1 PB
1 PB
1 PB
E-ISSN : 2665-7511
https://revues.imist.ma/?journal=AME
Résumé :
Le secteur des services est le plus dynamique en matière de TIC (Louche & Al., 2006, p.396).
Particulièrement, les organisations bancaires sont par nature grandes consommatrices de
technologies. Ainsi, en dépit des apports énormes de ces outils au travail, les risques induits par
les défaillances informatiques sont plus élevés dans les établissements de crédit que pour
d’autres secteurs de l’économie (Hull, 2007, p.1). Ces risques, s’ils s’intensifient peuvent
perturber le climat du travail au sein des dites organisations.
Le présent article examine les impacts de l’utilisation des TIC sur la santé des Ressources
Humaines (RH) bancaires au Maroc. Pour mener l’étude, nous avons opté pour une approche
quantitative mettant en évidence des analyses statistiques-descriptives relatives au phénomène
étudié. Ainsi, trois cent quarante-cinq (345) questionnaires ont été distribué, dont deux cent
vingt-huit (228) ont été récupérés.
Les résultats retenus montrent que l’utilisation excessive des technologies met en risque l’état de
santé des RH bancaires. En outre, les pannes, la lenteur du réseau et les coupures de connexion
sont considérés comme des risques technologiques majeurs au niveau des banques marocaines
touchant profondément la santé psychique des RH bancaires au travail.
Mots clés : TIC, santé des RH, troubles physiques et psychiques, risques technologiques, banques
marocaines.
The sector service is the most dynamic in terms of ICT (LOUCHE& al., 2006, p.396). In particular,
banking organizations are by nature large consumers of technology. Thus, dispute the enormous
contributions of these tools to the workplace, the risks induced by computer failures are higher
in credit institutions than in other sectors of the economy (HULL, 2007, p.1). These risks, if
intensified, can disrupt the working climate within such organizations.
This article examines the impacts of the use of ICT on the health of banking HR in Morocco. To
carry out the study, we opted for a quantitative approach highlighting statistical-descriptive
analyzes relating to the phenomenon studied. Thus, three hundred and forty-five (345)
questionnaires were distributed, of which two hundred and twenty-eight (228) were recovered.
The results show that the excessive use of technology puts bank HR’s health status at risk. In
addition, breakdowns, network slowness and connection cuts, considered as major technological
risks for Moroccan Banks, deeply affect the mental health of banking HR at work.
Keywords: ICT, HR health, physical and mental disorders, technological risks, Moroccan banks.
Ceci étant, les TIC sont utilisées pour améliorer les échanges d’informations et de données. Ces
utilisations qualifiées de basiques, apportent une multitude d’avantages : Possibilité d’envoyer
une information en temps différé par rapport au téléphone, conserver des traces, rapidité dans
le traitement des informations, réduction au minimum de l’usage du papier, réaction en temps
réel (Berard, 2002). C’est à travers ces différents services qu’elles rendent, que les TIC apportent
un confort au travail et assurent en conséquence un bien être aux utilisateurs. Ce confort est
indispensable pour l’accomplissement du travail, dans un climat sain et motivant, et notamment
pour maîtriser ces outils et donc réaliser plus d’efficacité au travail.
Cependant, les technologies peuvent constituer une sorte de « cadeau empoisonné » et leur
utilisation pourra être épineuse au travail s’elle ne se fait pas comme il le faut. C’est dans cette
logique que s’inscrit ce travail. Ayant pour objectif de contribuer à l’amélioration du climat de
travail dans les banques marocaines afin d’atteindre la performance, cet article vise à répondre à
la question principale suivante : Dans quelle mesure l’utilisation des TIC pourrait-elle impacter
la santé des Ressources Humaines (RH) dans les banques marocaines ?
Ayant pour objectif de mettre en lumière la relation entre l’utilisation des TIC et la santé des RH
bancaires, cette recherche s’organise de la manière à entamer dans la première partie la revue
de littérature liée au sujet. La deuxième partie passe en revue le cadre empirique de la recherche
alors que la dernière partie analyse et discute les principaux résultats de la recherche.
1
Nous utiliserons l’abréviation TIC se référant aux Technologies de l’Information et de la Communication.
L’utilisation des TIC impacte la santé des personnes et pourra s’accompagner de risques
technologiques considérables pouvant engendrer des troubles psychiques aux acteurs au travail.
Avant d’entamer les impacts de l’utilisation des TIC sur la santé des RH au travail, il convient de
définir d’abord cette notion de TIC. Nous retenons ainsi, les deux définitions suivantes :
- L’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) définit les TIC
comme « un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de
l’information, plus spécifiquement des données numérisées » (Aldebert, 2006).
