de matières spécifiques, et leurs études relèvent naturellement de
l'étude de ces différentes matières.
C'est ce qui explique que la plupart des manuels dédiés au Droit des obligations n'abordent pas ces
obligations qui naissent du fait de la loi, et c’est ce qui explique que le code civil, après avoir posé un
principe que les obligations naissent d'actes, de faits juridiques ou de l'autorité de la loi, se consacre
plus spécifiquement sur 3 sources d'obligations :
- le contrat
- la responsabilité extracontractuelle
Nous allons donc dire quelques mots sur les 2 dernières sources, avant d'envisager plus en détail la
notion de contrat, qui nous retiendra très largement durant ce cours.
1/ la responsabilité extracontractuelle :
Celle-ci peut résulter d'un délit civil ou d'un quasi-délit ou bien encore d’une cause objective de
responsabilité.(fait d’une chose/fait d’autrui)
L'obligation qui naît alors est une obligation de réparation du dommage causé à autrui, et cette
obligation trouve sa cause dans un fait juridique (une faute, un accident, le fait d'une chose).
Cette source d'obligation fait l’objet d'un cours à part entière et ne sera donc pas à traitée à
l'occasion de ce cours.
Cette expression est utilisée dans le Code civil pour désigner en réalité ce qu'on appelle les quasi-
contrats.
Le quasi-contrat est selon l'expression de Demolombe « quasi un contrat ». Plus précisément, il s’agit
de faits licites et volontaires qui vont donner naissance à des obligations juridiques. En réalité dans ce
cas, il n'y a pas de contrat à proprement parler mais le fait volontaire d’une personne qui va faire
mettre un engagement.
Ces quasi-contrat qui sont aujourd'hui au nombre de trois, font l'objet d'une législation spécifique :
- paiement de l'indu
- la gestion d'affaire
- l'enrichissement injustifié
3e source d'obligation, le contrat. Dans la mesure où elle est au cœur du cours de droit des
obligations, il convient de la développer davantage.
B. LA NOTION DE CONTRAT
Initialement, le contrat était défini dans le code civil comme une convention par laquelle une ou
plusieurs personnes s'oblige envers une ou plusieurs autres à donner/ à faire/ ou à ne pas faire
quelque chose.
- Par obligation de faire : on désignait toutes les obligations qui conduisent un débiteur à
accomplir une prestation positive en faveur d'un créancier. Lorsque cette obligation de faire
présentait un caractère personnel, la règle était qu'elle ne pouvait faire l'objet d'une exécution
forcée => Dans ce cas, seuls des dommages et intérêts pouvaient être alloués.
- Enfin, par obligation de ne pas faire : on désignait naturellement les hypothèses dans
lesquelles le débiteur de l'obligation devait s'abstenir de faire quelque chose. Par exemple, une
obligation de non-concurrence, dans laquelle le débiteur s'engage à ne pas concurrencer un nouveau
preneur.
La distinction entre ces 3 types d'obligations avait donné lieu à d'importantes controverses
doctrinales, et certains auteurs soulignaient notamment qu'une obligation de donner était avant tout
une obligation de faire de sorte que la distinction était en partie artificielle.
=> Par conséquent, le régime spécifique des obligations de faire qui ne pouvait donc pas faire l'objet
d'une exécution forcée, pouvait finalement paraître relativement discutable.
À l'occasion de la réforme du droit des obligations, le choix a été fait d'abandonner la distinction
entre les 3 types d'obligations. Cette distinction doit tout de même être connue dans la mesure ou à
l'aide à comprendre les anciennes solutions.
DESORMAIS, le contrat est donc défini à l'article 1101 du code civil et il est défini désormais comme
un accord de volonté entre 2 ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou
éteindre des obligations. La référence aux 3 types d'obligations, faire, donner ou ne pas faire, a donc
entièrement disparu.
Cette définition du contrat qui est contenue donc à l'article 1101 du code civil, appelle 2 remarques :
- Première remarque, le contrat est défini comme un accord de volonté. Par accord de volonté, on
entend donc que le concours entre 2 ou plusieurs déclarations de volonté est nécessaire. Cela ne
signifie pas pour autant que chacune des parties se soient engagées de manière positive, comme
nous le verrons à l'occasion de l'étude des différentes catégories de contrats. => Un contrat peut
parfaitement être unilatéral => une personne peut tout à fait s'engager à faire quelque chose au
profit d'une autre personne, elle seule et donc engagée, l'autre personne se contentant alors
d'accepter cet engagement.
=> Dans cette hypothèse, il y a bien un accord de volontés entre celui qui s'engage et celui qui
accepte l'engagement. Pour autant, une seule partie est engagée positivement.
Il reste que, dans la mesure où il est un accord de volonté, le contrat doit être distingué de l'acte
juridique unilatéral. L'acte juridique unilatéral émane de la volonté d'une seule personne. Il peut
avoir différents effets :
La différence avec le contrat est ici que l'acte unilatéral ne repose pas sur un accord entre 2 ou
plusieurs personnes. Il n'émane que d'une seule personne, et ne va produire des effets de droit que
du fait de la loi.
Dans la même idée, le contrat doit également être distingué de l'engagement unilatéral. Cette notion
d'engagement unilatéral a donné lieu à des controverses relativement classiques.
La question qui s'est posée a été de savoir si, outre les actes unilatéraux auquel la loi attache des
effets de droit, une personne peut-elle, s'engager de sa propre volonté ?
Pendant un temps, les auteurs ont été relativement hostiles à cette idée. Finalement, si une
personne peut s'engager par sa propre volonté, ne peut-elle pas alors se délier exactement de la
même manière ? => L'engagement unilatéral ne pourrait alors pas être générateur d'obligation
juridique dans la mesure où celui qui s'est engagé seul au profit de quelqu'un d'autre, sans que ce
dernier ne l'accepte donc, pourrait se désengager également seul, sans que le bénéficiaire n'ait alors
son mot à dire.
Aujourd'hui, les débats sur cette question se sont un peu épuisés. La jurisprudence s'est en effet
montrée assez favorable à l'admission de l'engagement unilatéral dans certaines occasions.
Elle l'a admis par exemple pour les loteries publicitaires, où elle a pu juger, qu'une société qui
annonçait par une lettre à une personne qu'elle avait gagné un lot, alors qu'en réalité cette personne
ne pouvait que participer à une loterie, eh bien, la société s'engageait à offrir ledit lot.
Par la suite, la question a été réglée et sur le terrain des quasi-contrats. Mais pendant un temps,
l'admission s'est bien faite sur le terrain de l'engagement unilatéral de volonté, engagement qui
devenait alors véritablement générateur d'une obligation, (obligation de fournir le lot promis).
Aujourd’hui, la question semble réglée dans la mesure où la nouvelle définition de l'acte juridique qui
résulte de la réforme du droit des obligations permet implicitement de reconnaître une valeur
juridique à l'engagement unilatéral de volonté.
= En effet, l'acte juridique est défini à l'article 1100 -1 du code civil = comme une manifestation de
volonté destinée à produire des effets de droit. Il est par ailleurs précisé que cette manifestation de
volonté peut être unilatérale. => La notion d'acte juridique unilatéral pourrait donc inclure celle d'un
engagement unilatéral de volonté.
Quoi qu'il en soit, dans la mesure où l'engagement unilatéral n'émane que d'une seule personne, il
n'est pas un contrat.
- 2e remarque impliquée par la définition du contrat donné à l'article 1101 du code civil, l'accord de
volontés doit avoir pour objet, nous dit l'article, la création, la modification, la transmission ou
l'extinction des obligations. Cette énumération est en réalité particulièrement large et elle permet
d'englober des objets très différents. Elle intègre les anciennes obligations de faire, de ne pas faire ou
de donner.
Ce qui importe finalement ici, c'est que le contrat entraîne un ou des effets juridiques relatifs à une
obligation.
De par la largesse de la définition, le contrat recouvre ainsi des réalités très variées.
- Il peut être conclu pour un temps déterminé, plus ou moins court ou plus ou moins long ; il peut
être également conclu pour un temps indéterminé.
Il existe plusieurs qualifications qui ont été proposées initialement par la doctrine. Ces classifications
ont été repris en partie dans le code civil. Il ne s'agit donc pas de revenir sur l'ensemble des
classifications proposées, et l'on s'en tiendra ici aux classifications principales, qui sont aujourd'hui
mentionnées dans le code civil.
- Le code civil distingue tout d'abord les contrats soumis à une dénomination propre des autres
contrats. = c'est l'article 1105 du code civil.
Il s'agit des contrats qui possèdent tout simplement un nom particulier, qui est utilisé dans la loi. Ces
contrats sont soumis à des règles spécifiques.
b) D'autres contrats, à l'inverse, sont dite innommés, tout simplement parce qu'ils n'ont pas de
dénomination propre dans le code.
- Autre distinction opérée dans le code civil : celle qui oppose les contrats unilatéraux, que l'on a déjà
rencontrés, et les contrats synallagmatique.
Dans le premier, les contrats unilatéraux, une seule personne s'engage au profit d'une autre qui a
simplement accepté cet engagement.
Ce contrat unilatéral ne crée donc pas de engagements réciproques entre les parties.
≠ À l'inverse, dans un contrat synallagmatique, les cocontractants s’obligent réciproquement les uns
envers les autres.
L'exemple le plus typique de contrat synallagmatique est le contrat de vente. L'une des parties
s'engage alors à donner la chose, vendue, tandis que l'autre s'engagea à en payer le prix. Chaque
partie est donc à la fois créancier et débiteur de l'autre. Le vendeur est créancier du prix qu'il doit
recevoir, mais il est aussi des bitters dans la mesure où il doit délivrer la chose. / Réciproquement,
l'acheteur est débiteur du prix qu'il doit verser, mais il est également créancier de la chose qu'il doit
recevoir.
Cette distinction entre contrat synallagmatique et contrat unilatéraux a des conséquences pratiques
importantes,
- en termes de preuve, par exemple. Un contrat synallagmatique doit être établi en autant
d'exemplaires que d'originaux.
- en termes de force obligatoire également. Dans le contrat synallagmatique, le fait qu'une partie ne
exécute pas son obligation va permettre à l'autre de suspendre l'exécution de la sienne ou de
demander la résolution du contrat.
Ces solutions ne peuvent pas totalement être transposées aux contrats unilatéraux.
- Les contrats sont encore distingués selon qu'ils sont conclus à titre onéreux ou à titre gratuit. Le
contrat est dit à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l'autre un avantage, en
contrepartie de celui qu'il procure. Autrement dit, chacun a accepté de s'engager qu'en considération
de l'avantage qu'il reçoit de son cocontractant.
C'est le cas par exemple de la vente. Le vendeur ne s'oblige à transférer la propriété de la chose que
parce qu'il reçoit en échange le prix.
≠ Au contraire, le contrat est à titre gratuit lorsqu'une personne procure un avantage à une autre
mais sans recevoir de contrepartie en échange.
- Les contrats sont également distingués selon la forme qu'ils doivent revêtir pour être valable. Cette
forme peut être solennelle, consensuelle ou réelle. La distinction entre ces 3 types de contrats est
exposée à l'article 1109 du code civil.
- Le contrat consensuel, tout d'abord, est un contrat qui se conclue par le seul échange des
consentements et dont la validité n'est subordonnée à aucune condition de forme. Le contrat
consensuel est d'ailleurs la règle, selon le code civil, ce qui veut dire que par principe, tous les
contrats sont consensuels, sauf lorsque la loi en dispose autrement.
- ≠ Le contrat sera dit solennel, lorsqu'il doit remplir des conditions de forme spécifique pour être
valablement formé. Cette forme peut, par exemple consister dans la rédaction d'un acte
authentique, d'un acte notarié (donation), mais cette forme peut être aussi beaucoup plus simple
(par ex, l'exigence d'un écrit). Lorsque cette solennité est exigée à titre de validité, le contrat sera
considéré comme nul si la forme requise n'a pas été respectée.
Il convient toutefois de préciser que la solennité comme condition de validité ne concerne en réalité
que peu de contrats, le principe restant, on l'a vu, le consensualisme, autrement dit, la conclusion du
contrat par le seul échange des volontés.
Il faut ici être relativement attentif parce que parfois un certain formalisme pourra être exigé, mais
sans toutefois être une condition de validité du contrat. Lorsque la forme n'est requise que à titre
probatoire, on parle alors de formalités ad probationem. => Dans ce cas, la forme requise, par
exemple, un écrit, ne sera essentiel que pour prouver l'existence du contrat, mais il ne s'agit pas
d'une règle de validité. Elle n'est donc pas exigée ad validitatem.
= C'est le cas par exemple pour une reconnaissance de dette, laquelle doit être faite par écrit à titre
uniquement probatoire.
- Le contrat réel suppose, pour être valablement formé, la remise d'une chose. Cette catégorie est
toutefois en nette déclin et inclut aujourd'hui un nombre très limité de contrats.
La validité du contrat dépend ici directement de sa nature consensuelle, solennelle ou réel. La
distinction a donc là encore des conséquences pratiques importantes et doit être connue.
- Autre distinction que l'on trouve présente dans le code civil, la distinction entre les contrats de gré à
gré et les contrats dits d'adhésion. Cette distinction est relativement ancienne, mais elle est restée
pendant très longtemps essentiellement doctrinale. La réforme du droit des contrats l’a toutefois
reprise et à attacher des conséquences particulières puisque les contrats d'adhésion sont soumis à
un régime particulier.
La première catégorie, celle des contrats de gré à gré, englobe tous les contrats dont le contenu était
librement négociable.
≠ À l'inverse, entreront dans la catégorie des contrats d'adhésion, les contrats, dont un ensemble de
clauses non négociables a été déterminé à l'avance par l'une des parties (par exemple, contrat
d'abonnement dans lequel l'une des parties se contente de signer et d'adhérer à un certain nombre
de clauses et de conditions).
Ces 2 types de contrats ne sont pas soumis au même régime, notamment pour ce qui est de la
validité de certaines clauses.
Dans le contrat d'adhésion une clause non négociable qui créerait un déséquilibre significatif entre
les parties pourra être attaquée en justice et réputée non écrite.
Depuis la réforme de 2016, ces contrats d'adhésion font l'objet de dispositions spéciales dans le code
civil, disposition que nous verrons à l'occasion de ce cours.
- Dernière distinction mentionnée dans le code civil, c'est la distinction proposée par l'article 1111 -1
du code civil. Cet article oppose les contrats à exécution successive, dont les obligations s'exécutent
en plusieurs prestations échelonnées dans le temps, et les contrats à exécution instantanée, dont les
obligations s'exécutent en une prestation unique.
D'autres classifications doctrinal existent ou ont pu être proposées. Il n'est pas possible ni réellement
opportun, de toutes les énumérer. En réalité, cette multiplicité des classifications permet de mettre
en lumière l'immense diversité des situations contractuelles. Les classifications proposées emportent
le plus souvent des conséquences pratiques, que ce soit quant aux conditions de validité des
contrats, ou quant au régime auquel ils sont soumis. Le plus souvent, ces classifications vont
d'ailleurs se recouper.
Cela étant, quelles que soient les classifications opérées, tous les types de contrats, si divers soient-
ils, sont soumis à un régime commun, au droit commun des contrats. A ce droit commun peut parfois
s'ajouter des régimes spéciaux qui seront propres à certains contrats.
=> C'est le cas notamment du contrat de vente qui est soumis à des règles spécifiques.
Toutefois, ce socle commun, qui forme le droit commun des contrats, s'appliquera
systématiquement et c'est ce droit commun, ce socle qui nous retiendra durant ce cours.
Ce droit commun des contrats connaît de certains principes directeurs ou généraux qu'il faut dès à
présent présenter.
Concernant les principes généraux du droit des contrats, il faut comprendre que le droit des contrats
repose sur 3 piliers essentiels que l'on peut donc qualifier de principes.
Depuis la réforme du droit des obligations, ces 3 principes généraux figurent dans un chapitre intitulé
dispositions liminaires. => la réforme a donc renoncé à présenter ces 3 règles comme des principes
généraux. Elle, préfère le qualificatif de dispositions liminaires, ce qui signifie finalement que ces
principes ne présenteraient pas un niveau supérieur par rapport aux autres règles applicables au
droit des contrats.
Il reste toutefois que ces 3 dispositions, ces 3 règles demeurent des lignes directrices qui irriguent
l'ensemble de la matière.
- Le premier de ces principes est celui de liberté contractuelle. Il est désormais repris à l'article 1102
du code civil. Aux termes de cet article 1102, chacun est libre de contracter ou de ne pas contracter,
de choisir son cocontractant et de déterminer le contenu et la forme du contrat dans les limites
fixées par la loi.
- premier aspect, celui de s'engager dans un contrat, liberté de s'engager ou pas dans un contrat ;
personne ne peut être contraint à signer un contrat.
- 2e aspect, la liberté de choisir la personne ou les personnes avec lesquelles on entend s'engager.
Ce principe de liberté contractuelle est souvent présenté comme un principe essentiel au bon
fonctionnement et au bon développement des relations économiques. Il n'est toutefois pas sans
limites, dans la mesure où la liberté contractuelle ne saurait permettre de déroger aux règles qui
intéressent l'ordre public. Or, ces règles sont de plus en plus nombreuses, ce qui conduit des auteurs
à dénoncer un déclin du principe de liberté contractuelle.
- Le 2e principe général tient à la force obligatoire des contrats. La règle, qui était initialement posée
par l'ancien article 1134, était célèbre. Elle a été reprise presque à l'identique au nouvel article 1103.
Cet article dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. On
comprend ici que le contrat est la loi des parties, et c'est d'ailleurs de ce principe que le contrat tient
sa force obligatoire. => Le contrat doit donc être exécuté par les parties sous peine de sanctions.
- 3e et dernier principe : la bonne foi. Initialement, la bonne foi n'était exigée que dans l'exécution du
contrat. L'article 1134 disposait en effet in fine que les conventions doivent être exécutées de bonne
foi. Pour autant, la jurisprudence avait fini par voir dans cette affirmation un principe général valable
aussi bien pour la formation du contrat que pour son exécution. => Le nouvel article 1104 du code
civil a repris cette conception et prévoit désormais expressément que les contrats doivent être
négociés, formés et exécuté de bonne foi, cette disposition étant d'ordre public.
Positivement, l'obligation de bonne foi se traduit par une règle de conduite, un devoir de loyauté
envers son cocontractant.
Ce tour d'horizon du droit des obligations en général et du droit des contrats en particulier étant fait,
il reste désormais à dire quelques mots sur la réforme du 10 février 2016, avant de pouvoir
véritablement entrer dans le vif du sujet.
Quelques mots donc, sur cette réforme du droit des obligations qui est intervenue en 2016 et qui a
profondément modifié la matière.
Cette réforme est intervenue à l'occasion d'une ordonnance du 10 février 2016, ordonnance qui a
réformé plus précisément
Elle ne porte donc pas sur l'ensemble du droit des obligations. La responsabilité délictuelle, par
exemple, n'a pas été réformée sur le fond. Un projet de réforme est toutefois en cours sur ce point.
En la matière s'agissant donc de la responsabilité délictuelle, la réforme de 2016 a simplement
conduit à une renumérotation des articles. Mais leur contenu demeure rigoureusement identique.
Pour ce qui est du droit des contrats, en revanche, il y a non seulement eu une renumérotation
complète des articles, mais aussi d'importants changements sur le fond :
- Ajout de principes,
- Adaptation.
Il faut donc être particulièrement vigilant lorsque vous étudiez un arrêt, par exemple, demandez-
vous toujours s'il a été rendu avant ou après la réforme du droit des obligations, car la numérotation
de l'article mentionné dans l'arrêt peut tout à fait avoir changé, de même que son contenu.
Il est donc important de se référer au bon article, selon qu'il résulte de la réforme ou selon qui lui est
antérieure.
Pour bien comprendre l'importance de cette réforme, nous allons commencer par dire quelques
mots sur :
- puis nous verrons ensuite comment cette réforme doit s'appliquer dans le temps.
A. LE CONTEXTE DE LA REFORME
Parce qu'il régit les rapports économiques entre les membres de la société, le droit des obligations
est fondamental. Il renferme toutes les règles applicables à l'ensemble des contrats et y compris aux
contrats spéciaux.
Or, au fil du temps, le droit des obligations avait perdu un peu de sa lisibilité.
La source légale de ce droit devrait être par principe, et sans surprise, le code civil. Mais la plupart
des articles du code qui étaient consacrés au droit des obligations était demeuré inchangé depuis
1804.
Dans ce contexte, la jurisprudence a joué un rôle prépondérant. C'est elle qui a permis l'adaptation
des textes au fil du temps. => Le droit des obligations a ainsi profondément évolué à la fois dans les
principes applicables mais aussi dans son esprit général.
Ex : Le principe d’immutabilité du contrat, c'est à dire l'impossibilité pour une partie de modifier seul
le contenu du contrat ou de mettre fin à ce contrat, s'est par exemple énormément assoupli avec le
développement d'une certaine solidarité contractuelle.
Les textes demeuraient donc inchangés, mais les principes, eux, avaient fondamentalement évolué.
Cette évolution s'est faite essentiellement en dehors du code civil, de sorte que l'essentiel du droit
des obligations ne se trouvait plus en son sein, ce qui pouvait paraître fondamentalement paradoxal
pour un pays de droit écrit et pour une matière aussi fondamentale.
+ À cela s'est ajouté, dans le courant du 20e siècle, le développement de sources internationales et
européennes. Ce développement a entraîné un important besoin d'harmonisation du droit des
contrats entre les différents pays membres.
D'importantes directives européennes ont d'ailleurs conduit le législateur français à adapter le droit
interne existant.
Des aménagements ponctuels ont donc été faits sous l'impulsion du droit européen, mais de manière
générale, le code de 1804 apparaissait de plus en plus en décalage avec les enjeux d'harmonisation
du droit et son vieillissement pénalisait la France.
De nombreux pays, qui s'étaient inspiré dans un premier temps du code napoléonien, ont réformé
par la suite leur législation et se sont affranchis de ce code en raison de son vieillissement.
En définitive, et pour résumer, une réforme de notre droit des obligations, s'imposait à 2 titres :
- Premièrement, un certain vieillissement des textes à la fois dans la forme, le style, l'écriture
législative a changé, et dans le fond, les textes ne reflétaient plus parfaitement l'état du droit tel
qu’appliqué par la jurisprudence.
- 2e titre auquel s'imposait cette réforme, une perte d'attractivité de notre code dans un contexte
d'harmonisation des législations européennes, notamment ici, une certaine concurrence est apparue
avec les droits de Common Law, parfois jugé plus flexible et mieux adapté au monde moderne.
Il aura finalement fallu attendre 2016 pour qu'une réforme voit le jour sous la forme d'une
ordonnance. L'ambition de l'ordonnance du 10 février 2016 n'était pas de révolutionner le droit des
obligations, mais davantage de mettre le code civil en adéquation avec l'évolution qu'a connue la
matière.
C'est ce qui explique d'ailleurs que sur le fond, la réforme a en grande partie repris et consacré les
solutions qui ont été dégagées au fil du temps par la jurisprudence.
Il reste que sur certains points, comme nous le verrons, la réforme est allée à contre-courant des
solutions précédemment établies.
Sur le plan substantiel, la réforme a permis une certaine clarification du droit. Elle a apporté quelques
nouveautés que nous aurons donc l'occasion de détailler.
≠ Sur le plan plus formel, la réforme a conduit à une renumérotation complète des articles et à une
modification du plan du code ainsi qu’à un changement dans le style de rédaction des articles.
Cette ordonnance de 2016 a été suivie d'une loi de ratification, loi en date du 20 avril 2018.
En effet, comme nous l'avons vu, la réforme du droit des obligations a été faite par voie
d'ordonnance, c'est à dire à l'initiative du gouvernement.=> Une loi de ratification était donc
indispensable puisque les d'ordonnances doivent en principe être ratifiées par le Parlement, à peine
de caducité.
La loi de ratification s'est quelque peu fait attendre et elle a finalement été promulguée en avril
2018.
Sur le fond, cette loi préserve, dans sa très grande majorité, le contenu de l'ordonnance de 2016.
Quelques modifications ou clarifications ont tout de même était apportées par le Parlement au texte
issu de l'ordonnance. Nous les verrons là encore au fur et à mesure du cours.
Pour l'essentiel, il s'agissait de corriger certaines incertitudes, voir certaines incohérences, qui
avaient pu être soulignées, notamment par la doctrine au lendemain de l'entrée en vigueur de
l'ordonnance.
Voyons désormais comment doivent être appliquées ces 2 textes dans le temps.
Afin de connaître le droit applicable à une situation juridique ou à un contrat en cours d'exécution, il
faut donc regarder la date de naissance de cette situation ou la date de conclusion du contrat.
L'ordonnance du est entrée en vigueur au 01 octobre 2016 => elle est donc applicable aux contrats
qui ont été conclus ou renouvelés après le 1 octobre 2016.
Quant à la loi de ratification du 20 avril 2018, elle est entrée en vigueur au 1 octobre 2018.
Elle est donc applicable aux contrats conclus ou renouvelés après le 1 octobre 2018. (article 16 de
la loi)
Il convient tout de même de préciser que certaines dispositions de la loi de ratification sont dites
interprétatives. = En d'autres termes, elles viennent simplement préciser la manière dont doivent
être interprétés certains textes de l'ordonnance.
Comme toutes les dispositions interprétatives, elles sont d'application rétroactive au jour de l'entrée
en vigueur du texte qu'elles viennent interpréter = En d'autres termes, elles seront rétroactives au
jour de l'entrée en vigueur de l'ordonnance.
- Première situation : si le contrat a été conclu ou renouvelé avant le 1 octobre 2016. => dans
ce cas, le droit antérieur subsiste et s'applique à ce contrat. Il faut donc s'en remettre à l'ancienne
numérotation et aux anciens textes. À ce titre, l'ancien droit doit donc être connu et maîtrisé.
- 3ème hypothèse : Le contrat a été conclu ou renouvelé après le 1 octobre 2018. => Dans ce
cas, le contrat est alors soumis au droit nouveau, c'est à dire le droit issu de la loi de ratification, qui
reprend, comme on l'a vu en grande majorité, les dispositions de l'ordonnance.
La coexistence de ces 3 droits, anciens intermédiaires et nouveaux, est appelée à durer encore
quelques années puisque beaucoup de contrats en cours d'exécution ont été conclus avant 2018 ou
avant 2016.
Cela signifie qu'il est essentiel de maîtriser aussi bien l'ancien droit que le nouveau.
Il faut donc bien comprendre à chaque étape du cours ce que la réforme a pu changer par rapport
aux anciens textes et aux anciennes solutions jurisprudentielles.
Ces éléments introductifs exposés, nous allons pouvoir désormais entrer dans le cœur de la matière.
Schématiquement, les règles qui régissent le contrat concerne à la fois sa naissance / sa conclusion et
sa vie / ses effets.
- Enfin, une 3e partie plus brève sera l'occasion d'aborder les quasi-contrats.
PARTIE 1. LA CONCLUSION DU CONTRAT
- mais elles vont aussi concerner sa validité. Le contrat qui n'est pas valablement formé ne peut pas
avoir des faits juridiques.
- puis dans un second les règles qui gouvernent la validité des contrats.
Dans la vie de tous les jours des contrats se forment en très peu de temps et sans poser de
problèmes particuliers ; lorsque vous achetez une baguette de pain par exemple. Le consensualisme
facilite et privilégie cette conclusion rapide et instantanée des contrats puisque aucune forme
particulière n'est requise.
Cela étant, d'autres contrats peuvent être le résultat d'un processus beaucoup plus long : achat d'un
bien immobilier, conclusion d'un contrat de location ou d'un contrat de travail par exemple. De
manière générale, la conclusion de ces contrats va être plus longue et impliquer une phase de
négociation avant d'arriver à un accord. C'est ce que l'on appelle traditionnellement la phase
précontractuelle phase qui précède donc la conclusion du contrat définitif.
Il reste que quelle que soit l'importance du contrat et quelle que soit la longueur de sa phase
précontractuelle, la conclusion du contrat résulte toujours de la rencontre d’au moins deux volontés
qui s'accordent pour contracter. Il est donc toujours le résultat de la rencontre entre une offre de
contracter et une acceptation.
Nous étudierons
- et une acceptation lorsque cette offre va d'être acceptée par une autre.
Le principe est désormais posé à l'article 1113 du Code civil = « Le contrat est formé par la rencontre
d’une offre et d'une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s'engager. »
Voyons
- tout d'abord ce qu'est une offre de contracter et les caractéristiques qu'elle doit revêtir
I. L'offre de contracter.
L'offre de contracter est souvent désignée sous le terme de pollicitation. Il s'agit en réalité d'une
proposition de contrat. Plus précisément, c'est une manifestation unilatérale de volonté par laquelle
une personne fait connaître son intention ferme de contracter et les conditions essentielles du
contrat qui est offert.
Comme le précise l'article 1114 du Code civil, l'offre de contracter exprime la volonté de son auteur
d'être engagé en cas d'acceptation. Il faut d’ailleurs préciser dès à présent que cette offre peut être
faite à une personne déterminée, c'est-à-dire une personne précise nommée ou à une personne
indéterminée, en d'autres termes l'offre et alors faite au public.
L'offre est régie comme je l'ai souligné par les articles 1114 et suivants du Code civil. Ces articles
précises à la fois les caractères que doit présenter l'offre est le régime auquel elle est soumise.
Pour pouvoir être qualifiée d'offre et donc relever du régime de l'offre, la proposition de contracter
doit être à la fois ferme et précise ; ce sont là les deux caractères essentiels de l'offre.
1/ La fermeté pour commencer. Dans la mesure où l'offre exprime la volonté de son auteur d'être
engagé en cas d'acceptation, elle doit être ferme.
=> En d'autres termes la volonté d'être engagé doit être non équivoque. => Il en résulte qu'une
proposition équivoque ou assortie de réserves ne peut pas valoir offre de contracter.
Ex : Ainsi le propriétaire d'un appartement qui propose sur Internet sont bien à la location sous
réserve du sérieux et de la solidité des dossiers des futurs locataires, et bien ce propriétaire ne met
pas à proprement parler une offre de location. Dans la mesure où il réserve le choix du futur
locataire, sa proposition ne peut pas valoir offre : elle n’exprime pas la volonté d'être
irrémédiablement engagé en cas d’acceptation.
On soulignera d’ailleurs à ce propos que les réserves qui peuvent accompagner une proposition
peuvent être expresses, elles résultent alors des formules qui accompagne l'offre, ou tacites. Elles
résultent alors de la nature même du contrat. C'est le cas notamment pour les contrats conclus
intuitu personæ = En d'autres termes les contrats conclus en considération de la personne du
contractant.
Pour ces contrats une réserve d'agrément est tacitement ou implicitement comprise dans la
proposition qui ne peut alors pas être qualifiée d’offre.
Ex : Le cas du bailleur que nous venons d'évoquer en est d'ailleurs un exemple. Quand bien même le
propriétaire n’aurait pas conditionné la conclusion du contrat à la solidité du dossier des prétendants
locataires ; le contrat de location est un contrat intuitu personae dans lequel la personne du locataire
est déterminante. La proposition ne sera donc pas ici considérée comme une offre mais comme une
invitation à entrer en pourparlers.
Il en va de même par exemple d'une offre d'emploi à défaut tout candidat qui se présenterait serait
immédiatement et automatiquement embauché.
À défaut de fermeté donc, la proposition ne pourra pas être qualifiée d'offre de contracter => elle
pourra cependant éventuellement consister en une invitation à entrer en pourparlers, mais une telle
invitation à l'inverse de l'offre n'entraîne pas de conséquences juridiques.
Aux termes de l'article 1914 du code civil, l'offre pour être qualifiée comme telle doit comprendre les
éléments essentiels du contrat projeté. Elle doit donc être suffisamment précise.
Les éléments essentiels qui doivent figurer dans l'offre dépendent alors du type de contrat projeté
Par exemple pour la vente, il s'agira de la désignation de la chose vendue et de son prix. Là encore si
un élément essentiel du contrat fait défaut par exemple le prix, il ne pourra pas s'agir d'une offre
faute de précision suffisante. Ainsi une mention prix à débattre dans une annonce de vente exclut-
elle que celle-ci puisse être qualifié d'offre.
≠ En revanche, l'offre n'a pas à revêtir de forme particulière, elle peut être écrite ou orale. Cela
posera éventuellement des difficultés d'ordre probatoire mais sans affecter la nature même de
l'offre. L'article 1113 du Code civil le prévoit d'ailleurs expressément, puisqu’il précise que l'offre
comme l'acceptation d'ailleurs peuvent résulter d'une déclaration ou d'un comportement non
équivoque de son auteur. La seule condition est donc en réalité que l'offre ait été extériorisée mais
aucune forme ni aucun écrit n’est requis.
Cette règle de liberté vaut toutefois sous réserve des dispositions propres à certains contrats qui
peuvent être conclus notamment par voie électronique. Dans ce cas les différentes étapes à suivre
pour la conclusion du contrat électronique doivent impérativement être signalé.
Pour tous les autres contrats en revanche, et y compris ceux qui seront conclus par courrier
électronique, aucune forme n’est imposée. Dès lors qu'une proposition de contracter est extériorisée
et que cette proposition est suffisamment ferme et précise, elle est constitutive d'une offre et est
soumise au régime correspondant.
B/ Le régime de l'offre
Une fois émise, l'offre engage son auteur ce qui signifie que si celle-ci est acceptée, le contrat sera
immédiatement formé. Cela étant l'offre peut dans certains cas être rétractée ou devenir caduque.
1 / La rétractation de l'offre tout d'abord. Une fois l'offre extériorisée, comme nous l'avons dit, il
suffit qu'elle soit acceptée pour que le contrat projeté soit conclu. Mais avant cette acceptation,
l'offre lie-t-elle son auteur ?
Ici la question qui se pose est en fait de savoir si l'offrant peut librement rétracter son offre. D'un
côté, le respect des libertés individuelles devrait le permettre et pendant longtemps, il était admis
que par principe l'offrant était libre de rétracter sa proposition. / Mais de l'autre côté la sécurité des
transactions et le respect des prévisions des potentiels destinataires de l'offre dictent une solution
inverse.
En effet, l'offre ne devrait peut-être pas être complètement abandonnée à la volonté de celui qui l’a
émise mise. Dans une perspective de sécurité juridique, il faut prendre également en compte les
intérêts de la personne qui a reçu cette offre. Le destinataire de l'offre doit pouvoir disposer en toute
quiétude d'un certain temps pour réfléchir à l'offre qui lui est faite.
Afin de préserver à la fois les libertés de l'offrant et les prévisions des destinataires, la rétractation de
l'offre a donc été encadrée. Il faut ici aussi distinguer :
- Première hypothèse : tant que l'offre n'est pas parvenue à son destinataire, le principe est celui de
la liberté = l'offre peut librement être rétractée par son auteur. La solution anciennement admise par
la jurisprudence a été consacrée à l'article 1115 du Code civil.
- Deuxième hypothèse : l'offre est parvenue à son destinataire - la rétractation n'est alors plus
totalement libre.
=> À nouveau il faut distinguer : soit l'offre était assortie d'un délai. Dans ce cas, si l'offre était
assortie d'un délai express, la jurisprudence a jugé très tôt que l'offre devait être maintenue jusqu'à
l'expiration de ce délai. En réalité, la mention du délai dans l'offre vaut en quelque sorte engagement
à ne pas la retirer avant ce délai écoulé. La jurisprudence s'est prononcée en ce sens notamment par
un arrêt rendu par la première chambre civile le 17 décembre 1958. La solution à par la suite été
réitérée et elle est désormais imposée par l'article 1116 alinéa 1 du Code civil.
Second cas : l'offre ne contenait pas de délai. Dans ce cas, la jurisprudence avait admis qu'une telle
offre devait tout de même être maintenue pendant un délai dit raisonnable ; la solution résulte d'un
arrêt rendu par la première chambre civile le 8 octobre 1958. Cette solution avait été admise lorsque
l'offre était faite à personne déterminée.
≠ À l'inverse, lorsque l'offre était faite au public, la jurisprudence estimait qu'elle pouvait être
librement révoquée. Article 1116 alinéa 1er du Code civil a repris ces solutions tout en les
uniformisant. En effet, cet article 1116 alinéa 1er reprend l'exigence de maintien de l'offre pendant le
délai fixé par son auteur et à défaut pendant un délai raisonnable. Cela vaut désormais
indifféremment que l'offre été faite à personne déterminée ou indéterminée. L'article ne distingue
en effet pas. Sur ce point la solution intérieure dans laquelle l'offre faite au public ne contenait pas
de délai pouvait être librement être révoquée ; cette solution ne vaut plus.
Quant à l'appréciation du délai raisonnable, elle relève hier comme aujourd'hui de l'appréciation
souveraine des juges du fond et sa durée dépendra donc des usages et des circonstances.
Quid alors de la sanction de la rétractation de l'offre avant l'expiration du délai stipulé, ou à défaut,
d'un délai raisonnable ? Quelle sanction pour l’offrant ? Doit-on considérer cette rétractation nulle et
non avenue, et donc admettre que le contrat est formé en cas d'acceptation, ou au contraire doit-on
donner son effet à la rétractation ?
La question avait divisé la jurisprudence qui tendait tout de même à n’octroyer dans ce cas que des
dommages et intérêts. L'offre n'étant pas encore un contrat, la liberté de l'offrant semblait primer
sur la sécurité des conventions et la question semblait devoir donc se résoudre sur le terrain de la
responsabilité. La réforme du droit des obligations a mis fin à toute incertitude sur ce point.
L’article 1116 alinéa 2 du Code civil précise en effet que la rétractation de l'offre en violation de cette
interdiction de rétractation empêche la conclusion du contrat.
=> En d'autres termes, la rétractation produira son effet, en ce sens que l'acceptation de l'offre
postérieure à cette rétractation ne permettra pas la conclusion forcée du contrat.
≠ Par contre, l’offrant qui retire son offre avant le délai prévu ou un délai raisonnable commet une
faute qui va permettre d'engager sa responsabilité. L'offre n’étant pas un contrat, la responsabilité ne
peut être que de nature extra contractuelle. Cette précision est apportée par l'article 1116 alinéa 3
du Code civil.
En cas de rétractation fautive donc le ou les destinataires de l'offre ne pourront obtenir que des
dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du Code civil, étant précisé que ces
dommages et intérêts ne peuvent aller jusqu'à compenser la perte des avantages attendus du
contrat.
Cette solution peut être approuvée. Elle permet d'aboutir un certain équilibre en respectant la liberté
pour l’offrant de changer d'avis et de se rétracter, tout en sacrifiant pas totalement la sécurité des
transactions. En outre, l'offre ne confère pas en elle-même un droit au contrat, à la différence par
exemple de la promesse, elle n'est pas encore un contrat.
Bien entendu, cette solution ne vaut que si l’acceptation est postérieure à la rétractation. Si
l'acceptation intervient avant que l'offrant ne rétracte son offre => le contrat est, comme nous le
verrons, valablement formé.
En dehors des cas où l'offre prend fin du fait de la rétractation par l’offrant, elle peut également
tomber d’elle même en cas de caducité. Voyant donc cette seconde hypothèse relative à la caducité
de l'offre. L’offre caduque est celle qui cesse de produire ses effets.
1- La première est celle de l'expiration du délai stipulé ou à défaut du délai raisonnable. C'est l'article
1117 du Code civil. Passé ce délai, l'offre ne vaut plus - elle cesse d'exister.
Pour les contrats électroniques, c'est-à-dire conclus entièrement ligne, l'offre demeurera valable et
son auteur engagée tant qu'elle restera accessible par voie électronique du fait de son auteur.
3- Symétriquement, et c'est la troisième hypothèse de caducité l'offre est caduque en cas de décès
de son destinataire cette fois ; la précision a été apportée à l'article 1117 du Code civil par la loi de
ratification de 2018. Dans la rédaction issue de l'ordonnance, rien n’était dit sur le décès du
destinataire et l’ajout fait par la loi de ratification n'est pas en la matière interprétatif, il n’est donc
rétroactif. Pour autant, cette solution avait déjà été admise par la jurisprudence antérieure et
notamment un arrêt rendu par la première chambre civile le 5 novembre 2008, s'était déjà prononcé
en ce sens.
Précisons ici tout de même que cette solution vaut évidemment lorsque l'offre est faite à personne
déterminée, si elle est faite au public, la caducité ne se conçoit bien entendu plus en cas de décès de
destinataire, décès qui ne peut par définition pas réellement intervenir.
=> En résumé, hors cas du décès ou de l'incapacité de l'offrant ou du destinataire, l'offre est valable
pendant toute la durée du délai stipulé ou du délai raisonnable. En cas d'acceptation pendant ce
délai, le contrat et alors parfait.
P06 – L’acceptation
II. L’acceptation.
Aux termes de l'article 1118 du Code civil, l'acceptation est la manifestation de volonté de son auteur
d'être lié dans les termes de l'offre.
Voyons donc les caractères que doit revêtir l'acceptation pour produire ses effets.
Manifester la volonté de l'acceptant d'être lié signifie tout simplement que, comme l'offre,
l'acceptation doit être non équivoque. Quant à la seconde condition, l'article 1118 impose en réalité
une correspondance, une symétrie, entre l'acceptation et l'offre. L’acceptant en temps ici est relié
dans les termes de l'offre. Le consentement suppose non seulement une rencontre de volonté mais
aussi une identité, une concordance entre deux volontés.
=> Concrètement, on considère donc qu'il y a acceptation de l'offre si le destinataire exprime son
accord total avec la proposition qui lui a été faite. L'acceptation doit donc porter sur les conditions de
l'offre telle qu'elle était connue de l'acceptant au moment où il a donné son consentement.
En principe, l'acceptant ne peut pas accepter partiellement l'offre qui lui a été faite, au moins pour ce
qui va concerner les éléments essentiels et déterminants de l'offre.
≠ A l'inverse, des conditions qui seraient parfaitement accessoires, qui ne seraient pas
déterminantes pour l’offrant pourraient être, elles, écartées par l’acceptant.
Si l'acceptation ne correspond pas en tous points à l'offre, elle constitue alors une contre-proposition
qui devra être acceptée par l'offrant initiale pour que le contrat soit conclu. Cette règle est posée par
l'article 1118 alinéa 3 du Code civil. Précisons par ailleurs que l'acceptation est en principe libre, la
liberté contractuelle conduit en effet à ce qu'un individu ne puisse pas être contraint d'accepter une
offre qui lui a été faite.
Enfin, tout comme l'offre, l'acceptation peut être faite sous toutes formes sous réserve des contrats
électroniques, pour lesquels une règle particulière a été dictée celle dite du double clic. Pour ces
contrats, une acceptation pure et simple, ne suffit pas. Une étape supplémentaire est indispensable.
Cette étape tient à la vérification de l'offre par le destinataire. Le destinataire doit donc avoir la
possibilité de vérifier le détail de la commande et son prix total, il doit avoir la possibilité de modifier
cette commande avant de la confirmer pour exprimer son acceptation définitive.
Cette règle qui est issue de la loi pour la confiance dans l'économie numérique de 2004 figure
désormais à l'article 1127-2 alinéa 1er du Code civil. Très concrètement donc, le client doit pouvoir
accepter temporairement le contrat par un premier clic qui lui donnera accès un récapitulatif avant
de confirmer son acceptation par un second clic. Et c'est ce second clic et lui seul qui emportera la
formation du contrat.
L'article 1113 alinéa 2 dispose que la volonté de s'engager peut résulter d'une déclaration ou d'un
comportement non équivoque de son auteur, il vaut aussi bien pour l'offre que pour l'acceptation.
Ici, on peut donc considérer qu'une exécution du contrat vaudra par exemple acceptation tacite de la
part de l'exécutant. Sur ce point, une question a retenu la jurisprudence et mérite d'être abordée,
c'est celle du silence.
Le silence vaut-il acceptation ? Ou autrement dit, l'adage qui veut que qui ne dit mot consent trouve-
t-il son application en droit ? Ici, nous sommes bien dans l'hypothèse dans laquelle aucune
acceptation, même tacite, n’a été formulée. Le destinataire s’est contenté de se taire.
Par principe, une réponse négative doit être apportée. En droit, le silence ne vaut pas acceptation. La
Cour de cassation s’est prononcée assez tôt en ce sens. Elle a jugé dès 1870 que le silence de celui
qu'on prétend obligé ne peut suffire en l'absence de tout autre circonstance pour faire preuve contre
lui de l'obligation allégué. Par cet arrêt du 5 mars 1870 la Cour de cassation refusait donc que le
silence puisse falloir acceptation.
-Deuxième situation les usages de la profession, notamment en matière bancaire, il a été admis que
le silence puisse valoir dans certains cas acceptation
-Troisième situation l'offre faite dans l'intérêt exclusif du destinataire. La Cour de cassation a admis
cette dernière hypothèse par un arrêt célèbre rendu par la chambre des requêtes le 28 mars 1938. La
Cour de cassation a affirmé que si en principe le silence gardé par le destinataire d'une offre ne vaut
pas acceptation, il est permis cependant aux juges du fait, dans leur appréciation souveraine des faits
et de l’intention des parties, et lorsque l'offre a été faite dans l'intérêt exclusif de celui à qui elle est
adressée de décider que son silence emporte acceptation.
En 2005, la Cour de cassation a semblé assouplir encore sa position en la matière. Les faits qui ont
donné lieu à cet arrêt de 2005 plus précisément du 24 mai 2005 sont les suivants. Un homme avait
obtenu un permis de construire sur une parcelle dont il était propriétaire, mais il s'était vu enjoindre
par le préfet de réaliser préalablement aux travaux, une opération préventive de fouille
archéologique. Un premier devis avait été réalisé par une association pour les fouilles archéologiques
nationale et acceptée par le propriétaire. À la suite des fouilles, le diagnostic s'était révélé positif, et il
avait été indiqué au propriétaire de la parcelle qu’une investigation plus approfondie était nécessaire
ainsi qu'une petite fouille dit de sauvetage urgent. Cela a conduit le préfet à prendre un nouvel
arrêté prévoyant que l'association pour les fouilles archéologiques, qui était donc en charge des
fouilles, procéderait en urgence à une opération préventive. Cette dernière a alors adressé en second
devis au propriétaire de la parcelle puis a réalisé les opérations. Par la suite, le propriétaire a refusé
de payer l'intégralité de la facture qui lui était présentée par l'association, au motif qu'il n'avait pas
accepté le second devis que celle-ci lui avait adressé. La cour d'appel l'avait tout de même condamné
au paiement, et par un arrêt en date donc du 24 mai 2005, la première chambre civile de la Cour de
cassation avait rejeté le pourvoi formé par le propriétaire de la parcelle au motif « que si le silence ne
vaut pas à lui seul acceptation, il n’en est pas de même lorsque les circonstances permettent de
donner à ce silence la signification d'une acceptation ». Elle approuvait alors la cour d'appel d'avoir
retenu qu’au regard des circonstances, le propriétaire ne pouvait pas à défaut de manifestation
expresse de vous soutenir qui n'avait pas accepté le second devis.
Cet arrêt est assez lourd de conséquences parce que jusqu'alors, les 3 tempéraments que nous
venons de mentionner étaient présentés comme limitatifs. Or, avec cette décision, une nouvelle
exception bien plus souple a vu le jour. Le silence peut valoir acceptation lorsque les circonstances
permettent de lui donner une telle signification.
La doctrine a d’ailleurs souligné le caractère particulièrement large de la formule, formule qui donne
le sentiment que ces circonstances peuvent être très diverses en espèces. Il est vrai que les enjeux
étaient particulièrement importants et d'ordre public, ce qui a peut-être été déterminant dans la
solution. Mais il n’en reste pas moins que cette solution permet une certaine souplesse dans
l'appréciation du sens à donner au silence, et ce, d'autant plus que les circonstances qui vont
permettre de donner au silence la signification d'une acceptation, relèvent en réalité de
l’appréciation souveraine des juges du fond ; la Cour de cassation a pu le préciser dans un arrêt
rendu par la Chambre commerciale le 18 janvier 2011.
Ces trois exceptions jurisprudentielles ont été partiellement reprises par le Code civil. En réalité, ces
exceptions ont été reprises par l'article 1120 sous une réserve. Cet article 1120 du Code civil, rappelle
le principe selon lequel le silence ne vaut pas acceptation avant de prévoir 4 d'exception.
- premièrement la loi. Le silence est interprété comme une acceptation, lorsque la loi le prévoit.
- et 4e en les circonstances particulières. Ces circonstances particulières visées par le Code civil font
ici directement écho à l'exception qui a été admise en 2005. Elles relèveront donc de l’appréciation
souveraine des juges du fond.
On notera ici que l'intérêt exclusif du destinataire n'est plus évoqué. Il reste que la jurisprudence qui
avait donc admis que le silence puisse valoir acceptation lorsque l'offre était faite dans l'intérêt
exclusif de destinataire, cette jurisprudence pourrait être tout à fait rentrer dans la dernière
hypothèse, c'est-à-dire dans l'exception relative aux circonstances particulières.
Ces précisions apportées sur la forme et les caractères de l'acceptation, voyons les effets de
l’acceptation.
B/ Les effets de l’acceptation
Par principe, et par application du consensualisme, le contrat sera parfait du seul fait de l'échange
des consentements, l'acceptation emporte donc en principe formation immédiate du contrat aux
conditions mentionnées dans l'offre.
Certains éléments accessoires peuvent être encore à arrêter, mais le contrat est dans son principe
parfait, et l’offrant comme l'acceptant sont tenus dans les termes de l'offre au jour de l'acceptation.
Cela étant dit quelques précisions doivent tout de même être apportées quant à la portée de
l’acceptation mais aussi quant à sa date.
