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Université de Reims Champagne Ardenne Année universitaire 2013-2014

UFR Sciences Exactes et Naturelles MA 0804 - Master 1

CM5

Fonctions caractéristiques

Nous allons voir une nouvelle fonction qui permettra de caractériser la loi d'une variable aléatoire, mais de façon
plus intéressante que la fonction de répartition.

1 Fonction caractéristique

Dénition 1 Soit X une variable aléatoire. On appelle fonction caractéristique de X la fonction ϕX dénie
sur R, à valeurs complexes, par :
ϕX (t) = E(eitX ) ∀ t ∈ R.
En pratique, suivant les cas, la formule est diérente :
 Si X est une variable discrète nie,

n
X
ϕX (t) = eitxj P(X = xj ).
j=1

 Si X est une variable discrète dénombrable,

+∞
X
ϕX (t) = eitxj P(X = xj ).
j=1

 Si X est une variable réelle,


+∞
Z
ϕX (t) = eitx f (x) dx.
−∞
Remarque On a vu dans les chapitres précédents que l'espérance n'existe pas toujours. Or, dans le cas présent,
on peut montrer que la fonction caractéristique est toujours dénie, car :
 Si X est une variable discrète, la somme est nie donc dénie.
 Si X est une variable dénombrable,

+∞
X +∞
X
|ϕX (t)| ≤ |eitxj P(X = xj )| = P(X = xj ) = 1
j=1 j=1

et donc la série est uniformément convergente.


 Si X est une variable réelle,

+∞
Z +∞
Z
itx
|ϕX (t)| ≤ |e f (x)| dx = f (x) dx = 1
−∞ −∞

et donc l'intégrale est uniformément convergente.

Proposition 2 Soit X une variable aléatoire, a et b deux réels.


Alors les propriétés suivantes sont toujours vraies :
1. Pour tout t ∈ R, |ϕX (t)| ≤ 1.
2. ϕX (0) = 1.
3. Pour tout t ∈ R, ϕX (−t) = ϕX (t).
4. Pour tout t ∈ R, ϕaX+b (t) = eitb ϕX (at).
5. ϕX est continue sur R.
Preuve.
Les quatre premiers points se montrent de façon élémentaire. Pour le cinquième point, si X est nie, il sut de
remarquer que ϕX est une somme nie de fonctions continues et est donc continue. Dans les autres cas, on sait
que la série ou l'intégrale converge uniformément. Comme il s'agit de série ou d'intégrale de fonctions continues,
la fonction caractéristique est continue. 

1
2 Lois usuelles

Nous allons maintenant donner les fonctions de répartition des lois déjà vues, sauf celle de la loi hypergéomé-
trique. Pour cette dernière, il faut mieux calculer à la main la fonction caractéristique dans chaque cas.

Proposition 3 Les fonctions suivantes sont dénies pour tout t ∈ R :



 1 1 − eitn
1. Si X ∼ U(n), alors ϕX (t) = −it
si t 6= 2kπ pour tout k ∈ Z .
 1n e − 1 si t = 2kπ, k ∈ Z

2. Si X ∼ b(n, p), alors ϕX (t) = (peit + 1 − p)n .


peit
3. Si X ∼ G ∗ (p), alors ϕX (t) = .
1 − (1 − p)eit
p
4. Si X ∼ G(p), alors ϕX (t) = .
1 − (1 − p)eit
it
5. Si X ∼ P(λ), alors ϕX (t) = eλ(e −1)
.
e − eita
itb
6. Si X ∼ U(]a, b[), alors ϕX (t) = si t 6= 0, ϕX (0) = 1.
it(b − a)
λ
7. Si X ∼ E(λ), alors ϕX (t) = .
λ − it
8. Si X suit la loi de Cauchy, alors ϕX (t) = e−|t| .
2
σ 2 /2
9. Si X ∼ N (m, σ), alors ϕX (t) = eimt−t .

Corollaire 4 On a les cas particuliers suivants. Soit t ∈ R,


1. Si X suit la loi de Bernouilli B(p), c'est-à-dire la loi b(1, p), alors ϕX (t) = peit + 1 − p.
e−ita − eita sin(at)
2. Si X suit la loi uniforme U(] − a, a[), alors ϕX (t) = = si t 6= 0, ϕX (0) = 1.
−2ita at
2
3. Si X suit la loi normale N (0, 1), alors ϕX (t) = e−t /2 .

3 Propriétés des fonctions caractéristiques

Commençons par une remarque fondamentale.

Théorème 5 La fonction caractéristique caractérise la loi de probabilité d'une variable aléatoire, i.e. :
 si on connait la fonction caractéristique de X , on connait la loi de X ,
 si deux variables aléatoires ont même fonction caractéristique, c'est qu'elles ont même loi de probabilité.
On a le cas particulier d'une variable aléatoire réelle.