- « L’expression TIC désigne… des technologies récentes issues du mariage de l’informatique, de
téléphone et de l’audiovisuel. Elles concernent le recueil, l’élaboration, le traitement, la
conservation et le transport de textes, de sons…en plus des traditionnelles données
numériques …elles se caractérisent par une grande diversité d’objets numérisés,… une grande
capacité de diffusion et de transport en réseau…, une forte interactivité avec les utilisateurs… »
(Sperandio, 2000).
De ces définitions, nous retenons que les TIC renvoient à la fois à des objets matériels et
immatériels. Elles constituent un ensemble d’outils capables de produire, de traiter et d’échanger
de l’information en temps réel. Ces outils sont dotés d’une capacité de numérisation, de stockage,
de gestion et de transmission de données. Ces capacités constituent les fonctions de base des TIC.
Nous vivons aujourd’hui dans une société de consommation qui se base fortement sur la
technologie qui est présente dans tous les domaines universitaires, professionnels et
domestiques. Un des outils clé de cette mutation technologique est l’informatique, qui est
devenue un des piliers majeurs d’une bonne organisation efficiente de tous les domaines (Rami,
2018, p.16). Ceci étant, si l’utilisation des TIC au travail aide à réaliser les tâches de manière facile
(rapidité, moins d’erreurs, efficacité via le traitement de plus de dossiers, etc.), il est évident que
la forte présence des technologies dans les organisations génère des conséquences sur la santé
des utilisateurs au travail. Ces conséquences sont à la fois multiples et différentes des situations
antérieures. Elles sont spécifiques aux métiers sédentaires1.
Les effets peuvent concerner les pressions psychologiques et personnelles sur les salariés (stress,
tensions, …). Il y a aussi des effets néfastes physiques sur les personnes, précisément du fait de la
détérioration de l’ergonomie du poste de travail. En outre, le temps du travail trop long est source
de nouveaux risques sur la santé, tels que les troubles musculo-squelettiques (TMS), la mauvaise
circulation du sang, les troubles visuelles, … Ces nouvelles pénibilités sont relatives à
l’allongement de la vie professionnelle2.
1
http://benhur.teluq.uquebec.ca/SPIP/inf9013/IMG/pdf/M1_Tic_Coeur/pdf.
2
http://benhur.teluq.uquebec.ca/SPIP/inf9013/IMG/pdf/M1_Tic_Coeur/pdf.
Ceci dit, les TIC génèrent un certain degré de virtualisation et d’abstractions à travers des signes,
des codes etc. Les TIC entrainent chez les salariés utilisateurs un ensemble de sentiments, qui
seront traduits par des comportements parfois incompréhensifs. Cette situation pourrait
augmenter le degré de complexité chez la personne, faute de ne pouvoir concrétiser certaines
tâches. En outre, selon les travaux de Karasek et Theorell (1990) et de Chanlat (1999), la pression
exercée sur les utilisateurs des TIC en termes d’objectifs à atteindre (respect de délais, satisfaction
de la demande, réduction des aléas, réactivité) accroit la perception d’une charge physique,
mentale et psychique trop importante, qui peut se traduire par des tensions entre salariés et
supérieurs hiérarchiques.
Pour Karasek et Theorel (1990), l’organisation peut être source de tension chez les acteurs à partir
de deux éléments : d’une part les exigences physiques et /ou psychologiques de la tâche et d’autre
part l’autonomie de décision et de contrôle de la tâche. Selon ces auteurs, les tensions naissent
de l’éloignement entre le travail conçu par la direction, l’encadrement et les experts en TIC et le
travail concret vécu par les salariés cadres et non cadres. En outre, l’informatisation alimente les
tensions psychologiques et les problèmes de santé, par des gestes répétitifs sur écran et par
l’accroissement du nombre d’informations reçues à traiter en un temps limité. Dans cette
situation, les individus réalisent un travail exigeant sur lequel ils ont peu de contrôle et qui leur
offre peu d’autonomie. Ces éléments favorisent alors un état de stress et d’épuisement
professionnel (Peyrat-Guillard & Samier, 2003, p.10).
De plus, les auteurs soulignent que la pression exercée sur les utilisateurs des TIC, en termes
d’objectifs à atteindre (respect de délais, satisfaction de la demande, réduction des aléas,
réactivité) accroit la perception d’une charge physique, mentale et psychique trop importantes
qui peuvent se traduire par des tensions entre salariés et supérieurs hiérarchiques. Les TIC, d’un
autre côté, peuvent être source de destruction des relations humaines et des référentiels
professionnels, source d’un sentiment d’aliénation et d’oppression et source d’inquiétude, dans
la mesure où les individus craignent d’être appréciés selon des critères autres que ceux qu’ils
souhaitent.
