I. Aperçu Historique
I. Aperçu Historique
I. Aperçu Historique
Branche du droit privé, le droit commercial est constitué de l’ensemble des règles juridiques
applicables aux transactions commerciales. Il offre le cadre juridique à l’intérieur duquel se nouent, et
évoluent, les rapports entre les professionnels du commerce. Les premiers destinataires de la matière sont
les personnes qui accomplissent, en leur nom et pour leur compte, des actes de commerce.
Le droit commercial s’applique en ce sens à une catégorie de personnes que sont les
commerçants. Il intervient avec comme objectif premier d’assurer un minimum d’ordre, de sécurité et
d’honnêteté entre les professionnels du commerce. Ce qui peut se révéler d’une importance primordiale
dans le monde des affaires. L’allègement des procédures et l’assouplissement des contraintes formelles
qui entravaient la rapidité du commerce seraient néfastes pour le domaine s’ils ne sont pas relayés par des
rapports basés sur la confiance et l’honnêteté. Les rapports personnels sont déterminants en la matière.
Le droit commercial s’applique au commerce, à l’industrie et une partie importante des services,
en particulier ce qui concerne la finance. Son domaine d’intervention est donc assez large. Il régit la
majeure partie de l’activité économique, même si de nombreuses activités non moins importantes
demeurent en dehors de son champ d’application (agriculture, professions libérales, production littéraire
et artistique et activités subordonnées, c’est-à-dire celles exercées par les salariés):
- Le commerce proprement dit: concerne la distribution et la circulation des biens qui se font à partir des
opérations d’achat et de vente ou de louage.
- L’industrie: concerne la production et la transformation des biens.
- La finance: concerne les opérations des banques, de crédit, d’assurance et des transactions financières.
I. Aperçu historique
Nul doute que le commerce est une activité qui a marqué l’histoire de l’humanité. Les échanges
commerciaux ont jalonné les relations entre les peuples. Ils ont même constitué la trame autour de laquelle se
nouaient des rapports particuliers entre les civilisations.
L’activité commerciale a fait l’objet d’un ensemble de règles qui concernaient plus particulièrement le
transport maritime. Les océans ont en effet joué un rôle de grande importance dans l’évolution des échanges
commerciaux entre les peuples. Les auteurs estiment que, de manière générale, l’évolution du commerce, ainsi
que la construction du droit commercial, ont été marquées par des évènements relatifs à trois grandes périodes :
1. L’antiquité
Egyptiens, Babyloniens, Phéniciens et Grecs sont les principales civilisations ayant participé à la
construction et l’évolution du droit commercial. Chacune des civilisations a contribué avec des principes et
règles qui traduisent les spécificités de chacune des sociétés, même si le commerce occupait la seconde lace
après l’agriculture.
Chez les Babyloniens, le code de Hammourabi nous renseigne sur la pratique du prêt à intérêt et la
commission.
Les Phéniciens, qui étaient de grands navigateurs, sont à l’origine de certaines techniques qui ont
constitué la base pour la construction du droit maritime (l’avarie commune).
Les Grecs ont également inventé certaines règles. Il s’agissait plus particulièrement de règles relatives aux
opérations financières et aux opérations de prêt.
2. Moyen âge
Cette période s’est caractérisée par la rédaction des statuts qui devenaient de véritables codes de
commerce1. Les cités Italiennes et des Flandres ont constitué les principaux centres commerciaux. Les litiges
sont réglés devant des tribunaux spécialisés qui appliquaient des règles spécifiques aux relations commerciales.
L’apport des Arabes et des Musulmans a été important pendant cette période, en particulier en ce qui
concerne le régime des faillites et certaines formes des sociétés.
Avec l’avènement de l’islam, les institutions du droit commercial sont tirées du droit musulman.
La Charia a constitué la source principale pour régler les problèmes relatifs aux relations commerciales.
Le Maroc n’a jamais considéré comme une grande nation de commerce. Les échanges des
marocains avec les autres peuples se faisaient à travers les ports de la méditerranée et de l’atlantique qui
constituaient des comptoirs, à la fois escales et entrepôts, pour les navigateurs.
La période du protectorat a été marquée, aussi bien sur le plan économique qu’au niveau
réglementaire, par des choix dont l’objectif principal est de servir des intérêts de l’Etat protecteur.
Certaines caractéristiques sont à relever :
- Une politique économique qui a reposé sur le choix du capitalisme avec comme point d’ancrage
des économies européennes et plus particulièrement française et espagnole.
1
Y. Guyon, Droit des affaires, t.1, 9ème éd., Economica/Delta, Paris, 1996, p.14.
2
Idem., p.15.
3
M. Motik, droit commercial marocain, al-maarif al jadida, Rabat, 2001, pp.20-21.
- L’Etat protecteur a procédé à certaines réformes dans différents secteurs (économique,
administratif, judiciaire, financier…).
- Codification de certaines lois : code de commerce (12 août 1913), dahir des obligations et
contrats, code de commerce maritime (31 mars 1919), dahir du 24 mai 1955 concernant le fonds de
commerce, dahir du 19 janvier 1939 sur la lettre de change (adoption de certaines règles contenues dans
la convention de Genève du 7 juin 1930), dahir du 23 juin 1916 relatif à la propriété industrielle.
Après l’indépendance, l’Etat marocain a opté pour la politique des plans (1960-1964 ; 1965-1967 ;
1968-1972 ; 1973-1977 ; 1978-1980), et de marocanisation (dahir du 2 mars 1973 relatif à l’exercice de
certaines activités). Ont toutefois échappé à cette marocanisation du commerce les étrangers bénéficiaires
de conventions internationales.
D’une originalité certaine, le droit commercial s’est construit sur la base de caractéristiques qui lui
sont propres. Celles-ci sont le résultat de la pratique du commerce et des spécificités de son cadre légal.
- Un droit complexe : il s’intéresse à des matières variées, à tel point que certaines ont acquis leur
autonomie (droit maritime, des assurances..). Cette complexité explique le recours à des juridictions
spécialisées4 et le développement de l’arbitrage en la matière5.
- Un droit en perpétuel construction avec un formalisme assoupli : le droit commercial est
condamné à un mouvement permanent. Il doit suivre l’évolution de la société et de ses besoins pour
l’organisation de ses activités économiques. Dans cette perspective, le droit commercial est appelé à se
doter d’un formalisme adapté aux besoins du commerce. Loin de s’ériger en entrave à l’activité
commerciale, ce formalisme, en assurant la rapidité et la sécurité, faciliterait plutôt la conclusion des
actes. C’est le cas notamment des textes imprimés qui ont pris la forme des contrats-types 6.
- Le droit commercial a un caractère international : les transactions internationales sont de plus en
plus nombreuses. La mondialisation accentue ce phénomène en faisant subir à la matière différentes
influences étrangères.
- Importance du crédit en droit commercial : à la différence du non commerçant qui emprunte pour
consommer, le commerçant a recours au crédit pour investir. Son emprunt est souvent destiné au
lancement d’un nouveau projet ou au développement de celui déjà existant. Il s’agit d’un crédit à la
production qui va non seulement générer les fonds utiles pour le remboursement du prêt, mais également
des revenus futurs qui peuvent servir pour initier d’autres investissements ;
4
Voir loi portant création des juridictions de commerce A insérer
5
Références aux articles relatives à l’arbitrage
6
Rippert et Roblot, Traité élémentaire de droit commercial, t.2, L.G.D.J., Paris, 1975, p.38.
- Statutaire : elle constitue le cadre juridique du droit public dans lequel doivent se dérouler les
opérations commerciales. Elle reflète l’intervention de l’Etat dans le domaine économique.
- Institutionnelle : elle se manifeste par l’existence de certains mécanismes juridiques nés de la
pratique des affaires et qui se révèlent indispensables à l’exercice de l’activité commerciale. C’est le cas
notamment des sociétés, du fonds de commerce, des effets de commerce…
7
D. Lefèvre, La spécificité du droit commercial, Rev. trim. dr. com., 1976, p.285 ;
Le droit civil est dominé par le principe de la protection des incapables, c’est-à-dire les mineurs et
les majeures dont les facultés mentales sont insuffisantes. Ces personnes sont protégées puisqu’ils ne
peuvent mener seules leur vie juridique. Elles sont en principe représentées par des personnes capables.
En droit commercial, les incapables sont exclus de certaines opérations. Ils ne peuvent les
accomplir même par l’intermédiaire de leur représentant légal. C’est le cas plus particulièrement des
effets de commerce. Un incapable ne peut émettre un chèque, tirer ou accepter une lettre de change. Ces
activités comportent trop de risques pour l’incapable en raison notamment de la rigueur des sanctions
prévues par le droit cambiaire.
8
Voir supra.
5. Droit commercial et droit pénal
La répression des infractions commises par les commerçants dans le cadre de leur activité est à
l’origine des rapports entre les deux branches. On parle même aujourd’hui du droit pénal des affaires.