En réalité, les nouvelles dispositions du Code civil sont muettes sur cette question. Mais la
jurisprudence antérieure s'était prononcée en ce sens et la solution devrait selon toute
vraisemblance se maintenir. Dans le but de protéger l'acceptant, la jurisprudence limite la portée de
l'acceptation aux seuls points de l’offre que le destinataire connait au moment où il a donné son
accord. Elle considère donc que l'acceptation émise n'a d'efficacité qu'à propos des clauses du
contrat dont le destinataire de l'offre a pris ou aurait dû prendre connaissance et qu'il a acceptée.
Un arrêt rendu par la Chambre commerciale du 6 septembre 2016 en donne une illustration. En cas
de litige sur la portée de l'acceptation, il résulte de ce qui vient d'être dit que si la clause litigieuse
figure dans un document contractuel signé par l'acceptant, ou qui lui a été remis avant la conclusion
du contrat, la clause sera considérée comme valable car acceptée.
≠ En revanche, si la clause figure dans un document post-contractuel, celui qui s’en prévaut devrait
alors démontrer qu'il l’avait porté à connaissance de l'acceptant avant la formation du contrat. A
défaut, elle ne le sera pas opposable.
Cette question trouve en réalité un écho assez particulier s'agissant des conditions générales de
vente qui accompagnent très fréquemment les contrats commerciaux. Pour que ces conditions
générales soient opposables, elles doivent avoir été acceptées par le destinataire de l'offre, et donc
avoir été connues de lui au jour de l'acceptation : la solution est aujourd'hui imposée par l'article
1119 alinéa 1 du Code civil.
En pratique, cette règle peut toutefois poser des difficultés probatoires, tout simplement parce que
les conditions générales figurent souvent dans les documents qui sont annexes. On considère donc
que ces conditions générales doivent être vues comme connues et acceptées, dès lors qu'une clause
particulière du contrat signé y fait référence. Pour une illustration récente, vous pouvez voir l'arrêt
vendu par la 2e chambre civile le 14 avril 2016. De même, dès lors que les conditions générales ont
été reproduites dans un document dont la consultation était nécessaire avant l'acceptation et le
passage de la commande, elles seront considérées comme connues et acceptées.
Pour ce qui est des contrats conclus par voie électronique par un professionnel, l'ensemble des
stipulations contractuelles doivent être mises à disposition pour que l'acceptant puisse en prendre
connaissance. A défaut, de la même manière que pour les contrats classiques, elles lui seront
inopposables en cas d'acceptation.
En pratique, la question va se poser essentiellement, voire exclusivement, pour les contrats et qui
sont conclus à distance et par correspondance. Dans ce cas, la question se pose de savoir si
l’acceptant qui a émis son offre a la possibilité de rétracter son acceptation avant que celle-ci ne
parvienne à l’offrant. Sur ce point, deux thèse se sont opposées : celle dite de l'émission et celle dite
de la réception.
- Dans la théorie de l'émission, le contrat est considéré comme conclu dès que l'acceptation est
émise.
- Tandis que dans la théorie de la réception, le contrat est considéré comme conclu dès lors que
l'acceptation est reçue c'est-à-dire dès lors l'offrant a la possibilité d'en prendre connaissance.
=> Le contrat est alors parfait dès cette réception du fait de la rencontre des volontés.
La formation simple du contrat ayant été vue, il nous reste à voir les hypothèses un peu plus
complexes dans lesquelles la rencontre des volontés est précédée d'une phase dite précontractuelle,
phase qui peut être plus ou moins longue et qui peut faire intervenir des négociations ou des avants
contrats.
La rencontre des volontés peut-être précédée d'une phase précontractuelle plus ou moins longue et
complexe.
Pour les contrats les plus courants le schéma menant à la conclusion du contrat est relativement
simple et relativement rapide, de sorte que cette phase précontractuelle est presque inexistante.
Presque inexistante parce que même si cette phase est particulièrement réduite, elle suppose tout
de même le respect d'une obligation essentielle : l'obligation d'informer son co-contractant. Cette
obligation nous retiendra dans un premier paragraphe.
Cela étant pour d'autres contrats plus importants sur le plan économique, la phase précontractuelle
est souvent beaucoup plus longue et peut intégrer des négociations. Les contrats conclus entre
professionnels par exemple sont très fréquemment précédés de ce type de phase de négociation et
être ponctués par des accords de négociation.
Dans ce cas, la rencontre des volontés relève toujours de la même logique dans le sens où elle
suppose toujours la rencontre entre une offre et une acceptation, mais elle s’opère dans la durée.
Elle pourra par ailleurs conduire à la conclusion d'un ou plusieurs avant-contrat.
Mais commençons tout d'abord par envisager l'obligation d'information qui pèse sur les futurs
cocontractants.
Pour le reste, l’idée dominante voulait qu’aucun cocontractant n’ait à renseigner son partenaire sur
les tenants et aboutissants du contrat qu'il envisageait de conclure. En vertu du principe de
l'autonomie de la volonté qui présuppose que les hommes sont libres et égaux, chacun devait
s’informer soi-même sur la portée de ses engagements. L'absence de communication d'une
information déterminante à son cocontractant ne pouvait donc pas être sanctionnée de manière
autonome. Ce n'est que par l'intermédiaire de la sanction du dol, que nous étudierons plus tard, et
plus spécifiquement par l’admission de la réticence dolosive que les juges pouvaient éventuellement
sanctionner un défaut d'information. Mais les conditions pour un dol qui sont relativement strictes,
on le verra, devaient alors être réunies. A défaut, aucune sanction n'était pas possible.
Il reste qu’assez progressivement l'éthique individualiste qui prévalait au début du 19e siècle a cédé
le pas à une de justice contractuelle davantage empreinte de solidarité. Cette évolution a conduit à
l'affirmation de nouvelles obligations, à la fois dans l'exécution du contrat et dans sa formation.
=> C'est ainsi que la jurisprudence a affirmé l'existence d'une obligation de contracter de bonne foi.
Et de cette obligation de contracter de bonne foi a pu être déduite une obligation générale
d'informer son cocontractant, obligation dont la sanction tendait à se détacher du dol. L’idée est
simple : le devoir de contracter de bonne foi impose de révéler un certain nombre d'informations à
son partenaire, en fonction des circonstances.
La réforme du droit des obligations a consacré pour la première fois cette obligation de manière
autonome et elle l’a consacrée à l'article 1112-1 du Code civil. Ce nouvel article figure dans une
section relative aux négociations, mais il ne faut pas pour autant en déduire qu’il n'aurait vocation à
s'appliquer qu'en présence de négociations proprement dites. En effet, l'obligation précontractuelle
d'information s'impose en réalité même en l'absence de ces négociations, elle vaut pour tous les
contrats et elle s'impose à toutes les parties.
Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le
consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette
information ou fait confiance à son cocontractant.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le
contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui
devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut
entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
Ici, il faut préciser que le texte ne s'applique que dans l'hypothèse où un cocontractant a en sa
possession une information particulière. Autrement dit, l'un des contractant doit connaître cette
information au moment de la conclusion du contrat. A ce titre, il faut bien préciser que le texte est
très large. Il vise toute personne connaissant une information. L'obligation d'information ne pèse
donc pas uniquement sur le professionnel ou la partie forte, mais bel et bien sur tous les
contractants.
Ensuite, cette obligation ne pèse que sur celui qui connaît une information déterminante. Cette
précision n'est pas anodine. En effet, la jurisprudence antérieure à la réforme avez pu faire peser sur
les professionnels une obligation de s'informer pour informer. Par conséquent, pouvait être débiteur
d'une obligation d'information, non seulement celui qui connaissait une information particulière,
mais également celui qui aurait dû la connaître, voire la rechercher. La Cour de cassation a admis
cette solution notamment par un arrêt rendu par la Chambre commerciale le 1er décembre 1992.
La rédaction du nouvel article 1112-1 du Code civil semble toutefois mettre un terme à cette
jurisprudence. En effet, elle ne vise que le cocontractant connaissant l’information, elle n'impose
donc pas d'obligation de s'informer pour informer.
Pour autant une remarque peut ici être faite. Elle est liée à une question probatoire. Finalement
comment savoir et prouver que son cocontractant avait en sa possession une information
essentielle ? Outre les cas dans lesquels la preuve pour être apportée par la production de
documents informatifs ou la réalisation de diagnostic par exemple, pour certaines informations, les
tribunaux pourraient en réalité avoir tendance à présumer la connaissance de l'information,
notamment au regard de la qualité de l'une des parties. Par exemple, on pourrait présumer qu'un
professionnel connaissait nécessairement les informations relatives aux produits qu'il entendait
vendre. Une présomption de connaissance de l'information pourrait donc venir tempérer la limite
posée par l'article 1112-1 et peser sur la partie forte au contrat.
Cela étant dit, toutes les informations ne sont pas concernées par l’obligation d’information. Cette
dernière ne vaut, on l'a vu, que pour les informations déterminantes. Il s'agit là de la deuxième
condition.
Que faut-il entendre par là ? Le texte vise précisément les informations dont l'importance est
déterminante pour le consentement de l'autre partie. Plusieurs remarques
Première remarque : ici le caractère déterminant de l'information doit être apprécié objectivement.
La question est de savoir si pour tout un chacun, l'information en cause est essentielle. Autrement
dit, l'article 1112-1 ne vaut que pour les informations habituellement considérées comme
déterminantes du consentement.
Deuxième remarque : le législateur a posé ce qui peut s'analyser en une présomption de caractère
déterminant. L’alinéa 2 de l'article 1112-1 précise « qu'ont une importance déterminante les
informations qui ont un lien direct et nécessaires avec le contenu du contrat ou la qualité des parties
» => seront donc considérées comme déterminantes les informations qui portent sur l'objet du
contrat et sur ses éléments essentiels, par exemple pour un contrat de bail commercial les règles
d'accès aux locaux.
Quant aux informations en lien avec la qualité des parties, elles seront déterminantes dans le cadre
plus spécifique des contrats conclus intuitu personae.
- Troisième et dernière remarque : le texte prévoit une exception à l'obligation d'information en son
alinéa 3, il s'agit précisément de l'estimation de la valeur de la prestation. Cette exception est un
héritage de l'arrêt Baldus, arrêt rendu par la première chambre civile le 3 mai 2000. Nous aborderons
cet arrêt plus tard mais pour le moment, retenez que l'information portant sur la valeur de la
prestation, fût-elle déterminante, n'as pas à être transmise. Finalement chacun conserve en quelque
sorte le droit de faire sur ce point une bonne affaire.
3/ Troisièmement, que le cocontractant ait ignoré l'information.
L'obligation d'information est due à peine de responsabilité. Dès lors qu'une partie a en sa possession
une information que l'autre ignore, elle doit la transmettre à l’autre partie sous peine d'engager sa
responsabilité contractuelle.
En effet, ici elle doit lui transmettre sous peine d’engager sa responsabilité délictuelle. En effet, ici
l'obligation est précontractuelle. Elle est dû avant la conclusion du contrat. La responsabilité ne peut
donc être qu’ extracontractuelle. En cas de manquement à l'article 1112-1 du Code civil, la partie
lésée devra donc se fonder sur les articles 1240 et 1241 du Code civil. Très concrètement cet article
1240 exige pour la responsabilité la démonstration de trois conditions : une faute, un préjudice et un
lien de causalité.
On précisera simplement sur ce point que l'action en responsabilité n'exclut pas la possibilité de
demander par ailleurs l'annulation du contrat qui a été conclu pour vice du consentement. Le dernier
alinéa de l'article 1112-1 réserve expressément cette possibilité. Dans ce cas, il faudra alors
démontrer que les conditions de l'erreur ou du dol sont réunies. Finalement ici tout dépendra de ce
que voudra obtenir le demandeur. S’il souhaite obtenir l'annulation du contrat, il se fondra sur les
articles 1130 et suivants du Code civil, s’il veut davantage obtenir des dommages et intérêts, il se
fondra alors sur les articles 1201 et 1240 du Code civil.
Pour finir, il faut bien entendu garder à l'esprit qu’à côté de cette obligation générale d'information,
des obligations renforcées ont été découvertes par la jurisprudence et sont toujours d'actualité. On
les rencontre notamment en matière commerciale, en matière bancaire. Dans ces matières, des
obligations de mise en garde peuvent peser sur la partie forte. Dans ce cas la partie forte doit alors
attirer l'attention de son cocontractant sur les risques inhérents au contrat.
Parfois cette obligation peut même aller jusqu'à une obligation de conseil. Dans ce cas le débiteur du
devoir de conseil doit même orienter le choix de son partenaire en lui indiquant la meilleure voie en
considération des objectifs que ce dernier poursuit. Concrètement, l'obligation de mise en garde se
rencontre très souvent en matière bancaire, tandis que l’obligation de conseil se rencontrera plutôt
pour les professions libérales, par exemple les notaires. Ces obligations continuent à exister, elles
coexistent et s'ajoutent à l'hypothèse de l'obligation générale d'information.
Voilà ce que l'on pouvait dire sur cette obligation d'information consacrée par la réforme. Voyons
désormais les négociations.
P08_Les negociations
Etape essentielle de la phase contractuelle même si elle ne concerne pas tous les contrats, la phase
de négociation est désormais régie par le code civil. Ici, également, c’est une nouveauté de la
réforme puisque les textes étaient antérieurement silencieux sur ce point.
Une remarque préliminaire. Il faut bien prendre garde à distinguer la phase de négociation de l'offre
de contracter. Cette phase est bien entendu antérieure à l'offre. Très concrètement, si une
proposition de contrat est faite sans remplir les critères de l'offre, par exemple parce qu'elle manque
de précision, parce qu'elle contient des réserves ou parce qu'elle est ouverte à la discussion, il ne
s'agira alors que d'une invitation à entrer en pourparlers. L'acceptation de cette invitation ne peut
pas conduire à la conclusion du contrat, dont les éléments restent en réalité à déterminer.
Cela étant dit, voyons tout d'abord les règles générales applicables en matière de négociation, avant
de voir rapidement les hypothèses dans lesquelles des accords de négociations auront été conclus.
Bien avant la réforme, un principe a été affirmé selon lequel l'initiative et le déroulé des pourparlers
est libres. L'entrée en pour parler n'est par principe jamais une obligation, et elle n'est jamais
génératrice d'obligations. Ce principe est désormais consacré à l'article 1112 du code civil. Cet article
exige toutefois que les négociations satisfassent aux exigences de bonne foi. Mais pour le reste, le
principe général reste la liberté, à la fois dans l'entrée en négociation, dans la conduite des
négociations, mais aussi dans leur rupture. Cette question de la rupture des pourparlers a été à
l'origine d'un important contentieux. Très tôt, la jurisprudence a admis que la liberté de contracter
ou de ne pas contracter a nécessairement pour corollaire celle de rompre librement les négociations.
Toutefois, dans la mesure où les négociations dans leur globalité doivent satisfaire aux exigences de
bonne foi, la rupture ne doit pas être fautive. En d'autres termes, en cas de rupture abusive des
négociations, l'auteur de la rupture pourra engager sa responsabilité extracontractuelle. La solution a
été affirmé, je le disais très tôt, elle fait figure de jurisprudence constante. L'abus de droit de rompre,
a par exemple été caractérisé lorsque celui qui rompt est animé par une intention de nuire. La
solution a été affirmé dès le 12 avril 1976. Mais au-delà de cette intention de nuire, l'abus dans la
rupture a pu être également reconnu dès lors que l'une des parties fait preuve de ce que la Cour de
cassation a pu nommer une légèreté blâmable. Elle l'a reconnue notamment dans un arrêt rendu par
la chambre commerciale le 12 octobre 1993. La solution a d'ailleurs plusieurs fois été rappelée,
notamment par un arrêt du 11 juillet 2000 ou encore un arrêt de la 3e chambre civile du 15 juin
2017.
Alors quels sont les indices qui vont permettre à la jurisprudence de caractériser un abus ?
À ce titre, la jurisprudence admet que lorsque les discussions ne sont encore qu’à l'état d'ébauche,
l'un des partenaires peut y mettre fin sans avoir à justifier d'un motif légitime de rupture. La solution
a été apportée notamment par un arrêt de chambre commerciale du 20 juin 2000.
À l'inverse, si la négociation est plus avancée, l'auteur de la rupture devra justifier d'un motif légitime
pour que celle-ci ne soit pas considérée comme fautive. Là encore, la solution résulte d'un arrêt
rendu par la chambre commerciale le 11 juillet 2000.
Cette solution, donc le principe de liberté de rompre et l'exception tenant à l'abus a été consacré par
la réforme du droit des obligations à l'alinéa 2 de l'article 1112 du code civil, article qui prévoit donc
la possibilité d'une action en cas de faute commise dans les négociations. Très concrètement, les
solutions jurisprudentielles précitées devraient donc perdurer après la réforme de 2016.
Par conséquent, outre une faute dans les négociations, le demandeur à l'action devra également
rapporter la preuve d'un préjudice et d'un lien de causalité.
À ce titre, il convient de préciser que tout préjudice n'est pas indemnisable. L'article 1112 alinéa 2
précise justement que la réparation du préjudice qui résulte de la faute ne peut pas avoir pour objet
de compenser ni la perte des avantages attendus du contrat non conclu, ni la perte de chance
d'obtenir ces avantages. En réalité, cette solution découle directement du célèbre arrêt Manoukian
qui a été rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 26 novembre 2003.
Dans l'affaire qui avait donné lieu à cet arrêt, la société Alain Manoukian avait engagé des discussions
avec les actionnaires de la société STUCK, négociation en vue de la cession des actions composant le
capital de cette société. Les négociations avaient conduit à l'établissement de différents projets
d'accord. Mais projet d'accord qui n'avait finalement pas abouti. En effet, la société Manoukian avait
appris que les actionnaires de la société STUCK avec consenti pendant la phase de négociation, une
promesse de cession d'actions à une société tiers. L'arrêt Manoukian fut donc l'occasion de rappeler
les règles inhérentes à la rupture des négociations. Cet arrêt fut l'occasion de revenir sur le principe
de liberté dans la rupture, et de limite en cas d'abus. En soi le fait de mener des négociations
parallèles avec 1/3 n'est pas fautif.
Mais en l'espèce, les négociations étaient particulièrement avancées. Elles s'étaient inscrites dans la
durée et elles avaient mené à la conclusion d'accords. L'abus a donc pu être retenu. Au-delà de ce
rappel sur la caractérisation de l'abus, l'apport principal de cet arrêt tient à la question du préjudice
réparable. En effet, ici, la société Manoukian entendait obtenir des dommages et intérêts à hauteur
des gains qu'elle pouvait espérer tirer du contrat ou à minima à hauteur de la perte de chances
d'obtenir ses gains.
Or, sur ce point, la Cour de cassation a approuvé la Cour d'appel, qui avait jugé qu'en l'absence
d'accord ferme et définitif, le préjudice subi par la société Manoukian n’incluait que les frais
occasionnés par la négociation et les études préalables auxquelles elle avait fait procéder. En
revanche, le préjudice n'inclut pas les gains que la société pouvait espérer tirer de l'exploitation du
coup fonds de commerce en cas de conclusion du contrat, ni même la perte de chance d'obtenir ses
gains. Cette solution, issue donc de l'arrêt Manoukian, a été reprise dans le nouvel article 1112, tel
qu’issu de la loi de ratification.
Une petite précision à ce sujet, l'article issu de la réforme de 2016, de l'ordonnance de 2016
n'excluait pas formellement le préjudice de perte de chance. On s'était donc demandé si cet article,
issu de l'ordonnance remettait en cause partiellement la jurisprudence Manoukian. Afin de clarifier
ce point, la loi de ratification a précisé que ce préjudice ne pouvait pas non plus avoir pour objet de
compenser la perte de chance d’obtenir les avantages issus du contrat. La disposition est ici
interprétative, elle vaut donc de manière rétroactive.
Ces règles générales ayant été précisées, disons quelques mots rapides sur l'hypothèse des
pourparlers contractualisés.
Au-delà des avant-contrats que nous verrons plus tard et qui peuvent précéder la conclusion du
contrat définitif, il est tout à fait possible que les parties qui s'engagent dans des pourparlers
entendent contractualiser le cadre de leurs négociations.
Il pourra s'agir, selon les cas, de lettres d'intention, de protocole d'accord ou d'accord dit partiel. Ces
différents accords sont bel et bien des contrats. Dans ces contrats, les parties à la négociation
s'engage à engager des négociations, à les conduire de bonne foi en vue de parvenir à un accord.
Elles peuvent préciser plus ou moins le cadre de ces négociations, ainsi que des clauses de non-
exclusivité par exemple.
En clair, dans ces contrats ou dans ces accords, les parties s'obligent à collaborer à la recherche d'une
issue favorable à la négociation. Mais elles ne s'engagent pas sur la conclusion du contrat futur, de
sorte que la rupture reste possible. Il reste toutefois que les efforts attendus par les parties pour
parvenir à un accord seront plus élevés qu'en l'absence de tels accords de négociation, et la faute
dans la rupture pourra donc être plus facilement retenue.
Au-delà des contrats de négociation, des avant-contrats proprement dits peuvent également être
conclus par les parties pendant la phase précontractuelle.
En pratique, ils sont particulièrement fréquents, notamment en matière immobilière. Ce sont ces
contrats, ces avants contrats qu'il s'agit désormais d'envisager.
P09_Les avant-contrats
Les avant-contrats sont des accords préparatoires qui viennent ponctuer la phase précontractuelle.
On parle d'avant-contrat car ces accords se rapportent à la conclusion d'un contrat définitif qui est
encore à négocier ou que l'on anticipe. Toutefois, même si l'on est dans la phase préparatoire, il
s'agit bel et bien de contrats à proprement parler.
Cela étant, 2 figures classiques se distinguent et sont régies par le code civil, il s'agit d'une part, des
promesses de contrats et d'autre part du pacte de préférence.
La promesse de contrat est un avant-contrat par lequel une ou plusieurs parties s'engagent à la
conclusion d'un contrat futur. Il peut s'agir d'une vente et c'est d'ailleurs l'hypothèse la plus
fréquente, mais il peut s'agir également de n'importe quel autre contrat. Cette promesse de contrat
peut être unilatérale, autrement dit n’émaner que d'une seule partie, qui s'engagea à l'égard d'une
autre où elle peut être synallagmatique.
La première figure pose davantage de problèmes que la 2nde et nous retiendra donc plus
longuement.
Comme je le disais, la promesse unilatérale de contrat est une convention par laquelle une partie, le
promettant s'engage à l'égard d'une autre, le bénéficiaire, à conclure un contrat si ce dernier le
souhaite.
Cette définition qui résulte, je le rappelle, de l'article 1124, appelle plusieurs remarques.
- Première remarque - la promesse unilatérale est un contrat. Contrat, comme son nom l'indique,
unilatéral. Cela signifie donc que seul le promettant est engagé. Lui seul promet de conclure le
contrat futur. Le bénéficiaire, quant à lui, reste libre. Il se contente d'accepter le bénéfice de la
promesse, ce qui en fait un contrat, mais il est parfaitement libre de lever l'option qui lui est offerte.
En d'autres termes, il reste parfaitement libre d'accepter ou non de conclure le contrat promis. Ce
contrat d'option est la caractéristique principale de la promesse unilatérale
- 2e remarque que l'on peut faire. Le droit d'option est consubstantiel à la promesse unilatérale de
contrat. C'est ce droit qui la caractérise. Il offre au bénéficiaire, de manière parfaitement licite, un
droit potestatif, c'est à dire un droit qui dépend de sa seule volonté. Une alternative s'offre donc au
bénéficiaire soit lever l'option dans le délai imparti et le contrat est alors conclu, soit ne pas lever
l'option et le contrat définitif n'est alors pas formé.
-3e remarque. Dans la mesure où la promesse est un contrat, elle se distingue nettement de l'offre
de contracter, qui n'est qu'un acte unilatéral. Concrètement, dans l'offre, l’offrant propose la
conclusion d'un contrat, soit à une personne déterminée soit au public.
≠ À l'inverse dans la promesse, le promettant s'engage déjà de manière définitive dans la conclusion
du contrat futur.
La promesse est ainsi génératrice d'obligations à l'égard du promettant, mais seulement à son égard,
puisque le bénéficiaire, lui, n'est pas tenu tant qu'il n'a pas opté.
Concernant désormais les conditions de validité proprement dites de la promesse unilatérale. En tant
que contrat, elle doit naturellement respecter les conditions de validité du droit commun des
contrats. Plus précisément ici, il sera exigé que les éléments essentiels du contrat projeté soit
déterminé ou a minima déterminables dans la promesse de contrat.
En effet, la levée d'option emportera la conclusion du contrat aux conditions définies dans la
promesse. Celle-ci doit donc être suffisamment précise.
Outre cette condition de précision, de détermination des éléments essentiels du contrat, certaines
promesses unilatérales peuvent être soumises à des règles particulières de validité. C'est le cas
notamment pour les promesses unilatérales de vente afférentes à un immeuble ou un fonds de
commerce.
Pour ces promesses, l'article 1589-2 du code civil, prévoit qu'elles doivent être constatées par acte
authentique ou par acte sous-seing privé enregistré dans les 10 jours, et ce, à peine de nullité. Il reste
qu'en dehors de ce cas particulier pour lequel la validité de la promesse est à une condition de
forme, la promesse unilatérale de contrat demeure, par principe, un contrat consensuel.
La promesse unilatérale est un contrat le plus souvent conclu pour une durée limitée. En d'autres
termes, le promettant s'engage à contracter si le bénéficiaire lève l'option pendant un certain délai. À
l'issue de ce délai, une fois ce délai écoulé, la promesse est donc caduque.
Lorsque la promesse ne contient pas de délai, ce qui est tout à fait possible, elle est alors à durée
indéterminée. Dans la mesure où la promesse est un contrat, le juge ne pourra pas la déclarer
caduque à l'issue d'un délai raisonnable.
Ici, il faut bien comprendre que la solution est différente de la solution admise en matière d'offre. Il
reste que, comme pour toute convention conclue à durée indéterminée, le contractant, le
promettant donc doit être libre de reprendre sa liberté. Il la reprendra ici, tout simplement par l'effet
d'une résiliation unilatérale de son engagement.
Cela étant dit, à la différence de l'offre qui n'est qu'un acte unilatéral, la promesse, on l'a dit, est un
contrat. Par principe donc, et en dehors de l'hypothèse dans laquelle la promesse sera à durée
déterminée, le promettant s’est irrévocablement engagé. Son consentement au contrat futur est
acquis dès la conclusion de la promesse. Il n'a donc pas à être réitéré et ne peut pas être rétracté
pendant le délai laissé au bénéficiaire pour lever l'option.
Le nouvel article 1124 a mis fin au débat, mais il n'est pas inutile de revenir sur cette controverse.
En réalité, tout comme en matière d'offre de contracter, la question s'est posée des conséquences de
la rétractation par le promettant de sa promesse pendant le délai d'option. Dans la mesure où le
promettant s'est engagé de manière irrévocable, on pouvait penser que le contrat devrait être
considéré comme valablement formé en cas de levée d'options, même postérieure à la rétractation.
En d'autres termes, le promettant ne devrait donc pas bénéficier de possibilité de se rétracter. Il est
déjà tenu par son contrat.
Pour autant, la jurisprudence s'est opposée à cette solution par un célèbre arrêt dit Consorts Cruz, en
date du 15 décembre 1993, la 3e chambre civile de la Cour de cassation a approuvé une cour d'appel
d'avoir retenu je cite : « tant que les bénéficiaires n'avaient pas déclaré acquérir, l'obligation de la
promettante ne constituait qu'une obligation de faire, et que la levée d'option postérieure à la
rétractation de la PROMETTANTE excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et
d'acquérir ».
Dans cet arrêt, consorts Cruz du 15 décembre 1993, les faits étaient relativement simples : une
femme avait tout simplement consenti à un couple une promesse de vente d'un immeuble,
promesse unilatérale donc, avec un délai d'options de plusieurs mois.
Mais 4 jours après avoir consenti de cette promesse, elle avait notifié au couple sa décision de ne
plus vendre. Malgré cette notification, le couple avait levé l'option puis a signé la promettante en
réalisation forcée de la vente. La Cour d'appel les avait déboutés de leur demande par le
raisonnement qui a été approuvé par la Cour de cassation et que je viens de vous donner. Cette
dernière a ainsi admis que la rétractation par la promettante de sa promesse avant la levée d'option
faisait obstacle à la conclusion du contrat. Dans cet arrêt, la solution était justifiée par l'ancienne
différence entre les obligations de faire et les obligations de donner. Rappelons que la catégorie des
obligations de donner intégrait les obligations de transférer la propriété d'un bien. Elle était donc
caractéristique du contrat de vente ou du contrat de donation.
À l'inverse, l'obligation de faire désignait toute obligation conduisant un débiteur à accomplir une
prestation positive en faveur d'un créancier. Or, par principe, cette obligation de faire, contrairement
à l'obligation de donner, ne pouvait faire l'objet d'une exécution forcée ou du moins, elle ne pouvait
pas faire l'objet de cette exécution forcée lorsque l'obligation de faire présentait un caractère
personnel.
Dans l'arrêt consorts Cruz, la Cour de cassation qualifie expressément la promesse unilatérale
d’obligation de faire et non d'obligation de donner.
Schématiquement, l'idée serait donc que le promettant s'engagerait à conclure le contrat futur, donc
à faire quelque chose mais pas directement à transférer la propriété.
Et dans la mesure où l'obligation est une obligation de faire et non une obligation de donner, et bien
la seule sanction possible en cas de refus d'exécution seraient des dommages et intérêts et non
l'exécution forcée du contrat.
Au-delà de cet argument, au soutien de sa démonstration, la Cour de cassation ajoute que parce
qu'elle est postérieure à la rétractation du promettant, la levée d'option ne permet pas la rencontre
des consentements qui aurait formé la vente. En d'autres termes, le promettant conserve toujours la
possibilité de rétracter son consentement à la vente future.
Premièrement, les auteurs ont contesté la distinction qui avait pu être faite par la Cour de cassation
entre l'obligation de faire et de donner, non pas parce que cette distinction n'était pas justifiée, mais
parce que les auteurs mettent en lumière le fait que le débat n'avait finalement pas de réel intérêt.
Laurent Aynes expliquait à ce titre que la question fût finalement tout simplement de savoir si le
promettant pouvait ou non rétracter son consentement à la vente, et que cette question des
obligations de faire et de donner était quelque peu artificielle.
En 2nd lieu, la doctrine relevait, de manière assez générale, que le consentement avait été donné dès
la promesse, ce qui aurait dû rendre impossible une révocation unilatérale de ce consentement.
Finalement, en jugeant le contraire, la Cour de cassation privait en quelque sorte la promesse de sa
force contractuelle et elle la rangeait au même niveau que l'offre de contrat. Malgré la virulence des
critiques, la Cour de cassation n'a jamais fléchi. Elle s'est toujours opposée à ce que la rétractation de
la promesse pendant la durée de l'option soit privé de son efficacité. En d'autres termes, elle s'est
toujours opposée à ce que la levée d'option postérieure à la rétractation puisse permettre la
conclusion du contrat promis.
Davantage sensible aux critiques doctrinales, la réforme du droit des obligations a brisé cette
jurisprudence.
En effet, l'article 1124 alinéa 2 du code civil prévoit désormais expressément que la révocation de la
promesse pendant le temps laissé au bénéficiaire pour opter n'empêche pas la formation du contrat
promis. Autrement dit, la rétractation du promettant pendant le délai d'option est sans effet en cas
de levée d'option et l'exécution forcée du contrat peut être prononcée.
La solution ne vaut toutefois que si la levée d'option intervient pendant le délai imparti. À l'issue de
ce délai, la promesse deviendra, on l'a déjà dit, caduque. Au demeurant, en cas de violation de la
promesse et de conclusion du contrat par le promettant avec un 1/3, le bénéficiaire se voit offrir la
possibilité de soulever la nullité du contrat qui a été conclu en fraude de ses droits. Toutefois, cette
possibilité n'est offerte que si le tiers avec connaissance de l'existence de la promesse unilatérale.
Pour résumer, pour les promesses unilatérales conclues depuis le 1 octobre 2016, la levée d'option,
même postérieure à la rétractation du promettant, produira tous ses effets. L'exécution forcée du
contrat pourra donc être demandée.
La solution ne vaut toutefois que pour les promesses conclues après l'entrée en vigueur de la
réforme. En la matière, la Cour de cassation a d'ailleurs refusé de faire une application anticipée de
l'article 1124. Par un arrêt du 6 décembre 2018, elle a en effet réitéré sa position classique en
jugeant que la levée de l'option par le bénéficiaire de la promesse unilatérale postérieurement à la
rétractation du promettant excluait toute rencontre des volontés réciproques de vendre et
d'acquérir.
Cet arrêt était rendu au regard du droit ancien, la promesse ayant été consentie avant le 1 octobre
2016. Cet arrêt est intéressant parce qu'il se situe à contre-courant du mouvement général
d'application anticipée de la réforme et il mérite à ce titre d'être souligné. Il traduit en réalité une
certaine réticence de la Cour de cassation face à l'exécution forcée des promesses unilatérales. Cette
réticence devra tout de même céder le pas devant les nouvelles dispositions législatives. Voici pour la
promesse unilatérale, disons, quelques mots désormais de la promesse synallagmatique.
Ces promesses sont souvent désignées par la pratique sous le vocable de compromis.
Dans la mesure où le consentement des 2 parties est constaté dans la promesse, on pourrait en
réalité se demander ce qui distingue cette promesse de contrat du contrat lui-même, et d'ailleurs, en
matière de vente, l'article 1589 du code civil dispose expressément que la promesse de vente vaut
vente lorsqu'il y a consentement des 2 parties sur la chose et sur le prix.
Cela étend l'idée d'une identité parfaite entre promesse synallagmatique et le contrat final doit être
nuancé.
En pratique, ces promesses sont principalement utilisées dans l'attente du contrat définitif dont la
conclusion va être souvent subordonnée à l'obtention d'un prêt ou à la rédaction d'un acte notarié.
Dès lors que les parties ont entendu faire de cette formalité une formalité essentielle, la promesse
contrat ne vaudra pas contrat.
À l'inverse, si les parties ont uniquement entendu faire de cette formalité une modalité du contrat,
dans ce cas, la promesse vaudra contrat.
Deux remarques pour finir sur les promesses, plus spécifiquement sur les relations qui peuvent
exister entre promesses unilatérales et promesse synallagmatique de contrat.
- Première remarque, il est fréquent en pratique que des promesses unilatérales de vente soient
accordées en contrepartie d'une indemnité d'immobilisation. Cette indemnité vient compenser, en
quelque sorte rémunéré l'immobilisation du bien. Concrètement, elle va être versée par le
bénéficiaire et reste acquise au promettant même, dans le cas où le bénéficiaire ne lèverait pas
l'option. L'existence de cette indemnité d'immobilisation ne transforme pas la promesse unilatérale
en promesse synallagmatique. Le fait que le bénéficiaire ait une obligation qui pèse sur lui ne suffit
pas à transformer le contrat.
Il reste toutefois que la Cour de cassation a admis une requalification de promesse unilatérale en
promesse synallagmatique, dans une hypothèse bien particulière, celle dans laquelle l'indemnité
d'immobilisation est d'un montant tel que le bénéficiaire est en réalité contraint d'acheter.
La solution a été affirmée notamment par un arrêt de la chambre commerciale du 20 novembre 1962
et elle a été réitérée en plusieurs occasions. On soulignera toutefois que la première chambre civile a
pu se montrer beaucoup plus hostile à cette requalification et notamment par un arrêt en date du
1 décembre 2010, elle s'est démarquée de la chambre commerciale en décidant que le versement
d'un dépôt de garantie d'un montant presque égal au prix de la vente ne préjudiciait en rien à la
qualification de cet acte, qui demeurait une promesse unilatérale. Une incertitude existe donc en la
matière.
- Deuxième remarque, elle tient à l'hypothèse des promesses unilatérales croisées. Cette hypothèse
se rencontre fréquemment en droit des affaires. Imaginons qu'une personne s'engage
unilatéralement à vendre un bien tandis que l'autre personne, le bénéficiaire de cette promesse,
s'engagea lui aussi de manière unilatérale a acheter ce même bien.
Faut-il voir dans cette figure deux promesses unilatérales croisées ou une promesse
synallagmatique ?
Par principe, il faut savoir que la coexistence de 2 promesses croisées ne suffit pas à retenir
l'existence d'une promesse synallagmatique. Finalement, chacun des bénéficiaires reste libre de lever
ou non.
Voici ce que l'on pouvait dire sur les promesses unilatérales de contrats et sur les promesses en
général.
B/ Le pacte de préférence
Abordons donc désormais une autre figure des avant-contrats, qui fait l'objet de dispositions
spéciales dans le code, c'est à dire le pacte de préférence.
Avant la réforme du droit des obligations, ce pacte ne faisait pas l'objet d'une définition ou tout
comme d'ailleurs, la promesse unilatérale. Depuis la réforme, une définition légale est donnée à
l'article 1123 du code civil. Cet article 1123 définit le pacte de préférence comme le contrat par
lequel une partie s'engage à proposer prioritairement à son bénéficiaire de traiter avec lui pour le cas
où elle déciderait de contracter.
Autrement dit, par le pacte de préférence une partie s'engage à proposer prioritairement à toute
autre personne un contrat dans l'éventualité où il se déciderait à contracter.
Ici, il faut bien comprendre que le pacte de préférence ne préjuge pas de la conclusion d'un contrat
futur. Dans ce pacte le promettant ne s'engage pas à contracter, il s'engage uniquement à s'adresser
prioritairement aux bénéficiaires du pacte dans l'hypothèse où il déciderait de contracter.
Le promettant demeure donc parfaitement libre de contracter ou non, de même que le bénéficiaire,
d'ailleurs, sera parfaitement libre d'accepter ou de refuser le contrat qui lui sera proposé. C'est ici en
réalité, ce qui explique que la validité du pacte de préférence n'est pas conditionnée, à l'inverse de la
promesse unilatérale, par la détermination des éléments essentiels du futur contrat.
En la matière notamment, le prix peut donc ne pas être déterminé dans le pacte de préférence. Il
pourra l'être a posteriori lorsque le promettant, si le promettant s'engage dans le contrat.
En revanche, les biens ou les opérations qui font l'objet du droit de préférence doivent être
précisément identifiés dans le pacte. En effet, la priorité ne sera due que si l'opération réalisée
correspond à l'opération visée dans le pacte de préférence.
Par exemple, il a été jugé qu'un pacte de préférence visant une cession ne pourrait pas trouver
application en cas de donation du bien en cause.
Cette solution résulte d'un arrêt rendu par la chambre commerciale le 17 mars 2009.
Dans le même ordre d'idée, le droit de préférence consenti au locataire sur un local commercial ne
s'appliquera pas en cas de vente de l'immeuble dans son ensemble.
Cette solution résulte d'un arrêt rendu par la 3e Chambre civile le 9 avril 2014.
Quant au régime du pacte de préférence, sa violation ouvre bien entendu droit à une action au
bénéfice du bénéficiaire du pacte de préférence. Il s'agira donc ici de l'hypothèse dans laquelle une
personne s'est engagée à proposer prioritairement un bien, par exemple, dans le cas où elle se
déciderait de vendre, puis a conclu finalement le contrat avec un 1/3 sans avoir préalablement
proposer ce contrat au bénéficiaire du pacte.
Dans ce cas, l'article 1123 du Code civil précise que le bénéficiaire du pacte peut obtenir la réparation
du préjudice subi mais il peut également agir en nullité du contrat conclu en violation de ses droits,
ou encore demander au juge de le substituer au tiers dans le contrat conclu.
Cette possibilité, nullité ou substitution, avait déjà été admise par la Cour de cassation dans un arrêt
important, arrêt rendu par la chambre mixte le 26 mai 2006.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation avait expressément admis la possibilité pour le bénéficiaire du
pacte d'invoquer la nullité du contrat et la substitution du bénéficiaire du pacte à l'acquéreur.
À vrai dire, la formulation était assez maladroite et a été corrigée dans l'article 1123 du code civil. En
effet, les 2 sanctions nullité d'une part, substitution, d'autre part, ces deux sanctions ne peuvent bien
entendu pas être cumulatives. Si le contrat est annulé, il est réputé ne jamais avoir existé et la
substitution n'est par hypothèse pas possible.
C'est donc maladroitement que la Cour de cassation avait admis en 2006 que le bénéficiaire du pacte
puisse demander la nullité du contrat et sa substitution.
De manière bien plus satisfaisante, l'article 1123 prévoit donc une option pour le bénéficiaire : soit
solliciter la nullité du contrat intervenu en violation de ses droits, soit demander directement sa
substitution au cocontractant.
Selon les hypothèses, la nullité pourra apparaître plus avantageuse. Notamment si des conditions
particulières ont été prévues dans le contrat avec le tiers. En cas de substitution en effet, le
bénéficiaire est tenu exactement dans les mêmes termes que le contrat conclu avec le tiers.
Sur ce nous en avons terminé avec l'étude des avant-contrats, et plus généralement avec l'étude de
la formation du contrat.
Il nous reste désormais à nous pencher sur les conditions de validité à l'occasion d'un 2nd chapitre.
Comme on a pu le voir, le contrat est un accord de volonté destiné à produire des effets de droit.
Il reste que pour produire ses effets, il doit aux termes de l'article 1103 du code civil, être légalement
formé. Autrement dit, il doit respecter les conditions que la loi exige pour sa validité.
Alors à titre liminaire, on rappellera qu'en principe, la validité du contrat n'est soumise à aucune
condition de forme. Le principe est le consensualisme.
Par conséquent, en dehors des hypothèses dans lequel une forme particulière est requise ad
validitatem, c'est à dire comme condition de validité, les conditions de validité du contrat sont au
nombre de 3 et sont énumérées à l'article 1128 du code civil.
Ces conditions, énumérées à l'article 1128 du code civil, tiennent au consentement des parties, à leur
capaciter de contracter et à un contenu licite et certain au contrat.
Avant la réforme du droit des obligations, ces conditions étaient en réalité au nombre de 4. On
retrouvait bien entendu la capacité et le consentement mais le code civil ne faisait pas référence au
contenu du contrat. Il visait expressément un objet certain qui forme la matière de l'engagement,
nous disait le code, et une cause licite dans l'obligation. 4 conditions donc antérieurement : capacité
consentement objet et cause.
L'ancien objet renvoyait à ce que voulaient les parties, à l'objet de leur engagement autrement dit,
l'objet répondait à la question que veulent les parties ?
La cause renvoyait au pourquoi l’ont-elles voulu ? Quelles sont les raisons de l'engagement de
chacune des parties. En réalité, la polysémie du terme cause ouvrait la voie à plusieurs
compréhensions de la notion. C'est la raison pour laquelle son étude et sa présentation ont toujours
été marquées d'une très grande complexité.
- Première question qui pouvait se poser, la cause était-elle celle du contrat dans son ensemble, ou
plus spécialement de l'obligation de celui qui s'engage ? Certains textes du code civil, et notamment
l'ancien article 1108, faisait référence à la cause de l'obligation, mais d'autres semblaient désigner
plus généralement la cause du contrat
- Surtout au 2e question qui se pose est la cause devait elle s'apprécier de manière objective ou de
manière subjective ? Très schématiquement, dans une approche objective, le juge devait procéder à
un examen objectif de l'échange réalisé, en appréciant les éléments de l'échange, autrement dit les
contreparties. Ce sont ces éléments, ces contreparties, qui permettaient de déterminer la cause de
l'engagement, les raisons de l'engagement de chaque partie.
Il faut bien comprendre que dans cette approche objective, la cause fait l'objet d'une
systématisation. L'engagement, la raison de l'engagement doit toujours être regardé comme
identique pour chaque type de contrat. Il s'agit schématiquement de la contrepartie.
À l'inverse, dans une approche plus subjective, le juge est renvoyé à l'analyse et au contrôle des
mobiles individuels qui animent chacune des parties et qui vont donc différer d'un contrat à l'autre.
Cette approche subjective a été utilisée postérieurement à l'approche objective, et est venue la
compléter.
Il reste que les débats en la matière étaient particulièrement nourris, et les auteurs relevaient
d'ailleurs volontiers que la théorie française de la cause était teintée d'une grande subtilité, confinant
à une extrême complexité.
Par souci de simplification et afin de rapprocher la législation française des droits étrangers qui
n'avaient pas recours à cette notion, le choix a été fait à l'occasion de la réforme du droit des
obligations d'abandonner totalement la notion de cause.
Pour autant, cette disparition est essentiellement formelle et textuelle car de l’aveu même des
auteurs de la réforme, les différentes fonction que la JP avait assignées à la cause, qu’elle soit
objective ou subjective, ont été consacrées.
Il importe donc de bien comprendre ces anciennes notions et de bien comprendre les solutions
auxquelles elle menait. Il reste toutefois que formellement, l'objet et la cause ne sont plus des
conditions positives de validité du contrat.
Désormais, à l'exigence de capacité et de consentement s’ajoute l'exigence, on l'a vu, d'un contenu
certain et licite, contenu du contrat donc, qui remplace pour ainsi dire l'ancien objet et l'ancienne
cause.
Dans la mesure où ces 3 éléments conditionnent la validité du contrat, leur absence ou l'absence de
l'une d'entre elles est sanctionnée par la nullité.
Avant d'étudier en détail chacune des conditions de validité. Nous dirons donc quelques mots sur
cette sanction très particulière qui est la nullité.
SECTION PRELIMINAIRE : LA NULLITE
Prévue à l'article 1178 du code civil, la nullité est une sanction qui consiste en l'anéantissement
rétroactif du contrat.
Nous allons commencer par circonscrire cette notion qui doit être distinguée de notions voisines
avant de voir les conditions auxquelles elle peut être invoquée, ainsi que ses effets.
I. La notion de nullité
La nullité est une sanction très particulière qui conduit à l'anéantissement du contrat pour le passé et
pour l'avenir.
Cette sanction, la résolution donc, est très proche de la nullité dans la mesure où elle emporte une
disparition du contrat également de manière rétroactive. Pour autant, la résolution n'est pas une
sanction d'un défaut de validité du contrat, elle est la sanction de l’inexécution d'un contrat
valablement formé. Ses effets sont similaires, mais la cause de la sanction est donc très différente.
À ce titre, il faut d'ailleurs prendre garde à ne pas confondre résolution et résiliation. La 2nde, la
résiliation n'est pas à proprement parler une sanction de l’inexécution. Elle est simplement un moyen
qui permet à l'un des cocontractants de se libérer du contrat, en d'autres termes, d'en sortir.
La nullité doit encore être distinguée de la caducité. Cette sanction de caducité intervient également
en l'absence d'une condition de validité du contrat. Mais à la différence de la nullité, elle va
concerner la phase d'exécution du contrat.
=> En d'autres termes, lorsqu'une condition du de validité du contrat fait défaut dès sa formation, la
sanction est la nullité.
≠ Au contraire, si toutes les conditions de validité étaient réunies à la formation du contrat mais
qu’un élément essentiel disparaît au cours de son exécution, dans ce cas-là, le contrat initialement
valable devient caduc. Cette sanction était auparavant absente du code civil, mais très largement
admise en jurisprudence. Elle a désormais fait son entrée dans le code civil à l'article 1187 du code.
En principe, la caducité ne vaut que pour l'avenir, mais elle peut tout de même avoir un effet
rétroactif et donner naissance à des restitutions, notamment lorsque le contrat a continué à être
exécuté après la disparition de l'un de ses éléments essentiels.
La nullité doit encore être distinguée de l’inopposabilité. Cette inopposabilité va venir sanctionner un
défaut de publicité pour certains actes ou dans certains cas un défaut de pouvoir de celui qui le
souscrit. Mais là encore, cette sanction d’inopposabilité n'affecte en rien l'existence de l'acte. Elle
entraîne seulement une inefficacité de cet acte, de ce contrat, à l'égard des tiers.
Enfin la nullité doit désormais être distinguée également du réputé non écrit.
Cette sanction du réputé d'un écrit n'est pas nouvelle mais elle était antérieurement absente du code
civil. Schématiquement, le réputé non écrit pourrait être appréhendé comme une forme de nullité
partielle, c'est à dire une nullité qui n’affecterait pas le contrat dans son ensemble, mais qui
n’affecterait qu'une clause particulière.
Cette sanction va notamment trouver application en matière de clauses abusives, l'idée étant alors
que seule la clause litigieuse est annulée. On fait comme si elle n'avait jamais existé, mais le contrat
dans son entier demeure.
Le nouvel article 1184, alinéa 2 va dans ce sens puisqu'il prévoit désormais que le contrat est
maintenu lorsque la loi répute non écrite une clause. Il reste toutefois que cette formulation du
nouvel article 1184 emporte une distinction entre le réputé non écrit et la nullité.
En effet, la nullité qui peut être partielle est régie par l'alinéa 1 de l'article 1184. Cette nullité partielle
sera envisagée dans l'hypothèse dans laquelle une clause seulement serait affectée d'un défaut de
validité. Le contrat dans son ensemble restera valable, il pourra toutefois être nul dans son
intégralité si la clause considérée a constitué un élément déterminant de l'engagement des parties
ou de l'une d'elle.
≠ À l'inverse, lorsque la clause est réputée non écrite, le contrat dans son ensemble ne pourra jamais
tomber dans son entier. Cette sanction du réputé d'un écrit est en effet traitée de manière spécifique
dans un alinéa distinct : l'alinéa 2 de l'article 1184. Il faut donc déduire de cet article et de ses 2
alinéas successifs :
- Premièrement que lorsque la clause est réputée non écrite, la distinction prévue à l'alinéa 1 n'a pas
lieu d'être appliquée.
- Deuxièmement, que la sanction du réputé non écrit est distincte et autonome de la nullité, même
partielle et à ce titre, elle n'en suit pas le régime.
La Cour de cassation s'est d'ailleurs prononcée en faveur de l'autonomie de la sanction du réputé non
écrit, et a jugé que cette sanction n'était donc pas soumise au régime de la nullité, et plus
précisément au délai de prescription quinquennale valant en matière de nullité. Il s'agit là d'un arrêt
rendu par la première chambre civile le 13 mars 2019. Cela étant dit, voyons les conditions dans
lesquelles la nullité peut être invoquée.