Les TIC sont considérées aussi, comme source de surcharge informationnelle. Cette dernière pose
un problème de traitement et de distinction entre l’information utile de celle qui ne l’est pas, ce
qui affecte en conséquence la qualité de la prise de décision. Les e-mails sont ici l’exemple
révélateur, qui font l’objet d’usages différents selon les personnes et peuvent entrainer une
1
Ibid.
Il ne faut pas perdre de vue que la perception des TIC par les utilisateurs prime pour les rendre
source de motivation ou de démotivation. En effet, si ces technologies sont considérées comme
contradictoires avec les sphères professionnelles des salariés, entrainent une réticence. A
contrario, si elles sont mieux acceptées et motivent les salariés s’elles s’inscrivent dans une
logique cohérente avec le sens dans lequel ils souhaitent orienter leur travail. Cette différence de
représentation constitue un facteur d’appropriation et donc, soit comme moteur ou un frein à
ces outils (Berard, 2002). De plus, cette satisfaction doit être prise avec attention lorsqu’on prend
certaines variables en considération, telles que l’âge, la qualification, l’organisation du travail…
L’utilisation des TIC dans les organisations ne va pas sans s’accompagner de risques
informatiques. De façon spécifique, les banques peuvent rencontrer des risques technologiques
et informatiques, qui peuvent être source de tensions chez les utilisateurs. On distingue :
l’indisponibilité de l’information, la rupture de service et l’intrusion1:
→ L’indisponibilité de l’information : Ce sont des risques dus à la multiplication et à la répartition
des ressources pour la recherche de la performance, de l’évolutivité et de la proximité : Pannes
au niveau des serveurs d’applications, pannes au niveau des serveurs de données, pannes au
niveau des réseaux, etc.
→ La rupture de service : Les risques sont dus à l’utilisation intensive de la technologie, aussi
bien au niveau des applications qu’au niveau des terminaux et des autres canaux de
communication, qu’au niveau du réseau et du système de communication : Diversité des
pannes sur un parc informatique très large et très varié, multiplicité des profils d’internautes,
les accidents sur les locaux (incendies), les matériels (pannes) et les services (électricité,
télécommunications, …).
→ L’intrusion : Les risques sont dus à l’ouverture par l’utilisation d’internet et des standards du
marché, à travers les services web, e-mail, workflow, transferts de fichiers,
téléphonie/visioconférence, administration réseau, … : Attaques pour saturer ou rendre hors
service les machines, utilisation illicite des ressources des machines, vol ou modification
d’informations confidentielles, usurpation d’identité, propagation du virus, etc. Pour réduire
ces risques, principalement sur le canal internet, la signature électronique est une technique
utilisée pour ce faire.
Il est à noter que les risques induits par les défaillances informatiques sont plus élevés dans les
établissements de crédit que pour d’autres secteurs de l’économie (HULL, 2007, p.1), ce qui
impose la mise en place des mesures de sécurité. D’autres risques peuvent concerner la qualité
de vie au travail qui, lorsqu’ils sont combinés, peuvent impacter de manière indirecte la santé des
1
www.cybel.fr/htm/communaute.rdf,rajhi
Cette situation peut entraîner pour les salariés un développement du travail dans l’urgence, une
fragmentation des tâches et une difficulté à les hiérarchiser en fonction de leur importance.
Fatigue, difficultés de concentration, stress peuvent apparaître. Lorsque l’augmentation des
rythmes de travail est conjuguée à une faible latitude décisionnelle, le sentiment de déséquilibre
entre ce qui est demandé et les ressources dont on dispose pour y répondre, peut s’accroître et
se traduire par des troubles physiques ou psychiques2.
Globalement, les utilisateurs des TIC sont plus autonomes que les autres salariés dans l’exercice
de leur métier (Benedetto & Klein, 2012). Cependant, certains usages développés dans une
optique de productivité et de standardisation encadrent de manière très rapprochée les pratiques
des salariés. En effet, les TICS élargissent les possibilités de contrôles dans le temps (résultats
obtenus pendant et après l’exécution des tâches) et sur les moyens mis en œuvre (détail des
trajets effectués par les chauffeurs, routiers, durée et contenu des appels pour les opérateurs des
centres d’appels…).