1. La loi
Elle demeure la source principale. Le terme est à considérer dans un sens large : textes votés par le
parlement et dispositions réglementaires prises par le premier ministre. L’on peut faire la distinction entre
les textes généraux et les textes spéciaux.
Quelques textes généraux : loi n¨15-95 promulguée par dahir du 1 août 1996 formant code de
commerce ; dahir du 12 août 1913 formant code des obligations et contrats (art. 84, 388, 448,1241, 982 à
1091 concernant les sociétés) ; dahir du 12 août 1913 (code marocain de droit international privé)
notamment l’article 13 ; dahir du 31 mars 1919 formant code de commerce maritime ;dahir du 10 juillet
1962 sur la navigation aérienne ;
Quelque exemples de textes spéciaux : dahir du 23 juin 1916 relatif à la propriété industrielle ;
dahir du 24 mai 1955 relatif au renouvellement des baux commerciaux ; dahir du 6 juillet 1993 relatif
aux établissements de crédit ; dahirs du 21 septembre 1993 sur les marchés financiers ; loi n¨17-95
relative aux sociétés anonymes promulguée par dahir du 30 août 1996 ; loi n¨5-96 promulguée par dahir
du 13 février 1997 sur les sociétés autres que la société anonyme.
2. Règles de la charia
Le code de 1996 a essayé d’intégrer certaines règles de la charia. Il en est ainsi de la liberté pour la
femme de disposer de son patrimoine, de la liberté de la preuve…9
9
Voir M. Mourabit, Cours de droit commercial, 3ème année de la licence en droit/2003, Faculté de droit,
Mohammedia.
dans une branche déterminée. Seulement, les règles contenues dans les contrats-types doivent être
adoptées volontairement par les parties (voir par exemple les règles d’York et d’Anvers sur les avaries
communes, les Incoterms de la chambre de commerce internationale).
5. Sources institutionnelles
- Institutions étatiques : il s’agit en particulier l’intervention du Roi par dahirs, celle du parlement
et du gouvernement, plus particulièrement le premier ministre. Le wali, le gouverneur et le président d’un
conseil communal peuvent dans le cadre de leur pouvoir de police, intervenir en la matière dans le but
d’assurer la sûreté, la sécurité et la salubrité publique.
- Institutions professionnelles : il s’agit en particulier des chambres et des groupements
professionnelles.
Le droit commercial peut donc avoir une compétence assez large se rapportant aux actes de
commerce, aux commerçants et aux sociétés commerciales 10. Il peut s’étendre à différents domaines. La
délimitation du domaine du droit commercial n’a pas été formulée de manière précise. En ce sens, on
peut se placer à un double point de vue :
- D’un point de vue objectif : il concerne l’ensemble des règles qui s’appliquent aux actes de
commerce. Peu importe donc la personne qui les accomplis. Seule la nature de l’acte est prise en
considération. Ce qui a pour conséquence d’appliquer aux mêmes actes les mêmes règles. La conception
aboutit à l’application du droit commercial même aux actes de commerce isolés.
- D’un point de vue subjectif : il s’agit de l’ensemble des règles auxquelles sont soumis ceux qui
exercent une profession commerciale. C’est donc la qualité de commerçant qui implique l’application du
10
Voir M. Choukri Soubai, al wassit fi al kanoun a-tijari al-maghribi wa al-moukaran, t.1, 2ème éd., 1983.
droit commercial. Or, le commerçant ne fait pas que des actes de commerce. Les actes accomplis par le
commerçant ne se rattachent pas tous à son activité. C’est le cas par exemple quand l’acte est en relation
avec la vie privée du commerçant.
Le droit marocain consacre les deux conceptions. Le droit commercial est à la fois celui des actes
de commerce et des professionnels du commerce. Autrement dit, pour l’acquisition de la qualité de
commerçant et l’application par là-même du droit commercial, il faut non seulement accomplir des actes
de commerce, mais aussi que l’exercice soit habituel ou professionnel. Les articles 6, 7 et 8 du code
précisent que «…la qualité de commerçant s’acquiert par l’exercice habituel ou professionnel des
activités suivantes…». La conception permet en fait d’exclure les actes isolés.
11
Voir à ce propos l’article 982 DOC concernant le contrat de société. Pour une comparaison entre la société et
l’association telle que définie par le dahir du 15 novembre 1958, modifié par dahir du 10 avril 1973, voir P.
Decroux, Les sociétés en droit marocain, éd. La Porte, Rabat, 1985, p.50. Egalement, A. Bensti, Dirrasat fi al-
kanoun a-tijari al-maghribi , t.1, 2ème éd., A-najah al-jadida, 1998, pp. 19 et ss.
2. Théorie de la circulation
C’est la circulation des biens et des richesses qui confère à l’activité son caractère commercial. La
circulation concerne le parcours du bien depuis le producteur jusqu’au consommateur en passant par les
différentes opérations de transformation. Le problème peut néanmoins se poser pour certains types
d’activités comme par exemple le transport des personnes. Il s’agit d’une activité commerciale, mais les
personnes ne peuvent être assimilées à des marchandises. La théorie ne peut donc apporter des réponses
satisfaisantes à ce type d’acte.
3. Théorie de l’entremise
C’est l’intervention d’un intermédiaire entre le producteur et le consommateur qui confère à
l’activité son caractère commercial. Pour renforcer la théorie, l’entremise a été liée à la spéculation ayant
pour objectif la réalisation d’un profit. A ce niveau aussi, la théorie ne peut expliquer le caractère
commercial de certains actes même en l’absence d’intermédiaire. C’est le cas par exemple de la lettre de
change. Il en est de même pour la conclusion du contrat de mariage. L’initiative de l’intermédiaire qui
met en relation les futurs époux et leur famille se place dans le cadre d’un comportement social étranger
aux pratiques commerciales. Le raisonnement serait toutefois différent si la pratique est organisée au sein
par exemple d’une agence spécialisée.
Tous ces critères ne peuvent avoir qu’un intérêt relatif. Ils sont en mesure de justifier le caractère
commercial de certaines activités, mais pas d’autres. Ensemble, ils sont néanmoins en mesure d’apporter
des moyens susceptibles d’aider et d’éclairer le praticien pour opérer les distinctions.
2. Théorie de l’entreprise
L’activité doit se faire dans le cadre d’une entreprise. Ce qui exclut l’activité exercée par une
personne de manière isolée même s’il y a spéculation ou entremise.
Cette présentation sommaire des différentes théories permet de constater qu’il est impossible de se
fier de manière absolue à l’une ou l’autre. Une combinaison entre différentes théories peut probablement
apporter des solutions plus appropriées. Ceci étant, la jurisprudence fait néanmoins souvent application
de l’une des théories pour opérer les distinctions et décider si l’activité est commerciale ou non.
Chapitre II. Classification des actes de commerce
Ces actes sont énumérés aux articles 6 et 7 du code de commerce. Ils sont liés à 21 activités ( ajout
de la domiciliation - 19ème activité dans art.6 - par la loi n¨89-17 du 09/01/2019 modifiant et complétant la
loi n¨15-95 formant code de commerce) . Le code se contente de présenter les activités dont l’exercice
habituel ou professionnel permet d’acquérir la qualité de commerçant. En ce sens, le législateur s’est
référé à des activités parce qu’il considère que le recours à des actes de commerce isolé est rare dans la
pratique. Les actes de commerce sont en principe liés à des activités commerciales. Ceci est d’autant plus
vrai que les articles 6, 7 et 8 lient l’acquisition de la qualité de commerçant à l’exercice habituel ou
professionnel de l’activité commerciale. Ce qui suppose une répétition et une continuité.
En raison de la nature et des particularités des relations commerciales, le législateur a évité de
présenter une liste limitative des activités dont l’exercice peut conférer la qualité de commerçant. Il a
traduit son choix en insérant l’article 8 qui a été consacré aux activités assimilées. Ainsi a-t-il considéré
que « la qualité de commerçant s’acquiert également par l’exercice habituel ou professionnel de toutes
activités pouvant être assimilées aux activités énumérées aux articles 6 et 7 ci-dessus ». D’autres activités
exercées de manière habituelle ou professionnelle, mais non prévues par le code, peuvent donc permettre
l’acquisition de la qualité de commerçant. Il appartient à la jurisprudence de déterminer, en faisant appel
aux critères économiques et juridiques, si l’activité concernée est une activité commerciale ou non.
Il est possible de répartir les activités énumérées aux articles 6 et 7 en trois catégories :
a. L’extraction
L’extraction constitue un point de départ dans le processus de circulation des richesses. L’article
6, alinéa 4, a limité ces activités à ¨la recherche et l’exploitation des mines et des carrières¨.
Pendant longtemps, l’extraction a été exclu par la doctrine et la jurisprudence du cadre des
activités commerciales12. Différentes considérations ont justifié cette position :
- Absence d’une opération d’achat des produits concernés.