Théorème 6 Si ϕ est la fonction caractéristique d'une variable aléatoire X et si ϕ est intégrable, c'est-à-dire
si :
+∞
Z
|ϕ(t)| dt < +∞,
−∞

alors X admet une densité de probabilité f dénie sur R par :


+∞
Z
1
f (x) = e−itx ϕ(t) dt ∀ x ∈ R.

−∞

Ces deux théorèmes sont liés à la théorie de la transformée de Fourier. Nous allons nous en servir pour retrouver
la fonction caractéristique de la loi de Cauchy donnée précédemment.

Corollaire 7 Si X suit la loi de Cauchy, X a pour fonction caractéristique la fonction :

ϕX (t) = e−|t| ∀ t ∈ R.

2
Preuve. Considérons la fonction ϕ(t) = e−|t| . Comme cette fonction est intégrable sur R, c'est la fonction
caractéristique d'une variable aléatoire réelle X de densité f , et, pour tout x ∈ R :

+∞ Z0 +∞  (1−ix)t 0  −(1+ix)t +∞


−e
Z Z
1 −itx −|t| 1 −itx+t 1 −itx−t e
f (x) = e e dt = e dt + e dt = +
2π 2π 2π 2π(1 − ix) −∞ 2π(1 + ix) 0
−∞ −∞ 0
1 1 1 − ix + 1 + ix 1
= + = = .
2π(1 − ix) 2π(1 + ix) 2π(1 − ix)(1 + ix) π(1 + x2 )

Donc X suit la loi de Cauchy et ϕ est la fonction de caractéristique associée à la loi de Cauchy. 

Dénition 8 On appelle moment d'ordre k (k ∈ N∗ ) d'une variable aléatoire X , lorsqu'il existe, le réel
E(X ).
k

Proposition 9 Si le moment d'ordre k d'une variable aléatoire X existe, alors la fonction caractéristique de
X est k fois dérivable et :
1
E(X k ) = k ϕ(k) (0).
i
Preuve. On considère ici le cas réel. La démonstration est similaire dans le cas dénombrable. On suppose que
X admet une densité f. Si E(X k ) existe, la fonction x 7→ (ix)k eitx f (x) est uniformément intégrable et d'après
+∞
Z
(k)
les propriétés des intégrales, ϕX est k fois dérivable et ϕ (t) = (ix)k eitx f (x) dx, c'est-à-dire, pour tout

−∞
t∈R :
ϕ(k) (t) = E (iX)k eitX .


En particulier, pour t=0 :


ϕ(k) (0) = E(ik X k e0 ) = ik E(X k ).


Dans certains cas où les calculs directs sont complexes, cette proposition permet d'obtenir rapidement E(X) et
E(X 2 ) :
E(X) = −i ϕ0X (0) et E(X 2 ) = −ϕ00X (0).

n
Proposition 10 Soit X1 , ..., Xn n variables aléatoires indépendantes. Soit S = Xj . Alors la fonction
P
j=1
caractéristique de S est le produit des fonctions caractéristiques des Xj :
n
Y
ϕS (t) = ϕXj (t) ∀ t ∈ R.
j=1

Preuve.
n
P !
it Xj
ϕS (t) = ϕX1 +...Xn (t) = E e j=1

n !  
P
itXj Yn
= E e j=1
= E eitXj  .
j=1

Comme les variables X1 , ..., Xn sont indépendantes, d'après une proposition du chapitre précédent, les variables
eitX1 , ..., eitXn sont indépendantes aussi et donc :

n
Y n
Y
ϕS (t) = E(eitXj ) = ϕXj (t).
j=1 j=0


Remarque Ce résultat permet de retrouver des résultats des chapitres précédents.

1. Soit X ∼ b(n, p) et Y ∼ b(m, p). Si ⊥Y


X⊥ alors X + Y ∼ b(n + m, p).
2. Soit X ∼ P(λ) et Y ∼ P(µ). Si ⊥Y
X⊥ alors X + Y ∼ P(λ + µ).
p
3. Soit X ∼ N (m1 , σ1 ) et Y ∼ N (m2 , σ2 ). Si ⊥Y
X⊥ alors X + Y ∼ N (m1 + m2 , σ12 + σ22 ).