Il faut ici commencer par voir la distinction entre la nullité absolue et la nullité relative avant de voir
plus précisément les conditions de mise en œuvre.
En matière de nullité, il existe une grande division entre les nullités dites relatives et la nullité dite
absolue.
Cette distinction s'est faite en doctrine dès le 19e siècle. En réalité, initialement, le contrat était
comparé à un être vivant composé de différents organes qui pouvaient être entachés d'une maladie.
Selon la gravité du mal, la nullité n'avait pas la même force. En l'absence d'un organe, autrement dit
d'une condition d'existence, le contrat était pour ainsi dire mort-né, et la nullité était considérée
comme absolue.
À l'inverse, lorsqu'un élément était présent, mais vicié le contrat était seulement considéré comme
malade, et la nullité n'était que relative.
≠ En revanche, si la finalité de la protection est un intérêt privé d'une des parties au contrat alors,
seule la personne que la règle a pour objet de protéger détient le droit de de critique et peut donc
invoquer la nullité. Cette nullité est alors relative.
C'est cette théorie moderne de la nullité qui s'est imposée et c'est elle que l'on retrouve dans les
dispositions nouvelles du code civil. Ainsi, au terme de l'article 1181 du code civil, la nullité absolue
peut être demandée par toute personne justifiant d'un intérêt, quant à la nullité relative, l'article
1181 précise qu'elle ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.
Comme vous le voyez, les conditions de mise en œuvre de la nullité vont donc dépendre de sa nature
absolue où relative.
- Concernant la nullité absolue : on l'a vu dans ce cas, toute personne justifiant d'un intérêt peut agir.
Par intérêt à agir, on entend ici l'intérêt au sens du droit de la procédure civile : il s'agira donc en
premier lieu des parties au contrat, mais aussi, éventuellement des créanciers ou des héritiers.
En cas de nullité absolue, la confirmation du contrat est toujours impossible. Alors, qu'est-ce que la
confirmation ? C'est tout simplement la possibilité pour la partie lésée de renoncer à invoquer la
nullité. Dans ce cas, elle confirme alors l'acte, elle confirme vouloir être tenu par celui-ci. Cette
confirmation n'est pas envisageable en matière de nullité absolue.
- S’agissant de la nullité relative désormais - Cette nullité peut être invoquée par la ou les personnes
protégées par la règle violée. En tout état de cause, le cocontractant de la personne protégée ne
peut jamais se prévaloir de la nullité relative. À l'inverse des causes de nullité absolue, les causes de
nullité relatives sont susceptibles de confirmation aux conditions prévues à l'article 1182.
Outre ces spécificités qui dépendent de chaque type de nullité, il existe des conditions communes
aux 2 nullités.
Ces conditions communes sont intimement liées au régime de la nullité. Qu'elle soit absolue au
relative, la nullité peut toujours être demandée par voie d'action ou par voie d'exception.
Lorsque le titulaire du droit de critique prend l'initiative du procès, il agit alors par voie d'action.
Cette action en nullité peut être intentée, que le contrat ait commencé à être exécuté ou non.
L'action est alors soumise à un délai de prescription de droit commun, qui est de 5 ans. Ce délai
commence à courir à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits
lui permettant d’exercer ce droit. Cette solution est posée par l'article 2224 du code civil.
Outre l'hypothèse dans laquelle le titulaire du droit de critique prend les devants et sollicite lui-
même la nullité du contrat, il peut également rester passif et attendre que les créanciers lui
demandent l'exécution du contrat annulable et s'y opposer alors en se prévalant de l'exception de
nullité. Lorsqu'il agit à titre défensif, il agit par voie d'exception.
Cette exception de nullité se distingue de l'action dans la mesure où elle est dite perpétuelle, En
d'autres termes elle ne se prescrit pas. Cela étant, cette règle d’imprescriptibilité ne vaut que si le
contrat n'a pas encore reçu exécution. Si l'acte a fait l'objet d'une exécution, qu'elle soit totale ou
partielle, la nullité ne peut plus être opposée au-delà du délai de prescription de l'action en nullité.
Pour finir, on précisera que la réforme a expressément admis que la nullité puisse également être
simplement constatée par les parties au contrat. Si par principe, elle doit être prononcée par le juge
l'article 1178 du code civil prévoit en effet par exception, que les parties peuvent la constater d'un
commun accord.
Concernant ces effets de la nullité, il faut bien comprendre qu'en principe, la nullité affectant l'acte
dans son ensemble.
Par ailleurs, la nullité a un effet rétroactif dans la mesure où le contrat est censé n'avoir jamais existé.
Cet anéantissement du contrat suppose donc de revenir à la situation antérieure au contrat, ce qu'on
appelle le statu quo ante.
Pour revenir à cette situation antérieure, des restitutions seront donc nécessaires que chaque partie,
concrètement va devoir rendre à l'autre ce qu'elle a reçu.
On ne s'appesantira pas sur cette question des restitutions, mais sachez qu'elle fait désormais l'objet
d'un chapitre particulier au sein du code civil. Ce chapitre est prévu aux articles 1352 à 1352-9 du
code.
À ce titre, les effets rétroactifs de la nullité peuvent parfois affecter les tiers au contrat. Dans ce cas,
des correctifs pourront être utilisés pour préserver le droit des tiers, notamment lorsque ceux-ci sont
de bonne foi.
Voici ce que l'on pouvait dire sur la nullité. Voyons désormais à proprement parler les conditions de
validité des contrats dont elle est la principale sanction.
P11_La capacite.
SECTION 1 : LA CAPACITE
La capacité c'est tout simplement l'aptitude à acquérir un droit et à l'exercer. Appliqué au contrat,
c'est donc l'aptitude à s'engager dans un contrat, à contracter.
Aux termes de l'article 1145, al 1 du code civil, « toute personne peut contracter sauf en cas
d'incapacité prévue par la loi »
La capacité, donc le principe. L'incapacité, l'exception. Pour mémoire, pour les personnes physiques,
la capacité s'acquiert à la majorité ou à l'émancipation. / Quant aux personnes morales, elles
acquièrent la capacité juridique au jour de leur immatriculation.
Cela étant précisé, le défaut de capacité des personnes physiques affecte la validité du contrat. Cette
hypothèse se rencontrera plus précisément dans 2 hypothèses. En cas d'incapacité proprement dite
et en cas de trouble mental.
On distingue ici traditionnellement les incapacités dites d'exercice / des incapacités dites de
jouissance.
a) Les incapacités d'exercice, pour commencer, n'empêchent pas véritablement d'être titulaire d'un
droit et d'en acquérir. Elles limitent simplement le libre exercice de ses droits.
- 2 types de personnes sont frappés par une incapacité d'exercice : les mineurs non émancipés et les
majeurs.
*Pour les premiers, les mineurs, ils ne peuvent en principe pas contracter sans
l'intermédiaire de leur représentant. Il s'agira éventuellement des parents, si ces derniers ont
l'autorité parentale ou, le cas échéant, d'un tuteur. Sans entrer dans le détail des dispositions
applicables aux mineurs, on rappellera toutefois que l'usage veut que les mineurs puissent accomplir
seuls certains actes de la vie courante. Pour protéger le mineur dans ce cas et par exception, la lésion
sera alors une cause de nullité. Il s'agit là de l'article 1149 du code civil.
*Pour les seconds, les majeurs protégés, l'incapacité dépendra en réalité de la gravité de leur
état et de la mesure à laquelle ils sont soumis. Sauvegarde, curatelle où tutelle. Là encore, il ne s'agit
pas de rentrer dans le détail de ces différentes mesures qui relèvent du droit des incapacités.
Quoi qu'il en soit, mineurs comme majeurs peuvent être représentés pour passer des contrats. La
représentation se définit comme l'action qui consiste, pour une personne investie à cet effet, d'un
pouvoir, le représentant, d'accomplir au nom et pour le compte d'une autre personne incapable où
empêché le représenter, un acte juridique dont les effets vont se produire directement sur la tête du
représenté. La relation est donc tripartite. Un représenté, l'incapable, donne pouvoir à un
représentant de conclure un acte juridique avec 1/3 en son nom.
Cette figure juridique de la représentation est particulièrement encadrée et fait l'objet d'un régime
spécial prévu aux articles 1153 à 1161 du code civil.
Pour que la représentation puisse produire ses effets, plusieurs conditions doivent être réunies.
- puis le représentant n'est fondé à agir que dans la limite des pouvoirs qui lui ont été conférés. Le
représentant doit donc avoir le pouvoir d'accomplir l'acte en cause, au nom et pour le compte du
représenté. Il peut détenir ce pouvoir de la loi, d'une décision de justice, ou encore d'un contrat.
- la représentation ne peut être valable en présence d'un conflit d'intérêts. L'article 1161 dispose à ce
titre, que le représentant d'une personne physique ne peut pas agir pour le compte de 2 parties au
contrat, ni contracter pour son propre compte avec le représenté. S'il le faisait, l'acte accompli serait
nul à moins que la loi ne l'ait autorisé expressément ou que le représenté ne l'ait ratifié.
Quant aux effets de la représentation, il conviendra de distinguer, selon que la représentation est
dite, parfaite où imparfaite.
La représentation est dite parfaite lorsque le représentant agit au nom et pour le compte du
représenté de manière express. En d'autres termes, dans la représentation parfaite, le tiers a
conscience de la représentation. Dans ce cas, seul le représenté est alors engagé dans le contrat,
mais pas le représentant.
≠ À l'inverse la représentation est imparfaite dans l'hypothèse dans laquelle le représentant agit pour
le compte d’autrui, mais en son propre nom. Dans cette hypothèse, le jeu de la représentation
imparfaite conduit à ce que l'acte accompli par le représentant n'engage pas directement le
représenté. Le représentant reste donc seul tenu à l'égard du tiers. La solution résulte de l'article
1154 alinéa 2 du code civil.
Quelques mots pour finir sur les incapacités de jouissance. Ces incapacités de jouissance coexistent
aux côtés des incapacités d’exercice.
b) Ces incapacités de jouissances vont priver certaines personnes du droit de contracter. Mais ces
incapacités sont nécessairement spéciales en ce qu'elle ne vise que tel ou tel acte particulier et non
l'ensemble des actes, comme c'est le cas pour les incapacités d'exercice. Ces incapacités de
jouissance peuvent donc avoir plusieurs fondements. Elles peuvent être des mesures de protection
mais elles peuvent être également des mesures de méfiance à l'égard de celui que la loi va frapper
d'incapacité.
Par exemple, toute personne qui exerce des fonctions ou qui occupent un emploi dans un
établissement hébergeant des personnes âgées ou dispensant des soins psychiatriques a interdiction
de se rendre acquéreur d'un bien appartenant aux personnes admises dans ces établissements.
Il s'agit donc là d'une incapacité spéciale dite de jouissance. Selon les cas, les actes conclus en
violation de ces incapacités seront des causes de nullité relative ou absolue.
Outre les hypothèses d'incapacité, qui ouvre donc une action en nullité, la validité du contrat pourra
également être remise en cause en cas de trouble mental, anciennement appelé insanité d'esprit.
II/ Le trouble mental
En cas d'incapacité, qu'elle soit d'exercice ou de jouissance la personne ne pouvait légalement pas
accomplir l'acte parce qu'elle faisait l'objet d'une mesure d'incapacité. C'est pour cette raison que
l'acte en cause pourra être annulé.
En cas d’insanité d'esprit, la personne peut en principe accomplir l'acte. Ici, elle n'est pas frappée
d'incapacité. Toutefois, elle n'a pas pu consentir valablement à l'acte en raison d'un trouble mental.
En réalité, on se rapproche ici de l'hypothèse du vice, du consentement.
En cette matière, en matière de trouble mental, donc l'action en nullité est ouverte par les articles
1129 et 1114-1 du code civil. Le premier, l'article 1129 dispose en effet qu'il faut être sain d'esprit
pour consentir valablement un contrat. Quant au 2nd, il précise que c'est à ceux qui agissent en
nullité pour cette cause de prouver l'existence d'un trouble mental au moment de l'acte. L'action en
nullité pour cause de trouble mental suppose donc de rapporter la preuve de l'existence d'un trouble
mental, étant précisé que ce trouble doit avoir affecté le cocontractant au moment de la conclusion
de l'acte. Autrement dit, il doit réellement coïncider avec la date de l'acte ou tout du moins avec
l'époque à laquelle l'acte a été conclu.
Ce trouble peut en revanche être de différentes natures : handicap, maladie, âge, mais également
état d'ébriété. Par ailleurs, ce trouble peut être plus ou moins durable. Il doit en revanche être
suffisamment grave pour avoir altéré les capacités intellectuelles de la personne. L'appréciation de
cette gravité relèvera de l'appréciation souveraine des juges du fond.
Quant au régime de la nullité, il dépendra en réalité de savoir si la demande a été faite du vivant ou
non de l'auteur de l'acte. SI elle a été faite de son vivant, l'action n'appartiendra qu'à lui. C'est
l'article 414-2 du code civil.
En revanche, lorsque l'action est engagée après la mort de l'auteur de l'acte, elle obéit à un régime
plus strict. Dans ce cas, en effet, l'article 414- 2 n'ouvre l'action en nullité avec son successeur que s'il
se trouve dans certains cas particuliers visés par cet article.
Nous avons fait le tour de la condition relative à la capacité. Il convient désormais d'envisager la
condition relative au consentement.
P12_Le consentement
SECTION 2 : LE CONSENTEMENT
Mais ici ce qui va nous retenir plus spécifiquement, tient au vice du consentement proprement dit.
Ces vices sont des défauts qui affectent la qualité du consentement donné par une partie à l'acte.
Dans la mesure où la volonté est la source du contrat, elle doit présenter certaines qualités. C'est en
effet par elle que les parties s'engagent.
Pour autant, la sécurité juridique commande de ne pas admettre trop largement les possibilités de
remise en cause des contrats pour défaut de consentement. Toute anomalie ne peut pas ici être
prise en compte. Il s'ensuit que le code civil a toujours réservé une place importante aux vices du
consentement, mais qu'il ne les a toujours admis que de manière limitée et à des conditions très
strictes.
Le siège de la matière est désormais l'article 1130 du code civil qui dispose que l'erreur, le dol et la
violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que sans eux, l'une des parties
n'aurait pas contracté ou aurait contracté, à des conditions substantiellement différentes.
Le code civil admet donc 3 vices du consentement, qui ont en commun d'affecter significativement le
consentement de l'une des parties. Ces 3 vices du consentement répondent à des règles et à des
logiques qui leur sont propres. En cas d'erreur ou de dol, le consentement n'a pas été donné en
connaissance de cause. En cas d'erreur, en cas de violence, il n'a pas été donné librement.
I/ L’erreur
L’erreur se définit comme une discordance entre la croyance d'une des parties que l'on appelle
l’errans et la réalité. Elle est une représentation inexacte de cette réalité.
Toutefois, afin de respecter l'équilibre que nous évoquions précédemment entre protection du
consentement et impératifs de sécurité juridique, toutes les erreurs ne sont pas des causes de
nullité. Pour que l'erreur commise par une partie au contrat soit un vice du consentement et donc
une cause de nullité, elle doit présenter certains caractères plus précisément :
A. L’objet de l’erreur
Le code civil n'admet l'erreur que lorsqu'elle porte sur un objet particulier, à savoir les qualités
essentielles de la prestation ou du cocontractant.
Commençons donc par voir ce qu'est une erreur sur les qualités essentielles avant de faire un rapide
tour d'horizon des autres objets possibles de l'erreur, mais que le code civil refuse de prendre en
compte.
- premièrement l'erreur peut être de différentes natures, elle peut être de droit ou de fait. L’erreur
de droit portera notamment sur l'existence de ce droit, sur son étendue ou sur sa nature. Elle
s'apprécie toujours par référence à la règle de droit écrite et non par référence à la jurisprudence qui
est toujours susceptible de variations.
Quant à l'erreur de fait - Elle est en principe que l'hypothèse la plus fréquente et suppose une
appréciation erronée d'une donnée factuelle.
En d'autres termes, elle revient à se tromper sur une caractéristique du bien que l'on a acquis.
- Cela étant, dans un cas comme dans l'autre, et c'est là le 2e enseignement que l'on tire de l'article
1132 cette erreur doit impérativement porter sur les qualités essentielles de la prestation ou du
cocontractant. À défaut, l'erreur ne sera pas une cause de nullité.
Alors ici, il faut revenir un petit peu sur l'ancien droit. L'ancien article 1110 du code civil retenait en
réalité une formule légèrement différente puisqu'il visait, lui, l'erreur sur la substance même de la
chose qui en est l'objet.
Dans un premier temps, ce texte avait fait l'objet d'une interprétation très stricte. La substance fut en
effet d'abord assimilée à la matière dont la chose est faite.
L'exemple célèbre qui permet de comprendre cette interprétation très stricte est tirée de l'œuvre de
Potier. Selon cet auteur, l'acheteur qui croyant acheter des chandeliers en argent, acquiert en réalité
des chandeliers de bronze argenté, commet bel et bien une erreur sur la substance de la chose. En
dehors de cette erreur sur la matière de la chose les auteurs considéraient en revanche que la nullité
était impossible.
Progressivement, il a toutefois été admis que, outre l'erreur sur la matière de la chose, l'erreur sur
ses qualités substantielles était également une cause de nullité.
Apprécié subjectivement, c'est alors en fonction de leur influence déterminante sur le consentement,
que les qualités ont été jugées de substantiel.
Dès 1913, la Cour de cassation affirmait ainsi que l'erreur doit être portée comme portant sur la
substance lorsqu'elle est de telle nature que sans elle, l'une des parties n'aurait pas contracté.
Cette interprétation de l'article 1110 du code civil permettait donc d'élargir sensiblement le champ
de l'erreur. A pu être considérée comme une erreur sur les qualités substantielles, la constructibilité
d'un terrain ou encore les aptitudes d'un animal, ou bien encore l'authenticité d'une œuvre d'art.
Cette question de l'authenticité des œuvres d'art a d'ailleurs donné lieu à un contentieux
particulièrement abondant. Si on tente de résumer les différentes solutions dégagées, il a été admis
que l'erreur puisse être une cause de nullité dès lors qu'elle portait sur l'authenticité de la prestation.
Et quand bien même elle émanerait de l'une ou de l'autre partie.
En d'autres termes, l'erreur est ici une cause de nullité, si l'acquéreur, convaincu d'acquérir une
œuvre authentique, acquiert en réalité une œuvre qui n'est pas du maître, mais elle sera également,
si le vendeur, convaincu de vendre un tableau réalisé dans le style de tel maître ou par l'école de tel
maître, réalisant fait après coup que le tableau était bel et bien de la main même du maître.
Allant plus loin, la Cour de cassation a même admis que l'erreur puisse venir de la conviction erronée,
qu'une œuvre ne puisse pas être d'un maître si l'on découvre finalement après coup qu'un doute
existe en la matière. Cette solution a été affirmé à l'occasion du très célèbre arrêt Poussin du 22
février 1978.
Dans cet arrêt Poussin du 22 février 1978, un couple avait confié un tableau lui appartenant à un
commissaire-priseur en vue de sa vente. Suite à l'expertise, le tableau avait été attribué à l’Ecole des
Carrache puis mis en vente. Les musées nationaux s'étaient portés acquéreurs du tableau qui avait
ensuite été exposée comme étant une œuvre originale, non pas de l’Ecole des Carrache mais de
Nicolas Poussin.
Le couple avait alors sollicité la nullité de la vente. Ils avaient été déboutés en appel de leur
demande, au motif qu'il n'était pas établi avec certitude que le tableau était bel et bien du maître.
Pour la Cour d'appel, l'erreur sur l'authenticité n'était donc pas établie. L'arrêt est toutefois cassé par
la Cour de cassation au motif que les juges du fond auraient dû rechercher si, au moment de la vente,
le consentement des vendeurs n'avait pas été vicié par leur conviction erronée que le tableau ne le
pouvait pas être une œuvre de Nicolas Poussin. Or, au regard des circonstances de l'espèce, il
s'avérait qu'il était peut-être bel et bien de cet artiste.
Autrement dit, l'erreur de nature à provoquer l'annulation du contrat résidait alors dans le fait de
n'avoir pas douté de l'absence d'authenticité au moment de la vente, là où l'état des connaissances
impliquait que l'on ait le doute.
Cet arrêt permet d'ailleurs de comprendre que l'on peut se servir d'éléments postérieurs à la vente
pour rapporter la preuve d'une erreur au jour de cette vente.
En d'autres termes, la croyance de l’errans doit être appréciée au jour de la conclusion du contrat.
Mais l'erreur en elle-même peut apparaître plus tard. Elle peut donc être établie par des éléments
postérieurs à cette conclusion.
La solution quant à l'admission d'une erreur en l'absence de doute sur la non-authenticité a été
réaffirmée et plus de 30 ans plus tard, dans une autre affaire Poussin rendu par la première chambre
civile le 17 septembre 2003.
On voit donc par ces arrêts à quel point l'admission d'une approche subjective de l'erreur sur les
qualités substantielles a permis d'ouvrir le champ de l'erreur.
Cela étant, l'admission de l'erreur est depuis longtemps cantonné par le principe selon lequel, si un
aléa est entré dans le champ contractuel, l'erreur est exclue.
Comme l'ont souligné des auteurs, pour permettre l'annulation, il faut que la conviction de celui qui
s'est trompé ait été certaine. Il ne faut donc pas que l'aléa soit entré dans le champ contractuel.
L'aléa chasse, selon la formule consacrée, l'erreur.
Là encore, c'est dans une affaire relative à la vente d'une œuvre d'art que la solution a été dégagée
par la jurisprudence. Il s'agit cette fois de l'arrêt relatif au verrou de Fragonard, arrêt rendu par la
première chambre civile, le 24 mars 1987.
Dans cette affaire, un tableau avait été vendu aux enchères publiques comme étant attribué à
Fragonard. L'authenticité du tableau avait été établi par la suite et le vendeur avait donc agi en
nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles.
Dans cette affaire, la Cour d'appel avait refusé d'annuler la vente pour erreur, dans la mesure ou
l'expression « attribué à » laissait planer un doute sur l'authenticité de l'œuvre. Elle n'excluait
finalement pas la possibilité que l'œuvre soit bel et bien de la main de Fragonard.
Le vendeur, se pourvoit en cassation, mais de la même manière, son pourvoi est rejeté. Dans cet
arrêt, la Cour relève en effet qu'il résulte des énonciations des juges du fond, que le vendeur ne
rapporte pas la preuve qu'il a consenti à la vente de son tableau sous l'empire d'une conviction
erronée quant à l'auteur de l'œuvre. Surtout, elle ajoute que l'aléa sur l'authenticité de l'œuvre était
entré dans le champ contractuel et qu'en conséquence, aucune des 2 parties ne pouvait alléguer une
erreur en cas de dissipation ultérieure de l'incertitude commune.
Ici, il faut bien comprendre que la situation est différente de celle des affaires Poussins. Dans l'affaire
du Poussin, les vendeurs avaient une certitude. Ils étaient convaincus qu'il était exclu que le tableau
soit un poussin. Or, par la suite, il avait été établi que le tableau pouvait bel et bien être de du maître.
Il existait donc une discordance entre la croyance et la réalité.
Mais dans l'affaire Fragonard, le doute est partagé par les parties au moment de la vente, le tableau
est attribué à Fragonard. Les parties par cette mention acceptent donc que l'œuvre puisse rester
attribué à Fragonard, c’est-à-dire que le doute quant à l'authenticité de l'œuvre subsiste. Mais elles
admettent également la possibilité qu'il puisse être établi par la suite que le tableau n'était
finalement pas un Fragonard ou au contraire qu'il en était bel et bien un.
Les parties ont donc admis dans cette affaire, au moment de la conclusion du contrat, l'existence
d'un aléa, l'existence de 3 éventualités. Il n'y aura pas d'erreur si l'une d'entre elles se révèle exacte.
Cette solution a été réaffirmée à maintes reprises et figure désormais à l'article 1133 alinéa 3 du code
civil.
De la même manière, la conception retenue de l'objet de l'erreur dans la réforme, rejoint le droit
ancien, certes la référence à la substance de la chose qui avait fait l'objet de débat a été supprimée.
Désormais, on vise les qualités essentielles. Cela étant, ces qualités essentielles renvoient aux
d'anciennes qualités substantielles de la chose.
Plus exactement, elles sont définies dans le code civil à l'article 1133. Aux termes de cet article 1133,
les qualités essentielles sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en
considération desquelles les parties ont contracté.
2 éléments permettent donc de déterminer si la qualité qui fait défaut est une qualité essentielle.
Premièrement, est une qualité essentielle celle en considération de laquelle les parties ont contracté.
La formule fait donc ici directement écho à l'ancienne conception subjective des qualités
substantielles de la chose. Ce qui importe, c'est le caractère déterminant pour l’errans de la qualité
considérée. Attention ici, il ne s'agit pas du caractère déterminant de l'erreur, mais bien de la qualité
de la chose. C'est au regard de cette qualité que la personne a contracté.
Deuxièmement, cette qualité doit avoir été expressément ou tacitement convenue. Cette exigence
permet en réalité de cantonner l'erreur afin qu'une partie ne puisse pas trop facilement remettre en
cause un contrat en arguant après coup que telle qualité était déterminante pour elle.
Doivent être considérées comme expressément convenues toutes les qualités dont le contrat fait
expressément état. Seront à l'inverse considérées comme tacitement convenues, les qualités
considérées comme habituellement déterminantes pour le contrat considéré. Ainsi, lorsque la qualité
est normalement traditionnellement vue comme essentielle dans le contrat conclu, on doit présumer
qu'elle l'était pour les rentes, et qu'elle a nécessairement été tacitement convenue par les parties.
À défaut, si cette qualité n'était pas traditionnellement perçue comme essentielle, ce sera à l’ l’errans
qu'il appartiendra de rapporter la preuve du caractère substantiel de la qualité défaillante et surtout,
du fait que cette qualité était bien entrée dans le champ contractuel.
Ces remarques valent tout autant lorsque l'erreur portera non sur les qualités essentielles de la
prestation, mais sur les qualités du cocontractant, ce qu’admet expressément l'article 1132 du code
civil.
Peuvent être considérés comme des qualités essentielles du contractant, son identité, son
expérience professionnelle, éventuellement, sont passé judiciaire.
Ici, tout dépendra du type de contrat en cause et naturellement des stipulations contractuelles.
Cela étant, il faut bien comprendre que cette hypothèse erreur sur les qualités du contractant est
strictement limitée au contrat conclu intuitu personae, autrement dit au contrat conclu en
considération de la personne.
Quoi qu'il en soit, au regard de ce qui vient d'être dit sur la définition des qualités essentielles, on
voit que cette erreur rejoint l'ancienne erreur sur la substance de la chose telle qu'elle était entendue
en jurisprudence.
Par conséquent, les solutions précédemment admises continueront à trouver application, d’où leur
importance.
Enfin, il faut savoir qu’au côté de l'erreur sur la substance, a toujours été admise comme cause de
nullité, l'erreur dite obstacle. Il s'agit là d'une expression doctrinale qui renvoie à l'hypothèse dans
laquelle il existe un malentendu tel que l'erreur a fait obstacle complètement à la formation du
contrat. Plus précisément, ce sera le cas si une partie se trompe sur la nature du contrat, par exemple
A croyait acheter une voiture alors que B entendait simplement la lui louer. Dans ce cas, le contrat
n'a pas pu être valablement formé.
Cette notion d'erreur obstacle n'a pas été consacrée par la réforme, mais les auteurs s'entendent de
manière générale à considérer qu'elle restera une cause de nullité.
En dehors de ces 2 cas, erreur sur les qualités essentielles et erreur obstacle, la nullité est en
revanche exclue, toutes les autres erreurs qui n'auront pas pour objet les qualités essentielles ou qui
ne seront pas considérées comme des erreurs obstacle ne pourront donner lieu à l'annulation du
contrat.
Ici, 2 objets méritent en réalité, qu'on s'y arrête, la valeur, premièrement et les motifs,
deuxièmement.
Par principe, ces 2 objets sont indifférents, ce qui veut dire donc qu'une erreur sur la valeur ou sur les
motifs du contrat, il faut comprendre par-là les mobiles, les raisons pour lequel une partie s'engage
dans le contrat, cette erreur donc, est indifférente.
S'agissant d'abord de l'erreur sur les motifs, l'article 1135 exclut formellement qu'elle puisse être une
cause de nullité, « dès lors, nous dit le texte qu'elle porte sur un simple motif étranger aux qualités
essentielles de la prestation du ou du cocontractant ». Par simple motif, on entend une raison
personnelle de contracter.
Par exemple, une personne achète telle maison en particulier parce qu’elle vient d'être mutée et que
cette maison est proche de son nouveau lieu de travail. => Ce mobile est sans influence sur la validité
du contrat.
L'indifférence des motifs sur la validité du contrat avait déjà été affirmée par la Cour de cassation, y
compris lorsque ce motif était déterminant du consentement et connu de l'autre partie. La Cour de
cassation l'a notamment jugé dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 13 février 2001.
Il s'agissait, dans cette espèce, d'une hypothèse dans laquelle une personne avait acquis un bien
immobilier uniquement pour bénéficier d'avantages fiscaux dont elle n'avait finalement pas pu
bénéficier.
Il reste que 2 exceptions existent au principe d'indifférence de l'erreur sur les motifs.
Première exception qui a en réalité, n'en est pas vraiment une. Si le motif est entré expressément
dans le champ contractuel par une stipulation express qu'il érige les conditions du contrat, il pourra
alors être une cause de nullité.
Cette exception a été admise par-là jurisprudence. Notamment dans l'arrêt précité de 2001.
Pour autant, on peut douter dans ce cas que l'absence de validité du contrat soit la conséquence
d'une nullité. Dans ce cas, l'une des parties conditionne en réalité son engagement à une
circonstance extérieure, et finalement la non-réalisation de cette condition n'est pas à proprement
parler constitutive d'une erreur. Surtout dans ce cas, le contrat n'apparait pas vraiment nul, mais
plutôt résolu. Résolution liée à l'existence d'une condition résolutoire.
Il reste toutefois que les parties ont la possibilité de faire d'un simple motif une qualité essentielle de
la prestation par une stipulation expresse. Dans ce cas, l'erreur sur ce motif sera bel et bien une
cause de nullité.
L'article 1135 réserve expressément cette hypothèse. Il précise en effet que la nullité était exclue, si
l'erreur porte sur un simple motif étranger aux qualités essentielles de la prestation, à moins que les
parties n'en aient fait expressément un élément déterminant de leur consentement.
En réalité toutefois, dans cette hypothèse-là, il ne s'agira plus vraiment d'une erreur sur le motif,
mais bien d'une erreur sur les qualités essentielles dans la mesure où ce motif aura été érigé par les
parties en qualité essentielle de la prestation.
2e exception qui cette fois, on est bel et bien une. L'article 1135 alinéa 2 du code civil prévoit par
exception que l'erreur sur le motif d'une libéralité, en l'absence duquel son auteur n'aurait pas
disposé, est une cause de nullité.
Le champ de cette exception est toutefois limité puisqu'il est strictement conditionné aux libéralités.
S'agissant ensuite de l'erreur sur la valeur, aux termes de l'article 1136, elle n'est pas non plus une
cause de nullité.
Dans ce cas, en réalité, il s'agit d'une hypothèse de lésion, une partie a été lésée par un déséquilibre
objectif des prestations et on le sait, la lésion n'est pas en principe en droit français une cause de
nullité du contrat. Elle ne l'est que par exception. Lorsqu'un texte le prévoit spécialement.
- Première précision : il faut distinguer l'erreur sur la valeur et l'erreur sur le prix
Dans l'hypothèse d'une erreur sur la valeur, les parties se sont bien entendues sur le prix, mais l'une
d'elle découvre par la suite que l'évaluation économique de la chose était erronée. Cette erreur est
indifférente.
En revanche, une erreur sur le prix serait bel et bien sanctionnée sur le terrain de l'erreur obstacle, si
elle est suffisamment grossière.
- 2e précision, on distingue en la matière l'erreur dite direct sur la valeur et l'erreur dite indirecte.
L'erreur directe est une erreur qui procède directement d'une appréciation économique inexacte
effectuée à partir de données exactes. L'erreur indirecte, elle, est au contraire une erreur sur la
valeur, qui n'est que la conséquence d'une erreur sur les qualités essentielles de la chose.
Cette distinction d'origine doctrinale a été reprise notamment par la Cour de Versailles dans l'affaire
dite du Poussin. Le raisonnement a par ailleurs été admis par la Cour de cassation, qui l'applique
systématiquement depuis. Il est désormais repris à l'article 1136 du code civil, qui prévoit
expressément que l'erreur sur la valeur, par laquelle, sans se tromper sur les qualités essentielles de
la prestation, un contractant fait seulement de celle-ci une appréciation économique inexacte, n'est
pas une cause de nullité.
- Une exception pour finir, la Cour de cassation a pu admettre que l'erreur sur la rentabilité
économique d'une opération soit dans certains cas une cause de nullité.
Cette exception a été admise plus spécialement dans le domaine de la franchise par un arrêt rendu
par la chambre commerciale le 4 octobre 2011.
Nous avons vu l'objet sur lequel doit porter l'erreur pour être une cause de nullité. Voyons désormais
les autres conditions de l'erreur.
Outre qu'elle doit porter sur les qualités essentielles, l'erreur doit avoir été déterminante du
consentement de l’errans
Il s'agit bien ici attention de 2 conditions cumulatives. Il ne faut en effet pas confondre le fait que la
qualité qui faisait défaut ait été déterminante pour l’errans, ce qui permet en réalité de déterminer
s'il s'agissait d'une qualité essentielle, et le fait que le défaut qui affectent cette qualité ait lui-même
était déterminant du consentement.
En pratique, il faudra donc bien vérifier les 2, quand bien même le caractère déterminant d'une
qualité permettrait finalement de présumer le caractère déterminant de son absence, donc de
l'erreur.
Cette exigence du caractère déterminant de l'erreur est désormais formulée à l'article 1130 du code
civil qui, pour mémoire, conditionne le vice du consentement au fait que sans lui, l'une des parties
n'aurait pas contracté ou aurait contracté, à des conditions substantiellement différentes. L'erreur ne
peut donc être qualifiée de vice du consentement qu'à cette condition et il appartiendra à celui qui
invoque l'existence d'une erreur de rapporter la preuve de son caractère déterminant.
Sur le pourquoi, pour commencer, tout simplement parce qu'il appartient à chacun de se renseigner,
de procéder aux vérifications d'usage avant de s'engager.
Par conséquent, même si l'erreur porte sur l'un des objets qui est admis dans le code, et même si elle
a été déterminante du consentement, elle ne serait pas une cause de nullité si elle n'était pas
excusable.
En d'autres termes, l’errans ne devait pas avoir les moyens de dissiper cette erreur même en
procédant aux vérifications d'usage. Si l'erreur s'avère inexcusable, elle ne sera pas une cause de
nullité.
La solution est ancienne, elle était admise par-là jurisprudence et elle a été consacrée à l'article 1132
du code civil.
À nouveau ce caractère excusable ou non de l'erreur s'apprécie in concreto, c'est à dire en fonction
de la personne et des circonstances en la matière. Les juges font d'ailleurs preuve d'une plus grande
sévérité lorsque celui qui a commis l'erreur est un professionnel ayant contracté dans son domaine
habituel d'activité.
Cela étant, toute erreur commise par un professionnel n'est pas nécessairement inexcusable. Tout
dépendra des circonstances.
Par exemple, la Cour de cassation a admis le caractère excusable de l'erreur qui avait été commise
par un acheteur dans le cadre d'une vente d'œuvres d'art, dans la mesure où cet acheteur, qui était
en réalité un professionnel, cet acheteur s'était fondé sur les indications du catalogue, la
photographie de l'objet et les réponses qui lui avaient été données par le commissaire-priseur avant
la vente. Il s'agit d'un arrêt rendu par la première chambre civile le 8 décembre 2009.
De la même manière, l'erreur commise par un restaurateur d'œuvre d'art et experts du domaine,
mais qui était intervenu à des fins autres dans le cadre de la vente et alors que la toile en cause était
formellement reconnue comme une originale, a pu être considérée comme excusable. C'est un arrêt
rendu par la première chambre civile du 14 décembre 2004.
Surtout, nous en avons fini avec les études du premier vice du consentement qu’est l’erreur
spontanée. Voyons désormais l'erreur provoquée, c'est à dire le dol.
P13_Le dol.
II/ Le dol
D'origine romaine, le dol se distingue de la simple erreur par son caractère délictuel.
En droit romain, il n'était pas véritablement un vice du consentement à proprement parler, mais il
était appréhendé en tant que délit et ouvrait droit à différentes actions. Dans notre droit, il est
véritablement devenu un vice du consentement dès 1804, mais sa nature, comme son régime,
demeure empreint de ses anciennes origines délictuelles.
Il suppose une erreur, mais ici, l'erreur n'est pas spontanée, elle est provoquée par l'une des parties.
Défini à l'article 1137 du code civil, le dol est donc le fait, pour un cocontractant, d'obtenir le
consentement de l'autre par des manœuvres, des mensonges ou encore par une dissimulation
d'informations.
Nous verrons donc en premier lieu les conditions du dol, avant de voir les conséquences particulières
qui l'emporte.
Toutefois, ce comportement de tromperie ne sera une cause de nullité que s'il émane de certaines
personnes en particulier, et s'il a été déterminant du consentement.
3 conditions donc.
Concernant la première, il faut un acte de tromperie. À ce titre, le dol présente une dimension
matérielle et une dimension morale. Nous allons voir ce que recouvre chacune d'elles.
- S’agissant tout d'abord de la dimension matérielle du dol, l'article 1137 du code civil prévoit que le
Dol peut être commis de 2 manières : par commission. (c'est alors l'alinéa un qui s'applique), ou par
abstention (c'est alors l'alinéa 2).
S'agissant du dol par commission l'article 1137 alinéa un du code civil précise que le dol est constitué
par des manœuvres ou des mensonges.
Par manœuvre, on entend nécessairement des actes positifs par lesquels une partie créée chez son
cocontractant une fausse apparence de réalité. Cela va donc recouvrir des mises en scène ou des
artifices qu'une personne a pu mettre en œuvre. Par exemple, un garagiste qui trafiquerait le
compteur d'une voiture.
Quant au mensonge, il a très tôt été assimilé aux manœuvres frauduleuses qui étaient les seules
visées dans l'ancien article 1116 du code civil, la réforme a consacré tout simplement cette solution
et le simple mensonge sera donc suffisant pour caractériser un dol, quand bien même il ne serait pas
corroboré par des actes extérieurs.
Alors, tout mensonge peut-il être retenue au titre de l'élément matériel du dol ou existe-t-il des
mensonges que le droit tolère ? Quid par exemple des exagérations publicitaires ou de certaines
mentions sur un CV ?
On parlait initialement avant, à ce propos, du bonus dolus. Cette notion de bonus dolus connaît
toutefois un net retrait. Cela étant, les menus mensonges restent tolérés. S'il est admis par exemple,
qu'un commerçant vante son produit, les affirmations mensongères allant au-delà de la simple
exagération publicitaires seront sanctionnés.
En la matière, tout sera finalement en fonction des circonstances, mais aussi de l'existence ou non
d'une réelle intention de tromper.
On reviendra naturellement sur cette intention. Mais le vendeur, qui vante simplement les
spécificités de son produit, n'a pas nécessairement l'intention d'induire son cocontractant en erreur.
Pour cette raison, la publicité et l'exagération restent dans une certaine mesure tolérées malgré un
net retrait en la matière.
La Chambre sociale de la Cour de cassation a tendance à faire preuve en la matière d'une certaine
mansuétude à l'égard de l'imprécision ou du caractère ambigu de certains renseignements qui
pourraient être fournis par les salariés lors de l'embauche.
Cela étant, la question s'est longtemps posée de savoir si au côté du mensonge positif, qui peut donc
être constitutif d'un dol, le dol pouvait également être constitué par une simple omission.
S'agissant donc de ce Dol par abstention, il n'était initialement pas admis ni par le code civil, ni par la
doctrine.
Pothier affirmait notamment que la seule dissimulation d'une chose que l'autre partie aurait intérêt à
avoir n'est contraire à la bonne foi que dans le for intérieur et n'est donc pas constitutive d'un dol.
En réalité, cette solution s'inscrivait dans une vision assez ancienne et relativement individualiste de
la relation contractuelle.
Pendant longtemps, la tolérance d'un certain égoïsme dans les relations contractuelles, a justifié le
refus de sanctionner en tant que tel le silence gardé par l'une des parties qui connaissait un élément
essentiel au consentement de l'autre.
Si le dol a toujours été admis au nombre des vices du consentement, il ne s'entendait donc
classiquement que de manière positive et supposait des manœuvres accomplies en vue de tromper
le contractant.
Or, cette exigence suppose bel et bien que celui qui connaît une information essentielle, la
transmette à son cocontractant. C'est ainsi que dès la fin du 19e siècle, les auteurs se sont prononcés
majoritairement en faveur de l'assimilation de la réticence d'information au dol.
Partisan de cette approche, Demolombe affirmait ainsi que le dol peut consister en des affaires
mensongères ou des dissimulations ou des réticences fallacieuses.
Cette solution a été rendue à l'occasion d'un arrêt rendu par la Chambre civile le 30 mai 1927.
Progressivement toutefois, elle a commencé à ouvrir la possibilité à une telle sanction avant de
l'admettre, de manière express en 1958.
Par un arrêt rendu par la première chambre civile du 19 mai 1958, la Cour de cassation a en effet
admis pour la première fois formellement et expressément d'assimiler le silence gardé au dol. Dans
cet arrêt, elle a jugé je cite : « Que le dol puisse être constitué par le silence d'une partie dissimulant
à son cocontractant un fait qui, s'il avait été connu de lui, l'aurait empêché de contracter »
Comportement de commission, le dol pouvait donc être caractérisé par une simple abstention.
L'alinéa 2 de l'article 1137 dispose désormais expressément que constitue également un dol, la
dissimulation intentionnelle par l'un des co-contractant d'une information dont il sait le caractère
déterminant pour l'autre partie. Cet article, à l'image d'ailleurs de la jurisprudence antérieure, ne fait
qu’assimiler la dissimulation d'information au dol par commission.
En réalité, donc, il érige cette dissimulation, cette réticence dolosive en une hypothèse de Dol, au
même titre que les manœuvres ou le mensonge.
Une précision à ce propos, le terme dissimulation ne doit pas vous induire en erreur, il ne suppose
pas un comportement positif de dissimulation, mais il vise bel et bien ce que l'on appelait
traditionnellement la réticence dolosive, autrement dit, le simple fait de garder le silence sur une
information déterminante.
La question qui se pose alors naturellement est de savoir si cette information déterminante va
s'entendre de la même manière pour le dol, pour la réticence dolosive, et pour l'obligation
d'information consacré à l'article 1112-1 du code civil.
Finalement, si on reproche à une partie d'avoir gardé le silence, n'est-ce pas que cette dernière avait
l'obligation de parler ? Autrement dit, que pesait sur elle une obligation d'information au sens de
l'article 1112-1.
Même si elle avait parfois pu paraître hésitante, la jurisprudence antérieure à la réforme semblait est
rattachée la reconnaissance de la réticence dolosive à l'émergence de l'obligation précontractuelle
d'information.
En d'autres termes, pour que la réticence dolosive soit admise, il fallait que la partie qui avait gardé le
silence, soit débitrice d'une obligation précontractuelle d'information.
Dans certains arrêts, la Cour de cassation avait pu paraître hésitante en admettant que la réticence
dolosive puisse naître d'un simple manquement à l'obligation de loyauté.
Mais dans d'autres arrêts, elle a directement lié la réticence dolosive au manquement à l'obligation
d'information et c'est notamment ce qui lui a permis d'écarter la réticence dolosive dans l'hypothèse
dans laquelle aucune obligation ne pèserait sur le rétenteur de l'information.
Un arrêt rendu sur cette question est d'ailleurs particulièrement célèbre. Il s'agit de l'arrêt Baldus
rendu par la première chambre civile le 3 mai 2000.
Dans cette affaire, une femme avait vendu des photographies à un acquéreur qui, sachant que
lesdites photos étaient des œuvres du célèbre photographe Baldus, les avait achetées puis revendues
à un prix nettement supérieur à celui de leur prix d'achat.
Quelque temps après ce premier achat, il avait retrouvé la venderesse et avait à nouveau acquis un
lot de photographies sans l'informer de la vraie valeur des clichés. L’ayant finalement appris, la
venderesse avait naturellement tenté de remettre en cause la vente en invoquant une réticence
dolosive.
La Cour d'appel avait fait droit à cette demande. L'arrêt est toutefois cassé par la Cour de cassation,
qui a au contraire jugé qu'aucune obligation d'information ne pesait sur l'acheteur. La Cour de
cassation casse donc l'arrêt pour violation de l'ancien article 1116 du code civil.
Dans cet arrêt, la Cour de cassation exclut à nouveau la réticence dolosive dans le cadre d'une vente
immobilière, au motif qu'aucune obligation, « ne pèse sur l'acheteur professionnel d'informer le
vendeur sur la valeur réelle du bien. »
Ici, la solution se déduit directement de l'absence d'obligation d'information pesant sur l'acheteur
dans le contrat de vente.
Finalement donc par ces arrêts, la Cour de cassation faisait de l'obligation d'information la condition
préalable de la réticence dolosive. Or, sur ce point précis, fondement de la réticence dolosive la
réforme du droit des obligations est aller à contre-courant de la jurisprudence.
En effet, réticence dolosive et obligation d'information ont été consacrées séparément dans le code
civil et surtout sans que la première, c'est à dire l'obligation d'information, ne soit une condition de la
2nde, c'est à dire de la réticence dolosive.
Dans le rapport au président relatif à l'ordonnance du 10 février 2016, il est d'ailleurs expressément
expliqué que le choix a été fait de ne pas subordonner la réticence dolosive à l'existence d'un devoir
d'information, conformément à une conception plus solidaire du contrat.
Attention toutefois, cela ne veut pas dire qu'un manquement à l'obligation d'information de l'article
1112-1 ne pourra pas être constitutif d'un dol. Au contraire d'ailleurs, il pourra l'être si les conditions
du dol sont réunies et donc concrètement, si le silence a été gardé dans l'intention de tromper.
L'alinéa 6 de l'article 1112-1 le prévoit d'ailleurs expressément.
Mais inversement, il faut bien comprendre que la réticence dolosive peut exister sans qu'il n'y ait par
ailleurs de manquements à l'article 1112-1 du code civil. En d'autres termes, les conditions de l'article
1112-1 n'ont pas à être vérifiées.
Et par exemple, à ce titre vous n’aurez pas à vous assurer que l'ignorance était légitime.
Cela étant, le silence n'est pas en lui-même constitutif d'un dol. Comme toutes les hypothèses de dol,
une intention particulière et exigé pour que le dol soit caractérisé.
Outre la dimension matérielle de l'acte de tromperie, le dol présente une dimension intellectuelle. Il
suppose une volonté de tromper le cocontractant, volonté qui d'ailleurs le distingue de l'erreur.
Les nouveaux textes ne mentionnent en réalité l'élément intentionnel que dans le cadre de la
dissimulation d'informations.
Mais cela n'est pas de nature à remettre en cause le principe même du caractère intentionnel du dol.
En réalité, cet élément intentionnel n'est pas formellement mentionné à l'alinéa 1 de l'article.
1137, tout simplement parce qu'il est en quelque sorte inclus dans la définition même des
manœuvres ou des mensonges.
Il reste qu'en toute hypothèse, la volonté de tromper devra être établie, mais elle pourra se déduire
de la matérialité des manœuvres employées.
Lorsque le dol est négatif, commis donc par abstention, l'intention peut être plus délicate à prouver.
D'autant qu'en la matière, il faudra plus précisément démontrer que le cocontractant fautif
connaissait le caractère déterminant de l'information tue, pour l'autre partie. Ceci résulte de la lettre
de l'article 1137, alinéa 2.
En d'autres termes, l'auteur du dol doit avoir gardé le silence en connaissance de cause sur une
information qu'il savait déterminante.
Cela étant, l'importance de l'information pour la partie trompée pourra se déduire des stipulations
contractuelles ou plus largement de l'information tue. Si cette information était décisive, par
exemple constructibilité du terrain dans le cadre d'une vente, on pourra naturellement en déduire
que celui qui a gardé le silence sur cette information, l’a fait en connaissance de cause, c'est à dire en
ayant parfaitement conscience de l'importance de cette information pour le cocontractant.
Voici donc pour la dimension matérielle et morale du dol. Au côté de ses dimensions matérielle et
morale, d'autres éléments doivent par ailleurs être vérifiés pour caractériser le Dol.
Pour que les manœuvres ou le silence soit sanctionné par-là nullité de l'acte, elles doivent en effet
être le fait du cocontractant. Cette solution est expressément prévue à l'article 1138 alinéa un du
code civil.
Si les manœuvres émanent d'un tiers, à l'inverse, elles ne pourront pas permettre l'annulation du
contrat.
En résumé, seul le dol émanant d'un cocontractant aura donc sanctionné par la nullité de l'acte, tout
simplement parce qu'il serait injuste qu'un cocontractant innocent ait à supporter un comportement
qui ne lui est pas imputable.
Par extension, le dol redeviendra tout de même une cause de nullité s'il émane d'un complice, d'un
tiers de connivence de l'une des parties au contrat. Cette solution résulte expressément de l'article
1138 du code civil ?
Dans la mesure où le dol est un vice du consentement, le dol doit avoir été déterminant du
consentement donné. Plus exactement, le consentement doit avoir été obtenu grâce aux
manœuvres.
Là encore, en principe, cette condition du caractère déterminant est distincte, elle est autonome.