- Les produits concernés sont liés à la terre qui est considérée comme un immeuble, et les opérations
portant sur des immeubles sont civiles13.
Ces considérations ont été abandonnées. L’extraction fait aujourd’hui appel à des moyens humains
et matériels importants. Elle repose sur la spéculation, et s’organise dans le cadre d’une entreprise.
Avant le code de 1996, on distinguait entre les actes portant sur les mines et ceux liés aux
carrières. Seuls les premiers étaient considérés comme actes de commerce. Cette distinction n’est plus
retenue aujourd’hui puisque les deux types d’activités font appel à des moyens matériels et financiers
intéressants.
Les mines concernent essentiellement le charbon, les métaux, le pétrole et le gaz. Les carrières
servent à extraire des matériaux de construction : pierre, argile et marbre..
b. La transformation
* L’activité industrielle ou artisanale
Le code semble mettre les deux activités sur un pied d’égalité (art 6, al.5). Le caractère
commercial de l’activité industrielle n’est pas remis en cause. Celle-ci est à entendre comme toutes
activités portant sur des produits qui ont fait l’objet d’un achat avec intention de revendre après
transformation. Peu importe d’ailleurs que les produits de base qui ont fait l’objet de transformation aient
été achetés ou non.
L’activité industrielle comprend également la réparation. Celle-ci exige aussi des moyens
financiers et humains importants. Même si le législateur n’a pas prévu explicitement l’activité, on peut
déceler son caractère commercial en se référant au décret n¨2-97-249 du 17 avril 1997 qui précise les
activités économiques concernant les chambres de commerce, d’industrie et d’artisanat.
Peut-on considérer l’agriculteur comme commerçant ?
12
M. Mourabit, op. cit., p.27.
13
Idem.
L’activité agricole a été considérée comme activité civile en raison des spécificités et des
particularités de se secteur. La doctrine a estimé que le défaut d’une opération d’achat en vue de la
revente du produit en l’état ou après transformation permet d’exclure l’agriculture des activités
commerciales14. Ces activités sont en fait traditionnellement considérées comme civiles.
Le code ne s’est pas intéressé à la question de savoir si la transformation portant sur la production
agricole confère la qualité de commerçant. Il serait dans ce cas opportun d’envisager la situation en
faisant appel aux différents critères permettant de faire la distinction entre les activités civiles et
commerciales (critères reposant sur des considérations économiques et juridiques).
A envisager par référence à ces différents critères, il nous semble que la question doit être
tranchée en prenant en considération les capacités et les moyens mis en œuvre par l’agriculteur. Si celui-
ci opère dans le cadre d’un projet industriel, reposant sur la spéculation et utilisant des moyens humains
et matériels importants, l’activité sera considérée comme commerciale. Par contre, si la production et la
transformation se font dans un cadre restreint et avec des moyens traditionnels, il n’y a pas lieu de
considérer que l’activité est commerciale.
La définition de l’artisan est donnée par le dahir n¨1-63-194 du 28 juin 1963 concernant l’organisation des
chambres de l’artisanat. Selon l’article 3 du dahir, la notion d’artisan doit satisfaire à certaines conditions :
l’artisan doit effectuer un travail manuel, être indépendant et exercer seul ou avec l’aide de sa famille ou de tiers
dont le nombre ne doit pas dépasser dix personnes, utiliser des machines dont la force motrice est inférieure à dix
chevaux-vapeurs, assurer personnellement la production et la commercialisation de ses produits 15. Le législateur
marocain, à la différence du français, n’exige pas la détention d’un « certificat de qualification professionnelle »
pour se prévaloir du titre d’artisan.
L’alinéa 5 de l’article 6 du code de commerce cite parmi les activités pouvant conférer à la personne la
qualité de commerçant l’activité industrielle ou artisanale. Par conséquent, l’exercice habituel ou professionnel
d’une activité artisanale permet l’acquisition de la qualité de commerçant. L’artisan serait donc soumis à toutes
les obligations afférentes à la qualité de commerçant16.
14
Certains ont néanmoins estimé que l’achat de la matière première utilisée dans l’agriculture est suffisant pour
envisager la commercialité de l’activité, voir M. Mourabit, op. cit.
15
16
Voir C.S. arrêt n¨7217 du 23/12/1998, dossier commercial n¨2334/91.
L’éditeur est considéré comme commerçant, mais pas l’auteur. L’objectif premier de celui-ci est la
diffusion de ses idées. Le profit matériel que l’auteur peut réaliser est considéré comme insignifiant par rapport à
la vertu morale liée à la publication.
*** Les opérations portant sur les navires et les aéronefs et leurs accessoires
Prévus par l’article 7, ces opérations sont à considérer de manière assez large : construction des navires et
des avions et tous ce qui peut avoir une relation avec l’activité, y compris l’achat des navires et des avions pour
les revendre. Il faut qu’il y ait volonté ou intention de réaliser un profit sur la base d’une vente ou d’un
investissement commercial.
17
M. Mourabit, op. cit.
- Existence d’une location : l’opération doit être précédée d’une location. Il ne suffit pas par exemple
d’avoir les machines ou les voitures et de les louer. Il faut d’abord une location de ces voitures ou machines. Ce
qui exclut les meubles reçus suite à un héritage, un don ou un testament.
- Location portant sur un meuble corporel ou incorporel.
- Intention de sous-louer : l’intention de sous-louer est une condition indispensable. Elle est prise en
considération au moment de la réalisation de la location. Peu importe si la personne décide de ne plus sous-louer.
Par conséquent, si la personne décide d’une autre utilisation du meuble, sachant que l’intention au moment de la
location était de le sous-louer, l’activité est néanmoins commerciale à condition qu’il s’agisse d’un exercice
habituel ou professionnel.
a. Services financiers
* Les opérations bancaires
Ces activités, prévues par l’alinéa 7 de l’article 6, exigent une autorisation de l’autorité compétente. Celle-
ci délivre un agrément si le demandeur répond aux conditions juridiques, économiques et financières exigées par
le dahir du 6 juillet 1993. L’article 29 du dahir précise que les sociétés de crédit qui ont leur siège social au
Maroc doivent se constituer en société anonyme. Etant donné que la société anonyme est une société
commerciale par la forme, toutes les opérations faites par la banque sont donc commerciales. Ces opérations sont
d’ailleurs de deux ordres : opérations de dépôt et opérations de crédit.
** Transport
L’activité concerne le déplacement des personnes ou des marchandises. Elle a également été prévue par le
code de1913, mais devait s’exercer dans le cadre d’une entreprise. Peu importe le type de transport: terrestre,
aérien ou maritime. Peu importe également le moyen utilisé: voiture, avion, bus…. De même, qu’il s’agisse de
transport de personnes ou de marchandises, l’activité sera toujours considérée comme commerciale. L’article 6,
alinéa 6, n’a pas non plus fait de distinction entre les personnes physiques et morales, ou entre personnes de droit
privé ou de droit public.
c. Opérations d’entremise
Les opérations d’entremise sont commerciales nonobstant l’objet, commercial ou civil.
* Le courtage
Le courtage a été prévu par les articles de 405 à 421 du code. L’article 405 défini le courtage :«le courtage
est la convention par laquelle le courtier est chargé par une personne de rechercher une autre personne pour les
mettre en relation, en vue de la conclusion d’un contrat ». L’activité du courtier est commerciale sans prendre en
considération la nature de l’opération qui a suscité son intervention, civile ou commerciale. Le courtier se
contente de rapprocher les points de vue. Il met les commerçants en contact et essaye de les mettre d’accord en
leur exposant avec exactitude, précision et bonne foi les différentes données liées à l’opération (art. 406 du
c.com). Le courtier n’est pas affecté par le contrat. Il se charge de mettre les personnes en relation moyennant
une rémunération après conclusion du contrat.
Le courtage doit néanmoins porter sur une opération licite et non contraire à l’ordre public. Si le courtier
intervient pour la conclusion d’un contrat illicite, le contrat de courtage ainsi que le contrat principal sont nuls. Si
le courtier emploi des moyens illégaux, le contrat de courtage est nul sans affecter le contrat principal.
L’intervention d’un courtier est toutefois interdite pour la conclusion de certains contrats. Il en va par exemple
du courtage au profit d’un avocat qui est interdit par un texte spécial18.
En raison du rôle que peut jouer le courtage dans l’activité commerciale, le législateur a engagé la
responsabilité du courtier dans différentes situations (art. 406 et 407 du c.com). Le courtage peut porter sur des
relations commerciales (vente d’un meuble ou immeuble…), ou civile (conclusion des mariages…).