3
4. Si X et Y sont deux v.a.r. indépendantes, alors X +Y a pour densité :

+∞
Z
fX+Y (u) = fX (u − v) fY (v) dv
−∞
+∞
Z
= fX (v) fY (u − v) dv.
−∞

Preuve. On démontre seulement les deux derniers points, les autres points se démontrent de la même façon.
2 2 2
σ22 /2
3. Comme X ∼ N (m1 , σ1 ), alors ϕX (t) = eim1 t−t σ1 /2 et comme Y ∼ N (m2 , σ2 ), alors ϕY (t) = eim2 t−t .
Puisque X et Y sont indépendantes, d'après la proposition précédente,
2

(σ12 +σ22 )/2 2
σ12 +σ22 )2 /2
ϕX+Y (t) = ϕX (t) ϕY (t) = ei(m1 +m2 )t−t = ei(m1 +m2 )t−t (
.
p
On reconnait la fonction caractéristique de la loi normale de paramètres
p m1 + m2 et σ12 + σ22 , donc X + Y ∼
N (m1 + m2 , σ12 + σ22 ).
4. Comme X et Y sont indépendantes, d'après la proposition précédente,

ϕX+Y (t) = ϕX (t) ϕY (t)


+∞
Z +∞
Z
itx
= fX (x) e dx fY (v) eitv dv
−∞  +∞ −∞ 
+∞
Z Z
= fY (v)  fX (x) eit(x+v) dx dv
−∞ −∞

On procède au changement de variable u=x+v :

+∞
 +∞ 
Z Z
itu
ϕX+Y (t) = fY (v)  fX (u − v) e du dv
−∞ −∞
 +∞ 
+∞
Z Z
= eitu  fY (v) fX (u − v) dv  du.
−∞ −∞

On peut permuter les intégrales sans problème grâce au théorème de Fubini.


Puisque la fonction caractéristique caractérise la variable aléatoire, on a donc pour X +Y la densité :

+∞
Z
fX+Y (u) = fY (v) fX (u − v) dv.
−∞

4 Convergence en loi

Dénition 11 Soit (Xn )n∈N une suite de variables aléatoires dénies sur les espaces de probabilités respectifs
(Ωn , Sn , Pn ) et X une variable aléatoire dénie sur (Ω, S, P). Soit Fn la fonction de répartition de Xn et F celle
de X . Notons C(F ) l'ensemble des points où F est continue.
On dit que la suite (Xn )n∈N converge en loi vers X (noté Xn −→ X ) si, pour tout x ∈ C(F ),
L

lim Fn (x) = F (x).


n7→+∞

Remarque Lorsque Fn converge vers une fonction F , il faut vérier que F est bien une fonction de répartition.
Ce n'est pas forcément le cas.

Théorème 12 Théorème de continuité de Paul-Lévy :


Soit (Xn )n∈N une suite de variables aléatoires de fonction caractéristique ϕn .
Soit X une variable aléatoire de fonction caractéristique ϕ.
Alors :
L
Xn −→ X ⇐⇒ ∀ t ∈ R, lim ϕn (t) = ϕ(t).
n7→+∞

4
En général, les fonctions caractéristiques sont plus simples à manipuler et à obtenir que les fonctions de réparti-
tion. De plus, il n'y a pas à se soucier de domaine de continuité, ici on considère la limite en tout point de R. Le
théorème de Paul-Lévy est donc plus pratique à utiliser, la plupart du temps, que la dénition de la convergence
en loi. Par contre, de même que pour la dénition, si ϕn converge vers une fonction ϕ, il faut vérier que cette
fonction est bien une fonction caractéristique, ce qui n'est pas vrai a priori.
Par ce théorème, on retrouve un résultat déjà obtenu :

Corollaire 13 Soit (Xn )n∈N une suite de variables aléatoires, Xn ∼ b(n, pn ).


Si npn converge vers λ > 0 quand n tend vers +∞, alors Xn converge en loi vers X qui suit la loi de Poisson
P(λ).

Preuve. Pour tout t ∈ R, on sait que

it
ϕn (t) = (pn eit + 1 − pn )n = en ln(pn e +1−pn )
.

On a déjà utilisé, dans le chapitre 3, le fait que lim pn = 0 car lim npn = λ. Donc, quand n tend vers +∞,
n7→+∞ n7→+∞
ln(pn eit + 1 − pn ) se comporte comme pn eit − pn . D'où :

it it
−pn ) −λ
lim ϕn (t) = lim en(pn e = eλe .
n7→+∞ n7→+∞

On reconnait la fonction caractéristique d'une variable X ∼ P(λ), donc d'après le théorème de Paul-Lévy, on a
L
bien Xn −→ X . 
Le théorème de Paul-Lévy permet notamment de montrer le théorème central limite, énoncé dans le chapitre
suivant.

5 Fonction caractéristique d'un couple

Dans cette partie, on notera toujours X = (X1 , X2 ) un couple de variables aléatoires et T = (t1 , t2 ) un couple
de R2 .