Mais en pratique, on aura tendance naturellement à l'insérer des autres conditions. Dès lors que l'on
garde intentionnellement le silence sur une information déterminante, on induit presque
nécessairement l'autre en erreur.
On précisera d'ailleurs sur ce point que dans ce cas particulier, l'erreur provoquée n'a pas à être
excusable. Plus exactement, l'article 1139 du code civil répute toujours excusable l'erreur qui résulte
d'un dol.
On retrouve ici en réalité les origines délictuelles du dol. Parce qu'il adopte un comportement
moralement blâmable, l'auteur des manœuvres ne pourra pas se prévaloir de la légèreté de son
cocontractant qui ne se serait pas suffisamment renseigné.
Dans le même ordre d'idée, l'objet de l'erreur provoquée est ici indifférent, à l'inverse de ce qui peut
valoir en matière d'erreur proprement dite.
En d'autres termes, l'erreur qui résulte du dol peut porter sur un simple motif ou même sur la valeur
de la prestation.
Cette disposition, cet article 1139 a d'ailleurs été source de difficultés au lendemain de la réforme.
En effet, dans l'arrêt Baldus que l'on a déjà eu l'occasion d'aborder, la jurisprudence avait exclu la
réticence dolosive au motif qu'il ne pesait sur l'acheteur aucune obligation d'information sur la valeur
du bien vendu. Et en réalité, au-delà de l'existence de cette obligation d'information du débiteur, de
cette obligation d'information, ce qui semblait essentiel dans l'arrêt Baldus, tenait à l'objet de
l'information, à savoir la valeur du bien vendu.
L'obligation d'information qui a été consacrée par le législateur à l'article 1112-1 du code civil a repris
en partie cette jurisprudence Baldus, dans la mesure où il est précisé que l'obligation d'information
est formellement exclue s'agissant de l’estimation de la valeur de la prestation.
Au demeurant, l'article 1139 admettait expressément que le dol soit une cause de nullité alors même
que l'erreur provoquée porterait sur la valeur de la prestation.
On pouvait donc en conclure en 2016 que la jurisprudence Baldus avait été totalement brisée par la
réforme, non seulement l'obligation d'information n'était plus une condition de la réticence dolosive,
mais encore la réticence dolosive était concevable, même lorsque l'information tue portait sur la
valeur de la prestation.
En réalité, il ne semble pas que les auteurs de la réforme aient réellement voulu cela.
Au contraire, il est expressément fait mention dans le rapport au président relatif à l'ordonnance de
2016, d'une volonté de consacrer la jurisprudence Baldus. En réalité, cette conséquence résulte de la
déconnexion de l'obligation d'information et de la réticence dolosive. Mais cette conséquence n'avait
semble-t-il, pas été perçue.
Conscient de cette difficulté, le législateur a donc décidé de clarifier les choses et de restreindre le
champ de la réticence dolosive, en intégrant dans le code civil, dans les articles relatifs au dol, la
solution issue de la jurisprudence Baldus.
La loi de ratification de 2018 à ainsi ajouté un nouvel alinéa à l'article 1137 du code civil aux termes
duquel ne constitue pas un dol, le fait pour une partie, de ne pas révéler à son cocontractant son
estimation de la valeur de la prestation.
Cet ajout est considéré comme une modification substantielle, ce qui signifie concrètement qu'il
n'est pas applicable rétroactivement. Il ne vaut que pour les contrats conclus depuis le 1 octobre
2018.
Il ne faut toutefois pas en conclure que les articles 1137, alinéa 3 et 1139 seraient contradictoire.
En cas de dol par abstention, autrement dit, en pas de réticence dolosive, l'erreur sur la valeur qui
découle du silence gardé sur l’estimation de la valeur de la prestation n'est pas une cause de nullité.
En d'autres termes, la réticence dolosive sur la valeur n'est pas admise, solution édictée par l'article
1137 alinéas 3 du code civil.
En revanche, dès lors que le dol est positif, c'est à dire commis par des manœuvres ou des
mensonges, la nullité est possible, quand bien même les manœuvres auraient conduit à une erreur
sur la valeur de la prestation. La solution édictée par l'article 1139 du code civil.
Dans la mesure où il est un vice du consentement, le dol est bien entendu une cause de nullité
relative du contrat. Cela étant, le dol est également une faute civile. À nouveau, on retrouve donc ici
les origines délictuelles du Dol. Outre l'action en nullité, une action en responsabilité sera donc
possible. La jurisprudence l'a d'ailleurs admis très tôt.
Cette action en responsabilité pourra venir en complément d'une demande de nullité. Dans ce cas, il
faudra toutefois que le cocontractant victime puisse se prévaloir d'un préjudice subsistant, qui
n'aurait pas été réparé par la sanction de la nullité et par les restitutions consécutives.
Dans ce cas, la partie devra se fonder naturellement sur les articles 1240 et 1241 du code civil, la
responsabilité étant extracontractuelle.
Elle devra alors rapporter la preuve d'une faute, qui se déduira directement de l'existence d'un dol,
de ce préjudice subsistant et d'un lien de causalité entre le préjudice et le dol commis.
- le dol principal qui affectait le consentement au contrat dans son ensemble. La victime n'aurait pas
contracté si elle avait su
- et le dol dit incident qui affectait uniquement les conditions du contrat. En d'autres termes, la
victime aurait contracté, mais à des conditions différentes plus avantageuses.
Il était admis en jurisprudence que le dol incident ne viciait pas totalement le consentement au
contrat et qu'il ne pouvait donc conduire qu’à une action en responsabilité. En revanche, il n'était pas
une cause de nullité.
La solution avait notamment été posée par un arrêt rendu par la chambre commerciale le 11 juillet
1977.
La distinction avait toutefois plus récemment été discutée par une partie de la doctrine qui l'a jugée
artificielle et des arrêts ont pu sembler la remettre en cause, notamment un arrêt rendu par la 3e
chambre civile du 22 juin 2005 et un arrêt rendu par la chambre commerciale le 30 mars 2016.
Quoi qu'il en soit, depuis la réforme, cette distinction dol principal/dol incident n'a définitivement
plus lieu d'être, dans la mesure où l'article 1130 du Code civil précise que le dol, comme tous les
vices du consentement, est une cause de nullité, si l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait
contracté, à des conditions substantiellement différentes.
Le dol principal comme le dol incident sont donc tous 2 des causes de nullité, à la condition toutefois,
que le dol incident soit suffisamment caractérisé dans la mesure où le texte fait bel et bien état de
conditions substantiellement différentes.
III/ La violence
Ce vice du consentement se distingue des autres en ce que le consentement a été donné ici en
connaissance de cause, mais il ne l'a pas été librement. Il a été sous l'empire d'une pression qui a
déterminé l'un des contractants à conclure le contrat.
Ce vice du consentement peut prendre 2 formes, à l'instar du dol, il peut s'agir d'une violence
proprement dite, autrement dit d'une violence par contrainte, ou il peut s'agir d'un abus de l'état, de
dépendance du co contractant.
Selon l'article 1140 du code civil, il y a violence lorsqu'une partie s'engage sous la pression d'une
contrainte qui lui inspire la crainte d'exposer sa personne, sa fortune ou celle de ses proches, un mal
considérable.
Aux termes de l'article 1140, pour qu'il y ait violence, il faut donc la réunion de 2 conditions.
a) S’agissant de la première condition, une contrainte illégitime. Donc il faut bien entendu ici un
élément de contrainte.
Il peut toutefois s'agir d'une contrainte qui porterait sur la personne du cocontractant ou sur ses
biens.
L'hypothèse recouvre par ailleurs la crainte d'un mal d'ordre physique, menaces de mort ou de
coups, par exemple. La crainte d'un mal d'ordre moral, diffamation, atteinte à l'honneur ou encore
d'ordre pécuniaire, perte de la situation professionnelle par exemple.
Cette contrainte doit en toute hypothèse, être illégitime en ce sens que l'acte constitutif de
contrainte ne doit pas être autorisé par le droit.
Certaines contraintes, en effet, peuvent relever de l'exercice normal, des moyens légaux et ne saurait
donc pour cette raison être constitutive de violence. Ainsi en est-il notamment, de la menace de
l'exercice des voies de droit ou de l'exercice d'un droit tel le droit de grève.
Il en va toutefois autrement si la menace d'utiliser les moyens légaux est abusive, c'est à dire selon
l'article 1141, lorsque la voie de droit est détournée de son but.
Ce sera le cas par exemple si la menace d’exercer une voie de droit vise à obtenir la conclusion d'un
contrat sans rapport direct avec le droit que l'on menace d’exercer. Il y aura également abus lorsque
la menace d'exercer la voie de droit vise à obtenir un avantage manifestement excessif.
On précisera enfin que l'article 1242 du code civil (ancien article 1111) précise que cette forme de
violence est sanctionnée quel que soit l'auteur de la contrainte. Contrairement au dol, elle est donc
une cause de nullité, même si elle émane d'un tiers au contrat. Cette solution s'explique par le
caractère particulièrement intolérable de la violence.
En effet, la violence par contrainte n'est une cause de nullité du contrat que si elle fait naître chez
l'un des co contractants une crainte particulière. Cette crainte doit naturellement exister au moment
de la conclusion du contrat et elle doit être suffisamment grave.
Avant la réforme, la question se posait de savoir si cette gravité devait être appréciée in concreto,
c’est-à-dire, par rapport à la capacité de résistance de la personne concernée ou in abstracto, c'est à
dire par référence au modèle abstrait d'une personne raisonnable.
En jurisprudence, l'appréciation in concreto l'avait emporté et la solution est tout à fait logique
puisqu'il s'agit de savoir si le cocontractant a été victime d'un vice du consentement et non pas si le
contractant idéal abstrait a été victime. Cette appréciation in concreto est désormais confirmée par
les nouveaux textes et notamment par l'article 1130 alinéa 2 du code civil, qui précise que le
caractère déterminant des vices du consentement s'apprécie, eut égard aux personnes et aux
circonstances de l'espèce.
Dans ce cas, la violence ne naît pas de la pression qu'une personne exerce sur un autre, mais
d'évènements ou de circonstances qui sont extérieurs au contrat, et qui viennent par eux-mêmes,
contraindre l'un des cocontractants.
Cette hypothèse avait déjà été envisagée par la jurisprudence avant la réforme, jurisprudence qui
avait admis l'abus d’état de dépendance sous certaines conditions. Toutefois, cet abus n'était que
rarement retenu en pratique.
L'arrêt Bordas illustre à merveille cette hypothèse. En l'espèce, une salariée avait rédigé un mini
dictionnaire pour les éditions Larousse Bordas, son employeur, et lui avait cédé tous ses droits sur le
dictionnaire. Après son licenciement, elle avait invoqué un abus d’état de dépendance économique
parce qu’au moment où elle avait cédé ses droits, un projet de licenciement économique était en
cours. Selon elle, elle n'avait donc pas pu refuser de transmettre l'ensemble de ses droits par peur
d'un licenciement par mesure de rétorsion.
La Cour d'appel avait fait droit à sa demande et avait annulé l'acte de cession des droits. Mais l'arrêt
a été cassé par un arrêt de la première chambre civile en date du 3 avril 2002.
Pour la première chambre civile, seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance
économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts légitimes
de la personne peut vicier de violence, son consentement.
En l'espèce, la Cour de cassation avait ainsi reproché à la Cour d'appel de ne pas avoir constaté que
lors de la cession, l’autrice était elle-même menacée par le plan de licenciement et que l'employeur
avait exploité auprès d'elle cette circonstance pour la convaincre. L'arrêt a donc été cassé pour
manque de base légale.
Aujourd'hui, l'abus d’état de dépendance est expressément considéré comme une forme de violence
par l'article 1143. Mais pour être une cause de nullité, cette manifestation de violence doit remplir 4
conditions.
- Deuxièmement, un abus de cet état par l'un des cocontractants, c'est notamment l'apport de l'arrêt
Bordas.
- Troisièmement Un engagement que la victime n'aurait pas conclu en l'absence d'une telle
contrainte.
Voyez par exemple l'arrêt de la première chambre civile du 30 mai 2000 pour la violence
économique, ou encore l'arrêt rendu par la 3e Chambre civile le 4 mai 2016, pour une dépendance
sentimentale et psychologique.
Si toute forme de dépendance peut en principe être retenue, la loi de ratification est toutefois venue
limiter l'application de l'article 1143 aux hypothèses dans lesquelles une partie abuse de l'état de
dépendance dans lequel se trouve son cocontractant à son égard.
Il s'agit ici d'une modification interprétative, autrement dit, cette modification est applicable pour
tous les contrats conclus depuis le 1 octobre 2016.
Cette modification a en réalité permis de résoudre une question qui était de savoir si le nouvel article
1143 pouvait s'appliquer à des contrats conclus par des personnes intrinsèquement vulnérables, par
exemple à raison de leur âge ou de leur illettrisme.
Le texte initial de l'ordonnance semblait l'admettre. Désormais dès lors que la dépendance ne peut
être envisagée qu’à l'égard du cocontractant un état de faiblesse inhérent à la personne et qui ne
serait pas lié aux relations avec le cocontractant ne peut pas permettre de bénéficier du dispositif de
l'article en 1143.
Il faut qu'il existe véritablement un lien de dépendance entre les 2 parties au contrat.
De même, en matière de dépendance économique, cette précision apportée par la loi de ratification
implique qu'il ne suffit pas qu'une des parties au contrat ait été, au moment de la conclusion du
contrat, dans une situation économique ou financière désastreuse. Encore faut-il démontrer que
cette situation l'a placé dans un état de dépendance à l'égard de l'autre partie au contrat, en
établissant par exemple qu'elle n'avait pas d'autre choix que de conclure un contrat avec ce
cocontractant en particulier.
Selon l'article 1143, le simple fait d'être dans un état de dépendance ne suffit pas ; encore, faut-il que
le cocontractant ait abusé de cet état. Il faudra donc démontrer que l'un des cocontractants ne s'est
pas contenté de profiter de l'état de dépendance, mais a également exploité de manière abusive
cette situation pour obtenir la conclusion du contrat.
Alors que faut-il vraiment entendre par là ? À vrai dire, cette condition suscite des difficultés et des
débats.
En effet, la question se pose de savoir si cette condition relative à l'abus ne revient pas in fine à une
autre exigence qui est que l'auteur de la violence ait retiré du contrat un avantage manifestement
excessif ? Il s'agit là de la 4e condition que nous verrons ultérieurement.
En d'autres termes, ne faudrait-il pas considérer que c'est parce qu'il retire du contrat un avantage
manifestement excessif que le cocontractant abuse de l'état de dépendance de l'autre partie à son
égard ?
La question est discutée en doctrine. Selon certains auteurs, les 2 conditions doivent être
considérées comme distinctes. L'abus ne saurait donc résider dans le seul déséquilibre du contrat
mais devrait être caractérisé en démontrant l'existence d'un comportement anormal et d'une
pression illégitime.
Selon d'autres auteurs, en revanche, l'avantage manifestement excessif retiré par le cocontractant en
position de force serait suffisant pour établir l’abus.
Il faut donc désormais attendre une décision de la Cour de cassation pour déterminer la position de
la jurisprudence sur ce point.
Quoi qu'il en soit, l'article 1143 impose que l'abus de l'état de dépendance soit le fait du
cocontractant lui-même.
La jurisprudence antérieure avait pourtant pu admettre que cette forme de violence soit une cause
d'une nullité lorsqu'une personne avait abusé de l'état de dépendance d'une autre personne à son
égard pour la contraindre à conclure un contrat avec 1/3, c'est un arrêt rendu par la 3e Chambre
civile le 4 mai 2016.
Le nouveau droit s'avère donc à cet égard plus strict que la jurisprudence antérieure.
Dans la mesure où le texte précise que l'engagement n'aurait pas été souscrit en l'absence d'une telle
contrainte, on peut penser que le texte exige que la victime n'aurait pas du tout contracté.
L'article 1143 dérogerait donc à l'article 1130, qui admet que le vice soit une cause de nullité lorsque
la victime aurait contracté, mais à des conditions substantiellement différentes.
Il faut donc établir que l'auteur de l'abus a retiré du contrat un avantage manifestement excessif.
On comprend donc qu'il ne suffit pas que le contrat soit déséquilibré ou simplement désavantageux.
Seul l’excès manifeste peut permettre l'annulation du contrat.
On précisera pour finir qu’à nouveau outre la nullité, la violence, qu'elle soit une violence, par
contrainte ou par abus de l'état de dépendance, cette violence peut donner lieu à une action en
dommages et intérêts. La violence est en elle-même constitutive d'une faute, mais tout comme pour
le dol, il faudra démontrer, sur le fondement de l'article 1240, l'existence d'un préjudice non couvert
par la sanction de nullité et d'un lien de causalité entre ce préjudice et la violence.
Ce faisant, nous en avons fini avec l'étude des vices du consentement. Il nous faut désormais
envisager la dernière condition de validité du contrat, à savoir un contenu certain et licite.
L'exigence d'un contenu licite et certain est la dernière condition de validité du contrat.
Cette condition relative au contenu du contrat est nouvelle, elle est issue de la réforme du droit des
obligations.
On en a déjà dit un mot, mais il convient désormais d'en dire un peu plus et surtout de préciser les
relations que cette notion de contenu du contrat entretien avec les anciennes conditions d'objets
certain et de cause licite.
En effet, le droit antérieur ne connaissait pas de la notion de contenu du contrat, mais visait
l'exigence d'un objet certain et d'une cause licite au contrat.
Une question se pose donc, ces 2 notions d'objet et de cause ont-elles disparu du droit positif avec la
réforme ?
En réalité, pas tout à fait.
L'objet, premièrement, est encore mentionné dans certains articles du code civil, par exemple,
l'article 1163 dispose que l'obligation a pour objet une prestation.
La notion reste donc présente, mais de manière très simplifiée. Il n'y a plus lieu, notamment, de
distinguer entre l'objet du contrat, c'est à dire l'opération juridique visée dans son ensemble et
l'objet de l'obligation, c'est à dire la prestation concrète que doit fournir chaque partie.
Par exemple, appliqué au contrat de vente, l'objet du contrat était la transmission de la propriété,
l'objet de l'obligation du vendeur était le bien vendu pour le vendeur et le prix à payer pour
l'acheteur.
Quant à la notion de cause, deuxièmement, elle a pour sa part entièrement disparu du code civil.
Alors cette disparition n'a pas été bien accueillie par la doctrine, ou du moins par une partie d'entre
elles, qui a vu une forme de banalisation du droit français et de nivellement par le bas pour le mettre
en conformité avec les droits étrangers qui n'ont pas recours à cette notion.
Quoi qu'il en soit, cette disparition est liée à l'importance des débats qui avaient entouré la notion et
à la complexité que la théorie de la cause présentait.
En résumé, on distinguait 2 types de causes, la cause dite objective et la cause dite subjective.
La première, la cause objective donc était l'intérêt objectif en considération duquel chaque partie
contractait. Dans cette approche, la cause est abstraite, elle est la même en réalité, pour chaque type
de contrat et elle correspond tout simplement à la contrepartie qui est attendue.
Toujours dans le contrat de vente la cause de l'obligation du vendeur et le prix attendu en paiement
de la chose vendue.
La 2e cause, la cause subjective, donc s’ attachait, elle aux mobiles des parties, ou raisons pour
lesquelles chaque partie a décidé de s'engager. Cette cause dépendait donc nécessairement des
parties en présence. Elle varie selon les contrats et selon les parties, et sa prise en compte permettait
surtout un contrôle de la licéité de la cause du contrat.
Par exemple en matière de clauses abusives ou en matière d'exigence d'un équilibre du contrat, ou
enfin afin de contourner l'ancienne interdiction de la révision pour imprévision du contrat.
Or, si la cause a formellement disparu du code civil, les auteurs font remarquer que les solutions
dégagées sur son fondement par la jurisprudence ont pour la plupart été consacrées, alors soit de
manière autonome, comme c'est le cas pour l'imprévision, soit dans le cadre du contenu du contrat.
L'ancienne notion de cause ne doit donc pas être négligée. Si elle a formellement disparu des textes,
son intérêt demeure et elle permet en réalité de comprendre beaucoup de solutions, et de manière
plus générale, elle permet de comprendre les règles qui sont applicables à cette nouvelle notion qui
est le contenu du contrat.
Nous nous référerons donc au fur et à mesure aux anciennes conceptions pour éclairer les nouvelles
dispositions.
Cela étant, voyons ce que recouvre l'exigence d'un contenu licite, avant de voir ce qu'il faut entendre
par le contenu certain.
I/ Un contenu licite
Avant la réforme du droit des obligations, la licéité du contrat s'appréciait au regard de la licéité de
son objet et de sa cause.
Désormais, l'article 1162 du code civil dispose que le contrat ne peut déroger à l'ordre public ni par
ses stipulations, ni par son but.
Voyons donc tout d'abord, au regard de quelle règle impérative s'apprécie l’illicéité, avant d'étudier
les règles relatives aux stipulations contractuelles, puis celles relatives au but du contrat.
Si l'article 1162 vise spécifiquement l'ordre public, la licéité du contrat s'apprécie en réalité bien plus
largement, elle s'apprécie au regard des droits fondamentaux de l'ordre public proprement dit et des
bonnes mœurs.
Plus large que l'article 1162 l'article 6 du code civil pose en effet cette règle selon laquelle on ne peut
déroger par des conventions aux lois qui intéressent l'ordre public et les bonnes mœurs.
3 corpus donc.
1/ S’agissant des droits fondamentaux. Tout d'abord, ils ne sont pas expressément visés, ni par
l'article 1162, ni par l'article 6 du code civil. Cela étant, il est évident que le contrat ne peut déroger à
ces droits. On peut d'ailleurs considérer que les droits fondamentaux s’intègrent dans la notion plus
large d'ordre public.
Toutefois, des atteintes justifiées et proportionnées peuvent être admises. L'exemple type est la
clause d'exclusivité dans un contrat de travail. Cette clause porte de manière assez évidente une
atteinte à la liberté du commerce et de l'industrie en limitant la possibilité de travailler pour la
personne que l'on souhaite. Pour autant, une telle clause reste valable dès lors qu'elle est limitée
dans le temps et justifiée.
2/ S'agissant du 2nd corpus de règles : le contrat ne peut déroger à l'ordre public. Cet ordre public
est une notion qui peut recouvrir un contenu variable selon les matières, et dont le contenu est
d'ailleurs en pleine extension.
En principe, tout contrat qui contreviendrait à une disposition d'ordre public doit donc être annulé.
Par exemple, on considère en France que le corps humain est hors commerce. Ce principe est d'ordre
public et conduit donc à ce que les conventions sur le corps humain soient nulles.
3/ S'agit sans fin du 3e corpus de règles, elle concerne les bonnes mœurs.
Cette notion de bonnes mœurs renvoie aux usages conformes à la moralité, au respect des idées
morales communément admises à un moment donné par la moyenne des citoyens.
Il reste que c'est une notion qui est relativement imprécise et qui est nécessairement variable.
Aujourd’hui et pour ces raisons, elle connaît un net retrait, notamment en raison d'ailleurs de la
libération des mœurs.
Par exemple, était anciennement au contraire aux bonnes mœurs, la libéralité consentie dans le
cadre d'une relation adultère. Désormais, de telles libéralités sont valables. La Cour de cassation a
opéré sur ce point un revirement de jurisprudence, revirement confirmé par un arrêt d'assemblée
plénière en date du 29 octobre 2004.
Par cet arrêt d'assemblée du 29 octobre 2004, la Cour de cassation a jugé que n'est pas nulle comme
ayant une cause contraire aux bonnes mœurs, la libéralité consentie à l'occasion d'une relation
adultère.
Par conséquent, si la notion de bonnes mœurs demeure, son contenu est aujourd'hui limité à une
portion congrue.
D'ailleurs, la réforme du code civil a fait disparaître la notion de la partie du code relative au droit des
contrats. Elle demeure tout de même à l'article 6, on l'a dit, et elle n'a donc pas totalement disparu
dans l'appréciation de la licéité de la convention.
Au regard de l'article 1162, tout porte en réalité à penser que la notion de bonnes mœurs s'intègre là
encore, dans l'exigence de conformité du contrat à l'ordre public.
Nous avons vu à quelle règle le contrat devait se conformer. Voyons désormais les implications de
l'article 1162 du code civil quant à la conformité des stipulations contractuelles et du but du contrat.
L'article 1162 dispose que les stipulations contractuelles ne peuvent déroger à l'ordre public. Alors,
qu'est-ce qu'une stipulation contractuelle ?
Il s'agit en réalité de toute clause qui énonce le contenu de l'engagement pris par les parties et plus
généralement de toute prévision contractuelle.
L'exigence vaut aussi bien si les stipulations dans leur ensemble se révèle contraire à l'ordre public ou
si prises séparément, l'une ou plusieurs d'entre elles, le sont.
Dans tous les cas, la sanction sera la nullité du contrat ou le réputé non écrit.
Cette exigence de conformité des stipulations contractuelles à l'ordre public fait référence à
l'ancienne interdiction de l’illicéité de l'objet. Avant la réforme, l'ancien article 1128 du code civil
disposait à ce propos qu'il n'y a que les choses qui sont dans le commerce qui puissent être l'objet
des conventions.
Devait donc être regardée comme portant sur un objet illicite, le contrat relatif à des choses hors
commerce. Le corps humain, par exemple, comme on vient de le voir.
- Le premier est relatif aux conventions de gestation pour autrui et plus particulièrement aux
conventions de mère porteuse. C'est sur le fondement de l'ancien article 1128 que la Cour de
cassation a condamné ces conventions. La solution demeure aujourd'hui, mais elle a été consacrée à
l'article 16-7 du code civil.
- Le 2nd contentieux, alimenté par l'article 1128 est relatif aux cessions de clientèle civile. Alors la
validité des cessions de clientèle commerciale ne fait pas de doute. Elle est d'ailleurs un élément
essentiel du fonds de commerce qui est cédé avec lui. Mais la question est différente pour les
clientèles civiles, clientèle d'un médecin, par exemple d'un avocat ou d'un expert-comptable.
Et la question est différente parce que elle touche alors à la liberté des clients de s'adresser au
professionnel de leur choix.
Longtemps, la jurisprudence a considéré que la cession de clientèle civile était illicite, à l'inverse de la
cession de clientèle commerciale. Ces clientèles étaient considérées comme étant hors commerce,
en relation du lien de confiance personnelle qui existe entre le professionnel et sa clientèle. Il reste
qu'en pratique, la portée de la solution était très largement atténuée.
Elle l’était notamment parce que le droit de présentation avait été admis dès un arrêt du 7 juin 1995.
Le droit de présentation se traduit tout simplement par l'engagement de présenter le successeur à la
clientèle ou par l'engagement de ne pas faire concurrence au successeur.
La solution pouvait donc paraître relativement hypocrite dans la mesure où si la cession de clientèle
était illicite, le droit de présentation était lui, bel et bien admis. C'est sans doute ce qui explique le
revirement opéré par la première chambre civile le 7 novembre 2000.
Par cet arrêt du 7 novembre 2000, la Cour de cassation a jugé que la cession de clientèle médicale
n'est pas illicite, mais à la condition que soit sauvegarder la liberté de choix des patients.
Par principe et depuis cet arrêt de 2000, donc la cession de clientèle civile n'est donc plus illicite. La
solution a été réitérée et a été étendue au-delà de la seule clientèle médicale.
Il reste que la validité de la cession est encadrée, la liberté de choix des patients doit être
sauvegardée.
En réalité, l'appréciation de cette sauvegarde de la liberté de choix des patients sera une question de
pur fait laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. C'est donc à eux qu'il appartient
d'apprécier si, dans le cadre d'une cession de clientèle civile, il est ou non porté atteinte à la liberté
de choix du patient.
Ces solutions rendues sur le fondement de l'article 1128 ancien du code civil ont vocation à
s'appliquer désormais sur le fondement de l'article 1162 nouveau du même code.
C. La Licéité du but
Pas plus qu'il ne peut déroger à l'ordre public par ses stipulations, le contrat ne peut déroger à l'ordre
public par son but.
Ici, on trouve une référence implicite à l'ancienne cause du contrat puisqu'il s'agit d'apprécier les
raisons qui ont déterminé une partie à contracter.
En effet, en ayant recours à la distinction entre la cause objective et la cause subjective, la Cour de
cassation s'était par exemple prononcée en faveur de l'annulation d'un contrat de vente de matériel
d'occultisme, en soulignant que si la cause objective de l'obligation de l'acheteur réside bien dans le
transfert de propriété et dans la livraison de la chose vendue, en revanche, la cause implicitement
subjective du contrat de vente, consiste dans le mobile déterminant, c'est à dire celui en l'absence
duquel l'acquéreur ne se serait pas engagé.
C'est un arrêt de la première chambre civile du 12 juillet 1989. Or, dans cet arrêt du 12 juillet 1989, le
matériel en cause était un matériel d'occultisme qui avait été vendu par un homme qui exerçait un
métier de parapsychologue, en d'autres termes de devin à sa disciple, et la vente avait pour objet
qu'elle devienne elle-même devin. Dans la mesure où une telle profession était interdite, la cause
impulsive et déterminante du contrat de vente était illicite et le contrat frappé de nullité.
C'est également au regard de la cause subjective que les libéralités consenties dans le cadre de
relation adultère étaient initialement annulées. On considérait alors qu'elle n'avait vocation qu’à
rémunérer les faveurs de la concubine. Cela étant, on l'a vu, la Cour de cassation ne considère
désormais plus que de telles libéralités sont contraires aux bonnes mœurs.
Il faut donc comprendre que l'exigence de licéité du but poursuivi s'apprécie non au regard du seul
but premier du contrat qui est identique pour chaque type de contrat, mais qu'il s'apprécie bel et
bien au regard des raisons plus lointaines qui ont déterminé chacune des parties à contracter.
Il reste que pour ne pas aboutir à une remise en cause trop systématique des contrats, la
jurisprudence avait limité le contrôle de la licéité de la cause subjective au motif déterminant.
Le motif, le but du contrat ne pouvait être retenu comme cause de nullité que s'il avait été la cause
impulsive et déterminante de l'opération et non pas un mobile accessoire.
Par sa généralité, le nouvel article 1162 ne semble pas se limiter au but déterminant.
Cela étant, dans la mesure où cet article consacre grandement les solutions anciennement dégagées
sur le fondement de la cause subjective, on peut penser et que cette limitation de la sanction pour
illicéité du but au seul but déterminant continuera à s'appliquer en jurisprudence.
Si ce but apparaît comme contraire à l'ordre public, le contrat pourra alors être annulé. Et ici, la
nullité est absolue.
Voici pour l'exigence d'un contenu licite. Voyons maintenant celle d'un contenu certain.
P16_Un contenu certain.
Outre qu'il impose un contenu licite du contrat, l'article 1128 fait de l'exigence d'un contenu certain
une condition de validité des conventions.
Cette exigence ne suppose pas seulement un contrôle de l'existence des éléments objectifs du
contrat. Elle invite plus largement à se préoccuper également de son équilibre.
Les règles en la matière sont précisées aux articles 1163 à 1171 du code civil, tous ces articles étant
relatifs au contenu du contrat.
Ces articles font donc porter le contrôle du contenu du contrat qui peut être opéré par le juge, à la
fois sur
- l'existence de la prestation,
Cette exigence est formulée plus précisément à l'article 1163 du code civil. Cet article nous dit que
l'obligation a pour objet une prestation présente ou future, celle-ci devant être possible et
déterminée ou déterminable.
Le terme prestation désigne ici ce que chacune des parties s'engage à accomplir au profit de l'autre.
L'article 1163 ne précise pas les différentes natures de prestations, mais il admet que celles-ci
puissent être futures ou présentes.
La seule exigence tient en réalité au caractère possible de cette prestation et à son caractère, au
moins déterminable.
1/ S'agissant tout d'abord du caractère possible. À l'impossible nul n'est tenu. Le principe s'applique
naturellement aussi en droit des contrats. On ne peut donc s'engager qu’à fournir une prestation
possible, autrement dit réalisable.
Cela étant, on admet traditionnellement que seule l'impossibilité absolue est une cause de nullité.
L'impossibilité ici absolue, dans la mesure où elle est impossible pour tous, quels que soient les
moyens mis en œuvre.
À l'inverse, l'impossibilité qui excèderait simplement les capacités du débiteur ne serait pas
sanctionné par la nullité de la convention, mais davantage par la résolution du contrat.
Plus largement, il ne faut pas comprendre cette exigence de manière trop absolue.
Comme le précise d'ailleurs l'article 1163, la prestation peut par exemple porter sur une chose
future. Au jour du contrat, la chose n'existant pas encore, la prestation n'est pas encore possible.
Mais dans la mesure où il s'agit d'une chose future, le contrat n'est pas nul car dans l'avenir, elle peut
être possible.
2/ Outre qu'elle doit être possible, la prestation doit également être déterminée dans le contrat ou à
minima déterminable.
Concernant cette 2nde exigence, elle résulte de l'idée selon laquelle chacun doit savoir précisément
ce à quoi il s'engage, et ce que son cocontractant est en droit d'exiger de lui au titre du contrat.
La prestation doit être considérée comme déterminée, dès lors qu'elle est précisément désignée
dans le contrat au moment de sa conclusion.
Quant à la prestation déterminable, qui est également admise par l'article 1163. Cette prestation est
déterminable dès lors qu'elle peut être déduite du contrat par référence aux usages et aux relations
antérieures des parties, sans qu'un nouvel accord soit nécessaire.
En d'autres termes, on comprend donc que la prestation doit pouvoir se déduire sur la base
d'éléments objectifs qui ne dépendent pas de la volonté de l'une ou l'autre des parties au moment
de l'exécution du contrat.
Les éléments doivent donc être suffisamment précis au jour de la conclusion pour qu'ils ne
nécessitent pas un nouvel accord de volonté.
Par exemple, une vente dans laquelle les parties prévoirait, avant une récolte, que la vente porterait
sur 1/3 de celle-ci, est suffisamment déterminable.
Sur ce point, une question assez particulière s'est posée. L'exigence de détermination de la
prestation s'applique-t-elle aux obligations monétaires ?
Autrement formulé, dans un contrat, le prix doit-il être déterminé ou déterminable au jour de la
conclusion du contrat ?
Ces obligations posent à bien y regarder un problème particulier, surtout lorsque les contrats vont
s'inscrire dans la durée ou lorsque leur exécution n'est pas immédiate. Ce problème vient en fait de
l'instabilité monétaire. On sait ce que vaut aujourd'hui 1€. Mais on ne sait pas forcément ce qu'il
vaudra dans quelques mois, ni plus encore dans quelques années, d'où la difficulté.
Dans les contrats, dont l'exécution s'échelonnent dans le temps, il y a une réelle difficulté à fixer un
prix définitif dès la conclusion du contrat.
Alors, sans nous arrêter sur la question des clauses d'indexation du prix dont la validité est très
strictement encadrée, la question s'est posée de savoir si le prix était soumis à l'exigence de
détermination dès la conclusion du contrat.
La réponse à cette question a beaucoup évolué en la matière. Les solutions apportées par la réforme
du droit des obligations vont d'ailleurs en partie à rebours de la jurisprudence antérieure.
S'agissant justement de cette jurisprudence, il faut bien comprendre que le fait que la prestation doit
être déterminé ou déterminable au jour de la conclusion du contrat n'est pas une nouveauté.
Avant la réforme, les textes exigeaient en effet que le contrat ait un objet certain et l'article 1129
ancien précisait à ce titre : « il faut que l'obligation ait pour objet une chose au moins déterminée
quant à son espèce, la quotité de la chose peut être incertaine, pourvu qu'elle puisse être
déterminée. »
Il reste qu'en dehors du contrat de vente pour lequel l'article 1591 exige que le prix soit déterminé
dès la conclusion du contrat, aucune disposition générale n'était spécifiquement consacrée à la
question de la détermination du prix. La question se posait donc de savoir si le prix était soumis à
l'exigence de l'article 1129 ancien du code civil.
Dans un premier temps, la Cour de cassation avait considéré, en application de cet article, que le prix
était par principe une condition de validité du contrat. Il devait donc être déterminé ou déterminable
au jour de la conclusion.
Cette solution a fait naître un contentieux très abondant en matière de contrats cadres.
Alors, qu'est-ce qu'un contrat-cadre ? Et bien c'est un accord par lequel les parties conviennent des
caractéristiques générales de leur relation contractuelle future. Cette définition est en réalité tirée du
nouvel article 1111 du code civil, qui contient désormais une définition de ce type de contrat.
En d'autres termes, dans ce type de contrat, les parties s'entendent pour collaborer, et afin de
préciser le cadre de leur collaboration, elles vont conclure un contrat-cadre qui permet d'encadrer
leur future relation commerciale. Des contrats d'application interviendront ensuite au fur et à
mesure pour régir chaque relation en particulier.
Or, en exigeant que le contrat-cadre comporte un prix déterminé ou déterminable dès la conclusion
de ce contrat, la Cour de cassation gênait en réalité, ces contrats cadres, et plus généralement les
contrats qui s'inscrivent dans le long terme.
Par 4 arrêts en date du 1 décembre 1995, la Cour de cassation a donc opéré un revirement.
Ces 4 arrêts, en date du 1 décembre 1995 ont été rendu par l'Assemblée plénière qui a décidé que,
sauf disposition particulière contraire, par exemple, l'article 1591 du code civil, l'exigence d'un objet
déterminé ou déterminable que posait l'article 1129 ancien du code civil ne s'appliquait pas à la
détermination du prix et n'était donc pas une condition de validité du contrat-cadre.
Elle en a déduit dans l'un de ses arrêts que la clause d'un contrat de franchise faisant référence au
tarif en vigueur au jour des commandes d'approvisionnement à venir n'affectait pas la validité du
contrat.
En d'autres termes, le prix n'a pas à être fixé dans le contrat initial, dans le contrat-cadre, mais il
pourra l'être de manière unilatérale à l'occasion des contrats d'application.
La seule réserve posée par l'Assemblée plénière dans ces arrêts est l'hypothèse de l'abus dans la
détermination unilatérale du prix.
La solution se voulait très générale et dépassait donc la seule hypothèse des contrats cadres. Quel
que soit le contrat considéré, on pouvait donc, déduire de ses arrêts de 1995 que le prix ne faisait
plus partie des éléments exigés au titre de la validité du contrat, sauf disposition particulière
contraire.
Sur ce point, les auteurs de la réforme n'ont que partiellement consacré la jurisprudence.
En effet, des dispositions spéciales ont été consacrées à la question de la fixation unilatérale du prix
par l'une des parties, mais cette possibilité de fixation unilatérale du prix n'a été formellement
admise que pour 2 hypothèses, les contrats-cadres d'une part, et les contrats de prestation de
services d'autre part.
À contrario donc, pour tous les autres contrats, le prix doit désormais être en principe déterminé ou
au moins déterminable dès la conclusion du contrat. Sur ce point, la réforme rompt avec la
jurisprudence antérieure.
Quelques mots sur les 2 exceptions prévues à l'exigence d'un prix déterminé ou déterminable dès la
conclusion du contrat.
- La première exception, je l'ai dit, tient au contrat-cadre. L'article 1164 alinéa premier dispose en
effet que dans les contrats cadres, il peut être convenu que le prix de la prestation sera fixé
unilatéralement par l'une des parties, à charge pour elle d'en motiver le montant en cas de
contestation ?
Pour mémoire, le contrat-cadre est désormais défini à l'article 1111 du code civil.
On comprend donc à la lecture de l'article 1164 alinéa premier, que, pour les contrats cadres, le prix
n'a pas à être déterminé au stade de la conclusion du contrat-cadre, et les parties peuvent convenir
qu'il sera fixé par l'une d'entre elles au fur et à mesure de la conclusion des contrats d'application.
L'article 1164 prévoit toutefois que la partie qui fixe unilatéralement le prix doit pouvoir en motiver
le montant en cas de contestation. Surtout, la possibilité de fixer unilatéralement le prix rencontre
une limite qui est relative à la prohibition de l'abus. On retrouve ici la réserve émise par la
jurisprudence antérieure.
L'alinéa 2 de l'article 1164 précise à ce titre qu'en cas d'abus dans la fixation du prix, le juge peut être
saisi d'une demande tenant à l'obtention de dommages et intérêts ou, le cas échéant, à la résolution
du contrat.
Avant la réforme, les auteurs s'accordent et en général, à considérer que l'abus ne saurait se réduire
à la fixation d'un prix objectivement différent de celui du marché. Car finalement, c'est bien l'abus
dans la fixation du prix qui est sanctionné et non simplement le prix excessif.
Ainsi, on peut admettre l'abus, si une partie impose un prix uniquement en fonction de ses propres
intérêts et au détriment de ceux de son partenaire. La jurisprudence s'est notamment prononcée en
ce sens par un arrêt rendu par la chambre commerciale le 15 janvier 2002. Et la solution a été
réitérée notamment par un arrêt de la chambre commerciale toujours, rendu le 4 novembre 2014.
Par exemple, il devrait donc y avoir abus lorsqu'une partie pratique un prix qui aurait pour
conséquence la ruine de son cocontractant. Le prix fixé doit pouvoir être assumé par le
cocontractant, sans mise en péril de son activité.
- La 2e exception est relative au contrat de prestation de service. L'article 1165, alinéa un prévoit
pour ces contrats que, à défaut d'accord entre les parties avant leur exécution, le prix peut être fixé
par le créancier, à charge pour celui-ci d'en motiver le montant.
À nouveau donc le prix peut ne pas être déterminé dès la conclusion du contrat de prestation de
service. La justification tient en réalité au fait que ces contrats de prestation et en particulier
notamment les contrats d'entreprise, s'étendent dans le temps et qu'il est parfois difficile de
déterminer à l'avance précisément l'étendue des diligences à accomplir.
On retrouve donc le même mécanisme que pour les contrats cadres, avec la même exigence de
justification. De la même manière, l'alinéa 2 de l'article 1165 sanctionne l'abus dans la fixation du
prix.
Dans sa version initiale, issue de l'ordonnance de réforme, cette disposition n’admettait d'ailleurs
qu'une seule sanction, l'allocation de dommages et intérêts. Le législateur a toutefois entendu
aligner le régime de l'article 1165 sur le sur celui de l'article 1164, en ajoutant dans la loi de
ratification la possibilité pour le juge de prononcer, le cas échéant, la résolution du contrat.
Cette précision issue de la loi de ratification est interprétative. Elle est donc applicable
immédiatement à tous les contrats conclus dès le 1 octobre 2016.
Cette dernière sanction ne pourra naturellement concerner toutefois que des contrats à exécution
successive et dont la prestation n'aura pas encore été exécuté en totalité.
En effet, dès lors que la prestation aura été totalement exécutée, il n'y aura aucun intérêt pour le
débiteur à demander la résolution du contrat puisque cette résolution lui imposerait de restituer le
service reçu par équivalent.
Outre une prestation, l'exigence d'un contenu certain suppose une contrepartie.
Cela étant, par principe, dans les contrats synallagmatiques, le défaut d'équivalence des prestations
n'est jamais une cause de nullité. Cette règle est affirmée à l'article 1168 du code civil.
Par conséquent, le fait qu'une personne achète un bien en-dessous de sa valeur réelle n'est pas une
cause de nullité, en l'absence d'erreur ou de dol.
Par principe, en effet, le droit français ne tient pas compte de la lésion, la lésion étant le préjudice qui
est subi par une des parties au moment de la conclusion du contrat, du fait du déséquilibre existant à
la conclusion entre les prestations.
Dans ce cas particulier, le code civil sanctionne en effet la lésion de plus des 7/12 subie par le
vendeur. C'est l'article 1674 du code civil.
Mais en dehors de ces tempéraments, le principe reste que le déséquilibre des prestations n'entraine
pas là nullité du contrat.
L'article 1169 dispose à cet égard qu'un contrat à titre onéreux est nul lorsque, au moment de sa
formation, la contrepartie convenue au profit de celui qui s'engage est illusoire ou dérisoire.
Il consacre en réalité un certain nombre de solutions qui avait déjà été dégagées sur le fondement de
la cause.
Une remarque sur cet article. L'article 1169 vise très spécialement les contrats à titre onéreux.
Le contrôle de la contrepartie n'a donc pas lieu d'être pour les contrats conclus à titre gratuit. La
solution s'explique très simplement puisque ces contrats ne supposent par hypothèse, pas de
contrepartie.
Par contre, l'article 1169 trouvera application que le contrat soit synallagmatique ou unilatéral ou
bien qu'il soit commutatif ou aléatoire.
Par contrepartie illusoire, on envisage l'hypothèse dans laquelle la contrepartie est présente en
apparence, mais est en réalité dépourvue d'existence, dès la conclusion du contrat.
Sur le fondement de la cause, ont par exemple été annulé un contrat de présentation de clientèle à
son successeur, alors que cette clientèle était inexistante. De même, a été annulé un contrat de
franchise dans lequel le franchiseur ne transmettait en réalité aucun savoir-faire substantiel au
franchisé.
Dans un contrat aléatoire, cette même règle a conduit à la nullité du contrat d'assurance souscrit
alors que le risque assuré s'était déjà réalisé dans ce cas. En effet, il n'y a plus d'aléa.
Ces différentes solutions devraient toujours trouver application sur le fondement des nouveaux
textes.
Il reste que des auteurs soulignent que, dans la mesure où la contrepartie s'entend de ce qui est
attendu en échange de sa propre prestation, son existence devrait désormais s'apprécier
exclusivement de manière objective dans le cadre donc des nouveaux textes.
Plus exactement, certaines décisions qui ont été rendues sur le terrain de la cause dite subjective, ne
devraient plus trouver application.
Ce serait le cas plus précisément de la solution dégagée dans l'arrêt dit point club vidéo en date du 3
juillet 1996.
Cet arrêt est particulièrement important dans la mesure où il avait marqué l'émergence en
jurisprudence de la conception subjective de la cause. En l'espèce, un fournisseur de cassettes vidéo
avait conclu un contrat avec une personne qui entendait créer avec son épouse un point club vidéo.
Toutefois, l'exploitation de ce commerce s'était avérée très rapidement déficitaire, tout simplement
parce que celui-ci avait été ouvert dans une agglomération insuffisamment peuplée pour que
l'opération puisse être économiquement rentable. Or, dans cet arrêt, la Cour de cassation avait
approuvé la Cour d'appel d'avoir prononcé la nullité du contrat dans la mesure où l'exécution de ce
contrat selon l'économie voulue par les parties était impossible.
Le contrat devait donc pour la Cour de cassation, comme pour la Cour d'appel, être regardé comme
dépourvu de cause.
Cette décision consacrait expressément une conception subjective de la cause dans la mesure où la
Cour de cassation, fait expressément référence à l'économie voulue par les parties.
Elle avait été fortement critiquée, notamment parce qu'elle imposait une immixtion du juge dans
l'appréciation de la faisabilité de l'opération économique.
Sans doute en raison des critiques dont elle avait fait l'objet, la solution à par la suite était assouplie
par la Cour de cassation, d'abord en 2007, puis en 2009.
Par un arrêt du 9 juin 2009, la Cour de cassation avait en effet pu paraître enterrer définitivement la
jurisprudence point club vidéo, en jugeant, je cite « que la cause de l'obligation d'une partie à un
contrat synallagmatique réside dans l'obligation contractée par l'autre. »
Une partie de la doctrine restait toutefois attaché à la solution antérieure et considérait que l’arrêt
point club vidéo n'était pas totalement mort. Sur ce point, au regard des textes issus de la réforme,
on peut penser que la dernière solution, celle de 2009, devrait s'appliquer.
Il reste toutefois que la contrepartie n'est pas définie dans le code civil et certaines solutions qui ont
été dégagées par la jurisprudence sur le fondement de l'approche subjective de la cause ont par
ailleurs été consacrées. Il n'est donc pas certain que la jurisprudence point club vidéo soit totalement
condamnée. L'affaire reste à suivre.
La notion de contrepartie illusoire a été précisée. Que faut-il maintenant entendre par contrepartie
dérisoire ?
Ici, on vise à l'hypothèse dans laquelle, sans être totalement absente, la contrepartie se révèle
presque inexistante. Plus précisément, la contrepartie apparaît dans ce cas dénué de caractère
sérieux.
Mais il faut prendre garde ici à bien distinguer le prix dérisoire du prix insuffisant qui relève
éventuellement, lui de la réglementation sur la lésion, réglementation particulièrement stricte.
Quant au régime applicable en la matière pour finir, c'est à celui qui prétend que la contrepartie est
illusoire ou dérisoire d'en rapporter la preuve.
En outre, on l'a déjà dit la sanction en cas de contrepartie illusoire ou dérisoire et la nullité de la
convention.
Avant la réforme, la jurisprudence s'était prononcée en faveur du caractère relatif de cette nullité.
Cette solution devrait rester sous l'empire des nouveaux textes.
Il reste que la nullité ne sera toutefois prononcée que si la contrepartie était illusoire ou dérisoire au
jour de la formation du contrat. C'est au jour de la conclusion de ce contrat que l'existence de la
contrepartie doit s'apprécier.
Mais que se passe-t-il alors si la contrepartie présente au jour de la formation du contrat disparaît au
jour de son exécution ?
Sous l'empire des anciens textes, la jurisprudence avait pu accepter de sanctionner la disparition de
la cause en cours d'exécution du contrat, en considérant donc que ce contrat devenait donc caduc.
Elle admit par un arrêt rendu par la première chambre civile le 30 octobre 2008, puis, par un arrêt
rendu par la chambre commerciale le 29 juin 2010.
Dans ce 2nd arrêt d'ailleurs, la jurisprudence avait utilisé la théorie de la cause et la disparition de la
cause du contrat en cours d'exécution pour contourner l'interdiction de révision du contrat pour
imprévision.
Il faut bien comprendre tout de même que dans ce cas-là sanction n'est pas là nullité, mais bel et
bien la caducité du contrat.