** La commission
Prévue par les articles de 422 à 430, « la commission est le contrat par lequel le commissionnaire reçoit
pouvoir pour agir en son propre nom pour le compte du commettant… ». Le commissionnaire se charge de
conclure le contrat pour le compte d’une autre personne. Il prend la place d’un contractant puisqu’il signe le
contrat en son nom. Le commissionnaire subit donc les conséquences de sa négociation et de la signature du
18
L’article 35 de la loi de 1993 défend à l’avocat de recourir à ces procédés pour attirer la clientèle. L’article 98
a prévu une peine d’emprisonnement de 2 à 4 ans, et une amende de 20 à 40 milles dirhams à l’encontre de la
personne qui joue le rôle d’intermédiaire au profit d’un avocat.
contrat. Il demeure personnellement obligé envers ceux avec lesquels il a contracté. En cas de litige, les tiers
vont donc s’opposer au commissionnaire. Ils n’ont aucune action directe contre le commettant.
La rémunération du commissionnaire n’est en principe due que si le contrat est conclu (art. 424 du c.com).
Si le contrat n’a pas été conclu, il est fait application de l’article 915 du D.O.C. L’article précise que c’est au
juge de décider, selon les cas, si le commissionnaire a droit à une rémunération ou non, au cas où le contrat ne
serait pas conclu.
4. La profession commerciale
L’exercice d’une des activités énumérées aux articles 6 et 7 est certes un préalable pour l’acquisition de la
qualité de commerçant. Il n’est toutefois pas suffisant. Autrement dit, l’exercice doit satisfaire à deux conditions.
Il doit, d’une part, se faire à titre professionnel, d’autre part, s’accomplir au nom et pour le compte de la
personne.
N’est pas commerçant celui qui exerce des activités énumérées aux articles 6 et 7 pour le compte d’une
autre personne. La qualité de commerçant suppose un exercice au nom et pour le compte de la personne qui la
réclame. Il en va ainsi par exemple des représentants qui agissent au nom et pour le compte de leur employeur.
De même, la personne qui se contente d’aider un parent dans son activité commerciale ne serait pas concernée
par la qualité de commerçant.
L’article 10 du code stipule que « sont également réputés actes de commerce, les faits et actes accomplis
par le commerçant à l’occasion de son commerce, sauf preuve contraire ». Il s’agit donc de tous les faits ou actes
accomplis par le commerçant dans l’exercice de son activité. Le souci est d’assurer une certaine cohérence dans
l’activité en soumettant l’ensemble des opérations accomplies par un commerçant, ou une société commerciale,
19
Y. Guyon, op. cit., p.65.
20
Voir l’article 2 de la loi n¨5-96.
21
L’article premier de la loi n¨17-95 sur la société anonyme stipule que : »la société anonyme est une société
commerciale à raison de sa forme et quel que soit son objet… ».
pour les besoins de son activité aux mêmes règles. Un acte civil est alors considéré comme commercial par
rattachement lorsqu’il a eu lieu pour les besoins du commerce.
Suivant l’article 4 du code, « Lorsque l’acte est commercial pour un contractant et civil pour l’autre, les
règles de droit commercial s’appliquent à la partie pour qui l’acte est commercial ; elles ne peuvent être
opposées à la partie pour qui l’acte est civil, sauf disposition spéciale contraire ». Il s’agit des actes civils pour
une partie et commerciaux pour l’autre. Un régime spécial a été prévu pour ce type d’acte. Le non-commerçant
peut se prévaloir contre le commerçant de la commercialité de l’acte. Le commerçant ne peut par contre imposer
au commerçant les règles de droit commercial.
Le législateur a pris beaucoup de retard pour organiser ce genre d’activité, si on prend en considération
son rôle et son importance dans la vie commerciale. D’après le premier paragraphe de l’article 153 « le gérant
libre a la qualité de commerçant et il est soumis à toutes les obligations qui en découlent ».
Le régime juridique des actes de commerce se réfère à un ensemble de règles qui lui sont particulières.
Ces règles sont différentes de celles applicables aux actes civils. L’on relève ces différences particulièrement au
niveau des règles de compétence et des règles de fond.
Ce régime ne joue toutefois pleinement que pour les actes de commerce conclu entre commerçants dans le
cadre de leur activité commerciale. Autrement dit, il ne joue que de manière partielle quand il s’agit des actes de
commerce mixtes. Le régime juridique de ces actes a la particularité d’emprunter à la fois aux règles du droit
commercial et à celles du droit civil.
Il s’agit des règles qui organisent la répartition du contentieux entre les différentes juridictions. On
distingue la compétence d’attribution et la compétence territoriale.
1. Compétence d’attribution
Elle se réfère à la détermination de la nature et du degré de la juridiction à saisir. En matière commerciale,
la compétence revient aux tribunaux de commerce institués par la loi n¨53/95 promulguée par le dahir du
12/02/97. Il s’agit d’une part des tribunaux de commerce et d’autre part des cours d’appel de commerce.
- Les tribunaux de commerce : ils sont compétents pour statuer à l’occasion des litiges portant sur les
contrats commerciaux, les opérations relatives aux effets de commerce, les actions entre commerçants à
l’occasion de leur activité commerciale, les litiges entre associés dans une société commerciale et les litiges en
raison d’un fonds de commerce 22. Pour les actes mixtes c’est-à-dire ceux qui sont commerciaux pour l’une des
parties et civils pour l’autre, le non-commerçant a le choix entre le tribunal de commerce et le tribunal civil
(exception du cas où il s’agirait d’une acte de commerce par la forme). Le commerçant est quant à lui obligé de
faire appel au tribunal civil.
Le tribunal de commerce statue en premier et dernier ressort lorsque le principal de la demande n’excède
pas 9000 dirhams.
- Les Cours d’appel de commerce : elles statuent sur l’appel des jugements rendus par les tribunaux de
commerce. Le délai d’appel est de 15 jours à compter de la date de notification du jugement.
2. Compétence territoriale
La règle générale est que la compétence appartient au tribunal du domicile du défendeur. La loi a
néanmoins prévue des exceptions :
- Le tribunal compétent quand il s’agit d’une société est celui du lieu de son siège social ou celui de la
succursale.
- En matière de difficulté de l’entreprise, le tribunal compétent est celui du principal établissement du
commerçant ou du lieu du siège social de l’entreprise.
- En matière de mesures conservatoires, il s’agit du tribunal dans le ressort duquel se trouve le bien objet
de la mesure.
Ceci étant, les parties peuvent toutefois se mettre d’accord pour désigner par écrit le tribunal territorialement
compétent.
A ce niveau, une distinction est à faire entre les actes de commerce conclu entre commerçants pour les
besoins ou à l’occasion de leur activité commerciale, et les actes mixtes, c’est-à-dire commerciaux pour l’une
des parties et civils pour l’autre. Le régime juridique particulier aux actes de commerce ne joue pleinement que
pour les premiers. Pour les seconds, il joue de manière partielle.
25
L’alinéa 2 de l’article 873 doc stipule qu’: « En matière commerciale, les intérêts peuvent être calculés au
mois, mais ne peuvent être capitalisés, même en matière de compte courant, si ce n’est à la fin de chaque
semestre ».
26
L’article 231, al.2. du code de commerce précise qu’aucun jour de grâce ni légal, ni judiciaire n’est admis sauf
dans certains cas prévus par les articles 196 et 207.
27
Voir art. 234 du code de commerce.
28
Voir l’article 387 du dahir des obligations et contrats. .
29
Voir articles 306 et ss du code de procédure civile
commerçants, et les règles du droit civil pour les non commerçants. Quand le morcellement n’est pas possible,
on fait appel à des solutions tantôt puisées des règles de droit commercial, tantôt des règles de droit civil. Ce
sont ce qu’on appelle les solutions unitaires.
- Solutions dualistes : on s’intéressera à la compétence et à la preuve
En ce qui concerne la compétence, le non commerçant a le choix entre le tribunal de commerce et le tribunal
civil pour citer le commerçant, même si la compétence matérielle est en principe déterminée en considération de
la qualité du défendeur à l’action. Le commerçant est toutefois obligé de citer le non commerçant devant le
tribunal civil.
En matière de preuve, si c’est le non commerçant qui veut faire la preuve, il peut utiliser tous les modes de
preuve du droit commerciale. Par contre, si la preuve est faite par le commerçant contre celui pour qui l’acte est
civil, il doit respecter les dispositions de l’article 443 DOC, notamment l’exigence d’un écrit au-delà de dix mille
dirhams (modification en vertu de l’article 5 de la loi n¨53-05 relative à l’échange électronique du 06/12/2007).
- Solutions unitaires : on s’intéressera à la clause compromissoire et à la prescription
La clause compromissoire n’est pas valable dans les contrats mixtes. Sa nullité peut être invoquée aussi bien par
le commerçant que par le non commerçant.
La prescription quinquennale s’applique de la même manière aussi bien pour les obligations nées entre
commerçants à l’occasion de leur commerce, que pour celles nées entre commerçants et non commerçants, c’est-
à-dire les actes mixtes.