Dénition 14 Soit X = (X1 , X2 ) un couple de variables aléatoires. On appelle fonction caractéristique du


couple (X1 , X2 ) la fonction ϕ dénie sur R2 , à valeurs dans C, par :
ϕ(T ) = ϕX (T ) = E(ei<T,X> ) ∀ T ∈ R2

où < T, X > est le produit scalaire de R2 :

< T, X >= t1 X1 + t2 X2 .

Par exemple, si le couple X f , en


admet une densité utilisant le théorème de transfert, pour tout T ∈ R2 :
ZZ
i<T,X>
ϕX (T ) = E(e )= ei(t1 x1 +t2 x2 ) f (x1 , x2 ) dx1 dx2 .
RR2

On peut vérier, comme pour le cas unidimensionnel, que la fonction caractéristique d'un couple existe toujours.
On retrouve les propriétés élémentaires des fonctions caractéristiques :

Proposition 15 Soit ϕ la fonction caractéristique d'un couple de variables aléatoires, les propriétés suivantes
sont toujours vraies :
1. ϕ est continue sur R2 .
2. ϕ(0, 0) = 1.
3. ϕ(−T ) = ϕ(T ) pour tout T ∈ R2 .
4. |ϕ(T )| ≤ 1 pour tout T ∈ R2 .

Corollaire 16 Soit ϕ la fonction caractéristique d'un couple (X1 , X2 ). Alors, pour tout (t1 , t2 ) ∈ R2 ,

ϕX1 (t1 ) = ϕ(t1 , 0) et ϕX2 (t2 ) = ϕ(0, t2 ).

5
Proposition 17 Soit X = (X1 , X2 ) un couple de variables aléatoires de fonction caractéristique ϕ.
Si ϕ est intégrable sur R2 , c'est-à-dire si
ZZ
|ϕ(t1 , t2 )| dt1 dt2 < +∞,
R2

alors le couple (X1 , X2 ) admet une densité de probabilité f donnée par :


ZZ
1
f (x1 , x2 ) = e−i(t1 x1 +t2 x2 ) ϕ(t1 , t2 ) dt1 dt2 .
(2π)2 R 2

Proposition 18 Soit X = (X1 , X2 ) un couple de variables aléatoires de fonction caractéristique ϕ.


∂ϕ ∂ϕ
1. Si X1 et X2 admettent une espérance, alors les dérivées partielles et existent et :
∂t1 ∂t2
∂ϕ ∂ϕ
E(X1 ) = −i (0, 0) et E(X2 ) = −i (0, 0).
∂t1 ∂t2

2. Si X1 et X2 admettent un moment d'ordre 2, alors les dérivées partielles d'ordre 2 de ϕ existent et :

∂2ϕ ∂2ϕ ∂2ϕ


E(X1 X2 ) = − (0, 0), E(X12 ) = − (0, 0), E(X22 ) = − (0, 0).
∂t1 ∂t2 ∂t21 ∂t22

Proposition 19 Soit X = (X1 , X2 ) un couple de variables aléatoires de fonction caractéristique ϕ. Les variables
X1 et X2 sont indépendantes si et seulement si, pour tout T ∈ R2 ,

ϕ(T ) = ϕX1 (t1 ) ϕX2 (t2 ).

Preuve. On va procéder en deux étapes.

Condition nécessaire
Supposons que X1 et X2 soient indépendantes. Soit T ∈ R2 . Alors on sait que les variables eit1 X1 et eit2 X2 sont
indépendantes.
ϕ(T ) = E(ei(t1 X1 +t2 X2 ) ) = E(eit1 X1 eit2 X2 )
= E(eit1 X1 ) E(eit2 X2 ) = ϕX1 (t1 ) ϕX2 (t2 ).

Condition susante
On va traiter la condition susante uniquement pour le cas réel.
Supposons que, pour tout T ∈ R2 ,
ϕ(T ) = ϕX1 (t1 ) ϕX2 (t2 ).
Alors : ZZ Z Z
i(t1 x1 +t2 x2 ) it1 X1
e f (x1 , x2 ) dx1 dx2 = e fX1 (x1 ) dx1 eit2 x2 fX2 (x2 ) dx2
R2 R R
ZZ
= ei(t1 x1 +t2 x2 ) fX1 (x1 ) fX2 (x2 ) dx1 dx2 .
R2

Donc (X1 , X2 ) a la même fonction caractéristique que le couple de loi fX1 fX2 , et puisque la fonction caracté-
ristique caractérise la loi, la densité du couple est le produit des densités marginales, et donc X1 et X2 sont
indépendantes. 

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