Et bien à priori, cette solution selon laquelle la disparition de la contrepartie en cours d'exécution du
contrat emporte sa nullité devrait perdurer. En effet, l'article 1186 nouveau du Code civil précise
qu'un contrat valablement formé devient caduque si l'un de ses éléments essentiels disparaît.
L'article 1186 ne définit pas précisément ce qu'il faut entendre par élément essentiel, mais il faut
sans doute ici considérer que ce terme inclut la contrepartie, de sorte que le contrat dont la
contrepartie deviendrait en cours d'exécution illusoire où dérisoire serait caduc.
Pour finir, il faut préciser que c'est également en application de cette théorie de la disparition de la
cause que la jurisprudence avait admis la sanction de caducité en matière d’ensemble contractuel.
Il convient de préciser par quelques mots cette hypothèse à l'occasion d'un aparté.
Les ensembles contractuels sont en réalité des combinaisons de contrats qui, tout en conservant leur
individualité, concours à la réalisation d'une même opération économique.
Ainsi en est-il, par exemple, de l'acquisition d'un immeuble et du prêt destiné à le financer, ou du
contrat de location financière permettant de disposer d'un matériel.
Dans une telle configuration, que se passe-t-il si l'un des contrats de l'ensemble disparaît ?
Imaginons qu'une société décide de se porter acquéreur d'un certain nombre d'ordinateurs et en
confie la maintenance à une société collaborant avec la société venderesse des ordinateurs.
Pour une raison quelconque, la vente des ordinateurs est annulée. Qu'en est-il du contrat de
maintenance ? Doit-il continuer à s'exécuter ?
Depuis la réforme du droit des obligations, cette question n'est en réalité plus traitée que au niveau
des sanctions à l'article 1186, alinéa 2 et 3 du code civil, mais avant la réforme, c'est bel et bien en
ayant recours à la notion de la cause que la jurisprudence avait dégagé les solutions applicables.
- Dans un premier temps, la Cour de cassation avait considéré que l'unité économique qui sous-
tendait l'opération contractuelle complexe, ne se traduisait pas par une interdépendance juridique.
Elle l'a jugé notamment par un arrêt de chambre mixte du 23 novembre 1990.
Par conséquent, dans cet arrêt du 23 novembre 1990, la Cour de cassation considérait que la
disparition d'un des contrats de l'opération devait être suivie de la résiliation des autres contrats CAE,
ces contrats n'étant nuls, ni caducs, ni résolus de plein droit.
- Puis, dans un 2nd temps, la Cour de cassation a admis que des contrats puissent être considérés
comme juridiquement interdépendants, et donc que la disparition de l'un devait entraîner la caducité
des autres. Elle l'a admis notamment par un arrêt rendu par la première chambre civile le 4 avril
2006.
La solution applicable n'était donc plus la résiliation du contrat lié, comme cela avait été
précédemment admis, mais sa caducité, En d'autres termes, dans mon exemple de vente
d'ordinateurs, l'anéantissement du contrat de vente emporterait la caducité du contrat de
maintenance.
Reste à savoir tout de même quand les contrats de l'ensemble doivent être regardés comme
interdépendants.
Contrairement à la théorie de l'accessoire que l'on envisagera plus tard, la théorie de la disparition de
la cause permet la caducité du contrat subsistant, quel que soit le contrat ayant été annulé. Dans
l'exemple que je vous ai donné, peu importe que le contrat annulé soit celui de vente ou celui de
maintenance, le contrat subsistant sera en toute hypothèse caduc dès lors que ces contrats sont
considérés comme interdépendants.
En d'autres termes, la solution est parfaitement identique et symétrique, quel que soit le contrat qui
disparaît en premier.
Elle a jugé par exemple que la disparition de l'un quelconque des contrats de l'ensemble entraîne la
caducité des autres.
Cette solution résulte notamment d'un arrêt rendu par la chambre commerciale le 12 juillet 2017.
Cette solution s'applique dans la mesure où les contrats de location financière d'une part, et de vente
d'autre part, ont été jugés interdépendants.
Selon une première approche dite objective, les contrats entretenant un lien étroit entre eux sont
qualifiés d' interdépendants, à la condition qu'ils participent d'une même opération économique elle-
même indivisible.
À cette approche s'oppose une conception plus subjective, qui va mettre, elle, l'accent sur la
commune intention des parties. En d'autres termes, seront considérés comme interdépendants des
contrats dans lesquels les parties ont souhaité une indivisibilité.
Sur ce point, la Cour de cassation a longtemps cultivé une certaine ambiguïté en la matière.
Les arrêts semblaient retenir tantôt des critères plutôt subjectifs. On peut citer ici un arrêt de la
première chambre civile du 4 avril 2000, ou encore un arrêt rendu par cette même chambre le 28
octobre 2010, également des arrêts rendus par la chambre commerciale le 15 février 2011 ou le 12
juillet 2011.
Mais dans d'autres arrêts, la Cour de cassation retenait des critères plutôt objectifs. On peut citer
notamment un arrêt de la première chambre civile du 13 février 2007 ou pour la même chambre du
13 mars 2008.
Par conséquent, les solutions étaient relativement incertaines.
Il reste que la plupart des auteurs s'étaient accordés pour considérer que la conception subjective
semblait prévaloir en droit positif. La Cour de cassation a donné tort à ses auteurs puisqu’elle a jugé
par 2 arrêts du 17 mai 2013 que l'approche objective devait prévaloir.
Dans ses arrêts du 17 mai 2013, elle a jugé que les contrats concomitants ou successifs qui
s'inscrivent dans une opération incluant une location financière, sont interdépendants.
Par ses arrêts, la Cour de cassation tranchait donc le débat en faveur de la conception objective de
l'interdépendance.
Dans ces contrats, une personne qui souhaite disposer d'un matériel va s'adresser à 1/3, qui va
l'acquérir pour elle, puis le lui mettre à disposition moyennant le paiement d'un loyer.
Enfin, ces arrêts du 17 mai 2013 se prononçaient à nouveau fermement en faveur de la caducité du
contrat de location financière en cas de disparition du contrat lié, alors que précédemment la
solution retenue on l'a vu, était la résiliation de ce contrat.
Cette jurisprudence relative aux ensembles contractuels et aux contrats interdépendants, plus
précisément, a été consacrée, mais partiellement, par la réforme du droit des obligations.
Elle a été consacrée à l'article 1186. Cet article reprend les solutions jurisprudentielles relatives au
contrat interdépendant, mais il retient toutefois pour sa part une conception plutôt mixte de
l'interdépendance.
Il résulte en effet de l'article 1190 alinéa 2 que je cite « lorsque l'exécution de plusieurs contrats est
nécessaire à la réalisation d'une même opération, et que la disparition de l'un à impossible
l'exécution de l'autre, l'interdépendance est caractérisée. »
Ici l'interdépendance est donc appréciée de manière objective. Il faut en réalité regarder si les
contrats participent d'une même opération économique.
Mais aux termes de ce même article, l'interdépendance va s'étendre aux contrats pour lesquels
l'exécution du contrat qui a disparu, était une condition déterminante du consentement d'une des
parties.
On retrouve donc ici la conception subjective, c'est à dire l'hypothèse dans laquelle les parties ont
souhaité une interdépendance entre les contrats.
L'article 1186 consacre la caducité du contrat subsistant. Sur ce point, il reprend donc totalement les
solutions dégagées par la jurisprudence.
On précisera tout de même que pour que la caducité intervienne, il faut bien une disparition de l'un
des contrats de l'ensemble, c'est à dire une nullité, une résolution ou même une résiliation.
La simple inexécution est, elle, insuffisante, ce qui est finalement parfaitement logique, et ce
qu'affirmait déjà la jurisprudence.
L'alinéa 3 de l'article 1186 précise enfin que la caducité n'interviendra que si le cocontractant contre
lequel elle est invoquée, connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son
consentement.
En résumé, cet article 1186 relatif aux ensembles contractuels reprend donc en grande partie, les
solutions jurisprudentielles anciennes, sous réserve de l'interprétation de l'interdépendance.
Lorsque les contrats de l'ensemble contractuel sont interdépendants, la nullité de l’un emportera
donc la caducité des autres.
Il reste toutefois qu'une différence pourrait devoir être faite au sein des ensembles contractuels.
Certains contrats pourraient en effet être regardés comme interdépendants. C'est le cas des contrats
de location financière qu'on évoquait précédemment, là ou d'autres ne seraient en fait que dans un
rapport d'accessoires.
Dans ce cas, il y aurait en quelque sorte toujours un ensemble contractuel dans la mesure ou les
contrats restent liés. Mais au lieu d'être sur un pied d'égalité, l'un des contrats est principal, là où les
autres lui sont accessoires.
Alors, cette théorie de l'accessoire est une figure qui est parfaitement connue du droit des
obligations et l’adage applicable en la matière veut que le contrat accessoire suive le principal
accessoire room principale. Accessorium sequitur principale = l'accessoire suit le principal.
Par conséquent, la disparition du contrat principal emporte du même coup celle du contrat
accessoire.
Il reste que le défaut de cette théorie par rapport à celle de l'interdépendance est que dans la théorie
de l'accessoire, les contrats forment bel et bien un ensemble. Mais seule la disparition du contrat
principal entraînera la caducité du contrat accessoire.
Ici, la solution est donc asymétrique. Il faut déterminer dans un premier temps, quel est le contrat
accessoire et quel est le contrat principal puisse assurer que le contrat qui a disparu en premier est
bien le contrat principal.
À vrai dire, on peut discuter l'opportunité de cette solution dans la mesure où les 2 figures, locations
financières d'une part, et contrats de crédit-bail d'autre part, sont relativement proches. La solution
peut donc paraître relativement discutable quant à la distinction de fondement qui est opérée, mais
aussi quant à ses conséquences puisque on l'a vu dès lors que l'on se situe dans un rapport
d'accessoires, la solution et la sanction n'est pas symétrique. Surtout, on peut se demander si ces
contrats de crédit-bail seront bel et bien soumis au nouvel article 1186 du code civil.
Nous en avons fini avec l'exigence de la contrepartie. Voyons dans un grand C la sanction des clauses
déséquilibrantes.
L'exigence d'un contenu certain au contrat suppose, on l'a vu, l'existence d'une prestation pour
chaque partie ainsi que d'une contrepartie. Mais cette exigence conduit également à protéger
l'obligation essentielle du contrat en réputant non écrite toute clause qui la priverait de sa substance.
Il faut bien comprendre qu'on est ici légèrement en marge des conditions de validité du contrat au
sens propre dans la mesure où la présence de telles clauses, dites déséquilibrantes dans le contrat
n'affecte pas le contrat dans son ensemble.
Ici, seule la clause litigieuse est anéantie, mais le contrat en lui-même demeure valable.
Cela étant, les règles relatives aux clauses déséquilibrantes permettent de garantir les exigences
relatives au contenu du contrat.
Une partie ne peut pas, par une clause qui contredirait son obligation essentielle, contourner les
conditions relatives à l'existence d'une prestation ou d'une contrepartie.
C'est pour cette raison principale que nous envisagerons ces règles dans le cadre du contenu du
contrat, bien que la validité du contrat ne soit en elle-même pas en cause.
Mais cette prise en compte des prestations principales des parties et de la contre prestation en
considération de laquelle elles se sont engagées est insuffisante.
En effet, il arrive qu'une clause pourtant accessoire vienne perturber l'équilibre du contrat.
L'ancien droit sanctionnait ces clauses déséquilibrantes, autrement dit, ces clauses qui bouleversent
l'économie apparente du contrat par le contrôle de la cause.
En dépit de la disparition de cette notion, le code civil maintient, et même étend les circonstances
dans lesquelles une clause déséquilibrante peut être sanctionnée.
En effet, au-delà des clauses qui vont porter atteinte à l'obligation essentielle, les clauses abusives
créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, peuvent
également faire l'objet d'une sanction.
Cet article répute non écrite, toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du
débiteur.
Ces arrêts ont été rendus sur le fondement de la cause et portait plus précisément sur des clauses
limitatives de responsabilité.
Pour bien comprendre la logique qui sous-tend le nouvel article 1170, il est important de revenir sur
cette évolution jurisprudentielle et sur les solutions qui avait pu alors être dégagées.
Il s'agit en réalité ici d'une véritable saga jurisprudentielle qui a été marquée par plusieurs
rebondissements qui ont eu lieu en la matière
Cette saga a commencé par un arrêt dit Chronopost 1 rendu par la chambre commerciale le 22
octobre 1996.
Les faits qui ont mené à cet arrêt Chronopost 1 du 22 octobre 1996, sont en réalité relativement
simples. Une société souhaitait répondre à une adjudication et avait fait appel aux services de la
société Chronopost qui garantissait une livraison rapide en 24h.
Or, le pli contenant la réponse à l'adjudication était arrivé trop tard, de sorte que la société ne l'avait
pas remporté. Cette société demandait donc réparation de son préjudice subi auprès du transporteur
auprès de Chronopost. Mais ce dernier lui avait opposé une clause qui limitait sa responsabilité en
cas de retard à 122 Francs.
La société cliente avait donc saisi les tribunaux afin d'obtenir une réparation supérieure de son
préjudice. Elle avait été déboutée en appel. Selon la Cour d'appel, seule une faute lourde aurait pu
faire obstacle à l'application de la clause limitative de responsabilité prévue au contrat. Or, une telle
faute n'était pas caractérisée. En l'espèce, elle n'était donc pas imputable à la société Chronopost.
Cet arrêt est cassé par la chambre commerciale au visa de l'ancienne article 1131 du code civil, qui
portait donc sur la cause de l'obligation. La Chambre commerciale souligne ici « Que spécialiste du
transport rapide garantissant la fiabilité et la célérité de son service, la société Chronopost s'était
engagée à livrer les plis de la société cliente dans un délai déterminé. En ne livrant pas les plis à
temps, le transporteur avait donc manqué à son obligation essentielle ». Elle en conclut alors que la
clause limitative de responsabilité prévue au contrat, contredisait en réalité la portée de
l'engagement pris, et devait donc être réputée non écrite.
L'idée qui sous-tend à cet arrêt est donc que si la société cliente a fait le choix de s'adresser à ce
transporteur en particulier, c'est en raison de l'engagement pris par ce dernier de livrer les plis dans
un laps de temps déterminé. Or, la clause qui limite la responsabilité en cas de non-respect de délais
de livraison vient contredire cet engagement essentiel.
En prévoyant une indemnité relativement dérisoire puisque limitée à 122 francs en cas de
manquement à son obligation de célérité, la clause litigieuse vidait donc de sa substance, cette
obligation essentielle, ce qui revenait en quelque sorte à priver de cause, l'engagement de la société
Chronopost.
La solution avait été fortement critiquée par une partie de la doctrine, notamment parce que malgré
la présence de la clause limitative de responsabilité, une contrepartie existait bel et bien dans le
contrat. Par ailleurs, l'absence de cause aurait dû logiquement conduire à la nullité du contrat dans
son ensemble et non pas à l'anéantissement de cette seule clause.
Pour autant, non seulement la Cour de cassation a maintenu sa position, mais elle l’a en plus durcie.
En effet, l'arrêt Chronopost 1 invitait les juges à apprécier la portée des clauses litigieuses afin de
vérifier si cette clause vidait ou non de son contenu l'obligation essentielle de celui qui s'en prévaut.
Or, dans les années qui ont suivi, la Cour de cassation a semblé se prononcer en faveur d'une
sanction davantage automatique des clauses limitatives ou exonératoires de responsabilité dès lors
que ces clauses portaient sur une obligation essentielle du débiteur.
Dans un arrêt Chronopost 3 rendu en chambre mixte le 22 avril 2005 dans une autre tout autre
affaire, la Cour de cassation a en effet jugé qu'une clause limitant le montant de la réparation est
réputée non écrite en cas de manquement du transporteur à une obligation essentielle.
Ici donc, la Cour de cassation semble déduire que, dès lors qu'une obligation essentielle n'a pas été
respectée, la clause limitative de responsabilité portant sur cette obligation essentielle est
automatiquement réputée d'un écrite.
La solution avait d'ailleurs été réitérée, notamment dans le cadre d'un énième arrêt Chronopost,
toujours dans une affaire différente, puis, à l'occasion d'un arrêt dit Faurecia 1 en date du 13 février
2007.
Dans cette affaire, la société Faurecia qui souhaitait déployer sur ses sites en 1997 un logiciel intégré,
avait fait appel à la société Oracle. Le logiciel choisi, ne devait cependant pas être disponible avant
septembre 1999. Divers contrats ont été conclus et dans l'attente de la livraison du nouveau logiciel,
une solution provisoire avait été installée. Or il s'est avéré que cette solution provisoire ne
fonctionnait pas correctement, et que la version finale du logiciel n'avait pas été livrée.
C'est dans ce contexte que la Cour de cassation a eu à se prononcer sur la validité d'une clause
limitative de responsabilité prévue par la société Oracle. Dans cet arrêt Faurecia 1, la Cour de
cassation reproche alors à la Cour d'appel une violation de l'article 1131, ancien du code civil dans la
mesure où il ressortait de ces constatations, que la société Oracle avait commis un manquement à
une obligation essentielle dans la mesure où la livraison n'avait pas eu lieu.
À nouveau à la lecture de cet arrêt, on comprend que les clauses limitatives de responsabilité étaient
alors en somme sans effet, dès lors que le manquement reproché à une partie portait sur une
obligation essentielle.
C'est cette automaticité qui a été le plus critiquée par la doctrine parce qu'elle revenait à interdire
d'assortir une obligation essentielle d'une clause limitative, et a fortiori exonératoire, de réparation.
Ici la liberté contractuelle se trouvait donc.
En raison de ses critiques, la Cour de cassation a réassoupli sa jurisprudence, par un premier arrêt
rendu en 2007, arrêt dans lequel elle avait refusé d'invalider une clause limitative de responsabilité
du Sud du seul fait que cette clause visait une obligation essentielle.
La solution fut ensuite réaffirmée beaucoup plus nettement à l'occasion d'un arrêt dit Faurecia 2,
rendu dans la même affaire par la chambre commerciale le 29 juin 2010. En réalité, la Cour d'appel
de Paris, qui avait été saisie après la première cassation dans l'affaire Faurecia 1, avait fait acte de
résistance et avait accepté de faire application de la clause limitative de responsabilité au profit de la
société Oracle.
Or, à l'occasion de ce 2nd arrêt, le pourvoi formé par la société Faurecia est rejeté. La chambre
commerciale affirme dans cet arrêt, dans un premier temps, que seul est réputée non écrite la clause
limitative de réparation, qui contredit la portée de l'obligation essentielle souscrite par le débiteur.
Puis, dans un 2nd temps, elle approuve la Cour d'appel d'avoir déduit de ses constatations qu'en
l'espèce, la clause limitative de réparation ne vidait pas de sa substance l'obligation essentielle de la
société Oracle.
Avec cet arrêt, on le voit, la Cour de cassation revient donc à une appréciation de la portée de la
clause de réparation limitative de réparation ou de responsabilité au regard de l'obligation
essentielle, et abandonne donc le automaticité de la sanction des clauses limitatives de
responsabilité qui porteraient sur l'obligation essentielle.
Très concrètement, donc, il appartient alors au juge de vérifier si la clause litigieuse a pour effet ou
non, en l'espèce de contredire l'obligation essentielle et de la priver de sa substance. Autrement dit,
il faut se demander si, en l'espèce, la clause prive le contrat de tout intérêt pour le créancier.
Comme le souligne le professeur Stoffel Munck, la validité de la clause est le fruit d'une appréciation
circonstanciée visant à déterminer si elle maintient sur le débiteur, une pression suffisante pour
l'inciter à fournir le degré de diligence auquel l'équilibre de l'opération l'engageait.
Toute une saga, donc, vous le voyez, afin d'aboutir à une solution qui restait d'ailleurs discutée par
une partie de la doctrine.
C'est, quoi qu'il en soit cette solution donc, Chronopost 1, Faurecia 2 que l'on retrouve désormais à
l'article 1170 du code civil.
Alors voyons un peu plus précisément les conditions de mise en œuvre de cet article.
L'article 1170 du code civil autorise donc un certain contrôle des clauses du contrat, mais dès lors
que plusieurs conditions sont réunies.
- Première condition : la clause litigieuse doit porter sur une obligation essentielle.
Alors, l'article ne vise pas expressément les clauses limitatives de responsabilité qui avait retenu
l'attention de la jurisprudence lors des arrêts Chronopost et Faurecia. Par conséquent, il peut
s'appliquer à toute clause, clause limitative de responsabilité évidemment, mais également une
clause, par exemple, de répartition des risques ou une clause financière, une clause fixant un délai
pour agir.
La seule exigence est que cette clause porte sur une obligation essentielle du débiteur.
Que doit-on entendre alors par obligation essentielle ? L'ordonnance du 10 février 2016 ne le précise
pas. Au 18e siècle, une définition avait été donné par Pothier. Seraient des obligations essentielles,
celles sans lesquelles le contrat ne peut subsister. Faute de l'une ou de l'autre de ces choses, Ou il n’y
a point 2 contrats du tout, ou c'est une autre espèce de contrat, nous dit Potier.
Autrement dit, il s'agirait de l'obligation en considération de laquelle les parties se sont engagées. Il
s'agirait de la prestation principale de l'une d'elles. On déduit donc de l'article 1170 qu'il faut que la
clause litigieuse limite, organise ou réglemente la prestation principale du débiteur.
- Et 2e condition : cette clause doit priver l'obligation essentielle de sa substance. En d'autres termes,
la clause doit contredire cette obligation essentielle.
Ici, il ne suffit donc pas qu'elle porte atteinte ou qu'elle limite cette obligation, mais elle doit
véritablement la réduire à néant ou presque.
Par exemple, pour une clause limitative de responsabilité, tout dépendra du plafond de
remboursement. Sur ce point, la jurisprudence Faurecia 2 semble donc consacrée. Il appartient au
juge d'apprécier si la clause litigieuse prive effectivement de sa substance l'obligation essentielle du
débiteur. La sanction ne devrait donc pas être automatique.
Quant à cette sanction justement, la clause est réputée non écrite. Autrement dit, elle est appelée à
disparaître du contrat comme si elle n'avait jamais existé. Pour autant, le contrat en lui-même
demeure.
Sur ce point, il faut préciser que pendant longtemps, la question s'est posée de savoir si le réputé non
écrit devait s'analyser comme une nullité partielle et donc si cette sanction du réputé d'un écrit
devait suivre le régime de la nullité.
Le code civil dans son ancienne version ignorait cette sanction, même si la jurisprudence y avait déjà
recours.
Pour mémoire, puisque la question a déjà été abordée lors de l'étude de la nullité depuis la réforme
du droit des obligations, l'article 1184, alinéa 2, consacre la sanction du réputé non écrit. Cet alinéa
prévoit en effet que le contrat est maintenu lorsque la loi répute la clause non écrite.
Or, à l'inverse, l'alinéa premier du même article précise que lorsqu'une clause est nulle, elle peut
entraîner la nullité de l'acte dans son entier si elle a constitué un élément déterminant de
l'engagement des parties ou de l'une d'elles.
On comprend donc à la lecture de ces 2 alinéas qu'une clause réputée non écrite à l'inverse d'une
clause qui pourrait être frappée de nullité partielle ne pourra jamais conduire à la disparition de
l'acte dans son ensemble. Les 2 sanctions, réputé d'un écrit d'une part, et nullité partielle de l'autre
seraient donc par conséquent différentes et soumises à un régime propre.
La Cour de cassation s'est prononcée expressément en ce sens récemment par un arrêt rendu par la
première chambre civile le 13 mars 2019.
Dans cet arrêt du 13 mars 2019, la Cour de cassation a affirmé que la demande visant à faire réputer
d'un écrite la clause d'un contrat ne s'analyse pas en une demande en nullité. Tirant les
conséquences de cette solution, la Cour de cassation en conclut que l'action en réputée non écrite
n'est pas soumise au délai de prescription quinquennale de l'action en nullité.
Pour la majorité des auteurs, il en résulte que cette action serait donc imprescriptible.
Ainsi, les parties pourraient à tout moment, sans que puisse leur être opposée la prescription, agir
aux fins de voir réputée non écrite une clause du contrat.
Quoi qu'il en soit, il faut bel et bien retenir que dans l'hypothèse d'une clause vidant de sa substance
l'obligation essentielle, seule cette clause sera affectée et non le contrat dans son entier.
Les clauses vidant de leur substance l'obligation essentielle ne sont toutefois pas les seules à pouvoir
être invalidée, d'autres clauses ayant pour effet également de créer un déséquilibre significatif sont
également susceptibles d'être réputé d'un écrites.
La sanction des clauses considérées comme abusives, car créant un déséquilibre au détriment de la
partie faible n'est pas nouvelle. Elle est antérieure à la réforme du droit des obligations.
Mais alors qu'avant la réforme de telles clauses étaient régies uniquement par le droit spécial, un
article leur est désormais consacré dans le code civil. Cet article s'ajoute aux législations spéciales qui
continue d'exister. On dira donc quelques mots de ces législations spéciales qui demeurent
applicables avant d'envisager les dispositions du code civil. Et nous finirons par quelques mots relatifs
à l'articulation des différents régimes.
a) Les clauses abusives en droit spécial
Les clauses abusives sont régies à la fois par le droit commercial et par le droit de la consommation.
- Dans le droit commercial pour commencer, depuis une loi d'août 2008, un certain contrôle des
clauses dites abusives existe en la matière. Jusqu’à présent, l'article applicable était l'article L. 442-6,
I, 2°) du code de commerce. Désormais et depuis une ordonnance du 24 avril 2019, une
renumérotation a été effectuée et l'article applicable et l'article L 442-1, 2°.
Dans sa nouvelle version, qui est légèrement différente de la précédente, cet article dispose
qu’engage la responsabilité de son auteur, et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, dans le
cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l'exécution d'un contrat, par toute
personne exerçant des activités de production, de distribution ou de service, de soumettre ou de
tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits
et obligations des parties.
Vous l'aurez noté, le contrôle prévu à l'article L.442-1 est assez limité dans la mesure où il ne semble
pas concerner tous les contrats. En effet, seules certaines personnes peuvent être sanctionnées sur
ce fondement.
Désormais, l'article L.442-1 vise plus simplement toute personne qui exerce des activités de
production, de distribution ou de service. Le contrat doit donc être conclu par une personne qui
exerce l'une de ses activités visées.
En revanche, rien n'est exigé concernant le cocontractant, qui peut donc être toute partie.
À ce titre, la sanction était tout de même limitée jusqu'à présent au contrat conclu entre des
partenaires commerciaux. Par partenaires commerciaux, on entendait l'hypothèse dans laquelle une
relation présentant une certaine stabilité et destinée à développer l'activité des signataires existait
entre les parties. Le cocontractant devait donc être un partenaire commercial.
Cette exigence de partenariat ne figure plus au nouvel article l 442-1, ce qui a pour conséquence un
élargissement significatif du champ d'application du texte. Désormais, tous les contrats commerciaux
s’inscrivant dans le cadre, soit de la négociation commerciale, soit de la conclusion, soit de
l'exécution d'un contrat, peuvent être contrôlés.
Quant aux clauses concernées, l'article L.442-1 est très général, comme l'était d'ailleurs l'ancien
texte. Toute clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties est
concernée.
Alors on aura l'occasion de revenir sur cette exigence de déséquilibre significatif puisqu'elle se
retrouve en droit de la consommation et en droit commun. Mais pour l'heure, retenez qu'il s'agit du
critère principal permettant le contrôle et éventuellement la sanction des clauses litigieuses.
Toute clause destinée à soumettre ou tenter de soumettre l'autre partie à des obligations créant un
déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties pourra donc être contestée.
Précisons qu'en droit commercial, il n'y a pas de recours à des listes de clauses prohibées,
contrairement à ce qui se passe dans le droit de la consommation.
C'est donc en réalité uniquement au juge qu'il revient d'apprécier l'existence du déséquilibre
significatif éventuellement créé par la clause litigieuse.
Cette appréciation doit être faite in concreto en prenant en considération le contrat dans son
ensemble.
Une action en nullité des clauses litigieuses ou du contrat était possible, mais elle était en fait
ouverte comme ministère public.
Les législations relatives aux clauses abusives datent en la matière d'une loi du 10 janvier 1978. Elles
sont donc particulièrement anciennes.
Le système mis en place a naturellement été modifié à différentes reprises, notamment sous
l'influence d'une directive de l'Union européenne en 1993, puis par différentes lois intervenues en
2008, 2010 et 2014. Récemment, une ordonnance du 14 février 2016 est également intervenue.
Cette ordonnance a modifié la numérotation des textes et a redistribué l'ancien article en 3 articles à
savoir : les articles L.212-1, - 2 et - 3 du code de la consommation.
La protection est par ailleurs étendue aux contrats conclus entre professionnels et non
professionnels par l'article L.212-2 du même code.
À la lecture de cet article, on voit donc 2 conditions sont exigées pour qu'une clause soit dite abusive
sur le fondement de ce texte.
- La première condition est relative au champ d'application du texte. Son champ d'application est en
effet limité puisqu'il ne concerne que les contrats conclus entre un professionnel d'une part et un
consommateur d'autre part, ou un non-professionnel.
Le consommateur, tout d'abord, est défini à l'article liminaire du code de la consommation comme
toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité
commerciale, industrielle, artisanale où libérale. Une personne morale ne peut donc pas être
qualifiée de consommateur.
Le professionnel ensuite est lui, défini comme toute personne physique ou morale, publique ou
privée, qui agit à des fins entrant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale,
libérale où agricole.
Cela étant, en résumé, le consommateur sera une personne physique qui agit à des fins non-
professionnelles, le non-professionnel, lui, est toute personne morale qui agit aux mêmes fins.
- La 2e condition d'application du dispositif porte, elle, sur les clauses en elles-mêmes. Les articles
L.212-1 et L.212-2 du code de la consommation considère comme abusives les clauses ayant pour
objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
On retrouve donc le même critère qu’en droit commercial, ce qui est tout à fait logique puisque le
droit commercial a en réalité emprunté ce critère au droit de la consommation.
Comme pour le droit commercial, il faut donc une rupture dans l'équilibre contractuel, un
déséquilibre manifeste des droits et obligations des parties.
Néanmoins, ce contrôle du déséquilibre ne pourra pas porter ni sur la définition de l'objet principal
du contrat, ni sur l'adéquation du prix ou la rémunération au bien vendu. On retrouve ici en réalité le
refus de la sanction de la lésion.
Il faut préciser enfin, qu'en la matière, le juge est guidé dans son appréciation du caractère abusif de
la clause. 2 listes de clauses ont en effet été prises en 2009.
- Une première liste est dite noire et énumère 12 clauses qui sont irréfragablement présumées
abusives. En d'autres termes, pour ces clauses, la sanction est automatique.
- La 2nde liste est dite liste grise et énumère pour sa part 10 clauses présumées simplement abusives.
Ici la présomption est simple, ce qui laisse aux professionnels l'opportunité d'apporter la preuve du
caractère non abusif de la clause.
Il ne s'agit pas ici d'énumérer chacune de ces clauses, mais vous les retrouverez respectivement aux
articles R.212-1 et R.212-2 du code de la consommation.
- Le professionnel ayant recours à des clauses figurant sur la liste noire peut être condamné
premièrement au paiement d'une amende administrative. Et en outre, lesdites clauses seront
réputées non écrites par l'article L.241-1 du code de la consommation.
Cet article L.241-1 dispose par ailleurs que le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions,
autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans lesdites clauses. On comprend donc que, à
contrario, s'il ne peut pas subsister sans lesdites clauses, c'est le contrat dans son ensemble qui sera
anéanti.
Cette disposition déroge donc au droit commun des contrats puisque, on l'a dit, il semble, au regard
de l'article 1184, alinéa 2 du code civil qu'en cas de clause réputée non écrite, l'anéantissement du
contrat dans son ensemble soit impossible.
Pour des auteurs, il faudrait donc, pour les clauses abusives du code de la consommation, et pour
elles seules distinguer selon que la clause critiquée constitue la clause impulsive et déterminante du
contrat ou non, pour déterminer l'étendue de la sanction.
Ce dispositif du droit de la consommation a inspiré celui du droit commercial, même si le recours aux
listes est resté propre au premier.
Mais surtout, il a inspiré le droit commun et à l'occasion de la réforme du droit des obligations, des
dispositions similaires ont été introduites dans le code civil.
Au-delà de l'hypothèse d'une clause qui priverait de sa substance l'obligation essentielle, d'autres
types de clauses peuvent désormais être réputée non écrites en raison du déséquilibre qu'elles
engendrent dans la relation contractuelle.
L'ordonnance de réforme a en effet introduit dans le code civil un article 1171 qui dispose que « dans
un contrat d'adhésion, toute clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des parties, qui
crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat est réputée non
écrite. »
Pour que cet article 1171 trouve application, des conditions doivent donc être réunies et ces
conditions sont relatives au contrat en cause et au type de clause.
- S'agissant du contrat en cause d'abord. Contrairement à l'article 1170 qui s'applique à tous les
contrats, l'article 1171 a un champ d'application limité. Il ne peut s'appliquer qu'en présence d'un
contrat d'adhésion. Cette exigence restreint significativement le champ d'application du texte
puisqu'il ne pourra être invoqué dans un contrat de gré à gré.
L'idée en réalité et de cantonner le contrôle au contrat non négocié, dans lequel une des parties
impose ses conditions à l'autre.
La figure n'est pas nouvelle et la doctrine y fait d'ailleurs référence depuis très longtemps. Une
première définition en a été donnée par Raymond Saleilles en 1901. La pratique, comme la
jurisprudence, utilisait d'ailleurs également déjà l'expression.
Depuis la réforme, il y est entré, ce qui a des conséquences juridiques spécifiques, conséquences qui
sont attachées à sa qualification.
Désormais, le contrat d'adhésion est défini à l'article 1110 du code civil. Cette définition a toutefois
fait l'objet d'une modification à l'occasion de la loi de ratification. Dans la mesure où cette
modification n'a pas de valeur interprétative, la nouvelle définition, celle issue de la loi de ratification
n'a vocation à s'appliquer que pour les contrats postérieurs au 1 octobre 2018. Pour les contrats
antérieurs, c’est donc à l'ancienne définition, celle issue de l'ordonnance de 2016 qu'il faut se référer.
Dans sa version issue de la loi de ratification, cet article 1110 du code civil dispose que le contrat
d'adhésion est celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance
par l'une des parties.
La qualification du contrat d'adhésion suppose donc un ensemble de clauses. Cette expression est en
réalité difficile d'interprétation. Ce qui est certain, c'est que cette référence à un ensemble exclut la
qualification de contrat d'adhésion lorsque une clause isolée du contrat n'aurait pas été négociable.
Mais faut-il admettre pour autant que l'ensemble est caractérisé à partir de 2 clauses, ou faut-il
davantage de clauses ?
Pour la majorité des auteurs, il ne faudrait pas ici retenir une approche quantitative, mais privilégier
une approche davantage qualitative. Il faut, mais il suffit, nous dit Gaël Chantepie, que plusieurs
clauses du contrat forment un ensemble. La pluralité pourrait ici s'entendre de 2 mais à la condition
que ces 2 clauses apparaissent liées. Les clauses concernées devraient donc avoir un lien structurant.
Quoi qu'il en soit, ces clauses inclus dans l'ensemble de clauses, doivent avoir été non négociables.
En d'autres termes, et le texte le précise d'une manière qui peut être perçu comme redondante,
l'une des parties doit avoir déterminé ces clauses à l'avance et les avoirs soustraites à la négociation.
Ici, c'est bien le caractère négociable qui importe et non le fait que l'une des parties ait renoncé à
négocier.
Si elle avait la possibilité de négocier, la qualification de contrat d'adhésion est exclue, et ce, qu'elle
ait négocié ou non.
Attention toutefois, cette définition, comme je l'ai dit, ne vaut que pour les contrats conclus après le
premier octobre 2018. La loi de ratification a modifié la définition initiale qui était prévue par la
réforme du droit des obligations. Dans sa version initiale, l'article 1110 du code civil définissait le
contrat d'adhésion comme celui dont les conditions générales soustraites à la négociation sont
déterminées à l'avance par l'une des parties.
On ne faisait donc pas référence à l'ensemble de clauses, mais à des conditions générales soustraites
à la négociation.
Cette définition avait été vivement critiquée par la doctrine dans la mesure où la définition des
conditions générales n'est pas fixé. L'expression suscitait donc des interprétations contradictoires.
Surtout, les auteurs craignaient un cantonnement de l'article 1171 au seul contrat de masse, type de
fourniture d'eau d'électricité, téléphonie mobile ou internet.
En effet, l'expression de conditions générales renvoie davantage à des clauses abstraites dénommées
comme tel par les parties, et qui s'inscrivent en réalité dans un phénomène de standardisation des
contrats.
C'est donc pour cette raison que la définition a été modifiée à l'occasion de la loi de ratification. Elle
reste néanmoins applicable pour les contrats conclus entre le 1 octobre 2016 et le 1 octobre 2018.
C'est donc à elle qu'il faudra vous référer pour qualifier ces contrats sur cette période.
À nouveau, cette qualification est essentielle puisqu'elle est la première condition d'application de
l'article 1171.
Ne peut être réputée non écrite que la clause non négociable, déterminée à l'avance par l'une des
parties, et qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
- Premièrement, la clause en cause doit donc avoir été non négociable. Attention, la condition n'est
ici par redondante avec les exigences de l'article 1110 du code civil, bien au contraire. Ce qu’exige
l'article 1171, c'est que la clause litigieuse, celle dont on tente d'obtenir l'anéantissement, fasse
partie de l'ensemble de clauses non négociables du contrat d'adhésion. Il est donc essentiel de
vérifier que la clause était effectivement soustraite à la négociation. À défaut, il appartenait au
cocontractant de la négocier.
Dans sa première version, l'article visait toute clause qui crée un déséquilibre significatif entre les
droits et obligations des parties.
À nouveau la précision apportée en 2018 n'a pas de valeur interprétative, c'est une modification
substantielle qui ne s'applique donc qu’à partir du 1 octobre 2018.
- Deuxièmement, la clause litigieuse doit créer un déséquilibre significatif entre les droits et
obligations des parties. On retrouve ici le critère retenu en droit de la consommation.
Mais contrairement à la législation consumériste, l'ordonnance ne prévoit pas de liste de clauses qui
pourraient être considérées comme créant objectivement un déséquilibre. Pour autant, les solutions
dégagées en droit de la consommation inspireront sans doute le juge, lorsqu'il aura à statuer en droit
commun.
Ainsi, l'article 1171 devrait permettre de sanctionner notamment les clauses limitatives de
responsabilité, les clauses excessives portant sur la durée d'un contrat ou celle octroyant un pouvoir
discrétionnaire à un des contractants.
Cela étant, il faut tout de même préciser que l'alinéa 2 de l'article 1171 restreint le contrôle opéré
par le juge. Cet alinéa 2 exclut en effet que l'appréciation du déséquilibre significatif puisse porter sur
l'objet principal du contrat ou sur l'adéquation du prix à la prestation.
Comme l'ont souligné les des auteurs, le juge n'est pas là pour veiller à l'équilibre économique des
prestations. Son contrôle ne porte que sur les pouvoirs périphériques, clause de résiliation
unilatérale au profit d'une partie, clause limitative de responsabilité, clause compromissoire.
En d'autres termes, il s'agit seulement de protéger l'adhérent contre des stipulations accessoires.
En outre, cette disposition permet d'éviter qu'elles puissent être utilisées pour obtenir indirectement
une sanction de la lésion. La clause stipulant le prix ne pourra donc pas faire l'objet d'un contrôle sur
le fondement de l'article 1171, quand bien même l'adéquation du prix à la prestation serait
discutable.
- existence d'un contrat d'adhésion, donc, ce qui suppose la vérification des conditions de l'article
1110.
si ces 3 conditions sont réunies, donc cette clause pourra être réputée non-écrite.
Je vous renvoie sur ce point à tout ce qui a pu être déjà dit sur cette sanction.
La question ici est de savoir quel droit appliquer, entre les droits spéciaux, droit de la consommation
et droit commercial, et le droit commun.
Pour savoir quel droit spécial appliquer, les choses sont en réalité relativement simples ; il suffit ici de
contrôler la qualité des parties et le cadre dans lequel intervient le droit commun.
Plus délicate en revanche est la question de l'articulation entre le droit commun et les lois spéciales.
Un cocontractant qui s’estime victime d'une clause abusive peut-il choisir le fondement qui lui paraît
le plus adéquat ?
La question est en réalité essentielle. Il est vrai qu'un consommateur n'a pas forcément d'intérêt à se
fonder sur le droit commun plutôt que sur le droit de la consommation. Mais pour les contrats régis
par le droit commercial, les sanctions ne sont pas tout à fait les mêmes.
Sur cette question de l'articulation des règles générales et spéciales, il existe un adage, en droit, qui
permet de résoudre en partie la question. Cet adage est specialia generalibus derogant. Il s'agit ici
tout simplement de la règle selon laquelle le spécial déroge au général. Et cette règle a été consacrée
à l'article 1105 du code civil qui dispose que les règles générales s'appliquent sous réserve de
l'existence de règles particulières.
On devrait donc en conclure que si un droit spécial est applicable, seul lui peut être invoqué, à
l'exclusion du droit commun. Il reste que le principe n'est pas si absolu.
Plus exactement, il ne signifie pas qu'en présence d'un texte spécial, le droit général ne soit plus
applicable. Finalement pour beaucoup d'auteurs, il faut en réalité se demander si la règles spéciales
dérogent réellement à la règle générale.
D'ailleurs, et à bien y regarder, on peut estimer que l'article 1105 du code civil n'exclut le droit
commun qu'en cas d'incompatibilité avec le droit spécial. Au contraire, si le droit commun et le droit
spécial ne sont pas en contradiction et sont complémentaires, la réserve n'aurait pas lieu d'être, et
les 2 pourraient s'appliquer cumulativement.
Sur ce point, il faut souligner qu'il ressort assez nettement des débats parlementaires qui ont
accompagné le vote de la loi de ratification, que le législateur a entendu réserver l'application de
l'article 1171 aux hypothèses non régies par les droits spéciaux.
On peut lire en effet dans un rapport fait par la commission des lois du Sénat que l'article 1171 du
code civil ne peut s'appliquer dans les champs déjà couverts par l'article L.442-6 du code de
commerce et par l'article L.212-1 du code de la consommation.
Il reste que la doctrine est assez réservée et divisée sur ce point. Pour une partie des auteurs, il n'est
pas certain que les juges devraient toujours refuser de statuer sur le terrain de l'article 1171,
lorsqu'un texte spécial traite de la question du déséquilibre significatif, notamment parce que le droit
spécial ne contredit pas ici le droit commun.
La réponse reste donc incertaine, car les débats parlementaires qui ont été évoqués n'ont pas de
force obligatoire. Par ailleurs, la jurisprudence accepte parfois un cumul des sanctions et une
possibilité pour le demandeur de choisir le fondement qui lui semble le plus approprié.
Si l'option entre les régimes étaient écartée, il faut tout de même souligner que le champ
d'application de l'article 1171 serait de facto relativement réduit.
Pour la garde des Sceaux de l'époque, ce texte avait vocation à s'appliquer notamment dans les
contrats entre professionnels qui ne sont pas des partenaires commerciaux au sens du code de
commerce, ainsi que dans les contrats qui passés entre particuliers peuvent être qualifiés de contrats
d'adhésion.
Cela étant, depuis 2019, le code de commerce n'exige plus que les professionnels, soient des
partenaires commerciaux pour que l'article L.442-1soit applicable.
Seuls resteraient donc les contrats entre particuliers, ce qui limite finalement beaucoup l'intérêt de
l'introduction de la sanction des clauses abusives en droit commun.
L'article 1171 serait d'application très résiduelle, si les parties ne pouvaient opter entre le droit
commun et le droit spécial.
Nous en avons fini avec les clauses abusives et plus largement avec la première partie consacrée à la
conclusion du contrat. Voyons désormais les effets du contrat à l'occasion d'une 2nde partie.
En d'autres termes, il est obligatoire et doit être exécuté correctement par les parties. À défaut des
sanctions, peuvent être prononcées.
Afin d'envisager les effets du contrat, il faut donc envisager d'abord les règles entourant cette
exécution, puis celles relatives, au contraire, à son inexécution.
Le contrat est la loi des parties. Entre elles, il a donc force obligatoire.
Ce principe de la force obligatoire du contrat est le principe cardinal qui gouverne son exécution.
Cela étant, cette force obligatoire ne concerne que les parties. S’agissant des tiers, s'ils doivent
respecter la situation créée par le contrat, ils ne sont eux, pas tenus par ces termes.
Au principe de la force obligatoire du contrat entre les parties, que nous étudierons en section 1,
s'ajoute ainsi le principe de l'effet relatif des contrats à l'égard des tiers, effet relatif qui fera l'objet
d'une section 2.
Le principe de force obligatoire du contrat signifie que les parties sont tenues d'en respecter les
termes. Plus exactement, le contrat s'impose aux parties comme au juge.
Voyons tout d'abord le respect du contrat par les parties, avant de nous pencher sur la question du
respect du contrat par le juge.
I/ Le respect du contrat par les parties
Dans la mesure où les parties ont accepté les termes du contrat dans lequel elles se sont engagées,
elles doivent le respecter scrupuleusement.
Antérieurement affirmé à l'article 1134 du code civil, le principe figure depuis la réforme du droit des
obligations au nouvel article 1103, article 1103 qui dispose que « les contrats légalement formées
tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites »
Le contrat contraint donc les parties qui doivent l'exécuter de bonne foi.
L'obligation d'exécuter le contrat de bonne foi est prévue à l'article 1104 du code civil qui reprend les
dispositions de l'ancien article 1134, alinéa 3, tout en étendant l'exigence de bonne foi à la phase de
négociation et à la phase de formation du contrat.
Dans un premier temps et au stade de l'exécution, la bonne foi a essentiellement été entendue de
manière négative. Autrement dit, la bonne foi s'entendait tout d'abord comme un devoir de loyauté,
devoir qui impose au contractant de ne pas avoir un comportement de mauvaise foi.
- S'agissant du créancier, elle lui impose donc d'éviter d'avoir recours à des manœuvres qui
tendraient à rendre l'exécution du contrat impossible, ou plus difficile.
- S'agissant du débiteur, l'obligation de bonne foi lui impose une exécution fidèle de son
engagement.
Ce dernier ne doit donc pas se mettre volontairement dans une situation rendant impossible
l'exécution de sa prestation.
Il reste que de plus en plus, la jurisprudence donne un contenu plus positif à la bonne foi et elle
admet que ce devoir de bonne foi puisse conduire en certaines occasions, à un devoir de
coopération. Ce devoir se traduit concrètement par l'obligation pour chaque partie de faciliter
l'exécution du contrat.
Quoi qu'il en soit, le manquement à l'obligation de bonne foi se traduira par l'allocation de
dommages et intérêts. Il reste qu'une exécution de mauvaise foi par le créancier ne saurait dispenser
l'autre partie d'exécuter sa propre prestation.
Outre qu'elle impose une exécution de bonne foi des obligations contractuelles, le principe de force
obligatoire du contrat a également pour conséquence l’IRRÉVOCABILITÉ et l'intangibilité du contrat.
B. L’irrévocabilité et l’intangibilité du contrat
L’irrévocabilité signifie tout simplement qu'une partie ne peut décider seul de mettre fin au contrat
ou de sortir du contrat pendant son exécution.
Le contrat créé par la volonté commune des parties ne peut en principe être détruit que par un
nouvel accord de volontés qui suivrait d'ailleurs le principe de parallélisme des formes = On parle
dans ce cas en cas de volonté commune de sortir du contrat d'une révocation, révocation qui ne doit
pas se confondre avec la résolution ou la résiliation, puisqu'il s'agit ici pour les parties de mettre fin
au contrat d'un commun accord, peu important d'ailleurs, l'état d'exécution du contrat.
Cette révocation ne peut donc intervenir que par l'assentiment, exprès ou tacite, de toutes les
personnes parties au contrat.
Il appartient également aux parties de s'entendre et de régler l'étendue de la révocation qui pourra
jouer de manière rétroactive ou pour l'avenir seulement.
À défaut d'accord en ce sens, les contrats doivent être exécutés jusqu'à leur terme.
Il reste que, par exception, une partie peut sortir seule du contrat sans avoir besoin de recueillir le
consentement de l'autre.
- La première tient à l'hypothèse du contrat à durée indéterminée. Dans ce cas, l'article 1211 du code
civil prévoit que lorsqu'un contrat est conclu pour une durée indéterminée, l'une ou l'autre partie
peut y mettre fin à tout moment. Cette règle est la conséquence logique de la prohibition des
engagements perpétuels.
- 2e exception, elle concerne certains contrats spéciaux, comme le mandat. Pour certains contrats
spéciaux, la loi prévoit en effet expressément une faculté de révocation unilatérale.
- 3e et dernière exception : les parties peuvent se réserver à l'avance, le droit de mettre fin
unilatéralement au contrat. 2 types de clauses sont d'ailleurs très généralement utilisés en pratique
pour ménager cette faculté conventionnelle de révocation.
- La première et la clause de dédit, clause de dédit qui permet à l'une des parties avant l'exécution du
contrat de se délier de son engagement contre le paiement d'une indemnité.
- La 2nde clause, que l'on retrouve très fréquemment en pratique, est la clause dite de résiliation.
Cette clause de résiliation va opérer dans les contrats successifs et va permettre à l'une ou l'autre des
parties en cours d'exécution du contrat de mettre fin à ce dernier de manière unilatérale et
discrétionnaire.
2/ Les mêmes principes et les mêmes règles s'appliquent de la même manière pour la modification
du contrat. C'est ici le principe d'intangibilité.
De même qu'une partie ne peut sortir seule du contrat pendant son exécution, une partie ne peut
modifier seul le contrat. Le contrat est dit intangible.
À nouveau les parties sont tenues par leurs engagements et doivent donc les exécuter dans les
termes qui ont été prévus.