Les usages des TICS peuvent aussi contribuer à la mise en œuvre d’une « autonomie encadrée»
(Chevallet & Moatty, 2012) : sur la base d’objectifs précis et de règles concernant les modalités
d’exécution, des marges de manœuvre peuvent exister concernant le choix des modes
opératoires. Le renforcement des contrôles est porteur de deux grands risques : un risque de
stress (plus l’autonomie est réduite, que ce soit dans le cadre général de l’exercice du métier ou
dans les usages des TIC, et plus le risque de stress augmente) mais aussi un risque de
1
https://www.capgemini.com/cafr/wpcontent/uploads/sites/40/2019/02/impacts_des_ntic_sur_la_quali
te_de_vie_et_la_sante_au_travail.pdf; consulté le 08/10/2020
2
Le modèle d’analyse des situations de travail et de leur potentiel de « stress » le plus répandu est celui de
Robert Karaseck. Ce modèle met l’accent sur deux dimensions : la demande (quantité de travail et
intensité) et la latitude décisionnelle (marges de manœuvre dont le collaborateur estime disposer).
Si globalement, parmi les salariés les frontières entre sphères professionnelle et privée restent
solides, il existe un mouvement général qui voit le rapport au temps et à l’espace se modifier en
profondeur, notamment sous l’effet des innovations en matière de TIC. Les usages des TIC
contribuent à faire évoluer les repères spatio-temporels et à dissocier trois dimensions, fortement
liées jusqu’à présent : « le temps au travail (organisé collectivement par l’entreprise), le temps du
travail (qui construit l’identité sociale de l’individu) et le temps de travail (celui qui n’est pas du
loisir ».
Tout d’abord, les normes collectives qui ont longtemps régulé le temps de travail ont tendance à
s’effacer parmi les utilisateurs avancés des TIC. Ces derniers sont en effet proportionnellement
plus nombreux à travailler « en débordement », situation qui les conduit à travailler fréquemment
en dehors des heures formelles de travail (soir, week-end, congés), et à allonger la durée de leur
travail. De plus, la culture de l’immédiateté qui s’est développée avec les TIC entraîne pour
certains, un « devoir » de joignabilité et de disponibilité au-delà des horaires habituels.
Ces usages peuvent générer une charge de travail additionnelle, une fragmentation des tâches,
des décisions parfois trop rapides, une difficulté à « couper » … et peuvent ainsi augmenter le
risque de surmenage.
• Un sentiment d’isolement :
Encadrés par des normes de productivité et de qualité très strictes, certains usages des TIC
peuvent favoriser des échanges brefs et peu personnalisés entre les salariés et avec leurs contacts
extérieurs. Dans ces situations, où les salariés disposent de peu de marges de manœuvre pour
des usages différents ou de peu de temps pour des échanges plus informels, peut se développer
le « sentiment d’une érosion des collectifs de travail et des relations d’entraide, et plus
globalement d’une formalisation des échanges » (Rosanvalon, 2012). Dans ces situations, ces
outils de communication, par les usages qui en sont faits, peuvent paradoxalement, participer à
un sentiment d’isolement et contribuer à des situations de souffrance au travail. Par ailleurs, dans
bien des entreprises les TIC ont contribué à l’évolution des espaces de travail : nomadisme et
facilités, ce qui entraîne de nouveaux aménagements des bureaux… et des lieux d’habitation
puisqu’ils peuvent aussi devenir des lieux de travail. Les risques associés à ces évolutions si elles
sont insuffisamment pilotées, sont un sentiment d’appartenance moins fort de la part des salariés
concernés, et un sentiment de reconnaissance moins important, voire d’exclusion.
Grosso modo, l’utilisation des TIC s’accompagne impacts multiples sur la santé des RH au niveau
physique (maux de tête, troubles visuelles, etc.) et au niveau psychique (stress, gêne, dépression,
surcharge mentale, …) dans l’organisation.
Après avoir examiné la revue de littérature à propos des impacts des TIC sur l’état de santé des
acteurs dans l’organisation, étudions cette question au niveau des banques marocaines.
Comme nous l’avons souligné, cette recherche s’arrête sur les impacts de l’utilisation des TIC sur
les RH bancaires au Maroc. Pour concevoir notre modèle de recherche, nous partons des
éléments suivants :
*La définition de l’utilisation des TIC s’inspire du point de vue de Pinsonneault et Kraemer qui
proposent trois façons de conceptualiser les TIC (Pinsonneault & Kraemer, 1997) :
- Soit par la technologie elle-même (l’investissement en TIC, …) ;
- Soit par l’étendue de pénétration des TIC dans l’organisation (le nombre d’applications
informatiques disponibles) ;
- Soit par l’utilisation réelle des TIC par les individus dans l’organisation.
Partant du postulat que c’est le degré d’utilisation des TIC qui va définir les impacts éventuels de
ces technologies sur les RH et sur leurs comportements, nous optons pour l’approche de
pénétration des TIC qui mesure l’utilisation des TIC par les applications informatiques utilisées,
dans le cadre de la gestion et en particulier dans la GRH. Dans ce cadre, Pinsonneault et Kraemer
considèrent que, plus les applications informatiques sont dominantes, plus la probabilité qu’elles
influencent les méthodes de gestion organisationnelle est importante.
