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Une Brève Histoire Des Réseaux de Télécommunications

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Une brève histoire des réseaux de

télécommunications
HISTOIRE DU NUMÉRIQUE
RÉSEAUX & COMMUNICATION

Signal   Télécommunications

Communiquer vite et loin est une quête ancienne. De l’Antiquité à nos jours,
étapes-clés de l’évolution des techniques.
Dès l’Antiquité, les Grecs, les Romains et les Chinois organisent des chaînes de
sentinelles à portée de vue les unes des autres pour propager rapidement une
nouvelle. Chacune peut en effet reproduire le signal de fumée ou de lumière que la
précédente a pu émettre. Eschyle dans l’Orestie en donne un exemple.

L'Orestie d'Eschyle
 
Télégraphe Chappe. Illustration tirée de Louis Figuier, Les Merveilles de la
science ou description populaire des inventions modernes, vol. 2, Paris, Furne,
Jouvet & Cie,1868, p. 52. © Médiathèque Orange

Signaux et symboles

Le système des sentinelles se perfectionne à la fin du XVIII e siècle avec l’invention du


sémaphore de Claude Chappe qui permet, par temps clair, de transmettre un peu
plus d’un symbole à la minute, parmi 196 possibles. (Deux grands bras mécaniques
possédant chacun 7 positions s’articulent aux deux bouts d’une barre centrale
pouvant prendre 4 positions, soit 7 x 7 x 4 = 196 symboles possibles.) Ces signaux
parcourent alors les 193 km séparant Paris de Lille en 9 minutes au moyen de 15
stations relais.

Le débit et la portée augmentent encore avec l’invention du télégraphe par Joseph


Henry et sa mise en œuvre par Samuel Morse en 1837. Ce dernier invente
notamment un codage binaire des lettres et des chiffres. Chaque lettre est
représentée par une suite de 1 à 5 impulsions courtes ou longues ; les impulsions,
les lettres et les mots étant séparés par trois longueurs de pauses différentes. Le
code de Morse, sorte de dictionnaire qui donne la signification des suites de
symboles utilisées, indique par exemple que « … » (pour trois impulsions courtes)
signifie la lettre « S » alors que « – – – » (pour trois impulsions longues) signifie la
lettre « O » ; de même, « . » signifie « E » et « .- » signifie « A ».

Le télégraphe traverse l’Atlantique en 1866 après deux ratés à la fin des années
1850. Ces difficultés de transmission sous l’eau font progresser la physique de la
transmission d’ondes électromagnétiques avec notamment les travaux d’Oliver
Heaviside qui reformule les équations de Maxwell.

Transmission de la voix

Réplique du téléphone système Bell construit par Western Electric Company


(1912). © Musée des arts et métiers – Cnam/photo studio Cnam.
Plusieurs inventeurs ont l’idée du téléphone, mais c’est Graham Bell qui gagne la
bataille des brevets tout juste devant Elisha Gray, avant de réaliser le premier
prototype en 1876.

Le téléphone se développe ensuite tout au long du XX e siècle pour devenir un


gigantesque réseau mondial de télécommunications. Le premier lien transcontinental
est possible en 1915, grâce à des tubes à vide pour amplifier les signaux électriques
qui s’atténuent sur les longues distances. Les premiers commutateurs automatiques
apparaissent dans les années 1920. Les liaisons transocéaniques se font par radio
dès 1927. Les premières lignes souterraines naissent avec le câble coaxial en 1937.
Le premier câble téléphonique transatlantique arrive en 1956. En 1963, apparaissent
les premiers multiplexages numériques, qui permettent de faire passer plusieurs
communications sur le même câble (comme expliqué plus loin). Le premier satellite
est utilisé en 1965. Il aura fallu un siècle au téléphone pour devenir un réseau
véritablement planétaire.

Retour à l’écrit
Parallèlement à la transmission de la voix, il faut noter l’invention, au début du
XXe siècle, du Télex, réseau de communication entre téléscripteurs, pour transmettre
des supports écrits. Pour le codage des caractères, les téléscripteurs utilisaient
originellement le code Baudot, du nom de son inventeur Émile Baudot. Ce code de
longueur fixe, sur 5 bits dirait-on aujourd’hui, était plus propice au traitement
automatique qu’un code de longueur variable comme le code Morse. Le code Baudot
est l’ancêtre du code ASCII (American Standard Code for Information Interchange),
introduit dans les années 1960 et à l’origine des divers codes de caractères que
nous utilisons aujourd’hui.

