La Souplesse
La Souplesse
La Souplesse
Limites anatomiques
La première limite est le type d'articulation que l'on souhaite mobiliser. Par
exemple, l'articulation du coude (Figure 1A) est une articulation dite trochléenne
ou à charnière (assemblement de pièces osseuses similaires aux gonds d'une
porte) qui ne peut réaliser qu’un type de mouvement (en l'occurrence les
mouvements de flexion et d'extension). A l'opposé, l'articulation de la hanche
A (Figure 1B) est une articulation dite énarthrose ou sphérique (emboîtement de
deux demi-sphères creuse et pleine) permet de faire tous les types de mouvements
: flexion-extension, abduction-adduction, rotations interne-externe, et la
circumduction qui est une combinaison des mouvements précédents. On sait que
la configuration articulaire est déterminée génétiquement. Une grande part de la
variabilité interindividuelle est donc due à ce facteur (par exemple le taux de
recouvrement de la tête fémorale par la cavité dans laquelle elle s’insère au niveau
du bassin, l’angle entre la tête et le corps fémoral, etc.).
La deuxième limite vient du tissu conjonctif, principal constituant des éléments de
B contention de l'articulation (capsule et ligaments), des différentes enveloppes
Figure 1 : limites anatomiques (fascias) donnant sa forme au muscle et des attaches qui lui permettent de se fixer
aux os (tendons).
Les données recueillies par Johns et Wright (1984) apportent un complément d'informations concernant la résistance
relative à l'allongement des différentes composantes anatomiques que nous venons d'énumérer par rapport à la
résistance totale de l'articulation mobilisée.
Limites mécaniques
La quantité tout comme les propriétés de tissu conjonctif peuvent varier avec la fonction du muscle (Shadwick, 1990).
Par ailleurs, il a été montré que la contrainte mécanique imposée par étirement à un muscle contracté est plus petite dans
un muscle ayant une majorité de fibres lentes, alors que l'énergie élastique stockée y est plus importante dans les fibres
rapides (Komi, 1984) ; ceci suggère que l'élasticité de la composante élastique série d'un muscle lent est plus élevée que
celle d'un muscle rapide. Ces différences sont dues en grande partie au fait que la concentration en collagène est plus
élevée dans les muscles lents que dans les muscles rapides qui leur permet de mieux amortir les variations de position
de façon passive (Kovanen et coll., 1984).
De tels résultats sont en accord avec les analyses mécaniques de base que l'on peut faire sur un mouvement rapide. La
très grande raideur et la faible déformation des muscles lents est bien adaptée à une fonction musculaire qui est dédiée
au contrôle continu de la posture. A l'opposé, la raideur plus faible, la plus grande compliance et la plus petite élasticité
d'un muscle rapide très contracté est beaucoup plus adaptée à l'amélioration de la rapidité et de l'efficacité du
mouvement.
Il est donc important de se rappeler que les muscles, habituellement utilisés dans le travail postural et qui sont en plus
sollicités dans une activité sportive contraignante comme la nôtre, nécessitent qu'on leur consacre toute notre attention
dans le travail de souplesse.
Figure 2 : Effet de l’immobilisation sur les propriétés Figure 3 : Effet de l'immobilisation et de la rééducation sur
mécaniques d’un ligament après 8 semaines les propriétés mécaniques du ligament croisé antérieur du
d’immobilisation. On remarquera que l’absorption de la singe. La charge maximale et l’énergie emmagasinée par le
déformation (pic de la courbe plus petit) et la réactivité du tissu jusqu’à la rupture ont été mesurée dans plusieurs
ligament (courbe plus plate) sont plus faibles comparées au conditions (après 8 semaines d’immobilisation, après 5
groupe contrôle (d’après Noyes, 1977). mois puis 12 mois de rééducation) et comparées aux
valeurs obtenus avant l’immobilisation (contrôle) (d’après
Noyes, 1977).
Limites neurophysiologiques
Elles concernent essentiellement la partie contractile des muscles et son influence sur les tendons. Ainsi, cet aspect
plutôt dynamique de la souplesse fait intervenir tous les éléments du système neuromusculaire.
Deux paramètres musculaires sont régulés par le système nerveux : la longueur du muscle et la force musculaire. Ces
régulations sont dites rétro-négatives car elles se font en boucle à partir d'informations issues de capteurs situés dans les
muscles et les tendons, et tendent à faire retrouver au système son état initial. Ce sont donc des systèmes asservis à un
paramètre donné (on parle aussi de servomécanisme). Dès que ce paramètre varie, tout est mis en œuvre (corrections)
pour qu’il retrouve sa valeur de départ (consigne). A cela viennent s'ajouter les influences intermusculaires et les
influences corticales. Ce qui fait qu'à la place d'un modèle, relativement rigide, proposé au départ par les physiologistes,
on observe aujourd'hui que le SNC est capable de moduler tous ces paramètres en fonction des circonstances de
l’action. Ces circuits sont résumés dans la figure 4 et décrits dans les paragraphes qui suivent.