Figure n°1 : Modèle conceptuel des impacts de l’utilisation des TIC sur la santé des RH
bancaires
Santé physique :
Utilisation des TIC dans fatigue visuelle,
la banque maux de têtes, etc.
Santé des RH
bancaires
Variables de contrôle (VC) : Santé psychique :
-Type de banque : stress, dépression,
-Profil des RH utilisant les TIC etc.
Source : élaborée par les auteurs
Sur la base de ce modèle, nous supposons que l’utilisation des TIC impacte l’état de santé des RH
bancaires. Ces impacts peuvent toucher :
- La santé physique des RH (fatigue, maux de dos, etc.) ;
- La santé psychique des RH bancaires (stress, dépression, etc.).
Cette étude est réalisée au sein des banques marocaines. Ces dernières sont choisies comme
champs d’application de la recherche pour plusieurs raisons, entre autres :
- Les banques sont par nature, grandes consommatrices de technologies. En effet, les secteurs
de la haute technologie et les secteurs orientés services et produits, tels que les banques, les
assurances, le tourisme et la grande distribution adoptent ces outils facilement que les
secteurs traditionnels ou les industries lourdes, afin de gagner en réactivité. Ainsi, le secteur
des services reste le plus équipé actuellement et le plus dynamique en matière de TIC
(Loucheet al., 2006, p.396).
- La banque connait des changements soutenus en matière de l’intégration des TIC. Dans ce
cadre, Rowe pense que la banque est le terrain de recherche privilégié de la diffusion des
Technologies d’Information (Rowe, 1994). Cela veut dire que le secteur bancaire est au centre
de la vague de la digitalisation. Effectuer un travail de recherche dans ce domaine nous
semble fort intéressant.
Tableau n°3 : Liste des établissements de crédit et leurs agences, jusqu’au fin mars 2017.
Établissement de crédit Nombre d’agences
19 6297
Source : Direction de la supervision bancaire, Bank Al-Maghrib.
Afin de déterminer notre échantillon, nous avons choisi la méthode des quotas, qui est l’une des
formes les plus courantes d’échantillonnage non probabiliste. C’est une méthode de sondage qui
permet de déterminer un échantillon sur la base de quelques informations statistiques, sur la
population enquêtée. Ainsi, tout en respectant la structure du secteur bancaire, nous avons visé
un nombre de banques de chaque type (directions centrales, régionales, succursales et agences),
et aussi un nombre convenu de personnes, comme porté dans le tableau n°4 ainsi présenté :
Le fait de prolonger l’étude aux agences bancaires et ne pas se limiter aux seules directions,
revient au fait qu’au niveau opérationnel nous enregistrons une utilisation intensive des TIC et
aussi à une fréquente introduction des technologies (logiciels, applications etc.). En outre, la
population bancaire n’est pas homogène suite aux profils différents des agences aux directions.
Collecter les données auprès des acteurs locaux (directeurs d’agences, chargés de clientèle etc.)
portera, à notre sens, une grande valeur au travail.
Méthodologiquement, nous avons opté pour une approche quantitative qui met en évidence des
analyses statistiques-descriptives relatives au phénomène étudié. A cet effet, un questionnaire a
été distribué sur trois cent quarante-cinq (345) personnes faisant partie du secteur bancaire
marocain, dont deux cent vingt-huit (228) questionnaires remplis et restitués, ce qui veut dire un
Cette partie entame les principales caractéristiques de l’échantillon choisi ainsi que les impacts
de l’utilisation des TIC sur la santé des RH dans les banques marocaines.
Ces caractéristiques concernent le sexe, l’âge, la formation initiale des répondants et la fonction
occupée dans la banque.
*Le sexe : D’après le tableau n°6 ci-après, 66,7% des personnes interrogées sont des hommes et
33,3% sont des femmes.
*L’âge : Sur le tableau n°7 en dessous, 79,5% des répondants ont moins de 40 ans. Il s’agit alors
d’une population jeune, appartenant à une génération dite des natifs numériques1. Le marché du
travail se trouve aujourd’hui, envahi par cette nouvelle génération, ayant des compétences
technologiques considérables.
1
Un natif numérique est une personne ayant grandi dans un environnement numérique, comme celui des
ordinateurs, internet, les téléphones mobiles.
*La formation des répondants : Pour ce qui est de la formation initiale, 94,7% des répondants
ont un niveau d’études compris entre un BAC+2 et un doctorat ou équivalent (tableau n°8 en bas).
C’est une population ayant des compétences et connaissances appréciables, ce qui sous-entend
que les banques se sont de nos jours penchées sur le recrutement des compétences, constituant
une forte valeur ajoutée pour toute l’activité bancaire.