Avec les téléscripteurs, la course au haut débit est lancée. Les vitesses des
machines varient de 60 à 133 mots par minute (soit 50 à 100 bits par seconde). Par
souci économique, se pose ainsi le problème de multiplexer plusieurs
communications de téléscripteur sur un même câble de télégraphe puis sur un même
canal téléphonique.

La réponse théorique vient de Claude Shannon, qui travaille aux Bell Labs. Il jette
les bases de la théorie de l’information dans un traité sur la théorie mathématique
des communications en 1948. Il met en équation les compromis entre puissance du
signal, largeur de spectre utilisé par le signal et quantité d’information qui peut être
transmise. Il promeut l’utilisation du mot bit pour désigner l’unité atomique
d’information : 1 ou 0, vrai ou faux, oui ou non, etc.

Les ordinateurs apparaissent dans les années 1940 et peuvent communiquer via le
réseau téléphonique à la fin des années 1950. Il faut pour cela un modem, ou
modulateur-démodulateur, car il faut transformer un signal numérique (des suites de
bits) en signal analogique (des sons) et vice-versa. La modulation de fréquence
consiste à utiliser des sons suffisamment éloignés pour représenter des séquences
courtes de bits. On peut ainsi envoyer un signal numérique via un signal analogique.
La technologie est donc prête pour interconnecter les ordinateurs.

Nouveaux modèles de réseaux

Cependant, il reste à « inventer » le concept de réseau d’ordinateurs. Le modèle de


réseau en tant que nœuds reliés par des liens apparaît dans les années 1950, avec
la naissance de la théorie probabiliste des files d’attente. Leonard
Kleinrock identifie en 1961 le point clé pour pouvoir appliquer ces théories : le
concept de routeur, soit un nœud capable de stocker un message en attendant que
le lien sur lequel il doit être retransmis se libère. On trouve en filigrane, derrière le
concept de message, celui de datagramme, c’est-à-dire un paquet élémentaire
d’information qui circule de manière autonome dans le réseau. Cette idée va à
l’inverse des réseaux téléphoniques reposant sur l’établissement de circuits où
l’information circule sans jamais être stockée.

Dans les premiers réseaux téléphoniques, le circuit établi est physique : une suite de
fils sont connectés les uns aux autres. Avec l’augmentation du trafic, les fils entre
centraux deviennent si demandés qu’il faut inventer un moyen de faire transiter
plusieurs connexions sur le même fil. Pour cela, on utilise des signaux de fréquences
suffisamment différentes qui peuvent circuler sur le même fil. Il s’agit de multiplexage
en fréquence : des connexions différentes utilisent des fréquences différentes. De
plus, aujourd’hui, le signal de la voix est numérisé, découpé en paquets de bits qui
sont transmis à haut débit (en utilisant des signaux de haute fréquence et de large
spectre). Le temps de transmission d’un paquet devient bien plus court que la durée
de voix auquel il correspond. Cela permet alors d’entremêler les trains de paquets,
obtenant ainsi un multiplexage en temps.

Dans les réseaux téléphoniques évolués, le circuit est donc logique. La connexion
entre interlocuteurs reste établie grâce à la commutation de circuits, qui permet de
jongler automatiquement entre les fréquences et les fenêtres temporelles. Comme le
flux de données est constant (64 000 bits par seconde), ces trains de paquets sont
très réguliers et sont entremêlés selon un tricotage très serré utilisant au maximum
cette régularité. Tout le réseau téléphonique est ainsi dimensionné pour ce trafic
spécifique à la voix.

À l’inverse, dans un réseau d’ordinateurs, on envisage plutôt des trafics irréguliers.


Avec les courriers électroniques par exemple, on a besoin d’envoyer quelques
paquets de données de temps en temps. Le temps d’établissement de la connexion
peut alors être grand devant son temps d’utilisation. Quand on transfère un fichier,
on a besoin d’envoyer une grande quantité d’information le plus vite possible. Il n’y a
donc pas vraiment de bornes sur le débit qu’on attend d’une connexion entre
ordinateurs. Cette idée de débits variables débouche sur la notion de commutation
de paquets, où chaque paquet est traité indépendamment et peut être mis en attente
dans un routeur si trop de paquets se présentent simultanément pour un lien donné.