L’exercice d’une activité commerciale est dominé par le principe de la liberté. C’est un principe qui a été
reconnu par la constitution : liberté d’entreprendre. Il n’y a pas de sélection au départ. Seule la libre concurrence
est en mesure d’éliminer ceux qui n’arrivent pas à s’imposer dans le secteur qu’ils ont choisi d’investir.
La loi a toutefois prévu quelques restrictions au principe. Ce sont des mesure destinées à protéger, d’une
part, la personne intéressée par l’activité commerciale, d’autre part, les tiers concernés par une relation
commerciale avec le commerçant. Certaines restrictions, légales et conventionnelles, ont pour objectif de
protéger le commerçant et les tiers.
A. Restrictions légales
« Le juge prononce l’interdiction du dément et du prodigue à partir du jour où il est établi qu’ils se sont
trouvés dans cet état.
Il les affranchit de cette interdiction, conformément aux règles prévues au présent code, en tenant compte
du moment où prend fin la démence ou la prodigalité. Le juge doit, à cet effet, se fonder sur l’avis d’experts et
sur tous les moyens de preuve légaux » (art. 222 du CF)
La sanction de l’incapacité est la nullité de tous les actes accomplis par le dément ou le prodigue.
2. Les interdictions
C’est une catégorie assez hétérogène. Elle englobe des interdictions pour des raisons objectives, et
d’autres imposées par la loi pour des raisons liées à la nature de l’activité.
Des raisons politiques ont justifié certaines interdictions 30. L’exercice de certaines activités a également
été interdit par la loi. Deux raisons sont à l’origine de ces interdictions :
* Monopole d’Etat : en raison de leur rentabilité ou caractère stratégique, l’Etat s’est réservé le monopole
dans certains domaines (électricité, eau…). Des procédures sont toutefois en cours pour mettre fin au monopole
d’Etat dans différents secteurs.
* Considérations de moralité : interdiction de faire du commerce portant sur certains produits (stupéfiants
par exemple). Certaines professions sont soumises à autorisation (pharmacie, banque, assurance…)
3. Les incompatibilités
Le commerce a toujours été considéré comme inconciliable avec l’exercice de certaines activités. La
profession de commerçant empêcherait la réalisation de l’autre. Il en est ainsi des professions libérales
réglementées (notaire, avocat, médecin…), et de la fonction publique. L’article 16 du dahir du 24 février 1958
portant statut de la fonction publique pose le principe de l’incompatibilité de la profession commerciale avec la
fonction publique. L’on estime que cette dissociation garantirait l’indépendance et la dignité des professions
visées. Le fonctionnaire ne peut donc exercer à titre professionnel une activité privée lucrative.
Ceci étant, l’exercice de manière habituelle ou professionnelle d’une activité commerciale par une
personne exerçant dans le cadre d’une profession libérale, ou par un fonctionnaire, permet néanmoins de la
considérer comme commerçant. La personne intéressée peut apporter la preuve qu’elle est en relation avec un
commerçant.
4. Les déchéances
Les déchéances ont un caractère sanctionnateur. Elles ont pour objectif d’évincer certaines personnes du
circuit commercial. L’article 750 du code pose un principe général en stipulant que « la déchéance commerciale
emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise
commerciale ou artisanale, et toute société commerciale, ayant une activité économique ».
La personne physique peut également être frappée d’une déchéance commerciale en raison de faits
commis dans le cadre de son activité. L’article 745 a prévu trois situations pouvant aboutir à une déchéance :
* L’omission de tenir une comptabilité régulière ou le fait de faire disparaître les documents comptables.
* Le fait pour le dirigeant de détourner ou de dissimuler tout ou partie de l’actif ou de gonfler
frauduleusement le passif.
30
Voir par exemple le dahir du 25 novembre relatif au transport maritime qui précise que les importations et
exportations des phosphates, agrumes…doivent être assurées sous pavillon marocain, dahir du 15 novembre
1958 sur la presse..
* Le fait pour le dirigeant de continuer l’exercice de l’activité sachant que ceci devait conduire de manière
certaine à une cessation de paiement.
Certaines déchéances peuvent frapper toute personne condamnée pour crimes ou délits liés à l’exercice
d’une activité commerciale (assureur, agent d’affaires, banquier…). Il en est de même des faillites. Deux
situations peuvent se présenter à ce propos :
* Interdire l’exercice d’une activité commerciale en tant que peine accessoire à une sanction pénale.
* L’interdiction peut être prononcée pour crimes ou délits en relation avec l’exercice d’une activité
commerciale. Elle est prononcée à titre de mesure de sûreté et peut aller jusqu’à dix ans.
B. Restrictions conventionnelles
Elles sont le résultat d’une relation contractuelle. Une des parties peut s’engager, par le biais d’une clause
insérée dans le contrat, à ne concurrencer l’autre partie en exerçant une activité déterminée.
Trois clauses peuvent être à l’origine de ces interdictions : non-rétablissement, non-concurrence et
d’exclusivité. La clause trouve son origine dans un contrat.
* Non-rétablissement : la clause est insérée dans le contrat de vente d’un fonds de commerce pour
interdire au cédant de se rétablir à proximité des lieux où se trouve le fonds vendu. La clause doit être limitée
dans le temps et l’espace
* Non-concurrence : la clause est liée au contrat de travail entre le salarié et son employeur. Elle vise à
interdire au salarié d’exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur en cas de rupture du
contrat. Elle a également pour but d’interdire au salarié d’intégrer une entreprise concurrente.
* Clause d’exclusivité : elle impose au commerçant de ne vendre que certains produits et de ne se fournir
qu’auprès d’un fournisseur déterminé (exemple : les pompistes de marque).
Dans l’exercice de son activité, le commerçant est soumis à certaines obligations qui lui sont particulières.
La loi ne fait aucune distinction entre les commerçants à ce niveau. Peu importe la taille de l’exploitation ou la
nature de l’activité. Le même régime est appliqué à tous. Ce sont des obligations liées à la qualité de
commerçant. Elles sont la contrepartie des droits conférés à la personne en raison de son activité. Peu importe
qu’il s’agisse à ce niveau d’une personne physique ou morale.
Certes, de nombreuses obligations sont prévues par différents textes juridiques. Le commerçant doit par
exemple utiliser le chèque et la facture pour certaines opérations. Il doit également respecter les règles de la
concurrence, payer les impôts, contracter une assurance…. En général, les obligations du commerçant sont
multiples. Et chacune d’elles peut faire l’objet d’une étude particulière. Parmi ces obligations, deux vont
néanmoins retenir notre intérêt. Ce sont celles qui ont été prévues par le Code de commerce : la publicité
statutaire et les obligations comptables.
A. La publicité commerciale
La première obligation qui pèse sur le commerçant est l’immatriculation au registre du commerce. Elle se
situe au point de départ de l’activité commerciale. Au Maroc, le régime du registre du commerce a été adopté par
le code de 1913, notamment les articles de 19 à 28. Dans la loi n¨15-95, il a été organisé par les articles de 27 à
78 (Voir décret n° 2-96-906 du 9 ramadan 1417 (18 janvier 1997) pris pour l'application du chapitre II - relatif au
registre du commerce - du titre IV du livre premier de la loi n° 15-95 formant code de commerce )
L’organisation du registre repose sur une architecture qui permet de couvrir tout le territoire marocain. Ses
différentes fonctions, informative et juridique, ne seront que mieux accomplies avec sa généralisation. L’article
27 du code de commerce précise que « le registre du commerce est constitué par des registres locaux et un
registre central.
Il est tenu un registre électronique du commerce à travers lequel sont tenus les registres locaux de
commerce et le registre central du commerce.…» ( l’article 27 a été modifié et complété par l’article premier de
la loi n¨89-17).
a. Le registre local :
Il est tenu auprès du secrétariat-greffe du tribunal compétent. Le registre local est placé sous la
surveillance du président du tribunal ou un juge qu’il désigne chaque année à cet effet. L’inscription au registre
local doit donc « être requise par voie électronique à travers la fenêtre dédiée dans la plateforme électronique
précitée au secrétariat-greffe du tribunal du lieu de situation de l’établissement principal du commerçant ou du
siège de la société »31.
Le libellé de l’article 30 peut prêter à confusion. Sachant que la compétence en matière commerciale revient au
tribunal de commerce en vertu de la loi n¨53-95, qu’en est-il alors des régions et villes dépourvues de ce type de
tribunaux ?
En l’absence d’un nombre suffisant de tribunaux de commerce répartis et couvrant tout le territoire du
royaume, la compétence des tribunaux de première instance a été maintenue en la matière dans les régions et
provinces où un tribunal de commerce fait défaut. L’inscription sera donc requise auprès du secrétariat-greffe du
tribunal de première instance du lieu d’établissement du commerçant ou du siège social de la société, au cas où il
n’y aurait pas un tribunal de commerce pour recueillir ces inscriptions.