Tableau n°8 : Répartition des répondants selon le niveau d’études dans la banque
Effectifs Pourcentage Pourcentage valide Pourcentage cumulé
Secondaire 1 ,4 ,4 ,4
Bac 4 1,8 1,8 2,2
Bac+2 34 14,9 15,0 17,2
Bac+3 38 16,7 16,7 33,9
Valide Bac+4 59 25,9 26,0 59,9
Bac+5 84 36,8 37,0 96,9
Doctorat ou
7 3,1 3,1 100,0
équivalent
Total 227 99,6 100,0
Manquante Système manquant 1 ,4
Total 228 100,0
Source : élaboré par les auteurs
*La fonction occupée dans la banque : En répartissant les répondants selon la fonction occupée
dans la banque, nous constations sur le tableau ci-dessous que les Directeurs Juridiques (DJ)
constituent 13,2% de l’échantillon, les Directeurs Ressources Humaines (DRH) sont de 2,2%, les
Responsables Réseau Télécom (RRT) et les Directeurs des Systèmes d’Information (DSI)
constituent ensemble 1,8%, alors que les Directeurs de Gestion des Risques (DGR) représentent
0,9% de l’échantillon total. Pour les opérationnels, les Chargé(e)s de Clientèles détiennent une
part de lion, avec 37,3%, suivis des Directeurs d’Agences (DA) avec 24,6%, puis les caissiers qui
atteignent 18% et enfin, les Chefs de Caisses (CC) avec 7% (tableau n°9). Cette diversité d’acteurs
consultés enrichit, comme précisé, notre étude.
Cette partie prend le niveau d’équipement des banques en TIC ainsi que la durée d’utilisation des
technologies au travail par les acteurs bancaires enquêtés.
A l’issus des résultats tirés de l’étude, nous avons retenu que presque la totalité des acteurs
interrogés (96%) sont équipés d’un intranet, 56,8% d’entre eux, considèrent cette technologie
comme un outil procédural obligatoire au travail. Pour la messagerie électronique, 96% du
personnel bancaire communique via cette technologie. En ce qui concerne la connexion internet
et la disposition d’un site web, plus de 52% des acteurs accèdent à internet, ce qui renseigne sur
le fait que, plus de la moitié des banques marocaines sont équipées de la connexion internet,
alors que toutes les banques consultées disposent d’un site web (100% des agences et des
directions).
S’agissant du workflow, du groupware et des Progiciels de Gestion Intégrée (PGI), nous avons
constaté lors de l’étude que 80% des personnes interrogées déclarent travailler avec le workflow
(comme outil décrivant le circuit de validation d’une opération dans la banque). 50% des
répondants utilisent le groupware (logiciel qui permet le travail en groupe). Quant au PGI, 38%
des enquêtés savent que leurs banques utilisent cette technologie (logiciel qui permet
l’intégration des fonctions de l’entreprise, tel qu’Oracle, …).
En parlant de la durée d’utilisation des TIC (l’outil informatique) au travail, nous avons constaté
que e plus de 82% des interrogés utilisent l’outil informatique depuis plus de 3 ans. Ce constat
dénote une certaine expérience chez les acteurs bancaires en matière de l’utilisation des TIC.
Nous considérons que l’engagement de la direction est fort important pour encourager ou
décourager l’adoption et l’utilisation des TIC par les acteurs. L’étude nous renseigne que la
direction est très engagée envers l’utilisation des TIC étant donné que 87,3% des enquêtés
estiment que la direction de leur banque considère les TIC comme un secteur stratégique.
Ces conditions tournent autour de la formation des RH utilisant les technologies et la qualité de
l’infrastructure technologique mise en place.
Si nous nous intéressons à l’importance accordée par les banques marocaines à la formation des
RH en TIC, comme investissement immatériel nous trouvons que 61,1% des banquiers ont
effectué une formation dans les TIC depuis leur insertion dans la banque, cela veut dire que ces
organisations font du perfectionnement de leur personnel une priorité.
L’utilisation des TIC dans les banques étudiées ne va pas sans s’accompagner d’un nombre non
moins important de risques technologiques ayant un impact considérable sur santé psychique des
personnes au travail.
Selon les interrogés, les pannes (80,9%), la navigation lente et les coupures de connexion (74,8%),
la surcharge informationnelle (48,9%), les difficultés d’accès (45%), l’e-surveillance (30,5%), les
problèmes de sécurité avec 24,4% sont les différents risques pouvant perturber le climat du
travail.
En somme, les pannes, la lenteur du réseau et les coupures de connexion sont les principaux
risques technologiques qui accompagnent l’utilisation des TIC dans les banques marocaines.