Réalisations expérimentales
ARPANET, Packet Radio Net et SATNET, les trois premiers réseaux
interconnectés grâce à l’utilisation du protocole TCP/IP, en novembre 1977.
Schéma tiré d’un rapport technique du SRI technical « Progress Report on
Packet Radio Experimental Network », février 1978.
© SRI International
 
Le premier réseau d’ordinateurs avec commutation de paquets
s’appelle ARPANET et voit le jour en 1969. Il relie alors quatre laboratoires de
recherche de l’Ouest américain. Le projet est mené par Lawrence Roberts. Leonard
Kleinrock, qui en reçoit le premier routeur, est aussi le premier expérimentateur de ce
type particulier d’ordinateur. ARPANET comprend toujours un mode avec
établissement de connexion logique. Il s’agit de la première pièce qui sera intégrée à
Internet. Mais on ne peut pas encore parler de naissance d’Internet à proprement
parler. Internet vient en effet du néologisme internetting qui désigne le fait
d’interconnecter des réseaux. Internet naît donc vraiment en 1983 quand ARPANET
est définitivement basculé vers les protocoles TCP et IP, inventés par Vinton Cerf et
Robert Kahn, pour être relié au réseau académique CSNET. Les premières
expériences d’interconnexions de réseaux ont lieu en 1977 entre ARPANET, Packet
Radio Net et SATNET. La connexion de nouveaux réseaux de par le monde va
ensuite très vite : connexion du réseau académique européen en 1983, puis d’un
réseau japonais, et d’un réseau britannique en 1984.

Inspiré du projet ARPANET, un concurrent français voit le jour au début des années
1970 : le réseau CYCLADES réalisé par Louis Pouzin. Il constitue la première
réalisation d’interconnexion de réseaux et possède des idées novatrices par rapport
à ARPANET qui seront reprises dans TCP et IP. Le plan d’adressage de CYCLADES
est similaire à celui d’IP, les adresses des ordinateurs étant similaires à des numéros
de téléphone. Sa gestion de la fenêtre pour le contrôle de flux est améliorée par
rapport à l’algorithme NCP alors utilisé dans l’ARPANET. Elle est reprise et encore
améliorée dans TCP.

Mais surtout, CYCLADES est le premier réseau fonctionnant uniquement par


commutation de paquets. En effet, dans un flux de données, chaque paquet circule
indépendamment. Le multiplexage devient alors facile : les paquets de divers flux
peuvent s’entremêler sans problème. Par contre, les paquets peuvent arriver dans le
désordre. Le récepteur d’un message doit donc être capable de réordonner les
paquets. De ce fait, il s’agit forcément d’un ordinateur, c’est-à-dire une machine
capable de manipuler l’information, et non d’un combiné passif. Ce qui peut paraître
un défaut de prime abord sera une force d’Internet : repousser l’intelligence aux
extrémités du réseau, ce qui permet une plus grande interopérabilité et un
développement plus rapide et plus économique du réseau, une nouvelle technologie
venant facilement remplacer la précédente.

Les deux géants

Trente ans plus tard, Internet est devenu aussi imposant que le réseau téléphonique,
qui s’est lui-même considérablement développé. Les deux géants sont maintenant
interconnectés et partagent de nombreux liens physiques, mais l’un n’a toujours pas
supplanté l’autre. Les fibres optiques ont permis d’atteindre des débits de l’ordre de
100 milliards de bits par seconde. Ainsi, une seule fibre peut par exemple acheminer
tout le trafic téléphonique de la France, ou encore, l’équivalent de 1000 milliards de
lignes de sémaphores.

Les progrès les plus récents, dans les deux cas, concernent la mobilité. L’utilisation
généralisée de liens radio permet de communiquer en se déplaçant. Les premiers
réseaux radio remontent pourtant au début des années 1970 avec le réseau ALOHA
dans les îles hawaïennes. Mais il n’était pas facile à l’époque de caser un ordinateur
et un émetteur-récepteur radio dans sa poche !

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