Le registre du commerce se divise, d’après l’article 7 du décret du 18 janvier 1997 pris en application des
dispositions relatives à l’organisation du registre de commerce 32, en deux parties distinctes : le registre
chronologique33 et le registre analytique34. L’article 11 du décret précise que les deux registres sont côtés,
paraphés et vérifiés à la fin de chaque mois par le président du tribunal ou par le magistrat chargé de la
surveillance du registre de commerce.
31
Article 30 du code de commerce tel que modifié et complété par la loi n¨89-17.
32
Le décret n¨296906 du 18 janvier 1997, est publié au Bulletin officiel du 20 janvier 1997.
33
Voir modèle n¨5.
34
Voir modèle n¨6.
- Le registre chronologique : sur ce registre sont reportées les demandes et déclarations d’inscription faites
par les commerçants. Elles sont enregistrées dans l’ordre où elles interviennent. On y inscrit différentes
informations concernant le commerçant et l’établissement (nom, prénom, adresse de l’établissement ou du siège
social, domicile des déclarants…) 35. La demande est constatée par un récépissé délivré au demandeur et qui
précise notamment la date, l’heure et le numéro de dépôt.
- Le registre analytique : on fait appel à ce registre pendant la durée de l’exploitation. Il reprend les
différents renseignements complémentaires qui interviennent en fonction de l’évolution de l’activité. Il
mentionne également les radiations. Le registre analytique est constitué de deux recueils : l’un pour les
personnes physiques, l’autre pour les personnes morales. Les numéros du premier recueil sont des nombres pairs,
alors que ceux du second sont des nombres impairs36.
b. Le registre central :
L’article 31 du code de commerce précise que le registre central est tenu par l’Office marocain de la
propriété industrielle et commerciale (les dispositions de l’article 31 ont été abrogées et remplacées par l’article
16 de la loi n¨13-99 portant création de l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale) . C’est un
document public qu’on peut consulter à travers la plateforme électronique de création et d’accompagnement
d’entreprises par voie électronique. Le décret d’application en donne compétence au ministère chargé du
commerce37. Le registre central se compose de deux registres distincts : un pour les personnes physiques, l’autre
pour les personnes morales. Chaque mois, le secrétaire-greffier du tribunal de commerce ou de première
instance, selon les cas, transmet au registre central un exemplaire des déclarations qu’il a enregistrées au cours
du mois précédant, aux fins d’immatriculation ou de modification. Le registre central est destiné à :
- Centraliser pour l’ensemble du royaume les renseignements mentionnés dans les différents registres
locaux.
- Délivrer les certificats relatifs aux inscriptions des noms des commerçants et des dénominations
commerciales ainsi que les certificats et copies relatifs aux autres inscriptions qui y sont portées.
- Publier, au début de chaque année, un recueil qui reprend des renseignements sur les noms des
commerçants et les dénominations commerciales qui lui sont transmises.
Le registre central a également pour mission de délivrer les certificats négatifs relatifs aux inscriptions des
dénominations sociales.
Les inscriptions au registre du commerce ont pour but de donner une idée précise sur la situation des
assujetties. Elles comprennent, selon l’article 36 du code de commerce, les immatriculations, les inscriptions
modificatives et les radiations.
a. L’immatriculation
35
Article 8 du décret du 18 janvier 1997.
36
Article 9, idem.
37
Article 12, idem.
L’immatriculation du commerçant a un caractère personnel. Il est interdit de se faire immatriculer à titre
principal soit dans le même registre local sous plusieurs numéros, soit dans plusieurs registres locaux. La loi ne
fait pas de distinction selon la taille du commerce. L’exercice de l’activité commerciale sur le territoire du
Royaume suffit pour requérir l’immatriculation.
De même, certaines personnes morales, bien qu’elles peuvent ne pas avoir la qualité de commerçant, par
exemple le groupement d’intérêt économique sans activité commerciale, sont tenues de la même obligation.
C’est une manifestation de l’extension du droit commercial 38.
Les assujettis doivent requérir leur immatriculation dans les trois mois de l’ouverture de l’établissement
commercial ou de l’acquisition du fonds de commerce (personnes physiques), de la création ou la constitution
(personnes morales de droit public ou de droit privé), ou de l’ouverture (succursales ou agences, représentations
commerciales)39.
* Personnes assujetties
Les personnes assujetties à l’immatriculation sont énumérées à l’article 37 du code. L’immatriculation est
obligatoire pour :
- Toutes personnes physiques ou morales, marocaines ou étrangères, exerçant une activité commerciale
sur le territoire du Royaume.
- Toute succursale ou agence d’entreprise marocaine ou étrangère.
- Toute représentation commerciale ou agence commerciale des Etats, des collectivités ou établissements
publics étrangers.
- Les établissements publics marocains à caractère industriel ou commercial, soumis par leurs lois à
l’immatriculation au registre du commerce.
- Tout groupement d’intérêt économique.
** Modalités d’immatriculation
Les inscriptions sont en principe faites sur déclaration volontaire des assujettis à l’immatriculation.
Certaines mentions doivent figurer dans la déclaration d’immatriculation 40. En vertu du premier article du décret
du 1 ! janvier 1997 :« La déclaration d’inscription au registre du commerce doit être présentée par l’assujetti ou
son mandataire au secrétariat-greffe du tribunal compétent, en triple exemplaire sur des formulaires définis par
arrêté du ministre de la justice.
Elle est accompagnée des actes et pièces justificatifs dont la liste est fixée dans le même arrêté.
Elle est revêtue de la signature de l’assujetti ou de son mandataire dûment muni d’une procuration portant
la signature légalisée du mandant ».
38
Voir M. Motik, op. cit., p.81.
39
Article 75 du code de commerce.
40
Voir les articles 42 du code pour les personnes physiques, 45 pour les personnes morales (les deux articles ont
été modifiés par la loi n¨89-17), 47 pour les Epic et les représentations ou agences commerciales et 48 pour les
groupements d’intérêt économique.
Le président du tribunal, ou le juge qu’il désigne à cet effet, est chargé de la surveillance de la tenue du
registre du commerce. A la fin de chaque mois, il vérifie les registres chronologique et analytique. Il peut
dénoncer au ministère public les indications qui seraient données de mauvaise foi.
De même le secrétaire-greffier qui reçoit la déclaration doit s’assurer de l’identité de l’assujetti ou de son
mandataire, et vérifier que les énonciations présentées sont conformes aux dispositions législatives et
réglementaires et qu’elles correspondent aux pièces justificatives fournies à l’appui de la déclaration 41.
Les vérifications du secrétaire-greffier ne porte toutefois pas sur la validité des actes et pièces fournis. Il
exerce un contrôle préalable sur pièces, mais uniquement pour s’assurer que les mentions exigées et les actes et
pièces justificatifs prévues par l’arrêté ministériel ont été présentés.
Le secrétaire-greffier peut néanmoins demander au président d’ordonner la radiation d’une inscription s’il
estime qu’elle a été faite en violation d’un autre texte légal. C’est le cas par exemple si la personne ne peut en
principe exercer une activité commerciale en raison d’une incompatibilité42.
41
Article 4 du décret du 18 janvier 1997.
42
Voir l’ordonnance du Président du tribunal de commerce de Marrakech du 23/07/1998
43
Voir article 46 du code de commerce.
partir de la date de l’acte ou du fait à inscrire. Le délai court pour les décisions judiciaires du jour où elles ont été
rendues ».
c. Les radiations
Les radiations sont faites soit à la demande de l’assujettie, soit d’office. Dans le premier cas, la radiation
se fait en cas de cessation d’activité, de décès ou de dissolution de la société.
Dans le deuxième cas, la radiation est ordonnée par le président du tribunal. Il en est ainsi :
- Lorsqu’un commerçant est décédé depuis plus d’un an
- Lorsqu’il est frappé d’une interdiction d’exercer une activité commerciale en vertu d’une décision
judiciaire passée en force de chose jugée
- S’il est établi que la personne immatriculée a cessé effectivement depuis plus de trois ans l’exercice de
l’activité pour laquelle elle a été inscrite.
La radiation d’office effectuée en raison de renseignements erronés est rapportée par le greffier sur
ordonnance du président du tribunal.
44
Voir article 63, idem.
de ces deux peines seulement45. La même sanction est prévue pour ceux qui, de mauvaise foi, donnent des
indications inexactes sur les papiers de commerce des commerçants et des sociétés commerciales.
A remarquer que l’article 68 du code précise que « les dispositions des articles 64 et 66 n’excluent pas
l’application, le cas échéant, des dispositions du code pénal ». Ce qui revient à dire que la sanction peut être plus
lourde si le fait a été accompagné d’agissements réprimés par la loi pénale. C’est le cas notamment si
l’inexactitude des indications est le résultat d’une falsification de certains documents.