Cette étude a pour objet la perception des banquiers quant à la relation « utilisation des TIC-
santé ». À l’issue de la figure n°2 en bas, il s’avère que l’utilisation massive des TIC est derrière un
nombre non moins important de risques sur l’état de santé des personnes utilisant ces outils. Ce
constat se voit confirmé par 51,3% des acteurs ayant répondu à l’affirmative. Les différents types
Au vu de ces résultats, et si nous nous arrêtons sur les e-mails, trop utilisés au travail, ces derniers
sont ici l’exemple révélateur, font l’objet d’usages différents selon les personnes et peuvent
entrainer une dégradation de la qualité perçue de l’information et delà un sentiment de surcharge
et donc des conséquences négatives sur la productivité au travail (Brasier, 2004, p.8).
Figure n°2 : Les TIC, source de problèmes de santé chez les RH bancaires
51,3%
32,5%
16,2%
Au vu de ces résultats, et en vue d’une meilleure utilisation des TIC au travail au niveau des
banques afin d’éviter sinon minimiser les risques de santé, nous avançons les propositions
suivantes :
- Les investissements en TIC doivent être accompagnés d’investissements en capital
humain. En effet, l’utilisation des TIC doit être accompagnée d’une formation solide du
personnel dans ce domaine. Cette formation doit être continue et non pas occasionnelle
pour suivre les nouveautés et accompagner la rapidité des innovations technologiques
(Ikkou& Berdi, 2020, p.104). Des modules de formations sur le mode d’usage des TIC sont
fortement conseillés à ce niveau. Généralement, les formations organisées au profit du
personnel dans des domaines déterminés (communication, marketing, …), ne contiennent
pas des modules sur les modes d’usage des TIC (temps de repos, tec.). L’utilisation massive
des TIC au travail invite à prendre ces types de questions en considération afin d’éviter les
risques physiques/ psychologiques accompagnant l’utilisation de ces outils.
- L’intégration de la gouvernance des TIC dans les stratégies mises en œuvre est d’une
grande importance. Ainsi, la mise en place d’une infrastructure informatique doit
contribuer à l’efficience et à l’efficacité de la banque. On trouve parfois un suréquipement
- Par nature, les banques, en tant qu’entreprises financières, accordent aux indicateurs
financiers une importance grandissante (productivité, chiffre d’affaires, etc.). Or, la
performance d’une organisation se base sur d’autres critères liés à l’aspect « immatériel »
ou social de l’activité (gouvernance, motivation, etc.).
Conclusion et perspectives :
Les TIC constituent le système nerveux de l’activité bancaire vue leurs apports énormes au travail.
Toutefois, l’utilisation de ces outils a une influence considérable sur le climat du travail au sein de
ces organisations. Ce dernier peut être motivant si les personnes portent bien, alors que si les
gens ont du mal à percevoir leur état de santé, le climat du travail sera démotivant ce qui
répercutera incontestablement sur la productivité et le rendement au travail.
S’agissant des apports de cette recherche, ces derniers sont théoriques, méthodologiques et
empiriques. Au niveau théorique, nous considérons que l’étude :
• -contribue à mieux comprendre les impacts de l’utilisation des TIC sur les RH au niveau de
la banque. Pour ce faire, nous avons voulu intégrer plusieurs dimensions (humaine,
organisationnelle, managériale) pour répondre au mieux à la question posée.
• -accorde une place centrale à la composante comportementale et suit la voie des
recherches qui ont connu un grand succès dans l’étude des Systèmes d’Information, telles
que celles d’Orlikowski (1992,1993). Une importance, toute particulière, est alors
Au niveau méthodologique, nous avons privilégié une revue de littérature assez vaste à travers la
consultation d’une bibliographie riche. En outre, notre recours à une méthodologie de recherche
via l’utilisation d’une méthode quantitative, en consultant trois cent quarante-cinq (345) banques
(300 agences et 40 directions), nous a permis de bien cerner et comprendre la réalité étudiée,
tout en recoupant les différents points de vue et en croisant les perceptions des subordonnés
avec celles de leur hiérarchie dans les banques marocaines. En gros, l’apport scientifique de ce
travail est bien confirmé suite à la production de la connaissance, après avoir déterminé les
dispositifs et les méthodes de la recherche.
Au niveau pratique cette investigation constitue une valeur ajoutée non négligeable, dans la
mesure où elle s’est intéressée aux organisations bancaires marocaines, domaine dans lequel les
études (au moins sur les TIC) sont encore limitées. Ainsi, nous avons essayé de satisfaire quelques
questions que se posent les acteurs bancaires et qui méritent de faire l’objet d’études
approfondies. La plupart des études se penchent sur l’aspect financier de l’activité bancaire et
négligent, d’une manière ou d’une autre, une composante clé comme la technologie.