Toute modification du contrat suppose donc un nouvel accord de volonté entre les parties, ce qu'on
appelle un mutuus consensus. Ce principe de mutuus consensus est rappelé à l'article 1193 du code
civil.
Selon l'importance de la modification sur laquelle se seront étendues les parties, on sera alors en
présence soit d'un nouveau contrat qui se substituera au premier, Soit du même contrat mais
modifié par avenant.
Quoi qu'il en soit, dès lors que les parties se sont entendues sur une modification, le nouveau contrat
ou le contrat modifié s'imposent à elles et a force obligatoire, elles ne peuvent donc plus le remettre
en question.
Cette rigueur de la loi contractuelle peut toutefois soulever des difficultés, notamment pour les
contrats qui sont conclus pour une certaine durée et soumis de ce fait aux variations du contexte
économique. Pour cette raison, des exceptions ou aménagements au principe de mutuus consensus
existe.
- La première exception est d'origine conventionnelle. Les parties peuvent en effet insérer une clause
prévoyant la possibilité de modifier le contrat. Ces clauses se sont d'ailleurs beaucoup développées
en matière commerciale et notamment sur le plan international.
Elles sont en réalité relativement nombreuses, mais pour citer les 2 principales, il peut s'agir de
clause dite d'adaptation automatique ou de clause dite de hardship.
Les premières, les clauses d'adaptation automatique permettent une modification automatique du
contrat dès lors que le critère prévu dans l'accord s'est réalisé. Le meilleur exemple ici est très
certainement la clause d'indexation qui fait varier le prix en fonction d'un indice de référence.
Les deuxièmes, clause de hardship est une clause de renégociation qui contraint les parties à
renégocier le contrat en cas de modification substantielle de ses conditions d'exécution.
Cette clause, contrairement à la précédente, n'emporte pas adaptation automatique du contrat, mais
contraint seulement les parties à la renégociation. En cas d'échec, le contrat est maintenu en l'état,
aufs résiliation prévue dans la clause.
- Outre cette première exception d'origine conventionnelle, une 2e exception existe est cette fois
d'origine légale.
Depuis la réforme du droit des obligations, le juge saisi d'une demande en ce sens à en effet la
possibilité de modifier judiciairement le contrat. C'est le mécanisme dit de révision pour imprévision,
mécanisme que nous étudierons de manière détaillée à l'occasion de l'étude du respect du contrat
par le juge.
On l'a dit, la force obligatoire du contrat impose aux parties d'en respecter les termes.
Mais cette force obligatoire interdit aussi au juge de s'immiscer de façon trop importante dans la
relation contractuelle.
Il reste que pour préserver la bonne foi contractuelle et l'équité, une intervention de ce dernier et
parfois nécessaire. Cette intervention doit toutefois demeurer limitée et encadrée afin de préserver
la sécurité des conventions. En la matière, tout est donc question d'équilibre.
Il s'ensuit que si en principe, une modification judiciaire du contrat est exclue, elle peut, nous le
verrons, dans certaines circonstances et à titre exceptionnel intervenir.
On l'a dit, la force obligatoire s'oppose à une immixtion trop importante du juge dans la relation
contractuelle.
Plus largement, le principe de sécurité juridique impose de maintenir l'acte tel qu'il a été voulu par
les parties et au besoin de le leur faire exécuter de force comme tel.
Le juge ne peut donc pas faire produire au contrat des effets que les parties n'auraient pas prévus, ni
faire peser sur ces dernières des obligations qui ne résulteraient pas des stipulations contractuelles.
Ainsi, en cas de litige sur le sens à donner aux stipulations contractuelles, le juge voit son pouvoir
d'interprétation encadré.
Par principe, les clauses claires et précises ne peuvent faire l'objet d'interprétations à peine de
dénaturation. Ce principe est posé par l'article 1192 du code civil. En d'autres termes, et en
application de cet article 1192, les clauses claires doivent être appliquées littéralement par le juge.
La Cour de cassation opère sur ce point, ce qu'on appelle un contrôle de dénaturation du contrat.
Les juges du fond ne peuvent pas altérer le sens des dispositions contractuelles pour des
considérations d'équité, à partir du moment où ces clauses sont suffisamment claires et précises.
En revanche, si une clause se révèle obscure, le juge doit alors faire œuvre d'interprétation.
Dans cette hypothèse, l'article 1188 du code civil dispose que le contrat doit être interprété d'après
la commune intention des parties, et au regard de l'acte pris dans son ensemble.
L'intention des parties prévaut alors sur le sens littéral des du texte.
Sur ce point, l'article 1188 précise que lorsque cette intention ne peut être décelée, le contrat
s’interprète alors, selon le sens, que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même
situation.
Par ailleurs, en cas de doute sur l'intention des parties, le code civil donne des indications afin de
guider le travail d'interprétation des juges.
Sur ce point, l'article 1190 du Code civil précise que dans le doute,
- ≠ Et que le contrat d'adhésion, à l'inverse, s’interprète contre celui qui l'a proposé.
De même, l'article 1191 du code civil prévoit que lorsqu'une clause est susceptible de 2 sens, celui
qui lui confère un effet l'emporte sur celui qui ne lui en fait produire aucun.
Ces différentes règles érigées aux articles 1190 et 1191 du code civil ont pour objet de guider
l'interprétation du contrat par le juge.
Mais une question se pose ici, car le texte ne précise pas la force normative de ces directives
d'interprétation. En d'autres termes, ces règles s'imposent-elles obligatoirement au juge ou sont-
elles simplement destinées à le guider ?
Les anciens articles 1156 et suivants du code civil, qui portait également sur l'interprétation du
contrat, était purement indicatifs pour les juges du fond. Ceci pouvait donc choisir de les utiliser et de
les appliquer ou ils pouvaient au contraire s'en écarter.
Pour ce qui est des nouvelles dispositions, le code civil est silencieux. À ce jour, la question reste donc
ouverte.
Le principe de refus d'une modification judiciaire connaît toutefois, je l'ai dit, des tempéraments.
Deux tempéraments doivent ici être mentionnés. L'un porte sur une interprétation forcée des
dispositions contractuelles, l'autre sur la révision du contrat.
1/Commençons par dire quelques mots, donc de ce qu'on appelle traditionnellement le forçage du
contrat.
Comme on l'a vu, le contrat doit être interprété en principe, selon la commune intention des parties.
L'interprétation ne peut donc pas être créatrice d'obligation.
Il reste que dans le cas où la convention serait silencieuse sur certains points, une méthode objective
d'interprétation peut être mise en œuvre.
Dans ce cas, en cas de silence, il est en effet illusoire de rechercher une volonté des parties qui
n'existe probablement pas.
=> L'interprétation du contrat doit alors se faire en recourant à des valeurs extérieures telles que la
bonne foi, l’équité ou encore les usages.
À vrai dire, l'article 1194 du Code civil invite à une telle interprétation dans la mesure où il vise les
suites qu’attachent au contrat l’équité, l'usage et la loi.
Ce faisant, le juge peut donc être amené à opérer ce qu'on appelle un forçage du contrat, c'est à dire
à découvrir des obligations qui n'étaient pas réellement envisagée par les parties au contrat, mais qui
découlent des usages, de l'équité ou de dispositions légales.
La jurisprudence a en effet pu considérer que dans les contrats relatifs au transport de personnes,
une obligation de sécurité était implicitement et nécessairement incluse au contrat. En d'autres
termes, le transporteur doit veiller à la sécurité des à la sécurité des personnes qu'il transporte, et ce,
pendant toute la durée du voyage.
Cette obligation de sécurité, qui a donc été découverte dans les contrats de transport, a pu être
qualifiée, on en rediscutera d'obligation de résultat ou d'obligation de moyens. Si elle tente à
s'alléger pour devenir de plus en plus une obligation de moyens, cette obligation de sécurité s'est par
ailleurs généralisée et se retrouve aujourd'hui dans des contrats variés.
2/ Voyons par ailleurs la 2e hypothèse de modification judiciaire du contrat. Cette 2e hypothèse tient
à la possibilité pour le juge de réviser le contrat.
Dans la mesure où le juge ne doit pas s'immiscer dans la relation contractuelle, il ne peut en principe
pas modifier le contrat à la demande d'une des parties. En d'autres termes, une partie ne peut jamais
être contrainte judiciairement à renégocier les termes de son contrat, et ce, même si les
circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat ont évolué depuis cette conclusion.
Antérieurement à la réforme, le principe était absolu. Il tenait au rejet de ce que l'on appelle la
théorie de la révision pour imprévision. Cette théorie de la révision pour imprévision était exclue en
droit français au nom de la force obligatoire du contrat, et ce, même si certains tempéraments
avaient pu être apportées par la jurisprudence.
Alors, avant de voir les solutions antérieures à la réforme et l'état actuel du droit, une petite
précision : la question de la révision pour imprévision ne doit pas être confondue avec celle de la
rescision du contrat pour lésion, pour laquelle le déséquilibre existe en réalité dès l'origine, c'est à
dire dès la formation du contrat.
Avant la réforme de 2016, comme je le disais, la révision du contrat pour imprévision était exclue. La
solution avait été posée dans un célèbre arrêt canal de Craponne en date du 6 mars 1876.
En l'espèce, des conventions ayant pour objet la fourniture d'eau contre une redevance fixée avaient
été conclus au 16e siècle. Au cours du 19e siècle, le fournisseur d'eau, avait invoqué la baisse de la
valeur de la monnaie et une hausse du coût de la main d'œuvre pour demander tout simplement un
relèvement de la redevance initialement fixée. Or, dans cet arrêt, la Cour de cassation a censuré la
Cour d'appel qui avait accepté de réévaluer la redevance. Pour la Cour de cassation, aucune
considération de temps ou d'équité ne peut permettre au juge de modifier la convention des parties.
Cette solution, issue donc de l'arrêt canal de Craponne, de 1876 été réaffirmée depuis dans maintes
hypothèses. Elle tranche nettement avec la solution applicable en droit administratif puisque en droit
administratif, depuis l'arrêt gaz de Bordeaux du Conseil d'État du 30 mars 1916, la théorie de la
révision pour imprévision a été admise au nom de la continuité du service public.
- D'une part, elle s'expliquerait parce que l'on craignait que les cocontractants de mauvaise foi ne
cherchent à se dérober à leur engagement.
- D'autre part, on a pu redouter que l'arbitraire des juges favorise une instabilité du contrat et par là
même, se retourne contre la sécurité juridique.
Mais au-delà de ces 2 premières explications, il faut surtout souligner qu’admettre la révision, c'est
risquer de mettre le créancier dans l'impossibilité d'exécuter les obligations qui sont assumées par lui
dans d'autres contrats et par conséquent, c'est prendre le risque de provoquer un déséquilibre
généralisée par un jeu de réaction en chaîne.
C'est ce qui explique que la révision pour imprévision était exclue et que même aujourd'hui, elle
reste strictement encadrée.
Il reste que la solution issue de l'arrêt canal de Craponne pouvait paraître à certains égards,
excessive. Des tempéraments lui ont donc été apportés. Mais attention, ces tempéraments n'ont
jamais remis en cause fondamentalement l'interdiction de principe de la révision judiciaire du contrat
pour imprévision. Il s'agit en la matière plutôt de contournement à ce principe.
La Cour de cassation a ainsi eu l'occasion de juger que celui qui refuse de renégocier les clauses d'un
contrat qui ne permettent plus de pratiquer des prix concurrentiels suite à un changement de
circonstances, manque à son obligation d'exécuter le contrat de bonne foi.
La bonne foi contractuelle devrait donc conduire cette partie à renégocier le contrat dès lors que les
circonstances sont devenues telles que l'autre partie ne peut plus s’exécuter.
Cette solution a été affirmé pour la première fois à l'occasion d'un arrêt dit Huard rendu le 3
novembre 1992. Cet arrêt Huard du 3 novembre 1992 a par la suite était suivi d'un arrêt Danone, en
date du 24 novembre 1998. Puis plus récemment d'un arrêt rendu par la première chambre civile, le
16 mars 2004.
Il faut toutefois bien comprendre que ces décisions ne remettent pas en cause le principe de
l'interdiction de la révision pour imprévision et ne consacrent donc pas la théorie de la révision pour
imprévision.
Dans toutes ces hypothèses, la sanction est en effet limitée à l'allocation de dommages-intérêts pour
la partie lésée. Mais il n'y a en aucun cas révision judiciaire du contrat.
Outre la bonne foi, la Cour de cassation a également semblé réserver la possibilité de prononcer une
caducité du contrat en invoquant la disparition de la cause d'exécution du contrat en cas de
changement de circonstances.
Cette hypothèse résulte d'un arrêt rendu par la chambre commerciale le 29 juin 2010. Cet arrêt du 29
juin 2010 et toutefois demeuré assez isolé.
En l'espèce, la Cour de cassation a tout de même reproché à une cour d'appel de ne pas avoir
recherché si la survenance de circonstances imprévisibles en cours d'exécution du contrat n'avait pas
eu pour effet de déséquilibrer l'économie générale du contrat tel que voulu par les parties lors de sa
signature, et de priver donc de toute contrepartie réelle, l'engagement souscrit par la société
demanderesse.
En d'autres termes, ici, la Cour de cassation suggère que l'évolution des circonstances économiques
avait pu conduire à priver l'une des parties de toute contrepartie réelle à son engagement.
Dépourvue de contrepartie, son engagement devenait donc en cours d'exécution du contrat
dépourvu de cause, et de ce fait, aurait pu être frappé de caducité.
La réforme du droit des obligations était donc particulièrement attendue sur ce point, parce que le
maintien de l'interdiction de principe au prix de contorsions juridiques parvenir à un contournement
de cette interdiction pouvait paraître relativement discutable.
Surtout, la multiplication des contrats à exécution successive de longue durée, plaidait pour un
assouplissement de la règle.
Cette possibilité est désormais ouverte et encadrée à l'article 1115 du code civil. Cet article 1115, qui
consacre donc la révision du contrat pour imprévision, ne trouve toutefois à s'appliquer que lorsque
4 conditions sont réunies.
- 2e condition, ce changement doit avoir été imprévisible au jour de la formation du contrat. À défaut
s'il avait été prévisible, il appartenait en effet au parti d'en anticiper les conséquences. À nouveau le
texte ne précise pas comment on doit interpréter et s'apprécier cette imprévisibilité, mais on peut
aussi penser que par analogie avec la jurisprudence relative à la force majeure, cette imprévisibilité
devrait être entendue de manière raisonnable.
On comprend ici que l'exécution du contrat doit être telle que le contrat devient en réalité ruineux
pour la partie touchée par le changement de circonstances.
- 4e condition, il faut enfin que la partie touchée par le changement de circonstances n'ait pas
accepté d'en accepter d'en assumer le risque. En d'autres termes, si l'une des parties à, lors de la
conclusion du contrat accepté d'assumer le risque économique lié à un éventuel changement
ultérieur de circonstances, elle ne pourra pas à se plaindre de sa réalisation effective et demander la
renégociation ou la révision du contrat.
L'ordonnance a en effet encadré strictement la révision judiciaire du contrat par une procédure qui
intervient par paliers.
- La réunion des conditions de l'article 1195 ouvre en réalité la possibilité de solliciter une
renégociation conventionnelle du prix, ce qui n'est d'ailleurs pas du tout une nouveauté.
On précisera que le contrat doit cependant continuer à être exécuté pendant toute la phase de
renégociation. Cette renégociation est donc une renégociation entre les parties, renégociation
conventionnelle du prix.
- En cas d'échec ou de refus de la renégociation, les parties peuvent alors convenir, dans un 2nd
temps de la résolution du contrat ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son
adaptation. Dans ce cas, en réalité, les parties s'entendent sur le principe de la révision, mais non sur
son contenu.
- 3e palier, ce n'est qu’à défaut d'accord, et dans un délai raisonnable que le juge va pouvoir, à la
demande d'une des parties réviser le contrat où y mettre fin à la date et aux conditions qu'il fixe.
C'est ici en réalité, que se situe la plus grande innovation apportée par l'article 1195.
En effet, si les parties ne parviennent pas à s'accorder sur la résolution du contrat ni sur la saisine du
juge aux fins de son adaptation, le juge peut être saisi unilatéralement par une seule des parties.
Cette partie peut solliciter du juge, soit une révision du contrat, soit la fin du contrat.
On ignore en revanche si le juge sera tenu par la demande qui lui est faite. Autrement dit, si on a un
cocontractant, lui demande d'adapter le contrat, il n'est pas certain que le juge ne puisse pas
préférer son anéantissement. De même, on ignore encore l'étendue des pouvoirs du juge en matière
de révision.
Faut-il considérer que le juge pourra adapter le contrat dans les termes qu'il estimera nécessaires ou
au contraire qu'il sera limité par les prétentions des parties ?
Sur ce nous en avons terminé avec le premier principe gouvernant l'exécution du contrat. Voyons
désormais le 2nd principe, celui de l'effet relatif.
Si entre les parties, le principe est celui de la force obligatoire, à l'égard des tiers, le contrat présente
ce que l'on appelle un effet relatif. Voyons tout d'abord ce que recouvre ce principe avant d'en
étudier les tempéraments.
L'article 1199 du code civil dispose que le contrat ne créée d'obligation qu'entre les parties.
Il reprend ainsi le principe déjà posé à l'article 1165 ancien du code civil.
A. La signification du principe
Le principe de l'effet relatif doit être bien compris. Il signifie seulement que le tiers qui n'a pas
consenti à la convention ne peut se voir imposer des obligations ou se voir reconnaître des droits.
En d'autres termes, les contrats ne sont pas créateurs d'obligation pour les tiers, ils ne sont créateurs
d'obligations qu'entre les parties elles-mêmes, la force obligatoire des contrats n'est donc pas
absolue, elle est relative.
Par conséquent, les tiers ne peuvent ni demander l'exécution du contrat, ni se voir contraints de
l'exécuter. La solution s'explique par la combinaison des principes d'autonomie de la volonté et de
liberté contractuelle.
En effet, les parties peuvent s'engager par leur propre volonté, volonté qui est suffisante à créer des
obligations, mais ils ne peuvent pas être tenus en dehors de cette volonté.
Cela étant, ce principe, en dépit de son évidence, ne signifie pas que le contrat n'a aucun effet vis-à-
vis des tiers, bien au contraire.
Pour produire normalement ses effets, le contrat doit en effet pouvoir s'imposer aux tiers. Même si
ces derniers ne sont pas directement concernés par le contrat, ils ne peuvent pour autant pas
l'ignorer. Le contrat leur est en effet opposable.
B. L’opposabilité du contrat
Pour le tiers, le contrat et son exécution ou son inexécution est un fait pur et simple qui, le cas
échéant, s'impose à eux bien qu'il n'y soit ni créancier ni débiteur.
En ce sens, L'article 1200, alinéa un du code civil précise que les tiers doivent respecter la situation
juridique créée par le contrat. Autrement dit, le contrat est un fait qui doit être respecté par les tiers,
et les cocontractants peuvent opposer à ces tiers les droits et obligations qu'ils tiennent du contrat.
Un exemple : le tiers locataire d'un bien pourra se voir opposer le transfert de propriété de ce bien à
un nouveau propriétaire en cas de vente. Dans ce cas, le locataire qui est tiers au contrat de vente
ne devra plus payer ses loyers à l'ancien propriétaire, mais bien au nouveau. Le contrat, lui, en lui est
en effet opposable.
Des tempéraments existent toutefois au principe d’opposabilité du contrat aux tiers par les parties.
Par exception notamment les créanciers dits chirographaires, c'est-à-dire ceux qui ne bénéficient
d'aucune sûreté, peuvent exercer une action qui est dite paulienne. Cette action leur permet de se
voir déclarer inopposables certains actes et donc certains contrats, qui ont pu être accomplis par leur
débiteur. L'action paulienne est régie par l'article 1341-2 du code civil.
Cette action permet en réalité au créancier dont le débiteur a agi en fraude de ses droits, d'écarter
les conséquences de l'acte litigieux en faisant déclarer celui-ci inopposable.
En dehors de ces exceptions, le contrat s'impose aux tiers et ils doivent le respecter, même si le
contrat ne fait pas naître d'obligations à leur égard.
Par ailleurs, dans certains cas, les tiers vont également pouvoir se prévaloir d'un contrat auquel ils
sont pourtant extérieurs.
2/ C'est ici, la 2e question, celle de l'opposabilité du contrat par les tiers aux parties.
Sur cette question de l'opposabilité du contrat par les tiers, l'article 1200 alinéa 2 du code civil
prévoit que les tiers peuvent se prévaloir du contrat, ce que la Cour de cassation décidait d'ailleurs
déjà. Le fait que les tiers puissent se prévaloir du contrat, c'est à dire opposer le contrat, va avoir 3
conséquences.
- En premier lieu, le contrat peut être utilisé par 1/3 comme un élément de preuve.
- En 2e lieu, un 1/3 peut naturellement invoquer un contrat pour échapper à une obligation dont il
serait sinon tenu.
Par exemple, l'assureur de responsabilité peut se prévaloir d'une transaction par laquelle l'assuré et
sa victime sont convenus d'une limitation d'un montant du préjudice, faute de quoi l'assuré s'est
enrichi indûment.
- En 3e lieu, un 1/3 peut se prévaloir du non-respect par l'une des parties à un contrat de ses
obligations si ce non-respect, ce manquement donc lui a causé un dommage. En d'autres termes, le
tiers au contrat qui subit un dommage en raison de la non-exécution ou de la mauvaise exécution par
une partie de ses obligations contractuelles, va pouvoir invoquer cette inexécution. Et donc ce
faisant, se prévaloir des stipulations contractuelles afin d'obtenir réparation de son préjudice.
Dans ce cas, l'action du tiers sera nécessairement fondée sur l'article 1240 du code civil, en
application de la règle de l'absence de droit d'option et de son corollaire, qui est le non-cumul des
responsabilités.
Dans la mesure où il n'est pas lié par un contrat, il ne peut se fonder que sur la responsabilité extra
contractuelle.
Mais peut-il se contenter d'invoquer le manquement contractuel ou faut-il qu'il rapporte l'existence
d'une faute conformément à l'article 1240 du code civil ? La question revient en fait à se demander
plus précisément si un manquement au contrat par une des parties peut être lui seul constitutif
d'une faute délictuelle pour les tiers.
Cette question a donné lieu à une importante controverse jurisprudentielle. Pendant longtemps en
effet, la Cour de cassation a distingué les 2 fautes : contractuelle d'une part / et délictuelle de l'autre.
Par conséquent, le tiers qui subissait un dommage en raison de le inexécution par une partie de ses
obligations contractuelles, ce tiers victime donc, ne pouvait obtenir réparation que s'il démontrait
l'existence d'une faute délictuelle envisagée en elle-même et indépendamment de tout point de vue
contractuel.
La solution a notamment été affirmée par un arrêt de la 1ère chambre civile du 9 octobre 1962.
En d'autres termes, la responsabilité délictuelle n'était retenue que si le contractant défaillant avait
violé une règle de portée générale. Il fallait une faute détachable du contrat et non pas un simple
manquement contractuel. Ce manquement contractuel ne pouvait donc être en lui-même analysé
comme une faute au sens de l'article 1240 du code civil anciennement 1382.
Cela étant, progressivement une divergence entre chambres s'est installée sur cette question. La
première chambre civile en est en effet venue à considérer que l’inexécution contractuelle suffisait à
fonder l'existence d'une faute délictuelle. Elle l'a notamment considéré dans un premier arrêt du 24
novembre 1998, puis dans un autre arrêt du 18 juillet 2000.
C'était donc admettre une identité entre les fautes contractuelle et délictuelle, puisque la faute
contractuelle, le manquement au contrat pouvaient être invoquée directement sur le fondement de
l'article 1240.
Par cet arrêt du 6 octobre 2006, l'Assemblée plénière a jugé, je cite, « que le tiers à un contrat peut
invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que
ce manquement lui a causé un dommage ».
On déduit de cet arrêt que le tiers n'a donc pas à démontrer l'existence d'une faute autonome, d'une
faute extérieure au contrat, ce qui va incontestablement dans le sens de la théorie, de l'identité des
fautes délictuelles et contractuelles.
Il reste que malgré cette intervention de l'Assemblée plénière, la question a continué à diviser à la
fois la doctrine et la jurisprudence. La question a continué à diviser la doctrine et la jurisprudence,
pour 2 raisons.
- La première raison est que la 3e chambre civile a semblé limiter la solution rendue par l'Assemblée
plénière à l'hypothèse dans laquelle l'obligation violée était une obligation de moyens et à exclure
cette solution en présence d'une obligation de résultat.
Sur ce point, on consultera avec intérêt l'arrêt rendu par la 3e Chambre civile le 22 octobre 2008 ou
plus récemment l'arrêt de cette même chambre du 18 mai 2017.
Cette distinction opérée par la 3e chambre civile pouvait sembler relativement logique parce que
lorsque l'obligation violée est de résultat le contractant lésé bénéficie en quelque sorte d'une
présomption de faute. Plus exactement, la responsabilité contractuelle de l'auteur du manquement
est dans ce cas objective. Elle repose sur le simple constat de l'absence d'obtention du résultat
promis. Le créancier peut donc invoquer la responsabilité du débiteur simplement en se fondant sur
cette absence d'obtention du résultat, et le débiteur de l'obligation en question ne pourra alors pas
s'exonérer en rapportant la preuve qu'il n'a commis aucune faute.
À l'inverse, si l'obligation en cause est une obligation de moyens, le créancier de cette obligation, qui
entend engager la responsabilité de son cocontractant, doit rapporter la preuve d'une faute commise
par ce dernier dans l'exécution du contrat. En d'autres termes, il doit démontrer que son
cocontractant a manqué de diligence.
Il est donc possible de considérer qu’un manquement à une obligation de moyens et une faute, tant
sur le plan contractuel que sur le plan extra contractuelle puisque sa sanction repose toujours sur le
constat d'une défaillance. Si le tiers parvient à démontrer que l'une des parties a mal exécuté le
contrat, il démontre donc que ce dernier a commis une faute, et cette faute peut alors être invoquée
par lui sur le fondement extracontractuel.
Mais ce raisonnement ne peut être tenu à l'identique pour les obligations de résultat dont la sanction
va pouvoir intervenir d'un point de vue contractuel, même en l'absence de faute.
Il s'agissait donc de la première raison qui conduisait la jurisprudence et la doctrine à douter de la
pérennité de la solution rendu par l'Assemblée plénière.
- La 2e raison tient à la persistance d'une hésitation, puisque des arrêts dissidents ont pu être rendus
indistinctement par la chambre commerciale et par les 2 premières chambres civiles, et ce, même au-
delà de la question évoquée précédemment.
En réalité, si dans certains arrêts la solution retenue par l'Assemblée plénière en 2006 était appliquée
strictement, dans d'autres arrêts, les juges ont continué à exiger du tiers la démonstration d'une
faute extérieure à la violation du contrat et ce, y compris dans des cas dans lesquels l'obligation
violée était une obligation de moyens.
On peut ici citer par exemple un arrêt rendu par la première chambre civile le 15 décembre 2011 ou
par la chambre commerciale, le 18 janvier 2017.
Ces 2 arrêts qui ont été suivis d'autres sont donc en contradiction totale avec la solution rendue par
l'Assemblée plénière à l'occasion de l'arrêt Boot Shop Myr’ho. Cette hésitation jurisprudentielle a
donc conduit à ce que l'Assemblée plénière se saisisse à nouveau de la question à l'occasion d'une
affaire qui a donné lieu à un arrêt en date du 13 janvier 2020. Dans cet arrêt du 13 janvier 2020 et au
terme d'une motivation très développée, l'Assemblée plénière a réitéré sa jurisprudence Boot Shop
Myr’ho dans le cas particulier d'un manquement à une obligation de résultat.
En principe, désormais, le tiers pourra donc se prévaloir sur le fondement délictuel de n'importe quel
manquement au contrat, qu'il s'agisse d'un manquement à une obligation de moyens, ou qu'il
s'agisse d'un manquement à une obligation de résultat, dès lors qu'il existe un lien de causalité entre
le dommage qu'il a subi et le manquement contractuel dont il se prévaut.
Cet arrêt du 13 janvier 2020 devrait en principe mettre donc un terme aux anciennes divergences
jurisprudentielles.
Il reste toutefois que la réforme en cours de la responsabilité civile pourrait remettre en partie en
cause cette solution. Pour rappeler le contexte, cette réforme du droit de la responsabilité civile
devait suivre en réalité celle qui a déjà été opérée du droit des contrats. Elle a fait l'objet de
différents projets et notamment d'un projet présenté par la Chancellerie le 13 mars 2017.
Ce projet de la chancellerie a finalement débouché sur une proposition de loi en date du 29 juillet
2020, proposition de loi à l'initiative du Sénat.
Or, dans cette proposition de loi l'article 1234 reprend en son premier alinéa la jurisprudence de
l'Assemblée. Mais il prévoit par exception dans son 2nd alinéa que le tiers qui a un intérêt légitime à
la bonne exécution du contrat et qui ne dispose d'aucune autre action en réparation pour le
préjudice subi du fait de la mauvaise exécution, peut également invoquer, sur le fondement de la
responsabilité contractuelle, un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui a causé un
dommage. En d'autres termes, l'article 1234 consacre dans son premier alinéa, la solution rendue par
l'Assemblée plénière dans l'arrêt de 2020, mais permet également dans son alinéa 2 que le tiers se
fonde directement sur la responsabilité contractuelle.
Cette possibilité est une nouveauté qui viendrait mettre un terme ou en tous cas affaiblir fortement
le principe de non-cumul, et l'absence de droit d'option pour les parties.
Ici, il faut souligner d'ailleurs que par rapport au premier projet de la chancellerie, projet donc de
2017, la possibilité pour le tiers de se fonder sur la responsabilité contractuelle a été limitée puisque
le projet de 2017 ne limitait pas cette possibilité au cas dans lequel le tiers ne disposerait d'aucune
autre action.
Il reste que dans un cas comme dans l'autre, la possibilité est offerte. Si l'article 1234 venait à être
adopté, la solution issue de l'arrêt de l'Assemblée plénière précité serait donc à nuancer dans la
mesure où le tiers aurait également, et contrairement à aujourd'hui, la possibilité d'agir, sous
condition bien sûr, sur le fondement contractuel.
La stipulation pour autrui est une figure contractuelle qui est régie par les articles 1205 à 1209 du
code civil.
Il s'agit d'une opération par laquelle l'un des contractants, appelé le stipulant, peut faire promettre à
l'autre, appelé le promettant, d'accomplir une prestation au profit d'un tiers, le bénéficiaire,
bénéficiaire qui devient ainsi créancier sans avoir été partie au contrat.
C'est à ce titre que la stipulation pour autrui se révèle être une dérogation à l'effet relatif.
Pour illustrer le propos, l'assurance-vie par exemple repose sur un tel mécanisme. Un individu
obtient en effet dans cette hypothèse d'une compagnie d'assurance, et ce, moyennant le paiement
d'une prime annuelle, que cette compagnie remettra à son décès un capital à sa veuve.
Il y a ici ce qu'on appelle une stipulation pour autrui, l'assuré stipule en son nom personnel pour
autrui, c'est à dire pour sa veuve, qui est le bénéficiaire du contrat d'assurance conclu entre l'assuré
et la compagnie.
Antérieurement à la réforme, la stipulation pour autrui était par principe interdite sur le fondement
de l'article 1119 ancien du code civil. Certaines exceptions étaient toutefois prévues et la
jurisprudence avait faites en réalité une interprétation très compréhensive de ces exceptions.
Ce faisant, elle avait permis l'essor de cette figure juridique qui est donc aujourd'hui parfaitement
valable et qui a vu son régime encadré par les articles 1206 et suivants du code civil.
L'article 1206 alinéa 1 prévoit notamment que le bénéficiaire est investi d'un droit direct à la
prestation contre le promettant dès la stipulation. En d'autres termes, bien qu'il soit extérieur et
donc tiers au contrat, le bénéficiaire bénéficie d'une action de nature contractuelle contre le
promettant.
Autre hypothèse dérogeant à l’effet relatif des conventions : l'hypothèse de l'action oblique. disons
en quelques mots.
B. L’action oblique
Nous serons très brefs sur cette question, mais concrètement, il faut avoir en tête que le créancier
chirographaire est un créancier qui va pâtir ou au contraire, bénéficier des contrats qui sont passés
par son débiteur.
Ces contrats se répercutent sur sa créance, ils accroissent ses chances d'être payé ou au contraire,
vont la diminuer.
Afin de protéger le droit de gage de ses créanciers chirographaires, le code civil leur reconnaît donc
un certain nombre d'actions qui sont autant de aménagements soit à l'opposabilité du contrat au
tiers, c'est l'hypothèse de l'action paulienne que nous avons déjà rencontrée / soit à l'effet relatif :
c'est alors l'hypothèse de l'action oblique.
Cette action, qui est prévue à l'article 1341-1 du code civil, peut être exercée dans le cas où le
débiteur néglige l'exercice de ses propres droits ou dans le cas où il s'abstient par malveillance de les
exercer.
Plus concrètement, l'action oblique permet alors au créancier chirographaire impayé de se substituer
au débiteur et d’exercer ses droits et actions à caractère patrimonial en son nom et à sa place.
L'évolution contemporaine du droit des contrats a été marquée par la découverte d'une figure
juridique nouvelle : les groupes de contrats.
Par groupe de contrats, on entend des contrats qui sont liés entre eux, soit parce qu'ils portent sur le
même objet, soit parce qu'ils concourent à un même but.
- Dans le premier cas, contrats portant donc sur un même objet, il s'agit d'une chaîne de contrats qui
se définit plus précisément comme la figure dans laquelle un bien fait l'objet d'une série de contrats
en vue, par exemple, de sa transmission.
- Dans le 2nd cas, groupe de contrats qui concourraient donc à un même but, il s'agit de ce qu'on
appelle un ensemble contractuel, figure qui a déjà été rencontrée et dans laquelle plusieurs contrats
vont en réalité concourir à la même opération économique.
Au sujet de ces groupes de contrats, la question s'est posée de savoir quelle était la nature des liens
qui se nouent entre ceux que l'on appelle les cocontractants extrêmes, c'est à dire les personnes qui
font partie du même groupe contractuel, mais qui n'ont pas échangé directement leur
consentement.
Par exemple, dans l'hypothèse d'une chaîne de contrats qui ferait intervenir plusieurs ventes
successives d'un même bien : quelle est la nature de la relation entre le vendeur initial et le sous
acquéreur ? Dans ce cas, le cocontractant extrême, le sous-acquéreur par exemple, bénéficie-t-il
d'une action de nature délictuelle où contractuelle ?
Si ces personnes sont considérées comme des tiers les unes par rapport aux autres, la responsabilité
est alors nécessairement délictuelle.
À l'inverse, si elles sont considérées comme des parties à un même contrat ou plus largement à un
même ensemble contractuel, la responsabilité est alors contractuelle.
La solution, on le voit, dépend en réalité de l'analyse que l'on fait du principe de l'effet relatif.
Une lecture classique conduit à conclure que les contractants extrêmes sont des tiers les uns par
rapport aux autres. Une lecture plus audacieuse conduit au contraire à les considérer comme partie à
une même opération contractuelle.
En pratique, il faut bien comprendre que la question est essentielle. Dans tous les cas, les
cocontractants extrême ont une action dite directe entre eux. Mais la question du fondement de
cette action a des conséquences pratiques importantes.
Imaginons une voiture vendue par A à B, qui la revend lui-même à C. Les clauses du contrat conclu
entre A et B, clause limitative de responsabilité par exemple, ces clauses vont-elles être opposables à
C, s'il découvre un vice de fabrication et s'il décide d'agir contre A. Si l'action est extra-contractuelle,
si on considère C comme tiers au contrat intervenu entre A et B, cette clause limitative de
responsabilité ne pourra pas être opposée par A à C.
À l'inverse, si l'on considère l'opération dans son ensemble, et que l'on considère donc que C est
partie à cette opération, le fondement de la responsabilité est alors contractuel et la clause limitative
de responsabilité lui sera alors opposable.
On le voit, la question est essentielle, elle a beaucoup de conséquences pratiques et elle n'est pas
tranchée paradoxalement par les nouveaux textes du code civil.
Il faut donc s'en remettre ici au solutions qui ont été dégagées par la jurisprudence. Ces solutions ne
sont pas remises en cause.
Revenons donc sur ces décisions et sur l'évolution qui est intervenue en la matière.
- ce que l'on a appelé les chaînes de contrats dite homogènes, c'est l'hypothèse dans laquelle les
différents contrats de la chaîne relatifs à un même bien sont de même nature, des ventes successives
par exemple.
- Et les chaînes de contrats dite hétérogènes, ce sont des chaînes dans lesquelles les contrats vont
être de différentes natures. Un contrat de vente suivi d'un contrat d'entreprise par exemple.
Après avoir longtemps laissé un droit d'option à la victime du dommage, la Cour de cassation a opéré
un revirement de jurisprudence. Par un arrêt dit Lamborghini rendu par la première chambre civile le
1 octobre 1979, la Cour de cassation a ainsi décidé que l'action directe dont dispose le sous
acquéreur contre le fabricant ou un vendeur intermédiaire, pour la garantie du vice affectant la chose
vendue dès sa fabrication, cette action directe est nécessairement de nature contractuelle.
On déduit donc de cet arrêt du 9 octobre 1979, que dans les chaînes de contrats homogènes, le
créancier extrême, bénéficie d'une action de nature nécessairement contractuelle contre les
participants qui ne sont pas son cocontractant immédiat.
- Pour les chaînes hétérogènes d'autre part, un conflit s'est noué entre la première chambre civile,
qui était, elle, favorable au caractère nécessaire contractuel de l'action, et la 3e Chambre civile, qui
retenait elle une action direct de nature délictuelle.
L'Assemblée plénière est donc intervenue pour mettre fin à cette divergence, et elle est intervenue
par un arrêt en date du 7 février 1986. Par cet arrêt rendu par l'Assemblée plénière le 7 février 1986,
il a été décidé que l'action du créancier extrême contre le débiteur qui n'est pas au cocontractant
immédiat est également de nature nécessairement contractuelle.
En d'autres termes, avec cet arrêt, la responsabilité était considérée comme contractuelle, que la
chaîne soit homogène ou hétérogène. Ce qui justifie la solution ici, c'est en réalité la théorie de
l'accessoire.
En effet, dans l'arrêt de 1986 rendu en matière de chaîne hétérogène, la chaîne restait tout de même
translative de propriété. En d'autres termes, elle contenait au moins un contrat de vente.
Or, on le sait l'adage veut que l'accessoire suive le principal. En d'autres termes, lorsque la chaîne
emporte un transfert de propriété du bien qui en est l'objet, l'action contractuelle qui lui est
accessoire et donc attachée, se transmet avec lui.
Mais la question restant en suspens, était de savoir si cette solution de l'arrêt de 1986 devait
également s'appliquer dans l'hypothèse dans laquelle aucun contrat translatif de propriété ne serait
intervenu entre la victime du dommage et celui contre lequel elle entend se retourner.
Ce serait l'hypothèse dans une chaîne de contrats constituée par un contrat d'entreprise suivi par un
contrat de sous-traitance par exemple. Dans l'arrêt dit Besse rendu par l'Assemblée plénière le 12
juillet 1991, la Cour de cassation a jugé que dans cette hypothèse la responsabilité était de nature
délictuelle. Par conséquent, la nature contractuelle ou délictuelle de la responsabilité dépendra de
savoir si la chaîne est ou non translative de propriété. Autrement dit, si elle intègre ou non une
vente.
Il reste que dans un arrêt en date du 26 novembre 2014, la Cour de cassation a jugé que dans une
chaîne de contrats comprenant 2 contrats d'entreprise successifs et un contrat de vente, l'action
direct de nature contractuelle n'était pas transmise. Dans ce cas, la responsabilité reste donc
extracontractuelle entre les extrêmes.
Reste à savoir quel est le régime de l'action contractuelle du créancier extrême contre le débiteur qui
n'est pas son cocontractant, dans l'hypothèse donc ici d’une chaîne translative de propriété.
La première chambre civile par un arrêt rendu le 7 juin 1995 a considéré que le débiteur extrême de
l'obligation de réparation peut opposer au créancier victime qui exerce une action directe de nature
contractuelle toutes les exceptions que prévoit son propre contrat, et qu'il aurait donc pu opposer à
son cocontractant.
En théorie, cette solution est parfaitement logique parce que c'est l'action même dont disposait le
cocontractant du débiteur qui est exercée par le créancier extrême. Il est donc logique que les
exceptions du contrat entre le créancier et le débiteur puissent être opposées au créancier extrême.
En pratique, cela signifie donc que si une clause limitative de responsabilité est insérée dans le
contrat conclu par le débiteur extrême, cette limitation sera opposable au créancier extrême.
Ce faisant, nous en avons fini avec la question de l'exécution du contrat. Il faut désormais voir la
question de son inexécution.
Dire que le contrat a une force obligatoire, c'est admettre que son inexécution ou sa mauvaise
exécution puisse faire l'objet d'une sanction.
Plus exactement en cas d'inexécution par l'une des parties de ses obligations ou en cas d'exécution
imparfaite, 5 sanctions différentes sont envisageables. Elles sont toutes les 5 énumérées à l'article
1217 du code civil.
Ces sanctions sont pour l'essentiel des sanctions en nature qui visent à permettre au créancier
d'obtenir l'exécution du contrat.
À ces sanctions en nature s'ajoute tout de même une sanction par équivalent, qui tient ici à la
réparation du préjudice résultant du défaut dans l'exécution.
Mais avant d'étudier en détail chacune de ces sanctions, il convient de souligner dès à présent que
les sanctions ne sont pas exclusives les unes des autres. Elles peuvent être cumulées entre elles tant
qu'elles ne sont pas incompatibles, et des dommages et intérêts peuvent toujours s'ajouter.
Par ailleurs, on soulignera que la mise en œuvre des sanctions relève du choix du créancier, qui peut
donc opter, selon ses propres intérêts et les circonstances du contrat pour l'une ou l'autre des 5
sanctions ouvertes.
Cela étant précisé, nous étudierons tout d'abord les sanctions en nature à l'occasion d'une première
section, avant d'envisager la sanction par équivalent à l'occasion d'une 2e section.
SECTION 1 : LES SANCTIONS EN NATURE
- L’exception d'inexécution.
- La réduction du prix.
- Et la résolution du contrat
I/ L’exception d’inexécution
L'exception d'inexécution est le droit pour une partie de suspendre l'exécution de ses obligations tant
que son cocontractant n'a pas exécuté les siennes.
Il s'agit d'un moyen de défense qui est désormais réglementé à l'article 1219 du code civil.
Avant la réforme, il n'était consacré dans le code que par certains textes spéciaux, mais il avait été
étendu dès les années 1980 par la jurisprudence à l'ensemble des contrats synallagmatiques.
Désormais, ce moyen de défense est donc de manière générale admis par le code.
Cette sanction de l'exception d'inexécution peut être mise en œuvre dès lors que le cocontractant n'a
pas exécuté son obligation. Il faut donc nécessairement une inexécution du contrat.
Il reste que par inexécution, on entend à la fois l’inexécution totale, l'absence totale d'exécution ou
l'exécution simplement imparfaite.
En revanche, pour que l'article 1219 puisse être invoqués, une condition de gravité doit être remplie.
L'article 1219 exige en effet que le inexécution dont se prévaut l'une des parties victimes soit
suffisamment grave. Bien que ce critère de gravité ne soit pas défini par le code, on comprend ici que
l'exécution doit être suffisamment importante au regard de l'économie du contrat.
Il n'est pas nécessaire qu'elle soit complète, mais il faut qu'elle compromette l'équilibre du contrat en
affectant une obligation essentielle.
C'est à dire qu'elle exigeait que les obligations soient stipulées en considération les unes des autres.
Cette condition implique est principalement qu'une partie ne pouvait pas refuser d'exécuter son
engagement issu d'un contrat qui la liait avec une autre partie au motif que cette autre partie ne
exécutait pas les obligations à sa charge en raison de l'existence d'un autre contrat.
Si, par exemple un bailleur devient débiteur du preneur en raison d'un emprunt sans rapport avec le
contrat de bail, le preneur ne peut pas suspendre le paiement des loyers au motif que la somme
empruntée ne lui est pas remboursée.
Bien que l'article 1219 n'évoque pas cette condition d'origine prétorienne, la logique voudrait tout de
même qu'elle soit maintenue.
Outre cette condition relative à la gravité de le Inexécution, le code civil n'exige pas d'autres
conditions de fond particulières. De même, aucune condition de forme n'est ici requise.
Une mise en demeure n'est donc pas obligatoire. Il n'est pas nécessaire de saisir le juge.
Il s'agit donc cette fois, pour la partie concernée, d'anticiper l’inexécution future de ses obligations
par son cocontractant et de limiter ainsi le préjudice qu'elle pourrait subir.
Cette hypothèse particulière suppose tout d'abord que l'obligation, dont on craint l’inexécution
future ne soit pas encore exigible, mais qu'en revanche, celle de celui qui entend se prévaloir de
cette exception le soit.
- Tout d'abord, le risque d'inexécution à l'échéance doit être manifeste. Il ne peut donc s'agir d'un
simple soupçon d'inexécution. En cas de contestation, le créancier devra être en mesure de
démontrer, par des éléments objectifs, le risque réel et quasi certain d'inexécution.
- Ensuite, 2e condition, les conséquences de cette inexécution doivent être suffisamment graves.
Autrement dit, il faut là encore, que l’inexécution, si elle devait intervenir, affectent des éléments
essentiels du contrat.
À ces 2 conditions de fonds s'ajoute une condition de forme. L'article 1220 dispose en effet que la
suspension de l'exécution doit être notifiée dans les meilleurs délais.
Dans cette hypothèse en effet, l'obligation dont on craint l’inexécution n'est pas encore exigible,
contrairement à celle qui pèse sur celui qui entend se prévaloir de l'exception pour risque
d'inexécution. Il est donc nécessaire que ce dernier informe son cocontractant des raisons pour
lesquelles il a suspendu l'exécution de ses propres obligations.
Quant aux effets, l'exception d'inexécution ou pour risque d'inexécution suspend, comme son nom
l'indique, l'exécution de la prestation de celui qui l’invoque.
Par conséquent, toute mesure d'exécution forcée est bloquée à son encontre. Néanmoins, le contrat
est lui, maintenu, il ne prend pas fin.
Il s'agit là d'une 2nde sanction qui est régie par les articles 1221 et 1222 du code civil.
Là encore, cette fonction présente en réalité 2 composantes dans la mesure où ces articles offrent
une option au créancier insatisfait qui peut
- soit poursuivre l'exécution forcée par son débiteur, c'est alors l'article 1221 du code civil qui
s'applique.
- Ou soit faire exécuter lui-même l'obligation, c'est à dire la faire exécuter tout simplement par 1/3.
Et c'est alors l'article 1222 du code civil qui trouvera application.
L'article 1221 édicte le principe de l'exécution en nature : le créancier d'une obligation, peut après
mise en demeure, nous dit l'article, en poursuivre l'exécution en nature.
Autrement dit, le débiteur défaillant devra fournir effectivement et sous la contrainte ce qu'il était
censé fournir. Ce principe est tout simplement le corollaire de la force obligatoire du contrat.
Cette possibilité de solliciter tout simplement l'exécution forcée du contrat est possible pour tous les
types d'obligations, dans la mesure où l'article 1221 n’opère aucune distinction.
Ce faisant d'ailleurs, l'article 1221 rompt avec la lettre de l'ancien article 1142 qui disposait avant la
réforme que toute obligation de faire ou de ne pas faire se résout en dommages et intérêts en cas
d'inexécution. On l'a déjà dit, mais avant la réforme l'exécution forcée en nature n'était donc pas
possible pour les obligations de faire.
Il reste qu'en réalité, la règle de l'ancien article 1142 était loin d'être absolue. Ce qu'avait voulu le
législateur, c'était interdire la contrainte par la force, par des moyens violents pour un débiteur qui
aurait à accomplir une obligation qui suppose son implication personnelle.
Par exemple, on ne conçoit pas d'obliger un peintre à faire un portrait ou un médecin, à ausculter un
patient, ce serait ici une atteinte intolérable à la liberté individuelle.
Cette jurisprudence a admis de recourir à l'exécution forcée pour des obligations de faire ou de ne
pas faire, à chaque fois que cette exécution ne nécessitait pas la participation personnelle du
débiteur.
Pour un exemple, on peut consulter l'arrêt rendu par la première chambre civile le 16 janvier 2007.
Par conséquent, en posant le principe de l'exécution forcée en nature, quel que soit le type
d'obligation, l'article 1221 ne rompt pas totalement avec la jurisprudence antérieure, et ce d'autant
moins que l'article 1221 prévoit certaines exceptions à l'exécution forcée en nature exceptions qui,
en réalité, rejoignent les anciennes solutions jurisprudentielles déjà acquises.
Avant d'aborder ces exceptions, disons quelques mots des conditions d’application de l'article 1221.
S'agissant de ces conditions sur le fond, une inexécution ou une exécution imparfaite suffit. Il n'est
pas exigé de degré de gravité particulier ici.
Sur la forme, l'article 1221 impose qu'avant toute mesure d'exécution forcée, le créancier mette en
demeure son débiteur de s'exécuter volontairement.
Je l'ai dit, l'exécution forcée en nature est toutefois exclue formellement par l'article 1221 dans 2
hypothèses.
- Première hypothèse, cette exécution forcée ne pourra pas être poursuivie si l'exécution en nature
est en réalité impossible. Il peut s'agir, selon le rapport, au président de la République et comme le
décidait d'ailleurs déjà la jurisprudence, d'une impossibilité dite matérielle, par exemple lorsque la
chose qui devait être livré à péri. Il peut s'agir également d'une impossibilité dite juridique. Ce sera le
cas si le débiteur bénéficie d'une procédure d'insolvabilité, si le juge lui a accordé un délai de grâce
ou encore si la chose qui devait être louée a déjà été louée à un 1/3.