La déclaration est suffisante pour considérer qu’il y a intention frauduleuse de détourner les injonctions
légales. Seulement il s’agit là d’une présomption qui peut être combattue par l’intéressé s’il apporte la preuve
qu’au moment de la déclaration, l’information ou l’indication était exacte.
On peut finalement dire que les inscriptions au registre du commerce sont à l’origine d’une publicité
directe. Elles permettent à chaque personne intéressée d’obtenir à ses frais les informations dont elles a besoin
auprès du secrétaire-greffier ou des services du registre central.
Une publicité indirecte a également été prévue par la loi. Elle résulte de l’obligation imposée à tout
commerçant ou société commerciale de faire mentionner sur ses factures, tarifs, bons de commande, prospectus
et autres papiers de commerce destinés à des tiers, le numéro et le lieu de son immatriculation au registre
analytique. L’alinéa 2 de l’article 49 du code de commerce précise également que les documents émanant des
agences et des succursales doivent mentionner en sus de leur numéro, celui de l’établissement principal ou du
siège social.
Ces différentes dispositions permettent d’affirmer que, par le biais de la publicité, le registre du commerce
assure une fonction informative dans la mesure où il offre aux tiers de la situation professionnelle du
commerçant et de la société commerciale. Les inscriptions dans le registre ne sont pas secrètes. C’est un
document public.
La possibilité de recevoir des copies ou des extraits du registre connaît toutefois quelques limites.
Certaines indications ou informations ne peuvent être mentionnées sur les copies. Il s’agit selon l’article 77 du
code :
- Des jugements déclaratifs de redressement ou de liquidation judiciaire quand il y a eu réhabilitation
- Des jugements prononçant une incapacité ou une interdiction lorsque l’intéressé en a été relevé.
- Des nantissements du fonds de commerce, quand l’inscription du privilège du créancier gagiste a été
rayée ou est périmée par défaut de renouvellement dans un délai de cinq ans (dispositions modifiées et
complétées en vertu de l’article 8 de la loi n¨21-18).
En plus de la fonction informative, le registre du commerce assure aussi une fonction économique. Il
donne, de par la centralisation des données, une idée d’ensemble sur l’évolution de l’activité commerciale dans
le royaume. Il permet de ce fait de prévoir des projets en connaissance de cause. Les inscriptions contenues dans
le registre doivent donc être précises et justes.
Enfin, une troisième fonction assurée également par le registre du commerce est liée à son rôle en tant que
document contenant des mentions qui peuvent avoir des conséquences sur l’exercice de l’activité commerciale et
la qualité de commerçant. C’est ce qu’on va relever en s’intéressant aux effets des inscriptions.
45
Voir article 64, idem.
a. Présomption de commercialité
L’intérêt est de dégager l’impact de l’immatriculation ou le défaut d’immatriculation sur la qualité de
commerçant.
En droit allemand, l’immatriculation attribue automatiquement la qualité de commerçant. Celle-ci ne peut
de ce fait être contestée.
Dans les droits égyptiens et libanais, l’immatriculation n’est qu’un élément pouvant concourir à prouver la
qualité de commerçant.
Le droit marocain a adopté une position médiane en considérant que l’immatriculation n’est qu’une
présomption juridique simple pour l’acquisition de la qualité de commerçant. L’article 58 du code de commerce
précise à ce niveau que « toute personne physique ou morale immatriculée au registre du commerce est
présumée, sauf preuve contraire, avoir la qualité de commerçant avec toutes les conséquences qui découlent de
cette qualité ».
La personne immatriculée acquiert donc la qualité de commerçant et doit de ce fait se soumettre aux
différentes obligations liées à son statut. Seulement, cette qualité peut être combattue par la preuve contraire 46.
Le tiers qui a un intérêt à repousser la qualité de commerçant doit par exemple apporter la preuve que la
personne n’exerce pas une activité commerciale de manière habituelle ou professionnelle. Mais pour la loi, la
personne immatriculée est un commerçant, et il ne peut lui-même repousser cette qualité.
En ce qui concerne les sociétés commerciales, elles ne jouissent de la personnalité morale qu’à compter de
leur immatriculation au registre du commerce. Avant l’immatriculation, il y a bien un contrat entre les
actionnaires, mais il n’y a pas de personne morale. L’article 7 de la loi n¨17-95 sur la société anonyme stipule
que « les sociétés anonymes jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du
commerce.. . »47. Avant l’immatriculation, les rapports entre les actionnaires sont régis par le contrat de société.
Les actes accomplis au nom de la société engagent leur auteur solidairement et indéfiniment 48. De même,
l’article 2 de la loi n¨5-96 précise que la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société en
commandite par actions et la société à responsabilité limitée n’acquièrent la personnalité morale qu’à compter de
leur immatriculation au registre du commerce 49. L’immatriculation est également indispensable pour la
naissance du groupement d’intérêt économique 50. Toutefois, à la différence de la société, sa qualité se détermine
plutôt par la nature de l’activité exercée, civile ou commerciale.
b. La responsabilité solidaire
La responsabilité solidaire est une conséquence du défaut de radiation de la personne concernée. Tant que
le commerçant, jadis exploitant d’un fonds de commerce, ne se fait pas radier du registre, un lien de solidarité le
lie à son successeur ou locataire. L’article 60 du code de commerce dispose à ce propos qu’« en cas de cession
ou de location d’un fonds de commerce, la personne immatriculée reste solidairement responsable des dettes de
46
Voir C.A. dossier civil n¨87/1629, 06/05/1992, Revue Al-ichaà, n¨8, p.90.
47
Loi n¨17-95 du 30 août 1996, B.O. n¨4422 du 17 octobre 1996, p.661. L’article 7 a été modifié et complété
par la loi n¨78-12 du 29 juillet 2015
48
Au moins jusqu’à la tenue de la première assemblée, ordinaire ou extraordinaire, qui peut les adopter.
49
Loi n¨5-96 du 13 février 1997.
50
Article 4 de la loi n¨13-97 du 5 février 1999, B.O. n¨4678 du 1er avril 1999, p.165.
son successeur ou de son locataire tant qu’elle ne se fait pas radier du registre du commerce ou qu’elle n’a pas
modifié son inscription avec la mention expresse de la vente ou la location ». Le même principe a été retenu par
l’alinéa 4 de l’article 51 qui dispose que «… l’assujetti ne peut être rayé des rôles d’imposition à l’impôt des
patentes afférents à l’activité pour laquelle il est immatriculé, qu’en justifiant au préalable de la radiation du
registre du commerce.. ». La qualité de commerçant est donc maintenue tant que la personne immatriculée au
registre du commerce n’a pas procéder à la radiation. C’est une mesure qui vise en premier à protéger les tiers en
rendant le commerçant solidairement responsable à cause de son indifférence par rapport à la nouvelle situation
juridique du fonds.
B. La comptabilité commerciale
La deuxième obligation qui incombe aux commerçants est relative à la comptabilité commerciale. C’est
une caractéristique de l’entreprise commerciale. L’obligation puise ses origines dans le code de commerce (art.
19 à 26), dans le dahir formant code des obligations et contrats (art. 433 à 439), et dans la loi n¨9-88 52. L’article
19, alinéa premier du code de commerce dispose que : « le commerçant tient une comptabilité conformément
aux dispositions de la loi n¨9-88 relative aux obligations comptables des commerçants promulguées par le dahir
du 25 décembre 1992 ». Celle-ci précise dans l’article 25 que « sont abrogés lors de l’entrée en vigueur de la
présente loi les articles 10, 11, 12 et 13 du dahir du 9 ramadan 1331 (12 août 1913) formant code de commerce.
Les renvois faits à ces articles dans les lois et règlements en vigueur s’appliquent de plein droit aux dispositions
correspondantes de la présente loi ». Le code de commerce de 1996 a en effet maintenu l’application de la loi
n¨9-88 en adaptant quelques dispositions.
51
L’alinéa 2 de l’article 61 stipule que « les personnes assujettis à l’immatriculation au registre du commerce ne
peuvent, dans l’exercice de leur activité commerciale, opposer aux tiers qui peuvent toutefois s’en prévaloir, les
faits et actes sujets à mention modificative que si ces derniers ont été inscrits au registre du commerce ».
52
Loi n¨9-88 du 30/12/1992, B.O., n¨4183, p.1867.
La comptabilité commerciale constitue cette partie des sciences économiques qui consiste à enregistrer les
mouvements qui affectent constamment le patrimoine de l’entreprise, ainsi que la détermination des résultats
globaux de son exploitation au cours d’une période déterminée.
La tenue d’une comptabilité présente un intérêt primordial pour l’Etat, pour l’entreprise et pour les tiers :
- Pour l’Etat : elle permet de déterminer l’assiette des impôts calculés sur le chiffre d’affaires.