Ces ajustements de longueur interviennent aussi lorsqu’il s’agit de protéger le muscle contre un étirement abusif de ses
structures qui pourrait entraîner des lésions. L'activité myotatique va donc empêcher certains mouvements de grande
amplitude en provoquant des raideurs musculaires, c'est-à-dire en limitant l'allongement musculaire. Ceci va
évidemment à l’encontre de ce que l’on veut obtenir en souplesse.
Une chose essentielle à garder à l'esprit est que les règles seront différentes selon qu’elles concernent les étirements ou
les assouplissements dans la mesure où les structures visées ne sont pas les mêmes. Il faut dire que la plupart relèvent
du bon sens... à condition d'avoir toujours à l'esprit lesdites observations et surtout les connaissances physiologiques qui
les accompagnent. Certains de ces conseils vont vraisemblablement aller à l'encontre des habitudes de certains
entraîneurs. Pourtant, ils donnent les résultats les plus significatifs au niveau pratique.
L'allongement du muscle provoque une diminution réflexe de l'activité des nerfs moteurs et donc
un relâchement musculaire
Pour caractériser chacune de ces phases, on mesure trois paramètres biomécaniques. Le premier (Figure 10) est la
raideur, que l’on obtient facilement en calculant la pente de la relation angle-moment de la force à une position donnée
(notamment dans sa partie rectiligne) ; le second (Figure 10) est l’énergie absorbée par le tissu lors de l’allongement,
donnée par l’aire sous la courbe ; le troisième (Figure 11) est la viscoélasticité et s’obtient en mesurant la différence
entre la valeur maximale et la valeur finale du moment de résistance, liée au relâchement viscoélastique. Il est
fondamental de se rappeler que ces relations sont essentiellement non linéaires… ce qui constitue l’une des
caractéristiques principales dans les réactions aux déformations des tissus vivants. Le temps et la vitesse sont donc des
facteurs très importants.
Ces résultats ont été également démontrés chez l’animal. La répétition d'étirements passifs statiques d'une même
longueur entraîne des changements significatifs au niveau de la longueur musculaire et de la force musculaire: la
première augmente progressivement jusqu'à dépasser de 3.5% de la longueur initiale puis marque un plateau au- delà de
• Technique du contracter-relâcher : en faisant précéder l'étirement statique par une phase de contraction
isométrique maximale du muscle agoniste, on augmente la tension exercée sur les tendons du muscle (ou
groupe musculaire) ciblé et on mobilise ainsi le réflexe myotatique inverse dont l'effet est de diminuer la
tonicité musculaire. Il est conseillé de réaliser cet exercice plusieurs fois à la suite, sans revenir à la position
de repos. On obtient alors un gain d'amplitude de mouvement supérieur à celui que l'on aurait eu avec des
étirements statiques, et plus important qu'avec un seul contracter-relâcher (cette technique a un effet
cumulatif).
• Technique de la contraction antagoniste : la sollicitation du réflexe d'inhibition réciproque pour augmenter
le relâchement d'un muscle pendant son étirement passe par la contraction du muscle antagoniste. Ainsi, lors
d'un étirement des ischio-jambiers par une fermeture jambe-tronc, il ne faut jamais obliger les sujets à
relâcher leur quadriceps car la contraction de celui-ci entraînera de façon réflexe une diminution de la
tonicité des ischio-jambiers... ce qui facilitera leur étirement.
Voyons maintenant les conseils que l'on peut donner concernant les assouplissements en rapport avec la mécanique des
biomatériaux.
Pratiquer les assouplissements quand la température musculaire, voire corporelle, est minimale
Les tissus sont plus extensibles à température élevée (Lehmann et coll. 1970 ; Mutungi and Ramatunga, 1996 ; Nooman
et coll., 1993 ; Safran et coll., 1988 ; Warren and Lehmann 1976 ; Woo et coll. 1987). De même, il a été montré que
l’amplitude articulaire augmentait suite à un échauffement (Henricson et coll., 1984 ; Stewart et coll. 1998 ; Taylor et
coll., 1995 ; Wiktorsson et coll. 1983). Un allongement réalisé dans de telles conditions est certes important mais
temporaire. Par contre, cette déformation est plus durable si le tissu est "froid" car le tissu atteint plus rapidement la
borne supérieure de la phase II lorsqu'il est "froid" que lorsqu'il est "chaud", et ce pour un même niveau de tension
(Sapega et coll., 1981). C'est pour cette raison que l'on a l'impression qu'il est plus facile de pratiquer les
assouplissements après une séance d'entraînement que le matin au réveil. Mais, si l'on veut véritablement obtenir un
effet significatif, il convient de faire les assouplissements à distance d'un exercice physique, afin de profiter de la baisse
de température et de l'augmentation de raideur qui l'accompagne ; ces deux phénomènes permettront d'obtenir des effets
plus rapidement pour un même degré d'allongement.
NB. la bibliographie complète de cet article est disponible sur le site Internet de l’auteur : www.sciensport.net dans la
rubrique « Pratique ». Vous pouvez directement lui adresser vos questions par courrier électronique à :
prevost.pascal@free.fr en précisant l’objet du message « article souplesse Gym’Technic ».
Remerciements : je tiens à remercier Eric Harrisson (webmestre du site www.gymnet.org), ainsi que Anne et Monique
Prévost pour leurs remarques constructives qui ont permis d’améliorer la lisibilité de cet article.