L'impossibilité peut enfin être d'ordre moral. Et si cette impossibilité morale rejoindra l'hypothèse
dans laquelle l'obligation inexécutée présente un caractère éminemment personnel ou l'hypothèse
dans laquelle contraindre le débiteur à s'exécuter porterait une atteinte excessive à sa liberté
individuelle.
On retrouve donc ici les hypothèses déjà visées par la jurisprudence dans le cadre de l'interprétation
de l'article 1142. L’impossibilité morale renverra par exemple à l'hypothèse du peintre que l'on ne
peut contraindre à faire un tableau.
- 2e exception prévue par l'article 1221, l'exception forcée ne peut être poursuivie, nous dit l'article.
s'il existe une disproportion manifeste entre son coût pour le pour le débiteur de bonne foi et son
intérêt pour le créancier.
- Première remarque, cette limite n'avait jamais encore été reconnue officiellement par la
jurisprudence. Elle vise à intégrer en réalité une dimension économique qui justifierait qu'il soit porté
atteinte à la force obligatoire du contrat.
On ignore donc toutefois comment doit être apprécié ce rapport de proportionnalité entre le coup
de la sanction pour le débiteur et l'intérêt retiré par le créancier.
Il reviendra ici à la jurisprudence de déterminer s'il faut retenir une appréciation objective où
subjective de l'intérêt du créancier, ou encore s'il faut prendre en compte la situation patrimoniale
du débiteur ?
- 2e remarque, pour éviter que les débiteurs malicieux ne soient incités à mal exécuter leurs
obligations, la loi de ratification a précisé que seuls les débiteurs de bonne foi pouvaient bénéficier
de cette limite relative à la disproportion. Auparavant, c'est à dire dans la rédaction issue de
l'ordonnance, la précision n'existait pas. Le débiteur ne doit donc pas avoir manqué à l'obligation de
loyauté à l'égard de son créancier depuis cette modification opérée par la loi de ratification de 2018.
Bien qu'elle ajoute une condition à la loi, cette modification a été qualifié de interprétative par le
législateur de sorte qu'elle est applicable aux contrats conclus depuis le 1 octobre 2016.
Le créancier peut en effet, après mise en demeure, faire exécuter lui-même l'obligation dans un délai
et à un coût raisonnable.
Cette faculté était déjà prévue par l'ancien article 1144 du code civil.
Lorsqu'on dit que le créancier peut faire exécuter lui-même l'obligation, on admet en réalité qu'il
puisse s'adresser à quelqu'un d'autre à 1/3 pour obtenir l'exécution.
Quant aux conditions de mise en œuvre de l'exécution forcée par un 1/3, on retrouve en réalité les
mêmes conditions que pour l'exécution forcée par le débiteur. En d'autres termes, une inexécution
suffit et aucun degré de gravité particulier n'est exigé.
L'exécution par le tiers doit dans ce cas intervenir dans un délai et à un coût raisonnable.
Si ces conditions sont remplies concrètement et bien le créancier pourra soit demander en justice
que le débiteur avance les sommes nécessaires pour payer le tiers, soit solliciter à posteriori un
remboursement.
On précisera d'ailleurs que l'intervention du juge n'est plus essentielle. Elle était pourtant avant
obligatoire.
Cet article permet au créancier, après mise en demeure, d'accepter une exécution imparfaite du
contrat, tout en sollicitant en retour une réduction proportionnelle du prix.
Il doit alors notifier, nous dit l'article, sa décision au débiteur et ce dans les meilleurs délais.
Au-delà de cette condition relative à la mise en demeure, 2 conditions de fond doivent donc être
réunies.
- Première condition, l'exécution du contrat doit être imparfaite. Ici, aucun degré de gravité n'est
imposé. Cela étant, il ne peut s'agir dans ce cas d'une inexécution totale. C'est d'ailleurs parfaitement
logique dans la mesure ou la sanction repose pour ainsi dire sur une forme de ristourne.
Il faut ici souligner que le texte issu de l'ordonnance de 2016 comportait une maladresse de
rédaction. En effet, dans sa version issue de l'ordonnance, 2 hypothèses étaient envisagées.
- L'alinéa un de l'article 1223 prévoyait que le créancier pouvait accepter une exécution imparfaite du
contrat et solliciter une réduction proportionnelle du prix. Quant à l'alinéa 2, il admettait lui, si le
créancier n'avait pas encore payé, qu'il puisse alors simplement notifier au débiteur sa décision de
réduire le prix dans les meilleurs délais.
Ce texte posait 2 difficultés d'interprétation. D'une part, l'alinéa un ne précisait pas auprès de qui la
réduction devait être sollicitée. La demande devait-elle être adressée au débiteur ou bien au juge ? À
lire le rapport annexé à l'ordonnance, il semblerait que cette disposition ait vocation à s’interpréter
comme permettant au créancier de proposer au débiteur une réduction du prix. D'autre part, si
l'alinéa 2 ne s'appliquait que lorsque le créancier n'avait pas encore payé le prix, l'alinéa un ne
précisait pas les hypothèses dans laquelle la réduction du prix devait être sollicités.
La doctrine majoritaire considérait donc que ce texte devait sans doute être compris comme
envisageant l'hypothèse dans laquelle le créancier ayant déjà payé, il ne pouvait plus, alors que
sollicité de son débiteur, de lui rembourser une partie du prix.
Compte tenu de ces difficultés d'interprétation, la loi de ratification a remanié l'article 1223 en
prévoyant beaucoup plus clairement 2 cas de figure.
- Premier cas de figure, lorsque le créancier n'a pas payé tout ou partie du prix. Il peut alors en
application de l'alinéa un réduire le prix par notification au débiteur. Le texte ajoute que l'acceptation
par le débiteur de sa décision de réduction du prix doit être rédigée par écrit.
- 2e cas de figure, lorsque le créancier a déjà payé le prix en totalité. Dans ce cas, l'alinéa 2 trouve
application. Et soit les parties s'accordent sur la réduction du prix, soit elles ne s'accordent pas, et
dans ce cas, le créancier doit demander cette réduction au juge.
Cette nouvelle rédaction beaucoup plus claire que celle issue de l'ordonnance ne sera toutefois
applicable qu’aux contrats conclus à compter du 1 octobre 2018. Elle n'a en effet pas de valeur
interprétative.
IV/ La résolution du contrat
La jurisprudence avait toutefois admis des tempéraments qui sont désormais légalement consacrés.
Les dispositions du code civil issu de la réforme prévoient en effet que cette résolution peut être soit
de nature conventionnelle, soit opérée par notification, soit être judiciaire.
Voyons donc ces différents types de résolution avant d'en voir les effets.
On parle de résolution conventionnelle lorsqu'il est prévu au contrat une clause résolutoire. La
résolution est alors de plein droit, dès lors que les conditions stipulées dans la clause résolutoire sont
réunies.
Il reste que pour être valable, une telle clause doit préciser les engagements dont le inexécution
entraînera la résolution du contrat. Elle ne peut donc pas se limiter à indiquer que tout manquement
entraînerait cette résolution, mais elle doit au contraire énumérer les engagements concernés.
Outre cette condition relative donc à la validité de la clause résolutoire, la résolution conventionnelle
suppose au préalable que le créancier mette en demeure le débiteur d'exécuter sa prestation. Cette
obligation de mise en demeure est prévue expressément par l'article 1225 alinéa 2.
Une fois cette formalité accomplie, le contrat est normalement résolu de plein droit, aucune autre
formalité n'est alors nécessaire.
On précisera toutefois qu'en cas de contestation du bien-fondé de la résolution, les pouvoirs du juge
sont limités. Il peut simplement contrôler que les conditions d'application de la clause sont bel et
bien réunies. En effet, il n'appartient plus au juge ici d'apprécier la pertinence du recours à la
résolution, puisque les parties se sont elles-mêmes ouvertes cette possibilité.
Cette hypothèse de résolution par notification est régie par l'article 1226 du Code civil, article qui
dispose que le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification.
L'article 1226 dispose désormais que le créancier peut notifier au débiteur sa volonté de résoudre
unilatéralement le contrat, sous conditions.
Cette résolution par notification n'est en effet possible qu'en présence d'une inexécution
suffisamment grave. Par ailleurs et sauf hypothèse d'urgence, le créancier doit mettre en demeure le
débiteur de s'exécuter dans un délai raisonnable. Ce n'est que si l’inexécution persiste qu'il pourra
notifier la résolution, et ce, en la justifiant.
Cette formalité permet de protéger les intérêts du débiteur qui dispose ainsi d'une dernière chance
de s'exécuter avant la résolution du contrat.
Elle est toutefois écartée par l'article 1226 en cas d'urgence. Par analogie, la logique imposerait de
retenir la même solution en cas d'inexécution définitivement consommée, puisqu'il est alors
matériellement impossible d'exécuter l'obligation.
La résolution se fait alors, nous dit l'article aux risques et périls du créancier. Qu'entend-on par-là ?
La question se pose tout de même de savoir si le débiteur pourrait également obtenir la poursuite du
contrat injustement résolu. Ce point était discuté avant la réforme. Désormais, dès lors que l'article
1226 permet expressément au débiteur de contester la résolution, la majorité de la doctrine
considère que la reprise du contrat pourrait être ordonnée.
3/ S'agissant enfin de la résolution judiciaire : la résolution judiciaire est celle qui résulte d'une
décision de justice et qui implique donc un contrôle à priori du juge.
L'article 1227 dispose à ce titre que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en
justice.
En d'autres termes, on comprend de cette précision en toute hypothèse que les cocontractants
peuvent recourir à la résolution judiciaire, alors même qu'il existerait dans le contrat une clause
résolutoire ou alors même que les conditions d'une résolution unilatérale serait réunie.
Dans ce cas, il appartient au juge d'apprécier dans chaque hypothèse si l’inexécution est telle que la
résolution doive être prononcée ou si, au contraire, la prestation fournie présente un intérêt
suffisant pour le créancier, quitte à lui allouer des dommages et intérêts pour compenser la
différence.
La résolution judiciaire, vous l'aurez compris, suppose par principe une décision du juge. Le juge
dispose toutefois, selon l'article 1228 du code civil, d'un certain pouvoir d'appréciation en la matière.
Ce texte énoncé en effet que le juge peut, selon les circonstances constater ou prononcer la
résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou
encore à louer seulement des dommages et intérêts.
Autrement dit, le principe de la résolution ne découle pas automatiquement de l’inexécution. Elle
n'est pas une issue inéluctable.
En tout état de cause, le juge dispose d'un pouvoir d'appréciation, même si le créancier sollicite la
résolution, il peut pour sa part accepter de la prononcer ou n'allouer que des dommages et intérêts
ou encore accorder un délai de grâce.
Qu'elle soit conventionnelle, par notification ou légale, la résolution a toujours pour effet de mettre
fin au contrat.
- Si la résolution est conventionnelle, la date est celle stipulée dans la clause ou, à défaut, à
l'expiration du délai qui est accordé aux débiteurs, pour s'exécuter dans la mise en demeure.
- Si la résolution est unilatérale, le contrat prend fin à la date de la réception par le débiteur de la
notification faites par le créancier.
- Enfin, si la résolution est judiciaire, la date à prendre en compte est celle fixée par le juge ou à
défaut le jour de l'assignation en justice.
Par ailleurs, et concernant toujours les effets de cette résolution, cette dernière possède un effet
rétroactif à la date à laquelle elle intervient. À cet égard, si les prestations échangées ne pouvaient
trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat, la résolution va emporter restitution
intégrale des prestations exécutées.
≠ À l'inverse, si les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution
réciproque du contrat, la résolution n'est un n’atteint pas, les tranches déjà exécutées. Il n'y a donc
pas lieu à restitution pour la période antérieure à la prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie.
À titre liminaire il convient de souligner que l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du
droit des obligations, n'a pas, faute d'habilitation du gouvernement en ce sens, modifier les
dispositions relatives à la responsabilité contractuelle.
En réalité, l'ordonnance n'a ici emporté qu'une renumérotation des dispositions, qui reste donc
totalement inchangée sur le fond. Pour l'essentiel, les articles 1231 à 1231-7 reproduisent donc
exactement ce que les anciens articles 1146 et suivants prévoyaient.
A. Le manquement contractuel
Ici, il faut préciser que la doctrine s'est longtemps interrogée sur la nature de la responsabilité
contractuelle : s'agit-il réellement d'une responsabilité ? De même, elle s'est longuement interrogée
sur la nature de son fait générateur. La violation des obligations contractuelles est-elle une faute ?
Cette autonomie, on le sait, a toutefois partiellement été remise en cause par la jurisprudence
Boodshop Myr’ho, jurisprudence qui, on l'a vu, a consacré le principe d'identité des fautes
contractuelles et délictuelles.
En la matière, il faut toutefois distinguer salon que l'obligation violée était de résultat ou de moyens?
L'obligation est de résultat lorsque le débiteur s'est obligé à fournir un résultat particulier aux
créanciers.
Prenons par exemple l'hypothèse d'une clause de non-concurrence. Cette clause est constitutive
d'une obligation de résultat. En effet, celui qui souscrit une telle clause s'engage à ne pas exercer
pendant un certain temps et sur une certaine aire géographique déterminée, une activité
professionnelle qui serait susceptible de concurrencer son cocontractant.
Dans le cas d'une obligation de résultat, il suffira donc simplement de prouver que le résultat n'a pas
été atteint pour établir la violation de l'obligation contractuelle. En d'autres termes, dans l'exemple
donné de l'obligation de non-concurrence, le simple fait de s'être installé au cours de la période visée
dans le périmètre en cause pour exercer une activité professionnelle susceptible de concurrencer son
cocontractant, est constitutif d'une violation de l'obligation de non-concurrence.
À l'inverse, dans l'obligation de moyens, le débiteur ne promet pas un résultat. Il promet de mettre
en œuvre tous les moyens que mettrait en œuvre une personne raisonnable ou un professionnel
consciencieux pour atteindre le résultat. C'est pourquoi on parle aussi parfois d’obligation de
prudence ou de diligence.
L'exemple typique est l'obligation de soins du médecin. Le médecin ne s'engage pas à vous guérir. Il
s'engagea à tout mettre en œuvre pour vous soigner. Son obligation n'est donc que de moyens.
Cela étant dit, comment savoir si une obligation est de moyens ou de résultat ?
- Le premier critère tient logiquement à la lettre du contrat et à la volonté des parties en ce sens que
la distinction des obligations de moyens et de résultats repose sur l'intensité de l'engagement pris
par le débiteur de cette obligation à l'égard du créancier. La qualification de la nature de l'obligation
doit donc être d'abord recherchée dans les stipulations du contrat inexécuté.
- Outre cette commune intention, on remarque que le juge tend à considérer que les obligations sont
de résultat lorsqu'il apparaît que le débiteur devait être en mesure de contrôler parfaitement
l'exécution de ses obligations, alors qu'elle serait plutôt de moyens lorsqu'un aléa est important.
Pour reprendre l'exemple du médecin, le résultat, la guérison, est aléatoire parce qu'elles dépendent
de facteurs que le médecin ne maîtrise pas. L'obligation ne peut donc être que de moyens.
- 2nd critère parfois mobilisé par les juges, l'obligation est dite de moyens lorsque le créancier prend
une part active dans l'exécution de l'obligation du débiteur, autrement dit, lorsque la part d'initiative
que l'on attend du créancier est importante.
On retrouve en réalité ici une forme d’aléa car c'est le créancier par prend une part active dans
l'obtention du résultat, forcément ce résultat échappe en partie au débiteur et devient aléatoire pour
lui.
Sur ce point, sur cette question de la distinction entre les obligations de moyens et les obligations de
résultat, il convient de dire en aparté 2 mots sur la jurisprudence particulière qui a pu être rendue en
matière de contrat de transport de personnes.
En cette matière, on l'a déjà dit, la jurisprudence a anciennement découvert, par forçage du contrat,
une obligation dite de sécurité. Le transporteur doit veiller à la sécurité des passagers qu'il
transporte. Mais s'agit-il d'une obligation de résultat, auquel cas il suffira pour le voyageur d'établir
qu'il n'est pas parvenu sain et sauf à destination, ou s'agit-il au contraire d'une obligation de moyens
auquel cas le voyageur devra prouver que le transporteur n'a pas mis en œuvre toutes les diligences
requises pour parvenir au résultat convenu.
Dans un premier temps et dans les années 1970, la jurisprudence a mis en œuvre le critère relatif au
rôle actif ou passif du créancier et a jugé que le créancier, le voyageur donc, ayant un rôle passif
lorsqu'il est dans le train, l'obligation était de résultat. À l'inverse, son rôle est actif avant qu'il soit
monté et après qu'il soit descendu du train. Pendant cette période donc, l'obligation de sécurité
demeure, mais elle est simplement de moyens.
Par la suite, la solution a évolué. Par un arrêt rendu par la première chambre civile le 19 février 1991,
il a été ainsi jugé que l'obligation contractuelle de sécurité n'existe à la charge de la SNCF que à partir
du moment où le voyageur commence à monter dans le véhicule jusqu'au moment où il achève de
d'en descendre. Elle demeure dans ce cas une obligation de résultat.
Au cours des correspondances ou encore sur le quai de la gare, en revanche, sont applicables non
plus les règles de la responsabilité contractuelle, mais celle de la responsabilité délictuelle.
Quoi qu'il en soit, outre une violation des stipulations contractuelles, la responsabilité suppose
également la preuve d'un dommage.
B. Le dommage
Faut-il rapporter la preuve d'un dommage pour engager la responsabilité contractuelle de son
cocontractant ?
La question a pu susciter des discussions ces dernières années, notamment parce qu'on a pu croire
pendant un temps que la Cour de cassation avait fait sienne une théorie doctrinale, selon laquelle la
seule inexécution de l'obligation ouvrait droit à réparation, sans qu'il y ait besoin d'établir un
préjudice.
Il reste que les arrêts intervenu en ce sens sont restés isolés et que la solution de principe est
toujours restée que des dommages et intérêts ne peuvent être alloués que si le juge, au moment où
il statue constate qu'il en ait résulté un préjudice.
Quant aux dommages prévisibles, ils renvoient à la question de son étendue. Négativement, le
dommage est imprévisible lorsque son étendue ne pouvait être raisonnablement prévu au moment
de la conclusion du contrat. Ce dommage imprévisible ne pourra donc pas faire l'objet d'une
réparation.
L'exigence d'un dommage prévisible n'a donc pas d'incidence sur le principe de la indemnisation,
mais uniquement sur le montant de l'indemnisation reçue.
Quoi qu'il en soit, la limitation de la réparation aux seuls dommages prévisibles cesse de recevoir
application dans 2 cas : en cas de faute lourde de la part du débiteur ou en cas de faute dolosive.
- La première est un comportement du débiteur d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant
son inaptitude à l'accomplissement de ses obligations.
- La 2nde, la faute dolosive et celle par laquelle le débiteur se refuse délibérément à exécuter ses
obligations contractuelles.
Dans ces 2 cas, faute dolosive ou faute lourde, la limitation du dommage réparable cesse de recevoir
application. On en revient donc au principe qui est celui de la réparation intégrale du préjudice.
C. Le lien d causalité
Les exigences en termes de causalité sont tout à fait classiques : le débiteur ne doit voir sa
responsabilité engagée que si le dommage peut être mis en relation avec la violation de l'obligation
contractuelle.
À ce titre, l'article 1231-4 du code civil dispose que les dommages et intérêts ne comprennent que ce
qui est une suite immédiate et direct de l'inexécution.
Mais comment déterminer ce qui est la suite immédiate direct d'une exécution ?
Avant de répondre à cette question, il faut rappeler que 2 théories existent concernant le lien de
causalité.
- Une première théorie est dite théorie de l'équivalence des conditions. Aux termes de cette théorie
de l'équivalence des conditions, toutes les causes intervenues dans la réalisation du dommage
doivent être considérées comme équivalentes. Il suffit donc que le dommage puisse être rattaché par
un lien quelconque au manquement du débiteur.
Cette théorie est en réalité assez compréhensive et permet de remonter en amont dans la chaîne
causale.
- 2e théorie, celle dite de la causalité adéquate. Cette théorie de la causalité adéquate appelle à
distinguer entre les causes déterminantes, celles sans lesquelles il est certain que le dommage ne se
serait pas produit et les autres, celles qui, même si elles n'étaient pas intervenues, n'aurait pas
empêché la réalisation du dommage.
Seules les premières, les causes déterminantes sont alors retenues. Le manquement doit avoir été
déterminant dans la production du dommage pour engager la responsabilité.
Dans le cadre de cette théorie, la causalité est donc appréciée plus strictement. En exigeant que le
dommage soit la suite directe et immédiate du manquement l'article 1231-4 penche très nettement
en faveur de la théorie de la causalité adéquate, c'est donc d'elle qu'il faudra faire application et ne
retenir que les causes déterminantes du dommage, c'est à dire celles sans lesquelles il est certain
que le dommage ne se serait pas produit.
Il résulte en effet de l'article 1231-1 du code civil que le débiteur est exonéré de sa responsabilité par
la preuve d'un cas de force majeure. D'ailleurs celle-ci, cette force majeure, fait également obstacle
aux sanctions en nature.
La force majeure peut prendre en réalité différentes formes. Il peut s'agir d'un cas fortuit, c'est à dire
d'un événement quelconque du fait d'un tiers ou encore du fait de la victime. Mais ce fait doit revêtir
différents caractères pour pouvoir être qualifié de force majeure.
En effet, le cas de force majeure est traditionnellement défini comme un événement extérieur au
débiteur, imprévisible et irrésistible qui l'a empêché d'exécuter correctement son obligation.
En présence d'un tel cas de force majeure, en réalité, le dommage n'apparait pas véritablement avoir
été causé par le débiteur, de sorte que sa responsabilité ne saurait être engagée.
Quant aux conditions de cette force majeure, si pendant un temps, l'Assemblée plénière de la Cour
de cassation a semblé n'exige et que la réunion d'une condition d'imprévisibilité et d’irrésistibilité,
notamment à l'occasion d'un arrêt rendu le 14 avril 2006, ce sont bien les 3 conditions qui sont
exigées par l'article 1218 alinéa un du code civil, article 1218 qui définit la force majeure.
- Premier caractère : un caractère d'extériorité. Ce caractère signifie que l'événement doit échapper
au contrôle du débiteur.
- 2e caractère, l'irrésistibilité : les effets de l'événement ne devaient pas pouvoir être évités par des
mesures raisonnables.
Il faut donc distinguer entre les faits qu’une personne avisée aurait dû normalement prévoir et les
autres.
Par exemple, une grève ne justifie pas l’inexécution du contrat à moins qu'il ne s'agisse d'une grève
sauvage tout à fait inattendue. De même, une épidémie n'est pas en elle-même imprévisible. Mais
une pandémie de l'ampleur de celle du COVID-19, elle, l'est bien plus certainement.
En réalité, celui qui justifie avoir été contraint par une force majeure échappe à toute responsabilité.
Il reste qu'une distinction doit être opérée pour évaluer les conséquences de la force majeure sur
l'exécution du contrat.
Pour finir, on précisera qu'en matière contractuelle, il n'est que très rarement admis que la faute de
la victime conduise à une limitation de responsabilité.
Elle peut être prise en compte mais à titre très exceptionnel. Majoritairement en réalité, la faute de
la victime n'aura d'effets que si elle revêt les caractères de la force majeure. Et dans ce cas-là, elle
sera exclusive et non pas seulement limitative de responsabilité.
La responsabilité peut enfin être encadrée par le contrat, soit pour venir limiter ou exclure la
responsabilité d'une des parties, soit en prévoyant à l'avance la somme due en cas d'inexécution ou
d'exécution tardive.
Ces clauses, qu'elles soient limitatives ou exclusives de responsabilité sont en principe légales.
L'article 1231-3 le prévoit expressément dans la mesure où il précise que le débiteur n'est tenu que
des dommages et intérêts qui ont été prévus au contrat.
Les parties peuvent donc librement limiter les dommages et intérêts en cas d'inexécution.
Cette validité, je l'ai dit, couvre à la fois les clauses qui limiteraient simplement la responsabilité en
prévoyant un montant maximum de réparation, par exemple, ou en limitant la responsabilité à la
réparation de certains préjudices, ou qui l’excluraient totalement.
- La 2nde est que les dispositions relatives aux clauses abusives peuvent permettre de remettre en
cause la validité d'une clause insérée dans un contrat, soit parce qu'elle priverait l'obligation
essentielle de sa substance, c'est alors l'article 1170 qui trouve application, soit parce qu'elle créerait
un déséquilibre significatif, et c'est alors sur le fondement de l'article 1171, ou en invoquant les
dispositions spéciales du droit de la consommation ou du droit commercial que l'on pourra contester
la validité de cette clause.
En droit de la consommation d'ailleurs, l'article R 212-1 6°) répute abusives de telles clauses dans une
relation consommateur-professionnel.
Par ailleurs, même lorsque la clause est parfaitement valable, son efficacité peut être paralysée. Ce
sera le cas si le débiteur a commis une faute lourde ou une faute dolosive, catégories de fautes qui
ont déjà été rencontrées. En effet, comme on l'a vu, ces fautes viennent faire obstacle au principe
selon lequel le dommage réparable est limité en matière contractuelle au dommage prévisible.
Si le débiteur a commis l'une de ces fautes, les clauses venant encadrer ce dommage prévisible sont
tout simplement neutralisées. Elles ne trouvent plus application et le dommage dans son entier peut
être réparé.
Attention toutefois ici, les clauses sont bien neutralisées et non pas annulées. Elles restent valables
mais ne produisent aucun effet.
Autre type de clause que l'on rencontre fréquemment en pratique et qui vise à encadrer la
responsabilité, les clauses pénales.
B. La clause pénale
L'objectif de la clause pénale est un peu différent de celui de la clause limitative de responsabilité.
C'est en effet une clause par laquelle les parties fixent forfaitairement les dommages et intérêts dus
en cas d'inexécution du contrat ou en cas de retard dans l'exécution.
Souvent, ce forfait conduit à une indemnisation qui est plus importante que le seul dommage subi, et
c'est d'ailleurs en cela qu'elle se distingue des clauses limitatives de responsabilité.
Il s'agit en réalité de sanctions conventionnelles. Ces clauses ont un caractère punitif et incitatif.
À nouveau et comme pour les clauses limitatives de responsabilité, les clauses pénales sont
parfaitement légales. L'article 1231-5, alinéa premier le prévoit expressément.
Il dispose à ce titre que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter payera une
certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme
plus forte ni moindre.
Le montant des clauses pénales est toutefois encadré par le code civil. Le même article 1231-5, alinéa
un, prévoit en effet en ce sens que le juge peut même d'office modérer ou augmenter la pénalité
convenue si celle-ci se révèle manifestement excessive ou à l'inverse dérisoire.
Toute stipulation contraire est réputée non écrite.
La révision de la clause pénale est toutefois exceptionnelle et ne peut intervenir qu'en cas de
disproportion.
Depuis l'entrée en vigueur de la réforme du droit des obligations, les quasi-contrats sont réglementés
dans un sous-titre, III du code civil sous-titres intitulé Autres sources d'obligations.
Les quasi-contrats se présentent en fait comme une source d'obligation à côté d'une part des actes
juridiques dont font partie les contrats à proprement parler, et d'autre part, de la responsabilité
civile.
Historiquement, le quasi-contrat fut présenté comme ce qui oblige, comme si l'on avait contracté
bien qu'il n'y ait pas eu de contrat. Autrement dit, c'est une hypothèse que l'on rencontre en
l'absence de consentement.
Bartole estimait par exemple que le quasi-contrat est un contrat fictif parce qu'il manque le
consentement que l'on y introduit pour remédier à une iniquité. Plus tard, Domat a cité dans les
obligations non contractuelles fondées sur un fait volontaire du débiteur ou résultant de l'ordre
naturel, les quasi-contrats. Il les citait dans une catégorie ouverte qui comprenait notamment la
gestion d'affaires et la répétition de l’indu.
La notion a par la suite été reprise dans le code civil de 1804 et définie dans l'ancien article 1371 du
Code civil, qui définissait donc les quasi-contrats comme des faits purement volontaires de l'homme,
dont il résulte un engagement quelconque envers 1/3 et quelquefois un engagement réciproque des
2 parties.
On le voit, la spécificité du quasi-contrat par rapport au contrat, c'est le fait qu'il ne repose pas sur un
accord de volonté. Ici, l'engagement ne naît pas du consentement de 2 ou plusieurs parties, mais
d'un simple fait volontaire, qui n'était toutefois pas destiné originairement à produire des effets de
droit.
Avec la réforme, la définition a été légèrement modifiée, mais elle reste en substance identique.
Le sous-titre III du code civil s'ouvre en effet désormais sur un article 1300 qui définit dans son
premier alinéa les quasi-contrats.
Et au terme de cet article 1300, les quasi-contrats sont donc définis comme des faits purement
volontaires dont il résulte un engagement de celui qui en profite sans y avoir le droit et parfois un
engagement de leur auteur envers autrui.
Cette définition, on le voit, est donc en fait assez proche de celle de l'ancien article 1371.
À la lecture de cette définition, on comprend donc que la notion de quasi-contrats repose sur 2
éléments : un fait volontaire d'une part, et un engagement d'autre part.
De ce fait volontaire, découle un engagement de celui qui en profite sans y avoir le droit.
L'idée est tout simplement que, de ce fait volontaire a résulté un avantage pour 1/3 et un
appauvrissement de l'agent, c'est à dire de celui qui a agi.
=> Au nom de l'équité, la loi décide alors de restaurer l'équilibre injustement rompu en obligeant le
tiers à indemniser l'agent.
Cela étant précisé, quels sont les quasi-contrats en existe-t-il un nombre déterminé ?
Cette réponse est donnée par l'article 1300 alinéa 2 du code civil qui précise que les quasi-contrats
régis par le présent sous-titre sont la gestion d'affaires, le paiement de l'Indu et l'enrichissement
injustifié.
Ces 3 figures sont en réalité les 3 quasi-contrats qui avait été admis traditionnellement et qui existait
donc déjà bien avant la réforme. Une différence toutefois d'ordre plutôt terminologique : on parlait
avant 2016 d'enrichissement sans cause et non pas d'enrichissement injustifié.
Il reste qu'en visant les quasi-contrats régis par le présent sous-titre, l'alinéa 2 admet implicitement
qu'il peut en exister d'autres qui ne serait finalement pas régies par ce sous-titre, et qui pourrait être
trouvés soit dans d'autres parties du code, soit dans d'autres codes ou d'autres textes même, ou bien
encore qui pourraient résulter de la jurisprudence.
Il est en effet indiqué que cette définition, la définition du quasi-contrat donc, est suffisamment
souple pour permettre au juge, le cas échéant, d’appréhender des comportements qui devraient être
entraîné des obligations d'indemnisation à la charge de leurs auteurs, en dépit du silence de la loi.
En effet, l’énumération non exhaustive des quasi-contrats dans le 2nd alinéa implique, nous dit le
rapport, qu'il puisse exister des quasi-contrats innommés dont le régime juridique n'est donc pas
prévu par le code civil.
On le comprend donc la jurisprudence est en réalité expressément invité à se saisir de cette notion
de quasi-contrats qui est relativement souple afin de permettre le cas échéant, des indemnisations
qui n'aurait pas été envisagées par la loi.
La jurisprudence n'a d'ailleurs pas attendu la réforme pour le faire puisque dès 2002, elle a consacré
un nouveau quasi-contrats dans le cadre de sa jurisprudence, jurisprudence relative aux loteries
publicitaires.
L'hypothèse est ici celle d'un particulier qui recevrait d'une société de vente par correspondance un
avis qui lui laisserait croire qu'il a gagné un lot, en règle générale, une somme d'argent. Mais lorsqu'il
demande la remise de ce lot à la société, il se heurte en général à un refus, au motif qu'il ne remplit
pas certaines conditions figurant de manière assez peu explicites dans le document envoyé.
Le particulier déçu pourrait alors être tenté d'agir en justice pour contraindre la société à s'exécuter
et à s'acquitter du lot. Afin de lutter contre ce type de pratique qui était à une époque très répandue,
la Cour de cassation a donc mis en place une jurisprudence relativement audacieuse.
Dans un premier temps, elle a accordé la réparation, soit en application des principes de
responsabilité délictuelle, (on trouve par exemple un arrêt rendu par la 2e Chambre civile le 3 mars
1988, ou encore à un arrêt de la même chambre en date du 26 octobre 2000), soit, elle s'est fondée
non pas sur la responsabilité délictuelle, mais elle s'est tournée vers la responsabilité contractuelle
classique. (On peut citer en ce sens un arrêt de la 2e chambre civile toujours en date du 11 février
1998, ou encore un arrêt de la première chambre civile du 12 juin 2001).
Il reste que cette jurisprudence a été vivement critiquée par la doctrine, tout simplement parce que
le fondement contractuel n'apparaissait pas vraiment adapté dans cette hypothèse. En effet, il n'y a
pas vraiment de volonté de la part de la société de s'engager lorsqu'elle propose ces lots
publicitaires. Et de la même manière, le fondement délictuel n'est pas tout à fait satisfaisant, parce
qu'il suppose d'identifier un préjudice à indemniser. Or, dans le cas d’un gagnant, déçu, le préjudice
est en réalité relativement faible.
Elle l'a fait à l'occasion d'un arrêt en date du 6 septembre 2002. Dans cet arrêt du 6 septembre 2002,
elle a jugé au visa de l'ancien article 1371, que l'organisateur d'une loterie qui annonce un gain à une
personne dénommée sans mettre en évidence l'existence d'un aléa, s'oblige par ce fait purement
volontaire à le délivrer.
Ici, on comprend donc qu'il faut considérer que le fait volontaire de l'entreprise, qui prend en réalité
la forme d'une promesse de gains à une personne déterminée, se fait volontaire, donc a pour
conséquence que la société est engagée à titre de sanction par le jeu d'un quasi-contrat dès lors que
n'est pas mis en évidence l'existence d'un aléa.
Ici, la Cour de cassation a donc clairement recours à cette figure juridique du quasi-contrat.
La jurisprudence a par la suite été précisée, notamment s'agissant de cette condition relative à
l'absence de mention d'aléa, cette précision est notamment intervenue par un arrêt en date du 13
juin 2006 par lequel la première chambre civile a considéré qu'il était possible de se prévaloir d’un
quasi-contrat, à partir du moment où l'existence de l'aléa n'était pas mise en évidence à première
lecture et dès l'annonce du gain.
L'intérêt de cette solution, posée en chambre mixte puis confirmée par la suite, est assez évident.
D'une part, cette solution écarte finalement la discussion autour de l'appréciation du caractère ferme
de la volonté manifestée par le débiteur, autrement dit ici par la société. D'autre part, elle évite
également que l'entrepreneur s'en sorte à bon compte en payant des dommages et intérêts dont le
montant ne sera aucunement dissuasif puisque sur le terrain des quasi-contrats, c'est réellement
l'intégralité du gain annoncé qui doit être versé au destinataire du courrier.
Les sommes en jeu n'ont donc rien à voir avec ce qui pourrait être espéré sur le terrain délictuel.
Malgré ses avantages évidents, la solution a tout de même fait l'objet de certaines réserves de la part
de la doctrine, mais il reste tout de même qu'elle est à ce jour encore d'usage.
Vous le voyez donc, la notion de quasi-contrats est une notion qui est ouverte, relativement flexible
et qui est donc de ce fait, particulièrement utile à la jurisprudence.
Ces quelques précisions étant faites, il s'agit désormais d'étudier les 3 quasi-contrats prévus par le
code civil, à savoir la gestion d'affaires d'une part, le paiement de l'indu d'autre part, et
l'enrichissement injustifié enfin.
La gestion d'affaires est désormais prévue aux articles 1301 à 1301-5 du code civil.
Cette gestion d'affaires suppose en réalité qu'une personne ait voulu agir pour le compte d'un tiers
sans avoir reçu d'ordre ou de consigne de la part de ce dernier.
L'hypothèse classique est celle d'une personne qui, voulant rendre service à un ami absent, fait une
réparation urgente à l'un de ses biens, ou encore le voisin qui assure les obsèques d'une personne
décédée sans héritier connu.
Celui qui agit est ici désigné comme le gérant, et le bénéficiaire de la gestion est lui dénommé maître
de l'affaire ou géré.
La gestion d'affaire est une notion autonome qui doit être distinguée de 3 institutions voisines.
- Premièrement, elle se distingue du mandat qui suppose un accord préalable entre le mandant et le
mandataire, alors que le propre de la gestion d'affaires est le caractère véritablement spontané de
l'initiative du gérant.
Autre distinction, le mandat ne peut avoir pour objet que des actes juridiques, alors que la gestion
d'affaires peut porter sur des actes matériels.
-> Première différence, la stipulation pour autrui est la conséquence d'un contrat à proprement
parler, alors que la gestion d'affaires est une source autonome d'obligation, elle résulte, on le sait,
uniquement d'un fait volontaire.
-> 2e distinction : la stipulation pour autrui ne confère au tiers que des droits, là où la gestion
d'affaires peut imposer des obligations aux maîtres.
Voici donc pour les éléments distinctifs. Voyons désormais dans 2 sections distinctes les conditions
de la gestion d'affaires, puis le régime de ce quasi-contrats.
On commencera par envisager les conditions relatives aux personnes avant de voir celles qui sont
relatives aux actes.
Alors, ici certaines conditions vont être propre au maitre, au géré, et d'autres au gérant.
2 conditions sont ici exigées par l'article 1301 du code civil qui impose que la gestion d'affaires soit
intervenue « à l'insu ou sans opposition du maître. »
- D'une part, le maitre, donc le géré ne doit pas avoir consenti à la gestion parce qu'autrement un
contrat serait tout simplement formé. Il y aurait rencontre des volontés, ce qui exclurait
nécessairement un raisonnement en termes de quasi-contrat.
- D'autre part, il ne faut pas naturellement que le maître se soit opposé à la gestion. Si le maître
s'oppose, la gestion n'ouvrira alors aucun droit à son auteur. Bien plus d'ailleurs, l'acte du soi-disant
gérant va constituer nécessairement une faute qui pourrait alors engager sa responsabilité.
Par exemple, dans un arrêt rendu par la première chambre civile le 11 février 1986, la gestion
d'affaires a été admise dans une affaire dans laquelle un fils avait acquitté des mensualités de
remboursement d'un prêt malgré l'opposition de son père.
À qui incombait juridiquement le paiement de ce prêt ? Ici l'opposition du maître, donc du père,
n'était pas justifiée et la gestion d'affaire a donc pu être retenue.
Alors cette hypothèse d'opposition manifestement injustifiée n'est pas expressément envisagée par
les nouveaux textes qui sont silencieux sur ce point et qui ne visent d'ailleurs, on l'a vu, que l'absence
d'opposition du maître.
Pour autant, les textes ne condamnent pas expressément la position jurisprudentielle ancienne, ce
qui pourrait donc permettre à la Cour de cassation de la maintenir.
S'agissant donc de ces conditions relatives au gérant, le code civil précise que le gérant doit avoir eu
l'intention d'agir pour le compte et dans l'intérêt du maître.
Cette exigence résulte de l'article 1301 du code civil et elle s'explique par le fondement de ce quasi-
contrat. Seuls ceux qui ont agi dans un esprit altruiste méritent d'être protégés par l'application des
règles de la gestion d'affaires.
C'est donc pour cette raison qu'on exige que le gérant ait eu l'intention d'agir pour le compte et dans
l'intérêt de autrui.
D'ailleurs, de l'avis dominant, cette condition doit être entendue de manière particulièrement
rigoureuse. La simple conscience d'être utile à autrui sans avoir la volonté véritable de vouloir lui
rendre service ne devrait pas être considérée comme suffisante.
- Première conséquence, celui qui a agi en croyant satisfaire ses propres intérêts alors qu'en fait il
agit pour autrui, ne peut pas bénéficier du dispositif de la gestion d'affaire. En effet, l'article 1301 du
code civil impose que l'agent ait agi sciemment. Autrement dit, qu'il ait eu conscience de s'immiscer
dans les affaires de autrui, ce qui ne peut pas être le cas si le gérant penser agir pour lui-même pour
son propre compte, et ce quand bien même il se serait trompé et aurait en réalité agi pour autrui.
Par exemple, si une personne croyant être propriétaire d'un terrain, y construit une maison et que
par la suite, on découvre qu'en réalité, elle ne l'est pas, elle ne pourra pas agir alors contre le
véritable propriétaire du terrain, sur le fondement de la gestion d'affaires, pour obtenir une
indemnisation liée à la construction.
- 2ème conséquence qui doit être tirée de la condition relative à l'intention altruiste, lorsqu'on dit
que la volonté altruiste doit exister, cela ne revient pas à considérer que cette intention altruiste doit
être le mobile unique de l'action du gérant. Autrement dit, la gestion d'affaires n'implique pas un
désintéressement total. D'ailleurs, l'article 1301-4 du code civil dispose expressément que « l'intérêt
personnel du gérant à se charger de l'affaire d’autrui n'exclut pas l'application des règles de la
gestion d'affaires. »
Il faut donc une volonté altruiste. Mais cette volonté altruiste n'a pas à se doubler d'un
désintéressement total.
- 3e conséquence : Pour qu'il y ait gestion d'affaires, il faut que le immixtion dans les affaires de
autrui ait été spontanée. Cela implique que l’immixtion n'ait pas été imposée par une obligation
contractuelle ou par la loi. C'est ainsi, nous dit l'article 1301 du code civil, que le gérant doit être
intervenu, « Sans y être tenu ».
Alors, sur ce point, il faut sans doute apporter une nuance, tout simplement parce qu'il a pu être
admis par le passé que devient gérant celui qui, dépassant le cadre de l'obligation qui pèse sur lui,
accomplit plus que ce à quoi il est tenu.
L'illustration type pourrait être ici, celle dans laquelle une personne en sauve une autre. Prenons par
exemple l'hypothèse d'une personne qui est en train de se noyer et d'une autre qui intervient pour
l'assister et lui éviter ce faisant, la noyade. Admettons que ce sauveteur ne nage pas très bien et se
noie lui-même. Le raisonnement à tenir dans ce cas est en 2 temps.
- Premièrement, Il ne peut pas y avoir gestion d'affaire parce qu'il existe une obligation légale qui
impose d'assister les personnes en danger. Autrement dit, notre sauveteur avait ici l'obligation légale
d'intervenir.
- Mais, et c'est le 2e temps de la réflexion. Il pourrait y avoir gestion d'affaires, parce que cette
obligation légale d'intervenir a pour limite de ne pas se mettre en danger soi-même.
Or, dès lors qu'il s'est mis en danger pour sauver cette personne, on a dépassé le strict cadre de la
loi et de ce fait, il serait alors possible d'invoquer les règles de la gestion d'affaires pour obtenir une
indemnisation. Cette indemnisation pourrait intervenir dans le cas où la personne est décédée, au
bénéfice naturellement de ses ayants droits ou dans le cas où le sauveteur se serait lui-même blessé.
Quelques arrêts ont d'ailleurs accepté de faire application de la gestion d'affaires dans ces
hypothèses d'assistance ou de sauvetage. On peut citer un arrêt un peu ancien rendu par la première
chambre civile le 26 janvier 1988, ou beaucoup plus récemment, un arrêt rendu toujours par la
première chambre civile le 28 janvier 2010.
Il reste tout de même sur cette question d'assistance que la majorité de la jurisprudence
contemporaine a en réalité opté pour une autre direction. En d'autres termes, elle ne statue pas sur
le terrain de la gestion d'affaire.
En effet, dans de nombreux arrêts, la jurisprudence a préféré se placer dans un ordre strictement
contractuel. Les arrêts en question ont déduit des circonstances l'existence d'une convention dite
d'assistance bénévole conclue par les parties avant le sauvetage et qui comprendrait une sorte
d'obligation de sécurité, de résultat au profit de l'assistant et à la charge de l’assisté, obligation de
sécurité qui emporterait pour l'assisté, l'obligation de réparer les conséquences des dommages
corporels éventuels subis par l'assistant.
Cela étant, ce recours à cette convention d'assistance bénévole est parfois très artificiel, tout
simplement parce qu'il est artificiel de considérer qu'il y a eu formation d'une convention avant le
sauvetage. Cette hypothèse se conçoit aisément,
- soit lorsque le secouru est en position d'accepter le secours, il peut y avoir alors vraiment échange
des volontés,
- soit par exemple pour des navigateurs sur un même bateau ou pour les membres d'une équipe de
plongée dont l'un se trouverait en difficulté.
Mais quid dans les cas dans lesquels soit la personne secourue et inconsciente ou hors d'état de
manifester sa volonté et que le sauveteur n'a aucun lien avec elle ? Et bien la solution a alors été de
présumer la convention en retenant qu'elle a été conclue dans l'intérêt exclusif de l'assisté.
Cela étant, même dans cette hypothèse, l'artifice demeure. Qu'il y ait accord ou non de la victime
peut-on vraiment considérer qu'il y a eu alors consentement libre et éclairé au secours ? La victime
n'a souvent tout simplement pas le choix.
Ici, la gestion d'affaires pourrait donc en réalité trouver une application et permettre de contourner
ces difficultés. Elle serait un fondement, à certains égards bien plus satisfaisant et beaucoup
d'auteurs plaident pour le recours à la gestion d'affaire plutôt qu’à la convention d'assistance
bénévole. Certains auteurs plaident même pour un quasi-contrat idoine, qui pourrait prendre la
forme d'un quasi-contrat d'assistance.
Alors peut être que la jurisprudence finira sur ce point par avoir recours au quasi-contrat, qu'il
s'agisse de la gestion d'affaires ou d'un quasi-contrat autonome ce qui pourrait permettre de
gommer l'artifice de la position actuelle.
Quoi qu'il en soit, la solution selon laquelle la gestion d'affaires pourrait être retenue lorsque le
gérant, par son intervention, dépasse ce à quoi il est tenu devrait perdurer même après la réforme
du droit des obligations.
Cela étant dit, voyons désormais les conditions relatives aux actes.
II/ Les conditions relatives aux actes
Alors, concernant ces conditions relatives aux actes, l'une à trait plus spécifiquement à l'objet de la
gestion. C'est ce que nous verrons en grand A, et l'autre à l'utilité ou à l'opportunité de cette gestion
et c'est ce que nous verrons en grand B.
A. L’objet de la gestion
Alors ici, il faut comprendre que la gestion d'affaires peut être relativement large.
La gestion peut consister en effet aussi bien en des actes matériels qu’en des actes juridiques. Cette
solution résulte de l'article 1301 du code civil.
Par acte matériel, on pourrait par exemple penser à la fourniture de nourriture aux ouvriers d'un
entrepreneur défaillants, ou bien à la surveillance spontanée d'une compétition sportive ou encore à
la conservation d'un objet qui aurait été égaré par son propriétaire.
Dans tous les cas, nous sommes face à des actes matériels et non pas à des actes juridiques.
Par ailleurs donc, la gestion d'affaire peut prendre la forme d'actes juridiques pour autrui. Alors quels
actes juridiques vont être exactement concernés ici ? Eh bien, en réalité, tous les actes juridiques.
- Premièrement, peuvent être concernés les actes dits conservatoire ou d'administration. Imaginons
tout simplement une fuite d'eau chez votre voisin dont vous avez les clés. Pour éviter une
inondation, vous sollicitez alors l'intervention d'un plombier. Eh bien ici, vous pourriez obtenir
indemnisation de la somme dont vous vous êtes acquitté, si les autres conditions de la gestion
d'affaires sont naturellement réunies. Il s'agit ici tout simplement d'un acte pris à titre conservatoire
pour votre voisin.
La 3e catégorie d'actes juridiques concerne les actes de disposition. Alors pour ces actes de
disposition, une discussion qui est aujourd'hui close a été engagée.
Ces actes de disposition tiennent en réalité aux actes qui permettent, comme le nom l'indique, de
disposer du bien, par exemple la vente. Or il faut savoir que des auteurs étaient particulièrement
hostiles à l'admission de ce type d'actes et il s'est opposé en réalité en faisant une sorte d’analogie
par rapport aux règles applicables au mandat.
En matière de mandat en effet, seuls les actes conservatoires ou d'administration sont admis les
actes de disposition sont eux exclus.
Il reste que la jurisprudence a finalement admis, et ce assez tôt, que les actes de disposition puissent
entrer dans le domaine de la gestion d'affaire. Elle l'a admis par exemple dans un arrêt en date du 28
octobre 1942, à l'occasion duquel elle a admis que la gestion d'affaires puisse consister en l'aliénation
de valeurs mobilières.
De même, dans un arrêt de 1974, elle a admis d'appliquer la gestion d'affaires à un cas d'échange de
parcelles de terrain.
Des auteurs font toutefois remarquer que la plus grande prudence s'imposerait dans ce cas et que de
tels actes de disposition ne devraient être admis qu'exceptionnellement. Par exemple, il pourrait être
admis lorsqu'il s'agit de biens périssables ou dont la bonne gestion nécessite des opérations
fréquentes. Ou encore en présence de circonstances tout à fait exceptionnelles.
Cela étant, la jurisprudence elle, a tendance plutôt à admettre assez largement les actes de
disposition et ce y compris pour des ventes, vente de biens meubles meublants, de mobilier, donc
par exemple.
Cette jurisprudence relative aux actes de dispositions devrait perdurer après la réforme, dans la
mesure où l'article 1301 vise, on l'a dit sans aucune distinction, tous les actes juridiques. Cette
expression comprend donc sans distinguer à la fois les actes de conservation, d’administration, et
nécessairement de dispositions.
Cette solution qui s'explique sans doute par la volonté d'éviter des initiatives abusives, a été critiquée
par la doctrine. Des auteurs ont souligné que, au regard de la sauvegarde des intérêts du maître, ce
qui importe est davantage l'utilité de l'acte que sa nature. Or il est évident que l'introduction d'une
action en justice pour le compte de autrui est un acte qui, dans certaines circonstances peut tout à
fait être utile.