- Pour l’entreprise : elle permet de contrôler la situation de la caisse, à savoir l’évolution des dettes et des
créances, les prix, la conjoncture du marché…
- Pour les tiers : elle procure l’information à toutes les personnes en relation avec l’entreprise
(contractants, associés, salariés, fournisseurs…)53.
En vertu de l’article premier de la loi n¨9-88, les commerçants sont tenus d’enregistrer les mouvements
affectant les actifs et les passifs de l’exploitation. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement,
opération par opération et jour par jour. Les enregistrements comptables sont portés sur les livres. Les
commerçants ont également l’obligation de conserver les correspondances.
** Le grand-livre
Le contenu du livre-journal est reporté dans le grand-livre. Celui-ci est constitué de deux tableaux : un
créancier et un débiteur.
53
Voir M. Motik, op. cit., p.90.
54
Voir l’article 3 de la loi n¨9-88, modifié par la loi n¨44-03.
**** Les états de synthèse annuels
A la fin de chaque exercice comptable, le commerçant procède à l’élaboration des états de synthèse
annuels sur la base de ce qui est contenu dans les livres.
Les états de synthèse comportent le bilan, le compte de produits et charges, l’état des soldes de gestion, le
tableau de financement et l’état des informations complémentaires. Ces informations ont pour but d’expliquer et
de préciser le contenu des états de synthèse annuels. Les articles de 9 à 18 de la loi n¨9-88 ont précisé les
modalités de tenue des états de synthèse (l’article 14 a été modifié par la loi n¨44-03).
En vertu de l’article 21 (modifié par la loi n¨44-03), les entreprises dont le chiffre d’affaire annuel ne
dépasse pas dix millions de dirhams (10.000.000) ne sont pas tenues de reproduire dans les états de synthèse
annuels l’état des soldes de gestion, le tableau de financement et l’état des informations complémentaires.
Les sociétés qui opèrent dans des secteurs qui exigent une autorisation des autorités compétentes
(banques, assurances, sociétés de financement…) sont soumises, en plus des règles prévues par le code de
commerce et la loi n¨9-88, à un régime plus rigoureux, avec plus de précision pour permettre aux services
compétents de procéder au contrôle prévu par la loi.
55
Voir l’article 22 de la loi n¨9-88.
La loi n¨9-88 n’a rien prévu comme sanctions même si l’article premier a précisé que la tenue de la
comptabilité est obligatoire. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a de sanctions. Celles-ci sont contenues dans
différentes lois.
a. sanctions pénales
Les sanctions pénales ont été prévues par différents textes. L’article 357 du code pénal stipule que « toute
personne qui de l’une des manières prévues à l’article 354 commet ou tente de commettre un faux en écritures de
commerce ou de banque est punie de l’emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 250 à 20.000
dirhams…». Toute écriture, reportée dans les livres comptables, qui peut avoir pour objet de constater une
opération commerciale doit reproduire fidèlement la réalité des transactions commerciales. Le faux en écriture de
commerce concerne la falsification des documents comptables en tant que référence de base pour avoir une idée
sur la vie professionnelle du commerçant.
L’article 754, alinéa 4, du code de commerce a également prévu des sanctions pénales liées à la tenue de
la comptabilité. D’après les dispositions de l’article, les dirigeants d’entreprises qui tiennent une comptabilité
fictive ou font disparaître des documents comptables ou s’abstiennent de tenir une comptabilité lorsque la loi
l’exige sont coupables de banqueroute. L’article 755 du code prévoit des peines de un an à cinq ans
d’emprisonnement et d’une amende de 10.000 à 100.000 dirhams ou d’une de ces deux peines seulement en cas
de banqueroute.
L’article 386 de la loi 17-95 (modifié par la loi n¨20-05) sur la société anonyme a prévu une amende de
20.000 à 200.000 pour les membres des organes d’administration, de direction ou de gestion d’une société
anonyme qui n’auront pas, pour chaque exercice, dressé l’inventaire, établi des états de synthèse et un rapport de
gestion. La même peine est édictée si les états de synthèse annuels et le rapport des commissaires aux comptes
n’ont pas été déposés au greffe du tribunal.
b. Sanctions civiles
Aux termes de l’article 23 de la loi n¨9-88 relative aux obligations comptables des commerçants,
l’administration fiscale a la possibilité de rejeter les comptabilités qui n’ont pas été tenues suivant les formes
exigées par la loi56.
L’article 754 du code de commerce permet au tribunal d’ouvrir une procédure de redressement ou de
liquidation judiciaire à l’égard de tout dirigeant qui aurait tenu une comptabilité fictive, ou fait disparaître des
documents comptables de la société, ou s’est abstenu de tenir une comptabilité conforme aux règles légales.
3. La preuve comptable
La comptabilité commerciale peut servir de preuve en cas de litige. L’article 19, alinéa 2 du code de
commerce précise que si la comptabilité commerciale est régulièrement tenue, elle est admise par le juge pour
faire preuve entre commerçants à raison des faits de commerce. Le commerçant peut donc se prévaloir du
56
Il s’agit des formes prévues par la loi n¨9-88 et les tableaux annexes.
contenu de sa comptabilité régulièrement tenue. Trois conditions sont néanmoins exigées pour prendre en
considération cette comptabilité :
- La comptabilité doit être tenue de manière régulière pour faire preuve en faveur du commerçant contre
les tiers. Les documents comptables ne doivent donc comporter ni altération, ni erreur, ni blanc entre les lignes.
- Les documents comptables peuvent faire preuve en faveur du commerçant qui les tient uniquement entre
commerçants. Seules les relations entre commerçants sont concernées à ce niveau. Le commerçant ne peut donc
se prévaloir de sa comptabilité, même régulièrement tenue, contre un non commerçant.
- Le litige entre le commerçant et le tiers doit porter sur une relation pour fait de commerce.
Si le commerçant produit une comptabilité régulière, et l’autre partie une autre irrégulière, le juge prend
en considération celle tenue de manière régulière.
Si les deux comptabilités sont régulières mais ne contiennent pas les mêmes informations, le juge aura
dans ce cas à construire sa conviction sur la base des autres moyens de preuve présentés.
La preuve construite sur la base des documents comptables n’est pas absolue. C’est notamment le cas
quand la loi exige un écrit pour prouver l’existence d’un acte, comme le contrat de société. De même, le tribunal
n’est pas obligé de prendre en considération la preuve apportée par les documents comptables en la présence
d’un autre moyen de preuve plus fort. Dans ce cas, le tribunal doit justifier sa position en précisant les raisons
d’éviction de la preuve comptable.
L’article 20 du code de commerce précise que :« les tiers peuvent opposer au commerçant le contenu de
sa comptabilité même irrégulièrement tenue ». Les tiers peuvent donc se prévaloir de la comptabilité du
commerçant même si elle représente des irrégularités, et peu importe que le litige porte sur un fait de commerce
ou sur une relation civile. Peu importe également que la relation soit entre commerçants ou entre un commerçant
et un non commerçant.
La représentation des documents comptables consiste à extraire de la comptabilité les seules écritures
qui intéressent le litige et qui seront consultées ou vérifiées par le juge ou un expert, mais pas la partie adverse 57.
Elle se fait soit à la requête de l’une des parties, soit ordonner d’office par le tribunal. Celui-ci peut refuser la
demande si les circonstances du litige n’exigent pas la consultation des documents. Le tribunal civil peut
également ordonner la représentation des documents comptables quand il s’agit d’un acte mixte.
La communication consiste, quant à elle, en la production intégrale des documents comptables 58. Celle-ci
a lieu de la manière établie par les parties. Si celles-ci n’arrivent pas à s’accorder, elle se fait par dépôt au
secrétariat-greffe de la juridiction saisie.
La communication n’est possible que dans certains cas prévus par la loi 59. Le premier est lié aux
successions. A ce niveau, l’objectif est de permettre au juge d’avoir une idée sur la part de chacun des héritiers.
Le créancier n’a toutefois pas la possibilité de consulter les documents comptables. Le second se présente en cas
de partage. La situation concerne surtout les sociétés commerciales. Chacun des associés peut demander au
tribunal d’ordonner la communication des documents comptables pour les consulter. A préciser que ce cas se
présente pendant la durée de liquidation de la société. Pendant la vie sociale, l’associé est en droit de consulter
les documents comptables si certaines conditions sont remplies. La troisième situation est relative au
redressement ou liquidation judiciaire. L’article 562 du code de commerce impose au chef de l’entreprise qui
57
Article 23 du code de commerce.
58
Article 24, idem.
59
Article 24, idem.
dépose une demande d’ouverture d’une procédure de traitement de l’accompagner de certains documents. Parmi
ceux-ci les états de synthèse du dernier exercice comptable. Le syndic désigné dans le cadre de la procédure de
redressement judiciaire peut consulter les documents comptables pour évaluer la situation de l’entreprise et
proposer les solutions adaptées. Le dernier cas concerne les documents communs aux parties.