En outre, l’étude du cas des banques marocaines, en tant qu’entreprises pilotes dans l’utilisation
des TIC nous a permis d’être plus concrets dans l’analyse des résultats et plus proches de la réalité
de la forte digitalisation que ne cesse de connaitre les banques et l’administration marocaine.
Ajoutons à cela que les résultats de cette étude seront d’une importance grandissante pour les
praticiens, les dirigeants qui doivent faire des TIC un levier de développement, de performance
de leurs banques et de promotion des RH et non pas un facteur de dépression et de blocage.
D’un autre côté, nous avons, à travers ce travail pu contribuer au développement des
connaissances des acteurs bancaires dans le domaine de l’e-management. Les TIC et les RH,
comme des ressources stratégiques pour toute organisation, font le plier de la thématique de la
présente étude.
Bien que notre recherche apporte des résultats d’une grande importance à propos des impacts
de l’utilisation des TIC sur la santé des RH bancaires au Maroc, elle se heurte cependant à des
limites. En effet, l’investigation s’intéresse aux impacts générés par l’adoption des TIC de manière
générale sans pour autant s’intéresser à un aspect bien précis pour un éventuel
approfondissement des résultats. En outre, les impacts de l’utilisation des TIC sont cherchés à la
fois chez les décideurs (administration) et les opérationnels (les caissiers, les chargés de clientèles,
etc.). Or, l’étude de chaque catégorie de personnel à part pourra, à notre sens, apporter une
Afin de développer la recherche sur le sujet en question, l’étude les impacts des TIC sur la santé
des RH pourra porter sur un déterminant bien précis, tel que le stress, les Troubles Musculo-
Squelettiques (TMS) ou autres. Ceci étant, nous avons pensé à se poser une question qui nous
parait légitime, liée à la relation entre le stress généré par l’utilisation excessive des TIC et la
productivité au travail. Traiter cette question dans une future recherche sera indéniablement
d’une grande valeur.
Références bibliographiques :
Aldebert, B. (2006), Technologies d’Information et de Communication et innovation : Implications
Organisationnelles et Stratégiques dans les entreprises touristiques des Alpes Maritimes, Thèse
de Doctorat en Sciences de Gestion, Université de Nice-Sophia Antipolis,p.85.
Beheton, S. (2010), introduction et intégration des TIC dans l’éducation au Bénin (Vol. Tome 1 :
Enseignements primaires, secondaire et Professionnel. Le livre blanc). Bénin : Educational
Technology & Research International (e-TRI).
Benedetto, M. & Klein, T. (2012), le rôle des TIC dans les reconfigurations des espaces et des
temporalités, Centre d’analyse stratégique.
Berard, D. (2002), Impact des TIC sur le travail et son organisation, Globalisme et Pluralisme,
Montréal, du 24 au 27 avril.
Berdi, A. (2018), les Technologies de l’Information et de La Communication, facteur de
changement dans les organisations : quels impacts sur les Ressources Humaines dans le secteur
bancaire marocain. Thèse de doctorat en Sciences Economiques et Gestion, Laboratoire de
recherche : Entrepreneuriat et management des organisations, Faculté des Droits de Fès,
décembre.
Brasier, P. (2004), Le repositionnement du rôle de l’encadrement commercial intermédiaire :
approche par les représentations, Thèse de Doctorat en Sciences de Gestion, Faculté des Sciences
Économiques et de Gestion, p.8.
Chanlat, J.F. (1999), Nouveaux modes de gestion, stress professionnel et santé au travail.
Dans « L’Homme à l’échine pliée : réflexions sur le stress professionnel », eds I., Brunstein [Dir.],
p. 29-61, Desclée de Brouwer, Paris.
Chevallet, R. & Moatty, F. (2012), Impacts des TIC sur les rythmes, l’autonomie et le contrôle du
travail. Centre d’analyse stratégique, février.
Foray, D. (2000), l’économie de la connaissance. La découverte, Paris, p.17.
Hull, J. (2007), gestion des risques et institutions financières, Pearson éducation.
Ikkou, L & Berdi, A (2020), la place du changement technologique dans les organisations bancaires
marocaines, Moroccan Journal of Entrepreneurship, Innovation and Management (MJEIM)
volume 5, n° 1, p.104.
Karasek, R. & Theorel, R. (1990), healthy Work, Stress, Productiviy and the reconstruction of
Working Life, The Free Press, New York.
Louche, C, Rolland, J.P, Levy-Lebyer, C. (2006), management des organisations : RH, les apports
de la psychologie du travail, éditions d’organisation, Paris, 396.