Alors sur ce point, sur cette question de l'action en justice, les nouvelles dispositions du code civil
sont muettes. Elles n'excluent pas expressément la gestion d'affaires sans pour autant consacrer
expressément la solution inverse.
Une incertitude demeure donc quant au maintien ou non de la solution de la Cour de cassation sur ce
point.
Pour finir sur cette question de l'objet de l'acte, on précisera qu'en toute hypothèse, l'acte de gestion
doit être licite. La solution naturellement, s'impose. Le gérant ne bénéficie de la protection légale
que dans la mesure où son action est conforme au droit est licite.
En d'autres termes, on comprend qu’un acte intrinsèquement illicite, même s'il procure un gain à
autrui, ne peut pas servir de base à une gestion d'affaires.
Il en va ainsi, par exemple de la résiliation fautive d'un contrat, alors pourtant qu'elle aurait permis
de réaliser une économie pour l'autre partie. Ici, cette résiliation fautive, donc illicite, n'autorise pas
celui qui a agi à se prévaloir des règles de la gestion d'affaires.
L'acte de gestion doit présenter une utilité pour le maitre. En effet, l'article 1301 vise expressément
celui qui gère utilement l'affaire d’autrui.
Cela étant, l'utilité n'a en réalité jamais été cantonnée à l'urgence et l'article 1301, pas plus d'ailleurs
que l'article que l'ancienne article 1375 ne fait état de cette circonstance.
La seule exigence en la matière est que, sans nécessairement qu'il y ait une urgence, la gestion ait été
utile, qu'elle ait produit une certaine utilité.
Alors ce principe posé, deux précisions doivent être apportées, qui montreront que le terme utilité
est ici entendu dans un sens assez particulier.
- Première précision, l'utilité doit être appréciée au moment de la gestion et non pas au moment où
le gérant demande à être indemnisé. Cette solution a été posée dès 1942 et elle a été reprise par la
suite.
Si, par exemple, le gérant fait réparer le toit de son voisin et si quelques mois après admettons, cette
maison est détruite par un incendie. Dans ce cas-là jurisprudence va quand même considérer que
l'acte de gestion était utile, actes de gestion qui consistait donc à réparer le toit, et le gérant sera
indemnisé alors même que la maison n'existe plus.
- Seconde précision : la gestion peut être considérée comme utile alors qu'elle n'a abouti même dans
l'immédiat, a aucun résultat favorable. Cette affirmation peut paraître paradoxale. Mais l'exemple
type est l'hypothèse d'un acte d'assistance ou de dévouement qui se solde par un échec. Le
sauveteur, par exemple, qui n'empêche pas la noyade du secouru, n'en sera pas moins indemnisé s'il
a subi un dommage au cours de son intervention.
Autrement dit, il faut comprendre que l'utilité va s'entendre du résultat escompté et non pas
forcément du résultat obtenu.
Quoi qu'il en soit, si l'acte n'est pas du tout jugé utile, il ne produira pas les effets de la gestion
d'affaire.
Par exemple, des travaux qui seraient accomplis par un garagiste, alors qu'ils n'ont pas été
commandés et qu'ils ne présenteraient aucun intérêt évident, ne pourrait pas faire l'objet d'une
indemnisation sur ce terrain-là. Le coût restera alors à la charge de celui qui en a pris l'initiative. Et s'il
s'agit d'un acte juridique, le maître ne sera pas tenu de le respecter.
On précisera enfin que l'utilité de la gestion s'apprécie normalement ab initio, c'est à dire au temps
de celle-ci même si ce jugement est porté à posteriori.
Plus précisément, le juge doit se demander si, au moment où les actes ont été accomplis, ils étaient
utiles, ou pouvait sembler utile aux yeux de l'agent. À cet égard, peu importe que par la suite, l'utilité
se soit évanouie.
Pour reprendre l'exemple classique de la réparation du toit de la maison voisine, on l'a dit, le fait
qu'un événement fortuit, une nouvelle tempête, un incendie ait rendu inopérante, en définitive,
l'intervention de l'agent n'a pas de conséquence.
Ce faisant, nous avons donc fait le tour des conditions de la gestion d'affaires et il nous faut
désormais en envisager les effets.
Première remarque relative aux effets de la gestion d'affaires, remarque relativement évidente, la
gestion d'affaires ne produit pas ses effets si le maître ratifié la gestion dans ce cas. En effet, celui-ci
n'est plus tenu quasi contractuellement, mais il devient tenu contractuellement.
De par le jeu de sa volonté, il est engagé en réalité comme s'il avait initialement donné un mandat au
gérant. L'article 1301-3 du code civil prévoit ainsi que la ratification de la gestion par le maître vaut
mandat.
Par conséquent, la question des effets de la gestion d'affaire se posera exclusivement en l'absence de
ratification de la gestion. Quid dans ce cas ?
La gestion d'affaire produit alors des effets, d'une part entre le gérant et le maître, et d'autre part à
l'égard des tiers ?
Il faut distinguer ici les obligations du gérant d'une part, et les obligations du maître d'autre part.
L'article 1301 du code civil impose au gérant les mêmes obligations qu’au mandataire. Ces
obligations sont en réalité au nombre de 3.
- Première obligation : le gérant est tenu d'apporter à la gestion tous les soins d'une personne
raisonnable. Cette règle est posée par l'article 1301-1 du code civil.
Du critère de la personne raisonnable il résulte que le gérant est responsable de toute faute, même
d'imprudence ou de négligence, qu'il commettrait dans sa gestion d'affaires. Cela étant, cette
responsabilité pour faute peut être atténuée de 2 manières.
- D'une part, le juge peut se montrer indulgent en raison de la gratuité du service rendu. On retrouve
d'ailleurs cette même indulgence en matière de mandat.
- Et d'autre part, les tribunaux par application de l'article 1301-1 alinéa 2 du code civil peuvent au
regard des circonstances qui ont conduit le gérant à s'occuper de l'affaire, modérer les dommages et
intérêts qui résulteraient de ses fautes ou de sa négligence.
- Deuxième obligation qui incombe au gérant : comme le mandataire, le gérant est obligé de
continuer la gestion jusqu'à son terme. L'idée ici est que l'on doit terminer tout simplement ce que
l'on a commencé.
Ici, il faut tout de même préciser que cette obligation est bien plus pressante, bien plus forte dans la
gestion d'affaires que dans le mandat simple parce que le mandataire peut, lui, toujours renoncer au
mandat. À l'inverse, le gérant est lui tenu de continuer la gestion jusqu'à ce que le maître soit en état
d'y pourvoir personnellement.
D'ailleurs, sur ce point, le gérant est même tenue en cas de décès du maître, même en cas de décès,
il est tenu de continuer la gestion post mortem jusqu'à ce qu'il ait prévenu le successeur et que ce
dernier ait pu prendre la direction de l'affaire.
La mort du maître, du géré, ne le libère donc pas, à la différence de ce qui s'observe en matière de
mandat.
- 3ème obligation du gérant. À l'instar cette fois de l'obligation pesant sur le mandataire, le gérant
est obligé de rendre compte de sa gestion et, le cas échéant, de restituer les sommes qui
appartiennent au maître, ou au géré.
Alors, à vrai dire, aucun article du code civil ne mentionne expressément cette obligation de rendre
compte du gérant d'affaires. Mais cette condition est unanimement admise et elle est somme toute
parfaitement logique.
Plus largement d'ailleurs, et au-delà de cette obligation de rendre compte au géré, il appartient au
gérant d'informer avec célérité le mettre. En d'autres termes, le gérant doit tenter de joindre le
maître par tout moyen et le plus vite possible, afin de prendre ses instructions et de tenter de lui
repasser la main.
- Tout d'abord, le maître est tenu de respecter les engagements que le gérant a pris en son nom.
C'est l'article 1301-2 alinéa premier et 2nd du code civil. En d'autres termes, il est contractuellement
tenu éventuellement des engagements qui ont pu être pris par le géant.
- Ensuite, et c'est là la 2nde obligation du maître, il doit indemniser le gérant d'une part des dépenses
que ce dernier a pu faire pour lui. Et d'autre part, des dommages éventuellement subis par le gérant
lors de sa gestion. Ici, la règle est posée par l'article 1301-2, alinéa 2 du code civil.
Voici pour les obligations du maître, qui sont donc relativement simples. Passons désormais aux
effets de la gestion d'affaires à l'égard des tiers.
- Lorsque le gérant a traité avec des tiers en son nom personnel, il y a gestion, mais sans
représentation. Dans cette hypothèse, le gérant est alors tenu envers les tiers avec lesquels il a donc
pu contracter, et le maître à l'inverse, lui ne l'est pas puisqu'il n'est tout simplement pas intervenu ou
apparu dans l'opération. C'est donc seulement lorsque le gérant aura rempli ses obligations à l'égard
des tiers, par exemple, payer l'entrepreneur, qu'il pourra se retourner contre le maître pour obtenir
indemnisation des engagements personnels qu'il a souscrits.
On retrouve ici l'exemple dans lequel vous faites appel à un plombier pour intervenir sur une fuite
chez votre voisin. Vous ne pourrez vous retourner contre votre voisin qu'une fois acquittée votre
dette envers le plombier.
- Lorsque le gérant a au contraire déclaré expressément agir pour le compte du maître, il y a alors
gestion avec représentation. Dans ce cas, le gérant n'est pas contractuellement obligé à l'égard du
tiers avec lequel il a traité. C'est en principe ici par application des règles de la représentation, le
maître seul qui est obligé. La solution résulte de l'article 1301-2 du code civil.
Dans cette hypothèse donc, on le comprend, le tiers va avoir une action direct contre le maître lui-
même.
Il faut encore ajouter sur ce point que l'ordonnance de 2016 clôt le chapitre consacré à la gestion
d'affaires par un article 1301-5 qui dispose que je cite, « si l'action du gérant ne répond pas aux
conditions de la gestion d'affaire mais profite néanmoins au maître de cette affaire, celui-ci doit
indemniser le gérant selon les règles de l'enrichissement injustifié »
En d'autres termes, lorsque toutes les conditions d'affaires ne sont pas remplies, on peut se reporter
sur cet autre quasi-contrat qui est l’enrichissement injustifié.
Alors sa disposition tente en réalité, à souligner les analogies qui existent entre les 2 institutions.
Mais on peut en réalité s'interroger sur son utilité réelle.
En effet, d'une part, un plaideur peut toujours, si une voie de droit lui est fermée, opter pour un
autre fondement, et ce, sans qu'il soit nécessaire que le code civil lui autorise expressément. D'autre
part, pour que le gérant puisse agir sur le fondement de l'enrichissement injustifié, il ne suffit pas en
principe que les conditions de la gestion d'affaires ne soient pas réunies. Encore faut-il ici que celle
de l'enrichissement injustifié le soit.
Sur cette remarque, nous en avons fini avec ces premiers quasi-contrats. Voyons désormais à
l'occasion d'un 2e chapitre, le 2nd quasi-contrats envisagé par le code, à savoir le paiement de l'indu.
Le paiement de l’indu est une hypothèse qui va se rencontrer lorsqu'une personne a accompli, au
profit d'une autre, une prestation que celle-ci n'était tout simplement pas en droit d'exiger d'elle.
Sous certaines conditions, la 2nde personne, celle qui reçoit donc et qui est dite "accipiens" est alors
obligée à restitution envers la première, celle qui donne et que l'on désigne sous le terme de «
solvens ».
Un exemple peut être pour rendre l'hypothèse plus concrète. Imaginons un héritier qui paye une
dette du défunt en ignorant qu'elle a déjà été payée, ou en ignorant qu'il a en fait été déshérité par
testament. L’héritier, solvens, pourrait alors demander restitution à celui qui a reçu le paiement,
accipiens.
Un autre exemple : un assureur qui verse une indemnité en ignorant que le dommage qui est
survenu est survenu dans des circonstances particulières qui étaient exclues par la police
d'assurance. En d'autres termes, l’indemnité n'était pas due. Dans ce cas, notre assureur solvens,
peut demander restitution des sommes à l'assuré, accipiens.
Cette obligation de restitution repose bien évidemment sur le caractère peu moral que présenterait
la conservation de ces versements sans justification.
Là encore, on devine les proximités entre les différents quasi-contrats et notamment la parenté avec
l'enrichissement injustifié que nous envisagerons dans un 3e chapitre.
Il reste que le paiement de l'indu présente des conditions qui lui sont propres et des effets qui lui
sont tout aussi propres.
Depuis la réforme du droit des obligations, il est réglementé aux articles 1302 à 1302-3 du code civil.
Exactement comme pour la gestion d'affaire. On envisagera donc successivement les conditions du
paiement de l'indu donnant droit à répétition, puis les modalités de la restitution.
Pour qu'il y ait obligation de restitution, il faut qu'il y ait eu avant un paiement de la part du solvens à
l’accipiens, mais aussi que ce paiement soit indu, c'est à dire qu'il ait été réalisé en l'absence de
dette. Enfin, le solvens doit avoir commis une erreur, il doit s'être trompé en s’acquittant du
paiement.
3 conditions donc.
La restitution de l'indu suppose donc par hypothèse, qu'un paiement ait eu lieu antérieurement.
Alors, naturellement, il peut s'agir ici et ce sera en réalité très souvent le cas du versement, par le
solvens d'une somme d'argent à l’accipiens.
Mais on le sait, la notion de paiement a en droit un sens beaucoup plus étendu que dans le langage
courant. De manière générale, le paiement désigne en effet l'exécution de toute espèce d'obligation.
Par conséquent, le paiement peut prendre la forme au-delà du versement d'une somme d'argent, de
la remise d'une chose quelconque, d'un objet, par exemple qui ne serait pas livré au bon
destinataire.
Le paiement peut également prendre la forme, et c'est assez fréquent, de ce qu'on appelle une
dation en paiement, voire, il peut prendre, prendre la forme d'une simple inscription en compte dès
lors qu'il ne s'agit pas de l'exécution volontaire d'une obligation naturel.
• Dation (en paiement) = opération par laquelle le débiteur se libère de son obligation, avec
l'accord du créancier, en donnant en paiement une chose autre que la chose due. (En matière de
succession, le débiteur peut, dans certains cas, remettre au fisc des œuvres d'art pour acquitter ses
droits.)
En revanche, il faut semble-t-il ici exclure l'hypothèse dans laquelle le paiement prendrait la forme
d'une exécution d'une prestation de service dans la mesure où cette prestation de service ne peut en
réalité tout simplement pas donner lieu à restitution.
Quoi qu'il en soit, on l'a vu, le paiement s'entend ici relativement largement et pas seulement de la
remise d'une forme d'une somme d'argent. Quelle que soit la forme prise par le paiement, celui-ci
doit en toute hypothèse être intervenu en l'absence de dette.
Pour qu'une personne puisse se prévaloir de la réglementation relative au paiement de l'indu, il faut
naturellement une absence de dette, c’est-à-dire, il faut un indu.
Plus précisément, cette condition va se rencontrer dans 2 sortes d'hypothèses qui sont visées
respectivement à l'article 1302-1 du code civil, et 1302-2 du même code.
- Première hypothèse, il se peut que la dette payée n'existe tout simplement pas dans sa totalité ou
en partie, ou qu'elle n'existe plus parce qu'elle a déjà été payée. En d'autres termes, cette hypothèse
correspond au cas où le paiement est sans justification à la fois pour le solvens et pour l’accipiens, le
premier n'ayant pas de dette et le 2nd n'ayant pas de créance.
On sera face à cette hypothèse, donc d'indu objectif, dans le cas par exemple, d'un héritier qui paye
la dette du défunt en ignorant que ce dernier l'avait déjà acquitté de son vivant.
- La 2nde hypothèse est celle dans laquelle la dette existe mais pas entre celui qui l'a payé et celui qui
l'a reçu. Autrement dit, ici, le rapport d'obligation existe bel et bien, mais à la charge d'un autre
débiteur. C'est le cas par exemple ou le versement va être effectué par un non débiteur au vrai
créancier. Ou alors au profit d'un autre créancier. Hypothèse dans lequel le versement serait alors
effectuée par le vrai débiteur, mais à un non-créancier.
Ces hypothèses peuvent se rencontrer par exemple, et c'est souvent le cas en matière de sécurité
sociale, notamment lorsqu'un organisme public adresse un paiement à un homonyme du
destinataire réel. Ici, la dette existe bel et bien, mais elle n'est pas versée à la bonne personne.
On entend tout simplement par là que, même en l'absence de dette, le paiement n’est répétible,
qu'autant qu'il a été effectué par erreur.
Cette erreur consiste en fait de la part du solvens à s’être cru débiteur de l’accipiens.
À première vue, la justification de cette exigence est assez évidente. Si le solvens savait en payant
qu'il n'était pas le débiteur, alors, il est logique de penser soit qu'il a voulu faire une libéralité, à
l’accipiens, soit qu'il a entendu payer la dette d'une véritable débiteur à la suite, par exemple, d'une
intention libérale ou encore par volonté de rembourser une dette préexistante en utilisant le
mécanisme, par exemple, de la délégation.
Cela étant dit, il est certain que l'erreur est une donnée psychologique, et à ce titre, c'est une donnée
particulièrement difficile à prouver.
Par conséquent, si la restitution de l’indu est systématiquement subordonnée à une telle exigence
d'erreur, le risque de ne pas indemniser celui qui s'est appauvri sans justification devient
relativement fréquent.
Et c'est la raison pour laquelle la jurisprudence antérieure à la réforme a connu une certaine
évolution.
Pour éviter que le solvens ne subisse un sort trop défavorable, la haute juridiction a opéré une
distinction.
Elle n'imposait plus en réalité, au solvens de démontrer son erreur en matière d’indu objectif. On
peut citer en ce sens notamment, un arrêt d'assemblée plénière du 2 avril 1993 ou plus récemment
un arrêt rendu par la Chambre sociale le 14 décembre 2004.
La condition relative à l'erreur n'était donc exigée qu'en matière d'indu subjectif. Plus précisément,
elle était exigée de manière ferme dans l'hypothèse où le paiement avait été effectué par un non
débiteur au vrai créancier. On peut citer notamment sur ce point un arrêt de la chambre
commerciale du 5 mai 2004.
La question était en revanche beaucoup plus discutée de savoir si l'erreur devait être exigée lorsque
le solvens avait payé sa dette entre les mains d'un autre que son créancier.
N'était-il pas possible de soutenir dans ce cas, que l’accipiens avait reçu une somme alors qu'il n'était
pas le véritable créancier, et que, de ce fait, il ne méritait donc pas de protection. Il était donc justifié
alors de ne pas exiger du le solvens qu'il rapporte la preuve de son erreur.
Ce point était en réalité énormément discuté en doctrine, mais il n'a jamais été tranché de manière
certaine par la jurisprudence.
Quoi qu'il en soit, aujourd'hui, la réforme semble avoir réglé la question en imposant que soit établie
l'erreur du solvens que dans l'hypothèse où un non-débiteur paie un vrai créancier. C'est l'article
1302-1 et -2 du code civil.
Autrement dit, il faut désormais retenir que l'erreur n'est pas exigée, non seulement en cas d’indu
objectif, comme la JP le décidait antérieurement, mais également dans le cas d'un indu subjectif,
lorsque le paiement a été effectué par un débiteur à une personne qui n'était pas son créancier.
On notera enfin que l'article 1302-2 ajoute à l'hypothèse d'un paiement effectué par erreur celle du
paiement effectué sous la contrainte. Cet ajout ne fait finalement que reprendre une jurisprudence
relativement traditionnelle et qui date des années 1980.
Cette jurisprudence assimilait en effet déjà la contrainte à l'erreur pour tenir compte notamment des
hypothèses ou un non-débiteur paie le créancier pour éviter de s'exposer à une sanction.
Par exemple, un cas de demande de paiement par le fisc ou par l’URSSAF. Voici pour les conditions
du paiement de l'indu.
Alors sur ces modalités de la restitution de l'indu, le principe est en fait assez simple.
Cela étant, cette obligation de restitution est parfois écartée ou limitée, alors même que toutes les
conditions qui ont été précédemment posées sont réunies.
Cette obligation donne donc lieu à une action dite en répétition de l'indu, action en répétition de
l'indu dont on va préciser les conditions d'exercice et le résultat.
Alors ici, il faut faire 2 remarques. La première concerne les parties à l'action et la 2nde, le délai de
prescription.
- S'agissant premièrement des parties à l'action, l'action en répétition de l'indu peut être exercée
contre celui qui a reçu le paiement, accipiens ou contre celui pour le compte duquel il a été reçu.
Ainsi, c'est soit l’accipiens, soit son mandataire qui ont qualité pour occuper la position de défendeur
à l'action en répétition de l'indu.
Mais que décider dans l'hypothèse particulière où le solvens a payé le véritable créancier ?
Dans ce cas en effet, l’accipiens a reçu une somme qui lui était due, de sorte que celui qui a
réellement bénéficié de l'opération n'est pas tant l’accipiens que le véritable débiteur qui était tenu
de la dette. Aussi, on pourrait penser que l'action devrait alors être dirigée contre ce véritable
débiteur et non pas contre le créancier qui a reçu paiement d'une somme qui lui était effectivement
due.
Alors sur cette question, dans un premier temps, la Cour de cassation n'a ouvert l'action en
restitution qu’à l'encontre de celui qui avait effectivement encaissé les fonds, c'est à dire ici
l’accipiens créancier.
En d'autres termes, l'action ne pouvait donc pas être dirigée contre le véritable débiteur. Cette
solution résulte notamment d'un arrêt rendu par la Chambre sociale le 24 octobre 1983.
Par la suite, la Cour de cassation a pu sembler opérer un revirement de jurisprudence. C'est en tout
cas ce qu'a pu déduire la doctrine de certains arrêts, et notamment d'un arrêt rendu par la première
chambre civile le 12 mai 1987 puis plus récemment, par la même chambre le 23 septembre 2003 ou
encore le 9 mars 2004.
Dans ses arrêts, elle a semblé décider que le vrai bénéficiaire de l'Indu est celui dont la dette se
trouve acquittée par celui qui ne la devait pas. En d'autres termes, le vrai bénéficiaire de l'indu serait
le débiteur réel.
- D'une part, il ne serait plus possible, comme avant, de demander la répétition de l'Indu à l’accipiens
qui est véritablement créancier.
Désormais, les nouvelles dispositions du code civil ont clarifié les choses. Elles admettent en effet que
lorsque le solvens a payé le véritable créancier il puisse alors demander restitution soit au créancier,
soit à celui dont la dette a été acquittée par erreur.
Le solvens dispose donc désormais expressément d'une option qui lui permet de choisir contre qui il
entend diriger son action.
Cette action, donc, commence à se prescrire à compter du paiement et selon le délai de droit
commun, autrement dit 5 ans, depuis la loi du 17 juin 2008.
L'ordonnance de 2016 a introduit dans le code civil un chapitre qui est relatif aux restitutions,
chapitre qui est prévu par les articles 1352 à 1352-9 du code civil, et dont les dispositions
s'appliquent en réalité aussi bien lorsque les restitutions sont dues à la suite d'une annulation ou
d'une résolution du contrat, ou lorsqu'elles sont dues sur le fondement du paiement de l'indu.
Il faut donc s'en remettre à ces règles. Or, ces règles imposent de distinguer, selon que l’accipiens est
de bonne ou de mauvaise foi, c'est à dire selon qu'il a cru que le paiement était régulier ou qu'il avait
connaissance, au contraire de son irrégularité.
- Première hypothèse, donc l’accipiens était de bonne foi. L’accipiens de bonne foi doit alors restituer
ce dont il s'est effectivement enrichi. La solution est simple, mais il en découle 3 conséquences.
- Première conséquence, la restitution ne porte que sur la chose rendue. Les intérêts, s'il s'agit
naturellement d'une somme d'argent ou les fruits, s'il s'agit d'un corps certain ne sont dus qu'à
compter du jour où l’accipiens cesse d'être de bonne foi.
[Les choses de genre sont des choses fongibles, elles sont interchangeables : ex. : blé, argent… Elles
se comptent, se pèsent, se mesurent. Les corps certains sont des choses individualisées, comme
l’immeuble au 35 rue Froidevaux à Paris ou encore la Joconde. Cette distinction n’est que relative.
Une chose fongible peut devenir un corps certain : une voiture sortie d’une chaine à l’usine est une
chose de genre qui devient un corps certain après immatriculation]
C'est à dire à compter de la citation en justice ou de la mise en demeure de restituer les sommes.
- 2e conséquence, si le paiement a consisté dans la livraison d'un corps certain, c'est à dire d'un bien
particulier et que l’accipiens a ensuite aliéné ce bien, dans ce cas donc de la revente du bien reçu en
livraison, la restitution ne va porter que sur le prix reçu en contrepartie de l’aliénation, quand bien
même ce prix serait inférieur à la valeur réelle de la chose.
- 2e hypothèse, l’accipiens de mauvaise foi, autrement dit, l’accipiens, qui avait connaissance du
caractère indu du paiement. S’agissant de cet accipiens de mauvaise foi, il peut être tenu, lui, à
restituer plus que ce dont il s'est enrichi. L'essentiel dans ce cas est que le solvens ne se soit pas
appauvri.
Dans cette hypothèse de l’accipiens de mauvaise foi, le paiement produira des intérêts.
- 2e conséquence, en cas d'aliénation, la restitution va porter cette fois-ci non pas sur le prix, tiré de
l'aliénation, mais sur la valeur réelle de la chose si cette valeur est supérieure au prix de vente, étant
précisé ici que la valeur de la chose va s'apprécier au jour de la restitution.
Précisons enfin que le solvens est également susceptible d'assumer de son côté des obligations.
Il doit tenir compte à l’accipiens des dépenses nécessaires et utiles qu'il a pu engager pour la
conservation de la chose qui lui a été indûment remise. Une telle obligation suppose naturellement
que la chose indûment remise soit alors un corps certain.
Cette règle vaut d'ailleurs même lorsque l’accipiens aurait été de mauvaise foi, ce qui s'explique par
le fait que autrement, le solvens, bénéficierait tout simplement d'un enrichissement sans cause.
Voyons désormais dans un 2nd paragraphe, les cas où l'obligation de restitution est exclue ou
limitée.
La première résulte de la destruction du titre de créance par le créancier, et la 2nde, plus classique,
résulte de la faute du solvens.
On l'a dit, l'action en répétition va être exclue dans l'hypothèse dans laquelle le créancier va avoir
détruit son titre de créance au moment où ayant reçu de bonne foi le paiement par une personne
autre que le débiteur réel, ayant reçu ce paiement de bonne foi, il a cru à la validité du paiement, et
par suite, donc, à l'inutilité de conserver le titre qui constate la créance.
Dans cette hypothèse, il lui suffira d'invoquer cette circonstance pour faire obstacle à l'action en
restitution, puisque cette circonstance va le mettre dans l'impossibilité de poursuivre le véritable
débiteur du fait de l'absence de preuves.
Il convient de remarquer sur ce point que antérieurement à la réforme, cette disposition avait pu
paraître pratiquement caduque, dès lors que la jurisprudence considérait dans l'hypothèse où
l’accipiens est le véritable créancier, que l'action en répétition du solvens devait être exercée, on l'a
vu contre le véritable débiteur.
Dès lors, l'action en répétition ne pouvant plus être dirigée contre le véritable créancier, il devenait
finalement totalement inutile pour ce dernier d'invoquer la fin de non-recevoir qui était alors prévue
par l'alinéa 2 de l'ancien article 1377 du code civil.
Cela étant désormais, on l'a dit à l'article 1302-2 du code civil prévoit que le non débiteur qui a payé
un vrai créancier peut agir au choix, soit contre le vrai débiteur, soit contre le créancier.
B. La faute du solvens
Au-delà, donc, de la fin de non-recevoir qui vient d'être envisagée, la jurisprudence antérieure à la
réforme admettait également dans son dernier état, que le remboursement de l'indu puisse être
supprimé ou moins réduit en cas de faute du solvens.
Pour illustrer, on peut citer un arrêt rendu par la première chambre civile le 17 février 2010.
Cette solution est consacrée aujourd'hui expressément à l'article 1302-3 alinéa 2 du code civil.
Cet article dispose tout simplement que la restitution peut être réduite si le paiement procède d'une
faute.
- D'une part, la faute d'un solvens ne peut pas faire obstacle totalement à l'action en répétition. Elle
n'est en réalité prise en compte que au moment de la détermination du montant de la restitution.
- D'autre part, aucun critère de gravité de faute n'est exigé. En d'autres termes, il faut comprendre ici
que toute faute, même une faute simple, peut entraîner une réduction du montant à restituer.
Simplement selon la gravité de la faute, l'étendue de la réduction ne fera naturellement pas la
même.
Voyons enfin pour terminer le 3e quasi-contrat régi par le code civil : l'enrichissement injustifié.
P27_L enrichissement injustifié.
Jusqu’ à présent, la dénomination retenue était celle d'enrichissement sans cause, mais sur fond de
disparition de la notion de cause, le nom s'est transformé et l'on parle désormais d'enrichissement
injustifié.
Alors ici, l'idée est assez simple. Elle est fondée sur un principe d'équité en vertu duquel nul ne peut
s'enrichir injustement aux dépens de autrui.
Alors en réalité, des individus s’enrichissent assez fréquemment aux dépens d’autrui puisque
normalement, l'accroissement d'un patrimoine implique l'appauvrissement corrélatif d'un autre.
Il arrive cependant que ce déplacement de valeur s'opère sans fondement, sans justification légitime.
Et dans ce cas, afin de rétablir l'équilibre injustement rompu entre les 2 patrimoines, la question s'est
posée en jurisprudence de savoir s'il fallait donner à l’appauvri une créance contre l’enrichi.
Au demeurant, si cette question s'est posée en jurisprudence c'est que le code civil, dans son
ancienne version, ne formulait pas de règle générale selon laquelle c'est une personne se trouve être
enrichi sans cause aux dépens d'une autre, cette dernière pouvait alors demander une indemnité.
Il n'y avait pas de règle générale ici pour rééquilibrer les patrimoines, mais seulement quelques
dispositions particulières qui intervenaient dans des domaines relativement précis.
En réponse à cette question, et à cette problématique, la Cour de cassation a donc très tôt décidé
qu'il fallait considérer l'enrichissement sans cause comme une source autonome d'obligation. Et c'est
ainsi que, par un premier arrêt en date du 15 juin 1892, elle a admis que l’appauvri sans cause
bénéficie d'une action en récupération dénommée alors « action de in rem verso. »
Cette action de in rem verso est fondée sur le principe d'équité qui défend tout simplement de
s’enrichir au détriment de autrui.
Mais une telle règle à la portée relativement phénoménale qui permet de mettre une obligation à la
charge de l'enrichi et au profit de l’appauvri serait de nature à bouleverser considérablement le droit
positif, si elle n'était pas enfermée dans des conditions très strictes d'application. Et c'est la raison
pour laquelle la jurisprudence a établi justement des conditions particulièrement strictes que le
législateur a repris aux articles 1303 et suivants du code civil.
Nous verrons donc d'abord ces conditions à l'occasion d'une première section, avant de voir les effets
de l'action dite de in rem verso en 2nde section.
A. L’enrichissement du défendeur
L'article 1303 du code civil impose ici tout simplement que l'une des parties ait bénéficié d'un
enrichissement sans préciser plus en avant ce que recouvre cette notion.
Alors, si on se réfère à la jurisprudence antérieure sur ce point, on constate qu'elle est en réalité
assez large et que la jurisprudence était relativement libérale.
L'enrichissement s'entend en réalité par tout avantage qui serait appréciable en argent.
Cet enrichissement peut donc prendre la forme d'un gain positif comme la remise d'une somme ou
l'acquisition d'un bien nouveau ou encore la plus-value que va procurer un bien déjà existant. Mais
l'enrichissement peut aussi prendre la forme d'une diminution du passif. Par exemple, le demandeur
qui a éteint une dette du défendeur.
Alors là encore, l'article 1303 du code civil ne précise pas la notion d'appauvrissement, qui peut donc
être de toute nature. Il suffit ici qu’un patrimoine ait subi une perte quelconque qui soit là encore
appréciable en argent.
Cette perte va pouvoir consister notamment en une dépense. Elle peut consister aussi en une
prestation de service qui serait demeurée impayée. Tel peut être le cas notamment, de la concubine,
qui aurait collaboré pendant des années à l'activité professionnelle de son concubin au cours de la
vie commune sans être rémunérée et sans bénéficier d'un contrat de travail. Ici, il y a bien
appauvrissement de cette concubine au détriment du concubin qui s'est, lui, enrichi.
On exprime souvent cette condition en disant qu'il doit exister un lien de connexité entre les 2
éléments. En réalité, la corrélation entre l'enrichissement d'une part et l'appauvrissement d'autre
part peut prendre 2 formes.
- Cette corrélation peut être dite directe lorsqu'il n'y a pas de patrimoine interposé entre celui de
l’appauvri, celui de l'enrichi, ce sont en réalité les hypothèses les plus courantes, celles qui vont
renvoyer aux améliorations apportée par le demandeur à l'immeuble du défendeur. Ou encore, les
prestations de service non rémunérées.
Dans ce cas, on a bien un patrimoine qui s'est enrichi et corrélativement, dans le même temps donc,
un autre qui s'est appauvri.
- Mais la corrélation peut également être indirecte. Elle peut être indirecte lorsque la valeur sortie du
patrimoine du demandeur n'est entrée dans celui du défendeur qu’en traversant si on peut dire, le
patrimoine d'un tiers.
Tel est le cas lorsqu'une gouvernante apporte son aide bénévole à une personne âgée, évite ainsi à
ses descendants de pourvoir à ses soins. Tel est encore le cas lorsqu'un marchand a vendu des
engrais, par exemple un fermier qui les a utilisés sur des terres qui ont été louées, terres, dont le
propriétaire a recueilli la récolte en raison, admettons, d'une résiliation du bail.
= Dans toutes ces hypothèses, le propriétaire s'est enrichi aux dépens d'une personne mais par le
biais d'un patrimoine distinct.
Cela étant dit, à ces 3 conditions économiques vont s'ajouter des conditions d'ordre juridique.
Alors, comme l'a écrit Monsieur Bénabent, si l'on s'en tenait aux conditions matérielles de
l'enrichissement injustifié, il est évident que l'on se trouverait vite submergé par un nombre
considérable d'actions, tant sont multiples les situations à l'issue desquelles on peut constater un
transfert de valeur d'un patrimoine à un autre.
Pour éviter cette conséquence, pour éviter cette vague, des garde-fous ont donc été posées sous
forme de conditions négatives.
Les termes ont changé, on l'a dit à l'occasion de la réforme, mais l'idée sous-jacente reste en réalité
la même. L'enrichissement ne doit pas avoir de justification.
Alors, à vrai dire cette exigence va se dédoubler. Dire que l'enrichissement doit être injustifié, c'est,
semble-t-il exiger à la fois que cet enrichissement et à la fois que l'appauvrissement corrélatif ne
soient pas causé ni l'un ni l'autre.
- En réalité, il n'en va pas tout à fait ainsi. Il faut ici préciser. Ce qui est certain, c'est qu'il ne doit pas y
avoir de justification à l'enrichissement. Sur ce point, l'article 1303-1 du code civil précise que
l'enrichissement est injustifié lorsqu'il ne procède ni de l'accomplissement d'une obligation par
l’appauvri, ni de son intention libérale.
En d'autres termes, tout déplacement de valeur n'est pas sujet à restitution. Il faut que ce
déplacement soit injustifié, c'est ce qui le rend injuste et ce qui fait naître l'obligation de restitution.
On comprend donc à la lecture de l'article 1303-1, que si l'enrichissement est la conséquence d'une
disposition légale ou d'un acte juridique passé par l’enrichi, d'un contrat notamment, et bien dans ce
cas, l'action de in rem verso ne peut bien entendu pas être engagée.
Comme exemple ici de dispositions légales qui légitimeraient l’enrichissement, on peut évoquer la
situation du débiteur qui ne nie pas sa dette mais qui fait valoir qu'il en est libéré par la prescription
extinctive.
Dans ce cas, il y a certain enrichissement, à se trouver dispensé de payer ce que l'on devrait, mais cet
enrichissement est légitimé par le texte même qui institue la prescription, de sorte que
l'enrichissement trouve ici une cause légale, laquelle fait obstacle à l'action de in rem verso.
- Si c'est seulement l'appauvrissement qui est sans cause, alors dans ce cas, si c'est seulement
l'appauvrissement et que l'enrichissement est lui justifié, on ne peut pas parler d'enrichissement
injustifié et l’appauvri ne peut donc pas intenter l'action de in rem verso.
Ce sera le cas notamment lorsque le contrat ou un contrat plutôt va conférer à l'enrichi le droit de
conserver l'enrichissement qui lui a été procuré.
Par exemple, si un entrepreneur fait sur un bien loué des travaux d'entretien qui ont été commandés
par un locataire et que cet entrepreneur est resté impayé, il ne peut pas se retourner sur le
fondement de l'action de in rem verso contre le véritable propriétaire qui se seraient enrichi.
En effet, dans cette hypothèse, si, grâce à l'entrepreneur, le propriétaire retrouve en fin de bail un
appartement normalement entretenu, qui dispose d'amélioration, ce propriétaire ne s'est pas enrichi
sans cause parce que ce sont là les prestations, les obligations naturelles qui incombent au locataire
en vertu du contrat de bail.
L'appauvrissement de l'entrepreneur est donc sans cause, mais l'enrichissement, lui, est bel et bien
causé, ce qui fait obstacle à l'action de in rem verso.
- En revanche, dans l'hypothèse inverse, si l’appauvrissement est juridiquement justifié alors que
l'enrichissement ne l'est pas, la Cour de cassation admet l'action de in rem verso. Elle a admis
notamment dans un arrêt de la première chambre civile du 25 février 2003.
Pour concrétiser l'exemple, on peut penser ici à une maison de retraite qui aurait été impayés par la
personne âgée et qui peut alors agir contre l'enfant de celle-ci qui ne se serait pas acquitté de son
obligation alimentaire. C'est justement l'hypothèse de l'arrêt rendu par la première chambre civile le
25 février 2003.
En somme, donc, peu importe que l'appauvrissement soit ou non causé, la condition d'absence de
justification se rapporte uniquement à l'enrichissement.
Alors, aux termes de l'article 1303-2 du code civil, il n'y a pas lieu à indemnisation si
l'appauvrissement procède d'un acte accompli par l’appauvri en vue d'un profit personnel.
Cette solution était en réalité celle déjà dégagée par la jurisprudence qui tendait à décider que
l’appauvri ne peut agir en invoquant l'action de in rem verso, alors même que son appauvrissement
n'est la conséquence d'aucun contrat ou règle générale, si cette appauvri a agi en vue de se procurer
un avantage personnel.
Dans cette hypothèse, la Cour de cassation retenait tout simplement que l’appauvri avait alors agi à
ses risques et périls. Si finalement il subit une perte, et non pas l'avantage attendu et bien l'enrichit
n'a rien à lui restituer.
Cette hypothèse a notamment pu donner lieu à des arrêts rendus dans des affaires dans lesquelles
une personne avait construit et entretenu une digue, dont les autres riverains avaient profité. Ou
dans une affaire dans laquelle une personne avait fait apporter l'électricité chez lui, facilitant ainsi le
branchement pour son voisin.
Ces hypothèses sont bien entendu relativement anciennes, mais elles illustrent très bien le fait que
l'intérêt personnel de l’appauvri va faire obstacle à l'action de in rem verso.
Alors, c'est en réalité cette condition qui vient limiter drastiquement la possibilité d'agir sur le
fondement de l'action de in rem verso.
En effet, dire que l'action doit être subsidiaire, c'est admettre qu'elle ne peut être exercée que
lorsque l’appauvri ne dispose d'aucune autre action soit contre l'enrichi, soit contre un 1/3. Aucune
autre action ne doit pouvoir être utilement intentée par l’appauvri.
Cette condition est donc particulièrement stricte. L'action est totalement fermée s'il existe une autre
voie de droit, c'est à dire une autre action, comme par exemple la responsabilité contractuelle ou
délictuelle.
Dans ce cas, si l’appauvri dispose de cette autre action, quelle qu'elle soit, et même si cette action ne
peut plus être intentée parce qu'elle se heurte à un obstacle de droit, l'action de in rem verso est
fermée
En d'autres termes, cette action va être neutralisée notamment lorsque l'action contre le tiers ou
contre l'enrichi peut être utilement invoqué sur un autre fondement ou si elle ne peut plus l'être, on
l'a dit parce qu'elle se heurte à un obstacle de droit, c'est à dire notamment parce qu'elles se
heurtent à une prescription, ou à une déchéance ou à l'autorité de la chose jugée, ou encore au fait
que l’appauvri ne dispose pas des éléments de preuve suffisants.
Tous ces obstacles sont des obstacles de droit qui rendront impossible toute action sur le fondement
de l'action de in rem verso.
En revanche, l'action de in rem verso restera possible si une autre action existe mais que celle-ci se
heurte cette fois, un obstacle dit de fait.
Si cet obstacle est de droit, l'action est fermée, mais si cet obstacle est de fait, l'action est alors
ouverte.
Ce sera par exemple le cas lorsque l'action contre les tiers ou l'enrichi se heurte simplement à des
données dites factuelles, comme l'insolvabilité du débiteur, contre qui l'action était susceptible
d'être intentée.
Cela étant, il faut tout de même préciser que certains arrêts ont pu jeter le trouble et laisser penser
que la jurisprudence avait un peu abandonné cette conception relativement stricte de la subsidiarité.
En effet, dans certains arrêts antérieurs à la réforme, elle avait accueilli l'action de in rem verso alors
même qu'il existait à une voie de droit principal mais que cette voie de droit avait échoué.
Pour citer des arrêts, on peut citer l'arrêt de la première chambre civile en date du 15 octobre 1996,
ou encore de la même chambre l'arrêt du 5 mars 2008 ou enfin du 25 juin 2008.
Alors en réalité de l’avis de la doctrine majoritaire, il ne s'agissait pas d'un réel assouplissement de la
subsidiarité, de l'action de in rem verso. En réalité, cet assouplissement était relativement
circonstancié, il ne jouait que dans les rapports entre concubins et avait alors pour justification, une
volonté de compenser l'absence de statut légal et juridique du concubinage.
De manière générale, en effet, les situations de concubinage offrent un terrain d'élection à l'action
dans la mesure où le législateur n'a pas prévu d'action spécifique qui permettrait de régler la
question des mouvements de valeur entre concubins.
Les concubins ont donc beaucoup invoqué cette action de in rem verso, par exemple, dans
l'hypothèse déjà évoqué dans laquelle la concubine travaille pour son concubin sans être salariée.
Pour faciliter parfois les actions, la Cour de cassation a pu assouplir dans ces hypothèses-là,
l'exigence de subsidiarité.
Il reste que l’assouplissement n'était pas total et que cette condition de subsidiarité demeure.
L'action demeure donc toujours subsidiaire. Elle ne peut être engagée que dans l'hypothèse dans
laquelle l’appauvri n'aura aucune autre voie de droit qui lui serait ouverte, ou dans l'hypothèse dans
laquelle une voie de droit lui seraient ouverte, mais se heurterait à un obstacle, cette fois, de fait.
Terminons enfin ce chapitre en disant quelques mots des effets de l'action de in rem verso.
Alors ici, le principe est relativement simple, lorsque toutes les conditions qui ont été précédemment
évoquées sont réunies, le défenseur enrichi doit indemniser naturellement le demandeur qui s'est
appauvri.
Cela étant, la détermination de l'indemnité est encadrée par les textes et cette indemnité peut être
modérée en cas de faute de l’appauvri.
I/ La détermination de l’indemnité
Alors s'agissant de cette détermination de l'indemnité, l'article 1303 du code civil précise que
l'indemnité ne peut excéder je site, « ni l'enrichissement du premier, ni l'appauvrissement du 2nd »
Sous l'ancien droit, la Cour de cassation s'était déjà expressément prononcée en ce sens dans
plusieurs arrêts. Et elle avait ainsi considéré que lorsque des travaux avaient été effectués par une
personne sur l'immeuble d’autrui, l'indemnité devait être calculée soit sur le coût des travaux, soit
sur la plus-value découlant de ces travaux.
Cette règle est assez généralement justifiée par des considérations d'équité qui sont en réalité à la
base de cette action. Si le défendeur, après avoir bénéficié d'un avantage injustifié devait restituer
plus que ce qu'il a obtenu, eh bien, il subirait à son tour une injustice. Et de la même manière, si le
demandeur, après avoir subi un sacrifice injustifié, percevait plus que ce qu'il n'a perdu, il profiterait
à son tour d'une injustice.
La règle du double plafond est donc parfaitement cohérente et permet d'éviter un nouvel
enrichissement injustifié.
Il faut toutefois préciser que cette règle va rencontrer une exception.
Cette exception résulte de l'article 1303-4 du code civil, qui prévoit qu'en cas de mauvaise foi de
l'enrichi, l'indemnité due est alors égale à la plus forte des 2 valeurs et non plus donc à la plus faible.
Cela étant dit, à quelle date doit-on se placer pour vérifier d'une part, l'existence de l'enrichissement
et de l'appauvrissement, et d'autre part, pour évaluer le montant de ces valeurs ?
Alors s’agissant du moment auquel il faut se placer pour savoir s'il y a eu déplacement de valeur, s'il y
a eu donc enrichissement et appauvrissement, ce moment ne va pas être le même pour
l'enrichissement et pour l'appauvrissement.
- Pour l'appauvrissement tout d'abord, l'appauvrissement, une fois réalisé est forcément définitif. Il
ne peut pas s'aggraver. C'est donc à la date à laquelle il a été accompli qu'il faut se placer pour en
déterminer l'existence. On se place ici au jour de l'appauvrissement.
Si on reprend cet exemple de l'entrepreneur qui ferait des constructions sur le fond d’autrui,
construction qu'une tempête viendra ultérieurement détruire. Eh bien, dans ce cas,
l'appauvrissement a bien eu lieu, mais cet appauvrissement n'a pas débouché sur un enrichissement
dans la mesure où cet enrichissement, a en réalité disparu.
Cette solution est désormais également consacrée dans la mesure où l'article 1300-4 du code civil fait
référence à l'appauvrissement constaté au jour de la dépense, et à l'enrichissement tel qu'il subsiste
au jour de la demande.
Mais une autre question est celle de savoir à quelle date doit être évaluée la consistance de
l'appauvrissement et de l'enrichissement.
Il s'agit de déterminer le moment auquel il faut se placer pour évaluer non plus l'existence de
l'enrichissement et de l'appauvrissement, mais pour évaluer le montant de l'enrichissement et le
montant de l'appauvrissement.
Il faut bien comprendre ici que la question n'est pas sans enjeu, surtout dans des périodes de
fluctuations monétaires. En d'autres termes, ici, la question est de savoir s'il faut évaluer
l'enrichissement et l'appauvrissement aux dates où on apprécie leur existence respective , ou s'il faut
plutôt réévaluer ces sommes au jour à laquelle la décision qui fixe l'indemnité est rendue.
Alors sur ce point, la jurisprudence s'était prononcée dans le premier sens. Selon elle, l'évaluation de
l'appauvrissement restait donc bloquée au jour où celui-ci s'était réalisé. Non seulement cet
appauvrissement était constaté à ce jour, mais en plus, son évaluation était réalisée au même
moment.
Par conséquent, l'un des plafonds de l'indemnité était la somme nominale qui avait été dépensée ou
la valeur qu'avait La prestation au jour où elle avait été fournie. Quant à l'évaluation de
l'enrichissement, elle restait elle bloqué au jour de la demande. Et par conséquent, et bien l'autre
plafond de l'indemnité était la somme dont le patrimoine du défendeur se trouvait alors accru au
jour de cette demande.
Cette solution qui permettait, il est vrai, un certain parallélisme, était en réalité très injuste pour
l’appauvri, parce qu'il subissait alors la dépréciation monétaire. Il percevait, il pouvait plutôt
percevoir une indemnité sans rapport avec la valeur actuelle du sacrifice qu'il avait consenti.
Pour cette raison, la jurisprudence avait pu montrer des signes de souplesse, mais sans toutefois que
la portée des arrêts rendus en la matière, soit certaine.
Quoi qu'il en soit, la réforme a mis un terme aux hésitations et a pris le contre-pied de la
jurisprudence antérieure.
Désormais. En effet, l'article 1303-4 du Code civil, précise expressément que l'appauvrissement et
l'enrichissement sont évalués au jour du jugement. La date de constatation de l'appauvrissement et
la date de son évaluation diffèrent donc.
Ce texte se justifie par l'idée qu'il n'y a pas à être moins stricte en matière d'enrichissement injustifié
qu'en matière de responsabilité civile.
- Tout d'abord, toute faute est à priori sanctionnable. En d'autres termes, ici l’indemnité de l’appauvri
pourra être diminuée que ce dernier commis une faute simple ou une faute plus lourde.
- 2e remarque, le juge est souverain pour apprécier l'étendue de la modération. On peut néanmoins
supposer que celle-ci variera très logiquement, selon la gravité de la faute. Elle sera plus faible
lorsque la faute sera simple, mais elle sera sans doute plus forte, en cas de faute lourde ou dolosive.
- 3e remarque, enfin, cet article tranche avec une solution qui avait été retenue par la jurisprudence
sous l'empire de l'ancien droit. En effet, la Cour de cassation décidait avant l'application de la
réforme que la faute de l’appauvri, quelle que soit son intensité, faisait totalement obstacle à l'action
de in rem verso.
Autrement dit, l'absence de faute de l’appauvri était une condition d'exercice de l’action, alors
qu'aujourd'hui elle n'est qu'une cause de diminution de l'indemnité due à l’appauvri.
Avec cette 3e remarque, nous en avons fini avec l'étude de l'enrichissement injustifié et plus
largement avec celle des quasi-contrats.